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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Wednesday, September 22, 1999 - Vol. 36 N° 2

Consultation générale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Roger Bertrand, président
M. Jacques Léonard
M. Henri-François Gautrin
Mme Rita Dionne-Marsolais
M. Yvon Marcoux
M. François Gendron
M. Jean-Guy Paré
M. Jacques Chagnon
M. Michel Côté
M. Geoffrey Kelley
*M. Pierre Sirois, APIGQ
*Mme Liette Pelletier, idem
*M. Julien Lemieux, CDGA
*M. Yves Lachance, idem
*M. François Giroux, idem
*M. Michel Dubois, idem
*M. Maurice Sénécal, CRVI
*M. Viateur Laplante, idem
*M. Jacques Dumas, idem
*Mme Lise Morency, CFPQ
*M. Gilles Taillon, CPQ
*M. Romain Girard, idem
*Mme Marie-Claude Ladouceur, FEUQ
*M. Alexis Boyer-Lafontaine, idem
*M. Pierre Deland, CAR de l'Estrie
*M. Jacques Plamondon, idem
*M. Jacques Tremblay, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission spéciale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental reprend ses travaux dans le cadre d'une consultation générale portant sur...

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ... – à l'ordre, s'il vous plaît! – un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental proposé par l'énoncé de politique intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique .

Avant d'amorcer la première rencontre, je rappelle qu'à l'ordre du jour proposé aujourd'hui...

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est vrai. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement pour la séance.

M. Léonard: Il y a un ajout.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je comprends cependant qu'on sollicite le consentement des membres de la commission pour que notre collègue le député de Verdun...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...le député de Verdun puisse...

M. Gautrin: D'abord, on va demander le consentement des ministériels.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: C'est parce qu'il veut être bien sûr d'avoir celui de sa formation politique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Que tu comprends tout, Jacques!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il y a une chose que j'ai apprise en politique, c'est de ne pas prendre de chances.

M. Gautrin: Bien oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, j'inclus tous les membres. Donc, je comprends, d'après les réactions, qu'il y a consentement pour permettre à notre collègue le député de Verdun de participer aux travaux de la commission.

M. Léonard: À l'essai pour la journée.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'essai pour la journée, dit-on.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, avec votre collaboration, nous passons donc au projet de l'ordre du jour pour aujourd'hui. Nous rencontrerons successivement, ce matin, l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec; ensuite, le conseil des directrices et directeurs généraux de l'administration du gouvernement du Québec; par la suite, à 11 h 30, le Comité des responsables de la vérification interne. Nous suspendrons à 12 h 30 environ pour reprendre à 14 heures précises. Par la suite, nous rencontrerons successivement la Commission de la fonction publique, le Conseil du patronat, la Fédération étudiante universitaire du Québec et la Conférence administrative régionale de l'Estrie, pour ajourner, en principe, à 18 heures. Est-ce que cet ordre du jour est adopté? Adopté.


Auditions

Donc, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, à son président, M. Pierre Sirois. Je l'inviterais à prendre la parole en nous présentant la personne également qui l'accompagne et en se rappelant qu'on a 20 minutes à accorder pour la présentation proprement dite. M. le président.


Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ)

M. Sirois (Pierre): Merci. Alors, je suis accompagné de l'ingénieure Liette Pelletier, deuxième vice-présidente de notre Association. M. le ministre, M. le Président de la commission, mesdames, messieurs, membres de la commission, le monde change, évolue, se transforme. La mondialisation, les technologies, les innovations, autant de nouvelles réalités qui viennent bousculer notre quotidien, nous obligeant à nous adapter, à réviser nos façons de faire. La fonction publique québécoise vit à ce rythme et est déjà inscrite dans ce virage de l'an 2000. Les ingénieurs de l'État sont au premier rang dans ces mutations. Ils sont à la fois développeurs et utilisateurs de technologies, de procédés, d'innovations et gestionnaires de résultats. Ils sont tenus à l'obligation de résultat de par leur loi professionnelle, cette obligation étant partie intégrante de l'exercice de leur profession. L'ingénieur, lors de la conception d'un ouvrage, ne peut se contenter du «j'ai fait ce que j'ai pu». L'ouvrage, un pont par exemple, doit supporter les charges auxquelles il est soumis.

La démarche de réflexion sur le cadre de gestion de la fonction publique dans laquelle le gouvernement s'est inscrit s'inspire d'une volonté d'établir une adéquation plus rigoureuse entre sa gestion des services publics et les réalités concrètes du vécu actuel. Nous sommes heureux d'apporter notre contribution à cette étape des plus importantes du processus, soit celle de la consultation, et ainsi exprimer notre opinion sur le sujet.

Les ingénieurs de l'État et l'APIGQ, leur Association professionnelle, sont des acteurs qui se doivent de participer à cette réforme, à ce projet collectif tel qu'il leur a été spécifié à l'énoncé de politique. L'APIGQ représente les ingénieurs membres du personnel de la fonction publique qui y exercent la profession d'ingénieur dans un ministère ou un organisme. Au nombre d'environ 1 000, ils oeuvrent dans plus de 25 ministères et organismes du gouvernement du Québec. Les principes fondamentaux qui guident toutes les actions de l'Association sont la crédibilité, l'efficacité, l'économie et la transparence. L'Association promeut les valeurs morales et professionnelles de compétence, d'éthique, de responsabilité et d'engagement social.

(9 h 40)

Voici donc, dans les pages qui vont suivre, l'opinion des ingénieurs de l'État sur le document intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique , énoncé de politique sur la gestion gouvernementale qui doit être le point de départ d'une réflexion menant à l'élaboration de ce qui devrait être, quel qu'en soit la forme ou le moyen, une réforme de la fonction publique afin qu'elle réponde aux critères de modernité requis à l'aube du troisième millénaire. Ce document est accompagné de trois annexes qui sont essentiellement des moyens de mise en oeuvre de la réforme. Nous ne nous attarderons pas ici à ces moyens qui devront être revus afin de prendre en compte les fruits de la consultation sur ce projet de réforme qui nous est proposé.

«Lancer une profonde modernisation de la fonction publique. Elle mettra l'accent sur la qualité des services aux citoyens et sur l'atteinte de résultats mesurables.» C'est en ces termes que M. Bouchard, premier ministre du Québec, mandatait le président du Conseil du trésor lors du discours inaugural du 3 mars dernier. Il fallait moderniser une fonction publique «compétente, loyale et intègre qui a démontré sa capacité d'innovation et d'adaptation». Il fallait lui inculquer de nouvelles valeurs, telle la responsabilisation des gestionnaires, favoriser la performance et faciliter une gestion axée sur les résultats. En d'autres mots, lui offrir une mission renouvelée par l'encadrement législatif d'un nouveau cadre de gestion.

Comment peut-on penser renouveler une mission sans s'attarder à celle-ci, sans se questionner sur celle-ci? La mission ne pourra être renouvelée simplement parce qu'on y a changé les façons de gérer les services. Car la mission elle-même s'adresse aux citoyens. Or, que, souvent, les services, eux, sont destinés à d'autres clientèles – un cas de figure expliquera bien ces deux notions... Le ministère de l'Environnement, lors de la délivrance de certificats d'autorisation, a pour client un promoteur et non le citoyen. Qu'en termes de résultat le ministère soit évalué sur le nombre de certificats émis ou sur la rapidité à traiter les dossiers, cela peut présenter un intérêt, mais, de par sa mission de protection de l'environnement, les citoyens s'attendent que les certificats ne soient pas émis à tout vent.

Quand on parle de mission, on parle de rôle. Or, ici, dans la présente démarche, la réflexion sur le rôle de l'État a été exclue, évacuée d'entrée de jeu, l'exercice ne devant porter que sur le comment.

Quant aux services en tant que tels, la réforme proposée doit «conduire à un appareil administratif plus moderne, capable de s'adapter aux défis de court et long terme, bien centré sur les attentes et les besoins des diverses composantes de la société». Pourtant, l'objectif de cette réforme tel que présenté ici devrait s'attarder à la qualité première et intrinsèque du service aux citoyens, à savoir sa pertinence et sa raison d'être et d'être dispensé. Le service est-il celui dont le citoyen est en mesure de s'attendre? Répond-il à ses besoins? Est-il en cohérence avec la mission de l'organisation dispensatrice? Préalablement aux questionnements sur la réduction du coût de revient d'un service, la réflexion doit porter sur le service lui-même. Un service non requis ou qui ne répond que partiellement à un besoin coûtera toujours trop cher, de là l'importance de valider le caractère et la nature de chacun des services offerts, sa pertinence avec la mission de l'organisation. Une activité peut être bien faite, à un coût compétitif, mais, si elle ne répond pas aux besoins identifiés, elle sera toujours trop onéreuse pour la société.

Cela pose une double question du qu'est-ce qui est à faire et du comment s'évalue ce qui a été fait. Nous nous permettons ainsi une analogie avec la grande aventure de la découverte des Amériques par Christophe Colomb. Christophe Colomb avait reçu le mandat d'Isabelle de Castille de chercher à travers l'océan un nouveau chemin pour aller en Inde et en Chine. Or, c'est un tout autre objectif qu'il a atteint, une île des Bahamas. Même s'il avait changé sa façon de faire, même s'il avait disposé de moyens techniques différents – des vaisseaux plus rapides, une meilleure voilure – s'il avait disposé de plus de ressources, etc., il ne serait pas davantage arrivé en Inde.

Il semble qu'on ait pris pour acquis que ce qui est fait est ce qui doit être fait, mais qu'il n'est pas fait de la bonne manière. On est bien loin de la recherche de l'amélioration du service lui-même. En ce sens, le titre même de cette réforme, Pour de meilleurs services aux citoyens , est trompeur. De revoir les façons de faire, de procéder à une réingénierie des processus pour que les services dispensés soient mieux gérés et ainsi réduire leur coût de revient, c'est sans doute un objectif pour le citoyen contribuable, un objectif dont la fonction publique doit se doter, mais il ne garantit en rien au citoyen bénéficiaire un meilleur service.

Par ailleurs, quand on aborde un sujet aussi sensible et humain que le service aux citoyens, les services de santé et sociaux et de l'éducation sont interpellés au premier chef. Paradoxalement, dans cette réforme, les domaines de la santé et des services sociaux et de l'éducation sont exclus, prétextant que «les cadres de gestion qui y prévalent sont régis par d'autres lois». La gestion qui s'exerce dans ces domaines n'a pas lieu d'être axée sur les résultats? Ou encore les gestionnaires y oeuvrant n'ont pas à être imputables de l'atteinte d'objectifs mesurables? Pourquoi exclure ces deux secteurs où la notion de service aux citoyens prend réellement tout son sens?

Laissons de côté le titre de l'énoncé de politique pour nous attarder maintenant à son sous-titre, Un nouveau cadre de gestion . Le grand constat qui est à l'origine de cette réforme du cadre de gestion est, semble-t-il, que l'actuel, «quoique assoupli, est resté par ailleurs contraignant pour les gestionnaires», que les règles et procédures qui le composent «cadrent mal avec la performance», et même le cadre de gestion «est un frein à la recherche de la performance et de la qualité des services aux citoyens». Ce cadre, qui est essentiellement régi par la Loi sur la fonction publique et par la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, ne parvient pas à faire de la performance et de l'imputabilité des gestionnaires de la fonction publique un modus vivendi, un modus operandi, ou du moins pas assez. Que leur faudra-t-il? Une autre loi? En quoi celle-ci induirait-elle un facteur de succès, alors que ces deux autres lois ensemble n'y seraient pas parvenues? Cette volonté tant souhaitée du davantage, du plus, du mieux trouverait sa solution dans une autre loi qui s'ajouterait aux autres, et qui plus est, dans un contexte de déréglementation. Cette recherche de l'amélioration ne peut se réaliser que dans la mise en place d'un processus rigoureux où diagnostic et évaluation président aux choix des moyens. Une loi, aussi contraignante soit-elle, restera toujours un moyen coercitif qui n'a d'efficacité que de par la lourdeur de ses sanctions. Et, ici, la peine est bien peu effrayante, puisqu'il s'agit d'«une sanction pouvant aller jusqu'au remplacement d'un dirigeant». N'est-ce pas là le cas actuellement?

De multiples raisons, nous semble-t-il, peuvent conduire au remplacement d'un cadre ou d'un employé. Comment alors le remplacement pourra-t-il être perçu par la communauté gouvernementale et par les citoyens, puisque l'on parle de reddition de comptes publics, comme étant la sanction d'une absence de performance ou d'une contre-performance? Nous pensons que des mécanismes de publicisation des bons coups et des mauvais coups devraient être mis en place. Peut-on espérer qu'un cahier spécial du Soleil , semblable à celui du 11 septembre dernier, fera état des objectifs ciblés ainsi que des résultats atteints, donnant ainsi tout son sens à la reddition de comptes publique?

Dans cette volonté de vouloir bien enchâsser la recherche de plus de performance et d'imputabilité, il est même prévu la signature d'un contrat, liant le ministre responsable et une entité administrative, qui servira de contrôle de la gestion, ce contrat devant rendre imputable et performante l'une des parties signataires du contrat. Mais, nous, fonctionnaires, ne sommes-nous pas déjà imputables? Le contrat qui nous lie à notre employeur, notre contrat d'embauche, ne nous oblige-t-il pas au respect des attentes que l'on nous fixe? Nous, ingénieurs de l'État, ne sommes-nous pas déjà contraints à l'obligation de résultat par notre loi professionnelle? En quoi avons-nous besoin de cet autre contrat? S'ajoutera-t-il à notre contrat d'embauche? Le remplacera-t-il? En quoi ce contrat sera plus contraignant, plus obligeant que celui que nous avons? Ou n'est-ce là qu'un artifice? Il est vrai que l'on y a associé des mécanismes de surveillance et de pénalité en cas de non-respect. Toutefois, la sanction proposée fait en sorte de libérer de ses obligations contractuelles celui qui ne les a pas respectées: «En tout temps, le ministre peut suspendre ou annuler le contrat de performance et d'imputabilité s'il estime que l'unité ne s'y est pas conformée ou n'a pas atteint ses objectifs de résultat.» Quelle est la nécessité de ce contrat? Qu'apporte-t-il réellement?

Tout cet état de situation est inquiétant. Le libellé même qui sous-tend l'argumentaire de la nécessité de la réforme: «Cette nouvelle façon de gérer, où les objectifs sont fixés à l'avance, où les résultats atteints sont mesurés, où l'information est rendue publique en temps utile, permettra...», nous inquiète. C'est donc le constat que ce n'est pas le cas actuellement. Mais comment donc sont gérées les sommes énormes que l'on confie aux gestionnaires de la fonction publique? C'est plus que préoccupant.

Quant à la reddition de comptes, elle existe déjà de par la Loi sur l'imputabilité. En quoi celle proposée ici serait-elle plus significative? Les parlementaires devront se doter d'une structure de contrôle bien organisée et exercer leurs responsabilités d'évaluer, de juger et de sanctionner la performance. Or, il semble, à la lumière des commentaires et des questions posées par les parlementaires lors de l'audition des sous-ministres et des dirigeants d'UAS en commission de l'administration publique, que l'évaluation et la reddition de comptes sont extrêmement difficiles et complexes.

(9 h 50)

La réforme présentée semble privilégier la création d'unités autonomes de service. Cette forme d'organisation est, semble-t-il, la panacée devant remédier à toutes les difficultés de gestion. Mais comment valider, évaluer, mesurer que la transformation d'une ancienne unité d'un ministère ou d'un organisme en unité autonome de service a accru significativement son efficacité et sa productivité, d'autant qu'il semble que l'augmentation de leur productivité soit directement liée à une injection de ressources supplémentaires?

La valeur ajoutée de l'UAS n'a pas été, selon nous, démontrée. Les objectifs de la commission de l'administration en regard des UAS étaient non seulement d'assurer la transparence de la gestion par la reddition de comptes publique sur la performance démontrée par celles-ci, mais également de se familiariser avec le nouveau mode de gestion axé sur les résultats. Afin d'évaluer la performance, la commission prend connaissance du rapport annuel de gestion de l'UAS, en regard des indicateurs de performance contenus dans l'entente de gestion et des objectifs fixés dans les plans d'action pour les années visées. Par ailleurs, le sous-ministre et le directeur de l'UAS exposent les résultats lors de la séance publique.

Toutefois, l'approche de performance d'une UAS peut détourner le gestionnaire de son vrai sujet. C'est l'arbre qui cache la forêt. J'en prends pour exemple la performance du Centre de recouvrement en sécurité du revenu dont l'objectif premier est de maximiser le recouvrement des créances. Par «créances», on entend les sommes versées en trop à des prestataires du ministère de la Solidarité sociale. Plus il y aura de mauvaises créances, plus le Centre pourra être performant. À l'inverse, plus le ministère sera vigilant pour générer le moins de créances possible, moins l'UAS sera performante. Travaillons-nous sur le bon objet?

La modernisation de la fonction publique, s'entend ici dans cet énoncé de politique, comme une mise à niveau du cadre actuel par la modification des moyens de gestion. Or, toutes les valeurs, les principes, les modes, les mécanismes de gestion proposés sont déjà en cours dans la fonction publique. Il s'agit plutôt d'officialiser et de publiciser l'actuel. L'assise de cette réforme se voulait reposer sur le principe de la nécessité de mettre l'accent sur les résultats plutôt que sur les moyens. Curieusement, l'énoncé de politique présente un ensemble de moyens qui devraient mener à un résultat non mesurable. En effet, le résultat souhaité, soit une fonction publique modernisée, n'a pas été défini en termes clairs, ni son niveau ni sa qualité n'ont été identifiés, et donc aucune évaluation d'atteinte de résultats ne pourra être faite. En revanche, les moyens, eux, sont bien définis, largement expliqués, et même déjà soumis en annexe du présent énoncé. N'y a-t-il pas paradoxe entre le discours et l'application, puisque l'énoncé fait largement état de l'encadrement requis, soit les moyens? Puisque tout semble basé sur la notion de performance, ne devrions-nous pas trouver, dans l'ensemble de la réflexion qui est menée, la définition ou l'acception du terme «performance» et de ses antonymes, «non-performance» ou «absence de performance»? – Oui, il nous reste cinq minutes. Nous trouvons curieux que les concepteurs et élaborateurs de cette réforme aient axé sur les résultats et non sur les moyens, ne se soient attardés qu'aux moyens pour réaliser cette réforme.

Je laisserai maintenant Mme l'ingénieure Liette Pelletier poursuivre le discours. Il te reste cinq minutes.

Mme Pelletier (Liette): Nous aimerions ajouter un commentaire sur l'ensemble du processus et de la méthodologie dans lesquels s'est inscrite cette réforme, soit: «Le débat que l'énoncé de politique et la législation proposés suscitent est essentiel afin que les solutions qui seront retenues soient partagées, répondent aux nouveaux besoins d'une administration efficace et garantissent la transparence dont les parlementaires ont besoin et que la population exige.»

Les sous-ministres et les dirigeants d'organismes ont été invités à informer et à consulter leur personnel concernant cette réforme. Cette activité s'est tenue au plein coeur de l'été, de la période des vacances. Cette activité a pris diverses formes selon le style de l'organisation. Et la consultation s'est opérée de diverses façons. Chez certains ministères, tous les employés ont été convoqués; chez d'autres, un certain nombre seulement ont été invités à participer aux rencontres d'information. Quelle qu'ait été l'approche, on peut dire que, dans la fonction publique, le débat souhaité a eu lieu. Mais quel était le résultat recherché? Que les employés soient informés? Qu'ils soient consultés? C'est donc dire que leurs commentaires devaient servir à bonifier le projet de cadre de gestion et permettre d'identifier les facteurs de réussite. La consultation, telle que menée, n'a certainement pas favorisé l'atteinte des résultats qualitatifs, car, selon nous, le contexte d'urgence n'a pas permis au processus d'être pleinement efficace.

Quant à la méthodologie, à savoir ne faire qu'un d'un énoncé de politique et de la proposition de loi qui en sera l'assise légale, elle nous apparaît une transgression à la logique d'un processus démocratique de consultation. La logique imposait de consulter d'abord sur l'énoncé de politique, puis de soumettre une proposition de loi induite par les commentaires, les réflexions et suggestions formulés lors de cette première étape. Cette préoccupation est largement partagée par M. Roland Arpin, dans un article publié dans Le Soleil du 11 septembre dernier, qui s'interroge, à savoir si le président du Conseil du trésor, M. Léonard, qui a déjà annoncé que le projet de loi pourrait être adopté par l'Assemblée nationale avant les Fêtes, acceptera de modifier son avant-projet de loi, et non la proposition de loi, au terme des consultations qui se tiennent actuellement.

La présente commission parlementaire n'a-t-elle que la responsabilité – excusez cette expression – de «rubber-stamping»? Pourquoi une telle simultanéité dans les étapes pourtant nécessaires? Et même plus, pourquoi cette hiérarchisation dans la présentation des documents? La proposition de loi, puisqu'il ne s'agit pas d'un projet de loi, n'est qu'une annexe à l'énoncé de politique au même titre que Les initiatives prises depuis 1994 et que Le contrat de performance et d'imputabilité . De nombreuses interprétations surgissent. La transparence tant recherchée par le nouveau cadre de gestion n'est pas ici des plus évidentes.

En conclusion, notre compréhension du concept de modernisation va dans un tout autre sens que celui qui est exprimé dans cet énoncé de politique. Nous ne partageons pas que l'on traduise «modernisation profonde de la fonction publique» par «adoption d'une loi fournissant l'assise légalement à un cadre de gestion actuellement en opération dans la fonction publique». «Moderniser» veut dire pour nous établir l'adéquation entre l'environnement global d'une société et son administration publique qui est à son service. Pourtant, on ne s'est attardé qu'au cadre de gestion pour, semble-t-il, le renouveler sans même évaluer dans son existence actuelle ce que l'on doit retenir, modifier, améliorer, changer, rejeter.

Et le citoyen? L'a-t-on perdu de vue? Il semble un peu laissé pour compte dans toute cette démarche. N'est-ce pas pour lui, pour améliorer sa qualité de service, que toute cette réforme était maintenant rendue nécessaire? Des moyens de gestion actuellement en place devraient être évalués dans une approche axée sur les résultats et jugés sur leur performance. À la lumière de cet exercice, qu'il soit amélioré, modifié, rejeté, que d'autres émergent de ce processus et qu'un nouveau cadre de gestion, fruit d'une démarche rigoureuse, soit sanctionné, seule une démarche comme celle-ci pourra induire une garantie de performance de la réforme souhaitée.

Sachez que nous sommes disposés à travailler à la hauteur de notre loyauté et de notre responsabilité pour que les citoyens du Québec reçoivent les services auxquels ils ont droit, en respectant les standards les plus élevés de qualité, et ce, dans l'application des principes de transparence et d'intégrité et au meilleur coût pour l'ensemble de la communauté. Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, Mme Pelletier. Merci, M. le président Sirois. Nous passons à la période d'échanges. M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, président du Conseil du trésor et député de Labelle, vous avez la parole.

M. Léonard: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais faire quelques remarques en commençant cet échange, d'abord le fait que la réforme, nous la voulons centrée sur les services aux citoyens, la qualité des services à la population et sur, évidemment, l'utilisation optimale des ressources. L'orientation que nous avons exposée, ça a été de dire, et ce qui est dans l'énoncé de politique, c'est que nous allions axer davantage l'administration sur les résultats, la gestion sur les résultats, plutôt que sur la conformité à des règles ou à des règlements. Donc, ce que nous voulons, c'est donner beaucoup plus de marge de manoeuvre aux gestionnaires, comme aux fonctionnaires aussi, dans le cadre d'une délégation évidemment. Ceci, ça se joue sur le comment de l'administration publique plutôt que sur le quoi – j'ai eu l'occasion de l'expliquer hier. Sur le quoi, il y a déjà eu des gestes de posés. Je n'ai pas dit que c'était terminé, le questionnement sur le rôle de l'État. Je n'ai jamais prétendu ça. Au contraire, je pense qu'il se fait, il a déjà commencé, il va se faire et il va se continuer en parallèle. Mais, en même temps, notre cadre de gestion doit être modernisé; je le pense très profondément. Alors, c'est quand même distinct du rôle de l'État. C'est deux questions différentes. Elles peuvent se rejoindre; effectivement, ça peut arriver, très bien. Il y a des zones grises, on l'a entendu hier, puis je partage cet avis. Mais, en même temps, on a intérêt à séparer les deux le plus possible.

(10 heures)

Un des objectifs qui sont visés lorsqu'on parle de qualité de service aux citoyens, c'est une bien plus grande transparence que ce qu'on connaît actuellement. C'est, pour moi, alimenter la clarté des débats dans la société, pas juste sur les éléments qu'on ajoute à une programmation dans un ministère, mais sur la programmation générale d'un ministère. Et là la question sur le rôle du gouvernement peut se poser beaucoup mieux, dans des termes beaucoup plus nets, beaucoup plus clairs, beaucoup plus transparents, non seulement pour les parlementaires mais pour la population en général. Ça a été une des constantes de ceux qui se sont engagés dans une opération de modernisation que de se retrouver avec des débats plus clairs devant la population, je pense.

Maintenant, je sais qu'on peut bien discuter de tous les éléments de la réforme proposée, je veux juste aborder la question de la consultation. Vous parliez, pas d'un projet de loi ni même d'un avant-projet de loi mais d'une annexe au document de consultation qui voulait indiquer ce que ça pourrait être. Ce n'est pas du tout définitif, pas du tout. Nous le voulions très ouvert. Nous avons déposé l'énoncé de politique puis, en même temps, des éléments législatifs qui ont évolué d'ailleurs au cours de la dernière année – parce que nous y avons réfléchi beaucoup – et qui vont évoluer. Et c'est pour ça que nous avons une commission parlementaire, pour entendre aussi les commentaires des uns et des autres là-dessus.

Maintenant, concrètement sur les questions que vous soulevez. L'une, c'est le réseau de l'éducation et de la santé. Nous n'avons pas voulu au départ élargir la loi à la santé et à l'éducation, du moins à ce stade-ci. Si on le réclamait, on pourrait toujours l'examiner, mais ce n'est pas parce qu'on exclut ces deux réseaux d'une telle modernisation, je ne pense pas qu'il convenait de le faire dans ce cadre-ci, actuellement. Parce que, en ce qui concerne la santé, déjà il y a des éléments qui sont demandés. Il y a des engagements demandés aux régies régionales par la ministre. Ça va dans le même sens mais ce n'est pas l'objet de la loi, du projet tel qu'il est présentement. Il n'est pas exclu, il n'est pas inclus, si l'on veut. Ultérieurement, je pense qu'on doit s'aligner sur la même philosophie, même dans le réseau de l'éducation et de la santé. Mais on verra. C'est un débat, je le conçois. Donc, là-dessus, vos remarques, moi, je les prends parce que, au fond, l'administration publique doit répondre à des objectifs de transparence, de clarté, puis je crois que le projet que nous proposons va dans ce sens-là, actuellement.

Sur un plan plus précis, il y a des unités autonomes de service, actuellement. L'écho que nous en avons – puis le secrétaire général du gouvernement hier y a fait référence – c'est que les personnes qui y travaillent sont très intéressées, beaucoup plus que généralement, à ce qu'on me dit, plus motivées aussi parce qu'elles ont des objectifs plus nets aussi. Mais, en même temps, ce qu'on nous dit, c'est que le cadre législatif actuel leur impose des limites. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Si vous dites: Le cadre actuel suffit, pourquoi d'autres disent: Non, ça nous crée des contraintes beaucoup trop lourdes?

Je pourrais aussi référer au fait que le rôle du Conseil du trésor est pris à partie: on trouve toujours qu'il est omniprésent et trop lourd. Alors, le Conseil du trésor, en tout cas, a l'intention de modifier son rôle parce qu'il va devenir beaucoup moins tatillon, à mon sens. C'est ce qu'on veut faire.

Une voix: Ça va plus vite...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Le député de Verdun, on l'entendra. On l'entendra.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirois (Pierre): Nous avons compris, à la lecture de l'énoncé, qu'effectivement le Conseil du trésor se repositionnait. Nous, ce que nous disons, ce n'est pas nécessairement que les contrats actuels sont suffisants, une modernisation est toujours souhaitable. Et le but d'améliorer les résultats et la performance de l'État, ça, on en est partie prenante. Mais ce qu'on retrouve dans cet énoncé-là, c'est surtout les bases de ce qui existe déjà, donc des choses qui se font: La Loi sur l'imputabilité, les plans stratégiques, les plans d'action, toute la planification, c'est déjà en place, tout ça. Donc, ce qu'on vous dit, c'est que, dans cette modernisation, on ne retrouve pas, dans ce qu'on voit là-dedans, des éléments de renouveau ou de nouveau. C'est du déjà fait qu'on sanctionne ou qu'on transpose de façon plus précise et fortement dans un cadre; on le campe plus fortement. Ce qu'on a vu de nouveau surtout, c'est les nouvelles technologies. On dit: Maintenant, il y a d'autres moyens, il y a des nouvelles technologies qui vont nous permettre de faire les choses autrement. Mais le restant, nous, ce qu'on constate, c'est que ce n'est pas du nouveau, c'est du déjà à l'essai.

M. Léonard: Oui. Disons que la réforme proposée n'arrive pas dans un désert. Je l'ai dit hier, il y a eu différents éléments – vous les avez pratiquement mentionnés – il y a eu beaucoup d'éléments qui ont été mis en place depuis quatre, cinq ans. Même la Loi sur l'imputabilité des fonctionnaires, que j'ai eu à débattre avec mon collègue de Verdun, c'est un élément. Nous avons eu à la corriger cependant, mais je pense aussi...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Je pense que ça va dans le bon sens, dans le sens de ce que nous voulons faire. En ce qui concerne les éléments concrets, par exemple, le rapport annuel, c'est dans la loi de chaque ministère. Le rapport annuel est déposé à l'Assemblée nationale. Mais puis-je simplement souligner que leur facture pourrait être très différente, que l'analyse qui en est faite pourrait être beaucoup plus riche ici, en commission parlementaire? Un rapport annuel, ça constitue un élément de reddition de comptes fondamental, mais je ne suis pas sûr, mettons, que le rapport annuel de chacun des ministères aujourd'hui constitue une base suffisante pour une bonne reddition de comptes. Donc, il faut aller plus loin. Je le dis comme cela, sans attaquer personne. Je crois cependant qu'il faut faire là des améliorations considérables.

Mais quand vous arrivez au rapport annuel, c'est après toute une démarche, ça rend compte d'un certain nombre de choses; donc, en amont, il s'est passé une réorganisation de l'appareil gouvernemental. Et ce sont ces éléments que nous mettons là. Alors, par exemple, les indicateurs de performance. Il y en a dans les ministères, mais hier même on prétendait, l'opposition prétendait qu'il n'y avait pas d'évaluation. Enfin, quelqu'un a dit qu'il n'y avait pas d'évaluation faite par les cadres. Il y a de l'évaluation faite par les cadres, mais je pense qu'elle pourrait être beaucoup plus transparente. En tout cas, l'évaluation des actions gouvernementales pourrait être beaucoup plus transparente, et ça consiste à rendre public ce que nous faisons. Oui, il y a des choses excellentes qui sont faites dans la fonction publique, dans l'appareil, dans les ministères, mais la façon de les rendre publiques peut améliorer très largement les débats. Alors, dans ce contexte, est-ce que des indicateurs qui portent systématiquement sur les résultats, vous ne pensez pas que, ça, c'est de nature à améliorer le système?

M. Sirois (Pierre): Je vais vous répondre de deux façons, un peu comme en fait état notre mémoire et la lecture que nous avons faite, notre présentation aujourd'hui. La gestion par résultat, c'est une approche intéressante, mais encore faut-il bien déterminer quels sont les résultats recherchés. Et lorsqu'on parle...

M. Léonard: Oui. C'est le contrat entre le...

M. Sirois (Pierre): Et lorsqu'on parle d'un meilleur service aux citoyens... Bon. Je donnais l'exemple du ministère de l'Environnement tout à l'heure où quelque part... Qui est le client et où se situe le citoyen? Il a une mission de protection de l'environnement mais, lorsqu'il doit transiger avec des promoteurs, le promoteur est le client; donc, la mission intervient à ce moment-là. Donc, est-ce qu'il faut se questionner sur la mission? Quel genre de résultat veut-on? Il y a un élément qualitatif que, quelque part... Et lorsqu'on regarde l'examen qui a été fait de certaines unités autonomes de service devant la commission de l'administration publique, le quantitatif est facile ou semble assez facile à obtenir, mais le qualitatif est beaucoup plus difficile à cerner. En bout de ligne, la qualité du service aux citoyens et le meilleur service rendu aux citoyens, on ne le voit pas encore. On a encore beaucoup de difficulté à le mesurer et à l'identifier. C'est là qu'est notre préoccupation.

(10 h 10)

M. Léonard: Oui. Je comprends. Je comprends, c'est difficile à mesurer mais, si on laisse les choses en l'État, c'est-à-dire souvent dans un flou artistique, mettons, est-ce qu'on ne conserve pas une situation qu'il est difficile d'améliorer alors que, quand vous écrivez dans un contrat entre un ministre et son sous-ministre qu'il y a telle orientation et qu'on s'attend à tel résultat, avant même d'écrire, effectivement on va se poser la question sur quelle est vraiment la vraie question? Et puis ensuite, un coup qu'on l'a fait, on va mesurer si on a atteint.

Et la deuxième dimension, si vous me posez la question la première année, vous aurez peut-être certains indicateurs mais si, après cinq ans de cet exercice, vous vous reposez la même question, peut-être, probablement même que les indicateurs vont être plus précis. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est la logique même du système qui nous amène à le raffiner graduellement puis aussi même à préciser nos orientations?

M. Sirois (Pierre): Je vous répondrais: En partie. Nous ne croyons pas qu'il puisse exister un modèle unique applicable à toutes les entités administratives – on parle du modèle des UAS pour ce qui nous occupe. Notre conviction, c'est qu'il est difficilement possible d'avoir un modèle unique qui soit applicable et qui donne les réponses à tout un peu partout. Il faut quelque part tenir compte de la réalité. On parlait du ministère de l'Environnement. Il y a la question de solidarité sociale et l'autre instance qui doit récupérer ce qui a été versé en trop. Quelque part, le modèle ne convient pas nécessairement à tout le monde.

Et l'autre préoccupation aussi, c'est de faire d'un objectif une finalité en soi. Est-ce qu'il faut rechercher le résultat pour le résultat ou est-ce que, quelque part – c'est bien dit ici – il faut garder l'objectif de la meilleure qualité des services aux citoyens? Il peut arriver que, si on se centre uniquement sur le résultat quantitatif recherché, tout ça vienne obnubiler tout le restant et qu'en bout de ligne on ne travaille que pour atteindre un résultat qu'on s'est donné sans se questionner si c'est le résultat recherché, et si c'est ce que le citoyen veut, et si c'est ce à quoi il a le droit de s'attendre. C'est là que sont nos préoccupations importantes. Ce n'est pas mauvais mais il faut plus.

M. Léonard: Est-ce qu'il me reste encore du temps?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Encore cinq minutes. Il y a notre collègue députée de Rosemont qui aimerait...

M. Léonard: Ah, O.K., c'est correct. Allez-y.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Oui. Alors, bon, il faut plus, il faut aller plus loin. Enfin, je retiens deux choses de ce que vous dites. D'abord, vous dites qu'il n'y a rien de neuf, si ce n'est que le recours un peu plus intensif aux technologies de l'information. Quoi que ce soit pour faire une évaluation, que ce soit dans le contexte de ce qui se fait déjà, puisque c'est ce que vous semblez comprendre, il nous faut quand même des systèmes d'information qui sont adéquats. Et au gouvernement, les systèmes de gestion... Vous êtes ingénieur, vous avez dû suivre ça. Regardez, dans les 15 dernières années, quelles ont été en moyenne les dépenses d'investissement en technologies de l'information. Les technologies de l'information, ça ne date pas de 1995, là, ça date de bien avant, vous le savez. Et, dans l'industrie, ces systèmes-là nous permettent d'avoir des données en dedans de deux semaines, 24 heures dans certains cas.

Le ministre parlait des rapports de dépenses ou de revenus. On devrait pouvoir les avoir, à la fin des rapports trimestriels, mensuels, cinq jours, 10 jours après, au moins; or, c'est très long. Ça commence à raccourcir depuis, je dirais, quelques années; peut-être trois ans. Ces systèmes-là prennent beaucoup de temps à être implantés. Mais la première question: Ces recommandations-là, est-ce que les fonctionnaires les ont faites dans le passé pour moderniser ces systèmes d'information? Est-ce que ça a été fait?

Dans le contexte de la réforme que l'on propose, ces recommandations-là vont devoir se traduire par des engagements dans le contrat qui va exister entre le ministre et le sous-ministre, donc l'administration. Alors, c'est peut-être modeste en apparence, mais l'impact de ça est très grand. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, d'une part: Combien, en moyenne, de 1985 à 1995, on a mis comme investissement pour moderniser nos systèmes de gestion et combien on en met aujourd'hui? Parce que ça va avec une réforme de cette nature-là.

La deuxième question: Est-ce que je vous comprends bien quand je lis «il manque quelque chose de qualitatif»? Moi, j'ai l'impression que ce que vous nous dites, c'est: Ou c'est une formation de gestionnaire qui manque. Il manque un mécanisme qui nous permettrait d'ajouter au quantitatif des volets qualitatifs quant à la qualité du service et autres, mais il n'y a rien qui empêche... En fait, dans un contrat de gestion entre un sous-ministre et le ministre, il y aura des choses quantifiables puis il y en aura d'autres qui seront plus qualitatives. Comment on les mesurera? Peut-être des mécanismes de plainte, peut-être des mécanismes qui seront plus près des citoyens.

Dans les récompenses, vous parlez d'un mécanisme qui serait de publiciser les bons et les mauvais coups. J'espère qu'il y en a d'autres aussi. Ce n'est peut-être pas le seul. Ce n'est pas un mauvais mécanisme. Moi, je trouve que c'est intéressant. Et peut-être qu'on pourrait vous entendre sur vos suggestions là-dessus, autant les bons coups que les mauvais coups.

M. Sirois (Pierre): Oui. Bon, beaucoup de questions.

Mme Dionne-Marsolais: Non, c'est juste deux.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et il nous reste 2 min 30 s.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirois (Pierre): Allons-y sur l'ampleur de l'investissement qui est fait sur un moyen. Le moyen qui est maintenant disponible, c'est-à-dire la nouvelle technologie de l'informatique, ce n'est qu'un moyen comme tout autre moyen. On se dote de quelque chose d'efficace. On sait que, dans ce cas-là, c'est très onéreux. Donc, avec des moyens plus efficaces comme celui-là, on pourra peut-être arriver plus vite à une connaissance. Comme Christophe Colomb, s'il avait eu un système hors-bord, il se serait rendu très rapidement plutôt que de risquer la mutinerie en cours de route. Il avait prévu deux mois puis ça lui a pris plus que quatre mois, il a failli y laisser sa peau.

Mme Dionne-Marsolais: Il aurait eu une carte peut-être plus précise. Ha, ha, ha!

M. Sirois (Pierre): Donc, oui, ça prend des investissements. Oui, ils se font. Ce n'est qu'un moyen, un moyen qu'il faut bien utiliser, de façon efficace. Et l'information, en en disposant rapidement et en ayant la meilleure information possible, on est en mesure de mieux décider, c'est certain; il ne faut pas pour autant se noyer dans une mer d'informations dont on ne saura discerner l'essentiel de l'accessoire. Donc, oui, c'est important, mais c'est un moyen, ce n'est pas l'objectif lui-même et le résultat en soi qui sont dans ce moyen-là.

L'autre élément, vous parlez...

Mme Dionne-Marsolais: L'outil pour le mesurer.

M. Sirois (Pierre): ...d'encourager la performance, c'est-à-dire d'autres suggestions par rapport à celle qui serait de publiciser. Moi, j'ai seulement celle-là, sur laquelle je me suis avancé, où nous nous sommes permis de nous avancer parce qu'on parle de reddition de comptes publics. Donc, publics, oui, il y a des commissions parlementaires qui sont diffusées – malheureusement pas aujourd'hui. Il y a aussi des rapports annuels qui sont accessibles. Mais ça n'est pas aussi direct et aussi porteur que lorsque la population, dans ses outils les plus quotidiens, retrouve des choses qui l'éclairent sur ce que l'État fait avec ses taxes et où il veut l'amener pour qu'elle soit mieux servie. C'est pour ça que je donnais cet exemple-là, parce qu'il m'apparaît intéressant. J'ai trouvé ça vraiment très intéressant de retrouver ça dans Le Soleil . Ça permet au citoyen, le lecteur, d'avoir ça en main. Il n'est pas obligé de faire de démarches excessives et d'aller même acheter un rapport annuel, il a ça devant lui. C'est dans ce sens-là que je trouvais ça excellent.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous allons permettre aux membres de l'opposition officielle de prendre la parole. M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président, et bienvenue à M. Sirois et Mme Pelletier. Et je voudrais vous remercier pour votre document et votre présentation. Dans l'énoncé de politique qui a été déposé devant nous, à la page 6, on précise, le ministre précise que la réforme ne porte pas sur le rôle de l'État, elle porte uniquement sur son fonctionnement. Donc, il ne s'agit pas de discuter de ce que l'État doit ou ne doit pas faire, mais il s'agit plutôt de la manière dont l'État doit faire ce qu'il a à faire, le comment. Donc, on ne discute pas du quoi, on discute du comment.

Si je comprends bien ce que nous retrouvons dans votre mémoire et ce que vous avez énoncé tantôt, vous semblez avoir une certaine réticence avec cette approche. Quand vous dites, par exemple, à la page 3, qu'il faudrait revoir évidemment, dans un premier temps, la pertinence, la raison d'être d'un service, est-ce que c'est un service qui correspond aux besoins de la population, est-ce qu'on doit le rendre? Ça m'apparaît porter sur le quoi. Et ce que vous semblez dire, c'est que, dans un premier temps, on devrait examiner cet aspect-là. Pour employer un langage de votre métier – mais je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine-là – c'est peut-être que l'architecture doit venir avant l'ingénierie, quelque chose comme ça ou peut-être les deux ensemble.

(10 h 20)

Et nous avons soulevé cette question hier, du quoi et du comment, en termes d'évolution et en termes de priorité, constatant que dans les pays de l'OCDE, où nous avons procédé à une réforme du cadre de gestion, au préalable, on a regardé le quoi et les services qui sont offerts à la population, et on s'est questionné sur les services. Le ministre, hier, a répondu à cette question ou à ce commentaire en disant: Ça a déjà été fait au Québec. On a réduit les budgets, on a équilibré les budgets, donc c'est fait. Est-ce que je pourrais avoir vos commentaires sur ce point-là?

M. Sirois (Pierre): Oui. Lorsque nous insistons sur le fait qu'avant de parler du comment il faut parler du quoi, nous trouvons que c'est une préséance ou une séquence qui est importante. Toutes les entreprises qui se sont lancées dans un exercice dit de «reengineering» de processus se sont rendu compte qu'on a beau améliorer la façon de faire ce qu'on fait, donc de mieux le faire, si on ne fait pas la bonne chose, notre client en bout de ligne ne sera pas content. Il se peut que quelque part, pour une raison ou pour une autre, on ait mis en place des services ou des activités dans une organisation, qui ne sont pas nécessairement les plus importants et les plus directement reliés au client et aux services qu'il veut et qu'il y ait lieu de les remettre en question, et peut-être même d'en disposer d'une façon ou d'une autre, soit d'en faire davantage ou de ne plus en faire du tout, donc on aura beau améliorer ce que nous faisons, si nous ne faisons pas la bonne chose, on a un sérieux problème: on va être performant à faire ce qu'il ne faut pas faire. C'est là l'inquiétude que nous avons et la préoccupation dont nous faisons mention dans notre mémoire et dans la présentation de ce matin.

Ce que nous prétendons, c'est que dans la logique ou dans notre logique il faut d'abord se questionner sur le quoi, et après on se dit: Comment je le fais pour bien le faire?

M. Marcoux: Est-ce que je vous comprends bien en disant que, pour vous autres, concernant le quoi ou ce qu'on doit faire, il y a encore une réflexion importante à tenir là-dessus?

M. Sirois (Pierre): C'est notre opinion, effectivement. Je vous concède effectivement qu'il y a eu des exercices qui se sont faits, de restriction, dirigés par un souci qui n'est pas négligeable, celui de faire en sorte que les finances publiques soient équilibrées, mais je pense qu'il y a encore plus à faire, mais préalablement au comment; préalablement au comment, le quoi est toujours important.

M. Marcoux: Ma deuxième question touche les modes de prestation des services et peut se relier aussi à la première. C'est que, dans le document, on mentionne évidemment qu'on ne discute pas de l'établissement de nouveaux modes de prestation de services, par exemple, avec des partenaires extérieurs, on ne se questionne pas à savoir si tel service pourrait être mieux rendu, par exemple, en partenariat ou peut-être de différentes façons, avec des organismes bénévoles, comme ça a été le cas ailleurs. Quel est votre point de vue là-dessus? Est-ce que c'est un volet qui devrait être également examiné, c'est-à-dire le mode de prestation des services, qui peut le mieux rendre un service au meilleur coût, de la meilleure qualité possible au citoyen?

M. Sirois (Pierre): Une bonne question, réponse difficile. Ce qui nous apparaît, lorsqu'on a lu l'énoncé, ce que vous mentionnez... Nous, il nous est apparu évident que quelque part, les entités qui auront à mettre en place ou à suivre l'approche de l'énoncé de politique, se questionneraient effectivement sur ce comment-là: Est-ce qu'on partage, est-ce qu'on fait seul? Est-ce qu'il aurait été intéressant que le gouvernement se commette davantage et donne des orientations ou des tendances? Peut-être. Je vous dirais que, dans la lecture que nous avons faite de l'énoncé, nous nous sommes centrés sur d'autres préoccupations. Celle-ci est sûrement importante mais nous l'avons reléguée dans un autre plan, dans un plus tard.

M. Marcoux: Est-ce que cette préoccupation-là ou cet examen, pour vous, ce que vous mentionnez, ne peut pas évidemment faire l'objet de décision sur le plan administratif mais doit plutôt recevoir l'aval évidemment d'une orientation politique, même si on touche là, dans le fond, à la recherche d'efficacité de dispensation des services? Je pense que c'est ça qu'on pose comme question lorsqu'on...

M. Sirois (Pierre): Oui.

M. Marcoux: ...dit: Est-ce que ça devrait être rendu par tel organisme ou ça peut être mieux rendu de telle autre façon?

M. Sirois (Pierre): Bon. Là, dans ce que vous dites à la fin, vous êtes rendu à une décision de choix. Je serais tenté de vous dire que le gouvernement actuel a déjà indiqué ses tendances et, quand vous écoutez différents ministres, dont celui des Transports ou ailleurs, on parle largement de partenariat. Donc, quelque part nous sentons que le gouvernement a déjà initié et annoncé un peu ses couleurs à ce sujet. Maintenant, à savoir qui fera les choix et quand et le comment, ça, je ne suis pas en mesure de vous répondre aujourd'hui.

M. Marcoux: Une dernière question, M. Sirois. Évidemment, dans ce projet de réforme, où on recherche une meilleure évaluation des résultats, un volet important de mise en oeuvre est celui des contrats de performance et d'imputabilité, c'est-à-dire que les ministres, les sous-ministres devraient conclure d'abord une entente de gestion, après ça des contrats de performance avec des unités du ministère. Théoriquement, il n'y a pas de limite au nombre de contrats de performance qui pourraient exister dans un ministère. Ça, je comprends. On pourrait évaluer, séparer les diverses unités. Est-ce que je comprends bien ce que vous mentionnez, vos préoccupations à ce sujet-là en disant: D'une part, on se demande si c'est nécessaire et, deuxièmement, est-ce qu'on ne complexifiera pas davantage la gestion de la fonction publique avec ce genre de mécanisme-là?

