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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Thursday, September 23, 1999 - Vol. 36 N° 3

Consultation générale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Roger Bertrand, président
M. Jacques Léonard
M. Michel Côté
Mme Rita Dionne-Marsolais
M. Yvon Marcoux
M. Henri-François Gautrin
M. François Gendron
M. Jean-Guy Paré
M. Jacques Chagnon
*Mme Clairandrée Cauchy, CPJ
*M. Sylvain Gendron, idem
*M. Rosaire Ouellet, idem et GRAEP
*M. Jean-Guy Tessier, Groupe des responsables des unités autonomes de service
*M. Michel Gagnon, idem
*M. Jean-Louis Caty, idem
*M. André Viel, GRAEP
*M. Roch Turcotte, idem
*M. Patrick Moran, SQEP
*M. Jacques Gagnon, idem
*M. Jean-René Bibeau, idem
*M. Serge Roy, SFPQ
*M. Gilles Lavoie, idem
*M. Conrad Berry, idem
*M. Gérald A. Ponton, AMEQ
*M. Manuel Dussault, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux dans le cadre de la consultation générale portant sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental proposé par l'énoncé de politique intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique .

Mais, avant d'amorcer proprement dit nos travaux, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin (Verdun) remplace M. Williams (Nelligan).

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Avant, également, de procéder, j'informe les membres de la commission que nos travaux se dérouleront ce matin en présence de trois journalistes catalans qui sont en visite à l'hôtel du Parlement. Il s'agit de MM. Carles Sola, Francesc Pou et Antoni D'Armengol. Alors, je sais qu'on fera probablement un peu de vidéo, si les membres ne s'y objectent pas. Et, si ça ne dérange pas les travaux de la commission, je pense qu'il y aurait lieu de leur permettre éventuellement de vaquer à leurs activités. Ça va?

Donc, nous avons le plaisir de recevoir comme premier groupe aujourd'hui les représentants du Conseil permanent de la jeunesse, dont sa présidente, Mme Clairandrée...

Mme Cauchy (Clairandrée): Cauchy.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Cauchy, pardon.

Mme Cauchy (Clairandrée): Je suis habituée.


Auditions

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je vous inviterais, Mme Cauchy, à bien vouloir nous présenter les personnes qui vous accompagnent et à y aller directement avec votre présentation. Nous avons une vingtaine de minutes maximum pour la présentation proprement dite.


Conseil permanent de la jeunesse (CPJ)

Mme Cauchy (Clairandrée): Je vous remercie. Donc, je vous présente Sylvain Gendron, membre du Conseil permanent de la jeunesse, Rosaire Ouellet, agent de recherche au Conseil, qui a travaillé sur le dernier avis sur le rajeunissement de la fonction publique, Marie-Claude Ménard, vice-présidente du Conseil.

Donc, d'entrée de jeu, je pense que le Conseil permanent de la jeunesse tient à remercier cette commission de lui donner l'occasion de faire entendre son point de vue sur l'énoncé de politique présenté par le président du Conseil du trésor, intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique . Cet énoncé de politique présente essentiellement une réforme de l'administration gouvernementale centrée sur la qualité des services à la population et visant l'utilisation optimale des ressources et où on y prône une gestion par résultat et une réduction des contrôles a priori.

Je dois vous dire que c'est avec beaucoup d'étonnement que le Conseil permanent de la jeunesse a pris connaissance de ce document-là. On y traite d'une fonction publique renouvelée, axée sur les services aux citoyens, l'utilisation optimale des ressources, et pourtant on touche à peine mot de la faible présence des jeunes dans la fonction publique québécoise.

Le projet de politique ne contient qu'un principe très général, je cite: «Le besoin de nouvelles compétences permettra aussi au gouvernement, dans son rôle d'employeur, de faire une place aux jeunes, de mettre à profit leur dynamisme et leur sens critique, d'attirer les meilleurs diplômés de nos institutions d'enseignement.» Principe auquel on souscrit. Cependant, il n'y a aucun écho dans le projet de loi de mesures concrètes pour mettre en application ce principe-là, ce qui nous déçoit énormément. Le Conseil ne peut qu'espérer que cette phrase, ce principe se traduira par une volonté politique concrète du gouvernement de faire une réelle place aux jeunes dans la fonction publique québécoise. Pour l'instant, on en doute un peu.

Déjà, en 1990, le Conseil permanent de la jeunesse avait alerté le gouvernement quant a la sous-représentation des jeunes dans la fonction publique, et ce, dans le cadre de la commission parlementaire sur l'administration et le budget – j'inverse. À l'époque, les moins de 30 ans formaient seulement 6,5 % du personnel régulier de la fonction publique. Je vous rappelle que ce pourcentage-là était de 29 % 10 ans plus tôt, en 1980. Donc, c'est une chute assez vertigineuse.

En juin dernier, le Conseil permanent de la jeunesse a rendu public un avis au gouvernement intitulé L'accès des jeunes à la fonction publique québécoise, Place à la relève! que vous avez trouvé annexé à vos documents. Cet avis fait une importante recension statistique de la présence des jeunes ou, si je peux me permettre, de l'absence des jeunes au sein de la fonction publique. On est passé de 29 %, en 1980, à 1,36 % de jeunes employés réguliers de moins de 30 ans en 1998.

Force est de constater que les gouvernements qui se sont succédé ont ignoré les recommandations du Conseil en 1990, en 1999, à un point tel qu'on retrouve seulement 636 jeunes dans la fonction publique québécoise, à ce jour. Et je dois vous dire qu'à ce jour on n'a pas eu de réponse officielle de la part du Conseil du trésor à notre dernier avis publié en juin dernier.

On ne peut prétendre offrir de meilleurs services à l'ensemble de la population, à l'ensemble des citoyens, avec une fonction publique vieillissante qui ne planifie pas sa relève. Dans le cadre de notre avis, on a fait des «focus groups» – des groupes de discussion, en bon français – avec des jeunes employés de la fonction publique, des stagiaires de la fonction publique, du programme Stages pour nouveaux diplômés, avec des étudiants qui aspirent à travailler au sein de l'appareil d'État et aussi avec des fonctionnaires seniors de plus de 50 ans. Et ils nous ont dit, les seniors, ceux qui ont une forte expérience de la fonction publique: On est tous rentrés dans les années soixante, soixante-dix – c'était l'entrée massive, là, on construisait la fonction publique – on a bâti les règles telles qu'elles sont là, on a bâti cette façon de faire de l'administration publique et, maintenant, on est la même cohorte, on va tous partir à la retraite en 2005, 2006, 2007 sans savoir qu'on a une relève. Et maintenant on nous demande de revoir les façons de faire, les règles qu'on a nous-mêmes instaurées.

Et ils sentaient un certain malaise, ils sentaient qu'ils avaient besoin d'avoir un sang neuf pour pouvoir justement moderniser réellement la fonction publique, faire un peu le grand brassage d'idées, peut-être du même acabit que ce qu'il y a eu dans les années soixante, soixante-dix.

(9 h 40)

Seule une embauche significative de jeunes va permettre à la fonction publique d'être représentative de la population, de desservir adéquatement l'ensemble des citoyens et des citoyennes québécois en tenant compte de leurs besoins. L'État ne peut pas se passer du dynamisme et des connaissances de la jeunesse, et seule une réforme en profondeur de l'administration publique peut permettre l'apport de sang neuf et des nouvelles idées que les jeunes générations peuvent y apporter. Pour qu'un tel processus de renouvellement et de modernisation de la fonction publique soit efficace, il est impératif que le gouvernement redresse la situation et prenne des mesures nécessaires pour favoriser l'embauche de jeunes au sein de la fonction publique.

Dans son avis rendu public en juin 1999, le Conseil formule plusieurs recommandations concrètes pour favoriser l'embauche de jeunes au sein de la fonction publique. En premier lieu, on demande au gouvernement de planifier à moyen et à long terme ses besoins de main-d'oeuvre en tenant compte des départs à la retraite projetés et surtout des nouveaux besoins de personnel. D'importantes vagues de départ à la retraite sont à prévoir, au cours des prochaines années, particulièrement au milieu de la décennie 2000. Ça fait un peu bizarre à dire, mais on y arrive, puis ça vient beaucoup plus vite qu'on pense. Il faut à tout prix anticiper les besoins de main-d'oeuvre et planifier cette relève. Il faut à tout prix éviter qu'on vive la même situation dans la fonction publique que celle qu'on a vécue dans la santé, avec des pénuries de personnel, où parfois on a même rappelé des infirmières qui étaient parties à la retraite parce qu'on n'avait pas planifié la transmission des connaissances.

Ensuite, le Conseil exhorte le gouvernement à prendre des mesures énergiques pour rajeunir la fonction publique. On propose, entre autres, la tenue systématique de concours pour les nouveaux diplômés. Et là j'attire votre attention, on qualifie de nouveaux diplômés, au Conseil, les gens qui ont terminé depuis moins de cinq ans leurs études. Parce que, actuellement, les concours pour nouveaux diplômés, au gouvernement, ça vise seulement les diplômés qui ont terminé au cours de la dernière année. Et on se prive de cohortes d'étudiants, de diplômés très formés pour qui il n'y avait pas de postes ouverts au moment où ils sont sortis. On voudrait qu'il y ait une sorte... un peu comme le gouvernement fédéral fait. Il organise une campagne annuelle de recrutement postsecondaire dans les établissements collégiaux, universitaires. À chaque année, il va sélectionner les meilleurs diplômés, les meilleurs finissants de chaque cohorte.

Un deuxième élément. Très souvent, on le voit dans l' Info-Carrière , on peut lire des postes affichés où on demande huit ans, sept ans d'expérience, et ce n'est pas toujours des postes qui exigent nécessairement ce nombre d'années d'expérience. Souvent, les concours sont tellement longs, coûteux que, pour restreindre le nombre de candidatures, on va demander plus d'années d'expérience que n'en exige le poste. Eh bien, ça a pour effet, oui, de limiter le nombre de candidatures, mais surtout de limiter l'accès des jeunes à la fonction publique. D'ailleurs, la Commission de la fonction publique s'était opposée à de telles dispositions, disant que ça pouvait engendrer une certaine discrimination à l'égard des jeunes, fermer les portes de la fonction publique aux jeunes.

L'énoncé de politique prône aussi une utilisation optimale des ressources. On est tout à fait d'accord avec ça. Cependant, le Conseil permanent de la jeunesse considère que, pour atteindre un tel objectif, il faut non seulement permettre l'embauche de jeunes, mais aussi préparer la relève, l'outiller pour qu'elle puisse prendre le relais. Nos «focus groups» nous ont aussi dit, surtout les seniors mais aussi les jeunes: On a besoin de transmettre ce qu'on sait. On a fait des bons coups, on a fait des mauvais coups. Ça va de la nationalisation de l'amiante – je pense que vous savez où la catégoriser – à la création d'Hydro-Québec. Il y a des bons coups, il y a des mauvais coups. Il y a une expérience, et il faut qu'elle puisse se transmettre. Et les jeunes veulent, sont assoiffés de cette expérience-là, et les seniors veulent absolument pouvoir la transmettre avant de partir à la retraite. Et ça, ça manque actuellement.

Dans ce sens, le Conseil recommande au gouvernement de bonifier le programme de retraite progressive pour permettre à un fonctionnaire âgé, expérimenté de travailler à mi-temps alors qu'un jeune pourrait combler l'autre moitié du poste. Et là il pourrait y avoir des périodes où les deux fonctionnaires pourraient travailler ensemble et justement discuter des dossiers, transmettre les connaissances. Ce serait bénéfique pour les deux. C'est avantageux à la fois pour le senior qui quitte et pour le jeune, qui a non seulement accès à un poste, mais aussi accès à une mine d'expériences.

De plus, il existe actuellement des programmes de réduction du temps de travail, dans la fonction publique. Ceux qui en bénéficient sont souvent assez contents, ne voudraient pas revenir à l'ancien régime de travail. Mais souvent ils sont méconnus, les fonctionnaires, ils ne sont pas assez publicisés. Donc, ils devraient faire l'objet d'une promotion un petit peu plus intensive.

Et puis il y a un problème, par contre, avec les programmes de réduction du temps de travail. Je vous donne l'exemple d'une secrétaire que je connais, qui travaille dans la fonction publique. Elle est revenue de son congé de maternité en disant: Moi, je vais travailler à temps partiel. Je veux être à la maison, m'occuper de mon enfant, donc je réduis mon nombre d'heures de travail. Elle travaillait trois jours et elle faisait en trois jours ce qu'elle faisait habituellement en cinq. Donc, à un moment donné, elle est revenue à cinq jours en se disant: Tant qu'à faire, je vais avoir ma paye au complet et puis je vais faire la job au complet. Alors, s'il y avait eu quelqu'un qui avait comblé les heures qui manquaient, ça aurait pu à la fois créer un emploi puis faciliter la qualité de vie.

Par ailleurs, on ne peut pas parler de la fonction publique, de son cadre de gestion, de l'embauche de jeunes sans parler de la précarisation de l'emploi au sein de l'appareil d'État. Depuis les années 1985, le nombre d'employés occasionnels ne cesse d'augmenter. Même, on a remarqué, en faisant notre analyse statistique, qu'avec la dernière vague de départs à la retraite il y a 4 000 postes réguliers qui ont été abolis dans une volonté de réduire la taille de l'État. Mais, curieusement, au cours de la même période, on remarque qu'il y a 4 300 employés occasionnels de plus au sein de la fonction publique.

Donc, on se demande sérieusement si l'objectif était réellement de diminuer la taille de l'État ou si on n'a pas plutôt fait une précarisation de l'emploi au sein de la fonction publique, encore une fois, un peu au détriment des jeunes. Donc, ces employés à statut précaire restent de plus en plus longtemps à statut précaire. Ainsi, si la tendance se maintient, d'ici 10 ans, la moyenne d'âge des employés occasionnels rejoindra la moyenne d'âge des employés permanents.

De plus, il est de plus en plus difficile pour les jeunes d'avoir accès même à des emplois occasionnels parce que les banques de personnels occasionnels sont fermées depuis 1997, sauf exception dans des postes très spécifiques. Donc, afin de résorber un peu la précarisation de l'emploi au sein de la fonction publique, le Conseil recommandait, entre autres, que les employés occasionnels puissent appliquer sur des postes en mutation interne, c'est-à-dire: Je travaille dans un ministère, je suis agente d'information. Il y a un bureau vide à côté de moi, il y a un poste d'ouvert d'agent d'information. Je ne peux pas appliquer sur ce poste, il faut attendre plusieurs mois qu'il y ait eu un appel de candidatures au sein même de la fonction publique et, des fois, il faut attendre d'aller sur les listes de rappel et ensuite à l'externe. Et l'employé occasionnel est considéré au même titre que n'importe qui qui est extérieur à la fonction publique. Donc, il y a une espèce de non-sens, là. Il y a un système parallèle complet qui est en train de s'ériger, et là on s'enchevêtre là-dedans. Donc, il est grand temps de remédier à la précarisation de la fonction publique.

Dans le même ordre d'idées, le Conseil s'inquiète de l'apparition de ce qui nous semble être un nouveau statut d'emploi précaire: les stages de deux ans pour nouveaux diplômés. Entendons-nous bien, on n'a rien contre les stages. On en a un peu plus contre les stages qui s'apparentent à des statuts d'emplois précaires, occasionnels, des stages de deux ans. Deux ans, c'est assez long pour un stage. Ces stagiaires-là sont rémunérés 23 000 $ par année, pour un diplômé universitaire. J'en connais un qui a un doctorat qui travaille à 23 000 $, et il y a quelqu'un à côté de lui qui travaille à 58 000 $. Normalement, il devrait commencer au bas de l'échelle, à 30 000 $ et quelques, et il a doc à 23 000 $ – c'est un peu gênant pour la fonction publique – et 20 000 $ pour un diplômé du collégial. Ça s'apparente drôlement à des emplois occasionnels.

Pourtant, il n'y a rien de prévu pour permettre aux employés stagiaires – parce que c'est des employés; deux ans, ils font du travail d'employés – d'accéder par la suite à la fonction publique, que ce soit à des statuts réguliers ou encore à des statuts d'occasionnels, les banques sont fermées. Donc, on se demande même si les postes de stagiaires, ce n'est pas un peu en train de devenir un «cheap labor» de la fonction publique, si vous me permettez l'expression russe.

(9 h 50)

Donc, le Conseil recommandait de hausser le salaire des stagiaires au niveau de celui des employés occasionnels et d'inscrire par la suite les stagiaires au fichier du personnel occasionnel. De l'avis du Conseil, les employeurs donnent actuellement le mauvais exemple en matière de gestion des ressources humaines en contribuant à la précarisation de l'emploi au sein de sa propre fonction publique. Il est grand temps pour vous, les parlementaires, de poser des vraies questions quant aux choix de gestion pris par ce gouvernement.

Toutes les mesures énoncées précédemment sont facilement applicables à court terme, il suffit d'un peu de volonté politique de la part du gouvernement. Et j'espère que cette volonté va se manifester à la suite de cette commission parlementaire.

Le projet de politique proposé met beaucoup l'accent sur la reddition de comptes des sous-ministres, des hauts fonctionnaires. Dans cette foulée, le CPJ recommande que des objectifs précis d'embauche soient inscrits dans les attentes signifiées aux sous-ministres. Ces mêmes sous-ministres devraient venir vous rencontrer, vous les parlementaires, pour rendre compte de l'atteinte de ces objectifs. Il devrait aussi y avoir rapport sur les objectifs d'embauche de jeunes dans les rapports annuels des ministères et organismes.

Le Conseil ne cache pas qu'il est déçu, profondément déçu de l'absence des jeunes au sein de la fonction publique québécoise, et ce, malgré les multiples mises en garde qu'on a faites précédemment. Il en est même rendu à se questionner, à se demander si l'instauration d'un programme d'accès à l'égalité pour corriger les erreurs du passé et permettre l'accès des jeunes à la fonction publique n'est pas devenu nécessaire. Un programme d'accès à l'égalité, ça a pour but d'enrayer, de remédier à une certaine discrimination systémique ou à des politiques qui auraient eu pour effet de limiter l'accès d'un groupe au sein de la fonction publique. Or, il y a certaines pratiques de gestion qui ont contribué à exclure les jeunes de la fonction publique. Je pense, entre autres, aux exigences exagérées pour les concours de recrutement ou encore à la fermeture des banques de personnels occasionnels.

En conclusion, la fonction publique est rendue à une étape charnière de son évolution. Elle se prépare à vivre une période cruciale en matière de transparence, de reddition de comptes. À moyen terme, elle devra aussi faire face à un remplacement massif de ses effectifs. Une planification de la main-d'oeuvre combinée au rajeunissement des effectifs et à un important transfert des connaissances est la clé d'une modernisation et d'un renouvellement de la fonction publique.

L'embauche de jeunes est essentielle pour s'assurer que la fonction publique soit représentative de l'ensemble de la société et qu'elle puisse bien desservir l'ensemble des citoyens. L'État doit donner l'exemple, donner l'exemple en matière d'embauche de jeunes, donner l'exemple en matière de lutte à la précarité. On a sonné l'alarme en 1990, on l'a sonnée cette année. On réitère ces préoccupations auprès de vous, les parlementaires. On a offert des solutions concrètes au gouvernement. Le Conseil espère que des mesures vigoureuses pour faciliter l'accès des jeunes à la fonction publique seront prises de toute urgence.

Lorsque la relève fera cruellement défaut, lorsque les fonctionnaires se bousculeront aux portes de la retraite, il sera trop tard pour penser au transfert des connaissances et au renouvellement de l'appareil d'État. Planifions dès maintenant le rajeunissement de la fonction publique. Le Québec a besoin des jeunes pour offrir de meilleurs services aux citoyens. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, Mme la présidente Clairandrée Cauchy du Conseil permanent de la jeunesse. Nous passons maintenant à la période d'échanges. M. le ministre responsable de l'Administration publique, président du Conseil du trésor et député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président. D'abord, je veux remercier Mme Cauchy et ceux qui l'accompagnent de leur mémoire, d'avoir pris la peine de venir se présenter ici, en commission, pour discuter du projet que nous avons déposé. Elle a fait entendre un son de cloche qu'il est important d'entendre aujourd'hui et pour les années à venir.

Moi, je voudrais poser une question, disons, plus générale, à ce stade-ci. Le projet vise à améliorer les services aux citoyens. Nous, ici, comme parlementaires, comme gouvernement, comme fonction publique, comme administration publique, nous existons pour les citoyens et nous utilisons des fonds que les contribuables nous donnent par leurs impôts ou nous confient par leurs impôts – pas donnés, mais confiés par leurs impôts. Alors, est-ce que vous pensez que l'approche qui est décrite, en tout cas, qui est amorcée, à tout le moins, dans l'énoncé de politique va contribuer à améliorer les services aux citoyens?

Mme Cauchy (Clairandrée): Il y a moyen de faire des voeux pieux, il y a moyen d'avoir des... On ne s'inscrit pas en faux avec ce qu'il y a dans le projet que vous avez présenté. Le seul problème, c'est qu'on pense que c'est tout à fait impossible de faire ce brassage-là de la fonction publique, de vraiment l'améliorer puis la rendre plus près des services aux citoyens s'il n'y a pas un vrai brassage des effectifs, s'il n'y a pas l'apport de sang neuf.

Vous parlez, par exemple, des nouvelles technologies. Soit, mais je pense qu'il y a des jeunes qui ont une connaissance des nouvelles technologies, qui les utilisent tous les jours dans leur vie quotidienne, courante, et ils ne sont pas présents dans la fonction publique. Si on veut, par exemple, faire un vrai virage technologique au sein de la fonction publique, bien il faut aller chercher les gens qui connaissent, par exemple, les nouvelles technologies.

Mais, globalement, je vous dirais, j'ai l'impression que ce projet-là, c'est des voeux pieux. Et, si on ne s'en donne pas les moyens... Puis se donner les moyens de moderniser vraiment la fonction publique, ça prend des jeunes puis ça prend un transfert des connaissances. Et, actuellement, on n'a l'impression que d'avoir sur la table un énoncé très vague, sans mesures concrètes, qui reste au chapitre d'une volonté. Si je ne me trompe pas, il y a eu plusieurs volontés, auparavant, de moderniser la fonction publique qui ne se sont pas généralement traduites par des effets réels. Les principes énoncés, soit, mais ça prend des jeunes pour être capables de les appliquer puis être capables de se questionner réellement sur la fonction publique, sur la façon de la moderniser puis comment offrir de meilleurs services aux citoyens.

M. Gendron (Sylvain): Si je peux me permettre, M. Léonard, de donner un complément de réponse aussi, une des meilleures façons de rendre de bons services aux citoyens, de meilleurs services aux citoyens de la part de la fonction publique, c'est de rendre cette fonction publique là représentative des citoyens. Alors, vous ne me ferez pas croire qu'avec 1,36 % de jeunes employés réguliers de moins de 30 ans dans la fonction publique on représente bien la jeunesse du Québec de façon générale. Alors, une des meilleures façons – que vous pourriez ajouter à votre énoncé de politique – de rendre la fonction publique efficace et qu'elle donne des bons services aux citoyens, c'est de la rendre justement représentative des citoyens du Québec.

M. Léonard: Oui, je comprends. Mais c'est une des dimensions, probablement la plus importante, que celle de l'action de la fonction publique dans un projet de transformation de l'administration publique parce que... Mais encore faut-il distinguer les choses. Nous parlons de l'administration publique, le cadre général, et puis par la suite bien sûr nous allons avoir à toucher, à modifier la Loi de la fonction publique. Mais ce dont il s'agit ici, c'est du cadre général, qui veut donner beaucoup plus de flexibilité à l'ensemble de la fonction publique, mais à l'ensemble de l'administration publique, et qui veut lui en donner plus pour assurer des meilleurs services aux citoyens. Est-ce que, là-dessus, vous pouvez nous répondre si vous pensez que, dans l'ensemble, l'orientation est au moins intéressante?

Mme Cauchy (Clairandrée): Vous me demandez si je suis contre le fait que la fonction publique offre de meilleurs services aux citoyens? On est tout à fait d'accord avec ça. On est tout à fait d'accord avec ça, sauf qu'il faut s'en donner les moyens. Et cet énoncé de politique là, c'est tout à fait inacceptable qu'on n'y parle pas du renouvellement de la fonction publique. Mais, en fait, on en parle, on parle de la modernisation, mais on ne parle pas du tout, du tout, du tout du nécessaire apport de sang neuf. Il y a comme une incohérence là.

J'ai été, ma foi, assez impressionnée. Je m'attendais à venir ici en commission parlementaire vous parler de la présence des jeunes. Vous apportez des mesures concrètes, mais je m'attendais au moins à ce que le document de base marque une volonté plus claire de moderniser et de renouveler et d'accueillir des jeunes au sein de sa fonction publique. Je m'attendais à venir vous dire comment faire ce que vous vouliez faire dans votre énoncé de politique. Et, en lisant l'énoncé de politique, pour nous rendre compte qu'on ne parlait même pas de l'importance de rajeunir la fonction publique, on a été un petit peu... les bras nous en sont un peu tombés.

Je vais répéter un peu ce que j'ai dit dans mon intervention tout à l'heure. C'est beau, remettre les choses en cause, mais, pour ça... Quand les mêmes gens travaillent ensemble depuis 20 ans dans les mêmes bureaux, ils finissent par tous se connaître, même entre ministères ils se connaissent tous, ils ont tous déjà travaillé ensemble ou presque, c'est normal qu'à un moment donné il y ait une panne d'idées nouvelles, il y ait une panne, en bon français, de rêve, de dynamisme. Et ça manque, ça. Et on a beau le revirer de tous les bords, il y a juste l'apport de sang neuf qui va permettre justement d'avoir un regard nouveau. Peut-être même que, le projet de politique, s'il y avait plus de jeunes au sein même de la fonction publique actuellement, le résultat de vos consultations aurait probablement même été très différent de ce qu'il est actuellement, même pour les consultations.

(10 heures)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de La Peltrie.

M. Ouellet (Rosaire): Peut-être en complément.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, en complément, allez-y.

M. Ouellet (Rosaire): Le Conseil permanent est tout à fait d'accord que ce qu'exprime ce cadre-là par rapport à la reddition de comptes, que les sous-ministres puissent venir rendre compte devant les parlementaires des actions administratives de leur ministère... le Conseil permanent est tout à fait d'accord avec ça. Ce qui l'inquiète, c'est que les attentes signifiées, ce qu'on veut faire de cette fonction publique là, ne soient pas là.

Si on avait dit, par exemple, dans cet énoncé de politique là: La préoccupation de modernisation de l'État, oui, c'est la reddition de comptes devant les parlementaires. On va être plus transparent. On va laisser plus de latitude aux administrateurs, mais on va être plus transparent, on va venir témoigner devant la commission parlementaire de ce qui se passe. Et on va dire aux sous-ministres, et ça va être clair, que, oui, il y a une problématique dans la fonction publique – elle est là depuis bientôt 20 ans presque – il y a une absence de jeunes, il y a une décroissance du nombre de jeunes. Et on va mettre ça dans nos attentes signifiées pour les sous-ministres, et ça va être clair. Ils vont devoir venir répondre aux parlementaires: Qu'est-ce qu'ils font? Comment ils se comportent lorsqu'ils annoncent un concours public? Est-ce qu'ils demandent trop d'exigences, en termes d'années d'expérience? Mais on ne voit pas ça dans l'énoncé. Peut-être que ça sera le pas suivant. Mais, pour l'instant, on ne l'a pas vu.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, Mme Cauchy, M. Gendron, M. Ouellet, bienvenue à cette commission, puis je vous félicite pour l'excellente présentation.

Il y a un volet quand même que je trouve intéressant dans votre mémoire, je pense que c'est là où vous reconnaissez que, dans la fonction publique, il y a une expertise intéressante, dans la fonction publique présente, puis que vous pensez à faciliter la transmission des connaissances avant le départ à la retraite. Alors, vous avez un peu élaboré. Est-ce que vous pourriez nous en parler un peu plus, davantage? Comment vous voyez cette transmission-là ou cette transition-là? Et est-ce que les jeunes y participeraient, à ça? Un jeune qui sort de l'université – aujourd'hui, c'est 25, 26 ans, bien souvent ça sort quand même un peu plus... ça se prolonge un peu plus – puis qui désire travailler quand même à plein temps, est-ce que vous seriez prêts à accepter, avec cette transition-là, d'aller... Je ne sais pas, quelqu'un qui quitte, un retraité, quelqu'un qui veut prendre une préretraite, bon, il dit: Moi, je me satisferais de trois jours-semaine de travail. Puis un jeune qui arrive pourrait venir travailler deux jours-semaine puis, éventuellement, prendre la place de ce retraité. Bon. Comment ça se perçoit, ça, parmi les jeunes?

Mme Cauchy (Clairandrée): M. Gendron va commencer la réponse et je la terminerai.

M. Gendron (Sylvain): Pour savoir si les jeunes vont participer à ça, un, il faudrait qu'ils soient là. Alors, présentement, on ne peut pas savoir si les jeunes participeraient à cette transition-là parce qu'il n'y en a pas, de jeunes, dans la fonction publique. Ce que vous semblez nous demander, c'est: Est-ce que les jeunes seraient prêts à accepter le fait de travailler avec une tâche partielle pour pouvoir travailler en complément d'une personne plus expérimentée qui, à assez brève échéance, viendrait à lui laisser sa place? C'est évident. De toute façon, les emplois des jeunes qui sortent des universités, présentement, le taux de précarité en emploi est assez élevé, on se ramasse souvent avec des temps-partiels ou avec des temporaires avec des contrats, des stages. Par exemple, des stages en milieux gouvernementaux, on pourrait adapter ces stages-là avec des gens qui vont éventuellement prendre leur retraite. Ça permettrait de libérer la place.

Mais il y a plus que ça aussi. Les jeunes, ils sont prêts à participer à cette transition-là pour acquérir les connaissances, et je pense, moi, que les gens qui sont sur le point de quitter la fonction publique ou qui envisagent de quitter la fonction publique à moyen terme sont prêts à partager ces connaissances-là. Alors, c'est valorisant pour l'individu qui pense qu'il va quitter de pouvoir montrer sa sagesse, entre guillemets, si on peut dire, la façon de travailler, de façon efficace, pour le gouvernement. C'est valorisant. Il n'y a pas personne ici qui ne peut pas concevoir que ça va être valorisant pour un individu. Il va avoir le sentiment que le travail qu'il a fait depuis 15, 20, 25, 30 ans a servi à quelque chose, et non seulement ça a servi à quelque chose, ça va pouvoir se poursuivre dans le futur en transmettant ces connaissances-là. Alors, c'est évident que les jeunes sont prêts à participer, à mon avis, à un processus comme ça parce qu'ils ne peuvent qu'en sortir gagnants à court terme et à moyen terme.

Il ne faut pas oublier que les vagues de départs à la retraite, ça va être assez frappant en 2005 et 2006, dans ces années-là. Si on fait juste patcher les trous – excusez l'expression – si on remplace 40 000 fonctionnaires qui s'en vont d'un coup par 40 000 nouveaux jeunes, on fait juste reporter le problème. Dans 20 ans, ça va être exactement la même situation. Alors, il faut prévoir des mécanismes de transition qui sont toujours enclenchés. Alors, c'est évident que les jeunes vont vouloir participer là-dedans parce que c'est à leur avantage.

Mme Cauchy (Clairandrée): Je dois vous avouer... je ne sais plus, la citation, elle est de qui, mais je la trouve tellement significative. On dit que «du choc des idées jaillit la lumière». Eh bien, je souhaite beaucoup d'étincelles à la fonction publique et j'espère que, justement, il va pouvoir y avoir cette espèce de confrontation là des idées – pas juste négatif; confrontation, ça peut être très positif aussi – où on va prendre le meilleur de l'expérience passée et le meilleur des idées nouvelles à venir. Maintenant, peut-être on n'a pas voulu s'embarquer dans la mécanique, parce que je pense qu'il y a des gens au Conseil du trésor qui sont payés pour analyser ça.

Cela dit, quelques suggestions. Il serait possible qu'en cours de rédaction de maîtrise, par exemple, quelqu'un qui aurait un bac travaille à temps partiel, pendant qu'il termine une maîtrise, puisse se former en milieu de travail en même temps, sous forme de stage un peu, et occuper l'emploi permanent une fois que le fonctionnaire senior serait parti à la retraite. Ça peut être une façon dont la mécanique peut s'appliquer.

Une autre façon. On sait qu'il va y avoir plusieurs départs à la retraite en même temps, au même moment. Pourquoi pas, par exemple, prendre plusieurs postes de nature similaire, des gens qui partent à la retraite progressive, à mi-temps, et combler ces plusieurs postes là de façon à ce que la personne, le jeune puisse occuper le poste de façon régulière à temps complet et justement puisse bénéficier de plusieurs expériences de travail dans différents milieux? Ça pourrait être très, très, très, très, très formateur.

Je prends l'exemple de ce qui se passe au gouvernement fédéral où on prend le programme de stages, une formation accélérée pour les économistes. On permet à un économiste de travailler, si je me rappelle bien, au Conseil du trésor six mois, au ministère des Finances six mois, au Conseil exécutif six mois, et, ensuite, aller dans un ministère ailleurs qu'à Ottawa. Donc, imaginez le bagage de connaissances que cet économiste-là a quand il a fait le tour de tout ça. Je ne vous dis pas de calquer exactement ce qui se fait au fédéral, mais quand même permettre à un jeune d'avoir une expérience de travail dans plusieurs milieux différents, peut-être en combinant plusieurs temps-partiels dans un emploi complet. Ça pourrait être évalué aussi.

M. Côté (La Peltrie): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, moi, je reçois très positivement les solutions concrètes que vous proposez. Mais, en toute justice pour mon collègue... il y a dans le document de l'énoncé de politique une réflexion sur la jeunesse et le rajeunissement de la fonction publique. Elle n'est peut-être pas à votre satisfaction, mais c'est une préoccupation constante du gouvernement. Moi, je constate que ce que vous nous dites, en somme, c'est: la planification de la relève, telle que vous la comprenez, ne tient pas compte de l'importance d'y intégrer graduellement un renouvellement par une jeunesse qui arrivera avec de nouvelles compétences et de nouveaux intérêts.

La question que je pose, c'est: Quel est votre avis et comment vous réagissez aux rigidités qui existent actuellement dans les systèmes de gestion par le biais de différentes conventions qui ont été et qui existent, qui sont une réalité, et qui sont en partie – je ne dis pas «totalement», mais «en partie» – liées à des conventions syndicales que l'on reconnaît comme étant importantes dans notre société? Parce que tout ce que vous nous suggérez, je crois qu'il faut le regarder attentivement, il faut tenir compte de cette réalité-là, et comment, vous autres, vous pouvez participer à cette redéfinition de ces conventions.

(10 h 10)

Mme Cauchy (Clairandrée): Si vous nous invitez à la table de négo, on ne dira pas non, là.

Mme Dionne-Marsolais: Ce n'était pas le sens de ma question, parce que je ne pense pas que c'est à la négociation qu'on fait ça. De la même façon qu'on planifie l'intégration de la relève dans un contexte hors organisation, de la même façon ces enjeux-là se discutent avant et doivent établir des bases de changement avant. Et c'est un peu ça que je vous pose comme question. Idéalement, là, puisqu'on est là pour améliorer les façons de faire, comment, vous, vous voyez votre implication, comme représentants des jeunes, dans ce processus qu'on entame, étant entendu que la planification, il y a un volet technique, comptable, mais il y a un volet humain qui est extrêmement important, parce que ce sont les humains qui établissent les façons de faire?

Mme Cauchy (Clairandrée): Plusieurs choses. Tout d'abord, peut-être vous expliquer qu'avant de formuler notre avis on avait pris contact avec l'Association des cadres, le Conseil du trésor, les syndicats de la fonction publique, SFPQ, SPGQ, de même que le Forum des jeunes de la fonction publique. On a fait ça, d'un côté, au niveau organisationnel puis, par la suite, au niveau de «focus groups», de vrai monde, justement pour aller voir c'est quoi, les besoins que les fonctionnaires, les gens de la fonction publique ont, et comment ils voient ça, le rajeunissement puis le renouvellement, la modernisation de la fonction publique. Donc, on a pris acte de ce que les syndicats, les cadres et le Trésor nous ont dit, et je dois vous avouer que c'est intéressant parce que tout le monde allait dans le même sens, comme quoi c'était important. Et là on avait à creuser au niveau de la mécanique, et c'était fascinant, parce que tous ces gens-là étaient en train de préparer leur plate-forme de négociation et on voyait les réponses qu'ils nous donnaient sur la fonction publique. Moi, je trouvais ça passionnant à regarder.

Cela dit, vous me parliez de rigidités. Je vous dirais: Il faut faire attention, il ne faut pas tout ramener aux conventions. On a fait dans notre avis aussi une espèce de vulgarisation du processus de dotation dans la fonction publique, et je dois vous avouer que c'est quelque chose à vulgariser, mais je pense qu'on l'a fait. Il y a plusieurs choses qui régissent la fonction publique. Certes, il y a les conventions; M. Léonard en parlait tout à l'heure, il y a la Loi de la fonction publique; mais il y a aussi toutes les directives du Conseil du trésor. Et il ne faut pas tout ramener juste aux conventions parce que c'est un élément. C'est un élément important, mais ce n'est pas le seul.

Mme Dionne-Marsolais: C'est ce que j'ai dit.

Mme Cauchy (Clairandrée): Et je vais vous donner des exemples de pratique très, très, très douteuses qu'on remarque actuellement, qui n'émanent pas, par exemple, des conventions, qui émanent des directives du Conseil du trésor. Je vous donne un exemple. Je connais un employé occasionnel qui est dans la fonction publique depuis sept ans et, à chaque année, son contrat est renouvelé. Et, à chaque année, dans son renouvellement de contrat, on demande un fonctionnaire qui a un an d'expérience. On sait très bien que c'est lui, on sait très bien qu'il est rendu à cinq, six, sept ans d'expérience, mais, en demandant un an d'expérience, on le paie pour un an d'expérience. Donc, on a des gens, des fois, qui sont là depuis sept, huit, 10 ans et qui sont encore au bas de l'échelle à cause d'une directive du Conseil du trésor qui fait qu'on paie seulement au minimum d'expérience. Et ça, c'est des jeunes. Ce n'est pas juste des jeunes, c'est aussi la génération sacrifiée, qui a entre 30 et 40 ans. Je pense que c'est inacceptable. Ça ne relève pas juste des conventions.

Cela dit, effectivement, les syndicats ont un bout de chemin à faire, le Trésor a un bout de chemin à faire. J'espère que – et là c'est peut-être une petite annonce – dans le cadre des négociations, on tiendra autant compte de la précarité... ce sera aussi important de lutter contre la précarité que les demandes salariales. C'est ce qu'on demande aux syndicats et c'est le message qu'on fait au Trésor. On n'est pas contre les demandes salariales, puis ça, je pense que vous allez en jaser, vous avez même une manif dehors à midi. Mais la précarité, c'est important, puis ça touche les jeunes, puis il ne faudrait pas que ça passe en dessous de la table quand viendra le temps des négociations. Ça vaut pour la fonction publique, ça vaut pour l'ensemble des négociations gouvernementales.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous allons passer maintenant aux échanges avec les représentants de l'opposition officielle, avec d'abord le porte-parole de l'opposition officielle et député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, Mme Cauchy, de votre présentation et de votre mémoire. J'aimerais peut-être faire un premier commentaire et vous demander d'ajouter.

Si nous regardons la réalité de l'évolution de la fonction publique du Québec au cours des quatre ou cinq dernières années, il y a eu une réduction du nombre total d'employés, dans le cadre des efforts pour réduire les dépenses de l'État. La permanence d'emploi, évidemment, fait que les employés qui sont là demeurent. Et on se rappellera évidemment qu'au début des années quatre-vingt – vous le mentionniez vous-même – il y a eu beaucoup de jeunes, à ce moment-là, qui ont été recrutés, et même, malgré les mises à la retraite, évidemment, les personnes, il y en a beaucoup qui demeurent dans cette cohorte, dans la fonction publique.

Je ne sais pas si vous avez examiné l'aspect des embauches, parce que, évidemment, le résultat est qu'il y a peu de jeunes maintenant. Mais, si vous examinez les embauches qui ont été faites depuis, mettons, trois ou quatre ans dans la fonction publique – il y en a eu peu, compte tenu de ces circonstances-là – est-ce que le pourcentage de jeunes est important, ou presque nul, ou... Est-ce qu'il y a une moyenne que vous avez pu établir dans vos recherches, si vous l'avez faite? Et j'aimerais peut-être avoir des renseignements là-dessus, à moins que je me trompe à cet égard-là.

Mme Cauchy (Clairandrée): Je vais commencer ma réponse, M. Ouellet va compléter. On parle d'embauches. Bien, au cours des dernières années, on n'en a pas vu beaucoup, d'embauches, il n'y en a pas eu énormément. Cela dit, on a vu des postes occasionnels, on a vu la précarité. Maintenant, il y a aussi une réalité qu'il faut mettre en ligne de compte. On vous parlait des employés occasionnels tout à l'heure, on vous disait qu'il arrivait qu'ils étaient obligés de passer par les concours de recrutement externes. Ce qui veut dire qu'il y a des gens des fois qui ont 10 ans d'expérience comme employé occasionnel, ils se ramassent dans des concours de recrutement externes puis ils sont au même niveau que des nouveaux diplômés qui auraient un an, deux ans d'expérience. Donc, des fois, c'est un petit peu difficile de réussir à embaucher des jeunes à l'externe. Je vous ai dit tout à l'heure qu'on se questionnait sur les programmes d'accès à l'égalité. On se questionne. On devrait vous arriver avec une position éventuellement. On se questionne à ce sujet-là.

Cela dit, ce n'est pas simple non plus de se rendre jusqu'au recrutement externe. Moi, je vois des gens, des gestionnaires qui, des fois, vont perpétuer des emplois occasionnels parce que c'est tellement long, complexe de se rendre au recrutement externe qu'ils baissent les bras. Donc, imaginez, ça réduit le nombre de chances pour des jeunes d'accéder. Et, en plus, ils sont sur le même niveau que des employés occasionnels qui ont 10 ans d'expérience, et, dans le fond, ils appartiennent à la fonction publique, ils travaillent dans la fonction publique, c'est comme incohérent qu'ils appliquent à l'externe. Peut-être M. Ouellet pourrait compléter.

M. Ouellet (Rosaire): Oui, effectivement, depuis cinq, six ans, on n'a pas eu d'embauche. On connaît tous les raisons de cette non-embauche là. Sauf qu'on s'est rendu compte qu'il y avait eu des embauches d'occasionnels pendant cette période. En faisant l'avis et en manipulant les statistiques du Conseil du trésor, je me suis rendu compte que bon an, mal an, pour administrer l'État avec les programmes et les services qu'il offre aux citoyens maintenant, il faut environ 55 000 à 60 000 fonctionnaires, et ce, depuis 1980. Ce que j'ai constaté – c'est un constat, ça varie d'une année à l'autre, mais pas beaucoup – ce que j'ai constaté par exemple, c'est l'augmentation faramineuse du nombre d'occasionnels. Et je dirais qu'à certaines périodes de l'année, sur la liste de paie du gouvernement, il doit y avoir tout près de 40 % de la fonction publique qui est une fonction publique d'occasion. Et ça, là, on va se le dire entre nous autres dans cette commission parlementaire là, je pense que c'est important. Et, majoritairement, ces précaires-là sont des jeunes. Ce sont des jeunes, qui commencent à vieillir parce qu'on les garde sur des listes de rappel, parce qu'on les garde sur des projets spécifiques, parce qu'on les garde sur toutes sortes de choses.

(10 h 20)

En 1980, le Conseil du trésor a fait un choix de gestion, et la brisure, et la cassure, elle est là, et ça n'a pas changé depuis. On a décidé d'embaucher des occasionnels et on a convenu avec les organisations syndicales d'une certaine balise au départ. On disait: Les occasionnels, c'est pour remplacer les congés, les congés de perfectionnement, les congés de convention collective, les congés de maternité, etc. C'est ce qu'on a fait. Un peu plus tard, on a étiré la notion d'«occasionnel» à «projet spécifique». On a commencé par un an, on est rendu à trois ans. Maintenant, il y a un nouvel arrivé, les stages. On a pris le concept de stages qui était assez bien campé avant, puis on a dit: On va faire des stages d'insertion en milieu de travail, puis on va faire des stages de deux ans. C'est des choix de gestion, ça, MM. les députés, et on en est rendu là. Alors, quand on n'a pas d'embauches, c'est vrai. On n'a pas beaucoup d'embauches dans la fonction publique chez les réguliers, mais, chez les occasionnels, on en a pas mal. Au 31 mars 1998, il y avait, bon an, mal an, 15 500 occasionnels dans la fonction publique.

Mme Cauchy (Clairandrée): Si je peux me permettre un complément. Les 30-35 ans, des fois on s'imagine que ça va mieux chez les 30-35 ans; bien, il y a 7 % d'employés qui ont entre 30 et 35 ans qui sont réguliers. Donc, ça, ça veut dire qu'il y a un trou. La cohorte, ça s'arrête à 40 ans et, partout en descendant, c'est le vide. Souvent, on dit: Vous allez jusqu'à 30 ans. Les gens entrent tard dans la fonction publique, donc ils sont plus vieux, ils ont 30, 35 ans. Bien, même les 30-35 ans, il y a un trou. Donc, ça nous inquiète pour le futur.

M. Marcoux: Sur le plan de la précarité, vous avez fait des recommandations. Dans l'avis, le Conseil a fait des recommandations au mois de juin. La commission de l'administration publique également a déjà fait des recommandations à cet égard-là. Est-ce que vous avez eu d'autres discussions avec le Conseil du trésor ou avec des représentants au niveau de l'autorité de la gestion des ressources humaines sur cet aspect-là?

Mme Cauchy (Clairandrée): J'aurais bien aimé. Je dois vous avouer que ça a été un peu la politique de la chaise vide, là. On a rendu public notre avis puis on n'a pas eu d'analyse, par exemple, qui nous a été soumise. On n'a pas reçu, par exemple, une lettre qui dirait: Vous proposez telle chose; il faut que vous expliquiez qu'il y a telle affaire, telle affaire. On ne s'attendait peut-être pas à ce que ce soit d'un coup endossé, parce que je pense qu'on propose des changements majeurs, des changements qui sont essentiels à venir au cours des prochaines années, mais on s'attendait au moins à une réponse qui nous dirait: On apprécie, on note tel élément, tel élément. Or, il n'y a eu aucune réaction ou à peu près pas. Donc, ça nous a beaucoup, beaucoup, beaucoup déçus de ne pas avoir de réaction formelle de la part du Conseil du trésor.

M. Marcoux: Une dernière question et, après, je vais passer la parole à mes collègues. Dans votre mémoire, vous abordez un sujet qui est peut-être un peu plus précis et dont vous n'avez pas parlé dans votre présentation, c'est celui qui touche le projet de loi n° 51 qui a été déposé au printemps, qui a été discuté également en commission parlementaire. Nous avions d'ailleurs demandé au ministre, à ce moment-là, d'entendre les groupes qui avaient exprimé des opinions sur le sujet. Évidemment, le ministre a opposé une fin de non-recevoir à cet égard-là. Mais vous en parlez dans votre mémoire. Donc, j'aimerais vous poser la question suivante. D'une part, vous semblez favoriser une plus grande souplesse dans les processus de recrutement – je pense que ça s'inscrit en filigrane dans votre mémoire – d'autre part, vous confirmez votre appui au maintien du processus de regroupement et de nomination par niveau. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu plus votre position là-dessus et nous donner les raisons pour lesquelles vous voulez que soit maintenu ce principe de la nomination par niveau?

