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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Friday, February 7, 2014 - Vol. 43 N° 120

General consultation and public hearings on Bill 60, Charter affirming the values of State secularism and religious neutrality and of equality between men and women, and providing a framework for accommodation requests


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Table des matières

Auditions (suite)

Les Juristes pour la laïcité et la neutralité religieuse de l'État

Université de Montréal (UdeM)

Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN)

Intervenants

M. Luc Ferland, président

Mme Denise Beaudoin, présidente suppléante

M. Serge Cardin, président suppléant

M. Bernard Drainville

M. Marc Tanguay

Mme Rita de Santis

Mme Kathleen Weil

Mme Nathalie Roy

M. Daniel Ratthé

Mme Françoise David

Mme Maryse Gaudreault

*          Mme Julie Latour, Les Juristes pour la laïcité
et la neutralité religieuse de l'État

*          M. Henri Brun, idem

*          Mme  Claire L'Heureux-Dubé, idem

*          M. Guy Breton, UdeM

*          M. Alexandre Chabot, idem

*          M. Richard Lavigne, COPHAN

*          Mme Véronique Vézina, idem

*          M. Olivier Collomb D'Eyrames, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 60, Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodement.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lessard  (Lotbinière-Frontenac) est remplacé par Mme Gaudreault (Hull); M. Ouimet (Fabre), par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce); et M. Duchesneau (Saint-Jérôme), par Mme Roy (Montarville).

Auditions (suite)

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la secrétaire. Ce matin, nous entendrons trois groupes, à commencer par Les Juristes pour laïcité et la neutralité religieuse de l'État, et l'Université de Montréal, et en terminant avec la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec.

J'invite donc maintenant Les Juristes pour la laïcité de la neutralité religieuse de l'État à nous présenter son mémoire, en vous mentionnant que vous disposez de 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivie d'un échange avec les parlementaires. Alors, je vous cède la parole, peut-être en présentant les personnes qui vous accompagnent pour qu'on inscrive le bon nom et le bon titre à l'écran.

Les Juristes pour la laïcité et la
neutralité religieuse de l'État

Mme Latour (Julie) : Merci, M. le Président. Alors, Mmes et MM. les parlementaires, je vous remercie de nous accueillir. J'aimerais également saluer les citoyens et les citoyennes qui sont à l'écoute et qui, tout comme nous, ont ce vif intérêt pour ce débat important pour l'avenir du Québec.

Alors, je me présente, je suis Julie Latour, avocate, ancienne bâtonnière du Barreau de Montréal, et j'ai le plaisir et l'honneur d'être aujourd'hui accompagnée par l'honorable Claire L'Heureux-Dubé, ancienne juge à la Cour suprême du Canada, et par Me Henri Brun, professeur associé à la Faculté de droit de l'Université Laval et constitutionnaliste de renom.

Alors, nous allons à tour de rôle brosser les grandes lignes de notre mémoire et nous répondrons ensuite avec plaisir à vos questions, qui nous permettront de préciser notre pensée. Alors, je cède maintenant la parole à Me Henri Brun.

Le Président (M. Ferland) : Me Henri Brun, allez-y, la parole est à vous.

M. Brun (Henri) : Merci, M. le Président. Alors, Mmes, MM. les députés, M. le ministre, alors, les signataires de notre mémoire sont des juristes, vous le savez. Malgré cela, ce qui nous mobilise vraiment, ce n'est pas tant la validité du projet de loi n° 60 que son opportunité, à savoir l'intérêt et l'importance qu'il y a à ce qu'il devienne loi. Ce souci, par contre, est fondé, de notre part, dans une large mesure, sur des considérations juridiques.

Pour ce qui est de la validité, rapidement, nous croyons tous que le projet de loi n° 60 est valide, y compris en ce qui regarde son article 5, qui restreint le droit de porter des signes religieux dans certaines circonstances bien limitées. Cette conviction, nous la fondons sur l'évolution récente du droit constitutionnel, de la jurisprudence et nous la fondons aussi sur l'évolution à venir, si je peux dire, du droit constitutionnel.

L'état de la jurisprudence constitutionnelle, à un moment donné, ne peut pas et ne doit pas être considéré comme la fin de l'histoire, d'autant plus que ce dont traite le projet de loi n° 60 n'a jamais été soumis aux tribunaux, on est en matière nouvelle. Il ne faudrait pas, en tout cas, que ce débat, que le débat légaliste sur la validité en vienne à inhiber ou à brouiller le débat essentiel qui doit avoir lieu sur l'opportunité du projet de loi n° 60. Il est, à notre avis, tout à fait légitime qu'un peuple puisse librement s'exprimer, réfléchir, s'exprimer sur ce genre de sujet que soulève le projet de loi dans le débat public et par la démocratie parlementaire.

Quant à nous, nous sommes complètement d'accord avec l'objectif premier que poursuit le projet de loi n° 60 et avec les quatre moyens qu'il met de l'avant pour atteindre cet objectif. L'objectif premier en question, comme nous le dit le premier alinéa du préambule du projet de loi, est d'affirmer la neutralité religieuse de l'État du Québec, et il le fait en faisant de cette neutralité un principe fondamental de la constitution du Québec. Pour nous, c'est ce qui doit d'abord être fait.

La neutralité religieuse de l'État, il faut le rappeler, n'est pas une invention, n'est pas une importation, elle est déjà reconnue en droit constitutionnel, québécois et canadien, mais par la jurisprudence seulement, au cas à cas, de façon empirique et dans un certain nombre de cas. Les tribunaux, dans ces cas, ont déduit ce principe de la neutralité religieuse de l'État précisément de la liberté de religion affirmée dans nos chartes des droits.

Autrement dit, la neutralité religieuse de l'État est une dimension de la liberté de religion. Sans elle, cette neutralité persiste à un degré de confusion ou d'intégration État-religion incompatible avec la liberté de religion de chacun. Sa promotion n'a donc rien d'hostile à la liberté de religion; tout au contraire, elle en est un élément essentiel, un élément intrinsèque. Mais il reste, il reste que, pour l'instant, cette neutralité demeure un principe indéfini, source de beaucoup d'incertitude juridique.

L'absence d'affirmation législative du principe et de tout aménagement de sa mise en oeuvre engendre une imprécision juridique qui est difficilement conciliable avec le principe de la primauté du droit. Et c'est pour cette raison que nous croyons, comme juristes, en tant que juristes, qu'il est hautement souhaitable : un, que la neutralité religieuse de l'État soit affirmée dans la Charte de droits et libertés de la personne; deux, qu'il y fasse l'objet d'une définition; et, trois, qu'il soit encadré par des mesures de mise en oeuvre.

Ce débat de fond sur l'opportunité du projet de loi n° 60 a été ramené par plusieurs à une question d'urgence ou de nécessité immédiate. Selon nous, le projet de loi n° 60 affirme plutôt un principe constitutionnel fondamental. Pour nous, le projet de loi n° 60 se situe, à cet égard-là, de la même nature… soulève une question de la même nature que ce qui a été mis de l'avant en 1975, lorsque le Parlement du Québec a adopté la Charte des droits et libertés de la personne. Face à une société qui se pluralise en accéléré, spécialement en matière religieuse, le projet de loi n° 60 veut garantir que l'État du Québec est et paraît être un État religieusement neutre. Le projet de loi n° 60 a pour objet l'avenir à long terme et non pas la réparation d'un quelconque mal immédiat. Alors, je vous remercie. Je remets la parole à Julie.

• (9 h 40) •

Mme Latour (Julie) : Alors, dans la foulée de ce que M. Brun mentionnait, le projet de loi n° 60 répond à un besoin de clarté et de sûreté juridique puisque, contrairement à la plupart des autres démocraties occidentales, l'Acte constitutionnel fondateur du Canada en 1867 ne traite pas de la question de l'aménagement de la religion dans la vie civile. Il n'en est question qu'à un seul article, l'article 93, concernant la confessionnalité scolaire, auquel, d'ailleurs, le Québec a renoncé en 1997 pour ensuite créer des commissions scolaires linguistiques plutôt que confessionnelles. Donc, ce vacuum, les assises mêmes de la liberté de religion ne figurent pas au sein de la constitution. Et on a greffé, 100 ans plus tard, la Charte des droits et libertés, en 1982, qui consacre la liberté de religion et de conscience, mais davantage d'un point de vue individuel qu'institutionnel.

Pendant ce temps-là, le processus de sécularisation du Québec s'est poursuivi, mais certains des acquis laïques sont assez récents parce que… Et, quand je parle d'acquis laïques, ce sont… notamment au niveau du droit, d'un État de droit où les règles émanent de la volonté populaire et non des préceptes religieux. Et ce n'est que depuis 1982 que la pleine égalité des époux est reconnue au sein du Code civil du Québec et que la notion d'enfant illégitime a été écartée du Code civil. Donc, le socle n'est pas présent et, quand le socle d'un édifice n'y figure pas, il y a des dangers qu'il se lézarde. En ce moment, on procède à la réfection de nos viaducs et on va reconstruire un nouveau pont, il faut faire la même chose avec la Charte des droits, la solidifier pour qu'elle aille avec un nouveau souffle.

Également, en ce moment, dans ce vacuum juridique, on fonctionne avec l'accommodement raisonnable cas par cas, mais c'est un concept qui émane du droit du travail, l'accommodement, qui est un droit fortement balisé par les diverses lois applicables, le Code du travail, la Loi sur les normes, le Code civil, les conventions collectives. Mais, lorsqu'un juge ou un arbitre est saisi d'une revendication religieuse, en ce moment c'est la revendication religieuse contre à peu près rien.

Et, si cette volonté d'établir cette clarté, parce que le rôle de l'État, c'est de protéger tous les droits et libertés de la même façon… Et on peut faire l'analogie avec les couleurs dans la palette d'un peintre des droits et libertés. Alors, chacune est unique, et est un idéal, et aspire à l'absolu. Mais l'utilité des couleurs pour le peintre, c'est de faire une toile. Et la toile, c'est la vie en société. Et, dans la vie en société, les droits et libertés doivent se côtoyer, comme les couleurs, se rejoindre et parfois même s'opposer. Et, par exemple, entre le orange… Le orange, c'est la ligne mitoyenne entre le rouge et le jaune, par exemple, entre la liberté d'expression et le discours haineux. Le vert est la ligne mitoyenne entre le jaune et le bleu, donc entre la liberté de religion et la l'égalité hommes-femmes. Et enfin, je dirais, les tenants de la laïcité ouverte ou le Barreau du Québec, la Commission des droits de la personne, nous disent : Nous avons la neutralité de l'État, on n'a pas besoin de l'affirmer, c'est là de facto. Bien, je répondrais, comme Talleyrand au congrès de Vienne : Si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant. Alors, je cède la parole à Mme L'Heureux-Dubé.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Merci, Julie. J'appuie évidemment entièrement le mémoire des Juristes pour la laïcité et la neutralité de l'État, particulièrement en ce qui concerne la liberté de religion. Je souligne aussi que j'appuie l'intervention du Pr Guy Rocher, ayant, comme lui, signé l'énoncé de principe du rassemblement pour la laïcité.

Ceci m'amène au coeur du véritable débat qui divise certains juristes dans cette enceinte et sur la place publique en ce qui a trait à la liberté de religion. Ce débat juridique se réduit, à mon avis, essentiellement aux opinions divergentes des juristes sur l'interprétation par les tribunaux des limites aux libertés civiles garanties par les chartes.

Certains, tels le Barreau et la Commission des droits de la personne, entre autres, s'appuient sur une interprétation large et expansive de ces libertés civiles par les juges, interprétation basée sur la croyance sincère uniquement, totalement subjective, d'une personne à l'effet que ces pratiques relèvent d'une obligation religieuse sans autres critères — les arrêts Amselem et Multani dont on a beaucoup discuté.

Pour Les Juristes pour la laïcité et la neutralité de l'État, dont je suis, cette interprétation large et totalement subjective est révolue depuis les arrêts subséquents à ces deux décisions dont nous faisons état dans notre mémoire. Si le projet de loi n° 60 était adopté, on devra tenir compte, entre autres, du contexte social du Québec ainsi que du choix de société que le Québec s'est donné : une société laïque.

J'ouvre ici une parenthèse au regard des arrêts sur la sukkah et le kirpan, sur lesquels se fonde en gros l'interprétation du Barreau et de la Commission des droits de la personne, pour souligner la forte dissidence du juge Bastarache, un Québécois qui a étudié à l'Université de Montréal, dans l'arrêt sur la sukkah, pour qui l'interprétation de ces libertés civiles aurait dû se baser sur des critères, aussi, sur des critères objectifs. C'est, en fait, exactement à cette interprétation que la jurisprudence subséquente s'est rangée, ce qui est très souvent le cas des dissidences, qui deviennent lois à plus ou moins long terme. J'en sais quelque chose.

Aussi, il ne faut pas oublier la forte dissidence du juge LeBel, le plus grand juriste actuel du Québec, dans l'arrêt récent N.S., en ce qui concerne le port du voile intégral devant une cour de justice, et cela non plus ne pourrait être… ne peut être ignoré.

Ce qui saute aux yeux dans cette analyse de la jurisprudence, c'est que ce sont les juges québécois qui ont très souvent une voix différente sur le banc. Les femmes ont une voix différente sur le banc et les juges québécois aussi. Cela a été maintes fois relevé par les journaux. Et, entre autres, le doyen Grammond en fait état dans un article, justement, sur la sukkah, très mal reçu au Québec, mais plus ou moins ignoré ailleurs, dans les autres provinces. Il faut lire, à cet égard, la critique très sévère du professeur Gaudreau-DesBiens, un professeur que j'admire beaucoup, à l'égard de l'interprétation de la Cour suprême du Canada dans ces arrêts.

En quoi cela est-il pertinent dans le débat actuel sur le projet de loi n° 60? D'une part, qu'il ne faut pas présumer de l'immutabilité des décisions des tribunaux comme le font le Barreau du Québec et la Commission des droits de la personne. D'autre part, plus éloquent encore, le contexte social du Québec est tout à fait différent de celui du reste du Canada, imprégné de la culture du bien commun dans notre Code civil et ailleurs, de l'importance de la communauté, du chacun-pour-tous qui se reflète dans nos institutions, par rapport à une culture du chacun-pour-soi véhiculée dans d'autres cultures. Ce contexte ne peut pas être ignoré dans l'interprétation des libertés civiles ici en jeu. Et c'est pour cela, pour ces raisons d'ordre juridique que je suis très à l'aise avec le projet de loi n° 60, un projet de société qui devrait recevoir l'aval des tribunaux. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci beaucoup. Alors, maintenant, je reconnais M. le ministre pour… Il reste environ 19 minutes à peu près. Alors, la parole est à vous pour la période d'échange. Et j'aurais besoin, avant de poursuivre, du consentement des membres de la commission pour aller au-delà du temps qui nous est imposé, c'est-à-dire 12 h 30, parce que nous avons commencé avec un petit retard. Alors, j'ai consentement? Alors, allez-y, M. le ministre.

M. Drainville : Merci, M. le Président. Bienvenue, et merci pour votre mémoire et votre présentation. J'aimerais d'abord — comment dire? — prendre un peu au bond certaines des affirmations que vous venez de faire, Mme L'Heureux-Dubé, quand vous avez parlé de l'évolution des jugements de la Cour suprême. Vous avez parlé notamment du jugement sur la sukkah et sur le kirpan. Il y a des observateurs qui ont tiré de ces jugements l'analyse suivante. Ils ont postulé qu'à travers ces jugements-là la Cour suprême avait donné, d'une certaine façon, à la liberté de religion le statut de superdroit, quasiment de droit prépondérant sur les autres droits. Et j'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce qui vous rend si confiante que cette charte de la laïcité pourrait passer le test des tribunaux dans la mesure où certains diront que la Cour suprême a déjà donné à la liberté de religion cette espèce de caractère de superdroit et les adversaires de la charte, comme vous savez, disent que cette charte brime la liberté de religion? Alors, comment vous répondez à ça? Comment vous voyez ça?

• (9 h 50) •

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : D'abord, je ne suis pas du même avis que ceux qui disent qu'il y a, de la part de la Cour suprême… qu'elle a mis en exergue la liberté de religion. Ce n'est pas le cas, à mon point de vue. Deuxièmement, il y a deux sortes de droits, il y a des droits fondamentaux, qui sont le droit de… — juste pour vous… une petite énumération — le droit à la vie, le droit à un procès juste et équitable, le droit à l'égalité, etc. Ce sont des droits fondamentaux, et, lorsqu'on a déterminé qu'il y avait une atteinte à ces droits, c'est fini, hein? Ce sont des droits tellement fondamentaux qu'il n'y a… à mon point de vue, on ne peut pas se mettre à leur donner une portée moindre.

Mais, par contre, les libertés civiles, c'est aussi fondamental, mais d'un ordre tout à fait différent, et là elles ne sont pas absolues. Alors, ces libertés-là ont été étudiées ou, enfin, déterminées par la Cour suprême, dont je viens de parler, dans une évolution de quelques années, hein? Le kirpan, ça date… Je ne me souviens pas exactement, là, de la date du kirpan… ou de la décision du kirpan. Mais depuis, alors, il y a eu une évolution de la pensée sur ces droits… ces libertés civiles, qu'il faut distinguer, à mon point de vue, des droits fondamentaux.

M. Drainville : Mais vous répondez quoi à l'argument qui veut que cette charte porte atteinte à la liberté de religion? Parce que, dans le fond, c'est l'argument fondamental de ceux qui s'y opposent, c'est de dire : Ça porte atteinte à la liberté de religion, la charte.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : On y répond évidemment dans notre mémoire. Mais la religion est avant tout, à mon point de vue, un engagement intérieur, une croyance, comme l'a souligné le juge La Forest dans l'arrêt Children's Aid Society. Et je pense qu'il est intéressant de voir ce qu'il disait : «Bien qu'il soit difficile d'imaginer quelque limite aux croyances religieuses, il n'en va pas de même pour les pratiques religieuses, notamment lorsqu'elles ont une incidence sur les libertés et droits fondamentaux d'autrui.»

Alors, dans une autre décision, le même juge a dit : «Il convient»… Et le juge La Forest, là, c'est un philosophe du droit, hein? Ça a été un très grand juriste à la Cour suprême. Il dit également : «Il convient généralement de tracer la ligne entre la croyance et le comportement. La liberté de croyance est plus large que la liberté d'agir sur la foi d'une croyance.» Alors, il y a d'autres décisions qui ont fait état de cette jurisprudence.

Mais notre mémoire souligne l'évolution récente, comme je vous ai dit, de la jurisprudence à l'égard des accommodements religieux. Et les signes religieux, quant à moi, là, les signes religieux font partie de l'affichage de ces croyances religieuses et non pas de la pratique d'une religion. Tous les employés de l'État sont sujets, entre autres, à des normes de loyauté et à des restrictions dans leur liberté d'expression politique, ce qui a été jugé valide, d'ailleurs, par les cours de justice. En quoi une restriction similaire quant à leur liberté d'expression religieuse serait-elle différente?

Et là je réponds peut-être à quelqu'un qui a mis ça en doute en disant : Oui, restriction par rapport à un État laïque. Il faut toujours mettre ce paramètre-là. Et, dans les… On a parlé beaucoup du cas par cas, etc. Moi, je n'y crois pas, au cas par cas, sans qu'il y ait un mur. C'est une mosaïque de décisions qui n'ont aucune structure à la base. Alors, lorsqu'on aura un État laïque, on pourra avoir une structure beaucoup plus certaine que les décisions cas par cas qu'on voit aujourd'hui.

M. Drainville : Par ailleurs, dans l'article du Devoir de samedi dernier, on dit que, pour vous, «les femmes du Québec franchiront un jalon important dans leur longue marche vers l'égalité si les élus adoptent la charte de la laïcité». Dans un article de 2007 qu'on a retrouvé, vous vous opposiez notamment au givrage des vitres dans un centre de sport ainsi qu'aux heures de piscine non mixtes pour séparer les sexes. J'aimerais vous entendre davantage sur la façon dont la charte va assurer l'égalité hommes-femmes selon vous.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Bien, ça, c'est du cas par cas, hein? C'est ce que je viens de dire. Il n'y a rien qui vient structurer ces décisions. Alors, on peut comprendre la Commission des droits de la personne, qui est vouée au cas par cas parce que son rôle, c'est de voir s'il y a eu une discrimination quelconque. Mais, ici, on parle de société, on n'est pas dans une étude du cas par cas, comme l'est… comme est la fonction… Alors, ce n'est pas la fonction de la Commission des droits de la personne, par exemple, de mesurer ces revendications à un État laïque.

Alors, quant à moi, la longue marche sur l'égalité dont j'ai fait partie et qui explique le malaise… Je crois que le malaise dont je parlais, c'est un fait qui a été démontré ici par, entre autres, des gens qui sont venus discuter du problème ici. Alors, je voudrais vous dire que, quant à moi, le suave Hérouxville a mis sur la sellette, a mis publiquement ce qui couvait à l'intérieur. Ce n'est pas le débat actuel qui divise la population. La population était divisée, et le débat actuel permet d'aérer cette division. Alors, quant à moi, c'est très sain comme exercice, exercice de société.

Et, quand je parle du droit des femmes, je sais de quoi je parle, et, à mon point de vue, la charte de la laïcité ne cause aucune discrimination contre les femmes. On pourrait se demander, dans l'état actuel, qu'est-ce qui discrimine le plus, est-ce que ce sont les religions ou c'est la charte de la laïcité? Alors, à cet égard-là, je pense que la laïcité est excellente pour le droit des femmes, qui ont toujours été, dans le droit, jusqu'à un certain moment, considérées comme citoyennes de second ordre. On sait ce qui s'est passé dans les années dernières, dans les années plus lointaines pour rétablir cet équilibre-là.

M. Drainville : Alors, si je vous demandais, pour les gens qui nous écoutent, là, en quelques phrases : Pourquoi cette charte-là, est-ce qu'elle… pourquoi est-elle importante maintenant? Pourquoi arrive-t-elle à point nommé? Pourquoi devons-nous, comme élus, donner au Québec ou aux Québécois, une charte de la laïcité? Pourquoi c'est important maintenant?

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Bien, d'abord, parce qu'il y avait un débat, il y avait un débat dans la société elle-même, débat qui n'était pas public, qui se passait en sourdine, sous le boisseau, dirait-on. Et, lorsque ce débat-là, par suite d'Hérouxville, mettons — parce qu'il y a toujours dans une caricature un peu de vérité — là, le débat s'est fait publiquement, et c'est là que la commission Bouchard-Taylor a été formée, qui a elle-même dit que c'était une nécessité.

