To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Select Committee on Vocational Training

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Select Committee on Vocational Training

Version finale

35th Legislature, 1st Session
(November 29, 1994 au March 13, 1996)

Thursday, June 1, 1995 - Vol. 34 N° 6

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 90 - Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre (titre modifié)


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Joseph Facal, président
M. Gérald Tremblay, président suppléant
Mme Louise Harel
M. Yvon Charbonneau
Mme Solange Charest
M. Henri-François Gautrin
Mme Lyse Leduc
M. Robert Kieffer
M. Michel Côté
M. Matthias Rioux
M. Daniel Paillé
*Mme Diane Laberge, ICEA
*M. Pierre Pâquet, idem
*M. Michel Philibert jr, CPJ
*Mme Julie Lévesque, idem
*M. Stéphane Coudé, idem
*M. René Simard, idem
*M. François Rebello, FEUQ
*Mme Christine Fréchette, idem
*M. Régis Beaulieu, idem
*M. Dan Tolgyesi, AMQ
*M. Eddy Dénommé, idem
*M. Jean-Guy Montpetit, idem
*Mme Nancy Neamtan, Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre
*Mme Françoise Laliberté, idem
*Mme Gabrielle Ciesielski, idem
*M. Martin-Pierre Nombré
*M. Bernard Normand, Table des corporations de développement économique communautaire
*M. Jean-Marc Gendron, UMQ
*M. Rémy Tremblay, Fédération des entreprises d'aide temporaire
*Mme Marie Fortier, idem
*M. Jacques Le Blanc, CCCQ
*M. Pierre Laberge, idem
*M. Jacques Hallé, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures quinze minutes)

Le Président (M. Facal): J'invite tous les parlementaires à prendre place afin que nous puissions commencer. Alors, comme nous avons le quorum, je vous propose de commencer.

Nous ouvrons cette séance de la commission spéciale sur la formation professionnelle dont le mandat est de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle. Nous recevons ce matin l'Institut canadien d'éducation des adultes, à qui nous souhaitons la bienvenue et à qui je rappelle, dans un premier temps, qu'ils disposeront d'une période de 20 minutes pour présenter leur mémoire, suivie d'une période d'échange de 40 minutes divisée en temps égal entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition. Considérant que nous avons aujourd'hui une longue liste de groupes à entendre, si nous ne voulons pas que les retards accumulés deviennent trop lourds, je nous invite tous à nous discipliner en ce qui a trait au respect du temps.

Sur ce, j'appellerais nos invités à d'abord se présenter et, ensuite, à entreprendre la présentation de leur mémoire.


Auditions


Institut canadien d'éducation des adultes (ICEA)

Mme Laberge (Diane): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je me présente: Diane Laberge, je suis la directrice générale de l'ICEA; à ma droite, Pierre Pâquet, vice-président de l'Institut et également membre du conseil d'administration de la SQDM; et, à ma gauche, Gaétan Beaudet, qui est chargé de projet au dossier formation professionnelle et développement de la main-d'oeuvre à l'Institut. Alors, on veut vous remercier de nous avoir invités à nous présenter devant vous aujourd'hui pour donner notre opinion au niveau de la loi 90.

Alors, comme principal carrefour des réseaux publics, syndicaux et communautaires en éducation des adultes, l'ICEA considère l'éducation et la formation professionnelle comme un levier de développement personnel, social et économique essentiel à l'avenir de notre société. C'est donc à ce titre qu'on désire faire connaître notre position à l'égard du projet de loi.

D'emblée, l'ICEA approuve l'initiative du gouvernement québécois visant à instaurer une participation financière des entreprises à la formation professionnelle et souhaite que, malgré le combat d'arrière-garde auquel se livrent certains milieux, le gouvernement fasse adopter ce projet de loi qui constitue un minimum pour l'avenir de la société.

Par ailleurs, l'Institut tient à mettre en garde le gouvernement actuel. En aucun temps, il ne faudrait que ce projet de loi légitime le désengagement financier de l'État en éducation et en formation des adultes, à l'instar du gouvernement fédéral, qui a profité de la réforme de l'assurance-chômage pour diminuer son financement direct aux programmes de formation et d'employabilité. L'investissement de 1 % de la masse salariale des entreprises doit s'ajouter aux investissements de l'État et non pas les remplacer.

Nous concentrerons notre intervention sur certains aspects de la loi; d'abord, sur notre conception de la formation professionnelle puis sur la nécessité, voire l'urgence de passer des mesures incitatives aux mesures obligatoires à l'égard de l'investissement des entreprises en formation. Enfin, nous ferons part de nos préoccupations et de nos inquiétudes face à certains aspects de la loi, tout autant que des opportunités remarquables qu'elle offre.

Pour l'Institut, une politique de formation professionnelle ne saurait être définie en fonction des seuls besoins d'adaptation à court terme de la main-d'oeuvre au marché du travail. Notre vision de la formation découle du constat de l'élargissement des besoins de formation tout autant que des catégories de la population désormais concernées par la formation professionnelle. L'ICEA souscrit à une vision large de la formation professionnelle telle que définie par le BIT, le Bureau international du travail, allant de la formation initiale au rafraîchissement ou à la mise à jour des connaissances, à la formation spécifiquement adaptée à l'emploi; elle peut aussi, à notre avis, comprendre des disciplines d'éducation générale.

(11 h 20)

Dans notre livre mauve «Apprendre à l'âge adulte», nous avons tenté de démontrer l'ampleur des besoins de formation des adultes. La restructuration des entreprises a entraîné une modification importante des emplois, une diminution du volume de l'emploi et une augmentation significative du nombre de sans-emploi. La moitié des emplois de l'an 2000 exigeront pourtant plus de 17 années de scolarité. Au Québec, près de 44 % de la population adulte ne possède pas de diplôme d'études secondaires; 75 % des personnes actuellement sur le marché du travail n'auraient pas reçu de formation professionnelle structurée. De plus, le tiers des jeunes quittent le secondaire sans diplôme. Sachant qu'il faut au moins deux décennies pour que les améliorations apportées à la formation initiale des jeunes se traduisent par une plus grande compétence de la main-d'oeuvre et que 70 % de la main-d'oeuvre de l'an 2000 est déjà sortie de l'école, il y a vraiment de quoi s'inquiéter. On ne pourra donc compter uniquement sur l'arrivée des jeunes sur le marché du travail pour combler le besoin de main-d'oeuvre. Par conséquent, il sera nécessaire de renforcer l'éducation des adultes pour atteindre cet objectif plus rapidement. Le projet de loi 90 constitue pour nous un pas dans cette direction.

On observe également une précarisation des conditions d'emploi, et le statut de travail régulier temps plein ne concerne plus qu'une minorité de personnes. Les travailleurs et travailleuses sont de plus en plus en situation de vulnérabilité.

Face à l'ampleur des besoins de formation, il est plus qu'évident qu'une politique visant à augmenter les qualifications de la population devra apporter à la fois des réponses à la formation des personnes déjà en emploi, mais également constituer un tremplin vers le marché du travail pour les personnes sans emploi.

C'est pourquoi une politique visant à favoriser le développement de la main-d'oeuvre doit nécessairement se situer dans une perspective de formation continue, viser donc autant des actions d'insertion pour faciliter l'accès au travail, des actions de formation préalable à la formation professionnelle pour les personnes peu qualifiées: alphabétisation, formation de base, des actions de prévention et de conversion qui permettent au personnel de se préparer et de faire face aux changements organisationnels ou technologiques et des actions de perfectionnement, incluant l'acquisition, l'entretien et le développement des connaissances.

Pour nous, la formation continue suppose la reconnaissance d'une multiplicité de lieux de formation. Elle ne pourra devenir un réel levier de développement sans l'implication des divers partenaires sociaux concernés: le gouvernement, le patronat, les syndicats, les réseaux d'enseignement et les organismes communautaires.

Le projet de loi proposé par la ministre doit concevoir une contribution large et dynamique de l'éducation et de la formation professionnelle au développement socio-économique. Ce n'est qu'en respectant ces principes de base que la loi contribuera à améliorer la qualification de la main-d'oeuvre, à favoriser l'emploi, l'adaptation, le réemploi et la mobilité de la main-d'oeuvre.

L'évolution du marché du travail et les changements économiques survenus au cours des dernières années ont conditionné l'émergence d'une préoccupation à l'égard de la formation professionnelle. Cette préoccupation traverse tous les milieux. Un consensus s'est développé: désormais, la formation de la main-d'oeuvre est devenue une priorité sociale et économique incontournable. Cependant, au-delà du discours sur le développement des compétences de la main-d'oeuvre, la formation demeure trop souvent perçue comme une solution de dernier recours pour l'ensemble des acteurs concernés.

À l'heure où le gouvernement québécois désire rendre obligatoire une participation financière des entreprises au développement de la formation professionnelle, il importe de rappeler que de multiples commissions, organismes-conseils, études et colloques recommandaient depuis longtemps déjà de dépasser les simples mesures incitatives dans ce domaine.

En 1982, le rapport de la commission Jean recommandait que toute entreprise soit reconnue responsable de la formation de son personnel et soit tenue, sous peine de sanctions fiscales, de consacrer un pourcentage égal à 1,5 % de sa masse salariale globale. En 1989, le rapport de Grandpré recommandait d'imposer aux entreprises une obligation fiscale pour accroître les efforts de formation du secteur privé. Le rapport précisait que cette obligation devrait être établie à un niveau assez bas, soit 1 %, pour que les employeurs n'aient pas de mal à s'y conformer. De 1990 à 1994, bien des partenaires au Québec ont reconnu à maintes reprises la faiblesse des investissements des entreprises dans la formation et soutenu la nécessité d'un nouveau plancher d'investissement de 1 % de la masse salariale. Lors du Rendez-vous économique du secteur privé, en 1993, on adoptait une résolution à l'effet que toutes les entreprises soient incitées à investir au moins 1 % de leur masse salariale dans la formation de leur main-d'oeuvre. Pour sa part, l'Association des manufacturiers du Canada recommandait dès 1990 de consacrer minimalement, d'ici à cinq ans, 1 % de la masse salariale du secteur manufacturier à la formation de la main-d'oeuvre.

Depuis 1982, malgré ces recommandations, les gouvernements qui se sont succédé à ce jour ont refusé de mettre en place cette mesure. En 1984, le gouvernement du Québec préférait mettre en place un programme de soutien au recyclage et au perfectionnement de la main-d'oeuvre. En 1989, le gouvernement fédéral rejetait l'approche fiscale préconisée par le rapport de Grandpré et mettait sur pied son programme de mesures incitatives dans le cadre de la réforme de l'assurance-chômage. En 1991, le Québec répondait par la mise en place du crédit d'impôt, qui s'avère à ce jour un échec. Cinq ans après sa création, cette mesure n'a été utilisée que par 2 % des corporations québécoises, et essentiellement par la grande entreprise.

Au-delà du discours, la pratique est loin de suivre. Les mesures incitatives n'ont pu atteindre l'objectif d'accroître l'implication des entreprises en matière de formation. Le bilan est clair. En effet, l'investissement en formation des firmes québécoises, actuellement, 0,6 % de la masse salariale en 1994, demeure plus faible que la moyenne canadienne, et le Canada fait lui-même piètre figure à cet égard. En 1990, l'OCDE plaçait le Canada au seizième rang de ses 23 États membres, selon les dépenses consacrées à la formation en proportion du PIB. En 1985, les entreprises canadiennes investissaient 0,9 % de leur masse salariale, soit deux fois moins que leur voisin américain, alors que l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Australie dépassaient déjà, en moyenne, 1,5 % de leur masse salariale pour la formation. Ce retard est considérable si l'on observe que, déjà en 1989, les entreprises françaises investissaient, en moyenne, 2,97 % de leur masse salariale dans la formation. En regard de cette réalité, l'investissement en formation de 1 % de la masse salariale que propose d'instaurer le gouvernement constitue un minimum.

Après dix années de mesures incitatives sans résultat, le projet de loi 90 s'impose plus que jamais, dans le contexte où il faut faire de la formation un réel levier de développement pour l'avenir de la société. Une récente étude menée par le Federal Department of Education auprès de 3 000 entreprises américaines de 20 employés et plus révélait qu'un investissement de 10 % dans l'éducation de la main-d'oeuvre augmente la productivité de 8,6 %, alors qu'un investissement de 10 % dans les immobilisations l'augmente de 3,4 %. Un argument, il faut le reconnaître, qui donne un nouvel éclairage au débat.

Si l'ICEA ne remet pas en cause le principe de base guidant le projet de loi, nous désirons toutefois manifester nos réserves et nos inquiétudes et souligner les opportunités remarquables qu'il ouvre pour réviser la formation professionnelle, mettre de l'avant un partenariat renouvelé, contrer la discrimination dans l'accès à la formation, mettre en place un certain nombre d'indicateurs d'efficacité de la formation et établir des passerelles entre l'éducation et le marché du travail.

L'ICEA voit dans la création des comités d'entreprise une initiative particulièrement intéressante et une occasion de développer un véritable partenariat au sein même de l'entreprise. Pour ce faire, les comités d'entreprise devront constituer un lieu où les travailleuses et travailleurs, de concert avec les représentants patronaux, seront en mesure d'identifier leurs besoins de formation, de participer à l'élaboration des plans de formation, au choix des méthodes et des lieux de formation ainsi qu'à leur évaluation. Nous voyons donc, dans la création de comités d'entreprise dans toutes les firmes visées par la loi, une condition nécessaire à l'atteinte des objectifs.

En s'appuyant davantage sur ces comités, on pourrait éviter le danger d'une bureaucratie accrue au sein de la SQDM dans la mise en oeuvre de la loi. D'une part, on s'assurerait que les besoins de formation et les conditions d'accès aux différentes catégories au sein du personnel salarié seront respectés et, d'autre part, que la gestion gouvernementale soit plus rapide et efficace. À ce titre, le mode de fonctionnement des comités d'adaptation de la main-d'oeuvre représente un exemple de partenariat réussi. Cet esprit de réel partenariat devrait être inscrit au coeur de la loi 90, en prenant appui sur les comités d'entreprise pour sa mise en oeuvre.

En ce qui a trait aux dépenses admissibles, nous sommes particulièrement inquiets des propositions concernant l'admissibilité des dépenses d'équipement, d'acquisition, de construction et d'aménagement de locaux affectés à la formation. Selon les données du gouvernement, les entreprises manufacturières québécoises consacrent déjà l'équivalent de 18 % de leur masse salariale en machines et équipement. Considérant le peu d'investissement fait en formation des ressources humaines, on peut supposer que les entreprises pourront facilement justifier l'investissement de 1 % de leur masse salariale sans pour autant avoir initié la moindre activité de formation auprès de leur personnel salarié.

Afin de s'assurer qu'on investisse réellement dans la formation de la main-d'oeuvre, il serait pertinent d'établir un plancher selon lequel 50 % des dépenses devraient obligatoirement être investies dans la formation du personnel salarié de l'entreprise. L'autre 50 % pourrait être consacré à la formation des cadres, à l'accueil des stagiaires et apprentis et aux autres dépenses admissibles. De plus, il nous paraît pertinent de vérifier le nombre de jours de formation par personne et par année offerts par l'entreprise. Ce facteur nous semble une mesure plus adéquate pour évaluer l'effort de formation de l'entreprise et un indice d'efficacité de la loi et de son réel impact pour le développement des compétences de la main-d'oeuvre.

L'ICEA encourage par ailleurs le gouvernement à faciliter l'accès à la formation aux stagiaires et aux apprentis. Toutefois, ces mesures ne devraient pas s'adresser exclusivement aux jeunes. Il importe donc de baliser cet aspect particulier de la loi afin que la finalité du développement des compétences des travailleuses et des travailleurs soit respectée.

(11 h 30)

Pour l'Institut, l'accessibilité à l'éducation et à la formation des adultes a toujours constitué une priorité, particulièrement pour les populations les plus défavorisées et marginalisées. Il importe donc de s'assurer que la loi n'aura pas pour effet de renforcer les principaux facteurs de discrimination connus dans la formation en entreprise. Ce n'est pas inutilement que l'ICEA préconise de réserver 50 % de la formation au personnel salarié. En effet, le Conference Board établissait en 1989 que les entreprises dépensaient trois fois et demie plus pour la formation de leurs cadres que pour le reste de leurs employés. De plus, une récente étude de Statistique Canada montre que les politiques patronales de formation privilégient le personnel en milieu de carrière plutôt que le personnel récemment embauché ou les personnes en fin de carrière. Les personnes travaillant à temps plein ont également un plus grand accès à la formation que celles travaillant à temps partiel. Ces groupes professionnels ayant des bas niveaux de qualification seront plus vulnérables face aux changements exigés par le marché du travail. Il est donc important de veiller à ce que ces groupes aient réellement accès à la formation. Les comités d'entreprise pourraient s'assurer que ces catégories de personnel ne soient pas exclues.

De plus, l'ICEA désire s'assurer que les mesures de formation préconisées ne s'adresseront pas exclusivement au personnel à temps plein mais à l'ensemble des travailleuses et travailleurs à temps partiel ou occupant des emplois précaires. Si le gouvernement désire atteindre l'objectif d'adaptation, de réemploi et de mobilité de la main-d'oeuvre, il s'avère important de développer des conditions qui facilitent l'accès à la formation tant pour les personnes en emploi que sans emploi.

En ouvrant la formation professionnelle à la formation sur le tas, le gouvernement a la responsabilité de s'assurer que la formation sera suffisamment qualifiante et transférable pour être admissible. Comme nous le mentionnions précédemment, les programmes de formation doivent permettre non seulement l'adaptation des personnes aux nouvelles qualifications dans l'entreprise, mais également l'accès à d'autres emplois, le recyclage et la reconversion dans de nouveaux métiers, si nécessaire.

Pour nous, la formation professionnelle doit accroître les qualifications et déboucher sur des emplois réels. Les programmes de formation devront être retenus en fonction de leur potentiel de reconnaissance des acquis et des compétences et de leur «transférabilité» dans d'autres emplois. Cet objectif est étroitement lié à l'identification des besoins, mais également à la planification des besoins futurs de la main-d'oeuvre dans une vision large du développement des compétences.

Il y a là une opportunité pour le gouvernement du Québec de développer une véritable politique de reconnaissance des acquis et des compétences. Malgré de nombreuses initiatives déjà réalisées dans ce domaine, nous ne disposons toujours pas d'une politique cohérente qui permette le réel passage entre l'école et le travail et une reconnaissance des apprentissages qui y sont faits. Voilà un chantier majeur à entreprendre.

Si l'on se réfère au mouvement qui avait suivi l'annonce du crédit d'impôt, on sait d'emblée que l'application de la nouvelle législation entraînera inévitablement une prolifération du marché privé de la formation. Selon une étude récente de Statistique Canada, les cours planifiés en entreprise sont dispensés, dans la grande majorité des cas, par des employés de l'entreprise ou des consultants. Les institutions scolaires ne fournissent des formateurs que dans 13,1 % des cas. L'Institut souhaite que le secteur public d'enseignement soit mis plus largement à contribution dans l'offre de service. Nous croyons également que les organismes communautaires, dont l'expertise en formation de base et en développement de l'employabilité est connue, soient reconnus comme partenaires à part entière dans la mise en oeuvre de la loi. Il y a là pour les organismes communautaires une opportunité de faire valoir leur expertise pour répondre aux besoins de formation d'un grand nombre d'adultes tant en emploi que sans emploi.

Nous nous inquiétons, par ailleurs, des moyens qui seront mis en place par le gouvernement pour s'assurer à la fois de la qualification des formatrices et des formateurs ainsi que de la qualité des contenus offerts par les entreprises privées de formation. Selon l'Institut, l'habilitation à offrir de la formation doit dépasser le simple agrément fondé sur une cotisation ou une inscription à la SQDM, comme c'est le cas actuellement, et être remplacée par une véritable accréditation. Le gouvernement doit fixer les critères pertinents en ce domaine et éviter l'invasion du marché de la formation et le gaspillage financier qui pourraient en découler.

Quant à l'utilisation du Fonds national de formation, si elle est confiée à la SQDM, l'ICEA s'inquiète de ce que l'article 27 préconise l'utilisation du Fonds pour la rémunération et les avantages sociaux des personnes chargées de l'application de la loi. L'Institut tient toujours à s'assurer que les fonds serviront prioritairement à la formation de la main-d'oeuvre et ne contribueront pas à alourdir le processus bureaucratique. À cette fin, la décentralisation peut contribuer non seulement à se rapprocher des besoins des individus et des entreprises, mais aussi à alléger les opérations de mise en oeuvre de la formation.

Pour nous, le Fonds national de formation doit être utilisé comme levier de développement des compétences de la main-d'oeuvre. Il peut et doit soutenir les actions de formation pour la main-d'oeuvre en emploi qui n'a pas accès à cette formation dans l'entreprise. On pense ici aux entreprises qui ne font pas de formation ou à celles dont la taille rend difficile le développement d'une offre réelle pour leur personnel.

D'autre part, il nous semble important que ce Fonds s'adresse également à la population sans emploi et aux organismes communautaires qui contribuent à leur formation. En effet, si les entreprises considéraient la formation de leur main-d'oeuvre comme un investissement et non comme un dernier recours, bon nombre de travailleuses et de travailleurs seraient en mesure aujourd'hui de se maintenir en emploi ou de réintégrer plus facilement le marché du travail. Il n'est que justice que le 1 % qui ne sera pas alloué à la formation dans les entreprises serve, en partie, à la formation et à la qualification des personnes sans emploi.

En terminant, nous voulons vous redire que la loi 90 doit reconnaître la formation professionnelle comme un levier de développement pour toute la main-d'oeuvre active et développer en ce sens des mesures d'impact pour vérifier que les investissements financiers permettront réellement d'accroître le niveau de compétence. Nous ne pourrons bâtir une société faite d'une minorité condamnée à l'excellence et d'une majorité condamnée à l'exclusion. Voilà le défi que nous devons collectivement relever. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, Mme Laberge. Alors, nous débutons nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Mme Laberge, M. Beaudet, M. Pâquet, merci pour cet excellent mémoire. L'ICEA nous a habitués, au fil des années, à être un leader en matière de formation continue, d'éducation des adultes, d'éducation permanente. Vous avez, encore récemment, tenu des colloques importants sur la question. Je réfère à celui du mois de septembre dernier. Mais j'avais eu l'occasion aussi, l'an dernier, d'assister à un colloque important à Montréal qui réunissait des partenaires de tous les horizons.

Vous nous présentez, notamment aux pages 7, 8 et 9 de votre mémoire, 10 également, un portrait de la situation de la formation de la main-d'oeuvre au Québec, au Canada, en comparaison avec les autres pays que l'on a à «compétitionner». Le moins qu'on puisse dire, s'il fallait qu'il n'y ait qu'un seul argumentaire qui soit retenu, je pense que ces quatre pages-là plaident, en tant que tel, pour une approche comme celle introduite dans le projet de loi 90, qui est celle de légiférer en matière d'obligation.

Vous savez que le grand débat, c'est: Laissez-nous le faire. On ne l'a pas fait encore, mais on ne l'a pas fait parce que vous ne nous avez pas assez incités à le faire. Mettez de côté le projet de loi pour deux ou trois ans puis laissez-nous le temps de vous prouver que, même sur le plan incitatif, on peut le faire. Alors, peut-être tout de suite, j'aimerais vous entendre sur cet aspect-là. Je comprends que, pour vous, le temps du «laissez-nous-le-faire» était le temps du laisser-faire et que le temps est maintenant venu de légiférer. C'est ce que je comprends de ce que vous nous proposez.

Mme Laberge (Diane): Je vais demander à M. Pâquet, qui est notre expert, de répondre, Mme Harel.

M. Pâquet (Pierre): Je crois, en effet, que c'est un des messages de fond que contient le mémoire. Ça fait maintenant près de 13 ans que des recommandations ont été faites pour inciter le gouvernement à prendre des mesures de l'ordre de celles qui sont actuellement proposées par le projet de loi 90. Ça avait été proposé en 1982 d'abord – on remonte à 1982 – et, en 1984, le gouvernement, à ce moment-là, avait rejeté cette hypothèse-là, croyant que des mesures incitatives seraient suffisantes pour arriver à développer cette culture de la formation continue. Ça n'a pas fonctionné. L'autre exemple, c'est qu'au fédéral, en 1989, là aussi, le rapport de Grandpré sur l'adaptation au libre-échange avait nettement exposé les raisons qui militaient en faveur du développement d'une obligation fiscale aux entreprises. Ça a aussi été rejeté par le gouvernement fédéral. La ministre de l'époque, Mme McDougall, avait préféré se garder ça comme recours ultime si les mesures incitatives ne fonctionnaient pas.

Donc, après plus de 10 ans de mesures incitatives et après des mesures assez généreuses comme le Crédit d'impôt remboursable pour la formation de 1992, qui est un échec aussi, on se dit: Les mesures incitatives, ça fait plus de 10 ans qu'elles montrent qu'elles ne sont pas efficaces, il est plus que temps d'agir. L'urgence était là il y a plus de 10 ans; elle est, bien sûr, encore plus présente aujourd'hui. Et c'est un des messages de fond: Il est temps de passer à une autre étape.

(11 h 40)

Mme Harel: Bon. Alors, ce message, vous nous le livrez et, en même temps, vous nous proposez un certain nombre de réflexions sur le projet de loi comme tel. Vous nous faites part aussi, à la page 10, de vos préoccupations et de vos inquiétudes. Je voudrais échanger avec vous d'abord sur la question d'une définition large de la formation professionnelle. Je pense que c'est à la page...

Mme Laberge (Diane): Page 2.

Mme Harel: ...2, et vous y revenez tout le long, je pense, de votre mémoire.

Mme Laberge (Diane): Oui.

Mme Harel: Le choix que vous faites est le nôtre. La question, c'est de savoir comment y arriver quand il s'agit de légiférer. Alors, vous avez raison. À la page 2, on retrouve «Pour une définition large de la formation professionnelle». Mais, ce que les juristes nous disent, c'est: Pour que cette définition reste large, il vaut mieux ne pas la définir. À partir du moment où on la définit, elle n'est plus large.

Là, j'ai en main de savantes études d'interprétation des lois du Centre de recherche en droit public, etc., où on nous dit: Définir, c'est limiter, définir c'est réduire. Et, dans la mesure, justement... Parce que le choix était évidemment en réflexion. Dans la mesure où on ne veut rien limiter de ce qui est possible dans l'entreprise pour que ce soit vraiment son choix, c'est évident qu'en ne la définissant pas on n'exclut rien. Définir, c'est exclure.

Alors, cette définition... Vous nous suggérez, par exemple, celle du BIT, qui est très large: «Ces activités peuvent correspondre – donc, ça peut être autre chose aussi. Alors, ça peut être ça, mais ça peut être autre chose. Quand ça dit «doivent correspondre – là, c'est autre chose – à différents types de formation: formation initiale, rafraîchissement», tout ça, c'est des concepts. On est dans une loi, là, pas dans un texte littéraire – «ou mise à jour des connaissances, formation spécifiquement adaptée à un emploi [...] elle peut aussi comprendre des disciplines d'éducation générale.» On nous dit qu'en parlant de formation professionnelle c'est de tout ça dont il s'agit, et plus encore au fil des années. Alors, est-ce que, vraiment, il faut se tordre les méninges pour essayer de trouver une définition qui, peut-être, dans trois ou quatre ans, ne sera plus adaptée à la situation?

Mme Laberge (Diane): Je voudrais vous dire que si nous avons introduit au départ une définition de la formation professionnelle large, c'est pour éviter justement qu'elle soit restrictive. Et on se réfère à celle du BIT parce qu'elle permet d'envisager de l'alphabétisation à la formation perfectionnement. Je vous invite à voir les pages 4 et 5, où on a quand même tenté de circonscrire le genre d'activités de formation qui pouvaient être faites, autant d'insertion, de formation préalable, de prévention, de conversion, de perfectionnement. On a essayé de mettre des mots concrets pour voir les réalités qu'il y avait derrière. Donc, pour nous, le message n'était pas: Il faut que la loi ait une définition de référence. Mais il faut que la notion de formation professionnelle, qui est habituellement... qui peut être prise de façon très étroite, dépendamment, je dirais, des savants qui la regardent et qui l'analysent... Pour nous, on voulait qu'elle puisse concerner autant l'alphabétisation, la formation de base. Notre expérience sur le terrain nous fait voir que beaucoup de formation en entreprise doit inclure l'alphabétisation et, souvent, formation professionnelle. Dans le monde de l'éducation, on parle d'alphabétisation, de formation générale, de formation professionnelle. Alors, on voulait bien voir qu'on en donnait, nous, une vision large.

Mme Harel: D'accord. Alors, on s'entend sur le fait que ce qu'il faut, c'est une définition large.

Mme Laberge (Diane): Oui.

Mme Harel: Bon. Est-ce qu'il faut... Une vision large. Est-ce qu'il faut pour autant une définition? Ça, c'est en discussion, là, mais, plus on avance là-dedans, plus ça paraît évident que ce qu'on peut écrire dans un texte de loi n'est pas toujours ce qu'on veut dire au premier degré. C'est implicitement le résultat, de toute façon, qui est recherché.

Mme Laberge (Diane): Peut-être juste pour dire... On ne demande pas qu'il y ait une définition inscrite dans la loi. On demande que les activités de formation qui puissent être reconnues dans le cadre de cette loi-là soient une large palette de formation. Je pense que c'est ça, l'esprit.

Mme Harel: D'accord. Ensuite, vous nous parlez des dépenses admissibles. Bon. Là, sur les dépenses admissibles, vous nous dites: Il faudrait légiférer, soit dans la loi, soit par règlement, mais il faudrait légiférer pour dire que c'est tant pour cent; je pense que c'est 50 % qui devraient aller dans la formation du personnel salarié, et l'autre 50 % qui pourrait aller aux cadres, à l'accueil de stagiaires, d'apprentis, autres dépenses liées à la formation. Prenez d'ailleurs pour acquis immédiatement que l'apprentissage, ce sera différent de ce qu'il est présentement, parce que le régime d'apprentissage, présentement, il est strictement alloué aux personnes adultes, qui sont âgées d'au moins 16 ans et qui sont sur le marché du travail. Et, ça, c'est une définition qui va complètement se modifier. Mais, jusqu'à maintenant, c'était ça, le régime d'apprentissage.

Donc, pour nous, l'apprentissage, ça va de soi que c'est jeunes et adultes. C'est un régime, en soi, qui s'adresse à des personnes qui veulent, de cette façon-là, apprendre et se faire qualifier. Bon. Ce régime d'apprentissage, vous savez, la SQDM y travaille. Il a été annoncé par le premier ministre lui-même comme allant devenir une filière s'ajoutant aux deux autres: formation générale et formation professionnelle, en alternance travail-études; une troisième filière pour apprendre et se faire diplômer. Mais est-ce qu'il faut, dans les dépenses admissibles, aller à ce niveau-là? Si c'est le gouvernement qui décide: Voilà, vous, ce que vous pouvez dépenser, une année où vous en avez besoin de plus ou l'année où ça peut être autrement, les gens sont encarcanés puis ils ont le sentiment que c'est finalement une enfarge, un obstacle plutôt qu'un coup de pouce.

L'état d'esprit dans lequel le projet de loi a été rédigé est le suivant: l'obligation d'investir, mais, le comment, c'est laissé dans l'entreprise. Si l'entreprise procède par la voie d'une institution d'enseignement ou d'un formateur agréé, notre intention est de l'ouvrir aussi aux OSBL et/ou de procéder par un comité sectoriel, comité paritaire, autre organisme qui aura un plan de formation validé par la SQDM parce qu'il s'agit d'organismes qui vont mutualiser les fonds, qui vont aller chercher de l'argent. À ce moment-là, c'est le choix de l'entreprise. Si elle le fait par la formation maison ou une formation sur le tas, il faut que ce soit de concert avec ses employés. Il faut, à ce moment-là, qu'il y ait conjointement un plan local de formation. En d'autres termes, que les employés sachent où l'argent est allé.

Donc, c'est ça, si vous voulez, le dispositif général. Là, vous nous dites: Ajoutez-en. Est-ce qu'il faut en ajouter? Ça, c'est la grande question. Peut-être même faut-il ne pas s'engager dans cette voie-là et choisir plutôt peut-être de dire: Il faut que la formation soit qualifiante. Ça ne veut pas dire diplômer pour autant, on s'entend bien, qualifiante signifiant, si j'ai bien compris, reconnaissance de compétences spécifiques... acquisition, pas reconnaissance... acquisition de compétences spécifiques. Alors, si c'était ça, cette acquisition-là peut se faire de toutes sortes de façons, du moment que c'est spécifique. Vous en pensez quoi?

Mme Laberge (Diane): Je vais laisser Pierre répondre. J'ajouterai...

M. Pâquet (Pierre): C'est important, oui, que la formation soit reconnaissable et transférable, donc qu'il y ait des compétences spécifiques. Par ailleurs, pour nous, le coeur du projet de loi, c'est de développer la formation des travailleurs salariés, notamment. Pas seulement les travailleurs salariés, mais, notamment, les travailleurs salariés. Or, le projet de loi est très souple, est très, très, très souple, est très, très, très, très souple. Notre crainte, c'est que cette souplesse permette, comme on le disait dans le mémoire, de faire, dans le fond, facilement face aux obligations sans organiser des activités de formation. C'est un premier niveau d'inquiétude, de questionnement.

Le deuxième, comme on l'indique aussi dans le mémoire, c'est qu'on sait que les entreprises qui font de la formation en font beaucoup plus pour leurs cadres. Donc, là aussi, il serait bien facile d'atteindre... Sur une masse salariale de 1 000 000 $, 10 000 $, c'est vite atteint, quand on sait qu'on peut mettre des équipements, de l'aménagement de locaux, des prêts de ressources, des salaires. Donc, dans ce sens-là, on a une inquiétude qui a été manifestée par plusieurs des membres de l'Institut, disant: C'est très souple; on est d'accord avec la souplesse et, comme vous dites, on est d'accord avec les lieux multiples de formation. On ne voudrait pas que ce soit un projet de loi extrêmement contraignant. Au contraire, l'économie du projet de loi en est une de souplesse qu'on approuve tout à fait, mais on a été face à des mesures et à des programmes, dans les années antérieures, qui ont raté la cible. Et là on se dit: Il nous semble effectivement qu'il y a une sécurité, un volet de sécurité à ajouter pour s'assurer qu'il y aura au moins la moitié des sommes qui servira aux dépenses de formation des salariés. Donc, dans ce sens-là, oui, on suggère d'ajouter un cran de sécurité de cette nature-là, en l'occurrence.

(11 h 50)

Mme Laberge (Diane): Peut-être que j'ajouterais un complément d'information. On note quand même, dans les données, qu'il y a 18 % d'investissement, 18 % de la masse salariale qui sont déjà investis dans les immobilisations. Si l'ouverture des dépenses admissibles est si souple, c'est facile de faire 1 % sans vraiment développer de formation. Nous, comme institut en éducation des adultes, vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu'on vous dise d'autres choses qu'il faudrait, je dirais, que les indicateurs de réussite soient le nombre de jours de formation par personne par année; et, cet accroissement-là, le 1 % de la masse salariale, c'est une chose, mais, pour nous, les indicateurs d'impact, il faut qu'ils se comptent en termes de formation, pas juste en termes d'argent. Donc, le nombre de jours par personne par année, il me semble que, si la SQDM a des indicateurs à mettre en place pour suivre l'évolution des impacts de la loi, elle devrait se centrer sur ça, sur les catégories de personnels qui vont être touchées par la formation. Les gens les moins qualifiés sont ceux qui ont le moins accès – ça fait au moins 20 ans qu'on le dit, sur peut-être 50, je ne le sais pas – et c'est ceux qui finissent par être exclus du marché du travail et qui, après, sont en dehors du circuit et qu'on doit récupérer ailleurs. Donc, nous, on pense qu'il faut saisir une loi comme celle-là pour en faire de réelles opportunités de développement de la formation et pas juste une obligation fiscale de dépenser des entreprises. Il faut vraiment se donner des indicateurs qu'on atteint des choses en termes de développement des compétences.

Mme Harel: C'est très intéressant, la question étant de savoir comment y arriver et quels sont les indicateurs qui peuvent le mieux, par exemple, en témoigner. Je vais vous donner un exemple. Lundi, j'étais à l'École des métiers de l'aérospatiale, et, là, on me fait valoir que Pratt venait de donner un moteur à l'école, un moteur PT6 de 2 000 000 $. Ce moteur va permettre aux étudiants, que Pratt engage après de toute façon, et aux travailleurs de Pratt qui vont faire du recyclage et du perfectionnement dans cette école... Alors, quand on dit: Non, ne prenez pas en considération l'équipement... Si c'est de l'équipement qui est affecté, comme c'est bien indiqué, à des fins de formation, pourquoi pas?

Mme Laberge (Diane): On n'a pas dit «pas».

Mme Harel: Vous savez, l'idée... C'est marqué: Exclusivement affecté. Est-ce qu'il faut resserrer ça encore? Ça, c'est un élément, il me semble, qui est important. C'est que, dans la mesure où on légifère... Vous savez, quand on légifère, on restreint beaucoup, beaucoup, beaucoup. Vous avez sans doute raison d'inviter à la vigilance concernant les personnels de production et les personnels les moins bien rémunérés. On sait, compte tenu des expériences étrangères passées qui existent depuis au-delà deux décennies maintenant, que, souvent, c'est les cadres supérieurs et les employés à la fine pointe des technologies qui, dans un effet de surcapitalisation, continuent, finalement, d'être bénéficiaires de la formation. Est-ce qu'il faut maintenant anticiper tout ça? Ce qu'on dit, nous, c'est: Il y a un projet de loi qui est une loi-cadre, il y a la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui aura un pouvoir d'ajuster, un pouvoir réglementaire au fur et à mesure de la situation de manière à, peut-être, dans trois ans, quand on aura un rapport complet de la situation, l'ajuster immédiatement en disant: Voilà, il y a lieu de faire des ajustements, peut-être ceux-là mêmes que vous nous proposez maintenant, mais de le faire maintenant. Est-ce que ça irait chercher l'adhésion? Définitivement pas, comme vous le savez. Est-ce que, pour autant, les gens n'essaieraient pas de passer à côté? Parce qu'il ne s'agit pas seulement de légiférer, encore faut-il faire appliquer. Il faut aller chercher, souvent, un minimum d'adhésion.

Mme Laberge (Diane): Moi, je voudrais vous dire, Mme Harel, sur les équipements... J'ai juste à regarder le cas de l'Institut. On investit 2 %, nous, de la masse salariale en formation du personnel. Ça correspond au prix d'un ordinateur. J'en ai acheté cinq cette année, et ça me prend l'ordinateur pour former le personnel. C'est très facile de passer à côté. C'est ça, l'alarme qu'on sonne là-dedans en disant: C'est vrai, mais si on achète un équipement pour la formation, par exemple, les nouvelles technologies... C'est sûr qu'il n'y a pas une entreprise qui peut former son personnel sur des instruments qu'elle n'a pas, mais, les instruments, elle en a aussi besoin pour la production. Alors, c'est déjà des choses qui sont admissibles au niveau des immobilisations dans les entreprises. Alors, jusqu'où on va? Nous, l'indicateur important, et c'est le défi de société, c'est le relèvement des compétences de la population. Ce n'est pas l'obligation et le contrôle des entreprises qui sont notre point de vue là-dedans. C'est le relèvement des compétences de la population. Le Québec ne pourra pas passer à travers. On finit sur cette phrase-là: Le Québec ne passera pas à travers les défis si on ne relève pas, de façon très importante, les compétences de toute la population. Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on vous met des alarmes, je dirais.

Le Président (M. Facal): Merci, Mme Laberge.

Mme Harel: Merci de nous appeler à la vigilance, mais, vous savez, dans votre exemple, si l'équipement sert le moindrement à la production, il est nécessairement exclu, là.

Mme Laberge (Diane): Ce n'était pas évident.

Mme Harel: C'est peut-être la façon dont c'est libellé, mais, si c'est nécessaire, ça le sera plus encore. C'est ça, l'idée. Il faut que ce soit exclusivement affecté à la formation et non pas... C'est dans ce sens-là que c'est libellé, mais il faut que ce soit clairement compris.

Mme Laberge (Diane): O.K.

Mme Harel: Je vous remercie, en tout cas. Le temps qui m'est imparti est terminé, malheureusement. Il y aurait eu beaucoup d'autres choses aussi. Mais soyez certains que votre mémoire va être à nouveau examiné en dehors de la commission pour voir quels sont les impacts sur la loi qu'on peut en déduire. Merci.

Mme Laberge (Diane): Merci.

Le Président (M. Facal): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président. Merci à l'ICEA et à son équipe d'avoir préparé ces notes. Nous connaissons le vaste champ d'expertise de votre Institut en ces matières. La ministre nous dit: Définir, c'est réduire. Nous, on serait portés à dire que définir, c'est choisir, et, à défaut de choisir, bien, on laisse chacun à ses désirs, à ses visions. Vous n'êtes pas le premier groupe à venir ici et à avoir beaucoup de sympathie pour le projet de loi puis, en même temps, à apporter cinq ou six réserves importantes qui, d'après vous, feraient de cette loi une bonne loi. On peut dire qu'à un projet de loi-cadre on apporte sans doute un appui-cadre. Et, quand on regarde les détails, il faudrait une définition, il faudrait travailler les matières admissibles, les conditions des dépenses admissibles. Il faudrait retravailler plusieurs points pour rendre la loi meilleure.

(12 heures)

On est aux prises avec un certain problème, dans cette discussion-ci, parce que, d'une part, la ministre est très réticente à introduire des définitions même larges de la formation dans son projet de loi. Jusqu'à maintenant, elle s'y objecte. Elle nous sert même des arguments provenant de ses juristes. Ce serait embarrassant d'introduire de telles définitions. J'espère qu'elle m'écoute et qu'elle vous écoute et qu'elle va, à un moment donné, fournir des références plus précises à la discussion et éviter de se laisser enfermer par des avis de conseillers juridiques qui ne sont pas à la hauteur des attentes des personnes et des organismes qui nous conseillent à ce moment-ci à travers ces audiences. Ne pas se laisser enfermer par de tels avis. Nous dit la définition, si on en met une dans la loi... Ce n'est pas exactement votre demande, mais d'autres avec la même préoccupation que vous nous l'ont demandé. Vous n'allez pas jusqu'à le demander. Vous souhaitez qu'elle soit quelque part inscrite à titre de référence. Le malheur dans ce débat, c'est que le ministre n'a pas fait précéder son projet de loi de ce qu'on pourrait appeler un document d'orientation ou un quelconque livre blanc qui nous montrerait une définition ou qui nous montrerait une conception, une notion intégrée de la formation continue. Et là on nous lance en discussion un projet de loi puis on nous dit: Les définitions, bien, là, si on s'enferme là-dedans, ça va être un problème. Beaucoup de gens nous disent ici: S'il n'y a pas de référence, de quoi parlons-nous? Alors, les gens viennent nous porter ici leurs espoirs, leur vision, leurs notions de l'affaire, puis ils se font dire: Bien, finalement vous n'avez pas raison de demander ça. On verra plus tard, on s'arrangera. Quelle fiabilité on peut avoir accordée ensuite aux statistiques et aux comparaisons internationales statistiques si on ne part même pas d'une définition reconnue et si, nous ici, au Québec, on n'a même pas comptabilisé les dépenses en formation à partir d'une définition reconnue? Qui nous dit que c'est 0,6 %, 0,7 %, 1,2 %, 0,5 %? D'où on part pour affirmer des choses comme celles-là? C'est des questions importantes. C'est pourquoi nous essayons toujours de faire le portrait, nous autres, au point de départ, ici, essayer d'avoir des interventions qui nous aident à clarifier le portrait.

Votre organisme a repris les données qui circulent dans beaucoup d'autres documents. Mais, en réalité, la formation n'a pas été systématiquement comptabilisée au Québec. Puis, deuxièmement, on comptabilisera en fonction de quoi, puisqu'il n'y a pas de définition universellement reconnue, ou, du moins, au sein du Québec, pour comptabiliser quoi que ce soit? Donc, on a un point de départ qui est flou, et la ministre n'a pas l'air d'avis de vouloir préciser quoi que ce soit en cette matière. Elle n'a même pas pris la précaution, avant d'apporter son projet de loi, de nous expliquer sa vision, de nous proposer dans un document d'orientation une définition qu'on soumet à la discussion, et, à partir de là, bien, on sait que le projet de loi pourrait tendre à mettre en vigueur cette définition même si elle ne l'inscrit pas carrément dans le projet de loi.

Mais là on n'a rien du tout, en voulant dire: Bien, que la SQDM, plus tard, à travers ses règlements, se débrouille avec ça. Les dépenses admissibles, on verra dans le temps comme dans le temps. Ça va être très compliqué, et j'ai bien remarqué que, dans votre intervention, quand vous avez dit «très, très, très, très, très souples, les dépenses admissibles», vous avez bien saisi ce que peut faire n'importe qui le moindrement intelligent et débrouillard face à l'article 5, à l'article 6 et aux articles 8, 9, enfin, les articles qui définissent à peu près les dépenses admissibles. C'est assez vite réglé.

C'est pourquoi je vais vous renvoyer une question. Vous avez l'air d'avoir des espoirs assez considérables concernant l'utilisation possible de ce 1 %. Pourtant, ces dépenses de 1 % – c'est le souhait de la ministre – seront faites au niveau de l'entreprise, ce seront des décisions entreprise par entreprise, des microdécisions, une à une. Quelques dizaines de milliers d'entreprises dans le Québec vont prendre une décision quant à elles-mêmes, quant à leurs propres priorités. Comment pouvez-vous espérer d'une dynamique comme celle-là qu'on s'occupe des emplois et des sans-emploi ou des personnes qui veulent changer d'emploi, ou changer d'entreprise ou changer de champ de travail dans des entreprises? Comment voulez-vous qu'on s'occupe, à travers un système où on y va microdécision par microdécision, des secteurs discriminés?

Il y a des groupes qui sont venus nous dire ici que, les entreprises qui seront assujetties au 1 %, c'est là où se retrouvent le moins de femmes et où se retrouvent le moins de bas salaires qu'ailleurs. Mais les décisions des entreprises une par une sont des décisions aveugles par rapport aux objectifs que vous proposez de travailler pour les sans-emploi, les gens en précarité d'emploi, les groupes discriminés. Comment pouvez-vous espérer que ce système-là réponde à des attentes comme celles que vous exprimez?

Je ne parle pas de l'argent du Fonds, là, on va en parler dans un deuxième temps, parce que le souhait de la ministre, c'est qu'il n'y ait pas une cent qui se rende au Fonds. C'est un fonds pas de fonds qui est le souhait de la ministre. Donc, parlons donc de la première partie du système, à savoir le 1 %. Il faudrait que les entreprises prennent des décisions à hauteur de 1 % et répondent à des attentes larges comme celles que vous exprimez. Comment ça peut se faire, ça?

Mme Laberge (Diane): Vous avez beaucoup de questions, M. Charbonneau. Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): Oui. Il y en a au moins une.

Mme Laberge (Diane): On va essayer...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Laberge (Diane): Sur le 1 %, c'est clair que, nous, quand on parle d'utiliser cette loi-là comme un tremplin pour les personnes sans emploi, on pense effectivement au Fonds national qui sera constitué des entreprises qui ne feraient pas de formation dans leur entreprise et qui devraient donc verser le 1 %. C'est sûr qu'à ce moment-ci, quand on regarde les statistiques sur le nombre d'entreprises qui utilisent le crédit d'impôt, à moins d'un revirement, je dirais, assez spectaculaire de comportement, il devrait y avoir de l'argent dans le Fonds national, et c'est à ce titre-là que, nous, on parle d'une préoccupation à l'égard d'un tremplin pour les personnes sans emploi. Donc, ça, c'est le premier esprit.

Dans l'entreprise, pour nous, on se base sur le comité d'entreprise en disant qu'il doit exister dans toutes les entreprises touchées par la loi et qu'il doit être en mesure de travailler sur une base de partenariat pour s'assurer que les catégories de personnel les plus vulnérables dans l'entreprise aient aussi accès à la formation.

Donc, c'est les premiers éléments de réponse. Je pourrais demander à Pierre de compléter sur certains éléments.

M. Pâquet (Pierre): Oui. Pour la comptabilité des dépenses de formation des entreprises, vous avez parfaitement raison, c'est difficile de citer un chiffre qui soit solide comme du roc. Mais vous connaissez bien ces données-là, j'ai eu le plaisir de siéger sur un comité aviseur que vous présidiez à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. On sait fort bien que toutes les enquêtes montrent que le Québec se situe en bas de la moyenne canadienne et que toutes les enquêtes situent les dépenses de formation en entreprise des Américains à deux fois la moyenne canadienne; puis là on va en Allemagne puis au Japon, puis c'est par cinq et par huit qu'on multiplie.

C'est sûr qu'on ne pourrait pas arriver à dire: C'est des chiffres solides comme le roc, mais les tendances sont là, on sait le retard du Québec au Canada et du Canada sur d'autres pays. Ça, je pense qu'on peut résolument reconnaître ça, on a un retard sérieux. Donc, pour comptabiliser les dépenses, oui, il serait important que le projet de loi permette d'avoir des indicateurs. On suggère de s'appuyer sur les journées de formation par personne pour savoir effectivement comment ça évolue et être capable de voir l'impact du projet de loi. Donc, de ce côté-là, il serait important de s'assurer qu'on est capable de mesurer l'efficacité du projet de loi et de s'assurer qu'il ne passe pas à côté de la cible comme d'autres programmes l'ont fait au cours des dernières années.

Maintenant, pour ce qui est des espoirs qu'on a, je pense que, à travers des mécanismes comme la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, à travers l'énoncé de politique de 1992, qui était un document fort bien documenté et fort intéressant, on a mis, à un niveau plus global, en place des structures de partenariat, mais ça n'a pas eu pour effet de développer la formation en entreprise et ce que certains appellent la culture de la formation, c'est-à-dire l'utilisation de la formation comme levier de développement. On mise beaucoup sur la création de comités d'entreprise dans toutes les entreprises visées par le projet de loi pour faire en sorte que les travailleurs et les employeurs développent un partenariat, utilisent la formation comme levier et soient en mesure de faire valoir leurs besoins. Il est clair que, s'il n'y a pas de comité d'entreprise, on voit difficilement comment certains besoins des travailleurs pourraient être pris en considération, et il serait dommage que ça ne puisse pas, cette dynamique-là, s'instaurer.

Il y a des entreprises où ça existe. On a des cas qui ont été cités de programmes ou de plans d'alphabétisation. Il y a la Consumers qui a fait des choses fort intéressantes, il y a eu plusieurs expériences intéressantes, il y a des entreprises où c'est dynamique et où ça fonctionne. Il faut, je pense, tabler sur ce mécanisme-là comme un des éléments pour faire lever la formation et que ce soit pris non pas comme ce qui concerne ceux qui sont en difficulté ou ceux qui sont hors du marché du travail, mais comme ce qui concerne aussi les travailleurs en emploi, et, dans ce sens-là, il nous paraîtrait dommage, effectivement, d'attendre un autre deux, trois ans avant d'imposer un verrou comme celui qu'on suggérait, du 50 % des dépenses affectées à la formation et aux dépenses connexes des travailleurs salariés.

Je pense que c'est l'occasion de répondre à ce que vous dites, quelque chose de plus strict, en un sens, et qui ferait en sorte que les entreprises s'y mettent. On fait lever ce volet-là ou ça ira dans le fonds général, dans le Fonds national de formation professionnelle. Et, à d'autres niveaux, que ce soit au niveau sectoriel, au niveau régional, d'autres initiatives seront prises pour faire en sorte que des travailleurs aient accès à la formation.

Donc, dans ce sens-là, oui, nos espoirs sont grands, mais en autant qu'il y ait un resserrement de la loi et certaines mesures plus strictes, certaines dispositions plus strictes pour faire en sorte qu'on vise vraiment l'objectif premier de développer la formation continue, d'utiliser la formation comme levier de développement au sein des entreprises et au niveau des établissements.

M. Charbonneau (Bourassa): J'ajouterai que vous avez bien raison d'exprimer ces inquiétudes et ces critiques à l'égard de ce projet de loi, étant donné que nous n'avons pas d'autres références, pas d'autres occasions de parler de ces enjeux que le projet de loi. Normalement, ce dont vous nous parlez aurait pu être clarifié dans une étape préalable à la présentation d'un projet de loi, ou il aurait pu y avoir une discussion sur les définitions de «formation», «dépenses admissibles» et l'ensemble des conditions, des critères relatifs à ces enjeux. Si, ensuite, il y a un consensus qui s'établit là-dessus, on sait de quoi on parle, on sait dans quel contexte ces dépenses pourront être faites, on a une discussion aussi quant à la répartition des montants, du produit du 1 %, on pourrait baliser ça à travers une discussion; là, maintenant, on arriverait à un document qui fait le consensus. On se comprend, on parle des mêmes choses. Puis, si on n'est pas d'accord, on sait par rapport à quoi on n'est pas d'accord.

Parce que, aujourd'hui, c'est comme un jeu d'ombres fuyantes: personne n'est d'accord tout à fait avec quiconque, mais où est-ce qu'elle est, la rondelle, là-dedans? Où est-ce qu'il est, l'enjeu? Ça bouge, c'est mobile, c'est tournant. C'est comme un carrousel d'opinions. Mais par rapport à quoi on est en désaccord? C'est difficile, parce qu'il n'y a personne qui a fait une véritable mise en jeu, sauf à travers un projet de loi. Et le fondement réel de ce projet de loi, il faut essayer de l'imaginer, de le faire sortir à travers un ensemble de questions. Donc, c'est assez embarrassant comme débat.

(12 h 10)

Vous entretenez des espoirs face à l'utilisation du 1 %, mais, vous-mêmes, vous avez dénoncé tout à l'heure ce que j'appellerais le statut de dents de carton du 1 %. Vous avez dit: Ce 1 % là, l'ordinateur, c'est ci, c'est ça, n'importe quoi, on va arriver vite à notre 1 %. Ça prend un minimum d'imagination pour arriver à 1 %. Alors, si c'est vrai que tout le monde va pouvoir prouver à Revenu Québec qu'avec un brin d'imagination il a dépensé 1 %, jamais il n'y a un dollar qui va se rendre au Fonds. Et vous avez des attentes larges comme le monde à l'égard du Fonds. Il faudrait réconcilier ça: ou il va y en avoir, de l'argent dans le Fonds, mais, pour cela, il faut des conditions précises et resserrées pour qu'il monte de l'argent au Fonds... S'il n'y a pas d'argent dans le Fonds, comment voulez-vous approuver cette idée générale et généreuse, sachant fort bien que les conditions ne sont pas réunies pour qu'il y ait un sapré dollar qui se rende là?

Mme Laberge (Diane): Puis je pense, M. Charbonneau, pour nous, en tout cas, sur le 1 %, qu'on a fait une mise en garde claire au début: on ne veut pas que le gouvernement profite de cette obligation faite aux entreprises d'investir 1 % pour se retirer de ses propres programmes en formation des adultes, que ce soit pour les personnes sans emploi, que ce soit dans le champ de l'éducation ou des programmes de formation de la main-d'oeuvre. Donc, je pense que, ça, pour nous, c'est très, très important comme mise en garde. On souhaite donc que le 1 %...

C'est sûr que c'est un avantage. Si les entreprises en font et investissent 1 % en formation dans leurs entreprises, ce sera tant mieux. Les autres fonds gouvernementaux serviront à atteindre nos objectifs, et, s'il y a des surplus, on souhaite placer tout de suite le cadre dans lequel ils pourraient être utilisés. C'est une chose.

C'est sûr que nos remarques aussi sur la passoire, ou les dents de carton, comme vous les appelez, elles ne sont pas faites pour rien, elles sont faites en espérant qu'il va y avoir des contrôles plus serrés dans la loi. On est à l'étape d'un projet de loi, je pense que notre message est clair au gouvernement, à la ministre, que, nous, on pense qu'il devrait y avoir des indicateurs de l'utilisation de ça en formation pour les personnes.

Vous dites qu'on ne sait pas quel est le défi ou le projet derrière. Pour nous, à l'ICEA, le défi, il est clair: que ce soit pour ce projet de loi là, que ce soit dans le cadre des états généraux de l'éducation ou dans le cadre des autres débats qui peuvent se faire à la Société québécoise de la main-d'oeuvre, la formation, le relèvement des compétences, c'est au coeur d'une solution de relever les défis de société auxquels on a à faire face, et cette loi-là peut être une occasion, et, nous, on l'ouvre largement en disant: On espère qu'elle va y contribuer en termes de formation; pas juste en termes de contrôle financier, ce n'est pas là notre objectif.

Le Président (M. Facal): M. le député d'Outremont, en vous rappelant qu'il reste trois, quatre minutes à l'opposition, à peu près.

M. Tremblay (Outremont): Très bien. J'avais réalisé ça, M. le Président, et je sais que le temps passe rapidement, mais je voudrais juste faire trois brefs commentaires, poser deux questions précises. Je suis de plus en plus convaincu qu'une entreprise qui n'investit pas 1 % dans la formation professionnelle n'est pas une entreprise qui va continuer ses activités pendant de nombreuses années. Et, quand on parle de 1 % de 250 000 $, c'est 2 500 $. Si les entreprises n'investissent pas 2 500 $ en formation professionnelle, elles vont avoir un gros problème, au Québec. Alors, là-dessus, on s'entend, mais est-ce qu'il faut réellement légiférer pour ça? Parce que c'est vrai, comme vous le dites, qu'on a des retards dans plusieurs secteurs, mais si on emploie cette attitude, il va falloir légiférer pour la qualité totale, il va falloir légiférer pour la recherche et le développement, il va falloir légiférer pour beaucoup d'autres activités.

Le dernier commentaire que je veux vous faire, c'est que vos comités d'entreprise ne s'appliquent pas à l'article 6.2, comme vous le mentionnez dans votre mémoire, ils s'appliqueraient uniquement, selon les explications qui nous ont été fournies, à l'article 6.3, s'il y a formation maison, donc formation sur le tas. Alors, ça ne répond pas à vos attentes, lorsque vous les exprimez clairement. Si vous voulez avoir des comités d'entreprise dans toutes les entreprises, ça ne sera pas nécessairement le cas, ça va dépendre s'il y a de la formation maison.

Deux questions. Page 5 de votre mémoire, je voudrais que vous m'expliquiez de façon très claire ce que vous voulez dire lorsque vous dites que la politique de formation professionnelle proposée par le gouvernement du Québec ne doit pas être définie en termes exclusifs d'adaptation de la main-d'oeuvre aux besoins du marché, mais concevoir une contribution large et dynamique de l'éducation et de la formation professionnelle au développement socio-économique. Alors, juste pour vous aider, vous reprenez essentiellement ce que la CEQ dit. En d'autres mots, s'il n'y a pas de synergie entre le ministère de l'Éducation et le ministère de l'Emploi, il peut y avoir certains problèmes, mais j'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

Et la dernière question – et je pense que votre conclusion est des plus pertinentes – lorsque vous dites: «Nous ne pourrons bâtir une société faite d'une minorité condamnée à l'excellence et d'une majorité condamnée à l'exclusion, voilà des défis que nous avons collectivement à relever.» Pour vous aider dans votre réflexion sur cette conclusion, je voudrais juste vous citer Mme Micheline Simard, la présidente du CIAFT, qui nous a dit de façon très claire: Les femmes, et également les jeunes qui vont vous suivre, sont absentes et exclues des emplois ciblés par les entreprises visées par le projet de loi 90. Donc, vous avez également raison en disant ça, mais, ce que la ministre vous propose, ça ne répond pas au moins à ces deux points-là? C'est les deux questions que je vous pose. À mon avis, là... Et j'aimerais vous entendre.

Mme Laberge (Diane): Pierre va répondre.

M. Pâquet (Pierre): Oui. Sur une de vos remarques préalables, «faut-il légiférer?», je pense que le mémoire le dit, après plus de 10 ans de mesures incitatives, de programmes incitatifs, il est plus que temps de légiférer, c'est pour ça qu'on donne un tel appui au projet. Et il nous semble qu'il y a moyen de le bonifier, mais qu'il est essentiel que ce projet de loi entre en vigueur.

Pour ce qui est des comités d'entreprise, effectivement, ils ne visent que la consultation sur les projets de formation maison. Ça nous semble nettement insuffisant. Il faut créer un partenariat dans les entreprises et, donc, que toutes les entreprises visées par le projet de loi aient l'obligation de créer un comité d'entreprise à ce sujet-là, ça va permettre de lancer la dynamique. Il nous semble que c'est un des leviers majeurs qu'on peut utiliser pour que le projet de loi atteigne ses objectifs.

Pour ce qui est de la définition de la formation professionnelle, adaptation de la main-d'oeuvre, c'est que, depuis 10 ans, on a vécu à peu près avec exclusivement cet objectif d'adaptation de la main-d'oeuvre aux besoins du marché. La tendance des programmes plus larges qui permettaient d'acquérir des compétences, des métiers complets ou de prendre une formation générale complète... Ces programmes-là ont été coupés, l'argent a été coupé, et on misait presque exclusivement... ou, de plus en plus, on transférait de l'argent uniquement vers l'adaptation de la main-d'oeuvre. Or, dans une situation économique aussi instable que celle qu'on vit actuellement, on se dit: Il faut s'assurer qu'on ne fera pas encore une fois avec le 1 % uniquement de l'adaptation de la main-d'oeuvre à court terme.

Des besoins d'alphabétisation, des besoins de formation de base ne sont pas des besoins à court terme d'une entreprise, mais, à moyen et à long terme, on est convaincus que ça bénéficie à l'entreprise. Donc, notre préoccupation est notamment de cet ordre-là, qu'on y aille avec une vision qui permette de faire autre chose que du technique court terme et pointu.

Pour ce qui est de...

Mme Laberge (Diane): Pierre, je peux répondre aussi.

M. Pâquet (Pierre): Oui. Pour la dernière, je vais céder la parole à Diane.

Mme Laberge (Diane): Là-dessus, je peux vous dire que, s'il y a un organisme qui est préoccupé de la question de l'exclusion des femmes, des jeunes, mais aussi de tous les travailleurs, je dirais, licenciés ou peu qualifiés qui ont été victimes des fermetures de grands pans de l'économie, c'est bien notre organisation. On ne les a pas nommés spécifiquement, mais on a mentionné à plusieurs endroits combien les gens à travail précaire, les temps partiel, les gens exclus du marché du travail ont besoin de formation peut-être encore davantage que les autres.

On finit sur ça, parce qu'on en a parlé aussi dans le Fonds national, mais je pense que je reviendrais à la mise en garde qu'on a faite au gouvernement. Si ce n'est pas à travers ce 1 % là parce que les femmes et les jeunes ne sont pas dans les entreprises, il ne faudrait pas qu'on puisse voir quelque désengagement que ce soit dans le champ de l'éducation, de la formation, des mesures d'aide aux adultes pour qu'on puisse contrer, justement, ces retards-là considérables pour les populations marginalisées.

Le Président (M. Facal): Merci, Mme Laberge. Ceci met vraiment fin au temps dont les deux parties disposaient, et je ne voudrais pas que nous accumulions trop de retard. Je suis infiniment désolé.

Peut-être les remerciements finaux, M. le député d'Outremont?

M. Charbonneau (Bourassa): M. Tremblay va s'occuper de ça.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie, M. le Président. Vous voyez la complicité que j'ai avec mon collègue.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Normalement, c'est mon collègue qui fait la conclusion, mais je veux juste vous dire que vous avez absolument raison: à mon avis, le projet de loi ne répond pas à vos attentes légitimes. Vous les exprimez clairement, vous avez absolument raison, et nous allons voir comment nous pouvons bonifier ce projet de loi pour répondre notamment à l'importance de la conclusion, des exclus qui sont totalement ignorés, et également essayer de savoir de la ministre quelle est la nouvelle synergie/complicité qui existe avec le ministre de l'Éducation pour s'assurer qu'on ne parlera pas juste d'adaptation de la main-d'oeuvre, mais qu'il va y avoir également de la formation initiale, qui est essentielle pour assurer l'intégration des femmes et des jeunes sur le marché du travail.

Le Président (M. Facal): Merci.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup pour votre importante contribution.

Le Président (M. Facal): Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, se sortir de l'exclusion, c'est exactement de ça qu'il est question. Alors, comment on se sort de l'exclusion? Évidemment pas en restant dans l'état de situation dans lequel on est et qui nous est laissé en héritage après neuf ans où rien ne s'est fait à ce chapitre-là.

(12 h 20)

Je vous rappelle simplement que, en matière de crédit d'impôt, le gouvernement a décidé de le maintenir pour les entreprises non assujetties de façon à pouvoir favoriser, justement, l'approche de formation continue dans ces entreprises. C'est un cadeau, le crédit d'impôt, hein? Alors, il va rester pour les entreprises où, majoritairement, des femmes et les jeunes se retrouvent.

Le projet de loi 90 introduit également l'obligation du 1 % à la possibilité de financer le régime d'apprentissage, où on va retrouver aussi des femmes et des jeunes, et à la possibilité de l'utiliser pour l'accueil de stagiaires, où on retrouve essentiellement aussi des jeunes. Alors, de dire qu'il n'y a rien là-dedans, il faut voir ce que c'était avant, parce que, avant, imaginez-vous, le crédit d'impôt pour les stagiaires, c'était huit semaines de stage, puis il n'y avait pas un cégep qui faisait ça au Québec. Là, c'est rendu quatre semaines.

Bon. Moi, ce que je souhaite, c'est ceci: c'est que, l'entreprise faisant sa part, l'État garde l'argent qu'il utilisait pour compenser ce que l'entreprise ne faisait pas, puis qu'il le fasse avec, justement, ceux de la main-d'oeuvre qui ne correspondent pas au profil. Vous nous avez rappelé à cela, je vous en remercie et je regrette que l'opposition semble chercher des raisons pour voter contre le principe du projet de loi, mais, ce que je souhaite, c'est qu'elle comprenne que, finalement, c'est un pas en avant. Ce n'est pas tout, mais, entre tout et rien, comme maintenant, vaut mieux avancer, et, si je comprends bien, c'est ce sur quoi vous nous appuyez. Je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci à nos invités.

J'inviterais les parlementaires des deux côtés à faire en sorte que les remerciements finaux que vous m'avez demandé de vous permettre soient bel et bien des remerciements et non des plaidoiries. Je le dis aux deux parties.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui. Je serais prêt à nous engager, nous, à les limiter à 30 secondes, impérativement.

Le Président (M. Facal): Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): Non, non, mais, je regrette, il y a 11 mémoires à passer, on va être à 2 heures du matin.

M. Tremblay (Outremont): Question de directive, M. le Président... Je vais revenir dans quelques instants, on va aller se...

Le Président (M. Facal): J'inviterais tout de suite nos prochains invités, les représentants du Conseil permanent de la jeunesse, à venir prendre place.

Alors, comme nos invités ont assisté à l'audition précédente, ils savent qu'ils disposent de 20 minutes pour présenter leur mémoire et que cette présentation sera suivie d'un échange de 40 minutes divisé en deux blocs égaux. Alors, je vous inviterais peut-être, M. Philibert, à présenter les membres de votre délégation et puis, ensuite, à entreprendre votre présentation.

