To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Thursday, September 12, 2002 - Vol. 37 N° 93

Consultation générale sur le projet de loi n° 109 - Loi sur l'Observatoire québécois de la mondialisation


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre. Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte, et je demande la fermeture des sonneries sur les appareils de communication. Alors, bienvenue à toutes les personnes qui sont présentes ici aujourd'hui pour ce travail. Et je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi sur l'Observatoire québécois de la mondialisation.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin (Verdun) est remplacé par Mme Houda-Pepin (La Pinière); Mme Lamquin-Éthier, par Mme Delisle (Jean-Talon); M. Pelletier (Chapleau), par M. Laporte (Outremont).

Auditions (suite)

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, j'indique que cet avant-midi nous aurons, tour à tour, des représentants d'abord du Centre international Unisfera; par la suite, l'Université Laval; suivra le Parti québécois; puis, pour terminer nos travaux cet avant-midi, avec le Conseil québécois pour l'Amérique latine.

Alors, sans plus tarder, j'invite le représentant du Centre international Unisfera à bien vouloir se présenter à la table.

Une voix: Bonjour, messieurs, dames.

Le Président (M. Lachance): Bienvenue messieurs. Selon les règles qui ont été préétablies, je vous indique que vous avez un maximum de 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires, et je vous prie de bien vouloir vous identifier ainsi que la personne qui vous accompagne.

Centre international Unisfera

M. Paquin (Marc): Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Marc Paquin. Je suis le directeur exécutif du Centre international Unisfera et je suis accompagné, ce matin, de M. Karel Mayrand qui est le directeur de la recherche au Centre. C'est d'ailleurs M. Mayrand qui va vous présenter dans quelques instants les grandes lignes de notre mémoire.

J'aimerais tout d'abord vous remercier de l'opportunité qui nous est donnée ici, ce matin, de vous présenter notre point de vue sur le projet de loi n° 109 portant sur la création de l'Observatoire québécois de la mondialisation. Juste quelques mots sur notre Centre afin de vous aider à cadrer un peu les perspectives contenues dans notre mémoire. Nous sommes un centre de recherche indépendant à but non lucratif dont la mission est de contribuer à l'avancement des connaissances en matière de développement durable, particulièrement sous les angles des politiques et du droit. Notre principal axe de recherche et d'expertise se situe au niveau des liens entre le développement économique et la protection de l'environnement et même, plus particulièrement, les liens qui existent entre les régimes de commerce international et la protection de l'environnement, le tout dans une perspective de développement durable. Également dans la réalisation de nos travaux, nous travaillons en partenariat avec d'autres experts, centres de recherche et des gouvernements et des ONG du Québec comme de partout ailleurs dans le monde. Donc, je cède maintenant la parole à M. Mayrand qui va vous présenter les grandes lignes de notre mémoire.

M. Mayrand (Karel): Alors, bonjour. Donc, nous sommes heureux de venir présenter ce mémoire dans le contexte actuel. Comme les travaux de cette commission, en fait les travaux sur ce projet de loi ont eu lieu en même temps que le Sommet de Johannesburg, comme vous le savez, alors, disons qu'on trouvait que ça ajoutait à la pertinence du sujet du développement durable ces jours-ci. Donc, dès le départ, on doit dire qu'on salue la décision, l'initiative de créer un Observatoire québécois de la mondialisation. Alors, on vient approuver le projet avec certaines réserves, mais c'est un appui quand même très, très ferme qu'on veut donner parce que ce projet a un fort potentiel mobilisateur, selon nous, pour les milieux de la recherche, pour la société civile québécoise et pour l'ensemble des milieux qui s'occupent des enjeux de la mondialisation.

Notre mémoire est fondé sur deux axes principaux. D'abord, le premier est que les enjeux et les régimes environnementaux sont des composantes fondamentales du processus de la mondialisation. Donc, c'est une composante qui est très importante. Deuxièmement, le développement durable est un cadre qui permet d'aborder, de manière intégrée, les problématiques soulevées par la mondialisation économique. Alors, toute notre analyse du projet de loi découle de ces deux idées de base. Alors, quand on parle du développement durable, ce n'est pas seulement la protection de l'environnement; en fait, le développement durable, tel qu'énoncé il y a 15 ans maintenant par la Brundtland, est un concept qui repose sur trois piliers, donc: le développement économique, l'équité sociale et la protection de l'environnement. Alors, ce n'est pas surprenant dans ce contexte de voir que le Sommet de Johannesburg a abordé des questions comme la pauvreté, le développement, la gouvernance économique et, bien sûr, la protection de l'environnement. Donc, le développement durable dépasse largement les enjeux environnementaux pour influencer l'ensemble des enjeux reliés à la mondialisation et ça inclut les questions de développement économique, de commerce international, de droits humains ou de gouvernance et aussi d'équité intra et intergénérationnelle.

En deuxième lieu, il existe un régime international de protection de l'environnement qui s'est développé parallèlement au régime économique au cours des 30 dernières années, mais qui s'est intensifié beaucoup plus dans les 15 dernières années, donc au même moment où la libéralisation des échanges commerciaux prenait aussi son envol. Et selon nous, ce n'est pas du tout un hasard, c'est qu'il y a des enjeux qui sont soulevés qui sont des enjeux communs. Donc, un régime se développe parallèlement à l'autre constamment.

n (9 h 40) n

Alors, aujourd'hui, on dénombre plus de 500 accords multilatéraux sur l'environnement dans le monde et on estime que le nombre d'accords bilatéraux pourrait être supérieur à 1 000. Depuis 1986, il y a plus d'une quinzaine d'accords environnementaux globaux qui ont été négociés et plus de 100 conférences internationales sur l'environnement ont été tenues. Aujourd'hui, il y a plus de 30 agences des Nations unies qui comportent une composante environnementale dans leur mandat. On peut penser... l'Organisation mondiale de la santé a une composante environnementale; la FAO, donc. l'organisation sur l'agriculture en a une aussi. Donc, beaucoup d'organisations sectorielles des Nations unies se retrouvent impliquées dans ce régime environnemental international.

Et, finalement, récemment, le Sommet de Johannesburg a réuni plus de 20 000 participants ? ça, c'est dans le sommet officiel ? et 191 États. Donc, le régime global de protection de l'environnement apparaît comme un des piliers importants de la mondialisation. Et son articulation harmonieuse avec les régimes internationaux de commerce et d'investissement, donc le vecteur économique de la mondialisation, ça, ça constitue un défi quand même très important et une problématique non résolue de la mondialisation.

Alors, ceci m'amène à aborder brièvement les enjeux du commerce international et de l'environnement et un peu leur pertinence pour le Québec. Alors, d'abord le Québec est un exportateur, on le sait tous, et c'est un exportateur qui dépend beaucoup de ses richesses naturelles. Alors, on peut penser à l'eau, à l'agriculture, aux forêts, l'énergie hydroélectrique. On pourrait nommer beaucoup d'autres choses, les pêcheries, etc. Donc, notre développement économique, même si aujourd'hui on s'oriente de plus en plus vers les nouvelles technologies, notre environnement naturel, nos ressources naturelles ? on parle souvent de régions-ressources aussi maintenant ? alors, donc, l'environnement est partie intégrante depuis le début du développement économique du Québec. Alors, dans ce contexte, le Québec a intérêt à protéger son environnement, à protéger ses ressources naturelles et à protéger aussi ses marchés d'exportation. Et ça, ça implique un suivi constant des enjeux et des politiques environnementales... internationaux. Voilà!

Je m'explique: le commerce international d'abord peut avoir des impacts et a des impacts importants sur l'environnement. Alors, ça se situe à plusieurs niveaux. Je n'aurai pas le temps d'énoncer ça. On pourra peut-être en discuter plus lors de la période de discussion. D'autre part, il existe des liens importants entre les réglementations environnementales, la compétitivité des entreprises et l'accès aux marchés d'exportation.

La libéralisation des investissements directs étrangers, donc les investissements directs, soulèvent également des enjeux fondamentaux en matière de politique environnementale, et ça, on l'a vu beaucoup dans le contexte du chapitre 11 de l'ALENA qui a suscité beaucoup de controverse et beaucoup de problèmes dans les dernières années.

Finalement, je peux dire aussi qu'il persiste beaucoup d'incertitude quant à la cohérence ou à la compatibilité entre, d'une part, les régimes environnementaux ou les normes environnementales nationales et, d'autre part, les régimes commerciaux et les obligations commerciales auxquelles les États consentent librement dans le cadre de ces accords.

À l'heure où on se parle, le Québec n'a pas encore développé de méthodologie d'évaluation environnementale stratégique des accords de commerce international ni nécessairement... ni d'instrument d'analyse systématique des enjeux qui sont soulevés dans ce cadre-là. Et on retrouve souvent ces enjeux-là, par exemple. dans la question du bois d'oeuvre, il y a eu des allégations de groupes américains qui disaient que le Québec subventionnait... en fait, le Québec faisait de l'écodumping c'est-à-dire, par le manque de protection environnementale sur les terres publiques québécoises, ça constituait une concurrence déloyale envers les producteurs américains. Ces choses-là toujours, toujours apparaissent... La Colombie-Britannique a déjà été attaquée sur le marché américain pour le bois d'oeuvre parce qu'on coupait des forêts vierges, etc.

Alors, c'est clair que ces enjeux-là finissent par nous rattraper ou finissent par toucher le Québec qui est exportateur. Donc, il faut se doter de méthodes d'analyse de ces enjeux. Et l'Observatoire, dans ce contexte-là, pourrait réaliser une évaluation environnementale stratégique des accords de Doha ou de négociation de Doha et de la Zone de libre-échange des Amériques, la ZLEA, qui pourraient entrer en vigueur en 2005, comme vous le savez.

Alors, maintenant, j'aimerais aborder brièvement la nature de l'expertise québécoise dans ce domaine, dans le domaine des politiques internationales de l'environnement et du droit international de l'environnement. Au Québec, plus particulièrement à Montréal, il existe un important pôle d'expertise environnementale qui comprend des organisations internationales comme le Secrétariat sur la diversité biologique, la Commission de coopération environnementale de l'ALENA ? et là, il y en a toute une série ? le Fonds du Protocole de Montréal sur l'ozone, donc des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, des centres de recherche, des organismes de coopération, des acteurs privés et publics dont l'expertise environnementale rassemblée est comparable à celle des autres grands centres environnementaux que sont, par exemple, New York, Genève ou Bonn, en Allemagne. Alors, le défi consiste en grande partie à favoriser les interactions et les synergies entre ces acteurs, et la création de l'Observatoire constitue à notre avis une opportunité unique de mise en commun des ressources existantes au sein d'un nouveau réseau de recherche qui inclurait des organisations et des chercheurs qui sont établis en sol québécois et de positionner ainsi le Québec et Montréal comme un centre d'expertise internationale en matière de politiques environnementales.

Donc, je passerai maintenant aux recommandations. Je n'irai pas nécessairement dans le détail parce que vous pouvez les lire aussi dans notre mémoire. Par contre, il y a certaines choses importantes qu'on voudrait souligner, d'abord les lignes de force du projet d'observatoire qui devraient, selon nous, être maintenues.

D'abord, l'Observatoire doit être un lieu d'échange d'idées, de connaissances et non une table de concertation ou de luttes idéologiques. Ça n'exclut pas d'avoir des débats, mais on considère que ça doit se concentrer sur une démarche participative transparente et sans se substituer au débat public dans son ensemble. Afin d'établir et de préserver sa crédibilité, l'Observatoire doit être animé d'une démarche scientifique empirique et transparente et développer une réputation d'excellence, et le développement de réseaux et la diffusion de connaissances constituent deux des aspects fondamentaux de la valeur ajoutée de l'Observatoire pour nous. Donc, on estime que l'Observatoire devrait investir ses ressources de manière à agir comme catalyseur ou comme rassembleur de l'expertise existante.

Par ailleurs, nous estimons que l'importance fondamentale des enjeux environnementaux dans le cadre de la mondialisation doit se refléter dans la structure et les travaux de l'Observatoire. Or, pour nous, il apparaît, à la lecture du projet de loi n° 109, que la dimension environnementale et le développement durable y sont sous-représentés. D'abord, dans la mission, il nous semble que, dans la mission de l'Observatoire, on pourrait faire référence au développement durable parmi les objectifs de la mondialisation qui y sont mentionnés. D'autre part, comme on l'a mentionné, le développement durable repose sur trois piliers, donc: économique, social et environnemental. Or, le projet de loi actuel accorde selon nous une nette prédominance aux deux premiers, donc le social et l'économique, au détriment du dernier, donc environnemental, et ça apparaît particulièrement dans la composition du conseil d'administration où on voit une nette prépondérance des acteurs socioéconomiques sur les personnes, disons, autres qui sont préoccupées par des sujets autres incluant l'environnement.

Donc, en conclusion, ce qu'on peut dire, si on pouvait résumer notre vision de l'Observatoire: Alors, la vision qu'on a de l'Observatoire, nous, c'est d'abord celle d'un observatoire qui rassemble l'expertise québécoise, qui intègre les divers enjeux de la mondialisation dans une perspective multidisciplinaire et intégratrice, qui suscite des discussions, qui identifie des consensus et des points de divergence, donc qui nous permet de progresser par le fait de cette identification, et qui alimente les autorités publiques et les acteurs socioéconomiques, la société civile dans leurs orientations face au phénomène de la mondialisation qui les touche tous les jours ou presque. Alors, voilà, c'est l'essentiel de ce qu'on avait à vous dire. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Merci, monsieur. Mme la ministre d'État aux Relations internationales, pour amorcer cette période d'échange.

n (9 h 50) n

Mme Beaudoin: Oui. Bonjour, merci d'être là. Je pense que votre mémoire est extrêmement important, en effet. Il nous stimule beaucoup, en tout cas, dans les recommandations que vous faites, dans les commentaires aussi que vous nous soumettez. Je vois bien que vous nous dites que, dans la mission, donc dès l'article 3, vous trouvez déjà... Est-ce que ce que vous souhaiteriez, c'est que, au lieu de dire: «d'en saisir les enjeux, d'en mesurer les conséquences et d'agir de façon éclairée en vue de favoriser une mondialisation maîtrisée et équilibrée, respectueuse des droits humains», vous aimeriez que la notion de «développement durable», avec les trois piliers que vous nous avez expliqués, se retrouve immédiatement, donc, à l'intérieur de la mission? Est-ce que j'ai bien compris, M. Mayrand?

M. Mayrand (Karel): Oui, bien, absolument. D'ailleurs, ce qu'on disait, ce qu'on proposait dans notre mémoire, c'est d'ajouter «et axée sur le développement durable, c'est-à-dire le développement économique, l'équité sociale et la protection de l'environnement».

Mme Beaudoin: À la place donc de «maîtrisée et équilibrée»?

M. Mayrand (Karel): Ah non, ça, on l'ajoutait, je pense. Ha, ha, ha! Si je me souviens bien.

Mme Beaudoin: D'accord. Alors...

M. Mayrand (Karel): Parce que «maîtrisée et équilibrée», en soi, nul ne peut être contre la vertu, et puis, on était pour.

Mme Beaudoin: D'accord. Mais vous voulez qu'on aille un peu plus loin puis qu'on précise davantage, donc, la mission en fonction du développement durable.

Quand vous nous dites, par ailleurs, que la dimension environnementale ou de développement durable est sous-estimée dans l'ensemble du projet de loi, nous, ce qu'on a essayé de faire, dans l'article 4, quand on dit: Il y a cinq paragraphes dans la réalisation de la mission, bon, recueil et analyse, bon, il y a une fonction cueillette d'information et analyse, le mot «environnemental» est là dès le premier paragraphe, n'est-ce pas? Il y a le monitoring des négociations, c'est extrêmement important, vous l'avez touché vous-même, et je crois que c'est un point fondamental quand vous nous dites: Dans le fond, la cohérence des normes environnementales avec les règles de commerce international ne sont pas assurées, et je crois que c'est un point central, en effet, et comment analyser, évaluer les négociations en cours, soit celles de l'OMC ou celles de la ZLEA à cette aune, en quelque sorte, là, de normes environnementales versus les règles commerciales internationales puisque, justement, c'est intimement relié et que c'est souvent sinon en contradiction, en tout cas, pas nécessairement facile à gérer.

Alors, après ça, il y a une mission de diffusion et d'éducation, d'imputabilité et de reddition des comptes, de coopération avec les partenaires, bon. Et, en même temps, vous nous dites: Bon, le conseil d'administration devrait lui aussi mieux refléter cette réalité qui est la vôtre et que vous nous expliquez très bien.

La seule question que je me pose, c'est toujours la même, en fait, quand on rencontre un groupe disons culturel, bien, c'est sûr que l'Alliance des créateurs vient nous dire: Bien, nous... puis là, ils nous expliquent l'OMPI, l'ADPIC, enfin, bon, toutes sortes de notions extrêmement importantes les concernant, et puis qui sont inquiétantes actuellement pour les créateurs parce que, déjà, à l'intérieur de l'OMC, ça a réussi à se faufiler alors qu'on voudrait exclure tout ça des règles de l'OMC. Les gens de la Coalition de la diversité culturelle viennent cet après-midi, je suis certaine qu'ils vont nous dire la même chose. Ma seule crainte, c'est de dire: Comment on maintient l'équilibre entre les secteurs étant donné l'ensemble, comme vous le dites si bien, des implications de la mondialisation? Et c'est un peu là-dessus que j'aimerais vous entendre.

M. Paquin (Marc): Écoutez, vous avez tout à fait raison que la mondialisation touche à plusieurs secteurs et que chacun y voit un peu ce qu'il veut bien y voir et, en ce sens-là, c'est bien entendu que notre mémoire reflète nos préoccupations. Par contre, je dirais que nos préoccupations, on essaie de les intégrer dans le concept plus grand du développement durable qui guide la plupart des juridictions de l'OCDE maintenant dans le développement de leurs politiques, y compris le Québec dans une bonne mesure.

Donc, lorsqu'on parle de développement durable, en gros, on a trois piliers que vous connaissez, là: le développement économique d'un côté, le développement social de l'autre et, finalement, l'environnement ou la protection de l'environnement. Et ces trois piliers-là, on s'entend généralement pour dire qu'ils doivent être considérés sur un même pied d'égalité, c'est-à-dire qu'une décision qui prendrait en compte un ou deux des deux piliers plus que le troisième fait en sorte que le tabouret est un peu bancal. Donc, c'est pour ça que, selon notre lecture du projet de loi, il y avait, par exemple, dans les descriptifs que vous mentionniez au paragraphe 4°, alinéa 1, ou à l'article 4, paragraphe 1°, pardon, il y a une série de choses qui sont nommées là que l'on peut relier dans les trois volets, effectivement, économique, environnemental et social, mais on voit qu'il y a une nette prépondérance du volet social lorsqu'on met ensemble les volets culturel, éducatif, social, travail. Donc, tout ça ensemble fait en sorte qu'il y a une espèce d'amalgamation qui donne un poids qui semble prépondérant à ce volet.

Mme Beaudoin: Oui, je comprends très bien, là, je comprends mieux d'ailleurs pourquoi vous dites ça, donc.

M. Paquin (Marc): O.K. Donc, c'est dans ce sens-là. Puis, évidemment, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'en vertu d'une autre théorie ? avec laquelle je ne suis pas très familier parce que je ne suis pas scientifique ? selon la théorie des systèmes, le système économique et le système social ne peuvent fonctionner que si le système environnemental fonctionne lui-même. Donc, c'est un peu comme la base sine qua non qui doit être fonctionnelle pour que le reste puisse fonctionner, d'où l'importance intrinsèque, je dirais, de traiter des questions d'environnement. Et que, si on occulte cette question-là lorsqu'on regarde la mondialisation pour s'assurer qu'il y a un développement économique qui supporte, disons, un développement social équitable, bien, on risque de se retrouver un petit peu en arrière, comme on faisait les politiques au niveau national à l'époque, c'est-à-dire: le développement économique, c'est bon parce que ça génère un développement social, donc de la richesse, il s'agit de la redistribuer, et on oublie qu'on a un impact négatif sur l'environnement.

Donc, notre objectif ici, c'est simplement d'essayer de ramener l'importance, de resouligner l'importance de traiter l'environnement comme étant partie intégrante de la mondialisation, comme supportant la mondialisation, et comme pouvant être impacté par la mondialisation.

Mme Beaudoin: Très bien. Une dernière question, M. le Président; vous dites, dans la partie II, Recommandations, en page 5 de votre mémoire: «L'Observatoire se doit d'être un lieu d'échange d'idées et de connaissances et non une table de concertation ou un lieu de lutte idéologique.» Je suis tout à fait d'accord avec ça, parce qu'on s'est dit que c'était évident que, si on voulait forcer la concertation, ça se terminerait en lutte idéologique justement. Alors, c'est pour ça aussi... puis vous avez probablement vu qu'on souhaite que ce soit des gens, dans le conseil d'administration, issus de certains milieux, qui sont nommés, mais pas les représentants officiels, les présidents de ces associations, ou de ces syndicats, ou de ces organisations patronales, parce que, là aussi, on va retrouver, nécessairement, la dynamique qu'on cherche à dépasser en quelque sorte.

Mais vous ajoutez: «Il doit se concentrer sur une démarche scientifique participative et transparente ? tout à fait ? sans se substituer au débat public.» Je comprends ce que vous dites. Mais est-ce que vous êtes opposés à ce que ce débat public soit aussi organisé? Pas totalement, il ne peut pas occuper tout l'espace public, chacun gardant sa propre responsabilité et sa propre parole publique, mais que, l'Observatoire mettant ensemble, justement, tous ces gens ? puis vous dites que c'est ça qui est innovateur puis c'est ça qui est intéressant ? autour d'une même table ? c'est un pari, on le sait ? il va finir par en sortir, justement, quelque chose, que le débat public puisse... Et on le dit à je ne sais pas quel numéro, là: «...assure la valorisation des informations, la diffusion de ses travaux et met en oeuvre, dans toutes les régions du Québec, des activités de sensibilisation et d'éducation.»

Dans le fond, ce qu'on dit là, c'est qu'on veut favoriser le débat public et que l'Observatoire est un des outils dans notre société, donc, pour le faire un peu plus organisé et, surtout, justement, très pluriel. Alors, est-ce que... Quand vous dites: «sans se substituer», est-ce que vous excluez que l'Observatoire puisse aussi participer, si je peux dire, à ce débat public et l'organiser partiellement?

M. Mayrand (Karel): Absolument pas. En fait, ce qu'on voulait distinguer ici, c'est la nature d'un débat public qui est essentiellement politique et animé de citoyens, donc politique au sens très, très large, animé de citoyens ou de groupes d'intérêts, etc., et une discussion ou un débat d'un autre niveau qui doit être celui d'un observatoire, d'après nous, qui doit se faire selon certains paramètres qui ne sont pas nécessairement les mêmes qu'un débat public de grande envergure. Donc, il doit y avoir certaines dispositions ou certains paramètres qui sont acceptés des gens qui gravitent autour de l'Observatoire. Maintenant, si l'Observatoire veut susciter le débat public par des publications, par des forums, par ce genre de choses-là, tant mieux; je pense que c'est souhaitable.

Mme Beaudoin: Très bien. Est-ce qu'il me reste un peu de temps, monsieur... Est-ce que tu veux poser une question? Il reste combien de temps?

Le Président (M. Lachance): Vous avez cinq minutes.

Mme Beaudoin: Alors, je vais laisser mon collègue, M. le Président, poser une question.

Le Président (M. Lachance): Très bien. M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre. Alors donc, on a l'Observatoire québécois de la mondialisation. Dans un premier temps, évidemment, on s'entend, le mandat, c'est d'observer en quelque sorte ce qui va se passer, de diffuser, d'informer. Mais, d'après votre exposé, vous semblez dire que ce n'est pas suffisant. Et je ne sais pas si j'ai bien compris, mais vous verriez un autre mandat qui est, par exemple, d'aller beaucoup plus loin, de donner des avis, de suggérer même des orientations, peut-être même modifier des enjeux. Est-ce que c'est ça que vous voyez dans le...

n(10 heures)n

M. Paquin (Marc): Non. Je ne pense pas qu'on propose que l'Observatoire aille jusque-là. Je pense que l'idée de l'Observatoire, comme vous dites, c'est effectivement de faire de la recherche, d'informer de manière la plus objective possible. Je pense qu'un avantage, un atout que pourrait avoir l'Observatoire, c'est dans la mesure où il sera capable de chercher à identifier quels sont les points de consensus en ce moment où est-ce que les gens s'entendent, c'est-à-dire sur les préoccupations de la mondialisation, sur les avantages, les inconvénients de la mondialisation. Une fois qu'on a identifié ces points de consensus, c'est identifier où est-ce qu'il y a des points de divergence et, à ce moment-là, orienter les travaux de recherche, orienter le débat sur ces points de divergence pour essayer de voir pourquoi est-ce qu'on a des points de divergence et comment est-ce qu'on peut essayer d'en arriver à un consensus. Et je crois que l'objectif des travaux de l'Observatoire sera, après ça, d'informer, d'utiliser les résultats de ces travaux pour informer et les décideurs publics comme la société civile et les acteurs socioéconomiques.

M. Boulianne: Puis, à l'intérieur du conseil d'administration, vous semblez voir une faiblesse. Est-ce que le comité scientifique ne peut pas compenser? De quelle façon vous voyez ça, le fonctionnement du comité scientifique?

M. Paquin (Marc): Écoutez, je répondrai peut-être par commencer par... Je vois un peu le conseil d'administration comme ayant un double mandat: un, gérer les affaires courantes ou, enfin, les grandes orientations de l'Observatoire, mais aussi peut-être agir comme une table ronde, c'est-à-dire où on amène des débats, on amène des discussions, on fait avancer les idées sur la base de documents de réflexion qui auront été préparés. Et je pense que le comité scientifique, lui, son rôle sera justement de regarder d'un peu plus près les mandats scientifiques qui seront accordés à des centres de recherche, s'assurer de la qualité des études, s'assurer de leur interdisciplinarité. C'est, en fait, comme un comité de pairs, de revue par les pairs. C'est un peu comme ça que je vois le comité scientifique. Je ne sais pas si Karel pourrait ajouter un...

M. Mayrand (Karel): Non, non.

M. Boulianne: Bien, merci.

Le Président (M. Lachance): Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui. Une question qui est un peu en dehors de tout ça, mais vous dites en page 3: «D'autre part, les changements climatiques causés par l'accumulation de gaz à effet de serre...» Je veux seulement vous demander: vous, vous prenez ça pour acquis que les changements climatiques causés par l'accumulation des gaz à effet de serre... parce qu'on entend des gens pas si loin de chez nous, là, aux États-Unis, qui nous disent: On refuse de signer ceci ou cela, parce que ce n'est pas prouvé puis qu'on a des grandes études scientifiques qui démontrent que ce n'est pas nécessairement vrai. Mais, vous, vous prenez ça pour acquis, là?

M. Mayrand (Karel): Bien, en fait, on ne peut pas faire mieux que se baser sur les travaux de recherche du Groupe intergouvernemental sur le climat, donc, qui a été créé dans le cadre de la Convention sur les changements climatiques. Et, dans leur dernier rapport, ce qu'ils disent, c'est que les probabilités sont très, très élevées ou, en fait, que c'est pratiquement prouvé maintenant que, oui, les émissions de gaz à effet de serre causent des changements climatiques et causeront des changements climatiques dans le futur. Il faisait chaud à Montréal hier par ailleurs.

Mme Beaudoin: Oui. D'ailleurs, en conclusion, vous le savez, le Québec a été très favorable, et même. à l'Assemblée nationale, on l'a dit unanimement, à Kyoto. Alors, on va voir comment la mise en oeuvre se fera au niveau canadien, ce qui est un autre débat, mais, en ce qui concerne la ratification de Kyoto, nous y sommes très favorables.

Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la députée de Jean-Talon et porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour. J'ai d'abord un premier commentaire. On a entendu maintenant une bonne vingtaine de mémoires depuis le début de ces audiences publiques sur le projet de loi concernant l'Observatoire québécois de la mondialisation et, bien que la plupart des gens semblent d'accord avec la mise sur pied d'un tel observatoire, il y a quand même, à mon avis, encore confusion dans l'esprit des gens sur ce que ce devrait réellement être. Si on avait à l'implanter demain matin, il y a encore des gens qui le voit de façon différente. Je m'explique. Il y a des gens qui sont venus nous dire que le volet économique, donc les conséquences de la mondialisation par rapport à économie, faisait ravage à certains égards, donc il fallait mettre davantage l'accent sur ces effets-là. D'autres sont venus plaider en faveur de l'aspect social évidemment des répercussions. D'autres sont venus nous parler justement la semaine dernière... un des derniers mémoires touchait toute la question de la diversité culturelle, les effets que ça pouvait avoir ou les impacts majeurs que ça peut avoir sur nos artistes et nos créateurs.

Vous venez plaider évidemment en faveur du développement durable, et c'est tout à votre honneur, je pense qu'on ne peut pas mettre de côté évidemment cette réalité-là. Vous nous suggérez également d'augmenter le nombre de membres du conseil d'administration, de le passer de 22 à 26. Si on additionnait, je pense, toutes les propositions d'ajout au conseil d'administration, je suis pas mal certaine qu'on serait rendus à 35, sans exagérer. Je comprends aussi pourquoi on essaie... que les divers intervenants souhaitent être, au premier chef, assis autour de cette table-là. Donc, ce n'est pas une critique, c'est un constat.

Par contre, il faut trancher à quelque part et puis il faut aussi... Je pense que ce qu'on a devant nous comme projet de loi et qu'on doit regarder et analyser, c'est la pertinence d'avoir un organisme qui est souple, qui est flexible et qui, à mon avis, informe, recueille, fait la cueillette des données et des recherches disponibles et permet d'informer la population, que ce soit des citoyens ordinaires, des citoyens qui finalement... Quand je dis «ordinaires», j'ai toujours l'impression que c'est péjoratif mais ce n'est pas ça que je veux dire du tout. Nous, on est censés en connaître davantage parce qu'on est parlementaires puis finalement on s'aperçoit qu'on n'en connaît pas beaucoup non plus. Donc, j'imagine... Et je sais que les gens qui ne sont pas au coeur de ces réflexions-là ne savent même pas de quoi on parle. Alors, même les gens qui nous écoutent ce matin, quand on parle de la mondialisation, c'est tellement gros comme concept, il y a même des gens qui l'ont enterrée en fin de semaine, la mondialisation. Il y en a un qui a parlé qu'on jouait à l'autruche puis il y en a un autre qui a dit que c'était mort et enterré. Enfin.

Tout ça pour vous demander: Est-ce qu'il n'y a pas, dans la composition du conseil d'administration, avec la possibilité de ne pas faire siéger des dirigeants, disons, d'organismes ? des leaders ou les têtes d'affiche de ces organismes-là ? la possibilité dans le recrutement de trouver des gens qui ont à la fois cette sensibilité... Parce qu'il m'apparaît quand même intéressant de dire que, si tout le monde s'entend pour dire que c'est important d'avoir ce forum-là ou ce carrefour de discussion là, ce carrefour de cueillette d'information, etc., les gens qui seront recrutés, j'imagine, ce seront des gens qui seront non seulement au fait de ce qui se passe mais qui pourront aussi orienter les discussions. Est-ce que ça ne peut pas vous rassurer à ce niveau-là?

M. Paquin (Marc): Écoutez, je répondrais peut-être deux choses. D'une part, comme vous l'avez mentionné en introduction, tout le monde arrive avec son bagage. Donc, tout le monde arrive avec son point de vue qui... Bien qu'on essaie d'être plus visionnaires et intégrateurs dans nos visions aujourd'hui qu'on ne l'était à l'époque, il n'en demeure pas moins qu'un chef d'entreprise va arriver avec son chapeau économique prioritairement puis, après ça, subsidiairement celui de ses employés, puis de l'environnement. Ça pourrait être interverti à l'occasion. C'est une généralisation, mais en gros c'est ça.

Par contre, je pense que ce qui est intéressant dans ce que vous dites, c'est que, oui, on pourrait prendre cette approche-là, mais à ce moment-là il faudrait s'assurer que le conseil d'administration, on n'accorde pas des postes à des personnes venant d'un tel secteur, d'un autre secteur ou d'un autre secteur. C'est-à-dire que, si on se met à attribuer des postes par secteur, à ce moment-là, je pense qu'il y a une redistribution des postes qui doit être faite en fonction des gens qui ont des préoccupations de nature environnementale un peu plus près de leur quotidien.

Par contre, l'autre option, c'est de dire ce sera 21 personnes puis là-dessus, bon, il y en a 10 qui viendront des... ce seront des leaders d'opinion provenant de divers secteurs de la société, point. Donc, à ce moment-là, on ne présume pas que ce sera des gens du patronat, des gens des syndicats, des gens du secteur privé, des groupes sociaux, etc. Donc, c'est soit qu'on enlève les attributions ou soit qu'on ajoute un peu plus un poids environnemental à certaines... C'est la façon dont je pense que...

n(10 h 10)n

Mme Delisle: Je voudrais vous entendre davantage sur le comité scientifique. C'est assez surprenant, mais on n'en a pas beaucoup parlé pendant ces audiences. Quelques intervenants ont soulevé des propositions en regard du comité scientifique. Mon collègue de Frontenac l'a abordé un petit peu tout à l'heure, mais, moi, je suis restée un peu sur mon appétit.

Vous savez que, dans le projet de loi, il est prévu que la ministre, c'est ça, le ou la ministre des Relations internationales nomme les membres du conseil d'administration. Ces membres-là, si ma mémoire m'est fidèle, là, se choisissent un directeur général; le directeur général recrute les membres du comité scientifique et fait approuver évidemment cette composition-là du comité scientifique par le conseil d'administration. Bon.

Vous nous dites ? puis vous me direz si j'ai mal compris ? vous nous dites, à la page 9 de votre mémoire, que ? et je vous cite: «Les membres du comité scientifique devraient également être consultés lors de la définition des axes stratégiques de recherche à privilégier.» Dans la pratique, là, on va nommer les membres du conseil d'administration, ils vont se chercher un directeur général, on va définir certains axes, là, à développer ou à colliger, ou peu importe. Il semble qu'il y a comme une contradiction dans ce que vous proposez. Il faudrait d'abord, à ce moment-là, que les membres du comité scientifique soient nommés au moment où le conseil d'administration commence à discuter, là, des axes ou des priorités à privilégier. Je ne sais pas si j'ai mal compris.

M. Paquin (Marc): Bien, en fait, ce qu'on dit, d'une part... Bon, le premier mandat du comité scientifique, c'est vraiment... pour nous, c'est un comité de contrôle ou de révision par les pairs donc des travaux de l'Observatoire. Par contre, si ce comité scientifique là, qui est composé de je ne sais pas combien de membres, a une expertise très transversale, tout ça, le conseil d'administration ou la direction de l'Observatoire peut faire appel à ses lumières, justement, pour développer soit des programmations de recherche ou des axes stratégiques de recherche. Donc, ce n'est pas nécessaire que le comité scientifique soit en place dès le départ mais, au fur et à mesure où le comité scientifique va exercer son mandat, il peut être appelé aussi à jouer un rôle-conseil auprès du conseil d'administration et auprès de la direction ou du personnel de l'Observatoire justement pour les orientations, parce que ce comité-là devrait avoir justement une connaissance, une bonne connaissance transversale des enjeux et des axes de recherche les plus prometteurs, disons, où il y a plus d'expertise au Québec ou qui sont plus pertinents pour le Québec. Donc, on se disait: Ce serait bête de ne pas bénéficier de cette expertise-là dans le développement des axes stratégiques de l'Observatoire.

Mme Delisle: Merci. Vous dites aussi, à la page 9, vous parlez de la diffusion des connaissances et de développement de réseaux de recherche. Vous élaborez pendant trois longs paragraphes là-dessus, c'est très intéressant, mais vous nous suggérez que l'Observatoire, et je vous cite, «pourrait organiser des séminaires, des tables rondes, des colloques, des conférences». Vous suggérez également que les publications de l'Observatoire puissent être traduites dans deux langues, soit l'anglais et le français, pour être diffusées à l'étranger, et tout ça. Il y a des coûts qui sont associés à ça, c'est sûr. Le budget annoncé est de 1 million. Il y a des gens qui, comme vous, je pense, souhaiteraient un rôle beaucoup plus élargi, là. Moi, je vois ça comme ça, en tout cas, par les propos que vous tenez, que le rôle serait pas mal plus élargi que la mission que l'on retrouve dans le projet de loi n° 109. Est-ce que vous voyez le rôle de l'Observatoire comme débordant de beaucoup la mission que l'on retrouve ici?

M. Paquin (Marc): Écoutez, en gros, non. Je pense que la mission première de l'Observatoire, telle que décrite dans le projet de loi, c'est de faire comprendre le phénomène de la mondialisation sous tous ses aspects à la nation québécoise. Je pense que là où notre mémoire dépasse peut-être un peu le cadre, c'est où, en traduisant les documents en d'autres langues, à ce moment-là, on s'adresse à un public qui sera en majeure partie à l'extérieur du Québec. Mais je pense que ça pourrait être important pour l'Observatoire que de faire connaître l'avancement des débats, des discussions sur le sujet de la mondialisation au Québec, à l'extérieur du Québec. Donc, pour ce qui est des séminaires, conférences, etc., je pense que ça fait partie du rôle de faire comprendre en faisant participer les gens, en les faisant contribuer au débat, en leur permettant de réfléchir de manière structurée. Donc, c'est un peu l'idée dernière ça. Je pense que la mission de l'Observatoire est suffisamment large, telle que décrite, pour englober ça.

Mme Delisle: S'il me reste du temps, j'aurais une dernière question. L'article 4 du projet de loi, au deuxième alinéa, dit ceci: Que l'Observatoire ? et je cite ? «suit principalement les négociations multilatérales, qu'elles soient mondiales ou régionales, qui sont d'intérêt pour le Québec». Je ferme la citation.

Certains sont venus nous dire qu'ils seraient plus qu'intéressant que les travaux de l'Observatoire ne se limitent pas uniquement aux conséquences ou à ce qui est d'intérêt uniquement pour le Québec. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'on doit... Est-ce que l'Observatoire doit, à la limite, là, regarder aussi les impacts par rapport aux intérêts à l'extérieur du Québec, que ce soit au Canada ou, en fait, dans les pays du Sud aussi, parce que la mondialisation finalement, ce n'est pas juste chez nous, là?

M. Mayrand (Karel): Vous savez, c'est dans la nature même de la mondialisation, on ne pourra pas regarder le Québec comme si le Québec était dans un vase clos, dans un boule de cristal. Par contre, on peut d'abord regarder les sujets qui sont les plus pertinents pour le Québec, et ensuite, quand on les analyse, quand on en discute, c'est clair et net qu'il va y avoir des interconnexions qui vont se faire avec le Canada, l'Amérique du Nord, l'Europe, le monde. Donc, je pense que... J'irais même jusqu'à dire que c'est presque une fausse opposition, c'est-à-dire qu'il n'y a pas nécessairement une opposition entre regarder l'intérêt du Québec et regarder les enjeux plus mondiaux parce que, fatalement, on se retrouve à regarder les enjeux mondiaux même si on regarde l'intérêt du Québec. Donc...

Mme Delisle: C'est quoi, l'intérêt d'inscrire dans le projet de loi qu'ils sont d'intérêt pour le Québec...

M. Mayrand (Karel): Parce que c'est...

Mme Delisle: ...si, de toute façon, on est forcément obligés de déborder parce qu'il y a des conséquences ou des répercussions à la fois chez nous et ailleurs par rapport aux gestes que nous posons?

M. Mayrand (Karel): C'est que le choix des sujets qu'on va aborder... Par exemple, si on décide de parler de diversité culturelle au Québec, c'est principalement parce que c'est quelque chose qui est d'intérêt pour le Québec. Si on était des Américains, la diversité culturelle, ça nous intéresserait moins. Mais, quand on regarde la diversité culturelle ensuite, c'est clair qu'on déborde. Donc, d'abord regarder qu'est-ce qui est d'intérêt pour nous. Donc, c'est pour ça que je pense que la référence au Québec est importante à ce sujet-là, dans la sélection des sujets. Et ensuite, quand on analyse, il ne faut pas seulement y aller avec des oeillères, il faut vraiment être capables d'éclater le cadre.

Mme Delisle: Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre participation aux travaux de cette commission, votre présence ici aujourd'hui. Merci.

Et j'invite les représentants de l'Université Laval à bien vouloir suivre, prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Messieurs, je vous rappelle les règles qui nous régissent. Vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires, et je vous prie de bien vouloir vous identifier, le porte-parole et l'autre personne qui vous accompagne.

Université Laval (UL)

M. Bélanger (Louis): Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Louis Bélanger. Je suis directeur de l'Institut québécois des hautes études internationales à l'Université Laval et je suis accompagné de Gilles Breton, qui est directeur du Bureau international de l'Université Laval.

Je commencerais par vous présenter les excuses du recteur par intérim de l'Université, Claude Godbout, qui aurait bien aimé venir faire la présentation du mémoire de l'Université lui-même mais qui était retenu ailleurs et qui nous a demandé, à Gilles Breton et à moi-même, de le remplacer.

n(10 h 20)n

Notre présentation consistera d'abord en une rapide présentation du rapide mémoire que nous avons présenté. Ensuite, nous aimerions faire un certain nombre d'observations additionnelles sur les deux dernières recommandations du mémoire. Et je discuterai des thèmes reliés à l'université comme lieu de production de connaissances sur la mondialisation, et mon collègue Gilles Breton, lui, vous entretiendra un peu plus de l'université comme agent et acteur de cette même mondialisation.