Moi, je n'ai pas fait ces études-là personnellement, mais ils en ont fait, ils ont fait des sondages, ils sont allés rencontrer le public. Alors, il me semble que… Ils ont dit que c'était pertinent. Je crois même qu'ils se sont impatientés parce que ce n'était pas… la législation ne venait pas assez vite. C'est donc qu'il y a eu un constat de fait que c'était le temps et c'était nécessaire d'avoir une charte de la laïcité qui clarifie les problèmes qui se sont accumulés au rythme des accommodements que je dirais déraisonnables plus que raisonnables.

M. Drainville : J'aimerais vous poser la même question, à vous, Me Latour et Me Brun. En résumé, le meilleur ou les meilleurs arguments pour qu'on ait cette charte de la laïcité?

Mme Latour (Julie) : Que le Québec continue d'être un État de droit fondé sur la primauté du droit, qu'il y ait, comme le dit bien Mme Fatima Houda-Pepin, des verrous pour que les préceptes religieux ne reviennent pas s'installer au sein du droit, que ce soit par… Parce qu'à date, par le biais des accommodements… Et il y a eu des jugements où l'on a permis à des femmes de renoncer à des droits même d'ordre public, notamment celui de porter en mariage ses nom et prénom selon l'article 393 du Code civil, pour une fondamentaliste chrétienne, en citant la lettre aux Éphésiens à l'effet que l'on faisait… la femme et le mari ne faisaient qu'un. Or, c'est régresser par rapport à cette longue marche des droits que les femmes ont pu acquérir.

Je vous donnerai un autre exemple concret. À Jérusalem, les sukkahs sont interdites dans les édifices à étages pour des raisons de sécurité, ici on leur a donné une protection constitutionnelle. Est-ce qu'on n'est pas allés un peu trop loin? Nos chartes des droits, et Mme L'Heureux-Dubé en faisait état, contiennent des clauses… le fait même qu'elles contiennent des clauses restrictives, clauses de limites raisonnables, démontre que l'État peut agir pour le bien commun. C'est cet équilibre qui doit se poser.

Et, dans un État de droit, nous sommes des citoyens avant d'être des croyants ou des non-croyants, en particulier si l'on oeuvre pour l'État. Et la Cour suprême a confirmé cette neutralité réelle et apparente des fonctionnaires et a même dit que les citoyens — il était question de l'Ontario — avaient des droits individuels ou collectifs d'avoir une fonction publique impartiale et que c'était une condition essentielle à l'existence d'un gouvernement responsable. Alors, il est temps d'actualiser la charte, dans une société qui se diversifie en accéléré, pour aller vers l'avant et pour maintenir une cohésion sociale qui est essentielle à un projet de société. On ne vit pas tous sur une île déserte. L'État nous octroie ces droits… en fait, nous le faisons comme peuple souverain et nous nous devons, les uns les autres, cette fraternité. M. Brun?

• (10 heures) •

M. Brun (Henri) : Oui. Bien, brièvement, je pense que, pour moi, l'essentiel, c'est que cette neutralité religieuse de l'État qui fait partie intégrante de la liberté de religion, à savoir même que, sans cette neutralité religieuse de l'État, la liberté de religion n'existe pas vraiment, elle doit être affirmée dans la constitution, dans notre constitution du Québec — qui existe, contrairement à ce que certains prétendent — et doit être aussi définie et balisée. Pour ce qui est du balisage, le projet de loi est intéressant, il prévoit quatre mesures de mise en oeuvre qui balisent. Pour ce qui est de la définition, bien il y a peut-être un certain manque.

Et, dans notre mémoire, nous proposons qu'il y ait une disposition définissant la neutralité religieuse de l'État, et je pense que ce serait une bonne idée d'y songer. Et je pense que ce n'est pas simplement... ce n'est pas une question creuse. Même les tribunaux le souhaitent, hein, demandent — on l'a vu dans certains jugements — que ces choses-là soient affirmées, précisées  parce qu'autrement on a une moitié de la liberté de religion qui n'est même pas affirmée et par rapport à laquelle on ne sait pas quoi faire.

Est-ce qu'avec ça on peut interdire à un maire de faire une prière au début des assemblées du conseil? Est-ce qu'on peut permettre à un établissement public qu'un culte religieux soit célébré là?, etc. Il y a tout plein de questions, et on n'a rien. Alors, je pense qu'il est important, dans le contexte d'aujourd'hui, dans l'évolution que l'on connaît aujourd'hui, où on est passés très loin, là, de l'unanimiste des années d'avant 50, et je pense qu'il faut prévoir l'avenir, il faut baliser l'avenir.

M. Drainville : Peut-être en terminant, parce qu'il me reste seulement quelques minutes. Mme L'Heureux-Dubé, vous savez, Mme Arbour, Louise Arbour, qui est également une ancienne juge de la Cour suprême du Canada, elle se prononce, ce matin, dans un texte intitulé Le chant des sirènes, dans lequel elle écrit : «La charte de la laïcité nous incite à céder au chant des sirènes. Ce chant évoque l'image nostalgique d'une société homogène catho-laïque, où "nos" symboles religieux nous paraissent inoffensifs parce que, n'y croyant plus, nous les avons vidés de leur sens, alors que ceux des "autres" feraient au contraire peser une menace permanente sur nous.»

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Bien, tous les signes religieux ont le même… Que ce soient des signes religieux… ou quelques signes religieux, la charte est très neutre là-dessus. La proposition que vous faites, de projet de loi, est très neutre. Tous les signes religieux, catholiques, protestants, etc., sont couverts. Je ne vois pas du tout... Vous savez, Mme Arbour et moi, on a été souvent dissidentes, je le suis encore.

M. Drainville : Et donc est-ce que vous trouvez qu'elle...

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Je n'ai pas lu l'article du tout, là.

M. Drainville : Vous ne l'avez pas lu?

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Je n'ai pas eu le temps, ce matin.

M. Drainville : Bon, bien, alors, je vais réserver mes questions là-dessus. Mais je dirais qu'en définitive elle trouve que ça va trop loin, elle trouve que la charte de laïcité va trop loin.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Bien, je diffère d'opinion complètement, et pour les raisons particulièrement que vient d'exposer M. Brun. C'est nécessaire d'avoir des balises. La Cour d'appel a dit, dans la décision de la prière, qu'il n'y avait pas, au Québec, justement, de législation là-dessus, alors s'est basée un petit peu là-dessus pour dire... pour bâtir son opinion. Alors, à mon point de vue, c'est nécessaire pour la clarté, pour affirmer nos valeurs comme société. Vous savez, on l'a fait à plusieurs reprises, hein? Ce n'est pas la première fois, là. Le droit des femmes, là, ça date de M. Godbout, ça. Puis après on… À tout moment où il y a eu un débat de société, il y a eu des montées aux barricades, après ça s'est parfaitement... Quand la houle a baissé, là, et que les flots sont devenus plus calmes, on n'a pas eu de problème. Alors, c'est le même phénomène. Plus ça change, plus c'est pareil.

M. Drainville : Donc, vous pensez qu'une fois qu'on aura voté cette charte-là s'ensuivra une période d'acceptation, d'harmonie et de consensus?

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Ah, parfaitement! Je suis parfaitement d'accord.

M. Drainville : Mme Latour, M. Brun… Me Brun, oui….

M. Brun (Henri) : Peut-être, pour assurer cette paix — bien là, c'est une autre question — faudra-t-il ou non utiliser la close de dérogation expresse? Moi, ma réponse juridique, c'est non, pour les raisons qu'on a mentionnées. Nous croyons que ce projet de loi dans son intégralité est constitutionnel, est valide. Mais, devant tout ce qui est dit par ailleurs — on ne peut quand même pas se boucher les oreilles — je pense qu'il y aura aussi une décision de nature exclusivement politique et non plus juridique du tout, absolument politique et administrative, de dire : Allons-nous vivre avec 10 années de batailles judiciaires sur le même sujet? Et ça, ça pourrait gâcher cette paix qu'on anticipe. Mais là il y a une décision politique, là, qui nous échappe.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : …qui serait tout à fait légitime.

M. Drainville : Qu'est-ce que vous dites, Mme L'Heureux-Dubé? Vous dites : Ce serait tout à fait légitime d'utiliser la clause dérogatoire?

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Pardon? Je n'ai pas compris.

M. Drainville : Vous avez dit que c'était tout à fait légitime. Vous faisiez référence à?

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : À l'utilisation de la clause dérogatoire. À mon point de vue…

M. Drainville : Elle a mauvaise presse, vous savez, hein? Elle a mauvaise presse, la clause dérogatoire.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Oui, mais elle a déjà été utilisée, et puis la paix s'est installée, hein? Alors, moi, je dis : Pas nécessairement, pas nécessairement, mais si nécessaire. Je ne la…

Le Président (M. Ferland) : Malheureusement, je dois interrompre… Le temps étant écoulé pour la partie ministérielle, je vais du côté de l'opposition officielle. Et je reconnais le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Bon matin à vous trois. Merci beaucoup pour le temps que vous avez mis pour rédiger le mémoire et aujourd'hui venir nous le présenter, répondre à nos questions. Vous savez, on a 16 minutes. Je veux poser des questions et mes deux collègues aussi, alors je vais tenter de garder mes questions courtes. C'est difficile pour un avocat. Et si on pouvait, donc, avoir un échange sur plusieurs aspects…

J'aimerais, Me Brun, revenir sur votre dernière intervention. Vous parlez… On parlait de la paix sociale et ce que pourrait engendrer la non-utilisation de la clause «nonobstant». J'aimerais en être au niveau du terrain. Selon votre expérience des débats constitutionnels, en quoi un tel débat sur la constitutionnalité serait difficilement conciliable avec une paix sociale? Vous parlez… Je pense que vous avez cité une dizaine d'années. Alors, pouvez-vous nous expliquer un peu ce que c'est dans les faits, ce débat-là, et quel impact ça peut avoir sur la cohésion sociale?

M. Brun (Henri) : Bien, je pense que, de la même façon qu'actuellement le débat de fond est un peu corrompu par ce débat légaliste, de savoir si c'est conforme ou non à un État de droit, à des considérations juridicojuridiques. Et je pense que, si… Mais, encore une fois, là, il y a une décision de nature politique qui devra être prise. Mais, étant donné ce qu'on nous dit à partir de certains horizons, particulièrement la Commission des droits et le Barreau, il y aura contestation. S'il y a contestation, très concrètement, faire état d'une dizaine d'années de tempête, ce n'est pas de trop, ça va ressembler à ça, tout à fait.

Et ce climat où on s'empêche de discuter du fond des choses, de savoir qu'est-ce qui est bon, qu'est-ce qui est souhaitable pour notre société au jour d'aujourd'hui pour le futur à long terme va toujours continuer d'être pollué par un débat sur la légalité : Est-ce que c'est… Bon, c'est très intéressant. J'ai l'air de parler contre mon clocher, mais je me dis que le droit, c'est aussi autre chose que ça. C'est en ce sens-là que je reproche beaucoup à la Commission des droits de la personne d'avoir ce genre d'approche éteignoir, à peu près l'approche de l'avocat de quartier qui dit à un client : Non, vous ne pouvez pas construire la clôture entre vous et votre voisin, il y a un règlement municipal qui dit que c'est interdit. Je pense qu'on est dans un autre ordre de choses ici. Et puis, bien, il serait bon qu'on s'interroge et qu'on décide et, en essayant de libérer l'horizon le plus possible, qu'on prenne une décision collective, démocratiquement, à la suite d'un débat et en utilisant la démocratie parlementaire.

• (10 h 10) •

M. Tanguay : Oui. Et, sur cet aspect-là, Me Brun, et par la suite… Je vais vous poser une dernière question et je vais passer à Mme la juge L'Heureux-Dubé. Me Brun, donc, vous avez dit : Le débat… Vous avez utilisé un terme qui, je crois… un terme : Le débat est corrompu par cette… je vous dirais, cette emphase qui est mise, sur cette division qui est mise. Dans votre mémoire, à la page 15, vous dites… et vous revenez, je pense, à une position de faire avancer le Québec, qui vise à faire avancer la Québec, et vous parlez, entre autres, d'enchâsser la laïcité et la neutralité religieuse de l'État, qui serait déjà à vos yeux une avancée appréciable.

Selon vous… Parce que je sais que vous citez l'adoption unanime de la charte québécoise des droits et libertés en 1975. Pour justement ne pas continuer sur ce débat corrompu, divisif, j'aimerais vous entendre sur l'opportunité de dire : Bien, écoutez, sur quatre des cinq aspects… Et là on manque de temps, mais on les connaît, là : les balises aux accommodements, neutralité dans la charte québécoise, visage découvert. Ne pensez-vous pas que ce serait, donc, la bonne façon… Parce qu'on dit que c'est un débat politique, mais force est de constater que, les 125 députés à l'Assemblée nationale, la majorité est contre l'interdiction complète des signes ostentatoires. Alors, j'aimerais vous entendre sur cette avancée que l'on pourrait faire et sur cette nécessaire cohésion sociale, charte québécoise 1975 qui est le fondement de notre société. On ne peut pas être divisés là-dessus. Me Brun, puis après ça j'aurais une question à Mme la juge.

M. Brun (Henri) : Bien, là-dessus, je reste proche de notre mémoire. Nous le disons bien franchement, si, pour avoir l'essentiel des choses, il devait y avoir quelques compromis, nous sommes d'avis qu'il faudrait, peut-être pas à l'infini, mais se prêter à quelques compromis. Ces quelques compromis, si c'était bien fait, n'auraient pas pour effet de nous priver de l'essentiel des choses.

Bon. On donne quelques exemples, là, dans notre mémoire, et toujours ce qui revient, c'est la question du découpage un peu à travers les agents de l'État soumis à la règle de l'interdiction de port de signes. Alors, il y a deux voies. Certains, là-dessus, prônent une distinction entre les agents de l'État qui sont en contact avec le public par rapport à d'autres qui sont plus à l'arrière. Je pense qu'à mon avis ça, c'est très difficilement praticable. Ça demeure un critère d'application qui n'aura pas le degré de précision voulu pour que ce soit effectif, efficace.

Par contre, une distinction sur une autre base, en essayent d'identifier les agents de l'État qui manipulent la coercition étatique de façon plus immédiate que d'autres, je pense, est peut-être pleine d'avenir. Je pense qu'il y aura des difficultés, des difficultés d'application qu'on n'aurait pas en appliquant la norme à tous les agents de l'État, hélas! Mais, bon, s'il fallait se replier un peu de ce côté-là, il y aurait des choses à faire. En tout cas, on est d'accord, les 12 signataires, que des pas pourraient être faits de ce côté-là pour ne pas rater l'essentiel.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Me Brun. Oui?

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Le mémoire n'est pas dogmatique au point qu'il n'y a pas possibilité de compromis. Il est très modéré, si vous l'avez lu. Alors, nous disons que c'est important d'avoir le consensus. Moi, je suis très à l'aise avec ce projet de loi là qui est dans la grande lignée de la laïcité forgée par le Parti libéral. Je suis libérale moi-même. Alors, je pense que le projet va dans cette lignée-là. De Duplessis, qui a donné le droit de vote aux femmes…

Une voix : Godbout.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Duplessis! Godbout. Le premier ministre Godbout, Mme Casgrain, avec qui j'ai beaucoup travaillé, Thérèse Casgrain, me disait qu'elle lui avait tenu la main. Et on a été obligés d'avoir une loi pour permettre aux femmes d'accéder au Barreau, alors que le Barreau s'est battu bec et ongles contre ça. Alors, on a vu après le Code civil qui a été amendé sous les libéraux, la même chose sous Lesage après. Alors, ça s'inscrit, ce projet-là, qui est un projet de société, dans la grande lignée de la laïcité qu'a promue le Parti libéral lui-même.

M. Tanguay : J'avais une question… Mais effectivement il est important de ne pas être dogmatique. Et je souligne et vous lève mon chapeau en ce qui a trait à l'importance d'aller chercher un compromis ou de faire avancer le Québec sur ce qui fait le plus large consensus possible, et ces avancées que vous avez soulignées en étaient, dont l'exemple probant : en 1975, charte québécoise. Donc, ne pas être dogmatique, je pense qu'il y a un message fort, là, et à tout un chacun de le saisir.

J'aimerais vous entendre. Vous avez parlé, Me Brun — mais ma question est à l'un de vous trois — de l'importance… Vous le savez mieux que moi, Mme la juge, l'importance de la règle de droit lorsque l'on veut limiter une liberté. Elle doit être suffisamment définissable. À deux paliers, dans le projet de loi, l'on dit d'abord «tout signe ostentatoire». Alors, qu'est-ce qui est ostentatoire, qu'est-ce qui ne l'est pas? Bonjour aux administrateurs, administratrices qui devront en déterminer. Mais l'on veut, deuxième palier de difficulté, quant à la clarté — que je ne vois pas — de la règle de droit, l'on veut déléguer cette autorité décisionnelle sur l'ostentatoire ou pas aux administrateurs. Et également, les articles 10, on dit : Lorsque les circonstances le justifient, un organisme pourrait être soumis à cette interdiction. Alors, au niveau de l'importance d'avoir une règle de droit claire, Me Brun parlait un peu plus tôt de l'importance d'avoir la précision voulue, y voyez-vous là une précision tout à fait limpide et hors de tout écueil?

M. Brun (Henri) : Pour ce qui est, en tout cas, de l'ostensible ou l'ostentatoire, ça va peut-être plaire à nos amis de la coalition, nous considérons que le qualificatif «ostensible» pose des difficultés que ne soulèverait pas un qualificatif comme «visible» ou «apparent». Bien. Par contre, toujours avec ce sens pratique qu'on essaie de témoigner, il n'est peut-être pas approprié, ce ne serait peut-être pas de la grande sagesse dès lors, au jour d'aujourd'hui, de se montrer encore plus intrusifs, quoi, ou plus exigeants, et peut-être vaut-il mieux se contenter d'une restriction portant sur l'ostensible seulement et non pas sur tout le visible.

M. Tanguay : Et pourquoi vous dites que ce ne serait pas… Donc, d'y aller d'une mesure plus claire, de l'interdire complètement, le visible, pourquoi ce ne serait pas à propos? Aujourd'hui, on ne s'éviterait pas des écueils d'application?

M. Brun (Henri) : Oui, on s'éviterait certainement des écueils d'application, mais c'est simplement… Comment je dirais? Par sens pratique, par sens empirique, là, de processus empirique, il serait tout simplement peut-être plus sage de s'en tenir à ce qui est proposé plutôt que d'être plus restrictifs en passant à l'interdiction de tous les signes visibles. Alors donc, c'est une position purement pragmatique.

M. Tanguay : Oui, Me Latour.

Mme Latour (Julie) : J'aimerais faire une mise au point sur certains éléments qui ont été discutés et peut-être aussi en lien avec l'article de Louise Arbour, que j'ai lu. D'une part, Mme Arbour omet les trois volets les plus importants du projet de loi : affirmer la laïcité, encadrer les balises, édicter un devoir de neutralité religieuse des fonctionnaires. En fait, elle semble tout à fait d'accord. Elle ne parle que du volet des signes religieux, qui sont pourtant le corollaire tangible d'un visage neutre de l'État.

Ensuite, elle fait référence à une époque du Québec qui est révolue, l'époque duplessiste. Il y a eu la Révolution tranquille. Et, pour elle, de citer Roncarelli, que la Cour suprême est venue à la rescousse… Mme L'Heureux-Dubé donne l'exemple des droits des homosexuels. En 1993, on a refusé d'accorder des droits aux conjoints de fait homosexuels. Mme L'Heureux-Dubé était dissidente; pour elle, elle aurait permis le tout. Mais, en 2003, 10 ans plus tard, on les a mariés. Alors, la Cour suprême n'est pas toujours à l'avant-scène.

Et, par ailleurs, Mme Arbour mentionne que les droits et libertés, c'est comme un parapluie qu'on peut pouvoir ouvrir lorsqu'il pleut. Mais justement le but de l'État, en ce moment, c'est de faire en sorte que tous les parapluies soient égaux, qu'il n'y en ait pas qui aient un parapluie de golf, la liberté de religion, et que d'autres aient une petite ombrelle. C'est de ramener cette égalité. Par ailleurs, nous, ce qu'on fait aussi valoir dans le mémoire, c'est que les volets initiaux du projet de loi sont à ce point importants qu'il faut aller de l'avant et qu'au niveau du port de signes religieux il peut y avoir un aménagement.

Je voudrais aussi mentionner, quant à la clause dérogatoire, que les clauses dérogatoires sont des clauses qui figurent au sein de chartes des droits démocratiquement votées. Il n'y a donc pas d'articles honnis dans une charte des droits et d'articles qui auraient plus de noblesse que d'autres, c'est un outil. Et, lors des 30 ans de la Charte canadienne des droits et libertés, M. Jean Chrétien lui-même, qui était l'un des rédacteurs et ministre de la Justice à l'époque de l'adoption de la charte, a dit à quel point la charte était une fierté, et qu'elle amenait un équilibre parfait entre les pouvoirs parlementaires et les pouvoirs juridiques, et que, selon lui, cet équilibre parfait, dans l'esprit de bien des gens, est venu de l'inclusion de la clause «nonobstant» dans la charte, qui était d'ailleurs une demande des provinces.

Alors, c'est cet équilibre qui, au besoin, vu l'importance du débat que nous avons depuis la commission Bouchard-Taylor, peut être affirmé, et d'avoir cet équilibre pendant cinq ans, et de dire : Apaisons les choses, nous avons une paix sociale et nous voyons ensuite cette évolution de la société. Parce que Julius Grey lui-même a mentionné, en commission parlementaire, l'an dernier, qu'il avait eu tort de contester la loi 101, et que c'était un fleuron pour le Québec, et qu'une loi de cette importance ne devait pas être renégociée d'année en année. Alors, je soumets que la laïcité, qui est un processus dans lequel nous nous sommes engagés depuis près de 100 ans, c'est également une loi fondamentale.

• (10 h 20) •

M. Tanguay : Mme Latour, on avait d'autres questions. Je ne veux pas vous couper, mais il reste deux minutes.

Le Président (M. Ferland) :

Mme de Santis : La mienne va être très courte. Je vais retourner à l'article 5 et les signes ostentatoires. Moi, je vois une discrimination inhérente dans l'article 5. On peut… Et ce qui est ostentatoire va être défini par règlement par le gouvernement, pas par l'Assemblée nationale. Étant catholique, je peux porter une petite croix, et ça peut être visible. Si je suis une femme musulmane, je ne peux pas porter de petit voile. Il y a là une discrimination.

Et, quand on regarde ce qui se passe dans le public, on s'aperçoit que la plupart des discussions, des arguments, c'est sur le voile, et on voit que c'est les femmes musulmanes qui sont visées. Et donc, à part la question de discrimination à l'article 5, je me dis : Mais, voilà, une des valeurs québécoises, c'est égalité hommes-femmes, et je ne vois pas cette égalité à l'article 5. Alors, pouvez-vous, s'il vous plaît, me répondre là-dessus?

