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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Wednesday, February 9, 2011 - Vol. 41 N° 24

Consultation générale et auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité


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Table des matières

Auditions (suite)

Autres intervenants

 

Mme Véronique Hivon, vice-présidente

Mme Maryse Gaudreault

M. Germain Chevarie

M. Pierre Reid

M. Benoit Charette

Mme Monique Richard

M. Amir Khadir

Mme Francine Charbonneau

* Mme Édith Morissette Beaulieu, VV

* Mme Kathleen Switzer Chabot, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures dix-sept minutes)

La Présidente (Mme Hivon): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je constate le quorum et je déclare la séance de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité ouverte.

Je rappelle donc que la commission est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.

Il n'y a pas de remplacement aujourd'hui, Mme la secrétaire.

Donc, nous sommes heureux de recommencer nos travaux pour un dernier sprint à Québec. Donc, nous entendrons des témoins deux jours cette semaine, une journée la semaine prochaine, suivie de deux autres journées dans la semaine suivante. Alors, aujourd'hui, ce matin, nous allons entendre Dr Serge Daneault, suivi de M. Bertrand Gagnon.

Auditions (suite)

Alors, Dr Daneault, on est très heureux bien sûr de vous recevoir. Nous vous avons entendu, nous vous avons vu, nous vous avons lu, alors, et nous vous avons... évidemment lu votre livre cosigné avec Dr Marcel Boisvert, Être ou ne plus être, et donc c'est un plaisir pour nous de vous recevoir. Vous avez donc une quinzaine de minutes pour faire votre exposé, qui sera suivi d'une période d'échange, avec les membres de la commission, d'une trentaine de minutes. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.

M. Serge Daneault

M. Daneault (Serge): Merci beaucoup, Mme la vice-présidente, messieurs mesdames les commissaires. C'est un honneur pour moi de pouvoir vous adresser la parole, mais encore plus un privilège parce que je crois que c'est un exercice démocratique très important.

C'est à partir de mon travail de chercheur et de médecin soignant des malades en phase palliative que je compte vous entretenir de l'état actuel de ma réflexion. En effet, si les lois criminalisant l'euthanasie et l'aide médicale au suicide sont changées, nous ne serons plus au niveau des idées, mais nous serons au niveau des actes qui seront pratiqués plusieurs fois par jour au Québec. Les quelques mots que je vais dire au sujet de nos travaux de recherche proviennent de l'ouvrage Souffrance et médecine, que je dépose en même temps que les articles scientifiques que notre groupe a publiés sur le même sujet.

**(11 h 20)**

Les personnes affligées d'une maladie grave expérimentent une souffrance souvent intense, définie à travers trois attributs fondamentaux, dont le plus important pour le débat actuel est sans doute le fait que souffrir, c'est fondamentalement avoir peur. Le phénomène qui affecte autant les personnes malades que celles qui ne le sont pas encore traduit un grand manque de confiance dans notre système de santé.

Dans le débat actuel, il est évident que le discours des promoteurs de l'euthanasie veut, d'une part, intensifier cette peur générale du public devant la dernière maladie et, d'autre part, faire croire à la population que l'euthanasie constitue une police d'assurance, en quelque sorte, contre la souffrance, ce qu'absolument rien ne prouve. Le discours proeuthanasie veut laisser croire que mourir est souvent, sinon toujours marqué par des souffrances importantes, incoercibles. Ce n'est pas juste. Les recherches prouvent que jusqu'à 40 % des cancéreux, pour donner cet exemple, n'expérimenteront pas de douleur durant la trajectoire de la dernière maladie. De plus, aujourd'hui, lorsque ces patients éprouvent des douleurs et qu'ils sont pris en charge par une équipe expérimentée de soins palliatifs, on sait que ces souffrances sont rarissimes. Je donne comme seul exemple ces travaux effectués à l'Hôpital Notre-Dame, qui reçoit 1/8 de tous les patients cancéreux du Québec et qui possède une unité ultraspécialisée de soins palliatifs qui accueille parmi les plus malades. Dans cette unité, après vérification, la sédation palliative pour des symptômes réfractaires a été utilisée cinq fois en 2008 et trois fois en 2009. Ça, c'est les faits. Ça, c'est la vérité.

Par ailleurs, rien ne nous permet d'affirmer que l'euthanasie ou l'aide au suicide s'accompagne effectivement d'une réduction de la souffrance générale d'une société confrontée à la mort inéluctable. Il est étonnant que des pays ayant choisi de légaliser l'euthanasie soi-disant comme une réponse appropriée à la souffrance se soient abstenus jusqu'ici d'étudier l'impact réel de ces pratiques définitives sur le fardeau de souffrance des individus, des collectivités et des générations subséquentes.

Le temps ne me permet pas de parler beaucoup des causes de la souffrance, mais, parmi ces causes, on évoque souvent la perte d'autonomie. Or, cette notion d'autonomie, détachée de sa contrepartie essentielle, c'est-à-dire l'interdépendance des humains entre eux, pose une question fondamentale: L'autonomie serait-elle l'autre nom donné à la solitude? La sociologue Céline Lafontaine affirme: «Traduite en termes d'autonomie, cette solitude constitue la valeur suprême de la société[...]. De par sa radicale nouveauté au plan historique, cette toute-puissance de l'individu atteste d'une rupture non seulement au niveau sociétal, mais dans l'ordre même du vivant, c'est-à-dire dans le passage des générations.»

Au-delà des causes physiques de la souffrance existent bien sûr des causes non physiques parmi lesquelles se trouve la dépression. Les demandeurs d'euthanasie sont en effet quatre fois plus nombreux que les non-demandeurs à présenter une dépression pouvant être soulagée par un traitement approprié. La dépression est donc, très souvent, à l'origine d'une souffrance pouvant conduire à la demande d'euthanasie. De point de vue médical, soigner la dépression par la suppression du malade ne peut absolument pas constituer un traitement approprié, même si une dépression clinique justifie, aux Pays-Bas, l'acte euthanasique.

Enfin, les causes existentielles de souffrance jouent un rôle important dans le phénomène. Dans les pays où l'euthanasie est décriminalisée, on accepte de pratiquer ces procédures auprès de malades qui sont aux prises avec des souffrances dites existentielles. Ce phénomène inquiétant nous amène à poser la question à savoir si la popularité de l'euthanasie ne constitue pas un signe d'une dépression collective de notre société.

«Dans un monde affairé à masquer les signes de l'état de dépendance fondamental des êtres qui le constituent, le suicide des jeunes et des vieillards rappelle cruellement la fragilité des sujets face au vide donné collectivement à l'existence -- opine Céline Lafontaine.» Et ce vide constitue probablement le véritable coeur du débat.

De nombreux soignants nous ont parlé de leur impossibilité de soulager les souffrances intenses dont ils sont journellement les témoins. Or, cette incapacité se traduit par l'émergence d'une souffrance chez les soignants eux-mêmes. Ce phénomène de genèse de la souffrance chez ceux-là mêmes qui sont censés la combattre produit ce que nous avons appelé le cercle vicieux de la souffrance, selon lequel la souffrance des malades prend souvent racine dans celle des soignants qui elle-même est générée par un système qui n'est pas destiné à soulager mais plutôt à produire des interventions, des bilans et des personnes en santé et qui est géré, comme nous l'a dit un participant, comme une fabrique de petits pois.

À la lumière de ces résultats, on comprendra le grave danger qu'il y aurait de proposer l'euthanasie et l'aide médicale au suicide à des malades non soulagés de leur souffrance en conséquence d'un système structurellement inadapté à leur situation ainsi qu'à des médecins et d'autres soignants qui souffrent eux aussi de leur incapacité à soulager les grands malades. Ces éclaircissements nous font comprendre pourquoi ce sont les grandes organisations médicales de notre société qui ont ouvert ce débat sur l'euthanasie. On peut légitimement se demander si leur acceptation de la mort médicalement provoquée n'est pas un moyen pour eux de se sortir de ce cercle vicieux de la souffrance.

Depuis le début de ce débat, on a entendu les fédérations médicales et certains protagonistes de l'euthanasie répéter que l'euthanasie serait fréquemment pratiquée dans nos services de santé ici, au Québec. Or, il n'existe, à notre connaissance, aucune étude et aucune preuve de cette situation au Québec.

Il existe par contre quelques études portant sur la situation prévalant aux Pays-Bas et en Belgique. La première a été publiée en 2007 dans le prestigieux New England Journal of Medicine. Dans un échantillon probabiliste des décès survenus en Hollande en 2005, on a demandé aux médecins traitants de ces malades si la mort était la conséquence de l'usage d'un médicament prescrit, fourni ou administré dans l'intention explicite de précipiter la mort. Dans les cas où le médecin a répondu affirmativement à cette première question, on lui a demandé si le geste euthanasique avait été pratiqué après avoir été discuté ou non avec le patient. La question en anglais est claire et sans équivoque et elle apparaît textuellement dans mon mémoire. Chez plus de 500 -- 500 -- patients décédés en Hollande en une seule année, les médecins ont déclaré avoir administré des médicaments pour supprimer ces malades sans que ceux-ci en aient fait la demande. Et cela ne représente que la pointe de l'iceberg, car ces résultats sont basés sur le bon vouloir des répondants de déclarer une pratique qu'ils savent illégale. La même étude a été répétée en Belgique et elle donne des résultats encore plus troublants: 47 % des euthanasies pratiquées en Flandre sont faites sur des patients qui n'y ont pas consenti, malgré toutes les procédures qu'on a mises en place.

Or, les fédérations médicales, le Collège des médecins du Québec et le Barreau du Québec semblent avoir ignoré ces études ou ont choisi de ne pas en parler.

Les médecins qu'on a consultés aux Pays-Bas et en Belgique nous invitent à ne pas légaliser l'euthanasie, mais ils refusent, sauf une exception, en même temps d'être publiquement identifiés, phénomène qui pose une question en lui-même. Certains de ces médecins pratiquent parfois l'euthanasie et ils vivent alors beaucoup de difficultés et de troubles personnels. Plusieurs d'entre eux avouent avoir subi la pression et l'intimidation de la part des patients et des familles désireuses d'obtenir l'euthanasie.

Vous savez que, dans un pays où l'euthanasie est légalisée, elle devient un droit. Dans un pays donc comme ça, pour cette raison, la liberté de conscience du médecin devient tout à fait relative. On peut en effet comprendre qu'une pression sociale s'exerce sur les médecins comme elle s'exerce sur les grands malades, pression qu'on a déjà décrite comme étant la contagion euthanasique.

Jusqu'ici, je n'ai jamais voulu parler du cas d'euthanasie d'enfants. L'euthanasie des enfants malades qui ne peuvent par essence pas donner leur consentement fait penser au terrifiant programme de Solution finale de la période nazie. En Hollande, l'euthanasie d'enfants de moins de 16 ans n'est pas légale. Cela n'a pas empêché les médecins hollandais de définir le Protocole de Groningen selon lequel il est pratiqué annuellement autour de 20 euthanasies chez des enfants qui ne donnent pas leur consentement. Et l'un des critères retenus dans 59 % des cas de décès d'euthanasie d'enfants est que celui-ci a des chances de survivre sur une longue période de temps. Ce critère candidement mis de l'avant par ces médecins hollandais a de quoi nous troubler sérieusement.

**(11 h 30)**

J'aborde maintenant la troisième et dernière partie de mon allocution.

Alors, le débat actuel sur la mort médicalement provoquée découle largement d'une anomalie structurelle de notre système de santé selon laquelle nous ne prenons pas soin convenablement de la souffrance des grands malades dans nos institutions. La souffrance des malades crée la souffrance des soignants qui, par voie de conséquence, nourrit la souffrance des personnes aux prises avec la maladie grave, le cercle vicieux dont je parlais tout à l'heure. Permettre la suppression de ces personnes souffrantes ne diminuera pas la souffrance dans le système mais risque bien de l'accroître tout en réduisant à néant les solidarités qui ont fait notre peuple.

Je voudrais demander aux parlementaires qui me reçoivent de ne pas modifier l'encadrement législatif dans lequel les pratiques de fin de vie ont présentement lieu. S'ils décident d'aller contre le souhait des deux tiers des mémoires déposés, j'espère qu'ils se seront assurés au préalable que les soins de base, dont font partie les soins palliatifs, sont une réalité pour tous les Québécois qui y ont un droit légitime.

La discussion sur le vivre et mourir dans la dignité a pour effet d'en occulter une autre. En fait, on discute de notre système de santé et de ce que nous voudrons en faire. Devant le vieillissement des baby-boomers, dont je suis, en fonction de quoi notre société devra, durant les 20 prochaines années, trouver les moyens d'aider à mourir à peu près 2,5 millions de personnes, la réponse euthanasique est une option dangereuse. Un regard sérieux sur les données actuellement disponibles dans d'autres pays ne nous autorise pas à évacuer la pente glissante dont il a souvent été question et que réfutent des personnes respectables, aveuglées possiblement par leur propre peur de la mort. Au contraire, on assiste à des glissements de société qui nous font craindre l'émergence d'une nouvelle barbarie.

Comment expliquer qu'aux Pays-Bas, en plus de 30 ans de pratique euthanasique et en dépit d'un apparent système sophistiqué de recours et de surveillance, il n'y ait eu aucune poursuite pénale à la suite de dizaines de milliers d'euthanasies?

Plutôt que d'avancer dans cette voie périlleuse, je pense qu'il faudrait impérativement mieux apporter des améliorations jugées essentielles à la qualité et à l'accessibilité minimales des soins de base et des soins de fin de vie dans notre société. Prenons pour exemple les soins palliatifs à domicile. Il n'existe toujours pas, à la grandeur du Québec, des services publics suffisants et équitables pour toute personne en fin de vie qui veut vivre à son domicile jusqu'à la fin. Les disparités qui existent sont scandaleuses, et le fait que l'on s'en remette à des structures privées de soins à domicile non pas pour donner du superflu mais pour prodiguer des soins de base constitue certainement l'une des grandes causes de la souffrance.

On ne pourra pas offrir des soins palliatifs à domicile à tous si on n'accepte pas d'injecter de nouveaux argents dans ce domaine. Actuellement, c'est le contraire qui survient: certains CSSS sont contraints, pour des raisons budgétaires, de couper actuellement dans les heures de service allouées à ces malades en fin de parcours. Et, pour injecter de nouvelles ressources en matière de soins palliatifs à domicile, il faudra faire des choix qui demandent un courage immense dont nous avons grandement besoin en politique. Simplement, à titre d'exemple, afin d'alimenter notre réflexion, je mentionne que une heure -- une heure -- de service de préposé à domicile coûte 25 $ à l'État, pendant que plusieurs chimiothérapies palliatives -- palliatives -- ont un coût supérieur à 100 000 $ par traitement.

Alors, quand je parle d'amélioration préalable, je vois trois mesures concrètes indispensables: d'abord, on devra créer des unités de soins palliatifs dans tous les établissements où surviennent plus de 600 décès par année; puis, deuxièmement, on devra mettre sur pied des équipes de consultation en soins palliatifs dans les autres établissements publics; et, enfin, et j'appuie sur ce dernier point, on devra pourvoir tous les CSSS du Québec d'équipes dédiées, et à financement séparé, de soins palliatifs à domicile. Ne pas recommander ces améliorations essentielles à notre système et recommander en même temps la légalisation de l'euthanasie correspondrait à envoyer un message très fort à la population confrontée à l'inéluctable fin de la vie, à savoir que l'accompagnement jusqu'au bout de leur dernière maladie n'est plus une fonction de l'ensemble de la collectivité.

Si l'on en croit les sociologues et les anthropologues qui se sont penchés sur ce phénomène, nous serions alors l'une des premières sociétés occidentales à affirmer que les derniers jours de vie et ces dernières heures d'un homme sont sans valeur, ce qui constituerait une conséquence sans précédent dans l'histoire de l'humanité.

J'en suis à mes dernières lignes. Enfin, quoi qu'il arrive, il faudra, un jour, cesser de parler sans disposer de données sur les faits. Je propose la création, au Québec, d'un observatoire de la fin de vie. Un tel observatoire devrait avoir la responsabilité de colliger les données sur les lieux de fin de vie, sur les pratiques entourant la mort dans nos établissements et dans les lieux privés de décès, sur le soulagement et le non-soulagement de la douleur et des autres symptômes de ces clientèles et sur l'appréciation des principaux intéressés de la qualité des services reçus.

J'en viens à penser que c'est seulement grâce à un tel dispositif que nous pourrons vraiment discuter du délicat sujet de la mort médicalement provoquée. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Hivon): Merci beaucoup, Dr Daneault. Votre 17 minutes... vous êtes arrivé exactement comme vous l'aviez annoncé, donc une précision exemplaire. Merci beaucoup pour un exposé très éclairant. Je cède tout de suite la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à vous, Dr Daneault. Comme l'a mentionné Mme la présidente, nous avons lu, nous avons entendu, et là maintenant on vous accueille aujourd'hui. Vous avez un message assez... C'est un peu une révolution que vous nous proposez avec cet observatoire de la fin de la vie, parce que je pense que, s'il y a un message qui a percé, tout le long de nos débats, c'est qu'on n'en parle pas assez, de la mort, c'est tabou encore en 2011, puis il faut la préparer, ça fait partie de la vie, et je pense que cet observatoire pourrait nous aider grandement.

Je veux vous remercier aussi pour vos propositions très concrètes parce que, nous, on aura des recommandations à formuler à la fin de nos travaux, et on a parlé beaucoup de positions pour, contre, philosophiques, mais, le pratico-pratique, je pense que votre... Vous avez vraiment fait preuve d'une grande rigueur à cet effet avec votre présentation parce que vous avez des recommandations très précises à nous présenter, puis ça, c'est très, très apprécié, puisque nous arrivons bientôt à la fin de nos auditions publiques.

J'ai une question qui m'a beaucoup... Je veux vous entendre au sujet du cercle vicieux de la souffrance quand vous parlez du personnel médical qui serait impliqué dans une telle légalisation. Je veux vous entendre. Vous oeuvrez déjà avec vos collègues. Vous en avez discuté. On a questionné certains médecins, mais vous avez un regard différent. J'aimerais vous entendre.

M. Daneault (Serge): Bien, on va diviser ma réponse en deux parts. Premièrement, parlons du cercle vicieux de la souffrance sans euthanasie. Parce que, nous, ce qu'on a étudié, c'est le système québécois, puis il n'y a, à ma connaissance, pas d'euthanasies qui sont faites dans notre système de santé au Québec.

Et les médecins, en particulier, mais les soignants en général sont confrontés à une mission impossible. Il y a eu une explosion, depuis les 20 dernières années, des connaissances et des possibilités de prise en charge des malades, qui est absolument extraordinaire, en même temps qu'une raréfaction des ressources que nous pouvons consacrer à chaque personne gravement malade, et ça, ça crée un dilemme terrible, et les soignants sont obligés de se positionner en Salomon et à choisir entre une souffrance et une autre.

Ce que ça fait, c'est que ça génère une souffrance intense, et cette souffrance-là, chez les soignants, s'accompagne souvent de burnout, d'attrition, et les meilleurs soignants, ceux qui sont les plus sensibles à la souffrance des malades sont ceux qui partent et qui... et ça accroît la charge de ceux qui restent, ce qui fait le cercle en question. Et le cercle en question occasionne la souffrance chez les malades parce qu'ils sont... ils se retrouvent finalement à être pris en charge par moins de personnes et par des gens moins sensibles à leurs souffrances.

Évidemment, cette discussion, cette réflexion qu'on poursuit tous collectivement autour de l'euthanasie et de la mort médicalement provoquée nous a poussés, dans nos réflexions, à se dire: Si on mettait là-dedans l'euthanasie et l'aide au suicide, qu'est-ce qui va se passer?

Il est bien clair que très facilement ça devient un exutoire. Vous savez, quand on souffre... Tout le monde a déjà souffert. Et, quand on souffre, on ne veut pas que ça dure, on veut que ça s'arrête le plus vite possible. C'est pour ça que les questions des sondages sont complètement trafiquées, parce qu'on dit toujours aux gens des scénarios: Si vous êtes couchés pendant six mois et que vous souffrez terriblement, voulez-vous l'euthanasie? On est surpris qu'il n'y ait pas 100 % des gens qui ne disent pas oui. On leur fait un scénario terrible.

Alors, si on introduit cet élément d'euthanasie dans un cercle vicieux de la souffrance, au lieu de diminuer la souffrance, on l'augmente. Parce que nous savons, puis je n'ai pas pu en parler beaucoup, que les médecins en Belgique et en Hollande sont terriblement affectés par ce problème d'euthanasie dans leur pratique quotidienne. La moitié, d'ailleurs, refuse tout à fait de pratiquer les euthanasies. Ceux qui les font ont... on commence à voir des évidences, en ayant des contacts avec ces médecins-là, c'est extrêmement difficile. C'est extrêmement difficile, parce que, moi, je peux l'imaginer. Dans ma pratique de tous les jours, il y a beaucoup de familles qui vont inciter pour une euthanasie, et dans des cas on voit très bien que c'est par compassion, puis dans d'autres cas ce n'est pas par compassion, malheureusement. On est des êtres humains.

**(11 h 40)**

La Présidente (Mme Hivon): Oui, Mme la députée.

Mme Gaudreault: Merci. On a d'ailleurs rencontré Dr Pereira qui nous a présenté son vécu, puisqu'il a travaillé en Suisse, et, pour lui, il a vraiment découvert un autre univers et il est venu nous présenter ça lors de notre passage à Gatineau. C'était une présentation très intéressante, puisque, lui, il l'a vécu, il a vu le changement de culture.

Je veux... dernière petite question, parce que j'ai des collègues qui veulent vous questionner. Vous nous parlez de mesures très concrètes, des unités de soins palliatifs, des consultations, un observatoire, des équipes dédiées. Combien de temps serait nécessaire pour former adéquatement les médecins pour mettre en place des mesures, comme vous nous le proposez?

M. Daneault (Serge): Ce n'est pas quelque chose qui est inaccessible, hein? Déjà, à l'Université de Montréal, un stage de un mois en soins palliatifs est obligatoire pour tous les médecins généralistes qui sortent de la principale institution de formation des médecins du Québec.

Ce n'est pas la formation qui est le problème, c'est les moyens puis la mise en place d'équipes. Je pense qu'il y a, partout au Québec, dans toutes les universités, des équipes prêtes à former les gens. Il y a déjà beaucoup de gens qui sont formés. La chose qui est importante par contre, c'est que... on le voit dans une publication récente du New England Journal of Medicine, c'est qu'il faut cesser de commencer à faire des soins palliatifs lorsque c'est trop tard. On appelle ça le trop tard, trop peu. Il faut commencer bien avant. Puis on sait que ça a des économies très importantes pour un État, ça, hein, parce que ça a été démontré maintenant.

Ces gens-là, premièrement, vivent plus longtemps et, deuxièmement, coûtent moins cher à l'État parce qu'il y a moins de procédures non utiles ou futiles qui sont faites.

La Présidente (Mme Hivon): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Daneault. Merci pour votre contribution à cette commission.

Vous avez fait état, dans votre présentation, du budget de la santé et des services sociaux, et, bien entendu, c'est un budget énorme pour le Québec, c'est 45 % du budget total de l'État du Québec, et ça représente 27, 28 milliards de dollars, et notre gouvernement n'a pas l'intention non plus de faire des compressions dans ce secteur-là. Au contraire, on a l'intention de continuer à indexer le budget du système de la santé de l'ordre de 5 %. Et vous recommandez deux éléments dans votre présentation: un qui concerne l'obligation d'avoir un service de soins palliatifs pour les hôpitaux qui ont 600 décès par année et également ajouter à cette recommandation-là un budget protégé et spécifique pour le service de soins palliatifs. On sait qu'un budget pour un établissement qui a des lits de santé physique, c'est à peu près de l'ordre de 100 000 $ par année, là, par lit.

J'aimerais ça savoir si vous avez estimé quelle serait la hauteur du budget pour les services de soins palliatifs. Ça, ce serait ma première question. Et, en deuxième complémentaire, pour les établissements qui ont moins de 600 décès annuellement, qu'est-ce qu'on fait pour ces établissements-là, particulièrement des hôpitaux de région où on a un certain nombre de lits, mais il n'y a pas nécessairement 500 ou 600 décès annuellement?

M. Daneault (Serge): Je dois vous dire, d'entrée en jeu, que je ne suis pas un spécialiste de ces questions-là. Moi, je suis un médecin, je ne suis pas un économiste.

Ma proposition d'une unité de soins palliatifs pour les hôpitaux où il y a plus de 600 lits provient d'une initiative du gouvernement français qui a étudié la situation dans ses propres hôpitaux et qui a vu que, lorsqu'on a plus de 600 décès dans un établissement, on sait que ce patient-là qui va mourir, qui rentre dans l'établissement en soins aigus ou curatifs, coûte très cher. Et, s'il est déplacé vers une unité, il faut que cette unité-là existe, bien entendu. Alors, à ce moment-là, on sait qu'il bénéficie de soins plus... pardonnez-moi l'expression, plus «soft», hein? C'est des soins de confort, des soins où... bon, il y a des soins psychosociaux, musicothérapie, etc., et les gens sont plus satisfaits. Les familles, après le décès, sont plus satisfaites que lorsque le décès est survenu dans la salle d'urgence, comme on voit ça trop souvent.

Et la question de 600 décès, c'est une question simplement pratique, c'est qu'à 600 décès on peut justifier un regroupement de lits qui est suffisant pour faire une unité, puis, en bas de ça, bien ça se pourrait que nos lits soient vides. Puis je pense que ce n'est pas ce qu'on recherche dans un système comme le nôtre. Je pense que, bon... il y avait la deuxième recommandation, qui est la création d'équipes de consultation, qui finalement aident les soignants à mieux gérer la fin de la vie, à cesser les traitements futiles, etc. Ces équipes de consultation là, moi, je les vois dans ces plus petits hôpitaux, dont le magnifique Hôpital des Îles-de-la-Madeleine, parce que je l'ai déjà visité.

Donc, ça permet donc d'avoir la connaissance au service des patients sans avoir la contrainte d'avoir des lits libres, ou tout ça.

Et je voudrais que ces équipes de consultants existent également dans les CHSLD du Québec où survient 30 % des décès. Moi, je viens de vivre une expérience dans mon entourage où quelqu'un a été pris en charge dans un CHSLD d'une façon absolument exemplaire. J'ai vu des choses... des anges se dévouer auprès de cette personne-là. Je sais que ça existe, je sais que c'est possible. Mais par contre des gens me racontent des histoires complètement différentes. Alors, ces équipes-là sont nécessaires.

La deuxième partie de la question, c'était... rappelez-moi ce que...

M. Chevarie: Concernant un budget protégé, comment est-ce que vous voyez ça pour ces unités-là?

M. Daneault (Serge): Oui. Je vais vous expliquer pourquoi je propose ça.

C'est que, moi, quand j'ai commencé à faire des soins palliatifs au début des années quatre-vingt-dix dans le Centre-Sud de Montréal, j'ai travaillé beaucoup auprès des clientèles atteintes de sida, et à l'époque, à Montréal en tout cas, il y avait des budgets protégés. Les établissements donnaient les services requis par ces personnes-là et refacturaient à l'agence de santé et de services sociaux ces services-là ensuite. Je veux vous sensibiliser sur ce qui est très difficile pour nos gestionnaire actuels de la santé dans les établissements, qui ont des besoins et qui ont des budgets à respecter. Et ils sont toujours en train de piger dans une enveloppe pour mettre dans l'autre. Et on ne pourra pas sortir de ce cercle vicieux dont je parlais si on n'a pas... si on ne s'entend pas pour, justement, payer après.

Tant qu'à avoir une assurance contre la souffrance, il me semble qu'on pourrait avoir une assurance pour la fin de vie.

M. Chevarie: Merci.

Une voix: Est-ce qu'il reste du temps?

La Présidente (Mme Hivon): Oui, oui, il reste du temps. M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, Mme la Présidente. Comme vous le savez, on arrive à la fin des auditions, pratiquement, 300 personnes ou groupes, et on est peut-être plus sélectifs dans ce qu'on lit dans vos rapports, évidemment dans vos mémoires, mais on écoute quand même tout ce que vous dites, et j'aurais trois commentaires et puis ensuite une question.

Un premier commentaire, évidemment c'est une grande appréciation de vos propositions ou de vos propositions concrètes concernant les soins palliatifs et en particulier, et c'est une spécialité, je pense qui est à vous, là, des soins palliatifs à domicile, qui est certainement quelque chose qui... et, je sais, dans mon propre comté, à Magog, on investit beaucoup là-dessus, au niveau du centre hospitalier, du CLSC, etc. Et donc ça, c'est très apprécié.

Deuxièmement, c'est intéressant de vous entendre parler de changements de la culture médicale. C'est un débat médical, bien sûr. Vous êtes bien placé étant donné que vous êtes dans une université. On y forme et aussi on les forme par la suite, les médecins, et on leur propose des choses, et c'est quelque chose qui est très important. On a un certain nombre de commentaires qui vont être utiles pour nous aussi, pour notre rapport par la suite, donc quand on va en discuter. Par contre, il est certain qu'il faut se demander, nous, quand on va travailler sur un rapport: Est-ce que la population du Québec, dont une bonne partie semble vouloir des changements... on va regarder si on va y aller, dans ce sens-là, ou pas, mais est-ce que les gens sont prêts à attendre le temps que ça prend pour un changement de culture médicale?

C'est gros. Tu sais, quand un médecin vient nous dire ici, par exemple: Vous savez, on a le pouvoir maintenant, avec la science, de transformer un mourant en malade chronique pendant cinq ans, c'est un gros changement, et elle-même, la médecin qui a dit ça, a dit: Ce n'est pas quelque chose qui va arriver vite.

Un point de commentaire aussi que je voudrais faire, c'est: Quand vous dites: Le discours des promoteurs de l'euthanasie veut, d'une part, intensifier la peur générale de la population dans la dernière maladie, c'est un petit peu contrasté ou, mettons, un peu gros, peut-être. Enfin, notre expérience à nous, en tout cas ma perception à moi, ce n'est pas ce que les gens sont venus nous dire. Ils ne sont pas venus faire des peurs. Les gens étaient très honnêtes dans leur pensée et dans leurs propositions également. Je ne voudrais pas qu'on... Ce n'est pas ce que vous avez voulu faire, sûrement, mais je ne voudrais pas qu'on diminue la valeur de leurs argumentaires. Puis, nous, on va devoir tenir compte de leurs argumentaires et de la valeur de leurs argumentaires aussi.

Ma question est liée à une affirmation que vous faites, qui m'a un peu surpris, je dois dire, et ça m'amène la question, vous allez voir, très simple. Vous dites: Si les membres de la commission, contrairement à notre position, finissent par ne pas avoir d'objection morale, c'est assez fort, là, finissent par ne pas... Nous, là, si on finit par ne pas avoir d'objection morale à la légalisation de la mort médicalement programmée, donc c'est la question du jour...

Alors, la question que je vous pose: Est-ce que c'est... toute cette question-là est, d'abord et avant tout, une question d'objection morale?

**(11 h 50)**

M. Daneault (Serge): Je voudrais réagir sur le point de la formation médicale. Le changement de culture, si vous me le permettez, c'est quelque chose qui s'impose, et on va devoir poursuivre une réflexion de qui influence ce que les médecins sont et seront.

Je pense à une question bien simple: l'immunisation des grands malades qui sont vraiment mourants, mais mourant sur une période d'un an, deux ans, trois ans. C'est des programmes de santé publique actuellement, et je ne suis pas prêt à me prononcer là-dessus, mais je me dis: On a des questions à se poser. On a des questions à se poser parce qu'on sait que dans les CHSLD ces choses-là sont faites pour des malades qui sont en fin de vie, qui sont en fin de vie, mais dont la fin de vie n'est pas dans trois, quatre jours.

Et vous posez la question: Est-ce que c'est une objection morale?

M. Reid: En fait, c'est que vous dites ici... Je relis ce que vos avez écrit. Enfin, moi, c'est ce qu'on a mis entre guillemets, là, dans mon résumé ici. Puis je vous ai entendu aussi tantôt mais peut-être pas dire les même mots, mais en fait c'est ce qu'on nous a donné comme étant une version de ce que vous avez écrit: «Si les membres la commission, contrairement à notre position -- c'est vous qui parlez -- finissent par ne pas avoir d'objection morale...» Autrement dit, on devrait avoir des objections morales, mais, si jamais on finit par ne pas en avoir, alors ma question, c'est: Est-ce que toute cette question-là et tout votre mémoire finalement au coeur de ça, c'est une question d'objection morale?