Mme Cauchy (Clairandrée): Tout à fait. On n'en a pas parlé parce que je pense que je faisais 19 min 50 s pour mon intervention.

Le principe de base qui sous-tend le projet de loi, la façon dont ça avait été présenté, c'était pour permettre, je pense, un meilleur accès des gens issus de communautés culturelles à la fonction publique, autre groupe de la population qui est manifestement sous-représenté dans la fonction publique. Mais le raisonnement qui menait à l'abrogation des niveaux nous semblait un petit peu biaisé. C'est comme si on disait: Les jeunes... pardon, déformation professionnelle... les gens issus de communautés culturelles ne réussissent pas à se classer, ils sont moins bons que les autres, donc on va enlever les niveaux de façon à aller chercher les gens de communautés culturelles qui auraient moins bien réussi aux examens. Donc, on trouvait ça un petit peu bizarre comme raisonnement, d'autant plus que l'on sait qu'il y a de plus en plus de jeunes de communautés culturelles qui sont de deuxième, troisième génération qui sont beaucoup plus formés que l'ensemble de la population, qui arrivent sur le marché du travail avec des connaissances assez importantes.

Maintenant, il y aurait peut-être lieu de se demander si les concours de recrutement ne sont pas un peu ethnocentrés. Je ne suis pas une spécialiste des ressources humaines, mais ce serait peut-être intéressant que, quand on pose des questions sur Louis-Alexandre Taschereau, on en pose aussi sur le président... qui est le secrétaire général de la francophonie. Il serait peut-être intéressant qu'il y ait une certaine ouverture sur le monde – pour paraphraser les chantiers du Sommet – dans nos concours de recrutement pour faciliter l'embauche de gens issus des communautés culturelles, publiciser aussi davantage les concours, aller chercher les gens où est-ce qu'ils sont. Il y a beaucoup de jeunes, dans les universités québécoises, très formés, issus des communautés culturelles.

Maintenant, il y a un principe qui sous-tend les programmes d'accès à l'égalité et c'est de dire: On choisit tel groupe cible, à compétences égales. Et ça, c'est un principe qui est dans le «basement» même – c'est un anglicisme – c'est le fondement des programmes d'accès à l'égalité. En faisant sauter les niveaux, en faisant en sorte qu'il n'y ait plus de classement au mérite en fonction des résultats aux examens, en permettant d'aller chercher n'importe où parmi tous les gens qui ont passé l'examen, on fait sauter le principe «à compétences égales». Et là ça vient questionner le principe même du programme d'accès à l'égalité. Si on peut dire à une femme, si on peut dire à quelqu'un issu d'une communauté culturelle: T'es là parce que t'es une femme, t'es là parce que tu viens d'une communauté culturelle, eh bien, là, le programme d'accès à l'égalité vient de tomber, il vient de perdre toute sa crédibilité. Pour ça, on ne veut pas retourner à l'époque de Duplessis où on va chercher n'importe qui parce que c'est un ami. En quelque part, c'est normal que la fonction publique aille chercher les meilleurs, c'est normal qu'il y ait des examens, c'est normal qu'il y ait un classement par niveau en fonction des résultats aux examens. Il en va de la crédibilité des programmes d'accès à l'égalité.

M. Marcoux: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci. Vous mettez aujourd'hui la commission face à un problème qui est extrêmement général et sur lequel vous allez avoir à vous poser de plus en plus, qui est le problème des chocs démographiques que notre société va avoir, bien sûr dans la fonction publique, mais dans un paquet d'autres endroits.

Sur la question des occasionnels, je vais vous dire que la commission, du moins de l'administration publique, a clairement pris position pour la chasse aux faux occasionnels. Je vous rappellerai ce qu'on appelait des faux occasionnels. C'étaient des gens qu'on maintenait occasionnels pour occasionnels et on les renouvelait sur leur propre poste. Donc, de la part des parlementaires – je ne dis pas nécessairement de la part du gouvernement, de la part des parlementaires – c'est un élément sur lequel on va essayer de poursuivre nos réflexions et, au minimum, de ne pas maintenir des gens qui sont occasionnels à vie.

Je reviendrai sur un problème que vous avez semblé soulever et sur lequel vous n'êtes pas revenus: le nombre d'années d'expérience pour les concours d'embauche, qui est un frein évidemment à l'embauche pour les jeunes. Est-ce que vous avez des analyses et des statistiques? Je sais que – je les ai vues, moi aussi; souvent, on demande beaucoup... – il y a des analyses sur lesquelles combien d'années d'expérience on demande pour les différentes embauches, et, selon vous – j'imagine que vous avez des experts parmi vous – s'agit-il d'un nombre d'années d'expérience justifié pour la nature du poste? Autrement dit, y a-t-il un biais à l'intérieur du recrutement de la fonction publique pour systématiquement tâcher d'aller dans certaines cohortes d'âge par le biais du nombre d'années d'expérience qu'on demande dans les concours de recrutement – qui sont faibles, je suis d'accord avec vous, on recrute très peu, on n'est pas dans une situation d'expansion, mais on va l'être bientôt... Y a-t-il un biais dans ce sens-là, d'après votre point de vue?

Mme Cauchy (Clairandrée): Bien, demander huit ans d'expérience pour un poste d'agent de recherche – je ne vous dis pas pour un poste de chef de section, de directeur – c'est exagéré. Et on s'attendait, par exemple, à ce que, suite à notre avis, il y en ait de moins en moins. Or, une recension des derniers Info-Carrière nous a montré plusieurs postes où ça nous apparaissait exagéré. Donc, j'ai l'impression qu'on perpétue là... Et souvent, c'est malgré les directives du Conseil du trésor.

(10 h 30)

M. Gautrin: Je suis assez d'accord avec vous au niveau de ma lecture première, si je puis dire. Je regarde ça, mais je n'ai pas fait une analyse exhaustive, systématique de tous les concours. Je me permets de vous suggérer d'essayer, si vous avez le goût de le faire... Parce que c'est un peu la clé dans l'embauche, pour embaucher des jeunes. Et, si on leur demande à chaque fois 10 ans d'expérience pour rentrer – je caricature un peu – dans un poste, vous n'aurez jamais un jeune qui rentrera sur le poste.

Donc, s'il y a un biais dans ce sens-là, regardez-le et informez les membres de la commission. Je pense que les parlementaires ministériels ou de l'opposition sont extrêmement intéressés de voir s'il n'y a pas un biais actuellement au niveau des gens qui font le recrutement. Parce que ce n'est pas le président du Conseil du trésor qui fait le recrutement, aussi brillant soit-il.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Mais, s'il y a un tel biais, je pense que, nous, les parlementaires, on est intéressés absolument à le savoir.

Mme Cauchy (Clairandrée): Je dois vous avouer, on avait commencé à le faire, mais on ne jugeait pas que notre échantillon était assez significatif.

M. Gautrin: Je comprends.

Mme Cauchy (Clairandrée): Je n'ai malheureusement pas les chiffres avec moi, mais...

M. Gautrin: Non, mais j'imagine que votre travail ne se termine pas aujourd'hui et que, si vous poursuivez dans ce sens-là, du moins, nous, les parlementaires de l'opposition – et je compte mes collègues ministériels aussi – on est extrêmement intéressés par cette question.

M. Gendron (Sylvain): M. Gautrin, si je peux me permettre. Si vos collègues ainsi que les gens d'en face sont extrêmement intéressés par cette question-là, je vous invite fortement aussi à faire des recherches de votre côté, chacun des deux partis, des trois partis...

M. Gautrin: Écoutez un instant, là. Faites attention, je ne dis pas que je ne le fais pas. Ce n'est pas ça que je vous dis, là. Je vous dis simplement que, si vous le faites, informez-nous. Je ne dis pas que je ne le fais pas. Un instant, là, ne me dites pas que, moi, je ne fais rien, ce n'est pas vrai.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron (Sylvain): Non. On vous invite à vous y intéresser fortement.

M. Gautrin: Je n'ai pas cette réputation-là dans le Parlement. Deuxième question, et elle m'a l'air extrêmement importante, et vous n'y avez pas répondu quand mon collègue de Vaudreuil vous l'a posée, mais elle va se poser. Vous avez dit: Le renouvellement de la fonction publique, grosso modo, va se faire en 2005 à peu près, compte tenu de ce que je pourrais appeler les jeux de cohortes. Vous êtes sûrs qu'un des phénomènes de frein à l'accessibilité des jeunes à la fonction publique, c'est certainement le fait qu'il y a la permanence actuellement dans la fonction publique.

Moi, je vous pose la question et je pense que... C'est bien qu'on essaie... On est en période de prénégos, on essaie de ne pas trop en parler, etc., mais, un jour ou l'autre, nous allons faire face à ce problème-là. Faut-il ou ne faut-il pas maintenir le principe de cette permanence blindée dans la fonction publique, qui a été quand même un certain frein? Ma collègue de Rosemont a parlé de rigidité, mon collègue de Vaudreuil a parlé d'une manière plus nuancée. Moi, je vous la pose probablement d'une manière plus carrée, si je puis dire.

Quelle est votre position face à la permanence dans la fonction publique à partir de 2005, c'est-à-dire au moment où les gens... dans le renouvellement de la fonction publique? Parce que, si on maintient la permanence, la même chose en 2005, en 2025, vous allez vous retrouver exactement dans la même situation où il n'y aura pas la possibilité... la même bulle. Parce que tout le monde vieillit d'une année. Ça, c'est un droit inefficace, on vieillit tous. Et puis on va se retrouver en 2025 avec la même bulle. Je vous pose la question: Est-ce que vous avez une position?

Mme Cauchy (Clairandrée): La fonction publique a une longue histoire. Et il y a des questions à se poser peut-être sur la permanence, mais je pense qu'il faut aussi voir d'où elle vient. Il faut aussi se rappeler pourquoi on l'a mise en place. Je pense que je crois beaucoup à une fonction publique qui est indépendante, à une fonction publique qui est neutre, objective, à une fonction publique qui n'est pas soumise, par exemple, aux aléas des nominations d'un parti ou de l'autre. Donc, je pense qu'il faut se demander... Il faut que la fonction publique préserve cet objectivité-là et cette prestance qu'une fonction publique doit avoir. Ce n'est pas juste des fonctionnaires, c'est l'État, c'est une partie de l'État, et c'est important. Maintenant, il faut se demander: On va-tu revenir aux années Duplessis? Ça pose ce genre de débat-là...

M. Gautrin: Mais il y a une nuance entre l'un et l'autre.

Mme Cauchy (Clairandrée): Non, je suis tout à fait d'accord.

M. Gautrin: Il y a un champ immense entre... Je ne vous suggère pas ça, actuellement, non plus.

M. Gendron (Sylvain): M. le député, il y a un principe très important. Il ne faut pas mettre tout sur le dos de la permanence, mais les jeunes d'aujourd'hui qui ne sont pas capables de s'acheter des maisons, qui ne sont pas capables d'avoir d'enfants parce qu'ils vivent dans une précarité constante n'ont pas non plus à...

M. Gautrin: J'en suis parfaitement conscient.

M. Gendron (Sylvain): Parce qu'ils vont accéder à la fonction publique, on va dire: Bien, là, vous n'aurez plus jamais de permanence?

Mme Cauchy (Clairandrée): Il y a une chose. On demande aux jeunes...

M. Gautrin: Mais faites attention. Est-ce que je peux me permettre de vous faire une remarque? Dans le secteur privé, à l'heure actuelle, vous avez une mutation aussi du monde du travail dans le secteur privé ou la croissance, par exemple, des travailleurs autonomes, vous avez une mutation dans notre société dans laquelle... peut-être, la fonction publique va suivre aussi ce type de mutation qu'on va avoir dans notre société.

Mme Cauchy (Clairandrée): Vous posiez, tout à l'heure, la question de la démographie.

M. Gautrin: ...

Mme Cauchy (Clairandrée): On a l'impression des fois...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la présidente...

Mme Cauchy (Clairandrée): ...qu'on fait porter...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...je vous inviterais à encapsuler ça dans 20 secondes.

Mme Cauchy (Clairandrée): Parfait.

M. Gautrin: Ah! Bon Dieu!

Mme Cauchy (Clairandrée): On a l'impression des fois qu'on fait porter l'ensemble des mutations du marché du travail, l'ensemble de la flexibilité de la main-d'oeuvre sur les seules épaules des jeunes.

M. Gautrin: Non.

Mme Cauchy (Clairandrée): À un moment donné, c'est lourd à porter...

M. Gautrin: Ce n'est pas ce que je veux faire.

Mme Cauchy (Clairandrée): C'est lourd à porter, puis je pense qu'il faut se demander... Il faut aussi avoir le souci, dans tout ce processus-là de modernisation de la fonction publique, de transmettre aux jeunes qui s'en viennent une qualité de vie. La jeune génération actuelle est la première qui s'appauvrit par rapport à ses parents. Ça pose le problème de la précarité dans un ensemble beaucoup plus large. Je pense que les jeunes...

M. Gautrin: Je suis bien d'accord avec vous, mais ça...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous devons malheureusement...

Mme Cauchy (Clairandrée): Et je conclus là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...terminer ici. J'aimerais remercier les représentants du Conseil permanent de la jeunesse pour leur contribution à nos travaux.

Et j'inviterais sans plus le Groupe des responsables des unités autonomes de service à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, à l'ordre s'il vous plaît! J'aimerais que l'on puisse permettre aux représentants du Groupe des responsables des unités autonomes de service de prendre leur place, s'il vous plaît. Nous avons un horaire assez chargé.

Alors, je rappelle donc que la commission spéciale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental procède à une consultation générale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental, tel que proposé par le ministre responsable.

Nous avons devant nous les représentants du Groupe des responsables des unités autonomes de service, dont M. Jean-Guy Tessier, directeur général du Centre de perception fiscale, qui prendra la parole d'emblée. Bon. Alors, M Tessier, j'aimerais que vous nous présentiez également la personne qui vous accompagne. Et j'aimerais vous rappeler également que nous avons un maximum de 20 minutes pour la présentation.


Groupe des responsables des unités autonomes de service

M. Tessier (Jean-Guy): Alors, merci, M. le Président. C'est avec plaisir que nous venons, au nom de l'ensemble des 15 unités autonomes de service mises sur pied par le gouvernement depuis 1995, rencontrer aujourd'hui les membres de la commission spéciale sur le nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental.

Permettez-moi, avant de poursuivre, de vous présenter les collègues qui m'accompagnent aujourd'hui. Je vous présente donc, à ma gauche, M. Michel Gagnon de la Direction générale des services aériens et postaux. Et se joindra à nous, à ma droite, sous peu, M. Jean-Louis Caty, de la Direction de la Géologie au ministère des Ressources naturelles.

Alors, M. le Président, les 15 unités autonomes de service ont un point en commun, elles ont toutes expérimenté le concept d'une gestion axée sur les résultats. Comme notre présence est un des éléments à l'origine de la réforme proposée – notre présence depuis cinq ans – et que l'assise de la réforme est d'axer la gestion sur les résultats, le Secrétariat à la réforme administrative et l'ensemble des unités autonomes de service ont trouvé important de venir témoigner de leur expérience. Nous nous sentons interpellés par le projet, puisqu'il table sur notre propre expérience.

(10 h 40)

Vous me permettrez d'abord de rappeler rapidement le concept d'unité autonome de service. Par la suite, nous désirons porter à votre attention un certain nombre de constats qui se dégagent de nos expériences depuis cinq ans et, enfin, nous permettre de formuler des commentaires sur l'énoncé de politique, en insistant sur les aspects qui nous semblent les plus importants en regard de la gestion par résultats. Il nous fera plaisir par la suite de répondre aux questions.

Alors, les unités autonomes de service sont issues de la volonté gouvernementale de moderniser la gestion en prenant appui sur une gestion davantage axée sur l'imputabilité, la gestion par résultats et la reddition de comptes. Le responsable d'une unité autonome doit répondre de son administration selon les règles établies dans un document que l'on appelle Entente de gestion , signé par chacun d'entre nous et le sous-ministre de notre ministère. Cette entente de gestion précise la mission, les responsabilités, les objectifs à atteindre, les indicateurs de performance à développer et les modalités de reddition de comptes.

À ce dernier chapitre, le concept d'unité autonome prévoit la production d'un plan d'action annuel, lequel précise les objectifs à atteindre pour chacun des indicateurs convenus à l'entente, et la production d'un rapport annuel pour rendre compte des résultats à partir des indicateurs établis. Le plan d'action et le rapport annuel sont des documents publics et peuvent faire l'objet de discussions en commission parlementaire devant les élus.

À l'expérience, depuis cinq ans, nous sommes en mesure de dégager un certain nombre de constats que l'on voudrait partager avec vous. Le premier constat, c'est la transparence que crée la reddition de comptes. Le fait de rendre publics nos objectifs et nos résultats a favorisé une plus grande responsabilisation de la part des gestionnaires et de la part aussi des employés et, je dirais, également une mobilisation autour des objectifs établis et convenus avec l'ensemble de notre personnel. Et le fait de s'entendre sur des objectifs annuels et de rendre compte à la fin de l'année, ça crée une émulation au sein d'une équipe, qui n'est pas à négliger et qu'on voulait vous soulever.

Le deuxième constat. On remarque un dégagement d'un certain nombre de marges de manoeuvre et de latitudes d'action de la part de nos ministères respectifs. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on s'entend avec le sous-ministre en début d'année sur des objectifs précis et sur des résultats à atteindre nous avons remarqué que, pendant l'année qui suit, on doit rendre compte de ce qu'on a convenu, mais on nous a laissé assez de latitude dans l'action ou dans le choix des moyens pour atteindre nos objectifs.

Le troisième constat, est un peu le pendant du deuxième, en ce sens qu'on vit quand même des difficultés en termes d'insertion comme unité autonome de service dans un ministère qui n'est pas régi par le même cadre de gestion, de reddition de comptes et d'indicateurs de performance, et tout. Et également, pour toutes les unités qui donnent du support, les autres unités du ministère qui donnent du support aux unités autonomes de service qui ne sont pas soumises au même cadre, ça crée des difficultés, en ce sens que, nous, on est plus axés sur les résultats à atteindre et prendre les moyens pour y arriver, alors que, elles, elles sont plutôt, encore dans le cadre de gestion, axées sur le contrôle des procédures ou des règles. Donc, ça crée une certaine difficulté. Et je dirais également que ces unités-là nous donnent des services, et les services qu'elles nous donnent, on les paie. Alors, la difficulté de bien rationaliser les coûts indirects, ça s'est vécu au sein de certaines unités autonomes de service.

Le quatrième constat, c'est que l'approche de transparence et de reddition de comptes nous a amenés à trouver des moyens d'optimiser le rendement des ressources et, je dirais, d'optimiser également nos manières de faire ou nos processus de production. Avant d'aller demander des ressources supplémentaires, dans un contexte de gestion par résultats, ça nous a amenés d'abord, je dirais, à rationaliser dans nos propres unités – et je pense que c'est un des constats qu'on fait – ça a permis de réfléchir beaucoup sur le type de services qu'on donnait et sur la façon dont on offrait des services.

Et tout ça, bien entendu, permet une amélioration des services à la clientèle. Il est clair que, quand on s'entend sur des indicateurs de performance qui visent à répondre à la correspondance dans un temps x, dans des délais de traitement des dossiers et qu'on travaille à l'amélioration de ces indicateurs-là, la résultante est une amélioration des services à une clientèle. Alors, de façon générale, nous, nous concluons que... en tout cas, nous pouvons qualifier l'expérience de très positive, jusqu'à maintenant.

L'énoncé de politique sur la gestion gouvernementale devrait nous permettre d'aller encore plus loin dans la recherche de la performance et de l'amélioration du service à la clientèle. Nous estimons le contenu de l'énoncé de politique sur la gestion gouvernementale prometteur pour le développement de la gestion par résultats parce qu'il comporte, selon nous, trois ouvertures majeures. Il restreint tout l'appareil gouvernemental à prendre le virage d'une gestion axée sur les résultats et devrait, de la sorte, faire disparaître le côté expérimental et temporaire qui a caractérisé le développement de nos unités autonomes de service.

Il nous laisse également entrevoir une ouverture sur le volet marge de manoeuvre en prévoyant la possibilité d'un cadre de gestion spécifique et adapté à chaque unité et à ses objectifs de performance sans que n'y soient cependant identifiés les moyens concrets différents de ceux du cadre actuel. Il se situe dans une perspective de contrôle a posteriori centré sur les résultats et met l'emphase sur la transparence et la reddition de comptes.

Nous croyons toutefois que certains éléments devraient faire l'objet d'une attention particulière afin que les conditions de réussite soient présentes pour assurer le déploiement au niveau gouvernemental de la gestion par résultats. Nous les avons regroupés en quatre.

Le premier est au niveau de l'engagement public sur la qualité des services. La réflexion, à ce niveau, nous amène à suggérer que cet engagement devrait davantage être raccroché au contrat de performance et d'imputabilité, puisque, s'il n'appartient – ce niveau d'engagement public sur la qualité des services – qu'au niveau ministériel, on pense qu'il y a un risque d'être trop général. Et on sait que souvent la qualité des services ou l'engagement public d'une qualité de services, se fait service par service. Et, dans un ministère, on peut retrouver une quantité énorme de services offerts, et il faudrait envisager qu'il puisse y avoir un engagement par service ou par unité, parce que chaque unité souvent a un ou deux produits, ou produit un ou deux services. Donc, permettre que l'engagement public sur la qualité puisse se faire à un niveau plus restreint que l'ensemble d'un ministère qui vit toutes sortes de réalités.

(10 h 50)

Un deuxième élément qui nous préoccupe, c'est l'arrimage éventuel de la gestion par résultats entre les ministères et les unités autonomes de service déjà en place. Notre crainte, ici, c'est qu'il y ait une possibilité ou un danger de nivelage vers le bas, en termes de gestion par résultats, dans le sens que, comme je vous disais tout à l'heure, si on ne prévoit pas des ententes plus restreintes, plus proches d'un produit, ça risque d'entraîner une perte d'identité caractérisant les unités autonomes de service et même leur disparition, sous prétexte que la gestion par résultats s'applique dorénavant à tout le ministère.

Les unités autonomes de service ont un pas de fait depuis cinq ans, et on pense que le nouvel énoncé de politique doit miser là-dessus et ne pas faire en sorte qu'on... c'est-à-dire qu'on puisse se servir de l'énoncé de politique pour aller plus loin à l'intérieur de la fonction publique, mais en prenant garde de ne pas revenir en arrière sur les objectifs atteints jusqu'à maintenant et sur les résultats obtenus.

Un troisième élément important. On veut vous parler de nouvelles marges de manoeuvre. En matière de gestion du personnel, nous estimons que les grandes valeurs, qui sont l'équité, la probité, la non-discrimination, doivent être maintenues, mais nous croyons que l'on peut alléger certaines réglementations. On donne quelques exemples au chapitre de la reconnaissance de la performance. Il est dit quelques mots dans l'énoncé de politique. Mais il faut aller dans ce sens-là.

Les mécanismes de recrutement et d'évaluation devraient également permettre d'associer les personnes les plus adéquates et les plus performantes aux diverses fonctions de nos organisations et permettre, au sein des unités, une décentralisation vers ces unités, je dirais, des échanges nécessaires avec la partie syndicale sur l'organisation du travail. Parce que, quand on est continuellement en processus d'amélioration de nos processus, c'est un processus continu d'échanges avec la partie syndicale qui s'établit, et on doit convenir avec elle des nouvelles façons de faire qui ont des impacts sur l'organisation du travail du personnel. Et on pense que c'est plus facile de trouver des solutions quand tu peux traiter ça au niveau le plus proche possible des employés et de la direction d'une unité autonome.

Une dernière remarque sur les marges de manoeuvre. Si on fait le virage vers une gestion par résultats, ça implique beaucoup de tâches. La reddition de comptes, là, c'est du travail. Faire un plan annuel, faire un rapport annuel, en rendre compte, c'est du travail. Et, si on n'est pas capable de dégager certaines marges ou d'avoir certaines marges dans la gestion, ça risque d'être plus le côté travail de plus qui soit retenu que les outils supplémentaires pour atteindre nos objectifs.

Enfin, un dernier élément qui relie un peu à la notion de marge de manoeuvre, c'est que ça pourrait être prévu dans le cadre d'une entente entre le ministre et le Conseil du trésor, l'ensemble des marges que le ministère pourrait avoir dans la gestion de son ministère. Et le ministre pourrait, lui, selon l'état d'avancement de ses unités, l'adapter ou permettre des choses que le cadre qu'il a signé avec le Conseil du trésor lui permet avec certaines unités, puis attendre pour le signer avec d'autres unités, créer une souplesse là-dedans pour éviter du mur-à-mur.

Alors, voilà, M. le Président, les préoccupations que nous voulions porter à l'attention des membres de la commission. Alors, en résumé, nous appuyons le projet d'énoncé de politique sur la gestion gouvernementale, une nécessité de déterminer les caractéristiques des unités admissibles dans la signature d'un contrat de performance – donc, de ramener ça à des réalités gérables – l'importance d'envisager la possibilité de marges de manoeuvre et la nécessité de tenir compte des caractéristiques et de la spécificité de chaque organisation. Alors, voilà, en résumé, les commentaires que nous voulons porter à votre attention. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Tessier, au nom du Groupe des responsables des unités autonomes de service. M. le ministre.

M. Léonard: Oui, merci, M. le Président. Alors, M. Tessier et ceux qui l'accompagnez, merci de votre mémoire et surtout de nous faire partager l'expérience que vous avez vécue. Et les remarques que vous faites, elles seront prises en bonne et due considération.

Moi, j'aimerais vous poser une question sur votre expérience en général. Ce ne sont pas tous les citoyens qui sont convaincus qu'il s'agit là d'une innovation importante dans les 10, 15 dernières années dans le monde de l'administration publique que celle de la création d'agences ou d'unités autonomes de service. Il y en a même qui sont très réticents à leur mise en place. Je considère, quant à moi, que c'est un des moyens importants que nous avons à notre disposition pour améliorer l'administration publique et les services aux citoyens.

L'expérience que nous avons vécue, c'est qu'en général ceux qui travaillaient étaient plus heureux, je crois – en tout cas vous pourrez nous le confirmer ou l'infirmer. Et surtout, surtout – c'est là-dessus – j'aimerais que vous nous expliquiez en quoi le service aux citoyens est de meilleure qualité maintenant, à la suite de la mise en place de ces services, qu'avant, alors qu'on avait une administration disons de type traditionnel?

M. Tessier (Jean-Guy): Je vais me permettre peut-être un premier commentaire, et mes collègues pourront compléter. Moi, je pense qu'à partir du moment où on réfléchit à des indicateurs de performance qui sont reliés à la façon dont on va livrer les services, à des délais de livraison de services, et qu'on se donne un objectif et qu'on rend compte à la fin de l'année de ça, il est évident que ça a un effet important sur la clientèle. Également, quand on regarde nos façons de faire et qu'on change nos façons de faire pour, justement, soit réduire des délais ou soit, je dirais, avoir un plus grand respect du citoyen ou de la clientèle avec laquelle on transige... Et je dirais également que la performance... À partir du moment où – en tout cas, dans mon unité à moi – il en coûte moins cher pour amener 1 $ à l'État pour répartir dans les services publics par la suite, il est clair qu'il y a un bénéfice global à la société qui est important.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, en complément? Allez-y.

M. Gagnon (Michel): J'aimerais peut-être juste ajouter un point. M. le ministre, M. Léonard a parlé de la question des unités autonomes. Je voudrais peut-être faire un petit rapprochement avec ce qui existait avant, qui étaient les fonds spéciaux, parce que, dans mon cas, je gère actuellement les deux. Certains de mes secteurs sont encore en fonds spéciaux et certains sont en unités autonomes, et on est en train justement de tous les ramener pour faire une grande unité autonome. On est réellement en train de finaliser ça.

La différence entre les deux, c'est que, lorsqu'on arrive avec une unité autonome, c'est beaucoup mieux organisé, dans le sens que vous avez votre entente de gestion, vous avez le plan d'action et vous devez rendre des comptes et vous devez avoir des indicateurs de performance, et tout ça. Tout ça pour vous dire qu'aujourd'hui même mes autres secteurs qui ne sont pas encore en unités autonomes ont quand même maintenant établi les indicateurs de performance, les tableaux de bord et sont déjà gérés un peu comme une unité autonome.

(11 heures)

Et l'avantage que ça a, l'unité autonome, c'est que tout est transparent. On fonctionne par produit. Quand vous parlez de la clientèle, on peut rencontrer les clients, que ça soit les clients des services postaux, et on leur donne accès à tous les documents, à tous les états financiers; ils savent exactement quel est le résultat des états financiers, quels sont les produits qui sont les plus rentables, quels sont ceux qui sont le moins et qu'est-ce qu'on peut faire, et on travaille ensemble pour améliorer la rentabilité de ces produits-là. Tout est transparent, et ça, je pense que c'est important. Lorsqu'on fait nos comités aviseurs avec nos clients, il n'y a rien qui est caché. La seule chose où, des fois, on a peut-être plus de difficultés à répondre, c'est, quand on en parlait tantôt, les coûts des services centraux, qu'on appelle maintenant des facteurs de contingence, sur lesquels on n'a peut-être pas tout le détail, et pour dire: Bien, c'est ce qui nous est chargé par en haut, c'est... d'où ça vient exactement? pourquoi? est-ce que c'est équitable? est-ce que c'est trop? On n'a pas tous les outils pour répondre à cette question-là. Mais pour le reste, sur n'importe quelle question qu'il y a dans le budget, on est capable d'apporter la réponse et on l'a.

Concernant les employés, moi, je peux vous dire que c'est une motivation extraordinaire. Les employés attendent la sortie du tableau de bord pour voir quel a été le résultat du dernier mois par rapport au mois précédent, par rapport à la cible qu'on s'était donnée. Bien, on a pris l'image visuelle du petit bonhomme qui sourit, ou qui pleure si les résultats ne sont pas bons, et tout le monde a hâte de voir s'il y a beaucoup de petits bonshommes qui pleurent ou s'il n'y en a pas dans le résultat. Mais tout ça pour motiver le monde, pour dire: Bon, on s'en va dans la bonne direction. Moi, je pense que l'unité autonome démontre que la gestion par résultats qu'on voulait instaurer au gouvernement, ça fonctionne, et je pense que c'est positif.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.

M. Léonard: Je voudrais reposer ma question d'une façon peut-être un peu différente. Ce dont on entend parler lorsqu'on parle d'unité autonome de service, c'est: Comment ça fonctionne mieux? Il y a des indicateurs sur la performance, je dirais, interne. Mais comment mesurer la satisfaction de la clientèle, du public par rapport à l'activité que vous développez, que vous administrez? Et est-ce que, actuellement, c'est satisfaisant? Est-ce que les indicateurs qu'on peut dégager pour mesurer la satisfaction du public ou de la clientèle sont satisfaisants? J'aimerais vous entendre là-dessus parce que ce dont on entend parler, c'est le fonctionnement interne – oui, je pense que ça va mieux. Mais quelle est l'évaluation de la production, en d'autres termes?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Caty.

M. Caty (Jean-Louis): Oui. Alors, à Géologie Québec... Le ministère des Ressources naturelles, chaque année ou chaque deux ans, fait ses sondages clientèles. Nous aussi, on fait nos propres sondages. Et les derniers résultats donnent des taux de satisfaction pour tous nos produits et services – on parle de six produits différents – au-dessus de 90 %. On a un séminaire d'information chaque année où on sort l'information très, très rapidement, trois mois après la fin des travaux de terrain. Le taux de satisfaction dans les sondages sur ce séminaire est de 98 %. Ça, c'est des mesures directes de satisfaction de clientèle sur nos produits.

M. Paré: Qu'est-ce que c'était avant?

M. Caty (Jean-Louis): Avant ça, c'était plus bas. On ne sortait pas les données aussi rapidement. On faisait le séminaire, mais les données ne sortaient pas trois mois après les travaux de terrain.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Oui, je vous remercie. C'est évident que, dans le cadre proposé, la place des unités autonomes de service demeure significative. Avoir l'occasion d'en discuter avec ceux qui l'ont vécu puis qui ont fait un certain nombre d'évaluations, d'analyses, je pense que c'est pertinent pour nos travaux.

Deux questions très rapides. La première, vous l'avez touchée dans votre exposé, mais pas suffisamment selon moi, et c'est très concrètement au chapitre de la reconnaissance et de la performance. Vous dites, et là je vous cite: «Au chapitre de l'organisation du travail, la rigidité du cadre actuel de gestion pose beaucoup de problèmes.» Moi, je suis convaincu de ça. Pas besoin d'analyser longtemps, je suis convaincu de ça. Vous affirmez par la suite: «La négociation des conditions entourant l'organisation du travail devrait être décentralisée au niveau des unités.» C'est une suggestion qui nous est faite depuis plusieurs années. À satiété on nous répète la même chose. Alors, si on veut apporter des changements, la question des spécialistes qui ont fait l'évaluation... c'est quoi, les éléments principaux qui perturbent ou qui empêchent de le faire? Ça ne peut pas être juste les conventions collectives. Ça peut être ça, mais il y a d'autres facteurs. Alors, j'aimerais ça que vous les spécifiez.

M. Tessier (Jean-Guy): Moi, je pense que la venue des COT, les comités sur l'organisation du travail, et les CMOT, dans les ministères, est un pas important dans le sens de décentraliser, si vous voulez. Mais, encore trop souvent, les discussions qu'on peut avoir au niveau local sont rapidement ramenées soit à un niveau régional ou soit à un niveau provincial...

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Pourquoi?

M. Tessier (Jean-Guy): Bien, c'est les membres qui réfèrent à leur exécutif, et la problématique, des fois, prend une envergure qui... Et plus on s'éloigne de l'unité, plus la difficulté d'entente se pose, là, tu sais. Alors...

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Mais une seconde. Je n'en disconviens pas, vous disiez vous-même tantôt que plus on s'éloigne de l'unité... vous dites que les gens qui vivent là sont conscients qu'ils sont plus aptes à trouver des solutions par rapport à l'organisation du travail, et votre question est d'éliminer de la rigidité. Alors, remontez-moi pas en haut, je le sais. Pourquoi il n'y a pas moyen de régler ça en bas? puisque, vous-même, vous affirmez que l'organisation du travail devrait toujours être décentralisée au niveau des unités parce qu'il y a plus de chances de trouver des solutions qui sont motivantes, et là on repart avec tous les objectifs de réaliser le cadre de gestion.

M. Tessier (Jean-Guy): Oui, le rôle dévolu à ces comités-là, je pense qu'il doit être précisé et, souvent, on n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre, les gens, au local, pour décider ou pour convenir des choses avec l'employeur. Je ne sais pas s'il y a d'autres...

M. Gagnon (Michel): Dans notre secteur, on a des particularités. C'est qu'on a quand même ce qu'on appelle les annexes à la convention collective qui, elles, peuvent être modifiées sans passer par tout le processus de la négociation et qui se font d'ailleurs – j'avais une rencontre hier avec le syndicat là-dessus – sur certains aspects: sur les horaires de travail, par exemple, des pilotes d'avion, c'est complètement différent d'un fonctionnaire normal. Donc, il y a une annexe et il y a toujours moyen de faire certains ajustements en fonction de la modification de nos services sans avoir toute la rigidité de la convention collective telle quelle. Donc, là-dessus, on a une certaine flexibilité.

J'aimerais peut-être rajouter quelque chose concernant la reconnaissance de la performance. On parle d'une unité autonome où on dit: Oui, il devrait y avoir une très bonne reconnaissance de la performance avec les résultats, comme, maintenant, on peut identifier clairement. Sauf que, dans le contexte actuel... Vous savez, on vient de réinstaurer la prime au rendement, mais la prime au rendement d'une unité autonome, elle reste rattachée aux quotas qui sont donnés au ministère globalement. Donc, si le ministère, globalement, ne peut donner plus qu'une prime par... 30 % des gens ne peuvent... maximum 30 % qui ont droit à une prime au niveau B dans les cadres, par exemple, bien... Si, au niveau supérieur, ils ont décidé d'en donner à certaines personnes, il n'en reste plus, même pas 30 %, pour l'unité autonome, alors que, peut-être dans certains secteurs, c'est peut-être plus que 30 % qui auraient droit d'en avoir. Mais on est pris avec la politique globale quand même. Donc, l'autonomie, dans ce cas-là, on ne l'a pas pour la reconnaissance de l'excellence.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): O.K. Rapidement. Dans l'évaluation que vous avez faite, dans toutes sortes de documents, que ce soit votre rapport ou d'autres qui ont porté un jugement sur votre participation à la commission, les éléments positifs sont, au moins, plus nombreux que les éléments négatifs. Mais, dans les éléments négatifs, il y en a un qui me chatouille un peu. Vous dites: Les unités autonomes de service ont dû pallier aux carences et à l'absence de disponibilité de ressources nécessaires à la réalisation des objectifs. Alors, qu'une unité autonome de service, dans bien des cas... Moi, j'en connais quelques-unes, je trouve qu'il y a pas mal de monde. Alors, que vous ayez été obligés de faire appel à des contrats avec l'extérieur ou à de la sous-traitance pour faire l'évaluation de l'atteinte des objectifs sans avoir des ressources internes, je voudrais avoir une explication, pourquoi. Pourquoi ça c'est passé comme ça si c'est ça? Vous n'avez pas cherché trop ou vous vouliez avoir plus d'objectivité? C'est quoi?

M. Tessier (Jean-Guy): Bien, ma compréhension, moi, c'est que ça reflète la réalité de certaines unités autonomes de service, ce commentaire-là...

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Oui.

M. Tessier (Jean-Guy): ...O.K., très spécialisées, soit dans le domaine de la recherche, où il fallait faire appel à de l'expertise extérieure. Mais je ne pense pas... en tout cas, moi, dans mon cas, je ne l'ai pas vécu, au niveau de mon unité autonome de service, de cette façon-là. Mais je sais que, au niveau de certaines unités autonomes, ça a été soulevé.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Donc, ce constat étant inscrit comme étant négatif, il faut le prendre à la marge. C'est ça? Il faut l'évaluer à la marge, c'est marginal.

M. Gagnon (Michel): J'aimerais peut-être rajouter un petit point là-dessus. Par exemple, juste la technique des tableaux de bord, des indicateurs de performance, et tout ça, les fonctionnaires qui sont présentement ou qui étaient dans la machine gouvernementale ne sont pas familiers avec ce système-là. Dans notre cas, oui, il y a eu l'engagement, à un moment donné, de certains spécialistes pour former notre monde à l'utilisation et à l'établissement d'indicateurs de performance: comment tu les mesures, comment tu en rends compte. Donc, ça, c'est quelque chose qui a été fait, qui était réellement rattaché directement à l'opération des unités autonomes, et c'est quelque chose dont on n'avait pas l'expérience à l'interne.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Si tu veux y aller, mon collègue.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Mme la députée de Rosemont.

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je m'excuse. Oui, M. le député de Lotbinière.

M. Paré: Oui, seulement une précision. Ce que vous dites en conclusion, vous dites: «Il faut éviter de multiplier les forums où doit se faire la reddition de comptes.» Parce qu'on regarde le petit tableau que vous nous fournissez par la suite, les unités responsables, donc c'est soit le ministère, soit le ministre, ou soit le conseil d'administration. Est-ce que vous avez d'autres redditions de comptes à rendre, souvent à deux ou à trois de ces organismes-là? Ou aux trois? Ou quoi? Pourquoi vous nous dites ça? Vous nous dites que ça prend un temps fou, faire le rapport annuel. Mais le rapport annuel, j'imagine que c'est là que vous étalez vos résultats.

M. Tessier (Jean-Guy): Encore là, il y a plusieurs réalités dans les unités autonomes de service. Il y en a qui fonctionnent avec un comité de gestion, on pense à la Régie des rentes, on pense à la CARRA...

M. Paré: Comité de gestion.

M. Tessier (Jean-Guy): C'est-à-dire, c'est des gens de l'extérieur pour une bonne partie qui gèrent l'organisation. Donc, ils doivent rendre compte à leur C.A., à leur conseil d'administration. D'autres rendent compte, comme, nous, on rend compte à la sous-ministre régulièrement, mensuellement. O.K.? La sous-ministre rend compte à la ministre. Et on rend compte également devant les élus, à l'occasion, en commission parlementaire. Alors, c'est essayer de faire en sorte de ne pas multiplier les forums puis avoir à rendre compte de la même chose à cinq ou six paliers différents. C'est ça.

M. Paré: Votre suggestion, c'est de rendre compte à qui? Une fois, mais...

M. Tessier (Jean-Guy): Bien, là, ce qui est prévu dans l'énoncé, c'est un contrat...

M. Paré: Avec le ministre?

M. Tessier (Jean-Guy): ...convenu avec le ministre. C'est ça.

M. Paré: O.K. Donc, directement avec le ministre et non pas avec le sous-ministre.

M. Tessier (Jean-Guy): Bien, actuellement, nous, c'est le sous-ministre...

M. Paré: Bien, c'est ça, le sous-ministre.

M. Tessier (Jean-Guy): Actuellement, c'est le sous-ministre. Ce qui est proposé ici, dans l'énoncé, c'est la signature avec le ministre, mais il est clair que le sous-ministre va être partie prenante de ça parce que c'est...

M. Chagnon: Ça risque de l'intéresser.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tessier (Jean-Guy): ...au plan de la gestion administrative du ministère.

M. Paré: O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Alors, deux petites questions, peut-être que les réponses sont un peu plus longues. La première, c'est: Est-ce que je comprends bien que, pour bien répondre aux besoins du service et améliorer le service aux citoyens, on pourrait avoir – et ce serait préférable dans certains cas – plus d'une unité autonome selon les services à fournir par ministère? C'est bon? Et même, en fait, vous le proposez, ça.

Ma deuxième question. À la conclusion, vous parlez du rôle de support et de facilitateur des organismes centraux. Comment vous réagissez à l'augmentation d'influence – je pense que le mot n'est pas trop fort – du Conseil du trésor dans le projet de loi qui traduit la réforme en cours?

M. Tessier (Jean-Guy): Bien, ce qui est prévu, c'est plus un contrôle a posteriori alors qu'actuellement on contrôle avant sur les moyens. O.K.? Alors, pour nous, déjà, ça, là, c'est un virage important.

Mme Dionne-Marsolais: Oui.

M. Tessier (Jean-Guy): Moi, je m'arrêterais là. Je ne sais pas si, toi, tu as d'autres...

M. Gagnon (Michel): Dans mon cas particulier, c'est un peu spécial parce qu'on est une unité autonome mais qui se rapporte directement au Conseil du trésor qui émet les règles et les directives. Donc, c'est un peu plus difficile pour nous autres d'être délinquants.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Dionne-Marsolais: Mais le Conseil du trésor peut-il jouer ce rôle? Est-ce qu'il le joue en ce moment, ce rôle de support et de facilitateur?

Une voix: Non.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Dionne-Marsolais: Ce n'est pas une colle, c'est très sérieux, parce que, dans le projet de loi qui traduit les intentions d'améliorer le service, ça va jusqu'en bas, ça, et donc, si c'est ce que vous dites, il devrait être coach, nous dire: Voici ce qu'on veut, puis on va vous aider. Alors, moi, je regarde spécifiquement l'importance que prend le Conseil du trésor dans certains cas, ou qu'il pourrait prendre, d'après le projet de loi qu'on a sous les yeux, et, moi, ça me préoccupe. Si j'étais à votre place, ça me préoccuperait. Alors, je pose la question: Est-ce qu'il va falloir faire de la formation pour que le Trésor ou les membres du Trésor puissent apprendre ce rôle de facilitateur et de support?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, qui veut se risquer, là?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Caty.

M. Caty (Jean-Louis): Ce n'est pas nécessairement de cette façon-là que, moi, je vois les choses. Le Conseil du trésor, en gérant plus a posteriori, c'est au ministère, puis c'est des organismes à l'intérieur du ministère qui font le quotidien avec nous qui auront, eux, à changer et, eux, à nous aider. Déjà, dans notre ministère, c'est le cas. On a un groupe qui nous aide énormément dans toute notre démarche de gestion par résultats. C'est beaucoup plus près quand c'est dans le ministère qu'au Conseil du trésor à nous épauler directement. Qu'il nous aide par la réglementation, oui, mais pas dans le quotidien.

(11 h 10)

Mme Dionne-Marsolais: Si j'ai une autre question...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très, très brièvement.

Mme Dionne-Marsolais: ...je dirais: Comment vous faites? Pour qu'on puisse se mesurer, il faut qu'on soit capable de se comparer. Est-ce qu'il existe au sein de la dynamique gouvernementale des mécanismes – on en a parlé entre nous... Comment vous vous comparez pour savoir que vous donnez un bon service? Je prends l'exemple du Revenu, mais il y a un ministère du Revenu au Québec. On se compare avec quoi alors, pour montrer qu'on donne un bon service ou on n'en donne pas un bon?

M. Tessier (Jean-Guy): Moi, je pense qu'à ce niveau-là on en est à nos premiers balbutiements en matière de «benchmarking» ou de comparer nos performances avec des unités semblables à Revenu Canada ou dans l'entreprise privée – je parle de ma business, là – avec Bell Canada, qui ont des services de recouvrement... On a entrepris des démarches pour comparer nos performances relatives. Mais c'est toujours difficile dans le sens qu'il faut toujours comparer des choses comparables. Mais ça nous permet de se situer comme niveau de performance d'organisation, mais je vous dirais qu'il y a beaucoup de travail à faire à ce chapitre-là.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous allons passer maintenant au porte-parole de l'opposition officielle, le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, M. Tessier, de votre présentation. C'est un plaisir de vous revoir. Nous vous avions rencontré à la commission de l'administration publique il n'y a pas tellement longtemps. Il est bien sûr que l'expérience des unités autonomes de service s'inscrit dans une perspective de vouloir trouver de nouvelles formules pour améliorer l'efficacité de l'administration publique et la qualité des services aux clients. Je pense que ça, c'est excellent. Il faut expérimenter des nouvelles formules, il faut essayer de nouvelles choses si on veut améliorer l'efficience de l'appareil de l'État. Puis je pense que, à cet égard-là, l'expérience des unités autonomes de service est tout à fait pertinente et probante.

J'aurais quand même une question générale: Est-ce que, pour vous, les unités autonomes de service sont en quelque sorte une solution qui est un peu universelle; en d'autres termes, que ça devrait exister ou qu'il devrait y en avoir davantage qu'il y en a actuellement? Et comment vous les reliez, aussi, avec présentement ce qui est proposé, des contrats de performance qui s'appliqueraient à différentes unités administratives d'un ministère? Et vous en parlez vous-même. Alors, comment vous évaluez unité autonome de service, dorénavant, avec des contrats de performance des unités administratives – des contrats de performance? Est-ce que la distinction vous apparaît plus ténue? Comment vous réagissez à cet égard-là?

M. Tessier (Jean-Guy): Bien, l'unité autonome de service, c'est une appellation, on a appelé ça comme ça pour identifier un changement dans la façon de gérer...

Une voix: Opération contrôlée.