M. Sirois (Pierre): Oui, il y a ces éléments-là. Il y a aussi le fait que la sanction de non-performance nous apparaît peu inquiétante. Se faire dire: On va te mettre ailleurs, ça se fait déjà. Est-ce que c'est vraiment inquiétant si on ne remplit pas ses obligations? Et notre perception, c'est qu'un employé du gouvernement, quel que soit son niveau, lorsqu'il accepte – parce que c'est un contrat – de remplir des fonctions ou d'exercer une profession au sein d'un ministère ou d'un organisme, déjà dans son contrat il a à livrer une performance et il a à atteindre un certain nombre de résultats. Donc, un gestionnaire, dans notre esprit – peut-être sommes-nous naïfs – lorsqu'il a la responsabilité d'une organisation ou d'une entité administrative quelconque, il a l'obligation de faire le mieux, de faire le meilleur et le plus. Je pense que c'est inhérent même à la fonction qu'on lui accorde, aux responsabilités qu'on lui confie.

Maintenant, qu'on le transpose dans un autre contrat appelé de performance, bien peut-être que ça va compléter son contrat, l'engagement est tacite même des obligations qui sont les siennes dans sa description d'emploi. Oui, c'est intéressant. Si ça complète, tant mieux. Est-ce que c'est nécessaire? Je n'en suis pas certain. Et le pendant d'obligation, c'est sanction. Et, dans ce cas-ci, la sanction nous apparaît peu inquiétante.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer mon intervention par saluer dans la salle un de nos anciens collègues, l'ancien député de Vanier qui a été un des pères du travail sur l'imputabilité, du rapport Lemieux-Lazure, et qui a d'ailleurs siégé dans votre fauteuil avant.

Ceci étant dit, M. le Président, j'ai trois questions à vous poser. La première question: Vous avez dit– et si j'ai mal compris, dites-le moi – vous semblez vouloir dire que vous vouliez une définition de la performance à l'intérieur de la loi. Ça m'inquiète. Mais je crois que madame a eu une position légèrement différente, l'approche étant plutôt de dire: le concept de performance n'est pas le même partout mais est adapté suivant la réalité. J'espère que je vous ai mal compris. Si je vous ai mal compris, dites-le moi tout de suite, ça va régler ça. Si je vous ai bien compris, ça m'inquiète.

Deuxième question: Vous avez insisté à juste titre sur le fait qu'il n'y a pas uniquement des valeurs quantitatives mais il y a aussi beaucoup de qualitatif. Je me permettrais de vous rappeler que, lorsqu'on parle des indicateurs de performance, quantitatifs bien sûr, on les qualifie d'indicateurs simplement et pas plus qu'un indicateur, c'est-à-dire que ça indique mais ce n'est pas une conclusion générale, c'est dans le témoignage, c'est dans l'ensemble qui permet, dans les échanges entre les parlementaires le cas échéant ou les dirigeants qui peuvent, à la lumière de ces indicateurs mais à la lumière des échanges, mesurer la performance. Donc, ça, je voulais vous le dire.

L'élément sur lequel je voudrais vous entendre, c'est sur les rapports annuels. On a réfléchi ensemble, à un moment dans différents forums, sur l'importance d'avoir une loi-cadre sur les rapports annuels de manière que, dans les rapports annuels, ils soient normalisés et que le même type d'informations s'y trouvent, ce qui permettrait d'avoir, de faire rentrer bien sûr les indicateurs purement quantitatifs mais aussi des indicateurs qualitatifs. J'aimerais vous entendre donc sur l'idée de normaliser les principes des rapports annuels. Je pense que le collègue le député de Labelle était intervenu un peu là-dessus.

(10 h 30)

Troisième élément, mon collègue le député de Vaudreuil est déjà entré un peu là-dessus, mais je pense que je vais pousser un peu plus loin la réflexion avec vous. De plus en plus, on va développer des partenariats privé-public. On commence à le faire au ministère des Transports; je pense qu'on peut le faire dans le ministère de l'Environnement. C'est des secteurs qui touchent au premier chef les ingénieurs, et c'est pour ça que je m'adresse à vous, vous êtes au premier chef touchés là-dedans. Comment, dans un cadre de partenariat, percevez-vous l'imputabilité des fonctionnaires qui agissent à ce moment-là, dans un cadre de partenariat envers la structure administrative et envers les parlementaires que nous sommes?

Donc, trois questions. Une petite question où vous me dites tout de suite que je me suis trompé, puis c'est correct, mais, si je ne me suis pas trompé, là je reviens. Puis deuxième question sur la loi-cadre sur les rapports annuels. Et le principe: Comment voyez-vous l'imputabilité dans un cadre où il y a un partenariat privé-public?

M. Sirois (Pierre): Bon. Alors, à votre première question, lorsque nous mentionnons qu'il faut savoir un peu plus c'est quoi qu'on entend par «performance», je pense qu'il y a lieu de le cerner davantage, pas dans le sens où vous dites: Dites-moi que je me suis trompé. Non.

M. Gautrin: Si vous me dites que je l'ai mal perçu, c'est correct.

M. Sirois (Pierre): Non, non, non, non. Il faut que quelque part, lorsqu'on parle de performance, on sache à quoi s'attendre, parce que c'est beau de parler de performance...

M. Gautrin: Mais est-ce que le concept...

M. Sirois (Pierre): C'est le concept qu'il faut définir.

M. Gautrin: ...de contrat entre l'unité autonome ou le ministère et le Conseil du trésor, cette espèce de balise où, a priori, on dit: On souhaiterait que vous fassiez cela pour atteindre telle performance, où, de part et d'autre, les partenaires s'entendent, ce n'est pas une mesure qui répond à votre préoccupation?

M. Sirois (Pierre): Non, non, ce n'est pas dans ce sens-là.

M. Gautrin: Excusez.

M. Sirois (Pierre): La performance, il faut définir c'est quoi. Comme je le mentionnais tout à l'heure, les résultats, si on vise les résultats pour les résultats, est-ce que ça fait de l'unité ou de l'entité une entité performante de faire des choses que peut-être elle n'aurait pas dû faire? Quand on parle de performance, il faudrait s'entendre: Qu'est-ce qu'on entend, qu'est-ce qu'on veut, qu'est-ce qu'on vise auprès de ces unités administratives là lorsqu'on parle de performance? C'est quoi, le défi auquel on s'attend à ce qu'ils répondent? Bien, il faudrait peut-être être plus clair là-dessus. Quand on parle, je ne sais pas, ministère des Transports ou un autre... quand est-ce qu'on pourra dire que le ministère est performant? Je pense qu'il faut donner des balises.

M. Gautrin: C'est exact.

M. Sirois (Pierre): Sans ça, les gens ne sauront pas peut-être dans quel sens ou dans quelle orientation axer leurs efforts.

L'autre question: Est-ce que nous sommes en faveur ou contre la normalisation de la présentation des rapports? Je pense qu'il est nécessairement intéressant et peut-être même souhaitable...

M. Gautrin: Et ça va même jusqu'à une loi-cadre qui encadrerait l'ensemble des rapports annuels.

M. Sirois (Pierre): La question peut être embarrassante. Est-ce qu'il est nécessaire, pour que des ministères et les gens qui sont à la tête de ces ministères-là puissent quelque part uniformiser leur façon de présenter les résultats, de le leur imposer par une loi?

M. Gautrin: Pour un parlementaire de l'opposition, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirois (Pierre): Donc, vous avez votre réponse à vous. Moi, je n'ai qu'une interrogation. Je trouve inquiétant quelque part, dans un gouvernement, qu'il fasse absolument imposer à ses organismes, à ses ministères, par une loi, un mode de présentation de ses comptes ou de la reddition de ses comptes. Je pense qu'il y a moyen quelque part de s'entendre sur un modèle. Ce n'est que mon opinion.

Pour ce qui est de la troisième question: Comment sera-t-il possible, lorsqu'il y aura des partenariats qui seront établis entre, d'une part, un ministère et une entreprise privée ou un consortium, d'établir l'imputabilité des fonctionnaires? je vous dirais là-dessus, en répondant sans complètement répondre, que tout va dépendre du contrat ou de l'entente dite de partenariat. Lorsqu'on a un partenaire, ça veut dire que quelque part on s'engage à partager certaines choses, donc la réalisation, et nécessairement aussi la responsabilité de cette réalisation-là qui incombe aux partenaires. Donc, là-dedans, on va sûrement déterminer ce qui revient à chacun et il devient comme évident que ce que chacune des parties se réserve comme étant son produit à livrer, elle sera imputable là-dessus. Maintenant, en bout de ligne, si la question va plus loin que ça – du côté gouvernemental où c'est le service aux citoyens, il faut que quelqu'un réponde – est-ce que ce sera une partie ou l'autre ou est-ce que ce sera le gouvernement qui deviendra imputable, à ce moment-là? La réponse viendra plus tard peut-être.

M. Léonard: On a l'élection, à tout le moins.

M. Gautrin: Il existe quand même déjà des partenariats privé-public. Ça dépend du type de contrat. Je comprends que vous me dites: Bien sûr, c'est évident, ça dépend de la nature, du type de contrat. Mais j'aurais aimé mieux... je vous suggère... est-ce que je peux vous relancer la balle?

M. Sirois (Pierre): Vous pouvez.

M. Gautrin: Parce que vous êtes un élément important, comprenez bien: les ingénieurs, à l'intérieur de tout ce mécanisme des partenariats, vous allez avoir un rôle extrêmement important à jouer, hein. Que vous réfléchissiez sur ça: Dans un cadre où on va négocier quand même, faire la même chose, mais pas nécessairement seuls, mais en partenaires avec un secteur, comment la reddition de comptes va pouvoir se faire? Je vous relance la balle. Je comprends que vous ne me répondiez pas ici à la première relancée de la balle de tennis. Mais réfléchissez-y, parce que, moi, c'est un problème. Je n'ai pas de solution, moi. Mais je réfléchis sur cette question-là.

M. Sirois (Pierre): Je peux vous rassurer sur certains aspects. Sachez que c'est une question sur laquelle nous réfléchissons. Vous comprendrez qu'ici je ne peux pas avancer toutes les réflexions que nous sommes à faire. C'est des choses qu'il faut regarder. Ce que nous souhaitons, c'est que, lorsque ces éléments-là iront davantage plus avant, dans un souci de transparence, le gouvernement consulte les parties impliquées qui auront à vivre cela au moment où nous pourrons, à ce moment-là, faire valoir davantage les éléments préoccupants et les suggestions que nous souhaitons faire.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, il nous reste à remercier les représentants de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, M. Sirois, Mme Pelletier, pour leur contribution à nos travaux. J'inviterais immédiatement les représentants du Conseil des directrices et directeurs généraux de l'administration du gouvernement du Québec à bien vouloir prendre place, nous allons enchaîner.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, puis-je inviter encore une fois les représentants du Conseil des directrices et directeurs généraux de l'administration du gouvernement à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît, et les collègues membres de la commission à faire de même? Je rappelle que nous sommes réunis afin d'entendre les intéressés dans le cadre de la consultation portant sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental.

Je tiens donc à souhaiter la bienvenue aux représentants du Conseil et, bien sûr, à son président, M. Julien Lemieux. Si M. Lemieux veut bien s'identifier. Voilà. M. Lemieux, je vous souhaite la bienvenue et je vous inviterais à présenter les personnes qui vous accompagnent et à enchaîner avec votre présentation, en se rappelant que nous avons 20 minutes à consacrer à la présentation comme telle.


Conseil des directrices et directeurs généraux de l'administration du gouvernement du Québec (CDGA)

M. Lemieux (Julien): Merci. Alors, les gens qui m'accompagnent: tout d'abord, Mme Suzanne Beaulieu, présidente du Forum des directeurs et directrices des communications du gouvernement du Québec. Mme Beaulieu. M. Yves Lachance, président de l'Association des gestionnaires en ressources matérielles du Québec.

M. Lachance (Yves): Bonjour.

M. Lemieux (Julien): M. François Giroux, président du Comité consultatif de la gestion du personnel au gouvernement du Québec.

M. Giroux (François): Bonjour.

M. Lemieux (Julien): M. Michel Dubois, vice-président du Conseil des responsables de l'informatique du secteur public.

M. Dubois (Michel): Bonjour.

(10 h 40)

M. Lemieux (Julien): Et M. Gordon Smith, président du Groupe d'action en gestion financière.

Vous ne serez pas surpris d'apprendre que la réflexion que nous venons partager avec vous aujourd'hui est le résultat d'une démarche qui a mis à contribution plusieurs groupes et individus. Ensemble, nos associations se font les porte-parole d'environ 500 personnes gestionnaires de ressources et spécialistes en gestion des ressources.

Nous faisons part immédiatement de notre satisfaction de constater que les plus hautes autorités gouvernementales donnent maintenant un signal clair qu'elles s'engagent résolument dans une audacieuse opération de renouvellement et de modernisation de l'appareil public et qu'elles entendent non seulement poursuivre mais accentuer leurs démarches entreprises en ce sens. Nous convenons que la description des éléments du contexte dans lequel s'inscrit le projet traduit les réalités d'aujourd'hui. En effet, il nous apparaît urgent de passer d'une gestion axée sur le contrôle a priori et sur les moyens à une gestion axée sur le contrôle a posteriori et orientée sur la performance et les services à la clientèle.

La philosophie de gestion proposée par l'énoncé de politique est très intéressante, voire même séduisante, à plusieurs égards. Nous sommes tout à fait d'accord avec un mode de gestion qui veut conférer une plus grande latitude d'action aux gestionnaires et les rendre davantage imputables de l'atteinte d'objectifs mesurables. Cette façon de faire s'inscrit d'ailleurs dans les courants mondiaux de modernisation des fonctions publiques. Nous jugeons que ce mode de gestion ne trouvera de véritable application que si le cadre législatif et réglementaire est rigoureusement ancré sur les grands principes à la base de cet ambitieux projet, d'où, vous le comprendrez, notre grande préoccupation pour le contenu de la proposition de loi sur la gestion gouvernementale et sa cohérence avec les autres législations maîtresses dans le domaine de la gestion des ressources que sont la Loi sur l'administration financière et la Loi sur la fonction publique.

À notre avis, la proposition actuelle de loi sur la gestion gouvernementale ne reflète pas et, à l'occasion, s'écarte des orientations annoncées de simplification et d'allégement du cadre de gestion. Nous voulons croire que notre perception s'explique par le fait qu'il nous est difficile pour l'instant de dégager une vision globale et intégrée de l'ensemble du projet de réforme. En effet, nous ignorons les modifications qui seront apportées en corollaire à la Loi sur l'administration financière et à la Loi sur la fonction publique. Nous n'en savons d'ailleurs pas davantage sur les allégements réglementaires qui seront consentis. Nous tenterons donc, dans les lignes qui suivent, de vous faire part des orientations que nous privilégions à l'égard du contenu des renseignements que nous disposons à ce stade-ci de l'évolution du projet.

Parlons d'abord du contrôle. Nous nous rendons compte que la notion de contrôle et la façon de l'exercer sont peu ou pas traitées dans le document. L'absence de proposition à l'égard de la gestion des risques et de son corollaire, la fonction contrôle, nous inquiète. Nous sommes fermement convaincus que l'efficacité et la crédibilité de la réforme proposée dépendent très largement à la fois d'un nouveau partage approprié des rôles des divers intervenants à l'égard du contrôle et, nous n'insisterons jamais assez là-dessus, des allégements qui seront apportés aux contrôles a priori exercés par les organismes centraux. À cet égard, la proposition législative soumise nous apparaît comme une consolidation de l'ensemble des pouvoirs, notamment de contrôle, actuellement détenus par le Conseil du trésor auxquels viennent se greffer des pouvoirs additionnels pour tenir compte du nouveau cadre de gestion.

L'actuelle proposition ne présente pas de vue d'ensemble des rôles respectifs des organismes centraux. Bien que celui du Conseil du trésor soit bien défini – trop bien défini, diraient certains esprits malicieux – nous ne connaissons pas encore la répartition des responsabilités entre le Conseil du trésor, le ministère des Finances, le Contrôleur des finances et le Vérificateur général vis-à-vis le contrôle et son exercice, pas plus d'ailleurs qu'entre ces derniers et les ministères et organismes.

Nous croyons opportun, dans cette discussion, de rappeler une recommandation de la commission de l'administration publique de 1997 qui demandait d'explorer en profondeur la possibilité et l'opportunité d'intégrer le mandat de contrôle des finances au Conseil du trésor, selon une formule renouvelée de contrôle général décentralisé dans laquelle le Conseil du trésor définirait des normes mais laisserait la responsabilité des fonctions aux ministères et organismes qui devraient en rendre compte. Soulignons à cet effet que, déjà, au gouvernement fédéral, en Colombie-Britannique, en Alberta, à Terre-Neuve et à l'Île-du-Prince-Édouard, le Contrôleur, plutôt que de se rapporter au ministère des Finances, relève du Conseil du trésor ou de son équivalent. Nous laissons le choix à votre réflexion, mais il y a là place à l'innovation.

Nous pensons qu'il y a ici un partage nouveau des responsabilités à faire, qui n'est pas facile mais qui doit être fait, pour favoriser une véritable responsabilisation des gestionnaires et assurer la cohérence avec l'énoncé de politique relativement à la gestion des performances et à la gestion axée sur les résultats. Nous constatons que, dans le projet proposé, l'accroissement de la latitude d'action des gestionnaires ne pourra l'être qu'à travers une entente de gestion et que celle-ci n'est possible qu'à la condition de signer préalablement un contrat de performance et d'imputabilité. Cela suscite chez nos membres un certain nombre d'interrogations à l'égard notamment de la généralisation progressive d'un tel contrat de performance.

Nous sommes préoccupés par les rôles respectifs prévus dans ces contrats par le ministre et le sous-ministre, par la pérennité de tels contrats, par la multiplication des unités de support à la gestion pouvant en découler, par la complexification possible de la gestion en raison de la prolifération de tels contrats, etc.

L'augmentation de la performance de l'appareil gouvernemental doit bien sûr demeurer un objectif primordial. Les outils pour y parvenir peuvent être multiples, mais il existe un incontournable: la mobilisation du personnel. Or, si le contrat de performance et d'imputabilité peut représenter un élément déclencheur pour faire naître cette nécessaire mobilisation, est-il suffisant pour la maintenir à moyen et à long terme? Nous croyons que le contrat de performance et d'imputabilité devrait être plutôt un outil réservé à certains cas exceptionnels. Nous songeons, par exemple, au redressement d'unités administratives en difficulté, à l'expérimentation de certaines activités ciblées et bien différentes des activités usuelles d'un ministère ou d'un organisme, ou encore à une activité à caractère temporaire ou un cas particulier.

Pour atteindre les niveaux de performance souhaités, nous croyons qu'il serait opportun, au lieu de viser la généralisation progressive du contrat de performance, d'investir davantage d'efforts dans la gestion par entente signifiée aux gestionnaires. Il s'agit d'un mécanisme connu qui est déjà intégré dans la gestion courante. Pour ce faire, il est impératif cependant d'établir des liens directs entre ces ententes, et le plan stratégique, et le plan annuel de gestion des opérations de l'organisation. Il va de soi que des mécanismes de mesure de la performance devront être développés et appliqués de façon régulière et également que des mécanismes de sanction et de récompense de la performance soient élaborés. Nous penchons donc du côté d'une intégration de la gestion par entente signifiée à la mesure de la performance des organisations. Il nous apparaît que cette façon de faire, en plus d'être déjà généralisée, devrait favoriser la permanence des effets du nouveau cadre de gestion.

La proposition de loi prévoit la possibilité d'obtenir des assouplissements additionnels aux règles de gestion dans la mesure où aura été conclue une entente de gestion qui, elle-même, suppose l'existence d'un contrat de performance et d'imputabilité. Cela nous amène à y voir des allégements consentis à la pièce et au gré des ententes négociées, créant ainsi une fonction publique à deux vitesses. Selon nous, et découlant de nos remarques préalables, une entente de gestion devrait pouvoir être conclue sans qu'il y ait nécessité d'établir un contrat de performance et d'imputabilité.

En complément à nos précédentes remarques, nous estimons que la proposition de loi sur la gestion gouvernementale doit devenir une véritable loi-cadre, donc dépouillée de toute disposition et des éléments de forme, et qui devrait viser, pour l'essentiel, à définir les grandes règles du nouveau cadre de gestion. Cette loi-cadre devrait habiliter le Conseil du trésor à déléguer tout pouvoir qui lui est conféré ou est conféré à son président, à autoriser la sous-délégation ou encore à exempter une entité ou une partie d'entité de l'application d'une directive ou d'une politique, et cela, en dehors de la conclusion d'un contrat de performance et d'imputabilité.

Plusieurs raisons peuvent militer en faveur d'une telle approche de confiance. Mentionnons parmi celles-ci le fait que la fonction publique québécoise compte sur un personnel compétent, loyal et intègre. Au cours des 30 dernières années, la qualité du travail des gestionnaires, leur expertise et leur sens du devoir et des responsabilités se sont accrus sans cesse. Ce sont là des atouts qui devraient faire naître la confiance et sur lesquels nous devrions tabler pour construire maintenant.

Le projet de loi doit aussi prévoir une reddition de comptes effective et inspirée par une nouvelle philosophie de gestion, et nous croyons qu'il le fait correctement. Nous préconisons à la fois une reddition de comptes à l'interne pour les gestionnaires et à l'externe pour les dirigeants d'organismes et de ministères. À ce sujet, nous appuyons la proposition de fournir aux parlementaires l'engagement sur la qualité des services, le plan stratégique, le plan annuel de gestion des dépenses et le rapport annuel de gestion. Ces documents s'ajoutent à ceux déjà déposés en commission parlementaire pour l'étude des crédits et la vérification des engagements financiers. L'Assemblée nationale sera mieux outillée pour contrôler et surveiller les actions des ministères et organismes, l'usage des fonds publics et la qualité des services rendus aux citoyens.

Nous notons enfin que la communication et l'ensemble des mécanismes internes et externes qui lui sont propres ont été omis ou oubliés à la fois dans le document de consultation et dans le projet de loi qui l'accompagne. Il nous apparaît difficile de traiter du fonctionnement de l'État sans définir comme nécessaires, sinon essentiels, certains mécanismes relatifs à l'échange d'informations avec la clientèle, sans garantir une meilleure coordination des actions des ministères et organismes et sans consacrer le recours à des outils de rétroaction sur les programmes qui s'adressent aux citoyens.

(10 h 50)

Les moyens présentés sont centrés, d'une part, sur les interventions du Conseil du trésor et, d'autre part, sur les nouvelles obligations faites aux gestionnaires par l'introduction de la gestion par résultats. Nous remarquons que le projet de loi est éloquent à ce sujet. Nous savons pertinemment qu'au-delà de la nomenclature et de l'étendue des pouvoirs habilitants qui apparaîtront dans la future loi, c'est l'interprétation et l'application qui en seront faites qui viendront conditionner le succès ou l'échec de la nouvelle philosophie de gestion. Nous sommes d'avis que les éléments connus dans les textes publiés jusqu'ici comportent des zones d'amélioration que nous nous permettons de vous signaler ci-après.

Les mesures déjà annoncées en matière de gestion financière: crédit au net, plan pluriannuel, virements de crédits, etc., nous agréent parce qu'elles nous semblent pointer dans la bonne direction et qu'elles rejoignent en cela nos propositions récentes. Cependant, à l'exemple des virements de crédits à l'intérieur d'un même programme, il faudrait élargir leur champ d'application à l'ensemble des ministères et organismes et ne pas limiter ces nouvelles possibilités aux seules unités visées par les ententes de gestion.

En ce qui concerne le personnel, nous souscrivons entièrement à la liste des matières qui doivent sous peu faire l'objet de dispositions modificatives ou transitoires – on me dit d'ailleurs qu'on a déjà commencé les travaux à ce sujet – et souhaitons vivement être mis à contribution afin de dégager des pistes de simplification, d'allégement et de plus grande responsabilisation des gestionnaires. Cependant, la liste des propositions annoncées devra être complétée et enrichie. Il nous apparaît en effet essentiel que les ministères puissent compter sur une plus grande souplesse et une adaptabilité plus significative des mécanismes d'acquisition, de mobilité et de gestion de la main-d'oeuvre et qu'ils puissent conclure des ententes locales dans le respect du cadre général des conventions collectives.

De plus, il nous semble primordial que les règles de gestion permettent d'assurer de manière tangible la reconnaissance de la performance et sa contrepartie, la sanction. Il est regrettable de constater que l'actuelle proposition de loi précise certains pouvoirs de sanction, mais reste muette relativement à la récompense ou encore à la reconnaissance de la performance.

Par ailleurs, les nouvelles dispositions relatives aux ressources informationnelles amènent, à notre avis, un cadre de gestion plus contraignant qu'actuellement. Elles introduisent deux changements importants: d'une part, un élargissement du rôle du Conseil du trésor et, d'autre part, un élargissement du champ d'application en l'étendant à tous les organismes dont le personnel est rémunéré en fonction de la Loi sur la fonction publique. Nous estimons que la définition du champ d'intervention du Conseil du trésor devrait être précisée à l'égard des technologies de l'information et des ressources informationnelles. L'énoncé de politique utilise exclusivement l'expression «technologies de l'information» ou «nouvelles technologies de l'information et de communication», alors que le projet de loi emploie exclusivement l'expression «ressources informationnelles».

Les ministères et organismes devraient en ces matières disposer de la marge de manoeuvre nécessaire à l'acquisition des biens et services requis pour respecter les engagements pris envers leur clientèle. Les gestionnaires des technologies de l'information deviendront dans le nouveau contexte plus imputables que jamais des choix technologiques de leur organisation. En ce qui concerne les ressources matérielles, des allégements concrets sont prévus à la gestion des contrats. Cependant, nous fondons beaucoup d'espoir sur le futur règlement sur les contrats qui devrait contenir des assouplissements significatifs à l'égard de l'acquisition des biens et des services. Nous sommes en attente également de propositions au sujet de la gestion des stocks, des services immobiliers, des télécommunications, des services auxiliaires et de la gestion documentaire, car nous sommes convaincus que ces secteurs pourront produire des économies substantielles par une meilleure concertation entre les intervenants.

Enfin, relativement à l'article 75 du projet de loi qui traite d'évaluation de programmes et de vérification interne, nous comprenons que le Conseil du trésor exercera en cette matière auprès des ministères et organismes un rôle de conseil et de soutien et non un rôle d'exécution. De plus, nous pensons que la vérification interne comme outil de gestion présente un moyen d'appui pour accroître la capacité d'une organisation d'être en contrôle sur ses activités.

Nous sommes persuadés que la réussite de l'opération nécessite, même si cela fait cliché, l'engagement ferme et soutenu des hautes autorités des organismes centraux et de celles des ministères et organismes vis-à-vis les objectifs de la réforme et vis-à-vis la promotion du changement de culture. Nous considérons qu'il faudra aussi rendre le changement stimulant pour l'ensemble du personnel, et tout particulièrement pour le personnel d'encadrement. À cette fin, il nous semble impératif de mettre au point une stratégie d'information, de formation et de gestion du changement en vue de favoriser la compréhension, l'adhésion et la mobilisation des fonctionnaires au sens large et aussi de développer des mécanismes concrets de soutien aux gestionnaires pour la mise en place de tels changements.

Une fois la loi adoptée, nous soutenons qu'il faudra que le Conseil du trésor prêche par l'exemple, prenne des engagements publics à l'égard d'échéanciers précis sur les travaux d'allégement prévus et pose très tôt des gestes concrets d'assouplissement et de délégation afin que le personnel de la fonction publique réalise que le projet progresse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemieux (Julien): Il pourrait, pour cela, fournir, dès que possible, une liste détaillée des exemples d'allégement aux règles, directives et contrôles qu'il s'apprête à apporter, donnant ainsi le signal que tout le monde attend.

En conclusion, nous réitérons notre appui global aux orientations mises de l'avant par le gouvernement dans l'énoncé de politique. Il s'agit là d'un projet majeur auquel nous voulons être associés parce que nous tenons à être des acteurs importants de sa réalisation. Nous sommes face à un dossier de très grande importance et en évolution qui s'adresse à une fonction publique elle-même d'une grande complexité. Il s'agit là d'un défi très intéressant à relever pour tous les gestionnaires du gouvernement. Ils ont fait la preuve dans le passé de leur engagement, de leur compétence et de leur loyauté. Ils ont aussi prouvé qu'ils pouvaient gérer de manière responsable et qu'ils pouvaient apporter une contribution significative à l'atteinte des objectifs gouvernementaux, comme ils l'ont démontré d'ailleurs dans les efforts récents visant l'assainissement des finances publiques et le déficit zéro. Nous croyons qu'ils méritent qu'on leur fasse confiance. La concrétisation des principes et concepts énoncés dans l'énoncé de politique dans les lois et les nouvelles règles de gestion en serait le meilleur des témoignages.

En leur nom, nous nous déclarons prêts à contribuer à cet audacieux projet, à développer de nouvelles compétences et à ajuster nos comportements afin de soutenir activement la réalisation de ces changements majeurs. Nous sommes donc tout disposés à poursuivre la réflexion avec les personnes qui auront à décider de la couleur finale du futur cadre de gestion du gouvernement.

Merci à vous tous, parlementaires de cette commission, qui nous avez permis de nous faire entendre sur ce dossier qui nous tient vraiment à coeur. Merci aussi pour la qualité de votre écoute. Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Lemieux, président du Conseil des directrices et directeurs généraux. M. le ministre.

M. Léonard: Merci, M. le Président. Je veux remercier ce consortium d'associations de la qualité du mémoire qu'il nous présente ce matin, qui révèle une analyse fouillée, songée du document – je pense qu'il faut le reconnaître – et qui témoigne de la qualité de la fonction publique au Québec. Vous avez fini votre intervention en en parlant; je partage cet avis parce que, effectivement, dans la lutte au déficit zéro, les ministères ont livré et largement, même au-delà de ce qu'on leur avait demandé. Je peux dire ça et je les en remercie.

Je reviens à votre mémoire. Il y a beaucoup d'idées dedans. On ne pourra pas débattre de toutes ce matin sûrement, parce que chacun des points mériterait probablement une session de travail, et puis, aussi, au Conseil du trésor, les réflexions se poursuivent, donc nous pourrions ajuster. Mais, quand même, il y a quelques questions que j'aimerais bien vous poser, en tout cas quelques réflexions que j'aimerais partager.

Une qui m'a accroché, que vous avez faite, c'est: Il y a danger qu'il y ait une fonction publique à deux vitesses. Affirmé comme cela, je trouve cela un peu... en tout cas ça accroche, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais, au fond, quand on y réfléchit, est-ce qu'on ne vise pas une fonction publique à plusieurs vitesses en s'adaptant à chacun des ministères ou à chacun des objectifs, à chacun des programmes? Et puis on peut concevoir que les attentes vont être très différentes d'une unité à l'autre, d'un ministère à l'autre, mais que tout va être encadré cependant dans un mécanisme qu'on propose dans l'énoncé de politique. Alors, cette approche, c'est à deux vitesses... je dirais, ça va être à plusieurs vitesses. C'est plutôt ça, l'esprit du projet de loi. C'est peut-être la remarque que j'avais à faire. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Mais, au fond, on vise beaucoup plus de flexibilité qu'on en a maintenant. Alors, je ne sais pas... Je sais bien que, d'un point de vue cartésien, c'est difficile d'imaginer que ça soit très différent d'une unité à l'autre. Effectivement, il y a des éléments de base: la Charte des droits et libertés de la personne reste toujours en vigueur, puis il y a certains autres éléments même dans la fonction publique, il y a des codes d'éthique. Mais il reste quand même que ce qu'on vise, c'est beaucoup plus de flexibilité de l'administration publique. Quels sont vos commentaires?

(11 heures)

M. Lemieux (Julien): Merci du commentaire, M. Léonard. Tout d'abord, je pense que, lorsqu'on parle, nous, d'une fonction publique à deux vitesses, précisons deux choses. La première, c'est que, bien sûr, on est tout à fait d'accord que, dans l'ensemble de l'appareil, il y ait des particularités administratives, qu'il y ait des types de pouvoirs ou des façons de faire différentes d'une organisation à l'autre selon les besoins. Là-dessus, je pense que nous sommes tout à fait d'accord que le Conseil du trésor devrait avoir les capacités, avoir les moyens d'adapter ses règles, ses normes, ses directives, ses politiques administratives, en fonction des différents cadres opérationnels du gouvernement dans les différents ministères et organismes qui le composent. Sauf que nous disons: Au lieu de le faire – on pourrait y revenir plus loin, cette discussion-là sur les contrats – avec des contrats de performance ou des ententes de gestion...

M. Léonard: J'y reviendrai après parce que j'ai...

M. Lemieux (Julien): ... – O.K. on y reviendra après – on dit: Bon, ça devrait être une règle générale qui permettrait à tout organisme ou ministère, qui a des besoins de souplesse, qu'il puisse l'obtenir du Conseil du trésor avec une certaine mécanique de fonctionnement qui pourrait être à préciser ou à déterminer. Donc, bien sûr, ça conduirait à des situations de gestion différentes d'un ministère à l'autre ou d'un organisme à l'autre. Nous sommes tout à fait à l'aise dans ce genre de gestion.

Nous, ce que nous ne voudrions pas qu'il y ait, ça serait qu'il y ait un mécanisme qui permettrait à certaines organisations, dans des cas très particuliers, avec des contrats de performance, avec des ententes de gestion, d'être limitées à certains types d'activité ministérielle ou d'un organisme. Donc, que ces gens-là puissent avoir droit à des règles de gestion particulières dans un même ministère ou un organisme alors qu'à côté d'eux d'autres personnes, qui ne sont pas soumises à ces contrats de performance ou à ces ententes de gestion, auraient des règles de gestion ou des modes de gestion différents qui seraient, dans le fond, des règles générales dans l'ensemble de la communauté gouvernementale.

Et on dit à cet effet-là: Il faut faire attention pour ne pas créer une situation où dans un même ministère ou organisme il pourrait y avoir deux, trois, quatre contrats de performance signés par le ministre et le sous-ministre du ministère ou un président d'organisme, chacun avec leur propre mode de fonctionnement, leurs propres règles de gestion, puis ceux qui ne sont pas dans ces ententes-là auraient d'autres modes ou règles de gestion. Et donc on se dit: Il faut faire attention pour ne pas qu'il y ait une mécanique ou un mécanisme de fonctionnement qui créerait des entités ou des groupes de personnes privilégiées, si on peut dire, entre guillemets, dans un même ministère alors que, dans le fond, on vise, dans un ministère, une vision stratégique globale commune partagée par l'ensemble de l'appareil et tout le monde travaille dans ce sens-là. Il faut éviter d'avoir une situation où on va justement faire des distinctions dans un même ministère avec des contrats de performance ou des ententes de gestion particulières. C'est ce qu'on voulait dire par une fonction publique à deux vitesses dans le sens qu'on en parlait au début.

M. Léonard: Oui. On pourrait en discuter aussi beaucoup parce que... Prenons le ministère de l'Industrie et du Commerce. Il y a des fonctionnaires qui administrent des programmes, mais, en même temps, il y a un organisme à l'intérieur qui s'appelle la Société des alcools du Québec. Et là-dessus, nous nous sommes entendus avec le syndicat pour avoir un système de bonus à la performance. Et puis ça, c'est très différent. Je comprends qu'il y a une marge et qu'il ne faut pas que ça s'écartèle avec le temps puis qu'on arrive avec des situations complètement aberrantes, oui, mais l'idée, c'est quand même de donner beaucoup plus de marge de manoeuvre.

Moi, je voudrais revenir à cette... Vous avez porté, disons, une certaine critique sur les contrats de performance d'imputabilité en disant: Pourquoi on ne continue pas la gestion par attente signifiée? Oui. Il y a quand même une chose qui est différente. Le contrat de performance d'imputabilité va être public alors que, actuellement, la gestion par attente signifiée, ce n'est pas publique. Et c'est un des indices que je vous soulève à l'effet que l'objectif que nous avons, c'est de rendre la gestion beaucoup plus transparente, beaucoup plus à la portée de la population en général. Quand on dit publique, dans les pays qui ont fait cela, les orientations des ministères et les contrats de performance d'imputabilité sont rendus publics pour chacun des ministères. Il y a une différence de taille, je pense, par rapport à la situation actuelle où il y a une gestion par attente signifiée. Je ne nie pas qu'il y ait des avantages à ce que l'on fait, mais est-ce qu'on ne peut pas aller plus loin et les consigner dans un document public officiel?

M. Lemieux (Julien): Nous, en fait, on base notre raisonnement sur la chose suivante, c'est que, dans le projet qui est prévu, on parle de rendre public pour un ministère ou un organisme son plan stratégique, son plan annuel d'opération, puis à la fin ses résultats d'opération. Alors, nous, ce qu'on dit: Tout ce qui est dans ce contrat de performance, dans le fond, public, le ministère, dans son plan stratégique, annonce, lorsqu'il commence ses opérations au début de l'année: Deviennent, toutes les bases, des attentes signifiées dans l'organisme ou dans le ministère. On fait les liens directement et on va rendre compte de ça aussi, à la fin de l'année, sur la base de la performance des attentes signifiées au niveau des gestionnaires, en regard du plan stratégique de l'organisme ou du ministère.

Et on se dit à ce moment-là: L'objectif qu'on veut des contrats de performance, on l'atteint via la grande déclaration du plan corporatif ou du plan ministériel qui devient la base des attentes signifiées d'un ministère. Et, si on a des mesures de performance très rigoureuses de faites par attentes signifiées dans le ministère ou l'organisme en regard du plan stratégique, on atteint la même cible que vous. Bien sûr, c'est une vision différente, c'est des moyens différents, mais on peut atteindre une cible. Et le fait, c'est qu'on peut aussi, dans ces cas-là, gérer par attentes signifiées pour l'ensemble du ministère sans distinction des travaux faits dans le ministère, soit au niveau des politiques, au niveau des programmes, au niveau de la gestion des ressources humaines, au niveau des opérations de soutien à la clientèle, etc. Toute activité du ministère peut être gérée par attentes signifiées, à ce moment-là, en regard d'un contrat de performance qui, lui, serait plutôt orienté vers des activités liées à des clientèles directement.

Alors, on dit: L'attente signifiée devient un moyen. Le contrat de performance resterait, mais dans des cas qu'on considérerait très particuliers dans un ministère ou un organisme. Les activités qu'on considérerait suffisamment différentes, par exemple, ou encore en problème, qu'on voudrait réorganiser, où on voudrait vraiment donner un coup de barre pour les remettre à flot; là on prendrait les grands moyens, un contrat de performance qui devient comme un instrument de gestion assez rigoureux, même vigoureux, si vous me permettez l'expression. Il faut l'utiliser avec parcimonie parce que ça peut aussi avoir un effet inverse, dans le sens que les gestionnaires qui sont dans ça avec leur équipe, s'ils se sentent... On peut bien, comme on dit, presser le citron mais, à un moment donné, ça finit que ça a une limite. Puis il faut faire attention pour ne pas, comme on dit, percer des murs avec ce genre de contrats. Et nous, on s'était dit, par rapport à ça: Faisons-en un usage un peu plus comme prudent, si vous me permettez l'expression, sans enlever, bien sûr, tout le mérite qu'on accorde au contrat de performance, parce que c'est quand même un instrument de gestion important qu'on peut utiliser. Mais il faut le mettre en lien avec les attentes signifiées, tel qu'on parlait tout à l'heure.

M. Léonard: Juste une autre question, rapidement: En ce qui concerne les ressources humaines, vous nous dites: «Il nous apparaît essentiel que les ministères puissent compter sur une plus grande souplesse et une adaptabilité plus considérable des mécanismes d'acquisition, de mobilité et de gestion de la main-d'oeuvre.» Tel que c'est dit, tout le monde partage ça. Mais d'un point de vue concret, qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Lemieux (Julien): Je peux donner une première partie de la réponse et je vais demander à mon collègue François Giroux, du CCGP, de compléter ma réponse. En fait, dans toutes les mesures qui sont prévues dans la liste des choses qu'on va regarder au niveau du projet dans son ensemble, la partie qu'on touche, c'est la partie qui touche la gestion du plan de carrière, je dirais, des personnes dans un ministère ou un organisme. Alors, nous, ce qu'on cherche à avoir, c'est justement des moyens pour être un peu plus capables de gérer localement le plan de carrière d'un individu à travers la mobilité plus facile d'un ministère à l'autre ou encore d'un organisme à l'autre dans l'appareil gouvernemental, et donc avoir des moyens un peu plus larges que ceux dont on dispose maintenant pour gérer le plan de carrière. Ceci dit, je vais demander à François Giroux mon collègue d'ajouter à ce que je viens de dire.

M. Giroux (François): En fait, M. le ministre, un exemple concret qui pourrait être donné de la réalité – et j'ai déjà commencé à partager des travaux avec les partenaires du sous-secrétariat au personnel de la fonction publique à ce sujet-là: Dans l'actuelle Loi sur la fonction publique, il y a un principe auquel on adhère, qui est l'accès à tous à la fonction publique. Par contre, on est bien conscient qu'à certains moments donnés, de baser l'acquisition de main-d'oeuvre sur ce principe-là, qu'on reconnaît, crée une mécanique qui devient lourde en termes d'énergie à investir et de durée dans le temps. Et l'exemple dont on se sert le plus souvent est celui du concours de contrôleur routier de la Société de l'assurance automobile, qu'on a tenu il y a déjà quatre ou cinq ans et qui avait généré 30 000 candidatures pour combler un peu moins de 100 postes.

Notre préoccupation, à ce moment-ci – et qu'on partage avec les gens, je le répète, de votre sous-secrétariat – c'est de voir comment on pourrait baliser ce droit d'accès à tous dans certaines circonstances; également, comment on pourrait mieux préparer la planification de la main-d'oeuvre. Il y a là un investissement de part et d'autre à générer et à mieux mettre sur la table de façon à voir comment, à travers les politiques et les directives actuelles, on pourrait simplifier, réduire les investissements et les énergies, tout en maintenant des principes auxquels on adhère, comme le régime du mérite.

(11 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Je veux vous remercier de la présentation de votre mémoire parce que je pense que les parlementaires sont conscients que vous êtes une instance des plus représentatives de la haute fonction publique. Vous avez indiqué, je pense, d'entrée de jeu, qu'il y a au-delà de 500 personnes qui avaient participé. Alors, c'est représentatif, c'est significatif, c'est important. Merci.

Deux questions. Dans le cadre de gestion qui est proposé, au chapitre de la reconnaissance de la performance, c'est évident qu'il y a une logique, d'après moi, à envisager de récompenser l'atteinte des objectifs fixés, les résultats et ainsi de suite. Je ne discute pas des moyens. Et là, vous, dans votre mémoire, vous dites: Pour cet aspect-là, au niveau de sanctionner la performance, il n'y a pas de problème, mais il y aurait une espèce de silence au niveau des sanctions par rapport... Très clairement, vous dites: «La proposition de loi précise des sanctions mais reste très muette relativement à la récompense.» Alors, vous, compte tenu de votre expérience, si vous aviez des indications à nous donner, elles seraient de quelle nature pour effectivement avoir quelque chose de plus précis eu égard à la récompense?

M. Lemieux (Julien): Je vais faire un premier commentaire et je pourrai demander à mon collègue François Giroux de rajouter s'il y a lieu. Mon premier commentaire est le suivant, c'est que, tout d'abord, on peut comprendre, dans le contexte gouvernemental actuel, qu'il n'y ait pas de proposition très claire ou très ferme à l'égard de la récompense, considérant que la récompense, en grande partie, touche la rémunération. Et la rémunération, bien évidemment, lorsqu'on parle de bonus de performance avec un pourcentage ou de différentes manières, c'est toujours un élément fragile ou un élément délicat dans les discussions des conventions collectives et de gestion de contrats de travail. Alors, nous comprenons qu'il n'y en ait pas, de proposition ferme. Il y a sûrement, d'ailleurs, par contre, chez les gens du Conseil du trésor, un ensemble de moyens ou de mesures qui pourraient être mis de l'avant pour supporter cette reconnaissance de la performance du personnel. On a soulevé le point parce qu'on voulait que ça ne soit pas oublié, que ça soit une préoccupation majeure, qu'on s'en préoccupe tout au long de la réflexion sur le projet en cadre de gestion.

Les moyens. C'est bien sûr que, pour nous, le moyen le plus évident, c'est toujours la rémunération. Le bonus de performance, c'est reconnu, ça, je pense, très universellement. Et donc ça devient une question délicate. Ceci dit, si tu as des commentaires à faire, François...

M. Gendron: Non, je n'en disconviens pas, mais quand des gestionnaires de votre calibre portent le jugement qu'il n'y a pas grand-chose de dit relativement à la récompense, pourquoi je voulais poser la question, c'est est-ce que vous faisiez référence sans le dire à des choses autres auxquelles on n'aurait pas pensé, qui ne sont pas liées à la rémunération. Alors, moi, j'ai dit: S'ils ont des bonnes idées, j'aimerais ça les entendre.

M. Lemieux (Julien): Effectivement, pour nous, la récompense, l'élément le plus...

M. Gendron: On est muet là-dessus mais vous comprenez.

M. Lemieux (Julien): Oui, oui. Absolument.

M. Gendron: Et vous n'avez pas de suggestions à nous faire.

M. Lemieux (Julien): Et on peut comprendre les enjeux qui sont en cause.

M. Gendron: Merci beaucoup.

M. Lemieux (Julien): On voulait juste que ça ne soit pas oublié et qu'on s'en préoccupe de façon constante parce que c'est un élément important dans le présent cadre de gestion qu'on veut mettre de l'avant.

M. Gendron: Deuxième élément: sur les moyens. Toujours dans la mise en oeuvre de la réforme, il y a les acteurs, il y a les moyens. Dans les moyens, il y avait quelques éléments sur le respect des règles de bonne gestion dans la proposition du cadre suggéré. Vous, vous dites, et je vous cite: «Le projet accroît les exigences des organismes centraux sans qu'elles soient compensées par des allégements conséquents. La lourdeur des contrôles ne change pas.» Juste au chapitre des moyens, vous ajoutez: «Les notions de contrôle et la façon de l'exercer devraient être davantage précisées dans le projet.»

Alors, là, j'ai comme un petit malaise. Vous laissez voir qu'il n'y a pas d'allégement. On est plus exigeant envers les organismes centraux. Vous dites «la lourdeur», donc il y a un jugement de porté. «La lourdeur des contrôles ne change pas.» Et vous en réclamez un peu plus ou du moins... À quel type de précisions faites-vous allusion quand vous dites: Les contrôles et la façon de les exercer devraient être beaucoup plus précis que ce qui est proposé dans le cadre de gestion? C'est quoi, les précisions que vous souhaitez? Pourriez-vous nous donner quelques indications?

M. Lemieux (Julien): Lorsqu'on parle du contrôle, le premier élément, bien sûr... On connaît tous le rôle du Conseil du trésor, avec l'ensemble de ses politiques administratives, ses règles et ses directives qui encadrent l'ensemble du fonctionnement gouvernemental et on sait qu'il y a là place de façon très importante à allégement et à simplification. Tout le monde connaît le grand nombre de pages qui régissent l'ensemble de notre gestion de personnel au gouvernement du Québec. Pour vous donner un exemple, il y a un effort qui a été fait par les gens de la gestion des contrats, au Conseil du trésor, qui devrait donner lieu à des règles d'assouplissement extrêmement importantes. On a vu, durant le printemps passé puis au début de l'été, ce qui était sur la table en termes de propositions et on se rend compte que, oui, c'est possible, quand les gens s'en donnent la peine, de changer de façon assez importante les modes de fonctionnement puis d'avoir des allégements et de la souplesse significative dans la prise de décisions puis le mode de fonctionnement des ministères et organismes à l'égard des différentes ressources.

