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Version finale

35th Legislature, 1st Session
(November 29, 1994 au March 13, 1996)

Wednesday, May 31, 1995 - Vol. 34 N° 5

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 90 - Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre (titre modifié)


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Table des matières

Organisation des travaux

Auditions


Intervenants
M. Joseph Facal, président
Mme Louise Harel
M. Yvon Charbonneau
M. Gérald Tremblay
*M. Raymond E. Lavoie, CCIQM
*M. Gaston Lafleur, CQCD
*M. Michel Fournier, idem
*Mme Ève Richard Morin, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Seize heures vingt-sept minutes)

Le Président (M. Facal): Je vous propose de commencer. Nous avons le quorum. Alors, nous ouvrons cette séance de la commission spéciale dont le mandat est de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle.

Est-ce qu'il y a, M. le secrétaire, des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François) est remplacée par Mme Houda-Pepin (La Pinière); M. Poulin (Beauce-Nord) par M. Quirion (Beauce-Sud).

Le Président (M. Facal): Merci.


Organisation des travaux

M. Charbonneau (Bourassa): Avant d'aller plus loin, M. le Président...

Le Président (M. Facal): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, c'est une question d'organisation de notre travail. Nous avons un horaire, maintenant, qui est définitif, qui nous conduit jusqu'à lundi midi... 13 heures, si je ne m'abuse?

Le Président (M. Facal): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Il a été question, il y a quelques jours, dans un échange avec la ministre, d'aménager un moment où nous pourrions avoir une présentation, par des conseillers juridiques, de certains aspects du projet de loi. J'aimerais qu'on puisse s'entendre quant au moment. Et, moi, je suggérerais que ce soit dans le cours de lundi après-midi, l'après-midi de lundi, par exemple, ou à un autre moment à discuter. Mais j'aimerais qu'on statue là-dessus de manière à aménager nos emplois du temps.

Le Président (M. Facal): Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, oui, M. le Président, je pense que ça donnera l'occasion aux membres de la commission, autant ministériels que de l'opposition, de vérifier leur interprétation des dispositions à caractère juridique. Et, moi, ce que je vous propose, c'est que ce soit lundi. Il semble que le projet de loi 84 sur le comité paritaire dans le verre plat va être appelé lundi après-midi. Donc, le projet de loi 84 devrait, normalement, me dit-on, être appelé en étude article par article. Ce qui n'empêcherait pas que cette rencontre puisse avoir lieu, dans la mesure où vous acceptez, M. le député de Bourassa, que je puisse ne pas y assister, là, nécessairement, tout au long, parce qu'on ne sait pas combien de temps durera, finalement, l'étude article par article. Il y a quatre articles, là, mais je ne connais pas les intentions de l'opposition.

M. Charbonneau (Bourassa): Devant la commission de l'économie et du travail?

Mme Harel: Économie et travail.

M. Charbonneau (Bourassa): Mon collègue sera certainement occupé à cette commission aussi. Ça ne serait pas un bien bon moment pour nous, là, de toute façon.

Mme Harel: Donc, ce serait soit à ce moment-là ou...

M. Charbonneau (Bourassa): Un peu avant ou un peu après.

(16 h 30)

Mme Harel: ...un peu avant ou un peu après.

M. Charbonneau (Bourassa): Tout en disant que ça pourrait être le lundi, mais à une heure à être déterminée, selon...

Une voix: Travailler au noir, oui... la nuit, la nuit!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: On était là à 1 heure du matin, hier, au cabinet. Ha, ha, ha! Alors, ce qu'on pourra faire, si vous le voulez bien, c'est réserver une salle et demander aux juristes d'être présents, puis M. Laflamme organisera tout cela, puis, lundi matin, après la période de questions, se confirmer l'heure où ça aura lieu.

Le Président (M. Facal): D'accord? Alors, nous sommes ici, cet après-midi, pour entendre d'abord les représentants de la Chambre de commerce & d'industrie du Québec métropolitain, que j'invite à venir s'asseoir à la table qui nous fait face.

Alors, nous souhaitons la bienvenue à nos invités, à qui je rappelle, tout d'abord, les règles du jeu. Vous disposerez de 20 minutes pour présenter votre mémoire, et cette période de présentation sera suivie d'un échange de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition.

Alors, si vous voulez avoir l'amabilité de commencer par présenter les membres de votre délégation, et puis ensuite entreprendre la présentation de votre mémoire.


Auditions


Chambre de commerce & d'industrie du Québec métropolitain (CCIQM)

M. Lavoie (Raymond E.): Alors, merci, M. le Président. On vous remercie de nous avoir invités. J'aimerais vous présenter M. Alain Kirouac, qui est le directeur de la Chambre de commerce du Québec métro; à ma gauche, M. Marc Desroches, consultant, et M. Alain Dubé, de la Chambre de commerce.

Alors, vous avez le mémoire, je pense, devant vous. Il comporte une introduction, une problématique, «Considérations sur les impacts du projet», «Considérations sur la gestion de la formation», nos recommandations, et, en annexe, quelques documentations en provenance de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Alors, la Chambre de commerce & d'industrie du Québec métropolitain, avec ses 2 500 membres provenant de tous les secteurs de l'économie, est le plus important regroupement des gens d'affaires de tout l'Est du Québec. Elle a pour mission de promouvoir la prospérité de la région de Québec et d'en être le centre d'action et d'animation du développement économique. Regroupement de forces vives, elle permet à la communauté des affaires de participer activement au développement de la région et d'exprimer son opinion sur les situations susceptibles d'influencer ce développement.

La Chambre de commerce & d'industrie du Québec métropolitain a étudié avec soin la question d'une contribution obligatoire des entreprises au financement de la formation. Elle l'a fait sous l'éclairage particulier du développement économique de la région de Québec, un éclairage qu'intensifie la culture de formation dans l'entreprise.

La Chambre de commerce & d'industrie du Québec métropolitain reconnaît l'importance de la formation continue. Elle lui accorde même la capacité de modifier, d'une façon primordiale, le développement régional.

La formation professionnelle de base ne peut pas satisfaire les besoins en formation de la personne pour toute sa carrière. Elle permet une assise de formation assurant la capacité d'assumer un nombre relativement restreint de tâches, celles d'un secteur d'activité. Mais la vie professionnelle de la personne, son évolution dans le travail, son cheminement de carrière sont autant de variables majeures qui la justifieront d'adapter et de compléter ses connaissances et son savoir-faire. À défaut de quoi sa croissance personnelle et la croissance de sa compétence seront affectées.

Et l'on peut évoquer, ici, l'évidence voulant que l'arrêt du progrès entraîne le recul. Mais ce qu'il faut essentiellement retenir, c'est qu'il ne sera jamais possible de préparer les personnes d'une façon précise à l'exercice d'une carrière, puisque, d'une part, les personnes croissent toute leur vie, ce qui entraîne l'évolution constante de leurs intérêts, et, d'autre part, les éléments constitutifs du travail et de l'exercice d'une tâche évoluent aussi constamment.

Comme on le sait, le travail a toujours été influencé par l'évolution technologique. Il fut un temps où les techniques ne se modifiaient que légèrement au cours des siècles. De nos jours, la durée de stabilité des techniques, que bouleverse l'innovation, est de quelques mois, sinon de quelques semaines, voire de quelques jours, selon les secteurs d'activité. L'entreprise qui veut vivre, donc qui se veut concurrentielle dans son marché, doit suivre les courants innovateurs, sinon les déclencher. Dans ces conditions, son développement ne se fait que par l'adaptation de ses moyens et procédés, ce qui entraîne la formation spécialisée de ses ressources humaines qui doivent, à leur tour, s'adapter à ces nouveautés et aux besoins nouveaux qui en découlent.

C'est cette convergence des besoins de l'entreprise et des besoins du travailleur qui justifie l'importance donnée à la formation continue. Des besoins qui sont modelés par les exigences de la croissance, tenant compte de variables comme la recherche de la qualité totale, l'application généralisée de normes internationales, les critères de rentabilisation, qui sont toutes omniprésentes. Des besoins qui sont à l'image même de l'entreprise qui a une individualité, avec sa nature, sa personnalité, ses caractéristiques bien particulières. On parle donc de besoins spécifiques.

La formation continue doit donc être une démarche individualisée, puisqu'elle doit satisfaire des besoins d'entreprises individuelles. Nous entendons que c'est une démarche d'entreprise qui doit se définir par l'entreprise elle-même, dans le contexte de sa culture et du respect de sa spécificité et de son individualité. Une individualité qui s'exprime dans une définition de ses propres besoins et qui tient compte du poids de leur réalité.

Cette individualité des besoins de l'entreprise à laquelle sont intégrés ceux qui travaillent – idéalement, jusqu'à s'y assimiler – rend illusoire la prétention d'offrir des formations adaptées en un supermarché de cours. C'est la disponibilité de formateurs adaptables aux besoins spécifiques de ceux qui veulent être formés qui est nécessaire. Des formateurs qui, selon les cas et les situations, peuvent autant se trouver dans l'entreprise elle-même qu'à l'extérieur.

Si la Chambre de commerce & d'industrie du Québec métropolitain reconnaît l'importance de la formation continue jusqu'à en faire un moteur de croissance de l'entreprise et un facteur important du développement régional, elle est convaincue de la nécessité de respecter l'individualité de la démarche de l'entreprise. Elle considère que toute démarche de généralisation de moyens s'éloigne de la réalité de l'entreprise – une réalité définie par la spécificité et l'individualité – ce qui la voue à l'échec.

C'est dans cet esprit que la Chambre de commerce & d'industrie du Québec métropolitain créait, en 1991, le Conseil régional de la formation continue. Elle lui donnait le mandat de promouvoir, auprès des chefs d'entreprises, la formation continue comme un des éléments de la culture de l'entreprise qui soit essentiel à son développement. Les objectifs du Conseil régional de la formation continue sont de sensibiliser les petites et moyennes entreprises au concept de formation continue, de promouvoir l'essor de la formation continue par des actions ciblées à forte visibilité et de tracer un portrait de l'évolution de la formation continue en tant qu'outil de développement.

Déjà, il est intervenu auprès des associations professionnelles et des dirigeants d'entreprises pour les sensibiliser à la formation continue et il a organisé des activités pour la promotion de la formation continue. Il compte leur rendre disponible une banque de programmes de formation et de fournisseurs.

L'emploi à Québec et dans sa périphérie a ses caractéristiques propres. Le tableau suivant de données tirées du bulletin Le Marché du travail , publié par la SQDM pour le quatrième trimestre de 1994, le met en évidence.

(16 h 40)

Si l'on s'arrête sur les secteurs propres à l'entreprise, on observe, dans Québec–Lévis, la diminution de l'emploi, de 1993 à 1994, de 27,6 % – croissance au Québec de 7,5 % – dans la construction; de 22,8 % – plus 1,1 % au Québec – dans les transports, communications et autres services publics; de 23,9 % – croissance de 6,9 % au Québec – en hébergement et en restauration; et de 14,6 % – plus 4,5 % au Québec – dans les autres services.

Et la croissance de l'emploi dans l'administration publique, à Québec-Lévis, de 27,3 %, par opposition à une diminution de 5,5 % pour l'ensemble du Québec, affecte d'une façon assez importante le taux de réduction de l'emploi de moins 2,3 %, comparativement à un taux de croissance de 2,6 % pour l'ensemble du Québec.

Cette évidence de caractéristiques régionales très particulières fait valoir que les entreprises de Québec-Lévis offrent une situation difficile sur le plan de l'emploi, qui correspond à leur situation difficile sur le plan de l'économie.

En référence au même bulletin, on constate, du quatrième trimestre de 1993 au même trimestre de 1994, des diminutions d'emploi significatives par groupe professionnel, selon la classification-type des professions, dans la région de Québec–Chaudière-Appalaches. Ainsi, on peut noter une diminution de 29,4 % dans la manutention et autres métiers; de 20 % dans les services; de 16,7 % dans les professions du secteur primaire; et de 14,6 % dans les métiers de la construction.

Le Président (M. Facal): M. Lavoie, si je peux me permettre, en faisant bien attention de ne pas être mal compris. Vous disposez de 20 minutes pour présenter votre mémoire, et vous en êtes présentement à la neuvième minute. Comme votre mémoire est relativement volumineux par rapport à d'autres, si vous le lisez intégralement, je crains que vous n'ayez pas le temps de vous rendre jusqu'au bout. Je vous inviterais peut-être, si je peux me permettre une suggestion, à ajuster votre présentation en conséquence, peut-être en sautant le rappel des grandes lignes du projet de loi et en allant directement à la partie où la Chambre de commerce nous dit ce qu'elle pense du projet de loi 90.

M. Lavoie (Raymond E.): Alors, je vous amènerais peut-être...

Le Président (M. Facal): Peut-être le bas de la page 9, où vous commenciez en donnant votre position?

M. Lavoie (Raymond E.): Bon. Allons à la page 11.

Le Président (M. Facal): Fort bien. Merci.

M. Lavoie (Raymond E.): Alors, les considérations sur les impacts du projet, ou, si vous voulez, l'évaluation des impacts sur l'économie régionale.

Au moment de traiter des impacts qu'aurait la loi sur l'économie régionale, il faut d'abord noter qu'il est loin d'être certain, comme on le lit au premier article du projet de loi, qu'une démarche de qualification de la main-d'oeuvre déjà en place dans l'entreprise soit favorable à l'emploi. Et c'est aussi douteux qu'il s'agisse de la formation du personnel en place ou de la formation sur place d'apprentis ou de stagiaires. Dans le cas du personnel en place, cette formation arrive après l'embauche et ne peut absolument pas favoriser l'emploi. Dans les cas des apprentis et des stagiaires, il faudrait voir dans quelle mesure les dépenses de formation ne causeraient pas plutôt une réduction de la capacité d'embaucher de nouveaux employés.

Il est prévisible qu'une contribution obligatoire de 1 % de la masse salariale, telle que mise de l'avant par le projet du gouvernement, ait un effet notable sur l'emploi dans la région de Québec, mais pas dans le sens voulu par le projet. L'effet notable irait plutôt dans le sens contraire. Il est donc aussi prévisible que cette taxe ait un effet négatif sur la capacité de se développer des entreprises.

Dans les deux cas, il faut considérer que, dans Québec-Lévis, il n'y a que très peu de grandes entreprises. Ce sont les petites et les moyennes entreprises qui constituent la capacité régionale d'emploi en dehors du secteur de la fonction publique. Et il nous apparaît que ce sont elles qui souffriraient le plus de l'imposition d'une contribution.

