To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Select Committee on Vocational Training

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Select Committee on Vocational Training

Version finale

35th Legislature, 1st Session
(November 29, 1994 au March 13, 1996)

Friday, June 2, 1995 - Vol. 34 N° 7

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 90 - Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre (titre modifié)


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Gérald Tremblay, président
M. Michel Bourdon, président suppléant
Mme Louise Harel
Mme Lyse Leduc
M. Yvon Charbonneau
M. Matthias Rioux
M. Henri-François Gautrin
M. Robert Kieffer
Mme Monique Gagnon-Tremblay
* Mme Lise Fortin, ASEMO
* M. Gaston Leclerc, idem
* M. Yves Morency, CCPEDQ
* Mme Ginette Blais, idem
* Mme Michèle Perryman, APRHQ
* M. Pierre-Marcel Côté, idem
* M. André O. Morin, AECQ
* M. Réjean Tardif, idem
* M. Gabriel Richard, idem
* M. Michel Paré, idem
* M. Louis Berlinguet, CST
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures vingt-sept minutes)

Le Président (M. Tremblay): Je constate que nous avons quorum, alors je déclare la séance de la commission spéciale sur la formation professionnelle ouverte. Je rappelle brièvement aux parlementaires et à nos invités le mandat de la commission, c'est-à-dire de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle.

Est-ce que, M. le secrétaire, il y a des remplaçants?

Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Tremblay): Donc, je veux souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des services externes de main-d'oeuvre et vous dire brièvement que, selon l'entente entre les parties, vous avez 20 minutes pour exposer le contenu de votre mémoire et, par la suite, la députation ministérielle et celle de l'opposition échangeront avec vous pour des périodes respectives de 10 minutes. Alors, sur ce, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de procéder à la présentation de votre mémoire.


Auditions


Association des services externes de main-d'oeuvre (ASEMO)

Mme Fortin (Lise): Alors, merci, M. le Président. Nous sommes l'Association des services externes de main-d'oeuvre du Québec. Je suis Lise Fortin, la présidente, et je suis accompagnée de Gaston Leclerc, qui est directeur au sein de l'Association.

Alors, mesdames, messieurs, membres de la commission, d'entrée de jeu, il est pertinent de rappeler ce que sont les SEMO, les services externes de main-d'oeuvre du Québec. Depuis plusieurs années, ils ont développé toute une expertise avec une population particulière, les femmes, les jeunes, les personnes handicapées et les clientèles multiples, pour les aider à participer à des programmes d'employabilité et des programmes d'intégration en emploi. Des liens avec le milieu ont démontré toute la fécondité d'une approche plus intégrée.

La présente loi sur la formation professionnelle nous intéresse donc à un double titre. D'une part, notre expertise en employabilité peut être utilisable dans des entreprises qui doivent dorénavant s'occuper de la formation professionnelle de leur main-d'oeuvre. L'approche personnalisée et globale qui est celle des SEMO peut, en effet, être d'un grand secours à des entreprises qui entendent recycler leur main-d'oeuvre ou encore lui assurer une formation continue. D'autre part, ils peuvent assurer à des entreprises une main-d'oeuvre potentielle issue de leur population et même les accompagner dans leur apprentissage. On sait que cette réalité fait toute la différence pour un bon nombre de personnes qui ont de la difficulté à intégrer une nouvelle formation. Ce n'est pas de diminuer les entreprises que de constater que certaines d'entre elles n'ont souvent pas l'approche requise pour assurer une politique de formation continue et que cette limite peut se traduire par une réticence à s'engager dans cette voie d'avenir.

(11 h 30)

Or, on nous permettra d'insister sur ce point, la politique de formation professionnelle qui doit se mettre en place dans notre milieu ne peut pas faire l'économie d'une réflexion sur les modèles de gestion qui traversent les divers pays industrialisés, car la politique connaîtra des orientations très différentes selon que l'on adopte un modèle ou un autre modèle.

Un premier modèle consiste à considérer le travail plus que les travailleurs et les travailleuses. Le travail devient alors assez vite une marchandise, et l'objectif de la gestion consiste à en réduire le coût. Dans une telle perspective, il est clair que les coûts de formation ne peuvent pas avoir une grande place. On risque même d'aboutir, à terme, à une situation où les tâches sont clairement définies et surveillées. Les travailleurs et travailleuses doivent alors entrer dans ce système et, s'ils ne peuvent pas s'y maintenir, il y aura toujours d'autres individus qui voudront les remplacer. La formation professionnelle a ici toutes les chances d'être définie par les seuls gestionnaires et elle sera d'autant plus adaptée qu'elle coûtera moins cher.

Il existe cependant un autre modèle qui nous paraît, et de loin, beaucoup plus intéressant. Il consiste à considérer toutes les personnes qui travaillent à l'entreprise comme autant de ressources précieuses. L'essentiel consiste alors à les faire travailler ensemble de façon à produire une synergie gagnante. Dans cette perspective, la formation professionnelle et une formation continue deviennent le moyen d'utiliser au mieux les diverses ressources. Les coûts de formation deviennent un investissement pour l'entreprise, au même titre que le matériel technologique. En prolongeant, on peut dire que le milieu ambiant, avec ses diverses ressources, risque d'être facilement utilisé par de telles entreprises, car il n'est plus simple décor de l'entreprise, mais il constitue plutôt une sorte de prolongement de la vie de l'entreprise. Nous croyons que le second modèle est le plus susceptible d'aider le Québec à progresser, car il permet une efficacité tout à la fois économique et sociale. Nous croyons que toute politique de formation professionnelle doit également le privilégier, sous peine de se préparer à des conflits ou à des résistances d'arrière-garde.

Pour notre part, nous sommes embarqués depuis longtemps dans ce second modèle et nous pouvons en faire profiter des entreprises. Nous savons que plusieurs d'entre elles n'ont pas, actuellement, tous les moyens de mettre en place un programme de formation de leur main-d'oeuvre et que c'est peut-être là une cause concrète de leur réticence à la nouvelle législation. Mais il existe, dans les diverses régions, de multiples organismes communautaires qui possèdent des expertises certaines. La sagesse politique demande alors de les utiliser et de prévoir des contrats de services.

Permettez-moi, à titre d'exemple, de vous démontrer le partenariat développé par les SEMO et l'entreprise au chapitre de la formation. Le SEMO correspond à une organisation à but non lucratif qui se caractérise par son partenariat avec la PME, depuis plus de 15 ans, dans sa démarche de recherche de ressources humaines adéquates relativement à des postes de travail non spécialisés et semi-spécialisés. Des liens de confiance existent déjà entre les SEMO et les PME de chaque région du Québec. Cette relation privilégiée avec les PME de sa région permet au SEMO de dépister efficacement des besoins de formation spécifiques, que nous pourrions appeler micropénuries. Les SEMO peuvent mailler plusieurs entreprises autour d'un même projet de formation professionnelle sur mesure, permettant à ces entreprises de mettre en commun des ressources humaines, des ressources matérielles et techniques. Il va de soi que les établissements d'enseignement peuvent être mis à contribution, dans une proportion adéquate, aux fins de l'atteinte des objectifs de formation.

Pour la petite entreprise, les contraintes et les exigences bureaucratiques peuvent rebuter et masquer les avantages de la formation professionnelle. Le SEMO peut jouer un rôle catalyseur et alléger les obligations administratives inhérentes. De plus, les professionnels qui oeuvrent au sein des SEMO peuvent aider à bonifier les projets de formation avec le concours des établissements d'enseignement et des entreprises leaders dans ce domaine. L'alternance travail-études peut s'actualiser plus efficacement que le simple apprentissage sur le tas. Ces éléments concourent, à notre avis, à développer une véritable culture de formation au sein de la PME. Il ne faut pas oublier que nous sommes davantage intéressés à investir s'il nous est permis d'en retirer des résultats intéressants et tangibles.

Par tout ce qui précède, il vous sera apparu clairement que nous sommes en faveur du présent projet de loi. Il était grandement temps que nous ayons une telle politique. Nous avons voulu insister sur le fait que des modèles concurrents de culture gestionnaire sont en cause et que la gestion des ressources est le modèle qui devrait soutenir toute politique de formation professionnelle. Nous avons aussi insisté sur le fait qu'il existe plusieurs ressources dans le milieu qui ont déjà une expertise dans ce sens et qu'il serait pertinent de les mettre à profit.

Nous sommes, les SEMO, certains de ces ressources et nous offrons déjà notre expérience au milieu. L'expertise majeure des SEMO se situe dans la connaissance approfondie des clientèles, les jeunes, les femmes, les personnes handicapées et les clientèles multiples qu'ils desservent. Les SEMO sont particulièrement reconnus pour leur capacité d'évaluer et d'actualiser le potentiel humain des personnes en tenant compte de leurs limitations et de leurs intérêts. La formation professionnelle représente un outil supplémentaire d'intégration au travail des personnes rencontrant des difficultés d'insertion socioprofessionnelle. D'une part, les PME profitent de l'expertise au plan humain des SEMO et, d'autre part, les SEMO utilisent un outil important d'actualisation du potentiel des individus, leur permettant de remplir leur mission sociale plus efficacement.

L'utilisation des structures communautaires souples et professionnelles ne permet pas de répondre à tous les besoins, mais elle constitue une synergie intéressante qui ne peut que créer un impact positif sur les coûts sociaux relatifs aux groupes touchés par les SEMO. Des contrats de services devraient pouvoir traduire une telle collaboration et lui permettre de produire beaucoup plus de fruits que les actuels programmes d'employabilité. Sans l'emploi, l'employabilité devient plus ou moins absurde, mais, sans perspective intégrée, la formation professionnelle devient une simple marchandise qui coûte cher. Il faut situer autrement les débats. Espérons que nous avons pu contribuer à notre manière et que nous pourrons continuer à le faire.

Je vous fais part également de certaines recommandations qui sont incluses dans le présent mémoire et qui se lisent comme suit: développer au Québec une culture de formation dans l'entreprise avec la nécessité que l'on maintienne des indices de qualité; favoriser un modèle de formation professionnelle axé sur les ressources humaines de l'entreprise et qui implique une gestion participative; créer un programme qui permettra de bonifier les compétences des personnes actuellement exclues du marché du travail lors de leur intégration et permettra à ces personnes d'évoluer avec l'entreprise par des mesures de maintien et de suivi en emploi, bref, s'assurer que les personnes auront une formation en cours de route de concert avec l'entreprise pour que les individus évoluent avec l'entreprise; favoriser les organismes communautaires qui ont déjà développé une culture de formation dans l'entreprise dans cette orientation et viser à développer cette politique; encourager le partenariat entre l'entreprise, les services gouvernementaux et les ressources du milieu.

Alors, on s'en est tenu à une philosophie globale de ce que l'ASEMO percevait du projet de loi. Et, s'il y a des questions, également, sur l'aspect pratique des modèles que les SEMO utilisent actuellement en termes de formation avec le partenariat du milieu et les entreprises, il nous fera plaisir aussi de vous démontrer quelles sont ces expériences-là et quel en a été le résultat qu'on a pu évaluer au cours des dernières années, des derniers 15 ans qu'on est dans ce milieu. Alors, je vous remercie de votre intérêt face à notre mémoire.

Le Président (M. Tremblay): Alors, merci beaucoup, Mme Fortin. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je veux souhaiter la bienvenue à Mme Fortin et – vous nous rappelez le nom de la personne qui vous accompagne?

Mme Fortin (Lise): Gaston Leclerc.

Mme Harel: ...M. Leclerc. Alors, ça me fait plaisir également, M. Leclerc. Vous êtes, je pense, directeur de l'Association des services externes de main-d'oeuvre. Vous regroupez combien de SEMO, présentement?

Mme Fortin (Lise): On regroupe 54 SEMO au Québec...

Mme Harel: À travers toutes les régions?

Mme Fortin (Lise): ...à travers toutes les régions et qui sont spécialisés dans les clientèles: jeunes, femmes, personnes handicapées, clientèles multiples – c'est des gens ex-toxicomanes, ex-détenus qui ont des problématiques particulières qui les empêchent d'intégrer le marché du travail, là, de façon régulière.

(11 h 40)

Mme Harel: Alors, écoutez, j'ai peu de temps, parce que ma collègue de Mille-Îles veut également échanger avec vous. Donc, je vais à l'essentiel. Dans votre mémoire, vous nous démontrez que vous pouvez être un partenaire pour l'opérationalisation du 1 % et que vous pouvez l'être, également, si j'ai bien compris, en regard des clientèles de stagiaires et d'apprentis. Alors, je pense que ça va être certainement, en tout cas, une modification qui sera une des premières à être apportée au projet de loi lorsqu'on en fera l'étude article par article: c'est de prévoir que l'entreprise puisse s'acquitter de l'obligation du 1 % prévue à l'article 6, notamment dans le cadre d'ententes avec un formateur agréé ou un organisme sans but lucratif, de telle sorte que l'entreprise puisse faire appel à vos services aussi dans le cadre du 1 % directement. De quelle nature seront les services requis? Ça dépendra aussi de ce que vous offrirez, bien évidemment. Mais, déjà, comme l'entreprise peut s'acquitter du 1 % dans le cadre de l'accueil de stagiaires ou d'apprentis, ça peut être de cette façon-là. Mais n'oubliez pas que le crédit d'impôt remboursable à la formation va rester en vigueur également pour les entreprises non assujetties, celles dans lesquelles on retrouve principalement de la main-d'oeuvre féminine et jeune. Et le crédit d'impôt remboursable à la formation pourra servir soit pour un plan de développement de ressources humaines, soit dans le cadre d'un plan de formation pour les employés, mais il peut servir aussi pour l'accueil de stagiaires et pour l'accueil d'apprentis. Donc, dans ce cadre-là, il y a une combinaison des deux qui est possible. Ce qui est possible aussi en vertu de l'article 8, c'est de vous faire reconnaître comme organisme en faisant valider un plan de formation. Mais c'est toujours au choix de l'entreprise, le 1 %, on l'aura bien compris, le choix étant les modalités, l'obligation étant évidemment celle de dépenser.

Donc, je pense que ça va répondre à votre attente, ça. C'est d'être reconnu, dans le fond, comme un partenaire au même titre que l'institution d'enseignement publique ou au même titre que le formateur agréé. Évidemment, l'agrément serait du même ordre. Il n'est pas question, non plus, de vous considérer comme un joueur autre que le formateur agréé pour les fins de l'agrément pour lesquelles vous pouvez offrir des services à l'entreprise.

Alors, j'aimerais juste avoir votre réaction sur cette intention-là. Et, également, puisque le temps nous est compté, je veux vous consulter sur une sorte d'enjeu qui se dessine et qui est assez controversé, parce que la direction à prendre n'est pas clairement indiquée. Faut-il aller plus du côté de la reconnaissance au niveau de la représentation des sièges à la SQDM, du côté d'une représentation par groupes cibles, jeunes, femmes, par exemple? Auquel cas, ça va se limiter là, parce que ça va être deux ou trois sièges, pas plus, bien évidemment, dont il peut s'agir.

Faut-il, au contraire, aller dans le sens de ce que propose la coalition des organismes communautaires de développement de l'employabilité, c'est-à-dire dans le sens d'une approche spécifique pour des problématiques spécifiques – immigrants, personnes handicapées, jeunes, femmes – mais une représentation qui, selon eux, ne «ghettoïse» pas en étant une représentation du mouvement communautaire de développement de l'employabilité pour les exclus? Comment vous le voyez, ça?

Mme Fortin (Lise): Alors, la première question. Je me réjouis de la perception que vous avez face à l'implication des organismes communautaires dans le présent projet de loi. Et ce qu'on a voulu aussi démontrer, c'est que toute l'approche des organismes communautaires... Les organismes communautaires ont vraiment développé une approche très professionnelle avec des équipes d'experts aussi, et on veut faire reconnaître cette expertise-là. Mais on va vraiment toucher ce qui n'est pas donné par les réseaux réguliers, ce qui est en manque, ce qui est dans le vide, actuellement, où il y a un trou.

Alors, quand on vous parle de minipénuries, de micropénuries, c'est ce que les réseaux réguliers ne peuvent pas donner parce qu'ils n'ont pas le volume nécessaire de gens inscrits pour pouvoir donner le cours ou que ça suscite une organisation beaucoup trop lourde pour pouvoir s'adapter aux besoins des entreprises. Parce que, quand on parle de l'entreprise dans les régions, les besoins sont très, très différents. Alors, c'est là où on veut vraiment faire reconnaître le rôle des organismes communautaires dans un besoin qui n'est actuellement pas comblé par les réseaux réguliers et qui a sa place. Parce qu'on la fait, on fait des programmes de formation en entreprise, mais qui n'est pas nécessairement... C'est une expertise qui est comme perdue, actuellement, parce qu'on ne reconnaît pas cette expertise-là en termes de diplôme ou quoi que ce soit dans l'appareil gouvernemental qui est constitué d'un réseau régulier. Alors, c'est vraiment ce message-là qu'on voulait vous passer en venant nous adresser à vous aujourd'hui.

Et, pour la deuxième question, l'ASEMO fait effectivement partie aussi de la Coalition des organismes communautaires. Ces genres de tables là permettent de regrouper tous les organismes qui ont des défenses, soit des individus ou des programmes, et qui touchent les exclus du marché du travail. Il nous apparaît important, au niveau de la Société québécoise de la main-d'oeuvre, de reconnaître les organismes. On aura un penchant pour la reconnaissance des organismes communautaires qui défendent des clientèles. Mais il faut prendre pour acquis que tous ces organismes communautaires là sont déjà regroupés dans plusieurs tables et qu'ils ont déjà fait un travail de sélection, un travail de briefing entre eux. Alors, c'est sûr que, nous, au niveau de notre position, ça serait les sièges réservés aux organismes qui défendent des clientèles, parce que le besoin est plus grand, on couvre beaucoup plus de besoins face à ça aussi.

Mme Harel: Vous voulez dire, à ce moment-là, l'approche concertée, multidisciplinaire.

Mme Fortin (Lise): C'est ça.

Mme Harel: D'accord. Merci, merci beaucoup.

Le Président (M. Tremblay): Alors, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Maintenant ou si on va...

Le Président (M. Tremblay): Allez-y.

Mme Leduc: À chaque fois, ça change, alors, je me pose la question. Bon. Alors, bonjour, Mme Fortin, M. Leclerc. Ça m'a fait plaisir de prendre connaissance de votre mémoire et d'entendre votre présentation.

C'est sûr que je partage, évidemment, à la page 3, quand vous parlez que les coûts de formation sont un investissement pour une entreprise. Je pense que, si cette idée était plus partagée, on ne serait peut-être pas dans la situation où on est actuellement vis-à-vis le manque d'investissements en formation professionnelle. J'ai été aussi particulièrement intéressée, à la page 4, quand vous parlez du maillage que vous pouvez faire avec les PME. Et, après, ma troisième question, je vous demanderai si vous avez des exemples d'expérimentations de tels maillages que vous avez faits avec des PME. Ça veut dire que ça permet, à ce moment-là, à de très petites entreprises, qui ne pourraient pas faire de formation, de se regrouper et d'offrir de la formation. Alors, je pense que c'est très important pour les clientèles que vous desservez et aussi pour les petites entreprises pour pouvoir offrir leur formation.

J'aimerais vous entendre vous exprimer aussi... À la page 7, vous avez dit, dans votre première recommandation: «développer au Québec une culture de formation de l'entreprise avec la nécessité que l'on maintienne des indices de qualité». J'aimerais vous entendre, savoir si votre analyse de la loi 90... et si vous croyez que, finalement, l'obligation de consacrer 1 % de sa masse salariale va pouvoir permettre de contribuer à développer une telle culture chez l'entreprise. Est-ce que ça va remédier à certaines causes qui ont fait que cette culture-là ne s'est pas développée ou ne s'est pas développée suffisamment?

Mme Fortin (Lise): Alors, pour ce qui est des exemples, je vais laisser la parole à Gaston, qui est très impliqué dans ce domaine-là.

M. Leclerc (Gaston): Moi, j'ai un exemple qui est intéressant pour bien illustrer notre propos aujourd'hui. Actuellement, on est en projet de formation avec un groupe de denturologistes et de laboratoires dentaires, ici, dans la région de Québec. Ce projet de formation là était discuté avec les entreprises depuis nombre d'années et ça ne s'actualisait jamais comme tel. On a eu cette information-là via la commissaire industrielle, ici, à Québec, qui nous a dit: Écoutez, il y a un groupe d'entreprises qui souhaiteraient aller de l'avant de ce côté-là. On les a rencontrées. Ça représentait une quinzaine d'entreprises de la région qui étaient en situation de concurrence les unes par rapport aux autres, qui hésitaient à collaborer ensemble. Avec un organisme comme nous, neutre, on était en mesure de les asseoir ensemble et de regarder leurs besoins de façon particulière et, avec leur collaboration et avec la collaboration de l'Ordre des denturologistes du Québec, d'articuler un plan de formation pour des gens au niveau d'auxiliaires dentaires, qui sont des assistants au niveau des techniciens dentaires, pour permettre...

(11 h 50)

Cette formation-là, pour bien vous préciser, n'existe pas au Québec, et je pense même au Canada, et c'est de la formation qui est faite sur le tas. Vous devez savoir aussi que la technologie dans ce domaine-là est de plus en plus élaborée, de plus en plus sophistiquée. Donc, ces entreprises-là souhaitaient aller plus loin. On a réussi, en l'espace de quelques mois, à articuler ça. C'est évident qu'on a eu la collaboration des établissements d'enseignement à ce niveau-là, mais je crois que 70 % de la formation se donne par les entreprises elles-mêmes, des gens qui sont compétents dans ces entreprises-là. À un moment donné, la formation se donne dans les entreprises et, à d'autres périodes, on le fait dans des locaux communs où les 14 entreprises envoient leurs stagiaires pour aller chercher des choses spécifiques, ce qui diminue de façon précise les coûts de formation. C'est évident que, quand une entreprise reçoit un individu et doit le superviser à pratiquement 100 % du temps, il faut bien comprendre que c'est des coûts qui peuvent être très élevés pour cette entreprise-là.

Donc, vous pouvez voir, pour conclure, qu'on va chercher tous les acteurs, au niveau de ces projets-là, autant les établissements d'enseignement que les entreprises, que notre expertise aussi au niveau de ces clientèles-là, qui ont quand même des potentiels intéressants, mais qui ont de la difficulté à s'arrimer dans le contexte actuel d'une diversité large de ressources.

Le Président (M. Tremblay): Alors, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Je pense que madame avait une autre partie de réponse.

Le Président (M. Tremblay): Mme la députée de Mille-Îles, allez-y.

Mme Leduc: Deuxième question.

Mme Fortin (Lise): Oui, alors, la deuxième question, concernant la recommandation 1, vous savez, je vous répondrais par ces mots: On reçoit des clientèles qui sont exclues du marché du travail actuellement, généralement, en grande majorité, bénéficiaires de la sécurité du revenu. Alors, les caractéristiques de... Ces personnes-là ont une faible scolarité. On doit toujours commencer par travailler avec le critère formation avant de les intégrer en emploi. Et tout ça pour vous dire que, pour nous, la culture de formation au Québec, elle est déficiente au niveau d'une politique globale et structurée dans l'entreprise, et ça fait plusieurs années qu'on l'attend. On a eu des espoirs avec le libre-échange, en disant: Bon, peut-être que ça va être ce coup-ci qu'on va penser à une politique de formation dans les entreprises, pour en faire sur le tas ou faire des modèles qui sont plus ou moins reconnus. On dit: Ça, il faut que ça soit récupéré quelque part, toutes ces bonnes actions là qui se font au Québec. Beaucoup de nos fonctionnaires vont voir dans les autres pays ce qui se fait comme modèles, mais il s'en fait aussi au Québec qui ne sont pas récupérés. Et on dit: Une politique de formation au Québec permettrait au moins de consolider toute cette expertise-là qui est, actuellement, un petit peu dilapidée dans tous les milieux, qui n'est pas récupérée. Et le sens même de récupérer une politique, c'est d'y mettre des critères de valeur et des indices de qualité. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit: Développer une culture de formation au Québec.

Le Président (M. Tremblay): Alors, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. Pour vous connaître davantage, vous avez, tout à l'heure, dit à la ministre que votre association regroupe 54 SEMO et vous nous avez dit que votre clientèle, actuellement, c'est tous les exclus, les sans-travail, etc. Comment est financé un SEMO dans l'état actuel des choses?

Mme Fortin (Lise): Alors, la principale source de financement provient du ministère de la Sécurité du revenu. Les personnes sont référées par les centres Travail-Québec, dont les SEMO reçoivent une base minimale, 75 % de bénéficiaires de la sécurité du revenu, ce pourquoi on dit qu'on reçoit les exclus du marché du travail. Et, dans plusieurs cas, ce pourcentage-là va jusqu'à 90 % et 100 % de clientèle bénéficiaire de la sécurité du revenu. Vous avez certains services qui sont spécialisés, comme uniquement les femmes monoparentales ou avec les caractéristiques... Alors, c'est toute la clientèle que le réseau régulier de la sécurité du revenu ne peut recevoir parce qu'il n'a pas l'expertise, là, pour les clientèles qui ont des problèmes majeurs d'intégration en emploi.

M. Charbonneau (Bourassa): Donc, un SEMO type, c'est une équipe de quelques personnes, trois, quatre, cinq personnes qui sont salariées...

Mme Fortin (Lise): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): En fait, il y a une corporation, j'imagine, derrière ça? Il y a un conseil d'administration?

Mme Fortin (Lise): Oui, c'est une corporation à but non lucratif, avec un conseil d'administration, dont les personnes sont issues du milieu communautaire, les administrateurs, les gestionnaires. Les équipes sont généralement constituées de conseillers en main-d'oeuvre, de conseillers en orientation, de conseillers à la formation. C'est une équipe, bon... on dirait qu'une équipe moyenne peut être constituée de six à huit personnes.

M. Charbonneau (Bourassa): Comment définissez-vous, caractérisez-vous un SEMO par rapport à une CDEC? Qu'est-ce que vous faites de plus ou de moins? Quelle est la différence?

Mme Fortin (Lise): C'est que les SEMO donnent le service personnalisé à l'individu. Alors, c'est l'évaluation du potentiel, des capacités, des incapacités; c'est les intérêts, les aptitudes; c'est une approche d'accompagnement; ça vaut au niveau des personnes handicapées; c'est les adaptations de postes de travail, l'accessibilité des lieux de travail. Alors, c'est vraiment un service direct d'accompagnement.

Les CDEC, dans notre réseau, viennent en complémentarité, lorsqu'on a du démarrage d'entreprises, des coopératives de travail. On utilise les ressources des CDEC, les corporations de développement économique, ou le secrétariat d'aide au développement des collectivités pour poursuivre, là, le travail amorcé dans l'intégration en emploi.

M. Charbonneau (Bourassa): Vous-mêmes, vous vous reconnaissez au titre d'un des réseaux de groupes communautaires, finalement. Hier, nous avons reçu la coalition de l'ensemble.

Mme Fortin (Lise): La coalition.

M. Charbonneau (Bourassa): Vous, vous êtes une composante de ce grand réseau.

Mme Fortin (Lise): C'est ça. On siège à la coalition des organismes communautaires en développement de l'employabilité – «communautaires» parce que tous nos membres du conseil d'administration doivent être issus d'un réseau communautaire pour défendre des clientèles qu'on doit desservir.

M. Charbonneau (Bourassa): Donc, jusqu'à maintenant, vous n'êtes pas tellement en lien avec la petite et moyenne entreprise. Vous êtes plutôt en lien avec des catégories que vous avez mentionnées, tout à l'heure, des personnes exclues du travail, et vous aspirez à...

Mme Fortin (Lise): Vous m'avez demandé de définir les clients. Je vous ai défini les clients, mais on a aussi le client employeur. Alors, pour intégrer en emploi, il faut avoir nos deux réseaux. Alors, il y a effectivement un réseau de dossiers employeurs qui existe, parce qu'on est soumis à des normes très strictes d'intégration en emploi. On doit admettre un certain nombre de personnes et placer en emploi, sans subvention, 50 % de ces personnes-là admises, dans une période de 13 semaines et plus et 16 semaines et plus. Alors, vous voyez là la nécessité de constituer un réseau d'employeurs et d'avoir des contacts très, très, très directs avec l'employeur.

M. Charbonneau (Bourassa): D'accord. Bien sûr. Est-ce que vous aspirez à devenir des agents de formation du personnel des entreprises? Est-ce que c'est un élément de votre message, ça?

M. Leclerc (Gaston): Regardez. Actuellement, on intervient dans des projets de formation professionnelle spécifiques. Juste pour vous situer en termes d'ordre de grandeur, l'Association, les 54 membres de l'Association, les organismes qui font partie de l'Association touchent à peu près 10 000 personnes, interviennent auprès de 10 000 personnes dont la majorité sont intégrées dans des emplois. Et, pour certaines situations – comme j'ai mentionné, tout à l'heure, au niveau de la denturologie – on s'implique avec, entre autres, la SQDM, les établissements d'enseignement et les entreprises pour organiser des projets spécifiques, pour atteindre des objectifs de placement. On va même jusqu'à faire une étude de marché avant de partir le projet de formation, pour être sûrs qu'il y a des emplois à la sortie de ça. Comme c'est des interventions qui se font relativement à court terme, à partir du moment où on a identifié le besoin, un an et quelques après, environ, moins de 16 mois, les gens sortent sur le marché du travail et sont intégrés en emploi. C'est ainsi qu'on est partenaires avec, surtout, la petite entreprise et, à l'occasion, la moyenne entreprise. C'est des gens qui nous connaissent dans chacune de nos régions et qui sont habitués à travailler avec nous pour obtenir leurs ressources humaines dans du non-spécialisé et du semi-spécialisé.

M. Charbonneau (Bourassa): Et vous voyez, dans le dispositif du projet de loi 90, des possibilités accrues pour un réseau d'intervention comme le vôtre?

Mme Fortin (Lise): Oui, on voit des possibilités, effectivement, accrues, parce que le travail qu'on effectue actuellement, la perspective formation de l'entreprise, c'est une composante essentielle de nos moyens d'intégration en emploi. On ne peut pas intégrer une personne bénéficiaire de la sécurité du revenu, absente depuis plus de 10 ans du marché du travail, sans aucune formation, un secondaire I complété il y a 20 ans, dans le marché du travail comme si de rien n'était. Alors, il faut tenir compte qu'on doit travailler avec la composante formation. On essaie des modèles: formation en entreprise, formation alternance formation et études. On collabore, là, on sensibilise l'employeur à son rôle social, on utilise beaucoup de choses. Alors, on dit: Effectivement, un projet de loi comme ça, nous, ça vient comme confirmer le travail de formation préalable à l'intégration en emploi.

(12 heures)

M. Charbonneau (Bourassa): Une dernière question est liée à votre page 6, le dernier paragraphe. Vous concluez ce paragraphe-là en disant: «Sans perspective intégrée, la formation professionnelle devient une simple marchandise qui coûte cher.» J'aimerais vous entendre sur l'expression à la mode, «perspective intégrée», «intégration», etc. Pourriez-vous développer ça un petit peu?

Mme Fortin (Lise): Alors, peut-être brièvement, je pourrais vous dire que, oui, ça coûte cher, dans le sens où on assiste, actuellement, sur le terrain, à un exercice de concertation entre ministères, et cet exercice-là est en train de s'arrimer. Mais on voit à quel point, lorsqu'on travaille, plusieurs ministères interviennent ou plusieurs organismes interviennent.

Dans le même réseau, on parle, vous parlez... Je pense qu'au niveau de l'éducation – c'est un domaine que vous connaissez bien – les commissions scolaires donnent actuellement des cours d'insertion socioprofessionnelle qu'elles viennent de développer au niveau des projets-pilotes. Ces cours d'insertion socioprofessionnelle sont aussi donnés depuis plusieurs années par les organismes de développement en employabilité, les organismes communautaires. Alors, on s'est rendu compte – c'est ça quand on dit qu'une politique intégrée c'est important – et on a dit à l'éducation: Écoutez, il faut se rencontrer, il faut s'asseoir à la même table, il faut arrimer nos programmes, vous donnez un bout, on va finir par la fin; vous allez sur la formation, on va finir par l'intégration. C'est toutes ces manoeuvres-là qui sont actuellement effectuées dans un réseau qui n'est pas intégré et qui fait que, effectivement, il y a des dépenses publiques. On est dans une période de rationalisation, nos chefs gouvernementaux nous le disent à chaque jour – on lit les journaux – alors, il faut travailler dans cette perspective-là. Et la formation, l'emploi, c'est tout un réseau qui se continue, qui doit s'enchaîner.

M. Leclerc (Gaston): Si vous le permettez, j'aimerais ajouter que, quand on parle d'intervention intégrée, il y a tellement d'intervenants autour de, spécialement, la petite entreprise, que ce n'est pas toujours évident pour la petite entreprise de se démêler dans tout ça. Et, nous, comme on collabore sur une base régulière avec ces petites entreprises là, on est en mesure de leur donner un support qui est beaucoup plus à leur niveau que peut-être une grande commission scolaire, qui va arriver là-dedans et qui va probablement être plus habituée avec des plus grandes entreprises.

À ce niveau-là, il y a aussi l'individu. Nous, on le sait pratiquement que ceux qui sont exclus actuellement du marché du travail, il existe du potentiel très intéressant, et de laisser ces gens-là sur la touche pendant nombre d'années, on est en mesure d'évaluer qui est prêt et qui n'est pas prêt à accéder à cette formation-là et de l'arrimer de façon intégrée avec le développement de la petite entreprise.

