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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Thursday, August 20, 2015 - Vol. 44 N° 48

Special consultations and public hearings on Bill 59, An Act to enact the Act to prevent and combat hate speech and speech inciting violence and to amend various legislative provisions to better protect individuals


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Table des matières

Auditions (suite)

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)

Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CERJI)

Forum musulman canadien (FMC)

Conseil canadien des femmes musulmanes

Conseil musulman de Montréal (CMM)

Intervenants

M. Guy Hardy, président suppléant

Mme Stéphanie Vallée

M. Guy Ouellette

Mme Agnès Maltais

Mme Nathalie Roy

M. David Birnbaum

*          M. Claude Leblond, OTSTCFQ

*          Mme Marie-Lyne Roc, idem

*          M. Luciano G. Del Negro, CERJI

*          Mme Merissa Lichtzstral, idem

*          Mme Samah Jebbari, FMC

*          M. Samer Majzoub, idem

*          Mme Samaa Elibyari, Conseil canadien des femmes musulmanes

*          M. Salam Elmenyawi, CMM

*          M. Bouazza Mache, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Hardy) : Bonjour à tous. Prenez place, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Hardy (Saint-François) remplace M. Ouimet (Fabre) et M. Birnbaum (D'Arcy-McGee) remplace M. Tanguay (LaFontaine).

Le Président (M. Hardy) : Tout d'abord, au début, avant de commencer, je vous souhaite la bienvenue à tous et je vous demanderais votre consentement pour le prolongement de la séance, on va finir un petit peu plus loin que l'heure déjà prévue. Est-ce qu'il y a consentement? Oui, merci, il y a consentement.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux du Québec. Je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)

M. Leblond (Claude) : M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, membres de cette commission, je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités à présenter notre point de vue sur le projet de loi n° 59 concernant la prévention et la lutte contre le discours haineux, les discours incitant à la violence et le renforcement de la protection des personnes. Je suis Claude Leblond, travailleur social et président de l'ordre, et je suis accompagné de Mme Marie-Lyne Roc, travailleuse sociale. Les fonctions actuelles de Mme Roc comme chargée d'affaires professionnelles à l'ordre, à la Direction du développement professionnel, lui permettent d'être en contact quotidiennement avec les travailleuses sociales et les travailleurs sociaux qui exercent sur le terrain.

Alors, la radicalisation est un phénomène mondial qui repose sur des considérations sociales, politiques, économiques, ethniques, idéologiques et religieuses ainsi que sur des visions et des interprétations divergentes. Cela dit, nous constatons et nous déplorons que la communauté internationale ferme les yeux sur des enjeux fondamentaux comme les effets de la mondialisation, une économie de marché insensible aux facteurs humains, une approche inégale et ambiguë quant au respect des droits et libertés des personnes ainsi que les inégalités sociales et économiques à l'échelle planétaire. Pourtant, ces enjeux sont largement responsables de la radicalisation. On s'attaque aux conséquences, mais on néglige les facteurs déclencheurs, et c'est dommage.  Les valeurs défendues par notre ordre professionnel et ses membres font en sorte que nous appuierons toujours les mesures qui visent à améliorer le vivre-ensemble et à instaurer et à renforcer des relations égalitaires et respectueuses entre les citoyens et les groupes de citoyens, quels que soient leur sexe, leur orientation sexuelle, leur origine, leur appartenance culturelle ou religieuse, tout en préservant ce droit fondamental d'une société libre et démocratique qu'est la liberté d'expression.

Nous allons concentrer nos commentaires sur la partie I du projet de loi. Et, quant à la partie II, nous nous en tiendrons à ce qui touche les modifications apportées à la Loi sur la protection de la jeunesse.

Alors, à la lecture du projet de loi, nous avons été surpris de constater — et nous ne sommes pas les seuls — que les termes clés sur lesquels il repose ne sont pas suffisamment clairs. Ainsi, l'absence d'une définition claire et rigoureuse du terme «haineux» nécessitera un recours à la définition développée par les tribunaux pour mieux comprendre la portée de l'interdiction, ce flou laisse présager des difficultés dans la mise en application de la loi. Les expressions «tenir un discours» ou «diffuser un discours» ne sont pas claires non plus. Ce manque de clarté ouvre la porte à la subjectivité et, par conséquent, à des risques d'excès dont les conséquences peuvent être stigmatisantes et préjudiciables pour les personnes visées et pour la liberté d'expression.

• (10 h 40) •

Nous nous interrogeons également sur cet autre risque de dérapage que représentent, selon nous, la constitution et la diffusion d'une liste de personnes reconnues coupables de propager ou d'encourager la propagation de discours haineux. On s'inquiète au plan social des impacts d'une telle liste.

La triste histoire de la famille Shafia est toujours présente dans notre mémoire collective. Et là j'entre dans la partie des modifications liées à la Loi sur la protection de la jeunesse. Donc, les articles qui traitent du contrôle excessif et de la notion d'honneur contribueront certainement à faire en sorte que des tels drames ne puissent se reproduire à nouveau. Nous accueillons donc favorablement ces dispositions qui offrent des moyens supplémentaires d'assurer la protection des enfants, y compris dans des situations de mauvais traitement psychologique et de contrôle excessif. Le projet de loi n° 59, à cet égard, établit clairement la latitude de la protection de la jeunesse en affirmant que la liberté de religion et l'adhésion à des valeurs qui en résultent ne placent personne à l'abri de l'intervention de l'État par rapport à l'éducation des enfants, c'est très clair.

Par ailleurs, le traitement des signalements tout comme l'évaluation et l'orientation de ces situations impliquent un risque élevé de préjudice pour ces enfants et leurs familles. Les professionnels qui y exerceront devront donc être en mesure de conduire ces évaluations d'une manière rigoureuse, et d'agir en toute compétence, et d'offrir des services de qualité. Cette nécessaire latitude des professionnels est cependant en contradiction ou mise en contradiction avec les compressions budgétaires, les coupes de poste ainsi qu'avec les exigences de rendement et d'efficience qui prévaut actuellement dans le réseau de la santé et des services sociaux. Il nous apparaît important que vous en soyez conscients en tant que législateurs.

Le suivi personnalisé que prescrit le projet de loi requiert un engagement soutenu de la part des professionnels, qui ne peuvent se contenter de remettre une liste de services à la famille. Ils doivent d'abord établir un lien de confiance avec celle-ci, ce qui peut nécessiter un certain temps, la sensibiliser à la situation et lui apporter tout le soutien nécessaire. Rappelons que la plupart des situations impliquent des personnes en état de grande détresse, ces interventions doivent être soutenues de façon adéquate tant au plan clinique... Et il faut également maintenir et développer les ressources nécessaires sans appauvrir les autres secteurs des services sociaux et communautaires, déjà lourdement affectés par les compressions, d'autant plus que le projet de loi risque fort de générer un volume de travail supplémentaire important.

En effet, nous sommes inquiets et préoccupés par l'impact de ces mesures non seulement sur les services en protection de la jeunesse, mais sur l'ensemble des services sociaux. En effet, depuis l'entrée en vigueur des regroupements issus du projet de loi n° 10, la restructuration du réseau de la santé et services sociaux fait en sorte que la mise en commun des ressources autrefois dédiées à des missions spécifiques... elles sont maintenant mises en commun, et, dans un tel contexte, nous craignons que les services sociaux généraux soient en partie détournés pour répondre aux besoins croissants des directions de la protection de la jeunesse. D'ailleurs, nous avons déjà écho que, dans certains établissements et dans quelques régions du Québec, des travailleurs sociaux oeuvrant dans les services enfance, jeunesse et famille sont en effet réaffectés aux fonctions d'évaluation de la protection de la jeunesse afin de diminuer les listes d'attente. Les services sociaux généraux sont pourtant des leviers essentiels pour aider les personnes et les communautés à améliorer leur situation, demeurant un lieu privilégié pour faire de la prévention, de l'éducation et éviter l'escalade vers la radicalisation menant à la violence.

Pour conclure, je souhaite répéter que nous entretenons des réserves majeures quant aux risques de dérapage que représente l'imprécision des concepts évoqués et leur impact potentiellement grave sur ce fondement de la démocratie qu'est la liberté d'expression. En ce sens, nous souhaitons vivement que le législateur apporte au présent projet de loi les correctifs nécessaires pour en assurer la clarté et réduire ainsi les risques de dérapage.

Nous sommes également soucieux quant à la mise en opération du projet de loi, surtout dans le contexte économique actuel. En effet, nous croyons que l'atteinte des objectifs passe par la prévention, laquelle nécessite une offre de services suffisamment généreuse au niveau des services sociaux généraux en première ligne, un soutien et un financement adéquats des ressources dans la communauté, des investissements en matière de santé publique, en éducation, en emploi, au niveau du logement, et sans oublier des politiques sociales et économiques qui s'attaquent aux inégalités sociales et économiques, dont la pauvreté et l'exclusion sociale. Il est donc essentiel que l'État procède aux investissements nécessaires pour assurer un contexte favorable à l'atteinte des objectifs du projet de loi n° 59. Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. Leblond. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, à vous la parole pour une période de 25 minutes.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, M. Leblond, merci beaucoup de votre présence en commission parlementaire. Merci de vos commentaires aussi, de vos recommandations. Et Mme Roc aussi, bonjour. Merci de votre présence.

Dans un premier temps, évidemment, sur la question du discours haineux, vous comprendrez, puis je l'ai mentionné un petit peu plus tôt au cours de nos auditions, la notion de discours haineux, elle a quand même été qualifiée par la Cour suprême. Donc, on n'arrive pas avec un concept qui sort d'un chapeau, qui est tout à fait nouveau. C'est un concept qui a été élaboré notamment, notamment parce qu'il y a eu quand même un certain nombre de décisions des tribunaux qui ont porté sur la question, mais notamment par la Cour suprême dans l'affaire Whatcott, donc un dossier qui mettait en cause la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan. Et, dans le discours haineux, c'est une définition quand même assez stricte, dans ce sens que ce n'est pas si vague qu'on peut le laisser entendre ou qu'ont pu le laisser entendre certaines personnes. Ce n'est pas un discours dissident. Notre objectif, ce n'est pas de museler la dissidence, ce n'est pas de museler ceux et celles qui pourraient avoir un discours qui est désagréable. C'est vraiment... Lorsque je mentionnais de mettre un terme à l'inacceptable, l'inacceptable, c'est vraiment le discours... puis je vais reprendre les termes qui sont dans l'affaire Whatcott, je pense que ça pourrait... puis je pense que vos commentaires sont importants parce qu'ils nous permettent, lors de nos échanges, peut-être de préciser encore une fois ce qui est le discours haineux, c'est un discours qui va exposer un groupe de personnes à la déconsidération, au dénigrement et — le terme est utilisé comme tel dans la décision de la Cour suprême — à l'exécration ou au rejet pour rendre le groupe... l'amener à devenir, dans l'esprit, illégitime, dangereux, ignoble, inaccessible aux yeux de la personne qui reçoit le discours. Alors, c'est ça, un discours haineux, en gros, là, parce qu'évidemment la décision, elle est élaborée sur de nombreuses pages, mais en gros c'est ce qu'est un discours haineux, donc...

La Cour suprême nous enseigne aussi que le discours est tellement extrême qu'il va inciter ou va inspirer à l'égard du groupe dont il est question un traitement discriminatoire. C'est de ça dont il est question. Alors, c'est vraiment de tracer la ligne entre la liberté d'expression... Parce que la Cour suprême a souvent eu à se pencher également sur le respect de la liberté d'expression, et c'est une valeur qui est essentielle, c'est un droit qui est essentiel dans une saine démocratie, vous avez tout à fait raison, puis c'est certain que, lorsqu'il est question de légiférer en matière de discours haineux, en matière de liberté d'expression, il faut toujours faire très attention. Et je veux vous rassurer comme je veux rassurer ceux et celles qui nous écoutent aujourd'hui, cette valeur fondamentale qu'est la liberté d'expression, ce n'est pas ce que nous... on ne souhaite pas l'attaquer. On s'attaque au discours qui vraiment va porter à la haine de l'autre ou à la haine d'un groupe, c'est vraiment d'une force quand même assez particulière.

Mais alors nous avons pris les enseignements de la Cour suprême, et c'est ce qu'on a transposé dans le projet de loi. Alors, c'est là. Et puis c'est certain que la notion de discours haineux, pour ceux et celles qui ne sont pas familiers avec les enseignements de la Cour suprême ou avec la jurisprudence, peut susciter des questionnements, donc je pense que c'est important qu'on puisse avoir cet échange-là. Et d'ailleurs on a eu cette semaine un groupe qui était intervenu dans Whatcott pour nous dire, bon, qu'ils avaient certaines réserves puis à quel point il était important de préserver la liberté d'expression. Puis, la liberté d'expression, on considère qu'elle est préservée. Donc, comme le soulignait notre collègue de Taschereau cette semaine, elle posait la question : Est-ce qu'une caricature est acceptable, une caricature qui... une caricature, c'est une caricature, mais le discours haineux, ça va vraiment... c'est une étape bien au-delà de la satire, c'est une étape bien, bien, bien au-delà du discours... de l'expression d'une dissidence, c'est beaucoup plus profond que ça.

Alors, je ne sais pas si vos craintes, avec ces explications, demeurent ou si ces explications, en quelque sorte, vous rassurent quant à notre intention face aux dispositions qui viennent introduire la protection à l'égard... à l'encontre d'un discours haineux.

• (10 h 50) •

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Mme la ministre, vous comprendrez que nous sommes des travailleurs sociaux, des travailleuses sociales et non pas des juristes. Par contre, nous... Et tout comme vous on a à coeur, effectivement, le mieux-vivre ensemble. Nous nous alimentons également de compétences, entre autres, de juristes pour voir ou en tout cas être éclairés sur ce qui... non seulement l'intention du législateur, mais au-delà de l'intention qui peut... et nous ne doutons pas de votre intention, Mme la ministre, là, effectivement, de faire en sorte que les objectifs de la loi puissent être atteints, mais, à notre lecture et à la compréhension qu'on en a, ce n'est peut-être pas suffisamment clair. Peut-être qu'effectivement ces travaux nous amèneront, effectivement, à mieux voir les balises qui sont déjà existantes non seulement quant à la notion de discours haineux, mais également à qu'est-ce que c'est que tenir un discours, diffuser un discours, ainsi de suite, là.

On comprend également que ces dispositions, et jusqu'au bout du processus, permettent une intervention également de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, d'agir dans une certaine forme de prévention pour stopper lesdits discours, mais, encore là, entendons-nous sur le fait qu'on est en prévention pour le moins tertiaire. Si on veut agir vraiment en prévention de discours haineux, il faudrait davantage faire de l'éducation, de la sensibilisation, de l'information pour faire en sorte qu'effectivement on n'ait pas à se rendre au bout du continuum, là, de risque associé à ce type-là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Mais à cet égard, M. Leblond, et comme je l'ai mentionné, je pense qu'il est important aussi de comprendre que le projet de loi s'inscrit dans un plan d'action global. Donc, le plan d'action qui a été déposé par ma collègue la ministre de la Sécurité publique et la ministre responsable de l'Immigration, Diversité et Inclusion prévoit aussi plus de 19 mesures dans la catégorie Prévenir, et à l'intérieur de ces mesures-là il y a aussi un mandat d'éducation, de sensibilisation, je pense, et, vous avez raison, qui est essentiel. D'autres groupes avant vous nous ont aussi interpellés sur cette nécessité de faire de l'éducation, de sensibiliser la population, les différentes communautés à certains enjeux bien particuliers, et vous avez raison. Le projet de loi, ce n'est pas le seul et unique outil dont on se dote, il fait partie de l'ensemble des mesures. Et on espère évidemment que l'ancienne... que les mesures, la totalité des mesures ensemble vont nous amener vers une société qui sera beaucoup plus tolérante et dans laquelle on n'aura pas de discours de ce type. Et malheureusement il y en a, des discours de ce type-là dans la sphère publique.

Et la commission des droits de la personne et de la jeunesse aura la possibilité aussi de se saisir d'une plainte, de se saisir d'un dossier, d'évaluer objectivement, dans un premier temps, s'il s'agit, oui ou non, d'un discours haineux incitant à la violence, et, si la commission est d'avis qu'il s'agit d'un tel type de discours, ce sera référé au Tribunal des droits de la personne aussi. Alors, il y a quand même un mécanisme qui est mis en place pour assurer que l'on ne vienne pas porter atteinte de façon un petit peu démesurée à la liberté d'expression, puis ça, c'est un élément, pour nous, qui est important. Donc, ce n'était pas simplement de prévoir des mesures sans possibilité avant de saisir le tribunal d'une évaluation du dossier, d'une enquête, parce qu'il peut y avoir une plainte qui ne soit pas fondée et qui ne constitue pas, à la base, un discours haineux, et dès lors la plainte peut... le dossier peut être fermé, suite à l'analyse qu'en fera la commission. C'est pour ça qu'on l'a confié à la commission, c'est pour permettre à des gens qui ont l'expertise, qui au quotidien sont sensibilisés à toutes les questions puis à tous les motifs de discrimination qui sont énumérés à l'article 10 de la charte... Donc, déjà là, on a confié à cet organisme-là le soin d'avoir cette première évaluation et... mais tout ça s'inscrit dans un grand plan d'action aussi. Alors, il ne faut pas prendre le projet de loi seul, sans considérer les autres éléments qui y sont prévus. Alors, là-dessus... Puis je pense même que l'ordre a un rôle à jouer dans ce grand plan là, si je ne m'abuse, non?

M. Leblond (Claude) : Dans le plan d'action?

Mme Vallée : Oui.

M. Leblond (Claude) : Oui, la mesure 1, Mme la ministre.

Mme Vallée : Effectivement. Donc, vous avez un partenariat qui sera établi, donc c'est encore... bien je vous remercie de votre participation, parce que... En fait, ce n'est pas... non, non, je ne mets pas un terme à nos échanges, simplement je vous remercie de votre participation puis de votre collaboration, non. L'Ordre des travailleurs sociaux est quand même un ordre qui est très proactif, en général, au niveau de la société.

Vous avez soulevé certaines préoccupations quant aux modifications apportées à la Loi sur la protection de la jeunesse. Nous avons apporté ces modifications-là dans la foulée ou dans la... suite au dépôt du rapport du Conseil du statut de la femme, qui avait mentionné qu'il était important de nommer les enjeux pour pouvoir sensibiliser la population, sensibiliser aussi les intervenants à des réalités nouvelles parce qu'on pourrait... Et là-dessus je ne sais pas si au sein de l'ordre vous avez été appelés, à l'occasion... ou si vous avez des membres qui ont été appelés à intervenir dans des situations de contrôle excessif ou de violence basés sur une conception de l'honneur. Est-ce qu'au sein de votre ordre vous avez des directives qui touchent cette réalité-là?

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Oui, je vais... rapidement et ensuite passer la parole à ma collègue. Entre le moment où ces événements sont arrivés et aujourd'hui, il y a eu l'entrée en vigueur également, là, des modifications apportées au Code des professions, qui a fait en sorte qu'effectivement l'évaluation en matière de protection de la jeunesse est confiée à des professionnels dûment patentés, et ce qui n'était pas le cas auparavant, là. Donc, oui, il y a plusieurs travailleuses sociales et travailleurs sociaux qui exercent en protection de la jeunesse. Combien parmi eux doivent de façon régulière... sont confrontés à ces nouveaux phénomènes? Là, je ne suis pas en mesure de vous le dire.

Mais je vais laisser à ma collègue, là, Mme Roc, la possibilité de poursuivre, parce qu'elle est davantage en lien avec eux, là.

Le Président (M. Hardy) : Mme Roc.

• (11 heures) •

Mme Roc (Marie-Lyne) : Oui. En fait, il n'y a pas de situation qui nous a été rapportée particulièrement en lien avec le contrôle excessif à ce niveau-là, et on n'a pas, comme ordre, non plus rédigé des lignes directrices par rapport à ce type de pratiques particulières, mais certainement, dans tout phénomène émergent, c'est sûr que les travailleurs sociaux doivent non seulement se préoccuper, mais devenir aussi habilités, développer des compétences pour mieux comprendre le phénomène, et c'est pour ça que nous avons réagi. C'est-à-dire que ce qu'on disait, c'est : Pour être en mesure de bien évaluer... Parce qu'il y a la décision d'intervenir ou de ne pas intervenir, et les deux peuvent causer préjudice. Et c'est d'ailleurs pourquoi aussi on a réservé des activités notamment en lien avec l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse. Mais en fait notre préoccupation, c'est à ce que les travailleurs... c'est de s'assurer que les professionnels qui ont à évaluer ce type de situation et les conditions... Et une des conditions essentielles, c'est le soutien professionnel, c'est l'encadrement, la supervision, la formation continue, et ça, nous savons très bien qu'actuellement ça pose un problème. Alors, notre préoccupation... Et certainement la loi est intéressante parce qu'elle offre un levier pour les intervenants, les professionnels, et ça, on le reconnaît, c'est très important, mais en même temps, pour être en mesure de justifier, de statuer, de prendre des décisions à ce niveau-là et de faire des recommandations, il faut que ce soit soutenu et il faut être en mesure de bien documenter le phénomène, et ça, à ce niveau-là, ça demande un soutien et des conditions pour le faire.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je comprends que, ces enjeux-là, évidemment, la sensibilisation, la formation demeurent importantes, comme à chaque fois, j'imagine, que des modifications ont été apportées aux dispositions de la Loi de la protection de la jeunesse. Il a fallu former les intervenants pour savoir quels sont les signaux d'un contrôle excessif, quels sont les signaux d'une violence basée sur la conception de l'honneur, parce qu'on ne le dit pas... ce n'est pas écrit, ça ne saute pas aux yeux, c'est insidieux, ce type de situation là. Mais la raison pour laquelle, justement, on a voulu puis on a souhaité amender la loi, c'est parce que trop souvent, puis peut-être vous saurez me le dire, on ne savait pas... on savait qu'il y avait quelque chose qui semblait ne pas aller, dans une cellule familiale, mais on ne savait pas à quel motif de compromission l'accrocher parce que ce n'était pas nécessairement de la violence physique, ce n'était pas tout à fait du rejet affectif et... Est-ce que vous êtes au fait des difficultés que ça pouvait comporter, d'intervenir dans ces situations-là?

Le Président (M. Hardy) : Mme Roc.

Mme Roc (Marie-Lyne) : Bien, ça ne nous a pas été rapporté comme tel... Excusez-moi, M. le Président — il devait me donner la parole. Ça ne nous a pas été rapporté comme tel, sauf que ce qu'on sait certainement, c'est que ça donne un levier supplémentaire et en fait ça donne un message clair, c'est-à-dire qu'on ne peut pas, au nom de l'honneur, au nom de valeurs familiales, au nom de la religion, exercer un contrôle excessif. Et ça, ça donne un message clair en tant que société, puis aux parents et aux enfants également, et ça leur donne aussi eux-mêmes une possibilité de dénoncer leur propre situation dans une famille. Alors, ça, je pense que ça rend les choses plus claires, ça donne aussi des leviers aussi aux professionnels. Alors, à ce niveau-là, bien que ça ne nous a pas été rapporté comme des situations fréquentes ou courantes, bien on voit que ça peut effectivement devenir un soutien, un levier supplémentaire, quoi.

Mme Vallée : D'accord.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je vais laisser... Je sais que mon collègue de Chomedey a une question, je vais lui permettre de la poser, puis, s'il reste du temps, je vous reviens avec d'autres...

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre, M. le Président, mes collègues. M. Leblond et Mme Roc, c'est toujours un plaisir de vous voir en commission. C'est intéressant de vous avoir ce matin parce que les avocats diraient qu'on fait du droit nouveau, là, je dirais que depuis quelques mois on vous ajoute des nouveaux mandats ou on requiert votre expertise dans des phénomènes qui sont nouveaux, qui sont en constante évolution et qui nécessitent qu'on ait un oeil intéressant sur la situation, justement, pour être en mesure de donner des services à la population. J'aime beaucoup votre approche de prévention. C'est sûr que c'est complémentaire aux approches de réaction ou aux approches de répression qu'on a l'habitude de voir avec les autorités policières.

En prenant connaissance de votre mémoire, je vais avoir deux questions pour vous. La première, je note, à la page 9, que vous, à juste titre, nous avez souligné qu'on avait une différence dans nos amendes et qu'il va falloir harmoniser notre article 12 et notre article 20, parce qu'on ne peut pas parler de 2 000 $ dans un cas puis mettre le plafond plus bas dans l'autre cas.

Ma deuxième question aura deux volets. Est-ce que, selon vous, les mesures qui sont dans le projet de loi, touchant la protection des gens qui vont rapporter des situations, sont adéquates? Et j'aimerais vous entendre un peu plus, dans la deuxième partie de ma question, sur votre recommandation 4. Vous souhaitez que soit retirée complètement du projet de loi la liste des personnes reconnues par la commission qui... Ce serait une liste qui serait sur Internet, connue du public; des gens qui, de l'avis de la commission, auraient des discours haineux pouvant mener à la violence. J'aimerais ça que vous élaboriez sur cette recommandation-là que vous faites à Mme la ministre et que vous faites aux membres de la commission.

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond, je vous indique qu'il nous reste 3 min 30 s.

M. Leblond (Claude) : D'accord. Alors, je vais revenir, à ce moment-là, sur la question de la liste, là. Dans le fond, notre questionnement est beaucoup par rapport à quelle est la plus-value, au-delà du fait qu'un jugement est déjà public, qu'il puisse être rendu public, qu'ensuite il y ait une liste. Alors, c'est la progression. Alors, qu'est-ce qu'on cherche par cette mesure-là? Effectivement, il nous semble important que, si le Tribunal des droits de la personne statue qu'une personne a tenu un discours haineux et qu'il doit être réprimandé... Les jugements sont publics, donc on sera ad vitam aeternam dans la capacité de retrouver cette décision concernant une personne, et ce qui est tout à fait correct, là. Il y a là-dedans également une décision de rendre public à travers un mécanisme qui est une liste. On peut rendre public autrement également. Le gouvernement régulièrement rend public, là, par des avis, là, qui sont publiés dans la Gazette officielle. Nous, comme ordre professionnel, nous rendons publiques des décisions de conseil de discipline à travers les journaux ou d'autres mécanismes. C'est correct également, ça permet de prévenir que d'autres personnes fassent les mêmes gestes, mais de là à constituer une liste... On a un questionnement vraiment là-dessus. Combien de listes existent au Québec, là? Dans combien... Dans quelle situation on constitue déjà des listes? On sait qu'il y a les agresseurs sexuels. On a déjà dû penser, comme société, que les risques pour les citoyens étaient à ce point importants qu'il fallait non seulement rendre accessible, non seulement accessible et publicisé, mais accessible, publicisé et listé. On se demande, dans ce cas-ci, si c'est ça, l'intention... Est-ce qu'effectivement on est au même niveau?

Le Président (M. Hardy) : M. le député.

M. Ouellette : Et, M. le Président, pour la première partie de ma question sur la protection des personnes qui rapportent des actes, est-ce que vous croyez que les dispositions du projet de loi sont complètes ou vous seriez de nature à ajouter certains commentaires comme vous venez de faire par rapport à la liste?

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Ça nous semblait bien orienté, là, par rapport aux rapporteurs. En tout cas, il n'y a pas eu d'élément, là, qui a attiré davantage, là...

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre, il reste 30 secondes.

Mme Vallée : Merci. En fait, oui, j'avais des questions, mais on pourra peut-être continuer d'échanger. Mais merci de vos commentaires toujours très pertinents dans le cadre de nos consultations.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 15 minutes.

• (11 h 10) •

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Leblond. Bonjour, Mme Roc. Je suis très heureuse de vous accueillir ici aujourd'hui en commission parlementaire. Je sais que ça vous a demandé beaucoup de travail que cette audition puisque le projet de loi a été déposé début juin, et puis il y a eu les vacances, puis après ça il y avait déjà les auditions en commission parlementaire. Un petit mot : J'espère qu'à des organisations comme ça on n'obligera plus à des temps compressés. Ça arrive de plus en plus souvent, ceci dit, là, dans des commissions parlementaires, de les tenir rapprochées des dépôts de projet de loi. Il faut laisser aux gens le temps de travailler, je pense, c'est quelque chose d'important. Mais vous avez quand même réussi à nous offrir un mémoire très intéressant.

Sur la liste, écoutez, j'ai entendu vos commentaires, ils rejoignent plein de commentaires des gens qui sont passés avant vous. Cette liste, c'est quasiment... je vais l'appeler — je vais aller loin, là, parce que ça va loin, une liste — une liste à la Harper, c'est une liste qui n'a pas de sens, là. Et je pense que, ça, la ministre devrait déjà l'annoncer, qu'elle va le retirer de la loi. Ce serait bienvenu puis ça éviterait de faire des choses inutiles. Moi, je suis déjà convaincue que la liste, elle va sauter. Alors, qu'elle le dise, puis ça va rassurer tout le monde, là. Je pense que c'est quelque chose qui ne devrait pas exister.

Pour la suite, j'aimerais ça parler... vous êtes les... parler avec vous d'intégration, d'intégrisme religieux, ce qui est absolument absent du projet de loi, pourtant... Vous travaillez beaucoup avec les jeunes, vos membres travaillent avec les jeunes. Ce phénomène de radicalisation et d'intégrisme religieux, est-ce qu'il vous inquiète? Et est-ce que les moyens qui sont en oeuvre actuellement au Québec... Est-ce que vous avez les outils pour y faire face?

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

Mme Maltais : Grande question.

M. Leblond (Claude) : Quelle question tôt ce matin! Je pense que, non, on n'a pas tous les outils, effectivement, pour faire face à la situation, sinon on n'aurait pas, actuellement, tous les questionnements que l'on a. Mme Roc? Mme Roc va aller davantage, là, poursuivre, et je reviendrai, là...

