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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, August 27, 1998 - Vol. 35 N° 141

Consultations particulières sur le projet de loi n° 443 - Loi modifiant le Code de procédure civile en matière notariale et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions

Remarques finales

Mémoires déposés


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
Mme Lyse Leduc
Mme Michèle Lamquin-Éthier
M. Jean-Claude St-André
Mme Lucie Papineau
*M. François Legault, FADOQ
*Mme Nicole T. Moir, idem
*M. Jacques Meunier, bureau du Protecteur du citoyen
*M. Claude Filion, CDPDJ
*Mme Claire Bernard, idem
*M. Claude Farah-Lajoie, AHQ
*M. Patrick A. Molinari, idem
*M. Denis Marsolais, CNQ
*M. Gilles Demers, idem
*Mme Dominique Duclos, idem
*M. Gérard Guay, idem
*M. Jacques Frémont, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous allons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission des institutions: de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 443, Loi modifiant le Code de procédure civile en matière notariale et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, pouvez-vous nous annoncer les remplacements, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) remplace Mme Houda-Pepin (La Pinière); M. Cusano (Viau) remplace M. Lefebvre (Frontenac); et M. Bissonnet (Jeanne-Mance) remplace M. Mulcair (Chomedey).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors voici, ce matin, l'ordre du jour: nous recevons à l'instant la Fédération de l'âge d'or du Québec; à 10 h 30, nous entendrons le Protecteur du citoyen; à 11 h 30, nous entendrons la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; nous suspendrons nos travaux à 12 h 30 pour reprendre, à 14 heures, avec l'Association des hôpitaux du Québec; à 15 heures, la Chambre des notaires du Québec; et, à 16 heures, ce sera la période des remarques finales; nous devrions ajourner nos travaux à 16 h 30.

Oui, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Il me manque des notes. Est-ce que vous pouvez me donner un moment pour monter chercher mes notes? Il me manque des notes que j'ai prises pour ce matin. Est-ce que vous pouvez me donner un moment pour...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, pour suspendre brièvement? S'il n'y a pas d'objection, oui, oui, allez-y. Nous allons suspendre pour un instant.

(Suspension de la séance à 9 h 35)

(Reprise à 9 h 38)


Auditions

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons la Fédération de l'âge d'or du Québec. M. Legault, Mme Moir, bienvenue à la commission des institutions. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, à la suite de quoi nous pourrons échanger avec vous à partir de questions soulevées à l'étude de votre mémoire.


Fédération de l'âge d'or du Québec (FADOQ)

M. Legault (François): Merci beaucoup. Alors, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir fait appel à notre Fédération pour pouvoir venir ici donner notre opinion.

À tout événement, la Fédération de l'âge d'or du Québec, que l'on appelle FADOQ, est un regroupement volontaire de plus de 260 000 personnes âgées de 50 ans et plus. Grâce à ses 17 bureaux régionaux et à près de 900 clubs de l'âge d'or, elle est présente dans toutes les régions du Québec. Mieux connue pour ses activités locales de loisir, ses paliers régionaux et provincial n'en agissent pas moins sur le plan social, contribuant ainsi de façon complémentaire à maintenir et à améliorer la qualité de vie des aînés.

Eu égard à cette mission, la FADOQ se devait d'être présente au débat qui entoure le projet de loi n° 443 qui vise à modifier le Code de procédure civile en matière notariale et d'autres dispositions législatives, ce qui signifie pour notre clientèle une meilleure accessibilité à la justice et une plus grande rapidité d'exécution. C'est ce que nous avions déjà indiqué au ministère de la Justice en novembre 1997 et que nous avons réitéré au premier ministre, M. Lucien Bouchard, en mai dernier.

(9 h 40)

En tout premier lieu, nous devons vous exprimer notre déception quant à la longueur d'un processus qui vise pourtant à accélérer des démarches légales et à rassurer la population sur une possible efficacité de l'application de la justice. Comme nous ne désirons pas allonger inutilement ce processus, vous comprendrez que nous serons brefs.

Interpellée en juin 1997 par le ministère de la Justice, la FADOQ, après étude des modifications proposées au Code de procédure civile en matière notariale, en avait conclu que celles qui touchaient particulièrement sa clientèle, soit les procédures concernant l'homologation du mandat d'inaptitude, les régimes de protection du majeur et la vérification de testament, étaient adéquates. Elle se permettait, par ailleurs, de suggérer au ministère d'exercer, à l'égard des coûts engendrés par les nouveaux services offerts par les notaires, une surveillance particulière pour éviter tout dérapage.

Alors, plus d'un an après et pour des considérations qui nous échappent, nous en sommes au même point et les aînés et leur famille qui auraient pu bénéficier d'un allégement de procédures sont encore aux prises avec des délais et des coûts injustifiables. Nous aurions pourtant cru que la volonté du gouvernement de rendre la justice plus accessible et plus rapide aurait été plus prompte à s'affirmer.

Quoi qu'il en soit et puisqu'il semble falloir à nouveau expliquer l'appui de la FADOQ pour l'adoption du projet de loi n° 443, en voici succinctement les grandes lignes.

Il est de notoriété publique que les aînés, lorsqu'ils ont à régler des détails légaux, ont recours de manière quasi générale aux services d'un notaire. Que ce soit pour la rédaction d'un testament ou d'un mandat d'inaptitude, et bien que nous regrettions que ces habitudes ne soient pas plus répandues, le notaire est le professionnel vers qui ils se tourneront tout naturellement. De plus, dans les cas où les parents âgés ont négligé de produire l'un ou l'autre de ces documents, c'est aussi vers le notaire que la famille se tournera pour régler les litiges causés par un décès ou une inaptitude.

Plusieurs de nos membres ont déjà soulevé la lenteur actuelle du processus d'homologation du mandat et les coûts qui y sont reliés. N'oublions pas que, même si la législation permet aux aînés ou aux familles de faire eux-mêmes cette démarche, la complexité des formulaires administratifs les amènent très souvent à avoir recours aux services d'un notaire ou d'un avocat.

Or, il s'avère que les modifications proposées par le projet de loi n° 443 atténueraient considérablement les délais, ce qui, vous l'avouerez, dans le cas de l'homologation d'un mandat d'inaptitude, par exemple, est non négligeable et aussi plus humain. Quant aux coûts, nous l'avons déjà dit, nous ne pouvons être assurés de leur diminution, mais nous espérons que l'exercice de la libre concurrence permise, de toute façon, par le ministère de la Justice depuis 1991 pour les tarifs notariaux jouera en faveur du client.

De plus, la dernière version du projet de loi n° 443 permet aux personnes d'avoir recours aux nouvelles ou aux anciennes procédures, ce qui devrait, à notre avis, rassurer ceux et celles qui voient d'un mauvais oeil l'exercice exclusif d'une tâche par une seule catégorie de professionnels.

À ces considérations de délais et de coûts, nous devons également ajouter que le projet de loi, qui, nous l'espérons, sera rapidement adopté, permettra aux aînés et à leur famille d'avoir accès plus rapidement aux services dont ils ont besoin, et ce, à proximité des lieux où ils habitent. Faut-il rappeler que les circonstances entourant l'inaptitude ou le décès d'un proche est source d'inquiétude et de stress. Très souvent, d'ailleurs, ce sont les conjoints ou conjointes qui doivent supporter ces drames. En rendant la procédure plus accessible tant par le lieux que par le professionnel à qui on s'adresse, il nous apparaît que la justice serait bien servie.

Enfin, nous voudrions souligner que le projet de loi conserve aux aînés et à leurs familles respectives leurs droits, y compris celui de contester. En effet, l'application du projet de loi ne permet pas aux notaires un pouvoir total sur leur clientèle. De plus, les nombreuses procédures légales auxquelles ils doivent se conformer et l'obligation qui leur est faite d'en informer leur clientèle sont propices à conforter la confiance de la population à l'égard du processus proposé.

Comme vous le constatez, la Fédération de l'âge d'or du Québec est convaincue du bien-fondé des modifications apportées par le projet de loi n° 443 et souhaite que les consultations actuelles aboutissent à une adoption rapide de ce projet. D'ailleurs, il y a déjà longtemps qu'il aurait dû l'être. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. Legault. Alors, M. le ministre, vous débutez la période de questions.

M. Ménard: Je tiens à vous remercier de votre participation qui est particulièrement importante pour nous, parce que vous représentez une clientèle où risquent de se trouver, dans un avenir assez proche, même aujourd'hui, plusieurs des personnes qui pourront bénéficier du régime de protection à un moment où elles sont quand même vulnérables et où il est important que ce régime de protection qui les prive partiellement ou entièrement de l'exercice de leurs droits civils soit pris dans leur intérêt et qu'ils soient protégés contre des possibilités – rares, mais des possibilités quand même – que ceux à qui l'on confie cette protection en abuse. C'est notre grande préoccupation. C'est pourquoi, d'abord, j'attache beaucoup d'importance à ce que vous appuyiez le projet de loi par rapport à d'autres qui le contestent pour des raisons juridiques.

Maintenant, une question que je voudrais clarifier. Vous dites, à la page 2, à peu près au milieu, à la fin du troisième paragraphe, que, de plus en plus, dans le cas où les parents âgés ont négligé de produire l'un ou l'autre de ces documents, c'est aussi vers le notaire que la famille se tournera pour régler les litiges causés par un décès ou une inaptitude. Est-ce que vous pourriez me donner quelques exemples de ce que vous appelez des «litiges causés par un décès ou une inaptitude»?

M. Legault (François): Ah bon! Bien, voici...

M. Ménard: Qu'est-ce qui vous vient à l'esprit quand vous parlez de ça?

M. Legault (François): Ce qui me vient à l'esprit, c'est ceci. C'est que, lorsque la famille est aux prises avec, disons, un cas d'inaptitude, par exemple, eh bien, ils ne savent pas où aller. C'est peut-être un manque d'information au niveau général ou bien, aussi, c'est une ignorance de la part des gens, de dire: Mais qu'est-ce que je fais avec ça? Où est-ce qu'ils vont aller, vous pensez? Ils sont habitués normalement, pour de l'interprétation, quelle qu'elle soit, d'aller voir un notaire puis de dire: Bien, coudon, qu'est-ce que je fais avec ça?

Ou, même, prenez l'autre partie en disant... Bien, ils s'en vont, par exemple, s'informer à la justice, puis les autres vont dire: Voici toute la documentation pertinente. Remplissez-moi ça, puis vous viendrez me voir. À ce moment-là, bien, qu'est-ce qu'ils vont faire? Le commun des mortels, je ne crois pas qu'il soit habilité à remplir tous ces formulaires-là, à mon avis à moi. Alors, à ce moment-là, qu'est-ce qu'il va faire? Il va se retourner vers le notaire, parce qu'il est habitué: il vend une maison, il s'en va chez le notaire; il fait son testament, il s'en va chez le notaire. Alors, qu'est-ce qu'il va faire avec ces papiers-là? Il va aller voir le notaire, puis il va demander au notaire: Qu'est-ce que je fais avec ça? Allez-vous m'aider à les remplir? Alors, voilà, c'est pour ça que j'en fais allusion dans ce rapport-là. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question?

M. Ménard: Oui. Si je vous comprends bien, c'est ça que vous qualifiez de litige?

M. Legault (François): Bien oui, parce que, en fait, pour nous, un litige, ce n'est pas légal. On ne s'en va pas dans les formes légales de l'affaire, parce que je ne pense pas qu'on soit habilités, nous, par exemple, à décider si c'est légal ou pas. Mais, par contre, on voudrait quand même que nos papiers soient bien conformes à ce que la loi demande et puis qu'on puisse les présenter adéquatement.

(9 h 50)

M. Ménard: O.K. Ce que je demande, c'est que, par le mot «litige» que vous employez... Je pense que j'ai compris dans quel contexte vous l'employez, mais je veux simplement m'assurer de cela. Lorsque deux personnes qui ont des intérêts contradictoires, des opinions différentes s'affrontent et doivent faire décider de leur conflit soit d'intérêts, soit d'opinions par quelqu'un d'autre, beaucoup de gens appellent ça un litige. Est-ce que vous donnez le même sens?

M. Legault (François): Je dois vous dire, et je pourrais laisser parler Mme Moir tantôt, que, moi, en ce qui me concerne, ce n'était pas ça, le litige, comme tel. Je vous le dis bien franchement, là, vous, dans votre idée – j'essaie de comprendre – c'est peut-être qu'il y a deux personnes dans la famille qui veulent s'accaparer les droits de l'un ou de l'autre ou de dire: C'est moi qui s'en occupe, c'est moi qui ne s'en occupe pas. Bon. Alors, là, c'est vrai que ça deviendrait peut-être une question litigieuse très difficile, mais il reste que, moi, je ne le vois pas comme ça. Le litige, je le vois beaucoup plus...

M. Ménard: Je «peux-tu» juste vous arrêter ici? Cette question litigieuse, à votre avis, devrait-elle être réglée par le notaire ou par un tribunal, lorsque deux personnes dans la famille s'affrontent?

M. Legault (François): Bien, je vais vous dire bien franchement que, quand la famille s'affronte sur un cas comme celui-là, on déborde du cadre de ce qu'on discute aujourd'hui, parce que ça devient une question d'un droit qui peut appartenir à l'un ou à l'autre. Là, à ce moment-là, ça n'a rien à voir avec ça, à mon avis à moi.

M. Ménard: Quand vous dites «avec ça», ça n'a rien à voir avec ce qui devrait être réglé par le notaire?

M. Legault (François): Exactement. Parce que le notaire, lui, sert tout simplement d'intermédiaire. On l'a bien dit, ici. C'est que le notaire, en fait, n'a pas tous les droits lorsqu'on lui demande de s'occuper de ça. Alors, il nous aide tout simplement à remplir tout le processus.

M. Ménard: Ça va, M. Legault. Je vous avais très bien compris, mais c'était important que vous nous le disiez. J'ai essayé de vous interroger en toute bonne foi. C'est exactement ce que j'avais compris de vos paroles, mais d'autres auraient pu les interpréter différemment...

M. Legault (François): O.K. D'accord.

M. Ménard: ...en disant que le notaire devait régler les litiges dans la famille...

M. Legault (François): Oh! Absolument pas.

M. Ménard: ...alors que, si je comprends bien ce que vous voulez dire, c'est que vous vous adressez au notaire pour régler les formalités qu'exige la loi et qui vous apparaissent parfois trop compliquées.

M. Legault (François): Bien, en fait, c'est surtout ça. Je ne sais pas si Mme Moir, par exemple, aurait quelque chose d'autre à rajouter.

M. Ménard: Ou même pour recevoir les conseils quand... Que fait-on quand quelqu'un commence à être incapable puis n'est plus capable de gérer? Qu'est-ce qu'on fait avec lui? Comment est-ce qu'on peut...

M. Legault (François): C'est surtout l'interprétation que l'on a besoin, nous, qui est faite par le notaire.

M. Ménard: O.K. Bon. Alors, je vous remercie d'avoir précisé cet élément quand même important pour le débat que nous avons sur ce projet de loi.

Il y a une autre question qui nous préoccupe beaucoup. C'est que la personne qui devient – puis je pense que ça va être de plus en plus fréquent, c'est un des désavantages des progrès de la médecine – parfois incapable progressivement, on estime qu'elle a besoin de protection. Est-ce que vous êtes satisfait dans la loi que ce processus d'aller devant un notaire par la famille ne pourrait pas mener à ce qu'une famille abuse de la personne qu'ils veulent faire interdire, comme on disait avant?

M. Legault (François): C'est une question qui est assez pointue, mais je ne crois pas que quelque professionnel que ce soit puisse abuser d'une situation. C'est pourquoi nous allons voir des professionnels, parce que nous avons confiance, d'abord et avant tout, pour nous aider. Alors, non, je ne crois pas qu'il puisse y avoir abus.

M. Ménard: Ça va. Je vous remercie beaucoup de vos réponses, M. Legault.

M. Legault (François): Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci beaucoup, M. le Président. M. Legault, Mme Moir, merci beaucoup pour votre mémoire. Je l'ai trouvé fort intéressant. J'aurais quelques questions à vous demander.

Premièrement, à la première de la page, vous faites un commentaire, de suggérer au ministère d'exercer à l'égard des coûts engendrés par les nouveaux services offerts par les notaires une surveillance particulière pour éviter tout dérapage. Est-ce que vous suggérez qu'on doive établir un grille d'honoraires d'avance pour qu'on n'ait pas le problème auquel vous faites référence?

M. Legault (François): Là, vous faites allusion au dernier paragraphe de la page 2, je crois, hein, où il est question de rémunération.

M. Bergman: Exactement. Exactement, oui.

M. Legault (François): Bien, en fait, je pense que le rapport dit pas mal tout ce que l'on voulait dire. Est-ce que vous croyez qu'on devrait statuer à l'effet de dire que les notaires devraient avoir des prix fixes pour tout le monde...

M. Bergman: Sur toute procédure en relation...

M. Legault (François): ...pour certaines procédure et, ensuite, ça serait tant, tant, tant et tant? Bien...

Mme T. Moir (Nicole): Comme les dentistes.

M. Legault (François): Ah! Comme les dentistes, mais comme tout professionnel, j'imagine. Mais, en fait, si ç'a été permis aux notaires de faire de la libre concurrence, je ne sais pas comment on pourrait arriver à stabiliser les prix ou à les uniformiser à travers tout ça. Je ne le sais pas, là.

M. Bergman: Mais il peut y avoir un statut pour établir une grille d'honoraires pour chaque étape de la procédure prévue par le projet de loi n° 443.

M. Legault (François): Bien, ça pourrait être prévu. En fait, si c'était à notre avantage de pouvoir contrôler les prix à ce niveau-là, ça serait peut-être encore plus avantageux pour nous, pour notre clientèle. Mais est-ce que c'est possible de le faire, surtout quand on parle de libre concurrence? À ce moment-là, est-ce qu'on pourrait établir un minimum et puis qu'on verrait, après, à augmenter s'il y a lieu? Je ne le sais pas.

M. Bergman: À la page 3, vous faites référence à la lenteur actuelle du processus et aux coûts qui y sont reliés. Pouvez-vous, peut-être, pour le bénéfice de cette commission, nous expliquer votre version de la situation actuelle en relation avec la lenteur et les coûts engendrés pour les familles ou pour les personnes intéressées, à cause de la lenteur du processus? Quels types de coûts est-ce que les familles doivent subir à cause du processus qui existe actuellement?

M. Legault (François): Je vais permettre à Mme Moir de se prononcer là-dessus, si vous le permettez.

Mme T. Moir (Nicole): Désolée, je cherchais l'endroit auquel vous faites référence puis je n'ai pas... votre question.

M. Bergman: Sur votre...

Mme T. Moir (Nicole): Page 3?

M. Bergman: ...page 2.

Mme T. Moir (Nicole): Page 2, ah!

M. Bergman: Le troisième paragraphe. Vous dites: «Plusieurs de nos membres ont déjà soulevé la lenteur actuelle du processus d'homologation du mandat et les coûts qui y sont reliés.» Alors, j'aimerais que vous expliquiez à la commission les coûts actuels que vos membres doivent subir ou les pénalités que vos membres doivent subir à cause de la lenteur du processus.

Mme T. Moir (Nicole): Bien, ça, c'est parce qu'une première fois les gens vont chez le notaire et signent un mandat d'inaptitude. Une fois que c'est signé, quand la personne devient inapte, il faut retourner, après ça, pour le faire homologuer. Bien, il y a des coûts supplémentaires. Si tout était fait dans un processus continuel, il y aurait moins de coûts. C'est ce que les gens nous ont dit, là. Nous autres, on n'a pas fait de grande enquête à travers tout le membership au sujet de l'homologation.

C'est surtout les mandats d'inaptitude et les testaments qui touchent nos membres plus particulièrement, où les gens... Bon, des plaintes qu'on a. Mais, ça, la mauvaise connaissance des gens de faire un testament holographe... Quand le conjoint décède, la conjointe, le testament holographe, il faut qu'elle retourne voir un notaire, donc il y a des coûts d'associés à ça. Les gens sont toujours un peu surpris: Oui, mais je l'ai fait, puis mon testament, il devrait être correct. Sauf que les gens ont de la difficulté aussi à comprendre tout le processus.

On n'a pas de grandeur de coûts, là. Les gens ont juste dit que c'était long, c'était compliqué. La plus grande plainte qu'on a, c'est la complexité, puis il y en a qui vont laisser tomber les procédures parce que c'est trop complexe.

M. Bergman: On a eu beaucoup de discussions devant cette commission sur le choix du notaire et qui doit faire le choix du notaire dans le cas de la protection du majeur. Vous faites référence ici à un choix du notaire à proximité des lieux où habitent les personnes. Qui doit faire, à votre avis, le choix du notaire? Est-ce que vous pouvez commenter sur la question de l'impartialité, l'indépendance du notaire choisi? Est-ce que vous avez des pensées sur ça?

(10 heures)

Mme T. Moir (Nicole): Bien, souvent, c'est les familles qui se mettent ensemble puis qui décident quel notaire elles vont choisir. Il y a des notaires dans toutes les communautés du Québec. Donc, elles vont choisir, à prime abord, le notaire qui est le plus proche ordinairement de la personne qui est responsable ou qui devient responsable au niveau de la famille. Je pense qu'il n'y a pas... On n'a jamais entendu dire ou parler – je vais employer le mot «litige» – qu'il y avait un litige au niveau d'une famille pour choisir le notaire. Ce n'est jamais quelque chose qui nous est revenu, ça. Pour les gens, c'est facile de choisir le notaire parce que le notaire fait partie de leur communauté.

M. Bergman: Mais, pour vous donner un exemple, si la personne visée a un domicile, disons, dans un district x et un des enfants a un domicile dans le district y, est-ce que le notaire qui doit être choisi doit être un notaire du domicile de la personne visée ou d'un des enfants qui ne demeure pas dans le même domicile que la personne visée?

M. Legault (François): Bien, voici, moi, ce que je crois, et c'est dans la majorité des cas, c'est qu'il y a un notaire qui est toujours attitré à une famille depuis fort longtemps, normalement. Alors, quand on regarde les documents qui sont pertinents, par exemple, à une cause quelconque, bien on regarde le notaire qui a travaillé là-dessus. Que ce soit un testament, que ce soit justement... probablement, il y en a plusieurs aujourd'hui qui le font, que le mandat d'inaptitude aussi a été fait par ce notaire-là, alors c'est quasiment de l'automatisme que les gens vont avoir d'aller voir le notaire qui a déjà préparé ces papiers-là pour les interpréter pour eux.

M. Bergman: Est-ce qu'en choisissant le notaire qui a fait tous les documents pour la famille, bon, le testament, le mandat d'inaptitude, vous pensez que ça vise l'impartialité et l'indépendance du notaire? Il y avait une référence dans le mémoire du Protecteur du citoyen qu'en choisissant le même notaire ça vise l'impartialité ou l'indépendance. Est-ce que c'est un aspect positif pour choisir le notaire qui a agi dans ce dossier avant ou qui a rédigé des actes pour la famille et qui a fait le testament pour la personne visée? Est-ce qu'il y a un avantage ou un désavantage?

M. Legault (François): Je dirais qu'il y aurait plus un avantage, parce que le notaire qui est déjà attitré connaît la famille, d'abord et avant tout. En partant, il la connaît. Alors, je pense que son jugement peut être aussi bon, sinon meilleur, qu'un étranger qui va arriver dans le portrait tout d'un coup en regardant ce qui est demandé.

Là encore, je refais mon plaidoyer vis-à-vis ces professionnels avec qui on fait affaire. Moi, je sais bien que, à preuve du contraire, quand je vais voir un professionnel, un notaire entre autres, j'ai confiance. Alors, à ce moment-là, je ne crois pas, sauf des exceptions qui sont en dehors complètement des règles établies, qu'un notaire abuserait d'un client. Alors, c'est pour ça que, quand on fait des rapports semblables, on fonctionne avec toujours dans l'idée que les professionnels font une bonne job. Excusez, mais c'est ça.

M. Bergman: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Oui, bonjour, M. Legault, Mme Moir. Ça me fait plaisir de vous voir ici, ce matin. Vous avez quand même répondu... Le sens de mes interrogations allait un peu dans le sens des questions que le député de D'Arcy-McGee vous a posées, dans le sens de surveillance des coûts. J'imagine que, si jamais il devait y avoir des abus, une association comme la vôtre serait la première à pouvoir les constater et, à ce moment-là, vous pourriez faire au gouvernement... en tout cas, alerter le gouvernement sur la situation. Possiblement, vous avez déjà en tête quelques pistes de solution qui pourraient contrer ces abus ou vous vous y mettriez. Si vous en avez, ça me ferait plaisir de les entendre dès maintenant. Sinon, je suis certaine qu'actifs comme vous l'êtes on va pouvoir compter sur vous pour nous les présenter, le cas échéant.

Maintenant, vous avez dit, Mme Moir, que la complexité de la façon de procéder actuellement amenait des personnes à laisser tomber. Ça m'a frappée quand vous avez dit ça, puis je me dis: Mais qu'est-ce qui arrive, à ce moment-là? Comment ça se règle? Qu'est-ce qui arrive si on laisse tomber finalement le fait de faire homologuer un testament ou de faire homologuer un mandat d'inaptitude? Dans le fond, il y a des désavantages à ça. Est-ce que vous avez une idée quels sont les désavantages quand ils disent qu'ils laissent tomber les procédures et comment ça se finit, finalement? Parce qu'il faut bien qu'il arrive quelque chose.

Mme T. Moir (Nicole): Vous avez raison de dire ça. C'est vrai que les gens ont tendance à vouloir baisser les bras, mais là il y a toujours quelqu'un pour dire: Bien, écoute, tu ne peux pas. Il faut continuer. Effectivement, les gens vont chercher qui va les aider. Bon. Je ne veux pas soulever de débat, mais il y en a qui vont au Curateur public et que le Curateur public va aider.

Quelques exemples qu'on a eus, c'est que le notaire a quand même aidé la famille en disant: Écoutez, c'est ça qu'il y a à faire, c'est ça qu'il y a à faire. Donc, à titre de conseiller. Ça n'a pas été à titre d'arbitre ou rien de ça, mais de conseiller à la famille. Bien souvent, les gens sont tellement pris... Quand c'est la conjointe, elle est souvent âgée aussi. Quand ce sont les enfants, bien ils sont pris ici et là et un peu partout. À un moment donné, effectivement on a beau baisser les bras, il faut les remonter, se remonter les manches et procéder. On ne peut pas laisser tomber.

Je peux juste vous dire... Pourtant, je suis au courant, mais, moi, mon père était très malade. On était en pleine nuit à l'hôpital. J'avais été appelée d'urgence. Mon père demandait qu'on le laisse mourir en paix puis j'ai dit au médecin: J'ai un mandat. C'est moi qui ai le mandat de mon père. Il y avait eu une réunion de famille et tout le monde était d'accord. Le médecin m'a dit: Es-tu allée en cour avec ça? En pleine nuit, quand ton père est mourant, de te faire dire ça! Que tu saches que tu as quelqu'un en quelque part... Moi, la cour, par exemple, m'en aller en face du juge en pleine nuit pour savoir si on pouvait laisser mourir mon père ou pas, ça n'avait comme aucune allure, puis je n'avais pas de référence, là.

C'est vrai que le mandat n'était pas homologué. Premièrement, j'ai découvert vite qu'il n'était pas homologué, parce que, moi, je pensais qu'une fois que c'était signé... Mon père l'avait signé, le mandat. Il était cohérent, il était correct quand il l'a signé. Après ça, une fois qu'il est malade, là ça ne marche plus, moi, il faut que j'aille faire homologuer ça. Je veux dire, tu es comme démuni. J'étais plus jeune. Bon. Mais je m'imagine ma mère qui avait presque l'âge de mon père et qui aurait été prise avec ça pendant la nuit. Qu'est-ce qu'elle aurait fait, maman? Je trouve ça des affaires inconcevables. C'est ça qui finalement te fait baisser les bras. Moi, j'ai dit: Aie! Que le diable l'emporte, le mandat. Coudon, le médecin, il va s'en occuper, de mon père. Finalement, c'est parce que mon père a répété: Laissez-moi mourir qu'ils l'ont laissé en paix.

Mais, tu sais, c'est difficile pour la famille, autant pour les enfants que pour... Puis les familles sont tellement éclatées un peu partout maintenant. En tout cas, si on peut simplifier... Nous, comme je vous dis, sans être des juristes, il nous semble que la proposition qui est là simplifie puis elle confirme la personne en qui les personnes âgées ont le plus confiance en tant que professionnel parce qu'il reste dans leur communauté, parce qu'ils ont fait affaire avec lui, parce que, parce que.

Mme Leduc: Je vous remercie de cette réponse-là. Je dois vous dire que vous avez cité un cas personnel et ça m'a fait penser que, moi-même, ma mère est âgée et j'ai un mandat d'inaptitude que je n'ai pas fait homologuer. Alors, ce n'est pas parce qu'on sait les choses qu'on les fait nécessairement, probablement parce qu'on pense que ça ne viendra jamais. Alors, on retarde les choses. Alors, je vous remercie.

Je ne sais pas, vous avez dit aussi, à je ne sais pas à quelle page, que vous souhaitiez que le recours au notaire soit plus répandu. Est-ce que vous avez des statistiques sur le nombre de personnes finalement qui ont recours au notaire dans votre Fédération ou si c'est un constat général que ce n'est pas énorme et qu'il y a des conflits?

Mme T. Moir (Nicole): Vous allez rencontrer la Chambre des notaires cet après-midi. Vous leur demanderez. Ils ont sorti des statistiques, pas sur les membres de notre Fédération, parce qu'il y a eu un colloque et, pour le colloque, ils avaient sorti des statistiques.

Mme Leduc: Bon, d'accord. Alors, je m'informerai auprès d'eux. Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: M. Legault ou Mme Moir, je voulais vous demander: Dans le mémoire de l'Association des hôpitaux du Québec, ils font référence à la possibilité qu'on monte un système à deux vitesses. L'Association dit, et je cite, qu'ils sont préoccupés par le fait que le projet de loi n° 443 introduit implicitement l'idée d'une justice privée, à titre onéreux, qui pourrait limiter l'accès à des personnes dont les ressources pécuniaires sont limitées et ainsi réserver les mécanismes les plus souples et conviviaux à ceux qui ont les moyens de se les offrir.

Est-ce que, dans votre expérience, il y aurait des familles qui voudraient aller au notaire, mais n'auraient pas les ressources financières pour aller au notaire? Alors, les privilèges du projet de loi n° 443 échapperaient à ces familles. Aussi, est-ce qu'il y a des familles qui, même, n'ont pas les ressources pour aller devant les tribunaux pour faire ce type d'homologation? Est-ce que vous constatez des problèmes de cette nature aussi?

(10 h 10)

Mme T. Moir (Nicole): Il y a des familles qui n'ont sûrement pas les moyens. Les personnes âgées qui ont le supplément de revenu garanti, c'est 10 000 $ par année. C'est assez pour payer le loyer, la nourriture et les médicaments. Donc, il y a sûrement des personnes qui n'ont pas les moyens d'aller voir, même, un notaire, au-delà d'aller en cour avec un avocat, ce qui est encore plus onéreux.

Mais je pense qu'on ne peut pas arrêter non plus. Il faut peut-être trouver les mécanismes pour les aider. Peut-être que ça pourrait être un des mandats du – voyons, j'en ai parlé tantôt – ...

Une voix: L'aide juridique.

Mme T. Moir (Nicole): Que ce soit l'aide juridique, effectivement, merci, ou que ce soit, je ne sais pas, par le bureau du Protecteur du citoyen, ou, je ne sais pas, un ombudsman en quelque part qui puisse aider, la curatelle publique, le Curateur, il faudrait peut-être trouver des mécanismes.

Mais, tant et aussi longtemps... Je pense que les gens ne comprennent pas encore, ne savent pas. Comment les informer? Nous autres, on informe. On a un magazine qui va à nos membres. Mais toute la question des testaments et des mandats d'inaptitude, là on en entend plus parler maintenant. Les gens commencent à en parler plus. Il y a des exemples. Ça sort, d'ailleurs, des fois dans les médias, mais ce n'est pas encore quelque chose de reconnu. Mais, effectivement, il y a des gens qui n'ont pas les moyens.