En personnel, il y a une place à amélioration très, très majeure à faire de ce côté-là. En ressources informationnelles, ce qu'on remarque – pour répondre à votre question également – c'est que le Conseil du trésor va élargir d'abord la portée de son mandat à travers les organismes extrabudgétaires; on va même l'inclure dans ses champs de compétences. Et deuxièmement, on va aussi apporter un ensemble de pouvoirs au Conseil du trésor pour, je dirais, définir des règles, par exemple, pour faire des investissements en technologie, pour mettre en commun certaines ressources, certaines infrastructures, mettre en commun certains mécanismes de contrôle, de sécurité de l'information, etc. Donc, dans la mesure où ça vient s'ajouter à ce qu'on connaît déjà, bien, on dit: C'est une lourdeur additionnelle. Non pas qu'on est en désaccord avec ça, sauf qu'il faudrait par ailleurs prévoir des mécanismes de plus grande souplesse, par exemple, pour les ministères et organismes, pour faire l'acquisition de biens et de services en technologie, avoir des modes plus simples de contrats et de gestion de ces différents contrats-là de manière à ce que, d'un côté, il y ait des règles administratives plus sévères pour certaines choses puis d'autres plus faciles sur le plan administratif, au niveau du fonctionnement.

M. Gendron: Oui. Je veux juste compléter. Est-ce que je refléterais bien votre pensée en disant... Bon, ça, on a compris que le Trésor est assez fatiguant, merci – puis ce n'est pas péjoratif, là, pour ceux qui le dirigent – au chapitre de la gestion des ressources financières; ça, ça ne fait aucun doute. Sincèrement, je pense que c'était clair dans votre mémoire que là-dessus vous souhaitez que le Conseil du trésor, en matière de gestion des ressources financières et informationnelles, ait peut-être un allégement précis, moins de contrôle.

Quand vous mentionnez que la notion de contrôle et la façon de l'exercer devrait être davantage précisée, est-ce que c'est juste au chapitre de la gestion, excluant la gestion financière?

M. Lemieux (Julien): Quand on parle de la notion de contrôle en général, là, on parle vraiment du contrôle à l'égard de l'ensemble de l'appareil gouvernemental à partir de la définition des rôles du Conseil du trésor, du ministère des Finances, du Contrôleur des finances, du secrétaire général, etc.

M. Gendron: O.K. Les instances.

M. Lemieux (Julien): Donc, tous les grands intervenants gouvernementaux à l'égard de la fonction contrôle. Où on va. On ira voir le modèle puis rééquilibrer les pouvoirs entre les ministères, les organismes et les organismes centraux de contrôle. Là, il y a vraiment un travail important à faire et ce travail-là aura une conséquence directe sur la portée puis, je dirais, le rendement de la démarche qu'on fait parce que, si le contrôle demeure un contrôle encore très centralisé, on n'aura pas avancé dans la bonne direction, à mon avis. Ça, c'est vraiment un élément très épineux de la démarche qu'on est en train de faire, qui n'est pas facile, mais qui est très importante à faire. Ça va donner un ton très différent à tout l'ensemble de ce qui va suivre par la suite.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous allons permettre à nos collègues de l'opposition d'y aller de leurs questions. M. le député de Vaudreuil et porte-parole de l'opposition.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. M. Lemieux et tous vos collègues, nous tenons à vous remercier pour la qualité du mémoire que vous avez présenté – il témoigne d'une recherche approfondie – et également des commentaires fort pertinents avec des suggestions. Donc, merci beaucoup.

Je voudrais vous poser une première question. À la page 12 de votre mémoire, vous mentionnez que l'exercice actuel ne porte pas sur le rôle de l'État, le quoi – ce qui est conforme à l'énoncé du document qui a été déposé – ni sur les objectifs, mais sur le comment. Et vous ajoutez: «Il ne sera pas possible d'en rester à cette étape et de ne pas prendre en compte le nécessaire questionnement sur le rôle de l'État.»

Nous avons hier discuté de cette question. Le ministre nous a indiqué que cette étape-là avait déjà été faite...

M. Léonard: Pourquoi répéter des choses comme ça, là?

M. Marcoux: Bien, c'est-à-dire que l'exercice budgétaire avait été terminé.

M. Léonard: Non, pas terminé. Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Marcoux: Bien, on pourra en reparler, mais...

M. Léonard: Non, mais il faut arrêter, à chaque fois, là...

(11 h 20)

M. Marcoux: Mais est-ce que, selon vous, cet exercice sur le quoi est important et comment peut-il être initié? Est-ce qu'il devrait se faire assez rapidement également? Est-ce qu'il serait important même qu'il précède, que le quoi précède le comment? Pourriez-vous nous faire part de vos idées là-dessus?

M. Lemieux (Julien): Écoutez, nous, par rapport à ça, notre position est très simple: Notre préoccupation majeure, c'est de gérer les activités puis de gérer les ressources qu'on a à gérer dans l'ensemble de l'appareil. Il pourra arriver, des fois, dans nos décisions, dans notre gestion, qu'on ait des choix de gestion à faire même sur le quoi à gérer. Ça va arriver à la pièce, ça va arriver à l'occasion; ce n'est pas une démarche systématique qui devrait être faite avant celle-ci.

Il arrivera souvent des cas, lorsqu'on aura des programmes à gérer, des opérations, des activités à gérer, où on devra, à un moment donné, s'interroger sur l'opportunité de maintenir les choses telles quelles ou de les changer. Et ça, ça veut dire, dans le fond, que dans notre responsabilité de gestionnaire ça fera partie de questionnements à l'occasion qui vont survenir dans le cadre de n'importe quelle décision qu'on a à prendre. On a souvent à se poser la question sur le pourquoi, sur le comment. Donc, ce n'est pas une opération gouvernementale à laquelle on fait référence, c'est strictement une préoccupation de gestion des gestionnaires qui doivent s'en préoccuper lorsque ça se présente puis la traiter avec les autorités gouvernementales et prendre une décision en conséquence de ça. On dit: Il n'y a rien de plus que ça.

M. Marcoux: Sur la question de l'évaluation, tout ce qui touche la délégation d'autorité et la conclusion de contrats de performance – vous y faites allusion beaucoup dans votre mémoire – qu'est-ce qui vous préoccupe vraiment par la conclusion d'ententes de contrat de performance et d'imputabilité évidemment qui pourraient être probablement plus multiples dans le même ministère, dépendant des unités? Est-ce que c'est l'alourdissement administratif que vous craignez?

Vous avez évoqué également le fait que les fonctionnaires qui sont régis par un contrat de performance et d'imputabilité... les autres qui ne le sont pas puissent se sentir dans des situations différentes. Est-ce que le contrat de performance et d'imputabilité ne permet pas quand même d'établir des indicateurs qui rendent plus facile l'évaluation des résultats, notamment pour le contrôle des parlementaires?

M. Lemieux (Julien): Remarquez bien que lorsqu'on parle de contrat de performance, on parle d'un outil, c'est un instrument de travail qui comporte ses bons et ses mauvais côtés. C'est un instrument qui peut être très rigoureux, très vigoureux, comme je le disais tout à l'heure, qu'il faut utiliser avec une certaine dextérité. Si on en généralise l'utilisation, comme on disait tout à l'heure, la prolifération d'une bonne chose des fois nuit à son objectif. Nous, on dit, par rapport à ça: L'approche de gestion par attente signifiée peut peut-être devenir un complément au contrat de performance ou encore un élément qui va venir peut-être prédominer et le contrat devenir un élément d'exception. C'est deux outils qu'il faut utiliser, je pense, d'une façon cohérente en regard de ce qui se passe dans l'appareil, selon le besoin dans les différents ministères et organismes.

M. Marcoux: À la page 6 de votre mémoire, vous parlez de la nécessité d'intégrer la gestion du risque dans les préoccupations quotidiennes de la gestion et de revoir en conséquence les contrôles de gestion. Vous dites même: «À défaut de ce faire, c'est l'ensemble du projet de modernisation qui serait affecté.» Pourriez-vous élaborer un peu là-dessus, sur cette affirmation, et nous donner plus de précisions?

M. Lemieux (Julien): Lorsqu'on parle de la gestion du risque, il y a le risque à l'égard d'un programme gouvernemental et à l'égard également de la gestion même des ressources qui permettent de gérer le programme. La gestion du risque consiste à identifier l'ensemble des éléments qui pourraient nuire à l'atteinte des objectifs d'un programme, par exemple, ou d'une activité, à trouver des moyens pour le contrer et à mettre en place des contrôles pour prendre en compte le risque, de sorte qu'il y aura une prise de décision puis il y aura du monde qui va suivre l'activité sur une base régulière pour que, s'il y a une décision à prendre pour améliorer la performance, on la prenne rapidement et on réorganise l'activité pour pouvoir atteindre les cibles qu'on s'est donné. Alors, la gestion du risque devient donc une préoccupation importante du gestionnaire, de façon quotidienne, qui organise en conséquence son opération pour que le risque soit équilibré avec les moyens de contrôle, puis que le risque ne devienne pas non plus le seul élément à gérer. Il faut gérer le résultat; il faut aussi gérer le risque d'une façon concomitante.

Si les moyens de contrôle sont tellement importants pour gérer le risque, on va oublier le résultat. Là, on dit: Il faut équilibrer la gestion du risque avec la gestion du résultat puis prendre les décisions concomitantes selon les besoins. Il faut faire l'équation adéquatement puis il ne faut pas se donner des règles ou des mesures de gestion qui sont tellement importantes pour gérer le risque que finalement on n'atteint plus notre cible de résultat qu'on s'était donné. Alors, il faut, dans l'ensemble du projet, équilibrer la gestion des risques et des contrôles avec l'ensemble de la vision qu'on a du projet, c'est-à-dire gérer par résultat puis accroître notre performance corporative. C'est de faire l'équilibre qui est important entre les deux, O.K.

M. Marcoux: Sur la question de la main-d'oeuvre – on peut peut-être revenir, nous y avons fait allusion tout à l'heure – vous mentionnez notamment la possibilité de conclure des ententes locales dans le respect du cadre général des conventions collectives. D'abord, est-ce que c'est un objectif... Pourquoi, pour vous, c'est souhaitable et comment ça pourrait se faire? Est-ce que c'est par ministère? Est-ce qu'on peut concevoir qu'il y aurait des ententes locales par ministère? Je comprends que dans une société d'État ça puisse être différent, parce qu'il y a un conseil d'administration puis il y a une autonomie qui est particulière, mais est-ce que c'est possible, à l'intérieur de l'appareil administratif gouvernemental des organismes budgétaires, d'en arriver à un objectif comme celui que vous mentionnez? Est-ce que c'est souhaitable?

M. Lemieux (Julien): Je pourrais demander à mon collègue François Giroux, si vous me permettez, de répondre à cette question-là. Alors, François.

M. Giroux (François): Bien, M. le député, je pense que, oui, c'est souhaitable qu'on en arrive à actualiser la possibilité de négocier des ententes locales. D'ailleurs, il y a certaines conventions collectives à l'heure actuelle qui permettent des applications locales de certaines dimensions de la gestion des ressources humaines. Je pense, par exemple, à l'application du régime d'horaire variable qui peut se négocier sur une base ministérielle. Ce qu'on souhaiterait, c'est de pouvoir élargir ce principe-là à d'autres dimensions de la convention collective. Je pense qu'on peut en arriver – et c'est peut-être une illustration de la fonction publique à plusieurs vitesses dont on parle – à pouvoir négocier sur un plan local, que je ramènerais à un ministère ou à une organisation. Par contre, je ne pense pas que des ententes locales devraient être rattachées dans le contexte de la proposition au contrat de performance. Je pense qu'elles devraient pouvoir se faire dans un contexte global de ministère en fonction des missions exercées. Et ce qu'on souhaite, c'est que cette possibilité-là puisse exister de façon plus large qu'elle existe à l'heure actuelle.

M. Léonard: C'est déjà dans les CMOT, excusez-moi. Le protocole avec les CMOT, c'est ça.

M. Giroux (François): Oui. Je dois dire, M. le ministre, effectivement que le CMOT ouvre la porte à des avenues, mais, à chaque fois qu'on a voulu le faire, ça a été après de longues... je n'oserais pas dire batailles entre guillemets, mais il n'y a pas de culture, à l'heure actuelle. Et, si on l'ancrait dans une proposition de loi, je pense qu'on ouvrirait la porte à changer la culture et les paradigmes, à ce niveau-là.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous revenons donc à M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: M. le Président, depuis 1995, je pense, nous avons institué au gouvernement des unités autonomes de service dans certains secteurs dans la perspective justement de pouvoir rendre plus efficace la gestion de certaines activités, d'avoir des meilleurs indicateurs de performance, de pouvoir avoir un meilleur contrôle également. Est-ce que vous pourriez nous dire de votre expérience – vous connaissez les unités – comment est-ce que vous jugez la mise en place de ces unités-là – positives? – et est-ce que c'est une voie dans laquelle le gouvernement devrait continuer d'aller dans le cadre d'une plus grande efficience de la gestion de la fonction publique?

(11 h 30)

M. Lemieux (Julien): Premièrement, permettez-moi de vous dire que quand on parle d'une UAS, un des éléments que je considère être un apport extrêmement important de cette façon de faire, c'est l'obligation qu'on a faite aux gestionnaires concernés de définir de façon claire leurs objectifs en termes mesurables, de les mesurer puis d'en rendre compte. C'est, à mon avis, l'élément le plus important, le plus significatif qu'on peut faire ressortir des UAS. On a enfin demandé à des gens de s'arrêter, de définir une activité de façon claire, d'en définir les bornes, si on peut dire, de façon précise, avec des objectifs opérationnels – vous avez la clientèle très bien identifiée, très bien ciblée – en leur disant: Vous prenez maintenant des engagements pour rencontrer vos cibles que vous vous êtes donnés. Ça, dans le fond, ce mode de gestion là, on peut le retrouver dans n'importe quelle situation d'un ministère ou d'un organisme, parce que ça devient... c'est une façon de faire, une façon de gérer une entreprise, de gérer l'activité qui correspond, dans le fond, à des règles de pratique de saine gestion.

Le fait de rendre publics, bien sûr, les objectifs d'une UAS puis d'en rendre compte également à la fin de l'année publiquement ajoute, ça va de soi, à toute la dimension d'engagement. Et cette partie-là aussi est importante, bien sûr. On disait au début: Si un ministère publie de la même manière ses objectifs opérationnels, ses grandes cibles stratégiques également, puis les rend publics dans un document, puis, à la fin, en rend compte, ça aussi, c'est important, parce que ça devient la mission, ça devient la charge de travail de l'année qui vient du ministère, c'est ce qui a été engagé au départ dans un document public, puis tout le monde va travailler maintenant pour atteindre ces cibles-là.

Alors, pour nous autres, l'UAS est une entité opérationnelle très bien structurée, très bien organisée, avec toute une imputabilité bien développée. Ça, je pense que ça donne toute la rigueur qu'il faut à la gestion. Et, bien sûr, si on les maintient, si on les continue, on sera les premiers à s'en réjouir, parce que c'est un instrument de travail qui a fait ses preuves jusqu'à maintenant. Ce qu'il faut regarder, c'est dans quel contexte, dans quelle situation on va l'utiliser. Est-ce qu'on va le généraliser? Est-ce que ça va devenir la panacée à tous les maux de la gestion gouvernementale? Nous, on dit là-dessus, puis là je me réfère au contrat de performance, qui est un peu de même nature ou de même contenu au niveau philosophique, si vous me permettez l'expression... Je pense qu'il faut, là-dessus, avoir une vision stratégique pour qu'on fasse usage de l'outil là où c'est vraiment utile et payant de le faire pour l'organisation.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: D'abord, je suis très heureux de pouvoir échanger avec vous. Vous êtes des éléments extrêmement importants dans tout le mécanisme d'imputabilité. Le temps étant très court, je vais donc poser mes questions et ne pas faire de préambule.

Première question. La question d'une loi-cadre sur les rapports annuels, quelle est votre position face à ça, autrement dit, de systématiser les rapports annuels des différents ministères ou unités? Première question.

Deuxième question. Vous avez parlé de l'importance de la reconnaissance de la performance. Vous avez bien sûr dit: Il faudrait... c'est lié à des bonis de performance. Est-ce que, pour vous, les bonis de performance sont donnés à des individus ou sont donnés à des unités, quitte à ce que le gestionnaire de l'unité puisse les utiliser en les redistribuant parmi ses gens ou en les utilisant pour autre chose dans l'unité? Deuxième question, donc. Est-ce que c'est individuel ou si c'est sur l'unité?

Troisième question. Vous avez insisté – et mon collègue de Vaudreuil l'a fait – sur la gestion du risque. Est-ce que ce concept de gestion du risque – et je partage tout à fait votre point de vue sur l'importance de l'inclure aussi – de l'équilibre entre la gestion et la gestion du risque... est-ce que ceci pourrait faire partie des contrats de performance, inclure cette notion-là dans les contrats de performance?

Quatrième question. Comment vous réfléchissez sur l'imputabilité? Il y a l'imputabilité, bien sûr, interne et il y a l'imputabilité envers les élus que nous sommes, nous, les parlementaires. Comment vous intégrez à ça, dans le cas où il y en a, les conseils d'administration qui sont parfois élus, parfois nommés directement par le gouvernement? Quel est le rôle des conseils d'administration?

Et dernière question... Je m'excuse, je vais vous les poser ensemble parce que je n'ai pas beaucoup de temps; je pourrais élaborer sur chacune, ne vous inquiétez pas. La dernière question qui me préoccupe beaucoup, c'est: On va aller, je crois, de plus en plus dans la gestion de l'État, dans les partenariats privé-public, et comment, dans un cadre de partenariat, voyez-vous l'imputabilité à ce moment-là des gestionnaires, dans le cadre où il y a partenariat privé-public?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, M. Lemieux, vous avez en moyenne moins d'une minute par question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Je m'excuse, je vous les ai posées d'un coup, c'est parce que je n'avais pas beaucoup de temps.

M. Lemieux (Julien): Donc, la première question, loi-cadre et rapports annuels. Je pense qu'il faut que la loi-cadre précise l'obligation de publier un rapport annuel, mais son contenu devrait, à mon avis, être défini, être décrit dans des outils administratifs, genre une politique administrative, ou une directive, ou quelque chose du genre, pour qu'on puisse, au besoin, la mettre à jour facilement, s'il y a lieu, sans toujours revenir à la loi. O.K.?

M. Gautrin: Mais vous comprenez quand même qu'actuellement...

M. Lemieux (Julien): Mais le principe de base est dans la loi.

M. Gautrin: ...les rapports annuels sont des autosatisfactions. Pour la majeure partie des gestionnaires, ils ne donnent pas une idée claire de ce qui se passe dans les ministères. Et donc, la loi-cadre irait préciser à l'avance ce qu'on attend, ce qu'on veut obtenir.

M. Lemieux (Julien): Absolument. Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. O.K.?

M. Gautrin: On est d'accord avec moi. Bon, parfait.

M. Lemieux (Julien): Deux, la performance. Je pense que, lorsqu'on parle d'un bonus de performance, il faut laisser, à mon avis, au gestionnaire le soin de trouver la formule...

M. Gautrin: Donc, on partage le même point de vue.

M. Lemieux (Julien): ...de l'appliquer.

M. Gautrin: Parfait.

M. Lemieux (Julien): Individuel ou par unité? Chacun des cas devient un cas particulier, chacun devra innover là-dedans.

M. Gautrin: Parfait. On partage le même point de vue.

M. Lemieux (Julien): Deux, la gestion du risque et contrat de performance. Nous avons un esprit de gestion du risque. C'est une fonction de la gestion au sens large, ainsi que le contrôle. Et, à moins qu'il y ait dans une activité de gestion particulière, dans un ministère ou dans un organisme, un élément très spécifique de risque qu'on veut prendre en compte dans le contrat de performance, ça ne devient pas un élément du contrat de performance. Sauf vraiment des rares exceptions.

M. Gautrin: Vous me permettrez quand même de dire que, lorsque vous avez des choses qui sont particulièrement nouvelles ou lorsque vous voulez tentez... vous risquez d'avoir une moins bonne performance, c'est parce que vous voulez innover, et, moi, je croyais que vous vouliez tenir compte du risque que l'on a éventuellement en voulant innover. C'était ça que je...

M. Lemieux (Julien): Absolument. On peut, dans un contrat de performance particulier, adresser la question puis s'entendre sur le risque qu'on va gérer et qu'est-ce que ça donnera comme résultat final. C'est possible de faire ça. O.K.?

M. Gautrin: Parfait.

M. Lemieux (Julien): Deux, imputabilité interne versus les conseils d'administration. Je pense, venant moi-même d'un organisme à conseil d'administration, qu'il est extrêmement important de protéger, même de renforcer les rôles des C.A. des organismes budgétaires et extrabudgétaires. Le rôle du C.A., il est là pour des raisons très spécifiques de surveiller les organismes. Il faut s'en servir de plus en plus et être de plus en plus imputable à l'interne vis-à-vis du C.A. O.K.?

M. Gautrin: Parfait.

M. Lemieux (Julien): Enfin, en termes de partenariat et imputabilité, je pense que c'est une question également qui... Il faut que le gestionnaire qui est prêt à prendre avec l'externe un contrat de partage de la responsabilité, partage de l'activité, partage de risque, en assume aussi, lui aussi, sa partie, comme c'est normal de le faire dans des contrats de partenariat.

M. Gautrin: Mais je ne pourrais pas vous dire... Le comment, ce serait un long débat...

M. Lemieux (Julien): Ah oui! Ha, ha, ha!

M. Gautrin: ...puis on n'aura pas le temps ici dans les minutes qui nous restent.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il reste encore deux minutes.

M. Gautrin: Ah! il me reste deux minutes! Excusez-moi. Alors, comment vous voyez, vous... Je comprends qu'il faut partager les risques dans un contrat de partenariat et, moi, je n'ai pas de solution actuellement. Comment vous voyez éventuellement la reddition de comptes, dans le cadre d'un contrat de partenariat, envers les élus que nous sommes ou les gens qui...

Une voix: Le public.

M. Gautrin: Et le public. Bien, nous sommes le public dans la mesure où les parlementaires sont ici, ils n'ont un rôle que dans la mesure où ils rendent... Je comprends que vous ne voulez pas me répondre, mais je voudrais que vous réfléchissiez à ces questions-là parce qu'elles me semblent importantes pour le public.

M. Lemieux (Julien): Je n'ai pas la réponse exacte, bien évidemment.

M. Gautrin: Moi non plus, hein.

M. Lemieux (Julien): Mais une réflexion que je peux faire face à ce que vous venez de dire, c'est simplement le fait que le gestionnaire gère des fonds publics. S'il est prêt à partager cette activité avec un externe dans un partenariat, par exemple un partenaire externe, par exemple pour gérer l'informatique ou encore pour gérer une activité nouvelle, la clientèle ou autrement, je pense que c'est une façon nouvelle de faire les choses. Mais il reste toujours responsable du résultat, comme gestionnaire public, et il doit en rendre compte à ses commettants. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'on a un partenaire externe qu'on va donner à l'externe l'ensemble du risque qu'on prend en gérant avec lui. Il faut être toujours le responsable de l'activité. Le décideur principal de l'activité, c'est le gestionnaire interne qui en est responsable, donc qui est cette personne, et c'est lui qui doit rendre compte de ça à la fin de la période.

M. Gautrin: Si vous me permettez...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Brièvement.

M. Gautrin: J'ai encore une demi-minute. Je comprends que, là, vous touchez à la dimension de contrat, de partie qui est donnée sous forme de contrat. J'avais plus dans ma tête réellement les partenariats public-privé. Mais, enfin, je pense qu'on aura l'occasion d'échanger sur ces questions-là.

M. Lemieux (Julien): Bien sûr.

(11 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, il me reste effectivement à remercier M. le président Lemieux, du Conseil des directrices et directeurs généraux de l'administration du gouvernement du Québec, de même que les personnes qui l'accompagnent pour leur contribution à nos travaux. J'inviterais immédiatement les représentants du Comité des responsables de la vérification interne à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Pour faciliter les choses, j'inviterais nos invités qui partent, justement, à bien vouloir libérer la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Si je peux inviter les membres du Comité des responsables de la vérification interne à bien vouloir prendre place et les parlementaires à regagner leur place, nous allons enchaîner immédiatement. Merci de votre collaboration. Vous comprenez que notre horaire est assez chargé et que nous devons procéder sans délai.

Alors, c'est toujours dans le cadre de cette commission spéciale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental que nous recevons cette fois le Comité des responsables de la vérification interne, dont son président, M. Alain Chassé. J'inviterais M. Chassé à bien vouloir d'emblée nous présenter tout d'abord les personnes qui l'accompagnent. On se rappelle que nous avons pour la présentation proprement dite un maximum de 20 minutes. Alors, M. le président.


Comité des responsables de la vérification interne (CRVI)

M. Sénécal (Maurice): Je me présente, Maurice Sénécal, vice-président du Comité des vérifications internes. Je vous souligne que, pour des raisons professionnelles et personnelles, M. Chassé n'a pas pu se présenter aujourd'hui. Alors, je le remplace au pied levé pour vous faire la présentation.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et vous êtes, monsieur... Sénécal?

M. Sénécal (Maurice): Maurice Sénécal, directeur de la vérification interne à la Sûreté du Québec. M. le Président, M. le ministre...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que vous pouvez aussi nous présenter les personnes qui vous accompagnent, M. Sénécal?

M. Sénécal (Maurice): Oui. M. Moussette, permanent au CRVI; M. Paul-Henri Matte, de la CSST...

Une voix: Régie des rentes.

M. Sénécal (Maurice): ...Régie des rentes, je m'excuse; M. Viateur Laplante, directeur de la vérification au ministère de l'Éducation; M. Jean Dussault, à la CSST; et M. Jacques Dumas, aux Normes du travail.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.

M. Sénécal (Maurice): J'aimerais souligner aussi la présence de MM. Yves Bilodeau et Michel Paré qui sont administrateurs du Comité des responsables de la vérification interne, c'est-à-dire l'IVI comme tel, l'Institut des vérificateurs internes.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous vous écoutons.

M. Sénécal (Maurice): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission. Je souhaite débuter mes propos en vous précisant qui nous sommes et j'enchaînerai avec la présentation de la réflexion des membres du Comité des responsables de la vérification interne sur le projet du nouveau cadre de gestion. Ceci regroupe deux volets: les enjeux du projet et les conditions de réalisation favorables. Je conclurai par la suite.

Le CRVI, selon la directive concernant l'analyse de programme et la vérification interne, entérinée par le Conseil du trésor, se voit confier un double mandat: par l'exercice et la promotion de la vérification interne, favoriser une gestion efficiente et efficace dans les ministères et organismes; à leur demande ou à sa propre initiative, soumettre aux organismes centraux du gouvernement des avis sur les sujets relevant de son champ de compétence. Le Comité des responsables de la vérification interne, déjà préoccupé par la mesure des résultats, entend, dans son mémoire, présenter certains aspects des enjeux qui le concernent davantage tout en mettant en évidence les conditions de nature à favoriser l'atteinte des objectifs poursuivis par le projet de cadre de gestion renouvelé. On viserait donc à appuyer les gestionnaires pour qu'ils puissent atteindre la performance recherchée et pour que les décideurs disposent d'une information de qualité.

Bien que nous souscrivons entièrement aux commentaires du mémoire commun présenté par les groupes de concertation sous l'égide du Conseil des directrices et directeurs généraux de l'administration du gouvernement du Québec, CDGA, nous croyons essentiel de faire valoir notre point de vue sur un aspect particulier de la gestion par résultats, de la mesure de la performance, du contrôle et de la vérification, ayant déjà été interpellés sur les derniers sujets lors des récentes commissions parlementaires de l'administration publique.

Les vérificateurs internes sont environ 220 et évoluent dans 15 ministères et 21 organismes gouvernementaux de l'administration publique québécoise. Plus de 50 % de ceux-ci détiennent une affiliation professionnelle reconnue en comptabilité et en sciences de la gestion, alors que les autres sont issus d'une formation dans les champs aussi variés que les sciences sociales, le génie et l'informatique, accordant la profondeur requise à la compréhension des missions et des opérations des organisations et de leur entité administrative. Ces caractéristiques font de la vérification interne une fonction de gestion disposant de ressources compétentes, jouissant d'une indépendance apte à fournir la crédibilité et la rigueur aux informations nécessaires à la gestion axée sur la performance et l'atteinte des résultats.

Les vérificateurs internes s'inspirent de normes reconnues. Ils sont membres de l'Institut des vérificateurs internes qui regroupe plus de 70 000 membres dans 100 pays. Les vérificateurs internes manifestent depuis longtemps leur intérêt pour la gestion par résultats et la mesure de la performance. Leurs réalisations sont d'ailleurs là pour en témoigner.

Parmi ses plus récentes réalisations, outre une adhésion corporative à l'Institut des vérificateurs internes, on note les publications suivantes réalisées sous la direction du CRVI. Alors, il y a le Guide de certification du rapport annuel de gestion d'une unité autonome de service , éventuellement révisé en guide de validation; La vérification de la sécurité de l'information électronique et des actifs informationnels ; L'augmentation des risques dans le contexte actuel de la fonction publique québécoise ; Guide sur les indicateurs de performance dans les unités de vérification interne . Ces publications, avons-nous besoin de le souligner, se situent déjà dans les orientations ayant donné le jour au projet de loi dont nous discutons présentement.

Enfin, mentionnons que le vérificateur interne est déjà impliqué dans la validation des rapports annuels des unités autonomes de service et que le nouveau cadre de gestion encouragera le développement de cette formule impliquant l'énoncé d'objectifs initiaux et la reddition de comptes en fin de parcours.

Les vérificateurs internes, par le Comité des responsables de la vérification interne, CRVI, ont aussi participé activement au Groupe de travail sur l'exercice des fonctions contrôle et vérification dans l'administration publique québécoise. Le rapport produit par ce groupe de travail a fait l'objet d'une diffusion et d'une discussion devant la commission parlementaire de l'administration publique.

Vous nous connaissez déjà un peu mieux. Alors, identifions ensemble certains enjeux liés à l'évolution du cadre de gestion. Le projet vise une gestion axée sur l'externe où les résultats et la qualité des services aux citoyens seront la mesure de la performance. La qualité s'exprime en fiabilité et en pertinence. Les situations présentées doivent permettre de prendre les meilleures décisions en matière d'utilisation des ressources pour offrir les meilleurs services aux citoyens. La fiabilité assure aussi une crédibilité à l'opération. La pertinence implique aussi de mesurer la performance en fonction du rôle fondamental de l'organisation. À cet égard, il peut très bien être pertinent et performant pour une organisation d'ouvrir la porte 22 fois dans une heure si elle a un rôle d'accueil. Mais, si ce n'est pas son rôle, elle risque peut-être d'avoir causé uniquement des courants d'air. La pertinence en mesure de performance, c'est – on s'en aperçoit – essentiel. Il ne s'agit donc pas d'obtenir uniquement des résultats, mais encore des résultats dont la qualité rejoindra les besoins des citoyens compte tenu des ressources qui sont disponibles.

C'est pourquoi nous croyons que l'article 63 du projet de loi peut apporter plus de précision à ce chapitre notamment en regard de la qualité de l'information et au fait que, pour garantir la fiabilité et la qualité, les ministères auront l'obligation de se doter d'outils de gestion reconnus. La vérification interne et les fonctions qu'elle peut exercer en est un.

Même si on met en évidence l'utilisation des contrôles a posteriori pour gérer la mesure des résultats, il est clair que le dirigeant devra être en contrôle pour arriver à délivrer une prestation initiale annoncée. On devrait être en mesure de connaître l'évolution des résultats au cours d'un exercice, même si l'on comprend que c'est surtout en fin d'exercice que l'on rendra compte.

Le choix des indicateurs en fonction de leur interrelation avec la mission revêtira une importance stratégique. Pour rendre tout le monde plus performant dans la capacité de disposer de la meilleure information décisionnelle, des précisions peuvent être apportées au projet de loi.

(11 h 50)

Enfin, il serait important que les gestionnaires puissent véritablement constater l'accroissement de leur marge de manoeuvre. L'évolution de l'exercice des contrôles pratiqués par les organismes centraux, notamment l'allégement de ceux-ci, pourrait confirmer certaines des orientations poursuivies dans le présent projet et en matière d'imputabilité et de responsabilités accrues.

Toujours dans le secteur des préoccupations affectant les dirigeants de l'administration publique et partagées par les gestionnaires, on identifie la gestion de l'information relative aux renseignements personnels. Sujet d'actualité qui intéresse au plus haut point les citoyens et, bien entendu, les médias, cette activité requiert maintenant une attention soutenue. Le gouvernement a développé un plan d'action afin justement d'encadrer et surtout d'assurer une gestion professionnelle de ce secteur d'activité. Il reconnaît que le premier contrôle qui doit s'exercer se situe au niveau du ministère et de l'organisme gouvernemental lui-même. Dans le décret qui a été adopté, on stipule parmi les moyens obligatoires la mise en place d'un comité de protection des renseignements personnels. Le responsable de la vérification interne, le responsable ministériel ou organisationnel de la protection des renseignements personnels, le sous-ministre ou dirigeant qui le préside, le conseiller juridique en sont les membres constituants.

Dans un secteur aussi névralgique, le gouvernement sécurise son action en s'assurant de la présence d'un professionnel dont la fonction est d'appuyer l'organisation dans sa gestion du risque et la livraison adéquate de services aux gens à qui ils sont dirigés.

Il m'apparaît que les besoins en fiabilité de l'information et qualité de celle-ci ne sont pas moindres dans le cadre du nouveau projet de gestion gouvernementale. Dans cet esprit, il importe d'abord que ce soient les dirigeants qui soient en contrôle et que ceux-ci s'entourent de façon formelle – et j'insiste, «de façon formelle», sur l'aspect formel – des appuis pour valider les différentes étapes des processus qui seront développés pour gérer le tout de façon convenable et pour maintenir à son plus haut niveau la crédibilité de l'opération.

On peut affirmer que, dans les deux cas, la protection des renseignements personnels et le projet de loi actuel, la fiabilité est requise. Les dispositions similaires devant donc s'appliquer à la présence du vérificateur dans la recherche de fiabilité et d'efficience devraient être formalisées.

Conditions de réalisation favorables. Tel que nous l'avons mentionné au début, nous voulons apporter notre contribution à une évolution des façons de gérer. À cet égard, nous croyons que certaines conditions, que l'on peut qualifier de facilitantes, peuvent contribuer à la réussite de ce projet qui, rappelons-le, vise une intervention réduite des organismes centraux au cours des opérations. Ces interventions devraient être assimilables aux actions suivantes: analyser l'information produite, analyser les documents de reddition de comptes, intervenir dans les ministères et organismes lorsqu'il y a des cas problématiques.

Les dirigeants bénéficiant d'une plus grande liberté d'action auront donc à adapter leur mécanisme de contrôle et de suivi à cette nouvelle réalité. La vérification interne est certainement un outil de gestion efficace à cet égard. Les indicateurs de performance constituent l'outil de gestion capable d'orienter les décisions et d'adapter les moyens pour que ceux-ci favorisent l'atteinte des résultats escomptés. Leur pertinence en fonction de la mission fondamentale de l'unité administrative demeure le meilleur gage de la meilleure utilisation des ressources, ce vers quoi le présent projet tend.

L'évaluation du risque est une autre facette à laquelle les gestionnaires sont confrontés. Celui-ci, à des niveaux différents selon le volume de transactions de l'organisation, le type de clientèle qu'elle dessert à l'externe ou à l'interne, l'impact médiatique, les conséquences liées à une infraction réglementaire, aura intérêt à être correctement évalué pour que l'on puisse déployer des efforts pour en minimiser les effets.

Nous souscrivons, en ce sens, pleinement à l'énoncé de politique qui indique que le contrôle a posteriori, et je cite, «induit un facteur de risque qui doit être géré méthodiquement. Dans une perspective de bonne gestion, les ministères et les organismes devront se doter des outils de gestion nécessaires comme la vérification interne et l'évaluation de programmes.» Fin de citation.

Enfin, les modifications à la Loi sur l'administration financière devront être cohérentes avec les objectifs du présent projet de loi. On devra ainsi retrouver dans ces modifications un allégement des contrôles exercés par les organismes centraux au profit d'une responsabilisation des gestionnaires, à condition qu'elle soit exercée, elle aussi, de façon professionnelle. On doit aussi retrouver une préoccupation, dans un souci d'efficience, pour réduire les chevauchements entre les activités de vérification et de contrôle. Il y a lieu de voir notamment comment les modifications à cette loi appuieront les conclusions du Groupe de travail sur l'exercice des fonctions contrôle et vérification dans la fonction publique québécoise. Il est dommage qu'à cette étape les modifications envisagées à la Loi sur l'administration financière ne soient pas connues, parce que les modifications nécessaires sont importantes et feront foi de la volonté des législateurs d'être cohérents dans la poursuite de l'objectif de rendre les dirigeants responsables de l'atteinte de leurs objectifs et des moyens qu'ils mettent en place pour garantir cette atteinte d'objectifs.

Ainsi, la Loi de l'administration financière sera-t-elle modifiée pour permettre de partager adéquatement la responsabilité en matière financière entre les différents ministères et le ministère des Finances? L'article 54 devrait également être modifié afin de prévoir le transfert de l'imputabilité de la régularité et de la conformité des paiements au sous-ministre.

Les responsabilités en matière de contrôle pour les intervenants concernés sont proposées dans le rapport du Groupe de travail sur l'exercice des fonctions contrôle et vérification dans l'administration publique québécoise, présenté en juillet 1998. Le secrétaire a également déposé un plan d'action à l'égard de l'application des conclusions de ce rapport. En regard de la vérification interne, le secrétaire envisageait la possibilité d'inclure la vérification interne dans le cadre législatif révisé; que les gestionnaires soient appelés à décrire, lors de leur reddition de comptes, la place que tient la vérification interne dans l'exercice du contrôle; de statuer sur l'adhésion des vérificateurs internes aux normes internationales pour que la pratique de la vérification interne édictée par l'Institut des vérificateurs internes puisse être en place.

L'énoncé de politique et le projet de loi de modernisation de la gestion gouvernementale ne reflètent pas en grande partie les conclusions du Groupe de travail sur l'exercice des fonctions contrôle et vérification ni le plan d'action mis de l'avant par le secrétaire du Conseil du trésor le 23 septembre 1998.

Ainsi, l'appui du vérificateur interne peut se traduire notamment par un soutien aux gestionnaires dans l'évaluation des risques, une validation des indicateurs de performance, une assurance à la direction de l'utilisation d'outils en matière de contrôle, une contribution à fournir une information de qualité aux organismes centraux et aux parlementaires.

En conclusion, le projet de loi gouvernemental marque le renouveau dans l'évolution de l'administration publique québécoise. Nous souscrivons entièrement à la stratégie déployée et nous proposons, dans la mesure de nos compétences, de participer à son succès. Pour ce faire, nous croyons que certaines dispositions ou précisions à inclure au projet de loi sont éminemment souhaitables, sinon essentielles.

Des ajustements au libellé de l'article 63 peuvent contribuer favorablement à l'atteinte des objectifs recherchés, soit une gestion de la performance des services dirigés vers les citoyens et une capacité pour ceux-ci et les parlementaires d'apprécier la justesse des redditions de comptes auxquelles les dirigeants se seront engagés à se soumettre. Ainsi, on devrait, à l'alinéa 2 de cet article, préciser que les gestes posés pour garantir la qualité de l'information, la fiabilité des contrôles et la qualité de la gestion devront inclure l'apport des outils de vérification interne.

L'alinéa 4° de l'article 52 devrait préciser, même si c'est dans les prérogatives du Conseil du trésor de définir la nature et la façon de présenter les informations, que les principaux indicateurs de performance, validés par une unité externe à l'unité administrative contractante, permettent de rendre compte des résultats atteints. Cette unité externe devra avoir les compétences pour exercer un tel rôle de validation. Cette modification servira à s'assurer que tous les autres gestes posés pour apprécier la performance le seront en fonction de la raison d'être d'une unité et de la considération d'informations pertinentes.

Quant à la Loi sur l'administration financière, nous croyons que l'article deuxième devrait être modifié pour permettre aux sous-ministres d'être responsables de leur gestion financière et, par conséquent, d'en être imputables.

L'article 54 de cette loi devrait également être modifié pour transférer la responsabilité de la certification de la conformité et de la régularité des paiements aux sous-ministres, cette responsabilité étant intimement liée à l'exercice du contrôle des opérations et à la reddition de comptes qui s'ensuit.

(12 heures)

Le CRVI souhaite fortement que le législateur tienne compte de la proposition du groupe de travail sur l'exercice des fonctions contrôle et vérification de l'administration publique québécoise. Il souhaite également voir intégré au projet de loi le plan d'action déposé par le Secrétariat du Conseil du trésor à la commission parlementaire.

L'importance du défi proposé par la refonte de l'administration publique québécoise est une occasion de travailler en partenariat à un niveau sans précédent et c'est dans ce cadre que le CRVI offre sa collaboration à l'ensemble des intervenants de ce projet pour la mise en place d'une fonction de vérification interne en mesure de répondre aux défis lancés par le projet de réforme de l'administration publique québécoise.

La volonté et le support constant de tous les gestionnaires de l'organisation est un autre préalable aux changements envisagés. On ne pourra, sans un engagement réel des gestionnaires, passer d'une fonction de vérification interne dans un certain cas quasi inexistante ou restreinte à effectuer des actions de vérification traditionnelles, à une fonction proactive conseil et support à la gestion et à la reddition de comptes. D'autre part, les unités de vérification interne continueront à s'impliquer proactivement dans la refonte de l'administration publique. Le projet est non seulement emballant mais il constitue un domaine où l'expertise de la vérification interne, développée à l'intérieur et pour une organisation, peut être mise à profit de façon plus globale.

En conclusion, nous croyons fermement que la fonction vérification interne est un allié incontournable pour le gouvernement dans le succès des nouvelles façons de faire.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Sénécal. Nous passons à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Léonard: Oui, merci, M. le Président. Je veux remercier M. le président ainsi que ceux qui l'accompagnent de leur prestation. Je pense qu'elle a été, elle aussi, très travaillée, on le sent très bien. Elle touche un point particulier – pas juste particulier mais de façon générale, quand même – un point qui touche la fiabilité des renseignements, des rapports.

Je crois effectivement que le vérificateur interne dans une organisation joue un rôle important, d'autant plus important qu'il relève de haut dans l'organisation. C'est un corollaire quasi nécessaire. Mais je veux juste faire une réflexion là-dessus. C'est sûr que la détermination des indicateurs de performance, de résultat, va faire l'enjeu de négociations, par exemple, entre le ministre et son sous-ministre, puis ensuite à l'intérieur même de l'organisation. Ensuite, le compte rendu, le bilan, le résultat à la fin de l'année, lui aussi doit être absolument crédible par rapport aux indicateurs qui sont fixés.

Alors, on comprend tout de suite qu'au-delà de l'évolution qu'il y a dans la détermination des indicateurs dans le temps – il y aura une évolution, c'est sûr – il reste que l'intérêt des uns et des autres est différent par rapport à cela. L'intérêt du politique, ce sera de fixer les indicateurs les plus élevés possible alors que l'intérêt de celui qui les accepte, ça va être d'être sûr de les accepter donc de prendre sa part du risque pour atteindre l'objectif. C'est sûr. Bon, ça, c'est une chose.

Par ailleurs, il faut que les résultats représentent la réalité; il ne faut pas qu'ils puissent être trafiqués en cours de route. Je pense que c'est ça, l'objectif, que vous avez un peu comme organisation. Je comprends votre conclusion. Vous dites que le rôle du vérificateur interne, dans ce contexte, devient très important parce qu'on ne peut pas se fier au Vérificateur général qui a, lui, son propre mandat de l'Assemblée nationale alors que votre rôle est à l'interne. Puis la relation qu'il y a aussi avec la fonction de Contrôleur du gouvernement, le Contrôleur des finances avec ceux qui le représentent. Là-dessus, j'aimerais vous entendre. Quelle est la relation que vous voyez entre les deux: contrôleur des finances, contrôleur interne? Je comprends que l'un vise des indicateurs très financiers, mais est-ce que vous en voyez une? Vous avez traité, en quelque sorte...

M. Sénécal (Maurice): Vous savez, c'est assez complexe.

M. Léonard: Oui.

M. Sénécal (Maurice): Je pense que le Vérificateur général se situe au niveau législatif comme tel et complète les unités de vérification interne. Il peut venir valider aussi nos travaux à l'occasion, ce qui est très sain que ce soit comme ça.

Le vérificateur interne, pour sa part, fait partie de l'Institut des vérificateurs internes. On a adopté le code d'éthique et les pratiques d'usage dans au plus de 100 pays. Vous comprendrez que nous nous sentons détachés de la direction. Nous relevons du directeur général. C'est bien sûr que nous allons observer, en fin de compte, ses ordres. Dans un sens, on doit faire approuver nos mandats de vérification, notre plan annuel, notre plan triennal et ainsi de suite, s'il y a lieu...

M. Léonard: Le faire approuver par le sous-ministre?

M. Sénécal (Maurice): Par le sous-ministre ou les dirigeants. Moi, je suis à la Sûreté du Québec. Alors, c'est le directeur général, c'est-à-dire c'est le comité de vérification qui l'approuve. Il faudrait retrouver un comité de vérification dans chacun des ministères et organismes où c'est possible. Même là, ça fait 10 ans que j'exerce la vérification interne à la Sûreté du Québec, comme vérificateur – je suis revenu comme directeur par la suite, comme adjoint au directeur puis directeur – et jamais, en 10 ans, on ne m'a empêché de dire ce que j'avais à dire ou de faire ce que je voulais faire dans mes travaux, pour démontrer un peu l'indépendance du vérificateur interne.

Je crois que le rôle – et je ne veux pas m'avancer, je n'ai pas toutes les données en tête – du Contrôleur des finances, qui contrôle les finances du gouvernement, devrait se faire beaucoup plus a posteriori, de façon éloignée, et s'il y a des problèmes, s'il dénote des problèmes majeures, il pourrait se fier aux travaux des vérificateurs internes ou venir à l'occasion... Lorsqu'il y a un problème, on ne refuse à personne...

M. Léonard: Oui, mais quand vous avez un trou...

M. Sénécal (Maurice): ...un droit de regard pour nous aider à corriger la situation.

M. Léonard: ...quelque part, l'argent peut couler vite aussi.

M. Sénécal (Maurice): Oui. Je ne sais pas si un des mes confrères peut bonifier cette réponse-là. Non? Je ne sais pas si ça répond à votre question, M. le ministre.

M. Léonard: Oui? Allez-y.

M. Laplante (Viateur): Viateur Laplante, du ministère de l'Éducation. Disons qu'avec le Contrôleur, si on regarde la philosophie de contrôle, on dit: être en contrôle. Si on regarde le partage des responsabilités, il est clair qu'avec le Contrôleur des finances et avec le Vérificateur général, vérification interne, la portée des rôles est importante et il faut la respecter. Et on a des tables même de concertation pour en discuter.

Moi, je vous dirais qu'être en contrôle pour le Contrôleur des finances, c'est très important de s'assurer qu'au ministère de l'Éducation on est en contrôle. Et être en contrôle, ça veut dire aussi que la vérification interne est un outil de gestion pour être en contrôle. Donc, cette complémentarité-là va s'exercer si, par exemple, vous avez un comité de vérification et vous invitez le Contrôleur des finances ou un représentant du Contrôleur des finances, tout comme le Vérificateur général, à s'associer à leurs travaux, à leurs plans et tout.

Donc, moi, je pense qu'on atteindra... Parce que, ce qu'on cherche là-dedans, c'est à éviter la duplication. Ça, je pense qu'on en a parlé. Ce qui est important là-dedans, c'est d'être en contrôle. Pas contrôler pour contrôler, mais s'assurer qu'une organisation est en contrôle dans le respect, pour atteindre l'objectif, la cible sans faire du surcontrôle, moi, je pense.

M. Léonard: Est-ce que vous concevez, est-ce que vous iriez jusqu'à dire que dans le rapport annuel il doit y avoir un rapport du vérificateur interne?