Mme Maltais : ...je ne veux pas vous piéger, comprenez-moi bien, là. C'est parce que normalement c'était à ça qu'on avait à répondre, puis on n'a pas les réponses, ça fait qu'on va peut-être chercher ailleurs, soit dans vos cerveaux bien outillés.

Le Président (M. Hardy) : Mme Roc.

Mme Roc (Marie-Lyne) : En fait, c'est un phénomène émergent, hein, la radicalisation. Et, quand on parle de... même le terme «radicalisation», je pense qu'il faudrait ajouter, puis ça, on nous a de plus en plus sensibilisés, c'est mener à la violence, parce que la radicalisation en soi, on s'entend... Bon, Mme la ministre, tout à l'heure, parlait de message dissident. Je pense que dans une société démocratique, effectivement, ça prend des gens radicaux avec... Ça dépend. Quand le message est radical, c'est une chose, mais radical qui mène à des comportements de violence ou encourage la violence, on est dans une autre réalité.

Ce qui nous apparaît très clair, nous, aussi, c'est que la radicalisation est un phénomène social, et c'est pour ça qu'on se sent très interpellés par le phénomène. Je vous dirais que, non, on n'a certainement pas développé d'expertise, à l'ordre, par rapport à la radicalisation comme phénomène social. On s'en préoccupe. On est déjà interpellés, en fait, parce que, les travailleurs sociaux, notre rôle est beaucoup, hein, d'intervenir à proximité, donc dans les milieux de vie, auprès des personnes, et donc les travailleurs sociaux sont déjà interpellés par des situations où ils se questionnent. Effectivement, où on ne souhaite pas aller, c'est de mettre un visage à la radicalisation, alors éviter le profilage, et c'est pour ça que, pour nous, et c'est ce que vous avez vu dans le mémoire, c'est que ce qu'on encourage beaucoup, c'est de s'intéresser aux facteurs qui amènent à la radicalisation, qui amènent à la violence, en fait. Et c'est pour ça qu'on parle d'inégalités sociales, de déterminants sociaux. Quand on a écrit de s'intéresser au logement, aux revenus, à l'exclusion sociale, il faut penser, comme société... Si on arrive à s'intéresser à la radicalisation, à s'en préoccuper, faut-il aussi se préoccuper de ce qui est, finalement, un milieu qui encourage ou en tout cas, du moins, favorise peut-être l'émergence de la radicalisation. Et c'est pour ça que je pense que notre... Et, le mémoire, je pense que c'est dans cet esprit-là qu'on l'a écrit, l'amener dans un esprit beaucoup plus contextuel, beaucoup plus large que de le voir comme un phénomène isolé.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. D'ailleurs, quand on parle de groupes qui travaillent auprès des marginaux, plusieurs sont passés ici, sont venus nous dire, nous rappeler que ce n'est pas par la coercition qu'on obtient les meilleurs résultats, ni par l'aboutissement sur une liste de la honte, mais bien par l'éducation, la sensibilisation. C'est là-dedans que vous avez besoin des moyens, je pense, pour travailler, entre autres auprès des jeunes.

Il y a un changement énorme que propose cette loi-là, énorme, qui est d'ajouter une infraction, amende, liste et tout qui serait géré par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Aujourd'hui, par exemple, pour une infraction que commettrait un jeune ou une jeune, c'est le Tribunal de la jeunesse qui va intervenir; là, ce serait la commission des droits de la personne et de la jeunesse d'abord qui analyserait le cas et ensuite qui l'enverrait au Tribunal de la jeunesse. Est-ce que vous pensez que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est outillée pour examiner ce type de situation?

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Vous comprendrez, Mme la députée, là, qu'on n'est pas en mesure de se prononcer pour la commission sur sa capacité, effectivement, d'agir, là, mais...

Mme Maltais : ...qu'elle a fait dans le passé.

M. Leblond (Claude) : Et on ne s'est pas penchés, en tout cas, dans l'étude du projet de loi, là, sur est-ce qu'effectivement les objectifs visés en créant la commission sont conformes à ces éléments-là. En tout cas, on peut certainement... Vous êtes mieux placés que nous pour questionner ces éléments-là.

Je reviendrais un petit peu sur votre question antérieure. On ne touche pas à l'intégrisme religieux, c'est vrai, effectivement, dans le projet de loi, et en même temps on sait que tous les intégrismes, qu'ils soient religieux, ou politiques, ou économiques, peuvent conduire vers des inégalités, et vers de l'exclusion, et vers de la violence, là. Dans ce sens-là, oui, effectivement, nous, on s'est contentés de commenter le projet de loi. On commentera un projet de loi qui n'est pas encore dans les mandats de la commission au moment opportun, là.

Mme Maltais : ...qui ne gère pas non plus l'intégrisme religieux, à notre opinion. Mais, enfin, on verra à ce moment-là.

Sur le recrutement, est-ce que vous sentez qu'il peut y avoir un lien entre le recrutement des jeunes, là, dans des... par la radicalisation et menant vers la violence... Étant donné que vous connaissez bien le terrain, est-ce que vous pensez que, dans ce projet de loi là, il y a de l'aide pour les jeunes qui pourraient être recrutés, par exemple, par des groupes djihadistes, et tout ça? Parce qu'on cherche des solutions à ça. Si on veut mettre fin au discours haineux, c'est entre autres à cause de l'ambiance qu'on a actuellement, où on sent que les discours haineux menant à la violence ont été adoptés par des jeunes, qui sont allés vers la radicalisation, jusqu'à la violence. Alors, est-ce qu'il y a un lien là-dedans? C'est ce que je cherche.

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Nous souhaiterions vraiment pouvoir vous éclairer sur votre question, mais nous avons concentré notre analyse et nos travaux sur la partie I et, dans la partie II, uniquement, là, sur les modifications de la Loi de la protection de la jeunesse. Alors, peut-être dans les autres parties que nous n'avons pas regardées ça se retrouve davantage, mais, dans ce qu'on a vu, nous, je ne pourrais pas vous éclairer à ce niveau-là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

• (11 h 20) •

Mme Maltais : Alors, peut-être... Vous avez parlé beaucoup de risques de dérapage, entre autres sur les discours haineux. On a déjà la Cour suprême et les tribunaux criminels qui gèrent le discours haineux, puis on voit que c'est tellement complexe et compliqué que ça s'est rendu jusqu'en Cour suprême, qui a défait les jugements qui avaient été faits dans les provinces. Donc, c'est vraiment extrêmement complexe que de gérer le discours haineux.

Vous dites : Il y a risque de dérapage. Je pense que c'est ce qu'on entend depuis le début de cette commission parlementaire là, puis c'est ce que les médias nous disent. Est-ce que vous voyez des solutions à ces risques de dérapage? Je sais que vous parlez d'inscrire dans la loi peut-être les définitions, n'est-ce pas?

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Bien, en tout cas, on trouvait important... Et là les juristes ou les légistes trouveront les façons de faire, ce qui est le plus convenable, là, mais on trouvait important, en tout cas, que les notions soient précisées, qu'elles le soient dans la loi ou... C'est probablement dans la loi qu'il faudrait qu'ils le fassent si on veut effectivement s'assurer d'en avoir une compréhension commune. Et on pense que, sur la question de la liste, c'est peu à propos, là, et c'est ce que je tentais tout à l'heure de vous démontrer, là, par les mesures habituelles, là. Mais ensuite ça sera à la sagesse du législateur de déterminer, là, les portées, là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : C'est sûr, la liste, c'est la stigmatisation, et c'est le problème, mais un jugement aussi qui serait négatif... Parce que des jugements, c'est public, hein? Une liste, c'est autre chose, une liste, c'est : Voici, tu fais partie de la liste de la honte, tu sais, les gens vont chercher dans la liste, et puis moi, je trouve ça terrible, puis je suis sûre que ça va disparaître, mais la stigmatisation associée à un jugement qui est fait non pas par un tribunal qui juge hors de tout doute raisonnable mais une commission des droits de la personne qui mets les choses en équilibre, en balan, où les critères sont plus flous, ça nous inquiète, ça nous... je vous le dis, c'est un de nos sujets d'inquiétude puis à cause de la stigmatisation aussi que ça peut apporter. Vous travaillez beaucoup avec les gens qui sont parfois victimes de... je suis sûre que vos membres travaillent avec des gens qui sont victimes de stigmatisation, entre autres. L'impact de la stigmatisation, c'est justement le contraire de ce qu'on veut, c'est-à-dire l'exclusion.

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Oui, mais je comprends également qu'on veut protéger les citoyens qui seraient aussi victimes d'un discours haineux. Donc, dans le droit de l'un et de l'autre, comme société, à date, en tout cas, on a choisi de protéger les... en tout cas de faire en sorte qu'il n'y ait pas une double victimisation, là. Si effectivement on sera... Et là il y a toute la question du niveau de preuve à établir au Tribunal des droits de la personne versus dans les autres tribunaux de nature criminelle, où effectivement ce n'est pas la même chose, mais, au-delà de ça, nous pensons effectivement que, quelqu'un qui est reconnu coupable, la décision doit être publique. Et la personne, à ce moment-là, vit avec la conséquence de ses gestes, qui peut être une certaine forme de stigmatisation, mais il faut être des citoyens, aussi, responsables.

Une liste, c'est autre chose, nous semblait-il, parce que, des listes, il n'y a pas de liste de personnes par crime, à ma connaissance. Mais peut-être que je ne connais pas bien...

Mme Maltais : Non, c'est une des premières questions que... un des premiers sujets sur lesquels on a jasé. Effectivement, ça n'existe pas, des listes par crime. On ne comprend pas pourquoi tout à coup dans une loi apparaît une liste par crime, d'autant que la liste n'est pas gérée par un tribunal mais est gérée par la CDPDJ, ce qui est une tout autre chose.

Bien, je vous remercie beaucoup de votre...

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Leblond, Mme Roc, très intéressant. Et là j'ai des questions tous azimuts. Alors, je vais commencer avec une première question que j'avais posée hier à un groupe qui était venu nous voir, le Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes. Je pense que vous êtes vraiment les gens qui pourraient nous aider, en tous les cas, à comprendre.

Ce projet de loi n° 59, à la compréhension des citoyens, de tous, le but visé, on le comprend, c'était d'enrayer cette radicalisation des jeunes, ce départ à l'étranger pour aller lutter et cet endoctrinement des jeunes : Pourquoi les jeunes changent-ils d'idée sur notre démocratie, décident-ils de commettre des actes excessivement violents? Donc, c'était l'objectif, à tout le moins, que je croyais que ce projet de loi portait et que la société veut que nous défendions.

Je sais qu'il y a un plan d'action global, mais, pour ce qui est de ce projet de loi ci, nous, nous déplorions le fait qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi les termes «endoctrinement», «radicalisation», parce que c'est à ça qu'on s'attaque. Et vous nous dites que la radicalisation, c'est un phénomène social, je suis tout à fait d'accord avec vous, avec la multitude... C'est multifactoriel, on s'entend. Cependant, la radicalisation, elle passe inévitablement par un endoctrinement. Il y a quelqu'un qui met ça dans la tête du monde. Ce n'est pas une apparition, là, il y a quelqu'un qui endoctrine en quelque part pour que quelqu'un décide de se radicaliser. Il faut être soumis à cette idée, il faut que cette idée nous soit présentée d'une façon ou d'une autre, qu'il y ait des propos, des discours, des prêches, appelez ça comme vous voulez. Donc, la radicalisation est multifactorielle, mais elle passe par l'endoctrinement. C'est ce qui nous amène à vouloir, justement, légiférer.

Mais plus précisément pour ce qui est de notre cas, quand vous dites que vous considérez que dans le projet de loi n° 59 — et c'est une de vos premières critiques — il y a un risque d'excès par le manque de définition... Vous nous dites à la page 8, et on en a parlé, que la notion du terme «haineux» ouvre également la porte à la subjectivité et par conséquent à des risques d'excès dont les conséquences peuvent être stigmatisantes et préjudiciables pour les personnes visées et pour la liberté d'expression. La ministre vous l'a expliqué dans la mesure où c'était la commission qui allait définir et trancher à la lumière de la jurisprudence ce qu'est la notion du terme «haineux», entre autres, et je me demandais si à la lumière des explications que la ministre vous a données... Est-ce que ça vous conforte, réconforte ou est-ce que vous craignez qu'il y ait toujours cette subjectivité mais qui est de la part de la commission... Parce qu'initialement, en bout de ligne, ce ne sont pas les citoyens qui tranchent mais la commission, et en toute fin, s'il y a lieu à poursuivre, le tribunal. Alors, est-ce que les explications fournies par la ministre vous confortent sur l'objectivité ou craignez-vous qu'il y ait toujours subjectivité de la part de la commission et du tribunal?

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Ma tête comprend, mon cerveau comprend davantage, mais je crois que notre organisation n'est pas davantage rassurée. On peut comprendre l'intention. On n'est pas assurés que le chemin, effectivement, fasse en sorte que ces garanties-là soient données, effectivement.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Alors, je comprends que vous voulez plus de précision et que vous dites que ça vous aiderait davantage d'avoir des définitions pour qu'on sache à quoi la commission va s'attaquer ou quels seraient, finalement, les motifs de plainte. Je comprends bien ça. Parfait.

Autre question. On parlait des listes tout à l'heure. Vous en parlez, vous avez une crainte. Nous, et je le soumets à la ministre parce que ça fera probablement l'objet d'un amendement que nous soumettrons... et on ne le trouve pas dans le projet de loi actuellement, et je me demande qu'est-ce que vous, vous en pensez, que des listes de corporations ou d'organisations religieuses, entre autres, qui pourraient perdre leurs avantages fiscaux. Comme vous le savez, les organisations religieuses ont des avantages fiscaux, des exemptions de taxes municipales et de taxe scolaire, elles l'ont toujours actuellement, mais on sait que cet endoctrinement se fait souvent par des organismes religieux qui bénéficient d'exemptions de taxes fiscales, d'exemptions de taxes municipales et scolaires, donc ce sont des avantages fiscaux, alors nous aimerions soumettre à la ministre dans un amendement que ces organismes qui pourraient être... je vais employer le terme «trouvés coupables», là, en fonction d'une décision du tribunal, par exemple, ou de la commission et du tribunal pourraient être inscrits sur des listes, dans la mesure où ces organismes religieux qui seraient trouvés coupables d'incitation à la haine, à la violence avec des discours haineux et des discours violents ne le font pas de façon gratuite, il y a un agenda en arrière de ça, qu'on puisse démontrer qu'elles sont financées par des organisations terroristes — ça existe, vous le savez — donc une liste de ces entreprises-là, ces corporations religieuses, et qu'elles perdent leurs avantages. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

• (11 h 30) •

M. Leblond (Claude) : Là, vous me demandez de me prononcer contre une recommandation que je vous fais qu'il n'y ait pas de liste, là, pour d'autres raisons, alors vous comprendrez que c'est un peu... je me sens un peu piégé, là. Ce qui est l'intention que vous portez et le moyen, au moment de l'inscription sur une liste, là, je souhaiterais ne pas me prononcer, puisque je vous ai dit qu'à notre avis, une liste, qu'elle soit d'individus ou d'organisations, là... Bien, on n'avait pas pensé aux organisations, là, alors peut-être que c'est plus justifié pour les organisations, mais, encore là, nous, on se situait davantage sur la question du principe, là. Le principe, c'est qu'une décision est publique. Ensuite, elle peut être publique et publicisée, qui est la notion de faire un avis; publique, publicisée et listée. Et là on trouve que dans publique, publicisée et listée on doit affirmer... le législateur affirme que c'est un crime qui est très, très, très grave. Bon. Alors, est-ce que les organisations qui prôneraient la radicalisation qui mène à la violence, ça rentrerait dans ce type-là? Je vous laisse le soin d'en discuter entre vous, là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui, merci, M. le Président. Et inquiétez-vous pas, ce n'était pas un piège du tout. C'était, si vous voulez, une... Ça fera l'objet d'un amendement que nous apporterions, et c'est peut-être pour ne pas stigmatiser la personne mais stigmatiser justement les corporations, les institutions qui auraient un agenda politique, qui auraient intérêt à faire de l'endoctrinement, de la radicalisation. Et j'aimerais informer les gens qui nous écoutent que des listes existent déjà, et on n'a qu'à penser, entre autres, à la liste du RENA, qui est le Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics. Vous savez, ces entreprises qui auraient magouillé, corruption, collusion, etc., trouvées coupables de... bien elles sont sur une liste. Alors, c'est un peu dans cette optique-là que nous aurions aimé aussi peut-être une liste pour des organismes qui sont mal intentionnés, pour qu'on sache à qui on a affaire et, outre ça, qu'ils ne puissent plus bénéficier d'avantages fiscaux dont ils bénéficient et que nous payons tous, en passant, là, alors... Parce qu'au fédéral... Le gouvernement fédéral a retiré ces privilèges à certains organismes qui ont des liens avec des organisations terroristes à l'extérieur, et ici ça n'a pas encore été fait, alors je pense que ce serait quelque chose sur lequel il faudrait travailler. Mais ce n'était pas un piège, surtout pas, là, je ne voudrais pas que vous preniez ça comme ça.

Par ailleurs, vous faites une recommandation, la recommandation à la page 9 qui est votre recommandation 2, et je vais la lire pour le bénéfice des gens qui nous écoutent : «À l'instar du Code criminel, le législateur doit établir les circonstances légitimes selon lesquelles une personne ne sera pas déclarée coupable d'avoir tenu ou diffusé un discours haineux ou un discours incitant à la violence.» Je suis tout à fait d'accord avec vous, je trouve que c'est une excellente idée, qui pourrait faire d'ailleurs l'objet d'un amendement que nous pourrions apporter. Mais, selon vous, quelles seraient des circonstances légitimes?

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Là, on n'est pas allés jusqu'à ce niveau-là. On fait le parallèle, là, avec ce que... effectivement les motifs que la cour a retenus, là, dans un arrêt précédent, mais on n'est pas allés plus loin, là, que ça, on pense que c'est au législateur de l'établir. Mais il devrait y avoir des motifs qui sont établis. Sinon, au niveau de la capacité de l'individu, là, d'être vraiment défendu, il y a un écart trop important, là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville. Il vous reste 1 min 25 s.

Mme Roy (Montarville) : Eh misère! O.K. Vous êtes les gens qui travaillez première ligne avec les enfants, avec les familles. Hier, je posais une question, je demandais s'il y avait de plus en plus... On parle de l'affaire Shafia. Ça fait cinq ans, hein, c'est 2009 que le crime horrible a été commis, ça fait cinq ans. Est-ce que, depuis ce temps-là, des mariages forcés, des crimes d'honneur, des... Est-ce que ça fait davantage partie de votre réalité? Est-ce qu'il y a davantage de plaintes à cet égard-là? Avez-vous une idée de grandeur, quelque chose que vous pouvez nous fournir à cet égard?

Le Président (M. Hardy) : M. Leblond.

M. Leblond (Claude) : Pour une réponse claire à cette question-là, je pense que vous devrez attendre, là, le moment où vous rencontrerez les directeurs de la protection de la jeunesse, là, à la commission, là, à la mi-septembre, et vous aurez la bonne information. Il est clair pour nous, par contre, que ces événements-là ont amené de grands questionnements auprès des professionnels, dont les travailleuses sociales, là, au niveau de la protection de la jeunesse, sur leur capacité d'effectivement bien détecter, de bien voir pour pouvoir ensuite agir de façon préventive, pour éviter, là, de tels drames, là, et s'assurer la protection, là, des enfants. Ça a amené également, là, les milieux de formation universitaire à se questionner et à revoir la formation mais à devoir en même temps s'apercevoir qu'on a besoin de davantage de recherche pour documenter et savoir ensuite quelles actions seront réellement porteuses pour le mieux-être des enfants, là, et de tous les enfants du Québec, là.

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie de votre contribution.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants, et j'inviterais les représentants du Centre consultatif des relations juives et israéliennes à prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 11 h 35)

(Reprise à 11 h 38)

Le Président (M. Hardy) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Centre consultatif des relations juives et israéliennes. Je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Centre consultatif des relations
juives et israéliennes (CERJI)

M. Del Negro (Luciano G.) : Merci beaucoup. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes, mieux connu sous son acronyme CIJA Québec, vous remercie de lui permettre de vous présenter ses commentaires concernant le projet de loi n° 59. Je suis Me Luciano G. Del Negro, vice-président de CIJA Québec. À mes côtés se trouvent, à ma gauche, Me Merissa Lichtzstral, directrice adjointe aux politiques publiques, et, à ma droite, M. Joshua Wolfe, directeur adjoint aux relations gouvernementales.

CIJA Québec est l'agence de représentation des institutions de la communauté juive du Québec. Il sert de lien entre la communauté juive et les trois paliers du gouvernement, les représentants des médias, les communautés ethnoculturelles, le monde des affaires et les universités.

Le plus récent rapport publié par Statistique Canada, en 2013, révèle que les Juifs, malheureusement, constituent encore le groupe le plus souvent ciblé parmi les crimes haineux perpétrés contre des groupes religieux, soit 54,9 crimes pour 100 000 Juifs. Ainsi, nous sommes particulièrement interpellés par cette législation et pensons qu'il est nécessaire et important de faire entendre notre voix devant cette commission.

L'objectif du projet de loi n° 59 est fort louable. Si nous approuvons les intentions du projet de la loi, il n'en demeure pas moins que, dans sa version présente, la loi n'assure pas un juste équilibre entre le respect de la liberté fondamentale d'expression et la protection contre la haine.

Le projet souffre aussi de lacunes importantes en matière d'équité procédurale. Le discours haineux, au Canada, est actuellement régi par les articles 318 à 320 du Code criminel, dont le fardeau de la preuve, étant plus élevé, protège effectivement la liberté d'expression.

• (11 h 40) •

Tout d'abord, le projet de loi n'offre aucune définition précise de ce qu'est un discours haineux ou incitant à la violence, ouvrant la porte à une avalanche de plaintes et de poursuites possiblement frivoles. Cette grave lacune menace d'instaurer un climat indésirable d'inhibition et d'autocensure dans la sphère publique.

Le projet de loi stipule qu'il s'applique aux discours haineux et aux discours incitant à la violence proférés dans un lieu public ou qui sont diffusés publiquement. Or, aucune définition de ce que constitue une diffusion publique n'est offerte.

Le projet de loi protège les plaignants par des mesures assurant leur anonymat et les mettant à l'abri de représailles. Bien que ces protections soient nécessaires, nous sommes d'avis qu'elles doivent être équilibrées par une disposition qui dissuaderait le dépôt de plaintes frivoles. Par exemple, le Tribunal des droits de la personne pourrait être autorisé à adjuger des dépens. Si l'article 5 de la loi stipule que la commission peut refuser de donner suite à une plainte si elle la considère frivole, vexatoire ou de mauvaise foi, aucune balise n'est offerte pour déterminer le caractère irrecevable à une plainte. La législation, telle que rédigée, met le défendeur dans une situation de désavantage évidente et complète. En effet, le projet de loi permet facilement de déposer une plainte. Le plaignant n'a pas à comparaître au tribunal ni payer des frais juridiques, puisque tout le processus d'enquête est géré par la commission. Le défendeur, par contre, sera submergé par l'enquête, le temps perdu durant le procès, les frais juridiques, les sanctions, etc. Cette situation de désavantage doit être remédiée.

Les convictions politiques sont au nombre des critères utilisés par le projet de loi pour définir les groupes à protéger des discours haineux. Or, cette inclusion de groupes de personnes possédant des convictions politiques nous paraît plutôt excessive. Si le projet de loi était adopté, dénoncer, condamner le Ku Klux Klan, par exemple, pourrait aisément tomber dans la définition de discours haineux. Cette provision pourrait mener à la sclérose du débat politique et à l'inhibition générale de la liberté d'expression.

Nous nous interrogeons sur la nécessité d'imposer une sanction punitive et de maintenir et diffuser une liste publique de contrevenants. Aucune liste publique de contrevenants n'existe dans le reste du Canada. Il n'y a qu'un registre national des délinquants sexuels mais uniquement mis à disposition de la police... des forces de police canadiennes, c'est bien ça.

Ceux qui seraient inscrits subiraient une forme de stigmatisation et pourraient même être la cible de représailles. Selon la loi canadienne, une peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction. Nous sommes d'avis que le maintien d'une liste publique sans ligne directrice précise de même que les pénalités financières élevées constituent des mesures démesurées.

En outre, l'article 21 de la loi stipule que le tribunal détermine combien de temps le nom d'un contrevenant peut figurer dans la liste tenue par la commission. Or, la détermination de cette durée est tout à fait arbitraire et discrétionnaire, puisque le tribunal ne dispose d'aucune directive ou de règle en la matière. Et, avec l'Internet, ça va être ad vitam aeternam.

Lors des débats portant sur l'abrogation de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, l'article abrogé qui traitait de la propagande haineuse, l'ancien ministre de la Justice du Canada, l'honorable Irwin Cotler, a suggéré de mettre en place de meilleures garanties procédurales en termes de processus d'essai et de norme de la preuve. Il nous semble impératif de prendre en considération cette proposition. Par exemple, considérant la gravité du crime et les conséquences, nous croyons que, du point de vue des éléments de preuve, les règles officielles de preuve en matière civile devraient s'appliquer, hein, ainsi que des règles de procédure civile, y compris celles concernant le témoignage et le contre-interrogatoire, afin d'assurer un procès équitable. Il devrait en être de même pour les règles de justice naturelle, soit la règle comme on connaît d'impartialité, nemo judex in causa sua, et le droit à un procès équitable, audi alteram partem, évidemment. En outre, nous sommes d'accord avec la suggestion de l'honorable Irwin Cotler qu'une protection procédurale doit être mise en place pour que les plaintes soient limitées à une juridiction à la fois, pour éviter des poursuites stratégiques contre la mobilisation publique, «SLAPP suits».

Bien que nous pensions que le droit criminel traite de façon adéquate le discours haineux, nous avons remarqué un très faible nombre de poursuites concernant le discours haineux en vertu du code. Nous estimons que l'élaboration par la ministre de la Justice de directives uniformes et de programmes de formation pour la police et les procureurs généraux pourrait possiblement pallier à ce déficit.

Le projet de loi n° 59 vise à apporter des modifications à la loi sur l'éducation, la Loi sur l'enseignement privé et la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel. Chaque loi est modifiée de façon similaire. Bon, l'objectif poursuivi est louable, mais restent une injuste présomption de culpabilité et un fardeau injuste qui pèsent sur le défendeur du fait même que la personne est inscrite sur la liste des contrevenants.

Conclusion. À la lumière des considérations exposées ci-dessus, il nous paraît périlleux de se servir du droit civil ou du droit administratif pour accomplir ce qui est traité de façon adéquate, à notre avis, par le droit criminel. Le projet de loi n'établit pas un juste équilibre entre la garantie de liberté d'expression et la protection contre la haine et ne met pas en place les garanties procédurales nécessaires pour assurer le respect des droits et libertés des citoyens. Dans sa forme actuelle, le projet de loi risque de créer un climat d'autocensure indésirable et incompatible avec les droits et libertés fondamentaux. Nous estimons donc que le projet de loi n° 59 doit être revu de fond en comble et amendé en profondeur et faire ensuite l'objet de nouvelles consultations et auditions publiques présidées par cette même commission. Quant à nous, hein, en fait, le remède face au discours haineux, hein, c'est plus de liberté d'expression, pas moins.

Nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer sur ce projet de loi et sommes disponibles pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. Del Negro. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, vous avez la parole pour une période de 25 minutes.

• (11 h 50) •

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, M. Del Negro, bienvenue parmi nous.

Vous référez, dans votre mémoire, à la définition... à l'une des nombreuses définitions qui ont été élaborées par les tribunaux, vous faites référence à l'affaire Taylor qui donne une définition ou qui donne en fait une large description de ce que peut constituer un discours haineux et ce qui pourrait ne pas constituer un discours haineux également, une décision qui remonte quand même à 1990, et on croit, du moins de notre côté, mais vous pourrez nous le préciser, que les décisions des tribunaux ont quand même été assez claires quant à ce que constitue le discours haineux puis quant aux barèmes qui peuvent guider ou qui pourraient guider... pourront guider la Commission des droits de la personne lorsque vient le temps de se pencher sur une plainte ou sur un dossier qui est soumis par une tierce personne ou par un groupe qui se sent visé par le discours haineux. Comme je le disais tout à l'heure, et puis je ne veux pas reprendre mot pour mot ce que je disais à l'Ordre des travailleurs sociaux, mais c'est vraiment des propos qui amènent une haine profonde de l'autre. Alors, l'objectif du projet de loi n'est pas de venir censurer la dissidence, n'est pas de venir censurer le discours qui s'inscrit dans une opposition à des idées peut-être plus généralement acceptées dans la société, ce n'est pas de s'opposer à ce qui est «politically correct», ce n'est pas du tout l'objectif, c'est vraiment de venir... de donner un pouvoir d'intervention lorsqu'un discours fragilise, risque de porter atteinte à un groupe ou à un groupe de personnes, et un groupe de personnes défini, qui a des caractéristiques définies à l'article 10. Et on n'a pas fait une description limitative, puisqu'on nous enseigne qu'en législation définir de façon trop limitative pourrait limiter l'application. Et donc, comme la Cour suprême a quand même une abondante jurisprudence en la matière, elle permet de guider ceux et celles qui seraient saisis, dans un premier temps, de l'évaluation de dossier.

Vous me parlez d'une... Et vous suggérez également dans votre mémoire, j'aimerais vous entendre là-dessus... vous suggérez d'adopter une double évaluation. Donc vous suggérer de modifier le projet de loi pour apporter une procédure de prise en charge du dossier. Est-ce que j'ai bien compris votre mémoire?