Dans notre mémoire donc, nous donnons notre appui à la création de l'Observatoire projeté dans la mesure où nous estimons que la création de cet Observatoire-là favorisera une maturation des débats entourant la mondialisation et ses effets et pourra ainsi contribuer à ce que l'Assemblée nationale a souhaité de différentes manières au cours des dernières années, soit une appropriation pleine, entière, légitime des questions internationales par les instances démocratiques dont, comme société, nous nous sommes dotés pour débattre des politiques publiques, en évaluer les impacts et prendre les décisions qui nous engagent pour l'avenir.

Alors, dans ce contexte aussi, nous insistons dans le mémoire sur la nécessité d'implanter l'Observatoire à Québec et simplement... pas seulement une implantation, je dirais, légale, mais une implantation effective pour assurer que les travaux de l'Observatoire répondent aux besoins du travail parlementaire, surtout dans le contexte de l'adoption de la loi n° 52, qui dote le pouvoir législatif de nouvelles compétences en matière, comme vous le savez très bien, c'est vous qui l'avez adopté, d'évaluation et d'approbation des engagements internationaux.

Alors, notre mémoire contient aussi deux recommandations sur lesquelles, comme je le disais tout à l'heure, nous allons nous étendre davantage. La première concerne la nécessité de clairement inclure, au nombre des fonctions de l'Observatoire, une fonction de recherche. Sans nécessairement proposer que l'Observatoire devienne un centre de recherche lui-même, et j'ai été extrêmement intéressé par les discussions que vous avez eues tout à l'heure avec M. Mayrand là-dessus, nous estimons que la mission de l'Observatoire doit s'accompagner de mesures qui pousseront les organismes qui font la recherche: les universités, les centres, les fonds de recherche, les organismes subventionnaires, à privilégier les domaines de connaissance liés à l'étude de la mondialisation dans leur planification stratégique. Et tout à l'heure, dans votre débat, vous parliez des limites qu'imposera le budget de l'Observatoire. Je crois que l'effet multiplicateur peut être, et on pourra en discuter tout à l'heure, assez important, même avec peu de moyens.

La seconde recommandation que nous faisons est à l'effet que les universités, comme institutions, devraient être représentées au sein du conseil d'administration de l'Observatoire. Et mon collègue Gilles Breton interviendra à ce sujet-là tout à l'heure.

Alors, permettez-moi donc... Les deux derniers points sont des recommandations davantage que des prises de position, et j'aimerais parler de l'avant-dernière et laisser Gilles Breton ensuite parler de la dernière. Alors, deux petites observations donc sur l'importance de la mission recherche.

Nous avons remarqué dans le projet de loi que, finalement, la mission, on parle beaucoup de recueillir de l'information, faire de la cueillette de recherches, disséminer de l'information, un peu comme si les connaissances scientifiques sur ces questions-là étaient déjà disponibles, existantes, faciles à trouver. Selon nous, ce n'est absolument pas le cas. Il ne faut absolument pas s'illusionner sur l'état actuel de la masse critique au Québec sur les questions liées à la mondialisation, que ce soit dans le domaine du commerce international, de la politique commerciale elle-même, des institutions internationales, de la gouvernance, etc. J'en passe et je pourrai revenir là-dessus. Je crois que le Québec, malgré les efforts importants qui ont été faits au cours des dernières années, est extrêmement mal équipé en matière de connaissances, si on considère le degré d'ouverture de la société québécoise aux exportations et au commerce international.

Donc, c'est en ce sens que nous disons dans notre mémoire qu'il est illusoire de penser que les connaissances donc existent, sont disponibles, sont prêtes à cueillir, si on veut. Et nous comprenons très bien que l'Observatoire ne veut pas faire concurrence ou se substituer au monde universitaire, mais son action doit clairement, selon nous, favoriser le développement de la masse critique dont je parlais tout à l'heure et encourager la priorisation des domaines de connaissances liés à l'étude de la mondialisation comme domaines stratégiques d'investissement dans les universités, dans des organismes comme le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture, par exemple.

Alors, ce point en amène un autre davantage lié à la nature des connaissances sur la mondialisation. Et là aussi je suis assez d'accord avec ce que Mayrand disait tout à l'heure sur la nécessité d'encadrer les débats à partir des connaissances les plus objectives possible, empiriques, etc.

Une objection qui pourrait être faite au projet de l'Observatoire lui-même et à son mandat de recherche serait que, finalement, les débats sur la mondialisation sont des débats philosophiques, stériles, entre antimondialisation et promondialisation. Je crois que ce serait une erreur que de penser cela et je pense que, comme toutes les grandes questions sociales, les questions liées à la mondialisation sont sujettes à débat, mais, si on doit intégrer ces questions-là au débat public de façon efficace, comme tout autre enjeu de société, elles doivent et peuvent être l'objet d'une connaissance critique, certes, mais la plus objective possible.

Alors, il y a un rapprochement intéressant à faire entre l'évolution de la connaissance sur les thèmes liés à la mondialisation et ce qu'on a connu dans le domaine de l'environnement. Et là j'aimerais continuer un peu sur une piste qui a été ouverte tout à l'heure dans votre débat avec l'intervenant précédent. C'est-à-dire que, il n'y a pas si longtemps, les débats en environnement ou les débats sur l'écologie opposaient protection de la nature contre développement industriel, et on pouvait avoir l'impression, en effet, qu'on assistait à des débats stériles entre positions philosophiques irréconciliables. Les scientifiques ont contribué de façon évidente à la maturation du débat sur les questions environnementales avec l'introduction d'un concept, par exemple, comme le concept de développement durable, avec l'introduction de données ou d'outils d'analyse scientifique comme ceux liés, par exemple, au réchauffement de la planète, au réchauffement climatique, etc. Et aujourd'hui on peut avoir des discussions dans le domaine de l'environnement qui ne ressemblent pas beaucoup à celles qu'on avait encore il y a 10, 15 ou 20 ans.

Dans le domaine de la mondialisation ou des enjeux liés à la mondialisation, on assiste actuellement au même phénomène. Je prends, par exemple, je veux dire, le travail de clarification qui a été entrepris par OXFAM dans son dernier rapport, avec l'aide, justement, du monde universitaire, avec le développement de concepts comme l'indice de libéralisation commerciale, l'indice de commerce équitable, tous les développements dans le domaine du droit international liés, par exemple, au règlement des différends, à l'harmonisation et à l'uniformisation du droit. Tous ces développements, qui sont des développements scientifiques, permettent et doivent continuer de permettre d'éclairer le débat sur les enjeux liés à la mondialisation. Donc, il y a un savoir à produire et il y a un savoir à créer, et, selon nous, l'Observatoire devrait contribuer ou aider au développement de ce savoir-là.

Alors, selon nous ? et ça rejoint la question du conseil scientifique ? si on veut que le conseil scientifique serve à quelque chose, il faut que l'Observatoire ait une mission en recherche, et, actuellement, cette mission de recherche là ou, si on veut, cette mission d'appui à la recherche, elle n'apparaît pas assez clairement dans, si on veut, la façon dont la mission de l'Observatoire est décrite.

Donc, sur la question maintenant de la place de l'université dans la structure de l'Observatoire, je céderai la parole à mon collègue Gilles Breton.

M. Breton (Gilles): Oui, merci. M. le Président, Mme la ministre, MM., Mmes les députés, rapidement, je voudrais illustrer d'une autre façon pourquoi nous appuyons effectivement la création de cet Observatoire en montrant comment les universités sont directement concernées par la mondialisation, elles aussi, et en quoi elles sont confrontées à des nouveaux enjeux et conséquemment en quoi, comme organisations, on est obligées de se réorganiser. Dans ce sens-là, je conclurai en insistant pourquoi on pense qu'on devrait avoir peut-être une présence accrue sur le conseil d'administration. Il n'y a rien d'original là-dessus, mais l'originalité va venir avant.

Alors, sur les enjeux auxquels est confrontée l'institution universitaire dans le cadre de la mondialisation ou de l'internationalisation. Premier enjeu ? vous allez voir que tout le monde est obligé de se retourner de bord, me semble-t-il ? c'est bien sûr celui de la formation. Il est très clair qu'actuellement on ne peut plus diplômer des jeunes qui, en sortant de leurs études à l'université, n'auront pas accès à un marché du travail qui est mondialisé, surtout le marché des professionnels, au fond, qui sont les gens qu'on forme. C'est pour ça que vous constatez que les universités québécoises sont en train de former des étudiants auxquels on ajoute l'acquisition de compétences internationales et interculturelles pour être capables d'oeuvrer effectivement sur un marché du travail qui est globalisé.

Dans ce sens-là, vous savez qu'à Laval, mais dans les autres universités aussi, on a développé des programmes de mobilité extrêmement intéressants qui s'ajoutent et qui sont tout à fait innovateurs. Vous me permettrez de dire que le 10 millions qu'investit annuellement le gouvernement du Québec dans le PIEQ n'est pas du tout une mauvaise affaire, on a pesé sur le bon bouton là-dessus. Le Programme d'internationalisation, donc, de l'éducation au Québec, là-dessus, est un plus, et je peux vous dire que ça fait l'envie de beaucoup de mes collègues canadiens qui occupent des fonctions similaires aux miennes. Mais on est obligés de se retourner de bord là-dessus, c'est très clair.

n(10 h 30)n

Deuxième volet, c'est bien sûr celui de la recherche. De mon point de vue, on ne peut pas séparer mondialisation et société et économie du savoir. Ce que ça veut dire concrètement: ça veut dire que, dorénavant, les connaissances, l'expertise devient comme tout le reste un bien exportable, vendable, si vous voulez. Et, dans ce sens-là, les universités développent de l'expertise.

Vous savez qu'on travaille à transférer notre expertise avec l'entreprise québécoise, que ce soit avec nos sociétés de valorisation des applications de la recherche ou des choses comme ça, mais il est très clair que la recherche, actuellement, pour le monde universitaire, c'est une recherche qui est de caractère international, d'entrée de jeu, et que notre travail, c'est de s'inscrire dans des grands réseaux de recherche internationaux.

La recherche, l'internationalisation, pour le monde universitaire au niveau de la recherche, ça ne veut plus dire se contenter de diffuser nos travaux de recherche à l'international; ça veut dire au contraire être présents à l'international dans la production même de la recherche, c'est-à-dire être capables, donc, de s'intégrer dans ces réseaux de recherche là pour soit produire de nouveaux savoirs, faire partie de consortiums, ou soit effectivement être capables d'exporter nos nouveaux savoirs par le biais de liens qu'on aura avec l'entreprise. Mais vous comprenez comment, dans la société du savoir et l'économie du savoir, au fond, les universités se repositionnent comme un acteur économique extrêmement important.

Troisième élément où, là, nous avons des problèmes un petit peu plus sérieux, c'est celui de la compétition pour l'accueil des étudiants étrangers. Bien sûr qu'il n'est pas question pour nous de compétitionner les États-Unis, mais si vous regardez, par exemple, la politique particulièrement agressive qu'a développée l'Australie au cours des dernières années, qui est rendue maintenant ? Dieu sait que l'Australie est un pays qui se compare au Canada, si on veut ? qui est rendue maintenant un des acteurs majeurs dans l'accueil d'étudiants étrangers, il va falloir qu'on se repositionne là-dessus. Prenez juste, cet été, par exemple, dernière initiative, l'Europe a annoncé la mise sur pied d'un programme, Erasmus World, un programme de 200 millions d'euros, annuel, juste pour l'accueil d'étudiants étrangers au niveau de maîtrise. Alors, imaginez ce que ça veut dire comme compétition, comme hausse de la compétition pour nous autres, hein, quand vient le temps d'accueillir des étudiants étrangers.

Dernier élément ? parce que je vois que le temps passe ? dernier élément et dernier enjeu fondamental pour nous, c'est tout celui de la privatisation, de la marchandisation de l'éducation supérieure. Vous savez très, très bien que, actuellement, avec l'OMC et la négociation autour de l'AGCS ou la constitution de la ZLEA comme telle, l'enjeu abolition des barrières tarifaires, l'enjeu ouverture du marché de l'éducation supérieure est un enjeu réel, et, dans ce sens-là, je veux dire, il va falloir que, nous aussi, on fasse le point.

Tout ça pour vous dire que, dans la conjoncture actuelle, pour nous, et surtout dans la logique de la société du savoir et du repositionnement du monde académique là-dessus, comme acteurs économiques importants dans la production de nouveaux savoirs, on pense qu'il faudrait que les universités jouent leur rôle, bien sûr au niveau de la recherche, bien sûr aussi au niveau des grandes orientations. Parce que ce qu'il faut penser, ce qu'il faut voir, me semble-t-il, du côté de ce qu'est l'Observatoire, son rôle est double ? si je prolonge les discussions que j'ai eu le plaisir d'entendre tout à l'heure ? il me semble que l'Observatoire doit servir à développer une culture d'appropriation des enjeux de la mondialisation au Québec et il doit aussi développer une culture de l'innovation ou de l'initiative au Québec là-dessus. En d'autres termes, nous n'avons pas qu'à subir, qu'à se mettre en mode réactif à l'égard de la mondialisation: nous pouvons, comme société ? et il me semble que si la mondialisation fait ce travail de création d'un espace public où on va pouvoir débattre, s'approprier et penser, réfléchir à des initiatives, son travail va être fait ? et il me semble de ce point de vue là extraordinairement important, je veux dire, qu'on aille dans ce sens-là. Voilà.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs. Mme la ministre d'État aux Relations internationales.

Mme Beaudoin: Oui, bonjour, M. Bélanger, M. Breton, ça me fait plaisir de vous accueillir. On se voit tous les jours ces temps-ci, c'est bien de retourner à l'université. J'imagine que la députée de Jean-Talon aussi est allée à l'Université Laval. Voilà. Donc, vous êtes en bonne compagnie.

J'aimerais revenir sur toute la question de la recherche. C'est une vraie question et, justement, M. Bélanger, j'ai envie de vous dire: Hier, on était ensemble, donc, à l'université, pour inaugurer ? c'est hier, c'est avant-hier ? inaugurer, donc, ce Centre d'études interaméricaines intégré dans un réseau, le réseau des villes qui ont accueilli des sommets des Amériques. Donc, l'université, ça s'appelle Florida International ? comment s'appelle l'université de Floride? ? et celle de Santiago du Chili. Bon.

Et il n'y a pas longtemps, j'étais à l'UQAM pour, justement, leur annoncer aussi ? comme vous voyez, on est très équitables entre Québec et Montréal ? les maigres subventions. Je sais que ce n'est jamais suffisant, mais, enfin, vous savez que le ministère des Relations internationales fait quand même un gros effort, compte tenu, justement, de son budget, pour aider les universités à faire tout ce qu'on vient de dire, compte tenu des responsabilités, donc, des universités. Et il y aura éventuellement à l'Université de Montréal... Donc, les trois grandes universités auront reçu des subventions de la part du ministère des Relations internationales dans une perspective internationale, qui n'est pas nécessairement, carrément, celle dont c'est l'objet ici mais qui est quand même très interreliée. Parce que, quand on parle des sommets des Amériques et puis des centres d'études interaméricaines ou d'études américaines, comme c'est le cas de l'UQAM, bien, on se retrouve. Et c'est un peu ce que je veux dire. Bon.

On ne voulait pas, dès le départ, et c'est ce que des intervenants ? je vous ai même rencontrés donc avant, avec des universitaires de Québec; j'avais été à Montréal rencontrer des universitaires mais aussi beaucoup d'intervenants ? on ne voulait pas que ça devienne... personne ne demandait à ce que ça devienne un centre de recherche pour ne pas que ce soit en concurrence, mais que ce soit complémentaire avec les universités puis avec les centres de recherche existants. Tout en étant conscients, cependant, de cette nécessité d'être, d'une part, proactifs, d'innover et, à la limite, quand on a ramassé, en quelque sorte, tout ce qui existe, quand on dit, donc, «recueille et analyse des informations sur la mondialisation», donc, ce qui existe, d'aller au-delà en collaborant ? ça, c'est le point 5 ? au Québec et même à l'extérieur du Québec, avec des organismes intéressés par la mondialisation, notamment... On peut dire «principalement» et évidemment «avec les institutions universitaires et les centres de recherche», soit pour faire faire de la recherche, parce que, si on ne veut pas que l'Observatoire devienne un centre de recherche, il pourra peut-être y avoir un certain nombre de chercheurs mais, minimum, minimalement, c'est sûr, des gens qui connaissent et qui sont des chercheurs. Est-ce qu'ils la feront eux-mêmes, à l'intérieur de l'Observatoire? Est-ce qu'ils la feront faire? A priori, ça me semble qu'ils vont plutôt la faire faire que de la faire à l'interne. Ça, on s'entend là-dessus, donc.

Et on en reparle justement quand on dit: «Le comité scientifique a pour fonction d'évaluer la pertinence et la qualité scientifiques des projets de recherche de l'Observatoire», c'est l'article 21, quand on parle du comité scientifique. Bon. Mais je comprends bien quand même ? puis je voudrais que vous me l'expliquiez un peu, encore un peu mieux ? que vous voudriez que ce soit encore plus précisément inscrit et dit dans l'article 4, donc, celui qui concerne... cet article qui concerne la réalisation de la mission de l'Observatoire, puisque je pense que vous êtes assez d'accord que, bon, pour faire comprendre le phénomène de la mondialisation, il faut d'abord savoir puis, après ça, diffuser le savoir, hein? C'est comme ça qu'on essaie de faire comprendre. Et, vous le savez, je suis très, très attachée à cette vulgarisation et à cette diffusion du savoir pour que, justement, le débat ait lieu.

Vous nous dites: Les travaux universitaires, bon, ils sont diffusés, souvent formidablement bien. C'est vous qui parliez d'Oxfam, par exemple. Bon. C'est passionnant. Je voudrais, tu sais, qu'on augmente le volume, vous le savez. Parce que ? la députée de Jean-Talon le disait tantôt ? la population ne se considère certainement pas suffisamment informée. Vous avez vu qu'il y avait encore un sondage qui disait cette semaine: C'est quoi le plus grand danger pour la démocratie pour les Québécois? Ce n'est pas le terrorisme ? alors que c'était à la veille du 11 septembre ? c'est la mondialisation. Il doit y avoir un problème de compréhension, d'information. Bon. Puis c'est peut-être vrai qu'il y a un déficit démocratique aussi en soi là, je veux dire... On peut y revenir. Voilà ce que je voulais vous dire, M. Bélanger.

M. Bélanger (Louis): Écoutez, je pense qu'on s'entend, c'est davantage... Bon. S'il y a un comité scientifique à l'article 21, il doit avoir une utilité. Si l'Observatoire ne fait que recueillir les informations et les diffuser, il n'a pas besoin de conseil scientifique. Alors, notre point est le suivant, et c'est clairement ce que j'ai indiqué: on ne croit pas que l'Observatoire devrait se transformer en centre de recherche, mais on devrait s'assurer que l'aspect valorisation, éventuellement ? comme vous l'avez souligné ? le fait de susciter ou de promouvoir la recherche sur les enjeux qui seront identifiés comme pertinents par l'Observatoire, on voudrait que ce soit clairement établi et inscrit, si on veut, à l'article 4. Parce que, actuellement, on a un projet de loi dans lequel on retrouve un conseil scientifique qui doit évaluer des projets de recherche de l'Observatoire, à l'article 21, mais, si on lit l'article 4, on peut très bien avoir un Observatoire sans projet de recherche. Alors, on veut s'assurer que ce soit clairement établi.

Mme Beaudoin: Alors, pour nous, ça va sans le dire, M. le Président, mais je présume que, pour vous, ça va mieux en le disant. Bon. C'est ça que vous êtes en train de me dire.

n(10 h 40)n

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Beaudoin: Parce que, à partir du moment ? je comprends que c'est toujours la ceinture puis les bretelles, là ? mais, quand on dit: Le comité a pour fonction ? le comité scientifique, l'article 21 ? d'évaluer la pertinence et la qualité scientifique des projets de recherche de l'Observatoire, vous me dites: Oui, mais, dans l'article 4, comme ce n'est pas là, il pourrait ne pas... Bon. En tout cas, disons que... Là, vous dites: L'article 4 devrait être en concordance avec l'article 21.

M. Bélanger (Louis): Exactement.

Mme Beaudoin: Exactement. Bon. Alors, on s'entend. Une question un peu plus générale: Comment vous voyez ce réseautage, en quelque sorte, entre les centres existants et qui font, justement, cette recherche et qui, souvent, est passionnante? Il s'agit de la trouver, de le savoir d'abord, qu'elle existe, et puis de la trouver, de la lire et puis de la comprendre. Et puis l'Observatoire, parce que, à partir du moment où ce n'est pas un centre de recherche, mais c'est un Observatoire qui peut faire faire de la recherche plutôt que de la faire à l'interne, là, ça me semble assez évident. Comment vous voyez, justement, ce réseautage entre tous ces centres, tout ce qui existe? Vous me dites même ? puis c'est intéressant, puis vous n'êtes pas le premier; Dorval Brunelle est venu nous le dire l'autre jour, sous un autre angle, mais quand même ? que, si on pensait que, trouver l'information, ce serait facile sur, par exemple, les négociations, eh bien, on se trompait parce que, déjà, ça va être un effort considérable, que de trouver cette information-là, parce que, nous, au gouvernement, comme on n'en n'a pas beaucoup, bien, on se dit: Il y a quelqu'un qui doit l'avoir, cette information-là. Remarquez qu'on sait où elle est, mais, enfin, on n'est pas les premiers informés, c'est le moins qu'on puisse dire. Alors, les chercheurs, le sont-ils plus que nous? Sont-ils mieux branchés? Ont-ils plus... Il y a même quelqu'un qui nous a proposé qu'il y ait un fonctionnaire fédéral à quelque part dans le système pour que, justement, cette information possédée par le gouvernement canadien nous revienne. Mais je ne suis pas sûre que le fonctionnaire, il n'aurait pas les instructions de ne pas nous en donner. Mais en tout cas. C'est une autre question. Mais vous comprenez ce que je veux dire. Alors, est-ce que c'est vrai que même cette information, de votre point de vue, elle est très difficile à obtenir puis que, déjà, à l'Observatoire, ça va être un vrai défi que de la trouver? Puis, d'autre part, comment, justement, on va la mettre en commun ? je pense que c'est les intervenants précédents qui le disaient ? comment on va mettre tout ça en commun? Comment on va se réseauter là? Comment vous voyez ça, vous qui êtes à la tête d'un institut comme l'Institut québécois des hautes études internationales?

M. Bélanger (Louis): Bien. Bon. On s'entend qu'il y a la recherche qui se fait, qui existe, les connaissances qui sont déjà produites puis il y a celle qui n'est pas faite ou, enfin, qu'on voudrait qui existe et qu'on voudrait susciter. Alors, pour ce qui est de la première, bien évidemment, moi, je crois qu'actuellement on est dans un passage. On est en train de développer, justement, avec la loi n° 52, l'Observatoire de la mondialisation ? des initiatives, d'ailleurs, qu'on retrouve dans d'autres systèmes démocratiques ailleurs dans le monde ? on est en train de passer à une appropriation des questions des enjeux internationaux et de leur transformation en objets de débats de politique publics légitimes et d'objets de politique publics réguliers, alors que, jusqu'à maintenant, ces domaines-là faisaient partie des domaines réservés ? domaines du prince, domaines du président, dans d'autres régimes ? et il n'y avait pas de travail là. Mon point de vue est que, dans la mesure où on initie et on organise le débat, comme je pense qu'on veut l'organiser ici, avec l'Observatoire, j'ai l'impression que les intellectuels vont jouer le rôle qu'ils ont joué dans le domaine des consultations environnementales, dans le domaine des consultations sur la sécurité routière, dans le domaine... Bon. Vous voyez?

Alors, selon moi, je crois qu'on peut des fois se dire: Où sont les intellectuels sur la mondialisation? Où sont les universitaires sur la mondialisation? Je crois qu'ils vont être là, selon moi, et d'autant plus que le débat va avoir acquis une certaine forme de maturité et qu'ils vont trouver un cadre, là, qui, enfin, qui les satisfait. On ne se racontera pas d'histoires: Souvent, au cours des dernières années, les débats sur la mondialisation ont été des débats d'opposition stériles auxquels bien des gens se refusaient de participer. Alors, si on pouvait, par une initiative comme celle-là, au moins avancer dans la direction d'une maturation du débat, déjà, je pense qu'on verrait apparaître des choses qu'on ne voit pas actuellement.

Oui, l'information, elle est difficile à trouver. Oui, l'information, elle est souvent nébuleuse, elle est souvent fractionnée, et je pense que, là-dessus, à la fois l'Observatoire et les organismes comme le nôtre veulent travailler et travaillent déjà pour essayer d'amasser, donner une certaine forme de cohérence à cette information-là. Mais je ne vois pas de difficulté particulière dans le domaine des enjeux liés à la mondialisation par rapport à d'autres enjeux sociaux qu'on a déjà abordés, comme société, et qui nous ont semblé nébuleux au départ.

Et c'est là où, selon moi, la question, justement, du partenariat et la question, le phénomène ou l'effet d'entraînement de l'Observatoire peut être important. C'est-à-dire qu'il me semble que, dès qu'on ouvre ce débat-là et dès qu'on ouvre des chantiers de recherche sur ces questions-là, comme on l'a fait sur d'autres questions dans le passé, il me semble que là on introduit une dynamique qui va faire en sorte que, de plus en plus, les recherches vont se produire sur ces questions-là. Et c'est pour ça que je dis que, finalement, on n'a pas besoin de faire d'énormes investissements pour faire en sorte que, dans les planifications stratégiques des universités, des centres de recherche, etc., ces choses-là deviennent majeures. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme Beaudoin: Oui, oui, tout à fait.

M. Bélanger (Louis): Mais je pense que Gilles veut...

M. Breton (Gilles): Est-ce que je peux ajouter un point? Au fond, la réponse courte, je dirais, à la question, c'est tout simplement l'agenda de travail de l'Observatoire, qui va structurer à la fois la recherche et la collecte de données. Reprenons l'exemple que vous donniez tout à l'heure, celui du déficit démocratique, thème tout à fait original sur l'enjeu de la mondialisation. Et si l'Observatoire se dit: Écoutez, il y a une réflexion qui doit se faire sur le type d'architecture institutionnelle dont on aura besoin demain pour réguler la mondialisation, il est évident que vous allez trouver rapidement dans le milieu académique le dynamisme et l'information qu'il faut pour structurer une réflexion là-dessus. Si l'année d'après vous voulez travailler sur plus... fondamentalement, vous voulez prolonger l'ouvrage de Stiglitz, par exemple, sur la grande désillusion et dire ce serait quoi qui pourrait remplacer le FMI, les grandes institutions de régulation économique, le cibler là-dessus, encore une fois, vous n'aurez pas de difficulté à structurer des activités de recherche et des activités de réflexion au Québec.

Mme Beaudoin: Merci bien, c'est bien clair. Merci, M. Breton, c'était très intéressant. Merci. Ça va pour moi.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour. Moi, je voudrais vous entendre ? j'ai un dada depuis le début ? puis c'est sur toute la question qui se pose autour de la question qui se pose autour de cette nouvelle structure-là. Je dois vous dire que, quand on entend parler de structures, on fait un peu de boutons, là, parce qu'on trouve qu'il y a quand même beaucoup de structures actuellement dans l'appareil gouvernemental et paragouvernemental.

Mais je voudrais, avant de vous poser la question, quand même signaler qu'on est certainement d'accord avec le principe qu'il faille, au niveau de la mondialisation, toute la réflexion qui se fait là-dessus, qu'on doive, c'est certain, avoir un lieu, finalement, un forum quelconque, qu'il s'appelle Observatoire ou autrement, pour pouvoir non seulement colliger les informations, mais certainement informer la population et s'informer soi-même de ce qui se passe.

Et j'ai beaucoup aimé ce que vous avez dit tout à l'heure, qu'il ne fallait pas simplement regarder... en fait, j'ai décodé dans ce que vous avez dit qu'il ne fallait pas simplement regarder ce qui ne fonctionnait pas, mais il fallait aussi être proactifs puis parler de culture, d'innovation et prendre l'initiative. Ça, personnellement, ça m'a énormément plu parce qu'on a ici, en commission parlementaire, avant la tenue du Sommet des Amériques, dans le cadre de la ZLEA, tenu une commission parlementaire dont je n'ai malheureusement pas fait partie parce qu'à ce moment-là j'avais d'autres responsabilités. Mais, quand même, les parlementaires ont tenu des audiences publiques, ont réfléchi sur toute la question de la mondialisation, et le débat s'est quand même fait. Il ne s'est pas fait «at large» comme on dit; malheureusement, ce n'est pas tout le monde qui a pu en débattre, mais, d'un autre côté, je pense qu'ici on a quand même pris, au Québec, l'initiative de le mettre sur la place publique. Sans doute que le fait que le Sommet des Amériques se soit tenu ici a quand même aidé pour beaucoup.

n(10 h 50)n

Mais la question depuis le début que, nous, on se pose, c'est: Est-ce que ça prend réellement une structure telle que celle qui est proposée, alors que vous venez nous dire qu'il y a tout un milieu, finalement, qui oeuvre dans ce domaine-là actuellement? Il faut, c'est sûr, avoir ce que vous appelez une structure architecturale ? j'utilise vos termes d'il y a quelques minutes ? mais est-ce qu'on n'aurait pas pu envisager, étant donné que... ? puis je vous la pose, à vous, parce que vous êtes... s'il y a quelqu'un du milieu où les gens ont accès finalement à... où les chercheurs peuvent avoir accès à ce type de données ou même donner des mandats de recherche ? est-ce qu'on n'aurait pas davantage pu avoir des ententes avec les universités ou avec les différents centres, soit le vôtre, le centre qui a été inauguré cette semaine, le Centre d'étude interaméricain? Bon, je comprends que chacun a sa mission, mais il me semble qu'on pourrait ramasser tout ça, peut-être s'assurer, là, d'éviter de créer de nouvelles structures, tout en ayant une mission qui corresponde finalement à ce que le projet de loi nous propose. Parce que, finalement, ce qu'on trouve dans l'article 4, vous l'avez vu comme moi, bon: on recueille, on analyse les informations, etc. Suivre les négociations multilatérales, on s'entendra que, si le gouvernement du Québec a de la misère à les suivre, je ne vois pas comment est-ce que l'Observatoire va avoir tant de facilité que ça. D'ailleurs, il y a des gens qui sont venus nous dire carrément que ce n'était pas évident, parce que c'est casser le moule du vase clos, là. À mon avis, ce ne sera pas si facile que ça.

Mais supposons qu'on est optimistes: assure la valorisation des informations, la diffusion des travaux, rend public annuellement un état de la situation, collabore, au Québec et à l'extérieur, avec des organismes intéressés, etc. Vous avez les réseaux, vous avez les chercheurs, que ce soit l'Université Laval, ou que ce soit l'Université du Québec à Montréal, ou nos universités, l'Université du Québec. Est-ce qu'on n'aurait pas pu faire appel à vos structures à l'intérieur des universités pour faire justement ce travail-là avec autant de succès et en respectant la mission qui nous est proposée ici?

M. Bélanger (Louis): Il me semble que, bon, je veux dire, je reviendrais un petit peu à ce que j'ai dit tout à l'heure: Là où, selon nous, la nécessité ? bon, ça peut être un observatoire, appelez ça comme vous voulez, puis, bon, les questions d'architecture, je ne suis pas sûr que je suis la meilleure personne pour répondre à ça ? il me semble que lorsque, par exemple, le pouvoir législatif, lorsque les institutions décident de s'ouvrir à des nouvelles réalités comme celles qui sont reliées à la mondialisation, qui ont longtemps été ignorées par... Il me semble qu'il doit y avoir un effort qui doit être fait pour faire en sorte que cette ouverture-là s'accompagne, si on veut, justement de diffusion, de création, de connaissances qui soient appropriées. Je ne suis pas convaincu que le milieu universitaire, par exemple, vous accompagnerait tout seul là-dedans ou répondrait automatiquement à vos besoins. Alors, il me semble que, peut-être pas de façon indéfinie, mais il me semble que, jusqu'à ce que ces questions-là ? qui sont des questions qui sont, vous l'avez dit vous-même, extrêmement complexes, liées aux négociations commerciales, dans le domaine du brevetage international, dans le domaine... ? alors, jusqu'à ce que ces questions-là soient pleinement appropriées, selon moi, par les mécanismes réguliers qui fonctionnent déjà dans d'autres sphères du débat public... On parlait tout à l'heure... Bon, il y a bien des commissions qui aident la réflexion ou qui accompagnent le débat public ? dans le domaine de l'environnement, par exemple, on s'est doté de commissions, de conseils; on l'a fait dans le domaine de la langue, à une certaine époque, puis on a changé ça quand on a maturé dans le débat; on l'a fait dans le domaine de l'immigration ? il me semble que, pour atteindre cet objectif-là, de rendre ces questions-là des objets, comme j'ai dit tout à l'heure, légitimes et pleinement appropriés de politique publique, je pense qu'un effort doit être fait. Et moi, c'est comme ça que je vois le rôle de l'Observatoire. Donc, il me semble que, oui, selon moi, il y a une utilité, là, d'une initiative comme celle-là.

M. Breton (Gilles): J'ajouterai que, de mon point de vue, ce qui le rend nécessaire, c'est effectivement le troisième alinéa de l'article 4, c'est-à-dire tout le volet «assurer la valorisation des informations, la diffusion des travaux dans les diverses régions, des activités de sensibilisation et d'éducation». Là, on revient à son rôle dans l'espace public. Et nous, comme université, je veux dire, nous autres mêmes à l'intérieur, dans notre propre boîte, il y a le problème qu'on appelle la logique des silos, tu sais; je veux dire, ça travaille chacun un à côté de l'autre. Alors, l'avantage de l'Observatoire, c'est effectivement de mettre tous les acteurs, à tous les niveaux ? on l'a vu tout à l'heure ? concernés par l'enjeu mondialisation, ensemble, et de pouvoir discuter et de pouvoir permettre à l'ensemble des composantes effectivement de discuter ensemble, de s'approprier les enjeux de la mondialisation pour ensuite réfléchir à ça. Il est très clair que, de ce point de vue là, il faut bien comprendre que les recherches, les connaissances qui vont être mises au jour, qui vont être colligées, ne sont pas seulement, de mon point de vue, des recherches appelons-les fondamentales: il y a toute une dynamique de recherche appliquée; il y a toute une dynamique de réflexion sur des nouveaux projets ? j'appelais ça des initiatives institutionnelles tantôt ? dont on va avoir besoin, et ça, ça doit faire l'objet... il doit y avoir un espace public qui permette à tous les acteurs intéressés par la chose de discuter ensemble. Louis citait l'exemple d'Oxfam. Il me semble qu'on a besoin, effectivement, que tous ces acteurs-là puissent débattre ensemble de ces enjeux-là et faire le point là-dessus. De ce point de vue là, moi, l'alinéa 3 m'apparaît fondamental dans la création de l'Observatoire. Il y a un rôle fondamental dans l'espace public pour s'approprier cet enjeu-là.

Mme Delisle: Il reste deux minutes?

Le Président (M. Lachance): Ça va bien.

Mme Delisle: Je voudrais vous ramener sur la composition du conseil d'administration et la présence, évidemment, des universitaires, tel que vous le souhaitez. Tout à l'heure, le groupe qui vous a précédés... En fait, j'ai posé la même question au groupe qui vous a précédés et ce qu'on a conclu finalement de leur réponse, c'était: pour pouvoir avoir la représentation de l'ensemble des acteurs ou des intervenants de la société sur ce dossier-là, il faudrait peut-être enlever dans le projet de loi le nombre de membres qui seraient représentants du milieu syndical, du milieu patronal, du milieu sociocommunautaire et ainsi de suite, ça peut aller jusqu'aux trois députés aussi. Comment voyez-vous cette perspective-là? Ou est-ce que vous pensez vraiment qu'on doive ajouter trois autres ? je prends trois universitaires ? si on veut que ce soit égal avec tout le monde? Mais est-ce que c'est de cette manière-là que vous le voyez ou bien vous feriez confiance, finalement, au choix qui pourra être fait de la part du gouvernement par rapport aux gens qui siégeraient sur le conseil d'administration et qui seraient finalement capables d'être à la fois représentatifs de l'ensemble des préoccupations?

M. Breton (Gilles): Bien évidemment, si vous me dites que vous faites confiance aux gens du gouvernement pour prendre les décisions, la réponse est oui. Je veux dire au sens où, nous, ici, notre travail à nous...

Mme Delisle: Je voudrais faire une précision: Je n'ai pas dit que je faisais confiance au choix de la ministre. Non, non. En fait, ce que je dis, c'est qu'il faut faire...

M. Breton (Gilles): Non, non.

Mme Delisle: ...C'est ça, le ou la ministre pourrait faire le choix.

M. Breton (Gilles): Oui, oui, c'est ça. C'est-à-dire que, au fond, notre réaction face à la composition telle qu'elle est là actuellement, c'est que, moi, je la perçois comme si ? trois représentants du milieu syndical et trois représentants du milieu patronal ? je la perçois comme si la mondialisation était, au départ et avant toute chose, un enjeu économique. Et ça ne se réduit pas à ça. Je pense que, dans l'ensemble des mémoires, vous avez dû entendre beaucoup de gens qui vous ont dit: Il y a autre chose que ça. Et, de ce point de vue là, cette prédominance-là, si on veut, peut s'articuler, de mon point de vue, à une lecture économique de la réalité de la mondialisation. Je pense que, pour tout le monde... ça doit être clair pour tout le monde maintenant: il y a autre chose que ça.

Maintenant, quand les gens des universités vous disent: On serait intéressés à faire partie du conseil d'administration. Pour des raisons que j'ai identifiées tantôt, parce que la grosse décision qu'aura à prendre le conseil d'administration, de mon point de vue, c'est la structuration de l'agenda de travail à la fois de l'Observatoire et à la fois du conseil scientifique et, de ce point de vue là, on pense tout simplement que, comme milieu très impliqué dans la mondialisation faisant face à des enjeux spécifiques, on pourrait apporter une contribution pour ce qui est de la constitution de l'agenda de travail. Maintenant, évidemment, on fait notre travail ici; vous ferez le vôtre. Vous arbitrerez à l'intérieur de tous ces intérêts pour décider qui doit siéger et sur quelle base vous déciderez de structurer le conseil d'administration.

Mme Delisle: Merci.

M. Breton (Gilles): Mais moi, je ne peux pas pousser la rondelle plus loin que ça dans le filet.

n(11 heures)n

Le Président (M. Lachance): Alors, merci MM. Bélanger et Breton pour votre participation ici ce matin, au nom de l'Université Laval. Merci.

J'invite maintenant le prochain groupe à nous faire part de ses commentaires, le Parti québécois, et j'invite les représentants à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bonjour MM. Turp et Bérubé, personnages connus. Je vous indique que vous avez également une période de 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires pour, par la suite, amorcer les échanges avec les parlementaires.

Parti québécois (PQ)

M. Turp (Daniel): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mme la députée, MM. les députés, j'ai le plaisir de présenter au nom du Parti québécois le mémoire que celui-ci a préparé à l'intention de votre commission au sujet du projet de loi n° 109 portant création de cet Observatoire québécois de la mondialisation.

Je suis accompagné, comme le président l'a souligné, de Pascal Bérubé qui est président du Comité national des jeunes et membre du conseil exécutif national du Parti québécois.

Le Parti québécois salue l'initiative prise par le gouvernement du Québec de constituer un Observatoire de la mondialisation. Si la mondialisation est devenue un objet de débat et qu'elle a pénétré, comme on le constate tous les jours, le discours public, elle demeure un phénomène dont on ne saisit guère la portée et dont on mesure encore très mal les conséquences sur le destin du Québec et sur celui de la communauté internationale dans son ensemble. Et le Parti québécois que nous représentons ici aujourd'hui s'inscrit dans ce courant de réflexion sur la mondialisation. Il a constamment manifesté son intérêt pour ce phénomène ? ça ne semble pas être le cas de tous les partis politiques au Québec; sans doute, mon ami Bérubé dira un mot là-dessus tout à l'heure ? et son programme d'ailleurs est un programme qui, à plusieurs reprises dans plusieurs de ses chapitres, évoque l'importance de comprendre et de s'intéresser au phénomène de la mondialisation et de faire jouer un rôle à ce phénomène dans les grandes orientations de ce parti.

Nous avons participé aux consultations qu'a menées la ministre des Relations internationales et, lors d'une réunion le 29 mars 2002, avons donné notre accord de principe à la constitution d'un tel Observatoire. Nous réitérons aujourd'hui devant vous, membres de la commission des institutions, cet appui. Mais nous avons aussi certaines observations et recommandations pour en améliorer le contenu et pour, notamment, examiner la rédaction de certaines dispositions de l'éventuelle Loi sur l'Observatoire de la mondialisation. Nos observations et nos commentaires porteront sur la mission et les fonctions de l'Observatoire, et c'est Pascal Bérubé qui vous parlera de cette mission et de ses fonctions. Je parlerai ensuite de l'organisation et présenterai quelques recommandations, le comité scientifique. Et je voudrais aussi expliquer l'une de nos recommandations relatives aux dispositions financières concernant l'Observatoire. Je conclurai la présentation en vous invitant bien sûr à poser des questions.

M. Bérubé (Pascal): Merci, M. le président. Alors, le parti exprime son accord avec la mission de l'Observatoire telle que décrite à l'article 3 et voulant que l'accent soit mis sur la compréhension essentiellement du phénomène de mondialisation, sur tous ses aspects. Et on constate également que cette mission va dans le sens de ce qui a été formulé lors des consultations de la ministre et que les vues exprimées par d'autres intervenants québécois dans le débat de la mondialisation, et notamment les jeunes...

