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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Thursday, September 30, 1999 - Vol. 36 N° 4

Consultation générale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental


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Table des matières

Documents déposés

Auditions


Intervenants
M. Roger Bertrand, président
M. Jacques Léonard
M. Henri-François Gautrin
M. François Gendron
M. Yvon Marcoux
M. Jacques Chagnon
Mme Rita Dionne-Marsolais
M. Geoffrey Kelley
M. Jean-Guy Paré
M. Michel Côté
*M. Robert Caron, SPGQ
*Mme Claire Picard, idem
*Mme Carole Roberge, idem
*M. Jacques Meunier, bureau du Protecteur du citoyen
*M. Guy Pagé, idem
*M. Patrick Robardet, idem
*M. Guy Breton, Vérificateur général
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission spéciale sur le nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental reprend ses travaux dans le cadre de cette consultation générale portant sur l'énoncé de politique intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique .

M. le secrétaire, premièrement, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement pour la séance.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien, mais je crois comprendre que notre collègue le député de Verdun...

M. Gautrin: ...des parlementaires ministériels et de l'opposition aussi...

M. Léonard: De ce côté-ci, c'est acquis, M. le Président.

M. Gautrin: C'est acquis? Ah, c'est bien. D'habitude, j'ai plus de difficultés de ce côté-ci.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. le ministre.

M. Léonard: Ça me fait plaisir de dire oui, ça va rehausser la qualité de l'opposition.

M. Gautrin: Ah!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Qui était certainement déjà très appréciée! Très bien. Alors, nous avons devant nous un ordre du jour. Comme vous le savez, il est prévu que nous rencontrons d'abord les représentants et représentantes du Syndicat des professionnels et professionnelles, ou l'inverse, du gouvernement du Québec. Par la suite, le Protecteur du citoyen, à 10 h 30, et le Vérificateur général du Québec. Nous terminerons cette série de consultations par, bien sûr, les remarques finales, et nous ajournons à 13 heures. Est-ce que cet ordre du jour est adopté? Adopté.


Documents déposés

Je fais dépôt d'un document qui nous a été transmis par le Comité des responsables de la vérification interne suite à l'audition du 22 septembre 1999. Alors, il s'agit donc de réponses à certaines questions qui avaient été posées par la commission.


Auditions

Ceci étant dit, nous en venons à l'audition proprement dite. M. Robert Caron, à titre de président du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, va nous faire la présentation du mémoire, enfin, de la position de l'organisme qu'il représente.

M. Caron, on a une vingtaine de minutes à peu près pour la présentation, et je vous inviterais à présenter aussi, comme c'est notre habitude, les personnes qui vous accompagnent.


Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)

M. Caron (Robert): Oui. M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires, je vous présente à l'instant les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, Mme Carole Roberge, qui est première vice-présidente du SPGQ; à sa gauche, Mme Hélène Gingras, qui est conseillère à l'information au SPGQ; et, à ma droite, Mme Claire Picard, qui est conseillère au dossier de l'emploi et qui est la corédactrice du rapport.

M. le Président, je présente brièvement notre Syndicat. Le SPGQ est le plus important syndicat d'expertes et d'experts-conseils au Québec, regroupant quelque 14 000 professionnels d'une majorité de professions libérales et scientifiques qui, toutes et tous, sont fiers de servir la population du Québec tout entier.

Je sais que vous avez lu notre mémoire, j'en suis convaincu, voilà pourquoi nous présenterons aujourd'hui une perspective plus large que ce que contient notre mémoire. Je vais y faire référence évidemment à la fin de mon exposé. Je vous dirai, au départ, que c'est avec des sentiments partagés que nous assistons à la présente commission parlementaire spéciale sur le nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental. Nous sommes, bien sûr, très heureux de pouvoir y exprimer notre point de vue sur une question qui nous intéresse au plus haut point, que dis-je, qui nous concerne directement en tant que dispensateurs des services très importants que nous rendons à la population du Québec. Mais le bonheur est de courte durée, comme je le disais au ministre tout à l'heure, la mauvaise humeur et la morosité reprennent facilement le dessus.

Je vous précise tout de suite que cela n'a rien à voir avec la présente négociation, si on peut appeler ça de la négociation. C'est tout ce que je dirai ce matin sur la question, n'ayez crainte, M. le Président, à moins qu'on ne m'y force. On n'est pas ici pour ça. Le SPGQ est ici ce matin parce que l'avenir de la fonction publique nous préoccupe. Point.

Notre mauvaise humeur s'explique essentiellement autant par ce qui a entouré l'élaboration de l'énoncé de politique sur la gestion gouvernementale que l'énoncé lui-même. Il faut dire que nous entretenions, il y a déjà un an et demi, beaucoup d'attentes à l'égard du projet annoncé de modernisation de la fonction publique. Le SPGQ en a fait le thème central de son congrès de l'automne 1998. On disait: SPGQ, partenaire incontournable . Nous avons produit depuis plusieurs articles dans nos différents Info-Express et, tout récemment, un numéro spécial de notre publication semi-annuelle L'Enjeu . Il m'en reste des copies, si ça vous intéresse.

Savez-vous, au départ, nous n'étions absolument pas négatifs concernant la modernisation annoncée; au contraire. Je vous donne un exemple d'un extrait de l' Info-Express . Le titre: Le premier ministre annonce une profonde modernisation de la fonction publique, le SPGQ y sera un partenaire incontournable. Je cite: «Inutile d'insister pour dire que nous souscrivons d'emblée à une modernisation de la fonction publique, laquelle s'impose dans le contexte actuel, un contexte marqué par des réductions importantes et successives de services, consécutives à des coupures de postes et des départs volontaires massifs, un contexte caractérisé aussi par l'absence des jeunes qui contribueraient au renouvellement de la fonction publique. Voilà pourquoi nous applaudissons à l'idée – et là nous citons le discours inaugural du premier ministre – "de donner une nouvelle jeunesse à l'État québécois et d'accompagner le Québec dans ses ambitions de changement pour le nouveau millénaire".»

Essentiellement, par cet article nous relancions le message que le SPGQ désirait et serait de toute façon un partenaire incontournable de cette modernisation. Dans l'enjeu concernant l'importance de notre participation au processus, nous ajoutions ceci: «Il faut agir là où les autres réformes ont lamentablement échoué, c'est-à-dire sur la mobilisation des employés qui doivent se reconnaître dans cette réforme majeure. À cet égard, la gestion des ressources humaines doit être une préoccupation aussi importante que les autres aspects de la gestion dans la fonction publique. Une véritable modernisation de la fonction publique ne pourra être couronnée de succès que si les employés de la fonction publique, toutes catégories confondues, y sont directement associés et en font partie prenante. Il serait illusoire de penser qu'une véritable modernisation de la fonction publique puisse être réalisée sans un réinvestissement significatif dans la fonction publique, particulièrement en ressources humaines.»

(9 h 40)

Depuis plus d'un an maintenant, le Comité sectoriel sur l'organisation du travail de la fonction publique, dont nous faisons partie avec les autres syndicats de la fonction publique ainsi que les cadres intermédiaires et supérieurs – le CSOT, comme on l'appelle – a cherché par tous les moyens à être associé au projet de modernisation annoncé. Rien n'y fit. Qui mieux que le comité central et les comités sectoriels sur l'organisation du travail aurait pu enrichir le projet de modernisation de la fonction publique? Rendez-vous raté, occasion manquée, appelez ça comme vous voulez, mais c'est tout de même pitoyable comme exemple de turpitude collective dans la fonction publique, sauf que le SPGQ n'a pas le goût d'en assumer quelque responsabilité que ce soit, nous avons fait tellement d'efforts pour nous en mêler.

Il est en fait paradoxal que le gouvernement se paie ainsi le luxe de se passer de l'expertise de tels comités institués pour justement travailler sur des projets de l'envergure que nous pensions. L'énoncé de politique peut bien mentionner au passage que les CSOT et CMOT constituent des outils de concertation en matière d'organisation du travail dans la fonction publique – «so what»? – mais, sur des questions aussi importantes, pourquoi ne sont-ils pas mis à contribution? Je ne comprends toujours pas.

Ce qui me rassure, c'est que le SPGQ n'est pas le seul à ne pas suivre le gouvernement dans ses manières de faire, il y a les autres syndicats de la fonction publique. Rien de surprenant là-dedans, me direz-vous. D'accord. Mais il y a, me semble-t-il, des cadres également qui laissent voir qu'ils ont été ou qu'elles ont été mis sur la touche. Il y a les mandarins du gouvernement qui, l'autre jour, à l'ENAP – et c'est reproduit dans La Presse – ont dit essentiellement que le gouvernement manque de vision et de cohérence, en précisant même, et je cite, «que les gestes contredisent fréquemment le discours officiel». Nous souscrivons à cela.

Il y a M. Roland Arpin, grand commis de l'État, comme on le sait, et qui n'a pas besoin de présentation à cette commission, qui, dans un cahier spécial du quotidien Le Soleil , s'est confié de la manière suivante – une page qu'on a bien aimée d'ailleurs. On dit: Des jeunes pour assurer le succès de la modernisation . Et après, il y a l'article de M. Arpin et le titre, c'est: Québec s'y prend mal , et on le cite: «L'exercice qui est mené par le gouvernement est relativement autoritaire, il est plus autoritaire que pédagogique devant un geste d'autorité. Notamment, dans un contexte général qui n'est pas favorable à un grand bouleversement, les gens plient l'échine, ils font le dos rond et n'embarquent pas nécessairement.» Fin de la citation.

À cet égard, la Commission de la fonction publique a tenu devant cette commission des propos qui vont dans le sens de nos préoccupations en disant ceci, en conclusion de leur mémoire: «Les personnes constituent le coeur des organisations et c'est par elles que procèdent les changements. Leur contribution, leur engagement, leur adhésion et la reconnaissance de leurs compétences sont des éléments fondamentaux en vue d'assurer le succès d'une telle réforme. Les employés devront être associés comme partenaires essentiels des changements à venir.» Fin de la citation.

Il n'est peut-être pas trop tard, mais le moins qu'on puisse dire ici, aujourd'hui – je l'ai déjà exprimé publiquement – c'est que la réforme est bien mal engagée. Le problème, c'est que le projet a été concocté, passez-moi l'expression, portes closes, par un petit groupe de sous-ministres qui ont certes travaillé fort mais avec les limites que ça suppose. Quand on respire toujours le même air, on finit par s'étouffer avec. Ça fait un projet qui forcément présente une perspective gestionnaire – d'ailleurs, ce n'est pas tellement juste pour les bons gestionnaires – un projet qui plane haut mais qui ne réussit pas à atterrir au niveau des préoccupations de la population en général qui ne comprend pas vraiment le discours autour de l'imputabilité, la reddition de comptes et autres concepts du même genre. Le discours ne touche pas beaucoup plus les fonctionnaires en général qui tiennent surtout et toujours à rendre des services de meilleure qualité à la population, mais qui s'attendent à ce qu'on leur en donne les moyens.

Le gouvernement a perdu une belle occasion de présenter, dans un premier temps, un projet de modernisation qui vise – et le dit clairement – une meilleure qualité de services à la population et qui, du même coup, redonne du souffle à une fonction publique et à ses employés qui en ont bien besoin. Voilà pourquoi il nous apparaît que ce projet est tronqué, il y manque beaucoup de choses. Nous l'écrivons dans notre mémoire: Le débat sur le rôle de l'État est occulté; l'aspect des ressources humaines est négligé – en passant, c'est le cas depuis plus d'une dizaine d'années, quelques gouvernements en portent la responsabilité; il manque au projet actuel les pièces maîtresses législatives, c'est-à-dire les modifications envisagées notamment aux Lois sur la fonction publique et sur l'administration financière, ce qui fait que le projet de loi sur la gestion gouvernementale est une coquille vide, pour l'instant du moins, et ça, ça nous inquiète aussi.

Il aurait dû y avoir d'abord une analyse de la situation actuelle de la fonction publique, un diagnostic franc et honnête qui normalement aurait dû nous aider à proposer des pistes de solutions qui auraient fait faire à la fonction publique un vrai pas en avant. Je donne un exemple: Si on avait fait le constat – que tout le monde voit – du vieillissement de la fonction publique, donc de son non-rajeunissement chronique, a contrario, j'imagine qu'on se serait donné comme objectif le rajeunissement durable de la fonction publique, pas avec des solutions temporaires, comme les stagiaires devant qui on a dessiné une porte sur un mur de briques dans la fonction publique.

Concernant la gestion des ressources humaines, devant les carences qui crèvent les yeux – problèmes de mobilité, de perfectionnement, de motivation, et j'en passe et des meilleures – on aurait pu également proposer des pistes de solution concrètes pour améliorer sensiblement la situation et aller de l'avant. Au SPGQ, on n'ose plus parler aujourd'hui de projet de modernisation de la fonction publique, car le moins qu'on puisse dire, c'est que la montagne a accouché d'une souris.

Comme je n'aime pas finir sur un aspect négatif, je vous renvoie à notre mémoire qui contient malgré tout plusieurs recommandations très positives. Bien sûr, on parle des unités autonomes de services mais avant – c'est vrai, j'oubliais – ce qu'on souhaiterait pour un projet de modernisation, c'est un débat public; on souhaiterait aussi que les employés puissent participer à toutes les étapes, je pense que je l'ai assez clairement exprimé.

Concernant la gestion des résultats, j'ai déjà dit qu'on ne pouvait être contre la vertu, mais la gestion par les résultats ne sera pas une panacée qui va régler tous les problèmes, et il nous semble qu'il va falloir regarder cette question-là.

Ce qu'on voudrait aussi – c'est dans nos recommandations – c'est que le gouvernement n'importe pas indistinctement les recettes et les méthodes de l'entreprise privée, y compris le discours. Et on l'a bien dit au comité sectoriel: Quand on parle de clientèle et quand on importe trop facilement les modèles du privé – alors, on pense vraiment que la fonction publique n'est pas une entreprise, encore moins privée – eh bien, il y a déjà un problème. Moi, je pense que ça insulte la population et ça insulte aussi les fonctionnaires.

Comme recommandations aussi, nous proposons que malgré tout, par rapport à toutes formes de partenariat, le gouvernement accorde la préséance à la création d'unités autonomes de services; que le gouvernement propose aussi un vaste programme de formation et de perfectionnement des gestionnaires; que le gouvernement profite de l'expérience des pays membres de l'OCDE pour compléter l'évaluation de l'atteinte des résultats par l'analyse, et l'analyse des mécanismes. Bref, qu'on ne regarde pas seulement la question des résultats, ça prend une vision globale qui permet de questionner la performance, d'accroître les connaissances, de perfectionner les mécanismes de fonctionnement et finalement d'améliorer certains services publics.

Ce qu'on craint aussi de la gestion par résultat, bien, ce qui est proposé dans le projet de loi, c'est la politisation accrue. On n'est pas les seuls d'ailleurs qui se questionnent sur cette question-là, j'ai cru comprendre que la commission des finances publiques avait relevé cet aspect-là.

Nous recommandons aussi que le gouvernement se dote d'une politique de la sous-traitance qui traduise sa volonté d'utilisation optimale des compétences, de maintien et de développement de l'expertise de la fonction publique, mais qu'il réduise substantiellement la sous-traitance dans la fonction publique tout en assurant le transfert d'expertise; que le gouvernement solutionne le problème des fausses et des faux sous-traitants. On a l'habitude de parler plus des fausses et des faux occasionnels, mais ce n'est pas le débat ici. Que le gouvernement s'assure que les professionnels soient représentés dans les comités aviseurs aussi des UAS; que le gouvernement solutionne la problématique de la relève au sein de la fonction publique – j'en ai parlé tout à l'heure; que le gouvernement déplafonne le niveau des OTC – parce qu'au cours des dernières années, c'étaient les bretelles avec la ceinture. On pourrait peut-être rendre ça facultatif.

(9 h 50)

Que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour offrir une importante mobilité du personnel; qu'il reconnaisse notre contribution en accordant des salaires justes et équitables en négociation – alors, c'est le petit point hors d'ordre, n'est-ce pas! Que le gouvernement fasse du développement et la mise en oeuvre d'un plan de gestion et de formation des ressources humaines sa première priorité; qu'il prévoie mesurer annuellement le degré de satisfaction aussi des employés – pourquoi pas? Que le gouvernement arrête l'impartition de tout l'aspect informatique et développe l'expertise à l'interne; qu'il s'assure d'un équilibre entre les besoins des utilisatrices et utilisateurs et de l'implantation des nouvelles technologies; qu'il y ait des comités d'usagers internes aussi pour donner leur point de vue sur les services assurés par le gouvernement; que le gouvernement mette fin au déficit des ressources humaines de la fonction publique en s'engageant de façon significative dans un processus de recrutement pour assurer la pérennité des ressources professionnelles.

Et je conclus, M. le Président, pour dire que le gouvernement devrait reconnaître aussi, dans les faits, la légitimité des syndicats de la fonction publique en les associant à part entière à la démarche visant à moderniser le fonctionnement de la fonction publique québécoise et qu'il donne dès maintenant aux comités sectoriels sur l'organisation du travail et aux comités ministériels – au pluriel – sur l'organisation du travail des moyens de réaliser pleinement leur mandat en étant étroitement associés à la définition, à l'implantation et à l'évaluation de tout changement organisationnel.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le président Caron. Nous passons à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Léonard: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je veux remercier le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec de son mémoire, d'être venu ici ce matin et d'être venu nous dire ce qu'ils en pensaient. Ça ne veut pas dire qu'on partage tous leurs jugements sur le projet, mais nous sommes là pour nous entendre, puis je pense que nous le faisons. Nous allons prendre des notes et votre mémoire va être analysé. Vous ne l'avez pas repris au complet, mais je comprends que vous avez repris ça d'un côté plus large ou sous un aspect plus large.

Moi, j'aurais une question en partant. Vous parlez de la mobilisation. Qu'est-ce qu'il faudrait pour améliorer cette mobilisation, à votre avis?

M. Caron (Robert): Bien, écoutez, je pense que le projet de modernisation était une occasion – on peut parler au présent aussi – est toujours une occasion...

M. Léonard: Est toujours une occasion.

M. Caron (Robert): ... – cette commission constitue un départ – pour mobiliser. Moi, je pense que ce ne sont pas seulement les syndicats qui ont applaudi ou qui applaudissent à l'idée de moderniser la fonction publique, de donner – comme je le dis dans le mémoire – un second souffle à la fonction publique. Sans parler de deuxième Révolution tranquille, on peut penser qu'il y a des projets intéressants, il y a des choses intéressantes à faire encore dans la fonction publique, et, moi, je pense que le projet de modernisation est l'occasion inespérée pour intéresser et mobiliser.

Mais évidemment, il faut le voir de façon plus large que l'approche que, moi, j'ai qualifiée, de façon sévère, un peu de gestionnaire, c'est-à-dire une approche qui vient un petit peu d'en haut, qui plane un peu au niveau des cadres supérieurs. Mais si on voit la modernisation dans un sens beaucoup plus large, c'est-à-dire en regardant les services qu'on donne à la population en disant aux fonctionnaires: On va vous donner les moyens, on va viser l'utilisation optimale des ressources, on va vous mettre à contribution, eh bien, moi, je pense que ça va beaucoup aider.

Il y aurait aussi avantage à amener des pistes de solution pour améliorer des situations qu'on décrit dans notre mémoire. On parle de non-rajeunissement chronique de la fonction publique, on parle de mobilité qui n'en est pas; d'ailleurs, elle se définit beaucoup plus a contrario présentement dans la fonction publique. Bien, il me semble qu'il y aurait lieu de discuter, de débattre de pistes de solution pour améliorer ces aspects-là, qui n'ont pas été touchées par le Conseil du trésor depuis une dizaine d'années. C'était ça il y a à peu près 10 ans, on tenait à peu près le même discours qu'on tient aujourd'hui, et je trouve ça pitoyable.

M. Léonard: J'entends que certains éléments, comme la mobilité du recrutement de nouveaux fonctionnaires, éventuellement, sont des occasions de mobiliser, en tout cas, ça peut améliorer la mobilisation de la fonction publique. Moi, je suis d'accord. Je suis d'accord. Puis j'aimerais bien enlever toutes les contraintes à la mobilité, par exemple, dans la fonction publique; je pense que c'est l'objet même... bien l'objet même, un des objets des travaux du CSOT. Alors, moi, je suis d'accord.

Mais quand vous dites qu'on ne s'est pas réuni et qu'on n'a pas consulté, il y a quand même eu quatre réunions juste là-dessus, alors que le projet est déposé depuis seulement le mois de juin. Alors, est-ce que vous voulez plus de rencontres? À partir du moment où le projet de loi serait adopté par l'Assemblée nationale, en tout respect pour ses pouvoirs, vous nous proposez une plus grande collaboration, plus assidue, il faudrait y aller davantage?

M. Caron (Robert): Regardez, ce qu'on dit ici... Vous me parlez de quatre réunions, mais il y a des réunions qui ont été faites a posteriori, là. Le projet était comme...

M. Léonard: Oui, mais nous sommes en consultation, à l'heure actuelle. Vous êtes ici en commission parlementaire parce que...

M. Caron (Robert): Oui, ça va, ça va, mais...

M. Léonard: ...ça fait partie des consultations.

M. Caron (Robert): Oui, mais on ne veut pas être consulté a posteriori, on ne veut pas être consulté après coup. En tout cas, écoutez, on ne refait pas le passé, mais ce qu'on dit, c'est qu'il y a un an et demi, là, on avait annoncé – ça n'a pas été annoncé de façon officielle, mais ça a été dans les journaux – qu'il y avait des comités qui étaient constitués pour travailler sur un projet de modernisation. Le SPGQ, très rapidement, a dit: Nous, on est d'accord avec ça, on est prêt à travailler, on a tout ce qu'il faut pour travailler, un comité central sur l'organisation du travail, il y a des comités ministériels, on est prêt à regarder ça, et, écoutez, on n'a pas pu vraiment le faire.

La consultation qui a été faite même dans les ministères, nous n'y avons pas été associés. Ça a été une consultation qu'on a dit expresse, qu'on a qualifiée même de bidon – ce n'est pas la langue de bois, au SPGQ, comme vous le savez – alors, on s'est dit: Une vraie consultation, ça aurait été de nous associer dès le départ et de participer vraiment au débat. Moi, je suis convaincu que le projet aurait eu une assise beaucoup plus large, et on ne parlerait pas aujourd'hui de projet tronqué, qui néglige l'aspect des ressources humaines. On ne parlerait pas d'un projet où les pièces maîtresses ne sont pas là, entre autres, les pièces maîtresses législatives.

Quelles sont les modifications que vous allez apporter à la Loi sur la fonction publique? On ne le sait pas. Quelles sont les modifications qui vont être adoptées à la Loi sur l'administration financière? On ne le sait pas. Et ce sont des lois extrêmement importantes, pas seulement pour les fonctionnaires, là, pour la population du Québec. Alors, c'est pour ça qu'on dit que le projet que vous parlez d'adopter, c'est une coquille vide et me semble-t-il qu'avant de l'adopter on devrait avoir non seulement les tenants mais les aboutissants.

M. Léonard: Disons qu'il y a deux types de consultation. Celle qui a été faite au CSOT, les réunions qui se sont tenues les 29 mars, 19 mai et 2 juin, c'était avant même le dépôt d'une proposition de loi. On n'en est pas encore à la loi elle-même, à un projet de loi, mais sur le concept général. C'est un fait qu'on discute beaucoup de principes actuellement, mais ça fait partie de l'étape. Quant au reste des modifications à la Loi de la fonction publique, on n'en est pas encore là, mais éventuellement nous y viendrons, c'est sûr.

Mais je voudrais vous poser une question maintenant plus précise sur votre mémoire; vous en avez traité de façon générale, tout à l'heure. Dans votre mémoire, vous dites que les UAS ne devraient se retrouver qu'à l'intérieur des ministères et non à l'extérieur. Les commentaires que j'aurais à faire: ça limite passablement l'application de la formule. Pourquoi s'en tenir seulement aux ministères? Pourquoi ne pas toucher aussi d'autres organismes, soit budgétaires, soit extrabudgétaires? Oui?