M. Daneault (Serge): Non, ce n'est pas... ça ne se résume pas à une question d'objection morale, mais je ne l'évacue pas. Je ne l'évacue pas parce que finalement la morale ou l'éthique sont ce qu'on se donne, comme êtres humains, pour prendre les bonnes décisions pour une société, mais ça, ce n'est pas qu'une question morale, c'est une question qui s'appuie sur la protection des plus vulnérables de la société, qui est une autre position, qui est une position qui va beaucoup plus du point de vue de la démocratie, à mon avis. Quand je parle de ce qu'on vit, de ce qui se vit aux Pays-Bas et en Belgique, là on est ailleurs que la morale quand on parle, par exemple, des euthanasies de personnes qui n'ont pas consenti.

M. Reid: S'il reste deux secondes, juste pour dire que je suis... je trouve ça intéressant et je comprends mieux avec votre réponse. C'est-à-dire que vous voyez une... vous prenez la lunette de la protection des gens vulnérables, et je comprends mieux une partie de ce que vous avez écrit dans le mémoire, parce que, évidemment, c'est une partie de la question. Il ne faut pas évacuer... Peut-être qu'on voit moins souvent cet aspect-là. Ce n'est peut-être pas 100 % de la population, mais c'est une partie importante de la population.

Et donc là je comprends mieux les mises en garde que vous nous faites concernant la vulnérabilité d'une partie de la population face à ces questions-là, et ça m'éclaire sur ce qui est écrit, que je n'avais pas bien compris, et je vous en remercie.

M. Daneault (Serge): Je veux juste réagir très rapidement. On n'a jamais le temps qu'on veut pour préparer ce genre de documents là, et puis je suis content que vous ayez apporté l'éclaircissement. Vous savez, pour une personne... Moi, je l'ai écrit dans le livre, les cas d'espèce, les choses qui arrivent trois fois par année au Québec, on ne fait pas une commission d'enquête pour ça, on ne fait pas une commission spéciale pour ça, et puis, moi, je n'ai jamais eu de problème avec ça. Je parle pour la société, c'est ce qui m'intéresse. C'est le point de vue pour lequel j'ai pris la parole.

La Présidente (Mme Hivon): Oui. Alors, madame... M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, Mme la Présidente. Dr Daneault, ce fut un plaisir de vous entendre après avoir eu le plaisir de vous lire, effectivement.

J'avais quelques petites questions. Ma collègue sera certainement intéressée à vous en poser également. Vous avez effectivement apporté un certain nombre de propositions concrètes, intéressantes, dont celle d'une unité de soins palliatifs pour tous les établissements où l'on constate plus de 600 morts par année. Vous y avez fait référence aussi dans vos réponses. Ce que l'on s'est fait dire beaucoup par différentes personnes qui sont venues en consultation, c'est que les soins palliatifs au Québec étaient encore concentrés, sinon réservés aux personnes qui étaient mourantes du cancer, mais que d'autres maladies chroniques ne s'y qualifiaient pas, en quelque sorte.

Donc, dans votre conception des choses, à travers cette unité spéciale là, est-ce qu'on serait en mesure aussi d'élargir la personne à... c'est-à-dire, à la personne qui souffre d'une maladie qui est mortelle sans que ce ne soit le cancer? Et sinon est-ce que, là... ou, en parallèle, est-ce qu'on doit ou uniquement consacrer nos efforts dans les hôpitaux ou on doit également investir dans des maisons de soins palliatifs, qui sont elles aussi venues nous voir et qui ont certainement démontré le beau travail qu'elles faisaient au quotidien, là, aussi, également, donc, auprès des malades?

M. Daneault (Serge): Deux aspects à votre question, si je l'ai bien comprise. Toute la question des malades non cancéreux mais qui sont en fin de vie, ça, ça touche directement la question, qu'on vient d'évoquer, du changement de la mentalité de la médecine.

Ce n'est pas évident, ça. Est-ce qu'on retire le pacemaker d'un monsieur qui est en insuffisance cardiaque importante avec... bon, c'est des termes techniques, ça, mon collègue va me comprendre, qu'il y a 25 % de fraction d'éjection? Ça, c'est un changement de culture médicale parce que ce n'est pas comme ça que la médecine est pensée actuellement et qu'elle est enseignée. Et, moi, c'est clair, dans l'unité où je travaille, on admet constamment des gens avec des problèmes neurologiques, problèmes rénaux, etc., et il faut absolument élargir les soins palliatifs à d'autres clientèles que le cancer, et c'est là qu'on va avoir le plus de travail comme palliativistes parce que, là, on doit décider.

Puis c'est là également qu'au niveau éthique il y a des dilemmes très importants: Comment ça se fait que tel traitement est poursuivi dans le cas de telle personne, qui correspond à un background particulier, et qu'on abandonne beaucoup plus rapidement dans le cas d'une autre personne? On a déjà parlé d'acharnement palliatif. Ça existe, ça. Alors, ça, c'est une partie de la question. Et, moi, je pense qu'on doit travailler ensemble.

La seconde partie de la question, je l'ai abordée dans mon mémoire puis je l'ai coupée dans l'allocution parce que je n'avais pas le temps. Cette question des maisons de soins palliatifs est extrêmement importante. Et j'ai entendu une position non officielle de supporter la création de maisons de soins palliatifs partout au Québec. Je suis contre ça. Pas parce que ce n'est pas des gens extraordinaires, pas parce que c'est des gens qui ont un grand coeur qui font ça, c'est parce qu'on est en train de faire payer les Québécois deux fois pour le même service. Pendant toute notre vie, on va donner 45 % de nos impôts pour que l'État puisse s'occuper de nous lors de notre dernière maladie, puis en même temps on va nous obliger à se transmuter en collecteurs de fonds publics, là, par la voie de la charité pour repayer à nouveau.

Moi, je suis d'accord avec ces maisons-là à 100 %, parce qu'il se fait des choses extraordinaires, puis j'ai des gens qui travaillent... des amis qui travaillent là, oui, mais je ne veux pas que ce soit le modèle québécois parce que, ça, c'est de la privatisation de la mort, pour moi.

Excusez-moi, c'est que c'est un point qui m'est très à coeur, puis je n'avais pas décidé d'en parler, mais vous me donnez l'occasion, que voulez-vous.

M. Charette: J'apprécie votre réponse. Et aussi, à travers votre exposé, vous avez comparé l'expérience, qu'elle soit suisse, qu'elle soit belge, qu'elle soit hollandaise, et vous avez dit que pour les médecins qui pratiquent l'euthanasie il y a un traumatisme ou, à tout le moins, il y a une conséquence directe sur la perception de leur travail.

Est-ce qu'à un moment donné, c'est-à-dire en fin de vie... Et vous avez également mentionné que pour la société une éventuelle législation, ça pourrait envoyer un signal avec une incidence importante, d'où la question: Est-ce qu'à un moment donné de la vie, soit à l'orée, à la veille de la mort... qu'on puisse dire: Notre préoccupation, ce n'est plus l'impact sur la société, ce n'est plus l'impact sur le médecin, mais c'est réellement le patient qui, de façon éclairée, volontaire, sans contrainte, sans qu'il ne soit dépressif... qu'on puisse effectivement concentrer la décision sur lui et non pas sur l'impact que sa mort créerait sur d'autres?

**(12 heures)**

M. Daneault (Serge): Moi, en tout cas j'ai 55 ans et je ne peux pas dire que j'ai vécu pour moi, individuellement, j'ai vécu pour mes proches et j'aimerais bien mourir pour eux, dans le sens qu'on ne meurt pas pour soi.

La vie, c'est un geste communautaire, et la mort l'est aussi. De toutes les générations, depuis le début de l'espèce humaine, les gens ont vécu leur mort en société. Et, vous savez, quand on disparaît, si on a eu des descendants, ça continue. Et quel est le souvenir que nous laissons à nos descendants? C'est extrêmement important. Il y a des multitudes de gens qui passent des années dans des cabinets de psychanalystes pour comprendre ce qui s'est passé. Alors, vous savez que le fait de demander la mort lorsqu'on est aux prises avec la dernière maladie, ça ne peut pas être quelque chose qui est individuel, c'est nécessairement quelque chose qui touche les autres.

M. Charette: Autre question par rapport à l'exposé que vous nous avez présenté, vous avez parlé... ça, plusieurs nous l'ont confirmé également, que les personnes qui sont sujettes à demander une fin de vie à travers une assistance médicale étaient dépressives. Effectivement, ça nous est confirmé par plusieurs sources tout aussi crédibles les unes que les autres. Mais toutes ces personnes-là par contre ne semblent pas dépressives.

On a eu le grand, grand privilège, parce que je crois sincèrement que c'est un privilège, d'entendre plusieurs personnes assises au même endroit où vous l'êtes présentement, et certaines d'entre elles nous semblaient passionnées de la vie mais aux prises avec une maladie qui les condamnait à plus ou moins brève échéance. C'est certain que vous n'avez pas pu suivre chacun des témoignages que nous avons entendus, j'ignore quelles sont vos habitudes télévisuelles, mais un de ces individus que nous avons eu le privilège d'entendre est M. Leblond qui, dimanche dernier, était à Tout le monde en parle. Il ne me donnait pas l'impression d'être dépressif tout comme il ne nous la donnait pas lorsqu'il était devant nous il y a quelques semaines maintenant.

Donc, oui, un cas ou plusieurs cas de dépression qui doivent être accompagnés pour être bien certains qu'ils puissent surmonter cette épreuve-là, mais tous ne sont pas dépressifs. M. Leblond ne semble pas l'être.

Que fait-on pour ces personnes qui ne sont pas dépressives, qui sont pleinement conscientes de leur fin mais qui en même temps ne trouvent pas réponse à travers toutes les avancées médicales des dernières années?

M. Daneault (Serge): Moi, je n'aborderai jamais la question d'un individu ici parce que ce n'est, pour moi, pas éthique de le faire.

Pour les gens qui demandent l'euthanasie, les études qui ont été faites ont été faites à l'extérieur du Québec. Ce n'est pas facile de dépister une dépression chez un grand malade. Les signes de dépistage ne sont pas ceux qu'on a chez des gens bien portants. Et jusqu'à quel point on fait l'effort... Parce que ce n'est pas facile de dépister une dépression, de faire un diagnostic de dépression puis ensuite de faire un bon traitement de la dépression parce que ça demande un accompagnement, puis ce n'est pas... il y a des réussites, il y a des échecs, etc.

Alors, dans un contexte clinique où on peut donner la mort à un malade, la question est de se dire: Jusqu'à quel point on va faire des efforts pour aider les personnes déprimées? Jusqu'à quel point on va faire des efforts pour trouver cette dépression? On a tous... en tout cas peu ont été... n'ont pas été exposés à ça, on a tous eu, dans notre entourage, des gens qui se sont suicidés, et nombreux sont ceux qui disent -- et je suis de ceux-là: Jamais je n'aurais pensé que cette personne-là était déprimée, mais elle s'est suicidée quand même.

Alors, il faut faire attention avec cette notion-là, il faut la prendre vraiment, là, avec des pincettes. Mais je ne parlerai pas de M. Leblond, que je n'ai, malheureusement, pas écouté à la télévision.

La Présidente (Mme Hivon): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, Mme la Présidente. Dr Daneault, merci de votre contribution.

Tout à l'heure, à une question de mon collègue vous avez conclu votre réponse en disant: Il faut clarifier et savoir qui influence ce que les médecins sont et seront. Je veux vous entendre là-dessus. Quel est votre point de vue là-dessus? Et quelle place vous donnez à la volonté d'un patient qui, lui, a sa vie? Il veut prendre des décisions à l'égard de sa propre vie.

M. Daneault (Serge): C'est deux questions, ça. Qui influence la formation des médecins?

Je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens ou d'organisations qui sont remplis de bonne volonté. La médecine tire ses origines, hein, de l'humanité, en même temps que l'humanité. Il y a eu des médecins de tout temps, et je pense qu'il y a énormément de bonnes influences. Par contre, depuis une cinquantaine d'années, la médecine a évolué. C'est devenu de plus en plus une business. Et les systèmes de santé en Occident sont axés de plus en plus, je l'évoque un petit peu, là... mais de plus en plus sur le profit, parfois au détriment du bien-être des malades.

Je vous donne un exemple clinique, là, qui est une anecdote, là, qui ne vaut que ce que ça vaut, là, mais c'est parce que c'est ça qui me vient à l'esprit parce que ça m'est arrivé récemment avec une de mes patientes, patiente qui, depuis deux ans, vit avec son cancer du poumon, se fracture une hanche chez elle, amenée à l'hôpital, et puis on fait une procédure chirurgicale extrêmement difficile pour elle, avec un taux de mortalité très élevé. Moi, je pose la question: Qui influence? Puis je n'irai pas plus loin là-dedans parce que je ne veux pas me faire trop d'ennemis. J'en ai déjà assez comme ça.

L'autre question, c'est la question de la personne, hein, la personne individuelle qui veut mourir. Écoutez, c'est le point fondamental. On dit oui ou on dit non. Moi, je dis que dire oui à cette personne-là dans un contexte où il y a une légalisation, donc une acceptation collective, balisée, etc., c'est faire une erreur de société. Mais je comprends qu'il y a des gens qui ne sont pas d'accord avec moi, puis j'accepte ça, des gens qui disent: Bien, ça, ça prime, la personne le veut, donc on va lui donner. Moi, je dis qu'il y a beaucoup de gens qui disent qu'ils le veulent. D'ailleurs, je voulais... j'ai demandé à ma collègue belge, Catherine Dopchie, qui est le seul médecin qui a accepté que je la nomme ici, si je pouvais apporter son exemple, parce qu'elle a fabriqué des cas cliniques de demande d'euthanasie puis de processus, dans lequel on voit très, très bien que le patient, une personne âgée de 80 ans, demande l'euthanasie mais ne veut pas l'euthanasie et que c'est son fils qui finalement écrit la lettre, qu'il fait signer à son père, et qui donne lieu à une euthanasie, alors qu'il raccourcit la période de vie de cette personne-là, qui était malade, de mois... ou peut-être même d'une année ou deux.

Alors, moi, je trouve que c'est... Quand on demande l'euthanasie, c'est comme quand on dit: Dérange-toi pas, je vais être... Tu sais, dérange-toi pas, tu n'as pas besoin de venir, par exemple, m'aider dans les activités de la vie quotidienne. Des fois, on dit ça, puis ce n'est pas ça qu'on pense, au fond. C'est ce que je pense, en tout cas.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Bien, j'en aurais...

La Présidente (Mme Hivon): Une dernière.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): ...une petite. C'est pas mal fini.

Vous dites dans votre mémoire: «Il faut apprendre aux nouveaux médecins quand arrêter, pourquoi arrêter et comment impliquer le malade et ses proches dans ces décisions.»

Sur ce troisième volet, à partir de la réponse que vous venez de me faire, quand on implique le malade, qu'on échange, avec lui, de ce qu'il lui reste comme espace de vie, comment on peut utiliser ça, qu'est-ce qu'on peut faire, et tout ça, et qu'au de la ligne cette personne-là en arrive à dire: Ce n'est pas... j'ai l'impression que cette vie-là n'est pas une vie pour moi et qu'on en arrive à en débattre ensemble, comment vous réagissez?

M. Daneault (Serge): Deux choses. C'est que... quand arrêter? Ça, c'est extrêmement important. Des malades aux prises, par exemple, avec la dialyse, là, trois fois par semaine, et tout ça... Vous savez, quand on arrête des traitements qui maintiennent la vie, là, la vie ne se maintient pas très longtemps, hein? De décider, par exemple, qu'une vieille grand-maman, la prochaine pneumonie d'aspiration qu'elle va faire parce qu'elle avale tout croche, on ne donnera pas d'antibiotique, moi, je peux vous le dire, ce n'est pas facile, parce que les docteurs, ils ont de la misère avec ça, mais ça ne prend pas de temps, ça prend 36 heures pour avoir une fin de vie qui permet à tout le monde de se rassembler puis d'assister à ça.

Alors, quand on laisse la nature faire, la nature permet des fins de vie rapides, dans la plupart des cas. Mais il faut arrêter, il faut arrêter. Et, l'autre élément, vous vouliez m'entendre sur l'élément qui concerne... Je l'ai perdu. Je suis...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Comment impliquer le malade et sa famille.

**(12 h 10)**

M. Daneault (Serge): Oui. Bon. Pensez-vous que, dans notre système de santé québécois... Là, on s'en vient dans le concret à nouveau. Pensez-vous que, dans notre système de santé au Québec, où il y a plus de 2 millions de Québécois qui n'ont pas de médecin de famille... qu'on va pouvoir impliquer les gens dans des décisions aussi cruciales?

C'est le genre d'affaire qui va se faire comme en Belgique puis en Hollande, où il y a un système où 98 % des gens ont des médecins de famille et où l'essentiel de la pratique générale de la médecine se fait au domicile des malades, où les taux de décès à domicile sont de 50 %, alors qu'ils ne sont pas de 10 % au Québec.

Là, on a des glissements. Il y a des décès qui sont faits... des euthanasies qui sont faites contre la volonté des malades dans les urgences des hôpitaux, dans notre système de santé. Moi, c'est pour ça que je parlais d'objection morale. Si vous n'avez pas d'objection morale... Écoutez, regardez la situation actuellement, puis vous savez que, là, on n'est pas équipé pour faire face à une affaire comme ça, parce que ça, ce genre de discussion là, ce n'est pas le genre de discussion en tout cas que je verrais, moi, qui se tiendrait dans l'espace de cinq minutes dans un corridor d'hôpital bondé où est-ce que tout le monde s'énerve, et tout ça. Ça, ce n'est pas possible. Ça, c'est les faits, là.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

La Présidente (Mme Hivon): M. le député de Mercier, pour quelques minutes.

M. Khadir: Oui, très rapidement. D'abord, bienvenue, docteur. Merci d'avoir pris le temps de réfléchir, de contribuer, de vous déplacer ici.

Votre observation sur le glissement qu'il y a dans la culture médicale ou votre questionnement sur qui décide des orientations que prend notre système et les interrogations sur la culture médicale, comment la transformer rejoignent d'ailleurs les interventions et le livre d'un éminent professeur de Harvard, Dr Arnold Relman -- j'ai vérifié son nom -- qui a fait paraître, il y a quelques années, un livre sur en fait le système de santé américain, A Second Opinion: How to Rescue America's Health System, où justement il met en garde contre la transformation de la culture médicale qu'il a observée aux États-Unis, qui nous est venue plus tard mais qui est aussi en opération ici, où on est passé d'un service public, d'une notion de vocation publique à une notion de commerce, des opportunités d'affaires, en fait.

De plus en plus, il y a un certain secteur qui pousse vers la privatisation de la médecine, qui s'accompagne avec une idéologie médicale ou une vision médicale qui perçoit la pratique de la médecine plus comme une affaire que comme un service. Donc, c'est vrai qu'il faut, surtout si on considère les conditions de palliation, les conditions de fin de vie... ça peut être très préoccupant de s'en aller là ou de tomber là-dedans, d'autant plus que, oui, il y a des pressions pour qu'on transforme ça aussi en opportunité d'affaires, notamment à travers ces maisons de... pour certains qui proposent ces maisons, disons, de fin de vie.

Mais ma question pour vous serait la suivante: Est-ce qu'une fois qu'on a pris toutes les précautions, une fois que, oui, on s'est aperçus que, dans le fond, pour offrir quelque chose de bien à nos mourants, il faut s'assurer que tout le monde a accès à un médecin de famille ou à un médecin, que, dans le fond, pour être consistants, notre vision devrait inclure l'accessibilité aussi à un médecin, et, une fois qu'on a offert tous les soins palliatifs, toute l'intervention et l'énergie nécessaire pour offrir les meilleures conditions de fin de vie dans la dignité... est-ce que ça nous dispense d'avoir une réponse quand même à la souffrance morale, à la souffrance, je dirais, existentielle, qui accompagne certaines maladies chroniques, et dont la référence à M. Leblond, où plusieurs personnes tentent à démontrer que, dans le fond, ces personnes-là nous disent qu'une fois tout ceci considéré, et parfois avec les meilleures situations imaginables pour elles dans leur condition, elles désirent quand même avoir, ces personnes, un certain contrôle, à savoir, lorsque la douleur physique et psychique sera trop intense et intolérable, on a le droit de choisir pour nous-mêmes?

Est-ce que ça nous dispense de leur offrir ce droit-là?

M. Daneault (Serge): Nous ne serons jamais dispensés de s'impliquer autour de la souffrance morale, existentielle, autre, dont j'ai parlé dans le mémoire. Cette souffrance, jamais on ne sera dispensé... Par contre, le malade qui est euthanasié n'est plus là, on ne peut plus être témoin et accompagner sa souffrance, c'est terminé. Alors, je trouve que de répondre à une demande d'euthanasie, c'est de dire: Oui, ta souffrance est intolérable, oui, j'accepte que je ne pourrai pas t'aider. Moi, je ne suis pas prêt à franchir ce pas-là.

Et, au début de votre question, vous disiez, M. Khadir, que, quand on sera... quand on aura donné, par exemple, un médecin de famille à tous les Québécois, quand on aura des services palliatifs adéquats et équitables pour tous les Québécois en fin de vie, est-ce qu'on ne pourrait pas penser, à ce moment-là, à changer nos pratiques au niveau de la fin de vie pour permettre la mort médicament assistée?

Bien, je vous répondrai, M. Khadir, que, quand ce sera fait, ça, je répondrai à votre question.

La Présidente (Mme Hivon): Bon. Alors, j'aurais pris... je vais vous poser une petite question, j'en aurais 10.

Mais en fait vous parlez de... Vous parlez beaucoup de la souffrance. La gestion de la souffrance, je sais que c'est vraiment le coeur de tout ce que vous faites, de ce que vous êtes, je dirais. Mais, nous, on se doit de constater, à la fin des travaux comme ça, à quel point il y a un décalage, et on a de la difficulté à se l'expliquer, là, entre ce que les médecins de soins palliatifs nous disent, c'est-à-dire qu'on peut à peu près soulager toute douleur et toute souffrance, et ce que les gens viennent nous dire, et ce que d'autres médecins, qui ne sont pas des médecins de soins palliatifs, viennent nous dire aussi. Et, à un moment donné, c'est une hypothèse, mais je pense que les gens de soins palliatifs sont beaucoup, on l'a dit, là, et c'est à déplorer dans doute, mais pour les gens qui sont en phase terminale de cancer, pour certains types de maladies où c'est plus logique, peut-être plus facile de faire intervenir les soins palliatifs.

Mais, nous, il y a beaucoup de souffrance qui nous est communiquée par des gens qui ont des maladies dégénératives, par des gens qui ont des maladies chroniques, vous le savez comme moi, et ces gens-là nous disent: Ce n'est pas vrai, dans mon état actuel des choses, je ne suis même pas ne fin de vie, mais j'ai des spasmes, j'ai des douleurs dès que je respire, on ne peut pas contrôler ça. Donc, ils s'insurgent contre ce discours-là. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Puis, puisque notre technique, on n'a pas beaucoup de temps, c'est de vous poser deux volets à une question qui sont deux questions, vous avez noté ça, le deuxième volet, c'est peut-être plus, en tout cas, philosophique ou... C'est que vous dites: On ne peut pas considérer que la personne est seule et que c'est son autonomie. Plusieurs viennent nous dire: On n'est pas une île, une personne n'est pas une île, bon. Mais vous savez qu'on a consacré cette autonomie-là dans notre Code civil, et ça fait en sorte qu'il y a des situations où des gens refusent des traitements, arrêtent des traitements, refusent une transfusion sanguine, avec des conséquences très, très importantes. Et vous disiez tout à l'heure: Oui, mais, dans notre système, est-ce qu'on a vraiment la place, la disponibilité pour avoir ces échanges-là qui sont si importants... par exemple, de mettre fin à la vie de quelqu'un? Mais, moi, je vous dirais: Est-ce qu'on l'a pour la question de l'arrêt de traitement, du refus de traitement? Puis pourquoi en ce moment ça, ce ne serait pas important, alors que les gens... tout le monde vient nous dire: C'est très, très important, ça, d'accepter l'arrêt de traitement, le refus de traitement, c'est fondamental?

Alors, je me dis, pourquoi après on arriverait avec cet argument-là que l'autonomie ne peut pas être tout et qu'il y a un problème peut-être pour discuter de ces choses-là, d'avoir le temps, des ressources quand on est dans le même principe de l'autonomie mais pour une question finalement d'euthanasie ou d'aide médicale à mourir?

M. Daneault (Serge): J'ai remarqué que vous posiez toujours deux ou trois questions dans une seule question, puis ça, ça me pose un problème terrible parce que je m'enflamme sur la première puis ensuite j'oublie la seconde. Alors, vous allez m'aider.

La Présidente (Mme Hivon): Prenez celle-là.

M. Daneault (Serge): Oui. Bien, la dernière dont vous parlez, est-ce que, si on n'a théoriquement pas le temps pour discuter de questions d'arrêt de traitement... bien, moi, je pense que, non, on ne le fait pas, on ne le fait pas du tout. Puis il y a une culture aussi, qui n'est pas seulement qu'une culture médicale. Les gens, lorsqu'ils sont aux prises avec une maladie grave, dans bien des cas, ne veulent pas en entendre parler, de la fin du traitement, hein? Les oncologues nous disent: Là, je suis rendu à la troisième chimio puis je dis: Madame, monsieur, ça n'a pas fonctionné. Bon. Le patient dit: Bien, vous en avez certainement une autre. Puis c'est là qu'on voit, là, le glissement de l'entreprise privée, parce que, là, à ce moment-là, ce qui passe, c'est les protocoles expérimentaux, qui vont être extrêmement lucratifs pour les grandes compagnies pharmaceutiques, et c'est ce qu'on offre aux patients, et les patients veulent ça.

Alors, jusqu'à quel point, moi, je me dis: Combien est-ce qu'il y a de Québécois qui ont des testaments de fin de vie, hein? Combien de gens ont dit à... ont écrit, parce que c'est une question... il faut l'écrire: Bon, si j'ai un accident puis que le cerveau est affecté, s'il vous plaît, débranchez? C'est rare que ces discussions-là ont lieu. Puis, moi, je le sais, qu'en clinique c'est extrêmement douloureux pour les familles et pour les proches d'avoir ces discussions-là, parce que nous ne faisons pas collectivement nos devoirs à l'égard de la fin de la vie.

Puis ça, c'est une autre question préalable. Ça, c'est votre deuxième question.

**(12 h 20)**

Mais, la première, là, elle touche les non-cancéreux et le mouvement des soins palliatifs. Je suis content que vous disiez ça. Moi, je fais du domicile, alors... bien, je fais du travail clinique à l'Hôpital Notre-Dame, mais je fais aussi du domicile, puis, au domicile, là, à partir d'un CSSS, ce n'est pas moi qui choisis mes patients, ils arrivent, et, des patients avec des maladies comme des maladies du neurone-moteur, j'en ai vu beaucoup. Et je pourrais vous dire...

Bon. Là, la situation que j'ai, c'est celle que j'ai vécue comme médecin. Je ne peux pas parler de tout le Québec, je n'ai pas fait d'enquête là-dessus. Mais le type de service disponible à ces gens-là, c'est terriblement déficient, c'est terriblement déficient. Ils sont en train de paralyser puis là ils sont obligés de demander à leur belle-soeur de venir s'occuper de leur hygiène personnelle. Tu sais, dans ce contexte-là, moi, je vous le dis, si, comme société, on dit: Bon, bien là, par exemple, les questions d'évacuation, là, tout ça, l'État se retire de ça... bien, si, comme société, on prend cette décision-là, allons-y pour l'euthanasie, parce qu'on ne peut pas... Moi, je ne suis pas intéressé à ce que des gens de ma famille s'occupent de mon hygiène personnelle, et il y a des maladies, malheureusement, qui s'accompagnent de ces problèmes-là.

Je sais qu'il y a des CSSS qui ont le courage, parce que c'est des questions budgétaires extrêmement complexes, de mettre sur pied un système où, quand vous avez, par exemple, une fuite ou quelque chose du genre, vous faites un numéro de téléphone, puis, 30 minutes après, il y a un préposé qui est dans la maison. Mais ça coûte cher, ça. Ça ne coûte pas si cher que ça, d'après moi, mais ça coûte quand même... puis ça prend un courage puis ça prend des budgets.

C'est ça, la réalité de la fin de vie. Ce n'est pas seulement une question d'idéologie, c'est une question pratique.

La Présidente (Mme Hivon): Bien, écoutez, sur ce, Dr Daneault, on a amplement pris notre temps et dépassé... Alors, c'est la faute de la présidente, qui est en train de prendre les travers de son prédécesseur, quand on a des témoins... pas que je veux le blâmer, mais quand on a des témoins, qu'on avait bien hâte d'entendre, évidemment. Alors, merci beaucoup de votre de générosité et d'avoir répondu avec autant de temps et de nuances à nos questions.

Alors, sur ce, je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que notre prochain témoin prenne place. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 22)

 

(Reprise à 12 h 23)

La Présidente (Mme Hivon): ...reprend ses travaux avec son prochain témoin, M. Bertrand Gagnon, que nous sommes très heureux d'accueillir.

Alors, M. Gagnon, vous allez disposer d'une quinzaine de minutes pour faire votre présentation qui va être suivie d'une période d'échange avec les membres de la commission. Et, d'entrée de jeu, je vous inviterais à présenter la personne qui vous accompagne.

Donc, la parole est à vous, et bienvenue parmi nous. Prenez votre temps, M. Gagnon, parce que j'ai été trop rapide. Je ne vous amputerai pas de temps.

M. Bertrand Gagnon

M. Gagnon (Bertrand): M. le Président... ou, plutôt, Mme la Présidente, maintenant, parce que ce n'était pas toujours la même chose...

La Présidente (Mme Hivon): Il y a eu un petit changement temporaire.

M. Gagnon (Bertrand): Mmes la vice-présidente et membres de la commission, après avoir entendu un exposé par quelqu'un qui est tellement impliqué dans le domaine de la santé, je dois dire que je n'appellerai pas ma comparution comme «la présentation d'un mémoire», mais plutôt d'«une simple réflexion d'un profane».

Et je vous remercie de m'avoir offert la possibilité de vous faire part de mes réflexions personnelles. Même si je ne peux appuyer mes opinions sur une expertise professionnelle dans le domaine ou sur la prétention de représenter d'autres personnes, et comme je vois que mon texte pourrait dépasser les 15 minutes, je vais essayer de sauter quelques paragraphes de façon à respecter votre ordre de procédure.

Devant la réalité inéluctable de la mort, je me suis interrogé sur les avenues que pourraient offrir la science et la générosité des Québécois pour atténuer la douleur physique et la souffrance morale auxquelles sont exposées des personnes en fin de vie ou affligées de maladies dégénératives... soins à domicile, soins palliatifs, support affectif, ouverture du milieu hospitalier à la présence des proches, des patients ou de bénévoles. Ma recherche de solutions m'a également amené à approfondir les appels à l'aide des aidants naturels, la reconnaissance de la valeur de l'être humain, même lorsqu'il est frappé des plus lourdes invalidités, ainsi que la responsabilité pas seulement de l'État mais de l'ensemble des citoyens face à ses nombreux défis. Je ne peux ignorer les appels désespérés de malades qui parlent d'euthanasie volontaire, contrôlée et même du droit au suicide parce qu'ils invoquent le fait que la personne doit être libre de choisir de mettre fin à ses jours, ce sur quoi, je respecte l'opinion contraire, je ne suis pas d'accord.

Les réalisations? Bien, il y a quelques décennies à peine, on disposait de peu de moyens de soulager la douleur des personnes atteintes de cancer et de maladies incurables. Il faut reconnaître que la recherche a permis de développer des médicaments beaucoup plus efficaces. Et j'ai eu l'occasion, hier soir, de regarder un peu le rapport de La Maison Michel... des médecins de La Maison Michel Sarrazin, qui m'a vraiment épaté. Malheureusement, les soignants dédiés à ce genre de soins constatent qu'à peine 20 % peut-être des malades reçoivent un traitement adéquat pour soulager la douleur chez nous. Le confort relatif que nous connaissons dans une société d'abondance, ça rend encore plus pénible la situation des personnes aux prises avec des douleurs constantes. La généralisation de l'expertise dans l'usage de la médication contre la douleur, selon moi, est une priorité incontournable. Il semble actuellement y avoir plus d'interventions médiatiques sur la question de la décriminalisation de l'euthanasie que pour dénoncer le retard dans la formation de professionnels de la santé maîtrisant l'utilisation des médicaments pour contrôler la douleur, selon ce que je constatais, par exemple, dans le rapport de Michel Sarrazin.