Et je veux, je tiens à rappeler cette grande manifestation qu'a été le Sommet des Amériques ici même, dans la capitale nationale où, de ma perspective, des milliers de jeunes sont venus dire, à la face du monde et à leurs parlementaires de l'Assemblée nationale également, que c'est une question qui les préoccupe, qu'ils sentent, qu'entre les grands ensembles internationaux, mondiaux, le GATT, l'OMC, etc. où se prennent les décisions, et le citoyen, les citoyens qu'ils sont avant tout, on a besoin d'un État, on a besoin d'un relais, on a besoin d'espace pour comprendre la mondialisation, pour mieux agir par la suite. Ils ne veulent pas renoncer à ce que les citoyens aient une emprise sur le monde qui change, sur le monde qui les touche également. Et, d'une perspective jeune, c'est une initiative qui est extrêmement importante, parce qu'elle démontre que le gouvernement du Québec n'a pas renoncé à agir sur la mondialisation, n'a pas renoncé à être un modèle différent pour la mondialisation, et il cherche également à leur donner une voix, donner une voix à la société civile dans cet observatoire-là ? donc, d'une perspective jeune, c'est très intéressant ? mais une mondialisation également qui n'est pas n'importe laquelle, qui tient compte de la diversité culturelle, comme la ministre le fait à bien des égards sur la scène internationale, qui tient également compte des droits des travailleurs, de l'environnement, de l'équité entre les hommes et les femmes, de justice sociale. Donc, c'est ce type de mondialisation qu'on veut.

Alors, l'Observatoire servira à tout ça, et on le décrira davantage, vous le verrez, à travers les recommandations, mais je tenais à faire cette petite note-là d'un point de vue des jeunes de ma génération quant à cette question-là, et j'espère que ce sera partagé par tous les intervenants québécois, qu'ils soient du milieu syndical, des affaires, jeunes, aînés, tous les partis politiques de l'Assemblée nationale également. Vous savez, le Québec, c'est une société éminemment complexe à gérer; il faut avoir un peu de perspective pour le faire. Dans ce sens-là, je me réjouis que mon gouvernement ait décidé de jouer le rôle d'un gouvernement national, un gouvernement qui prend en compte que le Québec est dans un ensemble international complexe et diversifié et qu'il joue son rôle. Dans ce sens-là, je suis un peu déçu de l'absence d'un des groupes parlementaires, je crois, depuis le début de ces interventions-là, un groupe qui aspire également, j'imagine, au mieux-être des citoyens. Alors, je suis un peu déçu de voir que l'Action démocratique du Québec, barre oblique Équipe Mario Dumont, ne soit pas là pour discuter de ces questions-là. Alors, ça me déçoit un peu.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Bérubé. M. Turp, vous pouvez continuer.

M. Turp (Daniel): Je continue. Vous avez constaté que dans notre mémoire il y a plusieurs recommandations. Il y en a certaines... Les premières, vous le constaterez, sont des recommandations relatives au langage, à la terminologie qui pourrait être utilisée, certains mots méritant à notre avis de se retrouver dans certaines dispositions. Je n'insisterai pas là-dessus, on pourra en revenir à la période de questions, si vous le souhaitez.

La recommandation à laquelle je voudrais donner une importance, c'est l'idée d'inclure dans la composition du conseil une personne d'un État en développement. Le projet de loi prévoit qu'il doit y avoir des personnes de l'extérieur du Québec; l'une d'elles devra être de l'extérieur des Amériques. Mais je crois qu'un observatoire de ce type-là devrait pouvoir compter sur la participation de quelqu'un d'un État en développement. Il pourrait venir de l'extérieur des Amériques, bien entendu, mais je crois que cette idée d'inclure une personne qui vient d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine, mais d'un pays en développement serait très, très utile. On suggère donc dans l'une des recommandations, la recommandation 6, d'assurer très précisément qu'il y ait quelqu'un d'un État en développement.

Deux autres recommandations portent sur la place des femmes au sein de ce conseil d'administration. Vous savez, on est, au Parti québécois, en train de préparer un grand colloque sur la mondialisation. D'ailleurs, vous y êtes invités. Le 5 octobre prochain, nous allons faire à Montréal un grand colloque sur la mondialisation, et je constate, en étant responsable de son organisation, qu'il y a très peu de femmes, vraiment, dont on peut solliciter la participation et qui ont à ce jour cherché à s'intéresser et à écrire sur la mondialisation. Quelque part, un observatoire sera le lieu où on pourra ? comment dire? ? non pas faciliter, mais encourager la participation des femmes dans ces débats tellement importants sur la mondialisation. C'est la raison pour laquelle je vous invite à reprendre une formule qui a été utilisée dans la Loi sur les services de santé et sociaux qui oblige le gouvernement et le conseil à assurer une représentation équitable des hommes et des femmes au sein de la composition du conseil et de tendre vers la parité. Ce sont donc deux recommandations qui nous paraissent importantes. J'espère qu'on pourra en discuter.

n(11 h 10)n

J'ajouterais que la recommandation à laquelle le Parti québécois tient davantage, c'est celle relative aux dispositions financières. Je crois qu'il est important pour cet observatoire qu'il lui soit assuré une stabilité dès les premières années de son fonctionnement, et notamment une stabilité financière. Et nous avons retrouvé, dans certaines lois, et il s'agit ici d'une loi fédérale... Je la connais particulièrement bien en ayant été, à Ottawa, quelqu'un qui a examiné, par exemple, les rapports de ce Centre international sur les droits de la personne et développement démocratique, un organisme qui a pu compter et qui compte sur une approbation parlementaire préalable de ses crédits. Et ce qu'on suggère donc, c'est de prévoir, dans la loi elle-même, que l'approbation des crédits se fasse par la loi pour les cinq premières années et que des montants précis soient prévus dans la loi et que, ultérieurement, les crédits soient prévus dans chacun des budgets. Mais, pour les cinq premières années, on croit que cet Observatoire pourrait compter et devrait pouvoir compter sur une certaine stabilité financière. Donc, là c'est la recommandation 10, notre dernière recommandation.

Je terminerais, M. le Président, en suggérant, par ailleurs, des créneaux d'analyse pour cet Observatoire qui devra rapidement se mettre au travail. Et les sujets que cet Observatoire pourrait privilégier dès sa création, les sujets de recherche, seraient la question de la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux, culturels dans le contexte de la mondialisation. Je pense que cet Observatoire, malgré tout le travail qu'a fait le gouvernement sur cette question, doit s'intéresser, se pencher sur l'idée de l'instrument international contraignant sur la diversité culturelle puis analyser les positions que prennent les gouvernements et les groupes de la société civile, les coalitions ? comme celle que vous allez entendre cet après-midi ? que, dans le domaine particulier de l'eau, il y ait un intérêt privilégié par l'Observatoire sur cette question-là, mais aussi d'autres questions auxquelles s'intéressent d'autres pays: le label social, comme en Belgique où on s'intéresse beaucoup à l'idée de labelliser les produits en fonction du respect, par les entreprises, des droits économiques et sociaux, et aussi la question de l'investissement responsable.

Et je crois que l'Observatoire, dès le départ, devrait suivre les négociations concernant la ZLEA, qui sont en cours, examiner le texte de l'avant-projet d'accord qui a été rendu public grâce aux efforts de plusieurs personnes, y compris de la ministre et du gouvernement du Québec. Un avant-projet d'accord là ? je vous invite à le regarder ? ce n'est pas simple le comprendre à cause de tous les crochets partout. Mais je crois qu'un observatoire pourrait faire l'effort, immédiatement, d'essayer d'y comprendre quelque chose et de diffuser ses analyses préliminaires, tout en devant aussi, à mon avis, observer les négociations en cours avec le Costa Rica et d'autres pays avec lesquels le Canada veut conclure des accords de libre-échange.

Et là, je terminerai, M. le Président, en rappelant ? je pense que ça s'impose ? que le Parti québécois veut rappeler qu'il considère que la mondialisation est un motif supplémentaire, selon notre parti, pour faire accéder le Québec à la souveraineté. Hein! dans notre argumentaire, il est clair que la mondialisation suppose, pour le meilleur intérêt du Québec, que le Québec accède à la souveraineté, notamment pour qu'il puisse prendre la parole dans les forums internationaux, là où il ne peut prendre parole et où des décisions importantes sont formulées. Parce que le Québec veut participer à la prise de décision au niveau international pour, justement, que cette mondialisation, comme le projet de loi le souligne et le souhaite, soit maîtrisée et soit ? c'est la terminologie qu'on préfère quant à nous ? équitable. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Turp. Merci, M. Bérubé. Alors, nous allons procéder à une période d'échanges en donnant la parole à Mme la ministre et en lui rappelant que votre adjoint parlementaire a demandé la parole et que moi aussi, tout à l'heure, j'avais demandé d'intervenir. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Beaudoin: Je serai donc brève. Je serai donc brève, M. le Président. Mais, donc, quand même un certain nombre de commentaires. M. Bérubé, bonjour. Daniel Turp, bonjour. Donc, félicitations pour votre mémoire parce que c'est un mémoire qui est très substantiel. Il y a une réflexion qui est celle, justement, vous l'avez dit, M. Turp, du Parti québécois, des jeunes, d'une part, aussi, qui sont intervenus sur ces sujets-là assez souvent, mais du Parti québécois, soit dans ses instances, au Conseil national ? vous parlez de la taxe Tobin, l'année dernière, à un conseil national où on en avait discuté ? et aussi, bien sûr, dans le programme du parti et à d'autres moments et, bien évidemment, ce colloque que le Comité des relations internationales dont vous êtes président organise pour le 5 octobre à Montréal.

Alors, maintenant, à propos de ce que vous nous dites, rapidement pour justement laisser de la place aux autres, bon: trois personnes de l'extérieur, votre recommandation 6, parce que je vais prendre les recommandations les plus importantes que vous avez... dont vous avez parlé. Trois personnes ? donc, ça voudrait dire augmenter d'une, parce que vous dites: Trois au lieu de deux, parce que, nous, on disait: deux ? trois personnes de l'extérieur du Québec dont au moins une de l'extérieur des Amériques et une d'un État en développement.

Bon, vous l'avez dit, ce n'est pas exclus dans notre conseil d'administration, de la façon dont c'est formulé actuellement, qu'il y ait quelqu'un d'un pays en développement. Puisqu'on dit: «deux personnes de l'extérieur du Québec, dont une de l'extérieur des Amériques». Donc, il y a plusieurs organismes qui sont venus nous dire qu'il fallait quelqu'un d'un pays en développement pour que cette sensibilité s'exprime et soit présente autour de la table du conseil d'administration. Donc, faudrait-il l'inscrire noir sur blanc?

Je remarque justement que si, dans les lois en général... En tout cas, là, je n'ai pas été dans un ministère ou dans des ministères où on a fait beaucoup de projets de loi, mais ceux que j'ai présentés à l'Assemblée nationale, en général, on nous dit: Bien, ça se défend de ne pas être trop, trop précis, de se laisser un peu d'espace et de marge, alors que là, tous les groupes qui viennent nous disent: Précisez, précisez, précisez. Alors, donc, je vais prendre ça, tout ce que j'ai entendu depuis quatre jours, en bonne considération pour voir si c'est préférable, en effet, de préciser un certain nombre de choses et lesquelles. Donc, je vous remercie pour cette suggestion. Mais ça se fera, d'une manière ou de l'autre, il y aura quelqu'un qui représentera les pays en développement dans mon esprit, c'est évident.

Vous dites: Pour les hommes et les femmes, ça aussi, bien sûr. La Fédération des femmes est venue nous dire qu'il fallait être plus précis que ce qu'on avait écrit, puisque nous disons que «la représentation démographique du Québec», en fait, que ce soit représentatif de la démographie du Québec. Comme il y a 52 % de femmes, je ne sais pas s'il pourrait y avoir 52 % de femmes à l'intérieur du conseil, mais là aussi vous nous dites, et vous avez trouvé une loi qui date, me dit-on, de 1991, donc, du temps où nos amis d'en face étaient au pouvoir et qui dit: Une représentation, et je cite la loi en question de 1991 qui est une Loi sur la santé et les services sociaux dans laquelle on indiquait d'assurer une représentation ? c'était à propos des hôpitaux et des conseils d'administration des CLSC et de ce type d'organisme ? «une représentation la plus équitable possible des femmes et des hommes». Mais vous ajoutez quand même, en plus: «et tendre vers la parité». Bon, je félicite le Parti québécois pour cette préoccupation-là.

Maintenant, il est évident que, en ce qui concerne le budget, c'est une question importante, une question difficile. Vous avez... votre inspiration est venue d'Ottawa, là, je vous en félicite moins, mais boutade à part, c'est que vous n'avez rien trouvé, donc, au Québec. Donc, ce serait une vraie innovation. On va en discuter article par article avec nos collègues de l'opposition, puis on verra. Moi, je ne suis pas fermée à cette idée-là très innovatrice qui assure, comme vous l'avez dit, la pérennité et la stabilité, enfin, bon, et l'indépendance, puisque, si on le sait à l'avance, déjà, on peut planifier, beaucoup d'organismes se plaignent, mais si on ne le fait pas il doit y avoir une raison. Alors, je veux quand même m'informer de cette raison auprès de mes collègues du Conseil des ministres.

Et je terminerais en disant, quand vous dites: À propos de quoi, sur quoi l'Observatoire devrait se pencher prioritairement. Il faut des paramètres, en effet, il faut des paramètres, qu'on sache un peu mieux comment l'Observatoire, sur quoi l'Observatoire devrait se pencher étant donné les priorités. Pour moi, il y en a une évidente, elle est inscrite là, ce sont les négociations multilatérales, et il faut ajouter bilatérales. Multilatérales actuelles, on est en plein dedans, si on le crée actuellement, c'est parce que la Zone de libre-échange des Amériques est en train de se construire, parce que l'OMC est en train de discuter et parce qu'il y a des négociations, comme vous l'avez dit, bilatérales extrêmement importantes qui... et c'est vase communiquant, ça, là, là. Alors, mais jusqu'où on ira dans ces paramètres-là? Eh bien, on va y réfléchir. Enfin, on a essayé de faire un projet de loi équilibré.

n(11 h 20)n

En tout cas, en terminant, moi, je vous remercie, si vous avez des commentaires sur ce que j'ai dit. Mais ça a été un plaisir de vous lire et de vous entendre.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. M. Turp, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Turp (Daniel): Peut-être deux commentaires. Le premier, je n'ai pas rappelé l'une des recommandations qui est liée à la question des négociations et des instruments qui résultent de ces négociations. Une des choses qui pourrait, à mon avis, être précisée, dans le projet de loi, c'est la compétence plus explicite de l'Observatoire de formuler des avis sur les traités internationaux qui résulteraient de négociations dans le domaine du commerce international et dans d'autres domaines, à l'intention de votre Assemblée qui détient, depuis quelques mois, la compétence d'approuver les engagements internationaux importants, qu'il s'agisse d'ententes internationales du Québec ou d'accords internationaux du Canada. Je crois que ce serait très intéressant, pour les débats de votre Assemblée, lorsqu'il y aura des débats sur l'opportunité d'approuver ou non un engagement international en matière de commerce international ou qui a un impact sur ces questions de mondialisation, de disposer d'un avis de l'Observatoire. Vous seriez là autour de la table et vous auriez un avis de l'Observatoire qui pourrait guider les discussions des députés, qui aurait été fait par les gens de son conseil d'administration, débattu par le comité scientifique et qui aurait une valeur utile pour les débats que vous feriez ici, soit en commission si un engagement est examiné en commission, ou lors du débat général en Assemblée nationale, en séance plénière.

La deuxième chose. Sur les dispositions financières, vous savez, je me rappelle des discussions avec M. Broadbent, qui a été très longtemps le président du Conseil ou le président du Centre international. Ça m'amène d'ailleurs à vous faire peut-être une remarque qui résulte d'un examen de la loi que j'ai refait ? j'ai relu la loi tout à l'heure en venant ici ? et vous pourriez peut-être vous demander s'il ne faut pas abréger non plus la lourdeur au plan administratif, là. Parce que je me rappelle que le Centre international Broadbent, comme on l'appelait, avait un président du conseil, un président, avait des membres du conseil d'administration. Ici, vous avez un président, vous avez un directeur général. Vous pourriez peut-être envisager d'avoir un président-directeur général, quelque chose un petit peu plus souple, là. En tout cas, je vous signale ça à votre attention. Peut-être, vous voudriez rendre un petit peu moins lourde la structure en consignant ou en conférant à une personne la direction générale et la présidence de l'Institution. En tout cas, c'est une remarque que je fais en passant.

Mais, j'ajouterais que M. Broadbent me rappelait l'importance en termes d'autonomie que lui avait donnée la disposition, dans le projet de loi, qui prévoyait que les crédits budgétaires lui étaient attribués par le Parlement. Ils ne pouvaient pas être remis en question par le gouvernement à chacun des budgets et ça avait permis à son organisme de démarrer, d'avoir des sommes qui étaient prévues dans une loi sans s'inquiéter des lendemains, de l'année suivante, pour cinq ans. Et, moi, je pense qu'on devrait suivre cet exemple puis, de toute évidence, ce n'est pas incompatible avec l'économie générale de notre système législatif. Ça a été fait à Ottawa. Et je pense qu'on devrait justement innover en la matière et prévoir des assises financières solides pour cet Observatoire.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Turp. M. le député de Gaspé. Vous voulez ajouter quelque chose? Ça va? Non. Alors, M. le député de Gaspé, vous avez la parole.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. M. Bérubé, M. Turp, bonjour. Il me fait plaisir de vous recevoir ici. Ça fait longtemps que le comité des relations internationales du Parti québécois entretient des liens avec la communauté internationale et les pays ou les organisations amis et parfois avec des orientations similaires en termes social, politique, économique, etc. Je regarde, vous êtes, M. Turp, issu d'un monde universitaire. Ce matin, l'Université Laval ? pour ne pas la nommer ? est passée ici, a présenté son mémoire sur l'internationalisation nous disant qu'elle allait être un des agents au premier plan de la mondialisation en termes d'éducation. L'IREQ est venu la semaine dernière et nous avons posé des questions sur quels sont les secteurs les plus vulnérables au niveau de ces accords internationaux, et on s'est fait répondre que c'était l'éducation, qui est un sujet qui me préoccupe énormément également parce que, dans le fond, on nous présente que, avec la mondialisation, avec les accords tels qu'ils sont écrits, avec les possibilités de pouvoir poursuivre les États éventuellement, de demander les mêmes traitements subventionnés pour ces entreprises-là.

J'aimerais ça vous entendre là-dessus, à savoir si, le Comité des relations internationales, vous vous êtes penchés également sur cette question suite à la formation universitaire et la diplomation. Parce qu'il y a des universités américaines, semble-t-il, qui peuvent distribuer ou accorder des diplômes. Il peut y en avoir d'autres. Québec est présent un peu partout dans le monde, même en Gaspésie. Il y a un groupe au niveau de l'institut Centre collégial des pêches qui donne de la formation à distance en Nouvelle-Écosse, en Afrique. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Comment vous voyez l'avenir là-dessus? Parce que d'une part l'Université Laval nous dit qu'elles sont les agents de premier plan de mondialisation, donc qu'elles ouvrent la possibilité à d'autres de faire comme elle, que l'Europe avait débloqué un budget quand même très important en termes d'euros pour attirer les étudiants étrangers. Et on n'a pas parlé d'utilisation des réseaux de communication à haute vitesse qui pourraient servir aussi à ça, de même que l'Australie d'ailleurs.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Gaspé. Alors, M. Turp, M. Bérubé, qui est-ce qui répond?

M. Turp (Daniel): Je vais dire un mot et Pascal prendra la relève. Je crois que, pour ce qui est de l'éducation, ce qui doit nous préoccuper, ce qui devra préoccuper cet observatoire, c'est la préservation de la capacité du Québec d'agir dans le domaine de l'éducation et de maintenir l'intégrité de sa compétence en matière d'éducation. Et vous savez, les traités que conclut le Canada en matière de libre-échange, si les tendances se poursuivent, ils vont porter sur l'éducation. Ils vont porter sur la prestation de services d'éducation. Puis les Américains, ils vont constamment ? c'est déjà fait ? chercher à libéraliser l'éducation de façon à permettre à des institutions universitaires de venir établir des campus au Québec et comme ils veulent le faire ailleurs.

Donc, il faut, dans ce processus-là, préserver notre capacité de nous assurer que les traités que le Canada va conclure, qu'il va négocier ? parce qu'on n'est pas capable de les négocier en notre nom, on n'est pas encore souverains, nous, on souhaite qu'on le devienne ? mais que ces traités-là ne contiennent aucune disposition qui va limiter la capacité d'agir du Québec dans le domaine de l'éducation qui est sa compétence exclusive. Donc ça, c'est une première chose qui est très importante et ça ne veut pas dire que le Québec ne doit pas, par ailleurs, se préoccuper de sa propre capacité d'accueillir des étudiants étrangers, de rayonner par les étudiants étrangers, de rayonner par ses professeurs. Mais vous savez, la mondialisation puis le libre-échange, ça ne doit pas être un obstacle à la façon pour un pays de penser son système universitaire, de l'adapter à la réalité et de ne pas vouloir que ce système soit pris en charge par d'autres États parce que des traités ont été conclus pour libéraliser les services et notamment en matière d'éducation.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Oui, M. Bérubé, vous avez 30 secondes pour ajouter un commentaire.

M. Bérubé (Pascal): Alors, il y a une réalité démographique au Québec qui fait en sorte qu'elle restreint considérablement notre capacité d'agir sur le monde et c'est celle-ci: dans les prochaines années, il y a plus de 25 000 places potentielles disponibles dans les cégeps et les universités qui ne seront pas comblées. Donc, il faudra faire nécessairement appel à des étrangers qui partageront notre...

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, je m'excuse. Et vous avez d'ailleurs répondu, M. Turp, à ma question qui concernait tout à l'heure de donner des avis. Alors donc, indirectement, vous avez répondu. Mme la députée de l'opposition officielle, vous avez la parole.

Mme Delisle: Merci. Alors, M. Turp, M. Bérubé, bonjour. Merci d'avoir pris la peine de vous présenter devant nous et de nous éclairer sur ce que votre parti politique conçoit à partir de ce projet-là. Moi, j'ai eu le rôle, depuis le début de ces audiences, de tenter de nous ramener davantage sur le volet peut-être un petit peu plus pratico-pratique qui est celui évidemment de la composition du conseil d'administration, le genre de structure qu'il nous faut ou pas. Bon.

Alors, si vous me permettez, je vais y aller avec quelques questions. Je voudrais vous entendre sur votre recommandation 6 qui concerne l'ajout au conseil d'administration d'une troisième personne qui siégerait, autrement dit, à titre d'observateur, sans droit de vote, mais qui proviendrait d'un autre pays en voie de développement. Je suis un petit peu étonnée de voir que vous n'accordez pas le droit de vote à cette personne-là, et je m'explique. Il y a très peu de gens dans la composition du conseil d'administration qui n'ont pas droit de vote. Je pense qu'il y a les députés, et les autres, à ma connaissance, ont tous le droit de vote.

n(11 h 30)n

On parle de démocratie, on parle de transparence, mais je veux vous amener sur le volet démocratie, là. Si on prend la peine d'inviter à titre d'observateur quelqu'un qui peut nous éclairer sur ce qui se passe ou sur les conséquences ou les répercussions finalement de la mondialisation dans son pays, qui est un des pays en voie de développement, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi cette personne-là, qui se joindrait à deux autres personnes qui proviennent de l'extérieur, n'aurait pas le droit de vote.

M. Turp (Daniel): C'est une bonne question mais, en fait, la rédaction du projet de loi ne me semblait pas très claire sur cette question. Je pense que vous devriez vous pencher sur l'existence ou non d'un droit de vote pour les deux personnes de l'extérieur du Québec. Parce que, si on lit le projet de loi comme il faut, on pourrait penser que seuls les membres ont le droit de vote, et les deux personnes de l'extérieur du Québec ne sont pas des membres. Ne sont pas des membres parce que les seuls membres, c'est les 15 membres, dont un président, si on lit le paragraphe 6.1°.

Alors, nous, on pensait que, pour mieux clarifier les choses, il fallait préciser qu'ils n'avaient pas le droit de vote. Alors, si vous croyez que les observateurs ou que les personnes de l'extérieur du Québec, soit deux ou trois, devraient avoir le droit de vote, bien, il faudra que ce soit plus clair que ce ne l'est, à mon avis.

Moi, je n'ai pas d'objection à ce que des personnes de l'extérieur aient le droit de vote, aucune objection, mais il me semblait que l'actuelle rédaction ne prévoyait pas le droit de vote pour les personnes qui ne sont pas membres.

Mme Delisle: J'imagine qu'on pourra le soulever lors de l'étude article par article mais ça m'étonnait quand même, là.

Je voudrais vous ramener aussi à la recommandation 10 dans laquelle on retrouve justement la recommandation d'investir 12 millions de dollars dans l'Observatoire de la mondialisation en cinq ans. J'ai bien compris les motifs qui sous-tendent évidemment votre argumentation à l'effet que ça permettrait à l'Observatoire de travailler de façon plus indépendante, plus autonome et de façon plus sécure finalement. Bon. Par contre, 12 millions de dollars, c'est quand même énorme, là, c'est quand même beaucoup. Il y aura changement de gouvernement, évidemment. J'imagine que ça doit être pour ça que ça se trouve là, pour être sûr qu'il y aura un 12 millions d'investi. On ne sait pas qui sera là, hein? Bon. Alors, la démocratie s'exprimera en temps et lieu.

Mais, si je suis partisane d'un financement triennal pour des organismes qui, dans le sociocommunautaire, ont fait leurs preuves et qui ont beaucoup de difficultés finalement à s'organiser, ce n'est pas une question partisane, ce que je vous pose là, mais je voudrais essayer de comprendre pourquoi, alors que l'Observatoire n'est pas encore mis sur pied, qu'on veuille investir un montant de 1 million. Bon, ce sera à discuter, ce n'est pas mon choix, c'est le choix du gouvernement actuel. Par contre, il me semble qu'avant de déterminer qu'on va investir 12 millions en cinq ans dans l'Observatoire, on devrait au moins attendre une année, faire le bilan et déterminer... le gouvernement qui sera en place déterminera finalement quelles sont les sommes à investir ou pas. On parle de 12 millions, ça pourrait être 25, comme ça pourrait rester à 1 million, là.

Moi, je trouve que c'est très prématuré, sincèrement, là. Je comprends votre préoccupation, mais il y en a d'autres, préoccupations, dans la société actuellement, qu'on pense à la santé puis à l'éducation dont on parlait tout à l'heure. Et je vous dis bien sincèrement que je trouve ça étonnant de retrouver une recommandation de l'ordre de 12 millions de dollars pour... Sur cinq ans, entendons-nous, là, sur cinq ans. Je ne ferai pas de démagogie, là. Alors, j'aimerais que vous me l'expliquiez, s'il vous plaît.

Le Président (M. Lachance): M. Bérubé.

M. Bérubé (Pascal): Merci, M. le Président. D'abord, l'Observatoire, ce n'est pas la SGF, ce n'est pas gigantesque, ça sert à juguler des phénomènes gigantesques. C'est une question de conviction, au Parti québécois, la mondialisation. Depuis aussi longtemps que je me souvienne, depuis 1997 ? il y a des écrits depuis 1995 même ? on s'intéresse à ça, par nécessité parce que, au Québec ? je parlais de la complexité de l'État dans un ordre mondial de plus en plus trouble ? c'est vraiment une question de conviction. Et on a cessé de parfaire nos façons d'aborder la mondialisation, les mécanismes parce que notre mouvement tend vers cette, comment dire, cette maîtrise du parcours complexe de la mondialisation, tandis que d'autres formations politiques tendent à utiliser un parcours inverse qui tend vers la provincialisation du Québec. Et ça nous inquiète nécessairement pour l'avenir, on ne sait pas ce qui pourrait arriver. Et les surprises qui pourraient nous arriver pourraient vous arriver à vous aussi, ce n'est pas exclusif.

Je ne pense pas que ce soit une question partisane. Je dirais même que c'est presque l'apanage exclusif de notre gouvernement et de notre parti jusqu'à maintenant. On a peu entendu les partis d'opposition en parler, peut-être parce que les vraies affaires ne sont pas les intérêts internationaux du Québec.

Pourquoi assurer un financement stable? Je pense que mon collègue l'a démontré de façon assez éloquente. Je pense que c'est une question qui interpelle l'ensemble des citoyens, et c'est souhaitable comme ça. Nous, on ne souhaite pas en avoir l'exclusivité, on en a été les promoteurs initiaux et on va poursuivre dans cette veine-là. Mais on souhaiterait éventuellement que l'ensemble des acteurs de la société réalise que, pour le Québec, les impacts sont encore plus importants qu'ailleurs, compte tenu de notre petit poids démographique en Amérique, de nos caractéristiques culturelles et de nos velléités nationales.

M. Turp (Daniel): J'ajouterais peut-être juste une petite chose. Je crois aussi en la continuité des gouvernements. Alors, c'est une loi qui lierait le gouvernement du Parti québécois, s'il était élu, comme nous le souhaitons, vous vous imaginez bien. Mais, comme vous l'avez dit, ce n'est pas une question partisane. D'ailleurs, le délai de cinq ans, vous aurez remarqué, il coïncide avec la première période de la vie de l'Observatoire. Vous avez vu que l'Observatoire doit faire un rapport dans les cinq ans pour déterminer, même, s'il doit continuer d'exister puis si on doit modifier la loi.

Alors, l'idée c'est d'accorder une stabilité à une institution dans laquelle il est important d'investir. Même si c'est 12 millions, ça paraît beaucoup, ça pourrait paraître, à ceux qui vont vouloir bien étudier le phénomène de la mondialisation, bien suivre les négociations, par exemple... Suivre les négociations, c'est quelque chose qui va coûter des sous. Et, pour former aussi des gens qui vont avoir des moyens de véritablement observer ce que l'Observatoire devra faire, ça va prendre des moyens. Et cette stabilité, il me semble, devrait être souhaitée par tous les partis politiques autour de cette table.

Mme Delisle: C'est la sagesse qui parle, M. Turp, à côté de la fougue. Je voudrais vous ramener sur la question... toujours sur cette recommandation-là. Vous dites, à la fin de cette recommandation-là: «L'Observatoire peut, pour exécuter ses obligations et réaliser sa mission, recevoir et utiliser, en plus des crédits votés par le Parlement à cette fin, des fonds lui venant de sources autres que le gouvernement du Québec.» Moi, je trouve que c'est une belle ouverture finalement à des ententes, un partenariat public-privé. Je n'ai aucune idée si c'est ce que vous envisagez avec cette recommandation-là, et je m'explique.

J'ai mentionné à quelques reprises, et surtout questionné, le fait que le gouvernement soit seul à investir dans cet Observatoire-là. Et on a questionné à quelques reprises les intervenants pour savoir s'ils voyaient la pertinence d'aller plutôt vers un partnership, un partenariat, pardon, avec l'entreprise privée, à titre d'exemple, ou d'autres organismes qui bénéficient, en fait, de la mondialisation ou qui, même s'ils en bénéficient, sont quand même aussi très socialement conscients de leurs responsabilités. Parce que je pense que, de plus en plus, les gens, là, commencent à réaliser qu'il n'y a pas juste un bénéfice économique, là, mais qu'il y a aussi des répercussions qui sont assez négatives aussi.

n(11 h 40)n

Alors, est-ce que c'était... Pour vous, est-ce que ce que vous souhaitez finalement, c'est d'aller vers un financement qui proviendrait de... Quand je dis «privé» ça peut être d'organismes, ça peut aussi bien être des centrales syndicales, ça peut être du patronat. Je n'en ai pas en tête, je veux juste vous demander quel type de financement, autre que gouvernemental, vous envisagiez

M. Turp (Daniel): Cette disposition-là se retrouve dans la Loi sur le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. Elle est reprise textuellement de cette loi-là.

Mme Delisle: C'est une bonne recommandation, là, je ne la critique pas.

M. Turp (Daniel): C'est pour ça qu'on la fait d'ailleurs.

Mme Delisle: Ce n'est pas le 12 millions que je trouve bon, c'est l'intervention, la dernière.

M. Turp (Daniel): Regardez, pour répondre à votre question, en tout cas, moi, ce que j'avais en tête, c'est que... Vous savez, il y a des grandes, grandes fondations, qui ne sont pas nécessairement des fondations publiques ni privées, mais il y a des gens qui veulent investir dans la recherche, qui sont disposés à investir des sommes pour aider des institutions publiques à poursuivre la recherche. C'est peut-être vrai aussi pour des syndicats, des sociétés commerciales, mais j'avais surtout en tête les grandes fondations. Les grandes fondations. Aux États-Unis, par exemple, la fondation Rockefeller, des grandes fondations investissent beaucoup dans la recherche.

Mais l'idée d'un partenariat est souhaitable. Et le conseil d'administration serait quand même celui qui déterminerait si la proposition venant d'une fondation ou d'une entreprise, d'un syndicat est recevable, parce que ce qu'il devra préserver, c'est son autonomie. C'est son autonomie. La loi doit garantir son autonomie. Moi, je crois... Les dispositions sur la stabilité financière sont un gage d'autonomie de cette institution mais il faudra que le conseil se préoccupe de son économie lorsqu'il s'agira de recevoir ou non des sommes de fondations ou du secteur privé.

Mme Delisle: Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre participation aux travaux de cette commission.

Alors, j'invite immédiatement les représentants du Conseil québécois pour l'Amérique latine à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, mesdames, messieurs, bienvenue à cette commission. Et j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît, en vous indiquant que vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le projet de loi n° 109.

Conseil québécois
pour l'Amérique latine (CQAL)

M. Beaulieu (Louis E.): Merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le député de l'opposition, nous voulons remercier la commission de l'honneur qu'elle nous fait en nous invitant, et vous présenter les participants du Conseil québécois pour l'Amérique latine à cette rencontre. À ma gauche, M. André G. Carrier, président du Conseil québécois pour l'Amérique latine et associé principal de la firme CRC SOGEMA au niveau de sa vie professionnelle; à ma droite, Me Viviane Moreno, vice-présidente du CQAL et avocate à la firme Robinson, Sheppard, Shapiro; à ma gauche, un peu plus loin, M. Benoît St-Jean, administrateur du Conseil québécois pour l'Amérique latine et conseiller principal de la compagnie Vasco de Gama; et, à mon autre droite, M. José Luis Robinson, directeur des projets; et moi-même, Louis Beaulieu, directeur général du Conseil québécois pour l'Amérique latine.

Nous comptons faire une courte présentation des différents éléments probablement essentiels de notre mémoire en 15 minutes, car nous souhaitons, effectivement, laisser assez de place pour en discuter avec la commission. Sans plus tarder, donc, je vais céder la parole à M. André Carrier.

M. Carrier (André G.): Merci beaucoup. Mme la ministre, M. le député de l'opposition, M. le Président, le Conseil québécois pour l'Amérique latine accueille avec enthousiasme la création de l'Observatoire québécois de la mondialisation. Étant depuis plus de sept ans l'un des principaux organismes actifs dans le développement des relations entre le Québec et l'Amérique latine et les Antilles, le CQAL est bien au fait des opportunités et défis importants générés par le processus de continentalisation actuellement en cours avec l'objectif marqué de la création de la ZLEA en 2005.

Nous sommes convaincus que ce processus représente d'abord des opportunités pour la majorité des habitants de cette grande zone de 800 millions d'habitants: opportunités d'une meilleure connaissance et compréhension mutuelle entre voisins des Amériques ainsi que d'amélioration de la qualité de vie économique et sociale. Nous sommes par contre aussi conscients des défis que comporte ce processus, notamment pour s'assurer qu'il devienne effectivement et concrètement créateur d'un réel mieux-être collectif par un développement mieux équilibré et plus respectueux de notre environnement commun, et non seulement un multiplicateur de richesses matérielles qui ne seraient accessible qu'à une minorité.

C'est pourquoi, Mme la ministre, nous partageons pleinement cet objectif de vigilance et de démocratisation du processus visé par l'Observatoire, ici dans le contexte plus large de la mondialisation. Par contre, nous désirons également vous faire part d'une certaine préoccupation quant à la place que, nous, société québécoise, réussirons à prendre dans cette nouvelle grande Amérique en construction.

Les aspirations et préoccupations que nous partageons avec les objectifs de votre projet de loi sont d'ailleurs à la base de trois grandes priorités que le CQAL s'était données en l'an 2000, la première étant la grande initiative du marché multimédia et des technologies de l'information des Amériques qui est en cours de réalisation, et ce, avec succès.

La deuxième est en cours de développement, gagnant chaque jour plus d'acquis à sa pertinence et à l'importance de sa réalisation, et il s'agit de la création d'une maison des Amériques au service des relations entre le Québec, le Canada et l'Amérique latine, une maison dont nous souhaitons, à l'instar de la Maison de l'Amérique latine à Paris, qu'elle jouera un rôle significatif de catalyseur sur le plan des échanges économiques comme de la plupart des autres domaines mentionnés dans la mission de l'Observatoire. La valeur de ce projet a d'ailleurs déjà été reconnue par le récent Sommet de Montréal qui l'a adopté au chapitre des initiatives à soutenir pour contribuer au rayonnement international de Montréal.

La troisième de ces priorités du CQAL, quant à elle, était une idée qui nous semblait déjà alors d'une extrême importance vu l'impact à multiples facettes de la mondialisation. Il s'agissait de la mise sur pied de ce que nous avons nommé alors un observatoire des négociations de la ZLEA, un projet qui nous tient toujours à coeur mais pour lequel les discussions avec les partenaires appropriés n'ont pas permis à ce jour d'en initier encore la mise en oeuvre.

Vous comprendrez donc pourquoi, Mme la ministre, considérant la complémentarité qui se pose entre l'initiative encore virtuelle de l'observatoire sur la ZLEA et votre judicieux projet d'Observatoire québécois de la mondialisation, le Conseil québécois pour l'Amérique latine ne peut que se réjouir de cette initiative que vous soumettez maintenant au processus de législation. Notre conseil d'administration tient d'ailleurs à vous féliciter pour votre clairvoyance en cette matière.

n(11 h 50)n

Du vécu et des expériences du CQAL, et ça, selon une approche pragmatique, il se dégage des préoccupations qui permettent, à notre avis, de fonder une perspective stratégique pour l'Observatoire de la mondialisation, et je vais faire ici état de quatre éléments importants qui seront approfondis par mes collègues de notre conseil d'administration.

Et, d'abord, la première considération importante, à notre avis, tient à cette très forte attraction, pour ne pas dire captation, des exportations québécoises par les États-Unis, qui emporte à peu près presque tout de nos rapports et d'une couverture avec le monde et devant quoi une diversification s'impose. De ce facteur majeur, il découle, à notre avis, une forme d'insensibilisation notable, particulièrement chez nos PME, envers tout ce qui se situe en dehors ou à la marge du marché dominant. En dehors des États-Unis, dans nos entreprises, dans nos petites entreprises, il est difficile de prendre en compte ce qui se passe ailleurs. Et, à cet égard, l'Observatoire aura un rôle déterminant d'éveil, de sensibilisation et d'accompagnement.

L'Amérique latine se présente, à nos yeux, comme axe stratégique de cette diversification à privilégier envers quoi les antennes du futur Observatoire seront à diriger d'une manière déterminée. Et là on arrive à un positionnement stratégique de l'Observatoire. D'autant plus qu'au plan culturel ainsi que démographique l'Amérique latine constitue non seulement un immense bassin proche, au sein de notre continent, mais aussi et surtout une vaste base de communautés et de sociétés en véritable proximité avec le Québec. Et ça, concrètement, ça se pose de façon beaucoup plus directe pour les Québécois. Ça ne veut pas mettre de côté les autres dimensions qu'induit la mondialisation mais, d'une façon quotidienne et d'une façon accessible, par quel bout et comment se posent les enjeux et les défis de la mondialisation, de notre point de vue, il y a là des facteurs déterminants, des facteurs qu'on peut considérer comme convergents, qui méritent d'être sérieusement considérés dans les orientations à conférer à l'Observatoire québécois de la mondialisation. C'est ce que mes collègues du conseil d'administration, Me Viviane Moreno et M. Benoît St-Jean, chercheront à mettre en évidence dans la suite de notre présentation.

M. St-Jean (Benoît): Bonjour. Je vais aborder l'aspect économique sous trois angles: la concentration de nos exportations, le rôle de nos PME, de même que l'apport des nouveaux arrivants, et je vais le faire en m'appuyant sur mon propre vécu pour illustrer le propos.

Au début des années quatre-vingt-dix, alors que je terminais une spécialisation en commerce international, on parlait déjà, à ce moment-là, d'un dangereux niveau de dépendance économique avec 80 % de nos exportations qui allaient vers les États-Unis. En même temps, on venait d'élargir au Mexique l'Accord de libre-échange Canada-USA, et le Canada négociait un accord avec le Chili. De même, l'idée d'un pacte économique de la terre de Baffin à la Terre de Feu était déjà lancée. Il semblait donc clair, à ce moment-là, que les efforts seraient mis pour diversifier nos marchés et que l'Amérique latine serait un axe privilégié.

Alors, moi, trouvant cette analyse bien sensée, et un petit faible pour la culture latino-américaine aidant, j'ai plongé. J'ai rapidement eu la chance de participer à la mise sur pied de l'antenne économique du Québec au Chili, d'y vivre deux années et d'y être impliqué dans plusieurs projets très intéressants, incluant la promotion des programmes d'immigration d'affaires du gouvernement du Québec. Sur le terrain là-bas, je pouvais très bien sentir l'intérêt des Latino-Américains à mieux connaître ces Latinos del Norte que nous sommes et à traiter avec nous, avec qui il est un peu plus facile de s'entendre, pour accéder au marché et à la technologie nord-américaine. Puis arrivait la crise asiatique début 1998. En quelques mois, on a vu l'activité en provenance du Canada fondre comme neige au soleil, et ceci, alors que les États-Unis et les Européens restaient, eux, bien présents, même si au ralenti, mais ils restaient présents; une attitude de notre part qui a été notée au Chili, y laissant à plusieurs acteurs sociaux économiques un certain goût amer.