Remarquez qu'un mandat d'inaptitude, c'est possible d'avoir un papier puis de le signer, ça ne coûte rien, mais ça n'a pas été notarié. Après ça, il faut que ça soit homologué. Donc, il y a des coûts à l'homologation. En tout cas, la Fédération ne peut pas être d'accord à avoir un système à deux vitesses, de favoriser... Il faut trouver les mécanismes pour soutenir ou pour aider les plus démunis.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Un peu dans le même sens que mon collègue, alors que j'étais avec le Comité provincial des malades, de nombreuses personnes s'adressaient à nous à chaque année pour dénoncer les procédures dont vous avez parlé. Vous avez dit que c'était extrêmement complexe. Les formulaires sont compliqués, les gens n'ont pas les informations. Les coûts sont extrêmement importants et les gens en parlaient souvent. Très souvent, la personne, parce qu'elle était découragée par la perspective des procédures ou encore des coûts, ne le faisait tout simplement pas. Même, des établissements du réseau de la santé ne suggéraient pas d'homologuer ou n'allaient pas le faire parce que les coûts étaient trop importants.

Dans le mémoire du Protecteur du citoyen, il y a une proposition pour que les honoraires et les autres sommes payables à un notaire pour ses services professionnels et déboursés en matière non contentieuse soient régis par un tarif officiel établi soit par la Chambre des notaires ou soit par un décret du gouvernement. Comment considérez-vous cette suggestion du Protecteur du citoyen?

M. Legault (François): Moi, définitivement qu'il devrait y avoir une façon de faire qui permettrait à tout le monde de se servir justement des moyens légaux qui sont normalement à la disposition de tout le monde. Mais ce que l'on reçoit, nous, à la Fédération, actuellement... C'est que malheureusement nous avons trop de personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Parce que vous savez que les gens qui gagnent à peine 10 000 $ par année, ils végètent. On reçoit des lettres régulièrement et puis ils veulent qu'on se débatte au niveau public et puis qu'on fasse des représentations aux différents paliers de gouvernement pour qu'il y ait quelque chose de fait pour essayer de les aider financièrement.

Alors, c'est sûr que, s'il y avait un moyen... Comme on parlait tantôt de l'aide juridique. Si ça pouvait être appliqué chez les notaires... Est-ce que ça s'applique, actuellement? Je l'ignore, si ça s'applique actuellement. Alors, à ce moment-là, peut-être qu'on pourrait hausser, si vous voulez, les niveaux d'acceptabilité de cette accession-là à l'aide juridique. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui actuellement ne sont pas sur l'aide sociale, si vous le voulez, et puis qui auraient besoin d'être aidés quand on en arrive à discuter, par exemple, de ces points-là qui sont... En fait, même si on dit que les coûts peuvent être minimes, qu'on peut peut-être légiférer sur les coûts, reste quand même une chose, c'est que ça coûte toujours trop cher pour une personne qui n'a pas les moyens de payer. Alors, il faudrait les aider.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va? Alors, M. Legault, Mme Moir... Oui, M. le ministre.

M. Ménard: Vous pouvez peut-être diffuser qu'effectivement l'aide juridique est prévue. Je comprends qu'il faudra amender les dispositions de l'aide juridique si ce projet de loi passe, puisque l'aide juridique prévoit qu'en matière autre que criminelle et pénale l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera saisi – parce que c'est toujours le tribunal qui est saisi de l'homologation, et là je passe ce qui est inutile – lorsqu'il s'agit d'une affaire relative à une tutelle au mineur, à un régime de protection du majeur ou à un mandat donné par une personne en prévision de son inaptitude ou encore d'une affaire fondée sur l'article 865.2 du Code de procédure civile.

Donc, il faudra... Ça, je pense que c'est le règlement de l'aide juridique. Ce n'est pas un...

Mme Lamquin-Éthier: ...

M. Ménard: Pardon?

Mme Lamquin-Éthier: Ça, c'est pour les personnes qui sont admissibles à l'aide juridique. Or, il y a beaucoup de personnes qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique. Elles sont juste «in between», dans une situation qui fait qu'elles n'auront pas accès. Donc, elles ne...

M. Ménard: Mais là on pourra peut-être discuter avec le Protecteur du citoyen qui s'en vient, parce qu'effectivement est-ce que la meilleure solution, c'est la libre concurrence pour faire baisser les prix ou est-ce que c'est un tarif par rapport à la qualité, qui maintient la qualité du service professionnel?

J'avoue que c'est un débat difficile et qu'on va avoir besoin d'éclairage pour prendre notre décision. Je m'aperçois que la Fédération de l'âge d'or ne veut pas entrer dans ce débat-là. Ce dont vous voulez vous assurer, c'est que tous ceux qui ont besoin de bénéficier des avantages prévus par la loi... Parce que les régimes de protection sont conçus à l'avantage de la personne protégée. C'est sûr qu'on veut empêcher que ceux à qui on confie cette protection abusent de la personne qu'ils doivent protéger. C'est certain qu'on a ça à l'esprit, mais le régime, d'abord, il est conçu pour l'avantage de la personne protégée. On voudrait bien que toutes les personnes à qui ça s'adresse puissent en bénéficier, quelle que soit leur situation de fortune. Là-dessus, on comprend votre objectif, et c'est ce qu'on va essayer de réaliser en réglant les autres problèmes difficiles qui se présentent à nous. Je vous remercie beaucoup de votre présentation.

M. Legault (François): Alors, je vous remercie beaucoup de nous avoir reçus. Vous pouvez toujours compter sur nous pour quelles que soient les interventions qu'on pourrait faire pour la bonne cause des aînés. Merci bien.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci de votre présentation et de cet éclairage que vous nous apportez sur ce projet de loi.

(10 h 20)

M. Legault (François): Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, si vous voulez prendre place. Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant Me Jacques Meunier, l'adjoint au Protecteur du citoyen. Me Meunier, bienvenue à la commission des institutions. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et, ensuite, nous échangerons avec vous.


Protecteur du citoyen

M. Meunier (Jacques): Mmes, MM. les membres de la commission, à sa face même, le projet de loi n° 443 vise à mettre à profit les compétences et le statut d'officier public des notaires en leur confiant, concurremment avec les greffiers et les juges, certains aspects réputés administratifs du rôle présentement exercé par ceux-ci dans les principales matières qualifiées de non contentieuses. Cette initiative gouvernementale vise à ce qu'en ces matières la justice soit plus accessible, plus expéditive, plus humaine et moins coûteuse.

Le Protecteur du citoyen étant, par la nature même de sa mission, attentif à toute mesure susceptible d'améliorer le sort des justiciables québécois, c'est évidemment avec la plus grande ouverture d'esprit qu'il regarde toute initiative gouvernementale inspirée d'une telle volonté. Et c'est ainsi qu'il a examiné le projet de loi n° 443.

En octobre 1997, le Protecteur du citoyen avait eu l'occasion de critiquer sévèrement un avant-projet de ce qui devait éventuellement devenir le projet de loi n° 443. Il avait alors soulevé à l'attention du ministère de la Justice plusieurs problèmes, dont les principaux étaient associés au statut de tribunal alors envisagé pour les notaires exerçant en matière non contentieuse.

Ces commentaires, sans doute comme ceux de plusieurs autres, ont semble-t-il eu un impact important sur les suites du projet gouvernemental puisque, comme on peut le constater maintenant à la lecture du projet de loi, le rôle envisagé pour les notaires en matière non contentieuse a été considérablement limité et plusieurs balises ont été formulées afin de contourner les difficultés constitutionnelles antérieurement appréhendées.

C'est pourquoi, dans les commentaires qu'il adressait au ministre de la Justice le 8 juin dernier concernant le projet de loi n° 443, le Protecteur du citoyen, sous réserve cependant de commentaires spécifiques, a déclaré considérer ce projet de loi maintenant susceptible de répondre raisonnablement aux objectifs poursuivis. En somme, de grands pas avaient été accomplis, mais il restait encore des bouts de chemin à parcourir.

Il est de notoriété publique que le projet a fait l'objet de sérieuses analyses par d'éminents constitutionnalistes exprimant des opinions divergentes concernant tout particulièrement la qualification juridique des actes éventuellement posés par les notaires, si ce projet de loi devient un jour loi. Compte tenu de la fermeté de la position exprimée par le Barreau à cet égard, et avec le plus grand respect pour ses auteurs, le Protecteur du citoyen croit opportun de préciser brièvement sa propre position sur le sujet, sans le moindrement prétendre avoir l'autorité de trancher le débat.

La position du Barreau repose sur la prémisse que, selon le projet de loi n° 443, le notaire rendra une décision judiciaire et que, par conséquent, il doit posséder toutes les caractéristiques d'un tribunal, selon les exigences de l'article 23 et de la Charte des droits et libertés. Pour sa part, le Protecteur du citoyen estime que le projet de loi n'autorise pas le notaire à rendre une telle décision judiciaire, c'est-à-dire une décision porteuse d'effets juridiques sur les droits d'une personne et, par conséquent, soumise à d'exceptionnelles règles procédurales incluant notamment l'indépendance judiciaire du décideur.

Les étapes que le notaire sera appelé à franchir impliquent certes parfois des appréciations de faits et de situations et même, en bout de ligne, des conclusions – pour reprendre les termes mêmes du projet – mais ces décisions, entre guillemets, n'ont en soi aucune portée juridique et n'équivalent, en somme, qu'à de simples allégations, constatations et expressions d'opinion inscrites dans un procès-verbal assimilé à une requête adressée au juge ou au greffier. C'est le greffier ou le juge qui, de façon judiciaire et en exerçant de plus larges pouvoirs, rendra la décision judiciaire retenant en tout ou en partie ou rejetant les conclusions du procès-verbal du notaire. Sans cette décision judiciaire, le procès-verbal sera sans effet, sauf évidemment en matière de vérification de testament.

En somme, tout ce que fait le projet de loi n° 443, c'est autoriser le notaire à faire, pour le greffier ou le juge, en matière non contentieuse, non contestée, les convocations, l'interrogatoire et les constatations que ceux-ci auraient autrement été appelés à faire si la demande leur avait été présentée. Le notaire sera alors, en quelque sorte, un collecteur de faits dont le greffier ou le juge sera tenu de vérifier judiciairement la pertinence et la portée réelle avant de décider s'il y a lieu d'homologuer avec ou sans modification le procès-verbal qui les décrit et apprécie aux fins de préciser la demande.

Ceci étant dit, le Protecteur du citoyen ne sous-estime pas pour autant le rôle que le projet de loi entend confier au notaire en matière non contentieuse. Certaines des procédures visées par ce projet peuvent affecter et même réduire considérablement la liberté d'individus. Ces procédures, il faut le souligner, sont de ce fait parmi les plus importantes du droit civil.

Ainsi, dans le cas de l'ouverture d'un régime de protection pour un majeur ou d'homologation du mandat donné par une personne en prévision de son inaptitude, les gestes à poser en vue de l'obtention d'une décision judiciaire revêtent une importance exceptionnelle puisque cette décision, prise dans un contexte où la personne en cause est particulièrement vulnérable, aura pour effet de porter atteinte à la liberté de celle-ci de prendre elle-même les décisions qui la concernent personnellement ou qui visent la gestion ou la disposition d'éléments de son patrimoine.

Sans égard au fait que le droit d'une personne à la liberté soit aujourd'hui enchâssé dans des chartes à caractère constitutionnel ou quasi constitutionnel et que des conséquences juridiques peuvent résulter d'atteintes, même législatives, à un tel droit, la liberté de la personne et sa protection sont des valeurs sacrées de notre société. Voilà pourquoi, au-delà des préoccupations juridiques légitimes de certains, il s'impose que les parlementaires ne légifèrent en ce domaine qu'avec prudence afin de ne pas diminuer la protection présentement accordée par le système judiciaire aux personnes dont la liberté peut devoir être restreinte ou même niée en vertu d'un régime de protection ou par la mise en vigueur d'un mandat donné en prévision d'une inaptitude.

Pour sa part, le Protecteur du citoyen estime devoir faire confiance au notaire en sa qualité d'officier public, membre d'une corporation professionnelle régie par le Code des professions et assujetti non seulement aux exigences du Code civil et du Code de procédure civile, mais également à celles de la Loi sur le notariat et du Code de déontologie des notaires. Il n'appartient pas au Protecteur du citoyen de préjuger de la faiblesse de la conscience éthique de professionnels, quels qu'ils soient. Il ne peut cependant pas ignorer que, contrairement au juge ou greffier, le notaire de pratique privée, officier public et également conseiller juridique, est un professionnel rémunéré à émoluments ou à honoraires dont le succès de l'entreprise dépend de clients. Il en résulte qu'il peut plus facilement qu'un greffier ou un juge se retrouver dans une situation où ses devoirs légaux à titre d'officier public peuvent entrer en conflit avec ses intérêts professionnels envers de bons clients.

Il ne faut donc pas s'étonner de l'inquiétude exprimée à cet égard par certains commentateurs. C'est pourquoi il faut pouvoir compter tout autant sur l'information des intéressés et leur possibilité de contester devant le greffier ou le tribunal en toute connaissance de cause l'homologation du procès-verbal du notaire que sur les devoirs imposés au notaire par la loi et son code de déontologie. Sous réserve des commentaires spécifiques qui suivront et qui visent à accroître la sécurité du système proposé, le Protecteur du citoyen considère donc que, s'ajoutant au grand nombre de règles régissant le notaire, le projet de loi n° 443 pourrait s'avérer raisonnablement rassurant à cet égard.

La plupart des commentaires spécifiques qui suivront apparaissent au Protecteur du citoyen comme essentiels à l'amélioration du projet de loi, tant dans l'intérêt des personnes vulnérables visées par certaines des procédures en cause que dans l'intérêt des divers justiciables qui pourraient avoir à choisir entre les services professionnels du notaire et les services d'un greffier ou d'un juge. Ces commentaires visent avant tout la réduction du niveau des exigences juridiques, les lacunes dans l'information des intéressés, les coûts pour le citoyen et certaines difficultés d'interprétation.

Lorsqu'il a adopté l'article 268 du nouveau Code civil, le législateur, inspiré par la jurisprudence et la doctrine, a jugé bon de confirmer que l'ouverture d'un régime de protection est prononcée par le tribunal, même s'il savait que, au moins depuis 1965, l'article 877 du Code de procédure prévoit que la demande d'ouverture d'un tel régime est portée devant un juge ou devant le greffier. Il faut y voir l'expression de l'importance que le législateur attache à une telle procédure et ce n'est que par le biais d'une interprétation large de l'article 863 du Code de procédure, qui précise que, «à moins d'une disposition expresse au contraire, les demandes sont présentées au juge ou au greffier», que l'on parvient à dissiper le conflit existant entre la disposition substantielle du Code civil et la disposition procédurale du Code de procédure.

Si l'on peut comprendre que les rédacteurs du projet ont veillé à ne pas inclure le notaire dans la notion de tribunal apparaissant à l'article 4 du Code de procédure civile, compte tenu de la nature des pouvoirs limités que lui accorde le projet, on s'étonne de constater que les demandes en matière non contentieuse puissent tout autant être présentées à un notaire qu'à un greffier ou à un juge sans la moindre disposition exprimant la dérogation au Code civil qui confère l'entière autorité en la matière au tribunal. C'est pourquoi le Protecteur du citoyen propose que les conflits entre l'article 863.4 proposé par l'article 2 et établissant les nouveaux pouvoirs du notaire et les dispositions du Code civil attribuant les pouvoirs pertinents au tribunal soient résolus législativement.

(10 h 30)

L'on doit en outre s'interroger sur la qualité de la décision judiciaire éventuellement rendue par le juge ou le greffier en matière de régime de protection si le projet est adopté selon sa teneur actuelle et autorise la présentation d'une demande d'ouverture d'un régime à un notaire. À cette fin, l'on se doit de comparer la procédure suivie devant le juge ou le greffier à celle qui serait éventuellement suivie par le notaire.

Selon l'article 877 du Code de procédure, la demande présentée au juge ou greffier l'est par requête appuyée d'une déclaration assermentée, requête qui articule les faits sur lesquels elle est fondée et que le requérant sera tenu de prouver. De plus, l'article 276 du Code civil précise ce que les juges et greffiers doivent vérifier et leur devoir de donner l'occasion au majeur d'être entendu sur le bien-fondé de la demande et, le cas échéant, sur la nature du régime et sur la personne qui sera chargée de la représenter ou de l'assister. Enfin, l'article 878.3 prévoit que, toujours aux fins d'ouverture d'un régime, le juge ou greffier peut ordonner, même d'office, la production de toute preuve additionnelle ou l'assignation de toute personne dont il estime le témoignage utile.

Quant à la procédure devant notaire, elle n'offre malheureusement pas la même rigueur et le notaire n'est pas tenu aux mêmes devoirs et ne jouira pas des mêmes pouvoirs quant à la preuve. En somme, on s'éloigne substantiellement de la procédure d'ordre public confiée au tribunal par le Code civil.

C'est pourquoi le Protecteur du citoyen propose que le notaire traitant une demande relative à l'ouverture ou à la révision d'un régime de protection au majeur soit soumis aux devoirs imposés au tribunal par l'article 276 du Code civil et que, dans le cas où se trouvant notamment dans une situation analogue à celle du juge ou du greffier, visée à l'article 878.3 – c'est-à-dire lorsque le juge ou le greffier juge nécessaire la production d'une preuve additionnelle ou l'assignation de toute personne dont il estime le témoignage essentiel – le notaire soit alors tenu de se dessaisir du dossier conformément à l'article 863.7 proposé par l'article 2 du projet de loi, parce qu'on sait qu'un notaire n'a pas le pouvoir d'assigner des témoins.

Passons maintenant aux lacunes dans l'information des intéressés. Le projet de loi, s'inspirant en cela des dispositions présentement applicables en matière non contentieuse, prévoit plusieurs avis aux personnes ayant un intérêt dans une procédure. Ainsi, le premier alinéa de l'article 863.5, proposé par l'article 2 du projet de loi, prévoit que le notaire doit aviser les intéressés de la date et du lieu où il commencera ses opérations. Il est tenu de s'assurer que tous les intéressés soient notifiés de la demande, qu'ils ont l'occasion de faire les observations ou les représentations appropriées et que la preuve nécessaire lui est présentée pour que les décisions opportunes soient prises.

À la lecture de ce texte, on constate que le notaire est tenu d'aviser les intéressés de la date et du lieu où il commencera ses opérations, mais qu'il n'est pas tenu de leur indiquer ce qu'il attend d'eux, leur droit de faire des observations ou représentations appropriées et comment ils pourront exercer ce droit. Un avis plus éclairant n'aurait-il pas pour effet de favoriser la participation utile de ces intéressés ainsi qu'une meilleure application de l'article 863.7 visant le transfert du dossier au tribunal en présence d'observations ou représentations équivalant à une contestation réelle du bien-fondé d'une demande?

De même, les articles 863.8 et 863.10, proposés par l'article 2, prévoient l'envoi d'avis aux personnes intéressées. Or, bien que ces avis soient destinés à permettre une opposition à l'homologation du procès-verbal d'un notaire ou la révision judiciaire de la décision du greffier sur cette homologation, aucune disposition du projet n'impose l'inclusion dans ces avis de renseignements permettant à un intéressé de connaître adéquatement la raison d'être de cet avis et la nature véritable de ses droits. Le même commentaire peut s'appliquer au sujet de l'avis prévu à l'article 887.1 au sujet du droit des intéressés à une demande de vérification de testament, de faire connaître leurs observations ou représentations dans les 10 jours de la notification de l'avis.

Ces divers avis devraient clairement instruire les intéressés des droits qui en résultent pour eux afin de favoriser leur participation au processus et leur éviter de devoir faire les frais d'une consultation auprès d'un conseiller juridique. La transparence des actes et la participation des intéressés apparaissent au Protecteur du citoyen comme des éléments clés de meilleure qualité de la justice qui doit ressortir de ces procédures.

Toujours en matière d'avis, l'article 863.11 devrait préciser non seulement à qui la demande de révision d'une ordonnance ou jugement relatif à l'homologation du procès-verbal du notaire doit être signifiée, mais également le point de départ du délai de 10 jours qu'il décrète.

De plus, compte tenu de son texte relatif au pouvoir du notaire en matière de nomination de tuteur, il faut conclure que l'article 876.2, proposé par l'article 5 du projet de loi, tout en prévoyant la notification au Curateur public des demandes relatives au remplacement d'un tuteur, ne prévoit pas l'obligation de l'aviser de toute demande relative au remplacement d'un tuteur ad hoc ou aux biens. Le Protecteur estime que le Curateur public doit tout autant être avisé dans ces derniers cas et que le texte de l'article 876.2 ne devrait laisser aucun doute à cet effet.

C'est pourquoi le Protecteur du citoyen propose que le Code de procédure civile prévoit expressément que les avis donnés aux personnes intéressées à une procédure non contentieuse doivent contenir toute l'information pertinente à la connaissance et à l'exercice de leurs droits en vertu de l'avis en cause; de plus, que l'article 863.11, proposé par l'article 2, soit modifié afin de préciser à quelles personnes les demandes de révision doivent être signifiées et le point de départ du délai de 10 jours qu'il décrète; et, enfin, que l'article 876.2, proposé par l'article 5 du projet, soit modifié afin de prévoir l'obligation d'aviser le Curateur public dans les cas de remplacement d'un tuteur ad hoc ou aux biens.

Toujours au chapitre des avis, le Protecteur du citoyen croit bon d'ajouter à son mémoire un commentaire et une proposition. On ne saurait se préoccuper d'accroître la protection des personnes vulnérables par une meilleure information tant de ces personnes que de celles qui leur portent intérêt sans en même temps chercher à s'assurer qu'elles reçoivent bien les avis qui leur sont destinés. De plus, il importe que le greffier ou le juge qui n'aura pas lui-même procédé aux notifications puisse s'assurer qu'elles ont été faites adéquatement.

Les règles régissant la notification apparaissent aux articles 146.1 à 146.3 du Code de procédure civile. Ces règles apparaissent à ces articles-là. On y voit que la notification peut se faire par la remise du document à son destinataire contre récépissé ou par l'envoi du document par courrier recommandé ou certifié à la dernière adresse connue de la résidence du destinataire ou de sa place d'affaires. Ces modes de notification comportent donc un moyen de preuve de l'envoi et parfois même de la réception du document et la possibilité de vérifier à quelle adresse le document a été expédié.

Or, l'article 146.3 prévoit que, à moins qu'il n'en soit autrement prescrit, la notification peut être faite par courrier ordinaire ou tout autre mode de communication lorsque le contexte n'exige pas que l'expéditeur se constitue une preuve de l'envoi.

Dans le cas des notifications prévues au projet de loi, même s'il apparaît essentiel que le greffier ou le juge puisse vérifier l'envoi des déclarations, procès-verbaux et avis, il est loin d'être évident que le contexte exige que le notaire se constitue une preuve de cet envoi. Par conséquent, un notaire pourrait invoquer l'article 146.3 pour notifier une personne par courrier ordinaire.

À défaut de pouvoir démontrer non seulement l'envoi, mais également la réception du document, il sera très difficile de calculer certains délais énoncés au projet. De plus, il y a risque que les intéressés et notamment les principaux d'entre eux, le mineur de 14 ans et plus, le majeur inapte, le Curateur public et les autres représentants, ne soient pas informés en temps utile de la procédure non contentieuse entreprise.

Voilà pourquoi le Protecteur du citoyen propose que, aux fins des notifications prévues au projet de loi, l'application de l'article 146.3 qui permet la notification par courrier ordinaire soit expressément exclue et que le notaire soit tenu de joindre à son procès-verbal non seulement la preuve de l'envoi du document, mais également la date de sa réception et l'identité de la personne qui l'a reçu.

Enfin, pour terminer au chapitre des lacunes dans l'information des intéressés, il y a lieu de s'arrêter aux modes de conservation de l'interrogatoire. Dans le cas où la demande d'ouverture d'un régime de protection est traitée par un greffier ou un juge, l'article 878 prévoit que l'interrogatoire de la personne visée par la demande est pris par écrit et communiqué à l'assemblée de parents, d'alliés ou d'amis. Selon le projet de loi, si cette demande est traitée par un notaire, il dressera un procès-verbal de l'interrogatoire du majeur, procès-verbal qui, tout en constituant un rapport au sujet de l'interrogatoire, ne le reproduira pas intégralement.

Dans le cas où il s'agit plutôt d'une demande pour constater la prise d'effet d'un mandat donné par une personne en prévision de son inaptitude, le greffier ou le juge est soumis à ce même article 878 quant à la façon de conserver l'interrogatoire, mais le notaire, lui, est soumis à l'article 884.8, proposé par l'article 11 du projet, qui prévoit que l'interrogatoire est alors pris par écrit ou par tout autre mode d'enregistrement et joint au procès-verbal.

Dans tous ces cas, l'assemblée de parents, alliés ou amis et les intéressés à qui le procès-verbal du notaire sera notifié, selon le cas, n'auront pas à assister à l'interrogatoire du majeur et auraient certes intérêt à pouvoir entendre, sinon voir par vidéo, le majeur s'exprimer afin de mieux apprécier le bien-fondé de la décision du greffier ou les conclusions du notaire. Compte tenu des moyens techniques aujourd'hui disponibles, le Protecteur du citoyen estime que l'interrogatoire du majeur devrait être enregistré dans tous les cas afin que cet enregistrement puisse être transmis ou accessible aux intéressés, et, par intéressés, je crois qu'on devrait même inclure le greffier ou le juge éventuellement appelé à se prononcer lors de la demande d'homologation.

(10 h 40)

Il me restait deux sujets: les coûts pour le citoyen et certaines difficultés d'interprétation. En ce qui concerne les coûts pour le citoyen, j'ai déjà pu percevoir que des questions seraient posées concernant la recommandation du Protecteur du citoyen à l'effet qu'il y ait un tarif. Alors, je pourrai peut-être en discuter à ce moment-là. Et, quant aux commentaires qui visent les difficultés d'interprétation, bien je pense que je peux vous référer tout simplement au texte du mémoire et aux propositions qu'il contient. Ce sont là des commentaires qui sont d'un autre ordre et, évidemment, d'un autre niveau.

Je conclus donc. Les projets de loi présentés à l'Assemblée nationale sont habituellement peu révélateurs des motifs pour lesquels il y a lieu que le Parlement adopte une nouvelle loi ou des modifications législatives. Le projet de loi n° 443 n'échappe pas à cette réalité.

Les modifications qu'il propose semblent cependant destinées à favoriser un meilleur accès des citoyens et citoyennes à certains services judiciaires, notamment dans les matières non contentieuses où les procédures sont appelées à se multiplier en raison du vieillissement de la population et d'un accroissement du nombre de mandats donnés par une personne en prévision de son inaptitude. C'est pourquoi le Protecteur du citoyen s'est montré ouvert à ce que les notaires, en leur qualité d'officier public, puissent jouer un rôle accru à cette fin.

Plusieurs des réserves qu'il a formulées soulèvent cependant des questions essentielles en ce qu'elles touchent la protection du droit fondamental de personnes vulnérables à leur liberté et les moyens de leur assurer adéquatement cette protection. D'autres sont d'ordre plus secondaire, mais visent tout autant à faire en sorte que, si cet élargissement des pouvoirs des notaires doit avoir lieu, il puisse porter les fruits attendus et profiter véritablement aux justiciables intéressés.

Alors, quel que soit le sort que les parlementaires voudront bien accorder aux diverses propositions de ce mémoire, ils devront conserver à l'esprit la très grande importance de certaines des procédures visées par ce projet et la nécessité de les finaliser dans le respect du Code civil qu'elles doivent servir et de sa disposition préliminaire qui veut que le Code civil régisse les personnes en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne et les principes généraux du droit. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Me Meunier. J'inviterais maintenant M. le ministre à débuter la période de questions.

M. Ménard: J'ai pris bonne note de l'addition que vous avez apportée à votre mémoire concernant la position du Barreau. Je comprends que vous faites naturellement la distinction, vous, entre une décision où essentiellement il s'agit de constater s'il y a un état de fait qui justifie l'application d'une certaine disposition de la loi et une décision où il y a deux parties qui sont en litige, qui ont des intérêts contradictoires ou des opinions contradictoires qui doivent être tranchés par quelqu'un d'indépendant.

M. Meunier (Jacques): La distinction que l'on fait n'est peut-être pas exactement celle-là, c'est-à-dire que, si le rôle du greffier ou du juge était autre, en vertu du projet ou en vertu du Code de procédure civile éventuellement modifié, était autre en ce sens qu'il n'agissait – passez-moi l'expression – que comme un «rubber stamp» du procès-verbal, notre position serait autre, parce que, quand même, la jurisprudence et la doctrine, à ce moment-là, se montrent beaucoup plus exigeantes à l'endroit de l'enquêteur, disons, qui a préparé le dossier pour la décision comme telle.

Notre ouverture vient plus du fait que, dans cette seconde étape, c'est-à-dire cette étape finale, cette étape de finalisation de ce qui est entrepris sous la responsabilité du notaire, le greffier joue vraiment un rôle judiciaire et il peut le jouer de façon judiciaire.

M. Ménard: Indépendante.

M. Meunier (Jacques): Bien, disons, on n'entrera pas dans le débat à savoir si les greffiers ont l'indépendance requise ou non, mais, quand même, il est admis que, traditionnellement, les greffiers peuvent jouer ce rôle-là. Donc, ils peuvent complètement rassurer tout le monde à l'égard du fonctionnement de ce qui a pu être fait antérieurement.

Alors, quand le projet de loi prévoit que le procès-verbal est assimilé à une requête, bien, au fond, c'est sensiblement ça, sauf que c'est une requête enrichie, en ce sens que le notaire a quand même été appelé à rencontrer la personne en cause, notamment dans... Parce que les cas principaux qui inquiètent le Barreau, en fait, visent les cas où la liberté de l'individu est en cause, notamment les régimes de protection ou les homologations de mandats donnés en prévision d'une inaptitude.

Alors, comme je vous dis, en fait, le procès-verbal est une requête enrichie, mais je pense que le notaire, comme officier public, avec tout l'encadrement qu'il a, peut faire ça adéquatement. Je pense que, quant à nous, nous sommes prêts à donner la chance au coureur là-dessus.

M. Ménard: Bon. J'accepte vos recommandations sur la nécessité des notifications, en tout cas des avertissements ou – enfin, peu importe le mot qu'on donne – le fait que les proches de la famille soient mis au courant et qu'ils soient mis au courant aussi qu'ils peuvent contester, et ainsi de suite. Donc, vos recommandations, principalement à la page 8 et à la page 9, puis même à la page 10, qui vont dans ce sens.

Le seul problème que je me pose – j'ai vu que vous avez pu assister à la représentation qui vous a précédé, par la Fédération de l'âge d'or – c'est le coût, notamment si ces significations doivent être faites par huissier et que la famille est nombreuse et que les intérêts ou... même que les personnes qui portent un intérêt particulier à la... Vous ne craignez pas que, dans des cas où tout le monde est d'accord, on augmente les coûts de façon considérable? Puis les coûts de signification vont finalement être plus élevés que les coûts judiciaires et les coûts professionnels du notaire.

M. Meunier (Jacques): J'apporte tout de suite une précision là-dessus. Malheureusement, c'est un ajout que j'ai apporté au texte, en fait, en ce qui concerne la notification, et vous n'avez pas devant vous le texte de la recommandation. La recommandation que j'ai faite tantôt n'implique pas la nécessité de signification. On peut continuer à faire la notification selon les dispositions du Code de procédure civile, sauf que ça ne pourrait pas se faire par courrier ordinaire. Par exemple, si vous envoyez par courrier recommandé ou certifié, vous pouvez avoir la preuve de la réception et même l'identité de la personne qui l'a reçu.

Notre objectif est loin de vouloir augmenter les coûts. Notre objectif est d'accroître la crédibilité du système. Pour accroître la crédibilité du système, nous estimons que les intéressés doivent être adéquatement avisés de ce qui se passe et avoir l'entière possibilité de faire valoir leurs droits dans la procédure non contentieuse en cause. C'est juste ça.

M. Ménard: O.K. Ça, c'est pris en bonne note, non seulement en bonne note, mais, je veux dire, c'est reçu... Disons qu'on va corriger dans le sens que vous indiquez.

