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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Wednesday, October 2, 2013 - Vol. 43 N° 41

Special consultations and public hearings on Bill 52, An Act respecting end-of-life care


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Société québécoise des médecins de soins palliatifs (SQMDSP)

NOVA Montréal

Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie (CRISE)

Association du Québec pour l'intégration sociale (AQIS)

Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN)

Intervenants

M. Lawrence S. Bergman, président

Mme Véronique Hivon

Mme Stéphanie Vallée

Mme Suzanne Proulx

Mme Marguerite Blais

Mme Hélène Daneault

M. Yves Bolduc

Mme Jeannine Richard

Mme Diane Gadoury-Hamelin

M. Roland Richer

*          M. Patrick Vinay, SQMDSP

*          Mme Michelle Dallaire, idem

*          Mme Marie-Claude Mainville, NOVA Montréal

*          M. Michael Laplante, idem

*          M. Brian L. Mishara, CRISE

*          Mme Jacqueline Babin, AQIS

*          Mme Catherine Fortier, idem

*          Mme Susie Navert, idem

*          M. Roger Duchesneau, idem

*          M. Richard Lavigne, COPHAN

*          Mme Véronique Vézina, idem

*          Mme Michèle Leduc, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures huit minutes)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bergman) : Alors, collègues, on reçoit maintenant la Société québécoise des médecins de soins palliatifs.

Dr Vinay, Dre Dallaire, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Donnez-nous vos noms, vos titres. Et les prochaines 15 minutes, c'est à vous. Et bienvenue encore à l'Assemblée nationale.

Société québécoise des médecins
de soins palliatifs (SQMDSP)

M. Vinay (Patrick) : Alors, je suis le Dr Patrick Vinay et je suis actuellement le président de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs.

Mme Dallaire (Michelle) : Michelle Dallaire. Alors, je suis aussi médecin en soins palliatifs depuis plus de 15 ans. Je fais des soins palliatifs à domicile dans la région de Saint-Hyacinthe depuis deux ans. Et, avant ça, j'ai travaillé pendant une quinzaine d'années à l'Hôpital Notre-Dame du CHUM.

• (11 h 10) •

M. Vinay (Patrick) : Merci, M. le Président, de nous recevoir ce matin. La Société québécoise des médecins de soins palliatifs est une nouvelle société qui s'est formée dans la dernière année. Et, comme toute société professionnelle, elle a les buts de s'occuper de ses membres, de la formation de ses membres, de la recherche et également de la pratique des soins palliatifs à travers le territoire. La première tâche que cette société est en train de faire, c'est d'écrire des guides de pratique pour l'utilisation de la sédation palliative. Ce document sera évalué par de nombreuses instances, et nous pensons l'adopter quelque part au mois de mai 2014.

Alors que seulement 20 % des grands malades qui sont en fin de vie ont accès à des soins palliatifs de grande qualité, il est évident que notre société voit avec beaucoup d'intérêt que cette loi vise à assurer une meilleure accessibilité de tous les citoyens à des soins palliatifs de qualité. Nous sommes — vous le savez, ça a été probablement abondamment dit — dans un contexte souvent mal compris, mal compris du public, mais aussi assez souvent mal compris des médecins, en particulier de ceux qui n'oeuvrent pas en soins palliatifs.

Le premier point que nous souhaitons faire valoir, c'est que les soins palliatifs sont des soins qui accompagnent la vie; la vie qui reste, bien sûr. Qui dit soins dit avenir. Pas de soins s'il n'y a pas d'avenir. La proposition euthanasique, qui est une proposition d'arrêter immédiatement la vie, ne saurait donc faire partie du continuum des soins et encore moins du continuum de soins palliatifs. Nous ne disons pas qu'il n'y a pas des gens qui souhaitent terminer leur vie de façon précoce. Ceci n'est cependant pas un soin.

Considérez les choses suivantes. Notre charte fédérale dit que nous avons tous droit à des soins. La législation nous dit également, à travers cette loi, que l'euthanasie sous forme de sédation palliative ou aide médicale à mourir est un soin. Nous savons également que tout le monde a le droit de refuser des soins, et ceci est parfaitement normal, et nous sommes parfaitement d'accord avec cela. Si, donc, tout citoyen doit avoir des soins et peut refuser des soins, s'il refuse des soins curatifs et s'il refuse des soins de confort, que lui reste-t-il dans les soins dont il a droit selon les chartes? Il a droit de demander l'euthanasie. En d'autres termes, la demande d'euthanasie est la demande du seul — ouvrez les guillemets, fermez les guillemets — soin qu'il lui reste puisqu'il n'y a pas d'autres soins qu'il accepte.