M. Sénécal (Maurice): Une certification, en fin de compte. On parle de certification.

M. Léonard: Une certification.

M. Sénécal (Maurice): Une validation des données qui y sont présentes. Beaucoup de rapports annuels actuellement, que j'ai vus au gouvernement – et je fais part de ma compagnie aussi – c'est un petit peu un document de marketing. Il faut que ça change, il faut vraiment que ça soit une reddition de comptes où on va reprendre les objectifs qu'on s'est fixés et est-ce qu'on les a rencontrés, est-ce qu'on a répondu à l'attente, entre autres, du gouvernement? Le gouvernement élu donne ses grandes orientations, est-ce qu'on va vers ça? Dans tous les ministères et organismes, est-ce qu'on correspond à ce que vous demandez? Est-ce que les gestes des gestionnaires reprennent des grandes lignes gouvernementales ou si on essaie de passer outre ou de faire autre chose?

Et le vérificateur interne est un peu là, ce que j'appelle souvent chez moi, pour dire: Bien, ce qu'on fait, est-ce qu'on peut le dire aux médias? Est-ce qu'on peut le dire? Bien sûr, il y a des choses que... On ne peut pas tout dire, on doit donner l'information pertinente au moment opportun. Comme, dans une enquête, je ne pourrais pas dévoiler les secrets d'une enquête ou le début d'une enquête. Mais, par la suite, est-ce que les actes que j'ai posés, je pourrai les mettre au grand jour, devant les tribunaux chez nous, devant l'Assemblée nationale? Si je ne peux pas, bien, je n'ai pas à le faire. Et le vérificateur interne est là pour rappeler ces choses-là: Est-ce que, ce qu'on fait, on peut le faire au grand jour? Est-ce que ça correspond à ce qu'on nous a demandé? Et c'est le travail quotidien qu'on tente de faire.

M. Léonard: Oui?

(12 h 10)

M. Laplante (Viateur): Moi, j'ajouterais... Prenons, par exemple... Vous savez, le vérificateur interne est aussi un conseiller, il n'est pas seulement le vérificateur interne. Alors, je reprendrais, moi, l'analogie. Si on va avec la vérification des UAS, par exemple. Ça fait deux ans, deux années de suite qu'on fait ça à l'éducation. Qu'est-ce qu'on a fait? Vous avez évoqué, lors de votre première question, comment on peut s'entendre, le politique et l'administratif. Nous, on a accompagné les gens qui ont fait des indicateurs. Je pense que le vérificateur interne, là, il a sa place. Il a le droit – et je pense qu'on va reconnaître ce droit-là – de participer, si vous voulez, aux échanges, de dire immédiatement ce qu'il a à dire sur les choix, les objectifs, et, bien sûr, il appartient au gestionnaire de retenir les indicateurs qu'il va vouloir retenir. Et là le vérificateur n'aura presque pas le choix, il faut s'entendre, de travailler avec les indicateurs que l'organisation aura fournis. Mais il va falloir, par exemple, que ça représente des objectifs en relation avec la cible et la mission. Ça, c'est clair. Ça, on ne pourra pas passer outre. Si vous voulez, ça va être un petit peu ça.

Donc, moi, je pense qu'à travers ça on devrait... Si on prend le modèle des UAS, les UAS, je pense que c'est bon. Il y a des choses intéressantes. Et ça fait deux ans qu'on fait cette vérification-là suivie d'un rapport de gestion. À la question que vous me demandez, oui, il faut, à mon point de vue que la vérification interne examine le rapport annuel.

M. Léonard: Est-ce que votre rattachement au sous-ministre en titre est bien indiqué, compte tenu que le sous-ministre est l'une des parties au contrat de performance et d'imputabilité? Est-ce que vous jugez qu'il est bien rattaché?

M. Sénécal (Maurice): Vous savez, il y a des...

M. Léonard: Elle est peut-être difficile à répondre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sénécal (Maurice): Il y a des gens qui se sont prononcés là-dessus. Certains diront que le vérificateur interne, comme il dépend du sous-ministre ou du directeur, n'est pas indépendant, n'a pas toute l'indépendance requise pour faire une certification publique comme telle.

M. Léonard: Au fond, ma question, c'est la question de l'indépendance.

M. Sénécal (Maurice): Mais, à l'interne, au niveau gouvernemental, on peut très bien certifier, valider les données qui vous sont données. On agit en professionnel comme le gestionnaire que nous représentons doit agir en professionnel et rendre compte de façon ouverte. Il y a des avis contraires là-dessus, là. Cependant, rappelons que même si on engage une firme extérieure – et j'en ai fait part à plusieurs reprises – lorsqu'on donne un contrat à quelqu'un pour venir valider quelque chose, s'il ne le valide pas, il a une chance de ne plus avoir de contrat. On embarque dans beaucoup de... Mais vous comprendrez qu'il y a toujours une dépendance quelconque, même si on va dire le contraire. En tout cas, moi, je me sens tout à fait indépendant de l'organisation comme telle. Oui, il pourrait y avoir une dépendance si on n'agit pas en professionnel mais, si tout le monde correspond à des normes professionnelles, à un code d'éthique, qu'il le respecte et qu'on se tient debout, il n'y en a pas, de problème.

Et, pour vous rassurer là-dessus, lorsque le vérificateur interne valide une donnée, si on a des doutes de croire en sa parole ou qu'il a été influencé par son sous-ministre ou son directeur, le Vérificateur général pourra venir valider ses informations à l'occasion – c'est son rôle – pour que vous soyez satisfaits.

M. Léonard: S'il reste du temps, je reviendrai après.

M. Sénécal (Maurice): Si vous permettez, M. Dumas.

M. Dumas (Jacques): Jacques Dumas, Commission des normes du travail. Je veux juste ajouter très rapidement deux exemples qui viennent un peu illustrer une situation qui est un peu différente de celle qu'on connaît dans les ministères. D'abord, par rapport aux trois intervenants – le vérificateur, le contrôleur et le vérificateur interne – juste ne pas oublier que dans beaucoup d'organismes... La Commission des normes du travail en est un exemple, il n'y a pas de contrôleur qui vient intervenir chez nous, il n'y a que le Vérificateur général et celui de la vérification interne. C'est le cas de la Commission, c'est le cas de la plupart des organismes, enfin Régie des rentes ou autres. Est-ce qu'il n'y a pas là un exemple sur lequel on pourrait s'inspirer? Je mets ça un peu sur la table.

Pour ce qui est de l'autre volet un peu de l'indépendance, la situation de la boîte de vérification interne, chez nous, à la Commission, on a fait une validation de notre rapport annuel selon les 12 dimensions pendant une période de cinq ans. C'était une entreprise extérieure qui venait faire cette validation-là, une entreprise relativement connue, qui était KPMG, donc qui attestait, d'une certaine façon, dans notre rapport annuel, la validation d'un certain nombre d'informations. Nous avons arrêté cette validation-là extérieure pour la faire maintenant à l'intérieur et je pense que comme crédibilité, autant de l'extérieur que de l'intérieur, la Commission pourrait, avec le rapport de vérification interne, valider, attester, confirmer, la justesse des données qui vont être dans le rapport annuel. Donc, voilà une réalité. On l'a fait avec l'extérieur puis je ne suis pas sûr que l'indépendance de KPMG, par rapport au contrat qu'on se donnait, est aussi grande, moins grande ou à peu près grande comme celle qu'un vérificateur interne, notamment à cause des règles, des codes d'éthique que l'on se donne.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Lotbinière.

M. Paré: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue à la commission, messieurs. D'abord, merci aussi pour vos contributions antérieures et présentes au cadre de gestion gouvernementale. On regardait, en début de votre exposé, ce que vous nous aviez signifié. Moi, je voudrais retourner à la page 18 de votre mémoire. Le titre, la tête de chapitre, c'est Une juste évaluation du risque . Vous nous parlez des risques inhérents à la gestion par résultat. Pouvez-vous élaborer sur cette notion?

Ma deuxième question. Parce que vous avez été aussi muets dans votre... Vous allez me dire que ce n'est peut-être pas votre rôle: au niveau de la gestion des conséquences, c'est-à-dire...

M. Sénécal (Maurice): Il va de soi qu'on reconnaît aux gestionnaires toujours... Pour l'évaluation des risques comme telle, le vérificateur interne a fait une étude. Je l'ai faite à la Sûreté du Québec pour souligner... Par rapport aux objectifs fixés à notre mandat dans un organisme – parlons des organismes en général – selon les objectifs qu'on s'est fixés, lesquels d'entre eux ou quelle partie risquerait de ne pas se réaliser comme on le souhaite à cause de l'environnement de contrôle, du manque de compétences, du manque de monde, du manque de ressources, en tout cas, une évaluation du risque globale qui vient préciser aux gestionnaires, aux responsables de l'organisme: Regardez là, ce que vous voulez faire, il y a une possibilité qu'on n'y arrive pas compte tenu de ça?

Il va de soi que le responsable peut décider de vivre avec ce risque, on lui reconnaît ce droit-là, sauf si le risque est très probant. Vous comprendrez que l'évaluation des risques, lorsqu'on dit au patron: L'objectif que vous vous êtes fixé, si vous y tenez, on risque, pour telle ou telle raison, de ne pas le rencontrer, bien, on va changer notre façon de faire et on va mettre les énergies nécessaires pour le réaliser. Ou le gestionnaire peut décider: Non, regarde, je n'ai pas les moyens cette année; vu que je ne peux le réaliser, on va reporter ça ou on va le retarder dans le temps. Il va de soi que le risque est associé à la gestion et le gestionnaire sera toujours libre de ses choix mais en sera aussi imputable.

M. Paré: Proposez-vous de les mettre dans le contrat aussi ou quoi, ces facteurs-là que vous venez d'énumérer?

M. Sénécal (Maurice): Ça fait partie intégrante du travail d'une vérification interne qu'au début de l'année on regarde les objectifs que non seulement l'entité s'est fixée – les organismes – mais, lorsqu'on va en vérification dans une unité administrative, on regarde aussi si les objectifs dépendent des objectifs principaux, et chacun va être libre à ce moment-là. Le dirigeant de l'organisme est mis au courant que là il y a un risque qu'il y ait quelque chose qui se produise parce qu'il y a une problématique quelconque. Alors, ça serait toujours au gestionnaire – le vérificateur ne remplace pas le gestionnaire comme tel – à prendre le risque. Il dit: Moi, je suis capable de vivre avec ce risque-là, on y va pareil, on marche comme ça puis, s'il y a quelque chose, j'en rendrai compte. Alors, c'est à lui définitivement, c'est le patron.

Mais l'évaluation du risque, en fait, c'est ça. C'est de dire au patron: Écoutez, ce que vous voulez faire, ce qu'on vous a demandé de faire, ce que vous vous êtes donné comme objectif, bien il y a une chance qu'on ne le rencontre pas compte tenu de telle et telle circonstances. On évaluera. Ça sera pondéré en fonction du facteur de risque. S'il y a une chance sur 10 que ça ne se réalise pas, il peut aussi bien passer outre, mais, s'il y a 10 chances... On lui certifie: Regardez, on ne sera pas capable compte tenu de telles circonstances. Bien, là, il y aura des actions qui devront être prises. C'est un petit peu pour vous situer l'analyse de risque.

M. Paré: Maintenant, au niveau des conséquences, au niveau de la gestion des conséquences, avez-vous des suggestions à faire à ce niveau-là?

M. Sénécal (Maurice): Gestion des conséquences. Je ne sais pas si mes confrères ont quelque chose. Moi, les conséquences comme telles, c'est le dirigeant de l'organisme qui va décider, en fin de compte, de vivre avec le risque ou de ne pas vivre avec le risque, et d'en rendre compte. Je pense que c'est visé par le projet de modernisation. On a vu des députés – que ça soit de tous les partis, je ne veux pas faire de politique – être obligés de démissionner parce qu'il y a un acte administratif qui a été posé. En fin de compte, ce n'est pas lui qui est imputable de ça, là. Alors, il faudrait que justement ce cadre de gestion puisse permettre de dire: Bien, regarde, là, moi, j'ai demandé telle chose, on a donné des orientations, bien, il faudrait que ça soit la bonne personne qui paye en bout de ligne. Je pense que c'est primordial parce qu'on aura des gens qui prendront des directions autres que celles qui sont données par l'appareil gouvernemental, par les élus et c'est le ministre qui va payer parce qu'un autre a décidé de ne pas suivre son ordre. Il y a quelque chose qui ne va pas. Alors, vous comprenez qu'à ce niveau-là, c'est ce que je peux dire, là. C'est celui qui prend la décision qui devrait être imputable et non pas les gens au-dessus de lui qui lui ont dit de le faire.

(12 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Rosemont. Il nous reste deux minutes.

M. Laplante (Viateur): Je ne veux...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, allez.

M. Laplante (Viateur): ...quand même pas prendre le temps qui... Moi, j'ajouterais, je vais vous dire: L'analyse de risque en éducation, depuis 1995... On a adopté cette plateforme d'opération au comité de vérification suite à des expériences du privé qu'on est allé voir. Vous savez, tantôt vous parliez de contrôleur, Vérificateur général... Pour un petit peu bonifier la vérification interne, il ne faut pas être dans les mêmes platebandes. Et je pense qu'avec tout ce qui s'est passé au gouvernement actuellement: restrictions, diminutions... Je pense que l'analyse de risque représente un choix, une opportunité. On a fait, nous, ce type d'expérience dans à peu près sept, huit situations où on est allé, par exemple, évaluer des risques opérationnels. Il faut quand même, quand on parle de risques, leur donner une dimension. Il va y avoir un risque d'affaires, un risque ministériel, il va y avoir un risque au niveau des opérations. Si j'analyse la sanction des études, par exemple au primaire-secondaire, il y a des risques de la conception de l'examen jusqu'à la livraison: il y a des risques d'impression; il y a des risques qu'il y ait des étudiants de telle année qui soient là, par exemple, lors de l'impression. Les rebuts; à quelle place on met les rebuts? Il y a des risques. Mais, vous savez, à Sainte-Madeleine, sur la 20, il y a des risques, hein. Même s'il fait beau le soir, il peut se présenter une situation. Mais on sait très bien que la zone est rouge n'importe quand.

C'est ça. Quand on parle d'analyse de risque, il faut être capable de cerner qu'est-ce que c'est, un risque. Puis moi, j'ai une définition qui ne m'appartient pas, c'est d'un type, un nommé M. Letarte, M.B.A., Ph.D., professeur à l'Université Laval, qui disait: «Le risque, c'est la possibilité de variabilité des résultats et des pertes.» Et je pense que c'est un risque. C'est-à-dire que, dans tout ce que vous avez pu penser, est-ce que, par exemple, il y a des facteurs qui viendraient altérer suffisamment une situation ou des activités étudiées pour se ramasser avec un risque qui peut être non contrôlable? Alors, s'il y a des conséquences, nous, on a étudié des situations et, à un rapport de vérification interne, j'ai produit, si vous voulez...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En terminant, s'il vous plaît.

M. Laplante (Viateur): Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En terminant, s'il vous plaît.

M. Laplante (Viateur): Oui. ...un rapport de gestion à la sous-ministre lui disant: Voilà, nous, la vérification interne, on pense qu'il y a un risque additionnel par rapport au gestionnaire, là, qui, peut-être, n'est pas d'accord avec nous. Et on l'a invité et ça a été discuté un peu plus haut. Alors, c'est un peu... L'analyse de risque est un bon outil.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous avons épuisé le temps consenti aux ministériels.

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À ce moment-ci, vous pourriez poser une question, Mme la députée, à la condition d'avoir le consentement.

Une voix: Oui, bien sûr.

Mme Dionne-Marsolais: Est-ce que je peux le demander?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, ça va. Allez-y, madame.

Mme Dionne-Marsolais: Merci. J'apprécie la générosité de mes collègues. Je pense que votre présentation, messieurs, est probablement la plus importante pour l'avenir de ce que nous discutons ce matin. Vous avez fait un certain nombre de commentaires. Moi, j'ai toujours eu pour compréhension que la vérification interne, c'est un peu ce qui garde les gens honnêtes dans une organisation. C'est peut-être beaucoup, ça, mais, par expérience, je crois que c'est un rôle extrêmement important quant à la fiabilité de l'information qui nous est acheminée.

Alors, j'ai trois petites questions, puis j'espère que vous allez être capables de répondre. La première, c'est: La fonction de vérification interne dans l'infrastructure gouvernementale m'apparaît très, très variable. Disons que, à l'expérience, pour avoir assumé un certain nombre de ministères depuis 1994, elle n'est pas partout. Et je voudrais savoir si vous êtes en mesure de nous dire, par rapport à des entreprises de même taille – et là je voudrais que vous vous reportiez à des ministères et non pas à l'ensemble de la fonction publique – le ratio de vérificateurs internes par rapport à la taille des unités se compare-t-il bien ou mal avec les entreprises de même taille?

Vous avez donné les chiffres pour l'ensemble des vérificateurs. Est-ce qu'il y a, dans tous les ministères, des vérificateurs internes? Et, question no 2: Est-ce qu'il y a des comités de vérification interne aussi dans tous les ministères?

M. Sénécal (Maurice): Je ne peux pas répondre. En partie. M. Dumas, qui a établi les critères de performance d'une vérification interne, pourra reprendre sur les critères. Effectivement, il n'y a pas de vérificateur interne dans tous les ministères et organismes. Nous avons dénombré une quarantaine de ministères et organismes qui possèdent des vérificateurs internes; il y en a seulement environ 28 qui sont vraiment opérationnels, qui fonctionnent comme tels. À certains endroits, pour répondre au Conseil du trésor, on a nommé une personne, mais elle ne fait pas de vérification interne. On a son nom, mais, lorsqu'on communique avec elle et qu'on lui parle un petit peu de vérification interne, on voit qu'elle n'en fait pas. Donc, c'est à peu près 28, là, grosso modo, des gens... C'est inférieur à ce qu'on voit au niveau de l'entreprise privée, du moins dans la région montréalaise.

Je fais partie d'une table ronde de l'Institut des vérificateurs internes. Toutes les grandes entreprises ont un prorata supérieur à ce que nous avons au gouvernement du Québec comme tel, comme vérificateurs internes. Et comme le Vérificateur général l'a mentionné dans son rapport – je ne me souviens plus quelle année, 1994, je crois – la vérification interne vivote dans bien des endroits. On n'a pas progressé vraiment en termes de nombre de personnes. La fonction de vérification a progressé en termes de travaux, ces travaux sont beaucoup plus pertinents, pointus qu'avant, mais en termes de nombre, ça n'a pas augmenté. Jacques, s'il vous plaît.

M. Dumas (Jacques): Oui. Juste un complément de réponse, rapidement. Dans un guide que l'on a publié il y a à peine quelques mois, qui s'appelait le Guide sur les indicateurs de performance dans les boîtes de vérification interne au gouvernement – guide qui a été fait d'ailleurs suite à un commentaire du Vérificateur général qui nous mentionnait qu'on n'avait pas de guide qui pouvait nous aider et nous guider sur notre propre performance – dans les indicateurs qu'on a mentionnés et qu'on a développés, dans les 12, il y en a un qui porte exclusivement sur le nombre de ressources que l'on devrait retrouver dans les boîtes de vérification interne, et ce, peu importe la grosseur du ministère ou de l'organisme. Donc, on a une formule mathématique, un peu, d'addition, les effectifs totaux, etc. Et quand on a fait la compilation des 10 ministères qui ont participé au projet-pilote, nous étions dans les normes ou à peu près. Si on avait à refaire... On est en train de refaire la compilation pour l'ensemble des ministères; je pense qu'on va avoir probablement un certain nombre d'organismes et de ministères qui vont être en bas de la norme.

Mme Dionne-Marsolais: Je vous remercie. Et je pense que c'est important. Ma deuxième question porte sur les modifications auxquelles vous faites référence par rapport à ce projet de loi qui va être soumis ici et la Loi de l'administration financière. J'en comprends que, pour vous, ces deux lois sont très liées. Vous avez mentionné un certain nombre d'éléments, là, mais est-ce que vous avez l'intention d'être un peu plus précis quant aux points que nous devrions inclure dans le projet de loi? La question que je pose, c'est: Est-ce que le projet de loi ou la réforme telle qu'elle est présentée aujourd'hui peut être entravée et même mise en péril par l'absence de modifications à la Loi de l'administration financière?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et j'inviterais nos invités à y aller assez brièvement, puisque nous avons déjà largement dépassé le temps imparti.

M. Sénécal (Maurice): Comme je l'ai mentionné dans ma conclusion, effectivement il y a des éléments essentiels et, je l'ai mentionné au niveau de... Bon. Si je peux retrouver mes documents là. On précisait de modifier l'article 52 et de préciser...

M. Léonard: Les articles 63 et 52, 54.

Mme Dionne-Marsolais: Les articles 52 puis 54.

M. Sénécal (Maurice): C'est ça.

Mme Dionne-Marsolais: À 54, c'est autre chose.

M. Sénécal (Maurice): Ce sont des précisions. Puis on comprend bien, au niveau de la vérification interne et du CRVI, que tout ne peut pas être inclus dans un projet de loi, tous les contrôles, c'est impossible. Il y a certains prérequis qui devraient être indiqués et on vous soumet très respectueusement que l'apport d'une vérification interne à chacun des endroits où le nombre le permet... On comprend aussi, on l'a déjà mentionné au Secrétariat du Conseil du trésor et au Conseil du trésor, que lorsqu'un organisme regroupe 50 personnes, on ne peut pas instituer dans cet organisme-là une vérification interne comme telle. Il devrait faire affaire avec le ministère support, avec la vérification interne déjà existante. On comprend ça. Il ne faut pas non plus que la mesure soit plus dispendieuse que le bien qu'on va fournir.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous allons passer aux questions, aux interventions de l'opposition officielle avec M. le député de Westmount–Saint-Louis.

(12 h 30)

M. Chagnon: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier les membres du CRVI d'être venus en commission pour témoigner de leur apport. Dans le fond, c'est votre deuxième apparition en commission parce que vous avez signé le 19M et vous avez signé aussi le 14M, le mémoire 14, hein? Alors, vous êtes arrivés virtuellement sur le premier tour puis vous arrivez physiquement sur le deuxième tour.

L'objet du contrôle est extrêmement significatif dans l'organisation de l'administration publique. Évidemment, le contenu de votre mémoire nous amène à un point très précis – c'est assez pointu comme approche, ce que vous soulevez – mais c'est des questions extrêmement importantes, voire fondamentales jusqu'à un certain point.

J'étais content d'entendre le ministre dire qu'il exprimait son attachement, je dirais, son importance quant à la fonction de vérification interne. C'est une importance que je partage. Nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter, entre autres en commission parlementaire, entre autres en 1997 – vous l'avez signalé dans votre mémoire. J'aimerais savoir au départ, puisque vous avez commencé votre mémoire en vous définissant, en annonçant qui vous êtes puis ce que vous faites: Est-ce qu'il y a eu des modifications dans vos effectifs depuis 1995?

M. Sénécal (Maurice): Non, c'est resté à peu près l'équivalent, comme on parlait, de 220 personnes. C'est à peu près ce qu'il y avait en 1995.

M. Chagnon: Est-ce qu'il y a encore des ministères qui n'ont pas de vérificateur interne?

M. Sénécal (Maurice): Oui.

M. Chagnon: En 1995, il n'y en avait pas, mais, aujourd'hui, il y en a. C'est ce que je comprends.

M. Sénécal (Maurice): Non, non. Non, ça n'a pas bougé beaucoup. Les ministères qui n'avaient pas de vérificateur interne à l'époque, ils n'en ont pas plus. Je ne sais pas s'il y en a qui... À ma connaissance, il ne s'en est pas créé, sous réserve. Peut-être que oui, là.

M. Chagnon: Je vais vous donner un exemple, les Finances; est-ce qu'il y en a maintenant?

Une voix: Le ministère des Finances, je ne pense pas.

M. Sénécal (Maurice): Je ne pense pas.

M. Chagnon: Est-ce qu'il y en avait en 1995?

M. Sénécal (Maurice): Non plus.

M. Chagnon: O.K. Il n'y en a pas?

M. Sénécal (Maurice): Écoutez, je ne peux pas répondre à cette question-là, je ne le sais pas.

M. Chagnon: Alors, on va revenir sur le chapitre que vous soulevez concernant... Pardon?

M. Léonard: Vous le saviez que vous n'en aviez pas quand vous étiez là.

M. Chagnon: Il n'y en avait pas plus aujourd'hui, alors ce n'est pas le diable mieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Effectivement, il y en avait trois, il n'y en a plus, aux Finances, plus précisément. Je suppose que ça va beaucoup mieux maintenant qu'il n'y en a plus. C'est peut-être ce que vous essayez de démontrer.

Une voix: En tout cas, on ne fait plus de déficit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Non, mais, quand on reçoit 1 400 000 000 $ du fédéral, ça aide tout le temps. Ce n'est pas avec ça qu'on a réduit le déficit, sûrement.

Dans la partie du contrôle que vous soulevez, non seulement la question de la vérification interne, on a soulevé, puis le ministre l'a soulevé tout à l'heure, toute la relation entre la vérification interne puis le Contrôleur des finances. Ça, c'était l'objet de notre discussion aussi il y a deux ans. Ce n'est pas encore clair dans l'esprit de beaucoup de gens là où commence le travail de l'un puis là où finit le travail de l'autre. Il y a des problèmes potentiels de duplication. Est-ce qu'il n'y aurait pas intérêt à faire en sorte que le travail et du Contrôleur des finances et de la vérification interne soit intégré et non plus sous la responsabilité... puis ça répond un peu peut-être à la question que le ministre soulevait – parce que c'était une bonne question – lorsqu'il vous posait la question: Si vous relevez du sous-ministre, jusqu'à quel point, même malgré votre code d'éthique, malgré votre bonne volonté, jusqu'à quel point n'êtes-vous pas un peu mal pris pour faire certaines réactions à des modes de fonctionnement interne? Si, par exemple, le Contrôleur des finances avait dans ses pouvoirs une option de vérification interne et qu'il relevait, entre autres, du Trésor au lieu de relever des Finances, comme vous le suggérez d'ailleurs dans la page 4 ou 5 du mémoire 14M lorsqu'on dit que le Contrôleur des finances dans les provinces de Colombie-Britannique, d'Alberta, de Terre-Neuve et de l'Île-du-Prince-Édouard relève plutôt du Conseil du trésor que des Finances, moi, personnellement – peut-être que le ministre serait ouvert à ça – ça m'apparaît une avenue intéressante sur laquelle réfléchir, de transférer au Trésor le travail du Contrôleur des finances, d'intégrer au Contrôleur des finances l'approche de vérification interne, que vous soyez ensemble dans cette approche-là, mais sous l'organisation du Conseil du trésor, de façon à éviter – puis vous commenterez pour dire si c'est hérétique ou bien si ça peut avoir de l'allure – justement, d'une part, la duplication des problèmes, mais aussi en même temps d'avoir une harmonisation de la vérification interne partout dans les ministères et les organismes.

M. Sénécal (Maurice): Bon. Pour répondre à votre question, M. Chagnon, je vous dirais qu'une vérification interne regroupée au central n'est plus une vérification interne. Le sens même de la vérification interne est de relever d'un organisme, faire partie d'organismes, et de travailler en partenariat avec les gestionnaires. Il s'agit de voir un peu le travail du Vérificateur général, du Contrôleur des finances et le nôtre...

M. Chagnon: Est-ce qu'on n'a pas décentralisé les fonctions de Contrôleur des finances?

M. Sénécal (Maurice): Non, ce n'est pas décentralisé. Je ne crois pas.

M. Chagnon: Dans chaque ministère, le Contrôleur des finances a des gens qui sont en opération.

Des voix: Non, plus maintenant.

M. Sénécal (Maurice): Non, ce n'est plus le cas.

M. Chagnon: Ce n'est plus le cas.

M. Sénécal (Maurice): Mais pas à la Sûreté. Chez vous non plus?

Une voix: Non, non.

M. Sénécal (Maurice): Non. Ça s'est déjà fait, mais ce n'est plus le cas.

M. Chagnon: Mais il y a, de toute façon, me semble-t-il, intérêt à clarifier les rôles des uns et des autres là-dedans, puis le projet de loi qu'on a devant nous – vous nous faites des suggestions – ... mais le projet de loi que nous avons devant nous doit arriver à ça.

M. Sénécal (Maurice): Nous sommes d'accord. D'ailleurs, nous en avons parlé lors d'une commission parlementaire de l'administration publique, effectivement ces rôles doivent être clarifiés, et il n'y avait pas de chevauchement entre le Vérificateur général et les vérificateurs internes ou Contrôleur des finances...

M. Chagnon: Non, ça, j'en conviens.

M. Sénécal (Maurice): ...mais entre les deux organismes, Contrôleur des finances et nous.

M. Chagnon: Entre le Contrôleur des finances puis le vérificateur interne, ça, il y en a.

M. Sénécal (Maurice): Oui. Nous en sommes conscients.

M. Laplante (Viateur): Est-ce que je peux...

M. Sénécal (Maurice): Oui.

M. Laplante (Viateur): Vous me permettez d'ajouter? Moi, je vous dirais que le projet actuel va justement aider au partage des rôles. Avant, on pouvait duplicater, mais maintenant le vérificateur interne, si on s'attache à la gestion des résultats, si on s'attache à la fiabilité de l'information, et aussi à la reddition de comptes qu'on avait déjà... Vous ne croyez pas, là, que... L'harmonisation va être davantage facilitée, à ce moment-là. Moi, je vais vous dire, parce que ça fait un certain temps que j'en fais, de la vérification interne: Si vous voulez avoir un produit intéressant, c'est que, dans votre organisation, avec vos gestionnaires, il faut que vous soyez là, sinon vous allez être un vérificateur externe. Et, moi, je ne crois pas, pour l'avoir expérimenté... la bonification réelle de la vérification, je pense, vient d'un partage de préoccupations. C'est ça que ça fait, la vérification. Sinon, je ne suis pas un vérificateur législatif, je ne suis pas un contrôleur des finances, ce n'est pas ça que je fais, ce n'est pas ça, mon emploi.

M. Chagnon: Ah! c'est un bon point.

M. Laplante (Viateur): Nous, c'est l'efficience, l'efficacité, l'économie. C'est ça, notre principal... En tout cas, c'est...

M. Chagnon: C'est un bon point. Mais, bref, il faut définitivement dégager les fonctions des uns et des autres pour éviter justement ces duplications-là à l'avenir.

M. Laplante (Viateur): Mais, voyez-vous, si on a des tables de concertation et les gens davantage exposent leur plan... Si, par exemple, à partir du cadre qu'on a ici, la vérification interne est vue comme un outil qui viendra aider à la validation de l'information, vous voyez là, au niveau des sous-ministres de toutes les organisations... alors, on s'enligne là-dessus. Ma programmation qui va être présentée au comité de vérification, il y a énormément de temps qui va être passé à la validation de l'information au rapport annuel: analyse de risques, par exemple. Donner un énoncé sur l'état des risques de votre organisation, moi, je pense que le gouvernement a une opportunité là: l'état des risques. On devrait gérer dans ce sens-là, les faire reconnaître dans les organisations, les risques. Il y a moins de monde... quand un nouveau sous-ministre ou un dirigeant d'entreprise arrive, il aurait ses risques à surveiller davantage. Ça, ce serait ce que j'appelais un peu un tableau des risques d'une organisation. On devrait posséder ça. Les vérificateurs sont là justement pour meubler ça. Et là vous avez, comme le vérificateur interne devrait... à ce moment-là, son cadre plan annuel, ça serait facile; il aurait à gérer puis à examiner les grands risques de l'organisation. Et le risque résiduel, bien, on verrait. En tout cas, c'est ce que j'en pense personnellement.

M. Chagnon: Je vous remercie. C'est intéressant. Moi, ça m'éclaire. L'argument que vous apportez sur la vérification interne et externe m'apparaît fondé. Vous avez raison.

Quant à la dimension de transfert du Contrôleur des finances au Trésor, est-ce que vous avez une opinion sur le sujet?

M. Sénécal (Maurice): C'est difficile de se prononcer. Ce sont des décisions, je crois, au niveau gouvernemental.

Une voix: Je pense que le Contrôleur...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Votre réponse ne pourra être retenue contre vous.

Des voix: Ha, ha, ha!

(12 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Vaudreuil et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Merci de la présentation de votre mémoire. Je pense que la vérification interne est une fonction qui est extrêmement importante, qui a pris de l'importance d'ailleurs dans les entreprises. On peut le voir au cours des années, des 15 ou 20 dernières années.

Pour revenir sur la question du partage des responsabilités entre le Contrôleur des finances et la vérification interne – parce que je pense que c'est un sujet de discussion que vous soulevez vous autres même – il faudrait peut-être faire un peu d'historique. C'est qu'en 1970, quand nous avons réformé les organismes centraux de gestion financière au gouvernement – j'avais participé et dirigé l'opération à ce moment-là – nous avions séparé les fonctions qui étaient exercées par le Vérificateur général qui, lui, faisait ce qu'on appelle l'«avant-paiement» – la terminologie a peut-être changé – et l'«après-paiement» pour dire: Le Contrôleur des finances va faire l'avant-paiement, la régularité et la conformité, et le Vérificateur général, ce sera dans son rôle de vérification après paiement ou a posteriori. Ça a évolué et c'est normal. La fonction de vérification interne n'existait pas à ce moment-là. Donc, comment, si on ne veut pas dédoubler les... en tout cas, partie des responsabilités et des fonctions... on peut partager les rôles? On a discuté et vous avez dit... Mais comment on pourrait le faire? C'est-à-dire que... Si je comprends, le Contrôleur des finances exerce une partie de responsabilité dans laquelle vous êtes peut-être un peu impliqués, et vice versa. Alors, comment on pourrait les partager?

Deuxièmement, une autre question qui est fort importante, c'est l'indépendance de la fonction de vérification interne. Dans les entreprises, les groupes de vérification interne relèvent du chef de la direction, normalement, et se rapportent également au comité de vérification du conseil d'administration, donc des administrateurs externes. Tantôt, on évoquait la CSST qui a un conseil d'administration et qui a sans doute un comité de vérification. C'est différent dans les ministères. Quand on parle de comité de vérification, comment on peut, par analogie, instituer dans un ministère un comité de vérification qui a une certaine indépendance, si on compare avec ce qui se passe dans l'entreprise ou même dans les sociétés d'État que nous avons? Alors, ça, c'est mes deux questions.

M. Sénécal (Maurice): M. le député, on a, dans un mémoire soumis lors de la commission parlementaire de l'administration publique, déposé un peu nos besoins dans ce domaine-là. Par la suite, le groupe de travail sur la vérification et contrôle et l'évaluation de programmes, le rapport a été déposé comme tel au niveau du Secrétariat du Conseil du trésor et devait faire l'objet de... être inclus, en fait, que des parties soient incluses au niveau du projet de loi comme tel. C'est ce que nous attendions à ce niveau-là. Les reprendre en grande ligne, je ne les ai pas et je n'ai pas le mémoire avec moi – je ne sais pas si tu l'as... Mais il y a une chose certaine qu'on souhaitait, c'est que le Contrôleur des finances puisse a posteriori vérifier des choses lorsqu'il y a des problèmes. Il contrôle les finances du gouvernement. Lorsque le Contrôleur des finances vient dans nos organismes et ministères faire nos travaux de confirmation ou d'intégralité des données, comment c'est alimenté, et ainsi de suite, puis qu'il va faire 28 unités, là, on dit: Il y a dédoublement. On fait déjà ça. Le Vérificateur général vient faire la même chose plutôt que de se fier à nos rapports. Bon. S'il a des doutes sur nos rapports, bien, ça va de soi, il pourrait le faire, on ne veut pas dénier ce droit-là, mais, règle générale, les travaux sont bien faits et on confirme l'intégralité des données, la fiabilité aussi. C'est pour ça, là. Lorsque ces deux rôles-là sont faits de façon systématique, bien ça nuit à la vérification interne. Pourquoi un dirigeant d'organisme se paierait une unité de vérification interne si le Contrôleur des finances vient faire le travail? Ça va de soi, au niveau des finances, je parle, là. Parce qu'on ne fait pas, en gros, le même travail comme tel. Lorsqu'on parle d'efficience, d'économie, d'aide à la gestion, même de la formation à tout bout de champ, le Contrôleur des finances ne fait pas ça.

M. Laplante (Viateur): Personnellement, moi, j'ajouterais. Je pense que tout a été pas mal dit dans l'exercice des fonctions contrôle et vérification dans l'administration publique portant sur la redéfinition des responsabilités, je pense que le dossier a été très bien travaillé, et, si on suit les conclusions puis les plans d'action qui ont déjà été présentés, je pense que, là-dedans, on retrouve tout pour être capable de satisfaire les propos.

Moi, j'ai toujours pensé que les instruments, c'est les personnes, hein. Dans la vie, c'est les gens qui travaillent les choses, qui façonnent les choses. Et, moi, je suis partie de ça. Quand on veut ne pas avoir des explications, on n'en a pas. Moi, c'est aussi clair que ça.

Puis, dans les comités de vérification, je peux peut-être... Bon. J'ai connu les comités de vérification parce que j'ai été le vérificateur interne de la SDI déjà, la défunte SDI, indirectement, où on avait quand même des gens de l'externe. Puis je l'ai vécu au ministère de l'Éducation avec un membre externe. Bien sûr qu'un comité de vérification, ce n'est pas la panacée. C'est important, ça, de bien saisir la portée de ça: Les membres, là on prend... c'est l'émanation d'un BSM par exemple. Bon. Vous savez, un comité de vérification, c'est supposé de recommander la programmation, entre autres choses, la vérification interne, et de ramener au BSM, et de recommander l'adoption du plan de vérification interne. Et il y a bien des endroits où la vérification interne, le comité de vérification, ça s'arrête là. Le vérificateur interne ne remonte pas à un BSM, à une direction générale, est supporté par les membres de son comité pour dire: Maintenant, mon ami, on endosse la vérification interne et, s'il y a des choses à dire, c'est le temps de les dire, parce que le plan est là, il est déposé. Puis j'ai déjà eu un membre externe, puis finalement, pour moi, vérificateur interne, comme j'étais dans un milieu spécialisé comme l'éducation, il m'apportait plus de troubles que d'autres choses.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laplante (Viateur): J'avais même des problèmes parce qu'il avait des suggestions, puis je trouvais que, moi, j'étais pris avec ça après. Mais c'est sûr que le membre externe, ce n'est pas exclu. Il peut y avoir des échanges avec les comités de vérification d'autres organismes. Puis, à part de ça, il faut apprendre à être dans un comité de vérification aussi, à travailler avec les objectifs, et tout. Moi, je vous dis que les organisations, ça ne règle rien. C'est la façon de s'en servir.

M. Marcoux: M. le Président, je suis entièrement d'accord, je pense qu'on reconnaît la qualité du travail qui se fait par la vérification interne et je pense que c'est absolument nécessaire. Si la présence a augmenté au cours des années à la fois dans l'administration publique et dans les entreprises, c'est parce qu'on en a reconnu la nécessité.

Cependant, j'ai une couple de choses qui me surprennent dans ce que M. Sénécal a mentionné. Par exemple, de dire: Le Contrôleur des finances, dorénavant, dans la répartition des responsabilités, devrait vérifier a posteriori. Est-ce que ce n'est pas déjà là le rôle du Vérificateur général que de faire la vérification a posteriori? Et le Vérificateur général maintenant ne fait pas seulement de l'attestation financière, il fait également ce qu'on appelle de la vérification opérationnelle. Donc, je voudrais que vous m'éclairiez là-dessus.

Deuxièmement, j'ai peut-être mal compris, mais, tout à l'heure, vous avez mentionné que les vérificateurs internes, par exemple – et j'ai peut-être mal compris – pourraient signer le rapport annuel ou... on a dit: le vérificateur interne, dans le rapport annuel ou attester dans le rapport annuel. Je me dis: Comment ça s'inscrit, ça, par rapport à ce qui se fait ailleurs?

M. Sénécal (Maurice): Sur votre dernier point, ce n'est pas signer le rapport annuel, mais le valider. Alors, valider l'information pertinente: est-ce qu'elle est fiable? est-ce qu'elle est pertinente... Lorsque le sous-ministre reçoit une reddition de comptes d'un organisme, il faut que ça soit validé. Il faut qu'on dise qu'en tous points, ce qui est dit dans ce document-là, c'est véridique et que ça a été vérifié.

M. Marcoux: Simplement là-dessus. Est-ce que le Contrôleur des finances ne fait pas ça déjà?

Des voix: Non.

M. Sénécal (Maurice): Non.

M. Marcoux: Non? Du tout?

M. Sénécal (Maurice): Non.

M. Marcoux: O.K.

M. Dumas (Jacques): Peut-être pour apporter un élément juste... une façon de l'illustrer. Moi, je dirais qu'on donne l'exemple de celui de la Régie des rentes qui est sur Internet depuis à peine quelques semaines, sur lequel on retrouve une page. Qu'est-ce qu'on retrouve dans cette page-là signée par le directeur de la vérification interne? On dit essentiellement qu'un certain nombre d'informations, de telle page à telle page, ont été validées, regardées de près et que, selon les normes qui nous régissent comme vérificateurs internes, on peut valider ou attester d'une certaine façon de la fiabilité de ces informations-là. Et ce sont des informations qui ne sont pas financières.

(12 h 50)

Pour ce qui est des informations financières – c'est le même exemple pour celui de la Commission des normes du travail – le bilan financier qu'on retrouve dans le rapport annuel de la Commission des normes du travail, c'est le Vérificateur général qui l'a inspecté de A à Z et qui a dit: Oui, les chiffres sont corrects.

Pour les autres informations d'ordre statistique, d'ordre informationnel, d'ordre de résultats, d'ordre d'indicateurs qu'on s'est données, le vérificateur interne, avec les normes qui le régissent, dit: Nous les avons validées, vérifiées, attestées – peu importe le mot.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, à ce moment-ci, nous avons malheureusement épuisé le temps...

M. Marcoux: Bien, si vous me permettez, deux minutes. Je pense que, tantôt, on l'a permis. C'est tout simplement une dernière question.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Avec le consentement, on pourrait vous permettre de terminer effectivement. Allez-y, M. le porte-parole.

M. Marcoux: Merci. Le rôle du Contrôleur des finances, tantôt vous avez mentionné qu'il pourrait faire une vérification a posteriori. Comment vous conciliez ça avec le rôle du Vérificateur général qui le fait déjà, dans le fond, une vérification a posteriori?

M. Laplante (Viateur): Je peux peut-être corriger, là. Peut-être que, pour éviter, a posteriori... on se compare, nous, au niveau du Contrôleur des finances. C'est davantage que le Contrôleur. La fonction de Contrôleur, il faut qu'elle reste, cette fonction-là. Même si vous avez la présence du vérificateur interne, le Contrôleur, lui, devra s'assurer que les normes, réglementations et autres dans l'organisation, ces normes-là sont en vigueur. Bien sûr, le vérificateur interne, en lien avec le Contrôleur des finances... il va connaître les travaux du vérificateur interne, le Contrôleur des finances. Alors, à ce moment-là, le Contrôleur des finances devra s'assurer que l'organisation est en contrôle et, pour être en contrôle, il y aura certainement un programme d'examen dans l'organisation. Parce que vous avez quand même des fonctions financières dans les ministères. Ces gens-là vont devoir prendre des fonctions d'examen. Qu'est-ce qu'ils vont faire avec? Est-ce que la fonction financière va prendre, par exemple, certains travaux – on va s'interroger prochainement, à ce moment-là, là-dessus... Est-ce que la fonction financière va prendre des travaux de vérification à l'intérieur même, supposons, du ministère de l'Éducation? Moi, comme vérificateur interne, quelle sera ma part dans ça? Le Contrôleur va venir puis il va dire: Vous autres, le ministère, comment êtes-vous en contrôle par rapport à la Loi de l'administration financière, modifications ou pas, surtout avec modifications? C'est un peu ça. Donc, l'a posteriori, il faut le prendre dans ce sens-là.

M. Marcoux: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, j'aimerais, au nom des membres de la commission, remercier les représentants du Comité des responsables de la vérification interne pour leur contribution et spécialement M. Sénécal d'avoir accepté de remplacer au pied levé le président.

Je rappelle aux membres de la commission que nous reprenons à 14 heures. Nous avons un gros ordre du jour.

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, on peut laisser les choses ici, il n'y a pas de problème. Alors, rendez-vous à 14 heures. Je suspends les travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 53)

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Si les membres de la commission veulent bien prendre place.

La commission spéciale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental reprend ses travaux dans le cadre de la consultation générale portant sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental. Nous avons devant nous pour débuter, cet après-midi, les représentants de la Commission de la fonction publique, dont la présidente, Mme Morency, que j'invite à prendre la parole tout en présentant les personnes qui l'accompagnent, et en se rappelant que nous avons une vingtaine de minutes pour la présentation. Nous passerons ensuite aux échanges. Vous avez la parole, Mme la présidente.


Commission de la fonction publique du Québec (CFPQ)

Mme Morency (Lise): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés membres de cette commission spéciale, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir donné à la Commission de la fonction publique l'occasion de venir vous exprimer aujourd'hui sa position sur le nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental.

Je voudrais aussi vous présenter certaines des personnes qui m'accompagnent. D'abord, les membres de la Commission: à mon extrême droite, M. Jean-Paul Roberge; Mme Claire Laforest; M. Michel Poirier; à ma gauche immédiate, M. Serge Hébert, le secrétaire de la Commission de même que le directeur de la vérification et des enquêtes, M. Guy Chabot.

Compte tenu de sa mission, la Commission s'est toujours associée aux démarches susceptibles d'apporter des améliorations dans la gestion de la fonction publique, et en particulier la gestion des ressources humaines. La Commission souhaite que le mémoire qu'elle a préparé aide votre commission dans sa réflexion sur le nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental.

D'abord, la position générale de la Commission à l'égard de l'énoncé de politique. De façon générale, la Commission est en accord avec les orientations de l'énoncé de politique et les valeurs qui les sous-tendent. Elle rappelle qu'à plusieurs reprises depuis quelques années elle s'est prononcée en faveur d'un accroissement de l'imputabilité, de l'accentuation de la reddition de comptes et de l'allégement du cadre normatif au sein de la fonction publique. La culture administrative de l'organisation gouvernementale et sa capacité de changement doivent cependant être prises en compte et des mesures qui valorisent la prise de risques et impliquent la confiance envers le personnel doivent être mises en place.

Maintenant, quelques mots sur certaines préoccupations concernant des aspects de l'énoncé de politique. D'abord, en regard des valeurs. La proposition de loi sur la gestion gouvernementale, à son article 1, élargit à l'ensemble des ressources dont dispose l'État l'application d'objectifs formels de gestion. Ces objectifs témoignent d'un souci élevé de service public. Ce sont des objectifs généreux et mobilisateurs dont le champ d'application est large. Ils précisent et complètent des valeurs contenues à l'article 3 de la Loi sur la fonction publique, soit l'efficacité administrative, l'imputabilité et la reddition de comptes.

Si l'énoncé de politique rappelle certaines valeurs fondamentales de la fonction publique qui devront être préservées, la proposition de loi ne reprend pas nommément les valeurs visant l'égalité d'accès de tous les citoyens à la fonction publique, l'impartialité et l'équité des décisions affectant les fonctionnaires et la contribution optimale au sein de la fonction publique des diverses composantes de la société québécoise. La Commission comprend cependant que celles-ci vont demeurer et que l'application des règles devrait faire en sorte de respecter ces valeurs.

Toutefois, la Commission demeure préoccupée par la conciliation des objectifs de l'énoncé de politique, dont l'atteinte des résultats et les réalités connexes d'efficience et d'efficacité avec les valeurs qui doivent continuer de prévaloir, notamment celles relatives à l'égalité d'accès à la fonction publique. Ce principe de l'égalité d'accès est actualisé dans la Loi sur la fonction publique par la mise en place d'un régime du mérite en matière de recrutement ou de promotion. L'énoncé de politique précise que devraient être préservés les principes de base de l'édification de la fonction publique actuelle, notamment la neutralité politique et l'égalité d'accès. Il ajoute que le personnel devra continuer d'être assujetti à un système de recrutement et de promotion sans favoritisme.