Dernière question qui me préoccupe beaucoup, évidemment, c'est le débat entre... Est-ce que la concurrence est la meilleure façon d'atteindre les coûts les plus adéquats? Parce que je comprends qu'on doit parler des coûts les plus adéquats, pas nécessairement les plus bas qui pourraient faire une pression à donner des services de moins bonne qualité. Justement, on a à choisir entre la tarification qui assure au moins une certaine qualité de services et la concurrence qui normalement est censée faire baisser les prix, quoiqu'on n'ait pas observé ça beaucoup chez les avocats. C'est une de mes préoccupations. Je ne sais pas, j'aimerais avoir vos réflexions là-dessus. Je pense que vous avez réfléchi sur ça.

(10 h 50)

M. Meunier (Jacques): Oui. Bon. Alors, sur cette question-là, le tarif, pour nous, apparaît important, d'abord, pour permettre au citoyen de choisir. Parce qu'on lui laisse un choix. On dit: Tu peux aller chez le greffier ou le juge ou tu peux aller chez le notaire. S'il ne sait pas d'avance quels sont les coûts à une porte ou à l'autre, c'est sûr que son choix ne peut pas être très, très éclairé.

Deuxièmement, vous abordez le sujet des effets de la concurrence chez les professionnels, effets sur les coûts. C'est sûr que la concurrence a un effet sur les coûts, et elle peut amener les coûts vers le bas, ce qui, dans certains cas, pourrait paraître souhaitable. Mais la concurrence a aussi pour effet des coupures de coûts qui impliquent des coupures de services, et ça, c'est indéniable. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec des professionnels qui ont une pratique en déontologie et qui étaient en mesure, en fait, de l'affirmer: plus il y a de concurrence et plus les services ne peuvent pas être donnés exactement de la même façon.

Il y a un coût véritable, inévitable pour que certains services soient rendus et c'est celui-là qu'il faut essayer de chercher. Qu'est-ce qui va faire que, d'un côté, le professionnel va être payé raisonnablement, va être payé justement pour les services qu'il rend et, en même temps, va être intéressé à faire le travail? Parce qu'on sait très bien que, si les honoraires sont trop bas, il y a peut-être les trois quarts des notaires qui ne voudront pas en faire, sinon plus. Donc, à ce moment-là, le projet de loi n'aura pas son effet. Et, d'autre part, il faut que le citoyen, lui, puisse en avoir pour son argent. Si ça coûte tel prix, il faut qu'il ait les services pour lesquels il paie.

Mais, exactement, les chiffres dans le tarif, personnellement, je ne suis pas capable de les dessiner. Je suis certain que la Chambre des notaires a suffisamment d'information pour le faire et que le ministère de la Justice a probablement, lui aussi, des renseignements qui lui permettraient de l'établir.

M. Ménard: O.K. Avant de laisser mes collègues vous interroger, vous avez compris, en écoutant les représentations qui ont été faites ce matin, que la raison du choix, ce n'est pas seulement une recherche d'un coût plus bas.

M. Meunier (Jacques): C'est sûr. C'est sûr.

M. Ménard: Très souvent, c'est une recherche d'une qualité de services. Si on va vers un service gouvernemental, on risque de recevoir en réponse un tas de formulaires, de documents qui sont sûrement très complets, mais qu'on sent qu'on n'a pas l'énergie ni la capacité d'interpréter puis de prendre la bonne décision. Si on va voir le professionnel, on sent qu'on a une personne qui nous comprend, qui connaît la loi et qui est capable de nous diriger précisément à bien faire les choses légalement pour que les choses soient bien traitées. Et ça, c'est un élément qui m'apparaît très important dans le choix qui est fait.

M. Meunier (Jacques): Justement, sur ce point-là, nous estimons – et je comprends très bien les commentaires qui ont été faits par les gens de l'âge d'or tantôt – que, pour que le notaire puisse justement continuer à avoir cette crédibilité qu'il a auprès de ses clientèles, il faut qu'il soit payé adéquatement et qu'il puisse fournir les services.

M. Ménard: O.K. Je suis bien d'accord et je comprends. Vous avez une attitude intelligente par rapport à la déréglementation sur laquelle on fait beaucoup de démagogie, je trouve, parfois.

Mais la dernière chose qui me préoccupe sur le tarif, c'est que je ne crois pas que toutes les demandes en matière représentent le même travail. C'est là qu'est la difficulté. Je ne veux pas donner d'exemple, mais j'imagine qu'il y aura des cas où ce sera très simple et d'autres cas où ça risque d'être beaucoup plus compliqué soit à cause de l'importance, par exemple, de ce qui est en jeu, soit aussi à cause de la famille, de la grandeur de la famille. C'est là qu'un tarif me fatigue.

M. Meunier (Jacques): C'est là qu'un tarif est pratique.

M. Ménard: Me fatigue, c'est-à-dire me pose des problèmes.

M. Meunier (Jacques): Oui, mais il ne faut quand même pas oublier que, chez le greffier ou le juge, le tarif ne varie pas selon la complexité du problème.

M. Ménard: Oui, mais parce que, justement, le greffier, il est payé à salaire. S'il faut passer deux jours dans un cas, il va passer deux jours; s'il faut passer une heure, il va passer une heure.

M. Meunier (Jacques): Mais, pour le justiciable qui se présente...

M. Ménard: Mais le notaire, il faut qu'il passe le temps que ça prend.

M. Meunier (Jacques): Mais, pour le justiciable qui se présente devant le greffier, ça ne coûtera pas plus cher si le dossier est complexe, sauf que, s'il va chez le notaire et que le dossier est complexe, il faudrait qu'il sache... Et c'est là une des recommandations qu'on faisait: en fait, que le notaire ait, quand même, un certain devoir – qu'il fera sans doute, surtout, en fait, quand ce sont des notaires qui connaissent bien leur clientèle – qu'il dise: Écoutez, quand vous me décrivez le problème que vous avez, moi, finalement, ça va coûter tant. Peut-être que, si vous alliez voir le greffier, ça vous coûterait moins cher. En tout cas, l'avenir le dira, comment ça se vivra.

M. Ménard: Peut-être qu'on pourrait apporter une circonstance dans laquelle le notaire pourrait s'adresser à la cour. En tout cas, on verra. C'est un problème vraiment qui nous préoccupe. Je vous remercie quand même de l'aide que nous apporte votre réflexion.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. Avant de passer la parole au député de D'Arcy-McGee, Me Meunier, j'ai constaté que vous avez enrichi, comme le ministre le soulignait, votre présentation ce matin, sauf qu'il y a une partie que vous n'avez pu nous présenter compte tenu du délai imparti. Alors, s'il était possible que vous nous déposiez à la fin de cette séance copie de votre présentation, ça serait évidemment bien reçu par les membres de la commission.

M. Meunier (Jacques): Ça ne sera pas possible pour moi de le faire à la fin de la séance, mais je m'engage à le faire dans les prochaines 24 heures.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Parfait, merci bien. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. Meunier, merci pour votre mémoire. Au commencement de votre discussion, vous avez indiqué que le notaire n'est pas un décideur, mais que le notaire constate les faits. Tout autour des discussions qu'on a eues dans cette commission, ceux qui prétendent que le notaire est un décideur indiquent que le notaire est en conflit d'intérêts à cause du fait que ceux qui l'ont choisi paient ses honoraires et reçoivent une décision de la personne qu'ils ont choisie, du notaire qu'ils ont choisi, et que c'est un conflit d'intérêts qu'une personne décide et soit payée par les personnes qui l'ont choisie.

Dans votre section Les coûts pour le citoyen, vous dites: «Par "coûts pour le citoyen", on pourrait entendre tout autant ceux que l'État pourrait épargner en déchargeant partiellement les greffiers et les juges de certaines tâches que ceux que devront assumer les citoyens qui recourront aux services d'un notaire.» Est-ce qu'on peut prévoir un système où les coûts qui étaient dorénavant assumés par l'État pour les greffiers et les juges soient assumés par l'État envers le notaire? Même si on n'accepte pas la thèse que le notaire est décideur, pour enlever ce problème que ceux qui paient reçoivent la décision du notaire, est-ce qu'on peut prévoir un système où l'État paie une partie des honoraires du notaire?

Car c'est mon avis que ce projet de loi n'est pas présenté dans le sens de réduire les coûts de l'État et, de cette manière, les coûts que l'État a seraient les mêmes après qu'avant le projet de loi. Est-ce que, selon votre opinion, ce serait possible, en pratique, de le faire et est-ce que, dans cette veine, on éviterait de penser qu'il y a un conflit d'intérêts?

M. Meunier (Jacques): Évidemment, tout est possible. Moi, je ne répondrai pas à la question qui est politique dans cette chose-là, à savoir: Est-ce qu'il est opportun que l'État paie pour les services du notaire en matière non contentieuse qui, jusqu'ici, étaient à la charge l'État et qui continueront à l'être quand des gens s'adresseront au greffier ou au juge?

(11 heures)

Tout ce que je peux dire, c'est qu'il nous apparaît intéressant que le citoyen puisse avoir le choix de s'adresser à quelqu'un en qui il a confiance et qu'il connaît. L'autre chose que j'ajouterai, c'est que ça serait extrêmement difficile de faire en sorte que le notaire soit adéquatement payé simplement en lui transférant la partie des coûts qui normalement est payée par l'État pour le juge ou le greffier, d'autant plus que le notaire ne fait pas tout le travail que le juge ou le greffier sont appelés à faire. Alors, pour moi, ça apparaît une somme qui serait probablement trop petite pour intéresser le notaire à faire le travail.

M. Bergman: Je m'excuse de vous interrompre, mais ma prétention, ça va être que le client paie le montant jusqu'à l'étape finale des procédures, le même montant qu'il paie maintenant au notaire, et que la deuxième partie soit payée par l'État. Alors, il assume...

M. Meunier (Jacques): Mais, tant et aussi longtemps que le client paie quelque chose au notaire, ça ne règle pas le problème qui est soulevé par certains à l'effet que le notaire ne peut pas jouer ce rôle-là alors qu'il est un juge payé par le justiciable. Pour pouvoir en sortir, il faudrait vraiment que tout soit assumé par l'État et que le notaire n'ait pas d'attaches financières vis-à-vis de son client.

M. Bergman: Sur un autre sujet, alors. Vous avez soulevé à quelques moments la question du dédoublement, du choix du notaire par différentes parties d'une famille et différentes parties des personnes intéressées. Est-ce que vous avez des suggestions pour éviter la possibilité du dédoublement dans le choix du notaire et le commencement des procédures devant le notaire?

M. Meunier (Jacques): Là, vous référez au problème que, disons, deux personnes d'une même famille habitant deux municipalités différentes pourraient s'adresser simultanément...

M. Bergman: Exactement.

M. Meunier (Jacques): C'est sûr qu'il y a ce problème-là. C'est toujours un peu embêtant de complexifier encore le système, parce que, comme justement les gens de l'âge d'or ont dit, ce qu'ils veulent, c'est des choses simples. Mais je pense que tout le monde veut des choses simples.

Pour régler le problème, de la même façon que le notaire est tenu de déposer son procès-verbal au tribunal du domicile – dans le district, en fait, du domicile – mettons, du majeur ou du mineur, peut-être y aurait-il lieu de faire en sorte que, lorsqu'un notaire entreprend ces opérations, comme dit le projet de loi, au moment où il avise justement les autres personnes, il envoie un avis au greffe de ce tribunal-là de façon à ce que, au moins, ce greffe-là soit avisé. Et un notaire qui serait consulté par la suite pourrait toujours vérifier au greffe du domicile du majeur – ou du mineur, en fait, en l'occurrence – s'il y a un avis qui a été donné à l'effet qu'un autre notaire a commencé ces opérations pour aboutir au même résultat. Mais ce n'est pas simple. On peut peut-être en même temps aussi compter sur le fait que, bon, si les intéressés sont avisés adéquatement, bien, le chat va sortir du sac rapidement qu'il y a une demande qui a été faite ailleurs. Maintenant, quel notaire va devoir céder priorité à l'autre, ça, je ne peux pas répondre à ça.

M. Bergman: Sur la question de la formation spéciale des notaires, est-ce que vous êtes d'opinion qu'il doit y avoir une formation spéciale des notaires, suivant ce projet de loi n° 443? Est-ce que vous pensez que le notaire doit avoir une formation spéciale?

M. Meunier (Jacques): Formation spéciale, le terme «spéciale», quant à moi, est bien relatif. Je sais que la Chambre des notaires a un excellent système de formation permanente, et les cours donnés dans les facultés de droit peuvent en tenir compte aussi. Il est certain que, à un moment ou l'autre de leur formation ou de leur carrière, les notaires devraient recevoir quelques heures de formation spéciale justement sur l'interrogatoire d'une personne inapte, comment organiser tout ça. Quant au restant de la procédure, je pense que les notaires la connaissent fort bien, puisqu'ils y sont associés déjà depuis fort longtemps.

M. Bergman: Au commencement de votre mémoire, vous avez dit que plusieurs balises ont été formalisées afin de contourner les difficultés constitutionnelles antérieurement appréhendées. Mais, dans votre conclusion, vous semblez dire qu'il pourrait y avoir nécessité de finaliser ce projet de loi dans le respect du Code civil, en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne et les principes généraux du droit. Finalement, est-ce que le projet de loi est acceptable ou non pour vous?

M. Meunier (Jacques): C'est-à-dire que, quant à nous, il est acceptable sous réserve de certaines des propositions que l'on fait pour faire en sorte, notamment, de s'assurer que les intéressés sont véritablement bien associés au processus de réalisation des différentes procédures non contentieuses, maintenant, qui seraient confiées au notaire. C'est tout.

M. Bergman: J'aimerais juste retourner à la première question. Pouvez-vous encore expliquer à cette commission vos pensées sur le fait que le notaire constate les faits et n'est pas un décideur?

M. Meunier (Jacques): En quoi...

M. Bergman: Que le notaire constate les faits mais n'est pas un décideur.

M. Meunier (Jacques): Oui, mais je dis bien et j'ai parlé, même, en fait, de décisions entre guillemets. Quand le notaire interroge, par exemple, une personne majeure présumée inapte, c'est sûr qu'il tire ses conclusions. Il tire ses conclusions et il va dire: Bien, cette personne-là, à mes yeux, elle est apte ou elle n'est pas apte. Mais ce n'est pas une décision judiciaire, quant à nous. La décision judiciaire, elle viendra dans le processus que suivra le greffier ou le juge pour homologuer le procès-verbal du notaire.

Au fond, le notaire, il constate des choses, il exprime des opinions. On peut les qualifier de décisions, mais, quant à nous, ce ne sont pas des décisions judiciaires. Et, de toute façon, le procès-verbal du notaire, s'il ne se rend jamais au greffe, il ne vaudra pas beaucoup plus que le papier sur lequel il est écrit, il n'aura pas de portée juridique. La portée juridique du procès-verbal, elle s'acquiert par l'homologation qui survient selon un processus que le Code a établi ou établira.

M. Bergman: Vous avec dit dans votre mémoire qu'il y a certains greffiers en matière de tutelle au mineur qui exigent la présentation de deux requêtes successives, l'une pour l'homologation du procès-verbal de l'assemblée des parents visant la constitution du conseil de tutelle et l'autre, l'homologation du procès-verbal d'un conseil de tutelle pour la nomination du tuteur, alors que d'autres n'en exigent qu'une seule. Et vous avez suggéré ou que le ministère émette une directive, ou qu'il y ait une clarification par un ajout au projet de loi n° 443. Est-ce que vous pouvez...

M. Meunier (Jacques): Bien, c'est-à-dire, là-dessus on pense qu'une directive ministérielle pourrait être donnée au greffe afin de dissiper les divergences d'interprétations qui semblent exister. Mais, si le ministère n'est pas capable d'arriver à établir cette directive par une interprétation qui convienne au greffier, il faut bien voir que le greffier a quand même une certaine indépendance là-dedans, dans son fonctionnement, il fait partie du tribunal. Si ce n'est pas possible d'arriver à une interprétation partagée par l'ensemble des greffiers, bien, peut-être qu'à ce moment-là il faudra modifier le Code de procédure pour mettre les points sur les i puis les barres sur les t, comme on dit.

M. Bergman: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, Me Meunier... Oui.

M. Ménard: Tout simplement, ce n'est pas une question mais peut-être une remarque. Je vous remercie beaucoup de votre présentation à la fois écrite, d'ailleurs, et orale. Je peux vous dire que le projet de loi sera modifié non seulement dans... mais pour tenir compte de la qualification des avis, entre autres, autant que... Et je vais réfléchir encore sur le tarif. Ha, ha, ha!

Une voix: Avec d'autres.

M. Meunier (Jacques): Merci beaucoup de votre attention.

M. Ménard: Merci.

(11 h 10)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci. Nous allons maintenant recevoir la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Me Claude Filion, président, et Me Claire Bernard.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le président, Mme Bernard, bienvenue à la commission des institutions. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour votre présentation; ensuite, nous pourrons échanger avec vous sur divers points soulevés par la présentation de votre mémoire. Alors, bienvenue.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a reçu, comme vous le savez, de l'Assemblée nationale le mandat de promouvoir les principes de la Charte des droits et libertés de la personne par toute mesure appropriée, y compris l'examen des textes législatifs. Dans l'exercice de ce mandat, nous sommes heureux de prendre part aux audiences de la commission des institutions consacrées à l'étude du projet de loi n° 443.

Les principales modifications législatives mises de l'avant dans ce projet de loi ont pour objet de déjudiciariser les procédures entourant des actes en matières civiles non contentieuses en confiant au notaire certains des pouvoirs qu'exerce actuellement le greffier de la Cour supérieure en ces matières. On vise ainsi à assurer une justice plus accessible, plus rapide et plus humaine, objectif avec lequel la commission est tout à fait d'accord. En effet, nous sommes conscients des inconvénients que la judiciarisation des procédures entourant la mise en place de régimes de protection en particulier peut entraîner pour les personnes impliquées.

Rappelons que c'est précisément dans un objectif de souplesse et de simplicité que, au moment de la réforme de 1989, les règles de procédures applicables en pareilles matières ont été inscrites dans le livre du Code de procédure civile qui régit les matières non contentieuses et que le greffier s'est vu confier la compétence sur ces matières. Toutefois, la majorité des modifications proposées peut entraîner des conséquences sur l'exercice des droits fondamentaux de la personne, soit les droits à l'intégrité et à la liberté de sa personne, le droit à la personnalité juridique, le droit à la sauvegarde de sa dignité ainsi que le droit à la libre disposition de ses biens, lesquels sont protégés par les articles 1, 4 et 6 de la Charte. En outre, comme sont visés notamment les régimes de protection de personnes inaptes en raison de leur âge ou de leur handicap, la Commission doit s'assurer que le projet de loi ne remet pas en cause le droit reconnu, en vertu de l'article 10, à ces personnes d'exercer leurs droits en toute égalité ni le droit à la protection contre l'exploitation, reconnu par l'article 48 de la Charte à toute personne âgée ou personne handicapée. C'est donc sur la base de ces principes que nous vous soumettons les observations suivantes.

Premièrement, le notaire, nouvelle instance décisionnelle. En vertu du projet de loi, le justiciable pourra choisir de recourir à un notaire qui exercerait, concurremment avec le juge ou le greffier, certains des pouvoirs relevant actuellement de ces derniers. La Charte prévoit que, lorsqu'il s'agit de déterminer les droits et obligations d'une personne, celle-ci a droit, conformément à l'article 23, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé. L'article 34 ajoute que toute personne a droit de se faire représenter par un avocat ou d'en être assistée devant tout tribunal. Il importe de savoir si, en exerçant ces nouveaux pouvoirs, le notaire pourra être considéré comme un tribunal et ainsi se voir tenu de respecter les garanties judiciaires reconnues par la Charte.

La Charte contient, comme vous le savez, une définition du mot «tribunal» qui doit, ici, nous servir de guide. Cette définition est contenue à l'article 56 et mérite d'être rappelée. Alors, l'article 56, l'alinéa 1: «Dans les articles 9, 23, 30 [...] – etc. – le mot "tribunal" inclut [...] une personne ou un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires.»

Selon les principes reconnus, les actes faits par le notaire en vertu du projet de loi, pour qu'ils puissent être qualifiés de judiciaires ou quasi judiciaires, doivent donc avoir un effet décisif sur les droits des personnes en cause. Or, tel semble bien être le cas pour plusieurs des nouveaux pouvoirs conférés au notaire par le projet de loi. C'est le cas tout particulièrement des pouvoirs qui seraient les siens à l'égard des régimes de protection du majeur. L'ouverture ainsi que le choix d'un tel régime entraînent des conséquences juridiques sérieuses, puisque la personne placée sous protection est privée en tout ou en partie de l'exercice de ses droits civils.

Le choix du représentant légal est aussi capital, car la personne désignée doit, selon la nature et le degré de l'inaptitude, non seulement administrer les intérêts de l'inapte dans l'intérêt de celui-ci, mais aussi assumer la responsabilité de sa garde et de son entretien et assurer son bien-être moral et matériel. L'ouverture d'un régime de protection est donc une décision fort lourde de conséquences, on en conviendra facilement. Actuellement, d'ailleurs, le rôle du décideur en cette matière ne se limite pas à entériner une évaluation médicale ou psychosociale; il a, au contraire, le devoir d'apprécier la preuve pour conclure ou non à l'inaptitude du majeur et choisir ensuite le régime de protection approprié en fonction du degré d'inaptitude.

Suivant le projet de loi, lorsque la demande d'ouverture d'un régime de protection sera adressée à un notaire, il exercera certaines des fonctions du juge ou du greffier, notamment les suivantes: interroger le majeur visé par la demande, recueillir les témoignages des parties intéressées, recevoir les preuves écrites, tirer des conclusions qu'il consignera dans un procès-verbal et déposer ce dernier au greffe du tribunal pour homologation. Il va sans dire que l'efficacité du pouvoir de contrôle et de surveillance dévolu au greffier et au juge dépendra de la rigueur et de la vigilance qu'ils exerceront lors de l'homologation. Compte tenu de la nature des fonctions exercées par le notaire, notamment en regard de l'audition des témoignages, il semble bien, toutefois, que les conclusions du notaire constitueront davantage que de simples recommandations à l'intention du juge ou du greffier. Pour cette raison, la Commission est d'avis que les règles de procédure mises de l'avant dans le projet de loi à l'égard des régimes de protection de la personne inapte conféreront au notaire un pouvoir décisionnel sur les droits et obligations des personnes concernées.

La même conclusion s'impose en ce qui a trait à d'autres matières non contentieuses visées par le projet de loi, particulièrement l'homologation ou la révocation d'un mandat donné en prévision d'inaptitude, la composition et la constitution du conseil de tutelle ainsi que la révision de ses décisions, et la nomination ou le remplacement du tuteur au mineur. Vu la nature des fonctions exercées par le notaire en pareilles matières, la Commission estime que celui-ci constituerait bel et bien un tribunal au sens de la Charte. Par conséquent, les procédures devant lui devront respecter les garanties judiciaires conférées par celle-ci.

En ce qui concerne le respect des garanties judiciaires, maintenant. Pour la Commission, le respect des garanties judiciaires s'impose particulièrement quand les droits en cause participent de droits fondamentaux de la personne. Est-il nécessaire de rappeler que, jusqu'à la réforme de 1989, la personne devenue incapable d'exercer seule ses droits civils pouvait être placée sous curatelle sur simple décision administrative? La Commission avait d'ailleurs émis à plusieurs reprises – notre première intervention dans ce domaine remonte à 1978 – des commentaires critiques à ce sujet au nom du droit au respect des règles de justice naturelle. En effet, les régimes de représentation du mineur et du majeur inaptes mettent directement en cause des droits enchâssés dans la Charte. Rappelons-les encore une fois: le droit à l'intégrité et à la liberté, le droit à la personnalité juridique, le droit à la sauvegarde de sa dignité et le droit à la libre disposition de ses biens. Il est donc nécessaire de s'assurer que les règles proposées continuent de garantir aux personnes titulaires de ces droits le droit d'être jugées par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé et de bénéficier, durant l'instance, des garanties procédurales, notamment le droit d'être représentées par avocat.

Les garanties procédurales. Le projet de loi modifie certaines des garanties procédurales dont la personne visée jouit actuellement. Par exemple, alors que la compétence territoriale des juges et des greffiers est fixée selon le domicile ou la résidence de la personne concernée, tout notaire exerçant au Québec pourra être saisi d'une demande. De même, la signification personnelle que doit recevoir le majeur inapte est remplacée par une simple notification.

(11 h 20)

L'une des modifications cependant les plus significatives concerne le droit à la représentation par avocat. Le projet de loi prévoit que, quand le notaire constate qu'il est nécessaire que soit représentée la personne faisant l'objet d'une demande de protection ou de mandat en cas d'inaptitude, il devra se dessaisir de la demande et transférer le dossier au tribunal. S'il se dessaisit, la personne bénéficiera évidemment du droit d'être représentée, puisque ce droit pourra être exercé devant un juge ou le greffier. En revanche, s'il ne se dessaisit pas, la personne ne pourra exercer le droit à la représentation par avocat que lui reconnaît l'article 34 de la Charte. En somme, l'exercice du droit à la représentation par avocat dépendra de l'application que feront les notaires de la possibilité de se dessaisir du dossier. Le notaire se dessaisira-t-il d'office ou agira-t-il sur demande d'une des personnes présentes? Le projet de loi demeure ambigu sur ce point.

Deuxièmement, un tribunal indépendant et impartial. Principalement, la Commission s'interroge sur le respect du droit d'être entendu par un tribunal indépendant et impartial, droit reconnu, comme on le sait, par l'article 23 de la Charte.

Premièrement, l'impartialité du décideur tient d'abord à la source de sa désignation. Son impartialité peut être ébranlée quand il est désigné par l'une des parties et non par une personne neutre. Or, la personne qui fera la demande au notaire, par définition, n'est pas une personne neutre, puisqu'elle doit démontrer un intérêt suffisant pour déposer la demande. Qui plus est, cette personne serait susceptible d'être un client du notaire dans d'autres dossiers. De plus, contrairement au juge et au greffier, rien ne garantit que le notaire ne pourra être dessaisi du dossier au profit, par exemple, d'un autre notaire plus favorable à l'issue recherchée par les personnes présentes. Rappelons que la désignation du notaire dans le projet de loi n'est circonscrite par aucune règle de compétence territoriale.

Deuxièmement, la source ou le contrôle de la rémunération du décideur est un facteur tout aussi primordial. L'impartialité d'un décideur risque d'être entachée si sa rémunération dépend d'une partie, ceci dit sans mettre en doute, d'aucune façon, l'honnêteté ou la probité des notaires. Comment concilier l'indépendance qui doit être la sienne et le fait que la procédure qui se déroulera devant lui sera onéreuse? La Commission voit dans cette situation le risque que la décision ne soit pas rendue par une instance impartiale.

Troisièmement, outre sa désignation et sa rémunération, le décideur ne doit pas être influencé par les conséquences de sa décision. À première vue, la fonction de décideur apparaît incompatible avec celle que le notaire assume actuellement. Il est significatif, d'ailleurs, que, selon le Code de déontologie des notaires, les fonctions de greffier soient incompatibles avec la profession de notaire. Le projet de loi lui-même attribue des fonctions qui peuvent sembler incompatibles, puisque le notaire est appelé à rédiger la déclaration qui servira de pièce fondant la demande qu'il devra ensuite examiner. N'est-ce pas comme si le juge rédigeait la requête sur laquelle il devra ensuite statuer?

Au chapitre du dessaisissement, enfin, on peut craindre que certains notaires hésitent à se départir de dossiers qui impliquent non seulement la personne visée, mais aussi les intérêts d'autres personnes qui sont leurs clients actuels ou futurs. Ici encore, le potentiel de conflit d'intérêts est, selon nous, indéniable. En somme, la Commission est d'avis que la nouvelle procédure pourrait soulever chez une personne informée une crainte raisonnable de partialité. Le projet de loi, il est vrai, prévoit que les décisions du notaire pourront être révisées par le juge, mais encore faut-il que la personne inapte ou mineure puisse faire valoir ce droit de révision. Et, même si le juge pourra agir d'office, il demeure que c'est sur la base des pièces justificatives du procès-verbal rédigées par le notaire qu'il devra évaluer le dossier. De même, bien que la Loi sur le notariat et le Code de déontologie des notaires imposent certaines obligations au notaire pour éviter qu'il se trouve en situation de conflit d'intérêts, le projet de loi ne prévoit pas d'obligation de récusation au chapitre de la vérification des testaments.

Signalons enfin que, la nouvelle compétence étant attribuée à l'ensemble des notaires en exercice, la détermination des droits et le respect des garanties procédurales seront le ressort de professionnels que la formation n'a pas nécessairement préparés à l'exercice de cette fonction, notamment en ce qui a trait à l'appréciation de la preuve. Pour toutes ces raisons, la Commission est d'avis que les moyens proposés dans le projet de loi ne sont pas suffisants pour garantir l'indépendance et l'impartialité du notaire à l'égard des décisions qui, dans la plupart des cas, affecteront directement les droits et intérêts de personnes vulnérables en raison de leur âge ou de leur handicap.

En conclusion, le projet de loi n° 443 traduit une volonté légitime de déjudiciariser certaines matières non contentieuses de façon à humaniser la justice et à la rendre plus accessible. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse juge cette réflexion utile et opportune et appuie à cet égard certaines des mesures mises de l'avant dans le projet de loi, telles que la reconnaissance du droit des parents de désigner, dans un mandat en prévision d'inaptitude, un tuteur datif à leur enfant. Cette mesure contribue, selon elle, à mettre en oeuvre le droit de l'enfant à la protection, à la sécurité et à l'attention que ses parents ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner, droit qui est reconnu à l'article 39 de la Charte québécoise.

En revanche, la Commission ne peut qu'inciter le législateur à la plus grande prudence face à des mesures qui, bien que visant la déjudiciarisation, aboutiraient, en fait, à nier à des personnes vulnérables certaines garanties judiciaires qui leur sont reconnues par la Charte. Ne perdons pas de vue, à cet égard, que la juridiction non contentieuse se définit comme l'exercice d'un rôle de contrôle, de protection et de vigilance que la loi confie à un juge pour éviter les préjudices qui pourraient résulter de certains actes ou de certaines situations juridiques si on les laissait sans surveillance impartiale.

De ce point de vue, la Commission considère que le projet de loi n'offre pas de garanties suffisantes. Selon nous, dans la plupart des cas, c'est-à-dire à l'exception de l'émission des lettres de vérification et, à un moindre degré, de la vérification des testaments, les actes qu'accompliront les notaires en vertu du projet de loi auront un effet décisif sur les droits et obligations des personnes en cause. Or, les notaires exerçant ces actes seront nommés et rémunérés par des parties à la procédure, ce qui les expose à des conflits d'intérêts que les règles sur le dessaisissement ne peuvent écarter. La Commission estime de plus que la confusion des rôles que le notaire pourrait être appelé à jouer dans un même dossier contrevient au principe d'impartialité consacré dans l'article 23 de la Charte.

Les lacunes du projet de loi sur ce plan sont telles que la Commission appréhende qu'elles n'exposent à l'exploitation des personnes déjà rendues vulnérables par leur âge ou leur handicap. Ces personnes ont le droit, conformément à l'article 48 de la Charte, d'être protégées contre toute forme d'exploitation. Le législateur assume à leur égard une responsabilité particulière. En pareille matière, la Commission en est convaincue, le respect des garanties judiciaires s'avère essentiel.

Nous tenons à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de formuler nos observations sur le projet de loi n° 443. Et, conformément à notre mandat, si des amendements devaient être déposés, nous nous réservons la faculté de faire connaître notre point de vue sur ces amendements. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le président. M. le ministre, si vous voulez commencer la période d'échanges et de questions.

M. Ménard: Merci. M. le président, soyez sûr que nous accordons beaucoup d'importance dans l'opinion qu'émet la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Mais je constate que c'est une condamnation presque entière de l'essence du projet de loi que nous voulons présenter. J'aimerais vous demander, d'abord: Pourriez-vous nous donner un exemple, en pratique, de ce que vous appréhendez?