M. Tessier (Jean-Guy): ...axée résultats, c'est-à-dire que toutes les décisions ou les réflexions qu'on fait pendant une année sont toujours en fonction des objectifs qu'on s'est donnés des résultats, O.K.? L'énergie est mise là-dessus. C'est ça, le concept d'unité autonome de service. Alors, plus on va être capable d'amener la fonction publique dans ses différentes composantes à penser comme ça, plus ça va être performant, d'après nous. Et on dit: Pour qu'un contrat de performance soit gérable, il faut que ça soit... en tout cas pas, partout à l'échelle d'un ministère, parce qu'on va se rapprocher beaucoup plus de contrats de performance qui vont ressembler aux documents de planification stratégique que font les ministères et on ne sera pas capable de se définir des indicateurs qui reflètent la performance sur un service produit. Alors, peu importe comment on l'appelle, c'est la façon de faire qui change et il faut l'adapter, d'après nous, à une réalité qui est cernable, une réalité où on est capable de définir des indicateurs quantifiés, et on est capable, à la fin de l'année, d'en rendre compte.

(11 h 20)

Il est clair que les indicateurs de performance – et on parlait tantôt du support des unités centrales – ce n'est pas facile nécessairement à définir – on l'a vu en commission l'autre jour – de trouver les bons indicateurs qui présentent le mieux ta performance comme unité. Alors, c'est une chose qui va prendre un certain temps, d'après nous, mais il faut tranquillement amener cette réflexion-là à ce niveau-là. Et, pour que ça réussisse, il faut que ça soit très cerné, il faut que ça soit à l'échelle d'un produit, de deux produits.

M. Marcoux: Je suis d'accord avec vous à cet égard-là, mais, par ailleurs, au niveau global de l'administration publique, si nous multiplions, par exemple, contrats de performance, contrats pour créer des UAS, évidemment, c'est beaucoup de formalités – vous le savez, vous y avez fait allusion tout à l'heure. Bon, il y a le plan annuel, le rapport annuel. Donc, ça devient quand même assez lourd comme processus administratif. Ma question, c'est: Si on multiplie ces contrats-là et ces formalités, quelles qu'elles soient – et je ne dis pas que c'est bon ou mauvais – est-ce qu'on ne risque pas d'en arriver à une sorte de lourdeur qui s'apparenterait peut-être aux approbations du Conseil du trésor? Et je comprends très bien qu'on a réduit depuis quelques années le nombre d'approbations, puis c'est tout à fait correct. Mais ça va prendre quelqu'un pour gérer tout ça, finalement, ou une équipe qui va suivre tout ça. Est-ce qu'on ne risque pas, au niveau de l'appareil, de revenir dans un formalisme qui est différent de celui qui existait avant, mais qui ne donnera peut-être pas les rendements que nous escomptions parce que, vraiment, on veut généraliser partout la même formule?

M. Caty (Jean-Louis): Je vais vous donner l'exemple du ministère des Ressources naturelles où la planification stratégique est étendue à la grandeur du ministère dans tous les secteurs et dans toutes les directions des secteurs. La différence entre une unité autonome dans ce ministère – il y en a quand même trois dans le ministère – et les autres unités, c'est que, nous, on rend des comptes. Les autres, ils font une planification stratégique, ils font des plans d'action, et on n'en entend plus parler. Ils passent à travers exactement le même exercice qu'on fait, puis ça arrête là. Donc, ajouter dans certains cas des unités autonomes dans ce même ministère, ça ne devrait pas changer la dynamique énormément. Ça ne prendra pas plus de temps, mais ça va être beaucoup plus motivant pour les gens qui sont là parce qu'ils ne font pas l'exercice pour rien. On mesure, nous.

M. Gagnon (Michel): Oui, un point que je voudrais rajouter, c'est qu'il ne faut pas non plus multiplier à l'extrême les unités autonomes si on garde le principe que l'unité autonome doit s'autofinancer, parce que, sinon, on va se ramasser que les unités autonomes vont se facturer entre elles et là on va tomber dans un bordel qui n'aura pas de sens. Donc, il faut garder un certain nombre où ça s'applique, et ça ne s'applique pas partout. Je pense que, ça, c'est important de le souligner. Si on veut garder la notion d'autofinancement, réellement de transparence, de gestion par résultats, de prix de revient dans chacun des produits, ça ne s'applique pas dans tout. Développer une planification stratégique: c'est quoi, le prix de revient pour développer la planification stratégique et c'est quoi, son rendement au point de vue financier, c'est difficile à mesurer. Il y a des choses qui ne se mesurent pas. Combien ça coûte, développer une politique au Conseil du trésor? Bien, vous ne pouvez pas mettre une unité autonome là-dessus et avoir à rendre des comptes. Il y a des choses qui ne s'appliquent pas, je pense.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire. Autant je veux soutenir, moi, les unités autonomes de service, et je l'ai fait depuis que vous avez commencé à exister, autant il faut bien être conscient que ça doit avoir sur un secteur bien ciblé – vous l'avez rappelé tout à l'heure, ce n'est pas une panacée universelle. D'ailleurs, je commence à être un peu inquiet que chez vous, dans votre cas, on commence à prendre tous les fonds et à vouloir en faire une même unité autonome de service. On aura d'autres endroits pour en débattre, si vous me permettez, à ce niveau-là – que, réellement, il y a un lien direct, une activité qui soit ciblée et un lien direct, un service avec une population, de manière à pouvoir mesurer directement les effets.

Je ne reviendrai pas, donc, sur tout ce que je connais de bien sur les unités autonomes de service. Je vais entrer sur deux notions qui nous ont été soulevées hier. Il y a des gens qui sont venus témoigner devant cette commission en disant: Oui, les indicateurs de performance sont très quantitatifs, mais, dans l'appréciation de la population, il y a une dimension qualitative. Est-ce que, dans votre réflexion, cette dimension qualitative du service... Autrement dit, il y a des unités autonomes de service où ils disent: C'est le temps de réponse qu'on mesure soit à une lettre soit à un coup de téléphone, mais est-ce que la qualité de la réponse, on peut la mesurer, on peut rentrer là-dedans? Donc, cette dimension qualitative, avez-vous réfléchi sur cette question-là?

Je vais poser mes deux questions, M. le Président, puis, après, je me tairai parce que mon collègue de Westmount–Saint-Louis veut aussi poser une question.

M. Chagnon: Tu peux continuer à parler, si tu veux.

M. Gautrin: Merci. Deuxième question qui est différente: le risque, la gestion du risque ou l'introduction du risque dans vos contrats de services. Ce qui nous est apparu chez certaines personnes qui sont venues témoigner, c'est de dire: Si on veut innover, on va prendre plus de risques; on risque de moins être performant, mais il ne faut pas nécessairement que notre mécanisme de gestion tue l'innovation, toute la possibilité de vouloir innover, et, lorsqu'on innove, on prend plus de risques que de faire ce qu'on a toujours fait qu'on sait qui marche puis qui marche tout le temps, et il ne faudrait pas non plus tuer cette possibilité d'innover à l'intérieur de la fonction publique. Donc, comment vous réfléchissez... Quelle est votre position d'inclure éventuellement cette dimension de gestion du risque dans les contrats de performance ou les contrats de services?

Donc, deux questions réellement: une liée au concept qualitatif et l'autre, l'importance... enfin, de mon point de vue – je réponds à la question – l'importance de l'innovation et de la gestion du risque dans le contrat.

M. Tessier (Jean-Guy): Moi, je pense qu'on a mis beaucoup plus d'énergie effectivement sur les indicateurs de performance quantifiés, quantifiables que sur le qualitatif. Je dirais, ce qui s'est développé autour du concept d'unité autonome sur le qualitatif, c'est tout ce qui se passe autour du comité aviseur, où c'est des gens de l'extérieur qui travaillent avec nos clientèles et qui nous suggèrent des façons d'améliorer nos services. Ça, ça a créé quand même une dynamique où on avait un son de cloche de l'extérieur.

L'autre élément – Jean-Louis en a parlé tout à l'heure – c'est les sondages. On a fait quelques sondages sur la satisfaction des clientèles et ça nous a amenés à réorienter les façons de faire ou à faire les choses différemment. Mais je vous dirais qu'il y a du travail à faire, beaucoup, encore au niveau des indicateurs qualitatifs. Tu sais, on peut aussi par échantillonnage faire de l'écoute, hein, puis voir comment nos gens s'adressent à la population et de quelle façon ils abordent la population. Tu sais, c'est des outils qu'on a, ça. Mais comment traduire ça dans un indicateur où on peut se donner un objectif de début d'année et un résultat de fin d'année? Il reste du travail à faire à ce niveau-là.

M. Caty (Jean-Louis): Sur la question des indicateurs, en plus des sondages, on peut avoir des indicateurs d'impact qui mesurent l'impact; dans notre cas, c'est des travaux qu'on fait. Et ces indicateurs-là sont plus difficiles à développer, mais, avec le temps, on commence déjà à voir des choses qui nous permettent de mesurer beaucoup mieux les résultats obtenus, grâce aux travaux qu'on fait.

M. Gautrin: Ma deuxième question touchait les questions d'innovation et de risque liées à ça.

M. Tessier (Jean-Guy): Quant à la gestion du risque, moi, je pense que c'est une chose qui peut se gérer entre les deux parties qui font le contrat. Moi, je ne pense pas que c'est parce que tu as un contrat avec quelqu'un que tu n'as pas le droit d'innover puis tu n'as pas le droit d'amener des idées nouvelles, quitte à modifier le contrat s'il faut le modifier. Mais ça ne nous enlève pas notre responsabilité d'innover, de trouver des nouvelles façons de faire et de proposer à l'autre signataire du contrat certains risques. Et je dirais même que le responsable d'une unité autonome de service, dans mon esprit à moi, peut se permettre certains risques que je dirais calculés. Mais, à son niveau, il peut se permettre certains risques, puis il sait qu'il va devoir rendre compte à la fin de l'année...

M. Gautrin: Il l'inclut éventuellement dans le contrat.

M. Tessier (Jean-Guy): ...puis il va devoir expliquer: Bien, j'ai risqué et je me suis trompé, ou: J'ai risqué, puis ça a réussi. Mais ça ne l'empêche pas.

M. Gautrin: Il l'inclut éventuellement dans le contrat.

M. Tessier (Jean-Guy): Oui.

M. Gautrin: Je vous remercie. J'attendais ça...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Westmount...

M. Gagnon (Michel): Vous me permettez d'ajouter un petit point?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, en complément.

M. Gagnon (Michel): Aux Services aériens, par exemple, on a développé ce qu'on appelle le «répertoire des risques», ça a été fait conjointement avec la vérification interne, où, pour chaque gestionnaire... dans un tableau, il a fait le répertoire des risques qui sont rattachés à sa fonction, au moins pour qu'il les connaisse, et quels sont les moyens qu'il met en place pour contrôler ces risques-là. Et maintenant on est rendu à l'étape suivante qui va être de développer d'autre chose. Mais, au moins, ça, c'est en marche.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Westmount–Saint-Louis.

(11 h 30)

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Les unités autonomes de service fonctionnent déjà depuis six ou sept ans, dans quelques cas, les premiers cas. Et je me rappelle bien que, lorsque les premières sont arrivées, ont accouché en 1992, 1993 – c'était la reprographie, si ma mémoire est bonne, qui était une des premières...

M. Gagnon (Michel): Non, la reprographie est encore en fonds.

M. Chagnon: Elle est encore en fonds? Laquelle était la première?

M. Gagnon (Michel): Ça a été peut-être le courrier...

M. Gautrin: C'était le fonds aérien.

M. Gagnon (Michel): Nous, c'est en 1995.

M. Gautrin: Je pense que c'était le fonds aérien.

Une voix: Le Centre de perception fiscale.

M. Gautrin: Le Centre de perception fiscale ou le fonds aérien?

M. Tessier (Jean-Guy): La deuxième, un mois après la première. La première, c'était... Il y a eu le CRM, qui était le troisième.

M. Gagnon (Michel): Nous, c'est en 1995.

M. Tessier (Jean-Guy): C'est en juin 1995, les premières.

Une voix: La CARRA...

M. Chagnon: La première est arrivée en 1995.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...une information ici, si vous permettez. Il s'agit de la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, le 13 juin.

M. Gautrin: La CARRA?

M. Chagnon: La CARRA.

M. Gautrin: La CARRA a été la première.

M. Chagnon: En 1995. La reprographie est encore en fonds. Mais les discussions qu'il y avait autour de la reprographie, à l'époque... Parce qu'il était question de la transformer en UAS. C'était une vision, en tout cas, qui était regardée, à l'époque. La mise sur pied d'UAS a été à quelques reprises, suite aux discussions qu'il y avait au Trésor à l'époque, une réponse de la machine pour faire en sorte, je ne dirais pas de retarder mais d'éviter peut-être, dans certains cas, l'impartition. On va faire les choses autrement de façon à éviter une impartition. Dans le cas du réseau aérien, ça a été, entre autres, une partie de la réponse, intéressante, d'ailleurs, puis dont l'expérience se poursuit.

Mais aujourd'hui on commence à faire des analyses. Les plus vieilles ont donc quatre ans. Quatre ans d'analyses sur l'organisation des UAS nous permettent... On commence à peine à être capable de faire une analyse un peu sérieuse et documentée sur la capacité de la planification puis l'amélioration du service qui est donné par le biais de l'UAS, tellement que, lorsque la commission de l'administration publique, en 1997-1998, cherchait à choisir de nouvelles UAS à être regardées ou vérifiées, on était obligé d'attendre, quelques fois, que des UAS aient plus d'un an de service pour commencer à être capable de pouvoir en faire l'analyse.

Un des problèmes qui étaient soulevés puis que mes collègues ici, de part et d'autre, ont soulevé, c'est toujours la question des indicateurs. Et, si les sous-ministres acceptent les indicateurs de l'UAS, il y a toujours un problème qui risque de survenir. Parfois, on a eu une tendance – en tout cas, je me rappelle dans le cas du ministère du Tourisme – à sous-évaluer des indicateurs qui, en tout cas, pour les membres de la commission, à l'époque, apparaissaient comme extrêmement importants.

Je vois dans la page 18 de votre mémoire, vous reprenez Tourisme Québec puis vous sortez les indicateurs, qui sont intéressants: le service aux clientèles; le taux d'appels répondus au centre téléphonique; le délai moyen de livraison des envois de documentation; le taux de satisfaction de la clientèle du renseignement touristique; la valeur publicitaire des reportages réalisés sur le Québec, ce qui doit être un peu plus compliqué à faire, l'évaluation de ça, mais quand même.

Par contre, je me rappelle qu'il y avait d'autres indicateurs qui étaient, pour le moins, curieux. On avait comme indicateurs de performance... On recherchait, à Tourisme Québec, il y a un an... 18 % de la clientèle internationale qui venait au Canada étaient l'objectif de captation, en termes de clientèle pour le Québec. Je trouvais ça un peu spécial, compte tenu du fait que le tourisme est une industrie extrêmement importante, sinon la plus importante au Québec avec les pâtes et papiers. Dépendant des années, les pâtes et papiers sont plus ou moins deuxièmes ou premiers; quand ce n'est pas le tourisme, c'est le second. Et qu'on ait un objectif, donc un indicateur de performance qui nous amène en-deçà – 18 % – du Canada, donc en deçà du PIB du Québec à l'intérieur du Canada... Donc, l'activité économique québécoise au Canada est de 22 %, 23 %. Qu'on ait un objectif en deçà de notre moyenne canadienne, ça ne me semblait pas être un grand risque sur le plan de choix de l'indicateur qu'on devait avoir. Peut-être que ça a été changé, depuis un an, un an et demi. Mais il m'apparaît extrêmement curieux de voir que des indicateurs peuvent être si...

M. Gautrin: Ténus.

M. Chagnon: ...bas, ténus, de façon évidemment à arriver à entrer... Ça va faire beaucoup plus de petits bonhommes souriants à la fin de chaque mois si les indicateurs sont ténus. Mais c'est des indicateurs qui m'apparaissent plus importants que de savoir si le délai moyen de livraison des envois de documentation a pris 6,5 jours ou 7,3 jours. Dans le fond, ce n'est pas important, le nombre de jours que ça a pris. Ce qui est important, c'est que le monde soit venu, qu'il soit rentré dans les hôtels puis qu'il soit sorti du Québec heureux, comme touriste. On se comprend. Alors, au niveau de l'organisation des indicateurs, il est évident qu'on devra resserrer...

M. Léonard: ...deux autres.

M. Chagnon: Puis qu'il en ramène deux autres, comme dit le ministre, effectivement. On devra resserrer ces indicateurs-là, sinon la crédibilité même de certaines UAS risque d'en souffrir.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): La réponse en moins d'une minute.

M. Gagnon (Michel): Oui. Ce qui est important pour établir un indicateur, c'est d'avoir des données historiques. C'est entendu que, lorsqu'on commence une unité autonome puis qu'on n'avait pas ce système-là, on n'a pas les données historiques parce que ce n'était même pas calculé de cette façon-là. Mais, une fois que vous les avez, c'est évident que, quand vous vous donnez un indicateur, c'est pour améliorer ce qui existait avant, donc, dans votre indicateur, de combien vous prévoyez l'améliorer dans l'année en cours. Mais, si c'est la première fois que vous établissez un indicateur...

C'est arrivé même au Service aérien qu'un indicateur... Par exemple, on donnait c'est quoi, notre total d'heures d'entretien. Oui, mais l'heure d'entretien, il faut que ce soit relié aux heures de vol. Donc, maintenant, l'indicateur, c'est une courbe. Si tu as volé tant d'heures, tu devrais avoir fait tant d'heures d'entretien; si tu en as fait plus que ça, tu n'a pas été efficace.

Donc, il faut s'ajuster. Mais, une fois qu'on est ajusté, moi, je vous dis, vous ne pouvez pas jouer avec le chiffres. Si c'était ça, votre performance dans le passé, et que vous vous mettez un indicateur en bas de ça, bien, il n'y a aucune motivation pour personne. Donc, il faut que l'indicateur soit atteignable mais avec des efforts. Mais je pense que ça, maintenant, une fois que l'expérience a été faite une couple d'années, vous avez les données, vous pouvez ajuster vos indicateurs, et c'est facile de voir si c'est des indicateurs où il y a réellement une motivation pour les employés.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, il me reste, au nom des membres de la commission, à remercier nos invités, représentants du Groupe des responsables des unités autonomes de services.

J'aimerais maintenant inviter le Groupe des responsables en analyse et en évaluation de programme à bien vouloir prendre place, nous allons poursuivre.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Je rappelle donc que cette commission spéciale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental procède à une consultation générale portant sur ledit cadre et que nous avons devant nous des représentants – à l'ordre, s'il vous plaît! – du Groupe des responsables en analyse et en évaluation de programme. On voit que nos délibérations suscitent beaucoup d'intérêt. Merci.

Je demanderais donc à M. André Viel, je crois, qui va être le porte-parole, de bien vouloir nous adresser la parole en nous présentant d'abord les personnes qui l'accompagnent et en se rappelant qu'on a au maximum 20 minutes pour la présentation.


Groupe des responsables en analyse et en évaluation de programme (GRAEP)

M. Viel (André): Merci, M. le Président. Alors, pour compléter la présentation, moi, je suis chef du Service des études et des stratégies en assurance-automobile, à la Société de l'assurance automobile du Québec. Je suis accompagné de M. Roch Turcotte, à ma droite, qui est conseiller en évaluation à la Direction de l'évaluation et support à la performance, au ministère des Ressources naturelles. Je suis également accompagné de M. Rosaire Ouellet, à ma gauche, qui est agent de recherche au Conseil permanent de la jeunesse.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): D'ailleurs, on a rencontré son jumeau tout à l'heure.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Viel (André): Alors, M. le Président, distingués membres de la commission, au nom du Groupe des responsables de l'analyse et de l'évaluation de programme, qu'on appelle communément le GRAEP, j'aimerais d'abord vous remercier de nous donner cette occasion de contribuer à l'élaboration du nouveau cadre de gestion de la fonction publique.

(11 h 40)

J'aimerais également vous indiquer qu'à titre de membre du GRAEP j'ai été mandaté par son comité exécutif pour prendre la relève de l'actuelle présidente du GRAEP, Mme Michelle Bérubé, anciennement responsable de l'évaluation de programme au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qui occupe depuis peu des fonctions de gestion au Conseil du trésor. Alors, je vous présenterai donc le mémoire du GRAEP, accompagné de deux dignes membres de son exécutif, MM. Turcotte et Ouellet.

Alors, au niveau de l'objet du mémoire, le mémoire présente le GRAEP – c'est un groupe qu'on aimerait qu'il soit connu – et rappelle l'importance de l'évaluation de programme comme fonction de gestion de l'administration publique québécoise. Après avoir tracé un portrait de la situation actuelle concernant l'évaluation de programme, il apprécie les avantages et les limites de l'énoncé de politique sur la gestion gouvernementale et propose certaines actions en vue de favoriser le développement de l'évaluation de programme. Il faut reconnaître dès le départ que le nouveau cadre de gestion proposé ouvre la porte à l'évaluation de programme et qu'on ne pourra contourner la nécessité d'évaluer les programmes si l'on veut axer la gestion sur les résultats.

Quelques mots sur le GRAEP. Le GRAEP a été constitué en 1989, en même temps que l'adoption de la directive du Conseil du trésor sur l'analyse de programme et la vérification interne. Alors, le GRAEP est là pour favoriser le développement et la promotion des fonctions de suivi de gestion et d'évaluation de programme dans l'administration publique québécoise. Le GRAEP regroupe les personnes qui assument la responsabilité d'implanter les mécanismes d'évaluation de programme dans les organismes, les ministères québécois et d'en assurer le suivi. Actuellement, une quarantaine de ministères et d'organismes ont nommé un ou une responsable en évaluation de programme dans leur organisation.

Quelques mots sur l'évaluation de programme, pour se situer. C'est une démarche rigoureuse qui vise à porter un jugement sur un programme, une activité ou un projet pour aider à la prise de décision concernant les orientations à privilégier dans l'avenir. L'évaluation de programme peut permettre d'apprécier à la fois la pertinence du programme, l'efficacité avec laquelle ses objectifs sont poursuivis, l'efficience des moyens d'exécution ou la rentabilité ainsi que l'impact du programme.

Sur quoi peut porter une évaluation de programme? L'évaluation n'est pas restreinte au programme complet. Elle peut porter sur une politique, un protocole, une procédure, une activité, un service ou un projet. De nombreuses questions relatives à un programme trouvent réponse au terme d'une évaluation: Les problèmes à l'origine du programme existent-ils encore? Les besoins ont-ils évolué? Les objectifs sont-ils encore pertinents? Je vous fais grâce de la liste de tous les besoins auxquels peut répondre une évaluation de programme.

J'aimerais insister, par contre, sur la reconnaissance du rôle de l'évaluation de programme au sein de l'administration publique québécoise. Comme je l'ai déjà dit, l'évaluation de programme fait l'objet d'une directive du Conseil du trésor depuis 1989. Celle-ci, à ma connaissance, encore en vigueur, prévoit entre autres les mesures à suivre lors de la réalisation d'études évaluatives. Le Vérificateur général, dans un rapport à l'Assemblée nationale, en 1992-1993, indiquait que l'évaluation du rendement des programmes fait partie intégrante d'une gestion efficace de l'administration publique. Dans le rapport déposé l'année suivante, le Vérificateur général, après avoir présenté les causes qui ont nui au développement de l'évaluation de programme, conclut que, «pour que l'évaluation du rendement de programmes trouve sa finalité et toute son utilité, une volonté ferme de toutes les parties – parlementaires, organismes centraux, gestionnaires – devra se manifester afin d'exiger des renseignements pertinents et objectifs sur les résultats globaux, les répercussions et la pertinence des politiques et des programmes».

Dans la foulée de la gestion par résultat, les orientations stratégiques gouvernementales 1997-2000 rappellent qu'il est essentiel que l'ensemble des politiques et des programmes soient évalués sous l'angle de leur efficacité, de leur efficience, de leur simplicité administrative ainsi que de leur rendement par rapport aux sommes investies et aux résultats obtenus.

Alors, quelle est la situation actuellement concernant l'évaluation de programme? À notre connaissance, nous, les membres du GRAEP, un certain nombre de ministères font de l'évaluation de programme de façon très sérieuse. Ils ont des unités administratives relativement stables où s'est développée l'expertise. Dans d'autres ministères et organismes, la situation est variable et souvent fragile. On y constate parfois la disparition d'unités d'évaluation à la suite de réorganisations administratives, ou encore, la responsabilité se promène d'une personne à l'autre, d'où un manque de continuité et de suivi.

Dans l'ensemble, si on en juge par les tours de table effectués occasionnellement lors des assemblées annuelles du GRAEP, à part quelques ministères et organismes où l'évaluation de programme est développée et appuyée sur une expertise, il y aurait peu de véritables études évaluatives réalisées et peu de ressources allouées à l'évaluation de programme. Plusieurs facteurs expliquent cette situation: le degré d'intérêt variable des hauts fonctionnaires envers les outils d'aide à la prise de décision; les coupures budgétaires; la taille des organisations et les incitations plus ou moins fortes des organismes centraux.

Pourtant, l'évaluation de programme est de plus en plus présente dans les conversations et les documents reliés à la planification stratégique. Des exemples concrets d'évaluation existent dans des domaines comme la sécurité routière, l'emploi et la santé. L'engagement des dirigeants et la présence d'une expertise expliquent sans doute ces quelques succès. Des progrès importants restent à faire pour passer des plans d'évaluation aux évaluations proprement dites.

L'évaluation de programme comporte certains prérequis au niveau de la connaissance même des programmes qu'on veut évaluer: Qui sont les clients? Le programme est-il vraiment implanté? Quels sont les coûts? Quels sont les objectifs? Et quelle était la situation avant le programme? Bien souvent, on n'a même pas la réponse à ces questions.

Concernant l'énoncé de politique, est-ce qu'il favorise l'évaluation de programme? La réponse, en partant, est oui, en instaurant un mode d'organisation des ressources qui privilégie l'atteinte de résultats en fonction d'objectifs préalablement établis, qui privilégie également une reddition de comptes qui porte sur la performance dans l'atteinte des résultats en exigeant la production de plans stratégiques qui comportent des objectifs et des indicateurs de performance, en prévoyant le dépôt par le ministre à l'Assemblée nationale des plans stratégiques et des rapports annuels de gestion, en prévoyant des mesures intensives de formation pour faciliter la mise en place du nouveau cadre de gestion. Nous disons donc oui, mais partiellement. L'évaluation de programme ne porte pas que sur l'atteinte des objectifs d'efficacité, mais elle vise aussi d'autres fins: Les programmes sont-ils pertinents? Répondent-ils aux besoins? Est-ce qu'on atteint les objectifs au meilleur coût? Sommes-nous efficients? Quels sont les effets ou impacts attendus ou non du programme?

La proposition de loi sur la gestion gouvernementale ne reconnaît pas explicitement la fonction d'évaluation de programme. En fait, elle est muette à ce sujet. Tout au plus retrouve-t-on dans l'énoncé de politique une allusion à l'évaluation de programme. Les ministères et organismes devront se doter des outils de gestion nécessaires, comme la vérification interne et l'évaluation de programme. Ils seront contrôlés sur leur façon d'exercer cette fonction. C'est ce que dit la politique.

Comment seront-ils contrôlés? Par qui? Sur quoi porteront les contrôles? N'y aurait-il pas lieu d'être plus spécifique sur ce qu'on attend des ministères et organismes dans la politique qu'on nous propose? Il faut mentionner également que les plans ministériels de gestion des dépenses mentionnés à l'annexe 2 de l'énoncé de politique doivent comprendre l'exposé du plan d'évaluation des programmes prévus au cours de l'exercice qui débute. Il s'agit d'une deuxième allusion à l'évaluation de programme. On ne sait trop ce qu'il advient par la suite de ces plans d'évaluation.

Le nouveau cadre de gestion mise beaucoup sur la technologie, ce qui pourrait favoriser la production de certains types d'indicateurs générés habituellement par les systèmes d'information de gestion – on pense aux délais, à certains coûts, aux profils de clientèles, aux plaintes. Mais il est loin d'assurer le développement d'une expertise d'évaluation qui utilise des méthodes de recherche plus avancées – on pense à des sondages auprès de la clientèle, à des recherches évaluatives, à des cadres d'évaluation, à des modèles économétriques – sans lesquelles il est impossible de connaître la performance de certains programmes.

Alors, pour favoriser le développement de l'évaluation de programme, nous croyons que la future loi devrait être plus explicite concernant l'évaluation de programme et que les sous-ministres et dirigeants d'organismes devraient être incités à: reconnaître officiellement la fonction en nommant un gestionnaire responsable dans chaque ministère ou organisme; rattacher cette fonction aux dirigeants pour assurer l'indépendance de l'évaluation; développer une expertise interne qui pratique l'évaluation et peut juger des résultats des évaluations réalisées à l'externe; effectuer un suivi du plan d'évaluation de programme; exiger qu'un cadre d'évaluation accompagne toute politique ou programme dès son implantation; soutenir les organismes qui relèvent d'eux mais qui n'ont pas l'expertise nécessaire pour évaluer les programmes.

Nous croyons également que le GRAEP devrait être reconnu officiellement comme organisme de soutien au développement de l'évaluation de programme. Quelques mots sur le rôle du GRAEP. Le GRAEP vient en soutien aux personnes chargées de l'implantation de l'évaluation de programme pour développer l'aide à la décision et contribuer à l'effort gouvernemental visant à accroître la performance du secteur public. Il joue son rôle par: l'instauration d'un réseau de partage des expertises et des expériences entre ministères et organismes; l'action-conseil auprès des organismes centraux; la promotion et l'organisation de forums d'échanges sur les questions reliées à l'évaluation de programme; le support entre gestionnaires de l'administration publique québécoise dans l'implantation des fonctions de suivi de gestion et d'évaluation de programme.

(11 h 50)

En conclusion, l'énoncé de politique sur la gestion gouvernementale est basé sur des principes auxquels on ne peut que souscrire: l'amélioration des services aux citoyens, l'imputabilité des gestionnaires en contrôle, la rigueur budgétaire et la gestion par résultat. L'évaluation de programme peut contribuer directement à la mise en application de ces principes par l'information qu'elle fournit au décideur.

On peut se demander par ailleurs si l'accent mis sur les objectifs et les résultats des programmes fera oublier d'autres réalités comme la pertinence et les impacts des programmes. Le nouveau cadre de gestion semble faire une petite place à l'évaluation de programme, mais ne contient pas les éléments qui pourraient lui permettre de prendre son essor. Il y a lieu de compléter le cadre de gestion en élaborant davantage sur la fonction d'évaluation de programme. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. André Viel, au nom du Groupe des responsables en analyse et en évaluation de programme. Nous amorcerons avec une première question, une première intervention par notre collègue Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci. Alors, la question de la pertinence et de l'impact des programmes est extrêmement stratégique si on veut mesurer l'impact du gouvernement et les changements. J'ai, en fait, deux questions. Premièrement, dans l'évaluation de programme que vous faites en ce moment, depuis que ça existe comme fonction au gouvernement, quel est, à votre connaissance, le pourcentage des programmes qui ont fait l'objet d'une évaluation? Et, dans ce pourcentage-là de ceux qui ont fait l'objet d'une évaluation, quel est le pourcentage de ces évaluations-là qui ont donné lieu à mettre fin à un programme parce qu'il avait rencontré son objectif ou parce qu'il ne l'avait pas rencontré puis qu'il n'était plus pertinent?

L'autre question que j'ai, c'est: À votre avis, où est-ce que ça devrait se faire, cette évaluation de programme, dans la dynamique du projet de cette nouvelle proposition que nous avons, qui est – je le maintiens et je le répète, en appui à mon collègue, le président du Conseil du trésor – d'améliorer le service aux citoyens? C'est ça, l'objectif de cette réforme.

M. Viel (André): O.K. Pour la première question, c'est une question qui est très difficile. Au niveau quantitatif, hein, on n'a pas fait l'inventaire de tous les programmes et de toutes les évaluations. La conception qu'on a actuellement de l'évaluation de programme est assez linéaire. On dit: On a un programme, on le fait évaluer, on décide, on le garde ou on ne le garde pas. Dans les faits, ce n'est pas comme ça que ça se passe. On sait très bien que c'est assez rare qu'on va faire une étude... Est-ce qu'elle est faite dans toutes les règles de l'art? Ce n'est pas toujours possible. Une étude, ça comporte certaines limites. Les gestionnaires vont poser certains jugements aussi, ils vont tenir compte d'autres facteurs. Alors, c'est rare qu'on a une étude qui arrive sur la table, surtout si c'est la seule étude, et qu'on va appliquer immédiatement toutes les conclusions sans se poser d'autres questions.

L'évaluation de programme fait partie d'un système d'information pour les gestionnaires. Par contre, je peux vous dire que j'ai vu des évaluations où on a modifié grandement les investissements qu'on faisait dans certains programmes parce qu'on s'était rendu compte qu'on avait vu trop large. On pensait qu'on pouvait obtenir des effets très, très importants, alors que, en réalité, compte tenu des réalités et de l'implantation du programme, il a fallu se rendre compte que ce qu'on pouvait faire était beaucoup plus humble que ce qu'on avait ambitionné et on a coupé beaucoup les budgets. On n'a pas abandonné le programme. Les besoins, souvent, sont toujours là. C'est difficile d'abandonner complètement toutes les initiatives. On peut ajuster le programme aux succès anticipés, mais on peut l'ajuster aussi, disons, au niveau financier, aux résultats qu'on peut anticiper, qui sont beaucoup plus réalistes quand on fait une évaluation de programme.

Je ne sais pas si mes collègues ont quelque chose à ajouter sur cette question-là. Sinon, on peut passer à la deuxième: Où doit se faire l'évaluation de programme? En fait, déjà, au niveau de l'imputabilité des sous-ministres, on leur a déjà demandé d'être responsables de l'évaluation de programme, ils sont responsables de leur gestion. Donc, dans les organismes dans lesquels on travaille, je pense que c'est le... Le sous-ministre est le client. Il va faire rapport aux parlementaires, au public. Et, donc, si on veut, le client aussi devient l'Assemblée nationale puis les commissions parlementaires. Comme tel, en termes de responsable de l'évaluation de programme, moi, je vois bien qu'on travaille pour informer le sous-ministre du succès des programmes.

Mme Dionne-Marsolais: La raison pour laquelle je pose cette question-là, c'est qu'il faut des compétences particulières pour faire de l'évaluation de programme, comme il en faut pour faire toute tâche de mesure précise. Et, donc, les compétences requises pour faire de l'évaluation de programme correspondent à quoi? Est-ce qu'il y a... Je pose la question parce que, si depuis 1989 vous avez formé votre groupe et vous n'avez pas une idée des pourcentages des programmes qui ont été évalués, moi, ça m'étonne. J'imagine que...

M. Viel (André): Regardez, l'évaluation de programme, ce n'est pas comme la vérification interne, où vous avez une fonction définie, normée, où les gens ont un rôle très précis à jouer. Une évaluation de programme est réalisée par des statisticiens, des agents de recherche, des gens qui sont souvent en politiques et programmes. On va aller chercher l'expertise des universitaires pour faire des études. C'est très diffus, l'évaluation de programme, ce n'est vraiment pas encadré comme de la vérification interne.

Et l'évaluation de programme, ça passe du simple au compliqué. Je veux juste vous donner des exemples. On veut évaluer un indicateur. Bon. Les délais se sont-ils améliorés? Notre système informatique nous le donne. C'est un indicateur qui peut faire partie d'une évaluation de programme, qui est assez facile à aller chercher. Vous voulez évaluer le succès d'un programme qui vise à augmenter le port de la ceinture de sécurité. Déjà là, ça prend des sondages, il faut aller sur le terrain, compter les gens, une méthodologie. C'est des gens qui ont une formation en recherche, habituellement, qui vont faire ces choses-là.

Il y a des cadres d'évaluation à développer pour des programmes plus compliqués. Si vous voulez connaître la rentabilité d'un programme de réadaptation, il n'y a pas de groupe contrôle, le programme a évolué dans le temps, ça devient plus compliqué, ça prend des cadres d'évaluation. Et là, on s'en va vers une expertise. Je dirais, au bout de la progression, vous avez des gens qui sont plus forts en évaluation de programme, qui ont une formation peut-être à l'ENAP ou ailleurs et qui connaissent davantage les cadres d'évaluation. Mais il y a plusieurs individus dans une organisation qui contribuent à l'évaluation de programme. Alors, c'est pour ça que c'est difficile de tracer le contour et de compter les programmes et l'évaluation.

Mme Dionne-Marsolais: Est-ce qu'il n'y aurait pas un intérêt de rapprocher ça avec les responsabilités du Vérificateur général, dans ce cas-là?

M. Ouellet (Rosaire): Moi, je ne crois pas. Le Vérificateur général, il a une responsabilité de voir, dans l'application des programmes, si les programmes sont bien appliqués. Lorsqu'on fait une évaluation de programme, c'est souvent parce qu'on anticipe une problématique à l'intérieur de son fonctionnement, ou on peut anticiper même une problématique à l'intérieur même de sa pertinence.

Les besoins d'une société ou d'une population, ça évolue. Un programme qui est implanté depuis 20 ans puis qui n'a jamais été évalué, je ne suis pas sûr qu'il correspond encore aux besoins pour lesquels il a été implanté, justement. Donc, ça va beaucoup plus loin que le Vérificateur général. Par contre, le Vérificateur général, il va s'en servir, bien sûr.

L'évaluation de programme, lorsqu'on va la chercher, on va aller la chercher avec des gens qui sont de formation pluridisciplinaire. Il y a des aspects économiques là-dedans, il y a des aspects économétriques, il y a des aspects sociologiques, il y a des aspects quantitatifs, qualitatifs. Donc, on va créer une équipe de projet pour faire cette évaluation-là. Et une bonne évaluation de programme ne se fait pas en marge de ceux qui ont à l'administrer. Il faut impliquer les gens qui ont à administrer ce programme-là, dans une évaluation de programme. Ce qui fait que ça se gère beaucoup plus, oui, une équipe d'évaluation de programme, mais chacun des programmes qui vont faire l'objet d'évaluation, ça se fait beaucoup plus par gestion de projets, avec des équipes qui sont multidisciplinaires, qui vont travailler à ce programme-là puis, deux, trois mois après, elles vont être sur autre chose.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Je vais continuer dans... Alors, bonjour, messieurs. Au niveau de l'évaluation de programme, je pense que, habituellement, ce que j'entends aussi, l'évaluation se fait après que le programme a été lancé pour en connaître la performance puis les résultats. Mais est-ce que vous êtes aussi impliqués dans l'évaluation avant la mise en place du programme ou dans la préparation du programme, évaluer la pertinence... Est-ce qu'il y a des choses qui se font dans ce sens-là également?

(12 heures)

M. Viel (André): Ce n'est pas toujours le cas, malheureusement. Nous, on souhaiterait qu'à chaque fois qu'il y a une politique ou un nouveau programme il y ait déjà un cadre d'évaluation de prévu qui accompagne le dépôt de cette politique ou de ce nouveau programme. Des fois, on décide, pour certaines mesures, avant d'adopter une loi: On veut une étude d'impact. Alors, on exige l'étude d'impact, sinon on ne considère même pas le projet de loi. Dans le cas de certains programmes ou de certaines politiques, ça devrait être prévu qu'il y a un cadre d'évaluation. À ce moment-là, ça facilite l'évaluation et même, des fois, ça la rend possible. Parce que autrement, pour les programmes qui sont là depuis longtemps, c'est difficile de mesurer le changement. Et, bien souvent, il faut d'abord commencer par connaître la situation actuelle et voir ce que le nouveau programme va apporter. Mais c'est mieux, comme vous le dites, quand on peut le faire d'avance, mais ce n'est pas systématique, ça.

M. Côté (La Peltrie): Donc, c'est prévu que ça... dans le cadre...

M. Viel (André): Dans certains cas, ça arrive, oui.

M. Côté (La Peltrie): Ça arrive dans certains cas. Avec la nouvelle politique proposée pour... de gestion, là, qu'on examine présentement, est-ce que vous croyez que ça peut faciliter l'évaluation des programmes? Ou encore est-ce qu'elle ne pourrait pas être faite aussi directement par le responsable de l'unité ou du... Parce que, avec tout l'encadrement ou les critères, les objectifs qui vont avoir été définis et déterminés, est-ce que ça ne pourrait pas être, au fond, le chef de direction qui fait sa propre évaluation de programme?

M. Viel (André): C'est sûr que la politique, comme on le dit dans notre mémoire, ouvre la porte à l'évaluation de programme. Il y a déjà eu des précédents, comme on le disait. Bon, l'imputabilité des sous-ministres, les incitations à des organismes centraux, tout ça accentue la pression auprès des sous-ministres et dirigeants d'organismes pour qu'il se fasse de l'évaluation de programme. Ce que la loi ou le cadre de gestion vient ajouter ici, c'est une pression supplémentaire, dans le sens qu'on dit: Bon, écoutez, on va contrôler s'il se fait de l'évaluation de programme. C'est un peu un argument d'autorité, mais, vous le savez comme moi, quand on exige quelque chose, c'est peut-être sage de s'assurer que les gens vont pouvoir nous répondre favorablement, sinon ils vont avoir l'air un peu malheureux. Alors, nous, ce qu'on souhaite, c'est que le cadre aille un peu plus loin pour que les gens soient vraiment en mesure de répondre aux questions qui sont posées sur les résultats. Et, nous, on pense que, s'ils n'ont pas certains prérequis qu'on nomme dans notre mémoire, ils vont vous dire: Bien, oui, on a commencé, on est avancés, mais ce n'est pas assez loin, puis... Ou on n'arrive pas ou ce n'est pas possible. Nous, on pense que le cadre de gestion devrait aller plus loin.

M. Turcotte (Roch): En fait, c'est que l'évaluation de programme, il y a deux façons de la voir. C'est toute la dynamique de l'approche gouvernementale aussi. Vous faites une politique, un programme pour cinq ans ou 10 ans. Ça, c'est une chose. Vous faites un programme puis, en cours de route, vous allez voir comment vous l'avez implanté, vous allez voir pourquoi les gens participent, pourquoi les gens, ils ne participent pas puis vous allez corriger le tir. Mais alors c'est une dynamique de gestion. C'est une dynamique aussi gouvernementale. C'est une dynamique aussi des rapports qu'il y a entre l'Assemblée nationale et les citoyens et des questions qui sont soulevées.

Et, si, à un moment donné, un gouvernement quelconque met un programme puis il en fait quasiment une campagne électorale, c'est-u sûr que le fonctionnaire qui va aller évaluer ça... Il faut qu'il soit prêt à... disons entre guillemets, là, tu sais. C'est pour ça que, nous, on dit entre guillemets...

Une voix: Surtout si le gouvernement a changé après...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Turcotte (Roch): Ça aussi arrive. Ha, ha, ha! Je l'ai déjà vu. En tout cas, j'ai déjà vu des gens qui, à un moment donné, ont évalué un programme, puis la personne qui était évaluée pour son programme, elle considérait que c'était son bébé, puis il y a eu un changement de gouvernement, puis, effectivement, il est devenu le chef... Ça fait que vous voyez un peu le genre.

Mais ça fait partie des conditions. Mais, revenons à ça, nous, on considère que les évaluations, dans la pratique actuelle, c'est le sous-ministre en titre qui doit être la personne responsable. C'est lui à qui sont livrés ces résultats-là, c'est à lui de les gérer.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Lotbinière.

M. Paré: Donc, pas le ministre, le sous-ministre ou le président d'organisme, dépendamment de l'unité autonome ou...

M. Turcotte (Roch): Ça n'empêche pas qu'un ministre puisse passer une commande spécifique, ce n'est pas ça que ça veut dire. Mais, nous, à ce moment-ci, dans nos organismes, c'est avec le sous-ministre qu'on fonctionne. Ça n'implique pas que le Conseil exécutif soit impliqué... Ça n'empêche pas que le ministre soit impliqué ou d'autres, là.

M. Paré: Puis, dans la loi qu'on vous propose, on vous dit peut-être... Bon, au niveau du lien avec le Conseil du trésor, ce serait quoi au niveau de l'évaluation de programme? Parce que vous nous dites aussi, là, que vous voulez être reconnu officiellement... devrait être reconnu officiellement comme organisme de soutien.

M. Turcotte (Roch): Auprès de qui?

M. Paré: Du sous-ministre, c'est ça que vous nous dites?

M. Turcotte (Roch): L'organisme de soutien, ça, c'est par rapport à d'autres ministères ou à d'autres... C'est que, à un moment donné, il y a des équipes, il y a des gens qui ont de l'expérience de ça. Parce que, un bon évaluateur, quand il commence à discuter d'une évaluation, il a déjà en tête le rapport qu'il est en train de produire parce qu'il en a déjà fait puis il sait comment ça va être quand le rapport va arriver. Parce que, peu importe l'évaluation que vous faites, quand vous arrivez pour présenter ça au sous-ministre, il y en a qui se présentent avec ça, ils vous demandent toujours: Les conclusions que vous avez là jusqu'à quel point vous en êtes sûr? Donc, une évaluation, en partant, pour un évaluateur d'expérience... Puis ceux qui gèrent des évaluations savent que c'est à ces questions-là qu'ils doivent répondre. C'est toute une dynamique, c'est pour ça que j'insiste sur la dynamique.

M. Viel (André): Quand vous dites: Auprès de qui on veut être reconnus, il faut voir que l'orientation qu'on prend, c'est que les sous-ministres sont responsables de l'évaluation de programme dans leurs secteurs d'activité, donc on fonctionne toujours de façon sectorielle. Il n'y a pas beaucoup d'approche horizontale au niveau de l'évaluation de programme, surtout si c'est des programmes, là, multisectoriels. Et aussi, au niveau de l'échange d'information, si les gens sont tous isolés, ils vont faire de l'évaluation, mais ils ne profiteront pas de l'expérience les uns des autres.

Il y a plusieurs façons de reconnaître l'existence officielle du GRAEP. Bon, ça pourrait être le Conseil du trésor, ça pourrait, disons... Nous, la façon dont on fonctionne, le GRAEP, c'est ni plus ni moins que du bénévolat, hein? C'est les responsables... Disons, les ministères nous envoient 50 $ par année – en tout cas, ceux qui participent – comme fonds de roulement pour organiser nos activités, nos réunions annuelles, donc on a un budget de 1 000 $, 1 500 $ par année. Le reste, c'est des tâches qu'on ajoute à nos tâches de gestionnaires ou d'agents de recherche, supplémentaires pour promouvoir l'évaluation de programme.

Je ne vous dirais pas qu'on est un peu essoufflés, mais, dans le contexte de gestion actuelle, avec les tâches de travail qu'on a, ça devient difficile de maintenir un organisme comme ça. On peut se demander s'il n'y aurait pas lieu d'avoir un secrétariat permanent comme les vérificateurs internes, quelque chose comme ça. Et, je pense, compte tenu du rôle que peut jouer le GRAEP, ce serait une bonne chose d'assurer qu'il y ait au moins un minimum d'activité horizontale entre les ministères et organismes. Alors, c'est pour ça que, dans la proposition, on aimerait que ça soit reconnu. Les modalités sont discutables, bien sûr.

M. Paré: Mais ce n'est pas fait d'une façon fonctionnelle au gouvernement. Nous avons ici le père des clauses crépusculaires, là, le député de Verdun. Dans une loi, qui s'occupe de faire l'évaluation de la loi?