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : …la première réponse qui me vient à l'idée : Qui est discriminatoire? Est-ce que c'est la religion qui impose ça aux femmes ou si c'est le projet de loi? Il n'y a pas de discrimination dans le projet de loi, tout est banni, tout signe ostentatoire. Et ça, ça a été recommandé par la commission Tremblay-Taylor. Ce n'est pas inventé, là. Ils ont convenu que d'abord c'était juridiquement correct et ils ont convenu que ce n'était pas discriminatoire. Alors, je ne vois pas où on prend la discrimination là-dedans contre les femmes. C'est la même chose pour tout le monde. Vous ciblez les femmes musulmanes, mais le projet de loi ne cible personne, il cible tout le monde.

Le Président (M. Ferland) : Alors, pour un commentaire seulement. Il reste environ 30 secondes.

Mme de Santis : Vas-y.

Mme Weil : Si je pouvais en 30 secondes.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, oui, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Je ne pourrai pas vraiment poser la question… La préoccupation de Mme Arbour et toutes les voix qui s'élèvent, parce qu'il y a vraiment beaucoup d'organismes qui s'élèvent, c'est l'impact discriminatoire. Et il y a une étude qui a été faite à Berlin, c'est le German Law Journal, je vous invite à le lire, c'est très intéressant. Ils ont recensé tous les cas de discrimination parce qu'il y avait deux lois qui se confrontaient, une loi sur la laïcité et une loi contre la discrimination.

Le Président (M. Ferland) : Malheureusement, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, je dois aller…

Mme Weil : Mais je vous le montrerai.

Une voix :

Le Président (M. Ferland) : Malheureusement, le temps est écoulé. Je dois aller du côté de la députée de Montarville. Pour quatre minutes environ, Mme la députée. Allez-y.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, éminents juristes, c'est ce que vous êtes, merci, merci d'être là. Merci pour votre mémoire, c'était très intéressant. Il y a beaucoup de choses qui m'intéressent dans ce que vous avez écrit là, qui me rejoignent. Et, en tant que juriste également, j'aurais beaucoup de choses à dire. Cependant, comme mon temps est imparti, 4 min 30 s à peine, je serai brève. Alors, je vais y aller directement.

J'ai pris des notes lorsque vous parliez. Vous croyez à la nécessité d'adopter une charte de la laïcité. Me Brun, vous parliez de l'intérêt et de l'importance à ce qu'elle devienne loi. Ce sont vos mots là, je les ai pris en note en tant qu'ex-journaliste. Vous croyez à la constitutionnalité du projet de loi n° 60. Vous avez dit cependant, tout à l'heure, Me Brun, que vous craignez une bonne dizaine d'années de débats devant les tribunaux. Alors, pour éviter ces délais, qui sont des délais terribles lorsque les batailles judiciaires s'enclenchent, et vous le savez tous autant que vous êtes ici, le gouvernement n'aurait-il pas intérêt à faire un compromis pour adopter plus rapidement cette charte? Parce qu'on est devant, ici, là — tic-tac, tic-tac — le temps qui s'écoule. Qu'en pensez-vous?

Une voix : Décision politique.

Mme Weil : Mais qu'en pensez-vous? Pour éviter ce délai. La société évolue également, vous nous le dites, on est rendus là. Alors, que devrions-nous faire, politiquement parlant, pour être… pour l'avoir, cette charte?

M. Brun (Henri) : En fait, notre mémoire, je pense, est clair là-dessus, on ne s'objecte pas, au contraire, à l'idée qu'un certain compromis puisse être fait ou certains compromis. Mais ça ne veut pas dire non plus de rechercher une unanimité qui semble difficilement atteignable. Bon. Là, il y a un choix qui est politique, là, de savoir jusqu'où on va. Mais on ne s'objecte pas... On n'a pas une position, là, qui est rigide, qui est absolutiste là-dessus.

Mme Roy (Montarville) : Parfait. J'aurais une petite question rapide en terminant, et vous prendrez votre temps pour y répondre : Qu'est-ce que vous dites à ceux qui disent que le projet de charte brime le droit au travail?

Des voix :

M. Brun (Henri) : Non. Pour ce qui est du droit au travail, généralement c'est non, et simplement non. Ça n'existe pas, le droit au travail. Il y a une jurisprudence abondante là-dessus. Il n'existe pas de droit constitutionnel au travail. Il y a eu... On s'est essayé devant les tribunaux à plusieurs reprises.

Est-ce que, par contre, il y a discrimination en emploi? On a vu encore que récemment il y a des opinions juridiques qui ont été dans ce sens-là, mais, à mon avis, ce n'est pas fondé. Lorsqu'on parle de discrimination, il faut commencer par...

Une voix : Avoir un droit?

M. Brun (Henri) : Oui, et, avant d'arriver à la discrimination, il faut qu'on ait identifié une distinction fondée sur un motif énuméré dans les chartes, dans une ou l'autre des chartes. Et, à mon avis, comme le disait Mme L'Heureux-Dubé, même à l'article 5, il n'y a pas de distinction faite entre des religions, il n'y a aucune... Toutes les croyances sont traitées de la même façon par l'article 5. Il n'y a pas une religion qui se trouve singularisée.

Et, à ce moment-là, on nous dit : Ah oui! Mais c'est les religions qui sont singularisées. C'est faux également. C'est faux. L'article 5 vise autant ceux qui n'ont pas de religion. Je veux dire, l'agent de l'État qui prétendrait aller travailler avec un tee-shirt ou un gros macaron disant : La religion, c'est l'opium du peuple, eh bien, il faudrait qu'il l'enlève, son macaron ou qu'il enlève son tee-shirt tout autant. Bref, ça...

Bon, il reste qu'en bout de ligne on nous dit : Bon, peut-être de la discrimination en raison du sexe, mais... Bon, c'est vrai que, dans une religion, on fait porter tous ces signes-là par les femmes, ce qui justement, d'un point de vue de l'égalité hommes-femmes, est peut-être un peu pénible à constater, mais il reste que, dans d'autres religions, les signes religieux sont réservés aux hommes, des signes moins lourds, d'ailleurs… Bon. Voilà.

Le Président (M. Ferland) : On va aller du côté du député de Blainville. Peut-être qu'il va vous laisser poursuivre votre réponse. M. le député de Blainville.

M. Ratthé : Merci, M. le Président. Mme L'Heureux-Dubé, Mme Latour, M. Brun, c'est un honneur de vous recevoir ici. Moi qui ne suis pas juriste, je vous dis que j'apprends beaucoup de choses dans le cadre de cette commission. Et je vais vous poser une question en rapport à ce qu'il y a... à des… j'allais dire des... Il y a eu des formulations, ici, certaines craintes, en tout cas des demandes qui ont été faites au ministre par rapport à la charte québécoise des droits et libertés. Il y en a eu. Comme j'ai pris un peu d'avance sur la lecture de mes mémoires, je sais qu'il y en aura encore.

Et plusieurs groupes ou personnes craignent cette modification-là, demandent de ne pas modifier la charte québécoise des droits et libertés. Dans certains cas, on pense que ça pourrait l'affaiblir. On parle beaucoup de hiérarchisation des droits. On parle beaucoup d'enlever ou de brimer des droits existants. Et ça revient souvent, cette demande-là.

À l'inverse, c'est clair, je regarde dans votre mémoire, là, vous parlez… et c'est souligné : Enchâsser la laïcité et neutralité de l'État, un principe fondamental.  Alors, je voulais entendre votre opinion afin que je puisse m'en faire une éventuellement. Parce que, souvent, dans les mémoires qu'on a, il y a des… je ne dirais pas des contradictions, mais des avis contraires.

M. Brun (Henri) : Bien, si je peux me permettre sur... enfin, dans ce sens-là, dans ce sens-là, le mémoire qui va le plus loin, et je pense que personne ne pourra surpasser ça, c'est la Commission des droits de la personne, qui prétend qu'on ne peut pas toucher, qu'on ne peut apporter aucune modification à la Charte des droits et libertés de la personne, à moins, ajoutent-ils, qu'on utilise la clause de dérogation. Moi, je pense que c'est une confusion, une confusion nette entre le processus de dérogation, où on dit qu'une loi... on soustrait une loi donnée à l'application d'un des droits de la charte ou de l'une ou l'autre des chartes — c'est la même chose dans les deux cas — et la modification, où c'est tout autre chose, c'est le législateur constituant qui fait évoluer son instrument par lequel il se limite. Il vient modifier sa charte.

Une voix : Ça a été modifié à plusieurs reprises.

M. Brun (Henri) : Et, si on y regarde... 18, j'ai relevé cela. La charte québécoise des droits et libertés de la personne a été modifiée, en fait, plus de 18 fois. Elle a été modifiée par 18 lois, et, dans certains cas, on apportait des modifications à trois, quatre, cinq, six des dispositions de la charte.  Et on n'a pas utilisé la clause de dérogation… en 2008, lorsqu'on a introduit l'égalité hommes-femmes comme principe d'interprétation, non. Même lorsqu'on a retiré un droit, le droit pour les parents d'avoir droit à une instruction dans leur religion de la part d'institutions publiques, l'article... — bon, je ne me rappelle plus du numéro, là — et on n'a pas utilisé la clause de dérogation. Alors, je trouve que c'est une espèce d'invention, là, sortie de je ne sais pas où de la part de la Commission des droits de la personne.

• (10 h 30) •

M. Ratthé : Mais est-ce que ça pourrait brimer des droits déjà existants à… Parce qu'il y a des gens qui disent : Bien, on va… hiérarchie des droits, on met la primauté de la langue, on met… Et là on va se servir de ça pour nous empêcher, par exemple, d'avoir des accommodements, ça va donner des obstacles supplémentaires.

Mme Latour (Julie) : Mais c'est mieux que ce soient les parlementaires qui décident, et donc tous les citoyens à travers eux, de quels critères nous devons respecter avant d'accorder des accommodements. Parce que, dans l'immédiat, on en faisait état, la décision de la prière au Saguenay, à défaut de balises… et le juge Guy Gagnon le dit clairement : À défaut d'une charte de la laïcité qui nous préciserait les obligations que l'État entend s'imposer dans son devoir de neutralité, la cour décide d'appliquer la neutralité bienveillante. Mais c'est un critère développé par le Pr José Woehrling, bon. Mais ce n'est pas à un professeur de décider quels critères s'appliquent à toute la société. Et cette vision-là fait preuve d'un grand immobilisme. Et, fort de la même logique, on n'aurait même pas eu la Charte des droits, à l'origine, en 1975, parce que ça bousculait beaucoup l'état du droit existant. Alors, une charte des droits, c'est un organe évolutif, et il y a ce contrepoids, l'équilibre d'une société, c'est entre les trois pouvoirs…

Le Président (M. Ferland) : Malheureusement, je dois aller reconnaître la députée de Gouin pour la dernière partie de l'intervention. Trois minutes, Mme la députée.

Mme David : Merci, M. le Président. Bonjour, enchantée de vous voir ici ce matin. J'aimerais rappeler qu'on est quand même très, très nombreux, je pense que les consensus sont très larges malgré certains avis juridiques, autour du fait qu'on doive inscrire le concept de laïcité dans la Charte des droits, qu'on doit baliser les accommodements religieux, etc. Vous le savez, finalement, la charte présentée par le gouvernement rencontre une assez forte adhésion sur plusieurs points. Ça, je pense qu'il ne faut jamais l'oublier, quand même, dans le débat actuel.

Ce qu'on sait par ailleurs, c'est que là on en discute depuis six ou sept mois, c'est la question de l'interdiction ou non du port des signes religieux. Et je rappelle ici qu'il n'est pas question que de la fonction publique — parce que beaucoup des gens qui nous écoutent mêlent un peu tout ça — il est question des 600 000 employés de l'État, aussi bien les concierges dans les immeubles que la fonctionnaire au ministère du Revenu, l'enseignante, le comptable, le médecin, l'éducatrice en service de garde, là, c'est très, très large, les employés de l'État. En plus, il y a un article qui nous dit : Lorsque des entreprises feront affaire avec l'État de façon assez substantielle, ils ne pourront pas porter de signes religieux. Bon. Ça peut être interprété de diverses façons. Donc, c'est très large.

Et la question que je vous pose, qui est peut-être moins juridique que sociale, mais je sais que vous vous y intéressez, c'est : Vous ne pensez quand même pas que tout ça, là, on est en train de le faire sur les signes religieux parce qu'il y a le voile, qu'on en discuterait pas mal moins fort si c'était comme il y a 10 ans ou 15 ans, quelques kippas, quelques croix, il n'y avait pas grand monde que ça dérangeait? Mais il y a le voile. Je sais ce que bien des gens en pensent, je sais ce que j'en pense, moi aussi, j'ai eu l'occasion de le dire. Cela dit, oui, les religions oppriment les femmes — pas de problème. Est-ce qu'on va les opprimer davantage en leur interdisant l'accès à ces 600 000 emplois et plus? C'est une question importante, quand même.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : Madame, vous savez la grande admiration que j'ai pour vous…

Mme David : Et c'est réciproque.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire) : …pour votre engagement social, pour votre lutte pour l'égalité et le droit des femmes, et j'apprécie beaucoup votre intervention, que j'ai vue d'ailleurs à la télévision, là, ces jours-ci, là. Quant à moi, il y a une question de logique dans tout ça. Normalement, l'État n'a pas de visage, il a le visage des personnes qui sont employées par l'État. Alors, la distinction me badre un peu de savoir que ça va être ceux qui représentent plus l'État que ceux qui travaillent à l'État. Alors, question de logique, dans le mémoire qu'on a déposé pour l'énoncé de principe, on a dit que, comme logique aussi, il faudrait peut-être ne pas mettre le crucifix en évidence, hein? C'est toute une question de logique pour moi. Alors, j'ai beaucoup de difficultés à voir ce que la commission Bouchard-Taylor recommande, une scission entre le visage de l'État…

Le Président (M. Ferland) : …madame, il reste à peu près 15 secondes.

Mme Latour (Julie) : Bien, moi, je voudrais peut-être mentionner que la Cour suprême le dit, qu'il y a certaines pratiques religieuses qui sont… qui peuvent être incompatibles avec les lois d'application générale. Il y a un bénéfice collectif à cette neutralité de l'État, une réciprocité entre les citoyens, où chacun, dans la vie publique et privée, peut exprimer sa foi religieuse, mais il faut qu'il y ait un socle commun où l'on se rejoint…

Le Président (M. Ferland) : Et, sur ce, malheureusement, j'ai un rôle très ingrat, vous le savez, hein? Alors, je suis le gardien du temps de cette commission. Alors, je vous remercie beaucoup pour le temps que vous avez pris pour préparer le mémoire et venir le présenter.

Nous allons suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Université de Montréal à prendre place. Alors, on suspend quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 35)

(Reprise à 10 h 41)

Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je demanderais aux… surtout aux parlementaires, de venir prendre leurs sièges, s'il vous plaît. Alors, nous allons reprendre les travaux de la commission.

Des voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Oui, allez. Il me semble que ça ne porte pas voix. Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je demanderais qu'on ferme les portes à l'autre bout de la salle.

Alors, je demande aux parlementaires de... Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, elle n'est pas...

Des voix :

Le Président (M. Ferland) : On va la nommer. Venez-vous-en! Merci. Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président (M. Ferland) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, maintenant, nous allons...

Des voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Alors, je demanderais aux gens dans la salle peut-être d'aller poursuivre leurs conversations à l'extérieur. Ce n'est pas facile.

Alors, à l'ordre! Alors, nous recevons maintenant les porte-parole de... les représentants de l'Université de Montréal, Dr Guy Breton, recteur, et M. Alexandre Chabot, secrétaire général. Alors, M. Breton ou M. Chabot — M. Breton, j'imagine? — la parole est à vous.

Université de Montréal (UdeM)

M. Breton (Guy) : Bonjour...

Le Président (M. Ferland) : Et vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, suivi d'un échange avec les parlementaires.

M. Breton (Guy) : Parfait! Alors, bonjour, M. le Président de la commission, M. le ministre, membres de la commission. Je vous remercie de nous permettre de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je me nomme Guy Breton, je suis le recteur de l'Université de Montréal et je suis accompagné de M. Alexandre Chabot, secrétaire général de l'Université.

Je ne viens pas vous présenter ma position personnelle sur le projet de loi n° 60, mais celle qui a été adoptée au sein des instances de notre université, l'assemblée universitaire et le conseil de l'université. Dans ces instances siègent des représentants des étudiants, du corps étudiant, du personnel, des diplômés, de la direction, des gens qui ont à coeur notre développement et, par conséquent, le développement du Québec. Bien sûr, la communauté de l'Université de Montréal est composée d'individus qui ont des points de vue variés sur le projet de loi n° 60, à l'instar de ce qu'on voit partout au Québec. Chacun est libre de s'exprimer, et certains sont venus ici, devant vous, s'exprimer, et cela est très bien.

Aujourd'hui, je vous présente la position officielle de l'Université de Montréal. Je précise aussi que nous ne prenons pas position pour l'ensemble du Québec, nous prenons position pour notre réalité, notre université. Nous laissons aux Québécois le soin de préciser, de décider ce qui est bon pour eux, ce qui est bon pour leur avenir. La position que nous avons prise au sein de nos instances vise notre propre communauté, notre propre réalité, nos propres constats, nos propres besoins.

L'Université de Montréal tient, premièrement, à réaffirmer sans aucune équivoque son adhésion aux valeurs de laïcité, de neutralité religieuse de l'État, d'égalité entre hommes et femmes. Pour notre université, qui est officiellement laïque depuis 1967, c'est une évidence, ce n'est pas même pas discutable. Mais notre communauté a exprimé son inquiétude face à certains éléments du projet de loi n° 60, en particulier son article 5.

Dans sa forme actuelle, j'insiste, dans sa forme actuelle, ce projet de loi ne trouve pas sa place dans la réalité de notre université. Nous ne percevons pas la nécessité d'une telle loi, puisque la diversité religieuse n'est pas une source de tension à l'Université de Montréal. Mais nous percevons un risque d'entrave à la liberté académique, qui est le socle de l'institution universitaire dans tous les pays démocratiques.

Je vais commencer par vous décrire rapidement notre réalité. L'Université de Montréal est le plus grand employeur du secteur de l'enseignement supérieur au Québec, c'est aussi l'un des plus grands employeurs de Montréal, d'ailleurs reconnu tout récemment comme un des meilleurs, et j'en suis très fier. Nous avons 5 700 professeurs, chargés de cours, professeurs de clinique, chercheurs. Il faut ajouter à cela 3 400 employés administratifs et de soutien. C'est donc près de 10 000 personnes qui travaillent à l'Université de Montréal.

Dans chacun de ces deux groupes, les enseignants et le personnel administratif et de soutien, on retrouve des individus qui portent des signes religieux que le projet de loi présente comme ostentatoires. Nous ne savons pas combien portent ces signes, puisque le fait même de recueillir cette information pourrait être perçu comme discriminatoire.

Ce que nous savons, cependant, c'est que les minorités ethniques sont de mieux en mieux représentées au sein de notre personnel. Nous nous en félicitons, car nous avons fait des efforts continus d'accès à ces minorités et on est contents des résultats que ça donne. Nous croyons que le contact avec des enseignants et du personnel de diverses origines ethniques a pour effet d'enrichir la formation de nos étudiants, de mieux les préparer pour la suite.

De la diversité dans nos campus, nous en voulons plus, pas moins. La diversité, on la trouve aussi chez nos étudiants. Dans les 10 dernières années, nous avons formé, en français — en français — 58 000 étudiants étrangers. Nous avons, depuis 10 ans, reçu 58 000 étudiants étrangers. C'est l'équivalent de Saint-Jérôme, Drummondville. C'est plus que l'immigration complète du Québec d'une année qu'on a reçu chez nous et qu'on a formé en français. Nous jouons donc un rôle d'intégrateur clé dans la société québécoise.

Au total, avec nos écoles affiliées, nous accueillons plus de 64 000 étudiants. On peut dire qu'une loi no 60 n'aurait aucun impact sur les étudiants, on entend dire ça, que ça n'aura pas d'impact sur les étudiants; c'est faux, parce que nous employons un grand nombre de nos étudiants. Nous avons 16 800 étudiants à la maîtrise et au doctorat, une grande partie d'entre eux travaillent comme chargés de cours, auxiliaires d'enseignement ou de recherche. Sans ces contrats temporaires, beaucoup de ces étudiants à la maîtrise et au doctorat n'auraient pas les moyens de poursuivre leurs études.

L'interdiction de porter certains signes religieux aurait pour effet d'instaurer une forme de discrimination au sein de la population étudiante, en particulier au sein de notre relève scientifique. La mise en vigueur du projet de loi n° 60 tel que soumis poserait donc des problèmes d'application majeurs à l'Université de Montréal. Nous serions forcés de considérer comme une faute passible de congédiement un comportement qui, jusqu'ici, était considéré comme une liberté fondamentale, comme tout à fait normal.

Je vais vous parler d'une autre facette de notre réalité. L'Université  de Montréal se classe parmi les 100 meilleures universités de la planète. Dans le Québec francophone, nous sommes la seule à avoir ce statut. Pour le Québec, c'est un atout, c'est un atout majeur de faire partie des meilleurs sur la planète. Nous pouvons traiter d'égal à égal avec les grandes universités. Nous attirons aussi au Québec les chercheurs, les professeurs, les étudiants de premier plan.

Nous sommes inquiets qu'une éventuelle interdiction des signes religieux ne soit perçue comme une marque d'intolérance et nous sommes inquiets que cette perception ne nuise autant à nos efforts de recrutement qu'à nos tentatives d'établir des partenariats avec d'autres universités de haut calibre ailleurs sur la planète. Vous êtes des politiciens aguerris, vous savez à quel point la perception est importante.

J'aimerais maintenant insister sur le fait que la diversité religieuse n'est pas un problème sur notre campus. Dans les 20 dernières années, la Direction des ressources humaines de l'université n'a rapporté aucun grief en lien avec le port de signes religieux dits ostentatoires. Aucun grief en 20 ans, avec 10 000 employés. Depuis cinq ans, notre Bureau d'intervention en matière de harcèlement n'a rapporté aucune plainte liée au port de signes religieux dits ostentatoires ou aux accommodements raisonnables. Et notre ombudsman ne reçoit qu'une ou deux demandes par année liées avec la discrimination ou les accommodements religieux. Depuis 2009, aucune de ces demandes n'a été jugée recevable. Ces demandes ont donc été traitées de façon adéquate, satisfaisante par nos professeurs, par nos gestionnaires, en qui j'ai entière confiance, des gens de grande qualité et de bon jugement.