M. Filion (Claude): Ah, écoutez, je pense que c'est relativement simple. Des exemples, il en pullule dans ce secteur-là. Il peut exister, à l'intérieur d'une famille, une personne qui possède certains biens et dont les facultés vont en s'amoindrissant, cette personne-là possédant des biens qui peuvent évidemment faire l'envie, et c'est normal, des personnes qui l'entourent.

(11 h 30)

Vous savez, nous, on est chargés, en vertu de l'article 48, de recevoir certaines plaintes concernant l'exploitation des personnes âgées. Ce que nous avons remarqué à l'intérieur de nos plaintes, c'est que beaucoup de situations, pour ne pas dire plus que 50 % des situations, dénotent des phénomènes d'exploitation possible commise par des membres de la famille. C'est regrettable de le dire, mais c'est le cas. Donc, ce que je signale par cet exemple-là, c'est qu'il peut exister, à l'intérieur des familles, des personnes qui ont l'oeil sur les biens ou sur certains des intérêts de la personne qui est inapte et qui pourrait bénéficier d'un régime de protection.

Donc, leur intérêt, à ces personnes-là, pourrait être de faire valoir un régime de protection peut-être pas nécessaire, peut-être que ce n'est pas le bon régime de protection non plus, parce qu'il ne faut pas oublier que, dans la réforme de 1989, nous avons fait en sorte de présenter un éventail de régimes de protection pour permettre de les adapter à chacune des situations. Donc, le jugement sur la situation de la personne inapte est amoindri par le fait qu'il y a un intérêt, et là on s'en va voir un notaire.

M. Ménard: Si je comprends bien votre exemple, M. le Président, cela suppose que tous les membres de la famille qui seraient convoqués par le notaire participent de ce désir, d'une part, que le médecin qui émet le rapport a été complaisant pour décrire l'inaptitude, que le travailleur social ou psychologue qui a rempli... l'autre travailleur, a manifesté la même complaisance, que le notaire sent cet intérêt mais ne prend pas le meilleur intérêt, comme l'y oblige la loi, de la personne et que, finalement, le greffier qui reçoit la demande d'homologation est trompé par le notaire. Ça demande une combinaison de beaucoup d'éléments.

M. Filion (Claude): Encore une fois, c'est l'appréciation de la preuve. Les expertises vont demeurer là, mais c'est l'appréciation de ces preuves-là, parfois choisir un régime de protection plutôt qu'un autre, parfois un régime de protection plutôt que pas de régime du tout. Parce qu'il ne faut pas oublier une chose, M. le ministre, et vous dites que c'est l'assise du projet de loi, je pense qu'il faut faire une distinction lorsque – je vous invite en tout cas à la faire – on traite de situations où les personnes sont déjà vulnérables par rapport à des situations où il n'y a pas de personnes vulnérables – exemple: homologation de testaments et lettres de vérification.

Et, comme d'ailleurs le notaire reçoit beaucoup d'actes à chaque jour, ici, au Québec, il le fait avec beaucoup d'efficacité puis en toute probité, il n'y a aucun doute là-dessus, mais ce ne sont pas des personnes vulnérables. Là, vous êtes déjà en face de situations où les personnes sont vulnérables, donc ne peuvent pas faire valoir eux-mêmes leurs droits. Et l'instance décisionnelle devenant le notaire plutôt qu'une personne qui serait désignée et rémunérée selon des bases connues et sans conflit d'intérêts, bien, alors le notaire, lui, il se retrouve dans une situation où il devient une instance décisionnelle qui implique les droits de personnes vulnérables, donc de personnes affaiblies, de personnes peut-être vieillissantes, de mineurs dans certains cas.

Bon, alors, voilà, je pense que c'est un peu la base, d'abord ça affecte les droits de personnes vulnérables, et à ce moment-là on pense que les garanties judiciaires prévues à la Charte doivent exister.

M. Ménard: M. le Président, je pense que vous êtes conscient que notre désir est que, s'il y a une situation litigieuse, le notaire s'en dessaisisse. Dans votre mémoire écrit, pour justifier votre opinion, que le notaire est un décideur et que, par conséquent, toutes les règles jurisprudentielles et les règles d'interprétation de la Charte doivent s'appliquer, vous donnez beaucoup d'autorité. Nous avons remarqué que ces autorités ont toujours été émises par les cours, et les principes sur lesquels vous vous appuyez ont toujours été émis à l'occasion de situations litigieuses, que ce soit, par exemple, pour retirer un permis d'alcool ou un permis, mais c'est toujours dans des situations litigieuses. Y a-t-il une autorité?

Alors, je pense que beaucoup font la distinction entre des décisions professionnelles qui sont rendues dans des contextes non litigieux mais qui sont des décisions, par exemple effectivement de constater qu'une situation de fait amène l'application d'une disposition de la loi. Et c'est effectivement ce dont il s'agit ici. Les gens des familles constatent un état qu'ils ne décrivent pas dans des termes juridiques, n'est-ce pas, et ils recherchent un conseiller, un homme de loi qui est capable de les aider à prendre la meilleure décision qu'ils voudraient prendre, la mieux adaptée pour protéger la personne qui leur est chère. Ils perçoivent le notaire comme justement un conseiller en matière non litigieuse, car ils n'ont pas de litige entre eux bien qu'ils ne sachent pas exactement ce qu'ils doivent faire pour réaliser la protection.

Ils se rendent chez le notaire qui est ainsi perçu, et c'est vrai qu'ils attendent de lui que le notaire les aide à choisir le meilleur régime. Une fois que le notaire les a aidés à faire ça, qu'il a effectivement ramassé les preuves nécessaires, par exemple l'examen médical, et ainsi de suite... Les gens qui sont venus témoigner ici, qui vous ont précédé, ont trouvé que c'était un régime qui est beaucoup plus convivial que d'aller se renseigner auprès d'un fonctionnaire qui leur remet un paquet de pamphlets et de formulaires à remplir avec lesquels ils ont beaucoup de difficultés. Et c'est ça, le but que nous avons, c'est que le notaire prend peut-être des décisions ici – d'abord ses décisions doivent être sanctionnées tôt ou tard par un tribunal – mais il ne prend ses décisions, dans notre esprit, que dans une matière où il n'y a pas de litiges, dans un contexte où il n'y a pas de conflits. Est-ce que vous avez les autorités qui établissent qu'un décideur, dans une situation où il n'y a ni litige ni conflit, doit avoir les mêmes garanties qu'un tribunal, d'obtenir les mêmes garanties qu'un tribunal?

M. Filion (Claude): Je vais laisser Me Bernard, que j'ai oublié de présenter tantôt – peut-être que vous alliez le faire, M. le Président – Me Claire Bernard de la Direction de la recherche et de la planification de la Commission, sur les autorités. Je vais vous laisser répondre à cette question-là. Cependant, avant, et si vous me permettez peut-être, c'est que, en pareille matière, vous agissez sur les droits fondamentaux. Vous donnez l'exemple, par exemple, des permis d'alcool, etc., mais, dans ce cas-ci, on parle de droits fondamentaux. Par exemple, un régime de protection peut aller jusqu'à... Bon. Ça enlève, à toutes fins pratiques, à l'inapte la faculté d'exercer ses droits civils et dans certains cas, quand on dit de veiller à son bien-être matériel, ça veut dire quoi? C'est la dignité de sa personne. Alors donc, nous sommes dans une matière qui affecte les droits fondamentaux, la première partie de la Charte, et en ce sens-là je pense qu'il faut quand même tenir compte de l'importance des droits qu'on affecte par rapport à d'autres situations où vous pourriez affecter des droits mais des droits qui découlent d'autres lois sectorielles.

M. Ménard: M. le Président, ce n'est pas que... Je suis parfaitement conscient, mais en apportant cette distinction, c'est que nous croyons que cela doit être fait quand la personne ne peut pas les exercer, ses droits, et que justement son patrimoine et son intérêt sont mis en danger par cette incapacité et que cette personne a besoin du régime de protection, qui ne lui est pas donné pour lui enlever ses droits, mais, bien au contraire, pour assurer un meilleur exercice de ses droits dans le meilleur de ses intérêts à elle. Pour déterminer... Le Québec, contrairement à ce qui était avant et ce qui est fait ailleurs en Amérique, a élaboré plusieurs systèmes de protection et permet, en fait, de moduler le système de protection presque, je dirais, à l'infini pour bien définir. Mais une personne ordinaire qui n'a pas une formation juridique est peut-être bien mal placée pour choisir cela, et c'est peut-être dans les circonstances où on a besoin d'un homme de loi pour nous conseiller.

Ça pourrait être un avocat, quant à nous conseiller, remarquez, mais les gens perçoivent plutôt l'avocat dans un domaine litigieux. Quand il n'y a aucun conflit, quand la famille est unanime, c'est uniquement dans ces circonstances-là qu'on voit, nous, un rôle pour le notaire, qui est une profession que nous sommes les seuls en Amérique à avoir mais qui semble extrêmement utile en matière non contentieuse, et dans lequel les gens ont confiance. Alors, voyez-vous, on ne pense pas que le notaire doit priver qui que ce soit de ses droits; bien au contraire, on pense que le notaire aide la famille qui perçoit que la personne, c'est dans le meilleur intérêt de l'exercice de ses droits de bénéficier d'un régime de protection, à trouver le bon régime et à les amener devant la cour pour qu'ensuite elle homologue la décision.

(11 h 40)

M. Filion (Claude): C'est précisément ce qu'on vous dit, M. le ministre. De la même façon, vous ne présumez pas non plus, je suis convaincu, que l'intention de la Commission est de penser que le notaire est là pour priver des droits. Ce n'est pas du tout la question qui est en cause ici. La question qui est en cause ici, c'est, un: Est-ce que ça affecte des droits? Réponse: Oui, des droits fondamentaux. Deux: À ce moment-là, la Charte prévoit qu'il doit exister cette audition avec des garanties judiciaires devant... Écoutez, c'est la Charte que je vous traduis, et, à ce moment-là, ça prend certaines garanties.

La jurisprudence a fait en sorte d'expliciter sur les garanties, et ce qu'on vous souligne, c'est qu'il y a trois éléments en particulier qui peuvent... en particulier, il y en a quelques-uns, mais il y en a en particulier trois, la source de la nomination... Parce que, quand vous dites justement que le notaire va arriver puis va apporter son aide, dans ce cas-ci il va, quant à nous, faire une décision. Alors, quand il va faire...

M. Ménard: Oui.

M. Filion (Claude): Puis vous acquiescez à ça. Donc, quand il va faire cette décision-là...

M. Ménard: Décision professionnelle, oui.

M. Filion (Claude): ...est-ce qu'il a les caractéristiques pour justement décider d'une matière qui affecte les droits fondamentaux en vertu de la Charte? C'est là la question qu'on se pose.

M. Ménard: Bien, il aura certainement la compétence pour choisir le bon régime, pour aider les gens à choisir le bon régime.

M. Filion (Claude): Oui. En ce qui concerne la source de la désignation, est-ce qu'il n'y a pas là potentiellement un conflit d'intérêts? Est-ce que, au niveau de la rémunération, il n'y a pas là potentiellement un conflit d'intérêts? Dû au fait que le notaire n'est pas un être désincarné, le notaire vit au Québec, il a des relations normales d'affaires avec des clients, alors est-ce que ce fait-là ne peut pas potentiellement contenir un conflit d'intérêts? Ce n'est pas l'honnêteté ou la probité du notaire qui est en cause ici, mon Dieu! d'aucune façon, mais c'est les questions qu'on pose précisément dans notre mémoire auxquelles vous devez répondre mais qui sont la traduction tout simplement de la Charte québécoise.

Mais votre intention, M. le ministre, je vais vous dire, elle est louable, encore une fois dans la mesure où elle s'applique. Et, encore une fois, notre mémoire contient, je pense, certaines ouvertures que le législateur pourrait considérer au niveau des testaments. Puis, je vais vous dire, le mémoire qui est déposé devant vous, qui a reçu l'aval de la totalité des commissaires – à l'unanimité de la Commission – qui se sont penchés longuement sur cette question-là, ainsi que la Commission, puis on l'a regardée...

Et, lorsqu'on écrit à la fin de notre mémoire qu'en ce qui concerne, par exemple, l'homologation de testaments et les lettres de vérification, bon, il y a là des matières où il n'y a pas de personnes vulnérables en cause, etc. Alors, il y a peut-être, pour le législateur, une piste de réflexion intéressante. Mais à partir du moment, et je traduis la Charte tout simplement, où on détermine, où on affecte des droits, on peut prendre une décision en ce qui concerne des droits, surtout des droits fondamentaux, à ce moment-là les garanties judiciaires, à notre avis, et soit dit avec tout le respect pour l'opinion contraire, doivent être respectées.

Maintenant, il y avait une deuxième partie à votre question et je...

M. Ménard: Oui. Et l'homologation ne vous satisfait pas. Le rôle du greffier de vérifier si tout a été... ne vous satisfait pas.

M. Filion (Claude): C'est une question que j'ai fait vérifier, M. le ministre. L'homologation, c'est quoi exactement? D'abord, la révision, on l'a réglée, mais l'homologation... L'homologation nous apparaît... Je vais laisser Me Bernard, peut-être, elle est plus sur l'homologation.

M. Ménard: Mais le greffier a la liberté, n'est-ce pas, d'accepter ou de ne pas accepter.

M. Filion (Claude): Oui, mais l'instance décisionnelle demeure le notaire. Je vais laisser Me Bernard, qui a fouillé cette question-là en particulier, et à ma demande, vous répondre plus précisément à cette question-là.

M. Ménard: Si vous avez raison, ce projet de loi serait contraire à la Charte, et les tribunaux le déclareraient tel, n'est-ce pas?

M. Filion (Claude): Bien, c'est-à-dire qu'il y a une possibilité, M. le ministre. Il y a une possibilité que les tribunaux... Et c'est là le danger parce que ça crée une zone d'incertitude dans un secteur où vous avez déjà des personnes vulnérables et où, par définition, l'incertitude devrait, à notre sens, exister le moins possible.

Mais que tout ceci, ce qui est très important, ne soit pas vu comme l'objectif de déjudiciarisation, d'humanisation que vous avez fort bien rendu, M. le ministre; on est tout à fait d'accord. Maintenant, il demeure que la Charte est là avec ses réserves et ses garanties.

M. Ménard: Oui, vous avez raison. J'accorde plus d'importance à l'humanisation qu'à la déjudiciarisation. La déjudiciarisation, c'est le moyen. Ce n'est pas un bien en soi, la déjudiciarisation. Ici, ce que l'on cherche, c'est l'humanisation, la convivialité, la meilleure façon de s'assurer que le plus de citoyens qui ont besoin de cette protection puissent en bénéficier. Et ce que nous avons cherché, le but de ce projet de loi, c'est de briser les obstacles qui font que beaucoup de citoyens qui ont besoin de ce régime n'en bénéficient pas. Et ce n'est pas d'enlever des droits à ces gens-là, c'est la constatation que le législateur a déjà faite, que ces gens-là perdent leurs droits au profit de gens qui peuvent en abuser quand ils ne bénéficient pas du régime de protection adéquat. C'est la distinction. Tandis qu'enlever un permis, là, on enlève un droit, ce n'est pas pareil, on l'enlève à quelqu'un qui voudrait continuer à l'exercer – puis qui serait capable de l'exercer, sûrement. C'est ça, la grande distinction qu'on fait.

M. Filion (Claude): Oui, oui, ce n'est pas un droit fondamental, un permis.

M. Ménard: C'est que la réalité fait que la personne a perdu ses droits, elle n'est plus capable de les exercer. Et, à cette constatation, le législateur a voulu un régime de protection. Mais les gens ne vont pas chercher les régimes de protection qu'on leur offre, alors nous avons examiné ces obstacles puis nous pensons qu'ici, peut-être... Mais c'est sûr qu'on veut faire ça à l'intérieur de la Constitution. Et même, je dirais, même si ce n'était pas à l'intérieur... c'est-à-dire que la Constitution nous donnerait cette liberté, on veut le faire à l'intérieur de la protection la plus grande des droits et libertés de la personne, que vous avez la mission de protéger, et c'est pourquoi votre opinion est si importante pour nous. Mais j'ai l'impression que c'est un peu trop théorique, honnêtement. Mais je vais les relire avec attention, les deux chartes.

M. Filion (Claude): Oui. Avant de laisser la parole à Me Bernard, d'abord en ce qui concerne l'humanisation, c'est évident, je pense bien, bon. Deuxièmement, la Charte appartient à tout le monde, pas juste à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, elle appartient à l'Assemblée nationale. Et comme c'est l'année, d'ailleurs, du cinquante ans de la Déclaration universelle, je remarque qu'il y a des initiatives, même gouvernementales, dans ce sens-là. Heureusement que nous ne sommes pas les seuls, d'ailleurs, au Québec, à faire la promotion des droits de la personne puis heureusement que c'est une préoccupation généralisée.

Maintenant, l'objectif poursuivit, encore une fois... Et vous avez annoncé, M. le ministre, comme porte-parole du gouvernement, également un réexamen du Code de procédure civile, bon, et tout ça pour nous – on a eu l'occasion de le dire publiquement dans d'autres projets de loi – fait partie d'un objectif louable, parce que, bien sûr, il faut rendre ça humain, accessible, etc. Maintenant, encore une fois, le moyen choisi est-il conforme à la Charte et est-il souhaitable? Ce que nous... dans quatre cas sur six – parce qu'il y a quand même six nouvelles juridiction que le projet de loi confie au notaire – nous vous invitons encore une fois à la plus grande prudence parce qu'il s'agit là de droits fondamentaux de personnes vulnérables.

Donc, on n'est pas là dans des droits de personnes qui sont tout à fait aptes – comme on dit parfois en blague, majeures et vaccinées – on a affaire à des personnes... Puis on en a à la Commission – l'article 48 nous donne cette mission-là – il y a des situations familiales vécues qui sont aberrantes, mais c'est la vie, c'est la nature humaine, et pas juste au Québec puis pas juste au XXe siècle, dans toutes les sociétés puis dans tous les siècles du monde. Alors, c'est la réalité des choses.

Et ces gens-là, ces personnes-là qui ont peu de voix, pas de voix pour se faire entendre, parce qu'ils sont inaptes ou parce qu'on veut les considérer comme étant inaptes, ou parce que... Bon. Non, mais c'est ça, la réalité. Ça peut arriver, pas dans tous les cas, M. le ministre, vous avez raison; dans beaucoup de cas, je n'en disconviens pas du tout avec vous, on aimerait faire ça peut-être plus facilement. Mais, vous savez, la garantie judiciaire existe pour éviter ce pourcentage d'injustices qui pourraient être commises sur le lot, encore une fois, sur le dos – dans ce cas-ci – de personnes vulnérables.

C'est cette invitation à la plus grande prudence, et vous avez notre avis juridique, maintenant. Vous en avez d'autres, bien sûr, qui viennent de partout, c'est à vous... Mais, nous, on croit que la Charte québécoise, dans quatre cas sur six en tout cas, présente des obstacles sérieux à l'adoption de ce projet de loi là. Il y a des pistes certaines dans notre mémoire, il y a des pistes. Parce que l'objectif d'humanisation de la justice, à mon sens, ne doit jamais être laissé de côté; il doit toujours être poursuivit, c'est fondamental, autrement ça fait une justice déconnectée.

Alors, Me Bernard, peut-être, en réponse à certaines questions précises que vous avez soulevées relativement aux autorités.

(11 h 50)

Mme Bernard (Claire): C'est des précisions à plusieurs de vos questions. C'est normal que la Cour suprême n'ait pas eu à définir dans un contexte non litigieux parce que, évidemment, ça n'a pas été porté en appel jusqu'à la Cour suprême, l'interprétation de l'application du principe d'impartialité. Mais elle n'a pas fait non plus de distinction en disant: C'est simplement dans des contextes litigieux.

D'autre part, les tribunaux ont régulièrement dit que l'ouverture des régimes de protection et l'homologation des mandats d'inaptitude, c'est des questions d'ordre public et que ça devait être rendu par une autorité impartiale. Il y a certaines décisions qui soulignent entre autres le rôle que joue le juge dans l'interrogatoire. Parce que, à partir de l'interrogatoire, ce n'est pas seulement vérifier si la personne est inapte mais quelles sont ses volontés, qu'est-ce qu'elle souhaite. Ce n'est pas seulement définir le régime mais qui va être la personne qui va la représenter.

Dans le régime, si c'est une curatelle, ça doit être des situations qui sont plus faciles, mais c'est à partir du moment où le degré ou la nature de l'inaptitude est moindre par rapport à ce qu'exige une curatelle que, là, il faut une définition et qu'il n'y a vraiment pas seulement une constatation des faits, mais le juge définit quels sont les actes que la personne peut continuer à exercer. Ce n'est pas une constatation de faits, c'est un retrait ou non de l'exercice de ses droits civils.

M. Ménard: Mme Bernard, nous avons examiné ces autorités aussi, mais je vous signale que ces décisions sont avant 1989 et que le régime a été beaucoup changé depuis 1989.

Mme Bernard (Claire): Mais le principe et en fait le...

M. Ménard: Il y a maintenant le rapport médical, il y a le rapport psychosocial. De toute façon, d'autres nous ont fait des suggestions, dont le Protecteur du citoyen, dont nous entendons tenir compte, comme l'enregistrement de l'interrogatoire. Nous pensons même qu'on devrait déterminer certaines questions qui doivent être posées à l'interrogatoire pour que le juge ou le greffier qui va homologuer puisse effectivement vérifier et même demander ensuite de compléter un interrogatoire qui lui apparaîtrait incomplet.

Il y a quand même beaucoup de garanties que nous voulons donner. Parce qu'on pense, voyez-vous, juste une ligne... Il y a 98 % des demandes actuellement qui ne vont pas devant un juge. Alors, ça indique beaucoup combien, la majorité du temps, il n'y a pas de conflits. Je veux dire, les gens, la famille veut vraiment le bien de la personne qu'elle veut protéger.

Mme Bernard (Claire): Mais on a pu vous dire aussi que les greffiers n'entérinent pas automatiquement dans chaque cas la requête qui est faite. Alors, un des autres points que vous...

M. Ménard: C'est compréhensible justement, parce qu'il y a quand même le choix du type de protection qui est demandé. Mais, là-dessus, est-ce que la meilleure façon de choisir, ce n'est pas avec un homme de loi en qui on a confiance, qui va nous trouver puis qui nous comprend parfaitement, qui nous connaît, très souvent?

Mme Bernard (Claire): Je ne connais pas les pourcentages, mais j'imagine que la majorité des demandes qui sont présentées actuellement sont présentées sur des requêtes qui ont été préparées par un notaire. Donc, il y a déjà des conseils. Et elles sont déjà fondées sur l'expertise psychosociale et médicale. Donc, il y a déjà certains des éléments.

M. Ménard: Oui. Je ne sais pas si les modifications des greffiers visent celles-là ou les autres qui ne le sont pas, on n'a pas vérifié ça. En tout cas, je vous remercie de vos... Mais, si vous avez des autorités qui peuvent nous aider à... Parce que, quand même, ce n'est pas que de moi, l'Office des professions disait la même chose. Si vous avez des autorités disant que nous errons en pensant qu'on doit distinguer une décision professionnelle d'une décision judiciaire en matière litigieuse, je serais très heureux de les voir.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee, s'il vous plaît.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Me Filion, Me Bernard, merci pour votre mémoire, je l'ai trouvé intéressant. Je vois que vous citez le jugement Valente contre la Reine, jugement du juge Le Dain, où le juge dit que l'impartialité a été défini comme un état d'esprit ou une attitude du tribunal vis-à-vis des points en litige et des parties dans une instance donnée. Je me demande, cet état d'esprit ou attitude qui est très important en relation de nos professionnels à travers notre système professionnel, la nécessité pour nos professionnels d'avoir un sens d'indépendance et d'impartialité, quelle valeur est-ce que vous donnez au Code des professions, au Code civil, au Code de procédure civile, à la Loi sur le notariat, au Code de déontologie du notaire pour surveiller les notaires? Cet état d'esprit, nous, comme législateurs, on a créé ces cinq lois pour surveiller ces professionnels. Quelle valeur est-ce que vous attribuez à ces lois? Comment est-ce qu'on peut, disons, questionner cet état d'esprit qui existe parmi tous les professionnels? Je me demande comment plus on peut installer ce sens d'indépendance et d'impartialité.

M. Filion (Claude): Écoutez, je pense qu'il y a peut-être confusion, en tout cas dans la perception que vous avez de notre mémoire. Les notaires sont des professionnels, qu'on se comprenne bien, au Québec, de très haut degré de compétence. Ce n'est pas du tout de ça... Comme je pourrais dire: Les membres du Barreau sont des professionnels de très haute compétence. Mais est-ce que ça veut dire pour autant que je vais demander aux avocats de juger la cause dans laquelle il est partie? Bon, j'exagère, mais, quand même, je donne un exemple.

Alors, quand on pose les réflexions qu'on pose, ce n'est pas parce qu'on met en doute la probité de ces professionnels, de l'ordre professionnel qu'est la Chambre des notaires puis du haut degré de professionnalisme qui les anime – j'en suis personnellement témoin en plus de ça – et de l'importance qu'ils mettent sur la formation, sur la vérification des greffes, sur le contrôle des opérations pour en assurer le plus haut degré de fiabilité qui puisse exister, même c'est un exemple remarquable. Ce n'est pas du tout, M. le député, si vous me permettez, ce n'est pas ça qui est en cause. Ce qui est en cause, c'est de faire du notaire une instance décisionnelle dans une matière où les droits fondamentaux d'une personne présumément, possiblement ou, en tout cas, inapte sont en jeux. C'est ça qui est en cause.

Et, à ce moment-là, la Charte, qu'est-ce qu'elle nous dit dans sa grande sagesse? Elle nous dit: Écoutez, quand vous décidez des droits fondamentaux, assurez-vous qu'il puisse exister certaines garanties d'impartialité. Et, parmi ces garanties d'impartialité là, on a la source de désignation, la source de rémunération, puis éviter les conflits d'intérêts, entre autres. Alors donc, il faut regarder ces critères-là qui ont été élaborés au fil de la Charte québécoise et également de la Charte canadienne et qui est un principe de droit administratif extrêmement – de droit, point – bien assis, je pense, dans notre société. C'est la seule question qui est en cause.

Alors, le Code des professions, la loi sur la Chambre des notaires, mon Dieu, de vouloir faire du notaire, par exemple, de vouloir lui faire jouer un rôle quelconque d'officier public, c'est une démarche extrêmement légitime, précisément à cause de ce que disait le ministre tantôt, pour chercher à rapprocher les citoyens de la justice; des notaires, il y en a partout, des palais de justice, il n'y en a pas à tous les coins de rue. Bon, des notaires, il y en a des milliers au Québec, les gens sont près, etc. C'est bon d'avoir une réflexion qui pousse dans ce sens-là. Maintenant, ce qu'on vous dit puis c'est notre devoir de vous le dire dans le respect des principes contenus à la Charte.

Alors donc, pour répondre à votre question, M. le député, nous avons le plus grand respect pour ces superbes professionnels au Québec que sont les notaires. Et, ma foi, ils reçoivent des transactions d'extrême importance, ils posent des gestes à chaque jour d'extrême importance, ils ont un ordre professionnel – je l'ai dit tantôt – extrêmement soucieux de vérifier la qualité des gestes posés par les notaires et la protection des intérêts des clients des notaires, également. Alors, avec tout le respect, ce n'est pas du tout cet ordre de préoccupation là; nous nous situons sur un autre plan.

Mme Bernard (Claire): Effectivement, la Loi sur le notariat et le Code prévoient généralement l'obligation d'impartialité, mais elle prévoit aussi que la personne qui va voir le notaire est un client et elle prévoit que le notaire a droit d'être payé par ce client. Alors, il n'y a pas de garanties à ce niveau-là ni dans la loi ni dans les règles.

(12 heures)

De plus, elle n'est pas très précise sur quand est-ce qu'il y a risque de partialité, quand est-ce qu'il y a conflit d'intérêts. Contrairement à ce qu'on voit, par exemple, dans le Code de procédure sur les motifs de récusation du juge, dans le projet de loi, on prévoit un motif de dessaisissement, c'est dans les lettres de vérification, je pense, pas du tout dans les autres. Donc, on peut se poser des questions. Est-ce que ces situations où le notaire aurait... Est-ce qu'il a le droit de rédiger en même temps la déclaration et après de faire le procès-verbal et de faire toute la suite des procédures? Quel est le lien? Est-ce que le notaire qui a rédigé le mandat d'inaptitude c'est lui après qui va prendre les procédures pour voir à l'homologation? Il n'y a rien qui l'interdit, alors là ça va être une interprétation au cas par cas par le notaire. Actuellement, il n'y a rien qui nous indique que le législateur voudrait modifier les lois pour poser ces garanties, sauf pour les lettres de vérification. On peut se dire: S'il n'avait rien modifié du tout, peut-être que ça pouvait être défini implicitement des règles du code de déontologie. Mais le seul endroit où on fait la modification, c'est par rapport aux lettres de vérification, donc qu'est-ce qu'il en est pour les autres procédures?

M. Bergman: Mais, dans le procès-verbal rédigé par le notaire, il constate des faits à partir des évaluations médicale et psychosociale. Quelle valeur est-ce que vous attribuez aux évaluations médicale et psychosociale sur lesquelles le notaire constate des faits? Ce n'est pas le notaire qui constate ou qui décide de l'incapacité de la personne visée, mais il la constate, n'est-ce pas?

M. Filion (Claude): Si vous me permettez, comme on le disait tantôt, les expertises sont là, mais encore faut-il les apprécier. Des expertises, ça circule, il y en a beaucoup d'expertises; il faut les apprécier, il faut les lire, il faut aller chercher dans chaque expertise ce que l'expert a voulu dire et l'apprécier en regard de l'ensemble de la preuve, tout ça dans l'intérêt d'une partie. Les témoignages, les interrogatoires, tout ça fait partie d'un processus d'appréciation de la preuve pour déterminer ce qui est dans le meilleur intérêt de la personne qui est au centre de la matière.

M. Bergman: Mais, si le notaire, dans vos mots, a mal apprécié les évaluations médicale et psychosociale, certainement le greffier ou le juge va avoir le même document devant lui à la prochaine étape. Alors, certainement c'est la raison que la loi a, le greffier ou le juge, pour étudier tout le dossier. Est-ce que vous voulez dire que le greffier va aussi mal apprécier les évaluations médicale et psychosociale?

M. Filion (Claude): Je pense qu'il est reconnu en droit que le processus d'homologation n'est pas un processus décisionnel comme tel. Je vais laisser Me Bernard... L'homologation en soi est un... Alors, je vais laisser Me Bernard, sur cette question-là, répondre encore plus précisément.

Mme Bernard (Claire): Bien, je voudrais quand même revenir d'abord sur l'acte que fait le notaire. Ce n'est pas simplement un résumé, parce que sinon la requête qu'il fait actuellement, c'est aussi un constat des faits tels qu'il les apprécie. Qu'est-ce qui distingue sinon la requête actuellement du procès-verbal? C'est qu'il rajoute; il aurait l'obligation d'entendre les témoignages, d'entendre l'interrogatoire, d'entendre les autres moyens de preuve qu'on nous donne et de tirer des conclusions. Et c'est aussi des questions qu'on pose: C'est quoi, la nature de ses conclusions? Est-ce que c'est simplement des recommandations? Donc, on a fait une comparaison, par exemple, avec d'autres personnes qui sont appelées à participer au processus judiciaire, mais on a distingué que là c'est quand même le notaire, par exemple, qui a un pouvoir de se récuser. Après ça, il tire des conclusions. Son procès-verbal est examiné par le juge, mais ça va être en fonction de ce qu'a bien laissé le notaire dans ce dossier-là.

M. Bergman: Mais ce n'est pas le notaire qui tire les conclusions, il constate les faits qui sont devant lui et il les soumet au greffier et au juge pour l'homologation. À quel moment est-ce que l'homologation du dossier est faite? Est-ce que c'est fait devant le notaire ou devant le greffier?

Mme Bernard (Claire): Non, l'homologation, elle est faite par après.