Dans Québec et sa région immédiate, ce sont elles qui génèrent la plus grande part de l'activité économique. D'ailleurs, ce fait et la capacité de créer la croissance sont reconnus par la mise en place de divers moyens, dont un fonds de démarrage. C'est cette capacité de créer l'emploi, qui est reconnue par l'État, qui lui apporte une stimulation par son fonds de capital de risque; en contrepartie, une taxe sur la masse salariale aurait pour effet de réduire l'emploi: deux mesures qui seraient contradictoires.

Et, si l'on considère les données de l'économiste E. Stoke citées par l'économiste Jean-Luc Migué, 1 % de taxe sur la masse salariale ferait perdre 25 000 emplois au Québec, c'est-à-dire quelque 2 500 à Québec et dans sa région immédiate. Il faut donc prévoir que, devant des coûts d'embauche de plus en plus élevés, les frais administratifs et les coûts supplémentaires de l'application de la loi ne pourront que contribuer à réduire l'embauche.

Le projet gouvernemental se définit en des termes qui laissent entrevoir la possibilité de nuances dans la détermination des entreprises qui devront contribuer à la taxe. Le projet lui-même n'en contient pas, mais la première phrase de l'article 3 laisse entrevoir une telle possibilité: «Tout employeur, dont la masse salariale à l'égard d'une année civile excède le montant fixé par règlement du gouvernement», etc. Mais nous ne pouvons pas discuter ici du montant devant être fixé après l'adoption de la loi. Cette inconnue est inquiétante, en ce sens que rien n'assure qu'on puisse y tenir compte des besoins propres à chaque entreprise et encore moins des besoins de formation propres à chaque entreprise. Pourtant, ce sont d'abord ces besoins, comme nous l'avons déjà dit, qui contribuent à différencier l'entreprise des autres, comme le font aussi sa capacité financière, sa rentabilité ou les exigences provenant des contraintes de la concurrence. En quoi ces seuils inconnus et possiblement bien peu différenciés en fonction de chaque entreprise risquent-ils d'affecter directement la capacité de l'entreprise à se développer? En conséquence, en quoi risquent-ils d'affecter la capacité de la région à se développer?

En guise d'exemple de la nature et, surtout, de l'importance de ces inconnues, demandons-nous en quoi la contribution d'un grand magasin à rayons aussi bien que celle d'un commerce de détail de taille plus modeste leur permettront d'assurer une formation continue rentable à leur personnel, un personnel habituellement occasionnel. Le projet de loi a-t-il tenu compte de leur spécificité? Les besoins de ces entreprises et de leurs employés sont-ils définis suffisamment pour suggérer la détermination de leur contribution? Si la réponse est négative, la contribution pour la formation continue ne peut avoir que des effets négatifs sur leur propre développement.

Dans la région de Québec, la capacité des entreprises de se développer, principalement les petites et moyennes entreprises, est déjà affectée, comme l'économie de la région, par l'excentricité de Québec sur le plan géographique. Le dynamisme particulier de quelques-unes leur permet de contrôler et même de surmonter ce handicap. Encore faut-il que ces petites entreprises dynamiques et déjà engagées dans des relations d'affaires interrégionales, nationales ou internationales conservent et accroissent leur capacité d'investissement à cette fin. On devrait d'abord s'assurer de leur capacité de créer la richesse et, en conséquence, de véritablement créer de l'emploi.

De plus, l'effet négatif de cette taxe sur l'entreprise serait d'autant plus marqué qu'une nouvelle taxe sur la masse salariale des entreprises devrait être absorbée totalement par ces dernières puisque le gouvernement fédéral n'en permettrait pas la déduction de leur impôt fédéral. Elle dépasserait le plafond déjà fixé des taxes sur la masse salariale. Par contre, des honoraires versés à des formateurs, dans un contexte normal d'une formation continue totalement gérée par l'entreprise, constitueraient des dépenses déductibles dans le calcul des impôts. C'est là une situation qui existerait dans un cadre d'incitation à investir en formation; elle ne peut exister s'il s'agit de taxation pour la formation.

Cette taxe serait donc un frein à la croissance de l'activité, au développement de l'entreprise et un handicap incontournable au simple maintien de l'emploi. Paradoxalement, ce serait un résultat bien divergent, d'abord, de la recherche d'une augmentation de la capacité d'adaptation aux changements par la qualité de la main-d'oeuvre, et, aussi, de l'actualisation des connaissances spécialisées des travailleurs devant l'évolution technologique accélérée. Dans certaines entreprises, la contribution exigée pour la formation continue mettrait en péril l'emploi de celui qu'elles voudraient contribuer à former.

Alors, écoutez, étant donné qu'il reste cinq minutes, j'aimerais peut-être passer tout de suite à la page 18, et vous donner la proposition d'autres modes de fonctionnement.

Alors, la Chambre de commerce considère que d'autres modes de fonctionnement peuvent être mis en place, d'autres façons de faire qui tiennent de l'incitation à la formation continue et à l'adoption de moyens d'en faire.

(16 h 50)

Ainsi, elle s'est déjà donné des moyens d'action dans le sens du développement régional par le développement de l'entreprise, qui contribuent à la croissance d'un esprit favorable à la formation continue et même à l'émergence d'une culture de formation dans certains milieux. Qu'on pense au rôle joué par le Conseil régional de la formation continue, par le grand réseau des acteurs et promoteurs du partenariat économique, par les incubateurs d'entreprises. Parallèlement à leurs actions et y convergeant souvent, on trouve les activités des chefs mailleurs. Toutes sont autant de stimulants à la formation continue. Nous croyons qu'une telle approche est de beaucoup préférable à une gestion de la formation qui s'appuie sur la coercition, c'est-à-dire sur l'obligation d'affecter des sommes à la formation des employés ou de les verser à un fonds collectif de formation, qu'il soit sectoriel ou général.

Revenons sur le rôle joué par le Conseil régional de la formation continue. Cet organisme a été créé par la Chambre de commerce & d'industrie à la suite d'un forum régional des gens d'affaires. Il a pour mission de promouvoir, auprès des chefs d'entreprises, la formation continue comme un des éléments de la culture des entreprises qui soit essentiel à leur développement. En 1992, il organisait un colloque des gens d'affaires de la région sur cette question de la formation continue. En conséquence de ce colloque, il organise, dans des entreprises déjà engagées dans la formation, des visites auxquelles sont invités, chaque fois, de 15 à 20 entrepreneurs de la région, intéressés par la formation continue. En 1993-1994, une soixantaine de chefs d'entreprises ont participé à ces activités d'information et de motivation. En 1994-1995, ils furent plus d'une centaine. Nous considérons qu'il s'agit là d'un exemple de démarche incitative susceptible de déclencher des actions dans le sens de la planification et de la mise en place de la formation dans les PME.

La principale constatation qu'on puisse faire présentement est qu'aucun effort particulier d'incitation à développer une culture de la formation continue dans l'entreprise n'a été fait par le gouvernement au-delà de certains crédits d'impôt. Le discours stimulateur, engageant, motivateur, n'a jusqu'à maintenant été tenu que par quelques instances qui, tout en se voulant rassembleuses et provocatrices de développement et de concertation, n'ont pas l'autorité d'une instance gouvernementale.

Serait-il possible que toute instance gouvernementale se considère dépourvue de moyens en dehors de l'imposition d'une taxe ou d'un acte réglementaire de coercition? Nous sommes persuadés du contraire. Et des approches promotionnelles et publicitaires de certains ministères et de certaines sociétés d'État, dans d'autres domaines et d'autres secteurs d'activité, ont toutes les qualités qui nous donneraient raison.

En conclusion, la Chambre de commerce, sur la base des considérations qui précèdent, souhaite que ne soit pas adopté le projet de loi 90 de 1995 dans sa forme actuelle. Nous recommandons donc que soit interrompu le cheminement du projet et que ce dernier soit abandonné. Nous recommandons, de plus, qu'un nouveau projet de loi soit préparé, mettant de l'avant un ensemble de véritables mesures incitatives à la formation continue dans l'entreprise. À cette fin, nous recommandons aussi que les organismes ou regroupements d'entreprises moyennes et petites soient mis à contribution dans la préparation du nouveau projet de loi concernant ces entreprises et destiné à les aider ainsi qu'à aider leurs employés.

En conséquence de l'abandon du projet de loi 90 de 1995 et pour permettre la préparation d'une loi incitative mieux adaptée à la réalité des entreprises, nous recommandons un moratoire de deux ans sur la question d'une nouvelle loi affectant la formation continue.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. Lavoie. Nous sommes fort conscients que 20 minutes, c'est peu, mais nous savons que, pendant l'échange qui va suivre, vous aurez l'occasion d'aborder les points que vous n'avez pas eu le temps de traiter dans votre présentation. Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, non seulement c'est peu, mais c'est parfois beaucoup trop peu en regard d'un organisme comme la Chambre de commerce & d'industrie du Québec métropolitain, qui non seulement a beaucoup à dire, mais qui a beaucoup fait aussi dans ce domaine. Et ça me fait plaisir de vous recevoir, M. Lavoie, ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

Je comprends que nous faisons une lecture différente du projet de loi. Et je crois que nous pourrons, à la fin de l'échange... Je pense qu'il nous sera possible de convenir que ce que vous recherchez, c'est, en grande partie, ce que l'on retrouve dans le projet de loi, et les améliorations qu'on va y apporter seront dans le sens de ce que vous voulez.

Je commence immédiatement par le rôle que vous avez joué en créant le Conseil régional de la formation continue. Et, avec raison, vous nous rappeliez que, depuis 1992, vous aviez organisé un colloque de gens d'affaires dans la région, diverses initiatives.

Je vous réfère au projet de loi, à l'article 8. L'article 8 prévoit que «sont admises à titre de dépenses au bénéfice du personnel, dans les conditions fixées par règlement de la Société, les versements effectués par l'employeur à une association sectorielle ou régionale, un comité paritaire ou un autre organisme reconnus par la Société en vue de la mise en oeuvre d'un plan de formation agréé par cette dernière».

C'est exactement le rôle que peut jouer le Conseil régional de la formation continue, c'est-à-dire se faire reconnaître comme un organisme en vue de la mise en oeuvre d'un plan de formation, vraisemblablement pour la région.

Vous avez raison quand vous dites que... Dans votre mémoire, vous nous dites deux choses, là, bien importantes: la première, qu'il faut obtenir l'engagement des employés, qu'il faut les motiver, qu'ils sont eux-mêmes facteurs, là, de leur propre formation; puis, en même temps, vous dites qu'il faut que l'entreprise puisse gérer la formation. De quoi s'agit-il dans le projet de loi? Il y a eu une fausse interprétation, là, qui est partie de Montréal, puis qui, après ça, s'est répandue à travers le Québec tout entier.

Mais de quoi s'agit-il, essentiellement? Il s'agit de ceci... Et j'en ai pris l'engagement avec Mme Pageau Goyette, qui était ici même, hier après-midi. Nous allons même ajouter une disposition, là, concernant le vérificateur externe, pour que ce soit bien clair. L'entreprise a une seule obligation: dépenser le 1 %. Le comment, ça, c'est à son choix. Et le comment, c'est sans chaperon, là, sans même l'intervention d'un tiers. Quand vous dites, par exemple – je crois que c'est à la page 17 de votre mémoire – que les 30 400 entreprises au Québec, dont les 5 400 dans la région, ici, là, vont devoir faire approuver des plans de formation... Non. Non. Ce qui va se passer, c'est exactement ceci, pour le résumer. L'entreprise peut procéder soit, en vertu de l'article 6, paragraphe 1°, avec une institution d'enseignement reconnue, publique ou privée, ou, en vertu du paragraphe 2°, avec une firme agréée. Les firmes, là, comme elles le sont.

Puis j'ai apporté, d'ailleurs, le répertoire, là, qui est publié. Si on prend exactement le modèle de ce qui est en vigueur, là, depuis cinq ans maintenant et de ce qui l'était au moment où le député de Bourassa était vice-président de la Société, l'an passé, ça, ça n'a pas changé. Donc, l'entreprise procède soit par une institution d'enseignement publique reconnue, d'intérêt privé ou public, soit par la firme agréée, ou encore, en vertu de l'article 8, par une association sectorielle, un comité paritaire ou tout autre organisme qui pourrait être ce Conseil régional de la formation continue, dans la mesure où une association sectorielle, un comité paritaire, une association comme celle-là est intéressée à élaborer un plan de formation et, finalement, à le faire financer par les entreprises qui vont rester maîtres de leurs décisions.

Et où intervient le plan de formation? C'est à l'article 6, paragraphe 3°. Et c'est dans la mesure seulement où c'est de la formation sur le tas; en fait, c'est ce qu'on appelle la formation maison. Et de quoi s'agit-il, là? Parce que, dans les autres cas que je viens de vous décrire, il s'agit d'un vérificateur externe qui vient certifier la conformité des dépenses, pareil comme si vous achetiez de l'outillage, de la machinerie, de l'équipement ou si vous faisiez rénover du bâtiment. Qu'est-ce qui se passe dans ce temps-là? Si tu as un poste budgétaire dans les états financiers, ça sera ça. Les dépenses sont certifiées par des factures? Ça sera ça également. Puis confirmées par le vérificateur externe? Pareillement. Point. Et c'est tout.

Et, à partir de là, je ne vois pas pourquoi vous en déduisez qu'une dépense pour acheter de l'outillage ou pour rénover un bâtiment, elle serait déductible au fédéral, puis que la dépense pour former les employés ne le serait pas. Là, vraiment, il y a quelque chose qui m'échappe dans cette idée préconçue qui s'est mise à circuler comme quoi cette dépense-là n'en serait plus une. C'est au moment où la dépense n'est pas réalisée dans l'année qu'elle devient obligée par la voie d'un prélèvement. Mais, tant que la dépense est effectuée dans l'année, elle est une dépense.

Alors, donc, on procède comme ça, sauf, c'est vrai, à l'article 6, paragraphe 3°, pour la formation maison. Pourquoi? Tout simplement pour s'assurer que les employés vont être mis dans le coup, comme vous nous le dites et vous nous y invitez, d'ailleurs, dans votre mémoire. Pourquoi être mis dans le coup? C'est la seule façon. On ne mettra pas une brigade de fonctionnaires pour vérifier si la dépense a été réalisée. Dans les autres cas, il y a le vérificateur externe, c'est suffisant, mais, dans ce cas-là, bien, ça sera les employés, ça sera un plan local de formation, puis ça restera là. Il n'y a aucune obligation de le faire valider; il n'y a pas de chaperon, là-dedans, la SQDM ne joue pas ce rôle-là. Donc, on part de là.