• (10 h 50) •

Et, de plus, nos mécanismes internes remplissent très bien leur fonction. Nous ne voyons donc pas la nécessité d'ajouter de nouveaux mécanismes contraignants. Ce serait une perte de temps, d'énergie, d'argent public, d'autant plus que nous sommes dans un contexte de réduction de ressources budgétaires. Nous voulons continuer à baliser nous-mêmes les demandes d'accommodement et nous souhaitons le faire dans le respect de notre réalité et de nos valeurs.

L'une de nos valeurs, notre valeur suprême, si j'ose dire, c'est l'autonomie universitaire. Je vais vous lire un extrait de notre définition de l'autonomie universitaire telle qu'on la retrouve dans notre plan stratégique 2011‑2015.

Le Président (M. Ferland) : ...conclure votre mémoire.

M. Breton (Guy) : Une minute? Alors, je vais conclure. Nous défendons la liberté de pensée, d'expression et d'indépendance de l'institution universitaire dans l'exercice de ses fonctions d'enseignement et de recherche. Il y a ici trois éléments :

Un, liberté d'expression. Interdire les signes, on ne peut pas dire que c'est tout à fait une liberté.

Deux, liberté de pensée. L'interdiction des signes religieux nuit à la liberté de pensée de celui dont la conscience lui dicte de porter ce signe religieux. Cette personne devra donc se soumettre et agir contre sa conscience ou perdre son travail. Difficile de parler de liberté ici.

Trois, l'indépendance de l'institution universitaire dans l'exercice de ses fonctions d'enseignement et de recherche. Cela signifie, entre autres : liberté d'embaucher les meilleurs professeurs, celui qui fera avancer le mieux le savoir dans son domaine, qu'il soit athée, agnostique ou pratiquant.

Je me fais donc le porte-parole de la communauté de l'Université de Montréal pour vous dire que le projet de loi appliqué à nous est contraire à l'esprit de notre université. Nous ne percevons pas la nécessité de son application chez nous parce que la diversité religieuse n'est pas une source de tension dans notre établissement; au contraire, c'est une richesse.

Et je vais conclure sur la chose suivante. Je l'ai déjà dit et je le répète avec conviction, je suis un médecin, jamais je ne prescrirais un traitement ou un médicament à un patient qui n'est pas malade. Administrer un médicament à un patient qui est en santé, ça pourrait même le rendre malade. Je vous remercie. Et nous sommes disponibles pour vos questions.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. Breton. Maintenant, je cède la parole à M. le ministre.

M. Drainville : Merci pour votre mémoire et votre présentation. Bon, d'abord, M. Breton, sur la diversité, là, vous mettez en opposition la charte et la diversité. Moi, je pense que c'est une prémisse qui est fausse. Nous pensons, nous, que la charte va nous permettre justement de donner un fondement encore plus solide à un Québec qui est de plus en plus fort de sa diversité. On pense que mettre en place des règles claires en matière de demandes d'accommodement, ce n'est pas une menace à la diversité, on pense qu'au contraire ça va rendre, à terme, les relations au sein de la population québécoise beaucoup plus harmonieuses.

Je pense qu'il y a eu des cas d'accommodement, par le passé, qui ont suscité d'énormes frustrations, on a même parlé d'une crise des accommodements. Bien, c'est justement pour prévenir ce genre d'épisodes qu'on pense qu'il faut mettre en place des règles claires en matière d'accommodement. Et donc moi, je pense qu'à terme ces règles-là vont nous permettre de continuer à construire dans l'harmonie, mais aussi dans la cohésion un Québec qui effectivement est de plus en plus diversifié. Et, on le dit et on le redit, c'est une immense richesse.

Donc, je m'inscris en faux, si vous me permettez, là, en tout respect, avec l'une des prémisses de base de votre mémoire, qui est de dire que la charte serait une menace à la diversité religieuse. Je pense qu'au contraire elle va nous permettre de continuer à construire ce Québec qui est fort de sa diversité, religieuse notamment, et on va pouvoir continuer à le faire avec de l'harmonie, de la bonne entente et une paix sociale qui nous a très, très bien servis. D'ailleurs, Guy Rocher a même parlé de «paix religieuse». C'est un terme intéressant, je pense.

Bon, maintenant, vous nous dites : C'est la position de la communauté universitaire, l'assemblée universitaire. Et je pense que vous avez parlé du conseil de l'université. Je ne veux pas qu'on prenne trop de temps là-dessus, là, mais je pense que, pour les gens qui nous écoutent… Est-ce que c'est un vote à main levée, ça? Comment ça fonctionne? Et est-ce que ça a été un vote unanime ou est-ce qu'il y a des personnes au sein de la...

Des voix : ...

M. Drainville : Est-ce qu'il y a des personnes au sein de votre communauté qui étaient en appui à la charte ou tout le monde était contre?

M. Breton (Guy) : Je vous l'ai dit d'entrée de jeu, que, comme dans toute la société québécoise, il y a des gens qui sont pour et il y a des gens qui sont contre. Ce que je vous présente aujourd'hui, c'est une décision de l'assemblée universitaire et du conseil, de dire : En ce qui nous concerne, à l'intérieur de nos murs, nous n'avons pas besoin de cette législation additionnelle.

M. Drainville : M. le recteur…

M. Breton (Guy) : Cela ne veut pas dire qu'il y a des gens qui sont pour ou contre. Il y en a des deux côtés, là. Si vous essayez de me faire dire que c'est unanime, je n'ai pas dit ça. Ce que j'ai dit, c'est que l'assemblée universitaire a fait un vote qui majoritairement… Et là je pourrai passer la parole au secrétaire général qui tient les sceaux de l'intégrité de ces processus.

M. Drainville :: Non, non, mais c'est ce que je voulais savoir. M. le recteur, là, ne prenez pas… ne prenez pas ça… Tu sais, je pense que… Il y a beaucoup de gens qui nous écoutent qui ne savent pas c'est quoi, une assemblée universitaire, qui ne savent pas comment les décisions se prennent. Alors, je vous demande : Est-ce que ça se prend par un vote? Vous me répondez : Oui.

M. Breton (Guy) : Oui.

M. Drainville : Effectivement, il y a eu un vote. Et ça a été un vote majoritaire. Bon.

M. Breton (Guy) : Oui, dans le cas de l'assemblée. Dans le cas du conseil, c'était un vote unanime.

M. Drainville : Très bien. Maintenant, dans votre mémoire, vous faites référence à des demandes d'avis qui ont été…

M. Breton (Guy) : Bien, est-ce que je pourrais revenir? Vous avez fait des commentaires où vous n'étiez pas d'accord. Est-ce que je peux répondre à votre désaccord?

M. Drainville : Bien sûr. Bien sûr. Mais je… Vous répondrez, si vous me permettez… vous pourrez répondre au prolongement de la question que je m'apprête à vous poser.

M. Breton (Guy) : Avec plaisir.

M. Drainville : Dans votre mémoire, vous faites référence à des demandes d'avis qui ont été faites en lien avec des motifs religieux. Et vous nous parlez notamment de demandes qui ont été faites pour des congés religieux, pour un local de prière… un ou des locaux de prière, une exemption d'activité, une exemption de transiger avec un intervenant du sexe opposé, une identification d'une étudiante qui portait le niqab. Est-ce que je peux vous demander : À l'Université de Montréal, là, est-ce que c'est possible pour une étudiante de porter le niqab et d'assister aux cours avec le niqab?

M. Breton (Guy) : D'assister à des cours, oui. De passer les examens, il faut que ce soit à visage découvert. L'environnement pédagogique doit être absolument présent pour les examens.

M. Drainville : O.K. Donc…

M. Breton (Guy) : Si on parle d'accommodements, là, je vais… Vous avez fait allusion à divers points, là. Et je pense que ça illustre très bien notre propos, que nous gérons bien la situation et qui est… malgré ce que certains peuvent prétendre, nécessite du cas par cas. Je vais donner quelques exemples.

Une demande de report d'examen pour une fête religieuse — c'est simple à comprendre — on analyse ces cas-là au cas par cas, parce que ça dépend de quel examen, ça dépend de l'impact que ça a sur les autres étudiants. Et parfois on dit oui, parfois on dit non, il n'y a pas une règle absolue. Il n'y a pas un règlement, il n'y a pas une loi qui peut se substituer au jugement du professeur.

Un exemple. Un employé qui veut prendre un congé pour une fête religieuse qui n'est pas à notre calendrier. Bien, l'employé en discute avec son supérieur. On voit si ça cause un problème de sécurité, de fonctionnement. On a un environnement de travail. On est un bon employeur, puis j'insiste pour qu'on le reste. Il peut utiliser ses vacances annuelles. Donc, il y a des discussions. Et, encore là, c'est un cas par cas.

Quand on demande… Quand quelqu'un de la communauté demande un espace pour un lieu de prière, bien il n'y en a pas, de lieu prière chez nous. Il n'y en a pas. Si, par contre, il y a une salle qui est disponible, si ça ne la soustrait pas, ça peut devenir un lieu de prière si les gens le demandent et qu'elle est disponible, de la même façon que ça peut être un lieu pour inviter un ministre à venir parler de sa position. On fait ça, on analyse ça au cas par cas.

À votre question : Est-ce qu'un professeur… Vous avez pris l'exemple d'un étudiant, mais prenons un professeur qui voudrait être vêtu d'un tchador ou d'un niqab, bien, pour nous, si le visage est découvert, il peut le faire. On respecte la diversité des vêtements.

Je continue sur des exemples. Certains peuvent se demander : Est-ce qu'on a des repas casher et des repas halal? Bien, écoutez, là, nos… La réponse est non, c'est non là-dessus, parce que nos étudiants sont beaucoup plus soucieux… — et je suis bien placé pour savoir que, quand ils veulent quelque chose, ils le disent haut et fort — nos étudiants, bien, ils sont soucieux d'avoir des choix végétariens, d'avoir de la nourriture sans gluten.

Donc, les préoccupations de nos jeunes, de nos étudiants, de notre relève, elles ne se situent pas à discuter des signes religieux. Ce n'est pas ça que l'on voit chez nous. Et on en a quand même 65 000, étudiants, puis 16 000 étrangers. Je pense qu'on a une bonne expérience. Ça ne cause pas de problème.

Donc, quand vous me dites que je mets en opposition la charte et l'impact que ça aurait sur la diversité, je ne vois pas le besoin. Et je pense que peut-être la meilleure façon de faire que les gens vivent harmonieusement, c'est qu'ils côtoient d'autres gens, d'autres façons d'être habillé, d'autres façons de penser. C'est la base même de l'université. Moi, je suis à la tête d'une institution où je retrouve tout et son contraire. Sur toutes les thématiques, j'ai tout et son contraire. Puis ça, c'est une richesse. Il faut préserver cette richesse-là.

• (11 heures) •

M. Drainville : Mais, M. le recteur…

M. Breton (Guy) : Si ça causait problème, M. le ministre, je vous dirais : On a besoin de votre aide. Mais ça ne cause pas de problème. Ça n'a pas causé de problème. Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas des enjeux. On a mentionné des points où parfois il faut analyser, discuter. Nos professeurs, nos gestionnaires, et au besoin ça remonte plus haut, on a les mécanismes pour régler ça à l'interne.

M. Drainville : Mais, M. le recteur, si vous me permettez, là. Si vous, vous ne voyez pas de problème dans le fait qu'un professeur ou qu'une professeure porte la burqa ou le niqab…

M. Breton (Guy) : …burqa, c'est à visage caché, ça, ça ne fonctionne pas.

M. Drainville : O.K. Alors, disons… Bien, le niqab est… Le niqab, il y a seulement les yeux qui sont à découvert, là. C'est permis, ça?

M. Breton (Guy) : Non, justement. Le tchador, mais il faut le visage découvert, toujours.

M. Drainville : O.K. Donc, le tchador est permis pour un prof. Bon. Alors, si vous me permettez, vous pouvez trouver ça acceptable et vous pouvez défendre ça au nom de l'autonomie universitaire, mais il pourrait y avoir un certain nombre de vos concitoyens qui vous écoutent et qui vous disent : Ce n'est pas acceptable, hein…

Une voix :

M. Drainville : …parce que notamment c'est un signe de… Il y a un très fort consensus à l'effet que le tchador est considéré comme un signe d'intégrisme religieux. Et donc ce n'est pas la place d'une université, quelle qu'elle soit, de donner, je dirais, sa caution morale à un signe comme celui-là. Alors, vous pouvez défendre cette position-là au nom de l'autonomie universitaire, mais la société québécoise peut juger que ce n'est pas acceptable.

M. Breton (Guy) : Moi, je pense que j'ai le devoir d'expliquer ici qu'on a un rôle d'intégration des nouveaux arrivants, parmi lesquels on va retrouver plus de gens qui arborent des vêtements ou des signes de ce type-là. Moi, je peux vous dire que je suis fier, je donne 11 000 diplômes par année. J'en donne tellement, je donne tellement de poignées de main que j'en ai même une tendinite. Parmi ces 11 000 là, il y a maintenant plusieurs étudiantes qui viennent avec le voile, qui viennent chercher leur diplôme, qui me donnent la main, qui sont émancipées, qui sont souriantes, qui peuvent intégrer le marché du travail avec un diplôme. Je pense… Laissez-moi finir, s'il vous plaît.

M. Drainville : Les étudiantes vont pouvoir continuer à porter le voile? S'il vous plaît, ne laissez pas entendre…

M. Breton (Guy) : Mais je vous ai mentionné tout à l'heure que ces étudiants, en grande proportion, ont aussi du travail le soir et ne pourront pas porter le tchador. Quand ils travaillent… Écoutez, là, si la loi était appliquée, le jour ils seraient voilés, puis le soir, ils seraient dévoilés. Premièrement, du point de vue gestion de ça, là, de la police du voile qu'il va falloir mettre en place, là, ça va être compliqué. Deuxièmement, il y a une partie de la journée où ces gens-là vont devoir changer de personnalité et d'apparence à cause d'une telle loi.

Moi, ce que je vous dis, c'est que ces gens-là, qui viennent chez nous, qui étudient chez nous, qui nous entendent, qui voient nos valeurs, qui voient notre identité, quand ils viennent sur la scène chercher leur diplôme, je pense qu'elles sont plus matures, plus évoluées et elles sont moins ostracisées que si on les garde chez elles avec leur voile, à ne pas voir autre chose. Je pense qu'à dialoguer, à échanger, à faire valoir nos valeurs, je pense qu'on aide ces gens-là à les intégrer. Puis on a une expérience très concrète qui est très pertinente à la discussion. Je vais demander à mon secrétaire général de vous la conter.

M. Chabot (Alexandre) : Bonjour. Vous savez, on a un certificat en petite enfance à notre Faculté d'éducation permanente, certificat qui est fréquenté beaucoup par les étudiants des communautés culturelles parce que c'est souvent une façon d'intégrer le marché du travail. Je parlais récemment avec un responsable de la faculté qui me disait : Il y a un certain nombre des étudiants des communautés culturelles, évidemment beaucoup des femmes, qui portent le voile. Et c'est un certificat de 10 cours qui s'étale sur… dépendant que les étudiants le suivent à temps plein ou à temps partiel, un an, deux ans ou trois ans. Et souvent, quand ils sont à temps partiel, c'est parce que, comme disait le recteur, ils travaillent sur le campus aux bibliothèques ou… pour payer leurs études.

Et le responsable me faisait remarquer qu'ils observent de plus en plus qu'au début elles portent le voile mais souvent, après deux ou trois ans, à la fin du programme, elles l'enlèvent, elles ne le portent plus, du moins sur le campus. Et ce n'est pas parce qu'on le leur a imposé, c'est leur propre choix. À côtoyer d'autres étudiants, avec le dialogue et l'ouverture, de leur propre choix, ces femmes-là font le choix de retirer leur voile. Qu'est-ce qu'elles font à la maison, je ne le sais pas, mais, à l'université, il y a un constat qui est fait, où elles le font d'elles-mêmes. Et c'est pour ça qu'on dit : Miser sur le dialogue, sur l'ouverture, sur l'échange nous apparaît plus positif et plus constructif que d'essayer de restreindre, d'interdire et de les brimer.

M. Drainville : En tout respect, M. Chabot, vous venez de faire la démonstration qu'elles peuvent enlever le voile?

M. Chabot (Alexandre) : Bien, oui. Elles le font d'elles-mêmes.

M. Drainville : Alors...

M. Chabot (Alexandre) : On ne le leur interdit pas.

M. Drainville : Bien, c'est parce que le projet de loi, il repose sur le fait que, quand tu travailles pour tes concitoyens, quand tu exerces une forme de service public, et on considère qu'un professeur exerce une forme de service public, bien on considère que, lorsque tu exerces cette fonction-là, tu as des responsabilités qui viennent avec. Et vous venez nous dire que, dans le fond, ces personnes qui portent le voile comme étudiantes, progressivement, l'enlèvent, pour certaines d'entre elles. Moi, je dis, bien, c'est bien. Puis c'est des témoignages qu'effectivement que nous avons également. Alors, si elles peuvent l'enlever progressivement comme étudiantes, à ce moment-là, lorsqu'elles se retrouveront comme chargées de cours, ou, peu importe, responsables d'un séminaire, ou... elles pourront tout également le retirer lorsqu'elles exerceront ces fonctions-là. C'est exactement ce que nous soutenons.

M. Chabot (Alexandre) : Ce que vous devez...

M. Drainville : Et, par ailleurs, je veux... Parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps. On a parlé de la question, donc, du tchador. Donc, il serait permis, là, pour une enseignante à l'Université de Montréal. Est-ce qu'il serait permis de séparer une classe entre les hommes et les femmes, comme ça s'est passé à l'Université de Regina? Non? Bon.

M. Breton (Guy) : Je ne ferai pas de commentaire sur Regina. Moi, je parle de ma communauté, là, puis je limite ça à mes murs. Je réponds à votre question : Est-ce que chez nous on accepterait qu'il y ait deux groupes, des hommes, des femmes? La réponse est non.

M. Drainville : Est-ce que c'est déjà arrivé qu'un étudiant dise : Je ne veux pas côtoyer de femmes dans la même salle de classe que moi, comme c'est arrivé à l'Université York?

M. Chabot (Alexandre) : C'est déjà arrivé, mais ça lui a été refusé.

M. Drainville : Très bien.

M. Breton (Guy) : On a des règles, on est capables de fonctionner. On a des profs qui ont du jugement, ça fonctionne, ça marche. Mais n'alourdissez pas la machine, elle est déjà assez lourde.

M. Chabot (Alexandre) : Je veux revenir, si vous permettez, M. le ministre, parce que ce que vous dites sur les femmes qui enlèvent le voile… Ces femmes-là, elles ont fait le choix de le faire. Mais il faut bien comprendre que, si on le leur interdit, elles ne viendront tout simplement pas dans nos murs, elles vont rester chez elles. Elles l'ont fait parce qu'à force de dialogue, d'ouverture, d'échanges avec des collègues, des étudiants, elles se sont ouvertes à d'autres réalités. Mais, si d'emblée on leur avait interdit en disant : Si vous venez sur le campus puis vous travaillez aux bibliothèques, vous ne pourrez pas le porter, je ne suis pas certain qu'elles se seraient présentées dans nos programmes.

Et j'en veux pour preuve, cet automne... On n'a jamais eu de problème dans ces programmes-là, et cet automne, pour la première fois, il a fallu faire des interventions parce qu'il y a des étudiantes de communautés culturelles qui étaient craintives, avec tout ce qui se passe dans les médias, et qui avaient peur de venir sur le campus avec le voile sur la tête.

M. Drainville : Bien, M. Chabot, si vous me permettez, le projet de loi que nous proposons ne s'applique pas aux étudiantes, sauf pour l'obligation d'avoir le visage à découvert. Alors, c'est très clair, c'est ce qui a été décidé comme... c'est ce qu'on a décidé d'inscrire, d'incorporer dans le projet de loi, et c'est comme ça. C'est ça, la décision que nous avons prise.

Par ailleurs, sur la question de la liberté académique, parce que j'ai entendu M. le recteur s'appuyer là-dessus également, j'aimerais ça vous citer ce que Guy Rocher nous a déclaré ici, en commission. Il a dit : Que le professeur d'université se prononce sur des enjeux publics en tant que citoyen, c'est une... c'est autre chose — on est dans le prolongement d'une citation — il le fait sur la place publique, mais il ne doit absolument pas utiliser sa salle de cours pour étaler et promouvoir ses convictions religieuses et politiques de quelque manière que ce soit. Et ça ne s'applique pas qu'aux discours, le port de signes ostentatoires est aussi un langage qui témoigne de convictions personnelles.

Et là je lui ai dit : Que répondez-vous à ceux qui souhaiteraient que les universités soient exemptées de l'application de la charte? Il m'a répondu : «C'est très grave, cette position. Pourquoi? Parce que je dirais que, depuis toujours, il y a dans l'université un consensus pratique, une pratique consensuelle qu'aucun professeur n'affiche devant les étudiants ses convictions politiques, qu'aucun professeur n'affiche ses convictions religieuses. Il y a peut-être des exceptions, c'est très vrai, il est possible, c'est bien possible, il y en a, mais c'est un consensus à peu près général. Attention, vous mettez fin à ce consensus maintenant — il parle de ceux qui proposent, donc, d'exempter les universités — ce qui veut dire que vous me donnez à moi autant qu'aux autres le droit d'afficher mes convictions religieuses dans la salle de cours.» Il fait une distinction entre la liberté d'enseigner quelque matière que ce soit et la liberté du prof de se servir de sa position d'autorité pour afficher ouvertement ses convictions politiques et religieuses. Réactions?

M. Breton (Guy) : Vous citez M. Rocher…

• (11 h 10) •

M. Drainville : Il a été prof à l'Université de Montréal pendant…

M. Breton (Guy) : Un prof émérite, là. Ça fait un petit moment qu'il est à la retraite, là, puis ça fait plusieurs années qu'il n'a pas eu des salles de classe devant lui. C'est son opinion, il y a droit…

M. Drainville : En passant, c'est… Je pense que le commentaire que vous venez de faire est déplacé, M. le recteur.

M. Breton (Guy) : Oui, mais c'est quand même une réalité, là.

M. Drainville : Je me permets de le… Je me permets de le dire.

M. Breton (Guy) : Je veux dire, parce que vous avez dit : Il est professeur, vous auriez donné l'impression à ceux qui nous écoutent qu'il est actuellement en contact avec les étudiants dont j'ai parlé plus tôt, ce qui est faux.