M. Caron (Robert): Oui. Bien, ce qu'on dit surtout, c'est qu'il faut que ça reste dans la fonction publique. Parce que le modèle qu'on avait, c'est le modèle qui a inspiré le gouvernement de toute façon, c'est le modèle britannique. Alors, vous savez qu'on a fait des représentations de départ. Quand ce projet-là est arrivé, on parlait d'agences, à l'époque. On avait rencontré M. Sarault et on disait, on a donné un avertissement en disant: Bien, si c'est le modèle britannique que vous voulez implanter ici, on va être en total désaccord parce que le modèle britannique n'a pas fait ses preuves, d'une part, et même aujourd'hui je pense qu'il y a beaucoup de réserve sur ce modèle-là. C'est un modèle qui produit ce qu'on a appelé, nous, un éclatement des conditions de travail, qui crée beaucoup d'insatisfaction dans les milieux de travail britanniques. Je ne suis pas allé, je sais que vous y êtes allé, mais il y avait des problèmes. Il y avait des problèmes.

(10 heures)

M. Léonard: Je vous écoute.

M. Caron (Robert): Alors, nous, on ne s'est pas prononcé contre, d'ailleurs, au départ, on voulait voir. Effectivement, il y a eu des ajustements de faits, qui ont permis que les UAS demeurent dans la fonction publique. Alors, c'est toujours la voie que nous privilégions, et on le dit dans le mémoire. On dit: On aime mieux ça évidemment que la création de sociétés mixtes; on aime mieux ça que la privatisation; on aime mieux ça que l'impartition, et ça devrait rester sous le contrôle des ministères. Ça, ça nous semble important, d'autant plus qu'on a des exemples sous les yeux de nouvelles structures qui nous inquiètent. Alors, dans certains ministères, on crée des sociétés qui sont mixtes, moitié publiques, moitié un peu privées, et, moi, je pense que c'est très dangereux parce qu'on affaiblit le contrôle public ou le contrôle de la gestion.

M. Léonard: Mais l'idée que nous en avons ici, c'est que, quand même, les ministres restent responsables. Que ce soit sous forme d'UAS, ou d'agences, ou d'organismes budgétaires ou extrabudgétaires, il reste que cela tombe sous le coup de la responsabilité ministérielle.

Mais je voudrais revenir quand même sur une affirmation, que ce ne serait pas un succès en Angleterre. Peut-être à certains points de vue, mais disons que, en Angleterre, l'État n'est pas le seul responsable, ou la réforme de la gestion gouvernementale n'en est pas la seule responsable. Mais le taux de chômage est quand même de l'ordre de 4 % – entre 4 % et 5 %. Si l'on parle des avantages de réforme importante pour le bénéfice de la population, il me semble qu'on doit convenir qu'il y a eu une réorientation de l'économie anglaise à laquelle le gouvernement a participé lui-même par la réforme de ses institutions.

Moi, je voudrais revenir sur cette question de l'impartition. Vous avez l'air à être... vous dites: Nous sommes d'accord avec le projet, mais, en même temps, vous mettez des conditions qui font qu'on en reste à l'univers actuel sans trop de modifications. Vous avez l'air d'être en désaccord avec l'impartition ou la sous-traitance. Je comprends, vous avez des intérêts que je comprends, des intérêts pour votre syndicat. Mais, sur les avantages qui devraient découler pour la population d'avoir une administration publique plus flexible, plus souple, est-ce que vous ne convenez pas que, dans certains cas, des modèles de gestion qui n'a pas à avoir des contraintes, comme nous en avons à l'heure actuelle, ça peut amener un meilleur service à la population?

Mme Picard (Claire): Je pourrai compléter...

M. Caron (Robert): Oui, oui, oui. Je vais laisser Claire, tantôt, vous parler des UAS, parce qu'on n'a pas besoin de se rendre physiquement en Grande-Bretagne pour savoir ce qui se passe. Avec Internet, vous savez, c'est intéressant.

M. Léonard: Non, je n'ai pas dit...

M. Caron (Robert): Alors, on a...

M. Léonard: La lecture, c'est un bon mode de formation aussi.

M. Caron (Robert): Tout à fait. Ça coûte moins cher aussi. Alors, on a parcouru justement les évaluations qui sont faites des UAS. Moi, je ne fais pas un lien direct entre le taux de chômage peu élevé et puis le succès des agences britanniques.

Mais je vais répondre directement à votre question. Vous dites: Vous avez l'air contre l'impartition et la sous-traitance. On n'a pas juste l'air, on est carrément contre la sous-traitance abusive telle qu'on la connaît dans la fonction publique. La seule nuance qu'on fait maintenant, c'est qu'on dit: Oui, il peut y avoir une forme de sous-traitance; il faut la contrôler, il faut surtout la réduire. Et on n'est pas d'accord avec la sous-traitance déguisée aussi. On parle de sous-traitants dans notre rapport. On parle aussi de la sous-traitance qui est, je me répète, abusive dans certains organismes et, même là, si on faisait des analyses coûts-bénéfices, je ne pense pas que ça ait été rentable au cours des dernières années, au contraire. Nous, on fait même une règle qui veut que, si on donnait la moitié du budget de la sous-traitance au rajeunissement de la fonction publique, on aurait peut-être amélioré de beaucoup la situation de la fonction publique au cours des dernières années.

Sur la question des UAS, je pourrais peut-être laisser Claire donner plus de précisions sur notre approche.

Mme Picard (Claire): O.K. Moi, j'ai regardé les évaluations des Next Steps , le rapport 1997-1998. J'ai regardé également le projet de modernisation de la fonction publique, parce qu'ils ont actuellement, en 1999, un projet de modernisation de la fonction publique au Royaume-Uni également. Le premier objectif, lors de la création des agences britanniques, en 1988, c'était de transformer 75 % de la fonction publique en agences. C'était le premier objectif. En second lieu, on voulait essayer de diminuer l'importance des dépenses publiques dans le produit intérieur brut au Royaume-Uni. Dix ans plus tard, on constate qu'on a réussi à atteindre le premier objectif qui était de transformer la fonction publique en agences; on l'a même dépassé.

Côté efficience, on se dit: Bon, il faut regarder, parce que la proportion des dépenses publiques dans le PIB est restée à peu près constante. Il y a eu une évolution des dépenses, sur 10 ans, de 1,6 %, des dépenses réelles, mais maintien de la proportion dans le PIB constant. Donc, ils se disent: Il faudrait regarder du côté de l'efficience maintenant. Est-ce qu'on a réussi à améliorer les coûts? Bon. Les gens, les spécialistes du Cabinet Office, à peu près l'équivalent du Conseil du trésor ici, ont regardé ça et ils sont arrivés à la conclusion que, pour seulement 27 % des dépenses des UAS, on aurait des indicateurs d'efficience. Ils ne sont pas capables de dire si on a amélioré l'efficience. Dans leur analyse, ils pensent qu'ils ont amélioré la qualité des services, mais il n'y a rien, là, de mesurable qui peut le prouver. Donc, côté efficience, on ne peut rien dire. 27 % seulement des dépenses qui ont des indicateurs robustes d'efficience pour mesurer l'évolution dans le temps. Est-ce que c'est dû à la création d'UAS? Est-ce que c'est dû au développement technologique? Est-ce que c'est dû à l'amélioration des processus? On ne le sait pas. Ils ne le savent pas, ils ne se prononcent pas là-dessus. Vous lirez leur rapport, c'est noir sur blanc.

En ce qui concerne la qualité des services, dans le rapport sur la modernisation de la fonction publique maintenant, on dit, et je cite – j'ai traduit; c'est une traduction, parce que c'est, bien sûr, écrit en anglais: «D'une recherche sur les services publics, d'un panel de 5 000 personnes. Bien que le nombre de personnes satisfaites des services publics augmente, nous sommes loin des objectifs poursuivis pour plusieurs services. De plus, deux personnes sur cinq estiment que les services publics ne se sont pas améliorés ces cinq dernières années et plus d'une sur trois pense qu'ils se sont détériorés.» Puis, en plus, ils sont au fait des lacunes, ils veulent améliorer leur fonction publique. Ils se disent en plus: «La création d'unités autonomes de services – ils en ont... je ne me rappelle pas le nombre, mais plus d'une centaine – a détourné l'attention des objectifs principaux des gouvernements, parce que les unités autonomes de service sont axées sur des objectifs spécifiques.» Donc, les grandes orientations gouvernementales, les unités autonomes de service en tiennent... En tout cas, c'est difficile, là, d'en tenir compte, parce qu'elles sont orientées vers leurs objectifs spécifiques, puis la coordination est aussi difficile. Le ministre, je ne sais pas, qui pourrait avoir trois, quatre, cinq unités autonomes de service – on en crée, on en... bon – elles sont en concurrence une par rapport à l'autre, puis ce n'est pas... En tout cas, selon leur analyse et selon la lecture que j'en fais, de toute évidence ça n'a pas permis d'améliorer l'efficience. La qualité des services aurait sans doute augmenté un peu, mais est-ce que c'est lié à la création d'unités autonomes de service? Puis, moi, je mets ma main au feu que ce n'est pas la création d'unités autonomes de service ici qui va faire diminuer le taux de chômage de façon automatique. Je trouve que la relation est trop facile, puis... je n'ose pas la qualifier.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Je vais faire rapidement parce que le temps file. Je voudrais remercier M. Caron ainsi que les gens qui l'accompagnent. Sincèrement, je crois que, peu importe le point de vue que vous développez tant dans votre mémoire qu'ici, compte tenu du rôle que vous avez joué au fil des ans, les professionnels de la fonction publique, c'est important d'entendre votre point de vue. Moi, en tout cas, personnellement, je suis très heureux que vous soyez là. Merci d'être là.

(10 h 10)

Deux questions rapides, j'ai l'habitude d'être assez clair dans mes questions. J'ai lu votre mémoire. Vous dites, et je vous cite très succinctement: «Les primes au rendement, on n'est pas trop "hot"» – excusez le latin – mais ce n'est pas clair si vous êtes pour ou contre. Alors, moi, je veux savoir: Est-ce que vous êtes pour ou contre? Et, si vous êtes pour, est-ce que vos suggestions, c'est plus des balises si on s'oriente vers ce régime-là, modestement pour commencer? Il faudrait le préciser, le baliser et ne pas l'instaurer comme un système systématique, mais... Oui ou non, on regarde ça ou vous ne voulez pas qu'on regarde ça, les primes au rendement?

M. Caron (Robert): Alors, je vais répondre comme un politicien, ce ne sera pas oui ou non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Caron (Robert): Alors, ça va être du type...

M. Gendron: Mais...

M. Caron (Robert): Ça va être du type, pour une question...

Une voix: Peut-être.

M. Gendron: Ici, on n'est pas à la période de questions. À la période de questions, on n'a pas droit à oui ou non. Mais, ici, il n'y a pas de problème.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Caron (Robert): Ce n'est pas grave. Alors, non, je vous dirai que, pour une question comme ça – on a déjà fait des débats dans notre syndicat sur ces questions-là – la conclusion a toujours été que les primes au rendement, ça divise plus que, je dirais, ça solidarise les gens pour travailler en équipe, pour travailler ensemble. Je ne vous dis pas qu'on a marqué un trait et qu'on n'en reparlera plus, mais c'est une question qu'on devra débattre à un moment donné dans nos instances. Je ne me prononcerai pas après, comme ça, là, oui ou non. Je pense que...

M. Gendron: Regardez, M. Caron, rapidement: Est-ce que vous ne croyez pas... Il n'est pas question d'instaurer comme base salariale ou comme politique salariale uniquement la prime au rendement. Là, il me semble, puis je suis convaincu que vous savez ça, je n'ai pas besoin d'expliquer ça, là...

M. Caron (Robert): Oui, oui.

M. Gendron: À partir du moment où vous savez ça, est-ce que ça ne vous tente pas de la prendre pour ce qu'on veut l'évaluer? Donc, c'est juste ce que j'appelle un geste significatif de contribution pour des gens qui font plus que d'autres. Et c'est ça, la vraie vie. Et des fois – puis j'ai un peu d'expérience là-dedans, ça fait longtemps que je suis là, en fonction publique ou au gouvernement – on dirait qu'il faut que tous les autres champs évoluent, mais pas les champs traditionnels du gouvernement; ça inclut fonctionnaires et professionnels, pour les avoir côtoyés, puis j'ai beaucoup de respect pour eux autres. Mais, de temps en temps, il faut regarder ce qui se passe ailleurs même si c'est différent. Et une prime au rendement pour distinguer des gens qui décident d'en faire plus que celui qui est variable sur tout ce qu'il fait, y compris son horaire, puis ça ne presse jamais, puis ce n'est pas grave, puis je suis sur horaire variable, ce n'est pas logique de regarder ça pour un morceau de la rémunération?

M. Caron (Robert): Oui, c'est logique de le regarder...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Si possible, M. Caron, en 30 secondes.

M. Caron (Robert): Oui, oui, oui. C'est logique de le regarder et on va le regarder. D'ailleurs, ce qui est plus important encore, je vous dirai, on est dans un débat sur la classification, puis c'est majeur, d'ailleurs on attend le gouvernement sur ces questions-là, et il est question aussi de prime, parce qu'on en donne déjà à des gens qui sont en progression de carrière et on vise à en donner à tout le monde. Bon, bien, ça, c'est une perspective qui est plus équitable. Mais je vous dirai que c'est une modalité puis c'est une infime modalité par rapport à l'ensemble, puis je vous jure que, sur l'ensemble, on n'avance pas vite.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, on va poursuivre l'échange avec les questions de l'opposition officielle ou les remarques. À ce moment-ci, M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. On vous remercie, M. Caron et les personnes qui vous accompagnent, de votre mémoire et de votre présentation.

Vous avez mentionné lors de votre exposé que le débat sur le rôle de l'État était occulté, si j'ai bien saisi vos paroles. Effectivement, dans le document, l'énoncé de politique, on indique bien qu'il ne s'agit pas de déterminer ce que ferait ou ce que peut faire l'État, mais bien la manière dont il doit faire. Est-ce que, pour vous, ce débat-là est important et comment devrait-il s'inscrire? Devrait-il venir avant la discussion sur les processus ou sur le fonctionnement ou devrait-il être concomitant? Comment le voyez-vous? Et on peut être d'accord ou pas d'accord avec le rôle de l'État, c'est bien évident, mais vous parlez d'un débat.

M. Caron (Robert): Bien, c'est un débat qui est fondamental si on veut parler vraiment de modernisation de la fonction publique. Moi, je pense qu'on peut faire le débat à la fois sur le fonctionnement et aussi sur le rôle de l'État. Nous, on dit qu'il est occulté, parce que d'autant plus qu'il y a des changements présentement qui questionnent le rôle de l'État. Dans certains ministères et organismes, je vous le disais tantôt, dans certains ministères, on décide de confier la recherche dans un organisme mixte, privé-public, on crée des sociétés d'État qu'on sort de la fonction publique et, j'imagine... puis on dit ça en droit, la loi ne parle pas pour ne rien dire. Alors, je présume que, quand on décide de prendre la Commission des valeurs mobilières du Québec et de la sortir de la fonction publique pour l'envoyer, je dirais, pas privée, mais en société d'État, on pose un geste qui n'est pas sans signification. Alors, on voit tous ces changements-là puis on se dit: Ah! regarde donc ça, il y a un projet de modernisation, il y a des choses qui se passent, mais on n'aborde pas cette question-là, comme si c'était un sujet tabou. Mais quand est-ce qu'on va se poser la question – après, je dirais, des années de statisme? – du rôle de l'État dans plusieurs secteurs qui touchent les services publics? Nous, on pense que c'est le temps de faire ce débat-là. Et on ne peut pas – c'est pour ça qu'on dit que le projet est tronqué – n'aborder qu'un aspect, parce que, moi, je dis qu'il y a beaucoup d'entreprises de modernisation qui ont échoué par le passé, notamment parce que les gens n'ont pas été mobilisés, mais peut-être aussi parce qu'on avait pris ça juste par un côté de la lorgnette.

M. Marcoux: Merci. Vous avez parlé également de danger de politisation accru de la fonction publique. Je dois vous dire que vos propos m'étonnent un peu. J'aimerais que vous puissiez peut-être ajouter des commentaires à cette affirmation que vous avez faite et pourquoi vous prétendez que c'est un danger.

M. Caron (Robert): Oui. On fait référence évidemment à ce qui est proposé, les contrats de performance et d'imputabilité. Bon. L'aspect positif – je pense qu'on le dit dans le rapport, mais je vais le rappeler – c'est la transparence. Là-dessus, on est d'accord. Que, au départ, on dépose devant l'Assemblée nationale des plans, bon, d'activités, etc., puis qu'on sache où on s'en va au niveau des ministères et organismes, c'est bien. Mais, au niveau des contrats de performance et d'imputabilité, ce qu'on craint – puis on n'est pas les seuls à le craindre, semble-t-il qu'il y a d'autres groupes qui l'ont dit devant cette commission parlementaire – c'est que, dans le fond, sous prétexte d'objectifs de résultat, il y ait plus de paperasserie, il y ait plus de bureaucratie et que ce ne soit pas, je dirais, l'aspect administratif qui contrôle, mais plus le politique que l'administratif. Alors, je pense qu'il faudrait qu'il y ait – on le dit dans notre rapport – une démarcation nette entre le politique et l'administratif, sinon on va se diriger lentement mais sûrement vers une fonction publique qui va être plus américaine que de tradition britannique. C'est un jugement de valeur un peu vite, je vois le député, M. Gautrin, réagir, mais, moi, je pense que c'est une crainte qu'on a que le politique prenne plus de place.

M. Marcoux: Mais est-ce que vous croyez vraiment que l'aspect politique peut prendre plus de place à tous les échelons de la fonction publique lorsqu'on regarde l'ensemble des fonctionnaires et le nombre de fonctionnaires?

M. Caron (Robert): Non, non, on ne dit pas à tous les échelons, on fait référence aux contrats de performance. On dit que...

Une voix: La signature du ministre.

M. Caron (Robert): C'est ça, c'est la signature du ministre finalement plutôt que le responsable de l'unité administrative.

M. Marcoux: Vous référez également à toute la question des promotions, en fait du processus de dotation. Une des intentions, c'est d'alléger le processus, notamment en ouvrant davantage sur les promotions sans concours dans la fonction publique. Est-ce que c'est une avenue avec laquelle vous êtes d'accord?

M. Caron (Robert): Bien, les promotions sans concours, pas tellement. Il y en a eu beaucoup au cours des dernières années. Nous, on pense que, dans certains cas... Il faut nuancer. Dans certains cas, on ne se cachera pas qu'on est d'accord. Entre autres, quand on fait référence à la situation des fausses et des faux occasionnels, on a nous-mêmes négocié des concours réservés qui ont permis, dans le fond – c'est dans une perspective d'équité – à des occasionnels d'avoir accès à des emplois permanents. Mais, autrement, je pense qu'il faut conserver la règle du mérite qui est inscrite dans la Loi sur la fonction publique.

(10 h 20)

M. Marcoux: Vous avez abordé la question de la sous-traitance, des sociétés mixtes, des partenariats. Est-ce qu'il n'y a pas quand même une tendance, qui s'est inscrite dans tous les pays de l'OCDE, à savoir que, pour accroître davantage nos flexibilités, la souplesse, ce qui permet peut-être de s'ajuster davantage aux besoins des citoyens, on peut avoir, en ce qui a trait à la prestation des services, des modes différents de celui de réserver uniquement la prestation des services à l'appareil administratif? Bon. Ça ne veut pas dire évidemment qu'on doit délaisser le contrôle public et l'imputabilité gouvernementale. Je pense que c'est fondamental. Mais, dans des partenariats bien faits, est-ce qu'on ne peut pas à la fois avoir des objectifs d'efficacité et maintenir en même temps fondamentalement la responsabilité administrative et politique au niveau de l'État?

M. Caron (Robert): Je vous dirai que la tendance de confier en sous-traitance, la tendance à l'impartition, moi, je pense que c'est une vision à courte vue qui défavorise, je dirais, la fonction publique, qui a un impact négatif sur les services à la population. Si on avait une vision à long terme, on investirait, on réinvestirait sur l'aspect de la gestion des ressources humaines: je disais le perfectionnement des employés, le perfectionnement dans leur profession, ce pour quoi ils sont engagés dans les ministères et organismes. On mettrait l'accent aussi beaucoup plus sur la mobilité du personnel. Et je suis convaincu qu'à long terme – à long terme – on pourrait y voir des effets positifs, aussi à moyen terme. Ce serait plus payant pour tout le monde. Mais on aime mieux avoir une vision à courte vue. On fait des analyses coûts– bénéfices qui ne sont pas toujours probantes d'ailleurs. Et, selon moi, c'est l'éternel cercle vicieux. L'impression qui est donnée aux employés, c'est que les meilleurs emplois sont donnés à l'externe et, moi, je pense qu'il y a des coûts, on dirait, comme des coûts sociaux finalement, qui sont rattachés à ça.

M. Marcoux: M. le Président, une dernière question et, après ça, je vais laisser la parole à mes collègues. Vous avez abordé la question des unités autonomes de service. Vous semblez en faire un diagnostic qui n'est pas très positif, c'est ce que je comprends. Par ailleurs, des rapports des unités autonomes de service semblent nous indiquer qu'on a atteint une efficacité plus grande avec les unités autonomes de service qu'auparavant, pour toutes sortes de raisons. Est-ce qu'il n'y a pas lieu quand même... est-ce qu'on ne peut pas faire une analyse qui est un peu plus positive des résultats des unités autonomes de service que ce que vous semblez faire? Deuxièmement, quand vous mentionnez dans votre mémoire que le gouvernement a comme objectif de transformer de 70 % à 80 % de la fonction publique en unités autonomes de service, je dois vous dire que, ça aussi, ça m'étonne un peu ou, du moins, ce n'est pas nécessairement un objectif qui semble avoir été publicisé. Est-ce que ce sont des renseignements un peu confidentiels que vous avez obtenus ou privilégiés à cet égard-là?

M. Caron (Robert): Oui, bien, écoutez, sur la question des unités autonomes de service, si vous concluez qu'on en fait une analyse strictement négative, ce n'est pas le cas. C'est un diagnostic qui est nuancé. On le dit très clairement d'ailleurs, si on a à choisir entre la privatisation, l'impartition, la création de sociétés mixtes, nous préférons de loin les unités autonomes de service. Mais ce qu'on dit surtout... et je pense que ça a été une bonne chose aussi dans certains secteurs, je pense au Centre de perception fiscale, à la Régie des rentes, je ne pense pas que les services sont moins bons depuis qu'il y a une unité autonome. Je ne suis pas sûr qu'ils sont de beaucoup meilleurs, par exemple.

Une voix: Ils ne sont pas moins bons.

M. Caron (Robert): Bon. Ils ne sont pas moins bons, effectivement. Ça dépend, c'est le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein. Là où on nuance le propos, c'est qu'on dit: Ce n'est pas la panacée. Puis c'est le jugement qu'on porte d'ailleurs sur l'approche par résultats, on dit: L'approche par résultats, ce n'est pas ça qui va, comment je dirais? faire baisser le taux de chômage à 4 %; il va falloir qu'on regarde beaucoup d'autres aspects. Et puis on dit: Bien, il faut justement travailler sur ces aspects-là.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Pour continuer sur le domaine de l'impartition, vous soulignez, aux pages 17, 18, 19 et 20 de votre document, les éléments parce qu'ils touchent particulièrement l'aspect des technologies de l'information. Vous mentionnez, à la page 20, l'achat d'un système de gestion intégrée des ressources, communément appelé GIRES. Dans ce dossier de l'impartition, bon, vous nous dites que vous n'êtes pas en faveur de l'impartition – on a compris – mais vous travaillez à la mise sur pied, ou il y a des professionnels qui travaillent à la mise sur pied, entre autres, des éléments qui font en sorte qu'éventuellement on choisisse l'un ou l'autre des experts qui viennent soit fournir des progiciels ou encore de l'équipement lourd. Votre rôle là-dedans, il est comment?