(17 heures)

Et vous donnez un bon exemple, à la page 12, celui d'un grand magasin à rayons. Parce que vous savez qu'il y a un calendrier d'implantation aussi, hein? Première année: 7 645 entreprises concernées sur les 170 000 au Québec; en 1997, celles des entreprises qui ont 500 000 $ de masse salariale, il y en a 15 000; puis, en 1998, on arrête, là, à 30 000 entreprises. Alors, un grand magasin à rayons où vous nous dites qu'il y a beaucoup de personnel occasionnel, bien, c'est justement le bon exemple. Il faudra aller voir à quel point ça coûte cher, toute la période d'entraînement. Ça coûte extrêmement cher aux entreprises qui ont du personnel. On a eu, ici même, la semaine dernière, l'Association des détaillants en alimentation. C'est plus que la grande majorité de leur personnel qui n'est pas sur une base permanente régulière, qui n'est pas à un statut d'employé régulier permanent, et ils sont venus nous dire combien ça leur coûtait cher. Et, plutôt que de se braquer contre, eux, cette mesure-là, ils ont décidé, justement, de devenir, l'Association des détaillants en alimentation, ceux qui vont faire valider un plan de formation et qui vont pouvoir rendre service à leurs membres. Alors, dans cette perspective-là, est-ce que, au contraire, vous ne pensez pas que ce qui est introduit, c'est finalement un appui à ce que vous faites depuis trois ans?

M. Lavoie (Raymond E.): Non, pas du tout. Mme la ministre, vous parlez, à l'article 6... Ce qu'on déplore: c'est, encore une fois, fixé par règlement, prévu par règlement. Encore une fois, on va ajouter des règlements, on va ajouter des processus de fonction publique, le gouvernement va encore s'immiscer dans l'entreprise privée, va alourdir le processus. On en a de trop, des règlements, présentement, vous le savez. Si on pouvait diminuer de 20 % la réglementation – et tout le monde, vous l'avez dit durant la campagne électorale – si on pouvait réduire la paperasserie puis si on pouvait réduire les impôts aux petites entreprises, on viendrait les positionner dans une compétition qui, évidemment, a une allure mondiale et qui ne fait pas de quartier.

Alors, pourquoi venir ajouter, encore une fois... avec une réglementation, une loi qui est coercitive, une loi qui est basée sur des règlements, des règlements qui vont être appliqués par la SQDM et, en plus de ça, le faire avec une taxe? Alors, ce qu'on dit, nous, pourquoi ne pas essayer, dans un premier temps, de faire ça de façon incitative et laisser, justement, à l'entrepreneur privé le soin de pouvoir être capable de définir ses besoins et, ensuite de ça, de choisir des programmes de formation qui vont le positionner dans la compétition mondiale? Et tout ce qu'on voit dans votre loi, c'est règlement, règlement, règlement. Je comprends tout ce que vous me dites, mais je ne suis pas d'accord du tout avec, et il n'y a pas grand monde qui va être d'accord si vous alourdissez encore une fois, par règlement, les entrepreneurs. On en a trop, des règlements, en ce moment.

Mme Harel: Mais, M. le Président, il n'y a aucun règlement pour amener l'entreprise, en vertu de l'article 6, là, à faire affaire directement avec un établissement d'enseignement, polyvalente ou cégep, ou avec une formation «formateur agréé». Le seul règlement pour le formateur agréé, il existe déjà. C'est celui qui permet de faire un répertoire où on les retrouve. Parce qu'ils ont exactement fait ceci, ils ont rempli cette page-là. Puis ça, ça existe depuis cinq ans. Alors, en vertu de là, là, je ne vois pas ce qui nous tombe sur la tête aujourd'hui pour dire que c'est vraiment pire que ça n'a jamais été, d'autant plus que, en vertu de 3°, la formation maison sera possible, c'est vrai dans les conditions prévues par règlement, pour peut-être faire en sorte, justement, que les employés soient concernés. Il ne faut pas que, la formation maison, ça serve d'évasion, évidemment, à l'obligation qui est faite. Mais je voudrais revenir... Vous savez, on peut différer d'opinion, M. Lavoie, puis on ne s'en voudra pas plus pour ça, mais je peux vous dire que...

M. Lavoie (Raymond E.): Je suis d'accord avec vous, Mme la ministre.

Mme Harel: ...ici, là, il y a plein de gens qui viennent puis qui trouvent qu'on n'en fait pas assez. Ils trouvent vraiment qu'on n'en fait pas assez. Puis il y en a d'autres qui vont vous succéder, là – peut-être pas cet après-midi mais demain – avec les mémoires qui sont présentés, puis hier, qui trouvent vraiment que ça ne va pas assez loin.

Alors... Et je recevais une étude très sérieuse d'un universitaire du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie, M. Pierre Doray, qui fait toute une analyse de l'aspect coercitif et incitatif et qui nous dit ceci: Depuis plus de 25 ans, les interventions publiques en matière de formation professionnelle ont suivi un modèle incitatif. Et là il les décrit toutes. Tout le monde dit: On n'en a pas pour notre argent. Tout le monde dit qu'à l'OCDE, parmi les 22 pays membres, on arrive deuxième, le Canada, pour ce qu'on dépense en éducation puis qu'on n'en a pas pour notre argent. Ça fait 25 ans qu'on n'en a pas pour notre argent et qu'on utilise des interventions publiques incitatives seulement. Là, vous nous dites: Continuez, ça va arriver, ça va finir par s'améliorer.

Mais il y a peut-être un dernier élément bien important. Faites attention, à la page 12, quand vous citez les chiffres de M. Migué qui, lui-même, les cite d'un autre économiste, M. Stoke, et qui nous dit qu'on perdrait 25 000 emplois au Québec. Il n'a jamais dit ça, là. J'ai tout relu ce que disait M. Migué, c'était au mois d'août, l'an dernier. Il faisait l'analyse des taxes canadiennes sur la masse salariale, il parlait de 100 000 emplois au Canada. Là, c'est une règle de trois. Alors, c'est très réducteur, ça, parce que ça prend pour acquis que, à ce moment-là, c'est une taxe et non pas un investissement. Alors, au même titre, quand l'entreprise, par exemple, consacre, comme l'an passé, 18 % de l'équivalent de sa masse salariale pour acheter de l'équipement, est-ce qu'on peut dire, à ce moment-là, qu'elle perd de l'emploi? Peut-être oui, parce que les équipements achetés, l'outillage payé, ce sont des nouvelles technologies qui font qu'il y a peut-être plus de produits qui sont ainsi fabriqués avec moins de gens. Mais est-ce que c'est ça que vous nous proposez?

Alors, faisons très attention. Ça, il y a quelque chose là-dedans, vraiment, qui a été beaucoup utilisé par la fédération canadienne des entreprises indépendantes. Vous le reprenez, là. Et il y a quelque chose là-dedans qui, finalement, fait partie du sophisme. Et c'est très dangereux d'utiliser des chiffres comme ceux-là. Parce que, dans la région de Chaudière-Appalaches, ce n'est pas il y a trois, quatre semaines, là, que le CRD nous disait qu'il y a 600 emplois pas occupés, dans la région de la Beauce, faute de gens qualifiés? On peut dire aussi qu'on manque des emplois. Alors, moi, je pourrais vous brandir que c'est peut-être 100 000 emplois qu'on perd faute d'avoir eu cette qualification nécessaire. Ça nous donne quoi? Je sais juste une chose: dans les pays où ils investissent, c'est là où le taux de chômage est le plus bas puis où le niveau d'emploi est le plus élevé. Ça, là, j'ai les chiffres puis c'est hors de tout doute.

M. Lavoie (Raymond E.): Mme la ministre, je ne suis pas en désaccord avec l'importance de la formation continue ou d'augmenter la formation, ce sont les moyens qu'on prend pour y arriver. Et je vais vous donner un petit exemple. Lors du GRAPE, du grand réseau des partenaires qu'on a tenu depuis deux ans, il y a eu un forum qui a eu lieu le 15 février. Et il y avait une table de concertation sur la main-d'oeuvre. Ils ont fait un sondage, dans la région de Québec, auprès de au-delà de 200 entreprises. Et ils leur ont posé la question, ils ont dit: Vous avez des programmes de formation? Elles ont dit: On en fait. Ils ont dit: Pourquoi ne prenez-vous pas ceux de la SQDM, ceux du gouvernement? Elles ont dit: C'est parce que ça ne correspond pas à nos besoins. Vous avez des besoins? Oui, on a des besoins. À ce moment-là, si les programmes, disons, de la SQDM ou des gouvernements ne correspondent pas à vos besoins, si ces programmes-là étaient changés et en venaient à satisfaire vos besoins, vous les utiliseriez? Elles ont dit: Oui.

Le problème, c'est qu'on part avec des grosses structures, avec des règlements, avec des idées très bonnes au départ, et là on met en place des produits, des programmes, encore là des structures, des définitions, etc., et on oublie de demander aux entrepreneurs c'est quoi leurs besoins et, en fonction de ça, de modifier les produits de formation de manière à ce qu'ils correspondent à la satisfaction de leurs besoins pour qu'ils puissent mieux compétitionner. Si on partait avec ce principe-là, on serait d'accord. On n'a jamais dit qu'on était en désaccord avec la formation. Au contraire, on est d'accord avec ça. Mais ce sont les moyens que vous prenez pour y arriver, on n'y croit pas.

(17 h 10)

Mme Harel: Je ne peux pas vous donner tort sur un aspect de ce que vous dites parce qu'on a nous-mêmes décidé de transformer complètement les budgets de programmes, là, en budgets régionaux, alors... Et il y a même eu un décret, là, qui a été adopté au Conseil des ministres de manière à même transformer, dorénavant, tous les critères en balises. Il va falloir que les gens, dans les régions, se servent de leur jugement. Il n'y aura plus des critères en vertu desquels ils vont dire: C'est refusé. Alors, ça vient d'être fait, là, en ce qui concerne la transformation de critères en balises, et c'est fait depuis le budget du 1er avril pour ce qui est des fonds régionaux.

Mais il y a une chose qui est très importante, bien importante, c'est que l'entreprise doit faire sa part aussi, parce que c'est une responsabilité partagée. On parle de recyclage et de perfectionnement, dans la formation continue, et c'est une responsabilité partagée qui doit se conjuguer avec de l'argent public et de l'argent privé. C'est un investissement pour l'entreprise dans l'avenir de l'entreprise. Et, en conjuguant les deux, alors, là, ça va donner des résultats heureux, pas en pensant que tout doit être seulement payé par le gouvernement.

M. Lavoie (Raymond E.): Mais, l'entrepreneur, lui, il ne vous demande rien, et, s'il n'est pas capable de compétitionner avec des bons produits qui correspondent à des besoins sur le marché, que ça soit régional ou provincial, national ou international, il ne sera plus en affaires. Alors, ça, c'est le meilleur incitatif que vous puissiez avoir sur l'entrepreneur. Mais, si vous lui donnez une taxe additionnelle et que vous le balisez, vous définissez des critères puis vous lui imposez des fardeaux, vous devenez un irritant, à ce moment-là, le gouvernement, au lieu d'être un accompagnateur, un supporter, quelqu'un qui va venir aider l'entrepreneur. L'entrepreneur, il veut survivre, lui aussi, parce que, s'il ne survit pas, il va perdre son investissement. Alors, ce que vous me dites là, c'est évident qu'il a une responsabilité. Il a plus qu'une responsabilité, il a le devoir de survivre dans les marchés mondiaux dans lesquels il doit faire compétition en ce moment.

Le Président (M. Facal): Ce qui met fin au temps dont disposait la partie ministérielle. Alors, nous allons passer aux échanges avec l'opposition. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, merci, M. le Président. Je voudrais vous dire, M. Lavoie et votre équipe, que nous avons été très intéressés par votre mémoire, qui nous apporte un point de vue d'ensemble sur la loi en même temps qu'il nous apporte un éclairage régional, ce qui est une dimension de nos discussions qu'on ne doit pas perdre de vue. Bien sûr, un projet de loi est formulé en termes généraux pour s'appliquer dans l'ensemble du Québec: fonds, structures, bonnes intentions. Mais tout cela se vit à travers des réalités régionales.

Malheureusement, le cadre de ces échanges ou de cette consultation ne nous permet pas d'examiner la réalité particulière de plusieurs régions. Je crois que ça aurait pu enrichir nos propos que de voir comment ce Fonds, comment cette loi va être vécue par les gens du Nord-Ouest québécois ou les gens de la Gaspésie ou les gens de l'Estrie. Au moins, à travers votre témoignage, nous avons un son de cloche tel que vu par une organisation qui est fort représentative dans son milieu et qui, au surcroît, ne s'est pas assise sur sa chaise pour regarder évoluer le dossier, elle y a contribué, contribué à l'avancement de ce dossier en mettant sur pied une structure originale, le Conseil régional de formation continue, donc, structure qui témoigne de l'intérêt, qui témoigne de la capacité d'initiative des employeurs regroupés en une chambre de commerce.

C'est un témoignage important, parce que, souvent, à écouter certains discours, ici ou ailleurs, on serait porté à croire que le milieu de l'entreprise est attentiste et passif face à la formation, que nous sommes en arrière, que nous sommes d'un retard inqualifiable. Il y a des mémoires qui nous ont répété ce genre d'affirmations ici: On traîne de la patte et on ne serait pas montrables à l'échelle internationale en matière de formation professionnelle.

Pourtant, ce que nous apprenons, c'est qu'il y a des initiatives valables qui se prennent, et des initiatives d'avant-garde. Et je crois que ce que vous nous dites, ici, de votre Conseil régional devrait nous donner le goût, en tant que législateurs, ici, d'encourager davantage la répétition de telles expériences un peu partout, devrait nous donner le goût de travailler sous le mode de l'incitation et de l'encouragement. Ceci nous montre qu'une organisation comme la vôtre n'attend pas la coercition, n'attend rien de bon de la coercition, et que vous n'avez pas besoin de ça pour vous mettre à l'ouvrage et prendre vos responsabilités. Je pense que c'est un point de vue qui devrait être repris dans nos discussions entre nous et qui devrait faire l'objet d'une prise en considération très sérieuse par les gens responsables de l'avancement de ce projet de loi, de ce projet de loi ou des objectifs qui sont portés par ce projet de loi.