M. Drainville : Il a été longtemps professeur…

M. Breton (Guy) : Oui, tout à fait.

M. Drainville : Il a été longtemps professeur…

M. Breton (Guy) : Tout à fait.

M. Drainville : …à l'Université de Montréal.

M. Breton (Guy) : Mais l'internationalisation de l'Université de Montréal est plus récente que l'époque où M. Rocher était là, à l'époque du rapport Parent, Mgr Parent. Il a son opinion, je la respecte, mais il y a d'autres de mes professeurs qui sont venus ici, M. Simard est venu, avait une opinion tout à fait différente.

Alors, écoutez, moi, ce que je vous dis, ce n'est parce qu'un professeur d'économie a une kippa que ça va changer quelque chose. J'essaie de comprendre, là, c'est quoi, l'impact. Ce n'est pas parce qu'un professeur de biologie va avoir un voile que ça va changer quelque chose. Ce n'est pas parce qu'un professeur de chimie… Je vais donner… À l'opposé, un professeur de chimie qui prendrait une heure pour parler de religion, bien, ça, ça ne va pas, on sanctionnerait ça.

Et même, dans le propos de M. Rocher, vous dites qu'il y a une entente, un consensus que les gens ne profitent pas de leur statut de professeur pour afficher, pour faire du prosélytisme. En le disant, ça, ce consensus, il existe. Il confirme ce qu'on vous dit depuis le début : Il n'y en pas, de problème, il n'y a pas chicane. Laissez-nous faire ce que l'on fait bien. Laissez-nous jouer le rôle d'intégrateurs des nouvelles communautés. Laissez-nous cette capacité qu'on a bien joué depuis des décennies. Il faut arrêter d'avoir peur, il faut arrêter d'avoir peur, d'avoir peur. Et il faut arrêter de donner l'impression que, parce que les gens sont différents, il y a un danger là-dedans. Ce n'est pas ça, la réalité, chez nous.

M. Drainville : Vous nous imputez des motifs indignes. Je trouve que vous allez très loin, M. le recteur, dans l'interprétation que vous donnez à ce projet de loi. Moi, je dis depuis le départ que ce projet de loi, en affirmant la neutralité religieuse, vise à protéger la liberté de religion et de conscience de tous les citoyens, peu importe le choix qu'ils ont. Je dis également que, si tu décides de travailler pour tes concitoyens dans quelque capacité que ce soit et que tu es payé par tes concitoyens, le devoir minimal que tu as, c'est de respecter le choix que chacun et chacune d'entre elles a décidé de faire. Et donc, pendant tes heures de travail, tu devrais garder pour toi tes convictions religieuses et tes convictions politiques.

Et je ne crois pas que c'est un affront à la diversité, je ne crois pas que c'est un affront à la liberté de religion, je ne crois pas que c'est un affront à la liberté de conscience. Et, quand j'ai des personnes qui viennent me dire, en commission parlementaire, qu'à cause notamment de leur orientation sexuelle ils ne souhaitent pas se retrouver face à des personnes qui portent un signe religieux parce qu'ils ont le sentiment d'être jugés par la religion qui est ainsi affichée, moi, je pense que ces personnes-là, elles ont le droit d'être respectées également. Elles ont des droits également, ces personnes-là.

Les droits des uns s'arrêtent là où commencent les droits des autres, M. le recteur. Et votre position comme recteur, c'est une position très importante dans notre société. Vous représentez une institution imminente, qui a une très grande valeur au sein de la société québécoise, une très grande valeur. L'Université de Montréal, c'est un joyau de nos institutions. Et je suis un peu surpris, je dirais, par l'extrapolation que vous faites et la portée que vous donnez à ce projet de loi sur la laïcité. Je suis franchement assez étonné.

La laïcité, c'est un projet d'égalité et c'est un projet qui va être bon pour la diversité. Vous dites : On n'a pas de problème, laissez-nous tranquilles. Il y a beaucoup de gens qui disent ça, vous savez : Il n'y en a pas de problème, laissez-nous tranquilles. Il y en a d'autres qui ont dit : Est-ce qu'on va attendre d'avoir des problèmes pour agir?

Alors, visiblement, M. le recteur, en tout respect, on a vraiment un désaccord assez profond, pas tellement sur le détail, sur les différentes dispositions du projet de loi, mais là vous êtes carrément… vous posez un jugement de valeur et vous donnez une interprétation, je pense, abusive du sens que nous voulons donner à ce projet de loi, et franchement je trouve ça…

Le Président (M. Ferland) : Alors, M. le ministre, malheureusement, le temps étant épuisé…

M. Drainville : Je trouve que vous allez très loin.

Le Président (M. Ferland) : …je dois aller du devoir dire à une professeure ou un professeur — on parle beaucoup du voile, mais tous les signes sont visés — malgré sa compétence, malgré tout l'aspect bénéfique de transfert du savoir qu'elle porte ou qu'il porte à votre université… de devoir le ou la congédier sur cette base-là? Est-ce que ce serait le Québec universitaire que l'on veut en 2014?

M. Breton (Guy) : Écoutez, nous, on va se plier à la loi, s'il y a une loi. On est une institution qui respecte la loi. Si, cependant, la loi nous forçait à congédier quelqu'un de compétent et le congédier parce que cette personne est vêtue d'une telle façon, sans avoir parlé à mes syndicats, je pense bien qu'ils seraient d'accord à ce que nous contestions cette décision-là.

M. Tanguay : Dernier point, parce que je sais que mes collègues veulent vous poser des questions. Vous avez, dans votre Faculté de théologie, 23 professeurs avec doyen. Comment recevez-vous la distinction qui est faite, dans le projet de loi, à l'article 11, deuxième paragraphe, qui fait en sorte que cette interdiction de tout signe religieux s'applique à tout le corps professoral sauf votre Faculté de théologie? Comment vous réconciliez-vous avec cette logique qui ne me paraît pas implacable?

M. Breton (Guy) : Bien, écoutez, on vous l'a dit en toute simplicité depuis le début, l'ensemble de notre communauté souhaite rester un environnement d'inclusion, d'échange, de respect. Donc, on n'a pas fait un grand débat là-dessus, là. Pour nous, on pense que ça ne devrait pas s'appliquer à nous, pas juste à la Faculté de théologie.

Le Président (M. Ferland) : Maintenant, je vais du côté de la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Oui. Merci, M. le Président. Merci et bienvenue. Vous dites, à la page 6 : «Notre université jouit d'une excellente renommée internationale, et la perception du projet de loi n° 60 représente déjà une menace pour le recrutement de professeurs et d'étudiants étrangers.» Et donc vous dites ensuite que la diversité religieuse n'est pas une menace pour vous. L'Université Concordia est venue, et on a eu… est venue faire des propos très semblables aux vôtres et ont évoqué cette crainte et que déjà ils sentaient qu'il y avait un impact négatif sur le recrutement. J'aimerais que vous nous fassiez part de la compétitivité du marché universitaire au Canada pour le recrutement et un peu à quoi vous faites face, et l'importance de recruter, recruter et retenir ici, au Québec, et comment ce projet de loi pourrait expliciter un peu plus cette notion.

M. Breton (Guy) : Alors, primo, je veux affirmer qu'il n'y a pas de baisse de demandes par les étudiants étrangers, il n'y a pas de crise actuellement. Cependant, dans l'environnement mondial… Les professeurs-chercheurs sont des libres penseurs. Qu'ils perçoivent qu'ils viendraient travailler dans un environnement plus contraint que ce qu'ils peuvent avoir ailleurs, il y a tellement d'opportunités pour les meilleurs cerveaux, ça va compliquer notre recrutement. Ça va compliquer notre capacité de retenir ceux qui sont là déjà depuis longtemps et qui, écoutez, face à des contraintes qu'ils jugeraient… — puis je ne suis pas là pour juger à leur place, là, je fais juste vous dire ce que j'entends chez nous — bien, il y a des gens qui vont quitter.

En ce qui concerne les étudiants, c'est la même chose, ils veulent aller dans des environnements diversifiés, accueillants, où l'échange d'idées, où l'échange d'opinions est présent. On a 134 nationalités représentées chez nous. Si on disait : Il y en a x dont les habitudes vestimentaires ne devront pas exister, je pense que ça compliquerait ne fusse qu'être… juste au niveau des professeurs. Je pense qu'une université, ça se doit d'être ouvert, ouvert au débat, ouvert à la diversité, c'est une richesse, ça, là. Et il ne faut pas avoir peur. Il faut plutôt se servir de l'université pour faire que cette diversité intègre bien le Québec et que l'ensemble du Québec comprenne cette richesse de la diversité. Mais il n'y a pas de crise, je corrige ça, il n'y a pas de crise chez nous.

Mme Weil : Peut-être que je vous amène un peu plus loin que votre réflexion. Mais, ce matin, Louise Arbour… Il y a une lettre de Louise Arbour qui est publiée dans La Presse aujourd'hui, je ne sais pas si vous l'avez lue. Mais il y a tout un débat sur l'impact d'un projet de loi qui viendrait restreindre le port de vêtement religieux, et c'est sur l'égalité entre les hommes et les femmes, l'impact discriminatoire à l'emploi, et le commentaire et des études qui montrent — et d'ailleurs, le Conseil du patronat est venu le confirmer — l'inquiétude de l'effet d'entraînement. C'est-à-dire, pour l'instant, on imposerait ça dans le vaste, vaste, vaste, réseau qu'on appelle public, parapublic, universitaire, hospitalier, etc., mais que le privé va emboîter le pas. Et il y a des études en Allemagne qui confirment que c'est exactement ce qui s'est passé, ils ont été inondés de demandes une fois que la loi sur la laïcité a été adoptée, et qui disent que, s'il fallait le refaire, on ne le referait pas parce qu'il y a eu tellement de plaintes.

Est-ce que vous avez réfléchi à cette question de l'impact d'un projet de loi qui viendrait permettre la discrimination à l'emploi pour une population déjà très vulnérable — c'est ce que Louise Arbour dit ce matin — c'est des femmes musulmanes, en particulier?

M. Breton (Guy) : Je vous l'ai dit, et mon collègue a donné l'exemple, là, des garderies de la petite enfance, nous souhaitons donner aux gens de toutes les communautés les outils pour aller sur le marché du travail. En ce qui concerne l'impact que ça aurait sur d'autres fournisseurs, je l'ai dit d'entrée de jeu, là, ce que je vous présente et le mandat que j'ai, c'est de vous présenter la réalité de l'Université de Montréal, je ne ferai pas de commentaires sur l'extérieur, je vais limiter mes propos à notre fonction, qui est de former les gens, de transférer du savoir et de jouer notre rôle d'intégrateur social en français au Québec.

Mme Weil : Merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, maintenant, je reconnais la députée de Bourassa-Sauvé pour à peu près cinq minutes.

Mme de Santis : O.K. J'ai simplement une question. Je comprends que c'est depuis 1967 qu'il y a une séparation entre le religieux et le laïc à l'Université de Montréal.

Une voix : Tout à fait.

Mme de Santis : O.K. Et, depuis, le religieux ne s'impose pas dans les décisions qui sont prises par le conseil d'administration ou par vous comme président, recteur de l'université.

M. Breton (Guy) : Non.

Mme de Santis : Vous direz qu'en effet vous vivez la neutralité université-religion, comme on espère vivre État-religion.

M. Breton (Guy) : Oui. Mais on n'avait même pas besoin d'être laïques, là, en 1950, on recevait chez nous des juifs qui étaient refusés dans d'autres établissements. On a toujours joué ce rôle-là, on a toujours été inclusifs, on a toujours souhaité être l'outil d'intégration de toutes les communautés du Québec.

Mme de Santis : Le point que je veux faire, c'est que la neutralité peut exister; l'apparence, c'est autre chose. On pourrait dire que vous n'avez pas l'apparence de neutralité parce qu'on peut porter des signes religieux. Mais le fait que tout le monde peut porter des signes religieux, que ce soit un crucifix, ou une kippa, ou un voile, ça veut dire que vous n'avez pas fait de choix, en tant qu'université, de préférer une religion ou l'autre. Et donc cette neutralité existe, même si, dans l'apparence, il y a l'apparence pas d'une religion, mais des religions qui existent dans notre société.

M. Breton (Guy) : Je vais même plus loin. Pour nous, le fait qu'il y ait cette diversité, qu'il y ait des bouddhistes, des sikhs, des juifs, des musulmans, des chrétiens, des athées, qu'il y ait tout ça dans ce grand melting-pot, je pense que c'est un signe d'intégration, de tolérance. De faire face à cette diversité, là, c'est de confirmer la neutralité encore plus que si on cache les choses. Nous, on aime mieux fonctionner à visage découvert, et c'est vrai aussi pour les signes religieux.

Mme de Santis : Est-ce que vous croyez que, si l'État établit que, parmi ces 600 000 personnes qui seront déjà couvertes par l'application du projet de loi, que ces 600 personnes, y compris des fonctionnaires, médecins, etc., ne peuvent pas porter des signes religieux dits ostentatoires, que ça ne donne pas un message aux petites et moyennes entreprises et d'autres personnes qui doivent engager du personnel, ça ne leur donne pas une indication que peut-être eux non plus ne devraient engager ces personnes-là? J'ai posé cette question à quelques personnes que j'ai rencontrées cette semaine, et ils ont dit : Mais, si l'État dit qu'on ne peut pas porter le voile, moi, je ne veux pas ces personnes-là chez moi, je ne vais pas les engager. Quelle est votre opinion là-dessus?

• (11 h 30) •

M. Breton (Guy) : Je répète ce que j'ai dit à Mme Weil : Nous n'avons pas pris position sur l'extérieur de l'université. Mais, M. le ministre l'a mentionné, nous avons, comme université, un impact sur la société, donc c'est sûr que ce qui se passe chez nous a un certain impact à l'extérieur. Si ça fonctionne bien chez nous, les gens pourront s'interroger : Est-ce que ça ne pourrait pas bien fonctionner chez nous?

Nous, notre message aujourd'hui, c'est de nous dire : Laissez-nous continuer à bien fonctionner, on a ce qu'il faut puis on aide la société québécoise à avancer en étant un outil d'intégration, de donner la chance à tout le monde à parts égales, à visage découvert et à signes religieux présents, pas cachés.

Le Président (M. Ferland) : Alors, maintenant, je reconnais la députée de Hull pour 1 min 30 s environ.

Mme Gaudreault : Bon. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Breton, bienvenue. Moi, c'est vraiment concrètement. Est-ce que vous avez une inquiétude par rapport, par exemple — vous êtes médecin — à la pénurie de main-d'oeuvre dans le réseau de la santé? Vous savez, nos médecins, nos infirmières, nos infirmières auxiliaires, beaucoup de ces gens-là… bien, pas beaucoup, quelques personnes portent un foulard dans la région de l'Outaouais. Chez nous, il y a une grave pénurie de main-d'oeuvre. Les gens sont inquiets de perdre ces gens-là au profit de l'Ontario, qui est de l'autre côté du pont. Comment vous, vous voyez peut-être l'adoption de ce projet de loi, là, par rapport au réseau de la santé?

M. Breton (Guy) : Dans la main-d'oeuvre à l'extérieur? Bien, écoutez, je vous l'ai déjà dit, on vous l'a mentionné, nous, on pense que, si on contraint trop, il y a des gens qui vont choisir de ne pas venir chez nous; s'ils ne viennent pas chez nous, ils ne seront pas diplômés; s'ils ne sont pas diplômés, ça va affecter certainement certains secteurs. À quel point? Je ne veux pas être alarmiste, il n'y a pas de crise, mais ça n'aide certainement pas en disant aux gens : Si vous venez à l'Université de Montréal, vous ne pourrez pas vous habiller comme vous voulez. Moi, je pense que ce n'est pas m'aider dans mon rôle de créer la relève de demain. Je n'ai pas de chiffre, je ne pense pas qu'il y ait une crise maintenant, mais ce genre de démarche là, c'est insidieux, ça s'installe graduellement. Moi, je le répète, les dames à qui je donne un diplôme et qui ont un foulard, je suis content, j'ai l'impression de les avoir aidées puis, en même temps, d'avoir aidé la société québécoise. Je suis content de ça puis je souhaiterais pouvoir le continuer.

Le Président (M. Ferland) : Alors, malheureusement, c'était tout le temps imparti au parti de l'opposition officielle. Alors, maintenant, je reconnais la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs, merci, merci pour votre mémoire. J'aimerais vous dire, d'entrée de jeu, que notre parti, le deuxième groupe d'opposition, souhaite interdire le port de signes religieux chez les enseignants du primaire et du secondaire pour des raisons évidentes. Cependant, tout comme vous, on ne veut pas interdire le port de signes religieux chez les profs d'université, et là encore pour des raisons évidentes, puis l'université étant l'image même de la pluralité, de la discussion, de la confrontation, et on s'adresse ici à des adultes, en tout état de cause, qui choisissent d'y aller.

Cependant, j'aimerais vous entendre. À la page 7 de votre mémoire, vous nous dites : «Nous nous sommes dotés de mécanismes internes pour gérer la diversité religieuse dans le respect des chartes et des critères jurisprudentiels, mais également dans le respect de la mission et de l'autonomie universitaire.»

Nous croyons aussi à l'autonomie universitaire. J'aimerais que vous élaboriez un petit peu sur ces mécanismes internes dont vous vous êtes dotés. Sont-ils beaucoup utilisés? Y a-t-il eu beaucoup de demandes d'accommodements? Parlez-m'en un petit peu.

M. Breton (Guy) : Avant de passer la parole à mon collègue, c'est bien que vous souligniez que, nous, notre mémoire est circonscrit à l'université. Je n'émets pas de commentaire ni sur les écoles primaires ni secondaires. Je ne fais pas d'extrapolation ni de procès d'intention. Donc, limitons-nous à l'objet de notre mémoire, et, là-dessus, mon secrétaire général va vous faire les commentaires.

M. Chabot (Alexandre) : Bien d'abord, on a une série de textes réglementaires qui viennent préciser… Par exemple, il y a une politique sur les droits des étudiants, il y a une politique contre le harcèlement, il y a une politique sur l'équité en emploi, l'accessibilité. Donc, on a un certain nombre de textes qui ont été adoptés à l'interne, qui permettent tant aux employés qu'aux étudiants de savoir dans quel environnement ils évoluent et surtout quels sont leurs droits.

Et, par ailleurs, il y a des mécaniques… des mécanismes qui ont été mis en place. Il y a un bureau, par exemple, du harcèlement, où les étudiants qui prétendent avoir été lésés ou victimes de harcèlement — ou les employés — peuvent se présenter. Il y a un bureau de l'ombudsman également. Quelqu'un se sent lésé ou un étudiant, par exemple, qui aurait l'impression que, parce qu'un prof porte un signe religieux, il l'a mal évalué dans le cadre… Il y a des mécanismes qui existent pour faire appel de la révision de notes. Et donc l'étudiant pourrait demander, donc, pour s'assurer que tout est en place…

Et, je vous dirais, ces mécanismes-là sont en place. Si l'ombudsman était ici, elle vous dirait : Ces dernières années… On parlait, au début de notre présentation, de cas de harcèlement, puis on les gère très bien. Mais, pour mettre les choses en perspective, ces dernières années, on a eu beaucoup plus d'enjeux autour des accommodements raisonnables touchant nos athlètes, les Carabins, qui demandaient des reports d'examens pour aller à des compétitions, qu'on en a eus pour des reports touchant les fêtes religieuses. Donc, toutes proportions gardées, là, si vous me demandiez : C'est quoi, votre enjeu en termes d'accommodements sur le campus?, je vous dirais : J'ai  plus d'enjeux avec Sport-Excellence que j'en ai avec le… Mais c'est ainsi fait. Mais les mécanismes sont là.

Mme Roy (Montarville) : Donc, ma question est la suivante, et c'est une continuité : Qu'est-ce que vous pensez des articles du projet de loi n° 60 qui, eux, encadrent spécifiquement les accommodements religieux? Vous en avez peu parlé.

M. Chabot (Alexandre) : Bien, comme le disait le recteur, on a déjà nos mécanismes d'encadrement. Et, là où peut-être que le projet de loi va un peu trop loin, c'est dans la nécessité de soumettre ces mécanismes-là à Québec. Et je pense que, dans le respect de l'autonomie universitaire, laissons le soin aux établissements universitaires de déterminer elles-mêmes quelles sont les balises à l'interne qu'on doit établir dans le respect de la liberté académique, et de la structure de nos programmes, et de la façon de les enseigner et de dispenser ces enseignements-là. Et on est tout à fait aptes d'établir quelles sont les modalités acceptables dans le cadre d'accommodements raisonnables. Et, à ce que je sache, dans les dernières années, il n'y a eu aucune dérive à l'Université de Montréal en ces matières.

Le Président (M. Ferland) : Alors, le temps est malheureusement écoulé pour la députée de Montarville. Je vais du côté du député de Blainville.

M. Ratthé : Merci, M. le Président. M. Breton, M. Chabot, merci d'être là. Je vous écoutais, dans la nomenclature, là, ou dans votre allocution vous faites… vous parlez du nombre d'étudiants, du nombre de professeurs. Et, si j'ai bien compris, ce que vous avez dit, c'est que vous n'avez pas, en fait, cherché à connaître le nombre de professeurs, par exemple, qui pourraient porter des signes, justement pour ne pas faire d'intrusion, là. J'ai bien compris ce que vous m'avez dit. Vous avez beaucoup parlé d'étudiantes à qui vous remettez des diplômes, que ce soit… ou encore d'étudiantes au niveau du CPE. On a fait allusion à des étudiants en sciences infirmières.

Est-ce qu'on peut déjà s'entendre, là, que le projet de loi ne touche pas les étudiants, là? C'est entendu qu'il y a une partie de ces étudiants-là qui peuvent travailler. Est-ce que vous avez une idée plus précise de combien d'étudiants pourraient travailler? Parce que vous n'avez pas d'idée sur le nombre de professeurs. C'est parce que, lors de votre exposé, vous avez beaucoup donné… cité en exemples des étudiants et des étudiantes, alors que le projet de loi ne touche pas les étudiants et les étudiantes. Vous citez le fait, et j'en suis fort aise, là, qu'il n'y a pas de problème, que tout va bien.

Je vous poserais comme autre question, puis je vais laisser répondre à tout ça : Est-ce que justement cette charte-là ne viendrait pas être comme perçue comme une mesure préventive? S'il n'y a pas de problème, il ne devrait pas y en avoir beaucoup plus. Et quelle est, selon vous… quelle différence faites-vous entre le droit du professeur de porter un signe religieux et le droit de conscience de l'usager? Et, dans un cas où un usager, un étudiant pourrait vous dire : Bien, écoutez, moi, je suis mal à l'aise dans tel cours parce que tel professeur affiche, je veux dire, n'importe quoi, même un col romain, quelles seraient les mesures? Alors, c'est un peu… Il y a plusieurs questions lorsque je vous entends, mais je pense que vous avez l'essentiel, là. J'aimerais connaître votre position là-dessus. Parce que vous avez beaucoup parlé d'étudiants, mais le projet de loi s'adresse principalement aux professeurs.