Une intervention efficace afin de soulager les malades n'est possible que dans la mesure où on écarte les barrières dans les gestes et les actes médicaux pour établir un véritable partenariat entre tous les professionnels de la santé. Souvent, la lutte contre les effets secondaires nécessite des variations dans le dosage d'un individu... d'un individu à l'autre et demande un échange constant entre le personnel soignant pour offrir les meilleurs traitements à chacun.

**(12 h 30)**

Je donne un exemple qu'un pharmacien me révélait. Un de ses amis médecins souffrait d'un cancer, et il n'avait plus de possibilité de guérison, et il le consultait pour varier la médication. Au bout d'un certain temps, il a réussi à trouver un changement de médication qui lui accordait un confort incomparable à ce qu'il avait précédemment.

Vu la force de l'instinct de survie, même si beaucoup se vantent de ne pas avoir peur de la mort, soyons réalistes, la personne n'accueille jamais avec enthousiasme l'annonce de sa fin prochaine. Pour affronter cette réalité dans la dignité, nous avons tous besoin d'être épargnés des douleurs excessives, et, je reviens encore, à mon avis, la lutte contre la douleur doit être la première préoccupation dans l'objectif d'assurer aux malades de toute catégorie une mort dans la dignité. Le nombre de lits disponibles pour les personnes en phase terminale demeure insuffisant dans les centres de soins palliatifs, et il serait important que de tels havres de paix couvrent les régions du Québec. Ce n'est pas possible de le faire partout, je le reconnais.

Je puis citer le cas d'une personne qui, après avoir épuisé toutes les thérapies pour enrayer un cancer du sein, quelques semaines plus tard, était au stage des soins palliatifs dans un petit centre d'accueil spécialisé pour les cancéreux en phase terminale, à Dolbeau. Étant soulagée de la douleur, elle avait acquis une telle sérénité qu'elle se contentait de demander à son mari de lui tenir la main aux derniers moments, et ce fut possible parce que l'on permettait sa présence à cette étape de la fin de vie. N'est-ce pas là une mort dans la dignité, sans l'intervention d'une injection mortelle? Heureusement, les soins palliatifs étaient disponibles dans ce petit centre.

Nous apprenons que la majorité des Québécois souhaiteraient mourir à la maison. Il est évident qu'il en résulterait parfois des réductions des coûts du système. Il faut être assez réaliste pour reconnaître que la réalisation de ce souhait s'avère parfois impossible lorsque le malade requiert des soins trop spécialisés. Par contre, l'amélioration des services de soins à domicile doit également faire partie des priorités et peut contribuer à rendre l'objectif réalisable pour plus de personnes. Pour ces personnes ce sera là une façon de mourir dans la dignité si elles ont le privilège d'être entourées des membres de leurs familles. Lorsque quelqu'un ou des proches assument la lourde responsabilité d'assister à domicile un malade en perte d'autonomie... il a besoin des services disponibles pour lui accorder parfois un peu de liberté. C'est là qu'intervient, à mon sens, la nécessité de centres de jour. Cette formule doit être combinée avec les soins à domicile qui permettront à des personnes âgées vivant seules ou en couple de demeurer plus longtemps chez elles dans leurs maisons ou appartements. L'évolution des techniques de communication doit permettre à ces personnes de maintenir un lien avec l'extérieur soit vers des centres d'appels ou par leur rattachement à un groupe d'entraide.

Nous aurons beau disposer des meilleurs soins et des techniques les plus avancées pour éviter les accidents dans la solitude des maisons, améliorer les soins dans les hôpitaux, rien ne saurait remplacer, en fin de vie, la présence de personnes manifestant une véritable empathie. J'admire les bénévoles qui consacrent une partie de leur temps à visiter les malades chroniques, atteints de maladies dégénératives, ou en fin de vie. C'est là le véritable respect de la dignité du malade et du mourant. Ça consiste à sentir une présence chaleureuse pour l'écouter ou simplement lui apporter la chaleur d'un toucher afin de soulager la souffrance morale, qui est plus difficile à contrôler souvent que la douleur physique.

Et parlons maintenant d'euthanasie. On entend souvent des personnes en santé se vanter qu'elles n'ont pas peur de mourir et que, si elles étaient atteintes d'une maladie comme l'Alzheimer ou un cancer incurable, elles préféreraient qu'on mette fin rapidement à leurs jours.

Cependant, l'instinct de survie chez l'humain est tellement fort, d'autre part, que l'on voit souvent des malades auxquels la médecine ne peut plus donner d'espoir de guérison consacrer des fortunes pour expérimenter des traitements miracles ou se laisser berner par des véritables charlatans. Je suis d'accord pour éliminer l'acharnement thérapeutique en fin de vie et que l'on répande de plus en plus cette idée, mais il y aura toujours des malades d'une combativité excessive... je veux dire, pas excessive, non, exceptionnelle qui auront recours à des interventions n'accordant qu'une prolongation problématique de leur vie. C'est leur façon à eux autres d'affronter la douleur et la mort avec la dignité du combattant qui continue à combattre, même en cercle. Il faut admettre que peut-être que leur opiniâtreté permet à la science parfois d'avancer, pourvu qu'on respecte la liberté de tout patient de refuser un traitement et que l'on évite d'imposer à des personnes incapables d'exprimer leur volonté la prolongation de la vie par des moyens artificiels, exagérés.

L'accessibilité généralisée aux soins palliatifs et l'usage efficace des traitements contre la douleur ne semblent pas encore une véritable priorité. Par conséquent, je ne suis pas surpris que le recours à l'euthanasie soit envisagé pour pallier à l'insuffisance des services disponibles pour combattre la douleur. Il ne faut pas minimiser les dangers des dérives au cas de légalisation de cette solution ou d'une hystérie collective sur la hausse des coûts de santé découlant du vieillissement. Je n'ai pas la grande expérience de celui qui m'a précédé et qui m'a fait bien réfléchir sur les dangers de dérive.

Curieusement, alors que la plupart des êtres humains sont surpris par la mort au moment où ils ignoraient que leur vie allait s'achever dans les heures qui suivent, on prétend qu'en raison de la liberté toute personne a le droit de choisir le moment de sa mort et d'imposer aux soignants de leur procurer cette fin de vie de façon rapide. Il me semble exagéré d'invoquer le fait que trois pays ont reconnu et régularisé le recours à l'euthanasie provoquant directement la mort, alors que l'ONU compte 192 membres. Pour ma part, je crois que les 189 autres pays qui n'ont pas légiféré en la matière ont peut-être un certain degré de sagesse, ce qui m'inspire la plus grande prudence.

En somme, je privilégie, pour le moment, de diriger tous nos efforts dans le développement des traitements propres à contrôler la douleur et de favoriser le déploiement de toutes les énergies et surtout de la solidarité des Québécois par l'entraide afin de combattre l'angoisse des personnes en fin de vie. En vue d'une personne atteinte d'Alzheimer ou d'une personne souffrant d'une maladie dégénérative, on a parfois la réaction normale: Elle serait bien mieux morte.

Or, en prolongeant ma réflexion sur la question, je revois l'image d'un paralytique sur sa civière, Claude Brunet, alors qu'il témoignait devant le comité de l'Assemblée nationale pour mettre en lumière l'atteinte aux droits des malades dans les grèves en milieu hospitalier à cette période. Aucun politicien n'aurait pu s'exprimer aussi librement. Je suis convaincu qu'il a eu, plus que tous, une influence sur la réalisation peut-être de la loi sur les services essentiels. Qui d'entre nous, en pleine possession de ses moyens, peut se vanter d'avoir rendu un témoignage aussi courageux et aussi bénéfique pour l'ensemble des malades?

**(12 h 40)**

Avant de militer pour le suicide assisté, une réflexion s'impose: les personnes en perte d'autonomie, en plus de soins adaptés, ont besoin que leur entourage leur témoigne qu'elles sont précieuses et qu'elles ont de la valeur. J'ai admiré l'énoncé qu'a fait une dame David quand son père lui a dit qu'il voulait mourir. Elles ont surtout besoin qu'on leur dise qu'elles ont une valeur. Ce serait une saine réaction à la dérive d'une société hantée par la recherche de la productivité.

Bravo à tous les chercheurs qui, au lieu de réclamer l'introduction de solutions faciles de l'aide au suicide, essaient de découvrir de nouvelles prothèses, de nouveaux instruments pour remédier aux incapacités permanentes et permettre à des personnes de continuer à exercer certaines activités physiques ou intellectuelles.

Tiraillée par la souffrance, le sentiment de complète dépendance et la diminution constante de ses facultés, la personne atteinte d'une maladie dégénérative peut être hantée par la tentation du suicide. Ici, j'ose faire un parallèle avec les suicidaires aux prises avec le mal de vivre, qui pourtant sont physiquement fonctionnels. Malgré le défi que présente l'objectif de détourner ces personnes de leur projet, il y a des citoyens conscients qui... que les tentatives de suicide ne résultent pas d'un simple échec quelconque mais d'un véritable mal de vivre, qui est souvent l'équivalent... peut-être l'équivalent d'une grave infirmité. Eh bien, ces gens ont formé une... se sont... ont décidé d'éveiller la société au problème du suicide à tous les âges. Plutôt de démissionner en approuvant le geste, ils ont créé la fondation pour la prévention du suicide. C'est là une réaction de combattant. Et je remercie d'avance toute personne qui se penchera sur ma souffrance si, un jour, je devais être atteint de la maladie que les vieillards craignent tous maintenant, l'Alzheimer, et qui m'apportera le réconfort pour me permettre de chasser la tentation du suicide.

Vous savez, à notre époque, au Québec, on risque de provoquer l'indifférence ou de se faire coller l'épithète de «vieux jeu». Moi, ça ne me fait pas grand-chose parce que je suis vieux.

En soulignant l'élément religieux qui jadis était l'un des facteurs entourant l'acceptation, par nos ancêtres, de cette triste réalité de la mort qui rôdait constamment dans les familles en raison du manque d'hygiène, de l'absence de vaccins et d'antibiotiques, je me permets, en passant, de relater, pour terminer, le souvenir inoubliable que je conserve de la visite faite il y a quelques années à un collègue atteint d'un cancer, moins de trois semaines avant son décès. Il n'avait que 55 ans, et je ne savais pas dans quel état psychologique je le trouverais. À mon étonnement, même s'il n'avait certainement pas la qualité de soins palliatifs qu'on trouve actuellement, disons, à Michel Sarrazin, il m'avait renversé par sa sérénité lorsqu'il avait affirmé ne pas s'être révolté, comparant plutôt son sort à celui d'un père de jeunes enfants qu'il connaissait et qui était atteint de la même maladie. Et alors que nous racontions de bons souvenirs de notre pratique quand nous étions avocats il me montra son livre des Évangiles qui lui servait de lecture de chevet.

Malgré son extrême faiblesse, il avait trouvé le secret d'envisager la fin de vie avec courage et de se préparer à mourir dans la dignité. Les façons de mourir dans la dignité sont multiples. Merci.

La Présidente (Mme Hivon): Merci beaucoup, M. Gagnon, pour un témoignage très senti et très humain. Alors, merci beaucoup. Avant de poursuivre pour la quinzaine de minutes d'échange, parce qu'on a un petit peu dépassé le temps alloué...

M. Gagnon (Bertrand): ...

La Présidente (Mme Hivon): Il n'y a vraiment pas de...

M. Gagnon (Bertrand): ...j'ai oublié de présenter mon épouse.

La Présidente (Mme Hivon): Oui, on s'est douté...

M. Gagnon (Bertrand): Je m'excuse à son égard. Mon épouse...

La Présidente (Mme Hivon): Vous pouvez la présenter.

M. Gagnon (Bertrand): ...Gisèle Coulombe-Gagnon.

La Présidente (Mme Hivon): Bienvenue.

M. Gagnon (Bertrand): Nous sommes mariés depuis 52 ans et nous avons eu la chance d'avoir cinq enfants et 11 petits-enfants. Alors, je souhaite que nous puissions les supporter lorsque les ans s'accumulent.

La Présidente (Mme Hivon): Nous vous le souhaitons aussi. Alors, bien, merci beaucoup. Donc, je disais que nous avons une quinzaine de minutes pour la période d'échange, puisqu'on a dépassé un peu le temps qui était alloué.

M. Gagnon (Bertrand): ...

La Présidente (Mme Hivon): Sans problème.

M. Gagnon (Bertrand): ...était beaucoup plus qualifié que moi pour vous éclairer en particulier sur des solutions au système médical.

La Présidente (Mme Hivon): ...je veux juste vous dire quelque chose, M. Gagnon: si on a décidé de faire une commission itinérante à travers le Québec, c'est, d'abord et avant tout, pour entendre des citoyens éclairés nous partager leurs réflexions, donc c'est d'abord pour entendre des gens comme vous qui ont une grande expérience de vie et une grande humanité. Donc, on est très heureux de vous entendre aujourd'hui.

Donc, sur ce, je vais passer à la période d'échange, mais avant je dois avoir votre consentement parce qu'on a légèrement dépassé l'heure à laquelle on devait terminer.

Alors, sur ce, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Gagnon, pour votre témoignage. Vous ne m'entendez pas?

M. Gagnon (Bertrand): Bien, disons que je vous entends, mais, lorsque vous posiez des questions tout à l'heure, j'avais beaucoup plus de difficultés, parce que disons que les micros ne sont pas très, très forts, et quelqu'un m'a signalé ça dans le passé aussi.

Mme Charbonneau: Je vous rassure. Vous voyez le jeune homme qui est juste là, assis plus haut que les autres? Il s'occupe du son.

M. Gagnon (Bertrand): Parfait.

Mme Charbonneau: Alors, si vous dites que vous ne nous entendez pas, il ajuste.

M. Gagnon (Bertrand): Je vous entends, mais je pourrais vous entendre un peu mieux.

Mme Charbonneau: Alors, sans me faire siler...

M. Gagnon (Bertrand): Juste un...

Mme Charbonneau: Je me fie sur vous, cher technicien.

Une voix: ...

Mme Charbonneau: Je vais enlever cette chose qui fait en sorte que je pouvais voir votre mémoire mais qui fait un bruit contrastant avec mon micro. Alors, c'est réglé.

M. Gagnon, vous nous avez livré, comme les gens que nous avons vus auparavant, un témoignage important, et il était senti, je vous en remercie, puisque l'émotion fait nécessairement partie des discussions quand on parle de la vie et de la mort. Vous avez énoncé le principe de la douleur et comment on devrait y mettre de l'énergie pour la combattre. Et vous savez sûrement -- de votre côté comme du mien, on n'est pas spécialistes -- que la douleur, c'est quelque chose qui se juge de façon différente chez chaque personne, comme la dignité, j'irais jusqu'à dire, comme l'estime de soi. Il y a toujours des points dans la vie où l'opinion personnelle, elle peut différer de par la tolérance de chacun. Comme juge, j'imagine que vous avez vu des plaidoyers de gens qui se font, à notre grand plaisir à nous, on aime ça le dire, avocats du diable.

Alors, je vais vous soumettre un cas et vous me direz, de votre côté, ce que vous entendez quand je vous le soumets.

Je vais vous parler de Laurent Pilon. Laurent Pilon, c'est un jeune homme de 19 ans qui, à 17 ans, a eu un diagnostic d'un cancer, et, comme tout jeune... bien, je pense que toute personne qui a une vie intensément... une volonté de vivre intense, il s'est mis à vivre intensément et à combattre, avec l'appui de l'Hôpital Sainte-Justine, ce cancer qui le mangeait tranquillement. Et puis un jour le combat est devenu plus difficile. Il a dû faire de l'hôpital sa résidence principale. Sa famille, ses amis sont devenus des gens du quotidien à l'hôpital pour lui rendre visite, pour lui tenir compagnie, pour partager avec lui l'expérience un peu triste qu'est le quotidien de quelqu'un qui a le cancer.

J'ai choisi Laurent, parce que j'aurais pu choisir d'autres personnes qu'on a vues ici, mais j'ai choisi Laurent parce qu'il a 19 ans et que vous avez mis une emphase particulière sur les gens, en fin de vie, avec le cancer, un petit peu plus âgés, parce qu'après 19, 55, ce n'est pas tellement plus âgé, on s'entendra là-dessus. Mais Laurent avait une particularité, c'est qu'il vivait ses derniers jours à l'hôpital et avait pris un engagement avec sa famille, ses amis et l'équipe médicale qui l'entouraient, et cet engagement-là était qu'il était pour vivre intensément ses derniers jours, et, quand il donnerait signe à ses médecins, ça serait fini.

Le témoignage a été livré par ses parents, M. Gagnon, pas par lui-même, puisque Laurent nous a quittés il y a de ça déjà quelques mois, mais ses parents nous disaient qu'ils avaient eu, dans cette expérience avec leur fils, de la tristesse mais de la fierté, puisque, quand il avait choisi que c'était le dernier jour, j'ose dire «étrangement», ce fut le dernier jour. Est-ce que c'est la médecine? Est-ce que c'est sa conviction que c'était ce jour-là que ça s'arrêtait? Est-ce que c'était un adon et un hasard de la vie? Mais, le jour où Laurent a dit: J'ai assez vécu, j'ai fait le tour, j'ai dit bonjour, ça suffit, on passe à autre chose, salut, il a tellement eu cette phase-là de façon intense qu'il y a un groupe, qui s'appelle Les Cowboys fringants, qui ont écrit une chanson en son honneur.

Les parents de Laurent ont considéré qu'il était mort dans la dignité.

**(12 h 50)**

M. Gagnon (Bertrand): ...

Mme Charbonneau: ...qu'il était mort dans la dignité.

M. Gagnon (Bertrand): On ne sait pas de quelle façon il est décédé.

Mme Charbonneau: On sait qu'il est décédé dans son lit d'hôpital après avoir fait le tour de son monde. C'est ce qu'on sait.

Le jour qu'il a décidé que c'était fini, ce matin-là, il s'est levé puis il a dit: C'est aujourd'hui. Est-ce que c'est sa conviction? Est-ce que c'est le hasard de la vie? Est-ce que c'est la médecine? Les parents n'ont jamais affirmé, accusé, dénoncé, ils ont juste dit: Mon fils a eu un appui indéfectible de la médecine, il a vécu intensément, il était heureux à la fin de ses jours et il a choisi le jour de sa mort, et malgré tout on est contents, fiers, tristes qu'il n'est plus avec nous, mais il l'a fait de la belle façon. Les parents étaient sereins dans la situation.

Alors, où je veux en venir, c'est: À partir du moment où une situation comme celle-ci se passe dans un calme, une sérénité, une entente peut-être, je ne sais pas, en tant qu'avocat du diable, je me dis: Qu'est-ce qui fait que je pourrais dire non à quelqu'un d'autre?

M. Gagnon (Bertrand): J'ai vécu quelque chose qui m'avait bien surpris, moi. Ma mère disait toujours, quand elle parlait qu'à notre âge on est susceptibles de partir n'importe quand: Il peut venir nous chercher. Ah, elle dit, qu'il ne se presse pas. Deux jours avant qu'elle décède, je lui faisais faire le tour de l'hôpital. Ah, c'était: Je suis tannée de vivre, puis là elle se tournait, puis on parlait d'autre chose. Et, dans la nuit, elle a fait des convulsions, elle est morte dans son sommeil, elle a été exaucée.

Maintenant, il est toujours difficile de se prononcer sur des cas hypothétiques, et ce que je dis, moi, c'est que ce n'est pas... je ne suis pas d'accord pour que l'on établisse le recours à l'euthanasie comme solution actuelle. Je vois ici, dans le... comment est-ce que c'est... l'AREQ: «Avant de se prononcer sur la décriminalisation de l'euthanasie et de l'aide au suicide, ne devrait-on pas faire un bilan de l'état actuel des soins palliatifs et des conditions nécessaires à leur amélioration?»

J'ai eu beaucoup de réponses à des questions que je me posais, en lisant le rapport des médecins de Sarrazin. Vous savez, quand on entend une cause, souvent on trouve qu'il y a des arguments valables des deux côtés et, à un moment donné, on est obligé de trancher. Eh bien, moi, après avoir regardé ces différentes solutions, j'ai opté pour la solution que proposaient les gens de Michel Sarrazin. Et évidemment, lorsqu'on prend un jugement, ça ne veut pas dire que l'option contraire est ridicule, au contraire, mais j'ai été particulièrement impressionné tout à l'heure par les dangers de dérive de cette question de l'euthanasie.

En particulier, ce qui me désole, c'est que, depuis que l'on a ce débat, on a parlé beaucoup plus de la discussion entre euthanasie ou non que des solutions, que l'on peut envisager, autres pour assurer la dignité. C'est certainement plus frappant devant un auditoire télévisé de présenter un cas particulier d'une personne qui est prise par une maladie dégénérative que de présenter des témoignages sur ce qui manque dans les soins, dans l'utilisation des moyens pour combattre la douleur. Et la crainte de la douleur, je crois qu'elle est partout, soyons francs.

Mme Charbonneau: Merci.

M. Reid: ...

La Présidente (Mme Hivon): Oui.

M. Reid: ...des questions à poser.

La Présidente (Mme Hivon): Oui, un petit commentaire.

M. Reid: J'aurais des questions à poser, mais mon commentaire est très personnel.

Il n'y a pas beaucoup de monde autour de la table qui ont passé, qui sont dans la soixantaine. Moi, je suis dans la soixantaine, et, à vous regarder faire votre témoignage extrêmement clairvoyant, extrêmement rationnel et bien pensé, ça donne beaucoup d'encouragement pour qu'on... On peut vieillir puis rester clair et avoir une tête bien faite. Merci.

La Présidente (Mme Hivon): Alors, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. Merci, Mme la Présidente. M. Gagnon, merci de votre présentation. Ça a le mérite d'être très clair. Je pense que vous avez réfléchi effectivement, comme vous en témoignez, à cette question.

D'ailleurs, vous dites dans votre mémoire que, dans votre recherche de solutions, ça vous a amené à approfondir les appels à l'aide des aidants naturels. J'aimerais vous entendre un petit peu plus sur votre vision du rôle des aidants naturels et comment on peut les accompagner ou comment, au niveau de l'allocation de services ou de ressources, on peut les aider dans cette responsabilité que les gens prennent.

M. Gagnon (Bertrand): Évidemment, je ne suis pas dans le domaine de la santé, mais j'ai observé un collègue qui a souffert de la maladie de Parkinson, une dégénérescence continuelle, et c'est son épouse qui en a pris soin, et évidemment elle me disait: Heureusement que j'avais la possibilité qu'il aille une journée par semaine dans un établissement de... pas de soins, mais de...

Une voix: ...

**(13 heures)**

M. Gagnon (Bertrand): Un centre de jour. Et, si elle a réussi à passer à travers cette épreuve avec le courage que je lui reconnais, je crois que c'est peut-être dû au fait qu'elle a eu ce petit soulagement. Et ça m'a fait constater une chose: il y a des améliorations que l'on peut trouver en recherchant à développer de nouvelles initiatives. J'ai été un peu... C'est la raison pour laquelle j'ai souligné cette question dans mon exposé.

Je soulignerais... tout à l'heure aussi que, dans les établissements spécialisés en soins palliatifs le Dr Dionne parlait qu'il n'y avait que 100 lits au Québec. Ça me rend très songeur. Et la médecine évolue tellement vite que je ne suis pas surpris que la formation soit parfois déficiente, mais je reviens toujours sur la question de soulager la douleur. Bien, soulager la douleur mais également la douleur morale, je crois que les aidants peuvent faire énormément de ce côté-là, mais il faut qu'ils soient secondés. Et parfois on dit: Ah, il faudrait que j'aille voir Untel, c'est un de mes amis, j'ai appris qu'il est bien atteint. Ah, bien je n'ai pas le temps, là. Tout à coup, on regarde dans le journal: Oui, il est décédé. Et on a un examen collectif de citoyen à faire. Chacun de nous pourrait apporter sa goutte d'eau pour soulager la souffrance morale.

Nous n'avons pas les qualifications pour l'administration de médicaments, mais la souffrance morale, c'est la responsabilité de l'ensemble des personnes. C'est là ce qu'on appelle la solidarité.

Et, lorsqu'on a parlé souvent de perte de dignité parce qu'une personne est diminuée... Je me souviens d'avoir vu un jeune homme qui nous parlait de l'ataxie de Friedreich, excusez la prononciation. Il s'appelait Saint... voyons, c'est comme un village dans le Lac-Saint-Jean, dans le Saguenay... Saint-Jean. Et, au premier abord, quand on voit cette personne qui a de la misère à s'exprimer, on a une réaction de retrait, mais, quand on l'entend de nouveau, on dit: Quel courage! Ça, c'est quelqu'un, il n'a pas perdu sa dignité, il est digne d'être entendu.

Une voix: Merci.

La Présidente (Mme Hivon): Sur ces paroles pleines de sagesse... Je ne sais pas si le député de Mercier avait un commentaire. Ça va? Donc, je vous remercie infiniment, M. Gagnon, de votre témoignage rempli de sagesse mais aussi d'humanité. Donc, merci d'avoir pris le temps de partager vos réflexions avec nous. C'est pour ça qu'on est là. Alors, merci.

Et, sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures...

M. Gagnon (Bertrand): ...de la commission d'avoir retardé leur lunch pour me permettre d'échanger. Merci de vos échanges et de...

La Présidente (Mme Hivon): Alors, sur ce, je suspends donc les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

 

(Reprise à 15 h 4)

La Présidente (Mme Hivon): La Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité reprend ses travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.

Alors, cet après-midi, nous allons avoir quatre intervenants, et je rappelle aux gens qui peuvent être présents qu'il y aura une période de micro ouvert, s'il y a des gens qui souhaitent partager des commentaires mais qui ne nous auraient pas envoyé de mémoire ou de demande d'intervention à l'avance, qu'on prévoit en fin de journée. Donc, c'est prévu aujourd'hui autour de 18 heures, une période de micro ouvert, pour les personnes qui auraient des commentaires à nous émettre. C'est une période de trois, quatre minutes... trois, quatre minutes sans échange, par la suite.

Alors, on va débuter tout de suite avec le prochain témoin qui est le groupe Vive la vie. Donc, vous disposez d'une vingtaine de minutes pour faire votre présentation qui sera suivie d'une période d'échange avec les membres de la commission. Et, avant de débuter, si c'est possible, je vous inviterais à présenter les personnes qui vous accompagnent. Alors, sur ce, je vous souhaite la bienvenue et je vous cède la parole.

Vive la vie (VV)

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Bonjour, Mme la Présidente, Mmes, MM. les députés, chers amis.

Je me nomme Édith Morissette Beaulieu. J'ai exercé la profession d'orthophoniste pendant plus de 40 ans. Détentrice d'une maîtrise ès arts obtenue en 1958 à l'Université de Montréal, de la toute première promotion d'orthophonie et d'audiologie au Canada, je suis aujourd'hui accompagnée de Mme Kathleen Chabot, Mme Chabot est cantatrice mezzo-soprano et professeure d'anglais, qui a accepté... qui a bien accepté de vous lire quelques-unes de nos recommandations après la lecture du mémoire. Mme Jackie Mackay est une mère de famille de huit enfants talentueux, répartis sur la Terre... sur la planète Terre, est absente, malheureusement, aujourd'hui. Mme Marisol Aparicio est une voyageuse infatigable, a visité ces familles dispersées, de l'ambassade en Ukraine, à son époux en Gaspésie. Mme Colombe Le Houx, ex-enseignante, a déjà témoigné le 11 novembre dernier et a dû s'absenter elle aussi aujourd'hui.

J'aimerais rappeler toutefois qu'il y a près d'un demi-siècle j'étais d'un groupe de pionnières en orthophonie-audiologie qui étions ici, au parlement, pour discuter de la passation du bill 138, avec M. Lesage... Jean Lesage. J'ai exercé la profession d'orthophoniste, avec une clientèle de tous les âges, à Montréal, Laval, Sherbrooke, Québec et au Zaïre, qui est maintenant la République démocratique du Congo. J'ai par ailleurs obtenu un diplôme de l'École supérieure de musique de Nicolet, que j'ai fréquentée de 1947 à 1951. J'ai aussi fait de l'enseignement de la musique et du chant grégorien au Québec et en Afrique et, pour terminer, je suis artiste peintre depuis toujours, mariée, depuis 51 ans, à Paul Beaulieu, qui se remet courageusement d'une intervention chirurgicale en cardiologie. Paul est expert en développement international et il y a travaillé pendant 20 ans. Il a fondé des coopératives d'épargne et de crédit, sur le modèle de Desjardins, au Zaïre de 1970 à 1974, où nous avons vécu en famille, durant ces quatre ans, avec nos deux fils dont nous sommes fiers: Pierre, qui est ingénieur et qui exerce en économie, ainsi que Louis, qui est orthophoniste et qui pratique dans le monde de la santé.

Maintenant, permettez-moi de remercier chaleureusement les membres cosignataires du mémoire qui vous est présenté aujourd'hui et qui ont collaboré activement à l'écriture de ce texte, ainsi que toutes les autres personnes qui nous ont appuyées. Je pense, entre autres, à des mamans de tout âge, à des personnes de métiers et de professions divers.

Maintenant, un tout petit peu d'histoire. Il y a plus d'un an, nous nous sommes mises au travail. Nous avons fait des recherches nationales et internationales qui nous ont fort intéressées. Nous avons assisté à des colloques. Nous avons voulu en savoir toujours plus sur l'euthanasie et le suicide assisté, ce qui nous a amenées à prendre position contre ces deux questionnements. Nous avons donc rédigé ce mémoire, qui, selon votre secrétaire... je ne sais pas où elle est, là, fut le premier, en avril dernier, à être présenté à cette commission. Après lecture de ce mémoire, Mme Chabot, qui a une voix de mezzo-soprano superbe, ne vous chantera pas l'ajout mais va, malheureusement, vous le lire.

Après ce long prologue, j'espère bien que je n'ai pas endormi personne et que vous pourrez maintenant entendre la lecture de notre mémoire intitulé Vive la vie.

**(15 h 10)**

Le titre de notre groupe, c'est bien ça: Vive la vie, et on s'appelle les VV, pour aller plus vite. Nous, les... Nous sommes un groupe de personnes -- septante, octante -- et qui aimons la vie, la vie au complet, avec ses merveilles, ses joies et ses peines. Toutes, nous avons foi à ce que chaque instant de vie est très précieux. Nous sommes contre l'euthanasie entendue comme une action ou une omission qui de soi, dans l'intention, donne la mort afin de supprimer ainsi toute douleur. L'euthanasie se situe donc au niveau des intentions et à celui des procédés employés.

Nous crions le plus fort que nous le pouvons que rien ni personne ne peut autoriser que l'on donne la mort à un être humain innocent, foetus, embryon, enfant ou adulte, vieillard, malade incurable ou agonisant. Personne ne peut demander ce geste homicide pour soi ou pour un autre confié à sa responsabilité ni même y consentir explicitement ou non. Aucune autorité ne peut légitimement l'imposer ni même l'autoriser. Il y a là violation d'une loi, d'abord, divine et offense à la dignité de la personne humaine, crime contre la vie, attentat contre l'humanité. C'est des bien gros mots, en effet.

Notre objectif, c'est qu'à la suite des savants mémoires présentés à la Commission de la santé et des services sociaux en vue d'étudier la question de mourir dignement nous puissions exprimer par ce modeste mémoire que, comme nos semblables, nous appréhendons de terminer cet espace temporel appelé la mort qui, à nos âges, se fait de plus en plus proche puis de plus en plus inévitable. Mourir est déjà difficile, mais mourir, entourées de personnes bienveillantes, dans la confiance, avec les secours spirituels et physiques appropriés, nous semble moins pénible. Nous ne voulons pas, en plus d'une mort naturelle déjà pénible à accepter, craindre que des personnes, sous les apparences de nous prodiguer des soins attentionnés, dans ces instants derniers, nous injectent des substances homicides.

Nous faisons donc les demandes suivantes pour nous -- septante, octante et plus -- et pour ceux que nous aimons, nos enfants, les jeunes adolescents, les baby-boomers, handicapés, déprimés, malades de maladies dégénératives incurables: nous demandons de vivre; notre groupe, les VV, veut vivre toute sa vie. Notre groupe veut aussi que ceux que nous aimons puissent vivre toute leur vie. Nous demandons à être entourées. Nous voulons, dans notre fin de vie déclarée ou anticipée, des gens, aidants et soignants, des gens de confiance, des gens de compassion, compétents, en connaissance de support physique, psychologique et spirituel.