En somme, il n'y a pas une organisation qui s'est présentée ici qui nous a dit qu'elle était contre les objectifs. Nous sommes d'un consensus total là-dessus, mais les gens disent, cependant, préférer un chemin plutôt qu'un autre. Même, il y en a qui ont dit qu'ils étaient, en principe, assez d'accord avec le chemin proposé par la ministre à condition qu'elle amende son projet de loi. Et, là, ils nous proposent quatre, cinq amendements majeurs sur des questions comme la définition de la formation, le rôle du comité en entreprise, la question de la réglementation avec la SQDM, qui semble trop lourde, malgré tout, même à des gens qui sont sympathiques à l'approche ministérielle. Donc, ceci nous montre qu'on a devant nous des objectifs tout à fait intéressants, tout à fait mobilisateurs, tout à fait valables pour l'ensemble des partenaires. Par contre, pour ce qui est de la route à suivre, il y a des mises en garde importantes.

Je voudrais revenir sur un élément que vous avez discuté avec la ministre, cette question de plan, de plan de formation. La ministre vous a répondu en vous ramenant à l'article 8 et elle s'est référée aussi à l'article 6 pour donner une idée des possibilités d'établissements qui peuvent donner de la formation ou des possibilités de situations où vous pouvez vous retrouver. Et elle a lu l'article 8. Elle vous dit que vous pouvez, vous ou votre Conseil ou une autre organisation, vous mettre en route et réaliser de la formation et qu'il n'y a personne qui va intervenir. Mais, quand on lit l'article 8 jusqu'à la fin, c'est écrit: «...en vue de la mise en oeuvre d'un plan de formation agréé par cette dernière.»

Vous avez bien lu le projet de loi. Tout à l'heure, on semblait vous dire que vous l'aviez lu un peu vite, mais vous l'avez bien lu. Parce que, quand vous revenez à la page 17 de votre mémoire, que vous dites qu'il y a des contraintes de gestion qui sont incorporées dans ce projet de loi – Mme la ministre, nous attirons votre attention là-dessus... Vous le dites très clairement à la page 17 de votre mémoire, ces contraintes, vous avez bien raison, parce que, à notre avis... En tout cas, à moins que la ministre nous explique à nous aussi qu'on a mal lu, là, l'article 19 et l'article 20 sont toujours au projet de loi.

Les articles 6 et 8 sont intéressants parce qu'ils nous donnent une idée, une certaine idée des dépenses dont on peut parler. Mais les articles 19 et 20... Pour qui va devoir faire sa déclaration à Revenu Québec, c'est 19 et 20 qui sont en cause. À 19 et 20, on parle de dépenses admissibles. C'est là que va se faire l'évaluation en ce qui concerne l'à-propos de certaines dépenses. L'article 19 dit: La Société peut, par règlement, définir les dépenses de formation professionnelle admissibles. Et 20 ajoute: Un règlement pris en application de 19.1° peut notamment subordonner, s'il y a lieu, l'admissibilité des dépenses à l'agrément, à la reconnaissance par la Société d'enseignements, de formations, de plans, de programmes, formateurs ou organismes. Si ça ne veut pas dire, ça, que la Société n'est pas là pour approuver les plans, on se demande ce que ça veut dire.

M. Lavoie (Raymond E.): Nous, on va plus loin.

M. Charbonneau (Bourassa): Est-ce que vous voyez, est-ce que vous avez cette lecture, vous, du projet de loi?

(17 h 20)

M. Lavoie (Raymond E.): On va plus loin que ça. Quand on regarde 19 et 20, nous, on croit que c'est un chèque en blanc. Et c'est une chose qu'on ne peut pas accepter.

Quand vous parliez, tout à l'heure, de l'aspect régional, c'est définitivement que les formules mur à mur, c'est dépassé. Et, quand on parle de régionalisation, une loi, disons, universelle, appliquée d'une façon universelle à travers la province ne peut plus s'appliquer à toutes les régions sans prendre les particularités et les spécificités de chaque région. Et, en autant qu'on est concernés, dans la région de Québec, on est inquiets. C'est évident, on a toujours dépendu de la fonction publique en grosse partie. On est d'accord avec la cure d'amaigrissement, on n'a pas le choix avec les endettements que les gouvernements ont faits dans le passé. Il va nous falloir, à ce moment-là, gérer des coupures de plusieurs milliers de fonctionnaires publics. Si on n'a pas de projet moteur comme Québec 2002... On vient de perdre Les Nordiques. D'accord, il y en a qui peuvent dire qu'ils avaient un impact, d'autres qui disent que, de toute façon, ce serait dépensé ailleurs. Il n'en reste pas moins que, dans nos efforts dans la région... de faire, dans cette région-là, une diversification de notre économie va prendre une bonne décennie. Et ça, c'est important pour nous, parce que le chômage est tout de même rendu à 12,3 % dans la région, et avec les problèmes de fragmentation, de morcellement, d'attitude timorée que les gens... qu'on a dans la région – et j'en suis – il est difficile de réaliser des projets. Avec 46 municipalités, c'est 46 maires, quelque 290 conseillers, une panoplie d'agents économiques. Alors, c'est évident que, lorsqu'on arrive avec un projet et qu'on veut développer des consensus, ça nous est difficile.

Alors, pour nous, évidemment, on a les sièges sociaux. On n'en a quasiment plus, de sièges sociaux. Heureusement qu'on est en train de revaloriser la capitale – et on reconnaît les efforts que notre premier ministre a faits dans les derniers mois et on lui en est reconnaissants – mais il n'en demeure pas moins qu'il va falloir prendre les bouchées doubles.

Et, quand on voit des lois arriver comme ça, avec des applications universelles, alors qu'on n'a quasiment pas de sièges sociaux, très peu de grosses entreprises, alors qu'on dépend principalement des PME.... Puis on sait que les PME, lors de leur démarrage à aller jusqu'à quatre, cinq ans, leur période d'adolescence, c'est là qu'elles ont le plus de difficultés à survivre. Quand elles deviennent adultes, à ce moment-là, elles ont plus de facilité, elles ont plus de stabilité. Mais, avec toutes les contraintes qu'elles ont à rencontrer en ce moment, que ce soit de la réglementation, de la paperasserie, des impôts, des dépôts de toutes sortes, il est difficile pour nos PME de sortir des idées, de les mettre en application et de créer des emplois. Quand on voit une loi arriver ici comme ça, de façon universelle, coercitive, avec une réglementation, avec une SQDM dont les fonctionnaires... On a beaucoup de respect, on le dit dans notre mémoire, mais il n'en reste pas moins qu'ils vont devoir appliquer la loi. Et tout ça fait que, pour nous, c'est inquiétant pour nos PME qui existent et nos PME qu'on veut mettre de l'avant et qu'on veut créer pour, justement, créer de l'emploi.

C'est pour ça qu'on pense que les incitations sont toujours mieux que les contributions obligatoires ou la coercition. C'est dans ce sens-là qu'on pense, nous, que l'aspect régional est très important, que la régionalisation dont on parle, dont le gouvernement actuel parle ou a parlé beaucoup durant la campagne, on pense qu'il faut la prendre en considération, et les formules mur à mur, bien, c'est de moins en moins populaire, et tout le monde va être d'accord avec ça.

Le Président (M. Facal): M. le député d'Outremont.

M. Tremblay: Je voudrais vous dire, M. Lavoie, et aux membres de votre équipe que je suis très content que vous soyez venus partager avec nous votre mémoire, parce que les explications que vous nous donnez démontrent de façon très claire que vous êtes inquiets. Ce n'est pas dit de façon très claire dans votre mémoire, mais vous l'exprimez aujourd'hui. La raison pour laquelle vous êtes inquiets, c'est que vous êtes sur le terrain, et, depuis au moins une dizaine d'années, vous faites des efforts exceptionnels pour diversifier la structure industrielle de la région de Québec. Vous l'avez mentionné tout à l'heure, vous êtes appelés, dans les années à venir, à gérer la rationalisation dans la fonction publique, pour employer ces termes-là. Vous êtes à gérer également certaines décroissances dans des secteurs industriels, par exemple, pour le nommer, les chantiers maritimes.

Par contre, vous, puis c'est là où je vous ai trouvés un peu négatifs au début du mémoire puis j'étais surpris parce que vous êtes... à mon point de vue, là... la région de Québec, un partenaire économique exemplaire, pas uniquement parce que vous avez votre Conseil régional de la formation continue, mais parce que vous avez mis en place, notamment, le grand réseau des acteurs et promoteurs du partenariat économique, parce que vous avez littéralement contribué, avec tous les autres partenaires économiques, à mettre en place le Parc technologique du Québec métropolitain. Si le Centre de recherche industrielle est là, l'Institut national d'optique, l'Institut de technologie du magnésium, c'est parce qu'il y a des gens d'affaires comme vous, qui vous ont précédés et qui, éventuellement, vont vous succéder, qui croient dans la région de Québec. C'est des maisons d'enseignement exceptionnelles. Vous avez l'apport du gouvernement avec Innovatech Québec–Chaudière-Appalaches, vous avez votre incubateur d'entreprises CREDEQ, vous avez – et vous l'avez mentionné – les chefs mailleurs et le Conseil régional de la formation continue.

Donc, je suis personnellement convaincu que la région de Québec peut réussir, peut préparer cette transition qui s'avère difficile, et le fait que vous ayez un taux de chômage inacceptable de 12,3 %, qui est plus que la moyenne québécoise de 11,7 %, vous donne raison. Donc, tout ce que je peux vous dire... Je suis un peu d'accord avec vous puis je trouve que, quand la ministre vous dit: Bien, il y en a beaucoup qui sont venus nous dire que c'était bon puis qu'il fallait en faire plus, puis tout ça, tout le monde est d'accord avec ça, personne ne conteste le fait que, la formation professionnelle, il n'y en a peut-être pas eu assez. Alors, peut-être que ça n'a pas été comptabilisé, tout ce qui se fait, de la façon qu'il faudrait le faire pour justifier les investissements en formation professionnelle.

Mais, juste pour vous encourager – j'ai pris des notes, je n'ai pas manqué une rencontre encore – je peux vous dire qu'il faut que vous partiez d'ici au moins rassurés, là, que vous n'êtes pas seuls à penser et à venir dire de façon très claire ce que vous avez dit, parce que la Chambre de commerce du Québec est venue, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, le Conseil du patronat, l'Association des manufacturiers du Québec, l'association provinciale en ressources humaines, l'Association des détaillants en alimentation du Québec, l'Association québécoise des entreprises privées de formation de la main-d'oeuvre, la Chambre de commerce de Québec, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec et même les partenaires qui sont d'accord avec le projet de loi, la CEQ notamment, sont venus dire: Oui, on est d'accord, mais il y a des réserves. Alors, on ne lit pas le projet de loi de la même façon.

Alors, la ministre nous a offert de rencontrer les juristes qui ont rédigé ce projet de loi là... Je peux vous assurer qu'on va le faire parce que, pour moi, un vérificateur... Quand la ministre dit... Un vérificateur va... Idéalement, si on avait, pour le simplifier, un objectif de 1 %, tout le monde serait d'accord avec ça, un minimum de 1 %, bon. Une entreprise, à mon point de vue, qui n'investit pas 2 500 $ dans la formation professionnelle puis qui a une masse salariale de 250 000 $, vous avez absolument raison, elle ne sera plus en affaires. Donc, le problème, ce n'est pas sur l'objectif; le problème, c'est sur les moyens. Je suis convaincu qu'un vérificateur ne pourra jamais émettre une opinion sur les états financiers sans avoir une définition de la formation, ce qu'on demande à la ministre, sans connaître les dépenses admissibles, ce qu'on demande à la ministre. Alors, ce dont vous avez peur, c'est essentiellement de toute cette bureaucratie qui va créer des problèmes aux entreprises et, dans ce sens-là, vous, vous dites: C'est assez, laissez-nous travailler sur le terrain. Alors, on va voir avec la ministre, nous. On regarde d'une façon très objective puis on va voir comment on peut répondre à vos attentes légitimes en ayant l'objectif de la formation professionnelle. Mais je dois vous dire que je ne suis pas surpris de votre mémoire et que je ne suis pas surpris de la lecture que vous faites du projet de loi.

(17 h 30)

Alors, moi, c'est surtout un long commentaire que je voulais vous faire parce que, dans mon esprit, les représentations que vous êtes venus nous faire ici, c'est des représentations qui sont très claires, et je veux juste, en terminant, vous encourager, vous dire que les efforts que vous avez faits depuis des années ont contribué à faire de la région de Québec un succès, notamment au niveau technologique. Vous êtes plus avancés que d'autres régions du Québec. Et même je vous dis, pour être un député de la région de Montréal, que ça a été difficile, même, d'avoir un parc technologique à Montréal, un. On a juste une entreprise et vous, vous avez un parc technologique exceptionnel avec énormément de potentiel. Alors, continuez. Puis il reste quelques minutes, alors je vous les donne, les quelques minutes. Si vous avez des commentaires additionnels à faire, je pense que c'est le temps, avant de nous quitter, de nous mobiliser, de nous motiver pour qu'on puisse répondre à vos attentes légitimes.

M. Lavoie (Raymond E.): Je pense que tout a été résumé dans le mémoire. Moi, je n'ai plus rien à dire, à moins que vous ayez des questions.

Le Président (M. Facal): Ce qui met fin au temps – ça tombe bien – dont disposait également l'opposition. Alors, peut-être pour les remerciements de la fin, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui. Ça me fait bien plaisir de vous redire l'intérêt que nous avons porté à vos propositions, à vos commentaires et à la mise en situation à travers une lunette régionale en plus des propos d'ordre général de l'impact possible d'un tel projet de loi. C'était une des dimensions que nous voulions examiner avec l'ensemble de nos interlocuteurs, l'impact et la portée possible d'une telle législation. Nous vous remercions de votre contribution.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je veux d'abord vous féliciter également, M. Lavoie, pour vous faire accompagner par de jeunes dirigeants, je crois. Je crois que c'est important. Il y a même une relève qui se prépare au niveau de la Chambre de commerce & d'industrie. Je voudrais vous encourager, moi aussi, à penser que votre message est quand même compris. On veut faire simple. Je vous le dis bien simplement, on ne veut pas faire compliqué, on veut faire simple. On se dit que c'est pas mal mieux, ça, que d'envoyer son argent pour des mesures actives dans le cadre du 7,2 % de taxe à la masse salariale que les entreprises et les employeurs paient à la caisse d'assurance-chômage, pour lequel montant ils n'ont pas un mot à dire. Là on va essayer de leur laisser le choix le plus complet, le plus varié, le plus diversifié de moyens de dépenser le 1 %. Tout ce qu'on leur dit, c'est: Dépensez-le, parce que c'est de vous qu'il s'agit.