Mme Roberge (Carole): D'abord, concernant le dossier des technologies de l'information, c'est un dossier qui nous touche beaucoup, je dirais, l'ensemble des professionnels au SPGQ. D'ailleurs, on a 3 000 membres, presque, qui sont des spécialistes en informatique. Lorsque M. le ministre parlait de motivation tout à l'heure, je pense que c'est un élément important à considérer. La sous-traitance dans la fonction publique et la sous-traitance de haut niveau dans la fonction publique, particulièrement dans le domaine des technologies de l'information où les dossiers majeurs, les dossiers de planification stratégique dans ces secteurs-là s'en vont en sous-traitance... Puis on parlait de comment motiver le personnel de la fonction publique par des primes, etc. Bien, le personnel est d'abord motivé, je dirais, par des beaux dossiers, puis des beaux dossiers pour les professionnels de la fonction publique, c'est des dossiers d'envergure, c'est des dossiers auxquels ils peuvent s'associer à de grandes réalisations. Et là, particulièrement dans le secteur des technologies de l'information, tout le secteur du développement, professionnel, pas professionnel, c'est très important de pouvoir faire du développement dans cette discipline, dans ce secteur d'activité, et tout ce secteur-là s'en va de plus en plus à la sous-traitance. En tout cas, concernant l'utilisation optimale des ressources, c'est vraiment un chemin, en tout cas, on pense, nous, à privilégier; plusieurs bonnes ressources sortent de la fonction publique actuellement.

M. Chagnon: Vous autres, vous êtes malheureux, puis les firmes privées qui font application, du moins qui soumissionnent, sont aussi malheureuses. On parle du cas de GIRES, M. le Président. Dans le cas de GIRES, une compagnie... un des deux soumissionnaires, SAP, poursuit le gouvernement du Québec – son dossier est ici – poursuit le gouvernement du Québec, selon eux en tout cas, pour avoir été floués. Évidemment, la mise en demeure va au Procureur général et à l'autre société qui a été choisie. Donc, les gens qui sont dans le processus, qui sont susceptibles d'être les heureux élus, les compagnies privées, ne sont pas plus heureux que vous parce qu'ils sont en situation de poursuite vis-à-vis le gouvernement dans le cas particulièrement de GIRES. Mais c'est vous qui définissez le choix de ces compagnies, c'est vous qui travaillez sur les bancs d'essai? Non?

M. Caron (Robert): Non, bien, si tout le monde est malheureux, on va peut-être régler le problème, là, en disant qu'il faudrait peut-être revenir à compter sur nos propres moyens. Il y a 3 500 analystes; c'est rendu le corps d'emploi le plus important au SPGQ. Il y a plein de compétences qui ne demandent qu'à travailler sur des projets de cette envergure-là. Le projet GIRES, vous savez qu'on le suit très, très bien, et puis on ne travaille pas de façon dogmatique d'ailleurs, parce que, tant qu'on a eu les assurances que le projet GIRES ne se traduirait pas par, je dirais, des emplois perdus dans les ministères et organismes, on s'est toujours montré disposé à travailler dans le cadre de ce projet-là. On demeure critique cependant parce qu'il y a des aspects qui nous questionnent. Mais on suit ce projet-là de très près.

M. Chagnon: Finalement, M. le Président, dans le cas de l'impartition, il faut croire que l'impartition particulièrement en matière de technologies de l'information, on n'a pas réussi à trouver le filon pour faire en sorte et que la fonction publique puisse être intéressée au dossier et que le secteur privé puisse l'être, parce que, là, ça a l'air d'être le fouillis monumental.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que c'est une question?

M. Chagnon: C'est une affirmation.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Une affirmation. Bon. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je n'ai pas beaucoup de temps, je vais être obligé de limiter mes questions.

Je vais revenir sur l'interrogation du député d'Abitibi-Ouest, qui était le concept des primes au rendement. Dans la réflexion sur les unités autonomes de service, on en arrive à concevoir que les unités autonomes de service peuvent avoir un intérêt financier lorsqu'elles atteignent leurs objectifs ou lorsqu'elles sont performantes. Et ce qui pourrait commencer à émerger, c'est qu'après, à l'intérieur de l'unité autonome de service, on puisse répartir ces quelques incitatifs à la performance soit sous forme de primes de rendement, soit sous formes diverses. Est-ce que vous avez une objection sur cette approche-là?

(10 h 30)

M. Caron (Robert): Bien, je l'ai dit tantôt, on a des réserves. Ça fait longtemps qu'on parle de primes au rendement dans le secteur privé, il y en a à certains égards aussi dans le secteur public. Moi, je l'ai dit tantôt, on a de sérieuses réserves. On est d'accord pour refaire le débat dans nos instances sur ces questions-là, on est toujours prêt à ça, on ne bâillonne pas nos instances ou nos membres qui veulent en parler, mais on a nos réserves. On ne peut pas, selon nous, transplanter la culture privée dans le système public. Nous, on pense que c'est très différent, le système public du système privé. Bien, c'est notre position jusqu'à maintenant, je vous dirai.

M. Gautrin: Je comprends...

M. Caron (Robert): Et, en plus, je vous ai dit tantôt que, sur la question des unités autonomes de services qu'on a voulu éviter aussi, c'est l'éclatement des conditions de travail. C'est que, bon, à un moment donné on crée des sociétés qui ont des conditions de travail très différentes de la fonction publique et des ministères, puis moi, je pense que ça n'a pas donné d'expériences heureuses en Grande-Bretagne et je ne pense pas que ça va en donner plus au Québec.

M. Gautrin: O.K. Par contre, qu'il y ait une forme d'intérêt, dans les crédits budgétaires, pour une unité autonome de services, qui soit lié à la performance, est-ce que vous y allez aussi avec une opposition à ce niveau-là? Vous voyez, il y a deux éléments dans ma première question. Il y avait le concept de redistribution de ces montants qui pourraient être accordés à l'unité autonome de services, aux membres, donc qui est une forme de prime au rendement... Vous semblez avoir une objection, vous disiez: Vous allez établir des différences de conditions de travail à l'intérieur des unités autonomes et le reste de la fonction publique. C'est ce que j'ai cru comprendre de votre réponse.

Mais le principe que les unités autonomes de services puissent avoir dans leurs crédits budgétaires un certain élément qui soit lié à l'atteinte des critères de performance ou, disons, à l'efficience, est-ce que vous avez une objection?

M. Caron (Robert): Mais pourquoi on ferait un traitement différent pour des unités autonomes de services par rapport à des ministères parce que, dans un secteur, on est plus axé sur l'opérationnel? Et puis là où il y a des professionnels – parce qu'on parle de professionnels – qui travaillent plus à la dispensation de services sur des aspects qui ne se mesurent pas, alors on leur dirait: Bien, écoutez, vous autres, on ne peut pas vous récompenser parce qu'on ne peut pas mesurer l'efficacité du travail que vous faites. Alors, on ne pense pas comme ça, là. Je ne sais pas, peut-être qu'on est...

M. Gautrin: Mais regardez, l'idée est de se dire: Pour stimuler, pour faire en sorte que les gens atteignent justement ces niveaux de performance, qu'il y ait un lien avec les crédits budgétaires. C'était l'idée qui a été reçue. Vous ne semblez pas la partager.

M. Caron (Robert): Bien, de notre perspective, à nous, c'est que, si on veut stimuler, il faut penser plus en termes collectif que penser en termes individuel. Ça, c'est plus la culture publique, c'est plus la culture, d'après moi...

M. Gautrin: Mais mon approche est collective. Mon approche était collective, puisque c'était l'ensemble d'une unité autonome de services, à ce moment-là.

M. Caron (Robert): Ça dépend comment on définit le collectif.

M. Gautrin: C'était une approche collective.

M. Caron (Robert): Oui, mais ça dépend comment on définit le collectif.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, c'est là-dessus que nous allons mettre un terme à cet échange. J'aimerais, au nom des membres de la commission, remercier les représentants du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, M. Caron, son président, et les personnes qui l'accompagnent. Merci pour votre contribution à nos travaux.

J'inviterais les représentants du Protecteur du citoyen, notamment Me Jacques Meunier, à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, si les collègues veulent bien reprendre leur siège, s'il vous plaît, nous allons enchaîner.

C'est dans le cadre toujours des travaux de la commission spéciale sur le nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental que nous avons le plaisir de recevoir les représentants du Protecteur du citoyen, notamment l'adjoint au Protecteur du citoyen, Me Jacques Meunier, que j'invite à bien vouloir nous présenter la position ou à faire des représentations au nom du Protecteur du citoyen, et à nous présenter également les personnes qui l'accompagnent, en se rappelant qu'on a, pour la présentation, un maximum de 20 minutes.


Bureau du Protecteur du citoyen

M. Meunier (Jacques): Merci, M. le Président. D'abord, je tiens, au nom de M. Jacoby, à vous prier de bien vouloir excuser son absence, ce matin. Ses ennuis de santé l'empêchent toujours d'exercer sa fonction habituelle. Alors, il vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Me Meunier, puis-je vous suggérer de mettre le micro devant vous, comme il s'agit de micros assez directionnels?

M. Meunier (Jacques): C'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.

M. Meunier (Jacques): Merci. J'ai ici, à ma droite, M. Guy Pagé, conseiller spécial chez le Protecteur du citoyen, et, à ma gauche, Me Patrick Robardet, directeur des affaires juridiques et de la recherche.

Dans son dernier rapport annuel adressé aux membres de l'Assemblée nationale le 16 novembre 1998, le Protecteur du citoyen posait notamment la question suivante: À quand une politique générale axée sur le service aux citoyens?

Par son objet, lui-même centré sur la qualité des services à la population, l'énoncé de politique sur la gestion gouvernementale, rendu public en juin par le ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique, constitue, certes, un pas majeur vers une réponse à cette importante question.

En ciblant l'amélioration des services aux citoyens, l'énoncé de politique que nous commentons aujourd'hui rejoint l'objet même des préoccupations du Protecteur du citoyen en tant que personne chargée par le Parlement d'exécuter une fonction de surveillance de la qualité des services fournis par les ministères et les organismes gouvernementaux. C'est donc principalement sous cet angle que le document a suscité notre intérêt et nos commentaires.

Cependant, avant d'aborder ces commentaires, je me dois de souligner brièvement l'inquiétude que nous avons ressentie à la lecture de la proposition de loi sur la gestion gouvernementale jointe à cet énoncé. En effet, si cette proposition devait être adoptée par le Parlement dans sa forme actuelle, elle aurait pour effet de porter un dur coup à l'indépendance du Protecteur du citoyen par rapport à l'Exécutif, indépendance qui, vous le savez tous, est hautement essentielle à la réalisation de son mandat.

Les garanties formelles de l'indépendance du Protecteur du citoyen par rapport à l'Exécutif, notamment représenté par le Conseil du trésor, sont, en effet, fondamentales à l'exercice de sa fonction. Toute subordination réelle ou même apparente du Protecteur du citoyen au pouvoir exécutif ou à l'un de ses organes minerait irrémédiablement sa crédibilité et contribuerait à en faire un inefficace contrôleur contrôlé.

Fort heureusement cependant, à la suite d'une intervention auprès du premier ministre, le Protecteur du citoyen a été récemment avisé que les personnes qui, comme lui, sont désignées par l'Assemblée nationale ne seraient pas assujetties à la majeure partie des dispositions de cette proposition de loi. Les échanges que nous avons eus depuis ce temps avec les conseillers du ministre témoignent de leur bonne compréhension de la situation et d'une ouverture prometteuse à des solutions cohérentes et respectueuses des principes à la base même du statut qui doit être reconnu au Protecteur du citoyen.

Nous avons donc bon espoir que le projet de loi que le ministre entend présenter prochainement, aux fins d'asseoir juridiquement la réforme qu'il propose, aura remédié aux problèmes soulevés par la proposition de loi que vous avez devant vous. Si tel n'était pas le cas, il va sans dire que le Protecteur du citoyen s'empresserait de réclamer de pouvoir en discuter en profondeur avec l'ensemble des parlementaires.

En terminant sur ce volet du mémoire qui vous a été remis, je m'en voudrais de ne pas souligner que les revendications de garanties d'indépendance formulées par le Protecteur du citoyen par rapport à l'Exécutif ne signifient absolument pas que le Protecteur du citoyen entend se refuser à toute imputabilité. Bien au contraire, l'indépendance qu'il revendique ne saurait exclure ni contredire les exigences de transparence de la gestion d'une institution publique telle que celle du Protecteur du citoyen.

Le Protecteur du citoyen acceptera toujours de discuter ouvertement avec les parlementaires de la vision qu'il a de son rôle, de ses orientations, de ses besoins et de ses réalisations. Il ne devrait cependant être tenu de présenter sa reddition de comptes qu'à l'autorité à qui logiquement et législativement il doit répondre de ses actes ou omissions, à savoir, une commission mandatée à cet effet par l'Assemblée nationale.

(10 h 40)

Revenant maintenant à des commentaires sur la réforme proposée, je me limiterai ce matin à trois courts sujets avant de passer la parole à mon collègue M. Guy Pagé qui vous parlera de responsabilisation et d'efficacité. Mon premier commentaire vise le champ d'application de la proposition de loi sur la gestion gouvernementale. Ayant pour mandat d'exécuter une fonction de surveillance de la qualité des services fournis aux citoyens par les ministères et organismes gouvernementaux, le Protecteur du citoyen croyait pouvoir se réjouir de l'imposition d'engagements publics sur la qualité des services à la population et de l'adoption de nouveaux instruments de transparence et d'imputabilité: plan stratégique avec indicateur de performance, plan de gestion des dépenses, rapport annuel de gestion, contrat de performance et d'imputabilité.

Là où ils s'appliqueront, ces engagements et ces instruments contribueront non seulement à mettre au premier plan la mission des ministères et organismes et la nécessité pour eux de fournir des services de qualité, mais le Protecteur du citoyen aura tout intérêt à y référer à l'appui de ses interventions.

Cependant, après avoir pris connaissance du champ d'application de la loi proposée, où le concept d'administration gouvernementale est beaucoup plus étroit que celui que l'on retrouve dans la Loi sur la justice administrative, le Protecteur du citoyen n'a d'autre choix que d'exprimer une certaine déception. En effet, la plupart des organismes gouvernementaux, au sujet desquels il reçoit chaque année de nombreuses plaintes en raison de leurs multiples services directs à la population, ne sont pas des organismes budgétaires assujettis de droits aux exigences de la proposition de loi. C'est le cas notamment de la CARRA, de la CSST, de la Commission des lésions professionnelles, de la Commission des normes du travail, du Curateur public, de l'Office des professions du Québec, de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, de la Régie des rentes du Québec, de la Société de l'assurance automobile du Québec, de la Société d'habitation du Québec et du Tribunal administratif du Québec.

Certes, l'article 2 prévoit-il que ces organismes pourraient devenir assujettis à la loi par désignation publique à cette fin par le ministre qui en est responsable, et ça pourrait vraisemblablement être le cas notamment de la CARRA et de la Régie des rentes qui sont toutes deux présentement des unités autonomes de services. Cependant, non seulement un tel mode d'assujettissement est-il regrettable, en ce qu'il permet difficilement aux lecteurs de la loi d'en connaître la portée réelle, mais il nous contraint à nous interroger sur la profondeur réelle de la volonté gouvernementale de réaliser les objectifs de cette réforme.

En effet, les organismes que je viens d'énumérer sont tous des organismes qui fournissent directement des services à la population dans des proportions nettement supérieures à celles de la majorité des ministères et autres organismes assujettis. Ils auraient donc tous intérêt à exécuter leurs mandats dans un cadre de gestion centré sur la qualité des services à la population. Ces organismes rendent des milliers de décisions chaque année dont plusieurs font quotidiennement l'objet de plaintes au Protecteur du citoyen. Ce dernier ne pourrait trouver qu'avantage à ce que ces organismes soient assujettis aux exigences de la proposition de loi.

Mon deuxième commentaire vise l'orientation pour communication préconisée par l'énoncé de politique. La nouvelle relation État-citoyens proposée comprend une mutation au plan de la communication. Le projet de réforme veut ainsi rapprocher l'État et le citoyen par une nouvelle relation fondée notamment sur la communication moderne.

Cette orientation interpelle de manière particulière le Protecteur du citoyen. L'inforoute gouvernementale, déjà annoncée comme moyen privilégié de la communication gouvernementale, l'amène à s'interroger sur la capacité réelle des citoyens de transiger selon ces nouveaux modes. Il serait dangereux que le projet repose sur une sous-estimation des difficultés rencontrées par beaucoup de gens à fonctionner selon les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il serait non moins problématique de surestimer la capacité effective de la grande majorité de manipuler de manière utile ces technologies; on risquerait de provoquer inutilement un déficit démocratique ou des pertes de citoyenneté.

On se rappellera qu'il y a à peine quelques semaines les médias rapportaient qu'une équipe de chercheurs du ministère de l'Éducation en était arrivée à la conclusion qu'un adulte sur cinq est analphabète au Québec. On se rappellera également les difficultés notoires entraînées par le recours aux boîtes vocales amplement dénoncées par le Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen insiste donc pour que, dans l'implantation d'un lien inforoutier avec les citoyens, le gouvernement mette au premier plan de ses préoccupations la volonté de leur donner un véritable accès aux services publics dans le respect de leurs caractéristiques particulières et de leurs points de vulnérabilité.

Mon dernier bref commentaire vise un problème dont nous n'avons pas traité dans notre mémoire mais qu'il nous apparaît essentiel de souligner à l'attention de la commission. Bien que l'énoncé de politique insiste sur le rôle crucial des parlementaires dans le bon fonctionnement du nouveau cadre de gestion, cet énoncé ne met de l'avant aucune proposition précise visant à leur accorder le support, les outils et les organes nécessaires à un exercice efficace de ce rôle. Ce n'était peut-être pas son rôle mais c'est certainement un problème majeur.

Selon nous, la transparence accrue de la gestion gouvernementale ne servira les parlementaires à cette fin que dans la mesure où ils pourront se donner les moyens de l'utiliser pleinement et efficacement. Loin de nous toute idée de sous-estimer la compétence des commissions parlementaires et de leurs membres mais, devant l'énormité et la complexité de la mission gouvernementale, il faudrait que les commissions soient équipées d'analystes chevronnés et de conseillers à plein temps, qu'elles puissent recourir à des experts, qu'elles soient plus nombreuses et qu'elles siègent plus souvent. Sinon, la transparence nouvelle ne servira que le Conseil du trésor et l'Assemblée nationale sera privée d'un exceptionnel moyen de mieux exercer son rôle à l'égard de l'Exécutif.

En vous remerciant de votre attention, je passe maintenant la parole à mon collègue M. Guy Pagé.

M. Pagé (Guy): Merci. Puisque la mission ou le but même d'une commission parlementaire est de favoriser la réflexion sur les grandes questions qui nous sont proposées, je soumettrai humblement aux députés, Mmes et MM. les députés, une réflexion que nous avons menée, au bureau du Protecteur du citoyen, sur les questions de principes très fondamentaux qui sont à la base, qui sont l'ossature même de l'énoncé de politique. Évidemment, je commencerai par souligner la valeur de l'analyse qui est faite dans l'énoncé au niveau de ses principes. L'énoncé s'appuie sérieusement sur la nécessité d'offrir aux citoyens des services de qualité. Le Protecteur du citoyen, évidemment, donne son appui total à cette approche.

Puisque l'efficacité sera au coeur de mon propos, j'aimerais qu'on s'entende sur une définition commune. On a souvent tendance à associer les notions d'efficacité à des notions d'efficience, et on s'aperçoit tout à coup que les termes sont plus ou moins confus. J'entendrai donc ici ce concept d'efficacité dans le sens de l'atteinte de la mission. Tous les ministères et les organismes ont une loi constituante dans laquelle on définit leur mission, tous les programmes poursuivent des objectifs. A-t-on ou non rejoint ces objectifs? Les citoyens ont-ils ou non reçu les services que le législateur avait l'intention de mettre à leur disposition? Voici la question touchée dans ce concept d'efficacité.

Ainsi, on parlait d'analphabétisme. Si un programme s'attaque à cette question, la question est simplement de se demander: Y a-t-il ou non eu diminution du taux d'alphabétisation, d'analphabétisme? C'est très important qu'on prenne ce concept-là, parce qu'il est fondamental.

Beaucoup de documents, dans les dernières années, ont parlé de la nécessité d'implanter l'imputabilité. Que ce soit à travers le document qui portait sur les finances publiques du Québec, en 1993, où on parlait de vivre selon nos moyens, que ce soit dans plusieurs rapports annuels du Vérificateur général, on a retrouvé ce concept très souvent. Même dans l'énoncé politique qu'on regarde aujourd'hui, l'imputabilité est érigée un peu en clé de voûte d'une gestion par résultat. Puisqu'on amène un concept comme celui de clé de voûte, bien sûr que la clé de voûte, ça tient en bloc un édifice, c'est son ossature, c'est la solidité de sa structure, c'est donc très important. Posons-nous la question sur les deux parties de cette assertion: l'imputabilité et la gestion par résultat.

L'imputabilité, d'une part. Qu'est-ce qu'on voit dans l'imputabilité? L'imputabilité, c'est un mécanisme de reddition de comptes par lequel les agents de services publics sont – d'accord ou non – amenés à répondre de leurs gestes, de leurs lacunes comme de leurs réussites. À la base, on doit immédiatement percevoir que l'imputabilité est une opération qui sera beaucoup plus attrayante pour celui qui la commande que pour celui qui doit la subir; ça semble assez fondamental. Évidemment, l'imputabilité – loin de moi l'intention de décrier ce concept – on doit la mettre de l'avant. Mais on doit comprendre que l'imputabilité, à notre avis, n'est pas un objectif en soi mais plutôt un des moyens d'atteindre le véritable objectif, la véritable clé de voûte qui serait la responsabilisation.

Est-ce qu'on recherche vraiment l'imputabilité pour une gestion axée ou par les résultats, ou si vraiment on recherche la responsabilisation? Une responsabilisation, c'est-à-dire une nouvelle attitude des agents de service public qui, comme disent les Anglais, «they care about "citoyens"». Cette expression anglaise est très significative ici: Ils prennent à coeur, ils ont le sentiment que ce qu'ils font est important et que le citoyen a besoin de leurs services. Alors, si l'imputabilité n'est pas tellement la clé de voûte et que c'est plutôt la responsabilisation qui serait la véritable clé de voûte, de la même façon la gestion axée sur les résultats ou la gestion par les résultats ne serait pas le véritable objectif. Le véritable objectif serait plutôt celui d'une efficacité des services publics.

(10 h 50)

Alors, plutôt que de parler d'une imputabilité qui serait la clé de voûte d'une gestion sur les résultats, je soumets qu'on pourrait plutôt parler d'une responsabilisation qui serait la clé de voûte de l'efficacité. Et là, la responsabilisation, ça nous permet d'élargir, ça nous permet d'englober. Au-delà de l'imputabilité, la responsabilisation va amener des questions de compétence. De plus en plus, la gestion de la chose publique est compliquée, pour ne pas dire complexe. Il est impossible de demander à un fonctionnaire, ou à un professionnel, ou à un administrateur, d'être imputable s'il ne dispose pas lui-même de tous les contrôles, de tous les outils pour faire ce qu'on lui demande, et par outils j'entends d'abord la formation. Il faut reconnaître que les budgets de formation depuis quelques années, étant donné la difficulté des finances publiques, ont eu tendance à se retrouver à leur plus bas niveau.