M. Charbonneau (Bourassa): Mme Fortin et M. Leclerc, je vais vous remercier – c'est le temps de conclure, nos temps de parole sont épuisés de part et d'autre – de cette contribution et vous dire que j'ai bien apprécié la qualité de vos réponses à nos questions.

Le Président (M. Tremblay): Mme la ministre.

Mme Harel: Oui. Alors, je dois vous remercier. Je crois qu'il était important que nous entendions à nouveau, même si depuis le début de nos travaux cela nous a été dit – et c'est heureux que cela soit répété – à savoir le rôle maintenant indispensable que vous jouez dans le partenariat patronal, syndical et gouvernemental. Je crois que vous êtes vraiment la quatrième roue d'un bolide qui ne pourra prendre de vitesse que si tout est bien en place. Je crois que ça sera peut-être la première occasion qu'on vient de le reconnaître et de vous reconnaître comme un partenaire à part entière.

Parce que, jusqu'à maintenant, en matière de main-d'oeuvre, vous étiez assignés uniquement à ceux que l'on appelle les exclus, comme s'ils n'étaient pas en partie, parfois, sur le marché du travail et en partie à l'extérieur, comme si on pouvait hypercataloguer dans notre société. Alors, ce n'est évidemment pas le cas compte tenu de ce que l'on connaît être la crise du travail, avec la multiplication des emplois à statuts différents de ceux qu'on connaissait auparavant. Alors, pour le reconnaître, ça, il faut vous reconnaître, et c'est ce qu'on a l'intention de faire. Je vous remercie.

Le Président (M. Tremblay): Alors, merci, Mme Fortin, M. Leclerc. Nous allons maintenant entendre les représentants et les représentantes de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins.

Mme Fortin (Lise): Merci.

Le Président (M. Tremblay): Alors, on vous souhaite la bienvenue à cette commission. Je vous rappelle brièvement les procédures. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et, par la suite, les personnes vont intervenir tant du côté ministériel que de l'opposition. Je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent.


La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec (CCPEDQ)

M. Morency (Yves): Alors M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, nous tenons d'abord à excuser l'absence de notre président, M. Béland, qui est présentement à l'étranger. Alors, il lui est donc physiquement impossible d'être aujourd'hui dans cette salle, mais soyez assurés que nos propos sont les siens. Je suis accompagné, ce matin, de Mme Ginette Blais, qui est conseillère principale en gestion, à la Confédération.

D'entrée de jeu, nous désirons vous parler un peu plus du Mouvement des caisses Desjardins, de façon à mieux faire comprendre le contexte dans lequel s'inscrivent nos réactions à l'endroit du projet de loi 90.

Notre réseau coopératif compte 1 320 caisses populaires et d'économie réparties sur l'ensemble du territoire québécois. C'est caisses sont en fait des entreprises autonomes, de tailles différentes, avec des réalités de gestion qui sont également différentes. Mais elles sont toutes dédiées à la satisfaction des besoins financiers de leurs membres. En raison de leur mission, les caisses Desjardins évoluent dans une industrie particulièrement turbulente et compétitive dont elles doivent respecter les règles du jeu.

Si l'approche énoncée par le gouvernement est maintenue, à savoir assujettir à la loi les entreprises dont la masse salariale est d'au moins 250 000 $, un peu plus de la moitié des caisses Desjardins du Québec, soit tout près de 760 caisses d'épargne et de crédit, seront soumises à l'obligation d'investir dans la formation de leur main-d'oeuvre.

Actuellement, les caisses, comme d'ailleurs nos organismes corporatifs, peuvent utiliser plusieurs approches en matière de formation. Premièrement, elles peuvent solliciter directement, dans le cadre d'un programme formel ou non, les services d'un fournisseur privé de formation dans le but de répondre à un besoin identifié au niveau de chacune des caisses.

Deuxièmement, elles peuvent avoir recours à des programmes, négociés provincialement ou régionalement, quelquefois avec des institutions d'enseignement, pour répondre à des besoins de formation qualifiante de leur main-d'oeuvre. C'est ainsi que nous avons développé une attestation d'études collégiales en conseil financier dispensée par le réseau des cégeps; un certificat en crédit commercial diffusé par le réseau de l'Université du Québec; des programmes en gestion offerts par plusieurs universités québécoises.

Finalement, les caisses peuvent recourir aux produits de formation offerts par leur propre fédération ou encore par la Confédération. Fréquemment, des spécialistes des fédérations, de la Confédération ou de différentes filiales sont appelés à mettre à jour les connaissances du personnel des caisses sur différents sujets importants pour une entreprise financière comme la nôtre. Par exemple, nous donnons de la formation sur les approches changeantes en matière de crédit et d'épargne, sur les produits et services financiers eux-mêmes, sur les inévitables adaptations causées par l'évolution des lois et de la technologie, sur les enjeux de gestion émergeant à l'aube du XXIe siècle.

(12 h 10)

En plus des possibilités multiples de formation qui s'offrent aux caisses, elles ont maintenant des moyens de formation de plus en plus variés. En effet, elles disposent maintenant d'outils extrêmement structurés d'autoformation développés par des équipes de spécialistes de contenu et de professionnels de formation du réseau Desjardins. Elles commencent à expérimenter à peine la formation à distance pouvant utiliser notre réseau unique de télécommunications au Québec. Elles continuent d'offrir de la formation traditionnelle en salle. Dans Desjardins, nous savons qu'il nous faut former encore davantage notre main-d'oeuvre pour lui permettre de relever les défis d'un marché extrêmement concurrentiel: le marché bancaire, dans un contexte de décloisonnement total, le marché financier canadien et, de plus en plus, le marché financier international. Nous savons également que les grandes banques canadiennes agissent de la même façon et qu'elles se sont dotées, depuis fort longtemps, d'instruments pour supporter leurs efforts de formation, ne serait-ce que par la création de leur Institut des banquiers canadiens.

Si nous sommes extrêmement convaincus de la nécessité de la formation continue pour notre propre main-d'oeuvre, nous le sommes également pour l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise. Nous sommes présents dans les débats de la formation professionnelle, au Forum pour l'emploi, à Compétences Québec, à la Conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre, à la SQDM et au conseil de plusieurs sociétés régionales.

C'est donc en raison de notre engagement envers la population du Québec – à cause de la priorité que nous avons constamment accordée au dossier de la formation, également à titre de principal employeur privé au Québec concerné par la formation de son personnel – que nous avons déposé un mémoire à cette commission spéciale. Nous n'avons pas l'intention de vous présenter ici la totalité de notre mémoire. Nous nous en tiendrons aux recommandations auxquelles nous attachons plus d'importance. Pour ce qui est des autres recommandations, nous serons heureux d'en discuter pendant la période d'échange.

Le Mouvement Desjardins, dans un premier temps, souscrit aux objectifs de ce projet de loi. En effet, en janvier 1992, dans notre mémoire sur le projet de loi 408 créant la SQDM, nous évoquions l'urgence d'agir devant les constats de sous-qualification et de pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. La situation est aujourd'hui sensiblement la même.

On peut certes déplorer qu'un gouvernement oblige les organisations à adopter rapidement des mesures d'investissement dans la formation de leur main-d'oeuvre, malheureusement, malgré elles, parfois. De leur côté, les caisses Desjardins n'ont pas attendu qu'on légifère pour investir dans la formation de leurs ressources humaines. Depuis 1992, le réseau coopératif a dépensé entre 20 000 000 $ et 27 000 000 $ par année pour la formation de son personnel, soit plus de 3 % de sa masse salariale. Au cours des cinq prochaines années, il prévoit doubler ses efforts de sorte que les investissements dans la formation pourraient atteindre 7 % de la masse salariale du réseau coopératif, et cela, sans obligation légale. Dans ce contexte, nous adhérons sans réserve aux objectifs du projet de loi, et cette finalité constitue pour nous, comme employeur, une orientation à maintenir et un défi à relever constamment.

À la lecture du projet de loi, nous comprenons que le gouvernement a l'intention de reconnaître plusieurs types de formation. D'emblée, les dépenses reliées à l'acquisition de formation académique, professionnelle ou technique, celles reliées à la formation en entreprise – par des formateurs externes et, nous l'espérons, sur le tas – celles qui favorisent la réalisation de stages, et j'en passe, sont considérées à juste titre comme pouvant bénéficier au personnel d'une entreprise.

Cependant nous ne pensons pas qu'une définition stricte et inébranlable de la formation doive être inscrite dans un cadre législatif. Nous appuyons la proposition de laisser à la SQDM le soin de préciser les paramètres à inclure dans la formation admissible. Nous appuyons également l'orientation suggérée démontrant une souplesse optimale à l'égard des différents types de formation rencontrés dans les organisations.

Nous sommes à même de constater que les moyens de formation évoluent rapidement. Compte tenu des sommes importantes qui peuvent être impliquées, une organisation bien gérée doit se préoccuper de l'efficacité des résultats de la formation et adopter les approches les plus pertinentes. La gestion de la formation dans les entreprises obéit aux mêmes règles de rigueur que les autres domaines de gestion. Là comme ailleurs, on doit s'assurer que chaque dollar investi l'est de façon optimale.

Par ailleurs, le Mouvement Desjardins souhaite des améliorations au projet de loi. En premier lieu, nous souhaitons vivement que soit reconnue la formation dispensée par des employés spécialistes de l'employeur. Dans Desjardins, cette réalité en matière de formation existe et elle est susceptible de se rencontrer également dans d'autres organisations. Ainsi, dans le cadre de notre formation d'entreprise reliée à l'implantation du nouveau Code civil, la Confédération a formé des formateurs des fédérations qui, à leur tour, ont formé du personnel des caisses. Nous parlons ici d'une véritable approche de formation en entreprise, d'une approche structurée que nous utilisons fréquemment.

La lecture du projet de loi passe sous silence cette réalité de formation pourtant intégrée de façon évidente et importante dans le calcul de nos propres investissements dans la formation. Bien plus, ce type de formation dispensée par des employés spécialistes est considérée, actuellement, comme admissible dans le cadre du programme de crédit d'impôt à la formation, alors qu'elle ne le serait pas dans le cadre de la loi favorisant le développement de la formation professionnelle, du moins dans sa version actuelle, celle qui nous a été présentée.

En second lieu, ayant nous-mêmes délaissé la voie des comités, nous souhaitons ardemment, et, je dirais, avec la plus grande insistance, que la reconnaissance de la formation en entreprise ne soit pas liée à cette condition. Nous déplorons que le gouvernement s'introduise dans les choix de gestion des organisations par le biais de ce projet de loi. Dans Desjardins, nous avons une longue expérience dans la mise sur pied et la multiplication de comités responsables de définir et de coordonner différents champs d'activité, que ce soit la formation, le crédit, la mise en marché de nos produits.

Il y a quelques années, nous avons revu ce mode de fonctionnement et décidé, pour des raisons d'efficacité, d'abolir plusieurs de ces comités qui, à l'analyse, se sont trop souvent avérés être l'occasion de discussions interminables et deviennent des obstacles à la mise en place rapide d'actions considérées pourtant urgentes.

L'application dans Desjardins du projet de loi 90, dans sa version actuelle, signifierait la création de près de 800 comités dans les caisses, les fédérations et les filiales pour satisfaire aux conditions de reconnaissance de notre formation en entreprise, alors que, déjà, nous dépassons, et de loin, les exigences que le projet de loi veut mettre de l'avant. Vous comprendrez que, pour nous, cette perspective est très peu alléchante et peut s'avérer coûteuse et même inefficace. Nous préférerions de beaucoup, et de loin, consacrer ces énergies en temps, en ressources humaines et financières directement à la formation de notre main-d'oeuvre.

Nous investissons présentement au-delà de 3 % de notre masse salariale dans la formation de notre personnel, et ceci, sans comités. Il est clair pour nous que la mise sur pied de tels comités n'est d'aucune façon liée à l'objectif recherché par le projet de loi: faire en sorte que les organisations augmentent leurs investissements dans la formation. Nous craignons que cette condition ne constitue plutôt un obstacle à l'objectif recherché. Est-ce que les entreprises investiront plutôt dans la mise sur pied de comités dont l'efficacité n'est pas prouvée?

En troisième lieu, nous proposons de considérer formellement comme indice d'atteinte des objectifs du projet de loi le niveau des montants constituant le Fonds national de formation professionnelle. À cet égard, nous sommes d'accord avec le communiqué émis par le cabinet de la ministre sur l'objectif du gouvernement: faire en sorte qu'aucune contribution ne soit versée au Fonds parce que toutes les entreprises auront choisi d'investir dans leur avenir en dépensant le 1 % au bénéfice de leurs travailleurs et de leurs travailleuses.

Nous croyons même réalisable et souhaitable d'identifier ici une mesure concrète de l'atteinte des objectifs de la loi, mesure qui pourrait même, selon le jugement de la ministre, faire partie du texte de loi: un fonds national peu garni, abstraction faite des sommes permettant à la SQDM de financer les dépenses d'administration de la loi, constitue l'indice que les entreprises ont directement investi dans la formation de leur main-d'oeuvre. Si, en 1998, le Fonds national continue de croître par rapport à 1996, nous aurons la confirmation que la loi n'aura pas été efficace, et il faudra songer à la réviser.

L'introduction d'un tel indice de mesure permettrait sans aucun doute aux partenaires réunis à la SQDM de ne pas perdre de vue l'objectif ultime de la loi: faire en sorte que les entreprises québécoises investissent davantage dans la formation de leur main-d'oeuvre.

Et, finalement, nous souhaitons une approche, je dirais, beaucoup moins administrative et plus efficace en regard des objectifs recherchés. Nous sommes portés à croire que l'intention du gouvernement n'était pas de complexifier les procédures et de créer des obstacles bureaucratiques. Cependant, plusieurs modalités retenues dans le projet de loi vont à l'encontre de cette bonne intention et témoignent d'un manque de connaissance qu'a le gouvernement du fonctionnement des entreprises.

L'approche globale privilégiée dans le texte du projet de loi nous rend inquiets quant aux résultats éventuels. Nous percevons plusieurs embûches administratives – nous les avons identifiées de façon plus particulière dans notre mémoire; pour les pallier, le gouvernement pourrait obliger les entreprises non pas à investir dans la formation de leur main-d'oeuvre, mais les obliger à déclarer combien et comment elles investissent dans la formation selon leurs propres besoins. La SQDM serait dépositaire de cette information et pourrait établir alors un portrait plus précis et plus éclairé des investissements dans la formation réalisés par les entreprises québécoises. Le gouvernement pourrait ainsi avoir une connaissance plus précise du niveau global des investissements dans la formation, des expériences nouvelles en matière de formation de même que les priorités véritables des entreprises, que ce soit en formation reliée à l'acquisition de nouvelles technologies, formation faisant suite à la révision des procédés de travail, formation de base, alphabétisation, et j'en passe.

Cette information précieuse pourrait également être mise à la disposition de la collectivité québécoise et pourrait sans doute permettre l'émergence d'alliances nouvelles en matière de formation.

(12 h 20)

C'est l'approche que nous avons privilégiée dans le réseau coopératif Desjardins. Les caisses ne sont pas tenues d'investir 3 % de leur masse salariale; nous parlons plutôt d'une cible à atteindre. Les résultats parlent par eux-mêmes, car elles ont déjà dépassé l'objectif fixé pour la fin de l'année 1995, dans un contexte où les obligations de rentabilité et de gestion rigoureuse sont plus impératives que jamais.

Les caisses Desjardins évaluent depuis trois ans leur investissement dans la formation. Notre expérience nous porte à croire que, même si l'approche n'est pas contraignante en termes de formation et de dépenses admissibles, le calcul des investissements que nous faisons dans la formation demande des efforts insoupçonnés en matière de recherche d'information. Dans un contexte plus réglementé, ces efforts pourront facilement et rapidement devenir des tracasseries administratives dans les perceptions et dans les faits.

Dans le contexte d'une loi obligeant les entreprises à déclarer leurs investissements, l'intervention plus contrôlante pourrait être réservée aux cas d'exception, de doute sérieux, laissés au jugement de la SQDM.

En guise de conclusion, nous désirons souligner, encore une fois, que le Mouvement des caisses Desjardins ne s'oppose pas aux objectifs fondamentaux du projet de loi, bien au contraire. Nous sommes convaincus de la nécessité d'investir dans la formation professionnelle de nos ressources humaines et de la bonne intention du gouvernement.

Par ailleurs, de notre côté, nous pensons rencontrer dès maintenant les objectifs recherchés par la loi. En matière de formation de la main-d'oeuvre, l'heure n'est plus aux discours mais à l'action avec, de grâce, le moins d'administration possible et le plus de souplesse et d'ouverture. En définitive, soyons moins coercitifs et plus incitatifs.

Nous vous remercions de votre attention et nous sommes disposés, Mme Blais et moi-même, à répondre à vos questions et aussi à préciser, au besoin, certaines de nos recommandations qui sont contenues dans notre mémoire.

Le Président (M. Tremblay): Merci, M. Morency. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, M. Morency. Bienvenue, et bienvenue à Mme Blais. Je sais que vous avez regardé de près cette proposition qui vous avait été transmise, comme aux autres partenaires, au mois de mars dernier.

Vous nous dites, à la page 12 du mémoire et au tout début de la page 11, que, plutôt que d'obliger des entreprises à investir dans la formation de leur main-d'oeuvre, on devrait les obliger à déclarer combien et comment – donc, une législation pour, dans le fond, obliger, comme vous dites, les entreprises à rendre visibles et transparentes les dépenses qu'elles font – et vous nous dites, à la toute fin de la page 12: «Dans le contexte d'une loi obligeant les entreprises à déclarer leurs investissements, les interventions plus contrôlantes pourraient être réservées aux cas d'exception, de doute sérieux, laissés au jugement de la SQDM.»

Je suis pas mal certaine, en lisant moi-même ce paragraphe-là – vous allez en convenir immédiatement – qu'on ne peut pas légiférer comme ça, parce que, quand on légifère, il ne faut pas qu'il y ait trop de zones discrétionnaires. Il faut qu'il y ait des zones réglementaires, mais il faut que le règlement – sinon il peut être invalidé facilement – trouve la même application, à défaut de quoi la discrétion peut apparaître comme une faveur ou, à l'inverse, peut apparaître comme étant, si vous voulez...

Une voix: Du harcèlement.

Mme Harel: Du harcèlement, oui, effectivement, du harcèlement. Je comprends cependant que c'est une approche généreuse que vous nous suggérez. C'est l'approche, dites-vous, que vous avez privilégiée dans le réseau coopératif Desjardins et c'est l'approche que vous avez vécue et à partir de laquelle vous nous suggérez de légiférer.

J'aimerais beaucoup, cependant, que l'ensemble du milieu des affaires et des entreprises québécoises soit à l'image du réseau coopératif Desjardins, c'est-à-dire qu'on puisse me dire que, déjà, il se fait 3 %. Je vous le dis, là, s'il se faisait 3 % dans les entreprises québécoises, comme il se fait dans le réseau coopératif Desjardins, en matière de formation de la main-d'oeuvre, vous ne seriez pas là puis moi non plus, ce matin, parce qu'on aurait vraiment avancé sur bien d'autres choses; on en serait déjà sûrement à un régime d'apprentissage, comme on commence à le discuter, on en serait déjà ailleurs. Mais pas plus, si vous voulez, c'est le cas manifestement... Si c'était 3 %, ça aurait paru, n'est-ce pas? Ça se saurait, comme on dit.

Par ailleurs, je comprends bien qu'à partir de votre expérience à vous vous souhaitez – surtout que votre président est président du Forum pour l'emploi – que tous les autres s'en inspirent, et je le souhaite également. Mais on ne peut pas, dans le fond, légiférer à partir seulement de ce qui se fait le mieux; il faut aussi légiférer pour ce qui ne se fait pas.

Manifestement, plusieurs sont venus occuper le siège où vous êtes pour nous expliquer combien – depuis la commission Jean il y a 13 ans, le rapport de Grandpré il y a huit ans, les Rendez-vous économiques du Conseil du patronat, 1991, ensuite en 1993, depuis le livre blanc du gouvernement précédent, «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif», depuis, donc, tout cela, il y a déjà quatre ans, cinq ans – malgré tout, on serait encore à balbutier qu'il faudrait s'inciter mutuellement à en faire. Bon, ceci dit, je comprends votre point de vue, mais vous pourrez peut-être comprendre aussi que, du point de vue où on est, où on légifère pour l'ensemble de la société, il y a un sentiment d'urgence. Il y a un vrai sentiment d'urgence, il y a un très fort sentiment d'urgence.

Ceci dit, vous nous suggérez des façons de faire qui sont utiles. Je voudrais tout de suite vous signaler, là, concernant la déclaration des dépenses de formation en conformité avec les rapports d'impôts dans l'année financière, ça, ça va de soi, si vous voulez. C'est simplement pour le Fonds que le rapport se fait le 30 juin, parce qu'il doit recevoir, si tant est qu'il ait à les recevoir, les déclarations effectuées par les entreprises dans leur année financière, c'est-à-dire pour le 28 février, je pense. Si tant est qu'il y ait un problème, là, j'aimerais bien échanger avec vous là-dessus, immédiatement.

Les comités paritaires ne sont pas obligatoires. Ils le sont simplement dans le cadre du paragraphe 3° de l'article 6, qui prévoit la formation maison. Mais, dans le cadre de ce que vous faites déjà, je comprends que vous avez un plan de formation, vous suivez un plan de formation. Et ce plan de formation, vous nous disiez tantôt, vous avez réussi à obtenir des attestations d'études collégiales et même des programmes universitaires de gestion. Donc, nécessairement, ça, ça peut satisfaire l'obligation en vertu du paragraphe 1° de l'article 6.

Vous pouvez aussi... Je pense que vous avez votre propre institut, hein? Je ne sais pas si ça porte ce nom-là?

M. Morency (Yves): Centre de formation.

Mme Harel: Centre de formation. Alors, le centre de formation peut, en vertu de l'article 8, se faire reconnaître comme un organisme reconnu et faire valider son plan de formation, si vous voulez, pour obtenir de mutualiser les contributions.

Vous pouvez également le faire par le biais de l'article 2, donc de firmes agréées. C'est comme ça, je pense, que vous avez procédé jusqu'à maintenant pour le crédit d'impôt, qui était contraignant. Il l'est beaucoup moins, comme vous le savez, puisque la firme agréée pourra, même si l'entreprise n'est pas incorporée, etc. – parce qu'il y avait des contraintes, peut-être, qui ne s'appliquaient pas à vous, mais qui s'appliquaient à d'autres entreprises... Alors, ce sera diverses formules. Il n'existait pas, l'article 8, pour le crédit d'impôt. Ça n'existait pas, ça, la possibilité de faire valider un plan de formation, faire reconnaître un organisme et, à ce moment-là, recevoir les contributions.

Alors, il me semble qu'il y a une panoplie, là. C'est assez souple. Ça peut être donc soit par les attestations d'études collégiales, les programmes de gestion déjà mis en place, soit par les formateurs agréés – formule, je pense, qui vous a embarrassés – soit par le centre de formation comme vous le connaissez, avec les plans de formation que vous pouvez faire valider. Est-ce qu'il y aurait autre chose, selon vous, à ajouter?

M. Morency (Yves): Vous avez soulevé quand même plusieurs aspects, là. Je vais essayer d'y répondre dans l'ordre ou dans le désordre, au fur et à mesure que ça vient. Je demanderai à madame Blais de compléter. Ce qu'on vous dit en termes d'éléments de contraintes, on parle de simplicité, c'est qu'on doit vivre constamment dans un contexte qui est évolutif, qui change au jour le jour. Les moyens de contrer la concurrence se font de plus en plus sérieux et «interpellants».

(12 h 30)

Donc, ce qu'on ne voudrait pas, c'est que, dans un contexte législatif réglementaire, on vienne nous bâillonner, à l'occasion, avec des nouvelles modalités, des nouvelles façons. Tout à l'heure, on vous parlait de la formation à distance, la formation sur des réseaux, comme des réseaux Internet, notre propre réseau, qui est un réseau, comme vous le savez, de télécommunications à la fine pointe et un des réseaux privés les plus importants au Québec – on a d'ailleurs déjà eu l'occasion d'en discuter avec vous – nous sommes en fibre optique et nous relions nos régions. Donc, tout ça constitue des éléments sur lesquels on ne voudrait pas, quand même, qu'un jour ou l'autre... Et on parle pour nous, mais on parle aussi pour les entreprises, puis on ne veut pas non plus s'ériger en modèle pour les entreprises, en disant: Écoutez, Desjardins, c'est ça, là, elle est la foi et la vérité. Ce n'est pas ça qu'on voulait surtout vous dire; c'est quand même vous montrer qu'on est dans une réalité concurrentielle énorme, importante.

Et, parmi les institutions financières, cette réalité-là, avec les moyens technologiques, nous a frappés peut-être plus crûment rapidement, ce qui nous a amenés à atteindre des niveaux de formation un peu plus importants. D'ailleurs, avec les accords fort intéressants – accords de libre-échange Canada–États-Unis, Canada–États-Unis–Mexique – l'OMC, maintenant, de plus en plus, les entreprises se rendent à l'évidence qu'elles n'ont pas le choix, elles sont concurrencées par des étrangers. Donc, de grâce, ne nous imposez pas, à nous et aux entreprises québécoises, des carcans qui feraient en sorte qu'on ne puisse pas s'adapter rapidement, faire preuve de souplesse. Nos gens, chez nous, les professionnels, ils n'ont pas nécessairement besoin de formation comme telle. Aller assister à une conférence dans un milieu international, pour eux, c'est excessivement précieux. Ils sont ouverts sur le monde, ils arrivent avec des nouvelles idées. Quand on lance de nouveaux produits et services, il faut former nos gens. Donc, ça non plus, ce n'est pas notre centre de formation, on va porter la formation dans la caisse. Parce que, quand même, c'est coûteux de faire venir les gens chez nous. Alors, c'est tout dans ce sens-là qu'on aimerait que ça soit quand même le plus largement souple possible.

En ce qui concerne les effets et références au rapport financier, il faut comprendre que, chez nous, les caisses ne sont pas soumises à un rapport financier aux mêmes dates: 1 320 caisses qui finiraient leur année financière – elles sont indépendantes, c'est 1 320 rapports financiers indépendants – c'est impensable d'avoir ça la même journée en fin d'un exercice financier. Donc, elles sont réparties sur toute l'année. C'est pour ça que, le 28 février, encore là, ce n'est pas possible que l'ensemble des caisses vous fournisse des informations sur leur masse salariale.

Mme Harel: M. Morency, me permettez-vous immédiatement simplement de vous dire, quand même: Toutes les caisses doivent remplir le formulaire T-1? C'est évidemment une case, dans ce formulaire, qui fait une page.

M. Morency (Yves): Oui.

Mme Harel: S'il y a un problème, vous me le dites, mais je voudrais aussi vous signaler qu'il n'est pas question que le centre de formation dont vous parliez, avec un plan de formation validé... Il n'est pas question de faire venir les gens au centre.

M. Morency (Yves): Mais...

Mme Harel: Le plan de formation peut très bien se rendre à la montagne si la montagne ne peut pas se rendre au centre.

M. Morency (Yves): On est d'accord sur la masse salariale, mais, si on parle aussi de dépenses de formation, alors ce n'est pas possible d'avoir l'ensemble des dépenses de formation, qui sont validées par nos vérificateurs externes à cette période-ci, pour les fins de déclaration de revenus de nos employés, où il faut déclarer quand même les sommes qu'ils gagnent, leur salaire et différents avantages sociaux.

Le Président (M. Tremblay): Mme Blais.

Mme Blais (Ginette): Pour compléter cette information, je vous dirais qu'on a pris quelques informations auprès de nos organismes qui seraient assujettis, et la problématique, pour une organisation, c'est bien souvent de stabiliser sa masse salariale pour le 28 février, effectivement, pour répondre aux exigences légales. Alors, en même temps, stabiliser une masse salariale et établir toutes les informations requises pour une déclaration d'investissements, selon tous les organismes Desjardins qu'on a consultés, c'est difficile, alors qu'il est possible, via la déclaration de revenus, de faire toute cette opération-là six mois plus tard, au mois de juin. Donc, ce serait peut-être à considérer.

Je pourrais peut-être ajouter une autre dimension, peut-être une information, Mme la ministre: le centre de formation Desjardins est actuellement un édifice, point à la ligne, consacré effectivement à la formation. Les plans de formation ne sont pas élaborés à cet endroit. Mais ce n'est pas l'aspect des plans de formation qui nous cause des difficultés dans Desjardins, parce que nous sommes habitués à fonctionner de façon structurée.

Par ailleurs, cette reconnaissance-là des organismes de Desjardins – comme formateurs agréés, en tout cas – semble difficile, compte tenu de la version actuelle de la loi. Nous ne donnons pas de la formation via rémunération comme un formateur privé, donc ça semble être difficile que ce soit reconnu. S'il y a des possibilités d'assouplir cet aspect-là, nous, ça ne nous cause pas de problème, parce que la formation qualifiante a été notre priorité depuis quatre ans. Nous avons investi énormément dans la formation qualifiante, mais, vraiment, notre orientation, nos priorités, elles vont être un peu plus vers ce qu'on appelle, nous, la formation d'entreprise, pour les années à venir.

Mme Harel: Qui est formateur pour le Mouvement Desjardins?

Mme Blais (Ginette): Chacun des paliers peut être formateur pour les caisses. Donc, ça peut être les fédérations, la Confédération ou une filiale, dépendamment du domaine de formation.

Mme Harel: Donc, chacun pourra voir son plan de formation validé par la SQDM et permettre aux caisses de s'acquitter de l'obligation du 1 % en contribuant l'équivalent au plan de formation.

Mme Blais (Ginette): C'est ça, il n'y a pas de problème.

Mme Harel: D'accord. C'est pour ça que, étant donné cette opérationalisation possible, je ne vois pas comment en faisant 3 % vous pouvez craindre de ne pas vous acquitter de l'obligation d'au moins 1 %.

Mme Blais (Ginette): C'est-à-dire que, si nos formateurs sont reconnus, nous n'aurons aucune difficulté, parce que nos orientations sont à l'effet de mettre en évidence la formation donnée par nos spécialistes internes dans les années à venir. Si ça n'est pas reconnu, nous craignons d'avoir une certaine difficulté.

M. Morency (Yves): Parce que, quand on considère le 3 %, c'est en fonction des éléments et des critères internes chez nous que nous considérons les dépenses en formation. On n'a pas fait le parallèle en disant: Si on respectait ce que nous connaissons de la loi – pas les règlements, c'est bien sûr – mais ce que nous connaissons de la loi... On n'a pas fait ce calcul-là. On vous dit que, nous, par rapport à notre masse salariale, ce que nous considérons comme étant des dépenses en formation est de l'ordre de 3 %, ce qui ne veut pas dire qu'il y a adéquation entre les deux, et c'est ce qui nous inquiète.

Mme Harel: Peut-être simplement vous signaler que, comme vous le souhaitez, la définition de la formation va être très large, parce qu'une définition qui tenterait, dans la loi, d'être rédigée le plus exhaustive possible, c'est surprenant, mais c'est la définition qui peut avoir des effets restrictifs, étant donné que tout ce qui n'est pas dit est exclu. Donc, on a l'intention de maintenir une définition large, et soyez bien assurés que, dans cette définition large, il y a toutes les sortes de formation. Ça vaut pour l'autoformation, la formation à distance, la formation assistée, interactive, l'environnement multimédia. Dans le projet de loi – c'est une loi-cadre – il n'y a pas d'intention de définir à la place de l'entreprise comment la formation doit être donnée.

Et je termine parce que j'ai peu de temps, mais, quand vous parlez de formation qualifiante, puisque vous vous y êtes engagés depuis quelques années, quelle est la définition que vous en donnez?

Mme Blais (Ginette): Pour nous, lorsque nous parlons de formation qualifiante, c'est vraiment celle qui conduit à une reconnaissance certifiée par une maison d'enseignement québécoise. C'est ce qu'on appelle une formation qualifiante.

Mme Harel: Ah! D'accord. Alors, vous êtes exigeants envers vous-mêmes, parce que la formation qualifiante telle que définie, si vous voulez, depuis le début de nos travaux, par toutes sortes d'organismes qui ont l'air de connaître ça, c'est celle qui est transférable par... Ça peut se faire par des unités d'éducation continue, sous forme d'acquisition de compétences spécifiques, mais pas nécessairement diplômée. Alors, vous, vous ajoutez en plus «diplômée».

Mme Blais (Ginette): Dans notre vocabulaire à nous, oui.

Mme Harel: Ah! c'est vraiment bien, parce que, à ce moment-là, je ne vois pas quel problème peut survenir, étant donné que vous pouvez satisfaire au paragraphe 1° de l'article 6.

Mme Blais (Ginette): Oui, Mme la ministre, mais, comme je vous le précise, cette partie de formation là, nous y avons investi beaucoup par le passé. Nous nous engageons vers une autre voie qui ne correspond pas à notre propre définition de «formation qualifiante».

Mme Harel: C'est pour ça que vous avez raison de dire qu'il faut beaucoup de souplesse pour que ça corresponde au fur et à mesure et que ça s'ajuste aux besoins de l'entreprise.

M. Morency (Yves): C'est pour ça que nous parlions davantage d'investissement. Donc, un investissement, on le fait pour l'immédiat, et il a une durée de vie assez longue, avec une dépréciation, si je peux m'exprimer ainsi, pour prendre des termes financiers, alors que ce n'est pas nécessairement ça, mais c'est un peu ça, donc, que nous avons déjà fait pour faire en sorte que notre main-d'oeuvre atteigne des hauts standards de qualité.