Moi, de retour au Québec, je me suis rendu compte, en échangeant avec d'autres spécialistes, que ce que j'avais vécu là-bas semblait malheureusement refléter une certaine réalité moins reluisante de nos échanges, c'est-à-dire celle d'un important manque de persévérance pour mener à bien les projets que nous initions à l'étranger.

De même, trois autres constats ressortent. La concentration de nos exportations vers les États-Unis, qui était déjà trop élevée à 80 %, elle est maintenant rendue à un niveau extrême de 88 %. La mondialisation, cette fameuse mondialisation, se fait, en réalité, d'abord entre pays voisins faisant partie d'un des trois grands blocs: l'Europe, l'Asie du Sud-Est et les Amériques. Ce qui veut donc dire qu'à moins d'un renversement spectaculaire de la tendance nos échanges du Québec vont se concentrer encore plus dans l'axe des Amériques. Enfin, malgré les efforts, la part des PME reste très faible dans les exportations québécoises. On parle autour de 10 %, alors qu'on atteint des niveaux de 20 % pour des pays, par exemple, comme la Grèce ou la Finlande et jusqu'à 36 % pour les PME suédoises.

Sur ces constats, nos recommandations 1 à 4 insistent notamment sur les besoins pour le Québec de mieux comprendre les enjeux d'une aussi grande dépendance de nos exportations vers les États-Unis, de mieux comprendre les réticences et difficultés des entreprises, notamment des PME, qui les empêchent d'être plus dynamiques et surtout persévérantes en Amérique latine et, enfin, que soit mieux connue et diffusée la réalité objective de l'Amérique latine, comme, par exemple, au plan économique, son bassin de 500 millions de personnes jeunes et en importante croissance, son PIB de plus de 3 000 milliards de dollars, soit 15 fois l'économie du Québec, son niveau de vie et indice de développement humain parmi les meilleurs des pays en développement. C'est pourquoi le CQAL croit pour sa part que le Québec a besoin de diversifier ses échanges et qu'il devrait le faire en misant prioritairement sur les deux axes où il a des avantages particuliers à mettre en valeur, soit la francophonie et les Amériques au sud du Rio Grande.

Enfin, nos recommandations 5 et 6 portent sur la nécessité d'inclure les questions d'immigration dans les objectifs de l'Observatoire. Il est essentiel de rester au fait de ce qui se passe dans le monde en cette matière importante pour les enjeux économiques, démographiques et culturels du Québec, ceci particulièrement en Amérique latine, qui est reconnue, comme le soulignait récemment le ministre Boulerice, comme une des régions sources d'immigrants qui s'intègrent le plus naturellement et aisément au Québec.

Alors, merci. Je passe la parole à...

M. Beaulieu (Louis E.): Mme Moreno.

Mme Moreno (Viviane): Oui. Bonjour, M. le Président. Bonjour. Je vais uniquement énoncer, le plus brièvement possible, pour quelles raisons le CQAL considère que l'Amérique latine, c'est un axe à privilégier pour l'Observatoire et pour le Québec en général.

On a déjà énoncé l'aspect économique et la proximité de ce marché de 500 millions de personnes, mais il y a plus que ça. Il y a cette vision commune que l'Amérique latine et le Québec partagent sur la mondialisation, à notre avis, et surtout ce visage humain et ce visage pluraliste et multiculturel que le Québec a voulu imprimer à cette mondialisation et qui est au sein des préoccupations de l'Amérique latine aussi. Il y a le contexte historique dans lequel a évolué le Québec et a évolué aussi l'Amérique latine, dans le sens de ce défi qu'on a dû tous affronter qui est de défendre une culture qui, à certains égards, a été fragilisée par la proximité du géant américain. Il y a aussi cette perception du Québec qui existe au sein des pays latino-américains pour lesquels le Québec représente un exemple de démocratie mais, en plus de ça, une tradition d'ouverture, de tolérance et de respect des différences des autres, et cette absence de pensée colonialiste et de prétention hégémonique du Québec à laquelle est très sensible l'Amérique latine.

n(12 heures)n

Je vais juste m'arrêter sur notre recommandation n° 7. On pense, au CQAL, que l'Observatoire devrait aller un peu plus au-delà que le rôle de simple observateur. On pense qu'il y a la possibilité que l'Observatoire devienne un catalyseur de l'éveil de la population, non seulement de la population québécoise ? et peut-être que vous jugerez que les prétentions sont un peu trop grandes ? mais aussi de l'Amérique latine. On pense que le Québec, avec l'Observatoire, et l'Amérique latine sont capables d'un peu moduler ces processus de mondialisation de sorte que ces processus se fassent dans le respect des principes qui sont si chers à la société québécoise, ces principes d'équité qu'on avait déjà mentionnés, d'humanisme et de solidarité. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci.

M. Beaulieu (Louis E.): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Alors, madame, messieurs, merci pour votre présentation. Nous allons amorcer la période d'échanges avec Mme la ministre d'État aux Relations internationales.

Mme Beaudoin: Bonjour. Merci d'être venus nous présenter votre mémoire qui est en effet très intéressant dans sa perspective latino-américaine très ciblée, qui est une préoccupation quand même gouvernementale, vous le savez sûrement.

Vous dites avec raison là que la force d'attraction, surtout pour les petites et moyennes entreprises, les entreprises québécoises en général par rapport aux États-Unis, est tellement grande que ça occulte en quelque sorte l'existence même du restant de l'hémisphère. C'est une préoccupation gouvernementale. Quand vous dites 88 %, en effet ? donc, ça augmente, hein, constamment ? d'exportations québécoises qui vont aux États-Unis d'avoir pour je ne sais... Il me semble que, pour toute entreprise, de n'avoir qu'un seul client, quelque part, ça doit devenir un moment donné un peu inquiétant. Parce que, dès qu'il y a des problèmes économiques, donc dans ce secteur en question, ça risque d'avoir des répercussions immédiates bien sûr au Québec. En d'autres termes, que cette intégration de notre économie avec celle des États-Unis, souhaitons qu'elle soit plus large qu'avec les États-Unis et que ce soit une véritable intégration continentale.

Alors, je voudrais vous dire quand même ? vous le savez parce que vous en faites état ? ce que le gouvernement du Québec fait par rapport à l'Amérique latine. Vous le dites qu'il y a la Décennie québécoise des Amériques; c'est quand même un effort du gouvernement du Québec pour convaincre les entreprises, puisque ça se fait essentiellement via le MIC. En fait, il y a deux ministères, MRI et MIC, qui travaillent sur cette Décennie québécoise des Amériques; en fait, trois ministères parce que le ministère de la Culture aussi. La ministre de la Culture a même fait une Mission Québec au Mexique avec je ne sais pas, moi, il devait y avoir pas loin d'une centaine d'entreprises et de créateurs québécois qui l'ont accompagnée. C'était il y a quelques mois.

Notre réforme de l'éducation prend ça en compte aussi. On souhaite qu'il y ait une troisième langue. Vous le savez, il faut bien sûr être bilingue individuellement au Québec, on ne s'en sort pas, non pas institutionnellement, vous savez ce que j'en pense mais, enfin individuellement. Parce que l'interface avec nos voisins américains, ce n'est pas eux qui ? interface linguistique ? vont l'assurer. Il y a plein de Franco-américains qui n'ont que le nom francophone; ils ne parlent plus un mot de français. À chaque fois que je vais en Nouvelle-Angleterre, ça me frappe beaucoup. Donc, c'est nous qui devons l'assurer, cet interface. D'autre part, c'est l'espéranto des temps moderne mais il faut qu'il y ait une troisième langue. Et, normalement ce sera l'espagnol, la langue majoritaire en Amérique latine.

On fait des missions. Les missions Québec, j'ai parlé de celle du ministre de la Culture, mais le premier ministre revient du Chili. du Pérou, il y est allé assez souvent. Vous connaissez d'ailleurs personnellement son attachement à l'Amérique latine et à l'Amérique, donc au Mexique aussi, puisqu'il y a enseigné. J'y suis allée moi-même en Mission Québec au Brésil. Il y a une présence institutionnelle. Une de nos six délégations générales est au Mexique, mais aussi on est présent dans plusieurs des pays. Vous y avez fait allusion au Chili, à Santiago, à Buenos Aires, au Panama, au Costa Rica. Et il y a l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse. C'est merveilleux, on n'a que trois offices d'échange de jeunes: un avec la France depuis 40 ans, qui donne des résultats extraordinaires, avec la communauté française de Belgique. Mais on a tenu, dans le cadre de la Décennie québécoise des Amériques, de créer cet OQAJ qui fonctionne à plein régime, hein.

Bon, et on sait aussi que, vous l'avez dit, il y a plusieurs alliances que l'on peut réaliser. Je pense à la diversité culturelle, en particulier avec les pays d'Amérique latine donc, et donc comme contrepoids aux États-Unis.

Mais, moi, je vais vous poser une question, deux questions en fait. Il y avait ici avant-hier à l'Université Laval, je l'ai rencontré, un des directeurs de l'organisation des États des Amériques, M. Aparicio, qui a donné une petite conférence et que ça s'est retrouvé donc dans Le Soleil où il disait ? et je l'ai rencontré puis il soutenait ça, là ? qu'étant donné la préoccupation intégrale des Américains à propos de leur propre sécurité, de la lutte au terrorisme, la guerre en Afghanistan, que la détérioration ? et je voudrais vous entendre là-dessus ? de la situation en Amérique latine à la fois économique, politique était due en partie à ce désintérêt ? disait-il, espérons qu'il n'est que temporaire et ponctuel ? des Américains, donc, de l'hémisphère.

Et j'arrive à ma question: Qu'est-ce que vous pensez qu'il va arriver dans ce cadre-là à la Zone de libre-échange des Amériques, à sa construction? Vous vouliez créer un Observatoire ? vous l'avez dit ? puis ça a achoppé. Vous pouvez peut-être m'expliquer pourquoi. Mais, vous dites: Bon, et nous, c'est clair, hein, dans l'Observatoire, son deuxième mandat, ce qui suit principalement donc les négociations multilatérales ? et on va certainement, en tout cas, proposer, on verra ce que nos amis de l'opposition diront, mais ? bilatérales aussi, quelles soient mondiales ou régionales qui sont d'intérêt pour le Québec, donc la ZLEA d'abord et avant tout?

Alors donc, j'aimerais vous entendre sur ces deux questions-là?

M. Carrier (André G.): Merci beaucoup. D'abord, simplement pour souligner que nous reconnaissons, dans notre mémoire ? ça a été bien souligné ? tous les efforts nombreux et à différents niveaux déployés par le gouvernement du Québec mais aussi par le gouvernement du Canada envers l'Amérique latine, et il y a d'innombrables stratégies. Ceci dit, en même temps, on constate qu'il persiste, à l'intérieur de nos organisations, de nos entreprises, soit une non-persévérance, soit une insensibilité à l'égard de l'Amérique latine comme à l'égard d'autres marchés étant, encore une fois, aspirées par les États-Unis. Alors que faire? Et, là, on rejoint un aspect de la mission de l'Observatoire en termes de diffusion, de dissémination et de sensibilisation et c'est pourquoi on dit: Il y a là un axe qui peut-être... sur lequel l'Observatoire aura à se pencher non pas d'une façon exclusive, mais d'une façon très importante compte tenu d'autres paramètres qui viennent influencer l'évolution du Québec, la ZLEA, et le reste.

En ce qui a trait à la détérioration en Amérique latine telle qu'elle, peut-être une conséquence de l'éloignement des États-Unis et d'un désinvestissement des États-Unis, outre la Colombie, et tout le phénomène du contrôle des drogues, il demeure que ça se manifeste, entre autres, de façon très nette en Amérique latine. Les États-Unis, qui étaient à pied d'oeuvre au Nicaragua, au Honduras, au Guatemala et qui, en fait, depuis le début de la fin de la guerre froide, ont presque radicalement... se sont retirés. Et, là, il est évident: le Costa Rica, un des facteurs importants des difficulté rencontrées par le Costa Rica ? quand même jugé comme étant un des pays en meilleure position en Amérique centrale ? un des facteurs déterminants remonte à cet éloignement des États-Unis par rapport au Costa Rica. J'ai mentionné le Nicaragua, le Honduras. On pourrait faire le tour du côté de l'Amérique latine pays par pays et on observerait quelque chose de... C'est un facteur d'analyse qui, à notre avis, trouve un fondement important. Et l'Amérique latine, dans son ensemble, au plan économique, éprouve des difficultés pour d'autres considérations, mais cet élément-là joue et, pour ma part, en tout cas, pour ce que j'ai pu constater en Amérique centrale durant cinq ans de façon permanente et dans chacun des pays, ce phénomène-là est tout à fait notable.

n(12 h 10)n

La ZLEA, son avenir, face à cette évolution-là, effectivement, elle est préoccupante... cet avenir-là est préoccupant. Au Brésil, notre collègue Robinson pourra vous en parler de ce référendum qui vient d'être... de cette consultation, en tout cas, qui vient d'être tenue à l'échelle du Brésil et qui témoigne, pour le moins, d'une grande distance par rapport à la ZLEA. En Argentine, le contexte fait en sorte, et ça rayonne sur tout le Mercosur. Le Mercosur, en fait, on constate qu'ils sont beaucoup plus enclins à chercher à se consolider entre eux. Leurs problèmes sont beaucoup plus importants que le rattachement à cette grande zone de libre-échange des Amériques. L'échéance de 2005, quand on regarde évoluer les choses ? bien, vous avez des informations sans doute dont nous ne disposons pas mais ? à notre échelle, cette échéance apparaît de plus en plus incertaine. J'apprécierais que...

M. Beaulieu (Louis E.): M. Robinson pourra compléter un peu cette réponse.

M. Robinson (José Luis): M. le Président, Mme la ministre. Avant de commencer, j'étais en train de réfléchir un peu sur l'axe Amérique latine et je me suis dit jusqu'à quel point le rapport de mon organisation aujourd'hui est cohérent avec ma vie personnelle. Je vais vous dire pourquoi. En 1979, j'étais dans une prison de maximum sécurité en Argentine, isolée dans la Patagonie, et pour des raisons politiques. Alors, j'ai eu, disons, la visite de deux ambassades: l'ambassade des États-Unis, l'ambassade du Canada et le délégué pour l'immigration du Québec en Argentine. Là, j'ai eu la proposition de choisir deux pays pour quitter la prison. Parce que c'est la seule possibilité que je pouvais à l'époque, c'est uniquement quitter l'Argentine ou rester en prison. Malgré tout ça, j'ai passé quelques années en prison, et là j'ai dit au représentant de l'ambassade des États-Unis que j'avais décidé de partir pour le Canada. Et, par la suite, j'ai reçu la visite du Canada et du Québec et j'ai dit: Je viens de choisir. Déjà, j'ai parlé avec les gens de l'ambassade des États-Unis et j'ai choisi le Canada et, à l'intérieur du Canada, je vais choisir Québec. Et alors mon intérêt, c'était partir pour Québec. Alors, même à ce moment-là, le représentant du Canada m'a dit: M. Robinson, vous parlez plutôt l'anglais et vous ne parlez pas du tout français. J'ai dit: Bah! ce n'est pas un problème ça, je vais étudier le français. Mais finalement, maintenant, aujourd'hui, ma deuxième langue, c'est le français plutôt que l'anglais, l'anglais est la troisième et la quatrième, le portugais, parce que je suis aussi un partisan du Mercosur. Et c'est pour cela que... Finalement, il faut dire aussi que, quelques années plus tard, quand je suis allé aux États-Unis, j'ai remercié au Département d'État américain, c'était grâce à Mme Pat Derian qui m'avait invité à aller vivre aux États-Unis que finalement j'avais décidé de rester au Québec.

Pour revenir à votre question, Mme la ministre, effectivement, comme mon collègue le disait, il y a eu un référendum organisé par les évêques catholiques du Brésil, dimanche passé, puis il y a eu 6 000 000 de Brésiliens qui sont allés voter contre la zone de libre-échange. Il faut dire qu'il s'agit d'une votation volontaire, qu'il n'y avait pas aucune exigence, aucune obligation. Ça, c'est un élément.

Un autre élément, vous le devez savoir très bien, tout le monde, c'est qu'il y a une élection et, à l'heure actuelle, il y a deux candidats de centre gauche et de gauche qui se partagent la lutte pour la présidence: Ciro Gomes, un ancien membre du Parti communiste du Brésil et Lula, qui est un leader métallo, du Parti des travailleurs. Et entre ces deux candidats, il y a un troisième candidat qui s'appelle José Serra qui est un homme... le ministre de la Santé du Brésil et qui est un homme aussi de centre gauche, qui est en exil aussi comme moi. Et ça, c'est un élément.

L'autre élément est qu'il y a aussi ? il faut que je sois court ? et ça, c'est un élément important, la crise de l'Argentine, la crise de l'Uruguay et la crise du Brésil a provoqué un sentiment à travers du Mercosur en Amérique du Sud. Et un autre élément important, au mois de juillet, tous les présidents de l'Amérique du Sud incluant le Surinam et la Guyane ont décidé de créer la Confédération des nations sud-américaines et la réunion a eu lieu au moment du 180e anniversaire de la rencontre de deux libérateurs de l'Amérique latine, le général Simón Bolívar et le général San Martín. C'est pour cette occasion-là, pour commémorer la rencontre de nos deux grands libérateurs de l'Amérique latine, que tous les présidents sud-américains incluant aussi la Barbade et le Surinam ont signé la création de la Confédération sud-américaine des nations. Alors ça, pour vous dire que, à l'heure actuelle, en Amérique du Sud, il y a une incertitude vis-à-vis de la zone de libre-échange. Et j'ai pu le constater également l'an passé quand le service de la recherche de la FTQ m'avait envoyé faire une étude sur le Mercosur. Je dirais que la préoccupation sud-américaine c'est d'abord la création d'une zone sud-américaine, politique, sociale, économique, construire une région, mais la zone de libre-échange n'est pas évidente.

Mme Beaudoin: Très bien, merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Je fais simplement remarquer que, étant donné que vous êtes cinq de votre groupe, pour faciliter les échanges, vous avez la liberté de répondre plus ou moins longuement, mais si vous vouliez faciliter les échanges, il faudrait que les échanges soient plus brefs. Merci. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. M. Beaulieu, madame, monsieur. M. Beaulieu, c'est un plaisir de vous retrouver après une si longue distance, n'est-ce pas? Nous avons travaillé ensemble, lui et moi, au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles dans une vie antérieure...

Une voix: Ça fait longtemps.

M. Laporte: Très longtemps, très longtemps, trop longtemps. D'abord, je dois vous féliciter pour un excellent mémoire avec des suggestions, des recommandations concrètes, là, à l'égard du gouvernement. Je trouve en particulier la recommandation 6 d'intégrer... c'est-à-dire d'ajouter «l'analyse des mouvements migratoires réels et potentiels», à l'article qui traite de la mission de l'Observatoire. Je trouve que c'est une excellente suggestion d'ajouter ça au paragraphe, après du travail, là...

Une voix: 4.1°

M. Laporte: 4.1°, oui. Je trouve ça très bon. J'aurais deux petites questions à vous poser. La première c'est ? peut-être que vous avez une opinion là-dessus: n'auriez-vous pas préféré que, à l'article 6, 2° où on dit «deux personnes de l'extérieur du Québec, dont au moins une de l'extérieur des Amériques», on précise qu'il devrait y en avoir une qui serait obligatoirement des Amériques? Évidemment ça sera à la ministre ou au ministre de décider si on devrait donner une place à un États-unien ou à... Mais est-ce qu'on ne devrait pas nommément identifier les Amériques comme étant, disons, une source pour... l'origine d'une personne qui serait au conseil d'administration? Est-ce que ça vous satisfait, ça, vous, là?

M. Carrier (André G.): Écoutez, dans le projet de loi, y a-t-il lieu que ce soit spécifié de cette manière? Est-ce que ce n'est pas plutôt de l'ordre du plan stratégique de l'Observatoire? Et que, dans le choix des membres du conseil d'administration ou du renouvellement des membres du conseil d'administration, on puisse faire tourner en quelque sorte les membres du conseil d'administration en fonction justement de ces régions à travers le monde à intégrer, si je puis dire, dans les champs d'observation de l'Observatoire selon les priorités. Maintenant on parle des Amériques comme se posant comme une région de tout premier niveau. Il se peut bien que l'Asie apparaisse dans cinq ans pour des évolutions que... Et, dans ce sens-là, il y a une souplesse, qu'on pense, de bon aloi et...

M. Laporte: Je comprends. Merci beaucoup. Deuxième question, c'est une question pour Mme Moreno. Vous avez, à la suite de vos collègues, insisté sur le rôle de veille de l'Observatoire, mais j'ai cru comprendre que vous aviez une représentation de l'Observatoire comme ayant un rôle conseil à l'endroit du gouvernement. Ce n'est pas nommément dit, ça, dans la loi, parce que l'Observatoire n'a pas cette mission de conseiller le gouvernement de façon explicite. Est-ce que vous souhaiteriez que l'Observatoire reçoive cette... c'est-à-dire que cette fonction-là soit attachée nommément à l'Observatoire?

n(12 h 20)n

Mme Moreno (Viviane): Oui, nous croyons que l'Observatoire vraiment, pour vivre, il n'a pas le choix que d'assumer ce rôle, sans quoi l'Observatoire resterait toujours comme une espèce de centre de recherche des universités. Je pense que cette idée-là a été déjà mise de l'avant par d'autres personnes qui ont comparu. Nous croyons que l'Observatoire, pour être vraiment, pour remplir complètement sa mission, c'est le droit de conseiller le gouvernement, c'est le droit de participer, d'avoir un rôle un peu plus actif de participer à cet éveil de la population. Et on peut aller encore plus loin: Nous croyons que l'Observatoire aura un rôle à jouer dans l'éducation aussi des autres populations en Amérique latine et que ça va leur permettre, comme je disais tantôt, de mettre de l'avant cette idée de moduler un peu cette mondialisation qui nous apparaît irréversible au moins, si on regardait ces idées, ces principes qui sont si chers, disons, à la société québécoise, ce visage humain, cette intégration.

M. Laporte: Parce que ce commentaire que vous avez fait sur la mission de l'Observatoire au regard du gouvernement, là, comme vous l'avez mentionné, ça a été repris dans plusieurs autres mémoires. Je ne sais pas comment la ministre pourrait modifier la mission pour rendre plus explicite la fonction de conseil au gouvernement de l'Observatoire, mais ça, ça me paraissait comme... c'est une recommandation qui est revenue à plusieurs reprises, puis je voulais avoir des précisions là-dessus. Donc, c'est vraiment ce que vous avez comme attente.

Mme Moreno (Viviane): C'est exactement ça.

M. Laporte: Ça, c'est une attente du Conseil.

Mme Moreno (Viviane): Du Conseil québécois pour l'Amérique latine.

M. Laporte: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Carrier, Mme Moreno et messieurs du Conseil québécois pour l'Amérique latine, félicitations pour le mémoire, il est vraiment très bien documenté. Le Conseil québécois pour l'Amérique latine est un organisme relativement jeune. D'après votre document, il a été créé en 1995, mais, quand même, vous avez fait plusieurs activités qui démontrent le sérieux de votre organisme et l'intérêt que vous portez aux relations, entre autres, Québec-Amérique latine.

Vous avez insisté beaucoup, dans votre mémoire, sur le risque de la dépendance économique du Québec et du Canada vis-à-vis des États-Unis, et surtout en parlant du volet économique des exportations. Mais en lisant votre mémoire, je me demandais si, pour vous, cette crainte ne vient pas peut-être traduire d'autres craintes par rapport à cette dépendance-là?

Parce que c'est vrai que les États-Unis sont le principal partenaire économique du Canada à cause du voisinage et de l'histoire et tout ce qu'on connaît, mais pourquoi insister tant sur les risques de cette dépendance? Est-ce que, par hasard, parce que c'est dans le débat actuellement, vous êtes préoccupés aussi par les effets de la dépendance, par exemple, sur le plan politique? Parce que lorsqu'on est trop lié à un géant comme les États-Unis, bien, lorsque le géant américain a des politiques d'intérêt national, il veut les faire endosser à ses partenaires-clés. Est-ce que c'est ça qui vous préoccupe ou est-ce que vous êtes vraiment dans le créneau économique?

M. Carrier (André G.): Non, ce n'est pas uniquement... M. St-Jean va compléter ma réponse, ce n'est certainement pas... C'est un indicateur, cet aspect économique, de l'attraction du Québec par les États-Unis et de ce que ça entraîne au plan, je pourrais dire, plus fondamental, socioculturel à l'égard de l'ensemble des facteurs qui interagissent au plan de la mondialisation. Et là-dessus, dans notre société, en particulier au sein de nos entreprises, il n'y a probablement pas ce niveau de conscience adéquat. Et là, on revient à cette mission qu'est en train de se donner l'Observatoire en termes d'information, de sensibilisation, d'éveil. Et c'est une façon de camper la problématique, ce n'est pas pour illustrer uniquement ou nous positionner uniquement envers des facteurs économiques.

Mme Houda-Pepin: O.K., très bien.

M. St-Jean (Benoît): Juste pour compléter, je pense que c'est évident que la préoccupation va plus loin que le simple fait économique. C'est sûr que, à 88 % maintenant, c'est un niveau de dépendance, et pas face à n'importe quel autre pays, face à la puissance mondiale actuellement, qui entraîne beaucoup d'autres choses que juste la dépendance économique. Bien sûr, si l'économie va mal aux États-Unis, on en souffre. Mais on sait aussi que, historiquement, les États-Unis ont aussi l'habitude, on le sait, d'utiliser des dossiers économiques, par exemple, pour faire pression sur d'autres dossiers. On pourrait prendre, par exemple, le fameux dossier de l'exception culturelle qui préoccupe beaucoup la France et nous en même temps, où est-ce que, régulièrement, les États-Unis, bon, tentent de faire adopter des mesures qui favorisent leurs industries en utilisant l'arme économique. On pourrait prendre l'exemple du bois d'oeuvre actuellement où est-ce que, encore là, les États-Unis tentent, jusqu'à un certain point, d'obliger pas seulement le Québec mais le Canada à changer son mode de gestion de ses forêts. Alors, bien sûr que ça va plus loin que juste l'aspect économique.

Et, en cela, encore une fois, on rejoint de façon extrêmement intéressante les pays d'Amérique latine. Parce que, quand on posait la question, tantôt, à savoir, bon, si l'Amérique latine met un peu la faute sur le dos des États-Unis, de leurs problèmes économiques mais, en même temps, ils ont des réticences à trop s'imbriquer dans le cadre de la ZLEA, bien, c'est toujours un peu cette relation d'attirance et de répulsion ? ou de «love and hate» en bon français. Et l'Amérique latine, effectivement, partage, à ce niveau-là, beaucoup de préoccupations que, nous, le Québec, on partage. Et on a tout intérêt, justement, à échanger beaucoup plus et à s'allier, jusqu'à un certain point, avec l'Amérique latine pour faire face à ce point-là.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci beaucoup. J'ai bien fait de vous poser la question, parce que ce n'était pas explicite dans votre mémoire. Mais j'ai cru comprendre, à travers les lignes, que c'était une préoccupation très sérieuse chez vous.

Vous avez également, M. St-Jean, fait référence à une antenne économique au Chili, ce qui a été fait avant. Et je partage votre point de vue parce que, dans ma région, sur la rive sud de Montréal, on a la Société de développement économique Rive-Sud, qui était d'ailleurs un des organismes pionniers dans le domaine des relations économiques avec l'Amérique latine, particulièrement le Chili, et, malheureusement, le gouvernement lui a coupé les ressources et, donc, ils ont été obligés de rapatrier les ressources du Chili. Et c'est dommage parce que je connais les gens qui ont travaillé, comme vous, à l'ouverture de ce créneau du Chili et toute l'énergie qui a été mise là-dedans. Et, ça, c'est des initiatives qu'il faudrait, à mon avis, reprendre et consolider, parce que ça ne coûte pas trop cher, en tout cas, en termes d'investissements, pour ce que ça rapporte. Parce que ce que ça a permis de faire, c'est que ça a permis de sensibiliser les entreprises de la Montérégie, de la Rive-Sud en particulier, pour s'ouvrir sur l'Amérique latine. On a fait des missions. On a fait des visites. On a fait des rencontres avec les gens d'affaires. Et c'est ça qui a porté fruit ultérieurement.

Par ailleurs, je voudrais revenir à cette proposition que vous faites, que je trouve très intéressante, des mouvements migratoires. Bien entendu, tout ce qui est immigration, ça touche le ministère des Relations avec les citoyens et l'Immigration. Mais, l'Observatoire, ça se veut un organisme un peu intersectoriel, qui va traiter de tous les dossiers et, notamment, des mouvements migratoires.

Par contre, je vous inviterais à nuancer un peu l'analyse que vous faites à la page 7 et à la page 8 de votre mémoire lorsque vous parlez des immigrations qui viendraient d'Europe francophone et d'Amérique latine comme étant celles qui s'intègrent le mieux. Peut-être que cette immigration a plus de faciliter à être francisée, ce qui est important ? je pense, M. Carrier, qui a travaillé au ministère de l'Immigration, peut bien comprendre cela ? mais, vous savez, l'intégration, c'est, d'abord et avant tout, par le travail qu'elle se fait. C'est lorsque les nouveaux arrivants travaillent en français avec les francophones. Je le répète: c'est lorsque les nouveaux arrivants travaillent en français avec les francophones.

Donc, ils ont une autonomie. Ils réalisent leurs rêves finalement. Parce que, la plupart des immigrants, à quelque catégorie qu'ils appartiennent, même les gens qui viennent dans la catégorie des réfugiés, réunification de la famille, ils aspirent à travailler, ils n'aspirent pas à vivre au crochet de la société. Donc, c'est par le travail que l'intégration se fait. Or, vous savez très bien qu'il y a des immigrants francophones qui arrivent au Québec avec une connaissance linguistique...

Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous interrompre, Mme la députée, mais le temps file rapidement. Il reste moins de deux minutes.

n(12 h 30)n

Mme Houda-Pepin: D'accord. Très rapidement, M. le Président, je termine... donc, qui arrivent ici avec une compétence professionnelle et linguistique en français et qui ont beaucoup de difficulté à s'intégrer. Donc, je vous soumets ça pour que vous puissiez juste apporter les nuances qui sont nécessaires, à mon avis, à la page 7 et la page 8 de votre mémoire.

M. Carrier (André G.): J'en prends très bonne note, Mme la députée, et je partage, pour un, tout à fait votre considération sur l'importance du travail comme facteur d'intégration qui, à notre avis, peut constituer un des éléments majeurs d'une stratégie à considérer par l'Observatoire en termes de sensibilisation, en termes d'éveil aux facteurs de la mondialisation.

Mme Houda-Pepin: Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui. Est-ce que vous voulez ajouter quelques mots?

M. St-Jean (Benoît): Oui. Juste réagir très brièvement au premier commentaire de Mme Houda-Pepin sur la SDE Rive-Sud. En fait, j'ai été au Chili et j'ai été coordonnateur de ce projet-là à la SDE Rive-Sud et c'est dans ce cadre-là que je suis allé au Chili. Et je dois dire que cet exemple-là, qui est effectivement une réussite régionale extrêmement intéressante et qui a été abandonnée... il y avait des raisons politiques de redéfinition du développement régional, mais il y avait aussi des raisons politiques au niveau local sur la rive sud. Et c'est un très bon exemple, je pense, où est-ce qu'il y avait un manque flagrant de compréhension parmi la majorité des acteurs socioéconomiques sur la rive sud qui auraient dû appuyer plus ce projet-là, manque de compréhension de la réalité et du potentiel de l'Amérique du Sud et là...

Mme Houda-Pepin: Je l'ai appuyé. J'ai appuyé le projet.

Le Président (M. Lachance): Alors, voilà. Je remercie madame, messieurs du Conseil québécois pour l'Amérique latine de... Oui?

M. Carrier (André G.): M'accorderiez-vous 30 secondes?

Le Président (M. Lachance): Avec le consentement des parlementaires, oui.

M. Carrier (André G.): Simplement pour vous souligner la notion de partenaires qui est mise en évidence dans la recommandation 8, à laquelle on souhaiterait vous soumettre la suggestion peut-être de considérer l'idée de membres associés à l'Observatoire, histoire de pouvoir mieux diversifier ? et pas exclusivement par le conseil d'administration ? la collaboration à l'Observatoire, en y considérant un deuxième ordre au plan de l'organisation. Est-ce que l'Observatoire ne devrait ? et là, ce n'est pas au niveau de la loi ? mais ne devrait pas incorporer dans son organisation des notions d'impartition ou d'externalisation qui feraient en sorte que toutes ces institutions, qui ont déjà des compétences et des excellences évidentes, peuvent être mieux intégrées et peuvent mieux compléter la mission que cherche à assurer l'Observatoire?

Le Président (M. Lachance): Merci. Madame, messieurs, merci pour votre participation aux travaux de cette commission.

Je suspends les travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi, alors que nous allons compléter cette consultation avec l'édition de cinq groupes différents.

 

(Suspension de la séance à 12 h 33)

 

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! La commission des institutions reprend ses travaux avec le mandat de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi sur l'Observatoire québécois de la mondialisation.

Alors, pour terminer nos travaux à cette commission cet après-midi, nous aurons tour à tour les représentants de la Coalition pour la diversité culturelle; par la suite, la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec; suivra la Fédération des cégeps; ensuite, le Chantier de l'économie sociale; et finalement, le Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec.

Alors, bienvenue, mesdames, messieurs, à cette commission. Je rappelle les règles qui s'appliquent: d'abord, je vous demande de bien vouloir vous identifier et, par la suite, vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires et amorcer ensuite, pour le reste du temps, les échanges avec les parlementaires.

Coalition pour la diversité culturelle

M. Curzi (Pierre): Merci, M. le Président de l'Assemblée. Mme la ministre, Mme, MM. les députés, mesdames, messieurs, je me présente, Pierre Curzi, président de l'Union des artistes, mais je suis ici à titre de coprésident de la Coalition pour la diversité culturelle; à ma droite, Mme Louise Vachon qui est chargée de mission, communication et relations internationales, qui oeuvre pour la Coalition pour la diversité culturelle.

Chemin faisant entre Montréal et Québec, j'ai relu le mémoire qu'on vous a présenté. D'emblée, je vous dis que nous sommes parfaitement d'accord et très heureux de la création de cet Observatoire sur la mondialisation. Disons que nous en espérons, quant à nous, un outil efficace avec lequel la Coalition sera extrêmement heureuse de collaborer, et, à cet Observatoire, nous avons déjà plusieurs demandes que nous serions en mesure de formuler.

Comme vous avez en main le mémoire et qu'il est assez clair, je crois, j'ai pensé qu'il serait peut-être utile de vous présenter un petit peu ce qu'est la Coalition pour la diversité culturelle; ce n'est peut-être pas évident pour tout le monde. Alors, en quelques mots assez brefs, la Coalition a été fondée suite ? vous vous en souviendrez ? à l'Accord multilatéral sur les investissements qui avait eu lieu en 1998. Cet Accord multilatéral sur les investissements avait donné lieu à la naissance du comité de vigilance, en France. Ce comité de vigilance, l'éveil de tout le monde aux effets désastreux de l'Accord multilatéral sur les investissements ont fait que l'Accord a été jeté aux oubliettes. Cependant, ça nous a rendu conscients, nous, ici, au Québec, et les syndicats les premiers ? la CSN, je me souviens, avait été la première à organiser une manifestation ? et ensuite le milieu culturel, de l'importance des enjeux qui étaient en train de se tramer à l'Organisation mondiale du commerce. Suite à cela, ce sont des associations de créateurs et de producteurs et de diffuseurs québécois qui ont fondé ce qu'a été au début la Coalition pour la diversité culturelle. C'était un organisme, tu sais, c'était un rassemblement un petit peu mal organisé au tout début. Rapidement, on s'est rendu compte que, même si l'Accord multilatéral sur les investissements disparaissait, la menace était présente, et, très rapidement, nous avons décidé de fonder la Coalition pour la diversité culturelle. Très rapidement, le gouvernement du Québec a non seulement entériné la naissance de cet organisme-là mais l'a financé, et rapidement aussi nous avons senti le besoin de sortir du Québec, au sens où chacune des associations de créateurs, producteurs, diffuseurs a ressenti la nécessité de faire appel à ses organismes soeurs, frères pour que cette Coalition s'élargisse à la grandeur du Canada, puisque le péril et les solutions à ce péril-là appartiennent essentiellement au gouvernement fédéral, puisqu'il s'agit de négocier dans le cadre de l'OMC.

Donc, cette Coalition est devenue une coalition qui réunit 32 associations de créateurs, de producteurs, de diffuseurs, de distributeurs dans les domaines du livre, du cinéma, des arts d'interprétation, des arts visuels, de la musique. Donc, on couvre l'ensemble. Depuis, donc, 1999, la Coalition existe. Elle a été très active. Et, si je vous fais ce préambule, c'est que vous allez voir qu'il y a des liens extrêmement intimes avec l'Observatoire de la mondialisation.

Nos activités à cette Coalition-là ont consisté essentiellement à comprendre quels étaient les enjeux, pour le milieu culturel, des ententes de libéralisation du commerce. Ces ententes-là, qu'elles s'appellent des ententes bilatérales ou qu'elles soient des ententes régionales comme la Zone de libre-échange des Amériques ou comme la ronde de négociations de Doha, qui est en cours actuellement, sont des menaces fondamentales à l'ensemble des politiques culturelles qui existent ici, au Québec et au Canada.

Très rapidement, nous nous sommes rendus compte que le principe qu'il fallait défendre, c'était essentiellement de préserver le droit des États et des nations et des gouvernements à établir et à maintenir et à développer les politiques culturelles que ces États ou ces gouvernements jugent nécessaires pour le maintien de leur culture et de leur identité. Ça, c'est le principe fondamental.

À partir de ce principe-là, on a élaboré assez rapidement, je dirais, et on n'a pas tellement changé de stratégie. C'est une stratégie en deux temps. Cette stratégie, essentiellement, consiste à dire à l'ensemble des pays du monde: Il ne faut pas que la culture fasse partie des ententes de libéralisation de commerce. Il faut donc exclure la culture, ce qui n'est pas chose faite, au contraire de ce qu'on a entendu souvent. On croyait que... Dans le round, à l'Uruguay Round, par exemple... Les Français se sont targués longtemps de l'exception culturelle. Or, dans les faits, il n'y a pas d'exception culturelle qui a été négociée à l'Uruguay Round. Il y a d'autres dispositions qui ont fait que certains pays n'ont pas pris d'engagements spécifiques dans le domaine de la culture, mais c'est bien autre chose que l'exception culturelle.

n(14 h 10)n

Donc, premier pan de notre stratégie, c'est dire: Exclure la culture de toute entente de libéralisation du commerce, puisque les biens et les services culturels ne sont pas des biens et des services comme les autres pour la raison suivante fondamentale, c'est qu'ils charrient, ces biens et services culturels, ils charrient nos valeurs profondes, ils charrient notre patrimoine, ils charrient notre identité. La culture, c'est plus qu'une simple manifestation culturelle, c'est l'ensemble des structures, je dirais, de l'âme d'une société. Donc, c'est le premier pan de notre stratégie.

Le deuxième, c'est de dire: Bien, ayant créé ce vide, en excluant la culture, il faudra quand même créer quelque chose qui puisse gérer ? ce qui est notre souhait le plus profond ? c'est-à-dire que les cultures puissent s'échanger entre elles, puissent communiquer entre elles; il faut donc prévoir la création de ce qui s'est appelé, qui s'appelle encore jusqu'à maintenant, un nouvel instrument international qui saurait régir les échanges entre les différentes cultures du monde et, parmi ces échanges-là, il y a aussi évidemment des biens et des services culturels si on ne nie pas l'existence de ces biens et ces services. Donc, ce sont les deux preuves de cette stratégie.

Notre organisme a volontairement restreint le champ de ses activités et de ses préoccupations, de ses débats, à considérer que la culture était un ensemble basé sur une activité culturelle qu'on appelle un petit peu les industries culturelles, en sachant que cette dénomination est loin de couvrir l'ensemble du spectre de la culture, que cette dénomination fait et ? comment dire? ? escamote de nombreux débats dans lesquels nous ne voulons pas entrer. Nous nous sommes dit: Il faut agir. Pourquoi agir avec cette célérité? Parce que, vous le savez, il y a eu, il y a actuellement, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, une négociation sur l'Accord général sur le commerce des services. L'Accord général sur le commerce des services, c'est vraiment là où se joue, jusqu'à un certain point, l'avenir culturel de la majorité des nations du monde. Cet Accord général sur le commerce des services, il y a, dans cet Accord-là, des façons de faire et, si on veut résumer, elles sont assez simples: d'un côté ? et ça a eu lieu au mois de juin de cette année ? il y a l'ensemble des pays qui disent aux autres pays: Nous souhaiterions que vous libéralisiez certains secteurs de votre économie au niveau des services; parmi ces secteurs, il y a les services culturels. Voilà ce que certains pays et les États-Unis, par exemple, pour prendre un exemple important, demandent à l'ensemble des pays du monde: Nous voulons avoir accès, un libre accès, au marché des services culturels dans votre pays. Voilà ce qui s'appelle les offres de libéralisation.