M. Tremblay (Outremont): Avant de...

Le Président (M. Facal): M. le député d'Outremont, oui.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Je voulais juste... une question de directive, M. le Président. Est-ce que la ministre a le droit de prêter des intentions à l'opposition? L'opposition n'a jamais dit qu'elle voterait contre le projet de loi. Alors, la ministre, je pense qu'elle présume, elle présume. C'est prêter des intentions, puis je pense que ce n'est pas correct, avec le travail positif qu'on essaie de faire, de part et d'autre, dans cette commission.

Mme Harel: Bon, bien, je le retire, M. le Président. Je le retire! Je le retire! Parce que je souhaite vraiment qu'il n'en soit rien; alors, je ne veux pas anticiper.

Le Président (M. Facal): M. Philibert.

M. Philibert (Michel jr): Donc, bonjour. Vous m'écoutez?

Une voix: Oui.


Conseil permanent de la jeunesse (CPJ)

M. Philibert (Michel jr): Donc, je vous présente les membres de mon équipe: à ma gauche, M. René Simard, qui est agent de recherche au Conseil permanent de la jeunesse; à ma droite, Mme Julie Lévesque, qui est vice-présidente du Conseil; et M. Stéphane Coudé, qui est membre du Conseil permanent de la jeunesse. Pour ceux qui ne me connaîtraient pas, je suis Michel Philibert, je suis le président du Conseil permanent de la jeunesse. Je vous rappelle brièvement que le Conseil est un organisme gouvernemental dirigé par des jeunes – c'est en fait le seul organisme au gouvernement qui est dirigé par un jeune – et qu'il a pour mandat de conseiller le premier ministre sur toutes les questions relatives à la jeunesse.

Vous savez, le Conseil a décidé de venir vous présenter aujourd'hui un mémoire pour plusieurs raisons. D'abord, depuis 1988, à chaque fois que nous organisons des consultations auprès des jeunes Québécois et Québécoises de diverses régions du Québec, le sujet de la formation professionnelle fait surface. L'apport des stages pratiques en milieu de travail, l'accessibilité géographique à la formation professionnelle et la qualité des mesures d'employabilité sont au centre des préoccupations des jeunes de la province. Nous sommes également ici aujourd'hui parce que le Conseil permanent de la jeunesse a des attentes importantes à l'égard du ministère de l'Emploi et du projet de loi 90. En fait, il espère que le gouvernement s'attaquera résolument aux problèmes fondamentaux de la formation professionnelle au Québec.

Au cours des prochaines minutes, nous allons partager avec vous certaines de nos réflexions. Nous n'hésiterons pas à soulever quelques lacunes que nous considérons importantes et nous proposerons des pistes de solution et recommandations qui, je l'espère, sauront enrichir le débat. Premièrement, l'engagement timide et non structuré des entreprises envers leur propre main-d'oeuvre, mais aussi envers les personnes aux études ou sans emploi, nous apparaît être une lacune importante. À la lecture du projet de loi, le Conseil constate que le ministère a choisi de remettre le débat global qui aurait pu s'amorcer. Le ministère de l'Emploi a plutôt choisi de concentrer ses efforts, non sans raison, sur l'investissement consenti par l'entreprise privée et l'entreprise publique en matière de formation professionnelle. C'est évidemment un point majeur, car, dans les conditions socio-économiques actuelles, sans la participation pleine et entière des entreprises, la qualité et l'efficacité des programmes de formation professionnelle initiale et celles de la main-d'oeuvre vont stagner ou se dégrader.

Vous comprendrez donc que les enjeux que nous discutons aujourd'hui sont importants. Il est justifié que l'État intervienne dans la solution de ces problèmes. Nous recommandons donc l'adoption du projet de loi 90 même si nous constatons que le projet de loi est partiel et qu'il offre des perspectives nébuleuses.

En fait, le problème que nous identifions et qui est confirmé par plusieurs analystes réside dans le fait que les entreprises soumises à la loi par règlement seront celles qui, généralement, effectuent déjà l'investissement exigé. Nous espérons que ce ne soit pas réellement le cas et que de nouveaux investissements ou de nouvelles activités de formation verront le jour, sinon, le gouvernement aura réussi à soulever un tollé pour un bien maigre résultat.

Le sous-investissement des entreprises privées en matière de formation est une lacune très importante. Une pluie de recherches québécoises et canadiennes de même qu'une foule d'études comparatives entre la situation québécoise et celle des autres pays industrialisés fournissent ici toutes les données nécessaires. En fait, au même titre que la tour de Babel des programmes gouvernementaux, cette lacune est archiconnue, mais le problème perdure malgré les bonnes intentions, les discours, les engagements solennels et la foule de colloques.

Au Conseil, on ne s'explique pas l'attitude adoptée par les associations patronales sur cette question. D'un côté, on reconnaît que, oui, la formation, c'est important, que, oui, la formation, c'est un investissement rentable et qu'on n'en fait pas assez au Québec, mais, quand on vient les inciter à le faire, même d'une façon symbolique, elles s'opposent. Dès lors, investir dans la formation professionnelle fera perdre des milliers d'emplois au Québec, et c'est avec un sens des responsabilités comme ça qu'on laisse s'édifier une société qui compte 800 000 bénéficiaires de l'aide sociale.

Il est de la responsabilité des entreprises de participer à la formation de leur personnel et de contribuer à la formation des étudiants et des personnes sans emploi, comme il est de la responsabilité des syndicats de promouvoir la formation et de faciliter l'accès des jeunes à des activités de formation en entreprise. Ce sont là des conditions sine qua non du développement de la formation professionnelle au Québec.

En vertu de leurs responsabilités sociales et économiques, le Conseil invite les employeurs à appuyer ce projet de loi et à dépasser l'investissement en formation qui est prévu et exigé. D'autre part, puisqu'il semble que la plupart des entreprises québécoises n'aient pas la tête à la formation et qu'elles soient davantage préoccupées par la qualité de leurs indicateurs financiers au détriment de ceux liés au développement de leurs ressources humaines, le Conseil recommande aux entreprises d'intégrer à leur bilan annuel et à leurs états financiers une rubrique portant sur leurs investissements en formation et une autre portant sur l'embauche de nouveaux employés. On espère que ce bilan social sera un facteur de sensibilisation supplémentaire auprès des employeurs.

Le Québec a un autre défi important à relever: faire contribuer les PME au développement de la formation professionnelle. Là-dessus, le projet de loi laisse croire que le gouvernement a largement abdiqué. Pourtant, même si elles sont fragiles, les PME sont la source principale de la création d'emplois au Québec. De plus, en raison des caractéristiques de la jeune main-d'oeuvre en emploi, tout indique que les jeunes s'y retrouvent en grande proportion.

(12 h 30)

Pour le Conseil, toutes les entreprises doivent participer au développement de la formation professionnelle. Conséquemment, il recommande au ministère de l'Emploi d'assujettir à la loi dès 1998 les entreprises ayant une masse salariale moindre que 250 000 $ et que la SQDM soit en mesure d'offrir des formules adaptées à leur situation. Dans cette foulée, le Conseil recommande à la SQDM d'élaborer dès maintenant des formules autres que des crédits d'impôt permettant aux PME touchées par le projet de loi 90 de participer au développement de la formation professionnelle. On peut même leur suggérer trois avenues.

Une première solution, ce serait qu'avec l'aide technique et financière de la SQDM on pourrait favoriser le regroupement sectoriel ou régional des entreprises dans le but de procéder à l'acquisition ou à la location d'équipement ou de locaux, et d'organiser ainsi l'offre de formation.

Une deuxième solution serait d'inciter et d'aider les grandes entreprises à offrir de la formation à leurs sous-traitants de taille plus modeste de façon à relever les compétences des travailleurs des PME et la qualité des produits que les grandes entreprises acquièrent auprès de ces PME.

Il y a une troisième solution, ce serait d'instaurer un investissement obligatoire selon une échelle progressive qui augmenterait le taux de façon directement proportionnelle à la masse salariale.

Il ne faut pas oublier qu'au-delà du respect de leurs responsabilités proprement dites, les entreprises qui collaborent à la formation de leur personnel, des étudiants et des sans-emploi améliorent leurs possibilités de recrutement, bonifient leur image corporative et contribuent à relever le niveau de compétence de la main-d'oeuvre québécoise.

Mme Lévesque (Julie): Bonjour. Comment le Québec peut-il espérer progresser si les jeunes étudiants et étudiantes continuent de bouder une formation professionnelle dévalorisée, inaccessible et distante des impératifs de développement économique des régions? Il y a aussi les jeunes sans emploi, qui misent beaucoup sur les mesures de formation pour compléter leur scolarité et leur formation professionnelle.

Ainsi, tout en soulignant les besoins des personnes aux prises avec des problèmes d'intégration sociale et professionnelle, le Conseil recommande à la SQDM de considérer les jeunes sans emploi et les étudiants et étudiantes de la formation professionnelle au secondaire comme étant l'une des clientèles cibles des activités de formation organisées grâce au Fonds national de formation professionnelle.

Au Québec, l'exode rural des jeunes vers les grands centres urbains est important, et les jeunes des régions périphériques qui veulent acquérir une formation partent ou renoncent simplement à se former parce que la formation professionnelle se fait de plus en plus rare dans les régions. Dès lors, comment parler de développement régional si les jeunes adultes se retrouvent incapables de jouer un rôle dans cette vaste entreprise de revitalisation? C'est pourquoi le Conseil recommande que la SQDM administre le Fonds national de formation professionnelle de façon à ce qu'il favorise la formation des jeunes sans emploi et des étudiants et étudiantes des régions périphériques.

Nous pensons que le Fonds national donne une dimension intéressante au projet de loi et qu'il devrait être utilisé pour faciliter, par exemple, la mise sur pied de formules d'apprentissage et donner une nouvelle impulsion aux programmes d'alternance.

L'une des questions que soulève le projet de loi a trait aux types de formation reconnus comme répondant aux exigences éventuellement établies par la SQDM. Doit-on reconnaître la formation sur mesure, ultrapointue, portant exclusivement sur le fonctionnement de la machine acquise dernièrement? Doit-on favoriser la formation de base ou encore qualifiante ou fondamentale? Est-elle suffisamment adaptative ou structurée?

Soyons un peu réalistes et plaçons-nous dans le contexte actuel où les entreprises font tout pour éviter l'offre de formation à leurs employés. Vont-elles, du jour au lendemain, se mettre à donner des activités de formation qui vont améliorer la «transférabilité» des savoirs, qui vont procurer polyvalence, créativité, autonomie professionnelle et sociale à chacun de leurs travailleurs et travailleuses? De toute façon, est-ce leur rôle? En fait, pour le Conseil, le défi principal que pose cette situation se résume à assurer que la formation de courte ou de moyenne durée offerte en entreprise soit de qualité et procure un réel avantage à chacune des personnes qui y est inscrite.

Pour les jeunes qui cheminent dans un programme de formation professionnelle initiale et qui bénéficient de stages en entreprise, l'établissement scolaire est, d'après nous, responsable de la qualité et de la reconnaissance de la formation. Cependant, la situation des personnes en emploi ou sans emploi est fort différente et des solutions doivent être envisagées. C'est pourquoi le Conseil recommande aux ministères de l'Emploi et de l'Éducation d'accélérer la mise en place d'un système de reconnaissance des acquis offrant des crédits qui soient transférables des milieux de la main-d'oeuvre à l'éducation.

Le Conseil recommande aussi que toute activité de formation professionnelle reconnue dans le cadre de la loi fasse l'objet de l'attribution de crédits transférables des milieux de la main-d'oeuvre à l'éducation pour les personnes qui y ont participé et qui ont réussi à répondre aux exigences.

Finalement, puisque l'on peut croire que les écoles secondaires, les cégeps et les universités auront un rôle utile et accru à jouer en matière de formation professionnelle de la main-d'oeuvre, le Conseil recommande de se doter de services et de programmes de formation adaptés aux besoins locaux des individus et des entreprises. Leur présence au sein du conseil d'administration de la SQDM et de ses composantes régionales devrait les aider à préciser la nature des actions et des changements à entreprendre.

Pouvons-nous espérer établir une stratégie québécoise efficace et cohérente sans chercher à atteindre un partenariat local ou régional? Le Conseil est d'avis que les régions éloignées et périphériques ne retrouveront jamais une certaine prospérité sociale et économique sans un coup de barre en formation professionnelle. Aujourd'hui plus que jamais, la formation professionnelle initiale et de la main-d'oeuvre constitue l'un des moteurs du développement régional.

En cette matière, le Conseil croit qu'il faut à la fois éviter la centralisation et la décentralisation à outrance. D'un côté, les gouvernements, les ministères et les diverses associations nationales doivent s'assurer que tous les citoyens aient droit à des services, à des mesures et à des programmes comparables et doivent être capables d'ajuster les politiques d'ensemble lorsqu'elles s'avèrent dysfonctionnelles. Ces instances doivent aussi et surtout être à l'écoute des citoyens et donner une marge de manoeuvre aux responsables régionaux et locaux.

Ainsi, le Conseil recommande au gouvernement de faire en sorte que les sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre prennent le leadership en matière de concertation locale et régionale au plan du développement de la formation professionnelle et de l'emploi. À cet égard, les représentants des entreprises, des syndicats, du mouvement communautaire, des institutions d'enseignement et du gouvernement ont à agir davantage en concertation avec les représentants d'autres instances locales ou régionales de concertation et de promotion de développement économique. Ces sociétés pourraient voir à ce que les programmes de formation offerts sur les territoires correspondent à la réalité et aux besoins du marché du travail.

Le Conseil recommande également aux sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre de reconnaître l'expertise des organismes communautaires en les appelant à siéger au sein de leurs conseils d'administration respectifs et en accréditant les qualités de formateur des organismes offrant de la formation.

Finalement, afin de favoriser l'émergence du partenariat à l'intérieur des entreprises, le Conseil recommande aux sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre de s'assurer que toute activité de formation ou plan de formation présenté dans le cadre de l'application de la loi 90 soit appuyé formellement à la fois par l'employeur et le syndicat ou les employés.

(12 h 40)

M. Coudé (Stéphane): Il y a actuellement de nombreuses redites dans plusieurs documents tablettés portant sur la formation professionnelle au Québec. Le Conseil suggère modestement au ministère de consulter, voire même de s'inspirer ou de mettre en application certaines recommandations émanant d'organismes comme l'Institut canadien d'éducation des adultes, le Conseil supérieur de l'éducation, la Centrale de l'enseignement du Québec et, bien sûr, notre Conseil.

Comment peut-on vaincre la pauvreté et augmenter la dignité des jeunes sans emploi si les mesures d'employabilité de la Sécurité du revenu continuent d'être offertes avec tant de parcimonie? En effet, en janvier dernier, seulement 12 % des prestataires de la Sécurité du revenu aptes au travail et âgés de moins de 30 ans avaient le privilège de participer à une mesure de formation. Pour le Conseil, il est là, le véritable drame provoqué par l'immobilisme en formation professionnelle au Québec. Nous sommes bien conscients que ce dossier dépasse largement le propos et la portée du projet de loi 90. Il est cependant inutile d'accuser les entreprises de tous les maux qui affectent la formation professionnelle au Québec sans que le gouvernement montre l'exemple. Pour ce faire, il devrait donc entreprendre des démarches concertées qui aboutiront à un régime efficace et cohérent de formation professionnelle de la main-d'oeuvre.

Comment pouvons-nous parler de la formation professionnelle sans parler du fouillis bien connu des mesures et des programmes qui met en évidence l'éternel conflit de juridiction fédérale-provinciale? Et pour cause, puisque les individus et les entreprises doivent se plier aux besoins des mesures alors que celles-ci devraient plutôt se plier aux leurs.

Au Conseil, nous avons déjà pris la peine d'évaluer la performance des mesures d'employabilité. Premièrement, ces mesures n'offrent pas assez de place de participation aux jeunes; elles ne permettent pas aux jeunes assistés sociaux d'intégrer plus rapidement le marché du travail; elles soumettent les individus aux volontés des employeurs tentés de profiter de la situation; elles ne tiennent pas compte de la diversité des besoins des jeunes et elles portent atteinte à l'expérience et à la pratique des organismes communautaires qui ont fait leurs preuves auprès des jeunes démunis.

C'est pourquoi, afin de favoriser la collaboration des entreprises et des personnes au développement de la formation professionnelle au Québec, le Conseil recommande aux ministères de l'Emploi, de l'Éducation et de la Sécurité du revenu de réviser l'ensemble du régime de formation professionnelle québécois de façon à en faciliter l'accès pour les individus et les entreprises.

En outre, le Conseil recommande au ministère de la Sécurité du revenu de remettre la gestion, l'administration et l'offre des mesures d'employabilité au ministère de l'Emploi.

Nous espérons que nos réflexions et recommandations sauront vous inspirer et que la clientèle que nous représentons, les jeunes, qu'ils soient sans emploi, étudiantes ou étudiants, travailleuses ou travailleurs, pourront profiter rapidement des réformes liées au dossier de la formation professionnelle. Les jeunes veulent participer au devenir de la société québécoise. Ils veulent se trouver un emploi, acquérir une meilleure formation tant à l'école qu'en entreprise.

En terminant, il ne sert à rien d'élaborer les plus attrayants plans d'action-jeunesse qui soient ou de semer des carrefours jeunesse-emploi à tout vent si les questions de l'accès à la formation professionnelle et du développement de l'emploi sont laissées dans l'ombre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci beaucoup, M. le Président. C'est avec beaucoup, beaucoup d'intérêt que j'ai pris connaissance du mémoire du Conseil permanent. Je l'avais fait dans le passé, quand j'étais dans l'opposition – je pense que plusieurs d'entre vous pouvez en témoigner – il m'arrivait souvent de faire venir un document ou un avis, et je ne vois pas pourquoi, maintenant, je m'en priverais, maintenant que je suis au gouvernement.

Il y a peut-être un élément... D'entrée de jeu, immédiatement, là, vous avez parlé d'immobilisme, puis je pense que c'est de ça dont il s'agit, puis c'est de ça dont il faut se sortir. Et il faut se sortir de l'immobilisme dans bien des domaines en même temps. Alors, est-ce qu'on attend, là, de savoir que tout est terminé? Par exemple, les états généraux sur l'éducation, que tout cela soit complété avant de bouger? Je pense, évidemment, que, nous, notre réponse, c'est non, étant donné qu'il y a déjà des éléments, qui ne sont pas le tout, bien évidemment, mais il y a déjà des éléments qui font consensus ailleurs, en tout cas, puis il n'y a pas de raison qu'ils ne soient pas une bonne recette pour nous aussi.

Un de ces éléments-là, c'est le 1 %. Il vaut pour ce qu'il vaut. Il ne remplace pas l'ensemble des autres interventions qu'il faut faire en matière de régime d'apprentissage, notamment, en matière d'orientation vers des politiques de main-d'oeuvre qui vont cesser de déraper vers l'entreprise. Parce que c'est ce à quoi on a assisté depuis huit ans, depuis le libre-échange, notamment, des politiques, tant des deux gouvernements, qui sont de plus en plus des politiques – vous parliez d'ailleurs du terme «sur mesure», là – de formation sur mesure pour compenser les mesures d'adaptation qui ne sont pas là.

Alors, dans la mesure où il y a responsabilité partagée, l'entreprise contribue. Et je trouve ça extrêmement intéressant, à la page 27, plein de maturité, ce que vous en dites. C'est vraiment important quand vous dites: «Le temps où l'État et le système scolaire pouvaient à eux seuls offrir une formation de base et professionnelle complète aux individus est révolu... s'il a déjà existé.» Et c'est peut-être une grande illusion de notre société que de penser que ça a déjà existé.

Et vous dites aussi, avec beaucoup, beaucoup, beaucoup d'à-propos, à la page 33: «Il faut qu'elle – l'entreprise – y trouve son compte de manière un tant soit peu pragmatique.» Alors, le 1 %, c'est ça, finalement, puis je pense que vous le situez au bon endroit.

Ce qui est important, c'est, en regard de ça, maintenant que l'entreprise fera sa part, à quoi, prioritairement, l'argent public doit servir? Je pense que, là, il y a un enjeu important, et je souhaite que vous soyez associés à la réflexion qu'il va y avoir à se faire au niveau de la SQDM là-dessus.

Quant aux entreprises assujetties, vous nous dites: Ce n'est pas assez, il faudrait aller chercher toutes les PME. Vous savez qu'à terme, au bout des trois ans, avec le calendrier d'implantation, même avec 30 000 entreprises, c'est 85 % de la main-d'oeuvre qui est touchée. Ça veut donc dire qu'il y a 140 000 entreprises qui se partagent l'autre 15 % de la main-d'oeuvre. Ça nous donne un peu le portrait de la situation, si vous voulez, de l'entreprise dans notre société. Il y en a 816 – on pourrait quasiment se les raconter – qui ont une masse salariale de plus de 10 000 000 $. Alors, vous voyez combien la structure industrielle va chercher entre environ un quart de million et 10 000 000 $. C'est là où tout se joue pour au-delà de 80 % de la masse salariale.

Donc, pour ce qui est des autres entreprises, comment y arriver? Vous nous faites des suggestions, en tout cas, qui sont vraiment intéressantes, et vous nous dites, notamment... vous reprenez une recommandation du Conseil supérieur de l'éducation sur la sous-traitance, qu'on retrouvait dans un des avis du Conseil, je crois. Vous nous dites également qu'on pourrait le faire peut-être en bonifiant le crédit d'impôt, je crois, également. Quoi qu'il en soit – oui, à la page 39 – il y a, dans une des options que vous offrez, peut-être à aller chercher du côté de l'article 8 du projet de loi lui-même, qui permet de favoriser le regroupement sectoriel ou régional dans le but de se donner un plan de formation. C'est sûr que, pour une petite entreprise, 2 500 $ dans l'année, si tant est que ça lui coûte ça pour se donner un plan, elle ne va pas vraiment avoir le goût de le dépenser, et c'est dans cette perspective-là que l'article 8 peut intervenir, puisqu'il permettra à l'entreprise de décider que c'est dans le cadre d'un comité paritaire, d'une association sectorielle ou de tout autre organisme qui pourrait avoir un plan de formation qui est intéressant à ses yeux.

Ceci dit, je comprends que vous allez au-delà, puis vous dites: Ce n'est pas assez, ça. Puis il faut qu'il y ait quelque chose de plus qui s'arrime avec l'Éducation. Et ce quelque chose de plus, je vous ai lu dans le journal cette semaine, vous appeliez ça la CLEF. Est-ce que vous avez l'intention... Vous ne nous en parlez pas dans le mémoire, mais j'ai l'impression, quand vous dites «arrimage», que c'est peut-être là qu'il se situe. Est-ce qu'on pourrait vous mettre à contribution puis vous demander comment vous le voyez, l'arrimage, puis est-ce que la CLEF, le comité, je pense: Centre local...

M. Philibert (Michel jr): Centrale locale d'emploi et de formation.

Mme Harel: ...d'emploi et de formation. Vous le voyez comment? Est-ce qu'il faut que ce soit dans l'école seulement? Est-ce que ça peut être ailleurs? Comment vous le voyez?

M. Philibert (Michel jr): Les CLEF, ça, c'est parmi les documents qui sont tablettés et desquels, je suis sûr, vous avez pris connaissance. Les CLEF, c'est dans les écoles. Finalement, c'est un guichet unique pour améliorer l'employabilité des jeunes, pour qu'ils puissent se trouver un emploi. Quand on parle d'arrimage entre le ministère de l'Éducation et le ministère de l'Emploi, on fait aussi allusion aux reconnaissances des acquis. Quelqu'un qui prend une formation dans le cadre d'une formation d'entreprise, ça doit être sanctionné par le ministère de l'Éducation, ça doit être au moins reconnu. Nous, quand on parle d'arrimage entre les deux ministères, c'est à ça qu'on pense surtout.

(12 h 50)

M. Simard (René): Oui, entre autres, parce que la CLEF, c'est un détail dans l'arrimage entre la Main-d'oeuvre et l'Éducation, dans le sens que ce sont des services qui seraient offerts aux étudiants en formation professionnelle initiale. Mais je pense que le contentieux est pas mal plus important entre le ministère de l'Éducation et la Main-d'oeuvre, entre autres, juste pour ce qui est de la clientèle pour les stages.

Il y a des étudiants du secondaire qui veulent des stages, les étudiants du collégial veulent des stages, les étudiants universitaires veulent des stages, les assistés sociaux veulent des stages, il y a ceux qui sont dans un programme d'alternance, ceux qui veulent faire de l'apprentissage, d'autres qui veulent simplement faire un stage d'observation; là-dessus, il y a quelque chose sur lequel il faut travailler.

Aussi, je pense qu'il y a un accès difficile pour les adultes qui veulent une formation créditée, c'est-à-dire toute la question des préalables entre la Main-d'oeuvre et les programmes qui sont offerts par les maisons d'enseignement. Aussi, le lien entre les maisons d'enseignement et la formation qui est donnée en entreprise, c'est-à-dire que, nous, on pense que le système d'enseignement devrait être mis à contribution de façon privilégiée pour offrir la formation en entreprise. Également, bien, il y a la concurrence pour la clientèle entre le secondaire et le collégial, surtout en formation professionnelle.

Bon, la reconnaissance des acquis, on en a parlé. Aussi, je pense qu'il y aurait à élaborer des ententes concernant les services à offrir aussi bien aux personnes qui sont en emploi qu'aux étudiants pour ce qui est, par exemple, de l'orientation scolaire et professionnelle. Ça, c'est quelques exemples, je pense, des problèmes d'arrimage qu'il peut y avoir entre l'Éducation et la Main-d'oeuvre.

Mme Harel: Vous participez au Forum pour l'emploi; vous êtes d'ailleurs, je pense, le seul partenaire jeune, si je ne me trompe pas, du Forum pour l'emploi, et vous menez avec eux depuis quelques mois la campagne autour de «défi emploi jeunesse». Quels sont les éléments les plus importants qui ressortent de ce qu'il est urgent de corriger? Vous parlez d'orientation scolaire et professionnelle, j'imagine que c'est là un aspect important.

M. Philibert (Michel jr): Bon, bien, il y a tout le soutien aux organismes communautaires, il y a la création de postes d'insertion en entreprise; c'est une culture qu'on n'a pas ici, au Québec, mais qu'on aurait avantage à avoir. Mais Action emploi jeunesse a permis une chose qui est très importante, ça a permis aux gens des régions, de presque toutes les régions du Québec, des décideurs locaux, de parler aux jeunes. On a constaté, au Conseil, que les jeunes n'étaient pas consultés sur les enjeux régionaux, qu'ils n'étaient pas consultés sur les endroits où se prenaient les décisions pour la région. Et puis laissez-moi vous dire que, quand on rencontre les jeunes, c'est une grosse lacune qu'ils nous disent à chaque fois.

Les jeunes sont vraiment touchés par leur région, ils veulent contribuer au développement de leur région, on ne leur donne jamais la parole. Action emploi jeunesse a été une occasion, pour ces gens-là, de se parler et de commencer... Parce que, Action emploi jeunesse, c'est un début, ce n'est pas une fin. Ça ne finit pas les 12-13 juin prochains, ça commence les 12-13 juin prochains. Donc, c'est un début vers une coopération entre les jeunes et les décideurs locaux.

Mme Harel: C'est donc dire que vous vous attendez... Vous parliez tantôt des états généraux, vous allez vous y présenter également. Vous savez qu'un groupe de travail, présidé par un M. Pagé, sur la relance de la formation professionnelle au secondaire doit remettre son rapport incessamment, si ça n'est fait...

M. Philibert (Michel jr): On y a contribué.

Mme Harel: Vous y avez participé également. Donc, je comprends que, là-dessus, vous recommandez, à la page 34 de votre rapport: «Que toute activité de formation professionnelle reconnue dans le cadre de la loi fasse l'objet de l'attribution de crédits transférables des milieux de la main-d'oeuvre à l'Éducation pour les personnes qui y ont participé et qui ont réussi à répondre aux exigences.»

Ces crédits transférables, certains qui sont venus devant la commission ont suggéré que ce soit sous forme d'acquisition de compétences spécifiques dans des unités d'éducation continue, des UEC, qui ne sont pas nécessairement diplômés, mais qui sont transférables et qui sont accumulables. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Simard (René): Bien, franchement, on n'a pas la prétention, au Conseil, de vous suggérer quoi que ce soit là-dessus. Mais, ce qu'on trouve important, c'est que la personne qui a reçu une formation – puis on pense que c'est une formation, surtout pour les personnes en emploi, on pense que ça va être nécessairement lié aux activités de l'entreprise, on n'a pas de grands idéaux là-dessus – il faut que cette personne-là reçoive une attestation quelconque qui soit comprise à la fois par le milieu du travail et par le milieu de l'éducation de façon à ce que ça donne un avantage réel à cette personne-là qui a reçu et réussi la formation, qu'elle puisse s'en servir pour une mobilité accrue ou quoi que ce soit. Il faut absolument qu'elle ait quelque chose à montrer qui soit reconnu dans les deux secteurs. Pour ce qui est de la forme de reconnaissance, et tout ça, on n'a pas de suggestion à faire là-dessus.

M. Philibert (Michel jr): Peut-être un exemple, Mme la ministre. La semaine dernière, j'ai visité un organisme communautaire qui s'appelle Intégration jeunesse inc.; c'est dans la basse-ville, ici, à Québec, dans Limoilou. Cet organisme-là se spécialise dans le secteur de l'automobile. Il va donner une formation assez pointue à des jeunes sans emploi, des jeunes chômeurs, des jeunes sans chèque. Il va leur donner une formation, des formations comme aviseur... Bon, les gens que j'ai rencontrés avaient une formation d'aviseur technique pour la téléphonie sans fil. Donc, c'est des emplois qui sont quand même bien... Tu sais, c'est quand même haute étiquette, on peut appeler ça de la haute technologie, mais ils n'étaient pas reconnus par le ministère de l'Éducation. Donc, c'est pour ça qu'il faut s'assurer que les acquis de connaissances soient transférables d'un côté comme de l'autre.

Mme Harel: Donc, avant peut-être même que le ministère de l'Éducation, par exemple, ne s'ouvre à cela, il pourrait y avoir immédiatement, cependant, affiliation d'Intégration jeunesse à la société SOFEDUC, la Société de formation et d'éducation continue, qui permettrait d'entreprendre un cheminement d'identification des compétences qui sont acquises de façon spécifique et qui pourrait les reconnaître dans le cadre des UEC.

Je comprends que les UEC vont se répandre assez rapidement dans les milieux de travail. Est-ce que ce sera la formule qui, ultimement, permettra la reconnaissance des acquis au niveau de la diplomation? Parce qu'il y a une différence, je pense, à faire maintenant entre la qualification et la diplomation. La qualification peut être reconnue par ses pairs, tandis que la diplomation, c'est le ministère de l'Éducation qui en a le monopole.

M. Simard (René): Bien, c'est peut-être un monopole que le ministère aurait avantage à partager, ou, en tout cas, au moins, le ministère devrait participer aux discussions sur la reconnaissance des acquis et la façon de les reconnaître, ces acquis-là. Je ne pense pas que le ministère de l'Emploi aurait avantage à aller de l'avant sans concertation avec le ministère de l'Éducation.

Mme Harel: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, dire que nous accueillons avec grand intérêt votre mémoire, vos notes. Le portrait que vous faites est très saisissant, et veuillez croire que nous sommes très, très, très sensibles, de ce côté-ci, à la situation où se retrouve la catégorie d'âge que vous représentez à travers votre Conseil, à titre d'organisme gouvernemental. Je sais que vous avez été associés à certaines consultations menées par la SQDM dans l'établissement de sa planification stratégique, et on ne peut que souhaiter que vous soyez de plus en plus associés non seulement à titre consultatif, mais peut-être à un autre titre, si jamais la ministre vous en ouvrait la porte, aux décisions qui se prendront à la SQDM.

Dans l'économie générale de ce projet de loi, toutes les questions importantes vont aboutir sur la table de la SQDM, si jamais il était adopté comme il est présenté. Alors, je vous souhaite de vous approcher le plus possible de cette table où se prendront les décisions, parce que, apparemment, ce ne sera pas nous, ici, qui allons décider de la notion de formation, des critères des dépenses admissibles et de toute autre question particulièrement sensible ici. Le projet de loi prévoit que, nous, on adopte le cadre et puis que ces questions-là sont transférées à la SQDM pour décision, enfin, pour adoption de règlements. Alors, je vous souhaite, vous, puisque nous, nous ne sommes pas là, de vous approcher de cette table le plus possible.

Ce que vous nous dites ici est très saisissant et très important. On devrait, de part et d'autre, saisir plusieurs suggestions que vous nous faites. D'abord, élargir le débat, faire les liens qui s'imposent avec l'Éducation, faire les liens qui s'imposent avec la Sécurité du revenu. Vous avez des recommandations qui m'apparaissent devoir susciter de la réflexion, de part et d'autre, ici, quand vous suggérez de regrouper des programmes dits d'employabilité sous responsabilité du MSR avec ceux qui sont sous la responsabilité de la SQDM, essayer de voir ça dans un même ensemble. C'est des questions qui interpellent beaucoup que vous nous lancez là. On devrait s'intéresser et reprendre ces choses-là.

Mais, moi, je vais commencer par la page 25 de votre mémoire. J'aurais besoin d'une clarification, à titre de première question. Vous dites que vous seriez en faveur d'imposer l'obligation à toutes les entreprises, même celles qui ont moins de 250 000 $ de masse salariale. Quand vous dites «l'obligation», est-ce l'obligation de cotiser au Fonds ou l'obligation de dépenser 1 % en formation?

M. Philibert (Michel jr): De dépenser... Excusez, je n'ai pas dit «dépenser», d'investir 1 % de la masse salariale, oui. Ce n'est pas de cotiser au Fonds. C'est bien sûr que la cotisation au Fonds... J'aime mieux que les entreprises investissent pour former leurs employés.

(13 heures)

M. Charbonneau (Bourassa): Nous sommes, là encore, je reçois très, très bien votre réponse... C'est parce que, tel que formulé à la page 25, là, ça peut laisser croire aussi que vous seriez d'un avis qu'on n'a pas vu encore ici, mais qui est la formule française, où la cotisation est universelle: que les entreprises en fassent peu, pas beaucoup, oui, à partir d'un seuil de 10 employés, mais la formule devient universelle à partir de ce seuil-là, et ça crée des caisses immenses, des fonds immenses. Là, donc, vous, vous êtes quand même dans l'esprit où il s'agit d'abord de s'assurer que les entreprises investissent 1 %. Vous êtes conscient que ce projet de loi, dans sa formule actuelle, permet très facilement aux entreprises de satisfaire à ce critère du 1 % à travers les dépenses d'équipement, les dépenses de locaux, plus la définition très large qui est donnée, si on peut appeler ça une définition, de la formation. Vous êtes conscient que c'est très facile de répondre à l'exigence du 1 %.

M. Philibert (Michel jr): Oui.

Une voix: Oui, absolument.

M. Charbonneau (Bourassa): Puis êtes-vous d'accord avec ça?

M. Philibert (Michel jr): Absolument.

M. Charbonneau (Bourassa): Par conséquent, il n'y aura pas d'argent qui va aller au Fonds.

M. Philibert (Michel jr): Bien...

M. Charbonneau (Bourassa): Très rares dollars, et les premiers à s'abreuver au Fonds, premièrement, ça va être le ministre du Revenu, parce qu'il va charger ses frais de perception au Fonds; deuxièmement, ça va être la gestion du Fonds, les fonctionnaires qui vont gérer le Fonds, ils sont à charge du Fonds. Puis, s'il y a quelques rares dollars qui se rendent au Fonds, les premiers à s'abreuver, c'est ceux qui perçoivent puis c'est ceux qui le gèrent. Vous êtes bien conscients de ça?

M. Philibert (Michel jr): Mais le but de notre appui à ce projet de loi là, c'est qu'au Québec on n'a pas de culture de formation de notre main-d'oeuvre. On a vu, bon, que les programmes incitatifs ne fonctionnent pas; on a vu aussi que, dans les autres sociétés industrialisées, c'est intégré dans la façon de voir des entreprises d'accueillir des stagiaires, de fournir de l'équipement. Ça, c'est déjà en Allemagne puis en Suisse; en Suède, ça se fait. Ici, au Québec, on n'a pas ça et on a un retard absolument fou là-dessus. Donc, le projet de loi institue un principe qui... Nous, on est d'accord avec ce principe-là. Il s'agit de créer une culture de formation continue au Québec, puis, ça, je pense que vous allez être d'accord avec moi là-dessus.

M. Charbonneau (Bourassa): M. Philibert, c'est d'entrée de jeu que nous souscrivons à ça. La discussion n'est même pas à ce niveau-là, nous sommes d'accord pour investir davantage, etc., et de manière plus structurée et plus large qu'avant. Mais nous ne pouvons pas nous nourrir seulement de principes, dans la vie. Il faut voir aussi si le projet de loi transforme ces principes en des possibilités concrètes d'utilisation pour ses bénéficiaires éventuels; ça, c'est notre responsabilité. Adopter des déclarations de principe, on n'a pas besoin de légiférer pour ça. On est capables de s'entendre ailleurs qu'ici, puis l'objet de la loi, c'est de transformer ça, ces principes, en des moyens concrets pour le monde, le monde que vous représentez en particulier. Page 31, vous êtes très très conscients du problème, dernière ligne. Vous voyez vous-même que... vous le dites très clairement: Le Fonds sera bien maigre, mais il aura un potentiel sans limite.

Franchement, nous partageons tellement le besoin, l'analyse que vous faites... Il faut absolument sortir de cette torpeur face à la question de l'emploi des jeunes et de l'intégration à l'emploi, et tout ça. Mais comment pouvez-vous fonder le moindre espoir dans cette loi, ici, où on vous dit: Il y aura un fonds. Mais la ministre ne cesse de répéter: Je souhaite... Ce sera un succès, mon affaire, s'il n'y a pas d'argent dans le Fonds, et, vous, vous accrochez tous vos espoirs au Fonds. Comment on peut dire: Je suis d'accord avec une loi comme celle-là? C'est vrai que vous avez pris soin d'ajouter qu'elle offrait des perspectives nébuleuses, là. J'ai bien vu «nébuleuses», et je vous crois très, très bien. Mais comment peut-on appeler ça un appui? Un appui à quoi? À des choses tellement nébuleuses qu'il n'y aura pas une cent pour vous autres là-dedans si ça marche bien, selon la ministre.

M. Philibert (Michel jr): Bon, on est conscients que le projet de loi n'est pas parfait. On suggère des améliorations pour le rendre... Nous, on trouve qu'il ne va pas assez loin, le projet de loi. Mais, moi, je pense qu'il faut se réjouir. Si jamais toutes les entreprises contribuent au 1 %, font leur effort en formation, je pense qu'il y a tout lieu de se réjouir là-dessus.

Le Président (M. Facal): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président, merci aux jeunes du Conseil permanent de la jeunesse pour leur mémoire. Je dois vous dire que c'est un mémoire de qualité, en tout cas, moi, que je considère qui est de qualité.

Je n'ai pas de grosses questions puis je veux surtout vous faire un commentaire. Quand vous dites qu'il y a un manque évident de lien entre les programmes de formation professionnelle offerts et l'activité économique régionale, pour être une députée d'une région éloignée, je dois vous dire que vous avez tout à fait raison et que la présence des jeunes, lorsqu'on parle de développement économique local et régional, c'est comme celle de la présence des femmes, c'est comme si c'était abstrait ou si ça n'existait pas. Alors, moi, je suis très contente de voir que, dans vos préoccupations et dans votre discours, vous tentez de sensibiliser le gouvernement actuel. Je pense qu'on l'est déjà, mais ça fait du bien de l'entendre redire, qu'il ne faut pas oublier, là, toute la question des jeunes et qu'il faut arrimer la formation avec le développement en région, là, celui qui existe et celui qu'on veut développer.

Je voudrais vous faire un autre commentaire. Les recommandations que vous faites aux pages 27 et 28: «...le Conseil invite les employeurs à appuyer ce projet de loi et à dépasser l'investissement en formation qui y est prévu et exigé.» Et vous invitez également les entreprises – attendez, là: «D'autre part, puisqu'il semble...» Enfin, toute la résolution de la page 27 et qui se poursuit en page 28. Je trouve que votre recommandation est tout à fait pertinente et je vous encourage fortement... Je n'ai pas à vous dire quoi faire, mais je vous encourage fortement à l'acheminer aux associations patronales. Il me semble que ce serait bien qu'ils le reçoivent et qu'ils prennent la peine de lire ces recommandations, entre autres, aux pages 27 et 28.

Maintenant, j'ai une petite question. À la page 30 de votre mémoire, vous recommandez aux ministères de l'Emploi, de l'Éducation et de la Sécurité du revenu de réviser l'ensemble du régime de formation professionnelle québécois – bon, je ne le lirai pas tout, là – et de remettre la gestion, l'administration et l'offre des mesures d'employabilité au ministère de l'Emploi. La question que je me pose: Pourquoi pas à la SQDM, pourquoi pas... Je veux juste vous entendre. Qu'est-ce qui vous fait privilégier le ministère de l'Emploi plutôt que la SQDM? Parce que, la SQDM, c'est régionalisé maintenant, alors que, le ministère de l'Emploi, bien, c'est quand même différent, là, comme...

M. Philibert (Michel jr): Bien, c'est à la SQDM... On pense à la... Bon, le ministère de l'Emploi... La SQDM est sous l'égide du ministère de l'Emploi, c'est à ça qu'on pense. Mais ce qu'il est important de comprendre, nous, c'est que, l'aide sociale, ça sert à l'aide sociale, et puis l'emploi, les mesures d'employabilité, c'est, d'après nous, et on a toujours dit ça, ça devrait être au ministère qui est le plus compétent pour le faire; donc, c'est le ministère de l'Emploi.

Mme Charest: O.K. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Brièvement, je veux m'arrêter à la recommandation à la page 31, qui a été énoncée par Mme Lévesque. Vous, clairement, vous suggérez que l'argent du Fonds puisse être dévolu aux jeunes ou aux gens qui ne sont pas déjà sur le marché du travail. Est-ce que vous étendez votre argument jusqu'à une situation où les entreprises pourraient satisfaire leurs obligations de formation en «dévoluant» ou en formant des gens qui ne sont pas déjà employés par l'entreprise, autrement dit, la formation préalable ou la formation avant l'emploi? Est-ce que ceci irait jusqu'à cela? Vous l'avez dit pour le Fonds, mais je parle pour la partie qui est... la part, le 1 %. Est-ce qu'on pourrait satisfaire, dans votre esprit, le 1 % en aidant la formation d'une main-d'oeuvre qui n'est pas déjà employée mais qui serait employable par l'entreprise ou le secteur, d'après vous?

M. Philibert (Michel jr): Absolument.

M. Gautrin: Absolument?

M. Philibert (Michel jr): Absolument.

M. Gautrin: Ce n'était pas dans votre mémoire, mais c'est important que je...

M. Philibert (Michel jr): Non, mais je pense que le projet de loi, de toute façon, je crois que le projet de loi le dit déjà, ça.

M. Gautrin: Ça, je n'ai pas vu ça dans le projet de loi non plus, mais...

M. Philibert (Michel jr): Bien...

M. Gautrin: ...enfin, c'est clairement... Votre...

M. Philibert (Michel jr): Oui.

M. Gautrin: ...position est très claire à ce niveau-là.

M. Philibert (Michel jr): Oui.

M. Gautrin: Et c'est souhaitable, pour vous.

M. Philibert (Michel jr): Oui.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Ça répond à ma question. Je pense que le député d'Outremont avait d'autres...

Le Président (M. Facal): M. le député d'Outremont.

M. Tremblay (Outremont): Je suis bien content d'entendre les jeunes, là. Dans leur mémoire, M. le Président, c'est très intéressant, puis ça me rappelle que, indépendamment de notre âge, notre coeur demeure toujours jeune.

(13 h 10)

La ministre, lorsqu'elle a déposé son projet de loi, je suis allé dans un des discours que j'ai déjà prononcés, dont un, le lundi 10 juin 1991. Ça s'intitulait «À quand un nouveau sceau de vérification?» Vous avez parlé des vérificateurs tout à l'heure. Et je disais, à la page 3, et je vais le distribuer à mes collègues éventuellement, au moment opportun, je disais: «Notre culture nord-américaine – vous allez vous reconnaître – des affaires, axée essentiellement sur les résultats du dernier trimestre, n'a jamais été particulièrement propice aux stratégies à long terme. Il y a un prix à payer pour cela, et ce prix commence à être très élevé. Il se traduit notamment par un taux de chômage inacceptable qui engendre la pauvreté, la délinquance, la criminalité, l'usage de la drogue et la violence familiale.» Et le sceau était pour la formation professionnelle, pour la qualité totale, pour la promotion de l'environnement et pour les exportations. En d'autres mots, ce que vous voulez, c'est qu'à des états financiers, qu'ils soient vérifiés ou préparés par un CGA, on puisse reconnaître ou ventiler de façon séparée les investissements d'une entreprise en formation professionnelle, et j'allais un peu plus loin pour les trois autres secteurs.

Alors, je pense que la ministre, là, à la suite de représentations d'autres intervenants, est prête à intégrer ça. Alors, ça, c'est déjà bien. Quand on regarde le projet de loi comme tel, et je vous entendais tout à l'heure dire de façon très claire: Dans les autres sociétés – et vous avez mentionné l'Allemagne, la Suède et la Suisse – c'est intégré.

Alors, avez-vous l'impression – et c'est ça, ma question – qu'au niveau gouvernemental ce que vous demandez est intégré et que la ministre, avec tous les efforts qu'elle fait pour promouvoir l'importance de la formation professionnelle, a une complicité, une synergie, une adéquation dynamique avec le ministre de l'Éducation, avec le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, parce qu'il faut former en fonction de secteurs industriels d'avenir, avec, vous l'avez mentionné tout à l'heure... Vous avez mentionné «les régions» tout à l'heure. Est-ce qu'il y a une adéquation avec les régions, avec le ministère du Revenu, avec le ministère des Finances et avec le Conseil exécutif, qui dit qu'il doit y avoir moins de bureaucratie, de réglementation et de délais?

En d'autres mots, pour revenir à l'objectif, nous sommes tous d'accord. Mais, pour réaliser cet objectif, je vous soumets humblement que la ministre ne peut réaliser cet objectif seule. D'ailleurs, vous en faites une démonstration éloquente dans votre mémoire, et je maintiens, je le répète encore... Et des partenaires économiques qui appuient le projet de loi, avec certaines réserves, sont venus le dire: Les jeunes et les femmes sont exclus des emplois ciblés par le projet de loi. Et des centrales syndicales sont venues dire de façon très claire ici: On veut que la formation soit pour nos membres seulement et certes pas pour des personnes qui ne font pas partie des travailleurs des entreprises que nous représentons.

Je voudrais vous entendre de façon très claire. Je vous donne une opportunité incroyable, là, pour dire à la ministre que c'est bien beau, le principe du projet de loi... Mais est-ce que le fait de légiférer le 1 % va répondre à vos attentes légitimes?

M. Philibert (Michel jr): Bon. D'entrée de jeu, c'est pour ça qu'on désire que les PME soient assujetties au projet de loi. Parce que ce qu'on sait, c'est que les jeunes se retrouvent de moins en moins dans la grande entreprise. Ils sont maintenant pratiquement absents dans la fonction publique. Donc, les jeunes, quand ils ont un emploi, ils vont vers les PME.

Donc, ceci dit, c'est un peu le ton de notre mémoire que de dire que la formation professionnelle, c'est un fouillis, que ce n'est pas vraiment intégré et que, bon, il y a plusieurs choses à faire à la fois, en même temps, mais que le projet de loi en réglait au moins un, le sous-investissement des entreprises en formation de leur main-d'oeuvre.

Ça va prendre, oui, une intégration dans le gouvernement. On invite le gouvernement à le faire. Là-dessus, on ne connaît pas les intentions du gouvernement, mais, en tout cas, on dit que c'est un pas en avant. On est dans la bonne direction.

M. Tremblay (Outremont): C'est drôle, hein, après cinq ans d'expérience, là, en politique, six ans bientôt, cinq ans au pouvoir et une année dans l'opposition, je ne suis pas convaincu que la responsabilité première revient au gouvernement d'essayer d'intégrer vos attentes légitimes. Bon. Le gouvernement peut avoir des bonnes intentions, mais j'ai hâte d'entendre la ministre. Puis je pense que la ministre fait un travail exceptionnel pour promouvoir son dossier, mais son dossier ne peut pas être dissocié d'autres dossiers. Et c'est la raison pour laquelle je vous encourage fortement à être présents au niveau régional, au niveau des états généraux sur l'éducation. Puis allez le crier pour, justement, qu'il y ait une cohésion dans toutes ces politiques, le jour où ces politiques seront annoncées.

Mais je vais vous donner un exemple concret. Prenez la qualité totale. Pourtant, la qualité totale, hein, bien faire du premier coup, à tout coup, partout, hein... Ce qu'on nous disait, à nous, à notre génération: Tout ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait. On nous disait ça il y a 30 ans. Mais la culture que vous mentionnez... On n'a jamais mis en place, au Québec, pendant des décennies... Même les Américains ne l'ont pas fait. Deming a été obligé d'aller au Japon pour le faire. Alors, la qualité totale, il y a quelques années, il y avait 5 % des entreprises qui l'avaient implantée. Et, aujourd'hui, on s'aperçoit que, là, à la suite de mesures d'encouragement, la révolution est venue de la base. Des entreprises se sont dit: Nous ne pouvons pas concurrencer sur la scène internationale sans mettre en place le concept ou l'objectif de la qualité totale. Et on le voit aujourd'hui, bientôt, le forum va être trop petit pour regrouper toutes les entreprises.

Alors, il y a peut-être moyen d'arriver à l'objectif légitime de la ministre en ayant la concertation de tous les partenaires économiques. Et juste ce qui me fait peur, c'est d'entendre des intervenants qui viennent, comme vous, là, nous dire de façon très claire: Sur le principe, on n'a aucun problème. Mais, quand on regarde le projet de loi, vous avez de sérieuses questions de fond... Pour ne pas employer le terme, là, que mon collègue a mentionné tout à l'heure et que vous avez écrit dans votre mémoire. Est-ce que je traduis bien, là, vos pensées? Parce que je ne voudrais certainement pas vous faire dire des choses que vous ne dites pas.

M. Philibert (Michel jr): Bien, M. Tremblay, vous parlez de la qualité totale, que la révolution venait de la base. Moi, je vais vous dire une chose, que je n'étais pas président du Conseil permanent de la jeunesse à cette époque-là, mais j'avais assisté à cette manifestation-là. C'était une manifestation du Conseil permanent de la jeunesse, et on avait invité les employeurs, à ce moment-là. Et puis, comme pour vous dire que la formation professionnelle a toujours été une des grandes attentes des jeunes, il y a un jeune, à ce moment-là, qui a posé la question à M. Dufour, puis il a dit à M. Dufour: Bien, M. Dufour, vous savez qu'on a un problème en formation professionnelle, que les entreprises, ici, n'investissent pas dans leurs ressources humaines, dans leur capital de l'avenir. Et, ce jeune-là, il disait: Est-ce que vous pensez que ça va prendre une loi qui va vous forcer à le faire? M. Dufour nous avait dit à l'époque – puis on l'a encore au Conseil – que, d'ici quatre ans, les entreprises n'auraient pas le choix – comme vous dites pour la qualité totale – pour être compétitives, d'investir dans leur main-d'oeuvre et que, d'ici quatre ans, toutes les entreprises le feraient puis le dépasseraient largement, et tout ça, et tout ça, et tout ça. Force est de constater qu'aujourd'hui ce n'est pas le cas. Puis, comme, moi, je le dis, on a besoin d'un projet de loi un peu plus sévère pour que, vraiment, ça crée ce réflexe-là, puis on se rejoint là-dessus, dans le bilan social, de le dire puis de faire que les entreprises soient conscientes de la valeur d'un investissement dans un être humain. C'est ça qu'on veut dire.

M. Tremblay (Outremont): Il nous reste une minute avant la conclusion? Combien de temps il nous reste?

Le Président (M. Facal): Une minute.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on ne pourrait pas arriver, d'après vous, au même résultat avec un objectif national et un bilan social non bureaucratiques qui seraient validés par les vérificateurs, les 14 000 vérificateurs au Québec, en autant qu'on s'entende sur des dépenses admissibles et sur une définition de la formation professionnelle? En d'autres mots, je suis pas mal convaincu que les gens d'affaires, là, qu'on dit s'opposer nécessairement au projet de loi pour le plaisir de s'opposer, c'est faux. Je pense qu'ils s'opposent parce qu'ils sont frustrés, ils sont inquiets et ils ne veulent plus de bureaucratie, de réglementation, de taxe additionnelles. Mais, s'il y a un objectif national, un bilan social validés par des vérificateurs avec la complicité de la SQDM, on va arriver au même résultat et on va peut-être accélérer le processus de la formation professionnelle, et, par la suite, on va pouvoir consacrer nos énergies à répondre à vos attentes légitimes. Parce que vos attentes légitimes ne sont pas respectées dans ce projet de loi là, notamment les jeunes, là, et les femmes qui nous ont précédés tout à l'heure.

Le Président (M. Facal): Brièvement, M. Philibert. Vous pouvez réagir, bien sûr.

(13 h 20)

M. Philibert (Michel jr): Bien oui, je vais réagir. Ha, ha, ha! Là-dessus, le bilan social dans un plan national, à mon avis, ça serait supplémentaire, ça serait en plus. Mais, pour moi, dans notre esprit, c'est clair qu'il faut légiférer là-dessus. Il faut légiférer, oui.

M. Tremblay (Outremont): Oui, on s'entend. Moi, je n'ai pas d'objection à une législation.

Le Président (M. Facal): Alors, le temps dont nous disposions est maintenant écoulé. Alors, j'inviterais, de part et d'autre, peut-être les remerciements finaux. Des remerciements!

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le président Philibert et votre équipe, d'avoir produit ce document et d'avoir stimulé notre réflexion, d'en avoir enrichi certains aspects. Et mon plus grand voeu, à travers nos échanges et l'examen de ce projet de loi, c'est que vous ne soyez pas victimes d'un leurre à travers ce projet de loi 90, qui a l'air de faire lever les attentes de secteurs immenses de la société qui n'y retrouvent pas leur compte en termes d'emploi, actuellement, ou de formation et qui ont l'air d'accrocher leurs espoirs autour d'un fonds dont le succès serait, selon la ministre, qu'il n'y ait jamais d'argent. Je ne voudrais pas que vous soyez leurrés. C'est trop important, ce dont on parle.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, moi, M. le Président, je n'ai pas d'inquiétude, parce que le ton de votre mémoire, comme je le disais tantôt, révèle un pragmatisme qui est de plus en plus le propre de la génération que vous représentez. Et, habituellement, vous savez, on se situe entre le tout ou rien, hein? L'opposition dit: Il n'y a rien là-dedans; puis le gouvernement dit: Il y a tout là-dedans. Moi, je me refuse de rentrer dans ce manichéisme-là. Ce n'est pas tout, mais c'est loin d'être rien. Alors, c'est un pas en avant, et vous l'avez bien situé pour ce qu'il est, et pas plus ni moins, évidemment. Et puis on va le poser, ce pas, et puis les autres auxquels vous nous invitez également. Je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci à nos invités. Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 23)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Facal): J'inviterais tous les parlementaires à prendre place afin que nous puissions commencer sans trop de retard sur notre horaire.

Alors, comme nous avons le quorum, nous ouvrons cette nouvelle séance de la commission spéciale sur la formation professionnelle. J'invite les représentants de la Fédération étudiante universitaire du Québec à bien vouloir prendre place devant nous. Je leur rappelle qu'en vertu de nos règles du jeu ils disposent de 20 minutes pour présenter leur mémoire et que cette présentation sera suivie d'un échange d'une durée maximale de 40 minutes avec les membres de la commission, partagées également entre le parti ministériel et l'opposition officielle.

Alors, si vous voulez bien avoir l'amabilité de présenter votre délégation puis, ensuite, d'entreprendre la présentation de votre mémoire.

M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Notre critique, je vois, n'est pas présent. Est-ce qu'on pourrait peut-être suspendre pendant une ou deux minutes, qu'on tâche de savoir où il est? M. Charbonneau, le député de Bourassa, il n'est pas là.

Le Président (M. Facal): Mais, dans la mesure où le mémoire de nos invités est sur son bureau, je suis sûr que, s'il arrive dans une ou deux minutes, il lit assez rapidement pour pouvoir rattraper le temps perdu.

M. Gautrin: Je connais les compétences du député de Bourassa, mais peut-être que ce serait mieux s'il avait la chance aussi d'écouter les témoignages. Est-ce qu'on peut tâcher de savoir où il est?

Le Président (M. Facal): Dans la mesure, M. le député de Verdun, où nous avons trois groupes à entendre cet après-midi et...

M. Gautrin: Je connais notre temps.

Le Président (M. Facal): Voilà!

M. Gautrin: Je suis bien d'accord, mais si on pouvait attendre... si c'était seulement une ou deux minutes, si vous me permettez, qu'on tâche de voir où il est.

Le Président (M. Facal): Et nous couperions une ou deux minutes sur le temps dont l'opposition dispose?

M. Gautrin: Mon cher ami, je suis sûr que ce serait très mal traiter nos invités...

Le Président (M. Facal): C'est une suggestion du député d'Ungava, que je trouve très ingénieuse.

M. Gautrin: Non, mais je vous signalerais que ce serait réellement mal traiter nos invités de vouloir nous empêcher de leur adresser la parole.

M. Tremblay (Outremont): Moi, je n'aurais pas de problème d'accepter ça, Michel, en autant qu'on fasse toujours ça!

Le Président (M. Facal): Est-ce que le député de Bourassa a confirmé qu'il se joignait à nous incessamment?

M. Gautrin: Bien, il est à la veille d'être là, n'importe comment...

Le Président (M. Facal): Alors, le député de Verdun va chercher le député de Bourassa?

Mme Harel: Écoutez, d'abord, on va cesser d'être en onde, là...

(Suspension de la séance à 15 h 14)

(Reprise à 15 h 19)

Le Président (M. Facal): Alors, nous reprenons pour de bon cette fois. Si nos invités veulent bien commencer par présenter la composition de leur délégation puis, ensuite, entreprendre leur présentation.


Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ)

M. Rebello (François): Oui. Bonjour tout le monde.

Je vous présente d'abord Christine Fréchette, qui est coordonnatrice à la recherche et à l'information à la FEUQ; Régis Beaulieu, qui est étudiant à l'UQAR à Rimouski et qui agit comme conseiller dans le dossier de la formation professionnelle chez nous; moi-même, François Rebello, président de la Fédération.

Donc, on vous remercie de l'invitation à participer à cette commission parlementaire. Tout d'abord, on aimerait dire qu'on est d'accord avec le principe qui sous-tend la loi, c'est-à-dire d'imposer une contribution des entreprises, d'imposer aux entreprises l'obligation d'assumer leur responsabilité au niveau de la formation professionnelle.

(15 h 20)

Avant d'aller un peu plus loin dans nos explications, j'aimerais, par ailleurs, vous faire part d'un élément fondamental qui sous-tend notre réflexion, qui est celui de la priorité que doit apporter notre société au règlement des problèmes des jeunes. Quand on regarde un projet de loi comme celui-là, qui vise à améliorer la formation professionnelle, on doit nécessairement penser que ce projet de loi vise en priorité à aider les jeunes par rapport aux problèmes liés au marché du travail.

C'est évident que la formation professionnelle, on le sait, comporte différents volets. Il y a toujours la question du recyclage qui est défendue par plusieurs partenaires comme étant très importante, mais des partenaires qui ne sont pas nécessairement des gens à l'aube du marché du travail, des gens qui y sont déjà depuis un bout de temps. Et, aussi, les entrepreneurs, les entreprises vont souvent avoir comme idée de penser que la formation professionnelle constitue, surtout pour elles, le recyclage des employés qu'elles ont déjà en poste ou le perfectionnement de ces employés-là. Mais, la question de la formation professionnelle des jeunes, ce n'est souvent pas à leur esprit, ni du côté du patronat ni du côté des syndicats. Donc, on veut vous ramener là-dessus. C'est bien beau, vouloir recycler, c'est bien beau, vouloir perfectionner, mais une société qui se respecte, une société qui se tient debout devrait prioriser avant tout la formation des jeunes. C'est évident que ce que les jeunes peuvent vivre comme problèmes, c'est lié, actuellement, au marché du travail, ça doit passer en priorité, ça doit passer avant les problèmes de recyclage et de perfectionnement. J'espère que tout le monde en est conscient et j'espère que le projet de loi va tenir compte de ce principe-là.

Maintenant, je vais tout de suite céder la parole à Christine Fréchette, qui va débuter un peu avec l'état de la situation, vous présenter l'état de la situation.

Mme Fréchette (Christine): Alors, d'abord, bonjour tout le monde.

En ce qui me concerne, je vais débuter par un portrait de la situation des pays de l'OCDE. Je pense qu'il y a un certain consensus au Québec qui s'établit, à savoir qu'il y a une nécessité d'augmenter le niveau de formation, l'investissement en formation par les entreprises. Maintenant, il est intéressant, face à la nécessité de mettre en place une loi sur la formation, de voir ce qui se déroulait ailleurs.

Donc, lorsqu'on regarde ce qui se déroule au niveau des pays de l'OCDE, on se rend compte que, premièrement, le Québec tire beaucoup de l'arrière par rapport au niveau d'investissement et que, également, il y a plusieurs mesures qui sont appliquées dans de nombreux pays de l'OCDE qui sont favorables, encore une fois, à la formation des jeunes.

Donc, en ce qui concerne, par exemple, la Belgique, on constate que, sans même avoir un cadre législatif, il y a 1,4 % de la masse salariale qui est destinée en investissement à la formation. En plus de ce niveau d'investissement là, il y a également une taxe de 0,25 % qui est destinée à aider et à former les jeunes et les sans-emploi. Donc, déjà, on voit apparaître des politiques favorables aux jeunes dans certains pays. Également, on constate que la Belgique va même plus loin en obligeant le recrutement de stagiaires dans les administrations publiques et les entreprises de 50 travailleurs et plus à raison de 3 % de l'effectif du personnel occupé. Encore une fois, c'est une mesure qui s'adresse directement aux jeunes.

En Allemagne, par ailleurs, sans même avoir un cadre législatif aussi, on constate qu'il y a un niveau d'investissement de 4 % des entreprises en formation. La formation est donc prise en charge par les entreprises, de leur propre chef. Il y a de nombreux programmes qui sont offerts aussi et accessibles pour les plus petites entreprises qui, elles-mêmes, ne peuvent développer, bien souvent, des programmes complets de formation.

Mais, puisqu'au Québec on n'a pas de cadre législatif établi en matière de politique de formation, il est intéressant de voir ce qui se déroule dans certains pays où il y a ce cadre législatif. Et, à ce niveau-là, je vais référer à l'Australie, où, en 1990, il y avait une taxe de 1 %, puis de 1,5 % en 1992, qui a été appliquée. Bon, certes, cette taxe-là, comme le Conseil du patronat tient à le dire, a été suspendue il y a deux ans, mais il est intéressant de se demander pourquoi elle a été suspendue. C'est, entre autres, parce qu'il y a eu l'atteinte des objectifs par les entreprises du niveau demandé selon la taxe. Donc, en ce sens-là, la politique a été efficace. Suite à la suspension de cette taxe-là, on constate qu'il y a une politique de l'emploi pour les jeunes qui est appliquée et qui vise à faire passer le nombre de postes pour les jeunes de 26 000 à 50 000 en trois ans.

Donc, si on se reporte au Québec, on considère qu'il y a un cadre législatif qu'il est nécessaire de mettre en place. Il est intéressant de se reporter au modèle de l'Australie pour établir la politique.

Donc, suite à une période de laisser-faire qui a marqué le Québec durant les années quatre-vingt, il y a quand même eu une application d'une loi incitative, qui a été mise en place en 1991, comme vous le savez, mais qui a été un échec. C'est que les entreprises, malgré le fait qu'il y avait des crédits d'impôt pour les entreprises pour les dépenses de formation, ont très peu, finalement, suivi le cours en formant à l'interne. Donc, on considère qu'il y a une nécessité, vraiment, de procéder avec une loi coercitive, et ce, le plus rapidement possible. En ce qui concerne le type de moyen utilisé, on est d'accord avec le fait que ce soit une taxe. Sur ce sujet, je céderai la parole à Régis Beaulieu, qui va poursuivre.

M. Beaulieu (Régis): Alors, bonjour tout le monde.

Sur l'état de la situation au Canada et au Québec, d'entrée de jeu, je n'ai pas à vous rappeler que les entreprises localisées au Canada font face à trois paliers de gouvernement: le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les gouvernements municipaux, dont chacun d'eux exige, pour les entreprises, un certain prélèvement de taxes ou d'impôts. Alors, dans ce qui suit, je vous entretiendrai sur ces trois niveaux de gouvernement là, sur les taxes corporatives provinciales imposées à ces entreprises.

Essentiellement, au Canada, il y a trois grandes catégories de taxes corporatives. Il y a tout d'abord la taxe sur les profits, prise sur les revenus nets des entreprises, ensuite, la taxe sur les stocks de capital et, enfin, la taxe sur la masse salariale. Bien entendu, à l'intérieur de ces trois catégories, il existe bon nombre d'autres taxes spécifiques, spécialement dans les taxes sur le capital, que ce soit pour les ressources industrielles ou les gains de capitaux. Mais, règle générale, les trois grandes catégories demeurent, c'est-à-dire la taxe sur la masse salariale, la taxe sur le capital et la taxe sur les revenus.

Bien que la littérature comparant les différentes structures de taxation au Canada soit abondante, on s'entend pour dire que la question est d'une telle complexité qu'on ne peut prétendre apporter des conclusions irrévocables. Ni l'un ni l'autre de nous trois autour de la table n'est économiste ni fiscaliste, et on comprend bien que, souvent, ça prend un économiste pour dire le contraire d'un autre. Alors, on ne s'est pas embarqué dans des conclusions qui seraient irrévocables et irremplaçables. De plus, la difficulté de comparer réside essentiellement dans le fait que les transferts fédéraux diffèrent de province en province, de même que l'importance qu'on accorde à l'impôt municipal.

Cette question est d'autant plus épineuse si l'on considère les enjeux, c'est-à-dire les enjeux de la formation professionnelle à l'intérieur d'un développement de société. D'abord, la question de la compétitivité d'une structure fiscale face à ses concurrents, ensuite, certains principes à respecter, telles l'équité et la distorsion minimale des prix, qui sont à la base de tout régime fiscal qui fonctionne bien.

Toutefois, une des mesures les plus souvent utilisées est sans conteste l'imposition d'une taxe. Celle-ci a le mérite d'être un mode de comparaison simple et efficace. Sur ce, vous trouverez à la page suivante du mémoire des tableaux qui différencient, premièrement, la taxe sur la masse salariale, la taxe sur le capital, la taxe sur les profits et, dans le tableau 4, le total de ces taxes en comparaison, souvent, avec quatre provinces, qui sont différentes de tableau en tableau, et, pour le total, en comparant le Québec et la province la plus proche de lui dans le régime canadien, l'Ontario, et la moyenne canadienne.

À la lecture des chiffres, que tous peuvent faire, sur l'imposition des trois taxes, on constate que le Québec a un niveau global de taxation des grandes entreprises plus bas que la moyenne canadienne. En ce qui a trait aux petites et moyennes entreprises, le niveau de taxation est relativement équivalent à la moyenne canadienne et en dessous, quelque peu, du niveau de l'Ontario. En somme, nous croyons que l'ajout d'une taxe au niveau des grandes entreprises leur permettrait de conserver un niveau de taxation compétitif puisqu'en dessous de la moyenne de leurs concurrents canadiens.