M. Breton (Guy) : …employés. Pas juste les professeurs….

M. Ratthé : Oui, les employés.

M. Breton (Guy) : …les autres employés. Alors, je n'ai pas de nombre, là, par rapport aux étudiants qui ont des fonctions, mais c'est certainement des centaines et des centaines. Et ce n'est pas juste des étudiants qui portent des voiles, là, c'est tout type d'étudiants.

En ce qui concerne votre exemple précis d'un étudiant qui serait mal à l'aise dans une classe avec un professeur qui aurait un col romain, bien les mécanismes dont on a parlé font justement de la place à ce qu'on cherche des façons de faire. On ne dira pas au professeur qui a un col romain : Enlève ton col romain. On va plutôt essayer de relocaliser l'étudiant.

M. Ratthé : Donc, vous seriez prêts à relocaliser tous les étudiants qui pourraient avoir une problématique de liberté de conscience, peu importe pourquoi — moi, je ne suis pas là pour juger s'ils sont… — qui se sentent mal à l'aise devant un professeur qui afficherait un signe religieux quelconque, là, peu importe. Parce que le projet de loi ne vise pas nécessairement et uniquement le voile, là, on s'entend que ce projet de loi vise toutes les religions, là.

M. Breton (Guy) : Tout à fait. Tout à fait. Alors, je serais tout à fait à l'aise, d'autant qu'il n'y en a pas. Ça n'arrive pas, ça, des étudiants qui nous disent qu'ils sont mal à l'aise. Pour le moment.

M. Ratthé : …ça arrive? Est-ce que, selon vous, il faut attendre que ça arrive? Est-ce qu'il faut attendre qu'il y ait un problème? Tu sais, ce que j'entends ce matin, c'est qu'il n'y a pas de problème : Je ne verrais pas pourquoi on mettrait une loi qui vient peut-être prévenir d'éventuels problèmes. Je veux juste bien comprendre, là.

M. Breton (Guy) : Justement, quel est le problème que vous voulez prévenir par la loi?

M. Ratthé : Bien, en fait, l'un des problèmes, en fait, qu'on peut sembler vouloir prévenir, puis ça ne veut pas dire que tous les usagers sont prêts à l'exprimer, c'est justement la liberté de conscience des usagers. Est-ce que tous les étudiants qui ont un malaise… Et je ne suis pas plus en mesure que vous de… parce que vous n'avez pas plus de chiffres que moi, d'évaluer combien en ont. Est-ce que tous les étudiants qui pourraient avoir un malaise, on doit en faire fi et l'ignorer, dire : Bien, il n'y a pas de problème parce que personne ne se plaint? Est-ce qu'on pourrait présumer que l'étudiant qui ne va pas se plaindre, c'est parce qu'il n'est pas à l'aise de le faire non plus? Alors, est-ce que la loi ne pourrait pas être une prévention à tout, à toutes ces problématiques-là, d'un côté comme de l'autre, là?

• (11 h 40) •

M. Breton (Guy) : Écoutez, je pense que les étudiants ne sont pas là. Je l'ai mentionné tout à l'heure, là. Les repas casher puis halal, puis tout ça, ils ne sont pas là, les étudiants.

Le Président (M. Ferland) : ...malheureusement, le temps est écoulé pour le député de Blainville. Je vais du côté de la députée de Gouin.

Mme David : Oui, merci, M. le Président. M. Breton, M. Chabot, bonjour. D'abord, moi, je tiens à préciser que, pour Québec solidaire, il est normal qu'un État se préoccupe de laïcité. Il est normal qu'un État — et il y a des points qui font largement consensus dans la charte proposée — se préoccupe, par exemple, de grandes règles, qui ne règlent pas le cas par cas, on s'entend là-dessus, mais de grandes règles qui balisent les demandes d'accommodements religieux. Donc, vous comprendrez que je n'ai pas la même perception que vous de cette charte qui vous paraît un peu, entre guillemets — on va le dire comme ça — dictatoriale. Pour moi, malgré tous les désaccords que je peux avoir, c'est un projet qui a sa légitimité.

Mais je continue sur la foulée du collègue, toute cette question des droits des usagers, dans ce cas-ci des droits des étudiantes et étudiants. On est venus nous dire, par exemple, qu'un étudiant dans une classe où un professeur porterait une kippa se sentirait mal à l'aise de l'interroger sur les politiques d'Israël. Je parle évidemment probablement d'un étudiant en sciences politiques. Parce que je ne pense pas que l'étudiant en biochimie voudra poser ce genre de question à son professeur. Moi, je voudrais savoir si, dans votre esprit…

Vous connaissez vos étudiants, ils vont ont déjà fait un certain printemps quelque peu agité. Est-ce que vraiment les étudiants sont mal à l'aise devant des professeurs qui portent des signes religieux ou qui, d'une manière ou d'une autre, malgré tout, là, affichent… ou, en tout cas, les étudiants connaissent un peu leur école de pensée? C'est bien difficile de concevoir qu'ils ne la connaissent pas, particulièrement en sciences sociales.

M. Breton (Guy) : Bien, écoutez, les associations étudiantes ou les fédérations étudiantes n'ont pas voulu, chez nous, prendre position monolithique parce que, comme l'ensemble de la communauté de l'université, il y a des gens qui sont pour, il y a des gens qui sont contre. Donc, je pense que ça, c'est un fait. Ça représente la diversité québécoise, puis je respecte ça.

Il y a une chose que je sais, c'est que les étudiants sont très capables d'exprimer leurs choses, ils sont capables de faire face à ça. Et je pense qu'il y a une curiosité, il y a une finesse, chez nos jeunes, de voir l'autre différemment. Et, à votre question spécifique : Est-ce que vous pensez que ça peut intimider les étudiants?, pas en 2014, Mme David, je ne le pense pas, pas à l'Université de Montréal. Il y a peut-être des endroits, mais, chez nous, là — je suis obligé de répondre pour moi, là, c'est ça, le mandat que j'ai, là — je ne pense pas que ça soit un problème, que des étudiants se sentent intimidés parce qu'un professeur porte une kippa, je ne pense pas.

Le Président (M. Ferland) : Alors, il reste 15 secondes, le temps d'un petit commentaire très court.

Mme David : Le ministre parlait tout à l'heure de professeurs comme de personnes en situation d'autorité. Est-ce que c'est votre perception?

oM. Breton (Guy) : Oui, mais ce n'est pas une autorité contraignante. Ce n'est pas une autorité contraignante, comme un policier ou un juge.

Le Président (M. Ferland) : Alors, malheureusement, le temps est écoulé. Alors, je dois suspendre quelques instants.

Alors, je vous remercie beaucoup pour le temps que vous avez pris pour préparer le mémoire et de venir nous le présenter.

Alors, on va suspendre pour permettre aux prochains intervenants, au prochain groupe, représentant la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, à prendre place. Alors, on suspend quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 44)

(Reprise à 11 h  48)

La Présidente (Mme Beaudoin) : La commission reprend ses travaux. Alors, je souhaite la bienvenue à la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Pour les fins de l'enregistrement, je vous demanderais de vous identifier, s'il vous plaît.

Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)

M. Lavigne (Richard) : Bonjour, Mme la Présidente, messieurs dames de la commission. Alors, je me présente, je suis Richard Lavigne, je suis le directeur général de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. À ma droite, je vous présente notre présidente de la COPHAN, donc, Mme Véronique Vézina. Et, à ma gauche, je vous présente M. Olivier Collomb D'Eyrames, qui est directeur d'une organisation qui est membre de la COPHAN, chez nous.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Vous avez une période de 10 minutes pour la présentation de votre mémoire. À vous la parole.

M. Lavigne (Richard) : Merci, Mme la Présidente. Je commencerai par céder la parole à notre présidente puis après ça je pourrai poursuivre.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme la présidente.

Mme Vézina (Véronique) : Merci, Mme la Présidente. Merci aux autres membres de la commission. D'abord, j'aimerais vous demander un accommodement qu'on a mis en place avec la Commission de la santé et des services sociaux lors des dernières fois où on s'est présentés. Comme on est deux personnes à avoir un problème de vision, on aimerait que les autres membres de la commission puissent se présenter, si c'est possible.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Vous voulez que tous les gens de la commission se présentent. C'est ça?

Mme Vézina (Véronique) : Oui, s'il vous plaît, parce qu'on ne peut pas voir, on ne peut pas les reconnaître.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Est-ce qu'il y a consentement? M. le ministre.

M. Drainville : Alors, Bernard Drainville, je suis le ministre responsable du projet de loi.

M. Cardin : Serge Cardin, député de Sherbrooke.

M. Tanguay : Marc Tanguay, député de LaFontaine, pour l'opposition officielle.

Mme Weil : Kathleen Weil, députée de Notre-Dame-de-Grâce.

• (11 h 50) •

Mme de Santis : Rita de Santis, députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Gaudreault : Maryse Gaudreault, députée de Hull.

Mme Roy (Montarville) : Nathalie Roy, députée de Montarville, pour le deuxième groupe d'opposition.

M. Ratthé : Daniel Ratthé, député de Blainville, député indépendant.

Mme David : Françoise David, députée de Gouin.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Et moi-même, comme présidente, Denise Beaudoin, députée de Mirabel. Je remplace le président actuellement.

Mme Vézina (Véronique) : Bien, d'abord, j'aimerais prendre quelques minutes pour vous présenter la COPHAN et les raisons qui motivent le dépôt de notre mémoire à cette commission. La COPHAN est un regroupement d'action communautaire autonome de défense collective des droits qui a pour mission de rendre le Québec inclusif afin d'assurer la pleine participation sociale des personnes ayant des limitations fonctionnelles et leurs familles. On regroupe 54 organismes et regroupements nationaux et régionaux et représentant toutes les limitations fonctionnelles.

La façon dont on travaille à la COPHAN, on s'appuie sur l'expérience et les compétences des personnes qui ont des limitations et de leurs proches pour faire nos représentations. La question d'une pleine participation sociale est au coeur de notre action. Elle est également reconnue par l'ensemble des encadrements législatifs du Québec et notamment par la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. Cette loi impose à tout ministère ou organisme public de s'assurer de favoriser l'intégration des personnes handicapées à la société, au même titre que tous les citoyens et citoyennes, en prévoyant diverses mesures visant les personnes handicapées et leurs familles. Rappelons également que toute initiative gouvernementale doit s'accorder avec la politique À part entière pour un véritable exercice du droit à l'égalité et ainsi favoriser l'inclusion et accroître la participation sociale des personnes ayant des limitations fonctionnelles.

J'insiste sur le fait que la participation sociale pleine et entière des personnes qui ont des limitations fonctionnelles ne peut se réaliser sans égalité réelle, et il est possible que, pour atteindre cette égalité de droit, on doive accommoder une personne afin qu'elle soit en mesure d'exercer ses droits fondamentaux. Cela signifie qu'il ne s'agit pas seulement de dire que tous les individus ont les mêmes droits, on doit aussi garantir l'exercice de ces droits que ce soit par des accommodements ou autrement. D'ailleurs, nous tenons à vous rappeler que les accommodements raisonnables ont d'abord été définis pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles.

Si aujourd'hui nous vous présentons ce mémoire, c'est parce que nous avons identifié des éléments du projet de loi qui risquent de porter atteinte à l'exercice des droits des personnes ayant des limitations fonctionnelles. Nous croyons aussi que l'introduction de cette nouvelle charte affaiblira la charte québécoise des droits et libertés de la personne. Je vais laisser mon collègue Richard vous présenter qu'est-ce qui nous a amenés à motiver notre réflexion... qu'est-ce qui a motivé notre réflexion.

La Présidente (Mme Beaudoin) : M. Lavigne, à vous la parole.

M. Lavigne (Richard) : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, nous, si on est ici aujourd'hui, c'est vraiment sur la perspective... Il y a deux éléments qu'on veut porter à votre attention plus particulièrement. Le premier élément, qui va être rapide parce qu'on n'est pas les seuls qui vous en ont parlé, c'est les effets que créeraient l'article 10 et l'article 37 du projet de loi.

Simplement vous dire que le réseau de la COPHAN et ses membres… et les membres, ses membres, ce sont des organismes communautaires autonomes qui interviennent afin de favoriser l'amélioration des conditions de vie des personnes qui ont une limitation fonctionnelle et de leur famille. Parmi ces groupes, de plus en plus, pour toutes sortes de raisons... doivent accepter de devenir des sous-traitants de l'État, notamment pour pouvoir survivre. Pour pouvoir survivre, les organismes communautaires sont amenés de diverses façons à prendre des ententes de service avec le secteur public. Et, si on comprend bien... Parce qu'on n'est pas des avocats, hein? Ça, on vous le dit tout de suite, là. Si on comprend bien ces articles 10 et 37, il pourrait être question que, lorsque je ne sais pas qui va décider que les circonstances le justifient, ces organismes-là soient tenus d'appliquer un ou l'autre des éléments de cette charte.

Dans la nature même de la mission des organismes communautaires, par le membership et par les services offerts par ces types d'organismes là, nous craignons et nous anticipons de graves problèmes au niveau de la capacité des organismes communautaires de bien desservir leurs membres, souvent qui, dans certains cas, sont des individus qui portent des signes religieux. On comprend mal qu'on veuille éventuellement, par ce biais-là, se trouver à empiéter sur l'autonomie et sur la mission même de certains organismes communautaires. Alors, nous, on se questionne effectivement sur le bien-fondé de ce genre de dispositions là.

L'autre élément qui nous préoccupe grandement, c'est toute la question des accommodements. On comprend que le projet de loi — en tout cas, c'est ce qui nous… c'est ce dont on entend parler le plus — veut aborder les questions de signes religieux. Cependant, notre compréhension de l'article… je dirais plus 42 du projet de loi, 41, 42, nous questionne sur la portée réelle de ces dispositions notamment qui viennent ajouter des articles à la charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Une petite parenthèse avant de continuer. Dans le préambule du projet de loi, on parle qu'on veut parler ici notamment d'accommodements religieux. Le mot «notamment», pour nous, ouvre la porte à d'autres types d'accompagnements. Des accommodements en raison de limitations fonctionnelles, c'est quelque chose sur lequel on se bat tous les jours pour essayer de convaincre les partenaires que ces accommodements-là sont justifiés pour favoriser ou assurer l'exercice du droit à l'égalité de tous et de toutes, que ce soit aux études, au travail, dans le transport, dans le loisir, etc.

L'interprétation qui pourrait être donnée au contenu de l'article 42, notamment  sur certains… le caractère… on parle… Je n'ai pas le texte malheureusement, là. On parle que ces accommodements-là ne doivent pas causer de contraintes excessives, c'est-à-dire eu égard, entre autres, au respect des droits des autres — le respect des droits des autres, quels autres, quels droits? — à la santé et à la sécurité, à certains effets sur le bon fonctionnement de l'organisation ainsi qu'aux coûts qui s'y rattachent. La jurisprudence a effectivement ramené ces éléments-là, mais s'est aussi garantie de les baliser.

Lorsqu'on parle d'altérer le fonctionnement, on doit s'assurer que ce… on doit prouver qu'on altère de façon importante le fonctionnement, pas juste un peu. Parce que moi, personnellement, quand je demande un document en braille à un ministère, je sais que je dérange le fonctionnement un petit brin. D'ailleurs, on me le fait savoir, O.K., que je dérange, que c'est compliqué. Alors, est-ce que… Lorsqu'on va interpréter ça, comment ça va être interprété en lien avec cette dimension-là?

Les coûts impliqués. Ce qui est excessif pour un ne l'est pas pour l'autre. Je pourrais vous dire, en exemple, qu'on a refusé des accommodements… on a refusé l'intégration scolaire de jeunes filles et jeunes garçons qui ont des limitations fonctionnelles à l'école régulière. On a préféré mettre des centaines, voire des millions de dollars dans les tribunaux pour bloquer l'inclusion scolaire. Est-ce que les budgets auraient été mieux utilisés si on avait donné les services aux personnes? Je pense que de poser la question, c'est d'y répondre.

On considère que l'article 10 prévoit qu'on ne peut pas discriminer sur la base d'un handicap et sur le moyen de pallier ce handicap. Un des moyens de pallier ce handicap, c'est de procéder à des mesures d'accommodement. Comment va-t-on interpréter ce bout-là par rapport à ce qui est proposé dans l'article 42? Nous, ça nous interpelle énormément, d'autant plus que, malgré, malgré la charte, malgré la politique À part entière, malgré les lois, règlements qui sont en vigueur au Québec, les statistiques démontrent qu'en 2014 les personnes qui ont des limitations fonctionnelles n'ont pas, et loin de là, encore réussi à obtenir ce fameux statut de citoyens égaux.

Alors, nous, on considère non seulement qu'il faut continuer de développer les accommodements dans un objectif d'atteinte de l'exercice du droit à l'égalité, là… On ne parle pas d'accommodements pour le fun, là, dans une perspective de droit à l'égalité. Bon. Nous, au contraire, on souhaite que ces mesures d'accommodement là se développent davantage pour que tous et toutes puissent participer.

Avant de terminer, simplement vous expliquer que, lorsqu'on parle d'une personne que vous appelez souvent «personne handicapée», il faut référer à deux éléments pour savoir le niveau de la limitation fonctionnelle. D'une part, il y a des caractéristiques qui relèvent de la personne, hein, si c'est sa capacité fonctionnelle, par exemple, et, d'autre part, le niveau d'accès ou d'adaptation des environnements physiques, politiques, législatifs, réglementaires, sociaux, etc. Et c'est lorsqu'il y a une distorsion entre l'incapacité et les accommodements ou l'accessibilité que les situations de handicap…

La Présidente (Mme Beaudoin) : M. Lavigne, je vous inviterais à conclure.

• (12 heures) •

M. Lavigne (Richard) : Oui, je concluais en disant ça, que c'est là que les situations de handicap se produisent. Et l'accommodement, c'est un moyen qu'on veut qu'il se développe. Merci.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Malheureusement, le temps est écoulé. Merci pour la présentation de votre mémoire. M. le ministre, à vous la parole.

M. Drainville : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lavigne, bonjour, Mme Vézina et Mme Pelletier, merci pour votre présentation.

Une voix :

M. Drainville : Ah! excusez-moi...

Une voix :

M. Drainville : Oui, c'est mon erreur. Je devrais toujours me méfier des documents écrits. Il faut toujours contrevérifier.

Je veux d'abord vous rassurer, là, sur la portée du projet de loi. Je tiens à vous dire et à vous redire que le projet de loi n'aura pas d'effets défavorables sur les demandes d'accommodement qui sont fondées sur le handicap. Je dois vous dire qu'au moment de la préparation puis au moment de la rédaction de ce projet de loi là on a été très, très, très sensibles à la situation des personnes handicapées. Et je pense que c'est important que vous, d'abord, preniez acte du fait, là, que, dans les critères qui vont régir dorénavant les demandes d'accommodement, vous aurez compris que nous, tout ce que nous faisons, c'est de codifier les critères de contraintes excessives qui existent déjà, hein? Ça, c'est la première chose. Donc, les critères de contraintes excessives qui ont déjà été exposés dans plusieurs jugements de la Cour suprême, c'est-à-dire : le respect des droits d'autrui, la santé et la sécurité des personnes, le bon fonctionnement de l'organisme. La question des coûts également a été tenue en compte par la Cour suprême dans plusieurs jugements. Et donc nous, ce que nous faisons, c'est que nous prenons ces critères de contraintes excessives et nous les insérons dans la loi, donc, dans le projet de loi n° 60.

Pour ce qui est de l'amendement que nous faisons à la Charte des droits et libertés, moi, je pense que c'est une bonne nouvelle qu'on ait finalement dans la Charte des droits et libertés une définition de ce qu'est un accommodement. Moi, je pense que c'est un plus. Ça va vous donner une protection supplémentaire. Je vous rappelle, là, le libellé, donc, de l'article 42 : «Un accommodement résultant de l'application de l'article 10 constitue l'aménagement d'une norme ou d'une pratique d'application générale qui est fait en vue d'accorder un traitement différent à une personne qui, autrement, subirait des effets discriminatoires en raison de l'application de cette norme ou de cette pratique.» Donc, pour la première fois, on décrit très explicitement la notion d'accommodement. Et moi, je pense que ça donne une protection supplémentaire aux demandes d'accommodement qu'une personne handicapée pourrait faire à l'avenir.

Par ailleurs, c'est vrai que, dans l'amendement que nous faisons à la charte des droits, on parle de la notion d'accommodement de façon générale parce que justement on veut refléter la jurisprudence qui existe en cette matière, mais, si vous regardez de façon générale le projet de loi, c'est très, très clair qu'on fait référence, et on fait référence très explicitement, à de multiples endroits, à la question des accommodements religieux. La mention d'accommodement religieux, elle est présente à travers le projet de loi.

Donc, dans le fond, le message que je veux vous communiquer, c'est… Moi, je veux vous rassurer qu'on a vraiment pris en considération la situation des personnes handicapées et on s'est vraiment assurés que cette charte-là n'affecte en rien vos droits et votre capacité d'obtenir des accommodements en fonction, bien entendu, des règles qui s'appliquent et... C'est vraiment l'accommodement religieux déraisonnable qui est visé par les règles claires que nous mettons en place à travers le projet de loi n° 60. Ça, je pense que c'est important que vous... c'est important de vous rassurer là-dessus, encore une fois.

M. Lavigne (Richard) : Est-ce que je peux réagir, Mme la présidente?

M. Drainville : Bien sûr, bien sûr, allez-y!

La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui.

M. Lavigne (Richard) : Bien sûr, M. le ministre. De toute façon, ce n'est pas la première fois que vous me le dites. Moi, je voulais juste que vous le disiez en public. Vous avez... Non, mais, c'est parce que M. le ministre a eu la délicatesse de nous rencontrer dans une autre tribune pour nous parler de ça, et les membres de la COPHAN ont pris acte de ça.

La seule chose que… Il y a deux choses que j'aimerais dire à ce moment-ci. C'est que pourquoi, dans le préambule, on parle d'accommodement religieux notamment? C'est le mot «notamment». Là, on dit : Oh! Il y a un «notamment», ça veut dire qu'il y a quelqu'un qui a… Je sais que le gouvernement et que l'Assemblée nationale vont se pencher sur l'aspect religieux. Ça, je comprends, on entend ça à tous les jours. Mais, après que ça va être adopté, cette loi-là, il y a des gens qui vont s'en servir. Et, à partir du moment où une loi ouvre la porte à d'autres, les gens vont y aller.