De l'autre côté, au mois de mars de l'année prochaine, il y aura, de la part de chacun des pays, le dépôt des offres de libéralisation. Voici ce que, nous, comme pays, nous offrons sur le marché: nous voulons libéraliser en échange de et, entre les deux, il y aura toutes les tractations qu'on peut imaginer pour qu'un secteur qui m'intéresse, par exemple l'accès au marché des textiles aux États-Unis, bien, en échange de cet accès au marché ? je ne devrais pas dire les textiles, puisqu'il s'agit de services, mais disons l'accès aux services d'assurance américains ? en échange, qu'est-ce que les États-Unis sont prêts à offrir? Ou qu'est-ce que les États-Unis veulent obtenir? Et cet échange-là, cette négociation-là, elle est en cours actuellement sous forme de comités, de rencontres, de groupes, et c'est bien clair qu'il y a des bras de fer qui se jouent et que, essentiellement, on sait que, pour les États-Unis, le marché des services culturels est extrêmement important, puisqu'il constitue leur premier marché d'exportation. Donc, ils sont très intéressés à ce que l'ensemble des pays du monde libéralisent les services culturels.

C'est la raison pour laquelle nous ressentons un besoin urgent d'agir. Pour nous, comment pouvions-nous agir? D'abord, en sensibilisant les gouvernements. Et je vous l'ai dit tantôt très rapidement, et c'est bien clair, et Mme la ministre est là pour en témoigner, la ministre de la Culture, M. le premier ministre aussi, dans une déclaration récente: Tout le monde est d'accord et endosse, je crois, le principe que je vous ai exprimé tantôt et des stratégies qui sont soumises à ce principe. La même chose existe quoique d'une façon, je dirais, en tout cas... La même chose existe au niveau fédéral aussi. Il y a un accord du gouvernement officiellement pour défendre ces positions-là: l'exception culturelle et la création d'un nouvel instrument international. Mais pour nous, il s'agissait, d'une part, donc, de sensibiliser le gouvernement, d'autre part, il s'agit évidemment de réveiller la conscience des autres pays.

Notre façon de faire a été de tenter de susciter la création d'autres coalitions comme la nôtre dans différents pays. Et, pour ce faire, nous avons organisé une première rencontre internationale des associations professionnelles du milieu de la culture, qui a eu lieu à Montréal en septembre de l'an dernier, où il y avait 10 pays invités ? plusieurs d'Amérique du Sud, Asie, Europe ? et nous avons réussi à faire des rencontres qui ont été suffisamment productives pour que, dans six pays du monde, il existe actuellement des coalitions.

Donc, cette Coalition québécoise ? et je le dis en toute modestie ? qui s'est retrouvée à être un petit peu... à tracer un peu le sillon, le chemin, elle a fait des petits, et actuellement il y a six coalitions: il y en a une en Corée, il y en a une au Mexique, il y en a une au Chili, il y en a une en Argentine, il y a évidemment en France et... j'en oublie une?

Une voix: La nôtre.

M. Curzi (Pierre): Et la nôtre, oui. Voilà. Donc, six avec nous. Ces coalitions ont exactement... En fait, ce que nous suggérons, c'est que ces coalitions aient la même structure que nous avons ici et qu'elles aient le même type d'action.

C'est loin d'être parfait, mais vous voyez que nous sommes dans l'action concrète. Chemin faisant, la Coalition, qui se subventionne elle-même, d'ailleurs, où chaque association investit une partie du financement, s'est donné un petit bureau, très modeste; il y a quatre personnes qui travaillent pour la Coalition. Nous avons été obligés de nous créer des outils, dont la connaissance de ce qui était menacé dans les politiques culturelles par la libéralisation, c'est-à-dire l'accès au marché et le traitement national. Essentiellement, ce sont les deux vecteurs qui nous menacent. Qu'est-ce que ça menace chez nous? On s'est rendu compte que ça menace les quotas, que ça menace les subventions, bref, que ça menace le système culturel dans son ensemble.

Évidemment, notre second réflexe, ça a été de dire: Qu'est-ce que ça menace chez les autres? Comment ça s'exprime? Nous avons donc été amenés à nous créer un minimum d'outils pour savoir comment ça se passait ailleurs, comment on pouvait intervenir, quels étaient les acteurs, quelles étaient les politiques, quels étaient les marchés dans chacun des pays du monde. C'est un travail extrêmement embryonnaire. Et si je parle de cela, c'est que, évidemment, quand on a entendu la création... quand on a vu le projet de loi qui créait l'Observatoire de la mondialisation, on s'est dit: Oui, enfin, nous avons besoin de cet outil parce que nous avons, nous, des besoins ? comme Coalition ? limités dans le domaine culturel, nous avons des besoins de connaissances, nous avons des besoins d'études, nous avons des besoins fondamentaux et qui sont assez urgents. Donc, l'Observatoire, nous le voyons comme un organisme, un outil auquel on pourrait adresser quelques demandes et avec lequel nous pourrions collaborer. Évidemment, on voit ça comme un partenariat assez intime, dans ce cas-ci.

Voilà. C'est l'essentiel de ce que je voulais dire, je pense, en m'emballant un peu. Je peux juste vous détailler le type de recherches. Ce qui nous semble important dans le domaine culturel: il est bien clair, je pense, que nous souhaitons qu'il y ait un représentant de la culture à l'intérieur de ce conseil, c'est évident, non pas parce qu'il faut que la culture soit partout, mais là, c'est majeur. C'est un des enjeux majeurs de la mondialisation actuellement. Il ne faut pas se le cacher, c'est réel.

Quel type de recherches on pourrait en attendre? Évidemment, un suivi des informations sur ce qui se négocie, parce que ce n'est pas toujours évident. Maintenant, ça l'est de plus en plus parce qu'il y a une forte pression populaire pour qu'on sache ce qui se brasse mais, merci au... Il faut que je termine, hein? C'est ça? Je comprends votre signe. D'accord. Donc, un, suivi sur les négociations; deux: quel le positionnement stratégique, globalement, de l'ensemble des pays et plus spécifiquement pour nous au niveau culturel? Trois, l'information statistique sur les marchés visés, sur la production culturelle; et, quatrièmement, dans chacun des pays et dans le nôtre... Et dans chacun des pays et... Dans le nôtre, bien, ça, on le sait, ce qu'elle est dans notre pays, mais quelles sont les politiques culturelles qui sont menacées? Je dirais que, si on part du plus large, on va vers le plus concret.

Voilà, en tout cas, grosso modo, les modèles. Et, dans le mémoire on est un peu plus spécifiques, il y a des champs de recherches qui sont peut-être mieux délimités, et Louise pourra vous en parler si vous avez des questions à ce sujet-là. Je vous remercie.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Curzi. Vous savez, le président a toujours la tâche ingrate de couper, même si l'auteur est emballant. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.

n(14 h 20)n

Mme Beaudoin: Très bien. Merci, M. le Président. M. Curzi, Mme Vachon, merci d'être là, parce que, en effet, il était extrêmement important... Vos collègues de l'Alliance des créateurs sont venus la semaine dernière, mais nous présenter sous un angle bien différent, OMPI, ADPIC; on a appris toutes sortes de choses, d'ailleurs, passionnantes en les écoutant. Ils sont partie, ils sont membres de votre Coalition, ils nous l'ont dit. Vous avez bien expliqué qu'il y avait 32 organisations. Alors, ça couvre à peu près tout le champ, en effet, culturel. Mais ce que je veux vous dire en vous remerciant, c'est que, ce dossier-là, il est non seulement pour le gouvernement mais, je pense, pour la population du Québec, un dossier incontournable quand on parle de mondialisation; je dirais même que c'est un dossier exemplaire, c'est une espèce de prototype, parce que, grâce à vous, en bonne partie grâce à la Coalition, il y a eu, je dirais, une grande avancée. Si on avait la même connaissance dans tous les dossiers, le même savoir et la même stratégie, enfin, si on était aussi avancés dans tous les secteurs en ce qui concerne la mondialisation que c'est le cas dans le secteur de la diversité culturelle, alors qu'on a, vous le savez ? puis on a travaillé ça aussi avec vous ? grâce au groupe franco-québécois sur la diversité culturelle, une étude quand même juridique maintenant, qu'on a rendu publique, qui a été préparée par un juriste de l'Université Laval, Yvan Bernier que tout le monde connaît, qui est un spécialiste de ce secteur-là, et Mme Fabri Ruiz qui est une, elle, spécialiste française de ces questions. Donc, on a beaucoup progressé et, je dirais, bien travaillé entre le milieu et le gouvernement. C'est un bel exemple aussi d'arrimage réussi avec l'appui de l'opinion publique. Alors, c'est comme idéal en quelque sorte, comme situation. On est loin du compte; moi, je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous, c'est bien ici, on sait ce qu'on veut, on sait où on va, mais ce n'est pas évident que, quand les vraies affaires vont se discuter dans deux mois ou dans six mois à l'OMC, quand les pays vont ? le moment de vérité va arriver, là ? les pays vont faire leurs offres de libéralisation, et on va voir jusqu'à quel point certains pays se seront laissé entraîner dans ces offres de libéralisation.

Vous savez aussi... Parce que, d'ailleurs, vous avez accepté ? et on vous en remercie ? de nous accompagner, la délégation québécoise qui sera à Beyrouth au moment du Sommet de la francophonie, qui aura pour thème cette question du dialogue des cultures. Et, au moment du Sommet, on veut faire en sorte que les 50 pays qui sont autour de la table et qui auront à décider ou non de leur offre de libéralisation, on espère les convaincre et de faire en sorte que la francophonie en bloc, les pays membres de la francophonie en bloc décident de ne pas faire d'offres de libéralisation et aillent plus loin, comme vous dites, dans le deuxième volet que ce qu'on fait, mais on pense qu'il faut une convention, un traité, un instrument international qui aura force de loi, qui sera contraignant parce que, sans ça, disons que ça n'aurait pas d'intérêt. Alors, on sait qu'on peut compter sur la France d'une façon très ferme. C'était le cas déjà sous la cohabitation, mais là c'est encore plus évident. Le président Chirac, pendant sa campagne présidentielle, en a fait un enjeu et, encore récemment à Johannesburg, a répété, dans un discours remarquable, tous ces principes qu'on vient d'élaborer.

Alors donc, je crois que, pour l'Observatoire ? quand on s'est rencontrés, on en avait parlé ? l'Observatoire sera certainement un partenaire de la Coalition. Vous avez fait un travail seuls. À bien des égards, quand vous m'aviez montré ces grands tableaux, j'étais très impressionnée, parce que c'était vous avec le ministère de la Culture et des Communications du Québec, mais, quand même, vous en aviez fait un très, très bon bout, de vous-mêmes et avec vos propres ressources, comme vous dites, qui sont limitées. Alors, pour toutes ces raisons, on vous en félicite.

J'aimerais vous demander, justement, concernant cet instrument international, où est-ce que vous en êtes avec, justement, les autres coalitions, avec les autres pays. Est-ce que vous avez l'impression que vous progressez? Vous me parlez par exemple d'Amérique latine où il y a des négociations bilatérales entre le Chili puis les États-Unis, et vous êtes intervenus très fermement auprès de vos homologues là-bas, et vous dites qu'il y en a une au Mexique et ailleurs. Moi, je suis un peu désolée, parce que, souvent, quand je rencontre des étrangers, même européens, puis encore plus latino-américains, j'ai l'impression de descendre de la planète Mars quand je leur parle de ça, que ce soient des ambassadeurs qui viennent me voir dans mon bureau, de ces pays-là, ou encore quand je m'y rends moi-même, comme au Brésil l'année dernière. Vous autres, comment est-ce que vous voyez l'évolution ailleurs qu'en France où on sait très bien que là sont nos meilleurs alliés mais, justement, nos alliances que l'on veut diversifier, que l'on veut élargir, où est-ce que vous en êtes à cet égard et quelle est votre évaluation du progrès de ce dossier de la diversité culturelle?

M. Curzi (Pierre): Bien, je vais passer la parole aussi à Louise, mais c'est clair que c'est variable, et tout ça est variable. Disons tout d'abord que, oui, les Français sont un appui important et qu'ils vont organiser, au début de l'année prochaine, les deuxièmes rencontres internationales des associations professionnelles du milieu de la culture, à Paris. C'est important parce que, comme ils sont plus nombreux, ils vont pouvoir inviter là des représentants d'associations professionnelles de 30 pays, et c'est donc... Voilà qui va générer ? comment dire? ? une conscience accrue, assez rapidement.

Ça varie de pays en pays, vous avez raison. Grâce à la mission économique à laquelle nous avions été invités à participer, nous avons pu aller au Chili, et là, nous sommes intervenus au moment où ils étaient en train de négocier, le gouvernement et les États-Unis, sans que personne ne se rende compte que la culture allait y passer tout de go. Le fait qu'on intervienne, qu'on y soit, qu'on rencontre les associations professionnelles les plus actives a permis que les négociateurs de cette entente-là, que nous avons rencontrés aussi, deviennent tout à coup conscients du péril et, en fait, endossent la position.

C'est à la fois le pire et le meilleur dans ce dossier-là, c'est-à-dire qu'il y a, effectivement, très peu de gens conscients des enjeux qui sont en train de se négocier et, en même temps, dès que les gens le deviennent, je dirais que c'est comme une traînée de poudre: très rapidement, on est tous convaincus que, oui, il faut faire quelque chose parce que, pour chacun, il s'agit de son identité, il s'agit de ses valeurs, il s'agit de sa culture, il s'agit de sa langue. Je l'ai vu, la semaine dernière, je participais à un séminaire ici, sur la diversité linguistique, très important aussi, comme les droits d'auteur, il y a plusieurs aspects et, tout à coup, quand on se met à comprendre ça, on se dit: Holà! il y a urgence. Donc, pour chacun des pays, ça varie. Là, moi, je suis allé au Chili; c'est Louise qui est allée dans d'autres pays, je lui cède la parole. Ma chère Louise, à toi.

Mme Vachon (Louise): Bien, je pense que c'est assez clair, c'est vraiment un besoin d'information qu'on remarque partout au niveau international. Et, comme vient de le dire Pierre, ça ne prend pas de temps, quand on commence à expliquer quels sont les enjeux des accords de commerce, pour que les gens veuillent se mobiliser et que même les pouvoirs publics en général prêtent une oreille très attentive au sujet.

Ceci dit, pour ce qui est du travail de la Coalition, elle a été impliquée, grâce à la rencontre internationale de Montréal qui a eu lieu l'année dernière, dans 10 pays. On est impliqués dans quelques autres, aussi, pays, mais il ne s'agit pas simplement de donner des informations; il faut aussi faire un suivi, il faut donner des conseils, offrir une certaine expertise, et donc, non seulement la demande est grande, mais le travail qu'on a à accomplir est très grand.

Mais je dois dire qu'on est encouragés par les derniers développements. Vous avez parlé de la francophonie. La francophonie certainement a déjà fait des déclarations importantes sur le sujet, je pense à la déclaration de Cotonou entre autres, on va espérer que Beyrouth va poursuivre dans la lignée. Il y a le Réseau international des ministres aussi qui réunit à peu près une cinquantaine de pays, donc, 50 pays qui commencent à être sensibilisés, plus ceux de la francophonie. On commence à avancer, mais ? je ne vous cache pas ? on a un sentiment d'urgence: il faut agir dès maintenant.

M. Curzi (Pierre): Ça définit aussi peut-être que c'est clair que, quand on parle, c'est beaucoup une question d'information. L'Observatoire, en tout cas, pourrait pallier. Nous, on n'est pas en mesure... Par exemple, on a des sites, et on sait très bien que, dans ce cas-là, l'utilisation d'Internet est efficace. C'est un site qui serait mis à jour, qui réunirait toute l'information sur l'ensemble des secteurs, là, pas juste sur le secteur culturel. Je pense que, ça, ça pourrait être une des tâches de l'Observatoire. Il y a autre chose qui m'est venu, puis là, j'oublie.

Une voix: Ça reviendra.

n(14 h 30)n

Mme Beaudoin: Oui. Alors, très bien, moi, je pense que c'est en effet un partenariat qui va être très riche entre cet éventuel Observatoire et la Coalition, je le pense aussi, compte tenu justement du degré de maturité d'un dossier comme celui-là. Ça pourrait être très, très concret, ce que l'Observatoire et la Coalition pourront faire ensemble. Mais il y a aussi, vous le dites, l'urgence. On sait qu'en mars il y a une première. Donc, l'Observatoire, même dans les meilleures conditions, ne sera pas vraiment opérationnel avant ce moment-là, à peu près, normalement, on imagine à peu près à ce moment-là. Alors, en attendant, eh bien, continuez courageusement à porter ce flambeau. Et vous savez que vous avez notre appui, d'ailleurs, je le sais, des parlementaires en général, sur ce dossier-là. Mais, moi, je me promène à travers le monde, là, avec ce dossier-là toujours en priorité, et il est certain que j'en fais un combat, je dirais, personnel.

Alors, merci encore pour vraiment tout ce que vous faites, tout ce que la Coalition fait. Avec l'appui bien sûr des gouvernements, du gouvernement canadien et du gouvernement québécois, mais il faut que vous soyez drôlement décidés puis drôlement convaincus pour y donner, je dirais, autant de temps, autant d'énergie puis autant de conviction. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Alors, bienvenue, M. Curzi, Mme Vachon. Au niveau du mandat qu'on a donc, qui est de faire comprendre le phénomène de la mondialisation, est-ce que vous croyez qu'on pourrait aller plus loin? Est-ce que l'Observatoire, par exemple, pourrait avoir, comme on a suggéré ce matin, un mandat de donner des avis, d'intervenir plus concrètement, d'être un élément catalyseur ou encore de générer des interventions au niveau de la population québécoise?

M. Curzi (Pierre): Là où il y a un besoin puis qu'on ne le satisfait pas, malgré qu'on soit peut-être les mieux placés pour le faire, c'est au niveau de la sensibilisation. C'est vrai qu'en général, quand on en parle, les gens sont d'accord avec les principes qu'on défend. Mais, entre cet accord-là, qui est un peu vague, et la vraie sensibilisation de nos membres, des gens en général sur les conséquences de ce que signifierait une ouverture complète de nos marchés, en particulier au niveau de la culture, les conséquences pratiques, constantes, immédiates dans leur langue, dans leurs habitudes de fréquentation de tous les domaines de l'expression, ça, je pense qu'il y a énormément de travail à faire de ce côté-là. Et c'est sûr que c'est hors de nos moyens.

Donc, il y a un type d'activité ? on parlait tantôt d'Internet ? qui est, à mon sens, fondamental pour l'Observatoire, c'est pouvoir publier, pouvoir sensibiliser, pouvoir informer la population en général. Sous quelle forme? Je ne le sais pas, mais, ça, ça m'apparaît urgent. Et c'est une tâche qu'on a négligée ? je le dis très clairement ? parce qu'on se dit: Il faut parer au plus pressé. Mais, ça, il y a un besoin immense là.

Là où il y a un autre besoin, c'est que nous sommes actuellement, de facto, une sorte de secrétariat international, puisque, sans le vouloir, nous avons des rapports avec plein de pays et qu'on est obligés de coordonner. Je dirais qu'on fonctionne en trois langues, par exemple, à la Coalition, pas par choix, mais par nécessité. Il y a des besoins de coordination d'activités d'ordre international et, à mon sens, ça devrait aussi être un des paliers.

Est-ce que l'Observatoire devrait émettre des avis, des opinions, tout ça? De prime abord, je ne suis pas convaincu que c'est l'aspect, en tout cas, qui est le plus intéressant, pour moi. Mais tout dépend de sa constitution, de comment ça va fonctionner. Je sais qu'il y a un comité scientifique. Il se peut très bien que ce soit là que, tout à coup, se concentrent l'intelligence et la connaissance et qu'à cet égard on espère des avis. Mais, pour le moment, on n'est pas encore dans cette réalité-là. Pour le moment, c'est plus circonscrit comme aux auteurs, à la Coalition, sur les industries. C'est par petits secteurs, je pense, actuellement. C'est de ces secteurs-là qu'il faut attendre les avis les plus pertinents, les plus pointus et les moyens d'action réels. Mais c'est une opinion. Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon et porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Delisle: Merci. Alors, bienvenue, madame, monsieur. Monsieur, j'aurai deux petites courtes questions et je céderai la parole à mon collègue Pierre-Étienne Laporte, député d'Outremont, si vous permettez. La première touche la composition du conseil d'administration. Vous n'êtes pas sans savoir, puisque vous avez vous-même tout à l'heure mentionné que vous souhaitiez, finalement, qu'il y ait une représentation des artistes... Je pense avoir bien entendu, parce que votre mémoire est muet là-dessus, mais je vous ai entendu par la suite dire que vous étiez, en fait, incontournable dans le sens où c'est tellement une préoccupation à l'échelle planétaire que... Bon. Alors, la raison pour laquelle je vous amène sur le conseil d'administration, c'est que, dans le projet de loi, on retrouve la nomenclature finalement du nombre de personnes qui doivent y siéger: trois membres représentant les syndicats, trois membres représentant les groupes patronaux, etc. Il y a 15 personnes, plus d'autres... Au total, 22.

Plusieurs groupes sont venus nous dire qu'ils souhaitaient aussi être représentés, pouvoir venir représenter, donc par le biais de quelqu'un qui serait de leur organisme, leurs priorités aussi, que ce soit le développement durable, que ce soient les artistes. On a eu la présentation de l'Alliance des droits des créateurs la semaine dernière. D'ailleurs, effectivement, c'était une présentation très intéressante et très informative. J'avais l'impression de sortir un petit peu des créneaux auxquels on est habitués. Et je voulais vous demander: Seriez-vous réceptifs à une proposition ? je ne la fais pas nécessairement, là ? mais où on ne retrouverait pas nécessairement les groupes ciblés dans le projet de loi, donnant la latitude peut-être à un président, ou au ministre qui pourrait choisir le président ? je réfléchis à voix haute, là ? un ministre qui choisirait son président ou sa présidente et qui verrait à avoir autour de la table l'ensemble, autant que faire se peut, des préoccupations des groupes qui sont effectivement directement affectés par la mondialisation? Alors, au lieu de dire: Un artiste, un universitaire, trois ci, trois ça, là, est-ce que vous feriez confiance à un mécanisme comme celui-là?

Parce que, moi, je trouve que, de plus en plus, on s'encarcane dans nos projets de loi, on essaie d'être tellement précis qu'on ne se donne aucune marge de manoeuvre. Je prends cet exemple-là mais ça vaut aussi pour autre chose. On ne se donne pas de marge de manoeuvre. Alors, la journée où on voudrait aller chercher une expertise, dans le cas de l'Observatoire, ou avoir quelqu'un, peut-être pour une année, sur un dossier beaucoup plus spécifique, on se ferme la porte. Parce que les gens sont nommés pour trois ans ou sont nommés pour cinq ans. Je ne sais pas. Il me semble que le gros bon sens ferait en sorte qu'on puisse avoir à quelque part cette marge de manoeuvre. Je ne sais pas comment elle peut s'illustrer, je vous le dis bien franchement, je réfléchis à voix haute, mais depuis ce matin là que ça me trotte dans la tête, puis je vous pose la question bien sincèrement.

M. Curzi (Pierre): Bien, moi, personnellement, je viens d'un milieu où l'organisme signifie quelque chose. Je crois que, quand des sujets, des causes sont importantes, majeures, elles imposent une présence. Et ma revendication pour le milieu culturel n'est pas liée à la Coalition.

Mme Delisle: Non, non, je suis consciente.

M. Curzi (Pierre): Je ne souhaite pas... Mais c'est clair que, pour moi, c'est incontournable, ça doit de refléter à l'intérieur d'un organisme comme celui-là. C'est sûr que ce n'est pas de mon ressort de dire si ça devrait être de cette façon-là ou l'autre. Je suis plutôt assez favorable à ce que ce qui est organique s'institutionnalise, si j'ose dire, même s'il y a une ambivalence dans les termes. Mais on a connu ça, par exemple, dans le...

Culture Montréal est un bon exemple de ce que vous dites. Culture Montréal est un organisme qui est très large et qui n'a pas cherché à ce qu'il y ait spécifiquement des gens de tel ou tel organisme qui soient présents, quoique maintenant il y a eu une évolution et qu'on réserve un certain nombre de postes. Mais, dans les faits, spontanément, l'ensemble du milieu a choisi, dans ce conseil d'administration là, d'y élire des artistes professionnels, par exemple, alors que c'était un questionnement que certains avaient, c'est: Doit-on imposer des professionnels? Dans les faits, de soi, ça s'est imposé, sans qu'il y ait forcément un règlement ou... Donc, j'aurais plutôt tendance à donner de la latitude en ce sens au législateur sur la composition du conseil. Personnellement, oui, j'aurais plutôt tendance à être favorable à cela.

Mme Delisle: Pour laisser du temps à mon collègue, j'ai une dernière question mais vous pouvez répondre rapidement, si c'est possible. Dans votre mémoire à la page 4, vous faites référence, au deuxième paragraphe, vous dites: «La Coalition profite de l'occasion qui lui est offerte aujourd'hui pour mettre de l'avant un certain nombre de projets de recherche qui mériteraient d'être développés ou approfondis par l'Observatoire ? je saute des mots, là ? en collaboration avec des organismes du milieu culturel ? bon ? et notamment avec la Coalition pour la diversité culturelle.»

n(14 h 40)n

Je comprends donc qu'il y a des études qui se font actuellement, il y a de la recherche qui se fait, j'imagine, à partir de la Coalition, sur ce phénomène et ses conséquences, entre autres, celui-là, là. En quoi l'Observatoire peut-il aider davantage la Coalition? Est-ce que c'est par le réseautage? Comment vous voyez ça? C'est par le réseautage? C'est par du financement pour vous aider davantage à poursuivre ces recherches-là?

M. Curzi (Pierre): Je vois ça de diverses façons. C'est clair que, nous, avec les ressources qu'on a, elles sont utilisées au maximum, Si on avait un petit peu de supplément de financement pour défrayer, par exemple, quelqu'un qui fait des recherches, ce serait une façon. On voit aussi cependant d'autres fonctions que nous ne remplirons pas, que l'Observatoire pourrait remplir. Et là, je pense, de notre part, on aurait plusieurs demandes qui pourraient être satisfaites par un observatoire. Ce serait une autre façon. Je parlais tantôt d'un site, par exemple, qui réunirait toute l'information sur la mondialisation. Il y a vraiment différentes façons. Ce n'est pas les besoins qui sont absents. Mais peut-être que Louise, tu as quelque chose? Non?

Mme Delisle: Je vous remercie. Je vais laisser...

M. Curzi (Pierre): Oui.

Mme Delisle: O.K. Ça va. Merci.

M. Curzi (Pierre): J'ai tendance à m'étendre, vous avez raison.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. M. Curzi, bonjour. Disons, tout comme la ministre et, j'en suis convaincu, ma collègue, je répète que nous avons beaucoup d'admiration pour le travail que vous faites, la Coalition. Et je me rappelle de votre comparution en commission parlementaire sur la culture, justement sur cette question-là, puis vous avez fait une comparution remarquable.

Moi, je voudrais vous poser une question, c'est peut-être un commentaire que j'aimerais obtenir plus qu'une réponse, à ce que je considère comme étant une modification du projet de loi qui serait un modification importante. L'article 4.1 fait mention de la fonction ou de la mission en disant: «porte une attention particulière aux effets de la mondialisation sur la dynamique des langues». Or, vous y étiez la semaine dernière ou la semaine avant-dernière, au colloque du Conseil, auquel je n'ai pu malheureusement participer à cause de mes occupations locales, n'est-ce pas, et il est entendu qu'à mon avis, et le Colloque l'a montré, à ceux à qui j'en ai parlé, le Conseil est particulièrement bien habilité pour étudier cette question de la dynamique des langues.

Et la question que je me suis posée, c'est: jugez-vous qu'il serait souhaitable que l'article soit modifié pour qu'il se lise «porte une attention particulière aux effets de la mondialisation sur la dynamique de la diversité culturelle»? Évidemment, ça voudrait dire qu'on enlèverait peut-être aussi le mot «culturel» dans la partie précédente du paragraphe, mais là on encastrerait dans le projet de loi une préoccupation nommément affirmée pour la diversité culturelle.

Moi, ce que je voudrais savoir, c'est: Comment réagiriez-vous à cette modification de la loi que la ministre pourrait peut-être décider d'accepter? Parce que, nous, de l'opposition, c'est bien humblement qu'on peut faire des recommandations de ce genre-là. Mais, vous, qui êtes un acteur important là-dedans, votre opinion est une opinion très importante, et j'aimerais l'entendre.

M. Curzi (Pierre): Oui. Bien, alors, mon opinion très nette, c'est: Je ne suis pas d'accord avec vous. Mais, ceci dit, votre suggestion est excellente. Je trouve qu'on devrait parler de la mondialisation, de la diversité culturelle mais qu'on doit quand même distinguer la dynamique des langues. Et c'est ce que j'ai appris au Séminaire interaméricain sur la gestion des langues la semaine dernière. Je me suis rendu compte, avec un peu d'effarement je dois dire, que... Comme nous, à la Coalition, nous ne touchons pas à la langue, je me suis rendu compte que, même si, imaginons que nous ayons gain de cause, il n'y a pas de culture dans aucune entente, que nous avons un nouvel instrument, il n'empêche quand même que, par le biais de la non-protection de la diversité linguistique, les mêmes effets néfastes pourraient arriver.

Je vous donne un exemple. On pourrait sauver de la culture à, disons, certaines politiques sur le cinéma, par exemple. Il y a des tarifications différentes selon que l'on distribue un film en français ou en anglais. Donc, même si, dans le champ de la diversité culturelle, on arrivait à protéger notre juridiction sur l'application de la distribution dans le cas du cinéma, ne pas protéger la diversité linguistique amènerait à utiliser l'argument qu'il y a discrimination liée à la langue, donc entrave à l'accès au marché de la part, par exemple, de tous ceux qui produisent en anglais qui diraient: Vous nous empêchez. Donc, par ce biais, une politique culturelle fondamentale pourrait être attaquée. Et j'ai compris la semaine dernière qu'il fallait donc travailler sur ces deux aspects d'une façon systématique, concurrente et s'accompagnant, et qu'il fallait les distinguer dans les termes, sinon on risquait d'échapper une partie de la juridiction à protéger et, pour le Québec, elle est fondamentale, tout le monde le sait. Alors, c'est pour ça que... Voilà.

M. Laporte: Je suis entièrement d'accord avec vous, mais ce que je... encore là ce serait... Peut-être que je suis d'accord avec vous, mais que je ne suis pas d'accord avec votre conclusion. À mon avis, puisque le Conseil de la langue française est un organisme qui a déjà cette mission, ne faudrait-il pas la nommer explicitement dans la mission de l'Observatoire? Parce que, là, la diversité culturelle devient la grande oubliée finalement, disons, du temps, de l'esprit.

M. Curzi (Pierre): Je suis d'accord avec ce que vous dites. C'est sûr que je le souhaiterais, que ça soit nommément inscrit, la diversité culturelle. C'est clair que, ça, je le souhaiterais, Mais là le débat entre le Conseil et l'Observatoire, disons que c'est une matière dans laquelle je ne veux pas entrer personnellement, ce n'est pas de mon ressort.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mme Vachon et M. Curzi, pour votre participation aux travaux de cette commission.

J'invite les représentants de la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Bonjour et bienvenue, messieurs. Je vous indique que vous avez également droit à 15 minutes de présentation avant d'amorcer les échanges avec les parlementaires, et j'invite le porte-parole à s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne.

Fédération des télévisions communautaires
autonomes du Québec

M. Stevens (Rexford): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Rexford Stevens, je suis secrétaire du conseil d'administration de Télévision communautaire Rive-Nord, secteur Repentigny, l'Assomption. Cette télévision communautaire a été en opération durant 17 années. En 1999, elle a été retirée du canal communautaire unilatéralement par le câblodistributeur Vidéotron. En ce sens, nous pouvons affirmer que nous avons été victimes de la mondialisation des marchés. Je suis présent ici à titre de membre du comité de la Fédération portant sur les impacts de la mondialisation chez les télévisions communautaires.

M. Gauthier (Gérald): Bonjour. Je me nomme Gérald Gauthier et je suis agent de recherche et de développement à la Fédération des télévisions communautaires autonomes, et c'est à ce titre que je suis ici.

Vous avez sans doute pris connaissance de notre mémoire. Nous allons donc nous éviter une relecture complète et seulement attirer votre attention sur certains aspects. Le message que nous avons voulu faire passer dans notre mémoire a été de vous souligner que la quarantaine de télévisions communautaires autonomes, que nous retrouvons partout sur le territoire québécois, doivent être des partenaires incontournables à la diffusion d'informations fiables que recueillera l'Observatoire québécois de la mondialisation. C'est ce message que nous venons vous réitérer cet après-midi.

Les télévisions communautaires et les autres médias communautaires sont en mesure d'être des passerelles d'information valables entre la société civile et l'Observatoire. Ce sont des médias qui ont dans leur mission un rôle d'éducation et de sensibilisation. Les TVC autonomes, parce qu'elles se sont dotées d'un cadre réglementaire qui assure un processus de gestion démocratique, sont inclusives envers tous les membres de la communauté. Cela en fait des instruments de communication qui luttent contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Les TVC autonomes sont des lieux de diffusion de proximité. Ce type de média communautaire est, par définition, bien enraciné dans son milieu. C'est cet enracinement qui lui confère sa crédibilité à rendre compte des préoccupations locales d'éduquer et de sensibiliser des citoyens à leur rôle d'acteur de la démocratie.

n(14 h 50)n

La mondialisation a évidemment beaucoup d'impact sur le sentiment d'appartenance locale. Dans un tel contexte, plus on assiste à une mondialisation de l'économie qui apparaît effrayante et déshumanisante, plus on observe, en contrepoids, l'essor du local. Cet essor du local est là comme pour faire barrage ou tempérer la montée de la mondialisation. Les TVC autonomes peuvent faire le lien entre les différents enjeux liés à la mondialisation et leurs impacts sur le développement local et régional parce qu'elles ont à coeur l'inclusion de tous les citoyens à tout débat public.

M. Stevens (Rexford): Nous vous demandons d'être partenaires. Cela veut dire: Nous demandons une reconnaissance. Pour être concurrentielle et tenir tête au géant, une entreprise de câblodistribution québécoise, Vidéotron, était prête ? peut-être le souhaite-t-elle toujours ? à sacrifier les communautés québécoises qui ont mis en place leurs propres télévisions communautaires autonomes. C'est une attitude qui manque de respect envers des façons de faire québécoises. C'est également un aspect pervers de la mondialisation des marchés sur lequel devra se pencher l'Observatoire.

La télévision communautaire autonome est un actif pour la société québécoise ? deux motions unanimes de l'Assemblée nationale le confirment ? en tant qu'outil social de communication, de développement économique et de promotion de la culture et des talents locaux. Il faut s'assurer qu'elle le demeure et surtout qu'elle puisse survivre aux différentes transactions à survenir dans le monde des communications. La perte d'une dizaine de télévisions communautaires autonomes est encore plus déplorable sachant que l'acquéreur de Vidéotron, Quebecor Médias, souhaite poursuivre l'orientation prise par Vidéotron, cela, avec la bénédiction d'un bras québécois de développement aussi important que peut l'être la Caisse de dépôt et de placement du Québec. Il y a là une incohérence. Comment, d'un côté, le gouvernement du Québec, via la Caisse de dépôt, peut cautionner la destruction d'instruments de communication locaux pour soi-disant répondre aux impératifs de la mondialisation et, de l'autre, mettre en place un Observatoire qui favorisera une mondialisation maîtrisée et équilibrée, respectueuse des droits humains?

Pour répondre aux exigences de la mondialisation, il faut, en premier lieu, être bien connecté sur ses racines. La création d'un partenariat entre l'Observatoire et les télévisions communautaires autonomes serait une excellente façon de contrer ce genre d'attitude mesquine engendrée par la mondialisation. Un partenariat est une reconnaissance. L'Observatoire québécois de la mondialisation doit pouvoir reconnaître les télévisions communautaires autonomes comme des outils privilégiés d'informations fiables permettant aux citoyens de mieux comprendre le phénomène de la mondialisation, d'être critiques et actifs face aux conséquences.

M. Gauthier (Gérald): Dans notre mémoire, nous vous avons soumis quelques pistes pour l'exercice de ce partenariat. Ce sont des moyens facilement envisageables afin que les TVC autonomes soient mises à profit comme courroie de diffusion de l'information entre l'Observatoire québécois de la mondialisation et les citoyens. Les TVC autonomes sont, vous en êtes certainement conscients, très démunies financièrement. Elles survivent grâce au dynamisme des communautés dans lesquelles elles se sont implantées, au travail inlassable des bénévoles et d'employés sous-rémunérés, au bon vouloir des câblodistributeurs à maintenir un canal communautaire, à des activités d'autofinancement et à un maigre soutien financier du gouvernement québécois.

Parce qu'elles croient à la mise en place de l'Observatoire, les TVC autonomes s'impliqueront, dans la mesure de leurs maigres ressources, à la diffusion de certains services. Toutefois, un partenariat efficace exigera impérativement une implication financière de l'Observatoire et/ou du gouvernement du Québec. Par exemple, la diffusion de capsules d'intérêt public pourra être défrayée via ou par le biais de la politique du 4 % des dépenses de publicité aux médias communautaires. La production d'une série d'émissions en coproduction ou la couverture et diffusion d'activités d'éducation et de sensibilisation nécessiteront des coûts relativement importants. Certes, en tant que partenaires, les TVC autonomes feront leur part pour réduite au minimum les frais encourus. De toute manière, si leurs coûts de production n'étaient pas au minimum, les TVC n'existeraient plus. Cependant, réduire les coûts ne signifie pas la gratuité. L'Observatoire et le gouvernement du Québec devront également investir financièrement à la diffusion de l'information. Il ne peut y avoir de reconnaissance d'un partenaire sans une entente gagnante avec ce dernier.

M. Stevens (Rexford): Avant de conclure notre présentation, la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec voudrait ajouter un élément au dossier. Nous avons, en effet, reçu une lettre d'appui d'un observateur privilégié de la société québécoise. Il s'agit de M. Claude Ryan. Ce dernier a été l'un des directeurs et éditorialiste le plus prestigieux au journal Le Devoir de 1978 à 1984. Il a occupé une part importante de la vie politique québécoise, d'abord comme chef du Parti libéral puis en s'occupant des différents ministères, dont celui de l'Éducation, la Sécurité publique, les Affaires municipales. Il fut également ministre responsable de l'Application de la Charte de la langue française. Dans sa lettre, adressée à la présidente, Mme Louise Nadeau, de la Fédération, en date du 6 septembre 2002, M. Ryan dit ceci:

«Mme la présidente,

«J'ai pris connaissance avec intérêt du mémoire substantiel que votre Fédération a préparé à l'intention de la commission parlementaire chargée de l'étude du projet de création de l'Observatoire québécois de la mondialisation et vous félicite de l'excellente qualité de ce mémoire.

«L'utilité et le succès du futur Observatoire dépendront en premier lieu de la valeur de ses travaux de recherche et de l'information qu'il colligera, mais ils dépendront aussi de la manière dont seront diffusés dans la population les résultats de ces travaux. Grâce à leur contact direct avec leurs auditoires régionaux et à leur engagement solidement établi au service de l'intérêt public, les télévisions communautaires regroupées dans votre Fédération sont excellemment placées pour jouer un rôle très utile à cet égard.

«J'appuie en conséquence la démarche de la Fédération voulant que soit prévu dès maintenant l'établissement de liens étroits de collaboration entre les télévisions communautaires et le futur Observatoire.

«En vous souhaitant un accueil favorable auprès de la commission parlementaire qui examinera le projet de création de l'Observatoire québécois de la mondialisation, je vous prie d'agréer, Mme la présidente, l'assurance de ma collaboration.

«Claude Ryan.»

M. Gauthier (Gérald): La mission que poursuivra l'Observatoire québécois de la mondialisation implique l'obligation de rejoindre adéquatement tous les citoyens. L'Observatoire ne doit pas travailler en vase clos avec seulement des initiés; l'implication de l'ensemble de la société québécoise doit être mise à profit. C'est du moins ce que la Fédération comprend du projet de loi.

Les médias communautaires font partie intégrante de la société québécoise, les TVC autonomes rejoignent le citoyen dans son milieu d'appartenance, l'ouverture sur le monde est souvent plus facile si on comprend en premier lieu ce qui se passe localement. La mondialisation a des incidences directes sur les réalités locales et régionales. Les télévisions communautaires autonomes et les autres médias communautaires québécois peuvent faire comprendre le phénomène de la mondialisation à partir des changements vécus au niveau local, au niveau régional. Voilà pourquoi en tout premier lieu la mise en place de l'Observatoire doit tenir compte de la présence de ces partenaires que peuvent être les médias communautaires. Nous vous remercions sincèrement pour votre écoute et sommes disponibles s'il y avait des questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs. Alors, nous allons débuter cette période d'échange avec Mme la ministre d'État aux Relations internationales.

Mme Beaudoin: Oui, bonjour. Merci d'être venus nous présenter votre mémoire, parce que, en effet, tous ceux qui sont députés ici, autour de la table, et particulièrement dans les régions, c'est bien évident, dans la nôtre en tout cas, en Montérégie, la télévision communautaire, c'est un média important.

Alors, je suis très heureuse de voir que M. Ryan s'intéresse à la création de l'Observatoire. Sous cet angle-là, c'est fort pertinent. En tout cas, je suis contente. Je me demandais si j'avais bien entendu, mais, quand vous avez dit qu'il avait été longtemps au Devoir et ensuite chef du Parti libéral, je me suis dit: C'est bien le même. Alors, M. Parizeau est venu, lui, nous présenter aussi son opinion, c'est formidable que nos anciens chefs et premier ministres s'intéressent à une question qui est d'actualité comme celle-là.