Le Président (M. Facal): Merci.

M. Lavoie (Raymond E.): Et, moi, je vous dis, Mme Harel: Faites-leur confiance, aux entrepreneurs, ils sont capables de s'occuper de leurs propres affaires. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci à nos invités. Merci. Nous allons enchaîner rapidement avec le prochain groupe. J'inviterais les représentants du Conseil québécois du commerce de détail à venir se joindre à nous.

Étant donné que vous avez assisté à la présentation précédente, je pense que je n'ai pas besoin de vous rappeler longuement les règles du jeu. Vous disposez de 20 minutes. Je vous conseille d'ajuster votre présentation en conséquence. Nous enchaînerons ensuite avec une période d'échanges de 40 minutes, divisée en deux blocs égaux. Alors, si vous voulez bien avoir l'amabilité de présenter votre délégation et d'entreprendre tout de suite la présentation de votre mémoire.


Le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD)

M. Lafleur (Gaston): Alors, merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais vous présenter, à ma droite immédiate, Mme Ève Richard Morin, présidente de J.B. Lefebvre, Pavane, Mayfair, Club chaussures; à ma gauche éloignée, M. Michel Fournier, directeur régional ressources humaines, Sears Canada. Ces deux personnes font partie de notre comité des ressources humaines au Conseil. Et, à ma gauche immédiate, M. Jean F. Goupil, président du Centre d'images Fotoclik inc. et administrateur au sein du Conseil québécois du commerce de détail. J'aimerais aussi transmettre des excuses de M. Jean-Pierre Lefebvre, qui devait être ici présent aujourd'hui. Malheureusement, M. Lefebvre a été retenu à l'extérieur, dû au fait que sa mère était opérée d'urgence aujourd'hui. Alors, il transmet ses excuses à la commission.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, messieurs, mesdames, membres de la commission, nous tenons, en premier lieu, à vous remercier pour l'opportunité que vous nous avez donnée de nous présenter aujourd'hui devant vous pour vous expliquer le point de vue de notre organisme concernant le projet de loi 90. Je vais vous dire, au départ, que nous avons fait le plus rapidement possible, eu égard au délai qui nous était imparti, et nous avons réussi à déposer notre mémoire à l'attention du secrétaire de la commission vendredi dernier. J'espère que vous avez eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil. Je n'ai pas l'intention d'en faire une lecture exhaustive, mais plutôt de passer sur les grands aspects qui font l'objet de notre préoccupation concernant ce projet de loi.

Au départ, j'aimerais souligner, M. le Président, que nous sommes évidemment en accord avec la nécessité de la formation professionnelle de la main-d'oeuvre dans le secteur du commerce de détail. Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, notre main-d'oeuvre est certainement notre ressource la plus vitale pour l'ensemble de nos entreprises. Et il est évident que l'environnement particulièrement concurrentiel où oeuvre notre secteur nécessite, indéniablement, une formation professionnelle qui représente un moyen privilégié pour permettre à nos entreprises de s'adapter et d'évoluer à l'intérieur des contraintes de concurrence et de développement technologique que l'on connaît. Le Conseil a d'ailleurs toujours eu un langage très favorable et incitatif auprès de ses membres afin de promouvoir la formation professionnelle. Et, en ce sens, l'énoncé prévu à l'article 1 de la loi obtient notre aval. En effet, l'objectif d'améliorer la qualification de la main-d'oeuvre nous apparaît être une fin souhaitable et nécessaire. Or, je pense que, sur ce point, nous faisons accord.

Là où la situation devient complexe, c'est à compter de l'article 2 et suivants de la loi, quoique je reviendrai à l'article 1 sur le terme «travailleurs». Nous croyons, cependant, que l'ensemble du projet de loi, tel que soumis, plus particulièrement le moyen préconisé dans le projet de loi d'utiliser une mesure coercitive par l'imposition d'une mesure fiscale de la nature d'une taxe, lorsqu'on ne fait pas de la formation pour une année donnée, ne représente pas nécessairement un moyen approprié. Et je développerai un petit peu plus tard sur ce que je veux dire.

Le deuxième aspect qui nous apparaît difficile à conjuguer dans le cadre de l'objectif, c'est, en fait, le legs systématique que le projet de loi fait à la SQDM, qui a, en fait, les pouvoirs entiers, dans le cadre des pouvoirs réglementaires qui lui sont conférés, pour définir non seulement certains aspects techniques, mais, en fait, le fond même de ce que va représenter la formation professionnelle et les dépenses admissibles au Québec. Et, dans ce sens, nous avons des réserves importantes. Il nous apparaît important, en premier lieu, que la formation professionnelle admissible soit clairement définie non pas par la SQDM, mais plutôt par une disposition législative claire. Pour le Conseil, il appartient à l'Assemblée nationale d'incorporer les paramètres de ce qui constituera la formation professionnelle admissible afin de bien baliser les pouvoirs réglementaires que l'on veut conférer à la SQDM. Et nous ne croyons pas qu'il appartienne à la SQDM de jouer un rôle législatif à cet égard. Notre perception du rôle de la SQDM est beaucoup plus un rôle de gestionnaire, du moins, à ce moment-ci, un rôle de facilitateur et aussi un rôle d'incitateur. Mais un rôle de législateur, ça dépasse, selon nous, le cadre des pouvoirs qui devraient être conférés à la SQDM.

Cette démarche incitative doit reconnaître la formation non structurée. Tantôt, nous avons eu l'occasion d'écouter les commentaires de Mme la ministre. Bon, je dois dire que nous avons été un peu surpris, mais, par la suite, tout s'est replacé un peu dans un contexte plus précis lorsqu'on a parlé des articles 19 et 20. Naturellement, il semblait y avoir des bonnes nouvelles. Mais, encore là, la problématique qui nous préoccupe, je pense, c'est que l'ensemble des paramètres ne sont pas connus. Et, pour nous, si l'on veut conférer un pouvoir réglementaire valable, ce pouvoir doit être encadré, sinon c'est une délégation systématique du pouvoir législatif à un organisme. Car on constate, à l'examen du projet de loi, sauf l'article 1 et quelques articles techniques, que l'ensemble, si vous voulez, de la mise en fonction de ce projet de loi là va se trouver à tomber sous la juridiction de la SQDM par les pouvoirs conférés plus spécifiquement aux articles 19, 20 et 22.

(17 h 40)

L'élaboration des paramètres, selon nous, aurait certainement pour effet d'éliminer toute ambiguïté ou discrétion arbitraire dans l'admissibilité de certains programmes de formation. J'aimerais donner un exemple frappant que le secteur du commerce de détail vit depuis la création du programme de crédit à la formation, puisque, dans le cas particulier... Tous les programmes de formation reliés à la vente sont exclus du crédit d'impôt à la formation, ce qui est un bel exemple d'aberration incroyable lorsque l'on connaît l'importance des fonctions de vente reliées au secteur du commerce de détail, alors que plus des deux tiers – et là je suis très conservateur – des emplois dans le secteur du commerce de détail sont reliés à la vente. Alors, c'est un exemple que je voulais mentionner, parce que ça m'apparaît... espérons-le, ne pas augurer pour l'avenir, mais c'est certainement ce qui se vit actuellement. Alors, encore là, grâce à un manque de définition ou d'encadrement d'une définition assez large, nous vivons une situation en ce qui concerne le commerce de détail sur l'aspect du Crédit d'impôt.

D'autre part, il est essentiel qu'une définition apparaisse à la loi de telle manière qu'on ne puisse pas exclure les formes de formation ou, si vous voulez, l'enveloppe de la formation. On entend dire, ici et là, que, entre autres, les colloques, les séminaires ou les conférences ne tomberaient pas dans la définition des dépenses admissibles de formation professionnelle. Or, il m'apparaît très clair qu'on peut recevoir une formation professionnelle très adéquate et très au point dans le cadre d'une structure qui s'appelle «séminaire», «colloque» ou «congrès». Alors, je pense que des situations comme ça devraient être évitées.

Par contre, comme je l'ai indiqué au départ, nous vivons dans l'inconnu. Alors, nous nous sommes permis de vous soumettre un exemple de définition qui existe en grande partie actuellement dans la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, une définition de la formation professionnelle qui est large, mais qui tend quand même à atteindre les objectifs, je pense, qui sont recherchés par la loi. À la page 6 de notre mémoire, nous prenons la définition du terme «formation professionnelle». La définition d'«adulte» vient du fait que le terme «adulte» apparaît dans la définition de «formation professionnelle». Mais j'aimerais vous la lire: «la formation ayant pour objet de permettre à tout adulte d'acquérir la compétence requise pour l'exercice d'un métier ou d'une profession», une profession étant «une occupation déterminée dont on peut tirer ses moyens d'existence, qu'elle soit un métier ou une fonction». Et ses dépenses seraient «toutes les dépenses effectuées par un employeur en vue de dispenser de la formation professionnelle». Alors, ça peut sembler, peut-être, une définition simpliste, mais c'est quand même une définition qui est plus claire que ce qu'on peut voir dans le projet de loi, parce que, actuellement, il n'y en a aucune, définition, dans le projet de loi, à cet effet-là.

Deuxième point que j'aimerais apporter à l'attention de la commission, c'est les bénéficiaires de la formation professionnelle. Je vous ai indiqué que nous étions d'accord avec le concept de l'article 1, sauf en ce qui concerne peut-être le terme «travailleurs». Et, nous, nous utilisons plutôt le terme «main-d'oeuvre». À la lecture de l'article 5, cet article fait référence aux dépenses faites par l'employeur au bénéfice de son personnel. Alors, là, c'est autre chose. On parle des travailleurs, on parle du personnel. Or, il nous apparaît important d'être conscients que la formation professionnelle peut aussi être utile pour l'employeur lui-même. Pensons à l'ensemble des employeurs qui ne sont pas constitués en personne morale, qui sont en société civile ou en société commerciale, mais non pas constitués en personne morale, et qui retirent un salaire de leur entreprise. Ces personnes, surtout dans le secteur que nous représentons, auraient intérêt à pouvoir être admissibles à titre de récipiendaires d'une formation professionnelle admissible et pouvoir obtenir de nouveaux acquis, que ce soit en gestion d'entreprise, en gestion de ressources humaines ou en gestion de nouvelles technologies, pour n'en citer que quelques exemples.

Si le propriétaire employeur ou toute autre catégorie de personnel était exclus, que ce soient les cadres, que ce soient des cadres intermédiaires ou des cadres inférieurs, alors il serait équitable, selon nous, d'exclure leur rémunération du calcul de la masse salariale aux fins de l'établissement du pourcentage du 1 %. Pour nous, il s'agit d'une question d'équité. Je dois vous dire que, de notre côté, nous pensons que la formation professionnelle devrait s'étendre à l'ensemble des personnes qui en ont besoin dans une entreprise. Et je le dis surtout en soulignant à l'attention des membres de la commission et de la ministre que nous avons un secteur où nous avons plusieurs petits entrepreneurs qui, malgré les 250 000 $, risquent fort probablement d'être inclus en 1997. Un exercice très rapide nous a permis d'établir qu'un propriétaire qui a deux établissements commerciaux avec six employés dans chaque établissement, si on considère sa rémunération personnelle, parce qu'il tire un salaire, va tomber sous le coup de la loi. Et ça, ça fait beaucoup, beaucoup de monde.

L'autre aspect, c'est la question de la flexibilité par le report et le crédit. Mme la ministre a souvent mentionné l'importance d'avoir un concept de flexibilité pour permettre aux entreprises d'atteindre les objectifs de formation qu'elles se fixent. Le projet de loi, tel que formulé actuellement, oblige une entreprise à dépenser 1 %, par année, de sa masse salariale. Et, si l'employeur ne dépense pas ce montant en cours d'une année quelconque, il se verra alors dans l'obligation de verser l'équivalent du 1 % non dépensé sous forme d'une taxe sur la masse salariale. En ce sens, la mesure est coercitive. Et, en ce sens, nous nous opposons à une telle mesure qui pèche par manque de flexibilité. On peut certainement concevoir que l'employeur ne soit pas en mesure d'effectuer des dépenses de formation professionnelle équivalent à 1 % de sa masse salariale dans une année donnée. Par contre, on pourrait voir aussi fréquemment une situation contraire, où l'employeur dépenserait un montant supérieur à 1 % de sa masse salariale en matière de formation.

Nous croyons qu'il serait beaucoup plus juste et équitable de permettre à l'employeur de récupérer, sous forme de crédit applicable, tout montant qu'il aurait versé au ministère du Revenu en conformité des dispositions de la section II sur une période de trois ans suivant l'année de référence, afin de lui permettre de récupérer une partie des investissements en formation professionnelle qu'il ferait au cours des trois années subséquentes et qui seraient, évidemment, supérieurs aux dépenses représentant 1 % de la masse salariale applicable dans l'année donnée. D'autre part, une telle mesure devrait aussi s'appliquer dans le cas où l'employeur encourt, pour une année donnée, des dépenses de formation professionnelle supérieures à 1 % afin de lui permettre de reporter, sous forme de crédit, les montants excédentaires de dépenses de formation professionnelle effectuées dans une année donnée, et ce, sur une période de trois ans. Une telle mesure, selon nous, aurait une valeur incitative et non pas coercitive, puisqu'elle encouragerait l'ensemble des employeurs à effectuer des dépenses de formation professionnelle représentant au moins 3 % de leur masse salariale au cours de cette période. L'avantage d'une telle disposition permettrait aussi une plus grande flexibilité au niveau de la planification des besoins de formation professionnelle au sein des entreprises et l'utilisation maximale des fonds et des dépenses des employeurs à la formation.