M. Del Negro (Luciano G.) : En fin de compte, qu'est-ce qu'on propose, c'est... Bien, dans un premier temps, qu'est-ce qu'on propose, on pense que le Code criminel, hein... Parce que, si le délit ou si le crime est tellement grave, hein, on ne devrait pas faire à travers la procédure civile ou administrative, contourner le Code criminel par ce biais-là, hein, dans un premier temps. On recommande, hein, que le ministre de la Justice mette en place une procédure pour former à la fois le service de police, à la fois les procureurs de la couronne pour effectivement utiliser ce mécanisme qui nous est donné et qui est le Code criminel.

Si, pour une raison quelconque, en fin de compte, évidemment, l'Assemblée nationale du Québec poursuit son projet et dit : Bien, regardez, nous avons quand même besoin d'un mécanisme qui est celui que vous proposez, qu'on propose à loi, en fin de compte, à la loi n° 59, donc, à ce moment-là, on vous dit que, regardez, la définition, en fin de compte, doit être bien définie et clairement précisée. On pense évidemment... Et évidemment on renvoie, à la fin du compte, à l'arrêt de Taylor, et plus précisément au tribunal des droits de la Colombie-Britannique, qui développe un test en deux parties pour déterminer si le discours en question est susceptible d'exposer une personne, un groupe ou une catégorie de personnes à la haine et au mépris. Alors, c'est ça qu'on propose.

Bon, pour nous, c'est clair, c'est... La question, je ne pense pas que vous allez trouver une communauté plus sensibilisée à la question du discours haineux et de l'appel à la violence que la communauté juive. Malheureusement, que ce soit au Québec ou que ce soit ailleurs, hein, on est quand même une des cibles principales de ce discours et de cette haine, hein? La communauté juive de France représente 1 % de la population, mais malheureusement elle représente 50 % de tous les crimes haineux. Au Canada, c'est quand même une situation qui est moins pire, l'antisémitisme n'est pas, en fin de compte, qu'est-ce qu'il était autrefois, mais il reste qu'il est ici, il est actif. Je vous rappellerais qu'avant, hein, les attaques qu'on a vues à Saint-Jean-sur-Richelieu et sur la colline Parlementaire il y a eu, en 2006, des actions à caractère terroriste commises à l'encontre d'institutions de la communauté juive, hein, alors donc ce n'est pas... on n'a pas échappé à ce type de violence.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Dans un premier, j'aimerais revenir sur le choix puis échanger avec vous sur la question des... l'existence des dispositions du Code criminel et le choix que nous avons fait d'inclure des dispositions de nature civile. Dans le cadre d'un acte criminel, bien souvent, le tribunal est saisi une fois l'acte terminé, et bien souvent une fois le dommage causé. Les dispositions prévues au projet de loi vont permettre au tribunal aussi d'entreprendre ou de rendre des ordonnances de sauvegarde pour que cesse le discours. Avant même de se prononcer sur la nature et, s'il y a lieu, de pouvoir accorder une amende ou une sanction quelconque, le tribunal, de façon civile, pourra ordonner, émettre des injonctions pour que cesse la diffusion du discours.

Le degré de preuve n'est pas le même non plus. C'est que la preuve d'intention, elle est requise au niveau criminel; au niveau civil, la preuve d'intention, elle n'est pas requise. Donc, il y a tout un processus. Et c'est d'ailleurs une des raisons qui a amené à pouvoir légiférer de nature civile, dans la sphère civile; pas pour en faire un crime additionnel, parce que l'aspect criminel est déjà traité, mais c'est aussi une sanction de nature civile parce qu'au-delà des dossiers criminels il y a un message très clair dans notre société civile que des discours de ce type-là ne sont pas acceptables. Et ça permet évidemment une évaluation, parce que l'objectif... Puis je comprends la préoccupation que vous soulevez quant à l'importance d'éviter que le processus soit utilisé pour bâillonner ou que les tribunaux soient utilisés pour bâillonner quelqu'un, mais il y a toute une évaluation préalable qui est faite par la commission des droits de la personne et de la jeunesse sur le dossier avant de saisir le Tribunal des droits de la personne. Le Tribunal des droits de la personne peut être saisi de nature... de façon urgente, de façon préliminaire pour cesser le discours, mais, sur le fond du dossier, lorsque le dossier serait soumis... comme il l'est actuellement, d'ailleurs, c'est un processus qui est similaire à celui qui existe actuellement pour les individus qui ont recours aux dispositions qui sont en place et qui se sentent discriminés d'une façon ou d'une autre en vertu d'un motif prévu à l'article 10. Donc, il y a une évaluation, il y a une équité procédurale, du moins on croit, dans le processus actuel parce que, la plainte, le dossier est d'abord évalué par la commission avant d'être soumis au tribunal, donc le tribunal n'est pas saisi systématiquement de chaque dossier.

Le Président (M. Hardy) : M. Del Negro.

M. Del Negro (Luciano G.) : C'est pour cette raison-là qu'on dit que l'intention est louable, bon, excepté que l'absence de définition précise quant à... et en fin du compte la facilité avec laquelle les plaintes peuvent être apportées, dans le sens... le discours, en fin du compte, le manque de précision quant à qu'est-ce qui constitue une diffusion publique, tout cela, à mon avis, à notre avis, vient miner un peu la portée de ce qu'on veut faire, hein? C'est que, quant à nous, la liberté d'expression, elle est fondamentale, dans notre société, et on doit s'assurer de tout pour qu'elle soit défendue, hein? On comprend et on partage ce souci de vouloir apporter, offrir des réponses face à qu'est-ce qu'on a pu entendre ici, aujourd'hui, hier et d'autres jours, sur la question de la radicalisation, sur les discours haineux, on comprend tout cela, mais nous croyons fortement que l'antidote à ces venins, c'est vraiment plus de liberté d'expression, pas moins.

Et, si vous allez dans la direction du projet de loi n° 59, bien il va falloir que vous balisiez, il va falloir que vous donniez des définitions précises quant à qu'est-ce que vous entendez par «discours haineux», vous allez devoir aussi définir bien qu'est-ce qui constitue une diffusion publique, il va falloir bien définir la question de comment... Et on comprend que ce n'est pas tous les actes, pas toutes les accusations qui vont être portées devant le tribunal que la commission... mais reste que la commission, possiblement, va être submergée de plaintes.

Entre autres, si... Et il n'y a rien qui est mis que vous... aucune disposition de la loi n'est présentée pour s'assurer que les personnes puissent, en fin du compte, se défendre face à des accusations semblables. Encore une fois, quand vous parlez des convictions politiques, à ce moment-là toute dénonciation d'un ordre, que ce soit le Ku Klux Klan, du parti nazi, pourrait nous amener à une plainte devant la commission.

Donc, tous ces éléments-là, ce sont des éléments, à mon avis, qui sont faibles, qui quelque part minent ce projet de loi, et c'est pour ça qu'on vous demande, avec tous les égards et sans aucune prétention, de retourner faire un peu... de demander à votre contentieux de retourner faire leurs devoirs, à quelque part. Je ne sais pas si ma collègue a quelque chose pour ajouter.

Le Président (M. Hardy) : Mme Lichtzstral.

• (12 heures) •

Mme Lichtzstral (Merissa) : Non, mais en bref, en bref, vous disiez que, si le tribunal peut se prononcer sur l'injonction, c'est les règles de procédure civile qui vont s'appliquer. Ça devrait être les mêmes règles de procédure civile qui s'appliquent pour le moment que la commission fait l'enquête, et après, le tribunal, si c'est recommandé au tribunal, que ce soient les mêmes règles, les mêmes normes de preuve qui soient...

M. Del Negro (Luciano G.) : Parce qu'au tribunal, si je comprends bien, les règles civiles sont optionnelles, hein, ils ne doivent pas nécessairement s'en tenir à ces règles-là, du moins ce que j'ai lu, ce qu'on a pu lire ce matin dans le site Web — c'est bien ça? — du tribunal, donc... à moins qu'il y ait eu un changement quelque part. Alors donc, on pense qu'il faut vraiment baliser les choses.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, vous savez, la beauté du système de justice, c'est qu'il est évolutif, et, si, dans nos textes de loi, on se mettait à définir systématiquement chacun des termes employés, notamment «espace public» ou «diffuser», qui sont quand même des termes que l'on peut comprendre, je pense qu'on restreindrait la portée évolutive de notre droit. Et la jurisprudence a aussi ce rôle que d'amener à comprendre et interpréter des notions. Vous savez, il y a 15 ans, il y a 20 ans, un document sur Facebook, sur Twitter, on ne savait pas ce que c'était. Les médias sociaux, c'était encore très nébuleux, plusieurs n'existaient pas. Donc, il est certain que, si on fige dans le temps une situation, on risque de causer beaucoup plus de tort que de bien, c'est mon humble avis.

Quant à l'obsolétude des règles de procédure civile, permettez-moi de m'inscrire en faux, car en janvier prochain les nouvelles règles de notre Code de procédure civile qui a été adopté ici, en cette Assemblée, vont entrer en vigueur, et je pense que les parlementaires... Puis d'ailleurs on salue... je salue mon prédécesseur, qui a mené un très grand... qui a mené le dossier de front. Il y a eu beaucoup d'efforts de mis par les parlementaires de cette Assemblée et par certains membres de cette commission pour mettre à jour nos règles de procédure civile.

Puis, dans un autre temps, nos règles de droit administratif aussi sont évolutives. Alors, il y a les tribunaux administratifs. Donc, il ne faut pas... il faut éviter de... Parfois, ce n'est pas parce qu'une décision n'est pas rendue en notre faveur que les règles sont obsolètes.

Ceci étant dit, M. le Président, je vais céder la parole. Je sais que j'ai des collègues qui souhaitent intervenir puis je ne voudrais pas prendre tout le temps.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs dames. J'ai deux petites questions pour vous, deux petites clarifications.

Dans votre présentation du début, vous nous faisiez référence que, dans le cas de plaintes frivoles, vexatoires ou de mauvaise foi, il devrait y avoir quelque chose dans le projet de loi qui soit prévu, et vous avez utilisé le mot «avec dépens», pour justement éviter... parce qu'en partant du moment où il y a une plainte qui est faite qui n'est pas fondée, ça fait plus de tort à la personne duquel on s'est plaint qu'à la personne qui fait la plainte. Vous avez sûrement regardé. Dans le projet de loi, à son article 20, il y avait une disposition qui fixait en sanction civile... Si la personne avait tenu ou diffusé un discours haineux, elle pouvait avoir une sanction pécuniaire d'un minimum de 1 000 $ et jusqu'à un maximum de 10 000 $. Est-ce que vous aviez pensé au même genre de sanction dans le cas d'une plainte frivole, vexatoire ou de mauvaise foi ou vous pensiez à un autre système?

Et j'aurais une deuxième question pour vous. Vous avez évoqué... — puis je suis un gars qui a toujours été très, très factuel — vous avez évoqué que 50 % des crimes haineux s'adressaient à la communauté juive au Canada.

M. Del Negro (Luciano G.) : ...en France.

M. Ouellette : Pardon?

M. Del Negro (Luciano G.) : En France, en France.

M. Ouellette : Bien... O.K. Est-ce que vous auriez une base factuelle de cet énoncé-là? Parce que c'est quand même un gros chiffre, et vous avez sûrement certaines références que vous pourriez soumettre à la commission, pour la réflexion des membres de la commission.

Le Président (M. Hardy) : M. Del Negro.

M. Del Negro (Luciano G.) : Oui. Alors donc, notre réflexion, ce n'est pas... on n'a pas été aussi pointu de... On a tout simplement constaté qu'il y avait une lacune et qu'on devait trouver un remède pour y répondre. Maintenant, on comprend qu'il y a quand même... les sentences, c'est assez onéreux, le 1 000 $ à 10 000 $. On s'est arrêtés là. Il faudrait tout simplement concevoir une manière dans le sens de s'assurer...

Pour répondre à votre deuxième question, bien ce sont les chiffres du gouvernement français, si je me rappelle très bien, qui a été fait... En France, ça, c'est en 2014, il y a eu un rapport qui a très bien expliqué le cas. C'est un peu la même chose en Grande-Bretagne. Il y a eu une augmentation de 40 %, c'est ça, en Grande-Bretagne, l'année 2014 a connu un nombre record de crimes antisémites. Selon la police britannique, les attentats de Paris ont même provoqué une vague de crimes antisémites au Royaume-Uni, et il y a eu une augmentation de 40 %. Donc, ce sont quand même des... Si vous le voulez, on pourra vous faire part de ces chiffres-là. Je pourrais aussi faire part, bon, de la déclaration du premier ministre français, Manuel Valls, qui a exhorté entre autres les leaders musulmans de France, le 15 juin dernier, à nommer l'ennemi et à dénoncer les discours de haine, d'antisémitisme qui se cachent derrière l'antisionisme et la haine d'Israël. Ça, c'est le premier ministre français. Donc, on pourra vous... Ça va me faire plaisir.

M. Ouellette : Merci.

Le Président (M. Hardy) : Maintenant, je vais passer la parole au député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. M. Del Negro, Me Lichtzstral, M. Wolfe, ça me fait plaisir de vous accueillir à l'Assemblée nationale aussi, surtout comme fier Québécois de la communauté juive. J'ai le plaisir de représenter la circonscription... la seule où il y a une forte population issue de ma communauté, donc j'ai eu le plaisir de travailler avec vous et de continuer de travailler avec vous, et dans le passé aussi comme ancien directeur général du Congrès juif canadien, région du Québec. Et ce qui est évident dans votre présentation, j'ose croire, a été toujours évident, la communauté juive se dote toujours de la responsabilité d'intervenir avec les gouvernements de toutes couleurs de façon vigilante, rigoureuse et compassionnée et en mode de solution, et je crois qu'on a un autre exemple aujourd'hui. Ce qui est central à nos discussions et à votre présentation, c'est la recherche de cet équilibre entre la liberté d'expression et la lutte contre la discrimination, la sécurité de nous tous comme société, un équilibre, comme la ministre l'a bien expliqué, qui est la cible visée par ce projet de loi aussi. Et, admettons-le, ce n'était pas toujours aussi si clair que ça, quand on regarde le passé récent, sur ces sujets qui touchent le projet de loi.

Comme vous avez entamé, notre communauté juive, au fil de quelque 4 000 ans, est bien placée pour se préoccuper de cet équilibre et enfin et malheureusement bien placée pour parler de la haine, compte tenu de la pérennité très triste de l'antisémitisme. Ce qui m'amène à vous inviter de parler davantage de votre lecture actuelle de l'ampleur de ce phénomène de l'antisémitisme ici, au Québec, et au reste du Canada. Et on attendrait les chiffres dont on a parlé avec grand intérêt, et je vous invite aussi de parler spécifiquement et concrètement, quand on parle de l'antisémitisme, de la pertinence du projet de loi qu'on met devant vous et de nous parler de comment ça risque d'avoir un impact, positif ou négatif, sur l'ampleur de l'antisémitisme ici, au Québec.

M. Del Negro (Luciano G.) : Comme vous savez...

Le Président (M. Hardy) : M. Del Negro.

• (12 h 10) •

M. Del Negro (Luciano G.) : Je m'excuse. Comme vous connaissez très bien, les Juifs québécois ont le privilège de vivre dans une province et, à Montréal, dans une ville où la haine des Juifs n'est pas un courant idéologique majeur qui structure les rapports sociaux ou la vie politique, hein? Donc, c'est déjà quelque chose de très important. Aujourd'hui, il n'y a aucune tolérance pour l'expression d'antisémitisme classique au Québec. D'ailleurs, au mois de février dernier, lorsqu'il y a eu un crime antisémite qui a été commis à Notre-Dame-de-Grâce, l'Assemblée nationale du Québec a unanimement dénoncé ce crime haineux, et nos élus provinciaux ont promptement affirmé que l'antisémitisme est une atteinte grave à nos valeurs démocratiques. Il ne fait aucun doute qu'il existe au Québec un fort consensus sociétal et politique dirigé à l'antisémitisme. Il est clair aussi qu'il n'existe plus les discriminations sociales que les Juifs avaient par le passé et qu'en un sens l'anti-judaïsme chrétien... particulièrement depuis Vatican II. Donc, cela est atteint, évidemment.

Et pourtant l'antisémitisme existe toujours au Québec, hein, comme dans toutes les sociétés. Et on assiste, depuis, en fin de compte, une dizaine d'années, à une montée importante d'un antisémitisme non pas en dépit d'Auschwitz, je dirais, mais à cause d'Auschwitz, un antisémitisme qui accable le seul État juif des pires ignominies, un antisémitisme qui affuble le seul État juif des stéréotypes antisémites classiques : sacrifices d'enfants, déicide, soif de sang. Bref, un antisémitisme qui se propose d'alléger, on peut dire, les consciences du souvenir d'Auschwitz. L'antisémitisme qui est mené contre les Juifs coûte à notre communauté très cher, comme vous le savez, hein? Nous sommes obligés, hein, de payer, en fin de compte, des services de sécurité supplémentaires dans l'ensemble de nos écoles, dans l'ensemble de nos centres communautaires, n'est-ce pas?

Donc, il y a quand même eu une évolution, hein? C'est important... On a parlé beaucoup de radicalisation. Quant à nous, l'antisémitisme constitue très certainement l'une des principales prédispositions à la radicalisation, de même qu'un des signes les plus manifestes de la radicalisation d'un individu, et l'incitation à la haine des Juifs occupe une place de choix dans l'arsenal propagandiste des agents de la radicalisation. Alors, vous savez très bien que, malheureusement, on ne parle plus d'antisémitisme classique, mais ça fait des années que les centrales syndicales se livrent à coeur de joie, avec des organisations...

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, le temps accordé du côté gouvernemental est terminé.

M. Del Negro (Luciano G.) : Merci.

Le Président (M. Hardy) : Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 15 minutes.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Del Negro. Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Merci de venir nous présenter votre mémoire.

J'étais très intéressée par ce débat sur le pourcentage de crimes haineux sur les Juifs, puis comme on a eu un débat aussi sur le pourcentage de crimes haineux face aux Noirs. Alors, dans votre mémoire, dès la première page vous nous invitez à aller sur le site, note de bas de page 1, les crimes haineux déclarés par la police au Canada en 2013. Alors, je me suis amusée, pendant la conversation, à aller fouiller sur ce site, et non seulement vous avez raison, mais vous avez même diminué le taux de crimes haineux, les Juifs, en pourcentage par rapport à 2013. Si on va... Le nombre de crimes motivés par la haine d'une religion et déclarés par la police au Canada en 2013, les Juifs ont été visés par 55 % des crimes motivés par la haine d'une religion, 55 %. Les musulmans suivent, et ensuite catholiques. Autres populations, très élevé, populations inconnues, mais c'est 55 % des crimes.

Et ce n'est pas anodin, ce qu'on est en train de débattre là. Je vais aussi aller voir... Tout de suite après, je suis allée voir le nombre de crimes motivés par la haine d'une race ou d'une origine ethnique et déclarés par la police au Canada en 2013. Les Noirs, c'est à peu près 40 % à 45 %, 40 % à 45 % des crimes.

Ce qui parle beaucoup pour moi, puis j'aimerais ça que les gens y réfléchissent beaucoup, c'est que les représentants de ces deux communautés qui sont visées le plus par des crimes haineux — on a eu les gens du Mois de l'histoire des Noirs qui étaient ici et vous maintenant — les seuls représentants de ces communautés-là sont venus nous dire : Nous sommes très inquiets de cette loi. Ceux qui sont les plus visés par cette loi, leurs représentants, en tout cas, ceux qui se sont présentés ici sont venus nous dire leur inquiétude. Et, j'ajouterais aussi, même s'ils ne sont pas dans les statistiques, les gens des communautés LGBT sont venus aussi nous exprimer leur inquiétude. Alors, je pense que ce n'est pas seulement en France, c'est vraiment grâce aux infos dans votre mémoire, au Canada, qu'on a vraiment une inquiétude quant à cette loi... aux crimes haineux, mais la réponse ne semble pas être dans cette loi.

Puis j'aimerais que vous me commentiez ceci. Dans votre dernier paragraphe, vous êtes... vous utilisez un mot assez fort : «...il nous paraît périlleux de se servir du droit civil pour accomplir ce qui est traité de façon adéquate par le droit criminel», et vous semblez dire qu'il faut complètement remanier la loi. Est-ce qu'il est possible d'apporter des ajustements, suite aux conversations que vous avez eues avec la ministre, ou si vous considérez qu'il faut vraiment la refondre en profondeur?

Le Président (M. Hardy) : M. Del Negro.

M. Del Negro (Luciano G.) : Regardez, c'est une question très importante, je laisserai ça au soin du contentieux de la ministre. La seule chose que j'aimerais ajouter, c'est que les principes de justice fondamentale, hein, quand même définissent quelque chose très bien, que la loi ne doit pas manquer de précision, hein, et que la loi, en un sens, ne doit pas être de portée excessive. Et malheureusement, quand on regarde ce projet de loi, le manque de précision, donc, porte atteinte aux principes de justice fondamentale tels que... je pense que c'est l'article 7 de... c'est ça, ça fait partie des garanties juridiques entre les articles 7 et 15 de notre Constitution.

Mais j'aimerais aussi ajouter à ce que vous avez dit par rapport aux statistiques. Évidemment, malheureusement, comme on a pu constater, c'est la communauté noire qui est la première des communautés... ou les communautés noires qui sont sujettes à discrimination. Et suivi par qui d'autre? Malheureusement encore aujourd'hui — et au lendemain de la Gay Pride, la parade gaie — la communauté LGBT, hein? Donc... Et en troisième lieu vous avez la communauté juive de Montréal. Donc, on est fort sensibles à ces questions-là. On ne dépense pas des centaines de milliers de dollars pour s'assurer de leur sécurité pour rien, hein, dans le sens où, en fin de compte, il y a un souci réel et légitime.

Et je comprends qu'on tente... on cherche des remèdes pour pouvoir pallier, en fin de compte, à des défis qui émergent dans notre société et pour toutes sortes de raisons, mais, encore une fois, la liberté d'expression est tellement importante qu'avant de pouvoir y porter atteinte il faut y aller... il faut y réfléchir. Je pense... Regardez, vous avez eu devant vous deux éminents juristes, Mme Latour et M. Julius Grey. Au moins sur cette question-là, avec Julius Grey, on est d'accord. Loin de cela sur d'autres questions, mais, bon, ce sont des choses importantes, quant à nous. Bon. Alors, je laisse au soin de la ministre... Et je pense que, tu sais, c'est louable. Ce n'est pas issu de rien, c'est un problème réel auquel la société québécoise doit répondre, et je pense qu'on cherche des pistes, hein? Et, en cherchant des pistes, bon, des fois on a une bonne piste, puis d'autres fois la piste nous amène vers le précipice peut-être. Bon. Donc, je pense que c'est légitime, l'effort est louable. On pourrait sans doute renvoyer ça aux gens à faire leurs devoirs, revenir et voir si on peut extirper quelque chose de positif dans cela, et, si oui, bien, tant mieux. Sinon...

Peut-être pour des questions qui sont, comme on dit... pour des discours... Parce que, si on parle de discours haineux et d'incitation à la violence, quand c'est haineux et incitation à la violence, si c'est tellement grave, bien ça doit être référé à la police, rien de plus ni moins. Maintenant, si c'est quelque chose qui ne va pas aussi loin, bien je pourrais peut-être entrevoir un mécanisme quelconque au niveau administratif, etc., d'intervention, mais, bon... mais pour des choses qui sont peut-être...

Mais, bon, c'est une réflexion à haute voix qu'on fait, là, mais je salue l'effort, je salue l'effort que vous faites, là. Ce n'est pas pour dire, dans un sens, que vous avez sorti un lapin d'un chapeau, là, ce n'est pas quelque chose... C'est quelque chose de sérieux que vous faites, c'est un souci, un souci très, très important, et donc on salue l'effort que l'Assemblée nationale et que la ministre fait pour chercher des pistes.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Vous avez parlé de gestion procédurale. En fait, ce que vous vouliez dire, c'est probablement que... si je comprends bien, c'est de... on devrait trouver dans les procédures, dans la formation des policiers ou autrement une autre façon d'intervenir qu'en limitant de façon outrancière la liberté d'expression. C'est pour ça...

• (12 h 20) •

M. Del Negro (Luciano G.) : Bien, regardez le Code criminel, actuellement, qui est censé, en fin de compte, répondre à ce type de délit. Je pense... Il y a quoi, en quelques années, il y a eu 90... moins de 100, enfin, une centaine, une centaine, moins que 100? Donc, c'est clair que les procureurs de la couronne et... c'est clair que la police n'est pas habilitée, n'est pas expérimentée à se pencher sur ces questions-là. C'est clair aussi, hein, et dans ce sens-là je vous rejoins et je rejoins aussi la ministre, que les choses évoluent, notre société évolue, les défis évoluent, et que donc les manières que les policiers faisaient leur travail il y a une dizaine d'années, il y a une quinzaine d'années, sont appelées à évoluer, la même chose et face aussi à la radicalisation. Il y a 15 ans de cela, la radicalisation qu'on faisait face, ce n'était pas la même chose. Il y a 30 ans de cela, il y a 40 ans de cela, je faisais partie de ces radicaux-là, j'étais marxiste-léniniste. Bon, c'est ça, j'étais un radical, mais, bon...

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Pour continuer, M. Del Negro, j'ai été d'abord traitée de féministe radicale et ensuite de souverainiste radicale. Alors, on va en revenir, du danger du mot «radicalisation», mais le mot... Voilà.

Il y a quelque chose d'important dans votre propos qui est : Laissons cela aux tribunaux et au Code criminel, laissons le jugement de ces choses au Code criminel. Puis il y a toujours un débat qui intervient avec la ministre sur l'élargissement potentiel qu'amène cette loi. La ministre dit : Non, non, non, les tribunaux ont bien balisé, mais il y a le tribunal devant qui ça va se retrouver et le fardeau de la preuve. On sait que, bon, les deux tribunaux devraient utiliser la même définition des mots «crime haineux», «propos haineux», «discours haineux», parce que, là, on rentre dans le mot du «discours», mais le fardeau de la preuve n'est pas le même. Si le fardeau de la preuve n'est pas le même, donc, le résultat ne sera pas le même. Et, si le résultat n'est pas le même, dans ce cas-ci, vu que le fardeau de la preuve est réduit, bien le nombre de causes acceptées sera plus large, donc c'est un élargissement. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi? Est-ce que c'est un peu ce que vous dites? Moi, je comprends que comme... tu as beau avoir la même définition, si tu n'as pas le même procédé puis si tu n'as pas le même fardeau de la preuve, tu n'as pas le même processus, tu n'as pas la même gestion, tu vas avoir un élargissement, c'est un automatisme. Je ne sais pas si vous voulez commenter ça.

Le Président (M. Hardy) : M. Del Negro.

M. Del Negro (Luciano G.) : Bien, c'est que, le Code criminel, il faut un mens rea, un actus reus, n'est-ce pas, bon, parce que... le fardeau de la preuve étant hors de tout doute raisonnable. Et au civil c'est une balance de probabilités, hein, l'intention n'est pas prouvée. C'est clair que sur des questions, on peut dire, aussi... sur une question, à mon avis, aussi importante que celle du discours haineux et des conséquences que nous avons vues et qu'on voit de plus en plus pas seulement au Québec, pas seulement au Canada, mais qu'on voit en France, qu'on voit un peu partout, bien c'est clair qu'on est interpellés et c'est clair qu'on est en train de regarder et voir s'il y a d'autres manières dans le sens de répondre à ces défis-là. Parce que je comprends que le fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable, le fardeau qui était celui de l'intention, ça exige du procureur de la couronne, ça exige de la police un travail ardu dans le sens... pour, en fin de compte, arriver à faire valoir, en fin de compte, devant un juge des accusations. Encore une fois, sur des questions... Si nous sommes d'avis qu'il y a vraiment appel à la violence, si nous sommes d'avis que le discours... qu'il y a un lien entre le discours haineux et l'appel à la violence, à mon avis, c'est que cette question-là doit être référée au service d'ordre. Ça, c'est clair, c'est clair. On ne peut pas jouer avec la vie des gens, hein, on ne peut pas jouer avec la vie des gens. Ce n'est pas tout simplement un tweet, ce n'est pas un Facebook, ce n'est pas qu'une connerie — je m'excuse de l'expression — qu'on puisse dire sur Instagram, hein, mais, quand quelqu'un fait la promotion de la violence, quand il y a plus affirmation dans le sens de la violence et avec un groupe identifiable, bien je ne pense pas qu'il faut y aller par quatre chemins, parce qu'on voit les conséquences.

Mme Maltais : ...on peut dire aussi que ça montre vraiment, là... Quand tu t'en vas en cour criminelle puis que tu risques d'avoir un dossier, tu sais, aussi, là, tu as de graves conséquences, très graves conséquences. C'est bien.

Mais notre problème, c'est que ça aille à la CDPDJ. On est en train de se questionner sur, bon, le fardeau de la preuve, bien sûr, mais aussi sur l'accumulation de poursuites qui pourrait... puis la capacité de la CDPDJ de faire face à ça. Vous avez parlé de climat d'autocensure aussi. J'aimerais ça que vous élaboriez là-dessus, sur vos craintes quant à ça.

Le Président (M. Hardy) : M. Del Negro, je vous rappelle qu'il reste 1 min 45 s.