M. Viel (André): Disons, il y a plusieurs modalités, hein? Quand vous regardez la Loi sur les services de santé et les services sociaux, il est déjà prévu dans cette loi-là que le ministre est responsable d'élaborer une politique et qu'il est responsable aussi de son évaluation et délègue cette responsabilité-là aux régies régionales. Ça, c'est quand même assez fort, là. Quand vous avez besoin de ressources pour évaluer des programmes, vous dites à votre sous-ministre ou à votre ministre: C'est écrit dans la loi qu'on doit évaluer. C'est fort. C'est très fort. On peut s'appuyer là-dessus. Dans bien des ministères et organismes, c'est plus des incitations qu'on a eu des organismes centraux, des incitations aussi au niveau de l'imputabilité des sous-ministres. On mentionnait: Vous devez évaluer vos programmes. Alors, ça fait partie de vos tâches, vous allez être jugés là-dessus. Ça aussi, je veux dire, c'est une certaine incitation.

Moi, ce que je connais, bon, de la Loi sur l'assurance automobile, c'est une loi qui existe depuis 20 ans. On fait des amendements périodiquement selon les besoins, et je sais que, dans certaines provinces, on dit: La loi est adoptée, dans cinq ans, il y a une révision, il y a une consultation, il y a des choses comme ça. C'est beaucoup plus exigeant, là, que d'arriver et, selon les besoins perçus, faire une modification après sept, huit ans ou 10 ans. Les mécanismes ne sont pas tous prévus dans les lois pour revoir la loi, la réévaluer, mais c'est sûr que, si vous avez ce mécanisme-là, ça va créer du travail pour les évaluateurs de programme parce qu'il y a une échéance.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous allons passer aux questions de l'opposition officielle. M. le porte-parole.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, M. Viel et vos collègues, de votre présentation et de votre mémoire. Vos préoccupations se situent dans la réflexion, je pense, sur le «quoi» plus que sur le «comment». Lorsqu'on regarde la mission de l'État et, donc, qu'est-ce que l'État doit continuer de faire, est-ce que ce qu'il fait est toujours pertinent et la façon dont il le fait? Comme vous le mentionniez tantôt, les besoins de la population évoluent, donc il est normal que le gouvernement, l'État s'ajuste également en termes de services à rendre à la population. Et, à cet égard-là, tout le processus d'évaluation de programme prend un sens particulier et, je pense, très important. Ce qui se dégage de votre mémoire, c'est que ça ne paraît pas être une grande préoccupation au niveau gouvernemental, l'évaluation de programme. C'est ce qui se dégage. Peut-être que je me trompe, là, vous pourrez me corriger, mais par ce que vous dites et ce qui s'est produit au cours des 10 dernières années... Est-ce que vous pouvez faire vos commentaires là-dessus?

(12 h 10)

M. Viel (André): Je crois que – on le mentionne dans le mémoire – c'est une grande préoccupation, l'évaluation de programme. Le Vérificateur en a parlé, les plans stratégiques en font foi aussi et le plan stratégique gouvernemental aussi insiste sur l'évaluation de programme. Puis, ça fait longtemps qu'on en parle, d'évaluation de programme, c'est toujours la difficulté de passer des moyens de pression pour qu'il y en ait à la réalité de la pratique d'évaluation de programme. Parce que, je ne dirais pas que les incitations passées n'ont pas porté fruit, il y a certains endroits où vraiment il y a des sous-ministres qui sont arrivés, ils ont dit: Je vais me bâtir un service d'évaluation de programme où je veux évaluer mes programmes sur cinq ans. Ça a eu des effets, mais je dirais que ce n'est pas partout, et il y a encore beaucoup de travail pour convaincre, des fois, les hauts dirigeants et les sous-ministres de l'utilité de l'évaluation de programme, mais aussi de peut-être changer leur perception de l'évaluation de programme. Beaucoup voient ça comme une menace. Quand j'ai l'étude sur mon bureau, qu'est-ce que je fais avec?

Alors, il y a une façon de livrer les résultats de programmes, il y a une façon aussi de juger ces résultats-là et de les intégrer à l'ensemble du système d'information qui aide à la prise de décision, mais il y en a qui voient l'évaluation de programme: étude, obligation de décision immédiate en fonction des résultats qui sont là. C'est les difficultés qu'on rencontre.

M. Marcoux: Est-ce que, pour appuyer ce travail-là de façon plus générale dans l'ensemble de la fonction publique... Vous mentionniez qu'il y a certains sous-ministres qui y ont accordé de l'importance, qui l'ont fait, d'autres moins, et je pense que c'est normal que ça puisse varier comme ça, mais est-ce que, à votre avis, ça requerrait une action peut-être un peu plus coordonnée au niveau central du gouvernement pour justement inciter les sous-ministres à le faire et que ça ne reste pas, là, au bon gré de chacun?

M. Viel (André): Nous, on s'inquiète un peu. On ne connaît pas le sort qui va être fait à la directive sur l'évaluation de programme et la vérification interne. Comme je le disais tantôt, si le GRAEP existe, c'est parce que la directive a été adoptée en 1989. On nous demandait de faire des rapports au Conseil du trésor, alors, là, on s'est rassemblés, on a dit: Bon, comment on fait ça, ces rapports-là? On voulait avoir un interlocuteur face au Conseil du trésor. Là, c'est un peu l'inconnu, on ne sait pas. On s'attend à ce que la directive soit remplacée par le nouveau cadre de gestion, mais, si la directive disparaît, il n'y a plus d'obligation qui est faite aux sous-ministres ou dirigeants d'organismes de nommer un responsable de l'évaluation de programme. Alors, nous, ça nous enlève un peu...

Parce que les responsables, nous, en fait, on va les chercher un peu à chaque fois, hein? Disons qu'à tel ministère, bon, le responsable est parti, ce qui arrive assez souvent, on écrit au sous-ministre: Qui est votre nouveau responsable? On se demande, si on n'écrivait pas au sous-ministre, s'il en nommerait un. On n'est pas certain. C'est possible, mais il n'y a rien qui l'incite vraiment à se nommer un responsable d'évaluation de programme comme tel, là, avec la responsabilité d'implanter l'évaluation de programme. Alors, c'est pour ça qu'on trouve que le cadre de gestion devrait aller plus loin par rapport à ces choses-là. Mais c'est sûr que les sous-ministres, avec tous les travaux qu'ils ont à faire, ça leur prend un responsable, ils ne peuvent pas, jour après jour, s'occuper d'évaluation de programme.

M. Ouellet (Rosaire): J'ajouterais peut-être en complément de réponse que les ministères et organismes pour lesquels cette fonction-là est prévue dans leur loi, le problème ne se pose même pas pour le sous-ministre. C'est prévu dans la loi, donc il y a une équipe évaluative qui est là et qui procède à l'évaluation de programme selon les priorités discutées, j'imagine, entre le sous-ministre et le ministre. Mais, là où ça n'existe pas, bien, la fonction évaluative, qui est pourtant une fonction de gestion à la prise de décision qui est importante, c'est laissé un peu au laisser-aller de la directive et des pressions que le Conseil du trésor, par exemple, pourrait exercer sur le sous-ministre sur un programme en particulier qui peut avoir une étude évaluative avant de réinjecter des nouveaux fonds dans ce programme-là.

Il s'en fait un peu d'évaluation de programme en dehors des ministères qui n'ont pas de loi spécifique à cet effet ou pour lesquels ce n'est pas inscrit dans leur loi, mais c'est plus rare, c'est plus difficile et c'est souvent suite à des demandes ponctuelles d'un sous-ministre qui a une problématique ou un intérêt particulier pour ce champ-là. Mais ça n'existe nulle part, et, dans le nouveau cadre de gestion, on ne le voit pas non plus. Ça pourrait arriver, par exemple, que, oui, ça soit dans les attentes signifiées du sous-ministre, qu'on dise: Vous devez évaluer tant de programmes par année ou tel type de programmes, vous venez nous en rendre compte l'année prochaine. Mais souvent il y a des gros programmes, et une étude évaluative de certains programmes peut prendre plus que trois ou quatre mois. Il faut être conscient de ça aussi, là.

M. Marcoux: Est-ce qu'il y a beaucoup de lois de ministères ou d'organismes qui prévoient cette obligation de...

M. Ouellet (Rosaire): À ma connaissance, je pense que le Conseil supérieur de l'éducation, c'est prévu dans sa loi, la Loi du ministère des Affaires sociales, c'est prévu dans la loi. Puis il y en a un autre, puis, l'autre, je ne m'en souviens pas par coeur.

M. Marcoux: La Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, je crois que c'est...

M. Ouellet (Rosaire): Oui, c'est ça. Exact.

M. Marcoux: Vous parliez d'une directive qui existe depuis 1989, donc que je ne connais pas. Si je comprends, ça n'a pas été révisé, cette directive-là, c'est toujours la même même malgré le changement de contexte, j'imagine. Est-ce que, pour vous, ça devrait être révisé? Et est-ce qu'il devrait y avoir certains instruments de support qui pourraient être fournis et qui seraient disponibles, dans le fond, dans l'ensemble des ministères pour effectuer correctement – parce que, il ne faut pas faire ça pour rien, il faut le faire correctement, selon les règles de l'art – de l'évaluation de programme?

M. Viel (André): La directive comme telle, il a été question de l'abolir à un moment donné. Nous, comme on y voyait un certain avantage à ce qu'elle soit maintenue, je dirais que... Je crois qu'elle est encore en vigueur, mais je pense qu'il était question de la remplacer. Elle avait fait l'objet d'un travail de la part du Vérificateur général pour voir si la directive était appliquée, etc., et je pense qu'on avait certaines difficultés avec la directive où, bon, en fait, il fallait faire un rapport annuel au Conseil du trésor, le Conseil du trésor devait recevoir nos études évaluatives. Alors, ce n'est pas toujours évident. En fait, les rapports qu'on faisait, c'était sur le nombre de personnes qui faisaient l'évaluation de programme, le nom des programmes évalués, mais, nous, ce qu'on sait, c'est que ces rapports-là étaient très difficiles à interpréter pour le Conseil du trésor compte tenu des questionnaires qu'on remplissait, et la compilation qu'on en faisait, j'imagine, n'était pas satisfaisante, et peut-être que nos rapports s'accumulaient.

Certains rapports sont simplement, des fois, des profils de clientèles, des rapports descriptifs, alors l'intérêt, je pense, pour le Conseil, avait diminué par rapport aux résultats que la directive pouvait apporter en termes de contrôle d'un organisme central, et je pense qu'on a pris une autre orientation qui est beaucoup plus de dire: Bien, écoutez, organisez-vous pour faire de l'évaluation de programme, et puis vous nous rendrez des comptes par la suite. Et je pense que le Conseil, quand même, s'apprête à contrôler les ministères et organismes au niveau de l'évaluation de programme, mais, là on soulève une question, on ne sait pas trop qu'est-ce qui va se passer, dans le sens que c'est très clair dans le cadre de gestion, là, pour la vérification interne, pour l'évaluation de programme, le Conseil va intervenir.

M. Ouellet (Rosaire): Et il faut ajouter aussi que le Conseil du trésor, actuellement, depuis environ un an, travaille beaucoup à essayer de construire ou de confectionner un guide qui pourrait servir dans les différents ministères et organismes de support pour ceux qui veulent en faire, de l'évaluation de programme, et actuellement, en tout cas, on collabore beaucoup avec les fonctionnaires du Conseil du trésor pour essayer de camper cette idée-là. Je pense que ça vient dans le cadre de la foulée de la reddition de comptes, là, et, bon, c'est une démarche qui est partie.

Ce qui nous étonnait à prime abord à l'intérieur du projet de loi qui est là, c'est qu'on n'en faisait pas mention beaucoup que dorénavant ça sera une fonction, et je pense que c'est à peu près là qu'il faut le voir que dorénavant cette fonction-là de gestion, ça va être une fonction qui devrait ou qui doit être appliquée dans chacun des ministères et organismes. Et, pour le Conseil du trésor ou le Conseil exécutif, lorsqu'ils adoptent un programme qui est proposé par un ministère ou un organisme, un programme ou une politique, le réflexe serait de dire: Ce programme ou cette politique-là ne comporte pas de cadre évaluatif qui y est rattaché, retournez ça au ministère ou organisme en disant: Rattachez-y un cadre évaluatif, puis vous nous le renverrez après, on l'adoptera après.

M. Marcoux: Peut-être, M. le Président, un dernier commentaire avant de passer la parole à mon collègue de Verdun. Simplement rappeler, je pense, à la commission et pour tout le monde que la commission de l'administration publique, en septembre dernier, a fait une recommandation pour que la Loi sur l'administration financière soit modifiée, pour faire en sorte, entre autres, que l'évaluation de programme soit une fonction obligatoire pour tous les ministères et que tout nouveau programme prévoie, dès sa mise en oeuvre, des mécanismes d'évaluation. Donc, il y a déjà eu des recommandations, au niveau des parlementaires, de faites à cet égard-là. Je pense que c'est important de le rappeler.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Verdun.

(12 h 20)

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Bon, d'emblée, je dois vous dire que je suis en faveur de tout ce qui est évaluation de programme, mais j'ai tiqué sur une réponse que vous avez faite à ma collègue de Rosemont lorsque vous avez dit: Non, il faut que ça reste à l'intérieur du ministère. Et votre argumentation était de dire: Oui, ça prend du multidisciplinaire, ça prend bien sûr l'implication des gens qui gèrent le programme. Bon, dans les nombreux programmes que le gouvernement a, de la sédimentation de programmes, des programmes qui n'ont même plus de... et ils continuent à être.... Des programmes qui sont même dans deux ministères différents, ce n'est pas... Si vous voulez qu'on s'assume, je vais vous en citer un certain nombre. Vous avez des programmes dans un ministère, des programmes dans un autre ministère qui ont sensiblement les mêmes objectifs, qui se recoupent avec des efficiences un peu différentes.

Je me demande, moi, personnellement, compte tenu de l'importance de l'évaluation de programme, s'il ne serait pas important de la confier à un organisme qui soit extérieur à chacun de vos ministères, qui, dans leur évaluation, bien sûr, impliqueraient ceux qui gèrent le programme – on ne peut pas le faire sans eux – bon, qui ferait, bien sûr, appel à tous les gens multidisciplinaires, mais qui serait extérieur, dans la mesure où il pourrait coordonner l'ensemble des objectifs pour une fonction, que ce soit, par exemple... Je voudrais vous donner l'aide à la recherche. Par exemple, vous avez un programme de crédits d'impôt, vous avez un programme de subventions directes qui relèvent à peu près de deux, trois ministères, l'Agriculture, vous avez les Finances et le Revenu, vous avez le nouveau ministère de l'Industrie, Science et Technologie, est-ce que vous êtes réellement opposés à cette approche-là où on pourrait quasiment, presque voir soit rattaché au Vérificateur général, soit un organisme qui soit séparé du Vérificateur général, mais qui aurait fonction de faire réellement l'évaluation régulièrement pas de tous les programmes, mais enfin des programmes et de faire un rapport non pas à un sous-ministre, mais soit au Conseil du trésor et voir... Pourquoi pas aux parlementaires? Pourquoi pas réellement déposer... Un groupe comme le vôtre déposerait périodiquement, tous les ans: Nous avons nous évalué tel ou tel programme, et voici l'évaluation que nous en faisons. Est-ce que vous êtes opposés à cette approche-là?

M. Viel (André): Pas du tout.

M. Gautrin: J'avais... Ça m'a fait....

M. Viel (André): Non. Nous, à date, on était surtout centrés sur ce qu'on appelle l'évaluation qui se fait à l'interne. En fait, le cadre de gestion nous situe dans un contexte où on se préoccupe de l'évaluation de programme à l'interne, vis-à-vis de nos sous-ministres. Vous soulevez la question d'évaluation externe, un peu comme ce que peut faire le Vérificateur général...

M. Gautrin: Oui, absolument.

M. Viel (André): ...comme vérification externe. Cette fonction-là d'évaluation, disons, ça prendrait des ressources. Il est possible que l'ENAP puisse jouer un rôle. Nous, on fait souvent faire aussi des évaluations par des groupes universitaires. Il y a des expertises soit... En tout cas, dans le monde universitaire. Ça peut être l'entreprise privée aussi. Le gouvernement peut demander une étude évaluative. Est-ce que c'est bon d'avoir un organisme permanent qui fait de l'évaluation? Ça existe dans d'autres pays, ça cause un certain nombre de problèmes. Je pense que le Conseil du trésor a regardé ces alternatives-là. Vous avez quand même aux États-Unis, là, des organismes très puissants d'évaluation et des lois très puissantes qui obligent les évaluations. C'est une avenue, mais je crois que, probablement, le Conseil du trésor doit se pencher là-dessus et regarder sérieusement la question.

Nous, on ne peut pas s'opposer à ça. Ça pourrait être des évaluations qui viennent contredire les nôtres, mais ça, dans le domaine de l'évaluation, moi, je l'ai vécu depuis plusieurs années, j'ai vu une évaluation qui était tout à fait défavorable, bon, de la part d'un universitaire. Même, je vous dirais sur la ceinture de sécurité, on faisait des études au début, et il y avait des études qui disaient que c'était très nocif, que c'était dangereux. Les gens, quand ils tombaient à l'eau, ils étaient attachés, ils allaient se noyer. Bon. Il a fallu faire toute une série d'études pour démystifier ces choses-là. Dans le monde de l'évaluation, il y a des études contradictoires. L'évaluation n'est pas toujours facile, alors il faut vivre dans ce monde-là, il faut être ouvert à l'évaluation externe. C'est une production d'informations, puis il reste aux décideurs de faire la part des choses, de tenir compte de l'opinion de la population, etc. C'est pour ça que, moi, j'ouvre sur l'évaluation de programme, ce n'est pas un processus fermé qui nous amène inévitablement à une solution. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne.

M. Gautrin: Et l'idée d'avoir sur chaque règlement, chaque loi, une espèce de...

M. Viel (André): Il y a des priorités probablement, là.

M. Gautrin: ...de durée limitée de la portée, c'est-à-dire de forcer la réévaluation d'un règlement ou d'une loi ou d'un programme au bout d'un certain temps pour éviter ce que j'appellerais... qu'il y a tellement de choses qui sont montées, mais il existe toujours un programme qu'on avait créé, probablement pertinent il y a une quinzaine d'années, puis il est toujours là, il continue son petit bonhomme de chemin sans qu'il ait plus de pertinence, mais il est encore là.

M. Ouellet (Rosaire): Peut-être pour faire un parallèle – je pensais à ça lorsqu'on lisait le mémoire – lorsque le rapport Facal a fait l'inventaire des organismes publics, il s'est rendu compte qu'il y avait des organismes qui existaient, mais on se demandait pourquoi ils étaient encore là, hein? Et on les a abrogés, ces organismes-là parce qu'on a bien vu... On a fait quoi? Dans le fond, ce qu'on a fait, c'est une forme de démarche évaluative. On est allé voir dans les organisations publiques si ces organismes-là étaient encore pertinents, est-ce qu'ils avaient encore leur raison d'être. Dans le fond, c'est ce qu'on a posé comme problème: Est-ce que ces organisations-là ont encore leur raison d'être? O.K.? C'est la première chose qu'on a posée.

Et c'est la même question qu'il faut poser par rapport aux programmes: Est-ce que ce programme-là a une raison d'être? Et, si on faisait le tour, probablement, de la majorité des programmes gouvernementaux, on se rendrait compte... Il y en a beaucoup qu'on fermerait, mais on se rendrait compte que ça nécessiterait de nouveaux programmes qui répondent à de nouveaux besoins.

M. Gautrin: Je suis tellement d'accord avec vous que je n'ai pas d'autres questions. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions...

M. Léonard: Il me reste deux minutes?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. le ministre, il reste à votre groupe plus de deux minutes.

M. Léonard: O.K. Moi, j'aurais une question. Je pense qu'on est dans le domaine de l'évaluation du quoi, beaucoup, parce que c'est de ça dont il s'agit, et puis je conçois que ce n'est pas très facile. C'est une vaste question, l'évaluation de programme. On raconte, par exemple, que le gouvernement anglais, craignant l'invasion par Napoléon en 1805, à peu près, avait nommé quelqu'un pour faire la vigie, pour surveiller l'arrivée des forces françaises aux territoires britanniques, et ce n'est qu'après la guerre de 1945-1946, en faisant le tour des postes, qu'on a découvert l'existence... Il y avait toujours quelqu'un sur le poste.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Bien, c'est juste pour illustrer la difficulté de l'opération. En réalité, le gouvernement a mis en place des enveloppes pour contraindre les ministères à respecter les ressources mises à leur disposition par le gouvernement, et, à ce moment-là, ça contraint aussi chacun des ministères à établir ses propres priorités, donc à évaluer lui-même ses programmes. Vous, ce que je vois dans ce que vous faites, c'est que vous pouvez les instrumenter, mais la décision d'abolir, de modifier revient soit au niveau politique, soit, en ce qui concerne les programmes qui instrumentent, peut-être au niveau du sous-ministre, mais c'est l'instrumentation. Alors, je vois que vous êtes un peu à la frontière entre le «comment» et le «quoi». On en a débattu depuis deux jours, est-ce que vous vous voyez vraiment plus dans le «quoi» que dans le «comment»? Est-ce que le «comment» peut intervenir aussi sur le «quoi»?

M. Ouellet (Rosaire): Je pense que c'est un tout. Puis c'est un tout qui ne s'arbitre pas au couteau. Ce n'est pas une tranche de fromage qu'on prend puis qu'on met dans notre assiette, ça navigue un peu. Je pense qu'une bonne évaluation de programme qui est commandée à des fonctionnaires qui veulent en faire doit être faite, je pense, dans un premier temps, après une bonne discussion entre le ministre et le sous-ministre. Et j'irais même jusqu'à dire que le résultat de ce type d'évaluation là devrait, selon moi, comme un mémoire ministériel... Lorsqu'on fait un mémoire ministériel pour modifier un programme ou modifier une loi, etc., il y a toujours une partie privée et une partie publique à l'intérieur de ces mémoires-là. Je pense que, pour moi, ça va jusque-là.

Il appartient au sous-ministre, bien sûr, en commission parlementaire sur l'administration publique, de rendre compte du comment il a administré son programme, mais ce n'est pas à lui de répondre si le programme est pertinent. Je pense que, ça, cette réponse-là, la pertinence ou la raison d'être d'un programme, appartient dans notre système parlementaire... Moi, je pense fermement que ça appartient à la responsabilité ministérielle, donc au ministre, mais la façon dont le programme est administré, ça appartient au sous-ministre, et c'est au sous-ministre et au ministre à discuter ensemble, de dire: Est-ce que c'est parce que la façon d'administrer le programme n'est pas correcte que le programme ne marche pas ou si c'est parce que le programme ne répond plus à un besoin, ou que le besoin n'existe pas, ou que le besoin s'est modifié? C'est à eux, une fois qu'ils ont reçu l'évaluation, de s'asseoir avec l'évaluateur et de discuter de ces choses-là et de prendre action après.

Et, oui, on navigue entre la frontière du politique et de l'administratif, entre la frontière de la responsabilité ministérielle, on est très conscient de ça, et un bon évaluateur va toujours être très prudent par rapport à ça. Ce n'est pas à lui de poser un jugement sur la pertinence, mais il peut dire au ministre: Voici les résultats qu'on voit et voici ce qu'on peut en tirer. C'est au ministre à tirer ses propres conclusions par rapport à la pertinence ou à la crédibilité d'un programme.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il nous reste à peine le temps pour une dernière intervention du porte-parole de l'opposition officielle.

M. Marcoux: Est-ce que, par exemple, on pourrait concevoir que les évaluations de programme soient également transmises aux parlementaires lors de la discussion des crédits?

M. Gautrin: Il m'a dit oui.

M. Ouellet (Rosaire): C'est un débat qui va appartenir aux parlementaires, je pense. Pour moi...

M. Marcoux: C'est ce qui permettrait...

Des voix: Ha, ha, ha!

(12 h 30)

M. Marcoux: Je pense, qui permettrait de faire le lien entre les crédits et justement la pertinence des programmes tels qu'évalués.

M. Ouellet (Rosaire): Tout à fait.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur ce, il me reste à remercier les représentants du Groupe des responsables en analyse et en évaluation de programme. Je rappelle à mes distingués collègues que nous nous retrouverons à 14 heures précises. Je vous remercie et je suspends les travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 14 h 02)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission spéciale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental reprend ses travaux. Nous entendons les intéressés dans le cadre d'une consultation générale qui porte sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental proposé par l'énoncé de politique intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique .

Pour débuter l'après-midi, nous avons le plaisir de recevoir MM. Lorain Groleau, Marcel Miville Dechêne et Patrick Moran, trois personnes de grande expérience dans le domaine de l'administration publique. Et je crois comprendre que M. Dechêne enchaînerait, pour ainsi dire. C'est bien ça?

M. Miville Dechêne (Marcel): Exactement, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous pourrez nous présenter, donc, les personnes qui vous accompagnent. On a 20 minutes à vous accorder pour la présentation.


MM. Lorain Groleau, Marcel Miville Dechêne, Patrick Moran et Pierre Sarault

M. Miville Dechêne (Marcel): Certainement M. le Président. M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission, en l'absence de M. Pierre Sarault, en voyage à l'extérieur du pays, j'ai le mandat de vous présenter le présent mémoire. Je suis accompagné pour ce faire de M. Patrick Moran, à ma gauche, et de M. Lorrain Groleau, à ma droite. Nous avons en commun d'avoir oeuvré au Conseil du trésor à un moment où à un autre de notre carrière. Nous sommes partenaires du Réseau québécois pour une gouverne efficace, qui regroupe des gestionnaires de divers milieux qui veulent mettre en commun leurs expériences de gestion afin de faire progresser les concepts qui ont été appliqués avec succès ici ou ailleurs. Je suis, personnellement, comptable agréé de formation, membre de l'Institut canadien des comptables agréés et membre jusqu'en juin 1999 du groupe de travail de l'Institut canadien des comptables agréés sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public.

Le présent mémoire a donc été rédigé par quatre fonctionnaires retraités qui ont toujours eu à coeur la bonne gouverne et la saine gestion. Les membres de ce groupe sont MM. Groleau, Miville Dechêne, Moran et M. Pierre Sarault. Depuis notre départ de l'administration publique, nous avons continué à nous intéresser à ces sujets en participant à divers regroupements et associations, en contribuant à la rédaction d'un document sur la reddition de comptes des sous-ministres et dirigeants d'organismes et à l'organisation d'un même colloque sur ce sujet qui s'est tenu en février 1999 à l'ENAP. C'est donc avec grand intérêt que nous avons pris connaissance de l'énoncé du gouvernement sur la gestion publique. Et c'est avec empressement que nous avons décidé de répondre à l'invitation de la commission de présenter un mémoire. Notre document exposera d'abord notre appréciation générale de l'énoncé, après quoi nous aborderons quelques questions qui nous apparaissent importantes pour la réussite de la réforme présentement envisagée.

Nos commentaires. L'orientation générale proposée. L'énoncé préconise l'implantation d'un cadre de gestion par résultat fondé sur des valeurs qui sont à la base d'une administration publique moderne. La responsabilisation de chacun des agents, l'accent sur la performance et la qualité des services aux citoyens et enfin la volonté de transparence sont essentiels, à notre avis, pour permettre l'assise d'un cadre de gestion par résultat. En effet, la responsabilisation de chacun permet l'atteinte d'une meilleure performance en mettant à profit le dynamisme des personnes. La recherche de la qualité du service aux citoyens constitue aussi une motivation puissante pour tous les agents impliqués et un motif de fierté et de dépassement de soi qui va dans le même sens. Enfin, c'est à la transparence, c'est-à-dire la volonté de rendre compte de ses résultats qui est en quelque sorte la garantie que les valeurs précédentes seront effectivement réalisées.

Nous sommes heureux de constater que le document prend appui sur ces valeurs et propose en conséquence le développement d'outils appropriés à un nouveau cadre de gestion par résultat. Ces outils sont présents à toutes les grandes étapes du cycle de gestion, soit: planification stratégique, programme de dépenses, rapport annuel de gestion. C'est donc sans réserve que nous appuyons le choix du gouvernement de remplacer le cadre de gestion actuel par un cadre de gestion axé sur les résultats et nous reconnaissons l'intérêt des éléments proposés.

Ceci dit, nous croyons que la réforme risque de ne pas donner tous les résultats escomptés si certains ajustements ne sont pas apportés et si certaines ambiguïtés ne sont pas éclaircies. Nous estimons que le projet n'a pas suffisamment pris en compte la distinction entre la responsabilité de gestion et la responsabilité politique et n'a donc pas aménagé adéquatement l'interaction des mécanismes et des outils de gestion proposés. Il nous semble que, dans un système comme le nôtre, fortement marqué par la tradition de Westminster, la prépondérance de la responsabilité ministérielle est si forte qu'il reste peu de place pour la responsabilité des gestionnaires.

Notre intention n'est pas de mettre en cause cette nécessaire prépondérance, mais il est important de dégager aussi un champ d'exercice de la responsabilité des gestionnaires dans la sphère administrative. Notre mémoire s'attachera donc principalement à cette question que nous considérons comme centrale et présentera ensuite nos observations sur quelques éléments de la réforme proposée.

Deux types de résultats, des résultats de programme et des résultats de gestion. La gestion par les résultats permet d'apprécier tant l'impact et l'efficacité des programmes que l'efficience de leur mise en oeuvre. Il importe cependant de bien distinguer ces deux types de résultat.

Résultats de programme. Si on s'intéresse à l'impact et à l'efficacité, on développera des indicateurs qui viseront à apprécier jusqu'à quel point un programme ou une mesure a réussi à résoudre le problème qui a justifié au départ sa conception. C'est dans les plans stratégiques des ministères qu'on trouvera des indicateurs qui serviront à quantifier les objectifs d'impact et d'efficacité poursuivis et qui permettront de juger de leur atteinte après un certain nombre d'années d'existence du programme. Ces indicateurs servent à préciser des choix politiques qui relèvent de la responsabilité des ministres. Ce sont donc les ministres qui rendront compte des résultats qui correspondent aux objectifs de programme puisque ce sont les ministres, en fin de compte, qui décident du choix d'un programme et du budget à y affecter, et ceci, même si l'administration joue un rôle de support dans sa conception et sa réalisation.

Résultats de gestion. Si par ailleurs on s'intéresse à l'efficience des programmes, on développera alors des indicateurs qui tenteront de mesurer des paramètres comme le coût unitaire ou les délais de service de façon à mesurer la productivité d'une mesure ou la qualité du service offert aux citoyens. On retrouvera ce type d'indicateur dans un plan d'action d'une unité autonome de service, qu'on appelle communément UAS, ou d'une unité administrative qui aura conclu un contrat de performance et de productivité. Ces indicateurs permettent de juger de la performance d'une unité et donnent au gestionnaire les informations qui l'amèneront à revoir ses processus, son plan de formation, ses investissements dans les technologies, etc. Ils aident à formuler des choix administratifs qui sont généralement de la responsabilité des fonctionnaires. C'est donc le sous-ministre et ses fonctionnaires qui sont les mieux à même de rendre compte des résultats d'efficience.

(14 h 10)

On remarque donc que le concept de gestion par les résultats varie beaucoup selon qu'il s'agisse de résultats d'impact et d'efficacité ou de résultats d'efficience. Dans le premier cas, les résultats sont liés à des décisions politiques relatives à l'allocation des ressources. Par conséquent, la reddition de comptes qui y est rattachée sera aussi politique. Dans le cas de résultats d'efficience, c'est la responsabilité première des fonctionnaires qui est en jeu, ce qui appelle une reddition de comptes administrative. On argumentera qu'il n'est pas possible de trancher entre le politique et l'administratif, qu'il existe une zone grise ou que les deux aspects sont trop étroitement reliés pour être adéquatement départagés. L'existence d'une zone grise est réelle, mais cette zone est relativement mince, et il existe quantités d'éléments de part et d'autre de celle-ci qui peuvent facilement être qualifiés d'administratifs ou de politiques.

Absence de distinction. L'énoncé gouvernemental ne fait pas cette distinction. Le chapitre 3, intitulé L'Assise de la réforme: axer la gestion sur les résultats , présente les divers éléments du nouveau cadre de gestion. On y retrouve les éléments ayant trait à l'allocation des ressources, comme la volonté d'élaborer un plan stratégique, de publier un plan annuel de gestion des dépenses et de reformuler le rapport annuel pour qu'il porte sur le degré d'atteinte des objectifs du plan stratégique. Mais aussi on note plusieurs éléments reliés à l'efficience, comme l'engagement public sur la qualité des services, la révision par le Conseil du trésor de ses contrôles pour les exercer surtout a posteriori et responsabiliser davantage les ministères et organismes, le développement de contrats de performance et d'imputabilité en suite du concept des unités autonomes de service.

Enfin, sous la section reddition de comptes, l'énoncé propose que celle-ci couvre l'ensemble des éléments touchant autant l'efficience que l'allocation des ressources. Il semble les présenter plus ou moins en vrac, invitant l'Assemblée nationale à les étudier indistinctement dans les diverses commissions en utilisant tous les mécanismes disponibles: étude des crédits, imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organisme, etc.

Il nous semble hasardeux de traiter les deux types de résultats comme un ensemble et de procéder à une reddition de comptes commune dans les mêmes forums, tel que le prévoit l'énoncé de politique, si nous l'avons bien compris. Il est très possible, pour ne pas dire probable, que l'aspect politique prenne le dessus, dans une telle situation, et que les préoccupations d'efficience soient reléguées au second plan.

Tous sont d'accord que la gestion par résultat s'avère la meilleure approche pour assurer une gestion efficiente. Plusieurs autres gouvernements l'ont déjà adoptée, et certains depuis fort longtemps, de sorte que nous avons un rattrapage à réaliser en ce domaine. Il est donc important de se donner toutes les chances de réussite et de fournir à chaque application le cadre le plus facilitant possible.

C'est au niveau de la reddition de comptes que la proposition gouvernementale pose le plus de problèmes, puisque cette étape conditionne tout le reste. Il nous semble essentiel de séparer le plus possible les éléments reliés à l'allocation des ressources et qui sont de nature politique des éléments reliés à l'efficience et qui sont de nature administrative. Les éléments politiques comme le plan stratégique, le plan annuel de gestion des dépenses et le rapport annuel de gestion sont très reliés à l'établissement des crédits annuels, et il serait tout naturel que leur reddition de comptes s'opère devant les commissions sectorielles appropriées, principalement à l'occasion de l'étude des crédits. On pourrait envisager une séance préparatoire à huis clos où des fonctionnaires viendraient exposer les différents documents devant les membres de la commission, accompagnés de recherchistes, que des budgets accrus leur permettraient. Ceci devrait faciliter un niveau de discussion constructif qui ne pourrait qu'aider à améliorer l'efficacité de l'État.

Il ne peut en être de même des éléments administratifs dont la décision relève de fonctionnaires. Cette reddition de comptes administrative qu'au Québec nous avons décidé de réaliser en rendant les sous-ministres et dirigeants d'organismes imputables de leur gestion administrative, il est essentiel qu'elle se réalise dans un cadre non partisan et si possible au fait des notions administratives. Il n'est certes pas impossible de répondre à ces exigences en procédant à la reddition de comptes administrative indistinctement dans toutes les commissions parlementaires. Il nous semble cependant beaucoup plus prudent de concentrer cet exercice à la commission de l'administration publique, qui peut plus facilement développer un certain degré d'expertise et éviter plus facilement de se laisser aller à la partisanerie. La commission pourrait recevoir et étudier les rapports des unités qui auront conclu un contrat de performance et d'imputabilité, mais aussi les rapports des engagements relatifs à la qualité des services offerts aux citoyens. Ces éléments, joints aux rapport du Vérificateur général et à celui du Protecteur du citoyen, offrent une matière qui permettrait un exercice équilibré de l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes. Il est important qu'une commission se spécialise dans la gestion pour que l'administration sente qu'il y a un intérêt pour ses efforts d'amélioration, que les bons coups seront parfois notés et que les manquements ne passeront pas inaperçus. La Loi sur l'imputabilité n'a d'ailleurs vraiment pris son envol qu'au moment où une commission spécialisée en a été chargée.

Le contrat de performance et d'imputabilité. Nous nous intéresserons maintenant aux moyens retenus par le gouvernement pour implanter la gestion par résultat administrative, soit le contrat de performance et d'imputabilité. Nous désirons d'abord formuler notre plein accord avec l'approche retenue par l'énoncé, approche qui reprend les éléments essentiels des unités autonomes de service, formule qui a déjà fait ses preuves ici et ailleurs.

Cependant, tout en étant d'accord avec l'approche, nous croyons que le document comporte certaines ambiguïtés qui pourraient nuire à son efficacité et qui méritent d'être clarifiées. Dans la partie précédente, nous avons souligné la nécessité de distinguer les éléments administratifs des éléments politiques, principalement à l'étape de la reddition de comptes. Mais d'autres points méritent d'être soulignés ici.

La répartition des responsabilités. L'énoncé prévoit que le ministre, le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme de l'unité contractante sont signataires du contrat. Il ne précise cependant pas le rôle de chacun. Or, pour que la gestion par résultat porte tous ses fruits, il nous semble très important que le contrat répartisse clairement et correctement les responsabilités entre les différents acteurs. Ainsi, le dirigeant de l'unité doit disposer de la délégation de gestion la plus grande possible de façon à être totalement maître des décisions quotidiennes de gestion. Le ministre devrait généralement se limiter à donner les grandes orientations et à approuver le plan d'action. Et c'est le sous-ministre, de concert avec le dirigeant de l'unité, qui devrait établir le niveau des objectifs à atteindre compte tenu des ressources dont disposera l'unité.

Les unités contractantes. L'énoncé souligne que l'unité avec laquelle est conclu le contrat de performance et d'imputabilité peut être constituée d'une partie d'un ministère. Cette situation doit être, à notre avis, la règle, et ce n'est qu'exceptionnellement qu'une telle unité coïncidera avec l'ensemble d'un ministère. Généralement, un ministère est constitué d'une unité de planification et d'une ou plusieurs unités opérationnelles chargées de la gestion des programmes du ministère. C'est au niveau des unités opérationnelles que doivent se conclure les contrats et non au niveau de l'ensemble du ministère. Il faut que le gestionnaire signataire du contrat se sente personnellement responsable de l'atteinte des objectifs auxquels il a souscrit. Un sous-ministre n'a que très rarement une unique responsabilité opérationnelle. Lui faire prendre des engagements par ses subordonnés dilue la responsabilité, diminue la transparence de même que la pression qui lui est associée.

L'entente de gestion. Le contrat de performance et d'imputabilité prévoit la conclusion entre le ministre et le Conseil du trésor d'une entente de gestion qui vise à conférer à l'unité contractante tous les pouvoirs dont le gestionnaire a besoin pour atteindre les objectifs fixés. L'expérience des unités autonomes a montré que le secrétariat du Conseil du trésor était rarement disposé à recommander des assouplissements majeurs qui ne seraient pas accordés aussi à l'ensemble des gestionnaires. Et, effectivement, peu d'assouplissements d'importance ont été accordés à l'une ou l'autre des unités autonomes. Or, pour tirer l'ensemble des bénéfices de la gestion par résultat, il est important que le gestionnaire puisse utiliser le moyen approprié à la solution du problème qu'il rencontre, et cela, sans devoir obtenir une autorisation ou dérogation spécifique.

Le gouvernement est dans la phase d'implantation d'un nouveau cadre de gestion particulièrement exigeant pour le gestionnaire à qui on demande du jour au lendemain de rendre public tous ses résultats et ses engagements. Si on veut que ce gestionnaire oublie ses réticences et adhère pleinement au nouveau cadre, il faut qu'il sente que les conditions lui permettront de tirer son épingle du jeu. Le Conseil du trésor devra donc être très ouvert dans ses octrois d'assouplissement, quitte à ce que la fourniture des indicateurs de résultats correspondants fasse partie des premiers objectifs à atteindre par le gestionnaire.

La mise en oeuvre de la réforme. Il s'agit d'une réforme majeure, puisqu'on vise à recentrer l'ensemble de l'administration publique sur la gestion par résultat. Il est évident qu'un tel changement suscitera des réticences à divers niveaux d'une bureaucratie élevée dans la culture du respect des processus, de la prudence et du secret. Dans ce contexte, il faut s'assurer que l'on se donne tous les moyens de réussir.

(14 h 20)

L'expérience des autres pays nous enseigne que certaines conditions sont nécessaires pour la réussite d'une telle opération. Tous les observateurs s'entendent pour souligner en premier lieu la nécessité d'un engagement politique au plus haut niveau envers la gestion par résultat, compte tenu de nombreux changements à la culture organisationnelle traditionnelle que ce mode de gestion suscitera et des obstacles se manifesteront constamment. Cette volonté politique doit être aussi profonde que ce fut le cas, à titre d'exemple, pour l'atteinte du déficit zéro. Elle doit se matérialiser par la détermination et l'annonce d'un échéancier d'implantation de la réforme relativement court, en particulier pour ce qui est des contrats de performance et d'imputabilité dans les secteurs opérationnels.

On doit aussi désigner au sein de l'administration un promoteur responsable de la réalisation de cette réforme dans les délais prévus. Cette fonction doit être située très près du chef du gouvernement, de sorte que son action ne soit pas facilement bloquée par divers intervenants de l'administration dont la priorité concerne souvent des objectifs plus immédiats. Ce leadership doit s'exprimer de façon claire et être en mesure de fournir un support éclairé aux unités administratives dans la mise en oeuvre de la gestion par résultat.

Nous ne pouvons donc douter de la valeur de l'engagement politique du gouvernement envers le mode de gestion par résultat. Il est alors important que cet engagement soit porté par une fonction administrative de leadership de la réforme qui soit bien identifiée, bien située et suffisamment forte. Pratiquement, cette fonction de leadership de la réforme pourrait être située à deux endroits, à savoir au Secrétariat du Conseil exécutif ou du Conseil du trésor.

La première hypothèse présente l'avantage d'une proximité plus grande du chef de l'État et donne ainsi un signal plus clair sur l'intention gouvernementale. De plus, la fonction peut alors être assumée pleinement en dehors des préoccupations habituelles du Conseil du trésor pour ces dossiers prioritaires que représentent la détermination et le contrôle des enveloppes budgétaires et la conduite des négociations des conventions collectives.

La seconde hypothèse est plus naturelle, dans la mesure où le mandat du Conseil du trésor est justement d'établir et de mettre en oeuvre les politiques administratives du gouvernement. S'il nous apparaît souhaitable, en définitive, que le Conseil du trésor assume le leadership de la réforme, il est nécessaire que celui-ci se dégage quelque peu de ses priorités habituelles et place la réforme en tête de ses préoccupations pour assurer qu'elle soit réalisée dans un horizon rapproché.

En conclusion, nous ne pouvons qu'applaudir sans réserve à l'orientation claire de l'énoncé vers une gestion fondée sur les résultats. On y retrouve tous les éléments nécessaires: des plans stratégiques avec indicateurs et des plans annuels de gestion pour l'allocation des ressources, des engagements ministériels sur le service aux citoyens et des contrats de performance et d'imputabilité pour la gestion, le tout rendu public pour assurer une pleine transparence de l'action gouvernementale.

Notre principale réserve tient en l'absence de distinction entre les éléments administratifs et politiques. S'il existe effectivement une zone grise où les deux aspects sont difficiles à dissocier, il y a de très nombreux éléments qu'il est facile et nécessaire de départager, de telle sorte qu'une responsabilité administrative puisse vraiment se dégager sans mettre en cause la responsabilité ministérielle.

Quant au contrat de performance et d'imputabilité, certaines ambiguïtés méritent d'être clarifiées relativement à la répartition des responsabilités, aux caractéristiques de l'unité contractante et à la générosité des assouplissements offerts par l'entente de gestion.

Enfin, la mise en oeuvre d'une réforme de cette envergure ne saurait se réaliser sans le leadership actif du gouvernement et l'action déterminée d'un responsable à l'implantation. Cette volonté doit se manifester par l'établissement d'un horizon relativement rapproché à l'intérieur duquel chaque ministère devra planifier et réaliser l'implantation de la réforme. Il faut aussi que le Conseil du trésor donne clairement la priorité à l'implantation de la réforme et qu'il s'outille en conséquence pour aider les ministères à la réaliser.

Je remercie M. le Président pour les deux ou trois minutes additionnelles et la commission et ses membres de nous avoir fourni l'occasion d'exprimer notre point de vue sur le projet du nouveau cadre de gestion pour la fonction publique.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous m'imputez une générosité que je n'ai pas. Vous avez à peine dépassé d'une minute, quand même.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous passons donc à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Léonard: Oui, merci, M. le Président. Je vous remercie, M. Dechêne, qui êtes en même temps un collègue de profession, ainsi que ceux qui vous accompagnent de votre excellent mémoire qui précise un bon nombre de notions.

Je vais poser une question sur laquelle je reviens, surtout depuis ce matin, parce que je la considère importante. C'est l'objectif même de la réforme, qui est d'assurer des meilleurs services aux citoyens. Parce qu'on discute beaucoup du comment, en quelque sorte, et, au fond, l'essentiel, c'est d'être bien sûr qu'on vise de meilleurs services aux citoyens.

Je vois que, dans l'application d'une réforme comme celle-là dans d'autres pays, un des éléments, ça a été de s'assurer que les citoyens étaient heureux ou, en tout cas, étaient plus contents ou que leur degré de satisfaction montait, avec de telles réformes. Et il y a différentes façons de le faire. Puis je vais revenir aussi sur un autre aspect des choses où, sur le plan décisionnel, il faut que ça revienne soit au gouvernement, soit ici, à l'Assemblée nationale, pour modifier des lois, en adopter de nouvelles. Alors, comment vous voyez cette réforme en fonction de cet objectif fondamental que nous avons? Ça améliore, on peut le prendre pour acquis peut-être. Et peut-être qu'on peut... ce n'est pas nécessairement tout le monde qui partage... Mais, alors, vous, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Miville Dechêne (Marcel): Est-ce qu'un ou une de mes collègues voudrait prendre la parole pour répondre?

M. Groleau (Lorain): Je peux la prendre aussi peut-être, oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. Groleau.

M. Groleau (Lorain): Alors, naïvement, je répondrai à ceci en disant: il est clair que votre document met l'accent sur la qualité de services aux citoyens et que vous entendez demander à chaque organisme de publier ses objectifs en cette matière, de faire un suivi sur ces questions-là. Je pense que ça, en soi, ça peut aider beaucoup.

L'autre élément, à mon sens, moi, c'est la transparence. À l'heure actuelle, on sait, tout le monde, qu'il y a un certain mépris de la population vis-à-vis tout ce qui est administration publique, je veux dire, les gens font des blagues sur le travail des fonctionnaires, etc., parce que les gens ne savent pas ce que les fonctionnaires font.

Je pense qu'avec une transparence accrue où les unités administratives seraient en mesure de dire ce qu'elles entendent produire, à quel coût, quels efforts elles vont faire, venir après coup, ensuite, avec des résultats qui témoignent de leurs efforts, ça, ce serait de nature à améliorer le service et ce serait de nature, en tout cas, à renseigner les gens sur ce que fait cette administration. Je ne sais pas si ça...

M. Miville Dechêne (Marcel): Je pourrais peut-être ajouter quelque chose à ce que vient de dire M. Groleau. J'ai été dans un organisme qui s'appelle la Régie des assurances agricoles, et on avait à gérer des programmes pour des pertes en récoltes ou des pertes en stabilisation des revenus. Et il est évident que, dans un secteur comme celui-là, le meilleur service au citoyen peut faire en sorte que le citoyen soit désarmé ou soit carrément enragé par le travail qui a été fait par les fonctionnaires.