Alors, moi, j'aimerais ça que vous m'expliquiez, dans un premier temps, là, à nouveau, je dirais, les impacts de la déréglementation induits par le phénomène de la mondialisation qui menacent, selon vous, là, l'avenir des télévisions communautaires. Vous l'avez un peu élaboré, en accrochant en passant la Caisse de dépôt puis en disant: Ce que fait la main droite, le gouvernement... Bon, la main droite et la main gauche, mais vous savez que la Caisse de dépôt est totalement autonome du gouvernement, parce que, sans ça, ce ne serait pas gérable.

Mais, ceci étant, j'aimerais ça que vous m'expliquiez, au-delà, donc, du fait que la Caisse de dépôt est partenaire de Quebecor dans cet achat de Vidéotron, avec tous les problèmes que l'on connaît d'ailleurs actuellement, mais comment ça s'est passé et pourquoi ça s'est passé, là, les événements malheureux qu'on a connus dans le secteur de la télé communautaire depuis quelques années.

n(15 heures)n

M. Gauthier (Gérald): Vous nous demandez de faire un gros effort dans le passé, récent, mais quand même on va le faire. Bon, pour commencer, la télévision communautaire, on peut dire qu'elle a coexisté avec la câblodistribution, en ce sens que les télévisions communautaires que nous représentons, qu'on dit autonomes, n'ont pas la licence de radiodiffusion. La licence appartient aux câblodistributeurs. Et les communications, bien, ça relève du CRTC, ce qui fait qu'en 1997 il y a eu un avant-projet, puis, en 1998, la mise en vigueur d'un nouveau règlement sur la distribution de radiodiffusion fait en sorte qu'il n'y a plus, pour le câblodistributeur, d'obligation de maintenir un canal communautaire. Bon.

À partir de ça, au Québec, il y avait quand même un certain nombre de câblodistributeurs, de joueurs, dont Vidéotron, Cogeco, Vidéo Déry, Câble-Action et beaucoup d'autres, des petites coopératives. La majorité ont décidé de maintenir leur canal communautaire, parce que c'était considéré, comme ça avait été mentionné au CRTC aussi, comme étant un avantage concurrentiel par rapport à l'arrivée des autres types de distribution, les modes de distribution par satellite, notamment, ou encore par multipoints, comme Look télé. Ce qui fait que, en devenant un avantage concurrentiel, la plupart des câblodistributeurs ont décidé de maintenir un canal communautaire et de le maintenir au niveau local, parce que c'était le lien direct avec leur population et la façon d'offrir un canal qui était, en fait, le seul canal à parler des choses qui les touchent réellement dans leur municipalité, dans leur patelin, dans leur région.

Sauf que Vidéotron a eu une autre vision, s'est dit: Il faut, dans une multitude de canaux... Et je ne veux pas faire le porte-parole de Vidéotron comme tel, mais, leur vision, c'était de dire: Bien, dans une multitude de canaux, il faut que le canal communautaire devienne comme concurrentiel. Or, évidemment, pour nous, un canal communautaire, c'est comme incompatible avec la concurrence, c'est-à-dire: ça ne doit pas être un canal commercial. Et ce qu'a fait Vidéotron, à partir de 1998, c'est de fermer ou de débrancher des stations de télévision communautaire locales pour offrir son Canal Vox.

Bon. Vous connaissez pas mal la suite, parce qu'il y a eu quand même des propos, des motions unanimes ? dont Mme la ministre était ministre des Communications et de la Culture à l'époque ? qui sont venus dénoncer cet état de fait, qu'il fallait garder un réseau de télévisions communautaires fort au Québec. Mais il reste quand même qu'il s'est fermé, jusqu'à l'an passé, une douzaine de stations de télévision communautaire dans la province et, plus principalement, dans la région de la couronne montréalaise.

Il y a un moratoire parce que le CRTC a décidé, à force d'avoir de la pression, de la pression de toute la communauté québécoise, des télévisions communautaires, mais même aussi des appuis hors Québec, d'ouvrir, sans ouvrir le règlement sur la distribution, de revoir les règles de la politique relative au canal communautaire. Et, bon, il y a eu un dépôt d'un avant-projet de politique qui s'est fait quelque part l'hiver dernier. On nous a promis que la politique était pour être déposée avant le 21 juin. Et la politique n'est pas encore déposée. Ce qui fait qu'il y a comme un moratoire actuellement sur les fermetures possibles de télévisions communautaires, mais elles sont toujours en situation très précaire chez Vidéotron. Alors, c'est un peu l'historique là.

Mme Beaudoin: Très bien. C'est parce que c'est le lien avec la mondialisation, dans le fond, c'est...

M. Gauthier (Gérald): Oui, bien, c'est lié avec la mondialisation. Il faut dire que Quebecor, lorsqu'ils se sont présentés au moment de la commission parlementaire qui parlait de la concentration de la presse, a dit qu'il fallait adopter une stratégie de devenir un géant face aux autres géants. Bon. Mais de devenir un géant signifie-t-il qu'on doive fermer les autres, ce qu'on a déjà acquis ici? Est-ce qu'on doit ne plus donner droit à la communication au niveau des localités? Bon. Être plus fort, ça signifie devenir plus gros puis lier ce qui est plus petit. Bon. Voilà un peu ce qui fait qu'on croit qu'on est un peu liés face à la mondialisation.

C'est qu'un moment donné ça va être quoi? Est-ce que... Je ne sais pas, est-ce qu'il va falloir n'avoir qu'une seule télévision communautaire pour l'ensemble du Québec pour dire que c'est ça qui est la communauté et qu'on va nier, à ce moment-là, qu'il existe Chicoutimi ? bien, en fait, Chicoutimi n'existe plus ? qu'il existe Saguenay, ou la région de Montréal, la région de Québec, ou Plessisville, ou Baie-Saint-Paul ou La Malbaie, ou Thetford Mines? Est-ce que c'est ça que ça veut dire? Jusqu'où on doit accepter des choses avec la mondialisation?

Mme Beaudoin: Parce que, dans le fond, ce que vous nous dites: Ça s'est fait au nom de la mondialisation. Quand Quebecor a décidé, via Vidéotron, de faire ce qu'ils ont fait, c'est au nom donc de la mondialisation, c'est-à-dire, comme vous dites, devenir un géant, etc., donc peu importe les télévisions communautaires, on ne s'en occupe plus. C'est un peu ce que vous me dites là qui a été le raisonnement. Et ils ont substitué aux télévisions communautaires... Comme ils n'en avaient plus... il n'y avait plus de nécessité réglementaire du CRTC d'avoir ce canal communautaire, ils ont substitué à ça un Canal Vox là, c'est ça. Bon. Alors, mais c'est au nom de la mondialisation, mais ce n'est peut-être pas un effet de... Bon. Je voulais préciser ça.

Votre plaidoyer, quant à devenir un partenaire de l'Observatoire pour la diffusion, n'est pas inintéressant, très franchement. D'abord, dans un premier temps, je me suis posé la question: Mais qu'est-ce que la Fédération des télévisions communautaires du Québec vient faire dans cette commission parlementaire? Et le lien que vous avez trouvé ? je ne sais pas comment l'idée vous est venue ? mais c'est quand même une idée qu'il ne faut pas rejeter du revers de la main. C'est sûr qu'il va falloir, semble-t-il ? en tout cas, ce sera à l'Observatoire d'en décider ? mais il est certain qu'ils vont prendre en compte tout ce qui aura été dit dans cette commission parlementaire éventuellement. Il est clair que des accords avec des médias me semblent évidents là. Puisqu'ils veulent diffuser, il faut qu'il y ait donc des diffuseurs, que ce soit de la diffusion écrite ? avec un journal éventuellement ? ou donc avec des télévisions communautaires, ça se conçoit tout à fait.

Alors, ceci étant, est-ce que je vous ai bien compris: Est-ce que vous demandez ou non que ce soit inscrit dans la loi que les télévisions communautaires deviennent des partenaires, je dirais, principaux, des partenaires...

M. Gauthier (Gérald): Jamais on ne vous dira ou on ne vous demandera d'inscrire textuellement dans la loi que les télévisions communautaires soient des partenaires. S'il y avait à inscrire quelque chose cependant, on le dirait au nom des médias communautaires dans l'ensemble. Il existe des médias écrits, il existe des médias radiophoniques et des médias télévisuels. Ils ont tous un peu le même rôle, ils travaillent ensemble. Mais de l'inscrire tel quel dans la loi, je ne sais pas et je ne me permettrais pas, au nom d'une fédération, de le demander, de même qu'on n'est pas ici pour venir discuter de la mondialisation versus Pôrto Alegre ou encore avec l'ALENA, et tout ça. Nous, on est là comme diffuseurs et on veut quand même se positionner comme diffuseurs potentiels.

Mme Beaudoin: Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon et porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Messieurs, bienvenue. J'aimerais qu'on poursuive la discussion amorcée par la ministre en ce qui a trait au rôle que vous pouvez jouer, un rôle qui, d'après vos propos puis à la lecture de votre mémoire, effectivement peut être un rôle important au niveau de l'information pour les citoyens, en ce qui a trait au phénomène de la mondialisation. C'est ce que je comprends des propos que vous avez tenus.

Maintenant, je pense qu'il faut s'interroger sur le comment on peut arrimer vos interventions comme télévision communautaire ou comme média communautaire. Je pense que je préférerais utiliser la terminologie «média communautaire» parce que les médias écrits jouent, à mon avis, à cause des circonstances auxquelles vous avez fait référence tout à l'heure, dans les régions tout au moins, jouent un rôle important, puis dans nos régions plus urbaines aussi, de plus en plus. Par contre, il y a une concentration aussi qui s'est faite ? en tout cas, je vais vous parler de la région de Québec ? qui n'est pas toujours facile; on est rendu avec trois, si ce n'est pas quatre médias communautaires ou quasi communautaires. Tout le monde parle de la même chose et tout le monde veut être subventionné par les mêmes personnes. Alors, on a quand même un petit problème avec ça. Je ferme la parenthèse là-dessus.

Alors, comment le voyez-vous, votre rôle? Vous faites référence dans votre mémoire, à la page 4, au dernier paragraphe, vous faites référence au partenariat efficace qui exigera une implication financière de l'Observatoire ou du gouvernement du Québec. Vous parlez peut-être d'une formule capsule, on peut imaginer qu'il peut y avoir des entrevues, etc., mais ça présuppose aussi que vous allez avoir besoin de personnel. Ça présuppose que vous arrivez de peine et de misère, et on le reconnaît, à pouvoir diffuser. Vous êtes toujours sur la ligne de front. Souvent, vous êtes un, un et quart à faire le travail de peut-être cinq, six.

Alors, vous voyez ça comment, ce partenariat-là avec l'Observatoire? J'ai compris que vous preniez la mission diffusion d'information aux citoyens par rapport aux études qui ont été faites, aux conclusions qui auront été apportées, etc.

n(15 h 10)n

M. Gauthier (Gérald): Je vais tenter de vous répondre en vous disant que, même s'il y a un poste et quart, ou deux, qu'importe, qu'il y a des médias, il y a des télévisions communautaires où le dynamisme est beaucoup plus fort, mettons, où il y a peut-être plus d'employés, où le milieu s'implique davantage, qu'importe, ou qui réussissent à tirer leur épingle du jeu autrement.

Rien n'empêche que, quand on parle, nous, dans notre document, de coproduction, par exemple, l'information, elle est colligée, elle est... la recherche se fait au niveau de l'Observatoire. Il va y avoir aussi du personnel au niveau de cet observatoire-là, j'imagine que ça ne fonctionnera pas non plus simplement... Qu'importe comment ça va fonctionner. Mais il reste que, nous, dans les télévisions, on a des télévisions qui peuvent produire les émissions et fournir les cassettes aux autres télévisions communautaires. Voilà. Ça, ça se fait. Ça se fait régulièrement, on appelle ça des échanges d'émissions ou, en fait, des séries communes. Et, à partir de ces émissions-là, les télévisions communautaires elles-mêmes, grâce au dynamisme de leurs bénévoles qui s'intéressent à ces questions, organisent aussi des émissions genre «débat» avec la population, et on en parle davantage. On essaie d'associer ça à des problèmes plus locaux pour bien comprendre cette dynamique-là à partir du concret, du vécu des gens. Mais il y a possibilité de faire des coproductions à partir de télévisions communautaires, je pense, il y en a plusieurs. Je pense à La Malbaie, à Berthierville, je pense à Thetford Mines ? parce que je vois M. Marc Boulianne, qui est député de la région, où notre présidente est coordonnatrice à une télévision communautaire ? qui ont les moyens, qui ont la capacité de pouvoir produire des émissions pour une plus grande audience.

Mme Delisle: Ce que je comprends, par contre, c'est que vous vous attendez à avoir des budgets pour vous permettre de le faire, parce que vous êtes déjà sous-financés, là. Alors, pour que vous puissiez exercer ce rôle-là, auquel vous tenez ? et vous vous êtes quand même très bien positionnés aujourd'hui à ce niveau-là ? vous vous attendez à ce que l'Observatoire puisse vous attribuer, finalement, des fonds pour pouvoir exercer ce rôle de diffuseur à l'intérieur de la communauté. C'est ça, là?

M. Gauthier (Gérald): C'est une entente gagnant-gagnant. Nous, on ne demande pas que ce soit l'Observatoire nécessairement, ça peut se faire autrement.

Je peux faire un parallèle: Actuellement, si on prend les 31 télévisions communautaires qui ont droit à du financement via un programme qui existe au ministère de la Culture et des Communications, la moyenne monétaire que reçoit chacune de ces télévisions-là est de 11 774 $.

Mme Delisle: De combien?

M. Gauthier (Gérald): 11 774 $. Est-ce que vous croyez que... Il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui vivraient avec seulement ça et qui réussissent, avec leur équipement, à mobiliser la population ? des bénévoles ? à aller chercher dans le milieu, par des partenariats de commandite ou autrement, ce qui manque. C'est pour ça que j'ai mentionné tantôt, lors de l'allocution, que déjà nos coûts sont au minimum. Alors, on va faire déjà notre part, mais c'est certain qu'il y a certainement une part à faire ailleurs.

Mme Delisle: Je voudrais juste m'assurer que, lorsque j'ai parlé des médias communautaires de la région, ici, là, je ne voudrais pas qu'on pense que c'était une critique à l'égard de ces médias-là, mais c'était davantage pour les appuyer, finalement, dans la réalité que ces gens-là vivent. Ils sont toujours obligés de solliciter. La diffusion, finalement, il y a une qualité qui est là, mais qui malheureusement ne peut pas être diffusée à la grandeur des territoires par manque de financement. Alors, c'était surtout à ce niveau-là que je voulais sympathiser peut-être davantage avec vous et vous faire réaliser que je comprenais les arguments que vous avancez.

C'est un point de vue qui est intéressant. À mon avis, c'est le seul mémoire qui est venu nous sensibiliser, finalement, au comment on peut mieux diffuser l'information auprès des citoyens, parce que moi, ce que j'ai bien compris du dépôt du projet de loi, c'est que c'était de permettre aux citoyens d'être davantage et mieux informés à la fois du phénomène de la mondialisation, mais aussi des conséquences sur à la fois notre économie, notre vie sociale, notre vie communautaire, etc. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. Gauthier et Stevens, pour votre participation, au nom de la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec.

Nous allons suspendre pour une période de cinq minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 15)

 

(Reprise à 15 h 23)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! s'il vous plaît. La commission des institutions reprend ses travaux. Alors, nous allons maintenant accueillir le prochain groupe, la Fédération des cégeps, pour qui je demande aux représentants de bien vouloir prendre place à la table. Une délégation féminine, c'est bien.

Alors, mesdames, bienvenue à cette commission. Je vous indique que vous avez aussi une période de 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le projet de loi n° 109 et je vous prie de bien vouloir vous identifier, s'il vous plaît.

Fédération des cégeps

Mme Trudel (Louise): Alors, bonjour. Je suis Louise Trudel; je suis directrice générale du collège de Shawinigan. Et cet après-midi, je m'adresse à vous au nom de la Fédération des cégeps et de Cégep International.

Mme Foy (Évelyne): Bonjour. Je suis Évelyne Foy; je suis la directrice générale de Cégep International.

Mme Trudel (Louise): Alors, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, je tiens d'abord à vous exprimer que la Fédération des cégeps et son organisme partenaire, Cégep International, ont pris connaissance avec intérêt du projet de loi n° 109, Loi sur l'Observatoire québécois de la mondialisation.

C'est à titre de porte-parole du réseau collégial engagé dans l'internationalisation de l'éducation que nous désirons réagir de façon plus spécifique aux articles 4, 3°, 4, 5°, 6 et 21 du projet de loi, qui traitent respectivement des missions et fonctions de l'Observatoire, de son organisation et du comité scientifique qui lui sera rattaché.

La Fédération des cégeps et Cégep International accueillent avec satisfaction le projet de loi et saluent cette initiative novatrice qui permettra aux citoyennes et aux citoyens du Québec de mieux comprendre les enjeux et les effets de la mondialisation dans leur vie de tous les jours. On ne peut que souscrire au concept d'une mondialisation maîtrisée ayant pour valeur fondamentale le respect des droits de la justice et de la dignité.

Par ailleurs, la création d'un Observatoire québécois de la mondialisation viendra soutenir ce que font déjà les collèges pour encourager et favoriser l'ouverture des jeunes sur le monde.

Je vais vous présenter maintenant brièvement la Fédération des cégeps et le réseau collégial. Créée en 1969 pour promouvoir le développement de l'enseignement collégial et celui des cégeps, la Fédération des cégeps est le regroupement volontaire des 48 collèges publics du Québec: 43 francophones et 5 anglophones. Porte-parole officiel des cégeps, elle défend leurs intérêts communs et les représente pour toutes les questions qui concernent l'ensemble du réseau auprès des instances gouvernementales, des organismes du milieu de l'éducation, du monde du travail, des groupes sociaux, des médias et du grand public.

Les cégeps offrent de l'enseignement postsecondaire à quelque 150 000 jeunes sur tout le territoire du Québec par le biais de huit programmes d'études préuniversitaires et de 130 programmes d'études techniques menant à l'obtention d'un diplôme d'études collégiales, et cela, sans compter les 35 000 adultes inscrits à l'un ou l'autre des différents programmes de formation continue. De plus, 28 centres collégiaux de transfert de technologie oeuvrant dans autant de secteurs spécialisés sont rattachés à des établissements d'enseignement collégial. Ils exercent des activités de recherche appliquée, d'aide technique aux entreprises et d'information. Les cégeps sont présents partout, dans toutes les régions du Québec, et ils sont au coeur de l'activité sociale et économique de leur milieu.

Pour ce qui est à présent de Cégep International, Cégep International est la fenêtre des collèges sur le monde. Créé en 1993, c'est l'organisme dont s'est doté le réseau collégial afin de promouvoir les cégeps sur le plan international. Il informe les cégeps, suscite des échanges et des partenariats entre les 48 collèges qui en font partie et des établissements étrangers en plus de faciliter la coordination de leurs activités sur la scène internationale. Depuis 1999, Cégep International est étroitement associé à la Fédération des cégeps et, à cet égard, bénéficie de la force de tout un réseau.

Les cégeps sont actifs sur la scène internationale depuis plus de 20 ans. Ils ont participé à des centaines de projets et conclu des entente de coopération en Afrique, en Amérique latine, en Asie et en Europe. L'une des missions de Cégep International est de soutenir les collèges qui proposent leur expertise à l'étranger que ce soit à des établissements de formation, des gouvernements ou encore de entreprises. Pour y parvenir, Cégep International a développé au fil des ans tout un réseau de partenaires dont font partie des organismes tels que l'Agence canadienne de développement international, les agences des Nations unies telles que l'UNICEF et UNESCO, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Banque interaméricaine de développement et certains gouvernements étrangers. Cégep International travaille également de pair avec le ministère de l'Éducation et il intervient sur toute question internationale qui interpelle le réseau collégial. La mission internationale des cégeps étant reconnue par la loi qui les régit, les cégeps ont entre autres le pouvoir de conclure des ententes et de signer des contrats de coopération internationale.

Concrètement, pour les jeunes qui fréquentent les collèges publics, les actions de Cégep International se traduisent par des stages à l'étranger, des échanges scolaires ou encore l'accueil d'étudiants étrangers. En ce sens, Cégep International collabore avec des organismes tels que l'Office franco-québécois pour la jeunesse et l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse dont les programmes d'échanges étudiants permettent chaque année à un grand nombre d'étudiantes et d'étudiants de parfaire leurs études ou encore de profiter d'expérience de travail à l'étranger.

Beaucoup reste à faire cependant. Le réseau collégial demeure le parent pauvre de l'accueil d'étudiants étrangers de même que trop peu d'étudiants québécois profitent de stages d'étude ou de travail dans d'autres pays. Les efforts fournis jusqu'à ce jour par les collèges pour s'adapter à la réalité de la mondialisation et répondre de façon adéquate et satisfaisante aux attentes des étudiants devront, à cet égard, trouver écho dans le financement de la part de l'État. La mobilité des étudiants de niveau collégial pourrait en effet être encouragée par la création d'un programme de bourses pour des stages de courte durée.

n(15 h 30)n

Dans les cégeps, l'internationalisation de la formation se vit également par le projet Éducation dans une perspective mondiale et citoyenne plus couramment connue, EPMC, qui, implanté depuis 1995, a pour but de former des citoyennes et des citoyens responsables et critiques, conscients de l'interdépendance mondiale et prêts à s'engager dans leur communauté. Par le biais d'activités pédagogiques et parascolaires, les jeunes sont ainsi sensibilisés entre autres aux enjeux liés à la démocratie, à la pluralité, à la protection de l'environnement et à la justice internationale. Ainsi, les cégeps contribuent à la formation de jeunes ayant les compétences nécessaires pour intégrer une société de plus en plus mondialisée et à qui on doit inculquer cette base de connaissances générales leur permettant de s'ouvrir à la diversité et aux dimensions internationales.

Ce qui m'amène à vous présenter nos recommandations. La première. En conséquence et compte tenu de l'expertise des partenariats développés au niveau international par Cégep International et de l'engagement de tout le réseau collégial dans l'internationalisation de la formation, nous souhaitons d'emblée compter parmi les partenaires de l'Observatoire québécois de la mondialisation.

Par ailleurs, l'un des objectifs poursuivis par la création de l'Observatoire, tels que stipulés à l'article 4.3 du projet de loi n° 109, est d'assurer la valorisation des informations, la diffusion de ses travaux et de mettre en oeuvre, dans les diverses régions du Québec, des activités de sensibilisation et d'éducation. En clair, comme l'a déclaré la ministre d'État aux Relations internationales, Mme Louise Beaudoin, lors de son intervention devant le Conseil des relations internationales de Montréal en juin dernier, ce que souhaite le gouvernement par la mise sur pied de l'Observatoire, c'est de favoriser le dialogue, le débat, c'est de créer des passerelles.

Deuxième recommandation. En conséquence et compte tenu de l'expérience des collèges en ce domaine, la Fédération des cégeps et Cégep International souhaitent participer à la diffusion et à la réalisation des activités menées par l'Observatoire. En effet, présents dans toutes les régions du Québec, les cégeps peuvent s'avérer d'importants lieux de diffusion des résultats des travaux menés par l'Observatoire. Des moyens novateurs d'information pourront alors être envisagés: documents multimédias, écrits, sites Web, conférences auxquels pourront avoir accès les étudiants dans le cadre d'activités pédagogiques ou encore d'activités de sensibilisation tenues dans les cégeps. À cet égard, nous offrons à l'Observatoire notre entière collaboration quant à l'élaboration de moyens et d'activités de diffusion dont les paramètres resteront à définir, à mettre en place dans les cégeps.

Cet engagement dans l'internationalisation de l'éducation et cette ouverture sur le monde n'en cachent pas moins une forte préoccupation quant au sort réservé à l'éducation publique dans le cadre des négociations de l'OMC, particulièrement celles devant mener à la ZLEA. D'ores et déjà, plusieurs pays ont accepté, dans diverses mesures, de livrer les services d'éducation publique à la concurrence étrangère. Or, le projet de loi présenté par la ministre prévoit la composition d'un conseil d'administration sur lequel siégeront des personnes issues des milieux syndicaux, patronaux, associatifs et communautaires, de la recherche, et enfin quatre personnes issues des domaines particulièrement concernés par la mondialisation.

Nous désirons rappeler aux membres de cette commission l'enjeu majeur que constitue l'éducation dans les négociations entourant la conclusion d'ententes sur le commerce international. Déjà, le milieu de l'éducation québécois participe aux discussions entourant l'élaboration d'une position canadienne dans le cadre des négociations sur l'Accord général sur le commerce et les services qui englobent le secteur de l'éducation. En ce sens, il faut sans contredit faire une place au milieu de l'enseignement supérieur dans la composition du conseil d'administration appelé à administrer les affaires de l'Observatoire. Le réseau collégial, grâce à son expertise internationale et à la place qu'il occupe sur l'échiquier jeunesse et à sa présence dans toutes les régions du Québec, s'impose comme un acteur privilégié et un partenaire tout indiqué de l'Observatoire québécois de la mondialisation.

En troisième recommandation. En conséquence et compte tenu des préoccupations des collèges quant à l'internationalisation de l'éducation et aux négociations entourant la place de l'éducation dans le cadre des ententes de libre-échange, notamment la ZLEA, nous recommandons de réserver un siège au réseau collégial sur le conseil d'administration de l'Observatoire québécois de la mondialisation.

Enfin, la Fédération des cégeps et Cégep international souhaitent attirer l'attention des membres de la commission sur l'article 4.5 traitant de la mission et des fonctions de l'Observatoire. Il y est question de la collaboration de l'Observatoire avec les organismes de recherche dont les institutions universitaires et les centres de recherche. Or, il n'y est nullement mention des collèges qui, pourtant, disposent d'un personnel scientifique hautement qualifié détenteur de maîtrises et de doctorats. D'ailleurs, l'excellence des travaux de recherche menés par les chercheurs de collège est reconnu aussi bien par la politique québécoise de la science et de l'innovation que par les différents organismes québécois de la recherche.

En quatrième recommandation. En conséquence et compte tenu de l'expertise des collèges en recherche, les cégeps souhaitent que l'Observatoire québécois de la mondialisation fasse appel aux chercheurs du réseau collégial.

À titre de conclusion. Les cégeps se soucient de la dimension internationale depuis fort longtemps. Définitivement engagés dans l'internationalisation de la formation et l'éducation de citoyennes et de citoyens du monde, les cégeps s'ouvrent aux cinq continents par, entre autres moyens, la généralisation de l'enseignement des langues et l'intégration de la dimension internationale dans les programmes d'études. Les cégeps ont de plus créé leur propre organisme de promotion sur le plan international, Cégep International. Il faudra donc compter sur le réseau collégial, véritable carrefour de la jeunesse et des jeunes adultes de toutes les régions du Québec, qui, sans aucun doute, constitue un acteur tout indiqué pour devenir un véritable partenaire de l'Observatoire québécois de la mondialisation. Une participation active du réseau collégial au sein de l'Observatoire lui permettra de poursuivre sa mission déjà bien entamée de formation de citoyennes et de citoyens du monde.

Par ailleurs, la création de l'Observatoire québécois de la mondialisation témoigne de la volonté du gouvernement du Québec de mieux saisir l'effet de la mondialisation sur la société québécoise. Nous souhaitons que cette volonté se traduise aussi par un ensemble de mesures destinées à favoriser l'ouverture sur le monde de la société québécoise, et en particulier de la jeunesse, par des appuis concrets à des programmes et organismes favorisant l'internationalisation de l'éducation et la mobilité de la jeunesse québécoise.

Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, je vous remercie de m'avoir écoutée, et Mme Foy et moi-même sommes maintenant prêtes à répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, mesdames. Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, merci, M. le Président. Mesdames, bonjour et bienvenue à cette commission parlementaire. Nous sommes très heureux de vous accueillir. J'aurais, moi, un commentaire et puis, peut-être, je vous demanderais quelques précisions. Une première précision concerne la page 4 de votre mémoire quand vous dites: «Dans les cégeps, l'internationalisation de la formation se vit également par le projet Éducation dans une perspective mondiale et citoyenne qui, implanté depuis 1995, a pour but de former des citoyennes et des citoyens responsables et critiques.»

Est-ce que je peux vous demander c'est quoi, ce programme-là? Puis est-ce que c'est dans tous les cégeps? À quoi ça sert? Est-ce que c'est dans le curriculum? Bon. Voilà. C'est parce que ça semble très intéressant, mais...

Mme Foy (Évelyne): C'est très intéressant, effectivement. On pourra d'ailleurs vous envoyer, d'ici quelques semaines, une publication qu'on est en train de faire sur les initiatives qui ont été menées dans une quinzaine de cégeps, je dirais. Malheureusement, ce n'est pas tout le réseau. C'est un projet qu'on a mené avec de très petits moyens, projet expérimental, je dirais, qui avait pour but de voir comment on pouvait intégrer une dimension réflexion, critique sur l'aspect international à l'intérieur des programmes d'études existants. Ça n'avait pas pour but de créer de nouveaux cours mais d'influer, de mettre une dimension internationale dans différents programmes. Je vous donne des exemples. Je peux dire «les femmes», parce que c'est presque majoritairement des femmes qui enseignent dans les programmes de sciences infirmières au cégep de Saint-Hyacinthe, par exemple. Les responsables du programme de sciences infirmières ont essayé de voir, à l'intérieur de chacun des cours du programme, comment ils pouvaient se poser des questions sur le monde actuel, comment une infirmière qui va travailler, que ce soit à Saint-Hyacinthe, à Montréal, à Québec, n'importe où, aujourd'hui est confrontée à des différences culturelles, par exemple, à des approches différentes par rapport au corps, par rapport aux soins médicaux. C'est un exemple.

Dans un autre cégep, par exemple à Rosemont, c'est dans un programme des sciences de la nature qu'on a essayé de voir comment se vivait la mondialisation, quels étaient les programmes. Donc, ça a été des expériences très concrètes menées par des professeurs, sur une base très volontaire. On aimerait beaucoup pouvoir généraliser cette approche et on en discute d'ailleurs avec le ministère de l'Éducation pour pouvoir généraliser. Ça a été un projet-pilote mené par des personnes très convaincues de l'importance de cette dimension dans l'éducation.

Mme Beaudoin: Très bien. C'est, en effet, très intéressant. Je n'avais pas idée que, justement, à l'intérieur de certains cours dans certains cégeps, il y avait l'inclusion, donc, de cette dimension. Parce que vous terminez en effet en disant ? et je ne peux qu'y souscrire ? que ce que vous voulez, c'est former des citoyens et des citoyennes du monde. Voilà. Très bien dit.

Mme Foy (Évelyne): A-t-on le choix?

Mme Beaudoin: Non, je ne crois pas mais, enfin, de le savoir, d'en être conscients et de faire ce qu'il faut pour ça, ça compte, je crois, parce que, nous aussi, avec l'Observatoire ? vous l'avez vu ? l'objectif ultime, c'est vraiment de faire en sorte que les Québécois soient des citoyens bien informés et qu'ils puissent exercer, comme vous le dites pour vos jeunes, leur esprit critique par rapport à la mondialisation et que la démocratie, bien, ça commence par la connaissance et le savoir quand on veut l'exercer pleinement, disons. Alors, je pense qu'on va dans le même sens et que les objectifs sont les mêmes.

n(15 h 40)n

Vous dites donc que vous voudriez compter parmi les partenaires de l'Observatoire. Ça me semble évident, d'autant que vous soulignez bien que vous êtes présents, en effet, dans toutes les régions du Québec et que, dans le projet de loi, au point 4.3, il est dit: «...assure la valorisation des informations, la diffusion de ses travaux et met en oeuvre, dans les diverses régions du Québec, des activités de sensibilisation et d'éducation.» On y tient, que le débat déborde partout au Québec et ne soit pas concentré que dans les deux grandes villes, disons, et il est sûr que l'Observatoire va se chercher des partenaires dans ces différentes régions. Alors, ça peut être le CLD à certains moments ou ça peut être des organismes régionaux de ce type-là. Mais les cégeps sont, on le sait, partout. Il n'y a peut-être pas d'université dans toutes, toutes, toutes les régions, mais, en tout cas, il y a des cégeps dans toutes les régions, et donc, ça devient des pôles, à ce moment-là, de diffusion. Alors moi, ça me semble une très, très bonne idée.

Maintenant, les vraies questions concernent quelque chose qui me tracasse aussi, qui me préoccupe. Certains organismes qui sont venus devant nous, la Fédération des professeurs d'université et la Fédération des étudiants aussi nous en ont parlé, puis vous en faites état quand vous dites en page 5: «L'éducation, un secteur prioritaire.» Vous dites: «D'ores et déjà, plusieurs pays ont accepté, dans diverses mesures, de livrer les services d'éducation publique à la concurrence étrangère.» J'aimerais que vous m'expliquiez ça un peu mieux parce que c'est préoccupant.

Et vous dites aussi: «Nous désirons rappeler aux membres de cette commission l'enjeu majeur que constitue l'éducation.» Et là vous dites, vous ajoutez: «Le milieu de l'éducation québécois participe aux discussions entourant l'élaboration d'une position canadienne dans le cas des AGCS qui englobent le secteur de l'éducation.» Ça fait que j'aimerais ça, là aussi, que vous m'expliquiez comment ça fonctionne, puis vers quoi ça s'en va, cette position du gouvernement canadien ou cette position, disons, canadienne.

Mme Foy (Évelyne): D'abord, sur la question des pays, les débats ont lieu à l'intérieur de certains comités au sein de l'OMC. Il y a des pays, tels la Nouvelle-Zélande, l'Australie, les États-Unis, bien sûr, qui souhaitent que l'éducation soit mise sur la table des négociations comme on négocie n'importe quoi dans le domaine du commerce. Il y a des pays comme le Canada, comme la France, des pays où les systèmes d'éducation publique sont forts, qui résistent à cette tendance-là.

Donc, à ma connaissance, dans les documents, au fil des consultations et des réunions auxquelles j'ai pu assister, ce sont ceux qui me viennent en tête: Nouvelle-Zélande, Australie, États-Unis, qui souhaiteraient que l'éducation soit mise sur la table. La dernière rencontre de négociations a eu lieu à Doha, au mois de février dernier. On n'a pas abordé la question de l'éducation encore, mais ça viendra.

Où se font les discussions au niveau québécois? Moi, j'ai eu l'occasion d'assister à quelques rencontres de comités à l'invitation du ministère de l'Éducation du Québec qui siège sur des comités au sein du Conseil des ministres de l'éducation du Canada. Donc, eux nous relaient les informations, nous relaient les documents de négociations que prépare le Canada, et le Canada, bien sûr, dans son ensemble tient un discours pour une fois assez uniforme sur la priorité de l'éducation comme publique et qu'on ne négocie pas tout, qu'on a le droit d'avoir nos systèmes d'éducation publique.

Comment on participe à ces rencontres-là? Il y a le ministère de l'Éducation qui, nous, est notre partenaire privilégié, qui nous invite à des rencontres, qui nous consulte sur certains documents. Il y a le ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec aussi qui participe à ces négociations-là. Donc, ils informent autant le milieu universitaire, que le milieu collégial, que les différents intervenants québécois en matière d'éducation sur les positions qui sont véhiculées tant par les provinces canadiennes que par le groupe québécois, et aussi ce que disent les autres pays. C'est de cette manière-là qu'on connaît, qu'on suit le débat.

Mme Beaudoin: M. le Président, oui. Mais dites-moi quelles sont, à votre point de vue, quelles seraient les conséquences d'une libéralisation du secteur de l'éducation, de sa marchandisation, comme vous dites, comme les chaussures ou comme d'autres biens de production? Quelles en seraient, à votre point de vue puis à votre niveau, quelles en seraient les conséquences, si ça arrivait?

Mme Foy (Évelyne): Je ne suis pas une spécialiste de pointe de cette question-là, mais ce qu'on peut imaginer, c'est que, par exemple, une université américaine ou un collège américain ou un collège anglais pourrait venir s'installer à Montréal et offrir des cours, offrir des programmes. Ce serait un choc violent entre deux systèmes d'éducation, je dirais.

Je ne dis pas que tout doit être fermé, les moyens de formation à distance sont merveilleux, ils nous permettent d'ouvrir des frontières. Moi, je suis tout à fait d'accord pour pouvoir suivre des cours qui viennent de Harvard, sur Internet, ou des choses comme ça. Mais il y a de préserver un système public d'éducation qui est une valeur à laquelle on tient, comme on tient à préserver un système de santé publique. Je pense que l'éducation, il y a un fondement là important et qu'on ne veut pas que ce ne soit que du commerce. L'éducation n'est pas un bien commercial, à notre avis. Quel effet ça aurait? Est-ce qu'on a mesuré au sein du comité? Je ne sais pas. Mais quel effet ça aurait? Ce serait sûrement... Il y a déjà des universités américaines qui ont voulu offrir des programmes ici, et les universités québécoises ont réagi de manière assez forte pour éviter que ça ne se fasse. Comment on préserve son système tout en restant ouvert à d'autres influences, il y a là tout un débat. C'est pour ça qu'on dit que c'est important d'en discuter au sein de l'Observatoire parce que ça touche des valeurs et des aspects de la vie qui touchent tous les Québécois.

Mme Beaudoin: Oui, je pense que c'est très intéressant ce que vous dites, parce que, juste avant vous, je ne sais pas si vous étiez là, mais Pierre Curzi et Mme Vachon nous ont expliqué, concernant la culture, ce qui en était. Alors, il est clair qu'on connaît exactement, enfin, on peut imaginer les conséquences exactes d'une libéralisation du secteur culturel. Ça veut dire le démantèlement de toutes les politiques culturelles québécoises, c'est-à-dire le Conseil des arts et des lettres n'existe plus parce qu'il donne des subventions, la SODEC, la même chose, tous ces quotas qui sont canadiens en fait, d'ailleurs, de chansons francophones, des choses comme ça, tout ça serait démantelé. Alors que... Pour l'éducation, c'est vrai.

Alors, j'ai posé la question à chacun des intervenants du secteur de l'éducation. Ce qu'on semble nous dire, c'est qu'une des conséquences, un des problèmes, ce serait que, si ça se passait comme vous le dites, l'université américaine vient, etc., compte tenu du traitement national, le gouvernement du Québec serait obligé, si ces universités-là le demandaient, de les subventionner au même titre que les collèges et les universités québécoises. Donc, c'est à vérifier, mais c'est ce que les étudiants nous ont dit, en tout cas, avoir fait une première étude. Ils l'ont déposée devant nous.

Alors, c'est intéressant parce que... C'est pour ça que je disais tout à l'heure à la Coalition sur la diversité culturelle: On est plus ou moins avancés dans certains secteurs. Il y en a comme celui de la culture qui est exemplaire à cet égard. En effet, il montre la voie de ce qu'on devrait faire puis il montre la voie des consensus aussi, hein? Parce que je crois qu'il y a une espèce de consensus général dans la société québécoise sur cette question de la diversité culturelle. Alors, maintenant, concernant l'éducation, il va falloir que le milieu se mobilise, j'imagine, sur ses acquis ou sur ce à quoi il tient en tout cas, parce qu'il y a un équilibre, comme vous le dites si bien, déjà entre l'ouverture et puis, disons, la protection d'un système. L'ouverture, ça vient par Internet de toute façon, bon. Et cette protection d'un système public, est-ce qu'on y tient? Comme collectivité, est-ce qu'on tient à ça? C'est intéressant parce que c'est toutes des questions qu'il va falloir qu'on se pose là étant donné que les budgets du gouvernement sont ce qu'ils sont. On sait très bien que 40 % du budget du gouvernement du Québec va à la santé, 25 % à l'éducation, ça veut dire pas grand-chose pour les autres. Bon.

Alors, qu'est-ce qu'on veut protéger, qu'est-ce qu'on veut privatiser, qu'est-ce que, bon? Alors, je vous relance la balle là-dessus mais, en effet, je crois que l'Observatoire pourra être très utile à cet égard pour vous définir une position québécoise qui sera ou non consensuelle mais qui devra se raffiner là. Parce qu'on voit quelques pistes, on voit un peu comment ça pourrait évoluer. Mais ce n'est pas substantivé, tout ça, là, hein? Ça reste encore un peu nébuleux.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Frontenac, rapidement.

M. Boulianne: Oui, merci, M. le Président. Alors, bienvenue, mesdames. Vous avez parlé, Mme Trudel, de l'importance des cégeps dans les régions, puis vous avez raison là-dessus. Surtout lorsqu'on n'a pas d'université, je pense que ça joue un rôle majeur, c'est des institutions supérieures.

Vous demandez que l'Observatoire fasse appel à vos chercheurs. Comme l'Université Laval tout à l'heure nous l'ont demandé et ils sont allés très loin. Semble-t-il que, si on n'organise pas tout un système de recherche... Mais on n'est pas sensibilisés beaucoup à la recherche dans les collèges. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur le type de recherche ? à part les CCTT ? quelle sorte de recherche on pourrait y avoir?

Mme Trudel (Louise): ...plusieurs projets de recherche au niveau collégial. On dénombre actuellement, je pense, c'est 100 ou 125. On a notre...

Mme Foy (Évelyne): On a une spécialiste avec nous qui est dans la salle.

Mme Trudel (Louise): On a une spécialiste ici, de la recherche au niveau du collège.

Mme Arnaud (Dominique): À peu près 130 projets de recherche qui sont subventionnés par un des grands organismes, des grands fonds de recherche du Québec. Actuellement...

Le Président (M. Lachance): Excusez-moi, madame.

Mme Beaudoin: Venez donc vous asseoir.

n(15 h 50)n

Le Président (M. Lachance): Oui, vous pouvez vous asseoir à la table, il n'y a as de problème. En vous identifiant.