M. Del Negro (Luciano G.) : Autocensure, bien, regardez, on a vu l'expérience de l'article 13 dans le Canada, n'est-ce pas, on a vu comment il a été utilisé par certains groupes interculturels ou d'autres... ou religieux pour tenter de bâillonner certains auteurs, hein? Et donc c'est pour ça qu'on est revenus et on a dit que ce n'était pas... dans le sens que ce n'était pas le bon remède, c'est que malheureusement les droits, de nos jours, sont plutôt souvent que non utilisés pas pour libérer mais bien pour bâillonner, et pour bâillonner toute critique d'un pays, d'une religion ou de qui que ce soit.

Mme Maltais : Merci.

M. Del Negro (Luciano G.) : Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Madame messieurs. Me Del Negro, toujours un plaisir de vous entendre. Je vous écoute depuis tout à l'heure, et à juste titre c'est effectivement une problématique très particulière qui est visée ici. Enfin, la raison pour laquelle les législateurs ont décidé, et le gouvernement, de légiférer, il y avait une demande dans la population, il y a cette problématique d'endoctrinement, de radicalisation. Et là on a cette loi ici qui, comme vous le dites à juste titre, il y a un genre de dédoublement dans la mesure où il y a déjà les articles du Code criminel, maintenant il y a ces articles au civil et avec des sanctions pénales également. J'aimerais savoir si vous considérez que l'objet de la loi ou l'esprit de la loi n° 59, du projet de loi n° 59 qu'on est en train d'étudier est trop large.

Le Président (M. Hardy) : M. Del Negro.

M. Del Negro (Luciano G.) : Ce n'est pas l'esprit mais, je pense, les articles qu'on propose, le manque de définition. Donc, quand on fait référence à qu'est-ce que qu'on appelle les principes de justice fondamentale, là, c'est clair dans le sens... la loi ne peut pas avoir une portée excessive, elle ne doit pas manquer de précision. Mais, du moment qu'on manque de précision, bien, la tentation de portée excessive existe. Du moment qu'on ajoute avec cela des mécanismes qui fait que n'importe qui peut porter plainte, du moment qu'on ajoute cela à une... en fin de compte, quelqu'un qui est mis sur une liste qu'on ne sait pas comment est-ce qu'elle va être gérée, bien ça, comment vous dire... en bon québécois, il y a un paquet, dans le sens de... de sonnettes qui commencent à sonner, là, face aux... Et des gens, évidemment, et comment cela va... Quel impact est-ce que cela va avoir, on peut dire, sur toute critique légitime? Les gens vont s'autocensurer, hein, il va y avoir une sorte de refroidissement. Et je pense que c'est cela que certains milieux, hein, voudraient bien faire. Ils voudraient bien étouffer toute critique légitime, que ce soit d'un État, d'une religion, hein, et des individus, n'est-ce pas?

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Ce projet de loi s'inscrit dans un plan du gouvernement pour contrer la radicalisation. Cependant, quand on le lit, les mots «radicalisation», «endoctrinement», «extrémisme religieux» n'en font pas partie du tout, du tout, du tout.

Et je vous soumets l'idée. Est-ce que, selon vous, ce serait acceptable... ou que pensez-vous de l'idée, si on met cette loi-ci de côté, de créer une infraction qui s'attaquerait précisément au mal que le gouvernement veut tenter d'enrayer ou de faire diminuer, cet endoctrinement des jeunes, cette radicalisation qui les mène à partir à l'étranger, à commettre des actes terriblement répréhensibles? On l'a vu ici, ce jeune québécois qui a tué un soldat, on en parlait encore ce matin dans les journaux. Que pensez-vous, donc, de créer une nouvelle infraction qui, elle, serait plus pointue, plus précise contre l'endoctrinement qui mène à la radicalisation? Parce que, l'endoctrinement, il peut y avoir des endoctrinements qui ne mènent pas à la radicalisation ou qui ne mènent pas à ce terrain aussi désastreux. Qu'est-ce que vous pensez de ça, d'être plus précis à cet égard?

Le Président (M. Hardy) : M. Del Negro.

• (12 h 30) •

M. Del Negro (Luciano G.) : Encore une fois, madame, si on est en faveur de la liberté d'expression, je répète, le seul antidote à ce venin qui est le discours... la radicalisation, c'est la liberté d'expression, c'est l'éducation, hein, c'est comme ça qu'on appelle, c'est les prises de position de l'Assemblée nationale du Québec, c'est au niveau de notre système des écoles, hein? C'est là où les choses...

Si vous... Pour faire un parallèle, durant la guerre froide — et on est dans une sorte de... on revit cette même situation-là — comment est-ce qu'on a répondu à la menace, entre guillemets, qui venait de l'Est, qui était celle de l'Union soviétique, communiste, bien il y a eu de l'éducation qui a été faite sur la démocratie, hein, sur ce qu'est-ce que c'était, un pays démocratique, les valeurs, les valeurs d'une démocratie qui est celle de la liberté, hein, qui est celle de la liberté d'expression, de la religion, et tout ça. Alors, à mon avis, c'est comme ça, en un sens, qu'on mine le fondement idéologique.

Par les lois, encore une fois, regardez, je parle à chaud, je n'ai pas encore réfléchi, c'est... Et je comprends qu'on essaie de répondre à des défis, là, mais souvent ce n'est pas aussi facile. Je pense qu'encore une fois, s'il y a des jeunes qui prônent de la violence, bien, encore une fois, il y a le Code criminel, hein? À ce que je sache, à ce que je sache, les jeunes qui étaient sur le point de partir, qui sont partis, ils ont été interpelés par les forces d'ordre. À ce moment-là, il y a d'autres aussi, les services sociaux, qui doivent intervenir, hein, les services d'appoint, alors il y a toute une panoplie de mécanismes qui pourraient être mis en valeur.

Mais chose sûre et certaine, c'est une base : la radicalisation, aujourd'hui, c'est une question idéologique. À mon avis, si on regarde l'histoire, si on fait une analyse, ce n'est pas la pauvreté, parce que, si c'était la pauvreté, hein, je pense que l'ensemble de l'Afrique serait un pays en révolte contre le monde, hein? Si c'était la répression, si c'était le... à ce moment-là on aurait vu l'ensemble de la communauté juive d'Europe qui ont subi l'Holocauste justifier, en fait, le terrorisme contre l'État allemand. Ce n'est pas ce... Je pense, on est en train, dans un sens, de vouloir calquer des analyses préconçues pour expliquer ce phénomène-là. Il y a des gens qui sont devenus communistes pour toutes sortes de raisons, il y en a d'autres qui ne le sont pas. Il y a des gens qui deviennent radicaux ou islamistes pour toutes sortes de raisons, et ce n'est pas nécessairement lié. Si on regarde, historiquement, les gens qui ont été responsables pour le mois de septembre, le 11 septembre, la majorité venaient de milieux fort aisés, la majorité avaient une formation académique au-delà de la moyenne. Ce n'étaient pas des pauvres types, ce n'étaient pas des gens qui n'avaient pas de ressources, au contraire, et on le voit. Si vous faites l'étude de ces actes, de ceux qui sont responsables, ce n'est pas le pauvre type...

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville voudrait vous poser une autre question, monsieur.

Mme Roy (Montarville) : ...l'échange, j'ai peu de temps. Je trouve ça terriblement intéressant parce qu'hier j'ai posé la même question à Me Grey, Julius Grey, et vous en parliez tout à l'heure : Si ça avait été plus pointu, pourrait-on faire une infraction qui vise à contrer l'endoctrinement, mais un endoctrinement qui vise des actes criminels, finalement, qui vise la radicalisation, partir à l'étranger, le djihad, et tout ça? Comment peut-on faire? Il dit : Ce serait quelque chose de possible. Et vous dites que ce sont les idéologies, et je suis d'accord avec vous que, la liberté d'expression, il faut lui toucher le moins possible, mais il arrive des moments où on doit intervenir.

Le Président (M. Hardy) : M. Del Negro, il nous reste 2 min 30 s.

M. Del Negro (Luciano G.) : Oui, effectivement, il y a moyen d'intervenir. Comme je vous ai dit, il y a intervenir au niveau de l'éducation.

Je me pose la question... Regardez, toute personne qui gravite autour d'un Hell's, il ne gravite pas pour rien, hein? Est-ce que pour autant on les... pour autant, est-ce qu'on crée une infraction tout de suite pour les arrêter? Ce n'est pas si simple, ce n'est pas aussi simple que ça. Et je ne pense pas que... Je ne pourrais pas, à ce moment-ci, vous répondre à l'affirmative ou négative. Je suis très réticent, très, très réticent à emboîter ce pas-là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui, c'est la raison pour laquelle je disais un endoctrinement qui mène vers une radicalisation, qu'il y ait un but, là, on s'entend que c'est un... il y a un agenda derrière tout ça, il y a un agenda terroriste, là. Alors, c'est dans le fait qu'il faille être absolument pointu pour ne pas, justement, faire en sorte que des gens qui se regroupent pour x, y, z raisons puissent tenir des propos qu'on n'aime pas et qu'on pourrait s'en prendre à eux. Et ça, je comprends très, très bien qu'il faut préserver la liberté d'expression à cet égard.

Cela dit, je n'ai presque plus de temps. En conclusion, vous dites dans votre rapport, à la page 9 : «Dans sa forme actuelle, le projet de loi risque de créer un climat d'autocensure [...] — vous nous en parliez — et [est] incompatible avec les droits et libertés fondamentaux. Nous estimons donc que le projet de loi n° 59 doit être revu de fond en comble et amendé en profondeur et faire ensuite l'objet de nouvelles consultations et auditions publiques présidées par cette même commission.» De fond en comble. Même les dispositions traitant de la protection de la personne, des mineurs ou, ça, pas du tout?

M. Del Negro (Luciano G.) : Bien, quand je dis «de fond en comble»...

Le Président (M. Hardy) : M. Del Negro, en une minute.

M. Del Negro (Luciano G.) : Eh là là! Vous dites ça à quelqu'un qui est d'origine italienne, ce n'est pas évident.

Regardez, quand on parle de fond en comble, c'est tout simplement sur les éléments essentiels de qu'est-ce qu'on proposait, c'est dans ce sens-là.

Une voix : ...

M. Del Negro (Luciano G.) : C'est ça, c'est sur des questions... pour s'assurer qu'il y ait des garanties procédurales, des garanties de... pour garantir tout ce qui doit être garanti, pour s'assurer que la personne puisse être protégée dans sa liberté d'expression. C'est dans ce sens-là qu'on parle, vous comprenez?

Mais je comprends, ce n'est pas facile. C'est un débat qui ne nous interpelle pas uniquement nous, mais l'ensemble, on peut dire, des démocraties dans le monde occidental. Comment on répond à ce nouveau phénomène? Et qu'est-ce qu'il faut faire?

Et je pense que ce n'est pas aujourd'hui qu'on va le régler, et ce n'est pas non plus à avoir une loi, une seule loi, qu'on va régler ces choses-là, hein, c'est d'avoir une stratégie globale. Et donc je salue l'intervention... ce qui a été fait par la ministre sur les questions, on peut dire, contre la radicalisation, le maire de Montréal, toutes ces choses-là, je pense, ce sont des contributions importantes pour contrer la radicalisation, mais il faut bien faire une différence entre la radicalisation, hein, et la délinquance, ce n'est pas la même chose.

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie de votre participation.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Je vous avise qu'il y aura un service de traduction simultanée cet après-midi. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Hardy) : Prenez place, s'il vous plaît. La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives... renforcer la protection des personnes.

Je souhaite la bienvenue au Forum musulman canadien. Je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Forum musulman canadien (FMC)

Mme Jebbari (Samah) : Bonjour. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés et chers auditeurs, je tiens, au nom du Forum musulman canadien, à vous remercier pour cette occasion qui nous permet d'échanger au sujet du projet de loi n° 59, loi incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes. Nous nous présentons aujourd'hui : moi-même, Samah Jebbari, porte-parole; M. Samer Majzoub, président du Forum musulman canadien.

Fondé en 1994, le Forum musulman canadien est une organisation communautaire qui représente les intérêts et les préoccupations collectifs des citoyens canadiens et québécois de confession musulmane. Il poursuit la mission principale de promouvoir l'intégration et l'implication citoyenne de la communauté musulmane dans la société québécoise et canadienne et de protéger les droits civils des citoyens. L'auteur, Forum musulman canadien, a pour objectif de bien représenter la communauté musulmane devant tous les paliers gouvernementaux, municipal, provincial et fédéral, et devant la société civile. Le Forum musulman canadien travaille à promouvoir et à bien préserver l'identité, l'image et l'harmonie de la communauté musulmane au sein de la société québécoise et canadienne.

Nous tenons à remercier des personnes qui ont nourri nos réflexions sur le projet de loi : Me William Korbatly, de Korbatly Avocats, Me Rémi Bourget, de Mitchell Gattuso, et M. Jean Dorion, sociologue et auteur.

Je vais faire aujourd'hui, mesdames et messieurs, M. le Président, Mme la ministre, un sommaire exécutif de tout le mémoire que j'ai déjà soumis, que nous avons soumis, donc, tenant compte du temps alloué.

Dans le présent mémoire, le Forum musulman canadien expose sa lecture du projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes, présenté le 10 juin 2015 à l'Assemblée nationale par Mme la ministre de la Justice, Procureur général du Québec et ministre responsable de la Condition féminine, Mme Stéphanie Vallée. Le Forum musulman canadien, dans sa lecture, accueille favorablement l'adoption de plusieurs des mesures mentionnées par la ministre dans le projet de loi n° 59 tout en demandant de préciser les moyens, les règles et les procédures qui les accompagnent. Nous, Forum musulman canadien, appuyons a priori la prévention et la sanction des propos haineux et incitant à la violence et valorisons la promotion de la protection des personnes contre ce discours au rang des droits fondamentaux et d'inclure cette protection à la Charte des droits et libertés de la personne. Cependant, il est essentiel qu'une définition claire et précise du discours haineux soit incluse dans le projet de loi n° 59. Aussi, nous jugeons la nécessité générale que ce projet de loi ne limite pas abusivement la liberté d'expression.

A priori, et en tenant compte d'un premier niveau du projet de loi, le Forum musulman canadien appuie la volonté gouvernementale de vouloir renforcer ses interventions pour se doter de divers moyens et procédures pour sanctionner la tenue ou la diffusion dans l'espace public des propos haineux ou des discours incitant à la violence qui visent un groupe de personnes comme est identifié dans l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. L'implantation de telles procédures législatives et réglementaires concrètes par le biais du projet de loi n° 59 réaffirme une volonté politique claire de dénoncer tout discours haineux, incluant l'islamophobie, l'antisémitisme, l'homophobie et le profilage racial, et faire, comme Mme Vallée a dit, du Québec une société égalitaire, respectueuse, non violente et exempte d'intimidation.

Au cours des dernières années, une hausse de l'islamophobie a été constatée dans certains médias et sites Web. Selon le rapport de Statistique Canada et Allen 2013 portant sur des crimes haineux déclarés par la police au Canada, environ la moitié des crimes haineux ciblaient une race ou une origine ethnique, comme les Noirs, les Asiatiques, les Arabes et les autochtones. Il est à noter que les chiffres donnés dans les statistiques reflètent seulement les crimes haineux et excluent les incidents et les discours haineux. Ainsi, les chiffres, de cette façon-là, sous-estimeraient probablement les incidents et discours haineux.

• (14 h 10) •

Le discours islamophobe rampant considéré comme une des formes de discours haineux visant un groupe de citoyens de confession musulmane, ses institutions, ses membres, surtout les plus actifs, sont les cibles directes de ce discours haineux. Des recours légaux ont été intentés contre certains acteurs porteurs du discours haineux. Cependant, les organisations victimes, soit qu'elles n'ont pas entamé les démarches légales, soit qu'elles avaient peu de recours à faire pour poursuivre leurs démarches juridiques.

Dans un des articles de Denise Helly, Les multiples visages de l'islamophobie, elle conclut que la situation des immigrants, et en particulier des immigrants de confession musulmane, fait voir de sérieux problèmes de discrimination. Le traitement des musulmans au sein de la société civile et par diverses dispositions législatives et réglementaires n'apparaît pas à la hauteur de l'imagerie d'un pays se prétendant ouvert aux étrangers de toutes les cultures, d'après Denise Helly, 2011.

Ainsi, ce projet de loi contient des dispositions législatives et réglementaires claires pour contrer ce discours islamophobe. Les impacts de telles dispositions sur la communauté musulmane seraient positifs. Les membres de la communauté seraient rassurés de voir des procédures claires mises à leur disposition pour dénoncer les discours incitant à la violence et discours haineux portés à leur égard. Cela aura comme effet également de rassurer la communauté, qui est fréquemment stigmatisée, et de lui donner un sentiment de justice, de dignité et de pleine appartenance citoyenne.

Nous sommes en faveur de la proposition d'octroyer le pouvoir d'intervention et d'enquête à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Nous appuyons en outre le pouvoir de sanction civile pécuniaire et le pouvoir d'émission des ordonnances attribués au Tribunal des droits de la personne.

Nous craignons cependant la stigmatisation des personnes jugées coupables si leurs noms sont rendus publics sur une liste diffusée sur le site Internet de la Commission des droits de la personne. Il faut, dans la mesure du possible, s'assurer que le délai d'appel soit expiré avant de diffuser la liste; s'assurer également que le délai de retrait des noms des personnes jugées coupables soit précisé dans le projet de loi n° 59.

En tenant compte de la deuxième partie du projet de loi n° 59 qui prévoit renforcer la protection des personnes, le Forum musulman canadien accueille favorablement le pouvoir confié au tribunal d'autoriser la célébration d'un mariage lorsque l'un des futurs époux est mineur. Le mariage est une activité qui nécessite que les futurs époux présentent un consentement libre et éclairé. Le tribunal accompagnerait les futurs époux avec leurs tuteurs légaux à consentir à une telle célébration.

En matière de protection de la jeunesse, nous accueillons l'ajout de plus de mesures de protection des droits des mineurs dans le cas d'un mariage. Pour le Forum musulman canadien, aucun compromis sur la sécurité et le bien-être des jeunes n'est autorisé. À cet égard, nous suggérons, dans le cas d'un comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves, que les pouvoirs d'enquête soient accordés à la Commission des droits de la personne et non au ministre de l'Éducation, qui conservera le pouvoir de sanctionner à la suite de l'enquête menée par la Commission des droits de la personne.

En ce qui concerne la modification de la Loi sur la protection de la jeunesse, nous demandons de clarifier la notion de contrôle excessif, qui paraît ambiguë, imprécise et matière d'interprétation, comme nous suggérons de définir clairement et sans ambiguïté la notion de sécurité physique et morale.

Dans l'ensemble du mémoire, le Forum musulman canadien veut ajouter sa contribution à celle du gouvernement, de la société civile et de l'ensemble des autorités publiques afin de contrer le fléau des discours haineux et incitant à la violence qui se réclament à tort de prétextes religieux ou qui invoquent une fausse conception de la laïcité. Ainsi assurerons-nous un climat propice et égalitaire pour l'ensemble des Québécoises et Québécois.

Le Forum musulman canadien mentionne son appui à l'adoption du projet de loi n° 59, en tenant compte des précisions demandées et des suggestions signalées dans le corps du mémoire, comme il applaudit la volonté des autorités publiques de se soucier des intérêts des individus et des groupes et de dénoncer toute sorte de discrimination et tout discours haineux ou incitant à la violence, cette volonté qui consolide les liens entre les différentes parties de la société québécoise et canadienne, une consolidation à entretenir.

M. le Président, Mme la ministre, chers députés, on est là pour répondre à toutes vos questions. Quelques réponses vont être données en anglais. Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme Jebbari. Maintenant, nous allons débuter avec la période d'échange en commençant avec Mme la ministre. Vous avez la parole pour une période de 25 minutes.

Mme Vallée : Merci beaucoup pour votre présentation, merci de participer aux travaux de la commission parlementaire.

J'aimerais vous entendre un petit peu davantage sur la question... Je vais mettre de côté la question du discours haineux pour le moment parce qu'on a peu parlé des mesures de protection des personnes, et je pense qu'il s'agit quand même d'un élément important du projet de loi. C'est un projet de loi qui se veut un projet visant à protéger les personnes, c'est l'ultime but. À la base, le fondement de notre projet de loi, c'est la protection des individus et des... Et vous avez parlé... vous nous avez demandé, dans votre mémoire, de définir davantage les mentions de contrôle excessif, les définitions de contrôle excessif, vous nous avez demandé de définir ou de mieux baliser toute la question des violences qui sont basées sur l'honneur. Je vois que, dans votre mémoire, vous faites référence à un certain nombre d'études. Qu'en est-il exactement? Comment... Quels sont les éléments ou les pièges dans lesquels il faut éviter de tomber lorsqu'on parle de contrôle excessif et de conception de l'honneur? Parce que vous indiquez qu'on doit porter une attention particulière pour ne pas généraliser certains concepts et ne pas tomber dans... ces concepts-là ne peuvent pas être attribués à des communautés entières, et tout. Alors, quels sont les éléments qui vous préoccupent?

Le Président (M. Hardy) : Mme Jebbari.

Mme Jebbari (Samah) : D'accord. Pour le contrôle excessif, généralement ce qu'on demande est simple. Ce qu'on demande, c'est de bien donner des critères pour que... voilà, le contrôle excessif, comment on le définit, comment on le présente dans le projet de loi, et donc plus tard dans la loi, pour que ce soit bien clair dans plusieurs des... dans la LIP, la Loi sur l'instruction publique, quand on parle des élèves, sur le Code civil, peu importe, là. Là, on le met dans le projet de loi, maintenant, et plus tard il faut qu'il soit bien défini avec des critères.

On peut même faire des études de cas pour voir c'est quoi, le contrôle excessif, pour des groupes, comment des groupes le voient et comment d'autres le voient. Le contrôle n'est pas le même pour tout le monde, d'accord, et «excessif» aussi, le terme «excessif» dépend, il varie selon les personnes, selon les cultures, selon comment les gens sont habitués de voir les choses.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Et pour ce qui est... Quelles sont les préoccupations, les éléments que nous devrions considérer aussi dans la question des violences fondées sur une notion de l'honneur, en fait? Parce que c'est vraiment sur une conception de l'honneur et...

Une voix : ...

Le Président (M. Hardy) : Mme Jebbari.

Mme Jebbari (Samah) : Oui, merci. La conception d'honneur ne justifie pas la violence, donc toute justification donnée par les personnes, les incriminés, pour les personnes qui ont commis ce crime-là, ne seront plus justifiables. Donc, la violence ne sera plus autorisée, crime d'honneur est classé comme crime, point à la ligne. La violence n'a pas de place.

Le Président (M. Hardy) : M. Majzoub.

M. Majzoub (Samer) : What is exactly important about this subject is to avoid associating what is known as honor killing or honor crime to any culture or any religion. And this is one of our extreme worrisome, when we start, you know, accusing a culture, or a religion, or a background of people; that because you are following this confession you are the person who may create or do such a crime.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

• (14 h 20) •

Mme Vallée : Évidemment, c'est certain que les dispositions s'appliquent à l'ensemble de la société québécoise, peu importe l'origine ethnique, peu importe l'origine culturelle, peu importe la religion. On sait qu'à une certaine époque une fille, une jeune fille enceinte pouvait faire l'objet d'un grave rejet affectif de la part de sa famille; ici même, au Québec, une famille catholique pouvait rejeter la jeune fille. On sait qu'il n'y a pas si longtemps plein de jeunes Québécois et de jeunes Québécoises issus de familles québécoises de souche, comme certains le diront, ont été rejetés par le fait qu'ils aient avoué leur homosexualité. Donc, là-dessus, je tiens à vous rassurer. L'objectif, c'est de bien encadrer.

On sait que le rejet affectif est déjà prévu comme un moyen d'intervention de la Loi de la protection de la jeunesse. Maintenant, il était important d'aller un petit peu plus loin parce que parfois, justement, comme vous le mentionniez un petit peu plus tôt, les interventions étaient difficiles parce qu'on justifiait certains comportements par la culture, par la religion. Et donc c'est à ce moment-là qu'est apparue cette conception de contrôle excessif, que sont apparues les violences, l'utilisation des violences fondées sur une notion de l'honneur. Et le Conseil du statut de la femme a émis un avis, en 2013, qui nous indiquait à juste titre qu'il était important, pour permettre à notre société d'avancer, de nommer les enjeux, et c'est pourquoi nous avons fait le choix d'inclure ces dispositions-là dans le projet de loi, de modifier la Loi de la protection de la jeunesse, pour sensibiliser les intervenants, les intervenantes et tous ceux qui ont à travailler avec ces dispositions législatives là à un phénomène qui est présent et auquel on ne peut faire abstraction. Alors, l'objectif, évidemment, ce n'est pas de stigmatiser des communautés, ce n'est pas de stigmatiser des communautés religieuses. C'est tout simplement de nommer un phénomène qui existe et de l'inclure à titre de motif de compromission dans le développement d'un enfant pour permettre une meilleure intervention, peut-être aussi permettre aux intervenants de mieux diriger l'intervention et s'assurer de poser les bons gestes dans le meilleur intérêt de l'enfant.

Le Président (M. Hardy) : Mme Jebbari.

Mme Jebbari (Samah) : Mme la ministre, je comprends très bien ce que vous dites maintenant, et c'est beaucoup plus clair dans ma tête que lorsque j'ai lu le projet de loi. Donc, moi, si je me mets à la place de Mme et M. Tout-le-monde, ils vont être un peu mélangés, ils ne vont pas savoir exactement. Donc, plus de précision, c'est ce qui est demandé.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci. Vous avez soulevé la problématique que certaines personnes ont eue pour s'adresser aux tribunaux pour faire cesser des propos haineux, des propos qui incitaient à la violence. Parce qu'un petit peu plus tôt aujourd'hui on a entendu des gens qui nous disaient... et aujourd'hui et un peu plus tôt cette semaine des groupes qui nous indiquaient qu'il n'était pas nécessaire d'inclure les dispositions sur le discours haineux à la Charte des droits, qu'il n'était pas nécessaire d'ajouter de nouveaux pouvoirs et d'accorder de nouveaux pouvoirs à la commission des droits de la personne et de la jeunesse puisque les dispositions du Code criminel suffisaient à protéger les personnes et que tout ajout supplémentaire était superflu. Je comprends que vous avez une lecture un petit peu différente de la situation, j'aimerais que vous puissiez élaborer sur la question.

Le Président (M. Hardy) : Mme Jebbari.

Mme Jebbari (Samah) : Mme la ministre, oui, j'aimerais bien... nous aimerions plus clarifier les choses. C'est que, les gens, oui, il y a le Code criminel, oui, il y a la loi fédérale, mais il y a la diffamation au civil comme au criminel, n'est-ce pas? Donc, pourquoi pas? Il n'y a rien qui se contredit entre l'implantation de cette loi-là, le projet de loi n° 59, et le criminel. S'il y a au criminel et il y a au civil aussi, ça donne la chance aux incriminés de se corriger. Parce que le but, ce n'est pas la vengeance, là, on ne cherche pas la vengeance. Plutôt que de... Donner la chance à la personne au civil, c'est beaucoup plus restreint, c'est beaucoup plus sécure, surtout pour les jeunes, là, qui commettent des erreurs dans leur jeunesse, de se corriger à l'étape du civil et non au criminel.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Oui. Je vois que...

Le Président (M. Hardy) : Ah! M. Majzoub.

M. Majzoub (Samer) : Just to add up on this, a criminal process, to really follow on any criminal process: time, money. And the results may really be different from following on a civil status.

Nowadays, on social media, many people could say whatever they would like to say, and it's not easy to go and just try criminalizing people because of mistakes, even if it's a hate speech. With the civil, even if the name is there on the list, we are asking to have this name a limited time, where at one time this name is removed, especially that we are giving the chance to the perpetrators who have been accused of this really either to have more education... Because many times hate speech comes as a result of ignorance. So, having this opportunity, to give the individuals really the opportunity to go out of this and have more awareness, this, I think, it will be best for the society.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Il y a un terme qui a été employé tant dans votre mémoire que dans votre intervention, c'est la question de culpabilité et de crime. Le dossier au niveau de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, lorsqu'un jugement sera rendu, le jugement ne déclare pas quelqu'un coupable, c'est ça, ce n'est pas une infraction criminelle. Dans le fond, la liste... Puis ça, c'est une autre situation qui a fait l'objet... un autre enjeu qui a fait l'objet de beaucoup de discussions au cours des derniers jours. La préparation de la liste, en gros, ça reprend des éléments qui sont déjà publics parce que les jugements, les décisions de la Commission des droits de la personne sont déjà publics, sont déjà accessibles sur le site Internet de la commission, ils sont déjà accessibles sur la plateforme Web. Donc, c'était de regrouper ni plus ni moins les décisions de la commission... de la personne et de la jeunesse puis évidemment d'avoir un caractère punitif, en ce sens que quelqu'un qui diffuse des propose de nature haineuse, des propos qui incitent à la violence, bien, c'est peut-être important de le savoir, notamment pour prévenir des récidives et pour prévenir que ces gens-là puissent continuer de tenir de tels propos dans la sphère publique, que ce soit par le biais de conférences ou par le biais de discours prononcés un petit peu partout. Alors, ça permet notamment à ceux et celles qui reçoivent des conférenciers de savoir si les conférenciers ou les invités pourraient notamment être des gens ayant tenu ce type de discours là, et ça pourrait peut-être les éclairer quant au choix, ou à l'opportunité, ou à la non-opportunité de recevoir certaines personnes, d'ailleurs. C'est un des moyens. Et notamment dans les mesures qui touchent les... toutes les dispositions qui touchent le ministère de l'Éducation ça permet aussi d'assurer une meilleure protection des jeunes. Alors, si ces individus ou ces groupes-là sont actifs dans les maisons d'enseignement, bien ça permettra au ministre de l'Éducation de demander que cesse la tenue de discours ou de conférences par ces gens-là. Alors, vraiment, c'est l'objectif de la liste.