Nous demandons aussi d'avoir accès à des soins palliatifs. Considérant les dérives répétées survenant avec l'euthanasie dans plusieurs pays, nous sommes convaincues de la nécessité et des bienfaits des soins palliatifs. Il faut donc promouvoir ces soins palliatifs, les encourager là où ils ne sont pas établis, les installer où ils ne sont pas présents, les mieux faire connaître aux étudiants dans le domaine médical et dans la population en général, qu'à l'intérieur des soins palliatifs soit approfondie et développée plus intensément l'aide spirituelle, laquelle est une aide précieuse dans la maladie et lui donne un sens, solliciter des fonds stables, récurrents du gouvernement dans les buts ci-haut mentionnés, que les budgets prévus pour l'euthanasie servent aux soins palliatifs et aux différentes aides ci-haut mentionnées.

Nous voulons aussi de la transparence. Tout le monde parle de transparence. Nous en voulons, nous aussi. Nous voulons l'assurance, par un affichage clair de leur politique, bien en vue dans tous les établissements de santé, que les personnes attitrées à nos soins n'utilisent pas l'euthanasie dans leur pratique, que les médecins puissent jouir aussi du privilège de leur objection de conscience et, dès que ce sera possible, que les établissements soignants sélectionnés affichent clairement leur non-adhésion aux pratiques euthanasiques, la non-adhésion du médecin traitant aux pratiques de l'euthanasie.

En conclusion, nous nous unissions à l'Assemblée médicale mondiale pour affirmer qu'il est primordial de ne pas attenter à la confiance devant régner entre le patient et son médecin, et nous ajoutons, entre le malade et les aidants de fin de vie. Merci. Mme Chabot va continuer.

Mme Switzer Chabot (Kathleen): Merci, Édith. Et, Mmes, MM. les commissaires, je vous remercie d'avoir bien voulu nous écouter.

Les sondages sur lesquels s'appuie la commission ne révèlent-ils pas que les gens... ne veut pas souffrir plutôt que de donner leur aval pour une loi autorisant la mort, car la distinction entre les soins palliatifs et l'acharnement thérapeutique est encore confuse pour la majorité et représente dans les faits un sujet complexe qui demande éducation et maturation plutôt qu'un questionnaire à choix multiple? Ce sujet d'envergure est trop complexe et grave pour être résumé en sondage, lequel s'avère sommaire, de par sa nature même. De plus, puisqu'on sait, parce que vous l'avez dit plusieurs fois, et nous, comme génération d'expérience, partageons aussi cet avis, que c'est une très faible minorité qui veut se donner la mort et que nous croyons que le sondage nous révèle que personne ne veut souffrir, ne devrions-nous pas, comme société, réformer l'aide que l'on apporte aux malades, en s'assurant d'abord de leur respect et ensuite du soutien de soins psychologiques qu'ils devraient recevoir lorsqu'ils sont dans un état précaire?

Nous avons aussi entendu à cet effet, et à plusieurs reprises, que ceux-ci ne voyaient pas de sens à leur vie et qu'ils n'étaient pas entourés par leurs proches. Serait-ce en soi indicateur d'une société axée sur la productivité qui n'a plus de temps à consacrer à ceux qui ne produisent plus? La difficulté de conciliation travail et famille conséquente à une production toujours plus exigeante nous convierait-elle, nous aussi, à un pareil sort dans un contexte de déshumanisation sociétale?

À ce sujet, permettez-nous de nous rappeler ensemble nos responsabilités. Nous sommes arrivés dans l'existence sans l'avoir voulu et sans l'avoir décidé. Nous avons à faire l'expérience de cette existence dotée d'une génétique dans le siècle et la culture où nous arrivons, et c'est précisément là que se découvre, contrairement à l'animal ou à la plante, notre responsabilité propre, c'est-à-dire l'aspect éthique de notre existence.

**(15 h 20)**

La responsabilité à l'égard du monde est en lien direct avec celle de notre existence. Sa qualité dépend de son existence même, et elle demeure constamment à déterminer. L'accomplissement qu'on doit donner à l'existence en constitue notre responsabilité. Lorsqu'il y a vide ou fossé entre l'existence et son accomplissement, là où se situe le désespoir ou le manque de sens, il est de la responsabilité d'autrui, c'est-à-dire de nous-mêmes comme société, de le combler. Une loi sur l'euthanasie comblerait-elle ce vide ou l'agrandirait-elle en évacuant l'existence? La liberté de vivre en société comporte des responsabilités, dont non la moindre est celle de protéger le plus faible.

En outre, comme génération d'expérience, nous nous interrogeons sur l'utilisation de l'argent du citoyen, si péniblement gagné, qui serait orienté vers l'exception qui veut mourir plutôt que le soutien à la société. Est-ce cela, le bien commun? En cautionnant cette minorité, quel message envoie-t-on à notre jeunesse? Nous nous posons des questions sérieuses, lesquelles, avec notre expérience d'éducateurs, nous terrorisent particulièrement en ce qui concerne l'adolescence et les jeunes adultes qui eux aussi, en vertu de leur liberté de conscience, auraient le plein droit de réclamer l'euthanasie.

Pourquoi l'État, en plus de faire une loi par l'exception... pour l'exception, consacre-t-il tant d'argent dans la mort, c'est-à-dire multiples examens, contrôles professionnels, etc., alors que les besoins pour la vie sont criants? Nous sommes également d'avis qu'une loi sur l'euthanasie, qui requiert une tierce personne pour tuer le requérant, dénature la profession médicale. Pourquoi ne revient-il pas à la science de résoudre des problèmes que posent les situations concrètes de l'existence, au lieu d'en faire l'objet d'une loi pour l'exception? Ses résultats antérieurs nous ont prouvé depuis des siècles qu'elle est consciente de ceux-ci et qu'elle s'en acquitte avec réussite, la polio, la tuberculose, comme par exemple. Ici encore, en référant à notre vécu, nous nous posions une question de sens. La question qui nous hante est celle-ci: Est-ce pour en arriver à l'euthanasie que nos parents, nos frères, nos proches ont donné leur vie au cours de la Deuxième Guerre mondiale, pour nous assurer la liberté de choisir de rester en vie ou de se donner la mort sous certaines conditions? Est-ce l'héritage que nous voulons laisser aux générations à venir?

Nous savons aussi qu'en France tous les partis politiques ont rejeté la proposition d'une loi sur l'euthanasie. Devrait-on s'interroger à fond sur les justifications d'un tel rejet par la classe politique française au lieu de suivre un mouvement dans l'autre direction? Merci.

La Présidente (Mme Hivon): Merci beaucoup pour votre présentation, Mme Beaulieu et Mme Chabot. Effectivement, vous avez la cote 1 sur votre mémoire, donc ça veut dire que vous avez été les premières, avant même, de ce que j'en comprends, qu'on publicise la chose.

Donc, vous suiviez le débat, et c'est tout à votre honneur. Alors, merci.

Mme Morissette Beaulieu (Édith): ...choses aussi, ça nous a appris beaucoup de choses, à vous écouter.

La Présidente (Mme Hivon): Oui. Bon, très bien. Nous aussi, on apprend beaucoup de choses, et à chaque jour. Donc, merci de votre présentation. On va commencer la période des échanges avec madame...

Mme Gaudreault: Je vais faire un petit commentaire puis après...

La Présidente (Mme Hivon): ...Mme la députée de Hull, pour débuter.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à vous, les VV.

Ça a été très intéressant de vous lire avant de vous voir et de voir que vous êtes justement pleines de vie, pleines de... très cultivées, d'ailleurs. Vous auriez pu nous la chanter, avec la voix que vous avez, chère madame. On a eu d'ailleurs des gens qui nous ont chanté des chansons, récité des poèmes. On a eu toutes sortes de prestations depuis le début de nos travaux. Alors, c'est toujours un plaisir de voir toutes sortes de gens s'intéresser au même sujet. Et ce sera ça, ma question. Il y a des gens qui ont questionné même la tenue de cette commission. Puisque vous êtes le premier mémoire qu'on a reçu, alors ça veut dire que c'est avec enthousiasme que vous avez voulu participer à cette commission.

Est-ce que vous pensez que c'est légitime d'avoir une telle commission en ce moment au sein de la société québécoise? Est-ce que c'est important pour vous qu'on s'en parle puis qu'on fasse un peu oeuvre utile et pédagogique pour parler?

Mme Morissette Beaulieu (Édith): ...je pense, qui est international. Tout le monde s'est questionné là-dessus. Et puis je pense que c'était important que nous réfléchissions là-dessus, nous aussi.

Mme Gaudreault: Oui. Puis c'est pour ça que vous vous êtes empressées à présenter vos réflexions. On a beaucoup parlé, puis vous êtes des personnes de plus de 60 ans, et on a beaucoup parlé du testament de vie, du testament de fin de vie. Et, puisque vous avez une opinion bien tranchée sur ce que vous désirez et ne désirez pas, est-ce que vous avez complété un tel document, vous, personnellement, pour préparer les membres de votre famille à la fin de votre vie?

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Bien oui. Je ne sais pas pour les autres, mais, moi, oui.

Mme Gaudreault: Et vous êtes très consciente de ce que vous voulez, ce que vous ne voulez pas, arrêt de traitement, et tout ça.

Mme Morissette Beaulieu (Édith): ...toujours un petit peu de perfectionnement. En prenant un peu plus de sagesse, on réfléchit un peu mieux, hein?

Mme Gaudreault: Est-ce que votre opinion a changé, par rapport à la fin de votre vie, depuis le début des travaux de la commission?

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Pas vraiment.

Mme Gaudreault: Non? Et les autres dames non plus? Non plus. Bon, alors je vais passer la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Hivon): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, Mme la Présidente. D'abord, j'apprécie votre présence et j'apprécie votre présentation. Je pense que c'est très généreux de votre part de venir ici, devant les commissaires, pour présenter votre point de vue sur cette importante question et délicate question, qui est le mourir.

Maintenant, vous avez mentionné d'entrée de jeu que vous êtes contre tout geste d'homicide parce que vous considérez ces gestes-là comme des gestes contre la vie, c'est des crimes contre la vie, c'est des attentats contre l'humanité. Vous avez même dit: Ce sont des mots très forts. Effectivement, ce sont des mots très forts. Et je pense que vous avez mentionné aussi que la vie est sacrée, il faut la protéger. Puis on est bien d'accord avec ça.

Mais j'aimerais ça par ailleurs vous entendre sur qu'est-ce que vous pourriez dire à des personnes qui viennent nous voir, qui sont venues solliciter les membres de cette commission pour leur dire: Nous, on recommande l'euthanasie ou encore le suicide assisté parce que nous sommes des personnes qui vivent des grandes difficultés, qui ont des maladies importantes, des maladies dégénératives, des maladies chroniques qui nous atteignent dans notre intégrité, et qui va de plus en plus nous amener vers la déchéance humaine, qui va aussi nous faire perdre complètement notre autonomie.

Pour ces personnes-là, qu'est-ce qu'on peut faire, selon vous?

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Bien sûr, on a beaucoup de compassion pour toutes ces personnes qui vivent de très grandes difficultés.

Je pense avoir entendu ici, entre autres, Mme Gladu, la famille Rouleau aussi, et c'est revenu souvent sur le tapis. Il y a M. Coulombe aussi, qui vit des choses très difficiles. Mais, pour avoir écouté plusieurs auditions, à la commission, sur ce sujet, qui ont donné des réponses à ce que vous étalez, là... j'ai entendu des personnes et des groupes qui ont apporté des solutions, des points de vue d'accompagnement psychologique, psychiatrique, de la chaleur humaine, de l'aide humaine, de l'amitié, de la famille, du bénévolat, de l'aide médicale spécialisée au moment dernier de fin de vie. Vous avez entendu ça. Ça a été répété et répété. Je ne le redirai pas parce que je trouvais... Je pense, entre autres, aux Drs Vinay, Ayoub... après ça, M. Dionne.

Combien de gens vous ont apporté des solutions pour ces gens-là, qui sont très, très affectés médicalement, même en dégénération... des maladies dégénératives, j'allais dire? Plusieurs ont même décrit et expliqué les dangers d'ouvrir les portes à l'euthanasie et au suicide assisté. Ça a été dit et répété, je dirais. Puis c'est de l'injustice de faire une exception juste pour certaines personnes. Ça ne se fait pas, une loi pour une exception, d'habitude. Une loi, c'est pour tout le monde, c'est la justice, il me semble.

Rappelons-nous, par exemple, que, lorsque la loi sur l'avortement a été votée... Est-ce que je parle trop longtemps, monsieur?

**(15 h 30)**

M. Chevarie: Non, non, non, allez-y.

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Non? Parce que vous avez l'air à vous questionner.

Rappelez-vous, la loi de l'avortement, c'était supposé être pour certains cas très spéciaux au début. Maintenant, tout le monde est presque à la carte, on a l'avortement.

Si vous permettez, j'aurais une petite histoire à vous raconter là-dessus, parce que je sais que vous vivez des choses très difficiles dans cette commission, puis, à chaque fois que je vous regarde, je vous trouve très courageux d'écouter toujours ça, là. Bon. Voici l'histoire. Nous sommes dans le désert, au Sahara, il y a une tempête de sable épouvantable puis il y a un chameau qui est à côté de son Bédouin qui vient de finir sa tente. Alors, le Bédouin est assis aux portes de sa tente puis il regarde son pauvre chameau qui est dans la tempête. Le chameau s'avance et puis il dit: Est-ce que je pourrais juste me rentrer la tête un petit peu? Le Bédouin, c'est un bon gars, il laisse rentrer le chameau dans sa tente. Quelques minutes après, le chameau s'avance: Est-ce que je pourrais mettre les deux pattes d'en avant, il vente beaucoup, beaucoup, beaucoup, puis ça fait mal, ça pince? Alors, oui, O.K., rentre. Et quelque temps après: Est-ce que je pourrais aussi mettre les deux autres pattes d'en arrière puis le dos parce que ça fait mal? Alors, le Bédouin le laisse entrer, puis toute la place est prise.

Moi, j'ai peur que c'est ça qui arrive, on s'en va sur une pente glissante, là. Je ne sais pas si ça répond à la question.

M. Chevarie: Bien, en partie. Est-ce que j'ai encore du temps pour... Oui. O.K. Merci.

Évidemment, vous mentionnez le caractère sacré de la vie effectivement, et il y a des personnes qui considèrent que c'est l'autonomie qui est le caractère sacré, le caractère sacré de l'autonomie de la personne, le choix de décider pour elle-même.

Mme Morissette Beaulieu (Édith): ...ça.

M. Chevarie: Et qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Bien, l'autonomie, c'est... j'ai entendu même ça ici, là, que c'est une pièce qui a deux côtés. L'autonomie d'une personne dérange l'autre côté, hein, souvent.

M. Chevarie: Et l'autre côté, c'est quoi?

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Bien, l'autre côté, c'est tout le monde. L'autonomie... quand je parle de mon autonomie à moi, ça vient à l'histoire de faire une loi pour l'exception, là, parce que ce n'est pas tout le monde qui veut mourir. Vous l'avez répété plusieurs fois, que c'est quelques cas seulement.

M. Chevarie: O.K. Il y a quand même des lois qui sont pour des personnes visées, des personnes plus spécifiques. On parle de la loi au niveau des personnes handicapées.

Mme Morissette Beaulieu (Édith): ...beaucoup avec les gens handicapés.

M. Chevarie: Pardon?

Mme Morissette Beaulieu (Édith): J'ai travaillé beaucoup avec des gens handicapés, je connais la situation. Oui. Excusez.

M. Chevarie: Oui. Bon, je me disais, c'est des exceptions également, et je pense que la loi par rapport à l'Office des personnes handicapées est une bonne loi, est une loi qui permet à notre société de bien intégrer et de faire participer ces personnes-là au sein de la société.

Mme Morissette Beaulieu (Édith): ...je pense qu'avec toutes les statistiques qu'on entend, là, qu'il va y avoir beaucoup d'Alzheimer bientôt, hein? On va tous être une gang d'Alzheimer, là, ça fait que la loi va être pour tout le monde.

M. Chevarie: Oui. J'aurais une deuxième question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hivon): M. le député.

M. Chevarie: Par rapport à... vous avez abordé un peu le thème des soins palliatifs, et bien sûr on est en accord qu'il faut consolider ce secteur-là, qu'il faut développer de plus en plus tout le volet des services de soins palliatifs, et il faut le considérer, ce service-là, dans le cadre d'un continuum de services, à partir des soins à domicile en passant par les services en centre d'hébergement de soins de longue durée, et jusqu'aux soins palliatifs et à la dernière étape de la vie.

Et est-ce qu'on pourrait considérer... Est-ce que c'est possible d'avoir cette perspective-là ou cette considération-là que l'euthanasie ou le suicide assisté pourrait s'inscrire dans ce continuum de soins au même...

Une voix: ...pas.

M. Chevarie: ...bien, je vais finir ma question, au même titre que nous avons actuellement le droit de refuser un traitement, même si on sait que ce refus va probablement provoquer la mort plus rapidement, ou encore de cesser un traitement?

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Tout le monde sait, que l'acharnement thérapeutique, on n'est pas obligé, hein, on peut l'arrêter quand on veut, c'est libre, hein, on n'est pas obligé de suivre un traitement, personne, mais ce n'est pas un traitement de tuer quelqu'un, là. Parce qu'une personne, c'est une personne, ce n'est pas un chien, là, hein? L'euthanasie, pour un chien, c'est correct, mais, une personne, moi, je trouve qu'elle est plus digne que ça, elle mérite mieux que ça, surtout quand on pense...

J'ai justement un petit article, que mon fils m'a envoyé, à propos de ce qui se passe... vous avez entendu et réentendu ce qui se passe dans les Pays-Bas, mais justement ici, moi, ça m'a fait frémir, une autre affaire encore en plus, là... c'est, je ne sais pas si vous le connaissez, le Dr Antoine Boivin, vous le connaissez, il est étudiant au doctorat dans les Pays-Bas et puis il disait que «20 % des cas d'euthanasie ne sont pas déclarés par les médecins, ce qui empêche toute forme de vérification externe. Près de 10 % des médecins qui n'ont pas déclaré leur geste jugeaient eux-mêmes que les conditions de bonne pratique n'étaient pas respectées -- ce qu'on appelle le soin de l'euthanasie, là. En 2005, aux Pays-Bas, les médecins ont provoqué intentionnellement la mort de plus de 1 000 personnes sans leur demande explicite ou sans rapporter leur geste aux autorités.»

Quand on parle de pente glissante et dangereuse, ce soin-là est très dangereux, si on le prend comme soin, là... moi, je ne le prends pas comme ça, pas du tout, mais pour ceux qui s'en vont vers cette ligne-là. «Il est fondamental de respecter la dignité et l'autonomie des malades en évitant l'acharnement thérapeutique -- dont on parlait tantôt -- et en soulageant leurs souffrances adéquatement. Par contre, la légalisation de l'euthanasie comporte des risques importants, comme le démontre l'expérience des Pays-Bas, où les balises légales en place ne sont pas respectées dans un cas d'euthanasie sur cinq.»

Puis le Dr Primeau nous a dit aussi qu'est-ce qu'on avait fait dernièrement à propos des statistiques sur l'euthanasie. On avait camouflé la sédation pour faire mieux... la sédation finale. Je ne sais pas si... ce que vous pensez de ça vous-même, là. Est-ce qu'on peut le savoir?

M. Chevarie: Bien, c'est surtout votre point de vue qui est intéressant aujourd'hui et non le nôtre.

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Bien, on aime ça savoir ce que vous pensez, vous autres aussi. On paie des taxes pour ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevarie: Merci, madame.

La Présidente (Mme Hivon): Merci. Est-ce que M. le député...

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Mme Chabot aurait de quoi à dire.

La Présidente (Mme Hivon): Oui. Allez-y, Mme Chabot.

**(15 h 40)**

Mme Switzer Chabot (Kathleen): Bien, c'est parce que, monsieur, vous avez mentionné tantôt l'autonomie, et je veux rappeler qu'il y a... L'autonomie absolue n'existe pas. Il y a plein d'exemples autour, là. Il y a des places, des portes par ici, là, que je ne peux pas emprunter pour rentrer, je dois respecter certaines règles de la circulation... de toutes sortes, et l'autonomie absolue n'existe pas.

Alors, quand on parle de l'autonomie sur sa propre vie... D'ailleurs, moi, je trouve que les gens, comme vous avez parlé, les gens qui sont vraiment souffrants... comme, moi, je trouve difficile à m'imaginer, ils sont dans un cas où ils sont très vulnérables, vulnérables à la suggestion, à la pression, et ça peut être très subtil. Ça peut être très subtil, sans que la famille dise: Écoute, là, là, grand-maman, là, qui a 90 ans, là, tirez à la fin, là, vous êtes très malade, on sait que dans quelques mois, dans quelques jours, vous allez... Alors, tu sais, pas besoin de même le dire vocalement, mais la personne elle-même, si elle sait que sa famille a des difficultés de peut-être se déplacer pour venir la voir, bon... c'est ça, ça peut faire une pression, hein? Et la personne est isolée.

C'est pour ça que, nous, on a parlé d'entourer la personne. Ce n'est pas tout le monde qui est malade, qui a une famille ou qui a une famille qui est proche, qui peut venir la voir, mais par contre moi-même, ayant eu des occasions d'être hospitalisée, je ne peux pas vous dire l'appréciation que j'ai pour les corps soignants, les infirmières, les médecins, qui sont d'une gentillesse, là... Ce que ça nous fait... je ne sais pas si vous avez déjà eu l'expérience, mais, quand on sort d'une opération, il y a une personne qui vient badigeonner nos lèvres sèches, nous donner un petit... bout de l'eau. Ça, là, ça, ça transforme notre façon de souffrir, je dirais, hein? Alors...

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Moi, j'aimerais ça rajouter deux choses, si vous me permettez.

La Présidente (Mme Hivon): Oui, je vous permets. Ça va couper... Je ne sais pas s'il y avait des dernières questions de ce côté-ci.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Hivon): O.K. Allez-y.

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Elle parle de compassion, d'aide, d'amour, d'être entouré.

Je me disais, si on avait plus de docteurs Kègle, il vient d'avoir son doctorat, là, plutôt que des docteurs de la morgue et des docteurs «killers», il me semble que ça serait une bonne chose.

La Présidente (Mme Hivon): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, de votre contribution à ce débat.

Vous vous appelez le groupe Vive la vie. J'aimerais que vous nous en parliez un petit peu... vos objectifs, comme groupe, et j'aimerais vous entendre... On se fait un petit peu l'avocat du diable, quand on... si vous nous avez écouté, et je vois que vous nous avez écouté à plusieurs reprises, pour vous interroger et aller un petit peu plus loin dans la réflexion. Dans les documents que vous nous avez transmis, il est dit: «Il est primordial de ne pas attenter à la confiance devant régner entre le patient et son médecin et nous ajoutons: entre le malade et les aidants de fin de vie.» Celles et ceux qui sont pour l'euthanasie ou le suicide assisté, comme celles et ceux qui sont contre, viennent ici en nous affirmant qu'il faut que les gens soient accompagnés, il faut qu'en fin de vie on ait une qualité de relation, qu'on permette cela, qu'on permette aux gens de s'exprimer et d'avoir des contacts humains, de vivre notre fin de vie dans le respect, dans la solidarité, dans la compassion aussi. Et les deux groupes nous posent les mêmes préalables à la mise en place des conditions de fin de vie.

Je suis d'accord avec vous aussi pour dire qu'avant de parler de la... Quand on parle de la fin de vie, on parle de la qualité des soins, on parle des soins palliatifs, on parle d'offrir à un maximum de population partout dans les régions la disponibilité de ces soins-là. Cependant, comme vous nous avez écouté, vous savez très bien qu'il y a des gens pour qui il n'y a pas d'acharnement thérapeutique parce qu'ils ne sont absolument branchés à aucun appareil. Il y a des gens qui vivent des maladies dégénératives qui font qu'à chaque jour suffit sa peine et qu'il y a un enfermement dans son corps, qui fait qu'à un certain moment donné on en arrive à ne plus avoir aucune... on en arrivera à ne plus avoir aucune communication, aucune qualité de vie. Pour ces gens-là la vie n'a plus de sens.

Il y en a qui disent: C'est une vie sans vie parce que finalement on n'est plus capables de communiquer, on n'est plus capables de prendre soin de soi, on est enfermés jusqu'à ce que la mort nous entraîne, et est-ce qu'on pourrait, avant que cet enfermement soit complété, qu'on ne soit même plus capables d'un signal des yeux ou d'une pression de la main pour indiquer qu'on est encore là. Est-ce qu'on peut pouvoir bénéficier, à partir d'un testament de vie ou d'une déclaration de fin de vie, qu'on mette fin à nos jours parce qu'il n'y a plus rien de possible et il n'y a plus d'alternative?

Et ils invoquent le respect, ils invoquent la compassion, ils invoquent la solidarité. Comment vous réagissez à cela?

Mme Morissette Beaulieu (Édith): Bien, je crois que j'ai dit quelque chose là-dessus tout à l'heure, quand j'ai parlé qu'à plusieurs reprises des psychologues, des psychiatres, des gens spécialisés en soins palliatifs ont plein de, je dirais, de médicaments nouveaux pour aider ces gens-là à apaiser leurs souffrances.

Même il y a des gens qui avaient décidé de mourir, puis, pour des raisons souvent que la science ignore, leur état s'améliore ou ils reviennent à la vie. Puis dans l'étude, ici, on disait aussi que la moitié des gens qui ont signé pour l'euthanasie ne veulent plus mourir.

Tu sais, on joue avec quelque chose de sérieux, là. Puis, moi, j'ai vu une caricature qui m'a un petit peu fait rire, malgré que c'était triste, la situation, c'était une personne qui allait mourir, qui avait signé pour l'euthanasie, je ne me souviens plus dans quel pays, puis là elle dit: Attendez à la semaine prochaine, j'attends de la visite demain. Tu sais, quand tu as une compassion qui vient ou des choses autour de toi qui te rendent la vie plus agréable, c'est difficile à évaluer, tout ça, là. Puis, tu sais, je trouve qu'on risque gros, qu'on joue avec de l'inconnu. Ces gens-là, ils ne savent pas ce qui va arriver dans 50 ans, dans 20 ans, dans 10 ans.

Il peut y avoir un nouveau médicament qui va les, complètement, réhabiliter. Je trouve ça dommage de se laisser aller comme ça, en tout cas.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Mais je pense qu'on doit convenir... c'est vrai qu'il y a des gens qui, à un certain moment donné, vont changer d'idée, mais, quand on est dans un processus de maladie dégénérative, qui est un processus irréversible, où on est en toute fin de vie, et on sait que la prochaine étape, c'est un enfermement total, on sait qu'il n'y a pas de soin palliatif...

Parce que souvent, quand on est victime ou on est malade, on a une maladie dégénérative, il n'y a pas de soin palliatif. Ce n'est pas comme pour les cancéreux. Alors, ces gens-là ne sont pas branchés, sont souvent dans un fauteuil roulant ou dans un lit et ils attendent la fin dans un enfermement qui devient de plus en plus total et ils disent: On va vivre notre vie au maximum... mais, au moment de la fracture entre plus de communication du tout et un petit peu, moi, je veux être capable de décider. Alors là, il n'y a pas de soin palliatif qui tient parce qu'on ne leur en offre pas, et ce n'est pas disponible pour eux, et il n'y a pas de médicament non plus. C'est des gens souvent qui ne sont même pas médicamentés.

Alors, c'est des situations qui nous sont apportées et sur lesquelles... on est obligés, comme commission, de réfléchir à ces questions-là.

Mme Switzer Chabot (Kathleen): Madame, je vous dirai deux choses là-dessus.

J'ai une amie qui, il y a quelques années, a eu une maladie que... maladie du sang dont on ne sait pas l'origine, et on ne sait pas le soigner. Alors, finalement, on faisait tout ce qu'on pouvait, là, et elle est guérie à la fin. Mais les médecins ne savent pas pourquoi. Mais, pendant ce temps-là, elle est tombée dans le coma et elle me dit qu'elle a eu connaissance... elle a tout entendu ce qui s'est passé, ce que les gens disaient. Et ils étaient surpris, ils disaient: Hein, tu as entendu ça, tu nous as entendus parler. Alors, la personne qui vient enfermer... et certainement, quand on est dans un coma, on semble... on parle d'état végétatif souvent, malheureusement, parce qu'on est... on ne sera jamais des végétaux. Mais est-ce qu'on sait, à ce moment-là, qu'est-ce qui se passe dans la personne? Parce que mon amie, elle entendait qu'est-ce que les gens faisaient pour elle, hein? Elle savait qu'ils prenaient à coeur de trouver une solution, de l'accompagner.

Alors, la personne qui vient enfermer dans son coeur... s'il y a des gens qui viennent lui parler, elle ou lui ne peut pas répondre, mais on est en train de l'accompagner, de lui montrer la compassion, l'amour. Est-ce qu'on sait quel effet que ça va avoir sur la personne? Normalement, il me semble que, quand il y a doute, il me semble, quand j'étais jeune, on m'a dit: En cas de doute, si tu ne peux pas résoudre le doute, tu n'agis pas.

Et, la deuxième chose, parce que j'en ai une deuxième, on parle de dignité. Alors, posons-nous la question: Sur quoi ça se pose, la dignité? Qu'est-ce qui constitue la dignité d'une personne? Est-ce que c'est parce que la personne peut travailler? Est-ce que c'est parce que la personne peut marcher, parce que la personne peut utiliser ses mains, parce que la personne peut parler ou est-ce que ça va au plus profond de qu'est-ce qui nous rend humains? Est-ce que la dignité repose sur ça ou sur nos atouts?

Parce que, si la dignité dépend de notre capacité d'agir, alors, les personnes handicapées, où est leur dignité?

**(15 h 50)**

La Présidente (Mme Hivon): M. le député de Mercier.

M. Khadir: Merci, Mme la Présidente. J'en profite, si vous me permettez... d'apporter une précision, en fait, d'offrir mes excuses à mes collègues de la commission. Je vais expliquer pourquoi.

En fait, quand nous avons commencé les travaux, hier, mon collègue et voisin en Chambre, le député des Deux-Montagnes... dans la circonscription de Deux-Montagnes, m'a fait part du malaise qui avait été créé par mes propos à l'émission Tout le monde en parle dimanche dernier, où on a tous écouté les témoignages de M. Leblond, qui est une personne qui est atteinte d'une maladie dégénérative... les motoneurones... enfin, des neurones moteur, et qui, lui, réclame le droit de pouvoir bénéficier de services d'assistance médicale pour sa fin de vie. Alors, les propos que j'ai utilisés, les termes que j'ai utilisés, je pense, ont dépassé... d'après ce que je comprends, et créé un malaise... dépassé ce que je pouvais permettre de dire honnêtement, parce que les termes avaient été vraiment malhabiles. Moi, je sentais, c'était mon sentiment, que la prépondérance des choses que j'avais moi-même écoutées ici, en Chambre, et que j'avais suivies à travers la retransmission de ces débats et des témoignages que j'avais lus... que petit à petit on s'en allait vers une reconnaissance en tout cas d'une nécessité qu'on se penche sur ces questions de manière sérieuse, qu'on y réponde.

Et j'ai, disons, présumé que l'ensemble de la commission s'en allait vers une direction et je pense que ce n'est pas exact, alors je veux m'excuser pour le malaise que ça a pu créer et l'erreur que ça a pu conduire dans l'appréciation du public. Je pense que la commission fait un travail très sérieux. D'ailleurs, j'ai pris soin de le dire, de le répéter, que l'enjeu était complexe, puis le travail qui était fait était vraiment fait d'une manière sincère pour arriver à y voir le plus clair possible.

Donc, j'offre mes excuses à tout le monde. Maintenant, je vais essayer aussi de voir si cette mise au point peut, en cours d'une prochaine émission, là, de Tout le monde en parle, être aussi reprise pour s'assurer que c'est rectifié de la bonne manière.