M. Bergman: Quand?

Mme Bernard (Claire): Elle est faite évidemment par le juge, l'homologation, mais le notaire joue quand même un rôle décisionnel, puisque c'est sur la base de ses conclusions. Ce n'est pas simplement un rapport des faits, sinon pourquoi on parle de conclusion et d'appréciation de la preuve?

D'ailleurs, on laisse entendre dans le mémoire que, si c'était effectivement le cas, qu'il n'y avait pas du tout de pouvoir décisionnel, à ce moment-là on enlève les garanties que l'instance décisionnelle devient le juge qui homologue et la personne n'est pas entendue par cette personne-là et la preuve n'est pas appréciée par cette personne-là. Et c'est quand même du rôle de l'instance décisionnelle d'apprécier la preuve. Alors, la preuve va être présentée, appréciée par le notaire et pas du tout par la personne qui prend la décision.

L'interrogatoire, aussi, ce n'est pas seulement entendre ce que quelqu'un raconte, mais c'est lui poser aussi des questions. Même si c'est une décision antérieure à 1989, le rôle que peut jouer le juge ou le greffier actuellement, c'est le même, c'est d'interroger la personne pour s'assurer... On revient, là, sur ses besoins, sur quel est le régime ou le type d'acte qui correspondra le plus à ses besoins et sur la personne qui va aussi répondre le mieux à ses besoins, quel est le tuteur ou le curateur qui peut le mieux la représenter.

M. Bergman: Mais quel est le rôle de l'interrogatoire? Est-ce que vous pensez que le notaire va faire les décisions médicales en faisant l'interrogatoire? Est-ce que c'est le notaire qui va faire des décisions médicales? Je pense que, dans l'interrogatoire, le notaire constate les faits et constate les faits qui lui ont été soumis par l'évaluation médicale et psychosociale.

Mme Bernard (Claire): Actuellement, que fait le juge ou le greffier pour l'interrogatoire? Il a aussi cette preuve médicale et psychosociale, mais il doit aller au-delà de cette preuve. Et son rôle n'est pas seulement de constater l'inaptitude, c'est aussi de savoir, par rapport à cette inaptitude, quels sont ses besoins en matière de représentation et aussi de s'assurer de la volonté de la personne. Parce qu'il faut aussi rappeler que, en 1989, on a voulu remettre la personne au centre des procédures. Ce n'est pas seulement l'administration des biens dont on parle, mais c'est de sa personne à elle, de ses besoins à elle, personnels.

M. Bergman: Si le greffier et le juge avaient une copie d'un interrogatoire complet, est-ce que ça enlèverait le problème pour que le greffier puisse étudier l'interrogatoire complètement?

Mme Bernard (Claire): Bien, comme je vous dis, je pense que le juge aussi peut interroger la personne. Ce n'est pas seulement de lire le témoignage transcrit, c'est aussi l'interroger, donc aussi lui poser des questions. Et lui va le faire... Si c'est lui qui prend les décisions, c'est en fonction des critères que lui établit et il ne sera pas en mesure de l'interroger sur la base de l'interrogatoire retranscrit.

M. Bergman: Certainement qu'il y a des prévisions dans la loi que, si le greffier ou le juge n'est pas satisfait avec l'interrogatoire, il peut redemander aux personnes visées de comparaître devant lui. Voici que la décision sera faite par le greffier ou par le juge quand il a le dossier devant lui, et la décision n'est pas faite devant le notaire, mais le notaire seulement constate les faits qu'il remet au greffier.

Mme Bernard (Claire): Mais je crois que ça doit être plus difficile à partir simplement des preuves de voir qu'est-ce qui ne satisfait pas, à moins que ce soit flagrant. C'est une relation dynamique quand les personnes sont là, quand les témoins sont entendus, ce n'est pas... dans toute décision, sinon on pourrait dire: Bien, quand on va devant le juge, on fait simplement entendre tous les interrogatoires hors cour et jamais les parties n'ont besoin de se présenter devant le juge.

M. Bergman: Mais il y a beaucoup de cas où la personne visée, devant le greffier, n'est pas questionnée du tout.

Mme Bernard (Claire): Nous, on n'était pas en mesure de voir si c'est une majorité de cas ou des exceptions. Apparemment, ça dépend des districts. Mais, là, s'il y a un problème à corriger, il faut le faire là, parce que c'est une obligation qu'on a prise collectivement dans le Code civil.

M. Filion (Claude): L'idée de base, si vous me permettez peut-être d'ajouter, c'est que, évidemment, la personne qui décide doit être celle qui a la chance d'apprécier des éléments de preuve utiles ou nécessaires pour lui permettre de prendre une décision drôlement importante. Alors, si cette personne qui prend la décision n'est pas celle qui entend les témoins et n'est pas celle qui touche à la preuve, bien, à ce moment-là on vient de rompre également un autre principe important.

(12 h 10)

Alors donc, d'une façon ou d'une autre, je pense bien qu'on doit reconnaître que le notaire est l'instance décisionnelle. Si c'est le greffier, à ce moment-là que le greffier entende l'un ou l'autre. Et, si vous me permettez peut-être, sur le Code de procédure civile, sur la récusation, je voudrais juste revenir sur un élément qui a été souligné tantôt. Par analogie évidemment, quand on parle d'un juge, en vertu du Code de procédure civile, peut être récusé dans quel cas? 234.3, on le cite dans notre mémoire, puis 234.8. 234.3, les lois du Québec font obligation à un juge de se dessaisir quand? Dans plusieurs cas, mais notamment «s'il y a déjà donné conseil sur le différend, ou s'il en a précédemment connu comme arbitre; s'il a agi comme avocat pour l'une des parties, ou s'il a exprimé son avis extra-judiciairement»; 8, «s'il a quelque intérêt à favoriser l'une des parties». 234.3, 234.8.

Donc, les lois du Québec font obligation de récusation à des juges qui, eux, jouissent... évidemment n'ont pas d'autres éléments que nous avons soulevés en ce qui concerne le mode de rémunération et la source de désignation, etc., mais créent des obligations de récusation extrêmement fortes à des juges et qui parfois décident, sur des matières, ça peut être la Cour des petites créances ou autres choses... Alors, bon. C'est que dans...

M. Ménard: ...litige.

M. Filion (Claude): Pardon?

M. Ménard: Il faut qu'il y ait différend.

M. Filion (Claude): Oui, je le sais, mais...

M. Ménard: Ici, tout le monde veut le bien de la personne; la famille veut le bien de la personne, le notaire veut le bien de la personne.

M. Bergman: ...

M. Filion (Claude): Bon, juste un mot.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant, M. le président, M. le ministre, le député D'Arcy-McGee avait encore des éléments à soulever, et j'aimerais lui permettre de compléter. Allez.

M. Bergman: M. le Président. Me Filion, sur votre dernier point, c'est intéressant que l'Office des professions dise le contraire, et je la cite: «Bien au contraire, nous estimons qu'une intervention d'un membre d'un ordre professionnel, telle la Chambre des notaires, dans les dossiers de ce genre, permet jusqu'à un certain point une certaine continuité, une certaine homogénéité dans le traitement du dossier, ce qui devrait avoir un effet plutôt positif sur les qualités de l'acte et de la procédure». Alors, certainement qu'il y a un côté positif au lieu du côté négatif.

M. Filion (Claude): Oui, bien sûr. Maintenant, effectivement, comme je l'ai dit tantôt, il faut poursuivre dans cette voie-là, il n'y a aucun doute.

Maintenant, il y a ceci que je voudrais signaler, je pense, en tout cas, qui peut être important dans votre réflexion. Oui, il est vrai qu'il s'agit ici de matière non contentieuse, mais de matière non contentieuse dans des situations de personnes vulnérables où leurs droits fondamentaux sont en jeu. Cet élément-là, à mon avis, fait que même si c'est classé comme non contentieux – puis quand on a fait la réforme en 1989 où j'avais eu le privilège de travailler sur ce projet de loi là également – matière non contentieuse, c'est une bonne chose que ça soit là aussi pour éviter de conflictualiser ce qui n'a pas besoin de l'être. Mais, en même temps, on parle ici de personnes vulnérables qui ne peuvent pas, dans certains cas, s'exprimer et dont les droits fondamentaux sont en cause puis parfois, comme je l'ai dit tantôt, bien sûr c'est leur dignité. Dans certains cas, on parle de s'occuper de la personne elle-même, le bien-être, etc., dans d'autres cas, c'est leurs biens; donc, ça affecte leurs droits fondamentaux sur des matières tout à fait essentielles. Je voudrais juste signaler ça comme élément de réflexion additionnel dans vos délibérations.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, ça va?

M. Filion (Claude): Ça ne répond peut-être pas directement à votre question, je m'en excuse.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Brièvement, M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Oui, brièvement. Il me semble qu'on mélange plusieurs concepts dans tout ça. Il est toujours bon, à mon avis, de partir de situations personnelles. Je veux partir de la mienne. Je tombe inapte demain matin suite à un accident ou à une maladie – c'est quelque chose qui peut arriver à n'importe qui – mon souhait, c'est que ça se règle en famille. La meilleure personne, à mon sens, pour s'occuper de mes affaires, c'est ma conjointe, et j'espère qu'elle n'aura surtout pas à aller se justifier devant un juge pour ce faire. En énonçant cela, je ne renonce pas à mon droit de me faire entendre par un juge ou devant un tribunal, j'ai choisi de ne pas exercer ce droit-là, tout simplement.

À mon avis, dans le cas qui nous occupe, tout est là. Puis, quand vous dites à la page 6 de votre mémoire, «en revanche – vous parlez du notaire – s'il ne se dessaisit pas, la personne ne pourra exercer le droit à la représentation par avocat que lui reconnaît l'article 34 de la Charte», là, j'avoue qu'il y a quelque chose que je ne comprends pas puis j'aimerais que vous m'expliquiez dans votre argumentation: Qu'est-ce qui va empêcher une personne, même si le notaire ne se dessaisit pas, d'appeler son avocat pour se faire représenter? Il y a quelque chose qui m'échappe complètement.

Le droit de se faire représenter par un avocat, c'est reconnu dans les chartes, et ce n'est pas un notaire qui va empêcher quelqu'un de se faire représenter par un avocat. Cependant, si le notaire exerce ses responsabilités dans le cadre de ses pouvoirs et de ses obligations, de son code de déontologie, il va bien comprendre qu'à partir du moment où quelqu'un qui est impliqué dans un dossier appelle un avocat c'est parce qu'il y a contestation, puis, s'il y a contestation, la loi lui dit qu'il faut que tu te retires. Puis, si le notaire ne comprend pas ça, il me semble qu'il y a un petit problème, puis c'est le notaire qui l'a. Est-ce que...

Mme Bernard (Claire): Si c'était vrai, on prévoit déjà actuellement que devant le greffier ou le juge en chambre, donc quand le dossier n'est pas contesté, que la personne peut être représentée. Non seulement ça, mais le juge ou le greffier a l'obligation de voir à ce qu'elle soit adéquatement représentée, pas nécessairement parce qu'il y a une contestation mais pour s'assurer que, lui, puisse connaître son intérêt, que l'intérêt puisse être suffisamment représenté. Ce n'est pas uniquement dans les cas de contestation qu'il y a droit à la représentation par avocat. Donc, je reviens, le Code de procédure lui-même prévoit actuellement que le greffier ou le juge en chambre exercent uniquement en matière non contentieuse – quand la demande est contestée, ça passe directement devant le tribunal, et le Code prévoit actuellement...

M. St-André: Je veux bien comprendre votre argument, je peux comprendre que c'est la responsabilité d'un juge à ce qu'un citoyen soit bien représenté, mais, si le citoyen dit: Je n'en veux pas, d'avocat, c'est mon notaire qui va régler ça?

Mme Bernard (Claire): Mais c'est le mécanisme des règles qui prévoit que, quand elle peut le faire... d'autant plus que, si elle est inapte, ça va être un avocat qui peut être nommé d'office.

M. St-André: En tout cas. O.K. Ça va.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je pense qu'on a soulevé là des questions qui méritent encore réflexion. Nous avons déjà dépassé le temps initialement prévu, donc les questions étaient fort intéressantes. Alors, nous vous remercions de cette contribution à la commission des institutions. Sur ça, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

(Reprise à 14 h 9)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mesdames, messieurs, nous allons reprendre nos travaux. Veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Nous allons maintenant recevoir les représentants de l'Association des hôpitaux du Québec, MM. Cantin, Farah-Lajoie et Molinari. Messieurs, si vous voulez vous identifier en début de présentation, pour les fins de l'enregistrement de nos échanges. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et ensuite nous échangerons avec vous.


Association des hôpitaux du Québec (AHQ)

M. Farah-Lajoie (Claude): Merci, M. le Président. Mon nom est Claude Farah-Lajoie, je suis médecin-conseil à l'Association des hôpitaux du Québec, et Patrick Molinari est notre représentant légal de l'équipe de droit, du cabinet Heenan, Blaikie, qui vous fera une présentation un peu plus complète du mémoire. Je dois, ici, excuser M. Réjean Cantin. On avait prévu que M. Cantin présente le mémoire. M. Cantin est retenu de façon urgente, alors il n'a pas pu se présenter avec nous, aujourd'hui. Vous nous excuserez de son absence.

(14 h 10)

Tout d'abord, j'aimerais souligner aux membres de la commission que l'Association des hôpitaux du Québec regroupe quelque 140 établissements qui offrent des soins de courte durée, des soins de réadaptation, des services d'hébergement, des soins de longue durée et de psychiatrie à la population du Québec. Plusieurs personnes, donc, y travaillent, et l'Association croit à l'importance de signifier, lors de la parution de quelques éléments législatifs, son intérêt. À cette fin, c'est dans le but d'assister les membres que nous nous présentons aujourd'hui devant vous, forts d'une consultation réseau. Nous avons particulièrement consulté, pour l'élaboration de ce court mémoire, un certain nombre d'hôpitaux de longue durée, d'instituts de gériatrie, d'hôpitaux de réadaptation et d'hôpitaux psychiatriques. Donc, le mémoire est issu de cette consultation.

Nous serons brefs, les deux enjeux principaux sur lesquels nous voulons insister aujourd'hui se retrouvent au niveau du mandat d'inaptitude et de l'ouverture des régimes de protection au niveau de la population. C'est une préoccupation qui est présente chez tous les professionnels qui travaillent auprès des familles dans nos établissements. Je tiens à rappeler à la commission que les gens qui sont soumis à ces régimes de protection ou au mandat d'inaptitude, ce sont nos usagers qui sont hébergés ou qui reçoivent des soins aigus ou chroniques dans nos établissements.

Nous comprenons que, par ce projet de loi, le législateur semble vouloir faciliter les démarches et mettre en place des moyens plus souples pour assurer la protection des personnes. Nous comprenons aussi que le législateur demeure soucieux de préserver les principes de protection et de promotion des droits fondamentaux des citoyens. Pour ces raisons, l'AHQ approuve les objectifs poursuivis par ce projet de loi.

Je vais maintenant passer la parole à Me Molinari qui complétera la présentation. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien.

M. Molinari (Patrick A.): M. le Président, M. le ministre, très brièvement parce que je ne souhaite pas lire le court mémoire qui vous a été remis et que vous avez probablement déjà eu vous-mêmes l'occasion de lire, je voudrais simplement revenir sur certains éléments et peut-être situer la position de l'Association des hôpitaux du Québec dans ce dossier.

En prenant un pas de recul, je pense que, dans cette enceinte en particulier, il est approprié de dire que, depuis une vingtaine d'années au Québec, la protection des droits fondamentaux des citoyennes et des citoyens a été un enjeu absolument majeur, qu'on s'est mis à construire une véritable réseau de protection, réseau de protection qui a pris, je dirais, toute sa cohérence dans le nouveau Code civil du Québec dont il est absolument apparent qu'il a pour fondement principal le respect des droits des citoyennes et des citoyens.

L'Association des hôpitaux du Québec, en raison de son caractère représentatif, si l'on veut, des lieux où se trouvent des citoyens du Québec qui sont souvent en perte d'autonomie, qui sont affaiblis, qui sont malades, observe un peu comme un témoin privilégié ces situations, et, dans toutes les interventions que l'Association a faites devant cette Assemblée et ailleurs, il a toujours été dit et redit que l'Association adhérait sans aucune réserve au principe fondamental de la protection des droits de la personne, sans laquelle protection nous sommes tous individuellement en péril et toute la société se trouve elle-même en péril.

La seconde observation que je ferai, c'est l'idée selon laquelle il y a une chose qui est la reconnaissance des droits et il y a une autre chose qui est l'exercice des droits. Si la reconnaissance des droits n'est pas assortie d'un mécanisme d'exercice, à toutes fins utiles, les droits eux-mêmes sont niés. Notre perception du projet de loi n° 443 est à l'effet qu'il porte essentiellement sur l'exercice de droits qui sont déjà reconnus et à propos desquels on peut croire que, dans certaines circonstances, cet exercice est peut-être rendu un peu difficile et est peut-être assorti de modalités qui, en raison des contraintes qu'elles emportent, sont susceptibles de mettre en péril les droits eux-mêmes.

Je pense qu'il est important de rappeler, tout au moins pour les objets qui concernent plus immédiatement l'Association, c'est-à-dire les mandats en prévision d'inaptitude d'une part et les régimes de protection d'autre part, que nous nous situons dans un environnement où il s'agit de s'assurer que les droits d'une personne inapte ou vulnérable seront respectés et seront protégés. Il s'agit de mécanismes destinés à permettre l'exercice des droits de ces personnes-là, et je pense que c'est l'angle sous lequel il faut l'aborder.

La position de l'Association, au fond, est assez simple, elle consiste à dire, s'agissant des deux objets dont je viens de parler: Le fait de laisser aux personnes, aux membres de leur famille et à leurs proches un choix dans la modalité d'exercice de leurs droits est tout à fait bienvenu et tout à fait adapté à la réalité. Il faut bien voir dans les hôpitaux, dans les centres d'hébergement, lorsqu'une personne qui s'y trouve hospitalisée devient incapable, est extrêmement vulnérable, que les proches sont un peu décontenancés. On s'attend tous à ce que nos parents et nos proches, un jour, seront dans cet état-là, mais, lorsque cet état survient, l'option, ou le choix, ou les gestes à poser, ce ne sont pas des réflexes, chez nous, pour aucun d'entre nous. La possibilité d'avoir accès à un mécanisme qui, pour bon nombre de Québécois, est simple, souple et fondé sur une relation de confiance avec les juristes qui ont traditionnellement, je dirais, la confiance du bon peuple, si vous me passez l'expression, nous paraît tout à fait appropriée.

Sans aucune réserve, peut-être, s'agissant des mandats en cas d'inaptitude, parce qu'il s'agit alors tout simplement de prendre acte des circonstances que le mandant a lui-même envisagées en disant: Lorsque je serai incapable, je voudrais que M. Machin s'occupe de mes affaires ou Mme Machin s'occupe de mes affaires, il s'agit alors de constater si le fait déclencheur est survenu. S'agissant des régimes de protection, nous avons examiné cette question-là de manière un peu plus attentive, compte tenu du fait, bien sûr, que le nouveau Code civil du Québec prévoit une gradation dans les régimes, que les intérêts des demandeurs d'ouverture de régime peuvent être parfois divergents ou diffus. Mais, somme toute, après analyse, compte tenu en particulier de la rédaction de la dernière version du projet de loi et des garanties de sanction judiciaire qui l'accompagnent, donc, tant pour les procédures menant à l'homologation du mandat en cas d'inaptitude que pour l'ouverture des régimes de protection au sens strict, l'Association des hôpitaux du Québec estime que serait offert aux citoyens un choix qui est, dans les circonstances, dans le contexte et, je dirais même, jusqu'à un certain point, sociologiquement tout à fait adapté.

(14 h 20)

Cela dit, quatre observations, cependant, quatre commentaires dont je ne dirai pas qu'ils constituent des réserves au sens strict, mais des points sur lesquels nous souhaitons attirer l'attention de la commission, des commentaires qui portent sur la nécessité d'une stricte conformité aux principes de justice. C'est-à-dire, faciliter l'accès à des mécanismes de protection pour la protection des droits des personnes est en soi un geste louable. Il faut s'assurer que la façon de le faire respecte, par ailleurs, les autres principes de justice.

En premier lieu, une lecture comparée de la procédure actuellement applicable lorsque les requêtes sont déposées devant le greffier et le laconisme du texte du projet de loi n° 443 mènent à conclure que, de deux choses l'une, ou la procédure prévue au Code de procédure est trop tatillonne, auquel cas il faudrait l'alléger, ou celle qui prévaudrait lorsque les démarches sont entreprises dans un cabinet de notaires n'est pas suffisamment encadrée. Je ne voudrais pas revenir sur des choses qui ont été dites ici ce matin, notamment par le Protecteur du citoyen, sur un encadrement minimal des procédures de notification des délais entourant la tenue des assemblées de parents ou des conseils de parents et donc du déroulement des observations que le notaire devra tirer de son travail. Et, disant cela, je ne suggère pas que la procédure devant le notaire soit aussi lourde que celle qu'on observe devant le greffier, puisque l'expérience des membres de l'AHQ est à l'effet que malheureusement la procédure actuelle, dans bien des cas, est trop lourde, notamment dans les cas d'urgence. Lorsqu'il faut rapidement faire homologuer un testament en prévision d'inaptitude parce que l'inaptitude survient, les mécanismes actuels sont relativement longs. Ça se compte en semaines, le temps qu'il faut pour... et c'est parce que les hôpitaux et leur personnel acceptent de travailler, je dirais, sur la base de la confiance envers le mandataire que les choses se déroulent bien. Mais une application qu'on qualifierait de stricte de la loi poserait des problèmes énormes. Fort heureusement, une fois de plus, la pratique adoucit la loi.

Autre préoccupation – dont je sais qu'elle a été mentionnée beaucoup autour de cette table – de l'AHQ, celle que nous avons qualifiée de justice privée à titre onéreux. Sous deux angles et ne niant pas, bien sûr, que chacun doit être correctement rémunéré pour ses efforts et ses travaux, il n'en reste pas moins vrai que, sur la base des textes actuels, le traitement, si vous me passez l'expression, d'un dossier devant un notaire serait, par définition, plus cher que le traitement du même dossier devant un greffier.

L'ouverture à ce qu'on pourrait appeler une forme de justice privée en tant que telle n'ouvre certainement pas à reproche. Vous me permettrez – c'est une observation plutôt personnelle, je ne voudrais pas engager l'AHQ là-dedans – de dire que nous avons pu observer dans la société québécoise et même ailleurs que, lorsque le secteur privé offrait un service équivalent au secteur public, il est arrivé que le secteur public désinvestisse dans son propre service et que, à court terme, ne soient offerts que dans le service public un petit noyau de services, ce qui fait en sorte que le citoyen, de fait, s'il veut avoir accès aux services, doit avoir recours aux services privés et doit en assumer les frais. Nous proposons l'idée d'un tarif. Elle a circulé autour de cette table, je sais, M. le ministre, et je partage votre point de vue que ce n'est pas simple, mais ce serait quand même embêtant qu'il y ait un régime à deux vitesses et que ce régime à deux vitesses, implicitement, fasse en sorte que l'État se retire un peu du champ en se disant: Bien, de toute façon, c'est pris en charge par... Ça aussi, ça nous préoccupe un peu.

Sur la question de l'indépendance qui a été soulevée à plusieurs reprises, tout dépend, bien sûr – et je ne voudrais pas m'engager dans ce discours qui ne relève certainement pas de l'expertise de l'AHQ – du sens que l'on donne au mot «décision». On pourrait longuement en discuter ailleurs peut-être, mais, si l'on retient au mot «décision» son sens courant et non pas son sens juridique, les spectres qui ont été agités me paraissent pouvoir être dissipés. Il pourrait être utile, cependant, dans le texte, de renforcer les dispositions qui sont déjà contenues dans le Code de déontologie des notaires, tout comme, par exemple, il pourrait être utile que l'on fasse un lien de concordance avec l'article 257 du Code civil du Québec qui exige que celui qui statue sur un régime de protection le fasse dans le respect des droits et la sauvegarde de l'autonomie de la personne. Le projet de loi n° 443 parle de «dans l'intérêt de...» Dans le Code civil du Québec, on a une expression qui, à mon sens, me paraît plus généreuse et mieux décrire le contexte dans lequel les activités sont menées.

Enfin, quatrième observation ou quatrième remarque, l'AHQ est un peu préoccupée par le caractère général de l'habilitation qui serait faite au profit de chaque notaire en exercice dès le lendemain de l'entrée en vigueur de la loi. Évaluer des rapports médiaux, soupeser des évaluations psychosociales, porter soi-même un jugement sur le niveau de perte d'autonomie qui impliquerait davantage un conseiller, un tuteur ou un curateur suppose, à notre sens, une certaine expertise, et il serait éminemment souhaitable, de deux choses l'une, que la Chambre des notaires elle-même mette en place un programme de formation au terme duquel les notaires seraient en quelque sorte accrédités ou autorisés à agir en ces matières, ou alors que l'État s'en charge. Je ne vais suggérer ni à l'un ni à l'autre ce qu'il devrait faire, mais il devrait y avoir un mécanisme assurant la formation des notaires. Il s'agit d'un contexte qui est tout à fait particulier. L'expertise, c'est une expertise d'évaluation de rapports médicaux et psychosociaux et de pondération des résultats de l'interrogatoire avec les conclusions des rapports, et je pense qu'il y a peut-être une petite réflexion à mener sur le niveau de préparation souhaitable de, je n'ose plus dire un chiffre sur le nombre de notaires au Québec, mais sur un nombre de personnes beaucoup plus important qu'il y a de greffiers, à l'heure actuelle, qui se trouveraient instantanément compétents pour agir en ces matières.

En tout dernier lieu et pour conclure, ça n'a rien à voir et ça a tout à voir. L'Association des hôpitaux du Québec souhaiterait vivement que soit lancé un programme public d'information en particulier sur les mandats en prévision d'inaptitude. Ceci s'est fait dans les semaines ou les mois qui ont suivi l'entrée en vigueur ou l'adoption du nouveau Code civil du Québec, mais, depuis quelque temps, enfin il semble qu'il se fasse bien peu de choses. Je ne m'adresse pas nécessairement à mon gouvernement ou à mon Parlement, mais je m'adresse à tous ceux qui sont susceptibles d'intervenir dans ce secteur-là, des groupes de pression, des groupes de représentants, pour suggérer à chacun et à chacun d'entre nous, je dirais, de préparer un mandat en prévision d'inaptitude. Ça risque tous de nous arriver un jour. Pour certains, ça nous est déjà arrivé, on ne s'en rend pas compte, ce n'est pas grave...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Molinari (Patrick A.): ...mais, lorsque l'entourage commence à s'en rendre compte, et lorsque le personnel soignant commence à s'en rendre compte, et qu'il y a des décisions de vie et de mort qui souvent doivent être prises dans nos hôpitaux, l'indisponibilité de règles claires sur la façon dont ces décisions-là doivent être prises devient extrêmement embêtante. Même si tout le monde agit très certainement pour le bien-être des malades, l'idée de faire une petite promotion du mandat en cas d'inaptitude pourrait être relancée. C'est un peu comme la question des greffes, jusqu'à un certain point, même si ça a peut-être moins de retentissements.

(14 h 30)

Alors, c'est, M. le Président, l'essentiel des propos que je voulais tenir devant vous, qui résument essentiellement ce que nous disons. Et ce que nous disons, c'est: Nous appuyons le principe. Nous estimons qu'il doit y avoir certains ajustements au texte qui permettent de faire en sorte que les modalités ne soient pas soumises à une telle critique que le principe lui-même en souffre. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. J'inviterais maintenant M. le ministre à débuter la période de questions.

M. Ménard: Merci. Alors, Dr Farah-Lajoie, j'ai remarqué que, dans la préparation de ce mémoire, vous vous êtes assuré la collaboration de personnes qui oeuvrent dans les hôpitaux, qui soignent actuellement des gens qui sont en perte d'autonomie. Je remarque le centre hospitalier Robert-Giffard, l'hôpital Louis-Hippolyte-LaFontaine de Montréal, l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, l'Institut de réadaptation de Montréal, l'hôpital Rivière-des-Prairies, l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke.

J'avais déjà entendu votre Association – je crois que ce n'est pas vous qui étiez, là – notre commission avait déjà entendu votre Association lorsqu'il s'est agi de modifier le Code civil quant aux personnes qui pouvaient consentir à être inscrites sur un projet de recherche médicale, sur un protocole de recherche médicale. On nous signalait à l'époque, justement, que beaucoup de personnes en perte d'autonomie auraient eu avantage à être sous un régime de protection, mais que la famille... Comme ces gens-là disaient, il ne faut pas aller en cour pour ça, hein. Ils trouvaient que... Je comprends que, pour beaucoup de familles, la décision d'aller en cour ou d'obtenir une décision du tribunal et d'y amener ou même d'y faire venir, en cas d'incapacité, la personne est un élément qui empêche les gens d'avoir recours aux systèmes de protection prévus par la loi, même s'ils sont nécessaires.

M. Farah-Lajoie (Claude): Je pense qu'on doit non seulement mentionner que ça empêche les gens, mais ç'a aussi pour effet d'inciter des établissements à y aller de façon très minutieuse. Étant donné la lourdeur du processus, même l'établissement, à l'occasion, va tenter le plus possible de gérer l'inaptitude avec la famille, de façon ponctuelle. Il y a certains endroits... À l'intérieur des consultations qu'on a faites, on nous a dit: Écoutez, nous, le processus légal, on essaie de l'éviter le plus possible, pas nécessairement à cause des familles, mais à cause de tout le processus qui prend sept, huit, neuf, 10 mois.

Pour régler le problème de la gestion d'un logement, d'un petit compte de banque, d'effets personnels chez quelqu'un qui est temporairement inapte... Par exemple, dans un institut de réadaptation, ce ne sont pas tous des gens qui sont inaptes de façon permanente. Alors, on essaie, avec la famille, de régler. Je pense que la majorité des établissements favorisent cette intervention personnalisée, sauf qu'à l'occasion, évidemment, bien il y a des contestations à l'intérieur même de cette famille-là.

Alors, ce n'est pas encourageant, le processus. Comme gestionnaire d'établissement, on sait très bien que, lorsqu'on met en marche un processus de régime de protection, on en a pour huit, neuf mois. Alors, évidemment, s'il y a des choses qui méritent une urgence et méritent d'être interpellées de façon plus rapide, on essaie avec les professionnels... Je pense que les professionnels sont habilités maintenant, sont beaucoup plus habitués à partager avec la famille puis à essayer tranquillement d'amener la famille à prendre des décisions pour éviter l'ouverture. Il y a des établissements qui en font même une marque de commerce, d'éviter à tout prix le processus légal.

M. Ménard: Quand vous parlez de la famille, à ce moment-là, vous parlez évidemment des membres de la famille que vous avez sous la main et non pas... Parce que vous ne faites pas une investigation totale pour savoir s'il n'y aurait pas d'autres membres de la famille que ceux qui semblent avoir démontré un certain intérêt à l'égard de la personne qui est hospitalisée.

M. Farah-Lajoie (Claude): En général, les établissements sont prudents face à ça, parce que, évidemment, il faut faire attention de faire appel juste à la personne qui est toujours présente quand on sait qu'il y en a d'autres à l'intérieur de la famille. Il y a quand même un minimum d'enquête au niveau des travailleurs sociaux qui fait en sorte qu'on est prudents. La personne qui est toujours présente n'est pas nécessairement celle qui représente le mieux la personne inapte. Alors, c'est dangereux. À ce moment-là, il faut faire appel aux autres aussi. On essaie autant que possible, mais on n'est pas un processus d'enquête. Évidemment, c'est quand même un peu plus difficile.

M. Ménard: Je comprends que tout ça se fait de façon informelle, sans vérification légale, sans contrôle judiciaire.

M. Farah-Lajoie (Claude): Quand tout le monde s'entend, quand le bien-être du bénéficiaire, de l'usager est garanti et qu'on a évidemment tous les éléments, l'évaluation médicale, biopsychosociale, qu'il n'y a pas de risque d'intervention financière ou de problème qu'on peut prévoir... Les enquêtes sont quand même assez minutieuses, particulièrement au niveau des travailleurs sociaux. Le médecin va faire son travail d'inaptitude physique et mentale, mais tout ce qui entoure, le personnel, les travailleurs sociaux, les gens qui entourent le malade voient ce qui se passe, voient qui bourdonnent autour de ce malade-là et sont souvent à même de nous donner des bonnes informations en nous disant: Écoutez, cette personne-là, ça va bien aller, on peut procéder, on peut commencer à s'entendre avec la famille, mais d'autres, s'il vous plaît, ne touchez pas à ça, il faudrait aller en régime de protection.