Et on semble faire une assimilation avec un registre, par exemple, des délinquants sexuels. Ce n'est pas tout à fait la même chose, on n'est pas dans le même ordre d'idées. C'est une liste qui réfère à des informations de nature publique, qui sont disponibles de toute façon sur le site de la Commission des droits de la personne ou qui seraient disponibles en ligne sur le site jugements.qc.ca suite à une décision du Tribunal des droits de la personne.

Je vais céder la parole à mon collègue de Chomedey, je pense, qui souhaite s'entretenir avec vous.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Merci, M. le Président. M. Majzoub, Mme Jebbari, bienvenue à votre Assemblée nationale. C'est toujours un plaisir de vous recevoir.

D'entrée de jeu, en lisant votre mémoire, vous prenez la peine de nous noter, à la page 3, que, le projet de loi n° 59, les différentes mesures, il faut qu'on s'assure d'avoir un climat propice et égalitaire pour l'ensemble des Québécois. Je pense que tous les députés de l'Assemblée nationale recherchent la même chose. Le Québec, le vivre-ensemble au Québec, c'est quelque chose de très important. C'est une société de droit, chacun des Québécois, de quelque origine qu'ils soient, ont les mêmes droits, et il nous incombe de s'assurer que les droits qui sont garantis par la charte, les droits qui sont garantis par les différentes lois soient appliqués, applicables et qu'ils soient les mêmes pour tout le monde.

Je veux revenir sur votre mémoire parce que j'ai besoin de quelques précisions. Ce matin, on a fait référence à des statistiques, ma collègue de Taschereau a fait référence à certaines statistiques qui sont mentionnées, vous en faites rapport à la page 4, et j'aurais aimé vous entendre un petit peu plus par rapport aux statistiques, où vous mentionnez, et vous l'avez mis au conditionnel, que, selon vous, les chiffres qui sont rapportés à Statistique Canada ne tiennent pas compte de tous les incidents qui surviennent en cours d'année, que ce soit au Québec ou au Canada, touchant les incidents haineux, les crimes haineux ou les discours haineux. Vous avez cette perception-là ou vous auriez des données factuelles qui nous permettraient d'éclairer les membres de la commission que les chiffres rapportés par Statistique Canada ne sont qu'une partie de la réalité? Ça serait ma première question.

• (14 h 30) •

Le Président (M. Hardy) : Mme Jebbari.

Mme Jebbari (Samah) : Merci, M. le député. En fait, ce qu'on a mis ici comme statistiques, vu que c'est des statistiques, déjà, ça couvre les problèmes les plus graves, ça couvre les crimes, ça ne touche même pas les propos, les discours, les incidents haineux. Déjà, si on inclut les propos haineux, les incidents haineux, le chiffre va beaucoup augmenter, donc...

Le Président (M. Hardy) : M. Majzoub.

M. Majzoub (Samer) : Yes. We are very close to the community, and I, myself, have been around for almost, now, 26, 27 years; I can assure you that the number of incidents are much, much higher. And there's a fact... I appreciate what you have mentioned, that, as Quebeckers, we should all feel citizens of Québec, equal rights and freedoms, but there is a perception, whether it is correct 100%, 60%, 80%, 90%, that the community is being targeted very severely. And it is an easy target. Anyone can speak about their values, anyone can speak about their figures, anyone can accuse anyone of anything without any solid proof. Anyone can even relate things to terrorism outside Canada, outside Québec, although, if it is the case, the «loi», or the police, or the authorities, they would have really intervened, they would not have waited so long for this. So, there is a perception that we are really receiving from our community we are being under really severe islamophobic sentiment. And unfortunately, and this is what I would like to drive the attention of all the respected Members of the Parliament, it's our youth, which means those that have been born in Québec, that are really feeling it more than us, people that came from outside Québec, so this is one of the things that we should be very careful about.

And I will take just a few seconds to add up. A few years ago, my daughter, there was an incident going on overseas. And my kids go to a public system school, and one of the professors, of the teachers, very simple, commenting — she was only Primary 4 or 5 : «Muslims have to go back home.» And in her mind home is ville de Pierrefonds, because this is where she lives, and she was born, and she was all her life there. Then, later on, she realized it was not the case; go back home, I don't know, where your father came from, because actually she never went there, only for vacation a couple of months.

So this is a reality that we are already facing, and we had really, at that time, to deal with this kind of things and meet the administration, but just to give a quick example how things could be really... very bad and having a very negative effect on our Québec youth.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : I understand what you were just saying, because sometimes, in politics, we have the same feeling, it's all based on perception. But, being a police officer for so long in my previous life, our duty is to base our judgement on facts. Et c'est pour ça que je voulais vous rassurer tantôt en vous disant qu'on est dans une société de droit. Ce que vous nous soulevez nous amène à se rendre compte qu'on doit avoir une meilleure communication, on doit donner de meilleures informations pour que, les gens qui sont sujets ou qui peuvent être victimes de comportements de d'autres personnes à l'intérieur de la société québécoise, à l'intérieur de la société canadienne, bien il y ait des interventions qui se fassent. Justement j'ai toujours dit : L'intégrité de la personne, c'est la chose la plus importante dans ta vie. Donc, pour protéger cette intégrité-là, on a des dispositions dans le projet de loi n° 59 qui touchent la protection, justement, des gens qui rapporteraient ces incidents-là.

Est-ce que vous pensez ou est-ce que vous avez regardé si on va assez loin, dans le projet de loi n° 59, relativement à la protection des gens? Et on veut les inciter... il va y avoir des campagnes de sensibilisation, je pense qu'il faut démystifier les perceptions des faits pour faire en sorte que chacun des Québécois, Québécoises puisse vivre à l'intérieur de la société. Je vous donnerais l'exemple de Chomedey, à Laval. Le vivre-ensemble, à Chomedey, c'est très... c'est des Québécois de toutes les origines, et, je veux dire, il y a un exemple à aller chercher là aussi. Ça fait que... Est-ce que la protection qui est dans le projet de loi n° 59, qu'on a inscrite pour les gens qui vont rapporter ces incidents-là... est-ce que vous pensez qu'on atteint l'objectif? Est-ce qu'il faudrait aller plus loin ou est-ce qu'il y a des choses qui ne seraient pas tout à fait exactes dans... vers où on veut aller?

Le Président (M. Hardy) : Mme Jebbari.

Mme Jebbari (Samah) : M. le député, en fait, nous, comme on a déjà montré dans le résumé sommaire que j'ai fait tout à l'heure puis dans le mémoire qu'on vous a soumis, on est en faveur de plusieurs et presque de la majorité des points mentionnés dans le projet de loi, ce qui fait... On voit que le projet de loi est très positif dans le sens où il protège tout le monde. Je me questionne pourquoi les gens disent... pourquoi quelques groupes disent : Ah non! c'est en faveur des musulmans. Il peut être le contraire, parce que tout simplement ce que ce projet de loi là prévoit, c'est contrer la haine, contrer toute la méchanceté, si on veut vraiment simplifier les mots, contrer tout discours haineux, ça veut dire, qui fait mal à un groupe, à une personne, à des individus, à tout le monde. Ce projet de loi là met des balises bien claires pour que n'importe quelle personne qui parle sans réfléchir, eh bien, qu'elle tourne la langue sept fois avant de parler.

M. Ouellette : M. le Président m'avise qu'il nous reste quelques minutes. Deux minutes?

Le Président (M. Hardy) : Il vous reste deux minutes, M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Il reste deux minutes. J'aimerais que vous nous précisiez... Vous avez indiqué dans votre mémoire que — à la page 7 — vous craignez l'attribution de plus de pouvoirs au ministère de l'Éducation. Voulez-vous être un petit peu plus explicites? Pourquoi le ministre de l'Éducation, là, vous le craignez, là?

Mme Jebbari (Samah) : Au contraire, je l'aime bien. Le fait qu'on a choisi d'octroyer le pouvoir et de garder le pouvoir d'enquête à la Commission des droits de la personne, c'est parce que c'est la commission qui est vraiment spécialisée pour... elle est faite, là... c'est son rôle, ses capacités, ses habiletés, ils sont... ça fait des années et des années, je pense qu'ils fêtent leurs je ne sais pas combien d'années, là. 50?

Une voix : ...

Mme Jebbari (Samah) : 40, voilà. Déjà, ils sont plus habiles que n'importe quel ministère ou institution pour faire ce travail-là.

En plus de ça, le ministre de l'Éducation va désigner un enquêteur. Lorsqu'on affiche le poste, là, d'enquêteur, là, c'est sûr qu'on va se diriger vers l'institution spécialisée pour ça. Ça, c'est de un.

De deux, je pense que le fait de... le ministre de l'Éducation, le MELS, là, a assez de tâches à faire. Puis nous, comme enseignants, comme écoles, comme administrateurs, on sait très bien que notre rôle, c'est la sécurité de l'élève. Déjà, il va y avoir une collaboration entre la commission et les écoles, la commission et le ministère de l'Éducation pour le bien de qui? De l'élève. Donc, ils vont travailler en pairs, sauf qu'on voit que l'enquête reste dans les mains des spécialistes pour par la suite communiquer les résultats et garder le pouvoir de sanction au ministre de l'Éducation. C'est comme ça qu'on voit les choses.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 15 minutes.

• (14 h 40) •

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Jebbari, M. Majzoub. Bienvenue à cette Assemblée nationale.

Pour en finir un peu avec les chiffres, peut-être rappeler qu'est-ce que j'ai dit ce matin, ce que j'ai relevé tout simplement, je ne fais pas de discussion sur les chiffres. C'est que les trois... les deux groupes qui sont les plus victimes de crimes haineux, selon Statistique Canada 2013, ce sont les communautés juives et les Noirs mais de façon... hors proportion, 55 % pour la communauté juive, 45 % pour les Noirs, par rapport aux crimes haineux, et qu'eux, les Noirs... enfin, pas tous, parce que c'est comme tout le monde, vous ne représentez pas toute la communauté comme ils ne représentent pas toute leur communauté, les gens qui sont venus ici en commission, mais que les représentants des communautés noires, des Juifs et de la communauté LGBT qui sont venus ici sont tous très inquiets du projet de loi, tous et toutes, simplement, mais ce sont les groupes les plus victimes de crimes haineux. Ceci n'excuse aucun crime haineux ou aucune parole haineuse envers qui que ce soit, particulièrement envers la communauté que vous représentez ou que... dont vous êtes des représentants aussi. Mais voilà pour les chiffres.

Mme Jebbari, vous êtes porte-parole. Vous venez de dire : Il faut que les gens se tournent la langue sept fois, et puis ils devraient peut-être être poursuivis. Vous allez voir où je vais m'en venir sûrement déjà. Récemment, en mars 2015, vous-même, vous avez tenu des propos qui ont été considérés par la communauté haïtienne comme extrêmement outrageants. Vous avez été obligée de vous excuser, ce que je trouve très bien d'ailleurs. Vous avez dit qu'«on est devenus les négros des Québécois. On ne va pas accepter d'être les esclaves ni les négros des Québécois.»

Premièrement, je suis très désolée que vous pensiez ça des Québécois, dont vous faites partie, et je pense que vous avez commencé à rectifier, mais vous rendez-vous compte qu'avec la loi qu'on a actuellement vous étiez poursuivable, on aurait pu vous poursuivre pour ne pas vous être tourné la langue sept fois avant... et c'est ça qu'on veut éviter?

Le Président (M. Hardy) : Mme Jebbari.

Mme Jebbari (Samah) : Bien, merci, Mme la députée de Taschereau, c'est une occasion pour moi de m'exprimer publiquement.

De un, j'ai eu le courage de dire : Je m'excuse, j'ai commis une erreur, je n'ai pas tourné la langue sept fois avant de parler. Ça, c'est de un.

De deux, oui, c'était dit dans un contexte un peu émotif, dans une entrevue téléphonique où on parlait d'un... Vraiment, là, c'est sept minutes, là, ce qui... sept secondes, là, l'extrait, là, qu'ils ont mis et diffusé, mais l'entrevue téléphonique parlait de l'actualité, c'était juste après notre point de presse qu'on a fait en février, je pense. Par la suite, le journaliste, là, ce qu'il a fait, c'est qu'il a fait le lien... on parlait du «trailer» du film Selma parlant de la vie de Martin Luther King et la ségrégation des Noirs dans les années 40, 50, ce qui fait... L'analogie faite, c'est parce que j'étais dans le contexte du film, on parlait des Noirs, de ce qu'ils ont vécu à l'époque. Puis sa question, ce n'est pas une question, mais c'était plus sa façon de voir les choses. Ce qui s'est passé dans les années 40, ce qu'ont subi les Noirs dans les années 40, 50 me rappelle ce qui se passe actuellement. Les musulmans sont devenus la viande de tout le monde, vraiment, vraiment une viande chère, là, où à tous les jours, sur les manchettes, on ne parle que des musulmans qui ont fait ça, les musulmans terroristes, les musulmans ceci, et, si un musulman fait une erreur, c'est tous les musulmans qui assument.

Donc, c'était dans un contexte émotif, voilà, je l'avoue. Et puis le Forum musulman canadien, puisque j'étais sa porte-parole, a fait sortir son communiqué de presse comme quoi je m'excuse officiellement, de ne pas faire ça. Ça, c'est... Est-ce que je peux continuer?

Mme Maltais : Oui, bien, je comprends. Puis ça, les excuses, je l'ai dit d'entrée de jeu, vous vous êtes... puis je comprends le contexte. Mais vous vous rendez compte que, dans ce contexte, vous seriez...

Une voix : ...

Mme Maltais : ... — un instant, ce ne sera pas long, je veux juste vous... on va se relancer comme ça, puis j'ai seulement 15 minutes — que vos explications, c'est devant un tribunal que vous auriez été obligée de les donner parce que vous étiez susceptible d'être poursuivie? C'est là où ça va, cette loi-là, là.

Le Président (M. Hardy) : M. Majzoub.

M. Majzoub (Samer) : In order not to switch the discussion one to one, because, the issue, we're not here... really coming here to put someone on... Certainly, no one is above the law. If anyone is really guilty, he's guilty. This is out of the question.

But I really appreciate that you brought up this subject. Why in particular? Because this gives a clear example why we're supporting «projet n° 59», because of this incident, small incident that happened and that we felt sorry and we apologized. And, just for the information of everyone, we have a very good relationship with the «communauté haïtienne», and we have met them, and they have very well understood. But the subject is very important. Based on this incident, islamophobia was at its highest, hatred was at its highest, not mentioning... A few days after this incident, a mayor of a very well-known city in Québec also said a few words that meant to be... or understood to be as hatred against blacks. When this gentleman was attacked, he was attacked on his personal opinion. Neither his culture was attacked, nor his religion was attacked, nor his... you know, no one said anything. But, when Mrs. Jebbari had this mistake that she admitted and apologized for, it was an open highway against Muslims, and Islam, and hatred, and this is their religion, and that and this.

So, this is what we are really worried about in Québec as an islamophobic sentiment that is really prevailing, and that's what we are really hoping that this new project is one of the elements that will really fight such an issue.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Puisque vous êtes là, M. Majzoub... Vous avez fondé l'école Le Savoir, vous avez fondé une école qui s'appelle Le Savoir, qui est entérinée par le ministère de l'Éducation et du Loisir. Ce projet de loi va essayer de protéger ce qui est quelque chose d'absolument non défini, qui est la sécurité morale et physique des étudiants. Vous avez une école qui est dans un building... je pense, vous louez des locaux d'un building qui appartient à l'association musulmane canadienne, liée... certains disent liée aux Frères musulmans. Imaginons que, dans votre école, quelqu'un s'offusque de voir que vous ayez reçu un imam qui a des propos, lié à une... qui a des propos ou peu importe mais qui est lié à une association terroriste qui a d'ailleurs été jugée... à qui on a retiré son sceau de bienfaisance parce qu'elle était liée à des organisations terroristes. Vous vous rendez compte que, dans votre école, on pourrait dire que cette école attaque la sécurité morale des étudiants, parce que la sécurité morale n'a aucune définition et que c'est quelque chose qui n'a jamais été... dont il n'y a jamais eu de discussion au Québec là-dessus? Vous vous rendez compte à quel point on ouvre un panier de crabes, en ouvrant cette chose, et que vous-même, comme ayant fondé une école, vous seriez susceptible d'être poursuivi devant la CDPDJ ou d'avoir... d'envoyer des enquêtes au ministère de l'Éducation sur qui vous amenez comme prêcheurs dans vos écoles?

Le Président (M. Hardy) : M. Majzoub.

M. Majzoub (Samer) : ...question. First of all, I am truly worried that your source of information is not solid 100%, and I'm extremely worried that your source of information is coming from a particular site that we all know their sources or their background.

Let me explain. First of all, I'm not the «fondateur» of école Le Savoir, I'm a cofounder. We are... This is a community school, and this is number one. And the community school has no more than... at the time, when it was established, in 2000, I believe, eight or nine. It is in ville de Pierrefonds and, since it is a community... I have been there for 27 years. There were a group of people who came together really to establish a community school. This is number one.

Number two, to suggest indirectly... And again this is one of the things that we'd like... we hope that these things will be clarified with the «projet». To suggest that we occupy a building part of MAC or... First of all, we are tenants, we are an association... «Le Savoir, c'est une association québécoise, ce n'est pas une association fédérale.» So, it is a Québec association, it's not a federal one. MAC is the owner of the building, and we are tenants of the building. Number one.

MAC, based on our information, is a legal institution in Canada and federally speaking. So far, we haven't heard or we haven't received any notice from any government side to say, «No, it is otherwise.» So, we are really renting the building from a legitimate federal organization. To suggest that it is relied to X, or Y, or Z, I think you call MAC, and they will tell you.

Now, going back to your question, it's very important. If an imam, although it doesn't happen, but, if an imam comes to the school, because this is not a religious school...

And, by the way, I would like to take a minute on this, another mistake that so many people are falling in, where «école musulmane», at least about école Le Savoir, is not a Muslim school in a sense of religion. It is a community school: 35 hours education of Ministry hours, one hour of Koran, one hour of Arabic. It doesn't turn to be a Muslim school, just to make it very clear to everyone.

If anyone, not only an imam, anyone in this school falls down on this issue, sure, we are responsible, no one should be above the law at any time. This is my answer.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

• (14 h 50) •

Mme Maltais : ...ma source, c'était QMI, Agence QMI, simplement.

L'autre chose, c'est... Bon, vous dites : On est simplement locataires d'un immeuble qui appartient au MAC, Muslim Association of Canada, mais vous recevez... cette école reçoit aussi des fonds du Koweït, et le Koweït, ce n'est pas nécessairement... Il y a des gens qui pourraient se dire : Une école qui est financée par un royaume comme le Koweït, qui n'est pas véritablement une école qui enseigne... un pays qui enseigne la démocratie et tout... Vous comprenez? On peut jouer là-dedans en masse quand on a des projets de loi comme ça où tout est indéfini, tout est mou, tout est vaseux. C'est ça, le problème, là. Je m'étonne que vous appuyiez cette loi. Moi, j'avoue que plus j'écoute les gens, plus j'écoute les intervenants, plus je suis inquiète. Mais je veux vous montrer jusqu'à quel point il y a du danger dans l'imprécision et dans ce que vise cette loi.

Le Président (M. Hardy) : Mme Jebbari.

Mme Jebbari (Samah) : Mme la députée de Taschereau, merci pour la question, l'interrogation. En fait, oui, ces écoles communautaires, comme les organisations sans but lucratif, n'ont pas de ressources, n'ont pas de subvention. C'est une école... Parlons de l'école Le Savoir. Ce n'est pas une école subventionnée, ce qui fait... Elle reçoit... Ses ressources financières viennent d'où? Viennent des frais de scolarité que les parents paient, viennent des levées de fonds que des fois l'école organise et des fois des fonds qui viennent de l'extérieur. Ces fonds sont légaux, strictement légaux, puisque ça passe par le gouvernement. Déjà, le chèque, on le reçoit... la personne qui l'a reçu l'a pris de l'ambassadeur koweïtien à Ottawa, ce qui fait que c'est strictement légal, à 100 %. Donc, il n'y a pas de souci là-dedans.

Notre appui au projet de loi, c'est : Pourquoi ne pas appuyer un projet de loi qui est en faveur de toute personne ou tout groupe qui se sent humilié, démuni, toute personne qui se sent dénigrée? Vous voyez pourquoi. On ne le soutient pas uniquement parce que ça peut être en faveur de la communauté musulmane. Nous sommes des Québécois et Québécoises ici, ce qui fait le bien-être de tout le monde compte. Moi, maintenant, à cette place-ci, je le dis clairement, que n'importe quelle personne qui franchit la ligne du respect puis qui diffuse un discours haineux n'a pas de place ici, pour de bon elle n'a pas de place ici, peu importe qu'il est un imam musulman, ou un journaliste, ou un politicien, ou un élève au secondaire ou au cégep. Vous voyez? On est tous ici pour collaborer tous ensemble afin de protéger ce pays-là. Les lois ne sont pas... On n'est pas là pour s'opposer, pour dire : Ah! O.K., ma position est la meilleure, et c'est ma position qui rejette ta position. On est là pour le bien de tout le monde.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Donc, pour reprendre l'exemple de M. Majzoub, tout à coup, quelqu'un qui dirait à un enfant : Bien, retournez à la maison, retournez chez vous, alors que c'est un Québécois d'origine, retournez à la maison, on devrait le poursuivre, dans ce projet de loi là, la personne pourrait le poursuivre. C'est comme ça que vous voyez la loi?

Le Président (M. Hardy) : M. Majzoub.

M. Majzoub (Samer) : ...we have read... As much as I know about the «loi», the «projet de loi», it is clear that it is not an open highway to go and start complaining left and right. The law stipulates that there is a commission or there is a committee that will look at the complaint to see if it has merits or not, if it has merits or not. So, what we believe, if this is applicable, with time people will get the education that it's not any time I don't like any thing I just go and complain.

We know there's nothing perfect. And, by the way, we're not here pro-Government or opposition, we're not here, OK... we're not in the opposition, we are just discussing the «projet» itself, OK? So, we strongly believe such a measure, if it is applicable in a proper manner, and that's what we hope and we look at, it will help not only one community, it will help Québec, inclusive, which means everyone will feel safe. And that's what we're looking for. We are not looking for favors here whatsoever, no one should be really favored because of his religion or his background, no, no, no. We are looking for a minimum to feel safe in our country, that's all.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Merci. Bonjour. On s'est déjà rencontrés dans une autre vie pour un autre projet de loi. Merci...

Une voix : On a des photos ensemble, de belles photos ensemble.

Mme Roy (Montarville) : Je sais, je sais, je sais, je m'en souviens très bien, on avait discuté. Et, pour le bénéfice des auditeurs, nous avions rencontré les gens de la communauté pour le projet de loi du précédent gouvernement, la charte du Parti québécois.

Cela dit, on arrive ici avec un projet de loi très, très différent. Et, à la lecture de votre mémoire, je comprends que vous pensez aussi que cette loi va aider à contrer l'islamophobie, ça va aider... ça pourrait aider, du moins, c'est écrit dans votre mémoire.

Maintenant, je vous demande : Croyez-vous également que cette loi-là... Parce que n'oubliez pas qu'elle est dans la foulée du projet et du plan du gouvernement pour contrer la radicalisation chez les jeunes, l'endoctrinement, la radicalisation et ces jeunes qui partent à l'étranger faire le djihad, entres autres. Croyez-vous que cette loi-ci, ce projet de loi va également contrer l'endoctrinement qui mène à la radicalisation des jeunes? Parce qu'un jeune ça ne se radicalise pas automatiquement, il y a eu tout un processus d'endoctrinement. Donc, croyez-vous que ce projet de loi va contrer l'endoctrinement qui mène à la radicalisation des jeunes? Est-ce qu'il y a des pistes de solution là-dedans?

Le Président (M. Hardy) : M. Majzoub.

M. Majzoub (Samer) : ...very good because it has been raised to us during our discussion and reflection on the «loi»... This in particular, any measurement that's taken against any sort of hatred, certainly it will have an effect on the radicalization of the youth. And we're not talking here about religious radicalization only, we are talking about... It could be a secular radicalization, it could be, I don't know... Radicalization is not limited to religions, OK?

So, yes, we believe any measurement that is taken to fight any sort of hate, smear campaign... Because this will have a good message to the people that we have to watch out, especially in the world of cyber. Now we have the cyber Internet. Whatever we say, it is all spread everywhere. So we think, to a certain extent, yes, it will help, although I know that there is «projet de loi n° 62» that will be more addressing the subject, when it comes to this turn. But, yes, to answer you, we believe it will... it may, as you say, it may help.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Je comprends également, tout comme vous, que la radicalisation n'est pas nécessairement une radicalisation religieuse. La triste réalité est que malheureusement c'est dans un contexte aussi religieux qu'on voit ces jeunes se convertir, par exemple, à l'islam et passer aux actes, on n'a qu'à penser à ce québécois à Saint-Jean-sur-Richelieu qui s'est converti et qui est allé tuer des soldats... un soldat au nom d'Allah — et on apprend ce matin dans les journaux qu'il voulait aller en tuer d'autres — donc cette radicalisation des jeunes qui mène à des crimes épouvantables et qui souvent aussi fait que la communauté musulmane se retrouve — c'est comme un cercle vicieux — au premier chef victime, des parents qui voient les enfants partir sont bouleversés.

Il y a quelque chose qui me surprend dans les groupes que nous recevons, c'est la différence de perception du projet de loi. De votre côté, vous dites : Oui, c'est bon, ça va nous aider, ça va entre autres contrer l'islamophobie mais tout type de discours haineux. Hier, nous avions Julius Grey et tout à l'heure nous avions le Centre consultatif des relations juives et israéliennes, et ces gens croient au contraire... et qui ont vécu la discrimination et les propos haineux, la communauté juive au premier chef également, ces gens, donc, ces groupes croient au contraire que ce projet de loi est trop large, et qu'il va trop brimer la liberté d'expression, et que la liberté d'expression sera trop restreinte. Alors, vous, de votre côté, vous semblez être moins dérangés par le fait que la liberté d'expression sera brimée avec ce projet de loi. Pourquoi?

Le Président (M. Hardy) : Mme Jebbari.

• (15 heures) •

Mme Jebbari (Samah) : Merci, Mme la députée de Montarville. Il y a deux parties dans votre question. La partie radicalisation et comment contrer la radicalisation, ici on est là pour vraiment aider surtout le plan d'action du gouvernement basé sur ça, et ce projet de loi là est là pour vraiment appuyer le plan d'action du gouvernement.

De un, le gouvernement seul, sans l'appui de l'opposition, sans l'appui des autorités publiques et de la société civile, ne pourra jamais, seul, contrer la radicalisation ni contrer les discriminations de toutes sortes, soit l'islamophobie soit l'antisémitisme, le profilage racial. Tout ça, le gouvernement seul ne peut pas le faire. Il faut passer par l'éducation, nous-mêmes, dans nos familles, dans nos écoles, dans la vraie vie, finalement, là où on passe. Il faut de l'éducation, c'est le mot à dire.

Donc, on parle de toutes sortes de radicalisations, mais, soyons plus précis, on parle de la radicalisation religieuse, donc la radicalisation de ces jeunes-là, les cégépiens qui se dirigent à l'extérieur pour des raisons quelconques. Si on voit... Parce qu'on ne peut pas résoudre un problème si on ne regarde pas les causes. Qu'est-ce qui a amené ces jeunes-là à se diriger vers... à prendre cette déviation-là? On va trouver plusieurs raisons. Il y a des adolescents, des jeunes, là, qui se dirigent vers l'alcool, vers la consommation, vers toutes sortes de mauvais chemins. Il y a d'autres, là, qui surtout et d'origine ont vécu l'exclusion, ils sont exclus de la société, ils sont intimidés dans leurs écoles, ils se sentent dérangés soit par leur nom soit par leur... ils ne trouvent pas leur part dans la société, alors ils veulent fuir la société. Pour aller où? Pour aller vers l'inconnu ou vers le danger, le danger que nous tous, on est là pour le contrer. Ça, c'est la partie radicalisation. La partie de : Est-ce qu'on pense vraiment que ce projet-là peut contrer la discrimination, donc, et parmi... l'islamophobie, et travailler, finalement, la discrimination, la radicalisation?, je pense que oui. Je pense qu'ensemble, là, c'est sûr qu'il y a des suggestions que tout le monde peut donner qui peuvent modifier, qui peuvent améliorer le projet de loi et le rendre plus acceptable.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Juste... Je me suis peut-être mal exprimée. J'essayais de comprendre dans quelle mesure des groupes qui ont été ostracisés et victimes de propos violents, comme par exemple la communauté israélienne, juive et israélienne, ils voient ici une grande atteinte à la liberté d'expression, alors que vous non. J'essaie de voir la différence.

Le Président (M. Hardy) : M. Majzoub.

M. Majzoub (Samer) : ...if you are suggesting that this... against this, we don't think so, which means, in other words, if you are suggesting... If I am fighting hate speech, which means I am against freedom of expression? Not at all, because we just mentioned if an imam comes and speak... which means we are already talking about an imam speaking something about hatred. So, why here we're to give you an example of an imam saying something bad and how the law will be acting on? So, we don't think at all there's a contradiction between freedom of expression and fighting hate. Freedom of expression should be protected, no one should touch freedom of expression, but there's a big difference between freedom of expression and expressing... and accusing groups of people, and accusing their values, and demonizing them, and demonizing their individuals. There's a big difference, there's a big line between being... a hate speech and freedom of expression. And we all know that even in the Supreme Court of Canada, in a democracy society, freedom of expression has its limits.