Ce qui doit être fait, normalement, c'est en fonction évidemment des programmes qui sont offerts, mais c'est aussi dans l'honnêteté la plus grande vis-à-vis ce qui peut être donné par rapport aux besoins réels du client. Comme dit M. Groleau, si on s'est entendu au départ dans une façon transparente à mettre en place un programme, par exemple, d'assurance-récolte et que ce programme ne permet pas de rembourser des pertes de fourrage parce qu'on rembourse au-delà de 20 % puis que les pertes ont été de 15 %, il est bien évident que les clientèles que nous servons vont faire toute la démonstration pour dire qu'elles ont effectivement perdu plus que la partie qu'on ne rembourse pas et qu'elles doivent être dédommagées. C'est pour ça que, de ce côté-là, le service aux citoyens ou le service à la clientèle, il faut faire attention aussi par rapport aux objectifs qui sont les nôtres et notre devoir de gestion des fonds publics.

M. Léonard: C'est une mesure directe. Il y a le taux de satisfaction, il y a des sondages, il y a toutes sortes de mécaniques qu'on peut utiliser. Par ailleurs, disons, sur un plan plus général, ici, vous avez des députés qui sont élus, puis, dans le système britannique, émerge un gouvernement de la majorité, mais il y a des débats qui doivent se faire ici. La reddition de comptes en est un moment, vous l'avez abordée. Mais j'aimerais que vous nous parliez un peu de l'avantage que cela procure aux parlementaires et puis à la qualité des débats des parlementaires que d'avoir un tel système ou bien si vous pensez autrement.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Aussi, aussi. Le produit doit être presque un plus petit commun dénominateur.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Disons, pour une qualité de parlementaires donnée.

Des voix: Ha, ha, ha!

(14 h 30)

M. Miville Dechêne (Marcel): Dans des rapports, si vous voulez, de discussions de commissions parlementaires entre, d'une part, des élus et, d'autre part, des résultats, il m'est apparu – et ça, c'est très personnel – que plus souvent qu'autrement, vis-à-vis ce que j'appellerais les gestionnaires de l'État, la documentation qui était mise à la disposition des parlementaires était à tout le moins partielle. Par exemple, j'ai vu plusieurs commissions parlementaires où on a discuté de résultats à partir des rapports du Vérificateur général et du Protecteur du citoyen.

Je suis très conscient que les rapports annuels actuels des ministères et organismes ne permettent pas d'apporter beaucoup d'eau au moulin pour discuter de l'ensemble de la gestion vis-à-vis des parlementaires. Cette partie-là est traitée dans le mémoire pour les meilleurs services aux citoyens, et, pour moi, c'en est une des parties importantes de ce mémoire-là, ce fameux rapport qui va faire état de la performance par rapport aux objectifs qui ont été donnés. Parce que, autrement, vous avez... Et c'est le rôle du Vérificateur général ou c'est le rôle du Protecteur du citoyen de ne soulever que les éléments qui ne fonctionnent pas dans un ministère ou dans un organisme, et il y en aura toujours. Et on l'accepte et on dit: Il y a toujours place, de ce côté-là, pour s'améliorer. Et on ne voit pas tout. Mais, si on ne retient que cette partie négative et si on ne retrouve dans les journaux que cette partie négative, le citoyen ordinaire va toujours croire que, dans l'administration publique, il n'y a que des mauvais coups et du gaspil, ce qui ne m'apparaît pas le cas, d'une façon générale.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Moran.

M. Moran (Patrick): On pourrait peut-être ajouter à ça peut-être naïvement, pour reprendre l'expression de mon collègue M. Groleau, que la qualité des débats va être directement en relation avec la qualité de l'information dont disposeraient des parlementaires à l'occasion de ces débats. Et je crois que, finalement, le sens profond de la réforme, c'est effectivement, à tous les niveaux, soit au moment de la planification stratégique, soit au moment du dépôt des plans annuels de dépenses, soit au moment des rapports annuels puis aussi à l'occasion des redditions de comptes, d'améliorer la qualité de l'information. Donc, on peut toujours un peu naïvement espérer que de là découleront des débats certainement basés sur de l'information plus complète, plus exacte, plus circonstancielle et, de cette façon-là, on va améliorer la qualité des débats.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oseriez-vous dire plus pertinente?

M. Moran (Patrick): Oui, j'oserais.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Moi, je voudrais revenir sur ce que vous identifiez comme une insuffisance par rapport à la responsabilité de gestion, à la responsabilité politique. Vous dites, à la page 5, que les résultats, dans le premier cas, sont liés à des décisions politiques relatives à l'allocation des ressources. Est-ce que, à votre expérience, vous êtes en mesure d'identifier quelle est la marge de manoeuvre politique d'un ministre par rapport à son ministère et par rapport à l'enveloppe budgétaire de son ministère?

M. Groleau (Lorain): Je ne suis pas sûr que je comprends bien votre question, la marge...

Mme Dionne-Marsolais: Je vais la répéter, si vous voulez.

M. Groleau (Lorain): Non, je l'ai entendue, mais peut-être, à ma réponse, vous verrez si j'ai compris ou non. Je vois M. le président du Conseil, là, qui sourit aussi, parce que, quand vous parlez de marge de manoeuvre gouvernementale, c'est évident, c'est une décision gouvernementale et...

Mme Dionne-Marsolais: Je vais être plus précise, alors. Vous parlez d'allocation de ressources.

M. Groleau (Lorain): Oui.

Mme Dionne-Marsolais: Quand on parle d'allocation de ressources, on parle de ressources humaines ou financières. La question que je vous pose: Qui décide de cette allocation de ressources? Est-ce que vous pensez que le...

M. Groleau (Lorain): C'est le gouvernement, quant à nous.

Mme Dionne-Marsolais: Le gouvernement. C'est qui, le gouvernement, dans cette... Parce que ce que vous dites là... J'essaie de voir comment on peut porter un jugement sur une décision politique, qui est de mettre au point un programme donné pour répondre à un problème donné que comme élu on a entendu et comme gouvernement on s'était engagé à réaliser, et les ressources pour la réaliser. Parce que, quand on est ministre, on a quand même une infrastructure qui existe déjà avec des ressources humaines et des ressources financières qui sont négociées avec le Conseil du trésor, etc. Mais il y a déjà une masse critique fort importante...

M. Groleau (Lorain): Oui.

Mme Dionne-Marsolais: ...un pourcentage qu'à l'expérience vous pourriez nous donner, peut-être. Moi, je n'ai que l'expérience des quelques ministères que j'ai faits. Mais il y a un pourcentage qui est difficile à modifier. Alors, la question que je pose...

Le choix d'allocation de ressources, il est, d'après ce que vous nous laissez entendre, du ressort du ministre. Mais, moi, je vais m'inscrire en faux là-dessus parce que je crois que c'est de la responsabilité administrative du sous-ministre de décider pour rencontrer l'objectif de l'implantation d'un programme Y qui est important parce qu'il a fait l'objet d'une décision politique, et les ressources pour le réaliser doivent être prises ailleurs, hein? On a plus de demandes que de ressources disponibles. Cette décision-là, ce n'est pas le ministre qui la prend.

M. Groleau (Lorain): Je comprends que, comme ministre, vous portez déjà le poids de certaines lourdeurs qui sont déjà bâties dans les systèmes et qu'il ne vous est pas facile subitement de transférer des ressources qui sont, par exemple, affectées à du personnel dans un autre type de ressource. Ça, je comprends ça, que vous supportez ce poids-là.

Vous supportez aussi le poids d'une décision gouvernementale qui est à l'effet de vous allouer des ressources totales de x millions de dollars ou, enfin... Et je comprends que vous supportez ça. Et c'est une convention, me semble-t-il, que cette responsabilité ministérielle. La solidarité ministérielle vous engage à supporter ça.

Par rapport à l'autre élément de votre question: Quelle est la marge de manoeuvre qui peut exister – si je comprends bien – dans un organisme qui est déjà constitué et dont vous avez la charge? Ça peut être très...

Mme Dionne-Marsolais: La marge de manoeuvre du ministre – parce que c'est ce que vous dites, ici – pas du sous-ministre.

M. Groleau (Lorain): Oui, je comprends. Nous, ce qu'on dit, c'est que le sens de la phrase qui est ici, c'est de dire: Les fonctionnaires ne peuvent pas porter la responsabilité de l'allocation des ressources. C'est donc le ministre qui la porte et c'est lui qui doit la défendre, en quelque sorte. Et c'est évident que, comme ministre, il a des instructions, des orientations à donner à son sous-ministre. Il voudrait que, comme ministre, l'administration soit plus performante et moins coûteuse de façon à dégager des sommes pour remettre effectivement aux clientèles. Ça, c'est le pouvoir d'orientation, il me semble, que le ministre possède.

Quelle est la manoeuvre effective dont il peut disposer dans une situation donnée? Je ne le sais pas. Mais il est évident qu'une manoeuvre comme ça existe. À la limite, elle existe toujours. Et je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

Mme Dionne-Marsolais: Bien, enfin, vous avez une réponse intéressante. Je ne partage pas votre jugement quant au fait que c'est le ministre qui a la liberté d'allouer les ressources. Il n'a que la liberté de donner le résultat qu'il souhaite d'une orientation qu'il prend. Et c'est là que la question du service à la clientèle ou de la qualité du service à la clientèle, de la qualité du service que l'on rend aux contribuables ou aux électeurs entre en jeu.

Si le politique – puisqu'on va parler avec vos termes – n'a pas d'influence sur l'allocation des ressources... Le ministre ne peut pas embaucher, débaucher, faire de la promotion. Il ne peut qu'autoriser un certain nombre de choses à un certain niveau. Ces choses-là font partie de la gestion quotidienne qui est exercée par le sous-ministre et dont le ministre a la responsabilité. Mais il ne peut quand même pas témoigner... Et la seule unité qu'il a, lui, pour mesurer la qualité du service, ce sont les plaintes qui viennent à son bureau de comté directement ou indirectement par le biais de ses collègues parlementaires. C'est la seule mesure qu'il a.

Alors, ce que je cherche à voir et ce qu'on cherche tous ici à voir, c'est comment on peut faire ce lien-là avec les moyens et la puissance des moyens et des obligations, ça va de soi, de l'administration publique.

(14 h 40)

M. Groleau (Lorain): Je comprends votre intervention et je... Le sens de la phrase qui est ici, c'est de dire: C'est politiquement que doit se porter la décision d'allouer des ressources globales de tant ou tant à tel programme. Ce n'est pas le fonctionnaire qui peut porter ça. À présent, dans la combinaison des différentes ressources puis dans la performance, dans la productivité qui sera mise en oeuvre pour que ces ressources-là produisent un résultat, là, les fonctionnaires sont, à notre sens, imputables.

M. Miville Dechêne (Marcel): La Loi sur l'administration financière dit que le Conseil du trésor présente au gouvernement un projet d'allocation budgétaire. Le gouvernement en discute soit au Comité des priorités ou finalement au Conseil des ministres puis il décide, d'une part, d'un budget global avec les grands équilibres en revenus et dépenses, et emprunts, s'il y a lieu, et, d'autre part, décide, par le biais du Conseil du trésor, de l'allocation de ces ressources-là dans chacun des ministères concernés. Ça, c'est vraiment une décision politique. C'est une décision du Conseil des ministres.

Par la suite, le ministre et le sous-ministre doivent ensemble décider de l'allocation de ces ressources-là en fonction des priorités du gouvernement dans son programme politique. Mais, à l'intérieur de cette discussion-là, il y a toujours, je vous dirais, là, des cas particuliers. Celui qui me vient à l'idée, c'est celui de l'aide sociale. Je veux dire, on peut bien décider d'allouer tant de ressources au programme d'aide sociale, mais, si une récession se pointe et si vous avez 100 000 personnes qui, demain matin, deviennent admissibles à l'aide sociale, vous n'avez pas le choix de leur donner l'aide sociale.

Alors, à ce moment-là, le ministre ou le sous-ministre n'a pas la marge de manoeuvre nécessaire. Tout ce qu'ils doivent faire, c'est retourner au gouvernement pour demander des ressources additionnelles. Lorsque ces ressources-là sont pour des programmes pour lesquels il y a un engagement politique mais pour lesquels on peut modifier soit l'orientation ou... carrément l'abolition en faveur d'un autre programme qui serait jugé par le ministre plus prioritaire, si le ministre est vraiment très bien informé par son sous-ministre de l'ensemble des programmes qui sont sous sa responsabilité, il pourra décider de mettre fin à un programme, de prendre les ressources qui y étaient allouées et de les mettre dans un nouveau programme.

Je vais vous donner un exemple vécu au ministère de l'Agriculture, où je suis allé pendant huit ans. On avait un programme qui s'appelait le programme de Lait-école, et c'est un programme qui coûtait une douzaine de millions par année. Un jour, il y a eu une décision, à partir d'une discussion entre un ministre et un sous-ministre, de mettre fin au programme de Lait-école. À partir du moment où vous mettez fin au programme de Lait-école, vous avez une somme de 12 000 000 $ qui devient disponible soit pour l'inspection des aliments, soit pour engager des professeurs dans les instituts de technologie agricole ou quelque programme qui apparaît plus prioritaire au ministre. Et, à ce moment-là, ce n'est pas le Conseil du trésor et ce n'est pas le gouvernement qui va venir empêcher un ministre et un sous-ministre de répartir l'enveloppe comme bon leur semble. Mais ça sera la responsabilité cependant du ministre, à la défense des crédits, de venir expliquer à l'Assemblée nationale pourquoi le programme de Lait-école n'existe plus et pourquoi les 12 000 000 $ du programme de Lait-école ont été portés pour l'inspection des aliments. C'est comme ça que, moi, je le vois.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et, sur cette lancée, nous allons passer à l'opposition officielle.

Mme Dionne-Marsolais: C'est dommage, on était bien partis.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Miville Dechêne (Marcel): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. On vous remercie, M. Miville Dechêne, de votre présentation. Et je veux en particulier également saluer vos deux collègues qui vous accompagnent, avec qui j'ai eu l'occasion de travailler, il y a quelques années déjà, à titre de collaborateur. Et je vous félicite d'ailleurs de rester impliqués autant dans le suivi de ce qui se passe dans l'administration publique et d'apporter votre expertise.

J'aurais une première question à vous poser et qui est peut-être assez globale. L'énoncé de politique prévoit, comme vous l'avez mentionné, la conclusion de contrats de performance et d'imputabilité. Ce que vous souhaitez, selon ce que je dégage de votre mémoire, c'est qu'on puisse rendre les unités qui participeraient à de tels contrats, je dirais, le plus précises possible en termes d'activités et d'opérations. De sorte que, dans un même ministère, on peut retrouver, donc, un certain nombre d'unités, sinon plusieurs, plusieurs contrats de performance et d'imputabilité, et, si on projette ça à travers le gouvernement, ça peut vouloir dire beaucoup d'unités, beaucoup de contrats. Et quand même, il y a beaucoup de formalités de rattachées à tout ce processus-là, je pense qu'on en convient, à partir de la préparation du plan annuel, le rapport annuel de chacun, la reddition de comptes. Et, je me dis, est-ce qu'il n'y a pas un danger à vouloir trop fractionner et formaliser et, par unités relativement petites, créer ce que j'appellerais – et je ne voudrais pas être péjoratif, là – une bureaucratie qui peut être différente de celle que, disons, pour le moment, on critique, et on remplacerait ça, au lieu d'avoir des autorisations du Conseil du trésor, qu'on a diminuées d'ailleurs avec raison au cours des dernières années?

M. Groleau (Lorain): Si vous me permettez, le nombre d'unités envisageables n'est pas défini. Mais, même s'il y en avait – je ne sais pas – 200, on aurait 200 états de questions faits par des personnes qui gèrent des millions de dollars, pour ne pas dire des milliards. Et il me semble que, dans des entreprises où on gère des sommes de cette envergure-là, on demande aux gens de déposer leur plan d'action, leur plan d'intervention, leurs objectifs, les indicateurs. Et tout ce qui est proposé dans cette réforme-ci, c'est en quelque sorte d'amener les gens du secteur public au même niveau, de leur donner les mêmes outils de travail, de généraliser ces différents outils de travail où les gens, d'avance, établissent leurs objectifs clairement, les indicateurs qui vont servir à mesurer l'atteinte ou non de leurs objectifs, les mesures de performance, etc.

Il me semble qu'il faudrait bien sûr ne pas trop éclater ça, des petites unités, très petites. Mais, s'il y en avait quelques centaines, ce n'est pas terrible, là. Les gens sauraient ce qu'ils font, tout le monde saurait ce que le voisin fait, et les gens seraient motivés pour atteindre les objectifs sur lesquels ils se sont engagés. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Moran (Patrick): Je pourrais peut-être ajouter à la réponse de M. Groleau qu'ayant eu l'occasion de voir de plus près l'expérience britannique, avec les agences gouvernementales, j'ai pu constater qu'au fond on ne semblait pas avoir éprouvé ni des problèmes ni des contraintes avec ce que je conçois comme étant votre appréhension d'un émiettement des responsabilités dans beaucoup de petites unités.

Au fond, la formule des UAS, dans la philosophie britannique, je pense, qu'on a d'ailleurs reprise ici, c'est en quelque sorte: à partir du moment où on a fait un examen d'une activité quelconque à l'intérieur du gouvernement et on a décidé qu'il fallait que ça reste, pour toutes sortes de raisons, dans le giron gouvernemental, à ce moment-là, il était souhaitable que, tout en étant resté dans le giron gouvernemental, on donne le maximum d'autonomie, on donne le maximum de responsabilités et de précisions à l'égard de cette responsabilité au gestionnaire responsable. Et, à ce que je sache des échos que j'en ai eu, cette expérience-là, qui est encore maintenant... peut-être depuis 10 ans, on n'aurait pas constaté des problèmes de l'ordre que vous avez mentionné.

(14 h 50)

M. Marcoux: Merci. Je voudrais aborder un autre point que vous n'avez pas abordé dans votre mémoire, mais sur lequel vos commentaires d'administrateur public expérimenté seraient, pour moi en tout cas, importants. Comme l'énoncé de politique l'indique au point de départ, au début, le document ne porte pas sur le rôle de l'État ou la mission de l'État ou la vision de l'État, donc ne porte pas sur le quoi par rapport au comment. Donc, c'est un choix qui avait été fait.

M. Gautrin: Mais il pose la question de qui.

M. Marcoux: Oui. Et, dans une conférence qui a eu lieu récemment à l'ENAP, je pense, les 12, 13 et 14 septembre, sous le thème L'administrateur public, une profession en mutation , ce que je comprends d'une synthèse des débats, c'est qu'on a abordé cet aspect de la modernisation de la réforme de l'administration publique en disant que, la réévaluation, il y avait trois dimensions: l'organisation pourquoi, l'organisation comment et l'organisation qui, comme vient de le mentionner mon collègue de Verdun.

Et il semblerait qu'une proportion importante, en tout cas plusieurs des gens qui y étaient, des administrateurs publics, considèrent qu'il y a un déséquilibre entre l'importance relative qui est accordée aux divers volets de la réforme. Bon. On centre beaucoup sur le comment et fort peu ou pas du tout sur le quoi et également sur le qui. On dit: En ce qui concerne le quoi et des propositions qui se dégageraient, ce serait d'insérer les transformations d'administration dans le cadre d'une vision de l'État. Globalement, les gestionnaires, lorsqu'ils s'interrogent sur le comment, souhaiteraient qu'il leur soit permis de passer à l'action sans remise en cause continuelle dans le cadre du quoi préalablement clarifié. Je pense que ça s'inscrit d'ailleurs dans un ordre logique: avant de dire comment on va le faire, définir qu'est-ce que nous allons faire. Est-ce que vous partagez, vous êtes d'accord avec cette préoccupation qui est exprimée et que le quoi, préalablement, est aussi sinon plus important que le comment, si on veut que le comment réalise les objectifs qu'on veut lui assigner?

M. Miville Dechêne (Marcel): À mon humble avis, le quoi, c'est de nature strictement politique. Dans le cadre du gouvernement du Québec, les deux tiers des budgets sont pour l'éducation et la santé. On voit la discussion, cette semaine, avec le rapport Arpin sur la façon de gérer la santé, public-privé. On voit, depuis le début de septembre spécialement, beaucoup de discussions au niveau de l'éducation, l'éducation publique, l'éducation privée. Ce sont des discussions qui doivent se tenir, mais ce sont des discussions qui amènent une décision de nature politique, à mon avis.

Lorsque la décision politique est prise, par la suite il y a des mandats qui sont donnés à l'administration pour gérer les biens et les services en fonction des programmes que le gouvernement a décidé de réaliser lui-même. Et, à mon avis, ce n'est pas à l'administration de décider si un service de santé doit être à deux vitesses ou à plusieurs vitesses ou à une vitesse, si l'éducation doit être publique, semi-publique ou privée. Ce n'est, pour moi, surtout pas aux fonctionnaires de décider. Mais, lorsque la décision est de nature politique et lorsque les budgets décidés par un gouvernement y sont affectés, c'est le rôle des administrateurs de voir à ce que le service décidé par l'État soit donné, avec tout ce qu'il faut au point de vue efficience, efficacité et économie. Je ne sais pas si Patrick veut rajouter quelque chose.

M. Moran (Patrick): J'ajouterais aussi qu'il ne me semble pas que les éléments que vous avez mentionnés soient totalement absents de l'énoncé de politique; j'en prends pour témoin la section qui traite de l'élaboration du plan stratégique parce que, foncièrement, le contenu du plan stratégique découle des... en commençant par les options générales du gouvernement à descendre par les budgets disponibles. Mais les plans stratégiques, foncièrement, représentent des options, des décisions à l'égard du quoi. Et, donc, je trouve que l'énoncé de politique situe bien le comment dans ce cadre-là et établit donc le lien entre les discussions de façon très générale sur le quoi et leur traduction concrète dans les moyens très concrets et dans la gestion.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: J'ai trois questions. Ma première question, elle va toucher... Je crois que vous allez me répondre oui. Je partage avec vous tout à fait les dangers de l'application de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes si on politise le débat. Je suis d'accord avec vous que, si la source principale d'information est le rapport du Vérificateur général, voire celui du Protecteur du citoyen, on a une tendance de biaiser un peu le débat vers le côté négatif, ce qui peut parfois projeter une vision un peu pessimiste sur la fonction publique. Je partage ce point de vue. Et j'ai un extrême respect, moi, pour la fonction publique québécoise, actuellement.

Mais est-ce que le problème des rapports annuels... sont tellement différents, sont tellement, par contre, tombés dans l'autosatisfaction qu'ils sont virtuellement inutilisables pour un parlementaire. N'y aurait-il pas lieu d'aller vers une loi-cadre, actuellement, qui spécifierait clairement ce qu'on doit entendre dans les rapports annuels? Le rapport de gestion est une possibilité, mais moi, je verrais quand même la loi-cadre, qui est quand même un peu plus vaste que strictement les rapports de gestion. Quelle est votre position sur une loi-cadre sur les rapports annuels?

M. Miville Dechêne (Marcel): Personnellement, je serais très défavorable à inscrire dans une loi les différentes parties d'un rapport annuel parce qu'on sait qu'une loi c'est quelque chose qui est plus statique et qui est plus difficile à modifier. Pour ce qui est des rapports annuels eux-mêmes, je vous dirais même une expérience vécue personnellement. Le Conseil du trésor avait, au cours des ans, cru nécessaire d'avoir une directive sur tant la forme que la présentation, que la qualité du papier des rapports annuels. Ce qui a fait que les rapports annuels sont devenus tous de même facture, tous de même couleur et plus ou moins intéressants à lire, puisqu'ils ne faisaient que reprendre des généralités.

M. Gautrin: Totalement inintéressants.

M. Miville Dechêne (Marcel): Totalement inintéressants.

M. Gautrin: Je les lis presque tous. Totalement inintéressants.

M. Miville Dechêne (Marcel): Nous avons essayé, lorsque j'étais à la Régie des assurances agricoles, d'avoir un peu d'initiative dans ce domaine, pour se faire blâmer un peu parce que nous ne respections pas les directives du Conseil du trésor. Et je suis d'accord que, s'il y a des directives, nous devons les respecter ou nous devons faire en sorte de les faire modifier. Mais, moi, mon objectif, c'était tout simplement de dire: Il y a moyen de faire un rapport annuel qui est plus intéressant, on va démontrer que ce rapport-là est possible et par la suite on va avoir un élément additionnel pour faire modifier la directive du Conseil du trésor vis-à-vis les rapports annuels.

M. Arpin, au Musée de la civilisation, avait fait un rapport annuel, une année, sur les 12 attributs de l'efficacité, il l'avait fait en collaboration avec le Vérificateur général, et vraiment c'était un rapport qui est très intéressant à lire...

M. Gautrin: Je me rappelle.

M. Miville Dechêne (Marcel): ...et que les gens se sont arraché. J'aurais souhaité que l'ensemble des rapports des ministères et organismes de la fonction publique soit tels qu'on veuille se les arracher et que l'Éditeur officiel en manque. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Merci, mais je poursuivrai. Deuxième question. Et je vais reprendre, en la reformulant peut-être d'une manière un peu différente, la question de ma collègue de Rosemont, tout à l'heure. Lorsqu'on va avoir des rapports et des contrats de gestion entre les gestionnaires et le Conseil du trésor... J'essaie d'interpréter la position de ma collègue de Rosemont, c'est: À quoi sert le ministre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: ...sinon à répondre aux questions en Chambre?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Miville Dechêne (Marcel): Je vous répondrais que le ministre, pour moi, c'est l'inspirateur, c'est le leader, c'est celui qui fait que les choses se réalisent dans son ministère. Le ministre, pour moi, c'est celui qui a le pouvoir d'aller discuter avec des collègues au Conseil des ministres pour aller chercher des ressources qui sont très limitées. Il ne faudrait jamais blâmer un ministre s'il revient du Conseil du trésor ou s'il revient de l'Exécutif avec moins de ressources que ce que ses fonctionnaires lui auraient demandé vis-à-vis des programmes et services qui doivent être offerts à la population. Mais, pour moi, le ministre devient, à ce moment-là, d'autant plus un inspirateur, s'il a obtenu moins de ressources, qu'il a une discussion avec la haute administration de son ministère pour réaliser les programmes prioritaires avec moins de ressources.

M. Gautrin: Vous comprenez bien – je comprends tout à fait votre description – qu'il y a une différence entre la perception que le public peut avoir du pouvoir du ministre et la réalité que vous décrivez, actuellement.

M. Miville Dechêne (Marcel): Absolument.

(15 heures)

M. Gautrin: Troisième question. Je vais rejoindre aussi le rapport dont fait état mon collègue le député de Vaudreuil. Dans un document qui s'appelait Administrer le Québec – et je veux avoir votre opinion parce que vous êtes quand même trois personnes qui connaissent parfaitement bien la fonction publique québécoise – le diagnostic... Je vais vous dire quelques éléments du diagnostic qui a été fait. Ça a été colligé par un M. Pierre Cazalis, de l'ENAP, que vous connaissez; je le connais, moi aussi.

«Pour soigner un mal, il convient d'en faire le diagnostic.» Je vais vous dire quelques grandes idées. Voici le jugement qu'il porte sur l'administration publique en 1999: «Manque de vision, tant en ce qui concerne la conception que la mise en oeuvre de réformes; contradiction et incohérence entre le discours officiel et les actes en matière de décentralisation et d'imputabilité; planification insuffisante des changements et particulièrement évaluation insuffisante de l'analyse des impacts; manque de confiance vis-à-vis des sommets hiérarchiques; essoufflement, questionnement professionnel, désenchantement, démotivation de nombreux fonctionnaires; faible transparence du processus décisionnel; déséquilibre profond dans l'importance accordée aux divers volets des réformes.»

Il conclut quand même avec une note d'espoir: «Il y a de l'espoir parce qu'il y a ce qu'il appelait l'appétence, c'est-à-dire la volonté des fonctionnaires de servir le public, la volonté de rechercher l'efficience dans la fonction publique, un goût de l'innovation dans la fonction publique.» Le diagnostic était assez critique et il concluait ce débat-là en disant: «Faut-il reconstruire la fonction publique ou...»

Une voix: À l'occasion de?

M. Gautrin: Pardon? C'était le colloque. Si vous le voulez, je la dépose. M. le Président, on pourrait la déposer ici, c'est la synthèse du colloque des 12, 13 et 14 septembre. Si vous acceptez le débat, je pourrais faire le dépôt ici.

Il posait la question. Je m'adresse à vous, je ne l'ai pas posée aux autres personnes parce que vous êtes un peu pour moi l'image des sages, vous êtes des gens qui avez réfléchi à ça, etc. Faut-il reconstruire la fonction publique ou faut-il la rénover? Autrement dit, est-ce que les problèmes qu'on a vus à l'intérieur de la fonction publique sont suffisamment graves qu'il faut réellement avoir une vision de reconstruction ou de rénovation? Je m'excuse de poser une question... Mais je vous la pose à vous, compte tenu de votre expertise et du fait que vous êtes quand même des personnes éminemment respectables.

M. Groleau (Lorain): Je pense que nous sommes d'accord – on peut dire ça – avec M. Cazalis sur une chose: Il y a de l'espoir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Et nous aussi, on partage ce point de vue là.

M. Groleau (Lorain): Quant au restant, il y a beaucoup de choses dans son diagnostic; je ne pourrais pas les évaluer l'une après l'autre, ça prendrait trop de temps.

M. Gautrin: Si vous me permettez. Disons que ce n'était pas le diagnostic de M. Cazalis, ça a été la synthèse faite par Pierre Cazalis d'un colloque des 12, 13 et 14 septembre, donc c'est récemment, qui était organisé par l'ENAP. Et ça a été – et je pense qu'on peut lui faire confiance – la synthèse du consensus qui semblait émerger auprès des participants à ce colloque.

M. Miville Dechêne (Marcel): Regardez, prenons un seul exemple. Ça me tente trop, je pense, de le dire, prenons un seul exemple: l'implantation des unités autonomes de service. S'il y a quelque chose qui a été fait avec prudence, s'il y a quelque chose qui a été pensé au préalable, s'il y a quelque chose qui a démontré, pour lequel il y a eu de multiples rencontres entre les gens qui volontairement devenaient responsables d'unités autonomes de service et l'ensemble de la fonction publique...

C'est une idée de changements qui a été prise par deux fonctionnaires – entre autres, qui étaient Patrick Moran et Pierre Sarault – qui ont été regardés en Angleterre dans le programme Next Step , qui ont été ramenés ici mais qui n'ont pas été ramenés ici tels quels, qui ont été adaptés au contexte québécois et pour lesquels on a fait de petits pas pour s'assurer que la nouvelle façon de gérer était peut-être celle qui était souhaitée par les gens.

Je trouve ça dommage qu'à la fin d'un colloque de trois jours on puisse dire que la fonction publique québécoise est celle que vous avez décrite dans les différents éléments.

M. Gautrin: Vous me permettrez de le lire. Dans les éléments positifs: «Elle a le goût de l'innovation, elle a le goût de donner du service au public.» Mais ce n'était pas tellement une description de la fonction publique québécoise mais de la manière, des contraintes à l'intérieur desquelles elle devait fonctionner et qui a été la description qui a été faite par Pierre Cazalis, et que je peux vous répéter à l'instant. Mais il restait aussi important de dire: Oui, il y a un goût d'innovation dans la fonction publique, oui il y a actuellement une volonté certaine chez l'ensemble des fonctionnaires d'être au service du public, et, oui, il y a une volonté de rechercher l'efficience, mais la structure comme telle nous empêche – c'est ce que je comprends, moi – de pouvoir innover, nous empêche de pouvoir atteindre l'efficience que vous recherchez.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En conclusion, une dernière remarque, M. Miville Dechêne.

Une voix: ...

M. Gautrin: Je n'ai pas dit que je n'étais pas d'accord.

M. Miville Dechêne (Marcel): La dernière remarque que je pourrais passer, c'est que je pense qu'il y a eu dans ce document, Pour de meilleurs services aux citoyens , une réflexion profonde sur la façon dont on pouvait gérer les ressources de l'État et dont on pouvait donner un meilleur service à clientèle, et j'en félicite vraiment le Conseil du trésor. Nous espérons que ce document-là ne restera pas lettre morte. Même si je suis venu très régulièrement depuis le début des audiences et que j'ai vu et entendu... J'ai bien compris qu'il y a des gens qui sont plus conservateurs que d'autres et pour lesquels cette réforme-là crée, je dirais, des problèmes. Mais j'espère que nous irons de l'avant et que nous verrons la réforme en tout ou en partie telle qu'elle est présentée maintenant. Je vous remercie beaucoup de l'attention.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il me reste, sur ces mots, à remercier M. Miville Dechêne, M. Moran et M. Groleau pour leur contribution aux travaux de la commission. Merci encore une fois, et nous enchaînons maintenant avec les représentants de la Société québécoise d'évaluation de programmes. J'aimerais que M. Moran, M. Gagnon et M. Bibeau prennent place, s'il vous plaît, à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Puis-je demander aux membres de la commission de reprendre place, s'il vous plaît? Alors, nous avons donc toujours, dans le cadre de notre consultation générale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental, le plaisir de recevoir cette fois les représentants de la Société québécoise d'évaluation de programme, dont le vice-président de la Société est M. Patrick Moran. M. Moran, je vous invite donc à nous présenter les personnes qui vous accompagnent et à procéder à la présentation de votre mémoire, tout en se rappelant que nous avons une vingtaine de minutes maximums pour la présentation proprement dite.


Société québécoise d'évaluation de programme (SQEP)

M. Moran (Patrick): C'est une vingtaine de minutes à partir du moment où je commence? Ou une vingtaine de minutes...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À partir de maintenant.

M. Moran (Patrick): À partir de maintenant.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est parti!

M. Moran (Patrick): M. le Président, membres de la commission, je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de présenter ici le mémoire de la Société québécoise d'évaluation de programme et d'échanger par la suite avec les membres de la commission.

Permettez-moi d'abord de présenter les membres de la délégation qui m'accompagne, qui sont aussi les personnes qui ont contribué à la rédaction du mémoire. À ma gauche, il y a M. Jean-René Bibeau, qui est président de la Société canadienne d'évaluation à laquelle la Société québécoise est affiliée. À ce titre, il est très actif dans l'établissement de liens entre les sociétés d'évaluation sur le plan international. Par ailleurs, il a une longue expérience en matière d'évaluation de programme dans plusieurs ministères du gouvernement mais aussi à l'extérieur, où il a travaillé en évaluation de programme à l'UNESCO, à Paris. M. Bibeau s'est aussi impliqué beaucoup dans la promotion de l'évaluation en participant à titre de membre fondateur de la Société québécoise et à titre d'ancien président de la Société, et aussi dans l'organisation de colloques portant sur l'évaluation de programme.

À ma droite, M. Jacques Gagnon est trésorier de la SQEP. Il joue un rôle clé dans l'organisation et dans la gestion de la Société. Lui aussi, il a une longue expérience de l'évaluation de programme dans plusieurs ministères; entre autres, au ministère de l'Environnement et aussi au ministère des Richesses naturelles.

Quant à moi, bon, je vous ai déjà été présenté lors de ma précédente apparition. Qu'il suffise d'ajouter...

(15 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): On gagne toujours à mieux vous connaître. Allez-y.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Moran (Patrick): Qu'il suffise d'ajouter que j'ai été, au cours d'une longue carrière au Secrétariat du Conseil du trésor, impliqué dans diverses tentatives de réformes administratives et aussi dans le dossier de l'évaluation de programme. Donc, sans plus tarder, je passe à la présentation de notre mémoire.

La Société québécoise a déjà présenté, devant la commission de l'administration publique, des mémoires portant sur la modernisation du cadre de la gestion gouvernementale, et plus particulièrement sur le rôle de l'évaluation de programme dans une telle modernisation.

Déjà, l'an dernier, à pareille date, à quelques jours près, la SQEP a déposé un mémoire dans lequel elle appelait de ses voeux la modernisation du cadre de gestion gouvernementale, et elle a exprimé sa conception de la modernisation dans les termes suivants: «La modernisation de l'administration passe par l'adoption d'un concept intégré du cadre de gestion où toutes les fonctions qu'on présente parfois séparément forment un tout cohérent. Un tel cadre assure l'arrimage des objectifs stratégiques gouvernementaux et ministériels aux objectifs opérationnels et à la mesure du rendement des programmes. Il permet également de gérer, par le biais notamment d'indicateurs de performance, l'information stratégique de manière à ce que les gestionnaires, les autorités ministérielles, les organismes centraux et, en bout de ligne, la population soient mieux informés sur le rendement des activités d'un ministère ou d'un organisme.»

La SQEP constate avec plaisir que l'énoncé de politique répond aux voeux exprimés alors par la SQEP. En effet, 30 ans après l'adoption de la Loi sur l'administration financière, on présente, dans l'énoncé de politique, une vision totalement renouvelée du cadre de gestion gouvernementale. Dans un ensemble cohérent et intégré, on retrouve les principales étapes du cycle de gestion, à partir de la détermination des objectifs, l'étape de la planification stratégique jusqu'à la publication dans le rapport annuel de gestion des résultats atteints, et finalement la reddition de comptes devant les parlementaires.

De plus, on fait ressortir les rôles et les responsabilités respectives du palier politique et du palier administratif. Il faut saluer tout particulièrement le changement radical d'orientation qui met dorénavant l'accent sur les services aux citoyens, sur les résultats des programmes qui leur sont destinés et sur la responsabilisation des gestionnaires à cet égard.

Les outils proposés pour encadrer la gestion par les résultats, qui sont: l'engagement public sur la qualité des services, l'élaboration d'un plan annuel de gestion des dépenses, la reformulation du rapport annuel en un rapport annuel de gestion, les contrats de performance et d'imputabilité ainsi que les ententes de gestion, permettront, à condition d'être articulés correctement, d'atteindre les objectifs visés.

La SQEP salue également le fait qu'on ait accompagné l'énoncé de politique d'une proposition de loi. Une loi adoptée par l'Assemblée nationale donne du prestige, de l'autorité et de la permanence. C'est ce dernier caractère de permanence de la loi qui nous motive en souhaitant qu'on procède avec diligence mais avec tout le sérieux nécessaire pour prendre compte ou prendre considération de toutes les suggestions qui vous sont faites dans le cadre de la présente audition.

C'est donc l'appréciation que nous faisons, à la SQEP, de l'énoncé de politique et de la proposition de loi. Vous voyez, c'est globalement très, très positif. Cependant, bien sûr, il y a quelques suggestions qu'on souhaite faire pour bonifier l'énoncé ainsi que la proposition de loi. Ces suggestions, on les regroupe autour de quatre thèmes: il y a d'abord le concept de résultats et de performance; ensuite, le rôle stratégique de l'évaluation de programme dans la gestion; la transparence; et finalement l'implantation du nouveau cadre de gestion.

En ce qui a trait au concept de résultat et de performance, on a été un peu surpris qu'on n'ait pas ressenti le besoin, dans la présentation de l'énoncé de politique, de mieux définir ce qu'on entendait plus précisément par résultat. Un résultat, c'est un concept un peu fourre-tout qui peut regrouper toutes sortes d'éléments. Nous estimons qu'il aurait été souhaitable qu'on regroupe, en tout cas, en deux grandes catégories les résultats dont il est question dans l'énoncé. En premier lieu, il y a les résultats, ce qu'on appelle dans notre texte «les résultats d'impact», c'est-à-dire des résultats qui ont trait aux effets, aux conséquences des politiques publiques.

Il y a, par ailleurs, les résultats opérationnels. Ce sont des résultats qui sont davantage du domaine de la gestion administrative. Ce sont les produits spécifiques que produit le ministère ou l'organisme, mais qui sont donc davantage du domaine de la responsabilité administrative. Cette distinction, à notre point de vue – et ici on reprend, je pense, la démonstration qui a été faite précédemment – dans la mesure où elle est faite, permet de bien camper la responsabilité respective du palier politique et du palier administratif. Et, partant de là, ça aboutit à une différenciation de la reddition de comptes à l'égard de ces deux types de résultats.

Les résultats d'impact, qui sont liés aux objectifs fixés dans le plan stratégique, ces résultats-là doivent être défendus, en quelque sorte. La reddition de comptes à l'égard de ces résultats, ça doit se faire devant les commissions sectorielles de l'Assemblée nationale, alors que les résultats opérationnels, qui sont davantage du ressort des sous-ministres, doivent être traités dans un cadre non partisan. Je viens de parler de la commission de l'administration publique qui, déjà depuis quelques années, a fait l'expérience de cette façon de faire.

Donc, à l'égard de ce thème, nos recommandations sont les suivantes: qu'on distingue les résultats d'impact qui correspondent aux objectifs stratégiques énoncés dans le plan stratégique des résultats qui correspondent aux objectifs opérationnels; que la reddition de comptes à l'égard des résultats d'impact qui correspond aux objectifs stratégiques se fasse devant les commissions sectorielles de l'Assemblée nationale; que la reddition de comptes des sous-ministres à l'égard des résultats opérationnels, prévue par la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, se fasse dans un cadre qui se prête à des échanges objectifs et non partisans, soit devant la commission de l'administration publique.

Je passe maintenant à l'élément central de notre mémoire qui a trait à la place de l'évaluation de programme dans le cycle de gestion. Notre argumentation à l'égard de cet élément de notre mémoire se structure autour d'un certain nombre de propositions. Première proposition. Il est inconcevable qu'on ne veuille pas, au terme d'une expérience de quelques années avec un programme ou un service, s'interroger sur l'impact d'un tel programme.

Première proposition: il est important d'apprécier surtout les résultats d'impact des programmes.

(15 h 20)

Deuxième proposition: cette appréciation ne peut se faire uniquement à partir de la seule lecture d'indicateurs chiffrés. Alors, là, je prends un exemple rapidement pour illustrer mon propos. Si le gouvernement a décidé, pour faire face à un problème de mortalité infantile jugée trop élevée, de mettre en place un programme pour y remédier, bien sûr, la lecture des indicateurs touchant la hausse ou la baisse de cet indicateur va être très importante. Mais on ne pourrait pas se limiter à la seule lecture d'un tel indicateur pour apprécier l'impact du programme qu'on aurait retenu. Peut-être que le programme n'est en aucune façon en relation avec le résultat obtenu, peut-être qu'il y a d'autres explications, et donc, autant il est important de disposer d'indicateurs, autant il est nécessaire d'aller au-delà et, dans une démarche d'évaluation, d'étudier de façon un peu plus globale l'ensemble de la situation.

Cette proposition se lit également avec la même situation en ce qui a trait à la planification stratégique. Si on parle toujours de ce même exemple de la mortalité infantile, on pourrait avoir un indicateur de besoins, on aurait constaté qu'il y aurait trop de mortalités infantiles, d'où la nécessité d'adopter un programme pour la contrer, mais cet indicateur de besoins ne nous dit en rien de quelle façon, c'est quoi la meilleure façon de s'attaquer à ce problème. Il faut compléter donc un indicateur de besoins lors de la planification stratégique par d'autres éléments d'information pour nous permettre de bien choisir le moyen le plus efficace pour faire face au problème.

Donc, troisième élément, troisième proposition à l'égard du rôle de l'évaluation de programmes. Nous avons vu dans l'énoncé de politique que la planification stratégique est partagée, en quelque sorte, la responsabilité pour la planification est assumée, en dernier lieu, par le niveau politique, aidé, appuyé par les conseils, les études et les démarches de l'administration. De la même façon, quand il s'agit d'apprécier en fin de compte l'impact d'un programme il est nécessaire aussi que le niveau politique, que le palier politique apporte sa participation et sa contribution à faire.

Je dis ça parce que dans les faits – et c'est un dernier élément de notre argumentation ici – dans la vaste majorité des programmes gouvernementaux, la planification stratégique s'exerce pour des programmes qui sont des programmes continus, autrement dit, qui ont déjà existé et qui continuent d'exister. Donc, si on ne réussit pas à éclairer l'étape de la planification stratégique par des appréciations sur les résultats déjà donnés, on aura une planification assez faible. Donc, il y a une symbiose, un lien très fort à faire entre le processus d'évaluation et le processus de planification stratégique.

Un petit mot sur la transparence. La SQEP appuie l'accent mis sur la transparence dans l'énoncé de politique. Elle propose qu'on fasse un pas de plus en s'assurant que tous les documents qui vont être rendus publics en vertu de l'énoncé de politique tel qu'il est proposé et le projet de loi soient aussi disponibles sur les sites Web de façon à accroître la diffusion de l'information sur les politiques gouvernementales.

Enfin, je conclurai par quelques mots sur l'implantation du nouveau cadre de gestion. Ce projet est un projet ambitieux. Il engage la responsabilité de tout le gouvernement, il exige une mobilisation générale, donc il ne peut pas être ravalé au rang d'un mandat de plus pour le Conseil du trésor, comme le Conseil du trésor en a déjà eu par le passé, d'un mandat de changements administratifs.

Par contre, on ne peut pas imaginer non plus que le Trésor n'ait pas un rôle de premier plan à assumer dans la gestion et l'implantation d'une telle réforme. Après tout, cette réforme exige peut-être en premier lieu une réforme du Trésor lui-même. Donc, il y a nécessité pour que la mobilisation, le leadership du projet de réforme soient assumés, qu'ils soient perçus de façon crédible par tous les acteurs de l'administration gouvernementale. Nous n'avons pas voulu, à la SQEP, nous prononcer pour une option en particulier. On estime en effet qu'au fond c'est peut-être la responsabilité ou l'esprit qui va animer les personnes qui vont être chargées de la réforme qui est peut-être plus important que le situs spécifique de la responsabilité de gestion.

Alors, nous avons complété notre mémoire par un certain nombre de recommandations spécifiques. Vous ne vous étonnerez pas de retrouver parmi ces recommandations l'une qui se lit comme suit: Au plus tard cinq ans après son adoption et tous les cinq ans subséquemment, le gouvernement fait réaliser une évaluation de l'impact de l'application de la présente loi qu'il dépose ensuite à l'Assemblée nationale. Cette évaluation fait l'objet d'audiences publiques devant la commission de l'administration publique.

Je vous remercie, messieurs, de votre attention. Moi et mes collègues, nous sommes disponibles maintenant pour échanger avec vous.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci pour la présentation. M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, merci beaucoup pour votre mémoire encore une fois fouillé, il apporte un nouvel éclairage, je peux le dire. Je crois que l'un des principaux, c'est peut-être la distinction que vous faites lorsqu'on analyse les résultats, la définition des résultats, résultats d'impact et résultats opérationnels. Ça touche en quelque sorte la question du quoi qui est soulevée à l'occasion ici: Est-ce que ça fait l'objet de la réforme ou pas? Il y a une chose qui m'apparaît avec votre distinction, c'est: Comment évaluer le quoi? Ça, je pense que ça fait partie de la réforme.

Une voix: ...

M. Léonard: Oui, parce que... De l'ordre des moyens. Au fond, un processus d'évaluation de programmes, le processus lui-même peut faire partie de la réforme, à mon avis, parce que là on ne discute pas d'enjeux politiques strictement, mais comment les amener, les enjeux politiques, puis au terme de quelle analyse le faire. Alors, ça, je trouve que c'est un élément très positif, une contribution à ce que nous faisons ces jours-ci.

Alors, qui devrait statuer sur ces modalités? Est-ce que ça doit être laissé dans un ministère, est-ce que ça doit être centralisé? Peut-être qu'il y a différentes façons de voir les choses? J'imagine même que l'évaluation d'un programme, ça se fait dans le ministère à partir des indicateurs qui y sont bâtis. J'aimerais vous entendre. Comment évaluer le quoi?