M. Ménard: O.K. Maintenant, ma question est peut-être un peu plus pointue en droit. La discussion a beaucoup porté, entre les opposants au projet et ceux qui le favorisent, sur le fait que l'on ferait du notaire un décideur. Je comprends, Me Molinari, que sur cette question... Je vous demanderais peut-être d'élaborer là-dessus, parce que vous ne semblez pas, a priori, partager l'opinion de ceux qui s'opposent au projet de loi quant à la nature de la décision que l'on demanderait.

D'abord, est-ce que vous êtes convaincu que le projet de loi a été rédigé de telle façon à ce qu'il soit bien clair, réaliser cette intention que nous avons en préparant le projet de loi, que le notaire ne puisse agir s'il y a litige?

M. Molinari (Patrick A.): Ah! Ça, ça me paraît évident. Si vous me posez la question, ma réponse, c'est: C'est évident.

M. Ménard: O.K. Maintenant, la question qui reste ici, c'est le conflit d'intérêts possible. Je vous poserai une question dure, puis je vous dis à vous ce que j'ai dit au Barreau: N'en déduisez pas que c'est une contestation de votre opinion, mais je pense que, puisque ces questions sont soulevées, il est important d'avoir votre opinion sur le sujet.

L'une des choses qui inquiètent – je peux donner l'exemple suivant – ceux qui s'opposent, c'est la situation de conflit d'intérêts. Je pense qu'il y a une certaine partie des conflits d'intérêts que les notaires peuvent aussi bien identifier que les avocats et prendre les mêmes décisions que les avocats prennent, avec les mêmes garanties de code de déontologie, et ainsi de suite. Mais, dans tous les cas, par conséquent, où le conflit d'intérêts risque d'aboutir et d'être révélé au public, c'est évident que les notaires, ne serait-ce que par intelligence, vont se retirer du dossier comme les avocats le font.

Mais il y a quand même ces possibilités qui sont illustrées par des cas qu'on nous présente. Un notaire a des clients. Il peut avoir, par exemple, un entrepreneur qui l'alimente de plusieurs contrats par année et qui lui demande, à un moment donné... Bon. Ça va mal avec son père et – je mets au pire – le père est actionnaire de la même compagnie. Le fils estime que, de plus en plus, les décisions du père sont mauvaises et qu'il est temps qu'il prenne... et qu'au fond il faudrait faire interdire le père. Il a besoin d'un régime de protection, sans doute dans son propre intérêt, mais sans doute aussi dans l'intérêt du fils qui va accéder maintenant au centre de décisions. Si cette situation se produit, quel contrôle peut-on avoir pour s'assurer qu'à ce moment-là les décisions qui soient prises soient véritablement, comme le dit la loi, dans l'intérêt de la personne pour laquelle on demande un régime de protection?

(14 h 40)

M. Molinari (Patrick A.): M. le ministre, vous posez des questions comme un professeur d'université, c'est-à-dire que vous... Le problème que vous soulevez, on pourrait le rendre encore plus difficile, dire: Imaginons qu'il soit fils unique, que le médecin auquel il a fait appel pour obtenir l'évaluation médicale de son père soit de collusion avec lui – il faudrait qu'il le soit, bien sûr – et que tous ces gens-là, dans le silence feutré du cabinet du notaire, disent «ça y est!» et qu'il n'y ait personne autour...

J'ai quelques années d'expérience...

M. Ménard: Juste pour préciser. Mais, même dans les cas moins clairs, il y a quand même une situation qui pourrait être jugée malsaine.

M. Molinari (Patrick A.): Je ne dis pas et je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas de problème d'indépendance; je dis simplement que la mesure du problème d'indépendance dépend de la qualification qu'on fait de la tâche qu'accomplit le notaire en application de ces dispositions-là. Au fond, vous savez, imaginer des normes qui empêchent tout comportement susceptible d'être qualifié de conflit d'intérêts, dans ce pays et dans d'autres, on y planche depuis des générations et on ne les trouve jamais de façon parfaite: des obligations de divulgation, des obligations de ceci. Il y a des règles élémentaires qui s'appliquent, que les professionnels du droit eux-mêmes s'imposent pour des raisons qui sont évidentes et qui tiennent à la crédibilité de leur métier.

Mais, pour répondre à votre question, est-ce qu'il se trouvera un jour un notaire qui ferait interdire le père d'un de ses meilleurs clients, etc., dans le contexte que vous avez décrit? je ne puis pas vous dire que ça ne se produira pas, de la même façon que je ne pourrai jamais, à la simple lecture d'un texte législatif, avoir l'assurance que tous ceux qui sont visés par ce texte vont le respecter scrupuleusement. Une certaine candeur m'incite à penser que...

Mais, notre mémoire là-dessus est clair, il devrait y avoir un certain nombre de balises sur l'indépendance, et je n'utilise pas le mot «indépendance» au sens d'indépendance judiciaire, mais de la liberté du notaire, de façon à ce quiconque qui s'adresse à un notaire le fasse en toute sérénité et s'attende à ce que ce soit bien fait. Je pense que c'est un peu ça, l'objectif qu'on veut atteindre. Qu'il y ait des dérives, eh bien, il y en a eu chez nos amis notaires comme il y en a eu chez nos collègues du Barreau et il y en aura peut-être encore d'autres. Mais, ça, on ne peut pas légiférer, construire un mûr de Chine pour empêcher le chat du voisin de venir sur son terrain. Ce n'est pas absolument, absolument nécessaire à chaque fois.

M. Ménard: O.K. Maintenant, reprenez le même exemple dans la situation actuelle. La loi existe. Est-ce que le fait que le notaire prépare les procédures pour être présentées devant le greffier nous offre, en pratique, beaucoup plus de protection contre les dangers que nous voyons en pareille situation?

M. Molinari (Patrick A.): Rapidement, non.

M. Ménard: Alors, c'est ça, s'il manque d'éthique éventuellement, il va en manquer maintenant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Molinari (Patrick A.): C'est votre conclusion.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Bien, je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. Farah-Lajoie et M. Molinari, merci beaucoup pour votre mémoire. C'était très intéressant, votre présentation.

Dans votre mémoire, vous indiquez que vous êtes préoccupés des situations et il paraît y avoir une contradiction entre les évaluations médicale et psychosociale et les conclusions tirées d'un interrogatoire mené par une personne qui ne justifie pas d'expérience spécifique en matière d'évaluation physique et psychique. Je me demande: Premièrement, selon votre avis, Me Molinari, quel est le but de l'interrogatoire?

M. Molinari (Patrick A.): Si ma compréhension des dispositions actuelles en vigueur est bonne, et je vous laisserai le soin d'en juger, il s'agit, pour le greffier, puisque c'est le greffier qui fait cela maintenant, de s'assurer, de vérifier que le rapport mène à une conclusion que l'on peut observer. D'ailleurs, je dirais que, dans la vaste majorité des cas, sinon dans la quasi-totalité des cas, il y a convergence entre les observations tirées de l'interrogatoire, lorsqu'il a lieu, devrais-je ajouter. Des autres, il n'y a pas de divergences.

Ce pourrait être également lorsque l'évaluation médicale ou l'évaluation psychosociale ne sont pas concluantes quant au niveau de protection exigé pour permettre au greffier de choisir, lorsqu'il s'agit d'un régime de protection en particulier, la modalité qui, selon le Code civil du Québec, devrait être la moins contraignante, donc du conseiller jusqu'au curateur, pour dire: Bon, bien, cette personne-là est incapable, mais elle semble quand même capable de faire ceci. Donc, il suffirait qu'elle ait un tuteur, par exemple, plutôt qu'un curateur.

M. Bergman: Mais est-ce que vous êtes d'accord que le notaire n'est pas là pour se substituer aux experts médicaux?

M. Molinari (Patrick A.): Ah! Pas plus que le greffier, si je peux me permettre. Et c'est la raison...

M. Bergman: Mais si...

M. Molinari (Patrick A.): ...si vous me permettez – je m'excuse de vous interrompre – pour laquelle le souci que nous exprimons dans le mémoire n'est pas destiné exclusivement au notaire. C'est un souci que nous avons en général. Lorsque, au terme de l'interrogatoire, la conclusion est à l'effet, à toutes fins pratiques, d'écarter le rapport d'évaluation médicale ou psychosociale, ça préoccupe un peu les professionnels de la santé de l'AHQ. Les travailleurs sociaux qui ont préparé et qui ont suivi la personne, le médecin psychiatre qui l'a évaluée – ils sont indépendants, généralement, du malade et de sa famille – ça nous inquiète un peu.

On a proposé l'idée d'une seconde évaluation, conscients que c'est lourd, mais c'est, je dirais, suffisamment peu fréquent pour que, lorsque ça survient, on soit un peu préoccupés et que ça vaille peut-être la peine de requérir une seconde évaluation.

M. Bergman: Mais c'était ma prochaine question. Au lieu d'une seconde évaluation, est-ce que ça ne serait pas le moment où le notaire doit se dessaisir du dossier en faveur de la cour?

M. Molinari (Patrick A.): Ça pourrait être cela, mais ça ne résoudrait pas, à mon avis, le problème d'origine qui est celui de dire... Parce que, à ce moment-là, si le greffier également qui serait saisi de l'affaire en seconde étape était en désaccord, est-ce qu'il faudrait systématiquement...

M. Bergman: Mais ça revient aux questions si le notaire décide ou constate. Et, s'il constate qu'il ne peut pas faire une décision ou ce n'est pas clair, il doit se dessaisir du dossier et le greffier pourra faire une décision d'une seconde évaluation ou non.

M. Molinari (Patrick A.): Ah bien! Ça, il faudrait que ça soit clair, qu'il soit tenu de le faire, à ce moment-là.

M. Bergman: Dans votre conseil, est-ce que les notaires doivent avoir une formation spéciale, suivant ce projet de loi? Et est-ce qu'il doit y avoir l'accréditation des notaires qui ont suivi une formation spéciale?

M. Molinari (Patrick A.): C'est la proposition que nous faisons. Si mon souvenir est exact – Dr Farah-Lajoie, vous me corrigerez – il y a, à l'heure actuelle, autour de 7 000 dossiers par année dans l'ensemble de... J'ai entendu 7 000, récemment.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Molinari (Patrick A.): Dans un avenir proche, les notaires souhaitent qu'il y en ait 7 000. Mais ce que j'allais dire, c'est que, somme toute, il y en a peu, curieusement, si on observe le profil sociosanitaire du Québec, le nombre de personnes âgées et le nombre de personnes auxquelles pourrait profiter un régime de protection. Parce qu'il s'agit de permettre à ces gens-là d'exercer pleinement leurs droits. On n'est pas en matière de captation puis de prévarication; c'est à ces gens-là qu'on s'adresse. Bien, s'il y en a 3 000... Il y a grosso modo, je pense, 3 000 notaires. Il me semble que, un par notaire, ça fait à la fois pas beaucoup et peut-être trop dans la mesure où...

(14 h 50)

Il pourrait y avoir une formation d'un certain nombre d'heures, 15, 30, 45 – écoutez, ce n'est pas moi qui vais faire le programme ici – mais l'idée que, instantanément, tous les notaires du Québec soient, du simple fait de leur appartenance à l'ordre, compétents pour disposer de ces questions-là nous préoccupe un peu. Alors, qu'on leur demande de faire, comme tous les juristes du Québec ont fait à l'occasion du nouveau Code civil du Québec, quelques heures de formation sur un programme que mettrait en place l'ordre des notaires, moi, je vais m'en remettre à l'expertise de l'ordre en ces matières. Ça suffirait. Mais je me dis: Il faudrait qu'il y ait quelque chose de fait, sinon... Bon. Ce n'est pas avec un dossier de ce genre chaque trois ans qu'on développe une certaine habileté à lire des rapports d'évaluation psychosociale, à inférer d'un diagnostic médical quel est le meilleur régime de protection. On est dans des domaines assez spécialisés.

M. Bergman: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Autres questions?

M. Ménard: Juste une petite chose.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le ministre.

M. Ménard: Il y a effectivement 4 000 demandes, mais c'est parce qu'il y a au-delà de 3 700 vérifications de testament. C'est comme ça qu'il y en avait qui étaient à 7 000 et quelques. J'ai les chiffres exacts, c'était en 1996: homologation de mandat, 1 543; régime de protection des majeurs, 2 506 demandes; donc, pour un total d'un peu plus de 4 000; puis les requêtes en tutelle du mineur, seulement 467. Mais vérification de testament, il y avait 3 777. D'autres questions?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va?

M. Ménard: Vous êtes entièrement satisfaits?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, puisqu'il n'y a pas d'autres questions, MM. Farrah-Lajoie et Molinari, nous vous remercions de cette présentation. Nous recevrons maintenant la Chambre des notaires du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, si vous voulez prendre place, nous reprenons nos travaux. Bienvenue à la commission des institutions. Me Marsolais, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent pour les fins d'enregistrement de nos échanges. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire.


Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Marsolais (Denis): Merci, M. le Président. M. le ministre, M. le représentant de l'opposition officielle, Mmes et MM. les députés, je suis accompagné aujourd'hui de Me Jacques Frémont, constitutionnaliste, de Me Gérard Guay, notaire spécialisé en procédures non contentieuses, de Me Gilles Demers, président honoraire de l'Union internationale du notariat latin, et de Me Dominique Duclos, directrice de la formation et du développement de la profession à la Chambre des notaires, qui se feront un plaisir, après notre présentation, de répondre à vos questions.

La Chambre des notaires du Québec est heureuse de participer à cette commission parlementaire portant sur le projet de loi n° 443. Vous avez déjà pris connaissance du mémoire de la Chambre sur ledit projet. Plutôt que de vous résumer des propos que vous avez déjà lus, nous préférons utiliser le temps qui nous est alloué à deux fins. Dans un premier temps, nous tenons à rappeler pourquoi, à notre avis, une révision des procédures non contentieuses concernées par ce projet de loi s'impose. Dans un deuxième temps, nous tenons à répondre aux principales inquiétudes soulevées concernant ce projet de loi.

Permettez-moi de rappeler ce que le ministre de la Justice, M. Serge Ménard, soulignait à l'ouverture de ces audiences. Lors d'une récente commission parlementaire, plusieurs groupes sociaux ont manifesté leur insatisfaction à l'égard du système qui régit l'exécution des procédures non contentieuses concernées par le projet de loi. Les notaires, qui, faut-il le rappeler, sont déjà au coeur de l'exécution de ces procédures, sont régulièrement témoins des critiques de la population à l'égard des lenteurs et du manque de convivialité du système. Plusieurs des groupes représentant les usagers ont acquiescé, lors de cette commission ou par le biais d'avis envoyés aux commissaires, à la pertinence de la révision procédurale proposée par le projet de loi. Plusieurs voient dans la déjudiciarisation des mesures non contentieuses concernées une solution afin d'améliorer l'accessibilité, réduire les délais et humaniser le système de justice québécois.

Cette expression unanime des usagers est, à notre avis, suffisante pour démontrer que le système de justice, en ce qui a trait à l'exécution des procédures non contentieuses concernées par le projet de loi, mérite d'être bonifié et adapté aux attentes et besoins exprimés par la population.

Sans plus tarder, nous tenons à apporter des réponses aux principales inquiétudes soulevées par certains intervenants. Parlons d'abord de l'essence même du projet de loi n° 443. Dans l'exercice des fonctions qui lui sont dévolues par ce projet de loi, le notaire assume-t-il un rôle de décideur au même titre que le greffier ou le juge? La prémisse que le notaire agit comme décideur a, à notre avis, biaisé l'analyse du projet de loi par certains groupes entendus en cette commission. Quelle est la nature du rôle que le notaire est appelé à jouer en vertu du projet de loi n° 443? Prenons quelques exemples.

Certains allèguent qu'en vertu du projet de loi le notaire aura à décider de la suffisance et de la recevabilité de la preuve. En ce qui a trait aux procédures non contentieuses concernées, c'est la loi qui définit la preuve au soutien du bien-fondé de la demande. Le législateur, en effet, a pris soin, pour la protection des personnes inaptes, de préciser que deux évaluations professionnelles distinctes, soit une évaluation médicale et une évaluation psychosociale, sont requises pour conclure à l'inaptitude. Que fait le notaire dans la procédure actuelle? Il constate l'existence de ces preuves. Que fera le notaire suite à l'adoption du projet de loi? Il contestera toujours l'existence de ces preuves.

Une voix: Constatera.

M. Marsolais (Denis): Constatera, pardon!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): Je voulais savoir si vous suiviez!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): J'en suis convaincu.

Deuxième exemple. Certains allèguent qu'en vertu du projet de loi il reviendrait au notaire de décider quelles sont les personnes qui doivent être avisées de la demande et quelles sont les personnes qui doivent être convoquées à l'assemblée de parents. Le notaire n'exerce aucune discrétion puisque, encore une fois, c'est la loi qui détermine quelles sont les personnes intéressées.

Dans le cas de la tutelle au mineur, il faut référer à l'article 876.2 du Code de procédure civile, proposé par le projet de loi, et à l'article 226 du Code civil. Dans le cas de l'ouverture d'un régime de protection, il faut référer à l'article 877.0.1 du Code de procédure civile, proposé par l'article 6 du projet de loi, et à l'article 266 du Code civil du Québec. Finalement, dans le cas du mandat donné en prévision de l'inaptitude du mandant, il faut référer à l'article 884.7 du Code de procédure civile, proposé par l'article 11 du projet de loi. Ce dernier, tout comme dans la procédure actuelle, ne confère aucun pouvoir discrétionnaire au notaire qui doit aviser et convoquer à l'assemblée de parents les personnes identifiées par la loi.

(15 heures)

Le Curateur public a soulevé la possibilité que, par inadvertance, le notaire fasse ouvrir un régime de curatelle, alors qu'un régime de tutelle serait plus approprié. Ici encore, le législateur, par l'article 281 du Code civil du Québec, a déjà pris soin, par souci et toujours par souci de protection des personnes inaptes, de limiter l'application d'un régime de curatelle aux cas d'inaptitude totale et permanente. Il en résulte qu'un curateur ne peut être nommé à un majeur inapte que si les conclusions des évaluations médicale et psychosociale sont conformes à celles prescrites toujours par la loi.

Certains ont finalement allégué que le projet de loi faisait du notaire un «juge» et l'habilitait à «décider». Par définition, en matière non contentieuse, il n'y a pas de décision, puisqu'il n'y a pas de litige ni de parties. Le notaire et le greffier constatent la présence des preuves requises aux termes de la loi, ils constatent que les conditions requises à l'application d'un régime particulier, aussi définies par la loi, sont rencontrées. Si une décision au vrai sens du terme doit être prise, c'est-à-dire s'il est nécessaire de trancher entre des intérêts opposés, seul le tribunal est compétent. Même le greffier, en vertu de l'article 863, alinéa 3 du Code de procédure civile, ne peut agir. C'est toujours le tribunal.

Quelques intervenants ont souligné la possibilité éventuelle, potentielle et voire même virtuelle que les fonctions attribuées au notaire par le projet de loi n° 443 soient sujettes à multiplier pour celui-ci le risque de conflit d'intérêts. Tout professionnel est susceptible, à un moment donné ou l'autre de sa pratique, de se retrouver en situation de conflit d'intérêts. Le notaire n'échappe pas à cette réalité. Mais tout professionnel assujetti au Code des professions, à des normes de pratique sérieuses, à un code de déontologie rigoureux a également l'obligation de se dessaisir, sous risque de sanction, d'un dossier qui le place en situation de conflit d'intérêts.

Plusieurs professionnels pourraient être taxés de conflit d'intérêts, à partir du moment où ils acceptent des honoraires d'un client. Qu'en est-il, par exemple, de l'orthodontiste qui fait une évaluation et effectue par la suite les travaux, du comptable qui évalue les besoins d'une entreprise ou du chiropraticien qui fait l'examen général de son client avant de lui administrer un traitement? La Chambre des notaires est d'avis qu'on ne peut d'emblée mettre en doute l'intégrité d'un professionnel, quel qu'il soit, soumis à des règles déontologiques très strictes uniquement sur la base du fait que le paiement des honoraires est effectué par les usagers et non par l'État.

Dans les procédures non contentieuses, le risque ou les risques de conflit d'intérêts sont réduits au minimum, puisque les preuves que constate le notaire émanent de tiers experts, le médecin ou le psychosocial. Quant aux histoires de collusion entre médecin, travailleur social, notaire, famille et amis d'une personne inapte afin de la dessaisir de son patrimoine, nous considérons qu'elles sont purement fictives.

Plusieurs intervenants, notamment le Protecteur du citoyen, ont souligné la pertinence que la loi prévoie le contenu minimal des avis que le notaire doit faire parvenir tant aux personnes intéressées qu'à la personne concernée afin de s'assurer que ces personnes soient adéquatement renseignées sur la procédure en cours et sur les droits que leur confère la loi. Dans la procédure actuelle, les intéressés ne reçoivent aucun avis avant que plusieurs étapes de la démarche soient effectuées. L'article 863.5, tel que proposé par l'article 2 du projet de loi, obligerait dorénavant le notaire à aviser ces personnes avant même de débuter ses opérations. Nous ne doutons aucunement de l'utilité de cet avis et de la nette amélioration qu'il constituerait par rapport à la procédure actuelle. D'ailleurs, cet avis est une mesure qui permet d'éviter le dédoublement des procédures soulevé par certains intervenants. Si les mêmes personnes de la famille reçoivent deux avis de deux notaires différents, elles vont se poser des questions.

La Chambre des notaires est d'accord à ce que l'avis que le notaire doit donner aux intéressés avant de débuter ses opérations soit défini par la loi, ce qui assurerait un contenu minimum clair et un contenu uniforme. Tous les intéressés auraient ainsi en main un document qui leur rappelle leur droit de contester la demande et la façon de le faire. Ces précisions n'ajoutent aucune lourdeur à la procédure proposée et constitueraient un net avantage pour toutes les personnes intéressées.

En ce qui a trait à la façon dont ces avis seront, en vertu du projet de loi, livrés aux personnes intéressées et à la personne visée, certains ont questionné la pertinence de parler de signification plutôt que de parler de notification. La Chambre des notaires considère qu'une notification délivrée par le biais d'un mécanisme nécessitant une preuve de réception, par exemple courrier recommandé, est suffisante pour répondre aux exigences de la loi. Dans cette appréciation – c'est fort important – nous tenons compte des craintes et des inquiétudes que soulèvent chez la population en général la livraison d'une communication par huissier ainsi que les coûts afférents à une telle démarche.

Au cours des audiences, la notion de contestation réelle a fait l'objet de plusieurs échanges, tant en ce qui a trait à sa définition qu'en ce qui concerne la promptitude du notaire à l'identifier. Notons tout d'abord que la situation, suite à l'adoption du projet de loi n° 443, sera en tous points identique à celle qui existe actuellement, puisque le notaire n'a pas compétence en matière contentieuse. A-t-on déjà entendu parler, dans le cadre de la procédure actuelle, qu'un notaire s'était acharné à mener un dossier à terme, à terminer sa requête, à la déposer au tribunal alors qu'une personne en contestait le bien-fondé? Personne n'a jamais eu besoin de l'autorisation d'un notaire – et on l'a dit ce matin – pour s'adresser au tribunal afin de faire valoir une contestation, et le projet de loi ne change rien à cet égard. Actuellement, il n'existe pas de définition de la contestation réelle du bien-fondé d'une requête, et cela ne soulève aucune difficulté. Il existe tant de manières de manifester une contestation réelle que de tenter d'établir une définition exhaustive est un exercice périlleux qui risque, à notre avis, de soulever de graves problèmes d'interprétation.

Certains intervenants ont également exprimé des inquiétudes concernant l'interrogatoire de la personne visée, qui, je vous le rappelle, en vertu du projet de loi n° 443, serait effectué par le notaire. Il faut d'abord préciser certains faits concernant la dispense de procéder à l'interrogatoire. Dans la procédure actuelle, le greffier a le pouvoir de se dispenser lui-même de procéder à l'interrogatoire de la personne visée, et ce, sans que personne n'ait à apprécier le motif de cette décision. L'article 878 du Code de procédure civile, tel que modifié par l'article 7 du projet de loi, précise que «le notaire dresse un procès-verbal en minute de l'interrogatoire du majeur ou indique les motifs pour lesquels il n'a pas lieu». Le greffier, dans l'exercice de la discrétion que lui confère l'article 863.9 proposé par le projet de loi, appréciera le motif invoqué par le notaire. En cas de désaccord avec le motif invoqué, il pourra demander au notaire de procéder à l'interrogatoire, voire même de décider de procéder lui-même.

En ce qui a trait aux inquiétudes exprimées par certains quant au rapport de l'interrogatoire qui pourrait être résumé dans le procès-verbal du notaire, nous croyons que cette crainte émane d'une méconnaissance de la teneur et de la nature même d'un procès-verbal rédigé en minute devant notaire. En vertu du projet de loi, en tant qu'officier public, le notaire – c'est fort important – sera tenu de consigner fidèlement dans son procès-verbal le contenu de l'interrogatoire. Alors, on ne peut pas parler de résumé, ici.

Des intervenants, notamment le Curateur public, le Protecteur du citoyen et la Fédération de l'âge d'or du Québec, ont soulevé divers aspects économiques du projet de loi, particulièrement en ce qui a trait aux coûts pour le citoyen. La Chambre des notaires du Québec est d'avis que la procédure proposée n'aura pas d'impact négatif sur les coûts pour le citoyen. En effet, dans ces dossiers, les ententes entre les notaires et leurs clients s'établissent en fonction du temps consacré au dossier, et ce – on l'a précisé encore ce matin – dans un marché de libre concurrence.

Le projet de loi a pour objectif de simplifier la procédure, et notre mémoire démontre que cet objectif est atteint. Cette simplification, qui se traduit par une diminution du nombre d'heures requises par le notaire pour mener à bien son dossier, devrait forcément avoir un impact favorable sur les coûts pour les justiciables. Mon collègue Gérard Guay se fera d'ailleurs un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet.

(15 h 10)

Dans la très grande majorité des cas, les citoyens ont actuellement recours aux services d'un notaire et ils en défraient les honoraires. Cela étant dit, si le gouvernement juge qu'il est opportun de répondre aux inquiétudes soulevées au moyen d'un tarif obligatoire, la Chambre des notaires est prête à collaborer à son établissement. La Chambre des notaires a d'ailleurs toujours soutenu que les actes d'officier public du notaire devraient faire l'objet d'un tel tarif. Voulez-vous que je le répète, M. le ministre?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): Finalement, nous tenons à aborder un point qui est l'essence même de la profession notariale. Remettre en question l'impartialité du notaire alors qu'il agit comme officier public signifie remettre en question la profession notariale non seulement au Québec, mais partout dans le monde. À ce sujet, je cède ici la parole à Me Gilles Demers, président honoraire de l'Union internationale du notariat latin. Me Demers.

M. Demers (Gilles): M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, M. le ministre, M. le représentant de l'opposition officielle, c'est en ma qualité de président honoraire de l'Union internationale du notariat latin, à laquelle je me référerai ci-après comme étant l'Union, que j'ai eu l'honneur de présider durant près de quatre années, que je vous adresse la parole. Mon but, ici, est de situer à grands traits la position du notariat dans le monde.

L'Union est une organisation non gouvernementale qui a vocation de regrouper tous les notariats du monde issus d'une tradition civiliste écrite et ayant les caractéristiques suivantes: les membres de ces notariats sont des juristes, l'État leur confère un rôle d'officier public, ils exercent leurs fonctions avec impartialité et ils sont regroupés dans une organisation nationale créée par la loi qui leur impose des règles déontologiques sévères.

Cette Union réunit, à l'heure actuelle, 67 notariats répartis sur quatre continents, soit en Europe, en Amérique, en Afrique et en Asie. Le notariat québécois en est un des membres, soit depuis 1948, date de la fondation de cette Union. Il en est donc un des 19 membres fondateurs. Cette organisation célèbre d'ailleurs cette année son cinquantième anniversaire de fondation. Elle est aujourd'hui reconnue par plusieurs organisations supranationales, tels le Conseil économique et social de l'ONU, l'Organisation des États américains, l'Union européenne, le Conseil de l'Europe et plusieurs autres, et auprès d'un plus grand nombre d'organismes internationaux. Elle participe à leurs travaux dans les domaines qui intéressent le notariat.

Partout dans les 67 pays qui font partie de l'Union, les notaires ont les mêmes caractéristiques d'être des juristes à part entière et des officiers publics impartiaux. C'est le cas évidemment en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Mexique, dans de nombreux pays d'Afrique de l'Ouest et de la Méditerranée et dans tous ceux de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, mais ce l'est aussi en Indonésie, au Japon, en Russie et dans tous les pays de l'ex-Europe de l'Est. Il en est de même, d'ailleurs, dans les quelque 25 à 30 pays où le notariat de type latin existe, mais qui ne sont pas encore membres de l'Union. C'est notamment le cas en Chine, avec ses 18 000 notaires.

Dans tous ces pays, qu'ils soient ou non membres de l'Union, l'État confère un rôle important au notaire dans la rédaction et la réception des contrats et dans le déroulement des procédures non contentieuses. Par cette expression, j'entends non seulement celles visées par le projet de loi n° 443, mais aussi certaines autres où le caractère d'impartialité des notaires leur confère confiance et autorité. C'est le cas notamment en matière de mariage et ce fut le cas aussi lors de certains référendums nationaux. C'est d'ailleurs ce caractère d'impartialité qui a incité le Conseil de l'Europe à entreprendre de façon très étroite avec l'Union un programme de rétablissement de notariat libre dans les pays de l'ex-Europe de l'Est, où cette profession avait été fonctionnarisée. Il est en effet apparu évident aux dirigeants du Conseil de l'Europe et aussi aux dirigeants de ces pays que la présence d'un notariat bien organisé procure aux sociétés une stabilité et une facilité dans les transactions que n'amène pas le système contradictoire.

C'est aussi ce qui avait motivé l'Union internationale des magistrats, dont fait partie la magistrature canadienne, d'adopter, à son congrès de Macao en 1989, une résolution unanime recommandant que, partout où il existe, le développement du notariat et le recours à cette profession soient favorisés.

Le projet de loi n° 443 n'est rien de nouveau, aux yeux de l'Union et du notariat, vu à l'échelle internationale; il ne fait que suivre un mouvement de déjudiciarisation qui est mondial. Les pouvoirs qu'il accordera aux notaires se retrouvent dans nombre d'autres pays et souventefois de façon beaucoup plus étendue sans que la notion d'impartialité des notaires n'ait jamais été mise en doute ni attaquée; je pourrais vous en citer des exemples. Un important pays européen a même entrepris des démarches en vue de transférer aux notaires la majeure partie des procédures non contentieuses dans le but de dégager les tribunaux. Dit autrement, ces pays utilisent davantage le rôle d'officier public, le caractère impartial et la relation de proximité du notaire pour améliorer l'efficacité de leurs services judiciaires et administratifs sans que l'État ni le public n'encourent de frais additionnels.

Le notariat québécois n'est pas un phénomène isolé. Les notaires québécois se retrouvent en compagnie de milliers de collègues français, italiens, allemands, espagnols, slaves ou autres qui, s'ils parlent des langues différentes, exercent un droit similaire en vertu des mêmes principes et des mêmes règles de preuve qu'ils appliquent avec la plus stricte impartialité. Merci.

M. Marsolais (Denis): Merci, Me Demers. Mmes, MM. les commissaires, nous convenons que le projet de loi n° 443 propose une modification des façons de faire actuelles dans l'exécution des procédures non contentieuses concernées. L'histoire nous démontre que, à chaque fois qu'un changement est proposé dans l'administration de la justice, certains appréhendent des catastrophes sociales et juridiques menaçant la protection des citoyens et citoyennes du Québec. C'est vrai, hein? Ce fut notamment le cas en 1971, lors de l'instauration de la Cour des petites créances et des révisions successives la concernant, ce fut également le cas lors de l'instauration du régime public d'assurance automobile et, plus récemment, lors de l'adoption de la loi sur la médiation familiale. Non seulement les catastrophes annoncées ne se sont jamais produites, mais, avec le recul, nous constatons que chacune de ces réformes a contribué à préserver les droits de la population à une justice équitable pour tous.