(14 h 10)

La Commission désire rappeler que pour les emplois permanents, le concours est l'instrument d'application du principe du mérite et de l'égalité d'accès à la fonction publique alors qu'un autre régime s'applique pour les emplois occasionnels. L'accès aux emplois occasionnels est actuellement possible à la suite de la sélection des personnes à partir d'un fichier central de candidatures qui est lui-même alimenté par un système d'appel de candidatures. Les règles et les pratiques font cependant en sorte d'accorder dans plusieurs cas un privilège aux occasionnels qui ont été sélectionnés une première fois, ce que la Commission a d'ailleurs dénoncé par le passé.

À l'égard du recrutement et de la promotion du personnel permanent, certaines dérogations ont aussi été constatées. La Commission a en effet pu observer au fil des ans la tenue de concours qui ne satisfaisaient pas aux exigences de la sélection au mérite. À la connaissance de la Commission, ces situations ont, de façon générale, été expliquées en invoquant des motifs d'efficacité administrative. De l'avis de la Commission, il faudra prendre les moyens nécessaires pour que le respect du principe de l'égalité d'accès soit accentué de façon à éviter qu'il ne soit mis en échec par une mauvaise compréhension des objectifs privilégiés reliés à l'atteinte des résultats.

La Commission croit que les gestionnaires devront se rappeler que le régime du mérite ne peut que contribuer à l'atteinte des résultats. En effet, la nomination et la promotion des fonctionnaires sur la base du mérite permettent de constituer une fonction publique des plus compétente, qui peut fournir les meilleurs services.

Un autre élément de préoccupation, ce sont les dispositions concernant les règles particulières, la délégation et les exemptions. La proposition de loi sur la gestion gouvernementale présente une organisation où des règles différentes peuvent s'appliquer selon les ministères et organismes. Ceci peut résulter de la délégation de certains pouvoirs, de l'établissement de règles particulières ou encore de l'exemption de l'application de certaines règles.

La Commission émet des réserves sur l'application de ces dispositions à l'égard de la gestion des ressources humaines. À son avis, cette tendance va à l'encontre de la cohérence et de l'uniformité qui doivent prévaloir dans la fonction publique en cette matière. Un regard sur les contenus visés par la centaine de directives actuellement en vigueur en gestion des ressources humaines suscite de sérieux doutes sur la pertinence de soustraire substantiellement certaines unités administratives de leur application, d'en rendre des parties non applicables à certains ou, enfin, de permettre à certains de déterminer leurs propres règles.

Sur quelle base ces choix pourront-ils être faits? La Commission ne peut les entrevoir en ce moment. Évidemment, pour la Commission, ceci n'exclut surtout pas que ces règles puissent être simplifiées et allégées, mais au bénéfice de tous. C'est d'ailleurs le sens du discours sur l'allégement du cadre normatif qu'a tenu jusqu'ici la Commission.

Dans son mémoire, la Commission s'est aussi exprimée sur certains droits et processus en matière de gestion des ressources humaines qui pourraient, selon la proposition de loi sur la gestion gouvernementale, faire l'objet de propositions modificatives ou transitoires. D'abord, le droit d'appel en matière de concours de promotion. Ce droit d'appel existe depuis l'adoption de la Loi sur la fonction publique de 1978 et il a subi peu de changements depuis cette date. Dans l'énoncé de politique sur la gestion, on considère la possibilité de réviser le droit d'appel en matière de concours de promotion en raison de retards que l'exercice de ce droit entraînerait dans le processus de dotation des emplois. On ajoute qu'ils peuvent avoir un impact important sur l'efficience et l'efficacité de l'administration publique.

À la fin de la proposition de loi sur la gestion gouvernementale, on indique, parmi les principales matières qui feraient l'objet de dispositions modificatives ou transitoires, la révision possible du droit d'appel en matière de concours de promotion. Cette révision permettrait soit d'apporter des aménagements au droit d'appel, soit de le remplacer par un autre mécanisme qui fournirait au fonctionnaire s'estimant lésé une protection équivalente. La Commission tient à souligner qu'elle ne peut voir à ce moment-ci quel mécanisme pourrait offrir aux fonctionnaires une protection équivalente à celle que comporte le droit d'appel en matière de concours de promotion.

Par ailleurs, la Commission a elle-même pu constater, au cours des dernières années, que les contestations de validité des examens écrits ont pris de l'ampleur et qu'elles entraînent des délais importants. Elles nécessitent dans certains cas le témoignage d'experts en mesure et évaluation, souvent ceux qui les ont élaborés. La Commission a été sensibilisée au fait que ces contestations sont susceptibles de provoquer la désaffection des experts en élaboration d'examens et aussi d'entraîner des coûts importants lorsqu'elles ont pour effet de rendre des examens non réutilisables.

La Commission souligne d'abord que le droit d'appel est un moyen de contrôle a posteriori qui a été accordé en matière de concours de promotion par la loi de 1978 au moment où le régime du mérite a été renforcé. Parce qu'il offre la garantie immédiate, cas par cas, de l'application du régime du mérite et permet l'exercice du pouvoir de réparation, il contribue, de l'avis de la Commission, aux exigences d'efficacité, d'impartialité et d'équité du service public. La Commission est d'avis que les droits des candidats aux concours de promotion doivent continuer d'être protégés par le droit d'appel.

D'ailleurs, selon la Commission, l'exercice du droit d'appel a permis, depuis son instauration, la correction de situations nombreuses et variées. Il a également fourni l'occasion d'améliorer de façon significative la procédure d'évaluation qui, selon la loi, doit être de nature à permettre de constater impartialement la valeur des candidats. Il a donc eu des retombées positives qui se reflètent sur la qualité tant des concours de promotion que des concours de recrutement.

Malgré tout, la Commission est consciente qu'il n'est pas facile de concilier en pratique toujours la sélection au mérite et l'exercice du droit d'appel en matière de concours de promotion avec certaines des responsabilités des gestionnaires. Le maintien de l'équilibre peut à l'occasion être délicat. Elle fait toutefois remarquer que tout processus visant à la reconnaissance des droits individuels, qu'ils soient judiciaires, quasi judiciaires ou administratifs, emporte des délais. La Commission propose donc dans son mémoire certaines mesures qui pourraient permettre de limiter les inconvénients du droit d'appel.

Ainsi, la Commission est d'avis qu'il pourrait y avoir avantage pour les ministères et organismes à ce que les appels ne puissent être entendus qu'à la fin d'un concours. Les ministères et organismes étant les mieux placés pour évaluer les impacts à l'égard des concours dont ils sont responsables, la Commission propose que leur soit conféré le pouvoir de choisir le moment où les appels pourraient être entendus, à savoir en cours de processus ou à la fin d'un concours. Ce choix lierait à la fois les appelants, les intimés et la Commission.

Aussi, pour résoudre les problèmes déjà mentionnés posés par la contestation des examens, à savoir les risques de désaffection des experts et d'impossibilité de réutiliser des examens, la Commission propose que soit mis en place sur le plan administratif un mécanisme de certification des examens par la Commission de la fonction publique, dont l'usage serait cependant facultatif. Un examen certifié aurait l'avantage de déterminer à l'avance sa validité pour des utilisations précises. Les examens ainsi certifiés ne pourraient par la suite faire l'objet de contestation quant à leur validité dans la mesure, bien sûr, où ils seraient utilisés adéquatement.

Enfin, la Commission a constaté que le refus de divulguer des renseignements utiles à la compréhension des résultats aux examens pouvait inciter des participants à interjeter appel. La Commission propose donc que la préparation d'un examen porte également sur les renseignements qui pourront être éventuellement fournis à un candidat à l'issue d'un concours ou de l'une ou l'autre de ces étapes. Elle propose également d'étudier la possibilité d'exiger des concepteurs d'examens des guides de divulgation de renseignements.

La Commission s'est aussi penchée sur la délégation des pouvoirs du président du Conseil du trésor en matière de promotion sans concours. La Loi sur la fonction publique, à ses articles 42, 99 et 102, prévoit la promotion sans concours des fonctionnaires et confie la responsabilité de procéder à la vérification et à la déclaration d'aptitude des candidats au président du Conseil du trésor. L'énoncé de politique propose que ce pouvoir, qui ne peut actuellement être délégué, puisse à l'avenir l'être. La Commission juge à propos de rappeler ici qu'une promotion sans concours constitue une exception à la règle générale selon laquelle les promotions sont accordées à la suite d'un concours.

De l'avis de la Commission, la délégation des pouvoirs du président du Conseil du trésor en matière de promotion sans concours ne devrait pas pouvoir être autorisée. En effet, l'exercice par le président du Conseil du trésor de ce pouvoir offre les meilleures garanties quant à la qualité du processus; et aussi, le fait de lui conférer cette évaluation permet d'assurer l'impartialité, la transparence et la crédibilité requises du processus. Il permet aussi, de l'avis de la Commission, que les personnes déclarées aptes possèdent les aptitudes requises non seulement par l'emploi réévalué, mais aussi par le domaine d'activité auquel appartient cet emploi, permettant ainsi la polyvalence des personnes promues et favorisant leur mobilité.

(14 h 20)

La Commission croit aussi que le maintien de la règle actuelle de non-délégation est de nature à limiter l'utilisation de la promotion sans concours. Il faut souligner que pour les années 1993-1994 à 1997-1998 le nombre de promotions sans concours a été supérieur au nombre de promotions à la suite de concours. Malgré les statistiques plus positives de 1998-1999, on peut craindre encore que la promotion sans concours ne soit pas toujours perçue par les gestionnaires comme une mesure d'exception à la règle générale de la promotion à la suite d'un concours. Il paraît donc capital de réaffirmer l'importance du régime selon lequel les fonctionnaires sont recrutés et promus par voie de concours, régime qui contribue principalement à garantir l'égalité d'accès aux emplois dans la fonction publique, valeur fondamentale de notre démocratie.

Si, par ailleurs, afin d'accroître l'autonomie des ministères et organismes dans la gestion de leurs ressources humaines, le législateur devait décider de permettre cette délégation de pouvoirs, la Commission considère que la délégation ne devrait être mise en place qu'après le développement d'instruments valides qui assurent l'impartialité et la transparence du processus et la polyvalence des personnes promues. De même, l'utilisation devrait en avoir été prescrite et des mécanismes de contrôle appropriés avoir été établis.

Enfin, un mot sur le troisième sujet pouvant faire l'objet de dispositions modificatives ou transitoires: la promotion dans le cadre de certains programmes de développement de la main-d'oeuvre approuvés par le Conseil du trésor. Ce mécanisme, selon l'énoncé de politique, viserait l'atteinte d'une plus grande efficacité en ce qui concerne notamment des matières comme la promotion du personnel en lui offrant éventuellement des perspectives de carrière mieux définies.

La Commission est ouverte à la mise en oeuvre d'une telle mesure et elle estime qu'elle est de nature à motiver les fonctionnaires qui seraient appelés à y participer. Toutefois, si cette nouvelle voie de promotion était retenue, la Commission recommande d'établir un processus qui prenne en compte et assure le respect de l'égalité d'accès, du mérite, de la transparence, de l'équité et de l'impartialité. Les programmes eux-mêmes devraient faire l'objet d'une planification rigoureuse sous le contrôle du Conseil du trésor et aussi être l'objet d'une publicité adéquate, comporter un processus de sélection équitable, permettre l'acquisition des compétences requises pour les emplois visés et comporter un processus d'évaluation approprié.

Enfin, selon la Commission, cette voie de promotion devrait être complémentaire à la promotion à la suite d'un concours qui, comme elle l'a déjà affirmé à plusieurs reprises, doit rester le mode privilégié de promotion dans la fonction publique.

Enfin, un dernier point avant de conclure: les impacts de l'énoncé de politique sur le statut, la mission et le rôle de la Commission de la fonction publique. D'abord, son statut. La Commission de la fonction publique fait rapport à l'Assemblée nationale en vertu de la Loi sur la fonction publique. Ce lien apparaît fondamental pour assurer la crédibilité de l'institution auprès de la fonction publique et des citoyens. La Commission souligne qu'elle n'a aucune réserve à être soumise, comme tous les ministères et la plupart des organismes, à la préparation de plans et rapports dont les objectifs sont similaires à ceux visés par l'énoncé de politique et la proposition de loi, mais elle considère que ces documents devraient s'adresser à l'Assemblée nationale.

En second lieu, sa mission et son rôle. Une plus grande marge de manoeuvre accordée aux gestionnaires pour atteindre les objectifs fixés doit être accompagnée d'exigences claires et des contrôles adéquats. La fin ne peut justifier le recours à n'importe quel moyen. Un minimum de règles s'impose pour assurer la cohérence gouvernementale. La principale difficulté de l'exercice consiste, selon la Commission, à identifier le nécessaire et le raisonnable.

Compte tenu de sa mission et de son rôle, la Commission s'intéressera à l'instauration et à la mise en oeuvre de la réforme annoncée, demeurera vigilante et s'exprimera lorsque nécessaire sur les modifications législatives, réglementaires ou administratives qui toucheront la gestion des ressources humaines et les valeurs qui la guident. Elle tiendra compte des changements qui seront retenus et elle examinera les moyens utilisés pour atteindre les résultats visés. La Commission estime enfin que dans le nouveau contexte elle pourrait apporter aux parlementaires un éclairage complémentaire en matière de gestion des ressources humaines.

En conclusion, la Commission a centré son propos sur les matières reliées à la gestion des ressources humaines et a, à plusieurs occasions, rappelé l'importance des valeurs qui doivent guider cette gestion. La Commission tient à rappeler que l'accroissement de l'imputabilité, l'accentuation de la reddition de comptes et l'allégement du cadre normatif ne peuvent à eux seuls garantir l'augmentation de la performance et l'atteinte de l'excellence. Les personnes constituent le coeur des organisations et c'est par elles que procèdent les changements. Leur contribution, leur engagement, leur adhésion et la reconnaissance de leur compétence sont des éléments fondamentaux en vue d'assurer le succès d'une telle réforme. Les employés devront donc être associés comme partenaires essentiels des changements à venir.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés membres de cette commission spéciale, au nom de la Commission de la fonction publique, je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est nous qui vous remercions, Mme la présidente. Vous êtes, mon Dieu, d'une ponctualité exemplaire!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous passons à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Léonard: Je vous remercie, M. le Président. Alors, Mme la présidente, Mme, MM. les membres de la Commission, d'abord merci pour votre mémoire qui témoigne d'une vigilance certaine à l'endroit des fonctionnaires de la fonction publique.

J'aurais une question peut-être de nature générale mais qui tient à votre conclusion que je viens de lire: «Les personnes constituent le coeur des organisations et c'est par elles que procèdent les changements.» Je partage ce que vous dites là.

Mme Morency (Lise): Ça va bien. Ha, ha, ha!

M. Léonard: Ça va bien jusque là. Ma question porte effectivement, dans la foulée de cette affirmation, sur la motivation: Est-ce que le nouveau cadre de gestion, à votre avis, va amener une plus grande motivation de la fonction publique? Est-ce que ça devrait les impliquer davantage dans l'accomplissement de leurs fonctions? C'est sûr que ce que nous proposons modifie en bonne partie le cadre. Est-ce que vous pensez que ça devrait agir dans le sens d'une meilleure motivation, d'une plus grande motivation?

Je dois dire que jusqu'ici nous pensions que oui, parce que là où il y a eu des unités autonomes de service, en général, il y a eu une bien meilleure motivation. Maintenant, j'aimerais savoir votre point de vue sur cette question.

Mme Morency (Lise): La difficulté de répondre à votre question tient au fait qu'il nous manque quand même beaucoup de détails sur la façon dont la réforme va se matérialiser. Nous-mêmes, la Commission, comme organisme, nous avons émis certaines réserves tenant au fait qu'on ignorait beaucoup de choses: quels seraient les moyens pris, comment les choses se passeraient. Et on m'a indiqué à un certain moment que des travaux étaient en cours à cet effet là et qu'éventuellement on aurait plus de détails.

Alors, évidemment, si les moyens, les mécanismes et le support nécessaires sont offerts au fur et à mesure à partir du début de la démarche, il nous semblerait que les fonctionnaires devraient y trouver là suffisamment de points d'appui pour d'abord croire à la réforme, croire à sa matérialisation et croire à la bonne volonté gouvernementale de mettre en oeuvre et de parachever cette réforme.

M. Léonard: Mettons un élément. Il y a des indicateurs de performance et ça amène inévitablement la question de la reconnaissance dans la rémunération de la performance. Donc, jusqu'ici il y a eu d'institué un système de bonus au rendement qui a été suspendu en 1993 et qui vient d'être rétabli. Est-ce que la Commission a une opinion sur une telle politique? On peut penser que dans le nouveau cadre de gestion ce système pourrait être élargi, renforcé, plus important qu'il ne l'est maintenant, à certains niveaux, au niveau des cadres, puis il y a aussi au plan du fonctionnaire syndiqué. Aussi. La question se pose.

Mme Morency (Lise): Je dois vous dire que la Commission ne s'est pas penchée de façon précise sur cet élément.

M. Léonard: En relation avec la motivation du personnel.

(14 h 30)

Mme Morency (Lise): Oui. Si on s'en rapporte à la position de la Commission quant aux bonis au rendement et quant aux effets bénéfiques que ces bonis au rendement peuvent produire, à tout le moins à l'égard de certains fonctionnaires, on peut penser que possiblement ça pourrait contribuer à motiver la fonction publique mais on n'a pas, comme Commission, discuté de la question, sauf qu'il me paraît qu'il y a toujours des personnes déçues et des personnes satisfaites lorsqu'il y a des bonis au rendement. Alors, de quelle façon seront aménagées les règles et jusqu'où les règles pourront permettre à un nombre important de meilleurs au sein de la fonction publique de participer au partage de ces bonis au rendement ou de quelque chose du même genre? À ce moment-là, j'ai l'impression que c'est ce qui devrait permettre de voir vraiment si ça emportera un effet positif à l'égard de la motivation des fonctionnaires. De prime abord, oui, mais tout dépendra de la façon dont les choses seront faites. Ce n'est pas très difficile...

M. Léonard: Oui, je pense que c'est un grand sujet. Oui, oui, c'est un grand sujet.

Votre mémoire est extrêmement fouillé, puis on sent que vous veillez au grain beaucoup. Je vous en complimente, parce que c'est votre rôle aussi de le faire. Il y a une remarque que vous faites qui concerne, disons, le président du Conseil du trésor. Nous, on avait l'intention de déléguer, d'élargir, et beaucoup, puis là vous nous rappelez à l'ordre puis vous dites: Le président du Conseil du trésor doit garder la haute main sur toute...

Mme Morency (Lise): La promotion.

M. Léonard: Nomination sans concours.

Mme Morency (Lise): La délégation.

M. Léonard: Promotion sans concours, oui.

Mme Morency (Lise): Ça vous étonne! Ha, ha, ha!

M. Léonard: Je comprends que finalement, dans le rôle de la Commission, vous avez un rôle très central, pour ne pas dire centralisateur, en ce qui concerne la dotation des emplois, puis je comprends aussi les valeurs d'accessibilité pour tous; en particulier, ça a beaucoup d'importance. Mais, en même temps, vous soulignez le fait que, depuis un certain nombre d'années, il y a eu plus de nominations sans concours qu'avec concours. Bon, vous expliquez cela par des circonstances. Est-ce qu'on ne doit pas... Disons qu'on délègue. On ne peut pas déléguer sans balises, sans un certain cadre. Donc, si le cadre était là, vous dites: Oui, peut-être si, si le gouvernement décidait. Mais on sent très bien...

Mme Morency (Lise): Une réticence.

M. Léonard: ...votre profonde réticence à ce qu'on le fasse. Moi, je veux vous entendre plus à fond là-dessus.

Mme Morency (Lise): D'abord, M. le ministre, la promotion sans concours effectivement, sauf pour la dernière année pour laquelle on a eu des statistiques, c'est-à-dire 1998-1999, où elle a été en deçà de la promotion à la suite d'un concours... Pour les quatre années antérieures donc, le nombre de promotions sans concours a été plus élevé que la promotion à la suite d'un concours. Ce que nous nous disons, c'est que, n'eût été le fait que la responsabilité était sous l'autorité du président du Conseil du trésor, probablement que ça aurait pu être pire que ce que ça a été...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Morency (Lise): ...et que le contrôle exercé par le...

M. Léonard: Ah! que tout le monde entende!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Morency (Lise): ... – ha, ha, ha! – que le fait que la promotion sans concours ait été sous la responsabilité du président du Conseil du trésor a limité les dégâts. C'est la conviction de la Commission. Bien sûr que, avec un encadrement nettement plus fort – et là on va un peu à l'envers en même temps d'une autre orientation à l'effet d'alléger, etc. – mais, avec un encadrement très précis, une surveillance étroite des contrôles et aussi une conviction de la part des gestionnaires que la promotion sans concours n'est pas le mode de dotation au sein de la fonction publique, peut-être pourrions-nous – peut-être – fonctionner correctement. Mais on émet des réserves à cet égard-là.

M. Léonard: Est-ce que vous souhaitez un droit de regard sur la délégation, sur la mécanique de la délégation, ou bien si ça outrepasse vos pouvoirs actuellement?

Mme Morency (Lise): C'est-à-dire que, lorsqu'on nous invite à fournir notre avis...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Morency (Lise): ...on le fait avec grand plaisir. Ha, ha, ha! Et il nous ferait plaisir, bien sûr, si l'orientation était maintenue et que la délégation devait pouvoir se faire en matière de promotion sans concours, on serait, bien sûr, très heureux de pouvoir considérer les documents qui nous seraient soumis pour avis et faire part de notre opinion sur la qualité ou la nature de l'encadrement et les garanties que cet encadrement-là peut offrir quant...

M. Léonard: Mais vous ne pouvez pas le faire proprio motu, de par votre mandat?

Mme Morency (Lise): Ah oui! on peut toujours, on peut toujours émettre des avis. Je pense que notre loi ne nous en empêche pas.

M. Léonard: O.K. Je vais revenir aussi sur une autre question qui est celle du droit d'appel.

Mme Morency (Lise): Oui.

M. Léonard: Bon, actuellement, ce qu'on me dit, c'est que ce droit d'appel implique une très grande lourdeur, je dirais surtout aussi des délais très importants, parce qu'à chaque étape il y a ce droit d'appel. Et, finalement, cela fige en quelque sorte la dotation de certains postes. Je vois que vous avez produit une ouverture en disant: Il y aura juste un droit d'appel après coup et non pas à la fin de chacune des étapes. Reste aussi le délai. Nous avons remarqué, quant à nous, que dans d'autres provinces, ailleurs, le délai était de 14, 15 jours, alors qu'ici il est de 30 jours. Il y a ce facteur, lorsque le délai est long, et puis il y a aussi les différentes étapes. Alors, j'aimerais entendre vos commentaires parce que vous faites une ouverture.

Mme Morency (Lise): D'abord, je devrais peut-être attirer votre attention sur les annexes que nous avons à notre rapport. Nous avons trois annexes qui concernent le droit d'appel, l'appel. À l'annexe 1, vous avez les appels et décisions de 1993-1994 à 1997-1998 et qui indiquent... là, ce n'est pas les délais d'abord, mais le nombre au total, si vous voulez, pour les cinq années couvertes par le tableau. On a voulu faire ressortir le nombre de concours qui avaient été tenus pendant la période, le nombre d'appels reçus pendant la période, de même que les appels accueillis puis les décisions rendues. Si vous vous référez à la dernière colonne, sur 529 concours tenus pendant la période en question, il y a 174 concours qui ont fait l'objet... contestés, c'est-à-dire, 174 concours contestés qui ont fait l'objet d'une décision. Alors, c'est environ le tiers des concours pendant la période qui ont fait l'objet d'un appel qui a conduit à une décision.

On a aussi, pour la période 1994-1995 à 1998-1999, produit un tableau sur les temps de traitement. On peut voir, pour les cinq années qui sont couvertes, que la moyenne du délai est de 188 jours, de la réception de l'appel à la décision.

Également – et là ce n'est peut-être pas le Québec comme tel – on a produit un tableau qui vous montre dans les autres provinces et au fédéral là où il y a actuellement un droit d'appel, et ce sur quoi porte l'appel, et à quel moment aussi le droit d'appel peut être exercé.

Alors, à partir de ces tableaux-là, on peut voir qu'effectivement il y a seulement une proportion des concours tenus qui ont fait l'objet d'appels. On peut aussi voir que les délais sont quand même moyens, d'à peu près six mois, toutes années confondues, de la réception de l'appel à la Commission jusqu'à la décision. C'est difficile de voir par rapport à ça qu'un délai de 15 jours pour en appeler ou un délai de 30 jours serait vraiment significatif. C'est sûr que 15 jours de moins pour appeler, c'est 15 jours de moins. Mais, d'un autre côté, un droit d'appel, si on veut qu'il soit exercé au mieux par ceux qui y ont droit, je pense qu'il faut permettre de leur donner un temps qui, en tout cas, en autant que nous sommes concernés, ne nous apparaît pas déraisonnable à 30 jours, parce que quelqu'un peut être absent, quelqu'un peut être...

M. Léonard: Là, on parle de 30 jours ouvrables?

Mme Morency (Lise): Non.

M. Léonard: Non? Trente jours.

Mme Morency (Lise): Trente jours.

M. Léonard: De calendrier.

Mme Morency (Lise): Trente jours de calendrier.

Une voix: Pour faire appel.

M. Léonard: Oui, pour faire appel.

Mme Morency (Lise): Oui, c'est ça. Et, comme le souligne M. Poirier, le commissaire, ça part de l'expédition et jusqu'à la réception. C'est ça? Je ne veux pas me tromper. On n'a pas de perte dans le 30 jours. C'est un 30 jours complets de calendrier. Alors, de la décision qui est en cause jusqu'à la réception de l'appel à la Commission, c'est 30 jours. C'est aussi serré que ça. Alors, 15 jours, on ne voit pas vraiment le gain. Si on regarde les délais moyens actuels, tout n'est pas évidemment de 100 et quelques jours en moyenne.

(14 h 40)

M. Léonard: Bien sûr que, si, finalement, ce n'est qu'à la fin du processus, là c'est différent de quand c'est à chaque étape du processus.

Mme Morency (Lise): Bien voilà. L'opportunité, en fait, qu'on développe sommairement quand même, mais dans le mémoire, c'est à l'effet de permettre aux organisations de juger si, suivant les cas, il est préférable d'en appeler au fur et à mesure des étapes ou de tout concentrer ça à la fin. Et c'est la proposition qu'on fait, que le choix soit laissé à l'organisme de décider s'il attend la fin. Ça dépend des cas. Il y a des cas où ça pourrait être avantageux d'attendre à la fin.

M. Léonard: Mais il y a l'inconvénient cependant que, si on attend à la fin et puis que tout le concours est vicié, il faut recommencer à partir du début. Enfin...

Mme Morency (Lise): Oui. C'est pour ça que les cas doivent être considérés.

M. Léonard: Est-ce que vous avez, à ce moment-là, des critères de réceptivité de l'appel? Quand on va en cour, on peut se faire dire: Votre appel n'est pas recevable.

Mme Morency (Lise): Irrecevable.

M. Léonard: Oui, il est irrecevable. Est-ce que vous avez ça?

Mme Morency (Lise): Ça existe actuellement.

M. Léonard: Vous avez des critères?

Mme Morency (Lise): Oui, puis c'est invoqué assez régulièrement devant la Commission. Ce n'est pas toujours reçu...

M. Léonard: O.K.

Mme Morency (Lise): ...mais il y a des cas où, effectivement, les appels sont rejetés parce que irrecevables. Mais, par rapport à la fin du processus, nous sommes les seuls au Québec par rapport aux autres juridictions où il y a un droit d'appel en matière de promotion, à avoir l'appel possible à chacune des étapes du concours. C'est ce qu'un des tableaux qu'on vous a annexés au mémoire de la Commission révèle.

M. Léonard: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de La Peltrie.

M. Léonard: Je reviendrai s'il reste du temps.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la présidente...

Mme Morency (Lise): Bonjour, monsieur.

M. Côté (La Peltrie): ...ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous félicite pour la présentation de votre mémoire. On sent que ça a été très bien préparé et c'est clair comme présentation.

Je m'associe particulièrement aux derniers propos de votre mémoire où vous dites que les personnes constituent le coeur des organisations. Effectivement, parce que tout ce qui se passe dans une organisation, ça passe par les personnes qui la composent, du haut en bas et du bas en haut, et c'est la seule façon, je pense, d'assurer le succès d'une telle réforme, puis je vous remercie de l'avoir souligné dans votre mémoire.

En ce qui concerne le passage où on comprend de vos propos qu'alléger peut être dangereux et que la meilleure façon de rester juste et équitable, ce serait de garder certains gestes centralisés, est-ce que je me trompe? Dans vos propos, c'est ça?

Mme Morency (Lise): C'est-à-dire que nous sommes tout à fait d'accord avec l'allégement. Mais ce sur quoi nous mettons une réserve, c'est que nous ne souhaitons pas que l'allégement se traduise par des règles différentes suivant les organisations. On veut bien que les règles soient allégées, que les règles soient simplifiées, mais on souhaite que les mêmes règles s'appliquent à tous en matière de ressources humaines.

M. Côté (La Peltrie): À tous les niveaux.

Mme Morency (Lise): À tous les niveaux.

M. Côté (La Peltrie): À tous les niveaux. Mais les dangers qui pourraient en découler, c'est quoi...

Une voix: ...conventions collectives.

Mme Morency (Lise): Ah! bien évidemment, comme le souligne – excusez-moi, M. le député – M. Poirier, on n'entre pas dans le champ des conventions collectives quand on affirme cela.

M. Côté (La Peltrie): Mais là ce que vous dites, ça peut être dangereux... c'est quoi, les principaux dangers qui pourraient survenir, en plus de ce que vous venez de mentionner?

Mme Morency (Lise): Les dangers tiennent en partie au fait que le fonctionnaire doit avoir un sentiment d'appartenance à une institution et avoir la conviction que les mêmes règles concernant sa progression de carrière, concernant son traitement à l'intérieur de son organisation répondent aux mêmes règles que le voisin dans l'organisation d'à côté. C'est une question de confiance dans l'organisation, c'est une question de motivation, c'est une question de qualité...

Une voix: D'équité.

Mme Morency (Lise): ...et d'équité – qu'on m'ajoute.

M. Côté (La Peltrie): Dans un autre ordre d'idées, hier, il y a un groupe, le Forum des jeunes de la fonction publique québécoise, dont le mémoire avait comme titre Mieux rémunérer pour mieux performer . Au chapitre de la reconnaissance de la performance comme telle, est-ce qu'en plus de mieux rémunérer, comme eux le proposent, en vue d'avoir... c'est le seul incitatif qui, eux autres croient, peut améliorer la performance dans la fonction publique? Est-ce que vous avez d'autres suggestions à nous faire ou d'autres mécanismes qui pourraient inciter au rendement ou encore à bien performer, autre que monétaire?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En quelques secondes, malheureusement.

Mme Morency (Lise): Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En quelques secondes, malheureusement.

Mme Morency (Lise): Je pense que la responsabilisation des fonctionnaires, de plus grandes responsabilités peuvent contribuer fortement à augmenter la motivation des fonctionnaires. Il me semble que la confiance et la reconnaissance des compétences et la contribution à l'amélioration des compétences des fonctionnaires par de la formation, des programmes de développement adéquats, peuvent aussi fortement contribuer à améliorer la motivation des fonctionnaires.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous passons aux échanges avec les représentants de l'opposition. M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme la présidente, et tous vos autres collègues de la Commission. Également, je vous félicite pour la qualité du mémoire que vous avez produit et pour votre présentation devant les membres de cette commission.

D'abord, vous rappelez un principe de base auquel, personnellement, je crois profondément, c'est celui du mérite dans la fonction publique, qui veut qu'on prévoie une égalité d'accès, l'impartialité et l'équité de traitement dans la fonction publique, et qu'on donne à tous les citoyens une possibilité égale de pouvoir venir travailler dans la fonction publique, d'une part, et, deuxièmement, qu'on s'assure qu'on recrute des gens qualifiés, et les plus qualifiés, pour assurer une meilleure fonction publique. Or, ça, je pense que c'est un principe de base qu'on doit maintenir et, une des façons, il est sûr, d'y arriver, c'est d'avoir la dotation par concours et selon l'article 42 qui prévoit que tout fonctionnaire est recruté ou promu par concours. Il semble que, dans le cadre d'une augmentation, d'un accroissement de l'autonomie, on veuille, en tout cas, et je pense que c'est important d'en discuter, je dirais, atténuer un peu ce principe-là par délégation et tenir davantage de promotions sans concours. Est-ce que vous jugez que des règles bien strictes de délégation – et vous y faites allusion – ne sont pas susceptibles de remplacer, dans le fond, la prescription législative? En d'autres termes, que, même si on fait une délégation mais avec des règles très strictes, il va être difficile de maintenir le principe du mérite, d'une part. Et, pour vous, quel est le rôle que vous voyez à cet égard-là?

Mme Morency (Lise): Je pense que la Commission, d'abord, croit au mérite, à la règle du mérite, au principe du mérite, au régime du mérite, et qui se traduit de façon principale, comme vous le souligniez, par le concours – de façon principale. La possibilité de déléguer, si on considère l'ouverture faite dans l'énoncé de politique, l'exercice de la promotion sans concours aux ministères et organismes, en soi, si c'est très bien encadré – c'est ce que vous questionnez jusqu'à un certain point – est-ce que ça peut avoir un impact négatif sur l'application du principe du régime du mérite par la voie de concours? C'est sûr que le choix, le premier choix de la Commission, c'est de maintenir l'exercice du contrôle sous la responsabilité du président du Conseil du trésor. C'est ce qu'on a exprimé dans le mémoire. Cependant, dans la mesure où le législateur décidait d'aller de l'avant dans le sens de la délégation, on considère qu'un bon encadrement et une surveillance appropriée... et je pense que la Commission, par le biais de ses vérifications, de ses enquêtes, est bien placée pour vérifier si, effectivement, ces nouveaux pouvoirs qui seraient ainsi délégués aux ministères et organismes sont exercés correctement, et elle pourrait très clairement faire rapport, dans son rapport annuel ou autrement, de la façon dont l'exercice de ce pouvoir est fait par les ministères et organismes.

(14 h 50)

M. Marcoux: Si la décision était d'aller dans ce sens-là, est-ce qu'il serait utile ou même nécessaire, selon vous, que la Commission soit associée à l'élaboration de ces règles et de ces mécanismes qui permettraient une délégation de promotion sans concours?

Mme Morency (Lise): Je pense que la Commission se sentirait très bien placée pour examiner, étudier, commenter et donner son avis sur le cadre qui serait privilégié pour l'exercice de ce nouveau pouvoir de délégation.

M. Marcoux: Un aspect qui paraît important, je pense, pour pouvoir évidemment s'assurer d'une application correcte du principe du mérite et des concours, c'est celui du droit d'appel, du droit de recours dont nous avons parlé.

Mme Morency (Lise): Oui, c'est ce qu'on croit.

M. Marcoux: Si je comprends, c'est un principe, selon votre mémoire, qui existe au fédéral et qui, au cours des dernières années, s'est implanté dans d'autres provinces, ce droit de recours. Donc, ce n'est pas une orientation qui est en train de se modifier à l'inverse, mais qui est plutôt en train de s'appliquer de façon plus générale. Est-ce qu'on peut concevoir... Et ce qui m'apparaît important, c'est qu'au cours des dernières années vous mentionnez que, sur 360 cas à peu près d'appels, il y en a 200 où l'appel a été accueilli. Donc, il y avait des justifications; la personne en question a été lésée quelque part et, donc, on a remédié à ça. Je pense que ça, c'est dans une proportion très importante, ce qui veut dire qu'il y a lieu de s'en préoccuper. Est-ce qu'on peut concevoir un mécanisme de délégation qui maintiendrait ce droit de recours?

Mme Morency (Lise): Actuellement, d'abord, en matière de promotion sans concours, il n'y a pas d'appel.

M. Marcoux: Il n'y a pas d'appel.

Mme Morency (Lise): C'est pour la promotion à la suite d'un concours qu'il y a appel.

M. Marcoux: Donc, ce qui veut dire que, plus on élargit les promotions sans concours, moins on donne, dans le fond, de possibilité à une personne de pouvoir en appeler, même si elle estime qu'elle n'a pas été traitée adéquatement.

Mme Morency (Lise): Sauf que la promotion sans concours n'est pas un mode de dotation, de l'avis de la Commission, c'est une exception et ça doit rencontrer des règles bien précises qui sont prévues dans le règlement. Normalement, la raison pour laquelle justement la Commission souhaite que le président du Conseil du trésor continue d'être responsable de ce champ, c'est qu'il y a des possibilités de dérapage, jusqu'à un certain point, en cette matière, et le fait que le contrôle demeure sous la responsabilité du président du Conseil du trésor limite, de l'avis de la Commission, de façon importante ces possibilités de dérapage.

Et, comme le soulignait le ministre un peu plus tôt, il y a beaucoup de circonstances qui ont probablement justifié, dans les dernières années, je dirais, le recours aux promotions sans concours, et je pense que la Commission, là-dessus, en convient jusqu'à un certain point. Il n'est pas facile de délimiter qu'est-ce qui aurait dû ou qui n'aurait pas dû... sauf que les circonstances ont certainement favorisé nettement le fait de réduire les postes: pas de postes vacants, l'accroissement des tâches, l'augmentation des tâches sur les épaules de certains individus, etc. Évidemment, on ne peut pas ne pas le reconnaître... contribuer à ça. Maintenant, peut-être que dans l'avenir les choses seront différentes. Et on le voit dans la dernière année pour laquelle nous avons eu tout récemment des chiffres, on voit que ça s'est inversé. Alors, c'est ce que la Commission souhaite, c'est que le mouvement vers le retour à la promotion avec concours se perpétue, et augmente, et revienne là où il aurait dû être.

M. Marcoux: Donc, si je comprends, c'est un principe de base qu'on doit maintenir, selon la Commission. Est-ce que, à votre connaissance, dans les autres juridictions dans les fonctions publiques, également ce principe de la promotion par concours est un principe généralisé qui souffre peu d'exceptions ou si ça peut varier selon les juridictions?

Mme Morency (Lise): Excusez, moi, je ne pourrais pas répondre avec certitude sur cette question. Je sais, pour avoir participé la semaine dernière à la Conférence des présidents de commission de fonction publique du Canada, que, très certainement en Ontario, ils ont d'autres modes de promotion que la promotion avec concours et la promotion sans concours... c'est-à-dire, la promotion sans concours telle qu'on la connaît. Ils ont d'autres modes de promotion. Mais je ne saurais pas... Je peux peut-être demander à mes collègues, si quelqu'un peut affirmer...

Une voix: ...

Mme Morency (Lise): Ça serait difficile. Alors, il n'y a personne qui est en mesure de répondre avec certitude sur cette question-là. Je le regrette.

M. Marcoux: Vous avez suggéré dans votre mémoire des moyens d'améliorer les délais, en tout cas de droit de recours. La question a été mentionnée tantôt par le ministre. Est-ce que les propositions dont vous faites état dans votre mémoire aujourd'hui ont déjà été discutées avec le Conseil du trésor justement pour tenter d'améliorer déjà ce processus-là?

Mme Morency (Lise): Au cours de la dernière année, avec le Secrétariat du Conseil du trésor, on a eu quelques échanges, je dirais, informels sur au moins une des solutions qui apparaissent dans notre mémoire, à savoir ce qu'on appelle, dans notre mémoire, la certification concernant la validité des examens. Peu importe le nom qu'on peut donner à ce mécanisme, il nous semble en tout cas que cette voie-là devrait être explorée pour éviter ce qui se produit dans beaucoup d'appels en matière de promotion. Il y a plusieurs cas où c'est la validité des examens qui est en cause. Et, comme les parties doivent faire appel à des experts qui ont élaboré les examens, les problèmes qu'on nous a soulignés pourraient être solutionnés par le mécanisme que nous proposons. Mais on n'a pas développé avec le Conseil du trésor des échanges suivis sur des solutions. Sauf que ce cas-là a été, au moins à deux ou trois reprises, objet de discussion avec certains des représentants.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Juste pour revenir, pour mieux comprendre les tableaux qui sont en annexe. Moi, je suis plus familier avec tout le fonctionnement ici, mais, en 1996-1997, il y avait 79 concours tenus et 54 ont été contestés? Les deux tiers ont été contestés?

Mme Morency (Lise): Excusez, 54... Les concours...

M. Kelley: Tenus.

Mme Morency (Lise): C'est ça. Il y a eu, cette année-là, 79 concours qui ont été tenus, suivant les statistiques que nous avons obtenues. Ceux qui ont fait l'objet d'une décision, O.K., et... on n'a pas été en mesure de retrouver les données qui nous permettaient d'établir clairement combien de concours à l'origine avaient fait l'objet de contestation. Ce qui nous a été possible de faire, à partir de nos documents, c'est d'identifier le nombre de concours qui ont fait l'objet d'une décision. Donc, il pourrait y avoir eu plus que 54 concours contestés, mais ceux-là n'ont pas fait l'objet de décisions; donc, il y a eu soit désistement, soit règlement, soit tout autre, ou encore, c'est le nombre seulement. Mais nous n'avons pas réussi, dans le temps que nous avions, à tout remonter nos documents pour être plus précis encore.

M. Kelley: Non, non, mais, à l'oeil, c'est très élevé. Je ne sais pas si la Commission... parce que tous les groupes qui sont venus témoigner parlent d'une souplesse, d'un allégement. Est-ce qu'il y a moyen... Si j'avais le devoir d'embaucher quelqu'un dans la fonction publique, je regarde les chiffres comme ça, et je vais tout faire pour faire une promotion sans concours.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kelley: De toute évidence! Moi, je veux mettre en place une équipe pour améliorer notre informatique et je n'ai pas six mois, je n'ai pas les appels, je n'ai pas de temps à consacrer à tout ça. Alors, est-ce que la Commission a fait un avis ou une réflexion, à savoir comment assouplir ce processus? Parce que, si deux tiers des concours sont contestés, il y a un problème quelque part.

Mme Morency (Lise): Oui.

M. Kelley: Si je comprends bien vos tableaux ici. Je ne suis pas un expert, je n'ai jamais travaillé pour la fonction publique, mais je regarde ça à l'oeil et je dis: Si je veux embaucher quelqu'un, je vais tout faire pour être dans la colonne, dans l'annexe 4, promotions sans concours.

(15 heures)

Mme Morency (Lise): J'aimerais simplement vous dire d'abord qu'il s'agit ici de concours de promotion. D'accord? Alors, le mode de dotation de l'affectation demeure. Autrement dit, vous avez besoin d'un cadre 4 et il y a, dans la fonction publique, beaucoup de cadres 4. Alors, vous pouvez faire appel à des gens déjà qualifiés pour agir comme cadres 4. Alors, vous n'êtes pas obligés, pour combler vos postes, nécessairement de faire un concours de promotion. Alors, déjà, dans votre organisation, vous allez normalement combler des postes par voie de mutation, d'affectation dans votre propre organisation.

Alors, ce dont on parle ici, c'est lorsqu'il n'y a pas de personnes présumément qualifiées auxquelles vous pouvez faire appel pour occuper les postes aux niveaux que vous avez considéré qui étaient ceux des emplois que vous voulez combler. Et là évidemment, lorsque vous embarquez dans ce processus de la promotion, il peut et il va y avoir des appels. Et la raison pour laquelle on a, dans notre mémoire, proposé certains aménagements: on a considéré que le droit d'appel devait demeurer. C'est une enfarge, à certains égards, certainement. Mais, en même temps, ça n'a pas produit que des effets négatifs, et, dans le mémoire, on le souligne, en ce sens que le fait qu'il y ait eu un droit d'appel institué à la fin des années soixante-dix a véritablement favorisé l'amélioration des mécanismes et des modes et des façons de faire en matière de dotation des emplois. Et ça a été un plus pour tous les fonctionnaires dans la fonction publique, même s'il y a eu un coût à supporter, à savoir le report et le retard dans la dotation de certains emplois. La Commission en est bien consciente. Cependant, ces inconvénients-là, qui, comme je le soulignais il y a quelques minutes, tiennent à la promotion avec concours par rapport aux autres modes de dotation, la Commission ne croit pas que c'est un motif suffisant qui devrait conduire à l'abolition du droit d'appel.

M. Kelley: Et je ne veux pas dire que c'est uniquement ici, mais, comme je dis, tous les autres témoins sont venus ici pour dire: Allégement, assouplir les marges de manoeuvre. Ça, c'est presque dans tous les mémoires. Et je ne sais pas s'il y aura moyen de rendre ces systèmes de promotion... Parce que, si on veut faire, à l'intérieur d'un ministère, une jeune équipe et qu'il faut faire des promotions pour arriver à former une jeune équipe, on veut faire ça cette année et pas dans six mois ou dans un an. Et, si le processus est aussi laborieux pour y arriver, je comprends peut-être pourquoi les personnes, surtout si elles sont maintenant sur une certaine obligation d'être performantes... Parce que c'est ma deuxième question, tous les indicateurs de performance. Quand la pression vient, qu'il faut y arriver assez rapidement, peut-être, comme gestionnaire, si j'ai un chiffre, pour la perception fiscale, d'un certain montant, je n'ai pas de temps à consacrer à tout ça. Alors, je vais tout faire pour éviter... Alors, est-ce qu'il y a moyen d'être plus souple dans votre fonctionnement?

Mme Morency (Lise): Est-ce que je pourrais apporter une autre précision aussi? C'est que l'appel ne vise pas le recrutement. Alors, les jeunes...

M. Kelley: Non, mais à l'intérieur du ministère, si on a trouvé les jeunes éléments qu'on veut promouvoir. Peut-être qu'il n'y a pas de réponse à ça, mais je trouve...

Mme Morency (Lise): C'est sûr que le questionnement que vous faites peut remettre en cause certaines valeurs qui ont prévalu à l'intérieur de la fonction publique dans les dernières années, dont l'égalité d'accès. Et les règles d'impartialité, les règles de transparence, toutes ces règles-là, s'il n'y a plus d'appel, ça ne veut pas dire qu'elles sont nécessairement disparues, sauf que le droit d'appel offre très certainement à l'organisation même qu'est le gouvernement, l'État, un moyen de contrôle aussi pour voir jusqu'où les règles qu'il s'est données, les valeurs que l'État s'est données sont respectées par les fonctionnaires aussi.

Le droit d'appel est un moyen de contrôle a posteriori qui permet de jeter un regard sur la façon dont les choses se passent, la façon dont les gestionnaires exercent leur rôle, leurs responsabilités. Et, quand vous regardez les statistiques, quand même, vous pouvez constater que, dans la plupart, dans une partie importante des appels qui ont été entendus par la Commission, il y avait une portion importante des gens qui avaient des motifs valables et qui ont eu droit à l'accueil de leur appel.

M. Kelley: Non, non. Je ne rejette pas le système d'appel, je n'ai pas dit ça. Mais je dis quand même: quand deux tiers des concours sont contestés, il y a quelque chose qui ne marche pas.

Mme Morency (Lise): Là, vous avez...

M. Kelley: Oui, j'ai pris une année qui, je sais, est exceptionnelle.

Mme Morency (Lise): Là, vous avez pris la pire. Ha, ha, ha!

M. Kelley: Non, non, mais, quand même...

Mme Morency (Lise): Non, non, mais, si vous regardez...

M. Kelley: ...est-ce qu'il y a moyen qu'on puisse avoir un droit d'appel qui ne prend pas 188 journées? Je trouve ça laborieux pour un appel.