Mais puisque la complexité de l'appareil public va en grandissant sans cesse, il faut nécessairement qu'on pense à cette question-là. Il faut aussi que, au-delà de la compétence, les gens aient non pas une compétence seulement sur le fond des questions mais une compétence sur la complexité des organisations publiques. Alors, tant l'organisation que le fond nécessitent des efforts au niveau de la formation. Il faut aussi que les gestionnaires aient l'assurance d'avoir les ressources appropriées aux programmes qu'on leur demande de mettre en oeuvre, sinon on aura inévitablement une attraction, une tendance très forte vers une diminution de la prestation de services. C'est certain que les fonctionnaires, les professionnels et les administrateurs vont avoir tendance à diminuer la hauteur de la barre dans leur niveau de prestation lorsque viendra le temps de négocier les contrats de performance et d'imputabilité.

Si l'objectif était simplement l'imputabilité en fonction d'une gestion sur les résultats, alors ça signifie qu'il suffirait de mesurer ceci ou cela à travers des moyens puisqu'on dit dans l'énoncé de politique... Donnons à la fonction publique les moyens, donnons-lui les moyens. Et qu'entend-on par moyens? On entend des mesures de contrôle et des indicateurs. Il faut que ça dépasse cette notion de mesures de contrôle et d'indicateurs, il faut qu'on se rende un cran plus loin. Donner les moyens, ça signifie permettre de hausser la barre.

Et le Protecteur du citoyen a été trop souvent témoin de situations où on était parfaitement au courant de tous les niveaux ou les degrés de prestation de services qui n'étaient insuffisants, et ce n'est pour ça que les services sont rendus. Il suffit de prendre le phénomène éminemment connu des urgences dans les hôpitaux. Tout le monde sait très bien au ministère combien de personnes reçoivent et ne reçoivent pas ces services, combien sont en attente dans les corridors depuis plus de 48 heures. Et même si on sait tout ça et même si on a mesuré tout ça, c'est encore la même situation et on voit toujours les mêmes difficultés. Ce n'est pas parce qu'on mesure et qu'on définit un indicateur qu'il y a là une garantie automatique de prestation de services. C'est une fausse adéquation.

Alors, je terminerai donc en disant que la responsabilisation doit être la véritable clé de voûte d'une prestation efficace de services et que la responsabilisation va trouver toute sa valeur et toute sa force dans la mobilisation des personnes qui sont affectées à ces services publics. La mobilisation, à mon avis, se retrouve un peu comme l'énergie sous-jacente, comme la sève de l'arbre des services publics. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bien. Alors, j'aimerais remercier les représentants du Protecteur du citoyen pour leur présentation. Nous passons à la période d'échanges. Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Il y a deux choses qui me frappent dans ce que vous avez dit, là, surtout dans les derniers commentaires, mais ça reprend un peu la pensée de ce que l'adjoint au Protecteur a dit. Vous parlez du risque de diminuer la prestation des services dans une détermination d'indicateurs peut-être insuffisants, donc vous parlez de hausser la barre. Mais c'est assez difficile de parler de garantie de prestation efficace, étant donné que ce sont des hommes et des femmes qui rendent le service.

La question que je vous pose, c'est... Cette réforme-là, elle vise justement à responsabiliser les gens. Elle n'en est pas au détail du comment ça se fera parce qu'il y a toute une organisation, il y a une réflexion qui va se mettre en place et qui doit se mettre en place. Si on se fie à l'expérience de quelques unités autonomes de services, elle s'est mise en place progressivement, en tout cas, dans les différentes unités autonomes dont on a eu l'occasion de voir les performances à la commission de l'administration publique.

La question que je pose – qui dit responsabilisation ou responsabilité dit aussi imputabilité – c'est: Est-ce que le Protecteur du citoyen pourrait partager avec nous des réflexions quant à la façon dont nous pouvons mesurer la qualité des services au citoyen, qui nous permettrait de développer – vous avez peut-être des idées là-dessus – es moyens de rendre les employés de l'État, qui rendent ces services-là, imputables de manière concrète de leurs gestes? Parce que, si on se fie à l'expérience actuelle, on peut peut-être dire qu'il y a un problème au niveau de la responsabilité, mais il y a un gros problème, à mon avis et à mon expérience, quant à l'imputabilité.

Le Protecteur du citoyen s'investit d'une mission qu'il rend avec les moyens qu'il a à sa disposition, mais il a peut-être des réflexions constructives à partager avec nous là-dessus, en dehors de dire que ça prend plus d'argent puis plus de moyens, ce que je trouve un peu court comme recommandation.

M. Pagé (Guy): Oui. J'ai bien commencé mes propos par la question de l'efficacité, en disant qu'il s'agissait ici beaucoup plus d'une réflexion qu'on tenait à apporter plutôt qu'une pure critique. Alors, je ne voudrais pas que mes propos soient perçus comme un rejet pur et simple de cet énoncé de politique qui est très intéressant...

Mme Dionne-Marsolais: Non, non.

M. Pagé (Guy): ...qui est un pas dans la bonne direction. J'ai estimé important d'amener cette question d'efficacité pour qu'on ait à coeur de dépasser la pure notion d'imputabilité.

Premièrement, on a déjà fait la preuve que c'était plus ou moins facile, on a essayé depuis de nombreuses années, il y a eu beaucoup de rapports qui ont été sortis. M. Arpin a été interviewé récemment dans les journaux, il en parlait. On a eu le rapport Boudreau, on a eu plusieurs rapports depuis les 30 dernières années qui se sont succédé puis on a toujours les mêmes questions sur l'imputabilité.

Ce que je trouve important de retenir, c'est que l'imputabilité, c'est à la base un phénomène ou une opération qui est relativement coercitive. Si vous êtes vous-même un prestateur de services publics et que vous voyez à la tête de la société québécoise les décideurs parler d'imputabilité, c'est certain que vous allez vous sentir attaqués et vous allez avoir tendance à fermer la porte. C'est dans cet esprit-là que je soumets l'importance, non pas de s'appuyer dans l'énoncé de politique sur le principe de l'imputabilité mais plutôt sur le principe de la responsabilisation, en ce que la responsabilisation est un phénomène beaucoup plus mobilisateur. Être responsable, c'est beaucoup plus mobilisateur, c'est beaucoup plus engageant qu'être imputable parce que, quand je serai imputable, immédiatement je vais me sentir accusé, poursuivi. C'est un concept qui, à la base, est un concept relativement négatif.

Mme Dionne-Marsolais: Moi, je vous dirais là-dessus que c'est la même chose quand on fait de la vitesse sur une autoroute. On est imputable de garder notre vitesse à 100 km/h. Si on en fait plus, on a un billet. Mais on est responsable quand même d'aller à la vitesse qu'on veut, en assumant les suites. Et je me demande comment on peut développer la responsabilisation sans parler d'imputabilité. Pour moi, ces deux concepts-là sont étroitement liés.

M. Pagé (Guy): Ils sont liés.

(11 heures)

Mme Dionne-Marsolais: Et je crois qu'on ne peut pas sérieusement, mais absolument pas, faire une réforme sans mettre les deux l'un à côté de l'autre, et en discuter, et convenir des règles dans les deux cas. L'imputabilité, ça ne veut pas nécessairement dire seulement des sanctions punitives. Ça va dans les deux sens. Être imputable, c'est la façon dont on mesure la capacité d'être responsable. Alors, moi, je suis préoccupée par ces propos-là. Puis, si vous avez d'autres réactions, vous en ferez.

Ma deuxième question, c'est que vous avez dit tout à l'heure, quelqu'un, que les parlementaires n'avaient pas d'outils suffisants pour... pas juger, parce qu'on ne juge pas, mais pour évaluer la responsabilité ou la qualité ou le travail, finalement, fait par l'administration publique. Nous avons une commission de l'administration publique, peut-être qu'il serait intéressant, de votre part et de ceux qui vont suivre aussi après, de nous indiquer certains éléments sur lesquels il faudrait se pencher au moment de la reddition des comptes par les administrateurs publics. Cette commission-ci, elle vise les dirigeants de l'administration publique qui viennent rendre des comptes de leur administration. C'est une forme d'imputabilité, ça, à mon avis, très importante parce qu'elle est publique aussi. Il ne faut quand même pas...

Moi, je voudrais qu'on soit bien conscient. Il y a quelqu'un avant vous qui a dit: La fonction publique, ce n'est pas une entreprise. C'est vrai que ce n'est pas une entreprise. C'est une mission. C'est une mission qui est rendue par des hommes et des femmes qui sont employés d'un gouvernement, lequel est financé par des contribuables, lesquels sont représentés par des élus. Et c'est nous, ça, les parlementaires. Certains sont appelés à des fonctions ministérielles, ils peuvent et doivent assumer un leadership d'une vision que leur parti a mise au point et pour laquelle ils ont été élus. Mais, à la base de ça, le moment où on peut, comme parlementaires, participer à la compréhension et à l'amélioration de l'administration publique, c'est par le biais des commissions parlementaires, où on rend des comptes, que ce soit au niveau des engagements financiers, que ce soit au niveau de la commission comme telle de l'administration publique et de certaines commissions particulières.

Alors, quel serait, à votre avis... Vous avez dit que ça nous prendrait des analystes chevronnés. Je pense qu'il y a, au niveau de la commission de l'administration publique, possibilité d'avoir accès à des services d'analystes. Et on nous fait des études et des analyses assez intéressantes, très complètes. Dans certains cas même, on va utiliser l'ENAP et d'autres spécialistes. Je trouve que c'est un gros jugement, ça. Peut-être qu'il serait plus intéressant de nous identifier des mesures, comme Protecteur du citoyen, sur lesquelles on devrait se pencher plus attentivement.

M. Meunier (Jacques): Je commenterai... Quand vous dites que c'est un gros jugement, je vais vous dire d'où il vient, le jugement en question. Depuis des années, en vertu de la Loi sur les règlements, l'Assemblée nationale a un pouvoir de contrôle de la législation déléguée. Si on regarde les données statistiques, on va voir, on va constater tout de suite que l'Assemblée s'est rarement prévalue de ce pouvoir. Si on pense à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, il est vrai que la commission de l'administration siège et a entendu périodiquement des dirigeants ou des sous-ministres, le cas échéant.

Qu'une commission, aussi compétente soit-elle, agisse ainsi, cette commission-là, ce n'est pas tout ce qu'elle fait dans la vie. Cette commission-là, ses membres sont pris comme députés, comme parlementaires, ils siègent à l'Assemblée nationale. La commission ne peut pas siéger six jours par semaine pour entendre et examiner tous les rapports des ministères et des organismes du gouvernement. Bon.

Alors, la raison pour laquelle j'insiste sur le sujet, c'est que, même, en fait, l'énoncé de politique emploie le terme: «Il faut d'ailleurs souligner que les parlementaires auxquels les gestionnaires rendront compte directement auront un rôle crucial à jouer dans le bon fonctionnement du nouveau cadre de gestion.» Bien, pour jouer un rôle crucial, il faut être équipé et il faut pouvoir siéger souvent. Et je ne pense pas qu'une seule commission, avec toutes les contraintes qu'elle peut avoir au cours d'une année, peut exactement jouer ce rôle crucial qui lui est confié par l'article 4 de la Loi sur l'Assemblée nationale. C'est-à-dire que c'est un des deux grands rôles de l'Assemblée nationale de surveiller ainsi les ministères et organismes de l'Exécutif.

Mme Dionne-Marsolais: Mais les parlementaires ont aussi accès aux compétences, au sens générique du terme, du Vérificateur général, aux compétences du Protecteur du citoyen et aussi dans le cas de certains ministères qui ont des bureaux des plaintes où est-ce qu'effectivement on peut questionner. J'ai plutôt l'impression que c'est peut-être la... Et je ne vois pas en quoi ce cadre de gestion là va affecter le rôle des parlementaires.

Ce qui est à bâtir, c'est la capacité des parlementaires à cibler les éléments cruciaux, à questionner et à comprendre aussi les réponses. Parce qu'il y a un langage. Dans une administration, qu'elle soit privée ou publique, il y a un langage propre à l'administration. C'est là que des organismes comme le Protecteur, comme le Vérificateur général peuvent apporter un décodage pour permettre aux parlementaires de bien saisir la profondeur des données ou des constatations qui leur sont faites et, donc, de composer avec les réponses qui sont apportées par l'administration publique et de vraiment questionner les administrateurs publics quant à ce qu'ils font et quant...

Mais, ceci dit, on n'a pas, je crois, comme parlementaires, à faire un contrôle de tout et de chacun tout le temps, de chaque administration publique. L'élément déclencheur de la mesure de la qualité du service... Parce que c'est ça qui est en cause. Cette réforme-là, elle ne vise qu'à donner plus de services aux citoyens avec une plus grande qualité de services pour un meilleur coût. On dit: On investit tant dans les services aux citoyens, est-ce que ce service-là est le meilleur que le citoyen est en droit de s'attendre – parce qu'il paie les plus hauts impôts, donc il faudrait qu'il ait le meilleur service, quant à moi, là, en Amérique – et est-ce que ce service-là rendu l'a satisfait et est bien rendu au meilleur coût? C'est deux volets importants. Puis c'est ça, le rôle des employés de l'État et surtout des dirigeants, des gestionnaires, s'assurer de cet équilibre-là.

La question que je pose, c'est... Ce qu'on souhaiterait avoir, nous, ce sont des moyens de mesurer la satisfaction du service de la part des usagers. Vous avez donné l'exemple de la santé, tout à l'heure. La seule différence entre il y a cinq ans et aujourd'hui ou, disons, il y a 10 ans et aujourd'hui, c'est qu'on ne les avait pas, ces unités de mesure là. C'était bien difficile de savoir si effectivement il y avait un bon service ou pas. Mais je peux vous dire, moi, il y a 10 ans, quand j'ai amené ma mère à l'hôpital, elle a passé trois jours dans le corridor à l'urgence, puis aujourd'hui... il y a une semaine, elle est entrée encore à l'urgence, elle a passé 24 heures. Donc, il y a eu une amélioration. Bon. C'était le même problème, peut-être le même problème, mais à un moment différent.

Donc, il y a aussi ce processus d'apprentissage et de développement de certains outils, les outils que nous avons aujourd'hui et que nous aurons dans le cadre de l'implantation d'un système d'information de gestion. Parce qu'il faut le dire aussi, il y a 10 ans, on aurait dû investir dans des systèmes d'information de gestion adéquats. Ça n'a pas été fait. Aujourd'hui, on le fait. Et ces systèmes d'information de gestion vont nous permettre aussi d'avoir un certain nombre d'informations. Et le rôle des groupes comme le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général, c'est de nous expliquer, de nous faire comprendre la puissance de ces outils-là aussi pour nous permettre de questionner correctement l'administration publique. Alors, là-dessus, j'aurais aimé, moi, que le Protecteur du citoyen nous donne plus d'éléments, concrètement.

M. Meunier (Jacques): Là-dessus, ça serait quand même assez simple de mettre de l'avant certains éléments, étant donné justement ce que propose la proposition de loi sur la gestion gouvernementale, avec des engagements pris par des ministères, des organismes par rapport au niveau de qualité de leurs services, des plans stratégiques qui réfèrent à leur mission, vraiment ce qu'ils veulent faire, et tout, et tout. Mais j'ai bien souligné une chose, c'est que la majeure partie des organismes justement qui dispensent des services à la population ne sont pas assujettis à cette norme-là. J'en ai fait une énumération et, au fond, j'ai énuméré la plupart des organismes qui sont nos gros clients pas parce que ce sont des organismes qui fonctionnent nécessairement mal, mais parce que ce sont des organismes qui dispensent beaucoup de services à la population et, donc, avec une plus grosse clientèle et possibilité de plus d'insatisfaction.

(11 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.

M. Léonard: Merci, M. le Président. Je veux vous remercier d'être venus nous présenter un mémoire. Je pense qu'il est fouillé puis qu'il soulève des questions importantes. Je voudrais juste régler une chose, en partant. J'ai bien noté que vous n'êtes pas imputables au Conseil du trésor. Vous n'avez pas à relever du Conseil du trésor, je suis parfaitement d'accord, vous relevez de l'Assemblée nationale. La question que je pose, c'est: Est-ce que vous êtes d'accord pour vous appliquer ce mode de gestion à vous pour répondre à l'Assemblée nationale ou à la commission idoine? En d'autres termes, des indicateurs de résultat, est-ce que vous pouvez en déterminer? Puis est-ce que vous êtes d'accord pour adopter le système en général pour vous?

M. Meunier (Jacques): Dans l'ensemble, je peux dire immédiatement oui parce qu'on est tout à fait d'accord avec les principes de gestion qui sont mis de l'avant là-dedans. C'est certainement des éléments extrêmement positifs. C'est des éléments qui sont, comme je les ai qualifiés tantôt, des pas en avant. D'en rendre compte à l'Assemblée nationale, c'est là le point tournant, quant à nous.

M. Léonard: D'accord. L'autre point, c'est: vous dites qu'au fond vous plaidez contre la formule d'«opting in» qu'il y a dans la loi. Vous dites que les organismes, même extrabudgétaires, devraient aussi adopter tel mode de gestion. Puis vous allez même plus loin, vous dites: Les réseaux, éducation, santé et les administrations municipales...

M. Meunier (Jacques): C'est justement parce qu'on croit au système.

M. Léonard: Oui, je le sais, mais, en même temps, moi, je me rappelle un peu que qui trop embrasse mal étreint.

M. Meunier (Jacques): Manque le train.

M. Léonard: Est-ce que, en termes de démarche concrète, on peut aussi se donner quelques étapes? C'est un peu ça que j'avais en tête en vous posant la question.

M. Meunier (Jacques): Mais disons que je n'insiste pas sur...

M. Léonard: Mais je suis d'accord avec vous d'emblée, que beaucoup de ces organismes extrabudgétaires touchent le public et les services à la population. Si on pense à la Société de l'assurance automobile du Québec, par exemple...

M. Meunier (Jacques): La CSST, la CARRA.

M. Léonard: ...il y a 4 000 000 de clients, environ. Bon. Alors, vous, vous iriez même vers ces organismes en partant.

M. Meunier (Jacques): Bien sûr. De la même façon qu'on estime que ça pourrait être bon dans notre propre gestion, on estime que ces organismes-là devraient faire la même chose. Ici, je veux juste apporter une précision, parce que ça m'amène à faire une correction. Dans le mémoire, à la page 17, on parle des réseaux de santé puis de l'éducation représentant 62 % du budget de l'État. Ce n'est pas 62 % du budget de l'État, vous l'aurez sans doute compris, mais plutôt des frais de fonctionnement de l'État, ce qui représente une autre proportion.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous passons aux questions de l'opposition, avec le porte-parole de l'opposition officielle et député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Merci, M. Meunier, de votre présentation ainsi que celle de vos collègues. Un premier commentaire. Vous avez commencé votre exposé en vous inquiétant de l'indépendance du Protecteur du citoyen par rapport à une première proposition du projet de loi. Je comprends que cet aspect-là est déjà réglé. Donc, je peux vous dire que c'est certainement également...

Une voix: Est-ce que la même chose prévaut pour le Vérificateur général?

M. Marcoux: Est-ce que la même chose prévaut pour le Vérificateur général? Je pense qu'on aura l'occasion tantôt d'en reparler. Et vous pouvez être assurés que c'est certainement un principe que nous appuyons et que nous allons promouvoir.

J'ai une question qui touche, dans le fond, un commentaire qui a été fait et qui rejoint un peu les questions de la députée de Rosemont. Vous avez mentionné que la négociation de contrats de performance tendrait à diminuer la barre, que les gestionnaires auraient intérêt à réduire, dans le fond, les objectifs, que ce soit, j'imagine, sur le plan financier, sur le plan des services à la clientèle, donc à avoir des indicateurs de performance qui seraient peut-être moins exigeants ou moins demandants.

Moi, je dois vous dire que ça me surprend un peu, cette affirmation-là parce qu'il me semble que tout gestionnaire, autant ceux de la fonction publique que ceux qui sont dans le secteur privé, aspire à donner de meilleurs services, à avoir une meilleure performance, d'autant plus que ça va être public, qu'on aura un plan, il y aurait un plan annuel de gestion, une reddition de comptes devant les parlementaires. Donc, ça me surprend un peu, cette affirmation-là. Et j'aimerais peut-être entendre vos commentaires. Et pourquoi vous avez cette prétention? Est-ce que vous avez des exemples qui vous donneraient lieu de penser que ça va arriver?

M. Pagé (Guy): Je ne voudrais par élaborer de façon outrancière sur ce point-là, je prendrai simplement un élément factuel. Si on pouvait – je ne pense pas que cette donnée-là soit disponible – avoir une quantité précise du nombre d'évaluations de programme public menées, une évaluation de programme au sens strict, là, comme on l'entend théoriquement parlant, c'est-à-dire qu'on évalue le niveau de prestation de services avant l'avènement d'un programme et après et qu'on en établit la différence, alors, si on était capable de quantifier le nombre d'évaluations de programme qui sont faites actuellement dans l'administration publique, je pense qu'on aurait une donnée relativement basse. Parce que tous les ministères et les organismes ont toute liberté de mener les évaluations de programme qu'ils veulent.

Il s'en fait très peu actuellement dans l'administration publique. Et je pense que, de ça, on peut comprendre que, de la même façon qu'on dit que les gens auront tendance à baisser la barre, bien, de la même façon, les gens, face à l'évaluation de programme, auront aussi tendance à en mener de moins en moins s'ils ne sont pas convaincus que l'évaluation donnera les résultats escomptés. Toutes ces choses sont reliées. On va mener des opérations d'évaluation de programme où on va avoir un large consentement à des questions, à des opérations d'imputabilité à partir du moment où on se sentira soi-même à l'aise dans ces concepts-là. Je pense que ça va de soi. C'est ça, l'idée qui est amenée. Personne ne va avoir l'audace de se tirer dans le pied – si vous me passez l'expression – parce qu'on ne sera pas sûr de pouvoir fonctionner correctement dans un cadre donné.

Alors, c'est pour ça que j'amène beaucoup plus la discussion sur des questions de responsabilisation, avec toute la noblesse du terme. La responsabilisation, ça englobe la noblesse de fonctionnement de l'appareil public dans toute sa tendance à donner de meilleurs services aux citoyens. Et, là-dessus, j'en suis. Mais, de la même façon qu'on veut donner de bons services et que tout le monde est tout à fait d'accord avec la vertu, je pense qu'il faut être réaliste aussi et penser que les gens auront tendance à baisser la barre pour être sûrs de rencontrer leurs objectifs.

M. Marcoux: Remarquez que je respecte ce que vous mentionnez, et c'est peut-être possible. Par ailleurs, s'il y a une reddition de comptes annuelle, des comparaisons qui sont faites avec les années antérieures, des comparaisons qui peuvent être établies également avec d'autres types d'organismes, est-ce que ce n'est pas de mesure à encourager les gestionnaires et à les inciter à augmenter, à accroître leurs indicateurs, leurs objectifs?

M. Pagé (Guy): Tout à fait. Vous avez raison. Il ne s'agit pas – et je réponds aussi à la députée sur sa question de tout à l'heure – d'éliminer l'imputabilité. Il ne s'agit pas de dire que l'imputabilité, c'est bon à rien, qu'on ne peut pas fonctionner avec ça. Parce qu'il s'agit de fonds publics, il doit y avoir une reddition de comptes. Il s'agit d'être le plus réaliste possible et d'encadrer cette reddition de comptes là dans un cadre qui va permettre aux gens d'y vivre relativement confortablement. Et je pense que l'histoire des dernières années a suffisamment démontré que c'était plus facile à dire qu'à faire, l'implantation et la mise en oeuvre de l'imputabilité.

M. Marcoux: J'aurais peut-être une question qui est un peu en dehors de la présentation de votre mémoire. De ce que vous pouvez évaluer, d'après le rôle que vous avez à jouer au cours des dernières années, y aurait-il eu, de façon générale, soit le maintien, soit une amélioration ou soit une détoriation de façon générale des services aux citoyens? Est-ce que, de la perspective où vous êtes, dans le rôle que vous accomplissez, vous pouvez porter un jugement aussi général que celui-là?