Le Président (M. Tremblay): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. Madame, monsieur, du Mouvement Desjardins, vous nous avez présenté une analyse intéressante. Vous avez même essayé de dégager certaines pistes de rapprochement entre différentes visions qu'on peut avoir de ce projet de loi. Je pense que c'est une contribution majeure. Votre Mouvement a un siège de plein droit au conseil d'administration de la SQDM, ce qui vous rend plus relax sur la gestion de certaines questions majeures qui ont été référées au C.A. de la SQDM, et c'est pourquoi vous insistez un peu moins pour qu'elles soient réglées par la loi, j'imagine; tout cela se comprend bien.

(12 h 40)

Vous êtes le plus important employeur privé du Québec quant à la taille, d'entrée de jeu. Nous faisons donc ici affaire... nous avons un dialogue avec un intervenant majeur, en termes de taille, dans l'ensemble du Québec, un intervenant privé. Quel est le message de cet intervenant dont les interventions sur la formation de ses propres catégories de personnel sont indiscutables? C'est un élément de fierté pour votre Mouvement et c'est un élément de fierté pour la société québécoise aussi. Qui d'entre nous, d'autre part, n'est pas allé, il y a quelques années, il y a 15 ans, 10 ans, 20 ans, dans un stage à l'institut de formation à Lévis? Votre travail est connu, en matière de formation, autant envers le Québec que face à votre propre personnel.

Vous nous dites ce que tout le monde est venu nous dire, dans un premier temps, ce que nous nous sommes dit les uns aux autres: Nous sommes d'accord avec l'objectif d'investir et d'investir encore davantage en formation. Ceci étant dit, à la page 2, vous avez tout de même un paragraphe qui est très substantiel. Vous dites que vous déplorez que le gouvernement oblige les organisations à adopter rapidement des mesures d'investissement. «L'incitation, plus que l'obligation, a généralement des chances d'être fructueuse en termes de résultats.» Ceci me semble aller dans un sens contraire de ce qu'est l'article 3. Bien sûr, l'article 1, l'article 2, ce sont les dispositions préliminaires du projet de loi. Mais qu'est-ce qui fait ce projet de loi? Ce n'est pas l'engagement à investir davantage dans le Québec en général. Ce qui fait le caractère de ce projet de loi, c'est l'imposition d'une obligation. Et vous nous dites, à cet égard, que vous déplorez la voie de l'obligation et que vous préférez la voie de l'incitation.

Je comprends que de manière diplomatique on ne puisse pas dire qu'on est contre le projet de loi, mais ce paragraphe, il est lourd de conséquences, il a un message profond et ce n'est pas rien qu'un message de la part de quelqu'un qui dit: On n'aime pas ci, on n'aime pas ça. C'est de la part d'une organisation qui est la plus importante au Québec, qui est privée et qui donne un exemple magnifique de savoir-faire en la matière, à hauteur de 3 %. Alors que souvent nous avons entendu des organismes qui viennent nous dire qu'ils préfèrent la voie de l'incitation à l'obligation, quand on leur demande: Mais en faites-vous, de la formation? Combien vous dépensez? ils répondent: Bien, là, nous allons voir, nous allons questionner nos membres, on vous donnera des données plus tard, on vous fournira des données; on en fait plus qu'il s'en dit, mais on ne le sait pas trop. Vous, vous nous dites: Nous faisons 3 % de manière volontaire, organisée, systématique, nous le faisons de manière admirable. Personne ne nous y a obligé et nous pensons que c'est une bonne voie pour tout le monde. C'est une manière de faire pour l'ensemble. Vous dites: L'incitation, plus que l'obligation, donne des chances d'être fructueuse...

Moi, je pense que c'est un message que la ministre devrait entendre. Ça ne vient pas d'une petite organisation régionale, ce n'est pas une entreprise qui s'est singularisée dans un domaine particulier et puis qui est obligée de rivaliser avec le Japon ou l'Allemagne puis qui investit plus que la moyenne en formation qui est devant nous; c'est l'entreprise qui est la plus répandue dans le Québec, qui est présente dans tous les villages et les petites villes dans l'ensemble du Québec qui nous dit ça: L'incitation plus que l'obligation, et exemples à l'appui, vécu à l'appui, expertises à l'appui, connaissance de ce dont on parle. C'est très important, comme message.

Vous, vous allez, par ailleurs, plus loin ensuite à discuter de certains aspects. Vous aimeriez qu'on ait une approche très moderne des dépenses admissibles, vous attirez l'attention sur le rôle d'employés spécialistes. Nous faisions un petit peu aussi cette observation hier en discutant avec le représentant de l'UMQ, qui, lui aussi, attirait notre attention sur les modes modernes, les modes très actuels de formation qui ont cours, et ce n'est pas toujours du personnel de l'extérieur. Également, vous attirez l'attention sur un possible développement technocratique, sur le mode contrôlant du dispositif de la ministre. L'UMQ aussi attirait notre attention là-dessus, hier, quoique ce soient des mises en garde qui s'imposent.

Vous avez attiré notre attention sur l'encombrement que semblerait constituer la voie des comités. Vous parlez même d'un comité paritaire, ce qui n'est tout de même pas dans la loi. La ministre, dans la loi, parle de comité d'entreprise sans nous dire s'il sera paritaire. Il est vrai que la notion de comité paritaire a circulé dans un autre document. Toutefois, vous ne courez aucun risque ici, vous dites d'entrée de jeu que vous avez vous-mêmes simplifié votre recours aux comités et que ce serait considéré, à l'avenir, de ne pas avoir cette obligation. Cela fera un très, très, très bon débat au sein du conseil d'administration de la SQDM, étant donné le point de vue d'autres puissantes organisations qui sont venues ici nous expliquer l'importance de généraliser le recours à des comités dans toutes les entreprises, et non seulement des comités d'entreprise, mais des comités paritaires décisionnels. C'est le point de vue de certains représentants très puissants qui siègent au conseil d'administration.

Alors, nous voyons ici certainement un problème qui se posera à la table de la SQDM, puisque, ici, on semble préférer l'ambiguïté à ce propos. Je ne parle pas de vous; ce n'est pas ambigu du tout, le vôtre. Mais ce qu'on a devant nous, comme discussion, c'est «comité d'entreprise», avec un texte en sous-main qui circule sur «comité paritaire». Alors, quand il y a des représentants syndicaux qui viennent ici, on leur fait voir qu'il y a un texte qui circule avec «comité paritaire», les gens partent remplis d'espoir, et puis, quand on est face à d'autres gens qui ne veulent pas de comité, bien, on fait voir que, au fond, dans la loi, il n'y a pas de proposition aussi ferme que ça, alors les gens partent remplis d'espoir aussi.

Toutes ces ambiguïtés devront se dissiper un jour ou l'autre, et nous aurions préféré, nous préférons toujours, quant à nous, qu'il y ait, plus tôt que plus tard, des clarifications d'importance sur ces questions apportées par la ministre, parce que nous croyons tellement en l'importance de préserver l'institution de la SQDM aussi qui a été instituée sur la proposition de M. Bourbeau, à l'époque, avec l'appui de tous les gens qui sont autour de la table ici. C'est une institution tripartite: secteur communautaire gouvernemental, secteur syndical, secteur employeurs. Et, si des problèmes trop explosifs, trop difficiles sont transférés sans orientation et sans débat large à la table de la SQDM, il pourrait survenir des problèmes importants de fonctionnement à la SQDM. Il y en a qui nous ont dit ça ici.

C'est dans cet esprit-là que nous attirons tellement souvent l'attention de la ministre sur l'importance de clarifier certaines questions de fond ici, à travers le projet de loi, tout en référant un certain nombre d'aspects accessoires à la SQDM, nous en convenons ici. À défaut de ces clarifications, il pourrait y avoir des problèmes qui ne trouveront pas de solution et qui secoueront une structure encore jeune, encore fragile et qui méritent vraiment un plein essai avant d'essayer de trouver une autre formule; je parle de la SQDM. Donc, vous avez des questions substantielles dans votre mémoire, et nous avons tous hâte de voir ce que la ministre retient de tout cela ou retiendra de tout cela dans une étape suivante du débat parlementaire.

J'aimerais poser une question en particulier. À partir de la page 15, il y a quelque chose qui m'a intéressé. Vous avez fait référence à votre expérience de comptabilisation tout en mettant le gouvernement en garde d'avoir une approche purement comptable et tout en ayant insisté sur la crainte, la saine crainte, la saine terreur, devrais-je dire, qu'inspire à tout honnête citoyen le ministère du Revenu. Vous avez insisté là-dessus et vous avez fait part des difficultés que pourraient rencontrer, au plan bureaucratique, les entreprises soumises à l'examen de Revenu Québec.

(12 h 50)

Vous dites que vous avez une expérience, vous, dans le domaine du calcul des investissements dans la formation. C'est intéressant, et, puisque vous arrivez à 3 %, vous savez de quoi vous parlez. Il y a des gens qui disent: Nous faisons entre 1 % et 4 %. Entre 1 % et 4 %, ça veut dire que la méthode ou l'objet est flou. Vous, vous dites 3 %, c'est parce que vous savez de quoi vous parlez. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire les grandes catégories de dépenses que vous comptabilisez quand vous arrivez à 3 % ou de nous décrire votre dispositif de comptabilisation dans les grandes lignes? Pas de façon technique, mais du moins pour qu'on connaisse le gabarit qui vous guide.

Le Président (M. Tremblay): Juste un instant, M. Morency. Je veux juste ajouter à celle de mon collègue une très brève question. Lorsque vous dites, à la page 1 de votre mémoire, à l'introduction, que, pour le Mouvement Desjardins, la formation de la main-d'oeuvre constitue un élément stratégique du développement économique du Québec, et vous ajoutez, à la fin du deuxième paragraphe, que «nous sommes également très préoccupés par la problématique plus globale de la formation de la main-d'oeuvre québécoise, car nous croyons fermement que la formation est devenue un instrument incontournable pour faire face à des marchés extrêmement concurrentiels», expliquez-moi: Si c'est si important que ça, la formation professionnelle, pourquoi le Mouvement Desjardins prête à des entreprises qui n'investissent pas 1 % de leur masse salariale en formation professionnelle?

M. Morency (Yves): Écoutez, ce que nous faisons, je dirais, dans l'ordre de 90 % de nos prêts à ce qu'on appelle les PME – ce sont plutôt à des TTE qu'à des PME – et, souvent, c'est la comptabilisation de toutes ces dépenses de formation qu'elles peuvent faire... Souvent, ces entreprises-là – c'est une ou deux personnes – c'est souvent celui qui investit le capital plus quelques personnes pour l'aider. Donc, pour nous, c'est souvent des investissements de démarrage. Donc, on se verrait mal jouer notre rôle en refusant d'accorder à ces gens-là un prêt pour leur permettre de partir une entreprise, d'investir, de continuer.

Là-dessus, je voudrais quand même rappeler que, pour la plupart, ou plusieurs jeunes entreprises québécoises, se colleter à la concurrence internationale, c'est tout à fait nouveau. Et c'est peut-être ça, quand on disait: Nous, on a atteint des niveaux importants, mais ce n'est pas depuis une ou deux années que nous avons à nous battre contre la concurrence internationale. Donc, nous la vivons constamment, régulièrement de par nos concurrents directs, mais de par nos concurrents internationaux aussi. Donc, à force d'être mis en contact avec ces contraintes-là, nous nous rendons compte que c'est important de développer la main-d'oeuvre.

La même chose pour les petites entreprises. De plus en plus, celles-ci, à cause des accords de libre-échange auxquels, fort heureusement, le Québec adhère et aussi l'ensemble canadien, ça fait en sorte que ces entreprises-là doivent de plus en plus s'adapter, adopter des nouvelles technologies. Vous-même, quand vous étiez ministre, on se rendait compte, à l'époque, que peu d'entreprises investissaient dans les nouvelles technologies, et, à force d'un discours, à force de se colleter à la concurrence internationale, on en est venu à dire: Il faut investir dans les nouvelles technologies, le développement de nouvelles façons de produire, de sorte que, actuellement, on se rend compte que de plus en plus d'entreprises investissent dans la technologie. Donc, ce n'est pas parce que, au départ, on disait qu'il faut essentiellement investir en technologie, puis, si l'entreprise n'investit pas, Desjardins ne prête pas. C'est un peu dans le même ordre, ici.

Le Président (M. Tremblay): Mais, de façon plus précise, M. Morency – parce que je comprends que vous investissez à 80 % dans des très petites entreprises – si des partenaires économiques financiers au Québec étaient d'accord pour ne pas prêter à une entreprise dont la masse salariale est de plus de 250 000 $ s'il n'y a pas une note aux états financiers indiquant que cette entreprise a investi 1 % en formation professionnelle au cours de l'année précédente, est-ce que vous seriez d'accord avec cette mesure-là, qui éliminerait beaucoup de contraintes que vous mentionnez dans votre mémoire au niveau de la bureaucratie – et ça vous donnerait toute la souplesse nécessaire? Et je vais personnellement plus loin lorsque je dis qu'on doit faire la même chose pour la recherche et le développement et possiblement pour la qualité totale. Mais, si les partenaires financiers étaient d'accord, est-ce que, vous – parce que je comprends que vous avez des concurrents – vous demanderiez à votre emprunteur une note aux états financiers qui confirmerait qu'elle a bien investi dans l'avenir de son entreprise, c'est-à-dire dans ses ressources humaines?

M. Morency (Yves): Ça pourrait faire partie des éléments d'évaluation en termes de prospective de croissance des entreprises qui considèrent autant leur investissement dans leur capital, je dirais, matériel que dans leur capital humain.

Le Président (M. Tremblay): Pourquoi vous dites «ça pourrait»? Je me fie juste à votre introduction, vous dites: C'est la condition sine qua non de la réussite des entreprises. Pourquoi, dans votre évaluation qualitative du dossier, ce n'est pas une condition essentielle d'un engagement de prêter à une entreprise?

M. Morency (Yves): Bien, écoutez, dans les évaluations de dossier de crédit, c'est un ensemble. On ne commence pas à compartimenter chacun des éléments. Est-ce que ça ne serait pas alourdir la comptabilité des entreprises: tant sur la protection de l'environnement, tant sur la formation, tant sur la recherche? Alors, il faudrait peut-être se poser des questions. Nous, quand on regarde un dossier, on le regarde de façon globale, et des éléments qui nous sont fournis par les entreprises peuvent nous aider à prendre une décision qui fait en sorte que l'entreprise va contribuer au développement économique du Québec et à la croissance de l'emploi.

Le Président (M. Tremblay): ...débat que nous avons, c'est: Est-ce qu'il s'en fait assez, de formation professionnelle? Et la ministre nous dit... elle fait souvent la remarque qu'à toutes les fois que les personnes viennent, comme vous... Vous dites: On en fait. Vous, dans votre cas, c'est exceptionnel, c'est plus de 3 %. Donc, si c'était vrai, ce que tous les intervenants viennent nous dire ici, c'est qu'on n'en a pas, de problème de formation professionnelle. La seule façon de s'assurer que c'est vrai, cette affirmation, c'est que le vérificateur, donc 14 000 vérificateurs au Québec... toutes les entreprises soumises à la loi, il y aurait une note aux états financiers. Ce n'est pas de la bureaucratie additionnelle. Tout ce qu'ils ont à faire, c'est de dire à leur vérificateur: Veux-tu mettre un poste additionnel pour dire que ma formation, c'est investi dans tel secteur? Puis c'est tout.

M. Morency (Yves): Aussi, dans la mesure où l'attestation du 1 % serait reconnue par le ministère du Revenu, ça pourrait être dans les mesures de simplification auxquelles vous faites référence... Et je pense à d'autres organismes aussi qui se sont présentés ici devant vous, on y fait référence. Donc, c'est peut-être un élément de souplesse, ne pas se référer à une tierce partie pour le faire dans l'évaluation du dossier financier. Quand je disais «ça pourrait», bien, c'est ça que je veux dire, dans le sens que, si c'est déjà là, c'est reconnu et, à ce moment-là, ça va de soi et ça simplifie l'ensemble.

M. Charbonneau (Bourassa): Est-ce que vous pourriez, maintenant que mon collègue président a obtenu réponse à sa question, revenir à ma question?

Mme Blais (Ginette): Bon, bien, concernant votre question sur notre façon de calculer la formation, nous avons déjà, dans nos états financiers, les dépenses directes de formation. Alors, pour nous, c'est d'évaluer beaucoup le coût du temps de formation. Donc, nous allons chercher cette information-là auprès de nos organismes régionaux, nous y ajoutons effectivement les dépenses reliées à nos frais de transport, de déplacement et de séjour – parce que ça demeure une réalité importante lorsqu'on est partout au Québec – et nous incluons également nos dépenses de développement de la formation, de diffusion et, ce qui est aussi assez important, de gestion de la formation, parce que c'est aussi un domaine de gestion de plus en plus important; il y a des millions en jeu. Donc, je vous donne ainsi les grandes lignes.

M. Charbonneau (Bourassa): Sur le premier élément, le coût du temps de formation, c'est du point de vue des formés et des formateurs?

Mme Blais (Ginette): Pour nous, les formateurs, ça fait partie du coût de diffusion de la formation lorsque ce sont nos employés qui diffusent la formation. Le temps des formés, c'est leur temps d'assistance à des séances de formation, lorsqu'il s'agit de formation traditionnelle en salle, par exemple.

M. Charbonneau (Bourassa): Et le coût du remplacement?

Mme Blais (Ginette): S'il y a lieu. Ce n'est pas toujours le cas. S'il y a lieu.

M. Charbonneau (Bourassa): S'il y a lieu.

Mme Blais (Ginette): Écoutez, je pourrais, si ça peut aider les travaux de la commission, déposer...

M. Charbonneau (Bourassa): Ah oui! Ce serait très apprécié.

Mme Blais (Ginette): ...un exemplaire de notre mode de calcul, mais c'est vraiment en termes de collecte d'information qu'il faut le regarder.


Document déposé

Le Président (M. Tremblay): Alors, nous acceptons le dépôt du document.

M. Charbonneau (Bourassa): C'est pour nous aider, pour fournir un instrument de référence.

M. Morency (Yves): Mais, encore là, quand on parle de souplesse qui s'applique chez nous, ça ne veut pas dire nécessairement que ça s'applique à l'ensemble des organismes ou entreprises, parce que, là aussi, ça pourrait devenir peut-être très contraignant. Dans ce sens-là, nous, c'est l'approche.

Tantôt, quand on mentionnait dans notre mémoire l'obligation, peut-être, de transmettre à la SQDM les types de formation que les entreprises consentent ou donnent, pourrait être donnée à la SQDM l'évolution de l'importance de la formation que les entreprises font à l'intérieur de leurs organisations respectives.

Le Président (M. Tremblay): Très bien. Alors, M. le député de Matane.

M. Rioux: Est-ce que j'ai suffisamment de temps?

Le Président (M. Tremblay): Oui. On convient que...

M. Rioux: Parce que je dois conclure à la place de la ministre. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Tremblay): Non. On convient, avec le consentement de l'opposition, que vous pouvez poser une question, et vous allez par la suite conclure après le député de Bourassa pour la ministre, qui doit absolument, pour des raisons de logistique, nous quitter à 13 heures.

(13 heures)

M. Rioux: Très bien. Merci, M. le Président. M. Morency disait, dans son exposé, que 50 % des caisses ont une masse salariale au-dessus de 250 000 $. On sait aussi que le personnel de Desjardins est syndiqué. Est-ce que vous avez des clauses de perfectionnement prévues à la convention collective? Est-ce que Desjardins injecte de l'argent, par le biais de la convention collective, à la formation de la main-d'oeuvre?

Mme Blais (Ginette): Je vais répondre à cette question-là. D'abord, pour vous dire que le taux de syndicalisation, dans les caisses, est de l'ordre de 25 % à 30 %; il varie. Donc, la majorité de nos caisses ne sont pas syndiquées.

M. Rioux: Mais celles qui le sont.

Mme Blais (Ginette): Celles qui le sont ont des conventions collectives qui peuvent être différentes d'une caisse à l'autre, d'une région à l'autre. Donc, il n'y a pas de clauses normatives comme telles, prédéfinies, au niveau de nos conventions collectives, au niveau de la formation et du perfectionnement, hormis une approche de principe, qu'on reconnaît effectivement les besoins de formation et de perfectionnement de nos employés. Les employés, également, reconnaissent cette obligation de mettre à jour leurs connaissances.

M. Rioux: Je pense que c'est la première fois, M. le Président, que la formation maison est déclarée qualifiante et diplômée. Je pense que c'est la première fois, depuis qu'on entend des mémoires, ici, devant la commission, que c'est formulé un peu de la sorte, et je m'en réjouis.

Maintenant, j'aimerais vous demander – et j'aimerais qu'on soit clair entre nous: Vous avez failli demander l'exclusion, finalement?

M. Morency (Yves): Précisez votre pensée, là.

M. Rioux: Parce que vous dites: On aimerait que ce soit, tout ça, géré avec la plus grande souplesse; on aimerait avoir le moins de contraintes possible; on aimerait bien aussi que les comités paritaires qui vont étudier les plans de formation, on n'ait pas ça dans les jambes. Je sais que vous siégez à la SQDM, mais je vais être obligé de constater que ça paraît beaucoup que vous siégez, aussi, au Conseil du patronat. Est-ce que c'est cette philosophie-là qui vous anime? Il y a des relents de ça dans votre discours.

M. Morency (Yves): Écoutez, ce que nous voulons dire quand... si vous prenez le terme «exclusion», c'est que les énergies demandées, si je parle en termes de comités... On parle de 800 comités; imaginons les énergies demandées pour constituer 800 comités: des gens qui se rencontrent, appeler les ordres du jour, rapports, retours... Écoutez, on aime mieux prendre cet argent-là, ce temps-là, cette énergie-là, et les consacrer pour développer nos ressources humaines.

Et, si on nous impose... Parce qu'on vous dit d'emblée que, nous, on respecte les conditions minimales de la loi, en grande partie, si on veut bien accepter, quand même, quelques amendements, tel que nous les proposons. Pourquoi ajouter à la lourdeur? On n'est plus dans ce contexte-là. C'est difficile, aujourd'hui; il faut s'adapter. Je vous disais, tout à l'heure, que, nous... et aussi, de plus en plus, les entreprises québécoises devront s'adapter, s'acclimater, faire preuve de souplesse constante face à la concurrence. Elle n'est pas uniquement présente à l'occasion, elle est constamment là; et même dans les régions pour lesquelles, M. le député, vous êtes un digne représentant.

Avant, alors que les caisses étaient assez seules dans leur décor, maintenant la concurrence vient de courtiers, elle vient de réseaux d'information que les gens reçoivent; donc, c'est instantané, c'est... Alors, à ce moment-là, quand même, il faut consacrer le plus d'énergie possible à ne pas remplir des montagnes de papier. Et nous nous sommes réjouis à la nouvelle que votre ministre des Finances disait: Simplifions la procédure administrative. Il a fait l'exemple de montagnes de papier. Bien, je pense que, ça, c'est un élément positif. Il ne faudrait pas, à côté de ça, quand même, aussitôt qu'on crée un projet de loi, en recréer, des montagnes de papier.

M. Rioux: Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez en quoi les employés, chez vous, sont impliqués dans l'élaboration des plans de formation.

Mme Blais (Ginette): Je vais parler pour ce qui est de la formation provinciale, parce qu'il peut y avoir d'autres réalités, locales et régionales, que celle que je vais vous mentionner.

Habituellement, les besoins de formation dans Desjardins sont colligés à partir de nos réseaux de fédérations, directement auprès des caisses locales, et nous allons consulter des employés pour essayer de vérifier les écarts entre les besoins stratégiques de notre organisation et les réalités courantes. Donc, c'est habituellement notre façon de consulter les employés. Mais nous le faisons dans des dimensions qui correspondent un peu à notre réalité organisationnelle et à nos urgences, comme le mentionnait M. Morency.

M. Rioux: J'aimerais aussi, M. Morency, vous faire remarquer que c'est sûr que vous n'êtes pas la seule entreprise réseau au Québec; il y en a d'autres entreprises qui ont un réseau dans l'ensemble du territoire et qui font de la formation professionnelle. Peut-être pas autant que vous. Et c'est admirable, le 3 %, 27 000 000 $; ça m'impressionne et je suis très heureux. Mais je trouve que vous perdez une belle chance, même si vous êtes rendus très loin et que vous ne voulez pas vous enfarger dans les fleurs du tapis, de donner un lift, au plan social, à d'autres petites entreprises qui pourraient, avec l'appui de Desjardins au 1 %, qui est un plancher minimal... vous auriez une force d'entraînement extraordinaire. Et, ça, ça rentrerait assez bien, je pense, dans votre mission sociale. Quand on est gros, fort et beau, souvent on regarde les autres, puis on leur dit: Je vais vous donner la main puis on va essayer de faire un bout ensemble. Vous avez la force et la noblesse d'un gros, mais il ne faut pas aussi, en contrepartie, avoir l'égoïsme des gros.

M. Morency (Yves): Deux petites choses, en partant. Vous mentionnez qu'il y a d'autres réseaux, mais je vous dirai qu'on est un des rares réseaux constitués de coopératives d'épargne et de crédit qui sont indépendantes les unes des autres. Ce sont des entités autonomes qui ont leur propre conseil d'administration: c'est 1 320 PME.

À votre autre question, j'aimerais quand même vous souligner à nouveau que nous insistons, dans notre rapport, j'ai insisté, dans l'allocution de départ, que nous souscrivons d'emblée aux préoccupations et aux objectifs du projet de loi. On n'a même pas parlé du 1 %, là. Je pense quand même que vous devrez reconnaître avec moi qu'on n'a pas mis ça en cause du tout. Ce qu'on vous demande et ce qu'on vous dit, c'est: Pour nous, parce que nous les rencontrons – mais, ça, quand même, c'est un autre ordre d'idées – à cause de notre rôle important et de l'importance qu'on pense que ça a aussi pour les entreprises, mettez le moins possible d'enfarges. Faites en sorte que les entreprises du Québec soient le plus encouragées, incitées à faire de la formation, mais sous différentes formes. Ne négligeons aucune forme. Pour certaines entreprises, quand même, ça peut être une idée, une façon, une approche qui lui est très favorable, alors que, pour d'autres, c'est d'autres formes. C'est ça qu'on veut vous dire.

Ce n'est pas de ne pas en faire, ce n'est pas de ne pas vous intéresser, puis qu'on ne s'intéresse pas à cette question; au contraire, on s'y intéresse. Et, dans nos milieux, dans nos caisses, dans les entreprises que nous finançons, nous les encourageons, nous les incitons, nous travaillons avec elles pour, justement, qu'elles prennent conscience que, la formation, c'est un plus, autant que l'engagement et les investissements dans la nouvelle technologie sont importants.

M. Rioux: Mais, étant donné que votre foi ne vous conduit pas jusqu'à imposer presque l'obligation de formation, comme institution prêteuse, aux entreprises qui font de la business avec vous autres, ce serait un mérite extraordinaire. En tout cas, votre réponse au député d'Outremont, c'est éloquent: ça ne va pas jusque-là.

Mais, par ailleurs, vous savez, vous avez assez d'antennes dans le milieu pour savoir que la formation – moi, depuis que je joue là-dedans, ça fait sept, huit ans – c'est comme la vertu: tout le monde est pour, mais, la pratiquer, ça a l'air difficile. Et j'estime que vous auriez pu nous donner un coup de main, là-dedans. Mais, non. Vous dites: Laissez-les libres; soyez juste incitatifs, ne soyez pas coercitifs. Moi, je suis un petit peu tanné de ça. Ça fait des années qu'on parle de ça, mais, à un moment donné, il faut mettre le pied à terre. Est-ce qu'on en fait ou si on n'en fait pas? Est-ce que c'est seulement un discours, ou bien donc si c'est de la foi? Et vous avez bien dit, tout à l'heure, puis, là, on vous le répète, puis le député d'Outremont vous l'a souligné, vous faites de la formation la condition sine qua non pour réussir en affaires. Ça va loin, le discours.

M. Morency (Yves): Écoutez, je vous dirais même que, avec le plan du ministre Paillé, nous avons insisté pour que d'autres groupes viennent supporter les gens d'affaires à monter leur plan d'affaires, à travailler quand même pour faire en sorte que, dans leur groupe, on leur donne une formation. Alors, ça prend différentes mesures.

(13 h 10)

Et je reviens, quand même, sur l'élément qu'on vous mentionnait. Il y a peut-être 10 ans, ce n'était pas important au Québec, pour les entreprises, d'investir dans... ou elles ne percevaient pas comme important d'investir dans les nouvelles technologies, les nouvelles approches. Et, de plus en plus, compte tenu que ces entreprises-là se battent sur les marchés internationaux, elles se sont rendu compte, quand même, qu'il était impérieux pour elles de le faire. Et, moi, je vous dis que c'est la même chose au niveau de la formation. Il ne faut pas que ça devienne des critères tellement pointus qu'on va trouver toutes sortes de façons – je veux dire, petites entreprises, entre autres – pour essayer de dévier à cette notion-là, alors qu'il faut amener les entreprises à dire: Oui, c'est important; on y croit, à ça.

Quand même, je pense que M. Béland y croit, là. Dans ses discours, au Forum pour l'emploi, dans toutes les tribunes qui lui sont données, il insiste beaucoup sur cet élément-là.

Le Président (M. Tremblay): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, même si cet intéressant échange entre le député de Matane et les représentants du Mouvement Desjardins nous a entraînés vers un débordement à l'horaire prévu, il n'en reste pas moins que c'est un échange très, très intéressant et des plus révélateurs.

Malgré plusieurs appels du pied, du genou et du coude, le représentant du Mouvement Desjardins n'a pas cédé, n'a pas chancelé, au point où le député de Matane, dans sa dernière intervention, a dit qu'il était tanné d'entendre Desjardins ne pas prôner l'obligation et plutôt s'en tenir à l'incitation. Je pense que, vraiment, le député de Matane a très bien lu, tout comme nous, le sens profond du mémoire du Mouvement Desjardins, qui n'a pas l'habitude de prendre ses commandes au Conseil du patronat du Québec; qui est bien capable, sur la base de sa propre expérience, et non pas rien que de son discours, mais de son propre vécu, de nous expliquer comment on peut faire sur la base du volontariat. Je ne pense pas que M. Béland ait l'habitude de prendre ses commandes de M. Dufour pour s'exprimer, surtout sur des questions où il y a tellement de vécu à l'appui.

Alors, ç'a été un très, très bon échange, et je voudrais remercier les représentants du Mouvement Desjardins de nous avoir expliqué leur expérience, d'avoir appuyé, enraciné leur discours sur leur vécu à eux et de nous avoir sensibilisés aussi à la vraie vie, expression qui réfère à votre expérience concrète: comment ça se passe, la formation, les formateurs, les formés; comment on peut organiser ça; comment on peut arriver à la hauteur de 3 % tout en restant très sérieux.

Parce que, ça aussi, c'est un autre guet-apens qui nous entoure, là. Arriver ici en disant: J'en fais 3 %, 4 %, 5 %. Mais vous faites quoi? Ah! de la formation sur le tas, des colloques à gauche, à droite. Ce n'est pas ça que vous nous dites, vous. Vous nous dites que vous faites 3 %, et c'est de la formation qualifiante, reconnue. C'est formidable! Donc, à la hauteur de 3 %, tout en restant très sérieux, je ne pense pas que c'est un message dicté ou télécommandé par aucune autre organisation. C'est votre vécu, puis n'importe qui peut le constater, à part de ça, en regardant ce que vous faites. Alors, c'est formidable! Et puis vous dites: À bas la bureaucratie! Vive la formation! Et le volontariat en formation, c'est la réussite qui nous attend au bout d'un chemin comme celui-là. Merci.

Le Président (M. Tremblay): M. le député de Matane.

M. Rioux: J'aimerais dire à mon bon ami, le député de Bourassa, que, dans nos vies antérieures, on aimait la solidarité syndicale. J'ai pensé naïvement que la solidarité patronale pouvait exister.

Je voudrais apporter une petite nuance à ce que le député de Bourassa, M. le Président, vient de dire, parce que je pense que sa formation de jésuite est en train de l'amener à déformer ma propre pensée.

Je pense bien que Desjardins ne suit pas le Conseil du patronat quand il investit 3 % dans la formation. Je ne pense pas. Je n'ai jamais laissé croire ça dans mon discours. C'est sur la non-ingérence que j'en suis. Il suit le Conseil du patronat, à ce moment-là, dans le fait de dire: Bien, libérez-nous des contraintes et débarrassez-nous de tout ce qui est enfarges, évitons la bureaucratisation, etc. Je vais aller plus loin que ça, M. le député de Bourassa. Le projet de loi 90, à mon avis, ne s'adresse pas à Desjardins. Alors, on ne peut pas faire un très grand débat autour de ça.

Mais ce que j'ai voulu dire à Desjardins, c'est: Votre force extraordinaire, que j'admire, d'ailleurs... Desjardins, c'est un géant, c'est un bouclier; je pense que le ministre... l'ancien ministre de l'Industrie et du Commerce appelait ça comme ça: Les gros boucliers qu'on a au Québec – la Caisse de dépôt, Desjardins, bon, etc. Ç'a toujours suscité chez moi, quand même, beaucoup d'admiration. Et je suis un client de Desjardins, à tous égards; donc, tout ce que j'ai, le peu d'argent que j'ai, c'est chez Desjardins. Comme disait Maurice Bellemare: Ils voulaient mon bien, puis ils l'ont eu!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Tremblay): Alors, M. le député de Matane, la ministre a dû nous quitter parce qu'elle avait un rendez-vous très important. Alors, elle vous a demandé de remercier Mme Blais et M. Morency, là, les représentants.