Dernier volet avant une approche rapide article par article, c'est ce que nous appelons l'ingérence de la SQDM dans nos entreprises. Plusieurs entreprises dans le secteur du commerce de détail effectuent de la formation professionnelle depuis plusieurs années. Le fait que peu aient utilisé le crédit d'impôt à la formation est, selon nous, probablement plus relié à la complexité reliée à l'admissibilité à ce Crédit plutôt qu'effectivement aux dépenses encourues par nos entreprises en formation. Le projet de loi représente, selon nous, une intervention directe sur l'ensemble des plans de formation et de la formation professionnelle dispensée par nos entreprises et, suivant l'explication donnée, dans le type de formation qu'on appelle sur le tas, si j'ai bien compris ce que j'ai entendu tantôt. De plus, le projet de loi, tel que rédigé, met en doute la qualité de la formation dispensée dans les entreprises en permettant à la SQDM d'établir toutes sortes de balises à la formation.

À notre point de vue, un tel pouvoir réglementaire entre les mains de la SQDM aura pour conséquence de rendre beaucoup plus complexes l'administration et la dispensation de la formation qui sera dorénavant dispensée sans égard aux us et coutumes des entreprises et sans égard à la méthode de fonctionnement. Évidemment, les affirmations que nous faisons sont tirées du fait que nous examinons le projet de loi avec les pouvoirs réglementaires qui sont conférés aux articles 19 et 20, lesquels pouvoirs réglementaires – et là on doit présumer que le législateur ne s'est pas exprimé pour ne rien dire – accordent des pouvoirs substantiels en ce qui concerne l'ensemble de l'admissibilité des dépenses de formation, en ce qui concerne l'agrément et la reconnaissance non seulement des enseignements, mais des formations, des plans de formation, des programmes, des formateurs ou des organismes, et ainsi de suite. Selon nous, les pouvoirs réglementaires conférés par la loi à la SQDM provoqueront des embûches et risquent de démotiver plusieurs employeurs à procéder à la formation professionnelle de leurs travailleurs, et ce, au plus grand détriment des objectifs fondamentaux recherchés par la loi.

(17 h 50)

Rapidement, cinq articles, en fait, qu'il nous apparaît important de souligner. Premièrement, l'article 5 de la loi où, effectivement, la notion de formation professionnelle admissible devrait être définie. D'autre part, l'employeur propriétaire ou toute catégorie d'employés, comme je l'ai mentionné tantôt, devraient faire l'objet d'une inclusion, devraient être des bénéficiaires de la formation au même titre que l'ensemble des autres travailleurs et de la main-d'oeuvre en entreprise.

Au niveau de l'article 6.3°, le Conseil considère qu'il ne doit pas y avoir obligation de constituer un comité dans le cadre d'un plan de formation à l'égard d'une entreprise. La création d'un tel comité devrait être laissée à la discrétion de l'employeur, selon nous. En aucun cas les dépenses encourues pour dispenser la formation professionnelle ou élaborer un plan de formation pour une entreprise ne doivent être conditionnelles ou assujetties à la sanction ou l'approbation d'un tel comité pour rendre les dépenses admissibles aux fins de la loi.

D'autre part, au niveau des articles 19 et 20. En ce qui concerne 19.1°, évidemment, nous nous interrogeons énormément sur le pouvoir que la loi confère, par la voie réglementaire, à la SQDM, lui permettant d'exclure des dépenses de formation admissibles et même de plafonner des dépenses de formation admissibles. Pour nous, l'employeur doit avoir la liberté d'encourir le montant de dépenses qu'il juge à propos, sans entraves ni contraintes. D'autre part, comment peut-on justifier d'exclure des dépenses de formation professionnelle qui seraient autrement admissibles? Alors, pour nous, un tel pouvoir réglementaire nous apparaît incohérent et pourrait provoquer un effet pervers contraire aux objectifs fondamentaux recherchés par la loi. Quant au sous-alinéa 4° de l'article 19, c'est, comme le mentionnaient nos collègues de la Chambre de commerce & d'industrie du Québec métropolitain, un chèque en blanc. Il n'y a aucune balise, il n'y a pas de paramètres d'établis. Un tel pouvoir supplétif, selon nous, a pour conséquence de remplacer le législateur.

Et, pour terminer, l'article 20 qui, pour nous, concerne, entre autres, le pouvoir d'encadrement de l'admissibilité des dépenses et la reconnaissance des programmes de formation. L'ensemble des pouvoirs réglementaires conférés à la SQDM par l'article 20 amènent le Conseil à craindre l'ingérence indue de la SQDM dans tout le processus de la formation professionnelle dispensée par nos entreprises. Cependant, nous pouvons difficilement commenter le contenu sans avoir vu, effectivement, la teneur de ces règlements. Alors, ce que nous pouvons demander, essentiellement, sur cet aspect, à Mme Harel, c'est de communiquer à l'ensemble des organismes impliqués et à ceux qui sont intéressés la teneur des règlements proposés afin d'avoir l'éclairage nécessaire pour évaluer la portée des conséquences de ces règlements.

Nos conclusions sont indiquées... qui ont déjà reflété l'ensemble de nos propos. Le seul petit élément que j'aimerais ajouter, c'est que, quand on parle de la proposition du report, selon nous, ça permettrait vraiment de permettre la récupération des fonds pour la formation des travailleurs dans leurs entreprises. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. Lafleur. Vous terminez à la seconde près. Alors, nous commençons nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Bon. M. le Président, je veux remercier M. Lafleur et les personnes qui l'accompagnent. J'avais eu l'occasion de rencontrer M. Lafleur au mois de mars, je crois, dans le cadre de la consultation sur la proposition du 1 %.

À la page 5 de votre mémoire, vous nous donnez exactement l'exemple d'une certaine façon qu'il fallait... c'est-à-dire l'exemple d'une réglementation gouvernementale lourde, bureaucratique et qui avait l'effet inverse de celui qui était recherché. Vous nous dites: «...le secteur du commerce du détail est particulièrement pénalisé par le fait qu'une formation professionnelle reliée à la vente ne constitue pas une formation admissible aux crédits d'impôt». Alors, ça s'ajoute, là, à mon chapelet d'exemples aberrants. J'ai découvert que le crédit d'impôt annoncé il y a un an et demi pour les stagiaires n'a servi à presque rien, parce qu'il exigeait huit semaines de stage puis qu'il n'y avait pas un cégep, au Québec, qui en donnait plus que six. Par exemple, j'ai découvert que le Crédit d'impôt exigeait que les entreprises soient incorporées. Ça a l'air d'aller de soi, mais ce n'est pas aussi fréquent qu'on le croit. Bon. Tout exemple de réglementation gouvernementale qui a fait que, annoncée pour dépenser 275 000 000 $ en trois ans, en cinq ans, la dépense du Crédit d'impôt aura coûté au gouvernement 60 000 000 $, c'est-à-dire à peine 20 % sur cinq ans... Parce que, finalement, c'est un peu ça, le problème, c'est annoncer beaucoup d'argent sur un papier et, après ça, adopter toutes sortes de critères, de normes qui font que c'est comme des courses à obstacles et que c'est quasiment impossible d'y arriver. Les gens ont le sentiment que c'est un mirage qui s'évanouit quand ils veulent en profiter.

D'autre part, est-ce qu'on peut en faire le reproche au gouvernement? Est-ce qu'il aurait eu les 275 000 000 $ en trois ans qu'il avait annoncés? Parce que c'est de ça qu'il s'agit aussi. Les calculs qui ont été faits et qui se trouvent dans la partie accessible au public du mémoire déposé au Conseil des ministres et qui l'a été à l'ensemble des membres de cette commission, à la page 5, nous indiquent que, pour rejoindre un niveau d'investissement égal à 1 %, le Crédit d'impôt devrait être réclamé par 20 000 entreprises et coûterait environ 500 000 000 $.

On l'a gardé, le Crédit d'impôt, comme vous le savez, mais c'est, dans le calendrier d'implantation, au fur et à mesure, pour que les entreprises sachent qu'elles vont mieux en profiter cette année, se donner, peut-être, avec le Crédit d'impôt remboursable – qui est une sorte de cadeau pour les entreprises qui ne paient pas d'impôts, parce que ça rembourse une partie de leurs dépenses, surtout les PME, 40 % – le plan de développement de ressources humaines qu'elles peuvent faire payer, en partie, par le gouvernement. Ensuite, le Crédit d'impôt va rester, mais pour les entreprises qui ne sont pas assujetties, pour les amener à introduire la culture de formation, même si ce sont des entreprises qui, dans le fond, ne sont pas dans les grands circuits.

Alors, je reviens, peut-être, à la question de fond. Pensez-vous que c'est une responsabilité partagée, ça, le recyclage et le perfectionnement de la main-d'oeuvre? Je le répète: Pensez-vous que c'est une responsabilité partagée ou vous pensez qu'il faut que ce soit entièrement payé par le gouvernement?

M. Lafleur (Gaston): Mme Harel, je pense que la responsabilité est la responsabilité des entreprises, de faire la formation adéquate pour la main-d'oeuvre. Je pense que, ça, c'est reconnu. C'est reconnu de tous et c'est ça qui se fait actuellement.

Mme Harel: Et s'ils ne s'acquittent pas de leur responsabilité? Selon toutes les études... Je citais celle de M. Bourbeau, mon prédécesseur, qui avait fait faire une étude de 400 PME, au Québec – c'était il y a quatre ans – qui concluait que, de ces PME, je pense, 38 % seulement faisaient de la formation.

M. Lafleur (Gaston): Mme Harel, quand on parle du moyen coercitif, c'est que vous arrivez avec une règle. Vous dites: Voici, c'est maintenant 1 % par année, si vous ne la faites pas, la dépense de 1 %, vous allez devoir contribuer au ministère du Revenu, qui va verser ça dans le Fonds national de formation professionnelle. Nous, ce que nous vous disons, c'est que vous devez conserver une flexibilité. Le fait que l'on arrive avec une disposition qui fait en sorte que, si on n'obtempère pas à une volonté de formation, il y ait une conséquence fiscale, c'est une chose sur laquelle nous ne sommes pas en accord. Cependant, entre ça, entre a à z, il y a des façons, si vous voulez, d'adoucir l'aspect coercitif, de telle sorte que ça devienne, peut-être, un moyen qui va être plutôt incitatif.

(18 heures)

C'est dans ce sens-là que la proposition que nous vous faisons sur la notion du report et du crédit d'impôt... Pour vous donner un exemple, au niveau fiscal, vous avez les pertes d'années antérieures, les pertes d'entreprises, qui peuvent être récupérées, vous avez les pertes en capital qui sont reportables. Bon. Dans le cas de la formation professionnelle, je vous donnais l'exemple, tantôt, en 1997 – parce que je présume que le projet de loi va être là pour longtemps – où vous allez avoir une petite entreprise qui aura peut-être deux établissements, trois établissements, 15 employés, disons, qui va être peut-être à Sept-Îles ou à Rimouski, peu importe où on peut s'imaginer, et qui ne sera peut-être même pas en mesure d'avoir les moyens appropriés, même pas les ressources, je ne parle pas des ressources financières mais des ressources de formation disponibles au niveau de l'offre pour pouvoir en bénéficier, où, pour diverses raisons, dans le cadre de notre secteur, la formation peut être fluctuante si on introduit des nouvelles technologies puis qu'on a un gros besoin; par contre, à d'autres moments, c'est moins fréquent. Si on est dans un secteur qui est cyclique, par exemple dans le secteur de la mode où les modes changent fréquemment, bien, à ce moment-là, il peut y avoir un besoin de formation peut-être plus cyclique que pour d'autres.

À tout événement, nous, ce qu'on vous dit, c'est que, si l'intention du gouvernement est de vraiment faire en sorte que les entreprises dépensent les sommes pour leurs travailleurs, pour leur personnel, il faut avoir un élément de flexibilité au niveau d'un crédit ou d'un report du 1 %. Ce qu'on vous indique là-dedans, c'est que, si la dépense n'est pas faite, en partie ou en totalité, le montant serait versé, mais il serait au moins récupérable pour de la formation qui serait faite au niveau des travailleurs de l'entreprise concernée. Et, pour nous, c'est plus que des travailleurs parce que, pour nous, on inclut la main-d'oeuvre, le personnel. Si on veut être équitable, il y a plusieurs entreprises, des petites entreprises, dont l'employeur même a besoin de formation, et je pense que c'est discriminatoire de les exclure du bénéfice de la loi en termes de bénéficiaires admissibles comme dépenses de formation. Alors, pour nous, c'est tous ces gens-là. Et, pour nous, ça amènerait quand même un impact, un jeu, là, qui permettrait une meilleure flexibilité et probablement une récupération plus importante en dépenses de formation admissibles si on arrivait avec l'utilisation d'un crédit ou d'un report rétrospectif ou prospectif que, nous, on détermine sur une base de trois ans.

Mme Harel: C'est intéressant, M. le Président. M. Lafleur, vous savez que le report est prévu à l'article 19, paragraphe 2°.

M. Lafleur (Gaston): Oui, mais ma lecture de l'article 19.2°, c'est que c'est seulement pour l'année antérieure avant l'entrée en vigueur de la loi, en ce qui les concerne. Nous, on parle d'une mesure qui s'appliquerait tout le temps et qui serait incorporée dans la loi.

Mme Harel: Alors, vous voyez, je pense qu'il faut distinguer 19.2° qui, lui, va s'appliquer tout le temps, là...

M. Lafleur (Gaston): ...

Mme Harel: ...et l'article auquel vous faites référence, qui existe aussi et qui est celui, finalement, de prendre en compte...

M. Lafleur (Gaston): Vous avez raison.

Mme Harel: ...les dépenses effectuées dans l'année qui a précédé l'implantation de la mesure; c'est l'article 61, me dit-on. Alors, à 61, on prévoit qu'il pourra y avoir le report de dépenses de formation professionnelle effectuées par un employeur avant l'année où il est devenu assujetti. S'il a fait une grosse dépense – parce qu'il faut en tenir compte, c'est évident; surtout dans les PME, avec l'achat de technologie, il arrive très souvent que c'est un effort accru qui est fait dans une année – il faut pouvoir le reporter, ça, c'est certain.

Je reviens peut-être à l'aspect de la réglementation. De deux choses l'une: ou c'est un règlement du gouvernement seulement... Là, c'est un règlement des partenaires pour aller chercher l'ajustement au fur et à mesure. Et c'est évident qu'un règlement, c'est toujours approuvé par le gouvernement, ça. Alors, c'est prévu comme ça aussi, il faut que ce soit approuvé dans la Gazette officielle et publié, parce que nul n'est censé ignorer la loi. Mais je comprends que, là, vous nous dites: Faites-les, les règlements, ne laissez pas les partenaires du marché du travail les faire. Il y en a six qui représentent les grandes associations patronales, Chambre de commerce, Conseil du patronat, Association des manufacturiers, Mouvement Desjardins, et puis il y en a six qui représentent les centrales syndicales, et puis les six autres sont une combinaison de gens qui viennent du milieu de l'éducation et du milieu de l'employabilité ou de la main-d'oeuvre sans emploi. Alors, là, vous dites: Non, ne laissez pas ces gens-là faire les règlements, il est préférable que vous les fassiez dans les ministères. C'est ça que je comprends.