De plus, au centre de la problématique du financement de la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur, se trouve la question de la contribution de l'employeur, comme on vient de le mentionner. Bien que plusieurs types de contribution soient possibles, telle une participation plus étroite à la formation des étudiants et étudiantes sous la forme de stages en milieu de travail ou sous la forme d'octroi de bourses ou sous la forme de taxe sur le capital, mais qui est un petit peu, selon nous, difficile à gérer, la taxe sur les profits des entreprises, souvent, à cause de notre régime fiscal où les entreprises peuvent cacher leurs profits dans des paradis fiscaux ou les mettre ailleurs, ce serait peut-être plus difficile. Nous, on priorise une taxe sur la masse salariale. On croit que ça demeure le moyen le plus direct et, à notre avis, le plus efficace.

Finalement, à l'intérieur de ces niveaux de taxation là, aux entreprises qui dénoncent cette obligation d'investir 1 % dans la formation, compte tenu de la lourdeur bureaucratique et de la rétention au niveau des emplois qu'imposerait 1 % sur la masse salariale, nous leur rappelons que nous n'en serions pas là si elles avaient fait leurs devoirs. Les entreprises sont dans l'obligation d'assumer leur part de responsabilité, et nous croyons que ça devrait se faire dès maintenant. Sur ce, je céderai la parole à Mme Fréchette, qui va continuer.

(15 h 30)

Mme Fréchette (Christine): Maintenant, en ce qui concerne le projet de loi 90, bon, je réitère le fait que, oui, on est d'accord avec le fait qu'il faut taxer les entreprises pour qu'elles augmentent leur niveau d'investissement en matière de formation. Par ailleurs, en ce qui concerne les moyens, la Fédération étudiante apporte plusieurs réserves, à savoir, premièrement, l'étendue de la loi. Le projet de loi actuel fait en sorte que 80 % des entreprises ne seront pas soumises à cette loi-là. Et, en ce qui concerne la Fédération étudiante, pour nous, ce qui importe, ce ne sont pas les retombées monétaires de la taxe en elle-même, et je crois que ce n'est pas le but de Mme Harel non plus, mais bien le fait que, au bout de quelques années, puissent s'établir de nouvelles pratiques dans les entreprises, qui font en sorte que l'investissement est une priorité pour elles puis qu'elles investissent dans la formation. Donc, le fait de faire en sorte que 80 % des entreprises sont exemptées de cette loi, ça fait qu'une large part du problème est contournée.

Donc, pour nous, ce qui importerait dans ce projet de loi, ce serait de l'appliquer à l'ensemble des entreprises, autant les petites, les moyennes que les grandes entreprises.

En ce qui concerne le niveau de la taxe, on conserverait le fait que les entreprises ayant une masse salariale de plus de 250 000 $ soient soumises à une taxe de 1 % si tel n'est pas le niveau d'investissement à l'interne, et, en ce qui concerne les entreprises ayant une masse salariale de moins de 250 000 $, on recommande une taxe de 0,5 %, simplement pour débuter un certain processus de conscientisation, de sensibilisation face à l'importance d'investir en formation.

En ce qui concerne le niveau de la taxe, on constate que, 1 %, c'est relativement bas considérant le retard qui est à rattraper, puisque ça fait déjà plusieurs années qu'on constate qu'il y a des lacunes à ce niveau-là. Donc de façon à s'assurer que le niveau de la taxe permette au Québec, à long terme, de garder un certain niveau de compétitivité par rapport à ses principaux partenaires économiques, à savoir les pays de l'OCDE, on recommanderait de réévaluer le niveau de la taxe demandé en fonction de la moyenne des pays de l'OCDE, et ce, aux cinq ans. De cette façon, on pourrait être compétitif avec l'ensemble de ces partenaires-là, en réévaluant soit à la hausse, soit à la baisse, si les choses vont si bien, avec la moyenne des pays de l'OCDE, le niveau de la taxe.

Par ailleurs, en ce qui concerne la rapidité à appliquer la loi, la Fédération étudiante considère que la situation, notamment chez les jeunes, est très critique face au marché de l'emploi. Donc, il y a nécessité d'agir très rapidement. Et, en ce qui concerne le projet de loi, il serait donc important de l'appliquer à l'ensemble des entreprises à partir de 1997, contrairement à la demande de report de trois ans du patronat qui, si on les écoutait, n'obligerait personne à investir en formation, puisque, selon ce Conseil, chaque entreprise serait maître de décider si elle se montre responsable ou non en matière de formation. Et ce, quant à nous, ça représente un risque très énorme. Donc, cette façon de faire, on l'a vu d'ailleurs durant les années quatre-vingt, lorsqu'il n'y a pas un cadre législatif important, ça mène les entreprises à l'inaction.

En ce qui concerne la définition de la formation – et là je vous référerais à la page 11 du mémoire – la Fédération étudiante considère que la définition est beaucoup trop large et permissive. L'exemple – je ferai référence à l'exemple de l'article 9 – c'est que la définition permet de contourner aisément le but ultime, qui est de faire émerger des nouvelles pratiques dans les entreprises. Par conséquent, les dépenses d'acquisition, de construction ou d'aménagement des locaux ne devraient pas, selon nous, figurer dans la définition admise de ce qu'est une dépense en formation puisqu'une entreprise pourrait, à la limite, simplement aménager ses locaux et considérer qu'ils serviront à la formation, et répondre en cela à l'objectif de la loi tel que défini actuellement dans le projet de loi.

Donc, pour nous, une réelle définition de formation devrait avoir un impact direct sur les compétences des personnes qui seront formées et non pas des conséquences indirectes. En ce sens-là, l'adoption d'un programme d'évaluation telles les unités d'éducation continue, le système UEC, permettrait d'assurer une certaine qualité dans la formation offerte, à savoir qu'elle serait transférable, quantifiable et vraiment vérifiable au niveau des compétences de la personne qui les reçoit.

Donc, en conclusion, selon nous, les entreprises doivent dès maintenant assumer leur part de responsabilité, et ce, tant au niveau de la formation interne du personnel qu'au niveau de la formation professionnelle externe à l'entreprise et au niveau de l'insertion des jeunes sur le marché du travail. C'est que la compétence de la main-d'oeuvre et des jeunes est un atout stratégique et déterminant pour le développement économique de long terme. Par ailleurs, c'est maintenant qu'il faut agir pour assurer la compétitivité des entreprises.

En second lieu, j'aborderai quelques mesures qu'il serait important d'intégrer dans le projet de loi et qui concernent directement les jeunes. En ce sens-là, je vous amènerais à la page 15 du mémoire.

Je crois que tout le monde considère, et plus particulièrement nous, les jeunes, que la situation est fort critique en ce qui concerne le marché de l'emploi. Les taux de chômage sont effarants. Des données récentes du ministère de l'Éducation font mention que le taux de chômage au Québec pour les 15 à 19 ans se situe à 21,3 %; dans les 20 à 24 ans, à 19,1 %...

Le Président (M. Facal): Excusez-nous, je crois comprendre que cette cloche signifie que nous devons aller voter. Est-ce que c'est bien le cas?

M. Gautrin: ...le président doit suspendre la commission.

Le Président (M. Facal): Bien, je crois que nous allons suspendre. Nous devons aller voter. Nous revenons, et vous reprendrez exactement où vous étiez. On s'excuse infiniment.

Alors, nous suspendons momentanément.

(Suspension de la séance à 15 h 36)

(Reprise à 16 h 5)

Le Président (M. Facal): Alors, nous reprenons nos travaux après cette pause. Combien reste-t-il de temps à nos invités? Trois minutes. Fort bien.

Alors, je voudrais, au nom de tous mes collègues, m'excuser pour ce contretemps. Une partie du contretemps s'explique par nos règles; une autre partie du contretemps s'explique par des mesures dilatoires dont nous ne sommes aucunement responsables.

Cela étant dit, vous pouvez reprendre.

Mme Fréchette (Christine): En ce qui concerne nos revendications, je crois que les plus importantes sont à venir, et sont celles-ci: à savoir que le niveau de la taxe de 1 %, tel que formulé actuellement, risque peu d'avoir des retombées positives au sein des jeunes. Donc, la Fédération étudiante voudrait voir inclus le crédit d'impôt remboursable pour les stages dans le projet de loi 90 et, également, voudrait voir haussé le taux du crédit remboursable de 40 % à 60 % pour ce qui concerne les dépenses admissibles.

Aussi, sur la base du programme du Parti québécois, la Fédération étudiante désire que soit incluse dans le projet de loi une obligation pour les entreprises d'ouvrir 1 % des postes stratégiques des entreprises à des jeunes. De cette façon, il y aurait une plus grande accessibilité des jeunes au marché du travail et une meilleure orientation de la formation reçue par rapport aux besoins des entreprises. Et cette obligation concerne également le secteur public, puisque, apprenait-on récemment, le ministère offre, cette année, 500 emplois de moins que l'an dernier aux stagiaires. On justifie cette mesure par le fait que le taux de rétention dans le secteur public est de zéro. Mais, plutôt que de cesser d'engager des stagiaires, la Fédération considère qu'il faudrait plutôt mettre en place des mesures pour assurer, justement, la rétention des stagiaires dans les ministères.

Sur ce, je vais céder la parole à Régis Beaulieu.

M. Beaulieu (Régis): Comme dernière partie du mémoire, qu'on considère assez importante, c'est les relations écoles-entreprises-régions.

Alors, pour nous, une loi sur la formation professionnelle ne peut constituer qu'une mesure palliative de court terme; elle doit s'inscrire dans une perspective de développement de longue échéance. Ainsi, afin de procéder avec une vision de long terme, c'est sur les relations entre les établissements d'enseignement, les entreprises et les régions qu'il convient d'agir. Afin d'assurer une plus grande régionalisation de la formation professionnelle et ainsi pouvoir quelque peu, sinon avec une plus grande envergure, contrer le mouvement de rétention des jeunes vers les grands centres, le projet de loi 90 devrait, selon nous, en plus de l'imposition d'une taxe de 1 % sur la masse salariale à l'intérieur des entreprises, comprendre une taxe de 1 % sur la masse salariale des grandes entreprises de plus de 250 000 $ de masse salariale, en plus d'une taxe de 0,5 % sur les petites et moyennes entreprises, qui feraient un fonds consolidé de développement de formation professionnelle pour les régions. Ce fonds, selon nous, devrait être redistribué aux sociétés de développement régional dans chacune des régions selon deux critères de priorité: le premier, selon les besoins de chacune des régions du Québec, et le deuxième, selon leur poids démographique à l'intérieur de ces régions-là.

À l'intérieur de ce plan-là, nous croyons ainsi qu'une loi sur la formation professionnelle ne doit pas juste être une loi qui force les entreprises à faire du recyclage en entreprise et à former des employés pour l'entreprise. Elle doit aussi avoir une vocation sociale. Le gouvernement a une vocation, lui, de former sa population en formation professionnelle. Donc, les entreprises qui vont profiter de ces personnes formées là doivent participer à la formation de ces employés-là. Chacune des régions, par la société de développement régional, aura à décider, elle, dans sa région, ce qui est essentiel et fera en sorte de développer ce fonds-là selon ses besoins, dans chacune des régions du Québec.

Sur ce, je laisserai François conclure le mémoire. Par la suite, vous pourrez poser des questions.

M. Rebello (François): Je ne résumerai pas l'ensemble des recommandations. Je pense que vous avez pu les entendre. Vous avez la liste des recommandations, en fait, pages 20 et 21 du mémoire. On en demande beaucoup. En fait, on en demande plus que le gouvernement en demande, puis on va vous expliquer un petit peu pourquoi.

Écoutez, ça va très mal actuellement pour les jeunes. Les taux de chômage sont extrêmement élevés. Ce n'est pas une situation avec laquelle on peut jongler, ce n'est pas une situation où il faut prendre quoi que ce soit à la légère, c'est une situation où il faut agir, agir rapidement.

(16 h 10)

Puis, tout le monde s'entend pour dire – là-dessus, il y a consensus – que, la formation, c'est quand même l'outil privilégié si on veut arriver à quelque chose un jour. Même les entreprises le disent. Donc, en conséquence, c'est vrai qu'il faut faire attention aux entreprises, à ci puis à ça, mais il faut quand même agir rapidement.

Puis, quand on regarde ceux qui peuvent agir dans notre société par rapport à la formation, on est bien obligé de conclure que, à part les entreprises, l'État, il n'y a pas beaucoup d'autres acteurs qui peuvent le faire directement.

Donc, alors que ça va très mal pour les jeunes, ça va quand même pas si mal pour les entreprises. Quand on regarde les dernières années, il y a des entreprises qui ont fait des profits énormes. Ça va aussi bien pour les gens qui sont dans la fonction publique, ou les gens qui ont des bons salaires. Donc, on trouverait cohérent que toutes ces personnes-là agissent dans l'intérêt de ceux qui n'ont pas la même chance, donc, partagent un peu, arrêtent de tirer la couverte de leur côté.

Au niveau de la fonction publique, on trouve tout à fait déplorable que le gouvernement, d'un côté, dise aux entreprises: Vous allez ouvrir des stages pour les jeunes. De l'autre côté, il ferme des stages en été. Les quelques stages qui restaient, au gouvernement, pour les jeunes étudiants, dans certains domaines, on ferme tout ça. On dit: Non, il faut qu'on sauve nos salaires, il faut qu'on sauve nos affaires, puis, vous autres, bien, cet été, vous n'aurez pas de job. C'est un peu le message qui nous est dit. Je ne sais pas si vous en êtes conscients lorsque vous prenez ces décisions-là, mais je pense que c'est assez déplorable que ce soit un réflexe que de fermer des postes de stage dans le contexte actuel.

Au contraire, le gouvernement devrait dire: Écoutez, on pourrait peut-être tous baisser un petit peu nos salaires, puis, cet été, mettre de l'argent dans un pot puis ouvrir plusieurs stages pour les jeunes. Peut-être que ça va les aider. L'année prochaine, on va avoir moins de problèmes d'endettement puis ça va nous coûter peut-être moins cher, aussi, du côté du régime d'aide financière. Donc, ce type de réflexe là, ce serait normal que des gens qui bénéficient du système l'aient.

Puis on remarque actuellement que notre société est probablement malade, quand on regarde l'attitude des gouvernants, des gens dans la fonction publique, des entreprises, finalement, des gens qui ont la chance d'avoir beaucoup.

Je peux vous dire qu'on a regardé les journaux, comme vous, depuis quelque temps. On a vu les entreprises réagir, tout ça; on comprend qu'elles ont des intérêts à défendre, on comprend qu'elles ont des chiens de garde à... garder la tête levée pour être sûres de perdre le moins possible. Mais il faut qu'elles fassent attention à leur crédibilité, quand même. Je pense qu'elles vont un peu trop loin. Oui, c'est vrai que, pour les entreprises, ce ne sont pas des années faciles, mais ce sont quand même des gens qui ont la chance d'avoir un emploi, d'avoir de quoi vivre, ce sont quand même des gens qui devraient se rendre compte qu'il y a d'autres gens qui consomment, qui leur permettent, justement, de faire de l'argent. Donc, il faut qu'ils pensent aussi aux autres; une responsabilité sociale minimale.

Puis on ne comprend pas que, actuellement, les entreprises laissent leurs représentants, comme le Conseil du patronat ou la fédération des entreprises indépendantes, tenir un discours tout à fait irresponsable. C'est carrément dangereux pour leur crédibilité. Un peu comme les médecins dans les dernières années. Vous avez vu, avec Augustin Roy, à un moment donné, les médecins ont été obligés de tirer la «plogue» parce que ça n'avait plus de bon sens, l'image des médecins était complètement descendue sur la place publique. Donc, au niveau des entreprises, c'est le même principe: si les entreprises ne changent pas de discours, elles vont perdre beaucoup de crédibilité. On l'a vu dans les médias récemment.

Donc, ça ne nous fait pas brailler d'imposer une taxe aux entreprises. On pense qu'elles doivent assumer leurs responsabilités à ce niveau-là. Je rappellerai ce que Christine a dit tout à l'heure: Si les entreprises avaient assumé leurs responsabilités, si elles avaient fait leurs devoirs dans les dernières années, on n'en serait pas à leur imposer une taxe. Si les entreprises du Québec agissaient comme les entreprises des autres pays, comme l'Allemagne, entre autres, avec 4 % de moyenne d'investi en formation professionnelle, on n'aurait pas à leur imposer.

D'autre part, il faut aussi que les entreprises soient cohérentes. Elles disent à l'État: N'intervenez pas! Mais, de leur côté, elles se refusent à prendre des responsabilités; donc, quelque part, elles forcent l'interventionnisme. Elles disent à l'État: Nous, on ne fera pas de formation interne, donc, c'est la responsabilité de l'État de payer pour des services de formation professionnelle. Donc, quelque part, elles demandent à l'État d'investir dans des affaires qui ne seraient pas nécessairement la responsabilité première de l'État, mais surtout de l'entreprise. Donc, il manque beaucoup de cohérence dans le discours des entreprises, puis c'est dommage.

Le dernier message qu'on aurait à adresser, c'est au gouvernement. On est un peu déçu, depuis l'entrée au pouvoir du Parti québécois, sur un aspect. Surtout, dans ce projet de loi là, c'est qu'on sent que le gouvernement plie, plie, plie devant l'entreprise, sans arrêt, c'est-à-dire que le projet de loi a beaucoup changé. Après les engagements en campagne électorale, on remarque qu'il y a toujours ramollissement des intentions du gouvernement. Pourtant, le gouvernement ne plie pas toujours de la même façon devant d'autres intervenants, comme les jeunes, par exemple, les étudiants. Quand on demande, nous, habituellement, c'est un petit peu plus difficile. On comprend qu'il y a des intérêts, on comprend qu'il y a des liens, mais on pense que, au Québec, c'est moins pire qu'à Ottawa, quand même, le gouvernement devrait se tenir un peu plus debout.

Donc, c'est quand même bon signe, la commission d'enquête de M. Parizeau, là, par rapport aux contrats d'Hydro, mais, dans le projet de loi, il faudrait que ça reste... il faudrait que le gouvernement se tienne debout, aille jusqu'au bout. Si, nous, on voit que le projet de loi est encore dilué suite au processus des commissions parlementaires puis suite au lobby des grandes entreprises – il ne faut pas se le cacher, c'est quand même des gens qui ont les moyens de le faire – on va être déçus du gouvernement péquiste puis on va se demander si ce n'est pas du pareil au même, d'un côté ou de l'autre.

Dernier élément, c'est au niveau de... Juste vous rappeler un élément. Souvent... Actuellement, il y a un débat sur le rôle de l'État. On se dit: C'est quoi, le rôle de l'État? Est-ce qu'il doit rester présent partout? Parce que c'est un débat intéressant à tenir; on le tient, nous, à l'interne. D'ailleurs, vous allez en avoir des nouvelles à l'automne, on va sûrement présenter des éléments de solution au niveau des finances publiques, des choix, quand, nous, on va probablement vous proposer de faire certains choix.

Mais il y en a un, en tout cas, un choix qui n'est pas remis en question par personne, c'est celui de dire que l'État a une responsabilité au niveau de l'éducation, au niveau de la formation. Peut-être pas d'aller faire de la formation dans les entreprises, mais, au moins, de s'assurer que les entreprises en font. De ce côté-là, je pense qu'il n'y a personne qui peut remettre en question ce choix-là. Et pourquoi on ne remet pas en question le choix de la formation? Parce qu'on pense que c'est l'élément le plus important d'une politique pour favoriser l'égalité des chances dans une société. Souvent, on l'oublie, mais l'État, son principal rôle, c'est de favoriser l'égalité des chances. Qu'on soit de droite ou de gauche, les gens sont habituellement d'accord là-dessus. Donc, au niveau de la formation professionnelle, sans hésitation, le gouvernement doit dire aux entreprises d'investir en formation si elles ne le font pas déjà.

Ceci étant dit, on croit que le rôle de l'État au niveau de la formation est plus évident qu'au niveau des subventions, par exemple. On serait plus prêt à dire qu'il y a des choix à faire au niveau des subventions qu'au niveau, par exemple, de diminuer les exigences au niveau de la formation.

Donc, voilà ce qu'on avait à vous dire. Si vous avez des questions, on est ouvert.

Le Président (M. Facal): Merci. Alors, nous allons débuter nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Merci. Je suis vraiment très contente de vous recevoir, M. Rebello. Et j'ai été aussi heureuse de vous entendre, Mme Fréchette; je comprends pourquoi vous êtes nommée à la coordination de la recherche et de l'information à la FEUQ. Et, M. Beaulieu, qui, je crois, est sur l'exécutif, hein, de la FEUQ, également?

M. Rebello (François): Il agit comme conseiller.

Mme Harel: Comme conseiller.

Alors, écoutez, vous avez lu les «Fables» de La Fontaine, j'imagine. À un moment donné, à peu près tout le monde y a passé. Et il y en a une – en fait, elles le sont toutes – qui est assez intéressante, c'est «Le chêne et le roseau». Et, si vous vous rappelez bien, le roseau, bien qu'il plie, ne casse pas, contrairement au chêne. C'est toujours un peu le problème de ces législations qui, sur papier, ont l'air vraiment de tout emporter sur leur passage et qui, finalement, sont elles-mêmes emportées par le fait qu'elles ne sont pas appliquées ou qu'elles ne sont pas applicables.

En l'occurrence, en ce qui vous concerne, je crois très utile que vous restiez très vigilants. Vous savez, ça aide les gouvernements, parce que, à défaut d'une vigilance comme celle que vous manifestez, il est évident qu'il y a toujours danger de dérapage. Donc, je vous félicite de votre vigilance. Et, en même temps, vous avez raison de signaler que, en tant que tel, les jeunes risquent de voir les retombées positives plus atténuées que ce que vous pouvez souhaiter, parce que, dans le fond, c'est une législation qui vient compenser pour l'absence d'investissement que l'entreprise fait au Québec. Il y a des sociétés... en Allemagne, au Japon, il n'y a même pas de loi pour ça. Mais, la moyenne réelle d'investissement, présentement, dans la formation de la main-d'oeuvre est autour de 4 % au Japon. Donc, ça fait partie intégrante d'une culture de la formation.

(16 h 20)

Vous nous avez rappelé, avec raison, dans votre mémoire, ce colloque à l'occasion duquel, il y a déjà quatre ans, le président du Conseil du patronat avait annoncé que cette culture allait gagner les rangs de l'entreprise. Et puis, en conclusion, aujourd'hui, ce que vous en tirez, c'est la leçon que ça ne s'est pas passé. Donc, il va falloir agir. Mais c'est évident que d'agir ainsi vient simplement remettre à l'heure les pendules quant à la responsabilité partagée, en matière de recyclage et de perfectionnement, de l'entreprise et de l'État.

Bien d'autres champs, là, appellent à notre initiative, et vous faites bien de le rappeler. Mais, simplement, par exemple, pour vous signaler que ce n'est pas parce que c'est 20 % des entreprises que c'est 20 % de la main-d'oeuvre. C'est 20 % des entreprises – 30 000 entreprises, au total, sur les 170 000 qui comptent des salariés au Québec – mais c'est 85 % de la masse salariale et au-delà de 72 % de la main-d'oeuvre. Alors, donc, ça reste un effort qui est quand même considérable à l'égard de la main-d'oeuvre et des salariés.

Vous avez raison, par ailleurs, de dire que, même si c'est possible de s'acquitter de l'obligation du 1 % en accueillant des stagiaires, dans une dynamique, par exemple, d'alternance études-travail, ou en accueillant des apprentis dans un cadre de régime d'apprentissage, même si c'est possible, il n'est pas évident que l'entreprise va le choisir.

Alors, ça, c'est exact. Et c'est pour ça que le crédit d'impôt vient s'ajouter. Crédit d'impôt qui a été bonifié, comme vous le savez, parce que, dorénavant, les stages seront ouverts aux universitaires puis les stages, quant aux conditions requises pour appliquer le crédit d'impôt, ne seront plus que de quatre semaines. Et, d'autre part, le régime d'apprentissage sera ouvert aux jeunes, ce qui ne l'est pas présentement. Le régime d'apprentissage est exclusivement, en vertu de ce qui a été adopté par le précédent gouvernement, ouvert aux adultes qui sont sur le marché du travail ou qui l'ont été. Donc, là aussi, si vous voulez, il y a des pas en avant qui sont faits, de ce côté-là. Mais vous nous dites, avec raison, qu'il faut aller plus loin.

Et vous êtes vraiment bien documentés, dans votre mémoire. Vous nous parlez notamment des UEC – alors, des unités d'éducation continue – qui permettent de rendre transférable, quantifiable, qualifiante, l'acquisition des compétences qui se fait. Alors, je comprends que vous souscrivez à cette formule d'UEC même si elle n'est pas pour autant diplômée. Parce que, ça, c'est l'autre étape qu'on ne peut pas franchir au niveau de la main-d'oeuvre ou de la SQDM.

Et je comprends aussi, cependant, que vous souhaitez être plus intégrés. Alors, ça se traduit par une demande de sièges. Est-ce que vous avez participé au Forum pour l'emploi depuis les mois récents, où il s'intéresse à la question de l'emploi jeunesse? Est-ce qu'il s'est développé un partenariat? Comment ça a pu se passer à ce niveau-là? Et quels sont les liens de collaboration que vous entretenez avec le ministère de l'Éducation?

M. Rebello (François): Bon, au niveau du Forum pour l'emploi, c'est évident que certaines des associations étudiantes, collégiales et universitaires, ont participé à des activités au niveau régional. On a participé un peu – comment je dirais ça? – comme n'importe qui d'autre, c'est-à-dire, suite... Une fois que le projet a été élaboré, décidé par les grands bonzes du Forum pour l'emploi, on a été informé par la poste, on a reçu un petit pamphlet... un petit dépliant, pardon, qui nous dit: Si vous voulez participer, vous téléphonez à tel numéro. C'est comme ça qu'on fait participer, habituellement, les organisations jeunes dans le... Habituellement, c'est comme ça que ça fonctionne dans le gouvernement.

C'est sûr que, au niveau de l'éducation, on est quand même plus intervenant que, par exemple, au niveau des questions qui sont liées à l'emploi. Nous, on pense que, si la plupart des syndicats importants, la plupart des intervenants patronaux participent à l'élaboration des décisions sur de tels programmes, il serait normal que les étudiants participent aussi.

Je dois vous dire que, surtout quand le projet a pour objectif principal d'améliorer la situation de l'emploi, les étudiants, quand on apprend par la poste que le projet est décidé, puis qu'on n'a pas été consultés, c'est très décevant. Puis c'est sûr qu'on n'aura jamais les réseaux pour toujours être au courant à l'avance de tout, parce qu'on est des gens, quand même, qui restons peu longtemps dans nos fonctions – un an ou deux. Donc, c'est sûr qu'on n'a pas le réseau que d'autres peuvent avoir dans les centrales syndicales ou du côté du patronat.

Mais ça devrait être un réflexe, du côté des intervenants du milieu de l'emploi, au niveau de la concertation, de demander aux étudiants d'être représentés, au même titre que les syndicats et les patrons, au moment de prendre les décisions, et non pas juste leur demander de participer...

Vous savez... probablement que vous avez déjà été étudiants. On est peu enclin à marcher dans les traces des autres. Ce n'est pas très agréable, quand on a 25 ans, de suivre des processus auxquels on n'a pas l'impression d'avoir pu vraiment contribuer, surtout dans l'état actuel de la crédibilité des projets qui sont organisés habituellement. En tout cas, vous auriez avantage à nous impliquer au moment des décisions, je pense qu'on pourrait avoir un apport certain.

Puis aussi au niveau de l'organisation. Le mouvement étudiant québécois, contrairement, peut-être, à d'autres groupes jeunes, bien, on a des structures qui vont jusqu'à la base, là. Dans chaque département, dans chaque faculté universitaire, il y a des associations étudiantes; il y a des associations étudiantes au niveau du campus, qui sont des fédérations, souvent, qui regroupent plus de 60 associations, puis, ensuite, on a des structures nationales. Donc, on n'est pas non plus un conseil de 40 personnes qui se rencontrent une fois par mois, là; on a plus de base que ça. Donc, c'est très utile, au niveau de l'organisation, de nous impliquer dans les prises de décision, si on veut avoir des résultats ensuite.

Mme Harel: Alors, je comprends que, dans le cadre, donc, du Forum pour l'emploi, qui n'est pas gouvernemental, qui est uniquement un rassemblement de partenaires d'horizons vraiment très différents, je comprends que vous n'en êtes pas membre, comme le Conseil permanent, par exemple, en est membre.

M. Rebello (François): C'est ça. Bien, il y a toujours... au gouvernement, c'est pour ça qu'on a créé le Conseil permanent de la jeunesse, c'est pour avoir un jeune d'office, rapidement disponible pour un paquet de comités. Je comprends, c'est bien qu'il y en ait, mais ça prend plus que ça, je pense. Il y a des organisations jeunes, qui sont vraiment impliquées sur le terrain, qui mériteraient aussi de participer aux prises de décision. Ne vous satisfaites pas seulement d'un représentant comme ça, je pense. Vous pouvez demander plus.

Mme Harel: Mais avez-vous demandé au bureau de direction du Forum pour l'emploi d'être membre du Forum?

M. Rebello (François): C'est ça, on fait les démarches actuellement; justement, on en a parlé. C'est ça, on est en démarche, là. Mais je dois vous dire que le fait même qu'on n'ait pas été invité au départ dans le projet, ça, ça nous met un petit peu mal à l'aise par rapport à ça. C'est sûr qu'on va faire la démarche, puis, normalement, les choses devraient bien se passer. Mais c'est quand même pour vous faire réfléchir que, souvent, dans vos structures, que ce soit au niveau des partis politiques aussi, au niveau des organisations, les réflexes ne sont pas là au moment de prendre des décisions. C'est-à-dire qu'on nous... on nous demande de participer, mais de participer quand les décisions sont prises. Puis, ça, c'est toujours décevant pour les jeunes.

Mme Harel: Vous, vous représentez les étudiants universitaires...

M. Rebello (François): Oui.

Mme Harel: ...qui sont souvent considérés, dans l'opinion publique, comme les plus chanceux du système, ceux qui ont survécu au secondaire sans décrocher ou qui, après avoir décroché, en tout cas, ont suffisamment raccroché pour compléter un collégial et puis, enfin, se rendre à l'université.

M. Rebello (François): Oui.

Mme Harel: Et, dans ce contexte-là, votre espérance d'emploi est pas mal plus élevée que le jeune qui fait partie de la cohorte des 40 % qui décrochent avant d'avoir un diplôme secondaire.

Est-ce que, quand vous faites des représentations comme celles que vous faites devant la commission, vous les faites en ayant en tête la problématique qu'un jeune, au niveau du régime d'apprentissage, au niveau des stages... Par exemple, en priorité, quels seraient les stages que vous prioriseriez auprès des 30 000 entreprises québécoises qui, dans trois ans, seront toutes assujetties au 1 %? Vous les prioriseriez en priorité avec ceux des jeunes qui sont en régime d'apprentissage, parce que, autrement, l'école, ça ne marche pas, ou vous les prioriseriez avec les techniques de cégep, ou avec ceux qui sortent de l'université?

M. Rebello (François): Bien, moi, je vais vous dire que, dans l'état actuel de la situation, quand on regarde les impacts positifs des stages à tous les niveaux, je pense que ça devrait être priorisé à tous les niveaux.

C'est évident, par ailleurs, que, malgré qu'on représente des étudiants universitaires, on a quand même peut-être... Il faut que vous compreniez bien une chose: Nous, quand on défend les intérêts des étudiants, habituellement, on défend les intérêts de ceux qui vont nous suivre, hein, parce qu'on est à la fin de nos diplômes, contrairement, par exemple, à des syndicats ou des patrons, qui défendent leurs intérêts immédiats. Donc, on a toujours une perspective plus globale de la situation.

(16 h 30)

C'est évident que, pour nous, les problèmes d'éducation ou les problèmes de la formation au niveau du primaire, secondaire sont encore plus criants; on doit agir encore plus rapidement à ce niveau-là, peut-être, qu'au niveau universitaire. On est tout à fait conscient de ça. Mais, cependant, au niveau de la priorisation des stages comme telle, on pense que ça devrait être priorisé à tous les niveaux, d'autant plus que, habituellement, les entreprises sont spécialisées un petit peu à... – comment je dirais ça? Par exemple, un bureau de conseil juridique, bien, c'est évident que le type de stagiaires risque d'être plus des avocats, donc des universitaires. Donc, dépendamment du type d'entreprise, ils vont avoir à ouvrir des postes qui vont être différents, dépendamment de la nature de leur business, finalement, la nature de leur entreprise.

Donc, à ce niveau-là, ce n'est pas vraiment un choix qu'on aurait à faire, je pense. Les stages doivent être ouverts le plus possible. Au niveau universitaire, là, il faut que vous preniez conscience d'une chose. Actuellement, les programmes à l'Université de Sherbrooke sont extrêmement populaires. Tout le monde veut s'inscrire à Sherbrooke, dans la plupart des programmes. Bon. Pourquoi? À cause du régime coopératif. Sauf que, même Sherbrooke, actuellement, est obligée de limiter le développement de ses programmes vu l'absence de stages. Il y a plein d'étudiants qui sont compétents, et tout ça, mais on ne retrouve pas de stages. Les gens de Sherbrooke vont dans d'autres régions suivre des stages, en plus. Donc, déjà là, il y a un manque de stages, alors qu'il y a seulement une université au Québec qui a un système coopératif. Normalement, actuellement, on devrait en être à développer des systèmes coopératifs un peu partout, sauf qu'on ne peut même pas imaginer le faire à cause de l'absence de stages.

Mais est-ce qu'on dit: Ne donnons pas de stages aux autres étudiants, donnons-leur des programmes moins intéressants, sans stages, parce que les entreprises ne sont pas foutues de leur donner des stages? Ou on réorganise le système et on dit: Bien, on va s'organiser pour qu'il y ait des stages parce que, des gens qui sont formés sans stages, ça fait des gens, des fois, qui ne savent pas trop où ils s'en vont. Je veux dire, les gens font des formations de trois, quatre ans, ils se cassent la tête et, au bout de la ligne, ils ne sont pas sûrs où ils s'en vont. Ils n'ont jamais mis les pieds dans des bureaux. C'est complètement aberrant, là, que les entreprises ne prennent pas les responsabilités à ce niveau-là.

Mme Harel: Il y a ma collègue de Mille-Îles qui veut également vous interroger. Alors, je lui laisse le soin de le faire.

Mme Leduc: Alors, bonjour, messieurs, madame. Ça me fait plaisir...

Le Président (M. Facal): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Oui.

Le Président (M. Facal): Excusez-moi. Généralement, on y va par alternance...

Mme Leduc: O.K. C'est correct.

Le Président (M. Facal): ...quand le temps n'est pas...

Mme Leduc: C'est parce que, moi, quand on me dit: Ma collègue de Mille-Îles, j'embarque.

Le Président (M. Facal): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, avec plaisir, M. le Président. À mon tour d'accueillir M. Rebello et son équipe et la fédération des étudiants universitaires du Québec.

Vous avez réussi, dans ces notes, à faire un bon tour de la question et à exprimer votre compréhension des enjeux de très grande importance auxquels tente de répondre le présent projet de loi. Ce que je retiens comme premier message de votre part, c'est que vous nous rappelez qu'on aurait besoin, au Québec, d'une politique de l'emploi, à un moment donné. Vous avancez plusieurs suggestions de la nature, également, d'une politique de la main-d'oeuvre qui vient compléter, soutenir une politique de l'emploi. Et, par la suite, comme éléments d'une politique de main-d'oeuvre, on se rend compte qu'il y a des mesures, que vous suggérez ou que vous commentez, relatives à une politique de formation continue. Et, finalement, on arrive au projet de loi 90. J'ai senti l'enchaînement dans plusieurs de vos propositions, et, si on prend la réalité par le projet de loi 90, bien, on remonte au moins jusqu'à une politique de l'emploi, et mon collègue, le député d'Outremont, fera le lien entre politique de l'emploi et politique industrielle. Mais vous nous avez montré, quand même, que ces volets-là se tiennent.

Le problème que nous avons dans ce débat, c'est que nous sommes saisis d'un projet de loi particulier sans avoir cette toile de fond, sans avoir cette vision d'ensemble. Donc, on est amenés à essayer de faire des commentaires sur des éléments particuliers tout en se référant, à l'aide de nos interlocuteurs, à des éléments plus généraux. Vous faites ressortir que ce projet de loi laisse tout de même 80 % d'exclus, en gros, c'est quand même important.

J'aimerais cependant mieux comprendre vos recommandations 1 et 2. J'essayais de les relire ici avec des collègues, et, pour être bien sûrs qu'on saisisse exactement votre pensée, pourriez-vous nous relire, s'il vous plaît, les deux premières recommandations et bien nous dire de quoi il en est? On dirait qu'il y a comme deux taxes, avec des parenthèses, des pourcentages entre les parenthèses, avec d'autres parenthèses. Pourriez-vous revenir et nous dire de quoi il s'agit au juste, là?

Mme Fréchette (Christine): Alors, en ce qui concerne la recommandation 1, ça réfère tout simplement à ce qui est déjà proposé dans le projet de loi actuel, à savoir qu'il doit y avoir une taxe de 1 % pour les entreprises dont la masse salariale est de plus de 250 000 $ si cette formation à l'interne ne s'effectue pas. Maintenant, puisqu'on déplorait le fait que 80 % des entreprises n'étaient pas touchées par le projet de loi actuel, il nous apparaît important d'inclure les entreprises dont la masse salariale est de moins de 250 000 $. Et, à cet effet, de façon à les impliquer graduellement, là, dans le processus, on propose une taxe de 0,5 % – de là la parenthèse – pour ces entreprises de moins de 250 000 $, dans l'éventualité, encore une fois, où la formation à l'interne ne se fait pas. Si elle se fait déjà, cette taxe n'est pas imposée.

M. Charbonneau (Bourassa): Ni l'une ni l'autre. Ni le 0,5 % ni le 1 %.

Mme Fréchette (Christine): Ni l'une ni l'autre. Dans les deux cas, comme dans le projet de loi actuel si on répond déjà à ce qui est demandé par le gouvernement.

Maintenant, dans la recommandation 2 – c'est ce que Régis Beaulieu a présenté – c'est qu'on demande aux entreprises de contribuer, pour un volume de 1 % de la masse salariale pour les entreprises ayant une masse salariale de plus de 250 000 $, à un fonds qui sera redistribué aux sociétés régionales de développement en regard des besoins de chacune de ces régions de même qu'en regard du poids démographique de la région en question. Et, comme dans la recommandation 1, on demande à ce que l'ensemble des entreprises soient impliquées par cette mesure, et pour un taux moindre pour les entreprises de moins de 250 000 $ de masse salariale, à savoir 0,5 %. Donc, l'ensemble de ce fonds serait géré par les sociétés de développement de la main-d'oeuvre régionales, redistribué, et sur lesquelles siégeraient, l'espérons-nous, des étudiants également.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci. Donc, on doit comprendre que, s'agissant d'une entreprise d'une masse salariale supérieure à 250 000 $, elle a d'abord la responsabilité d'investir jusqu'à la hauteur de 1 %. Si elle ne le fait pas, elle verse, on lui fait un prélèvement.

Mme Fréchette (Christine): Exact.

M. Charbonneau (Bourassa): De plus, elle se voit prélever une autre taxe de 1 %.

Mme Fréchette (Christine): Oui. C'est qu'on considère la nécessité non seulement de former à l'interne, mais de créer un processus de développement social et régional. Et c'est dans ce sens-là que cette taxe est proposée, c'est de façon à ce que l'entreprise ne considère pas seulement ses employés, ses propres employés, mais également ce qui se déroule au niveau de sa région, au niveau de la société, au niveau de la formation professionnelle des jeunes également. Elle pourrait être impliquée, notamment, dans l'amélioration des programmes de formation dans les écoles professionnelles ou autres. Alors, ça permettrait d'avoir des retombées au niveau régional et non seulement interne de l'entreprise.

M. Charbonneau (Bourassa): Donc, c'est un équivalent de 2 % qui est demandé à une entreprise de 250 000 $ et plus. Soit qu'elle dépense le premier 1 % d'elle-même, par ses propres initiatives, ou bien on lui prélèvera la différence ou le 1 %. Puis le deuxième 1 %, lui, d'office, il est prélevé.

Mme Fréchette (Christine): D'office, oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Même chose, même raisonnement pour les entreprises de 250 000 $ et moins. Donc, ce que vous ajoutez, vous, ici, c'est l'universalité de la mesure, d'une part...

Mme Fréchette (Christine): Exact. On agirait sur...

M. Charbonneau (Bourassa): ...avec un taux moindre, s'agissant des entreprises de 250 000 $ et moins. Première grande différence, c'est que toutes y passent. Deuxièmement, deuxième grande différence, c'est que vous y allez de deux prélèvements ou de deux obligations cumulatives avec des finalités différentes.

Où se situe le fonds dont la ministre parle? Parce qu'on ne voit pas la mention du fonds dans votre mémoire. Est-ce que le fonds joue un rôle ou si, d'après vous, ici, il n'y a plus de tel fonds et l'argent s'en va directement dans les sociétés régionales? Ou si le fonds est tout de même là comme intermédiaire? Puisque vous n'en parlez pas, je me dois de poser la question.

M. Beaulieu (Régis): On n'en parle pas, parce que c'est une question de décentralisation. On ne veut pas que le gouvernement central, à l'intérieur d'un fonds, lui, aille dans chacune des régions dire ce dont vous avez besoin. Nous, ce qu'on veut, c'est que la région se prenne en main, que le gouvernement prenne le fonds, le redistribue à l'intérieur des régions périphériques du Québec, avec ce fonds-là, sur deux critères: le premier, qui serait les besoins périphériques de ces régions-là; puis le deuxième, le poids démographique. À l'intérieur de ça, par la suite, ces sociétés régionales là distribueront, elles, le fonds, avec tous les intervenants autour de la table qui décideront quel est le programme prioritaire pour la Gaspésie, quel est le programme prioritaire pour la Côte-Nord.

M. Charbonneau (Bourassa): D'accord. Voyons de plus près. S'agissant de la recommandation 1, il peut y avoir de l'argent qui soit prélevé. Si, par hypothèse, toutes les entreprises assumaient leur obligation, il n'y aurait pas de fonds, il n'y aurait jamais d'argent. Mais il peut se trouver quelque argent. Où va cet argent? S'agissant de la recommandation 1.

M. Beaulieu (Régis): Il est redistribué aux sociétés de développement régional aussi.

M. Charbonneau (Bourassa): Aussi?

M. Beaulieu (Régis): Aussi.

M. Charbonneau (Bourassa): Comme pour le 2?

M. Beaulieu (Régis): Comme pour le 2, oui. Tous les fonds accumulés sont redistribués aux sociétés régionales.

M. Charbonneau (Bourassa): Maintenant, la perception, l'argent est perçu par Revenu Québec.

M. Beaulieu (Régis): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Et, à partir de Revenu Québec, vous voyez, vous, une espèce d'acheminement directement aux sociétés régionales, sans intermédiaire, SQDM et Fonds national. C'est ça qui est votre idée?

(16 h 40)

M. Beaulieu (Régis): Bien, il y a un intervenant, c'est la SQDM nationale. La SQDM nationale, elle, redistribuera... Ce que Revenu Québec va chercher, il le redistribue à la SQDM, qui, elle, le redistribue à la société régionale.

M. Charbonneau (Bourassa): Donc, ici, on peut constater un élargissement de la proposition de manière assez remarquable, étant donné une superposition de deux prélèvements et l'assujettissement des entreprises de 250 000 $ et moins. C'est au moins ça qu'on peut retenir de votre message à ce moment-ci. Vous avez aussi demandé de resserrer la définition de la formation, comme plusieurs autres intervenants avant vous, comme nous faisons sans cesse aussi.

Vous avez exprimé votre appui au projet de loi; j'aimerais relire cet appui. C'est tout de même intéressant, je voyais la ministre s'en réjouir tout à l'heure, alors je crois que c'est très important de relire le paragraphe: «...le projet de loi de la ministre Harel va dans le sens de nos revendications premières. Cependant, malgré cette concordance quant au principe du projet, les moyens proposés dans le projet de loi 90 ne parviendront, selon nous, qu'à pallier de façon marginale aux besoins pressants de formation du Québec. En fait, les mesures proposées dans le projet de loi sont si minimes et si permissives que, si elles demeurent inchangées, nous croyons qu'elles n'auront que peu d'impacts positifs sur les jeunes et sur l'implantation d'une politique sociale de formation qui permettrait le développement d'une société moderne et l'élaboration d'une véritable politique de développement régional».

C'est un appui qui est d'une réserve remarquable quant à certains éléments qui viendraient donner son plein sens au principe. Je pense que vous avez très bien saisi l'articulation de ce projet de loi qui est rattaché à des principes auxquels tous nos interlocuteurs ainsi que nous tous autour de la table souscrivons d'entrée de jeu, le besoin d'investir et d'investir davantage et de trouver des modes renouvelés de le faire. Ceci étant dit, le rôle d'un projet de loi, c'est de transformer en moyens concrets pour les bénéficiaires ces grands principes. Et, là, si je comprends bien, il y aurait des modifications très substantielles à apporter au projet de loi pour qu'il soit utilisable par ses bénéficiaires.

M. Rebello (François): En fait, le principe le plus important dans cette loi-là, c'est la contrainte pour les entreprises d'investir, c'est ça. Ce principe-là, on ne le remet pas en question et, dans ce sens-là, on appuie complètement le projet de loi. Cependant, on trouve que les niveaux, les exigences, dans le projet de loi ne sont pas assez élevés. Il y a certains éléments, aussi, qui sont absents. Si on veut parler de véritable politique de formation professionnelle, à nos yeux, il faut parler de stages en entreprise pour les jeunes. La formation professionnelle, de la façon dont elle est traitée dans le projet de loi, on pense que c'est la formation professionnelle des gens plus âgés, disons, pas des jeunes. On pourrait peut-être changer le titre du projet de loi. Si on ne veut pas faire en sorte que cette loi-là incite les entreprises, de façon importante, à ouvrir des stages pour les jeunes, changeons le nom du projet de loi, ou, sinon, peut-être que ce serait digne des oublis du Forum pour l'emploi, encore une fois, au niveau des jeunes. Si vous voulez vraiment parler des jeunes, il faut agir en conséquence. C'est juste ça qu'on dit.

Donc, dans ce sens-là, il y a un appui au projet de loi sur le principe de la contrainte. Je dois vous dire que, si les chiffres étaient différents, si on avait 4 % de moyenne au Québec, on ne verrait probablement pas la nécessité d'imposer des obligations. On ne le fait pas de gaieté de coeur, mais, quand on regarde la situation, quand on fait le tour du problème, on ne voit pas d'autres avenues. Peut-être que l'opposition en a. Si vous en aviez, des avenues autres que de dire: Peut-être que les entreprises vont le faire d'ici trois, quatre ans, comme M. Dufour l'avait dit il y a quatre ans, peut-être qu'on pourrait regarder ces solutions-là. Mais, nous, ce qu'on a vu dans les journaux récemment, ce qu'on a vu dans les documents auxquels on a pu avoir accès, c'est qu'il n'y a pas d'autres mesures qui peuvent être appliquées, outre des mesures de contrainte, qui pourraient avoir des impacts suffisants à court terme pour augmenter la formation faite par les entreprises.

M. Charbonneau (Bourassa): On peut tout de même remarquer que... On cite et on se recite toujours les mêmes sources, là, qui parlent du CIRF, de l'expérience du crédit d'impôt, et puis, moyennant une certaine transposition, on porte ça à 0,6 %, et là on compare avec certains pays de l'OCDE et on arrive à dire: Bien, voici, le Québec est à peu près là. Sauf que ce qui nous est dit depuis deux semaines, c'est que la comptabilisation des dépenses de formation est très peu faite au Québec et qu'il n'y a pas de définition de l'objet à comptabiliser. Donc, les gens ont des méthodes tout à fait différentes. On arrive mal à faire le bilan. Donc, on peut répéter et relire dans les journaux ce qui a été dit la veille et se reprendre et le répéter encore, mais, la base, elle est assez friable, la base de nos données, il faut se le dire franchement, le bilan est à faire.

Le bilan est à faire, et les gens qui se sont présentés ici, qui ont questionné plusieurs milliers d'entreprises, et des entreprises concrètes, là, nous ont tout de même dit qu'il y avait un intérêt croissant et des initiatives qui ne cessent de se multiplier du côté de la formation. Ce n'est pas encore rendu dans les comptabilités, nulle part, ça, ni dans les statistiques, nulle part, mais le mouvement est sous nos yeux. Donc, c'est juste pour faire contrepoids à certaines images qui se véhiculent actuellement. Le point de départ, on ne le connaît pas très bien, mais on peut saisir la tendance. La tendance n'est pas à en faire moins, actuellement, elle est à en faire plus. Mais, ce plus, c'est-à-dire cet objet dont on parle, on ne l'a pas bien défini encore. Donc, toutes espèces de statistiques peuvent circuler.

Alors, c'est l'effort que nous avons à faire à partir de maintenant, et nous sommes là pour trouver les meilleurs moyens. On se cite des chiffres à gauche, à droite. On dit: Dans tel pays, c'est à 4 % et il n'y a pas de loi qui force le monde à le faire. Qu'est-ce que je vais tirer comme conclusion de ça? Je peux fort bien tirer, moi, que ça peut se faire à un pourcentage élevé sans aucune loi. Je peux aller la chercher là aussi: l'Allemagne, la Belgique – on citait la Belgique tout à l'heure – ont un pourcentage assez élevé sans loi. Donc, ça se fait, de la formation professionnelle et de l'investissement sans obligation. Je peux tirer ça aussi, comme conclusion de ces statistiques-là.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Oui, bonjour. Ça m'a fait plaisir de vous entendre cet après-midi. C'est sûr que vous donnez un appui au projet de loi. Vous avez des réticences dans le sens qu'il ne va pas assez loin. Je pense que c'est quand même intéressant. On a besoin de la jeunesse pour nous aider à tendre vers l'impossible. Si on ne tendait pas un peu plus haut, on n'avancerait pas beaucoup. Alors, dans ce sens-là, je pense que votre mémoire est intéressant pour nous.

Maintenant, je voudrais quand même enchaîner peut-être sur ce que mon collègue de Bourassa vient de dire concernant... C'est sûr qu'il y a certains groupes qui nous ont dit et répété ici qu'il se faisait beaucoup plus de formation professionnelle qu'on le croyait, que ce n'était pas comptabilisé. Et, compte tenu que l'opposition reprend souvent à son compte cette affirmation, on peut croire qu'elle partage cette analyse-là. D'ailleurs, il vient de le dire. On a cité aussi que c'était la tendance des études. Alors, il peut y avoir des écarts. Mais, moi, je ne voudrais pas aller dans les chiffres, je voudrais aller dans les faits. Les mêmes groupes et l'opposition elle-même sont d'accord pour dire que nous avons un problème et que la main-d'oeuvre québécoise n'est pas suffisamment formée. Les mêmes groupes nous ont répété qu'il y avait peut-être 80 000 emplois qui n'étaient pas comblés parce qu'il n'y avait pas suffisamment de personnes formées. Alors, je pense qu'on n'a pas besoin d'études ou de chiffres pour voir qu'il y a là un problème et qu'on doit s'adresser à ce problème-là de diverses façons.

Ce sur quoi je voudrais vous entendre cet après-midi, c'est si vous croyez, selon votre analyse, que le projet de loi qui est là, la contribution de 1 %... Et si jamais elle est faite, tant mieux, si la comptabilité prouve que les entreprises l'ont faite, tant mieux, ça va juste les inciter peut-être à en faire plus. Mais je voudrais savoir si vous pensez que, dans le fond, d'amener, même si ce n'est pas l'ensemble des entreprises, mais 30 000 entreprises québécoises – et qui touchent quand même un pourcentage important de la main-d'oeuvre – à investir en formation professionnelle, ça ne créera pas un effet d'entraînement, et cet effet d'entraînement dont on a justement besoin pour régler, finalement, d'autres problèmes de formation professionnelle. Et je me fie, là-dessus, un peu à mon expérience. Quand on est dans les groupes de femmes et qu'on demande une présence, on se dit: Il y a une masse critique à partir de laquelle le mouvement s'accentue de lui-même. Alors, je me demandais si, finalement, le projet de loi, selon votre analyse, ne pourrait pas mener à ça – et c'est une facette d'une politique de main-d'oeuvre – et s'il ne pourrait y avoir un effet d'entraînement pour nous amener sur la voie de régler d'autres problèmes en politique de main-d'oeuvre et en formation professionnelle au Québec.

(16 h 50)

Mme Fréchette (Christine): C'est que la Fédération étudiante croit que, si 80 % des entreprises sont exemptes de cette loi-là, elles-mêmes ne deviendront pas sensibilisées. Vous parlez d'un effet d'entraînement. Bon. Il y a possibilité que cet effet d'entraînement là survienne, sauf qu'on considère que si les grandes entreprises investissent déjà davantage en matière de formation, c'est, entre autres, parce qu'elles sont confrontées à une réalité qui dépasse le contexte québécois et qui fait en sorte qu'elles sont en compétition directe avec des entreprises au sein desquelles il y a déjà une formation interne importante. En ce sens-là, elles-mêmes se conscientisent.

Donc, si on ne fait pas en sorte que les entreprises, les PME, soient obligées à investir, je crois qu'on a peu d'espoir de voir un «déboulement», si on veut, de ces pratiques au sein de ces plus petites entreprises là. Et c'est vraiment au niveau de la culture entrepreneuriale qu'on voudrait agir, culture entrepreneuriale québécoise, non celle des grandes entreprises qui, comme je le disais, oeuvrent au niveau international.

M. Rebello (François): Juste en complément avec ça. Si on ne croyait pas qu'il pourrait y avoir amélioration de la situation au-delà de la taxe, on aurait demandé une taxe de 4 %. Je ne vois pas pourquoi les entreprises d'ici ne feraient pas moins que les Allemands, bon, en partant. Donc, à partir du moment où on dit: À 1 %, 2 %, bon, mécanisme au début, c'est pas pire. Mais, vous remarquerez une chose, dans notre mémoire, on souligne le fait qu'on devra réévaluer le niveau au bout de cinq ans puis l'augmenter si jamais les niveaux ne sont pas atteints. Ça veut dire qu'on n'a pas le goût de niaiser, c'est à peu près ça qu'on veut dire. Autrement dit, oui, allez-y, pour nous, 1 % ou 2 %, c'est minime comme exigence pour les entreprises, d'autant plus que la moyenne, c'est 0,6 %, ce ne sera pas une grosse augmentation de formation professionnelle, elles vont juste... En tout cas, ça risque d'être minime pour certaines entreprises qui assument déjà leurs responsabilités un peu, elles pourraient le faire davantage.

Donc, dans cette perspective-là – comment je dirais ça? – on a espoir que les entreprises vont aller plus loin que la taxe. Mais on veut bien leur faire comprendre que, oui, elles ont des droits dans cette société-là, mais elles ont beaucoup de responsabilités, énormément, et plus que le simple citoyen, qui ne bénéficie pas du système, qui n'est pas dans une position confortable. Les entreprises ont une position confortable, elles jouissent d'un statut particulier, puis ces gens-là ont à assumer leurs responsabilités. On leur donne cinq ans pour le faire, sinon, on trouverait normal que le gouvernement soit coercitif en conséquence.

Le Président (M. Facal): Merci. Ce qui met fin au temps dont disposait le groupe ministériel. Il reste encore quatre minutes à l'opposition. M. le député d'Outremont.

M. Tremblay (Outremont): Oui, alors, merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier, M. Rebello puis les membres qui vous accompagnent, d'être venus partager avec nous votre point de vue.

Vous avez commencé la présentation en disant que la priorité de la société devrait être d'aider les jeunes, notamment, au niveau de la formation professionnelle, et vous avez souligné que ça ne semblait pas être, d'après vous, la priorité des entreprises et des syndicats. D'une certaine façon, vous avez possiblement raison, parce que, lorsque vous mentionnez l'enseignement coopératif, vous dites qu'il n'y a pas assez de stages en entreprise, et vous visez directement les entreprises. Je pense qu'il faudrait également viser les syndicats parce qu'il y a une réticence au niveau syndical d'intégrer des jeunes dynamiques dans une entreprise qui pourraient éventuellement prendre la place de membres syndiqués qui ne veulent pas perdre leur droit d'ancienneté et, également, leur sécurité d'emploi. Donc, je voudrais juste qualifier vos propos pour m'assurer, là, que vous ne visez pas directement et uniquement les entreprises, mais également les syndicats.

Et vous dites que le principe le plus important – c'était votre conclusion, j'ai pris le début de la conclusion – pour vous et les membres de votre groupe, c'est l'obligation d'investir 1 %. Je vais même vous dire que je suis d'accord avec vous, parce que, si une entreprise n'investit pas 1 % de sa masse salariale à la formation professionnelle, ce n'est pas une entreprise d'avenir. Une entreprise qui a une masse salariale de 250 000 $, si elle n'investit pas 2 500 $ en formation professionnelle, je ne vois pas, personnellement, comment cette entreprise peut survivre à moyen et à long terme.

Ceci dit, vous êtes, par la suite, en accord avec les entreprises, parce que vous dites: Nous questionnons les moyens. Les entreprises disent exactement la même chose, elles ne veulent pas de bureaucratie, de réglementation additionnelle. Les syndicats veulent autre chose. Les syndicats disent: Il faut que ça s'applique uniquement à nos membres, à nos travailleurs, surtout pas à de nouvelles personnes qui viendraient possiblement chercher des ressources. Alors, la seule question que j'ai à vous poser: Expliquez-moi, M. Rebello ou encore les personnes qui vous accompagnent, qu'est-ce qu'il y a pour vous dans ce projet de loi là? Je vous dis: Il n'y a rien pour vous autres, absolument rien pour les jeunes, rien, rien, rien! Au contraire, vous êtes exclus presque totalement du projet de loi. Et quand vous dites: Ce n'est pas intégré, c'est là que vous avez raison. C'est vrai que ce n'est pas intégré. Ce n'est pas intégré à une politique d'emploi, ce n'est pas intégré à une stratégie industrielle, ce n'est pas intégré à ce qui pourrait vous permettre un jour d'avoir accès à des emplois permanents de qualité. C'est là-dessus que j'aimerais vous entendre. Qu'est-ce que vous trouvez qui vous aide dans ce projet de loi là?

M. Rebello (François): O.K. Je voudrais juste vous dire que votre raisonnement... Je pense que vous ne l'avez pas fait exprès, mais c'est un peu pernicieux de dire...

M. Tremblay (Outremont): Pourquoi?

M. Rebello (François): ...que le désaccord sur les moyens du Conseil du patronat est semblable ou est fondamentalement le même que celui des étudiants. C'est-à-dire que les moyens – juste pour mettre ça au clair, là – avec lesquels le CPQ n'est pas d'accord, c'est les moyens d'obligation de contribuer, c'est la coercition. Ça, c'est le moyen qui est discuté actuellement. À moins qu'ils soient d'accord? S'ils sont d'accord, on n'a plus de problème, tout le monde va être d'accord. Mais si...

M. Tremblay (Outremont): Oui. Moi...

M. Rebello (François): Attendez, laissez-moi terminer.

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Rebello (François): Fondamentalement, c'est le désaccord du Conseil du patronat qui se fait au niveau de l'élément coercition. Nous, quand on parle de désaccord avec les moyens, ce n'est pas avec ce moyen-là. L'élément de coercition, on a fait notre cheminement là-dessus puis on en est venu à la conclusion qu'on n'avait pas d'autre choix que de fonctionner de façon coercitive avec les entreprises dans la situation actuelle. O.K.? Cependant, là où on est en désaccord au niveau des moyens, c'est surtout au niveau de la formation professionnelle pour les jeunes. Puis là on a exprimé certaines solutions qui, d'après nous, devraient être intégrées au projet de loi pour faire en sorte que ce projet de loi là soit un véritable projet de loi qui vise à l'amélioration de la formation professionnelle de tout le monde et non pas seulement des gens qui sont déjà embauchés dans les «shops». Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire? C'est essentiellement ça. Donc, il faut clarifier cette situation-là.

Pourquoi on est en accord avec le projet de loi même s'il n'est pas complet à nos yeux? Bien, c'est surtout à cause de l'élément obligation pour l'entreprise d'investir en formation. Vous l'avez dit vous-même, c'est inacceptable que les entreprises ne le fassent pas. Le gouvernement le dit, nous, on le dit, bon, bien, tout le monde est d'accord, on fait un projet de loi qui oblige les entreprises à le faire.

Le Président (M. Facal): Merci. Ce qui met fin au temps dont disposait également l'opposition. Alors, peut-être pour un mot de remerciement, M. le député d'Outremont.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie, je remercie mon collègue puis je remercie M. le Président. En terminant, j'aimerais juste qualifier les propos. Parce que, d'une certaine façon, vous avez pu interpréter ce que je voulais dire comme étant peut-être un peu, là, pernicieux, mais le point que je voulais faire – puis je vais le répéter de façon très claire – c'est que, si le projet de loi avait une vision d'ensemble du développement économique, social, éducatif, technologique du Québec et ne faisait pas appel à des structures bureaucratiques, de la paperasserie, je ne suis pas convaincu que les patrons ne verraient pas d'une façon positive un engagement social et économique de contribuer davantage à la formation professionnelle dans les entreprises, et ceci, dans le meilleur intérêt des travailleurs existants et surtout des jeunes et des femmes qui vont éventuellement intégrer le marché du travail.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, écoutez, il y a eu toutes sortes de péripéties pendant votre présentation. Est-ce que c'était la première présentation d'un mémoire de votre équipe devant une commission parlementaire?

M. Rebello (François): Une commission de cette importance, oui, là, comité de travail...

Mme Harel: Alors, écoutez, c'est la première, mais j'imagine que vous êtes une équipe nouvellement élue pour un autre mandat et qu'il y en aura sûrement d'autres dans l'année qui vient. Je vous dis simplement ceci, ce que vous savez déjà, je le vois bien par le mémoire que vous nous présentez: Le 1 %, ce n'est pas autre chose que c'est, et, en même temps, ce n'est pas parce que ce n'est pas autre chose qu'il faut être contre. Alors, ce n'est pas toute une politique de développement économique, technologique, industriel, mais c'est ça.

Alors, j'aimerais bien voir la réaction du député d'Outremont si on lui disait maintenant que les grappes industrielles, c'était mauvais. Vous savez pourquoi? Parce que les grappes industrielles, ça ne prenait en compte ni les femmes ni les jeunes. Les grappes industrielles, là, c'était, finalement, prendre l'état des industries comme c'était, et puis il y avait, à l'intérieur de ça, une discrimination que l'on sait systémique pour les jeunes et les femmes. Il dirait évidemment qu'on a tort, parce que les grappes visaient d'autres objectifs. Alors, je lui dis tout autant qu'il a tort, parce que le 1 % vise un autre objectif.

Le Président (M. Facal): Merci. Peut-être une dernière réaction, M. Rebello.

(17 heures)

M. Rebello (François): Oui, je veux juste mettre une chose au clair. Ça, c'est un message, parce que, ça, on n'entend pas à rire là-dessus, O.K.? Comprenez bien un élément. Si la loi continue à s'appeler la loi pour l'amélioration de la formation professionnelle, elle doit absolument faire en sorte qu'au lendemain de l'application de cette loi il y ait une augmentation importante du nombre de stages pour les jeunes en entreprise, parce que c'est ça aussi, de la formation professionnelle, ce n'est pas uniquement du recyclage de gens qui ont déjà des emplois.

Donc, il faut bien se faire comprendre, si ces éléments-là ne sont pas mis en place, on ne considérera pas non plus cette loi comme une véritable loi de formation professionnelle. Dans ce sens-là, on rejoint un peu le principe de globalité, au moins, je suis d'accord avec vous, pas pour l'ensemble d'une politique économique et de l'emploi, mais au moins au niveau de la formation professionnelle.

Le Président (M. Facal): Merci. Moi, j'invite nos invités à aller en bas assister à l'étude du projet de loi 95, qui les concerne au plus haut point, et puis, sur ce, je vous remercie beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

(Reprise à 17 h 3)

Le Président (M. Facal): Alors, j'invite tout de suite nos prochains invités, qui représentent l'Association minière du Québec, à bien vouloir prendre place.

Si les parlementaires et nos invités veulent bien prendre place. Je rappelle à nos invités qu'ils disposent de 20 minutes pour présenter leur mémoire et qu'il s'ensuivra un échange divisé en temps égal entre le groupe ministériel et l'opposition.

Alors, j'inviterais peut-être nos invités à commencer par présenter les membres de leur délégation et, ensuite, entreprendre la lecture de leur mémoire.


Association minière du Québec (AMQ)

M. Tolgyesi (Dan): Merci, M. le Président. Mon nom est Dan Tolgyesi. Je suis le directeur général de l'Association minière du Québec. À ma droite, M. Jean-Guy Montpetit, qui est directeur de prévention de l'Association minière du Québec, un permanent; à ma gauche, M. Eddy Dénommé, qui est président du Comité de formation de l'Association minière, mais il est aussi surintendant des opérations à la mine Niobec, à Saint-Honoré, près de Chicoutimi; et, à l'extrême gauche, M. André Lavoie, qui est un permanent de l'Association, qui s'occupe des relations publiques.

Nous allons présenter notre mémoire de façon... On sera trois, aussi. On le divise en trois parties, et nous allons entreprendre tout de suite la présentation.

M. Dénommé (Eddy): Alors, on voudrait vous remercier, d'abord, de nous accueillir, l'Association minière du Québec, pour présenter notre opinion sur ce projet de loi.

L'Association minière regroupe une quarantaine d'entreprises minières au Québec, réparties un peu partout sur le territoire, entre autres en Abitibi–Témiscamingue, aux Îles-de-la-Madeleine, Chibougamau, la Côte-Nord. Nous avons actuellement de la production de différents métaux, entre autres les métaux précieux, les métaux de base et, aussi, nous sommes les producteurs de minéraux industriels. Nous avons, en 1994, produit pour 2 800 000 000 $, dont 1 700 000 000 $ pour les métaux et 1 100 000 000 $ pour les minéraux industriels et la construction. En 1994, les dépenses de capital ont atteint 800 000 000 $, et les salaires, 900 000 000 $, et l'industrie minière, au Québec, a assuré des emplois à plus de 18 000 personnes.

Le rôle principal de l'Association minière du Québec est de présenter la position de l'industrie auprès du gouvernement lors de l'élaboration de politiques – c'est un peu comme on le fait aujourd'hui – de soutenir les efforts des membres en matière de formation, d'environnement, de santé et de sécurité, de recherche et de développement; de fournir à ses différents membres des services qu'ils requièrent et de communiquer avec les divers publics en ce qui regarde l'engagement et les différentes orientations des membres de l'industrie.