Maintenant, juste un commentaire sur votre intervention, Mme Morissette. Vous avez parlé, tous en fait, de dignité. Je pense que c'est Mme Chabot qui, en dernier lieu, a parlé de la dignité. Je voudrais juste vous mentionner que j'ai pu remarquer, dans ma pratique à moi, dans les moments les plus difficiles, où les patients sont vraiment très vulnérables et ne sont pas du tout, du tout autonomes justement parce qu'ils sont souvent dépendants du soutien qui est apporté légitimement puis très généreusement par leur entourage, le système de santé, les docteurs, tout le monde... un des aspects qui semblent les plus importants justement dans la qualité de leur vie et l'idée qu'ils se font de la dignité, c'est justement le respect de leur volonté.

Alors, je vous pose la question: Si, par exemple, dans une condition où on a offert vraiment toutes les solutions que vous avez proposées ou que différents intervenants, que vous avez nommés, ont proposées, la chaleur humaine, l'aide physique, le soutien psychologique, l'aménagement de leur espace de vie, tout, tout, tout, les médicaments les plus sophistiqués pour atténuer leurs douleurs... mais, en fin de course, ils demandent quand même: Écoutez, respectez-moi, respectez ma dignité, moi, je voudrais qu'on m'aide à m'enlever la vie au moment où je trouve vraiment, là, que c'est intolérable... Et évidemment la plupart de ces personnes-là ont déjà fait tout un travail pour convaincre aussi leur entourage pour que ça soit fait sereinement, avec l'accord de leur entourage

Puis ils ne nuisent à personne. Ils ne veulent vraiment pas l'imposer ni à un soignant, ni à un médecin, ni à un proche. Ils ne veulent pas l'imposer à qui que ce soit. Ils veulent vraiment que ça ne nuise à personne d'autre mais qu'on respecte leur volonté.

Est-ce que vous pensez que ça peut faire partie de la dignité que de dire: Bien, voilà, on va respecter votre dignité?

Mme Switzer Chabot (Kathleen): Je dirais que, quand j'ai peur... Bien, vous parlez de personnes vulnérables.

Vous savez, quand on souffre de mal de dents, c'est mal, des fois, tout ce qu'on veut, c'est qu'on enlève ce mal de dents là, hein? Et, je pense, c'est la même chose. La personne qui souffre, il souffre tellement, tout ce qu'il veut, c'est de faire enlever la souffrance. Est-ce vraiment la mort, parce qu'il voit la mort comme une solution? Mais, une fois mort, on ne sent plus rien non plus, on ne peut plus rien faire non plus. Parce qu'il y a question, je pense, de capacité d'être vraiment libre de dire: Je veux mettre fin à ma vie. C'est quoi... cette personne-là veut dire exactement? Est-ce que c'est faire fin... donner fin à la souffrance? Parce qu'il y a des fois, dans la vie, dans les adolescents, nos enfants, on ne les laisse pas faire n'importe quoi parce qu'on sait que leur jugement manque, des fois. Et une personne dans une situation extrême comme ça peut ne pas avoir tout ce qu'il faut psychologiquement pour porter un jugement, comme madame a dit que... S'ils se sentent mieux 10 minutes plus tard, je ne sais pas, mettons... Je prends un cas que je fabrique, là, moi-même, mais mettons qu'on lui donne un remède, puis il souffre un petit peu moins plus tard, ah, bon, peut-être qu'il va changer d'idée.

Alors, c'est ça. Dans un moment donné, il souffre, il veut mettre fin à sa vie, mais est-ce que c'est vraiment fin à vie qu'il veut faire?

M. Khadir: ...comme médecin, comment je peux être sûr que mon jugement est supérieur au jugement de la personne?

Mettons, comme M. Leblond justement, qui semble posséder toutes ses facultés, qui ne souffre pas actuellement mais qui pense qu'il va aller à un endroit, à un moment où il ne considère pas que c'est bon pour lui... comment je peux estimer que mon jugement est supérieur, comme médecin, à sa place? Qu'est-ce que je possède pour dire ça?

Mme Switzer Chabot (Kathleen): Vous connaissez la maladie mieux que lui, j'imagine. Et, comme encore... comme je vous dis, ce qu'on ressent dans le moment, est-ce que ça doit... Il y a des décisions qu'on prend, hein, dans un moment de notre vie, qui affectent tout le reste de notre vie. Et d'ailleurs ce n'est jamais dans le vide parce que ça va créer un précédent. On permet à une seule personne de s'enlever la vie ou on l'assiste à enlever sa vie. Ça crée un précédent. Mais si lui... pourquoi pas moi, pourquoi pas vous, pourquoi pas ma voisine? Il y a des fois... Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que des fois une personne va souffrir pour le bien de la société ou des autres? C'est des fois... Les soldats qui s'en vont à la guerre acceptent de risquer leur vie, de donner leur vie pour un bien certain, pour un bien qui est peut-être retardé.

Mais c'est ça, parce que, vous, vous avez plus de lucidité, je dirais, à ce moment-là, que votre patient.

**(16 heures)**

La Présidente (Mme Hivon): Bien, merci beaucoup, M. le député. Peut-être, en terminant, je me...

Pour rester sur cette question-là, admettons qu'on est face à un patient, une personne, en fin de vie, et qui fait une demande répétée et qui dit: Vraiment, je suis dans une situation irréversible, je trouve ma vie intolérable... et que sa fin de vie en fait n'est teintée que par une cause... il y a des cas... des personnes qui sont venues nous parler de cas comme ça, où leur proche, en fin de vie, ne faisait que leur dire: Est-ce qu'on peut arrêter ça, s'il vous plaît? Est-ce que ça peut se terminer? Et qu'on est dans une situation où, comme aux Pays-Bas, parce que vous parlez des Pays-Bas... Puis soyez assurées qu'on regarde ça et qu'on va le regarder très attentivement parce qu'on a des preuves et des études contradictoires qui nous sont soumises.

Puis un des éléments qui nous a été soumis, c'est que les deux tiers des demandes d'euthanasie sont refusés, aux Pays-Bas, alors qu'une fois que l'examen psychiatrique est fait ou qu'on évalue la capacité de la personne ou... ou soit qu'on estime que sa condition médicale ne représente pas ce qui répond aux critères ou son état psychologique...

Admettons qu'on est dans une situation où tout a été évalué pour la personne, on estime qu'elle n'est pas en dépression, c'est une demande faite en toute conscience, comme société, parce que je pense que la question se pose, on peut le voir d'un point de vue individuel, mais on le voit comme société, quelle est la réponse ultime que l'on donne à cette personne-là pour lui dire: Tu dois vivre? Est-ce que c'est: Écoute, il y a un bien commun, ta souffrance, comme vous le dites, va peut-être servir à d'autres, donc c'est la seule réponse qu'on peut t'offrir, c'est le bien commun qui doit prévaloir?

Qu'est-ce qu'on dit à ces personnes-là? Parce que, vous le savez très bien, on a des gens comme ça qui viennent nous voir. Donc, qu'est-ce qu'on leur répond, ultimement?

Mme Switzer Chabot (Kathleen): Mais c'est bien sûr, il faut considérer chaque cas, mais, moi, je dirais: Plus j'entends parler de personnes qui se disent: Ma vue n'a... ma vie n'a plus de sens, je souffre trop... bon, tout ce qu'on pourrait dire, je ne sais pas, mais il me semble que ces personnes... pourquoi ils sentent comme ça? Pourquoi ils sentent que leur vie n'a plus de valeur? C'est parce qu'ils souffrent, parce que, je ne sais pas... Il me semble qu'il y a plus qu'on peut faire pour eux autres que tout simplement les tuer.

La Présidente (Mme Hivon): Alors, merci beaucoup de votre témoignage, merci d'avoir pris le soin d'approfondir avec nous votre réflexion, d'avoir été très assidues, parce que ce que... à ce que j'en comprends, vous nous suivez depuis un bon moment déjà, et c'est très précieux pour nous de sentir ça, de sentir qu'on travaille et qu'il y a des gens au poste aussi et d'avoir votre implication dans ce débat-là.

Alors, je vous remercie de votre générosité et je vais suspendre la commission... les travaux de la commission quelques minutes, le temps que Mme Linda Tremblay prenne place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

 

(Reprise à 16 h 6)

La Présidente (Mme Hivon): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux, et nous sommes heureux d'accueillir maintenant Mme Linda Tremblay.

Mme Tremblay, bienvenue. Vous avez une quinzaine de minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par une période d'échange d'une trentaine de minutes avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

Mme Linda Tremblay

Mme Tremblay (Linda): Merci beaucoup. Bonjour à tous. On refuse de voir souffrir nos animaux de compagnie et nous voulons pour eux une mort douce qui est tout de même un meurtre parce que, ne pouvant parler, ils ne l'ont pas demandée.

Pourquoi faudrait-il qu'on ne puisse écouter les nôtres qui demandent en toute lucidité d'en finir face à des maladies incurables, invalidantes ou qui occasionnent des souffrances physiques intenses? Pourquoi ne pas mettre à leur disposition un accès au suicide par dose létale qu'ils prendront au moment où ils l'auront décidé, en compagnie de leur famille, ou une aide assistée s'ils ne peuvent le faire eux-mêmes? Voilà la différence entre l'euthanasie, qui est une mort décidée par d'autres ou un meurtre par compassion, et le suicide soit par dose létale, qu'on prend soi-même, ou assisté quand on ne peut le faire seul, car pourquoi demander à d'autres de faire ce que l'on peut faire soi-même?

Dans ce débat, on a fait aussi mention de souffrances psychologiques reliées à des conditions de fin de vie. La dignité d'une vieillesse de qualité, c'est d'avoir des soins hygiéniques de base, à la maison ou en résidence, à une nourriture saine, variée et de bon goût, des sorties, loisirs ou visites en quantité minimale et d'avoir accès à une sexualité ou manifestation d'affection, pour ceux qui y sont intéressés. Alors, quand ces besoins de base ne sont plus satisfaits, où est le plaisir de vivre? Est-ce que la vieillesse est une maladie, une souffrance, une mort lente? Pour les uns, oui, diront-ils; pour d'autres, ils répondront non.

Il y a beaucoup de façons de mourir avant que la mort n'arrive. L'être humain, comme l'animal, a besoin d'être reconnu. Pourtant, combien sont condamnés à la solitude ou à l'exclusion parce qu'on dit qu'ils ne sont plus bons à rien, qu'on fait l'hymne à la beauté et à la jeunesse, qu'on stigmatise en les ghettoïsant, les marginalisant jusqu'à la déshumanisation? Ainsi, la solitude, l'abandon, le rejet, l'exclusion devient une lente agonie, celle d'être devenu invisible. Quelle trahison envers le passé! «Out!» Nous sommes dans la civilisation du présent et du virtuel, du consommer-jeter, du toc. La durée de vie des marchandises est de plus en plus courte, les prix augmentent, et c'est la qualité du vivant qui en paie le prix. Les enfants en CPE, les parents esclaves du travail et les vieillards crient au secours.

Ainsi, de plus en plus de gens ont le mal de vivre. On assiste à une augmentation du suicide des bien portants, à tous les niveaux.

**(16 h 10)**

Pourquoi se préoccupe-t-on de l'augmentation du suicide chez les aînés et très peu de leur mort sociale? Pourtant, les investissements diminuent dans les soins à domicile, on coupe dans les budgets de soins de longue durée, dans les ratios. Et, même si on favorise la mort à domicile, comment garantir qu'elle ne se fera pas dans un isolement crasse et une immense solitude? Ainsi, le glissement vers la souffrance psychologique reliée aux conditions de vie de la vieillesse apparaît chez certains.

Une souffrance psychologique est une perception de la réalité, donc, à un certain point, un mirage. Je vous définirai ce que j'entends par «mirage» plus tard. Elle est souvent une conséquence suite à l'intensité d'un événement personnel vécu par certains, parfois très traumatisant. Je m'explique; c'est la façon d'interpréter les événements qui nous arrivent selon notre intelligence, notre sensibilité, notre éducation, notre émotivité et notre résilience. Notez bien qu'il y a quand même des chocs psychologiques à guérir, comme l'inceste, le viol, le choc post-traumatique, le harcèlement, etc. Pour l'un, la mort est une fin du monde; pour l'autre, une délivrance. Pour l'un, la fin d'un amour est une catastrophe; pour l'autre, une occasion de rencontres multiples ou une libération. Pour l'un, la solitude est un cancer de l'âme; pour l'autre, une quête de soi. C'est la façon de voir le verre: à moitié plein ou à moitié vide, qui fait d'une souffrance psychologique une vue de l'esprit, un mirage.

Ainsi, une souffrance physique sans possibilité de rémission confronte l'individu à sa fin de vie. Une souffrance psychologique confronte un individu à sa raison de vivre, et, s'il ne la trouve lui-même, d'autres doivent la trouver pour lui, sinon c'est la mort sociale, l'invisibilité, l'oubli, le rejet et l'exclusion.

Comme par hasard, on parle d'euthanasie, du suicide assisté, au Québec. Peut-on justifier l'euthanasie, le suicide assisté pour des souffrances psychologiques? Jamais, et encore moins le meurtre par compassion, parce que la souffrance psychologique est un mirage, qu'elle s'efface avec le temps, qu'elle prend son sens avec la vie, et soudain elle devient expérience, sagesse, transcendance et humanité.

Avant de commencer la consultation sur l'euthanasie au Québec, la commission a défini les termes de «souffrance psychologique» comme étant une souffrance morale, spirituelle et «existentielle», ce dernier adjectif faisant référence ici au sens que donne une personne à son existence en fin de vie. Pour éviter tout glissement concernant les souffrances psychologiques, il m'apparaît important de catégoriser ce type de souffrance. Tout événement qui produit de la peine, de la tristesse, du chagrin ou de la mélancolie arrive à tous à un moment ou l'autre dans sa vie. Exemples: la perte d'un être cher, perte d'un travail, perte temporaire de la santé ou maladie chronique, etc. Mais tous ne connaîtront pas la dépression qui, elle, est l'accumulation de plusieurs événements tristes en même temps qui dépassent la capacité psychologique de l'individu à s'adapter. On dira qu'il a cassé psychologiquement et est en profonde dépression, c'est-à-dire qu'il a plusieurs deuils à faire: travail, conjoint, maison ou faillite, amis, par déménagement, ou la parentalité, faire le deuil de ne pas pouvoir avoir d'enfant. Et, même s'il est soigné avec des médicaments, il lui faudra faire chacun de ces deuils pour se sortir de sa dépression. Le temps de guérison est proportionnel à l'intensité de sa vie spirituelle, sa capacité d'introspection, la force de résilience de l'individu souvent renforcée par l'éducation reçue à la maison.

Enfin, il y aura la maladie cérébrale, du cerveau, étiquetée, malheureusement, comme maladie mentale. On peut avoir un bon mental, mais le cerveau doit prendre sa médication pour bien fonctionner.

Ceux qui connaîtront ou auront plus de probabilités ou de chances de connaître la maladie dite mentale, le dérèglement du cerveau, sont ceux et celles qui auront connu plusieurs épisodes dramatiques ou dépressifs dans leur vie. Exemples: inceste, parents violents, alcooliques ou toxicomanes, dysfonctionnels, agressions sexuelles, rejets multiples à l'adolescence, à l'école ou ailleurs, des sentiments d'abandon réels ou ressentis, conjoints tyranniques, harcèlement au travail, chocs post-traumatiques, et j'en passe. Et, tout à coup, l'ensemble de ces événements négatifs amènent l'individu à produire dans son cerveau, parfois en ne prenant ni boisson ni drogue, une substance qui va le geler dans sa souffrance psychologique, l'amener dans une zone confort, sa bulle, mais que les autres diront qu'il n'est plus lui-même dans la réalité, dans la réalité de notre société, et qu'on appelle psychose.

La dangerosité de la psychose est proportionnelle à ce que l'individu vit dans sa bulle. S'il vit beaucoup de harcèlement, il est possible qu'il se sente menacé par l'extérieur et qu'il tente de se défendre en étant agressif verbalement: parle fort, tente à chercher à se défendre contre un ennemi imaginaire. Il peut aussi tenter de frapper de ses poings mais est sans danger s'il n'a aucune arme sur lui. Par contre, on a vu aussi des gens qui ont... par strangulation, ça, c'est... je n'en ai pas parlé. Mais il peut aussi être replié sur lui-même, sans aucune agressivité. Mais, d'une façon ou d'une autre, le malheur de cette psychose, c'est qu'elle fait peur aux autres, et les gens ont tendance à n'avoir aucune sympathie pour ce malade, alors qu'un cancer attire bienveillance, sympathie, encouragement, entraide.

Il y a des maladies antipathiques, sympathiques et honteuses, c'est-à-dire qu'on essaie de cacher. Malheureusement, on essaie de faire passer la maladie psychiatrique comme honteuse ou antipathique, alors qu'on devrait plutôt faire un effort pour qu'elle soit plus sympathique, parce que vivre avec une maladie mentale ou cérébrale, c'est parfois vivre avec une expérience de vie qui n'intéresse personne. Dommage! Alors, ceux qui ne connaissent ni dépression, ni maladie psychiatrique, ni choc post-traumatique, dites-vous bien que vous n'êtes pas plus forts que les autres mais que vous avez été plus chanceux.

Maintenant, si on veut parler d'euthanasie dans les cas de souffrance psychologique, faut-il entendre qu'une souffrance psychologique peut être assez insupportable au point de justifier l'euthanasie? C'est trouver une solution générale à un problème individuel et particulier. Autrefois, les gens faisaient face à des épreuves terribles, mais Dieu était leur refuge. Dans nos sociétés désacralisées, la souffrance psychologique pour une personne spirituelle mais qui a oublié de s'abandonner à Dieu l'amène plus facilement vers la psychose. L'euthanasie pour une souffrance psychologique est inacceptable parce que cette solution enverrait comme message qu'il est impossible de guérir d'une souffrance psychologique, que c'est la façon la plus appropriée d'en guérir vite, et cela m'apparaît une solution inhumaine d'une société qui n'est pas intéressée à l'écoute, au partage, à l'entraide, au soutien et à la compassion.

Bref, il serait permis de se tuer au travail, de détruire la planète par la consommation excessive, mais, ceux qui ralentissent la cadence, les éclopés, les «burned», «out»! Je comprends que ces personnes... c'est-à-dire, que des personnes atteintes de maladies incurables, face à des souffrances physiques extrêmes, demandent à être soulagées par des soins palliatifs, un suicide assisté ou une dose létale, mais ces derniers ont fait le deuil de la santé, de la bonne forme physique, de la vie et ne veulent plus vivre en étant l'ombre d'eux-mêmes.

Pour finir, je vous demande de réfléchir à ces questions fondamentales. En naissant, nous sommes tous des condamnés à mort. Si la piqûre de la vie éternelle est inventée un jour et qu'on vous l'offre sans vous garantir la qualité de la vie, l'accepteriez-vous? Si on veut vous l'imposer, vous la donner de force, vous sentiriez-vous justifié de vous suicider pour vous en protéger et attendriez-vous qu'on vous donne le droit de ne pas la recevoir? Alors, ceux qui se sont suicidés, peut-être qu'ils n'étaient absolument plus capables d'en prendre et qu'ils n'ont pas attendu la permission de personne. Finalement, la conscience individuelle appartient à chacun et n'est pas affaire de dogme. Le danger se situe au niveau de l'inaptitude. Quel concept aberrant parfois, surtout quand le jugement est remis dans le jugement de personnes étrangères qui connaissent moins la personne! L'inaptitude reliée à la maladie psychiatrique ou cérébrale, ou dite mentale, est temporaire, car cette dernière est très bien contrôlable par la médication ou la thérapie psychologique, l'entraide environnementale, par la famille, les amis ou les organismes communautaires.

Alors, ne faisons pas des souffrances psychologiques une raison pour justifier l'euthanasie, car c'est l'antipathie qui y gagnerait au détriment de l'accompagnement à la souffrance.

En conclusion, on devrait passer une loi obligeant toute personne majeure d'avoir un testament biologique, un mandat d'inaptitude, une formule étendue et généralisée, le rendre financièrement accessible à tous et rendre le tout légitime tant pour le législateur, les aidants, les soignants et la famille. Merci.

**(16 h 20)**

La Présidente (Mme Hivon): Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Tremblay. Alors, sur ce, je passerais à la période d'échange avec M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour l'exposé. C'est très condensé, très intéressant, puis il y a des éléments qui sortent. On pense que, rendus à la 280e... ou je ne sais pas combien, là, personne ou groupe qui vient nous représenter... qu'on n'aura rien de neuf, puis c'est tout le contraire qu'on voit depuis ce matin.

Moi, ce qui m'intéresse, la question qui m'intéresse, c'est votre approche, et il a fallu que vous le disiez deux ou trois fois pour que je comprenne. Enfin, je pense avoir compris un peu, là, ce que vous voulez dire quand vous dites que la souffrance psychologique, comme raison d'euthanasie, est inacceptable et je trouve ça intéressant parce qu'évidemment on a entendu ça, mais, la plupart du temps, c'était dans des conditions de fin de vie, parce qu'on nous parlait de la souffrance psychologique qui arrivait dans des conditions de fin de vie, et là ce que vous dites dans le fond, c'est: Attention, une dérive possible de ça, c'est de dire qu'à un moment donné quelqu'un a envie de suicider... bien, on parle du suicide, là, à tout âge et dans toute circonstance, et il ne faut pas que ça déteigne là-dessus.

Il y a des gens qui sont venus nous voir pour nous dire: Il faut faire attention aux deux, mais ma compréhension, c'est que vous nous dites: Attention, parce qu'on a tous vécu... ou à peu près, à des degrés divers, des difficultés et des souffrances psychologiques qui se sont transformées en évolutions, en développements personnels, en croissances personnelles et en des souvenirs qui même parfois... J'avais dit ça à ma fille une fois: Après coup, plusieurs années plus tard, des fois ça devient des bons souvenirs, même si on a souffert sur le coup, là. Et ce je trouve intéressant, c'est, si j'ai bien compris -- et dites-moi si j'ai bien compris -- c'est que donc... ce que vous dites, c'est qu'il ne faut pas que... si on donnait... si on ouvrait une porte dans ce sens-là, il ne faut pas que ça devienne comme une avenue pour le suicide, que l'on combat par ailleurs, comme société.

Maintenant, la question, c'est qu'on a souvent entendu parler de la difficulté, de la souffrance psychologique pour des personnes qui sont en fin de vie ou qui vivent des événements de fin de vie, maladie, maladie chronique, etc.

Mme Tremblay (Linda): Oui. Tout d'abord, c'est que c'est bien important que... L'euthanasie, dans mon livre à moi, ça ne doit absolument pas être légalisé parce que l'euthanasie, dans mon livre à moi, c'est un meurtre, parce que la personne ne l'a pas demandée. La personne peut demander pour elle-même la mort parce qu'elle parle. On a une dignité supérieure aux animaux, on est en mesure de demander qu'est-ce qu'on veut, puis les gens, bien ils comprennent le même langage que nous. Maintenant...

M. Reid: Juste pour être sûr qu'on se comprenne bien, là, vous dites... quand vous dites «l'euthanasie», vous dites: La mort imposée par quelqu'un d'autre.

Mme Tremblay (Linda): Oui. L'euthanasie, dans le livre, c'est donner la mort à quelqu'un, O.K.?

M. Reid: Et vous parlez plutôt du suicide.

Mme Tremblay (Linda): Ou le meurtre par compassion. Si on relit, là, dans mes premiers paragraphes, là, pour moi, c'est l'euthanasie.

D'un côté, il y a l'euthanasie et, de l'autre côté, la demande du suicide. Le suicide... si quelqu'un veut se suicider, il ne demandera pas la permission, il va se suicider, sauf que je trouve ça très dommage que... il part, soit dans une lettre... puis ça donne un choc. De toute façon, face à la mort, ceux qui restent sont toujours en état de choc. Soit par accident d'automobile, par noyade, électrocution, peu importe, quand on perd quelqu'un, on est en état de choc. Et c'est encore plus choquant quand il est parti de lui-même puis qu'on n'a pas rien vu ou... Bon. Ça fait que, pour les personnes, quand je parle du suicide, ce n'est pas autoriser le suicide «at large», à n'importe quelle heure, c'est pour des souffrances physiques qu'on trouve intolérables, qu'on est rendus au bout du rouleau, puis que, nous, on prétend que notre voyage sur terre est terminé.

Et on peut le faire soi-même, en compagnie de notre famille, mais... On a vu, à Montréal, un homme qui est allé festoyer dans un restaurant, avec toute sa famille, qui avait une maladie dégénérative, que lui avait décidé de partir, puis sa famille était au courant, puis ça s'est fait comme ça. J'ai vu une espèce de «commercial» à la télévision... ce n'était pas un commercial, mais c'était un bref aperçu où un homme est handicapé, il n'est pas en mesure de le faire, sa femme est entourée des siens, le médecin lui présente une dose létale avec une paille. C'est sa femme qui... c'est-à-dire, c'est sa femme qui lui présente... qu'elle le met un peu sur un... comme une chaise haute, là, ça, et puis elle lui dit «au revoir» dans les yeux, c'est assez touchant quand on le regarde, et puis lui sirote puis il sait qu'il va partir.

Moi, je pense que la dignité d'une personne qui souffre, qui demande à partir... je pense que c'est personnel. On n'a pas à faire un dogme ou une loi à dire: On autorise ça ou on ne l'autorise pas. Je pense que ça se fait entre le médecin et la personne, c'est au niveau de... Comment je dirais? On n'a pas à publiciser ça non plus. Quand une personne est rendue là, je trouve ça dommage d'en être rendu d'aller en cour pour demander la permission. Je pense que c'est dans le secret, entre sa famille, le médecin. Ce n'est pas le médecin qui le fait, c'est la famille, puis c'est lui qui le décide, quand il va le faire, mais il y a cette opportunité-là. Puis il ne partira pas avant le temps en sachant que... J'aime mieux partir un an d'avance parce que dans trois ans je ne serai plus capable de le faire moi-même, puis il n'y a pas personne qui va le faire à ma place... ou je ne veux pas qu'ils fassent de prison à cause de ça. Ça fait que c'est tout ça que...

Moi, c'est sûr que, dans ma tête, je n'ai pas pu penser pour tout le monde, mais vous êtes là avec votre intelligence, vos émotions pour vous pencher là-dessus, pour voir qu'est-ce qu'on peut faire.

M. Reid: C'est intéressant qu'on comprenne bien ce que vous nous dites, parce que finalement vous dites: Il n'y a pas besoin de loi, et tout ça, sauf qu'à l'heure actuelle, si quelqu'un aide quelqu'un d'autre à se suicider, il est passible de poursuite. Et donc la question qui nous a été posée, entre autres questions évidemment, là, c'est: Est-ce qu'il devrait y avoir une ouverture législative pour être sûr que quelqu'un qui aide quelqu'un d'autre sans le forcer... et quelles sont les précautions qu'il faut prendre? Tu sais, c'est...

Mme Tremblay (Linda): ...moment-là, c'est dans la conclusion, où je prétends que, si on fait un testament biologique, un mandat d'inaptitude et que le médecin, le législateur, les aidants, les soignants, la famille sont au courant, peu importe ce qu'aurait...

N'oublions pas, là, que ce pour quoi la commission se penche, là, ce n'est pas pour la population du Québec, là. Il y a peut-être... On ne sait pas comment on va mourir, hein? On peut se noyer, on peut étouffer en mangeant, en avalant de travers, on peut faire une crise cardiaque, un ACV. Ce n'est pas tout le monde, c'est peut-être 10 %, 15 %... 12 % de la population qui peuvent avoir des souffrances qu'on peut soigner par les soins palliatifs, par exemple. Mais il y a ses gens qui, comme a dit madame... J'ai oublié votre nom, là. Il y a des gens qui n'ont pas besoin de soins palliatifs mais qui sont face à une éventualité et puis qu'ils peuvent apprécier de voir... J'ai vu un témoignage aussi à la télévision, elle a dit: Moi, j'apprécie encore de voir mes petits-enfants, je veux les voir encore. Tant que je vais avoir du plaisir à voir mes petits-enfants, ça va être mon bonheur de vivre.

Mais chacun... qui suis-je ou qui êtes-vous, vous, pour décider que quelqu'un doit encore endurer ses souffrances?

M. Reid: C'est bien. Merci beaucoup.

Mme Tremblay (Linda): C'est...

M. Reid: Oui?

Mme Tremblay (Linda): ...respecter une personne que de lui dire: Moi, je te respecte là où tu es rendue.

M. Reid: Merci.

La Présidente (Mme Hivon): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci, madame, de votre témoignage. On voit que vous avez songé à la question.

Moi, je veux revenir sur... Vous parlez, à la fin de votre document... vous parlez du testament biologique, vous parlez que les personnes peuvent faire valoir leur volonté compte tenu de leur situation. Est-ce que vous avez réfléchi à la situation des personnes inaptes?

Mme Tremblay (Linda): Les personnes inaptes, j'en parle, là, du... Le concept d'inaptitude, des fois c'est aberrant, là. Parce qu'idéalement il vaut mieux faire un mandat avant que ça arrive. Mais, les personnes inaptes, la famille est là puis est en mesure de les connaître assez pour savoir qu'est-ce qu'elles auraient souhaité aussi, là. Une personne n'est jamais...

Puis l'inaptitude, à moins d'être dément avancé puis alzheimer au dernier degré, l'inaptitude, c'est presque toujours temporaire. Moi, j'ai eu affaire à des personnes qui étaient alzheimer, puis ils ont une mémoire... ils se souviennent de certaines choses, puis il y a des choses qu'ils oublient, là, dans le présent. Puis l'inaptitude, c'est... Je pense que, là, on a la chance de faire le débat là-dessus, puis les gens pourront après ça décider, pour eux, si jamais il arrivait un cas de démence à la fin de leur vie... ou ils demeurent impotents ou ils sont dans un coma, un coma prolongé de trois mois, puis ils ne sont plus en mesure de revenir à la vie normale, bien, ils veulent partir ou des choses comme ça. Ils pourraient être en mesure de se faire un scénario.

Parce qu'on vit dans une société où on occulte un peu la mort. Mais, si on pensait un petit plus... puis, je pense, aujourd'hui, on oublie... on a eu des reportages sur comment les gens vivent, les personnes âgées vivent dans des foyers publics ou privés. Puis les gens ont de l'argent puis ils s'en vont dans des résidences pour personnes âgées autonomes puis les grosses bâtisses, puis des loisirs, puis tout ça. Mais, quand ils ne sont plus autonomes, ces gens-là, là ils ont beau avoir de l'argent, ils s'en vont dans des hôpitaux puis ils risquent d'avoir les mêmes traitements qu'on a vus, là. Il va falloir qu'ils paient cher, beaucoup, pour avoir cinq bains par semaine, quatre bains par semaine, trois bains par semaine... puis de manger, faire faire des bons repas, là. Tu sais, on oublie, ça, ça. Puis, si on avait... si on était en mesure de s'imaginer, ne serait-ce que pendant une demi-heure... pour dire: Quand... Il y a des personnes âgées qui ne guériront jamais en soins de longue durée parce qu'ils vont faire une crise cardiaque, un ACV ou n'importe quoi, ils vont partir en forme.

Moi, mon père disait toujours: Moi, je ne veux pas être un... voyons, un boulet pour personne. Il est parti en crise cardiaque. Il a été exaucé, là, d'une certaine façon. Mais perdre quelqu'un en crise cardiaque, c'est comme un suicide, hein, tu sais, je veux dire, s'il n'a pas le temps de partir puis de revenir à lui, là, tu sais, c'est toujours un choc. Et puis c'est de penser qu'est-ce que, moi... Si je me voyais en perte d'autonomie, là, est-ce que j'accepterais d'être lavée... puis une femme lavée par un homme, quand elle sait qu'elle pourrait être lavée par une femme puis lavée en groupe ou manger des choses qui n'ont pas d'allure?

Mais je pense qu'il faut se pencher là-dessus parce qu'on risque... Ce n'est pas toute la population, mais il y a une bonne partie de la population qui risque de vivre ça. Ça peut être nous, ça peut être nos parents, ça peut être... On ne sait pas. Ça...** (16 h 30)**

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. Il y a des gens qui nous disent qu'il faut... comme vous l'avez dit tantôt, vous avez dit: Les discussions, les échanges autour de la mort, c'est toujours un peu occulté... qui disent que la société québécoise devrait... les gens devraient parler de la mort. On est une société avec une espérance de vie de plus en plus importante et on devrait prendre le temps donc de parler avec nos familles, avec nos enfants, nos petits-enfants, nos conjoints, les gens, qui nous entourent, de la question de la mort et démystifier un peu cela pour faire en sorte qu'on se comprenne sur les volontés que nous avons.