M. Moran (Patrick): Nous avons insisté, dans le mémoire, que l'administration ou le palier administratif et plus particulièrement les personnes qui, au palier administratif sont responsables de la fonction d'évaluation, puissent apporter leur contribution à l'évaluation du quoi. Mais puisque le quoi n'est pas décidé uniquement par l'administration, il faut nécessairement que les éléments d'analyse, d'appréciation, de sondage, et toutes les autres techniques qui vont être utilisées dans ce processus-là au niveau administratif soient complétés par d'autres éléments qui proviennent de l'extérieur.

(15 h 30)

Mme Marsolais mentionnait tout à l'heure l'exemple des commentaires qui lui sont faits dans son bureau de comté. Il me semble que ce sont des éléments très, très pertinents. Puis ce n'est pas l'administration qui peut s'occuper de ces éléments-là, de même que de tout autre élément d'appréciation plutôt d'ordre davantage politique: Comment est-ce que ça se situe par rapport à nos priorités du programme du parti? Comment est-ce que ça se situe par rapport aux résultats du sondage? Tous ces éléments, forcément, vont colorer l'appréciation qui va être faite d'un programme donné par le palier politique. Et on a essayé, finalement, de présenter un tableau qui soit, disons, le plus réaliste possible, dans le sens que ça prévoie la place pour l'input politique, en quelque sorte, à la démarche d'évaluation du quoi surtout, parce que, s'il s'agit uniquement du comment, je pense qu'on peut, pour l'essentiel, s'en remettre à l'administration. S'il s'agit de mesurer l'efficience, d'évaluer l'efficience ou d'autres éléments comme ça, là on peut s'en remettre davantage au seul palier administratif.

M. Léonard: Merci. Allez-y.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Oui. Bien, je tiens à vous remercier de votre présence ainsi que pour votre mémoire. Essentiellement, je pense qu'on peut dire que vous avez un mémoire très clair sur les questions que vous avez voulu toucher, et la plupart des recommandations sont essentiellement positives, et c'est des recommandations pratiques. Alors, je n'ai pas beaucoup de questions.

Il y en a une qui m'a surpris, pas au sens qu'on peut être en désaccord, mais j'ai beaucoup de difficultés à voir ce qui vous anime à la suggérer. Je vais être précis. La question, c'est que... que les plans stratégiques et les rapports annuels de gestion soient peut-être disponibles sur un site Web, moi, je n'ai pas de trouble, mais que l'État prenne tous les moyens pour transmettre au public les versions finales, tant sommaires que complètes, tant les sommaires – c'est de même que je décode – que complètes... Alors, je me rappelle, moi, d'un député fédéral qui... sur 10 électeurs, il y en avait neuf qui n'étaient pas très heureux de recevoir les rapports annuels qui sont déposés, comme député. Puis le député fédéral, lui, il décidait qu'il envoyait ça systématiquement aux électeurs de son comté parce qu'il s'occupait d'eux autres. Mais, sur 10, il y en avait neuf qui ne comprenaient rien d'avoir reçu ça, puis, évidemment, ça n'avait aucune utilité. Puis il y en avait un de temps en temps, un intello, qui le remerciait beaucoup d'avoir pensé de lui envoyer une pile de documents. C'était celui qui était le deuxième plus dispendieux au Canada, en termes de coûts inutiles.

Alors, là, j'essaie de voir, j'ai bien de la misère. Alors, ma question bien précise, c'est: Avez-vous des données que je n'aurais pas? Vous nous parlez d'informer le public tant par les moyens traditionnels puis les moyens électroniques. Alors, pensez-vous que le public aurait un très grand intérêt à recevoir ce qu'on appelle les sommaires puis les plans stratégiques de toutes les unités autonomes de gestion, plus l'ensemble des ministères et organismes? Je ne suis pas sûr que vous avez une piste, là.

M. Gagnon (Jacques): Je pense que... on a pensé, plutôt, c'est au niveau des sites Web, pour la plus grande diffusion possible. Je ne pense pas qu'on veuille...

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Vous «webez» fort. Vous «webez» fort, parce qu'il y a plus que ça dans votre texte, là: «transmettre au public les versions finales, tant sommaires que complètes, des plans stratégiques et des rapports annuels», et ça fait partie d'une recommandation à l'égard de la transparence, dans votre mémoire.

M. Gagnon (Jacques): On parle beaucoup d'utiliser des moyens électroniques. Ça adresse surtout ça.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Ah! électroniques, pas de problème.

M. Gagnon (Jacques): Je ne pense pas qu'au niveau des versions papier on veuille inonder les foyers de tous les rapports annuels qu'il y a. Mais, si on pense à l'expérience américaine, par exemple, depuis 1993, la loi sur les résultats existe, il y a une loi sur les résultats, et il y a eu une très belle expérience des ministères de transmettre leurs documents via les sites web. Et les citoyens, de plus en plus, adressent toutes sortes de commentaires au niveau des ministères pour essayer d'améliorer les politiques, et la gestion aussi, au niveau des ministères. Puis ce qu'on peut voir, c'est que le citoyen, il est toujours conscient, tu sais, au moins qu'il peut influencer directement la machine. C'est entendu que les parlementaires sont là pour le représenter, puis eux autres aussi vont critiquer toujours l'approche, ils vont essayer d'améliorer, eux autres aussi, l'approche, mais ça ne rejoint pas directement encore le citoyen, tandis que, au niveau des sites Web, on voyait une façon d'aller encore plus loin. Et, en continuant, si on regarde qu'est-ce qui s'est passé depuis 1993, depuis la loi, j'en ai fait une analyse à un moment donné, on s'est aperçu que, au niveau des indicateurs, au début il y avait beaucoup de tendances à utiliser les indicateurs opérationnels. De plus en plus maintenant, c'est plutôt le contraire qui s'effectue. C'est qu'on s'en va vers les indicateurs d'impact, on considère que c'est ça qui est le plus important et on est à même de pouvoir en juger. Si ça n'avait pas été sur le site Web, bien, moi, je n'aurais pas pu voir ça. C'est dans ce sens-là.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Merci beaucoup, monsieur. Pas de problème. C'est le support papier pour les sommaires puis les plans stratégiques puis les rapports annuels...

M. Gautrin: ...

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron (Abitibi-Ouest): On se débrouillera pour d'autres choses.

L'autre question que je voudrais vous poser. Je trouvais ça intéressant que vous souligniez ou que vous suggériez, pardon, que les ministères et organismes disposent d'une marge budgétaire dédiée à la réalisation des évaluations prévues. Mais là, ce que je comprends, c'est de prévoir un coût, il y a un coût pour faire les évaluations, puis vous dites: Bien, arrangez-vous pour qu'ils l'aient dans leur enveloppe, puis ça ne sera pas transférable. Mais, moi, ma question: Seriez-vous prêts à aller plus loin? Parce que ça, je ne trouve pas ça... c'est intéressant, mais je ne trouve pas que c'est très stimulant. Et est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'envisager d'aller plus loin et qu'un certain nombre de succès ou de performances qui dégageraient de la marge de manoeuvre dans certains ministères seraient obligatoirement collés au ministère? Ça, j'aimerais mieux ça. Est-ce que vous seriez prêts à aller jusque-là?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Bibeau.

M. Bibeau (Jean-René): Je pense que vous me volez un peu mes paroles, jusqu'à un certain point.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Ah bien!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bibeau (Jean-René): Je pense qu'on ne peut pas faire autrement, nous, que d'abonder dans le même sens que ça. Évidemment, quand on est venu à proposer une marge budgétaire qui soit non transférable, c'est dans le sens que dans le passé, souventefois, il y avait des prévisions budgétaires pour des évaluations, puis que, bon, à travers le va-et-vient des aléas administratifs, les priorités changeaient, et ces sommes-là étaient transférées à des fins opérationnelles. Et, en bout de ligne, on ne peut pas faire d'évaluation. Une évaluation, de toute évidence, ça coûte quelque chose, ça exige des ressources assez importantes dans certains cas. Et donc, la difficulté, c'est qu'on se retrouve avec un budget, actuellement, qui est quasi inexistant dans l'ensemble du gouvernement pour les évaluations.

Une des propositions qui m'est très chère, qui m'est très personnelle aussi jusqu'à un certain point, mais qui est partagée par mes collègues aussi, j'en suis sûr, c'est que, lorsqu'on fait des évaluations, il faudrait penser éventuellement que, si on fait face à des succès... notamment, qu'on démontre par une évaluation qu'un programme est vraiment une grande réussite et puis qu'on puisse faire le lien, attribuer, en fin de compte, le succès aux administrateurs puis aux gestionnaires, bien il me semble qu'on devrait penser aussi à récompenser la machine administrative dans ce sens-là et, par conséquent, dégager, moi, ce que j'appelle une marge de réinvestissement. Dans ce sens-là, c'est certain, à mon point de vue, que ce serait un apport important d'une démarche d'évaluation.

Maintenant, quelqu'un pourrait demander: Qu'est-ce qui en est si une évaluation démontre qu'il n'y a pas de succès ou que c'est un échec?

M. Gendron (Abitibi-Ouest): 5 % du salaire.

Une voix: Pardon?

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Une ponction de 5 % sur le salaire.

M. Bibeau (Jean-René): À ce moment-là, il y a toujours des mécanismes qui existent déjà pour pallier à cette situation-là. Mais, certainement, je pense qu'on est tout à fait en accord avec votre proposition.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Merci de vos précisions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, merci messieurs. Merci pour votre implication dans la réflexion sur le nouveau cadre de gestion qui est proposé.

Dans le volet de l'implantation, vous dites très bien que le Conseil du trésor a un rôle central à jouer, puis je pense que ça va de soi. Vous dites, par contre, que la réforme du cadre de gestion de l'administration gouvernementale ne pourra aboutir sans une réforme du Conseil du trésor lui-même, de sa culture et de ses modes d'intervention. Alors, en gros, ça veut un peu dire: Bon, commencez par vous changer vous-mêmes avant d'aller de l'avant avec du changement ou avec une réforme.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): ...debout jusqu'à six heures.

M. Côté (La Peltrie): Pardon?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron (Abitibi-Ouest): ...ils sont debout jusqu'à six heures, ces gens-là.

(15 h 40)

M. Côté (La Peltrie): Oui, oui. Mais, par contre, étant donné que vous le soulevez, j'aimerais que vous nous apportiez un petit peu plus de détails ou élaboriez un petit peu, en termes d'exemples peut-être, sur qu'est-ce que ça pourrait être en termes de changement de culture puis au niveau des modes d'intervention? Ça, c'est ma première question. Ma deuxième question. Lorsque vous dites que ça semble un peu vous contraindre, le fait que le Conseil du trésor soit le seul responsable de la conduite de la réforme, parce que, là, ça ne traduit pas, je pense, ce que vous voulez exactement... J'aimerais que vous élaboriez un peu plus profondément sur ces deux sujets.

M. Moran (Patrick): Sur la question de changement ou réforme du Conseil du trésor lui-même, je m'inspire un peu de mon expérience personnelle. J'ai déjà vécu, au Secrétariat du Conseil du trésor, des tentatives, je dirais, de modernisation du cadre de gestion, donc de réforme, réforme de la gestion gouvernementale. Je fais allusion, quand je dis ça, au projet de rénovation de l'administration publique que peut-être certains d'entre vous ont dans leur souvenir, qui date du milieu des années quatre-vingt, et où, effectivement, la démarche de changement, la démarche de modernisation à l'intérieur du Conseil du trésor devait faire concurrence à toutes les autres responsabilités du Conseil qui sont immenses, comme on le sait, comme le sait sans doute le président. L'allocation des ressources, la conduite, pour l'essentiel, des conventions collectives, et j'en passe, ce sont des occupations pressantes, journalières en quelque sorte, qui font en sorte qu'il est extrêmement difficile de dégager une marge de préoccupation, une marge de... tout simplement le temps nécessaire pour se consacrer à un projet de l'envergure de celui-ci.

Il faut reconnaître cependant que c'est sensiblement à l'intérieur du Secrétariat du Conseil du trésor que le présent projet a été élaboré. Donc, c'est tant mieux. Jusqu'à présent, on a un projet cohérent, qu'on salue, qu'on reconnaît comme étant très valable, sur la table. Reste à voir de quelle façon il puisse être implanté et, pour ça, de quelle façon le Conseil du trésor, si le Conseil du trésor demeurait seul responsable, peut ou pourrait s'y retrouver sans le temps, l'énergie et les ressources pour tout mener ça de front. Parce que, évidemment, c'est considérable ce qui est proposé. C'est ambitieux, c'est engageant.

M. Côté (La Peltrie): Quels seraient les autres qui devraient s'associer, en termes de responsabilités?

M. Moran (Patrick): On n'a pas voulu aller jusqu'à faire des hypothèses bien spécifiques. Déjà, nous avons quand même un embryon de partage de responsabilités à cet égard-là, parce qu'il existe, au Conseil exécutif, le Secrétariat à la réforme administrative. Donc, on présume que c'est sa responsabilité de voir à des activités de réforme. Mais la tâche est considérable, la tâche est colossale. Et peut-être qu'il serait possible d'inventer des formules inédites pour à la fois épauler le Trésor dans cette démarche-là et aussi traduire la nécessaire implication gouvernementale et la visibilité... que cette implication gouvernementale soit toujours perceptible pour que le projet de réforme ne soit pas perçu, comme on pourrait le craindre, comme, entre guillemets, une patente du Conseil du trésor. C'est un peu ça. C'était ça, notre préoccupation en faisant ces remarques-là.

Il y avait une deuxième question. Je ne sais pas si, en passant...

M. Côté (La Peltrie): Bien, vous l'avez abordée un peu, comme quoi le Conseil du trésor, en étant le seul responsable, peut avoir de la difficulté aussi à en arriver à un succès, si vous voulez. Vous y avez répondu en partie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.

M. Léonard: Bien, je veux simplement préciser qu'avant-hier, dans son témoignage, le secrétaire général du gouvernement a bien précisé que chacun des sous-ministres en titre, notamment, serait impliqué dans la réforme. Donc, ce n'est pas juste une opération du Conseil du trésor, c'est d'une réforme gouvernementale qu'il s'agit.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Rosemont, on aurait le temps pour une brève question.

Mme Dionne-Marsolais: Oui? J'ai le temps? Alors, moi, ce que je trouve intéressant, c'est que j'ai l'impression – et corrigez-moi si mon impression n'est pas juste – que vous donnez un peu une chance au volet politique d'assurer une interface efficace avec la mise au point des mesures pour rencontrer les objectifs politiques. Est-ce que je me trompe?

M. Moran (Patrick): Non, pas du tout, c'est ça qu'on recherche, effectivement.

Mme Dionne-Marsolais: C'est ça, hein? Moi, je trouve ça formidable que vous soyez venus nous dire ça parce que je pense que c'est un des éléments cruciaux de l'avenir, je dirais, d'une vision politique, d'une réalité administrative qui reflète l'orientation du Québec. Je trouve ça extrêmement intéressant ce que vous nous dites puis je souhaite que la mobilisation se fasse avec ce même esprit, parce qu'à ce moment-là on va avoir, d'une manière très claire, des capacités de mesurer autant le qualitatif que le quantitatif et une complicité entre les deux très constructive.

La contrepartie de ça, c'est que, dans l'administration, il y a des compétences qui peuvent s'améliorer, progresser au fur et à mesure de l'évolution technologique, entre autres, ou de l'évolution de la connaissance, dans le volet politique. Là, c'est plus difficile parce que c'est un secteur où il n'y a pas de barrière à l'entrée, si je peux utiliser cette expression-là. Non, mais la question est très sérieuse. Est-ce qu'il ne faudrait pas, à ce moment-là, envisager une certaine formation? Parce que ça nécessite des compétences aussi, là, d'être capable d'assurer cette interface-là de manière efficace pour que l'administration progresse aussi. Parce qu'il peut arriver des cas, je ne dis pas que ça arrive, mais ça peut arriver que la politique résiste à certaines audaces, pas témérité mais audaces, que l'administration peut avoir dans l'établissement de certains indicateurs. Par exemple, on pourrait dire: Oui, nous autres, on est capables de faire ça. Puis, comme le politique va maintenant être lié au niveau de la responsabilité, il peut dire: Bien, je ne le sais pas, là. Parce que, lui, il arrive, le politique, il n'a pas la durée de vie que l'administration a.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, devant cette brève question...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...je vais appeler une très brève réponse.

M. Bibeau (Jean-René): La très brève réponse: Je rêve au jour où je pourrai donner un séminaire aux membres de l'Assemblée nationale en ce qui concerne l'évaluation de programme. Ha, ha, ha!

Mme Dionne-Marsolais: Ce n'est pas bête.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est votre réponse?

M. Bibeau (Jean-René): Oui.

M. Moran (Patrick): C'est la réponse brève.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ha, ha, ha! Alors, nous allons passer effectivement à l'opposition officielle.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à nouveau, M. Moran, et merci de votre présentation.

Un premier commentaire. Je voyais, dans la page 3 de votre mémoire, que vous mentionnez: «Il faut saluer tout particulièrement le changement radical d'orientation proposé par l'énoncé de politique qui met l'accent sur le service aux citoyens.» C'est certes un des objectifs qui est mentionné, mais j'espère que vous ne voulez pas me dire que ça n'a jamais été la préoccupation des fonctionnaires qui étaient là. Je pense que c'est quand même une évolution qui s'est faite au cours des années sur ce plan-là. Il est sûr qu'il y a des moyens de mettre en oeuvre qui peuvent accentuer, rendre un meilleur service, mais ça a toujours été, je pense, quand même une préoccupation des fonctionnaires et de la haute fonction publique de donner de bons services aux citoyens, je pense. Vous en avez été d'ailleurs.

Et là je vais peut-être me faire un peu, pas l'avocat du diable mais... Un des objectifs, je pense, à poursuivre dans toute administration, c'est d'assurer une certaine simplicité pour ne pas compliquer trop, trop les affaires. Je comprends très bien que l'administration publique est différente de l'administration privée, c'est-à-dire qu'il y a des exigences particulières dans l'administration publique, que ce soit sur le plan des processus à suivre, sur le plan de la transparence. Mais est-ce que – et là je me réfère au débat que nous avons eu, aux discussions que nous avons eues cet après-midi – on ne rentre pas un peu dans un débat de sémantique sur certains plans – je ne dirais pas ésotérique, mais de sémantique – qui devient difficile à comprendre pour ce que j'appelle le monde ordinaire qui dit: C'est quoi, l'administration publique? Et on a du vocabulaire qui est assez technique. Et ça me rappelle un peu, vous savez, des modes qui sont passées; si on fait un discours historique, vous avez eu le PPBS, le ZBB, le MBO, et là on arrive au CPI, contrat de performance et d'imputabilité.

(15 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcoux: Alors, je me dis: Est-ce qu'il n'y a pas un certain danger à vouloir établir tellement de distinctions que, finalement, ça va être difficile de se reconnaître, et ça va devenir très compliqué non pas seulement pour les administrateurs, mais également pour les parlementaires puis peut-être encore davantage pour le public qui va essayer de se retrouver là-dedans?

M. Moran (Patrick): Je ne sais pas si vous référez à la distinction, parce que, au fond, en fait de distinction, je ne vois, dans notre mémoire, que la distinction qu'on essaie tant bien que mal d'établir entre deux catégories de résultats. Je ne sais pas si vous pensez plus particulièrement à cette distinction-là et, si c'est le cas, je vous soumets respectueusement bien sûr qu'il est probablement, et je crois que l'expérience le démontre, justifié, au moins avec toutes les imprécisions et les possibilités de confusion sur les marges possibles, sur les marges que ça peut impliquer, de faire au moins cette distinction-là entre les résultats qui sont de l'ordre des conséquences des effets des politiques et les résultats qui sont de l'ordre de tout simplement le nombre de papiers produits ou le nombre de dossiers d'amendes envoyées, et d'essayer, ayant fait cette distinction-là, de bien attribuer les responsabilités respectives. Ça, je crois que c'est une distinction qui tranquillement entre dans les moeurs, si j'ose dire, depuis l'adoption de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministre.

Puis il me semble que c'est à tous égards une distinction utile parce que, au fond, c'est ça, la question qu'il faut se poser à l'égard de... la question que vous posez, quand cette question-là est posée, la réponse doit démontrer que la distinction en question qu'on vient de faire est une distinction utile puis que ça ne complique pas l'existence d'un paquet de monde et que ça ne sert à rien. Et si c'est cette distinction-là que vous avez à l'esprit, j'oserais dire que, oui, c'est utile, que ça commence à faire ses preuves et que ça permet d'atteindre en quelque sorte une des responsabilités centrales de ce nouveau cadre de gestion qui est la responsabilisation des gestionnaires. Parce que tu ne peux pas responsabiliser les gens, c'est impensable de responsabiliser les gens s'ils ne savent pas, de façon la plus précise possible, ceux dont ils sont responsables. Alors, ces distinctions-là sont, pour moi, utiles et nécessaires à cet égard-là. Et, en soi, je pense que... non, non, je pense que ça n'ajoute pas trop de complications.

M. Marcoux: Nous avons discuté lors de la présentation du mémoire précédent, et vous l'avez abordé également à ce moment-ci, de l'imputabilité politique et administrative. Je pense que c'est revenu. Et ce que j'ai compris, peut-être à tort, de l'intervention que vous avez faite lors de l'autre mémoire, c'est que vous tentiez de séparer le plus possible l'administratif du politique. Là, je ne suis pas sûr si vous maintenez la même position, mais est-ce qu'on ne doit pas reconnaître qu'il y a quand même une interdépendance entre le politique et l'administratif, et surtout dans notre modèle de parlementaires ici, et que c'est à vouloir trop séparer qu'on peut atteindre des objectifs qu'on ne vise, qu'on ne vise pas, et qu'on va, d'une certaine façon, peut-être accroître ce qu'on peut appeler les préjugés entre politiciens et fonctionnaires, puis avoir un élément de confiance qui doit exister? Est-ce qu'on n'aura pas tendance à diminuer cet élément de confiance entre les deux?

M. Moran (Patrick): Moi, je répondrai à cette interrogation. Évidemment, il y a une symbiose continue entre le niveau politique et le niveau administratif et, dans notre, disons, perception, notre présentation, je crois que ce qui ressort, c'est que cette interpénétration de ces deux paliers est davantage accentuée en tout ce qui a trait à la planification stratégique, l'allocation des ressources, des décisions, donc où la relation administrative-politique s'établit sur des rapports de soutien, conseil, analyse de la part de l'administration au niveau politique, lequel niveau est chargé, en définitive, des décisions stratégiques. Donc, en ce qui a trait à l'étape de la planification, comme aussi nous l'avons souligné à l'étape de l'évaluation, cette interpénétration est davantage marquée, à cette étape-là, du cycle de la gestion. Par contre, à l'étape des autres cycles de gestion, quand il s'agit d'opérationalisation des décisions prises antérieurement, là l'interpénétration est un peu moins continue parce que le rôle du palier politique à ce moment-là, c'est davantage un rôle de surveillance générale et de suivi général et sans nécessairement entrer dans le fin détail des décisions journalières et opérationnelles.

Donc, je ne sais pas si c'est une réponse qui vous convainc. Je dis que, en partie, il faut maintenir la symbiose entre les deux niveaux, mais, là où c'est possible de bien les distinguer, je pense que c'est utile et nécessaire de le faire. Les expériences d'autres administrations qui ont pris cette voie, à mon avis, ne sont pas, disons, négatives et sont relativement favorables et ça permet – je le répète encore une fois – ça donne la possibilité de répondre à un des objectifs de la réforme qui est la responsabilisation des gestionnaires.

M. Marcoux: Une dernière question, M. le Président. En fait, ce qui s'est écrit beaucoup en littérature sur la fonction publique, ce que le succès pourra définir, évidemment, d'un organisme public... requiert certaines conditions: la définition d'une mission claire, parce que c'est fondamental; une stratégie pour évidemment évaluer les rendements, pour contrôler; mais, fondamentalement aussi, un changement de culture d'entreprise, ce qui veut dire un changement des mentalités, des habitudes, ce qui est majeur. Parce que, autrement, on pourra, je pense, faire bien des efforts qui vont se multiplier, mais les résultats ne seront pas là.

(16 heures)

Est-ce que, pour avoir du succès dans ce dernier aspect de changer la culture, c'est essentiel, il serait souhaitable d'avoir une sorte de – au niveau global de l'entreprise qu'est le gouvernement – ce que vous appeliez tantôt... vous avez fait allusion à une sorte de promoteur ou de chargé de projet, bien identifié, et non pas pour dire: Bien, écoutez, là, on va laisser ça à chacun des sous-ministres, mais ça va être un projet collectif d'entreprise et qui serait – parce que le Conseil du trésor est aussi... à des collègues – au niveau du Conseil exécutif, pour dire: Écoutez là, c'est une opération majeure. Un peu comme en Angleterre où, si on lit le livre Modernizing Government , bien, le premier ministre Blair est là, puis il dit: Voici ce qu'on va faire. Après, il y a des collaborations. Est-ce que, pour vous autres, c'est essentiel d'avoir une unité, au très haut niveau, qui soit chargée de ce projet-là, s'il va de l'avant tel quel, et également de faire un rapport annuel? Parce qu'on peut bien faire des rapports sectoriels, mais, à un moment donné, s'il y en a trop, comme parlementaires, il est difficile d'apporter une évaluation seulement par secteur. Et comment vous verriez l'établissement d'une telle...

M. Moran (Patrick): Je ne suis pas certain si vous voyez une distinction entre ce que vous venez de décrire et une éventuelle instance gouvernementale qui serait chargée de la réforme telle qu'elle est proposée là. Est-ce que c'est la même chose ou est-ce que c'est deux projets différents dans votre esprit?

M. Marcoux: Bien, écoutez, je pense que là on dit oui, le Secrétariat du Conseil du trésor, mais ça va être vraiment chacun des ministères. Ma question: Comme c'est un changement de culture important, une mentalité, et que ça doit transcender dans l'ensemble, est-ce que l'opération ne devrait pas être monitorée à partir plutôt du Conseil exécutif? Parce qu'on touche à l'ensemble des sous-ministres, on touche à l'ensemble de la fonction publique. Un peu comme dans une entreprise. Vous le savez, lorsqu'il y a un changement de culture ou un changement important, ça se rapporte directement en haut et puis c'est la seule façon de pouvoir, évidemment avec la mobilisation – on ne peut pas l'imposer d'en haut – avoir une mobilisation qui permet de réussir.

M. Moran (Patrick): C'est certainement une option possible. Nous l'avons évoqué dans le mémoire, qu'il y ait une unité au Conseil exécutif qui soit chargé soit de l'un ou l'autre aspect de ces changements-là, mais personnellement je suis un peu, disons... Si vous avez à l'esprit une unité qui serait chargée en quelque sorte de changer la culture de façon, disons, très abstraite, je suis un peu sceptique à l'égard de ça parce ce que ma perception des expériences britanniques est telle qu'on avait, disons, foncé en quelque sorte en faisant des changements bien concrets, en mettant en place des unités avec des responsabilités très très spécifiques, et c'est en agissant qu'on avait changé la culture. Donc, moi, je suis plutôt partisan d'une approche, disons, par l'action à l'égard du changement de la culture. Je ne sais pas si on est sur la même longueur d'onde là-dessus.

M. Marcoux: Oui. Mais surtout, je pense que pour l'action, pour s'assurer qu'il y ait de l'action, je pense qu'il faut que ça soit coordonné à un niveau important. Ce n'est pas imposé, c'est très différent, mais l'action implique également la mobilisation et l'implication des gens, c'est clair. Autrement, on ne pourra réussir.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des points avec lesquels je suis d'accord dans votre mémoire, il y en a énormément. Je vais essayer d'aborder une question que vous n'avez pas touchée ou peut-être que je n'ai pas compris que vous avez touchée, qui touche l'évaluation de programme, et c'est le mot «programme» comme tel que je voudrais couvrir.

Est-ce qu'un programme, c'est réellement une activité propre à l'intérieur d'un ministère ou c'est quelque chose qui dépasse le ministère? Je vais vous donner un exemple pour essayer de m'expliquer. Supposons que l'objectif politique est de lutter contre le décrochage scolaire, c'est un objectif politique qui peut être partagé par un certain nombre de ministères – ministère de l'Éducation au premier chef, bien sûr; ça peut toucher ou ça a touché déjà au ministère de l'Agriculture, si tant est que le programme de lait à l'école était un programme qui aidait à lutter contre le décrochage scolaire; ça peut, bien sûr, toucher le ministère de la Santé et des Services sociaux, si tant est que certaines actions des CLSC d'une manière préventive peuvent lutter contre le décrochage scolaire – donc, la crainte que j'ai quand je lis votre document, c'est que vous êtes en faveur, bien sûr, de l'évaluation de chacun de ces sous-programmes, c'est-à-dire le lait à l'école, un programme, une action de prévention du CLSC ou le programme du ministère de l'Éducation, sans aborder réellement ce qui est l'objectif global du ministère, à savoir: Quel effet on a sur le décrochage scolaire?

Et la crainte que j'ai, moi, lorsqu'on limite ça, les processus d'évaluation à l'intérieur du ministère et qu'on ne sorte pas, comme l'a abordé mon collègue de Vaudreuil, hors d'un ministère: on risque à ce moment-là d'avoir une évaluation très partielle. Je ne parle pas de tout sur quoi que je suis d'accord dans votre document, je suis d'accord avec à peu près 98 % de ce que vous avez dit, mais ceci, j'aurais voulu que vous l'abordiez et vous ne l'avez pas abordé.

M. Bibeau (Jean-René): Oui. Bien, c'est une question qu'on avait d'ailleurs déjà abordée dans un mémoire précédent. Vous ne vous souvenez peut-être pas mais, en tout cas... Puis je crois qu'on la reprend... je ne suis pas sûr qu'on la reprenne ici. À tout événement, c'est bien certain que nous, on est d'accord. La notion de programme peut se situer à différents niveaux. Il y a des programmes qu'on appelle, nous, interministériels, qui couvrent de façon horizontale plusieurs ministères ou organismes, et donc la délimitation d'un programme à sa face même par rapport aux services qui doivent être rendus à la population. Il faut qu'elle se fasse justement en rapport avec le résultat final, qui est un résultat d'impact, qu'on appelle un «résultat d'impact». Donc, le programme prend sa signification à ce niveau-là. Et l'évaluation...

M. Gautrin: Est-ce que ça n'implique pas... Excusez-moi, parce qu'on parle maintenant du cadre de gestion et vous dites, comme moi, que l'évaluation de programme – et je ne voudrais pas vous critiquer – est encore un peu embryonnaire dans la fonction publique, actuellement. On ne fera pas le débat de ça ici, autour de cette table. Est-ce que ça n'implique pas qu'il y ait un organisme hors du ministère, un peu comme je voyais la vérification interne par rapport au Vérificateur général – faisant attention que ce n'est pas du tout de même nature, etc., je suis d'accord avec vous – qui soit chargé de ces évaluations d'impact de programme, qui soit hors des ministères, qui puisse relever du Conseil exécutif ou du Conseil du trésor, le cas échéant, ou complètement de l'Assemblée nationale, etc.?

M. Bibeau (Jean-René): Oui. Bien, ça aussi, là-dessus, on est d'accord que, dans certaines circonstances, la coordination d'une évaluation doit se faire à l'extérieur d'un ministère donné ou très spécifique. Et puis, c'est bien évident que même, dans notre esprit, l'Assemblée nationale pourrait mandater les évaluations sur certains cas de programmes.

M. Gautrin: Alors, vous m'ouvrez la porte sur ma dernière question: Ne serait-il pas bon que ces rapports d'évaluation... Votre site Web transmet pas mal de choses, pourquoi les rapports d'évaluation ne pourraient pas être transmis aussi sur les sites Web?

M. Moran (Patrick): Pourquoi pas?

M. Bibeau (Jean-René): Pourquoi pas?

M. Gagnon (Jacques): Pourquoi pas?

M. Gautrin: Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: J'imagine que le «pourquoi pas» veut dire: Ah oui!

Une voix: Oui.

Une voix: La réponse était brève.

(16 h 10)

M. Gautrin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va comme ça? Bon. Alors, il me reste à remercier donc les représentants de la Société québécoise d'évaluation de programme, M. Moran et les personnes qui l'accompagnent, pour leur contribution à nos travaux, et j'invite tout de suite les représentants du Syndicat de la fonction publique du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît, pour la suite des choses.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, si les membres de la commission veulent bien prendre place, je rappelle que nous sommes toujours dans le cadre des consultations générales portant sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental et que nous recevons le Syndicat de la fonction publique du Québec et notamment son président, Serge Roy, que j'inviterais à prendre la parole en nous présentant, bien sûr, les personnes qui l'accompagnent. Nous avons un maximum de 20 minutes pour la présentation. Allez-y, M. Roy.


Syndicat de la fonction publique du Québec inc. (SFPQ)

M. Roy (Serge): D'accord, je vais surveiller l'horloge derrière vous. Oui, je suis Serge Roy, président général du Syndicat de la fonction publique du Québec, et je suis accompagné de M. Gilles Lavoie...

M. Lavoie (Gilles): Bonjour.

M. Roy (Serge): ...qui est vice-président responsable du dossier de l'organisation du travail. À ce titre-là, il siège au comité sectoriel sur l'organisation du travail de la fonction publique qui est un comité qui, je pense, a une très grande utilité dans le fonctionnement de la fonction publique. Et de M. Conrad Berry, qui est agent de recherche au SFPQ.

M. Berry (Conrad): Bonjour.

M. Roy (Serge): Alors, c'est avec plaisir que nous nous présentons devant la commission parlementaire spéciale aujourd'hui sur la modernisation de la gestion gouvernementale. Le SFPQ, comme vous le savez, représente environ 40 000 travailleuses et travailleurs de la fonction publique proprement dite, donc ce sont des personnes qui travaillent comme employés de bureau, comme techniciens et techniciennes, comme ouvriers. Alors, ce sont les personnes que nous représentons. Ces personnes-là, souvent, comme on dit, sont sur la ligne de feu pour ce qui est de la reddition de services à la population.

Nous sommes convaincus, bien entendu, à cause de cela, de l'importance, de la nécessité d'une fonction publique forte, efficace, et j'ajouterais également démocratique parce que nous vivons en démocratie et parce que les services publiques, les services de la fonction publique en particulier constituent un des éléments moteurs de l'organisation de la vie en société, du moins, dans la société dans laquelle nous vivons.

Je vous avoue que depuis quelques années, la fonction publique, on a observé qu'elle avait été passablement, je ne dirais pas «passée à tabac», parce que je ne veux pas avoir l'air d'exagérer, mais elle a été critiquée beaucoup. On pourrait parler des 15 dernières années assez facilement où il y a eu des critiques qui ont été faites. Je ne veux pas dire que les critiques ne sont pas constructives, ne sont pas nécessaires, au contraire, mais vous comprendrez que nous n'avons pas souvent eu des mots d'encouragement.

Cependant, à l'ouverture de la présente commission, mardi, j'ai cru entendre que nous reconnaissions de façon officielle l'importance, la qualité de la fonction publique québécoise et sa qualité en termes, je dirais, d'efficacité également, ce qui, à mon avis, est un petit peu différent de ce qu'on pouvait lire dans l'énoncé de politique, dans la mesure où il nous est apparu que, dans cet énoncé-là, on faisait une critique, encore une fois, de la fonction publique tout en reconnaissant son importance et sa valeur, mais une critique qui a conduit à la nécessité d'avoir une plus grande performance.

Une plus grande performance constitue, dans le contexte entre autres de mondialisation, de nécessiter d'être plus compétitif dans le monde dans lequel nous vivons et que, à toutes fins pratiques, on avait comme un petit peu l'impression, sans qu'il y ait de bilan bien clair et bien concret, que la fonction publique n'était pas à la hauteur. Alors, on pense que la correction est faite, la fonction publique est certainement à la hauteur de la situation et rend des services de qualité à la population.

L'autre élément que je voudrais aborder avant de vous parler de nos recommandations, c'est le type de consultation à laquelle nous avons assisté et à laquelle, je pense, nous risquons de continuer d'assister dans les prochaines semaines et dans les prochains mois, et on voudrait avoir des garanties, des assurances, à cet égard-là, qu'il y a des choses qui vont changer. Parce que la modernisation de la gestion gouvernementale, nous, on la voit plus large que ça, j'aime autant le dire tout de suite, on voit le débat de la modernisation de la gestion comme étant une petite partie des choses qui sont nécessaires dans la société québécoise, à ce moment-ci.

La consultation qui a été menée récemment nous apparaît être d'une certaine façon indigne de l'importance du sujet. Moi, je vous dirais que le Syndicat de la fonction publique, avec plusieurs autres syndicats dans la fonction publique, a demandé depuis à peu près deux ans d'être associé à la réflexion qui s'est faite sur la modernisation – et nous l'avons fait à plusieurs reprises dans le cadre des travaux du comité sectoriel sur l'organisation du travail depuis le début de 1998 en particulier, parce qu'on savait qu'en 1997 il y avait des comités qui avaient été mis en place – et à aucun moment on n'a senti d'ouverture et de volonté de la part du gouvernement de nous associer à ces travaux-là.

Nous avons été informés, le 29 mars dernier, du contenu de ce qui s'en venait à l'aide de documents, d'acétates, de reproductions d'acétates, c'est-à-dire, qui nous donnaient des grandes lignes, je vous dirais, passablement succinctes de ce que serait l'énoncé de politique éventuellement. Or, pour nous, ce n'est pas satisfaisant comme exercice, on aurait voulu pouvoir s'impliquer bien plus que ça avec nos vis-à-vis du Conseil du trésor et aussi les représentants de différents ministères, entre autres, qui siègent à ce comité-là.

Mais il y a un autre aspect de la consultation aussi que je voudrais aborder et avec lequel on est extrêmement mal à l'aise, c'est la consultation qui a été faite auprès du personnel de la fonction publique en plein été. Je sais que d'autres ont abordé déjà ce sujet-là, mais je tiens à préciser que le SFPQ ne reconnaît pas comme valable ce type de consultation; tout au plus, il s'agit d'un exercice d'information. Je pense que de la consultation, ça exige quelque chose de passablement plus rigoureux que ce qui a été fait.

Je ne veux pas dire qu'il n'y avait pas une bonne intention derrière tout ça, mais il faut bien voir que les méthodes qui ont été utilisées, qui varient d'ailleurs énormément d'un ministère à un autre, d'un organisme à un autre, ne sont pas très satisfaisantes et ne permettaient pas à nos membres en particulier de pouvoir se prononcer en pleine connaissance de cause sur l'ensemble des questions qui étaient abordées. Nous sommes très déçus de cette procédure-là, nous souhaitons qu'elle change. Nous sommes disponibles, nous le répétons, pour travailler conjointement avec le gouvernement, avec le Conseil du trésor, pour consolider la fonction publique.

D'ailleurs, depuis plusieurs années on a posé des gestes qui vont dans cette direction-là. Peut-être qu'à l'occasion, bien sûr, c'était sous forme de critiques, à l'égard du gouvernement quel qu'il soit, parce qu'on a fait nos critiques depuis le début des années quatre-vingt-dix et ces critiques-là se sont traduites à travers une campagne que nous avons menée pour défendre les services publics à partir de 1993. Et à ce moment-là on parlait de «vivre selon nos moyens». Il y avait des aspects là-dedans qui heurtaient la nature même des services publics, à notre avis.

Par la suite, on a convenu de cette entente-cadre sur l'organisation du travail pour justement tâcher de contribuer à la modernisation, à la consolidation, à l'amélioration du fonctionnement de la fonction publique et je pense que ça – il m'apparaît que le Conseil du trésor le reconnaît d'ailleurs dans l'énoncé de politique – cet exercice-là constitue un élément important pour préparer l'avenir, pour consolider cette fonction publique.

On a été aussi d'accord pour travailler avec certains ministères et avec le Conseil du trésor pendant un certain temps pour – et je donne un exemple très précis – élaborer une grille d'évaluation de la sous-traitance parce que notre prétention, c'était que la sous-traitance, ce n'était pas nécessairement toujours payant pour le gouvernement. À l'époque on parlait beaucoup – il y a quelques années et on en parle encore – de l'importance de réaliser des économies, de produire des services au meilleur coût, et c'est dans cette perspective-là que nous avons travaillé sur le dossier et que nous continuons de travailler sur le dossier de la sous-traitance.

Je vous rappellerai aussi bien brièvement l'entente que nous avons signée avec le gouvernement pour les départs à la retraite qui ont permis au gouvernement de récupérer des sommes d'argent importantes, de réaliser des économies importantes et d'arriver... Puis là je ne veux pas mêler l'autre débat qui s'en vient dans quelques semaines, mais on me permettra de signaler que c'était dans un effort majeur de notre part pour atteindre l'équilibre des finances publiques qui était vu comme un des éléments nécessaires à la consolidation de l'appareil gouvernemental.

(16 h 20)

Alors, on a toujours été guidé à travers cet exercice-là par des valeurs qui nous apparaissent importantes, fondamentales, quand on parle des responsabilités de l'État, quand on parle des services qui sont rendus par la fonction publique. Ces valeurs-là, pour nous, c'est la justice, c'est l'égalité, c'est l'équité, la solidarité. Je pense que le gouvernement a parlé souvent de solidarité au cours des dernières années; nous partageons ces valeurs-là. Nous partageons aussi une autre valeur qui est fondamentale et qui est le propre, à mon avis, des services publics, qui est d'assurer toutes les libertés, le respect des libertés dans la société.

Pendant ce temps-là, pendant que nous avons apporté cette contribution-là, je vous dirais que le constat que nous faisons de l'effort gouvernemental, que je mets entre guillemets, a été, à notre avis, beaucoup plus une vision néolibérale des choses, une réorganisation, une réorientation des services publics, de la façon de les rendre qui correspond à une volonté de désengagement de l'État. On a vécu des privatisations. On vit toujours le débat et la volonté de déréglementation, de décentralisation et de régionalisation, de tarification des services, de réduction considérable des effectifs, de compressions dramatiques de budget. Et je ne veux pas faire de démonstration parce que ces faits-là sont tous bien connus.

Dans le cadre de la modernisation de la gestion gouvernementale, le SFPQ, en fait, considère que le gouvernement devrait, en premier lieu, affirmer clairement son attachement aux services publics comme tels. Et c'est dans cette perspective-là que nous avons une recommandation qui est à l'effet que le gouvernement affirme clairement et sans ambiguïté la nécessité absolue de maintenir, consolider et améliorer les services publics pour assurer le développement d'une société libre, démocratique et équitable, et que cet engagement fasse l'objet d'une déclaration québécoise sur les services publics qui aurait préséance sur toute autre considération, en particulier en regard des modes de gestion déterminés par le Conseil du trésor, les ministères et organismes gouvernementaux, c'est-à-dire qu'il s'agirait d'un cadre qui orienterait toutes les activités de gestion par la suite.

Ce que nous voulons aussi aborder, c'est le fait que dans l'énoncé de politique il y a cette absence, je dirais, de véritable bilan, de véritable constat quant à la qualité des services qui sont rendus par la fonction publique. Même si, au passage, il y a des affirmations qui sont positives à l'égard de la fonction publique, on note aussi, au fond, que ce qui est visé par l'énoncé de politique, c'est de corriger des problèmes qui seraient reliés à une lourdeur excessive de l'appareil gouvernemental, à un manque de flexibilité, à un manque de souplesse dans cette gestion-là, et il nous apparaît que dans l'énoncé de politique, la démonstration n'est pas faite.

Je sais bien, on va me dire: Écoutez, tout le monde sait ça. Tout le monde trouve qu'il y a la lourdeur, une lourdeur administrative considérable. Moi, je vous dirais qu'on ne voit pas souvent des exemples, qu'on ne voit pas souvent de diagnostic sur les causes de cette prétendue lourdeur, et on ne fait pas souvent la démonstration qu'elle existe bien réellement comparativement à certaines grandes organisations privées, d'ailleurs, où il y a également parfois des problèmes administratifs importants et de lourdeur administrative aussi. Alors, il nous semble qu'il y a des affirmations qui sont faites de façon un peu rapide. Il y aurait eu avantage à ce qu'on nous fasse des démonstrations pour que peut-être on cible de façon plus claire, plus convaincante, les problèmes auxquels on doit s'attaquer.

Il y a, je dirais, un point central dans l'énoncé de politique, c'est celui de la gestion par résultat. Je pense qu'on peut dire – en tout cas, c'est l'évaluation que nous en faisons – que c'est un peu le coeur de ce qui est proposé. Alors, par rapport à la gestion par résultat qui a été expérimentée dans différentes unités autonomes de services, comme chacun le sait, nous, on pense que ce n'est peut-être pas une bonne idée d'étendre ça à l'ensemble de la fonction publique parce qu'il y a des activités qui ne sont pas nécessairement mesurables quantitativement. La détermination d'indicateurs de rendement n'est pas nécessairement aussi évidente que dans des productions bien spécifiques, bien faciles à prendre en considération, à prendre en compte, et on pense que de par sa nature même l'État rend des services, a des activités qu'on ne peut pas évaluer comme si on évaluait une usine de fabrication de saucisse.

Et d'ailleurs, il y a peut-être des bilans à faire et à revoir, et même, à partir de l'expérience britannique qui est mentionnée dans l'énoncé de politique, nous, selon les informations que nous avons, c'est qu'il y a de plus en plus des analyses, des bilans qui sont relativement critiques ou qui amènent certains questionnements par rapport au bien-fondé de la gestion par résultat.

Par contre, évidemment, il faut que la gestion repose sur un certain nombre de critères. Nous avons une deuxième recommandation qui expose un certain nombre de ces critères-là. Rapidement, je vous les mentionne: adéquation entre les besoins de la population et les services rendus; accessibilité des services sur l'ensemble du territoire et pour l'ensemble des citoyens; reddition des services dans les meilleurs délais possible; disponibilité de ressources suffisantes pour rendre des services de qualité; qualité des ressources nécessaires à la reddition des services. Il nous semble que la gestion devrait reposer sur ces critères-là, sur ces principes-là qui devraient avoir préséance.

Nous avons aussi d'autres recommandations notamment qui touchent à des aspects de la réforme qui ne sont pas très bien exposés à l'intérieur de l'énoncé de politique, ça touche la question de la dotation. Nous, on pense qu'il faut remettre en question carrément la question de la promotion sans concours. On est très réticent à l'idée d'avoir un système de promotion automatique à la suite de la réussite d'un programme de formation, comme ça nous a été suggéré. On pense également que le fait qu'il y a un taux de personnel occasionnel très élevé dans nos catégories d'emplois, c'est une chose qui devrait être revue et corrigée. Je sais qu'elle a un lien avec des choses qui se discutent à notre table de négociation, mais il m'apparaît qu'on devra trouver des solutions rapidement à ce problème-là.

Un autre élément qui est lié à la dotation, c'est toute la question qu'on retrouve à l'intérieur du projet de loi n° 51 pour lequel il n'y a pas eu possibilité de nous exprimer parce qu'on n'a pas été invité à le faire, mais dans lequel on élimine une mécanique qui existe à l'heure actuelle et qui établit des niveaux dans des listes de déclaration d'aptitudes. Nous, ça nous apparaît être une façon d'introduire l'arbitraire dans la façon de doter les emplois. Alors, si on parle de modernisation, moi, je ne pense pas qu'on puisse accepter qu'il y ait des éléments de cette nature-là qui soient introduits dans un processus de modernisation.

On parle aussi de rémunération au rendement. Je pense que je ne vous surprendrai pas si je vous dis que le Syndicat de la fonction publique est opposé à cela. J'imagine que vous allez d'ailleurs nous questionner sur ce sujet-là et je pourrai expliquer davantage les raisons pour lesquelles nous nous y opposons. On est aussi inquiet par la possibilité de délégation de pouvoir du Conseil du trésor vers les ministères, vers les organismes, vers différentes unités administratives qui signeraient un contrat de performance et d'imputabilité. Quant à la négociation, nous nous questionnons sur les intentions du Conseil du trésor: Est-ce qu'il veut décentraliser la négociation que nous avons à l'heure actuelle? C'est une question à laquelle nous n'avons pas de réponse, et surtout, nous ne savons pas dans quelle direction ça pourrait aller.