L'Association minière fonctionne avec 10 comités, des comités qui représentent chacun des membres. Et le Comité de formation fait partie de l'ensemble de ces comités. Le Comité de formation a été fondé en 1981 et il a comme principal but, principaux objectifs, de participer à l'élaboration des besoins et à l'élaboration des programmes de formation dans les différentes mines; d'initier et de promouvoir la coopération avec divers organismes spécialisés en formation, entre autres les commissions scolaires, la SQDM, les cégeps, les universités; de participer... ou, selon le cas, de promouvoir des programmes de formation touchant les différentes occupations dans l'industrie minière; de promouvoir et de favoriser les échanges d'information et de matériel entre les différentes entreprises; de voir et de conseiller les entreprises au sujet des programmes de formation et des critères de sélection des formateurs.

Le Comité de formation a pris naissance en 1981. Un de ses premiers mandats a été d'élaborer un programme de formation des mineurs avec la commission scolaire et le ministère du Travail à l'époque. Ce programme a été dispensé dans l'ensemble des mines du Québec. Les mines ont toujours participé très étroitement à la préparation de ces programmes en mettant à la disposition des commissions scolaires ce qu'on appelait des chantiers-écoles, où les étudiants pouvaient pratiquer et, à la fin, obtenir leur diplôme, si vous voulez. Les mines ont aussi beaucoup participé en embauchant les diplômés de ces différentes formations.

Plus récemment, en 1983 et 1984, l'Association minière a élaboré avec le cégep de Jonquière un programme de formation de base pour les superviseurs de première ligne et deuxième et troisième niveaux. Ces programmes ont aussi été dispensés de façon abondante en Abitibi-Témiscamingue et dans le reste de la province. Le Comité que nous avons organise aussi des colloques dans le but de favoriser des échanges entre les différentes entreprises minières. Depuis 1991, nous avons, avec le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue, mis sur pied un programme de formateurs-mineurs, c'est-à-dire pour permettre à chacune des entreprises minières d'avoir chez elle un formateur qui est responsable, si vous voulez, de dispenser la formation aux mineurs.

Et, plus récemment, l'Association minière participe au comité tripartite de formation. Le comité tripartite regroupe des représentants des travailleurs, des représentants des ministères et des représentants de l'industrie. Le but du comité tripartite a été d'abord de mettre sur pied le programme de formation modulaire du travailleur minier. Ce programme-là est présentement en marche. Et nous sommes à développer présentement un régime d'apprentissage pour les mineurs.

Enfin, l'Association minière, aussi, met sur pied différents programmes plus ponctuels, selon les besoins, comme, entre autres, de diffuser les règlements sur la santé et la sécurité dans les mines ou le contrôle de terrains.

En fin de compte, cette première partie de présentation avait pour but de sensibiliser au fait que l'industrie minière est soucieuse de la formation de son personnel. C'est un groupe d'entreprises qui s'est pris en main et qui investit dans la formation, et nous voulons continuer de le faire. Alors, je vais laisser la parole à M. Montpetit.

M. Montpetit (Jean-Guy): Depuis plusieurs années, les mines dispensent régulièrement divers cours de formation à leurs employés. La diversité des cours dans les mines du Québec est très bien illustrée, entre autres, dans un document qui s'intitule «Bilan de la formation du secteur minier québécois» publié en 1994 par le ministère des Ressources naturelles.

(17 h 10)

On retrouve, parmi les membres de l'AMQ, plusieurs corporations dont le personnel spécialisé, au siège social, oriente, initie, supporte, collabore à la mise en place des différents programmes de gestion de ressources humaines, incluant la formation et le développement du personnel. D'autres mines, sans l'aide de leur siège social, organisent également des activités sous la responsabilité d'une personne sur le site même de la mine. Ces divers programmes tiennent compte des principes d'éducation des adultes, sont élaborés en fonction des besoins de l'entreprise et des exigences du processus de formation et de développement en industrie.

Les entreprises minières investissent de plus en plus de temps et de ressources pour bien former les instructeurs et les formateurs qui, à leur tour, sont appelés à organiser et à dispenser des sessions nécessaires, à administrer des tests et des épreuves d'habileté pour mesurer les acquis de la formation et à gérer la formation comme telle.

Analyse et commentaires sur le projet de loi comme tel. L'Association minière s'oppose au principe et à l'intervention coercitive du gouvernement dans la formation professionnelle continue des entreprises. Cependant, elle apporte ses commentaires à certains volets du projet, pour le cas où le législateur entendrait l'adopter quand même.

Définition de la formation. L'Association déplore que le projet de loi 90 ne définisse pas le terme «formation» pour mieux saisir la portée et la signification de la formation dont il sera question dans le texte. Cette définition permettrait d'établir la distinction entre la formation professionnelle perçue sous l'angle de la préparation de la carrière d'une personne dans un champ d'activité donné et l'ensemble des activités effectuées par un employeur pour habiliter un employé à rencontrer les exigences des processus actuels et futurs de production en entreprise.

D'autre part, cette définition permettrait aussi de distinguer la formation comme un outil essentiel à l'entreprise pour demeurer productive et compétitive, et la scolarisation, d'autre part, une responsabilité de la société, donc de l'État, envers ses citoyens.

Article 1. L'Association est parfaitement d'accord avec le besoin de formation et de développement des employés et elle reconnaît l'importance de l'action concertée des partenaires. Cependant, elle perçoit difficilement, pour le moment, l'action des partenaires communautaires et les engagements qu'elle aura à prendre en regard du réemploi et de la mobilité de la main-d'oeuvre. L'AMQ voit d'un bon oeil que le projet de loi lie le gouvernement et ses ministères et les organismes mandataires.

Article 3. Le projet de loi fixe par règlement la contribution à 1 % pour cette année. L'Association minière s'oppose à ce principe, car il est de nature coercitive en plus de présager une éventuelle révision. En effet, la spécification de la contribution pour «cette année» laisse prévoir une révision du taux, fort probablement à la hausse.

À la lecture des différents articles, on constate que l'employeur paiera pour la formation dont le contenu, la supervision et la certification seront décidés par d'autres. Nous déplorons le fait que l'esprit de concertation et de partenariat ne se retrouve pas tout au long de ce projet de loi.

Article 4, masse salariale. Le législateur a défini la masse salariale à l'Annexe comme étant le total des montants versés à un employé. L'AMQ n'est pas d'accord avec l'obligation de contribuer à un fonds de formation. Cependant, si le projet devait être accepté, nous sommes d'avis que seul le salaire de base devrait être pris en considération, sans y ajouter les bénéfices marginaux et les primes au rendement, car la formation professionnelle est reliée à la pratique de la tâche elle-même plutôt qu'à tout ce qui peut y être rattaché.

Les dépenses de formation en entreprise varient dans le temps et en fonction des besoins. Comme on ne connaît pas du tout les normes concernant les dépenses admissibles en formation ni les dépenses réelles effectuées par l'entreprise, il est donc difficile pour le moment d'identifier les entreprises dont les dépenses de formation équivalent ou dépassent le pourcentage ciblé de la masse salariale visé par le projet de loi.

Les dépenses admissibles. Selon l'article 5, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre déterminera par règlement la nature des dépenses admissibles. Elle sera donc seule à déterminer l'essentiel, les paramètres d'admissibilité. Cet article concentre beaucoup de pouvoirs dans les mains de la Société, un organisme paritaire qui, par définition, devrait uniquement administrer la formation. Une définition de la formation – incluse de préférence dans la loi mais néanmoins dans le règlement – éviterait des discussions partisanes souvent longues et stériles au sein, disons, de la Société.

Les dépenses au bénéfice du personnel. Beaucoup d'entreprises minières se sont donné une politique de formation en fonction des besoins de la main-d'oeuvre, des changements technologiques et du développement de leur personnel. Elles ont initié et supporté, à cet égard, des programmes de formation de base, des formations de formateurs tant pour le personnel horaire que pour le personnel cadre.

La formation interne en entreprise est donc un instrument privilégié pour la formation dans les entreprises. Malheureusement, le projet de loi ne définit pas clairement l'admissibilité ni de cette forme de formation ni de son évaluation. De plus, l'admissibilité dépend tellement de conditions posées par la Société que certaines entreprises seront tentées d'éviter la formation et préféreront payer le 1 %, ce qui contredit l'esprit même de la Loi 90.

D'autre part, des entreprises peuvent utiliser divers autres moyens de formation. Cependant, avec le texte actuel, elles seront à la merci de la Société en ce qui concerne leur admissibilité.

L'établissement des établissements d'enseignement reconnus. Le législateur fait état d'un certain nombre d'établissements d'enseignement reconnus qui peuvent dispenser des services dans le cadre de l'implantation d'un régime d'apprentissage particulier. Plusieurs entreprises, tel qu'il en est fait mention dans l'introduction, dispensent avec succès des programmes de formation de courte durée en vue d'habiliter des employés à assumer une tâche ou un groupe de tâches. Elles ont développé depuis des années une expertise et des outils qui font parfois l'envie du personnel du réseau scolaire. Comme ce matériel pédagogique est fait de façon professionnelle, elles n'ont pas le goût d'en faire leur deuil. L'Association minière considère que les entreprises minières munies d'un service de formation répondant aux conditions fixées par règlement devraient être reconnues comme établissements d'enseignement. M. Tolgyesi.

M. Tolgyesi (Dan): Dans sa présente disposition, l'article 12, c'est une règle comptable. Il ne tient aucunement compte du fait que certaines entreprises peuvent, certaines années, dépenser moins que 1 %, voire peut-être même rien, pour la formation, mais que, par contre, d'autres années, dans les besoins de pointe, elles vont dépenser des montants beaucoup plus substantiels. Alors, l'Association considère que, pour être équitable et pour ne pas limiter la formation et aussi pour éviter de pénaliser ceux dont les efforts sont plus élevés, le montant de prestations qu'on devrait verser devrait être considéré sur une période plus longue, peut-être sur trois ou quatre ans.

Selon l'article 18, la cotisation des entreprises au Fonds de ce projet de loi est carrément une loi fiscale. Alors, l'obligation de contribuer au Fonds constitue donc une dépense d'opération. Il relève alors du législateur de s'assurer que cette dépense soit déductible, tant au niveau provincial que fédéral. Dans le cas contraire, les entreprises seront pénalisées.

Le pouvoir réglementaire de la Société, qu'elle va recevoir par le présent projet de loi, est très important et exprimé de façon très générale. Le pouvoir réglementaire ne devrait être exercé que par le gouvernement. De plus, il faut absolument éviter de décrire les pouvoirs réglementaires sous un critère tel que «toute autre disposition connexe ou supplétive jugée nécessaire». Ce genre de critère apporte davantage de confusion à la clientèle et, aussi, facilite les excès de l'institution.

Les certificats en vue d'autoriser une dépense. Il n'est pas toujours facile pour un employeur de prévoir tous les besoins de formation qu'il devrait inclure dans le plan annuel de sa formation d'entreprise. Nous ne voyons pas pourquoi, l'entreprise qui sait c'est quoi, ses besoins de formation à courte durée, aussi, elle doit continuellement avoir un sceau d'approbation de la Société, qui a probablement donné sa bénédiction, déjà, à un programme global.

Rémunération de la Société. La rémunération et les dépenses de la Société sont payées entièrement par les entreprises. La Société, donc, a la tâche non seulement d'approuver les programmes et de déterminer leur admissibilité comme dépenses, mais de s'assurer aussi qu'il y ait assez de fonds pour couvrir ses dépenses. Par le fait même, la Société s'exposerait à un conflit d'intérêts évident malgré le fait qu'elle devrait demeurer un organisme impartial, responsable de la formation. Il sera difficile pour elle de remplir cette fonction.

Les plans d'affectation. Les divers besoins de formation à travers les entreprises rendront la responsabilité de la Société, en ce qui concerne le plan annuel d'affectation des ressources, une tâche très grande et très technocratique. Ces tâches devraient demander davantage une approche sectorielle basée sur les objectifs bien déterminés et exiger de la Société des critères d'efficacité, d'équité et d'équilibre, de performance, quoi. En effet, le rôle de la Société ne devrait pas être la recherche d'une source de financement, mais bien de se concentrer sur la formation.

(17 h 20)

Si vous permettez, il y en a une ou deux, je vais passer par dessus. Il y en a une: l'année fiscale du Fonds, qui devrait se terminer le 30 juin, contraindra les entreprises à faire une double comptabilité. Parce que, l'année fiscale des entreprises, c'est du 1er janvier au 30 décembre. Alors, il faudra faire, lors des plans, une série d'exercices et, après, une autre.

En conclusion, l'Association minière est convaincue de l'importance de la formation et du rôle des entreprises dans ce domaine pour améliorer la compétence et la compétitivité des ressources humaines. Les diverses activités de formation des membres de l'Association – j'espère – ont démontré que l'industrie minière est résolument engagée sur la voie de l'amélioration des connaissances et des compétences de ses employés.

Cependant, l'Association s'oppose au principe du projet de loi 90 concernant l'obligation faite aux entreprises de contribuer de 1 % de leur masse salariale à la formation de la main-d'oeuvre. Elle considère que le projet de loi vient créer une structure lourde et coûteuse en plus de concentrer trop de pouvoirs dans les mains de la Société, qui, à la limite, se retrouverait dans une situation de conflit d'intérêts.

D'autre part, l'Association minière considère qu'une définition de la formation incluse dans le projet de loi permettrait de distinguer la formation professionnelle d'une personne en vue d'une carrière professionnelle et l'ensemble des activités nécessaires pour perfectionner les connaissances et les habiletés des employés d'une entreprise dans le but de la rendre plus performante. Cette définition permettra aussi de déterminer les obligations de l'État en matière de formation envers ses citoyens et citoyennes et les obligations des entreprises pour demeurer productives et compétitives.

Pour ces raisons, l'Association considère qu'au lieu de promulguer le projet de loi le gouvernement devra plutôt promouvoir, stimuler les actions incitatives qui permettraient d'atteindre ses objectifs en ce qui concerne la formation. Si le gouvernement décide quand même de mettre en vigueur le présent projet de loi, nous demandons qu'il contienne un dispositif d'un préavis raisonnable pour permettre aux entreprises de prendre les dispositions nécessaires pour se bien structurer.

J'espère qu'on est rentrés dans notre temps.

Le Président (M. Facal): Tout juste. Merci, M. Tolgyesi. Alors, nous allons débuter nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, messieurs de l'Association minière du Québec. Je crois comprendre que l'Association minière est représentative d'une quarantaine, je pense, d'entreprises. Vous êtes membre, aussi, du Conseil du patronat.

M. Tolgyesi (Dan): Effectivement.

Mme Harel: C'est ça. Dans votre mémoire, à la page 2, vous indiquez – avec fierté, et vous avez raison – les retombées de l'industrie minière dans l'économie du Québec. Et vous nous faites bien comprendre qu'il s'agit d'un apport considérable. Pour l'an dernier, les dépenses de capital ont atteint 800 000 000 $, et celles concernant les salaires versés, 900 000 000 $.

M. Tolgyesi (Dan): C'est ça.

Mme Harel: C'est donc dire que 1 % de formation équivaut à 9 000 000 $. Donc, pour 800 000 000 $ de dépenses de capital, ce qui est en cause, c'est 9 000 000 $ de formation ou d'investissement minimal dans les ressources humaines. J'imagine que vous faites beaucoup plus que ça?

M. Tolgyesi (Dan): Effectivement.

Mme Harel: N'est-ce pas? Donc, ce n'est pas de 1 % qu'il s'agit, définitivement, quand on est à ce niveau-là de dépenses de capital et, évidemment, j'imagine, des technologies que ça signifie.

Donc, c'est sur le projet de loi en tant que tel. Là, je dois vous dire que je ne pourrai pas passer article après article, malheureusement. Je le regrette beaucoup parce que je me rends compte d'abord que, sur le total des entreprises, c'est finalement 74 entreprises minières qui vont, à partir du 1er janvier prochain, devoir, si vous voulez, satisfaire l'obligation d'au moins 1 %. Pour l'année qui va suivre, c'est 116, et la troisième année, 98, et la dernière, 178.

Pour le 1er janvier prochain, ça correspond à 15 % du nombre total des employeurs dans le secteur minier, 15 % ou 74 entreprises. Pour l'année 1997, ça correspond à 25 %. Et, quand la mesure sera pleinement épanouie, ce sera 38 %. Donc, pour toujours, il y aura 62 % des employeurs, dans le secteur, qui ne seront pas assujettis.

Ceci dit, je comprends également qu'il y a une interprétation... je dirais, préconçue, pour ne pas dire préjugée. Je vais vous donner quelques exemples. Prenez votre mémoire, peut-être article par article. On va passer vite sur la définition. Vous espérez une définition. Je vous rappelle que, si la définition est trop restrictive, c'est l'entreprise qui ne pourra plus faire ce qu'elle veut. Parce que le 1 %, l'obligation, dans le projet de loi, c'est de permettre à l'entreprise de le dépenser pas mal comme elle veut, c'est-à-dire directement, sans être passé par personne; directement, par une institution d'enseignement, au paragraphe 1° de l'article 6; directement, avec un formateur agréé, au paragraphe 2° de l'article 6; directement, par une association sectorielle ou un comité paritaire ou tout autre organisme qui fait valider un plan de formation, ce qui semble être le cas de votre association minière.

Alors, votre association peut très bien devenir l'organisme reconnu, au sens de l'article 8 ou, encore – puis, ça, c'est toujours au choix de l'entreprise – par la formation maison, au sens du paragraphe 3° de l'article 6, auquel cas, à ce moment-là, il ne faut pas qu'elle fasse valider un plan de formation, là. Non. Ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Il faut qu'elle s'entende avec ses employés. Et c'est dans ce cadre-là seulement qu'il y aura de la visibilité, parce que, pour le reste, c'est par des factures que le vérificateur externe va pouvoir ouvrir un poste budgétaire et certifier conformes les dépenses effectuées comme n'importe quelle autre dépense de capital.

Alors, pour être bien certains, là, je dois vous dire qu'on va même ajouter un article. Parce que ça a l'air de se déduire implicitement, mais, comme il faut en faire plus pour être sûrs que tout le monde le comprend, ça va être un article de la loi qui va dire que le vérificateur externe satisfait pleinement le contrôle sur la mesure quand il s'agit d'une mesure au sens des dépenses de formation prévues à l'article 6. Et il faut un plan local, au paragraphe 3°, sinon, il n'y a pas de facture, il n'y a rien du tout.

Ceci dit, à l'article 1, vous vous interrogez sur l'action des partenaires communautaires. Alors, il faut que vous compreniez que, déjà, des partenaires communautaires sont engagés avec d'autres entreprises, peut-être pas avec les entreprises minières, mais avec d'autres entreprises qui sont venues ici vous précéder et qui nous ont expliqué qu'elles font appel à leurs services, notamment en matière d'alphabétisation. Parce qu'il y a des entreprises, Air liquide Canada ltée, que je connais mieux, dans mon quartier, Weston, enfin, plusieurs qu'on pourrait énumérer ici qui ont fait appel à ce genre d'organismes pour donner de la formation dont elles considéraient qu'elle bénéficiait à leur personnel et à leur entreprise. Ce n'est pas à nous à décider à leur place ce qui leur convient.

À l'article 3, vous dites: La spécification de la contribution pour «cette année», dans le projet de loi, laisse prévoir une éventuelle hausse du pourcentage requis. Alors, là, vraiment, sincèrement, là, il faut chercher loin, parce que, dans le fond, quand on mentionne l'expression «pour cette année», ça signifie que la contribution est applicable à une masse salariale calculée à une année donnée. Alors, ça veut dire que ce n'est pas applicable pour une autre année. Donc, c'est l'interprétation stricte, là, que les juristes en font, et il n'y a pas d'intention malveillante ou d'autre interprétation, si vous voulez, qui pourrait en être donnée.

Quant aux articles... Par exemple, vous faisiez allusion, à la fin, tantôt, de votre intervention, à l'article 31. Le fait de terminer l'année financière du Fonds le 30 juin, ça n'a rien à voir avec l'entreprise. L'entreprise, vous savez, si tant est qu'elle n'a pas satisfait à l'obligation de dépenser comme elle le voulait dans l'année antérieure, elle sera tenue de remettre son relevé T-1 avant le 28 février et c'est vraiment dans son année financière habituelle si tant est qu'elle ne l'a pas dépensé et si tant est qu'elle doit le verser. C'est donc avant le 28 février, comme pour l'ensemble des autres versements qu'elle doit faire. Et c'est pour pouvoir, justement, constituer le rapport du Fonds que ça sera le 30 juin, pour pouvoir amasser, si vous voulez, toutes ces déclarations, là, qui sont faites par l'entreprise dans l'année financière habituelle. Le report à l'article 12, il est prévu, le report. Il est prévu à l'article 19, paragraphe 2°.

À l'article 7, vous nous dites: «...les entreprises munies d'un service de formation répondant à des conditions fixées par règlement devraient être reconnues comme établissements d'enseignement». En tout cas, elles vont être reconnues en vertu de l'article 8. Elles vont pouvoir être reconnues comme associations sectorielles ou comme comités paritaires ou elles vont pouvoir être reconnues aux fins d'un plan de formation.

(17 h 30)

Alors, donc, est-il nécessaire, aussi, à l'article 22, d'obliger un employeur à demander un certificat? Non. Il n'est pas nécessaire. À l'article 22, c'est une possibilité, pour rendre service à l'employeur. Mais l'employeur peut bien choisir de ne pas l'utiliser. Ça ne contraint à rien puis ça ne comprend aucune obligation.

Quelle est l'obligation, finalement, du projet de loi 90? L'obligation, c'est de dépenser au moins 1 %; vous le faites. Alors, l'obligation, comment va-t-elle pouvoir se traduire, si vous voulez, dans votre cas? Eh bien, par une vérification externe; vous l'avez. Cette vérification externe va prévoir un poste budgétaire dans lequel, dorénavant, vont pouvoir être certifiées conformes les dépenses que vous effectuez. Quel est l'embarras que ça vous crée? Vous le faites déjà, au moins. Vous avez déjà une vérification externe puis vous avez déjà des plans de formation. J'ai même lu attentivement ce qui se fait dans le cadre de... Êtes-vous impliqués dans le projet pancanadien de Whitehorse?

M. Tolgyesi (Dan): Oui.

Mme Harel: Bon. Alors, les plans de formation sont faits, sont vraiment établis. Alors, en vertu de ces plans-là, vous allez même pouvoir mutualiser les fonds puis les prélever des entreprises si tant est qu'elles souhaitent le faire. Ça sera à leur choix. Alors, ça vient d'où, toutes ces appréhensions?

M. Tolgyesi (Dan): Il y a quelques précisions que je voulais vous apporter, Mme la ministre. Quand vous avez énuméré le nombre d'entreprises, il faudrait que vous les considériez dans le sens large, toutes celles qui relèvent du ministère des Ressources naturelles. Nous, on représente les entreprises minières, ça veut dire celles qui exploitent les mines. Par exemple, les tourbières, les fourrures ou diamants, ou les petits contracteurs miniers, ou les prospecteurs ne font pas partie de l'Association minière. C'est juste une petite précision.

Vous nous avez parlé, aussi, pourquoi on s'acharne – je ne sais pas si je peux utiliser «s'acharner» – contre le projet de loi 90. Parce qu'on tente de vous démontrer que l'industrie minière, elle, elle fait tout ça depuis longtemps sans avoir une loi qui l'a obligée. Quand vous parlez des partenaires, effectivement, quand vous parlez de comités tripartites, nous siégeons sur le comité tripartite avec les représentants syndicaux, avec le ministère de l'Éducation et avec la SQDM, et on coopère pour préparer la formation.

Mme Harel: On va même faire un régime d'apprentissage. Ça va bien, d'ailleurs, ça va bien.

Une voix: Oui, oui.

M. Tolgyesi (Dan): On travaille dessus, effectivement. On travaille dessus. Alors, comme vous pouvez voir, nos activités et nos actions vous démontrent que ce n'est pas nécessaire d'avoir une loi qui oblige quelqu'un à faire quelque chose, dans ce cas-ci.

Quand vous avez parlé de 1 %, ça ne paraît peut-être pas énorme, mais, si vous permettez, avec tout le respect que j'ai pour les deux côtés de la Chambre, les gouvernements ne restent jamais à 1 %, ils ne coupent jamais. En général, ils augmentent. Je veux dire, en général, il y en a des deux côtés, des efforts qui sont faits.

Alors, c'est pour ça que, nous, on se dit que ce 1 % là va nous causer peut-être plus de problèmes. Effectivement, on fait beaucoup plus. Peut-être vous... Nous, on sera tous surpris, incluant nous-mêmes, combien on dépense en formation, si on la comptabilise. On ne l'a pas fait jusqu'à présent, on va le faire et, peut-être, à ce moment-là, on va dire: Bon, mais, même la loi, peut-être pour l'industrie minière, ça ne vaut pas la peine qu'elle soit abrogée.

Quand vous avez parlé de l'implication des groupements communautaires, vous avez parlé d'alphabétisation, par exemple. Tout ça, on le fait. Tout ça se fait dans les mines, il y en a dans les mines. Vous savez, les mines sont dans les régions éloignées, où il y a aussi certains problèmes avec l'âge moyen des employés. Alors, on fait tout ça, le programme d'alphabétisation, prévention de la drogue, l'alcool, violence. Tout ça, on le fait aussi.

Alors, quand vous parlez de ces interventions-là, on le fait. Ce qu'on veut dire seulement, ce dont on vient témoigner, c'est que, justement, il y en a peut-être, une industrie, au Québec, et je suis persuadé qu'il y en a d'autres aussi qui n'ont pas besoin de cette loi-là, de ce projet de loi là, pour opérer, pour former et préparer leur main-d'oeuvre.

Mme Harel: Mais vous-mêmes représentez 40 compagnies minières.

M. Tolgyesi (Dan): Exact.

Mme Harel: Il y aura 178 compagnies, dans le secteur des mines, qui, dans trois ans, en janvier 1998, seront dans l'obligation de contribuer pour 1 %. En fait, vous êtes 25 % de celles qui, dans votre secteur, auront à contribuer.

Là, de deux choses l'une, ou le gouvernement met en place un système le plus souple possible en disant: Voilà, c'est un système qui est équitable parce que, à masse salariale égale, tout le monde y est tenu, ou bien le gouvernement commence à faire des exceptions. L'exception pour celui-ci, l'exception pour celui-là, etc. Là, évidemment, il faut mettre une brigade de fonctionnaires pour aller vérifier, la pression étant, si tant est qu'une nouvelle entreprise doive faire ou pas partie de l'exception. Là, on met en place une bureaucratie qui, à comparer à ce que vous craignez, est infiniment plus compliquée. Je souhaite qu'on puisse travailler sur le fait d'assouplir le plus possible l'application. L'obligation, vous, vous nous dites: Ça ne nous dérange pas, on le fait déjà. Alors, les modalités, c'est là où vous ne voulez pas vous faire enfarger, c'est ce que je comprends. Alors, on va travailler pour que les modalités soient les plus souples possible. Parce que si on commence à légiférer en faisant des obligations, il faut vraiment comprendre ce que ça veut dire. Il faut vraiment comprendre que, dans un secteur donné, il y aurait des entreprises qui seraient, si vous voulez, écartées de l'obligation, d'autres qui seraient assujetties. Et celles qui seraient assujetties diraient: Pourquoi? Je vais vous prouver que, moi aussi... Et puis, finalement, on se retrouve dans des dispositifs où, supposément pour faire simple, ça fait bien compliqué!

M. Tolgyesi (Dan): Ce qu'on voulait dire, Mme la ministre, seulement, c'est que, au lieu de promulguer une loi, je pense que le gouvernement devrait plutôt promouvoir et inciter les entreprises par d'autres moyens pour développer une culture de la formation, parce que ça ne se légifère pas, une culture, je veux dire, ça se développe. J'espère qu'on vous a convaincue au moins en partie que, nous, on a commencé à avoir cette culture-là et on l'a fait.

M. Dénommé (Eddy): Oui, moi, je voudrais ajouter quelques mots sur la définition...

Mme Harel: C'est M. Dénommé, je crois, c'est ça?

M. Dénommé (Eddy): ...oui, c'est ça, du mot «formation». Parce que, vous êtes bien au courant du régime d'apprentissage qu'on est en train de développer avec la SQDM, c'est un très beau programme, juste que la formation est faite par compagnonnage. Donc, on voudrait s'assurer que cette façon de faire la formation soit reconnue et non seulement la formation en classe ou, en tout cas...

Mme Harel: Écoutez, ça, vous pouvez compter sur moi à 110 %. S'il y a une chose à laquelle je crois, c'est celle-là. Qu'on cesse d'hyperscolariser, justement, l'acquisition des compétences. Il y a une autre façon d'apprendre, et vous l'avez bien dit, par le compagnonnage.

M. Tolgyesi (Dan): Juste un autre commentaire, Mme la ministre, quand vous avez parlé de reconnaissance de la SQDM, je dois vous dire que nous avons eu une expérience un petit peu fâcheuse, malheureuse. Parce que, effectivement, on a demandé à la SQDM d'être accrédité comme formateur, et nous avons reçu l'accréditation pour trois semaines et demie. Après trois semaines et demie, pour certaines raisons administratives, ça a été retiré. Ce que je veux dire seulement, c'est qu'on s'expose, quand vous parlez... Comme concentrer tous les pouvoirs dans les mains d'une société, je ne veux pas dire qu'elle peut abuser, mais elle peut peut-être considérer certains facteurs qui n'aident pas nécessairement à ceux qui en ont besoin pour la faire, la formation.

Mme Harel: M. Tolgyesi, je prononce bien votre nom?

M. Tolgyesi (Dan): Oh oui! Je suis habitué.

Mme Harel: Quand est-ce que c'est arrivé?

M. Tolgyesi (Dan): L'année dernière. En 1994.

Mme Harel: Au moment où le député de Bourassa était vice-président de la SQDM. Mais, ceci dit...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: ...je ne veux pas blaguer là-dessus, mais...

M. Tolgyesi (Dan): Moi non plus.

Mme Harel: ...j'apprécierais savoir pourquoi. J'apprécierais beaucoup, là, si c'était possible de m'envoyer la correspondance de cette époque-là et les motifs. Et je vous le dis, là, bien sincèrement, il va y avoir des suites à ça, parce qu'il n'y a pas de raison d'appliquer des critères qui font que vous ne seriez pas un formateur, tandis que, par exemple, le Mouvement Desjardins, qui va venir demain, lui, a fait reconnaître son institut de formation. Alors, il y a sûrement des motifs que je voudrais connaître, et soyez convaincus qu'on va aller au fond de ça.

(17 h 40)

M. Tolgyesi (Dan): Mais je dois ajouter aussi, Mme la ministre, mis à part cet incident, je dois dire qu'on a eu une bonne collaboration de la SQDM.

Mme Harel: Mais on va quand même voir ce qui en est.

M. Tolgyesi (Dan): Avant septembre 1994 aussi.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Facal): Merci.

Mme Harel: Mais, ceci dit, je ne veux pas blâmer la SQDM, parce que la SQDM, dans le cas des formateurs agréés, applique les critères du crédit d'impôt à la formation, qui était élaboré par le ministère des Finances. Et c'était ça, d'ailleurs, un des vices de forme. C'est que la meilleure façon d'appliquer des règles, c'est par ceux et celles qui ont à les vivre. C'est pour ça que je me surprends de constater que vous demandez que ce ne soit que le gouvernement qui exerce le pouvoir réglementaire. C'est toujours le gouvernement qui approuve, mais que l'exercice ne soit pas fait d'abord par les partenaires du marché du travail, ça donne ce que ça a donné pendant cinq ans, avec des règlements faits aux Finances sur le crédit d'impôt.

Le Président (M. Facal): Merci. Ceci met fin au temps dont disposait le groupe ministériel. M. le député d'Outremont.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je voudrais, M. Tolgyesi et les personnes qui vous accompagnent, vous remercier beaucoup de venir partager avec nous le contenu de votre mémoire, et je voudrais commencer en vous référant à la page 4, Réalisations. Vous dites, au premier paragraphe: «L'objectif initial du Comité de formation, créé en 1981, était de collaborer avec les ministères de l'Éducation et du Travail au développement d'un programme de formation destiné aux nouveaux mineurs et combler ainsi une pénurie de main-d'oeuvre.» Est-ce que vous pourriez dire qu'aujourd'hui, dans votre industrie, il n'y a plus de pénurie de main-d'oeuvre qualifiée?

M. Tolgyesi (Dan): Non. Il faudrait que je dise, M. Tremblay, que l'industrie minière est cyclique...

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Tolgyesi (Dan): ...et, effectivement, suivant les cycles, on peut avoir une surabondance ou un manque de main-d'oeuvre. Présentement, nous sommes dans une période où la main-d'oeuvre minière se fait plutôt rare. C'est pour ça qu'on fait la formation; on l'a faite. Vous avez vu, on a commencé en 1981, on n'a pas arrêté depuis.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Votre Comité de formation, est-ce que c'est un comité qui est composé des employeurs et des travailleurs?

M. Tolgyesi (Dan): Non. Nous sommes essentiellement un organisme patronal. Donc, les membres du Comité de formation, c'est les représentants de nos membres, dont les entreprises minières, donc, c'est encore du côté patronal. Sauf qu'on a divers instruments pour rencontrer, par exemple, le côté syndical. Quand on arrive dans les entreprises, aussi, il y en a, certaines relations, qui font, quand on parle de la formation, que c'est discuté avec les travailleurs.

M. Tremblay (Outremont): Dans le projet de loi, la ministre vous mentionnait tout à l'heure que, lorsque vous allez faire de la formation identifiée à l'article 6.2, cette formation pourrait être vérifiée par, disons, votre comptable agréé, là, qui pourrait émettre un sceau à l'effet que vous avez bel et bien investi le 1 %.

Par contre, à l'article 6.3, pour la formation dite sur le tas ou la formation maison, à ce moment-là, la suggestion de la ministre, c'est de dire: Pour s'assurer que cette formation sur le tas réponde bien aux attentes légitimes de l'employeur et du travailleur, ça serait un comité, un comité employeur-travailleurs qui serait appelé à accepter cette formation sur le tas et, par la suite, elle deviendrait acceptable, selon le projet de loi. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette disposition-là?

M. Tolgyesi (Dan): Quand vous regardez, M. Tremblay, le comité tripartite, essentiellement, ce dont on parle, on parle de formation modulaire du travailleur minier. C'est un comité qui est mixte qui la regarde. Par contre, on considère qu'effectivement, si tous les programmes de formation qui sont initiés dans une entreprise devaient toujours passer par un comité tripartite, éventuellement, ça ouvre les portes à certaines difficultés, parce qu'il y en a... Un moment donné, c'est une négociation continue qui s'engage. Et, ça, c'est un peu plus difficile à accepter.

M. Tremblay (Outremont): Si on prend l'exemple d'une entreprise, lorsqu'elle va produire son rapport annuel au ministère du Revenu, il va y avoir une vérification faite soit par un comptable agréé et, si jamais l'entreprise n'était pas incorporée, possiblement par un C.G.A., à ce moment-là. Ça, c'est assez facile à vérifier, si on peut s'entendre sur une définition de la formation et une définition des dépenses admissibles. Alors, le vérificateur pourrait, lui, émettre un sceau. Alors, ça, ça se fait d'une façon assez simple. En fait, il faudrait juste ajouter possiblement une note aux états financiers pour confirmer ce que vous faites déjà.

Par contre, dans cette même entreprise, si vous investissiez dans de la formation maison ou formation sur le tas, bien, à ce moment-là, la recommandation, c'est que ça ne soit pas un comité tripartite mais un comité employeur-travailleurs qui validerait, si vous voulez, cette formation pour qu'elle soit dans le meilleur intérêt, évidemment, de l'entreprise, mais de l'employeur et des travailleurs. C'est ce point en particulier dont je veux m'assurer pour que, lorsqu'on va discuter de ce projet de loi article par article, j'aurai eu le point de vue de personnes qui vivent dans les entreprises sur une base régulière.

M. Montpetit (Jean-Guy): Est-ce que ceci serait applicable pour tout genre de programme? Et je pense en particulier aux programmes qui s'adressent aux superviseurs seniors et à toute la supervision. Parce que, là, les gens des syndicats ne veulent pas être formés par les employeurs, mais, la réciproque, on l'entend souvent, tu sais...

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Montpetit (Jean-Guy): ...et, à ce moment-là, ça serait pour tout genre de programme, y compris la formation de contremaîtres, la formation des surintendants, tout programme particulier devrait passer ou recevoir l'approbation de ce comité-là.

M. Tolgyesi (Dan): L'article ne fait pas de distinction à qui est adressée la formation...

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais je la fais, là. Ma compréhension, c'est qu'il y a une formation qui est plus structurée. Il y a des termes, là, qualifiante... Une formation qui serait définie, idéalement, et les dépenses admissibles clairement identifiées. Alors, ça, il n'y a pas de relation entre l'employeur et les travailleurs.

Par contre, lorsque vous allez arriver à vouloir faire de la formation maison, qui pourrait s'appliquer tant pour les travailleurs que pour vos professionnels, à ce moment-là, c'est un comité mixte, et ça se fera sur une base, je suppose, là – je fais juste supposer, j'essaie de comprendre – de négociation. Parce que si le comité doit accepter cette formation maison, ça veut dire que le comité doit s'entendre. Alors, à ce moment-là, je suis convaincu que les travailleurs vont vouloir en avoir sûrement et la partie patronale ou les professionnels ou les cadres vont vouloir en avoir également. Alors, le but, c'est de regrouper les intervenants qui assurent la réussite de l'entreprise dans une dynamique positive pour favoriser de la formation maison. C'est ça, le but, là, si je comprends bien. Mais je veux savoir si ça pourrait vous être acceptable, cette possibilité-là.

M. Dénommé (Eddy): Comme entreprise, on n'aimerait pas avoir à rediscuter à chaque fois avec la partie syndicale ou le représentant des employés de la validité de chacun des programmes. Ce qu'on a accepté, comme groupe d'entreprises, c'est de mettre en place un régime d'apprentissage, et celui-là, ce programme-là, est discuté avec des représentants syndicaux au niveau provincial. Une fois qu'on aura accepté un programme puis qu'on sera d'accord pour le mettre en place dans les entreprises, on ne voudrait pas avoir à le rediscuter cas par cas.

M. Tremblay (Outremont): Non, non, très bien.

M. Dénommé (Eddy): Bon, ça, ça va. Mais, là, vous parlez d'autres programmes, hein?

M. Tremblay (Outremont): Non, non, je parle...

M. Dénommé (Eddy): De formation maison, là, vous disiez.

M. Tremblay (Outremont): C'est ça. Assumons, là, pour les fins de la discussion que, lors des négociations de conventions collectives – c'est un bel exemple, si vos travailleurs sont en très grande majorité syndiqués – vous pourriez vous entendre à ce moment-là, employeur-employés, sur la formation dite maison, sur le tas, et ça s'appliquerait, à ce moment-là. Parce que les représentants des travailleurs vont négocier, vous ne seriez pas nécessairement, d'après moi, obligés de reprendre ça à toutes les fois dans les entreprises. Est-ce que c'est possible, ça? Est-ce que c'est réaliste de penser ça?

M. Tolgyesi (Dan): Je ne pense pas qu'on serait en faveur d'un système où, chaque fois qu'on veut mettre une formation en place, il faudrait commencer à voir les comités. Parce que, quand on a parlé tantôt de lourdeur administrative, c'est effectivement ça qui arrive. On ne veut pas avoir ça.

(17 h 50)

M. Tremblay (Outremont): Les parties syndicales sont venues nous rencontrer et nous disent qu'elles ont de sérieuses réserves sur la formation maison, sur la formation sur le tas. Ce qu'elles disent, c'est: On peut comprendre que c'est utile, il faut que ça soit très souvent spécifique à des opérations données, mais on aimerait pouvoir en discuter et faire partie d'un comité pour élaborer ces politiques. Moi, je fais juste me faire le porte-parole. J'essaie de comprendre votre point de vue, si vous êtes d'accord ou pas.

M. Tolgyesi (Dan): Je pense qu'il n'y a pas de problème pour le faire sur une base consultative, et ça se fait déjà régulièrement. Mais nous sommes d'avis que ça ne devrait pas être inclus dans une loi ou dans un règlement.

M. Tremblay (Outremont): Très bien. À la page 6 de votre mémoire, lorsque vous parlez, là, dans Analyse et commentaires sur le projet de loi 90, Préambule, vous dites: «L'Association minière s'oppose au principe et à l'intervention coercitive du gouvernement dans la formation professionnelle continue des entreprises.» Et, à la page 2, vous identifiez que, en 1994, l'industrie minière a versé des salaires totalisant 900 000 000 $. La ministre vous a posé la question tout à l'heure – je veux être bien certain que j'ai compris – d'après vous, les entreprises, qui versent des salaires de 900 000 000 $, ont investi 9 000 000 $, globalement, en formation professionnelle?

M. Tolgyesi (Dan): Selon nos estimés, M. Tremblay, les entreprises minières – je parle maintenant de nos membres surtout parce que c'est au nom de ceux-là que je parle – versent, je dirais, l'équivalant de 1 % à 4 % de la masse salariale pour la formation.

M. Tremblay (Outremont): Là, vous parlez pour vos membres, donc, minimum de 1 %, il n'y a aucun problème, mais, pour les non-membres, est-ce que ça ne serait pas dans l'intérêt de l'industrie et dans votre intérêt, pour vos membres, qui investissent déjà 1 % minimum de formation de la main-d'oeuvre, que les autres fassent exactement la même chose, pour que vous ayez une industrie beaucoup plus compétitive au Québec?

M. Tolgyesi (Dan): Quand vous regardez la quantité d'entreprises que Mme la ministre a mentionnées, il y en a beaucoup qui sont de très petites entreprises ou qui appartiennent à l'entreprise familiale, par exemple, ou les tourbières, par exemple, qui sont... Toutes les compagnies minières qui opèrent au Québec font partie de l'Association. Il y en a à peu près 40, entreprises minières comme ça. Quand on parle de l'industrie minière, dans le sens de la loi, présentement, on parle de 18 000 membres. Nous, on a à peu près 13 000 travailleurs; on couvre à peu près 13 000 employés. Parce qu'il y a l'industrie de la transformation aussi, que, nous, on ne couvre pas.

Mais nous sommes persuadés aussi qu'eux autres, ils font déjà au moins 1 % pour la formation.

M. Tremblay (Outremont): Bon. Donc, si tout le monde fait 1 %, indépendamment de votre... En fait, idéologiquement, vous êtes contre. Je pense que les gens d'affaires sont idéologiquement contre une taxe additionnelle sur la main-d'oeuvre. Idéologiquement, là. Mais si, dans le meilleur intérêt, s'il s'avérait que la ministre décide de donner suite à son projet de loi, bon, ça ne vous affecte pas, vous, parce que vous le faites, 1 %. Je comprends votre réticence; vous pensez que ça pourrait augmenter; ça, je le comprends, là. À part cette préoccupation légitime que vous avez, si on se fie au passé, là, si les modalités étaient simples, non bureaucratiques, est-ce que vous auriez encore des objections majeures?

M. Tolgyesi (Dan): Nous pensons que ça devrait être plutôt des moyens incitatifs et de promotion pour la formation plutôt que coercitifs, parce qu'on est tellement embourbés dans les règlements présentement qu'on n'en sort pas. Les règlements se compliquent seulement, ils ne se simplifient jamais.

M. Tremblay (Outremont): Bon. Très bien. Mais je prends pour acquis, là, la ministre l'a mentionné tout à l'heure, que c'est simple, pas de bureaucratie. C'est votre vérificateur qui va mettre le sceau pour dire que vous l'avez fait, le 1 %. Parce que la préoccupation... Puis je vous comprends, si j'étais à votre place, je dirais exactement ce que vous dites. Mais si vous étiez à notre place, le législateur qui ramasse les pots cassés, partout au Québec, des travailleurs sur le chômage, des jeunes, des femmes qui n'ont pas accès au marché du travail, des entreprises qui n'investissent pas 1 % dans la formation professionnelle, il faut faire quelque chose, quelque chose qui est un heureux compromis entre vos attentes et celles d'une société qui veut favoriser la formation de la main-d'oeuvre.

M. Tolgyesi (Dan): Effectivement. Mais nous considérons qu'il y a peut-être d'autres moyens à regarder. Il y a un projet de loi qui a été déposé qui, selon ce qu'on apprend, devrait être promulgué peut-être encore cette session-là. Ça veut dire que ça ne laisse pas beaucoup de temps pour discuter et redéfinir, peut-être, le contenu, voir les autres modalités. Parce que, à présent, ce qu'il y a, c'est très coercitif.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Mais, d'une certaine façon – je qualifie juste un titre – vous avez raison, et je pense que le rôle tant de la députation ministérielle que de la députation de l'opposition, c'est d'écouter ce que les intervenants ont à dire. Je pense que votre message est très clair, et vous n'êtes pas les seuls à nous apporter un message aussi clair que celui-là. Par la suite, on a un travail à faire, nous, en commission parlementaire, et on va voir si on peut répondre à vos attentes légitimes.

J'ai juste une dernière question, qui est plus une... C'est une question, mais à la suite d'un propos que la ministre a tenu. Lorsque vous avez mentionné toute la question du report des investissements, on a fait une suggestion. La ministre l'a entendue, on va voir si elle va y donner suite. Parce qu'elle a référé tout à l'heure à l'article 19.2 en réponse à une question que vous lui avez posée et elle n'a pas mentionné l'article 61, mais les deux articles vont ensemble. Sans rentrer dans le détail des articles, parce que ce n'est pas le but de ma question, si nous utilisions, pour la formation professionnelle, les mêmes principes de report pour les pertes qu'une entreprise subit dans une année puis qu'elle peut reporter les pertes sur une année précédente et trois années à venir, je pense que ça pourrait répondre à vos attentes légitimes sans complication. Parce que si, de façon cyclique, vous êtes appelés à investir, dans une année, des sommes considérables, par la suite, vous pourriez reporter ces investissements l'année précédente ou dans les trois années subséquentes, on n'aurait pas besoin de réinventer la roue, il y a des mécanismes qui existent déjà au niveau du ministère du Revenu. Est-ce que ça pourrait vous satisfaire, si l'article 19.2 et l'article 61... à la suite d'une rencontre qu'on va avoir avec les juristes de la ministre, ceux-ci pouvaient nous convaincre que c'est ça que ça veut dire?

M. Tolgyesi (Dan): Effectivement, oui.

M. Dénommé (Eddy): Ça fait partie de notre demande. Par exemple, si on achète un nouvel équipement qu'on doit mettre en place une année et qu'on dépense 3 %, 4 %, 5 % en formation, que ça puisse être réparti sur d'autres années. C'est un peu ça qu'on a exprimé.

M. Tremblay (Outremont): O.K. Une dernière petite question. Page 8. Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous dites, à l'article 3, la dernière petite phrase: «Nous déplorons le fait que l'esprit de concertation et de partenariat ne se retrouve pas tout au long du projet de loi»?

M. Montpetit (Jean-Guy): Les critères vont être fixés, disons, par la Société, les dépenses admissibles, puis ce qui va être considéré, disons, comme salaire. C'est pour ça qu'un peu plus loin dans le texte on dit qu'il est difficile, à mon sens, de se prononcer sur le nombre de compagnies qui atteignent le 1 %, effectivement. Parce que, dans le calcul du salaire, si on ajoute les bénéfices marginaux, si on ajoute tout ce qui peut venir se greffer, à ce moment-là, ça fait...

Le Président (M. Facal): Merci.

M. Tremblay (Outremont): Une dernière question. Nous avons très bien compris votre préoccupation à ce niveau-là et nous allons en discuter en commission parlementaire pour, du moins, répondre à cette préoccupation.

M. Montpetit (Jean-Guy): Un commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Facal): Un dernier, dernier, dernier?

M. Montpetit (Jean-Guy): Oui, oui. À l'article 30, concernant les conseils régionaux, on opère dans plusieurs régions, en Abitibi, en Gaspésie, au Lac-Saint-Jean, et tout ça. Souvent, on a déploré un manque d'uniformité dans l'application de certaines règles administratives. Ce qui est accordé dans une région ne l'est pas dans l'autre. Alors, face à nos membres, c'est des... En tout cas, ça cause certains problèmes.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. Alors, ceci met fin au temps dont nous disposions. M. le député de Bourassa, peut-être, pour un mot de remerciement.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. Ça sera ma seule intervention puisque notre temps est écoulé.

J'ai bien apprécié le témoignage de l'Association minière, une association que j'ai connue à travers mon passage en environnement et dont je sais le travail important et dans l'environnement et en formation.

(18 heures)

On a bien vu, à travers ce témoignage, que, sur une base volontaire, il se fait des choses importantes, intégrées à la région et intégrées aux institutions d'enseignement. Donc, je crois que c'est un témoignage dont on devrait retenir le caractère exemplaire, d'une part, et le caractère pratique, d'autre part. C'est des gens qui ont des entreprises qui viennent de nous parler, ce n'est pas des gens qui parlent sur les entreprises des autres, c'est des gens qui sont à l'oeuvre, à pied d'oeuvre, qui font 1 % et plus de formation et qui savent ce que c'est, les besoins et comment s'organiser pour y répondre. Je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Je pense que votre dernière remarque... C'est M. Montpetit, je crois, hein? Votre dernière remarque, M. Montpetit, m'amène justement à échanger avec M. Laflamme, du Secrétariat à la concertation, pour constater que plusieurs avant vous l'ont fait également. En fait, c'est tout l'arrimage entre le sectoriel et le régional, parce que, vous, vous êtes vraiment ce qu'on peut appeler une association sectorielle. Vous avez une vision de votre industrie, vous avez un horizon de son développement qui est pour plusieurs années, vous en connaissez les hauts et les bas – vous le disiez tantôt, c'est cyclique, etc. – et vous pouvez prévoir vos besoins de main-d'oeuvre, et puis ça vous enfarge un peu qu'il y ait finalement, au niveau régional, des façons différentes, d'une région à l'autre, d'interpréter un appui ou un refus, disons, à une demande qui est faite. Ça va supposer, ça, une politique entre le sectoriel et le régional qui n'est pas encore en place, parce que le sectoriel vient à peine, dans le fond, de faire irruption, je dirais, ou presque, à la SQDM. Vous-mêmes avez des contacts plus étroits sur des projets concrets comme l'apprentissage, mais vous savez que vous êtes dans un peloton de tête, parce que ça commence, l'amorce de l'organisation par secteur sur le plan de la formation.

En tout cas, soyez certain qu'on en parlera à la présidente, Mme Bellemare, parce qu'il y a certainement une politique à mettre au point avec les régions pour ne pas que vous ayez à recommencer de région en région une fois que c'est convenu au niveau, si vous voulez, central. Alors, je vous remercie de votre contribution, puis soyez certains que vous n'êtes pas venus pour rien.

Le Président (M. Facal): Alors, merci beaucoup à nos invités.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Facal): Nous allons tout de suite demander à nos invités suivants, la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre, de bien vouloir s'approcher et prendre place à la table.

S'il vous plaît, si nous pouvions reprendre le plus rapidement possible.

Alors, nous souhaitons la bienvenue, donc, à la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre, à qui je rappelle d'abord qu'elle dispose de 20 minutes pour présenter son mémoire, suivies d'une période d'échange de 40 minutes divisée en deux temps égaux entre le groupe ministériel et l'opposition officielle.

Je demanderais peut-être à nos invités de commencer par présenter la composition de leur délégation puis, ensuite, d'entreprendre la présentation de leur mémoire.

Mme Neamtan (Nancy): Merci. Si vous permettez, pour sauver du temps, on pourrait faire la présentation des gens à travers la présentation de notre mémoire.

Le Président (M. Facal): Si vous voulez. Pas de problème.


Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre

Mme Neamtan (Nancy): Alors, je vais commencer, parce que j'imagine que les gens, ils ont eu une grande journée, mais on a des choses importantes à vous dire, et j'espère que vous allez nous écouter attentivement. Alors, je me présente, je m'appelle Nancy Neamtan, je travaille avec le Regroupement pour la relance économique et sociale du sud-ouest de Montréal et je siège aussi à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

La Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre est heureuse de pouvoir être présente aujourd'hui afin de faire connaître son point de vue sur le projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle. Le débat qui entoure ce projet de loi est extrêmement important pour nos membres car il se situe au coeur de la vision de société que nous voulons pour le Québec. Nous souhaitons une société équitable reposant sur un juste partage des responsabilités de chacun et chacune dans le champ des politiques de développement de la main-d'oeuvre.

Ce mémoire est constitué de quatre sections. Dans la première, nous présenterons les grands buts et objectifs de notre Coalition; deuxièmement, nous exposerons les enjeux soulevés par l'introduction de la loi 90; en troisième lieu, nous livrerons la position de nos membres et ferons part du rôle que devraient jouer les organismes communautaires dans la prestation de services de formation professionnelle pour la main-d'oeuvre québécoise.

Alors, la Coalition est composée des principaux regroupements d'organismes communautaires voués au développement de la main-d'oeuvre dans tous ses aspects. Ainsi, elle compte parmi ses membres des organismes qui s'occupent des droits des sans-emploi ou des travailleurs non syndiqués, qui sont représentés aujourd'hui par Françoise Laliberté, du Mouvement Action-chômage, des organismes de développement de l'employabilité, qui sont représentés par Gabrielle Ciesielski, qui travaille avec l'organisme Enjeu, qui travaille auprès des femmes, et, finalement, des organismes d'éducation populaire et d'alphabétisation, qui sont représentés aujourd'hui par Martin-Pierre Nombré, du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation et en éducation.

Vous avez dans notre mémoire aussi une liste de l'ensemble des membres de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre, et j'aimerais ça, sans lire l'ensemble de la liste, que vous voyiez un peu la variété des organismes, qui sont des organismes, pour la plupart, provinciaux, des organismes qui travaillent entre autres avec des femmes, avec des jeunes, avec des personnes handicapées, sur l'ensemble des problématiques qui touchent les personnes sans emploi et non syndiquées du Québec.

La Coalition des organismes communautaires a été formée dans le sillage de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Les représentantes et représentants de la Coalition voulaient s'assurer que les intérêts des personnes sans emploi soient pris en compte au sein de la nouvelle institution responsable du développement de la main-d'oeuvre au Québec. La Coalition demande également que le rôle des organismes communautaires dans le développement de la main-d'oeuvre soit reconnu. Pour atteindre ces deux buts, les membres de la Coalition ont revendiqué auprès du gouvernement précédent un bloc de sièges réservés au milieu communautaire au sein de la SQDM, tant au niveau central que régional. Elle a aussi exprimé d'importantes critiques à l'égard de la loi 37 et souligné des impacts négatifs générés par la fragmentation des programmes de formation et de développement de la main-d'oeuvre.

Bien que la Coalition n'ait pas encore eu gain de cause en ce qui concerne sa représentation officielle au sein de la SQDM, elle s'assure une représentativité par le biais de moi-même et aussi de Pierre Pâquet, de l'Institut canadien d'éducation des adultes, qui est ici avec nous aujourd'hui, tous deux membres du conseil de la SQDM. Nous travaillons, Pierre et moi, en étroite collaboration avec la Coalition afin de s'assurer que la SQDM se préoccupe non seulement des personnes en emploi, mais aussi de celles et ceux qui sont exclus du marché du travail. Elle veille également à ce que les préoccupations des organismes membres de la Coalition soient pris en compte au sein de la Société.

Les principaux objectifs de la Coalition sont les suivants: lors de l'élaboration et de l'application des politiques de développement de l'emploi et de la formation professionnelle, incluant l'alphabétisation et la formation de base, premièrement, d'assurer une place équitable aux populations marginalisées et exclues du marché du travail et, deuxièmement, d'assurer la reconnaissance des organismes communautaires comme des partenaires à part entière, au même titre que les autres partenaires.

Je voudrais juste dire – et je vais sortir du texte un petit peu – que c'est la première fois, en tant que Coalition, que nous sortons ensemble, alors, c'est une grande occasion pour nous. Mais je dois dire que ce n'est pas la dernière fois, parce que la Coalition est plus déterminée que jamais à travailler ensemble, parce que les enjeux qu'on a devant nous touchent nos populations. C'est des populations qui représentent des centaines de milliers et des millions de personnes au Québec. C'est des femmes, des jeunes, des immigrants, des immigrantes, des gens qui sont exclus de toutes sortes de façons, et c'est la base de notre travail de contrer cette exclusion, de donner ces chances à ces gens-là de se former, de travailler, de jouer un rôle actif au Québec.

On vous a souligné, et je pense que le contexte de notre mémoire le souligne aussi, qu'un gouvernement qui veut réellement développer des compétences de l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise doit compter sur l'ensemble des forces vives, y inclus l'ensemble des centaines et des milliers d'organismes communautaires qui travaillent d'arrache-pied, avec peu de moyens, pour développer les compétences de la main-d'oeuvre. Je crois que la ministre nous a démontré une confiance envers le rôle que les organismes communautaires peuvent jouer, et je pense que cette confiance, on la mérite, on va la mériter, on va travailler très fort à l'avenir.

Alors, c'est mon entrée de jeu, mais je passerais la parole, par la suite, aux autres intervenants, particulièrement parce que je dois dire que je vais revenir un peu plus tard pour la spécificité de la Corporation de développement économique communautaire. Alors, je passe la parole à Françoise Laliberté.

(18 h 10)

Mme Laliberté (Françoise): Alors, bonjour et bonsoir, mesdames, messieurs. Nous vous remercions, entre autres, de nous entendre aujourd'hui. Alors, je vais parler de la question qui se pose à la question 2, qui est les enjeux soulevés sur la question de la formation professionnelle, à la page 4. Depuis une dizaine d'années, les transformations de l'environnement économique ont eu un impact profond sur la population québécoise. La mondialisation des marchés, l'accélération du développement de nouvelles technologies et la crise des finances de l'État ont bouleversé les façons traditionnelles de répondre aux problèmes du chômage et de la pauvreté. Ces deux problèmes sont devenus la préoccupation de l'heure de notre société. Avec un taux de chômage endémique – que vous pouvez voir au point 1 – et plus de 800 000 personnes assistées sociales au Québec, personne ne peut remettre en cause l'ampleur de la crise qui secoue notre société.

Mais, derrière ces chiffres, s'incarnent des personnes défavorisées au plan de l'emploi. Ainsi, nous retrouvons des femmes, qui demeurent encore confinées à des emplois sous-payés ou à temps partiel, des jeunes, avec ou sans diplôme, qui sont empêchés de prendre la relève de leurs aînés et, finalement, des personnes issues des communautés culturelles, qui doivent se contenter d'emplois de bas niveau. Il est bien entendu que toutes ces personnes vivent de grande précarité. La discrimination a encore un sexe, un âge et une couleur de peau, au Québec.

Le manque d'emplois disponibles est le principal problème auquel sont confrontées les personnes sans emploi, le système économique ne remplissant plus sa mission de fournisseur d'emplois. Les sans-emploi envisagent donc leur avenir avec inquiétude. Malgré tout, ils tentent par dizaines de milliers et par une multitude de moyens de réintégrer le marché du travail. Ils font face à de nombreux obstacles dans leurs démarches. En plus du manque d'emplois, leurs compétences sont dévaluées sur le marché du travail. Peu scolarisés, plus de 50 % des prestataires de la sécurité du revenu n'ont pas terminé leur secondaire V. La plupart des sans-emploi ont besoin de périodes de recyclage et de perfectionnement, voire même de formation initiale. Malheureusement, notre système de formation professionnelle est loin d'avoir suffi à la tâche, et ce, malgré que sa mission porte, entre autres, sur le relèvement du niveau de compétence de la population.

C'est auprès de ces personnes qu'interviennent quotidiennement des centaines d'organismes communautaires existant au Québec. Rappelons ici que, face à tous ces problèmes, les organismes représentant des clientèles défavorisées ont toujours revendiqué un accès égal pour toutes et tous à la formation professionnelle ainsi qu'à une formation qualifiante.

Depuis quelques années, tous les partenaires du réseau de la main-d'oeuvre reconnaissent l'importance de la formation professionnelle. Les porte-parole du secteur privé ont été les premiers, d'ailleurs, à réclamer un rôle accru dans l'élaboration des politiques de formation au Québec. Pourtant, malgré les beaux discours et de l'aveu même des représentants patronaux, les pratiques ont été décevantes. On a souligné à de multiples reprises que l'école était loin de répondre aux besoins de l'entreprise. Les syndicats se sont plaints à maintes reprises de la résistance du patronat quant au développement d'une culture de la formation en entreprise. Tous s'entendent cependant pour constater le retard du Québec dans l'implantation d'un système de formation professionnelle.

Les conséquences du retard québécois dans ce domaine se font sentir à plusieurs niveaux, tant pour les entreprises en perte d'emplois que pour les travailleurs en perte de qualification. Par ailleurs, les conséquences de ce retard au niveau de la formation continue sont également très importantes à l'égard des personnes exclues du marché du travail, durement confrontées au manque d'emplois. Pensons à l'absence d'un régime d'apprentissage pour les jeunes et aussi à l'absence d'un système d'encadrement de stagiaires en entreprise.

Soulignons, pour terminer, que, durant la dernière décennie, le gouvernement du Québec a restreint l'accès à une formation qualifiante pour les prestataires de la sécurité du revenu. D'autre part, comme le gouvernement fédéral puise maintenant la majorité des sommes investies dans la formation à même la caisse d'assurance-chômage, il fait en sorte de réserver l'accès de la formation aux uniques prestataires de ce régime. Le régime d'assurance-chômage se retrouve donc détourné de sa vocation initiale que d'être une assurance, c'est-à-dire une compensation financière en cas de perte d'emploi.

Les effets de ces décisions politiques sont très graves car elles privent toutes les personnes ne recevant pas de prestations gouvernementales, que ce soit sécurité du revenu ou assurance-chômage, de l'accès à la formation. Parmi ces personnes, on compte une bonne majorité, malheureusement, de femmes vivant du revenu familial.

Maintenant, je passerais la parole, pour le troisième point, à Mme Gabrielle Ciesielski.

Mme Ciesielski (Gabrielle): Nous sommes venus appuyer la loi 90. Pourquoi? Parce qu'on est particulièrement heureux de voir le gouvernement du Québec admettre, par ce projet de loi là, la responsabilité formelle des entreprises à investir dans le développement de la main-d'oeuvre en dépensant 1 % de leur masse salariale dans la formation des ressources humaines. On l'appuie aussi parce qu'on est des optimistes, on pense que ça va peut-être créer de l'emploi. Une fois les premières réactions négatives passées, nous espérons que nos partenaires patronaux vont comprendre et prendre en main de manière constructive leurs responsabilités; il en va de l'avenir même de l'économie québécoise. En effet, c'est seulement en misant sur le relèvement et le maintien des compétences de la main-d'oeuvre que les entreprises pourront rendre leur personnel plus productif. La productivité est un gage important de la compétitivité des entreprises. À moyen et long terme, les effets positifs de ce projet de loi se feront sentir au niveau de l'économie. Une remontée économique n'est-elle pas synonyme de création d'emploi? Enfin, nous, on l'espère.

On est aussi pour des mécanismes d'intégration au marché du travail. En reconnaissant l'investissement dans la formation d'apprentis ou de stagiaires, le projet de loi instaure des conditions propices à la formation d'une relève des travailleurs. Les membres de la Coalition accueillent donc favorablement cette ouverture, d'autant plus qu'elle permet l'embauche du personnel de remplacement au sein des entreprises. Cependant, cette mise en oeuvre de la formation d'apprentis ou de stagiaires devra se faire dans le respect des ententes syndicales contractées par les entreprises. Ainsi, nous éviterons de créer des zones d'hostilité à l'égard des nouveaux venus, pouvant être perçus à tort comme des voleurs de jobs.

On est aussi pour la reconnaissance de la formation de base dans le développement de la formation professionnelle. Nous notons une omission importante dans le texte de loi: la formation de base n'est pas considérée comme faisant partie des mesures de formation professionnelle en entreprise, quoiqu'elle n'ait pas été définie clairement; peut-être vous saurez nous dire si elle est incluse.

Compte tenu du taux d'analphabétisme élevé en entreprise, il nous semble important d'avoir une vision plus large de la formation en entreprise et de l'inclure dans cette loi. En haussant le niveau de formation de base des travailleuses et des travailleurs, on améliorera leur qualification générale et, surtout, on leur permettra de mieux s'adapter aux nouvelles technologies.

On est évidemment pour une formation qualifiante. Les organismes communautaires ont longtemps revendiqué l'accessibilité pour leur clientèle à des mesures de formation professionnelle qualifiantes. Mme Leduc, ici, en est bien témoin, ayant été dans le CIAFT et ayant fait la promotion de la formation qualifiante pendant plusieurs années.

Rappelons que les actuelles mesures d'employabilité comportent malheureusement de la formation professionnelle à rabais, écourtée, fragmentée, non reconnue et non transférable. À notre avis, dans ce projet de loi – là, on est encore optimistes – il faut viser le contraire: une formation qualifiante, transférable et sanctionnée par le ministère de l'Emploi et de la Concertation, permettant ainsi une plus grande mobilité des travailleuses et des travailleurs.

On est aussi pour des mécanismes d'évaluation de la formation en entreprise. L'instauration d'une politique de formation en entreprise ne va pas sans mécanisme d'évaluation. Il faut pouvoir évaluer la qualité de la formation ainsi que ses impacts sur l'entreprise et les personnes. Sans un système d'évaluation rigoureux, l'opération est risquée et servira surtout à entretenir une foule de fournisseurs de services. La ministre devra donc s'assurer que la formation dispensée en entreprise comporte un minimum de critères qui en assurent la qualité. Elle devra également veiller à ce que des mécanismes d'évaluation de la formation soient mis en place pour éviter que l'opération ne conduise à des échecs.

Finalement, on est pour des services de formation professionnelle aux sans-emploi. Nous appuyons ce projet de loi, entre autres, parce qu'il permettra de dégager des ressources financières gouvernementales dont bénéficient présentement les entreprises via différents programmes administrés par la SQDM. Dans un souci d'équité, nous pensons que ces sommes d'argent là devraient être affectées à la formation des travailleuses et des travailleurs qui ne sont pas couverts par la loi 90 ainsi qu'à celle des personnes sans emploi.

Maintenant, je vais passer la parole à M. Nombré.

M. Nombré (Martin-Pierre): Ceci dit, les organismes communautaires que nous représentons ici entendent jouer un rôle, et même un rôle important. La Loi favorisant le développement de la formation professionnelle fait référence au secteur communautaire dans l'article 1 du chapitre I, le désignant comme partenaire au même titre que les syndicats, que le milieu patronal et le milieu de l'enseignement. Cependant, ce qu'on constate, c'est que le rôle du secteur communautaire n'est spécifié nulle part dans le texte de loi. Pourtant, ce secteur joue un rôle et continue de jouer, donc, un rôle dans le domaine de la formation professionnelle.

(18 h 20)

Certains de ces services développés par le secteur communautaire pourraient être utilisés par les entreprises dans le cadre de la loi 90. Ils pourraient ainsi être dispensateurs de services de formation. Nous songeons à la formation de base, comme l'alphabétisation, et même à la formation professionnelle. À ce niveau, on peut vous donner quelques exemples sans nous étaler trop. On peut vous donner l'exemple de l'alphabétisation qui a été développée en entreprise à Consumers Glass par le RESO, le CEDA et un groupe d'alphabétisation, par la suite, qui a donné même lieu à la création d'un film vidéo qu'on a appelé «Jamais trop tard». On se dit: C'est des exemples concrets qu'on peut vous amener ici pour vous convaincre de la nécessité de compter sur le secteur communautaire dans la formation de base.