Et, quand je vous disais tantôt qu'effectivement la Cour suprême a balisé le bon fonctionnement, le oui, mais il y a des critères plus que le bon fonctionnement, il faut que ça ait une incidence importante sur le fonctionnement, pas juste le bon fonctionnement parce que… Il y a des mots comme ça, le «bon fonctionnement». Ça, c'est des jugements, ça. Et on a de la misère à avoir nos accommodements actuellement. Et nous on craint qu'avec ça le moyen de palier le handicap qui empêche la discrimination disparaisse au profit du bon fonctionnement, par exemple, de l'article 42, bien, qui va devenir l'article vingt point quelque chose de la charte.

Alors, nous, on veut bien vous croire et on vous croit, c'est juste que notre petite expérience nous fait dire qu'il y en a d'autres qui vont probablement vouloir dire : Le gouvernement a marqué le mot «notamment religieux», c'est vrai que tout le long c'est religieux pas mal, mais l'article 42 ouvre la porte aux autres motifs pour venir diminuer. Alors, je ne sais pas, moi, je ne suis pas avocat ni légiste, là, mais on trouverait peut-être utile que quelqu'un se repenche là-dessus pour s'assurer qu'on ne vienne pas défaire ce qu'on veut faire avec le projet de loi. Je ne sais pas si Mme la présidente ou Olivier veulent compléter, là, mais…

Une voix : Non.

M. Lavigne (Richard) : Non? Ça va?

La Présidente (Mme Beaudoin) : Non, ça va? M. le ministre.

M. Drainville : Si je peux juste répondre à ça. Vous savez, la raison pour laquelle on utilise le «notamment», M Lavigne, dans le préambule du projet de loi, c'est que le libellé s'applique à la fois aux diverses dispositions qui concernent les demandes d'accommodement religieux, mais également à la modification que nous apportons à la Charte des droits et libertés. Et vous comprendrez qu'à partir du moment où on modifie la Charte des droits et libertés et qu'on précise la définition de ce qu'est un accommodement on ne peut pas, à ce moment-là, préciser la définition de l'accommodement seulement pour les accommodements religieux.

La notion d'accommodement, c'est une notion juridique qui a été définie au fil du temps par toutes sortes de jugements, mais elle ne s'applique pas… l'accommodement ne s'applique pas qu'aux personnes handicapées, il s'est appliqué également à des demandes de nature religieuse. Donc, c'est pour ça qu'on dit «notamment en matière religieuse», parce qu'on ne peut pas faire abstraction du reste, donc des demandes d'accommodement qui ont été faites pour des fins non religieuses. Et, comme vous l'avez si bien dit, au point de départ, la notion d'accommodement, elle s'est appliquée pour des personnes handicapées, alors… Mais le reste, tout le reste du projet de loi est très explicite et…

M. Lavigne (Richard) : C'est pour ça qu'on a été surpris, M. le ministre — je m'excuse de vous couper — c'est pour ça qu'on a été surpris quand on a vu l'article 42. On a dit : Hein… Là, on a un petit peu… On se pose des questions. Puis, comme je vous dis, on n'est pas des légistes. Nous, on est des personnes qui militent, qui militent depuis toujours pour que justement on développe le principe d'accommodement. Raisonnable, bien sûr, là, on s'entend tous. C'est juste que ce qui est raisonnable pour moi, ne l'est peut-être pas pour vous, puis peut-être pas pour madame ou… C'est pour ça que nous, on dit : Avec la charte et avec la jurisprudence, on se dirigeait sur des balises qui avaient un sens plus significatif. Et peut-être qu'on se trompe. J'espère qu'on se trompe. Mais on voulait venir quand même vous soumettre ça pour voir s'il n'y avait pas moyen, avec vos légistes — je ne sais pas comment le dire, là — de s'assurer que… dans le fond, de s'assurer qu'on s'énerve pour rien, finalement.

• (12 h 10) •

M. Drainville : Bien, en tout cas, je veux juste vous dire : Vous faites bien de me le demander. Vous faites bien de me le demander. Puis vous avez raison de le demander. Puis vous avez raison de venir chercher la clarification parce qu'effectivement, dans l'interprétation qui sera faite éventuellement de la loi, si jamais elle est adoptée, les personnes qui prendront ces décisions-là pourront s'appuyer notamment sur l'échange que nous avons présentement. Et je le dis et le redis très clairement, le projet de loi ne vise en aucune façon à limiter les droits des personnes handicapées, notamment leur droit d'obtenir un accommodement en vertu, encore une fois, d'un certain nombre de critères qui sont déjà énoncés et qu'on reprend dans la loi.

Alors, je ne sais pas jusqu'à quel point je peux vraiment en ajouter ou préciser encore davantage mon propos, mais l'article 42, encore une fois, il reprend la notion d'accommodement, il la définit, ce qui est, à mon avis, une excellente nouvelle pour les personnes handicapées, pour tout le Québec, je dirais, pour tous les citoyens québécois. Je pense qu'il y a une forme… il y a une valeur pédagogique très intéressante et très importante à définir dans la Charte des droits et libertés ce qu'est une demande d'accommodement et de préciser qu'un accommodement vise justement à mettre fin à une situation discriminatoire. Ça, je pense, c'est une bonne nouvelle. Ça, s'il y a un bout, là, qui est… Vous devriez vous en réjouir et être très heureux de ça, je pense, moi.

Puis, pour ce qui est du reste, il y a toute la notion de contrainte excessive dont on a parlé tout à l'heure. C'est vrai qu'on rajoute la notion de l'égalité hommes-femmes et la notion de laïcité quand la demande d'accommodement est faite à un organisme public, mais ce n'est en rien menaçant, ça, pour une personne handicapée, que l'on ajoute dans les critères de demande d'accommodement, dans les critères de traitement des accommodements le critère d'égalité hommes-femmes. Ce n'est pas… Ça ne peut pas nuire, ça, aux personnes qui sont atteintes d'un handicap, le fait de dire : Si l'accommodement qui est demandé compromet l'égalité hommes-femmes, il ne doit pas être accordé. Je ne vois pas en quoi une demande d'accommodement qui serait faite par une personne handicapée pourrait remettre en question le principe de l'égalité hommes-femmes. C'est clair, dans ce cas-ci, que c'est…

On parle bien sûr d'accommodement de nature religieuse. Et par ailleurs, je vous dirais, même logique dans le cas de la laïcité. Je ne vois pas en quoi la demande qui serait faite par une personne handicapée d'obtenir un accommodement pourrait remettre en cause le principe de la laïcité de l'État ou de la neutralité religieuse. C'est pour ça que je vous dis que les critères que l'on rajoute, égalité hommes-femmes et neutralité, laïcité, ne peuvent d'aucune façon diminuer votre possibilité d'obtenir un accommodement. La première partie définit ce qu'est un accommodement en disant très clairement : La personne qui le demande doit être victime d'une discrimination. Je pense que c'est une bonne nouvelle de clarifier ça. Et par ailleurs, et c'est la dernière partie de l'article 42, quand on reprend les critères de contrainte excessive, on reprend ce qui existe déjà.

Alors, je ne sais pas comment vous le dire autrement, mais je vous dis : Dans le fond, ne vous inquiétez pas. Vous avez le droit, et c'est très bien que vous posiez des questions, que vous obteniez ces clarifications, mais je vous assure que vos droits sont très, très bien protégés par le projet de loi n° 60.

M. Lavigne (Richard) : Mme la Présidente, juste un commentaire. M. le ministre a raison, là, je ne l'ai pas par coeur, l'article, mais le début de l'article effectivement définit bien la chose. Ce qui nous pose problème, nous, c'est l'autre petit bout qui est en lien avec ce qu'on vit tous les jours. Ce qu'on vit tous les jours, c'est que ça n'en prend pas beaucoup pour se faire dire qu'on dérange, hein? Et simplement vous dire que la preuve en est que, si on regarde la Commission des droits de la personne, le nombre de plaintes, on voit beaucoup et de façon très importante — je ne sais pas si c'est 33 % ou 35 %, ça dépend des années, là — que ce sont des plaintes en vertu de situations de handicap, ou du handicap, ou…

Alors, je crois qu'on a la preuve qu'il y a des choses qui doivent cheminer. Et nous, on veut juste s'assurer que cette disposition-là ne viendra pas nous faire reculer. Et nous faisons confiance. Ce n'est pas cette étape-ci de la chose qui nous dérange, c'est ceux et celles qui vont vivre avec, les individus, les organisations. Et, quand je vous dis que, quand je demande un livre en braille, que je me le fais dire, que je dérange puis qu'on me rend un grand service, je vous avoue qu'il y a de quoi faire peur pour la suite des choses. Et les statistiques, je pense que… ceux qui ne le savent pas, je vais vous le dire, je pense qu'on n'est pas encore bien, bien en situation d'égalité en emploi, en revenus, en éducation, etc. Je pense que vous êtes tous au courant qu'on a encore un bon bout de chemin à faire. Puis on compte sur tous ceux… tous les parlementaires et tout l'appareil public pour continuer à nous soutenir dans notre quête d'égalité.

M. Drainville : …on est très sensibles à ça, M. Lavigne, on est très sensibles à ça. Et je pense que tous les parlementaires, peu importe le parti, sont très sensibles au fait qu'on a encore du travail à faire puis on a encore du chemin à faire pour donner une égalité réelle à nos concitoyens qui sont atteints d'un handicap. Et je pense qu'il y aura toujours matière à progrès, il y aura toujours matière à amélioration sur ce plan-là. Et je tiens à… Puis je suis certain que mes collègues des autres formations politiques partagent mon point de vue là-dessus.

Sur la question du coût, je vois que ça vous agace, vous y faites référence dans votre mémoire. Vous dites notamment, je cite, là : «La COPHAN réaffirme que les accommodements raisonnables doivent être limités par la contrainte excessive et non par le bon fonctionnement de l'organisation et par les coûts». J'entends ce que vous dites, mais vous le savez comme moi parce que vous êtes une personne avertie, que la question de l'organisation et des coûts, elle est déjà prise en compte dans la jurisprudence. Alors, peut-être que vous avez trouvé que, dans certains cas, l'argument des coûts est allé trop loin pour refuser des demandes, mais ce que je veux vous dire, c'est que, quand on fait référence à la question des coûts dans la définition générale de la contrainte excessive, cette question-là, elle est déjà prise en compte dans un certain nombre de jugements qui ont fait jurisprudence. Donc, encore une fois, on ne dit pas quelque chose qui n'existe pas déjà. Dans ce qui est… Pour ce qui est de la contrainte excessive, on se contente tout simplement de prendre les critères actuels et de les codifier dans une loi, dans le projet de loi n° 60.

M. Lavigne (Richard) : Je pense que M. Collomb D'Eyrames voulait réagir ou je ne le sais pas…

M. Collomb D'Eyrames (Olivier) : Merci. Je pense qu'il y a… Olivier Collomb D'Eyrames. La sensibilité au terme «coûts», comme disait Richard, c'est quand on voit l'énergie mise pour ne pas accommoder et les coûts que ça engendre comparativement à. Je pense que ça va dans ce sens-là. Ça fait plus de 35 ans que la loi dit qu'on doit rendre accessibles les bâtiments construits avant 1976 et qu'il y a des obligations et que ce n'est pas fait à chaque fois pour des raisons de désorganisation de l'État, des coûts pour le privé, le public, de l'impact sur l'économie. Donc, je pense que ça va dans ce sens-là.

Et, nous, je pense, ce n'est pas le terme «crainte», l'idée, c'est de… est-ce que ça va nous permettre d'aller un peu plus loin? Puis ce n'est pas forcément pour que les gens puissent plus déposer plainte pour discrimination, le but, ça serait qu'ils n'aient plus besoin de le faire. Je pense que là-dessus, on s'entend tous, là. Donc, nous, c'est dans ce sens-là que les interventions sont faites, c'est : Est-ce que vous, vous pensez que ça va nous donner des nouveaux leviers? Et ce que j'entends de votre présentation, effectivement, c'est ça, vous pensez que ça va nous permettre d'avoir des nouveaux leviers pour faire avancer plus de manière collective l'égalité et les droits. C'est ça que j'entends.

M. Drainville : Bien, ce que je vous dis, c'est que je suis absolument convaincu que ça n'enlève rien aux droits que vous avez déjà et je pense sincèrement que la définition que nous donnons à la notion d'accommodement va effectivement vous aider parce qu'elle établit clairement le lien entre la demande d'accommodement et la discrimination. Or, quand vous vous présentez dans un organisme, quand vous demandez à une institution de vous donner un accommodement, de façon générale, corrigez-moi si je me trompe, mais c'est parce que vous êtes victime d'une discrimination, n'est-ce pas?

M. Lavigne (Richard) : Non. D'habitude, on ne fait pas ça pour le fun.

M. Drainville : Bien, c'est ça. Alors, moi, je vous dis…

M. Lavigne (Richard) : Je vais vous dire bien franchement, j'aimerais bien mieux ne pas en demander, d'accommodement, si je pouvais, là. Puis c'est sûr que nous, on fait ça dans une perspective, Mme la Présidente, M. le ministre, dans une perspective de droit à l'égalité. On a les mêmes droits que tout le monde. Maintenant, comment on fait pour les exercer? Et l'accommodement, la compensation, l'accessibilité… En tout cas, un jour, quand on aura un peu de temps, M. le ministre, je pourrai vous en parler plus longtemps, là. Mais il y a toutes sortes de mécanismes. Et nous, on pense que c'est une série de mécanismes qui vont finir par convaincre.

Parce que l'idée, c'est de convaincre, en bout de ligne, que, lorsqu'on accommode quelqu'un et qu'il peut exercer son droit à l'égalité, il devient un citoyen ou une citoyenne à parts égales et à part entière qui peut contribuer. Je suis déjà venu ici, moi, réclamer le droit des personnes ayant des limitations fonctionnelles de payer de l'impôt. Je suis le seul qui est venu demander à ce que les citoyens paient de l'impôt au Québec, je suis sûr, hein? C'est qu'on… Puis ce n'est pas qu'on y tient, à payer de l'impôt, là, mais on tient à payer le même impôt que tout le monde, c'est juste qu'il faut avoir une job.

M. Drainville : On s'entend.

M. Lavigne (Richard) : En tout cas, des revenus.

M. Drainville : Il me reste seulement quelques minutes. Dans le fond, je pense, si je vous comprends bien, là, ce n'est pas tellement la loi qui vous inquiète que son éventuelle application.

M. Lavigne (Richard) : Oui, c'est ça.

M. Drainville : Hein, on s'entend? C'est ça.

M. Lavigne (Richard) : Vous avez tout compris, M. le ministre.

M. Drainville : Bon. Alors, est-ce que vous auriez des suggestions à nous faire peut-être pour nous aider à mieux l'appliquer, cette loi-là, pour faire en sorte qu'on…

• (12 h 20) •

M. Lavigne (Richard) : Si j'étais légiste ou — comment qu'on dit ça? — rédacteur de lois, juriste, je vous répondrais que j'ai amené mon document. Malheureusement, à la COPHAN, avec nos deux ressources et une à temps partiel, on n'a pas les ressources pour aller… malheureusement pour vous conseiller. Mais je suis sûr que vous pouvez, autour de vous, dans votre ministère ou au gouvernement, trouver quelqu'un qui pourrait dire, tu sais : On va trouver une façon de blinder, entre parenthèses, de parer, là, d'éventuels… Malheureusement, je ne peux pas, là, je ne suis pas avocat, en plus. Bien, j'ai commencé mon droit, mais je ne l'ai pas fini. Ça fait que je pense que vous seriez mieux de demander à quelqu'un d'autre.

M. Drainville : Faites-vous-en pas, là, dans les minutes qui vont suivre, il y a plusieurs avocats qui vont vous poser plein de questions. Hein, ils pourront sans doute vous éclairer. Bien, ça m'a fait plaisir de vous entendre.

M. Lavigne (Richard) : Merci.

M. Drainville : Merci beaucoup pour votre présentation et votre présence parmi nous aujourd'hui. Vous faites… vous jouez très bien le rôle, je dirais, de chien de garde qui est le vôtre, et c'est très apprécié.

M. Lavigne (Richard) : Merci.

M. Drainville : Merci.

Le Président (M. Cardin) : Merci, M. le ministre. Nous allons passer au deuxième groupe… au groupe formant l'opposition officielle. Le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Cardin) : 16 minutes.

M. Tanguay : Merci beaucoup à vous trois d'être ici présents aujourd'hui. Merci pour votre organisme, la COPHAN, d'avoir pris le temps de rédiger le mémoire et de nous en faire la présentation aujourd'hui et de répondre à nos questions. On a entendu le ministre un peu plus tôt nous dire et vous dire : Ne vous inquiétez pas. Un peu comme vous, quand on entend le ministre nous dire ça, déjà là je pense qu'on a une source d'inquiétude et on retrouve ça chez beaucoup de Québécoises et Québécois.

Votre organisme, vous dites qu'il veut faire en sorte que le Québec soit davantage inclusif, et vous l'avez souligné, et je vous paraphrase : Ça ne prend pas beaucoup pour dire qu'on dérange. Et la diversité, la différence dérange. Et il y a une Charte québécoise des droits et libertés qui fait en sorte que la non-discrimination, que ce soit sur un motif de handicap physique ou sur la liberté de religion, sur la religion d'une personne… bien, au Québec, on ne peut pas discriminer.

J'aimerais vous entendre sur l'importance que vous accordez à un  organisme tel que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Vous avez sûrement eu à transiger ou à oeuvrer avec la Commission des droits. J'aimerais vous entendre quant au travail de cette même commission quant à l'application puis au respect des droits et libertés.

M. Lavigne (Richard) : Vous voulez vraiment que je réponde à ça, qu'est-ce qu'on pense du travail de la Commission des droits de la personne? Je pense…

M. Tanguay : Avez-vous des interactions avec la commission?

M. Lavigne (Richard) : Oui. On travaille…

M. Tanguay : O.K. Quelles sont-elles, ces interactions?

M. Lavigne (Richard) : C'est de la collaboration, hein? Je pense qu'on travaille avec eux sur divers dossiers. On invite les personnes qui se sentent lésées par leur droit à l'égalité de s'adresser à la Commission des droits de la personne. Nous, on pense que la Commission des droits de la personne a fait progressé les choses pour… on va parler en raison du motif d'handicap. Si vous permettez, le reste, je ne pourrai pas vous répondre. Ce n'est pas quelque chose qui, au niveau de la COPHAN, retient notre attention. Je pense qu'avec le handicap, on en a assez, là.

Alors, nous, écoutez, c'est sûr qu'on a rencontré récemment la nouvelle présidence de la Commission des droits. Alors, on veut développer des liens. Maintenant, je ne suis pas en mesure d'évaluer, là, le travail comme tel. Ça serait… On travaille avec l'OPHQ aussi, on travaille avec la commission, on travaille avec plein de monde. Nous, on essaie de tirer le meilleur de tout ce beau monde. Tout ce qu'on sait, c'est que, si on regarde, depuis 35 ans, c'est que, même si on a des instruments, ces instruments-là ne peuvent à eux seuls, semble-t-il, répondre à nos aspirations de l'égalité. La preuve, c'est que… je ne dis pas qu'il n'y a pas de progrès, mais il y a encore deux fois plus de chômeurs, chômeuses chez les personnes qui ont une limitation fonctionnelle. Il y a encore, en tout cas, plein de problèmes.

Alors, est-ce que c'est à cause de la Commission des droits? Je ne pense pas. Est-ce que c'est à cause de l'OPHQ? Je ne pense pas. Est-ce que c'est à cause des uns ou des autres? Je ne pense pas. Je crois que c'est en raison d'une progression nécessaire sur la reconnaissance qu'une personne qui a une limitation fonctionnelle doit et peut, elle aussi, contribuer au même titre que les autres. Et ça, ce n'est pas… c'est toute la société. Et la société est représentée dans des organisations… donc l'Assemblée nationale, et c'est à l'Assemblée nationale de lancer des messages.

Je pense que l'Assemblée nationale et le gouvernement ainsi que les partis de l'opposition avez un devoir de leadership. Si on attend que la majorité veuille quelque chose avant que ça avance, il y a des affaires qu'on n'aurait jamais eues, hein? Et je crois que la majorité… c'est vrai qu'on est en démocratie, que la majorité a un rôle à jouer, mais le droit de la personne, les chartes, et tout ça, il faut toujours se rappeler que ces instruments-là sont là pour protéger les minorités qui sont, pour toutes sortes de raisons, discriminées ou autre.

M. Tanguay : …et, à ceux qui vous diraient, M. Lavigne, justement, et qui plaident… Évidemment, là, il y a un large consensus sur quatre éléments sur cinq. Le seul où il y a une division — et on entendra plus de 270 heures en commission, c'est important d'entendre les gens — c'est sur cette interdiction de port de signes religieux pour tous les employés publics, parapublics et même les entreprises qui font affaire avec l'État. Subventionnées… en étant subventionnées ou en ayant un contrat de service.

Ceci dit, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur l'importance… Vous savez, l'argument que les gens viennent nous dire : Bien, écoutez, la majorité le veut, ainsi soit-il. Vous, évidemment, vous êtes là pour défendre les droits des personnes handicapées ou personnes qui utilisent un élément pour pallier à ce handicap. J'aimerais vous entendre sur cette importance justement de ne pas prendre pour argument «la majorité le veut, ainsi soit-il», parce qu'ici plusieurs vous diront qu'au même titre qu'il y a discrimination, à l'occasion, basée sur le handicap, il y a ici discrimination basée sur la religion. Alors, j'aimerais vous entendre sur l'importance de : Attention, là! Ce n'est pas un élément de dire où loge la majorité, mais de respecter les droits et libertés de chacun. Et vous avez dit : Lorsque quelqu'un s'intègre dans la société, tout le monde en bénéficie. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lavigne (Richard) : La majorité, ça, c'est un concept… Je vais vous dire, je pense, que bon, on fonctionne comme ça en démocratie pour notamment procéder à des élections. Mais, lorsqu'on parle de citoyenneté, d'égalité, c'est ça qui prime, c'est l'égalité qui prime, selon moi, sur la majorité. Puis, encore là, la majorité, là… Quelqu'un qui dit : La majorité pense ça, là… Oui, je ne sais pas comment on fait pour affirmer ça, là. Mais, bon, tu sais, il y en a qui disent ça.

Les sondages? Bien, là, les sondages, on pourrait en parler, on pourrait… Écoutez, les élections, bien il y a plein de monde qui ne va pas voter, puis, si les gens ne vont pas voter, c'est parce qu'ils ne sont pas d'accord, c'est parce qu'ils sont d'accord… C'est des concepts que je trouve un peu... Bien, c'est correct, c'est utile, mais ce n'est pas ça qui doit uniquement guider notre société. Si on ne décidait que par la majorité des citoyens, les personnes qui ont des limitations fonctionnelles seraient encore en institution aujourd'hui, monsieur.