(11 h 20)

M. Meunier (Jacques) Vous le qualifiez de jugement général, et je vais insister sur le terme «général». C'est beaucoup plus une impression globale, mais on ne peut pas dire autrement qu'il y a quand même une amélioration de la qualité des services rendus individuellement par des fonctionnaires. C'est sûr qu'avec les contraintes budgétaires qui sont survenues le sentiment parfois de restriction a peut-être été perçu de façon plus aiguë. Mais, quant au travail quotidien des fonctionnaires en ce qui concerne la qualité de leurs services, je ne pourrais certainement pas tirer une conclusion négative. Mais, plutôt, je pense que d'ailleurs, au cours des dernières années, le souci d'améliorer la qualité des services, certaines mesures qui ont été adoptées – comme par exemple, au cours des dernières années, je pense notamment à la Loi sur la justice administrative dont les premiers articles portent justement sur l'exercice de la fonction administrative – ce sont toutes des choses qui contribuent à améliorer la qualité des services que les citoyens reçoivent.

M. Marcoux: Vous avez abordé la question des services aux citoyens, de la qualité des services, et je pense que c'est extrêmement important. D'ailleurs, l'énoncé de politique, je pense que l'objectif fondamental, c'est d'offrir de meilleurs services à de meilleurs coûts. Est-ce qu'il est quand même possible d'évaluer la qualité des services? Est-ce que, pour vous autres, il y a des façons de le faire, des méthodes pour pouvoir sonder les citoyens sur la qualité des services qu'ils reçoivent?

Il est bien sûr que c'est différent, dans le secteur public, du secteur privé, où, par exemple, il y a de la concurrence, parce que, dans ce cas-là, le citoyen fait son propre choix, le consommateur fait son propre choix. Donc, dans le secteur public, où c'est une situation qui, par définition, est monopolistique, le citoyen n'a pas d'autre choix que de continuer à faire affaire avec l'appareil gouvernemental. Mais il y a quand même, je pense, des façons de pouvoir évaluer la satisfaction des citoyens, la qualité du service. Est-ce que vous avez examiné ces aspects-là dans le cadre de votre réflexion?

M. Pagé (Guy): À cette question: Est-ce qu'on l'a examiné proprement sur les moyens? non. Mais je pense que je peux certainement avancer qu'il est tout à fait possible de rejoindre des objectifs d'évaluation relativement précis. Évidemment, lorsqu'on parle de services publics, on tombe souvent dans des programmes, l'expression populaire dit relativement «soft», on n'est pas toujours dans des questions de quantification.

Par exemple, si on développe un indicateur de qualité axé sur les délais, puisque les questions des délais et des prestations de services sont au coeur des motifs de lésion qu'on reçoit au Protecteur du citoyen, si on parle du délai, le délai étant normalement long... Bon. Par exemple, le délai est mesurable. On va développer, donc, un indicateur, et on va dire: La réponse téléphonique au ministère du Revenu doit se faire à l'intérieur de 20 secondes, et la déclaration de services doit être complète à l'intérieur, par exemple, d'une minute – je donne des chiffres tout à fait gratuits. Bien, il est bien sûr qu'au bout de la ligne la personne qui va avoir à fonctionner dans un cadre d'une minute, bien, elle va en mettre pour une minute. Ça fait qu'au bout de la ligne on va pouvoir dire: L'année passée, on avait un «backlog» – excusez l'expression anglaise – on avait un retard de tant de dossiers, cette année, ça a diminué. Mais bien sûr qu'on a mis un indicateur sur la durée de la personne, le temps qu'on accorde au citoyen pour régler son problème. Alors, évidemment, on va pouvoir dire que l'indicateur nous dit qu'il y a amélioration.

Mais, parce qu'il y a amélioration au niveau de la quantité des retards, est-ce que ça signifie qu'il y a eu amélioration des services aux citoyens? Cette question-là est importante, c'est la valeur de la définition des indicateurs. C'est pour ça que c'est extrêmement important de commencer par bien préciser vers où on va, c'est-à-dire par bien préciser les questions d'efficacité de services publics, d'atteinte de nos missions. Pour moi, c'est fondamental.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Me Meunier, en complément.

M. Meunier (Jacques): Oui. Justement, là-dessus, il est certain que présentement une excellente façon de mesurer le degré de satisfaction, particulièrement à l'autre niveau, qui n'est pas aussi mesurable, c'est-à-dire sur la qualité de certaines décisions par exemple, c'est les contestations qui surviennent, le niveau de plaintes qui sont portées à l'attention du Protecteur du citoyen, le niveau de plaintes qui sont portées dans les différents bureaux de traitement de plaintes dans les ministères et organismes.

On sait que, depuis quelques années, les ministères et organismes se sont dotés de beaucoup de bureaux de traitement de plaintes. Dans des organismes où il y a des possibilités de révision, comme à la CSST ou à la SAAQ, quand on regarde le nombre de contestations, après ça le nombre de contestations qui ont été jugées fondées, bien, à un moment donné, on finit par avoir une assez juste impression du degré de satisfaction des gens. Il y a évidemment aussi les sondages qui peuvent être faits sur le degré de satisfaction des clientèles un peu partout.

Ce problème d'indicateurs, on l'a même chez nous, hein, parce que, chez nous, il y a des délais de traitement de dossiers, on couvre l'activité de l'administration publique. Les problèmes ne sont pas les mêmes, par exemple, en sécurité du revenu qu'en agriculture ou en accident de travail, alors les dossiers ne peuvent pas se traiter de la même façon et ne peuvent pas s'évaluer de la même façon. Les mécanismes d'évaluation ne sont pas faciles, mais je pense qu'il y a moyen, honnêtement, d'arriver à des conclusions satisfaisantes.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. Merci, M. le Président. Dans le même ordre d'idées, est-ce que le Protecteur du citoyen peut constater un changement, suite à la création des unités autonomes de service sur le nombre de plaintes reçues chez vous? Parce que ça fait quatre ans, je pense, plus ou moins, qu'on a commencé à mettre en place... je pense qu'on est rendu à 15 unités autonomes de service. Est-ce qu'il y a moins de plaintes, chez vous?

M. Meunier (Jacques): Il me serait difficile de vous répondre ce matin, il faudrait que je fasse une vérification. Je pense notamment, par exemple, à la Régie des rentes, qui est une unité autonome de service, je pense que la CARRA aussi l'est. Il faudrait que je puisse faire une comparaison. C'est quand même assez récent. Je ne peux pas facilement vous répondre de façon précise ce matin.

M. Kelley: Mais il n'y a pas de tendances qu'on a constatées encore, même informellement, même si ce n'est pas une science exacte? Ça serait intéressant parce qu'un des objectifs des unités autonomes c'est d'améliorer la qualité des services aux citoyens dans le domaine, entre autres, de... Il y a un centre de perception fiscale, il y a un centre de recouvrement pour la sécurité du revenu, donc c'est les domaines, j'imagine, où souvent les dossiers sont compliqués et difficiles et vont arriver soit au bureau du député ou au bureau du Protecteur du citoyen. J'aimerais savoir si on peut constater une évolution dans le nombre de plaintes, suite à ça.

M. Meunier (Jacques): Sans doute que, lorsqu'on arrivera au stade du rapport annuel, on pourra peut-être être plus précis sur la question. Mais ça me serait difficile d'avancer quelque chose de valable ce matin.

M. Kelley: Et est-ce que le Protecteur du citoyen est consulté? Parce que, comme membres, les membres de la commission de l'administration publique, nous avons regardé les systèmes de traitement de plaintes dont les unités autonomes sont en train de se doter. Et j'imagine que chez vous il y a quand même une expertise pour fixer un délai raisonnable pour un appel téléphonique, pour une réponse à une lettre. Chaque unité autonome semble être en train de développer ses propres mesures d'efficacité dans ce domaine. Et, d'une façon, êtes-vous associés à ce projet? Parce que j'imagine, chez vous, ce n'est pas d'hier que vous avez à traiter les plaintes.

M. Meunier (Jacques): Bien honnêtement, je pense que le Protecteur du citoyen a été un peu à l'origine de ce développement des bureaux de traitement de plaintes. Mais je devrais dire qu'on n'est pas tellement associés au développement de techniques aussi précises à l'intérieur des bureaux de plaintes. C'est sûr que les délégués du Protecteur du citoyen qui travaillent à traiter les plaintes visant les ministères et les organismes sont en rapport assez constant avec ces bureaux de traitement de plaintes, qu'il y a des échanges, mais, d'une façon très structurée, je ne pourrais pas dire que oui.

M. Kelley: Ça serait utile pour les parlementaires, parce qu'on a pris le devoir de rencontrer ces unités autonomes de service, et c'est quelque chose de nouveau, et, comme parlementaires, des fois, évaluer la pertinence ou est-ce que c'est vraiment la bonne mesure de performance... On est toujours à l'ère de la création, alors ça se comprend qu'on va mettre en place les choses. Et, si, au niveau du Protecteur du citoyen, vous avez des renseignements à partager avec la commission de l'administration publique...

Un responsable d'une unité autonome peut venir témoigner qu'il est très fier parce qu'il répond à toutes ses lettres dans trois mois et il est très fier de ça, et, si on n'a pas de mesure ou un genre de moyen à travers l'administration publique qu'il faut faire ça à l'intérieur de 15 jours ou de 20 jours, je ne sais pas... Mais, si on peut avoir un genre de chiffre, ça va être beaucoup plus facile pour les membres d'une commission parlementaire de faire la comparaison. Parce que chaque unité semble – et, je sais, il y a les consultations – être en train de développer ses propres mesures. Et je pense qu'il y aurait un rôle utile pour le Protecteur du citoyen de nous guider un petit peu en disant que 40 jours pour répondre à une lettre, c'est complètement inacceptable, on ne peut jamais tolérer ça – je prends un exemple dans l'air, comme ça.

(11 h 30)

M. Meunier (Jacques): Oui. Évidemment, ça peut varier de ministère à ministère, devant la complexité des problèmes, et tout. Mais je note votre intérêt et je pense qu'il est probablement partagé par vos collègues aussi à l'égard de cette évolution des unités autonomes de service par rapport à la qualité des services, par rapport aux outils qu'ils se donnent pour améliorer la qualité des services. J'en ferai rapport au Protecteur du citoyen, et on essaiera de porter une attention particulière, d'être en mesure de pouvoir tirer des conclusions à cet égard.

M. Kelley: Et, dans votre mémoire, pages 22 et 23, vous avez la notion d'une efficacité sociale, et je n'ai pas bien saisi et je vais vous donner un exemple précis: les considérations sociales dans l'évaluation d'une mesure de performance. On a fait une audience avec le Centre de recouvrement de la sécurité du revenu. Alors, on peut dire que, ça, c'est l'argent qui est trop payé qui est dû au gouvernement, alors le meilleur taux de recouvrement doit être 100 %. Mais on sait, dans la vraie vie, on parle des familles, des individus qui sont, la plupart du temps, dans une situation économique très précaire. Le dernier cas qui est venu dans mon bureau de comté, c'est une femme monoparentale qui doit à la sécurité du revenu 2 000 $, ou quelque chose comme ça, avec un revenu de 20 000 $ par année et trois enfants à l'âge scolaire. Alors, elle est serrée, ça va être difficile de trouver 2 000 $. On est en train d'essayer de trouver une entente qui fasse l'affaire de tout le monde, mais ça, c'est... Alors, je sais que de recouvrer les 2 000 $ ici dans un délai de 60 jours, ça va être très, très difficile, mais on essaie de négocier une entente qui fasse l'affaire de tout le monde.

Alors, comment est-ce qu'on peut utiliser votre notion d'efficacité sociale pour fixer les mesures de performance pour, entre autres, prendre le Centre de recouvrement comme exemple?

M. Robardet (Patrick): Pour répondre à votre question, je reprendrais l'exemple qui est cité à la page 23 à propos de l'analphabétisme. On pourrait prendre d'autres exemples comme le nombre de personnes ou les délais, le temps que les gens passent, par exemple, dans un couloir à l'urgence ou la capacité de lecture ou la capacité d'apprentissage qui a été fait, par exemple, de l'algèbre ou du français, ou de l'anglais, mettons, à l'école secondaire. On pourrait prendre d'autres exemples. L'idée essentielle, si on reprend l'analphabétisme, c'est que, si on met en place un programme qui est destiné à réduire l'analphabétisme et que l'on mesure, au bout de cinq ans, que le taux d'alphabétisme n'a pas baissé ou a évolué en proportion de, mettons, 0,5 % ou 0,25 %, comme un sondage récent l'a démontré, on ne peut pas considérer, évidemment, que l'État a été efficace sur le plan social, puisque, effectivement, il mettrait en place des programmes qui ne produisent pas les résultats escomptés. Alors, on peut toujours se poser la question de savoir si c'est par un manque de ressources ou un manque d'organisation, peu importe la motivation ou la cause du phénomène, il reste quand même que, si le taux d'analphabétisme ne baisse pas au bout de cinq ans de dépenses publiques, on peut considérer que, effectivement, l'État n'a pas été efficace socialement.

Plus globalement, ce qui nous intéresse – et ce qui est décrit aussi à la page 24 – c'est que l'efficacité de l'administration publique doit aussi être envisagée et mesurée par rapport aux missions que l'État s'est données, aux missions que le législateur crée et...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En terminant, s'il vous plaît.

M. Robardet (Patrick): ... – oui – confie à l'Exécutif, donc, de mettre en place et d'exécuter.

Il est évident que l'État n'existe pas dans un vide, il y a, disons, au sein de la démocratie québécoise, un certain consensus sur le rôle des institutions publiques, notamment le rôle de l'État par rapport aux besoins et aux attentes de la société, et là encore c'est cette idée essentielle que l'État est supposé remplir les missions qu'on lui confie. S'il ne remplit pas ces missions, il n'est pas efficace sur le plan social.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, ce qui, évidemment, écoule le temps imparti à l'opposition.

M. le ministre, vous souhaitiez intervenir, il vous reste un peu plus d'une minute.

M. Léonard: Nous visons des services de meilleure qualité, mais, vous, au Protecteur du citoyen, vous êtes à la jonction, vous recevez des plaintes, donc, des gens qui, par définition, ne sont pas contents pour de bonnes raisons ou pour d'autres. Alors, pour d'autres, je dis ça comme cela parce que, au fond, les attentes des citoyens peuvent être immenses ou déraisonnables par rapport aux moyens dont on dispose publiquement. Alors, je suppose que vous statuez, à un moment ou l'autre, sur la recevabilité d'une plainte, comment faites-vous? Comment vous réconciliez tout cela? Parce que, au fond, il y a un enjeu politique, un certain enjeu politique sur ce plan-là. Comment vous vous situez, là? Parce qu'on pourra toujours améliorer les services aux citoyens, je crois, mais il vient un moment où il y a des limites à la capacité de l'État, les limites raisonnables. Je le dis comme cela.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est une vaste question...

M. Léonard: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...pour le temps qu'il nous reste. En quelques secondes.

M. Meunier (Jacques): Ma courte réponse serait peut-être dans le fait que statistiquement, année après année, dans tous les cas où on fait enquête, le Protecteur du citoyen conclut, dans deux cas sur trois, que l'administration a bien agi. Je pense que ça indique quand même la préoccupation de raisonnabilité qui est dans notre approche par rapport au traitement des plaintes qu'on reçoit, c'est-à-dire d'un équilibre véritablement entre les attentes des gens et les devoirs du fonctionnaire.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il me reste, sur cela, à remercier les représentants du Protecteur du citoyen pour leur contribution à nos travaux. Et, sans plus tarder, j'invite le Vérificateur général du Québec à bien vouloir prendre place pour la poursuite des choses.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, la commission spéciale reprend ses travaux. Il s'agit donc de consultations générales sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental. Nous avons le plaisir de recevoir les représentants du Vérificateur général du Québec, dont le Vérificateur général lui-même, M. Breton. Je vous souhaite la bienvenue. J'aimerais, M. Breton, que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent. Et nous avons une vingtaine de minutes maximum pour la présentation proprement dite.


Vérificateur général

M. Breton (Guy): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. de la commission parlementaire, comme vous m'avez demandé, je suis accompagné de M. Gilles Bédard, vérificateur général adjoint, et de Jean-Noël Thériault, directeur principal; et, derrière moi, le reste de l'équipe qui a travaillé sur le dossier.

(11 h 40)

En premier lieu, sachez que j'apprécie l'occasion que m'offre la commission de livrer mes commentaires concernant le projet d'énoncé de politique sur la gestion gouvernementale. Ces commentaires s'alimentent aux vérifications que j'ai menées au cours des dernières années, tant sur la gestion par résultats qu'à l'égard de plusieurs composantes du cadre de gestion gouvernemental. Mes observations se rapportent à la manière dont l'État doit faire ce qu'il a à faire, au comment. Vous comprendrez qu'il ne m'appartient pas de commenter le quoi ou, en d'autres mots, le choix des secteurs d'intervention de l'État et l'ampleur de ces interventions. Après un bref rappel de mes vérifications antérieures liées au sujet qui nous intéresse, je commenterai certains éléments de l'énoncé de politique et de la proposition de loi. Enfin, j'aborderai l'incidence probable de ce nouveau cadre de gestion sur nos travaux de vérification.

Depuis que l'Assemblée nationale a élargi le mandat du Vérificateur général, en 1985, afin qu'il commente non seulement la valeur des états financiers du gouvernement, mais aussi la qualité de sa gestion, mon prédécesseur et moi-même avons formulé à plusieurs reprises des observations qui sont en lien étroit avec le sujet que nous abordons. La réforme proposée fait écho à plusieurs de ces constats. Je veux mentionner l'absence d'outils pour jauger la qualité des services fournis, la marge de manoeuvre trop étroite des gestionnaires, notamment dans le domaine de la gestion des contrats et celui des ressources humaines, la faiblesse des pratiques et des moyens en évaluation de programme et en vérification interne, le manque de responsabilité et la pauvreté des pratiques de reddition de comptes des gestionnaires. Cette pauvreté de la reddition de comptes, combinée avec d'autres observations propres aux organismes et entreprises du gouvernement, m'a amené à préconiser l'adoption d'une loi-cadre qui permettrait notamment de consolider le pouvoir de l'Assemblée nationale... M. Gautrin me distrait avec son approbation, excusez-moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Breton (Guy): Le pouvoir de surveillance...

M. Gautrin: ...

M. Breton (Guy): Ha, ha, ha! Le pouvoir de surveillance de l'Assemblée nationale et de préciser l'encadrement que le gouvernement devrait exercer sur ses entités.

D'ailleurs, ma position a été fort bien accueillie à l'époque par la commission du budget et de l'administration. C'est pourquoi je suis surpris de constater que la proposition de loi évacue les entreprises du gouvernement et nous laisse dans l'incertitude quant au sort réservé aux organismes non budgétaires. J'ai joint, en annexe à mon mémoire, les éléments dont pourrait traiter une telle loi-cadre. Sur cette toile de fond, je formulerai maintenant mes commentaires sur quelques éléments majeurs de la réforme.

D'abord, je suis heureux de voir que l'énoncé de politique et la proposition de loi centrent les interventions de l'État sur le service aux citoyens, qui est la finalité même de l'administration publique. Mais, pour que le service aux citoyens devienne la pierre angulaire de la réforme, encore faut-il définir ce qui constitue un service de qualité. À cet effet, la loi devrait préciser les composantes essentielles d'une charte des services aux citoyens. Par exemple, on pourrait inviter les organisations à élaborer sur les points suivants: les normes de service relatives à l'économie, à l'efficience, à l'efficacité, les règles de courtoisie et de serviabilité, les exigences de transparence, les modes de consultation ainsi que le traitement des plaintes.

D'autre part, en ce qui concerne la question de la responsabilité ministérielle, la clarté et le respect des rôles respectifs du ministre et du sous-ministre, ceci constitue des conditions de réussite de la réforme proposée, particulièrement au moment de la reddition de comptes. L'énoncé de politique et la proposition de loi mériteraient d'être revus à cet égard pour éviter toute ambiguïté. Ainsi, une expression comme celle qu'on retrouve à l'article 54, «le sous-ministre intervient au contrat», renvoie davantage au rôle plutôt effacé d'un spectateur qu'à celui d'une personne véritablement engagée et responsable.

Au cours des dernières années, par delà la reconnaissance du principe de la responsabilité ministérielle, ce sont les sous-ministres qui ont été entendus devant la commission de l'administration publique relativement à la gestion des ministères. L'expérience vécue depuis l'adoption de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics confirme la pertinence de leur demander de rendre compte de leur gestion administrative en commission parlementaire. La participation du sous-ministre aux commissions à titre de témoin important de la gestion administrative de son ministère favorise une reddition de comptes et un échange centrés sur les enjeux de gestion, ce qui est bénéfique pour l'amélioration de la gestion des fonds publics. Il est éminemment souhaitable que le sous-ministre demeure, tout autant que le dirigeant d'organisme, l'interlocuteur privilégié en matière de reddition de comptes si l'on songe aux aspects de l'économie et de l'efficience de la gestion du ministère et des unités ayant conclu un contrat de performance et d'imputabilité.

Si on s'arrête maintenant à la philosophie de contrôle qui se dégage de l'énoncé de politique, cette dernière me paraît bien exprimée, mais il faut un peu d'imagination pour bien voir qu'elle répond aux principes de la gestion par résultats. Le Conseil du trésor, dans le cadre de ses ententes avec les unités administratives, peut déplacer certains contrôles qu'il exerce présentement. Toutefois, les contrôles a priori exercés par les organismes centraux sont toujours de mise pour le moment. Je crois que la proposition de loi devrait faire en sorte que le Conseil du trésor s'engage plus fermement à alléger ces contrôles dès que le ministère aura démontré qu'il est capable d'assumer pleinement ses responsabilités et qu'il possède les outils et les mécanismes appropriés de contrôle sur les ressources financières, matérielles, informationnelles et humaines en fonction des risques, et, à ce moment, l'obligation ne sera plus à sens unique.

Par ailleurs, la mention enjoignant aux ministères et aux organismes, dans une perspective de bonne gestion, de se doter des outils de gestion nécessaires tels que la vérification interne et l'évaluation de programmes est fort appropriée. Je tiens également à rappeler que, au regard de la gestion du personnel, la présence d'employés compétents et mobilisés est un ingrédient essentiel pour assurer la qualité de service que les citoyens sont en droit d'exiger. La poursuite d'objectifs clairs exprimés en fonction des résultats visés canalisera les efforts des employés vers les mêmes buts. Aussi, faudra-t-il à la ligne d'arrivée reconnaître la performance.

Toutefois, la question est fort délicate. L'énoncé de politique nous éclaire peu sur l'application des mesures liées à l'évaluation de la performance. À l'exception du remplacement possible d'un dirigeant qui n'a pas atteint ses objectifs, il n'y a rien de prévu. La proposition de loi devrait préciser quand une telle mesure s'applique. Les modalités de récompense, quant à elles, sont absentes de la proposition de loi. Or, nous savons tous que la gestion par résultats doit être appuyée par une gestion équitable des conséquences.

Comme je l'ai mentionné précédemment, j'ai régulièrement soulevé la pauvreté de la reddition des comptes. Je ne peux alors que me réjouir de voir l'exigence de rendre compte enchâssée dans la proposition de loi sur la gestion gouvernementale. Cependant, j'aurais apprécié retrouver dans cette même proposition de loi les propriétés de l'information de qualité pour mieux guider ceux qui doivent remplir cette tâche. Je crois utile d'insister ici sur une de ces propriétés qui est la comparabilité. Comparaison n'est pas raison, diront certains. Cette approche permet toutefois de mieux juger d'une année à l'autre l'évolution d'une entité et de confronter ses performances avec celles d'autres entités du même type.

D'autre part, l'énoncé de politique rappelle d'une façon fort à propos que les parlementaires sont les destinataires finaux de l'information et qu'ils ont un rôle crucial à jouer. Aussi, suis-je en accord avec l'idée que l'Assemblée nationale dote les commissions parlementaires des ressources nécessaires pour qu'elles suivent les progrès des ministères et des organismes et qu'elles contribuent de la sorte à améliorer les services aux citoyens.