Pensons, par ailleurs, à La Puce communautaire, qui offre des services de formation sur mesure en bureautique à des entreprises privées. C'est deux exemples, on pourra en ajouter, mais on pense que ces deux exemples sont là pour vous démontrer qu'effectivement le secteur communautaire a un rôle important à jouer dans la formation professionnelle.

Les organismes communautaires de développement de l'emploi sont bien évidemment des spécialistes des mesures d'insertion des clientèles sans emploi. Leur expertise est tout à fait transférable auprès des personnes sans emploi. On note même que la SQDM fait d'ailleurs actuellement appel à leur expertise pour offrir des services de «counseling», de recherche d'emploi aux travailleurs et travailleuses confrontés à la précarité de l'emploi. Il s'agit d'un autre volet où on pourrait intervenir aussi en tant que réseau communautaire.

Enfin, les stages en entreprise nécessitent l'élaboration d'un plan de formation, l'encadrement et le suivi des stagiaires. À nouveau, l'expérience des groupes communautaires de développement de l'employabilité en matière de «counseling» d'emploi pourrait s'avérer tout à fait utile dans ce cadre.

Pour conclure, il nous apparaît important de souligner que la Loi favorisant le développement de la formation professionnelle doit s'inscrire dans une politique globale de développement de l'emploi au Québec. Le gouvernement doit donc avoir comme préoccupation première de rapatrier les pouvoirs de la province en matière de formation; ainsi cesseront tous les dédoublements pour qu'on puisse arriver à une politique cohérente. Mais nous insistons aussi sur le rôle que le communautaire peut jouer dans le cadre de cette loi: que la formation professionnelle soit élargie aux sans-emploi. Voilà pourquoi nous sommes ici présents. Merci de votre attention.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Alors, nous allons débuter nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, je veux remercier chacun et chacune des membres de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre, c'est un excellent mémoire. J'y retrouvais moi-même des nouvelles raisons pour être en faveur du projet de loi 90. Ha, ha, ha! Écoutez, tout de suite, je dois vous dire que, en regard du rôle des organismes communautaires en tant que dispensateurs de formation – j'ai eu à le dire ici à quelques reprises, mais je le dis puisque c'est là une demande spécifique qui est contenue dans votre mémoire – nous allons modifier l'article 6, paragraphe 2° de façon à ce qu'il n'y ait pas que les firmes agréées qui puissent dispenser de la formation, mais également les OSBL.

Évidemment, il ne faudra pas non plus que, sous cette appellation, «OSBL», ou «organisme communautaire», finalement, se glisse un peu n'importe quoi. Alors, il y a quand même une procédure d'agrément pour les fins d'une formation spécifique. Je comprends que les organismes communautaires ou les OSBL n'auront qu'à satisfaire à cette procédure d'agrément, comme c'est le cas d'ailleurs pour les firmes agréées, et je crois que c'est le cas. Vous donniez l'exemple de Consumers Glass, que je connais moins – c'est à Pointe-Saint-Charles – mais, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, le Centre DEBAT, avec un certain nombre d'entreprises, a entrepris une collaboration quant à l'alphabétisation qui est extrêmement appréciée par les entreprises.

Donc, sur cette question-là et sur celle, évidemment, aussi de la définition de la formation professionnelle, rien n'est exclu. Vous n'êtes pas les premiers à nous en parler. Parfois, assis où vous l'êtes, certains nous réclament une définition très restrictive; à d'autres moments, d'autres nous réclament une définition très large. Quoi qu'il en soit, la meilleure façon d'avoir cette définition très large que nous recherchons, c'est justement de ne pas la définir. Ça peut vous sembler un paradoxe, mais tout ce qui est défini exclut, dans une loi, et le fait d'avoir une appellation très large fait en sorte qu'il sera possible pour l'entreprise à la fois d'aller du côté de la formation initiale, si tant est que ce soit de ça qu'elle ait besoin, ou d'aller du côté du perfectionnement, ou du recyclage, ou de l'apprentissage, ou... En fait, ça sera laissé plus aux besoins exprimés par l'entreprise, et ça ne sera pas dans une définition d'une loi que l'on viendra exclure ce qui pourra pourtant rendre service. Alors, c'est une définition large dont il s'agit.

D'autre part, en regard de diverses choses, bon, vous parlez, à la page 5, de l'absence d'un régime d'apprentissage pour les jeunes et aussi de l'absence d'un système d'encadrement de stagiaires en entreprise. Quant à l'apprentissage pour les jeunes, il était interdit jusqu'à maintenant. Le régime que l'on connaît n'était possible que pour les adultes, mais il sera dorénavant modifié substantiellement, et ce sera donc une filière pour apprendre qui sera valorisée.

Quant au système d'encadrement de stagiaires, comme les stagiaires sont à statut scolaire, dans le cadre de l'alternance travail-études, ça relève du ministère de l'Éducation, mais je comprends que, avec le rapport de M. Pagé, du groupe de travail qui s'est penché sur la question de la formation professionnelle au secondaire et qui remet son rapport, je pense, cette semaine, et des états généraux, il y aura sûrement une réflexion de fond sur toute la question des stages en entreprise. Mais, comme vous le savez, le projet de loi laisse cette ouverture de stages, complétée par le crédit d'impôt, qui viendra bonifier, finalement, les stages en entreprise à quatre semaines et le régime d'apprentissage.

Vous faites référence, à la page 8, à cette formation professionnelle écourtée, fragmentée, non reconnue, non transférable, pour laquelle, pourtant, les gouvernements investissent quasiment 1 000 000 000 $ par année au Québec, quand on additionne ce que font les deux gouvernements, et vous nous dites: Il vous faut viser, au contraire, une formation qualifiante, transférable. Sanctionnée par le ministère de l'Emploi, là, ça, ça m'apparaît peut-être un petit peu plus compliqué, mais, disons, j'arrête... Non seulement compliqué, mais je ne sais pas si c'est souhaitable. Mais, enfin, qualifiante et transférable.

La société qui s'appelle SOFEDUC, Société de formation et d'éducation continue, est venue ici plaider pour une formation qualifiante transférable dans le cadre des UEC, des unités d'éducation continue, et je pense que ce serait peut-être une voie. Est-ce que ça vous semble une voie dans laquelle il faudrait s'engager?

Mme Neamtan (Nancy): Bien, je pense qu'on ne prétend pas être des experts dans toute la question des systèmes de reconnaissance des compétences et des acquis. On a suivi ça un peu dans les journaux, cette question-là. Alors, on pourrait peut-être laisser ce débat aux experts ou l'examiner de plus près. Mais, ce qui est clair, c'est que, pour les personnes sans emploi ou les personnes qui sont dans les emplois précaires, qui ont changé d'emploi à plusieurs reprises, il est essentiel qu'on ait un système qui permette effectivement de reconnaître l'ensemble de ces compétences et de ces acquis, sinon, à chaque fois, on doit repartir à zéro avec les gens, et il n'y a rien de plus frustrant, et c'est aussi plus coûteux pour les individus et pour l'État, au bout de la ligne.

Mme Harel: Dans votre mémoire, vous dites avec raison...

Une voix: Il y a un monsieur qui voudrait répondre.

Mme Harel: Ah! Excusez-moi. M. Pâquet.

(18 h 30)

M. Pâquet (Pierre): Oui. Je pense que l'hypothèse est intéressante, c'est-à-dire qu'il y a des critères de qualité d'attachés aux unités d'éducation continue, mais il y a aussi des problèmes; ça ne peut pas être toute la solution. Je crois qu'eux-mêmes avaient souligné que, pour la formation sur le tas, c'était difficilement applicable. Mais il y a aussi le fait que, souvent, dans les faits, les unités d'éducation continue ne permettent pas à la personne qui les a de transférer et de faire reconnaître les acquis dans les programmes structurés des mêmes institutions, et il y a là aussi quelque chose qui devrait être travaillé, c'est-à-dire que ce que fait le bras gauche dans une institution n'est pas reconnu par le bras droit. Donc, il y a intérêt, d'une certaine façon, à pouvoir rendre transférable et quantifiable la formation, mais il y a des problèmes qui ne sont pas résolus, par ailleurs, au sein même des institutions, des établissements d'enseignement, sur la transférabilité de ce qui a été reçu comme formation.

Mme Harel: Je comprends que, à ce niveau-là, il n'y a vraiment rien de réglé. Les UEC, finalement, c'est de la formation transférable et quantifiée, mais pas nécessairement diplômée. Ça, pour la diplomation, là, c'est un champ vierge, j'ai l'impression, là. Tout est ouvert à ce niveau-là.

M. Pâquet (Pierre): Ça peut être intéressant, pour des travailleurs qui ont pris de la formation sur mesure, de pouvoir la mettre dans leur curriculum et de la faire valoir auprès de l'entreprise. Mais il y a, par ailleurs, une non-transférabilité au sein des établissements de formation. C'est des gens... On dit: J'ai pris une certaine base de formation. Je voudrais maintenant prendre une formation structurée dans un programme. Il n'y aura pas transférabilité au sein même des établissements. Et, là, il y a un os.

Mme Harel: Ça ne donne pas lieu à une diplomation, en fait.

M. Pâquet (Pierre): Non.

Mme Harel: Et c'est ça, finalement, peut-être, le pas suivant à franchir, qui ne l'est pas encore, mais ça ne peut venir que du ministère de l'Éducation, ce pas-là.

Vous nous dites appuyer le projet de loi entre autres parce qu'il permettrait de dégager des ressources financières gouvernementales. Et, ça, c'est exact. La responsabilité étant partagée dorénavant, alors, l'État, qui se substituait à l'entreprise pour compenser ce qu'elle ne faisait pas, se trouvera à dégager – je le souhaite, évidemment – des ressources financières.

Vous nous avez beaucoup parlé des exclus, de ceux que vous représentez. Et vous avez dit que, sur le marché de l'emploi, en matière de main-d'oeuvre, il y a une réalité différente selon le sexe, l'âge, la couleur de peau. Peut-être la langue, aussi; on l'oublie comme si c'était déjà réglé, mais ça ne semble pas être toujours le cas. Et vous nous dites que, vous, vous représentez, la Coalition, ces exclus.

Nous avons eu ici même, devant la commission, par exemple, un organisme, le CIAFT, qui est venu faire valoir la nécessité d'obtenir un siège à la SQDM et la nécessité de faire reconnaître la spécificité de la problématique, disons, de la main-d'oeuvre féminine.

Nous avons eu aussi le Conseil permanent de la jeunesse et la Fédération étudiante universitaire, cet après-midi, qui, eux également, sont venus revendiquer un siège et ont voulu ainsi faire reconnaître, disons, le bien-fondé de leur problématique.

Est-ce que vous concevez... Vous, vous travaillez en coalition, et vous nous dites travailler autant avec les femmes, les jeunes, les immigrants, les travailleurs immigrants, les personnes âgées. Comment vous voyez toute cette approche de problématiques spécifiques, qu'on ne peut pas nier, n'est-ce pas? C'est une approche indispensable. Le marché de l'emploi exclut, justement, tout ce qui n'est pas conforme, souvent. Alors, comment on tient compte des problématiques spécifiques – main-d'oeuvre féminine, main-d'oeuvre jeune, main-d'oeuvre immigrante, main-d'oeuvre handicapée – tout en ayant l'approche que vous semblez souhaiter, qui soit une approche intégrée?

Mme Laliberté (Françoise): La plupart de nos organisations, de nos organismes à l'intérieur de la Coalition, effectivement, touchent à tout cet éventail de cette population-là. Par exemple, dans les mouvements action-chômage, nous touchons particulièrement... On a une majorité de femmes, parce que c'est elles, souvent, qui se retrouvent dans le travail précaire; nous touchons beaucoup les jeunes, parce que, souvent, ils se trouvent aussi dans le travail précaire; et beaucoup d'immigrants, particulièrement à Montréal. Et, effectivement, nous touchons toutes ces sensibilités-là et ces choses-là qui leur sont propres, qui leur sont spécifiques.

Pourquoi, la Coalition, nous ne sommes pas intéressés, mais pas du tout, à ce que, à la SQDM, on se retrouve avec des populations cibles, directement? Parce que, encore une fois, on va encore en exclure peut-être 75 %. C'est non pas contre un groupe cible qu'on en a. Par exemple, les jeunes, effectivement, il y a des problèmes graves de chômage et d'exclusion chez ces gens-là, mais ils se retrouvent aussi femmes, ils se retrouvent aussi immigrants, ils se retrouvent aussi avec des problèmes de langue et de peau, etc. Donc, dans chacun des groupes cibles, on retrouve toutes les catégories.

Donc, si on ne veut exclure personne parmi les exclus, je crois que la Coalition répond parfaitement, par son éventail... Entre autres, dans la liste de groupes que vous avez à l'annexe, on retrouve toutes ces catégories-là.

Alors, entre autres, aussi, on a vu qu'il y a eu des programmes comme ça aux États-Unis; il y en a eu ici, faits par Ottawa, où ça a été ciblé, et on s'est rendu compte, à chaque fois, qu'il y en a une grande partie qui est exclue. Et la Coalition, justement, comme elle travaille avec des exclus, ne veut surtout pas l'exclusion.

Mme Harel: Mais, cette exclusion, elle est pourtant réclamée comme étant une façon de sortir de l'isolement. Alors, vous me dites: «Il y a là un paradoxe», si c'est ça que je comprends. Parce que c'est, en même temps, faire reconnaître une problématique spécifique.

Mme Laliberté (Françoise): Nous, ce qu'on veut, effectivement, c'est que le communautaire comme tel soit reconnu en tant que coalition, et à la SQDM. Et la Coalition comprend des groupes de femmes, des groupes de jeunes, des groupes en employabilité, des groupes de chômeurs, des groupes en alphabétisation; on fait tout l'éventail, c'est ciblé, déjà.

Il y a M. Pâquet...

Mme Ciesielski (Gabrielle): Si je peux me permettre, Mme Harel, moi, je ne vois pas de contradiction, parce qu'il me semble que la représentativité de la Coalition porte sur l'exclusion et non pas sur: Est-ce qu'une clientèle a plus de handicaps qu'une autre? Moi, en tant que directrice d'un groupe d'intégration pour les femmes, je me dis: Les services doivent être spécifiques – ça, c'est une chose – mais, la représentativité, pour moi, elle peut et doit être large parce qu'on travaille à la réinsertion sociale et à l'intégration de tout le monde. Et, moi, je ne me sens pas du tout menacée quand la Coalition me représente dans la vaste représentation.

Mme Harel: Même si c'est d'un homme dont il s'agit?

Mme Ciesielski (Gabrielle): Absolument! Ha, ha, ha! Dans notre personnel, nous avons un homme.

M. Nombré (Martin-Pierre): Heureusement, on n'est pas nombreux.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Neamtan (Nancy): Dans la réalité du communautaire, il reste toujours une majorité de femmes, de toute façon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pâquet (Pierre): Au niveau des services eux-mêmes, il peut y avoir des approches. Je pense que, par exemple, la SQDM a une approche sectorielle pour travailler avec certains groupes cibles. Et il est très pensable, par ailleurs, que des populations visées, en partenariat avec le milieu patronal et syndical, puissent travailler par rapport à des clientèles visées et à des populations cibles. Il y a là une alternative qui peut être fort intéressante.

Mais, pour ce qui est de la représentativité, je pense que c'est autre chose et qu'on devrait bien distinguer les deux. Comment s'attaquer à certains problèmes particuliers à des populations, c'est une chose, et la représentativité des exclus en est une autre. Et, là-dessus, il y a un consensus assez ferme à la Coalition.

Mme Harel: Vous nous dites, dans votre mémoire, à la page 6, que «le gouvernement fédéral puise [...] la majorité des sommes investies dans la formation à même la caisse de l'assurance-chômage, il fait en sorte de réserver l'accès de la formation aux uniques prestataires...»

Je peux penser raisonnable que ça soit écrit, maintenant, mais M. Axworthy a annoncé que, dans à peine un mois, il y aurait sa réforme. Et vous savez sans doute que cela consistera à ajouter, justement, d'autres prestataires, mais toujours financés à même la caisse d'assurance-chômage seulement, dans le cadre de son fonds de développement des ressources humaines, où il veut aller chercher ses programmes d'employabilité pour tout type de prestataires, mais à même un financement qui est détourné, comme vous le disiez.

Que vous semble-t-il, au niveau de ce qui s'en vient, de cette réforme qui consiste... Vous êtes vous-même à l'Action-chômage – c'est bien le cas? – vous êtes vous-même au Mouvement Action-chômage. Alors, qu'est-ce qu'il vous en semble, Mme Laliberté, de ça?

Mme Laliberté (Françoise): Je vais vous avouer que ça nous fait très peur. En fait, l'information qu'on a, c'est qu'on veut grossir le fonds de la caisse de l'assurance-chômage d'au-delà d'une réserve de 10 000 000 000 $. Et on sait que ces fonds-là vont être utilisés à différentes choses. Et qu'est-ce qui fait que ça va permettre un énorme surplus comme ça? Ce qui est très grave, c'est que, depuis 1990, loi après loi, année après année, on a coupé dans des prestations pour du soutien au revenu. Donc, de moins en moins de personnes ont accès au soutien du revenu à cause d'une perte d'emploi. Et on utilise ces fonds-là un peu à toutes les sauces. Actuellement, c'est déjà engagé un peu partout, et c'est très grave. Et on se rend compte aussi, bien sûr, qu'il y a tout un chevauchement entre la province et le fédéral. Et on trouve que c'est très grave, actuellement, comment ça s'aligne, au niveau de la réforme Axworthy, au niveau de ce projet de loi qui devrait être déposé en octobre. On trouve ça un peu scandaleux. C'est carrément scandaleux!

Mme Harel: Vous l'attendez pour octobre, le projet de loi?

Mme Laliberté (Françoise): Oui.

Mme Harel: Mais, la semaine dernière, dans le Globe and Mail , ils annonçaient qu'ils l'attendaient dans un mois; donc, fin juin, début juillet, au moment où peut-être personne ne sera là. Il attendait de faire connaître...

Mme Laliberté (Françoise): L'information qu'on en a, il y aurait peut-être un premier «draft» pour d'ici le 15 juillet, mais il y aura un dépôt en octobre. En fait, c'est flou, ce n'est pas clair.

(18 h 40)

Mme Harel: Bien, je vous remercie. Je pense que ma collègue de Mille-Îles... j'espère ne pas, là... je pense qu'elle aurait vraiment voulu utiliser une partie du temps pour échanger avec vous. Ça va?

Le Président (M. Facal): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Peut-être une suggestion pour la ministre, en commençant, à propos de ce qui se prépare au fédéral. Si elle communiquait régulièrement avec le ministre fédéral, elle le saurait; plutôt que de lire les journaux, là.

Mme Harel: Je n'ai pas réussi à le lui dire, mais, là, il faut que je lui dise. J'ai écrit à M. Axworthy...

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, mais lui parler au téléphone.

Mme Harel: Lui parler au téléphone?

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, ça marche.

Mme Harel: Bon, je vais l'essayer.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui.

Mme Harel: Je vais l'essayer, je vous le promets; je l'essaie, là, et je vous le dirai. Parce que, la correspondance, j'ai eu beau l'inviter, de toutes les manières, en public ou en privé, il n'y a rien qui a fait.

M. Charbonneau (Bourassa): Mais il vous a invité, avez-vous...

Le Président (M. Facal): ...parler à nos invités au lieu de parler entre nous.

M. Charbonneau (Bourassa): Mais, des fois, des petites occasions, en transition, quand même!

Le Président (M. Facal): C'est leur mémoire, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président, mais laissez-nous une petite marge de manoeuvre pour respirer là-dedans aussi, là. Ce n'est pas juste des échanges de faire-part, les relations fédérales-provinciales. À un moment donné, il faut se rencontrer pour se marier... ou divorcer.

M. le Président, nous avons devant nous une Coalition très vaste qui regroupe des organismes que nous avons, par ailleurs, rencontrés, en partie, et d'autres que nous n'avons pas rencontrés. Cette Coalition nous apporte le point de vue tout à fait particulier des populations marginalisées. Je vais prendre ça au point I, à la page 3 de la présentation de cette Coalition.

Ce qui est intéressant, ce qui est particulier dans cette présentation, c'est la défense du point de vue des populations marginalisées et exclues du marché du travail. Parce que, si on prend l'ICEA, il y a aussi des centrales syndicales dans l'ICEA, mais, quand on prend la Coalition qui est ici, c'est les exclus qui sont marginalisés.

Je voudrais engager une discussion surtout sous cet angle-là et mettre ce qui vous caractérise, ces caractéristiques-là de votre Coalition, en rapport avec le projet de loi 90 tel qu'il se présente. Parce que, jusqu'à la page 6 de votre document, vous développez tout un... vous apportez tous les enjeux d'une manière large. Et nous avons dit et redit à la ministre depuis plusieurs jours maintenant l'importance de situer son intervention, le projet de loi 90, dans un cadre plus large de politique de main-d'oeuvre, de politique de l'emploi. Vous revenez avec force sur la nécessité d'une politique de développement de l'emploi; donc, ne pas se soucier seulement des gens qui ont un emploi, mais se soucier des gens qui n'ont pas accès à l'emploi, que le marché exclut ou marginalise.

Nous sommes tout à fait d'accord qu'il serait très intéressant... il serait, à notre avis, primordial que la ministre donne ses couleurs. Non seulement la ministre, mais le gouvernement, parce que c'est une affaire qui ne relève pas seulement d'une ministre: c'est le ministre de l'Industrie et du Commerce qui est derrière ça, c'est la ministre de l'Emploi, bien sûr, c'est le ministre de l'Éducation, c'est le ministre responsable du Développement des régions, c'est plusieurs ministres. Que ce gouvernement, à travers la ministre de l'Emploi si c'est elle qui porte le dossier, nous livre sa vision du développement de l'emploi, s'agissant, d'une part, de ceux qui ont un emploi, et s'agissant, d'autre part, des personnes qui n'ont pas d'emploi, qui cherchent à s'intégrer ou à mieux s'intégrer.

C'est très important, le message que vous nous envoyez ici, parce que c'est à la lumière d'une telle vision et d'une discussion que nous pourrions avoir sur les éléments structurants de cette vision-là, c'est là qu'on pourrait fonder un consensus dans le Québec, je dirais, probablement aussi un consensus autour de la table, ici. Et, à partir de là, ensuite, s'il y a un, deux, trois, quatre, cinq projets de loi qui découlent de ce consensus-là, et qui traduisent, de manière concrète, en droits pour les bénéficiaires, ces consensus, bien, on pourrait s'entendre beaucoup plus facilement. Tandis que, là, à partir d'un projet de loi particulier, il faut remonter constamment la chaîne pour essayer de voir quelles sont les intentions, quelles sont les perspectives, dans quoi ça s'inscrit, etc. Ça fait un débat intéressant quand même, mais, comme législateurs, nous, ce que nous avons devant les yeux, ce n'est pas les déclarations très générales, c'est un projet de loi qui livre une certaine marchandise – passez-moi l'expression – qui livre un certain dispositif, avec lesquels les bénéficiaires seront aux prises ou devront composer.

Ma question, à ce moment-ci... Je comprends, à la page 6, que vous apportez votre appui au principe du projet de loi, parce qu'on y inscrit, là, la responsabilité de l'entreprise. Je pense que ce qui fait le particulier de cette loi, c'est que non seulement c'est la responsabilité, mais elle est quantifiée, à la hauteur de 1 %, ou au minimum de 1 %. C'est ça qui est la marque de commerce de ce projet de loi là.

Ensuite, vous avez un plaidoyer pour la création d'emploi, pour des mécanismes d'intégration au marché du travail et pour la reconnaissance de la formation, pour la formation qualifiante, pour des mécanismes d'évaluation, pour des services de formation professionnelle aux sans-emploi.

Mais en quoi le projet de loi 90 vous fournit-il des moyens, mettrait-il à votre disposition, vous, représentant les exclus et les marginalisés de l'emploi, en quoi 90 met-il à votre disposition, ou à la disposition de vos membres, de vos clientèles, le moindre dollar?

Mme Laliberté (Françoise): Mme Neamtan va répondre.

Mme Neamtan (Nancy): Moi, j'aimerais répondre et faire un peu d'histoire. La dernière fois que je me suis présentée devant une commission parlementaire, c'était au moment de la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. À ce moment-là, une des inquiétudes qu'on avait, comme organisme communautaire intervenant, en tout cas, dans un territoire de Montréal, c'était de voir que la priorité de la SQDM, à l'époque, était carrément de dire: On va commencer à travailler avec les personnes en emploi, parce que c'est la priorité; il y a tellement de lacunes là que c'est par là qu'il faut commencer.

Et, notre inquiétude, à cette époque-là, c'était effectivement de dire – et je pense que c'est encore la réalité aujourd'hui: C'est vrai qu'il y a des lacunes importantes dans l'entreprise. Si la SQDM et l'État doivent mettre toutes leurs énergies, par contre, sur cette population-là, ces travailleurs-là qui sont dans l'emploi, qu'est-ce qui arrive avec les autres? Nous, on est pris, dans le quotidien, avec ces gens-là; ils ont autant de droits au niveau de la formation.

Je dois dire que les débats au niveau de la SQDM... D'ailleurs, au moment où vous étiez là, M. Charbonneau, ç'a évolué. Quand on a fait le plan stratégique avec beaucoup de partenaires, toute cette question d'exclusion des réalités des sans-emploi est venue sur la table. Mais, à ce moment-là, ça montre toute l'ampleur du problème.

Et, dans ce sens où une loi va, si vous voulez, consacrer un virage, où les entreprises doivent prendre une responsabilité beaucoup plus grande par rapport à leurs propres travailleurs, ça dispose aussi de plus d'énergie, plus de ressources pour peut-être répartir davantage les énergies et pour toucher aussi les gens qui sont sans emploi. Ça, c'est d'une façon la plus globale.

L'argent, par exemple... les entreprises mettraient, pour offrir de la formation, leur machinerie, leur équipement. On sait que le ministère de l'Éducation dépense des millions de dollars à équiper les écoles. Les équipements deviennent désuets. Alors, si on développe une culture de la formation... et, l'argent qui va être dégagé, on investirait moins dans la brique et le béton, plus dans les gens, plus dans les questions d'apprentissage.

Alors, c'est sûr que ce n'est pas quelque chose d'immédiat. On n'est pas en train de chiffrer des montants qui vont être transférés. Mais on dit que, si on ne prend pas ce virage-là, on risque de retourner en arrière, puis revenir à dire: Bon, bien, dans le fond, on va s'occuper davantage des gens en emploi. Pas pour dire qu'ils n'en ont pas besoin; mais je pense qu'il y a d'autres – comme on l'a mentionné – des centaines de milliers, si ce n'est pas des millions de Québécois qui, eux aussi, doivent être touchés par un virage dans le développement des compétences de la main-d'oeuvre.

M. Charbonneau (Bourassa): Je voudrais enchaîner en confirmant qu'il est très intéressant que le conseil d'administration de la SQDM soit, en effet, tripartite.

Le Président (M. Facal): Je pense que M. Pâquet voulait ajouter un complément de réponse à...

M. Charbonneau (Bourassa): C'est possible. Je m'excuse. Je ne l'ai pas vu.

Le Président (M. Facal): Je vous en prie.

M. Pâquet (Pierre): Merci, M. le Président. Je pense que le mémoire fait état aussi d'expériences intéressantes qui ont été réalisées: on parlait de la Consumers Glass, on parlait d'autres expériences. Il y a sûrement là des occasions, pour le secteur communautaire, de faire intervention auprès des travailleurs déjà en emploi. Il y a l'occasion aussi de le faire auprès des sans-emploi par les fonds qui pourront être dégagés.

Par ailleurs, je voudrais ajouter une remarque sur la légitimité de la Coalition, par rapport à votre remarque préliminaire. Effectivement, il y a, dans la Coalition, des organismes qui comprennent des représentants du milieu syndical, il y en a même qui comprennent des représentants du milieu patronal. Je pense que c'est le cas de RESO. Ce qui caractérise la Coalition, c'est que ce sont des organismes qui se situent du point de vue des exclus et des marginalisés, en fonction des intérêts des marginalisés. Donc, dans ce sens-là, je pense que c'est important. Par exemple, le Conseil permanent de la jeunesse est membre de la Coalition, le CIAFT est membre de la Coalition. Donc, il y a une représentation large, mais avec cet angle de travail, cette optique de travail.

(18 h 50)

M. Charbonneau (Bourassa): C'est bien ce que j'avais voulu souligner. J'ai lu l'article 1 de votre présentation et je m'en tiens à cet angle-là, parce que je sais que, à travers le vaste regroupement, il y a d'autres catégories. Mais, ce qui vous caractérise, vous venez de le répéter: marginalisés et exclus. Je veux approfondir cette discussion, et à partir de la réponse de Mme Neamtan et de la vôtre.

Mme la ministre, tout à l'heure, quand vous avez parlé de l'importance du communautaire, elle nous a dit: Oui, j'ai même prévu un amendement à 6.2° qui pourrait permettre à des organismes communautaires, pourvu qu'ils soient sérieux et agréés, de faire de la formation. Lisons bien de quoi il s'agit, le début de 6, comment il se lit. Il se lit: «Les dépenses au bénéfice du personnel peuvent [...] concerner...» Donc, il s'agit de formation de gens qui ont des emplois. Et il pourrait y avoir des contrats de formation attribués à des organismes comme le vôtre. C'est intéressant, parce que ça assure le développement des organismes comme les vôtres. Mais on parle de vos clientèles aujourd'hui; en tout cas, à ce moment-ci, moi, je veux maintenir la discussion là. Les marginalisés et les sans-emploi, ce n'est pas de ça dont on parle à 6, là; on parle de ceux qui ont un emploi. Tant mieux si, à travers ça, vos organismes trouvent du travail puis trouvent des mandats. L'article 6 est radical; il dit: au bénéfice du personnel des entreprises. Il faudrait chercher ailleurs pour voir comment on répond aux attentes de votre clientèle particulière, les marginalisés et les exclus!

L'argent, à hauteur de 1 %, dont on parle à travers 3, 5, 6, 8, etc., c'est de l'argent qui, soit avec l'aide d'un comité d'entreprise ou un comité mixte, je ne sais pas, mais il s'agit toujours d'argent qui va être investi par les entreprises au titre de la formation du personnel. Je ne vois pas, là, comment vos membres, ou, disons, ceux dont vous représentez le point de vue particulier vont avoir une cent pour eux là-dedans.

D'autre part, l'économie de la loi nous amène aussi à regarder la constitution du Fonds; il y aura un fonds. S'il y a des entreprises qui ne dépensent pas 1 %, il y aura un prélèvement, ça finit par faire un fonds et, là, il y a un circuit qui prévoit la redistribution de cet hypothétique argent. C'est un circuit qui passe à travers des structures régionales, sectorielles, locales, ça peut être, j'imagine, communautaires, etc. Est-ce que c'est de l'argent de ce fonds que vous escomptez quelques retombées pour la catégorie «marginalisés et exclus»? Parce que, ça ne peut pas être de l'argent de la première catégorie, c'est pour les personnels des entreprises. Et vos gens ne sont pas là; ils cherchent à entrer, ils cherchent à devenir du personnel, mais ils ne sont pas là. Ça me surprendrait qu'une entreprise ait un plan de formation qui prévoie la formation des exclus du quartier. L'argent qui est là va être dépensé pour le personnel. Est-ce qu'on peut s'entendre là-dessus? D'où vient l'argent dont vous escomptez des retombées pour votre clientèle particulière dont on parle maintenant?

Mme Laliberté (Françoise): J'aimerais juste rajouter, ou, en tout cas, faire peut-être une petite correction, M. Charbonneau. Nos membres, particulièrement, ne sont pas des éternels marginalisés et exclus, c'est des gens précaires. Donc, ils vont dans le marché du travail, se retirent, ils retournent, ils reviennent. Donc, c'était juste pour faire une petite correction, entre autres.

Maintenant, M. Nombré aimerait apporter... peut-être répondre à votre question.

M. Nombré (Martin-Pierre): Bon. Moi, je me dis... je vais vous donner un exemple assez concret au niveau de l'alphabétisation, où nous avons actuellement des listes d'attente de gens qui ne peuvent pas entrer en processus d'alphabétisation. Et, souvent, ce qu'on remarque aussi, il y a des gens qui sont déjà en emploi qui sont dans nos groupes d'alphabétisation. S'il y a de l'argent qui est dégagé, ou, en tout cas, il y a de la formation qui se donne en entreprise, où nos groupes peuvent intervenir, ça va libérer des places pour que ces gens puissent aller se former. Je me dis: On n'aura pas de l'argent dans nos poches, mais il y aura de la place qui va se libérer pour des gens qui attendent actuellement pour aller en formation.

M. Charbonneau (Bourassa): En tout cas, j'ai remarqué que, dans votre mémoire, vous avez pris une précaution importante, à la page 8, de demander de l'argent additionnel au gouvernement, des ressources financières gouvernementales additionnelles pour en arriver à répondre à certaines des attentes que vous exprimez.

Nous sommes un peu dans une situation paradoxale, parce qu'il y aura de l'argent, dans le Fonds que propose la ministre, dans la mesure où les entreprises ne dépenseront pas... n'investiront pas leur plein 1 %. Ce n'est qu'à cette condition-là qu'il y a quelques dollars qui vont remonter dans le Fonds, lesquels pourront peut-être vous revenir. C'est un système quand même un peu spécial: c'est à condition que ça ne marche pas complètement sur le premier terrain que vous pourrez espérer le retour de quelques dollars à travers le circuit du Fonds. C'est devant ça qu'on est, là.

Mme Neamtan (Nancy) : Je ne pense pas, M. Charbonneau. Je pense que ce qu'on dit, c'est que, à partir du moment où les entreprises vont commencer à donner de la formation et que cette formation va être qualifiante, nos gens, qui entrent et sortent du marché du travail dans des emplois précaires, ils vont avoir accès à ces formations-là, ils vont être transférables; je pense que c'est un des objectifs de la loi, la mobilité de la main-d'oeuvre. C'est un des problèmes qu'on vit: les gens perdent un emploi, ils ont travaillé depuis 20 ans, 15 ans, ou ils ont fait cinq ou six jobs, mais il n'y a rien qui est reconnu. Alors, ces gens-là, ils vont en bénéficier d'une façon directe. Leur durée de chômage devrait être beaucoup plus courte; les périodes de formation entre les emplois devraient être beaucoup plus courtes.

On parle aussi d'apprentissage. Bon, je peux encore donner un exemple. Une entreprise, dans notre secteur, prévoit qu'ils vont avoir besoin de 30 électriciens, ils vont en former 30: 15 sont des gens qui sont mis en liste d'attente et mis à pied pour être prêts à prendre les emplois qui s'en viennent; 15 vont être des sans-emploi, ils vont être formés en entreprise.

On parle d'un changement de culture. Et je pense que, de cette façon-là, on développe une culture de la formation: tout le monde va en bénéficier.

Le Président (M. Facal): Merci. Il reste deux minutes à la députée de Mille-Îles et deux, trois minutes au député de Verdun.

Mme Leduc: Bon, alors, compte tenu que l'heure avance, tout ça, et que, quand même, plusieurs points ont été touchés par ma collègue, mais je ne pouvais pas m'empêcher, quand même, de saluer les gens et d'être contente d'être présente à votre première sortie, puisque j'étais présente à votre première réunion.

Maintenant, c'est évident que je partage l'ensemble de vos préoccupations par rapport aux exclus. Ç'a été aussi, je pense, ma première intervention ici, aux auditions qui portaient justement sur la place des exclus. Je ne peux pas m'empêcher d'être d'accord avec vous quand vous dites que, toute amélioration de la formation professionnelle, c'est évident que, la clientèle visée principalement, c'est la clientèle en emploi, mais, toute amélioration, c'est aussi notre clientèle, la clientèle. C'est-à-dire que vous desservez en alternance. C'est un autre type d'alternance qu'on souhaiterait voir disparaître, mais qui existe quand même.

Alors, c'est évident que cette loi-là va apporter des améliorations à la clientèle que vous desservez. Et c'est dans ce sens-là que je suis contente qu'elle soit là et que vous soyez d'accord avec cette loi-là.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci. Je vous salue aussi. Moi, je vais poursuivre dans la même ligne que le député de Bourassa. Vous représentez les exclus. Vous nous dites: Le projet de loi peut avoir un effet indirect sur les gens que nous représentons. Vous avez dit tout à l'heure: Ça va laisser de la place; éventuellement, d'autres sommes pourront être consacrées.

Est-ce que ça ne serait pas concevable – et, moi, c'est exactement la ligne que j'essaie de développer; je veux avoir votre réaction là-dessus – que le projet de loi, tant pour les gens qui ne sont pas encore sur le marché de l'emploi – et j'ai posé exactement le même type de question lorsque les jeunes... ou les étudiants étaient là – ou pour les gens qui sont exclus du marché du travail, une partie des sommes en formation leur soit dévolue? Et, là, on devrait avoir le mécanisme à l'intérieur de la loi. Je vous pose la question.

Autrement dit, qu'une partie du 1 % ne soit pas seulement faite pour les gens qui sont à l'intérieur des entreprises, mais pour ceux qui vont rentrer sur le marché du travail; qu'ils y rentrent, parce que ce sont des jeunes qui n'ont pas encore été sur le marché du travail; vous voulez qu'ils y rentrent parce qu'ils ont été exclus du marché du travail, et qu'ils vont y rentrer par les mécanismes d'insertion que vous représentez. Je voudrais vous entendre sur ce sujet-là.

M. Pâquet (Pierre): Il faut dire que le projet de loi n'est pas toute la formation...

M. Gautrin: N'y touche pas, actuellement, le projet de loi.

M. Pâquet (Pierre): Oui, mais le projet de loi...

M. Gautrin: On aborde une question plus grande que l'abord de la formation. Et, ça, c'est tout un plan qui n'est pas présent dans le projet de loi actuellement.

M. Pâquet (Pierre): Mais le projet de loi ne peut pas être la solution à tous les problèmes, non plus. On dit: Il y a 108 programmes et mesures au Québec qui existent en formation professionnelle. Nous, nous sommes d'accord avec le sens du projet, qui est de dire: Développons la formation continue dans les entreprises. Pour les travailleurs en emploi, certainement, c'est essentiel. Et l'ouverture est créée aussi; il y a beaucoup de souplesse dans la loi pour qu'il y ait de l'apprentissage, des apprentis, des gens qui viennent de l'extérieur, des stagiaires qui puissent en bénéficier. Et on pense que c'est tout à fait favorable.

(19 heures)

Et, par ailleurs, on se dit: Bien, dans le cas où les entreprises ne feraient pas ce qui leur est demandé et qu'il y aura des fonds centralisés, le fonds national de développement, il serait normal que les sans-emploi aient accès, à ce moment-là, au Fonds. Mais ce n'est pas l'intention de la Coalition de demander qu'une partie des sommes soit réservée aux sans-emploi. Ce n'est pas du tout le sens de ce qu'on fait et de ce sur quoi on intervient.

M. Gautrin: Donc, vous n'envisagez pas qu'une partie du 1 % soit... comme ça existe dans d'autres endroits.

M. Pâquet (Pierre): Absolument pas. Et je pense que, par rapport aux populations, aux marginalisés, bien, on retrouve dans les entreprises passablement de marginalisés, des gens qui sont à temps partiel, à statut précaire, et des travailleurs qui ont des besoins de base d'alphabétisation et de formation de base. Et, dans ce sens-là, bien, je pense que le projet de loi crée les ouvertures pour que ça serve aussi à permettre à des gens qui sont vulnérables de pouvoir se donner des assises plus fermes. Et, dans ce sens-là aussi, on appuie complètement l'intention du projet de loi.

Le Président (M. Facal): Mme Laliberté, je pense que vous vouliez faire un dernier commentaire?

Mme Laliberté (Françoise): Oui, c'était simplement pour rappeler que, effectivement, il faut le voir dans l'esprit d'une culture de la formation professionnelle, je crois que c'est extrêmement important dans le Québec d'aujourd'hui. Mais, effectivement, comme Mme la ministre, qui le demande depuis plusieurs années, un guichet unique sur la formation professionnelle au Québec, je pense que ça presse, parce qu'il y a d'autre gros argent qui vient d'ailleurs. Et je crois que, à un moment donné, il va falloir mettre tout ça ensemble.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Bourassa, pour un mot de remerciement.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui. Merci à la Coalition de nous avoir présenté un point de vue qui est stimulant, parce que celui qui vous parle est tout à fait à l'aise avec le caractère tripartite de la SQDM. Tripartite. Parfois, certains de nos interlocuteurs appellent ça paritaire, la SQDM, conseil d'administration paritaire; ce n'est pas un conseil paritaire, c'est tripartite. Et, quant à moi, ça doit rester comme ça. Et, le tiers secteur, il doit s'affirmer au sein de la SQDM. Et j'ai travaillé dans ce sens-là avant, et je vais continuer. Donc, on est à l'aise sur ces terrains-là.

Cependant, mon inquiétude – et je ne suis pas rassuré, malgré que, vous, vous ayez l'air à être bien à l'aise avec ça – c'est qu'il n'y ait pas grand-chose pour vous autres, pour votre clientèle, dans ce projet de loi. Vous pouvez avoir des espoirs; tout le monde qui est venu ici est venu nous donner des espoirs – donnez-moi 20 secondes, pour terminer – cependant, la dynamique de l'investissement du 1 % à travers un comité d'entreprise consultatif, voire décisionnel, employeur-syndiqués, je pense n'affoler personne en vous disant que ce n'est pas une dynamique qui va être très, très, très propice à laisser tomber des sous pour les gens que vous représentez.

Le personnel, l'administration, la direction de la compagnie, les cadres, les syndiqués, règle d'ancienneté, et puis, dépenses d'équipement, dépenses de locaux, j'ai bien hâte de voir ce qui va rester pour les plus précaires de ces entreprises-là, moi.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, c'était un échange fructueux, c'était un échange très enrichissant. Je crois qu'il faut prendre le projet de loi pour ce qu'il est; pas plus ni moins. Le mieux est l'ennemi du bien, dit-on habituellement; alors, le député de Bourassa est à la recherche du mieux, moi, je lui propose du bien. Alors, je crois qu'en additionnant du bien, celui-là et d'autres, ça pourra finir par faire un peu de mieux.

Sauf qu'il y a une chose très importante à ne pas oublier: il n'y a pas, d'un côté, les exclus, puis, de l'autre côté, les inclus. Il y a de plus en plus ce qu'on appelle les itinérants, c'est-à-dire ceux qui, finalement, se promèment parfois avec l'emploi, et puis parfois, sans emploi. Mais, ce qu'il faut aménager, c'est des parcours d'insertion, hein? C'est de plus en plus l'approche qui se développe dans notre société, un parcours d'insertion. C'est évident que la formation est au coeur du parcours d'insertion.

Le parcours d'insertion qui est proposé ici, c'est celui de la main-d'oeuvre en emploi. Et il est évident que, avec la possibilité d'ouvrir à des stagiaires puis à des apprentis, ça ouvre aussi à ceux qui sont en parcours d'insertion. Cependant, moi-même, j'ai des craintes, à savoir qu'est-ce qu'il va en rester, si tant est que ça comble un vide qui existe depuis si longtemps que même les syndicats ou les travailleurs vont vouloir en bénéficier les premiers.

Ce qui fait que c'est important d'avoir maintenu la formule du crédit d'impôt pour les stages et l'apprentissage. Parce que, les grandes entreprises assujetties puis aussi les moyennes n'auront plus le crédit d'impôt. Vous savez que, au moment où elles sont assujetties, elles n'ont plus droit au crédit d'impôt, sauf si elles reçoivent des stagiaires puis des apprentis. Puis, en général, elles savent où se trouve l'argent, n'est-ce pas? Parce que, on le sait bien, ce sont les grandes qui ont plutôt profité du crédit d'impôt. Je pense que, ça, il faut le leur rappeler. Puis, là, il n'y a pas de limite; le crédit d'impôt, c'est que tout ce qu'il est possible d'utiliser doit l'être, bien évidemment.

Moi, j'avais réfléchi sur le fait qu'il fallait peut-être un pourcentage. Comme en France, vous savez, où, après quelques années – sept, huit ans – ils se sont rendu compte que ça servait essentiellement à des travailleurs, si vous voulez, déjà formés ou à des cadres. Je ne dis pas que tout ça est écarté, si, comme je le disais au député de Bourassa, l'amendement vient, et si c'est consensuel... parce que, compte tenu du temps puis qu'on veut adopter ça avant la Saint-Jean pour que ce soit en application au 1er janvier prochain, il faut faire la réglementation au plus tard cet été. Alors, c'est évident que, à choisir entre le mieux, qui serait dans un avenir incertain, puis le bien, qui serait immédiat, je choisis l'immédiat. Mais, si tant est que l'on veut envisager ça, moi, le député de Verdun est tout à fait...

Le Président (M. Facal): Mme la ministre...

Mme Harel: ...en tout cas, bienvenu, s'il veut nous proposer des choses à cet effet.

Le Président (M. Facal): Merci à nos invités. Alors, nous suspendons jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 19 h 8)

(Reprise à 20 h 11)

Le Président (M. Facal): Alors, comme nous avons le quorum, j'inviterais les parlementaires à prendre place afin que nous puissions commencer.

Nous recevons ce soir, en premier lieu, la Table des corporations de développement économique communautaire, à qui nous souhaitons la bienvenue et à qui nous rappelons, en premier lieu, qu'ils disposent de 20 minutes pour présenter leur mémoire, suivi d'un échange de 40 minutes divisées en deux blocs égaux. Alors, je vous inviterais peut-être à présenter les membres de votre délégation et, ensuite, à entreprendre la présentation de votre mémoire.


Table des corporations de développement économique communautaire

M. Normand (Bernard): Je vous remercie, M. le Président. J'ai, à ma gauche, M. Jacques Beaudet, de la CDEC de Québec, qui s'est joint à nous; et, à ma droite, viendra dans quelques instants Mme Nancy Neamtan, du réseau CDEC du sud-ouest de Montréal. Et mon nom est Bernard Normand, de la CDEC Centre-Nord de Montréal.

D'abord, excusez ma voix, quelque peu, j'ai peut-être trop parlé. Je vais essayer d'aller à l'essentiel. Nous désirons tout d'abord remercier Mme la ministre pour nous avoir offert l'opportunité de nous faire entendre devant cette commission sur un sujet qui touche un des aspects fondamentaux de notre pratique quotidienne dans les divers quartiers de Montréal et du Québec. Compte tenu que je vois, des deux côtés de cette table, qu'il y a, autant du côté gouvernemental que de l'opposition, plusieurs personnes qui connaissent déjà le travail des CDEC et qui l'ont appuyé, je ne ferai pas une présentation telle qu'elle est au texte et je vais passer plus rapidement à l'ensemble des autres points.

D'abord un rappel. Et là je vais résumer rapidement les pages 2 et 3, que vous avez entre les mains, compte tenu que l'ensemble du texte pourrait dépasser 20 minutes et qu'on veut accentuer certains aspects des commentaires qui se veulent concrets et positifs. Je pense qu'il y a eu quand même un large consensus pour dire qu'il y avait au Québec un retard important en ce qui concerne la formation professionnelle, en ce qui concerne la situation des personnes sans emploi. C'est en tenant compte de ce diagnostic-là que nous... Je fais le pont en disant que les CDEC, en étant impliquées sur le terrain avec un ensemble d'acteurs économiques et sociaux, sont témoins de l'urgence de donner un coup de barre dans l'implantation d'une culture et d'une pratique de formation continue en entreprise non seulement pour la santé des entreprises individuellement, mais aussi pour le bien-être de l'ensemble de la collectivité québécoise.

Pour ces raisons, nous accueillons de manière très favorable la décision du gouvernement du Québec de déposer ce projet de loi, avec l'objectif qui est mentionné à l'article 1, objectif qui consiste à améliorer, par l'accroissement de l'investissement dans la formation professionnelle et par l'action concertée des partenaires patronaux, syndicaux et communautaires et des milieux de l'enseignement, la qualification de la main-d'oeuvre et ainsi de favoriser l'emploi de même que l'adaptation, le réemploi et la mobilité des travailleurs.

Sur l'ensemble du projet de loi, nous avons somme toute trois commentaires: le premier portera sur la définition d'une formation de qualité, j'en donnerai des éléments essentiels de façon plus rapide; j'insisterai davantage sur l'objectif 2, sur le commentaire 2, qui se rapporte à l'importance d'une démarche proactive liée aux besoins et aux ressources locales, ce qui est davantage spécifique des CDEC; et, trois, la perspective d'un vrai régime d'apprentissage au Québec, où nous avons esquissé des éléments très brefs.

Bon. Sur le premier point, la définition d'une formation de qualité. En premier lieu, nous désirons souligner le fait que nous sommes d'accord avec la ministre quand elle déclare qu'on ne doit pas chercher à gonfler les montants accumulés dans un fonds national de formation professionnelle, mais plutôt viser à nous assurer que les entreprises auront choisi d'investir dans leur avenir en investissant le 1 % au bénéfice de leurs travailleuses et leurs travailleurs. Ça nous semble un point extrêmement important au niveau de l'intention du législateur.

Deuxièmement, nous croyons qu'on doit viser à faire en sorte que les éléments de formation soient vraiment des éléments de formation qualifiants et qu'on ne puisse pas inclure, dans la formation, n'importe quel élément. Ça nous semble important. Et, en complémentarité à ça, vous indiquer que nous ne croyons pas que la solution en ce sens-là soit d'exiger, de manière mécanique, que toute formation passe par les institutions de formation établies. Malheureusement, notre propre expérience nous amène à voir que des lacunes trop importantes dans les systèmes institutionnels jumelées fréquemment avec une lenteur et avec certaines résistances aux changements au sein de ces mêmes institutions, tout cela nous suggère que nos réseaux d'éducation devront mériter le rôle qu'ils peuvent assumer, car ce rôle ne doit pas leur revenir d'office. Tout en demandant une plus grande flexibilité, qui va dans le sens d'une reconnaissance, aussi, du travail des organismes communautaires – tel que les gens qui sont passés avant nous ont indiqué – les expériences au niveau communautaire, il ne faut quand même pas mettre de côté, croyons-nous, des paramètres pour évaluer la qualité de la formation donnée. Nous ne sommes pas des sommités dans le domaine de la formation, mais nous avons quand même certains commentaires à mettre de l'avant, de façon très modeste.

Premièrement, il nous semble que les interventions en formation doivent, au point de départ, être définies en fonction d'une analyse réelle et concrète des besoins des personnes et des entreprises. Notre expérience comme CDEC nous amène à privilégier des interventions qui se fondent sur un partenariat au sein de l'entreprise, non pas uniquement par principe, mais parce qu'il s'agit d'un atout majeur dans la motivation du personnel devant faire face à des changements au sein de l'entreprise. Au cours de la période de discussion, nous pourrons davantage émailler avec des exemples en ce sens-là.

Deuxièmement, il nous semble essentiel de tenir compte de la formation de base comme élément intégral de la formation en entreprise. Encore là, je n'irai pas tellement plus loin parce que ceux qui nous ont précédés ont amené des éléments avec lesquels nous sommes entièrement d'accord et qui font, en quelque sorte, qu'il faut lier formation de base et formation professionnelle de façon majeure. En ce sens, nous recommandons, à l'instar d'autres intervenants, à la ministre d'indiquer d'une façon précise, à l'intérieur des dispositifs de la loi, que la formation de base fait partie des dépenses reconnues dans le corps de ce projet de loi.

Aussi, nous croyons indispensable qu'un système de reconnaissance des acquis et des compétences soit mis de l'avant dans les plus brefs délais, parce que, ce que nous voyons, ce sont souvent des adultes qui ont un bagage impressionnant d'acquis «expérienciels» qu'eux-mêmes n'évaluent pas toujours à leur juste valeur, et qu'il est essentiel que le virage qui est mis de l'avant par le gouvernement du Québec puisse impliquer de mieux identifier ces éléments-là positifs qui existent dans notre main-d'oeuvre.

J'en arrive au coeur de notre mémoire, qui, je pense, est peut-être le point sur lequel il pourrait y avoir davantage de questionnements et sur lequel on a voulu amener des éléments de suggestions concrètes, parce que, souvent, on discute de dispositifs législatifs de façon très large. On pense que ça peut être intéressant de voir comment la décision du gouvernement du Québec d'implanter, finalement, ce projet de loi là peut, en quelque sorte, se lier avec des objectifs réalisés dans un esprit positif et proactif au niveau du travail, en ce qui concerne les travailleurs, les travailleuses et les entreprises. On va passer à des choses un peu plus précises.

(20 h 20)

L'expérience de concertation des CDEC nous a démontré que des changements de culture au sein de toute entreprise, que celle-ci soit communautaire, privée ou publique, sont des processus qui exigent beaucoup d'efforts, de temps et de détermination. Trop souvent, ces changements arrivent par la force des choses, parce que l'entreprise ou l'organisme est confronté à des difficultés qui menacent sa survie ou parce que l'institution subit des pressions suite à des coupures, à des restructurations. Dans ce contexte, dont on entend souvent parler à travers les journaux ou autres, il est parfois très difficile d'opérer des changements, car les délais sont courts et les marges de manoeuvre sont très limitées. Par contre, et c'est la perspective que l'on veut amener, quand les acteurs sont en mesure de s'insérer dans un processus dynamique et proactif, les résultats sont nettement plus intéressants et créatifs.

Dans ce contexte, nous déplorons les propos alarmistes d'organisations comme la Fédération de l'entreprise indépendante ou le Conseil du patronat qui semblent s'opposer, jusqu'ici en tout cas, à ce projet de loi. Voilà, il nous semblait, une belle opportunité pour les associations patronales de devenir réellement proactives et de prendre la place qu'elles revendiquent depuis si longtemps dans le dossier de la formation professionnelle afin d'aider leurs membres à prendre le virage de la formation.

De notre côté, nous avons entendu d'autres sons de cloche. On vous en fait part car, contrairement au message qu'elles véhiculent, nous avons la conviction que les entreprises avec lesquelles nous travaillons ne sont pas contre le principe de l'investissement du 1 %. Sans une stratégie proactive dès aujourd'hui, il est en effet probable que plusieurs PME perçoivent la loi comme une mesure punitive et s'y conforment soit par une consommation non planifiée de plusieurs formations, sur une base de programmes conventionnels préétablis mais non adaptés à leurs besoins, soit par des formations sur le tas sans valeur réelle ni pour l'entreprise ni pour les employés.

Comment éviter un tel piège? Nous croyons qu'il est essentiel d'agir rapidement afin de nous assurer que l'ensemble des forces vives dans toutes les régions du Québec soient mises à contribution pour la réussite d'une telle politique. Au moment où, partout au Québec, les collectivités se mobilisent pour prendre en main leur développement aux niveaux local et régional, un virage aussi important que celui proposé par la loi 90 ne peut réussir sans s'enraciner dans ces mouvements collectifs de prise en charge d'un bout à l'autre du Québec. C'est dans un tel contexte que des organismes comme nos CDEC et d'autres organismes de développement local peuvent jouer un rôle intéressant.

Premièrement, les organismes comme les CDEC, qui oeuvrent quotidiennement auprès des entreprises, doivent être rapidement mis à contribution à travers des campagnes d'information ou de sensibilisation auprès de ces entreprises qui seront affectées tôt ou tard par la loi. Il est important que des acteurs non gouvernementaux, dès maintenant, offrent une aide et un soutien aux PME qui peuvent craindre l'arrivée de cette loi. En partant de leurs besoins spécifiques et avec une approche non institutionnelle, nous pourrions soutenir les efforts de la SQDM d'une façon proactive et innovatrice. D'ailleurs, certaines CDEC ont déjà pu vérifier l'impact de telles collaborations avec la SQDM et avec d'autres partenaires en organisant des regroupements d'entreprises pour des formations spécifiques. Cette façon de faire permet de rendre accessibles des formations qui, dans un cadre individuel, le seraient difficilement.

Notre expérience nous enseigne également qu'il est ainsi possible de réduire les coûts d'environ 30 % tout en favorisant le «réseautage» d'entreprises, ce qui constitue une réelle valeur ajoutée par rapport à l'objectif original. Dans cette optique, qui rejoint l'esprit de l'article 31 du projet de loi, nous pourrions dès 1996, comme CDEC, coopérer à des projets-pilotes concrets, telle la mise en place de fonds locaux de formation contrôlés conjointement par des représentants des employeurs du milieu, par des représentants de regroupements syndicaux, par des responsables désignés par les conseils régionaux de la SQDM de Montréal et de Québec ainsi que par des personnes oeuvrant au sein des CDEC. Une autre initiative locale pourrait consister à préparer l'implication de PME qui ne seront assujetties à la loi qu'en 1997 et 1998, mais qui pourraient déjà, suite à une campagne de sensibilisation et à une étude de besoins, s'associer ensemble, par arrondissement à Montréal et par quartier à Québec, et proposer des plans de formation conjoints pour leurs employés avec le support professionnel de CDEC, d'organismes du milieu et de la SQDM.

Bref, cela consisterait à ne pas attendre passivement les modalités d'application de la loi, mais à se préparer collectivement dès maintenant, et cela, dans le cadre d'un travail à la base. Et pourquoi ne pas, dans une telle perspective, expérimenter, dans des villes comme Montréal et Québec, où il y a d'importantes concentrations de petites et de moyennes entreprises, des services locaux de liaison qui permettraient, de manière souple, la mise en commun des ressources de formation, ressources qu'une petite entreprise ne peut individuellement se payer, à la différence de la grande entreprise, mais qui pourraient devenir accessibles et intéressantes pour des regroupements de PME? De plus, on pourrait envisager un maillage de grandes entreprises et de petites entreprises d'un même secteur, des grandes entreprises rendant accessibles à des petites entreprises des formations ou des outils de formation.

Des organismes locaux comme les CDEC peuvent jouer un rôle dans la définition et la mise en application de tels projets et de programmes de formation adaptés aux besoins des entreprises à condition, selon nous, que la loi et les modalités d'application renforcent cette possibilité, ce qui est d'ailleurs déjà présent à l'article 31, où il est mentionné que les conseils régionaux de la SQDM pourront confier à toute association d'employeurs ou autre organisme qu'elle agrée à cette fin la mise en oeuvre de l'un ou l'autre des volets du plan d'affectation des sommes du Fonds national de formation professionnelle.

Ici, il y aurait avantage, à notre avis, à renforcer cette partie du projet de loi afin d'encourager explicitement, par des dispositions, la mise en place d'initiatives locales et la participation directe d'employeurs et de leurs représentants sur une base non seulement sectorielle, mais aussi territoriale, bon, ce qui est particulièrement crucial dans les milieux urbains à forte concentration d'entreprises, car, malgré leurs efforts, il est fort probable que des organismes régionaux, tels que la SQDM de Montréal et de Québec, auront beaucoup de difficultés à répondre aux besoins extrêmement variés de la masse d'entreprises qui s'y trouvent et, plus particulièrement, des petites et moyennes entreprises. La tentation de normer les modalités d'application de la politique du 1 % afin de ne pas en perdre le contrôle pourrait alors être très forte, et une telle orientation risquerait d'aller à l'encontre des objectifs du projet de loi. Pour réussir, il nous semble essentiel que les PME aient accès à des démarches de formation sur lesquelles elles sentent avoir une emprise et qui aient la flexibilité nécessaire pour répondre rapidement et efficacement à leurs besoins.

Je vais passer tout de suite à la partie 3, compte tenu du temps qui nous est dévolu, pour vous dire brièvement que, ce qu'on reconnaît comme positif à l'intérieur de ce projet de loi, c'est de voir la reconnaissance de l'investissement des entreprises dans l'apprentissage et des stages, à l'intérieur de ce projet de loi comme tel. Même si nous partageons des inquiétudes de certains syndicats à ce sujet, à savoir que cette possibilité ne doit pas servir d'échappatoire pour éviter de former le personnel en place, nous sommes tout de même très encouragés par l'idée que nos efforts soutenus auprès des entreprises pour faire de la place aux personnes exclues, des jeunes, des femmes, des personnes assistées sociales, des immigrants sans expérience de travail canadienne, soient appuyés par des modalités de ce projet législatif. Encore une fois, nous soutenons qu'il faut accorder toute notre attention à la qualité de ces stages, de telle sorte qu'il y ait une formation réelle qui y soit intégrée. Et, en ce sens-là, nous rejoignons certaines remarques émises tantôt sur l'importance des parcours d'insertion et qu'il y ait une qualification réelle de ce travail-là en termes de formule d'apprentissage.

(20 h 30)

Je vais terminer à ce sujet-là, et on pourra revenir, compte tenu du temps, peut-être, sur ce volet-là, qui est moins développé. En guise de conclusion, nous désirons réitérer le fait que les organismes de développement local que sont les huit CDEC de Montréal et de Québec appuient avec enthousiasme les objectifs et plusieurs des dispositions de ce projet de loi, compte tenu qu'il s'inscrit dans le prolongement des efforts de formation professionnelle que nous déployons sur le terrain depuis une dizaine d'années avec des personnes exclues, avec des travailleurs et des travailleuses ainsi qu'avec des entreprises, et cela, au coeur des quartiers populaires de Montréal et de Québec, là où la lutte pour l'emploi et la revitalisation économique et sociale sont intenses. C'est aussi en nous inscrivant dans une telle optique que nous croyons essentiel d'élargir la portée de l'article 31 de ce projet de loi afin que la place des associations d'employeurs, des organisations de travailleurs et des organismes de développement économique local comme les nôtres puisse être davantage reconnue en pratique et que cette reconnaissance puisse constituer un atout de plus dans le sens d'une formation professionnelle au Québec qui soit faite non seulement pour les entreprises et les travailleurs, mais avec les entreprises, avec leurs employés et avec tous ceux et celles qui aspirent à travailler et à être reconnus comme des citoyens et des citoyennes à part entière. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. Normand. Alors, nous allons entreprendre nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président, M. Normand, Mme Neamtan, M. le directeur de la CDEC de Québec, M. Beaudin, je pense, c'est bien ça?

M. Normand, j'ai eu l'occasion d'assister dernièrement, il y a peut-être un mois ou deux maintenant, à un sommet du quartier centre-nord. Et j'ai pris conscience à ce moment-là que ce quartier centre-nord, où vous êtes directeur de CDEC, qui regroupe les quartiers Saint-Michel, Villeray, Parc Extension, est l'équivalent en population de toute la région de la Gaspésie, du Bas-Saint-Laurent et de la Côte-Nord ou encore l'équivalent de toute la région de l'Abitibi. Donc, 148 000, je pense?

M. Normand (Bernard): 143 000.

Mme Harel: 143 000 de population, et, finalement, malgré l'impression contraire à cause de la présence de la grande ville, très peu d'institutions locales au service du développement local. Alors, je suis contente que vous soyez porte-parole ce soir, avec Mme Neamtan et M. Beaudet, de la Table des corporations de développement économique communautaire. Et j'aimerais bien reprendre avec vous toute la question relative au rôle que vous pourriez jouer. Vous avez souvent cité l'article 31. Il faut le voir en relation avec l'article 8 parce que, à l'article 8, c'est la possibilité pour l'entreprise de satisfaire l'obligation d'investir 1 % dans le cadre d'un versement effectué à une association sectorielle ou régionale, un comité paritaire ou un autre organisme reconnu par la Société, qui peut très bien être une corporation de développement économique et communautaire, une corporation de développement communautaire, aussi, ou économique tout court, comme il existe dans d'autres régions. Donc, à 8, c'est volontaire, c'est l'entreprise qui le décide et, à ce moment-là, l'organisme devient un peu celui qui prélève les fonds parce qu'il a un plan de formation, tandis que, à 31, c'est lorsque l'entreprise n'a pas dépensé le 1 %, qu'elle doit le verser, auquel cas, à ce moment-là, c'est une affectation qui n'est plus volontaire mais qui est répartie par le conseil d'administration de la SQDM, qui peut être régionale à ce moment-là. Alors, je pense que c'est peut-être plus en vertu de l'article 8 qu'il y a quelque chose à faire, parce que, si tout va bien – en tout cas, au moins la première année – certainement qu'avec les entreprises de plus de 1 000 000 $ de masse salariale, il ne s'accumulera pas d'argent dans le fonds. La deuxième année, si, comme vous le dites, on est proactif et qu'on les incite dès la première année à utiliser le crédit d'impôt, qui leur est encore admissible, pour se donner un plan de développement de ressources humaines, il est possible que, la deuxième année aussi, il n'y en ait pas, d'argent dans le fonds. Et il faut souhaiter que ce soit la même chose la troisième année, auquel cas c'est plus en tant qu'organisme local: réseau dans le sud-ouest, la CDEST, dans l'est. Je pense, entre autres, au rôle qu'a pu jouer la CDEST ou PRO-EST par rapport au plastique. Avec la plasturgie, que je connais... En fait, que je connais mieux parce que c'est de l'est qu'il s'agit, mais je suis certaine que vous auriez des exemples différents à me donner chacun de votre côté. Et, donc, est-ce que ce n'est pas plus comme organisme du milieu qui connaît les besoins de l'entreprise et qui peut préparer un plan de formation – je pense, dans le plastique, par exemple – et qui peut l'offrir aux entreprises qui ont le choix, bien évidemment, mais qui peuvent juger utile de procéder par la voie d'un plan à l'échelle locale, à l'échelle humaine, finalement? Est-ce que, ça aussi, ça pourrait vous apparaître intéressant?

Mme Neamtan (Nancy): Oui, je pense que les deux... Effectivement, on souhaite tous et toutes que ce soit le premier, c'est-à-dire que les entreprises... Et on travaille dans ce sens-là, je pense, chacun dans nos arrondissements ou à Québec, pour que ce soit comme ça. C'est évident que les entreprises... Le plus difficile, ça va être pour les plus petites. Et il peut arriver à un moment donné que le 1 % s'applique. À ce moment-là, même là, dans la livraison de la formation qui doit être faite, je pense que... Nous, notre expérience, c'est que c'est beaucoup plus facile quand un organisme comme le RESO ou un organisme qui est un organisme du milieu va frapper à la porte d'une PME, pour parler à une petite entreprise – dans ce cas-là... de ce qui peut être fait dans la formation – que quand ils voient arriver quelqu'un du gouvernement. Même si c'est la SQDM, pour eux autres, c'est du gouvernement. Et c'est plus difficile. Nous, on a notre pratique, on voit comment on rentre beaucoup plus facilement dans les PME que, souvent, les agences gouvernementales justement parce qu'on est un organisme issu du milieu.

Alors, je pense que, même dans le cas de l'article 31, il serait souhaitable de voir cette possibilité-là. Puis, de toute façon, je pense qu'à Montréal on n'aura pas le choix parce que ce n'est pas la SQDM, ce n'est pas tout Montréal qui va pouvoir aller auprès de ces entreprises-là puis essayer de faire en sorte que, malgré elles, le 1 % soit dépensé.

Mme Harel: Vous avez tellement raison! Parce que, on l'oublie parfois, on a des institutions qui, finalement, sont mur à mur à travers le Québec tout entier. Je pense aux CRD, c'en est un bon exemple, les conseils régionaux de développement – les SQDM le sont également – qui s'offrent à des populations de taille à peu près égale à chacun de nos arrondissements. Alors, il y en a neuf arrondissements comme ça sur l'île de Montréal, plus 29 municipalités. C'est donc que chaque arrondissement correspond souvent à presque une région au Québec. Alors, il y a à voir autrement l'action à mener vers l'entreprise comme vers la main-d'oeuvre, finalement. Et ce n'est pas juste par des succursales, là. Ce n'est pas parce que la SQDM ouvrirait une succursale à Pointe-Saint-Charles, ou à Saint-Henri, ou à Verdun, ou à Parc Extension ou... Je pense que les CDEC sont devenues beaucoup la façon d'intervenir aussi pour la SQDM, en matière de main-d'oeuvre, en tout cas.