Ça me permet d'aborder ce que vous appelez le testament biologique, ce que d'aucuns disent «les déclarations de fin de vie». Selon vous, qu'est-ce que ça devrait comporter, premièrement? Et est-ce qu'on devrait donner à ce document-là un caractère légal? Et comment ça devrait être reçu par les professionnels de la santé?

Mme Tremblay (Linda): Moi, je pense qu'un médecin veut le bien de son patient. Et je n'ai pas pris l'émission Tout le monde en parle, là, pour voir ce que monsieur... Je ne sais pas si j'ai un début d'Alzheimer, mais j'oublie les noms.

La Présidente (Mme Hivon): C'était M. Leblond.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Testament biologique, déclaration de fin de vie.

Mme Tremblay (Linda): Voulez-vous répéter votre question parce que...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): ...je veux savoir, c'est... Vous en avez parlé. Les gens nous parlent du testament de... de la déclaration de fin de vie. Qu'est-ce que ça devrait comprendre? Est-ce qu'on devrait donner un caractère légal à ça? Comment ça devrait être reçu par les professionnels de la santé quand une personne est hospitalisée ou entre dans une maison de soins palliatifs ou peu importe?

Mme Tremblay (Linda): Ça, c'est sûr qu'il faut que ce soit discuté avec les médecins aussi, parce que la mort, pour un médecin, souvent c'est un échec. Ça fait que, tu sais, vu sous cet angle-là, quand un... c'est-à-dire un médecin perd un patient, pour lui, il peut le voir comme un échec, mais aussi il peut le voir comme une délivrance s'il sait qu'il ne pouvait pas s'en sortir.

Puis il faut qu'on arrive à l'idée qu'on est des condamnés à mort puis qu'on ne peut pas éterniser les souffrances inutilement. Puis je ne peux pas juger de la souffrance physique de quelqu'un, moi, mais par contre, s'il a une souffrance psychologique, je peux l'aider, par exemple, je peux le réconforter, je peux... Mais quel réconfort je peux amener, à part que des... ce qu'on appelle des soins palliatifs? Mais il parait que, les soins palliatifs, il y a des effets secondaires qui ne sont pas toujours agréables à vivre. Il y a eu un témoignage, là. Et puis c'est quand même la liberté de la personne de savoir: Si je veux partir en soins palliatifs où je vais m'endormir comme un petit poulet, ma famille ne sera même pas à côté de moi au moment où ça va arriver. Ils vont m'appeler, la famille... c'est-à-dire, l'hôpital va appeler pour dire: Bien, votre père... ou votre mère est morte durant la nuit.

Et qu'est-ce qui est mieux? Être à ses côtés ou... C'est à en parler, de ces choses-là, qu'on peut voir pousser, comment je dirais, la réflexion.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

La Présidente (Mme Hivon): Merci. Je me permettrais peut-être, puisqu'il nous reste du temps, une dernière question.

Vous avez parlé... et il y en a pas beaucoup qui abordent ça, la différence entre l'euthanasie et le suicide assisté, et je voudrais peut-être, pour fins de clarification, pour que tout le monde s'entende bien sur les termes... Parce qu'on nous a dit et on nous a répété à quel point c'était important d'avoir cette discussion-là sur des bases communes, et c'est pourquoi on a défini les termes dans notre document, que l'euthanasie... effectivement on le définit dans le document de consultation comme l'acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui pour mettre fin à ses souffrances.

Et c'est vrai que, dans le libellé de la définition, on ne dit pas «à la demande du patient». Mais, pourquoi c'est comme ça? C'est parce que c'est la définition qui est généralement reconnue et que parfois on parle d'euthanasie volontaire, involontaire, non volontaire. Mais, dans l'optique des discussions qu'on a ici... et, toutes les personnes qui sont venues nous voir pour nous parler d'une ouverture éventuellement vers l'euthanasie, c'est toujours dans une optique à la demande de la personne, comme c'est le cas dans les endroits où ça a été légalisé. Donc, ça, je voulais juste vous le préciser. Puis je voulais donc savoir.

Vous, vous dites: Dans une optique où il y aurait une ouverture pour une aide médicale ou une aide à mourir, il faudrait opter, c'est votre point de vue, plus pour le suicide assisté que pour l'euthanasie.

Mme Tremblay (Linda): Le suicide assisté, c'est uniquement dans les cas de personnes qui ne sont pas capables de le faire elles-mêmes.

Quand je parle de suicide autonome, je dirais, là, ça serait une dose létale que la personne décide de prendre au moment que ça lui convient, parce qu'on parle toujours de souffrance physique.

Maintenant, l'euthanasie, dans mon livre à moi, c'est une décision qu'une personne prend envers une autre. Si c'est à sa demande, bien reconnaissons... soyons «politically» rigides, puis que c'est... c'est une demande de suicide. Puis je ne vois pas pourquoi le médecin dirait: Tiens, je t'accorde ou je... moi, je vais te tuer parce que tu me le demandes. Non. Fais-le toi-même quand tu le jugeras nécessaire, parce tu es capable, toujours dans les souffrances physiques.

La Présidente (Mme Hivon): O.K.

Mme Tremblay (Linda): Si tu n'es pas capable, bien là c'est une autre paire de manches, tu le feras aussi mais d'une autre façon différente.

La Présidente (Mme Hivon): Je pense que je comprends votre point de vue, c'est un point de vue qu'on n'a pas entendu beaucoup. Bien, quelques personnes ont peut-être amené cet élément-là, mais la plupart des gens qui ont demandé l'ouverture de ce débat-là, qu'on pense, par exemple, au Collège des médecins, qu'on pense à certaines associations, à M. Ghislain Leblond ou à d'autres qui sont venus prendre position, comme le Barreau, la Chambre des notaires, eux, ils ne veulent vraiment parler que d'euthanasie, et la raison pour laquelle ils demandent ça à la commission, c'est qu'ils disent que l'euthanasie, à la demande de la personne, c'est dans un cadre qui serait balisé médicalement, qu'il y aurait toujours la présence d'un médecin, l'équipe soignante, l'équipe traitante et que donc c'est une garantie supplémentaire par rapport, par exemple, à donner une prescription létale à quelqu'un qui la prendrait à sa convenance.

Comment vous voyez ça, vous, cet argument-là?

**(16 h 40)**

Mme Tremblay (Linda): C'est parce que ça laisse beaucoup de place à l'interprétation puis à des procès puis des cours. Peut-être que, vu sous cet angle-là, c'est plus intéressant d'amener le sujet comme ça. Mais, moi, à mon avis, c'est une mort que je me donne ou que quelqu'un me donne la possibilité que je me la donne moi-même, toujours. Je ne vois pas l'euthanasie... L'euthanasie, c'est une décision: Je donne la mort. Je présente un verre, mais je n'oblige pas personne à le prendre. C'est dans ce sens-là que je me dis: Le médecin qui soigne une personne, qui est en fin de vie, de souffrances atroces ou qui n'a plus de possibilité de rémission ou de quoi que ce soit...

Je pense qu'être médecin moi-même j'aurais cette opportunité-là puis je laisserais mon patient aller avec ça. Je ne sais s'il a entendu. Il pourra toujours le réécouter.

La Présidente (Mme Hivon): O.K. Bon, bien merci beaucoup, Mme Tremblay, merci de votre présentation, d'avoir pris le temps de nous partager vos opinions. C'est très apprécié.

Alors, sur ce, je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que Mme Ploa Desforges prenne place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 16 h 42)

 

(Reprise à 16 h 45)

La Présidente (Mme Hivon): ...s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux.

Je fais juste un dernier rappel, que, si jamais il y a des gens parmi nous qui aimeraient bénéficier de la période de micro ouvert, ce serait bien de l'indiquer peut-être à Jean-Philippe Laprise, qui est à la table là-bas, si des gens veulent, vers 18 heures donc, nous faire part de leurs commentaires en trois ou quatre minutes.

Donc, sur ce, on va maintenant entendre Mme Ploa Desforges. Bienvenue, Mme Desforges. Vous disposez, puisque c'est une demande d'intervention, d'une quinzaine de minutes pour votre présentation qui va être suivie d'une quinzaine de minutes d'échange. Alors, la parole est à vous.

Mme Ploa Desforges

Mme Desforges (Ploa): Merci. Donc, quand j'ai questionné les gens de mon entourage au sujet de l'euthanasie, on me disait que l'intention paraissait pratique et concevable. Pourquoi empêcher d'assister quelqu'un dans son suicide lorsqu'il ne peut plus bouger ou même parler? Pourquoi obliger quelqu'un à demeurer en vie, alors que ses demandes vont dans le sens inverse, qu'il se dit victime d'une souffrance incontrôlable?

Une histoire m'a même été racontée par un ami qui comprenait mal ma position vis-à-vis l'euthanasie. Il m'a dit: Je suis allé voir mon grand-père mourant à l'hôpital, l'autre jour. Je le regardais, dans sa chaise roulante, poussé par ma grand-mère. Je ne pouvais supporter l'idée que cet homme, qui dégageait auparavant tant de fierté, soit restreint à cette chaise, soit maintenant entièrement dépendant à son entourage. Il termine en me disant que pour sa vieillesse il aimerait avoir une police d'assurance: Si jamais ça m'arrive, j'aimerais qu'on m'expédie avec une petite piqûre, m'a-t-il dit, ça va être réglé en deux minutes, et je n'aurai pas à vivre ces longs appâts de fin de vie qui semblent si pénibles. Dans ce contexte, la fin de vie est présentée ici comme un appendice, au sens figuré, qu'il faut couper, et puis c'est terminé. C'est vrai qu'en procédant de cette manière c'est plus efficace, et ça coûte moins cher.

Or, cette histoire m'a forcée à m'interroger sur la mort et sur l'importance que l'accompagnement en fin de vie a eue sur la mienne. Ainsi, je me présente à cette commission non seulement comme future médecin absolument opposée à la légalisation de l'euthanasie, mais aussi comme ancienne et assurément future accompagnatrice de mourants et finalement comme mourante moi-même.

Premièrement, je tiens à préciser qu'avant de débuter mes études de médecine à l'Université Laval j'ai fait huit ans de bénévolat en gériatrie au CHUL ainsi que plusieurs sessions de bénévolat à La Maison Michel Sarrazin. En plus d'accompagner des personnes proches de moi en fin de vie, j'ai également côtoyé plusieurs personnes en phase terminale à travers mes années de bénévolat. Ces sessions n'ont pas toujours été faciles, mais elles m'ont montré l'importance de cette période pour la vie du mourant mais aussi pour la vie des proches qui lui survivent. La fin de vie est une période extrêmement importante pour nous, les vivants. Malgré ce qu'on pense, les croyances populaires, c'est une période pleine de vie.

Je vous raconterai brièvement l'histoire d'un homme qui est arrivé un après-midi en soins palliatifs. À son arrivée, il semblait faible, sa douleur étant devenue insupportable. Or, après son intégration aux soins, il était redevenu confortable, sa douleur ayant été contrôlée. Il était moins essoufflé. Il était de nouveau capable d'écouter et de parler. Suite à ce nouvel équilibre qu'il ressentait, il a eu une envie de jouer aux cartes parce qu'il avait finalement la force de profiter de ces quelques bonnes journées qu'il lui restait. Et on s'aperçoit qu'à mesure que la mort approche les priorités changent pour ces gens. Ce monsieur, un après-midi, a demandé au médecin: Docteur, samedi, ne me donnez pas trop de morphine, elle vient me voir, j'ai quelque chose à lui dire. Ainsi, ces derniers moments vécus avec les proches deviennent plus importants que le contrôle de sa douleur.

Durant mes années de bénévolat, j'ai vu plusieurs personnes visiter leurs proches. Ces rencontres souvent éprouvantes ont toutefois comme mérite de rattacher les fils qui n'avaient pas été rattachés, d'écouter les pardons qui n'avaient jamais été donnés. Parfois, la personne en fin de vie attend aussi de revoir un proche resté loin, un parent avec qui il était en rupture. Cela devient l'opportunité de se dire ce qui, trop longtemps, resta tu. En cette circonstance exceptionnelle, il peut rompre un silence, libérer un secret. L'accompagnement consiste à favoriser ces rencontres quand elles émergent, même s'il en découle parfois des tempêtes, sachant que toutes les révélations ne sont pas confortables. C'est un cheminement indispensable pour chacun. La tempête passée, chacun constituera sa structure intime avec plus d'intégrité et de vie. Il ne faut pas avoir peur d'être le proche de celui qui va mourir. Il ne faut pas passer à côté de cette expérience le jour où elle se présentera à nous, car nous en sortirons grandis, plus généreux et plus humains.

Tout cela devient possible si on donne l'infrastructure de soins appropriée. Elle n'est pas complexe, elle n'est pas chère et elle ne demande que de la bonne volonté. Et puis, à un moment donné, le malade va perdre conscience, et puis on va le voir comateux sur un lit.

À ce sujet, il m'a été raconté l'histoire d'une dame, qui est en coma léger depuis six jours, par Dr Vinay, qui est chef du Service de soins palliatifs à l'Hôpital Notre-Dame du CHUM. Les enfants de cette dame qui étaient restés à son chevet depuis une semaine ont demandé avec insistance au médecin: Docteur, ma mère est en coma depuis six jours, elle n'a rien dit depuis six jours, c'est assez, on va finir ça maintenant. Le médecin était dans la chambre. Il comprenait la détresse de sa famille, mais il a vu une larme couler le long du nez de cette dame qui n'avait rien dit depuis six jours.

**(16 h 50)**

Est-ce que, les gens, quand on ne sait pas ce qu'ils font... est-ce qu'ils sont vraiment absents? Beaucoup de gens en fin de vie plongent dans un coma léger parce qu'ils ont peu d'énergie pour faire fonctionner leur cerveau. Or, ils sont peut-être en train de continuer ce long travail intérieur qui les prépare au départ. Comment expliquer l'histoire d'une dame qui est sur le point de mourir? Il ne lui reste plus rien pour la retenir à la vie, et les médecins sont sûrs que, dans les trois jours suivants, elle sera décédée. Comment expliquer qu'elle ne meurt que le dimanche, sept jours après, parce qu'elle voulait voir sa fille qui était en Australie? Sa fille est venue, elle est rentrée dans la chambre le samedi soir, elle a passé quelques heures là, et puis, le lendemain, la dame est morte. Si elle était absente, est-ce qu'elle aurait attendu?

En d'autres mots, il y a des choses que nous ne contrôlons pas, que nous ne voyons pas, à la fin de la vie, de nos yeux. Nous, cependant, pouvons les soupçonner dans nos coeurs.

Et, pour la famille, je me rappelle cette dame assise au chevet de son mari en lui tenant la main depuis trois jours. L'homme respire. Il n'est pas souffrant, il n'est juste pas conscient. Je vois en elle quelqu'un qui s'habitue à une nouvelle présence. Est-ce que ce sera inutile pour elle d'avoir pris ces quelques jours de présence silencieuse et d'apprendre à parler à celui qui sera dorénavant un absent mais un présent dans son coeur, directement, tant le jour que la nuit? Je pense que cela sera important pour son deuil, malgré cette présence... mais cette présence, qui sera également importante pour lui... Cet état particulier implique une relation différente où les émotions sont tout aussi intenses, mais la communication... difficile. Dans un vécu du temps si éloigné de l'hyperactivité du soignant, avec une tendance à l'isolement, à la passivité, la communication s'adressera au subconscient, à la présence silencieuse. Le regard, le contact de la main, les caresses, qui, autant que les mots, renseignent l'autre sur l'importance qu'on lui accorde, sur la reconnaissance de sa personne à part entière... Présence apaisante contre la peur de l'abandon, qui redouble l'angoisse, présence respectueuse des désirs et des refus à faire imprimer et à décoder, présence tout court: s'asseoir, ne pas fuir, c'est déjà beaucoup.

En ne vivant pas ces instants mémorables avec la personne chère, en ne profitant pas de ces derniers moments, la peur de mourir devient plus grande, on ne voit que l'ombre de la vie et non sa lumière.

Dans le discours proeuthanasie qui est très largement répandu dans notre société en ce moment, je ne vois pas une forte attention à l'autre. Je vois une forte attention à ma peur, à moi, mais pas une forte attention à l'autre. En effet, plutôt que d'encourager une attitude de compassion envers les personnes qui ont le plus besoin de notre assistance, l'euthanasie conduirait notre société à les marginaliser davantage, à leur faire ressentir qu'elles sont inutiles, à nous rendre plus insensibles à leurs besoins et à proposer la mort comme seule alternative possible.

Ainsi, il faut essayer de donner à tous ceux qui partent, dans notre famille, la chance d'être eux-mêmes jusqu'au bout. Accompagnons-les dans cet effort de devenir ultimement qui ils sont, faisons ce petit bout de chemin avec eux et nous serons, nous aussi, un peu plus humains.

En ce qui concerne la dignité tant abordée au cours de ce débat, elle renvoie communément à celle d'utilité pour la société, les proches, et à l'autonomie. La notion de «personne» semble s'opposer à celle de «déchéance physique», de «perte de conscience, de liberté». Le point de vue éthique travaille à redéfinir ces données. Vieillir, c'est bien sûr perdre, mais c'est aussi mûrir, changer. La vie peut s'épanouir indépendamment d'un critère d'efficacité. Notre regard sur les personnes âgées doit donc porter non plus sur ce qu'elles semblent être devenues, mais sur ce qu'elles sont par essence. À nous d'être garants de cette dignité par le regard que nous portons sur lui non pas seulement comme objet de soins, mais comme sujet.

La personne âgée a besoin d'estime et de relations pour ne pas sombrer précocement dans la mort sociale. Il faut se rappeler qu'on ne peut abolir la dignité, mais on peut la blesser.

En ce qui concerne la relation privilégiée qui se bâtit entre le patient et son médecin, il faut savoir qu'elle est d'abord fondée sur la confiance que le médecin viendra en aide à son patient pour qu'il guérisse ou qu'il soit confortable grâce à son expertise scientifique et à son jugement clinique.

Or, l'euthanasie entraîne un schisme profond dans le rapport médecin-patient, puisqu'il introduit un pouvoir fondamentalement différent à la tâche du médecin, c'est-à-dire que le patient fait appel au médecin non pas pour être mieux, mais pour être tué. Cela représente l'antipode de l'idéal pour lequel j'ai choisi cette profession. Vu le changement radical dans le rapport de pouvoir entre deux humains, le lien de confiance si nécessaire au rapport médecin-patient est entaché, voire détruit. Par exemple, un extrait d'un rapport présenté devant l'Assemblée nationale française démontre que les pratiques médicales hollandaises sont mal vécues par une partie de la population. Effectivement, l'ordre des médecins allemands a fait état de l'installation croissante de personnes âgées néerlandaises en Allemagne. Ces personnes craignent en effet que leur entourage ne profite de leur vulnérabilité pour abréger leur vie. N'ayant plus totalement confiance dans les praticiens hollandais, soit ils s'adressent à des médecins allemands soit ils s'installent en Allemagne.

En conclusion, avant de décider un changement législatif qui donnerait aux médecins la permission d'abréger la vie d'une personne sous ses soins, il apparaît essentiel de mieux renseigner la population notamment sur ses droits de refuser un traitement et à recevoir des soins et un accompagnement de qualité à la fin de sa vie. Tout aussi important: un effort devrait être consenti afin de mettre à jour les connaissances des médecins et autres professionnels de la santé en ce qui concerne le traitement de la douleur et autres symptômes, particulièrement l'utilisation des opiacés, qui est toujours l'objet de nombreux mythes. Un financement adéquat et un accès optimum à des soins palliatifs prodigués par des professionnels formés selon les meilleures normes en vigueur, dans un environnement approprié, seraient un préalable sine qua non à toute intervention concernant l'encadrement éventuel de l'euthanasie.

Finalement, étant jeune et souvent sensibilisée au taux élevé de suicide chez les Québécois, je me questionne sur la portée que la légalisation de l'euthanasie pourrait avoir sur les jeunes en difficulté. On pourrait facilement entendre prochainement: L'euthanasie a été acceptée pour ma grand-mère ou mon grand-père comme issue facile à leurs souffrances, alors pourquoi je ne pourrais me libérer de la mienne en me suicidant? Cette issue semble logique, et pourtant, si la mort est un choix, pourquoi investissons-nous tant dans les campagnes de prévention du suicide? Merci.

La Présidente (Mme Hivon): Merci beaucoup, Mme Desforges, pour votre présentation. Alors, je vais procéder à la période d'échange avec Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à vous, Ploa. D'abord, c'est un prénom qui est assez spécial.

Mme Desforges (Ploa): ...par mon père.

Mme Gaudreault: Bon. Alors, bravo, vous le portez bien. Vous êtes une personne très articulée, comme on dit quelquefois, vous êtes une personne... On sent que, malgré votre jeune âge, parce que vous avez l'air très jeune, vous avez déjà réfléchi intensément à l'euthanasie, au suicide assisté.

Vous êtes une personne, même malgré votre jeune âge, qui avez quand même une belle expérience en soins palliatifs. Vous avez été bénévole. On a ça en commun, vous et moi. J'ai eu aussi le privilège d'être bénévole dans une maison de soins palliatifs et d'accompagner des proches et des mourants. Ça, ça nous transforme pour le reste de notre vie. Alors, vous avez eu un privilège, à cet égard-là, de vivre ces moments précieux avec des personnes qui ne nous sont pas proches, avec d'autres personnes, des vivants, comme vous l'avez bien dit.

Par contre, je veux vous entendre à titre d'étudiante en médecine, parce que, là, vous êtes en formation, vous allez passer votre vie auprès des malades, auprès des mourants. Vous allez peut-être vivre ça quotidiennement, la mort, avec vos patients. Et je veux d'abord savoir si vous en avez discuté avec vos collègues étudiants.

Mme Desforges (Ploa): Oui.

Mme Gaudreault: Est-ce que vous avez parlé de la commission puis de votre passage ici? Est-ce qu'il y avait de vos amis étudiants qui n'étaient pas d'accord avec vous?

Mme Desforges (Ploa): Oui, j'en ai parlé avec plusieurs personnes. Justement, c'est en faisant une réunion de groupe qu'on avait décidé finalement que je pourrais représenter les gens de ma faculté, dans le fond, pour le débat. Puis la plupart d'entre elles étaient en désaccord avec l'euthanasie, sauf quelques exceptions, qui ne connaissaient pas tout à fait la définition juste de l'euthanasie, qui n'étaient pas certaines de l'encadrement exact.

La Présidente (Mme Hivon): Je m'excuse...

Mme Desforges (Ploa): Oui.

La Présidente (Mme Hivon): Je m'excuse, Mme Desforges, nous sommes appelés pour un vote. Donc, ne vous inquiétez pas, on va revenir de... Ça va être peut-être une quinzaine de minutes, et nous allons revenir et continuer l'échange. Merci. La commission suspend ses travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

 

(Reprise à 17 h 16)

La Présidente (Mme Hivon): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Nous allons donc poursuivre la période d'échange peut-être en...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Hivon): ...oui, en peut-être reposant votre question, si vous voulez peut-être continuer sur votre lancée, Mme Desforges.

Mme Desforges (Ploa): Oui, je me souvenais de votre question, c'était au sujet de... si les étudiants étaient d'accord ou non concernant l'euthanasie. Oui, c'est ça.

Donc, j'ai parlé avec quelques personnes dans ma... bien, en fait beaucoup de personnes concernant l'euthanasie, puis, comme je vous disais, la plupart des gens que je connaissais étaient contre, en ce qui concerne la médecine. C'est sûr qu'il existait des exceptions... bien, pas des exceptions, quelques cas où les gens étaient plus ou moins d'accord... position mitigée, puis par la suite je leur ai expliqué que leur position mitigée, bien, si jamais ils en venaient à légaliser l'euthanasie... qu'est-ce que ça pourrait amener comme conséquences. Parce que ça va beaucoup plus loin que, comme tu es une personne en phase terminale qui veut vraiment son consentement, qui donne son consentement, que ça se fait légalement puis dans tous les cadres balisés, qu'est-ce que ça pourrait emmener comme dérapages, puis tout ça.

Donc là, finalement ils ont décidé de prendre mon point de vue probablement parce que j'ai argumenté beaucoup aussi au sujet. Mais c'est ça, donc. Puis, concernant les gens de mon entourage, la plupart étaient contre, c'est ça, étaient contre la légalisation de l'euthanasie.

Mme Gaudreault: Est-ce que vous croyez que vous pourriez changer d'idée en cours de pratique?

Mme Desforges (Ploa): Je crois que non parce que...

Mme Gaudreault: C'est une question tout à fait abstraite.

Mme Desforges (Ploa): Non, c'est ça. Parce qu'avant... bien, avant de me présenter à la commission, j'ai consulté beaucoup de personnes.

En fait, je n'ai pas décidé, du jour au lendemain, de me présenter, j'avais un peu peur parce que j'étais impressionnée par le fait que je passais ici. Puis, tu sais, je suis jeune, je n'ai pas beaucoup d'expérience... bien, pas beaucoup d'expérience en tant que médecin mais beaucoup en tant que bénévole, puis j'ai décidé de consulter quelques personnes. Entre autres, j'ai consulté deux philosophes, j'ai consulté Mme Bonin, qui est passée à la commission puis qui m'a beaucoup aidée pour le débat, puis elle est orthophoniste. J'ai aussi parlé à un médecin hollandais qui pratiquait l'euthanasie puis qui était tout à fait contre. J'ai parlé à quelques-uns de mes professeurs au sujet de l'euthanasie, puis finalement je suis... avec tous les arguments et j'ai entendu les deux points de vue, les «pros» et contre, puis j'en suis venue à l'idée qu'avec tous les arguments que j'ai accumulés... ça représente quasiment des mois de travail, là, j'ai décidé que vraiment j'ai... je ne pense pas que je vais changer d'avis concernant l'euthanasie.

Mme Gaudreault: Dernière petite question, parce que j'ai des collègues qui veulent vous questionner. Je veux juste vous dire qu'il y a des médecins qui sont venus nous voir, qui pratiquent les soins palliatifs depuis de nombreuses années et qui en ont fait une carrière, qui, eux, se sont prononcés en faveur pour des cas exceptionnels, et, pour eux, c'était un soin qui pouvait être ajouté dans la gamme des soins en fin de vie.

Alors, ces gens-là en sont venus à cette conclusion après des années de pratique. Ce n'était pas facile pour eux de venir publiquement s'asseoir à votre place et nous partager leurs réflexions de la même façon que vous l'avez fait. Alors, tout ça pour vous dire que quelquefois la vie nous amène dans des lieux, des méandres qu'on n'avait pas pressentis.

**(17 h 20)**

Mme Desforges (Ploa): ...mais c'est pour les quelques exceptions que vous mentionnez. Entre autres, je connais un des médecins qui s'étaient présentés à la commission puis qui avait dit qu'il était pour la légalisation de l'euthanasie justement pour ces cas extrêmes là, puis il est revenu justement sur sa décision parce qu'il a dit... parce qu'il a réalisé que ces cas extrêmes, qui n'arrivent pas très souvent, est-ce que vraiment... Est-ce qu'il faut légaliser l'euthanasie quand les conséquences de l'euthanasie, là, ça pourrait... les conséquences pourraient être beaucoup plus graves que le bien que ça pourrait apporter, dans le fond, à permettre à ces gens-là de mourir avant leur mort naturelle?

Donc, malgré ces cas exceptionnels, parce que, moi aussi, j'ai entendu beaucoup de médecins en soins palliatifs qui avaient justement cette position mitigée là, ils n'étaient pas trop sûrs s'ils étaient pour ou s'ils étaient contre à cause justement de ces cas exceptionnels puis finalement ils sont venus à l'idée que, malgré le fait que c'est vrai qu'il y a des gens, dans des circonstances exceptionnelles, qui auraient le droit en temps normal... Puis, moi, je ne dis pas que je suis contre non plus en ce qui concerne ces personnes-là, mais, avec toutes les conséquences, les autres conséquences que ça pourrait apporter, je suis contre.

Bien, je ne sais pas si vous voulez que je vous mentionne, là, un extrait de Margaret Somerville, qui était passée ici, à la commission, puis, elle aussi, elle avait parlé de ces cas exceptionnels puis elle avait dit que justement ça pourrait être bien dans ces cadres-là, mais, dans un autre cadre, ça pourrait amener tellement plus de conséquences graves qu'il faut faire une liste «pros, cons», puis finalement les arguments négatifs prenaient la relève. Puis qu'est-ce qu'elle disait, c'était... en anglais, elle disait: «The means of intentional killing doesn't involve a natural death. Once you've got that complicity, you have to ask the full span of consequences of it: individual level, institutions of law, institutions of medicine, institutions of the family, societal, cultural paradigms.»

Donc, c'est ce que je veux dire, en plus bref. Voilà.

Mme Gaudreault: J'aurais d'autres questions, mais je vais laisser la parole à mes collègues. Merci beaucoup de votre présence.

La Présidente (Mme Hivon): Oui. Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. Rebonjour. Vous avez très bien expliqué où vous étiez rendue dans votre vie, donc, vos études, votre expérience de bénévole, puisque votre bénévolat touche, de façon très particulière, le sujet mais aussi vos études.

On s'est, nous, beaucoup questionnés sur la formation de nos gens qui s'en vont en médecine, de nos futurs médecins, de nos futures infirmières sur cet aspect particulier de la relation patient-médecin, c'est-à-dire les soins palliatifs. On a un peu frissonné, chacun notre tour, quand certains médecins nous ont dit le temps alloué à la formation pour les soins palliatifs, ce rapport qu'on a avec cette nouvelle façon de traiter le patient, puisque, malgré tout le bien qu'on en dit, c'est une nouvelle façon de faire, les soins palliatifs. Il n'y a pas si longtemps, on attendait la mort. Maintenant, on soigne la douleur, on soigne l'être pour l'amener à sa mort.

Donc, quelle recommandation pourriez-vous nous faire? Parce que vous nous avez dit: Non, je n'y crois pas, j'ai fait le tour de mes collègues, ils n'y croient pas beaucoup non plus, à part peut-être quelques exceptions. Mais il y a quand même, dans votre quotidien à vous, une formation en médecine et un médecin en devenir, et de ce fait, puisque vous avez été bénévole dans un centre palliatif, votre relation à cette notion-là de la maladie, elle est plus développée peut-être que certains de vos collègues. Quelle recommandation vous nous feriez par rapport à la formation en médecine en regard des soins palliatifs?

Mme Desforges (Ploa): Oui. Bien, justement, les recommandations que je vous ferais, ce n'est pas nécessairement les miennes parce que je pense que je n'ai pas assez de formation puis de pratique sur le terrain pour vous dire exactement qu'est-ce qui pourrait être fait.

Mais, les médecins de la division de gériatrie de l'Université McGill, je ne sais pas si vous avez lu leur document, mais ils présentent beaucoup de solutions, justement. Dans la conclusion de mon texte, qu'est-ce que je disais, c'est que l'euthanasie, c'est vu comme une solution justement aux maux qu'on retrouve dans les hôpitaux, c'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement très bien adapté aux personnes âgées. Parce que, ce que j'ai lu de leur document, c'est que les hôpitaux sont très bien adaptés aux personnes qui ne sont plus jeunes, et non nécessairement aux personnes âgées. Puis donc c'est ça.

Donc, moi, je pense que justement c'est des solutions qui ne sont pas aussi drastiques que l'euthanasie qui pourraient être apportées. Entre autres, ils mentionnent... Je vais vous les dire...

Mme Charbonneau: Je vais vous arrêter, parce que peut-être que j'ai mal formulé ma question. J'ai cette capacité-là extraordinaire de m'enfarger dans ce que je veux dire.

Vous avez fait huit ans de bénévolat dans une maison de soins palliatifs. Dans votre bénévolat, vous n'étiez pas nécessairement déjà, au départ, en formation de médecin, vous étiez en relation privilégiée puis vous étiez probablement... je ne sais pas combien d'heures-semaine vous y mettiez ou comment ça se passait, mais vous étiez dans ce roulement d'une maison de soins palliatifs. On a eu beaucoup de gens qui sont venus nous voir pour nous expliquer ça ressemblait à quoi. Il y a des gens qui ont eu ces services-là. Il y en a qui ont accompagné d'autres personnes. J'ai même une collègue qui a fait du bénévolat aussi dans une maison. Donc, on a eu des échanges par rapport à ça.