And that's what maybe the interpretation between ourselves and other groups, and not only Jewish and the Black community, you might find most of the groups that are against the law... it's how they're looking, the perception of the law. We think the perception of the law is better than nothing, number one. Number two, we don't believe at all there's contradiction between freedom of expression and to fight hate speech. This is where we find measurements to fight any sort, any sort of hatred is very good for us as Quebeckers.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville, il vous reste 1 min 15 s.

Mme Roy (Montarville) : C'est très court. Écoutez, je vais en profiter pour vous remercier de votre témoignage puis vous souhaiter un bon retour.

Mme Jebbari (Samah) : Merci. Merci, Mme Roy. Merci, M. le Président, Mme la ministre et chers députés. Merci beaucoup.

M. Majzoub (Samer) : Thank you so much.

Le Président (M. Hardy) : Merci de votre contribution.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants, et j'inviterais les représentants du Conseil canadien des femmes musulmanes à prendre place à la table des témoins. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 4)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Hardy) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Conseil canadien des femmes musulmanes. Je vous invite à vous présenter. Et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, plus deux minutes qu'on va prendre sur le temps gouvernemental, pour un total de 12 minutes.

Conseil canadien des femmes musulmanes

Mme Elibyari (Samaa) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés de l'Assemblée nationale, Mmes et MM. les auditeurs. Je suis Samaa Elibyari. Au nom du Conseil canadien des femmes musulmanes, CCFM, de Montréal, je vous remercie de nous accorder l'occasion d'exprimer notre point de vue.

Le Conseil canadien des femmes musulmanes, CCFM, a été fondé en 1982 à Winnipeg. Présentement, le CCFM a des chapitres dans les grandes villes de l'Ontario et à Montréal. Les membres du CCFM sont des femmes de foi musulmane de diverses cultures, majoritairement du Moyen‑Orient et de l'Asie du Sud.

Je vais commencer par la deuxième partie. Je cite : «Le projet propose également que soit confié au tribunal le pouvoir d'autoriser la célébration d'un mariage lorsque l'un des futurs époux est mineur.» Nous sommes d'accord sur le principe. Reste à déterminer les facteurs suivants : Quelle formation ou connaissances devront avoir les membres du tribunal pour se prononcer dans de tels cas? Quels critères le tribunal devra considérer afin de pouvoir accorder ou nier son autorisation pour ce mariage? Quels seront les coûts associés à une telle demande? Quels seront les délais de réponse? Une procédure d'appel est-elle possible en cas de rejet de la demande? Comment le tribunal va-t-il s'assurer du consentement de l'époux mineur? Ce dernier critère est d'une grande importance, car il nous semble que la protection d'une personne implique qu'elle agisse librement.

Dans ce contexte, on peut élargir la réflexion pour éviter les mariages forcés. Le CCFM s'est penché sur cette question, donc permettez-moi de vous en parler brièvement.

Qu'est-ce que le mariage forcé? Un mariage forcé est un mariage qui n'est pas décidé par les mariés mais par quelqu'un d'autre, généralement par des membres de la famille, et surtout par les pères. L'un ou l'autre des conjoints ou les deux peuvent être contraints au mariage. Ils peuvent se connaître ou non avant le mariage.

La différence entre un mariage forcé et un mariage arrangé est que le deuxième laisse le choix final aux futurs époux. Dans un mariage forcé, les mariés n'ont aucun choix. Des pressions sont exercées sur eux pour accepter la décision. Ces pressions peuvent comprendre des menaces et des violences physiques, psychologiques ou sexuelles.

• (15 h 10) •

Il existe très peu de statistiques sur le mariage forcé au Canada ou au Québec, à notre connaissance. Cependant, une récente recherche menée par la South Asian Legal Clinic of Ontario fournit des renseignements sur la situation en Ontario. Citons les faits suivants : le mariage forcé n'est pas le propre d'une culture, d'une religion ou d'une région géographique; les femmes constituent la grande majorité des victimes dans les mariages forcés, le chiffre avancé est de 92 %, et celles de 15 à 24 ans forment le plus grand groupe.

On voit que l'autorisation d'un tribunal serait en effet un facteur important pour protéger les mineurs. Cependant, cette mesure doit être complémentaire et non unique pour joindre le plus grand nombre de victimes.

Toujours concernant la protection des personnes, je cite du projet de loi : «Le projet de loi prévoit l'attribution, aux tribunaux judiciaires, du pouvoir d'ordonner des mesures propres à favoriser la protection des personnes dont la vie, la santé ou la sécurité est menacée par une autre personne par l'introduction, en matière de procédure civile, d'un concept d'ordonnance de protection.» Encore une fois, il est important de s'assurer de la compétence des personnes qui traitent du dossier pour ne pas basculer d'une extrémité à l'autre, ne pas intervenir du tout ou prendre une décision mal fondée, un équilibre certes toujours délicat, parfois difficile à réaliser.

L'avocate Pamela Cross a fait des études pour le CCFM sur les cas de violence contre les femmes et les jeunes filles qui sont publiées dans le livre La violence à l'égard des femmes — Santé et justice pour les femmes musulmanes canadiennes.

D'abord, qu'est-ce que la violence familiale? C'est l'expression la plus souvent utilisée par le gouvernement et des institutions comme la police, les tribunaux et les services de soins de santé. Cette expression fait référence à toutes les formes de violence — adulte contre adulte, adulte contre enfant, enfant contre adulte — au sein de la famille. Or, il est bien connu que la majorité des agressions signalées à la police sont commises sur des femmes. Un pourcentage de 83 % est avancé pour tout le Canada, toutes communautés confondues.

À souligner que, d'après de récentes recherches sur les mariages et les divorces dans les communautés musulmanes en Amérique du Nord, environ un tiers des femmes interviewées avaient été victimes de violence familiale, soit un pourcentage similaire à celui de l'ensemble de la population féminine au Canada. Autre fait spécifique, la violence à l'égard des femmes et des filles dans les communautés musulmanes se produit le plus souvent dans des familles où le mari ou le père a du mal ou ne parvient pas à renoncer aux traditions anciennes d'interaction conjugale.

Cette étude du CCFM indique aussi que les femmes au sein de la communauté musulmane se heurtent aux mêmes problèmes que toutes les autres femmes, mais des obstacles particuliers les arrêtent aussi. Par exemple, une femme nouvellement arrivée au Canada peut ne pas connaître les lois ou ses droits juridiques. Elle peut craindre que son statut d'immigration ou de réfugiée ou celui de son mari soit menacé si elle signale des actes de violence. Elle peut aussi avoir peur que son mari emmène de force leurs enfants dans son pays d'origine. Si elle est isolée, elle peut ignorer l'existence de services communautaires ou avoir des difficultés de communication avec la langue. La femme peut aussi se méfier de l'État si elle ou sa famille viennent d'un pays où le régime est répressif. À cela peuvent s'ajouter des obstacles communautaires comme des valeurs selon lesquelles il est important de maintenir la famille intacte ou de ne pas dissoudre le mariage, qu'importe la situation; manque de soutien et de services sociaux, comme l'hébergement et l'aide financière; lois et politiques actuelles en matière d'immigration.

Alors, notre questionnement : Quelles sont les attentes par rapport à cette loi? Est-ce la meilleure solution pour contrer la violence familiale? Les dispositions axées sur la prévention sont-elles adéquates?

Les efforts et les outils développés par des organismes musulmans, dont le CCFM, pour appuyer les femmes qui se trouvent dans des situations vulnérables méritent d'être mieux connus. À titre d'exemple, signalons les initiatives comme la Campagne du ruban blanc, Muslims for White Ribbon Campaign, commencée dans notre communauté en 2012. Rappelons que la Campagne du ruban blanc a débuté après le massacre des femmes à l'École polytechnique. L'un des principaux objectifs de cette campagne est de rompre le silence concernant les violences à l'égard des femmes dans notre communauté en encourageant les mosquées et d'autres organismes à parrainer des événements de sensibilisation et à parler de la violence à l'égard des femmes durant les sermons du vendredi.

On serait donc tenté de déduire que le gouvernement n'a pas de prise pour protéger les femmes musulmanes excepté par des lois, justement comme le cas présent, et que le reste passe par le communautaire. Or, d'après nous, le facteur majeur en faveur de la protection et de l'émancipation des femmes musulmanes au Québec passe par leur pleine intégration dans notre société. Le CCFM se fixe d'ailleurs ce but en faisant des études sur la condition des femmes musulmanes et en fournissant des trousses pour les aider à mieux s'adapter à la société d'accueil. La trousse du mariage musulman au Canada et au Québec designée par Lynda Clarke, professeure au Département de religion à l'Université Concordia, en est un exemple. Ces travaux exigent des fonds pour faire des recherches sérieuses, fournir des études... des outils adaptés, et encore plus pour les diffuser à grande échelle dans notre communauté.

Nous saluons notre gouvernement pour les programmes d'apprentissage du français, car c'est un facteur important dans le processus d'intégration. Par contre, c'est avec regret qu'on remarque qu'il n'y a pas eu de progrès au niveau des opportunités d'emploi, et ceci, malgré les recommandations de la commission Bouchard-Taylor. Malheureusement, c'est même le contraire qui s'est produit.

En résumé, pour cette partie du projet de loi n° 59, le CCFM n'a pas d'objection. Cependant, certaines questions demeurent, et certaines actions devraient complémenter la législation si on veut vraiment être efficace en matière de protection des femmes et des jeunes filles

Pour la première partie du projet de loi n° 59, concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence, le CCFM n'a pas encore émis d'opinion dû aux délais serrés de cette présentation.

M. le Président, est-ce que j'ai deux minutes?

Le Président (M. Hardy) : Oui.

Mme Elibyari (Samaa) : Oui? Merci. Finalement, je ne comprends pas ce que rapporte le quotidien The Gazette le mardi 18 août, page A1, sous le titre Québec hate-speech bill prompts strong opinions. Je traduis librement : Le projet de loi est une des initiatives présentées par le gouvernement du Québec pour combattre la radicalisation menant à la violence. Personnellement, je ne vois pas comment.

Et, peut-être pour répondre à Mme la députée, je voudrais porter à votre attention des extraits d'un texte qui sera publié en novembre prochain pour Foi et justice à Montréal. Denise Helly, sociologue à l'Institut national de recherche scientifique, s'intéresse aux communautés culturelles et ethniques, en particulier notre communauté, depuis bientôt 20 ans. Elle écrit — et ceci pourrait répondre à certaines préoccupations : «...avancer que les projets des jeunes [...] "radicalisés" prennent leur source dans des préceptes musulmans est une interprétation saugrenue. Les témoignages de jeunes Occidentaux en partance ou revenus [...] montrent une ignorance de la théologie islamique et une vision anecdotique de l'islam. Comme ironise Frazer — en 2015 — on aurait pu dire que les membres de l'IRA étaient catholiques parce qu'ils parlaient de catholicisme. La référence à l'islam comme au catholicisme par l'IRA est un marqueur identitaire plus que religieux; elle est un signe de ralliement, une bannière. La religion des jeunes recrues de DAESH n'a rien à voir avec l'islam comme foi et théologie, elle en est une manipulation politique. Mais l'insistance sur le religieux a une double efficacité dans des sociétés qui se pensent sécularisées. Elle délégitime et renvoie à l'irrationnel le comportement de ces jeunes. Elle censure toute tentative d'approche sociologique [à] leur violence. [...]Cela est le fait à expliciter avec plus de précision et d'intelligence que nous ne le faisons ici. Certes, des commentateurs et personnalités publiques se disent savoir résoudre la situation, tout en trouvant une occasion de se mettre en scène. Au Québec et en France, ils proposent la laïcité comme remède à l'errance et au désir de meurtre de jeunes désocialisés.»

Le Président (M. Hardy) : En conclusion.

• (15 h 20) •

Mme Elibyari (Samaa) : Ici finit l'extrait. Mme Helly explique donc, et je résume : Le phénomène de radicalisation, il ne peut être réduit à une adhérence à une foi; il dépend de facteurs internationaux hors de notre contrôle; il trouve un terrain fertile par les jeunes issus de classes moyennes urbaines occidentales et autres personnes marginalisées. Donc, il ne suffira pas d'introduire des lois pour le contrer, c'est une responsabilité collective pour notre société.

Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Merci beaucoup. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec Mme la ministre. À vous la parole pour une période de 22 minutes.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Tout simplement pour réitérer que l'objectif derrière le projet de loi, c'est de renforcer les interventions, nos interventions comme gouvernement, comme société, puis de nous doter des moyens pour assurer une protection des personnes en général dans notre société en général. Et donc les dispositions qui portent sur le discours haineux visent à protéger contre un discours qui incite à la haine, qui incite à la violence, qui appelle à des sentiments forts tels qu'ils ont été prévus notamment par des décisions de la Cour suprême et permettre de protéger et de mieux... d'éviter que ces discours-là soient tenus dans la place publique, parce qu'il y a... oui, il y a certes la liberté d'expression qui est essentielle dans notre démocratie, mais il y a aussi, malheureusement, des discours qui amènent vers la violence à l'égard de groupes qui sont déjà prévus à la Charte des droits et libertés de la personne, à l'égard de personnes qui ont les caractéristiques prévues à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. Alors, c'est cet objectif. On ne vise pas un groupe en particulier, on vise à protéger des groupes identifiés de par leurs caractéristiques par l'article 10 de la Charte des droits et libertés qui est en vigueur en ce moment.

Pour ce qui est ... Vous avez exprimé un certain nombre d'interrogations quant aux dispositions qui visent à protéger les personnes, à protéger les femmes, à protéger les enfants et toute personne vulnérable contre un certain nombre de situations, vous vous êtes interrogées sur la compétence du tribunal. Je veux simplement préciser — puis c'est tout à fait normal, on n'a pas tous cette familiarité avec nos tribunaux, nos cours de justice — le tribunal qui verra à déterminer, dans le cadre du mariage, si le consentement des mineurs est libre et éclairé, c'est un rôle qui est confié à la Cour supérieure, aux juges de la Cour supérieure, qui souvent, souvent, dans les cas, par exemple, de succession, dans les cas de mandat pour cause d'inaptitude, dans les cas de dossier matrimonial et des dossiers civils en général, sont appelés à déterminer si, dans un contexte x ou y, le consentement était libre et éclairé. Alors, il s'agit de juges qui ont cette connaissance, qui seront à même, en fonction des critères établis par la jurisprudence, en fonction des critères établis par nos lois, d'échanger avec les parties, d'échanger avec les futurs époux afin de déterminer si leur consentement est vraiment présent, si leur consentement est libre de toute forme de pressions, qu'elles soient culturelles, qu'elles soient familiales, qu'elles soient externes. Et on a jugé opportun de remettre cet exercice-là entre les mains du tribunal, puisqu'il s'agit d'une personne neutre et donc... et puisqu'il s'agit aussi d'une expertise que les juges sont appelés à exercer dans le cadre de dossiers qui leur sont soumis au quotidien. Donc, j'ose espérer que ces précisions-là vous rassurent quant à ceux et celles qui seront appelés à déterminer si un consentement de mineur est véritablement libre et éclairé.

Pour ce qui est des concepts... Je vous ai entendue, et malheureusement on n'a pas de mémoire. Je ne sais pas si c'était possible pour vous de nous le déposer pour les fins... puis pour nos fins de référence ultérieures, le document qui est à la base de votre présentation.

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

Mme Elibyari (Samaa) : Oui, certainement, Mme la ministre, on va le déposer. Je m'excuse, il n'était pas prêt, je venais de le finir hier soir. Mais on va le déposer, certainement.

Mme Vallée : Il n'y a pas de problème. Je vous remercie, c'est gentil.

On a aussi introduit dans le projet de loi de nouvelles dispositions, prévues pour aider, pour éclairer les interventions, notamment les interventions faites par les intervenants du directeur de la protection de la jeunesse. Est-ce que vous avez des commentaires particuliers face à ces nouvelles notions qui sont introduites, à savoir le contrôle excessif qui est exercé à l'égard d'un enfant et la notion de violence basée sur une conception de l'honneur? Est-ce que vous auriez des commentaires à nous formuler à cet égard?

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

Mme Elibyari (Samaa) : On va commencer d'abord pour la première partie de la question, c'est-à-dire un contrôle excessif. Et là, évidemment, ce n'est pas facile parce que c'est relatif, n'est-ce pas, c'est vraiment du cas par cas. On devrait avoir une personne qui soit ouverte et sensible et qui connaisse vraiment tous les éléments qui entrent en jeu. Donc, ça, pour nous, c'est important. Maintenant...

Mme Vallée : Juste avant que vous poursuiviez, quels sont les éléments auxquels vous faites référence? Vous nous indiquez : On souhaite avoir des gens sensibilisés, au fait d'un certain nombre de... d'une certaine réalité. Vous faites référence à quoi?

Mme Elibyari (Samaa) : Je fais référence, par exemple... Dans les mariages forcés, il y a comme des signes précurseurs que la jeune fille n'est pas d'accord, elle se sent mal à l'aise, par exemple, les parents peuvent planifier un voyage pour qu'elle se marie à l'étranger, elle peut ne pas performer à l'école comme elle le faisait d'habitude, elle peut avoir des problèmes psychologiques, et tout ça peut être décelé.

Mais on souhaiterait évidemment, dans cette situation, que ce soit relaté aux conditions qui sévissent dans la famille. Bon, si on va dans la famille, quand il y a des cas de violence, on a vu que c'était plutôt le mari ou le père qui n'arrivait pas à s'adapter dans la société. Une des premières raisons, ce serait, par exemple, qu'il ne trouve pas d'emploi. Parfois, les jeunes peuvent aller se placer chez un dépanneur, ils font plus d'argent que le père ou la mère, et ceci les place, je dirais... crée des tensions dans les familles, donc le père peut devenir — ou la mère — violent envers le jeune ou la jeune fille. Donc, ce sont des éléments qui sont récurrents, c'est-à-dire on voit ça se perpétrer, et il faudrait être sensible à cette situation économique et sociale.

Donc, moi, dans le mémoire, j'ai mentionné... D'après notre étude, ce qui ressort, c'est que le mari ou le père n'arrive pas, disons, à... n'arrive pas à se sentir confortable dans une société d'accueil quant aux relations conjugales, mais ça peut être aussi l'emploi, n'est-ce pas, le manque de travail. Donc, il ne se sent pas valorisé, il ne sent pas qu'il a une place dans la société, il veut exercer une autorité excessive sur ses enfants ou sur les jeunes dans la famille. Donc, ce sont des signes précurseurs qu'il faudrait surveiller.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Donc, il existe parfois un contexte familial, évidemment, comme il existe dans bien des familles, même québécoises, où ce type de friction là ou de tension peut, dans une famille... Vous parlez beaucoup des nouveaux arrivants, des gens qui arrivent au Québec et qui peinent à trouver un emploi rémunérateur, et donc qui pourraient se voir... se sentir humiliés par un enfant qui, sur le marché du travail, gagne plus, ce qui pourrait amener à une escalade des propos et de la violence, et je comprends. C'est des situations qu'on rencontre aussi même chez... pas seulement, je pense, chez les nouveaux arrivants, mais c'est une situation qu'on peut retrouver dans des familles moins nanties, ou lorsqu'un parent perd son emploi et se retrouve, par exemple, prestataire de l'assurance-emploi, ou même lorsqu'il doit avoir recours à l'aide de dernier recours, ce sont des situations parfois tristes qui peuvent se produire. Mais en même temps les intervenants des centres jeunesse ont cette possibilité et ont cette obligation d'intervenir et de dresser un portrait de la situation familiale avant et afin de bien cibler les interventions qui devront être posées dans le dossier. Et je comprends que l'exemple que vous me citez en est un qui probablement a été mis ou porté à votre attention.

Pour ce qui est des violences basées sur une conception de l'honneur, alors, vous, vous expliquez... bon, cette situation-là pourrait être à l'origine d'actes de violence verbale ou physique à l'égard de l'enfant. Est-ce qu'il y a d'autres situations particulières, est-ce qu'il y a d'autres cas auxquels vous pensez et que vous souhaitez échanger, sur lesquels vous souhaitez partager avec nous?

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

Mme Elibyari (Samaa) : Permettez-moi de revenir sur la première question, parce que vous faites allusion à des cas similaires même au sein de la société québécoise. Effectivement, ça peut se produire pour une famille qui a toujours vécu au Québec, mais ce qui complique la situation, c'est que les familles, les nouveaux arrivants, ils arrivent avec un certain bagage, et, parmi les concepts, c'est que le père a une grande autorité sur la famille, donc ça complique un peu la situation. Il y a aussi que peut-être, dans une famille québécoise, la perte d'emploi peut être temporaire, tandis qu'avec notre communauté ça devient comme un problème chronique.

Maintenant, pour les crimes d'honneur, ce qu'on aimerait, au sein du CCFM, c'est que ce soit traité comme un crime, n'importe quel crime, qu'on ne dise pas que c'est un crime d'honneur, parce que c'est une violence envers les femmes, c'est une violence familiale, il n'y a pas de raison pour qu'on attache le mot «honneur». Et effectivement je crois que dans un cas qui a été très médiatisé, c'est le cas de la famille Shafia, on penserait que, s'il n'y aurait pas eu ce relativisme, c'est-à-dire qu'on va laisser faire, c'est dans leur culture, on ne veut pas s'en préoccuper, peut-être on aurait pu éviter une stratégie. Ce qu'on aimerait, c'est qu'on traite toutes les familles également, tout en ayant une certaine sensibilité à la culture, mais on ne veut pas avoir d'exception. Et, encore une fois, je crois que ça, ça a été répété, le crime d'honneur n'a pas de place en islam. C'est une pratique culturelle malheureuse, et on aimerait ne pas la perpétuer ici.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, les dispositions qui sont proposées pour bonifier la Loi sur la protection de la jeunesse font référence à des violences basées sur une conception de l'honneur. Alors, l'objectif derrière tout ça, justement, comme vous le mentionnez si bien, c'est de donner un levier supplémentaire pour intervenir, puisqu'évidemment il n'y a aucune violence qui est acceptable. Et les intervenants des centres jeunesse ont déjà la possibilité d'intervenir si l'enfant fait l'objet de violence physique, de violence sexuelle, si l'enfant fait l'objet de rejet affectif, bref, ces éléments-là sont prévus, mais le Conseil du statut de la femme nous avait mentionné qu'il pouvait être... qu'il serait important de nommer, c'est-à-dire de bien cerner qu'il existe une forme de violence qui est encore plus insidieuse et qui parfois est justifiée pas seulement par une communauté, mais par des communautés, par des groupes sur une conception de l'honneur, sur une conception culturelle. Et l'objectif est justement de donner un levier d'intervention aux intervenants, puisqu'il n'y a pas de violence d'acceptable, point, la violence n'est pas acceptable, et ces éléments-là supplémentaires sont ajoutés au projet de loi parce qu'à force de nommer les concepts on sensibilise des intervenants. Et, dans le cas auquel vous avez fait référence, peut-être que, si on avait eu cette sensibilité-là, on aurait pu intervenir avant les faits tragiques. Et on souhaite que des situations comme ça ne se reproduisent jamais ici.

Alors, l'objectif, c'était vraiment d'ajouter des moyens pour permettre des interventions aux gens de la protection de la jeunesse. On ne parle pas de crime d'honneur, parce que «crime d'honneur» fait référence à des actes violents, des actes physiques violents, mais la violence basée sur l'honneur peut être une violence verbale aussi, peut être une violence... peut être une privation de l'enfant, la violence prend diverses facettes, prend différentes formes, et c'est ce que nous souhaitons pouvoir enrayer, la violence sous toutes ses formes, et donc permettre à un intervenant de pouvoir se saisir d'un dossier, de pouvoir avoir des échanges avec les enfants, de pouvoir... on l'espère, pouvoir avoir des échanges avec les parents pour que le comportement problématique cesse, parce qu'ultimement c'est l'objectif, c'est que la violence cesse. Et je pense que votre organisme aussi a cette préoccupation de travailler pour mettre un frein à la violence sous toutes ses formes.

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

Mme Elibyari (Samaa) : Mme la ministre, nous saluons le projet de loi, on comprend vos préoccupations. Cependant, nous avons peur du mot «honneur» parce que ce qui arrive, c'est que les médias vont toujours coller ça aux musulmans, alors que ça arrive dans plusieurs communautés, mais on aura tendance à dire : Ah! ce sont les musulmans qui ont ce genre de violence dans leurs familles. Ça, c'est une de nos préoccupations.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, moi, je tiens à vous rassurer. Je comprends la préoccupation que vous formulez, mais je tiens à vous rassurer que l'objectif n'est pas de stigmatiser une communauté mais bien... Je le mentionnais un petit peu plus tôt ce matin, une famille catholique qui n'accepterait pas, par exemple, l'homosexualité avouée de son enfant sous la base de l'honneur de la famille serait tout aussi... dans une situation similaire, parce que l'honneur, la conception de l'honneur se voit d'une façon culturelle et, suivant les cultures, elle n'est pas... bon, elle va s'exprimer de façons différentes.

Mais ça ne vise pas qu'une communauté, ça vise toute forme de violence qui pourrait être présente sur cette foi-là. Et c'était vraiment... on s'est inspirés... En fait, je dois vous dire que, lorsqu'en 2013 — parce que je m'intéressais à ce moment-là à la question — lorsqu'en 2013 j'ai lu l'avis du Conseil du statut de la femme, j'avais bien aimé... il y a un passage, et là je ne l'ai pas devant moi, mais il y a un passage où on disait qu'il était important de nommer les choses pour permettre de mieux intervenir, pour permettre de sensibiliser aussi, de sensibiliser les familles à ce qui est acceptable et surtout à ce qui ne l'est pas. Alors, c'était l'objectif. Ce n'était pas... Et loin de moi l'idée et la volonté de stigmatiser des communautés, ce n'est pas du tout l'intention. Puis justement le projet de loi vise à éviter ce type de stigmatisation, notamment par les dispositions visant à contrer le discours haineux.

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

• (15 h 40) •

Mme Elibyari (Samaa) : Je comprends, Mme la ministre, mais il y a le gouvernement, les lois et les médias. Pour changer des attitudes, pour changer des valeurs, on ne peut pas aller seulement par la loi, ça prend toute une éducation, ça prend... c'est un processus, c'est un long processus. Donc, on ne peut pas forcer la main aux parents. Ce qu'on peut faire, comme vous le dites, c'est protéger les mineurs, protéger les enfants, s'assurer qu'ils ne vont pas subir des conséquences néfastes.

Maintenant, vous pouvez bien faire une loi, mais nous regardons aussi comment cette loi va être véhiculée, comment elle va être interprétée, ce sera quoi, les réflexions et les conséquences de cette loi sur notre communauté, et malheureusement c'est là où le bât blesse. C'est que nous ne souffrons pas vraiment de crimes haineux, peut-être pour un crime haineux, mais il y a une forme plus insidieuse de discrimination, et ça se traduit sur le terrain par un déni d'emploi. Et c'est ça concrètement que nous voulons, justement, éviter. Si un homme ou une femme doivent changer de nom pour se présenter, avoir la possibilité d'avoir leurs C.V. lus, c'est quand même préoccupant. Et ça, c'est des cas qui ont été documentés, c'est des cas qui ont été soumis à la Commission des droits de la personne.

Donc, on est arrivés au point où on ne voudrait pas avoir une identité musulmane, qu'on soit pratiquant ou pas pratiquant. Simplement pour avoir un nom qui semble musulman ou arabe, on va être éliminé du processus de sélection pour un emploi. Et c'est ça, c'est la dénigration tout le temps, c'est de la mauvaise représentation : Les femmes musulmanes sont soumises, elles sont ceci, elles sont cela. C'est ça, vraiment, nos premières préoccupations.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre, il reste 40 secondes.

Mme Vallée : Simplement, je veux vous remercier d'avoir partagé avec nous vos préoccupations sur le projet de loi. Je sais que votre organisme est très actif, vous avez eu plusieurs publications à votre actif également sur la situation que vivent les femmes de votre communauté tout particulièrement, d'ailleurs j'en ai pris connaissance. Alors, simplement vous remercier pour votre participation à nos travaux.

Mme Elibyari (Samaa) : Merci, madame.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 15 minutes.

Mme Maltais : Merci. Merci beaucoup, madame, d'être là pour l'association des femmes musulmanes canadiennes. Merci.

Très intéressant, votre mémoire, votre réflexion. J'avoue que j'écoutais attentivement l'échange avec la ministre concernant cette idée des crimes dits d'honneur. Moi, j'ai toujours dit d'abord «crimes dits d'honneur», ce qui était... il y avait une nuance là-dedans que ce sont des crimes d'abord, mais certains les disent... les font au nom de l'honneur, d'où d'ailleurs dans la loi il y a une façon de le dire qui est différente aussi. Ça, je retiens que c'est intéressant. Ce n'est pas... on ne dit pas «crime d'honneur», pour l'ordonnance de protection, on dit : «...peut être obtenue, notamment dans un contexte de violences, par exemple de violences basées sur une conception de l'honneur», donc une certaine conception de l'honneur, parce que l'honneur, c'est quelque chose de noble, mais une conception de l'honneur qui est différente.

Donc, j'avoue que, moi-même qui hésitais, je suis en train de me dire que peut-être qu'il faut nommer les choses pour véritablement faire avancer la cause. Il y a certaines causes... Comme la violence faite aux femmes, c'est de la violence, mais on a décidé un jour de parler de la violence faite aux femmes parce que c'était un problème criant qui méritait une attention particulière et des campagnes particulières, et tout ça.

Vous ne pensez pas qu'il se pourrait qu'on soit dans la même chose, c'est-à-dire en train de nommer un problème qui commence à émerger et qui mérite une attention particulière? Vous pensez que ça pourrait nuire? C'est ça que je veux essayer de comprendre. Je décelais dans vos propos, alors que moi, je cheminais dans une autre direction, que ça pourrait peut-être nuire même à l'objectif qu'on veut atteindre.