(11 h 50)

Par ailleurs, je considère que le concept de la gestion par résultats devrait être transposé à l'échelle du gouvernement. Ce qui est bon pour les filiales ne devrait-il pas l'être également pour le siège social? L'énoncé de politique et la proposition de loi sont muets quant aux exigences de l'Assemblée nationale vis-à-vis du gouvernement. J'estime que le cadre de reddition de comptes doit être complété afin que le gouvernement, lui aussi, expose clairement ses orientations, ses objectifs, sa stratégie d'évaluation et qu'il explique annuellement ses propres résultats auprès de l'Assemblée nationale.

J'aimerais maintenant traiter de la documentation servant de point d'appui à la réforme proposée. Le concept de la gestion par résultats commande des moyens concrets pour favoriser l'action. L'énoncé de politique et la proposition de loi identifient les documents clés qui permettront de consigner l'information requise, soit le plan stratégique, le plan annuel de gestion des dépenses, le rapport annuel de gestion, les contrats de performance et d'imputabilité des unités, qui devraient fournir aux parlementaires... Ceci devrait fournir aux parlementaires la substance dont ils ont besoin pour jouer leur rôle de surveillance et de contrôle ainsi que pour évaluer la performance des entités.

Un autre point sur lequel je tiens à insister est que cette réforme ne s'implantera pas par enchantement. Pourtant, le document que j'ai parcouru avec autant d'attention que d'intérêt ne présente pas de plan de mise en oeuvre, une condition essentielle de réussite. Un tel plan préciserait les résultats visés à court terme, le calendrier de mise en oeuvre, les moyens préconisés.

Il faut aussi considérer qu'une opération d'une telle ampleur commande une équipe dynamique ayant l'expertise nécessaire pour aider au démarrage et, par la suite, accompagner les ministères et organismes. Malheureusement, l'énoncé de politique ne présente qu'un engagement passablement timide quant aux moyens de mise en oeuvre. Il en faudra plus, beaucoup plus, pour convaincre les ministères de s'investir avec intensité dans la réforme.

Quant à la proposition de loi comme telle, elle contient plusieurs éléments qui répondent à bon nombre de mes préoccupations. Elle est une heureuse initiative, car elle nous permet de mieux saisir certaines des intentions et des orientations présentées dans l'énoncé de politique. Toutefois, j'ai quelques commentaires particuliers sur cette proposition. Ainsi, la loi sur la gestion gouvernementale n'assujettit pas à la réforme proposée toutes les organisations gouvernementales qui dispensent des services directs à la population, elle exclut d'emblée le réseau de l'éducation, celui de la santé et services sociaux ainsi que les entreprises du gouvernement. Une telle décision est d'autant plus étonnante que près des deux tiers du budget du Québec sont affectés aux services directs à la population offerts par les réseaux, entre autres. Je reconnais que ces entités ont un mode de fonctionnement qui leur est propre et que le gouvernement a consenti à leur accorder plus d'autonomie, toutefois la loi devrait obliger ces institutions à adopter les principes de gestion par résultats tout en acceptant des modalités particulières, le cas échéant.

Par ailleurs, la proposition de loi prévoit que le Conseil du trésor aura à déposer à l'Assemblée nationale chaque année un rapport concernant son application. Pour affermir cette reddition de comptes, il conviendrait d'ajouter, tout comme on l'a fait dans la Loi sur la fonction publique, l'obligation de convoquer une commission parlementaire pour étudier l'opportunité de maintenir en vigueur ou, si besoin est, de modifier la loi après un certain nombre d'années d'application. On entendrait alors à ce sujet les représentations des personnes et organismes intéressés.

Je voudrais maintenant dire quelques mots de l'incidence de ce nouveau cadre de gestion sur les activités du Vérificateur général. Établissons d'abord que la nouvelle approche de gestion axée sur les résultats n'aura pas de répercussions sur la vérification des états financiers. Quel que soit le mode de gestion en vigueur, je continuerai à donner à l'Assemblée nationale l'assurance que les états financiers sont exempts d'inexactitudes significatives.

En matière de vérification de la conformité, mon devoir ne change pas non plus. La liberté administrative accrue que préconise la nouvelle approche de gestion doit s'exercer dans le cadre législatif, réglementaire et administratif que le Parlement et les autorités gouvernementales jugeront utile de maintenir. En effet, l'atteinte des résultats recherchés ne justifie pas que l'on prenne n'importe quels moyens.

Qu'en sera-t-il de la vérification de l'optimisation des ressources? L'objectif du gouvernement d'améliorer la reddition de comptes à l'Assemblée nationale aura certainement une incidence sur l'évolution de nos travaux de vérification. Il nous faudra cerner cette question de plus près si l'on espère répondre adéquatement aux besoins des parlementaires. Quoi qu'il en soit, la vérification de l'optimisation des ressources demeure un outil indispensable au contrôle parlementaire des fonds et autres biens publics. En effet, ce type de vérification permet de comprendre les causes du fonctionnement déficient de certaines activités gouvernementales.

Par ailleurs, je désire attirer votre attention sur la fiabilité de l'information qui sera soumise à l'Assemblée nationale par les ministères et organismes. La direction est responsable au premier chef de l'exactitude et de l'intégralité des données qui vous seront présentées. À cette fin, le vérificateur interne peut donner l'assurance à son dirigeant que les résultats figurant dans les rapports annuels de gestion sont raisonnablement fiables et que les méthodes utilisées pour calculer les indicateurs sont conformes aux exigences. Toutefois, compte tenu du lien d'autorité entre le dirigeant et le vérificateur interne, ce dernier n'a généralement pas l'indépendance voulue pour exprimer une opinion libre de toute influence ou contrainte. L'Assemblée nationale est en droit d'exiger une vérification indépendante qui réponde à ses attentes.

Outre, cette opinion sur l'exactitude de l'information, les indicateurs devraient être étudiés un jour ou l'autre sous l'angle de leur pertinence. J'entends donc effectuer ce genre d'examen dans la mesure que je jugerai appropriée afin que les parlementaires puissent parcourir en toute confiance la reddition de comptes qui leur sera présentée. Évidemment, je tiendrai compte de la progression de l'implantation du nouveau cadre de gestion et, d'une façon toute spéciale, des besoins des parlementaires.

Le dernier point de mon exposé concerne un concept fondamental, soit la liberté d'action du Vérificateur général vis-à-vis de l'Exécutif. Le Protecteur du citoyen, qui s'est exprimé avant moi, a bien décrit notre grande inquiétude devant les éléments de la proposition de loi qui portent atteinte à l'indépendance des personnes désignées par l'Assemblée nationale, dont le Vérificateur général, et, par ricochet, à la primauté de l'Assemblée nationale, dont elles relèvent. Je puis aussi vous affirmer que le gouvernement s'est déjà engagé à ce que le projet de loi qui sera présenté à la suite de la présente consultation corrige cette situation. S'il devait toujours porter atteinte à l'indépendance du Vérificateur général, bien sûr, j'en saisirai les parlementaires avec plus d'intensité.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Breton (Guy): En conclusion, les objectifs de cette réforme, qui sont résumés à l'article 1 de la proposition de loi, rejoignent mes préoccupations relativement à la gestion efficace des programmes et à l'amélioration du service à la clientèle, préoccupations exprimées à maintes reprises dans mes rapports à l'Assemblée nationale. Je me réjouis de l'engagement du gouvernement de promouvoir la responsabilisation des gestionnaires, base d'une efficacité accrue. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le Vérificateur général. M. le ministre.

M. Léonard: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, je veux remercier le Vérificateur ainsi que les membres de son équipe qui sont là pour leur travail, leur mémoire, leurs précisions qui nous sont très utiles. J'ai compris la dernière mise en garde qui vient d'être faite et je ne pense pas qu'il y ait lieu de l'exécuter parce que, au fond, nous sommes d'accord que... Ce dispositif ou cette modification à la gestion va s'appliquer, mais je vous répondrai: À l'Assemblée nationale, on n'a pas réclamé que ça relève du Conseil du trésor, puis ça sera corrigé sûrement.

Il y a beaucoup d'éléments dans votre mémoire qui vont être repris après cette commission, mais je veux relever certaines choses que vous avez dites. D'abord, la charte des services aux citoyens, que vous avez mentionnée au début de votre exposé, est-ce que, dans votre esprit, elle a une portée juridique ou non?

(12 heures)

M. Breton (Guy): N'étant pas avocat, il m'est assez difficile de me lancer sur ce terrain, mais je pense qu'elle devrait, jusqu'à un certain point, être reconnue publiquement et servir, entre autres, au Protecteur du citoyen comme critère de succès sur les services donnés par le gouvernement.

M. Léonard: Bien, je m'explique un peu plus, c'est qu'on a la Charte des droits et libertés de la personne et qu'on a vu toutes les implications qu'il y avait dans l'administration publique, que les juges prennent des décisions qui ont des implications importantes. Si on lui donne une portée juridique, on voit tout de suite que ça va très, très loin. Ou bien, si c'est une affirmation générale que vous voudriez voir, des principes touchant la qualité des services aux citoyens, affichés publiquement, plutôt qu'une charte à portée juridique, parce que, là, c'est beaucoup de dire ça...

M. Breton (Guy): Je conviens avec vous que, si on avait déjà cette liste au départ ou cette affirmation générale de ce qu'on appelle un service de qualité, ce serait déjà un grand pas de fait...

M. Léonard: O.K.

M. Breton (Guy): ...et, j'en conviens, il n'est pas nécessaire de rendre ça juridique.

M. Léonard: Je voudrais en venir maintenant à l'élargissement. Bon, il y a une clause, appelons-là «opting in», dans la loi pour les organismes extrabudgétaires ou autres. Pour nous, elle a présentement un effet pratique, de ne pas tout prendre en même temps dans la fonction publique ou dans l'administration publique. Est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'il faudrait la retirer purement et simplement puis dire qu'un plan suffirait, mais avec un objectif que tout le monde est touché par le projet de modernisation?

M. Breton (Guy): Personnellement, je crois que, si on veut vraiment que le vaisseau de l'État tourne, dans son administration, tout le monde devrait tourner en même temps sur le même vaisseau. Je comprends que ce sont des environnements différents dans chaque réseau, mais, dans la mesure où un champion par réseau prend la responsabilité de pousser, il y a peut-être plus d'émulation à être trois à essayer la même chose, à savoir l'administration publique plus chaque réseau, que de faire la tentative, dans le premier, au gouvernement. Ça nous prendra combien de temps avant d'avoir atteint un niveau de perfection tel qu'on ose se présenter comme exemple ou comme modèle à suivre pour les autres? Moi, c'est ce que je crains. Je pense qu'on fait l'effort ensemble, on s'entraide ou on compare de quelle façon on progresse, mais dire que les deux réseaux attendent que ça aille très bien ou que la preuve soit faite, on a perdu plusieurs tours de roue, à mon avis.

M. Léonard: Très bien. Je note l'affirmation.

Sur un autre plan. Vous faites de la vérification, et il y a de la vérification interne dans chacun des ministères, chacun des organismes, normalement, et on peut penser qu'une gestion par résultats va faire appel beaucoup plus à des vérificateurs internes dans les ministères et les organismes. Il y a deux questions, à mon sens, qui se posent – il y en a probablement d'autres, mais deux que je poserais – l'une quant à l'indépendance du vérificateur interne, parce que son rôle va sûrement s'accentuer, s'élargir, et l'autre, c'est par rapport au dédoublement qui va se poser entre ce que vous faites et ce que le vérificateur interne va faire en ce qui concerne les études d'optimisation des ressources. Ces deux éléments-là, comment vous les traiteriez?

M. Breton (Guy): Au départ, la qualité du travail du vérificateur interne n'est pas remise en cause ici, l'ampleur de son travail n'est pas remis en cause, et, vous avez raison, il va être impliqué beaucoup plus qu'avant, et ça sera un travail utile parce que le sous-ministre ou le ministre, quand il déposera le rapport, aura confiance qu'il dépose un rapport avec de l'information fiable.

Il demeure que la certification d'un tiers indépendant a toujours une qualité supérieure, elle n'est pas obligatoire dans tous les cas, et ça m'amène à dire que, dans ce qui est proposé, je n'ai vu aucune projection, et je n'en ai pas faite non plus, mais on peut imaginer que, théoriquement, une fois que tout sera en place, on aura peut-être l'équivalent de 1 000 ou 1 500 rapports sur les résultats de contrats. Avec 1 500 évaluations par des vérificateurs internes, vous comprenez que je n'ai pas les moyens d'exercer une telle vérification dans les 90 jours de la fin d'une année. Alors, ça attaque au point de vue pratique. Donc, le vérificateur externe n'est pas requis d'une façon absolue, et je vois que son rôle ou le rôle du Vérificateur général serait sur un cycle pour aller voir, finalement, quasiment une revue que les pairs peuvent faire entre eux, entre cabinets de vérificateurs, pour m'assurer que, la qualité de la vérification interne étant au niveau... on peut se contenter du résultat qui est là, sans nécessairement lui donner le certificat venant d'un tiers. C'est déjà une façon de procéder. Nous aurions quelques cas que nous réaliserions par nous-mêmes. Ça, c'est pour l'attestation financière et pour la régularité, si vous voulez.

En ce qui concerne l'optimisation des ressources, nous pouvons certainement concevoir que chaque ministre dépose la gamme de toutes les entités qu'il a sous sa juridiction, mais ce sont autant de silos qui se présentent à l'Assemblée nationale, et il n'y a personne actuellement, sauf le Vérificateur général, qui peut se permettre de comparer l'interface entre deux silos, ou entre deux unités, ou entre deux ministres et constater que, au niveau gouvernemental, quelquefois, l'un nuit à l'autre, ou la complémentarité n'est pas toujours positive, elle est quelquefois négative.

Et je vous ramène au rapport que nous avons fait il y a quelques années sur la dépollution des rivières où, d'un côté, on voyait le ministère des Affaires municipales qui, après bien des années, avait dépensé ou investi 6 000 000 000 $ pour dépolluer les rivières, les eaux usées, et, de l'autre côté de la rivière, on avait le ministère de l'Agriculture qui subventionnait soit des éleveurs de porc, qui, pour quelques-uns, n'étaient pas trop francs sur le nombre de porcs qu'ils avaient, donc le surplus coulait à la rivière et polluait, ou encore des agriculteurs qui achetaient plus d'engrais chimiques qu'ils auraient dû le faire, malgré les directives du ministère, et dont le surplus coulait à la rivière et polluait. Donc, la main gauche dépolluait, la main droite polluait. Les deux ministres ne peuvent pas tenir compte du voisin quand ils font leur rapport, même s'il y a eu gestion par résultats. Mais le vérificateur peut comparer deux résultats. C'est peut-être une illustration de ce que le Protecteur du citoyen appelait un résultat social.

M. Léonard: Mais je voudrais revenir sur cette question. En réalité, le vérificateur interne va faire de l'optimisation des ressources, va faire des études sur l'optimisation des ressources. Alors, mis à part la question de l'adjonction de deux ministères – j'y reviendrai – est-ce que, au fond, ce projet dit ou ne dit pas... ne dit-il pas que c'est le vérificateur interne qui va faire l'optimisation des ressources? Vous pouvez la vérifier, vous pouvez vérifier une étude, l'optimisation des ressources, mais, au fond, la première responsabilité, ça va être au vérificateur interne. Donc, ça modifie quelque peu les rôles qui sont attribués actuellement au Vérificateur général, ou qu'il s'attribue.

M. Breton (Guy): Bon. J'espère que les vérificateurs internes réussiront à faire le tour du jardin quand ils feront de l'optimisation des ressources. Ça reste à être vu, d'une part. D'autre part, il faudra évidemment que l'expertise se développe pour qu'ils soient capables de faire de l'optimisation des ressources. Troisièmement, il y a toujours le risque que ces optimisations des ressources prennent le même chemin qu'un certain nombre d'évaluations de programmes qu'on a vues dans le passé, à savoir que, dépendant du résultat, ils sont privés ou publics. Et c'est là que l'absence d'indépendance absolue vient jouer un rôle. Quatrièmement, le vérificateur externe, le Vérificateur général peut avoir son propre agenda ou sa propre façon de cerner les urgences ou les cas à grands risques. Et, s'il attend que chaque ministère ait bien voulu faire son cycle d'optimisation des ressources, il va s'établir un certain train-train qui fait que les cas d'intérêt ne seront pas toujours mis de l'avant.

M. Léonard: Mais est-ce que cela voudrait dire que le vérificateur interne – puis là je reviens à l'indépendance du vérificateur interne – devrait répondre d'une quelconque façon, peut-être à définir, à une autre instance à l'extérieur du ministère ou de l'organisme où il agit comme vérificateur interne?

M. Breton (Guy): Ce n'est pas impensable. Au fond, vous créez à ce moment-là non pas un vérificateur interne, mais un vérificateur externe, un deuxième vérificateur externe. S'il relève d'une autre autorité, ça devient un vérificateur externe.

M. Léonard: Non, à l'intérieur de l'Exécutif, pas vis-à-vis l'Assemblée nationale.

M. Breton (Guy): Oui, oui, j'en conviens.

M. Léonard: Comme le Contrôleur des finances, par exemple.

M. Breton (Guy): J'en conviens. Il demeure toujours qu'il n'est pas totalement indépendant. Il y aura toujours un doute.

M. Léonard: Ah! je pense que, là, c'est toute la distinction entre le vérificateur interne et externe...

M. Breton (Guy): C'est ça.

(12 h 10)

M. Léonard: ...ça, je comprends, comme dans une entreprise d'ailleurs.

Vous dites que le projet n'est pas très explicite sur les moyens, le plan. Je veux juste faire une réflexion là-dessus. Vous pourrez commenter. Il me semble qu'il faut d'abord voter la loi, parce qu'il ne faut quand même pas présumer de la volonté de l'Assemblée nationale d'adopter un projet de loi. Et donc, les moyens dont nous disposons pour faire une planification puis pour la rendre crédible sont limités, dans le cadre d'une étude d'avant-projet...

M. Breton (Guy): J'en conviens.

M. Léonard: ...à ce stade-ci.

M. Breton (Guy): J'en conviens, mais...

M. Léonard: Il faut voter la loi.

M. Breton (Guy): ...quand on planifie un voyage, on peut toujours choisir où on veut aller. Mais, quelquefois, aussi, on choisit le moyen pour y aller avant même de se présenter à l'agence de voyages.

M. Léonard: Alors, que mes collègues entendent ici, à l'Assemblée nationale, pour ne pas me le reprocher à l'Assemblée même.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Lotbinière.

M. Paré: Merci, M. le Président. M. le Vérificateur, merci de votre mémoire. C'est très bien fouillé.

Au niveau de la page 13, au niveau de la gestion du personnel, le chapitre 4.4, vous nous parlez d'évaluation de la performance, ce que vous appelez aussi de la gestion des conséquences, reconnaissance de la performance. Avez-vous des outils à proposer? Parce que c'est bien sûr que l'article 57, vous nous dites que c'est négatif, mais il n'y a pas de propositions positives. Avez-vous des propositions de ce genre-là? Puis, dans un deuxième temps, comment on pourrait mesurer la performance du Vérificateur général?

M. Breton (Guy): En ce qui concerne les outils, vous me permettrez de ne pas être extrêmement spécifique parce qu'à ce moment-là je jouerais le rôle d'un consultant qui, une fois qu'il a donné son conseil, passe à un autre client et espère que, s'il s'est trompé, au mieux sa compagnie d'assurances le sauvera. Moi, je vais revenir devant vous et je vais vous dire que, d'une façon totalement indépendante, je vais porter un jugement sur la méthode qui sera retenue. Donc, pour ne pas perdre cette indépendance de jugement, je suis nécessairement obligé de rester un peu imprécis sur les méthodes comme telles.

Mais les concepts, à savoir: s'il y a gestion par résultats, ça suppose qu'il y a rétribution en fonction des résultats. Et pour l'instant, le texte, et je comprends peut-être les circonstances, mais le texte ne fait qu'identifier une rétribution négative si un cadre n'atteint pas ces résultats prévus. Bien, on dit: Il y a deux côtés à la médaille. Où est la partie positive? Et j'ai entendu et j'ai lu les commentaires de bien des gens qui se sont présentés ici, où il y a eu toutes sortes de propositions qui vous ont été faites; eux peuvent se permettre de vous dire clairement quelles seraient les autres façons. Moi, je vous dis qu'il y a deux côtés à la médaille. On n'en trouve qu'un seul ici. Donc, si on parle de gestion de personnel, il y a deux côtés à la médaille. Où est le deuxième? Donc, pour les outils, vraiment, je ne peux pas aller plus loin que de vous dire: Ça prendrait un autre outil.

En ce qui concerne la reconnaissance de la performance, il va falloir la développer à l'usage. Encore une fois, on a vu, par exemple, que... comment peut-on mesurer la performance d'un inspecteur de viande dans un congélateur? Comment peut-on mesurer la performance d'une personne pour les services sociaux? Est-ce qu'elle doit couper ou est-ce qu'elle doit traiter les gens plus rapidement? Les critères ne sautent pas aux yeux et chaque organisme qui devra trouver des critères aura à les adapter à son environnement et faire la démonstration qu'ils sont pertinents. Et c'est en ce sens-là que nous avons annoncé qu'éventuellement, une fois que la machine tournera, on se permettra d'aller mesurer la pertinence des critères retenus et, bien sûr, des critères qui refléteront le résultat social, comme on entendait parler par le Protecteur du citoyen. C'est des choses qu'on devrait normalement trouver éventuellement.

M. Paré: O.K. Mais, au niveau des suggestions pour les critères, est-ce que vous en auriez? Exemple: de la façon dont vous vérifiez les grands critères, comme la pertinence, vous en avez énoncé quelques-uns...

M. Breton (Guy): Oui.

M. Paré: ...est-ce que vous iriez jusqu'à faire la suggestion d'adapter ces critères-là au niveau de la vérification, pour la vérification des résultats?

M. Breton (Guy): Dans la vérification des résultats, d'abord il faut s'assurer que tous les résultats sont sur la table et, en ce sens, je vous réfère à notre annexe qui énumère quels pourraient être tous les domaines couverts dans une loi-cadre qui demanderaient des résultats. Pour chacun de ces résultats, il faudra arriver à trouver des critères qui reflètent qu'il y a eu service, mais que le service était de qualité et pas simplement qu'il y a eu service économique et efficient.

La mission doit être rencontrée. C'est pourquoi, dans votre texte, vous parlez d'évaluation de programmes, et je pense que ça va être essentiel d'avoir des évaluations de programmes parce que c'est l'évaluation de programmes qui peut vraiment tirer le bilan sur la rencontre de la mission, la réalisation de la mission. Ce n'est pas le Vérificateur général, c'est expressément défendu dans son texte de loi.

M. Paré: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Aviez-vous terminé? Je m'excuse.

M. Breton (Guy): M. Bédard me rappelait que vous m'avez posé la question: quant à nous-mêmes. Alors, nous-mêmes, notre évaluation depuis quelques années, nous utilisons les 12 dimensions proposées par la Fondation canadienne pour la vérification intégrée et nous rédigeons le dernier chapitre de reddition de comptes dans le deuxième tome de notre rapport annuel en fonction de ces critères, nous continuons à les améliorer, d'une part.

D'autre part, le Conseil canadien des vérificateurs législatifs, le regroupement de tous les vérificateurs du Canada, a une équipe de chercheurs, des représentants de plusieurs cabinets de vérificateurs législatifs, qui, ensemble, essaient de développer, je dirais, un compendium de critères de rendement ou de perfectionnement d'un cabinet de vérificateurs législatifs, de sorte que, une fois qu'on aura convenu entre nous de ce qu'on devrait atteindre idéalement, on passera à l'étape suivante, inviter des pairs d'autres provinces à venir voir, et on ira voir les autres, de sorte qu'on pourra vous dire: On a fait, en tout cas au moins ces deux étapes pour vous démontrer qu'on est efficace.