Mme Morency (Lise): Ce qui allonge particulièrement les moyennes, et on le souligne par rapport à un dossier qu'il y a eu en cours d'année 1997-1998, c'est souvent les autobus, qu'on appelle à la Commission, lorsqu'il y a peut-être 70, 75 appelants dans le même concours. Alors, évidemment, les audiences sont beaucoup plus longues et aussi les délais pour délibérer et la rédaction des décisions. Alors, ça vient augmenter la moyenne des délais.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, puisque le temps imparti est malheureusement déjà passé, j'aimerais vous remercier, Mme la Présidente de la Commission de la fonction publique et les personnes qui vous accompagnent, pour votre disponibilité et votre contribution à nos travaux.

Et j'inviterais les membres du Conseil du patronat, dont le président Gilles Taillon, à bien vouloir s'avancer, à prendre place. Nous allons poursuivre.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, dans le cadre, donc, des travaux de la commission spéciale sur le nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental, nous avons maintenant le plaisir de recevoir les représentants du Conseil du patronat du Québec, dont son président, M. Gilles Taillon, que bien sûr j'invite à bien vouloir prendre la parole, en nous présentant les personnes qui l'accompagnent puis en se rappelant la règle usuelle: nous avons un maximum de 20 minutes pour la présentation. M. Taillon.


Conseil du patronat (CPQ)

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, M. le Président. Je vous présente les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Romain Girard, qui est directeur général de l'Association des propriétaires d'autobus du Québec.

M. Girard (Romain): Bonjour.

M. Taillon (Gilles): C'est une association qui est très active au Conseil du patronat. Et, à ma droite, M. Guy Beaudin, qui est le directeur de la recherche sociopolitique au Conseil. Alors, le Conseil veut remercier la commission spéciale de l'Assemblée nationale sur le nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental de lui donner l'opportunité de présenter son point de vue sur l'énoncé de politique intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique .

M. le Président, je ne ferai pas la lecture du mémoire mais je vais plutôt tenter de le résumer, et je terminerai en m'attachant surtout à la lecture de la conclusion. D'abord, d'entrée de jeu, nous aimerions le souligner, le CPQ reconnaît que le cadre de gestion qui est proposé par le ministre d'État à l'administration et à la fonction publique est véritablement un pas dans la bonne direction. Nous croyons qu'une fonction publique axée sur la gestion des résultats, une fonction publique qui compte sur des administrateurs et des fonctionnaires compétents imputables et indépendants est une condition essentielle à la prospérité et au développement économique du Québec.

Vous avez sans doute constaté, à la lecture du mémoire, que nous avons peu à redire sur le comment. Donc, sur la partie de la nécessité d'atteindre des résultats, d'avoir de l'imputabilité, nous sommes, dans l'ensemble, assez d'accord avec les moyens proposés dans l'analyse qui nous est fournie. Je vous dirais: peu de choses à dire, à quelques exceptions près. Donc, tout est beau, sauf...

Sauf que nous aurions aimé avoir avec la proposition des indicateurs de mesures de résultat. Nous sommes conscients qu'on annonce qu'il y aura des indicateurs de mesures de résultat, mais nous pensons qu'il s'agit là, compte tenu du virage qu'on veut imposer, d'une condition essentielle à la réussite.

(15 h 10)

Nous savons que certains gouvernements de provinces voisines ou un peu éloignées se sont attachés à produire des indicateurs de mesures. L'Alberta, par exemple, vient de gagner un prix, une reconnaissance de l'Institut de l'administration publique du Canada pour avoir élaboré des indicateurs de mesures de résultat, non pas des mesures d'activité mais des mesures de résultat. Donc, on dit, ça aurait été intéressant d'avoir cela. Et, ce faisant, avec des indicateurs clairs sur les résultats à atteindre, on aurait peut-être eu davantage, dans la proposition ministérielle, une propension à déconcentrer, à enlever des responsabilités aux organismes centraux du gouvernement. Bref, nous trouvons qu'il y a encore un petit peu trop de Conseil du trésor dans la proposition que nous avons sous les yeux. Il y a un petit peu d'instance centrale, peut-être dû au fait qu'on n'a pas encore défini les résultats clairement.

Et notre troisième réserve sur la partie du processus, c'est qu'on parle beaucoup d'un système d'évaluation du rendement, donc d'imputabilité, de reddition de comptes. On axe davantage sur des sanctions que sur des récompenses, et nous pensons qu'il faudrait les deux mesures. Il faut sanctionner l'incompétence, mais il faudrait récompenser la compétence. Et on trouve ça un petit peu absent de la proposition.

Une fois ces propos sur le comment ou les processus établis, nous pensons, au Conseil du patronat, qu'il faut quand même aller au-delà des processus de gestion qui sont proposés et se poser la question fondamentale du rôle de l'État et de ses missions. Nous avons bien lu le document, nous savons qu'il y a des réticences de la part du ministre responsable, mais nous osons quand même lui dire qu'il est obligatoire, si on veut vraiment atteindre des résultats, de bien poser la question de la mission et du rôle de l'État.

L'État a pris, au Québec, une place importante dans le développement économique, et je pense que c'était un besoin. Le modèle cependant présente aujourd'hui des ratés qu'un seul huilage de la mécanique ne pourra, à notre avis, régler. Certains systèmes sont sous-performants – nous pourrons en discuter à partir de vos questions sans doute – la fonction publique souffre d'embonpoint – nous avons signalé l'importance de l'emploi dans la fonction publique par rapport à nos partenaires économiques – la part de l'État dans le produit intérieur brut atteint un niveau qui freine passablement la croissance, et la maladie présente des symptômes qui s'appellent: dette élevée, fiscalité intolérable, chômage élevé.

Le CPQ souhaite donc, même s'il appuie fortement le ministre dans sa réforme, une remise en question plus en profondeur du rôle de l'État. Et on pense que, si on refuse de voir les problèmes, on se campe dans le statu quo et on revient à une époque peu reluisante de l'histoire du Québec où on disait que tout allait bien et qu'il ne fallait rien remettre en cause. Je pense qu'il faut se mettre en mode changement. Toutes les réformes à succès des pays qui sont citées par le ministre et qui sont rapportées par l'Observatoire de l'administration publique reconnaissent qu'il faut une remise en question. Nous ne sommes pas des partisans de l'absence de l'État. Nous pensons que l'État a des fonctions de régulation. Nous pensons que l'État a des fonctions de propulsion, de catalyseur. Mais l'État doit être moins entrepreneur, l'État doit être moins présent dans l'économie du Québec pour atteindre une performance plus grande.

Je terminerai en y allant de la conclusion, d'une partie de la conclusion, que je vais lire, et qui apparaît pour le Conseil comme des suggestions faites au gouvernement pour amorcer cette réflexion sur la réforme plus en profondeur de l'État, sur une remise en question, sur un repositionnement, un recentrage de l'État sur ses missions essentielles. Nous le faisons en soulignant que nous ne prétendons pas avoir toutes les solutions. Mais nous sommes prêts à nous asseoir avec le gouvernement pour les passer en revue.

Alors, voilà les conditions que nous posons. Si on veut axer la gestion sur les résultats avec comme corollaires la responsabilisation et l'imputabilité, il faut également revaloriser financièrement à moyen terme le statut de fonctionnaire, en particulier en récompensant de façon tangible la performance.

Il n'est plus possible ni même pensable de gérer la fonction publique comme s'il s'agissait d'un corps unique et homogène. Les problèmes des policiers, par exemple, n'ont rien à voir avec ceux des infirmières. La rigidité de la grille de rémunération bloque les évolutions souhaitables et surtout ne permet ni de rémunérer les innovations ni de récompenser les efforts de créativité. D'où une tendance à la déresponsabilisation qui renforce le sentiment d'être non des salariés de l'État, mais des otages du pouvoir politique. Par conséquent, il faut décentraliser le pouvoir décisionnel, y compris l'embauche, le licenciement, et, dans les grands réseaux de l'État, ne pas avoir peur de décentraliser la négociation des conventions collectives.

Il faut réexaminer le rôle de l'État, je le soulignais tantôt, ouvrir un large débat public sur cette question. L'omniprésence de l'État dans pratiquement tous les secteurs d'activité économique et son poids dans l'économie provoquent une inertie considérable et constituent des obstacles à l'amélioration de la productivité.

L'État doit délaisser la rame pour le gouvernail. Il doit promouvoir le partenariat avec les communautés et le secteur privé, laissant à ces derniers une marge accrue de pouvoir d'exécution pour adapter à leur milieu et aux personnes les orientations de l'État-pilote partout où cela est possible. L'établissement d'une concurrence entre les unités administratives internes et le secteur privé doit aboutir à l'allégement bureaucratique, à une diminution des coûts sans d'aucune façon compromettre la qualité des services.

L'État ne doit pas avoir peur de revoir ses programmes, d'ouvrir la porte au secteur privé dans la dispensation de services publics, d'expérimenter la décentralisation au profit d'agences ou d'unités autonomes gérées par la société civile. Vous comprendrez ici qu'on parle de véritables unités autonomes de service, pas de ce qu'on connaît dans certains milieux.

Plusieurs brandissent comme un épouvantail le danger d'y perdre les acquis de la Révolution tranquille. Rappelons que l'objectif de la Révolution tranquille était d'offrir à tous les citoyens du Québec l'accessibilité à des services de qualité. Par un savant détournement, on en est venu à confondre accessibilité et égalité. Ce credo de l'égalité a vite conduit aux excès d'une offre de services normalisée sans égard à la capacité de payer. Tristes résultats: faillite de l'État ou incapacité de soutenir une offre de services publics de qualité, les déficits des dernières années et les ratés en éducation et en santé l'illustrant à merveille. Je vous dirais: nous avons maintenant l'égalité, mais nous n'avons plus accès aux services. Certains establishments en ont profité, notamment les syndicats des secteurs publics, mais certainement pas la population en général.

Nous souhaitons donc revenir à l'objectif initial: préserver l'accessibilité. Il n'y aurait aucune hérésie pour nous à ce que, dans la recherche de solutions, on songe à la tarification de certains services – frais de scolarité, soins de santé – en fonction du statut économique des clients, en préservant la gratuité pour les moins nantis. On redonnerait peut-être ainsi une vitesse de croisière acceptable à notre modèle québécois.

C'est à ce prix, à notre avis, que l'on pourra atteindre l'efficience que semble chercher avec beaucoup d'à-propos le président du Conseil du trésor et ministre d'État responsable de l'Administration publique. M. le Président, j'espère avoir respecté mon 20 minutes.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ah! Vous avez été très efficace. Ha, ha, ha!

M. Taillon (Gilles): Nous sommes ouverts aux questions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très efficace. Alors, à ce moment-ci...

M. Taillon (Gilles): Donc, le résultat est atteint.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Disons que la performance est acceptable, dans les circonstances.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Efficacité et efficience, toujours. Alors, nous passons donc à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Léonard: Oui, merci, M. le Président. M. le président du Conseil du patronat, d'abord, merci pour votre mémoire, ce que vous y dites et puis ce que vous énoncez. Disons qu'on pourrait discuter d'un certain nombre de vos affirmations longuement aussi, mais je tiens à faire quelques commentaires, puis ensuite on pourra poser des questions.

D'abord, sur le quoi. Nous avons distingué le quoi et le comment. Le quoi, je crois qu'il va se poser longtemps comme question. Il s'est déjà posé lorsque nous avons entrepris la lutte au déficit et il se pose constamment maintenant, puis il va continuer de se poser. Au fond, on peut marcher puis mâcher de la gomme en même temps, là. La question que vous posez, tout le monde se la pose. Je ne refuse pas du tout de la poser. On peut la poser sous différents angles: Qu'est-ce que doit faire l'État? Quel est son rôle? Quel est son rôle ici, au Québec, qui est le pays francophone en Amérique, et le seul? Et ça peut colorer aussi les conclusions qu'on veut tirer.

(15 h 20)

Ceci étant dit, je partage l'idée que le Québec doit être une terre très ouverte à la concurrence. Et nous l'avons démontré dans le passé. Les Québécois ont, par exemple, été d'accord très majoritairement à l'entrée du Canada dans le libre-échange, avec l'ALENA. Donc, ça, c'est quand même un indice très important. Aussi, j'ai remarqué une chose. Vous n'exigez pas qu'on règle la question du quoi avant d'aborder aussi le comment. Je pense que les deux peuvent se faire en même temps. Je trouve ça important de le noter.

Maintenant, j'ai une autre remarque, parce que je lisais, à la page 3 de votre mémoire: Le cafouillage actuel d'Emploi-Québec est une parfaite illustration, disons, d'une faillite ou, en tout cas, de problèmes majeurs. Je veux souligner une chose, en termes de perspective. Auparavant, les problèmes étaient mal connus, ils étaient connus de façon confuse. Tout le monde savait que ça ne marchait pas en ce qui concerne la formation professionnelle. Aujourd'hui, on est capable de mettre le doigt beaucoup plus précisément sur les problèmes, et, avec le temps, les choses vont s'améliorer, j'en suis parfaitement convaincu.

Emploi-Québec, oui, est une unité autonome de gestion, mais son cadre de gestion va l'amener à préciser graduellement toutes les solutions ou les solutions aux questions qui se posent. Je pense qu'il faut voir ça dans la démarche. Avant, personne ne savait et tout le monde le déplorait. Aujourd'hui, on voudrait que tout soit parfait, disons, au bout d'un an et demi. Très bien. Je pense qu'il faut prendre les bouchées doubles. Je ne disconviens absolument pas des pas qu'il y a à faire, des gestes qu'il y a à poser, mais il faut les mettre en perspective. Je tenais à faire cette remarque parce que, quand même, dans le décor politique actuel, le dossier prend de la place, et je crois qu'il faut se souvenir d'où l'on part là-dedans.

Ceci étant dit, vous allez actuellement à l'encontre à peu près de ceux qui vous ont précédé ici, des positions qui ont été exposées par la Commission de la fonction publique. Mais je pense que vous avez entendu, c'est un large débat. Je voudrais vous poser une question cependant sur ces questions de mécanismes de reconnaissance de la performance. Vous avez dit: Dans le projet qu'il y a là, on parle de sanction. Je prends note du sens que vous y mettez, parce qu'il y en a deux sens. Il y a la sanction au sens pénal du terme, puis il y a la sanction qui est de reconnaître quelque chose comme officiel, ce qui est, je pense, le sens qui a été adopté ici. Mais il prête à confusion. Nous allons rectifier. Je crois que nous allons tenter d'apporter une correction parce que, lorsqu'on sanctionne un projet de loi ici, ça veut dire qu'on le rend officiel. Alors, comme vous n'êtes pas le premier intervenant qui souligne cette question, je pense que ça vaut la peine qu'on y attache une importance.

Mais nous avons l'intention d'adopter des mécanismes de reconnaissance de la performance. Est-ce que vous pourriez nous parler de la façon dont vous le faites dans le privé? Mais comment vous verriez que, dans le public, on adopte ce que vous faites dans le privé? Si vous êtes un président, un P.D.G. d'entreprise, vous avez un bonus au rendement, et on en lit parfois les résultats dans les journaux. J'imagine bien que ce n'est pas nécessairement ce que vous voulez dire. J'aimerais ça que vous soyez plus explicites, jusqu'à quel point, jusqu'où on peut aller dans cette affaire?

M. Taillon (Gilles): Très bien. Alors, peut-être que je vais réagir brièvement aux commentaires et répondre à votre question. D'abord, nous sommes tout à fait d'accord qu'il faut absolument traiter en même temps le comment et le quoi. Si on dit: On ne traite pas le quoi puis on traite le comment, je pense qu'on va avoir des problèmes. Il faut traiter les deux, et c'est un peu ce que nous vous recommandons.

Quant à Emploi-Québec, qui était, à mon avis, une initiative extraordinaire de créer une unité autonome de service mais, par une perversion quelconque, on en a fait une unité autonome de service dépendante d'un ministère, et je pense que c'est là que le bât a commencé à blesser. Une unité autonome de service pourrait être gérée de façon autonome. Là, on a fait en sorte qu'il y avait une partie des opérations qui était gérée par l'unité autonome et une autre qui était sous la coupole, sous la tutelle d'un ministère – pas d'un ministre, là, d'un ministère, je fais la nuance – et ça a fait en sorte sans doute d'expliquer beaucoup de malaise, au-delà de la gestion d'un nouveau dossier.

Donc, on ne voudrait pas dire qu'Emploi-Québec, étant une unité autonome de service qui s'est un peu cassé la gueule au départ, est une mauvaise approche. Il faudrait voir dans quel contexte on l'a placée. Mais je vous dirais, donc, qu'il est important d'avoir ce genre de réflexe et d'éviter de se comporter avec, je dirais, la pudeur traditionnelle de tout mettre sous la coupole des ministères.

Quant aux sanctions, M. le ministre, bien sûr on ne veut pas sortir le dictionnaire, on s'est compris, là, on fait la distinction entre le punitif et, bon... Exactement. Et ce qu'on pense comme primes au rendement – évidemment, on ne parle pas ici de primes à des gestionnaires qui vivent dans un contexte qui dépasse le salariat – on dit: Dans un contexte de salariat, il pourrait y avoir des primes à la performance exceptionnelle, mais des primes qui soient significatives.

On sait qu'il existe actuellement une forme de boni au rendement. J'ai été longtemps dans la fonction publique, je connais ça. Ce n'était pas suffisamment significatif et ce n'était surtout pas géré avec suffisamment de rigueur pour que ça vaille la peine. On en était venu, en fait, à ce que tout le monde avait à peu près la prime au rendement, une prime qui était finalement insignifiante, sauf à certains sous-ministres qui étaient un petit peu plus efficaces.

Donc, dans l'ensemble, il faudrait une prime au rendement significative, qui tient compte du mérite et qui récompense la bonne gestion, en plus de l'imputabilité bien sûr, puis en plus de la sanction punitive si jamais les choses vont mal. Alors, voilà, en gros, comment on voit ça.

M. Léonard: Je reviens sur une question, un mot que vous avez échappé mais qui est dans le coeur même du projet de loi, la question de l'imputabilité.

M. Taillon (Gilles): L'ai-je vraiment échappé?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Peut-être pas. Mais disons que la question de l'imputabilité, de la délégation d'un pouvoir, mettons même dans le cas d'Emploi-Québec, vous dites que ça ne devrait pas relever d'un ministère, il reste que les crédits sont votés ici à l'Assemblée nationale et que le lien doit être assez évident entre... Vous dites le ministre, mais, je pense, que ce soit un sous-ministre, il reste que c'est dans le cadre de ses fonctions et qu'il doit rendre compte.

Alors, au fond, je voudrais poser la question: Quel est le rôle de tous les organismes-conseils qui, eux, n'ont pas voté les ressources à l'unité opérationnelle? Quelle est l'imputabilité de ces organismes-là? Puis vous pourriez prendre le cas d'Emploi-Québec, en l'occurrence.

M. Taillon (Gilles): Nous, ce qu'on pense, c'est qu'à partir du moment où vous dites qu'Emploi-Québec est un organisme-conseil...

M. Léonard: Non, il y en a d'autres.

M. Taillon (Gilles): ...que vous l'assimilez à...

M. Léonard: Non, non, non. Il y en a d'autres qui sont conseils à Emploi-Québec.

M. Taillon (Gilles): On a un problème. Comme la Commission des partenaires.

M. Léonard: Oui, mettons.

M. Taillon (Gilles): O.K., mettons. Bien, c'est un peu le problème.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Taillon (Gilles): Je pense qu'on a peut-être un organisme-conseil qui n'a pas sa raison d'être, mais on devrait peut-être avoir une commission des partenaires qui gère Emploi-Québec, sans enlever...

M. Léonard: Alors, l'imputabilité, elle est où? Parce que les fonds viennent des gouvernements.

M. Taillon (Gilles): Oui, je pense que je vous ai bien fait la distinction. Il est nécessaire qu'il y ait un ministre de tutelle qui puisse intervenir, mais la gestion courante quotidienne pourrait être confiée à la société civile sans doute avec beaucoup d'à-propos, quitte à ce qu'il y ait un sous-ministre responsable nommé, par exemple, comme ça existe dans un dossier que vous connaissez bien, la santé et sécurité au travail. Vous allez me dire, par contre, que la santé et sécurité au travail, c'est payé par les employeurs, donc ce n'est pas des crédits gouvernementaux. Si vous me dites ça, je vais vous dire: M. le ministre, j'espère que vous allez avoir ce discours-là jusqu'à la fin de vos jours.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Non, ça ne m'inquiète pas du tout parce que les revenus que vous tirez viennent d'une loi votée par l'Assemblée nationale, et c'est une grosse différence.

M. Taillon (Gilles): On se comprend. Donc, c'est pour ça que je l'ai assimilé d'ailleurs et que je vous ai dit: Donc, voilà un peu comment on verrait une unité autonome de service. Vous avez un bel exemple.

M. Léonard: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Lotbinière.

M. Paré: Merci, M. le Président. Bien, il faudrait parler, par exemple, de la caisse d'assurance-chômage de nos amis les fédéraux. Il va falloir que...

M. Taillon (Gilles): On n'est pas gêné, on en parle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paré: Il faudrait le dire plus fort.

M. Taillon (Gilles): On dénonce ça.

(15 h 30)

M. Paré: O.K. Le projet de loi, vous dites qu'il est beaucoup trop timide au niveau des ressources humaines, à l'égard de la gestion des ressources humaines, dans le passage justement sur la responsabilisation. Et vous ajoutez, un peu plus loin, qu'une décentralisation réelle en cette matière aurait pour effet de dépolitiser les relations de travail. On nous a dit, aujourd'hui, dans un autre mémoire, exactement le contraire. Comment vous voyez... Parce que vous avez un passé récent quand même de...

M. Taillon (Gilles): Oui. On est fier d'être original, là. Ça ne nous fatigue pas, ça, là. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Taillon (Gilles): Écoutez, dans un contexte de négociations de l'État avec les grands réseaux, je pense qu'on est rendu à une étape où il faudrait décentraliser le processus. On pense qu'on serait en mesure de trouver de bien meilleures solutions. Je ne vous dis pas qu'il faut décentraliser l'ensemble des objets de négociation. La rémunération, par exemple, et le normatif lourd pourraient rester la responsabilité de l'État. Mais il y aurait moyen de décentraliser le processus et atteindre une efficacité plus grande. On dit: On vous invite à cela. Comment ça se fait? Je pense que ça ne se fait pas demain matin, je ne pense pas qu'on va régler la prochaine négociation avec un nouveau processus, mais il serait peut-être temps d'enclencher la révision des mécanismes maintenant pour un futur prochain. On pense qu'on est rendu là.

M. Paré: Un peu plus loin, vous souhaitez qu'on inclue l'éducation et la santé.

M. Taillon (Gilles): Bien, j'ai parlé des grands réseaux, oui.

M. Paré: Oui. Pourquoi? Comment? Comment, surtout?

M. Taillon (Gilles): Bien, tout le processus de négociation devrait être revu. Donc, en d'autres mots, il devrait y avoir des tables de négociation sectorielles et même des négociations par établissement, où il y a pleine maîtrise de la négociation. On règle la convention collective à ce niveau-là plutôt que de la régler dans des tables centrales.

M. Paré: Excepté les deux grands...

M. Taillon (Gilles): Excepté le normatif lourd et... Excepté la rémunération et ce qui est le normatif lourd, régimes de retraite, et tout ça.

M. Paré: O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Oui. Je suis étonnée par deux commentaires, deux éléments de votre conclusion, et peut-être que vous pourriez ajouter des nuances ou des qualificatifs à ça.

À la conclusion, au point A, vous dites: «Si on veut axer la gestion sur les résultats avec comme corollaires la responsabilisation et l'imputabilité, il faut également revaloriser financièrement, à moyen terme, le statut de fonctionnaire, en particulier, en récompensant de façon tangible la performance.» Est-ce que vraiment vous croyez à cette affirmation? Est-ce que le statut de fonctionnaire serait revalorisé – «revalorisé» étant compris comme ayant plus de force d'attraction aussi – en Amérique du Nord strictement avec une révision de la récompense, pour utiliser votre terme? Et «de façon tangible», ça veut dire quoi dans le contexte du Conseil du patronat et dans le contexte d'une administration publique? Ça, c'est ma première question.

Ma deuxième question, c'est le point B, quand vous dites qu'il y a «une tendance – dans le milieu du paragraphe – à la déresponsabilisation qui renforce le sentiment d'être non des salariés de l'État mais des otages du pouvoir politique», je suis renversée de lire ça . Encore là, je vous pose la question: Est-ce que vous croyez vraiment à ce que vous venez d'écrire là? Et j'ai des cas concrets, bien vécus, pour vous dire que ce n'est pas le cas. Et j'aimerais ça que, dans votre réponse, vous nous parliez de ce que c'est, comment on peut vraiment, du point de vue de l'administration privée que vous représentez, assurer une imputabilité dans une bureaucratie qui a la particularité d'être payée par des fonds publics, avec des contraintes que nous connaissons.

M. Taillon (Gilles): D'abord, v ous avez, dans votre première question, parlé de: Est-ce que c'est strictement comme ça qu'on va revaloriser? Je vous dirais non, là. On n'a jamais prétendu, il n'est pas écrit «strictement en revalorisant monétairement». Je pense que vous avez d'autres mesures dans votre projet qui vont responsabiliser et qui vont encourager la fonction publique. Mais, quand on parle d'un encouragement monétaire, on parlait d'une récompense au rendement, je l'ai expliqué tantôt. Donc, je me dis: Voilà comment nous pensons arriver à cela.

La tendance à la déresponsabilisation ou la situation qui fait que vis-à-vis les négociations de conventions collectives on a une espèce de grand happening collectif, on pense que, si on décentralisait la négo, si on rendait les gens davantage responsables dans les établissements, dans les réseaux ou dans les ministères au gouvernement, on pense qu'on atteindrait là des objectifs d'une meilleure efficacité, d'une meilleure sensibilité à l'organisation du travail, ce qu'on n'a pas dans un contexte de négociation de grandes conventions collectives. On pense cela et c'est ce qu'on vous dit.

Mme Dionne-Marsolais: Je vais apporter un peu de nuances à ce que vous dites, parce que responsabiliser les gens, ça veut dire – et c'est très juste – rapprocher la décision et l'autonomie de la décision du client ou du contribuable...

M. Taillon (Gilles): Du lieu de l'action.

Mme Dionne-Marsolais: ...ou de la personne qui reçoit le service. Mais je ne vois pas pourquoi cette délégation de responsabilité, puisque c'est ce dont on parle, ne peut pas se réaliser dans une infrastructure ou dans un encadrement de convention collective. Il n'y a rien qui nous empêche. Il y a certains droits, j'allais dire, de gérance, mais, dans ce cas-là, ce n'est pas le cas. On peut déléguer des responsabilités à des employés à l'intérieur d'une convention collective; il n'y a rien qui empêche ça. Il s'agit, par contre, de bien s'assurer qu'ils sont imputables des gestes qu'ils posent, ce qui revient à la question que je vous ai posée: Comment on peut le faire? Puisque, dans l'entreprise, vous dites souvent que le privé ferait mieux, etc., peut-être que, dans certains cas, le privé pourrait faire mieux. Mais comment est-ce que vous les rendez imputables de certaines décisions dans ce cas-là?

M. Taillon (Gilles): Écoutez, je pense qu'on dit sensiblement, Mme la députée, la même chose. On vous dit, là: Il est possible de responsabiliser les gens via la convention collective, mais aussi via la description de tâches, via les responsabilités confiées. Ce qu'on dit ici, c'est qu'on a un contexte de négociation qui nous apparaît actuellement, après 20, 25 ans d'exercice, avoir conduit à des situations qui ne permettent pas une organisation du travail sur le terrain, à des dispositions de conventions collectives qui nuisent à une responsabilisation des gens à la base. On pense qu'on a des résultats de négo qui démontrent ça, puis l'expérience récente nous le prouve. On dit: Il y a des risques aussi, très souvent, que la négociation, dans un contexte comme celui-là, se règle autour d'agendas politiques qui sont très, très loin de l'organisation du travail. On dit: Il faut revoir cela. C'est le message dont on vous parle. Vous avez le droit de dire non. Mais, nous, on vous dit: Voilà comment on voit cela.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Pour une dernière question, M. le ministre.

M. Léonard: Je voudrais revenir sur... Vous êtes du privé puis vous souhaitez des partenariats public-privé. J'en suis. Mais disons qu'aujourd'hui je suis de l'autre côté de la table et puis je vous pose la question, parce que, au fond, l'objectif, très souvent, dans ces partenariats, ça conduit à laisser le risque au gouvernement et puis à amener le plus de profits possible ailleurs, qui n'est pas au gouvernement. On a eu des expériences dans ce contexte. Il est très difficile pour l'État d'intervenir dans un service quelconque parce que, à partir du moment où il se pose des problèmes, l'État, lui, est sous la pression publique, de l'opinion publique, la pression directe, alors que le privé ne l'est pas, et donc, c'est très facile de s'en laver les mains, et puis, finalement, le risque, c'est toujours l'État qui le prend. C'est le contexte. Vous pourriez nuancer, mais disons que le fond des choses tourne autour de ça.

M. Taillon (Gilles): Je vais laisser mon collègue du secteur privé vous donner son opinion là-dessus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Girard (Romain): Le débat du privé et du public, pour donner une prestation de service, quant à moi, est toujours le prétexte, depuis quelques années, parce qu'on a eu plusieurs écueils dans les débats là-dessus...

M. Léonard: Oui.

M. Girard (Romain): ...c'est devenu, quant à moi, le prétexte pour réfléchir les objectifs qu'on se donne pour fournir un service. L'avantage que donne actuellement non pas le fait de contracter avec une entreprise privée pour fournir un service de type public, mais le fait d'envisager de négocier avec une entreprise privée pour qu'elle pourvoie à la prestation d'un service, l'avantage que, moi, j'y vois, c'est qu'on doit s'entendre sur un objectif à atteindre, que l'on écrit dans un contrat et sur lequel on est capable d'évaluer exactement qui nous a donné ou pas la prestation ou le résultat qu'on attendait.

(15 h 40)

Le défi qu'un entrepreneur a, une fois qu'on a énoncé, et, moi, je l'énonce sans gêne, puisque je lis toutes les deux semaines mon chèque de paie, c'est l'enjeu des entreprises de générer une rentabilité nette afin de survivre et de continuer à se développer... il a été revisité ou redéfini par ces gestionnaires d'entreprises privées comme étant comment faire autrement la même production de biens et arriver à un même résultat. Et même si on est satisfait du résultat survenu en fin d'année, revoir encore comment j'aurais pu faire autrement le même travail. Et cette interrogation constante que l'entrepreneur a l'oblige à redéfinir continuellement ses objectifs, à les faire partager à ces gens puis à voir avec ces gens comment quelqu'un aura mieux performé que quelqu'un d'autre en vertu de ces mêmes objectifs.

Ce qui rend confus – «confus» étant un mauvais mot, mais je le maintiens ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je vous inviterais à conclure, à ce moment-ci.

M. Girard (Romain): Merci. Ce qui rend confus, donc, la situation actuelle, c'est la multiplicité des objectifs qui servent à évaluer la prestation d'un travailleur. Et ce travailleur peut bien adresser sa performance par rapport à un objectif, mais, s'il est évalué par rapport à un autre, parce qu'on en considérera plusieurs tout à coup, il sera moins performant.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous passons donc au porte-parole de l'opposition officielle, le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. M. le président, merci de votre présentation et merci de votre mémoire.

Il y a une première réflexion que je veux faire. Vous soulignez dans votre mémoire qu'on doit non pas seulement revoir le fonctionnement, ce qui est important pour assurer une plus grande efficience de l'appareil administratif public, mais également revoir le quoi ou revoir la mission et le rôle de l'État, réévaluer la pertinence de ses services. C'est un point que nous avons soulevé d'ailleurs à cet égard-là en prenant connaissance de l'énoncé de politique, et vous soulignez que cet exercice-là, évidemment, peut se faire en même temps ou doit se faire. Est-ce qu'il n'apparaît pas important qu'un exercice sur le quoi soit au moins en même temps ou sinon précède un exercice sur le comment? En d'autres termes, est-ce qu'on ne doit pas connaître ce qu'on veut faire, les services que nous voulons fournir, avant de dire: Bien, voici comment on va les fournir?

M. Taillon (Gilles): Alors, moi, je pense que je vous l'ai signalé tantôt, nous croyons, nous, que ça doit se faire obligatoirement en même temps, idéalement. Et, s'il fallait faire une opération avant l'autre, il faudrait d'abord définir le quoi avant le comment.

M. Léonard: ...commencer avant. Pas en même temps.

M. Taillon (Gilles): Mais ce n'est pas mauvais, on a un bout de fait.

M. Marcoux: Oui, bien, là-dessus, on a une certaine divergence d'opinions parce que c'est sûr qu'il y a eu beaucoup de restrictions et de coupures, mais je ne suis pas sûr cependant qu'on s'est beaucoup interrogé sur la pertinence de certains services ou qu'on a revu la pertinence de structures qui existent actuellement dans l'appareil public. D'ailleurs, comme le recommandait, en 1997, le Groupe de travail sur l'examen des organismes gouvernementaux, qui était présidé par un collègue, par M. Joseph Facal, et où on disait: La mondialisation des marchés, la diffusion plus rapide des connaissances, etc., sont autant de facteurs qui incitent à une redéfinition du rôle de l'État, je pense que là-dessus, c'était perçu comme étant important.

Maintenant, on parle beaucoup d'imputabilité administrative, évidemment dans la fonction publique, et, également, dans un système politique, on doit également parler d'imputabilité politique. Mon impression, c'est que ce n'est pas toujours facile de distinguer aussi précisément que ce que vous semblez l'indiquer où commencent et arrêtent l'un et l'autre. Et, à cet égard-là, on a parlé tantôt d'Emploi-Québec, et vous connaissez le dossier parce que vous êtes membre de la Commission des partenaires, je pense, il reste que nous sommes arrivés dans une situation où, parce qu'on dit qu'on a ouvert les vannes à un certain moment... là, nous sommes arrivés avec des gens – et, quand vous êtes député, vous le savez parce que vous les avez dans votre bureau de comté; c'est une réalité avec laquelle on est rapidement en contact – plusieurs qui disent: Écoutez, là – j'ai des lettres ici – on m'a promis, moi, de pouvoir aller à l'école au mois de septembre – dans certains cas, je l'ai vécu – même qu'on m'a dit de lâcher ma job temporaire que j'avais parce que je pouvais y aller, et là je ne peux plus y aller. Alors, qu'est-ce que vous faites dans un cas comme celui-là – ce qui peut arriver dans d'autres cas, ça peut arriver – et comment vous distinguez l'imputabilité administrative et l'imputabilité politique?

M. Taillon (Gilles): Là-dessus, je pense qu'on est dans un contexte d'administration complexe. C'est vrai dans le secteur public comme c'est vrai dans le secteur privé, où il y a aussi des bureaucraties privées. Je pense que, dans un contexte comme celui-là, l'imputabilité doit être bien partagée et bien maillée. Même si, dans notre structure parlementaire, le ministre reste le dernier responsable, je ne pense pas qu'il soit le seul responsable. Je pense qu'il faut bien départager les responsabilités entre les deux et, surtout, il faut qu'il y ait une responsabilité copartagée. Quand quelque chose va mal, je pense que ça va mal pour le ministre ou la ministre et ça va mal aussi pour le haut dirigeant.

M. Marcoux: Mais ça, c'est une réponse qui est un peu, je dirais, politique, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Taillon (Gilles): À question politique, réponse politique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcoux: Mais, essentiellement, il faut que quelqu'un à quelque part, dans un cas comme celui-là, prenne une décision. Et, je veux dire, comment... Vous étiez à la Commission des partenaires; donc, c'est un bon exemple.

M. Taillon (Gilles): Ah! là, vous me posez une question directe sur la Commission des partenaires.

M. Marcoux: Non, non, mais vous connaissez le dossier.

M. Taillon (Gilles): Ah oui! on connaît le dossier.

M. Marcoux: Mais comment, à ce moment-là, on peut prendre une décision... Puis, pour répondre là, est-ce qu'on doit dire: Non, on ne répond pas aux citoyens, ou: Oui, puis il faut décider de le faire? Et qui...

Une voix: Il faut donner l'heure juste.

M. Marcoux: Il faut donner l'heure juste puis donner... Alors, qui doit prendre la décision à un moment donné? Il faut que quelqu'un porte la décision à quelque part dans un cas comme celui-là.

M. Taillon (Gilles): Moi, je pense que, quand on a un dossier comme celui-là et qu'il y a du cafouillage, et la fonction publique doit en subir les conséquences et le niveau politique doit en subir les conséquences si ça ne va pas, à moins qu'on ait les correctifs et qu'on règle la situation. Je vous dirais là-dedans que la ministre a un patron puis le haut fonctionnaire a un patron. Les deux ne peuvent pas se désolidariser de la responsabilité que ça marche. Je pense que c'est ça qu'on souhaite, l'imputabilité. Donc, il y a quelqu'un qui doit, un jour, payer. Mais je ne peux pas vous dire là... je ne peux pas faire un jugement d'opportunité sur la gestion comme telle. N'oubliez pas que la Commission des partenaires, c'est un organisme consultatif, le ministre vous l'a rappelé.

Une voix: Elle n'est pas imputable.

M. Taillon (Gilles): Donc, pas imputable.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Mais je prends acte de la reconnaissance de la situation.

M. Taillon (Gilles): Mais nous souhaiterions l'être, par exemple.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Taillon (Gilles): Donc, si nous revenions ici pour amender la loi n° 150, nous aurions des choses importantes à vous dire.

Une voix: Nous prenons acte de ça.

M. Marcoux: J'aurais une dernière question, M. le Président. Vous parlez, dans le fond, de promouvoir beaucoup le partenariat entre le public et le privé. Vous dites également que, évidemment, l'État doit revoir ses programmes, ce avec quoi nous sommes d'accord. Vous parlez beaucoup de l'intervention de l'État, également du poids de l'État dans l'économie qui, au Québec, est considérable par rapport à ce qu'on retrouve maintenant dans les autres pays de l'OCDE et notamment les pays nord-américains et d'autres en Europe. Est-ce que vous pourriez nous donner certains exemples de programmes qui pourraient être revus, où vous dites: Voici, nous, on considère qu'un programme comme celui-là n'est plus pertinent, et puis sans avoir à faire une... parce que ça fait longtemps que vous analysez tout ça. Donc, vous avez certainement certains exemples à l'esprit.

(15 h 50)

M. Taillon (Gilles): Je vous dirais d'abord que le privé ne revendique pas – je pense que c'est important de le souligner – d'assumer les fonctions de régulation qui incombent à l'État. Je pense qu'il y a des fonctions qui incombent à l'État en propre. Mais il y a différents secteurs d'activité qui pourraient très bien faire l'objet de partenariat entre l'État et le privé: les services de santé, tout ce qui peut s'appeler administration de ces services, dispensation de services auxiliaires en santé. On pourrait très bien confier davantage de responsabilités au secteur privé en éducation; il y a tout un pan du transport qui pourrait très bien être confié à l'entreprise privée. Emploi-Québec, bien organisé, avec un bon partage de responsabilités, pourrait très bien gérer la formation de la main-d'oeuvre. Voilà autant de créneaux où il y aurait de la place pour une meilleure participation du privé, qui dégagerait d'autant l'État d'obligations qui, à mon avis, sont davantage des fonctions entrepreneuriales que des fonctions véritablement d'État. Ça suppose, par contre, une vraie bonne discussion entre nous et c'est ce que nous offrons au gouvernement.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. J'ai lu, à la page 7, vos commentaires sur la valorisation de la fonction publique. Vous évoquez le terme «nos entrepreneurs sociaux». Est-ce que je dois comprendre de votre mémoire que ces fonctionnaires, règle générale, sont sous-payés?

M. Taillon (Gilles): Je vous dirais que nous croyons – et ce n'est pas une position nouvelle du CPQ, c'est une position bien affirmée depuis longtemps – que les hauts dirigeants de la fonction publique sont sous-payés.

M. Kelley: Mais, si j'ajoute à ça – et je pense que vos commentaires ici visent plus large que juste les hauts fonctionnaires – règle générale, au niveau de la rémunération dans la fonction publique, les enseignants – vous évoquez: apprendre à lire à un enfant de cinq ans – les infirmières – aider un patient – est-ce que la fonction publique est sous-payée?

M. Taillon (Gilles): Je vous dirais que, dans l'ensemble, nous ne croyons pas que la fonction publique soit, comme masse monétaire, sous-payée. Il faut, je pense, bien la rémunérer. Dans l'ensemble, nous disons: C'est fait. Par contre, il y a des corps d'emplois – et on vous l'a signalé – qui, à notre avis, sont sous-rémunérés, notamment les hauts dirigeants.

M. Kelley: Et, dans cette optique, parce que, si on dit que l'argent qui est là est suffisant, règle générale... J'essaie de voir le message pour valoriser vos suggestions qui sont ici pour améliorer la fierté des fonctionnaires, etc., sans un ajout d'argent.

M. Taillon (Gilles): Il y a assez d'argent, mais il est mal réparti. Et même il y a peut-être trop d'argent, dans l'ensemble, mais on pourrait mieux le répartir en valorisant davantage certains corps d'emplois dans la fonction publique.

M. Kelley: Lesquels sont surrémunérés?

M. Taillon (Gilles): Bien, écoutez, je pense qu'il ne nous appartient pas dans un contexte comme ici de faire une liste des emplois sous et sur-payés et je pense qu'on vous a donné des corps d'emplois où il était facile de savoir qu'il y a une sous-rémunération.

M. Kelley: Non, non, mais vous avez fait ça, et une de vos recommandations, et d'autres groupes sont venus ici dire: Valorisez la fonction publique. Et si ce n'est pas avec l'argent, peut-être qu'il y a d'autres moyens pour le faire. Est-ce que c'est une question d'enrichir les tâches? Est-ce que le Conseil a fait une réflexion? Est-ce qu'à partir de votre expérience dans le privé, au-delà des augmentations de salaire qui, dans un contexte budgétaire, sont peut-être difficiles, est-ce qu'il y a d'autres expériences qui pourraient être intéressantes pour la fonction publique?

M. Taillon (Gilles): Je vous dirais que la rémunération est une partie de l'élément de valorisation. Deuxième partie la plus importante, c'est de se sentir responsable de la production du service ou du bien. Alors, plus la tâche des fonctionnaires va faire appel à leur responsabilité quant à la production, plus il va y avoir de valorisation. Donc, je pense que, dans l'ensemble, il s'agit d'avoir des gens qui ont un mandat clair et précis, une tâche bien définie, un système de rémunération qui correspond à leurs responsabilités, qui encourage la performance, et vous allez avoir une fonction publique motivée. On n'a jamais dit ici que la fonction publique était totalement démotivée. Je pense qu'elle est motivée. Mais il y aurait moyen de la rendre plus performante.

M. Kelley: Non, non, mais vous avez pris la peine quand même de dire...

M. Taillon (Gilles): Oui, absolument.

M. Kelley: ...qu'on a un défi de valoriser le rôle du fonctionnaire dans notre société.

M. Taillon (Gilles): Fondamental.

M. Kelley: Je fais écho juste à ce que je lis ici.

M. Taillon (Gilles): Fondamental.

M. Kelley: Et j'essaie de voir, parce que ça fait longtemps... Moi, je demeure en face d'une école, alors, veux veux pas, je suis souvent l'objet de lobby des enseignants dans le stationnement de l'école, qu'ils sont sous-payés et, comment dire, que ça fait des années qu'ils n'ont pas eu une augmentation. Alors, moi, je pense que tous les députés autour de la table connaissent la chanson. Mais, dans l'optique, le Conseil du patronat a dit qu'il faut être très rigide pour garder le cap sur le déficit zéro, etc. Je cherche les marges de manoeuvre, je cherche c'est quoi, le message que je peux dire aux enseignants, à l'effet qu'on va valoriser leur position. Et je prends les enseignants, juste comme exemple. Vous avez évoqué les infirmières aussi, dans votre mémoire, comme un autre groupe où peut-être il y a un problème. Je cherche... Surtout, on va arriver avec les indicateurs de performance, on va mettre une certaine pression. Déjà, toutes les commissions scolaires nous appellent le lendemain de la publication dans La Presse et dans la Gazette de la performance des commissions scolaires sur les examens de secondaires IV et V. Et il y a toujours du monde qui veut faire des nuances, il y a toujours une personne qui veut mettre des bémols. Alors, comment est-ce qu'on va réussir à livrer la marchandise sur votre recommandation de valoriser ces fonctions?

M. Taillon (Gilles): Je dirais qu'il y a plusieurs aspects qu'il faut attaquer en même temps. L'exemple des résultats, qui sont des résultats de performance au niveau, par exemple, des commissions scolaires, je pense que, nous, le Conseil du patronat, on a toujours trouvé que c'était une excellente idée. Le ministère de l'Éducation a mis ça en place en 1986. On a toujours pensé que c'était extraordinaire. C'est évident qu'il faut apporter les nuances qu'il faut. Mais, ça, voilà un moyen, quand on connaît bien les indicateurs de résultat, de valoriser.

La centralisation des négociations ou le traitement de la rémunération dans un contexte global, où, finalement, tu ne fais qu'augmenter à la marge, compte tenu d'un système qui est bien défini, et tout ça, ça nous apparaît devoir être remis en question. Voilà une façon qui permettrait peut-être de revoir les choses. Globalement, on dit: L'État doit se départir de certaines fonctions pour lui permettre de se dégager des marges de manoeuvre qui lui permettraient sans doute de faire son vrai travail, de remplir ses vraies missions. On vous a dit dans le mémoire: Il n'y a pas qu'une question de valorisation, il y a une question aussi de dégrossir l'État, de réduire la taille. Si, actuellement, on vous dit qu'il y a 4 %, par exemple, d'écart entre le nombre d'emplois dans la fonction publique ici et en Ontario, on pourrait traduire ce 4 % là en plusieurs centaines de millions de dollars. Il y a donc des économies potentielles. Il y a un État qui pourrait être plus mince. Mais celui qui reste dans ses fonctions de régulation, dans ses fonctions de catalyseur, devra bien rémunérer ses employés. Et, dans les fonctions qui resteront de la responsabilité de l'État, qui ne seront pas privatisées, soit en éducation, soit en santé, il y aura là aussi moyen de bien récompenser les travailleurs en question dans un contexte de comparaison avec le secteur privé, parce que, évidemment, on répond à la loi du marché. Si on surrémunère la fonction publique, c'est les citoyens payeurs de taxes qui sont surtaxés.

M. Kelley: Si je dois comprendre, alors, en conclusion, c'est que le débat sur le quoi est primordial pour créer les conditions gagnantes pour comment on peut livrer une réforme et avoir une fonction publique plus motivée et plus valorisée. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais remercier les représentants du Conseil du patronat, son président, M. Gilles Taillon, et les personnes qui l'accompagnent pour leur contribution à nos travaux. Et j'inviterais maintenant les représentants de la Fédération étudiante universitaire du Québec à bien vouloir s'avancer.

Alors, nous allons suspendre cinq minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 59)

(Reprise à 16 h 5)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, la commission spéciale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental reprend ses travaux. C'est une commission formée de parlementaires frais et dispos qui accueillent les représentants de la Fédération étudiante universitaire du Québec: Mme Marie-Claude Ladouceur, présidente du Conseil national des cycles supérieurs ainsi que M. Alexis Boyer-Lafontaine, coordinateur aux affaires sociopolitiques.

Alors, je crois comprendre que Mme Ladouceur va enchaîner, et tout en se rappelant que nous avons une vingtaine de minutes maximum pour la présentation. Alors, vous avez la parole, madame.


Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ)

Mme Ladouceur (Marie-Claude): Je vous remercie, M. le Président. Nous souhaitons aujourd'hui vous entretenir et vous sensibiliser à l'urgente question du renouvellement des effectifs de la fonction publique.

Nos propos vous sembleront peut-être, à première vue, détonner des autres questions qui vous ont été soumises aujourd'hui mais, à notre avis, il s'agit d'une question primordiale qui doit être considérée avec attention par les membres de la commission spéciale. Un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental signifie d'abord miser sur le citoyen, miser sur la relève. La gestion du Québec de demain doit reposer sur la formation de citoyens responsables, qui ont un sens social aigu et qui pourront prendre leur place à titre de plein participant à l'administration publique.