Mme Elibyari (Samaa) : Bien, Mme la députée, vous me posez une question difficile.

Alors, pour les crimes d'honneur, pourquoi on dit «crime d'honneur» ou bien pourquoi ils sont nommés comme tels? C'est sûr que ce sont des crimes mais avec la différence que la famille peut ou participer ou bien être un peu d'accord. C'est-à-dire, dans le cas d'Aqsa Parvez, en Ontario, c'est le père qui a décidé qu'il allait tuer sa fille, mais c'est encore son frère qui a participé au crime; la même chose pour la famille Shafia. Donc, quand on parle de crime d'honneur, c'est un peu la perception dans toute la famille que, oui, c'est ça qu'on doit faire, alors que, dans un crime... un crime tout court, c'est une personne qui agit.

La deuxième différence, c'est que, dans un crime d'honneur, les personnes qui sont impliquées n'ont pas de remords parce qu'ils pensent qu'ils ont fait ça pour le bienfait de la famille. Par contre, les agresseurs, dans d'autres crimes, ils peuvent avoir parfois du remords. Donc, il y a certainement une différence.

Maintenant, ce que j'essaie de dire, pourquoi on veut toujours éviter le mot «crime d'honneur», c'est qu'on ne veut pas être soumis à une catégorie, c'est-à-dire : C'est ça, ce qui arrive dans la communauté musulmane, bon, c'est usuel, c'est culturel, on va les excuser. C'est ce que nous voulons éviter.

Donc, où on s'en va? Est-ce qu'on dit : C'est un crime d'honneur, c'est un... Ça, évidemment, j'ai bien apprécié la différence, c'est une conception d'honneur, c'est très juste, parce que c'est culturel, on a l'idée qu'on fait ça pour sauver l'honneur de la famille, donc ça excuse un peu, dans un sens, le crime, alors que nous, dans la communauté musulmane, on voudrait que ce soit vraiment considéré comme un crime et qu'il n'y ait pas d'excuse, que ce ne soit pas relatif, c'est-à-dire, parce que chez les musulmans on doit l'excuser, on doit l'accepter, parce que nous, on ne l'accepte pas. Maintenant, est-ce que c'est un crime d'honneur? Oui, c'est basé sur une certaine conception.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Je vais continuer parce que c'est important, cette réflexion-là. C'est rare qu'on ait la chance de discuter avec une association comme la vôtre, que je trouve extrêmement progressiste, ceci dit, qui cherche vraiment aussi un maximum d'intégration et de socialisation.

Donc, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que, quand on catégorise et qu'on dit : Ça, c'est non pas un crime... Comme quand on dit : L'alcool au volant, c'est criminel, c'est pour tagger le mot «criminel» sur les alcooliques au volant, puis ça, c'est gênant, être un criminel. Mais vous dites : Pour une certaine partie de la communauté musulmane qui croit que l'honneur est si important qu'il mérite un crime, se faire dire d'être criminel serait plus dommageable que criminel d'honneur, parce que «d'honneur», ça excuse le crime. C'est comme si on arrivait avec l'excuse du crime en même temps que le mot «crime».

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

Mme Elibyari (Samaa) : Certainement, Mme la députée, vous avez vu juste. On ne voudrait pas qu'il y ait dans l'esprit de qui que ce soit, dans notre communauté, que ce soit quelque chose qu'on puisse excuser.

Mme Maltais : Donc, gardons le mot «crime». C'est ce que vous nous suggérez?

Mme Elibyari (Samaa) : Alors, on va garder le mot «crime», et surtout la façon dont ça va être traité juridiquement.

Mme Maltais : D'accord, je vous remercie. Comme je vous dis, je m'en allais dans une direction, puis là vous me faites : Attention! Il y a des impacts différents de ce qu'on pensait.

Vous avez dit quelque chose tout à l'heure, que par rapport aux tribunaux vous étiez inquiète de la formation, des critères des gens qui pourraient juger des mariages, entre autres concernant les mariages avec des mineurs. Est-ce que c'est parce que vous craignez qu'il y ait trop d'approbations de mariage avec les mineurs ou qu'il n'y en ait pas assez? Je veux comprendre le sens de votre intervention.

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

Mme Elibyari (Samaa) : Ça peut aller dans un sens comme dans l'autre. Encore une fois, ça peut être... on peut accepter un mariage de mineurs en disant : Bon, dans leur culture ça arrive, alors qu'on ne veut pas avoir d'exception. Dans un autre cas, on peut dire : Non, ils ne peuvent pas vraiment se marier, alors qu'il y a des... disons que ça peut sauver la situation.

Il y a aussi les délais. Quand on va à travers un tribunal, ça peut être des délais de quelques mois, sinon des années, et, dans un cas peut-être de mariage avec un mineur, ça peut être un cas où le temps serait critique, je ne veux pas attendre neuf mois que la jeune fille soit vraiment... va accoucher puis qu'on se dise : Ah! bon, bien elle aurait dû être mariée avant, etc. Donc, il y a certaines conditions qui nous préoccupent quant aux délais de réponse.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Dans ce cas-là, est-ce que le concept de laïcité, ce qui est inscrit comme : L'État est laïque, la neutralité religieuse prime, est-ce que ça ne pourrait pas nous aider à donner un sens, donner un... à ce qui se passe dans nos tribunaux? Parce qu'un État laïque ne juge pas en conformité avec une religion ou n'excuse pas un geste à cause d'une religion, un État laïque juge d'après les faits.

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

• (15 h 50) •

Mme Elibyari (Samaa) : Je ne vois pas... Vous faites référence...

Mme Maltais : ...laïcité? J'ai cru comprendre...

Mme Elibyari (Samaa) : Ah oui! C'était dans le texte de Mme Denise Helly.

Une voix : ...

Mme Elibyari (Samaa) : Non, c'était...

Mme Maltais : ...ce bout-là.

Mme Elibyari (Samaa) : Bon, ce qu'elle dit simplement, c'est qu'on ne peut pas se baser sur un concept de laïcité pour contrer la radicalisation de ces jeunes, et je pense comme elle, si vous me permettez, qu'on ne peut pas occulter certains facteurs, qu'on ne peut pas contrôler comme ce qui se passe sur le terrain au point de vue international, la politique canadienne dans les pays musulmans. Tout ça peut avoir des répercussions, effectivement ça a des répercussions, mais qu'on arrive difficilement à contrôler.

Il y a aussi le rôle des médias. C'était dans La Gazette il y a deux semaines, on avait publié un article d'une jeune femme qui venait de la Colombie-Britannique, qui s'est jointe à certaines troupes pour combattre DAESH, et puis on louait beaucoup cette initiative. Donc, si quelqu'un va pour appuyer le camp que nous appuyons, ça va bien; si c'est dans l'autre camp, ça va mal. Donc, il y a comme un... on ne sait pas ce qui se passe sur le terrain, on a seulement connaissance d'une certaine partie biaisée de l'information, et ce n'est pas en allant sur cette piste qu'on pourra contrer la radicalisation.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. Vous nous avez parlé du mariage, des différences culturelles, de l'importance de bien faire comprendre aux communautés musulmanes qu'il y a un vivre-ensemble, qu'il y a des lois ici qui empêchent, par exemple, les crimes dits d'honneur — je ne sais plus comment les appeler. Vous n'avez pas parlé de la partie de la loi qui concerne le contrôle excessif, le contrôle excessif des enfants, ce qui touche particulièrement des jeunes filles. Quand on parle de ça, on pense toujours, évidemment, à l'affaire Shafia, ces jeunes femmes qui ont été tuées par... malheureusement — c'est incroyable! — par leur père. Est-ce que vous avez quelque chose à dire sur cette partie de la loi, le contrôle excessif? Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait qu'on introduise cette idée qu'on devrait intervenir au Tribunal de la jeunesse quand il y a un contrôle excessif des parents?

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

Mme Elibyari (Samaa) : Un contrôle excessif, on peut introduire à la loi... Maintenant, ici, le facteur, c'est : Comment va-t-on appliquer cette loi? Parce que parfois, en pensant agir pour le bien-être de la jeune fille, qui soit jeune, etc., on va la placer dans un autre milieu, elle ne va pas se trouver mieux, et on a vu des cas où... des jeunes qui ont été justement soustraits de leurs familles, placés dans un centre d'accueil ou avec d'autres familles et qui finalement se sont trouvés dans une autre culture, n'ont pas pu s'adapter et ont voulu se suicider, c'est un cas particulier qui a été porté à mon attention. Donc, il ne faut pas... C'est difficile, c'est difficile.

Il faut aussi savoir c'est combien de cas. On connaît les cas extrêmes, la famille Shafia et la famille Parvez en Ontario. Combien y en a-t-il, de ces cas? Un cas est un cas de trop, effectivement, mais il faut aussi voir les choses dans leur contexte et ne pas dramatiser à l'extrême.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Un des questionnements que j'ai concernant cette loi, c'est, d'un côté, cette envie d'agir quant à des phénomènes de contrôle excessif, et en même temps, bien, ce qu'on... tout le monde veut ça, je pense que tout le monde veut empêcher, là, qu'un contrôle devienne tellement excessif qu'il y ait un conflit qui aille jusqu'à crime, mais il y a aussi qu'il existe déjà la possibilité d'intervenir à la direction de la protection de la jeunesse, c'est simplement qu'ils se sentaient freinés parfois en disant : On ne veut pas briser les cultures ou briser... ou on tient compte de la culture, alors que peut-être que l'hésitation, c'est : Est-ce qu'on inscrit ça dans une loi, est-ce qu'on l'ajoute dans la loi ou si simplement il ne suffirait pas d'une bonne note et une bonne formation des intervenants en protection de la jeunesse pour qu'ils interviennent plus rapidement quand il y a un contrôle excessif? Je vous dirais que c'est un peu le niveau de débat où on en est rendus, à mon sens.

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

Mme Elibyari (Samaa) : C'est toujours difficile de trancher, qu'est-ce qu'on fait, mais je dirais que j'irais plus dans le sens de former plus les intervenants, c'est-à-dire de leur donner plus de possibilités, plus de moyens pour agir, pour intervenir dans les familles avant d'arriver à la loi, qui peut être une solution coûteuse. Et on n'arrive à la loi que dans des cas extrêmes, alors que, si on a des intervenants qui réalisent qu'il y a des problèmes qui commencent à surgir, ils peuvent les suivre de près et à une étape moins avancée.

Mme Maltais : Merci beaucoup pour cette intervention éclairée.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Merci, madame. J'ai pris des notes pendant que vous parliez, alors je vais lire mes notes. Et j'ai remarqué que vous faisiez une différence avec mariage forcé, mariage arrangé. Pouvez-vous expliquer un petit peu davantage les différences pour nous faire comprendre?

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

Mme Elibyari (Samaa) : Le mariage arrangé, c'est quand les deux... la famille va proposer un époux ou une épouse, donc, et puis les époux, les futurs époux peuvent se rencontrer et, finalement, accepter ou rejeter.

Dans les mariages forcés, les futurs époux n'ont pas la possibilité de rejeter l'autorité des parents, c'est-à-dire que c'est les parents qui vont choisir le partenaire, le ou la partenaire, et puis ça doit se passer comme ça, ils n'ont pas la possibilité de le rejeter. Dans la plupart des cas, c'est des jeunes filles qui doivent accepter un mari, donc... Et ces mariages-là peuvent se passer ici, au Canada, ou bien durant un voyage, par exemple on amène la jeune fille, elle peut avoir 16 ans, elle peut avoir 18 ans, et par toutes sortes de pressions la convaincre ou bien forcer... tordre sa main pour qu'elle signe et qu'elle se marie. Donc, ça, c'est un mariage forcé.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Alors, revenons au mariage forcé. C'est intéressant, ce que vous venez de nous dire. Dans votre mémoire... Vous nous avez dit, lorsque vous parliez, que vous étiez plutôt favorable aux mesures qui avaient été mises en place pour contrer les mariages forcés entre les époux mineurs. Là, vous nous dites : Une jeune fille de 16 ans ou de 18 ans qu'on amène à l'étranger... Au Canada, 18 ans, on est majeur. Alors, des mariages forcés qui seraient pratiqués ici ou ailleurs, où qu'on irait et on reviendrait, si la personne est majeure, pensez-vous que ce projet de loi là s'y attaque aussi ou devrait s'y attaquer?

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

Mme Elibyari (Samaa) : Devrait s'y attaquer. Et c'est pour ça que j'ai utilisé les mots «élargir la réflexion», parce que c'est très bien de protéger des mineurs, mais il y a des jeunes femmes qui ne sont pas mineures et qui sont soumises à ces pressions-là. Et justement l'étude montre que le groupe de 15 à 24 ans, c'est le plus grand groupe qui est exposé au mariage forcé.

Mme Roy (Montarville) : Et j'avais bien pris en note les 15 à 24 ans quand vous l'avez dit. Donc, l'idée que ces mariages forcés peuvent être également avec des femmes majeures, au Canada, pour nous, c'est quelque chose dont il faudrait prendre en considération si on leur a forcé la main.

Cela dit, vous êtes spécialistes de la question, le Conseil canadien des femmes musulmanes. On parle de choses qui, pour nous, sont... qui sont étrangères à notre culture — je vais parler pour moi, là, née au Québec — mais vous, vous étudiez, vous vous êtes penchées sur la question, vous existez depuis longtemps. Est-ce que, des mariages forcés, il y en a actuellement au Canada, au Québec, avez-vous une idée de grandeur... ou est-ce qu'on s'en va surtout les faire à l'extérieur pour pouvoir faire ce qui est interdit ici, le faire là-bas? Expliquez-moi, là. Dans quelle mesure c'est un phénomène qui existe? Et de quelle ampleur est-il?

Le Président (M. Hardy) : Mme Elibyari.

• (16 heures) •

Mme Elibyari (Samaa) : On n'a pas de statistiques pour le Québec. Par contre, il y a des études qui ont été faites en Ontario et où le problème semble être plus important, étant donné que la communauté sud-asiatique, où la plupart de ces mariages ont lieu, est plus importante que celle du Québec. Cela ne veut pas dire que ça n'arrive pas dans d'autres communautés, comme la communauté sikhe, la communauté musulmane. Ça peut aussi arriver à différents degrés, c'est-à-dire si c'est un mariage forcé puis ça va bien, c'est un mariage heureux, il n'y a pas d'intervention. Mais ce qu'on voit, c'est que, quand c'est un mariage forcé et que ce n'est pas vraiment ce que la jeune fille a voulu... Et c'est là où la personne n'a pas libre choix, où on aimerait qu'il y ait une protection pour elle. Donc, puisqu'on parle de protection de la personne, si cette loi aussi inclut qu'un mariage forcé soit, je ne sais pas... que la jeune femme puisse avoir recours, un recours juridique, ou puisse être aidée, ce serait aussi apprécié.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Je vous remercie beaucoup pour ces précisions, vous nous avez éclairés, ne serait-ce que le fait de ne pas oublier les femmes majeures qui pourraient, malgré elles, être contraintes de se marier. Merci infiniment pour les précisions.

Le Président (M. Hardy) : Merci, madame, de votre contribution.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants, et j'inviterais le Conseil musulman de Montréal à prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Hardy) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Conseil musulman de Montréal. Je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Conseil musulman de Montréal (CMM)

M. Elmenyawi (Salam) : Mr. Chairman, Members of the Commission and Madam Minister, I would like to thank you all first on behalf of myself and the Muslim Council of Montréal for giving us the chance to talk with you and to reflect on this new proposed law. It is really very important, and we do respect very much this opportunity to be able to exchange some of our ideas. I thank you and I pass the floor to my colleague, Bouazza Mache, who will be reading a very short brief in French. My name is Salam Elmenyawi, and I am the president of the Muslim Council of Montréal.

M. Mache (Bouazza) : Tout d'abord, le Conseil musulman de Montréal tient à remercier les membres de la commission pour l'invitation à s'exprimer sur ce projet de loi.

M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, le Conseil musulman de Montréal est un organisme dont la mission principale est de coordonner, d'intégrer et de défendre les droits de l'homme et des libertés civiles. Il oeuvre dans l'organisation et le renforcement de la communauté musulmane au Québec afin qu'elle puisse contribuer positivement à bâtir une société saine et forte. Le Conseil musulman de Montréal encadre des dizaines de mosquées et d'organisations musulmanes, principalement à Montréal.

Face à l'importance du sujet ou des sujets dont il question dans ce projet de loi, et vu les délais accordés, nous ne serons pas en mesure d'analyser en profondeur et de faire une lecture détaillée des différentes parties du projet. Nous tenterons au maximum de toucher les éléments les plus importants et de vous faire part de nos préoccupations et de nos commentaires.

La loi sur le discours haineux existe déjà au niveau du Code criminel canadien. Ce qui fait défaut, c'est la rigueur de son interprétation et son application au Québec. Les récentes agressions contre des membres de la communauté musulmane, en particulier les femmes, ont montré un manque flagrant au niveau de la compréhension et de l'application des textes de loi existants. Aussi, noyer un tel projet dans un plan global de la lutte contre la radicalisation, tel que l'a précisé Mme la ministre à plusieurs occasions, ne fait qu'augmenter nos inquiétudes.

Un certain nombre d'intervenants ont exprimé leurs craintes pour la liberté d'expression et les autres libertés fondamentales à la suite de l'adoption éventuelle du projet de loi n° 59. Ce que le Conseil musulman de Montréal peut ajouter est la position d'une minorité musulmane qui a été sous les projecteurs au cours des dernières années, pour le meilleur ou pour le pire. Cela ne relève pas d'une situation unique ou exclusive. Durant la période 1900 à 1960, la minorité juive était dans la même position, au moins dans l'Ouest du Canada. Les minorités orientales n'ont pas échappé non plus à cette discrimination. Cette minorité se trouve entre deux enjeux, en apparence contradictoires. D'une part, elle aimerait protéger les droits et libertés, en particulier la liberté d'expression, qui constitue un principe majeur pour la sauvegarde de la démocratie. D'autre part, elle veut être protégée contre les discours haineux, l'alarmisme injustifié et l'islamophobie.

Des outils existent déjà dans le code pénal pour lutter contre les discours haineux. Néanmoins, ces outils nécessitent d'être appliqués rigoureusement, affinés suite à l'évolution de l'environnement pour répondre aux nouveaux défis et appliqués avec vigilance. En attendant que de tels changements soient opérés au niveau du Code criminel, l'équilibre serait d'accepter la loi n° 59 en y apportant des changements pour garantir la justice, prévenir l'application arbitraire de la loi et inclure des contrepoids afin d'en limiter les aspects négatifs sans nuire à la liberté d'expression

Par rapport à nos recommandations et propositions, la haine, telle que définie dans la législation existante, c'est-à-dire le Code criminel et la jurisprudence, se réfère uniquement aux points de vue les plus extrêmes et les plus hostiles. Il est l'essence du Code criminel que seules les positions les plus effrontées et haineuses peuvent être potentiellement passibles. Un accusé, en vertu de cette loi, a droit à la présomption d'innocence et à tous les droits procéduraux garantis aux accusés en droit pénal. Nous souhaitons porter à votre attention plusieurs suggestions de certaines personnes qui nous ont précédés afin que notre contribution puisse permettre d'atteindre l'équilibre recherché par toutes les parties prenantes.

• (16 h 10) •

Premièrement, le mot «haine» doit être bien défini tout en respectant les groupes minoritaires protégés en vertu de la charte. Nous devrions également inclure la prévention de la dérision et le dénigrement de toute religion et de toutes ses personnalités afin d'assurer l'harmonie et le respect mutuel. La violence associée aux discours haineux doit être clairement définie aussi.

La deuxième phrase dans l'article 2 est illimitée dans son champ d'application.

Le danger «moral» pour les enfants est un autre exemple de l'imprécision de certains éléments de la loi.

L'encouragement de la dénonciation, la création de dossiers publics sur Internet, les sanctions draconiennes, la disqualification ou la suspension de l'enseignement, le tout sur la base des auditions administratives et sans une définition de «préjudice physique ou moral», signifie que les musulmans du Québec ou au moins une bonne partie parmi eux ne peuvent pas être à l'aise avec une telle loi sans changement majeur pour garantir un processus juste. Une minorité éventuellement stigmatisée et dénigrée peut facilement faire face à un déluge de dénonciations privées de ceux qui ne l'aiment pas ou qui la détestent. Un autre point que vous n'avez pas dans le brief, que nous avons ajouté dans la version originale : Il n'y a aucune mesure de prévue pour sanctionner les dénonciations mensongères ou de vengeance.

L'inclusion de toutes les personnes sur la liste de la commission et le potentiel pour enlever un permis d'enseignement sont particulièrement troublants. Au total, les dispositions en lien avec l'éducation, dans ce projet de loi, sont extrêmement dangereuses. Par exemple, la notion de contrôle excessif comme de mauvais traitement psychologique est très troublante et pourrait affecter tout type d'école avec un système d'éducation qui pourrait être strict ou rigoureux.

Nous devons considérer fortement la manière de travailler de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse quant à ses responsabilités dans l'application de ce projet de loi proposé. À titre d'exemple, alors que la loi prévoit que les dossiers liés à la discrimination doivent être achevés dans les 18 mois, nous avons constaté des retards allant de trois à quatre ans dans certains cas. Le budget et les ressources doivent être fournis à la commission pour qu'elle soit en mesure de remplir toutes ses obligations. En outre, la commission et ses structures doivent refléter la diversité du Québec en termes de représentativité des groupes minoritaires. Malheureusement, ce n'est pas le cas actuellement.

Aussi, les premiers intervenants au sein de nos forces de police doivent être... ou bien les premiers répondants au sein de nos forces de police doivent être formés à la reconnaissance des crimes haineux en vertu du code pénal afin de mieux appliquer la loi rapidement, d'une manière juste.

Nous appelons également la ministre de la Justice à demander au gouvernement fédéral d'effectuer des changements au niveau du code pénal en lien avec les crimes haineux pour être en phase avec les défis modernes.

Les victimes des discours et des crimes haineux constituent l'élément oublié dans tout cet arsenal juridique. Dans cette lutte contre la haine, le gouvernement devrait établir des programmes visant à offrir un soutien financier et juridique aux victimes, dont les conséquences affecteraient aussi les communautés protégées par la charte.

Et finalement les statistiques sur les crimes motivés par la haine, les discours haineux et les incidents motivés par la haine doivent être documentées et publiées de temps à autre pour sensibiliser le public par rapport à ce problème.

Je vous remercie pour votre attention, sachant que nous sommes ouverts aux débats et aux échanges.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, à vous la parole pour une période de 25 minutes.

Mme Vallée : Merci. Alors, messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je sais que vous aviez formulé une demande, vous aviez sollicité la Commission des institutions afin d'être entendus, alors évidemment, comme bien des groupes qui ont sollicité, nous avons tenté de pouvoir accommoder chacune de ces demandes-là et permettre à l'ensemble des citoyens qui ont des commentaires à formuler de pouvoir être entendus parce que c'est ça, la démocratie. Même si parfois on ne partage toujours les mêmes points de vue, c'est quand même important de pouvoir échanger.

Et puis c'est un petit peu ça aussi, puis je pense que ça met bien la table pour la question du discours haineux, parce que le discours haineux — puis c'est important qu'on puisse échanger — le discours haineux, ce n'est pas nécessairement le discours qui ridiculise, ridiculiser, bon, ce n'est pas agréable, ce n'est pas... mais c'est le discours qui amène un tiers à vivre une haine profonde à l'égard de la personne ou du groupe qui est visé par le discours. Alors, c'est une définition... La définition, en fait, de «propos haineux» a été définie au fil des années par les enseignements de la Cour suprême. On a beaucoup fait état, depuis le début de la semaine, de l'affaire Whatcott parce que, dans l'affaire Whatcott, une affaire de 2013, on a vraiment fait la part des choses entre le propos blessant, c'est-à-dire que le propos qui va exprimer une dissidence, qui va exprimer une idée peut-être... ou même qui va peut-être être une satire, pas toujours agréable, mais qui est nécessaire dans une société libre et démocratique, et le discours haineux qui, là, tombe dans une autre catégorie et n'est plus acceptable aux yeux de la Cour suprême, dans une société libre et démocratique, parce qu'il incite à la haine de l'autre.

Et le choix que nous avons fait, c'est de laisser cette appréciation-là, dans un premier temps, à la commission des droits de la personne et de la jeunesse, qui est un organisme indépendant et qui est un organisme capable de faire la part des choses entre la liberté, la place de la liberté d'expression dans la sphère publique et la protection de gens et capable aussi de déterminer là où on arrive à cette scissure, là où on arrive à cette étape où le discours est haineux. Et donc c'est pour ça qu'on a choisi de remettre ça entre les mains de la commission, qui est un petit peu le chien de garde des droits et libertés au Québec.

Vous avez mentionné qu'il pouvait être... que le projet de loi manquait peut-être de mordant quant à la sanction des dénonciateurs qui auraient amené à la commission un dossier non fondé. En effet, il n'y a pas de sanction. Il n'y a pas de sanction pourquoi? Parce qu'un dossier qui est non fondé sera simplement rejeté par la commission, et ne sera pas porté devant le tribunal, et ne portera pas à conséquence. Alors, il n'y a pas lieu de sanctionner celui ou celle qui amène un dossier à la commission, ça fait partie de la possibilité, pour les citoyens, de soumettre à l'appréciation de la commission, mais la commission aura cette objectivité-là de déterminer : On n'est pas devant un cas où il s'agit d'un discours haineux, et donc je rejette la plainte. Donc, celui ou celle qui formule une plainte non fondée, bien, tout simplement n'aura pas... En fait, je me reprends. La plainte, celui envers qui la plainte a été logée, bien, n'aura pas à vivre les conséquences, puisque la plainte a été rejetée. Alors, c'est pour ça que la Commission des droits a un pouvoir d'enquête, pour être capable de faire la part des choses. Et, dans les cas où il y aurait apparence de discours haineux, bien, à ce moment-là, le tribunal sera saisi et le tribunal aura la possibilité d'entendre les parties.

Donc, je comprends que vous contestez un petit peu, dans votre mémoire, la façon de travailler de la commission des droits de la personne et de la jeunesse. On a entendu ici des gens, d'autres intervenants qui ont contesté des... Et c'est drôle parce qu'on a les deux parties, les deux côtés de la médaille. Alors, on a des gens ayant des opinions bien, bien, bien différentes, des gens qui ont des opinions bien différentes qui ont aussi exprimé certaines réserves, je comprends, mais il y a... la Commission des droits de la personne, je pense, a cette expertise acquise au fil des 40 dernières années et est une institution québécoise qui a fait ses preuves.

Est-ce qu'on est toujours d'accord? Peut-être, je vous dirai... Bien, on ne peut pas toujours être d'accord. La commission a ce difficile mandat de déterminer si les droits, ou non, ont été brimés.

L'autre élément : Oui, effectivement, le projet de loi a été déposé dans un vaste plan d'action. Je lisais vos recommandations et je n'ai pas pu faire autrement que de sourire en me disant : Bien, les recommandations ressemblent aussi à une forme de plan d'action, parce que vous apportez différentes recommandations, certaines qui relèvent du législatif, certaines qui relèvent de la formation, de l'éducation. Et donc, bien, vous voyez, c'est un petit peu ça. C'est que, pour nous, face à un enjeu, face à un défi que la société québécoise rencontre, bien il y avait différentes mesures à prendre, non seulement des mesures législatives, mais aussi des mesures d'éducation, des mesures de sensibilisation, et c'est pour ça qu'on a choisi de le mettre dans un grand plan d'action. Et ce projet de loi là est un des éléments du plan d'action, donc... Mais je voulais juste... J'ai souri parce que j'écoutais vos recommandations puis je me suis dit : Bien, ça aussi, d'une certaine façon, ça pourrait être considéré comme un plan d'action, si on devait le mettre en application.

J'aimerais vous entendre un petit peu plus sur la question... Vous avez, à la page 4 de votre mémoire, mentionné que «les musulmans du Québec [...] ne peuvent pas être à l'aise avec une telle loi sans changements majeurs pour garantir un processus juste», et vous faites référence notamment aux mesures qui relèvent de la Loi sur l'instruction publique, vous faites référence aux termes «préjudice physique ou moral». On a eu des membres de la communauté musulmane qui n'ont pas soulevé cette préoccupation-là, qui ont soulevé d'autres enjeux mais pas celui-là, et donc qui n'étaient pas en désaccord avec les principes, alors je voudrais vous entendre davantage sur ce qui vous préoccupe dans les dispositions en question.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi.

M. Elmenyawi (Salam) : Yes. Thank you, Madam Minister. I would like, first, to quickly just comment. And I thank you for accepting for us to be here and to talk. And again, yes, we disagree on some issues, but the idea of disagreement is the nature of human being, it doesn't matter what; even in the same family. I think more we talk together, we will find that we agree a lot on many issues and we have lots of common ground than what we really think, and it is... To bring a broader consensus on the table is always the good way.

The objective of this bill is the best interest of Québec society, it's to make sure that we live here with a peaceful coexistence, and respect one another, and make sure to advance this harmony. And I think this is the reason why we're here. Because, when we see that part of the issues that we are trying to address, radicalization and other issues, without getting down to the grassroots level and make sure that they will not feel insignificant, to be able to be productive, to be able to share in society, to be able to contribute... Not the fact that, when we look around us in the streets of Montréal or Québec, we'll find that the most educated taxi drivers in the world are in Montréal, driving in Montréal, people with PhDs, people with doctorates and people who... bachelors. And those resources... I respect every taxi driver, absolutely, this is a good job, and it is something that we all encourage. But, when we have such resources, and not being able to use it because of discrimination, because of lack of understanding from another, lack of getting close to neighbors... And then, when we say that you must respect your neighbor, you must do unto others what you'd like them to do unto you, but then come up and mocking the religion of your neighbor, and make cartoons, and make all kinds of things and exhibits, that this is part of freedom of expression, I think those are red lines, that they are a no-go. And this is why we talk about this mutual aspect, this kind of ways that we have to exchange with one another.