Votre regard, à moi... Votre regard à vous, pour moi, est important, puisque maintenant vous êtes en formation à la médecine. Alors, quand vous êtes dans cette formation-là, l'approche qu'on a pour votre formation par rapport aux soins palliatifs... parce que, oui, je peux lire McGill, puisque McGill fait des pas de géant dans le principe des soins palliatifs, mais là je m'adresse à l'étudiante, celle qui a eu une forme de pratique en soins palliatifs. Vous avez sûrement eu une très courte formation au moment où vous avez investi votre temps, mais là vous avez une formation qui est autre, c'est-à-dire un regard de médecin.

Et, de ce fait, est-ce que la formation qu'on vous donne par rapport aux soins palliatifs, elle est suffisante, elle englobe ce que vous saviez déjà? Est-ce que vous avez appris plus de choses par rapport aux soins palliatifs? Et ne me parlez pas des médicaments, ce n'est pas ça que je veux savoir. Je veux savoir tout le reste parce que, comment ça fonctionne pour nous, de façon mécanique, on le sait, on a eu une formation rapide et on nous a souvent parlé de la médication, du confort, de la douleur. Moi, je veux savoir la formation du médecin, parce que vous êtes une très jeune étudiante. Ceux qu'on a vus, les médecins qu'on a vus, et je suis heureuse de les avoir rencontrés... puis que ce soit mon collègue d'en face ou d'autres gens de la formation, ils avaient beaucoup d'expérience. Ce n'est pas votre cas.

Mme Desforges (Ploa): O.K. Non, ce n'est pas mon cas.

Mme Charbonneau: Et je veux savoir, dans la formation qu'on donne maintenant, sur le terre-à-terre, là, ça ressemble à quoi.

Mme Desforges (Ploa): O.K. Ça ressemble à... Bien, comment je pourrais dire ça?

Il n'y a pas beaucoup de points de vue psychologiques, ce n'est pas très, très développé, je dirais, c'est vraiment plus théorique comme pratique, mais je pense que les gens qui sont dans mon entourage, qui sont en médecine, c'est des gens qui souvent... qui sont développés du point de vue émotionnel, spirituel. Je pense que c'est personnellement qu'ils vont pouvoir aider les patients aux soins palliatifs. C'est sûr que ça pourrait être plus poussé, dans le sens où on pourrait nous donner plus de formation en ce qui concerne les soins palliatifs: comment traiter la personne, comment parler avec la famille, ce qui n'est pas nécessairement fait en ce moment.

Donc, ça, ça pourrait être comme une solution à apporter à notre formation en tant que médecins.

Puis, en ce qui concerne les... je pense que la plus grosse part des changements qui doivent être apportés, ce n'est pas nécessairement au niveau du médecin qui, lui, doit s'occuper de son patient, soulager sa douleur, il s'occupe aussi de son patient du point de vue émotionnel puis moral, il va essayer de le supporter dans sa douleur, dans sa souffrance, mais c'est le plus gros... la plus grosse part de ce rôle-là est réservée à la famille, je crois. Puis, de mon expérience en bénévolat, en gériatrie puis à Michel Sarrazin, je trouve que c'est ce qui manquait le plus, justement, la présence de la famille, la présence de l'entourage qui parfois n'était pas là. J'ai comme l'exemple d'un des médecins qui m'avait raconté qu'il y a un patient qui était à l'hôpital depuis trois ans, puis on pourrait dire qu'il était inapte, puis il n'avait pas reçu, en trois ans, la visite d'aucune de ses familles.

Donc, ce que j'ai entendu dire sur les cas d'euthanasie... les gens, du moins, qui le demandaient, c'est souvent les gens qui n'avaient pas nécessairement de souffrance physique, qui sont très bien contrôlés en ce moment, de ce que j'entends dire dans mes cours puis de ce que j'entends dire aussi des médecins en soins palliatifs, mais c'est vraiment des demandes qui découlent beaucoup de souffrances morales, émotionnelles, du fait que leurs familles ne sont pas présentes. Les médecins, oui, sont toujours présents, puis je pense qu'en ce moment, de ce que j'ai vu... font un très bon travail, malgré leur manque... leur peu de formation en ce qui concerne la psychologie du patient puis, tu sais, la moralité, la spiritualité, et tout ça, mais je pense que vraiment la plus grosse part de l'effort doit être faite par les familles puis l'entourage des gens qui n'est pas nécessairement toujours présent.

C'est sûr qu'on pourrait... C'est sûr que parfois c'est difficile d'être auprès d'une personne, qu'on aime toujours, 24 heures, puis changer de rôle, parce que, je veux dire, notre société en ce moment, au Québec, ne le permet pas nécessairement. Il n'y a pas... On ne propose pas aux gens qui ont des malades... des membres de famille en soins palliatifs... on ne leur propose pas nécessairement des congés, du genre des congés de maternité mais... pas plutôt des congés de maternité, des congés payés ou dans le cadre où un de leurs parents est souffrant. Puis c'est ça.

Je pense que la plus grosse part de l'effort devrait être faite par les gens qui les entourent et non nécessairement les médecins, que je trouve que... en ce moment, qui sont très présents puis qui aident, du moins, beaucoup du point de vue émotionnel et moral.

**(17 h 30)**

La Présidente (Mme Hivon): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. Merci, madame...

La Présidente (Mme Hivon): Et je vous inviterais à des questions et des réponses assez courtes, car nous avons peu de temps.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Parfait. Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Desforges. Moi, je vais faire appel à vous comme future médecin mais à partir d'une expérience humaine que vous avez vécue dans le cadre de votre bénévolat, de votre engagement.

Comment vous voyez votre rapport avec vos futurs patients? Vous savez que c'est très important, la relation de confiance entre le patient et le médecin. Ça nous a été dit énormément ici qu'il fallait que le patient et le médecin aient un rapport de confiance, de convivialité avec la famille également pour être en mesure de bien se comprendre sur les soins à donner, la démarche de soins, qu'on soit ou pas en soins palliatifs. Tout ça, c'est important. Et, si vous en arrivez, à un certain moment donné, avec un patient que vous suivez depuis un certain nombre d'années, qui arrive en fin de vie, qui est dans une condition de vie très difficile, où il y a de la souffrance, auquel les soins palliatifs ne peuvent pas répondre, parce que bien sûr il y a des maladies dégénératives que vous pouvez être appelés à traiter et qui font en sorte que ces gens-là n'ont pas accès à des soins palliatifs, la nature de leur maladie étant tout autre, et qu'ils disent, à un certain moment donné: Moi, au lieu de me voir complètement enfermé dans mon corps, incapable de communication, incapable de prendre soin de moi-même, en état de dépendance totale, où je vais me retrouver ou dans un fauteuil roulant ou dans mon lit, sans même un clignement d'oeil, ne pouvoir communiquer avec personne...

Qu'est-ce que vous allez faire si vous avez suivi... Comment vous allez traiter de la question si cette personne vous dit: Moi, avant de vivre l'enfermement total, quand je serai en toute fin, je veux qu'on... pouvoir mettre fin à mes jours parce que j'évalue que ma vie sera une vie sans vie, finalement, comme quelqu'un est venu ici témoigner?

Vous avez vécu... vous avez accompagné cette personne-là pendant bon nombre d'années. Vous savez que sa famille l'a accompagnée, qu'elle a réglé ses points de discussion avec les gens, que ses choses sont au net avec tout le monde et que, pour elle, mourir dans la dignité, ça veut dire mourir après avoir échangé avec les gens de sa famille, ses amis et pouvoir en terminer. Vous faites quoi, comme médecin?

Mme Desforges (Ploa): Parce que, là, vous dites: Ça fait longtemps. Est-ce que ça fait longtemps qu'elle est dans cette condition-là? Est-ce qu'elle est en coma léger? Est-ce que...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Bien, on sait...

Mme Desforges (Ploa): Parce que vous me décrivez un cas x, mais je n'ai pas tous les détails.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Non, mais on sait qu'une personne qui est victime d'une maladie dégénérative, bon, elle va voir son médecin, mais finalement, dans bon nombre de cas, il n'y a pas de traitement, c'est la maladie qui prend de plus en plus de terrain, si bien qu'à un moment donné, à un certain moment donné, la personne n'a plus aucune communication, n'a plus de qualité de vie, d'aucune façon.

Vous, comme médecin, vous l'avez accompagnée tout au long de sa maladie. Qu'est-ce que vous faites? Vous savez, cette personne-là demande à mourir. Vous savez sa qualité de vie, l'état de santé qu'elle a. Vous savez, vous avez établi avec elle un rapport de confiance. Comment vous gérez cette situation-là?

Mme Desforges (Ploa): Mais vous comprenez que quelqu'un qui est dans ce genre de... qu'elle est complètement fermée du monde extérieur, qu'elle ne parle plus, qu'elle a les yeux fermés, là, je pense que vous parlez... phase terminale, il reste quelques jours ou, maximum, quelques semaines à vivre... Je pense que quelques semaines et quelques jours sont importants, pour moi, en ce qui concerne la mort naturelle. Si vraiment on est rendu à ce stade-là, on comprend que les jours sont comptés au bout des doigts. Donc, c'est sûr que, pour moi, il serait important que la patiente meure d'une mort naturelle.

Parce que je suis complètement opposée à l'euthanasie, je ne voudrais pas être responsable de sa mort.

Donc, c'est sûr que, si on explique à la patiente: Vous comprenez que la mort va suivre quelques heures ou quelques jours suivants, ce n'est vraiment pas long. Ou peut-être que même, comme je vous mentionnais dans mon texte... Il y a une madame qui est restée auprès de son mari, et que je connais, trois jours à son chevet en train de le tenir de la main, puis ce qu'elle m'avait expliqué par la suite, c'est que ça avait beaucoup aidé à son deuil parce que justement elle s'était habituée à cette présence qui était absente, dans un sens, puis elle... du moins, ça l'a beaucoup aidée à accepter la mort qui arrivait. Puis finalement, quand c'est arrivé, ça faisait quelques jours, dans le fond, qu'elle était avec lui, elle lui tenait la main et elle sentait encore sa présence physique, donc c'était beaucoup moins difficile pour elle d'accepter la mort par la suite.

C'est sûr que dans votre contexte, étant donné que le peu de... considérant le peu de jours qu'il lui reste à vivre ou même le peu d'heures qu'il lui reste à vivre, je pense que c'est important peut-être de lui permettre de mourir de sa mort naturelle plutôt que de légaliser l'euthanasie puis permettre, par exemple, des cas de dérapages, des cas de personnes qui ne demandent pas tout à fait l'euthanasie mais qui l'ont quand même. Ce n'est pas nécessairement... Moi, ce que je défends, ce n'est pas nécessairement le cas où la personne, qui va mourir dans les heures ou les jours qui suivent, qui est en coma puis qui ne parle plus, qui est complètement fermée au monde extérieur... ce n'est pas nécessairement ce cas-là que je défends.

C'est sûr que je serais opposée à permettre sa mort, mais c'est tout ce qui entoure l'euthanasie qui est... qui, pour moi, est dangereux pour la société, dans le cas où il y aurait des dérapages, comme on a beaucoup d'exemples aux Pays-Bas, puis où il y a beaucoup de gens, dans le fond, qui sont euthanasiés sans nécessairement qu'on ait eu leur consentement. Donc, c'est ce que je répondrais à votre question.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

La Présidente (Mme Hivon): Avant juste de céder la parole, parce que j'ai une petite complémentaire... Là, vous nous avez parlé de votre perspective beaucoup de médecin et... Pour moi, c'est impossible, parce qu'il ne faut pas légaliser, et le proche pour qui ça a eu une plus-value, mais votre patient, il vous demande à vous, il vous dit: Moi, ça n'a plus aucun sens, je veux mourir. Il vous le demande un jour. Il vous le demande deux jours plus tard. Oui, il y a deux contextes. Il y a la maladie terminale. Peut-être qu'il lui en reste pour deux, trois semaines, quelques jours à vivre. Mais pour lui ça peut être interminable. Il y a des gens qui nous ont dit que leurs proches disaient: L'agonie, c'est donc long. Je n'en peux plus, le temps ne passe pas.

Alors, vous vous imaginez dans un contexte où, votre patient, chaque fois que vous rentrez dans sa chambre, sa famille est là, la seule chose qu'il vous dit, c'est: Je n'en peux plus, je veux mourir, qu'est-ce que vous pouvez faire pour moi?

Ça... ou le cas de quelqu'un qui se dirige dans une maladie dégénérative et qui, là, sent qu'il est en train de perdre le contrôle, et vous êtes sa personne de confiance, et il vous dit: Je n'en peux plus. Comment vous gérez ça, comme médecin? Qu'est-ce que vous lui dites?

Mme Desforges (Ploa): O.K. Bien, j'ai fait beaucoup de bénévolat...

Une voix: ...

Mme Desforges (Ploa): Oups! Ma grand-mère, son téléphone sonne. J'ai... c'est ça, j'ai fait beaucoup de bénévolat en gériatrie puis à La Maison Michel Sarrazin, puis, de ce que j'ai vu, les demandes provenaient surtout des personnes qui étaient, comme je vous disais, souffrantes mais pas nécessairement souffrantes physiquement, mais plutôt souffrantes moralement, etc.

Donc, c'est sûr qu'il y a des exceptions où on ne peut pas contrôler l'agonie d'un patient qui est en phase terminale, mais ça n'arrive pas très, très souvent. Si vous regardiez les statistiques... je ne sais pas si vous les avez vues, mais on comprend qu'en phase terminale il y a peu de patients où on n'arrive pas à contrôler leurs souffrances physiques. De ce que j'ai compris puis de ce que j'ai vu, c'est plutôt le... le cas des personnes qui demandaient l'euthanasie, c'étaient plutôt les gens qui étaient en phase terminale puis qui n'arrivaient pas à supporter la lourdeur de savoir que, d'ici quelques jours ou quelques semaines, ils allaient en mourir.

Donc, c'est sûr qu'il y a toujours l'exception, comme je disais, de la personne qui est en agonie puis qui ne peut pas... Il se dit incapable de vivre avec cette souffrance physique là. Mais encore une fois c'est l'exception dont je parlais tantôt.

Ça arrive tellement peu souvent que je pense que ça ne vaut pas nécessairement la peine de légaliser pour ce cas-là. Puis plutôt prôner l'avancée des technologies qui feraient en sorte qu'on pourrait plutôt contrôler leurs douleurs, parce qu'avec l'avance, avec la rapidité avec laquelle les avancées scientifiques se font de nos jours, on comprend que probablement, d'ici quelques années, le peu d'exceptions qui existent en ce qui concerne le contrôle de la douleur vont probablement être réglées. Donc, voilà.

La Présidente (Mme Hivon): Merci. Rapidement, M. le... oui, député de Mercier.

M. Khadir: En fait, vous êtes jeune, mais vous êtes égale, en toutes facultés, avec tout le monde ici... en fait, si on est très indulgents avec nous-mêmes. Donc, je vais y aller très rapidement sur le fond des choses.

Vous avez abordé des questions qui touchent à la définition de la vie, à ce qu'on peut faire pour protéger, à... bon, et vous avez parlé de cadre de référence, de paradigmes qu'il faut reconsidérer. J'aimerais vous emmener à réfléchir sur le fait que... Comment vous répondez, à ce moment-là, dans une société comme la nôtre, qui est de plus en plus diversifiée, dans laquelle on a même, parmi, par exemple, les autochtones du Québec, les nations autochtones du Québec, des gens qui ont... qui ne sont pas dans le même paradigme que nous, qui sont de traditions judéo-chrétiennes ou musulmanes, avec les conceptions qui s'y rattachent, mais pour qui ce que nous appelons la mort n'est pas la mort, ça fait partie d'un cycle, d'un ensemble qui est ininterrompu, et pour qui la mort physique n'a pas du tout la même signification que pour, disons, la majorité de la société...

Ces gens-là aussi ont des droits et peuvent réclamer qu'on traite différemment leurs besoins de fin de vie active ou en santé comme on le conçoit, nous. Qu'est-ce qu'on fait avec eux?

Mme Desforges (Ploa): Avec les gens qui ont des croyances spirituelles différentes des nôtres?

**(17 h 40)**

M. Khadir: Par exemple, qui vont dire que, pour eux, le respect de l'intégrité de leur personne, de ne pas laisser... Parce que, pour eux, par exemple, la vie, c'est plus la signification que ça a, en relation avec les autres, justement. Ils ne veulent pas laisser, par exemple, une image de soi, un souvenir de soi, une présence accompagnée de l'image de la déchéance ou de la maladie, ou de l'infantilisation, ou de la dépendance totale, donc... préfèrent passer à l'autre étape de la vie, pour eux, qui consiste, pour nous, à la mort et ils veulent être accompagnés dignement là-dedans.

Qu'est-ce que je fais, moi? Moi, je viens d'une autre référence, d'un autre paradigme. Est-ce que j'ai le droit d'imposer ma vision de la vie et de la mort à cette personne-là?

Mme Desforges (Ploa): O.K. En fait... Bien, c'est ça. En fait, ça dépend en fait de ce qu'on a comme définition de la dignité puis de la qualité de vie, puis ces personnes-là ont... On dit souvent que les personnes qui sont en phase terminale, ils ont une dépendance totale à nous, qu'on les infantilise à cause du fait qu'ils ont une totale dépendance puis on comprend qu'est-ce qu'il s'ensuit comme conséquence, mais, de ce que j'ai compris de la qualité puis de la dignité de la vie, c'est beaucoup qu'est-ce que les autres voient en nous.

Donc, si, nous, ce qu'on voit en les personnes qui sont malades, c'est une personne totalement dépendante, c'est une personne qui n'a plus de qualité de vie, c'est sûr que, là, le lien n'est plus nécessairement sain. Et puis, dans ce cas-là, il faudrait, oui, il faudrait légaliser l'euthanasie, parce que c'est contre leurs convictions. Mais, moi, je pense que, si, nous, on changeait nos perceptions par rapport à eux, bien là ça réglerait la question, parce que, si, nous, on ne les voit plus nécessairement comme des personnes indignes puis des personnes qui n'ont plus de qualité de vie, bien là l'image qu'on a d'eux, c'est différent de ce que vous dites d'un... ce que vous venez de me dire, parce que c'est une qualité d'image négative que vous venez de présenter. Mais, moi, ce que je vois en une personne qui est phase terminale, qui a été proche de moi, puis qui s'est occupée de moi durant sa vie, puis qui m'a donné beaucoup d'amour... je ne vois pas nécessairement en cette personne-là quelqu'un qui est indigne ou quelqu'un qui n'a plus de qualité de vie.

Je trouve important, pour moi, de promouvoir un respect malgré le fait de sa dépendance, malgré le fait de sa maladie, malgré toutes les conséquences qui s'ensuivent de la maladie. Donc, ce que vous dites, c'est l'image qu'on... c'est l'image que se font les autres de nous. Malgré la maladie, je pense que c'est important que l'image que les autres se font de nous, s'ils nous aiment du moins, du... s'ils nous aiment du moins, parce que c'est ce qui est important, c'est ce que l'image que les gens nous... que les gens, qu'ils nous aient aimés...

Bien, en fait, que l'image qui reste soit bonne, c'est important, mais c'est justement ce que, nous, on dégage puis que, nous, on leur fait valoir, qui est important aussi. Voilà.

La Présidente (Mme Hivon): Merci. Merci beaucoup, Mme Desforges, d'être venue aujourd'hui. Vous avez vu que, par les questions, votre présentation a suscité beaucoup d'intérêt. Puis c'est très réjouissant pour nous de voir qu'il y a des gens des jeunes générations qui s'intéressent à nos travaux. D'ailleurs, dans le questionnaire en ligne, on a quand même un bon nombre de personnes dans la vingtaine, dans la trentaine qui répondent.

Donc, je vous remercie sincèrement d'avoir répondu à notre invitation puis je vous souhaite la meilleure des chances dans votre carrière en médecine.

Mme Desforges (Ploa): Merci.

La Présidente (Mme Hivon): Alors, sur ce, je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que M. Jean Mercier prenne place à la table.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

 

(Reprise à 17 h 45)

La Présidente (Mme Hivon): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission va reprendre ses travaux.

Notre prochain témoin est M. Jean Mercier. Alors, M. Mercier, vous connaissez, je crois, la formule. Vous avez, pour votre part, une quinzaine de minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par une période d'échange. Alors, la parole est à vous.

M. Jean Mercier

M. Mercier (Jean): Est-ce que le micro fonctionne? Oui?

Des voix: Oui.

M. Mercier (Jean): Ça fonctionne bien. Alors, suite à la... Pardon. Vous avez vu que j'ai la grippe.

La Présidente (Mme Hivon): Juste pour votre information, vous avez de l'eau à côté, si ça peut vous être utile.

M. Mercier (Jean): Merci de me le dire. J'apprécie l'occasion qui m'est donnée de venir parler de mon mémoire. Je ne le lirai pas in extenso. Il est déjà 5 h 45. Vous avez eu une grosse journée puis plusieurs mémoires. Je viens à deux titres: d'abord, comme citoyen qui s'intéresse à la question de l'euthanasie depuis une quinzaine d'années, j'ai des parents âgés qui sont morts dans des conditions plus ou moins idéales, et donc ça, ça a été le point de départ; et je viens aussi comme professeur de politique publique, donc, puisque la question de l'euthanasie est maintenant une question de politique publique.

Tout d'abord, je veux exprimer ma fierté d'appartenir à une société qui accepte de mettre la question de la dignité et de la souffrance devant la mort à l'ordre du jour des questions qui valent la peine d'être discutées publiquement et attentivement.

D'emblée, je veux préciser ma position de départ, ma position de base sur la question de la dignité et de la souffrance devant la mort. Je pense en effet que le développement de la science médicale moderne peut allonger la vie... peuvent allonger la vie au point où il faut se poser des questions sur la qualité de la vie ainsi prolongée et sur les souffrances physiques et morales qu'elle peut occasionner. Ma position est que la souffrance humaine est un signal qu'il faut écouter et prendre au sérieux, et personne, dans une société humaine et développée, ne devrait souffrir de malaises importants quand il est clair dans des demandes répétées qu'il ou elle ne veut plus continuer à vivre dans des conditions difficiles. Cette position, qui apparaît assez simple et humaine, se heurte pourtant à des obstacles aussitôt qu'on veut installer des mécanismes institutionnels et légaux pour la mettre en oeuvre, et je veux ici contrer ces cinq... ce que je perçois comme étant les cinq arguments principaux contre cette position-là, c'est-à-dire l'aide médicale active et les soins appropriés en fin de vie, ce qui inclut l'euthanasie.

Donc, je vois cinq gros arguments. Je vais essayer de les contrer, ces arguments-là.

Avant de faire ça, je vais commencer par parler de deux auteurs qui fondent ma position à moi. D'abord, Hans Jonas, qui est un philosophe allemand, qui déclare que ce n'est pas par hasard que les textes... les grands textes des droits de l'homme commencent presque tous par l'affirmation du droit à la vie, fondement de tous les autres droits. Dans la foulée du droit à la vie, pour Hans Jonas, c'est aussi le droit à la mort, son corollaire, qui doit être affirmé, car, comme l'affirme Jonas très clairement, le droit à sa vie inclut le droit à sa mort. La conclusion très opérationnelle de son cheminement, dans son texte Le droit de mourir, est la suivante: «Ce serait injuste autant qu'illogique de faire expier au patient captif son impuissance physique en le privant de ses droits. Quand il dit "Assez", il faut lui obéir; et les obstacles de nature sociale qui s'y opposent devraient donc être écartés.»

Mon deuxième auteur, c'est Sir Richard Layard, qui est le conseiller économique... qui a été conseiller économique de Tony Blair pendant plusieurs années. Et Richard Layard a écrit un volume qui s'appelle Happiness, donc «le bonheur», et dans ce volume Layard nous dit: Le but de toute politique publique, c'est d'augmenter le bonheur et de réduire la souffrance humaine. Et il ajoute qu'il est souvent plus clair de réduire la souffrance humaine que d'augmenter le bonheur parce que le bonheur, rendu à un certain point, c'est difficile à déterminer. Et je vais le citer: «We conclude that it is more important [to resume,] to reduce suffering than to generate extreme happiness.» Et je vais le citer aussi: «We understand better what causes misery than what causes extreme happiness.»

**(17 h 50)**

Donc, l'objectif de réduire la souffrance humaine est un objectif primordial de toute politique publique, et je pense que cette commission s'adresse à cette question-là.

Quels sont les obstacles à cette position, qui semble raisonnable, charitable, altruiste, de diminuer la souffrance? Quels sont ces obstacles-là? Je vais en mentionner cinq et, plus tard dans ma présentation, je vais essayer de les contrer. Il y a des arguments de nature religieuse, philosophique, légale, quatrièmement, les dangers de dérapages et, cinquièmement, la dévalorisation potentielle des soins palliatifs. Donc, cinq arguments qui sont présentés contre la position que je défends.

Avant d'en arriver là, quelques mots sur l'évolution de la science moderne ou de la médecine moderne. La possibilité de terminer la vie de façon volontariste a changé les liens qu'il y a entre le médecin et son patient, et, selon Hans Jonas, la combinaison de ces différentes évolutions médicales ainsi que l'application des principes énoncés doivent nous amener à nouvelle affirmation de la vocation de la médecine afin que médecins et patients soient libérés de leur actuelle servitude, car c'est bien d'une servitude qu'il s'agit, ils ne peuvent pas faire ce qu'ils pensent devoir faire, représentée par les contraintes de la profession ainsi que la législation en vigueur et la jurisprudence prévalant. Ainsi libéré, le médecin devient celui qui aide le patient à mourir, ce qui ne saurait être confondu avec l'acte de tuer, ni moralement ni conceptuellement. Et je pense que, lorsqu'on utilise le mot «tuer» dans ces circonstances, il s'agit clairement d'un abus de langage.

Les objections de nature religieuse, je vais les prendre une à une. Bien, si on se fie à la religion catholique, c'est essentiellement le caractère sacré de la vie, mais il me semble que, dans la jurisprudence plus récente, cette question du caractère sacré de la vie a peu à peu été remplacée par le caractère presque sacré du choix de l'individu. On a une jurisprudence qui va dans ce sens-là. On pourrait trouver, dans la religion catholique, au lieu de l'idée de la sacralité de la vie, on pourrait trouver des éléments qui nous amèneraient à agir avec compassion, en limitant les souffrances des malades. On pourrait la trouver dans la compassion, dans la charité: Faites aux autres ce que vous voudriez qu'on vous fasse vous-même.

On peut trouver, dans la religion catholique, des assises à la position que je défends. J'ajouterai cependant à propos de l'Église catholique que j'ai de la difficulté à suivre l'évolution de leur pensée. Il y a une cinquantaine d'années, on refusait la sépulture aux suicidés. Ensuite, on a dit: Bien, souffrir, finalement ça peut être une bonne chose parce qu'on peut gagner son ciel, ça fait partie de la vie, et, en souffrant, on gagne son ciel, ce qui me semble un argument très faible. Le dernier argument qui n'est pas meilleur... en fait, qui est peut-être pire, c'est que le fait de ne pas vouloir souffrir serait une indication qu'on vit dans une société individualiste puis égoïste. Et, à mon avis, qu'on vive dans des sociétés individualistes, communautaires, communistes, tribales, personne ne veut souffrir, par définition.

Donc, l'idée que souffrir, ça va aider quelqu'un... si vous souffrez, ça va aider quelqu'un, ça va aider vos proches, c'est un argument très faible, à mon avis.

Donc, à propos de l'Église catholique, se fier à l'Église catholique sur cette question-là, ce serait se fier à des arguments qui ont pas mal changé sur une cinquantaine d'années, et je ne serais pas du tout surpris que, dans quelques années, on abandonne cette idée que souffrir est un indice d'une société perverse et individualiste.

Les objections de nature philosophique, maintenant, il y en a plusieurs, parfois, liées à la religion. Mais ma réponse à ces objections-là, c'est de dire: Nous vivons dans une société libérale, au sens large, nous choisissons nos produits de consommation, nous choisissons nos députés, nous choisissons nos représentants à l'Assemblée nationale, toute notre vie est basée... toute notre vie collective est basée sur ce choix, qui a peut-être des aspects pervers, mais en général on s'en tire assez bien, et je ne vois pas très bien pourquoi, en fin de vie, on enlèverait ce choix-là au moment des souffrances et au moment de la mort. Ce serait, pour moi, illogique. Ça serait comme vivre d'une certaine façon toute sa vie mais qu'à la fin on empêche les gens d'exprimer leur opinion et que cette opinion-là soit mise en oeuvre.

Les objections de nature légale, maintenant. Les objections de nature légale, ce serait de dire: Bien, on va garder la loi telle qu'elle est, ça va prévenir les dérapages, et puis, au cas par cas, on va réussir à enlever les procédures judiciaires contre ceux qui auront agi correctement. C'est une possibilité. C'est ce qu'on fait actuellement. Mon objection à cette idée-là ou à cette pratique-là, c'est que finalement ça force les gens à être des héros, parce que, si vous aidez aujourd'hui, vous prenez le risque, comme médecin ou comme aidant naturel... Si vous prenez le risque d'aider quelqu'un à terminer sa vie dans des soins appropriés, donc d'abréger ses souffrances, vous faites face à des poursuites judiciaires. Et on ne peut pas demander à la majorité des gens d'être des héros. Les gens peuvent craindre ces poursuites-là. Ils ont des familles, ils ont des carrières, ils ne veulent pas donc risquer cela, ce qui mène, à mon avis, à plus de souffrance.

Et n'oubliez pas que mon point de départ, je reviens à Sir Richard Layard, le but de toute politique publique, c'est la réduction de la souffrance, l'augmentation du bonheur. Et il me semble que la situation actuelle augmente la souffrance en demandant à ceux qui voudraient aider de jouer le rôle de héros. On en a, des héros, mais on n'en a pas en quantité infinie.

L'autre argument légal, c'est de dire que c'est une législation fédérale et qu'on ne peut rien faire, au Québec. Je pense que maintenant, puis je pense que la commission va dans ce sens-là, on pourrait, à travers la loi sur la santé, aller assez loin pour faire en sorte que le Québec permette, dans des balises évidemment très précises et dans des conditions très précises, l'aide au mourir... l'aide au mourir appropriée.

Les dangers de dérapages, maintenant. Bien entendu, il y a des dangers de dérapages. Dans tout système, il y a des dangers de dérapages. Et puis il se pourrait très bien que, dans un système que vous conseilleriez éventuellement et qui serait adopté, il y aurait des dérapages. Il y aurait peut-être des gens qui n'auraient pas exprimé clairement leurs volontés mais qui auraient été euthanasiés quand même. C'est possible. Par contre, un excès de prudence comme celle qu'on vit actuellement conduit aussi à des dérapages, c'est-à-dire que, dans le vide juridique dans lequel on est, on peut forcer les gens à se suicider. On mentionne... Je crois connaître des statistiques à l'effet que le suicide des personnes âgées est en augmentation. Et par définition on se suicide ou on tente de se suicider seulement une fois, donc on est amateur nécessairement, et ça peut se faire mal, ça peut se produire mal. Ça peut être quelqu'un qui se jette au... qui se jette dans le fleuve. Ça peut être quelqu'un qui se jette d'un huitième étage, qui se manque à moitié. On a d'autres solutions que ces solutions-là, et ça, ces solutions-là sont beaucoup plus traumatisantes pour la famille qu'une aide médicale assistée, organisée, balisée, avec le temps de dire des au revoir, comme on peut voir dans d'autres pays.

Bon, les dangers de dérapages. Bien entendu, il y a des statistiques qui sortes de différents pays qui sont, à mon avis, plus avancés que nous: la Belgique, la Hollande; certains États américains. À mon avis, c'est vrai qu'il y a toutes sortes de données sur: Est-ce que c'est bien, c'est mal, il y a des dérapages, il n'y a pas de dérapage? Le point essentiel, pour moi, c'est que, pour eux, ces pays, ces juridictions qui ont avancé dans ce que peut-être nous allons faire ici aussi, il n'est pas question d'un retour en arrière. Il n'y a pas de discussion publique, là, il n'y a pas de discussion publique, en Belgique, sur: On va revenir en arrière, on va recriminaliser l'euthanasie, on va recriminaliser ça, ça ne marche pas. Il n'y en a pas. Et les... enfin, il n'y en a pas que je connaisse, et puis je peux me tromper là-dessus. Mais j'ai un collègue belge qui travaille avec moi au département puis je lui ai demandé, puis il dit: Non, on ne reviendra pas en arrière; peut-être qu'il va y avoir des changements un petit peu dans la loi, mais on ne reviendra pas en arrière.