Cette année, le Québec s'est donné un agenda jeunesse qui doit déboucher nécessairement sur une vision et sur des solutions durables pour la jeunesse, pour la relève de demain. Depuis longtemps, la FEUQ s'intéresse aux problématiques de l'insertion professionnelle, de l'insertion sociale également, au passage du statut d'étudiant au statut de citoyen.

Depuis deux ans, les statistiques qu'on peut voir sur le renouvellement de la fonction publique sont alarmantes. Le pourcentage des jeunes dans la fonction publique diminue de façon drastique et, même si le contexte budgétaire est difficile, il faut faire en sorte d'élaborer des solutions qui seront durables. Si on est ici aujourd'hui pour parler de la fonction publique, si on était là hier pour parler de la question des clauses orphelin, c'est que les questions jeunesse sont au premier plan cette année. La question de la relève doit être mise à tous les agendas. On doit trouver une façon de donner aux jeunes la chance de prendre la place qu'ils veulent prendre.

Nous, les représentants étudiants, avant, pendant et après les études, nous avons décidé de demander aux décideurs d'avoir une vision, une compréhension du problème. Nous ne sommes pas les seuls à avoir cette préoccupation. Le Conseil permanent de la jeunesse a produit une étude – que vous avez sûrement dû avoir – qui répond en grande partie aux questions que nous nous sommes nous-mêmes posées, c'est-à-dire, d'abord questionner les différents acteurs de la fonction publique, avoir des statistiques, des réponses qui donnent un portrait global de la situation pour l'ensemble de l'administration publique québécoise et particulièrement pour l'administration publique régionale. Des statistiques, des données sur les effectifs, la moyenne d'âge, le nombre de jeunes, etc., puis également avoir des réponses sur les processus d'embauche, avoir des solutions véritables sur l'embauche de nouveau personnel, du personnel jeune et le renouvellement du personnel dans la fonction publique. Je vais laisser Alexis vous expliquer un peu de quelle façon on aimerait voir cette relève-là prendre sa place. Merci.

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): Alors, bonjour à tous. Merci de nous accorder ces moments pour pouvoir présenter nos recommandations. J'ai vu tout à l'heure qu'un résumé, en fait, de notre mémoire circulait, qui semble particulièrement bien fait, donc j'imagine que vous avez déjà une très, très bonne idée de ce qu'on voulait apporter comme témoignage aujourd'hui puis comme recommandations.

Je vais juste, en quelques minutes, rassembler les différentes idées que nous mettons de l'avant, un peu de concert avec le Conseil permanent de la jeunesse que vous rencontrerez, je crois, demain matin. Donc, ils pourront sans doute pousser davantage sur certaines recommandations que nous partageons avec eux.

(16 h 10)

Deux recommandations principales figurent dans le mémoire que nous avons déposé devant la présente commission. La première, je vous l'accorde, est un peu lourde; donc, c'est pour ça que je me vois un peu dans l'obligation de vous l'expliquer davantage et de la scinder, un peu d'y aller idée par idée.

La première, c'est ce qu'on a appelé dans le mémoire l'urgence. D'abord, suite aux différents constats statistiques, suite en même temps aux travaux du Conseil permanent de la jeunesse, suite à différentes enquêtes qui ont été réalisées au fil des dernières années, évidemment, au niveau statistique, on voyait que la présence de jeunes dans la fonction publique était clairement peu visible et que donc des solutions s'imposaient pour remédier à la situation.

Donc, suivant le caractère d'urgence, ce que nous voyons d'abord, c'est que le gouvernement devrait mettre en place une politique de rajeunissement de la fonction publique, et cette politique devrait prévoir d'abord des cibles d'embauche pour tous les ministères et organismes; deuxièmement, le recrutement en même temps d'une part significative de nouveaux diplômés pour justement que leur présence dans la fonction publique reflète celle qu'ils occupent au sein de la population active.

Juste peut-être une parenthèse. À l'heure actuelle, on réfléchit beaucoup à la question de l'insertion des diplômés sur le marché du travail. Une grande réflexion s'est amorcée au Québec, qui porte le nom d'un Sommet du Québec et de la jeunesse, où plusieurs acteurs de la société québécoise vont essayer de mettre de l'avant des solutions aux obstacles que rencontrent les jeunes dans leur parcours, en fait, d'insertion sociale ou professionnelle. Dans cette perspective-là, nous, on estime qu'une politique d'embauche, ou en fait une politique de rajeunissement, c'est quelque chose sur la route qui représente une solution véritable à un certain nombre de problèmes que connaissent les jeunes, dont l'accès à la fonction publique.

Évidemment, un autre aspect qui est clé de cette politique de rajeunissement, c'est la question des campagnes de recrutement. On regardait dernièrement les sites du gouvernement fédéral et, avec surprise et étonnement, on voit que de ce côté-là de la frontière, si je peux m'exprimer ainsi, il y a une stratégie, il y a des mesures, il existe des campagnes de recrutement au niveau postsecondaire, extrêmement agressives, extrêmement bien outillées aussi en termes de ressources, et qui, d'année en année, font un travail de recrutement des diplômés. Peut-être est-ce que c'est un exemple à suivre, peut-être est-ce que Québec aussi pourrait avoir une telle campagne de recrutement secondaire. Ça se faisait à l'époque. De notre point de vue, ça devrait être réactivé. Et ça fait partie de la politique de rajeunissement de la fonction publique.

Également, la question des critères qui sont utilisés lors des concours d'admission. L'actuel gouvernement, lors de la dernière campagne électorale, a formulé un certain nombre d'engagements sur cette question-là, de revoir justement les conditions et les critères utilisés lors des concours d'admission. Ça nous semble être une question aussi qui est déterminante. À cet égard-là, on inviterait évidemment le Conseil du trésor à voir à cette question de près et à essayer de donner suite aux recommandations qu'on formule dans ce sens-là.

Le dernier élément de la première recommandation, c'est évidemment toute la préoccupation concernant l'administration publique régionale. L'avis du CPJ malheureusement n'est pas allé aussi loin qu'on l'aurait souhaité sur cette question-là. J'ai regardé aujourd'hui... J'invite les membres de la commission à peut-être jeter un coup d'oeil aussi aux chiffres qui sont sortis aujourd'hui du ministère de l'Industrie et du Commerce, en fait du Placement étudiant du Québec sur les emplois d'été dans la fonction publique. Certes, des chiffres intéressants, mais certes des chiffres qui montrent aussi des disparités importantes entre les différentes régions québécoises et donc les différentes administrations publiques qui existent un peu partout sur le territoire québécois. Donc, c'est une des préoccupations qu'on voulait aussi mettre de l'avant dans le cadre de cette politique de rajeunissement qu'on souhaite; c'est évidemment qu'il y ait des orientations et qu'il y ait une vision également du rôle de cette administration publique régionale.

Le deuxième aspect – je vais accélérer un peu – c'est la question du plan de main-d'oeuvre. C'est ce qu'on appelle... on a utilisé l'expression «développement durable». C'est une expression que tous connaissent, qui offre une image intéressante. En même temps, nous, ce qu'on souhaite par rapport à la fonction publique québécoise, en marge des discussions que vous avez sur le nouveau cadre de gestion et sur les différents acteurs qui sont interpellés derrière ce cadre de gestion là, on estime que le gouvernement devrait se doter d'un plan de main-d'oeuvre qui est, en fait, une évaluation des besoins à court, à moyen et à long terme, des besoins de l'administration publique québécoise de manière à planifier davantage les cohortes et le renouvellement des effectifs parce que c'est, à nos yeux, des questions qui sont cruciales.

En terminant, au plan des recommandations, je soulignerai évidemment, et puis vous l'avez vu dans notre mémoire, la question des stages. Il existe un programme de stages pour nouveaux diplômés dans la fonction publique, qu'on s'est appliqué à analyser d'une part pour essayer de voir quelles en étaient les forces et les faiblesses, et la conclusion à laquelle on en arrive, c'est que ce programme-là devrait être changé, devrait être transformé. C'est un programme, à l'heure actuelle, qui est décrié par plusieurs intervenants au Québec. C'est un programme qui, de notre point de vue, mélange deux catégories de stages, c'est-à-dire les stages de formation et les stages d'insertion, et il y a un ménage à faire au niveau de ce programme-là.

Donc, ça fait le tour au niveau des recommandations. Je céderais la parole à Marie-Claude qui va conclure un peu notre présentation. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme Ladouceur.

Mme Ladouceur (Marie-Claude): Merci, Alexis. En fait, la FEUQ vous lance un signal d'alarme, un appel au gouvernement afin qu'il mette en place des mesures qui favorisent la participation active des jeunes diplômés universitaires à la société québécoise. Ces mesures doivent être à la hauteur et à la grandeur du dynamisme des jeunes diplômés qui souhaitent qu'on leur permette de prendre leur place.

La FEUQ souhaite une politique de rajeunissement de la fonction publique, comme le mentionnait Alexis, et un plan de main-d'oeuvre des besoins en termes d'effectifs. Alexis mentionnait tantôt les programmes d'emplois d'été. On pourrait peut-être s'inspirer de tels programmes qui offrent, en fait, des emplois pour les jeunes dans la fonction publique mais à très courte échéance. Pourquoi ne pas prendre ces programmes-là et les mettre pour faire des emplois annuels, des emplois qui resteraient, quelque chose de durable? Ce serait peut-être le début d'une solution. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous passons aux échanges. M. le ministre.

M. Léonard: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie d'être venus, de vous être donné la peine de venir en commission parlementaire sur un sujet qui peut paraître aride, celui de la modernisation de l'administration publique, mais je conçois que vous y trouvez un intérêt certain pour l'avenir, et je pense qu'il existe, je le partage aussi.

Par rapport à l'énoncé de politique et au projet, est-ce que vous êtes d'accord avec une telle orientation? Je comprends que ce que vous nous dites, ce que vous nous lancez, c'est un cri d'alarme sur la place des jeunes dans la fonction publique. Par ailleurs, on pourra en débattre un peu plus tard, j'y reviendrai. Mais, au départ, est-ce qu'un concept comme celui qui est énoncé – il peut être précisé mais énoncé de façon générale à tout le moins – ça vous agrée? Est-ce que c'est un contexte où vous aimeriez travailler dans l'administration publique?

M. Boyer-LaFontaine (Alexis): En fait, vous me posez la question...

M. Léonard: Bien, tu sais, avec des objectifs, avec des... Il y a des contrats de performance, il y a des objectifs aussi de rendement et de performance à la fonction publique. J'imaginais que des jeunes pouvaient plus facilement compétitionner que d'autres, mettons.

M. Boyer-LaFontaine (Alexis): En fait, je vous répondrais peut-être deux choses là-dessus. Premièrement, le nouveau cadre de gestion, l'énoncé de politique qui est présenté et qui était disponible pour le public, aborde, de notre point de vue, assez mal la question des effectifs et des différents acteurs qui sont interpellés. Quand on regarde le communiqué, on voit évidemment que les différents acteurs de la fonction publique sont directement interpellés. Et puis, un peu à la lumière des échos qu'on a comme citoyens, comme intervenants, comme gens qui s'intéressent à la question publique, on voit un peu les débats qui émanent de la présente commission, puis on voit en même temps un peu les tensions puis les discussions que ça entraîne entre les différents acteurs à l'intérieur de la fonction publique. Puis je pense que vous comprenez ce que j'essaie de souligner.

(16 h 20)

Nous, ce qu'on souhaite vraiment, puis vous l'avez dit, c'est un cri d'alarme sur la présence des jeunes. On représente des étudiants, on représente en même temps des diplômés qui cherchent. Puis, en même temps, vous connaissez très bien l'exemple du programme de stages. Pour environ 200 postes de stages – on parle bien de stages, on ne parle pas d'emplois réguliers...

M. Léonard: De stages.

M. Boyer-Lafontaine(Alexis): ...qui sont vraiment des stages – on reçoit 6 000 c.v. Est-ce que ce n'est pas symptomatique d'une volonté des jeunes d'avoir accès à cette fonction publique là, de contribuer au développement de l'État québécois? Nous, on pense qu'il y a vraiment un problème là puis on souhaitait, en marge un peu de notre intervention sur le nouveau cadre de gestion, vraiment comme essayer de marquer le coup sur cette question-là.

La deuxième question, si vous me permettez, c'est: En fait, on est conscient en même temps des grands bouleversements, des modifications qui ont été apportées à l'administration publique québécoise. Pour n'en nommer qu'une, la question des unités autonomes de service évidemment qui ont été mises en place graduellement au fil des dernières années. C'est le cas avec l'aide financière qui est une unité autonome de service. Et, à la lumière des différents rapports qui ont été publiés par cette unité autonome de service là, on est à même de voir quel type d'avenue et enfin quel type d'orientation veut prendre l'unité autonome de service. Puis il y a des éléments extrêmement intéressants qui, d'après moi, sont plus près de la réflexion que vous faites présentement sur le cadre de gestion.

M. Léonard: Je reviens à votre propos plus précis. Est-ce que, vous, vous avez en tête un pourcentage d'embauche en ce qui concerne les jeunes? Si on embauche, mettons, 1 000 fonctionnaires dans une année, est-ce que, pour vous, il devrait y avoir un objectif de jeunes âgés de 35 ans ou moins?

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): En fait, oui. Je vous répondrais: Oui.

M. Léonard: C'est ce que vous souhaitez.

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): On doit se fixer... On en a parlé dans notre mémoire, la question des cibles. Les jeunes composent 20 % de la population, 26 % de la population active québécoise, mais représentent environ seulement 1 % de la fonction publique, des effectifs réguliers, un peu plus au niveau des occasionnels, ce qui est une tout autre problématique.

M. Léonard: Oui.

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): On pourrait rentrer dedans mais on pourra y revenir à d'autres occasions. Donc, c'est trop peu; on doit vraiment donner un coup de barre.

M. Léonard: Vous êtes conscients que nous avons une Charte des droits et libertés aux termes de laquelle on doit considérer tout le monde comme égal par rapport à la question de l'accessibilité et de l'équité quant à la fonction publique. Je vous mentionne cela parce que c'est une des questions qui nous hantent lorsque l'on fixe des objectifs. Nous avons, au gouvernement, en tout cas jusqu'ici, demandé par directive, le Conseil du trésor a demandé par directive à tous les ministères d'éliminer autant que faire se pouvait une clause d'expérience si elle n'est pas absolument nécessaire. Donc, ca a été une des façons de permettre plus d'embauche de jeunes.

Deuxièmement, le programme d'embauche des jeunes diplômés pour des stages – et, dans la mesure où ce sont des stages, je pense, s'il y a des corrections sur ce plan-là, je suis tout à fait d'accord pour les apporter mais, si ce sont de vrais stages, il me semble que ça a été pour eux, pour les jeunes, une occasion d'acquérir une l'expérience. Effectivement, ce sont des jeunes qui posent leur candidature, les jeunes, les diplômés de moins de deux ans.

Alors, nous naviguons entre ces contraintes. Est-ce qu'on doit les faire sauter? Ça pose des questions assez fondamentales aussi parce qu'il y a parfois la Charte des droits et libertés. Si on n'en tient pas compte, dans d'autres cas, ça pourrait être nuisible aussi à des jeunes. Comment vous voyez la question?

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): En fait, on est conscient en même temps de ces écueils-là. Un des problèmes – dans le fond, on le répète – c'est la question aussi des cohortes. Ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait un nombre important suffisant de jeunes qui soient embauchés au cours des prochaines années. Parce qu'il y a des mises à la retraite qui s'en viennent. Puis je rappelle Horizon 2005 , que vous connaissez, qui a été énoncé puis expliqué dans l'avis du CPJ. Il y a un problème de transmission des connaissances qui est partout dans le secteur public. Donc, on a vraiment comme rapidement... Puis, nous, ce qu'on souhaite, c'est que le gouvernement puisse se doter de moyens en ce sens-là, en évaluant évidemment les risques, en calculant bien que la politique soit conforme, en fait, à ce que doit tout le temps être une politique, mais vraiment donner un coup de barre pour faire en sorte que les jeunes soient beaucoup plus visibles dans l'appareil public.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui. Monsieur, très rapidement, je vous remercie d'avoir pris la peine de venir donner votre point de vue. Je pense que c'est important. Comme vous l'avez campé, lorsqu'on veut mettre l'accent sur la place de la jeunesse, bien, il faut prendre les occasions de débattre, de discourir. Bon, je sais que ça ne donne pas toujours les résultats escomptés le lendemain, mais c'est pire si on ne le fait pas. Alors, merci d'être là.

Moi, il y a une affaire qui me surprend. Il y en a plus qu'une, mais il me semble qu'il y a quelque chose qui ne va pas par rapport aux stages quand vous portez le jugement que cette forme de stages accentue la précarité. Et je m'explique. Je ne veux pas porter de jugement si, les stages, il n'y a de quoi à améliorer ou pas; ce n'est pas ça mon propos. Mais il me semble que de donner l'occasion à des jeunes d'aller chercher ou obtenir une expérience additionnelle liée à un poste de la fonction publique n'est qu'un plus et une bonification pour, d'après moi, faciliter éventuellement d'être un postulant retenu à un poste donné plutôt que quelqu'un qui n'aurait pas l'occasion de participer à de tels stages dans la fonction publique.

Alors, vous, vous portez le jugement: Ça, là, les stages, ça ne fait qu'accentuer la précarité. Je ne suis pas capable de comprendre ça parce que, normalement, une occasion d'expérience de plus vous donne, comme je l'ai dit tantôt, de meilleures possibilités d'accéder quand il y a des postes ouverts. Je connais la distinction: Ce n'est pas des vrais postes, c'est un stage. Je sais tout ça, là. Mais entre ceux qui ont la chance de passer par les stages puis ceux qui n'ont pas la chance, il me semble qu'il y a une meilleure préparation pour accéder à la fonction publique. Et là, ça n'accentue pas la précarité, ça. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous portez des jugements pareils?

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): Certainement. On m'a dit dernièrement que le premier ministre du Québec estimait que le programme de stages pour les nouveaux diplômés constituait une façon effectivement de renouveler la fonction publique. Nous, on s'oppose à cette analyse-là parce que, à l'heure actuelle, le programme de stages... Premièrement, quels sont les différents éléments de ce programme-là qui ne font pas notre affaire? La salaire est clairement une question qui est assez cruciale. Deuxièmement, la durée du stage: Deux ans, on estime que c'est beaucoup trop long pour une expérience de formation. Ensuite, l'autre question, dans le fond, c'est: Quel pont est fait entre cette expérience de stage et ensuite l'accès des jeunes à la fonction publique? À l'heure actuelle, ce qu'on nous dit, c'est qu'il n'en existe pas de pont. Il n'existe pas de lien direct entre l'accès au programme de stages et ensuite un accès à la fonction publique régulière ou occasionnelle.

M. Gendron: Mais juste une seconde. Je trouve ça très correct, mais là vous répondez à quelque chose qui s'appellerait faire une évaluation des stages offerts. Alors, est-ce qu'il y a lieu d'organiser ça autrement? Je n'en disconviens pas. Ma question n'est pas sur ça du tout. En quoi ça vous permet de porter un jugement que ça accentue la précarité de donner la chance à des jeunes d'avoir une expérience de plus par rapport à ceux qui ne font pas le stage? Et, si jamais il y a des postes réels ouverts, occasionnels ou permanents dans la fonction publique, il me semble qu'on a permis à 300, 400 jeunes d'être plus habilités à être retenus. Alors, ma question, c'est: En quoi ça accentue la précarité?

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): O.K. À ce moment-là, peut-être que je n'ai pas répondu assez directement à votre question. La question de la précarité des stages, c'est que le stage n'est pas une stratégie de développement de l'emploi au Québec. Il ne faut jamais prendre le stage comme un outil pour développer l'emploi. Puis à l'heure actuelle il y a une très, très grande polémique au Québec là-dessus. Il y a beaucoup d'acteurs qui parlent de stages. Des entreprises... Vous receviez tantôt M. Taillon, du CPQ. M. Taillon a des idées assez arrêtées sur les questions des stages au Québec. Puis il y a beaucoup d'entreprises qui sont tentées d'aller dans cette perspective-là. Mais, en même temps, elles doivent y retrouver un certain avantage.

La précarité, pour nous, au niveau des stages, c'est évidemment de transformer des emplois réguliers, des vrais emplois à temps plein liés à la formation, par des stages qui, certes, apportent, qui brisent le cercle du pas d'expérience, pas d'emploi, pas d'emploi, pas d'expérience – ça, on est d'accord avec ça – mais qui cantonnent, dans le fond, la relève, la jeune relève qui est formée et qui devrait normalement avoir une place sur le marché du travail, une vraie place. Alors, des stages, oui, on est d'accord, mais pas n'importe quel stage et pas à n'importe quel prix non plus.

(16 h 30)

M. Gendron: O.K. Avez-vous eu l'occasion également – parce que je trouve que c'est connexe – de réfléchir, dans votre mémoire, sur la façon de mieux organiser la transmission de l'expérience de ceux qui quittent par rapport aux jeunes qui pourraient entrer? Avez-vous un peu plus de précisions à nous indiquer? Comment on arrangerait ça, si on organisait systématiquement quelque chose qui permettrait que ce qu'on appelle, entre guillemets, les seniors qui quittent vous offrent un meilleur support pour éventuellement vous permettre d'entrer?

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): Bien, en fait, on parle beaucoup – c'est des idées qui sont beaucoup à la mode puis beaucoup véhiculées – de parrainage, de monitorat. Il y a des façons de lier les plus anciens – je ne veux pas blesser personne – des employés plus anciens dans la fonction publique avec des nouveaux puis de faire en sorte qu'on ait une espèce de communication, qu'il y ait une transmission de connaissances. Il y a des pistes qui sont évoquées dans l'avis du CPJ, dans ce sens-là. Je pense qu'il existe également, au niveau de la jeune fonction publique, un regroupement qui présente aussi un certain nombre d'avenues dans ce sens-là, qui pourraient être explorées. Mais on n'est pas des spécialistes de cette question-là.

M. Gendron: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci. Merci d'être là vous deux. C'est toujours rafraîchissant d'avoir l'opinion des jeunes dans ce genre de débat. Justement hier, il y a le Forum des jeunes de la fonction publique qui est venu présenter un mémoire ici. Et puis leur objectif qu'ils démontraient, c'était d'être mieux rémunéré pour mieux performer. Vous qui peut-être, éventuellement, serez de la fonction publique, est-ce que vous avez cette même vision des choses pour le futur ou pour votre entrée en fonction publique éventuelle, être mieux rémunéré pour mieux performer? Est-ce que vous êtes en accord avec cette notion-là?

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): En fait, je serais un peu hésitant à entrer dans la polémique parce que c'est une polémique qui est présentement dans les médias en même temps, parce qu'on la voyait ce matin. Je pense que plusieurs groupes amènent plusieurs types de solutions. Nous, ce qu'on voulait, c'est d'abord signifier un problème. On n'est pas des acteurs de la fonction publique; peut-être qu'on souhaiterait éventuellement le devenir, sans doute mais, pour le moment, d'un point de vue extérieur, ce qu'on dit, c'est: Il faut faire une place pour les diplômés.

Mme Ladouceur (Marie-Claude): C'est un peu, je vous dirais, la même rhétorique que la question de l'exode des cerveaux. On se demande si on ne devrait pas offrir des primes salariales, si on ne devrait pas offrir des avantages fiscaux. Ce qu'on vous dirait un peu là-dessus, c'est qu'avant de parler de salaires, nous, à la Fédération, on préfère d'abord parler d'offres d'emplois. On veut qu'il y ait des emplois pour les jeunes, de la place pour la relève dans la fonction publique. Donc, c'est notre préoccupation principale, puis ensuite on pourra discuter, si vous voulez, des modalités de ces emplois-là. Mais c'est d'abord la présence de ces emplois-là au sein de la fonction publique.

M. Côté (La Peltrie): C'est ce que je voulais un peu entendre, si vous aviez d'autres incitatifs possibles, effectivement; c'en est un, ça, que vous venez de mentionner. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci. Alors, vos réflexions sont intéressantes et puis, vous savez, ça me fait penser, il y a 30 ans, les femmes, et dans la fonction publique et dans le milieu économique, avaient les mêmes problèmes que vous autres en ce moment. Je pense que par rapport au renouvellement de la fonction publique, ce que vous nous dites, si je comprends bien, c'est que votre contribution à cette réforme que nous proposons pour moderniser la fonction publique, vous suggérez qu'une augmentation du nombre de jeunes aurait déjà, en soi, un effet de rajeunissement, de modernisation, et donc probablement de changement de façon de faire et d'efficacité. C'est peut-être et c'est sans doute vrai.

La première chose, c'est que, de l'autre côté, on a un objectif au niveau du gouvernement d'une plus grande efficacité et de réduire les coûts, notamment les coûts de rendre certains services. Déjà, en faisant ça aussi, on a mis de l'avant un certain nombre de programmes de mise à la retraite, par exemple, qui ont permis dans certains secteurs – on pense à l'éducation, par exemple – de recruter 9 000 jeunes là-dedans. Alors, ils ont sans doute marqué ce secteur-là – vous voudrez peut-être le commenter; moi, j'aimerais connaître votre point de vue là-dessus – ils ont déjà sans doute modernisé un petit peu notre fonction publique à ce niveau-là.

D'autre part, moi, je retiens de votre mémoire peut-être deux ou trois choses. D'abord, sur les stages, je crois que les stages sont un outil. Ils ne sont que ça, mais c'est un outil important dans la mesure où ils ont un tuteur, un projet puis un rapport de fin de stage qui permet de dire justement ce qu'on peut faire avec ce qu'on a appris. J'inscris ça dans la recommandation que vous faites d'une espèce de planification de plan de main-d'oeuvre. Est-ce qu'on pourrait comprendre de ce que vous nous dites que, s'il y avait dans notre plan... Parce que, dans la réforme que nous discutons aujourd'hui, on parle d'une planification articulée au niveau de chacun des ministères. Est-ce que ce serait intéressant d'avoir dans le plan de main-d'oeuvre de chacun des ministères, par exemple, un certain nombre de stratégies pour le renouvellement de ses effectifs en tenant compte, bien sûr, des nouvelles compétences et des jeunes qui sont particulièrement versés dans ces nouvelles compétences où effectivement vous arriveriez déjà, là, dans la dynamique des concours, avec une valeur particulière? Je crois que ça, c'est peut-être quelque chose qu'on pourrait regarder.

L'autre élément sur lequel j'aimerais avoir vos commentaires, c'est: Je suis aussi frappée par votre affirmation au niveau du manque de transmission des connaissances entre les nouveaux travailleurs et ceux qui quittent. Est-ce qu'on peut envisager, par exemple, des contextes, dans le plan de main-d'oeuvre, qui pourraient avoir un volet d'intégration d'une main-d'oeuvre plus jeune? Est-ce qu'on pourrait avoir aussi un volet d'apprentissage durant une certaine période pour assurer ce transfert de connaissances qui permettrait donc, avec la valeur ajoutée, les nouvelles compétences que les jeunes vont apporter de plus rapidement rejoindre les rangs des candidats potentiels à participer à ces concours? Parce qu'on est dans une dynamique de concours, et donc de sélection, de compétition pour l'accès à certains postes. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur ces sujets-là.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et la mauvaise nouvelle, c'est qu'il reste 20 secondes pour répondre. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): Très rapidement, alors: Stratégie par ministères, oui; stratégie par régions, oui; de faire en sorte que les différents outils que met en place le gouvernement – je pense aux CLE – servent réellement; que le Placement étudiant du Québec joue un rôle sur toute l'année par rapport aux diplômés, que sa mission soit étendue, qu'il soit mieux financé; que les mécanismes de transmission des connaissances intègrent réellement la question des stagiaires, donc l'entrée des nouveaux employés, puis en même temps la question des sorties, ceux qui sortent. Pourquoi pas des demi-retraites, des semi-retraites, des trucs comme ça?

Puis, en même temps, une autre question: Ces dernières années, qu'est-ce qui s'est passé? Vous m'avez ciblé le secteur de l'enseignement. Bien, moi, je ne peux pas m'empêcher de réfléchir en même temps à ce qu'on a mis dans le mémoire aussi sur le fait des départs volontaires puis, en même temps, du nombre d'occasionnels qui a comme augmenté du même nombre. Donc, en même temps, il y a une réflexion de fond à faire sur la question de la précarité du travail. La précarité du travail dans la fonction publique, de notre point de vue, ce n'est pas souhaitable.

Donc, je ne sais pas si, en 20 secondes, là, ça...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça a été effectivement un excellent effort de synthèse.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Nous aussi, nous vous remercions pour la présentation de votre mémoire. Je pense que, de ce côté-ci de la table – et puis c'est probablement partagé par nos collègues d'en face – l'idéal d'une fonction publique, c'est qu'elle soit le plus représentative finalement des gens qu'elle doit servir: elle doit servir les jeunes, elle doit servir les gens moins jeunes, les gens de différentes communautés culturelles, de différents groupes linguistiques, etc.

Le point de vue que vous nous adressez est un point de vue qui est tout à fait approprié. C'est clair que l'exemple que vous nous fournissez dans votre mémoire, à l'effet qu'en 1980, sauf erreur, il y avait 15 500 jeunes – jeunes de moins de 30 ans, dis-je; c'est ce que vous voulez dire, je pense, aussi – dans la fonction publique, puis vous ramassez une statistique 18 ans plus tard puis il n'y en a plus que 600, c'est très impressionnant comme statistique, à tout le moins. Toutefois, il ne faut pas oublier une chose, c'est que les gens qui étaient dans la fonction publique en 1980 et qui avaient moins de 30 ans à l'époque, ils ne sont pas morts, là, ils sont juste plus vieux puis ils servent encore juste l'État.

(16 h 40)

Vous connaissez les règles du jeu du système de la fonction publique et vous ne semblez pas les remettre en question. Je pense, par exemple, au fait qu'il y a des gens qui, après deux ans, trois ans de service, acquièrent une permanence de service, une permanence. Bien, lorsqu'on a une permanence dans un service public comme celui du Québec, généralement les gens le gardent et généralement ils font leur carrière à l'intérieur du gouvernement puis ils restent 30, 35 ans. Ce qui fait que normalement, lorsqu'on a eu un grand bassin, une période où on a beaucoup engagé – on a eu une cohorte d'engagements importante au début des années quatre-vingt ou dans le milieu des années soixante-dix – on se ramasse évidemment avec le même monde 25 ans plus tard, ou 30 ans plus tard.

Et c'est la raison pour laquelle ce que vous nous présentez est effectivement le cas et arrive. La question que vous nous posez directement, dans le fond, c'est: Comment on fait pour le changer? Sans être brutal, je pense qu'on peut faire face à une autre réalité qui est la réalité démographique dans laquelle nous vivons. Il ne faut pas se parler avec une langue de bois puis il ne faut pas non plus faire les autruches. La fonction publique n'engage pas beaucoup, la fonction publique, dans les années à venir, sauf si j'en crois un nouveau discours que le ministre pourrait nous transmettre, n'est pas un employeur qui vise à engager énormément. Il va remplacer les gens qui sont là, mais il n'engagera pas comme il l'a fait, comme l'État l'a fait dans les années soixante ou soixante-dix.

Ce qui implique qu'on peut facilement – puis le ministère du Conseil du trésor a toutes ces statistiques – savoir à l'avance quel nombre de gens seront à la retraite ou pourront prendre une préretraite cette année, l'an prochain, dans trois ans et dans quatre ans. Et c'est là où votre suggestion de regarder ce qui se fait au gouvernement fédéral, par exemple, sur leur site Internet, et voir comment on peut faire en sorte de prévoir nos besoins en termes de main-d'oeuvre et comment on peut faire pour les afficher, entre autres dans les centres d'éducation, dans les universités ou dans les collèges, peut être pertinente. Je trouve ça fort intéressant, ce que vous nous suggérez de ce côté-là, mais on ne peut pas s'attendre à ce que du jour au lendemain – ce ne serait pas honnête de dire ça, je pense – il va y avoir 3 000, 5 000, 8 000 ou 10 000 emplois par année pour les jeunes. Ça ne se peut pas. On a une règle de trois assez simple: il y a des gens qui travaillent, des gens qui ont une sécurité d'emploi – je ne parle pas des occasionnels dont vous avez parlé, en général, les gens ont une sécurité d'emploi – ils ont à moitié ou les deux tiers d'une carrière de faite, pour ceux qui avaient moins de 30 ans en 1980, puis il faut attendre qu'ils prennent leur retraite pour pouvoir les remplacer. Mais c'est un peu la dynamique dans laquelle on est confiné, dans le fond. N'est-ce pas aussi votre analyse?

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): En fait, il y a plusieurs éléments dans votre question. D'abord, la question de la...

M. Chagnon: En fait, c'est plutôt quasiment un énoncé qu'une question.

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): Oui. En fait, évidemment, la question de la permanence de service... enfin, il serait très hasardeux pour nous de nous prononcer contre. Ce serait, dans le fond, aller à l'encontre de tout le discours qu'on tient sur l'accès à l'emploi, l'accès à de l'emploi de qualité, permanent, lié à la formation des étudiants. Donc, ça, c'est une première question.

Ensuite, la question des cohortes, c'est un peu comme la question des cycles économiques. Les économistes, pendant tout le siècle, ont essayé, en fait, se sont demandés, à la suite de Keynes et d'autres, comment est-ce qu'on pourrait infléchir les cycles économiques pour éviter la phase de creux qui arrive à un certain moment donné. Bien, là, on dit: On est dans la phase de creux. «Les jeunes, comme le disait dernièrement la présidente du CPJ, sont comme une aiguille dans une botte de foin dans la fonction publique.» Certes, il y a un effet démographique, vous l'avez souligné, mais en même temps il y a un effet de non-embauche, il y a un effet d'attrition. Est-ce qu'on est encore dans un contexte d'attrition à la fonction publique? Est-ce qu'on est encore dans un contexte de compressions budgétaires pour réduire la taille de l'État? Si c'est l'objectif en soi qui est mis sur la table, bien, nous, effectivement on s'oppose à cet objectif-là, pas nécessairement pour les mêmes raisons pour lesquelles d'autres groupes pourraient s'opposer, mais ne serait-ce que pour l'impact social sur la présence des jeunes qu'un tel exercice aurait. Donc, je ne sais pas si ça répond, dans le fond, à votre question.

M. Chagnon: J'essayais de dessiner la situation telle qu'elle se présente actuellement et vous semblez corroborer quand même la factualité de ce que je vous suggère: C'est ça qui se passe dans la fonction publique actuellement.

Il y a des revendications d'autres groupes. Mme la députée de Rosemont parlait des revendications normales que les femmes avaient il y a 30 ans, puis il y aussi les revendications de... C'est moins le cas aujourd'hui, les femmes n'ont pas ce genre de revendication-là pour rentrer dans la fonction publique. Il peut y avoir d'autres revendications, dans le cas des femmes, pour occuper des postes à des niveaux de cadres, des niveaux supérieurs dans la fonction publique. C'est encore des revendications qui seraient tout à fait à propos. Puis encore là, ça s'améliore année après année.

Encore, les communautés culturelles ont aussi des griefs à l'endroit de la fonction publique et elles sont prises avec le même genre de problématique, problématique où il y a un mur qui est un peu devant elles.

Effectivement, je pense que le président du Conseil du trésor ne pourrait pas dire autrement qu'aujourd'hui il y a encore d'annoncé pour les ministères l'an prochain une diminution de 2 % de leur budget. C'est ce qu'on a vu en tout cas. Je ne sais pas si ça pourra être confirmé ou pas, mais on a vu ça assez régulièrement, il y a une diminution de 2 % de prévue pour les enveloppes budgétaires l'an prochain parce qu'on cherche à faire et à conserver l'équilibre. Ça ne créera pas beaucoup de postes, ça. Ce n'est pas appelé à être un grand générateur de création d'emplois pour les jeunes ou pour n'importe qui dans la fonction publique, de toute façon.

Un autre sujet. Vous avez soulevé la question des stages de formation puis des stages d'insertion. Selon vous, est-ce qu'on a davantage besoin de stages d'insertion ou davantage besoin de stages de formation?

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): Très clairement, en fait, on a besoin de stages de formation. Les stages de formation offrent par nature une qualité puis un cheminement qui est très différent. On a regardé, on a interrogé les gens du ministère de l'Éducation, on a interrogé un peu Emploi-Québec, on a interrogé les différents acteurs qui encadrent, offrent des stages au Québec puis, ce qu'on réalise, c'est qu'il y a vraiment cette différence marquée entre les deux types de stages.

Un stage de formation, c'est un stage comme il en existe beaucoup à l'heure actuelle dans les universités, où des étudiants, sous la supervision de quelqu'un dans un milieu d'accueil, sous la supervision également dans un milieu d'enseignement, un professeur ou un agent de stage, effectuent, dans le fond, un stage pratique de formation, pour une durée déterminée, où il y a des objectifs clairs d'énoncés, tout ça.

Un stage d'insertion, le portrait est un peu moins clair dans le sens qu'à l'heure actuelle on assiste à une espèce de développement des stages ou à la ruée vers les stages parce que les entreprises y voient un profit à faire. Il existe des crédits d'impôt, il existe différentes formules pour aider, au niveau de la masse salariale, des entreprises à se payer du staff. Puis de notre point de vue, pour les jeunes, c'est peut-être ce que quelqu'un appelait dernièrement une antichambre au marché du travail.

Est-ce que justement ce n'est pas une antichambre au marché du travail de créer, juste au niveau des statuts d'emploi, des nouvelles cases où on dit: Ah bien là il y a des problèmes au niveau de l'accès au niveau du marché du travail. La solution miracle, c'est le stage. Le stage d'insertion. On va donner de l'expérience aux jeunes, on va leur donner un salaire moindre qu'un employé normal puis en même temps on va subventionner les entreprises pour qu'elles puissent, dans le fond, participer à ce programme-là.

Nous, on dit: Attention! Attention à cette démarche-là. Puis ce qu'on a à faire, c'est poser la réflexion, comme le fait le gouvernement du Québec à l'heure actuelle dans sa stratégie Objectif emploi . Il y a une réflexion de fond sur l'emploi au Québec, sur son évolution, sur le rôle des entreprises, le rôle des différents acteurs de la société civile, les groupes communautaires, l'économie sociale. Je pense qu'on a à faire la même réflexion au niveau de l'emploi chez les jeunes, pas juste en utilisant l'expression «stage». Le stage d'insertion, pour nous, c'est dangereux.

M. Chagnon: Dans la dernière partie de votre énoncé, ces incitatifs économiques que vous semblez remettre en question, incitatifs de la part du gouvernement ou incitatifs réglementaires ou fiscaux que vous remettez en question, ne croyez-vous pas qu'ils sont quand même générateurs de ces stages-là? S'ils n'étaient pas là, s'ils disparaissaient demain matin... Imaginons l'hypothèse où ils disparaissent – ce que vous nous suggérez un peu de faire, dans le fond – est-ce que vous pensez que ça va créer davantage de stages que la situation actuelle?

(16 h 50)

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): En fait, en tant que tel, nous ne les remettons pas en question. On veut s'assurer, par contre, que le gouvernement, dans son rôle de législateur, dans son rôle de régulation sociale, de régulation politique – c'est une expression qu'on a entendue tout à l'heure – joue effectivement ce rôle-là. On peut mettre à la disposition des entreprises des crédits d'impôt, des subventions salariales, c'est une pratique qui existe, qui est reconnue puis qui se développe de plus en plus dans les pays industrialisés. En réponse aussi au nouveau cadre normatif – Organisation mondiale du commerce et autres – la formation est devenue un enjeu clé dans nos sociétés. Donc, on est conscient de cette dynamique-là aussi.

Mais le gouvernement a un rôle aussi de dire: Oui, nous mettons de l'avant ce type de mesures-là mais, en retour, on veut s'assurer, par exemple, dans le cas d'un stage, qu'il y ait effectivement de la formation qui se fasse en entreprise, de qualité, un encadrement, une supervision, et que les gens ne soient pas laissés à eux-mêmes, à passer le balai dans une entreprise en étant payés, à la limite, en bas du salaire minimum ou près.

Donc, le législateur a un rôle par rapport à ces mesures-là, comme il a un rôle de supervision par rapport à la loi du 1 %, comme il a un rôle dans un ensemble d'autres mesures comme ça.

M. Chagnon: Vous avez aussi mentionné que vous aviez des griefs à l'endroit – vous en avez énoncé quelques-uns – de l'organisation des stages, en tout cas, dans le milieu de la fonction publique. Peut-être que c'était la première fois que le ministre entendait parler de ces griefs-là. Est-ce qu'il serait possible de documenter ce que vous avez à...

M. Léonard: Vacherie inutile.

M. Chagnon: Pardon?

M. Léonard: Vacherie inutile.

M. Chagnon: Non, non, ce n'est pas une vacherie, c'est bien normal, c'est peut-être la première fois que vous avez entendu parler de ça.

M. Léonard: Non, non.

M. Chagnon: Non? Moi, c'était la première fois que j'entendais parler de ça. J'aimerais ça, en tout cas, puis je pense que ce serait rendre service, d'ailleurs, au ministre responsable de lui fournir cette documentation-là puis de pouvoir permettre d'améliorer le programme de stages en question. En tout cas, moi, je serais intéressé à en avoir une copie, de ce que vous nous avez dit. C'était documenté là-dessus. Alors, il n'y avait rien de vache là-dedans.

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): En fait, deux ou trois éléments peut-être pour répondre à votre question. D'abord, je crois qu'effectivement le ministre est au courant parce qu'il existe un regroupement ou un regroupement un peu en devenir des jeunes stagiaires dans la fonction publique qui s'organisent pour essayer de faire valoir un peu leurs griefs, faire valoir un peu leur situation et essayer de faire en sorte que ce programme-là soit changé, première étape.

La deuxième, la Fédération étudiante universitaire du Québec a produit, au cours de l'année dernière, un portrait des stages au Québec. Donc, c'est pour cette raison-là qu'on a des idées un peu plus tranchées sur la question puis, en même temps, bien, on souhaite diffuser le plus largement les résultats. On pourra sans doute, là, vous en faire parvenir une copie.

M. Chagnon: Et une dernière question, M. le Président, si vous me le permettez. Vous avez vous-même soulevé et on en a parlé ici depuis hier, quand on a commencé nos travaux avec la haute fonction publique – nous avions la sous-ministre de l'éducation qui était avec nous – on a pris en exemple l'UAS concernant l'aide financière aux étudiants. Est-ce qu'on pourrait avoir, de la FEUQ, un témoignage des clients de l'UAS, sur l'aide financière aux étudiants? Est-ce que ça a amélioré le service ou pas, pour vous? Je veux la vision client du système.

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): En fait, la vision client: Moi, j'ai lu le rapport de l'unité autonome puis j'ai trouvé que c'était très intéressant, mais, bon, évidemment...

M. Chagnon: Y a-tu plus de griefs, moins de griefs, dans le milieu?

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): Il y aurait beaucoup à dire sur les services de l'aide financière. Je pense qu'on aura l'occasion, en commission de l'éducation, cette année...

M. Chagnon: Ma question, c'est de savoir: Est-ce que le service est meilleur qu'il l'était ou est-ce qu'il est pareil comme il était?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous venez en lien avec le nouveau cadre de gestion gouvernementale, là. Je ne sais pas si ça...

M. Chagnon: Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il s'agirait de faire le lien avec le nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental.

M. Chagnon: C'est un exemple. Les UAS sont en place depuis maintenant six ans et c'est important de savoir si... On n'a pas souvent la chance de vous avoir de passage en commission parlementaire comme nos clients. Je voudrais savoir si...

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): En fait, la Fédération étudiante n'a pas statué sur cette question-là. Par contre, un peu à la lumière des différents rapports qui sont publiés puis des discussions qu'on a avec les gens de l'aide financière, il semble y avoir une préoccupation forte pour justement s'assurer que la qualité des services dispensés, des différentes facettes, que ce soit le processus d'attribution de l'aide, de conseil, de lignes téléphoniques, d'accès Internet, que toutes ces questions-là soient intégrées dans un plan plus général, donc une planification qui est meilleure. À mon sens, c'est un objectif qui est fort louable mais, pour le détail, en fait, je me sens mal placé que d'en dire plus.

M. Chagnon: Non, non, ça va. C'est une question qui demandait une réponse fort empirique, on ne vous demandait pas de... Bien, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.

M. Léonard: Bel essai.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. J'essaie, un petit peu comme mon collègue le député de La Peltrie... On avait des témoins hier du Forum des jeunes membres de la fonction publique québécoise qui sont venus dire avec beaucoup d'impatience, je pense qu'on peut le dire – même le ministre y est allé pour dire qu'il y avait quelques idées radicales dans leur présentation – qu'il y a des choses qu'il faut changer, et c'est urgent pour avoir une fonction publique québécoise beaucoup plus moderne.

Alors, je suis un petit peu surpris par le silence dans votre mémoire... Oui, il y a la question d'accès qui est une question très importante, je ne veux pas minimiser le problème, mais je pense qu'on a fait le tour de table autour de cette question. Mais est-ce que la Fédération a eu l'occasion de prendre connaissance des commentaires des jeunes membres de la fonction publique? Parce que, si le son de cloche qu'ils ont partagé avec les membres de la commission hier est véritable, il y a beaucoup de choses à changer. L'accès est un problème et, au niveau de l'organisation du travail, il y a M. Houle qui est venu témoigné hier, qui en avait long à dire. Et je ne sais pas si vous avez fait le lien avec leurs commentaires ou si vous avez rencontré le Forum parce que, comme je vous dis, j'ai été un petit peu surpris de la différence entre le ton de votre présentation aujourd'hui et le ton de la présentation d'hier du Forum?

M. Boyer-Lafontaine (Alexis): O.K. En fait, ce que j'ai, moi, du Forum des jeunes membres de la fonction publique, c'est un document qui est paru en juin 1998, qui s'appelle Améliorer la fonction publique québécoise: réflexion de ses jeunes employés . Et, en fait, ce que je vois, moi, à la lumière de ce document-là, c'est des propositions qui sont très semblables aux nôtres. C'est-à-dire, sur l'appareil gouvernemental: de viser une structure organisationnelle plus souple; de développer une culture de la performance; de restaurer le sentiment d'appartenance; au niveau du capital humain, d'accroître l'accessibilité à la fonction publique. Donc, c'est des messages qui sont très près des nôtres: privilégier le monitorat, favoriser la formation continue et structurée; encourager la mobilité de la main-d'oeuvre. En fait, je ne vois pas vraiment la contradiction qui peut exister entre ce qu'eux ont mis de l'avant et nous. Certes, bon, on n'a pas eu l'occasion de les consulter directement en prévision de la commission parlementaire. La question des salaires n'est pas centrale à notre propos, vous l'avez remarqué. Je pense qu'on a expliqué un peu les raisons qui motivaient ce choix-là tout en...

M. Kelley: Non, c'est juste que, pour moi, c'est une question de curiosité parce que, comme j'ai dit, le ton est très différent. Vous autres, c'est vraiment axé sur la question de l'accès à la fonction publique et les commentaires que les jeunes membres de la fonction publique ont partagés avec la commission hier étaient tout autre, il y a un sentiment qu'il y a des choses qu'il faut changer d'une façon dramatique et d'une façon urgente à l'intérieur. Et ils ont terminé leurs commentaires hier... Peut-être que je peux faire ça, faire de la publicité pour un colloque qu'ils vont tenir, je pense, le 25 octobre ou quelque chose comme ça. Peut-être que ça serait intéressant d'aller voir qu'est-ce qu'ils vont dire, à ce moment-là. Parce que, comme j'ai dit, ils étaient vraiment parmi les personnes les plus impatientes – il faut passer à la réforme de la fonction publique – parmi les témoins qu'on a écoutés à date. Alors, c'est juste ça que je veux soulever, pas qu'il y a une contradiction entre votre position et la leur, c'est juste une question de ton que je trouve différent aujourd'hui et hier. Juste un commentaire.