M. Tanguay :

M. Lavigne (Richard) : Puis les femmes, qui sont pourtant majoritaires au Québec, à ce que je sache, la majorité, là, n'a pas réussi à aller gagner l'égalité, en tout cas. Ce n'est pas encore réglé, en tout cas. C'est déjà mieux que ça a déjà été. Mais, si c'était la simple loi de la majorité qui guiderait tout, bien les femmes seraient égales dans les faits, hein? Et puis, nous, les personnes handicapées, on est 15 %, on serait loin en maudit, là, mais…

M. Tanguay : Puis, ce matin, on…

M. Lavigne (Richard) : Tu sais, ce n'est pas des bonnes des bonnes manières de parler, quant à moi. Ceci dit, nous, on préfère… On parle de droit à l'égalité des personnes parce qu'on est dans une société qui reconnaît que tous peuvent contribuer, que tous ont le droit… On a les mêmes droits en théorie. Alors, l'accommodement, la compensation, tout ça, c'est pour permettre à des personnes qui ont des besoins spécifiques d'exercer ce rôle-là.

Juste une petite anecdote pour vous prouver qu'on a encore bien, bien du chemin à faire. Il y a quand même un certain nombre d'années, il y avait eu un sondage pancanadien qui demandait aux gens : De quoi avez-vous le plus peur? Et je vous dirai que les gens avaient plus peur de perdre la vue que d'attraper le sida.

Alors, vous voyez que les questions de handicap, c'est quelque chose qui n'est pas acquis, c'est quelque chose qui fait peur. Et je peux comprendre que ça peut créer des inconforts, les situations de handicap ou les limitations fonctionnelles. Mais je pense qu'on doit collectivement tirer le meilleur de tout le monde et je pense que le Québec doit utiliser toutes ses forces. Tu sais, on parle beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre, puis tout ça, mais il y a de la main-d'oeuvre inactive qui peut-être pourrait l'être si on accommodait ces personnes pour qu'elles exercent leur éducation et leur emploi.

• (12 h 30) •

M. Tanguay : Votre message, M. Lavigne est extrêmement fort. L'exclusion, faire en sorte que tous et chacun, sans discrimination, que ce soit sur le handicap ou la religion, puisse prendre part à la société, se réaliser, entre autres par l'emploi. Vous avez parlé de la lutte pour l'égalité hommes-femmes au Québec qui n'est pas terminée. Dans les faits, on doit encore y faire écho et on doit encore se préoccuper de cela. Et, ce matin, Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême du Canada — et je la cite — est venue dire : «Et il est particulièrement odieux d'en faire payer le prix à des femmes déjà marginalisées et pour qui l'accès à l'emploi est un facteur clé [à la fois] d'autonomie et d'intégration.» Fin de la citation. Louise Arbour, qui parlait de l'effet odieux du projet de loi n° 60 sur l'interdiction de port de signes qui ferait en sorte que des femmes perdraient leur emploi si d'aventure cette charte était appliquée.

Et votre message est extrêmement fort. Vous l'avez mis dans le contexte de la majorité et ceux qui vous plaideront : Bien, la majorité le veut, ainsi soit-il et le danger de réfléchir de cette façon-là en termes électoraux, peut-être même, certains diront. Je pense que c'est important. Et votre organisme… J'aimerais vous entendre sur votre organisme maintenant au niveau de votre action. Avez-vous des cas d'application, justement, où vous avez dû participer à ce qu'une personne ait un accommodement, un accommodement qui soit raisonnable? Et j'aimerais, donc, vous entendre là-dessus, au niveau des nécessaires balises aux accommodements. Mais c'est toujours une question d'équilibre, et ça, là-dessus il y a un fort consensus. Sur ça, on pourrait faire avancer le Québec.

M. Lavigne (Richard) : Je vais commencer, et M. Collomb D'Eyrames voudrait compléter. Simplement, vous dire que nous, la mission, on n'intervient pas auprès des individus, nous, on intervient auprès d'organisations, de systèmes, et tout ça. Nos membres interviennent auprès d'individus effectivement, on est appelés souvent à donner des conseils. Juste un petit commentaire… Bon, je l'ai oublié. J'ai oublié, là. Je vais demander à M. Collomb D'Eyrames de continuer, j'ai oublié ce que je voulais vous dire…

Le Président (M. Cardin)  :

M. Collomb D'Eyrames (Olivier) : La lumière ne s'allume pas. O.K. Bien, juste… Nous, c'est pareil, on intervient au collectif. Mais je pense que récemment vous avez vu un M. Delarosbil dans notre région, je pense que ça vous permet de voir… Et là, quand on parle de la raisonnabilité des accommodements, je pense que… enfin, vous prenez toute la mesure du chemin qu'il reste à parcourir. Puis, comme je vous disais tout à l'heure, ça fait 35 ans que le gouvernement, dans différentes lois, s'engage à rendre accessibles les bâtiments construits avant 1976, et autant… quel que soit le gouvernement au pouvoir, ça fait 35 ans que c'est reporté. Ça, c'est du collectif, mais je vous dirais que, pour toutes les personnes en fauteuil roulant, c'est pas mal de l'individuel.

D'ailleurs, dans le débat qui avait eu lieu sur cet article, en étude détaillée, le ministre, à l'époque, M. Couillard, qui portait la loi avait raconté qu'il n'avait pas pu faire accommoder… il n'a pas pu mettre une rampe d'accès devant son bureau de circonscription, que ça avait été refusé pour des raisons esthétiques. Donc, je pense que vous le vivez, comme députés. Puis vous organisez éventuellement aussi des campagnes électorales, donc vous voyez la difficulté de trouver des locaux. Vos sites Internet souvent ne sont pas accessibles aux personnes aveugles parce qu'on fait tout ça… Vous le voyez dans votre quotidien, toutes les difficultés pour fournir les accommodements vous-mêmes. Je pense que tous les bureaux de comté sont accessibles en fauteuil roulant puis que, si on a besoin d'un interprète en langue des signes, vous le fournissez. Par contre, au niveau des partis politiques, qui sont des organisations indépendantes, je pense que vous prenez aussi la mesure parfois des défis, des budgets et puis des priorités qui sont affectés à chaque fois, pour des raisons raisonnables, dans d'autres choses que les accommodements. Ça arrive aussi.

Le Président (M. Cardin) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Merci beaucoup. Bonjour, M. Lavigne, M. Olivier et Mme Pelletier. Merci beaucoup de votre présentation et grand plaisir de vous revoir aussi. Je n'ai pas de question, mais vous dites que vous n'êtes pas juristes, mais vous avez vraiment mis le doigt dessus, avec l'article 42. Et je pense que la Commission des droits de la personne viendra souligner les éléments que vous avez soulignés. Et en effet il y a une préoccupation à avoir. Et on aura le temps de poser des questions, donc, à la Commission des droits de la personne sur cette question.

Moi, j'aimerais aller directement à la question qui nous préoccupe tous, c'est l'impact de ce projet de loi, et notamment l'interdiction de port de signes religieux sur les minorités et en particulier des femmes déjà marginalisées. Et, ce matin, Louise Arbour, elle fait un plaidoyer vibrant, c'est une grande experte en droits humains à l'échelle internationale, elle parle des conséquences odieuses. Et vous êtes un organisme qui lutte pour l'inclusion, l'inclusion de tous et surtout des personnes vulnérables. J'aimerais savoir si vous avez une position, une appréciation de l'impact de cette prohibition. Hein, c'est carrément ça. On n'est pas dans les balises, on est dans l'interdiction de porter le voile, de porter la kippa, de porter le turban si on travaille pour le gouvernement, si on travaille dans un hôpital, si on est médecin, infirmière, et tout le réseau public et parapublic.

M. Lavigne (Richard) : M. Collomb D'Eyrames voudrait peut-être commencer, puis je vais voir après.

M. Collomb D'Eyrames (Olivier) : J'attends que ça s'allume.

Une voix :

M. Collomb D'Eyrames (Olivier) : Oui, c'est ça? O.K. Bien, c'est ça, nous, il y a beaucoup de gens qui viennent s'exprimer à la commission, donc on entend des impacts, des effets que ça pourrait avoir sur le réseau de la santé dans un contexte de rareté de main-d'oeuvre. On ne peut pas parler de pénurie, mais de rareté dans certains secteurs. Nous, c'est sûr qu'avec le projet d'assurance autonomie, on fait le lien, il y a beaucoup de femmes portant des signes ostentatoires qui donnent des services de soutien à domicile, mais, à ce stade-là, on n'est pas capables d'évaluer.

Je pense que, du côté du discours gouvernemental, il y a une volonté d'ouverture, de souplesse, d'intelligence dans l'application, mais, comme nous... L'idée, c'est de maximiser la participation des personnes. Alors, si, par exemple, des gens qui travaillent avec des mesures de chèque emploi-service, là, avec le nouveau projet, ne peuvent pas être accrédités parce qu'ils ont des signes ostentatoires ou que ça fait partie des contrats qu'ils vont lier dans l'exécution des service, mais, à ce stade-ci, et de un, le projet est encore en discussion, puis, je pense, il y a une ouverture à le bonifier, et de deux, mais c'est qu'on n'est pas capables d'évaluer ça.

Mme Weil : Pensez-vous qu'il serait important d'avoir des études d'impact?

M. Collomb D'Eyrames (Olivier) : Bien, il me semble que, de toute façon, le gouvernement a certainement dû...

Mme Weil : Des études, il n'y en a pas, il n'y en a pas.

M. Tanguay : La réponse est non.

Mme Weil : Et c'est pour ça qu'actuellement il y a une grande préoccupation, parce qu'il n'y a justement pas d'études d'impact.

M. Lavigne (Richard) : Bien, écoutez, si je peux me permettre. Nous, à la COPHAN, bien sûr, notre mission, notre mandat, notre membership nous amènent à parler sous l'angle des situations de handicap, et tout ça. Ce que je peux vous dire, c'est que, lorsqu'on parle d'accommodements, il y a une chose qui est claire, c'est que les personnes qui ont une limitation fonctionnelle n'ont aucun choix, il n'y a pas de marge de manoeuvre. Moi, demain matin, faites ce que vous voulez, là, mais je vais être obligé encore de lire du braille. Je suis pris avec ça à vie, point à la ligne. À partir du moment où on n'a pas de choix, on n'a pas d'alternative, bien là c'est là que les accommodements devraient être un peu plus ouverts. Lorsqu'il y a des choix ou des pseudo-choix, ça, je ne suis pas capable. Mais, lorsque quelqu'un choisit des choses, bien là c'est une autre histoire. Puis c'est pour ça que nous, on trouve, à un moment donné, que c'est un petit peu tout mélangé. M. le ministre, tantôt, nous a rassurés, mais...

Le Président (M. Cardin) : Je m'excuse de vous interrompre, on doit passer au deuxième groupe de l'opposition. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous trois pour votre mémoire très intéressant. On a compris, tout à l'heure, que vous aviez des craintes à l'égard de la discrimination. Cependant, votre mémoire traite aussi de quelque chose de très précis, de très important, qui sont les articles 10 et 37. Et vous n'êtes pas juristes, vous n'êtes pas avocats, mais effectivement vous avez bien compris ce que disent ces articles. Et, pour le bénéfice des téléspectateurs qui nous écoutent, j'aimerais lire quelques lignes de votre mémoire, et ensuite je vous poserai une question à cet égard.

À la page 4, en bas de page, vous nous dites : «L'article 10 introduit la possibilité d'obliger toute personne ou société qui a une entente de subvention avec un organisme public de respecter un ou plusieurs des devoirs et obligations" [de la loi].» Alors, naturellement, on sait que les organismes communautaires vivent, bien souvent, de ces subventions, donc ça s'appliquerait aux organismes communautaires, vous avez raison.

La page suivante, la page 5, en haut de page, vous écrivez : «L'article 37 renforce l'article 10 et il donne tout loisir au gouvernement d'assujettir un organisme à l'application de la loi.» Encore une fois, on parle ici d'organismes communautaires, vous avez raison. Et, un petit peu plus bas, dans l'autre paragraphe, vous écrivez : «Le projet de charte de la laïcité s'immisce dans le fonctionnement de ces groupes. Il s'attaque à leur autonomie et risque même de menacer la survie de bon nombre d'entre eux.»

Alors, c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre, j'aimerais que vous élaboriez sur l'impact qu'aurait le projet de loi n°  60 sur le fonctionnement des organismes communautaires qui justement reçoivent ces subventions. Qu'est-ce que vous craignez?

Le Président (M. Cardin) : M. Lavigne.

• (12 h 40) •

M. Lavigne (Richard) : Merci. Oui. Bien, vous savez, là, on espère ne pas avoir raison, hein? C'est que, dans la vie, on n'espère pas toujours avoir raison. Nous, on émet nos analyses, on propose une lecture de la chose et on anticipe malheureusement qu'un jour peut-être quelqu'un, pour toutes sortes de raisons, pourrait, par ces deux articles là, nuire et compromettre même l'existence de certaines organisations. M. Collomb D'Eyrames, tantôt, parlait d'exemple d'une personne, d'une femme, en particulier, qui travaille dans une organisation qui rend des services de soutien à domicile, compétente, supercorrecte avec tout le monde puis, parce qu'elle porterait un signe quelconque, elle pourrait ne plus être disponible. Là, nous, c'est ce qu'on dit.

Dans les groupes communautaires, bien, les groupes communautaires qui sont subventionnés, souvent pas assez, mais subventionnés quand même par l'État, ça serait la même chose. La COPHAN, on est subventionnés, nous, par le Secrétariat à l'action communautaire autonome, le SACAIS. Et on est trois dans le bureau quand on est tous en forme. Et admettons que, demain, je quittais et que le conseil d'administration engagerait une femme qui porte un signe ostentatoire — bien on l'engagerait pour ses compétences, bien sûr — et que le SACAIS viendrait nous dire : L'année prochaine, bien là vous ne pouvez plus, c'est là qu'il arriverait un problème entre l'autonomie de l'organisation et l'imposition de règles qui n'ont rien à voir, selon nous, avec la reddition de comptes normale que la COPHAN fait avec plaisir chaque année sur l'utilisation de ses fonds. Rendre des comptes, ça, c'est correct, mais s'immiscer dans la mission d'une organisation, on trouve ça... on questionnait la chose. Et je trouve ça un petit peu malheureux qu'on n'ait pas eu l'occasion d'en parler avec M. le ministre parce que peut-être qu'on se trompe, encore là, aussi, je ne sais pas, là.

Mme Roy (Montarville) : M. Lavigne, je crois que vous ne vous trompez pas du tout. Votre compréhension des articles, elle est excellente. Et j'irais plus loin en vous demandant : Si le ministre soustrayait les organismes communautaires de l'application du projet de loi n°  60, est-ce que ça vous rassurerait?

M. Lavigne (Richard) : Je ne le sais pas. Je ne le sais pas, il faudrait que j'y pense. Bien, ça me rassurerait comme COPHAN, oui, parce que je ne serais plus visé, mais le concept est là quand même.

Mme Roy (Montarville) : Merci.

Le Président (M. Cardin) : ...a une dernière question, mais on doit passer au député de Blainville pour quatre minutes.

M. Ratthé : Merci, M. le Président. Mme Vézina, M. Lavigne, M. Collomb D'Eyrames, merci de vous être déplacés. On va quand même poursuivre sur le même but parce que je pense que c'est important, là. J'allais à peu près poser la même question : S'il y avait un amendement, si on soustrayait les organismes communautaires... Parce que, bon, j'ai bien compris que le ministre, tout à l'heure, nous... Je pense que, verbalement, là, à deux reprises depuis le début de la... le ministre nous a bien dit de ne pas s'inquiéter. J'imagine que vous seriez plus confortables si c'était beaucoup plus spécifique et écrit dans la loi que vous n'êtes pas soumis... que les organismes communautaires ne sont pas soumis, justement, à cet article-là. Est-ce que cela vous conviendrait?

M. Lavigne (Richard) : Juste pour vous dire un peu que tout n'est pas toujours si simple. C'est quoi, ça, un organisme communautaire? Un organisme communautaire autonome? Organisme communautaire qui est patenté par du monde pour avoir des contrats? Organisme d'économie sociale? Tu sais, c'est... Même dans le milieu communautaire, là, quand on parle… on fait la distinction entre organisme communautaire et organisme communautaire autonome. Parce que je vous dirai qu'il y a des organismes communautaires qui existent, qui se disent communautaires, mais qui sont carrément là pour prendre des contrats de l'État pour faire quelque chose, notamment dans le développement de la main-d'oeuvre, par exemple. Pour nous, ce n'est pas des organismes autonomes parce que c'est le protocole d'entente entre le ministère et cet organisme-là qui fait des choix et non pas les membres de la communauté. Un organisme communautaire autonome doit être implanté dans la communauté.

Alors, je ne vous dis pas qu'on ne serait pas contents, je dis juste que, d'après moi, ça ne m'apparaît pas si simple de régler cette question-là. Et, pour être bien honnête avec vous, nous, on a souligné la chose, mais, est-ce que... Si on disait : À l'exception des organismes communautaires, bien là, l'autre question, c'est : Qu'est-ce qu'un organisme communautaire? Tandis que...

M. Ratthé : Je comprends bien que ce que vous nous dites, finalement, c'est que vous êtes très concernés par la question, vous n'avez pas, évidemment, toute l'expertise voulue pour vous assurer que, entre guillemets, là, vous allez être protégés. Puis ce que vous demandez au ministre, finalement, c'est de, lui, se pencher sur la chose puis d'arriver peut-être avec un amendement ou un article qui va couvrir les différentes possibilités dont vous venez d'énoncer, là...

M. Lavigne (Richard) : On alerte la commission sur les dangers que ça pourra avoir... aura ou aurait — ça dépendra de qui prendra les décisions après — sur l'autonomie, et le fonctionnement, et le mandat des groupes qu'on représente, c'est-à-dire les groupes communautaires autonomes, dans notre cas.

M. Ratthé : ...les articles qui vous préoccupent, que vous avez bien identifiés dans votre mémoire. Est-ce que vous avez d'autres réactions à nous donner sur la charte en tant que telle? Est-ce que vous vous êtes penchés là-dessus? Est-ce que vous avez consulté les membres, les gens avec qui vous faites affaire?

M. Lavigne (Richard) : Nos membres se sont prononcés sur ce dont on vous a parlé aujourd'hui. Parce qu'à la COPHAN, dans d'autres dossiers aussi, on est appelés à se prononcer. On représente les personnes qui ont une limitation fonctionnelle, et je pense que vous comprendrez très aisément que tous ne pensent pas la même chose parce qu'ils partagent une situation de handicap, hein? Ce n'est pas monolithique, la COPHAN. Il y en a qui sont pour, il y en a qui sont contre. Il y en a qui trouvent que ça va trop loin, d'autres qui trouvent que ça ne va pas assez loin. Il n'y a pas unanimité, je vous dirai. Alors, nous, on est venus vous parler de ce qui nous unit et non pas de ce qui nous divise.

M. Ratthé : Je vous remercie beaucoup, M. Lavigne.

Le Président (M. Cardin)  : Bon, nous allons passer à Mme la députée de Gouin, pour trois minutes.

Mme David : Oui, merci, M. le Président. Oui. Madame, messieurs, bonjour. Quant à moi, l'article 10, je l'éliminerais, ce serait beaucoup plus simple, ça... parce qu'il n'y aurait pas que les organismes communautaires qui arrêteraient d'avoir peur, il y aurait aussi les entreprises d'économie sociale et même des entreprises privées qui doivent vraiment se poser des questions.

Mais je voudrais revenir sur la question des accommodements parce qu'il y a quelque chose que je voudrais bien comprendre. Lorsque le ministre élabore dans un projet de loi une série de balises, si vous voulez, de règles entourant des demandes d'accommodement, notamment religieux — puis c'est sûr que c'est surtout religieux dans le cas qui nous occupe, mais c'est vrai que ça couvre plus large, vous avez raison — il ne fait, dans le fond, que refléter la jurisprudence qui existe en cette matière depuis bien des années. Quand on parle de contraintes excessives, quand on parle de coûts trop élevés, vous savez très bien, ce sont des choses qui existent depuis plusieurs années. Et là vous, vous dites : Oui, mais, justement, ça, c'est très contraignant pour nous parce que, chaque fois qu'on demande quelque chose, on a le sentiment de déranger, que ça coûte trop cher, qu'il y a une contrainte.

Alors, est-ce que ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'au fond les personnes vivant avec un handicap ne devraient pas être obligées de passer par cette mécanique d'accommodement pour avoir... pour pouvoir exercer leurs droits comme n'importe quel citoyen, on devrait collectivement, comme société, décider que tous les bâtiments doivent être accessibles, qu'il doit y avoir des ascenseurs dans toutes les stations de métro, etc.? Comprenez-vous ce que je dis? Est-ce que c'est ça que vous nous dites ou si je vous interprète mal?

M. Lavigne (Richard) : Bien, simplement vous dire que non seulement on vous dit ça, mais c'est déjà tout écrit dans les lois, ça. Ce n'est pas appliqué. C'est que c'est pour ça que l'accessibilité... La Loi assurant l'exercice des droits, la politique. À part entière parlent de l'accessibilité universelle, parlent d'abolir des obstacles à la participation sociale, parlent de droit à l'égalité. C'est tout écrit, ça, Mme la députée.

Alors, nous, on se dit, si le projet de loi disait : Les accommodements doivent être assurés s'ils ne compromettent pas l'équilibre financier… Parce que, là, on parle de coûts. Ça veut dire quoi, ça? Une piastre, deux piastres, trois piastres? Tu sais, normalement, lorsque… En tout cas, ce que je me souviens de mes cours de droit, normalement les lois viennent préciser ou... C'est les lois qui mènent, normalement. Alors, la Cour suprême a émis des critères, et ce que j'ai lu de la Cour suprême, c'est qu'une fois qu'on a dit «coûts excessifs», il faut que ce soit des coûts excessifs en lien avec la nature de l'organisation, mais là c'est quand on veut juste dire : Ça coûte trop cher.

Alors, on a, au Québec, des mécanismes législatifs et politiques qui ne sont pas appliqués. Alors, si on veut être plus concrets dans cette charte-là, si jamais on tient à vraiment préciser les accommodements, bien allons-y de manière à ce que ça soit vraiment clair que c'est ça, l'orientation des accommodements… Moi, je parle des accommodements en lien avec les situations de handicap, puis je crois qu'il y a d'autres types d'accommodements.

Le Président (M. Cardin)  : Et cela met fin à nos travaux. Donc, je vous remercie infiniment d'avoir été présents.

Donc, je lève maintenant la séance de la commission… la séance. Et la commission ajourne ses travaux au lundi 10 février, à 14 heures, où elle poursuivra un autre mandat. Merci. Bonne journée.

(Fin de la séance à 12 h 49)

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