M. Rioux: Je voudrais 30 secondes pour dire aux gens, aux représentants de Desjardins, qu'on était très heureux de les accueillir ici. Ce que véhicule comme pensée le Mouvement Desjardins, ce que fait comme pratique, en matière de formation, Desjardins, c'est digne de mention et digne aussi d'admiration. Même si j'ai voulu vous confier un rôle de leadership que vous ne voulez pas assumer, je ne vous en veux pas; c'est votre libre choix, ç'a l'air que vous êtes beaucoup campés là-dedans. J'aimerais cependant dire aux représentants de Desjardins que, si 15 % des employeurs québécois faisaient la moitié de ce que fait Desjardins, je ne suis pas sûr qu'on serait ici à discuter d'un projet de loi. Merci, M. le Président, et merci aux gens de Desjardins.

Le Président (M. Tremblay): Merci, Mme Blais. Merci, M. Morency. Et les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 16)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Tremblay): Nous sommes maintenant prêts à procéder à l'audition du mémoire de l'Association des professionnels en ressources humaines du Québec. Je crois que la ministre de l'Emploi aurait possiblement une intervention à faire avant qu'on puisse vous céder la parole.

Mme Harel: Oui, M. le Président. J'aimerais donner suite à la proposition qui avait été faite d'organiser une rencontre avec les juristes sur le projet de loi 90. Alors, la rencontre pourrait avoir lieu lundi matin, 10 heures, dans une salle de sous-commission – je ne sais laquelle, là.

M. Gautrin: RC.161 ou RC.171?

Mme Harel: Je vous le confirmerai, parce qu'on m'a dit que c'était réservé, mais je ne sais pas, en fait, de quelle salle il s'agit. Alors, donc, les juristes sont ici – je comprends que l'information leur est transmise en même temps que les membres de la commission – et ils seront là de même que la ministre pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Tremblay): Est-ce que le député de Bourassa est en accord avec cette proposition?

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, et j'apprécie beaucoup la réponse de la ministre. J'ai vérifié avec mes collègues et il y a disponibilité. Nous serons là à 10 heures, à l'endroit que vous trouverez.

Le Président (M. Tremblay): Très bien. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que cette rencontre a pour but d'éclairer le sens de certains points dans le projet de loi ou est-ce que c'est aussi une rencontre de travail? On pourrait nous informer sur certains des amendements que vous pouvez amener au projet de loi?

Mme Harel: C'est-à-dire que les amendements ne seront sans doute pas finalisés, là, mais on pourrait au moins parler des intentions d'amendements et, semble-t-il, des problèmes que ça peut présenter de rendre réalisable ce qui est souhaitable.

M. Gautrin: On a déjà connu ça.

Mme Harel: C'est bien ça. Alors, ça sera au RC.161. Donc, au rez-de-chaussée, 161, à 10 heures.

Une voix: En face de Papineau.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, il est aussi entendu qu'il se pourrait que nous ayons besoin d'une autre période par la suite, parce qu'une heure c'est très bref. Nous commençons à 11 heures en audience publique et il faudrait prévoir, probablement, un complément, déjà avoir ça en tête, là.

Le Président (M. Tremblay): En fait, si je comprends bien les intentions des partis, c'est que les membres de la commission seraient invités à une rencontre informelle...

Une voix: C'est ça.

Le Président (M. Tremblay): ...une rencontre d'information où les membres de la commission recevraient de l'information, des juristes qui vont accompagner la ministre, sur le projet de loi. Les membres de la commission pourront faire, à ce moment-là, des suggestions aux juristes pour savoir si c'est réaliste ou non réaliste et s'il y a une possibilité de faire quelque chose. Mais c'est bien convenu, là, que c'est une rencontre informelle et une rencontre d'information.

M. Charbonneau (Bourassa): Ni publique ni enregistrée.

Le Président (M. Tremblay): Alors, c'est une rencontre qui ne sera pas publique et qui n'est pas enregistrée. Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce qu'implicitement je comprends que le secrétaire va communiquer avec les membres de la commission qui ne sont pas ici présents pour les avertir de la date et de l'heure de la réunion? Parce que nous sommes vendredi et, la réunion ayant lieu lundi, un certain nombre de nos collègues ont dû déjà quitter.

Le Président (M. Tremblay): Oui. Étant donné que c'est une rencontre informelle et une rencontre d'information, je préfère laisser à la députation ministérielle la responsabilité de demander aux membres de la députation ministérielle d'être présents et je suis convaincu que le député de Bourassa va faire la même chose pour la députation de l'opposition.

Alors, je voudrais tout d'abord... Je pense que c'est Mme Perryman, qui est la présidente de l'Association des professionnels en ressources humaines du Québec, qui est accompagnée de M. Pierre-Marcel Côté, directeur des ressources humaines de Consumers Glass, c'est bien ça? Alors, sur ça, Mme Perryman, je voudrais vous dire que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, répondre aux questions de la ministre, des membres de la députation ministérielle et, également, de l'opposition. Alors, Mme Perryman, c'est à vous la parole.


Association des professionnels en ressources humaines du Québec (APRHQ)

Mme Perryman (Michèle): Merci, M. Tremblay. D'abord, l'Association des professionnels en ressources humaines du Québec regroupe 2 500 membres provenant des différentes régions du Québec, se retrouvant dans tous les secteurs d'activité et oeuvrant à tous les niveaux de la gestion des ressources humaines, du conseiller en ressources humaines au vice-président ressources humaines. Une proportion importante de nos membres oeuvre en formation, que ce soit à titre de généraliste en ressources humaines ou de spécialiste en formation, au sein d'entreprises ou comme conseillers externes. On trouve important de vous expliquer, dans le fond, la composition de notre «membership» parce que plusieurs de nos 2 500 membres travaillent en ressources humaines et que la mission de notre association est beaucoup de s'occuper du développement professionnel de nos membres.

En 1992, l'Association, à l'occasion de son congrès portant sur «La formation dans l'axe de la compétitivité», émettait un comité qui est resté lettre morte – et ça va être le cas aussi aujourd'hui, probablement, il n'y a pas beaucoup de journalistes – étant donné le peu d'intérêt des médias pour ces questions à l'époque. La déclaration de l'Association était alors la suivante: La formation professionnelle de la main-d'oeuvre constitue un levier important et stratégique pour accroître la productivité et la compétitivité des entreprises. Sauf dans certaines organisations, les efforts consentis par les entreprises en matière de formation professionnelle sont ponctuels et insuffisants. Il s'est écoulé trois ans depuis; il y a une amélioration dans les entreprises, mais il y a encore du travail à faire, c'est certain.

Plusieurs organismes sont impliqués dans la formation professionnelle. Cependant, on déplore un manque de concertation, de flexibilité, de vision globale de même que d'objectifs précis. Les moyens pour évaluer les interventions sont insuffisants. On va revenir là-dessus tantôt. De façon générale, l'état de la formation de base de la main-d'oeuvre est insuffisant pour permettre une contribution pleine et entière des employés. On entend par formation générale de base de la main-d'oeuvre le français, l'anglais, les mathématiques, la bureautique, etc. L'économie de base, nous, on entre les données sur l'économie de base dans cette formation de base de la main-d'oeuvre pour les rendre plus conscients, en fait, pour leur donner de l'information sur ce qui se passe dans les entreprises en général et sur la compétitivité.

La formation du personnel concerne impérativement toutes les catégories d'employés: cadres, professionnels, techniciens, soutien administratif, employés de production. La formation professionnelle est trop souvent considérée comme une dépense plutôt que comme un investissement. Dans le projet de loi, on parle encore de dépenses. La formation économique est quasi inexistante, ce qui ne favorise pas l'intérêt des employés aux finalités de l'entreprise. Nous, on trouve ça important de donner de la formation économique aux employés des entreprises pour les rendre capables, je dirais, de s'adapter aux changements.

Pour accroître la productivité, la rentabilité et la compétence des organisations, la formation professionnelle des employés doit constituer un investissement prioritaire pour les entreprises du Québec. Toutes les entreprises du Québec, privées et publiques, quelle que soit leur taille, devraient consacrer, le plus tôt possible, un budget exprimé en pourcentage de leur masse de temps travaillé pour des activités structurées de formation en entreprise centrées sur des résultats spécifiques préalablement identifiés. À l'époque, on n'avait pas avancé de pourcentage précis, mais on parlait de l'exprimer en pourcentage de la masse salariale.

Le processus de formation doit s'initier et se développer au sein de l'entreprise et faire l'objet de priorités identifiées par la haute direction des entreprises concernées. On pense que la haute direction des entreprises doit être en accord avec la formation que l'on donne et confortable avec la formation que l'on donne. Le lieu d'un véritable partenariat en matière de formation professionnelle se situe d'abord au sein même de l'entreprise pour développer une culture d'entreprise qui est plus à même de rendre les employés productifs et mobilisés. La mise en oeuvre de mécanismes et de mesures gouvernementales incitatives favorisant l'implantation de programmes répondant aux besoins de productivité et de développement des entreprises constitue une priorité. On parlait de mesures incitatives. Les institutions publiques de formation devraient impérativement se concerter en regard des services de formation professionnelle pour répondre aux besoins des entreprises du Québec.

(15 h 20)

Par la suite, nous avons été invités par le Conseil du patronat, dans le cadre du Rendez-vous économique 1993 du secteur privé organisé par le CPQ, à présenter une résolution concernant le formation. Cette résolution est la suivante. Je pense que vous en avez pris connaissance dans le mémoire du CPQ. Je vais vous faire grâce de la lecture, mais j'attire votre attention sur le fait qu'on incitait à investir 1 % de la masse salariale dans la formation professionnelle. Quant aux suites, effectivement, données à cette résolution, le CPQ en a déjà fait état dans son mémoire. Des suites timides: 15 histoires à succès qui ont été publicisées par le Conseil de la science et de la technologie.

L'Association et la formation. Comme je vous l'ai dit précédemment, nous mettons en pratique ce que nous prêchons, puisque nous offrons au-delà de 45 sessions de perfectionnement en ressources humaines à nos membres, par année, et nous offrons, entre autres, des cours sur l'évaluation des besoins de formation, sur la conception de cours, sur le perfectionnement des habilités de formateur et sur l'évaluation des résultats. Alors, on peut dire qu'on est une association, dans le fond, qui croit fermement à la formation. Mais, de tout temps, on a constaté, en matière de ressources humaines, que la formule gagnante était de concilier les intérêts des personnes avec ceux de l'entreprise. Le projet de loi actuel tente de concilier aussi ceux d'une société et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Cependant, la question réside dans les moyens à prendre pour atteindre cet objectif. Le gouvernement aurait pu choisir, d'une part, les déductions fiscales et les subventions ou, d'autre part, l'imposition d'une nouvelle taxe. Le projet de loi cherche à créer de l'emploi, alors que l'on sait qu'au plan strictement macroéconomique une taxe sur la masse salariale a pour effet de réduire l'emploi. Il y a confusion, selon nous, entre l'objectif et le moyen adopté.

Le projet ne répond pas aux difficultés de la formation identifiées au Québec. Un des problèmes importants se situe au niveau des systèmes d'apprentissage développés. Il faut requestionner la structure de la formation au Québec. Le système d'éducation actuel incite les étudiants à se rendre jusqu'à l'université, alors qu'il faudrait diversifier la formation au secondaire et au collégial afin de développer davantage le secteur professionnel. Il faudrait également, à ce chapitre, favoriser un maillage entre le système d'éducation et l'entreprise, et ce, afin de mieux rencontrer les objectifs à la fois des entreprises et des étudiants. Nous aurions ainsi une main-d'oeuvre mieux adaptée au marché du travail et, en même temps, nous contribuerions ainsi à la création d'une culture de formation au sein des entreprises. Cet objectif pourrait être atteint, notamment, par un programme d'alternance travail-études.

Ensuite, ce qu'on dit, c'est que le système actuel d'éducation ne donne pas les résultats escomptés, et, dans le fond, ce qu'on ferait, c'est de transférer le problème dans la cour des entreprises, entre autres choses, par rapport à la formation de base qui doit être donnée aux étudiants. Quand les étudiants nous arrivent dans les entreprises, ils n'ont pas les connaissances de base.

Enfin, on ne peut passer sous silence l'article 17, qui nous suggère que le gouvernement est prêt à libérer les entreprises de leurs obligations, tel qu'énoncé à l'article 1, en échange du paiement d'une taxe représentant le fameux 1 %. Alors, quant à nous, l'article 17 dit: Vous donnez de la formation; vous payez et ça vous libère de votre obligation.

Le problème n'est pas un problème de quantité, mais un problème de qualité. On dépense pour la formation de la main-d'oeuvre, mais il n'existe aucun lien statistique démontré entre le niveau des dépenses à la formation et la réduction du chômage. L'urgence est de bien dépenser, d'évaluer ce que l'on a fait jusqu'à maintenant et d'améliorer la qualité de la formation au Québec. Il est d'autant plus difficile de se prononcer sur la valeur de la somme du 1 % dans le contexte d'une loi – on a parlé déjà de 1 % représenté en termes d'une masse salariale, d'un pourcentage d'une masse salariale, mais on le faisait dans un contexte incitatif, maintenant c'est dans le contexte d'une loi – que personne ne semble être en mesure d'avancer des chiffres précis sur les sommes présentement investies par les entreprises au Québec. Il est également évident qu'il nous sera difficile, dans le futur, de nous prononcer sur l'efficacité de la loi, parce qu'on ne possède pas de données historiques.

Il semble que le gouvernement ait, depuis plusieurs années, utilisé la méthode incitative pour se retrouver, aujourd'hui, face à des résultats insatisfaisants. Les membres de l'Association n'ont pas toujours été très satisfaits des mêmes incitatifs. Un bel exemple est le fameux crédit d'impôt. Le gouvernement s'est-il questionné, à savoir pourquoi les mesures incitatives ne fonctionnent pas tel qu'espéré et si elles ne pourraient être améliorées afin de leur permettre d'atteindre leur but? Quant à nous, c'était beaucoup trop compliqué et trop bureaucratisé.

Les objectifs de la loi, qui sont d'améliorer la qualification de la main-d'oeuvre et ainsi favoriser l'emploi de même que l'adaptation, le réemploi et la mobilité des travailleurs, sont exprimés comme un droit de l'individu à la formation et non comme un apport à l'efficacité des entreprises. Bien qu'il s'agisse d'objectifs louables, il ne s'agit pas nécessairement de responsabilités dont le fardeau devrait être imposé aux entreprises. Ainsi, nous croyons qu'il serait difficile de convaincre les employeurs, surtout les PME, de dépenser afin de rendre leurs travailleurs plus mobiles et réemployables; en tout cas, on pense que ce n'est pas la bonne façon de leur présenter. L'objectif des entreprises réside bien plus dans l'accroissement de la qualité et de la productivité plutôt que de permettre à ces travailleurs de se procurer un emploi ailleurs. C'est un des foyers de résistance des employeurs, à l'heure actuelle.

Ainsi, une très grande partie des formations internes sont des formations qualifiantes, même si elles semblent spécifiques au premier abord. La formation doit être traitée comme un investissement dans les ressources humaines et non comme une fin en soi. Il ne s'agit pas de faire de la formation pour faire de la formation. C'est dans ce contexte que nous pensons qu'il faut plutôt inciter les entreprises à investir en formation en leur donnant des exemples de réussite et en leur fournissant des outils pour évaluer les besoins de formation. En leur donnant des exemples de réussite – ça a été tenté par le document dont je parlais tantôt – et en leur donnant des outils pour évaluer les besoins de formation – ça pourrait être fait par des organismes comme la SQDM, justement. Il s'agit de bonifier notre culture de la formation d'entreprise en agissant positivement plutôt que punitivement. L'exemple doit venir de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, dont le mandat semble être, tel que son nom l'indique, voué au développement de la main-d'oeuvre. La vive réaction des employeurs, en particulier des grandes entreprises qui investissent plus de 1 % en formation, vient de l'expérience négative vécue avec la SQDM. Et, quand je dis ça, je ne veux pas parler de la compétence des gens de la SQDM. Ce que je dis, c'est que c'était trop bureaucratisé. Il y avait là abondance de moyens, mais pas beaucoup de résultats.

La bureaucratisation risque de coûter des sommes qui auraient pu être investies positivement. Alors que la SQDM a peine à réaliser son mandat, on décide de l'alourdir au niveau du fonctionnement en lui faisant jouer un rôle de surveillance, de gestion de fonds et de répartition des sommes en formation. Qu'adviendra-t-il de son rôle de partenaire? Le coeur de la loi semblant reposer surtout sur sa réglementation, il subsiste, vous en conviendrez, beaucoup d'incertitudes. Nous craignons une lourdeur administrative dont les entreprises n'ont certes pas besoin. Nous voulons à tout prix éviter de nous retrouver avec une autre Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Le besoin pour les entreprises de faire approuver les plans de formation risque également de causer une lenteur de réaction fort nuisible. Quant aux syndicats, leur réaction positive au fait de légiférer est facile à imaginer. Il s'agit pour eux, dans plusieurs situations, de la création d'un mécanisme supplémentaire leur permettant de raviver les discussions de négociations. Dans un contexte où il y a une baisse de l'engouement des salariés pour les choses syndicales, je dirais que, pour eux, c'est un cadeau du ciel.

L'expérience dans d'autres pays. Se basant sur une étude de l'OCDE sur la formation et la qualification de la main-d'oeuvre et sur l'expérience française, les grandes entreprises consacrent déjà plus de 1 % à la formation, mais la taxe a pour effet de créer plus de bureaucratie et de générer des coûts additionnels. De plus, plus le nombre d'employés est élevé dans une organisation, plus le pourcentage de fonds consacrés à la formation est élevé. Les PME consacrent plus généralement le pourcentage légal, certaines se satisfaisant de payer la taxe ou une partie de celle-ci.

(15 h 30)

Nous pouvons penser que cela pourrait se produire au Québec, que les PME mal outillées pour répondre aux exigences d'une telle loi et peu intéressées à voir un organisme gouvernemental dicter leurs actions – il faut se rappeler ce que c'est qu'un entrepreneur indépendant, c'est quelqu'un qui n'a pas envie que le gouvernement se mêle de ses affaires, donc il peut avoir une réaction négative et décider que la formation, il paie, et merci beaucoup – vont retourner une partie du 1 %. Dans ce contexte, qui, pensez-vous, profiterait des sommes à distribuer? Les grandes entreprises, celles-là mêmes qui dépensent déjà plus de 1 % et qui auraient des projets mieux structurés à présenter. Il en résulterait une taxation de la PME pour distribuer plus de ressources à la grande entreprise mieux structurée. Que dire, alors, du rapport de force au sein de la SQDM pour la répartition de ces sommes? On pourrait s'attendre à voir ressurgir les problèmes de fonctionnement vécus à la CSST.

On ne semble pas profiter de l'expérience des autres pays pour éviter de reproduire leurs erreurs. De la même façon, savons-nous si les sommes versées au Fonds national par les entreprises d'une région donnée seront retournées à cette même région? Poussons notre réflexion plus loin: Avons-nous la garantie que les sommes versées à ce Fonds serviront maintenant à la formation ou à couvrir des frais administratifs? L'expérience des budgets périmés des dernières années nous fait nous questionner à ce sujet. Rappelons-nous l'expérience des surplus de la Société de l'assurance automobile du Québec.

Commentaires sur les modalités. Plusieurs questions sur les modalités des comités paritaires demeurent sans réponse. Seront-ils décisionnels ou consultatifs? Encore ici, nous plaidons en faveur de la simplicité afin que ces comités ne deviennent pas une embûche à la formation. C'est pourquoi nous recommandons qu'ils soient consultatifs. Le contraire aurait, selon nous, pour effet d'encourager les entreprises à délaisser la formation à l'interne et à aller à l'externe parce que ce serait trop compliqué de régler ça avec les comités internes.

Le mode de calcul de la masse salariale, incluant des sommes telles que le surtemps, risque de créer des surprises désagréables à plus d'un entrepreneur. Est-il justifié pour une entreprise de devoir effectuer plus de formation à l'égard d'un travailleur parce qu'il a accompli du surtemps?

Si, comme suggéré par plusieurs, les investissements insuffisants se situent surtout au niveau de la PME, pourquoi attendre en 1998 pour leur imposer les obligations souhaitées?

Selon nous, le projet de loi, dans sa forme actuelle, n'offre pas de garantie quant à sa capacité de rencontrer les objectifs tels qu'énoncés. On a l'impression que l'esprit de la loi, c'est de faire de la formation pour faire de la formation. De plus, comme on l'a déjà dit, il soulève de nombreuses questions quant à sa lourdeur administrative. Force nous est cependant d'admettre que, depuis que le débat sur la question a été lancé, la formation en entreprise est le sujet de l'heure, et nous sommes à même de constater des retombées positives.

Nous sommes d'opinion que le gouvernement devrait suspendre l'application de la loi, tel que prévu, pour 1996. Il pourrait cependant imposer, dès 1996, pour une période de trois ans, pour toutes les entreprises, y incluant les PME, l'obligation de rendre compte des activités de formation et des sommes qui y sont investies. De cette façon, nous atteindrions deux buts: nous maintiendrions le momentum créé par les discussions entourant le projet de loi, et, en forçant les entreprises à rendre compte de leurs activités de formation, elles seraient conscientisées graduellement à son importance; nous serions ainsi en mesure d'évaluer, de façon beaucoup plus précise, les sommes qui sont investies en formation par les entreprises pour peut-être nous rendre compte que l'aspect «mandatoire», au niveau de la dépense de 1 %, n'est pas nécessaire. Dans le cas contraire, le gouvernement serait alors en mesure – malgré que nous souhaitions que cela ne soit pas nécessaire – de justifier les actions qu'il choisirait d'entreprendre.

Nous remercions le gouvernement de nous avoir offert l'occasion de présenter le point de vue de notre Association.

Le Président (M. Tremblay): Merci, Mme Perryman. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je dois vous dire que je n'aurai pas de questions à poser à l'Association des professionnels en ressources humaines du Québec. Je les remercie d'avoir participé à cet exercice démocratique. C'est un point de vue qui est légitime, qui a déjà été exprimé ici même. Votre mémoire reprend presque mot à mot celui du Conseil du patronat. On a eu déjà, vraiment, à maintes reprises, l'occasion d'échanger sur tout cela. Alors, c'est un point de vue qui est a priori, disons, hostile au projet de loi qui est déposé. Croyez bien que nous avons lu avec attention le mémoire.

Ceci dit, je ne crois pas, malheureusement, que ça puisse favoriser la réflexion que l'on poursuit dans le cadre de l'amélioration du niveau d'investissement des ressources humaines dans les entreprises. Je vous remercie.

Mme Perryman (Michèle): Est-ce qu'on peut répondre?

Le Président (M. Tremblay): Vous avez le droit de répondre à la ministre, Mme Perryman, oui.

Mme Perryman (Michèle): Merci.

Le Président (M. Tremblay): M. Côté.

M. Côté (Pierre-Marcel): Oui, je vous remercie. J'aimerais ça, juste tenter une petite réponse. Mme Harel dit que c'est un document qui reprend pratiquement intégralement le mémoire du CPQ. Ce document-là est issu, quand même, d'un exercice interne au niveau de nos membres. S'il reprend certains des éléments qu'on retrouve dans le mémoire du CPQ, c'est certainement parce que ce sont des éléments que nos membres ont jugé valables de soulever et de présenter; ce sont les questions qu'ils ont.

Pour dire que c'est une position qui est hostile au projet de loi, peut-être qu'il peut être perçu comme tel, mais je dois vous souligner que notre Association est quand même fière des retombées actuelles des discussions qui entourent ce projet de loi, puisqu'on est à même de constater, à l'intérieur des entreprises, un soudain engouement pour la question de la formation. On en parle de plus en plus.

J'ai été moi-même, cette semaine, mardi, à une présentation, dans le sud-ouest de Montréal, organisée par le RESO, le Regroupement pour la relance économique et sociale du sud-ouest de Montréal, avec de la PME, justement pour transmettre le message à ces PME-là de commencer tout de suite à faire de la formation et d'essayer de trouver des moyens, pour ceux qui ont de la difficulté à le faire quand ils n'ont pas nécessairement la masse critique pour le faire, peut-être de s'associer ensemble.

Alors, je dirais qu'on supporte quand même la philosophie du projet de loi, on la comprend. Ce qu'on met en question, c'est plutôt à savoir: Est-ce qu'on s'est posé les bonnes questions avant d'aller de l'avant avec une telle loi? Je ne doute pas qu'on se soit posé des questions, mais on se demande s'il n'y a pas d'autre chose qui ne pourrait pas être fait, un.

Deuxièmement, au niveau de notre conclusion, je voudrais souligner qu'elle est différente de celle du CPQ. Le CPQ propose de suspendre l'application de la loi; on propose de mettre la loi en application, à l'exception de la contribution obligatoire du 1 %. C'est donc dire que les entreprises seraient obligées, toutes les entreprises, dès 1996, de rendre compte au gouvernement de leurs activités de formation et de rendre compte des dépenses de formation. À ce moment-là... Enfin, personnellement, par mon expérience en entreprise, je pense que, quand on demande aux gens de rendre des comptes, même s'il n'y a pas automatiquement des pénalités au bout de la ligne, souvent on obtient une bonne partie des résultats qu'on attend. Ça, c'est un. Et, deux, on est convaincu que la ministre serait en mesure de constater, au bout d'une couple d'années, que peut-être l'aspect «mandatoire», au niveau de la contribution, n'est pas nécessaire. Je vous remercie.

Le Président (M. Tremblay): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier de votre contribution. Il est sûr que, lorsque nous en arrivons au quelque trente-cinquième organisme dans une consultation de cette ampleur, il est inévitable que nous retrouvions parfois des airs entendus. Mais cela vaut aussi pour les organisations qui sont favorables au projet de loi autant que pour celles qui sont défavorables au projet de loi. Nous avons entendu, hier et ce matin, un enchaînement de quatre ou cinq organisations qui étaient toutes membres les unes des autres et qui étaient plutôt favorables au projet de loi; nous avons engagé la discussion avec elles. Il arrive aussi que d'autres organisations soient défavorables au projet de loi.

Bien entendu, il y a des organismes confédéraux ou confédératifs qui ont déjà comparu devant nous et qui ont apporté le point de vue d'une multitude d'organisations. Quand reviennent devant nous les membres particuliers de ces grandes organisations, il est assez naturel que l'on retrouve des éléments qui convergent, avec des différences tout de même qu'il convient de relever, soit notre appréciation de telle ou telle partie du projet de loi.

(15 h 40)

Je crois que, dans l'ensemble, votre témoignage, c'est celui d'opérateurs, si vous me permettez l'expression; vous êtes des opérateurs en matière de formation des ressources humaines. Vous êtes à la convergence ou à la confluence des besoins et des réponses, des besoins exprimés dans les entreprises par les différentes catégories de personnel, y compris par la direction autant que par les employés. Vous êtes à la confluence de tout ça. Vous devez apporter des réponses, vous devez bâtir des plans, vous devez vous inspirer des modèles existant ailleurs, créer des réponses, aller chercher les expertises plus pointues qui existent dans le milieu et bâtir un programme qui convient à tel stade de développement de l'entreprise ou à telle catégorie de personnel.

Mais le témoignage d'opérateur dans ces matières est très important, parce que ce sont des gens qui ne sont pas au sommet de hautes pyramides, de hautes hiérarchies dans des organisations qui se spécialisent dans la représentation. Lorsqu'on est à la tête du Conseil du patronat, ou à la tête de la FTQ, ou à la tête de la CSN ou de la Chambre de commerce du Québec, on est au sommet d'une pyramide qui se spécialise dans la représentation, mais, quand on rencontre l'Association des professionnels en ressources humaines, ce n'est pas une structure qui se spécialise à représenter le point de vue des autres. C'est l'occasion de dialoguer en direct avec les gens qui ont la main à la pâte. Alors, ces gens-là nous rappellent les consensus qui se sont forgés et qui se sont exprimés, bien entendu, autour de la perspective qui nous anime et nous rallie tous, celle d'investir davantage en formation, de le faire de manière plus qualitative sans négliger aussi le volume, mais aller du côté de la qualité.

Ceci nous rallie tous, d'entrée de jeu, depuis le moment où ce débat est ouvert. On peut le retrouver dans nos déclarations, dans celles de la ministre, dans celles du gouvernement précédent, dans celles du présent gouvernement. Le débat n'est pas à savoir si on veut investir plus, si on veut le faire mieux; le débat, c'est à compter de l'article 3 qu'il se fait, dans le projet de loi. L'article 3, c'est là qu'entre en scène ce projet de loi pour ce qu'il est, c'est là qu'il choisit une voie plutôt qu'une autre, c'est-à-dire l'imposition d'un certain niveau de formation, un certain pourcentage de formation calculé d'après la masse salariale. Là, la voie se prend; là, on vient de faire un choix, on vient de franchir un carrefour. C'est là qu'on sort du consensus exprimé par la conférence à laquelle vous référez à la page 3, où on parlait, bien sûr, d'une résolution, mais d'une résolution sur la base de l'incitation. On sort de cette voie-là et on revient au carrefour et on prend l'autre embranchement, celui de la coercition.

Vous nous dites, comme opérateurs: On devrait s'éviter ça. Vous n'êtes pas les premiers à nous le dire, puis c'est parce qu'il y a beaucoup d'organismes particuliers qui le disent que, finalement, les structures plus larges finissent par le dire. Moi, c'est comme ça que je comprends ça. Si le Conseil du patronat est passé devant nous parmi les premiers organismes, ça ne veut pas dire que c'est lui qui a ouvert le front, c'est ses innombrables membres, quand il les a réunis, qui ont dit: On préfère cette voie à l'autre. C'est ce qui fait que le Conseil a reflété cette position et non pas l'inverse. Dans une centrale syndicale, c'est la même chose, c'est parce que l'ensemble des constituantes d'une centrale syndicale fait consensus vers une orientation que les dirigeants de la centrale viennent ici et nous disent: Voici notre consensus. C'est de comprendre le monde à l'envers que de penser que c'est les grandes organisations qui dictent à leurs composantes le chemin à prendre.

Donc, on ne saurait, à mon avis, faire aucune remarque à des organisations qui sont des constituantes d'une plus grande, de leur dire: Vous reflétez ce que la grande dit. Au contraire, la vraie compréhension de l'affaire, c'est que la grande organisation a dit telle chose parce que l'ensemble de ses composantes étaient d'accord là-dessus. On en a eu la preuve, d'ailleurs, on a rencontré l'Association minière du Québec, on a rencontré les associations dans le domaine du détail et plusieurs autres, et on l'a bien vu, une à une, quelle était leur idée, leur appréciation. Ce n'est pas étonnant, ensuite, que les grandes confédérations soient allées dans ce sens-là, Moi, c'est ma compréhension de l'exercice du mandat de représentation; lorsqu'on est à la direction d'une organisation large, c'est parce qu'on reçoit des mandats qu'on s'exprime dans un certain sens, jamais on ne va donner des mandats à nos constituantes, on ne ferait pas long dans le métier. C'est pour dire que j'apprécie votre proposition. Même si elle arrive en trente-cinquième ou trente-sixième lieu dans le rang, pour nous autres, elle est tout aussi importante.

Vous êtes des praticiens, des opérateurs, et vous avez vu, comme nous l'avions souligné aussi au passage, l'article 17, qui vient tout à coup ouvrir une brèche dans cette stratégie qui est décrite par ses promoteurs comme devant favoriser l'extension, l'expansion de la culture à la formation continue. Quand on regarde l'article 17: Si vous n'en faites pas, on vous prélève 1 % et vous êtes libérés de votre obligation, tout à coup le voile se crève et apparaît autre chose. On donne aux entreprises qui, pour différentes raisons, préféreraient payer, en quelque sorte, entre guillemets, une amende: Acceptez le prélèvement auprès de Revenu Québec et vous êtes libérés. Bien, je pense que, si on est vraiment convaincu que la culture de la formation continue, c'est le fait de toutes les entreprises – comme la sécurité routière, c'est le fait de tous ceux et toutes celles qui ont un permis de conducteur et de chauffeur sur la route... On ne se libère pas de notre obligation de sécurité routière en payant l'amende puis en disant aux surveillants de la route: Écoutez, j'ai payé mon amende pour l'année, voulez-vous me foutre la paix; 130 km/h, 135 km/h, 140 km/h, il n'y a rien là. Laissez-moi aller, j'ai payé l'amende pour l'année. Ce n'est pas ça. On est convaincu que chacun doit s'inscrire dans la perspective de sécurité routière. C'est la même chose: chacun doit s'inscrire dans la perspective de formation continue. Alors, vous avez bien vu cette espèce d'incohérence qui surgit à l'article 17.

Je voudrais vous poser une question pour permettre de développer votre pensée. Vous dites, en somme, en conclusion, vous avez clarifié devant la ministre: Vous pouvez l'adopter, votre loi, mais suspendez-en ou reportez-en l'application quant à l'obligation. Prévoyez une période de trois ans où il y aura obligation de déclarer – ça, c'est une recommandation qui est du même ordre que celle que nous avons entendue ce matin du Mouvement Desjardins, il a fait la même suggestion, vous ne le saviez peut-être pas, bien, c'est ça – et on verra au cours des trois ans et au terme des trois ans où nous mène... en quoi nous renseigne l'obligation, l'assujettissement à l'obligation de déclarer; on va voir plus clair sur ce qui se fait puis on verra, ensuite, la loi étant toujours là... bien, on peut toujours la mettre en vigueur.

Qu'est-ce que vous pourriez suggérer comme mesure additionnelle pendant cette période de trois ans, par exemple, pour relever le niveau d'investissement en formation, quantitativement, qualitativement? Avez-vous quelques suggestions d'une stratégie qui pourrait permettre, sur une base volontaire, avec l'horizon de trois ans, vraiment de faire un bond de l'avant?