Bien sûr, la nouvelle loi qui est là, et peut-être pour prévenir la question qui avait été posée au Protecteur du citoyen, c'est bien sûr qu'on endosse la loi qui est là ou la proposition qui est là. Nous sommes d'accord pour faire une reddition de comptes à l'Assemblée nationale, peut-être plus particulièrement à la commission parlementaire de l'administration publique. Et, en ce qui concerne le texte de loi, bien sûr que, pour ce qu'il nous convient, on va la suivre et, à l'occasion, il y a des directives qui ne nous conviennent pas du tout et on est en train de s'entendre sur la façon soit de s'en inspirer pour donner des résultats semblables tout en respectant l'indépendance ou encore tout simplement d'expliquer qu'il nous est impossible, pour nous, de vous mettre sur la table notre plan de travail détaillé au début de l'année parce qu'on ne prévient pas qu'on va arriver.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, il nous resterait à peine le temps d'une dernière question pour notre collègue le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour, bienvenue à cette commission et merci de votre excellent mémoire.

Dans le même ordre d'idées que mon collègue vient d'aborder au niveau de la gestion du personnel, vous dites dans votre rapport: «...on peut s'attendre à ce que certains gestionnaires trébuchent», et puis que, lorsqu'il va y avoir, selon l'évaluation de... un gestionnaire qui va avoir atteint ses résultats, qui va avoir performé, donc il va y avoir des retombées positives, et vous dites aussi: Il va y avoir des sanctions, il peut y avoir des sanctions aussi au niveau... côté négatif de la chose. Alors, moi, je trouve, là-dedans, que ça laisse sous-entendre un petit peu entre les deux. Je pense qu'il n'y a personne qui est exempt de l'erreur, alors il peut arriver qu'un gestionnaire n'atteigne pas entièrement ses résultats et puis il peut être évalué de façon négative. Dans l'évaluation, parce que je vois dans l'évaluation, moi... Lorsqu'on évalue, c'est un peu aussi pour corriger. Lorsque vous faites des recommandations dans vos rapports annuels, c'est pour corriger des situations. Est-ce qu'il n'y a pas un entre-deux, là? Je trouve que ça laisse sous-entendre qu'il pourrait y avoir un entre-deux, là, entre le positif puis le négatif. Est-ce qu'il y a une marge de manoeuvre?

M. Breton (Guy): Bien, si vous me permettez, je vais revenir à mes années d'études où le professeur de statistiques avait fait un jeu en nous parlant de la «Bell shape» – enfin, il pensait faire un jeu de mots – la courbe de Bell où, bien sûr, la masse de la population est au centre, et puis on a deux petites pointes à chaque bout, les meilleurs et les pires, et c'est probablement là que les deux descriptions dans la loi s'appliquent. Tout le reste est au centre, et c'est là que la masse va être, normalement... ni des primes ni des punitions, parce qu'ils font ce qu'il y a à être fait. C'est seulement les cas d'exception qui sont au-dessus ou qui sont en dessous. Et, dans ce sens-là, vous avez raison, il y a un chemin entre les deux. Mais, en fait, la majorité va être là.

(12 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous en venons maintenant aux questions et aux échanges avec les porte-parole de l'opposition. M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, M. Breton et vos collègues, de votre mémoire et également de votre présentation. C'est vraiment la qualité à laquelle vous nous avez habitués dans les séances auxquelles nous avons participé.

Vous proposez, dans votre annexe – et je rejoins la discussion qu'il y avait eu tantôt – une loi-cadre pour les entreprises du gouvernement, donc de façon à étendre les principes que l'on retrouve dans l'énoncé de politique aux organismes extrabudgétaires et à différentes sociétés. Ma question, c'est: Est-ce qu'il est vraiment nécessaire d'avoir une loi-cadre, premièrement? Et, deuxièmement, dans d'autres juridictions auxquelles nous pouvons nous comparer, est-ce qu'il existe ce même type de loi-cadre pour régir les entreprises ou les organismes extrabudgétaires?

M. Breton (Guy): Bien sûr, si le projet de loi actuel et le projet de politique s'adressaient aux entreprises, on n'aurait pas besoin de la loi-cadre. Cette annexe, qui date déjà d'au moins cinq ans, depuis 1995, c'était un premier coup d'envoi. On constate que, finalement, la loi reprend un certain nombre de concepts. On dit: Pourquoi ne pas aller jusqu'à l'entreprise? Et on rappelle qu'on avait déjà sorti ce document, donc il est là comme point de référence, et si le nouveau projet voulait intégrer les entreprises, on n'aurait pas besoin d'une loi-cadre comme telle.

Vous demandez, par ailleurs, s'il existe une loi-cadre du même style, et je vous dirai – peut-être en prévision d'une question qui arrivera peut-être, à savoir... Nous avons dit tantôt, dans le texte, que la maison mère devrait être aussi transparente que les filiales, en parlant du gouvernement. Je veux vous signaler que, en Alberta, le gouvernement rend compte de la même façon ou d'une façon plus ou moins identique à ce qui est proposé dans ce projet. Et le gouvernement, pour être capable de rendre compte globalement, oblige tout ce qui est dessous à rendre compte également, et cette reddition de comptes cumulative fait que, en fin de course, le gouvernement, globalement, dit: J'avais des obligations ou des engagements et je les ai rencontrés de telle et telle façon, et là tout est dans un cadre. C'est donc faisable. L'Alberta le fait. Et c'est pourquoi on s'est permis de dire: Pourquoi la maison mère ne le fait-elle pas, si elle veut le demander à ses filiales?

M. Marcoux: Merci. Un élément important de la reddition de comptes, c'est le rapport annuel du ministère ou d'une unité administrative, dépendant s'il y a un contrat de performance et d'imputabilité – et on y reviendra. Vous avez déjà discuté, je pense, ou fait valoir l'intérêt d'avoir une loi-cadre sur les rapports annuels. Ici, dans la proposition de loi telle qu'elle est présentement, on énumère certains critères que devront respecter les rapports annuels. Est-ce que, pour vous, ce qu'il y a dans la proposition de loi est suffisant maintenant ou si nous devrions aller plus loin dans des critères uniformes qui devraient s'appliquer à tout rapport annuel qui est déposé à l'Assemblée nationale?

M. Breton (Guy): Je dirais que c'est un premier pas dans la bonne direction. Je serais porté à suggérer qu'éventuellement, peut-être pas dès le départ, il y ait peut-être un certain nombre de critères communs qui permettraient, entre autres, de régler un problème susceptible d'arriver, à savoir la masse de documents qui va se présenter à la suite d'une telle approche. Parce que, quel que soit le ministère qu'on prend, à moins que le ministère devienne une seule unité où il y a un seul contrat de performance, on peut s'attendre à ce qu'il y ait des contrats de performance par type de produits ou par sous-section d'un texte de loi, dépendant de la nature des produits spécifiques, afin d'avoir des critères de mesures qui sont adaptés aux clientèles spécifiques.

Mais, quand on multiplie ça par ministère, puis par entreprise, puis par organisme, au mois de juin, là, quand les 90 jours vont être échus puis il va falloir déposer tous ces rapports, combien va-t-il y en avoir sur la table? Trop pour qu'une commission parlementaire ou trop pour que toutes les commissions parlementaires aient le temps, dans les six mois suivants, d'en faire le tour puis de demander aux gens de parader. Donc, il va falloir trouver un outil pour aller chercher les plus importants, ou les plus risqués, ou ceux qui sont le plus significatifs, et, éventuellement, on va se retrouver avec deux types de rapports, ceux qui sont d'intérêt aux parlementaires et les autres que, malheureusement, on n'a pas le temps de voir, mais qu'on va demander aux gens de réaliser quand même parce que, «internement», le sous-ministre, lui, il va faire son travail, mais le reste, il n'y aura pas de suivi parce qu'il y en a trop. Et, à ce moment-là, c'est là qu'on pourrait trouver des critères communs ou universels qui pourraient aider à identifier ces dossiers plus risqués ou de plus grand intérêt. Ça prend quelques critères communs pour dire: Bien, on va les faire classer par un certain mécanisme au départ et, ensuite, on va focusser sur ceux qu'on peut faire. Il va falloir un moyen de faire un tri. Et, si on n'a pas des rapports universels ou tout au moins universels dans une certaine partie qui permet de faire le tri, bien, je ne sais pas comment vous allez faire pour savoir lesquels il faut regarder chaque année. Mais je sais que vous n'aurez jamais le temps de tous les voir.

M. Marcoux: Vous rejoignez une des préoccupations que, moi, j'ai. Il est sûr qu'on poursuit tous le même objectif, c'est d'avoir une reddition de comptes adéquate et qui permet d'assurer une plus grande efficacité, une plus grande transparence. Mais, comme vous avez mentionné, si on multiplie la masse de documents et de rapports, est-ce qu'à un moment donné... dans le fond, les parlementaires seront, comme on dit, enterrés et l'objectif initial que l'on poursuit, en quelque sorte, va devenir beaucoup moins efficace parce qu'il va y en avoir trop, il va trop y en avoir, si on ne peut pas les revoir. Je veux dire, est-ce qu'on ne risque pas, dans le fond, de perdre de vue un peu l'essentiel pour en arriver à une série de détails?

Je me dis: Si un ministère, avec une unité de 30 personnes, pour quelque raison que ce soit, juge que c'est bon de passer un contrat de performance et d'imputabilité, puis qu'il y a 1 500 personnes dans le ministère, puis qu'on se retrouve avec une série de contrats, en plus avec des unités autonomes de service, et là on ne sait pas trop si ça va être des unités autonomes de service ou si ce sera des unités avec des contrats de performance et d'imputabilité, est-ce qu'on ne risque pas de complexifier considérablement l'appareil de l'État et de rendre d'autant plus difficile le contrôle des parlementaires?

M. Breton (Guy): Bon. Je pense que, d'une part... posons l'hypothèse que ça complexifierait puis que ça rendrait impossible, ce n'est pas une excuse pour ne pas faire des redditions de comptes, ce n'est pas une excuse pour ne pas signer des contrats. Je pense que cette approche qui ressemble à celle des unités autonomes, en soi, elle est excellente pour encadrer. Ce qui est difficile, c'est que, une fois que c'est encadré et qu'on rend compte, le volume va être trop grand pour la capacité d'une commission parlementaire. Évidemment, le processus propose que la commission parlementaire soit équipée des outils nécessaires et des ressources nécessaires pour faire son travail; bien, un des outils, ça va être justement la capacité de faire un tri dans ce qui est sur la table et puis de travailler sur ce qui est physiquement possible.

Mais il n'y a rien qui empêche que, au niveau peut-être du secrétaire général ou du Forum des sous-ministres, il y ait un exercice exactement semblable qui porterait peut-être sur d'autres facteurs ou d'autres sections de ces rapports annuels en disant: Vous, en tant que sous-ministre, quand j'ai besoin de vous évaluer pour une promotion, j'ai besoin de regarder si votre rapport annuel ou les rapports de toutes les unités sous votre ministère rencontrent telle, et telle, et telle condition. Bien, encore une fois, s'il y a quelque chose d'universel entre chacun des rapports, ça peut faciliter le travail. Rien n'empêche la Commission de la fonction publique de dire: Je reprends ces documents et, moi, je les trie sur une autre base parce que je veux savoir combien il y a eu de promotions sans concours et quelles sont les excuses, et les causes, et le tout. Et rien n'empêche le Conseil du trésor de dire: Je veux, moi aussi, reprendre encore tous les rapports et les trier d'une autre façon et aller chercher un certain nombre de facteurs. Et, moi aussi, extraire ma liste de cas à risque et les analyser puis obtenir des réponses. Ce sera faisable si les outils sont en place, sont évidemment de bonne qualité, mais qui ont une certaine universalité dans leur structure, de sorte que ces tris puissent être automatisés.

(12 h 30)

M. Marcoux: Vous me permettrez peut-être de revenir sur quelque chose que vous avez mentionné en disant: Ce qui est important, c'est la reddition de comptes. Je suis entièrement d'accord avec vous là-dessus, mais encore faut-il que les efforts consacrés lui permettent d'être significative. Ça ne me donne rien d'avoir une série de paperasse si personne n'a le temps de la regarder ou si ça prend une autre armée d'hommes pour examiner ces rapports-là puis faire un autre rapport. Et c'est dans ce sens-là que je vous pose la question, tout en étant bien d'accord sur une reddition de comptes qui soit significative.

M. Breton (Guy): La reddition de comptes va être générée en fonction du nombre d'unités qui vont être créées pour être gérées de cette façon-là. Le papier va être là, il faut trouver la solution pour l'utiliser de la meilleure façon ou de la façon la plus efficace compte tenu des disponibilités des commissions parlementaires. Mais il faut exclure au départ que vous allez le voir 100 %. Alors, il va falloir vous donner des outils pour aller voir ce qui est essentiel, selon soit un calendrier, selon des critères de risque, ou encore selon les grandes tendances en vigueur cette année-là sur la façon de gérer. Alors, vous aurez à déterminer vos critères pour sélectionner les dossiers que vous voulez voir, de la même façon que le Vérificateur utilise un outil pour déterminer de quels dossiers il vous rend compte dans son rapport annuel, et ensuite vous vous penchez dessus. Mais là vous aurez à faire un travail similaire pour tous les autres rapports.

M. Marcoux: Peut-être une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. Est-ce que vous jugez que certains critères devraient exister pour déterminer: est-ce qu'on doit constituer une unité autonome de services? est-ce que telle unité dans un ministère devrait faire l'objet d'un contrat de performance et d'imputabilité? ou encore si on doit laisser ça ouvert, avec des décisions ad hoc? Un exemple. Récemment, hier, je pense, on apprenait que les contrôleurs routiers seraient l'objet d'une unité autonome de services. Je ne juge pas, je ne dis pas que c'est bon ou pas bon mais j'ai l'impression que ça arrive à un moment donné: Oups! Oui, on va en faire une. L'autre, non. Il y en a des petites, il y en a des plus grosses. Est-ce qu'il serait concevable et souhaitable d'avoir certains critères qui permettent de baliser un peu la mise en oeuvre de ces concepts-là?

M. Breton (Guy): Je vous dirais qu'à l'expérience un certain nombre de critères vont nous apparaître. On va voir qu'il y en a quelques-unes qui sont faciles à gérer puis d'autres que ce n'est pas significatif. Le résultat qu'on nous donne est que finalement c'est un exercice un peu futile, un peu artificiel, et les critères vont sortir de là. De sorte que ça prendra peut-être cinq ou six ans, ou dix ans, avant de dire: Bon, bien, dorénavant, avant d'ouvrir une unité autonome de services il faut rencontrer tels critères parce que l'expérience nous montre que, quand elles ont telle forme et telle forme, ça ne donne pas vraiment les résultats qu'on espère.

M. Marcoux: Et est-ce que vous jugez que l'expérience, à date, ne permet pas de pouvoir développer ces critères-là?

M. Breton (Guy): Je pense que la seule unité qui n'est pas purement de service, c'est peut-être le ministère du Tourisme, avec une fonction de nature un peu politique qui est extrêmement difficile à évaluer au point de vue services à la population. Comment on mesure. Et je pense que vous avez une tentative tout au moins de décrire, à la page 57 de l'énoncé, les unités administratives visées par le contrat. Il y a une première tentative d'essayer de cerner à qui ça s'adresse, mais il y a certainement des situations où on peut prétendre qu'on devrait avoir une unité autonome sans que ça soit vraiment approprié.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. M. Breton, devant la commission de l'administration publique, on est toujours là pour évaluer les indicateurs de performance. On a vu, dans plusieurs domaines, la façon pour y arriver, la façon de les fixer, mais ces indicateurs auront de plus en plus d'importance. Prenons le Centre de recouvrement, ce sont des sommes modestes mais il y a des ajouts au budget des bureaux régionaux qui sont les plus performants. Alors, quand on commence à diviser l'argent, je pense qu'il faut être assez sûr que ces mesures sont fiables dans la mesure du possible.

Est-ce que pour mettre en oeuvre une réforme ambitieuse comme ça on a assez de ressources ou est-ce que le gouvernement doit créer un certain endroit d'expertise pour guider les gestionnaires à fixer ce genre d'indicateurs? Parce qu'on en a vu certains, comme le Centre de perception fiscale... Quand le directeur nous a informés, à la commission, que leur façon de faire, c'est de demander à tout le monde dans la gang combien ils vont chercher cette année, additionnez tout ça ensemble et on a la mesure de performance. Et quelle surprise, ils ont réussi! Je pense que ce n'est pas chez nous, mais comment est-ce qu'on peut aider ces gestionnaires à s'assurer que leurs mesures de performance sont efficaces ou sont bien choisies, bien mesurées?

M. Breton (Guy): Bien, je pense que vous exprimez en d'autres mots ce que nous voulons dire quand nous énonçons qu'il faudra une équipe extrêmement dynamique pour mettre en place une équipe avec un champion, une équipe... Et là je citerais M. le professeur...

M. Kelley: Jacob.

M. Breton (Guy): Pas Jacob, mais, enfin, des HEC, qui rappelait que dans tout grand changement de cette nature – M. Alain Rondeau – il doit y avoir finalement deux chapeaux: le chapeau qui conserve l'intégrité du milieu, à savoir qu'il y a une mission au gouvernement... Bien, la mission, on ne peut pas y toucher, il y a une personne qui est responsable de la mission. Mais la personne qui est engagée pour bouleverser la boîte, ça ne peut pas être la même, ce n'est pas la même autorité. Parce que porter deux chapeaux quand il y en a un qui prétend tout changer puis que l'autre prétend garder l'intégrité, il faut nécessairement qu'il y ait un débat entre les deux, mais que ce ne soit pas le même qui prétende faire le débat dans sa tête, qu'un matin il donne un ordre dans un sens puis le lendemain il le donne dans l'autre. Alors, ça, c'est au départ.

Deuxièmement, celui qui bouleverse, ça doit être un champion qui est capable de vendre son message, mais surtout qui sait s'entourer de ce qu'il faut. Bien, j'entendais tantôt un syndicat qui disait que, chez les informaticiens, ils ont toutes les ressources nécessaires. Au Québec, en faisant tout, on peut en trouver un certain nombre de ressources qui pourraient aider à développer les critères, mais je pense qu'il y a d'autres gouvernements qui ont également expérimenté des critères. Si l'État de la Floride est capable de présenter, je dirais, sur Internet les résultats de ses évaluations de programme pour chacun de ses programmes administratifs, bien, à un moment donné, ils ont été obligés de s'asseoir puis de déterminer quels sont les critères qui nous permettent d'aller dire qu'on donne des résultats ou pas. Alors, c'est un premier endroit où on peut aller voir, mais c'est un sur combien d'États américains qui font plus ou moins la même chose. L'Angleterre le fait, l'Australie le fait, la Nouvelle- Zélande le fait, l'Alberta le fait; il y en a d'autres qui l'ont fait. Alors, il faudra aller voir.

M. Kelley: Et aussi avoir la volonté d'accepter les comparaisons...

M. Breton (Guy): Ah! bien sûr!

M. Kelley: ...parce que, dans le Centre de perception fiscale, on a un long débat sur: Est-ce qu'on peut comparer la performance de nos percepteurs avec celle au niveau fédéral? Et je pense que plusieurs des membres de la commission sont restés un petit peu perplexes quant à la réponse que nous avons reçue au moment de cette... Alors, merci. Je pense que mon collègue de Westmount veut poser une question.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Courte, si je comprends bien. M. le Président, le Vérificateur général nous mentionne grosso modo dans son document qu'il est relativement satisfait de l'orientation du comment; vous l'avez exprimé dans votre document. En tout cas, j'ai manqué un peu le début de votre intervention, mais j'ai lu votre document. Dans le passé, vous avez déjà mentionné, spécifiquement sur la question des rapports annuels, que vous aimeriez voir mise sur pied ou voir adoptée par l'Assemblée une loi-cadre faisant en sorte que les rapports annuels soient uniformes, uniformisés pour les différents ministères et les différents organismes relevant du gouvernement. Est-ce que vous êtes encore de cette opinion?

M. Breton (Guy): Bien, je pense que, si cette loi-cadre qui était proposée ou ce principe finalement d'avoir une structure était intégré à ce projet, ce qui suppose qu'on intègre également les entreprises d'État, ça répondrait à l'objectif qu'on poursuivait. L'objectif, c'était d'avoir un document minimal comparable. Ce projet de loi, j'imagine, va arriver à dire qu'il y a un minimum que chacun doit donner, et ce minimum doit être comparable. Et, comme j'exprimais précédemment, on pourrait avoir un certain nombre de critères de base qui permettent de faire des tris peu importe l'organisme, soit l'Assemblée nationale ou le Conseil du trésor ou la fonction publique, à partir de cette information minimale.

M. Chagnon: Je ne peux pas être plus bref, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions, il me resterait à remercier les représentants du Vérificateur général pour leur contribution.

Je vous inviterais simplement, si vous le souhaitez, à rester assis, on va passer, au cours des 20 prochaines minutes – je suggère 10 minutes de chaque côté peut-être – aux remarques finales du porte-parole de l'opposition officielle et du ministre.

M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Vaudreuil.

M. Marcoux: M. le Président, merci. Dans un premier temps, je veux remercier tous les groupes, toutes les personnes qui ont présenté des mémoires et qui sont venus ici devant la commission. Je pense que les suggestions, les commentaires et les échanges que nous avons eus sont de nature à mieux éclairer les parlementaires et également à bonifier un éventuel projet de loi.

(12 h 40)

Deux constats se dégagent, je pense, de façon unanime. Tous reconnaissent la compétence et les qualifications de la fonction publique, son professionnalisme ainsi que le désir des gestionnaires et des employés de bien administrer les deniers publics et de servir le citoyen le mieux possible. Également, on reconnaît qu'il est nécessaire de faire évoluer les modes de gestion de l'État pour assurer une administration transparente, plus efficace, dans le contexte de changements externes qui posent des défis majeurs sur le plan de la compétitivité et de la productivité. Et nous nous inscrivons ici, comme État, comme gouvernement, dans le sérail des orientations qui sont déjà prises par plusieurs pays.

Cependant, m'inspirant des expériences étrangères, dont on cite d'ailleurs des cas, également en m'inspirant des commentaires qui ont été faits par différents groupes qui ont témoigné devant la commission, je veux souligner trois points importants qui sont essentiels pour faire un succès d'une réorganisation de fonctionnement d'une organisation.

Premièrement, il est nécessaire de parler de la mission de l'État, de définir la vision de l'État avant de parler uniquement de son fonctionnement. Dans le document, en effet – on l'a rappelé – le ministre énonce que la réforme s'attache à la manière dont l'État fait les choses mais non pas à ce que l'État a ou aurait à faire. Je pense que dans n'importe quoi, lorsqu'on réalise un projet, on doit définir ce qu'on veut faire, quoi faire, avant de définir comment le faire. D'ailleurs, nous avons eu des commentaires de différents groupes à cet égard-là, et je reprends simplement ceux de l'Association des cadres, où on disait: À une réponse, dans n'importe quel cours de formation que vous allez suivre, on va vous dire: Avant de poser le comment, répondons donc au quoi.

Le Protecteur du citoyen, ce matin, dans son mémoire, parle également des liens étroits entre le rôle de l'État et son fonctionnement. On retrouve le même constat dans la synthèse du colloque de l'ENAP qui a été tenu il y a quelques semaines, où les gestionnaires qui y étaient ont indiqué: «Il est nécessaire d'insérer les transformations de l'administration dans le cadre d'une vision de l'État qui la justifie légitime sur le plan des valeurs et dans lesquelles se reconnaissent à la fois la population du Québec et l'ensemble des membres des services publics. À cet égard, dissiper le flou du discours actuel en matière de rôle de l'État et éviter les discours contradictoires et parfois démagogiques qui varient selon les auditoires.»

D'ailleurs, dans les pays de l'OCDE qui ont procédé avec succès, au cours des dernières années, à des modifications de leur mode de gestion, on a revu le rôle de l'État. En effet, on a revu les fonctions, on a redéfini l'organisation, on a revu les structures, on a procédé à un examen général des programmes: Est-ce que l'État fait les bonnes choses? Et, si oui, doit-il continuer de les faire ou doit-il faire de nouvelles choses?