(17 heures)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, ceci met un terme à la période qui était prévue pour les échanges. J'aimerais remercier, donc, les représentants de la Fédération étudiante universitaire du Québec pour leur présence et leur contribution à nos travaux et j'inviterais maintenant les représentants de la Conférence administrative régionale de l'Estrie à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, c'est dans le cadre, donc, des audiences de la consultation générale de la commission spéciale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental que nous avons le plaisir de recevoir les représentants de la Conférence administrative régionale de l'Estrie. Je rappelle aux représentants de la Conférence que nous avons 20 minutes pour la présentation proprement dite. Alors, si le porte-parole pouvait bien s'identifier et présenter les personnes qui l'accompagnent. Nous enchaînerons avec la présentation.


Conférence administrative régionale de l'Estrie (CAR de l'Estrie)

M. Deland (Pierre): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, en tant que sous-ministre adjoint au ministère des Régions pour la région de l'Estrie et particulièrement à titre de président de la Conférence administrative régionale, je voudrais, en premier lieu, vous remercier au nom de tous mes collègues, directeurs et directrices de la région, pour avoir bien voulu nous recevoir aujourd'hui.

Permettez-moi, M. le Président, de vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent. À ma droite, M. Jacques Tremblay, directeur régional en Estrie et président du comité spécial de notre Conférence administrative sur la réorganisation des services. C'est notre chef d'orchestre au niveau de cette opération régionale. À ma gauche, M. Jacques Plamondon, professeur invité de l'ENAP, qui accompagne notre démarche et qui est un appui à notre comité, une ressource professionnelle à notre comité.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et vous êtes, vous-même... Parce que, ici, j'ai comme nom Lise Denis, sous-ministre des Régions. Manifestement, vous n'êtes pas Lise Denis.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Deland (Pierre): Alors, Mon nom est Pierre Deland, sous-ministre adjoint au ministère des Régions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça me fait plaisir.

M. Deland (Pierre): Alors, M. le Président, la Conférence administrative de l'Estrie, c'est 35 directeurs et directrices qui travaillent pour un même territoire, l'Estrie. C'est aussi 1 052 employés réguliers, si on exclut l'Éducation et la Santé, qui ont une moyenne de 16 années d'expérience au niveau de l'appareil gouvernemental et avec une moyenne d'âge de 44 ans. Si vous me permettez l'expression, c'est, à proprement parler, la plus grande firme de consultants de l'Estrie, et ce, dans tous les domaines de l'activité économique et sociale de la région pour la livraison de services aux citoyens. D'ailleurs, nous sommes d'avis que même l'appareil étatique central n'est peut-être pas suffisamment conscient de cette réalité pour l'ensemble des régions du Québec.

M. le Président, la Conférence administrative régionale de l'Estrie a produit en 1997 un cadre de référence sur la réorganisation des services gouvernementaux dans la région qui a été souligné par le Vérificateur général du gouvernement du Québec. Aussi, depuis 1998, nos membres de la Conférence administrative ont mis beaucoup d'efforts à la conception d'un projet-pilote pour redéfinir les mécanismes de fonctionnement des services gouvernementaux sur un territoire et les liens de partenariat internes et externes qui supportent leur prestation.

Pour cette démarche, nous nous sommes même associé deux éminents professeurs de l'Université de Sherbrooke comme partenaires et avons obtenu l'appui de l'ENAP en la contribution exceptionnelle de M. Plamondon ici présent aujourd'hui. D'ailleurs, M. le Président, vous avez déposé hier un document de présentation que je faisais au cercle des sous-ministres adjoints en mai dernier sur toute la démarche de la région de l'Estrie à cet égard, et on vous en remercie.

M. le ministre, c'est donc avec le fruit de ces travaux de terrain, le fruit de cette mobilisation régionale interministérielle sans précédent que nous avons réalisée depuis deux ans en Estrie, le fruit aussi de notre profonde conviction pour l'amélioration des services aux citoyens que nous avons décidé de répondre à votre invitation. M. le Président, nous souhaiterions aussi aujourd'hui insister sur quatre grands éléments de notre mémoire. On ne fera pas la lecture du mémoire ici, mais on voudrait apporter des précisions sur quatre principaux éléments.

Le premier, c'est que la Conférence administrative régionale de l'Estrie accueille avec beaucoup d'enthousiasme le nouveau cadre de gestion proposé. L'accueil général a été des plus favorables au sein des 35 membres de la Conférence administrative, et un consensus fut rapidement dégagé sur les objectifs visés. Nous croyons tous fermement qu'il faut arriver à gérer le plus rapidement possible en fonction du client et non en fonction de l'organisation. On dit souvent qu'une image vaut mille mots. Je pense que, dans le but de moderniser la machine gouvernementale, l'énoncé de politique a le grand mérite d'enlever des frais afin d'améliorer la performance de cette machine.

Mais, quant à nous, l'énoncé ne donne pas suffisamment de gaz pour atteindre plus rapidement les objectifs poursuivis. De plus, l'énoncé de politique s'annonce aussi comme une approche gouvernementale de la gestion de l'État, mais elle nous apparaît toutefois beaucoup plus sectorielle que globale dans ses moyens. Nous ne trouvons, dans l'énoncé tout comme dans le projet de loi, aucun incitatif favorisant les liens interministériels pouvant permettre plus d'efficience et plus d'efficacité sur le terrain. Nous considérons donc ce nouveau cadre de gestion comme le premier pas – c'est vraiment un pas intéressant – d'une longue démarche, démarche dans laquelle nous nous sommes déjà résolument et concrètement engagés, en Estrie.

Actuellement, il nous apparaît toutefois difficile d'évaluer si les mesures concrètes proposées permettront d'atteindre les résultats escomptés. Nous espérons que les travaux effectués depuis 2 ans en Estrie, qui ont mobilisé la fonction publique régionale malgré toutes les coupures déjà vécues sur le terrain près du citoyen, pourront circonscrire plus rapidement certaines pistes d'action dans la mise en oeuvre de l'énoncé de politique.

Le deuxième point, la recherche de cohérence. M. le Président, les 35 ministères et organismes qui font partie de la CAR et qui oeuvrent sur le territoire de l'Estrie et qui livrent sur le terrain des services aux clients, aux utilisateurs et aux contribuables ont l'intime conviction que la réforme de la gestion gouvernementale et son projet de loi devraient introduire des dimensions intersectorielles et territoriales afin de favoriser en même temps – je dis bien en même temps – la mise en oeuvre de la loi n° 71 et de la politique de soutien au développement local et régional.

Pour nous, M. le Président, l'énoncé de politique sur la gestion gouvernementale et la politique de soutien au développement local et régional ont plusieurs points de convergence. D'une part, tous deux visent l'amélioration des services aux citoyens. D'autre part, tous deux font aussi appel à la notion d'imputabilité avec une plus grande responsabilisation des gestionnaires de l'État. J'espère que ça va se rendre jusque dans les régions du Québec. Et troisièmement, comme troisième point de convergence, tous deux font aussi appel à des planifications stratégiques rendues publiques et à des rapports annuels de gestion visant la reddition de comptes pour tous.

Ces quelques points de convergence, M. le Président – et nous pourrions en citer encore bien d'autres – nous amènent, dans un plus grand souci de cohérence gouvernementale, à recommander au ministre, M. Jacques Léonard, d'inclure dans sa politique de modernisation de l'État des dimensions intersectorielles et territoriales afin de réaliser concrètement et surtout plus rapidement les grands objectifs de sa réforme.

(17 h 10)

Troisième point, le rôle de chacun. M. le Président, l'État québécois mise de plus en plus, depuis les 20 dernières années, sur un partenariat efficace avec ses principaux interlocuteurs socioéconomiques. Un nouveau cadre de la gestion gouvernementale pour de meilleurs services aux citoyens doit prendre en considération une remise en question du rôle de chacun au même titre qu'une remise en question du fonctionnement de l'État, et ça, sur le terrain. Quel est le rôle de chacun?

Il ne faut surtout pas oublier, M. le Président, que, sur le terrain, l'expérience quotidienne nous révèle la nécessité de questionner les rôles et de pratiquer une approche décloisonnée, territoriale et de partenariat si nous voulons diminuer encore plus rapidement les coûts de livraison des services. Pour des services publics mieux gérés, mieux produits et mieux dispensés, pour de meilleurs services aux citoyens, nos travaux nous ont démontré que l'approche strictement sectorielle ou par unité autonome de service ne pourrait faire le voyage très longtemps sur le terrain.

Comme vous le savez tous et toutes, représentant des territoires bien distincts en tant que députés, les besoins de notre société québécoise sont multiples, complexes et nécessitent une adaptation et une souplesse constante de l'ensemble des objectifs gouvernementaux intersectoriels. Pour plus d'efficience et d'efficacité, nous favorisons donc une approche décloisonnée, territoriale et de partenariat, car, pris à la lettre, l'énoncé de politique proposé pourrait très bien accentuer encore davantage l'approche strictement sectorielle, dite de silo.

Quant à nous, dans un contexte où les ressources sont de plus en plus limitées, le gouvernement devrait prévoir dans sa politique et son projet de loi des modalités précises afin de favoriser l'intersectoriel, le décloisonnement et même le partenariat, avec des attentes directes auprès des sous-ministres, par exemple, afin de diminuer les coûts et de maximiser l'utilisation des ressources.

Vous savez, dans certains domaines ou milieux, nous sommes les premiers, nous tous, à valoriser les bienfaits de regroupements, de partenariats, d'ententes de collaboration afin de diminuer les coûts et d'améliorer l'efficacité. Alors, pourquoi ne pas les valoriser et les faciliter dans notre propre machine gouvernementale?

Quatrième point, principes similaires et approches régionales complémentaires. M. le Président, les grands principes qui guident nos travaux depuis les deux dernières années dans la région de l'Estrie sont les mêmes que ceux de l'énoncé de politique qui a été déposé. Et le fondement de ces deux approches complémentaires pourrait se résumer dans quatre énoncés: d'une part, la simplification pour le citoyen; deuxièmement, l'efficience bien sûr pour les contribuables; troisièmement, la cohérence pour tout l'appareil de l'État; et, quatrièmement, la mobilisation pour les employés de l'État.

Actuellement, dans la livraison de services du gouvernement, il n'y a absolument rien de simple. Le citoyen, lui, et le contribuable veulent traiter avec le gouvernement et non pas 35 silos. Pour lui, il s'adresse au gouvernement. Donc, pour y arriver, à ces énoncés de simplification, d'efficience, de cohérence et de mobilisation, nous proposons de faire des regroupements fonctionnels pour atteindre plus d'efficience et de diminuer les coûts, de faire une utilisation optimale des ressources, de maintenir des services de haute qualité. Mais, pour cela, il faut maintenir des masses critiques suffisantes dans les régions du Québec, il faut simplifier aussi le contact avec le citoyen et enfin aller jusqu'à partager des locaux.

Nous convenons tous avec vous que l'on ne peut réaliser ce programme rapidement et à la grandeur du Québec. C'est pourquoi, M. le Président, la Conférence administrative régionale de l'Estrie vous offre sa mobilisation régionale et son territoire comme laboratoire et expérience-pilote. Nous sommes prêts à relever le défi d'un contrat de performance régionale. Merci, M. le Président, pour votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le président. Nous allons donc passer à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Léonard: Oui, merci, M. le Président. M. Deland, M. le président de la CAR de l'Estrie, et ceux qui l'accompagnent, d'abord, merci pour votre exposé, votre mémoire. Je sais qu'il a été analysé en profondeur au Secrétariat, parce que vous n'en avez fait qu'un résumé. C'est une dimension très importante, et je sais le rôle de coordination que jouent les conférences administratives régionales.

Je vais poser des questions. Je sais que de mes collègues veulent en poser plus particulièrement. Ils sont très intéressés à cette question. Moi, j'en ai une, qui n'est pas juste une question de principe, mais, quand même, qui touche au fonctionnement général.

Nous avons actuellement investi beaucoup dans des technologies d'information et nous allons le faire de sorte que le citoyen sera amené à traiter plus directement avec l'État, même si c'est en silo. Mais ça poserait aussi la coordination au central, ça pose cette question au central. Vous la posez au plan administratif régional.

Il reste une question. La ligne d'autorité, dans un ministère – parce que l'État est quand même organisé avec des fonctions – elle est très nette, puis je ne pense pas qu'on puisse y échapper si facilement. Comment vous allez la solutionner ou comment vous la solutionnez de façon importante? Je ne dis pas juste sur des questions de détails, sur des poignées de porte, mais sur des questions importantes. Comment on va solutionner la question de la ligne d'autorité? Puis comment expliquer qu'il y a une imputabilité horizontale plutôt que verticale, en ce qui concerne la relation de l'Assemblée nationale avec l'Exécutif et avec la configuration de nos ministères?

M. Deland (Pierre): J'aimerais vous répondre avec deux exemples, et mes collègues pourront compléter. On a un projet de géomatique. On a un comité de travail, au niveau de la CAR, en géomatique. Bien sûr que la ligne d'autorité, quant à moi, vient directement des ministres qui sont élus par la population du Québec.

M. Léonard: Oui, par le sous-ministre. C'est ça, c'est correct.

M. Deland (Pierre): Ça, on ne remet pas ça en question, d'une part. O.K.? Ça, ce n'est jamais remis en question. Mais, administrativement, quand on a un dossier de géomatique et un projet plus particulier même, la gestion du bassin de l'eau de la rivière Saint-François pour notre territoire, il n'y a pas un ministère qui a le même logiciel ou à peu près les mêmes données. Il n'y a aucune cohérence au niveau de l'arrimage et de l'entrée des données, vous savez. Et ça, malgré une volonté régionale de le faire, on a un problème technique, d'une part, et on a un problème aussi de chasse gardée. Le principal problème qu'on a rencontré depuis le début, M. le ministre, avec le projet de réorganisation des services gouvernementaux, c'est la chasse gardée: on veut garder ses petites données chacun chez soi. Alors, pour moi, la ligne d'autorité n'est absolument pas remise en cause lorsqu'on aborde des dossiers comme ça. L'autre exemple...

M. Léonard: Là, vous êtes au plan opérationnel.

(17 h 20)

M. Deland (Pierre): C'est opérationnel. L'autre exemple – là, je monte d'un cran – nous venons de signer la première entente-cadre de deuxième génération dans la région de l'Estrie. Et on a même modifié un peu le cheminement traditionnel de l'acceptation de ces ententes-cadres de la façon suivante. J'ai proposé à mes directeurs: Écoutez, on a une planification stratégique du CRD? Nous avons un avis de CAR à donner. Chacun des ministères concernés avait un avis à apporter sur la planification stratégique.

Auparavant, on s'en allait à Québec avec ça, on avait un comité des sous-ministres adjoints, des sous-ministres, etc. J'ai responsabilisé mes directeurs régionaux, je leur ai demandé s'ils étaient d'accord pour responsabiliser leurs parties, et ils ont été tous d'accord pour dire: L'avis que je vais te transmettre, il va être validé par le central. Alors, la ligne d'autorité, elle peut se faire facilement quand les responsabilités sont prises à la bonne place et que le rôle de chacun, je pense, est bien clair. Je ne sais pas si...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest, en complément de réponse?

M. Léonard: M. Plamondon...

M. Plamondon (Jacques): Simplement pour peut-être donner une idée du type d'imputabilité auquel on pense et qui rejoint vos préoccupations, on peut voir l'imputabilité à la mode verticale, et ça, c'est celle à laquelle vous avez fait allusion, c'est-à-dire les ministères qui reçoivent des budgets et qui reçoivent des tâches et des objectifs. Et ça, c'est très bien. Et je pense qu'en Estrie je n'ai pas entendu qu'on remette ça en question.

Il pourrait y avoir une deuxième sorte d'attente qui pourrait être signifiée aux gestionnaires en région et qui serait de nature horizontale. Alors, non seulement vous avez comme objectif de réaliser des normes qui sont acceptables aux yeux de l'appareil central, mais vous avez aussi des objectifs dans la manière de livrer votre service et qui sont, ces objectifs-là, de nature plus horizontale, c'est-à-dire de le faire en concertation avec vos collègues.

M. Léonard: Juste une chose. On a un peu changé de vocabulaire. Là, on a parlé d'attente signifiée. Là, vous avez dit: Sur le plan horizontal, ce serait des attentes signifiées, alors que, par ailleurs, le principe d'imputabilité verticale jouerait pleinement. C'est ça? Je comprends?

M. Plamondon (Jacques): Oui.

M. Léonard: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, M. le Président, je voudrais saluer M. Deland, M. Tremblay ainsi que M. Plamondon. J'ai la chance d'en connaître deux très bien depuis de longues années. J'ai écouté attentivement votre mémoire, j'ai surtout lu le mémoire et pris connaissance des documents en annexe, qui sont peut-être plus révélateurs de ce qui se passe chez vous, de ce que vous voulez faire. Et on comprend un peu mieux, pour celles et ceux qui ont eu l'occasion d'aller vous voir en région, l'Estrie a toujours été une espèce de laboratoire un peu distinct des autres pour toutes sortes de raisons. Et, quand vous dites: L'énergie créatrice au service du citoyen et qu'on regarde un peu ce que vous avez publié, ce que vous avez fait depuis deux ans, on comprend un peu ce que ça signifie.

En préambule, dans vos documents en annexe, quand vous dites: La démarche régionale de l'Estrie, c'est simplement vouloir une valorisation du service à la clientèle, une gestion par résultat, une reconnaissance de la performance, la marge de manoeuvre pour favoriser le dépassement, la revalorisation puis la reddition des comptes, on ne peut pas être contre des objectifs comme ça. C'est des objectifs qui sont complètement intégrés au nouveau cadre de référence que vous avez salué abondamment avec beaucoup d'enthousiasme. Puis vous parlez du premier pas d'une longue démarche, et ainsi de suite.

J'aurais trois, quatre questions, mais qui sont des questions découlantes, dépendamment des réponses, mais pour essayer de suivre une trame que je ne voudrais pas perdre. Vous dites, depuis deux ans, que vous avez fait un cheminement régional particulier. Les documents l'attestent. Ma première question, c'est: Pourquoi vous avez conclu à la nécessité de faire cette démarche? Qu'est-ce qui vous a motivés à faire la démarche, premièrement? Puis, deuxièmement, est-ce que vous avez identifié des pistes – je pense que vous avez commencé à en donner un exemple, mais est-ce qu'il y en d'autres – d'actions concrètes sur lesquelles vous aimeriez rapidement avoir les outils pour travailler afin de rencontrer les objectifs du cadre de gestion puis qui sont également reprises dans votre démarche régionale? Première question.

M. Deland (Pierre): Alors, pourquoi nous nous sommes embarqués là-dedans? Comme je le soulignais tout à l'heure, en 1997, la CAR a formé un comité pour se pencher sur la réorganisation des services. Vous savez, le ministère des Régions, dans sa politique de développement local et régional, quant à moi, a deux grands volets: l'aspect de développement pour signer des ententes avec les milieux régionaux, des ententes de développement; et l'autre volet, c'est la livraison des services, la réorganisation des services. La première chose qu'on a faite, c'est d'élargir la CAR à 35.

M. Gendron: J'ai vu ça.

M. Deland (Pierre): On était une douzaine qui s'occupaient du développement régional auparavant: agriculture, transport, forêt, etc. On était limités en groupes spécialisés pour le développement. On a élargi ça au 35. Pourquoi? Parce que, là, on touche l'ensemble des services qu'on doit livrer sur le terrain. Et, dans notre définition de cadre de référence, c'est là qu'on a établi les principes que, nous, on était prêts à défendre dans la livraison de services.

Et, quand le Vérificateur général a cité ça en exemple comme une initiative extraordinaire, alors que, nous, on pensait avoir levé seulement le coin d'une petite couverte, on s'est dit: Il y a quelque chose à faire là. Et j'ai proposé à mes collègues: Est-ce que vous êtes prêts à embarquer? On se lance dans une opération, on va faire vraiment des recommandations par le bas, alors que les choses viennent toujours d'en haut.

Et c'est là qu'on a lancé l'opération Prospective 2010, Réorganisation des services, Prospective 2010. Pourquoi 2010? C'est qu'on ne souhaitait pas réorganiser les services pour demain matin, pour l'an prochain ou deux ans, mais avoir le nez en dehors de l'eau, regarder dans 10 ans, les régions, qu'est-ce qui va se passer. La région de M. le ministre va augmenter de plus de 40 % de population dans 10, 15 ans, alors que la Gaspésie, les Îles vont baisser de 25 %. On ne réorganise pas les services de façon uniforme et de façon mur à mur avec des réalités différentes. Alors, c'est pour ça qu'on s'est embarqués dans cette opération.

M. Gendron: Et les cibles, rapidement, les cibles d'action concrète autres que la géomatique.

M. Tremblay (Jacques): On pourrait en parler, de ça.

M. Gendron: Mais très rapidement parce qu'on va manquer de temps, puis j'en ai trois autres.

M. Tremblay (Jacques): O.K. Bien, des cibles, il y en a plusieurs. Bon, très simplement, pour les citoyens qui se présentent à l'édifice administratif, créer un guichet d'accueil pour les gens. Il y a des économies à faire, ça démêle les gens, ça simplifie les services. On en a d'autres aussi, en termes... Prenez, moi, à la Société de l'assurance automobile, mon support administratif et en personnel est à Montréal. Alors, quand on parle d'efficience, si j'ai un concours de recrutement à faire, je dois aller à Montréal, ça prend quatre heures pour faire le concours puis ça prend trois heures pour se rendre, si j'avais ces services-là en région... Il y a une bonne efficience, là, c'est très bien fait, c'est efficace. Mais l'efficience, c'est de le faire au plus proche.

Il y en a d'autres aussi. Imaginez, des fois, on a constaté qu'il y a trois ministères qui n'ont pas la même définition d'un ruisseau qui passe sur un lot. Alors, il y a peut-être moyen de s'asseoir puis de regarder pour harmoniser ça. On a constaté aussi, en discutant avec les gens des ministères...

Une voix: ...

M. Tremblay (Jacques): Voulez-vous que je vous en nomme d'autres?

M. Gendron: Non, non, non. Le musée des horreurs, après 23 ans, là, je le connais pas mal.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Jacques): On a un document, là, il y en a quelques-uns là-dedans.

M. Deland (Pierre): C'est plein d'idées qui ont été émises par nos gens sur le terrain, professionnels, agents de bureau, secrétaires. C'est des idées pour améliorer le service dans leur domaine.

M. Gendron: M. Deland, j'ai eu l'occasion d'en discuter puis d'en prendre connaissance. Effectivement, il y a une mine de renseignements extraordinaires. Mais la deuxième question qui donne suite à la première, c'est... C'est très intéressant ce que vous voulez faire, il n'y a personne qui est en désaccord, d'après moi, avec ce que vous voulez faire et ce que vous avez fait. La question qui vient, c'est: Qu'est-ce qui vous empêche de faire ce que vous voulez faire? C'est quoi qui vous empêche de faire un certain nombre de choses concrètes qui permettraient d'atteindre les cinq, six objectifs visés par le grand cadre de gestion?

M. Deland (Pierre): Il y en a une foule, d'enfarges.

M. Gendron: Oui.

(17 h 30)

M. Deland (Pierre): On va vous en citer seulement quelques-unes. Moi, si je veux abattre le mur en arrière de mon bureau – c'est ma collègue du ministère de l'Industrie et du Commerce qui est juste en arrière – pour dire: On met nos effectifs en commun... Faites ça, là, avec la Société immobilière du Québec, O.K., puis rapidement, O.K. D'ailleurs, on a déjà écrit au Conseil...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Deland (Pierre): Oui, parce que, M. le ministre, vous conviendrez avec moi que, dès qu'on parle de réorganisation de services, bien, c'est des ressources qui se déplacent, c'est des murs qui s'abattent, c'est une collaboration qui se crée, c'est un interministériel puis une dynamique différente qui se créent, et ça, bien, on fait face à une délégation de pouvoirs qui varient d'un ministère à l'autre. On fait face à des baux qui sont complètement différents, on fait face à des territoires qui ne sont même pas harmonisés, on fait face à des coûts de transition puis d'aménagement puis là on se demande: Qui paie la note? On fait face à des cultures ministérielles... puis Dieu sait comme on a des affaires d'horreur, là, qu'on ne vous partagera pas ici aujourd'hui mais dont on pourrait discuter.

Une voix: C'est mieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Oh! les appétits de l'opposition, là. Vous irez à la bibliothèque. Ha, ha, ha!

M. Deland (Pierre): Et ça, en plus de toutes les enfarges budgétaires que vous pouvez imaginer. Alors, bien sûr que... Je pense que la clé de ça, c'est, quant à moi, la responsabilisation des gens en région.

M. Gendron: Très bien. Troisièmement, vous dites: Supposons qu'il y aurait un gestionnaire qui serait très attentif à vos propos puis qui se défoncerait pour éliminer un certain nombre de contraintes puis de barrières. Alors, on fait l'hypothèse qu'il y en a moins. En quoi, concrètement, vous avez la garantie que le citoyen est mieux servi et que ça a vraiment un impact sur ce que vous me dites, que je crois, moi, sincèrement? Une des meilleures façons de responsabiliser les fonctionnaires, c'est de les rendre imputables et responsables, mais ne pas constater, à chaque jour, comment ils ont les mains attachées puis ils ne peuvent pas rien faire, selon eux autres, d'intelligent par rapport à ce qu'ils veulent faire, puis ils sont toujours devant une contrainte qui est soit dispendieuse, soit illogique avec leur cadre de référence, puis ils disent: C'est là-dedans qu'ils veulent que j'opère. Alors, ce n'est pas très motivant.

M. Deland (Pierre): Je voulais demander à mon collègue de donner un exemple, mais je vais partir puis il va renchérir.

M. Gendron: Vous allez où, vous, là?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Deland (Pierre): Comment servir de façon plus efficace le citoyen? Je donne un exemple bien précis sur mon étage, dans l'édifice gouvernemental, à Sherbrooke. Si on regroupe quatre unités – nous autres, on est sept maximum dans le bureau; il y a d'autres unités; on est les plus nombreux, je pense – si on en réunit quatre... c'est-à-dire que, lorsque la personne sort de l'ascenseur au quatrième, elle a quelqu'un à l'accueil. Vous voulez voir M. Untel ou Mme Unetelle, elle vous dirige. On n'a pas quatre réceptionnistes à l'accueil, on a une personne. Ça simplifie pour le citoyen, d'une part. Il s'adresse à quelqu'un, on lui répond tout de suite: Oui, on vous amène à tel endroit. On parlait de simplification, c'en est une.

Deuxièmement, l'efficience pour le contribuable, ça diminue les coûts. Ils sont là-bas, les murs, puis on met en commun les ressources de toutes sortes; ça diminue les coûts. Ça améliore la cohérence. On a de plus en plus, dans la région, des prêts de services, même de ressources. Une secrétaire qui part de Communication-Québec et qui s'en va travailler au MAM six mois, puis qui revient, ça investit les gens, ça les redynamise, ça leur crée un nouveau réseau, ça élargit les horizons. Et, bien sûr, la clé de ça, c'est: Ça mobilise notre personnel, parce qu'il sent qu'il peut faire quelque chose, lui, pour le citoyen.

M. Gendron: Donc, on sent, M. Deland, que, si on veut faire ça puis arriver à atteindre vos objectifs, ça suppose pas mal plus d'assouplissement qu'on en connaît à l'embauche, dans les systèmes de recrutement. Ça veut dire améliorer les systèmes de promotion. Avez-vous des idées comment on réussit à faire ça en termes d'assouplissement de règles, embauche, promotion, recrutement? Avec le modèle qu'on connaît, d'après moi, ce n'est pas possible. Comment vous pourriez réaliser ça? Puis c'est probablement de là – parce que je veux brûler aussi ma dernière question – que vous souhaitiez vivre une espèce de période-pilote ou région-pilote qui pourrait tester un peu le modèle des objectifs proposés dans la réforme du gouvernement, afin qu'on puisse regarder concrètement, on va appeler ça les «bogues» que ça pourrait créer et, éventuellement, arriver avec des correctifs un peu plus adaptés et concrets afin d'exporter ça un peu plus tard à tout le Québec.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest, je vous suggérerais de poser votre dernière question.

M. Gendron: C'est fait.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est fait? Bon, O.K.

M. Deland (Pierre): Au niveau des ressources humaines, il y a quatre ministères, des gros. Vous savez, 60 % de la fonction publique de notre territoire, 1 050 et quelques, sont réunis dans six organisations. Il faudrait prendre conscience de ça, là. Puis c'est partout dans vos territoires, à peu près la même chose.

Quand on parlait de masse critique tantôt, c'est pour ça qu'il faut mixer les services et développer l'interministériel, sans ça, on n'aura jamais une masse critique suffisante pour maintenir la qualité des services sur le territoire. Et quand mon ami, qui va à Montréal pour son concours, aurait pu, dans la même bâtisse que la mienne, avoir recours à une ressource spécialisée en ressources humaines d'un autre ministère, mais en région, pour l'aider à préparer son concours... Donc, la réponse que je vous donne, c'est qu'on a plusieurs projets pour regrouper des ressources qui sont réparties dans plusieurs ministères.

En communication, pourquoi les gens en communication, les cinq qu'on a dans l'Estrie, ne pourraient pas offrir le service de communiqué de presse aux 35, O.K., plutôt que les professionnels, qui ne sont pas spécialisés, se tapent ça, là, une heure de temps? Eux autres, ils font ça les deux doigts dans le nez – permettez-moi l'expression. En ressources humaines, la même chose. On a les gros ministères qui ont des ressources pour ça, il s'agit de les mettre à contribution aux autres. C'est comme si on était 35 industries, 35 entreprises différentes, dans la région de l'Estrie, pour livrer des services, alors que... on a, il me semble, une identification corporative, mais on ne s'en sert pas, on ne s'en sert jamais. Puis c'est des choses, M. le député, tellement simples. Ça, c'est le gros bon sens dont on vous parle. Mais, si on vous parlait d'où on veut aller, là vous seriez bien assis, certain.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, on aura peut-être l'occasion de vous entendre là-dessus. On passe maintenant aux échanges avec les représentants de l'opposition. M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, M. Deland, pour votre présentation, pour votre mémoire fort intéressant. Vos commentaires semblent indiquer qu'il y a quand même toute une série de mesures sur le plan de ce que vous appelez la collaboration interministérielle, fort simple en apparence, qui, il me semble, pourraient s'accomplir sans nécessairement attendre la réforme du cadre de gestion actuelle. Enfin, pour quelqu'un qui ne connaît peut-être pas...

Une voix: ...

M. Marcoux: Pardon?

Une voix: ...

M. Marcoux: Oui, mais écoutez, tout ce qu'il y a... En fait, lorsqu'on parle, c'est le simple bon sens que d'avoir un fonctionnaire d'un ministère qui peut rendre des services à l'autre situé dans le même édifice. Alors, premièrement, ma question, c'est: Il me semble que ça pourrait se faire même sans attendre cette réforme qu'on est en train de faire, premièrement. Deuxièmement, en quoi, l'autre revers de la question, le plan qui est proposé, l'énoncé de politique, permettrait de mieux arriver à cet objectif que vous poursuivez?

(17 h 40)

M. Deland (Pierre): Actuellement, on est obligé d'attendre, d'une part – je vais dire ce que je pense – que les sous-ministres des organisations gouvernementales, actuellement, s'approprient toute la responsabilité que l'énoncé de politique de M. Léonard veut leur donner, et avec des objectifs de résultat et une responsabilité accrue qui, nous espérons, va être partagée à des paliers inférieurs. Sans ça, ça ne sert à rien d'institutionnaliser des conseils du trésor au niveau de chacun des bureaux des sous-ministres. On se comprend? Alors, pour moi, je me dis: Dès que les sous-ministres en titre auront vraiment approprié tout ça, je pense que ça va vraiment être l'élément déclencheur pour faciliter par la suite et ouvrir vers une responsabilité accrue, mais ça, toujours s'ils acceptent de descendre les responsabilités en région. L'énoncé de politique, pour nous, donne cette possibilité-là. Mais autant nos sous-ministres, autant nos sous-ministres adjoints à qui je m'adressais en mai, autant nos directeurs régionaux que nos fonctionnaires en région vivent depuis les 50 dernières années dans un cadre où tout est régi avec des mécanismes assez bien définis. Et on dirait que, dans l'appareil gouvernemental actuellement, la performance minimale est institutionnalisée. Et là je m'explique.

On a organisé un forum de la fonction publique l'année passée dans la région, 268 personnes sont venues, et on a organisé ça pour les mobiliser et les motiver parce qu'on sentait qu'avec les coupures budgétaires, les coupures de ressources, les départs assistés, il n'y avait plus d'ancrage. Alors, à la CAR, on a dit: On mobilise nos troupes puis on organise un forum. Parce qu'on se disait: Quel est le fonctionnaire qui va se vanter, à Noël, d'être un fonctionnaire du gouvernement du Québec? On l'a déjà dit hier, quelqu'un l'a dit; nous, c'est exactement ça qu'on avait comme prémisse: Il faut changer ça.

Et on a tracé un portrait de la fonction publique. On voulait leur démontrer qu'ils font partie d'une gang, premièrement, un sentiment d'appartenance à une gang, et, deuxièmement, qu'ils étaient des citoyens à part entière. On leur a démontré qu'il y avait 3 % des 1 050 qui étaient des élus; de plus, 50 % aussi qui étaient impliqués dans leur milieu à toutes sortes de... Alors, je pense que, avec un sentiment d'appartenance, avec une mobilisation, on peut aller chercher la créativité, on peut aller chercher l'innovation dans nos ressources qui sont, quant à moi... Vous savez, juste avec l'opération qu'on a faite dans un petit groupe, une petite région du Québec, on s'est rendu compte que, dès que les gens sentaient qu'ils pouvaient apporter quelque chose à l'opération, c'est là qu'ils s'impliquaient.

Et on dirige actuellement comme si on était en monomoteur. On a un petit moteur, petite vitesse, basse altitude et on ne veut pas perdre le contrôle, O.K.? Alors que, si on mettait toute l'énergie de nos ressources... je vous ai rappelé: 16 ans d'expérience, 44 ans. Les gens, ce n'est pas les premiers venus. Ils connaissent leur territoire comme ils connaissent leur paroisse. Ils connaissent la problématique. C'est pour ça qu'on disait que la CAR dans vos régions au Québec, c'est votre, vraiment, firme de consultants la plus spécialisée. Mais il faut les responsabiliser, ces gens-là. Si on leur dit juste: Tout se prend à Québec... ils vont faire l'analyse, ils vont se détacher, aussitôt que le papier est parti, c'est fini. Alors, je pense que l'élément majeur qu'il faut, c'est de responsabiliser nos gens.

M. Marcoux: Donc, ça veut dire, selon vous, qu'il faut renforcer le rôle de la Conférence administrative régionale et, hier, l'Association des régions du Québec proposait cette orientation-là, donner plus de pouvoirs aux directeurs généraux, bien que ça pose le problème évidemment de la responsabilité sectorielle versus horizontale. Je pense que ça, ça demeure entier. Est-ce que ce sont des changements, ça, qui seraient essentiels pour atteindre les objectifs que vous mentionnez?

M. Deland (Pierre): Changements essentiels et faciles aussi à réaliser. Vous aviez une préoccupation, M. le ministre, hier: C'est quoi, l'imputabilité sectorielle versus horizontale? Quand on définit des attentes signifiées à quelqu'un, comme à M. Tremblay ici, son sous-ministre pourrait très bien dire: J'ai quatre attentes signifiées pour toi qui sont vraiment pour mon organisation; c'est ça que j'attends de toi. Mais, si on bonifie et si on veut donner un sens aux conférences administratives régionales et favoriser l'interministériel, on va aussi obliger les sous-ministres à donner des attentes horizontales, favoriser l'interministériel, que ce soit par les CAR, que ce soit même au niveau du Québec, là. À Québec, ici, c'est la grosse CAR, hein, et ça ne va pas mieux. C'est aussi... ici que dans les régions. Alors, c'est exactement la même chose. Et, avec des attentes signifiées sectorielles et deux, disons, horizontales, s'impliquer au niveau de la CAR, aller dans tel type de projet puis avoir des attentes et des résultats à livrer, je pense qu'on commence à avoir cette complémentarité sectorielle de territoire. M. Tremblay.

M. Tremblay (Jacques): Oui, juste pour vous donner un exemple. Je lisais récemment dans Internet que l'Angleterre en particulier est en train de développer quelque chose à ce niveau-là. Ils ont mis sur pied une espèce d'organisme qui investit de l'argent pour des initiatives interministérielles qui se font sur le terrain, dans les régions. Alors, on a entendu un peu plus tôt parler de prime ou de boni au rendement, des choses comme ça. Alors, si on fait des initiatives en région qui ont pour effet de rendre le service plus efficace, plus efficient, de simplifier, que le citoyen se retrouve plus facilement et soit mieux servi, pourquoi pas donner ça?

Moi, dans mon organisation, présentement, je travaille, je vous dirais, 90 % de mon temps pour mon organisation et 10 % avec M. Deland au niveau de ça. Quand j'en ai parlé à mon patron, qui est ici à Québec, qui est vice-président, il a dit: Écoute, fait ça, là, pas de problème. Mais il a dit: Il ne faudrait pas que ça nuise à ton travail. C'est vu un peu comme ça, là, le travail qu'on fait. Alors, si on avait une attente horizontale, que chaque organisation l'aurait, bien, à ce moment-là, ce serait valorisé. Vous savez, moi, dans mon évaluation de performance, M. Deland m'a envoyé une belle lettre. On a fait un beau travail, on est ici aujourd'hui. Mon boss a dit: Oui, c'est l'fun. Mais je n'avais pas d'attente là-dessus, je n'avais pas de... Donc, ce n'est pas valorisant.

Je peux vous parler d'une autre expérience aussi qu'un de mes collègues, directeur régional, a vécu. Quelque part, vous savez, dans le mois de février, mars, il a reçu un montant d'argent pour acheter une table traçante pour faire de la géomatique. C'est un investissement de 12 000 $. Il restait un peu de budget, ils ont dit: On va doter les régions, ils font de la géomatique. Mais, un étage plus haut, il y a un autre ministère qui est là, tout aussi gros que le sien, qui a une table traçante. Alors, lui, il se dit: Moi, pourquoi j'achèterais une table traçante? il y en a une en haut, j'ai juste à me brancher. Vous n'avez pas idée des problèmes qu'il y a eu pour se brancher parce que, là, il s'est buté à toute la machine. Puis ce n'est pas nouveau, ça existe depuis des années. Ce que je vous parle, c'est là, mais ça fait 15 ans que je suis au gouvernement, je pourrais vous parler de voilà 10 ans: il y en a, il y en a, il y en a. Finalement, il a réussi à la mettre, mais un peu par en dessous. Puis il n'a pas été valorisé. Il a perdu son 12 000 $; il voulait acheter d'autre chose avec, il n'a pas pu. Bref, une belle initiative comme ça, finalement ça n'a pas été valorisé. Au contraire, son boss lui a dit: Là, toi, calme-toi, là; notre policier d'informatique, il est sur le nerf; j'ai le sous-ministre; puis ça ne finit plus; puis là ils vont venir dans nos systèmes puis ils ne connaissent pas ça. Puis, tu sais, c'est vraiment là... c'est difficile. On se bat contre des boîtes, des gardiens de l'intégrité de l'informatique, puis il y en a dans toutes les domaines.

M. Marcoux: Mais, si on s'inscrit dans l'orientation de l'énoncé de politique et si on poursuit jusqu'à l'étape des contrats de performance et d'imputabilité, il semble que ces contrats s'inscrivent davantage dans une perspective sectorielle plutôt qu'horizontale. Donc, comment ça va aider sur le plan régional? Si ces contrats s'inscrivent aussi dans une perspective sectorielle, est-ce que ça n'éclatera pas non plus au niveau régional? Ça va être difficile de pouvoir le faire, premièrement?

(17 h 50)

Deuxièmement, tantôt vous parliez de performance sur le plan régional. Dans ce contexte-là, comment on peut définir des critères de performance sur le plan régional? Et je lisais, simplement pour aider à comprendre... par exemple, dans votre annexe, vous parlez des services publics gouvernementaux et vous dites: des réalisations performantes. Et là on donne, bon, le ministère des Affaires municipales, 20 000 000 $ aux municipalités; les assurances agricoles, on a payé pour tant d'animaux. Est-ce que c'est ça qui serait des critères de performance? J'imagine que non, ce serait différent. Mais pourriez-vous peut-être élaborer un peu là-dessus? Et je souscris entièrement à votre objectif, vous pouvez le croire, de simplifier tout ça au niveau régional, ça, là, comme tout le monde, je pense.

M. Deland (Pierre): Bien, vous savez, il y a deux choses. Oui, on pourrait envisager comme hypothèse de tenter de faire une unité territoriale de service plutôt qu'une unité régionale de service. Mais, vous savez, il va falloir qu'on donne carte blanche, à un moment donné, à des gens en dehors des moments de crise. Moi, je connais deux de mes collègues qui ont eu carte blanche quand il y a eu l'inondation au Saguenay–Lac-Saint-Jean. En dedans de 24 heures, ils avaient toute latitude: Tu as un problème, règle-le. Puis ils faisaient affaire avec les ministères, les organisations, tout ça. Et, dans le quotidien, pour la livraison de services aux citoyens, on ne prend pas ces moyens-là, on ne fait plus confiance – c'est une question de confiance, tant qu'à moi – et les conférences administratives régionales qui auraient des mandats clairs de latitude, vous ne pouvez pas vous imaginer tout ce qui pourrait se sortir de là. Dites-leur seulement: La moitié des économies que vous allez faire, ça va rester dans la région, et vous allez voir ça que le reste va aller dans les poches de M. Léonard.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Deland (Pierre): Hein, le reste irait au fonds consolidé, O.K.? Mais, si on veut stimuler, si on veut encourager les gens, il faut que ça donne quelque chose à la région. Puis, en disant ça, on va être surveillé par les gens, le citoyen de la place aussi. Si on réorganise quelque chose, puis ça commence à chialer, on va leur dire: Écoutez, avec les économies qu'on va faire ici, on va pouvoir répondre à d'autres besoins là, c'est pour notre territoire puis c'est là. En tout cas, on est convaincu qu'on pourrait tenter quelque chose, il s'agirait de vouloir le faire.

L'autre chose, les critères de performance. Je pense que des critères de performance dans plusieurs domaines, que ce soit la Société de l'assurance auto, dépendamment des besoins de la population, du nombre de permis qu'ils ont à donner... ils ont des ressources, ils ont des budgets, et voilà: Tu as ça cette année, puis il faut que tu sortes tant. On a des choses, des secteurs où ça se quantifie bien. Dans d'autres, et je vous donne l'exemple... On a, vendredi, une conférence administrative, justement, où le directeur général du CRD vient déposer un document d'à peu près 25 pages où sont listés des critères de performance. Je vous disais tantôt qu'on est la première entente-cadre de la nouvelle génération, ils nous font des propositions de critères de performance pour qu'annuellement on puisse évaluer les priorités qu'on a retenues dans l'entente-cadre ainsi que les axes de développement. Puis, pour chacune des priorités, on a 10, 15, 20...

Vous savez, je donne un exemple pour que ça porte image. Le décrochage scolaire, on veut faire quelque chose de particulier là-dedans. Alors, on a une douzaine de critères pour évaluer si, à partir de cette année et par rapport à l'an... si on a amélioré la situation. Puis, à la rencontre annuelle de concertation l'an prochain, on va s'entendre avec nos partenaires du milieu et les partenaires du gouvernement, bien sûr, qui sont associés, pour rectifier le tir s'il y a des difficultés rencontrées dans tel ou tel... Vous savez, les critères de performance, je pense que les unités autonomes de service ont eu beaucoup de difficultés au début parce qu'elles n'étaient pas équipées justement pour évaluer les résultats de façon précise. Alors, on a déjà contacté les gens qui ont imaginé les unités autonomes de service pour qu'ils s'associent à notre démarche, pour essayer de regarder qu'est-ce qu'on pourrait faire comme unité régionale ou territoriale de service. Et je suis sûr qu'ils pourraient nous donner d'excellents conseils avec tout le bagage qu'ils ont depuis les six dernières années. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Juste une question: C'est quoi, le lien entre la CAR et le citoyen, juste concrètement pour évaluer les changements que vous êtes en train de faire? Comment est-ce que la voix du citoyen est entendue à l'intérieur d'une CAR?

M. Deland (Pierre): La CAR, c'est comme le conseil d'administration de Bombardier. Le citoyen, il n'arrive pas là direct, il arrive au département, je ne sais pas, du marketing, ou des ventes, ou de la production. Je pense que le citoyen est touché par des secteurs particuliers, par les routes, agriculture, forêt. Il est touché par ces composantes qui doivent lui livrer des services, O.K.? Et c'est là qu'on retrouve finalement l'ensemble des responsables régionaux pour livrer les services aux citoyens. Et bien sûr que la CAR, pour M. et Mme Tout-le-Monde, c'est rien, là. C'est un outil que le gouvernement, je dis bien, devrait se donner et améliorer pour justement favoriser l'amélioration et le maintien de la qualité des services dans les régions.

M. Kelley: Oui, ça, je comprends, mais, tôt ou tard, il faut avoir un certain son de cloche de la clientèle pour tester vos résultats.

M. Deland (Pierre): Ah! bien oui. Bien, je comprends.

M. Kelley: Je comprends fort bien c'est quoi, une CAR.

M. Deland (Pierre): Bien oui.

M. Kelley: Mais, dans vos réflexions, comment est-ce qu'au bout de la ligne les gens de Sherbrooke, les gens de l'Estrie... est-ce qu'on a envisagé les moyens de voir les taux de satisfaction, les améliorations? Les objectifs sont très louables, je ne les remets pas en question, mais est-ce qu'on un moyen pour les tester après, pour les mesurer?

M. Tremblay (Jacques): Je vais vous répondre, M. le député. Je vais faire une analogie pour bien comprendre. Quand vous allez à la banque, au guichet automatique ou voir une caissière, vous avez une interface avec la caissière, ou avec le téléphone si le guichet ne marche pas, mais vous avez une interface donc avec elle, et vous n'êtes pas intéressé de savoir comment le conseil d'administration travaille, comment le directeur de la caisse gère ses affaires. La seule affaire, c'est que, si vous n'êtes pas satisfait, parce qu'il y a 12 personnes dans la file qui... vous êtes le douzième qui attendez, puis il y a deux caissières, puis il y en a cinq en arrière qui brassent des papiers parce qu'elles s'occupent des papiers du guichet automatique, bien là vous allez peut-être vous lever puis dire: Aïe! c'est qui, le gérant, ici? puis vous allez brasser. Alors, la CAR est comme en arrière. Puis ce dont on vous parle là, les gens, la plupart des gens, l'histoire de mon fil de table traçante, les gens ne savent pas ça, heureusement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Jacques): Les gens ne savent pas ça. Tout ce qu'ils ont, c'est le service.

Je vais vous donner un exemple chez nous. Nous, on a le bureau des plaques, les permis de conduire, alors on a une interface avec les clients importante. On a des cartes-commentaires, on fait des sondages, on essaie de savoir exactement comment on est perçu. On analyse les cartes-commentaires, on appelle les clients qui mettent leur nom, on répond à des plaintes, il y en a. Puis, ça, à la CAR, on en parle de ces sujets-là, parce que, depuis que la CAR a été élargie, on a un volet, si on veut, de dispense des services à la population qui a débouché sur ça. Mais, dans les réflexions qu'on a faites qui supportent ça, on a vraiment échangé puis discuté de valeurs de base, de choses importantes qui touchent au service à la clientèle. Alors, c'est un souci très très important pour les directeurs régionaux et les directrices régionales qui siègent autour de la table.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, je pense que nous en sommes au moment de remercier nos invités de la Conférence administrative régionale de l'Estrie, notamment son président, Pierre Deland, pour votre contribution, tout le monde, à nos travaux. Et j'ajourne les travaux jusqu'à demain, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 18 heures)


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