M. Côté (Pierre-Marcel): Je vais tenter peut-être de répondre à votre question en débutant en disant que je suis professionnel en ressources humaines depuis 12 ans. Ça fait seulement quatre ans que je m'intéresse aux questions de formation de la main-d'oeuvre. Ça a débuté en 1991 alors que je travaillais pour une entreprise qui investissait beaucoup – parce que c'était dans le domaine aérien – en termes de dollars, dans le développement de la main-d'oeuvre. Imaginez-vous donc que j'ai découvert que les gens, au niveau des opérations dans cette compagnie-là, réussissaient à obtenir des sommes assez intéressantes en termes d'incitatifs à la formation, que ça soit des subventions comme on les appelle... Et, lorsque je me suis questionné, à savoir comment ils réussissaient à obtenir ces sommes-là, ils m'ont dit que c'est en faisant affaire avec le consultant ABC, que je ne nommerai pas ici. Ce consultant-là se spécialise, et il n'est pas le seul – se spécialisait, je ne sais pas s'il le fait encore – à développer une connaissance des divers programmes qui existent au niveau du développement de la main-d'oeuvre, que ça soit à la SQDM ou au sein d'autres organismes du gouvernement provincial ou encore du gouvernement fédéral. Cette firme-là, dans le fond, tout ce qu'elle avait comme expertise, c'était la connaissance de ça. Ce qu'elle faisait pour nous, c'est qu'elle remplissait les formulaires, elle allait voir les bons agents à la SQDM, qui étaient des CFP dans le temps, ou à Ressources humaines Canada, et elle nous obtenait des subventions. De la même façon qu'on aurait pu le faire nous-mêmes si on avait été au courant des programmes. Le résultat, au bout de la ligne, c'est qu'elle nous facturait 20 % du montant des subventions qu'elle allait chercher. Mais ce 20 % là a été développé par une espèce de... j'appellerais ça un système pernicieux ou trop compliqué, où les entreprises ont de la misère à s'en sortir. Et, dans le fond, c'est un 20 % qui aurait dû être des sommes allouées à la formation et qui, malheureusement, s'en allait à un consultant qui, lui, avait développé une expertise.

Alors, c'est à ce moment-là que, moi, j'ai commencé à m'intéresser à la question, à poser des questions puis à rencontrer des agents de la CFP, dans le temps, pour qu'ils m'expliquent c'est quoi, les divers programmes qui existent. C'est là que je me suis rendu compte que, dans le fond, le consultant, il en gagnait une partie de son argent, parce que ce n'est pas simple, les programmes au Québec. Je pense qu'on vit de tout un héritage, si vous voulez, d'une espèce de gestion par normes ou par programmes ultranormalisés, au Québec – ce qui est malheureux, mais ça fait des années que c'est là. Les programmes sont bons, mais les programmes sont compliqués.

(15 h 50)

Je vais vous montrer, à titre d'exemple, un petit document d'une couple de centaines de pages que j'ai apporté avec moi et qui s'intitule «Le répertoire des programmes et mesures à l'intention de la main-d'oeuvre québécoise». Ça vient du gouvernement du Québec, donc c'est juste les mesures du gouvernement du Québec. Mais ce n'est pas juste celles du ministère de la Main-d'oeuvre, c'est celles du MMSR, c'est celles du MIC, on a même Loisir, Chasse et Pêche là-dedans. Ça, c'est rempli de programmes, de normes et de toutes sortes de règlements. Alors, les entreprises veulent mettre sur pied un programme de formation, elles se renseignent, elles se rendent compte que, oups! elles ne rencontrent pas la norme de celui-là. On se fait diriger vers d'autres. Les fonctionnaires eux-mêmes s'y perdent. On a même fait un exercice intéressant, au gouvernement, un petit tableau pour résumer les programmes, ce tableau-là donne simplement le titre du programme et le ministère qui est responsable de l'application du programme. Regardez – je sais que c'est un petit peu visuel, vous ne pourrez pas lire – ce que ça donne comme tableau; je sais que c'est un petit peu coloré comme présentation. Mais les entreprises, quand elles font face à ça, quand les fonctionnaires eux-mêmes ont de la difficulté à leur donner l'information par rapport à ce qui se passe dans le ministère d'à côté, ce qu'elles font, c'est: ou bien elles abandonnent le projet ou bien elles le font elles-mêmes sans en parler à personne d'autre. Alors, je pense qu'on a besoin, au Québec, de simplifier nos programmes; on a besoin de dénormaliser.

On a parlé beaucoup, l'an passé, du fameux guichet unique entre le fédéral puis le provincial au niveau de l'argent consacré à la main-d'oeuvre. Mais il me semble qu'au Québec – et je sais que je suis critique, mais, après tout, je suis ici un petit peu pour critiquer aussi, et ce, peu importe le gouvernement, parce qu'il y a un héritage de ça qui nous vient du gouvernement antérieur, puis je suis sûr qu'on va en retrouver aussi dans le futur – on y a été un petit peu fort sur la gestion par normes, puis il faut dénormaliser. On veut, au Québec, être le guichet unique avec le fédéral par rapport à ce qui se passe au niveau de la main-d'oeuvre, mais j'ai comme l'impression que chaque ministère veut être lui-même le guichet unique.

On ne retrouve pas ça juste dans les ministères, on commence à avoir des... Si je pense aux conseils régionaux de développement, qui administrent maintenant des fonds: Fonds d'aide aux entreprises, Fonds d'interventions régionales, alors, est-ce que tout le monde sait que ça existe, ces organismes-là? Je ne le sais pas. Mais je pense qu'on a besoin de mettre un petit peu d'ordre dans nos programmes. Je sais qu'il y a des choses concrètes, positives qui sont en train d'être faites à la SQDM, au niveau de la dénormalisation, au niveau de la simplification des programmes. Je pense que c'est positif et je pense qu'on doit continuer dans cette veine-là.

De la même façon, une chose qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'il y a des programmes qui sont... On donnait l'exemple, dans notre mémoire, du crédit d'impôt. Le crédit d'impôt n'est pas une mauvaise mesure, sauf que, quand ça a été lancé, à l'origine, et qu'il a été communiqué, il a peut-être été mal communiqué. Il ne faut pas oublier qu'au départ il y avait une exclusion au niveau de la formation donnée à l'interne. Les entreprises effectuent beaucoup de formation à l'interne. Quand elles ont vu le crédit d'impôt et qu'elles ont vu que ça ne s'appliquait pas à la formation à l'interne, elles ont dit: Bon, ce n'est pas bon.

M. Charbonneau (Bourassa): Permettez-moi de vous préciser que mon attente à votre égard, c'est des suggestions quant à un programme de valorisation ou, en tout cas, des mesures – je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche – qui pourraient nous assurer que, d'ici trois ans, il y ait un bond de l'avant qui serait effectué, avec l'obligation de déclarer un horizon aux trois ans. C'est là que j'aimerais avoir vos suggestions.

M. Côté (Pierre-Marcel): O.K. Ce que je suis en train de vous dire, c'est que...

Le Président (M. Tremblay): Un instant, M. Côté. J'aimerais vous rappeler qu'il ne reste uniquement que quelques minutes à l'opposition, et le député de Mille-Îles voudrait vous poser des questions. On doit terminer dans six, sept minutes, alors j'apprécierais si vous pouviez être court dans vos interventions.

M. Côté (Pierre-Marcel): Je conclus en 20 secondes. Alors, je pense qu'il faut dénormaliser, qu'il faut simplifier les programmes. Il faut bien les communiquer. Il faut leur donner le temps de fonctionner. L'exemple du crédit d'impôt est bon. Par contre, quand il a été modifié, les modifications n'ont pas été communiquées. Dans la dernière année, il y a eu une croissance de 85 % des demandes de crédit d'impôt par rapport à l'année précédente. C'est signe que c'est en train de marcher. Je pense qu'il faut donner le temps aux programmes de fonctionner. Merci.

Le Président (M. Tremblay): Je pense, Mme Perryman, que vous aviez un commentaire à faire.

Mme Perryman (Michèle): Je pense que ce qu'on a souligné aussi, c'est qu'il y a un problème au niveau des PME. Ce sont les PME qui sont les plus mal outillées à l'heure actuelle pour donner de la formation. Alors, ce qu'on pense, c'est qu'on pourrait faire des regroupements de PME par secteur d'activité; on a déjà appelé ça les grappes industrielles, je pense, dans d'autres dossiers. Mais je me dis que, si la SQDM, par exemple, qui, voulant être un partenaire véritable au niveau de la formation, se mettait à concocter des outils pratiques pour les PME, pour les aider à analyser leurs besoins en leur faisant des suggestions sur quoi mettre de l'avant dans chacun des secteurs d'activité, je pense que, là, on aurait quelque chose qui serait beaucoup plus positif, beaucoup plus pratique et qui rejoindrait le marché cible des petites entreprises, qui sont mal outillées. Parce que, encore une fois, nous, on pense que, dans les grandes entreprises, les gens font plus de 1 % en formation, surtout si on compte les salaires consacrés au temps libéré en formation.

Le Président (M. Tremblay): M. le député de Groulx. Je m'excuse d'avoir mentionné Mille-Îles tout à l'heure, mais c'est bel et bien le député de Groulx qui...

M. Kieffer: Je suis très fier de ma consoeur.

Le Président (M. Tremblay): Je vais sécuriser la députée de Mille-Îles, mais c'est bel et bien le député de Groulx qui m'avait demandé la parole. Allez-y.

M. Kieffer: M. le Président, moi aussi, je veux m'attaquer à un aspect bien précis – d'ailleurs, vous venez de le mentionner et le député de Bourassa tantôt y faisait allusion aussi – quant à l'article 17 – et je vous cite – dans le texte, vous dites: «Nous pouvons penser que cela pourrait se reproduire au Québec, que les PME, mal outillées pour répondre aux exigences d'une telle loi et peu intéressées à voir un organisme gouvernemental dicter leurs actions, vont retourner une partie du 1 %.» Vous en concluez que les PME ne seront pas capables de relever le défi et vont tout simplement accepter de payer la taxe.

Mme Perryman (Michèle): Bien, écoutez...

M. Kieffer: Laissez-moi finir là-dessus.

Mme Perryman (Michèle): Oui.

M. Kieffer: Bon. Vous n'êtes pas le premier mémoire à soulever cette question et à avancer cette solution-là pour les PME. Moi, je suis curieux de savoir où vous êtes allés chercher les données qui vous amènent à dire ça. Moi, je vais vous dire où je suis allé chercher les miennes – et elles ne sont pas scientifiques, O.K.? Alors, je n'ai pas fait d'enquête, sauf que, dans mon comté, les PME me connaissent et je les connais. J'ai l'occasion de les rencontrer pas mal souvent, et ce n'est pas ce qu'elles me disent. Je n'ai pas de prétention à la scientificité, sauf que, quand je les rencontre dans la vraie vie, que je m'assois avec eux – pas que je leur fais répondre à un questionnaire – que je discute avec eux, ce n'est pas ce qu'elles me disent. Elles ne me disent pas qu'elles sont contentes nécessairement. Elles reconnaissent la nécessité; elles reconnaissent, jusqu'à un certain niveau, le degré de paresse qui a été le leur, pour toutes les raisons du monde. Elles se disent aussi: Bien, écoutez, là, on n'a plus le choix, on va se mettre à l'ouvrage. D'autant plus que quand on parle de PME, on parle de tout ce qui est 250 000 $ et plus de masse salariale. O.K., ça fait qu'on ne parle pas du salon de coiffure avec un employé. On s'entend là-dessus.

J'ai des sons de cloche différents. Vous n'êtes pas le premier groupe à le mentionner et, en plus de ça, vous utilisez le conditionnel, et, ça, ça m'effraie un peu, «pourrait». Je trouve que vous faites un peu... Ça me fait penser aux gens qui veulent faire peur au monde.

Mme Perryman (Michèle): Non, non, mais, écoutez, ce n'est pas notre rôle, normalement, de faire peur au monde. Je vais vous dire qu'on se base sur ce qui s'est passé en France pour dire ça.

M. Kieffer: On n'est pas en France, on est au Québec, ici, là.

Mme Perryman (Michèle): Non, mais, écoutez, on dit, à un moment donné: Il faut regarder ce qui s'est passé dans les autres pays pour s'en inspirer, mais aussi pour éviter les erreurs qui se sont commises dans d'autres pays. Le système de la France est extrêmement compliqué, extrêmement bureaucratisé. Il y a une partie des frais administratifs qui prend une partie importante du fonds national. Et ce qu'on constate – et là j'ai des chiffres à l'appui – dans des entreprises, par exemple, de 10 à 19 employés, c'est qu'il se fait 1,16 % de formation; 20 à 49, 1,22 %; 50 à 499 employés, 1,46 %; 50 à 2 000 employés, 2,15 %; et, plus de 2 000 employés, 3,45 %.

Ensuite, une autre chose, c'est qu'on est plus présents, les gens des ressources humaines, dans les plus grandes entreprises, et on est, à ce moment-là, en mesure, nous, de suggérer de la formation à ces employeurs, alors que, dans les plus petites entreprises, elles sont moins outillées en termes de ressources professionnelles, donc ç'a a aussi, quant à nous, une influence.

(16 heures)

Alors, on peut penser que – et c'est au conditionnel effectivement parce qu'on espère que ça ne se produira pas – il pourrait arriver que... et on pense que, notre rôle, c'est de vous mettre en garde contre cela, à l'heure actuelle.

M. Kieffer: Alors, juste en terminant, je veux vous rassurer, parce que, moi, mes sons de cloche que j'ai, ce n'est pas ça. Moi, mes sons de cloche que j'ai dans mon comté, c'est qu'il y a des moyens de s'en sortir, et elles reconnaissent les arrérages ou les retards qu'elles ont pris par rapport à la formation professionnelle. Je pense qu'elles regardent le projet de loi avec beaucoup plus d'optimisme et de positivisme que vous ne le faites, et je parle de la PME, je ne parle même pas de la grande entreprise. Moi, je travaille avec des gens qui ont entre 40 et 125 employés, à Montréal. Merci.

Le Président (M. Tremblay): Oui, pour une brève intervention, M. Côté.

M. Côté (Pierre-Marcel): Oui, une brève intervention. Je vous remercie. Je vous disais que j'avais rencontré, mardi de cette semaine, des gens dans le cadre d'une réunion organisée par le RESO, dans le sud-ouest de Montréal – alors, on parle de Saint-Henri, de Petite Bourgogne, Pointe-Saint-Charles. C'était un rendez-vous de la PME, c'était un midi-causerie. Le thème était: Investir dans la formation, c'est rentable. On y présentait l'expérience de deux entreprises: la mienne, Consumers Glass, 600 travailleurs; et celle d'AMF Technotransport. Je peux vous dire que toutes les questions – parce qu'il y avait un panel à la fin – qui sont venues de la salle, donc une cinquantaine de dirigeants de PME, étaient centrées alentour de: C'est bien beau, les expériences qu'on nous a présentées aujourd'hui, mais c'est facile d'organiser de la formation dans la grande entreprise. Comment faire ça dans une PME? Si vous voulez faire de la formation, par exemple, pour un machiniste, si j'ai 15 employés et que je n'ai qu'un machiniste, la formation devient dispendieuse. C'est pour ça que Mme Perryman a parlé de l'exemple des grappes industrielles. On vise à favoriser, au niveau, dans le fond, microrégional, une espèce de concertation entre les PME, que toutes les PME d'un même quartier... si, moi, j'ai deux machinistes à former et que le gars de l'autre bord de la rue en a trois, bien, qu'on essaie de mettre ça ensemble, sinon la PME va avoir beaucoup de difficulté à arriver, parce que, à date, ce qu'on constate, c'est que le milieu scolaire n'est pas tout à fait prêt à répondre à ce besoin-là. Merci.

M. Kieffer: Tout à fait d'accord avec vous.

Le Président (M. Tremblay): Alors, M. le député de Verdun, pour une brève intervention.

M. Gautrin: Malheureusement, j'ai peu de temps. Je voudrais d'abord vous remercier d'être venus, et pour la qualité du mémoire que vous nous présentez.

Je vais aborder un point, en ce moment, relativement précis. Vous dites que vous donnez de la formation à vos membres. Je pense que c'est au paragraphe 5 de votre mémoire. Vous avez lu le projet de loi. Jusqu'à quel point la formation que vous donnez à vos membres serait acceptable dans le cadre du projet de loi et comment faudrait-il changer le projet de loi pour que cette formation soit acceptable au sens du projet de loi?

Mme Perryman (Michèle): Vous voulez dire que...

M. Gautrin: Je fais référence à... Je lis le verbatim.

Mme Perryman (Michèle): Oui, oui.

M. Gautrin: «Comme association professionnelle, nous mettons en pratique ce que nous prêchons puisque nous offrons au-delà de 45 sessions de perfectionnement en ressources humaines par année à nos membres.»

Mme Perryman (Michèle): Oui.

M. Gautrin: Donc, vous le faites déjà. Vous êtes un promoteur de formation.

Mme Perryman (Michèle): Oui.

M. Gautrin: Et, d'après moi, si je regarde la définition de l'article 6 du projet de loi, la formation que vous offrez aux différentes entreprises ne serait pas acceptable.

Mme Perryman (Michèle): C'est-à-dire que, nous, en tout cas, on prétend que notre mission principale, c'est le développement professionnel de nos membres par toutes sortes d'actions, et cette formation pourrait être assimilée à des colloques, par exemple. Et, dans le projet de loi, ce n'est pas évident, à l'heure actuelle, que les colloques seront reconnus comme de la formation. En tout cas, ce n'est pas clair, quant à nous. Et, ça, c'est très important parce que, comme je vous disais, quand on est une association professionnelle qui a comme mission principale de se préoccuper du développement professionnel de ses membres, si demain matin les membres vont ailleurs pour prendre leur formation parce que celle que nous donnons, elle n'est pas reconnue, bien, nous, ça nous cause des problèmes de fonctionnement, effectivement.

M. Gautrin: Donc, il s'agirait d'aménager le projet de loi pour que la formation que vous donnez puisse être intégrée.

Mme Perryman (Michèle): Oui, mais là n'était pas l'objectif de cette présentation, là. Je veux dire effectivement...

M. Gautrin: Non, mais j'ai peu de temps...

Mme Perryman (Michèle): Oui.

M. Gautrin: ...c'est pour ça que j'ai été obligé de prendre une question qui était un peu marginale. Je suis un peu désolé.

Mme Perryman (Michèle): Oui, oui, oui, effectivement. Mais ce qu'on cherchait à dire, là, par ce paragraphe, c'était surtout que, nous, on pense...

M. Gautrin: Il me reste combien de temps? C'est fini?

Mme Perryman (Michèle): ...que, en termes de formation professionnelle, on est capables d'outiller les entreprises et qu'il y a des membres de la SQDM qui le sont aussi, là. Donc, il y a des gens au Québec qui sont capables d'oeuvrer en formation et de faire en sorte que ça fasse boule de neige, là.

M. Gautrin: Alors, j'aurais voulu vous poser la question, surtout, sur la manière dont vous voyez le maillage entre l'éducation et les entreprises, mais je pense que je n'ai plus de temps. C'est ça?

Le Président (M. Tremblay): Considérez, Mme Perryman, la question comme posée. Vous pouvez y répondre.

Mme Perryman (Michèle): Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Mais c'est assez vaste, hein? Je comprends.

Mme Perryman (Michèle): Bien, oui. Écoutez, c'est vaste, oui, mais, vous savez, avec le Forum pour l'emploi par exemple, à l'heure actuelle, on est en train de regarder des moyens d'amener les étudiants dans les entreprises, les finissants dans les entreprises pour que ces finissants obtiennent des stages de façon à ce qu'ils se fassent connaître, apprécier et qu'au bout de la ligne... Vous savez, quand on fréquente des stagiaires qui sont compétents, au bout de la ligne, on veut les embaucher. Donc, à partir de ce principe-là, on se dit: Si on faisait la même chose, une question d'alternance travail-études. En Allemagne, c'est extrêmement sophistiqué, là, ce programme d'alternance dual travail-études. Bon, bien, il y a certainement des choses dont on pourrait s'inspirer, sans mettre en pratique le programme allemand au complet ici, là. Mais il y a certainement des choses... On pourrait aller voir comment ça fonctionne et s'en inspirer pour, au Québec, faire des choses dans ce sens-là. Il y a déjà l'Université de Sherbrooke – mais, ça, c'est au niveau universitaire – qui a ces programmes-là, déjà.

M. Gautrin: J'aimerais, le cas échéant, pouvoir échanger avec vous sur ça, mais en dehors de cette commission.

Mme Perryman (Michèle): Ha, ha, ha!

Le Président (M. Tremblay): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Mon temps est écoulé. Je vous remercie de votre contribution et de votre témoignage, qui est enraciné sur de l'expérience concrète.

Le Président (M. Tremblay): Brièvement, Mme Perryman.

Mme Perryman (Michèle): Je voudrais répondre à Mme Harel, à son intervention du début. Mme Harel, je voudrais que vous remarquiez que nous n'avons pas fait front commun avec le CPQ dès le départ quant à la présentation de notre mémoire et quant aux conférences de presse qui ont été données publiquement dès le début de la présentation du projet de loi. Et, ça, ça a été volontaire parce qu'on a voulu consulter nos membres avant de se présenter ici, ce qu'on a fait. Et ce qu'on a présenté aujourd'hui, c'est le résultat d'une consultation de nos membres. Si les conclusions sont semblables à celles du CPQ, c'est peut-être qu'on vit les mêmes réalités, mais ce n'est pas le mot à mot du CPQ. Je vous remercie.

Le Président (M. Tremblay): Mme la ministre.

Mme Harel: Bien, merci pour ces précisions. Merci.

Le Président (M. Tremblay): Bon, alors, merci, Mme Perryman et M. Côté.

Nous allons maintenant écouter les représentants de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Alors, je tiens tout d'abord à vous souhaiter la bienvenue à cette commission et juste à vous rappeler que le temps qui vous est alloué est de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Par la suite, un temps équivalent est alloué à la députation ministérielle et à la députation de l'opposition pour pouvoir échanger avec vous sur le contenu de votre mémoire.

Je demanderais aux porte-parole, là, il y en a plusieurs, des figures très familières... Je ne sais pas quelle est la personne qui va parler la première. Alors, M. Morin, qui est le président de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Je voudrais, pour les membres de la commission, que vous preniez, dans un premier temps, le temps de présenter les personnes qui vous accompagnent.


Association des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ)

M. Morin (André O.): Alors, M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de la commission, nous vous remercions de votre invitation à vous présenter un mémoire reflétant la position de l'industrie de la construction. Nous essaierons de répondre à vos questions après la courte présentation que je vous ferai. Nous sommes accompagnés cet après-midi par M. Jean Marchand, président de l'Association des grands travaux, l'ACRGTQ, et son directeur général, Gabriel Richard; à ma droite, Réjean Tardif, président de l'Association de la construction du Québec, et le secrétaire général, Michel Paré, de l'ACQ; et, à ma gauche, comme de raison, M. Robert Brown, que tout le monde connaît ici, directeur général de l'AECQ; et, moi-même, André Morin, président de l'AECQ.

Alors, je vais vous lire un court résumé de notre mémoire et, après ça, nous répondrons à vos questions.

En 1987, le projet de loi 119, intitulé Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, remettait entre les mains des parties patronale et syndicale le mandat de la formation et de la qualification professionnelles de leur main-d'oeuvre. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu confirmait ainsi que les intervenants les mieux habilités pour intervenir sur la politique de main-d'oeuvre de l'industrie de la construction étaient les gens du milieu, soit les représentants patronaux et syndicaux. Cette décision s'inscrivait dans la démonstration faite par les expériences étrangères et les expériences passées: que les régimes de formation professionnelle dans la construction sont plus efficaces lorsqu'ils relèvent de la responsabilité des parties.

C'est donc à un mandat de taille que se sont attaqués ces derniers en 1987. Il fallait revoir les critères d'accès à l'industrie de façon à ce qu'ils soient basés sur la compétence, définir les besoins quantitatifs – nombre de salariés devant travailler dans l'industrie – et qualitatifs – besoins en formation professionnelle. Les parties devaient de plus se pencher sur la définition d'un régime renouvelé d'apprentissage, le suivi des apprentis et de leur qualification. Les discussions sur ces divers sujets furent laborieuses, mais les parties avaient la ferme volonté d'assumer ce mandat et de le mener à terme.

(16 h 10)

Depuis le moment où l'industrie s'est arrêtée à définir les orientations de son régime de formation et de qualification en 1987, cette dernière a développé des expertises particulières en cette matière et a réalisé de nombreuses interventions pour s'assurer d'atteindre son objectif d'une main-d'oeuvre compétente. Pour réaliser ce vaste mandat, l'industrie n'a pas hésité à mettre sur pied 26 comités reliés à l'exercice des métiers et occupations, 11 comités régionaux et un comité d'orientation nommé le Comité sur la formation professionnelle dans l'industrie de la construction, communément appelé le CFPIC. Plus de 300 représentants patronaux et syndicaux jouent un rôle déterminant dans l'évolution des différentes facettes de ce mandat. Depuis cette date, l'industrie a participé à l'élaboration de programmes de formation dans les 25 métiers régis. À ce jour, près de 15 de ces nouveaux programmes sont présentement implantés en milieu scolaire et d'autres sont à leur dernière phase de réalisation. Les parties se sont aussi penchées sur l'estimation des besoins de perfectionnement dès la prise en charge de ce dossier. Entre 1988 et 1994, près de 24 000 personnes ont suivi une activité de perfectionnement reliée à leur métier ou occupation.

En avril 1993, la CCQ obtenait du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle la gestion des examens et des carnets d'apprentissage. Ce transfert de la qualification à l'industrie s'inscrivait dans la volonté des parties d'être les maîtres d'oeuvre du développement de leur main-d'oeuvre et permettait ainsi de développer une vision plus globale du mandat. Les représentants des parties se sont aussi arrêtés à revoir les modalités d'accès à notre industrie. C'est ainsi que diverses mesures ont été arrêtées dans une réglementation, mesures qui tentent d'équilibrer les besoins en main-d'oeuvre et de donner accès à une clientèle possédant un ensemble de connaissances dans son futur métier.

Durant ces années de prise en charge du mandat, du travail de qualité et en quantité a été réalisé. Toutefois, il reste encore du chemin à parcourir avant d'avoir instauré un régime finalisé et cohérent qui assurera la compétence et la polyvalence de la main-d'oeuvre, tel que défini dans notre projet de formation. La formation par apprentissage est une des facettes qui se doivent d'être définies. Il est en effet prévu, dans notre régime de formation et de qualification, un second lieu d'acquisition et de développement des compétences, à savoir le milieu de travail. Les discussions portant sur l'apprentissage en milieu de travail se poursuivent depuis au moins quatre ans. Ceci peut sembler long, mais il faut toutefois comprendre que notre régime actuel d'apprentissage est plus un régime de contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre – nous vous référons, ici, à la notion de ratio, de durée – qu'à un réel régime d'apprentissage. Le mariage forcé du contrôle quantitatif au développement des compétences ne rend pas facile l'avancement des discussions sur ce dernier.

Toutefois, la révision de notre régime d'apprentissage est un des sujets sur lesquels doit se pencher le Comité sur la formation professionnelle dans l'industrie de la construction, CFPIC, cette année. La maturité acquise par les représentants des parties dans la gestion du développement de leur main-d'oeuvre s'est traduite par l'institution d'un fonds de formation pour le perfectionnement et le recyclage. L'industrie n'a pas attendu une éventuelle imposition par le gouvernement d'une contribution des employeurs à la formation des travailleurs pour définir et constituer un fonds voué à cette fin. C'est depuis le 25 avril 1993 que tous les employeurs de l'industrie de la construction ont cotisé une somme de 0,10 $ pour chaque heure travaillée, pour chacun de leurs salariés déclarés à la CCQ. Cette somme a été portée à 0,20 $ par heure travaillée à compter du 29 août 1993. Cela fait déjà plus de deux ans que l'ensemble des employeurs contribuent à un fonds dont l'objet est le financement des cours relatifs à l'étude, la mise en place et l'opération du plan de formation par le perfectionnement et le recyclage.

Ce fonds, résultante d'une négociation entre les parties patronale et syndicale et dont la gestion est remise entre les mains de ces dernières, devrait donner lieu à un forum paritaire où le propos sera strictement réservé aux besoins de qualification, d'adaptation et d'acquisition de compétences. Seront exclues de ce forum particulier, les discussions portant sur le contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre, les conditions d'accès à l'industrie et les émissions de certificats de compétence, les ratios de compagnons-apprentis, la durée de l'apprentissage. Ces distinctions sont essentielles à apporter, et ce n'est que dans le respect de celles-ci que le dossier du perfectionnement et du recyclage des travailleurs pourra évoluer tel que défini en 1987.

Le fonds de formation, tel que négocié entre les parties, se veut donc un lieu de concertation des parties. Sa gestion se doit, pour répondre à ce caractère d'unicité, d'être maintenue dans un organisme où ce dossier ne sera pas noyé parmi tant d'autres. Nous voulons ainsi signifier qu'au sein de la Commission de la construction du Québec, vu la diversité de ses mandats, le dossier du perfectionnement et du recyclage est prioritaire au même titre que la lutte contre le travail au noir, la réorganisation de l'inspection, la définition d'un nouveau régime d'avantages sociaux, le contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre, pour ne mentionner que ceux-ci. Le fonds de formation, reconnu comme un forum ne traitant que du perfectionnement et du recyclage des travailleurs, permettra de focaliser sur un objectif bien précis: fournir à l'industrie de la construction une main-d'oeuvre compétente, polyvalente et qualifiée.

Comme vous pourrez le constater, l'industrie de la construction s'est dotée d'orientations, de mesures qui lui permettront de s'assurer à moyen terme d'une main-d'oeuvre compétente. Elle a atteint un âge de maturité en cette matière et ne veut aucunement s'inscrire dans des cadres législatifs qui ne correspondront pas à ses besoins. C'est pourquoi nous demandons une reconnaissance entière de notre fonds de formation, de notre régime de formation et de qualification et une exclusion du projet de loi 90. Toutefois, la relation que nous privilégions et continuerons de privilégier dans ce dossier en est une d'un réel partenariat avec les organismes gouvernementaux, et ce, dans le but d'assurer la formation continue des travailleurs de l'industrie de la construction. Merci.

Le Président (M. Tremblay): Alors, merci, M. Morin. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je me sens presque nostalgique, là, du dossier de la construction, en vous écoutant.

M. Morin (André O.): Ah oui?

Mme Harel: Vous, est-ce que ça vous est arrivé aussi? Écoutez, ce matin, quand nous avons reçu l'ordre du jour pour cette consultation, là, dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, c'est avec surprise, à 16 heures, que je me suis rendu compte de la composition de la délégation de l'AECQ. On y lisait vous tous, et il y avait également M. Jean-Marie Meunier, président de l'APCHQ, et M. Omer Rousseau, vice-président exécutif de l'APCHQ. Je vous le dis, une fraction de seconde, j'y ai cru et je me suis dit: Tout va bien dans le meilleur des mondes. Donc, ceci dit, je croyais peut-être au miracle, mais, nonobstant cela, la présence de l'ACQ, de son nouveau président, M. Tardif, de son secrétaire général, M. Paré, la présence du nouveau président de l'ACRGTQ, M. Marchand, du directeur général, de vous-même, le nouveau président de l'AECQ, M. Morin, et de M. Brown, c'est, je pense, quelque chose de positif. J'espère.

Et, ce que je comprends, c'est que vous venez nous dire: Nous, on en fait plus que vous n'en demandez. Donc, comme on a déjà un 0,20 $ de l'heure par entreprise et que vous demandez, finalement, l'équivalent de 1 % pour les entreprises – en fait, ce qui est moins, là – alors, laissez-nous continuer notre bonhomme de chemin sans, finalement, nous assujettir au projet de loi 90. Bon. C'était, je dois vous le dire bien honnêtement, là, la première réaction que j'avais lorsque le projet de loi a été élaboré.

(16 h 20)

Cependant, immédiatement, il faut répondre à la question: Qu'est-ce qu'on fait à l'égard du blocage par décision judiciaire depuis 1993? Je comprends que ça peut durer encore plusieurs années, vraisemblablement trois ans, au moins, sinon plus. Ça, je ne pense pas que vous l'abordiez dans le mémoire. Alors, en l'occurrence, est-ce que vous continuez de verser ce 0,20 $ de l'heure? Est-ce qu'il serait opportun de prévoir que ce fonds, dans lequel vous versez le 0,20 $ de l'heure, doit se terminer? C'est par une annexe au décret que le gouvernement précédent l'avait adopté et qu'il a été institué. Est-ce que vous pensez que les négociations dans chacun de vos secteurs respectifs peuvent satisfaire le fait d'exprimer une volonté claire de le terminer ou si vous préférez le continuer, auquel cas il est gelé pour tout le temps où ce sera en attente d'une décision judiciaire des tribunaux? Comment vous voyez ça?

M. Tardif (Réjean): Mme la ministre, évidemment, je pense que... Puis je n'étais pas ici quand l'APCHQ a fait sa présentation, mais ils ont dû vous expliquer ou bien vos fonctionnaires ont dû vous expliquer toute l'histoire derrière la création de ce fonds de formation et la motivation d'une association patronale à intervenir devant les tribunaux.

Quoi qu'il en soit, je dois vous dire qu'on s'attendait, comme industrie, à ce que ce soit une intervention ponctuelle pour faire valoir un point de vue. Les événements ont fait en sorte que ça n'a pas procédé au-delà d'avoir un premier jugement, qui n'est pas un jugement de fond mais un jugement de forme, dans le sens que le juge a dit: Nous, on ne veut pas que l'argent collecté par la CCQ soit utilisé pour les fins pour lesquelles le fonds a été créé.