I want to say, the idea of whistleblowers, we, at the Muslim community, have suffered from people reporting on each other. A wife that doesn't want the husband... a neighbor that doesn't like his neighbor would call in, after September 11th, and reporting him as terrorist or as extremist. And then they get investigated, their lives turned upside down. And then, at the end, they let go and they realize something wrong has happened. This kind of issues... And you've just mentioned that we don't need consequences to the reporter, even if it was a false report. That, I think, is not proper. I think there should be consequences for false report, for frivolous claims. There should be some kind of consequences just to try to keep that balance, that nobody would abuse the justice system for their own interests, because the onus is on the accused person to hire a lawyer, and to spend money, and to stop all this action. And probably he's going to get searched, and he's going to get some issues seized, and his life will be devastated. I think we should not take this lightly, because this can happen before a decision would take place. So, simply dismissed is not really what we say.

Yes, it is our views that the Muslim community would probably suffer quite a bit for this bill, even though I thought there is lots of very good things, as we mentioned earlier. We would rather err on the side of freedom of expression than erring on the side of curbing everybody out and then finding out that democracy has been defeated by not being able to talk. It is important for people to express themselves, and be criticized, and to know how they think.

Some innuendo was made about the Muslim Council of Montréal, about myself, two days ago, that we agreed for Salman Rushdie to be killed and that we do all kinds of negative things. I want to say, this is an utter... false, and we have never made such a claim. And we know that unfortunately islamophobia is an industry, industry that has shareholders, that has financiers, people who finance it, that has a clientele, that has users, and one of the biggest shareholders was the one that made such a statement. And it is very serious for us when we see that those ideas are not challenged. I appreciated that there was given a permission to come and speak in the Parliament so that we know how they think and what they do. And the reason for this is it's a fight, it's a war against Muslim leaders, to try to marginalize them, to try to isolate them, to try to disenfranchise the community, and I think we have to be quite serious about this.

What is mentioned in page 4, it is, I think... We don't go bullying in the Muslim community, but I think we have experience. I've been in Québec for over 44 years, I've been working hard in the Muslim community, and we can measure the pulse beat of our community. I think the community, if they know and explain the law and the consequences of all the written information... I don't think they would agree if it goes with this form. I expect that there will be changes, but due process is very important and being in such a judgement is very important, having a list on the Internet is very serious. This is...

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi, il faudrait donner la chance à Mme la ministre de vous poser quelques questions. Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, je veux que vous compreniez que... Dans un premier temps, vous dites... vous revenez avec la question des coûts monétaires qu'une personne pourrait avoir à débourser suite à une plainte logée à la commission des droits de la personne et de la jeunesse, mais, si la... Comprenez bien le processus. C'est que, si la plainte formulée à la commission des droits de la personne et de la jeunesse ou le dossier soumis à la commission des droits de la personne et de la jeunesse ne constitue pas à sa face même et sur la foi de la jurisprudence un discours haineux, bien elle ne sera tout simplement pas retenue, et donc la personne qui a prononcé le discours ou qui a formulé la remarque n'aura pas à engager des frais pour se défendre, puisque la plainte ne sera tout simplement pas retenue, comme actuellement c'est le cas. Si une plainte n'est pas retenue par la commission des droits de la personne et de la jeunesse, elle n'est pas soumise au tribunal pour adjudication, et donc les contrevenants ou ceux et celles contre qui la plainte a été formulée n'ont pas à engager des frais.

L'autre truc que je tiens à préciser : Ce projet de loi là vise justement à s'attaquer aux propos haineux envers des groupes, pas seulement envers une communauté, pas seulement envers une religion mais aussi envers des groupes, donc, que ce soient des groupes ou des communautés religieuses, que ce soit en raison de l'appartenance à une communauté ethnique, que ce soit en raison de l'appartenance à la communauté LGBT, que ce soit en raison du sexe, c'est-à-dire des propos haineux envers les femmes ne sont pas plus acceptables qu'un propos haineux envers une religion. Donc, ce projet de loi là vise à protéger les citoyens et les citoyennes du Québec envers des propos qui dépassent la ligne tracée par la Cour suprême, notamment dans l'affaire Whatcott, lorsque la Cour suprême nous enseigne que, dans une société, le droit à la dissidence, le droit d'opinion, le droit à la satire... le droit existe, mais que nous devons protéger... En fait, la cour mentionne dans un résumé : «L'objectif de la limite — à savoir s'attaquer aux causes de la discrimination pour en atténuer les effets préjudiciables et les coûts sociaux — est urgent et réel. Les propos haineux constituent une façon de tenter de marginaliser des personnes en raison de leur appartenance à un groupe.» Je pense qu'on se rejoint un peu dans ce qu'on dit. Vous, vous vous associez vraiment à une cause. Par contre, cette explication de la Cour suprême se rattache, comme je vous le mentionnais, aux femmes, aux homosexuels, aux trans, aux... bref, à tous ceux et celles qui sont visés par les motifs de discrimination énumérés à l'article 10. Donc, c'est l'objectif notamment des dispositions sur le discours haineux, c'est de dire : Ce type de propos là, au Québec, des propos qui transgressent les limites établies par la Cour suprême ne sont pas acceptables, et nous allons poser des gestes afin que ces propos-là ne se retrouvent pas dans la sphère publique au Québec. C'est l'objectif.

Maintenant, pour ce qui est de la liste, je vous dirais — puis je pense qu'on a aussi un travail à faire — les jugements rendus par le Tribunal des droits de la personne sont de nature publique. Alors, à partir du moment où un jugement est rendu, il est de nature publique, il est donc accessible sur les plateformes Web. La liste vise à recenser ceux et celles qui auront tenu ce type de propos là afin notamment que la société ou qu'un groupe puisse dire : Bien, non, je n'aurai pas comme conférencier ou comme conférencière monsieur ou madame X qui, dans le passé, a déjà tenu des propos haineux, je ne donnerai pas une tribune à quelqu'un qui aurait pu aller au-delà de l'acceptable. Et c'est vraiment ça, c'est important de le redire, parce qu'il ne s'agit pas de museler ceux et celles qui expriment une dissidence. Ce n'est pas ça du tout, l'objectif de la loi.

Maintenant, je vais céder... parce que je sais que mon collègue de Chomedey avait des questions, mais je voulais simplement réitérer... Parce que vous avez mentionné à plusieurs reprises cette question de coûts associés à une défense, mais un dossier non fondé ne sera simplement pas soumis au tribunal, et donc il n'y aura pas de coût. Alors, d'où l'absence de sanction pour celui ou celle qui déposerait un dossier qui ne serait pas fondé à sa face même.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Je lisais avec beaucoup d'intérêt votre mémoire et j'essayais de me situer, parce que nous venons de recevoir le Forum musulman canadien, et vous, vous êtes le Conseil musulman de Montréal, et dans votre mémoire vous nous mentionniez que vous représentiez des dizaines de mosquées et d'organisations musulmanes, principalement à Montréal. Vous savez que... Étant un député de Chomedey et ayant une communauté musulmane assez importante, j'essayais de me situer.

Est-ce que la communauté de Laval est comprise dans le Conseil musulman de Montréal, vous parlez en leur nom, ou c'est strictement pour les organisations de Montréal? Ça va être ma première question.

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi.

M. Elmenyawi (Salam) : We talk on behalf of the Muslim Council of Montréal, we don't talk on behalf of the Muslim community. The Muslim community is a very diverse community, there is close, now, to 400,000 Muslims in Québec, and very much the same, like all other communities, we have a very diverse community that has all kinds of different backgrounds.

The members of the Muslim Council of Montréal, when we relate to the Muslim Council of Montréal, it is the Greater Montréal area, which includes South Shore and Laval, so that covers all those places. And the purpose of it was to coordinate between the mosques as well as defend the rights and civil liberties, and that is mainly the function of the Muslim Council of Montréal.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Chomedey.

• (16 h 30) •

M. Ouellette : M. le Président, en nous préparant, parce qu'on n'avait pas eu encore une copie de votre mémoire puis... tantôt je suis allé sur votre site Internet et j'ai vu un communiqué de presse qui m'a préoccupé un peu, où vous... Vous aviez émis un communiqué de presse mentionnant que les membres de l'Assemblée nationale faisaient du profilage et qu'ils devaient faire attention à la façon dont ils parlaient, probablement à l'Assemblée nationale, pour ne pas stigmatiser la communauté musulmane. Ça m'a un peu préoccupé, je me demandais... Est-ce que c'est encore votre opinion? Parce que c'était votre nom qui était... c'était un communiqué qui est sur votre site, qui date de décembre 2011. Est-ce que c'est encore votre opinion ou... C'est parce que vous comprenez que ça me préoccupe un peu, vous êtes devant les membres de l'Assemblée nationale auxquels vous reprochez de faire un peu de profilage et de stigmatiser un peu la communauté musulmane. C'est pour ça que je vous ai parlé de Laval tantôt, parce que je pense qu'ayant de très bons contacts avec les centres communautaires et les mosquées dans les différentes régions un peu partout au Québec je ne ressens pas cette stigmatisation-là que vous semblez évoquer. Peut-être que votre opinion a évolué depuis 2011. J'aimerais ça que vous nous actualisiez sur ce que vous avez mentionné à ce moment-là.

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi, il vous reste deux minutes.

M. Elmenyawi (Salam) : We speak loud and clear when there is an issue relating to the Muslim community. We don't hesitate, we don't fear anyone. And we speak it and we try to exchange our ideas in an open way.

We have very good relationships with almost all politicians from all parties. Yes, we have also opinions about certain proposals that came in the past, and we have made our voice very clear on those, but you're going to have to be a bit more specific to what was the press release about, what was the subject, in order for me to tell the things relating to it. But, yes, I stand by whatever you found on our website, we are responsible for it. But, in order to clarify that, I think we have to... to contextualize that, to see what is it, what was the issue, and then we can explain our point of view.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : It's exactly what I was asking myself, because there is no context regarding that stigmatization about National Assembly Members. It's just put there, and there is no context to justify that. But, if it's not...

M. Elmenyawi (Salam) : ...if it's a press release, it has a title. What is the title of the press release?

M. Ouellette : Oh! The title says Le Conseil musulman de Montréal s'élève contre le profilage à l'endroit des musulmans. We're an inclusive society, I repeat that. That you can understand. And especially us, all those Members here, we work for equality, we work for all citizens of Québec. And, personally, I cannot accept that. That title there means that we're profiling, as Members of the National Assembly, the Muslim community.

M. Elmenyawi (Salam) : I would like to know it was relating to which issue under the title, what was... The issue must be explained on the press release. We don't just make that kind of thing, it has to be explained under the release. I would really appreciate if... the release, if I could receive one just to scan through it, and then I will be able to answer you.

But we don't go out to make accusation that it is false. When we say that, it means there was some profiling and there was some singling out of Muslims. We have suffered of this in 2003 with the motion of...

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup.

M. Elmenyawi (Salam) : ...Islamic tribunal, and we did not like that at all, the whole Muslim community did not like it.

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi, merci, le temps est écoulé avec le député de Chomedey. Maintenant, nous allons passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 15 minutes.

Mme Maltais : Bonjour, M. Elmenyawi. Je vais continuer dans ce dossier, dans ce que vient d'ouvrir notre collègue, parce que c'est important. Je vais peut-être expliquer un peu le contexte. Vendredi 27 mai 2005, le journal Le Soleil : L'Assemblée nationale s'oppose unanimement à l'implantation de tribunaux islamiques. C'est une motion qu'on a adoptée ici, à l'Assemblée nationale, à l'unanimité. Le journaliste Simon Boivin, du Soleil, vous a interviewé, et je vais citer vos propos. En général, vous allez devant le Conseil de presse quand vous trouvez que vous êtes mal cité, vous êtes... récemment d'ailleurs devant le Conseil de presse pour La Presse et Fabrice de Pierrebourg, parce que vous n'êtes pas d'accord parce qu'il a dit qu'un terroriste est déjà passé par une des mosquées qui sont dans votre organisation, mais, enfin... Donc, d'habitude, vous allez au Conseil de presse quand vous n'êtes pas d'accord. Voici ce qui a été écrit, ce que vous avez dit, d'après Simon Boivin, à propos de cette motion qui dit pas de charia au Québec : «C'est inacceptable[...]. Je suis sous le choc. C'est un jour très triste pour la politique québécoise, pour les femmes musulmanes qui ne pourront obtenir de divorce religieux grâce à un tribunal religieux. C'est dévastateur.» Et vous dites de Fatima Houda-Pepin : «C'est une non-musulmane — elle est musulmane — qui vient faire un jugement sur l'islam», vous dites que «c'est un mensonge qui repose sur du racisme, de l'ignorance et l'errance».

Est-ce que vous êtes toujours d'accord avec le fait que l'Assemblée nationale n'aurait jamais dû adopter cette motion sur la charia? Parce que vous nous avez traités, là, à peu près de tous les noms.

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi.

• (16 h 40) •

M. Elmenyawi (Salam) : Yes. I think I would need another session just... especially to talk about the issues that are disappointing the Muslim community with the National Assembly, it's not going to be answered in one minute or two minutes, I'm sorry. Because, when you talk... when you are bringing people who are quoting me falsely or translating a word that I said in English into French, and by the time it comes in here it have different meaning, I don't accept that. I respect Mme Fatima Houda-Pepin. I disagree with her, but I give her full respect, and we always communicate in a very good way. And I have personally condoled her for the loss of her husband, and we have a good relation. It isn't an issue of personal issue, this is an issue that relates to the community and lacks the experience and the understanding of Islamic jurisprudence in relation to just a personal opinion.

But the issue that you have just raised, whether or not that I agree about the sharia or not the sharia, this is not an issue of the sharia, this was singling out the Muslim community with the tribunal, saying that you are not going to allow an Islamic tribunal. Are you allowing Christian tribunal? Are you allowing Jewish tribunal? In fact, this is the case. And to try to say... Singling out only one religion, it means there is something wrong with this religion. You are stigmatizing my faith, my religion, you are denigrating it and right in the National Assembly without having to hear us, passing a motion without having to hear those that you are going to pass the motion about. And you didn't get our opinion, and it went right out. And it is... This «unanimous» that you're relating to was only a very small number on Friday. That is not all the National Assembly Members.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui, merci. Donc, je pense qu'il y a une manière toute simple de le dire, c'est... On est d'accord ou pas avec la motion, finalement. Puis ici on vous entend, là, en commission parlementaire autour d'un projet de loi parce qu'on est justement très ouverts à la discussion.

J'ai relevé tout à l'heure... Parce que c'est important, là, si on parle de discours haineux, ce qu'on accepte, ce qu'on n'accepte pas dans une société comme la nôtre. Vous avez, dans un article en 2003... Je sais que vous étiez déjà président du Conseil musulman de Montréal. Donc, je ne sais pas s'il y a déjà eu d'autres présidents du Conseil musulman de Montréal, ça fait au moins 12 ans que vous êtes président du conseil, ça montre que vous êtes apprécié dans ce conseil. Vous avez dit : «Quant aux [...] sanctions prescrites par l'islam à ceux qui transgressent ses interdits, [M.] Elmenyawi insiste sur leur portée limitée[...]. La peine de mort pour les musulmans qui renient leur foi? "Ce n'est pas une règle absolue, si on regarde la jurisprudence. Ça s'applique surtout à ceux qui combattent l'islam. Salman Rushdie, par exemple, a insulté le Prophète."» Donc, vous associez peine de mort à Salman Rushdie et vous laissez entendre que la fatwa serait normale, vous auriez été poursuivi pour... Moi, je ferais... C'est un discours haineux, ça. Est-ce que...

Et tout à l'heure vous avez dit : On cite mal mes propos. Vous êtes bien cité ou mal cité?

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi.

M. Elmenyawi (Salam) : Yes. I think this is making an accusation without any proof, and going out to say something... I think we have to be very careful. Yes, there is an immunity under the National Assembly, but this idea of always lashing out by just hearing false information, things taken out of context, and having to just put half-truths, this is very much the repeat of the islamophobe websites, going and doing it, and always communicating with Mme Maltais. And she comes in here now and puts this in front me, that I have said that Salman Rushdie would deserve to be killed. This is utter false. And I'm responsible for everything I say, not everything reported in the media. So, when she takes this just to ask me whether I have said this or not... I was in CJAD about six months ago. The discussion came about, and my answer is there, it's in the public domain. So, this idea of lashing on and bashing, I think it is unacceptable.

Le Président (M. Hardy) : Oui, on va passer avec Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : ...je veux bien comprendre parce qu'on va ouvrir une boîte sur les propos, sur les discours haineux, là, dans une loi. Or, le seul exemple qu'on peut aller voir, c'est ce qui s'est passé avant, si c'est faisable, ce n'est pas faisable, c'est acceptable.

Puis là vous dites, bon, cet article-là, finalement, vous êtes mal cité, vous n'avez jamais dit ça, puis ce n'est pas ça. Puis vous... Donc, Sophie Brouillet, dans La Presse, elle a erré, mais vous n'êtes pas allé au Conseil de presse. Mais donc cet article est faux.

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi.

Mme Maltais : C'est ce que vous me dites? C'est correct. Bien, à ce moment-là c'est réglé. On...

M. Elmenyawi (Salam) : What I'm saying is I have over 1,000 different articles. I wrote also my own articles in The Gazette as a member of the editorial board of contributors, at The Gazette. I have contributed probably more than any imam in Canada in bringing people together, and working with the Jewish community, and working with the Christian community. And people, out of 1,000 articles, there may be 5% people misquoting me, those contribute to a number of articles to dismiss completely all my work and everything I stood up, in my life in Québec, fighting for and working to bring communities together. And to bring this kind of a quote as if I... or come even close to saying hate speech, and I'm a teacher teaching people how to speak to their neighbors and how to speak to others, it's unacceptable for me, Madam.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Je vous remercie. Dans votre mémoire, vous dites... Parce que vous dites que j'ai cité erronément certains passages. Ou bien les passages sont erronés ou ils ne sont pas erronés, mais j'ai cité exactement. Ça, je veux le dire.

Dans votre mémoire — revenons-y, là, puis moi, je trouve que ça a un lien : «Le mot "haine" doit être bien défini tout en respectant les groupes minoritaires protégés en vertu de la charte. Nous devrions également inclure la prévention de la dérision et le dénigrement de toute religion...»

Parler d'une religion, c'est faire un débat d'idées. Alors, est-ce que vous voulez dire que le simple fait de ne pas être d'accord avec une religion ou la dénigrer devrait être inclus dans cette loi? Parce que, là, ça devient un élargissement, à mon avis, qui est un peu extrême. Là, on va dans l'idée, là, on ne va plus dans le discours haineux, on va dans l'idée.

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi.

M. Elmenyawi (Salam) : Mr. Chairman, I have not said that. I have said mocking and making fun of religion is unacceptable. There have been 70,000 books written against Prophet Mohammed; nobody did anything about them. But mocking and insulting your neighbor, it isn't the cause of democracy, it isn't the things that will bring us together, it isn't the things that will stop radicalization. In order to... We have to have this kind of mutual respect. I'm saying religion is a red line that we should leave it, for mocking and playing games with it. But criticizing, and academically writing books, and talking about it is open for everybody, I have never said any such a thing.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : O.K., mais c'est parce que c'est vraiment... Peut-être que c'est la traduction, mais : «Nous devrions également inclure la prévention de la dérision et le dénigrement de toute religion et de ses personnalités afin d'assurer l'harmonie et le respect mutuel», donc, pour moi, c'est... C'est parce qu'on cherche à définir les limites. Je regarde ce qu'il y a dans votre mémoire, la limite s'étend un peu, alors qu'au contraire on essayait de circonscrire jusqu'ici.

Il y a autre chose, par contre. Là où vous trouvez que la loi va trop loin, c'est dans l'éducation, et vous semblez être plus rébarbatif à l'idée de contrôle excessif. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que ce qu'on essaie de faire, c'est de protéger les jeunes du Québec, je pense à l'affaire Shafia ou la notion de crime d'honneur. Pourquoi est-ce que vous êtes contre cette idée de crime... de contrôle excessif?

Je remarque que, dans les débats qu'on a eus jusqu'ici, la discussion sur le contrôle excessif était entre le faire faire par les gens de la DPJ ou ajouter cette notion-là, on pensait que... Il y a des gens qui disent, comme la commission des droits de la personne et de la jeunesse, que l'idée de contrôle excessif ou de contrôle culturel est déjà... aurait déjà dû être appliquée, qu'il suffit de notes, ou bien on dit : On l'ajoute. C'est ça, la chose. Vous, vous êtes... vous dites que ça «pourrait affecter tout type d'écoles avec un système d'éducation strict et rigoureux». Il y a une différence entre une éducation stricte et rigoureuse et un contrôle excessif. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, pourquoi vous pensez que le contrôle excessif, ça devrait être éliminé de la loi.

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi.

• (16 h 50) •

M. Elmenyawi (Salam) : I think we're very clear that those labels are vague, and this is what exactly we have said. You want to put it? You define it, and then we'll talk about it. But, without definition, a clear definition so that people would know what to expect... That was my point. And I think Madam Minister has elaborated more about the limits in hate crimes, and that was not mentioned in the initial text of the law. If we have that Supreme Court test it's based on to define hate crimes, that would be accepted to us. There are many other issues that have to be defined. So, what we talk about is vagueness, that somebody may think... a conservative father who likes his daughter to be home early or something in this sort then becomes an excessive control. I think that this would be wrong.

And I think there has to be also respect of other people's faith, and, I want to say, in this point, I think, we got to learn about our neighbors and our neighbors' faith. It is very important to do this because, when we look at Islam, we will realize right away that honor killing is totally condemned in Islam. But don't compare culture to Islam or Islam to culture. But, if you compare religion to religion, you will see that mostly... most of the religions, Judaism, Christianity and Islam, they go in the same theme, in the same direction, in the same way. So, we've got to respect that.

So, whether it is honor killing or whether it is any other wrong statement or issues like this, when you come back to Islam, you will find that it is very clearly wrong and against the religion. So, whoever will commit it, whoever will do that, whoever will take the law in their own hands, they will certainly be automatically condemned in Islam.

And this is the problem we continue to talk to Muslims about when, in fact, it has nothing to do with Muslims themselves. So, this is the kind of stigmatization, this is the kind of negative stereotypes that got to be deconstructed and work it out in the proper way before we use this kind of language, because we're responsible. The National Assembly statements are very important because it leads Québec toward harmony and toward knowing one another and working together in a good way. When we make a statement like this, that certainly doesn't help.

Mme Maltais : Bien, M. le Président, je ne sais pas quelle information j'ai donnée. J'ai simplement parlé de l'article de loi, qui ne mentionne aucune religion et qui parle simplement du contrôle excessif des parents. Je parlais de liberté d'expression, de religion, mais pas d'une religion. Je pense qu'on discute ici... on débat sur toutes les religions, voilà, et je pense que ce débat sur la liberté d'expression, jusqu'où elle va, est majeur et important, et je pense qu'il faut se dire les vraies affaires aussi dans la vie. Moi, je suis plutôt du genre à dire les vraies affaires. Je vous remercie.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Merci, messieurs.

J'aimerais revenir sur votre mémoire mais spécifiquement encore pour parler de la notion de la liberté d'expression à la page 4. Et ma collègue avait commencé à en parler, et cette phrase-là m'a vraiment frappée quand j'ai lu le mémoire. Et je comprends que vous voulez élargir la portée du projet de loi actuel parce que vous voulez y inclure des items. Et là, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, vous dites, et je vous cite, c'est écrit ici : «Nous devrions également inclure la prévention de la dérision et le dénigrement de toute religion et de ses personnalités...» Si je comprends bien, est-ce que vous souhaitez, entre autres, que le blasphème devienne une infraction?

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi.

M. Elmenyawi (Salam) : I am sorry. Again, the last...

Mme Roy (Montarville) : ...to repeat? Yes. Je dis : Si je comprends bien, est-ce que vous souhaitez que le blasphème devienne une infraction, soit sanctionné?

M. Elmenyawi (Salam) : No. What I have said is to try as hard as we can to formulate wordings that would not take any of the people's freedom away, but rather just to stop the mocking and the making fun of other religions, that we have to have respect of other people. And that is relating to all religions, that would be directed to everyone, this is... We should not consider it under the freedom of expression just to mock another religion. But to criticize, to talk about, to write books, to make analysis, this always have been open, and I would actually encourage it because, when there are issues like this, it gives us the opportunity also to answer. So, when there is debate and answers, no problem. But, when you mock me, there is no answer for that. When you make fun of me and fun of my religion, there's no answer for that. And that's what can create the possibility of young people taking this in the wrong way with... and falsely or wrongly. So, in order to... to really be able to reach this balance would be good.

As for freedom of expression, as I said earlier, I'd rather err on the side of leaving freedom for expression open, because this is the safeguard, in a democracy, and it will give me a chance to be able to express ideas. As our society here, in Québec, changed because of freedom of expression, we cannot come one time and freeze it, it will make it impossible for us to talk to one another or to express ourselves. So, it is always opened, as long as there is equal opportunity.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Vous comprenez que nos chartes protègent les personnes et non les religions et leurs dieux. Et, ce que vous nous demandez, vous allez loin. Si on ne peut pas se moquer, si on ne peut pas rire d'une religion, quelle qu'elle soit, ça va contrairement... à l'encontre de notre liberté d'expression. Ça va très, très loin, ce que vous demandez, là.

Le Président (M. Hardy) : M. Elmenyawi.

M. Elmenyawi (Salam) : But that's exactly my point, Mr. Chairman, it is exactly that; that, when we mock the religion, we think we're only mocking dead people and a religion that is gone, but that's not true. When you mock the religion, you mock me, you mock my wife. When you mock the wife of the Prophet, I consider it to be my mother, and this is in fact stated in the Holy Koran, the unbless of our mothers. Some people don't mind their mother to be insulted or to be attacked, but we do. I do, personally, and that hurts me, hurts my feelings and causes much more damage than insulting me personally. Rather insult me as much as you wish, but don't insult my religion and my...

And this goes for the children, as well, who have a stride and who have their own pride. And, when we damage this pride at a young age, we don't have a healthy society and healthy upbringing.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Comme je disais, il y a une confrontation ici des cultures parce que nos chartes protègent les personnes, non les religions, non les dieux. Alors, c'est ce qui peut expliquer plusieurs problèmes.

Je vous remercie infiniment... Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Elmenyawi (Salam) : But that's exactly my point. If really our intention is to protect persons, then we should understand the feeling of a Muslim person when his religion is attacked. And I think we should keep this in the formula, we should not ignore it. When we ignore it, it means I'm ignoring a complete sector of people and saying, «No, it's OK, it's easy to go.»

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Mais vous comprenez que, si on fait ce que vous nous demandez, je ne pourrai plus rire du pape, je ne pourrai plus faire de blagues, je ne pourrai plus avoir des propos du genre, là, si je ne peux pas me moquer des religions.

M. Elmenyawi (Salam) : Thank you very much for clarifying this, because I didn't really want to be misunderstood. I never meant that you don't say this about any religious personality that are currently living and can answer. And talking... And you can laugh as much as you want about any other religious personality. I'm talking specifically about 25 persons who are the prophets of God that are mentioned in the Bible — they are also mentioned in the Holy Koran — or other prophets of other religions. Those are people who are completely in the past.

There is so much for us to laugh about. And, in fact, when we stop doing this, we'll have a much better chance to laugh and smile, instead of having to go into this direction that only... You laugh for a few seconds, but you'll have lots of problems after this for so long.

And I have to tell you, even with the cartoons... to remind also everyone in the room that, in the cartoons, we have had a special thanks from Mr. Jean Charest for our position that we stopped... in Montréal we refused completely, with the influence of the Muslim Council of Montréal and the Canadian Muslim Forum, that... we stood together and we asked every Muslim not to go out, to demonstrate, in Québec, that Québec has been very kind and keen with us, that they have made a very special respect, and most newspapers have refused to republish the cartoons. And, because of this, there was no one walking in the streets, except a few people that went off the line, and it was... it took half an hour, and they went home, which is fine, that's their expression, as long as it is peaceful, but we, even for that, refused to go out to demonstrate.

So, my point is it is my interest... I'm saying this here, it is not just because of the pain I feel when I hear this. Of course I feel the pain, because somebody else does it all the time. So, we feel the pain, and we close our eyes, and we move on, and we change the channel. But I'm asking that, in order for us to have this proper communication and better understanding of one another, let us open the doors. And I'm going to say we invite you all to our open-door mosques to come and reflect with Muslims, and talk with them directly, and ask those questions directly to Muslims. You will all be welcome. And, please, please, don't... I talk with passion, I talk with emotion, I speak it. And I know also most Quebeckers are like that, so I feel free to express myself, as well, and talk. That doesn't mean, Mme Maltais, that... I was very happy to hear you, and for you to be truthful with me and to say it. It is better to give me the opportunity in the National Assembly to answer this kind of islamophobia than having it go without answer, so I really appreciate that from you. And my apologies if you felt that I was offended or talking... No, it isn't... this is the passion that we feel, it is... For so many years, we've been talking so hard in order to bring communities together, we hope to put our hands together and move forward with Québec and to make it one of the best places around the world. And it is now ranked high around the world, and let us keep that.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci. C'est complet.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, c'est complet. Eh bien, je vous remercie de votre participation, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, MM. les invités.

La commission ajourne ses travaux au lundi 14 septembre, à 14 heures, afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 59. Merci beaucoup. Bonne journée.

(Fin de la séance à 17 heures)

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