Est-ce que ça vous apparaît, à ce moment-là, devoir être dit de façon plus explicite ou si ça vous apparaît suffisant ou satisfaisant comme ça l'est?

Mme Neamtan (Nancy): En tout cas, je pense que si on parlait peut-être d'organismes régionaux ou locaux, ça pourrait peut-être être un peu plus spécifique, là. Parce que, évidemment, on a toujours des problèmes à Montréal, et la région, c'est la région de Montréal, c'est la même région administrative que tout le monde, sauf qu'on connaît les proportions de la population, bon, ce que vous venez de mentionner. Alors, on pourrait peut-être mentionner la notion du local. Je pense que, dans le cas de Montréal, ça devient pertinent.

Mme Harel: Hum!

M. Normand (Bernard): Peut-être ajouter quelque chose... Ce que je pourrais ajouter là-dessus dans le même sens, c'est que je pense, autant dans la ville de Québec que pour Montréal, où il y a des concentrations à la fois d'entreprises et de population, je crois que de pouvoir le mentionner explicitement dans la loi, ça fait qu'on ne fait pas de confusion entre toute la problématique au niveau du développement régional, qui est excellent au niveau de l'ensemble du Québec. Mais quand on arrive dans des régions à forte concentration, comme on indique à l'intérieur du mémoire, ça permettrait d'avoir des points d'ancrage beaucoup plus proches, si on veut, des entreprises et des milieux et de pouvoir l'indiquer. Aussi, ça ferait référence, tout en n'ayant pas, dans un texte législatif, des choses trop, trop arrêtées... Mais, quand même, d'ouvrir cette porte-là, de telle sorte que, autant pour la référence aux articles 8 et 31 que vous avez faite, ça puisse s'appliquer. Mais, évidemment, pour revenir à ce que vous avez mentionné tantôt, l'essentiel, c'est l'état d'esprit et le type de travail des CDEC à faire à ce niveau-là. Et on pense que, malheureusement, ce n'est pas suffisamment reconnu puis qu'il y a une opportunité d'indiquer, à côté du mot «régional», peut-être au niveau local, l'organisme de développement local ou des choses analogues.

(20 h 40)

Mme Harel: Alors, M. le Président, il ne me reste que cinq minutes, là. Je sais que mon collègue de Groulx voulait intervenir aussi. Et, s'il me reste du temps, je reviendrai sur les petites, petites entreprises, avec vous.

Le Président (M. Facal): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. C'est avec grand plaisir que j'ai parcouru le mémoire présenté par le regroupement des CDEC, des organismes dont je connais l'action sur le territoire de la ville de Montréal – même à Québec maintenant – et des organismes qui, de fait, sont en liens intimes de plus en plus avec la SQDM. Et c'est comme ça que nous avions entrevu le développement du plan stratégique de la SQDM, de manière à ce que des organismes comme les CDEC puissent servir de relais dans l'action sur le terrain, notamment en ce qui a trait au mandat de formation, puisque c'est de ça qu'il s'agit. On sait, d'autre part, que ce n'est pas le seul mandat des CDEC mais que c'est un aspect du mandat d'une CDEC. Et, quant à moi, je crois tellement en la formule des CDEC – et je sais que la ministre m'écoute d'une oreille tout en écoutant sa conseillère de l'autre; il faut faire plusieurs choses à la fois – que j'aimerais qu'on lève les barrières à l'extension de la formule dans certaines autres parties du territoire de l'île de Montréal, dont Montréal-Nord, dont les conditions socio-économiques sont d'une telle nature qu'elle mériterait d'avoir un encouragement concret de la part du gouvernement pour l'implantation d'une CDEC, à mon avis et d'après l'avis de plusieurs autres qui étudient la question depuis plusieurs années sur ce territoire-là. Mais il paraît que c'est limité à la ville de Montréal. Je cherche encore à savoir sur la base de quelle logique. Il y a de la pauvreté...

Mme Harel: ...parlé au maire de Montréal-Nord?

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, oui. Il n'y a pas de problème. Le maire de Montréal-Nord nous rappelle que les demandes provenant de l'extérieur de la ville de Montréal ne sont pas admissibles, et on le sait bien, de toute façon, qu'elles ne sont pas admissibles en vertu des critères actuels. Le jour où il y aura une annonce là-dessus, elle sera saluée bien haut et bien bas de la part des représentants d'un territoire comme le mien. Donc, ceci pour vous dire en introduction que la formule des CDEC semble importante dans plusieurs territoires, y compris à l'extérieur de la ville de Montréal. Mais, sur l'île de Montréal, en ce qui me concerne, vous avez un mandat, entre autres de formation, de développement de l'employabilité, de développement de la main-d'oeuvre, d'insertion à l'emploi. C'est sous cet angle-là aussi qu'on essaie de faire la promotion de la formule dans notre milieu, et, quand il y aura du financement de disponible, on pourra aller plus loin. Vous parlez beaucoup de l'importance d'une approche proactive. Non seulement vous en parlez, mais vous en faites, en ce qui vous concerne. Vous essayez d'être le plus clairvoyant possible quant au meilleur positionnement à obtenir pour les CDEC dans le système envisagé par la ministre. Vous avez eu un oeil sur 31. La ministre vous a dit: Attention! À l'article 31, ça se peut qu'il n'y ait pas grand argent qui circule là. C'est ce que je disais avant que nous ajournions tout à l'heure. Elle voulait expliquer que, peut-être pour les trois premières années, il n'y aurait rien là en termes d'argent. Elle vous a dit: Regardez donc l'article 8. Je pense que c'est des suggestions sur lesquelles on peut revenir. Et, tout comme pour les organismes qui étaient présents entre 18 heures et 19 heures, c'est la même chose. C'est de ce côté-là qu'il peut y avoir, peut-être, de l'activité. Quant au reste, vous manifestez, à la page 10, une inquiétude que j'essayais d'exprimer à ma manière aussi avant l'arrêt du souper. Vous soulignez et vous dites que vous partagez l'inquiétude de certains syndicats, à savoir que cette possibilité ne doit pas servir d'échappatoire pour éviter de former le personnel en place. C'est aussi ma prétention qu'il y aura de gros intérêts en place dans les entreprises, légitimes aussi, pour faire en sorte que l'argent, le fameux 1 % soit investi pour le personnel de l'entreprise. Et, s'il y a des syndicats qui sont présents et qui peuvent s'exprimer par le biais d'un comité paritaire décisionnel comme ils le souhaitent, je prévois – je ne sais pas si je me trompe, l'avenir le dira – qu'il ne restera pas grand argent pour les exclus ou les précaires du marché du travail. Mais, ça, on peut toujours espérer un monde meilleur, mais la dynamique est là, et je partage cette inquiétude comme vous, vous partagez une inquiétude. Mais, une fois exprimée l'inquiétude, la réalité, elle, elle va aussi peser de tout son poids.

La question des stages. Il y en a qui parlaient tout à l'heure de réserver une portion de l'argent pour les stages, pour l'apprentissage. C'est des formules qu'on voit, par exemple, dans le modèle français, où ils ont réservé des portions, des fractions pour telles, telles fins, pour les congés de formation, pour les stages, etc., pour garantir un peu. Je ne sais pas s'il faut raffiner la formule jusque-là. Il faut d'abord nous convaincre que c'est nécessaire d'imposer une formule obligatoire, parce que, tout comme vous, nous croyons que les entreprises sont largement motivées à faire de la formation par elles-mêmes, sur leurs propres bases. Que pensez-vous de l'article 17 – je vais poser une question – l'article 17, qui permet aux entreprises qui ne font pas de formation de se libérer de leurs responsabilités en se voyant prélever le 1 %? Trouvez-vous que c'est une bonne manière de régler ce problème-là, la formule expiatoire libératoire?

Mme Neamtan (Nancy): C'est-à-dire qu'une entreprise qui se cotise le 1 %, à ce moment-là, elle n'a pas besoin de faire de la formation, c'est ça?

M. Charbonneau (Bourassa): C'est ça. Elle est libérée, elle, parce qu'on dit: Tout ça, ça baigne dans l'idéal d'un objectif de promotion de la culture de la formation. Mais, si vous n'en faites pas, vous payez l'amende, et puis ça va bien aller quand même. Comment vous voyez ça, cet article-là?

Mme Neamtan (Nancy): Bien, écoutez, encore une fois, c'est... On a... On favorise une approche proactive, on a de l'expérience avec les entreprises, avec les PME, puis, comme vous dites... Quand vous dites qu'on favorise une approche proactive, effectivement, c'est quelque chose qu'on fait. Juste cette semaine, on a réuni, par exemple, à peu près une trentaine de PME dans notre secteur pour regarder des types de formation, et ce qu'on constate, ce n'est pas que les gens ne veulent pas, mais ils ne savent pas par quel bout le prendre et ils ont besoin d'aide. À ce moment-là, on voit le rôle qu'on peut jouer. Bon, au pire, si, après ça, il n'y a rien d'autre à faire, bien, on peut toujours reprendre ce 1 %. Je pense que c'est l'ultime résultat d'une entreprise qui ne veut vraiment pas participer, et, à ce moment-là, on va être obligé de faire le travail à leur place. Ça va être malheureux, mais je pense que ça fait partie de la nature même de la loi, avec laquelle on est d'accord.

M. Charbonneau (Bourassa): Parce qu'il y a un parlementaire, dernièrement, qui nous disait: Il faut voir... C'est un peu comme le port de la ceinture de sécurité, ça. Il faut inciter à le faire, et puis, graduellement, ça s'implante. Moi, je pense que c'est plutôt comme quelqu'un qui ferait la promotion de la sécurité routière, mais il vous dit: Écoutez, si vous vous faites prendre à rouler à 130 km, vous payez l'amende. Après ça, une fois que vous avez payé l'amende, vous montrez à la police, la prochaine que vous allez à 130 km, vous dites: J'ai payé mon infraction pour l'année, laissez-moi aller! L'article 17 me fait penser plutôt à ça: Laissez-moi aller, j'ai payé pour l'année. Ça ne marche pas, c'est contraire à la philosophie de la sécurité routière, alors, 17 me fait penser à ça. Je ne sais pas si la ministre pourrait, à travers ces échanges-là, penser à d'autre chose. Moi, j'ai terminé.

Le Président (M. Facal): Très bien, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: J'ai très peu de temps.

Mme Harel: Beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Facal): C'est parfaitement exact.

M. Kieffer: Alors, je ne commenterai pas l'ensemble de votre mémoire. J'ai une préoccupation bien précise et je l'ai parce qu'elle revient systématiquement dans tous les mémoires, sauf que je n'ai pas eu, à date, de réponse satisfaisante. Je partage avec vous votre impression de la lourdeur et de la lenteur des institutions d'éducation pour encadrer la formation professionnelle. Je pense qu'elles peuvent s'adapter, sauf à un niveau où je pense qu'elles ne pourront pas s'adapter, et c'est sur la formation sur le tas, formation en usine. On dit de la formation en usine qu'elle doit être qualifiante, sinon, s'il n'y a aucune forme de reconnaissance, ça ne vaut pas la... Bien, en fait, oui, ça va valoir la peine pour celui qui travaille sur la machine, sauf qu'il ne pourra pas la transférer, il ne pourra pas la transporter puis elle ne lui est pas reconnue. Comment la qualifier? Comment la diplômer, cette formation-là? Comment s'assurer que le travailleur va pouvoir avoir une reconnaissance de la formation qu'il reçoit en usine? Est-ce que c'est le réseau officiel? Est-ce que c'est d'autres formules qu'on doit utiliser, compte tenu du fait qu'on sait que la formation en usine, la formation sur le tas est une formation habituellement très pointue, qui répond aux préoccupations immédiates de l'entrepreneur, qui peut être de durée variable – bien, en général, d'assez courte durée – mais qui revient beaucoup plus fréquemment? Comment est-ce qu'on va la qualifier? Comment est-ce qu'on va la reconnaître?

Mme Neamtan (Nancy): Bien, encore une fois, je pense qu'on n'est pas des experts. On a parlé de l'importance de la formation...

(20 h 50)

M. Kieffer: Vous n'avez pas besoin d'être des experts. J'en ai entendu, des experts, madame, puis je vous jure qu'à date ils ne m'ont pas satisfait. Alors, allez-y donc.

Mme Neamtan (Nancy): Mais je pense qu'il y a différentes choses. Bon. Il y a quand même une certaine expérimentation au niveau de la reconnaissance des acquis et des compétences. Il y a aussi des systèmes... Nous, par exemple, on a fait l'expérience dans des usines avec des travailleurs, même, qui sont dans des situations précaires, de faire l'auto-évaluation des compétences et des besoins pour permettre aux travailleurs d'aller chercher ce qui leur manque dans les institutions d'enseignement. Mais je pense que c'est au niveau de l'approche sectorielle, aussi, qu'on va trouver des réponses, parce que les entreprises, entre elles, elles savent qu'un travailleur qui a fait tel emploi dans tel type d'entreprise, probablement qu'il va y avoir des similarités. Alors, par le renforcement, aussi, de l'approche sectorielle, je pense que les entreprises, entre elles, elles vont trouver aussi des réponses qui vont répondre à leurs besoins, à la réalité de leur secteur. Et, ces secteurs, ça peut être au niveau provincial. Mais, nous, on dit aussi: Même, si on prend Montréal... On prend le centre-sud de Montréal, il y a une concentration d'entreprises culturelles; dans l'est, on parle de plasturgie. Nous autres, on a, par exemple, le monde qui travaille dans le domaine verrier, dans la grande, la petite, la moyenne entreprise, et c'est par un regroupement par secteur, je pense, qu'on va trouver des solutions de reconnaissance de types de... Connaître, par exemple, le fibre de verre. Les gens qui travaillent le fibre de verre dans différents types d'entreprises, ils finissent par connaître un certain nombre de choses. Alors, je pense que c'est peut-être de cette façon-là qu'on va apprendre à développer des systèmes qui vont nous permettre de transférer des compétences, même si elles ne sont pas avec les diplômes. Je pense que, aussi, ça va peut-être forcer les institutions d'enseignement à être assez souples pour que, éventuellement, les diplômes, ils aient une vraie valeur sur le marché du travail, ce qui n'est pas toujours le cas.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député d'Outremont. Non, vraiment pas, parce que vos trois minutes incluent la réponse de nos invités. Je suis infiniment désolé.

M. Tremblay (Outremont): Je concède de lui donner une minute de mon temps.

Le Président (M. Facal): Profitez de votre minute, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: C'est parce que, dans votre mémoire, vous en parlez, de la formation qualifiante, et vous en exprimez l'importance. Là, vous me dites: Ce n'est pas important qu'elle soit à ce point formelle. Quand je parlais de diplomation, la diplomation, ça peut prendre bien des formes. En fait, la diplomation, c'est simplement la reconnaissance par le milieu de l'acquisition de connaissances, c'est tout. Et vous semblez me dire: Uniquement parce que, bon, on sait que tu as travaillé dans tel type de secteur, dans tel type d'entreprise, on va te la reconnaître automatiquement ou quasi automatiquement.

Mme Neamtan (Nancy): Non. Je dis que, au fur et à mesure qu'il va y avoir des regroupements d'entreprises au niveau sectoriel ou une meilleure coordination, mais pas nécessairement par les institutions d'enseignement... En tout cas, nous, on a toujours une approche beaucoup plus pragmatique. Je pense qu'on va commencer à trouver des solutions à travers ça. Moi, j'ai, par exemple, juste dans... On a vécu cette expérience cette semaine, où il y a un regroupement qui se développe autour des entreprises dans le domaine du voyage et de l'animation, les Clubs Med, etc. Ils disent: Pour nous... Entre nous, on sait ce dont on a besoin comme type de formation. Ils sont en train de développer leur propre plan et, entre eux autres, ils vont finir par développer un système de reconnaissance. C'est des experts qui sont issus de ce milieu-là, qui sont en train de travailler tout un plan de développement. Le seul problème, c'est quand ils rencontrent le ministre de l'Éducation. Là, ça accroche, mais, entre eux autres dans l'industrie, par exemple, ils se comprennent. Alors, on va commencer avec ça et, un jour, peut-être qu'ils vont se comprendre avec le MEQ.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Tremblay (Outremont): Merci, M. le Président. Je dois vous dire que je suis très heureux que vous soyez venus partager votre mémoire avec nous. Vous n'avez pas lu un paragraphe que je considère très important. C'est à la page 1, le début. «La mission des corporations de développement économique et communautaire est à la fois économique et sociale. En tant qu'organismes de concertation et surtout d'action concertée, nous travaillons autant avec les entreprises et les gens d'affaires qu'avec des personnes sans emploi et des organismes communautaires. Ce qui se traduit d'ailleurs dans la composition mixte et dans la dynamique de nos conseils d'administration. Ensemble, nous nous efforçons de trouver des solutions permettant aux entreprises de croître et de créer des emplois et aux personnes sans emploi de développer leurs compétences afin de pouvoir remplir les exigences d'un marché du travail en pleine mutation.»

Et j'ai été très heureux d'entendre plusieurs mots que vous avez utilisés tout au long de votre présentation, mais je vais juste en citer quelques-uns: proactif, réseautage, mouvement collectif, changement de culture, regroupement de PME, maillage de grandes entreprises d'un même secteur. Ce que vous voulez, c'est que l'individualisme cède la place à l'intérêt commun. Ma question très précise a rapport avec la page 6, où vous dites que votre expérience au niveau du changement de culture est toujours confrontée à des difficultés qui menacent habituellement la survie d'une institution qui subit des pressions suite à des coupures et à des restructurations. Est-ce que vous pouvez me dire comment vous pouvez faire un bon travail uniquement avec la complicité de la ministre de l'Emploi, qui est très consciente des corporations de développement économique et communautaire pour en avoir une dans son comté – donc, l'employabilité – quand vous n'avez pas la complicité du secteur économique et, de façon plus précise, un agent de développement économique?

Vous faites aujourd'hui la preuve ici... C'est la raison pour laquelle j'essaie de convaincre la ministre qu'elle ne peut pas faire son travail sans la complicité du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, et je sais le traumatisme que vos corporations ont vécu lorsque ce ministre, pour des considérations budgétaires, a décidé, sans consulter sa collègue de l'Emploi, de remettre en question l'agent de développement économique, qui est essentiel pour votre survie. Alors, j'aimerais que vous insistiez, que vous nous expliquiez comment c'est important pour la ministre qu'elle s'assure qu'à l'avenir son collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, ne prenne plus jamais une décision qui concerne l'employabilité, l'emploi, sans consulter la ministre de l'Emploi, la ministre d'État à la Concertation.

M. Normand (Bernard): Écoutez, je veux profiter de cette question-là pour indiquer d'abord qu'il y a des gens ici, des deux côtés, qui ont appuyé activement les CDEC et que, au-delà des lignes partisanes qui peuvent exister, il y a un travail de sensibilisation à faire et que l'appui au travail de développement économique et communautaire dans les milieux, c'est quelque chose qui est relativement récent à l'échelle de notre histoire, qui a commencé il y a une dizaine d'années dans le sud-ouest et dans l'est de Montréal, et qu'on a un travail de sensibilisation à faire. Et ceux qui y croient, je pense, doivent finalement se battre, comme vous, M. Tremblay, vous l'avez fait et comme d'autres de l'autre côté de la Chambre l'ont fait lors de l'étude des crédits budgétaires. Et je crois que, dans ce sens-là, c'est la vision d'une corporation de développement économique qui travaille à la fois avec les personnes sans emploi et du côté des entreprises. C'est ça qui fait la force d'une corporation de développement économique, et je ne suis que d'accord avec votre remarque pour dire qu'il y a un travail à faire et, que ce soit à tous les niveaux, il y a un travail de sensibilisation. Et j'en profite pour remercier l'appui que vous avez donné. Je pense que c'est important de le dire.

M. Tremblay (Outremont): En terminant, ce que je souhaite profondément, M. Normand, c'est que votre vision, là, d'une corporation de développement économique et communautaire devienne contagieuse le plus rapidement possible au niveau gouvernemental.

Le Président (M. Facal): Merci. Peut-être un mot de remerciement, M. le député de Bourassa?

M. Charbonneau (Bourassa): Et en dehors des frontières de la ville de Montréal. Mes remerciements.

Le Président (M. Facal): Mme la ministre.

Mme Harel: Bien, à défaut d'avoir été contagieuse avec le gouvernement précédent, bien, que ça le devienne avec le présent gouvernement. Ha, ha, ha!

(21 heures)

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup à nos invités. Merci. J'inviterais nos prochains intervenants, les représentants de l'Union des municipalités du Québec, à prendre place à la table qui est devant nous. Je rappelle à nos invités qu'ils ont 20 minutes pour nous présenter leur mémoire et que s'ensuivra une période d'échange divisée également entre le groupe ministériel et l'opposition officielle.

Je prierais nos invités de peut-être commencer par se présenter tous les deux et, ensuite, entreprendre la présentation de leur mémoire.


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Gendron (Jean-Marc): Merci, M. le Président, Mme la ministre, Mme la députée, MM. les députés.

Je me présente, Jean-Marc Gendron, membre du conseil d'administration de l'UMQ et aussi chargé politique des dossiers en relations de travail et en formation, et Mme Aline Laliberté, qui m'accompagne, est la professionnelle plus particulièrement affectée à ce type de dossiers là.

Le Président (M. Facal): Maire de Mistassini.

M. Gendron (Jean-Marc): Exactement...

Le Président (M. Facal): Voilà.

M. Gendron (Jean-Marc): Une magnifique municipalité de 7 000 habitants qui fête le bleuet annuellement et qui a la prétention de se déclarer la capitale mondiale du bleuet. On a une marge de manoeuvre, par contre, mais, en tout cas!

Alors, sans plus tarder, M. le Président, pour être capable de bien remplir mes 20 minutes et le faire de façon cohérente, je vais m'en tenir à la présentation et à la lecture du mémoire qui vous a été présenté et qui est élaboré de façon fort pertinente.

Alors, l'Union des municipalités du Québec est le principal regroupement des municipalités locales du Québec. Ses quelque 300 municipalités membres, implantées dans toutes les régions, représentent plus de 80 % de la population totale du Québec et gèrent une proportion plus imposante encore des budgets municipaux, 85 %, étant donné le caractère majoritairement urbain de ses municipalités membres. L'UMQ compte également parmi ses membres 32 municipalités régionales de comté et les trois communautés urbaines.

On est porté, quand on pense à l'UMQ, à voir immédiatement Montréal, Laval, Québec, Sainte-Foy. Oui, c'est vrai que nous avons d'importantes municipalités, de moins importantes, mais également de petites municipalités, comme la mienne, à 7 000 habitants.

La principale mission de l'UMQ est de promouvoir le rôle fondamental du gouvernement local et de défendre les intérêts des municipalités, MRC et communautés urbaines, en regard des besoins et aspirations des citoyens ainsi qu'à promouvoir l'institution municipale en tant que palier local de gouvernement élu au suffrage universel.

Le monde municipal constitue un employeur important au Québec. Un peu plus de 3 % des travailleurs québécois sont à l'emploi d'une municipalité ou d'un organisme de transport en commun. Bien que les municipalités soient, à première vue, un palier de pouvoir public semblable aux autres réseaux publics – éducation, santé – elles s'en distinguent du fait que c'est la collectivité locale qui en constitue le bailleur de fonds presque exclusif.

Les municipalités et les sociétés de transport en commun emploient actuellement un total de plus de 78 000 personnes. Ces fonctionnaires municipaux reçoivent environ 3 600 000 000 $ annuellement, soit plus de 40 % des budgets municipaux, évalués à plus de 9 000 000 000 $. Ces travailleurs occupent des emplois très diversifiés, agissant à titre de policiers, pompiers, employés manuels, employés de bureau, contremaîtres, gestionnaires, chauffeurs d'autobus, etc. À l'intérieur de ces catégories d'emploi, on retrouve plusieurs types de fonctions qui visent tant des professions et métiers traditionnels que des activités propres au secteur municipal, à savoir: électriciens, mécaniciens, préposés à la voirie, commis de bureau, répartiteurs, patrouilleurs, bibliothécaires, évaluateurs, etc. Et, même lorsqu'on est capable de faire des références avec le secteur privé ou le secteur autre que public, il y a des spécificités au niveau des fonctions rattachées au mandat municipal qui leur sont très propres et qui sont très spécifiques.

La diversité des postes en milieu municipal tient au fait que les municipalités, par l'entremise de leurs fonctionnaires, doivent offrir une gamme très large de services à la population: protection policière, protection contre les incendies, entretien des rues et chemins, enlèvement de la neige, cueillette des ordures ménagères, fourniture de l'eau, etc., et que plusieurs de ces services ne sont pas offerts par l'entreprise privée.

La situation particulière du milieu municipal, étant donné la diversité des fonctions, rend complexe la formation des employés et différencie donc la municipalité de beaucoup d'entreprises qui, bien souvent, affectent plusieurs personnes à un même type de tâche. En effet, dès qu'une municipalité compte un certain nombre d'employés, on y retrouve diverses unités de travail composées, bien souvent, d'un petit nombre d'individus. À titre d'exemple, à Montréal, il y a une unité d'accréditation pour les vétérinaires qui s'occupent des chevaux qui patrouillent sur le Mont-Royal, ce qui est assez peu fréquent.

Une autre caractéristique des municipalités est celle du peu de mobilité de la main-d'oeuvre. Chez les employés manuels, il n'est pas rare de rencontrer des gens qui passeront toute leur vie au service d'une même municipalité.

Quant aux policiers ou aux pompiers municipaux, s'il leur arrive de quitter leur poste au sein d'une municipalité, c'est très souvent pour occuper la même fonction dans une autre municipalité. Ce que je viens de dire s'applique également à plusieurs autres catégories d'emploi à l'intérieur des municipalités. Généralement, il n'est pas rare de voir une personne, un gestionnaire, commencer dans une municipalité de taille plus réduite pour, graduellement, lorsqu'il y a des ouvertures dans des villes un peu plus importantes, y appliquer. C'est comme ça que, de fil en aiguille, il se retrouve à faire carrière dans le monde municipal et à se retrouver, éventuellement, dans une ville de taille importante comme Québec, Montréal ou Laval.

Dans les discussions tenues dans le cadre du dossier de la décentralisation vers les municipalités des activités assumées jusqu'à maintenant par l'État, le gouvernement a signifié sa volonté de modifier, voire d'abolir des règlements, d'alléger plusieurs contrôles imposés aux activités municipales et de mettre fin au mur-à-mur dans sa façon d'intervenir envers les municipalités. Cette volonté a d'ailleurs été confirmée au mois de janvier 1995 par la création d'un groupe de travail sur la déréglementation, lequel a remis son rapport à la Table Québec-municipalités le 5 mai dernier.

Certains irritants affectant les municipalités font maintenant l'objet d'une déréglementation incluse au projet de loi 68, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et d'autres dispositions législatives, présentement à l'étude par l'Assemblée nationale. Ce groupe de travail a reçu de la Table Québec-municipalités le mandat de poursuivre ses travaux jusqu'à la fin de l'année en cours.

Les municipalités demandent de plus en plus au gouvernement de favoriser leur autonomie administrative et fiscale afin de respecter l'adéquation souhaitable entre palier de décision, palier de prestation et palier de financement d'un service public. Les municipalités désirent au minimum maintenir équivalent ou, mieux encore, diminuer le fardeau fiscal global imposé à leurs citoyens et citoyennes. Devant l'ampleur de la crise des finances publiques, les municipalités n'ont pas le choix et doivent rationaliser leurs dépenses. Les contribuables n'ont plus la capacité de payer davantage.

L'UMQ désire rappeler à la ministre de l'Emploi que la politique gouvernementale en matière de déréglementation et le processus d'allégement de la Table Québec-municipalités visent l'allégement réglementaire, administratif et législatif à l'endroit des municipalités en prévoyant l'abandon ou l'assouplissement d'obligations et la simplification administrative en diminuant les tracasseries et la paperasserie. Il importe de mentionner que ce fardeau réglementaire et administratif comporte des coûts importants qui se traduisent en délais autant qu'en démarches inutiles.

Les irritants de la loi et de sa réglementation. En gardant en mémoire qu'il faut minimiser les charges administratives et les exigences prescrites, la lecture du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle, nous porte à croire que cette volonté gouvernementale de déréglementer ne sera pas appliquée dans ce cas-ci. En effet, l'UMQ constate que de nombreux règlements viendront concrétiser l'application de cette loi, ce qui est un obstacle, à ce moment-ci, à une bonne compréhension de sa portée.

Bien que l'objet de la loi soit louable en soi, c'est-à-dire améliorer la qualification de la main-d'oeuvre et favoriser l'emploi de même que l'adaptation, le réemploi et la mobilité des travailleurs, le monde municipal considère que cette mesure est injustement contraignante à son égard. Tel que mentionné précédemment, plusieurs travailleurs municipaux font leur carrière entière dans la même municipalité.

De plus, la préparation d'un plan de développement des ressources humaines, qui doit être conçu par un comité créé au sein de la municipalité et approuvé par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, de même que la comptabilisation des heures consacrées à la formation des travailleurs entraîneront un fardeau administratif supplémentaire pour les municipalités, lequel se traduira par un alourdissement du fardeau fiscal supporté par les contribuables locaux.

Peu de municipalités – un peu plus de 40 à peine – possèdent, au niveau de leur structure administrative, un service de ressources humaines organisé. La gestion des ressources humaines des quelque 1 400 municipalités restantes est assumée soit par un directeur général ou par un secrétaire-trésorier. La panoplie de responsabilités relevant de ce premier fonctionnaire fait en sorte que ce n'est pas un spécialiste qui devra s'assurer de l'encadrement, de la planification, de l'exécution et de l'évaluation des programmes de formation. L'état des finances publiques faisant en sorte que l'appareil municipal doit faire plus avec moins, il est peu probable que ces nombreuses municipalités soient en mesure de mettre en place des ressources spécialisées en formation professionnelle.

(21 h 10)

La Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre doit définir par règlement les dépenses de formation professionnelle admissibles. Plusieurs interrogations demeurent quant aux dépenses admissibles, et nous espérons que le comité tiendra compte des pistes que nous vous présentons ce soir.

Le temps de libération de l'employé en formation sera-t-il considéré au titre des dépenses?

Le coût de remplacement de ce travailleur libéré pourra-t-il aussi être considéré au titre des dépenses?

Plusieurs conventions collectives du monde municipal prohibent le droit de la municipalité à recourir à du personnel temporaire lors d'absence de courte durée. Il s'ensuit donc que certains remplacements sont effectués par des personnes travaillant au taux supplémentaire. Par exemple, l'exemple des exemples, notre catégorie de travailleurs appelés des policiers, lorsque, effectivement, il y a du remplacement à faire, dans plusieurs conventions collectives, il est prévu qu'on ne peut pas faire appel à des temps partiel mais qu'on doit nécessairement offrir ce temps de remplacement là à des policiers permanents qui s'y présentent à temps supplémentaire. Ces dépenses pourront-elles être comptabilisées au titre de dépenses?

Le temps d'encadrement des employés en formation pourra-t-il être comptabilisé au poste budgétaire de la formation?

Certaines municipalités ont à leur emploi un certain nombre de formateurs qui exercent cette profession à temps plein, le temps de ces personnes pourra-t-il être comptabilisé?

Les dépenses indirectes occasionnées par la formation professionnelle pourront-elles être comptabilisées au chapitre de la formation? Par exemple, les coûts de formation pour les cours d'opérateur-chauffeur se situent au minimum à 2 000 $ par personne pour un cours de base. Outre les coûts de formation, pour certaines municipalités éloignées des grands centres, comme la mienne, les frais de déplacement et d'hébergement qui s'ajoutent peuvent représenter des sommes encore plus importantes.

Les dépenses reliées aux frais de location de locaux, d'équipements, d'achat de matériel didactique pourront-elles être comptabilisées au titre des dépenses de formation?

La formation reçue lors des colloques ou séminaires, une source importante de formation dans le monde municipal. Selon le projet de loi, la formation dispensée par les institutions d'enseignement sera reconnue comme des dépenses admissibles. En sera-t-il ainsi lorsque ces institutions d'enseignement offrent des colloques ou des séminaires thématiques? En effet, les institutions d'enseignement prennent souvent l'initiative d'organiser des séminaires ou des colloques qui profitent à plusieurs employés. Cette formation doit aussi être reconnue, par exemple, les congrès d'un département des relations industrielles qui traitent des thèmes particuliers et qui profitent professionnellement aux praticiens du milieu. Il en est de même lorsque le Service de la formation permanente du Barreau du Québec organise des colloques thématiques, tel un colloque annuel en droit municipal à l'intention des personnes oeuvrant en milieu municipal.

De plus, on doit reconnaître des programmes de formation offerts dans la municipalité par ses personnes-ressources et destinés à des catégories particulières d'employés. L'utilisation des formateurs compétents qui n'ont pas toujours besoin d'être choisis à l'extérieur et qui peuvent fort bien provenir d'autres services doit être considérée dans la définition de dépenses de formation professionnelle admissibles.

Un exemple concret. J'ai le bonheur d'avoir comme directeur général à la ville de Mistassini un directeur général de carrière. Lorsque vient le temps de faire son recyclage ou de mettre à jour sa formation eu égard à l'informatique, il va participer à des sessions ou à des séances de travail en commun qui sont organisées par des firmes spécialisées dans un type de logiciel extrêmement pointu qui concerne des programmes adaptés aux municipalités. Il n'y a pas ce qui s'appelle une institution d'enseignement qui va aller donner ou mettre sur pied des cours pointus à ce point-là, qui va faire en sorte qu'ils vont être capables d'y retrouver leur compte.

Nous offrons la possibilité à nos cadres, chez nous, soit de participer à un congrès de l'association ou de participer à plusieurs séminaires qui sont dispensés par leur association. Dans plusieurs cas, les cadres préfèrent participer à des réunions d'association, où la synergie qui se développe entre, exemple, les gérants d'aréna va leur permettre d'acquérir une formation qu'ils n'ont pas nécessairement de façon concrète et appliquée dans un institution de formation comme l'UQTR, qui est spécialisée en récréologie.

La formation professionnelle s'adresse tout autant au personnel ouvrier qu'au personnel de soutien, au personnel administratif et aux cadres. Beaucoup de formation est donnée en milieu de travail dans le secteur municipal et doit être reconnue dans des dépenses de formation professionnelle.

Dans les municipalités, l'apprentissage de métiers exercés se fait surtout sur le tas. Par exemple, lorsque les travailleurs font des travaux d'excavation ou de tranchée, l'équipe de travail en place doit se familiariser avec les infrastructures souterraines telles les conduites d'égout, d'eau, d'électricité, de gaz et de câblodiffusion. Le contenu de cette formation vise l'acquisition de connaissances et d'habiletés nécessaires à l'accomplissement efficace de diverses opérations inhérentes aux tâches, au bon usage et à la préservation de l'équipement ainsi qu'au respect des normes de sécurité.

Pour beaucoup de postes en milieu municipal, le réseau scolaire n'offre pas de formation aux jeunes étudiants. C'est le cas des opérateurs de souffleuse ou de balai mécanique, pour ne nommer que ceux-là. Il n'existe pas, non plus, de programme pour devenir fonctionnaire municipal, vu la diversité des fonctions dans le milieu. La formation doit donc être assurée sur le tas, et elle est essentielle à la bonne exécution du travail. Il n'existe pas, non plus, de cours pour devenir opérateur de radar. Il n'existe pas, non plus, de cours très, très, très, très, très structuré concernant des opérations et des facettes bien précises du travail que l'on fait. Mais, les besoins en formation, on doit les combler.

Le «coaching» est une méthode qui est aussi intégrée dans les municipalités. Cette assistance qu'apporte le travailleur expérimenté à un de ses pairs ou, encore, le supérieur hiérarchique au travailleur sous sa responsabilité répond à une exigence d'efficacité et d'amélioration de la qualité des services offerts à la population en plus de fournir aux intéressés des possibilités de progrès professionnel.

Chez les employés de bureau, le personnel professionnel et les policiers, la connaissance et la mise à jour de la législation et de la réglementation en vigueur: environnement, bâtiment, code criminel, ou la méthode de travail: application de la taxation, évaluation foncière, par exemple, se font souvent à partir d'une ressource à l'interne qui diffuse la formation adéquate. Il en va de même pour les nouvelles techniques ou équipements utilisés par les pompiers.

Il est impératif, si le gouvernement va de l'avant avec cette obligation de consacrer 1 % de la masse salariale à la formation professionnelle, que l'apprentissage en milieu de travail soit reconnu et que l'extension de la reconnaissance à ce 1 % là tienne compte de la réalité particulière qui concerne le monde municipal et, j'imagine et présume, d'autres secteurs très pointus de l'activité industrielle ou publique au Québec.

La formation reçue en santé et sécurité du travail. Toute formation nécessaire pour une meilleure exécution du travail devrait être reconnue comme de la formation professionnelle. Certains cours offerts en santé et sécurité du travail sont obligatoires pour tous les travailleurs municipaux et doivent être reconnus comme de la formation professionnelle. En effet, les travailleurs doivent recevoir obligatoirement cette formation, sinon, ils ne peuvent être embauchés. C'est le cas, entre autres, du cours pour les éboueurs, le cours sur le SIMDUT, système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail, le cours sur les travaux publics, sur le déneigement.

La formation dispensée en santé et sécurité du travail vise à induire chez les employés des changements durables dans le domaine de leurs connaissances, de leurs habiletés, de leurs attitudes et de leurs comportements. Cette formation vise à munir le travailleur de connaissances et d'habiletés à l'exercice de sa profession. L'UMQ demande donc à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre d'agréer l'Association paritaire pour la santé et sécurité du travail, secteur affaires municipales, l'APSAM, en tant qu'organisme formateur.

Les cours offerts en santé et sécurité du travail aux cadres mettent l'accent, quant à eux, sur l'acquisition de connaissances et d'habiletés au plan technique, tels les systèmes de gestion en santé et sécurité du travail. Il n'est pas rare que leur évaluation du rendement tienne compte de cet élément de gestion en santé et sécurité du travail. Cette formation est reliée à leur profession.

La formation professionnelle comprend toutes les catégories de formation. Pour exécuter convenablement sa tâche, le travailleur doit autant connaître les contenus du savoir – connaissance – du savoir-faire – habileté – et du savoir-être – attitude. C'est ce qui en fait un travailleur expérimenté et professionnel dans l'exercice de ses fonctions.

Enfin, nous arrivons à la conclusion. Les municipalités favorisent la polyvalence et la mobilité de leur main-d'oeuvre et assument déjà leurs responsabilités en matière de formation professionnelle. Les municipalités qui n'étaient pas admissibles auparavant à la plupart des programmes offerts par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ont dû pourvoir à même leurs propres ressources à la formation de leurs travailleurs en dehors des programmes gouvernementaux existants. L'UMQ ose croire qu'en un tel contexte le gouvernement prendra des mesures pour tenir compte du caractère particulier du secteur municipal.

(21 h 20)

Il faut éviter que de nouvelles obligations faites aux municipalités de justifier leurs dépenses en formation professionnelle ne créent un nouveau carcan administratif et n'engendrent des coûts de gestion supplémentaires qui ne pourront être assumés que par les contribuables; coûts administratifs qui ne seront pas directement imputés à la formation de nos employés. L'UMQ demande à la ministre de prendre en considération les recommandations suivantes: que l'application de cette mesure soit souple et flexible afin de réduire au minimum les tracasseries administratives; qu'un modèle type d'un plan de développement des ressources humaines soit transmis aux employeurs municipaux afin de leur faciliter la tâche; que les dépenses de formation professionnelle admissibles comprennent le temps de libération du travailleur, les coûts supplémentaires engendrés par cette libération, le temps d'encadrement, le temps des formateurs à temps plein à l'emploi des municipalités, les dépenses indirectes occasionnées par la formation professionnelle; que les dépenses de formation lors des colloques ou séminaires soient admissibles; que la formation en milieu de travail soit reconnue et que les dépenses inhérentes à cette formation soient admissibles; que certains cours obligatoires en santé et sécurité au travail soient reconnus comme de la formation professionnelle et que les dépenses de formation reliées à ces coûts soient admissibles; que l'Association paritaire en santé et sécurité du travail, secteur affaires municipales, soit agréée comme organisme formateur par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre; que des mesures d'étalement prévoient la possibilité de reporter les dépenses de formation professionnelle sur une autre année. Je vous remercie, M. le Président. Merci, madame.

Le Président (M. Tremblay): Alors, merci beaucoup, M. Gendron. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, M. Gendron, et vous aussi, Mme Laliberté, qui l'accompagnez et qui êtes conseillère en relations de travail à l'UMQ, je crois.

Alors, peut-être quelques chiffres pour nous retrouver à travers les municipalités qui pourraient être visées par le projet de loi. Vous avez parlé, je crois, de 1 400 municipalités au Québec, M. Gendron, dans le mémoire?

M. Gendron (Jean-Marc): C'est ça, oui. On disait qu'il y en avait 40 qui, actuellement, ont des services, en termes de personnel, très élaborés, très pointus, mais la majorité des municipalités, les 1 400 autres là, n'ont pas de service du personnel de façon spécifique dans leur organisation.

Mme Harel: D'accord. Alors, il y aura un total de 196 municipalités qui ont une masse salariale supérieure à 1 000 000 $, c'est-à-dire 13 % du total des municipalités qui, au 1er janvier 1996, auront à satisfaire l'obligation du 1 %. Dans la deuxième année, ce serait 297, et puis ça se terminerait, en 1998, à un total de 449; donc 30 %. En fait, il y aura toujours 70 % des municipalités qui ne le seront pas et 30 % des municipalités qui, à terme du calendrier d'implantation, seraient assujetties.

Je prends tout de suite en considération le fait que, dans le projet de loi, on prévoit la possibilité de satisfaire l'obligation du 1 % à partir d'un régime d'apprentissage. Vous-mêmes en parlez d'ailleurs dans votre mémoire quand vous abordez la question, je crois, de la formation sur le tas. Vous mentionnez, en conclusion, que, si le gouvernement va de l'avant avec cette obligation de consacrer 1 % de la masse salariale à la formation professionnelle, l'apprentissage en milieu de travail soit reconnu. C'est exactement de ça dont il s'agit, pas simplement maintenant l'apprentissage d'adultes, qui va toujours être possible et permis, mais l'apprentissage de jeunes aussi, qui ne l'était pas jusqu'à maintenant, et non seulement l'apprentissage en milieu de travail, mais la diplomation dans le cadre d'un régime d'apprentissage. C'est vraiment le choix que l'on fait d'une autre façon, si vous voulez, d'apprendre.

Alors, le projet de loi prévoit possible de recevoir des stagiaires, ça, ce sont des étudiants, ou de recevoir des apprentis, ceux-là sont à contrat de travail. Dans les deux cas, il sera possible de le faire à même le 1 % ou, encore, et/ou avec le Crédit d'impôt remboursable pour la formation, qui le permet aussi pour les stagiaires et pour l'apprenti. Mais, l'apprenti, il faut vraiment le dire, c'est un nouveau régime qui s'en vient, un nouveau régime d'apprentissage où il va être possible, après le secondaire III, d'être diplômé en secondaire V après avoir complété quelques cours de formation générale et avoir fait son apprentissage en milieu de travail.

Bon, ceci dit, je comprends que vous ne dites pas oui puis vous ne dites pas non. C'est bien ça?

M. Gendron (Jean-Marc): Mme la ministre, ce que l'on vous dit très, très, très, très, très clairement, c'est qu'actuellement, au niveau des municipalités, il s'en fait, de la formation professionnelle. Au niveau des municipalités, nous avons une façon de former nos catégories de personnel d'une façon particulière et nous identifions les sources de formateurs adaptés aux besoins des municipalités. Actuellement, le cadre est souple et les contraintes reliées à l'évolution du marché du travail font en sorte qu'on est obligé d'en tenir compte et qu'on s'adapte pour rendre nos employés plus pertinents et plus performants.

C'est très clair que le danger qui nous hante et qui est présent à notre esprit, c'est que le fait de normaliser, le fait de légiférer, c'est toujours porteur de normes qui ont une étendue à l'ensemble du Québec qui ne sont pas toujours pertinentes, qui viennent créer des enfarges, qui viennent créer des lourdeurs administratives.

Si vous me dites, Mme la ministre, que votre projet de loi va être dépourvu de tout cela, qu'il va tenir compte des orientations gouvernementales, c'est-à-dire que ça ne sera pas du mur-à-mur et que ça va être extrêmement souple puis qu'on va continuer d'être capable de se former et de répondre à nos besoins de façon efficace, bien, là, mes réserves tombent beaucoup. Puis, en passant, Mme la ministre, les crédits d'impôt dans le monde municipal, ce n'est pas fort.

Mme Harel: Ce n'est pas fort. Vous avez raison. Vous avez bien raison. Vous voyez comme quoi il y a des statuts particuliers?

M. Gendron (Jean-Marc): Oui.

Mme Harel: Vous avez tout à fait raison pour ce qui est de votre secteur, mais c'est évident qu'en regard du 1 % ce sera donc possible de satisfaire l'obligation par cette voie-là également.

Mais j'aimerais revenir avec vous peut-être à la page 6 de votre mémoire, le dernier paragraphe. Je ne dis pas que je vais pouvoir répondre à toutes vos appréhensions, mais je vous rappelle que, en vertu du projet de loi, vous pouvez directement contracter avec une polyvalente, un cégep ou avec un formateur agréé. Vous pouvez le faire aussi sur le tas, n'est-ce pas, on appelle ça communément la formation maison. Ce qui suppose, dans le cadre du projet de loi actuel, au paragraphe 4 de l'article 6, un comité avec les employés et à consultation des employés.

Vous dites ici, à la page 6: «De plus, la préparation d'un plan de développement des ressources humaines, qui doit être conçu par un comité créé au sein de la municipalité et approuvé par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, de même que la comptabilisation des heures [...] entraîneront un fardeau administratif...» D'abord, il n'y a aucune obligation de préparer un plan de développement des ressources humaines. Il n'y en a eu nulle part dans la loi. Je ne vous dis pas que ce n'est pas utile, là, ceci dit, mais ce n'est pas une obligation. L'obligation, c'est seulement d'investir le 1 %. Le comment, ça, c'est beaucoup laissé à l'initiative de l'employeur, mais la préparation d'un plan de développement, non, il n'est pas obligé.

La création d'un comité ne l'est pas non plus, à moins que ce soit de la formation sur le tas ou de la formation maison. Si c'est de la formation maison, donc, il y a la nécessité de consulter ses employés, à défaut de quoi il n'y aura aucune trace visible étant donné qu'il n'y a pas de contrats comme avec une polyvalente, un cégep, un formateur agréé.

(21 h 30)

Mais il y a aussi une autre façon, c'est ce qui était prévu à l'article 8, c'est un plan de formation validé, mais pour un organisme, par exemple l'UMQ ou une association sectorielle, un comité paritaire. Prenons le cas de l'UMQ. Rien n'empêcherait l'UMQ d'en préparer, un plan de développement des ressources humaines, puis de l'offrir aux municipalités, qui pourraient en partie ou en totalité décider d'y verser leurs contributions de 1 % pour leurs employés. En fait, c'est laissé au choix, dans le fond, de l'employeur. Mais l'employeur pourrait le faire soit lui-même directement, soit par le biais d'une association qui, elle, doit avoir un plan parce qu'elle va prélever des cotisations. Mais l'employeur n'est pas obligé d'avoir un plan comme tel. C'est en vertu de l'article 8. L'organisme qui, pour prélever des cotisations, les mutualiser, lui, doit en avoir un. Alors, donc, il n'est pas non plus nécessaire d'être approuvé par la SQDM, à moins que ce soit le plan d'un organisme qui prélève des fonds. À date, c'est ça, le dispositif dans la loi. Mais, vous, à l'UMQ, n'aviez-vous pas prévu, éventuellement, d'avoir, disons, des éléments – parce que ça ne peut pas convenir mur à mur, ça, je le sais bien – de développement des ressources, de formation que vous pourriez mettre à la disposition des municipalités qui vous achèteraient, dans le fond, en cotisant?

M. Gendron (Jean-Marc): Mme la ministre, je vous écoute parler, je suis suspendu à vos lèvres et, plus vous parlez, plus... Si je me replace dans la chaise du maire de Mistassini, étant la plus petite unité dans cette belle grande Union, je vous écoute parler, et c'est exactement ce que nous faisons actuellement quand nous avons des besoins pointus en formation. Quand l'éducation aux adultes est capable de nous l'assurer, nous contractons avec eux. Quand mon gérant d'aréna a besoin de faire affaire avec sa corporation des gérants d'aréna, il le fait actuellement. Quand on a un problème d'informatique, on va chercher la formation là où elle est. Et je vous écoute parler, Mme la ministre, puis je constate chez vous une volonté de me démontrer que les contrôles administratifs, finalement, vont être réduits à leur plus simple expression. Vrai ou faux?

Mme Harel: Oui, puis, en plus de ça, je suis sûre que l'opposition va m'aider.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron (Jean-Marc): Comme je vous connais, Mme la ministre, même si vous faites un effort louable de diminuer les contrôles administratifs et de m'en faire la démonstration, force m'est d'admettre, à vous écouter parler, qu'on va en avoir plus que ce que nous avons actuellement. Et je vous prie de me croire que les autres secteurs d'activité gouvernementaux, dans le passé, ont gavé le monde municipal de contrôles et de normes mur à mur. On a même créé ce qu'on appelle la TQM pour faire le listing des normes mur à mur qui ne sont peut-être plus pertinentes.

Mme Harel: La TQM?

M. Gendron (Jean-Marc): La Table Québec-municipalités.

Mme Harel: Ah! excusez-moi. D'accord.

M. Gendron (Jean-Marc): Ils travaillent très fort pour éliminer certains contrôles qui sont devenus superfétatoires avec le temps.

Mme Harel: Je pensais que c'était un autre programme, ça, d'informatique pour vous retrouver. Ha, ha, ha!

M. Gendron (Jean-Marc): Non. Alors, ce que je vous dis, Mme la ministre, c'est que, comme décideurs à des paliers de gouvernement différents, faisons-nous donc confiance respectivement. C'est que, quand je regarde le montant auquel vous astreignez une ville de la taille de la mienne, 5 000 000 $ de budget, 40 % de ce budget consacré à la main-d'oeuvre, on est rendu à 2 000 000 $, donc, on se qualifie. C'est bien cela, 2 000 000 $ de masse salariale? Un pour cent, ça veut dire 20 000 $. Et, quand je regarde ce que l'on a fait seulement l'an passé, quand je regarde les investissements consacrés à la formation, on l'a déjà.

Mme Harel: Vous en avez fait pour combien, à peu près, l'an dernier?

M. Gendron (Jean-Marc): Certainement plus de 20 000 $.

Mme Harel: Bon.

M. Gendron (Jean-Marc): Et, ce que je veux vous dire, Mme la ministre: Pourquoi, en vertu de votre projet de loi, nous imposez-vous le fardeau de faire la démonstration qu'on en a fait effectivement pour 20 000 $? Pourquoi nous créez-vous un cadre, aussi souple soit-il, où on va être obligés de vous dire: Bien, écoutez, il y a 2 000 $ qu'on est allé chercher dans cet endroit-là, qui n'est pas nécessairement conventionnel? Ecoutez, un cours de formation de radar, c'est le policier d'à côté qui le donne parce qu'il a son permis pour le donner. Un autre cours, ça peut être carrément une compagnie qui fournit des services chez nous qui va le donner à nos employés. Mais, formation pour formation, elle était très pointue et très adaptée à nos besoins. Je suis convaincu que, dans les autres villes, elles font exactement la même chose, parce qu'on est obligés, en vertu des nouvelles réalités, de composer avec cet élément-là qui est incontournable.

Mme Harel: Alors, je reviendrai si j'ai un peu de temps, parce que mon collègue de La Peltrie, qui était maire aussi, je pense...

Le Président (M. Tremblay): Alors, M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, M. le Président. M. Gendron, quelques questions d'éclaircissement peut-être sur... Lorsque vous parlez, à la page 8 de votre mémoire, pour des personnes qui travaillent, les remplacements qui seront effectués par des personnes lors de la formation, le temps supplémentaire, policier remplacé par un confrère, et je pense que vous les élaborez aussi à la page 15...

M. Gendron (Jean-Marc): Oui.

M. Côté: ...les dépenses de formation qui seraient admissibles, qui comprennent le temps de libération du travailleur, les coûts supplémentaires, le temps d'encadrement, le temps des formateurs, les dépenses indirectes occasionnées par la formation professionnelle, c'est quoi, les dépenses indirectes qui sont occasionnées par la formation professionnelle?

M. Gendron (Jean-Marc): Il y en a un paquet, mon cher monsieur, puis je n'irai pas dans le détail. Mais vous savez très bien, pour avoir déjà été maire, là... Je vais vous donner un exemple bien, bien, bien ordinaire. On organise un cours sur les matières toxiques qui est donné par SIMDUT. Or, la première affaire qu'il faut faire, c'est de trouver le formateur. Là, heureusement, on en a un qui est qualifié à l'éducation des adultes de Louis-Hémon. Donc, là, qu'est-ce qu'il nous faut faire? Il faut libérer nos employés pour qu'ils puissent recevoir ce cours-là dans des conditions physiques qui ne paralysent pas l'organisation et qui font en sorte qu'on met en place des conditions d'apprentissage qui vont permettre aux employés d'atteindre les objectifs. Donc, là, il faut parler de frais de repas, il faut parler de frais de déplacement, il faut tenir compte de l'ensemble de ces frais-là qui ne sont pas directement rattachés à la formation mais qui sont engendrés par un programme de formation.

Puis là je ne vous parle pas des policiers, parce que vous en avez eu chez vous aussi, j'imagine, à La Peltrie. Tous nos policiers qui sortent de Nicolet, c'est bizarre, un des seuls cours qu'ils n'ont pas, c'est le cours d'opérateur de radar. Puis la première opération qu'ils vont faire dans les six premiers mois de leur engagement, ça va être d'opérer le radar. Puis vous savez ce que ça fait quand ils n'ont pas leur certificat d'opérateur de radar? C'est contesté en cour municipale puis c'est rejeté. Donc, on leur donne un cours de formation de radar. Alors, la personne le suit à l'intérieur de son horaire régulier de travail. Vous connaissez les contraintes reliées aux conventions collectives de policiers? Là, on est obligé de faire appel à un policier: temps plein pour commencer, temps et demi, vous connaissez les salaires de ces pauvres travailleurs. Donc, on se retrouve avec un cours de radar qui est très dispendieux. Là, je ne parle pas du bloc A, du bloc B puis du bloc C pour les policiers pompiers.

M. Côté: Mais, d'après vous, quelle est la proportion de coûts indirects versus le coût de formation proprement dit? Est-ce que vous avez un peu un aperçu face...

M. Gendron (Jean-Marc): M. le maire, là...

M. Côté: Non, je ne suis pas...

M. Gendron (Jean-Marc): ...devenu député, O.K.

M. Côté: Je ne suis pas... Je n'ai jamais été maire, M. Gendron.

M. Gendron (Jean-Marc): Non, mais c'est ce qu'on m'avait laissé entrevoir.

M. Côté: Ah!

M. Gendron (Jean-Marc): Vous étiez quoi à La Peltrie? Pas directeur général...

Mme Harel: Excuse-moi, M. le député de La Peltrie...

Une voix: C'est un comté, La Peltrie.

M. Côté: C'est un comté, ça, La Peltrie.

Mme Harel: Je me suis trompée avec le député de Roberval, qui était maire.

M. Côté: Ah, bon!

M. Gendron (Jean-Marc): Ah, oui, ça, c'est mon bon collègue Laprise. Bien, oui, puis on se comprend bien, M. Laprise et moi, quand on parle du monde municipal puis qu'on met nos culottes de maire. Eh qu'on se comprend bien, que ça va vite!

Vous comprendrez bien, là, M. le député, la démonstration qu'on essaie de vous faire ce soir en termes de formation professionnelle. Quand on regarde ce qu'on vous a présenté et qu'on fait la somme de cela, c'est que, un, les organisations et les entités municipales responsables l'assument et la dispensent déjà dans une proportion plus importante que le 1 %. Donc, pourquoi venir rajouter des normes, aussi ténues soient-elles, pour vérifier si, effectivement, il y a eu utilisation du 1 %?

M. Côté: Par contre, si vous...

M. Gendron (Jean-Marc): Pourquoi?

M. Côté: ...comme vous dites, si vous avez plus que 1 %, vous n'aurez pas de problème, là. Vous comblez la demande de la loi.

M. Gendron (Jean-Marc): Te, te, te! Vous devriez écouter mon directeur général quand vient le temps de remplir un formulaire administratif pour prouver que ce qu'il avait à faire a été fait puis qu'il rentre en communication avec les différents fonctionnaires qui sont ici, à Québec...

M. Côté: Mais, madame...

M. Gendron (Jean-Marc): Ça, c'est un temps utile qui n'est pas nécessairement consacré à ce pour quoi il a été engagé.

M. Côté: En tout cas, le formulaire, je pense que, si Mme la ministre l'a en main, c'est très facile au niveau de... Ça ne demande pas un formulaire supplémentaire; il fait partie de celui que vous faites actuellement au ministère du Revenu.

M. Gendron (Jean-Marc): Mais c'est un plus.

M. Côté: J'aurais une autre question aussi. Lorsque vous parlez de l'Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail...

M. Gendron (Jean-Marc): Oui.

M. Côté: ...vous semblez dire qu'il y a beaucoup de cours obligatoires qui doivent se donner en santé et sécurité du travail, puis même avant d'embaucher certaines personnes.

M. Gendron (Jean-Marc): Oui, et même demandés par nos employés.

M. Côté: Alors, comment voulez-vous couvrir de la formation, actuellement, avec le projet de loi qui... alors, pour du personnel où il n'y a pas encore eu de masse salariale qui a été versée, proprement dite?

M. Gendron (Jean-Marc): Oui, mais, écoutez, on va bien s'entendre là, c'est que, au niveau de la ville ou d'une ville ordinaire, c'est évident que, par conscience sociale, on va permettre à des jeunes qui sont en formation dans une autre institution de venir faire un certain stage chez nous. Mais, quand je parle de cours de santé et sécurité au travail, de cours pointus, c'est généralement pour être en mesure de répondre aux exigences de nouvelles normes. Et ces cours-là s'adressent, dans 90 % des cas, bien, 90 %, 95 % des cas, à nos employés qui sont actuellement en lien d'emploi avec la ville.

M. Côté: Mais, comme vous faites partie de l'Association paritaire...

M. Gendron (Jean-Marc): Oui.

(21 h 40)

M. Côté: ...en santé et sécurité du travail, à ce moment-là, les cours qui vous sont dispensés lorsque vous faites appel à votre association paritaire, est-ce que c'est des coûts quand même importants que vous devez défrayer? Parce que, à ce que j'en sais, lorsqu'on est membre d'une association paritaire en santé et sécurité, on a des services qui nous sont fournis en matière de formation. Alors, lorsque vous dites, ici, que c'est des coûts, quand même, que vous devriez assumer ou que vous devriez comptabiliser, en matière de santé et sécurité...

M. Gendron (Jean-Marc): On a compris tous les deux, là, qu'il n'y a rien de gratuit sur terre, hein? et vous comprenez que les formateurs qui nous sont référés par l'APSAM, on les assume, ces coûts-là, et on assume également un «membership». Donc, il y a un coût de relié à ça, là. C'est évident que, pour nous, tous les coûts qui sont imputables et qui sont directement destinés à la formation de nos employés devraient être des coûts qui soient éligibles pour tenir compte, là, du barème du 1 % si jamais on veut que les municipalités soient couvertes par ce régime.

Le Président (M. Tremblay): Alors, M. le député...

M. Côté: Est-ce que c'est terminé?

Le Président (M. Tremblay): Oui, oui...

M. Côté: Oui?

Le Président (M. Tremblay): Oui. Alors, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, merci, M. le Président. C'est un mémoire que je trouve rafraîchissant parce qu'ancré sur des réalités en prise directe avec des réalités que vous maîtrisez bien. Il n'est pas tellement important de savoir si, en définitive, vous êtes modérément pour ou radicalement contre ou modérément contre, c'est les suggestions que vous nous apportez et la matière à réflexion que vous nous apportez qui sont intéressantes. Je saurais gré à la ministre d'avoir accepté notre suggestion de vous incorporer à la liste des organismes invités, parce que votre organisation représente 80 % de la population du Québec. C'était un invité dont on ne pouvait pas se passer, franchement, dans une consultation comme celle-ci.

Le projet de loi assujettit des organismes comme les vôtres, comme les municipalités. Est-ce que vous aviez été consultés, vous, comme Union des municipalités, dans quelque forum que ce soit avant d'apprendre que vous étiez assujettis à cette loi?

M. Gendron (Jean-Marc): Non.

M. Charbonneau (Bourassa): Il y a sans doute là quelques suggestions à la ministre de la Concertation qui pourraient lui permettre de conseiller la ministre de l'Emploi, un partenaire de cette taille n'avait pas entendu parler de son inclusion, de son assujettissement possible à ce projet de loi. C'est important.

Vous attirez notre attention sur deux ou trois aspects intéressants. Bien sûr, vous revenez sur la nécessité de connaître ce qu'on entend par dépenses admissibles. Beaucoup d'autres l'ont fait avant vous. Il serait important d'avoir accès au projet de règlement à cet égard. Vous exprimez beaucoup d'espoir. Vous avez une conception, je dirais, très actuelle, très concrète de comment se fait la formation, en pratique, dans un milieu de travail.

Un de vos cadres vient dans un colloque à Montréal ou à Québec, reçoit de la formation. Vous êtes déjà en voie de formation. Il revient, il rencontre un groupe d'employés le lundi ou la journée suivant son retour dans votre milieu. Il tient un briefing, une journée, pour expliquer la portée de tel nouveau règlement, tel nouveau règlement touchant l'environnement, le zonage agricole ou quoi que ce soit. Il explique ça aux autres autour de lui. C'est de la formation. C'est comme ça que ça se fait. Vous dites: Comment on va comptabiliser ça? Je pense que c'est des bonnes questions, ça, et vous avez droit d'avoir des clarifications là-dessus, d'autant plus que vous le dépensez, votre 1 % et plus, d'après ce que vous nous dites...

M. Gendron (Jean-Marc): Ah, c'est évident.

M. Charbonneau (Bourassa): ...sous toutes sortes de formes.

L'autre interpellation que vous nous apportez ici, c'est que vous êtes un employeur. Mais, par hasard, si une municipalité d'une taille suffisante pour être assujettie ne dépensait pas son 1 %, est-ce que vous faites des déclarations auprès de Revenu Québec, les municipalités, est-ce que vous faites une déclaration d'impôt?

M. Gendron (Jean-Marc): Non.

M. Charbonneau (Bourassa): Non. Ah bon! C'est parce que je voyais que l'article 12 était là pour voir aux situations où un employeur ne dépense pas son 1 %. Mais ces employeurs-là... Et j'imagine que les commissions scolaires sont un peu dans la même situation, les hôpitaux, enfin, les autres établissements publics, ce sont des établissements qui ne sont pas assujettis à des rapports auprès de Revenu Québec?

Mme Harel: ...tous, tous.

M. Charbonneau (Bourassa): Ils font des déclarations de revenus?

Une voix: Bien oui.

Mme Harel: Évidemment, oui, pour le Fonds des services de santé, notamment.

M. Charbonneau (Bourassa): Bon, j'arrive, ça, c'est l'autre question. La loi de la santé et sécurité fait en sorte que se créent des associations sectorielles en matière de santé et sécurité; il y en a plus ou moins une douzaine. J'aurais pu soulever la question à l'occasion de la discussion avec l'Association minière du Québec cet après-midi, c'en est une, et avec les associations dans le domaine de la construction, il y en a une autre, là. Vous posez la question vous-même, et vous avez une association sectorielle dans le domaine des affaires municipales en santé et sécurité, qui est financée par la CSST, pour des mandats en formation.

La question que vous posez ici, devant nous, et à la ministre: Est-ce que des activités de formation en santé et sécurité au travail, c'est une forme de formation professionnelle admissible? C'est une très bonne question. Et, le cas échéant, où la réponse serait oui, où ce serait une dépense admissible, un type de formation admissible, bien, c'est déjà financé à travers la CSST, à travers les cotisations d'employeur. Donc, nous serions là dans des matières qui sont déjà dans le fil du 1 %. Le fait que les municipalités soient cotisées par la CSST et retournent à l'association sectorielle paritaire en santé et sécurité, ce serait déjà au compte du 1 %, si la réponse était favorable. Et, si la réponse n'était pas favorable, il faudrait nous expliquer que, vraiment, ce n'est pas pertinent en matière de formation professionnelle, la formation en santé et sécurité. Il faudrait convaincre les gens qui ont mandat de faire des programmes scolaires et des programmes de formation des travailleurs incluant un chapitre «santé et sécurité au travail». C'est une demande qui est examinée dans les cercles de l'éducation.

Alors, ce sont des bonnes questions que vous posez. Et, moi, j'aimerais savoir si, vous, vous souhaitez que ça soit reconnu ou si vous posez la question pour fins d'information?

M. Gendron (Jean-Marc): Entre deux maux, on choisit le moindre. C'est évident que si c'est incontournable, le fait d'être couvert par ce nouveau régime législatif là qui nous est imparti, c'est très clair qu'on espère très fortement que les activités de formation professionnelle que nous dispensons actuellement, selon des sources qui sont, à l'occasion, conventionnelles, à d'autres occasions, non conventionnelles parce que non accessibles... J'espère que cette activité de formation là va être reconnue. Et c'est très évident que... Je demeure profondément convaincu que ce seuil-là est déjà dépassé. Alors, pourquoi aller rajouter un contrôle administratif supplémentaire qui vient alourdir le fonctionnement municipal et qui fait en sorte qu'une partie des énergies, qui sont fortement sollicitées dans d'autres secteurs d'activité, est, encore une fois, destinée à combler ou à remplir des formules administratives qui, à mon avis, sont plus ou moins pertinentes concernant ce secteur-là de notre activité?

M. Charbonneau (Bourassa): Donc, il y aurait là matière à réflexion pour les personnes responsables de définir de manière définitive la portée de ce projet de loi. Il y a un fort courant – et la ministre le sait bien – qui tend à dire ou à faire inscrire dans les curriculum de formation des travailleurs un chapitre qui s'appelle «la formation à la santé et sécurité». Ça, là-dessus, certainement que la ministre n'ignore pas ça. Et il y a toute une structure de financement, à travers la CSST et les cotisations d'employeurs, à cet effet mise au point avec un grand soin. Et ça roule et ça tourne et ça produit de la formation. Et on apprendrait maintenant que ceci n'est pas une dimension de la formation professionnelle? Nous attendrons avec intérêt la réponse à votre question.