On s'attendait – naïvement ou pas, je ne le sais pas – à ce qu'après que le point eut été fait il y ait négociation – pas dans le sens où on l'entend normalement – qu'il y ait des échanges et qu'on puisse, finalement, satisfaire les attentes ou les exigences de l'APCHQ. Je dois vous dire que, si les parties avaient été un peu plus agressives dans le dossier – que ce soit l'AECQ, qui est visée par la requête de l'APCHQ, parce que, évidemment, c'est nous qui avons négocié la modification au décret, comme la partie syndicale, comme la CCQ, qui est aussi visée – si on avait été plus agressifs, possiblement que le dossier serait un petit peu plus à l'avant qu'il ne l'est aujourd'hui.

Je ne suis pas en désaccord avec vous à l'effet que ça pourra prendre un certain temps pour régler d'une façon définitive le dossier, sauf que peut-être la question ou la façon de le voir, Mme la ministre, c'est que, compte tenu de la position de l'APCHQ, que je comprends de la façon suivante... Ils ne sont plus contre la formation du fonds; ce qu'ils disent, c'est: On veut que les contributions faites par les employeurs du secteur résidentiel servent strictement à des fins de formation des travailleurs de notre secteur. Quand je lis ça, moi, je sous-entends que, finalement, ils seraient peut-être prêts à laisser tomber la procédure; mais c'est une opinion très, très personnelle. Alors, dans ce sens-là, moi, je ne suis pas inquiet de l'état du dossier au moment où on se parle.

Une autre question qui peut peut-être se poser, c'est: Quelle interprétation il faut donner à votre article de la loi – et, malheureusement, j'oublie le nom – je fais référence au tronc commun, à la définition du tronc commun? Est-ce que, effectivement, le fonds de formation fait partie du tronc commun et, donc, doit s'appliquer uniformément à l'ensemble des secteurs ou bien est-ce que chacun des quatre secteurs va pouvoir négocier son fonds de formation? Cette question-là se pose également, Mme la ministre. Évidemment, nous, comme association, on va négocier en fonction des mandats qu'on va recevoir des associations sectorielles, pour ce qui est du tronc commun, si la volonté du législateur était à l'effet que ça se retrouve dans le tronc commun.

Mme Harel: Oui, je comprends, M. Brown, que, dans le tronc commun, nommément tel que repris dans la loi 46 – et on le retrouvait déjà dans la loi 142 – la formation ne se retrouve pas parmi les objets qui font partie des clauses dites communes. Bon, ça ne nous simplifie pas la vie, ça. Parce que, dans... Vous vouliez dire quelque chose, M. Morin?

M. Morin (André O.): Non, non.

Mme Harel: Non?

M. Morin (André O.): Je sais que ça ne vous simplifie pas la vie...

Mme Harel: Non.

M. Morin (André O.): ...et la nôtre non plus.

Mme Harel: Non. Bon. Il y a des choses qui me semblent, disons, évidentes, mais dont il faut se parler parce que c'est dans la bonne voie. Quand vous dites que cet argent doit servir à du recyclage, du perfectionnement, c'est exactement ça, la voie dans laquelle il faut s'engager par rapport à la contribution. C'est ça, la contribution du 1 %, mais, vous, vous me dites: C'est ça aussi, notre contribution du 0,20 $. Donc, ça rejoint les mêmes objectifs. C'est une question de recyclage et de perfectionnement, de formation continue. Je pense que vous y souscrivez à cet objectif-là, je crois.

D'ailleurs, dans le mémoire et dans le résumé en particulier, vous le dites très bien à la page 4, il s'agit donc des besoins de qualification, d'adaptation et d'acquisition de compétences. Je comprends que le 0,20 $ que vous versez présentement, même ça n'est pas réglé. Est-ce que je me trompe? Même ça n'est pas réglé encore, là. Vous, vous le dites dans votre résumé, mais ce n'est pas nécessairement partagé par tout le monde. Est-ce que j'ai raison ou tort de penser ça?

M. Tardif (Réjean): Sur le fond – à moins que j'aie mal compris votre question – la partie syndicale, qui était cosignataire de la requête pour modifier le décret, et l'AECQ, qui avait l'autorité, à l'époque, de négocier cette disposition, étaient d'accord à l'effet que ça devait servir d'une façon restrictive au perfectionnement, au recyclage, et que le 0,20 $ servait également à financer l'ensemble des opérations relatives au perfectionnement et au recyclage, sauf ce que les spécialistes de la formation appellent le «dispositif».

Mme Harel: Bon. Ça veut donc dire, à ce moment-là, qu'il y avait une majorité, réciproquement, là, des deux côtés, mais que tout ça est maintenant échu et renégocié. Ça pourrait être autrement, étant donné que c'est matière à négociation. Est-ce que je me trompe?

M. Tardif (Réjean): Vous ne vous trompez pas, parce que c'est dans la convention collective. Évidemment, comme toutes les autres dispositions, c'est renégociable.

Mme Harel: Bon. Parce que la question, c'est de savoir: Est-ce que le fait de le dire clairement dans une loi ne serait pas utile étant donné que ça établirait clairement que c'est pour ces fins-là, pour les fins de formation professionnelle qu'il y a prélèvement de ce 0,20 $ là? Bon. Ça, c'est une question que je voulais vous poser, l'autre question étant celle du régime d'apprentissage. Je vous donne entièrement raison, ce n'est pas un régime d'apprentissage. Même si ça s'appelle apprenti, ce n'est pas vraiment un régime d'apprentissage. Un régime d'apprentissage, c'est la capacité d'apprendre dans l'environnement du travail, tandis que, là, c'est plus du contingentement. Parce que l'apprentissage se fait, est hyperscolarisé, il se fait maintenant dans les écoles de construction. C'est ça?

M. Tardif (Réjean): Si vous permettez... Évidemment, quand le président a fait le commentaire, c'est qu'un trait particulier de notre régime d'apprentissage, parce qu'on y accole, exemple, des ratios compagnons-apprentis, ça constitue en soi une forme de contrôle, de contingentement de la main-d'oeuvre. Mais, malgré cette disposition-là, il faut aussi dire que, dans la construction, et surtout depuis que l'industrie a pris en main sa formation professionnelle – et on l'indique dans le mémoire, Mme la ministre – non seulement on exige maintenant de nos travailleurs qu'ils aillent chercher une formation technique de base en institution pour chacun des métiers, mais, ça, ça va être complété par une formation, ce qu'on appelle, là, empirique, sur les chantiers, ce qui a toujours constitué l'apprentissage jusqu'à aujourd'hui. Sauf que, maintenant – et ça a été le changement, le virage important que l'industrie a fait – on s'est dit: On va s'assurer que le salarié, que l'apprenti va chercher les connaissances de base en institution – puis chacun des 26 métiers a déterminé, par devis de formation, le contenu de sa formation en institution – et, d'une façon complémentaire, il a la terminaison de son apprentissage sur les chantiers. La seule chose qui n'est pas encore réglée – on y a fait allusion – c'est le contenu réel de l'apprentissage sur le chantier. Est-ce que ça va se faire de façon continue, rotative ou quoi? Ça, ça reste encore à déterminer.

(16 h 30)

Mme Harel: Dans votre mémoire, je dois vous dire, là, qu'il y a un élément, à la page 47, qui m'a semblé percutant. C'est l'argument que vous développez et selon lequel il faut, dans la construction, une logique d'industrie, et le projet de loi 90 développe une logique d'entreprise. Donc, là-dessus, je pense qu'il y a un fond, il y a un fondement dans ce que vous dites. Dans le projet de loi 90, notre intention est aussi de favoriser une logique d'industrie, mais on retrouve ça à l'article 8, avec la possibilité pour les associations sectorielles, les comités paritaires ou tout autre organisme de faire valider un plan de formation qui pourrait, par exemple dans les pâtes et papiers, ou dans le plastique, ou dans la pétrochimie, ou dans l'aérospatiale, permettre à une entreprise de s'acquitter de son obligation en versant l'équivalent, ou une partie, ou la totalité de son 1 % pour les fins de réalisation d'un plan de formation dans son secteur industriel. Disons que, ça, c'est possible. Je vais vous dire, moi, je pense que, dans la construction, vous êtes en avance, la question étant que cette avance-là est un peu aléatoire parce que c'est une avance qui fait que, de toute façon, vous n'avez pas la possibilité de gérer le fonds que vous accumulez, qui doit bien être rendu à 20 000 000 $, là. Alors, vous n'avez pas la possibilité de le gérer, vous n'avez pas de certitude sur sa finalité: Est-ce que c'est bien pour des fins de recyclage et de perfectionnement qu'il va continuer d'être utilisé? Vous n'avez pas de, si vous voulez, sécurité sur le fait que, en cours de négociations, ce n'est pas à d'autres fins que, finalement, vous allez consentir qu'il soit utilisé.

Et puis, d'autre part, la gestion de ce fonds est contestée à cause d'une partie qui considère que la représentativité n'est pas complète. Mais vous voulez quand même rester dans la situation, vous voulez quand même être exclus puis que ce soit le statu quo. C'est ça que je comprends de ce que vous voulez nous dire cet après-midi.

M. Tardif (Réjean): Oui, oui, Mme Harel, puis je pense que le dossier n'est peut-être pas si compliqué que ça. Je vais vous dire que je ne suis pas un rédacteur de règlement, un rédacteur de loi, et, donc, je vais y aller un peu sur le tas.

Ce que je dois vous dire, d'abord – puis j'insiste là-dessus – la contestation de l'APCHQ a été, pour elle, une contestation de principe, qui était importante à l'époque. Mais elle est venue vous dire, sauf erreur – corrigez-moi si j'ai mal interprété: Nous, on est d'accord avec un fonds de formation, mais on veut le gérer d'une façon sectorielle. Alors, je prends pour acquis que, de leur côté, ils sont d'accord avec le principe du fonds, la partie syndicale est toujours d'accord avec le principe du fonds, et les organisations qui sont devant vous vous disent: On est d'accord avec le principe du fonds. Sous cet angle-là, je pense qu'il n'y a pas de problème.

D'autre part, là où je vous donne raison... Puis on s'est posé la question: Si ces éléments-là sont négociables, quelle garantie peut-on donner que, effectivement, la philosophie, l'esprit de la loi va être respecté et va être préservé? Et c'est là où je vous dis: Je ne suis pas rédacteur de règlement. Si vous prévoyez une clause, dans votre projet de loi, à l'effet que vous excluez l'industrie de la construction, est-ce que vous ne pouvez pas prévoir, dans la même disposition, qu'on a quand même une responsabilité, qui est celle de s'assurer qu'on va faire du perfectionnement et du recyclage? Je le dis mal – je le répète, je ne suis pas spécialiste – mais est-ce que vous ne pouvez pas garantir ou vous assurer, dans votre projet de loi, tout en nous désassujettissant, qu'on va avoir une obligation de faire de la formation? Ce qu'on a fait avant même que ce soit projet de loi. Nous, ça ne nous inquiète pas.

Le Président (M. Bourdon): Mme la ministre.

Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. La responsabilité à laquelle vous vous référez, elle est, dans la Loi sur la formation et la qualification professionnelle, attribuée à la CCQ. Et, donc, la CCQ a cette responsabilité-là, mais ne l'exerce pas, si j'ai bien compris, parce que le fonds, auquel vous versez le 0,20 $, ce n'est pas la CCQ qui l'administre, ni le CFPIC, mais c'est un autre comité. Est-ce que vous pensez que ça doit continuer comme ça aussi?

Des voix: Oui.

Mme Harel: Ah oui?

M. Tardif (Réjean): Quand on demande l'exclusion, Mme Harel, c'est exactement dans ce sens-là. Les parties, lorsqu'elles ont accepté de modifier le décret, ont dit: Nous, on veut gérer nous-mêmes notre formation professionnelle. Et, n'eût été de la procédure juridique, on viendrait déjà vous parler avec expérience empirique des réalisations en perfectionnement et recyclage. On vous aurait dit: On a organisé tant de cours, notre comité de gestion a agi de telle façon, notre comité paritaire a agi de telle façon.

La volonté, à l'époque – et je dois vous dire que, comme patrons, on n'a pas tordu les bras des syndicats, et, l'inverse, même chose – c'était... D'un commun accord, on a dit: On se prend en main, on va faire la démonstration. On se fait tellement critiquer, l'industrie de la construction, on a dit: On va leur montrer qu'on est en mesure de l'assumer nous-mêmes. Et c'est la même volonté qu'on exprime. Et, d'ailleurs, si la partie syndicale était venue vous faire des présentations de mémoires – je vais parler en leur nom, même si je n'en ai pas l'autorisation – elle vous dirait exactement la même chose, selon ce que j'ai entendu.

Mme Harel: Mais je vais vous dire tout de suite... Une petite parenthèse pour vous dire qu'une fois qu'on a eu connu le secteur de la construction et l'industrie de la construction, même si, à l'intérieur, quand vous vous regardez, vous vous désolez, quand on vous compare, là, je peux vous dire que vous pouvez vous consoler, parce que, sur bien des choses, vous êtes en avance sur d'autres. C'est surprenant, d'ailleurs, quand on vous compare.

Mais je ferme la parenthèse, là, puis je reviens pour vous dire ceci: Ce comité, qui administre le 0,20 $ de l'heure, si j'ai bien compris, il est contesté du fait, par exemple, que toutes les parties représentatives ne sont pas représentées; la CSD n'y est pas représentée, à ce que je crois, et l'APCHQ non plus. Est-ce que c'est le cas?

M. Tardif (Réjean): Oui, madame, quand on a modifié le décret pour introduire cette disposition-là, ça s'est fait, évidemment, conformément à la loi, sinon la modification n'aurait pas été apportée au décret. Ç'a été une entente qui a été signée par l'AECQ, qui était l'organisation autorisée à négocier et conclure une convention collective, avec une majorité syndicale qui a été constituée, à ce moment-là, du Conseil provincial et de la FTQ. Au-delà du fait que ça a été signé, du côté syndical, par ces deux organisations-là seulement, nous avons intégré, au sein du comité paritaire, et, de mémoire, aussi, du comité de gestion, la CSN.

Mme Harel: Voilà. Mais comptez-vous le faire pour la CSD aussi?

M. Tardif (Réjean): Je ne m'avancerai pas, Mme Harel, parce qu'on n'a pas eu le mandat encore de la part des associations sectorielles, si, effectivement, c'est une négociation qui se fait dans le cadre du tronc commun, mais je ferais le commentaire également du côté syndical. Mais il faut se rappeler qu'on aura l'opportunité, en négociant, d'améliorer, même si on ne l'a pas mis à l'épreuve... Je pense qu'il y a des améliorations à apporter, puis c'en est une qu'on peut regarder.

Mme Harel: Parce que c'est quand même embarrassant de penser que des travailleurs, qui choisissent, en vertu d'un droit que la loi leur reconnaît, de se faire représenter par une association syndicale et qui oeuvrent pour des entreprises qui ont à contribuer ce 0,20 $, ne sont pas, finalement, représentés.

M. Tardif (Réjean): Permettez-moi juste de vous dire... puis vous allez comprendre. Ça faisait l'objet de la négociation et c'était un élément important à l'époque. Je pense que je ne vous surprendrais pas si je vous disais que c'est une condition – je parle de la présence de la CSN, de la CSD et du Conseil seulement – qu'on a été contraints d'accepter pour avoir une entente pour mettre en place le fonds. Je pense que c'est beaucoup plus un règlement auquel doivent convenir l'ensemble des parties syndicales. Nous, on n'a pas de difficulté avec le principe, c'est évident.

De toute façon, la 142 a donné le droit à chacune des associations syndicales d'être présente à la table de négociation. Je pense que ce ne serait pas un accroc que de maintenir le même concept.

Mme Harel: Mais, pour la suite des choses, est-ce que ce ne serait pas mieux que tout ça revienne au CFPIC?

M. Tardif (Réjean): Je ne vois pas pourquoi...

Mme Harel: Vous êtes paritaires.

M. Tardif (Réjean): ...et, d'ailleurs, je ne vois pas l'avantage, Mme Harel. Je vais peser dans la balance des inconvénients, et je vais revenir à une déclaration que le président a faite, tantôt. Un des avantages qu'on recherchait en se prenant en main et en ne mêlant pas le dossier aux autres dossiers de la Commission, c'est qu'on pouvait, d'une façon restrictive, trouver les solutions aux problèmes de perfectionnement et de recyclage. On ne mêlait pas cette discussion-là aux discussions sur les ratios, sur les définitions de métier, etc. D'un commun accord, c'est comme si on s'était dit: Si on s'embarque dans le modèle traditionnel, on va probablement s'emmerder – excusez l'expression. Alors, de cette façon-là, on va refuser de négocier ce dossier-là avec d'autres dispositions de ce qu'on pourrait appeler la grande formation professionnelle.

Mme Harel: Ce serait bien plus simple pour, mettons, le législateur, si tant est que toutes les parties représentatives soient concernées, si vous voulez, soient représentées. Parce que, est-ce que l'APCHQ siège sur ce comité qui est en plan, là, mais qui devrait administrer le 0,20 $ de l'heure?

M. Tardif (Réjean): Non, Mme Harel, parce que c'étaient des désignations faites par l'AECQ, parce que c'est nous qui avions l'autorité.

Deux commentaires. Je vous répète que, nous, on n'est absolument pas réfractaires à ce que toutes les associations syndicales soient sur le comité. Aucun problème. Et, d'une façon implicite, moi, je comprends que, lorsqu'on va avoir à renommer des gens qui vont siéger sur le comité de gestion et le comité paritaire, compte tenu de la nouvelle dynamique du processus de négociation, ce ne sera pas l'AECQ qui va désigner les individus, ça pourrait être le conseil d'administration. Mais, sur le conseil d'administration, on retrouve des représentants désignés par l'ensemble des associations. Alors, l'APCHQ, je présume – et c'est une opinion personnelle – trouverait un... le secteur résidentiel trouverait un représentant sur le comité de gestion, puis je pense qu'il est raisonnable de penser que chacun des quatre secteurs trouverait son représentant sur ces deux comités-là.

Mme Harel: Et il faut absolument, là, avant qu'on me dise que c'est terminé, que je vous entende sur la question de savoir pourquoi ça doit ne pas être sectoriel.

M. Tardif (Réjean): Essentiellement... Et, là, ça nous indispose – tu pourrais peut-être y aller après... Comprenez que ça nous indispose un peu, parce qu'il y a une organisation qui n'est pas ici. D'ailleurs, je me permets de vous dire que le président avait fait une invitation à chacune des associations sectorielles. L'APCHQ nous a répondu que, puisqu'ils avaient déjà déposé leur mémoire, ils ne trouvaient pas utile de se présenter. Alors, je vous répète le contenu d'une lettre qu'on nous a donnée.

Évidemment, c'est un petit peu embarrassant pour nous, Mme Harel, de répondre à cette question-là, parce que je connais la position qu'a exprimée l'APCHQ. Mais, essentiellement, si je fais abstraction de ça, je vous dirais que la raison pour laquelle, nous, on est d'avis que, le fonds, ça doit être un fonds d'industrie, c'est à cause de la mobilité des travailleurs à l'intérieur de la mobilité des entreprises qui les emploient. Nous, on avait fait faire un sondage par la firme CROP et on avait demandé aux employeurs de s'identifier pour être capable d'analyser ou de faire des croisements pour voir quelle était la réalité de la mobilité autant des travailleurs que des employeurs. Et, si vous me permettez, je peux vous donner quelques statistiques.

(16 h 40)

Permettez-moi de les citer: Dans le secteur résidentiel, il y a – je vais les donner en pourcentage – selon les heures enregistrées à la Commission en 1994 – alors, la source, évidemment, c'est la CCQ – 45 % des travailleurs qui ont enregistré au moins une heure dans le résidentiel... 45 % du 100 % qui ont travaillé dans le résidentiel, qui ont travaillé exclusivement dans le secteur résidentiel. Donc, il y a 55 % des travailleurs qui ont fait au moins une heure dans le résidentiel qui ont travaillé, également, dans d'autres secteurs. Et le même phénomène s'applique aux autres secteurs.

Au niveau des entreprises, le même sondage confirme qu'au moins 70 % des entreprises travaillent dans au moins deux secteurs. Alors, si les entreprises se promènent d'un secteur à l'autre, c'est la même chose pour les travailleurs, parce qu'ils ne vont pas nécessairement avoir une équipe – ça peut arriver – pour un secteur et une autre équipe pour un autre secteur. Les gens sont mobiles.

Le Président (M. Bourdon): Le temps imparti aux députés ministériels est maintenant écoulé. Oui, Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, est-ce que vous me permettez, simplement... M. Brown, est-ce qu'il serait possible d'obtenir, peut-être, le dépôt de ce document, et on pourrait l'étudier plus à fond?

M. Tardif (Réjean): Oui.

Mme Harel: Oui? Ce sondage. Alors, on pourrait le faire parvenir au secrétariat de la commission et en avoir copie.

M. Tardif (Réjean): Si vous me permettez, Mme Harel: Est-ce que vous faites allusion aux statistiques que j'ai obtenues de la Commission ou aux résultats de notre propre sondage?

Mme Harel: Ces chiffres que vous venez de nous communiquer.

M. Tardif (Réjean): O.K.

Mme Harel: Ç'a été trop court, évidemment.

Le Président (M. Bourdon): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Bienvenue à cette commission. Et je remercie devant vous la ministre d'avoir accueilli notre demande de pouvoir vous inscrire au nombre des organismes que nous devons consulter à ce moment-ci.

Une petite question préliminaire: Est-ce que vous aviez été consultés, de quelque manière que ce soit, par la ministre, quant à ce projet de loi 90, avant cette rencontre d'aujourd'hui?

M. Tardif (Réjean): Pour ce qui est de l'AECQ – les autres représentants d'associations pourront le confirmer – non.

M. Charbonneau (Bourassa): Vous êtes une organisation qui représente quelque 100 000 travailleurs, plus ou moins?

M. Tardif (Réjean): De 17 000 à 18 000 employeurs, et c'est une industrie de 100 000 travailleurs, oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Cent mille travailleurs, 18 000 employeurs. Alors, c'était donc essentiel que nous puissions entendre votre point de vue; 18 000 employeurs. Un chiffre d'affaires ou une masse salariale qui est de l'ordre de...

M. Tardif (Réjean): Salaires: 2 000 000 000 $, je pense.

M. Charbonneau (Bourassa): Une masse salariale de 2 000 000 000 $.

M. Tardif (Réjean): Oui, vous l'avez dans le mémoire, M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, mais c'est que, là, on a parlé surtout en fonction du résumé, et je veux réinscrire quelques données majeures ici dans nos échanges: quelque 2 000 000 000 $ de masse salariale, 18 000 employeurs, 100 000 salariés. Et vous découvrez, en lisant le projet de loi 90, comme nous l'avons fait, que le législateur vise à vous assujettir, à assujettir votre secteur à cette loi favorisant le développement de la formation professionnelle, sans avoir eu le moindre élément de discussion avec vous. Je m'étonne de la qualité de la concertation qu'il y a derrière ça, mais, ça, on aura l'occasion de prolonger nos discussions là-dessus avec la ministre. Un bloc aussi important, un secteur aussi important était laissé de côté dans la préparation de ce projet de loi. Je m'en étonne absolument. Mais essayons quand même de réparer tout ça et de reprendre ces moments de discussion entre nous.

Nous avons remarqué en discutant, il y a quelques jours, avec l'APCHQ – une des associations dont il a été question tout à l'heure, qui n'est pas ici, aujourd'hui – un malaise certain face au projet de loi 90. Vous avez lu leur mémoire, vous savez ce qu'il en est. Ces gens nous ont expliqué dans les grandes lignes – comme vous l'avez fait, vous, de manière beaucoup plus minutieuse dans votre mémoire – l'historique, l'arrière-plan de tout ça. Et, à un moment de la discussion, j'ai suggéré, d'après la compréhension que je pouvais avoir, à ce moment-là, de la discussion, l'existence d'un fonds, les 0,20 $ de l'heure, etc... Après nous être fait expliquer que ces gens-là préféreraient s'assurer que chaque bloc de cotisation revienne à la catégorie d'où ils proviennent, sous forme d'investissement en formation, on a bien compris l'enjeu, les deux logiques, là, mais, tout de même!

Ceci étant dit, moi, je leur ai lancé l'idée: Est-ce que ça ne répondrait pas à vos aspirations, finalement, que d'être exclus de cette loi? Et, là, il y a eu une espèce d'imbroglio, c'est-à-dire que ces gens nous ont dit: Nous investissons déjà 1 %. L'idée n'est peut-être pas d'être exemptés, mais, finalement, ils nous ont expliqué qu'il y avait un circuit, qui s'appelle «votre fonds», avec son comité, etc., un circuit qui prévoit un investissement au moins équivalent à ce que la loi prévoit, 1 % – 0,20 $ de l'heure, etc., on n'est pas loin du 1 %.

Vous, vous arrivez, puis vous avez un langage clair. Vous dites: L'exclusion, l'exemption. On a un circuit qui est réglementé, dont les règles du jeu sont connues. Il y a blocage temporaire sur l'utilisation de l'argent parce qu'il y a deux logiques qui s'affrontent; ça sera dénoué à un moment donné. Mais, déjà, il y a une dynamique nouvelle qui se crée, où il pourrait y avoir une meilleure coopération. Vous nous faites voir ça.

L'argument ultime qu'on m'a servi, c'est qu'il faut que ça soit quand même dans cette loi. Il faut quand même qu'il y ait une espèce d'article 10. Je ne sais pas si... à quelques variantes près, l'article 10, que ce soit pris en compte, et puis que cet article 10 là est appuyé par d'autres articles, notamment l'article 52. On m'a dit: Il faut tout de même que ça soit dans la loi, comme une espèce de police d'assurance, qu'il va s'en faire, de la formation, au moins à cette hauteur de 1 %.

Parce que, les gens qui soutiennent ça, ils me disent: C'est bien beau, le système qui existe dans la construction, mais c'est le résultat d'une négociation. Si, dans deux ans, trois ans, cinq ans, les parties à la négociation conviennent que ce n'est plus 0,20 $ de l'heure, mais que c'est 0,08 $ de l'heure qui vont à la formation, nous serons loin de l'équivalent du 1 %. Donc, pour être sûr qu'on a au moins des investissements en formation à la hauteur de 1 %, ces gens-là ont conçu l'article 10 et d'autres articles, une espèce de police d'assurance contre les ressacs possibles d'une négociation, plus tard, où on investirait moins. Qu'est-ce que vous pensez de cette logique-là de la police d'assurance?

M. Richard (Gabriel): Bien, d'abord, je pense qu'on en faisait, comme on vous l'a expliqué tout à l'heure, de la formation, depuis la loi 119. Il y a déjà une loi qui a commencé ça, qui a entraîné la création du CFPIC et des nombreux comités qui se sont penchés et qui ont travaillé à la formation professionnelle.

J'ai rarement vu, dans l'industrie, autant de bénévolat; puis, c'est remarquable, il y a peut-être... on parle de 360, dans le mémoire, personnes qui ont travaillé bénévolement à élaborer des cours; des représentants des entrepreneurs, des représentants des syndicats, qui, ensemble, ont multiplié les journées et les heures afin de moderniser les cours de perfectionnement. Tout ce travail-là, même si on n'avait pas de loi 90, on a réussi à le faire. Puis, dans le mémoire, on vous dit qu'il y a eu 24 000 personnes qui ont suivi des cours depuis le début.

Alors, je pense qu'il faut aussi regarder les résultats que nous avons obtenus, au lieu de parler continuellement du fonds, qui est temporairement bloqué. Ça va débloquer, mais, même si le fonds était bloqué, on a quand même formé 24 000 personnes depuis ce temps-là. Et, encore hier – je suis membre du CFPIC depuis six ans – nous avons approuvé le nombre de personnes qui pourraient recevoir des cours de perfectionnement au cours de l'année qui s'en vient, puis c'est de l'ordre de 5 000 personnes, qui vont se rajouter aux 24 000 déjà. Ça fait que, fonds, pas fonds, on en fait quand même, du perfectionnement.

M. Charbonneau (Bourassa): À partir de sommes qui sont où dans ce... Si le fonds est gelé – juste pour mon information – et qu'il se fait quand même de la formation à la hauteur de 24 000 personnes, c'est à partir de quelles sommes d'argent?

M. Richard (Gabriel): Ah! bien, il y a eu de l'assistance du ministère de l'Éducation et d'autres fonds, aussi, fédéraux, provinciaux, etc., puis il y a la coopération des travailleurs aussi qui... Et, comme je vous le disais tout à l'heure, le bénévolat qui s'est installé depuis 1987.

M. Paré (Michel): M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Bourdon): Oui.

M. Paré (Michel): L'objectif et la police d'assurance dont on a besoin, ils sont simples: c'est qu'on ne fasse pas, par le projet de loi 90, un double emploi. Les entrepreneurs, les employeurs paient déjà; il faudrait que ce soit reconnu, reconnu dans leur sphère d'activité.

(16 h 50)

Mais il y a un élément qui n'a pas été souligné jusqu'à présent. Là, on a parlé des travailleurs qui sont assujettis aux règles de la construction. Un entrepreneur a aussi des employés qui ne sont pas en chantier: personnel de bureau, personnel d'atelier, estimateurs, gérants de projet, etc. Et, ça, il y a, présentement, des cours qui sont reconnus par la Régie du bâtiment entre autres, au niveau de la qualification, en gestion administrative, en lecture de plans, en lecture de devis, en estimation, en comptabilité, relations de travail, etc.

Alors, il y a toute une dynamique, là, où les entreprises participent déjà, où l'ACQ, comme organisation, donne déjà des cours. Les entrepreneurs peuvent également, ou leurs employés, leur personnel de bureau, suivre des conférences. Et ces méthodes de formation là, même si elles peuvent être reconnues dans un cadre législatif avec la Régie du bâtiment, ne semblent pas être reconnues dans le projet de loi. Alors, la mécanique de reconnaissance, d'une part.

D'autre part, il se fait donc déjà beaucoup de formation à ce niveau-là et il faudrait laisser un peu de temps aux entreprises pour qu'elles s'habituent à comptabiliser ce genre d'investissement là de formation qui se fait présentement. Et, à ce niveau-là, on rejoint un peu le discours du Conseil du patronat.

Le Président (M. Bourdon): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Je voudrais m'assurer...

Mme Harel: Écoutez, si vous rejoignez le discours du Conseil du patronat, ça va commencer à m'inquiéter. Ha, ha, ha!

M. Paré (Michel): Bien non! Enfin, de reconnaître ce qui se fait déjà.

Mme Harel: Ah bon!

M. Paré (Michel): Et également de laisser un certain temps aux entreprises pour leur permettre une habitude de comptabilisation de ces coûts-là; ce qui n'est pas fait présentement.

Le Président (M. Bourdon): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Je vais revenir à la base de la discussion pour bien vérifier, par la question suivante: Le 0,20 $ de l'heure résulte d'une négociation?

M. Tardif (Réjean): Oui. Ça résulte, M. le député, d'une négociation qui a fait suite au rapport déposé par la commission Picard-Sexton.

M. Charbonneau (Bourassa): Est-ce à dire que, dans quelques années, les parties pourraient convenir d'un autre montant?

M. Tardif (Réjean): Implicitement, M. le député, à partir du moment où on a accepté d'inclure les dispositions du plan de formation dans la négociation, nous, on a présumé, et il en est de même pour la partie syndicale, que tout était révisable, si c'était la volonté des parties.

M. Charbonneau (Bourassa): Et, là, pour fins de rappel aussi, la convention... enfin, on dit «la convention», ou ce qui vous régit en matière de conditions de travail, ç'a quelle échéance, ça?

M. Tardif (Réjean): D'abord, on parlait d'un décret de la construction. Même si on avait eu une entente, on aurait parlé d'une convention collective, mais, pour qu'elle s'applique à tous les travailleurs, il y aurait eu extension ou prolongation en décret. Donc, on parlait d'un décret, qui est arrivé à échéance le 31 décembre dernier, mais dont les dispositions continuent de s'appliquer au moment où on se parle. Avec le nouveau système, M. le député, on ne parlera plus d'un décret uniforme pour l'ensemble des travaux, mais on va parler de quatre conventions collectives sectorielles.

M. Charbonneau (Bourassa): Vous aviez remarqué mon hésitation à utiliser le mot «décret» ou «convention», sachant que, parfois, ces réalités deviennent interchangeables et périssables.

Donc, là, il y a des négociations qui vont s'entreprendre de nouveau?

M. Tardif (Réjean): Oui. Théoriquement, c'est en cours, ç'a débuté, même si on n'est pas dans le noeud des discussions.

M. Charbonneau (Bourassa): Rappelez-moi donc aussi: Est-ce que vous êtes liés à des longueurs de conventions collectives maximales à trois ans?

M. Tardif (Réjean): C'est un terme fixe de trois ans, en vertu de la loi.

M. Charbonneau (Bourassa): Fixe de trois ans, en vertu de la loi. Ça veut dire que, bientôt, vous allez entreprendre des négociations, et, l'horizon, ce sera trois autres années. Et c'est là que va revenir en discussion, possiblement, la question du 0,20 $ de l'heure?

M. Tardif (Réjean): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Alors, est-ce qu'on se trompe en disant – beaucoup ou peu – que, 0,20 $ de l'heure, ça revient à peu près à 1 %? Si on dit 20,00 $ de l'heure, 0,20 $ de l'heure, c'est...