**(18 heures)**

La dévalorisation des soins palliatifs: le dernier argument. Pour une raison que je peux comprendre, la dévalorisation des soins palliatifs peut-être ressentie par ceux qui s'intéressent à cette question-là, puis qui ont travaillé admirablement dans ces questions-là, par l'idée des soins appropriés en fin de vie avec accélération de la mort, tel que je le propose.

Pourquoi? Parce que ça procède quand même de deux logiques différentes: dans une logique, on essaie de maintenir la vie puis, dans une autre logique, on veut l'interrompre. Mais ce n'est pas forcé de voir ça comme des oppositions, on peut voir ça comme des complémentarités. Et je pense que les gens des soins palliatifs, les représentants des soins palliatifs pourraient très bien considérer les soins appropriés en fin de vie puis l'abrégement des souffrances comme parties de la palette d'instruments pour réduire la souffrance humaine, que peut-être 1 % des gens l'utiliseront, peut-être 5 %, peut-être 4 %. Mais l'argument qu'il y en a juste 1 % ou 5 %, ce n'est pas un argument valable, pour moi. Il n'y en a pas beaucoup, donc on ne s'en occupe pas. Non, non, on s'occupe de tous nos gens, y compris de ceux qui souffrent le martyr puis qui veulent abréger leurs souffrances, d'autant plus que cette possibilité-là de soins appropriés en fin de vie, donc d'abréger les souffrances... peuvent être vues comme une assurance pour ceux qui choisissent les soins palliatifs mais qui se disent: Si jamais ça ne fonctionne pas, si jamais je souffre trop, il y a une autre option que je pourrais choisir. Même si elle ne le choisit pas, elle est là en réserve.

Donc, je n'ai pas vu, dans mes cinq principales raisons... peut-être que vous verrez d'autres raisons que les cinq que j'ai évoquées, mais je ne vois pas, dans ces cinq principales objections à une libéralisation de l'euthanasie puis des soins appropriés en fin de vie... je n'ai pas vu un argument solide. J'ai vu des demi-arguments, j'ai vu des peurs, j'ai vu des...

Une voix: ...

M. Mercier (Jean): Pardon?

Une voix: ...

M. Mercier (Jean): Oui, des abus de langage, mais je n'ai pas vu de raison solide. Puis je vais peut-être faire professeur d'université ici en vous disant que 20 demi-raisons, là, ça ne vaut pas 10 raisons. 20 demi-raisons, ça reste des raisons incomplètes. Et je ne les ai pas vues, ces... je ne les vois pas, ces bonnes raisons là. Je m'approche de ma conclusion.

La Présidente (Mme Hivon): Oui. Si vous voulez qu'on ait du temps pour les échanges, je vous inviterais à conclure.

M. Mercier (Jean): Je l'ai dépassé, peut-être?

La Présidente (Mme Hivon): Oui, un petit peu, mais...

M. Mercier (Jean): Un petit peu? O.K.

La Présidente (Mme Hivon): ...si vous concluez.

M. Mercier (Jean): Ma conclusion; bien, on est devant une situation nouvelle, la médecine est nouvelle, on doit inclure le droit à la mort maintenant parmi les nouvelles pratiques venues du développement de la médecine.

Il ne faut pas se laisser, ni comme commission, ni comme individu, ni comme citoyen... se laisser impressionner par les groupes constitués, qu'ils soient religieux ou... soins palliatifs. Il ne faut pas. Les soins palliatifs font un travail merveilleux, extraordinaire, mais en même temps c'est seulement, à peu près, 15 % de la population qui y ont accès, donc il n'y a pas de monopole sur cette question-là. Il faut éviter de se laisser impressionner par des épouvantails concernant la Deuxième Guerre mondiale, par exemple les atrocités qui ont eu lieu là. La situation devant laquelle on est n'a rien à voir avec ces questions-là, puis il ne faut pas se laisser impressionner par ça.

Ma conclusion: pour toutes ces raisons, nous proposons des dispositions législatives qui décriminalisent, dans des protocoles rigoureux et sévères, l'acte d'aider à accélérer la fin de vie quand le mourant l'aura demandé de façon répétée et claire. Nous n'avons pas trouvé de raison incontournable pour nous empêcher de procéder à ce choix de compassion, de charité et d'amour pour nos frères et soeurs êtres humains. Et ici, au Québec, on a la possibilité d'ajouter une pierre à cet édifice humain de diminution de la souffrance par les résultats de votre commission. Alors, merci de m'avoir écouté.

La Présidente (Mme Hivon): Merci beaucoup, M. Mercier, d'être venu parmi nous aujourd'hui. Alors, je vais céder la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue à vous, M. Mercier.

Vous avez, en 15 minutes, résumé presque l'ensemble des 300 mémoires qu'on a reçus, 300 présentations. Vous nous avez résumé ça d'une main de maître parce que vous avez vraiment résumé l'ensemble des positions qui sont très polarisées, là. Et, je veux dire, tout le monde a son opinion, sa réflexion, ses solutions, et nous allons devoir nous réunir après toutes ces rencontres merveilleuses qu'on a faites au cours de la dernière année, dont vous êtes, et puis on devra s'asseoir ensemble parce que, nous, on fait partie des gens qui ont le privilège de justement formuler des politiques publiques puis de légiférer en toutes sortes de matières.

Ma question est simple, je pourrais dire, comme monsieur à Tout le monde en parle, la question qui tue: Est-ce que vous croyez, vous, M. Mercier, que, si on légiférait en faveur de la décriminalisation... qu'on augmenterait le bonheur des Québécois et des Québécoises?

M. Mercier (Jean): Oui. Ma réponse est oui.

Mme Gaudreault: Et donnez-moi des arguments qui pourraient favoriser cette position-là.

M. Mercier (Jean): Bien, vous auriez des gens... ils sont peut-être 4 %... 3 % des personnes en fin de vie, mais c'est que ces personnes-là qui vivent le martyr... certainement qu'on augmenterait le bonheur en diminuant le malheur. Ça, c'est sûr. Et en plus on sécuriserait un certain nombre de personnes qui n'utiliseront pas ce dispositif-là. Donc, l'effet net, d'après moi, serait positif, absolument positif. Je n'ai aucun doute là-dessus.

Mme Gaudreault: Je vois que vous avez vraiment bien étudié la question, parce que même votre argument de conclusion rejoint plusieurs qu'on a entendus, en affirmant que ça allait augmenter, surtout des personnes qui ont des... qui vivent avec des maladies dégénératives, qui ont pris leur courage à deux mains... et venir ici nous demander, des cris du coeur, de vraiment favoriser cette décriminalisation en affirmant que ça allait améliorer leur qualité de vie. C'est très difficile à comprendre pour certains, parce qu'on ne vit pas avec ces conditions-là, mais vous l'avez bien exprimé. C'est sûr que... Est-ce que vous avez d'autres recommandations, parce que, nous, on a aussi un mandat pour analyser les soins palliatifs ou d'autres aspects liés à la fin de vie?

Pour vous, c'est vraiment clairement la légalisation des deux: euthanasie, suicide assisté. Vous ne faites pas de différence.

M. Mercier (Jean): Bien, je pense, surtout, d'euthanasie, moi. Puis le suicide assisté, c'est moins dans mes préoccupations, là, parce que je pense que, quelqu'un qui aurait le choix entre un suicide assisté puis une euthanasie... En tout cas, moi, je choisirais l'euthanasie... supposons que j'avais le choix, parce que je me dirais: C'est balisé médicalement, il n'y a pas de dérapage possible ou enfin c'est minimum, tandis que, l'idée qu'on me donne, admettons, ce qu'il faut puis que je le fasse moi-même, là, moi, personnellement, j'aimerais moins ça. Je me sentirais plus sécurisé par un cadre hospitalier ou un médecin, oui.

Donc, pour moi, l'euthanasie, c'est plus important, puis il y a des cas de suicide assisté qui devraient être redirigés vers l'euthanasie.

Mme Gaudreault: C'est clair. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Hivon): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Oui. Merci, Mme la Présidente. M. Mercier, votre présentation, votre argumentaire est vraiment clair et très bien présenté, et ça semble aller de soi. Mais le constat qu'on fait, c'est qu'il y a à peu près sept, huit pays, actuellement, ou États, tout au plus une dizaine, qui ont permis de légaliser l'euthanasie ou le suicide assisté. Il y a peut-être 200 à 300 pays dans le monde, sur la Terre, et on a seulement une dizaine de pays ou d'États qui ont décidé.

Pour quelle raison qu'on a cette situation-là si c'est aussi clair que ça?

M. Mercier (Jean): Écoutez, j'ai deux éléments pour votre question. Le premier élément, c'est qu'on a... si on est dans le groupe de tête, il n'y a pas de honte, là. Supposons que tout le monde veut faire ça dans 50 ans, d'être parmi les groupes qui ont commencé, pourquoi pas? On serait des gens progressistes à cet égard-là puis on aurait commencé des choses que les autres vont suivre, de toute façon.

Mais j'ai une réponse qui est plus sociologique et puis, bon, je vous la donne pour ce qu'elle vaut, parce que c'est une spéculation. Mais je pense que les petites juridictions, parce que c'est toutes des petites juridictions, hein, l'État de l'Oregon, les pays... même c'est des petits pays, d'après moi, ils vivent plus rapidement les conséquences de leurs décisions. Puis, lorsque les décisions... Parce qu'il y a des grands pays comme la France... il ne faut pas compter sur la France puis les États-Unis pour ça, parce que les groupes constitués sont trop puissants puis ils vont bloquer pour plusieurs années, tandis que les petites juridictions ont plus de chances de le faire, puis je reviens à mon idée, parce qu'elle ressentent les effets négatifs des mauvaises décisions plus vite parce que c'est plus petit.

Et donc le Québec s'inscrirait tout à fait dans cette voie-là d'une petite juridiction où on voit assez rapidement, là, les conséquences négatives des mauvaises décisions.

M. Chevarie: Merci.

La Présidente (Mme Hivon): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

**(18 h 10)**

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, Mme la Présidente. Merci, monsieur, de votre contribution, ça fait un bon tour de piste.

Mais, sur la question de l'euthanasie, à partir du moment où on démolit les objections, qu'on en arrive à dire: Oui, on devrait peut-être permettre le choix, donc légaliser l'euthanasie, il reste maintenant, dans la façon de faire les choses, où on doit se situer. Et on a entendu ici plusieurs médecins venir nous dire: Ne nous embarrassez pas avec ça, éloignez-nous de cette application de l'euthanasie.

Comment vous voyez, vous, le rôle des professionnels de la santé à l'égard de l'euthanasie?

M. Mercier (Jean): C'est sûr que la logique de la santé, c'est de sauver les gens à tout prix, aller contre la mort, et donc ils sont... ces médecins-là, ces infirmières-là sont pris dans une logique.

Ils ont appris ça toute leur vie, puis ça va prendre un certain temps avant de voir les choses autrement. Maintenant, ce n'est pas tous les médecins non plus, hein, c'est... Les associations médicales ont ouvert la porte, je pense, les omnipraticiens, les spécialistes ont ouvert la porte et puis... Moi, je vais vous avouer que j'ai lu le... entre autres, là, le débat entre le Dr Boisvert puis le Dr Daneault puis, je veux dire, je ne vois que des mérites à la position du Dr Boisvert, qui a une expérience aussi importante que le Dr Daneault, mais c'est... Mais il y a quelque chose aussi, il y a une peur de faire face à la mort, hein? Il y a une crainte puis il y a comme une... Je ne veux pas tuer ou je ne veux pas devoir... je ne veux pas voir les limites de la médecine. Parce qu'il y a des limites à la médecine, hein? On pense que la médecine va nous guérir de tout, mais il y a des limites à la médecine.

Donc, il y a comme une... pour moi, il y a un manque de... je vais peut-être trop loin en disant ça, là, mais il y a peut-être des craintes irrationnelles à aller de l'avant, qui nous empêchent d'aller de l'avant, qui sont la reconnaissance des limites des êtres humains, les limites de la médecine, la mort elle-même, auxquelles on peut faire face. Il y a des raisons inconscientes. Il y a des raisons inconscientes qui nous empêchent d'avancer.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Et, dans l'application, si jamais il y avait légalisation, comment... quel processus on doit privilégier? Bien sûr, il y a toujours la relation entre le médecin et le patient, qui peut amener, dans le cadre d'un rapport de confiance, la clarification des volontés du patient et amener le médecin à une réponse qui lui appartient. Mais comment? Quel serait le meilleur procédé pour que le patient puisse très clairement indiquer ses volontés et qu'on puisse s'assurer du respect de ses volontés?

M. Mercier (Jean): Bien, je pense que ça ne serait pas une procédure tellement bureaucratique, parce qu'on est d'accord que ça ne serait pas des cas... il ne s'agirait pas de 30 % des personnes mourantes, là, ici on parle de un... trois, maximum cinq... donc, d'instaurer, dans les hôpitaux ou d'instaurer dans des CLSC ou ailleurs, des mécanismes avec, probablement comme ça se fait ailleurs, un médecin, corroborés par un autre médecin sur la base de demandes répétées d'un patient majeur, en bonne... comment je dirais ça, donc?, je dirais, en bonne santé psychologique, là, qui n'est pas déprimé et qui fait cette demande-là de façon répétée. Je pense qu'il faudrait y accéder puis j'ai...

Personnellement, je n'ai pas peur de dérapages parce qu'on est dans une société hautement médiatisée, et, s'il y avait des dérapages, on le saurait, on le saurait assez vite, les journalistes seraient là-dessus puis... Évidemment, il y a toujours un danger de dérapage, mais il y a des dérapages actuellement en étant trop prudents.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

La Présidente (Mme Hivon): M. le député de Mercier.

M. Khadir: Oui. Alors, je suis le député de Mercier et je m'adresse à M. Mercier. Il y a un certain nombre de... Je voulais simplement revenir sur le fait de quelques affirmations que vous avez faites et dire que ça rejoint quelques-unes de mes propres, disons, expériences et perceptions.

D'abord, quand vous avez parlé de l'abus de langage, quand on parle, par exemple, de tuer, de donner la mort plutôt que l'euthanasie, plutôt que l'assistance médicale pour accélérer la fin de vie, c'est que c'est la réalité des choses: je ne pense pas que les gens le fassent délibérément, il y a réellement une confusion dans les termes, confusion... qui sont dans la différence qu'il y a entre l'évolution de tout ce que vous avez dit, c'est-à-dire les pratiques médicales, nos capacités scientifiques et techniques à prolonger la vie, et des mots qui traduisent des réalités qui ont une histoire et qui n'ont pas évalué, qui sont chargés de sens, qui fait, par exemple, qu'il y a une dame ici...

On a parlé, par exemple, de la différence entre des chiens et des être humains en parlant de l'euthanasie. Ça offusquait notre, disons, entendement qu'on puisse donc offrir la même chose aux êtres humains qu'on offre aux chiens pour alléger leurs souffrances. Pourtant, quand on y réfléchit, les chiens sont des êtres vivants comme nous, les chiens mangent comme nous, ils peuvent ressentir de la joie et de la tristesse comme nous, ils peuvent ressentir de la douleur comme nous, donc on peut aussi... différemment, en société, puisqu'il y a eu une époque où on entendait une grande différence entre l'être humain et le règne animal. Aujourd'hui, on conçoit qu'on a beaucoup plus de choses en commun. Or, nos concepts, nos mots n'ont pas évolué aussi rapidement que donc un certain nombre de ces changements qu'on constate.

Donc, la première des choses, je pense que vraiment ce n'est pas délibéré, ce n'est pas par malice qu'il y a une confusion dans les termes, ce n'est pas un abus délibéré. En tout cas, s'il y a une confusion dans les termes, c'est ça que peut-être on va permettre de régler.

Deuxièmement, c'est que je retiens cette idée que donc... de la meilleure manière de peut-être respecter la vie, une certaine dignité qui est associée au bonheur, un bien-être, si ce n'est pas physique, à tout le moins, spirituel, c'est aussi de dire que, dans le fond, il faut qu'il y ait un corollaire qui y soit rattaché, c'est-à-dire l'allégement des souffrances, qu'on n'admet plus dans nos sociétés modernes qu'on puisse accepter la souffrance comme un principe philosophique qui nous est imposé par une autorité supérieure, qui peut être Dieu ou une autre conception religieuse, que donc, là, on s'est affranchis de cette idée-là et qu'on rejette l'idée que la souffrance peut être une voix de salut.

La Présidente (Mme Hivon): Alors, moi, je vais prendre le temps qui reste juste pour vous poser une dernière question.

Vous parlez beaucoup du bonheur qui pourrait passer par la réduction de la souffrance. Nous, on entend beaucoup de médecins qui, notamment des soins palliatifs... qui ont un énorme malaise avec l'idée que cette pratique puisse être permise. On entend aussi des gens qui nous disent à quel point ils auraient peur des dérapages, à quel point les personnes vulnérables pourraient être à risque.

Donc, il y a des gens qui estiment que ces dérapages-là pourraient se produire, d'autres qui estiment que non, mais le fait est que les gens nous expriment des craintes.

Donc, comment on concilie, dans le grand bonheur que vous décrivez être le but de nos politiques publiques, ces petits malheurs relatifs qui doivent un peu se côtoyer parce que, quand on va arriver à nos travaux puis à nos recommandations, il va falloir avoir en tête toutes ces perspectives-là qui nous ont été évidemment données? Et est-ce que les médecins, qui peuvent être mal à l'aise avec ça parce que, dans l'évolution de la médecine, ça serait peut-être une révolution, certains y sont ouverts, d'autres... qui sont peut-être plus directement touchés, non, même chose pour des personnes qui ont certaines craintes...

Est-ce que vous ne pensez pas qu'eux ça pourrait nuire à leur bonheur ou à leur confort en société de voir qu'il y aurait une telle ouverture?

M. Mercier (Jean): Pour les médecins, par exemple, bien, moi, ce que je dirais, c'est que je ne pense pas que, dans les juridictions qui permettent ce que je propose ou ce que nous proposons, c'est... les médecins sont obligés de participer.

Un médecin qui ne veut pas participer, il ne participe pas. Les médecins sont libres. Et, dans ce sens-là, ceux qui vont, ceux... soit comme principal ou comme médecin, qui vient appuyer la décision du médecin principal, c'est tout à fait volontaire. Et puis il y a sûrement des médecins qui ne voudront pas participer, puis ils seront libres de ne pas y participer. Donc, pour eux, évidement ils seront peut-être un peu malheureux de voir ce qu'il y a autour d'eux, mais ils auront la satisfaction de se dire: Bien, moi, je n'ai pas participé à ça.

Et je ne sais pas si je réponds à votre question là-dessus.

La Présidente (Mme Hivon): ...

M. Mercier (Jean): Oui? Donc, si la liberté de choix vaut pour le mourant lorsqu'il veut abréger ses souffrances, bien la liberté de choix vaut aussi pour le médecin qui ne veut pas participer à l'euthanasie. C'est ce que je dirais.

La Présidente (Mme Hivon): Puis, pour les personnes qui ont des craintes, les personnes qui ont des croyances différentes, qui ont des craintes que ça envoie un message vraiment ambivalent à la société, notamment en lien avec la prévention du suicide, comment on peut rassurer ces gens-là puis dire que globalement c'est une bonne idée si ces gens-là ont ces craintes-là très fortement exprimées?

**(18 h 20)**

M. Mercier (Jean): C'est vrai qu'il semble y avoir une contradiction entre, mettons, la prévention du suicide puis l'aide médicale active en fin de vie, mais, je dirais, ce n'est pas tout à fait les mêmes cas non plus.

Les suicides tels qu'on les connaît, surtout les suicides des jeunes, c'est des maux de vivre, c'est des... c'était relié à l'emploi, beaucoup, il y a une vingtaine d'années, c'est moins le cas aujourd'hui, tandis que les soins appropriés en fin de vie, c'est une autre logique, c'est une autre situation, puis je pense qu'il ne faut pas trop... Ce n'est pas des vases communicants, disons, c'est des choses séparées, à mon avis. Mais c'est certain que, sur un plan strictement logique, il y a des gens qui vont dire: Bien, ce n'est pas logique. Mais comme... On ne cherche toujours la logique, on cherche à diminuer notre souffrance, on cherche à augmenter le bonheur, puis parfois, logiquement, ça semble se contredire, mais ça ne se contredit pas, nécessairement. Il y a une phrase, je dis: C'est un... Comment est-ce que je dirais ça, donc?

C'est une qualité intellectuelle que d'être capable d'envisager deux idées qui semblent se contredire mais qui ne se contredisent pas totalement non plus, tu sais, puis on est un peu dans cette zone-là, là.

La Présidente (Mme Hivon): Bon, bien, sur ce, je vais vous remercier sincèrement, M. Mercier, d'être venu nous faire part d'une perspective, encore une fois, originale donc, avec des éléments qu'on avait peu entendus jusqu'à maintenant. Alors, merci beaucoup d'avoir pris le temps...

Sur ce, je vais suspendre les travaux quelques instants. Nous avons une personne inscrite à la période de micro ouvert, c'est M. Patrice Fortin. Alors, je vais lui demander de prendre place à la table des témoins pour son droit de parole de trois à quatre minutes.

(Suspension de la séance à 18 h 22)

 

(Reprise à 18 h 23)

La Présidente (Mme Hivon): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons maintenant procéder à la période de micro ouvert avec notre témoin de ce soir, M. Daniel Fortin.

Donc, M. Fortin, comme je l'ai indiqué, vous avez trois à quatre minutes, et nous allons vous écouter pour entendre ce que vous avez à nous dire. Alors, la parole est à vous.

M. Patrice Fortin

M. Fortin (Patrice): Oui. Bonsoir, les citoyens ici présents, Mme Hivon, ainsi que les membres de la commission. Moi, ce n'est pas «Daniel», en passant, c'est «Patrice» Fortin.

La Présidente (Mme Hivon): Désolée, M. Fortin.

M. Fortin (Patrice): O.K. Bien, ce n'est pas bien, bien grave. Je suis content d'être le seul... un des seuls citoyens. J'espère que demain il va y en avoir plus qu'un seul.

Ça fait longtemps que, moi, j'interviens auprès de l'Assemblée nationale, pour avoir été moi-même chef de deux partis provinciaux au Québec. Je suis content qu'on me donne quatre minutes. Si j'avais pu en prendre au moins cinq, ça aurait été pas pire, mais je vais essayer d'être bref. Quand j'ai su qu'on avait une commission Mourir dans la dignité... Moi, j'assiste des personnes qui ne sont pas mortes, qui ne sont pas fortes, puis ils ont de la misère beaucoup dans leur vie. Mais j'ai eu à vivre une situation où j'ai un copain qui est décédé, avant les fêtes, à La Maison Michel Sarrazin, O.K.?

Je dois dire d'entrée de jeu que, quand on parle de mourir dans la dignité, je pense qu'au préalable ce serait important qu'on commence par vivre dans la dignité. Et je prends ce copain-là, à titre d'exemple, mais je regarde... je prends aussi l'exemple de nos aînés, nos patriotes qui ont payé des taxes, qui ont payé des impôts. On s'est fait promettre, vous savez... pas de hausse de taxes, pas d'impôt, puis finalement on n'a pas tenu les promesses, on continue à aller hausser les taxes, des impôts. Et je pense que c'est un droit à... leur dernier droit de vivre ou à la porte de la... faire le trépas, qu'on les écoute et un peu qu'on les respecte parce qu'ils ont... je pense qu'ils ont assez payé dans leur vie que c'est bien du moindre... tu sais, qu'on prenne en considération leurs opinions à ce niveau-là. Et, quand j'écoutais le monsieur au préalable qui a fait un bon témoignage, ma suggestion que je pourrais faire... j'écoutais, il y avait un... justement un débat sur le don d'organes. On demande aux gens, par exemple, qui veulent faire un don, de le mettre sur leurs permis de conduire. Moi, je crois qu'il faut respecter... je crois à l'intelligence des gens, et ça, après en avoir discuté longuement, je pense que ça devrait leur revenir, qu'on l'écrive aussi, tu sais?

S'ils sont capables de donner, faire don d'un organe, bien ils peuvent décider comment qu'ils veulent disposer de leur vie, je pense. En tout cas, c'est un questionnement que je voulais emmener.

Et aussi je voulais vous rappeler qu'aujourd'hui, dans Le Journal de Québec, à l'éditorial de M. Samson, je pense, à la page 19, ça décrit pas mal assez bien quelle est la situation de nos personnes, les aînés. Mais, moi, ce qui m'avait un peu agacé... il y a toutes sortes de places qu'on voudrait des fois aller s'exprimer. Ça ne serait pas toujours nécessaire de venir ici, on a un programme, des comités des usagers des CLSC. Moi, j'ai voulu aller parler des gens qui ont de la misère. On m'a répondu carrément, dans ces comités-là, que ce n'était pas possible d'aller le faire. Alors, je n'en reviens pas qu'on ait toutes ces structures-là puis qu'on ne puisse aller parler, des fois, sans être obligés de venir vous déranger à l'Assemblée, hein? Bon. Ça pourrait être un endroit d'aller le faire.

Et, pour ce qui est de mon copain, moi, ce qui m'avait déçu, voyez-vous, lui, quand il est décédé, j'ai appelé le vendredi, j'apprenais qu'il était pour... je ne savais pas qu'il était là, on ne me l'a pas... on ne voulait pas me le dire, qu'il était là. Mais je l'ai su trois, quatre jours après qu'il soit décédé et je ne pouvais même pas aller le visiter. C'est-u incroyable? Il n'avait pas de famille, il n'avait pas de parent, j'étais un de ses seuls amis puis je ne pense pas que, quand on sait qu'une personne est pour décéder... qu'on va sauter dessus à la veille de mourir, là, quand même, tu sais. Alors, on devrait permettre... c'est un peu un aspect, que je voulais venir toucher, du problème, tu sais, que, quand que les amis veulent voir... visiter ces gens-là, on apprend que ça ne va pas, on puisse ouvrir les portes, tu sais, puis leur permettre d'aller leur rendre visite.

Autre chose, aussi, je regarde les personnes qui soignent ces personnes-là en phase terminale, on pense à des aidants naturels. Souvent, moi, c'est mon cas, j'aide des personnes qui ont de la misère. On ne sait pas, tu sais... Comme des fois on a des déductions qu'on peut obtenir si on a des frais, par exemple, d'essence. Moi, je ne l'ai appris que dernièrement. Ça fait un an que j'aide quelqu'un, puis ce n'est pas un mautadine de cadeau, tu sais. Elle n'est pas en phase terminale, mais ce n'est pas facile. J'imagine les personnes en phase terminale, des fois, tu sais, ils ont à courailler, puis tout. Puis, quand quelqu'un, par exemple... on dit: On va leur donner un crédit d'impôt, bien, écoutez, là, quand que quelqu'un est pauvre, ça peut être des personnes à l'aide sociale, si tu n'en paies pas, d'impôt, tu n'as pas droit de crédit d'impôt, alors tu piges dans tes poches, puis là tu... tu sais, tu pédales puis là tu ne sais plus ce que tu vas faire. Moi, moi-même, j'ai été pénalisé parce que j'ai aidé une personne, voilà une couple d'années, qui avait été victime d'agressions sexuelles, pendant deux ans. J'étais rendu à ramasser de la ferraille pour venir en aide à ces gens-là. Puis tout ce qu'on a trouvé, en fin de compte, comme récompense, c'est qu'on m'a puni comme... en me traitant d'un fraudeur. Je n'en reviens pas. J'en ai presque perdu l'objet de mon pourquoi.

Et c'est pour ça que je venais aujourd'hui témoigner pour le dire. C'est surtout aussi les proches, les aidants qui soignent ces personnes-là, bon. Maintenant, je pense aussi aux personnes, tu sais, que souvent... Comme, moi, j'ai ma mère, par exemple, O.K., qui est à Montréal. Je ne peux pas aller la voir. On a des membres de notre famille souvent qui ne vont pas aller les voir, et, quand on voudrait peut-être changer de ville, aller ailleurs, tu sais, comme par exemple... c'est difficile d'aller les aider si on n'est pas... tu sais, d'être transféré si on habite dans un logement, par exemple, social. On ne fait même pas ces transferts-là.

C'est toutes des questions que je voulais vous amener, qui étaient un peu afférentes, que ça n'aide pas les proches non plus de ces personnes-là. Ça va jusqu'au temps... quand on décède, les fosses communes. On parle de respect, là. On n'a même pas d'endroit pour indiquer... J'ai parlé avec Rénald Julien, dont j'ai écrit à Québec... et on m'a répondu: M. Fortin, on n'était pas au courant. Mais j'ai dit: Bien non. Vous avez fait un colloque voilà deux ans, puis il n'y a toujours pas l'indication «fosses communes». C'est ça quand on parle de mourir aussi dans la dignité.

Et je termine en disant: Vous avez l'air à vous questionner un peu. Dernier point que je voulais amener, c'est au niveau de la religion. Quand je les vois se mêler de tout ça... J'ai déjà demandé à M. Charest, à un moment donné, j'ai dit: J'espère que vous allez être notre Thomas Jefferson, notre James Madison, notre Benjamin Franklin et que vous allez nous écrire une constitution, pas pour mettre juste ce droit-là, ça peut être l'avortement, les droits des homosexuels... pas juste dans une charte, comme qu'on l'entend, une charte de la laïcité. Et là je fais un spécial pour vous dire que, la journée où est-ce qu'on va séparer l'Église de l'État, allez voir la Constitution des États-Unis, du Mexique de 1917... on avait sorti ça, c'est dans le livre de... aux éditions de Laffont, de Jean-Jacques Vincensini, ça s'appelle Le livre des droits de l'homme. Je pense que vous allez trouver des réponses là-dedans, que... je pense ce n'est pas à l'État de décider pour nous à ce niveau-là.

Si je l'ai donné, tout à l'heure, l'exemple, j'espère que j'ai été compris quand je dis que les gens... Si on le fait au niveau du don d'organes, bien je pense qu'on doit être capables de le faire pour ce qui est de notre vie, comment on veut la terminer, O.K.?

Et puis en terminant...

La Présidente (Mme Hivon): Oui.

M. Fortin (Patrice): ...bien j'aimerais dire aux gens qui vont nous quitter qu'on ne sait pas si c'est un non... un monde meilleur. Quand le parlais de religion, je fais le parallèle avec ça, j'ai un de mes copains à moi qui m'a dit: Quand mon père est décédé... O.K., il dit: Si jamais qu'il se passe de quoi rendu en haut, envoie-moi un message. Bien, il dit: Vingt ans plus tard, j'attends toujours le message, il ne m'est pas parvenu. Alors, je ne pense pas qu'il doit se passer grand-chose. C'est pourquoi je vous dis: Mettons un peu la religion à l'extérieur, croyons à l'intelligence des gens et permettons-leur de décider par eux-mêmes. Et prenons l'exemple de M. Madison. J'espère que M. Charest saura la suivre, ce n'est pas la première fois que je lui demande. J'ai hâte qu'on écrive une constitution pour le Québec... interne, où on pourrait tout écrire ces beaux droits là.

Et c'est à peu près ce que j'avais à dire. Je pense que, vous, vous êtes à la Justice, là. Vous avez eu un bon témoignage, vous avez une belle référence, M. Laffont, là, aux éditions des... Le livre des droits de l'homme.

**(18 h 30)**

La Présidente (Mme Hivon): Bien, écoutez, merci beaucoup, M. Patrice Fortin, de votre présentation.

Vous avez dit tout à l'heure que vous ne vouliez pas déranger les parlementaires à toute occasion. Je dois vous dire que vous ne nous avez pas du tout dérangés. Ça a été un témoignage très intéressant, pour nous. Donc, merci d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui. Et, sur ce...

M. Fortin (Patrice): ...

La Présidente (Mme Hivon): 15 secondes.

M. Fortin (Patrice): ...note d'humour. Mon père, quand il est décédé, il dit... Ma mère, il dit, était tellement malcommode, il dit, quand je vais mourir, je vais me mettre assez bas dans l'urne funéraire au complexe, il dit, qu'elle va être obligée de se pencher. Alors, toujours à la blague, je dis toujours: Imaginez si on n'avait pas respecté ses dernières volontés, alors, tu sais...

Une voix: ...

M. Fortin (Patrice): Alors, c'est pour ça que c'est important.

La Présidente (Mme Hivon): Merci. Merci, M. Fortin.

Alors, sur ce, la commission sur la question de mourir dans la dignité ajourne ses travaux au jeudi 10 février 2011, après les affaires courantes, à la salle du Conseil législatif, afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité. Alors, merci, tout le monde, et bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 31)

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