Je voudrais revenir brièvement sur un autre aspect. La ministre vous a dit tout à l'heure: Regardez l'article 8. Pourquoi votre union ne ferait-elle pas en sorte d'être reconnue pour dispenser de la formation aux municipalités? Elle n'aurait qu'à mettre au point un plan de formation. Il faudrait lire l'article 8 jusqu'à la fin, quand même: un plan de formation agréé par cette dernière, c'est-à-dire par la Société. Alors, quand on semble dire que c'est facile, mettez-en un, plan, au point et volez, volez! Il faut lire, à ce moment-là, les articles 19 et 20. Nous sommes revenus à plusieurs reprises là-dessus pour compléter, avec nos interlocuteurs, la lecture ou la compréhension du projet de loi. Et on voit bien, à l'article 20, qu'il y aura un règlement qui définira l'admissibilité d'enseignements, de formations, de plans, de programmes, de formateurs ou organismes. Oui, l'UMQ pourrait aspirer à devenir un agent formateur, mais le plan qu'elle mettra au point devra être agréé par la SQDM. À moins qu'on nous informe que ceci est en train d'être modifié. Alors...

(21 h 50)

M. Gendron (Jean-Marc): Écoutez, M. le Président, le problème que j'éprouve actuellement, c'est le suivant, c'est que l'UMQ est actuellement un dispensateur de formation. Lorsque nous organisons des colloques pour nos nouveaux élus, c'est une sorte de formation. Lorsque nous organisons des colloques pour une problématique très pointue qui ne concerne que le secteur municipal, l'UMQ en donne, de la formation. Moi, je me souviens d'un passé pas si lointain que ça où je m'adonnais à une certaine activité qui s'appelait le syndicalisme. Les cours sur le Code du travail que j'ai reçus et qui étaient les plus pertinents étaient ceux qui étaient dispensés par un formateur de la CEQ. Puis, d'après ce que je peux voir, ils ont donné une relative bonne formation, parce qu'il y en a quelques-uns qui sont autour de la table. C'était de la formation pointue.

Alors, de ce côté-là et à ce chapitre-là, au niveau de l'UMQ, on fait la même chose. Puis au niveau des associations... Vous savez, Mme la ministre, les cadres, chez nous, ont le choix entre participer à un congrès de leur association ou participer à des cliniques ou à des séminaires de formation. Dans un cas, le congrès, disons que certains jugent que ça a un caractère plus social. Ils choisissent, j'ai au moins quatre cadres sur six qui préfèrent, et de loin, participer à des séminaires, à des colloques qui sont porteurs d'un enseignement qui les concerne et qui est directement en relation avec leur niveau de préoccupation, qui est très, très, très appliqué. Et, ce type de formation là, pour la ville, ce n'est pas gratuit, là, ça représente des frais qui totalisent, à l'occasion, 1 500 $, 2 000 $. Mais on juge que c'est une activité qui est extrêmement saine parce que nos cadres reviennent par la suite avec des idées et avec une ouverture d'esprit qui leur permettent d'accomplir correctement leur mandat. Mais c'est très clair que ce n'est pas nécessairement dispensé par une université, ce n'est pas nécessairement dispensé par le service d'éducation aux adultes ou par la SQDM. Mais c'est clair que, pour accomplir leur boulot, c'est drôlement fonctionnel et drôlement pratique.

Le Président (M. Tremblay): Alors, M. Gendron et Mme Laliberté, j'aurais trois brèves questions à vous poser. La première: Est-ce que j'ai raison d'interpréter la teneur de vos propos comme étant contre la proposition de la ministre au point où vous voulez en être exclus?

M. Gendron (Jean-Marc): C'est évident que, si nous en étions exemptés, nous ne nous en porterions que mieux.

Le Président (M. Tremblay): Très bien. À la page 7, premier paragraphe, vous dites que «peu de municipalités – un peu plus de 40 – possèdent, au niveau de leur structure administrative, un service des ressources humaines organisé. La gestion des ressources humaines des quelque 1 400 municipalités restantes est assumée soit par un directeur général ou par un secrétaire-trésorier». Si la ministre donnait suite à son projet de loi, est-ce que vous ne pourriez pas vous regrouper pour partager une personne qui vous aiderait dans soit l'élaboration d'un plan de formation ou dans la formation nécessaire pour répondre à vos besoins particuliers?

M. Gendron (Jean-Marc): Bien, écoutez, M. Tremblay, quand on a un besoin particulier dans mon coin de pays, là, ce n'est pas tellement compliqué. Le directeur général de Dolbeau communique avec celui de Mistassini et celui de Saint-Félicien. On a déjà une régie intermunicipale des ressources, et puis quand on a un besoin pointu en formation, on l'organise. Et, là où ça blesse, où le bât blesse, c'est: pourquoi être obligés de créer une espèce de régie intermunicipale – c'est caricatural, ce que j'ai dit là – pour se donner un agent de personnel pour être capables de rencontrer des obligations qui nous sont imparties par un cadre législatif? Nous, ce qu'on veut, c'est clair, c'est que tous les sous que les contribuables nous versent sous forme de taxes, les sous qui sont affectés à la formation, on veut que ça aille en formation. Le moins on en verse en procédures administratives, mieux la formation se porte. Donc, si on peut l'éviter, cette affaire-là, on va en être très heureux, ça va nous permettre, justement, de dédier ces sommes-là à la formation.

Le Président (M. Tremblay): Alors, ma dernière question, au bas de la page 14... Et rappelez-vous, là, que vous nous avez fait une brillante démonstration sur l'importance d'éliminer la bureaucratie, la réglementation et les délais. Et je dois vous dire que je suis d'accord avec vous, et on va tout faire pour convaincre la ministre, là, de l'importance que ça soit simple, clair. Mais, expliquez-moi, si c'est ce que vous nous dites, comment se fait-il que vous faites une recommandation, si jamais la ministre donne suite à son projet de loi, au bas de la page 14, et vous dites, vous demandez à un organisme gouvernemental, je suppose que c'est la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, «qu'un modèle type d'un plan de développement des ressources humaines soit transmis aux employeurs municipaux afin de leur faciliter la tâche». Vous ne trouvez pas que vous contribuez, là, à permettre de la bureaucratie additionnelle, de la réglementation additionnelle, vous dérangez des fonctionnaires, et que vous n'êtes pas mieux placés, vous, pour élaborer avec d'autres municipalités ce plan de développement des ressources humaines que vous n'auriez qu'à présenter à la Société, qui donnerait son approbation sur le plan?

M. Gendron (Jean-Marc): Bon. Alors, M. Tremblay, j'intègre ce que je vous ai dit préalablement. Un, si nous pouvions être exemptés, on ne ferait pas de manifestation pour être intégrés. Ça va? Deuxième affaire: l'argent, on veut le consacrer à la formation plutôt qu'à répondre à des contraintes administratives. O.K.? Mais, ceci étant dit, on comprend qu'on est tributaires des décisions qui se prennent au salon bleu. Ce qu'on vous suggère quand on met ce point-là dans le bas de la page 14: à titre indicatif, présentez-nous donc un modèle de plan de développement des ressources humaines que nous nous chargerons, si besoin il y a, d'adapter à nos propres besoins. Au minimum, nous aurons un cadre de référence qui nous permettra d'économiser temps et énergie pour être capables de répondre aux exigences qui nous sont imparties par la loi. Mais, je le répète en préambule, de la formation dans le monde municipal, il s'en fait. De la formation dans le monde municipal, les parties syndicales – parce que c'est un milieu qui est organisé, en termes de relations de travail – font des représentations. Et, toutes les fois qu'au niveau municipal il y a des nouveautés qui s'ajoutent... Écoutez, strictement en termes environnementaux, pensez-vous que l'inspecteur en bâtiment d'une localité qui a été engagé il y a 15 ans, cette personne-là, pensez-vous qu'elle est compétente si elle n'a pas fait une mise à jour pour être capable de suivre l'évolution du cadre réglementaire qui lui tombe dessus par le biais de plusieurs ministères? Hein?

Le Président (M. Tremblay): Oui.

M. Gendron (Jean-Marc): Donc, on n'a pas le choix, on est obligés d'en assumer et on est heureux de l'être parce que ça augmente le degré de satisfaction de nos employés dans l'accomplissement de leurs fonctions.

Le Président (M. Tremblay): Oui. Alors, merci, M. Gendron. Il reste quelques minutes à la députation de l'opposition, et on aimerait consacrer ces quelques minutes en donnant le droit de parole au député de Matane.

M. Rioux: Merci, M. le Président. Quand j'ai écouté le Conseil du patronat du Québec et l'Association des manufacturiers du Québec, ce que j'ai aimé, c'est qu'ils ont eu le courage de nous dire qu'ils étaient contre le projet. Ils étaient contre la coercition, ils étaient contre l'obligation qui leur était faite par le projet de loi de souscrire à la norme du 1 %.

J'aime beaucoup le discours de M. Gendron. C'est éloquent, c'est intéressant. Cependant, il y a des contradictions absolument évidentes. Il est pour la formation professionnelle. Il dit que, dans les municipalités du Québec, il se fait de la formation professionnelle, il n'a pas besoin du gouvernement pour lui dire comment la faire et pourquoi il doit la faire. Ça, j'ai tendance à le croire. Mais, cependant, quand il met en place toutes les dépenses qui doivent être entrées en termes de comptabilisation en ce qui a trait au 1 %, c'est la même chose que le Conseil du patronat et c'est la même chose que l'Association des manufacturiers, c'est le même débat. Ce que j'aurais aimé, c'est qu'il nous dise qu'il est contre le projet de loi et qu'il aimerait bien s'en libérer. Il défend ses intérêts, et je le comprends.

Par ailleurs, il dit: Il faudrait peut-être que la SQDM élabore un plan de formation, une stratégie de formation. Il souhaiterait peut-être que l'Union des municipalités le fasse aussi pour les municipalités.

La question que j'aimerais lui poser: S'il est favorable à la formation professionnelle, s'il voit ça comme une nécessité, pourquoi alors avoir deux discours: un qui plaide de façon magistrale en faveur de la formation et un autre qui plaide contre, à toutes fins utiles, toute tracasserie administrative, toute forme de contrôle, à savoir si ça se fait, et si ça se fait bien?

Moi, j'ai de la misère à vous suivre, M. Gendron, et j'aimerais ça qu'on se parle entre quat'z'yeux un peu, là. On est «pour», dans la vie, ou on est «contre». Comme disait saint Paul: Fussiez-vous chauds ou froids, ne soyez pas tièdes!

(22 heures)

M. Gendron (Jean-Marc): Ça fait 25 ans que je suis en enseignement, puis j'ai toujours eu des surprises d'une fois à l'autre. Je pense être clair et je constate, lorsque je corrige, qu'il y en a une couple qui ne m'ont pas compris. Ça fait que, entre quat'z'yeux, là, je vais vous redire ce que j'ai dit au moins cinq fois devant cette docte assemblée.

Première affaire, si vous pouviez ne pas nous couvrir par ce projet de loi là, on en serait fort aise. C'est la façon polie de dire: Laissez-nous donc continuer notre formation. C'est clair?

Deuxième affaire, ce que je vous ai dit, c'est que, si jamais on l'était, couvert, ce que l'on vous recommande de reconnaître comme étant des investissements en formation, c'est la liste que nous vous avons présentée.

Troisième affaire, si on est couvert par ce projet de loi là, on aimerait, à titre de référence, avoir un modèle de plan auquel on pourrait référer puis auquel on pourrait s'adapter.

Mais le message le plus important que l'UMQ vous livre ce soir, le plus important, c'est que, partout ailleurs, particulièrement au niveau de la Table Québec-municipalités, on est en train de corriger un héritage politique et administratif qui a fait en sorte qu'on a enferré le monde municipal dans un paquet de contrôles et de dédales de formules administratives qui font que, de part et d'autre, on constate qu'il y a lieu d'en éliminer certaines normes.

Alors, ce qu'on vous demande clairement: Pourquoi ne pas suivre la tendance qu'on observe ailleurs? C'est que, un, de la formation, on en fait, puis, deux, on aime mieux investir nos efforts dans de la formation plutôt que dans la réponse à des formulaires et à des contrôles administratifs qui n'ont comme seul objectif que de vérifier si on fait ce qu'on fait déjà.

Je ne sais pas si ça fait mi-chair, mi-poisson, là, mais la position, je vous la répète, la position de base: On aimerait et on apprécierait ne pas être couvert par la loi. Est-ce que c'est clair?

Le Président (M. Tremblay): Oui. D'accord.

M. Gendron (Jean-Marc): C'est limpide? Et j'ai donc l'impression que c'est ce que j'ai dit depuis les tout débuts; sinon, je m'en excuse.

Le Président (M. Tremblay): Alors, je vais demander au député de Bourassa de remercier les représentants de l'Union des municipalités du Québec.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, certainement, pour les remercier d'avoir contribué à attirer notre attention sur certains aspects du projet de loi. Il n'est pas arrivé très souvent que nous ayons l'occasion de discuter avec un organisme qui est dans le secteur parapublic, ou péripublic, pour voir quelles sont les implications, pour de tels organismes, de ce projet de loi. Ce n'est pas arrivé souvent. Nous avions invité l'Association des hôpitaux, qui s'est désistée; nous avions invité la Fédération des commissions scolaires, qui s'est désistée. Nous avons toutefois rencontré la Fédération des cégeps. Et ceci est la deuxième occasion qu'on a de discuter avec un organisme d'ordre public de la convenance de ce projet de loi par rapport à leur réalité. Et il y a toute la dimension de la santé et de la sécurité au travail que vous avez apportée.

Et, finalement, votre message, il est très clair, il était dit avec précaution au départ. Vous êtes un organisme d'ordre public, on comprend ce langage-là, mais s'il faut frapper deux fois à la porte, ou se le faire dire très clairement, ça finit par être très, très, très clair: De grâce, exemptez-nous de tout ça! Nous nous organisons bien entre nous et nous pouvons continuer sans y être forcés par la loi. C'est ça, le message; c'est très clair. Cet organisme n'avait pas été consulté jusqu'à maintenant. Pour la première fois, il a la parole sur la question. Il me semble que c'est un message sur lequel on pourrait se quitter avec beaucoup de sérénité.

Le Président (M. Tremblay): Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. Gendron, merci d'être venu devant la commission représenter l'Union des municipalités du Québec.

Vous savez, M. Gendron, on en est à notre sixième jour de commission parlementaire, et je dois vous dire que, si tant est que tout ça se révèle transparent, grâce à l'adoption du projet de loi, on se rendra compte qu'on fait peut-être autant de formation que le Japon, tellement tout le monde nous dit en faire beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Et, vraiment, là, je vous le dis, c'est, successivement, des gens qui sont venus nous dire que, finalement, ils en faisaient tout autant les uns que les autres. Et tant mieux, tant mieux! Je crois que, comme société, ça va d'autant mieux nous responsabiliser.

L'argument le plus important qui milite en faveur du fait que le gouvernement lui-même, ses ministères, les organismes publics, les réseaux, l'éducation, les hôpitaux, les municipalités... pourquoi... Quel est l'argument de considérer qu'il faut aussi s'obliger à cette contribution de 1 %? C'est que vous savez très bien que, si tant est que le gouvernement ne se liait pas lui-même, le fait d'amener l'entreprise privée à le faire serait discrédité. Parce que l'entreprise dirait, avec raison: Vous nous demandez de faire ce que vous ne faites pas. Alors, faites-le, prêchez par l'exemple et puis ça nous convaincra.

On ne l'aurait pas fait, puis je ne peux pas imaginer ce qu'on aurait pu en être blâmés; depuis six jours qu'on siège, ça aurait été un feu roulant. Là, on le fait, puis, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que ce n'est pas nécessaire de le faire étant donné que ça ne va pas améliorer notre affaire.

Mais je serais surprise de demander à l'UMQ, en regard des 179 municipalités qui auront à effectuer la contribution, au mois de janvier prochain, combien savent combien elles dépensent chaque année; combien savent dans quoi elles dépensent chaque année. Je ne pense pas que ce soit évident pour l'UMQ, pas plus que pour l'entreprise privée, pas plus que pour l'Association minière, qui est venue cet après-midi. Ça ne vous oblige pas à d'autres formalités que celle d'en faire et puis de le prouver, de vous le prouver – vous n'avez pas à le prouver à personne d'autre, vous, surtout que vous ne payez pas d'impôt – de vous le prouver. C'est l'obligation qu'on se fait, comme gouvernement, comme ministère, comme réseau, de prouver qu'on en fait puis de le mettre sur la table, de le rendre transparent et visible. C'est ça, l'obligation, essentiellement, parce que vous le faites déjà.

(22 h 10)

Alors, je souhaite, en tout cas, que ça réponde à votre voeu, qui est légitime, qu'il y ait le moins d'enfarges possible, comme vous nous le disiez.

Le Président (M. Tremblay): Merci, M. Gendron. Merci, Mme Laliberté.

Nous allons maintenant entendre les représentants de la Fédération des entreprises d'aide temporaire.

Le Président (M. Facal): Je prierais, s'il vous plaît, les parlementaires de bien reprendre leur place, et nos invités, de bien vouloir s'asseoir à la table qui est devant eux, devant nous. Merci.

Alors, donc, nous souhaitons la bienvenue à la Fédération des entreprises d'aide temporaire, à qui je rappelle qu'ils ont 20 minutes pour nous présenter leur mémoire et que ces 20 minutes seront suivies d'un échange divisé également entre les deux parties.

Alors, si vous voulez bien avoir l'amabilité de présenter votre délégation puis d'entreprendre la lecture de votre mémoire.


Fédération des entreprises d'aide temporaire

M. Tremblay (Rémy): Merci. Bien, écoutez, rapidement, on voudrait vous remercier de nous entendre, de nous permettre de vous présenter notre point de vue. Peut-être te présenter, Marie?

Mme Fortier (Marie): Bonjour! Mon nom est Marie Fortier, je suis membre de la Fédération des entreprises d'aide temporaire, et je suis propriétaire d'une petite entreprise d'aide temporaire.

M. Tremblay (Rémy): Moi, je suis président de la Fédération des entreprises d'aide temporaire pour la région de Québec et, également, vice-président exécutif d'une multinationale d'aide temporaire.

Peut-être pour vous mettre en contexte, rapidement, pour que vous sachiez qui on est, je pense que, la meilleure façon, c'est de vous dire qui on représente. On représente 80 % du marché... la Fédération représente à peu près 80 % du marché de l'aide temporaire au Québec. Par conséquent, on représente des dizaines de milliers de travailleuses et travailleurs temporaires à travers le Québec. On représente également des milliers d'entreprises, qui sont des entreprises qui utilisent nos services, donc, nos clients. Et, pour vous donner peut-être une idée, on n'a pas de statistique au Québec, mais l'aide temporaire, présentement, au Canada, représente au-delà de 1 000 000 000 $ de chiffre d'affaires, présentement, au Canada.

Une voix: ...

M. Tremblay (Rémy): Oui, c'est ça, au-delà de 1 000 000 000 $ de masse salariale au pays, au Canada.

Je vais laisser Marie Fortier vous présenter un peu la réalité de notre industrie puis je reviendrai par la suite pour vous parler un peu des craintes de notre industrie par rapport à la loi 90.

Mme Fortier (Marie): Alors, à cause de la nature même de notre industrie, nous sommes en mesure de reconnaître l'importance du développement de la formation professionnelle et nous appuyons le gouvernement dans une démarche qui verra à former des employés dans des secteurs d'activité où il y a pénurie de main-d'oeuvre qualifiée pour maintenant et pour le futur.

Nous avons divisé notre mémoire comme suit: on veut vous présenter ce que c'est, l'aide temporaire; notre réalité quotidienne; la formation de nos employés; les craintes face à la loi 90; et nos recommandations.

Alors, ce que c'est que l'industrie de l'aide temporaire. La mission de notre industrie est de fournir, à quelques heures d'avis, du personnel compétent et immédiatement productif. Donc, le personnel référé se doit d'être déjà formé à la fine pointe de la technologie, et ce, dans toutes les professions.

Nous recrutons et mandatons plusieurs types de personnel: on fait de la gestion de bureau, ce qui veut dire du secrétariat, réceptionnistes, agents de saisie de données, commis, comptables, etc.; en technique, on fait des informaticiens, biologistes, chimistes, et toutes sortes de spécialités techniques; en manutention, des journaliers, commis à l'inventaire informatisé ou non, travailleurs à la chaîne, conducteurs de chariots élévateurs; au niveau des chauffeurs, des camionneurs de toutes les classes de permis de conduire, sur courte ou longue distance; et, en soins de santé, nous plaçons des infirmiers, infirmiers auxiliaires, préposés aux bénéficiaires et auxiliaires familiales. Et il ne s'agit ici que de quelques principaux types de personnel référé par les bureaux de placement de personnel.

Tous ces employés travaillent pour nous, chez nos clients. Ceux-ci se retrouvent dans tous les secteurs d'activité: les entreprises de services, les ministères fédéraux, les sociétés d'État, les centres hospitaliers de longue ou courte durée, des industries, des commerces, manufactures et, même, des soins à domicile. Les bureaux de placement mandatent des employés dans plusieurs régions du Québec, des grands centres aux plus petites municipalités.

Tous ces employés sont nos employés, et nous défrayons leur salaire et les charges sur la masse salariale, selon les normes et les lois provinciales et fédérales.

Notre réalité quotidienne. L'industrie d'aide temporaire au Québec regroupe plus de 100 entreprises qui sont majoritairement à propriétaire unique et dont la masse salariale interne est de beaucoup inférieure à 250 000 $. Les entreprises à plusieurs succursales, qui représentent environ 10 % de notre industrie – je parle de multinationales – ont également de petits bureaux. Nous fonctionnons tous avec un personnel limité, en moyenne, de trois à cinq personnes par bureau.

La masse salariale interne des bureaux de placement varie entre 7 % et 10 % de la masse salariale globale. Pour vous donner un exemple, un bureau qui verse 1 500 000 $ en salaires pour ses employés référés chez ses clients, de l'aide temporaire, aura un coût de salaires administratif d'environ 130 000 $ pour une masse globale de 1 630 000 $. Donc, une masse salariale importante n'implique pas nécessairement une grande corporation.

Dans une entreprise, les normes administratives actuelles sont telles qu'un superviseur a la charge de 15 à 25 employés permanents, pour un total de 600 à 800 heures par semaine travaillée. Dans notre industrie, un conseiller en placement de personnel temporaire doit gérer entre 60 et 100 personnes, pour un total de 2 000 à 3 000 heures par semaine. Il est important ici de garder à l'esprit que ces conseillers doivent travailler avec des employés temporaires.

À la lumière de ces informations, vous constaterez que la notion de grande entreprise ne peut être appliquée à notre industrie car, en réalité, nous sommes une industrie qui regroupe seulement des TPE – très petites entreprises. À l'interne, la grande majorité des bureaux de placement ont une masse salariale administrative inférieure à 250 000 $. Ainsi, selon vos critères, ils sont de petites entreprises exemptes de cette taxe. Par contre, les services que nous vendons sont des employés mandatés chez nos clients, donc des services composés de salaires. Du coup, nous sommes qualifiées de grandes corporations parce que notre masse salariale atteint des millions de dollars.

La formation de nos employés. Quels employés devrons-nous former? L'industrie de l'aide temporaire forme déjà ses employés selon les besoins du marché. Cependant, les données actuelles de la loi 90 nous posent plusieurs interrogations.

Encore une fois, pour planifier la formation, il est difficile de mettre en place un programme structuré car nous évoluons selon les besoins de nos clients. Or, leurs besoins peuvent difficilement être planifiés 12 mois à l'avance, et l'employé référé doit être productif immédiatement. Le but que s'est fixé le gouvernement en imposant cette loi à l'entreprise privée n'est-il pas de donner une formation innovatrice à l'ensemble de la main-d'oeuvre du Québec? Si nous devions nous astreindre à donner une formation accréditée par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, notre industrie ne répondrait pas aux besoins de notre marché car nous serions toujours en arrière-garde de la réalité. De plus, la lourdeur administrative que nos petites entreprises auraient à supporter mettrait en grand péril leur viabilité.

Au niveau du personnel interne, présentement, tous les bureaux de placement forment le personnel à l'interne. Nous ne comptabilisons pas le temps donné en formation durant les quatre à six mois suivant l'engagement d'un nouvel employé à l'interne. Cette période est nécessaire pour qu'un employé soit complètement autonome: il lui faut apprendre l'accueil des candidats, comment administrer les tests, comment rencontrer les gens en entrevue, comment comprendre et gérer les nombreuses lois régissant l'emploi – les droits de la personne, les normes du travail, la CSST, l'assurance-chômage, etc. Il doit aussi assimiler notre approche face aux clients, notre manière de vendre les services, etc. C'est de la formation qui prend à peu près entre trois et six mois.

Pour les employés temporaires que nous mandatons, il nous arrive fréquemment de payer de la formation d'appoint à nos candidats chez nos clients et avec les outils de nos clients. Cette formation d'appoint n'est pas comptabilisée dans nos dépenses de formation présentement. Après la mise en force de la loi, pourrons-nous considérer cette formation ad hoc dans nos coûts? Cette formation sera-t-elle acceptée par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre? Nous sera-t-elle créditée à nous, les bureaux de placement, qui payons les heures de formation, ou aux clients qui la dispensent?

Vous comprendrez ici qu'il est impensable de demander à nos clients de nous fournir un plan structuré de formation pour les employés temporaires référés chez eux; les mandats varient de trois heures à quelques mois et durent en moyenne quatre semaines.

Les employés temporaires travaillent pour plusieurs bureaux de placement dans une même année. Cependant, nous pouvons facilement présumer qu'un employé bien coté recevra une rémunération pendant environ cinq mois de l'année par un seul bureau de placement. Pendant ces cinq mois, notre employé travaillera en moyenne chez trois clients différents.

Les employés temporaires formés à nos frais chez nos clients et même ceux qui ne reçoivent aucune formation préalable avant d'entrer en poste acquièrent de nouvelles connaissances et aptitudes avec chaque mandat exécuté. Ces nouvelles compétences les aident dans leur recherche d'un nouvel emploi permanent.

(22 h 20)

En définitive, les bureaux de placement offrent donc une certaine formation continue à leurs employés temporaires. Cette formation est malheureusement impossible à comptabiliser et elle n'est donc pas reconnue par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Nous avons aussi des candidats. Devons-nous former nos employés en devenir, c'est-à-dire les candidats qui ont subi les tests et qui ont été rencontrés en entrevue, mais qui n'ont pas été référés en mandat? Pour quel genre de travail formerons-nous ces personnes? Sur quel type d'équipement? Pour travailler dans quel type d'environnement? Toutes ces questions demeurent sans réponse, et le gouvernement nous demande d'être des devins.

M. Tremblay (Rémy): Je te remercie, Marie. Marie nous a un peu présenté la réalité de notre industrie. Maintenant, j'aimerais vous présenter un peu les craintes de notre industrie par rapport à cette loi-là.

Premièrement, on a une crainte importante pour nous: c'est un peu la philosophie autour de ça, la philosophie de gestion du gouvernement. Présentement, le gouvernement va récompenser et encourager la formation par des crédits d'impôt. Demain, si la loi était en place, ce qu'on va faire, c'est qu'on va imposer une mesure qui va punir les entreprises qui n'arriveront pas à prouver qu'elles ont effectivement investi 1 % en formation.

Pour nous autres, là, c'est une attitude qui est un recul en matière de philosophie de gestion. Dans nos entreprises, on a, pendant les 10 dernières années, travaillé beaucoup sur le fait qu'on n'impose plus aux employés. On est devant une main-d'oeuvre, je pense, un capital humain qui est beaucoup plus informé, plus instruit, plus conscient. Et, dans ce contexte-là, maintenant, on essaie beaucoup plus d'insuffler des changements, d'influencer nos équipes et de les mobiliser. Donc, je pense que, dans nos entreprises, on a compris maintenant que l'époque d'imposer des choses à nos employés, ce n'est plus la philosophie qu'on a dans nos entreprises.

On arrive d'un congrès international sur la gestion des ressources humaines, et on s'est rendu compte que, effectivement, cette tendance-là était aussi mondiale. Partout, on essaie maintenant d'impliquer et de faire participer nos employés plutôt que d'imposer des mesures.

Avec l'application d'une telle mesure coercitive, le gouvernement démontrerait, selon nous, un manque flagrant de confiance envers les entreprises québécoises et soulèverait beaucoup d'inquiétudes. Chez nous, c'est un peu ce qui est ressorti, c'est que ça nous donne une grande inquiétude envers le futur, envers la façon de gérer du gouvernement dans le futur.

Il y a un autre élément, qui n'est pas inscrit ici, que j'aimerais aussi apporter à vos yeux, c'est qu'il y aura un effet miroir. C'est certain que, si on impose à nos entreprises privées de la formation, on devra à notre tour imposer de la formation à nos employés pour prouver notre 1 %. Et, ça, c'est antipédagogique. On ne peut pas imposer de la formation; la formation doit venir d'un besoin et elle doit être désirée par les gens qui vont suivre la formation.

Maintenant, on a également réfléchi aux conséquences que pouvait avoir la loi 90, là, si elle était mise en application. La première conséquence, c'est le travail au noir, qui nous fait un peu peur. Comme le coût de la masse salariale va être encore augmenté, malheureusement, on craint qu'il se crée davantage de travail au noir. Et c'est certain que, au moment où le gouvernement va se rendre compte que le travail au noir est augmenté encore, il y aura davantage de contrôles, donc des charges administratives très élevées, juste pour démasquer les fraudeurs. Dans notre tête, quand on impose une mesure, on doit, en arrière, contrôler. Contrôler, ça égale des dépenses administratives beaucoup plus importantes; ça égale également, subséquemment, des punitions. Et, pour nous, quand il y a des punitions, eh bien, ça entraîne également des conflits et des tensions. Et, ce dont on a peur, c'est que tout ça amène des tensions et des conflits entre le gouvernement et les citoyennes, citoyens québécois et, également, entre les gouvernements et les entreprises privées.

Il y a également la réalité des travailleurs autonomes. Je pense que c'est une réalité qui est croissante présentement, et c'est évident que, pour s'éviter une croissance de la masse salariale, les entreprises vont avoir de plus en plus tendance à se tourner vers les travailleurs autonomes; d'un côté, pour ne pas assumer ce que la loi nous demandera, la loi 90, mais également, la lourdeur administrative, là, de la masse salariale maintenant.

Le danger, pour nous, aujourd'hui, c'est qu'il y ait beaucoup moins de cotisations de ces gens-là au niveau de la RAMQ, au niveau de la CSST. On sait que, en dessous de 30 000 $ de revenus, ils ne paient pas non plus de TPS, de TVQ... et des impôts souvent non déclarés. Donc, quelque part, de l'argent perdu pour l'État. Et ça nous amène à nous poser des questions par rapport au futur. Qu'est-ce qu'il restera, dans nos coffres de la Régie des rentes du Québec, pour les futurs retraités? S'il y a plus de travailleurs autonomes, il y a de moins en moins d'argent qui s'en va là. Donc, qu'est-ce qui arrivera à nos retraités plus tard? Qu'est-ce qu'ils auront comme fonds?

L'autre réalité, c'est que ce n'est pas nécessairement... ça ne sera pas un choix, pour ces gens-là, de devenir travailleurs autonomes. C'est que les entreprises vont leur demander d'être travailleurs autonomes pour éviter une masse salariale élevée et des contraintes bureaucratiques élevées. Donc, ces gens-là vont se retrouver sans revenu la journée où ils auront fini leur mandat parce qu'ils n'auront pas cotisé à des programmes comme l'assurance-chômage.

Les autres conséquences. On sait que plusieurs autres organismes en ont parlé, c'est le fardeau administratif, mais on voulait aussi le préciser. Pour nous, c'est un fardeau bureaucratique et administratif qui va être un peu monstrueux. Donc, pour nous, c'est aussi une réalité, le fardeau administratif.

Il y a également la réalité de la non-déductibilité de cette taxe au fédéral. Il est évident que si cette taxe-là est non déductible au fédéral, elle grugera directement la marge bénéficiaire, qui est déjà mince dans notre secteur, là, qu'est l'industrie d'aide temporaire.

Donc, en définitive, ce projet de loi représente aujourd'hui pour nous tout simplement une taxe de 1 % sur la masse salariale dont l'effet majeur sera malheureusement très négatif sur notre industrie et, par conséquent, sur les milliers d'entreprises qui utilisent nos services. Par ricochet, on pense que ça va nuire à la création d'entreprises et, donc, à la création d'emploi.

J'arrive maintenant à nos recommandations. Compte tenu de deux choses: compte tenu du fait que l'industrie d'aide temporaire travaille dans un contexte qui est totalement particulier, qui fait que 90 % de notre masse salariale est à peu près égale à notre chiffre d'affaires, et compte tenu également de tous les commentaires et arguments qui ont été apportés par des organismes comme le CPQ et, également, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, on recommande fermement – M. Rioux sera heureux! – au gouvernement de retirer son projet de loi et d'envisager plutôt le développement de mesures incitatives pour atteindre l'objectif proposé – avec lequel on est tous d'accord, à la Fédération des entreprises d'aide temporaire – soit faire davantage de formation professionnelle de la main-d'oeuvre au Québec.

On vous propose également de tenter d'influencer positivement, comme on essaie d'influencer nos employés dans nos entreprises, à mettre en place des programmes de formation par des campagnes publicitaires bien structurées, qui, à notre avis, coûteront beaucoup moins cher et seront peut-être plus pertinentes que ce qu'on paierait pour administrer la loi 90.

Maintenant, si cette loi-là devait passer, malheureusement – et malgré un taux d'insatisfaction, là, et d'opposition élevé de la part des entreprises privées – on vous recommande, premièrement, pour notre industrie, que le coût de la formation non facturée actuellement donnée à notre personnel chez nos différents clients lors de leur engagement temporaire soit accepté pour être inclus dans le 1 %. Ce qu'on vous dit, c'est que les gens qu'on envoie en mandat pour trois semaines ou six mois, il y a une formation en début d'emploi, et on voudrait qu'elle soit incluse dans le 1 %.

Deuxièmement, on voudrait que cette formation-là n'ait pas à être accréditée ou approuvée par la SQDM, parce que notre métier est basé sur la rapidité et la notion d'urgence. Donc, si on doit placer des employés demain... si on a une demande, aujourd'hui, pour un client qui veut trois personnes demain, c'est absolument impensable de lui demander un plan structuré de formation pour demain matin parce qu'on a trois personnes qui vont travailler chez eux. Donc, c'est un peu irréaliste pour notre secteur d'activité.

On demande également que la formation des employés internes à nos bureaux, dans les entreprises d'aide temporaire, soit reconnue et incluse dans le 1 % de la masse salariale; là aussi, sans l'obtention de l'accréditation spécifique de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Également, on aimerait appuyer, si jamais le projet de loi passait, la recommandation du Conseil du patronat du Québec concernant la possibilité de reporter d'une année à l'autre des excédents de dépenses de formation effectuées au cours d'une année, parce que nos entreprises peuvent avoir à donner beaucoup de formation une année, et moins la suivante. Dans notre industrie, c'est une réalité. On joue un peu avec les cycles économiques. Si les pâtes et papiers, ça va bien, on va avoir beaucoup de clients dans les pâtes et papiers cette année, et peut-être que, dans ce secteur-là, effectivement, il y a de la pénurie d'emploi, donc beaucoup de formation. On pourra peut-être donner, cette année-là, 3 % à 5 % de formation, mais, l'année suivante, peut-être 0,5 % de formation, parce qu'on suit nos clients.

En conclusion, nous demandons à cette commission parlementaire, encore une fois, de bien vouloir retirer le projet de loi 90. Et si, dans l'alternative, le projet de loi passait, on demande au gouvernement de prendre en considération la réalité de notre industrie, en tenant compte de notre principale particularité, soit que notre volume de ventes constitue très majoritairement la masse salariale que nous supportons.

Donc, on aimerait vous remercier de nous avoir entendus. Ce qu'on aimerait aussi vous dire, c'est qu'on vous remercie également d'avoir mis sur pied, Mme la ministre, une commission parlementaire pour nous permettre de donner notre opinion sur l'avenir du Québec.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je m'adresse bien à M. Rémy Tremblay, hein, le président de la région de Québec? C'est ça?

M. Tremblay (Rémy): C'est bien ça.

Mme Harel: Excusez-moi, mais, sur l'horaire qui nous est distribué, il y a habituellement le nom des participants, et je n'ai pas le vôtre.

Mme Fortier (Marie): Marie Fortier.

Mme Harel: Mme Marie Fortier.

Mme Fortier (Marie): Oui.

Mme Harel: Et vous êtes de Montréal?

Mme Fortier (Marie): De Québec.

Mme Harel: De Québec.

Mme Fortier (Marie): Oui.

Mme Harel: C'est donc la région de Québec qui est représentée...

Mme Fortier (Marie): Non, on représente la Fédération des entreprises d'aide temporaire...

Mme Harel: D'accord.

Mme Fortier (Marie): ...pour la province de Québec.

Mme Harel: Mais, vous deux, vous êtes de la région de Québec?

M. Tremblay (Rémy): Absolument. Même, nous, on a des bureaux... Moi, je suis vice-président exécutif d'Ecco Personnel Canada; on a des bureaux partout au Québec, à la grandeur du Québec.

Mme Harel: De quel groupe?

M. Tremblay (Rémy): Ecco Personnel Canada.

Mme Harel: Ecco Personnel Canada.

(22 h 30)

M. Tremblay (Rémy): Et on a des bureaux à travers le Québec. Mais nous représentons aujourd'hui... On a été mandaté par la Fédération pour représenter le Québec.

Mme Harel: La Fédération existe depuis longtemps? C'était la première nouvelle que j'avais de votre existence, là, la demande qui a été faite de venir devant la commission. J'aimerais profiter peut-être des moments qui nous sont donnés pour mieux connaître votre fonctionnement. Il y a longtemps que...

Mme Fortier (Marie): La Fédération des entreprises d'aide temporaire existe depuis 1967. C'est une fédération canadienne qui regroupe 80 % des entreprises d'aide temporaire à travers le Canada. Elle n'existe dans les régions de Montréal et de Québec malheureusement que depuis environ 10 ans. On a commencé à faire du lobbying auprès du gouvernement provincial depuis environ cinq, six ans, à différents niveaux, au niveau de la CSST, de l'Office des ressources humaines, au niveau de différentes sociétés d'État qui touchent notre industrie.

Mme Harel: Êtes-vous membre du Conseil du patronat?

M. Tremblay (Rémy): Également, oui.

Mme Harel: Est-ce que vous êtes conscients que votre...

Mme Fortier (Marie): C'est un compétiteur à nous, mais il est membre de la Fédération. Excusez-moi, madame.

Mme Harel: Pardon?

Mme Fortier (Marie): C'est parce qu'il nous a demandé quelque chose. Je ne voudrais pas le répéter, là...

Mme Harel: Ah bon!

Mme Fortier (Marie): ...mais il nous a parlé d'un compétiteur.

M. Tremblay (Rémy): Mais il est membre également de la Fédération.

Mme Harel: Ah!

Mme Fortier (Marie): Mais il est membre de notre Fédération.

Mme Harel: Dites-moi, vous êtes conscients qu'il n'y a pas de valeur ajoutée, là, à votre industrie?

Mme Fortier (Marie): Est-ce que vous voulez expliquer ce que vous voulez dire?

Mme Harel: La valeur ajoutée? On a un spécialiste parmi nous.

Mme Fortier (Marie): O.K.

Mme Harel: Le député d'Outremont, c'est un spécialiste. Alors, ceci dit, une valeur ajoutée, ça signifie... Évidemment, vous prenez les gens tout prêts, tout formés, et puis vous servez d'intermédiaire.

Mme Fortier (Marie): Exactement.

Mme Harel: Vous servez d'intermédiaire parce que, en partie, contrairement à bien d'autres sociétés organisées, je pense au Japon, en Allemagne ou ailleurs, on n'a pas ici de politique de placement comme il existe dans toute société qui a un peu la fierté d'elle-même. Alors, à moins d'avoir un réseau d'amis, de voisins, de parents, il faut lire les petites nouvelles du Journal de Montréal ou du Journal de Québec ou d'ailleurs. Est-ce qu'il faut payer pour être membre de votre entreprise?

Mme Fortier (Marie): Les membres de la Fédération paient pour être membres de la Fédération, les entreprises. Chaque membre de la Fédération a un code de déontologie. Cette Fédération-là a un code de déontologie, et un des critères de ce code de déontologie, c'est que les employés ou les candidats qui viennent solliciter des emplois chez nous ne défraient rien. Si nous leur offrons un emploi à la Société de l'assurance automobile et qu'on leur offre 10 $ l'heure, on leur paie 10 $ l'heure et on déduit ce que la loi nous oblige à déduire. Point à la ligne.

Mme Harel: Mais quel est le mode de financement de l'entreprise?

Mme Fortier (Marie): On facture à la Société de l'assurance automobile plus cher qu'on paie.

Mme Harel: Et la facturation est en sus du salaire régulier.

Mme Fortier (Marie): Exactement.

M. Tremblay (Rémy): C'est, enfin, des honoraires professionnels. Donc, on s'entend sur un salaire avec le client. Donc, un salaire de 9 $ l'heure, et on ajoute à ça des honoraires professionnels qui sont inclus dans le taux horaire.

Mme Harel: Et vous pensez que le client n'en tient pas compte quant à la détermination du salaire, des honoraires professionnels, pour en faire une rémunération globale?

M. Tremblay (Rémy): Bien...

Mme Fortier (Marie): Non. Pour répondre, je ne crois pas. Pour moi, ils viennent nous voir souvent parce qu'ils sont mal pris face à une situation d'urgence. Je le répète, ce que Rémy disait tout à l'heure, ce sont vraiment des situations d'urgence. Ils font appel à nous comme un professionnel, comme vous allez appeler un plombier chez vous ou on va appeler une firme comptable pour faire notre rapport à la fin de l'année.

Mme Harel: À ce moment-là, donc, vous avez du personnel.

M. Tremblay (Rémy): Oui.

Mme Harel: Comme si j'appelle un plombier, il va venir. Alors, vous, vous avez...

M. Tremblay (Rémy): Différents types de personnel, et les agents sont spécialisés dans différents secteurs.

Mme Harel: Et vous dites que ce personnel n'est pas notre personnel. C'est un peu la démonstration que vous voulez faire ce soir.

M. Tremblay (Rémy): Il est notre personnel et il va travailler pour nous chez notre client.

Peut-être pour revenir à ce que vous disiez tantôt, que certains pays ont des politiques de placement. Je peux vous dire également que tous les pays du monde, à peu près, aujourd'hui, ont laissé la place aux entreprises privées d'aide temporaire pour gérer mieux la précarité d'emploi. On a d'ailleurs présenté un projet à l'Office des ressources humaines, que vous aurez sûrement plaisir à regarder, où on présente... Ce qu'on dit, c'est que, présentement, il y a justement...

Mme Harel: Attendez. Je veux bien vous comprendre, là. Vous nous dites, M. Tremblay, que tous les pays du monde ont délaissé leur politique de placement, ceux qui en avaient?

M. Tremblay (Rémy): Ils n'ont pas délaissé leur politique de placement, c'est qu'ils se centrent moins sur le placement, comme on l'a vu d'ailleurs au Québec, les Centres d'emploi du Québec ont fermé en 1980, les Centres d'emploi du Canada sont maintenant plus des bureaux de chômage; on les appelle «développement de la main-d'oeuvre» et non plus «centre d'emploi». Ce qu'on a fait dans tous les pays du monde, parce que vous savez que, partout dans le monde... Si on prend aux États-Unis, 85 % des entreprises utilisent le placement de personnel. Au Canada, uniquement 25 % des entreprises utilisent le placement de personnel, et en Europe, 75 % l'utilisent. Donc, de plus en plus, dans les pays du monde, on a laissé la gestion de la précarité d'emploi ou la...

Mme Harel: Est-ce que je peux vous demander vos sources, là, des chiffres que vous nous citez?

M. Tremblay (Rémy): Oui, absolument. On pourra vous les donner. On les a à la Fédération des entreprises d'aide temporaire. Ils ont été publiés. C'est sur ça.

Mme Harel: Parce que, vous voyez, en fait, pour quelques pays que j'ai pu visiter, je peux prétendre connaître leur fonctionnement, là. Je ne vois pas vraiment comment on peut prétendre qu'ils ont laissé tomber le placement, qui est le coeur névralgique de leur politique d'emploi. C'est le cas pour l'Allemagne, c'est le cas pour la Suisse, c'est le cas pour la Suède, où je suis allée. Alors, je ne vois pas comment on peut prétendre... Sans cette politique de placement, ils ne font pas l'arrimage entre les besoins de l'entreprise et l'offre de main-d'oeuvre.

M. Tremblay (Rémy): Absolument. Mais, pour tout ce qui sont des emplois occasionnels et temporaires, on a laissé l'entreprise privée prendre une place importante dans tous les pays du monde, qui vont gérer maintenant tout ce dont je vous parle, qui est précarité d'emploi. Tous les emplois temporaires et occasionnels sont gérés maintenant par les entreprises de placement de personnel.

Mme Harel: Écoutez. Je sais qu'on a peu de temps puis que de mes collègues aussi veulent échanger avec vous. Alors, il y a pas mal d'aspects, là, dans ce que vous nous recommandez dans votre mémoire qui s'inspirent, si vous voulez, de ce que le Conseil du patronat et d'autres organismes membres du Conseil du patronat sont venus plaider. On peut reprendre le débat avec vous, si vous voulez, vous dire qu'il y a de prévu un report possible. Vous demandez le report; pas report, évidemment, du projet de loi, mais report des dépenses de formation.

On peut vous dire également que, loin d'être obligé, il n'y a pas de validation de la SQDM en ce qui concerne la formation dispensée dans l'entreprise qui décide de contracter un formateur agréé ou de contracter une institution d'enseignement ou de le faire sous forme de formation maison. La formation maison nécessitant cependant, bien évidemment, de consulter ses employés, puisque c'est la seule trace visible qu'il va en rester.

Alors, ceci dit, la démonstration que vous nous faites, c'est que vos employés n'ont pas besoin de formation. Est-ce que c'est ça que vous voulez nous démontrer ce soir?

Mme Fortier (Marie): Je pense que ce qu'on voulait vraiment démontrer ici ce soir, c'est que 90 % de notre masse salariale est notre volume de vente, que notre volume de vente se doit d'être fait immédiatement à 24 heures d'avis, à 12 heures d'avis et souvent à deux heures d'avis, et que nous n'avons pas le temps de planifier une formation pour ces employés-là. Si, malgré ça, on prenait un créneau où on décidait de former des candidats à l'emploi qui ne sont pas des employés mais vraiment des candidats, on ne saurait vers quel secteur faire la formation, parce que, nous, on répond aux besoins d'un marché, on est là pour répondre à une demande.

Mme Harel: Mais vous ne pensez pas que vos employés auraient plus de stabilité si tant est que vous ayiez une politique de rétention, à la rigueur? Pourquoi seulement, là, cinq mois de l'année par bureau de placement?

Mme Fortier (Marie): Pourquoi seulement cinq mois de l'année dans un bureau de placement? Les employés qui travaillent pour nous, souvent, après cinq mois, se sont trouvé un emploi et ne sont plus disponibles pour nous. Ils sont peut-être allés travailler chez un compétiteur, ils se sont peut-être trouvé un emploi permanent, ils ont déménagé. Mais quand on a des employés qui sont compétents et qu'on a fait travailler, dont nos clients ont été satisfaits, on a tout intérêt à les garder beaucoup plus que cinq mois. C'est une moyenne, cinq mois, et, souvent, c'est eux qui partent d'eux-mêmes. Ce n'est pas nous qui choisissons de les terminer.

(22 h 40)

Mme Harel: Quel est le pourcentage de ceux qui se trouvent un emploi en regard de ceux qui déménagent ou, en fait...

Mme Fortier (Marie): Je vous dirais à peu près n'importe quoi parce que je ne me suis jamais arrêtée à faire des statistiques sur ça. Je regrette, Mme Harel.

Le Président (M. Facal): Merci, Mme la ministre. Alors, il va rester cinq minutes pour le député de Matane. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, avec plaisir. Merci beaucoup. Je voudrais accueillir votre mémoire en soulignant que vous portez à notre attention une réalité qui n'entre pas dans les concepts auxquels nous sommes particulièrement habitués, entraînés, des concepts standards du Code du travail: un employé, ou tu n'es pas un employé, on essaie de voir votre... Vous nous présentez un concept éclaté d'une nouvelle relation de prestation de travail. Vous nous dites: Nous, nous avons nos propres employés, nous sommes une poussière de petite boîte, une centaine, avec trois, quatre, cinq employés, ça, ça fait une masse interne. Là-dessus, ça, comme on est en dessous de 250 000 $, on n'est pas assujetti. Bonjour, merci! On va faire notre travail, on va former notre monde, mais on n'est pas assujetti. Par contre, vous dites au législateur: Si vous êtes pour nous imputer l'autre masse salariale que nous gérons à titre d'intermédiaire avec des clients, si vous êtes pour nous imputer cette masse-là à nous, là, nous devons essayer de nous entendre avec vous pour voir comment nous en tirer. Est-ce que la responsabilité de la formation de ce monde-là nous incombe ou si elle incombe aux clients que nous approvisionnons en main-d'oeuvre?

Une voix: C'est une bonne question.

M. Charbonneau (Bourassa): C'est une bonne question; c'est un concept nouveau. Je sais qu'il y a une certaine conception, il y a une certaine image qu'on peut avoir du travail temporaire. Il y a eu certaines utilisations faites dans certains conflits de travail d'une main-d'oeuvre temporaire. C'est vrai, c'est une réalité. Mais je crois qu'il faut regarder la réalité montante. Quand on regarde un peu ce qui se passe dans les entreprises, pour faire appel à certaines expériences dont j'ai été témoin, il arrive ce qu'on appelle une période de pointe dans un service donné d'une entreprise, un rush, comme on dit, une période de pointe. Il y a nécessité de mettre en place une équipe spéciale parce qu'il y a des documents très, très volumineux et compliqués à monter en un temps record, en une soirée ou en deux jours. Bien, on a beau avoir des équipes substantielles, bien rodées, il faut doubler le personnel pour 24 heures. Où est-ce qu'on les prend? On est tout de même pas pour faire un avis de recherche dans les journaux. Il y a des agences pour ça. Ils ont des bassins de main-d'oeuvre. Ils disent: Voici, c'est tant l'heure. Eux, ils s'entendent avec leur personnel. Ils paient ça 9 $, 10 $, 15 $, ce que ça vaut, puis ils chargent tant aux clients, puis ils disent: Voici, je vous donne ma main-d'oeuvre, puis si ça ne fait pas votre affaire, rappelez-moi dans 12 heures ou dans 24 heures, je vais vous en fournir une autre puis on va la remplacer, si ce n'est pas à votre goût. C'est comme ça que ça roule.

Il y a d'autres situations où on a besoin de professionnels très spécialisés, mais très rarement, je veux dire quelques jours par année. Le besoin d'un actuaire, par exemple, avec telle spécialité ou le besoin d'un comptable avec telle spécialité, le besoin d'un scientifique avec telle spécialité pointue. Une municipalité peut avoir besoin de ça pour détecter un problème à un moment donné dans son environnement, etc. Une municipalité ne va pas se tenir une équipe de professionnels à temps plein à son service au cas où il arrive un problème par année, mais elle sait où aller le chercher si elle en a besoin. C'est comme ça que ça fonctionne maintenant, et je crois qu'il faut regarder ce type de réalité là. Vous nous posez la question; vous posez la question à la ministre: La formation de ces gens-là, est-ce notre responsabilité, est-ce la responsabilité de ceux chez qui ces gens-là vont travailler? Puis, il y en a, vous nous informez, je pense, pour 1 000 000 000 $ par année, de ce type de masse salariale là?

Mme Fortier (Marie): Au Canada, oui.

M. Tremblay (Rémy): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Au Canada?

M. Tremblay (Rémy): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): 250 000 000 $ au Québec, disons, en gros, là, si on fait tout simplement une règle de trois. C'est important. C'est une masse salariale importante. Il faut regarder ça.

Pour nous aider à comprendre encore davantage, quelle sorte de contrat existe-t-il entre vous et ces personnes dont on parle? Y a-t-il une notion d'exclusivité? Y a-t-il une notion d'autorité? Est-ce qu'il y a un écrit quelque part et qu'est-ce qu'il dit, cet écrit entre vous et ces personnes-là?

Mme Fortier (Marie): Bon. Avec le client, ça, c'est simplement un contrat verbal.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui.

Mme Fortier (Marie): Avec l'employé, l'employé vient chez nous, remplit des formulaires, passe des évaluations, passe en entrevue, on lui offre un emploi. Si l'emploi lui convient, il y va; si cet emploi-là ne lui convient pas, il n'y va pas. Puis on n'est pas choqué, on pourra le rappeler deux semaines après ou le lendemain ou dans le mois. Si, en cours de mandat, cet employé se trouve un poste permanent, qui sont des choses qui arrivent, nous le remercions, nous l'encourageons et nous le félicitons de s'être trouvé un emploi permanent. Par les temps qui courent, tout le monde est heureux pour lui. Alors, il n'y a aucun attachement dans ce sens-là.

Par contre, nous sommes l'employeur à tous les niveaux. Nous sommes l'employeur au niveau de l'engagement, nous faisons la paie, nous faisons les T4, nous faisons les remises gouvernementales. Il y a un problème d'accident de travail, nous sommes le représentant employeur à la CSST et sur tous les niveaux de gouvernement, tous les paliers d'organismes gouvernementaux.

M. Charbonneau (Bourassa): Est-ce qu'il y a une notion d'exclusivité à votre égard? Il y a 100 entreprises, disons, au Québec. Est-ce qu'il y a un attachement, un lien...

Mme Fortier (Marie): Aucun.

M. Charbonneau (Bourassa): ...ou la même personne peut faire affaire avec plus d'une agence?

Mme Fortier (Marie): Je vais vous dire que 80 % des employés qui travaillent dans un bureau de placement sont inscrits dans tous les bureaux de leur région.

M. Charbonneau (Bourassa): Donc, c'est un beau cas à examiner en termes d'application du Code du travail. C'est une réalité qui ne ressemble à rien d'autre. Il n'y a pas de lien d'exclusivité, par contre, il semble y avoir une notion d'autorité et de responsabilité. C'est à regarder.

M. Tremblay (Rémy): Ce que j'aimerais apporter également comme élément, c'est que, quand même, 12 % des employés – les dernières statistiques qu'on a eues, les plus récentes – qu'on place sur des mandats temporaires réussissent, par ce chemin-là, à se trouver un emploi permanent. Et, ce qu'on a présenté également à l'État récemment – on vous a apporté, Mme la ministre, un document qu'on a présenté à l'Office des Ressources humaines – c'est que, présentement, on est le meilleur partenaire de l'État pour aider ces employés-là, justement, à travailler et à intégrer le marché du travail et à le réintégrer également.

M. Charbonneau (Bourassa): Ça me fait penser, M. le Président, Mme la ministre, à une corporation intermédiaire de travail, mais privée. Il y a un lien le temps que ça dure. Puis, si la personne parvient à se trouver un poste, le lien se dissout et la personne continue. Mais, en attendant, il y a une espèce de parc de ressources humaines qui est rendu disponible à travers ce type d'entreprise là.

Mme Fortier (Marie): Effectivement, les CIT ont été faites pour les régions où il n'y avait pas de services. Ça a peut-être un peu débordé. Mais, en principe, à la base, c'était ça la raison d'être des CIT.

M. Tremblay (Rémy): Également, la crédibilité d'une entreprise, si je prends Ecco, la crédibilité de notre métier se fait sur les placements permanents. Nos employés qu'on place comme temporaires, de temps à autre... plus on va avoir un taux élevé d'employés qui deviennent permanents, plus ça signifie qu'on a recruté les bons employés et de bons employés. Donc, notre crédibilité est basée sur ça. Donc, c'est un but, quelque part, qui est ultime au niveau image de notre métier.

M. Charbonneau (Bourassa): Parce que ça correspond, ici, à l'intérêt de certaines personnes que de ne travailler que six, huit mois par année.

M. Tremblay (Rémy): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): À condition d'y faire des revenus convenables pour leurs besoins à un certain âge de la vie ou compte tenu de leur contexte particulier, et ils s'en satisfont.

M. Tremblay (Rémy): C'est une nouvelle réalité.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Matane, en vous rappelant qu'il reste cinq minutes au parti ministériel et que le député de La Peltrie, je crois, voudrait également poser une question.

M. Rioux: Je vais essayer d'être bref. Ce que je trouve absolument intéressant dans le mémoire qu'on vient d'entendre, c'est que cet organisme-là est un partenaire, au fond, de l'État québécois, pour faire cheminer des gens vers des emplois permanents. Ça, je vous avoue que je vous lève mon chapeau, et je ne peux faire autrement que de vous féliciter.

Je voudrais qu'on pousse un petit peu plus loin l'analyse quant aux liens juridiques de l'employé avec votre organisme. Je trouve ça important parce que vous dites: Tous nos employés, on défraie les salaires, les charges, la masse salariale, les normes, on obéit aux lois provinciales et fédérales. Et j'ai de la misère aussi à comprendre qu'ils soient qualifiés, au fond, pour être assujettis à la nouvelle loi, si elle devait passer telle qu'elle est.

(22 h 50)

Moi, j'aimerais qu'on fouille ça un tout petit peu, parce que c'est vrai que c'est une situation éclatée. Le député de Bourassa a absolument raison. Il ne s'agit pas ici de dire qu'on est contre puis qu'on est pour ce mémoire-là, il s'agit de comprendre. Si on se place sur le plan de la micro-entreprise, vous êtes dur à rejoindre. C'est clair. Mais si on se place un petit peu plus macro, là, je dis que non seulement vous êtes intéressants, en tout cas, à vous cotiser – ça devient intéressant parce que vous avez une masse salariale assez impressionnante – mais, compte tenu du fait que vos employés ont des prestations de service qui peuvent être très brèves et, aussi, une demande du client qui est ponctuelle. C'est là que j'ai un petit peu de misère, j'ai un peu de difficulté, puis on va essayer de s'entraider. Le lien juridique, au sens qu'on connaît, nous autres, en relations de travail, il n'est pas là, on sent bien qu'il y a un problème. Mais, vous autres, vous prétendez qu'il existe...

M. Tremblay (Rémy): On aimerait ça, savoir sur quel point il ne l'est pas, parce qu'on recrute, on sélectionne, on embauche, on paie, on supervise, on gère la santé et sécurité de ces employés-là, on s'occupe des normes du travail; ce sont nos employés...

Mme Fortier (Marie): On congédie.

M. Tremblay (Rémy): ...on congédie, on remercie, on embauche... Le seul point que le législateur avait trouvé – on a tout lu les cas de jurisprudence, parce qu'on connaît bien notre métier – c'était le lien de subordination. Comme notre employé est chez notre client, c'est évident que c'est lui qui lui donne son travail à exécuter. Mais le seul lien de subordination n'est pas le seul élément qui nous dit si on est employeur légal ou pas. On a tous les autres éléments et, également, on a un certain lien de subordination avec ces gens-là. Depuis toutes les années, justement, on a prouvé qu'on était l'employeur légal. Et je crois que la CSST aussi l'a confirmé, dans tous les derniers cas de jurisprudence, qu'effectivement nous sommes l'employeur légal de nos employés.

M. Rioux: Mais, l'employé que vous avez...

M. Tremblay (Rémy): Oui.

M. Rioux: ...cette banque que vous avez entre les mains et que vous pouvez distribuer, selon la demande de vos clients, il n'y a pas un lien de subordination quant à l'emploi. Ces gens-là sont vos employés, mais ils ne travaillent pas pour vous.

M. Tremblay (Rémy): Mais ils travaillent pour nous, chez nos clients.

M. Rioux: Mais, dans l'exercice de leur métier, ils ne travaillent pas pour vous.

M. Tremblay (Rémy): Bien, écoutez...

M. Rioux: Vous vendez leurs services.

M. Tremblay (Rémy): Bien, écoutez, si j'ai un bureau de dessin et que j'ai 62 dessinateurs, j'en ai deux qui travaillent à l'année pour Bombardier, ils travaillent pour moi, ce sont mes dessinateurs qui travaillent sur des mandats de Bombardier pour deux ou trois ans. Donc, ils font un travail pour Bombardier, mais ce sont mes employés. On est comme tous les autres sous-traitants d'entreprise, ce sont nos employés qui effectuent des mandats pour nos clients.

M. Rioux: Mais vous êtes des courtiers de main-d'oeuvre.

M. Tremblay (Rémy): On va les appeler comme ça. Ça ne nous choque pas.

Mme Fortier (Marie): Vous pouvez appeler ça comme ça. C'est une expression qui ne nous est pas familière, mais admettons qu'elle n'est pas choquante.

M. Rioux: Parce que, moi, je ne veux pas vous exclure ou vous inclure, ce n'est pas ça, mon idée, c'est juste que, si on se décide un jour, je voudrais bien que ce soit juridiquement acceptable.

M. Tremblay (Rémy): Ah! ça l'est.

M. Rioux: Et vous êtes «borderline». J'ai de la misère un peu avec vous autres.

Mme Fortier (Marie): Je vais vous dire, vous n'êtes pas le seul, je pense qu'il est effectivement... Moi, ça fait 16 ans que je suis dans cette industrie-là et ça fait probablement 15 ans que je débats ça à différents niveaux. On a passé à travers cette argumentation-là avec le fédéral, avec la CSST, avec les normes du travail, et, quelque part, tous ces organismes-là finissent par nous reconnaître comme étant l'employeur. Comme M. Tremblay disait, on répond à tous les critères, sauf le lien de subordination final, c'est la seule place.

M. Rioux: Je trouve ça intéressant ce que vous dites. J'espère que la ministre retient ça, qu'ils ont été reconnus par le fédéral comme étant l'employeur...

M. Tremblay (Rémy): Et par le provincial, si on parle de la CSST.

M. Rioux: ...mais c'est déjà... par le provincial également?

M. Tremblay (Rémy): Par la CSST.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le député de Matane.

M. Rioux: On va faire de l'argent avec vous autres!

Le Président (M. Facal): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci. Je vais essayer de voir quels seraient les effets sur votre industrie que vous soyez assujettis à la loi. Donc, c'est le sens des questions que je vais vous poser. Je vais présenter... Et je suppose que, comme vous l'avez expliqué, les personnes qui travaillent pour vous sont vos employés, donc, votre masse salariale, globalement, représente 250 000 000 $; alors, 1 % de 250 000 000 $, c'est 2 500 000 $. C'est de l'argent! Déjà, il ne faut pas commencer à considérer que ça n'a pas d'importance.

Là-dessus, si vous refiliez à vos clients le 1 %, autrement dit, dans... Vous ne pouvez pas déduire les frais de formation, mais vous utilisez les versements au Fonds, et, à ce moment-là, vous surchargiez, en plus de charger vos frais professionnels, vous ajoutiez le 1 % de formation à vos clients. Quel effet ça aurait sur votre marché, c'est-à-dire, est-ce que vous perdriez beaucoup de clients?

M. Tremblay (Outremont): Ils perdent 2 500 000 $.

M. Gautrin: Non, non, ce n'est pas ça qu'ils perdent. Est-ce que ça permet d'être client ou pas, le client paierait plus cher?

M. Tremblay (Outremont): Mais, pas nécessairement.

M. Gautrin: Mais, à l'heure actuelle, il y aurait 2 500 000 $ qui iraient dans le Fonds.

M. Tremblay (Rémy): Effectivement, il y aura un impact important. On vous l'a dit tout à l'heure, l'impact de cette loi-là a un impact sur nous mais également sur nos milliers de clients parce que, effectivement, il faudra le facturer à nos clients. Comment démontrer à nos clients que, moi, j'envoie... Présentement, au Québec, on a peut-être des milliers d'employés, on a des centaines d'employés chez, peut-être, 300 clients différents. Chez un client à qui je facture 1 %, comment prouver que les employés que je lui ai envoyés ont été formés? Quand j'aurai peut-être formé d'autres employés dans la métallurgie, mais, dans les pâtes et papiers, je n'en ai pas formé, et, lui... Il faut que je le facture à tout le monde, si je facture ce 1 %. Alors, c'est une taxe pour nous.

M. Gautrin: Considérons que ce soit réellement une taxe, ça va?

M. Tremblay (Rémy): Absolument. À ce moment-là...

M. Gautrin: Alors, considérons réellement, au préalable, que ce soit réellement une taxe de 1 % pour le fait que vous ne puissiez pas faire la formation, on s'entend là-dessus? Quel effet ça a sur votre potentiel de placer les gens? Autrement dit, est-ce que votre industrie, parce que vous allez donc devoir facturer plus, vous avez un effet, une analyse, une perte de clients potentielle que vous pourriez avoir? Autrement dit, si ça coûte 1 % de plus de prendre quelqu'un chez vous, est-ce que vous risquez de perdre beaucoup de vos clients?

Mme Fortier (Marie): On a eu une augmentation, au dernier budget, de 0,51 % de la Régie de l'assurance-maladie.

M. Gautrin: Je sais.

Mme Fortier (Marie): Il n'y a pas un client qui ne nous a pas appelés pour nous demander pourquoi on chargeait ça.

M. Gautrin: Donc, il y a une sensibilité chez votre clientèle.

Mme Fortier (Marie): Alors, chaque fois qu'on augmente d'un petit point le taux facturé, s'il y a une augmentation sur la masse salariale, c'est ou on baisse nos bénéfices ou on augmente le client. À chaque fois qu'on augmente le client, on a un potentiel de le perdre. Donc, on essaie de couper la poire en deux puis, finalement, on perd toujours des bénéfices.

M. Tremblay (Rémy): Et c'est ce qu'on explique d'ailleurs, que c'est la marge bénéficiaire qui va être affectée dans notre industrie, majoritairement.

M. Gautrin: O.K. Il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Facal): Une minute.

M. Gautrin: Je vais laisser ça de côté, je pourrais débattre longtemps là-dessus.

Deuxième volet. Vous dites: On fait déjà un peu de formation, et vous ne précisez pas exactement comment. Vous dites, dans votre mémoire: La formation qu'on donne ne pourrait pas être acceptée par la SQDM parce qu'on est obligé de fonctionner dans des délais extrêmement courts. Est-ce que vous avez une suggestion à nous faire sur la possibilité de valider la formation que vous donnez? Vous comprenez bien aussi, de notre côté, dans l'esprit de la loi, si vous dites: On fait le 1 % de formation, il faut qu'il y ait un mécanisme de validation de cette formation. Est-ce que vous avez une suggestion à nous faire sur la validation que vous pourriez...

Mme Fortier (Marie): Écoutez, une des choses que l'on suggère dans le mémoire, c'est que, moi, je fais du placement de personnel en soins de santé. Des centres hospitaliers de courte durée, privés ou pas, ou de longue durée, ce n'est pas vraiment important, m'appellent, me demandent une préposée ou une infirmière avec spécialité en gérontologie. Alors, je vais placer cette employée sur un étage pour travailler avec des gens âgés, cette personne-là doit se familiariser avec ces bénéficiaires-là.

M. Gautrin: Bien sûr.

Mme Fortier (Marie): Souvent, je vais, moi, ne pas facturer les trois, quatre ou cinq premières heures d'un mandat qui va durer peut-être 40 heures et plus, pour que cette personne-là soit confortable et que mon client ne soit pas lésé, etc. C'est une formation qui est faite sur le tas.

M. Gautrin: Ce serait une manière de mesurer la formation que vous donnez, de valider la formation sur le tas que vous donneriez.

Mme Fortier (Marie): Oui, sur la facturation, c'est marqué...