J'ai parlé de la démarche sur l'organisation du travail. Il nous semble que c'est quelque chose qui aurait dû être vu, et je note que, dans l'énoncé de politique, les organisations syndicales ne font pas partie des acteurs de cette modernisation-là. Il me semble qu'on aurait dû reprendre, d'autant plus qu'on en parle, cette démarche-là sur l'organisation du travail comme étant un des moyens, un des outils majeurs pour faire avancer la fonction publique.

Bon, il y a d'autres sujets qui nous apparaissent devoir être liés à la modernisation. Je parle de la négociation de la classification, qu'on puisse convenir des changements technologiques, de la façon de les introduire; pas de s'y opposer mais de les introduire de façon correcte. Il y a aussi nécessité absolue, à notre avis, qu'on revalorise la fonction publique. On l'a fait peut-être par certaines déclarations à cette commission, mais il nous apparaît extrêmement important que les citoyens et les citoyennes soient sensibilisés par le gouvernement à l'importance des services qui sont rendus, les activités qui sont assumées, les responsabilités qui sont assumées par les membres que nous représentons.

(16 h 30)

Et enfin – je termine avec ça – il y a toute la question du débat restreint dans lequel on se retrouve avec l'énoncé de politique. C'est-à-dire que, quant à nous, cet aspect-là est un des éléments qui touchent au rôle de l'État. Et on aurait dû faire un débat... nous proposons un débat plus large sur toute la question du rôle de l'État, de la nécessité de consolider les services publics dans le futur, de leur donner les outils qu'il faut et d'inviter la population non pas à dire comment on pourrait faire pour se débarrasser des responsabilités, mais comment on pourrait faire pour améliorer ces responsabilités-là. Alors, c'est essentiellement le message que nous désirions vous transmettre.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Je vous remercie, M. le président. À ce moment-ci, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Léonard: Oui, M. le Président. Alors, merci, M. Roy, pour votre mémoire, ainsi que MM. Lavoie et Berry, qui êtes ici, qui êtes venus et qui nous avez fourni un mémoire fouillé qui va être analysé sous toutes ses coutures par les gens qui m'entourent dans l'équipe.

En partant, je voudrais juste faire un état de la situation, puisque c'est vous qui avez fait allusion à la consultation. Je dois dire, on m'a informé qu'il y a eu quatre rencontres d'au moins deux heures sur le sujet, le 29 mars, le 19 mai, le 2 juin et le 1er septembre...

Une voix: Au CSOT.

M. Léonard: ...au CSOT, au Comité sectoriel sur l'organisation du travail, et qu'à cette dernière réunion du 1er septembre, les représentants du gouvernement ont pris l'engagement de déposer le résultat de la consultation lors de la prochaine réunion qui, paraît-il, a été... pas convoquée, mais on a tenté à quelques reprises de la réunir. Mais je comprends que, dans les circonstances actuelles, il y a peut-être d'autres questions qui nous préoccupent...

M. Roy (Serge): Conflits d'horaires.

M. Léonard: Oui, quelques conflits d'horaires. Mais, dès la prochaine réunion, nous sommes prêts à déposer le résultat de cette consultation. Au cours de l'été et à partir du mois de juin, je dois le dire, parce que j'ai déposé cet énoncé de politique le 9 juin, il y a eu 6 273 personnes qui ont participé formellement à de la consultation, jusqu'ici. Et il y a eu 1 300 pages et plus, m'a-t-on dit, de commentaires, évidemment écrits, sur cette question. Donc, il y a eu quand même des choses. Je ne dis pas que c'est parfait. Je donne quand même ce qui s'est fait. Et il s'est fait des choses.

Mais je dirais aussi que ce n'est pas terminé parce que nous sommes ici, en commission parlementaire, sur un énoncé de politique, avec une proposition de loi, qui n'est d'ailleurs même pas un avant-projet de loi, mais qui voulait indiquer en quelque sorte là où nous voulions aller. C'est sûr qu'il y aura des modifications importantes à la suite de la tenue de ces audiences actuellement.

Ceci étant dit, une des choses qui est à la base même de ce projet, c'est une meilleure qualité des services aux citoyens. Et je crois que c'est cela qui domine, en tout cas... pas je crois, c'est cela qui domine dans nos préoccupations, à l'heure actuelle, améliorer les services aux citoyens. Ça ne fait pas une critique extraordinaire puis ça ne met pas des blâmes absolus, on veut simplement améliorer les choses. Et, quand on parle de ce projet, on parle d'un projet de réforme de l'administration gouvernementale, de la gestion, il y a des aspects qui, effectivement, vont toucher la Loi sur la fonction publique – on y viendra un peu plus tard – et puis il y en a d'autres qui vont toucher nécessairement la Loi sur l'administration financière. Mais c'est un nouveau cadre de gestion.

Moi, je voudrais savoir si vous partagez notre objectif fondamental qui est d'améliorer les services aux citoyens, la qualité des services aux citoyens puis, sans critiquer qui que ce soit, comme concept, les meilleurs services aux citoyens.

M. Roy (Serge): Je pense avoir indiqué dès le départ que le Syndicat de la fonction publique a toujours eu comme objectif, a depuis déjà plusieurs années... J'ai évoqué les démarches que nous avons entreprises qui allaient dans le sens de l'amélioration, du maintien des services publics, des services de la fonction publique en particulier. Parce que les gens sont évidemment beaucoup plus sensibles quand il s'agit du réseau de la santé et de l'éducation. Mais l'importance de la fonction publique, de ses missions, tout le monde reconnaît ça, je pense qu'il n'y a personne qui met ça en doute. D'ailleurs, on a des recommandations, à mon avis, qui vont dans cette perspective-là.

M. Léonard: Oui.

M. Roy (Serge): Et ça ne se fait pas, à notre avis, uniquement par des mécanismes de gestion, d'ailleurs, et je pense que, ça, vous en conviendrez. Ce n'est pas uniquement par ce biais-là qu'on assure des services de qualité à la population.

M. Léonard: Bon. On s'entend? On s'entend. Et je dirais aussi que, même si je suis prêt à répéter le témoignage que j'ai rendu ici, en commission parlementaire, sur la qualité de la fonction publique au Québec, je suis prêt à le répéter, il reste que le meilleur témoignage, c'est celui de l'appréciation des citoyens lorsqu'ils ont les services de l'État, s'ils sont contents eux-mêmes, s'ils ont l'impression d'avoir une fonction publique, ou une administration publique dans un sens plus large, qui est moderne, qui est adaptée à ce que nous vivons actuellement, qui utilise les nouvelles technologies. Et, donc, au fond, on fait appel aussi à la mesure de la satisfaction du public envers les services qu'on lui offre, à des indicateurs de satisfaction, des indicateurs en conséquence, en amont du processus qui porte sur la performance pas juste des fonctionnaires, mais de la gestion de l'administration elle-même. Est-ce que cette démarche, vous la partagez?

M. Roy (Serge): Ce avec quoi nous sommes en désaccord, c'est... Parce que vous référez au taux de satisfaction de la population, par exemple, et je pense que...

M. Léonard: Ou de la clientèle ou de...

M. Roy (Serge): ...à l'heure actuelle, on ne peut pas prétendre qu'il y a un taux d'insatisfaction par rapport aux services de la fonction publique de la part de la population de façon globale. Mais, de toute façon, de temps à autre, il y a des rapports qui sont produits et qui indiquent... Quand il y a des sondages, par exemple, qui sont ciblés sur certaines activités de la fonction publique, on se rend compte qu'il y a un taux de satisfaction relativement élevé. Évidemment, quand il y a des problèmes, ce sont ces problèmes-là qui prennent toute la place.

M. Léonard: Effectivement. Effectivement.

M. Roy (Serge): Et c'est peut-être 1 % des activités, au bout du compte.

M. Léonard: Je suis d'accord là-dessus.

M. Roy (Serge): Mais on est bien conscient qu'on vivra toujours avec ça. Mais, lorsque vous me posez la question par rapport à la nécessité de mesurer l'efficacité, de mesurer la performance, de mesurer le rendement, c'est là qu'à notre avis il y a certains problèmes. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas évaluer le rendement. Et de l'évaluation de rendement, il s'en fait dans la fonction publique depuis fort longtemps. Mais, quand on parle d'établir, par exemple, des indicateurs de rendement, il nous apparaît que, dans la forme où c'est présenté, ce n'est pas approprié pour la fonction publique. Et là je ne sais pas si je réponds bien à votre question. Oui et non?

M. Léonard: C'est-à-dire que je suis d'accord avec ce que vous avez dit, que toutes les activités de la fonction publique ne peuvent pas se mesurer en termes quantitatifs quant à la satisfaction du public. Puis je le conçois très bien. Une des premières fonctions, peut-être la première fonction de chaque ministère, c'est d'établir sa planification, puis ça sera toujours difficile de la mesurer. L'élément qualitatif est supérieur, dans ce contexte-là. Cependant, il faut quand même arriver à une mesure. Et il y a des services qui peuvent l'être. Et puis il y a des performances qui peuvent être améliorer. Puis je ne l'entends pas juste en termes de fonction publique, au sens des employés subalternes. Je l'entends dans son ensemble, l'administration.

Alors, je crois qu'il faut le plus possible se donner des objectifs très clairs, dans la mesure où on peut le faire, quantifiables, quantifiés, et analyser les résultats. Je suis persuadé, quant à moi, que normalement le débat politique va gagner en transparence, en clarté. Et le tout va être à l'avantage de la fonction publique, comme vous l'avez dit, parce que les cas où ça ne marche pas sont plutôt de nature exceptionnelle. Est-ce que ça ne vous amène pas... C'est ça, le coeur du projet.

M. Roy (Serge): Oui, je suis d'accord avec vous que c'est le coeur du projet. Et c'est pour ça que je vous avoue que cette partie-là, on l'a regardée de façon bien précise. Et on l'a regardée aussi à la lumière des expériences des unités autonomes de service, par exemple. Parce que ça a été, au départ, quelque chose qui a soulevé chez nous beaucoup de questionnement. Nos membres ont été extrêmement inquiets.

M. Léonard: Oui, je sais.

M. Roy (Serge): Je pense que vous vous souvenez des débats. Je pense qu'on vous avait rencontré d'ailleurs à cette époque-là. Et on avait expliqué que, quant à nous, si c'était d'introduire au Québec la même façon de fonctionner que les conservateurs avait introduite en Grande-Bretagne, il ne fallait pas compter sur nous. Cependant, on a accepté de faire l'exercice, de voir ce que ça pouvait donner dans un contexte comme le nôtre, à partir d'organismes choisis qui répondent à certains critères.

(16 h 40)

Moi, je ne vous dirai pas que, de façon absolue, les expériences d'unités autonomes de service sont négatives. Si je prends le Centre de perception fiscale, je pense que tout le monde reconnaît qu'il y a là un fonctionnement qui a été grandement amélioré. Je pense que, si on prend aussi, au ministère des Transports, les CGER, qui ont permis de rationaliser des choses...

M. Léonard: Ça s'est fait très correctement aussi.

M. Roy (Serge): ...c'est quelque chose qui est vu très positivement par le Syndicat de la fonction publique. Mais ce que j'ajouterais, c'est peut-être qu'il n'y avait pas besoin d'introduire une mécanique de gestion par résultat ou d'appeler comme ça. C'est beaucoup plus au niveau des méthodes de travail, de la mise en commun des connaissances, des ressources, des habiletés des employés, d'ailleurs, avec les gestionnaires, qui a permis d'atteindre ces résultats-là. Puis on pourrait en passer plusieurs comme ça.

M. Léonard: Oui, mais...

M. Roy (Serge): Mais si vous permettez, l'aspect où ça ne marche pas, quant à nous, c'est que la plupart des activités assumées par l'État ne sont pas quantifiables de cette manière-là. Prenez des agents d'aide socioéconomique qui sont dans les centres locaux d'emplois – puis là je ne veux pas partir de débat sur Emploi-Québec, il y en a assez. Mais, sur les responsabilités de nos gens, quand ils rencontrent des personnes qui sont sur l'aide sociale, qui sont dans un dénuement absolu, comment vous allez faire pour quantifier ça? Il y a eu une époque où il y a du monde au gouvernement qui a décidé de quantifier des affaires en disant: Bien, vous avez des objectifs, des cibles de coupure de chèques, de récupération d'argent. Et je ne pense pas que c'était quelque chose de très positif pour les services publics puis les missions de l'État. Ça, c'est un exemple. Puis je pourrais vous donner un autre...

M. Léonard: Oui, mais je vais vous en donner un exemple. J'aimerais ça que vous épiloguiez là-dessus parce que...

M. Roy (Serge): Parce que j'en ai beaucoup d'exemples.

M. Léonard: La Société de l'assurance automobile du Québec, qui n'est pas une UAS au sens où on l'entend spécifiquement actuellement, mais qui est assimilable à une UAS, est un succès considérable pour les Québécois. Il y avait 2 300 morts en 1973 ou 1974, puis aujourd'hui c'est 725. Et ça, c'est un constat de succès parce que, au bout de 20 ans maintenant, à peu près, on a diminué par trois le nombre de morts. Globalement, pour l'organisation, c'est un très grand succès. Ils ont eu des politiques, des programmes, ils ont mis plein de choses, la loi elle-même. Et je pense que l'équipe qui a été là a fait un travail extraordinaire. En tout cas, au moins pour ce qu'ils ont pu faire dans ce contexte-là, ils l'ont fait très bien. C'est un exemple.

M. Roy (Serge): Écoutez, je partage ça. Mais je prendrai justement votre exemple de la Société de l'assurance automobile...

M. Léonard: Et ça a été mesuré. On mesure les résultats.

M. Roy (Serge): ...pour vous donner un exemple de problèmes à établir des indicateurs de rendement. Vous allez faire ça comment, établir un indicateur de rendement pour les inspecteurs qui vont sur la route inspecter les véhicules, les poids lourds pour s'assurer qu'on augmente le niveau de sécurité sur les routes? Puis là je ne veux pas tomber dans le mélodrame, mais c'est quand même une réalité. Et je parle de l'inspection à la SAAQ, mais on peut parler de l'inspection dans le bâtiment, on peut parler de l'inspection des aliments. On fait ça comment? Au ministère de l'Environnement, on fait ça comment?

Au ministère des Ressources naturelles il y a peut-être des affaires, oui, qu'on peut quantifier, la rapidité avec laquelle on va émettre les permis de coupe. Mais, quand on veut aller s'assurer que les règles, les permis sont respectés, que la nature des permis est respectée par l'industrie forestière, comment on va quantifier ça? Moi, je pense qu'il y a un problème.

Et, au Conseil du trésor, quand on l'a abordé... Parce que tantôt vous avez dit qu'il y avait eu quatre rencontres, mais, moi, je vous... En tout cas, on n'a pas été très satisfaits de ça, on pourra s'en reparler puis aller plus loin. Mais, quand on parle de... le Conseil du trésor lui-même reconnaît que, dans beaucoup d'activités gouvernementales, il va être extrêmement difficile d'établir des indicateurs de rendement.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, M. le député de Lotbinière.

M. Paré: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Roy et votre groupe. En entrée, vous dites que, d'une part, vous convenez de l'urgence d'adapter la fonction publique. Donc, il y a des adaptations qui doivent être faites au niveau de la fonction publique. Si on regarde, par contre, l'accueil que vous faites aux mesures de modernisation – rémunération individualisée, responsabilisation des sous-ministres, limitation des pouvoirs de la Commission de la fonction publique, promotion à la suite de programmes de développement – vous êtes contre. Quelles sont ces mesures de modernisation que vous mettez de l'avant, avec lesquelles vous êtes d'accord, que vous, vous mettez de l'avant? Puis vous dites ça aussi au niveau de vos principes fondamentaux. C'est quoi, ces principes-là?

M. Roy (Serge): Comment vous dites?

M. Paré: Les mesures de modernisation que vous mettez de l'avant, puis vous dites ça aussi au niveau de vos principes fondamentaux. C'est quoi, ces principes-là?

M. Roy (Serge): Comment vous dites?

M. Paré: Les mesures de modernisation que vous mettez de l'avant. Avez-vous des suggestions?

M. Roy (Serge): Oui.

M. Paré: La deuxième. Puis vous dites que vous n'acceptez pas ça au nom des principes fondamentaux. Vous n'en parlez pas de vos principaux fondamentaux, là. Quels sont-ils?

M. Roy (Serge): Bien, j'en ai parlé des principes fondamentaux. Les principes fondamentaux, qui sont des principes, entre autres, d'égalité, de justice, d'équité, etc. Alors, toute la question que vous soulevez, oui, on fait des recommandations. Si vous regardez dans la liste de nos recommandations, il y a un certain nombre de recommandations qui, à notre avis, vont dans le sens de cette modernisation-là. Je vous donnerais juste un exemple. Je vais essayer de ne pas être long parce que je sais qu'il y a peut-être beaucoup d'autres questions.

Prenez la classification des emplois. C'est quelque chose qui joue un rôle important dans la gestion des ressources humaines. Et, donc, la gestion des ressources humaines fait partie aussi des sujets qui sont abordés par l'énoncé de politique. Mais on ne parle pas de la classification des emplois qu'on est en train de réviser globalement, à l'heure actuelle. La Loi sur la fonction publique, qui a été adoptée il y a fort longtemps, contient une disposition qui empêche que les syndicats puissent négocier la classification des emplois. Alors, c'est une veille disposition qui, à notre avis, est archaïque. Si on veut moderniser, ça, c'est un aspect qu'on pourrait moderniser: modifier la Loi sur la fonction publique en permettant la négociation de la classification. C'est un aspect. Il y en a d'autres.

Il y a des choses avec lesquelles on est d'accord. Sur la question de la planification stratégique, les rapports qui doivent être présentés à l'Assemblée nationale, il y a des aspects qui nous apparaissent importants, on n'a pas de problème avec ça. Les aspects sur lesquels on est en désaccord: la question de la dotation des emplois, par exemple, la question de la promotion sans concours qui a été introduite. Et là je ne veux pas répéter ce que la Commission de la fonction publique est venue dire ici même, mais on se rend compte à un moment donné...

Est-ce que c'est une façon de rendre plus performante la fonction publique que de faire des promotions presque majoritairement – puis majoritairement, dans bien des années – par la voie des promotions sans concours? Moi, je pense que ça a produit énormément de désengagement, de démotivation, de démobilisation de nos membres par rapport au processus de dotation. Alors, c'est pour ça qu'on est...

M. Paré: Mais il y en a plusieurs qui ont été promus comme ça, de vos membres. Qu'est-ce qu'ils en pensent, eux?

M. Roy (Serge): Bien, écoutez, individuellement, je comprends que ces personnes-là sont peut-être satisfaites. Mais, les personnes qui sont satisfaites, à côté, il peut y en avoir 10 qui estiment qu'elles ont été flouées dans le processus; à tort ou à raison, mais c'est le sentiment qu'elles ont. Lorsque vous avez un processus transparent, limpide, clair, respecté partout, bien, je pense qu'à ce moment-là ça nous aide passablement. C'est dans ce sens-là que, nous, on n'est pas d'accord.

M. Lavoie (Gilles): En complément, je peux vous dire que, dans ces mêmes périodes-là, la fonction publique vivait une décroissance, et, donc, il y avait une démobilisation, une démotivation que les gens vivaient par des mises en disponibilité, par toutes des réorganisations. Et, à l'intérieur de ces mêmes périodes-là, on voit que, comme la Commission de la fonction publique l'admet, il y avait plus de promotions sans concours qui se donnaient, qui se faisaient par rapport au processus où les gens ont la possibilité d'améliorer leurs connaissances, d'étudier pour pouvoir être performants sur ces concours-là, donc un effet mobilisant pour ces gens-là d'appliquer sur ces concours-là, de faire reconnaître leurs connaissances, leur performance. Et ça, c'était exclu principalement des mécanismes.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest, en se rappelant qu'il reste deux minutes aux ministériels.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): J'avais quasiment envie de passer mon tour, mais je ne pourrai pas, là. J'avais plusieurs questions. Moi, je veux tout simplement dire une phrase avant deux questions. Je suis convaincu que, même si ça semble beaucoup d'écart entre ce qui est proposé et votre position, compte tenu de votre expérience et de ceux que vous représentez, votre contribution nous est positive pour nous éclairer davantage. Pour ce faire, il faut comprendre cependant exactement ce que vous voulez.

Moi, la grande déclaration solennelle, j'ai bien de la misère avec ça. C'est quoi qui vous animait de penser qu'en faisant une très grande déclaration... Vous avez appelé ça – une minute, là, vous l'avez citée tantôt – la déclaration québécoise sur les services publics. J'aimerais ça vraiment, mais très rapidement... Ça remplace quoi? Pourquoi ça serait requis? Puis je reviendrai sur les principes. Puis là vous allez comprendre pourquoi je vous pose la question.

M. Roy (Serge): De toute façon, dans l'énoncé de politique, il y a une proposition et il y a une référence à certains engagements qui seraient pris par chacun des ministères, chacun des organismes par rapport à leur mission propre. D'ailleurs, il y a quelque chose d'équivalent qui existe au ministère du Revenu, à l'heure actuelle, l'énoncé de politique en fait état, à la Régie des rentes également; il y a ce type de déclaration, mais qui est particulier à leur engagement à eux.

(16 h 50)

Nous, ce qu'on pense qui serait utile, c'est d'aller au-delà de ce type de déclaration, qui est plus pointue, si vous voulez, mais qui ferait en sorte que le gouvernement, dans cette déclaration-là, préciserait ses engagements à l'égard de la fonction publique, à l'égard des services publics, la qualité des services aux citoyens, au fond, un certain nombre d'éléments qui sont déjà dans l'énoncé de politique, mais qui chapeauteraient, si vous voulez, l'ensemble des dispositions relatives au fonctionnement de la fonction publique.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Je le comprenais un peu dans ce sens-là. Mais admettez-vous qu'on peut apparenter ça à ce que d'autres pourraient appeler les principes directeurs du nouveau cadre proposé puis on pourrait retrouver ça, en gros? Et là je vous questionne parce que, moi, je les avais vus, effectivement, vos principes directeurs, et j'en questionne deux sur quatre. Il y en a deux où je n'ai pas de problème. Quand vous recommandez que l'efficience...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest, pour vous permettre de continuer, j'aurais besoin, à ce moment-ci, du consentement de l'opposition. Ça va? O.K. Allez-y.

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Merci. Quand vous affirmez dans votre mémoire que le syndicat recommande que l'efficience gouvernementale soit mesurée en tenant compte des critères suivants – je donne un exemple: adéquation entre les besoins de la population et les services rendus, et vous avez ajouté vous-même, M. Roy, que ces principes directeurs là devraient avoir préséance – puis j'arrête là, je sais ce que ça veut dire, une préséance, puis vous aussi – alors, moi, j'ai de la misère parce que j'ai peur que ça soit juste un discours. Puis ça ne me tente pas, une grande déclaration sur les services publics pour un discours parce que, dans la pratique, avec votre expérience, vous savez bien qu'il n'y aura jamais adéquation entre les besoins d'une population puis les services rendus, pour des raisons légitimes, logiques, parfois de disparité de territoire, parfois d'étendue, parfois de situation budgétaire précise.

Et, pour compléter, le deuxième, je le trouve encore pire: accessibilité des services sur l'ensemble du territoire et pour l'ensemble des citoyens. Je n'ai pas de trouble avec le principe. J'ai du trouble avec le réalisme de ce principe directeur là, qui aurait préséance sur tout. Puis il n'est pas question d'évaluer du rendement ou l'efficience du gouvernement si on n'a pas rencontré les objectifs du principe. Moi, je suis convaincu qu'à Val-Paradis dans mon comté, où je connais très bien les gens, ils n'ont pas la même accessibilité de services. Puis, pourtant... Bon, j'arrête là. Je pourrais multiplier les exemples, moi aussi. Alors, là, j'ai de la misère et je me dis...

M. Chagnon: Pourquoi ça s'appelle Val-Paradis?

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Ah! c'est parce que je suis venu au monde là. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Non, non. Ça, c'est un autre débat. Tout le monde me demande où c'est, puis je leur dis: Ce n'est pas la fin du monde, mais ce n'est pas loin. De là, on la voit bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron (Abitibi-Ouest): Bon. Revenons à nos moutons. C'est sérieux. Et j'ai l'impression qu'avec votre pratique, votre expérience... Ce que je trouve un peu difficile, c'est ça, c'est qu'on dirait qu'il y a toujours lieu de mieux cantonner de grands principes généraux pour ne pas progresser, pour ne pas avancer et pour ne pas poser des gestes que vous savez qu'ils sont requis. Parce que la modernisation de la fonction publique, je veux dire, on a parlé partout de ça, dans le privé, dans le public, ailleurs. Puis, dans la fonction publique, avec une bonne fonction publique... Et ça, ça a été dit, moi, je le dis encore à satiété, comme ancien ministre de la Fonction publique, on a une étoile de bonne fonction publique! Mais c'est eux, quand on leur parle, qui veulent avoir plus d'initiative, bouger davantage, avoir des capacités réelles de s'affirmer pour ne pas qu'au party de Noël ils fassent rire d'eux autres quand ils disent qu'ils travaillent pour le gouvernement.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, je considère votre question posée, M. le député? Allez-y.

M. Roy (Serge): Est-ce que j'ai un temps de réponse? Écoutez, la question que vous soulevez est extrêmement importante. Notre perspective n'est pas de faire des déclarations pour faire des déclarations, mais on est à l'étape de discussion d'un énoncé de politique, et c'est dans ce cadre-là que nous arrivons avec des principes aussi. Bon, je veux bien essayer de les illustrer, mais, quand on parle d'adéquation entre les besoins de la population et les services rendus, ce que la population veut, c'est que les services publics répondent à ses besoins. Et, écoutez, pratico-pratique, tout le monde sait très bien qu'on ne peut pas à 100 % répondre à tous les besoins qui peuvent être exprimés dans la vie par quelqu'un, par des groupes, par des collectivités. Mais on peut-u s'engager collectivement à ce que: C'est l'objectif que nous avons? Et je pense qu'on pourrait trouver des moyens de mesurer l'atteinte de ce type d'objectif là.

L'accessibilité des services sur l'ensemble du territoire, moi, là-dessus, je vous dirais que ça, c'est un peu moins philosophique et c'est beaucoup plus concret, puis il y a du monde... Nous, on représente des gens qui travaillent dans toutes les régions, vous le savez. Il y en a dans votre région, peut-être pas autant que vous voudriez, même, mais il y en a dans votre région aussi. Nous, en tout cas, il y a des gens, dans les régions, qui nous disent qu'il devrait y en avoir plus. Alors, ça, c'est sûr et certain.

Mais, au-delà de ça, je vous dirais qu'avec le développement des technologies nouvelles il y a des choses qui nous apparaissent devenir possibles. Tout en maintenant les services dans une dimension humaine, il nous apparaît possible de viser l'accessibilité des services sur l'ensemble du territoire. Et, de toute façon, c'est le propre même de la mission de l'État de rendre accessibles les services sur l'ensemble du territoire.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous passons à la période réservée aux députés de l'opposition. M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, M. Roy, pour votre présentation, et vos collègues. D'entrée de jeu, je voudrais dire également, comme je l'ai mentionné au début de la commission parlementaire, que j'ai beaucoup de respect pour les gens de la fonction publique. Je pense que nous avons une fonction publique qualifiée et compétente. D'ailleurs...

M. Léonard: Tu en as fait partie.

M. Marcoux: J'en ai déjà fait partie et j'en suis fier. Je pense que, là-dessus, il est important de le rappeler. Dans le cadre de ce qui est présenté devant nous, un des principes qui sont inscrits, c'est celui de vouloir responsabiliser davantage les gestionnaires de façon à accélérer les processus de décision et fournir aux citoyens – et c'est l'objectif de la fonction publique, je pense, de l'appareil de l'État – des services de qualité à meilleur coût. Je pense qu'essentiellement c'est ça. Est-ce que je crois comprendre que, ce principe de la responsabilisation des gestionnaires, tel qu'il est inscrit, vous êtes d'accord ou si vous avez des réserves, et pourquoi?

M. Roy (Serge): Il faudrait que ce principe-là soit défini. Nous, il ne nous semble pas qu'il soit défini à l'intérieur de l'énoncé de principe. On peut concevoir que la responsabilisation, l'imputabilité des gestionnaires, la nécessité de rendre compte, nous, on est... évidemment, ce sont des principes avec lesquels on est d'accord. Mais il nous apparaît qu'il y a des choses à l'intérieur de l'énoncé de politique qui, à cet égard-là, ne sont pas nécessairement suffisamment claires pour qu'on puisse adhérer complètement aux éléments qui y sont contenus. Mais la reddition de comptes, l'imputabilité, elle est déjà là, elle existe déjà. D'ailleurs, en passant, il y a beaucoup d'éléments qui sont dans l'énoncé de politique qui sont présentés comme étant des éléments de modernisation, mais qui, à notre sens, sont des éléments qui sont déjà en cours, en marche depuis un certain temps. Alors, bien sûr, il y a toujours place à amélioration.

Sur le principe comme tel, on n'est pas en désaccord. Le problème que nous avons au regard de la responsabilisation, c'est que l'énoncé de politique indique que la responsabilisation va toucher également les fonctionnaires, c'est-à-dire les membres que nous représentons, de la façon dont c'est exprimé. Mais de quelle manière le gouvernement va-t-il définir cette responsabilisation-là pour des personnes qui, dans le processus décisionnel, n'ont pas réellement de pouvoir? Ils peuvent avoir de l'imagination, ils peuvent contribuer, mais ils n'ont pas de pouvoir sur les décisions de gestion qui se prennent comme telles. Ils peuvent peut-être les influencer. Mais comment va se définir la responsabilisation pour ce qui est de nos membres?

L'ouvrier qui conduit un camion, je pense qu'il sait c'est quoi, sa responsabilité pour s'assurer que son travail soit bien fait et qu'il soit fait de façon sécuritaire. Mais, quand on ajoute un élément comme celui-là, quelle est sa portée? Ça, c'est un élément sur lequel, nous, on n'a pas assez de précisions sur là où ça va nous mener.

M. Marcoux: Et, à ce moment-là, est-ce que... On a invoqué, tantôt, la mise sur pied des unités autonomes de service qui s'est faite...

M. Roy (Serge): Oui.

M. Marcoux: ...et bien sûr avec une certaine réticence au point de départ, et je pense que c'est normal. Mais vous avez mentionné quand même que, dans un bon nombre de cas, il semblait que l'expérience était concluante.

M. Roy (Serge): Bien, non, ce n'est pas exactement ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y a des aspects qui sont positifs dans ces expériences-là, nous le reconnaissons. Puis j'ai donné quelques exemples d'unités autonomes de service qui, à notre avis, ont connu une expérimentation qui est effectivement positive. Mais il nous semble que l'évaluation, le bilan qu'on en fait à l'heure actuelle est trop partiel, n'est pas suffisant, et on devrait le mettre en parallèle aussi avec les expériences. Parce qu'on va chercher des exemples dans d'autres pays, mais il faut bien savoir qu'en Grande-Bretagne à l'heure actuelle, il y a un questionnement qui se fait sur l'établissement de ce type de structure là. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait peut-être analyser un petit peu plus où est-ce que ça va dans le concret. Alors, c'est ça, les réticences que nous avons à cet égard-là.

M. Marcoux: M. le Président, ça touche à un des aspects de la gestion des ressources humaines. Vous avez parlé de la rémunération au rendement qui a été discutée un certain nombre de fois ici au cours des derniers jours par des groupes qui sont venus faire des présentations. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous semblez être en désaccord avec cette rémunération au rendement? Évidemment, à condition que ça soit bien encadré, là. Il ne s'agit pas de laisser libre cours à l'arbitraire, c'est bien sûr, mais une forme de rémunération au rendement basée sur des éléments qu'on peut bien évaluer. Pourquoi vous semblez rejeter cette avenue-là?

M. Roy (Serge): Nous rejetons cette forme de rémunération là parce qu'à notre avis elle introduit des éléments d'inégalité, elle introduit des facteurs qui sont porteurs de divisions à l'intérieur des groupes, de ressentiment.

Il y a un autre aspect aussi qui nous apparaît très important, c'est qu'il y a un certain nombre d'études qui ont été faites sur la question de la rémunération au rendement. Je suis convaincu qu'au Conseil du trésor ils ont consulté un certain nombre de choses à cet égard-là. Mais, si on n'a pas les mêmes sources, on pourra se les échanger. Ha, ha, ha! Mais, nous, les sources que nous avons...

M. Chagnon: C'est comme ça que le dialogue commence. Ha, ha, ha!

(17 heures)

M. Roy (Serge): Ah! écoutez. Moi, si vous saviez à quel point je serais heureux de pouvoir échanger avec le président du Conseil du trésor. Il n'y a aucun problème là-dessus.

M. Marcoux: Vous pouvez certainement le faire souvent.

M. Roy (Serge): Il existe des études qui font la démonstration qu'en plus des éléments que je vous ai mentionnés, c'est qu'au bout du compte, ce n'est pas porteur d'augmentation de la performance parce que, souvent, c'est ça qui... Bien sûr, c'est ça qui est visé, à la source, de stimuler la performance. Et donc, il y a des études qui font la démonstration que ça ne conduit pas – à terme, en tout cas – à ça.

Par ailleurs, il y a aussi, à notre avis, un élément qu'il faut prendre en compte si on introduisait ce type de mécanisme là, c'est la nécessité de procéder à l'évaluation, donc d'évaluer chacun et chacune des personnes qui font partie de la fonction publique. Alors, il y a là une charge administrative importante que ça suppose, parce que j'ose espérer qu'on ne distribuera pas ça au hasard, que ça va être fondé sur des critères et des mécanismes clairs et qu'il y aura aussi des mécanismes de contestation éventuellement, pour que les gens puissent faire appel s'ils ont l'impression qu'ils ont été lésés dans cette évaluation-là et qui les priverait éventuellement d'une prime ou d'une rémunération additionnelle quelconque.

Et je vous dirais qu'à l'heure actuelle, dans la fonction publique, il y a une disposition qui prévoit, dans nos conventions collectives, qu'annuellement les gestionnaires doivent procéder à l'évaluation. On appelle ça dans notre jargon la «notation». Eh bien, moi, je dois vous dire que, dans la très grande majorité des cas, ça ne se fait pas. Bien sûr, ça n'a pas trop de conséquences parce que les gens se disent: De toute façon, la majorité des employés sont au maximum des échelles et, de toute façon, s'ils ne sont pas au maximum de l'échelle, le fait de ne pas faire d'évaluation, ça ne les empêche pas d'obtenir leur avancement d'échelon, par exemple. Mais on ne la fait pas, l'évaluation, à l'heure actuelle, pour toutes sortes de raisons, et la principale probablement, c'est que les gestionnaires n'ont pas le temps de faire cette évaluation-là. Si on introduit une notion d'évaluation du rendement liée à une rémunération individualisée ou quelque autre forme que ce soit et que ce soit lié au rendement, nous, on n'acceptera jamais que l'évaluation se fasse sur le coin de la table. Je sais que ce n'est pas ça que le gouvernement propose, de faire une évaluation sur le coin de la table, mais, puisqu'il faut parler de choses bien pratico-pratiques, bien, ça, ça en est une qui, à notre avis, pose problème, en plus des autres éléments qui fondent notre opposition à la rémunération au rendement.

Derniers éléments à cet égard-là, on a procédé dans la fonction publique à un exercice de relativité salariale. Alors, ça va avoir quoi comme impact, l'introduction d'une rémunération au rendement par rapport aux travaux énormes qui ont été faits sur les relativités salariales et sur l'exercice que nous devons compléter en matière d'équité salariale? Nous, on pense que c'est incompatible et, de toute façon, on pense que ce n'est pas une façon d'encourager à terme le personnel de la fonction publique. Il devrait y avoir d'autres formules que celle-là. L'encouragement, je vous dirais, il vient peut-être davantage de la possibilité du travail collectif qui se fait dans une équipe, de la valorisation de ce travail-là, de l'atteinte des objectifs qui sont fixés. Je pense que les gens sont gratifiés par le fait qu'ils arrivent à rendre des services de qualité. Nos gens sont des gens responsables, déjà, dans ce sens-là, je dirais. Oui, en complément.

M. Lavoie (Gilles): En complément, ce qu'on peut vous dire... Comme exemple valorisant, je prendrais l'exemple, tantôt, qu'on donnait par rapport à la SAAQ pour les préposés aux permis, à l'immatriculation. On a déjà vu la SAAQ donner... dans la distribution pour les renouvellements des permis de conduire, diriger leur clientèle vers la SAAQ et ils n'ont pas pris la peine également de dire: Si vous voulez plus que juste faire une transaction bancaire, présentez-vous auprès du personnel de la fonction publique, ils possèdent entièrement la loi, ils vont être en mesure de vous donner plus que juste faire une transaction de chèque. Et ça, la SAAQ, elle ne le faisait même pas avec son personnel. Donc, c'est tout ça, c'est des choses... je pense qu'il faut qu'ils soient valorisés. La valorisation du personnel, je pense que Serge l'a bien ciblée tantôt. Et il y a aussi ces éléments-là où, nous, nos gens nous disent: Comment ça, que notre employeur, le gouvernement, dans le message qu'il livre à la population, dirige le public vers des mandataires, vers de l'entreprise privée, alors qu'il ne rajoute même pas un autre élément, en disant: Bien, à la SAAQ, les gens qui sont là connaissent entièrement la loi, sont en mesure de vous informer sur tous les permis qui s'émettent, et c'est plus qu'une transaction bancaire que ces gens-là effectuent? Et c'est ça qu'il faut, que la fonction publique valorise son personnel. Et Serge l'a mentionné tantôt en introduction, on a été surpris aussi, au début de l'ouverture de la commission, de l'engagement aussi clair – on écoutait M. de Tilly – l'engagement clair par rapport à son personnel, puis ça, nous, je pense qu'on le reconnaît, c'est admis de nous autres. Mais on aime ça aussi quand ça se reflète puis que nos gens le ressentent, en bas, que ce message-là se livre aussi.

M. Marcoux: Merci. Une dernière question... en fait, deux dernières questions: une qui touche le projet de loi n° 51, auquel vous avez fait allusion, et qui... Évidemment, nous sommes d'accord avec l'objectif d'augmenter la représentativité des groupes des communautés culturelles, etc., dans la fonction publique. Mais là où nous avons exprimé un désaccord quant à la méthode employée, la disparition des niveaux, je comprends que vous... évidemment, vous n'êtes pas d'accord non plus avec cette disparition-là des niveaux, je pense que vous l'aviez déjà exprimé. Nous aurions aimé, si possible, avec d'autres groupes, pouvoir vous entendre en commission parlementaire à cet égard-là, mais le ministre nous a indiqué que ce n'était pas nécessaire.

Maintenant, par ailleurs, sur le plan des promotions sans concours, l'argument qui est proposé, c'est de permettre une plus grande flexibilité dans la gestion des ressources humaines dans les différentes unités administratives, parce qu'il semble que la promotion par concours entraîne des délais qui, parfois, évidemment, contribuent à ralentir l'efficacité de l'administration. Est-ce qu'on ne pourrait pas concevoir que certains des mécanismes puissent encadrer le processus de promotion sans concours, et qui éviteraient, dans le fond, l'arbitraire? Ça, je suis entièrement d'accord avec vous, je pense qu'il faut éviter l'arbitraire, la discrimination ou le favoritisme, de quelque façon qu'il soit; ça peut prendre bien des formes, le favoritisme. Mais est-ce que vous avez songé à la possibilité d'avoir des mécanismes qui encadrent la promotion sans concours de façon à ce que ça puisse être délégué, tout en préservant bien l'impartialité et l'objectivité?

M. Roy (Serge): Écoutez, nous, on n'a pas réfléchi de mécanismes pour encadrer la promotion sans concours parce que nous estimons que cette disposition-là devrait être abolie. Cependant, vous parlez de la lourdeur...

M. Marcoux: C'est-à-dire qu'on devrait maintenir la disposition actuelle de promotion avec concours, ce qui existe, dans la loi.

M. Roy (Serge): Avec concours. On devrait abolir la promotion sans concours. Alors, nous, on n'a pas réfléchi de mécanismes sur la promotion sans concours, mais, sur la promotion avec concours... Lorsqu'on dit qu'il y a des longueurs administratives extrêmes, moi, je vous dirais qu'il y a peut-être moyen de travailler autour de cette question-là, de trouver des façons de rendre les choses plus rapides pour qu'on puisse doter les emplois. Mais, compte tenu que le gouvernement, ce n'est pas le dépanneur du coin, il ne décide pas un matin qu'il procède à l'embauche, il y a une planification qui est faite, une planification des effectifs qui sont nécessaires, nous, il nous apparaît que, normalement, on devrait être capables de fonctionner avec le régime actuel.

(17 h 10)

Mais, souvent, les critiques qui sont apportées, elles sont liées à la période que nous venons de traverser, c'est-à-dire une période où il y a eu énormément de compressions d'effectifs, où les possibilités de promotion ont été réduites, presque à néant dans certains cas, et ça a fait en sorte que, oui, il y a eu certains problèmes reliés à la tenue des concours de promotion, des contestations, répétées, mais, la plupart du temps, pour des motifs fondés, et parce que certains ministères n'ont pas respecté de façon adéquate les processus qui sont établis. Alors, ils ouvraient la porte à des contestations. Et ça, c'est bien sûr que, lorsqu'il y a une contestation, lorsqu'il y a un appel devant la Commission de la fonction publique, c'est bien évident que ça va comme étirer un peu les affaires.

Alors, moi, je pense que, dans la mesure où j'espère qu'on a fini cette période de compressions, les choses vont pouvoir se rétablir et qu'on va pouvoir revivre un processus de dotation qui soit acceptable, qui soit vivable pour tout le monde, satisfaisant et gratifiant aussi pour le personnel, parce que, ça, c'en est une aussi, une façon de récompenser l'effort, de récompenser le rendement, de récompenser les connaissances, les habilités des gens, de procéder par voie de concours. Il y a mon confrère qui veut ajouter.

M. Lavoie (Gilles): En complément, on pourrait vous donner, entre autres, un exemple. On a eu une discussion au comité sectoriel où une des représentantes d'un ministère nous a donné comme lourdeur administrative la procédure devant la Commission de la fonction publique, qui l'a empêchée, pendant quelque temps, de faire sa promotion. Je vous dirais que, quand on s'est présenté devant la Commission de la fonction publique, le ministère a fait confession de jugement en disant: La preuve qu'on venait faire devant la Commission de la fonction publique, on aurait démoli le concours qui s'était fait. Et le ministère a fait une confession de jugement et il a repris le processus. Ce n'est pas les employés, certain, qui étaient le problème.

M. Chagnon: Ce n'est pas la première fois que ça arrive. C'est arrivé cette semaine sur le Palais des congrès à Montréal aussi. On recommence.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Westmount–Saint-Louis, vous avez la parole. Il nous reste trois minutes.

M. Chagnon: Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Je l'attendais depuis longtemps.

Une voix: De façon officielle.

M. Chagnon: Alors, de façon officielle, c'est vrai.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): On officialise un état de fait. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue, comme tous mes autres collègues l'ont fait précédemment. Je suis bien content du témoignage que vous avez fait. C'est extrêmement éclairant.

Mais vous avez été pris, comme nous, peut-être, puis vous me direz le contraire si c'est le cas... Je remarque que, dans votre mémoire, on retrouve en filigrane un problème pour fixer là où vous voudriez vous en aller par rapport au dossier gouvernemental. Puis le problème est soulevé, dans le fond, du fait que, dans le dossier gouvernemental, on se refuse de parler – je me répète – de ce que j'avais dit au début et de ce que M. Marcoux avait dit au début des travaux, on se refuse de parler du quoi puis on a orienté l'ensemble du document sur le comment, ce qui fait que bien d'autres intervenants avant vous – peut-être le ferez-vous aussi – ont trouvé qu'on devrait peut-être avoir une discussion de fond sur le quoi puis, ensuite, trouver les moyens qu'il faut pour aller organiser le comment. Si on organise une chaîne de montage pour faire une usine de petits pois, il est possible qu'on n'utilise pas le même comment que si on veut utiliser une chaîne de montage pour monter des voitures.

D'ailleurs, on retrouve en filigrane dans votre document, à certaines places.. vous faites allusion, dans le fond, au quoi, le secteur privé et public, des systèmes de valeurs différents. À un moment donné, vous reprenez même des exemples d'objets qui ont été ou qui sont remis en question comme en termes d'utilités publiques, que ce soit le Mont-Sainte-Anne, que ce soit le Parc zoologique de Québec ou l'Aquarium de Québec. Enfin, vous n'êtes pas capables de rentrer dans la discussion parce que la porte est fermée, compte tenu du fait que, dans le document, on dit: Le quoi, c'est réglé; on va discuter du comment. Moi, je veux dire: Le quoi, c'est ce qu'on a fait les années passées; maintenant, on est rendu au comment.

Une voix: ...

M. Chagnon: Bien, c'est exactement ce que vous avez dit. Vous relirez les galées; je les ai relues.

M. Léonard: Je les ai relues. Je les ai relues.

M. Chagnon: Bien...

M. Léonard: On aura l'occasion.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre, vous aurez l'occasion de corriger ce que vous estimez nécessaire d'être corrigé.

M. Chagnon: Alors, si vous voulez l'étendre au quoi, ce serait une bonne chose, on pourrait reprendre l'exercice. Je pense bien que tous ceux qui sont venus reviendraient pour nous parler du quoi. Mais, fondamentalement, est-ce que ça vous a posé un problème, ça?

M. Roy (Serge): Écoutez, moi, je dirais qu'on n'a pas le sentiment qu'on a de la difficulté à entrer dans le débat sur la gestion gouvernementale, mais on se sent à l'étroit dans ce débat-là.

M. Chagnon: Parce qu'on ne sait pas exactement où le gouvernement veut nous amener.

M. Roy (Serge): Il nous apparaît... Bien, c'est-à-dire qu'on devine. Il y a des choses sur lesquelles, effectivement, il manque de précisions. On comprend que c'est un énoncé de politique. Il y a une proposition de loi qui soulève beaucoup de questionnement, qui va modifier la Loi sur la fonction publique entre autres, la Loi sur l'administration financière également, sauf qu'on ne connaît pas à ce moment-ci la portée de ces choses-là. On est à l'étroit, particulièrement parce qu'il nous semble que, au Québec, on devrait faire un large débat public sur le rôle de l'État...

M. Chagnon: Sur le quoi.

M. Roy (Serge): Au sens large, vous appelez ça le quoi.

M. Chagnon: Je reprends les termes du document.

M. Roy (Serge): Mais je tiens à préciser qu'il est fort probable que les motifs pour lesquels nous voulons un débat large sur cette question-là ne rejoignent probablement pas les vôtres.

M. Chagnon: Ah! c'est possible. C'est possible.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À ce moment-ci...

M. Chagnon: Mais n'empêche que ce que vous souhaitez, c'est le débat.

M. Roy (Serge): Parce que la perspective dans laquelle nous souhaitons un débat, et c'est l'objet de notre dernière recommandation, les motifs qui nous guident, c'est d'être capable de faire face à la mondialisation des marchés, parce que c'est un des aspects du contexte qui est décrit dans l'énoncé de politique...