M. Tardif (Réjean): Oui, c'est le cas, M. le député. Mais permettez-moi de vous dire, pour compléter ce que M. Richard a mentionné, tantôt: La contribution de l'industrie à la formation professionnelle, ça ne se résume pas aux 0,20 $. On a fait allusion, tantôt, à notre régime d'apprentissage. C'est pas tous les secteurs d'activité qui peuvent se vanter d'avoir un régime d'apprentissage.

Juste un élément, et je vous donne juste un détail qui n'est pas limitatif: les apprentis sont assujettis à une surveillance immédiate d'un compagnon; ça fait partie de notre régime d'apprentissage. Nous, on est d'avis que le contrôle de l'apprenti, sur le chantier, par un compagnon constitue un complément à la formation. Dans le nouveau régime, on va parler de formation en institution. Et, quand on va parler de formation sur les chantiers, ça va constituer, dans une forme tout aussi pure que la première, de la formation qui est donnée par l'employeur.

Alors, théoriquement, la contribution de l'industrie est supérieure, je vous dirais, même si on ne peut pas la comptabiliser – j'allais dire de beaucoup supérieure. C'est supérieur aux 0,20 $, et c'est donc supérieur au 1 % qu'on voit dans l'esprit du projet de loi.

M. Charbonneau (Bourassa): Là, vous référez au régime d'apprentissage qui comporte un coût...

M. Tardif (Réjean): Effectivement.

M. Charbonneau (Bourassa): ...excédant les 0,20 $ l'heure.

L'inscription, dans vos conventions collectives – décret, conventions collectives – du chapitre traitant ou des articles traitant de ce fonds et de la contribution des employeurs, 0,20 $ de l'heure, etc., est-ce que c'est automatiquement paralysé, ça, lorsqu'il y a un conflit? Par exemple, lorsqu'une négociation s'entreprend et qu'arrive, à un moment donné, l'exercice de mesures, d'une part ou d'autre part, qu'arrive-t-il des dispositions de la convention, à ce moment-là, et notamment de celle-ci?

M. Tardif (Réjean): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Est-ce que les contributions continuent d'être versées? Est-ce qu'il y a un arrêt? Ou est-ce que c'est mis en danger? Est-ce que c'est mis au jeu? Qu'est-ce qui se passe?

M. Tardif (Réjean): La loi prévoit que les conditions... Évidemment, c'est des conditions transitoires, parce qu'on parle d'un décret, dont le concept va s'effacer à jamais lorsqu'il va y avoir signature des conventions collectives. La loi prévoit présentement que les conditions du décret échu continuent de s'appliquer tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas exercice du droit de grève ou du droit de lock-out.

M. Charbonneau (Bourassa): Vous êtes un professionnel dans le domaine de la construction et de l'industrie de la construction. Vous connaissez à fond l'historique et toutes les législations, les règlements, la tradition aussi et les impératifs, les besoins de cette entreprise. Votre appréciation, là, du danger que, un jour, ce genre d'article, ce genre de chapitre dans votre convention ou décret soit rasé, sous l'effet d'un rapport de force... Comment vous évaluez les perspectives, que, si on ne prend pas les mesures à travers une loi particulière comme celle qui est devant nous, on soit devant rien, à un moment donné, on soit devant un désinvestissement en formation? Comment vous voyez ça?

M. Tardif (Réjean): Sur le principe, je vous dirais: On ne peut pas dire: Non, ça n'arrivera jamais. Selon moi, c'est peu probable, et on en a fait la preuve en instituant le fonds. La raison pour laquelle on l'a fait, c'est que, comme industrie, autant du côté patronal que syndical, on a constaté qu'il fallait améliorer la compétence technique de nos travailleurs. La construction a pris les devants, a choisi volontairement d'investir dans cette formation-là parce qu'elle s'est dit: C'est un investissement pour l'industrie, c'est un investissement pour les clients des employeurs. Et, évidemment, ce qui est intéressant aussi – et, ça, ça peut peut-être confirmer la volonté des syndicats à ce que ça fonctionne et à ce que ça dure – c'est que ça va améliorer l'employabilité des travailleurs.

Plus ils vont être compétents... On ne parle même pas de polyvalence, M. le député, là. Un des problèmes qu'on a, c'est que les travailleurs ne sont même pas polyvalents à l'intérieur de leur propre définition de métier. C'est presque une contradiction dans les termes, mais c'est la réalité. Alors, ce que la construction a choisi de faire, c'est d'améliorer le revenu des travailleurs en améliorant leur employabilité. Comment on le fait? C'est en s'assurant que le travailleur est capable d'effectuer, idéalement, la totalité des tâches qui sont prévues dans la définition de métier ou qu'il soit capable d'exécuter la majorité des tâches prévues dans la définition de métier. Et, donc, la partie patronale a intérêt, à cause de la qualité des travaux qu'elle doit faire, à travailler avec la main-d'oeuvre. D'ailleurs, c'est plus rentable; on n'a pas à se gêner pour le dire. Et, pour les syndicats, ça fait en sorte que leurs membres vont plus facilement trouver de l'emploi.

M. Charbonneau (Bourassa): De manière complémentaire à cet échange à l'égard de vos employés, les travailleurs de la construction, il y a tout de même des catégories de personnel dans votre industrie dont on n'a pas parlé, qui ne sont pas des syndiqués: il y a du personnel de gérance, il y a du personnel à différents niveaux, dans les compagnies qui constituent votre industrie, il y a des petites entreprises, il y en a de plus grandes, il y a des gens à tous les niveaux, autres que les syndiqués, qui, eux aussi, sont concernés par le projet de loi 90. On dit: Le personnel. Ce projet de loi vise le personnel, le développement de la formation du personnel. Comment évaluez-vous l'investissement qui est fait dans votre industrie? Quelle approche avez-vous de cette question du développement de vos autres ressources humaines que celles dont nous venons de parler, syndiqués, etc., 0,20 $ de l'heure?

(17 heures)

M. Morin (André O.): Oui, bien, je vais vous répondre comme employeur, mais pas comme président de l'AECQ, parce que, moi aussi, j'emploie des gens de bureaux puis des gens d'atelier. Et puis, l'éducation ou la formation, dans notre entreprise, ça doit être continu, parce que, aujourd'hui, les techniques changent, les équipements changent, tout change. Tout le monde est obligé de faire mieux et plus vite ce qu'on faisait avant, pour rester compétitif. Donc, on a une course tout le temps, tout le temps, à la formation.

Alors, nous, ce n'est pas 1 % de notre masse salariale qu'on dépense comme entreprise, on dépense beaucoup plus que ça. On a eu un projet spécial, il y a deux ans, pour fabriquer des grilles pour General Motors. On a été obligés d'acheter de l'équipement qui venait d'Allemagne, puis l'instructeur nous a coûté 67 000 $ pour enseigner à nos employés. Ça fait que vous pouvez vous imaginer combien les employés nous ont coûté. Ça a été une période d'à peu près trois mois intensifs. On avait des équipes, on avait huit personnes sur trois équipes, ça veut dire 24 personnes, pendant trois mois de temps, à suivre des cours intensifs sur des «computers», des choses que ces gens-là n'avaient jamais pensé de faire en entrant chez nous, une petite entreprise. Alors, ces gens-là, quand le projet va être terminé, dans deux ans, ils vont sortir de chez nous avec un bagage de connaissances qu'on va leur avoir donné et qui est impossible à comptabiliser, parce qu'on ne fait pas une comptabilité comme ça. Alors, si quelqu'un me dit: Combien vous avez dépensé? Je vais dire: Bien, je suis sûr du 67 000 $, parce que ça m'a crevé le coeur quand j'ai été obligé de payer ce formateur-là. Mais, je veux dire, ça ne me crève pas le coeur de voir que ma main-d'oeuvre est plus compétente puis que je suis capable de faire un projet qui me rapporte des revenus de 30 000 000 $.

Alors, moi, je vous dis simplement que, dans notre industrie, que ce soit au niveau des entrepreneurs généraux, ou des spécialisés, ou des fabricants, on est obligés, nous, de se former au fur et à mesure. Les nouvelles lois, tout ce qui nous arrive dans l'industrie de la construction... On est obligés d'envoyer nos employés dans des cours de formation que l'ACQ nous donne. Je vais parler parce que je suis membre là, mais l'ACRGTQ fait exactement la même chose. Puis tout le monde est obligé... Le matin, des déjeuners-causeries sur des points particuliers, on est obligés d'envoyer deux ou trois employés, parce que, bon, ISO 9000, ça s'en vient. On est obligés d'envoyer des gens continuellement faire du «updating» pour être capable de suivre le marché. Alors, moi, si je comptabilise le coût du déjeuner, qui n'est rien, souvent le déjeuner est gratuit, mais le problème, c'est le temps du personnel. C'est moi qui les paie pendant qu'ils sont là. Ils reviennent à 10 h 30, 11 heures le matin. Pendant ce temps-là, c'est ma compagnie qui souffre. Mais je ne souffre pas longtemps, parce que je le sais, qu'éventuellement ça va me rapporter.

On est pris dans une dynamique, aujourd'hui, sur laquelle on n'est pas capable de penser que c'est 1 %. Moi, j'écoute ça puis je suis content de voir que les gens s'intéressent à la formation. Je suis ingénieur puis, nous, c'est important de... on a une compagnie d'«engineering» en premier, je crois, là, puis on essaie de former nos gens à l'image du futur de notre industrie. Alors, si on était capables de comptabiliser nos coûts puis d'indiquer c'est quoi, exactement, le vrai pourcentage... Parce que 1 %, moi, je trouve ça faible. Quand vous avez une masse salariale de 1 000 000 $ puis que vous prenez 1 % de ça, ce n'est pas grand-chose dans la vie d'un homme, ça, 10 000 $ investis pour la formation quand vous avez 1 000 000 $ de masse salariale. Alors, moi, je me dis que les gens, certainement, investissent déjà plus que ça. Alors, que ce soit consacré dans une loi, moi, ça ne me dérange pas, mais trouvons la façon de le faire pour que les gens soient capables de vivre avec la loi au moment où elle va s'appliquer.

Mme Harel: Si l'opposition est d'accord – je n'ai pas beaucoup abusé depuis le début de nos travaux, il y a une semaine – j'aimerais avoir cinq minutes, au maximum, pour juste vérifier...

M. Charbonneau (Bourassa): Pourvu qu'on soit traité... C'est ça.

Le Président (M. Bourdon): Il y aura l'équivalent pour l'opposition officielle.

Mme Harel: Bon.

M. Charbonneau (Bourassa): C'est parce que j'aurais eu juste un complément de raisonnement, là, puis, après ça, on irait sur l'échange que sollicite la ministre. D'accord?

Des voix: O.K.

M. Charbonneau (Bourassa): Moi, je tire de cet échange, à ce moment-ci, que nous sommes face à des représentants d'une industrie de l'ordre de 2 000 000 000 $ qui nous disent: Par des conventions ou des décrets pour notre personnel salarié, nous sommes déjà à un niveau de 1 %. Nous avons fait cette démarche nous menant à ce niveau-là d'une manière volontaire. Quand je vous questionne pour vos autres catégories de personnel, vous me dites: On est forcé; on meurt si on ne fait pas de la formation. Les intellectuels disent: «Publish or perish», tu publies ou tu péris. J'ai compris que, dans votre industrie, c'est: Tu t'instruis ou tu péris. Alors, ça se fait d'une manière volontaire et sous la sanction du marché si vous ne le faites pas. On est devant une industrie de 2 000 000 000 $, ici, 100 000 personnes. Ce matin, nous avons rencontré le plus gros employeur privé du Québec, le Mouvement Desjardins, qui, de manière volontaire, nous a montré qu'il investissait jusqu'à la hauteur de 3 % en formation.

Ça commence à faire des démonstrations importantes, ça, que les grands secteurs au Québec et les grands employeurs savent s'organiser sur une base volontaire pour relever le défi qu'on essaie de nous imposer par ailleurs. Comme législateurs, nous autres, on a à essayer de vérifier le caractère indispensable d'une législation de coercition. Ce n'est certainement pas en discutant avec le Mouvement Desjardins et avec votre entreprise qu'on est convaincus que c'est indispensable de légiférer par coercition, en tout cas, parce qu'on voit que le volontariat et les impératifs du marché font que vous êtes poussés au-delà de tout ça. Moi, c'est ce que je retiens du bref échange que nous avons eu, pour le moment. Mme la ministre.

Le Président (M. Bourdon): Mme la ministre.

Mme Harel: Bon. Alors, M. le Président, rapidement, là, je dois vous dire qu'au moment où on élabore le projet de loi il est évident que j'ai en tête qu'il y a un régime d'exception pour l'industrie de la construction. Déjà, vous le faites, l'effort. Alors, vous faites l'effort du 0,20 $ de l'heure. Mais cet effort-là, pour tout de suite, il ne mène à rien, parce que ça s'accumule dans un fonds et ça peut rester là pendant des années. C'est quand même maintenant qu'il y a un enjeu important en termes de se perfectionner et de se recycler.

Alors, ça va rassurer, peut-être, le député de Bourassa, ou peut-être pas. Si ça le rassure, lui, peut-être que c'est vous que ça va inquiéter. Mais c'est évident que le premier réflexe, ça a été d'aller consulter la Commission de la construction du Québec. C'est toujours intéressant de voir que, finalement, la... C'est un peu comme le théorème mathématique qui veut que le tout soit différent de la somme des parties. Parce qu'on a souvent, parfois, l'impression que la CCQ, c'est la somme de vous et des syndicats, mais, en même temps, ni les syndicats ne se sentent représentés par la CCQ, ni vous.

Donc, je comprends que notre objectif reste et demeure le suivant – même s'il faut le modifier, quelle que soit la façon qu'il faut trouver, là, on va trouver une solution – l'objectif, c'est ceci: ce n'est pas, d'aucune façon, d'obliger l'industrie au 1 %, là. L'industrie cotise déjà sur le 0,20 $ de l'heure, indépendamment du seuil que vous savez être à 250 000 $ de masse salariale, là, dans le 1 %. Donc, vous cotisez déjà au-delà de ça et on prend ça pour acquis. L'important, c'est d'assurer que ce soit représentatif, la gestion de ce 0,20 $ de l'heure, et puis d'assurer aussi que ce ne soit pas remis en question. Mais je pense que vous avez raison de dire qu'il n'y a pas d'inquiétude à avoir à ce niveau-là; ça a été fait volontairement, il n'y a pas de raison que ce soit abandonné volontairement.

(17 h 10)

Cependant, pour tout de suite, il est vraiment gelé complètement et fait l'objet d'un blocage. L'objectif étant le même, je pense, là, si c'est de l'exclusion dont il est question, ce sera de l'exclusion – je n'écarte pas ça, là, bien au contraire – mais l'exclusion vous renvoie à un blocage. Est-ce que, étant donné qu'il y a une loi qui est adoptée, ça ne pourrait pas être, justement, de reconnaître que le 0,20 $ de l'heure et le comité de gestion représentatif des parties patronale et syndicale, c'est finalement l'équivalent de la contribution qui est demandée dans le cadre du projet de loi 90 et d'arrêter là? Auquel cas vous pouvez continuer de le prélever et là vous pourrez le gérer, parce que ce qui fera l'objet du blocage ne sera que ce qui aura été accumulé depuis 1993 jusqu'à l'adoption de la loi. Est-ce que c'est une autre façon de faire, ça, qui pourrait être envisagée?

M. Tardif (Réjean): Mme la ministre, moi, j'aimerais faire un point, là, qui est très, très important, parce que j'ai entendu, je pense, le commentaire ou peut-être une mauvaise interprétation des deux côtés de la Chambre, pour employer votre expression populaire. Le fait que le fonds soit gelé n'a eu aucune espèce d'influence sur la capacité de l'industrie de la construction de faire du perfectionnement et du recyclage. Vous avez la donnée dans le mémoire et dans le résumé, où on dit que, entre 1988 et 1994, l'industrie a formé, en perfectionnement et recyclage, 24 000 travailleurs; ce n'est pas peu dire, quand même, là. Sur une population de 100 000, bien, il y en a peut-être 60 000 à 70 000 qui enregistrent des heures depuis deux, trois ans.

Donc, le point que je veux faire valoir, c'est: même si le fonds de formation a été gelé, ça n'a eu aucune espèce d'influence sur la capacité de l'industrie à faire du perfectionnement et du recyclage. Parce que, Mme la ministre, le fonds de formation ne devait pas payer des classes, le fonds de formation ne devait pas servir à payer des équipements, le fonds de formation ne servait pas à payer les salaires des professeurs. Nous, on le voyait, en premier lieu, et c'est le comité paritaire qui devait élargir la définition... c'était de trouver des mesures incitatives pour faire en sorte que le travailleur ait le goût de retourner sur un banc d'école. Il faut comprendre que ce n'est pas facile. Les travailleurs de la construction ne sont pas tous des diplômés universitaires. Dans bien des cas, parce que l'âge moyen est assez élevé, c'est des individus qui ont quitté les bancs d'école il y a quand même plusieurs années. Ce n'est pas facile de convaincre le travailleur de retourner à l'école. Alors, nous, on pensait que le fonds de formation pouvait également servir à ça. Mais je peux rassurer les membres de cette commission-ci, le fonds serait gelé pour un autre 20 ans – et je fais exprès pour exagérer – ça n'affecterait d'aucune espèce de façon la capacité de l'industrie de la construction de faire du perfectionnement et du recyclage pour ses travailleurs.

Mme Harel: Le recyclage et le perfectionnement des 24 000 dont vous nous parlez ont été payés à même quelle contribution?

M. Tardif (Réjean): Pour ce qui est des cours – je pense que les professionnels du domaine appellent ça le dispositif – évidemment, ce sont les fonds qui sont rendus disponibles par les gouvernements en vertu de leur mission politique ou sociale, je ne sais trop comment le dire. Pour ce qui est de la gestion, de l'administration, ce sont les employeurs et les travailleurs qui l'ont assumée de par le prélèvement qui est versé mensuellement à la Commission de la construction du Québec.

D'ailleurs, ça me permet de dire, Mme la ministre, que l'industrie de la construction a assumé tous les coûts administratifs de sa formation et – là je vais m'aventurer, parce que je ne connais pas les autres secteurs d'activité – je ne suis pas certain que les autres secteurs ont assumé eux-mêmes les coûts de leur administration. Nous, nous l'avons fait d'un bout à l'autre. Et, d'ailleurs, on a même accepté un règlement global et final pour avoir assumé la gestion de ce qu'on appelle, à la Commission, les mandats publics. Je dois vous dire qu'on a supporté, je vous dirais, le gouvernement, parce que les coûts d'administration sont supérieurs au règlement qu'on a accepté. Puis pourquoi on l'a accepté? Bien, c'est parce qu'on n'avait pas d'autre choix. Je ne me rappelle pas du chiffre, ça peut être une douzaine de millions de dollars, mais ça couvrait les coûts de la Commission pour la gestion des mandats publics qui nous ont été imposés par les gouvernements au cours des années.

Mme Harel: Alors, écoutez, M. le président, je vous remercie. Je ne veux pas abuser, là, de la bonne foi de tous mes collègues, mais je sais une chose certaine: on va poursuivre avec vous à un autre niveau pour être bien certains que les intérêts de toute l'industrie sont bien représentés; la question n'est pas d'enfarger personne là-dedans.

Le Président (M. Bourdon): M. le député d'Outremont.

M. Tremblay: Oui. Alors, je voudrais, au nom de l'opposition, vous remercier beaucoup d'être venus partager avec nous le contenu de votre mémoire, et j'espère qu'on va trouver une solution concrète lorsqu'on va procéder à l'étude détaillée du projet de loi avec la ministre. Alors, merci beaucoup.

(Consultation)

Le Président (M. Tremblay): M. Berlinguet, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à notre commission et vous rappeler que vous avez un temps de 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, et, par la suite, il y a un temps égal qui est alloué à la députation ministérielle et à l'opposition pour échanger avec vous sur le contenu du mémoire et des suggestions que vous allez nous faire. Alors, M. Berlinguet.


Conseil de la science et de la technologie (CST)

M. Berlinguet (Louis): M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, c'est avec grand plaisir que j'ai accepté de venir présenter le point de vue du Conseil de la science et de la technologie sur le projet de loi 90. Comme le Conseil de la science et de la technologie est un organisme relativement peu connu, on me permettra de rappeler que le Conseil est un organisme consultatif qui a pour mission, mandat, de donner des avis au gouvernement sur toute question qui touche la science et la technologie et, via le ministre de tutelle, qui est M. Paillé.

Alors, notre Conseil a contribué, à plusieurs occasions, au débat qui se poursuit dans notre société québécoise sur la formation continue professionnelle et technique, car le Conseil a toujours considéré que la formation continue est d'une importance fondamentale pour le développement industriel et technologique au Québec. Dès 1990, le Conseil publiait un avis qui traitait de l'adaptation des entreprises aux nouvelles technologies. Là-dedans, nous disions que les nouvelles technologies sont absolument essentielles à toutes les entreprises du Québec si on veut que le Québec se développe au point de vue économique. On dit que l'achat et l'adaptation d'une technologie nouvelle permettent à toute entreprise d'améliorer sa position concurrentielle – donc, son développement économique, par voie de conséquence – au Québec. Et on disait, là-dedans, que l'adaptation technologique comporte deux dimensions absolument indissociables, c'est-à-dire les équipements et les ressources humaines. On a insisté là-dessus, sur le caractère incontournable de l'apport des ressources humaines au développement technologique. On rappelait que les employeurs et les travailleurs ont une responsabilité première en regard de la formation et du perfectionnement.

(17 h 20)

Alors, nous avions recommandé, dans cet avis, en 1990, que «les milieux d'affaires, les associations professionnelles ainsi que les associations et les syndicats de travailleurs mettent en oeuvre tous les moyens qui assureront un investissement adéquat dans la formation continue de la main-d'oeuvre». C'était en 1990.

En 1993, dans un nouveau document que nous avons publié et intitulé «Urgence Technologie», le Conseil souligne la valeur ajoutée que procure le recours aux nouvelles technologies. Et cet avantage, dans le contexte des nouvelles réalités économiques, sera d'autant plus prononcé que l'entreprise pourra compter sur un personnel hautement qualifié. Le Conseil proposait alors d'accroître sur tous les fronts la capacité technologique des entreprises, et ce, dans l'intérêt de la position concurrentielle à terme du Québec. Pour ce faire, on lançait le mot d'ordre: «Miser sur la matière grise».

En plus de se doter de ressources humaines hautement qualifiées, les entreprises étaient appelées à investir davantage dans le perfectionnement et la formation continue de tout le personnel des entreprises. Nous devions conclure que les entreprises d'ici n'investissent pas encore assez en formation, après avoir vu ce qui se faisait ailleurs. Alors, le Conseil incitait les entreprises québécoises à porter d'ici cinq ans de 0,5 % à 1,5 % de la masse salariale globale leurs investissements en formation continue, en recourant, de façon intensive, au crédit d'impôt à la formation, car, en 1990, le gouvernement avait introduit le crédit d'impôt remboursable à la formation. Il prévoyait alors, sur la base des données disponibles, des remboursements de l'ordre de 100 000 000 $ en 1991-1992. Or, les investissements privés en formation continue ont été moins élevés que prévu. Dans les faits, en 1992, il semblerait qu'environ 20 000 000 $ aient été consentis à titre de crédit d'impôt remboursable pour la formation par le gouvernement du Québec. Il y a un petit tableau qui est là, qui nous a été fourni par le ministère des Finances et que vous connaissiez sûrement.

Alors, devant le constat de la faiblesse relative des efforts financiers du secteur privé en matière de formation continue, le Conseil souhaitait, dans «Urgence Technologie» toujours, que le gouvernement suive de près l'évolution et l'efficacité du crédit d'impôt remboursable à la formation. Nous avions été sensibilisés par le Rendez-vous économique de 1993 du secteur privé, qui avait passé une motion demandant au Conseil de travailler avec le Conseil du patronat pour étudier cette question-là.

Alors, suite à cette demande du Rendez-vous économique de 1993, nous avons formé un petit comité regroupant les patrons, les syndiqués, le Conseil du patronat, etc., et nous avons convenu qu'à ce moment-là il serait peut-être bon d'avoir un document un peu plus théorique sur ce qu'est la formation en entreprise, en essayant de donner des définitions des différents types de formation, etc. Ce document s'intitule «Formation continue en entreprise dans le nouveau contexte économique», et c'est une étude qui a été faite par M. Caron, de notre secrétariat.

Comme il s'agissait, dans le fond, d'essayer de convaincre les patrons de l'importance de la formation continue, il n'y a rien de mieux que de donner l'exemple. Alors, nous avons mandaté quelqu'un qui s'appelle Pierre Doray pour visiter une quinzaine d'entreprises qui nous paraissaient des entreprises types parce qu'elles faisaient de la formation et que cette formation avait contribué à leur essor économique. Alors, il y a eu une étude, qui a été celle de M. Doray, dans laquelle une quinzaine d'entreprises ont été étudiées. Ce qui ressort de ces entreprises qui font de la formation et qui ont réussi, c'est que la formation continue, de l'avis des présidents de ces compagnies-là, contribue à la performance économique de leur entreprise, d'autant plus qu'elle fait partie d'une stratégie globale de l'entreprise et que leur entreprise obtient l'adhésion et le support du personnel.

Les dirigeants d'entreprise doivent, au départ, être convaincus de l'opportunité de la formation continue, parce que cette formation amène des changements qui, par la suite, peuvent être pris en charge par l'entreprise. Les meilleurs résultats ont été obtenus lorsque la formation est poursuivie en collaboration avec tous les intéressés, il va de soi. À cet égard, le concours des associations syndicales et professionnelles est tout indiqué. La formation continue favorise l'adaptation de l'entreprise aux nouvelles conditions des marchés et favorise, en particulier, l'adaptation technologique. Parce qu'il faut savoir que la technologie évolue à un rythme tel qu'il y a des changements continus et que, si l'entreprise ne s'y adapte pas, au point de vue économique, elle a des chances de ne pas bien réussir.

Alors, l'étude des exemples de ces 15 entreprises a démontré que, d'une entreprise à l'autre, les sujets de formation sont très diversifiés. Dans la majorité de ces entreprises – vous allez me dire que c'est un très petit nombre, mais, quand même, il y a des leçons à tirer... Il reste que, dans ces 15 entreprises, en général, une structure souple et légère suffisait, la responsabilité étant assumée par une personne au niveau du service du personnel. La formation est plus souvent une responsabilité partagée, mais, finalement, c'est la direction qui décide, en dernière instance, des budgets.

Beaucoup d'entreprises font appel, ce que vous savez, à des partenaires externes pour réaliser leur programme de formation. Les nombreuses retombées positives à l'intérieur des entreprises ont été identifiées comme – et, ça, ça vient des patrons qui l'ont fait – l'augmentation de la productivité, la qualité du produit et du travail, la valeur des ventes, les exportations ainsi que l'ouverture des marchés, la maîtrise, bien sûr, des nouvelles technologies, la maîtrise de principes organisationnels associés à la nouvelle entreprise, une nouvelle organisation du travail, l'amélioration des relations de travail, l'amélioration de la santé et de la sécurité au travail, qui nous a été révélée dans un certain nombre – ce qui était étonnant... qui nous a été donnée dans certaines firmes.

M. John Baldwin, de Statistique Canada, a fait un document remarquable, il y a à peine quelques mois, sur l'importance de la formation et de l'innovation, le lien qui existe entre les deux. M. Baldwin dit que la formation fait habituellement partie d'une stratégie cohérente de l'entreprise. Par conséquent, le capital humain qui est développé au niveau de l'entreprise renforce la capacité de technologie de cette dernière. D'autre part, l'entreprise qui reconnaît l'importance de la compétence de sa main-d'oeuvre et qui met l'accent sur la mise au point de programmes de rémunération novateurs offre aussi de la formation. Enfin, l'entreprise qui reconnaît l'importance de la qualité et de la gestion de la qualité totale aura plus de chances de mettre sur pied un programme de formation.

En 1994, sous le titre de «Miser sur le savoir», le Conseil a fait état de ce nouveau paradigme qui caractérise les conditions du développement, aujourd'hui. Alors, nous disons, dans «Miser sur le savoir», dans notre document de conjoncture, que nous n'avons plus le choix, nous devons, comme société, prendre possession des outils de la science et de la technologie, parce que la technologie avance de façon tellement rapide que c'est partie liée à l'économie du Québec. Alors, nous disons que nous avons traité de cette question sous un angle un peu particulier de la culture québécoise, davantage scientifique et technologique.

La formation continue occupe une place centrale dans le défi que nous avons à relever. Alors, un des moyens privilégiés, c'est le suivant: autant il appartient aux décideurs de favoriser la formation du personnel et son adaptation à un nouvel environnement de travail, autant il appartient aux travailleuses et travailleurs eux-mêmes de consentir les efforts nécessaires pour apprivoiser les nouvelles technologies et les développements de la science. Alors, nous disons que la formation du personnel est un des éléments clés de réussite.

Je vous ai parlé, tout à l'heure, du sommet économique, qui nous avait demandé, en partenariat avec le Conseil du patronat, d'essayer de convaincre les patrons de la nécessité de faire de la formation. Alors, nous avons organisé, en septembre dernier, avec le Conseil du patronat, un colloque sur la formation continue en entreprise. Les discussions entendues à cette occasion nous ont permis de constater ce qu'on savait déjà: une grande confusion dans l'utilisation des termes «formation continue», «formation professionnelle», etc. Parce que tous les individus, bien, pas tous, mais une grande majorité des individus qui se prononcent là-dessus utilisent ces mots en se référant à des réalités très diversifiées. Alors, comme les conditions de chaque entreprise sont différentes, suivant la composition du personnel, etc., les besoins sont tout aussi variés. Alors, il y a toute une série d'intervenants et de types de formation qui peuvent être cherchés dans des dispensateurs de formation que sont toutes les institutions d'enseignement, les centres collégiaux, les universités, les formateurs privés, les fournisseurs d'équipement, etc. Et, à part de ça, il y a aussi de la formation qui est donnée par des associations patronales, les corporations, les associations professionnelles, etc.

(17 h 30)

Mais il nous a semblé, lors de ce colloque, qu'il était important qu'on puisse identifier les diverses formes de formation. Et là il y en a un certain nombre qui sont à titre de suggestions, ça peut être en établissement scolaire, ça peut être en entreprise, ça peut être par des formateurs venus de l'extérieur, ça peut être des formules mixtes, il y a des consortiums de formation, des formules nouvelles, des formules souples, par exemple le multimédia, la téléformation, la formation structurée, etc. Alors, on encourageait, à ce moment-là, dans notre document, le gouvernement à déployer tous les efforts pour préciser et rendre limpides et transparentes les définitions utilisées en regard de la formation professionnelle telle qu'entendue dans le projet de loi 90. Cette transparence et une définition claire de la formation bénéficieraient aux entreprises et aux individus qui suivront les enseignements.

Le Conseil de la science et de la technologie comprend que le gouvernement, face aux résultats mitigés obtenus par la mesure incitative du crédit d'impôt remboursable à la formation, veuille adopter une nouvelle approche. Il faut certes viser à ce que les entreprises rehaussent leurs efforts consentis à la formation continue professionnelle et technique. Alors, nous rappelons dans nos divers documents les éléments suivants: que le Conseil a, depuis bon nombre d'années, préconisé le recours à la formation continue par les entreprises québécoises. Nous disons toujours que les entreprises auraient intérêt à consacrer davantage d'efforts à la formation continue; on a déjà parlé de 0,5 % à 1,5 % sur cinq ans. Le Conseil a suivi l'implantation et l'évolution de l'utilisation du crédit d'impôt remboursable à la formation et a été désappointé par les résultats. Le Conseil rappelle, au moment où le gouvernement met en place un nouveau dispositif pour favoriser la formation en entreprise, qu'il faudrait se donner les moyens de faire une évaluation constante et précise de son efficacité. Voilà ce que le Conseil dit dans son document depuis plusieurs années et qu'on pourrait résumer.

Et là je parle à titre personnel, parce que, évidemment, compte tenu des délais, je n'ai pas eu le temps de consulter le Conseil, donc j'ai puisé ce que je viens de vous dire dans les documents qui ont été approuvés par le Conseil. Mais, sur le plan personnel, moi, en résumé, de façon très claire, je dis que la technologie a un rôle de plus en plus important dans tous les secteurs de notre économie. Que ça soit le secteur des richesses naturelles, que ça soit dans le secteur manufacturier, que ça soit dans le secteur des services, dans tous les secteurs, la technologie a un rôle de plus en plus important; un. Deux, la technologie évolue à un rythme très rapide. On ne peut pas arrêter l'évolution de la technologie, et, comme nos compétiteurs l'utilisent, on n'a pas d'autre choix que de l'utiliser. Or, si la technologie évolue de façon très rapide – trois – il y a un besoin naturel de formation continue pour que nos entreprises québécoises restent à flot. Quatre, les investissements en formation ne doivent pas être considérés comme des dépenses, mais doivent être considérés comme des investissements, parce que la matière grise d'une entreprise se développe et celle-ci devient plus concurrentielle. Cinq, le volontariat aurait été préférable, sûrement, mais – six – si le volontariat n'a pas réussi, à ce moment-là la mesure du 1 % qui est préconisée dans la loi m'apparaît personnellement très valable. Et, si on considère que ce n'est pas une taxe, puisqu'elle est remboursée si l'entreprise fait de la formation, c'est un moyen essentiel de faire en sorte que toutes les entreprises du Québec puissent se développer, être au niveau concurrentiel et contribuer ainsi au développement économique du Québec. Voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire là-dessus.