La Chambre des notaires est persuadée que le projet de loi n° 443 qui propose des modifications, toutes proportions gardées, mineures s'inscrit dans cette même voie. Je vous remercie de votre attention. Nous sommes disposés à répondre, moi et mes collègues, à vos questions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre.

M. Ménard: Vous feriez de bons avocats.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): Il n'en est pas question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: J'ai même pensé, en écoutant M. Demers, qu'on pourrait vous confier la rédaction de la question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): On va vous laisser la proportion.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Bon! Maintenant, j'aimerais que vous élaboriez sur un aspect particulier que vous avez soulevé, mais qui est intéressant; c'est sur le contenu du procès-verbal rédigé par le notaire. Vous avez entendu la suggestion du Protecteur du citoyen qui parle d'enregistrement. Dois-je comprendre que le procès-verbal rapporte verbatim l'interrogatoire tenu par un notaire?

M. Marsolais (Denis): Tout à fait. Peut-être, Dominique, que tu peux préciser.

Mme Duclos (Dominique): En fait, c'est que le procès-verbal en minute de l'interrogatoire constitue une preuve plus probante qu'un enregistrement. C'est un acte qui est authentique d'un officier public qui reçoit le procès-verbal, donc qui reçoit le verbatim de l'interrogatoire. Il doit notamment vérifier l'identité de la personne. L'enregistrement, lui, ne remplit pas comme tel cet aspect-là. Je pense que Me Guay a quelque chose à ajouter, ou des observations, en fait.

M. Guay (Gérard): Elles sont de deux ordres, la première au niveau humain. On comprend que l'interrogatoire, c'est: on va interroger dans son lieu de résidence, généralement une maison d'hébergement, une personne qui est malade, qui souffre, qui est déjà fragile. Alors, arriver avec un arsenal, avec une caméra vidéo, arriver avec des enregistreuses sophistiquées pour pouvoir être accepté en preuve, ça risquerait de la traumatiser un peu plus que le simple fait que le greffier ou le notaire qui arrive seul, et qui se présente à elle, et qui vient lui poser un certain nombre de questions. Or, je crois que le système proposé, l'interrogatoire qui reproduit le verbatim de la discussion et qui est consigné dans un acte à minutes, constitue une façon dite, entre guillemets, légère mais efficace de s'assurer que la personne puisse dire ce qu'elle a à dire au sens de son vécu et de son aptitude et sans risquer de la traumatiser avec un système plus compliqué. C'est la première réponse.

(15 h 20)

Et j'en profiterais pour ajouter qu'il y aurait peut-être lieu et qu'il y aurait lieu – nous le souhaitons – que les deux articles qui parlent d'interrogatoire soient du même ordre, à savoir que, en matière de régime de protection, on parle d'interrogatoire par procès-verbal en minute, alors que le projet de loi propose, en matière d'homologation de mandats, que ce soit un enregistrement ou autre. Je pense que c'est le même interrogatoire et qu'il devrait prendre la même forme. Les deux articles devraient être similaires. Alors, c'est pourquoi nous croyons que l'interrogatoire sous forme de procès-verbal en minute va répondre adéquatement aux besoins de la preuve, tout comme le font les interrogatoires des greffiers qui sont effectués actuellement.

M. Marsolais (Denis): Est-ce que ça répond bien à votre question?

M. Ménard: Pas tout à fait. Je voudrais être satisfait de ce que j'entends. Je ne sais pas comment vous réalisez ça. Au fond, je vois trois façons: soit vous enregistrez discrètement puis votre secrétaire tape l'interrogatoire plus tard, soit vous amenez un sténographe, ou bien soit encore vous posez les questions que vous avez déjà notées par avance et vous interrompez le malade pour les écrire vous-mêmes au long. Qu'est-ce que vous faites exactement? Est-ce qu'effectivement votre procès-verbal contient le mot à mot des questions qui ont été posées puis des réponses qui ont été données?

M. Guay (Gérard): Effectivement. Ici, je peux prendre l'exemple sur ce qui se fait actuellement par les greffiers et qui sera sûrement continué par les notaires. C'est qu'ils ont déjà un procès-verbal type, qui a des questions types qui sont indiquées, et qu'ils ont un espace en dessous de chaque question pour mettre la réponse. On comprendra que, étant des gens inaptes, les réponses sont souvent courtes, hein, quand ils peuvent répondre. Mais, lorsque les gens répondent, ou peu importe la réponse, c'est consigné textuellement au fur et à mesure que la question est posée. Exemple: Connaissez-vous la personne raisonnable? Savez-vous faire telle, telle chose? Savez-vous c'est quoi, un chèque? Connaissez-vous le premier ministre du Québec? C'est toutes des questions de différents ordres qui sont posées aux individus pour juger de leurs aptitudes, et, au fur et à mesure que les questions sont posées, le greffier inscrit la réponse en dessous. Alors, c'est pourquoi les notaires vont poursuivre dans la même voie de façon à ce que ça reflète bien ce qui s'est dit. Et c'est assez standardisé parce qu'il y a une preuve à faire, hein? La preuve est toujours la même, mais c'est à partir de là que c'est fait.

J'aimerais ajouter autre chose. Comme praticien, j'ai souvent vu les gens très émus de l'interrogatoire. Faut comprendre que c'est leur père, que c'est leur mère dont on parle, dont on transcrit ce qui s'est dit, et de voir son père, sa mère quitter lentement et perdre ses fonctions cognitives, c'est déjà très traumatisant pour la famille. De lire le procès-verbal de l'interrogatoire puis de voir les réponses qui sont souvent confuses et pas toujours logiques, c'est déjà difficile, hein, parce que c'est son père puis sa mère qui répondent à ça. De le voir sur vidéo, là, ou d'entendre l'enregistrement, ce serait encore plus traumatisant. Je pense que, au niveau humain, c'est un élément qu'il faut considérer, auquel, comme législateurs, vous devez vous attardez. Le procès-verbal en minute est, de cette façon-là, une façon, je crois, qui permet d'éviter, à tout le moins de minimiser, le risque à ce niveau-là.

M. Marsolais (Denis): Parce que, à partir du moment, M. le ministre, où le procès-verbal consigne exactement ce qui s'est passé au niveau d'un interrogatoire, autant au niveau des questions que des réponses, le greffier qui en prendra connaissance et le conseil de famille seront en mesure de voir... À un moment donné, certains intervenants ont parlé de résumé. Il n'est pas question de résumé, c'est un acte en minute.

M. Ménard: O.K. Bon, ça va. J'avais une autre question, mais ça viendra peut-être. J'aimerais quand même vous amener sur l'autre question qui est celle, je ne dirais pas du conflit d'intérêts grossier, là, parce que je comprends parfaitement qu'ou on fait confiance aux professionnels, ou on ne fait pas confiance aux professionnels. Si j'apprenais qu'un médecin préfère amputer un membre plutôt que de le soigner, bien, ce n'est pas parce qu'il est payé plus cher pour faire une amputation qu'un membre... Je dirais: Mais, mon Dieu, c'est un bandit, c'est un être absolument immonde, c'est quelque chose...

Justement, ce qui nous frappe, ce n'est pas tellement l'excès mais plutôt la situation dans laquelle vous seriez presque inconsciemment portés à prendre plutôt le parti de celui qui vous fait une requête et qui est un client avec lequel vous êtes en contact régulier, qui fait une requête pour interdire un membre de sa famille et qui a une opinion, au moment où il vous fait la requête, sur le résultat qu'il veut obtenir, ou enfin qu'il estime, lui, qu'il doit obtenir sur votre jugement. Selon la loi que nous allons amender, vous devez tenir avant tout compte de l'intérêt de la personne contre laquelle on demande la protection. J'évite les choses grossières parce que je pense que c'est des problèmes de déontologie, que ça relève de la déontologie, mais c'est la situation dans laquelle vous êtes. C'est ça qui préoccupe ceux qui sont contre le projet de loi, et je vous le soumets dans toutes ses nuances.

M. Marsolais (Denis): Cette situation-là, on la vit actuellement et on la vivra avec l'adoption du projet de loi. Je ne sais pas si, Dominique, tu... On a eu une longue discussion.

Mme Duclos (Dominique): Oui. En fait, c'est que, dans la situation actuelle, c'est des choses qui peuvent très, très bien se produire: une personne se présente chez le notaire et trace un petit peu la proposition que vous avez énoncée. Mais, dès le départ, ça signifie que cette personne-là n'est peut-être pas une aussi bonne cliente qu'on pensait parce que, là, elle tente finalement d'amener le notaire à commettre quelque chose qui serait carrément illégal et contraire à l'éthique. Et, si on voulait actuellement imaginer cette situation-là, d'abord faut prendre pour acquis que la personne, elle est effectivement inapte. Il faut prendre pour acquis qu'elle l'est, parce que, si elle ne l'est pas, les évaluations médicale et psychosociale ne pourront jamais mener qui que ce soit à faire déclarer cette personne-là inapte, aucun notaire et aucun greffier. Donc, on prend pour acquis que la personne, elle l'est effectivement, inapte.

Alors, que l'individu en question veuille faire ouvrir un régime de protection, je pense que, en soi, il n'y a rien d'anormal là-dedans. Et, si elle n'est pas inapte, il n'y a personne qui peut faire ouvrir un régime de protection. Donc, le conflit d'intérêts, j'ai de la difficulté à figurer où il se situe. Je peux ou je ne peux pas entreprendre des démarches. Je peux si les évaluations sont concluantes, et, si elles sont concluantes, c'est dans l'intérêt de la personne inapte de mener à terme la procédure.

M. Marsolais (Denis): Et cette procédure-là ne se fait pas en vase clos, il y a du monde autour. Il y a des intervenants, il y a la famille, il y a les médecins, il y a... Alors, je vois mal la situation où, comme je le disais dans ma présentation, le notaire s'acharne à... Faut d'abord que les médecins se prononcent. Le bien-fondé de la demande, c'est l'inaptitude. Les experts dans le domaine pour statuer sur l'incapacité ou la capacité, ce sont les médecins.

M. Ménard: C'est exact.

M. Marsolais (Denis): Alors, c'est sûr qu'hypothétiquement la question peut se poser, là, en imaginant quelque chose d'abracadabrant, mais c'est une bonne question de professeur d'université.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee.

(15 h 30)

M. Bergman: Merci, M. le Président. Me Marsolais, Me Duclos, Me Demers, Me Frémont, Me Guay, merci beaucoup pour votre mémoire. Vos commentaires ont été bien appréciés. Quel est votre avis sur les questions de formation obligatoire? Beaucoup d'intervenants ont fait mention de la formation obligatoire dans leur mémoire et j'attendais un commentaire de la Chambre des notaires sur la question de la formation obligatoire suivant l'adoption du projet de loi n° 443 et la question de l'accréditation, aussi, sur la valeur pour la protection du public.

M. Marsolais (Denis): D'abord, comme M. Diamant l'a précisé avant-hier dans sa présentation, la mission d'un ordre professionnel, c'est la protection du public. Et un ordre professionnel, pour s'assurer que les membres procurent ou divulguent adéquatement des bons services à leur clientèle, il doit s'assurer que les membres actualisent leurs connaissances. Et c'est bien clair que toute modification législative, tout nouveau projet de loi... Et on a des cours de formation à longueur d'année dans toutes les régions. On s'assure que les connaissances juridiques des notaires sont à la fine pointe. Et, spécifiquement sur votre question, sur un programme de formation concernant ce projet de loi, c'est bien évident qu'on s'est penchés sur la question. Me Duclos, sur la formation.

Mme Duclos (Dominique): En fait, oui, comme directrice du développement de la profession, je m'occupe notamment de la formation préadmission des membres de la profession et la formation continue des membres. Évidemment, chaque fois qu'un projet de loi est à l'étude et semble vouloir être adopté éventuellement, on songe à la façon d'offrir à nos membres le programme de formation requis pour faciliter la mise à jour de leurs connaissances.

Pour ce qui est des candidats, évidemment les adaptations se font au niveau universitaire lorsque la législation affecte un domaine qui fait l'objet de leur enseignement. Sinon, c'est l'ordre professionnel qui offre à ses membres les cours. On sait que la Chambre des notaires offre annuellement deux sessions de formation de deux jours, auxquelles participent près de 1 000 notaires, et offre également des sessions régionalisées pour répondre à des besoins pour les notaires en régions plus éloignées. Donc, évidemment qu'on a commencé à imaginer des scénarios pour pouvoir offrir aux notaires la formation requise pour qu'ils puissent rendre des services compétents à leurs clients.

M. Bergman: Mais ce n'est pas une formation obligatoire.

Mme Duclos (Dominique): En fait, on n'a pas pensé, évidemment, à une formation obligatoire dans le contexte de la réflexion qu'on a effectuée, parce que, actuellement, l'ordre professionnel ne peut pas imposer de formation obligatoire. On sait qu'il y a eu un avis de l'Office à cet effet-là. La Chambre des notaires avait eu l'occasion, à ce moment-là, de faire ses commentaires sur le projet d'avis de l'Office, mais c'est quelque chose qui n'est pas encore en vigueur. Donc, ça n'a pas fait l'objet de notre réflexion au niveau de ma direction, non.

M. Bergman: Il y a des groupes qui ont mentionné la question d'un système à deux vitesses pour nos concitoyens. Une manière de soulever cette question, c'était d'avoir un tarif obligatoire. Est-ce que vous pensez qu'avec un tarif obligatoire on va éviter d'avoir un système à deux vitesses pour protéger tous nos concitoyens?

M. Marsolais (Denis): Me Duclos.

Mme Duclos (Dominique): En fait, c'est que, quand on parle d'un système à deux vitesses, on laisse entendre qu'actuellement les citoyens font eux-mêmes les démarches requises. Ça leur coûte, à un moment donné, il y a quelqu'un qui l'a mentionné, 66 $, le timbre judiciaire. Mais il faut comprendre que cette voie-là, effectivement, existe, c'est-à-dire qu'un citoyen peut actuellement préparer lui-même son dossier, s'il le désire, et aller le déposer auprès du greffier. Le projet de loi ne change rien à cette possibilité-là. C'est-à-dire que les cas qui se réalisaient annuellement, un ou deux cas qu'on nous avait mentionnés, bien ils pourront toujours le faire. Cette possibilité-là n'est pas modifiée.

Par contre, dans la majorité des cas, donc, les citoyens ont déjà actuellement recours aux services professionnels d'un notaire pour la préparation de leur dossier. Ils défraient les honoraires des notaires et, ensuite, paient le timbre judiciaire requis pour l'homologation par le greffier. Le projet de loi, à ce niveau-là, n'apporte aucune modification. En fait, on a pris l'ensemble des démarches et on les a aménagées un petit peu différemment.

Donc, en principe, le citoyen va faire ce qu'il fait aujourd'hui, c'est-à-dire avoir recours aux services d'un notaire pour la préparation du dossier, défrayer les honoraires et, ensuite, payer le timbre judiciaire. Je pense que Me Guay a fait une analyse un peu plus exhaustive des délais requis. Il pourrait compléter, peut-être.

M. Guay (Gérard): Oui, rapidement. Nous avons procédé à une analyse des démarches à suivre selon la procédure actuelle devant un greffier, devant le tribunal, et celle proposée devant notaire. Il en ressort, de cette analyse, que, en raison de la diminution des étapes prévues par la procédure proposée et de la latitude qui est accordée au notaire, le temps facturable requis pour ses dossiers diminuera sensiblement.

Alors, concrètement, ce qui se produit, c'est qu'actuellement, selon la procédure actuelle, le praticien doit faire un certain nombre d'étapes, des requêtes qu'il doit aller déposer au tribunal pour obtenir le timbre judiciaire, faire signer le requérant, obtenir d'autres autorisations, les remettre au huissier, etc., qui vont être transformées et différer dans le nouveau système. Quand on regarde toutes les étapes de façon comparative, on s'aperçoit que, au niveau des étapes, elles seront moindres. En faisant une estimation du temps requis pour ces étapes-là, on en arrive à la conclusion que, dans tous les cas, nous avons une diminution du temps facturable selon la nouvelle procédure par rapport à la procédure existante.

Cette analyse démontre également qu'il y aura une économie de temps du fait que le notaire sera le maître d'oeuvre du dossier, de la demande initiale jusqu'au dépôt au greffe de son procès-verbal. Alors, pour prendre l'expression consacrée, il pourra mener plus rondement son dossier tout en respectant les prescriptions de la loi. Le fait que la procédure proposée soit plus conviviale, pour reprendre les termes de M. le ministre mardi dernier, va se refléter également dans le temps facturable requis qui ne peut que diminuer les coûts. Je tiens à vous signaler également que, de plus, les déboursés seront moindres du fait que la signification par huissier ne sera pas la norme.

On ne peut donc pas parler de régime à deux vitesses au niveau des coûts puisque les citoyens retiennent déjà les services de notaire généralement pour ce genre de procédure là, pour la procédure devant greffier. Or, tel que démontré, le temps facturable dans la nouvelle procédure sera moindre, ce qui va se refléter nécessairement dans les coûts. Le régime de libre concurrence, à prime à bord, semble, si on suit ce qui se passe dans d'autres domaines du droit depuis la détarification, jouer à l'avantage des consommateurs. Donc, il n'y aurait pas à craindre au niveau de la hausse des coûts en raison de ces facteurs.

M. Marsolais (Denis): En résumé, pour qu'on puisse parler d'un régime à deux vitesses... Si on établit que les coûts sont similaires ou moindres, on ne peut plus parler de régime à deux vitesses. Alors, les gens, tous les citoyens et citoyennes du Québec, vont pouvoir bénéficier de cette nouvelle procédure là. Oui, on peut percevoir un régime à deux vitesses, mais positivement, parce qu'évidemment la nouvelle procédure va réduire les délais et va aller plus vite. Ça, je pense que toutes les démonstrations qui ont été faites par les intervenants étaient claires à ce niveau-là.

M. Bergman: Dans l'interrogatoire, est-ce que vous pouvez encore nous expliquer votre sens du rôle et le but de l'interrogatoire, le rôle du notaire dans l'interrogatoire?

M. Guay (Gérard): Dans l'interrogatoire, le rôle du notaire, ça va être de rencontrer la personne inapte, la personne visée soit par l'ouverture d'un régime, soit par l'homologation d'un mandat. C'est donc d'aller se présenter à elle, la rencontrer. Le fait que ça soit le notaire plutôt que le greffier, bien déjà vous pouvez voir un avantage: c'est que, souvent, c'est peut-être une personne qu'il connaît, qui a peut-être déjà été jadis son client, et il y a une relation de confiance qui peut s'installer dès le départ.

Mais, ceci étant dit, le rôle de l'interrogatoire, c'est essentiellement de rencontrer, d'obtenir une preuve additionnelle en sus des évaluations qui sont produites au dossier, qu'on puisse voir de visu la personne, voir et juger de son état. Donc, c'est ça, le rôle de l'interrogatoire. Le fait que ça soit fait par le notaire, ça va lui permettre d'avoir une compréhension plus approfondie du dossier pour faire des recommandations appropriées au greffier.

Une voix: Me Frémont voudrait rajouter quelque chose.

M. Frémont (Jacques): Peut-être un petit détail. J'ai l'impression que l'interrogatoire par le notaire sert à compléter le dossier, c'est un élément du dossier qui va être soumis au juge, alors que l'interrogatoire par le juge, on peut dire, fait davantage partie d'un système judiciaire, l'interrogatoire, entre autres, lorsqu'il y a un conflit. Alors, nous situant à l'extérieur du conflit et à l'extérieur du système judiciaire, l'interrogatoire mené par le notaire est un élément du dossier tout comme les expertises qui sont au dossier qui vont permettre au juge ou au greffier de prendre sa décision.

(15 h 40)

M. Bergman: La dernière phrase de l'article 15 du projet de loi, où l'article 889 est remplacé, indique: «Toutefois, le notaire qui a reçu un testament en dépôt ou un membre de son étude notariale ne peut procéder à sa vérification.» Est-ce que vous êtes d'accord avec cette partie de l'article et vous pouvez expliquer votre raisonnement?

Mme Duclos (Dominique): Évidemment, on s'est interrogés sur cette exception-là qui était faite à la vérification des testaments. Parce que la vérification d'un testament consiste à en vérifier la forme, c'est-à-dire, donc, de vérifier que la forme est conforme à ce qui est prescrit au Code civil, et les conditions sont très claires à cet effet-là. Donc, comme il s'agit d'une vérification de forme, oui, effectivement, on s'est interrogés sur la présence de l'exception pour le testament déposé au nombre des minutes d'un notaire. On n'a pas trouvé la raison comme telle. Honnêtement, c'est qu'il y en a, en fait, très peu. Alors, ce n'est pas une procédure qui arrive fréquemment, le dépôt au nombre des minutes d'un notaire d'un testament olographe ou devant témoins. Donc, ça concerne des cas qui sont vraiment minimes, finalement. Mais on n'a pas d'explication, c'est-à-dire qu'on ne comprend pas comme tel la justification de l'exception.

M. Marsolais (Denis): Et on s'est entendus pour en discuter plus spécifiquement lors de l'étude article par article concernant l'exception en matière de vérification de testament, l'article 15.

M. Bergman: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Mme Papineau: Oui, j'en aurais juste une, moi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, Mme la députée de Prévost.

Mme Papineau: Je ne sais pas si vous pouvez nous informer. Combien de personnes, par rapport à celles qui vont chez un notaire, quel que soit l'acte qu'on veut faire, vont directement chez le greffier chercher tous les papiers? Avez-vous une idée? Est-ce que c'est rare? Moi, j'imagine que ça doit être assez rare.

Mme Duclos (Dominique): C'est excessivement rare. En fait, quand on avait demandé l'information, on nous a dit que c'était très, très marginal. C'était un cas ou deux par année. Et ces cas-là concernent la vérification des testaments et non l'ouverture d'un régime de protection ou la vérification d'un mandat. Généralement, la personne qui va décider d'entreprendre elle-même une démarche, c'est pour la vérification d'un testament. Les cas sont très, très, très marginaux.

Mme Papineau: Donc, il n'y a presque... Vous dites un ou deux par année?

Mme Duclos (Dominique): Bien, c'est ce qu'on nous avait dit. On peut dire que, dans tout ce qui reste, 90 % des dossiers sont menés par le notaire et peut-être 8 %, 9 % par des avocats.

Mme Papineau: Parfait. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Oui, c'est un commentaire et une question qu'on m'avait suggéré de vous adresser. Ce matin, je pense que je l'avais posée à la Fédération de l'âge d'or. Je vais commencer par un commentaire général, en tout cas, qui me vient suite aux audiences de la journée.

J'ai l'impression, dans le fond, que les organisations qui appuient le projet de loi présenté en commission, ici, leur argumentation est basée sur les faits vécus, sur des cas concrets, et que les opposants, dans le fond, basent leur argumentation plus sur des lois, des papiers, finalement, et des hypothèses; tandis que c'est plus vécu...

Alors, en ce sens, je pense que votre mémoire est assez complet et répond quand même... Votre mémoire était complet ici, mais votre présentation cet après-midi répond assez bien, quant à moi, aux préoccupations ou aux inquiétudes qui auraient été illustrées ce matin. Ce qui me venait en tête, c'est que finalement, des fois, le mieux est l'ennemi du bien, quand j'écoutais certaines présentations.

Ma question, c'était, dans le fond, est-ce que... On avait dit que vous aviez des statistiques sur le nombre de personnes qui... Parce que la Fédération disait que ce n'était pas très répandu, le recours à... prévoir un mandat d'inaptitude. On m'avait dit que vous aviez des statistiques, vous aviez fait une étude. Dans la population, il y a combien de personnes qui finalement se prévalent de ça ou prévoient, sont prudents et prévoient ça, sur la population en général? Est-ce que vous avez ces données-là?

M. Marsolais (Denis): Effectivement, lors du dernier congrès de la Chambre des notaires en automne dernier, on avait un colloque sur les personnes du troisième âge et on a procédé à des statistiques, à obtenir des statistiques sur les personnes qui... Tu as des chiffres, toi, ici? Lis-le, parce que je ne vois pas... Il écrit mal. C'est un notaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Leduc: En autant qu'il se comprend lui-même.

M. Marsolais (Denis): C'est ça que je vais vérifier.

M. Guay (Gérard): Le pire, c'est que ce n'est même pas moi qui l'ai écrit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Guay (Gérard): Ceci étant dit, les chiffres sont assez impressionnants. Les inscriptions de mandats en cas d'inaptitude au registre des mandats de la Chambre des notaires – je n'ai pas de statistiques pour le registre du Barreau, mais pour la Chambre des notaires – de 1991, qui est l'instauration du registre, jusqu'à 31 décembre de l'an dernier, 1997, il y a 508 075 mandats d'inaptitude d'inscrits et, là-dessus, il y en a seulement 309 qui sont des dépôts de mandats sous seing privé, devant témoins, qu'on dit, qui ont été déposés au rang de minutes de notaires et qui sont inscrits au registre. Tout le reste, c'est des mandats d'inaptitude notariés.

C'est donc dire que, déjà, ça regroupe une bonne tranche de la population qui l'a fait. Cela ne veut pas dire qu'on n'est pas d'accord avec ce que disaient les représentants de l'Association des hôpitaux tantôt, de faire des campagnes de sensibilisation à ce niveau, comme le ministère de la Justice l'avait fait en 1991-1992, mais toujours est-il que, déjà, on voit que les gens sont sensibilisés. Pour être un praticien, comme on dit dans la vraie vie, je peux ajouter que, à date, c'est surtout, évidemment, les personnes plus âgées qui ont été sensibilisées à ça et qui ont tenu à faire leur mandat d'inaptitude pour justement qu'ils puissent décider qui s'occuperait... Mais je pense qu'il y a aussi... et c'est là que les sensibilisations pourraient être faites pour les prochaines années, auprès des plus jeunes. On peut tous, en prenant l'autoroute, avoir un accident de la route puis être inapte pour quelques mois ou plus longtemps. Je pense que c'est à ce niveau-là, je parle des plus jeunes, où on se sent peut-être moins sensibilisé à ça.

Comme je dis toujours aux gens, un testament, puis les gens ne font pas la distinction entre testament puis mandat d'inaptitude, c'est comme l'assurance. L'assurance-vie, c'est sûr, un jour, tu vas mourir, puis quelqu'un va être payé. Le mandat d'inaptitude, c'est comme l'assurance-feu. Si tu ne passes pas au feu, tant mieux, tu vas avoir payé toute ta vie pour rien, mais, si tu passes au feu, tu vas être bien heureux d'avoir de l'assurance.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Guay (Gérard) : Alors donc, je pense que c'est un point important. On remarque que le mandat d'inaptitude est un élément auquel les gens sont sensibilisés, mais il y a lieu de continuer dans ce sens-là, parce que ça approche les gens... déjà, ça permet aux gens d'être plus conscientisés des problèmes et ils se sentent moins démunis que lorsqu'il n'y en a pas. J'ai souvent eu, dans ma pratique, des gens qui faisaient une paralysie soudaine, puis là leur épouse appelle le lundi matin: Mon mari a fait un accident cardiovasculaire en fin de semaine. Avait-il fait un mandat? Je vérifie, puis je dis: Oui, il en avait fait un. J'entends un ouf! au téléphone, parce que les gens savent que ça... Donc, à ce niveau-là, il y en a déjà beaucoup qui en ont fait, puis je pense que les gens, de ce côté-là, continuent.

Mme Leduc: Je vous remercie.

M. Marsolais (Denis): Ça répond bien à votre question?

Mme Leduc: Oui, merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Ménard: J'en aurais peut-être une ou deux. D'abord, sur la notion de décideur. Là, c'est plus à Me Frémont, au fond, que je m'adresse. Vous avez entendu les arguments que l'on tire sur l'argument constitutionnel. Je pense que vous avez étudié la question. Est-ce que vous pourriez nous donner l'état de vos réflexions?

M. Frémont (Jacques): Vous donnez quoi?

M. Ménard: L'état de vos réflexions sur la notion de décideur.

M. Frémont (Jacques): Bien, écoutez, je pense...

M. Ménard: Est-ce que, véritablement, le notaire qui prend une décision... Moi, je m'attends... Remarquez que ça ne me surprendrait pas que le notaire conseille à ses clients le régime approprié de protection du simple conseil, en passant par la tutelle, jusqu'à la curatelle la plus complète. Est-ce qu'il s'agit, enfin, ici, du même type de décision que lorsqu'on parle des décisions qui ont besoin d'un décideur impartial?

M. Frémont (Jacques): Écoutez, clairement, pour ce qui est de l'application des normes constitutionnelles, vous avez bien compris, ce sont deux logiques parallèles qui ne se rejoignent pas. À savoir si la décision dont on parle, s'il y a une décision, premièrement, au niveau du notaire... Je pense que, clairement, il n'y a pas de décision et la terminologie employée par le projet de loi est absolument limpide à cet égard. On fait attention pour bien dire qu'il n'y a pas de décision. Ce n'est pas du tout le même type de décision qu'une décision de type judiciaire où, là, on convient, toute la panoplie des instruments de protection des droits et libertés s'applique.

(15 h 50)

Ceci étant dit, il y a possiblement... Là, mes confrères et mes consoeurs notaires seraient mieux placés, mais je pense que, comme officier public, le notaire qui va intervenir lors de la procédure pour prendre acte, pour regrouper le tout, il est de son devoir d'expliquer aux gens qui sont là. Là, ce n'est pas un conseil au sens d'un conseil partisan à une partie, mais d'expliquer à tout le monde quels sont les tenants et aboutissants de la décision que le conseil se prépare à prendre. À cet égard, tout comme lors d'une transaction immobilière, lorsque le notaire intervient – je sais que c'est un parallèle boiteux – il a un devoir d'impartialité envers toutes les parties au contrat. Alors, le parallèle est là, donc il a un devoir non pas partisan, mais un devoir de conseil, comme officier public, très clairement.

À cet égard-là, je ne vois pas comment on peut appliquer toutes les normes qui ont été développées dans le cadre de litiges, de décisions judiciaires, quasi judiciaires de tribunaux administratifs où, comme vous le souligniez vous-même ce matin, on enlève un permis à des gens, on affecte, dans un contexte «adversarial» – excusez-moi l'anglicisme – dans un contexte contradictoire, les droits des parties qui sont présentes.

M. Ménard: O.K. Est-ce que, d'après vous, le notaire peut donner des conseils à la famille sur le régime de protection qui, à son avis, convient le mieux à la situation particulière qui lui est présentée?

Mme Duclos (Dominique): Bien, en fait, oui, ça fait partie de son devoir de conseil. C'est-à-dire que, comme officier public – parce que, dans ce cadre-là, évidemment le notaire devra agir comme officier public, il devra agir dans l'intérêt de la partie visée par la demande – il ne s'agira pas, à ce moment-là, de décider du régime applicable, mais bien de remplir son devoir de conseil en renseignant les membres de l'assemblée de ce qu'est chacun des régimes. De toute façon, le régime de curatelle, qui est le régime, disons, le plus sévère, peut-être, en cas d'inaptitude totale et permanente, le législateur a pris soin de déterminer dans quels cas très précis on pouvait appliquer ce régime-là. Donc, évidemment que, oui, lorsque le notaire va s'adresser aux gens de l'assemblée de parents, il aura ce devoir de conseil là de leur donner toute l'information utile pour bien mesurer l'impact de chacun des régimes.

M. Ménard: Oui, mais est-ce qu'il peut diriger le conseil de famille, dire: Dans ce cas-ci, voici, c'est tel type de tutelle qui est le plus...

Mme Duclos (Dominique): En fait, c'est des choses qui arrivent actuellement, ça. Là, on a entendu des choses...

M. Ménard: Habituellement, il ne décide pas.

Mme Duclos (Dominique): Non, il ne décidera pas non plus, mais...