Rappelons qu'au Québec on a maintenu un modèle d'intervention constante de l'État. On retrouve présentement 50 % des dépenses publiques qui constituent l'économie du Québec. C'est un pourcentage qui est beaucoup plus élevé que nos concurrents, dans ce cadre-là, et c'est un modèle qui ne livre plus la marchandise. Par exemple, on faisait état du chômage ailleurs, à 4 %, et on rappelle ici que le chômage est toujours à 9,8 %, que nos contribuables sont les plus taxés et que notre croissance économique est anémique, comparée à nos voisins.

Donc, pour ramener le pourcentage des dépenses publiques à des niveaux plus comparables, nous croyons que nous devrions nous requestionner davantage sur le quoi, revoir les programmes, revoir le rôle de l'État et en faire un débat. Le ministre nous a dit qu'il n'y avait pas raison de s'occuper du quoi parce qu'il a été fait avec l'atteinte du déficit zéro. Une telle réponse implique à mon avis une volonté du statu quo et une réponse tout à fait très courte. Parce que les coupures, vous savez, ne signifient pas qu'on a réellement revu les structures ou évalué les programmes. Et un exemple très simple: dans le domaine de la santé où on a effectué des mises à la retraite massives. On a créé d'énormes problèmes et, on le voit présentement, nous sommes rendus qu'au Québec on dépense, per capita, dans la santé, moins que la moyenne canadienne. Par ailleurs, on continue de maintenir des structures administratives, les régies régionales qui nous coûtent près de 100 000 000 $ par année. Pourquoi ne pas revoir leur rôle dans des contextes nouveaux et évolutifs et investir ainsi l'argent économisé des frais administratifs plutôt dans les services aux citoyens?

Donc, il nous apparaît également que nous devrions discuter des modes de prestation des services. Il y a de nouveaux modes de prestation qui sont expérimentés un peu partout; nous en avons discuté également. On peut être d'accord ou ne pas être d'accord, mais je pense qu'il devrait y avoir un débat public, que le gouvernement et l'État définissent leur ligne d'orientation et que l'on ne procède pas uniquement au cas par cas. D'ailleurs, les groupes qui sont venus témoigner devant nous, et notamment les fonctionnaires, ont indiqué que ces questions de mission de l'État et de modes de prestation relevaient du niveau politique et non pas du niveau administratif.

L'autre point à souligner, c'est celui de la motivation et de l'adhésion de l'ensemble du personnel. L'implantation réussie d'un nouveau mode de gestion requiert une adhésion sans réserve. Les gestionnaires et les employés doivent être enthousiastes et s'approprier du projet. Ils doivent être non seulement consultés, mais doivent également participer à la définition et à la mise en oeuvre des changements.

On a parlé de consultations qui ont été tenues durant l'été – il faut s'interroger sur l'opportunité de tenir ça durant une période estivale – et des représentants des groupes d'employés sont venus nous faire part de leur inquiétude et de leur impression de n'être pas vraiment partie au processus, mais plutôt de recevoir la réforme d'en haut. Et la synthèse du colloque de l'ENAP auquel on a fait allusion indique clairement que les fonctionnaires, s'ils ont toujours le goût de servir, sont démotivés par le manque de vision en ce qui concerne la conception et la mise en oeuvre des réformes. On dit, par exemple: «Pour qu'une réforme réussisse, il faut se soucier au premier chef de la mobilisation affective et professionnelle de ceux et celles qui en sont les artisans.»

Je comprends qu'un article de La Presse , signé par M. Denis Lessard, fait dire au président du Conseil du trésor qu'il y a bien des gens en recyclage à l'ENAP et que les mandarins mécontents feraient mieux de se faire entendre à la commission parlementaire. Je trouve que cette attitude, peut-être causée par la surprise et peut-être un peu intempestive, n'est pas nécessairement la meilleure, il me semble, en tout respect. Et j'espère qu'il se dirait plutôt: Quels moyens puis-je prendre pour modifier cette situation, restaurer la confiance et la motivation des gens qui ne demandent pas mieux que de travailler ensemble à des objectifs qui soient convergents, cohérents, à la condition qu'on leur donne la chance de le faire?

Troisième élément important: Toute mise en oeuvre d'une réorganisation doit s'accompagner d'un plan d'ensemble de mise en oeuvre. Évidemment, présumant qu'une loi sera adoptée, il sera absolument nécessaire d'avoir un tel plan de mise en oeuvre. Pourtant, l'énoncé de politique est silencieux à cet égard. On ne peut assurer le succès sans une planification réaliste qui décrit les étapes, qui prévoit des échéanciers, qui précise les moyens de mise en oeuvre. La nécessité d'un tel plan, d'ailleurs, dont le Vérificateur général a fait état ce matin, a été aussi mentionnée par d'autres groupes qui sont venus devant nous. Autrement, on risque de faire de beaux discours, d'avoir une belle loi, mais de créer des contradictions et d'amères déceptions.

Maintenant, quelques suggestions qui seraient faites dans le cadre du document de l'énoncé de politique concernant le fonctionnement de l'État, tels les objectifs de gérer davantage par résultats, de responsabiliser davantage les gestionnaires, de mettre sur pied des indicateurs de performance, d'accroître l'imputabilité des hauts fonctionnaires, de revoir le contenu des rapports annuels. Tous ces éléments sont positifs et font consensus.

Par ailleurs, certaines suggestions et recommandations pertinentes ont été faites par différents groupes et je veux souligner rapidement quelques points. Une préoccupation importante est celle qui touche la présence des jeunes dans la fonction publique. On peut expliquer la situation actuelle de sous-représentation de ce groupe. Cependant, on doit dès maintenant prévoir les besoins de main-d'oeuvre et les moyens d'embaucher un nombre accru de jeunes. Soulignons aussi que nous devons réduire la précarité des emplois dans la fonction publique. Il semble inacceptable de pouvoir garder à titre occasionnel un fonctionnaire pendant cinq ans.

Deuxièmement, au sujet de la dotation des postes dans la fonction publique, l'énoncé de politique favorise la promotion sans concours et la réduction du droit d'appel. La Commission de la fonction publique a rappelé à juste titre l'importance de maintenir le principe du mérite et le principe de l'égalité d'accès afin d'éviter l'arbitraire. D'autres groupes sont venus confirmer cette inquiétude. On devrait donc examiner divers moyens dont la commission a fait état afin d'accélérer les processus de dotation tout en maintenant la promotion par concours ainsi que le droit d'appel auprès de la commission pour un fonctionnaire qui s'estime lésé. Un tel droit existe d'ailleurs au fédéral et dans plusieurs autres provinces canadiennes.

Troisièmement, un objectif fondamental des changements proposés est de fournir de meilleurs services. Il est peu question dans le document, et très brièvement dans la proposition de loi, des services aux citoyens. Comment s'assurer de l'évaluation de la qualité des services aux citoyens? Dans le privé, avec la concurrence, le consommateur fait son choix. C'est différent dans le secteur public, on se retrouve dans une situation monopolistique. N'y aurait-il pas lieu d'établir une charte des citoyens, comme c'est le cas au Royaume-Uni, The Citizen Charter, en France et aux États-Unis? Certainement une façon de démontrer le sérieux de l'État et son engagement envers les droits des citoyens et les responsabilités qu'il veut offrir en termes de services.

(12 h 50)

Un autre point important, c'est celui de la reconnaissance de la performance. Nous en avons discuté. Je pense que beaucoup d'ajustements encore et d'analyses ont à être faits à cet égard-là.

L'objectif des propositions de gestion par résultats est d'alléger le processus, d'augmenter l'efficacité en remplaçant les contrôles a priori par les contrôles a posteriori. À cet égard, on suggère toute une série de mécanismes allant des ententes de gestion aux contrats de performance et d'imputabilité, la constitution d'unités autonomes de services, le tout évidemment sous le contrôle du Conseil du trésor.

Je pense que l'orientation est bonne mais il faudrait faire attention pour ne pas remplacer une bureaucratie a priori par une bureaucratie a posteriori qui finalement ne rendrait pas le contrôle des parlementaires beaucoup plus efficace. L'objectif doit être de simplifier l'appareil de l'État et non pas de le compliquer parce qu'il est important que les citoyens s'y retrouvent pour obtenir leurs services.

M. le Président, en conclusion, c'est certainement avec intérêt que nous participons à cette évolution des modes de gestion de l'État. Nous nous inscrivons dans une continuité de ce qui a déjà été fait ici au Québec et dans les tendances que l'on retrouve dans les autres pays de l'OCDE. Nous devons nous appliquer à le faire avec succès. Puis-je rappeler qu'à cet égard je trouve dommage que le gouvernement évite le débat sur le rôle et la mission de l'État ainsi que sur tout ce qui touche les modes de prestation des services, et nous l'incitons à entreprendre cette révision et ce débat. De plus, nous devons mettre l'accent sur la restauration de la motivation et de la confiance de la fonction publique. Et troisièmement, nous devons planifier ces changements de façon ordonnée, claire et réaliste. L'improvisation conduit à des catastrophes. C'est à ces conditions que nous pourrons ensemble réussir à mieux servir le citoyen, ce qui est l'objectif ultime du gouvernement et de l'appareil de l'État. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le député de Vaudreuil et porte-parole de l'opposition officielle. Nous en venons maintenant aux remarques finales du ministre responsable de l'administration publique, président du Conseil du trésor et député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président et chers collègues ainsi que ceux qui sont ici, vous me permettrez d'abord de dire que je suis très heureux des travaux de cette commission. L'exercice de consultation a permis à tous les parlementaires réunis autour de cette table d'entendre plusieurs recommandations et de discuter de l'importance de l'enjeu de cette modernisation, et je reconnais que l'opposition, à part quelques remarques tendancieuses, en général a joué son rôle. Je comprends que le député de Vaudreuil, comme il arrive souvent, alors qu'il ne peut plus mal faire par lui-même, se met à donner des conseils aux autres. Mais, ceci étant dit, le climat dans lequel s'est déroulée cette commission a été excellent. Je reçois donc très positivement tous les commentaires, toutes les propositions qui ont été faits au cours de ces journées, puis j'ai apprécié la contribution de chacun.

Je prends aussi bonne note des remarques qui ont été faites quant à la prudence qu'on doit avoir dans ce genre d'exercice ainsi que dans le développement et le démarrage d'un projet de cette ampleur. À maintes reprises, on a soulevé des questions ou des commentaires très pertinents et qui seront pris en compte ultérieurement. Il m'apparaît également important de souligner le consensus qui se dégage autour du principe d'offrir de meilleurs services au citoyen. Sur cette question, je m'engage à éclaircir davantage soit l'article 1 soit un préambule de la loi, un peu dans la foulée de ce qu'a dit le Vérificateur général tout à l'heure.

Cet objectif d'offrir de meilleurs services au citoyen demeure une préoccupation commune, qui est au centre de nos préoccupations à nous et qui mérite qu'on y concentre tous nos efforts. Je réitère qu'il faut que le citoyen soit l'élément moteur de toute cette modernisation. L'État, au Québec, a toujours été attentif à l'importance de fournir aux Québécois des services auxquels ils peuvent s'attendre. En déposant l'énoncé de politique, le gouvernement indique clairement que le citoyen demeure au centre de ses préoccupations et, par cette modernisation, il vient réaffirmer sa volonté d'aller plus loin que ce qui a été fait jusqu'ici, sa volonté de se rapprocher du citoyen tout en s'assurant que l'on connaisse bien ce qui importe pour lui en matière de services de qualité.

Par cette initiative, l'État pose un geste concret visant à améliorer sa prestation de services auprès du citoyen. Pour ce faire, il sera cependant essentiel que le citoyen lui-même guide son action en fonction des attentes qu'il aura exprimées. Cette réforme vient non seulement exposer des engagements mais donner des outils pour que le citoyen soit en mesure de prévoir le résultat qu'il souhaite.

Ainsi, obtenir des services fiables, utiliser des démarches faciles, recevoir de l'information sur ses droits, bénéficier de services humains, échanger avec une équipe compétente, avoir des services accessibles et tout cela selon la capacité de payer, voila ce qui doit être à la base de tous les gestes posés quotidiennement, et je suis certain que vous partagez cette vision. Nous devons pousser plus à fond la façon d'être en lien plus direct avec le citoyen, que ce soit à l'aide de sondages ou encore auprès de groupes de discussion menés auprès des citoyens, qu'on appelle les «focus groups», et ce, à des fréquences régulières, nous pourrions ainsi mieux évaluer sa satisfaction et découvrir ce qui lui importe en termes de services de qualité.

Le citoyen, qui est notre raison d'être, à la fois client, utilisateur et contribuable, devrait pouvoir être en mesure d'établir une relation de confiance avec la fonction publique et peut s'attendre à un fonctionnement beaucoup plus facile, équitable et cohérent. Est-ce qu'il est encore nécessaire de rappeler que c'est pour lui que nous oeuvrons, que c'est aussi pour lui qu'il faut être plus efficace et plus transparent, que c'est pour lui que nous existons, même comme parlementaires?

Les attentes sont grandissantes et légitimes à l'égard de l'appareil public. Le contexte a évolué et il faut que l'appareil administratif s'adapte aux nouvelles façons. Le citoyen s'attend maintenant à des explications claires, à être bien guidé dans ses démarches, à une utilisation minimale de la paperasse et surtout à un langage simple et facile à comprendre. Ce défi est ambitieux, il ne pourra se réaliser qu'avec l'engagement et la détermination de toute la fonction publique et un projet de ce type, quant à moi, me semble des plus mobilisateurs et réalisables grâce à toutes les bonnes idées que nous avons pu avoir collectivement.

Le citoyen s'attend à être accueilli avec diplomatie et à être écouté attentivement. Ce ne sont là en fait que quelques gestes qui répondraient très certainement aux attentes des citoyens. Oui, à la qualité des services, toutefois il faut être conscient aussi des limites du gouvernement, et je crois que la transparence et la clarté dans l'administration publique de tout ce que nous ferons vont contribuer à bien fixer les droits des citoyens mais aussi les limites de l'État quant aux services qu'il peut rendre à la population.

L'État, par ses interventions, a été très souvent une source de progrès pour notre société mais pour bien comprendre le sens de la réforme en cours, il ne faudrait pas perdre de vue ce lien particulier d'identification de la population québécoise à l'État du Québec.

Et même si, ici, nous n'avons pas traité du quoi, il reste qu'au cours des dernières années nous en avons traité abondamment et que ce n'est pas terminé. Le pourcentage des dépenses de programmes, par exemple, à l'intérieur du PIB du Québec est passé de 21,2 % à 18,5 %. Cela signifie qu'il y a eu une interrogation considérable qui a déjà été faite par le gouvernement et encore une fois, je tiens à le répéter, elle n'est pas terminée.

Je continue, M. le Président, en disant qu'il ne faudrait pas oublier que le potentiel économique d'un État dépend également du coût et de la qualité des services publics. Il faut donc porter une attention particulière à la contribution économique imputable au fonctionnement de l'État et ainsi souscrire à la démarche de mondialisation des marchés.

Un effort sans précédent a été fait pour redresser les finances publiques, je viens de le rappeler. Nous avons maintenant un budget équilibré mais la pression sur les dépenses publiques demeure toujours très forte et la rigueur budgétaire sera toujours de mise pour préserver nos acquis. Une des solutions dans ce contexte est de revoir nos approches et nos méthodes. Pas juste le quoi mais aussi le comment. Certains groupes ont d'ailleurs souhaité que l'on s'inspire d'expériences d'autres États pour moderniser notre gestion publique. Je voudrais simplement mentionner que nous avons réalisé des contacts sur ce plan, nous recueillons des informations très intéressantes, notamment sur la Grande-Bretagne, sur sa façon de développer des indicateurs et de fixer les attentes de résultats. On peut les interpréter, mais il y a des choses très intéressantes à y trouver.

(13 heures)

Il ne faut pas penser que le Québec fait bande à part. Nous avons, nous aussi, des expériences exportables et nous avons, dans cette expérience des unités autonomes de service, des éléments, comme par exemple l'aide financière aux étudiants, qui sont des exemples exportables.

L'administration québécoise continue d'occuper une place stratégique au sein de notre société. Son bon fonctionnement est donc essentiel pour assurer un positionnement des plus compétitifs du Québec à l'échelle mondiale. Bien que le projet de politique québécoise que j'ai déposé ait suscité des réactions parfois contradictoires, un consensus se dégage sur la nécessaire modernisation de l'administration gouvernementale, ou je pourrais dire sur la poursuite de cette modernisation.

L'ensemble de la fonction publique se dit prêt à en faire un projet partagé et à relever le défi collectivement. Plusieurs mémoires sont d'ailleurs venus confirmer l'importance d'associer tous les employés, tous les fonctionnaires, et ce, à toutes les étapes du processus d'implantation des phases transitoires qui y conduisent. Nous en avons eu un exemple ce matin. Je veux simplement rappeler que nous avons eu un règlement à Hydro-Québec qui va dans le sens des indicateurs de rendement... Oui?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça me prendrait simplement le consentement, à ce moment-ci, pour vous permettre de terminer.

M. Léonard: Ça va. J'en ai pour quatre minutes, à peu près, M. le Président.

Alors, voilà un exemple, il y en a dans d'autres coins de l'administration publique. La gestion axée sur les résultats est saluée comme une approche moderne et dynamisante, qui laisse plus de place à l'initiative des gestionnaires et des employés, ce qui permet à chacun de se rapprocher de l'action essentielle en ayant un encadrement administratif nécessaire mais plus souple.

L'imputabilité accrue des gestionnaires dans l'atteinte d'objectifs mesurables est également considérée comme un élément indispensable lié à une plus grande responsabilisation. L'obligation de chaque ministère, qui fournit des services directement à la population, de publier ces objectifs par rapport au niveau des services et à leur qualité, est considérée comme une bonne façon de donner l'information requise à ces actionnaires, par exemple, pour qu'ils puissent analyser la performance; ou à ses citoyens, pour être encore plus précis.

La publication d'un plan stratégique pluriannuel, qui n'est pas publié à l'heure actuelle, d'un plan annuel de gestion des dépenses, qui lui est déjà publié, et d'un rapport annuel de gestion qui sera modifié, deviennent pour plusieurs un élément mobilisateur. Ces efforts de communication avec le public viendront sûrement apporter plus de vigueur aux diverses interventions.

J'ai pu aussi noter que la notion de contrôle a posteriori a été bien accueillie de même que l'idée ou le principe du contrat de performance et d'imputabilité. Ce dernier permettra ainsi d'orienter l'agir sur les réelles attentes des citoyens en fixant des indicateurs reflétant la qualité de services souhaitée.

La possibilité de conclure une entente de gestion avec le Conseil du trésor pour définir un cadre de gestion des ressources humaines, financières, matérielles propre à cette unité permettrait, par exemple, à des unités autonomes de services déjà en place d'aller chercher des allégements qui leur sont nécessaires. D'ailleurs, les administrateurs recommandent de poursuivre plus avant cette volonté.

Les employés de l'État ont à coeur la qualité des services à la population. Ils l'ont manifesté dans le passé; ils le manifestent encore. Ils aspirent, je crois, à plus de responsabilités pour rendre ces services de façon toujours plus efficace, plus adaptée, et ce, en toute intégrité, loyauté et impartialité. Ils endossent les grands principes de gestion de l'énoncé de politique tout en étant préoccupés par leur mise en oeuvre. Bref, ils ont manifesté leur intérêt à s'engager activement dans cette nouvelle approche et ce sont les conclusions que nous tirons des commentaires des 6 273 fonctionnaires qui ont participé à la consultation.

Cette politique vise un changement en profondeur de la façon de faire et, à cet égard, les gestionnaires nous ont assurés de leur appui. Ils sont tout aussi désireux que nous de mettre l'accent sur la qualité des services et sur les résultats plutôt que sur les règles et les procédures administratives. La modernisation de la gestion publique interpelle tous les intervenants: citoyens, parlementaires, ministres et fonctionnaires. L'adhésion de tous est essentielle et chacun a un rôle fondamental à jouer dans ce projet. Leur engagement est une condition primordiale pour son succès. Cette modernisation se réalisera à la faveur des possibilités fort prometteuses des technologies de l'information.

Avec l'autoroute de l'information gouvernementale, l'État se rapproche du citoyen. Cette autoroute est déjà présente dans plusieurs foyers. S'ajoutera aussi, d'ici avril 2001, un nouveau système d'information intégrant la gestion des ressources financières, humaines et matérielles, qu'on appelle GIRES. C'est là un cadre général simple et dynamique. Il fait appel au sens des responsabilités. Pour pousser encore plus loin la transformation du modèle de gestion, nous avons voulu que ce dernier soit souple et adaptable. Les gestionnaires auront une marge de manoeuvre accrue pour diriger les opérations de leur unité.

En outre, pour axer la gestion gouvernementale sur l'atteinte des résultats, l'éventualité d'élargir les mécanismes de reconnaissance de la performance fait actuellement l'objet d'échanges avec nos partenaires, aussi les partenaires syndicaux. Je souhaite que ces discussions réussissent car je crois qu'il s'agit d'un élément qui influencera positivement la valorisation et la mobilisation des femmes et des hommes au service des citoyens.

M. le Président, je veux juste vous faire part des prochaines étapes que nous entendons suivre, dans la mesure où nous pourrons le faire, pour réaliser l'implantation du nouveau cadre de gestion. Je prévois déposer ce projet de loi à la session d'automne et il sera modifié. Ce que nous avons ici, c'est une proposition de loi. C'est donc dire qu'il y a au moins des éléments. Certains éléments pourront entrer en vigueur à partir du 1er avril 2000, si l'Assemblée nationale concourt à l'adoption de ce projet de loi ainsi que l'opposition. L'implantation va se faire dans une période ultérieure. On peut penser que, pour une période d'environ trois ans, nous allons accélérer dans le mesure du possible, mais en 2000-2001, nous pourrions voir des déclarations sur la qualité des services aux citoyens, la publication de plans stratégiques ainsi que des contrats de performance et d'imputabilité.

En conclusion, M. le Président, je veux simplement dire une dernière fois que la modernisation que nous envisageons répond à des besoins, maintes fois exprimés au cours de nos travaux, de responsabiliser davantage la fonction publique pour mieux répondre au citoyen. Je vais m'assurer personnellement de créer toutes les conditions qui permettront de concrétiser cet objectif. Je veux cibler davantage la qualité des services attendus par le citoyen en fonction de notre capacité de payer, où nous devrons concentrer nos efforts. C'est un exercice qui est loin d'être facile que celui que nous avons effectué jusqu'ici, il est encore de nature très générale, il sera précisé. Alors, l'exercice que nous venons de vivre va sûrement constituer une valeur ajoutée au projet.

Je voudrais, en terminant vraiment, remercier mes collègues des deux côtés de cette table ainsi que vous, M. le Président, votre équipe et l'équipe qui m'a accompagné, du Conseil du trésor, Mme Bégin ainsi que tous ceux qui l'accompagnent ici et qui sont nombreux. Nous avons encore beaucoup de pain sur la planche. Ce n'est que le début d'une modernisation ou d'une nouvelle modernisation, d'une nouvelle étape de modernisation, mais je suis sûr que toutes les conditions concourent à ce que cela soit un succès.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le ministre et président du Conseil du trésor. À ce moment-ci, je dépose le mémoire de l'Association des industries forestières du Québec.

J'aimerais, à mon tour, au nom des membres de la commission, remercier, bien sûr, les membres eux-mêmes de la commission, mais également, au nom des membres de la commission, toutes les personnes qui ont contribué à nos travaux, les personnes qui nous assistent techniquement mais aussi ceux et celles qui sont venus nous faire part de leurs avis, de leur opinion sur le projet en question.

Et, la commission spéciale ayant, à ce moment-ci, terminé son ordre du jour, j'ajourne les travaux sine die. Je vous remercie.

(Fin de la séance à 13 h 9)


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