M. Lafleur (Gaston): Pas tout à fait, Mme la ministre. Ce qu'on vous dit, c'est qu'un projet de loi de cette nature-là a besoin d'un encadrement. Ça prend certaines définitions fondamentales, de telle manière que la SQDM doive utiliser les guides et les paramètres que la législation aura fixés. Actuellement, la législation ne fixe aucun guide, aucun paramètre en ce qui concerne la définition de la formation professionnelle; par exemple, d'ailleurs, l'article 6 parle de «notamment». Quand on dit: «Les dépenses au bénéfice du personnel peuvent notamment», «notamment», ça veut dire beaucoup plus, mais c'est l'inconnu. Et, où l'inconnu se règle-t-il? Ce serait, évidemment, dans le pouvoir réglementaire.

D'autre part, vous me parliez de l'article 19, alinéa 2°, tantôt. Excusez-moi, ma formation de juriste me fait lire l'article, puis je lis l'article 19.2°, puis, pour moi, je ne vois pas dans cet article-là ce que vous me dites. C'est comme si on s'attendait à ce que, éventuellement, le règlement qui sera préconisé par la SQDM inclue la disposition dont vous faisiez mention. Mais, en fait, l'article 19 est strictement la délégation des pouvoirs, mais le contenu, la chair de ça, on ne le sait pas.

Mme Harel: Mais c'est un choix important à faire. Soit qu'on mette tout dans une loi... Vous savez qu'une loi, ça ne se change pas à tous les mois, ça, une loi. Vous savez tout le processus pour modifier une loi, puis il y a des mois dans l'année où on ne siège pas, puis il peut y avoir d'autres événements qui font qu'une loi, par exemple, peut être déposée sans pour autant être appelée parce qu'il y en a une autre qui est plus importante à ce moment-là. Puis une question importante, c'est de savoir: Est-ce qu'il faut le mettre dans une loi? Parce qu'une loi, ça, ça veut dire que c'est beaucoup plus immuable. Je ne vous dis pas qu'on ne peut pas changer une loi, mais c'est évident qu'il y a toutes sortes d'événements: un changement de gouvernement, ceci et cela qui font que, des fois, ça peut être retardé de quatre, cinq, six, sept mois, ce qu'on veut changer dans une loi. Même si on va vite. Vous le savez très bien, parce que c'est le cas, de toute façon. Alors, est-ce qu'il faut le mettre dans une loi? Parce que ça enlève la flexibilité, ça, ça donne de la rigidité. Est-ce que c'est préférable de le mettre dans une réglementation qui est beaucoup, beaucoup plus malléable et qui peut s'ajuster à la réalité?

Dans la réglementation, est-ce qu'il faut mettre plus que ce qui est le cas actuellement? Parce que le gouvernement a l'intention d'avoir un règlement sur le calendrier d'implantation, a défini à l'article 6 les paramètres de la formation admissible, à savoir celle qui est dispensée par un établissement d'enseignement, par un formateur agréé, et sur le tas lorsqu'il y a un plan de formation. Est-ce que c'est plus que ça? Vraisemblablement, plusieurs d'entre ceux qui représentent le patronat nous disent: Les dépenses admissibles, on voudrait que ce soit dans un règlement qu'on connaisse avant.

M. Lafleur (Gaston): Mme la ministre, voici. Évidemment, la formation sur le tas... J'ai compris ce que vous avez mentionné tantôt, lors de l'audition précédente. Vous avez indiqué clairement que, bon, finalement, on semblait alléger de beaucoup le pouvoir réglementaire ou la portée de la réglementation qui serait autorisée par la SQDM, mais c'est parce que, nous, on ne le constate pas. Vous voyez, on a un projet de loi devant nous qui attribue des pouvoirs, et, là, on n'est pas en mesure de savoir comment ces pouvoirs-là vont s'exercer. Une chose dont on est certains, c'est que les pouvoirs conférés sont énormes. L'exemple que nous avons donné, dans notre mémoire, de quatre définitions très simples... Dans une loi qui s'appelle la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, si le législateur, à l'époque, a jugé important d'avoir des définitions de la formation professionnelle, c'est parce qu'on jugeait ça comme étant vital et fondamental, et tout pouvoir réglementaire que l'on accorde à la SQDM serait, à ce moment-là, balisé par une définition, de telle manière que... Par exemple, je vais vous donner l'exemple du séminaire ou du congrès. Il y a des séminaires qui peuvent être excessivement axés sur la formation professionnelle, mais, si on laissait la décision à la SQDM de définir ce qui constitue de la formation professionnelle, bien, à ce moment-là, la loi-cadre se limiterait à un énoncé de principe à l'article 1, et toute la balance serait complètement reléguée à un pouvoir réglementaire. Et, pour nous, il nous apparaît beaucoup plus essentiel qu'il y ait une forme d'encadrement du pouvoir réglementaire, Mme la ministre.

(18 h 10)

Mme Harel: Vous êtes bien conscient à présent, M. Lafleur, que tout ce qu'on définit se restreint. Parce que, quand on dit: Laissez l'entreprise choisir... Puis c'est ça, le souci, là, c'est ça, l'objectif. Et tout ce qui se définit se restreint. Par exemple, faut-il qu'il y ait ou pas la formation initiale? Pourquoi ce serait nous qui déciderions ça? Si l'entreprise, elle, décide que ça lui est utile, peut-être que ça ne le sera pas pour une autre entreprise qui ne veut rien savoir d'en faire, mais peut-être que celle qui veut en faire ne doit pas en être empêchée. Et c'est dans ce sens-là qu'il faut trouver un modus vivendi, si vous me permettez l'expression, parce que 19, là, regardez-le de près. Ce que 19 dit, à 1°, c'est les dépenses de formation admissibles; à 2°, c'est les règles de calcul pour ces dépenses de formation admissibles; à 3°, c'est des exemptions possibles. Ça ne veut pas dire qu'il va y en avoir, ça veut dire que, si on ne le met pas, le pouvoir réglementaire, il ne pourra jamais y en avoir, ce ne sera pas possible. À 4°, c'est toute autre disposition connexe ou supplétive pour donner effet aux dispositions du présent chapitre. On peut enlever ça, mais ça donne beaucoup moins de marge de manoeuvre. Tout ce qui est enlevé ici, ça n'a l'air de rien, plutôt que de donner de la souplesse, ça en enlève.

Alors, finalement, c'est peut-être au niveau des dépenses de formation admissibles. Alors, là, on revient à une définition qui pourrait se retrouver où? Dans une loi? Auquel cas, si ça évolue, là, comment on fait pour s'ajuster rapidement et ne pas attendre, comme pour vous avec le commerce de détail, qu'on change de gouvernement, ou comme c'est le cas avec les stages de quatre semaines plutôt que de huit dans le budget de M. Campeau, dernièrement, ou avec les entreprises qui n'ont plus besoin d'être incorporées? Il faut pouvoir s'ajuster plus vite, là.

M. Lafleur (Gaston): Bien, écoutez, pour nous, comme je vous l'ai expliqué au départ, je dois dire qu'un projet de loi comme ça, où on a un article qui énonce un principe et, par la suite, un ensemble de dispositions qui relèguent aux éléments réglementaires, ça me fait penser à une autre législation qui nous a affectés beaucoup à l'époque, et où les trois quarts des dispositions de la loi constituaient les exceptions.

Mme Harel: Laquelle?

M. Lafleur (Gaston): La Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux. Alors, ce sont des pièces de législation exceptionnelles qu'on vit, mais, quand même, celle-ci nous crée beaucoup d'inquiétude – je pense que c'est ça, et mes collègues, ici, pourront le confirmer – c'est l'inquiétude de ne pas savoir, entre autres, pour nous, ce que vous appelez la fameuse formation sur le tas. Ça, c'est fondamental. Et, madame, vous avez dit que l'ensemble des partenaires sont là, à la SQDM. Vous savez, le secteur du commerce de détail, c'est 285 000 emplois au Québec, c'est le secteur d'emplois privé le plus important. Et, à la lecture des noms que vous m'avez nommés, je ne sais pas à qui on pourrait vraiment se vouer pour représenter les intérêts de cet important secteur. Alors, ceci dit, ça n'enlève rien à la qualité du partenariat, mais, en pince-sans-rire, je vous dirais qu'on est encore laissés pour compte. Le commerce de détail, c'est une situation qu'il a vécue depuis moult années, où le Conseil essaie de changer les choses un peu, tranquillement pas vite, mais, encore là, nous, on est laissés pour compte.

Le Président (M. Facal): Merci, M. Lafleur. Ceci met fin au temps dont disposait la partie ministérielle. Alors, on va passer aux échanges avec l'opposition. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. M. Lafleur, nous avons porté grande attention à votre mémoire et à certains arguments que vous reprenez de manière tellement claire qu'il y a peut-être espoir que certaines choses soient de mieux en mieux entendues. Jusqu'à maintenant, nous n'avions guère réussi à dépasser l'article 6 ou l'article 8 dans nos discussions avec la ministre. Nous sommes rendus, grâce à votre effort combiné au nôtre, aux articles 19, 20 et 61. Alors, on avance. Je pense qu'on est en train de regarder plus loin un peu que l'article 6 ou l'article 5; ce n'est pas mal. Et puis même que vous nous avez ramenés à l'article 1 qu'on a parfois tendance à lire vite, et on se dit: On est tous d'accord – à l'article 1 – pour hausser, augmenter, investir davantage, etc. Vous nous avez fait remarquer une incohérence entre l'article 1, qui parle de travailleurs, et l'article 5, qui parle de personnel; c'est ce qui reprend l'expression «personnel». Donc, il y aura un ajustement possible à faire là, parce que c'est sûr qu'il faut prendre la réalité des entreprises comme elle est, et le premier salarié d'une petite entreprise, c'est son président-directeur général, ou qui porte un titre équivalent. C'est lui qui se prend un salaire, comme ses quatre, cinq, six autres employés. C'est comme ça que ça fonctionne. Alors, il a droit, lui aussi, certainement à de la formation, parce que c'est lui qui prend les décisions majeures, stratégiques pour le développement de son entreprise, et c'est à travers ses décisions qu'il y a de l'emploi ou qu'on recule du côté de l'emploi. Ça, c'est du gros vécu sur lequel vous basez votre réflexion. Il faudra en tenir compte.

Mme la ministre a bien saisi ce que vous avez dit sur le Crédit d'impôt remboursable pour la formation. Elle a même renchéri en disant: On voit bien, le CIRF faisait des exclusions en ne s'en tenant qu'aux entreprises incorporées. Et, vous, vous dites qu'il y avait eu une espèce de... Vous étiez pénalisés – page 5. Est-ce qu'on peut remarquer une fois pour toutes qu'on ne peut pas un jour prendre le CIRF, les données que nous fournit le Crédit d'impôt, pour savoir combien il y a d'entreprises qui font de la formation et combien il s'en fait dans le Québec, comme une référence et, là, aboutir à dire qu'il ne s'en fait pas beaucoup, et en même temps faire un plaidoyer pour montrer les trous du CIRF, les exclusions du CIRF, les insuffisances du CIRF? Il me semble qu'à un moment donné on doit se rendre compte que ce n'est pas un instrument de mesure tellement valable pour faire un bilan ici, et je pense que la ministre, finalement, partage ce point de vue. En tout cas, par certains énoncés, on peut voir qu'elle se rapproche de cette prise de conscience que, le CIRF, ce n'est peut-être pas un bon instrument, un bon thermomètre.

Vous avez fait une démonstration de l'importance d'avoir les projets de règlement sous les yeux. Je crois que, ça, c'est une demande qui mérite d'être répétée. Quant à nous, nous l'avons fait depuis le premier jour. C'est sûr qu'il y a des règlements ou certains ajustements qui peuvent être référés à la SQDM. Nous n'excluons pas cela. Il y a d'autres règlements qui peuvent être de l'ordre du gouvernement, là où on parle du coeur du projet de loi ou de la loi, et il y a des notions à insérer dans la loi elle-même. Ça, il y a beaucoup de gens qui, comme vous, sont venus nous dire la même chose.

Il y a une espèce de construction que Mme la ministre nous a présentée à travers le projet de loi 90, sauf qu'on commence, je dirais, au solage, on fait ensuite une espèce d'architecture d'une maison. Il manque la semelle. En anglais, ils appellent ça le «footing». Nos gens de la construction, hier soir, auraient été d'accord avec ça. Le «footing», la semelle sur laquelle on pose le solage, elle n'est pas là. Elle n'est pas là. On est obligé de l'imaginer. Alors, il y a des gens qui viennent ici avec des visions de la formation qu'ils appellent structurante, qualifiante, transférable, etc. C'est quelque chose de très rigoureux, comme définition. Et d'autres arrivent ici avec leur vision, ils pensent surtout à utiliser 6.3°, la formation sur le tas, la formation adaptée, individualisée, on parle de colloques, etc. Et ils repartent d'ici avec leur petit bonheur. Ils viennent dire à la ministre qu'ils aimeraient que la notion de formation soit adaptée à leurs desiderata. Elle leur dit: La SQDM s'occupera de ça par voie de règlement. On ne peut pas fonder une loi sur un sable mouvant comme cela et ne pas mettre de semelle sous le solage.

On parle de dépenses de formation admissibles en 5, en 19 et 20. Mais, tant qu'on n'aura pas cerné, au moins, je dirais, par les aspects essentiels, quel est l'objet dont on parle, on va éterniser les querelles, soit avec Revenu Québec soit avec la SQDM, au sein du C.A. de la SQDM, pour savoir de quoi on parle. Ce projet de loi ne nous aide pas quant à savoir de quoi on parle. Il identifie les bénéficiaires possibles, encore que de façon imparfaite, mais de quoi parle-t-on? Il me semble que c'est le commencement de tout et c'est de ça que les gens nous entretiennent ici, et vous faites bien de revenir là-dessus.