Le Président (M. Tremblay): Je vous remercie beaucoup, M. Berlinguet. Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, je pense que vous êtes le premier à apprécier le travail extraordinaire que M. Berlinguet a effectué comme président du Conseil de la science et de la technologie. Je le dis en toute bonne foi, M. Berlinguet, parce que je pense que le député d'Outremont a été un de ceux qui, très souvent au cours des dernières années, ont souligné le travail que vous effectuiez. Je dois vous dire: Peut-être que vous n'en mesurez pas toute l'étendue, mais je ne pourrais pas vous dire à quel point, à la fin de cette semaine, votre présentation m'apporte du réconfort, beaucoup de réconfort.

Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Je vous le dis en toute simplicité. Pour ce que vous représentez, c'est un sujet de fierté pour nous de vous recevoir en commission parlementaire, et puis pour aussi ce que vous avez réalisé jusqu'à maintenant, parce que, en partie, au moins l'acquis vous est certainement, en tout cas en partie, redevable de ce qui est acquis dans les entreprises qui en font.

Je souhaiterais peut-être simplement aussi vous signaler, en regard de la nécessaire évaluation constante et précise de l'efficacité de la mesure, que dans le projet de loi on a prévu ce qu'on appelle, en jargon de légiste, une clause crépusculaire, c'est-à-dire qu'à l'article 63 il est prévu qu'à tous les cinq ans le ministre – parce que le masculin emporte toujours le féminin, dans une loi – responsable de l'application de la loi va devoir faire au gouvernement un rapport sur la mise en oeuvre de la loi, sur l'opportunité de la maintenir en vigueur telle quelle ou, le cas échéant, de la modifier. Je pense que c'est important, parce que je serais la première à souhaiter qu'on puisse en proposer, si vous voulez, l'abrogation et/ou le remplacement par autre chose. Je pense à l'Australie où ça a emporté tellement l'adhésion; vous savez qu'après, quoi, deux ou trois ans, je crois, ils l'ont suspendue et ils ont proposé de faire passer le nombre de contrats d'apprenti de 26 000 qu'ils étaient à 50 000 en l'espace de deux ans, donc un nouveau défi, ce qui, dans le fond, est de nature également à favoriser la formation de la jeune main-d'oeuvre en regard du développement de l'entreprise.

D'autre part, j'aimerais bien échanger avec vous sur la définition, que vous souhaitez la plus claire possible, de la formation. C'est à la page 8 de votre mémoire. En avez-vous une à nous proposer? Et, à défaut d'en avoir une, est-ce que le danger d'une définition n'est pas justement qu'elle exclue tout ce qui n'est pas inclus? C'est ça, le défaut des définitions dans les lois. Je lisais encore l'interprétation des lois des savants juristes, qui mettent en garde contre les définitions parce qu'une définition restreint à l'objet de ce qui est défini. Est-ce que vous nous suggéreriez de remplacer le mot «professionnelle» par le mot «continue»? Est-ce qu'il serait préférable d'utiliser le qualificatif «formation continue»?

M. Berlinguet (Louis): Moi, personnellement, j'aime mieux le mot «continue» que «professionnelle», en fait. C'est peut-être plus facile. Mais, à ce moment-là, vous avez raison, c'est très difficile de trouver une définition qui satisfasse tout le monde et qui inclue tous les mélanges qui sont là, parce que, comme vous le voyez là, il y a beaucoup de façons de faire de la formation et c'est peut-être difficile d'obtenir des statistiques là-dessus aussi, combien de personnes ont suivi, combien d'heures, à quel établissement. Donc, moi, oui, la «formation continue», ça me va bien.

Mme Harel: C'est parce qu'il faut s'ajuster aussi à l'évolution des choses, comme vous le disiez, donc il y aura de plus en plus, peut-être, de formation interactive, ou d'autoformation, ou avec les moyens informatiques. Alors, est-ce qu'il n'y a pas danger dans une définition qui serait finalement de portée générale, mais qui pourrait être rapidement dépassée justement par l'évolution des technologies dans la formation?

M. Berlinguet (Louis): Oui. Ça, là-dessus, oui. Par ailleurs, si je reviens à ce que vous disiez il y a un instant au sujet de cette clause qui prévoit qu'à tous les cinq ans il y aura une réévaluation, ça me paraît tout à fait justifiable et souhaitable, parce que, dans ce domaine-là, d'une part, l'évolution se fait tellement rapidement qu'il faut la suivre de très près – on le dit, d'ailleurs, on espère que le gouvernement suivra cette évolution-là de très près – et, d'autre part, étant un éternel optimiste, je me dis que peut-être les patrons vont être d'accord pour trouver que, au bout de deux ou trois ans, cette formation leur rapporte des succès, et puis, à ce moment-là, ils la feront peut-être et on n'aura peut-être pas besoin de les contraindre à le faire. C'est beaucoup d'espoir, mais ça se peut.

(17 h 40)

Mme Harel: Vous avez peut-être entendu parler de cette étude menée aux États-Unis – qui a été publiée, d'ailleurs, je pense, dans le New York Times – je crois que c'était auprès de 3 000 entreprises américaines, par le Federal Department of Education et qui concluait qu'un investissement de 10 % dans la formation de la main-d'oeuvre amenait une augmentation de 8,6 % de la productivité, alors qu'un même investissement de 10 % dans l'équipement, l'immeuble ou la machinerie générait une augmentation de 3,4 % de la productivité. C'était donc le double, en termes, si vous voulez, d'augmentation de la productivité, l'investissement dans la main-d'oeuvre, en comparaison de l'investissement, disons, dans les immobilisations.

Et, quand vous nous dites qu'il faut améliorer la position concurrentielle du Québec, c'est, disons, au fait d'améliorer la productivité, j'imagine, que vous vous référez.

M. Berlinguet (Louis): C'est ça. Exactement. Et il y a une autre chose aussi qu'on n'a pas mentionnée cet après-midi, mais qu'on mentionne dans nos documents. C'est qu'il est évident, vous le savez fort bien, que les entreprises varient beaucoup. Il y a des entreprises à très haute technologie qui, spontanément, en font peut-être 10 %, 15 %, de formation continue. L'entreprise pharmaceutique en est une, l'entreprise de haute technologie du côté électronique. Ces gens-là, ils la font spontanément parce qu'ils sont convaincus que, s'il ne la font pas, ils vont périr. C'est les autres entreprises qui sont plus difficiles à convaincre, en fait, parce que certaines ont peu évolué et considèrent qu'elles savent tout. C'est des entreprises qui causent des problèmes à tout le monde.

Mme Harel: Dans le mémoire que vous nous présentez, vous nous parlez de cette étude qui a été faite, à l'initiative du Conseil, par le professeur Doray sur 15 cas de réussite d'entreprises performantes en matière de formation continue et vous nous signalez certaines caractéristiques du développement des ressources humaines qui se pratique dans ces entreprises. Vous nous signalez également les avantages que ça représente. Au point 5, à la page 5, notamment, vous nous dites: De nombreuses retombées positives à l'intérieur de l'entreprise ont été identifiées, telles l'augmentation de la productivité, de la qualité du produit du travail, de la valeur des ventes, des exportations, de l'ouverture des marchés, la maîtrise de nouvelles technologies, la maîtrise des principes organisationnels, l'amélioration des relations de travail, l'amélioration de la santé et sécurité. Dans l'étude de ces cas de 15 entreprises performantes, on y ajoutait aussi, dans le document original, la création d'emplois. Là, je ne le retrouve pas dans votre mémoire. Est-ce qu'il y a eu un bémol depuis ou si ça reste encore...

M. Berlinguet (Louis): Non, je ne le sais pas. En fait, le texte que je vous ai fourni est un résumé...

Mme Harel: D'accord.

M. Berlinguet (Louis): ...fait rapidement, de la volumineuse étude de M. Doray. Mais il est sûr que c'est un élément qui peut être important dans certaines technologies, dans certaines entreprises de moyenne technologie. Quelqu'un qui se forme et qui acquiert des nouvelles connaissances, à un certain moment, prend confiance en lui puis dit: Bon, bien, j'en sais peut-être assez, maintenant, pour former ma compagnie. Donc, l'essaimage est peut-être un bénéfice qu'on aurait dû noter. Mais, comme l'échantillonnage est minuscule, ça aurait été peut-être prétentieux d'en faire une... Là encore, il faut avoir beaucoup d'espoir. Ça serait merveilleux si la formation pouvait contribuer à la création de nouvelles entreprises. Mais c'est un facteur important. Il est difficile de le quantifier, actuellement.

Mme Harel: Alors, donc, je conclus, pour le temps qui m'est alloué, qu'il nous serait préférable, pour bien nous faire comprendre, de parler maintenant de «formation continue» sans spécifier qu'il s'agit d'une formation professionnelle ou technique, par exemple.

M. Berlinguet (Louis): Je n'ai pas compris. Voulez-vous répéter?

Mme Harel: Sans spécifier de plus qu'il s'agit d'une formation professionnelle et technique.

M. Berlinguet (Louis): Bien, c'est-à-dire qu'il y a des entreprises, vous le savez... Je pense que, pour nous, c'est très difficile d'avoir des données. On a essayé d'avoir des données au niveau du ministère des Finances, etc. Comment on peut évaluer qu'une entreprise fait de... Puis, vous le savez, je pense que beaucoup d'intervenants sont venus, cette semaine, devant vous pour vous le dire: Ce qu'on appelle la formation sur le tas, est-ce que c'est de la formation? Comment on peut la quantifier?

Donc, là-dessus, c'est difficile d'évaluer. Alors, on dit, nous autres: Même si c'est difficile, il faudrait peut-être essayer, néanmoins, d'avoir un certain nombre de grandes catégories qui permettraient de savoir combien d'employés l'ont fait, de quelle façon. Si ce n'est pas facile à faire, ça pourrait néanmoins être bien utile dans l'évolution, parce que, si vous avez une clause qui prévoit que dans cinq ans vous allez faire une étude de ce qui se passe, il serait peut-être bon d'avoir des meilleures données que celles qu'on a eues pour les crédits d'impôt de 20 %.

Mme Harel: Est-ce que vous croyez que, par exemple, une définition à l'effet qu'il faille que la formation soit qualifiante et transférable quand il s'agit de la formation maison...

M. Berlinguet (Louis): Oui.

Mme Harel: ...sans pour autant que ça signifie que cette formation doive être diplômée, parce qu'on est venu nous démontrer que la formation pouvait être qualifiante, mesurable, transférable sans pour autant être diplômée, notamment dans le cadre des UEC, des unités d'éducation continue... Est-ce que, dans ce contexte-là, il serait possible d'ouvrir une nouvelle définition? Parce qu'on nous dit: Oui, mais, pour tout de suite, ça ne fait pas référence à un corpus clair quand on dit «formation qualifiante, transférable et mesurable».

M. Berlinguet (Louis): Bien, la formation transférable, mesurable, etc., elle peut être utile de façon importante dans la mesure où il y a un transfert de personnel beaucoup entre nos entreprises. Ça, je n'ai pas de données pour savoir si au Québec ça se fait autant que... Aux États-Unis, ça se fait de façon courante, les gens sortent, etc. En Allemagne et en France, je n'ai pas l'impression que ça se fait tellement, en fait. Ici, au Québec, je n'ai aucune statistique, je ne peux absolument pas savoir jusqu'à quel point ça se fait. Et, deuxièmement, est-ce que ça se fera dans trois, quatre, cinq ans? Ça, je ne peux pas beaucoup vous donner de renseignements là-dessus. Je m'excuse.

Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Tremblay): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. D'abord, moi aussi, je voudrais signaler à quel point nous sommes fiers de pouvoir ici vous rencontrer et profiter de votre expérience. Je vais suivre la même voie que la députée de Hochelaga-Maisonneuve sur la définition de «formation». Vous avez, dans votre texte, à un moment, signalé: Les discussions entendues à cette occasion permettent de constater une confusion quant à l'utilisation des termes «formation continue» et «formation professionnelle». Les individus utilisent en effet ces mots tout en référant à des réalités très diversifiées. Alors, ma question, c'est: Quelles sont les deux réalités qui sont couvertes par ces deux mots que...

M. Berlinguet (Louis): «Continue» et...

M. Gautrin: «Continue» et «professionnelle». J'ai cru comprendre que vous préfériez «continue» à «professionnelle», mais ça couvre quoi, comme réalités, dans les deux mots? D'après votre mémoire, vous dites que c'est deux réalités bien différentes.

M. Berlinguet (Louis): Bien, là encore, c'est très difficile de vous répondre là-dessus, parce que, comme je vous le disais il y a un instant, il y a une confusion. Pour moi, «formation professionnelle», ça se rapproche peut-être davantage de ce que la ministre disait, c'est-à-dire une formation qui est mesurable, qui est transférable. Tout le monde s'entend pour dire que ça, ç'a été acquis. Ce n'est pas un diplôme comme tel, mais au moins c'est une attestation disant qu'il a suivi le cours de Windows, je ne sais pas quoi, tu sais. C'est peut-être ça, quelque chose de professionnel.

La formation continue, c'est une formation qui, à mon avis, est difficile, parce que ça peut être aussi bien revenir au système des apprentis d'il y a longtemps, en fait, où quelqu'un apprenait sur le tas comment faire marcher une machine sans nécessairement avoir un certificat qui disait qu'il avait appris à faire marcher la machine. Donc, là-dedans, dans mon esprit, c'est encore flou, puis c'est encore flou dans l'esprit – ha, ha, ha! – des gens qui ont écrit le texte qui est là, parce que c'est compliqué.

(17 h 50)

M. Gautrin: ...si vous me permettez, si on choisissait «formation continue», comment on pourrait évaluer, d'après vous, les sommes consacrées à la formation continue, compte tenu que l'esprit du projet de loi est quand même, dans une certaine mesure, de mesurer les efforts en formation et de voir si on arrive à l'objectif du 1 % de la masse salariale?

Sur la formation professionnelle, je comprends assez bien quel est le mécanisme qu'on a mis dans le projet de loi pour mesurer les investissements en formation professionnelle. Si on allait dans un champ plus large, qui est celui que vous préférez et qui est celui de la formation continue, moi, je serais prêt à vous suivre. Mais est-ce que vous avez des mesures, quant à l'investissement en formation continue, à nous suggérer?

M. Berlinguet (Louis): Non. Pour la formation continue, je vous dis que nous n'avons pas été aussi loin pour nous poser la question: Comment on peut l'évaluer, la formation continue? Est-ce que c'est le nombre d'heures qui sont passées avec un patron, avec un contremaître? C'est très difficile de voir. Est-ce que c'est une secrétaire qui apprend à l'autre secrétaire comment se servir d'un ordinateur? Comment on calcule ça? Je pense que ça peut être difficile d'évaluer ça. Je n'ai pas de solution là-dessus.

M. Gautrin: Une dernière question avant de passer la parole au député de Saint-François, qui veut intervenir. Dans votre objectif de formation professionnelle ou continue par les entreprises, est-ce que c'est uniquement aux travailleurs de l'entreprise que vous pensez ou est-ce que vous pensez aux travailleurs qui potentiellement pourraient rentrer dans l'entreprise? Alors, très spécifiquement, je pense aux jeunes qui pourraient rentrer sur le marché du travail, je pense au modèle français, dans lequel il y a, dans le 1 %, un 0,4 % qui doit être consacré à la formation des jeunes susceptibles de rentrer dans l'entreprise. Quel est votre choix par... Parce que le projet de loi de la ministre, si j'ai compris, exclut les personnes qui ne sont pas déjà à l'intérieur de l'entreprise, et le monde syndical serait venu nous dire: Écoutez, si on investit le 1 %, c'est pour nous; ce n'est pas pour les gens qui sont exclus du marché du travail et qui pourraient y rentrer.

M. Berlinguet (Louis): Qu'est-ce que vous entendez par «les gens qui ne sont pas encore dans l'entreprise»?

M. Gautrin: Alors, ça veut dire...

M. Berlinguet (Louis): C'est-à-dire ceux qui sont à l'école ou ceux qui...

M. Gautrin: J'ai deux possibilités: soit les jeunes qui sont en recherche d'emploi, soit ce que les personnes des OSBL sont venues nous dire hier, les exclus du marché du travail, c'est-à-dire, pour toutes sortes de raisons, des gens qui ont été sur une période prolongée de chômage ou qui, par choix, sont sortis pendant longtemps du marché du travail, qui voudraient y rentrer et qui ont besoin de formation pour pouvoir atteindre le niveau minimum d'employabilité dans une entreprise.

M. Berlinguet (Louis): Ça, il me semble que ce sont deux domaines qui sont près l'un de l'autre, mais qui sont différents, en fait, parce que, si la loi demande aux employeurs de verser 1 % de leur masse salariale pour leurs employés, ça serait peut-être difficile de leur demander de contribuer une autre somme ou d'une autre façon à la formation de gens qui ne sont pas encore dans leur entreprise. Et, là, moi, il me semble que cette formation qui doit être donnée relève davantage d'un organisme, la Société québécoise de la main-d'oeuvre, ou ça peut relever des écoles professionnelles. Enfin, je trouve que nos écoles professionnelles, actuellement... nous trouvons que les écoles professionnelles, au Québec, là-dessus, jouent un rôle important. Elles ne sont peut-être pas aussi développées qu'elles devraient l'être, mais, dans un contexte où les technologies s'améliorent à une vitesse fulgurante, dans la mesure où ces jeunes-là auront, dans l'an 2000 – qui est bientôt – à travailler avec des technologies de plus en plus performantes, je pense que, là, c'est tout un autre volet, celui de la formation, qui relève, à mon avis, de la formation professionnelle dans notre système d'éducation ou dans le système des mécanismes qui reprennent des gens qui ont décroché puis qui essaient de les raccrocher un peu, comme la Société québécoise de la main-d'oeuvre.

Mais, là, bien, ce n'est pas notre propos aujourd'hui, mais j'aurais bien des choses à dire – ha, ha, ha! – sur nos écoles professionnelles et puis notre ministère de l'Éducation, là-dedans.

M. Gautrin: M. le Président, je voudrais laisser du temps à ma collègue de Saint-François, qui aurait aussi quelques questions à poser.

Le Président (M. Tremblay): Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je veux vous remercier, M. Berlinguet, pour votre présentation. Je pense qu'on peut finalement profiter de votre expertise, et il est heureux que le Conseil puisse également profiter de vos connaissances.

Pour revenir aux 15 cas de réussite d'entreprises qui ont été mis en évidence par l'étude Doray, à l'item 2, vous mentionnez que «les entreprises ne créent pas des organisations rigides ou complexes pour planifier et organiser leur formation. Une structure souple et légère suffit souvent...» Alors, je m'arrête ici, sur la structure souple et légère. Pouvez-vous nous dire, avec le projet de loi de la ministre actuellement, si vous trouvez que la structure est suffisamment souple et légère?

M. Berlinguet (Louis): Ha, ha, ha! Très bonne question, madame, mais je répondrais que tout varie selon la taille de l'entreprise. Il y a des entreprises qui ont un nombre d'employés considérable, qui ont des besoins diversifiés, et je pense qu'à ce moment-là ça prend une structure qui est assez évoluée. Mais ce que M. Doray a retenu de ses contacts avec les entreprises qui sont citées ici, c'est qu'il y avait, dans cet échantillonnage-là, de grandes entreprises, il y en avait des moyennes et il y en avait des plus petites. Et je pense que les plus petites ont dit: Nous, la formation, là, c'est relativement simple, on n'a pas une très grosse structure. Et je pense que c'est peut-être logique pour eux de confier ça à quelqu'un, dans l'entreprise de 15 ou 30 employés, puis de dire: Vous avez la responsabilité. Donc, pour eux, l'importance de la structure est secondaire, me semble-t-il.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, vous ne...

M. Berlinguet (Louis): Je ne sais pas si je réponds à votre question, là.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien, c'est-à-dire, en somme, ce que je comprends, c'est qu'il faudrait peut-être que le projet de loi soit aussi souple au niveau des structures pour répondre aux besoins de différentes entreprises.

M. Berlinguet (Louis): Oui, mais c'est peut-être l'entreprise qui sait le mieux quel genre de structure elle doit avoir plutôt que le gouvernement. Je ne le sais pas, là, mais...

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Et mon autre question, c'est que j'ai souvent constaté que, au fur et à mesure du développement de la science et des nouvelles technologies et, surtout, étant donné les besoins des entreprises aussi, avec des équipements beaucoup plus sophistiqués, beaucoup plus pointus, nos professeurs ne sont pas suffisamment formés et ne retournent pas nécessairement dans l'entreprise. Après un certain temps, je pense qu'ils auraient avantage à prendre une année sabbatique, à faire un temps d'arrêt et à aller se recycler dans les entreprises mêmes. Étant donné qu'on peut profiter de vos expériences et de votre expertise, ne croyez-vous pas, justement, que nos professeurs devraient se recycler surtout à ce niveau et que ça serait important que... Parce que ce sont quand même les personnes qui donnent la formation de base, la formation à nos jeunes aussi. Parce que, là, on est obligé de donner de la formation continue, mais il y a aussi cette formation de base qu'on ne peut pas ignorer.

M. Berlinguet (Louis): Écoutez, le Conseil s'est déjà penché sur ce dossier-là, et ça serait notre voeu le plus cher qu'il y ait beaucoup plus d'interconnexion entre l'entreprise et nos écoles professionnelles; même nos écoles tout court, mais nos écoles professionnelles. Et ça peut aller dans les deux sens, en fait. Il peut y avoir un programme qui permettrait à des ouvriers ou à des professionnels qualifiés dans tel ou tel type d'équipement d'aller passer un mois ou quelques semaines dans une école professionnelle, et, inversement – ce que vous dites – les professeurs pourraient y aller. Parce que ce que l'on retient, je pense, c'est que, malgré les efforts de tout le monde, ça reste deux mondes qui s'ignorent un peu, et c'est malheureux, parce qu'on aurait tout à gagner d'une meilleure interconnexion entre ça. Il y aurait peut-être des programmes à penser là-dessus.

Regardez les succès extraordinaires qui se font par des interactions, le programme PSES, où on envoie des ingénieurs dans les entreprises qui apprennent à se développer; regardez les programmes coopératifs, les universités, l'École de technologie supérieure ou l'Université de Sherbrooke, où les gens vont aller dans l'entreprise. Il y a une espèce de flot de connaissances qui se fait. Moi, ça m'apparaît absolument essentiel, il faut absolument encourager ça de toutes les façons.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Berlinguet.

(18 heures)

Le Président (M. Tremblay): M. Berlinguet, j'ai, en fait, une question qui a deux volets. J'ai pris connaissance des documents qui ont été publiés par le Conseil de la science et de la technologie; de façon plus spécifique, «Urgence technologie» et «Miser sur le savoir». Essentiellement, ce que le Conseil nous dit, c'est que le gouvernement a fait des efforts considérables, particulièrement au niveau financier, que ce soit par des crédits d'impôt ou des aides financières. Ce qui semble manquer au Québec, c'est une culture; ça peut être de la qualité totale, une culture de la formation professionnelle, une culture technologique. Et vous nous citez avec beaucoup d'à-propos M. John Baldwin, de Statistique Canada, qui dit que l'entreprise doit avoir une stratégie cohérente et que, si elle investit dans le capital humain, ça va renforcer la capacité technologique, et le capital humain va se développer plus rapidement s'il y a des programmes de rémunération novateurs, et, si l'entreprise reconnaît l'importance de la qualité et la gestion de la qualité totale, elle va avoir plus de chances de mettre sur pied un programme de formation. Donc, au sein de l'entreprise, c'est important, là, qu'il y ait une stratégie cohérente. Je vais vous poser la question suivante: Est-ce que vous pensez qu'on peut accélérer le développement d'une culture en légiférant?

M. Berlinguet (Louis): En quoi?

Le Président (M. Tremblay): En légiférant, en l'imposant par un projet de loi, en fixant 1 %. Je vais juste, avant que vous répondiez... Parce que, si c'est vrai, ce que vous dites, dépendamment de votre réponse, il faudrait légiférer pour le développement technologique, on a un retard; il faudrait légiférer pour la qualité totale, on a un retard. Alors, la question, c'est de savoir si vous pensez qu'en légiférant, en imposant 1 % de la masse salariale comme investissement dans la formation professionnelle, on va accélérer le développement d'une culture de la formation professionnelle.

M. Berlinguet (Louis): Bon. C'est une très bonne question. En fait, je vais répondre de cette façon-ci: Je pense que non. Je ne pense pas qu'on puisse légiférer pour améliorer le niveau de culture scientifique et technologique de la population en général. Je pense que, la culture, ça ne s'impose pas, c'est un long apprentissage. Il faut que les pays, il faut que les peuples... Il y a certains peuples qui sont convaincus que la science et la technologie, c'est leur porte de sortie – qu'on pense au Japon, à l'Allemagne – d'autres ne le sont pas du tout. Donc, la culture scientifique et technologique, je pense que c'est un ensemble de mesures qui proviennent de la tradition, de l'histoire, du développement économique, de l'intérêt des gens pour travailler, etc. Donc, la culture en général, non.

Par ailleurs, les gouvernements ont une responsabilité de faire en sorte que... Vous parliez de l'économie. Pour développer l'économie, le gouvernement légifère pour donner des incitatifs, des crédits d'impôt, donner des programmes un tel, des programmes un autre, etc., pour qu'il y ait des incitatifs de ce côté-là, du côté de la production, du côté du développement des entreprises. Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi on n'inciterait pas par une loi, par des incitatifs quelconques, à une question aussi importante que la formation. Si par des lois on donne des incitatifs pour que les gens achètent des équipements avec des crédits d'impôt, achètent des nouvelles choses, il faudrait peut-être qu'on pense aussi à la formation des employeurs. Donc, c'est ma réponse, peut-être naïve, je n'ai pas l'expérience des lois dans les divers pays, mais c'est à peu près ce que je peux répondre de mieux là-dessus.

Le Président (M. Tremblay): Le deuxième volet. Même si on avait une stratégie cohérente au sein d'une entreprise, je prétends qu'il faut qu'il y ait également une stratégie cohérente au niveau du gouvernement; en d'autres mots, qu'il y ait une vision d'ensemble. Malgré tous les efforts que la ministre de l'Emploi peut faire, si elle n'a pas la complicité, à titre d'exemple, du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, avec une vision du développement économique, scientifique et technologique du Québec, si elle n'a pas la complicité du ministère de l'Éducation, avec sa vision des écoles et également, vous l'avez mentionné tout à l'heure, des activités professionnelles, s'il n'y a pas une vision d'ensemble de ce côté-là, il y a un problème.

Alors, est-ce que vous pourriez, en terminant, nous expliquer ce que vous n'avez pas eu le temps de nous dire tout à l'heure à propos des écoles et des activités professionnelles? Vous vouliez nous dire quelque chose. Parce que je pense que, pour nous et pour la ministre, là, ce serait très important également. Vous avez juste mentionné que c'était important qu'il y ait une meilleure interaction ou une synergie entre le ministère de l'Éducation... mais vous alliez dire quelque chose, qui serait peut-être très utile pour nous, en ce qui concerne l'école et les activités professionnelles.

M. Berlinguet (Louis): Bon. Écoutez, je pense qu'il est clair que le développement global, social, culturel et économique d'une société dans un pays est la responsabilité du gouvernement tout entier. Comme la tâche est très lourde, évidemment, les gouvernements découpent les activités en ministères et nomment à la tête de chacun de ces secteurs-là un ministre, et je pense qu'il y a un cabinet qui doit faire la cohésion entre tout ça. C'est clair que ça prend une vision globale.

Dans le domaine qui est ici, celui de la formation, il y a une question de culture. Il faut que les employeurs soient d'abord convaincus que c'est un investissement qu'ils font. Bien, ça, ça s'apprend par la radio ou par des discussions, etc. Mais, la question de la formation professionnelle qui se fait dans les écoles – je viens de citer, par exemple, l'université, l'ETS, avec son programme coopératif, l'Université de Sherbrooke, les écoles de technologie, les cégeps, les écoles secondaires, bon, nos anciens... bon – c'est clair que ça touche le ministère de l'Éducation et que c'est la responsabilité du ministère de l'Éducation. Mais il me semble, moi – et on l'a toujours dit dans nos documents – qu'entre les ministères il doit y avoir beaucoup plus de cohésion, peut-être, que les fonctionnaires et les ministères essaient de le faire, en fait. Je pense qu'il faut que les gens se parlent, il faut que les dossiers d'un ministère circulent dans d'autres ministères, et j'imagine que ça se fait.

Mais, oui, le ministère de l'Éducation a été interpellé par cette question de formation, et drôlement interpellé. Et j'imagine que les ministères responsables et de la formation, et de la main-d'oeuvre, et de l'éducation se sont mis ensemble – je présume qu'ils se sont mis ensemble – et que le projet de loi a été élaboré de façon conjointe, en fait.

Le Président (M. Tremblay): C'est parce que vous nous avez dit tout à l'heure que, si vous aviez un petit peu plus de temps – je pense qu'avec le consentement des membres de la commission on pourrait vous le donner... Vous avez mentionné: Si j'avais un petit peu plus de temps, je vous parlerais de l'éducation puis des écoles professionnelles.

M. Berlinguet (Louis): Voulez-vous répéter, je n'ai pas compris.

Le Président (M. Tremblay): O.K. J'ai cru comprendre que, tout à l'heure, vous avez mentionné, à la fin d'une question et de votre réponse: Si j'avais un petit peu plus de temps, je vous parlerais de l'éducation et des écoles professionnelles.

M. Berlinguet (Louis): Oui. Bien, ça, j'en parlerai peut-être quand on sera rendu aux états généraux de l'éducation...

Le Président (M. Tremblay): Alors, très bien.

M. Berlinguet (Louis): ...parce que, là, il est déjà 18 h 5 et ça m'amènerait trop loin. Parce que, comme un vieux professeur, j'ai tendance à parler beaucoup, alors on est mieux de m'arrêter là.

Mais, il faut que ça soit traité, ces questions-là, puis des questions à fond, je pense qu'il ne faut pas l'oublier.

Le Président (M. Tremblay): Je veux juste vous dire, M. Berlinguet, qu'on compte beaucoup sur vous, quand vous allez aller aux états généraux de l'éducation, parce que – je parle personnellement, là – je ne vois pas comment on peut bâtir une économie d'avenir en essayant de former l'actif le plus important d'une société qu'est la ressource humaine s'il n'y a pas une adéquation dynamique entre les efforts de la ministre de l'Emploi et les efforts du ministre de l'Éducation. Donc, au même titre que vous êtes venu ici nous faire part de vos préoccupations et nous encourager dans nos démarches, je pense que c'est la même chose aux états généraux, et on va vous lire attentivement. Alors, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): En conclusion?

Le Président (M. Tremblay): Oui, en conclusion.

M. Charbonneau (Bourassa): En conclusion. Merci, M. le Président. Même si j'ai dû, pour participer à un autre débat, m'absenter pendant quelques minutes et, malheureusement, rater votre présentation, M. le président du Conseil de la science et de la technologie, je voulais vous dire que j'avais lu avec soin les monographies, les documents que vous nous avez fait parvenir il y a quelque temps, qui font le point sur des expériences et qui font la synthèse de ces expériences-là, et j'attendais avec grand intérêt votre mémoire. J'ai réussi à parcourir l'essentiel de votre mémoire aujourd'hui et je voulais au moins prendre une minute pour vous remercier non seulement d'être venu aujourd'hui, oui, c'est important, mais vous remercier du travail que vous avez fait sur cette question depuis longtemps.

(18 h 10)

Et, plus récemment, j'ai eu l'occasion de voir de près le niveau d'acharnement et d'intérêt que vous y mettiez. Lorsque j'étais à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, j'ai eu l'occasion de collaborer avec vous, de répondre à votre appel et d'essayer de resserrer la jonction entre la SQDM et la démarche que vous meniez à ce moment-là en suivi du colloque du Conseil du patronat, dans une perspective d'incitation – d'inciter, de mobiliser et de motiver – et non pas dans une perspective de coercition.

En tant qu'éducateur émérite et chercheur bien connu, vous privilégiez, après autant d'années, ce principe fondamental: Vaut mieux faire en sorte de provoquer la soif que de forcer à boire. Le travail que vous avez fait, vous avez réuni et regroupé, montre qu'il y a moyen de motiver, que la route, c'est de motiver, c'est de mobiliser, c'est la route du partenariat par le volontariat – et non pas par la coercition – qui est la meilleure solution pour faire des gens motivés vers un objectif, et non pas juste des gens accablés par des mesures. Je vous remercie de votre témoignage.

Le Président (M. Tremblay): Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, M. Berlinguet, évidemment, là, après l'intervention du député de Bourassa, ce que je souhaite – je comprends parfaitement qu'il a été retenu par d'autres obligations parlementaires – c'est qu'il prenne le temps de lire votre mémoire. Il va comprendre qu'il arrive, à un moment donné, comme le disait d'ailleurs son prédécesseur, qu'il faut amener le cheval à l'abreuvoir, parce que, peut-être que le cheval ne sait pas où est l'abreuvoir ou n'a pas encore assez goûté à l'eau pour comprendre qu'on peut l'étancher, sa soif. Alors, c'est de ça qu'il s'agit avec le projet de loi 90.

Écoutez, j'arrête de parler en termes figurés pour simplement vous dire merci – à la fin d'une semaine chargée, pour vous également, j'imagine aussi – d'être venu nous faire part de votre philosophie de tout ça. Merci beaucoup.

Le Président (M. Tremblay): Alors, merci, M. Berlinguet. J'aimerais informer les membres de la commission que tant la députation ministérielle que la députation de l'opposition ont la responsabilité de convoquer les membres pour 10 heures, le 5 juin, au local RC.161, pour une rencontre informelle d'information sur le projet de loi au niveau juridique.

J'ajourne les travaux de la commission au lundi 5 juin prochain, à 11 heures.

(Fin de la séance à 18 h 12)


Document(s) related to the sitting