M. Marsolais (Denis): Le notaire, il ne décide pas non plus après.

Mme Duclos (Dominique): C'est parce que, dans la requête, actuellement le notaire va définir... La requête, ce n'est pas une requête... On dit: Une requête d'ouverture de régime de protection au majeur. L'assemblée va choisir un régime en fonction évidemment du degré d'inaptitude constaté dans les évaluations. C'est la même chose. Le notaire leur explique ce que c'est, un régime de protection. Évidemment, même si un membre de l'assemblée voulait avoir une administration totale des biens du majeur inapte, s'il s'agit d'un régime de tutelle qui est applicable dans le contexte, on ne pourra pas l'ouvrir, la curatelle. Le législateur, en fait, en 1990, a déjà pris toutes les décisions qui s'imposaient à cet égard-là.

M. Guay (Gérard): Pour ajouter sur le sujet, une note peut-être un peu pratique. Je fais régulièrement ce genre de dossier là. C'est que, d'abord, les évaluations sont faites sur des formulaires recommandés par le Curateur public, préparés par le Curateur public, que maintenant tous les centres hospitaliers utilisent.

Partant de là, lorsque vient l'assemblée, le notaire fait lecture des évaluations médicale et psychosociale. C'est évident qu'il a un devoir de conseil qui est d'expliquer c'est quoi la loi puis c'est quoi les différents régimes qui pourraient s'appliquer. Ceci étant dit, c'est l'assemblée qui fait sa recommandation, parce qu'elle connaît sa personne, c'est la personne de sa famille qui est malade. Alors, elle fait sa recommandation après avoir eu les explications sur c'est quoi l'incapacité partielle, temporaire, totale, permanente, toutes ces choses-là, toutes ces notions-là. On lui explique ça. L'assemblée donne son avis. Le notaire – et c'est ce qui va continuer avec la nouvelle procédure – va le consigner à son procès-verbal qui sera remis au greffe du tribunal. Le greffier aura, lui, par la suite, à prendre la décision selon la preuve qui aura été fournie. Mais le notaire, au départ, va avoir à expliquer les choses aux gens pour qu'ils puissent donner les bons avis...

Mme Duclos (Dominique): Comme aujourd'hui.

M. Guay (Gérard): ...tel que ça se fait actuellement.

M. Ménard: O.K. On a fait état aussi d'une différence qu'on a dans le projet de loi, où l'on demande au notaire d'agir dans le meilleur intérêt de la personne. Mais, à l'article 276, je crois bien...

M. Guay (Gérard): Article 257, M. le ministre.

M. Ménard: Non, ce n'est pas 257. Oui, c'est ça.

Une voix: Sur l'autonomie?

M. Ménard: Sur l'autonomie, oui.

(Consultation)

M. Ménard: Ah oui! C'est 257, effectivement, où on dit: «Toute décision relative à un régime de protection ou qui concerne le majeur protégé doit être prise dans son intérêt, le respect de ses droits et la sauvegarde de son autonomie.»

Croyez-vous utile qu'on ajoute la sauvegarde de son autonomie aussi dans la loi actuelle ou est-ce qu'automatiquement vous êtes liés par le Code civil?

M. Guay (Gérard): Effectivement, on demeure toujours liés par le Code civil. Il ne faut pas oublier une chose, c'est que les nouvelles règles proposées par le projet de loi n° 443 s'appliquent non seulement en matière de régime de protection, mais également en tutelle mineure, en vérification de testament, bon, des domaines où l'article 257 ne s'applique pas nécessairement.

Ceci étant dit, je pense que la règle, telle que précisée dans le projet de loi n° 443, m'apparaît suffisante à cet égard puisqu'on dit: Dans l'intérêt de la personne visée par la demande. Mais on va comprendre que l'article 257, lorsqu'il s'agit d'ouvrir un régime de protection, va exiger une obligation additionnelle qui est celle de la sauvegarde de l'autonomie.

Alors, je crois que ces deux articles-là, loin d'être incompatibles, se complètent. En ce qui nous concerne, au cours de la procédure civile, je pense que l'article, tel que libellé, répond parfaitement à l'exigence et à l'obligation qui est donnée au praticien de sauvegarder, de prendre l'intérêt de la personne, sans qu'on ait besoin d'ajouter autre chose, puisque c'est déjà dit ailleurs. Et ça devra toujours être respecté.

M. Ménard: Maintenant, justement, vous avez parlé des différences entre les différentes sortes d'incapacité: partielle, totale, permanente, temporaire et les combinaisons des deux, surtout. Je ne sais pas, je n'ai pas remarqué si vous étiez ici mardi en fin de séance lorsque des représentants de l'Association qui voyait à la protection des personnes...

Une voix: Atteintes de VIH.

M. Ménard: Non, pas atteintes du VIH, c'est ceux...

Une voix: Sous curatelle publique.

M. Ménard: Curatelle publique, oui. Peu importe. Moi, j'ai un cas pathétique d'une personne qui me racontait que justement – et là j'ai compris, après l'avoir écouté, beaucoup plus longtemps après – son père a été victime d'Alzheimer. L'Alzheimer est une maladie qui généralement progresse, mais dans ses premiers... il y a des moments de lucidité qui succèdent à des moments d'inaptitude, d'inconscience, et ainsi de suite. Donc, il semble bien que le Curateur public lui ait suggéré d'abord une tutelle, ensuite avec des processus de vérification au bout de deux ou trois ans, et ainsi de suite. Et elle a remarqué qu'à chaque fois que le père recevait la procédure il y avait une désorganisation qui se faisait chez son père. Donc, on en déduit – et je pense que c'est clair pour qui connaît un peu les maladies mentales – qu'il y avait là une blessure profonde qui était occasionnée par ce geste de signification. Avez-vous des suggestions pour empêcher que de pareils cas se reproduisent?

Mme Duclos (Dominique): En fait, j'ai effectivement assisté au témoignage, puis c'est ça, la vraie vie. Je veux dire, la vraie vie, c'est celle-là. C'est la famille qui est complètement troublée parce qu'un proche devient inapte. C'est l'inapte lui-même qui effectivement a souvent des périodes de lucidité où, sans être complètement incapable de s'apercevoir de ce qui se passe autour de lui, est devenu incapable d'administrer ses biens et de s'occuper de lui-même. Ce sont des périodes très, très, très chargées d'émotions.

Effectivement, la signification, c'est impressionnant, c'est très impressionnant dans le sens où un huissier se présente avec des documents de cour. Pour les gens, des documents de cour, c'est qu'on se fait poursuivre. C'est clair, c'est ça. Même si on tente d'expliquer à ces gens-là, en fait, que c'est pour leur protection qu'on leur a envoyé un huissier, ils ont de la difficulté à comprendre ça.

(16 heures)

Nous, on considère justement que le projet de loi, en prévoyant la notification, constitue déjà une amélioration par rapport à la procédure actuelle qui n'impose la signification à personne. La notification, on a soulevé évidemment des objections à ce procédé-là, en disant: Ce n'est pas sûr que la personne la recevra elle-même. Il faut formaliser absolument, il faut... En fait, la première question de l'interrogatoire devrait probablement être celle-là, demander au majeur inapte s'il a reçu la notification, l'avis qui lui a été adressé à l'effet que... Mais la notification comme telle serait beaucoup plus facile à vivre pour ces gens-là, ça, il n'y a pas de doute.

M. Ménard: O.K. Je comprends que la première procédure doit certainement être signifiée à la personne, quelles que soient les conséquences que ça peut avoir, parce qu'il faut quand même que la personne soit avertie avant d'instaurer un régime de protection qui, pour reprendre l'expression du président de la Commission des droits de la personne, lui enlève ses droits, l'exercice de ses droits, quoique ce soit nuancé par le Code civil, je l'ai remarqué. En tout cas. Mais, quand même, je pense qu'au début tout le monde est d'accord, il faut que la personne soit avertie. Mais, par la suite, est-ce qu'on peut penser à une procédure exceptionnelle dans les cas exceptionnels où la signification de procédure cause un tort considérable à la santé mentale de la personne?

M. Guay (Gérard): Le projet de loi donne déjà une esquisse de solution, puisque, dans un cas d'instance d'ouverture de régime par notaire, on prévoit la notification plutôt que la signification. Donc, déjà là, je pense qu'il y a quelque chose qui répondrait à la question de la personne qui expliquait son cas vécu. Pour le reste, je crois effectivement que les gens – et d'autres intervenants l'ont exprimé – ont une peur des tribunaux, à tort ou à raison, et que la procédure prévue dans ce projet de loi est une réponse peut-être incomplète, mais sûrement une réponse qui peut déjà améliorer les choses dans ce domaine.

M. Ménard: Je m'excuse d'insister, mais peut-être que Me Frémont pourrait... Il y a peur et peur, là. Je veux dire, tout le monde a peur des tribunaux – c'est peut-être une bonne chose qu'on ait peur de la police – et puis il y a des gens plus que d'autres, etc. Mais les choses qui me préoccupent, c'est quand c'est évident que ça cause un tort important à la santé mentale. Faut comprendre que les gens qui sont atteints de santé mentale souffrent. La première caractéristique en santé mentale, c'est la souffrance, et très souvent une souffrance qu'on ne peut pas anesthésier. Et il y a des choses qui, étant donné la santé mentale de la personne, la condition de santé mentale, font souffrir plus que d'autres. D'imposer cette souffrance à une personne, il me semble que, si on la voyait physiquement, personne n'oserait lui imposer cette souffrance, si c'était un geste physique qu'on posait plutôt qu'un geste qui a une influence sur le psychique. Mais est-ce qu'on peut rester dans les domaines de ce qui est admissible en droit, penser que, dans ces circonstances-là, au moment où on prononce l'incapacité, on pourrait nommer quelqu'un qui doit faire la notification, qui doit recevoir notification et qui doit lui-même s'occuper d'informer la personne au moment... Ce serait le curateur, ou la curatrice, ou...

M. Frémont (Jacques): Comment dire? Ce n'est pas évident. Il faudrait y réfléchir, et j'ai l'impression que c'est une mesure tellement extraordinaire qu'il faudrait qu'elle soit autorisée auparavant.

M. Ménard: C'est exactement ce que je pense. Je pense que, évidemment, pour l'autoriser, il faudrait passer devant un juge...

M. Frémont (Jacques): Tout à fait, avoir une autorisation judiciaire et...

M. Ménard: ...avoir une explication médicale, une opinion médicale sur cette question, déterminer le degré de confiance que l'on peut accorder à une personne, au curateur ou à la curatrice, et peut-être – la personne, comment est-ce qu'on l'appelle? ce n'est pas le subrogé tuteur, là, mais, en tout cas, une autre personne – faire intervenir deux personnes pour faire...

M. Frémont (Jacques): Ça prend vraiment des moyens extraordinaires, ça me paraît assez clair. Il faudrait vraiment que ce soient des cas limites. Est-ce qu'il y a moyen d'ouvrir une porte pour ça simplement, mais vraiment de l'entrouvrir sans qu'on rentre dans des dédales à n'en plus finir de procédures à définir? Je ne le sais pas. Je vous avoue que je ne le sais pas. Ça mérite réflexion certainement.

M. Ménard: Si on le décide, on vous soumettra le cas, comme je le soumettrai au Barreau, d'ailleurs, indéniablement.

M. Guay (Gérard): Mais ce qu'il faut ajouter, si vous me permettez, c'est: déjà, actuellement, pour atténuer ces effets-là, les huissiers ont l'habitude de le signifier en présence d'une infirmière. Alors, déjà ça ressemble beaucoup à une notification, ce qui se fait, parce qu'on le remet à une infirmière qui le met sur la table de chevet de la personne malade. Donc, déjà là, on est proche, en pratique, de ce qu'on pourrait avoir avec une notification. Peut-être que le notaire devrait aller lui-même le lui porter; ça, on verra.

M. Marsolais (Denis): Le notaire pourrait le signifier lui-même en personne.

M. Guay (Gérard): Lui-même. Ce serait déjà peut-être moins traumatisant. En tout cas, on...

M. Marsolais (Denis): Dans des cas exceptionnels, le notaire pourrait jouer ce rôle-là, aller signifier à la personne qu'il connaît... En tout cas, c'est une piste.

M. Ménard: Oui, c'est une bonne piste.

M. Marsolais (Denis): On en a plein comme ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): On ne vous les donne pas toutes tout de suite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Je ne veux pas faire un projet de loi pour ça, mais là on est justement dedans.

M. Marsolais (Denis): Oui, oui, je comprends. Non, non, je comprends.

M. Ménard: Alors, c'est peut-être le temps de régler les problèmes, parce que...

Une voix: Effectivement.

M. Marsolais (Denis): Oui, oui.

M. Ménard: C'est pour ça qu'on tient des audiences aussi, parce qu'on n'est pas rien que législateurs, ici, tu sais, on est des gens... Si les législateurs sont élus, c'est pour qu'ils tiennent compte des problèmes réels des gens et non juste d'applications théoriques du système juridique.

M. Marsolais (Denis): Entièrement d'accord avec vous.

M. Ménard: On a tous été, je pense, très frappés, ceux qui ont été ici, par l'importance de faire quelque chose pour alléger ces souffrances.

M. Marsolais (Denis): Bien, je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, nous vous remercions de votre présentation et de votre disponibilité pour répondre aux questions qui ont fusé pendant presque une heure. Merci à vous tous.


Remarques finales

Nous en sommes maintenant à l'étape des remarques finales.

M. Ménard: Bon, M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que vous commencez... le porte-parole de l'opposition officielle?

M. Ménard: Ah bon! Je m'excuse. Comme vous voudrez. Non, je vais suivre les habitudes. Si, d'habitude, c'est l'opposition qui commence, c'est parfait.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Alors, tout d'abord j'aimerais remercier encore une fois tous les groupes qui ont préparé des mémoires en vue de cette consultation sur le projet de loi n° 443, soit la Loi modifiant le Code de procédure civile en matière notariale et d'autres dispositions législatives. La qualité des mémoires démontre bien le travail sérieux qui a été fait pour nous éclairer sur ce sujet très important. Nous avons écouté avec beaucoup d'attention les commentaires, les préoccupations et les réponses à nos questions.

Je tiens à dire également que je suis fier du climat qui a caractérisé nos échanges tout au long de ces deux journées, un climat empreint de dignité, de convivialité et de respect. En effet, malgré des divergences d'opinions, nous avons pu nous rendre compte que nous avions tous un but commun qui était d'assurer la protection du public et plus particulièrement des plus vulnérables de notre société.

M. le Président, est-ce que le projet de loi, tel que rédigé, est la réponse à la justice plus accessible, plus rapide et plus humaine réclamée par nos citoyens? Lors des auditions des organismes et des professionnels invités à participer aux consultations sur le projet de loi n° 443, force nous fut de constater qu'il y avait divers points de vue sur le sujet: celui de ceux qui étaient opposés, et ceux qui pensent que cette voie alternative est un pas vers une justice à l'écoute des besoins de la population québécoise. Je crois qu'il est de notre devoir, maintenant, comme parlementaires, de bien analyser l'information reçue. L'opposition officielle, qui a voté en faveur de l'adoption du principe de ce projet de loi n° 443, aimerait maintenant connaître la position du gouvernement face aux questions soulevées par les divers intervenants qui se sont présentés devant nous.

Il va sans dire que les commentaires touchant les notaires ne remettent aucunement en question les attributs remarquables de ces professionnels mais ont plutôt été faits en relation avec les garanties du projet de loi pour la protection du public, qui était l'essence même de nos préoccupations. Permettez-moi d'ailleurs de vous citer à ce sujet un extrait du mémoire de l'Office des professions du Québec. Citation: «Les notaires du Québec sont des juristes à part entière dont les connaissances et le savoir-faire justifient sans doute qu'on prenne en considération leurs aspirations à servir plus largement le public qui s'adresse déjà à eux en toute confiance comme officiers publics ou comme conseillers juridiques.» Fin de la citation.

(16 h 10)

M. le Président, de sérieuses questions ont cependant été soulevées dans les mémoires déposés devant cette commission, qui demandent notre attention. Premièrement, est-ce que le projet de loi n° 443 demande au notaire de constater les faits ou lui accorde-t-il un pouvoir décisionnel? Si tel est le cas, nous devrons alors nous assurer que les gestes posés par le notaire seront protégés par les garanties d'indépendance et d'impartialité. Nous devons également prendre en considération les propos du Protecteur du citoyen lorsqu'il écrit dans son mémoire, et je cite: «Le Protecteur du citoyen a estimé devoir faire confiance au notaire, en sa qualité d'officier public membre d'une corporation professionnelle régie par le Code des professions et assujettie non seulement aux exigences du Code civil et du Code de procédure civile, mais également à celles de la Loi sur le notariat et du Code de déontologie des notaires.» Fin de la citation.

Les propos apportés un peu plus loin par le Protecteur du citoyen nous démontrent cependant bien qu'il partage nos inquiétudes pour les plus vulnérables de notre société, et je cite: «Il s'impose que les parlementaires ne légifèrent en ce domaine qu'avec prudence afin de ne pas diminuer la protection présentement accordée par le système judiciaire aux personnes dont la liberté peut devoir être restreinte ou même niée en vertu d'un régime de protection ou par la mise en vigueur d'un mandat donné en prévision d'une inaptitude.» Fin de la citation.

Deuxièmement, l'interrogatoire que devrait effectuer le notaire en vertu des dispositions du projet de loi n° 443 a fait l'objet de plusieurs commentaires et discussions, à savoir: Est-ce que les éléments essentiels nécessaires à cet interrogatoire devraient faire l'objet de dispositions spécifiques du projet de loi? Quelle est la nature de cet interrogatoire? Comment l'interrogatoire devrait-il être rapporté: par enregistrement complet ou par procès-verbal? Autant il y a de questions, autant le ministre devra répondre.

Troisièmement, comment expliquer que le mémoire de l'Office des professions souligne les avantages du projet de loi en ce qu'il procure une meilleure homogénéité de l'intervention, le notaire instrumentant de façon linéaire le dossier qu'il a préparé, alors que la dernière phrase de l'article 889 indique, et je cite: «Toutefois, le notaire qui a reçu un testament en dépôt ou un membre de son étude notariale ne peut procéder à sa vérification»? Fin de la citation.

Quatrièmement, l'avis à être envoyé aux personnes intéressées a aussi fait l'objet de nombreux questionnements, en l'occurrence: À qui doit-on signifier ou notifier cet avis? Quelles informations doit-il contenir? Quelle forme prendra-t-il? Je crois qu'il serait important que l'on se penche sur ces matières et qu'on prenne peut-être l'exemple sur les divers avis déjà en annexe du Code de procédure civile.

Enfin, nous avons vu que la notion de «contestation», soit le moment où le notaire doit se dessaisir du dossier, a été l'un des sujets soulevés par les intervenants. Est-ce qu'il s'agit d'une contestation sur une matière principale seulement ou également sur toute question incidente? Une définition de la contestation contenue au projet de loi serait-elle peut-être une avenue possible?

La question de la rémunération des notaires a aussi fait l'objet d'opinions variées. Certains, d'ailleurs, ont suggéré une grille d'honoraires établie par un tarif officiel afin d'éviter la concurrence et qui pourrait permettre à tout individu, qu'il soit fortuné ou non, d'avoir recours à des services de même qualité. À cet égard, il est certain que notre objectif d'une justice plus accessible et plus rapide ne doit pas nous emmener vers une justice à deux niveaux.

Le lieu d'introduction des procédures et le risque de dédoublement a aussi retenu l'attention des participants. L'obligation, pour le notaire, d'ouvrir un dossier au palais de justice du district judiciaire du domicile de la personne faisant l'objet des procédures et de vérifier préalablement le plumitif de ce même greffe pour s'assurer qu'une autre procédure semblable n'existe pas serait peut-être une solution à considérer, puisque l'on nous a dit que, de cette façon, le risque de dédoublement serait infime et quasi inexistant.

En conclusion, M. le Président, tout en favorisant l'évolution et le développement de notre système professionnel et l'ouverture vers une judiciarisation dans le but d'une meilleure accessibilité à la justice pour la population québécoise, il est de notre devoir de nous assurer que toute modification au système judiciaire fournit au citoyen des garanties de protection et de sauvegarde de ses droits et libertés. Merci à vous.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le porte-parole de l'opposition officielle. J'inviterais maintenant le ministre de la Justice à nous faire part de ses remarques de conclusion.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, d'entrée de jeu, M. le Président, je veux dire que l'objet du projet de loi, c'est de mieux protéger les personnes inaptes au Québec, c'est d'en faire bénéficier toutes celles pour lesquelles c'est nécessaire de faire bénéficier des régimes de protection.

Je remarquais que, dans le chapitre troisième du Code civil qui traite des régimes de protection du majeur, le premier article de tous, l'article 256, dit bien:

«Les régimes de protection du majeur sont établis dans son intérêt; ils sont destinés à assurer la protection de sa personne, l'administration de son patrimoine et, en général, l'exercice de ses droits civils.

«L'incapacité qui en résulte est établie en sa faveur seulement.»

Voilà, en fait, l'objectif que nous poursuivons. Il ne s'agit pas de priver quelqu'un de ses droits; il s'agit, au moment où l'on constate que cette personne risque de perdre des droits, risque de perdre son patrimoine, risque d'être incapable ou de subir des décisions auxquelles elle ne pourrait pas s'opposer, d'assurer le soutien nécessaire pour que, pour cette personne, les décisions qui sont prises dans l'exercice de ses droits, dans la protection de son patrimoine, dans la protection de sa personne physique soient prises dans son intérêt comme elle le ferait elle-même si elle était apte, ou enfin le mieux possible. C'est notre préoccupation.

Au départ, on présume que les personnes peuvent exercer leurs droits, et il arrive que, pour toutes sortes de raisons – des raisons d'ordre criminel, des raisons d'ordre pénal ou même pour toutes sortes d'autres raisons – l'on se sente obligé de priver les personnes de l'exercice d'une partie de leurs droits. Il est donc évident, dans ces cas, que les plus grandes précautions doivent être prises sur l'impartialité du décideur, sur la signification, sur l'avertissement, sur le système accusatoire, sur le fait que la personne sache bien le reproche qu'on lui fait, qu'on lui donne l'occasion de se défendre, et ainsi de suite. Mais, ici, on n'est pas dans des cas semblables; on est dans des cas où l'on constate que les personnes sont incapables d'exercer leurs droits, et donc qu'elles risquent de perdre les droits, les profits de leur travail, leur patrimoine, et ainsi de suite, et qu'il faut leur apporter un système de protection.

Dès lors, si le législateur constate que, après avoir établi l'un des meilleurs systèmes de protection des personnes incapables au monde, beaucoup de citoyens et de citoyennes qui sont visés par ces mesures de protection ne les exercent pas pour une raison ou pour une autre, le législateur doit se demander pourquoi et il doit chercher à apporter une solution. Le législateur a déjà apporté des solutions, mais on constate – et c'est remarquable – dans les audiences que nous avons tenues ici, que les institutions qui sont les plus en contact avec des personnes incapables sont celles qui appuient le plus le projet de loi. Les organismes qui sont voués à la défense des intérêts de ces personnes ont aussi tendance à protéger ces lois. Mais des organismes, et parmi les plus respectables que la société québécoise s'est donnés, qui sont plutôt en contact avec les personnes ordinaires qui peuvent exercer leurs droits, sont extrêmement soucieux de protéger le régime juridique qui protège la privation des droits, et je pense que ce n'est pas une situation de conflit d'intérêts pour ces organismes-là, mais que la position dans laquelle on est colore, d'une certaine façon, l'opinion que l'on se fait.

(16 h 20)

Je pense que, là, je peux dire à tous ceux qui doutaient de la nécessité de tenir des audiences publiques sur ce projet de loi – ha, ha, ha! – et qui auraient voulu qu'il passe trop vite que, s'ils avaient assisté aux audiences auxquelles nous avons assisté, ils seraient absolument convaincus de la nécessité de les tenir. Et aussi je pense que c'était la meilleure façon, pour des élus, de traiter les problèmes, puis je pense que, dans le contexte, encore une fois, où...

Je remercie l'opposition de sa collaboration. Je suis, moi, vous le savez, très peu heureux du spectacle que nous donnons parfois quotidiennement, un étage plus haut, du fonctionnement de la politique et je dis toujours: Vous devriez venir en commission parlementaire, c'est là que se fait le vrai travail des législateurs. Bien, les gens auraient pu constater cela, et le système de commissions parlementaires, qui justement appelle les gens à exposer... Et je pense qu'ici, de tous les organismes qui sont venus, quelle qu'ait été leur opinion, aucun d'entre eux – et je pense particulièrement au premier d'entre eux, le Barreau – n'est venu descendre ici des intérêts corporatistes. Je pense, par contre, que, étant donné la nature – et c'est vrai certainement pour la Commission des droits de la personne – des problèmes avec lesquels ils sont confrontés, leurs préoccupations quotidiennes, c'est ça plutôt qui influence et qui les appelle à avoir des opinions très contradictoires.

Alors, nous avons bénéficié, au fond, de ce débat contradictoire, et cela va nous permettre, je pense aussi, d'améliorer quand même le projet de loi, d'une certaine façon. C'est vrai que les grands objectifs de notre projet sont une justice plus humaine, plus souple, plus accessible, et nous avons constaté que nous étions dans un domaine vraiment où les protections offertes sont parfois sous-utilisées; mais nous avons un régime particulier, unique en Amérique du Nord, qui nous permet de bénéficier d'une personne qui est compétente en droit, qui a toujours été considérée comme un officier public, et là-dessus Me Demers nous a présenté d'une façon à la fois sobre mais justement éloquente que, à travers le monde, cet officier public est respecté. Nous avons constaté, par d'autres associations, que cet officier public est jugé de bon conseil et utile, dans ce genre de situations, par une partie importante de la population. Je pense, entre autres, aux remarques d'une très grande spontanéité des gens de la Fédération de l'âge d'or qui avaient un mémoire très court, mais qui, quand même, en réponse aux questions qui nous ont été données, ont démontré d'une façon très franche et tellement spontanée la confiance qu'ils accordent à cet officier public tout en respectant les tribunaux mais en les craignant – ha, ha, ha! – peut-être un peu trop.

Alors, c'est donc un officier qui fait partie de notre société distincte en Amérique et qui peut être utile pour ces nouveaux problèmes avec lesquels, je pense, notre société, heureusement vieillissante, parce que c'est vraiment une bonne nouvelle... Je n'en revenais pas, récemment, de voir que la bonne nouvelle, qui est le fait que la population vit de plus en plus longtemps, était présentée comme une catastrophe. Ha, ha, ha! Nos journaux n'aiment bien publier que des mauvaises nouvelles, on dirait. Ha, ha, ha! C'est une bonne nouvelle, mais c'est une réalité, par contre, que de plus en plus de gens, parce qu'on a évité toutes les autres maladies, vont être appelés à perdre progressivement l'usage pleine de leurs facultés, souvent à cause des dernières maladies qu'il nous reste à guérir.

Ces observations qui nous ont amenés à ce projet de loi font l'objet généralement d'un consensus; c'est simplement sur les moyens qu'on n'a pas l'unanimité. C'est vrai que je peux donner l'impression que mon idée est déjà faite, mais je promets à ceux qui ont défendu des opinions contraires de quand même me donner un temps de réflexion, et de le faire d'ailleurs avec mes fonctionnaires, sur le projet de loi. Certainement que ce temps de réflexion sera utile aussi pour y apporter des bonifications qui nous ont été suggérées. Mais, encore là, je ne voudrais pas que ces bonifications soulèvent de nouveaux problèmes. C'est certain que nous allons réfléchir à, je dirais, certaines significations au lieu de notifications. Mais je comprends que, dans ce domaine, nous ne devons pas alourdir inutilement le coût des procédures. Cependant, peut-être qu'une signification s'avérerait nécessaire.

On semble s'entendre que les avis devraient être un peu plus détaillés et mieux informer les personnes qui les reçoivent des droits qu'elles ont, de la possibilité de contester, de la possibilité peut-être même de consulter un avocat si elles désirent le faire, mais enfin... Nous pensons qu'il faut aussi prendre des mesures pour éviter la confusion possible suite à des demandes concomitantes; mais, comme on l'a signalé en cours d'audience, il ne faudrait pas que la création de registres auxquels tout le monde pourrait avoir accès facilement nuise à une personne contre laquelle on aurait demandé un régime de protection de façon indue et injuste et nuise ensuite à ses activités commerciales ou à ses relations avec d'autres personnes en jetant un doute sur son incapacité à gérer ses biens, donc à entrer dans des contrats fiables.

Nous allons réfléchir à la possibilité que certains notaires soient désignés. Je comprends aussi, des remarques de la Chambre des notaires, que, si vous favorisiez l'obligation de la formation permanente, vous seriez certainement prêt à gérer une formation obligatoire pour être désigné dans certains cas.

Nous allons réfléchir à la question du tarif où, vraiment, je pense, j'ai exposé les hésitations que j'ai et les raisons pour lesquelles... La tendance moderne, c'est de penser que les tarifs tuent la concurrence et, par conséquent, amènent l'augmentation des prix ou maintiennent artificiellement hauts les prix. Par contre, en matière professionnelle, quand les tarifs descendent trop bas, la qualité des services peut s'en ressentir. Donc, j'ai vraiment un esprit très ouvert là-dessus, nous allons réfléchir là-dessus, ici.

Il y a aussi les règles sur les conflits d'intérêts. Je crois qu'encore là les corporations professionnelles en général se sont montrées assez capables de les définir en pratique. Des fois, en définissant, on exclut des choses qu'on découvre plus tard qu'on aurait pu inclure, alors que l'utilisation de termes généraux permet aux comités qui sont saisis des décisions disciplinaires, et avec les appels qui sont entendus au Tribunal des professions, d'établir, au fur et à mesure des problèmes, des définitions qui peuvent être adaptées. C'est particulièrement vrai, cette notion, dans les régimes professionnels qui évoluent de plus en plus rapidement.

Donc, nous avons un certain nombre de questions sur lesquelles nous allons réfléchir, ce qui ne devrait pas, si nous sommes convaincus de la nécessité de ce projet de loi, en retarder l'adoption très longuement. Cette réflexion sera, je pense, quand même assez courte. Et je tiens, en terminant, à remercier tous les intervenants pour la qualité de leurs mémoires, à leur réexprimer ma conviction que toutes les opinions qui ont été entendues ici l'ont été de façon désintéressée et dans la poursuite simplement de l'intérêt public tel que ces personnes le comprenaient. Je remercie également les membres de la commission, je remercie encore une fois les membres de l'opposition pour l'apport positif qu'ils ont apporté à cette commission. Je pense que la façon dont elle a été menée, encore une fois, pourrait donner une meilleure opinion et, je dirais, une opinion plus juste à la population en général du sérieux avec lequel nous exerçons notre rôle de législateur.

(16 h 30)

Enfin, je tiens à remercier beaucoup les juristes du ministère qui m'ont assisté de leurs connaissances très pointues et qui ont su faire preuve aussi d'imagination, d'ouverture d'esprit au fur et à mesure que les problèmes ont été soulevés. Je tiens à les remercier. Je le répète souvent et je pense que c'est l'occasion de le répéter, je crois, encore là, que le haut fonctionnarisme québécois est d'une très haute qualité et que les préjugés que l'on entend souvent sur les fonctionnaires sont injustifiés.

Enfin, M. le Président, encore une fois, ça fait plusieurs fois déjà que je suis dans l'une de vos commissions et j'apprécie toujours la façon délicate avec laquelle vous faites valoir votre autorité. D'ailleurs, je pense que vous êtes récompensé par les excellents résultats que vous obtenez dans la conduite des débats. Merci.


Mémoires déposés

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. Avant de terminer nos travaux, je veux déposer à la commission deux mémoires, celui de la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale et le mémoire du Comité provincial des malades. Ces deux organismes nous ont soumis leur mémoire mais ne pouvaient participer à nos auditions. Alors, évidemment, ces deux mémoires seront pris en considération dans la suite de nos travaux.

En terminant, je veux remercier tous les organismes et les personnes représentant ces organismes qui ont participé à nos travaux, remercier les membres de la commission pour leur diligence, leur assiduité, leur sens du décorum aussi, les employés de la commission et les fonctionnaires qui ont assisté nos travaux. Merci bien. Et, sur ce, nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 32)


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