(18 h 20)

Vous avez entendu dire que, peut-être, les colloques, la participation aux colloques était exclue, etc. J'imagine que vous n'étiez pas dans la liste des interlocuteurs privilégiés des services de la SQDM qui ont consulté, paraît-il, quelques entreprises ou quelques milieux avec des ébauches d'esquisses de projets d'embryon de règlement. En effet, on a eu accès à ça ici, suite à la comparution du Conseil du patronat, à certains documents. Ça montre qu'une consultation, quand on veut arriver à faire de la concertation, il faut mettre le monde à table et sur les mêmes documents en même temps. C'est ça que ça montre. Là, on peut savoir si on met l'orchestre d'accord. Mais, si chaque instrumentiste va mettre son violon ou son instrument d'accord chacun dans son coin sans s'entendre, on ne sait pas s'ils disent la même chose. C'est ça que vous nous illustrez avec une réflexion comme ça. C'est pour ça qu'il faut mettre les cartes sur la table, à la même heure pour tout le monde, en même temps, et puis, là, on sait si le monde parle le même langage. Ce serait mieux, en termes de concertation. Alors, on souhaite que la ministre d'État à la Concertation vienne à la rescousse de la ministre de l'Emploi pour ajuster son projet de loi.

Je voudrais avoir... comme question, vous demander... En termes de bilan, vous avez une organisation qui est... Vous parlez de 285 000 emplois; 285 000 emplois, page 2. Vous avez beaucoup de femmes dans ces emplois-là, en commerce de détail.

M. Lafleur (Gaston): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Vous avez beaucoup d'emplois qui sont faiblement rémunérés, enfin, dans les catégories de salaires plutôt inférieures. Pouvez-vous nous dresser un peu le bilan de votre travail, de vos activités en formation? En faites-vous, est-ce que vous avez pris des initiatives de ce genre-là? Est-ce que vous avez constaté un progrès, une augmentation? Avez-vous pris quelques mesures de votre réalité de ce côté-là?

M. Lafleur (Gaston): Là, vous parlez en tant qu'industrie ou en tant que Conseil?

M. Charbonneau (Bourassa): En tant que Conseil...

M. Lafleur (Gaston): Ah bon, parfait.

M. Charbonneau (Bourassa): ...parce que... Apportez-nous une expérience un peu, là.

M. Lafleur (Gaston): Parfait. Effectivement, chez nous, nous organisons régulièrement des séminaires sur divers sujets d'actualité, entre autres des séminaires sur des aspects législatifs; il y a un impact au niveau des façons de faire de nos gens. On organise aussi un congrès annuel qui est un congrès vraiment axé sur la formation, sur des apprentissages, où il y a des ateliers visant à l'apprentissage de connaissances. On organise aussi un colloque sur ce qu'on appelle la prévention des pertes dans nos entreprises, qui représentent un problème très important. Et on organise aussi certains cours spécialisés dans les techniques d'interrogatoire sur des sujets un peu plus sophistiqués de la prévention des pertes. Nous avons aussi organisé des séminaires, un séminaire dans 10 régions du Québec, entre autres, l'année dernière, relié à l'embauche et aux services à la clientèle, en fait, une gamme d'activités. Je dois dire quand même qu'elles sont, eu égard à l'ampleur du secteur à couvrir, relativement restreintes si on regarde, évidemment, 285 000 emplois. Malheureusement, on fait ce qu'on peut avec nos moyens, mais, quand même, je pense qu'on fait déjà beaucoup.

Évidemment, on a pris connaissance du projet de loi. On a lu l'article 8, nous aussi. Alors, c'est évident qu'en ce qui nous concerne l'aspect de la formation est une priorité, chez nous. Mais, surtout, ce qui est important, c'est la... Vous savez, ce qu'il faut apprendre à nos gens, c'est l'importance de la formation, l'importance de la formation, et, ça, ça se fait par une information. Et, pour nous, c'est le début de la clé du succès, hein. Et, pour informer et sensibiliser l'ensemble des entreprises de notre secteur, qui est très vaste, c'est une tâche énorme, énorme.

J'entendais parler de l'aspect régionalisation tantôt. Savez-vous que, dans notre secteur, il y a plusieurs de nos détaillants, nos employeurs qui n'ont pas un établissement commercial situé dans un parc industriel? Il y en a trois ou quatre, sauf qu'il y en a un à Québec, un à Montréal, un à Sherbrooke, un à Sept-Îles. C'est un employeur, il a trois ou quatre établissements. J'ai hâte de voir comment on va faire pour faire la conjugaison entre la régionalisation et la formation sectorielle. Ça risque probablement d'être fort intéressant, et je souhaite très fort, en tout cas, que nous serons là pour sensibiliser les gens qui auront à prendre ces décisions là-dessus, parce que ça va avoir des conséquences fondamentales.

D'autre part, je sais qu'un de mes collègues, ici, aimerait intervenir sur un autre volet qui nous préoccupe, sur la formation. Si vous permettez, M. Charbonneau.

M. Fournier (Michel): Ça serait juste un petit rajout. On parle de la régionalisation. Je travaille pour Sears Canada depuis plusieurs années, et j'ai participé, disons, personnellement à l'ouverture et au plan de formation et d'embauche pour un groupe de magasins. De fait, la fameuse notion de régionalisation dans une entreprise comme la nôtre, qui est une entreprise quand même nationale, m'a forcé à présenter sept fois le même programme à sept juridictions régionales différentes, pour recevoir des subventions, dans un cas, d'une façon extraordinaire puis me les faire refuser dans d'autres. Puis je me dis que c'est le même programme, là, c'est la même structure, c'est la même formation, ce n'est pas les mêmes personnes. Ça fait que, ça, c'est un handicap qui est sérieux.

Mme Harel: C'était au provincial ou au fédéral?

M. Fournier (Michel): Les deux. Malheureusement!

En second lieu aussi, lorsqu'on revient à l'article 6.3°, vous disiez tantôt, Mme la ministre, là, que l'employeur avait quand même beaucoup de latitude, de flexibilité à faire affaire avec des organismes particuliers, les cégeps et les collèges, qui n'ont pas, à mon point de vue, là, nécessairement les habiletés pour former les gens dans le milieu du travail en fonction des besoins du milieu du travail. Vous parliez aussi d'organismes de formation des vendeurs. J'espère qu'ils vont avoir au moins, eux autres aussi, la possibilité d'avoir des crédits lorsqu'ils iront chercher de la formation.

Mais vous venez en 3°, ici: «la formation dispensée dans le cadre d'un plan de formation établi à l'égard d'une entreprise»... Bon, dans une entreprise comme chez nous, là, pancanadienne, où on évolue nationalement aussi, la construction, la planification des programmes de formation sont faits généralement au siège social. Je ne pense pas qu'ils puissent avoir le temps de venir vous voir à Québec et de dire: Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'on fasse ce plan-là? Lorsqu'on change une structure d'une entreprise, à ce moment-là, on ne peut pas non plus dire à l'employé: Es-tu d'accord pour qu'on change ton système?

Ça fait que, en 6.3°, je m'excuse, mais il y a énormément de lourdeur là-dedans. Et le commerce de détail est très, très, très actif. C'est une entreprise avec énormément de compétition. On fait du rafting là-dedans, là, dans une rivière à haut niveau, et, là, j'ai peur qu'on nous demande de faire du rafting avec un paquebot au lieu d'un kayak. Merci.

Le Président (M. Facal): M. le député d'Outremont.

M. Tremblay: Je voudrais tout d'abord vous remercier beaucoup, M. Lafleur et les membres de votre équipe, pour votre présentation. Je retiens ceci: vous voulez bien connaître les règles du jeu, si la ministre donne suite à son projet de loi, évidemment.

Première question. Sans entrer dans le détail des articles 19.2° et 61 qu'on va bien se faire expliquer par les conseillers juridiques de la ministre, si on disait, en ce qui concerne le report des dépenses, qu'on applique les mêmes critères que le ministère du Revenu emploie pour les reports des pertes sur une année précédente, trois années à venir, est-ce que, si on réussissait à bien définir ce report des dépenses de cette façon-là, ça vous serait acceptable?

M. Lafleur (Gaston): Ce serait une très nette amélioration en ce qui nous concerne, qui ajouterait une flexibilité importante et qui permettrait certainement d'amener un plus grand incitatif de dépenses de formation par l'entreprise elle-même pour son personnel.

M. Tremblay: Très bien. D'ailleurs, il y a plusieurs intervenants qui nous ont fait cette représentation-là. Et, dans le commerce de détail, c'est important parce que, si, dans une année donnée, vous êtes appelé à remplacer un certain pourcentage de votre personnel, vous investissez de façon importante autant au niveau du personnel que dans certains équipements d'informatique, par exemple, ça pourrait être acceptable. Parfait. Alors, ça, je pense que la ministre est très sensible à cette suggestion-là.

Deuxièmement, en ce qui concerne les dépenses admissibles, il faudrait du moins connaître les règlements ou la définition de ces dépenses admissibles avant que vous puissiez vous dire en faveur de ce projet de loi là. On demande la même chose. Alors, on va continuer à demander la même chose à la ministre, parce que les intervenants nous disent: On veut connaître les règles du jeu. D'autant plus qu'il n'y a pas un vérificateur externe qui va pouvoir mettre une note à vos états financiers et dire: Telle dépense est admissible, sans connaître les dépenses admissibles. Bon. Alors, on va continuer, si je comprends bien, à demander la même chose. On veut connaître les règlements avant.

M. Lafleur (Gaston): Le seul commentaire que je voulais vous dire, M. le député, c'est que, même dans plusieurs circonstances, si on parle de vérificateur externe au niveau d'états financiers vérifiés, vous venez d'exclure peut-être 90 % des PME, parce que, normalement, ce n'est pas nécessairement des états financiers vérifiés.

(18 h 30)

M. Tremblay: Je comprends, mais on n'a pas nécessairement mentionné des états... Ça pourrait être un CGA, par exemple, mais ça prend au moins des états financiers qui ne sont pas nécessairement vérifiés, parce que je comprends très bien que, dans le commerce de détail, très souvent, la personne ayant signé personnellement, donc le banquier ne lui demande pas nécessairement des états financiers vérifiés. Alors, je retiens ce point-là. Je pense que c'est un bon point.

Troisième et dernière question: En ce qui concerne une préoccupation que vous avez et que plusieurs ont, ça concerne la formation sur le tas ou la formation maison...

Excusez. Non, c'est correct, c'est parce que j'entendais «Gérald». Je me demandais... Très bien.

Vous avez une inquiétude de ne pas savoir ce qu'est la formation sur le tas, et je pense que vous avez raison d'être inquiet, parce que la seule façon, si je comprends bien ce que la ministre nous dit, ça va être un comité employeur-employés qui va accepter cette formation-là. Il n'y a pas d'autre façon de le faire, elle va être spécifique aux différents commerces. Alors, on peut, par exemple, pour la formation plus générale, connaître les dépenses admissibles, mais, pour la formation sur le tas, si je comprends bien ce que la ministre avance, il va falloir que, dans l'entreprise, vous vous entendiez, employeurs et employés, un comité, pour accepter ces dépenses-là ou du moins les définir avant qu'un vérificateur puisse le faire.

Qu'est-ce que vous pensez? Est-ce que c'est réaliste de penser que, dans la majeure partie de vos petites et moyennes entreprises, il va se former, pour la formation professionnelle, un comité employeur et employés pour accepter ces dépenses-là de formation maison ou de formation sur le tas?

M. Lafleur (Gaston): Je vous répondrais qu'en fait c'est, je dirais, irréaliste d'utiliser une contrainte – et j'utilise le terme «contrainte» – de création de comité dans des entreprises où vous avez 15, 18, 20, 25 employés. Dans un secteur comme le nôtre, en tout cas, ça m'apparaît évident. Ça n'ajouterait, selon nous, aucun élément de plus-value ou de qualité au plan de formation que l'on voudrait mettre de l'avant, d'une part; d'autre part, nous, ce qu'on souligne, c'est que ce soit plutôt sur une base de volontariat. Et, d'autre part, la nature du comité, suivant ce qui est indiqué dans la loi, est strictement consultative. Donc, pourquoi forcer la création d'un comité qui a une vocation uniquement consultative alors que, dans nos entreprises, on peut certainement consulter nos employés entre nous et sur une base informelle? Pourquoi nous imposer une structure réglementée par la SQDM sur la nature du comité, etc.?

M. Tremblay: Très bien. Je pense que Mme Morin avait un commentaire à faire.

Mme Richard Morin (Ève): Bien, il y a quelqu'un qui a mentionné tout à l'heure qu'il y avait beaucoup de femmes dans l'entreprise du commerce de détail et que les rémunérations étaient probablement basses dans ce secteur-là. Je dois dire que, nous, je ne peux pas parler en tant que secteur mais en tant qu'entreprise, nous avons commencé à dépenser pas mal, plus de 1 %, en tout cas, pour ce qui est de la formation. Mais c'est de la formation de vente qu'on a faite, et ça a été très productif; que ce soit des femmes ou des hommes, ça a été très productif dans un sens ou dans l'autre. Alors, à ce moment-là, la distinction qui peut être faite d'un côté ou de l'autre ne me semble pas justifiable, en tout cas, pour ce qui est de notre industrie.

Le Président (M. Facal): Merci. Ceci met fin au temps dont nous disposions. Alors, peut-être un mot de remerciement final, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Je voudrais vous remercier de votre contribution. Vous avez mis le doigt sur plusieurs modifications possibles, transformations possibles du projet de loi qui est devant nous si jamais la ministre tient à aller de l'avant avec ça. Et vous nous avez rappelé, d'abord et avant tout, que la voie de la promotion, de la valorisation et de l'incitation vous semblait préférable à la voie de la coercition puisqu'on est en matière de formation. Nous allons continuer de réfléchir à ces orientations que vous nous suggérez. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, je vous remercie aussi puis, écoutez, nous, on ne vous demande pas un chèque en blanc, bien évidemment pas. Et je l'ai dit, d'ailleurs, les entreprises, après la décennie qu'elles viennent de traverser, sont justifiées d'être inquiètes de l'action des gouvernements, et on va essayer de leur prouver que ça peut être en leur faveur et non pas contraignant, que, si c'est une obligation, ça va être une obligation dans laquelle, finalement, elles vont pouvoir dépenser comme elles veulent.

Le Président (M. Facal): Merci. Alors, nous ajournons nos travaux jusqu'à demain matin, 11 heures.

(Fin de la séance à 18 h 35)


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