M. Gautrin: Est-ce que vous avez d'autres manières de valider votre formation – je comprends ce que vous dites – est-ce qu'il y a d'autres manières de valider la formation?

Mme Fortier (Marie): C'est très difficile pour nous de le faire. Il y a à l'interne où c'est difficile...

M. Tremblay (Rémy): Pour nos employés internes.

Mme Fortier (Marie): Pour les employés à l'interne. Mais, à part ça, c'est...

M. Gautrin: Non, non, mais, ça, j'ai compris ça. Mais, votre masse salariale, ce n'est pas les employés à l'interne, les 2 500 000 $ qu'on cherche là-dedans...

Mme Fortier (Marie): Oui, oui, non, ce n'est pas ça.

M. Tremblay (Rémy): Mais, ce que vous nous demandez, justement, on l'a présenté un peu dans notre mémoire. Ce qu'on aimerait, c'est qu'au départ, si jamais la loi passait, justement, c'est de dire que la SQDM rencontre la Fédération des entreprises d'aide temporaire et s'entende sur ce qu'on donne comme formation et qu'on dise: On autorise, dans le cas de votre industrie, votre formation x. Et non pas de voir, à chaque mandat, à faire approuver. Je pense qu'on peut peut-être, là, trouver un terrain d'entente où on dit: Dans votre métier, il y a une réalité...

M. Gautrin: Sur les grands paramètres.

M. Tremblay (Rémy): Parce qu'aujourd'hui, je pense, pour répondre à la ministre tout à l'heure, on a appuyé effectivement le Conseil du patronat et d'autres organismes, mais on est venu présenter quelque chose de tout à fait différent, qui est notre réalité.

Le Président (M. Facal): Ce qui met fin au temps dont disposait l'opposition. M. le député de La Peltrie, en vous suppliant de poser une question sans préambule.

M. Côté: Il n'y aura pas de préambule, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci infiniment.

M. Côté: Tout simplement, j'aimerais que vous me précisiez, ce n'est pas paginé, votre... Il est mentionné dans votre mémoire: «Les employés temporaires formés à nos frais chez nos clients et même ceux qui ne reçoivent aucune formation préalable avant d'entrer en poste acquièrent de nouvelles connaissances et aptitudes avec chaque mandat exécuté. Ces nouvelles compétences les aident dans leur recherche d'un nouvel emploi.» Vous dites que «les bureaux de placement offrent donc une certaine formation continue à leurs employés.» Est-ce que vous voulez dire que le travail qui se fait chez vos clients, par vos employés, est de la formation? Vous voudriez que ce...

M. Tremblay (Rémy): Présentement...

M. Côté: J'essaie de comprendre cette partie-là, moi. J'aimerais être éclairé sur ça.

M. Tremblay (Rémy): Parfait. Vous savez que, quand un employé entre en poste, il y a toujours une période de formation; si vous êtes entré en poste cinq fois dans une année, vous avez eu cinq fois de la formation sur le tas en début d'emploi. Donc, c'est de la formation qui est donnée à ces employés-là. Et je peux vous dire que, aujourd'hui, pourquoi 12 % de nos employés temporaires deviennent permanents? C'est que ces employés-là reçoivent de la formation sans arrêt et, en plus, ils vont chercher une valeur qui est ajoutée, aujourd'hui, qui est la polyvalence et la flexibilité. Et je peux vous dire que, quand on présente à un client un employé qui a travaillé dans cinq ou six entreprises différentes, cinq contextes de travail, vous n'avez pas idée de la pertinence de ces gens-là.

(23 heures)

Ce n'est plus comme avant. Avant, on disait: Ah, il a travaillé à cinq, six endroits différents, je suis un peu inquiet de l'embaucher. Aujourd'hui, on dit: Bravo! Il a travaillé à cinq, six endroits, mais toujours par l'intermédiaire de Personnel Clé ou d'Ecco. Donc, il a travaillé dans cinq, six entreprises différentes, il était sûrement bon, et il a acquis de la formation en début d'emploi cinq ou six fois.

M. Côté: Merci.

Le Président (M. Facal): Merci, M. Tremblay. Alors, pour un mot de remerciement, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, certainement, des remerciements pour nous avoir alertés à une nouvelle réalité et interpellés quant à l'inscription possible de cette réalité dans le projet de loi qui est devant nous.

C'est assez difficile, à première vue, ce que la ministre va avoir en matière de réflexion avec ça... et verra à nous dire, dans d'autres étapes, comment inscrire ça, si elle y tient toujours. Mais on ne voit pas, à première vue, ce qu'on peut faire de 5 et de 6 avec ça et comment on peut mettre ça dans des règlements, 8, etc. Donc, une réalité nouvelle, et c'est important de regarder.

250 000 000 $ de masse salariale; il y a des secteurs industriels complets qui sont venus ici qui sont moins volumineux que ça. C'est une réalité. J'espère qu'il y aura moyen de faire un effort et qu'on ne vous retrouvera pas assujettis à l'article 12 et en train de financer le Fonds. On cherchait qui pourrait financer le fameux Fonds. J'espère qu'on ne se rendra pas jusque-là, parce que c'est toujours le souhait de la ministre que ce Fonds reste à sec, si j'ai bien compris.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je vais encore rappeler que, notre objectif, c'est qu'il n'y ait pas d'argent dans le Fonds. Alors, il ne s'agira certainement pas de mettre en place, là, un dispositif qui aurait l'effet contraire.

Je vais retenir votre suggestion, et soyez certain, M. Tremblay, là, que je vais donner suite à cette rencontre que vous souhaitez avec la SQDM.

Dans l'esprit suivant, je pense que c'est ce qu'on peut retenir comme important, là, c'est qu'il ne faut pas qu'il se développe deux classes de travailleurs dans notre société, ceux qui – non pas parce qu'ils travaillent à statut précaire, ou occasionnel, ou sur appel – mais ceux qui, dans le fond, n'ont pas droit à ce à quoi les autres ont droit.

Oui, j'en conviens, il y a bien des changements effervescents qui font qu'il est possible d'aller chercher par votre intermédiaire un emploi rémunéré qui satisfasse les gens. Mais il ne faut pas qu'il y ait, d'un côté, des emplois réguliers permanents qui donnent droit à de la formation et, de l'autre côté, les emplois à statut précaire, occasionnels et sur appel, qui, eux, n'y donneraient pas droit. Ça, si c'était dans cette voie-là qu'on s'engageait, je peux vous dire, là, qu'il y aurait un tollé de protestations.

Alors, on va trouver une façon de faire, mais c'est évident que, la façon, ce n'est pas d'écarter ces travailleurs – qui sont quand même nombreux: pour 250 000 000 $ de masse salariale – ce n'est pas de les écarter du bénéfice d'une formation continue.

Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, Mme la ministre. Merci beaucoup à nos invités.

Il est 23 h 5. J'inviterais tous les parlementaires à faire encore preuve d'un peu de discipline pendant la dernière heure qui nous reste et à venir s'asseoir pour qu'on puisse recommencer le plus vite possible.

Nous n'avons pas encore tout à fait fini. Est-ce que nous pourrions poursuivre, s'il vous plaît?

Alors, le dernier groupe de la soirée, le dessert. Est-ce que les représentants de la Corporation des coiffeurs et coiffeuses du Québec...

Une voix: Présent!

Le Président (M. Facal): ...merci beaucoup! – pourraient prendre place?

M. Tremblay (Outremont): Vous pouvez rester debout, si vous voulez faire ça debout, là. Il y a consentement, M. le Président, à ce que le président fasse ça debout.

Le Président (M. Facal): Alors, bienvenue, donc, à la Corporation des coiffeurs et coiffeuses du Québec. Je leur rappelle qu'ils disposent de 20 minutes pour nous présenter leur mémoire et que ce mémoire sera suivi d'un échange divisé en temps égal.

Alors, si vous voulez bien avoir l'amabilité de présenter les membres de votre délégation puis, ensuite, d'entreprendre la lecture de votre mémoire...

M. Le Blanc (Jacques): Certainement, M. le Président!

Le Président (M. Facal): ...qui, j'espère, ne nous fera pas dresser les cheveux sur la tête.

M. Le Blanc (Jacques): Non, on peut fendre les cheveux en quatre, si vous voulez, par exemple!

Le Président (M. Facal): Ha, ha, ha!

M. Le Blanc (Jacques): Alors, voici...

Le Président (M. Facal): Ça défrise!


Corporation des coiffeurs et coiffeuses du Québec (CCCQ)

M. Le Blanc (Jacques): M. le Président, Mme la ministre d'État à la Concertation et ministre de l'Emploi, membres du groupe ministériel, membres du groupe de l'opposition officielle et distingués invités.

Premièrement, je dois m'excuser au nom de la Corporation, au point de vue de notre mémoire, parce que vous allez retrouver probablement une vingtaine d'erreurs de frappe, parce que nous avons préparé à la hâte ce mémoire. On n'a pas eu la chance, disons, d'avoir été invités au très début. Alors, je vous prie de nous excuser, encore une fois.

Alors, je vous présente, sans plus de préambule, à ma gauche, M. Jacques Hallé, premier vice-président de la Corporation des coiffeurs et coiffeuses du Québec; à ma droite, M. Pierre Laberge, membre honoraire et recherchiste. Et, moi-même, Jacques Le Blanc, président de la CCCQ.

Nous vous sommes reconnaissants pour votre invitation à cette audition publique de la commission spéciale sur l'étude du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle. Nous félicitons l'auteur de ce document à la fois innovateur et progressiste.

Nous ne sommes pas entièrement d'accord avec les sondages de CROP, effectués entre le 30 avril et le 5 mai 1995, concernant le projet de loi 90, car CROP révèle dans son sondage que 84 % des 1 007 personnes interrogées au Québec se disent satisfaites de la formation dispensée par le secteur privé, alors que seulement 12 % pensent le contraire. Les responsables de ce sondage ont probablement omis d'interviewer les milliers d'adultes qui fréquentent les écoles spécialisées, les collèges et les universités, le soir et les fins de semaine. Des interviews auprès des employeurs dans le secteur de l'art du cheveu auraient sûrement montré des résultats opposés.

Un bon nombre de Québécois préconisent la naissance de leur pays dans le futur. Pour subsister et pour concurrencer dans le monde occidental, il est essentiel d'avoir une collectivité de travailleurs supercompétents.

Si nous citons le Japon comme exemple, vous direz peut-être que notre analogie est démesurée sur le plan démographique. Ce pays dépourvu économiquement à la fin de la Seconde Guerre mondiale s'est rapidement relevé sur les marchés internationaux par la suite. Et une des raisons principales, c'est que les Japonais, jeunes et vieux, hommes et femmes, ont su développer un appétit insatiable pour la formation sur le champ du travail. Et vous n'avez qu'à lire les revues économiques pour prouver ce que je vous dis. Cette tradition existe toujours chez ces Asiatiques. Le Japon est devenu, depuis 40 ou 50 ans, une menace économique redoutable pour les USA, la plus grande puissance du monde entier, soi-disant. Nous croyons que nos dernières phrases expriment clairement notre position sur la question à l'étude. Et nous y reviendrons dans quelques minutes.

(23 h 10)

Nous nous devons, dans cette brève présentation, de permettre à la commission de mieux connaître notre organisme et d'établir le lien entre la CCCQ et l'objet de la consultation en cours.

L'existence de la Corporation des coiffeurs et coiffeuses du Québec est le fruit d'une entente tacite entre groupes d'hommes et de femmes oeuvrant dans des associations de coiffure depuis des années. Le premier pas a eu lieu à l'automne 1991 en regroupant des coiffeurs et des coiffeuses des régions de Québec, Chaudière-Appalaches, Laval, Montérégie et Montréal. Il y a un an, les régions des Laurentides, Mauricie–Bois-Francs et de la Gaspésie se joignaient à la CCCQ. Notre premier vice-président rencontrera des coiffeurs des Îles-de-la-Madeleine dans environ – quoi? – un mois. L'adhésion des coiffeurs des régions de la Côte-Nord, Bas-Saint-Laurent, Saguenay–Lac-Saint-Jean se concrétisera, d'après nous, dans les prochaines semaines. Nous sommes déjà en pourparlers.

Le conseil d'administration comprend un président, un premier vice-président, un vice-président de la division de Québec, un vice-président de la division de Montréal, un secrétaire et un trésorier. Ces membres constituent le comité exécutif et sont élus par les membres en règle avant le dernier jour de mars durant une année paire.

Notons qu'une division renferme huit régions administratives. Chaque région a son directeur ou sa directrice. Cette personne siège également sur le conseil d'administration ainsi que les présidents des comités permanents. Un directeur régional est élu par les membres en règle de sa région avant le dernier jour de mars durant une année impaire. Ce système assure le membre en règle d'une démocratie authentique et évite toute forme et toute stratégie oligarchiques, directes ou indirectes, dans la structure organisationnelle de la CCCQ.

La CCCQ compte environ 2 000 sympathisants et membres en règle, où chaque demande d'adhésion est scrutée par des membres du conseil d'administration.

Nous prônons, et ce, par le biais de nos règlements généraux, l'indépendance politique, confessionnelle, raciale et commerciale. Nous avons, au mois d'avril 1994, soumis un projet de loi sur les coiffeuses et les coiffeurs du Québec au cabinet du ministre du Travail.

Je dois ici prononcer quelques paroles hors texte pour vous dire que la ministre précédente, c'est-à-dire Mme Pauline Marois, nous avait débarrassés des tentacules d'un statut de coiffeur qui était désuet, très désuet, et qui ne rencontrait plus les moeurs de la société. Un des ministres qui a succédé, M. Normand Cherry, nous a libérés aussi des tentacules négatives du comité paritaire de la Montérégie, qui était, disons, une monstruosité, puisque les états financiers – ça représentait des revenus de 300 000 $, 400 000 $ par année – n'avaient jamais été vérifiés par des experts comptables. D'autant plus que c'était une petite vache à lait pour des avocats qui défendaient un groupe puis, après ça, les intimés.

Alors, quand M. Cherry a démissionné comme ministre du Travail, il a été suivi par un autre. Et ce gars-là a réalisé seulement le soir des élections, le 12 septembre 1994, qu'il avait déjà été élu député et nommé ministre du Travail. Parfois, on se demandait si le gars se promenait dans les cieux.

Alors, pour revenir au texte, ici. Ce projet de loi que nous avons soumis au ministre du Travail a pour but d'uniformiser la pratique de la profession de coiffeur au Québec et de clarifier le statut professionnel dans cette industrie. Ce projet de loi vise notamment à protéger le consommateur, établir un code de déontologie pour le coiffeur, instituer un système simplifié d'évaluation des qualifications du coiffeur, supprimer l'exercice illégal de la profession de coiffeur et le travail au noir dans l'industrie et permettre à l'intervenant de l'industrie de se doter d'une corporation professionnelle qui aura pour mandat de réaliser les objectifs ci-haut mentionnés.

Le projet de loi sur les coiffeuses et les coiffeurs du Québec est le fruit d'un travail consciencieux en consultation avec les membres de la CCCQ. La Corporation est un creuset comprenant des coiffeurs et des coiffeuses à la grandeur de la province. Notre projet de loi est basé sur environ 18 ans de recherche, d'expérience et de dialogue avec des centaines d'employeurs, d'employés, d'enseignants d'écoles de coiffure et de personnes-ressources.

Il y en a ici qui savent que nous ne sommes pas les derniers venus, nous ne sommes pas des aventuriers. On ne sort pas d'une boîte à surprises, ça fait au-delà de 20 ans qu'on se bat pour un projet de loi. Alors, ce n'est pas d'aujourd'hui.

Alors, la loi proposée comprend 13 sections et 60 articles. Nous avons organisé plus d'une centaine de réunions d'information et de sondage dans la plupart des centres importants du Québec afin de connaître de façon plus convenable le pouls de nos coiffeuses et de nos coiffeurs québécois.

Excusez, c'est parce que je sors de l'hôpital. Je viens d'avoir – comment est-ce qu'ils appellent ça? – une bronchite aiguë. Mais, ça ne fait rien, je peux continuer quand même.

La majorité des gens de notre profession appuient notre programme d'action et notre projet de loi.

Bien, je veux faire vite parce qu'il est tard et vous êtes fatigués. Il y en a...

M. Tremblay (Outremont): Prenez un peu d'eau.

M. Le Blanc (Jacques): All right! Merci!

Nous désirons vous transmettre des renseignements additionnels sur notre profession.

Pardon! Excusez-moi, mesdames, messieurs.

M. Tremblay (Outremont): ...on va vous donner de l'eau.

M. Le Blanc (Jacques): Merci.

Nous estimons qu'il y a entre 20 000 et 25 000 coiffeurs et non-coiffeurs qui gagnent leur vie à même notre industrie; au Québec, bien sûr. Nous comptons environ 7 600 salons de coiffure au Québec, dont la moitié appartiennent à la catégorie artisanale, c'est-à-dire des établissements de services avec un propriétaire coiffeur et aucun employé. Le revenu brut d'un salon, dans cette catégorie, oscille entre 0 $ et 50 000 $ par année, soit 20 % du marché.

La deuxième moitié, soit 48 % des salons de coiffure, emploie entre un et 15 coiffeurs et non-coiffeurs par établissement. Le revenu total par salon, dans cette catégorie, varie entre 50 000 $ et... Ici, on a marqué 300 000 $, mais c'est plus près de 800 000 $ par année, ou 60 %, si vous voulez, du marché.

Les quelque 200 gros salons et salons à chaîne représentent approximativement 2 % à 2,5 % des entreprises de coiffure au Québec. Ils se partagent le reste du gâteau, soit 20 % du marché. Ils peuvent aller chercher, par salon, de 300 000 $ à 1 000 000 $ par année, et, disons, si c'est une chaîne, bien, là, on peut aller dans les 4 000 000 $, 5 000 000 $, 6 000 000 $, 7 000 000 $, 8 000 000 $.

Les recettes totales du secteur de la coiffure, dans notre province, atteindront bientôt le milliard annuellement. Ça commence à être remarquable! Je crois que ça vaut la peine de cesser de considérer le monde de la coiffure comme un monde marginal. Il commence à être temps qu'on se réveille un peu.

Ajoutons ici que la coiffure n'est pas nécessairement une génératrice de l'économie québécoise, à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières, mais plutôt une humble créatrice d'emploi. Le Canada comprend 22 906 salons de coiffure, dont 7 600, plus ou moins, sont situés sur notre territoire québécois, soit 33 % de la totalité des établissements de coiffure au Canada.

Au Québec, nous avions une population de 6 453 000 âmes en 1977, comparativement à 7 226 300 âmes en 1993, soit une nette augmentation de 10,7 %. Tandis que, dans le secteur de la coiffure, nous avions quelque 5 200 à 5 800 salons. On n'est pas certain encore, parce qu'on va un petit peu en arrière, mais c'était ça, entre 5 200 et 5 800 au Québec en 1977, comparativement à 7 600, aujourd'hui, soit une augmentation de 23,7 % et plus. Ces chiffres signifient une disparité ou une différence marquée d'environ 1 400 à 1 700 salons en trop au Québec. On ne vous dit pas de les fermer, parce que: Vive l'entreprise libre! Mais le fait est là quand même.

Notre programme d'action pour la période 1995-1996 se résume en une sollicitation d'appui gouvernemental de la part de cinq ministères. On va vous expliquer pourquoi, un moment donné. Alors, il s'agit: Emploi, Affaires municipales, Environnement, Éducation, Finances, Revenu. Nous espérons assister un jour à une table de concertation des cinq ministères précités afin de discuter en profondeur de l'urgence de nos problèmes afférents au monde de l'art du cheveu au Québec. Faute de temps, il suffit de consulter la page 13 de ce document pour vous donner une brève vue d'ensemble et une compréhension des sujets dont nous voulons discuter avec les législateurs ou avec leurs représentants dûment autorisés.

Excusez! À 23 heures, on commence à être un peu fatigué, des fois. J'espère qu'on ne me pénalisera pas sur mon temps pour prendre de l'eau.

(23 h 20)

Commençons donc par la boîte intitulée «ministère des Affaires municipales». Nous recevons, et ce, sporadiquement, des appels de conseillers municipaux ou de maires de municipalités de la province de Québec concernant des salons de coiffure clandestins situés sur des rues résidentielles et dans lesquels les personnes travaillent au noir. Parce qu'il y a des gars qui ont des édifices, des propriétés, ils contribuent à la caisse électorale municipale, ils soutiennent les candidats à la mairie et aux postes de conseillers municipaux, et leurs édifices sont vides dans le village, sur la rue principale, puis ils aimeraient bien louer ces locaux-là à des salons de coiffure. Alors, on a eu plusieurs discussions dans ce sens-là. Mais on va continuer.

Nous éprouvons un besoin de consulter le ministère des Affaires municipales, parce qu'il existe un règlement sur les salons de coiffure, Q-2, r.22, qui est un extrait de la Loi sur la qualité de l'environnement. Ce règlement du Québec fut légiféré il y a peut-être 30, 40 ou 50 ans; je crois que c'est dans les années 1944, je ne suis pas certain. Et, selon nos recherches – ça, c'est selon nos recherches – il n'a jamais, jamais, jamais été appliqué. On ne connaît même pas les amendes qui sont relatives à ça.

Il est mentionné à l'article 3 de ce règlement: «Tout nouveau local servant de salon de coiffure ouvert après le 1er juin 1965 dans les municipalités de 5 000 âmes et plus...» Ensuite, à l'article 7, on parle: «dans les municipalités de 5 000 âmes et plus, respectivement». Nous avons raison de croire qu'on ne doit pas faire de distinction concernant l'éclairage, la ventilation, l'approvisionnement d'eau, la salubrité et autres faits divers entre une municipalité de 5 000 âmes, ou plus ou moins. Pour vulgariser ça, ça se résume à ceci: Si vous êtes 5 000 et moins, vous ne vous lavez pas, puis si vous êtes 5 000 et plus, bien, là, il faut que vous vous laviez. Ça, c'est le raisonnement du législateur, il y a 50 ans. Je trouve que c'est imbécile. Ça n'a aucun bon sens! Il faudrait que ça soit modifié. Nous recherchons une sous-abrogation de droit dans l'application de ce règlement, soit au niveau municipal ou à notre niveau, afin de lutter plus facilement contre le travail au noir dans le secteur de la coiffure.

Dans la boîte immédiatement en dessous, intitulée «ministère de l'Environnement», nous suggérons de léguer ce règlement au ministère de la Santé et des Services sociaux; ça serait peut-être plus approprié. Nous avons reçu une lettre du ministre chargé de l'environnement, qui est M. Jacques Brassard, député du comté de Lac-Saint-Jean – j'espère que je ne me trompe pas. Dans cette lettre, le ministre manifeste son accord quant au transfert éventuel de ce règlement au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Dans le rectangle intitulé «ministères des Finances et du Revenu» – nous avons eu pas moins de trois rencontres avec le conseiller spécial du ministre ainsi qu'avec une attachée politique et des directeurs de service au niveau des enquêtes et des études en fiscalité. Ici, à Québec, nous avons à notre disposition une liste importante de noms et d'adresses de salons clandestins à la grandeur de la province. Nos membres et nos collaborateurs nous informent quotidiennement, maintenant, quant aux propriétaires de nouveaux établissements de coiffure impliqués dans le travail au noir, souterrain.

Et, croyez-moi, c'est dans toute la province: il y a plus de salons clandestins existants qu'il y a de salons qui ont pignon sur rue. C'est rendu que c'est une vraie maudite polémique, cette affaire-là! Excusez si j'ai dit «maudit», mais c'est choquant à ce point-là. Alors, comme je l'ai dit, on est renseigné quotidiennement.

À ce propos, nous avions évalué le travail au noir, dans le secteur de la coiffure au Québec, à pas moins de 100 000 000 $ annuellement. Et il y a des journalistes et des gens qui riaient de nous, hein, ils nous trouvaient ridicules parce qu'ils pensaient qu'on ne savait pas compter! Bien, c'est drôle, on sait compter!

Puis, d'ailleurs, ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on est au courant de la situation. On les connaît depuis des années, des gens qui vont se chercher 10 000 $, 15 000 $, 20 000 $, 30 000 $ par année sans payer une cent d'impôt, sans cotiser à la société, sans contribuer rien à l'assurance-maladie, sans rien contribuer à personne. Eux autres, ils ont le droit d'exister librement, tandis que, nous autres, il faut travailler à la sueur de notre front, payer toutes les taxes, contribuer à la société puis, en plus de ça, se faire matraquer, des fois, et se faire tabasser par les gouvernements.

Le Président (M. Facal): M. Le Blanc.

M. Le Blanc (Jacques): Oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Le Blanc (Jacques): Là, vous allez me faire perdre ma concentration.

Le Président (M. Facal): Non, je voulais simplement vous dire qu'il reste deux minutes. Alors, je vous invite...

M. Le Blanc (Jacques): Ah! Bien, là, ce n'est pas juste, j'ai presque fini. Laissez-moi finir.

Le Président (M. Facal): Oui, mais je vous inviterais peut-être à vous rapprocher...

M. Le Blanc (Jacques): Du micro?

Le Président (M. Facal): ...du fond du débat, qui est votre position sur le projet de loi 90.

M. Le Blanc (Jacques): Ça ne sera pas long!

Le Président (M. Facal): J'ai confiance en vous.

M. Le Blanc (Jacques): À ce propos... Bien, là! Bien, écoutez, là!

Le Président (M. Facal): Allez-y! Allez-y! Allez-y!

M. Le Blanc (Jacques): Bon! Ce n'est pas deux minutes de plus qui vont faire mourir le monde. Bon. O.K.

M. Gautrin: Finissez votre mémoire, là, c'est important.

M. Le Blanc (Jacques): Une étude par L'Observateur économique canadien – ça vient de Statistique Canada – en date de mai 1994 – vous avez ça en page 14 – les estimations officielles situent la sous-évaluation potentielle des dépenses à 410 000 000 $, dans la coiffure. Ce que ça veut dire, c'est que, eux, par les questionnaires qu'ils envoient à tous les quatre ou cinq ans, questionnent les gens quant à leurs dépenses habituelles: auto, etc. Et, quand ça vient à la coiffure, on arrive à 410 000 000 $, au Canada. Alors, c'est 410 000 000 $ de moins dans les salons de coiffure, c'est-à-dire que c'est du travail souterrain.

Alors, nous, nous étions heureux d'apprendre ça, parce que, si vous multipliez les 410 000 000 $ par 33 %, puisqu'un tiers des salons sont dans la province de Québec, ça nous donne à peu près 134 000 000 $, comme chiffre. Alors, nous autres, on est très contents de cette nouvelle parce que ça confirme généreusement notre évaluation précédente, de 100 000 000 $ annuellement.

Ce montant, que nous considérons astronomique, représente une perte de recettes moyenne de 20 000 $ par salon ayant légalement pignon sur rue. Évidemment, la moyenne précitée est relative au nombre d'exécutants dans chaque entreprise de coiffure en service.

Le monde de la coiffure, en général, ne peut plus soutenir une telle situation, et plusieurs contemplent sérieusement une carrière souterraine. Une procédure accélérée s'impose afin de régler cette situation épidémique dans notre société.

Quant à la TPS et à la TVQ, les gouvernements ont créé une concurrence déloyale entre salons de coiffure. Nous calculons que l'extension de 30 000 $ applicable contre les recettes du coiffeur devrait être abolie le plus tôt possible ou être applicable sur toutes les recettes individuelles des exécutants en coiffure.

Bref, c'est parce que ça donne le choix à une cliente d'aller là parce qu'on n'en charge pas parce que les recettes sont en bas de 30 000 $, ou d'aller à l'autre salon parce que les recettes excèdent les 30 000 $; donc, là, ils vont payer la TPS et la TVQ. Alors, c'est une concurrence déloyale qu'ils ont créée dans notre marché.

Dans le prochain rectangle, intitulé «ministère de l'Éducation» – nous nous rapprochons du sujet à l'étude, justement – nous sommes très conscients quant à l'ampleur de la formation et de la qualification professionnelles et techniques de nos futurs coiffeurs québécois. Et je pourrais en ajouter beaucoup, mais, faute de temps...

Permettez-nous de vous donner quelques faits saillants qui entourent le sujet de l'heure. Premièrement, il y a les écoles publiques et les écoles privées qui dispensent des cours en coiffure. Deuxièmement, 90 % des étudiants sont du sexe féminin, en coiffure. Et, troisièmement, 85 % à 90 % des élèves ont décroché durant leur cours dans une polyvalente quelconque, pour y revenir deux, trois, quatre ans plus tard. Même, il y a des adultes de 45 ans et plus qui s'inscrivent dans des cours de coiffure; nous ne sommes pas aveugles, on sait qu'ils viennent apprendre un peu de coiffure pour aller coiffer à la maison ensuite. Nous sommes incapables de déterminer le nombre précis de personnes qui ont réussi ou raté les études en coiffure. On n'a pas de statistiques sur ça; on en a demandé, on n'en a pas reçu.

À notre avis, il est probable – je dis probable, on ne va pas généraliser – mais il est probable que le nombre est de 50 000 coiffeurs, basé sur une période de dix ans. Mais lorsqu'un patron – parce que, n'oubliez pas que c'est le patron qui a le dernier mot dans l'embauche d'un coiffeur – commande une annonce dans un journal pour trouver un ou des employés, les résultats sont décevants et frustrants. L'employeur reçoit entre zéro et deux ou trois appels téléphoniques de postulants, souvent incompétents.

Nous posons ici la question éternelle – et on se la pose tous les jours depuis quatre, cinq ans: Où sont-ils, nos coiffeurs et coiffeuses compétents? Le patron va vous répondre: Dans les sous-sols ou au domicile des clients. Parce que vous avez une foule de coiffeurs itinérants, au Québec, qui faufilent la loi.

Le ministre de l'Éducation est présentement engagé dans deux projets-pilotes de formation et de qualification – toujours sur le sujet à l'étude, en coiffure – un dans la région de Québec et l'autre dans la région de Montréal. Nous sommes directement impliqués dans celui de Montréal, parce que nous siégeons sur le comité aviseur. Notre comité de formation et de qualification siège dessus, et avec des gens très qualifiés.

Et nous avons, naturellement, à Montréal, étant donné que nous sommes directement impliqués... Nous avons consulté, évidemment, les personnes intéressées ici, à Québec; nous sommes venus, nous avons été renversés par l'avancement qu'ils font, par l'avant-gardisme. Enfin, ici, à Québec, c'est super, super bien!

(23 h 30)

Mais nous avons, à Montréal, décelé qu'il y avait des gens qui s'étaient infiltrés pour des fins lucratives, pour leur bien personnel, et qui sont en train de chambarder les programmes. Ça, on n'est pas trop d'accord.

Ensuite, nous, dans notre projet de loi révisé, nous recommandons 1 350 heures de cours en théorie, parce que le cours de coiffure, en réalité, consiste en 22 modules. C'est quoi? Il y a de la chimie, de la biologie, la façon de manier les instruments, etc., l'hygiène, et tout ce que vous voudrez. Ça prend au moins 1 350 heures. Je suis allé à Ottawa dernièrement, j'ai passé trois jours et demi à travailler sur les examens, au fédéral, envoyé par la SQDM comme expert-conseil. Ensuite, par expérience – et nous savons ce que nous disons, et c'est là que votre projet d'étude, votre projet 90, devient utile – c'est que, nous, on exige 2 000 heures de stage dans un salon sous la surveillance d'un coiffeur professionnel. Nos normes sont compatibles avec les projets de la région de Québec; à Montréal, je vous l'ai dit, ce qui se passe. Maintenant, nous désirons affirmer que les cours en coiffure dans les polyvalentes se sont améliorés de 300 % depuis cinq ans, depuis les dernières années, parce que, avant, on n'avait pas trop confiance, mais, maintenant, ça va très bien, et qu'on favorise le programme de formation en 22 modules déjà en exécution.

Maintenant, il existe cependant un malaise au niveau des écoles privées; une autre bébelle qu'on a devant nous! Les propriétaires de ces institutions ne possèdent plus de permis d'exploitation depuis quelques années. Qui veut ouvre une école de coiffure. C'est incroyable, il en pousse tous les jours, des coiffeurs qui, là où ça va mal dans leur commerce, décident de partir une école de coiffure, et ils chargent des 2 000 $, 3 000 $ pour un petit cours de 300, 400 heures. C'est de la fraude! C'est de la fraude! Je me demande comment ça se fait que le gouvernement ne fait pas quelque chose dans ce sens-là, le ministère de l'Éducation. Je trouve ça aberrant, odieux! On donne des cours en coiffure de 200, 300 heures à des prix abusifs. Ça n'a aucun bon sens. Et, même, on va jusqu'à décerner un diplôme – page, je crois, 17 – un diplôme en coiffure. Je croyais, moi, qu'on pouvait donner une attestation, mais pas un diplôme en coiffure. Habituellement, un diplôme, c'est quelque chose qui est autorisé par un gouvernement. C'est rendu que c'est la folie furieuse. Alors, je voulais absolument vous en parler parce que ça n'a pas de bon sens.

Le moment est opportun – j'ai fini, la dernière page – pour une intervention importante par le ministère de la Concertation et de l'Emploi. Nous nous devons, en tant que corporation, de combattre la paresse intellectuelle chez nos jeunes, d'apporter des correctifs quant aux mal en point en formation professionnelle et technique, de développer le sens civique chez nos futurs coiffeurs et de freiner la violation perpétuelle des lois sur la fiscalité. Pour ce faire, nous avons un besoin urgent d'une loi par les coiffeurs pour les coiffeurs; pas par des intrus, comme ça se fait depuis 63 ans ou 64 ans au Québec. C'est depuis 1933 que les barbiers... Dans le temps, les barbiers traditionnels essayaient d'organiser de quoi, mais, le barbier, qu'est-ce que voulez, il a changé, aujourd'hui, c'est un coiffeur pour hommes. Mais le barbier de ce temps-là, il recevait un avocat pour lui couper les cheveux; au bout de 20 minutes, le barbier était rendu connaisseur dans toutes les lois maritimes, aéronautiques, fiscales, corporatives, civiles, criminelles, etc. Mais, là, finalement, il commence à comprendre qu'il faut être bien organisé, bien orchestré.

Alors, nous recommandons le projet de loi 90, mais nous suggérons une loi sur mesure, selon les capacités financières et les besoins particuliers dans chaque secteur d'activité, et qu'il y ait une certaine souplesse, qu'on puisse discuter, que la loi ne soit pas juste une hache, mais qu'elle soit faite sur mesure pour répondre aux besoins de chaque secteur d'activité, parce que c'est nécessaire qu'on y arrive, à ça, ici, au Québec, autrement, on va continuer à avoir des «dums-dums» à l'ouvrage pendant des décennies, on va continuer d'être tatas, arriérés, puis on va toujours être à part des autres. Parce que, après le Québec, vous savez, la terre, elle ne tombe pas de même; ça continue.

À part ça, aussi, on pourra en discuter, de la mobilité, la mobilité des coiffeurs. Il y des fois que le conjoint ou la conjointe est muté dans une autre province ou dans un autre pays, mais quand le coiffeur arrive ailleurs, il appelle la corporation pour savoir s'il a la compétence; on fait une enquête, là, on émet une attestation. Si vous voulez coiffer en Floride, il faut passer par la corporation. Et, aussi, le calcul des minima des masses salariales de chaque entreprise, ça aussi, il faut que ce soit révisé, je crois. Nous vous disons: Chers auteurs de ce projet, bravo! Et félicitations à Mme la ministre Louise Harel! Merci.

Le Président (M. Facal): Merci, M. Le Blanc. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. Le Blanc, on peut dire que vous êtes haut en couleur.

M. Le Blanc (Jacques): Je suis quoi?

Mme Harel: Haut en couleur.

M. Le Blanc (Jacques): Ah! merci. C'est parce que j'ai un petit problème de surdité, des fois.

Mme Harel: Bon, bien, je vais essayer de parler plus fort.

M. Le Blanc (Jacques): Merci.

Mme Harel: Parfait. Bien, écoutez, M. Le Blanc, vous nous recommandez une loi sur la coiffure. Je crois que c'est un peu l'essentiel du mémoire que vous déposez avec votre vice-président, M. Hallé, ce soir, et avec... Qui d'autre vous accompagne?

M. Le Blanc (Jacques): M. Laberge.

Mme Harel: Monsieur?

M. Le Blanc (Jacques): Laberge, Pierre Laberge.

Mme Harel: Très bien. Alors, vous nous dites, à la page 8 de votre mémoire: «Ce projet de loi a pour but d'uniformiser la pratique de la profession de coiffeur au Québec et de clarifier le statut du professionnel oeuvrant dans cette industrie.» Vous poursuivez sur les mandats d'un tel projet de loi, vous dites: «Protéger le consommateur, établir un code de déontologie pour le coiffeur, instituer un système simplifié d'évaluation des qualifications [...] supprimer l'exercice illégal de la profession [...] et le travail au noir dans l'industrie.»

Vous savez, M. Le Blanc, il y a des choses qu'une loi peut faire puis d'autres choses qu'une loi ne peut pas faire. Par exemple, c'est vrai qu'une loi peut établir un système de qualification du coiffeur...

M. Le Blanc (Jacques): Mais, madame... Oui.

Mme Harel: ...mais, ce qu'une loi ne peut pas faire, c'est supprimer l'exercice illégal. Je vais vous donner un exemple. Depuis 25 ans, il y a une loi dans le secteur de la construction. C'est le seul secteur, c'est la seule industrie au Québec qui est gérée par une loi qui lui est propre, n'est-ce pas, la loi sur les relations de travail et la qualification professionnelle dans l'industrie de la construction, adoptée en 1969; 26 ans cette année. Pensez-vous que, même s'ils ont une loi, ça a supprimé l'exercice illégal de la profession? Pensez-vous que ça a supprimé le travail au noir dans la profession?

Quand, moi, j'ai lu la correspondance que vous aviez envoyée à mon prédécesseur et puis que j'ai essayé de me familiariser avec votre dossier, d'autant plus favorablement que j'ai dû passer au moins 10 années de ma vie dans un salon de coiffure, pas comme coiffeuse, mais comme fille de coiffeuse...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Le Blanc (Jacques): Ah oui?

Mme Harel: ...et de coiffeuse qui était un professeur, c'est-à-dire qui avait toujours des apprentis, qui était donc un compagnon au sens du métier et qui a dû finalement terminer sa profession comme professeur de polyvalente à Saint-Jérôme, parce qu'on est passé de l'apprentissage du métier dans l'environnement du travail à la scolarisation du métier dans la polyvalente... C'en est un, bel exemple, la coiffure, du dérapage qu'on a connu dans les métiers au Québec; on pourrait nommer la soudure tout autant, mais coiffure ou soudure qui s'apprenait dans l'environnement du métier et qui s'est tout à coup retrouvée entièrement dans l'environnement de l'école seulement plutôt que dans la combinaison des deux.

Alors, autant je peux être favorable à un régime d'apprentissage qui permette à nouveau la qualification du métier dans l'environnement du métier, avec, évidemment, complément de formation générale pour obtenir le diplôme, autant je ne pense pas que ce soit dans une loi, si vous voulez, une loi à travers une industrie au complet, mur à mur, qu'on puisse y arriver.

Vous savez, une loi, il faut l'appliquer, il ne faut pas juste l'adopter. Alors, ça veut dire quoi, là? Est-ce que ça veut dire qu'il faut qu'il y ait des fonctionnaires qui partent en brigade légère sur les routes du Québec puis dans les sous-sols que vous nous avez décrits pour vérifier ce qui se passe? Il faut qu'il y ait de l'autorégulation. Et autant c'était sans doute nécessaire de se défaire des comités paritaires, autant le fait qu'il n'y ait pas de paritarisme a laissé un peu le laisser-faire s'installer, et puis c'est évident que, là où les comités paritaires ont été mis de côté il y a 10 ans, c'est là que fleurit le plus le travail au noir maintenant.

(23 h 40)

M. Le Blanc (Jacques): Mme la ministre, je dois vous renseigner à l'effet que, au Canada, il y a seulement deux provinces où on ne retrouve pas une loi réglementant normalement la coiffure: c'est, enfin, le Québec et Terre-Neuve. Alors, Terre-Neuve, je n'aime pas être comparé à Terre-Neuve, mais, seulement, c'est ce qui existe. Aux États-Unis, dans les 50 États aux États-Unis, ils ont chacun une loi, ils appellent ça des «State Licensing Boards», et chacun... D'ailleurs, nous avons obtenu les lois de chaque État aux États-Unis et de chaque province au Canada, et, dans le Nouveau-Brunswick ainsi qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, les coiffeurs ont leur loi, ça va très bien et c'est contrôlé, le travail au noir est au minimum.

Si on se rend en Écosse, en Irlande, en pays de Galles, en Angleterre, ils n'ont pas de loi et le travail au noir est très florissant. Mais, si on traverse la Manche pour aller en France, en Italie, en Allemagne, vous avez des lois. D'ailleurs, on y impose toute la rigueur possible. Là, le travail au noir est presque nul.

Mme Harel: Les lois canadiennes, M. Le Blanc...

M. Le Blanc (Jacques): Pardon, madame?

Mme Harel: Les lois canadiennes, M. Le Blanc, ce sont des lois sur la protection du public. Mais est-ce que vous...

M. Le Blanc (Jacques): La pierre angulaire d'une loi, surtout de ce genre, est toujours de protéger le public, au départ. C'est pour ça qu'on dit «protéger le consommateur et la consommatrice», parce qu'il y en a beaucoup ici qui se font avoir avec des teintures inférieures à des prix inférieurs dans les domiciles et qui nous rappellent pour nous dire qu'ils ont les cheveux orange, ou verts, ou n'importe quoi. Mais, à moins de régulariser la profession de la coiffure au Québec, c'est que, nous, puis je l'ai bien dit tout à l'heure puis je vais le répéter toute ma vie s'il le faut, on ne peut plus vivre avec les gens qui ne veulent pas contribuer à la société sur le plan fiscal. On n'est plus capables de faire ça, hein? Et puis, si vous voulez qu'on contribue à la formation des jeunes, bien, il va falloir qu'ils travaillent dans un salon qui a pignon sur rue, qui...

Ce n'est pas des comités paritaires. Un comité paritaire, en somme, c'est quoi? C'est une loi pour protéger les conditions de travail des employés non syndiqués, une loi vieillotte qui a été empruntée de la Belgique. Est-ce qu'on ne peut pas, au Québec, innover... quelque chose comme votre projet de loi, qui est super? Mais la loi sur les comités paritaires... La syndicalisation, je ne suis pas contre, j'ai déjà été vice-président d'un local où on avait 1 840 membres, dans la fonction fédérale. Je ne suis pas contre les syndicats, mais lorsqu'on parle d'un salon de deux, trois employés, un employé, ça travaille mal. D'ailleurs, il y a une chaîne de salons où le syndicat est entré, à Montréal, et les franchisés font tout leur possible pour se débarrasser de ça, parce qu'on ne peut pas travailler à couteaux tirés à l'intérieur d'un petit salon. C'est plutôt familial, une entreprise familiale.

M. le Président, tout à l'heure, vous avez signifié ou signalé que M. Rioux voulait parler, je crois.

Le Président (M. Facal): M. le député de Bourassa et, après, M. le député de Matane.

M. Le Blanc (Jacques): Ah bon!

M. Laberge (Pierre): Est-ce que je peux rajouter quelque chose?

Le Président (M. Facal): Mais bien sûr!

M. Laberge (Pierre): Mme la ministre, vous parlez du travail au noir, qu'il faudrait une meute d'inspecteurs pour aller sur la route pour les détecter. Nous, on ne veut empêcher personne de travailler. Par contre, dans un village, il y a un salon de coiffure puis il y en a un clandestin, mais personne ne veut se mettre personne à dos, prendre la charge de faire une plainte parce qu'il y a un salon clandestin. Par contre, avec la Corporation, c'est là qu'on rentre en ligne de compte. C'est que les gens font une plainte à nous, on ne veut pas les empêcher de travailler, mais on a un système pour avertir le gouvernement provincial, fédéral, que ces gens-là sont illégaux. Mais, quand ils auront payé toutes leurs taxes et leurs impôts, peut-être qu'ils ne travailleront pas au même prix puis peut-être qu'ils vont sortir de leur soussol de cave. Mais, ça, ça va être notre rôle à nous autres, par l'intermédiaire de nos membres, puis, nos membres, ils vont aimer s'appuyer sur quelqu'un pour dénoncer ces gens-là. Ils vont le faire, l'ouvrage; nous autres, on va le terminer.

M. Le Blanc (Jacques): Ah! puis ça continue. Il y a le dépôt à Hydro-Québec, il y a les assurances-responsabilité professionnelle. Supposons qu'un coiffeur itinérant crève l'oeil – ça n'arrive pas, enfin, à tous les jours – mais qu'il crève un oeil d'une cliente ou que... Il y a la maladie du sida. Maintenant, le cours d'hygiène pour le sida est obligatoire en Floride, dans certaines parties des États-Unis. Alors, ce coiffeur itinérant, bien souvent, est insolvable, il n'a aucune assurance-responsabilité professionnelle. Donc, vous ne protégez pas la consommatrice. C'est bien important.

Et puis, des lois spéciales, je sais que vous n'aimez pas ça, des lois spéciales, mais, les agents de voyages, ils ont leur loi pour protéger le consommateur, les poseurs en tuyauterie, ils ont une loi, les électriciens, ils ont une loi, les plombiers ont leur loi. Ce n'est pas la fin du monde d'avoir une loi, pour un groupe spécialisé de travailleurs dans un secteur. Je ne vois absolument rien de mal dans ça.

Le Président (M. Facal): M. Hallé...

M. Le Blanc (Jacques): On ne veut pas jouer à la Gestapo, ce n'est pas ça.

Le Président (M. Facal): M. Hallé, je pense que vous voulez rajouter quelque chose.

M. Hallé (Jacques): Oui. Moi, je pratique la profession depuis 30 ans, et puis, voilà 30 ans, quand on allait parler de coiffure, on s'obstinait avec des gars qui posaient des boulons dans l'automobile. Là, on a grossi en «batêche» à soir, on nous compare à la construction. On vient de prendre un bon élan.

Moi, je n'aime pas qu'on me compare à la construction ou à l'automobile; je suis un coiffeur. Dans la construction, ils ont fait leurs lois, ils les ont gérées comme ils voulaient, ils ont leurs résultats. Ils ont fermé des portes à du monde, ils ont fermé le marché, puis là ils ont perdu leurs clients. Mais, nous autres, de la clientèle, il y en a, dans la province de Québec. Il en déborde, de la clientèle. Moi, je suis un coiffeur, j'écoute les nouvelles le soir, je regarde où il y a des guerres, puis ils ont tous les cheveux courts. Donc, il y a de la clientèle.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Hallé (Jacques): On ne ferme pas la porte aux gens qui veulent rentrer dans notre profession, mais on veut qu'ils rentrent par la porte d'en avant, qu'ils aient un permis de travail pour travailler puis qu'ils fassent comme moi, qu'ils perçoivent de la TPS puis de la TVQ puis qu'ils l'envoient à l'État au lieu de la charger puis de la mettre dans leurs poches puis de charger moins cher pour nous détruire. C'est ce qu'on vit actuellement.

Si on continue sous le régime qu'on vit actuellement, dans trois ans, on est tous virés à la renverse, la chaloupe est virée de bord puis on travaille tous au noir. C'est là qu'on s'en va.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Bourassa.

M. Le Blanc (Jacques): Non seulement ça, mais on nous compare... Il n'y a pas longtemps, à la SQDM, quelqu'un, enfin, de la main-d'oeuvre nous proposait des crédits d'impôt puis un tas de choses, enfin, mer et monde. Enfin, si telle est l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration, nous autres, on n'a rien à voir avec les sculpteurs de tomates qui font des roses avec des tomates, des arbres avec des concombres, du boeuf maigre parce que le monde a peur de mourir. Les cimetières sont pleins, désespoir! Alors, on est toujours comparés à tout le monde, à tous les gens de toutes sortes d'industries. On ne fait pas affaire avec des deux-par-quatre, on ne fait pas affaire avec des poches de sucre ou des poches de farine, on fait affaire avec des êtres humains, on leur touche la tête, désespoir! Est-ce qu'un jour quelqu'un va comprendre ça, s'il vous plaît?

Le Président (M. Facal): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, à mon tour d'accueillir le mémoire de cette Corporation. C'est intéressant de veiller jusqu'à cette heure-là, parce que, franchement, on entend des propos prononcés avec passion, humour et éloquence, et je vous en remercie. Ce mémoire a certainement un caractère inattendu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): La ministre n'a pas relevé les félicitations qui lui sont adressées de votre part, mais je pense que ça mérite d'être fait. Dans les quatre premières lignes, on retrouve certainement une expression d'une opinion qui mérite d'être soulignée ici. Nous félicitons l'auteur de ce document à la fois innovateur et progressiste, et, comme quoi le document est parfaitement cohérent, nous retrouvons, à la page 30, également: Nous recommandons le projet de loi 90 et nous suggérons, etc. Et ça termine par des félicitations à la ministre. Donc, je pense que cela démontre la cohérence totale du mémoire, et je voudrais vous en féliciter et vous en remercier.

M. Le Blanc (Jacques): Merci, M. le député.

M. Charbonneau (Bourassa): Cependant, la ministre n'a pas relevé avec force détails la qualité de l'argumentation à l'appui de votre conclusion. Mais je pense qu'il faut quand même le faire.

Vous relevez, à bon droit, je crois, la question de la formation comme problème, la formation des coiffeurs, des coiffeuses. Vous avez, dans un élan hors texte, à un moment donné fait référence à une décision d'un gouvernement précédent qui a aboli la question du comité paritaire dans le domaine. Ça m'est toujours apparu un grand malheur. Non pas tellement que le comité paritaire soit dispersé – je ne sais pas si c'était le bon moyen – mais l'effet de cette décision m'a toujours semblé déplorable, pour quiconque. Ça nous arrive à quelques-uns, ici, d'une manière plus ou moins régulière, d'aller chez un coiffeur...

Des voix: Ha, ha, ha!

(23 h 50)

M. Charbonneau (Bourassa): ...et quiconque parmi nous entretient un brin de conversation avec son coiffeur... J'en ai plusieurs dans mon comté et je les fréquente à tour de rôle. Il y a des Québécois francophones, il y a des Haïtiens, il y a des Italiens, et il faut avoir des relations avec tous ces gens, et on cause du métier de coiffeur. Évidemment, ce sont des coiffeurs officiels que je rencontre, à ce moment-là, et ces gens-là sont unanimes à déplorer le grand malheur qui s'abat sur cette profession depuis les 10 dernières années. Ces gens-là ont dû réduire leurs effectifs, ils sont menacés, vous avez tout à fait raison, par le travail clandestin.

Il suffit, en tant que politicien ou candidat, de faire un peu de porte-à-porte pour se rendre compte que, en certains endroits, la porte n'est pas grande ouverte et, tout de suite, il y a l'odeur des produits de coiffure, et, ça, c'est commun à tous les candidats qui ont fait du porte-à-porte dans la région de Montréal. C'est plein de salons clandestins ou de... Vous avez bien raison d'attirer notre attention là-dessus. Vous avez pris un moyen particulier pour le faire, mais le problème est très sérieux pour ce qui est de ce métier.

Et j'ai découvert tout à l'heure, à travers une intervention de la ministre, que j'ai un trait en commun avec elle: c'est que, moi aussi, j'ai passé à peu près 10 ans dans un salon de coiffure, puisque mon père a aussi été coiffeur pendant à peu près ce nombre d'années. Je connais aussi depuis ma tendre jeunesse les aléas de ce métier. Franchement, vous avez bien raison d'attirer notre attention là-dessus. Il y a des travailleurs et des travailleuses dont le métier devrait être réorganisé, quelque part.

Vous, vous mettez de l'avant une loi. Je ne le sais pas, je n'ai pas examiné le texte de votre loi, on en a une certaine idée ici. Il semble que le précédent ministre du Travail a eu l'occasion de se familiariser avec la question et qu'il aura de plus en plus de temps libre pour y penser, depuis la dernière élection, si j'ai bien compris votre allusion. La présente ministre, donc, aura pleine matière à réflexion aussi. Si elle veut poursuivre sa carrière politique, elle serait mieux de s'occuper de ce dossier, si je comprends bien. Vous avez des propos assez tranchants sur la question pour faire réfléchir quiconque tient encore un peu aux poils qu'il lui reste sur la tête.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): Donc, le problème de la formation est devant nous, vous l'avez posé crûment, et, franchement, ça prendrait des solutions à cela. C'est une profession désorganisée, c'est une profession qui est mise en péril actuellement par le manque d'encadrement, le manque de support juridique. Il faut vraiment s'attaquer à cette question, je pense, de manière prioritaire et comme composante de base de notre projet de société dans les prochaines années.

M. Le Blanc (Jacques): J'aimerais ajouter quelque chose hors texte.

Une voix: Oui.

M. Le Blanc (Jacques): Ce qui m'a complètement stupéfié, c'est que, au mois de juillet 1994, on a reçu une lettre du ministère du Travail, plus précisément de la sous-ministre, nous disant que le problème n'était pas alarmant, que c'était ci et que c'était ça, puis que... Bon, on réglera ça dans 100 ans, ni plus ni moins.

Finalement, cette année, un groupe de barbiers traditionnels – ils ont une association ici, à Québec – ont envoyé une lettre, je crois, à M. Jean Garon, que nous avons rencontré récemment, disant qu'ils nous soutenaient, qu'ils nous appuyaient dans nos démarches, qu'ils appuyaient notre projet de loi. Et le ministère de... Enfin, je crois que la lettre a été envoyée par la suite au ministère de la Concertation et de l'Emploi. Nous avons reçu la même lettre, hein, c'est-à-dire l'Association des barbiers de Québec a reçu la même lettre qu'on nous avait envoyée sous l'autre gouvernement.

Alors, ce que je ne comprends pas, c'est que le gouvernement précédent et le gouvernement actuel ont les mêmes idées arrêtées sur ce problème. Ça, ça me dépasse. Moi, je croyais qu'il y avait de l'initiative dans chaque gouvernement, enfin, une idée nouvelle, une nouvelle conception des faits.

Le Président (M. Facal): M. Le Blanc...

M. Le Blanc (Jacques): Je crois que mon collègue ici a quelque chose à dire.

M. Hallé (Jacques): J'aimerais ajouter quelque chose à M. le député. Il trouve déplorable la disparition des comités paritaires. O.K. Pour vous montrer jusqu'à quel point la coiffure, c'est un secteur spécial, moi, j'ai goûté à la médecine des comités paritaires. Pour avoir pratiqué mon métier de coiffeur pour dames puis avoir coiffé des enfants dans mon salon chez nous, des petits gars, ils m'ont poursuivi durant cinq ans de temps, ça m'a coûté pas loin de 50 000 $, j'ai été obligé de protéger une de mes employées et de l'amener jusqu'à la Cour d'appel du Québec pour faire abolir ce maudit comité paritaire là. C'était une guerre exclusive entre les barbiers puis les coiffeurs pour dames, une guerre de clientèle. Ils n'ont jamais montré un signe de bonne volonté pour prendre la bonne direction là-dedans. S'ils avaient été si bons que ça depuis 30 ans, ils ne seraient pas tous tombés à tous les cinq ans; ils se seraient alignés sur la voie raisonnable. Mais ils ne l'ont jamais prise.

Aujourd'hui, on ne demande pas une loi pour le secteur de la ville de Québec puis une loi pour le secteur de la ville de Montréal, on veut une loi provinciale, pour tout le monde.

Le Président (M. Facal): M. Hallé...

M. Hallé (Jacques): C'est dans ce sens-là qu'on veut y aller. Puis il y a un argument qu'on apporte toujours. On ne s'en vient pas ici pour demander une cent à qui que ce soit, on veut vous en faire faire. Vous courez après l'argent? On vous en offre; prenez-le!

M. Le Blanc (Jacques): D'ailleurs, j'aimerais ajouter à cette remarque, si vous me le permettez, deux secondes...

Le Président (M. Facal): Deux secondes. Allez-y, allez-y!

M. Le Blanc (Jacques): Le décret, à Québec, ici, a été dénoncé par les employés coiffeurs; la même chose pour le décret à Montréal, il a été dénoncé par les employés et non pas par les employeurs, la même chose qu'à Québec, d'autant plus qu'à Montréal ils ont liquidé le comité paritaire, là-bas, les bureaux, et les 400 000 $ ou 500 000 $ qu'ils ont réalisés et qui était l'argent des coiffeurs sont allés au fonds consolidé de la province, puis, nous, on n'a jamais demandé une cent au gouvernement.

Le Président (M. Facal): M. Le Blanc...

M. Le Blanc (Jacques): Il me semble qu'on fait preuve de bonne foi.

Le Président (M. Facal): M. Le Blanc, il reste cinq minutes à l'opposition. Je crois que le député de Bourassa veut corriger une impression sur les propos de M. Hallé concernant le comité paritaire. Après, il restera deux minutes au député de Matane.

M. Charbonneau (Bourassa): J'ai en effet référé à un élément de l'intervention de M. Le Blanc qui, lui, avait vraiment donné un point de vue très clair sur la disparition des comités paritaires; il trouvait que c'était une bonne chose. J'ai souligné que l'effet de cela... J'ai dit: Je ne sais pas, sur le moyen, mais, l'effet de ça, il est quand même très bien décrit plus loin: c'est le démembrement, c'est la menace très, très grande qui pèse sur votre métier aujourd'hui. C'est l'effet. Est-ce qu'il y a un autre moyen, maintenant, de réparer ça, votre loi ou quelque chose du genre? Mais l'effet a été fortement décrit par M. Le Blanc.

D'autre part, à la page 18 de votre mémoire, je pense que, si ces données sont fondées, sont vérifiables, il y aurait matière à des vérifications importantes de la part de Finances et Revenu, s'il est vrai que ces gens détiennent des listes de noms de salons clandestins à la grandeur du Québec. Et, s'il n'y a pas de mesures de prises contre ces gens-là, il me semble qu'il y aurait là au moins matière à une question à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Matane, brièvement, s'il vous plaît; notre temps achève.

M. Rioux: Je suis très content de retrouver M. Le Blanc. C'est lui qui m'a sensibilisé il y a 30 ans, alors qu'on se parlait d'une galerie à l'autre.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: J'étais à l'Alliance des professeurs, à l'époque, et c'est lui qui m'a mis le problème de la coiffure au Québec dans l'oreille. Je suis très content qu'il dénonce l'anarchie qui existe dans ce secteur professionnel. Il faut savoir qu'il y a une industrie souterraine de la coiffure qui n'a absolument aucun bon sens. Ça accrédite, au fond, le peu de confiance que peut avoir ce genre de professionnels à l'endroit du gouvernement, à l'endroit du législateur, à l'endroit de la réglementation, parce qu'on tolère qu'il y ait des personnes qui puissent exercer ce métier de façon illégale – pratique illégale du métier, concurrence déloyale – et ça existe en Gaspésie, ça n'existe pas seulement à Montréal, M. Charbonneau.

Moi, j'aimerais vous demander, j'ai une question très précise à vous poser. Vous dites que vous appuyez le projet de loi 90. Est-ce que vous croyez que, dans l'industrie... Mais, avant de vous dire ceci, dans le temps des comités paritaires, où on a eu l'occasion de s'engueuler ensemble, M. Le Blanc – hein, on s'est crêpé le chignon là-dessus...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: ...les comités paritaires, avec tous leurs défauts, permettaient une pratique à peu près décente du métier de coiffeur et de coiffeuse au Québec. Avec la déréglementation, tous les coiffeurs professionnels que j'ai rencontrés se plaignent aujourd'hui de cette époque. Ils se disaient: Ce n'était peut-être pas parfait, mais, au moins, on avait un statut puis on avait l'impression d'être respectés, puis il y avait moins de travail clandestin et moins de travail au noir.

Ma question, M. Le Blanc: Si vous appuyez le projet de loi 90, ça veut donc dire que les gens que vous représentez sont prêts à payer pour la formation, mais dans la mesure où c'est une formation qualifiante.

M. Le Blanc (Jacques): Puis qu'ils demeurent dans le métier; pas aller dans leur sous-sol, commencer à coiffer au détriment des employeurs qui vont payer le 1 %, ou «whatever», ou ce que vous proposerez. Mais, seulement, pour les comités paritaires, j'aurais dû vous apporter des découpures de journaux où on indique qu'une personne est pénalisée pour 250 000 $ et qu'une autre personne est menacée de passer 112 jours en prison parce qu'elles gagnent leur pain à la sueur de leur front.

M. Rioux: Une petite précision, M. Le Blanc...

M. Le Blanc (Jacques): Oui.

M. Rioux: ...une petite précision. Je sais que, s'ils sont qualifiés, vous voulez qu'ils pratiquent leur métier à ciel ouvert, c'est-à-dire...

M. Le Blanc (Jacques): Sûr!

M. Rioux: ...qu'ils paient des taxes comme tout le monde.

M. Le Blanc (Jacques): Sûr! Sûr!

(minuit)

M. Rioux: Cependant, ce que je voudrais vous demander, c'est: Les petits entrepreneurs en coiffure qui ont une masse salariale de 250 000 $ et plus, vous pensez qu'ils fonctionnent et qu'ils acceptent ce scénario-là prévu par la loi... par le projet, c'est-à-dire?

M. Le Blanc (Jacques): Bien, voici. Il existe, comme je l'ai dit tout à l'heure, une paresse intellectuelle. C'est qu'il faut comprendre que, dans la coiffure, le niveau de scolarité est très bas, et c'est pour ça qu'on ne peut pas, disons, aller à l'Office des professions se faire accepter, le coiffeur n'a pas fait d'études universitaires. Alors, on dirait que, quand une personne n'est pas allée très loin à l'école élémentaire, elle développe une paresse intellectuelle. Alors, il faut les rééduquer. Il faut presque les forcer à embrasser cette idée d'une formation professionnelle et technique et qu'il y ait une compensation. On n'ira pas demander à ceux qui appartiennent à la catégorie artisanale de contribuer, mais à ceux qui ont des employés. Puis j'ai l'impression qu'ils vont être très contents, à part ça.

Le Président (M. Facal): Merci, M. Le Blanc.

M. Le Blanc (Jacques): Je m'excuse, M. le Président. O.K.

Le Président (M. Facal): Alors, le parti ministériel a épuisé le temps dont il disposait. Peut-être une dernière question, M. le député d'Outremont?

M. Tremblay (Outremont): Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Je dois vous dire, M. Le Blanc, que ça me fait plaisir de vous revoir en très bonne forme.

M. Le Blanc (Jacques): Merci, M. Tremblay.

M. Tremblay (Outremont): Je voudrais vous référer à votre mémoire, à la page 8, où vous dites... Et c'est un peu dans la continuité du député de Matane, qui, lorsqu'il parlait qu'il existe une industrie souterraine... Vous dites, à la page 8, à trois reprises d'ailleurs, que ce projet de loi a pour but d'uniformiser la pratique de la profession de coiffeur au Québec et de clarifier le statut du professionnel oeuvrant dans cette industrie, et vous parlez à deux autres endroits du mot «industrie». Donc, vous considérez votre profession comme faisant partie d'une industrie importante. Vous quantifiez, d'ailleurs, à la page 11 de votre mémoire: «Les recettes totales du secteur de la coiffure dans notre province atteindront bientôt le 1 000 000 000 $ annuellement.» Donc, c'est assez important. Et, finalement, à la page 12, vous dites, au premier paragraphe: «Nous espérons assister un jour à une table de concertation des cinq ministères précités afin de discuter en profondeur de l'urgence de nos problèmes afférents au monde de l'art du cheveu au Québec.» Et je vous réfère à la page 13, où vous avez le tableau des cinq ministères.

Si c'est vrai que c'est une industrie, et j'en conviens, expliquez-moi pourquoi vous n'avez pas un sixième ministère. Le ministère de l'Industrie pourrait faire partie de cette table de concertation puis vous appuyer dans vos démarches auprès de la ministre du Travail, de l'Emploi...

M. Le Blanc (Jacques): Industrie et Commerce!

M. Tremblay (Outremont): Oui, de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, parce que c'est également une science, ce que vous faites.

M. Le Blanc (Jacques): Industrie et Commerce nous a aidés, en ce sens qu'il a établi une communication entre nous, la Belgique et la France. De fait, c'est que, ça, c'est quelque chose d'autre. Faute de temps, je ne peux pas tout expliquer, mais l'Ontario est la province représentante depuis 30 ans environ sur le plan international, et, maintenant, on aimerait que ça soit le Québec. On nous a offert d'être les représentants officiels pour l'univers entier, pour le Canada. Alors, ça, c'est une autre affaire qui s'en vient, et c'est l'Industrie et Commerce à qui on va s'adresser pour ce problème-là.

Mais, la raison pourquoi on suggère qu'un ministériel... c'est qu'on a eu l'expérience d'un comité triministériel, il y a un an et demi, concernant la Loi sur les décrets de convention collective, et ça a été pour nous un succès, parce que nous avions trois différents ministères, des personnes compétentes en provenance de trois ministères, et j'ai trouvé que c'était constructif, c'était positif. Cette fois-ci, si on pouvait obtenir une réunion ministérielle ou même, s'il le faut, «sexaministérielle», c'est-à-dire six ministères, ce serait encore mieux. Ce n'est pas nécessaire que ça soit les ministres, ça peut être leurs fonctionnaires seniors.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je suis convaincu que le ministère de l'Industrie et du Commerce, à cause de l'importance de votre industrie, serait possiblement d'accord. J'espère qu'on nous entend. La ministre va sûrement en discuter pour s'assurer que le ministre puisse déléguer, accorder une priorité à votre industrie.

Le Président (M. Facal): Ceci met fin au temps dont nous disposions. Alors, j'inviterais peut-être le député de Bourassa à dire un mot de remerciement final pour son côté.

M. Charbonneau (Bourassa): Alors, vous avez attiré, encore une fois, notre attention sur un aspect de la réalité auquel on n'avait pas apporté beaucoup d'attention jusqu'à maintenant. Franchement, il valait la peine de poursuivre nos travaux jusqu'à cette heure pour entendre un exposé aussi convaincant. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Je vais laisser mon collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce, conclure, mais, avant de lui donner la parole, je veux que vous sachiez que j'ai beaucoup appris de ce que vous nous avez présenté, et ça m'intéresse d'aller au-delà de la correspondance que vous avez reçue et qui reprenait, dans le fond, les réponses que vous aviez eues jusqu'à maintenant. Alors, je pense que, si ce n'est pas une loi, il faut quelque chose d'autre. Alors, là-dessus, je pense qu'on va se revoir. Et, pour le mot de la fin, je pense que mon collègue de l'Industrie et du Commerce a quelque chose de sympathique à vous dire.

Le Président (M. Facal): M. le ministre.

M. Paillé: C'est juste que je veux vous dire que, même si je n'ai pas fait une analyse au poil du mémoire...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Paillé: ...vous nous avez brossé quand même un beau tableau de votre industrie, puis je suis sensible à l'appel que vous faites. Vous avez eu beaucoup de toupet pour venir nous présenter ça ce soir, et je vous en remercie beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup à nos invités, vous nous faites finir en beauté. Alors, nous vous remercions et nous ajournons nos travaux à...

Une voix: Il est passé minuit.

Le Président (M. Facal): Ah! il est passé minuit. Donc, nous ajournons nos travaux à demain matin, 11 heures.

(Fin de la séance à 0 h 6)


Document(s) related to the sitting