Mme Arnaud (Dominique): Bonjour, je suis Dominique Arnaud, de la Fédération des cégeps. C'est ça; actuellement, on dénombre environ 130 projets qui regroupent évidemment plusieurs chercheurs de collège, dans tous les domaines de la recherche, que ce soit au niveau... aussi bien au niveau des sciences humaines, que des sciences sociales, que de l'art, que de la culture, que de la biologie et que de la santé, etc. Donc, il y a un potentiel de recherche qui est très fort. Les gens travaillent, les chercheurs de collège travaillent aussi beaucoup avec les universités, dans des projets conjoints. Mais simplement, on n'a pas toujours le réflexe de penser, comme vous l'avez dit, aux chercheurs des collèges, alors que ça fait partie de notre mission de plus en plus aussi. C'est pour ça qu'on trouvait important de le signaler et de vous dire: Bon, nous aussi, on est là et on peut participer; on a le potentiel de recherche pour participer à des projets de recherche avec l'Observatoire.

M. Boulianne: Parce que ? est-ce que je peux? ? même quand on parle d'un CCTT ? d'ailleurs, il y en a eu quelques-uns qui ont été annoncés récemment...

Mme Arnaud (Dominique): Oui, il y en a eu cinq.

M. Boulianne: ...dans mon collège, le Collège de la région de l'Amiante, un centre de recherche en oléochimie ? on n'a pas le réflexe de penser que c'est une recherche qui va se faire, approfondie, puis on a... Puis je pense que c'est ça qui est important. C'est vraiment des centres de recherche.

Mme Arnaud (Dominique): Exactement.

Mme Trudel (Louise): Si vous permettez, je pourrais compléter en disant: C'est qu'il a été un bon nombre d'années où on n'a pas considéré tout à fait le réseau collégial comme un réseau à l'enseignement supérieur. On le considérait plutôt comme un réseau entre deux, ne trouvant pas trop à quelle place l'accrocher, de l'ordre secondaire, de l'ordre universitaire. Il m'apparaît maintenant, depuis quelque temps, beaucoup plus clair que le réseau collégial est un réseau d'enseignement supérieur de première étape pour ceux qui se destinent à des études universitaires et d'étape importante pour ceux qui se destinent au marché du travail. Et la beauté de ce système évidemment, comme vous le savez tous, c'est qu'il n'empêche nullement la poursuite aux études universitaires par la suite; ce qui nous caractérise fortement au niveau de nos études techniques.

Donc, la recherche qui se fait de façon appliquée se fait avec des personnes, des professeurs de collège qui ont des compétences de maîtrise et de doctorat. Et je peux en parler de façon assez évidente, puisque, dans le collège où je suis, il y a un centre collégial aussi, de transfert technologique au niveau des technologies membranaires et de l'environnement. Donc, je peux attester du niveau de qualification des chercheurs. Et il n'y a pas que des chercheurs québécois d'origine, il y a aussi des chercheurs qui nous viennent de l'étranger, qui participent à ces recherches et qui font partie du réseau collégial aussi. Donc, le fait de greffer le réseau collégial un peu plus vers l'enseignement supérieur ajoute à la façon de voir la recherche au collégial comme une recherche de très grande qualité, comparable à la recherche universitaire.

Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci. Alors, bienvenue, mesdames. Je veux continuer de questionner sur la composition du conseil d'administration. Vous avez fait référence, dans votre mémoire... Il y a une recommandation en fait qui se lit comme suit: «Nous recommandons de réserver un siège au réseau collégial sur le conseil d'administration de l'Observatoire québécois de la mondialisation.» Vous avez, de façon très convaincante, je pense, relayé le fait que le réseau collégial est maintenant considéré comme faisant partie du réseau d'enseignement supérieur. Puis je fais une proposition, mais, en fait, on n'est pas à l'étape des propositions, mais je voudrais vous demander de quelle manière vous recevriez cette proposition-ci.

Dans... Excusez-moi, je n'ai pas le bon article. Dans la composition, donc, la section III, intitulée Organisation, c'est l'article 6, on parle évidemment de la composition du conseil d'administration, des personnes qui sont issues de divers milieux. On fait référence au milieu de recherche ? attendez un petit peu, je le cherche, je m'excuse là ? sur le milieu universitaire. Alors moi, je vous demanderais... Ah! non, c'est dans mon article 4. Je m'excuse, j'avais raison.

L'article 4, cinquième alinéa. Je m'excuse, la journée a été longue. Donc: «...collabore au Québec et à l'extérieur avec des organismes intéressés par la mondialisation, notamment avec les institutions universitaires et les centres de recherche.» Si on changeait «institutions universitaires» pour «institutions d'enseignement supérieur», à ce niveau-là, est-ce que c'est quelque chose qui vous... Vous sentez-vous inclus? Bon. Remarquez que ça ne touche pas le conseil d'administration, mais, déjà, vous devenez partenaires.

Pour ce qui est de la composition comme telle, évidemment, on ne fait pas référence au milieu universitaire, quoique il y a des gens qui sont venus nous demander explicitement d'inclure dans le conseil d'administration non seulement la préoccupation, mais quelqu'un qui serait là pour représenter le milieu universitaire. Si toutefois on incluait davantage de personnes ? je n'en fais pas nécessairement la proposition, mais je voudrais au moins avoir une réponse là-dessus ? est-ce qu'on pourrait aussi parler d'un représentant des institutions d'enseignement supérieur? Autrement dit, si c'était quelqu'un du milieu des cégeps qui était désigné, est-ce que les universitaires se sentiraient lésés? Et, si c'était quelqu'un du milieu des universités, vous sentiriez-vous bien représentés par ces gens-là? Parce que, en fait, les gens qui vont siéger au conseil d'administration ne sont pas censés tirer la couverte de leur bord. Alors, je vous pose cette question-là, et je vais tout de suite vous poser la question suivante.

Vous avez fait référence dans votre mémoire, à la page 6... Vous intitulez votre paragraphe L'éducation, un secteur prioritaire. Vous nous avez fait mention que, déjà, le milieu de l'éducation québécois participe aux discussions entourant l'élaboration d'une position canadienne dans le cadre des négociations sur l'Accord général sur le commerce et les services, qui englobe le secteur de l'éducation. Il y a quelques personnes... Il n'y en a pas beaucoup qui l'ont soulevé, mais il y a quelques personnes qui ont soulevé le fait qu'il n'y avait pas de représentant canadien ? peu importe que ce soit quelqu'un de quelque ministère que ce soit, ça peut être un fonctionnaire ou un représentant ? quelqu'un qui peut diffuser de l'information à l'Observatoire québécois de la mondialisation. Je vous demande si c'est quelque chose qui vous apparaîtrait utile dans la bonne marche des choses au niveau de l'Observatoire, d'avoir quelqu'un représentant le gouvernement fédéral ? je ne sais pas à quel titre ? ou non. Mais je ne veux pas partir de guerre ici, là. Vous n'êtes pas obligées de regarder la ministre, là; vous pouvez me répondre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Mais on n'a pas fait de boutons quand on a lu ça, personne, mais moi, ça m'a surprise de réaliser qu'on participait, je dois le dire, là, ça m'a surprise de réaliser qu'on participait à ces discussions-là, donc qu'on recevait de l'information. Si l'Observatoire est un lieu pour colliger de l'information, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir aussi, soit à titre d'observateur, soit... Je ne lui cherche pas une place nécessairement, mais si c'est important à ce niveau-là, ça va certainement l'être pour la bonne marche de l'Observatoire. Je ne veux pas faire un débat politique; ce n'est pas ça que je cherche du tout, là.

Mme Foy (Évelyne): Il y a plusieurs aspects dans votre question. Je vais répondre à deux, si vous permettez. Mes collègues pourront...

Mme Delisle: Oui.

Mme Foy (Évelyne): Bon, sur la question, je pense... Si on pouvait être plus spécifiques sur... Je vais laisser mes collègues répondre sur la question des niveaux de l'enseignement supérieur. Mais une chose qui me semblerait particulièrement importante, quand vous dites «quatre personnes issues des domaines particulièrement concernés par la mondialisation», moi, je pense que l'éducation doit être un secteur reconnu comme étant un secteur particulièrement concerné par la mondialisation. Ça, ce sera un premier point de gagné si l'éducation apparaissait nommément dans les secteurs concernés. Quant à la répartition, on peut discuter de voir comment ça se fera.

Quant à l'autre question, je dirais: À mon avis, l'Observatoire sera un observatoire québécois qui ira puiser là où l'information se trouvera, que ce soit au Canada, que ce soit en France. Il y a des observatoires semblables qui existent en France, par exemple. Ce sera un observatoire en lien avec le monde. Je pense que sa composition devrait d'abord être québécoise. C'est ma position très personnelle. Mais aller chercher l'information, aller discuter avec des collègues ailleurs, au fédéral ou dans d'autres provinces, ça s'imposera sûrement.

n(16 heures)n

Mme Delisle: Mais juste, si vous me permettez, avant de céder à nouveau la parole, c'est que vous sembliez dire que les discussions avaient cours et que l'information circulait ? moi, c'est peut-être davantage ce sur quoi j'ai accroché de façon peut-être positive ? mais qu'il y avait quand même une information à l'intérieur de vos comités de réflexion ou de discussion à partir, probablement, d'autres discussions qui émanent à partir du fédéral. Comme je vous dis, je ne cherche pas à faire un débat politique, là, je veux être réaliste. Est-ce qu'on ne devrait pas, à tout le moins, suggérer qu'il y ait quelqu'un qui puisse nous informer sur ce qui se passe? Parce que, depuis le début de cette commission-là, ce qu'on dit c'est que tout se fait derrière des portes closes, et c'est totalement vrai. Si on veut amener l'information vers nous et ensuite vers le citoyen, si quelqu'un a de l'information du côté du gouvernement fédéral, il me semble qu'on devrait certainement prévoir ? peu importe où et comment et à quel titre ? mais est-ce qu'on doit totalement exclure ces personnes-là plutôt de les inclure là où ce sera nécessaire?

Mme Trudel (Louise): À tout le moins là-dessus, je pense qu'il faut maintenir des liens ou trouver des mécanismes, là, mais n'étant pas experte à ce niveau-là, je pense que, oui, il faut avoir des mécanismes qui nous permettent de savoir ce qui se passe sur la scène canadienne. Maintenant quels sont-ils? Bon.

Mme Foy (Évelyne): Si je peux simplement vous préciser les canaux par lesquels, nous, on reçoit de l'information, c'est à travers le ministère de l'Éducation du Québec qui, gentiment ? ça a été d'ailleurs une très bonne initiative de leur part ? avec le ministère de l'Industrie et du Commerce. Ils nous transmettent les documents qui sont discutés au sein du conseil des ministres de l'Éducation de toutes les provinces ? le conseil des ministres de l'Éducation, donc, l'information. Eux amènent des positions québécoises. Il y a des discussions là-bas, il y a des gens qui travaillent là-dessus à tous les jours, là, sur l'élaboration d'une position canadienne et nous apportent ces documents-là. Ils nous apportent les positions des autres pays. Donc, nous, c'est comme ça qu'on est informé.

Et on a un souci de répercuter l'information. Par exemple, dans deux semaines, on a un colloque à Shawinigan, justement, qui est l'événement annuel de Cégep International où on aborde différentes questions qui nous touchent, et on demande à quelqu'un du ministère de l'Éducation justement de venir présenter quel est l'état de la question sur les négociations touchant l'éducation au sein de l'OMC.

Mme Delisle: Parfait. Ça va.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, mesdames, pour votre... Oui?

Mme Trudel (Louise): Est-ce que je pourrais juste...

Le Président (M. Lachance): Pour compléter.

Mme Trudel (Louise): ...peut-être sur la question des établissements d'enseignement supérieur, la représentation au niveau du conseil d'administration. Disons que, oui, ça pourrait être une piste intéressante, mais je vous inviterais quand même à quelques réflexions à cet effet-là. Les liens entre les collèges et les universités sont là, ils sont présents. Il y a des organismes comme le comité de liaison, l'Enseignement supérieur, on retrouve des organismes du collégial et des organismes universitaires. Par contre, ils sont souvent dans la filiale collège, côté préuniversitaire et université, O.K.? Il ne faut pas oublier qu'au collège il y a toute la filiale de formation technique, O.K.? qui est un lieu privilégié pour former de jeunes ou moins jeunes travailleurs qui devraient être habilités à travailler, eux aussi, dans un environnement mondialisé et que, très souvent, ils ne poursuivent pas aux études universitaires. Donc, il faut garder cette préoccupation-là. Peut-être qu'un processus en alternance à partir d'un groupe qui doit se concerter sur la représentation, assurer l'alternance des niveaux d'enseignement supérieur au conseil d'administration d'un observatoire serait peut-être une garantie de travailler avec l'ensemble des préoccupations des jeunes Québécois et Québécoises.

Le Président (M. Lachance): Merci, madame, pour votre présence ici aujourd'hui et votre participation aux travaux de cette commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Et j'invite tout de suite les représentants du Centre de recherche...

Mme Beaudoin: Non.

Le Président (M. Lachance): Non, du Chantier de l'économie sociale ? Mme la ministre, vous suivez bien ? les représentants du Chantier de l'économie sociale à prendre place pour la suite de nos travaux.

Bonjour et bienvenue, mesdames, monsieur. J'invite le porte-parole ou la porte-parole à s'identifier et nous présenter les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez également 15 minutes de présentation à votre disposition.

Chantier de l'économie sociale

M. Robitaille (Jean): Parfait. Je vous remercie. Je suis Jean Robitaille. Je suis responsable des communications au Chantier de l'économie sociale. Je suis accompagné de Mme Anne-Marie Brunelle qui est vice-présidente du conseil d'administration du Chantier de l'économie sociale et de Geneviève Huot qui est également chargée de projet au Chantier, responsable notamment des relations internationales... du dossier des relations internationales.

Écoutez, d'entrée de jeu, on veut d'abord souligner, saluer cette initiative visant à créer l'Observatoire de la mondialisation. Je pense que le gouvernement du Québec a dû, un peu comme nous, au Chantier, être manifestement sollicité dans plusieurs endroits, dans plusieurs lieux, dans plusieurs espaces de diffusion, au cours des dernières années, pour participer à des réflexions sur la mondialisation. Je dois vous avouer que, chez nous, ça a même été une surprise. Le Chantier étant une organisation jeune, le Chantier de l'économie sociale est issu d'un groupe de travail ? je vous le rappelle ? créé au moment du Sommet sur l'économie et l'emploi en 1996. Mais le Chantier de l'économie sociale est devenu, en 1999, une structure autonome, donc structure de la société civile représentant l'ensemble des réseaux d'entrepreneuriat collectif au Québec, des réseaux, autant du mouvement associatif, des entreprises d'économie sociale. On peut penser à des camps de vacances, comme organismes à but non lucratif, aux centres de la petite enfance, aux réseaux qui oeuvrent dans l'environnement. ainsi de suite. On dénombre, au Québec, plus de 6 000 entreprises d'économie sociale, soit coopératives ou organismes à but non lucratif. Donc, le Chantier, en 1999, est devenu une organisation autonome représentant l'ensemble de ces réseaux de promoteurs d'entreprises d'économie sociale, également les réseaux qui sont des partenaires du développement de l'économie sociale au Québec. Je pense, à ce moment-là, à l'ensemble des réseaux qui oeuvrent au niveau du développement local, ainsi que les grandes composantes de la société civile que sont le mouvement syndical, le mouvement coopératif et les grands mouvements sociaux, mouvements des femmes, organisations communautaires, ainsi de suite.

Donc, au cours des dernières années, le Chantier a été actif de par notre mission dans le support au développement de l'économie sociale ici, au Québec, actif au niveau de la représentation, de la concertation. Mais je dois vous avouer que, au cours des deux, trois dernières années, on a été extrêmement sollicités par différents réseaux ailleurs dans le monde, en Europe, en Afrique, en Amérique latine tout particulièrement, des gens qui aussi développent des pratiques au niveau de l'économie sociale et de l'économie solidaire.

Donc, ce n'est pas qu'un projet, qu'un rêve, l'économie sociale. Depuis nombre d'années, ici, au Québec, ça nous fait plaisir de rappeler que Alphonse Desjardins, dès 1885, était membre de la société de l'économie sociale. Donc, les origines de l'économie sociale au Québec et cette volonté de prise en main collective du développement de nos communautés originent à plus de 100 ans. Si ça a joué un rôle important dans le développement du Québec, dans le développement de nos villages, de nos villes, de nos quartiers, c'est également une dynamique qui est à l'oeuvre partout dans le monde. On a eu souvent tendance à occulter cette dynamique ou de... par un grand système biologique qui relève de la social-démocratie, des grands modèles occidentaux, à croire que le développement économique se faisait soit par l'intervention de l'État, soit par l'intervention du marché privé traditionnel. Alors que, quand on regarde comment se fait le développement, même au niveau économique, la société civile joue un rôle important dans le développement des communautés, bien sûr, par l'action citoyenne, mais, non seulement par l'action citoyenne, également dans la production de biens et services ? je l'ai mentionné tantôt dans le cas des centres de la petite enfance ou dans une foule d'autres secteurs, dans le secteur manufacturier également. Et ça, c'est à l'oeuvre ici mais c'est à l'oeuvre partout dans le monde. On a été extrêmement sollicité, donc je vous le rappelais. Le premier forum de Pôrto Alegre, tenu il y a déjà plus de deux ans, a été l'occasion d'une critique d'une forme de mondialisation assez dominante actuellement qui fait peu de cas des besoins des citoyens, qui fait peu de cas des besoins des communautés.

La deuxième rencontre... Rapidement, la préparation de la deuxième rencontre de Pôrto Alegre, du Forum social mondial, a été l'occasion de dire: Bon, bien, il y avait une première étape où il fallait critiquer, ce que les gens dans les mouvements sociaux ou même des États craignaient. Mais, la deuxième étape, c'était qu'est-ce qu'on peut faire? Quelles sont les alternatives? Et, les alternatives, elles n'étaient pas qu'à inventer. Les gens se sont aperçus que, sur le terrain, partout dans le monde, il y a des initiatives de tout ordre de la société civile impliquée dans le développement, dans un développement communautaire, dans un développement solidaire.

n(16 h 10)n

Je me permettrais de passer la parole pour quelques minutes à Mme Brunelle qui était d'ailleurs à Pôrto Alegre, à la plus récente rencontre, pour faire état de ses expériences.

Mme Brunelle (Anne-Marie): Oui, et tout ça. En fait, c'est que, outre les réseaux internationaux qui se créent pour permettre le partage d'expertises puis la réflexion sur les modèles que permet le développement de l'économie sociale et solidaire, l'expérience du deuxième Forum social mondial qui a tenu un forum spécifique dans le cadre du Forum qui réunissait plus de 1 000 participants et qui a permis la réalisation de l'entente de partenariat, notamment entre l'État du Rio Grande do Sul et le gouvernement du Québec, les tenants donc de cette haute mondialisation, qui sont à la recherche d'une alternative viable au modèle de développement économique à caractère néolibéral, se sont rapidement entendus sur: on a besoin de connaître les résultats et les perspectives du développement de cette économie plus solidaire.

Le Chantier et le Québec sont reconnus pour leur contribution au développement de l'économie sociale à travers plusieurs réseaux et dans plusieurs pays. Une grande partie de nos réseaux membres, par exemple, travaillent déjà en partenariat avec des expériences en Europe, en Amérique du Sud. Je pense, par exemple, au Collectif des entreprises d'insertion, au Réseau des ressourceries, au Réseau d'investissement social, au Conseil québécois du loisir. On a démontré un leadership certain dans l'appropriation de l'entrepreneurship collectif et dans des recherches actives de définition de critères, d'indicateurs, de modèles de développement alternatif.

Le Forum... et, par exemple, on travaille aussi avec le Groupe d'économie solidaire du Québec ? je ne sais pas si vous les avez rencontrés? non ? qui tenait, par exemple, à Québec, en 2001, une rencontre internationale sur la globalisation de la solidarité et qui réunissait des gens de tous les continents. Et là, encore là, on voit non seulement une volonté des réseaux de se connecter, mais aussi une autre mondialisation qui s'élabore. Et donc, c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui. On pense que, si on observe et on veut diffuser de l'information sur la mondialisation, ses effets, et le faire pour un plus vaste public possible, il faut absolument tenir compte de ce réseau international qui se crée.

Le Forum social est un des exemples des réseaux qui se mettent en place. Il y en a d'autres. Par exemple, je pense à une rencontre qui va avoir lieu à Dakar, en Afrique, en décembre 2002, sur le rôle des femmes dans le développement de l'entrepreneurship collectif. Ce qu'on se rend compte, par exemple, c'est que, au niveau de l'Afrique et de tout le développement africain, la place des femmes est extrêmement prédominante et importante dans le développement d'une Afrique qui est délaissée par les investissements et la politique de développement économique néolibéral.

Donc, il y a la question du développement local et du pouvoir des collectivités sur le développement de leur territoire. C'est une réflexion qui se situe dans plusieurs régions du monde. Donc, pour nous, toutes ces expériences-là ont avantage à être connues puis les résultats diffusés dans un plus large public possible.

Maintenant, je vais laisser la parole à Geneviève qui va élaborer plus précisément sur nos recommandations.

Mme Huot (Geneviève): Donc, étant donné l'importance qu'a prise l'économie sociale et solidaire au Québec et au niveau international et étant donné l'importance de la contribution de l'économie sociale à la construction d'une mondialisation plus respectueuse des droits humains tels que stipulés dans les missions et fonctions de l'Observatoire, nos recommandations sont que l'économie sociale fasse partie des domaines sur lesquels se penchera l'Observatoire. Les domaines qui sont décrits là, à la section II, 4, 1°, et ceux-là pouvant contribuer à la globalisation de la solidarité. Je reviendrai sur cette recommandation-là après avoir énuméré les trois.

Notre deuxième recommandation, c'est que, pour que l'économie sociale soit présente dans les préoccupations de l'Observatoire, nous demandons qu'il y ait un siège réservé à un représentant du secteur de l'économie sociale au conseil d'administration de l'Observatoire.

Et notre troisième recommandation est que les travaux de l'Observatoire fassent appel ? et je crois que ça a été mentionné déjà par plusieurs groupes ? donc à des groupes de recherche ou organismes déjà impliqués dans la recherche en économie sociale et notamment aux travaux de l'Alliance de recherche universités-communautés en économie sociale que je vous présenterai aussi brièvement.

Alors, concernant la première recommandation, on voudrait que l'Observatoire se penche sur l'économie sociale et plus précisément sur un certain nombre de sujets que nous avons identifiés. Alors, nous aimerions que l'Observatoire se penche sur la question du financement et de la capitalisation de l'économie sociale qui est un sujet très important ici au Québec. Pour que les entreprises puissent se développer, on a besoin d'outils de capitalisation adaptés à la réalité des entreprises d'économie sociale, mais c'est aussi une réalité qu'on observe ailleurs dans le monde.

Autre sujet important, c'est celui du commerce équitable et du développement d'échanges commerciaux et du développement d'échanges d'expertises entre des entreprises et des acteurs de l'économie sociale. On parle de commerce équitable qui est quelque chose que peut-être on connaît plus, selon les labels qui sont indiqués, mais aussi d'échanges commerciaux impliquant des entreprises d'économie sociale qu'il pourrait y avoir au Québec et des entreprises d'économie sociale ou solidaires qu'on trouve ailleurs dans le monde. C'est quelque chose qui se développe déjà avec les pays du Sud.

Autre sujet sur lequel l'Observatoire pourrait se pencher, c'est celui des systèmes d'échanges locaux qu'on voit, qui prennent forme un peu partout dans le monde. Mais, par exemple, en Argentine, on a vu que ça a pris forme de façon assez importante dans le cadre de la crise. On voit aussi l'importance de faire des comparaisons internationales, donc d'observer quels indicateurs sont utilisés ailleurs dans le monde pour permettre l'évaluation des pratiques d'économie sociale de façon à étudier un peu les mêmes indicateurs ici. Et comment finalement l'économie sociale ici et ailleurs dans le monde peut contribuer à une mondialisation solidaire, respectueuse des droits humaines.

Pour compléter sur la dernière recommandation où on voudrait que les travaux de l'Observatoire se servent de ceux de l'Alliance de recherche universités-communautés en économie sociale, je vous dirai brièvement ce que c'est. Les Alliances de recherche universités-communautés sont des infrastructures de recherche partenariales. Partenarial, ce que ça veut dire, c'est qu'il y a des chercheurs universitaires qui travaillent en collaboration avec des acteurs impliqués directement: en économie sociale, dans ce cas-ci. La recherche partenariale, ça veut dire que les projets de recherche sont définis conjointement par des chercheurs et par des acteurs terrains. Alors, on sort d'une certaine logique de recherche où les organismes servent un peu de laboratoire, ils sont observés, mais sans définir leurs besoins, eux, de recherche. Alors, l'ARUC fonctionne toujours avec... Dans les comités, il y a toujours un représentant universitaire et un vis-à-vis d'un organisme terrain de sorte que la recherche sert vraiment aussi les intérêts des organismes.

Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la ministre d'État aux Relations internationales pourra débuter cette période d'échanges.

Mme Beaudoin: Oui. Mme Brunelle, Mme Huot, M. Robitaille, bonjour. J'aurais en effet... Merci pour votre mémoire, donc je pense que l'économie sociale est solidaire. En tout cas, moi, j'en ai appris justement un peu plus là-dessus à Pôrto Alegre parce qu'il y avait une délégation québécoise importante en effet. Mme Neamtan était là, Gérald Larose et d'autres. Parce que, comme vous l'avez dit, ça devenait un enjeu intéressant dans le sens des solutions justement à apporter, étant donné ce que vous avez dit. C'est que, dans plusieurs pays en développement, des pays vraiment démunis, comme en Afrique où on n'a pas beaucoup de moyens, c'est une manière de sortir des impasses de l'économie de marché, à strictement parler. Puis dans des pays plus développés, comme ceux d'Amérique latine mais qui sont en grande difficulté aussi, c'est une autre manière donc de voir les choses qui peut être non seulement... dans le fond, qui réunit l'économique et le social et qui fait en sorte que le développement soit plus harmonieux là.

Donc, je pense que le Québec, moi, j'ai découvert ça... Mais d'ailleurs vous m'avez dit le réseau international...

Une voix: ...

Mme Beaudoin: Oui? C'est la fois où il y a eu cette grande réunion à Notre-Dame-de-Foy? Oui, oui, d'accord. Alors donc, c'est vrai que le Québec a quelque chose à offrir parce que, je l'ai constaté sur place cette journée-là. Très bien.

Donc, j'aimerais que vous... deux questions en fait. Vous avez commencé à expliquer un peu comment ça fonctionnait, les ARUC, ce regroupement qui est codirigé par Nancy Neamtan et Benoît Lévesque, de l'UQAM, c'est intéressant en effet que ça marche d'abord. Ça marche vraiment? Oui, vous allez me le dire. Mais quand des professeurs d'université puis justement des gens de la société civile qui ont des perspectives différentes ? et donc vous l'avez expliqué, Mme Huot ? de casser le moule, disons, traditionnel de la façon dont les recherches se mènent, c'est très intéressant. Il est évident qu'il va falloir, quand on dit que l'Observatoire pourra être une tête de réseaux ? le réseau des réseaux ? c'est sûr que l'économie sociale et ce qui se fait dans les ARUC, ça pourrait être très intéressant. Mais, en tout cas, vous pourrez m'expliquer en effet les résultats, peut-être concrets là, dans un cas précis, ce que ça a été et ce que ça a donné.

n(16 h 20)n

Et l'autre chose, eh bien je vais aller aux nouvelles, vous vous souviendrez qu'on a signé, vous l'avez évoqué, une entente avec l'État du Rio Grande do Sul qui concernait des échanges entre des entreprises. Et c'est ça, je veux savoir qu'est-ce qu'on peut échanger puis entre quelles entreprises d'économie sociale, donc de l'État du Rio Grande do Sul et du Québec. Et on avait même ajouté de la France parce qu'on avait pensé à faire ça triangulaire, de manière triangulaire, puisqu'il y avait des représentants donc du gouvernement français qui étaient aussi à Pôrto Alegre. Alors, j'aimerais ça avoir réponse d'abord à ces deux questions.

Mme Huot (Geneviève): Je répondrai d'abord à la deuxième partie de la question sur les échanges concrets qui peuvent prendre forme. Nous avons déposé à vos bureaux la semaine dernière, je crois, la phase II du projet avec nos partenaires de l'État de Rio Grande do Sul où nous voulons faire d'abord une étude exploratoire sur comment peuvent se développer les échanges commerciaux entre les entreprises d'économie solidaire parce que, bon, il y a tout un cadre législatif, il y a plusieurs ? peut-être ? contraintes et opportunités qu'on voudrait identifier avant de se lancer à grand déploiement là-dedans. Et on prévoit une petite mission au Brésil à l'automne pour lancer cette étude exploratoire là.

Mais parallèlement, on voudrait aussi mettre en place un projet-pilote qui impliquerait une entreprise d'insertion au Québec et qui impliquerait on ne sait pas encore quelle entreprise au Brésil parce que, lors de cette petite mission qui aurait lieu à l'automne, on pourrait identifier aussi les partenaires. Et l'idée serait que l'entreprise d'insertion au Québec pourrait vendre des produits au Brésil et que les partenaires brésiliens pourraient vendre des produits sur les planchers de vente de cette entreprise-là.

Mme Beaudoin: Mais dites-moi: une entreprise d'insertion, ça vend quoi, ça?

Mme Huot (Geneviève): L'entreprise d'insertion qui concerne le projet vend principalement des vêtements.

Mme Beaudoin: Des quoi?

Mme Huot (Geneviève): Des vêtements.

Mme Beaudoin: Des vêtement. O.K. C'est parce que c'est ça, c'est des entreprises d'insertion pour personnes...

M. Robitaille (Jean): ...mais qui ont toute une activité manufacturière. Il existe 40 entreprises d'insertion au Québec; certaines oeuvrent effectivement dans le reprisage de vêtements, d'autres, ils refont... À partir des vieux vélos, ils vont faire d'autres métaux, ainsi de suite.

Mme Beaudoin: Je vois que la députée de Chaudière-Appalaches, de la région, me regarde étrangement en disant: Comment ça se fait-il qu'elle ne connaît pas ça?

Une voix: ...

Mme Beaudoin: Ha, ha, ha! Mais je m'excuse de mon ignorance...

Mme Carrier-Perreault: Je me posais la même question.

Mme Beaudoin: Ah! bon, très bien. Parce que je m'excuse de mon ignorance mais c'est vrai que, dans ma propre circonscription, il y en a. Mais c'est parce que des entreprises d'insertion donc qui font... Je comprends là. Je pensais que vous parliez des entreprises...

Une voix: Des ressourceries, non?

M. Robitaille (Jean): ...ressourcerie, Si vous permettez, je compléterais la réponse de Geneviève en disant: Il y a un projet actuellement qui est à l'étude aussi. Parce qu'il y a eu une mission de six personnes du Brésil, de l'État de Rio Grande do Sul, qui sont venues en juin dernier et qui ont entre autres fait la route des déchets au Québec. Il y a depuis trois ans une cinquantaine de ressourceries qui se sont développées, qui sont des entreprises qui oeuvrent dans le recyclage, récupération des matières résiduelles. Ça fonctionne très bien. Ça s'est développé en collaboration avec les MRC, avec les municipalités. Et, au Brésil, dans l'État de Rio Grande do Sul aussi, il y a des pratiques de ce genre qui se sont développées, dans certains cas économie informelle, dans d'autres cas, d'une manière plus organisée.

Et ce qu'il serait intéressant de réaliser pour l'instant, en termes d'échange, c'est au niveau des expertises, des expertises communes... des expertises qui pourraient être partagées, celles développées actuellement dans l'État de Rio Grande do Sul et au niveau du Québec. Vous comprendrez que l'objectif dans ce cas-là, ce n'est pas d'exporter les matières. Bien, ça peut se faire. Il y a aussi, il y a par exemple Récupaide International à Drummondville qui fait l'exportation des vêtements en Afrique. Il y a donc des vêtements... Et, là, c'est du tonnage là. Ça se fait en très grande quantité, près de 10 000 tonnes de vêtements par année qui sont exportés en Afrique. Mais, généralement l'enjeu du recyclage, c'est de s'occuper chez nous de la récupération et du recyclage de nos matières.

Mme Beaudoin: ...justement, M. le président, de l'économie sociale et solidaire comme cette entreprise de Drummondville dont vous venez...

M. Robitaille (Jean): Bien, oui!

Mme Beaudoin: Ah! c'est toujours?

M. Robitaille (Jean): C'est une corporation, un organisme à but non lucratif.

Mme Beaudoin: O.K. C'est ce qui définit.

M. Robitaille (Jean): C'est géré démocratiquement. C'est soit une coopérative ou un organisme à but non lucratif.

Je me permets aussi d'indiquer pourquoi on trouve ça important que, au fond, il y ait une étude de manière précise dans l'objet, les objets d'étude de l'Observatoire, qu'on puisse faire état de l'économie sociale. On y mentionne le monde du travail. On y mentionne l'économie. On y mentionne un certain nombre de secteurs. Dans le monde, actuellement, il y a de grandes institutions internationales où des secteurs de la société civile se sont regroupés. Les grands secteurs de la coopération se sont dotés d'une institution représentant le monde de la coopération. Au niveau du secteur du travail, les syndicats se sont donné des organisations les représentant.

Dans le secteur de l'économie sociale, même si elle est là et solidaire, même si elle est là, active à la grandeur de la planète, il n'y a pas d'organisation représentant... d'institution représentant actuellement l'ensemble du secteur de l'économie sociale et solidaire, comme je vous disais, et qui s'est développée, au Québec, à travers, bien sûr, Desjardins, qui fait partie de la grande famille de l'économie sociale mais qui est à un niveau de développement qui est tel qu'on a de la difficulté à le comparer avec les organismes à but non lucratif ou les coopératives de travail, d'alimentation qui se sont développées dans tout le reste. Et, pour ces plus petites organisations, organisations de taille modeste, mais où, des fois, il y a quand même une centaine d'employés dans certaines entreprises d'économie sociale, ça varie de cinq à 100, que ce soit ici, au Québec, ou ailleurs dans le monde, on pense à la nécessité de se réseauter, de se donner de telles institutions. Mais on n'en a pas actuellement. Donc, on n'a pas ces espaces de recherche internationaux qui nous permettraient d'en connaître davantage ? comme tu le mentionnais, comme Geneviève le mentionnait ? sur les besoins de capitalisation.

Une entreprise d'économie sociale, de par sa nature entrepreneuriale, de sa présence sur le marché, a besoin de capitaux pour se développer. Mais ses caractéristiques juridiques, qu'elle soit coopérative ou organisme à but non lucratif, rendent, actuellement, bien difficile sa capitalisation. Il y a des travaux qui sont en cours actuellement avec le ministère des Finances ici, au Québec, mais il y en a ailleurs dans le monde. On a besoin pour même alimenter ce qui se fait ici, au Québec, de mieux connaître ce qui se fait ailleurs dans le monde. On a d'ailleurs appris de ces expériences, au fil des ans, dans toutes sortes d'expériences, en Afrique...

Vous avez peut-être entendu parler, dans vos circonscriptions, des expériences de crédits communautaires, où des gens ? ça peut être, des fois, dans des CLD ou ailleurs ? mettent en commun un petit pot d'argent. Des fois, la caisse en rajoute, et c'est pour des petits prêts: 500, 1 000, 2 000 $. Les gens peuvent repartir des projets d'affaires, soit individuellement ou en groupe. Bien, c'est venu des expériences des tontines africaines, des femmes qui ont développé ces tontines en Afrique. Les expériences de cuisine collective viennent des expériences à Lima, au Pérou.

Alors, on a appris au Québec, et je pense aussi qu'on témoigne de pratiques novatrices. D'ailleurs, il y a un groupe de travail de l'OCDE qui a organisé deux rencontres sur l'innovation sociale et l'économie sociale plus particulièrement, au cours des deux dernières années, pour examiner. Donc, il y a des choses qui se font, mais on a besoin, on souhaiterait qu'effectivement, au Québec, on puisse porter une attention toute particulière à ce phénomène dans le cadre des travaux de l'Observatoire.

Mme Beaudoin: Très bien. Merci.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Oui, merci. Bonjour. Je trouve ça fort intéressant, ce que vous nous apprenez, parce que vous nous en apprenez quand même beaucoup. Moi, je voulais vous demander: La représentation des chantiers d'économie sociale au sein du conseil d'administration pourrait-elle être faite par le biais des représentants du milieu syndical, à titre d'exemple, mettons? Bon. Ou par le biais du milieu patronal, mettons?

n(16 h 30)n

Il y a quelqu'un ce matin qui s'est présenté... un groupe qui s'est présenté en commission parlementaire, c'est le Conseil québécois pour l'Amérique latine ? je n'étais pas présente, c'est mes collègues qui étaient ici; j'étais absente à ce moment-là ? qui, semble-t-il, a fait référence à la possibilité d'avoir des membres associés, si toutefois on ne voulait pas avoir un conseil d'administration trop lourd. Est-ce que c'est quelque chose qui vous inspire? Ça se fait évidemment dans les grandes corporations, là, où il y a une assemblée générale, et tout ça, mais est-ce que ça pourrait être une solution finalement à votre désir d'être entendus ou bien si ce n'est pas suffisant, puis vous tenez vraiment à pouvoir... On a bien dit que l'Observatoire, ce n'était pas un lieu où on y dégagerait des consensus, pas un lieu de concertation, c'est bien plus un lieu, un carrefour où il y aura des échanges. Il y aura sans doute de bons débats, c'est certain, mais on ne sort pas de là avec une recommandation ou avec une décision qui va être prise à la majorité. Par contre, je trouve que vous nous sensibilisez, c'est certain, à cette nouvelle dynamique qui, pour nous, est nouvelle dans un certain sens depuis quelques années. Mais à vous entendre parler, ça fait quand même des décennies que ça existe ailleurs. J'ai été surprise de voir qu'il y avait des regroupements internationaux de gens qui font le même travail que vous faites. Donc, ça veut dire que le Québec s'est quand même mis au diapason, là, des réalités importantes sur le terrain.

Je vous pose la question: Est-ce qu'il y a... avez-vous réfléchi à cette composition-là? Bon, vous y avez réfléchi, puisque vous nous suggérez de vous réserver un siège. Mais, pour vous, est-ce que ça permet quand même de garder cette souplesse que souhaite le gouvernement dans la mise sur pied de l'Observatoire ou il y aurait d'autres façons d'inclure vos préoccupations, ou bien ça pourrait être carrément de décider qu'il y a moins de représentants de certains groupes? Là je ne veux pas être celle qui décidera qui y siège qui n'y siège pas, mais, au-delà de la proposition de nous suggérer une personne de plus, comme d'autres organismes ont fait, avez-vous réfléchi sur une autre façon de composer ce conseil d'administration là?

M. Robitaille (Jean): On ne proposait pas nécessairement qu'il y en ait une de plus, ça pourrait être parmi la composition qui est là. Et donc peut-être plus difficilement parmi ? effectivement vous souleviez l'hypothèse soit du mouvement syndical ou du mouvement patronal ? la structure du Chantier étant... Nous-mêmes, nous sommes une organisation parapluie. On représente, dans un cas, les réseaux d'entreprises qui sont là effectivement, représentant par leur conseil d'administration, mais on représente aussi des organisations syndicales solidaires de l'économie sociale. Donc, on ne peut pas en prendre qu'un volet de notre présentation. Je ne pense pas que les organisations syndicales ou patronales... En tout cas, on rencontre tantôt la Fondation de l'entrepreneurship avec M. Taillon, on peut en discuter là, mais... Non, mais à travers les, je crois, quatre postes prévus pour les gens, il pourrait être intéressant qu'un poste puisse être occupé par, effectivement, cette dynamique nouvelle... en fait, cette dynamique qui prend un essor nouveau de l'économie sociale.

Mme Delisle: Ça va.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Ça va. Oui, Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Peut-être juste une dernière question à propos justement, ce que je disais tout à l'heure, l'ARUC, là. C'est sûr que c'est intéressant de voir, bon, que c'est un regroupement qui est codirigé puis qui... bon, et qu'il se fait donc des recherches là, mais donc très concrètes, là, j'imagine parce que c'est ça, c'est des recherches très concrètes. Mais, par exemple, j'aimerais ça juste avoir un exemple.

Mme Huot (Geneviève): Un? Un seul? Mais je vais peut-être reprendre brièvement l'explication de la structure de l'ARUC. Bon, on vous a dit que c'était de la recherche partenariale, mais il faut voir que ça concerne généralement l'économie sociale, mais, de la façon que c'est structuré, on a ce qu'on appelle des chantiers d'activités partenariales qui concernent différents sous-secteurs de l'économie sociale. Il y en a un sur le développement durable, un sur le développement local et régional, un sur le logement social, un sur l'emploi et l'insertion, un sur le service aux personnes, un sur le loisir et le tourisme social, un sur les échanges et les comparaisons internationales ? donc celles-là pourraient particulièrement intéresser l'Observatoire ? et un sur la question de l'évaluation ? donc, de développer des outils d'évaluation, des indicateurs pour l'économie sociale. Il y a des activités de recherche, des activités de diffusion et des activités de transfert de connaissances qui se font à l'ARUC. Il y a 80 profs d'universités qui sont impliqués dans l'ARUC et une quarantaine d'organismes. Donc, je ne saurais pas quel exemple concret choisir mais peut-être vous dire qu'il y a deux séminaires qui vont avoir lieu bientôt cet automne, un justement sur la capitalisation des outils de financement et un autre sur le commerce équitable. Un séminaire qui va inviter... Dans les deux cas, en fait, il va y avoir des invités, pas juste du Québec, qui vont y participer. Donc...