M. Chagnon: Oui, bien sûr.

M. Roy (Serge): ...mais d'y faire face de façon collective et non pas livré chacun à soi-même.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À ce moment-ci...

M. Roy (Serge): Et là je fais des raccourcis, j'en suis conscient.

M. Chagnon: Vous êtes de mon avis quand je dis...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! À ce moment-ci, M. le député de Westmount–Saint-Louis, pour pouvoir continuer – on a déjà dépassé le temps normalement imparti – j'aurais besoin du consentement.

Une voix: On a consenti tantôt pour le député d'Abitibi-Ouest.

M. Chagnon: Ça a passé vite.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il y a consentement. Allez-y.

M. Léonard: Nous allons être généreux.

M. Chagnon: Ça a passé vite.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Allez-y, M. le député de Westmount–Saint-Louis, vous avez la parole.

M. Chagnon: On dit ici: Il ne s'agit pas ici de discuter de ce que l'État doit ou ne doit pas faire. C'est en plein ça, c'est la discussion de fond qui nous manque, qui est vous-même...

M. Roy (Serge): Voilà. Et je vous dirais que ça va être la même chose plus tard sur d'autres sujets.

M. Chagnon: Possiblement que nous n'arriverions pas aux mêmes conclusions, mais au moins on pourrait entendre tout le monde puis faire le débat.

M. Roy (Serge): Oui. Et, moi, je vous dirais, si vous me permettez, M. le Président, qu'à cet égard-là... Pour nous, au Syndicat de la fonction publique, toute la question des services de la fonction publique, mais plus largement des services publics, n'a pas fait l'objet d'un débat suffisant au Québec, à notre avis; nous avons subi des transformations.

M. Chagnon: O.K.

M. Roy (Serge): Et je ne veux pas jeter la pierre à personne, mais il nous semble, à ce moment-ci, que ces questions-là sont au moins aussi importantes que celles qui ont été abordées lorsqu'il y a eu une commission sur l'avenir du Québec il y a quelques années. Les enjeux sont au moins aussi importants que ceux-là, à notre avis, et c'est de cette façon-là que devrait se faire le débat sur l'avenir de la fonction publique, entre autres.

M. Chagnon: Vous avez aussi soulevé des problèmes concernant l'organisation du modèle de négociation. Vous avez dit... bon, vous avez parlé du dossier des faux occasionnels, et c'est un dossier qui se réglera rapidement, j'en suis convaincu. D'abord, il y a la commission de l'administration publique qu a déjà fait un énoncé là-dessus, et le président du Conseil du trésor a déjà même fait une promesse électorale là-dessus.

M. Roy (Serge): ...toujours des propositions.

M. Chagnon: Alors, je ne vois pas de problème là-dessus.

M. Léonard: ...propositions à la table de négo.

M. Chagnon: Mais, avant les élections, vous avez fait une promesse électorale.

M. Léonard: Mais ce n'est pas ici, la table de négo.

M. Chagnon: Ceci étant dit, je pense que vous n'aurez pas de problème à régler cette question-là. Je ne vois pas pourquoi. Mais vous êtes opposés à l'idée d'une décentralisation des négociations. Vous êtes, en même temps, en faveur – j'essaie d'éviter un néologisme affreux ou barbaresque – de rendre moins rigide les conventions collectives puis, en même temps, vous êtes opposés à les décentraliser. Comment vous pouvez en même temps justifier l'un et l'autre?

M. Roy (Serge): Bien, écoutez. Moi, premièrement, je vous dirais que les conventions collectives, je ne les trouve pas si rigides que ça. Première des choses.

M. Chagnon: Ça, c'est encore une question d'opinion. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Roy (Serge): Première des choses. Je vous dirais, deuxièmement, que la décentralisation de la négociation dans la fonction publique, je pense que ça va conduire à des situations qui étaient vécues avant la syndicalisation. Il y a des risques d'éclatement des conditions de travail. Je ne sais pas si c'est ça, l'intention. Ça n'est pas expliqué, ça n'est pas exprimé. On ne connaît pas la nature de la décentralisation qu'il pourrait y avoir. Par ailleurs, ce que je veux signaler, c'est que, dans la fonction publique, nous, au SFPQ, nous avons deux conventions collectives qui sont presque identiques: celle des fonctionnaires et celle des ouvriers. Évidemment, on fait affaire avec beaucoup de ministères et organismes qui sont liés par ces conventions collectives là, par l'intermédiaire du Conseil du trésor. Mais il y a des particularités dans chacun des milieux de travail, nous le reconnaissons. Et je peux vous dire que nous avons, à maintes occasions, accepté de discuter d'aménagement, entre autres sur la question des heures de travail, sur les horaires, sur l'amplitude des heures de travail. À maintes occasions, nous avons signé des ententes particulières pour adapter ces horaires-là – je vous donne cet exemple-là – aux besoins qu'il y avait dans le milieu. Alors, là, si ça, c'est de la rigidité, vous comprendrez que, moi, je ne vois pas... probablement qu'on ne parle pas de la même chose.

(17 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et là-dessus, donc, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous remercier, M. le président Serge Roy, de même que les personnes qui vous accompagnent, pour votre contribution à nos travaux. J'inviterais maintenant les représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec à bien vouloir prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, si les membres de la commission veulent bien regagner leur siège, s'il vous plaît. Nous allons reprendre nos travaux. Je rappelle que...

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Je rappelle que cette commission procède à des consultations générales sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental...

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons le plaisir de recevoir les représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, dont son président-directeur général, M. Gérald Ponton. Je tiens, au nom des membres de la commission, à nous excuser pour le léger retard, mais je pense que c'est un peu dans l'ordre des choses que de fouiller parfois davantage certains sujets, les sujets référant au contenu et non pas aux personnes qui étaient devant nous. Alors, M. Ponton, je vous inviterais à prendre la parole et à nous présenter la personne qui vous accompagne. Également, je veux vous rappeler simplement que nous avons 20 minutes maximum pour la présentation.


Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec (AMEQ)

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, merci. Alors, à ma gauche, M. Manuel Dussault, qui est directeur de l'analyse des politiques publiques au secrétariat de l'Alliance des manufacturiers.

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, M. le Président, a pour mission de défendre et représenter les intérêts de l'industrie auprès de tous les paliers de gouvernement dans le but d'améliorer la compétitivité des entreprises et la création de richesse au Québec. Les manufacturiers et les exportateurs sont les créateurs de richesse de notre économie. Ils oeuvrent cependant dans un marché de plus en plus concurrentiel. Le secteur manufacturier représente 21 % de l'économie, une valeur ajoutée substantielle de 31 500 000 000 $ et 19 % des emplois au Québec, soit 641 000 emplois. Le taux de chômage dans ce secteur est bas et les emplois sont bien rémunérés. Les exportations, quant à elles, sont une source indispensable de dynamisme au Québec, ayant crû substantiellement au cours des années 1997 et 1998 pour atteindre le record de 57 000 000 000 $. Pour plus de 50 %, la production manufacturière est exportée.

L'Alliance fait partie des principaux partenaires socioéconomiques du Québec et a participé aux travaux du Sommet qui se sont déroulés en 1996. Elle est une des parties aux consensus qui visaient à équilibrer le budget du gouvernement du Québec en l'an 2000, à alléger la réglementation et à faire en sorte que le Québec rattrape le taux de création d'emplois du Canada. Ce dernier objectif n'a pas encore été atteint. De plus, la situation de l'emploi demeure généralement préoccupante au Québec malgré de récentes améliorations.

Les commentaires de l'AMEQ sur l'énoncé de politique intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique visent donc à souligner les impacts des propositions gouvernementales sur la compétitivité des entreprises et la création d'emplois dans l'esprit d'une plus grande prospérité collective et d'une meilleure cohésion sociale.

La qualité de la fonction publique québécoise contribue, selon nous, de façon marquée à l'économie québécoise et à la compétitivité de nos entreprises. D'ailleurs, l'International Institute for Management Development, connue sous les lettres IMD, identifie 11 critères d'efficience publique qui servent à mesurer la compétitivité d'une économie. L'indice de l'IMD repose sur des données quantitatives et qualitatives, tirées d'un sondage mené auprès des décideurs économiques des pays évalués. La performance québécoise se comparerait avantageusement à celle de nombreux pays quant à plusieurs des variables qui composent cet indice. Ainsi, la probité, la compétence et le dévouement des employés du gouvernement du Québec permettent par exemple aux entreprises d'obtenir rapidement des statistiques économiques, d'être assurées du respect de la confidentialité de l'information qu'elles font parvenir et d'avoir accès à un bassin de main-d'oeuvre qualifiée grâce au réseau de l'éducation.

Dans plusieurs cas, la rapidité et la qualité des services publics sont capitales pour l'entreprise. L'émission des permis doit se faire rapidement, de sorte que le plan d'affaires de l'entreprise puisse être mis en oeuvre dans des délais raisonnables. Un réseau de transport efficace concourt à l'efficacité d'une stratégie de juste à temps et de flexibilité. Dans un contexte où la création d'emplois demeure une des priorités du gouvernement du Québec, où les entreprises sont les principales créatrices d'emplois et où l'administration publique peut jouer un rôle de facilitation important, l'AMEQ souhaite que l'énoncé de politique traite davantage des services aux entreprises et qu'il s'applique explicitement aux citoyens en tant qu'individus mais aussi en tant que personnes morales.

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs appuie l'orientation proposée par le gouvernement et qui vise à axer la gestion publique sur les résultats. Il s'agit certes d'un moyen utile pour s'assurer de l'efficience de la gestion publique et pour évaluer à long terme le rôle du gouvernement et améliorer le modèle québécois. Puisque la fonction publique deviendra responsable des moyens de mise en oeuvre des programmes, l'Alliance souhaite que soient examinées en priorité les mesures qu'elle a toujours prônées pour améliorer le fonctionnement de l'administration publique, à savoir les partenariats public-privé et la mise à contribution des ressources du milieu. De fait, les partenaires constituent une voie d'avenir, selon plusieurs experts de l'administration publique.

Suivant une publication récente de l'OCDE, en 1999, intitulé Pour un monde solidaire – Le nouvel agenda social , on y cite les paroles suivantes: «Les pouvoirs publics, poussés à faire plus tout en dépensant moins, pourraient exploiter plus efficacement les réseaux et les compétences des organisations non gouvernementales. De fait, dans certains pays, certaines activités qui relevaient auparavant du secteur public sont de plus en plus souvent confiées au secteur privé et au secteur associatif, ce qui leur permet de bénéficier de services d'un bon rapport qualité-prix et d'offres concurrentielles.»

Le principe de subsidiarité sur lequel repose une approche de plus en plus courante en administration publique justifie le recours aux alliances. La subsidiarité peut se définir ainsi: un organisme général ne doit pas intervenir en ce qui concerne une institution plus particulière ou des individus en leur retirant leurs compétences, mais il doit plutôt les soutenir en cas de nécessité et les aider à coordonner leurs actions avec celles des autres en vue du bien commun. Sur cette base, qui touche autant des valeurs éthiques que des valeurs d'efficacité, l'Alliance fait la recommandation que l'article 52 du chapitre VIII, Contrat de performance et d'imputabilité, ainsi que l'article 63 du chapitre IX, Reddition de comptes, de la proposition soient modifiés afin d'inclure obligatoirement au rapport annuel de gestion, et je cite, «la liste des moyens utilisés dans l'atteinte des résultats, dont une description des partenariats externes et, dans la mesure du possible, de l'impact de chacun de ces moyens sur lesdits résultats».

L'article 22 de la proposition vise le projet de budget de dépenses et indique que le conseil détermine le processus d'élaboration de ce projet. L'Alliance souhaite que le gouvernement adopte pour politique que le président du Conseil du trésor consulte les diverses clientèles et les personnes intéressées sur le budget de dépenses en participant aux traditionnelles consultations prébudgétaires du ministre des Finances. Tout groupe de défense d'intérêts et tout individu doivent pouvoir, dans le cadre d'un processus crédible et transparent, prendre part aux choix de notre société quant à l'allocation des ressources en matière de finances publiques, qu'il s'agisse d'autoriser de nouvelles dépenses, d'augmenter ou de réduire les taxes ou les impôts ou de rembourser la dette publique.

(17 h 30)

La facturation aux usagers est une stratégie de plus en plus utilisée pour améliorer la qualité et l'efficacité des services. Cette pratique doit cependant être bien encadrée. L'article 27 semble traiter de la possibilité où un organisme public puisse utiliser des revenus propres pour augmenter ses dépenses. L'article 27 prévoit que le gouvernement détermine, sur recommandation conjointe du ministre des Finances et du président du Conseil du trésor, la nature des revenus autres que ceux provenant d'impôts et de taxes qui peuvent faire l'objet d'un crédit au net ainsi que les modalités et les conditions d'utilisation d'un crédit au net. Il conviendrait plutôt M. le Président, que le gouvernement prévoie dans la loi constitutive de chacun des organismes que certains revenus pourront servir à augmenter les dépenses. Le principe d'un fonds consolidé du gouvernement pour assurer le financement collectif des activités gouvernementales demeure généralement valide, bien qu'il faille offrir aux responsables de la fonction publique le plus large éventail possible de moyens à mettre en oeuvre pour atteindre des résultats. Chaque exception devrait être de nature législative de sorte que l'Assemblée nationale puisse se prononcer sur l'impact des changements.

L'Alliance ainsi que l'ACDE, et je suis heureux de le souligner, ont d'ailleurs déjà fait des recommandations visant à encadrer l'utilisation de la facturation par les autorités publiques. Le tableau 2 de notre mémoire contient d'ailleurs les différentes propositions. Celles de l'OCDE sont au nombre de neuf, et les nôtres sont au nombre de sept.

L'article 52 de la loi devrait, selon nous, prévoir la possibilité de rémunérer les spécialistes. Chaque travail exige salaire. De plus, le gouvernement devrait s'assurer de tirer profit des personnes les plus compétentes dans un domaine spécifique.

À titre de conclusion, M. le Président, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec appuie la réforme proposée par le gouvernement, qui vise à mettre en place un mode de gestion davantage axé sur les résultats. Il s'agit d'une première étape vers l'amélioration des services publics qui rejoint l'esprit du Sommet de Montréal au cours duquel les partenaires socioéconomiques se sont donné des objectifs de résultat en ce qui concerne la création d'emplois.

Les membres de l'Alliance bénéficient de services publics de qualité et souhaitent que les services aux entreprises soient reconnus comme un élément important de la nouvelle stratégie du gouvernement du Québec. La performance du secteur public joue en effet un rôle majeur dans la rentabilité des entreprises et la compétitivité de l'économie.

Par ailleurs, le nouveau cadre de gestion de la fonction publique devrait permettre de suivre les expériences qui sont menées en matière de partenariat public-privé et de mise à contribution des organismes sans but lucratif et de la société civile. À cette fin, l'AMEQ souhaite que les rapports gouvernementaux fassent état des expériences et des résultats obtenus. Enfin, l'AMEQ croit que la proposition de loi sur la gestion gouvernementale est l'occasion de mieux encadrer la facturation des services aux usagers et aux clientèles.

En terminant, j'aimerais vous citer un extrait d'un article de Les Metcalfe publié dans l' International Political Science Review en 1993, le volume 14, et qui nous dit ceci: «The main change in British Government in the eighties was that there was no change of Government or, more importantly, of Prime Minister. Improving public management was an integral part of Margaret Thatcher's brand of conviction politics.» Et un peu plus loin: «This managerial revolution has redefined the boundaries and relationship between the public and private sectors as well as transforming the public sector itself through the introduction of business models and methods of management.»

Pas plus tard que ce matin, un chef de direction d'une PME de 90 employés – une petite entreprise aujourd'hui – de la Rive-Sud me disait que son entreprise faisait aujourd'hui, avec le même nombre d'employés qu'il y a 10 ans, environ six fois plus de production. Et je pense que le gouvernement du Québec, sans atteindre nécessairement les mêmes niveaux de résultat, pourrait s'inspirer des mêmes méthodes. L'Alliance remercie donc l'Assemblée nationale de l'occasion qui lui est donnée de faire connaître son point de vue sur un énoncé de politique rempli de promesses et de bon sens.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je vous remercie, M. le président-directeur général de l'Alliance. M. le ministre.

M. Léonard: Merci, M. le Président. Alors, M. Ponton, merci pour votre mémoire et les précisions que vous nous apportez. Elles vont être prises en considération. J'ai un peu le goût d'échanger. Effectivement, vous venez de citer ce qui s'est passé en Angleterre. En Angleterre, ils ont mis sur pied plusieurs dizaines, quelque 200 agences, à ce qu'on me dit. Ce qu'on peut constater, c'est que la conclusion que quelqu'un pourrait en tirer, c'est qu'effectivement l'État est beaucoup mieux organisé, à la perception même de l'ensemble des acteurs, je dirais, mais, au bout de 15 ans, ça n'a pas empêché le gouvernement d'être battu. Bon. Est-ce que c'était une considération ou pas? Il reste que le successeur a pris le même chemin. Le Parti travailliste a accepté et a pris en compte ce qui avait été fait. Mais, de l'aveu même d'un des grands acteurs, Sir Peter Kent, qui a écrit Next Steps , que nous avons rencontré, il nous a dit qu'il n'avait pas pris suffisamment en compte la satisfaction des administrés, de la clientèle, des citoyens en général et qu'il s'était produit comme une distanciation qui avait conduit finalement à cette désaffection du public.

Mais, au fond, ça nous ramène à une considération fondamentale du projet, des meilleurs services aux citoyens. Est-ce que, sur ce plan-là – bon, vous nous proposez d'élargir à l'entreprise – vous ne pensez-pas que ce qui est sur la table, c'est un élément, mais qu'il doit prendre plus en compte la satisfaction de la clientèle ou des administrés ou des citoyens? Et comment le ferait-il?

M. Ponton (Gérald A.): D'abord, avoir duré 15 ans, c'est déjà exceptionnel pour un gouvernement. Alors...

M. Léonard: Je nous le souhaite. Je nous le souhaite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ponton (Gérald A.): Je vous dirais que l'efficacité n'a pas de couleur politique, M. le ministre. Mais il m'apparaît que la satisfaction des administrés peut se faire dans un cadre également de subsidiarité. Et je prends à témoin... Parce que j'entendais le groupe précédent tantôt faire allusion aux difficultés d'Emploi-Québec, qui, à mon avis, sont temporaires. Mais c'est un cas où, par exemple, on a voulu, dans le cadre d'une unité autonome de service, imposer un modèle mur à mur qui excluait les partenaires de la société civile, avec le résultat malheureux auquel on assiste en partie aujourd'hui.

Je vais donner l'exemple de l'UPA, qui avait 19 bureaux de placement et qui était très satisfaite au niveau des placements de la main-d'oeuvre agricole et spécialisée dans le domaine. Ce service-là a été rapatrié dans le sacro-saint principe que le service de placement devait être réalisé par un service public de placement de l'État, avec le résultat que l'UPA a moins de main-d'oeuvre qualifiée. Ils vont vous dire eux-mêmes qu'ils ont une moins bonne performance qu'à l'époque où ils s'en occupaient. Ça resterait à voir. Mais c'est un exemple où la satisfaction des administrés peut très bien se faire dans un cadre où la société civile est mise à contribution.

Parce que notre approche ne vise pas à donner ou à impliquer l'entreprise dans la prestation des services publics. On pense plus à l'encadrement de la société civile, à cet égard, que ce soit les organismes sans but lucratif, les entreprises de l'économie sociale, qui pourraient, entre autres au niveau de l'emploi, être mis à contribution pour atteindre les objectifs que l'État se fixe dans ce domaine.

M. Léonard: J'ai le goût de vous poser une question, parce que j'entends ça de temps en temps le mot ou les mots «société civile». Est-ce que le monde politique, le gouvernement, ne fait pas partie de la société? C'est quoi, une société civile? Qu'est-ce que c'est, une société civile?

M. Ponton (Gérald A.): Ça fait partie de la société gouvernementale. La société civile, c'est la société des non-élus, si je peux utiliser l'expression.

M. Léonard: C'est une notion un peu spéciale.

Une voix: ...

M. Léonard: Oui, oui. Mais je pensais que c'était opposé à ecclésiastique, par exemple. Et là j'avais quelque difficulté à m'y voir. Bon. C'est une blague. M. le Président, je peux passer...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, moi, j'ai trois petites questions. On va commencer par la première, sur la recommandation 4. Vous suggérez que le gouvernement adopte pour politique que le président du Conseil du trésor procède lui aussi à des consultations qui se compareraient, si je comprends bien? Vous suggérez en participant aux consultations prébudgétaires du ministre des Finances, mais ça pourrait se faire séparément aussi ou bien si vous tenez aux deux?

M. Ponton (Gérald A.): Conjointement.

Mme Dionne-Marsolais: Et pourquoi? Qu'est-ce que c'est que vous recherchez, avec ça?

M. Ponton (Gérald A.): M. Dussault va répondre, madame.

Mme Dionne-Marsolais: C'est quoi, la valeur de cet exercice-là?

M. Dussault (Manuel): De plus en plus, ce qu'on remarque au gouvernement du Québec, c'est que les crédits sont déposés dans un bref cours de temps du budget, et je pense que la valeur de ça, c'est que, quand on rencontre le ministre des Finances, on regarde la question des revenus, des dépenses d'une façon macro, mais sans regarder quelles dépenses, sans regarder quelle flexibilité a le gouvernement pour ajuster ses dépenses aussi.

Dans une organisation comme l'Alliance, c'est beaucoup plus petit que le gouvernement, mais, quand on fait un budget, on regarde autant où vont nos dépenses, quelle flexibilité on a, est-ce qu'on fait des réserves à long terme, est-ce qu'on est capable de s'ajuster en cas de crise et quelles sont nos possibilités de revenus. À l'Alliance, on croit que ça augmenterait la crédibilité aussi du processus public des consultations puis que ça entraînerait des choix plus éclairés aussi.

(17 h 40)

M. Ponton (Gérald A.): Si vous permettez, je voudrais rajouter là-dessus. Par exemple, en matière de éducation, on sait qu'au Québec bon an, mal an, on consacre, je pense que c'est 7,5 % ou 6,4 % de notre produit intérieur brut ou à peu près dans ces zones-là, puis l'Ontario est un peu moindre. Donc, on pourrait poser la question lors d'une consultation: La situation dans les provinces canadiennes ou dans certains pays européens est de tel ordre, est-ce qu'il n'y a pas des objectifs que le gouvernement pourrait se donner, par exemple, dans les blocs de dépenses importants de son budget, essayer de comprimer ou de consacrer ou de faire différemment dans l'allocation de ses ressources pour mettre plus de fonds disponibles dans un autre domaine? Alors, ça permettrait un débat... Parce que, actuellement, on se consacre beaucoup aux revenus, mais on ne parle pas beaucoup des dépenses. Et les dépenses, c'est 36 000 000 000 $ par année, de mémoire, là, bon an, mal an, sans les intérêts...

M. Léonard: 37 000 000 000, $ 36 000 000 000 $.

M. Ponton (Gérald A.): 36 000 000 000, $ 37 000 000 000 $. Alors, l'allocation de ces montants-là est énorme, est importante. Et le processus gagnerait en transparence, en étant à même de les commenter.

Mme Dionne-Marsolais: Oui. C'est certainement intéressant. Je ne sais pas si le ministre veut faire un commentaire. Mais sinon, je vais continuer...

M. Ponton (Gérald A.): Ça permettrait au ministre de rencontrer les intervenants plus souvent.

Mme Dionne-Marsolais: Alors, ça, c'est sûr. Et je suis certaine qu'il apprécierait avec grande joie. Et il apprendrait beaucoup, j'en suis sûre, des discussions avec les intervenants économiques aussi. À la recommandation 6, vous suggérez de prévoir que les membres d'un comité consultatif relativement à un contrat de performance et d'imputabilité puissent recevoir une rémunération forfaitaire pour leur contribution. Donc, ce que vous dites, si je comprends bien, c'est que... Est-ce que ce comité consultatif vous le voyez à chaque ministère, par exemple, avec... C'est ça que vous...

M. Ponton (Gérald A.): Ce que l'on vise, madame, si vous permettez, c'est que les personnes qui apportent des contributions dans le cadre de comités consultatifs soient rémunérées. En d'autres termes, je sais qu'on a aboli au gouvernement du Québec les jetons de présence pour les participations à des organismes publics. Nous, on pense qu'on devrait rétablir ces mesures-là. Parce que toute contribution appelle rémunération. Et, s'il y a des ressources externes qui sont mises à profit dans un cadre même consultatif, que ce soit au Bureau de la statistique du Québec ou à d'autres organismes, on devrait pourvoir une rémunération pour ces participations-là.

Mme Dionne-Marsolais: Moi, je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. D'ailleurs, notre gouvernement avait cette pratique-là, comme vous le savez. C'est le gouvernement qui nous a précédés qui a jugé bon de la faire disparaître, et c'est certainement quelque chose qu'il faudrait regarder. Mais, à ce moment-là, vous voyez ça comme un jeton de présence ou une...

M. Ponton (Gérald A.): Oui. Bien, actuellement, le remboursement des dépenses est prévu, est admissible...

Mme Dionne-Marsolais: Oui, oui, c'est ça.

M. Ponton (Gérald A.): ...suivant les critères établis. Puis il pourrait y avoir également un jeton de présence. Juste à titre d'exemple, au CCTM on recevait la modique somme de 50 $. Ce n'était pas vraiment significatif, mais ça soulignait quand même la contribution qu'on faisait aux discussions. Et là on a convenu, compte tenu des difficultés budgétaires, de suspendre ces paiements-là sine die. Mais ça serait souhaitable que, de façon générale, on rémunère les contributions qu'on sollicite des gens sur des organismes consultatifs.

Mme Dionne-Marsolais: Aviez-vous été consultés, l'Alliance, à l'époque où le gouvernement avait décidé de les enlever, ces...

M. Ponton (Gérald A.): Je n'étais pas en poste à cette époque.

Mme Dionne-Marsolais: Vous ne le savez pas. Ma dernière question concerne votre suggestion à la page 6, quand vous parlez des partenariats privé-public et de la mise à contribution des ressources du milieu. Et vous ajoutez, en haut de la page 7, que ces partenaires-là doivent «plutôt les soutenir en cas de nécessité et les aider à coordonner leurs actions avec celles des autres en vue du bien commun». Et vous m'avez ouvert la porte en parlant d'Emploi-Québec tantôt. Mais je crois que ce serait intéressant de vous entendre, M. Ponton, sur ce que le comité des partenaires, qui a quand même beaucoup à voir avec les orientations de cette implantation, du moins, puisque le comité des partenaires a été un des intervenants importants de cette réforme et de la mise sur pied de cette unité autonome de service... Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous faites – vous avez fait un commentaire intéressant tout à l'heure – pour les soutenir justement et les aider dans cette poursuite de recherche du bien commun? Le cas précis d'Emploi-Québec, moi, je pense que ça se pose.

M. Ponton (Gérald A.): Bien, la contribution des partenaires. La ministre va rendre publiques la semaine prochaine, suivant ce que je comprends, certaines mesures. Alors, je vais lui laisser l'occasion de les annoncer. Sauf que, nous, comme participants au comité exécutif et au conseil d'administration de la Commission des partenaires, notre contribution, c'est de ramener l'équilibre financier à Emploi-Québec, de contribuer à établir les priorités rattachées en fonction de l'emploi et pas nécessairement en fonction de l'insertion et, troisièmement, de proposer au gouvernement et à la ministre de nouvelles voies pour permettre que l'emploi ne soit pas l'exclusivité d'un service public d'emploi.

On pense que les partenaires de la société civile – l'UPA, nous et d'autres, les centrales syndicales – peuvent être mis à contribution à la dynamique de lutte au chômage, et actuellement ce n'est pas une ouverture à laquelle on nous a conviés. Et j'espère beaucoup que nos discussions vont permettre de convaincre la ministre d'adopter des mesures dans ce sens-là.

Et je donnais l'exemple de l'UPA. Je ne peux pas dire que l'UPA est d'obédience patronale, mais l'UPA avait des bureaux de placement, elle en avait 19. Maintenant, ils sont réduits à deux et ne s'occupent que de la main-d'oeuvre saisonnière, alors qu'autrefois ils avaient un mandat pour s'occuper du placement de toute la main-d'oeuvre agricole. Et, depuis qu'Emploi-Québec a exproprié l'UPA de ce secteur-là pour se l'approprier, on n'a pas les mêmes résultats qu'auparavant.

Et mon collègue m'indiquait tantôt que, dans les résultats qu'on pourrait demander aux partenaires de la société civile, la satisfaction du public devrait être un des critères. Il n'y a absolument rien de répréhensible à ce qu'un organisme associatif puisse prendre à son compte un mandat avec une reddition de comptes envers un organisme public et lui garantir l'atteinte des résultats. Et, s'il ne livre pas la marchandise, bien, il est susceptible d'être remplacé par quelqu'un d'autre qui va faire mieux le travail. Alors, c'est un peu ça, le principe de subsidiarité que, nous, on pense qui serait porteur de l'implication de tous les milieux dans notre société sur des objectifs communs comme l'emploi, à titre d'exemple, et la lutte au chômage.

Mme Dionne-Marsolais: Est-ce que vous considérez que ce partenaire-là a bien soutenu la ministre dans les difficultés qu'elle a connues dans les dernières semaines?

M. Ponton (Gérald A.): Vous voulez dire la Commission des partenaires?

Mme Dionne-Marsolais: Oui.

M. Ponton (Gérald A.): Bien, là, pas publiquement; privément, oui. Publiquement, ça, on verra en temps et lieu. Mais, privément, oui, les partenaires ont été de chacune des rencontres que la ministre a demandées là-dessus et ont participé avec elle à l'analyse de la problématique. Et je vais laisser à la ministre le soin d'annoncer elle-même les conclusions.

Mme Dionne-Marsolais: Vous dites privément, mais est-ce que... Justement, ça pose la question de fond au niveau de l'activité de l'administration publique. Elle est publique aussi, et ce dont on discute aussi, c'est de la transparence. Est-ce qu'à ce moment-là les partenaires privés, par rapport à cet effort de transparence... Puis le soutien est un élément important aussi, le soutien public, j'entends. Est-ce qu'il n'y aurait pas une difficulté, dans des activités justement privées-publiques où, pour des raisons que je ne connais pas, des partenaires privés pourraient avoir de la réticence à donner un soutien public, c'est-à-dire très public?

Tout le monde sait à quoi je fais référence, mais je pense que la question se pose. Parce que, quand on veut faire un partenariat privé-public – puis vous avez devant vous quelqu'un qui croit à ça, il y a des éléments très positifs à ça – la conséquence de ça, c'est que la transparence doit s'appliquer aussi aux partenaires et dans des cas... pas juste pour les bienfaits et les grands bonheurs, quand ça va bien, mais quand ça va mal aussi ou quand ce n'est pas tout à fait ce qu'on ... ou quand ça va, publiquement, en apparence en tout cas, moins bien. Et on a peut-être un peu l'impression, politiquement, que c'est plus difficile, à ce moment-là, de se manifester et de soutenir en cas de nécessité. Coordonner des actions, je veux bien. On le fait discrètement, sans doute, puis on le fait sûrement très bien, je ne le conteste pas. Mais on devrait manifester aussi de l'appui public, parce que ça veut dire aussi, ça, un partenariat privé-public. Vous ne pensez pas?

(17 h 50)

M. Ponton (Gérald A.): Mais je pense que, dans le cas que vous mentionnez, ça a été fait. Moi, j'ai même participé personnellement à deux émissions de radio sur le sujet, à plusieurs rencontres. Et je pense qu'on a été là pour soutenir la ministre, malgré les difficultés de dépassement de budget évidentes auxquelles on a assisté. Mais, moi, je vous dirais que la Commission des partenaires n'est pas dans la livraison des services, dans le cadre actuel dont on parle à Emploi-Québec, mais a vraiment un rôle consultatif, plus.

Alors, moi, je veux bien, mais, quand je n'ai pas les leviers de commande, c'est difficile de commenter des orientations. Je pense que ce rôle-là revient, en vertu de la loi, à la ministre. Ce n'était pas le cas, peut-être, autrefois, lorsque la SQDM était une société d'État. Mais la loi n° 150 a changé l'ordre des choses dans cette dynamique de l'emploi au Québec, et maintenant la Commission des partenaires a un rôle consultatif. Alors, il faut aussi que je respecte le cadre juridique dans lequel le gouvernement du Québec a voté sa législation.

Mme Dionne-Marsolais: L'autre question, c'est la mesure des résultats...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée, votre collègue souhaitait également poser une question. Il reste trois minutes, je ne sais pas si...

Mme Dionne-Marsolais: Bien, j'aimerais ça...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bien, allez-y.

Mme Dionne-Marsolais: Peux-tu me le permettre, s'il vous plaît? Dans la mesure des résultats, pour mesurer la satisfaction de la clientèle, il faut des données. Et on a vécu au gouvernement, dans la dernière année, de l'utilisation de données qui s'est faite, en tout cas, en apparence, dans un ministère que je connais bien, de manière pas correcte. Comment vous voyez l'implication, justement, partenaires privé-public pour mesurer la clientèle? Comment vous allez faire mieux que le gouvernement pour mesurer la satisfaction? Parce que vous allez utiliser des données... vous allez avoir les mêmes données ou pas tout à fait les mêmes, puisqu'il y en a qui vont être confidentielles, aussi. Avez-vous réfléchi à ça ou pas?

M. Ponton (Gérald A.): Pas vraiment, non, madame, pas à ce stade-ci, non.

Mme Dionne-Marsolais: Non? Il faudrait peut-être y penser, si on veut explorer davantage cette idée-là, parce que je pense qu'elle se pose.

M. Ponton (Gérald A.): Mais tout dépend de la matière, encore une fois. Il y a des sujets très sensibles qu'on connaît tous. Par contre: Avez-vous été satisfait de l'accueil? Est-ce que vous avez été bien servi? Est-ce que ça a été rapide? je ne pense pas que ce soient des questions sensibles ou des appréciations qui remettent en cause certains aspects très confidentiels de la vie de nos concitoyens. Mais je pense qu'il faut tirer la ligne, il faut nuancer, entre ce qui fait partie de la satisfaction du public et ce qui concerne son identité propre et, donc, qui doit être préservé, en termes de confidentialité.

M. Léonard: Oui, il y a différentes sortes d'indicateurs structurels ou conjoncturels. C'est ça, là.

Mme Dionne-Marsolais: Oui.

M. Ponton (Gérald A.): Il y aurait moyen d'avoir des indicateurs structurels: nombre de clients visités, nombre de plaintes enregistrées...

Mme Dionne-Marsolais: Mais je pense à l'échantillon aussi.

M. Ponton (Gérald A.): Oui.

Mme Dionne-Marsolais: Je pense à l'échantillon aussi. Parce que, dans certains cas, c'est l'échantillon.

M. Ponton (Gérald A.): Mais tout dépend de la matière. Encore une fois, il y a des informations qui font partie de la vie privée de nos concitoyens qui sont particulièrement sensibles et d'autres qui font partie de l'administration courante. Donc, il faut faire une nuance, à ce niveau-là.

Mme Dionne-Marsolais: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, M. Ponton et votre collègue.

M. Ponton (Gérald A.): Bonjour, M. Marcoux.

M. Marcoux: On vous remercie de votre mémoire ainsi que de votre présentation toujours éloquente. Vous abordez la question des partenariats, dans votre mémoire. Dans le document d'énoncé de politique, dès le point de départ, on indique que, bon, on ne discutera pas de sociétés d'État, d'entreprises publiques ou encore qu'on ne discutera pas de l'établissement de nouveaux modes de prestation de services avec des partenaires extérieurs. Et je pense que votre suggestion s'adresse vraiment à de nouveaux modes ou à des modes différents de livraison ou de prestation des services.

Et, quand vous proposez dans votre mémoire que dans le rapport annuel on inclue une description des partenariats externes, j'imagine que c'est dans la perspective où on veut que les sous-ministres ou les dirigeants d'organismes puissent examiner la possibilité d'avoir recours à des partenariats externes, d'en établir dans la mesure où ils pourraient évaluer que ça serait plus efficace: partenariat externe avec le privé ou encore avec un organisme bénévole, ou peut-être éventuellement évoquer également la dévolution de pouvoir – je pense que c'est ce que vous appelez la subsidiarité – dans le domaine du parapublic.

Nous avons eu des discussions au cours des trois jours ici, en commission parlementaire, et, à la question que nous avions posée sur à qui incombait justement la capacité ou l'autorité de recourir à des partenariats, la réponse que nous avons eue, je pense, si j'ai bien compris – mes collègues pourront me corriger – de la part des fonctionnaires ou des groupes de cadres qui sont venus devant nous, c'est que cette question-là, elle est politique. Donc, la décision de recourir à des partenariats, ce n'est pas nous qui pouvons la prendre, si je comprends bien. Je respecte ça, là.

Alors, comment on pourrait, à ce moment-là, dans le rapport annuel, dans le fond, donner une sorte de responsabilité aux sous-ministres ou aux dirigeants et dire: Bien, écoutez, là, recourez à des partenariats puis évaluez leur performance avec ça.

M. Ponton (Gérald A.): Bien, nous, ce qu'on a demandé, c'est l'ouverture. Il faut que le cadre administratif soit convaincu que c'est une orientation que le gouvernement veut appuyer, favoriser, mettre de l'avant. Ce qu'on demande, c'est que, dans les rapports annuels, on fasse la liste des ententes qu'on pourrait conclure dans ce contexte de partenariat public-privé.

Il y a des organismes qui existent dans la main-d'oeuvre – je reprends toujours l'exemple parce que ça, c'est quelque chose que je connais bien – dans le domaine de la sidérurgie. On prend des employés qui sont en phase de perdre leur emploi, on les recycle, on les reforme, on les replace. C'est patronal-syndical, cet organisme-là. Ça fonctionne très bien. Alors, moi, je verrais bien que, dans le ministère d'Emploi-Québec, on fasse état des partenariats qui existent dans le domaine de la sidérurgie entre les entreprises, les associations – qui ne sont pas la mienne, soit dit en passant – et les centrales syndicales impliquées dans le processus puis les résultats qu'ils ont atteints.

Nous, on a une entente avec Emploi-Québec sur un programme d'insertion des jeunes en milieu de travail qui s'appelle À la source. On a un taux de placement de 85 % après six mois, bon, vérifié par firme externe, et tout ce que vous voulez. C'est un programme très performant à l'échelle canadienne. Bien, moi, je n'aurais pas d'objection à ce que ça fasse partie des renseignements qu'on divulguerait dans le cadre des rapports annuels sur la liste des expériences ou partenariats réalisés au cours de l'année, de même que les résultats réalisés.

M. Marcoux: Je comprends maintenant le sens de votre proposition. Mais est-ce que, selon vous, vous recommandez de considérer davantage le recours à des partenariats soit avec le privé, soit, comme vous dites, avec des sociétés civiles...

Une voix: ...sa recommandation?

M. Marcoux: Bien, il dit: D'une part, on veut l'avoir dans le rapport, là. Mais est-ce que vous avez des cas où vous dites: On pourrait avoir des partenariats? À ce moment-ci, ça n'existe pas.

M. Ponton (Gérald A.): Définitivement. J'ai donné l'exemple, ça fait trois fois, celui d'Emploi-Québec. Les bureaux de placement de l'UPA, c'est un exemple.

M. Marcoux: Parce que, si je reviens à Emploi-Québec....

M. Ponton (Gérald A.): Les services à domicile, c'est un autre...

M. Marcoux: D'accord. À titre de partenariat, hier, nous avons eu votre collègue du Conseil du patronat qui indiquait que ça pourrait être un cas, Emploi-Québec, où le comité des partenaires pourrait prendre l'impartition de la fonction d'Emploi-Québec. Est-ce que c'est un cas, selon vous, un exemple qu'on pourrait considérer?

M. Ponton (Gérald A.): Bien, je ne veux pas refaire l'histoire, mais, avant que vous soyez élu député, M. Marcoux, on a tenté de préserver l'identité qui était la SQDM de l'époque en intégrant les fonctionnaires fédéraux, les fonctionnaires de la ville de Montréal, ceux de la Solidarité, ce qui est maintenant connu sous la Solidarité sociale, et ce choix n'a pas été retenu par le gouvernement, Mme Harel, qui a intégré dans la fonction publique avec un statut d'unité autonome de service ce qui est devenu aujourd'hui Emploi-Québec, la fusion de trois ou quatre réseaux. Alors, le gouvernement n'a pas retenu ce choix-là. C'était toujours l'agenda que, nous, on préférait, puis c'est encore l'agenda qu'on préfère aujourd'hui. Mais ce n'est pas le choix que le gouvernement a fait, compte tenu des coûts qui auraient été impliqués.

Mais, pour répondre à votre question, tous les partenaires à Emploi-Québec sont d'avis qu'on aurait... Si on crée une agence pour la faune et la flore au Québec, et les parcs, on pense qu'on pourrait très bien le faire pour la main-d'oeuvre avec un niveau d'efficacité, je pense, qui pourrait être assez intéressant.

(18 heures)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Vaudreuil, avec votre permission, à ce moment-ci, il est 18 heures, j'aurais besoin du consentement pour pouvoir aller au-delà.

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va? Très bien.

M. Marcoux: Ça va. Vous parlez de la facturation des services dans votre mémoire et vous indiquez qu'on pourrait avoir une méthode où la facturation des services ou les revenus en découlant permettrait d'augmenter les dépenses. Est-ce que ça veut dire, dans le fond, une facturation additionnelle ou des coûts additionnels finalement, soit aux entreprises ou aux individus, pour pouvoir augmenter les dépenses?

M. Ponton (Gérald A.): C'est des coûts additionnels à ceux qui utilisent les services, mais ça doit être des coûts moindres pour ceux qui n'ont pas à les utiliser. Parce que, même du côté du gouvernement fédéral, où on a lancé une coalition concernant les frais d'utilisation, on a protesté contre un peu la manière cavalière avec laquelle les frais étaient imposés, par exemple pour le dragage de la voie maritime ou encore les services de la garde côtière. Alors, on pense toujours qu'on paie beaucoup plus que pour le service qu'on nous offre.

Alors, ce qu'on souhaite, c'est qu'une politique des frais d'usager soit mieux encadrée, que, lorsqu'on charge un tarif, on s'assure qu'on n'a pas de frais indirects qu'on supporte pour d'autres services qui sont non requis par le service rendu. Alors, c'est normal de payer pour les services que l'on a, mais en autant qu'on paie vraiment pour le service qu'on nous donne puis que, naturellement, ça fasse partie d'une politique générale de réduction des dépenses au niveau de cette agence ou de ce ministère-là concerné. En d'autres termes, c'est l'utilisateur-payeur. Puis, ça, on pense que ça va être en mesure d'amener les ministères et les gestionnaires publics qui les gèrent à être conscients des coûts pour les services qu'ils rendent aux contribuables, entreprises ou individus. Si vous allez à l'état civil, ça vous coûte, je ne sais pas, 5 $, 6 $. Alors, l'état civil doit s'autofinancer dans une proportion x.

Une voix: C'est un fonds.

M. Ponton (Gérald A.): C'est un fonds, mais qui est pour les usagers qui ont recours au service. Mais il ne faudrait pas garder les mêmes niveaux de dépenses avec, en plus, 40 % du budget qui augmenterait parce que, là, on va augmenter le coût à tout le monde. C'est assez évident.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: J'aurais, moi aussi, deux questions, deux champs à aborder assez semblables à ceux de mon collègue de Vaudreuil, la question de la tarification et la question du partenariat. Je veux les aborder sur un angle légèrement différent.

Est-ce que le fait qu'on tarifie les services dans un cadre où les unités sont un peu plus autonomes, ce n'est pas aussi une mesure pour pouvoir rétribuer ou allouer plus de revenus aux unités performantes, dans la mesure où celles qui sont plus performantes pourraient peut-être avoir, le cas échéant, un peu plus de revenus?

Et, parallèlement à cela, pour celles qui ne peuvent pas faire de tarification, avoir aussi un lien monétaire qui pourrait être conçu entre la performance – il faudrait évidemment définir les indicateurs – et une forme de rémunération à l'unité qui pourrait être distribuée, suivant les volontés du gestionnaire, aux individus performants, etc., est-ce que vous êtes ouverts à ça ou pas?

M. Ponton (Gérald A.): Non, on n'a pas de modèle fixe, à ce stade-ci, parce que le document est, somme toute, assez général sur ces possibilités-là. Mais c'est bien évident qu'on va vouloir être associés à la mécanique un peu plus détaillée. Parce que, actuellement, l'expérience avec le fédéral, si je prend l'exemple de la Garde côtière, c'est que les compagnies maritimes qui sont appelées à contribuer pour défrayer le coût du fonctionnement de la Garde côtière ne sont pas satisfaites de la façon dont...

M. Gautrin: Ça, je comprends ça. Mais ma question est, disons, plus large, c'est: Est-ce que vous voyez un lien entre les sommes qui sont allouées, au point de vue monétaire, à une unité et sa performance? Autrement dit, est-ce qu'il peut y avoir une incitation à la performance, une incitation monétaire à la performance?

M. Ponton (Gérald A.): Oui, définitivement. Il n'y a pas de raison pourquoi une agence gouvernementale ne pourrait pas avoir les mêmes modèles de fonctionnement que le secteur privé.

M. Gautrin: Bon. Je pensais que vous diriez... Mais c'est important que vous me...

M. Ponton (Gérald A.): Non, tout à fait d'accord avec cette approche-là.

M. Gautrin: Deuxième élément. On a beaucoup parlé des partenariats. Mais vous savez que, dans toute la logique de ce qui est proposé actuellement par le gouvernement, il y a toute cette dimension de reddition de comptes, d'imputabilité. Si une unité fonctionne en partenariat avec un partenaire du service public – et ça peut être un de vos membres, etc. – est-ce que vous êtes prêts à ce qu'elle soit astreinte au même type de reddition de comptes? Ce qui amène évidemment à divulguer des informations qui sont des informations un peu plus confidentielles dans le secteur privé qu'elles ne le sont dans le secteur public.

Vous voyez la difficulté qu'on a? On est tous en faveur du partenariat, on est tous en faveur de l'imputabilité. Mais, chez les partenaires qui sont des partenaires, à ce moment-là, privés, sont-ils prêts, d'après vous, à pouvoir se soumettre aux mêmes mécanismes d'imputabilité?

M. Ponton (Gérald A.): Pour le succès de l'opération, ma réponse, c'est oui.

M. Gautrin: Parfait. Et c'est bien...

M. Ponton (Gérald A.): Il faut que les partenaires, même privés, répondent aux mêmes règles de transparence quant à l'utilisation des fonds, les coûts d'opération, le degré de satisfaction de la clientèle. Il ne faut pas qu'il y ait de coûts cachés, sans ça, ça ne passera jamais la rampe.

M. Gautrin: Alors, excusez-moi, je pensais... C'est important que vous répondiez sur ces deux éléments-là dans ce sens-là. Moi, je n'ai pas d'autre question, mais les deux oui étaient importants pour moi.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Ça va? Alors, j'aimerais, au nom des membres de la commission, remercier les représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, M. Ponton et M. Dussault. Merci, M. Ponton.

Je rappelle aux membres de la commission que nous allons nous retrouver le jeudi 30 septembre à 9 heures et non pas à 9 h 30, à 9 heures, et nous recevrons l'Association des industries forestières du Québec.

Et, sur ce, j'ajourne donc au jeudi 30 septembre, 9 heures.

(Fin de la séance à 18 h 7)


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