M. Robitaille (Jean): Mais concrètement, les projets de recherche, je sais qu'on a été associé plus récemment, un, sur la participation bénévole dans les organismes de loisir. Quel impact ça a dans le développement de ces organisations-là? On pense, par exemple, aux camps de vacance, camps familiaux, ainsi de suite. Il y en a eu un autre avec les ressourceries dans le secteur de l'environnement sur le recyclage de la peinture. Alors, ça peut être des fois extrêmement pointu, ou avec des enjeux touchant la citoyenneté, ainsi de suite, donc des enjeux plus globaux. Mais, c'est ça, il doit y avoir actuellement combien de projets de recherche en cours? Peut-être, une vingtaine.

Mme Beaudoin: C'est certain, en tout cas, que l'Observatoire pourra bénéficier, comme je le disais, des travaux. C'est sûr et certain. Parce que, comme on ne veut pas que ce soit un nouveau centre de recherche qui concurrence l'idée, c'est une mise en commun, c'est un partage et de tous les secteurs les plus concernés. Parce qu'on sait bien... Vous, vous venez de nous expliquer des choses. En effet, moi aussi, bon, j'en avais découvert un peu à Pôrto Alegre mais je ne connais pas ça très bien. Alors, c'est une découverte. On écoute ça puis on se dit: Oui, c'est intéressant. Bon. Puis on le disait tout à l'heure: L'Alliance des créateurs est venue nous parler des négociations commerciales et déjà qu'ils ont la moitié le bras dans le tordeur parce que l'ADPIC a été signé dans le cadre de l'OMC puis que, bon, ça a passé, comme l'AMI aurait pu passer un moment donné, sans trop sans apercevoir et là, bien, les associations de créateurs réagissent très fortement.

Alors, l'intérêt de l'Observatoire, en tout cas, dans mon esprit, c'est que là, vous êtes tous sur des créneaux extrêmement pointus et puis, nous, on aimerait le plus possible qu'on ait tous, en tout cas, une vision globale de la mondialisation et de ses effets en disant: On va essayer d'additionner enfin tout ça pour qu'on comprenne mieux ce qui se passe parce qu'il y a des super spécialistes, c'est sûr. J'ai l'impression que M. Benoît Lévesque, il doit être assez spécialisé dans la question et, par conséquent, c'est ça qu'on souhaiterait: une espèce de vulgarisation, dans le fond, de l'ensemble de ces problématiques, de ces enjeux, et que la population comprenne ce qui se passe, ce qui s'en vient.

Tout à l'heure, les télévisions communautaires nous ont dit: C'est la faute à la mondialisation si, bon, il est arrivé ce qui est arrivé. Bien, peut-être, je veux dire, je les ai écoutés, je ne sais pas. Peut-être. Parce qu'il paraît que, au nom de la mondialisation, enfin, bon, au nom du gigantisme, Quebecor a décidé un moment donné de faire ceci ou cela, puis le CRTC, par ailleurs, bon, a pris une autre décision qui a amené la situation que l'on connaît pour les télévisions communautaires. Mais, alors, dans le fond, c'est ce qu'on veut, je pense, comme citoyens.

La meilleure définition que j'ai entendue, c'est revenu à quelques reprises, c'est l'appropriation citoyenne de l'ensemble de ces questions-là. Ce serait formidable si, au Québec, déjà on est exemplaire puis on est des vitrines pour toutes sortes de dossiers dont le vôtre, mais l'appropriation citoyenne, c'est beau ça, hein? Alors, en tout cas, c'est ce qu'on souhaite qui soit possible, et il est évident que l'économie sociale... je ne sais pas quelle place. En effet, je pense que c'est très constructif ce que la députée de Jean-Talon a posé tantôt comme question. Et il va falloir... parce que sinon, vous le savez bien. Vous nous avez dit là très clairement: Nous, on peut être à l'intérieur des quatre qui sont prévus, parce qu'on a laissé ça assez vague, des organismes ou des secteurs les plus interpellés par la mondialisation. Mais, si on additionne, en effet, tous ceux qui nous ont demandé d'être membres du conseil d'administration, c'est sûr qu'on va se retrouver... ils vont se retrouver, puisqu'on ne sera pas là, sauf trois députés bien sûr, mais, à 50, ça va être ingérable. Alors, il y a des choix à faire. Comment est-ce qu'il y a des mécanismes qu'on peut imaginer autres pour que tout le monde soit satisfait puis que tout le monde y trouve une place? Alors, donc, ça va être ça, notre objectif, je pense, d'ailleurs, conjointement, quand on va étudier le projet de loi article par article. Alors, merci encore.

M. Robitaille (Jean): Merci à vous aussi.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Brunelle. Merci, Mme Huot et merci, M. Robitaille, pour votre participation aux travaux de cette commission, ici, cet après-midi.

Là-dessus, je suspends les travaux pour une période de cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 40)

(Reprise à 16 h 51)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre! La commission des institutions reprend ses auditions pour l'étude du projet de loi n° 109. Alors, j'invite les représentants du dernier groupe que nous entendrons au cours de ces auditions, les représentants du Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec, à prendre place. Alors, bienvenue, monsieur, et je vous demande de bien vouloir vous identifier.

Centre de recherche en droit privé
et comparé du Québec (CRDPCQ)

M. Devinat (Mathieu): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Mathieu Devinat; je suis le directeur adjoint du Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec. Je voudrais d'abord remercier la commission pour avoir invité le Centre de recherche à vous faire part de nos réflexions et de notre opinion sur votre projet d'Observatoire de la mondialisation.

Étant donné le temps qui m'est imparti, je voulais simplement, pour présenter le mémoire, procéder en trois temps, c'est-à-dire d'une part présenter le Centre de recherche lui-même ? que vous connaissez peut-être déjà ? pour ensuite dégager la question qui nous a interpellés lorsqu'on avait vu le projet de loi, c'est-à-dire le constat qu'on a pu faire à propos de l'influence que la mondialisation pouvait exercer sur le droit privé au Québec et ailleurs, et le constat également que, dans ce cadre, le droit québécois fournissait en fait une espèce de modèle de ce que pouvait être la mondialisation d'un point de vue juridique, un modèle à suivre, en quelque sorte; et, enfin, en troisième lieu, j'aborderai les propositions concrètes que nous avons formulées, propositions qui somme toute sont assez modestes, comme le mémoire lui-même, mais qui révèlent d'une certaine façon notre enthousiasme devant le projet.

Alors, en premier lieu, le Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec. Alors, le Centre existe depuis 1975. Il a été fondé par Paul-André Crépeau, qui est professeur émérite à l'Université McGill. C'est également l'un des pères de l'Office de révision du Code civil du Québec. Alors, le professeur Crépeau a fondé cet organisme pour lui donner une vocation, la vocation de créer un centre qui soit à la fois interuniversitaire et interdisciplinaire et dont l'objectif ou la mission est de poursuivre l'étude et la promotion du droit privé québécois ou de la tradition civiliste telle qu'elle se trouve ici au Québec. Depuis 1996, le Centre est dirigé par le professeur Nicolas Kasirer qui, tout en respectant cette mission qui a été imprimée par le professeur Crépeau, a mis l'accent sur la théorie du droit, le droit fondamental et la relation complexe qu'entretiennent le droit et les langues. En ce sens, on a mis sur pied un axe de recherche à l'intérieur du Centre, un axe de recherche qui porte sur la jurilinguistique ? c'est un des rares centres de recherche qui s'intéressent à la question ? axe de recherche qui est dirigé actuellement par le chercheur Patrick Forget, qui a également participé au mémoire.

Alors, dans le cadre de nos travaux, nous avons élaboré un dictionnaire de droit privé qui en est rendu à sa troisième édition, un dictionnaire qui a pu mettre en valeur le vocabulaire juridique de droit privé au Québec, un vocabulaire qui se distingue du vocabulaire français ? en France ? et qui reprend également le vocabulaire anglais de droit civil au Québec.

Également, nos travaux nous ont amenés à nous intéresser au sujet qui est abordé aujourd'hui, enfin, dans le cadre de votre projet, c'est-à-dire la mondialisation. Et nous avons participé à des travaux avec une équipe du CNRS, le Centre national de recherche scientifique à Paris, des travaux qui portaient sur la mondialisation et la langue. Et c'est à l'intérieur de ces derniers travaux, qui sont au fond assez récents lorsqu'on les compare à la durée de vie du Centre. Au cours des deux dernières années, on a réfléchi sur cette question et nous sommes arrivés à une série de constats à l'effet que la mondialisation avait un effet assez important sur le droit privé. Donc, ce qui m'amène à aborder la deuxième partie de mon exposé.

Alors, quels sont-ils ces constats? Mais simplement, il faut se rappeler que, la plupart du temps, lorsqu'on parle de mondialisation et de droit, on parle surtout du droit commercial, c'est-à-dire de la ZLEA, les accords de libre-échange, puis l'OMC, etc., et on pense rarement au droit privé, c'est-à-dire ce droit qui est intégré dans le Code civil du Québec et qui régit les rapports entre les personnes, les personnes et les choses, les personnes et les biens. Et, curieusement, on oublie que la mondialisation avait souvent un effet sur cette partie du droit qui est somme toute assez substantielle et qui forme peut-être la partie la plus importante du droit en général étant donné que ça caractérise une société.

Ce qu'on a observé à travers nos échanges avec le CNRS, c'est qu'il y avait une forte tendance, lorsqu'on examinait l'influence entre les systèmes juridiques, une forte tendance à implanter une forme d'harmonisation des droits. Que ce soit en Amérique du Nord ou en Europe, on a pu remarquer qu'en droit privé ? je vais y revenir, je vais donner des exemples ? on a pu remarquer que la mondialisation comportait, avait pour effet souvent de créer une forme d'harmonisation des droits. Et la question dans ce cas-là, est de savoir: Est-ce que c'est au détriment d'un système par rapport à un autre, bien entendu? Le second ordre de constats qu'on pu observer ? et c'est relié directement à nos sujets d'intérêt, c'est-à-dire la relation entre la langue et le droit ? eh bien, ça porte plutôt sur le langage du droit. Et on a pu observer que la mondialisation comportait également énormément de problèmes à propos de la communication des concepts juridiques d'un système à un autre. En Europe surtout, les juristes nous ont fait part des problèmes qu'ils avaient à comprendre les concepts utilisés par leurs collègues venant d'autres pays comme, par exemple: les juristes français ne savent pas de quoi parlent... enfin, c'est difficile pour eux de comprendre qu'est-ce qu'un contrat, un «contract» dans l'esprit d'un juriste anglais, et l'inverse.

Donc, ce sont ces deux ordres de conclusion que nous avons relevés et, curieusement, le droit québécois dans les deux cas et sur ces deux plans différents, donnait une image, en fait, un droit qui était parvenu à atteindre un certain équilibre, c'est-à-dire que le droit québécois a vécu l'harmonisation des droits par son interaction avec la «common law» qui l'entoure, une harmonisation qui est restée respectueuse de la tradition civiliste québécoise. Le droit québécois, sur le plan de la langue du droit, a également donné lieu à l'émergence d'un vocabulaire juridique bilingue en droit privé qui, à notre avis ? et c'est l'opinion qu'on défend dans notre mémoire ? est une occasion pour les civilistes québécois lorsqu'ils envisagent la mondialisation et de son influence sur les systèmes juridiques.

Alors, je vous donne un exemple de cette harmonisation qu'on peut observer en droit québécois cette fois, harmonisation qui consiste en fait ? c'est un terme qui est peut-être un peu abstrait ? simplement pour dire que, ce dont on parle lorsqu'on parle d'harmonisation, c'est simplement de dire que les systèmes juridiques tendent à intégrer les mêmes règles de droit substantielles qui proviennent de systèmes différents et, la plupart du temps, ils sélectionnent les règles qui semblent être plus intéressantes que les autres et qui semblent être plus avantageuses.

n(17 heures)n

Alors, le Québec a vécu ça, notamment lors de l'adoption du Code civil du Québec, lorsque les juristes ? enfin à travers le législateur mais fortement inspirés des travaux doctrinaux antérieurs ? lorsque les juristes québécois ont retenu l'hypothèque mobilière et la fiducie. Alors, l'hypothèque mobilière, pour un juriste francophone français traditionnel, c'est une hérésie. L'hypothèque mobilière ne peut pas exister. Pourquoi? Simplement, parce qu'une hypothèse est strictement immobilière. Une hypothèque porte sur un immeuble seulement. Or, dans un contexte nord-américain, ce raisonnement entraînait certains problèmes. Le problème le plus évident était celui du financement. Dans les pays de «common law», on peut trouver du financement et offrir une garantie en donnant nos meubles en garantie, par exemple, nos voitures, etc. Au Québec, impossible jusqu'à l'adoption du Code civil du Québec. Et pourquoi c'était impossible? Bien, simplement, parce que la tradition de droit civil l'empêchait sur le plan conceptuel.

Alors, les juristes québécois ont su retenir cette idée qui était, au fond, une idée simple qui est celle d'intégrer le «chattel mortgage», qui est en «common law», qui est bien connu, et de l'intégrer en droit privé québécois mais en lui donnant un langage civiliste, si on veut, en l'appelant hypothèque mobilière. Donc, l'hypothèque mobilière existe depuis 1994 en droit québécois. Le législateur québécois a mis sur pied un registre de droits personnels et réels mobiliers qui permet d'opposer l'hypothèque aux tiers et d'en assurer la publicité. Bref, on a su retenir une règle de droit substantielle qui existe en «common law» mais en l'adaptant au système civiliste et en respectant la tradition dans laquelle elle s'insère.

Même chose pour la fiducie. La fiducie est une institution juridique qui existe en «common law» depuis des centaines d'années; seulement, elle est inconcevable en droit civil. Elle est inconcevable en droit civil parce que la fiducie, au fond ? pour l'expliquer sommairement ? c'est, au fond, se débarrasser, en fait se défaire de certains biens sans les donner à quelqu'un d'autre, mais simplement pour que ces biens soient gérés au profit d'un tiers, c'est-à-dire d'un bénéficiaire. Alors, pour un juriste civiliste, depuis le XIXe siècle et bien avant, un patrimoine, c'est-à-dire un ensemble de biens, ne peut pas être sans maître. Pour chaque patrimoine, il doit y avoir une personne qui est titulaire de ce patrimoine et, pour un «common lawyer», il n'y a pas de lien nécessaire entre patrimoine et personne.

Alors, nous avons retenu la fiducie et nous l'avons intégrée en droit québécois mais en respectant l'esprit du système civiliste, en créant un concept nouveau qui s'appelle le patrimoine sans titulaire, c'est-à-dire le patrimoine d'affectation qui est un patrimoine indépendant, qui est affecté à une fin particulière. Et, bien entendu, si on a mis autant d'efforts pour intégrer la fiducie en droit québécois, c'est qu'elle comportait plusieurs avantages. Alors, voilà deux exemples très simples de ce qu'on peut appeler l'harmonisation des droits, des exemples qui illustrent bien à quel point le droit québécois a pu intégrer ces innovations au sein de son corpus de règles sans trahir quelque peu la tradition dont il est issu.

Alors, sur le plan lexicographique ou sur le plan de la langue, le droit québécois également est un modèle pour les juristes européens, par exemple, parce qu'il a su mettre sur pied, par exemple à travers le dictionnaire qu'ils nous ont fait au Centre de recherche, un vocabulaire juridique bilingue qui permet la communication des concepts juridiques d'une langue à l'autre. Et, en abrégeant, je dirais que ces deux aspects du droit québécois, c'est-à-dire un code qui a su retenir des éléments de droit substantiels qu'on retrouve en «common law», qui peuvent se présenter comme des innovations avantageuses, et l'aspect linguistique font en sorte qu'aujourd'hui, dans un processus de mondialisation, le Québec se présente comme étant le parrain d'un code moderne, transmissible d'un pays à l'autre, ce qui explique, par exemple, que l'Ukraine, la Russie, le Viêt-nam, Sainte-Lucie, par exemple, pour ne nommer qu'eux autres, que ces pays viennent nous consulter assez fréquemment pour comprendre notre façon d'envisager le droit.

Alors, par conséquent et pour terminer là-dessus, lorsque nous avons lu le projet de loi n° 109, nous avons senti le besoin de sensibiliser la commission sur l'intérêt qu'il y avait d'intégrer le droit privé comme objet de réflexion par l'Observatoire et comme un objet de réflexion à part entière. Car trop souvent la mondialisation est envisagée surtout sur ses aspects de commerce, de politique, de culture ou des droits fondamentaux, et on oublie souvent que le droit privé constitue une part importante et subit une part importante de la mondialisation et qu'également le droit québécois ou le droit privé peut faciliter la compréhension du phénomène de la mondialisation, et ici je crois qu'il l'est davantage lorsqu'il est envisagé sous le prisme du droit québécois.

Alors, pour cette raison, dans notre mémoire, nous avons suggéré d'ajouter le droit privé à l'article 4, alinéa 1° du projet. C'est une modification modeste, mais, surtout, ce qu'on voulait, c'était de relever cet intérêt du droit pour la compréhension de la mondialisation, droit qui peut également profiter des travaux de l'Observatoire, notamment parce que l'Observatoire ? enfin, c'est ce que j'imaginais, le projet général ? risque, par sa vision de la mondialisation, d'informer le juriste québécois des innovations juridiques étrangères et de lui indiquer les tendances dominantes.

Pour cette raison et, enfin, c'est avec enthousiasme que nous accueillons la mise sur pied de l'Observatoire et que nous vous formulons notre désir éventuel d'y collaborer. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Devinat, pour votre présentation. Mme la ministre d'État aux Relations internationales, pour amorcer cette période d'échange.

Mme Beaudoin: Oui. M. Devinat, bonjour, bienvenue à cette commission parlementaire. Je me faisais la réflexion en vous écoutant que, depuis quatre jours, on a beaucoup appris dans toutes sortes de secteurs, et c'est formidable parce qu'on est passés, justement, de la culture à l'économie, à l'économie sociale et solidaire, à l'environnement, bref, et on termine sur un cours de droit, alors... On termine sur un cours de droit. Je me disais, dans le fond, que c'était une très bonne école, une très bonne université que ces commissions parlementaires. Donc, on apprend vraiment beaucoup de choses.

Alors, vous, l'angle sous lequel... C'est assez étonnant et assez intéressant, ce que vous faites comme démonstration concernant l'expérience juridique québécoise, je dirais, comme vecteur de la diversité culturelle. Et vous avez quelques phrases intéressantes. Vous dites, en page 8: «Le droit privé québécois relève chaque jour le défi de rester fidèle à la tradition civiliste sans pour autant souffrir d'isolement dans un espace nord-américain dominé par la tradition de "common law".» Et vous dites aussi: «Le droit québécois montre ? en page 9 ? qu'il est possible d'être différent dans un univers juridique en proie à des forces uniformisantes.»

Enfin, tout ça est rassurant, en effet, ça nous rassure. Ce qui est moins rassurant, cependant, c'est quand vous dites, en page 8 ou 7 plutôt qu'«il existe une crainte que ce mouvement permette à une langue unique de monopoliser l'espace juridique transnational ? et, évidemment, devinons laquelle ? [...] la langue anglaise est souvent présentée comme étant la seule langue qui puisse prétendre régner et, avec elle, le système juridique à laquelle on l'associe».

Mais bon, hors ceci, cette crainte, je pense quand même que la démonstration que vous faites là... En d'autres termes, vous avez, vous nous donnez des arguments supplémentaires en ce qui concerne la nécessité du respect de la diversité culturelle et vous en faites une proposition, hein. Vous terminez en disant... Vous recommandez d'ajouter un préambule ou un disposition législative énonçant que la réflexion et les débats qui se tiennent au sein de l'Observatoire doivent favoriser une approche relative à la mondialisation qui soit respectueuse de la diversité culturelle.

Alors, l'article 3, justement, qui dit ? du projet de loi: «...fournir des informations fiables qui lui permettent d'en saisir les enjeux, d'en mesurer les conséquences et d'agir de façon éclairée en vue de favoriser une mondialisation maîtrisée et équilibrée, respectueuse des droits humains». Est-ce que vous ajouteriez là ou vous dites plutôt dans un préambule, mais une mondialisation, donc, respectueuse de la diversité culturelle? Est-ce que vous voudriez que ça se retrouve déjà dans la mission? Parce que, bon, les gens de la Coalition sur la diversité culturelle nous ont dit aussi qu'il fallait que la diversité culturelle à quelque part soit inscrite, soit dans les fonctions ou soit dans les missions. Bon. Vous aussi vous revenez là-dessus avec, justement, l'angle, disons, juridique.

n(17 h 10)n

M. Devinat (Mathieu): Oui. Alors, sur ce point, j'avouerai que, au fond, c'était en guise de protection supplémentaire. En effet, de l'inscrire dans le projet de loi lui-même serait donner une direction peut-être ou une balise clairement exprimée. C'est simplement une question de technique législative. Si vous mettez ça dans le préambule, vous risquez d'atténuer l'affirmation. Si vous l'inscrivez dans le projet de loi, dans un article particulier, de façon expresse, en effet, ça peut envoyer peut-être un message rassurant pour les gens qui protègent cette valeur-là. Donc, c'est simplement une suggestion qui serait conforme à ce que vous semblez dire. Enfin, c'est-à-dire que ça reste une valeur importante, quelles que soient les conclusions auxquelles arrive l'Observatoire, ça reste une valeur à protéger et, évidemment, le mettre dans l'article 3 enverrait un message plus clair, peut-être.

Mme Beaudoin: Oui, d'autant qu'il n'y a pas de préambule; il faudrait en inventer un. Alors, en tout cas, on verra, mais il est certain que la diversité culturelle... Mais en fait, c'était ? et je veux terminer là-dessus ? vous dire que c'est très original, de voir le système, on n'est pas habitué à ça. Quand on parle de diversité culturelle, ce n'est franchement pas de ça dont on parle en général. Mais là, vous ajoutez une dimension originale en disant que ce système juridique québécois... On savait que c'était une des distinctions ou, enfin, une des spécificités du Québec, d'avoir ces deux systèmes juridiques et puis de vivre à cheval un peu sur l'un et sur l'autre et que ça fait de nous des Nord-américains, même s'il y a d'autres Américains du Sud qui ont cette tradition civiliste, mais c'est quand même un trait distinctif du Québec; il n'y a pas que sa langue, il n'y a pas que sa culture: il y a aussi son système juridique ainsi que d'autres caractéristiques.

Alors donc, on vous remercie beaucoup, d'ailleurs, d'être revenus aujourd'hui, parce que c'était il y a, je ne sais pas, la semaine dernière, je pense, que vous deviez être là, mais d'avoir pris la peine de venir aujourd'hui nous le démontrer.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Devinat. Vous semblez faire un reproche à l'Observatoire qu'il n'explique pas assez ou n'explicite pas davantage les valeurs qui doivent orienter ses travaux. Puis vous donnez un exemple, vous parlez de mondialisation maîtrisée et régulée. Alors, est-ce que vous pouvez nous expliquer de quelle façon une définition de cette mondialisation-là est maîtrisée, régulée?

M. Devinat (Mathieu): À la page... dans notre mémoire, vous dites?

M. Boulianne: À la page 10, vous avez ça dans votre...

M. Devinat (Mathieu): En fait, c'est peut-être un écart de langage, si vous voulez. Le terme «régulée» n'est pas pris au sens fort, au sens «régulation», «règlement». On parlerait plutôt peut-être d'une mondialisation comprise et encadrée, plutôt que régulée. C'est dans ce sens-là, dans le sens plus faible.

M. Boulianne: Merci.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Moi, je dois vous dire, monsieur, d'abord, j'apprécie que vous ayez pris le temps de venir nous présenter votre mémoire. J'ai été, moi aussi, très surprise par le volet que vous avez voulu nous présenter. Et je vous dirais que j'ai un collègue ce matin qui a posé une question à un groupe qui est venu nous parler justement de la diversité culturelle et qui leur a demandé s'ils voyaient une distinction ? puis là je vous amène dans... Je ne sais pas si vous avez devant vous le projet de loi, l'article 4, le premier alinéa se lit comme suit: «Dans la réalisation de sa mission, l'Observatoire:

«1° recueille et analyse des informations sur la mondialisation dans les domaines, entre autres, culturel, économique, éducatif, environnemental, financier, politique, social et du travail et porte une attention particulière aux effets de la mondialisation sur la dynamique des langues.»

Mon collègue posait la question suivante: Est-ce que la dynamique des langues n'inclut pas la diversité culturelle? Et, suite à sa discussion avec le groupe qui était là, ils en sont venus à la conclusion qu'on pouvait à la fois parler de la dynamique des langues et de diversité culturelle.

Donc, ma question est la suivante: Est-ce que vous pensez qu'en ajoutant, à la fin de cet alinéa-là sur la dynamique des langues, «et la diversité culturelle», est-ce que ça rejoindrait finalement la préoccupation que vous avez? Parce que je trouve très... honnêtement là, je n'aurais jamais pensé que, à partir du droit qui est pratiqué ici, au Québec, on ait fait une réflexion sur les conséquences de la mondialisation, finalement, les conséquences que la mondialisation pouvaient avoir sur toute cette question d'harmonisation de nos lois qui peut, en bout de piste, nous pénaliser. Et ce que vous dites, c'est que «l'exemple québécois fournit un modèle d'une élaboration des concepts civilistes qui s'expriment dans les langues française et anglaise, et cette élaboration n'a pas été à sens unique, car les deux langues ont participé à l'évolution et à la constitution d'un vocabulaire juridique distinct». Puisque vous êtes venus nous faire la présentation qu'il fallait préserver ça, est-ce que ça ? la question que je vous pose ? est-ce que d'ajouter la diversité culturelle rejoindrait finalement vos préoccupations à cet égard-là?

Bon. Écoutez, je ne veux pas vous embêter, mais vous y faites référence, à la diversité culturelle, à la page... ? je voudrais juste le retrouver là ? vous y faites référence, dans votre mémoire, à la diversité culturelle ? je crois que c'est au début; bon, je ne retrouve pas la référence, je m'en excuse, là. Mais, même à la toute fin, dans vos recommandations, vous en parlez, de la diversité culturelle. Alors, je ne veux pas vous embêter, mais je veux juste vous demander si ce serait plus spécifique de l'ajouter à la fin.

M. Devinat (Mathieu): Non, non, pas du tout. De toute façon, cette liste n'est pas limitative. Donc, d'inclure la diversité culturelle, d'inclure le droit, ça revient au même, d'une certaine façon. C'est-à-dire que la diversité culturelle, pour un interprète non avisé, on n'irait pas tout de suite conclure que ça inclurait la dimension juridique. Le propos consiste à dire que, oui, le droit participe à la diversité culturelle, le droit québécois, par ses caractéristiques.

Et, enfin, je vois que c'était important pour nous, de déposer le mémoire, étant donné que c'est vrai que l'image du juriste ou du droit au Québec est souvent perçue comme étant un langage technique qui évolue en vase clos. Or, ce n'est pas le cas. Le droit québécois, c'est le seul système qui a réussi la recodification de son système de droit civil. Ce n'est quand même pas une mince affaire. Et les juristes français n'ont pas réussi à le faire. Pour cette raison, on ne va pas consulter les juristes français lorsque les pays comme l'Ukraine, la Russie veulent avoir une idée de qu'est-ce que ça représente un système civiliste moderne qui s'exprime en deux langues.

Mme Delisle: Bon. Écoutez, j'ai retrouvé, si vous permettez, M. le Président, la référence. À la page 10 de votre mémoire, vous dites: «C'est donc avec regret que le CRDPCQ constate qu'une grande affirmation de l'importance de la diversité culturelle est absente du projet de loi instituant l'Observatoire québécois de la mondialisation. Le CRDPCQ ne peut s'empêcher d'évoquer que cette omission fait contraste avec l'approche relative à la mondialisation prônée par l'État québécois qui, elle, est dominée par le thème de la diversité culturelle.» Et ça continue aussi. Donc, je prends votre réponse de tout à l'heure comme étant quelque chose qui ne vous offusquerait pas, même que ça ferait votre affaire, dans la mesure où ça vient ajouter au phénomène de la mondialisation, et aux préoccupations, et aux études et aux recherches qui pourraient être faites dans ces domaines-là.

M. Devinat (Mathieu): Bien sûr, oui.

Mme Delisle: Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Devinat, pour votre participation aux travaux de cette commission. Et ceci termine la dernière présentation lors de cette consultation générale et ces auditions publiques, où il y a plusieurs groupes qui ont participé. Avant d'amorcer la période...

Remarques finales

Oui, Mme la ministre, vous pouvez procéder. Vous pouvez y aller. Nous allons maintenant amorcer la période des remarques finales.

Selon les règles qui régissent nos travaux parlementaires, il appartient maintenant à Mme la députée et porte-parole de l'opposition officielle de faire ses remarques finales. Et, par la suite, ce sera au tour de Mme la ministre avant l'ajournement de nos travaux. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, avant de faire mes remarques finales, je voudrais en profiter pour remercier tous les groupes qui se sont déplacés et qui nous ont déposé des mémoires fort intéressants, tout aussi enrichissants les uns que les autres. Et je pense que la ministre avait raison, tout à l'heure, de dire qu'on en apprend à tous les jours, et cette commission-là nous aura certainement permis de s'ouvrir à d'autres dimensions, d'autres répercussions que peut avoir la mondialisation sur les différentes facettes de notre économie, de notre vie, à quelque niveau que ce soit.

n(17 h 20)n

Je veux remercier mes collègues qui ont participé avec moi à cette commission et qui ont été très proactifs, et aussi Jean-Frédéric Lafontaine, Me Jean-Frédéric Lafontaine qui travaille à l'aile parlementaire avec nous.

Ceci étant dit, ce que je retiens de ce qu'on a entendu depuis quatre jours, c'est qu'il y a unanimité sur la question non seulement de réfléchir mais de trouver un forum ? que ça s'appelle observatoire ou peu importe, pour le moment on parle d'un observatoire ? qui fait en sorte ou qui permettra, finalement, à tout le monde de pouvoir non seulement recueillir de l'information, la diffuser auprès des citoyens mais aussi, à quelque part, permettre, par le biais de ces recherches qui seront faites et qui seront diffusées, permettre, par ricochet, d'alimenter à la fois la réflexion des parlementaires mais aussi la réflexion des citoyens sur ce phénomène de la mondialisation.

Toutefois, je pense que s'il y a unanimité de la part de tous les groupes qui sont venus s'exprimer, de la société civile et autre, je pense qu'il y a quand même certaines confusions dans les perceptions. Je pense qu'on s'entendra pour dire que, sur la question du conseil d'administration, les groupes qui y siégeront, les gens qui voudront bien être représentés, on note qu'il y a une variante quant à ces perceptions-là. On parle... Le libellé de la mission de l'Observatoire sur la mondialisation, à l'article 3, sème la confusion, on a pu le constater, et je reprends certains éléments de cet article 3: Faire comprendre à la nation québécoise... pour lui permettre de saisir les enjeux en vue de favoriser une mondialisation maîtrisée et équilibrée. Bon. Il y a des gens qui perçoivent cet Observatoire comme étant un lieu de concertation, un lieu de réseautage; d'autres souhaitent participer en ayant des mandats pour faire de la recherche; d'autres souhaitent contribuer à faire de la recherche; d'autres souhaitent établir des consensus, alors que, dans ses notes préliminaires, les notes d'ouverture, la ministre a été claire: ce n'est pas un lieu de concertation, on ne s'attend pas à ce qu'il y ait des consensus, ce n'est pas un lieu de débats politiques. Donc, il faut, je pense, trouver le moyen de clarifier. Je fais confiance aux légistes du ministère ou du gouvernement pour s'assurer, là, qu'on puisse traduire réellement la volonté du gouvernement et cette unanimité, tout au moins, que recherche tout le monde quant à la mise sur pied d'un observatoire de la mondialisation.

La question à savoir si l'Observatoire québécois de la mondialisation doit être objectif, dans le sens d'observer la mondialisation, ou subjectif, dans le sens de prendre position et de conseiller le gouvernement, ça aussi, ça ne sort pas très clairement dans les mémoires, finalement, ou de la part des gens qui sont intervenu. Est-ce qu'il s'agit pour l'Observatoire uniquement d'observer, de colliger, de synthétiser, de vulgariser l'information? Est-ce qu'il s'agit uniquement de coordonner, de rechercher, de faciliter le réseautage? J'en ai parlé tout à l'heure. Est-ce qu'il s'agit de diriger la recherche à partir de subventions, d'un financement qui vient du gouvernement à l'Observatoire ou bien est-ce qu'on peut subventionner aussi des groupes déjà existants et qui font de la recherche sur la mondialisation dans des créneaux un petit peu pointus?

Le comité scientifique aussi: on s'est fait dire qu'il fallait clarifier qui ferait partie du comité scientifique, qui va évaluer les projets de recherche, qui fera partie du comité scientifique.

Je vous dirais qu'un autre constat, c'est que la rédaction de l'article 4 n'a pas tout à fait réussi à éclairer dans mon esprit pour qui on faisait ça. On parle de le faire dans l'intérêt ? je voudrais être plus claire, là ? à l'article 4, on parle de... on suit principalement les négociations multilatérales, qu'elles soient mondiales ou régionales mais qui sont d'intérêt pour le Québec. Certains sont venus nous dire: Bien, on ne peut pas juste le regarder avec la lorgnette des intérêts du Québec, il faut aussi le regarder dans la perspective où il y a des conséquences aussi à cette mondialisation pour des pays qui sont plus au sud. Donc, ça, je pense que, lorsqu'on fera l'étude article par article, on aura besoin de clarifier, peut-être même de faire des ajouts là; on verra comment ça va fonctionner.

Je vous dirais aussi que l'étendue des champs couverts par l'Observatoire québécois de la mondialisation ne semble pas trop faire l'unanimité. Ce que je veux dire par là: Chacun désire que son créneau soit étudié, que la recherche soit faite dans des domaines beaucoup plus pointus mais qui sont davantage pertinents à leur champ de compétence. Il y a beaucoup, beaucoup d'attentes. Je résumerais sans doute en disant qu'il y a énormément d'attentes à l'égard de l'Observatoire québécois de la mondialisation.

Maintenant, toute la question de la représentation équitable de la société civile prend son importance dans la mesure où on répondra ou pas aux demandes qui ont été faites par l'ensemble des groupes de se retrouver à un siège, là, au sein de cette organisation-là. Peut-être qu'on pourra trouver un moyen d'être un petit peu plus souples avec le conseil d'administration. Il y a des pistes, je pense, qui peuvent être regardées.

Je vous dirais aussi qu'il subsiste à mon avis encore beaucoup de questions auxquelles je ne trouve pas nécessairement réponse suite à ces quatre jours. Par contre, je pense qu'il faut prendre le temps nécessaire d'ici à ce qu'on se retrouve en commission parlementaire... pas en commission parlementaire, il faut d'abord passer par l'adoption de principe, mais en commission parlementaire pour trouver les réponses à nos questionnements.

Donc, nous, on va poursuivre notre réflexion, et on en profite pour remercier tous les participants, là, et les collègues qui ont permis d'enrichir le débat. Moi, j'ai trouvé cette commission très fascinante. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la députée. Vous avez raison: il y a eu plusieurs aspects de pédagogie au cours de cette commission. C'est une des facettes intéressantes de notre travail de parlementaire, d'apprendre à tous les jours. Mme la ministre, pour vos remarques finales.

Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui, merci, M. le Président. À mon tour, donc, je veux remercier tous ceux qui ont participé à cette commission parlementaire. C'est vrai qu'il y avait ? on l'a noté ? une dimension pédagogique, c'est vrai qu'on a pris quatre jours aussi, mais on a pris la peine d'entendre tous ceux qui s'étaient inscrits, sans choisir parmi les groupes, de telle sorte qu'on soit vraiment à l'écoute de l'ensemble des personnes ou des groupes intéressés, donc, par cette question de la mondialisation et par la création de ce projet de loi. Je veux remercier, donc, les fonctionnaires qui m'ont accompagnée depuis le tout début dans cette belle aventure du projet de loi n° 109 et puis remercier aussi Patrice Bachant, particulièrement, de mon cabinet.

Alors, M. le Président, moi, ce que j'en retiens, rapidement... Je pense qu'on peut dire qu'il y a en effet un consensus autour de la nécessité de connaître, si je peux dire, dans le but de faire comprendre ce phénomène de la mondialisation. Et la population, j'en suis persuadée, est dans le même état d'esprit que les intervenants qu'on a entendus pendant quatre jours: ils veulent savoir, veulent connaître puis ils veulent comprendre. Alors, c'est ce qu'on a entendu. Et aussi il y a quasi unanimité de la part des intervenants sur la pertinence ? et là je peux différer un peu d'avis avec notre collègue du comté de Jean-Talon ? sur la pertinence de mettre sur pied une structure publique, légère, autonome, financièrement indépendante du gouvernement.

n(17 h 30)n

Le président donc de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, section Québec, a endossé le principe de collégialité. Et je pense que c'est un mot important qu'il avait prononcé, M. Fahey, sur lequel repose le fonctionnement de l'Observatoire.

Le président du Conseil du patronat, quant à lui, M. Taillon, a reconnu que l'organisme proposé se justifiait parfaitement dans le cas présent et que le point fort de cette structure était qu'elle favorisait le partenariat avec la société civile. Je pense que, pour moi, c'est pour ça que, dans ce sens-là, il n'y a pas vraiment de confusion. C'est sûr que tout le monde souhaite être présent autour de la table, ça, c'est vrai. Je reconnais, il y a là une vraie question. Et comment on va la régler? Bien, on va en discuter entre nous. Mais c'est vrai qu'il y a eu beaucoup de demandes pour être présent autour de la table. Mais je n'ai pas senti de confusion; j'ai senti beaucoup d'attentes, c'est vrai, puis des demandes d'être présent.

Je vais citer aussi René Roy de la FTQ disant: La structure comme telle nous convient parce qu'elle fait appel aux partenaires qui sont dans le milieu social, le milieu des affaires, le milieu patronal, le milieu syndical, le milieu communautaire, etc. Il dit: Dans un conseil d'administration qui se réunit donc quelques fois par année, ce n'est pas trop lourd comme manière d'opérer. Pour nous, ajoutait-il, l'Observatoire est absolument essentiel à l'heure actuelle.

Et je vais citer aussi M. Hade de la Fédération québécoise des professeurs d'universités qui a dit des choses à mon avis intéressantes. Quand notre collègue de La Pinière a posé une question en disant: Mais est-ce que ce ne serait pas justement une bonne idée de confier ça aux universités? Il a répondu: Le mandat de l'Observatoire comporte plusieurs dimensions. Le travail en milieu universitaire essentiellement, c'est enseignement, recherche et services à la collectivité. Mais il manque la dimension coordination des divers intervenants, il manque la diffusion large à l'égard de la population en général, et il manque le lieu d'échanges pour favoriser la solidarité et la démocratie à l'intérieur de ce processus. Donc, disait-il, c'est complémentaire, à notre avis.

C'est important parce que, dans le fond, si on va au fond des choses, on se demande pourquoi un Observatoire, je crois que c'est très bien résumé par les différents intervenants, l'originalité, l'innovation. Et je crois que ça n'existe nulle part ailleurs parce qu'on a regardé ce qui existait, bon, comme organisme de ce type un peu partout à travers le monde. Mais c'est très québécois.

C'est très québécois parce que ça favorise le dialogue, le dialogue social, le dialogue entre les différentes composantes de la société civile, en présence d'ailleurs de députés pour que cet arrimage entre l'Assemblée nationale que l'on souhaite et la société civile donc se réalise.

Par ailleurs, le gouvernement, je crois, doit continuer et c'est ce qu'on fait, à faire ses devoirs sur le plan administratif entre les ministères. Et, bien évidemment un observatoire va éclairer le gouvernement comme le restant de la population.

Alors, nous, on croit à ce moment-ci, donc après quatre jours, que ce premier bilan qu'on peut faire, c'est que l'intention du gouvernement, de déposer un projet de loi sur la création d'un Observatoire québécois de la mondialisation, c'est une bonne intention et que c'était... Il y a un besoin, il y a une demande, c'est très clair. Alors, on a entendu beaucoup de commentaires constructifs. Je ne sais pas, moi, j'ai fait quelques commissions parlementaires dans une autre vie avec notre collègue d'Outremont d'ailleurs, sur les questions linguistiques. Puis-je vous dire que c'était plus houleux et plus difficile à certains égards alors que, là, tout ce que j'ai entendu, c'était dans un excellent climat, dans une bonne atmosphère et puis que c'était constructif. J'inclus l'opposition autant donc que les groupes et les personnes qui sont venus devant nous.

En effet, tout le monde a pris ça en note: il y aura des rencontres au ministère et on va... Moi, je pars là pour 15 jours mais, dès mon retour, et comme la session ne commence qu'à la mi-octobre, on va d'abord, comme vous le disiez, adopter le principe et ensuite faire l'étude article par article. Donc, on aura le temps de voir quel genre d'amendements, comment on pourrait bonifier avec tout ce qu'on a entendu, comment on pourrait bonifier ce projet de loi.

Alors, moi, je termine tout simplement en remerciant à nouveau tout le monde, surtout donc pour la bonne, je dirais, conduite de nos travaux, M. le Président, et vos collègues qui vous ont remplacé à l'occasion. Et donc j'ai trouvé ça très, très intéressant, et ça a été très stimulant et très productif. Alors, j'en remercie tout le monde.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la ministre. Alors, je remercie également tous les parlementaires qui, au cours de cette commission, ont permis de faire avancer nos travaux dans une atmosphère très conviviale, même exemplaire.

Là-dessus, comme la commission s'est acquittée de son mandat, j'ai le plaisir de dire qu'on ajourne sine die.

(Fin de la séance à 17 h 36)


Document(s) related to the sitting