Ici, l'espace de concertation entre soignant et médecin est dominé par l'imposition au médecin d'un soin demandé par le malade. Pourquoi imposé? Parce que le médecin aura le devoir, si ce soin est un droit, de donner au malade l'accès à son droit. Et, s'il a refusé toute autre forme de soin et qu'il ne lui reste que celui-là, voilà que cet espace de concertation qui existe en général entre le médecin et son patient vient d'être profondément changé. Dans un dialogue de partage de décision de soins, ni le médecin ni le malade n'imposent rien à l'autre. Nous partageons ensemble et nous choisissons ensemble un chemin. Dans le cas qui nous intéresse, je crois qu'il est possible — et notre conseil s'en inquiète — il est possible que le malade puisse dire : Monsieur, ceci est mon droit, veuillez accomplir ce geste.

Je vous donne un exemple pour comprendre concrètement. Voilà un patient qui est en soins palliatifs, qui est en coma depuis trois jours, qui est parfaitement confortable sur le plan physique. L'équipe de soins palliatifs voit qu'il est parfaitement bien contrôlé. La famille, cependant, le trouve souffrant parce qu'il n'est pas comme il était avant, bien sûr, et, comme il avait écrit, dans les papiers qu'il a légués, qu'il souhaitait, s'il devenait dans une condition insupportable, avoir l'euthanasie, la famille le demande. Le médecin, que peut-il faire avec cette demande? Il ne peut que l'accepter, c'est un droit du malade. Pourtant, il n'y a pas de soin médicalement requis dans la demande de la famille, et deux jours, un jour, six heures de plus, la mort sera venue pour des causes naturelles. Il est donc tout à fait possible, ayant l'expérience de dix années de soins palliatifs à Notre-Dame et ayant vu assez souvent la chose, que les familles qui ne souhaitent pas que les choses se prolongent demandent que l'on achève leur malade rapidement même s'il n'y a pas réellement de justification médicale. En d'autres termes, il y a une imposition.

Tel que la loi n° 52 est rédigée, nous ne voyons pas le caractère de fin de vie imminente requise. En d'autres termes, les gens pourront avoir l'aide médicale à mourir et la sédation palliative alors qu'ils ont beaucoup de temps devant eux en respectant les balises de la loi.

Je vous donne un exemple : cette madame a 52 ans, elle est peintre. Elle a une vie artistique et professionnelle extrêmement vive. Elle devient aveugle ou semi-aveugle puis rapidement aveugle par une dégénérescence maculaire. C'est une maladie de l'oeil qu'on ne peut pas guérir, et elle est en train de s'en aller vers un monde où elle ne peut plus voir. Elle est extrêmement déprimée, elle a un sentiment très avancé de déchéance. Elle a peut-être encore 40 ans de vie. Selon les balises de la loi, elle a parfaitement le droit de demander et de recevoir de l'euthanasie en raison des souffrances psychologiques qu'elle subit à l'occasion de cette transformation.

Je crois également que l'aide médicale à mourir, qui n'est jamais bien définie par la loi, je suis obligé d'y voir ce qu'on y voit ailleurs, c'est-à-dire un geste dans lequel des médicaments nouveaux — curare, pentobarbital — viennent arrêter rapidement la vie. Je constate qu'une grande partie du public québécois ne comprend pas ce que c'est que l'aide médicale à mourir. La nomenclature est floue, elle laisse place à des interprétations. Il me semble que toute loi doit être claire dans son objet et dans ses dispositions.

La sédation palliative terminale n'est pas non plus définie dans la loi. C'est assez ennuyeux puisque cela n'existe pas en soins palliatifs. Nous ne savons pas ce que c'est. Nous devons comprendre qu'il s'agit d'une sédation qui est fournie à des patients qui ne sont pas en fin de vie, qui n'ont pas deux semaines ou plus de vie comme le prévoient en général les guides de pratique un peu partout, et donc nous pensons que ce message est ambigu. Non seulement est-il ambigu, mais, comme il est proche de la sédation palliative non terminale, que nous utilisons volontiers en soins palliatifs quand il n'y a pas d'autre façon de soulager un malade, les familles croiront que la sédation palliative qui a été donnée à ce malade avec leur accord a réduit la vie de ce malade.

Nous pensons enfin qu'il est impensable que l'on puisse pratiquer des homicides, même légalisés, à l'intérieur d'un milieu de soins. Un hôpital doit être un lieu absolument sécuritaire. Vous amenez votre papa et votre maman, même s'ils sont dans un état qui est un état proche de la fin, vous ne voulez pas que personne ne puisse attenter à la vie de cette personne. Bien sûr, ce n'est pas ça que la loi prévoit, mais c'est quand même cela que beaucoup de Québécois vont comprendre. Et donc nous pensons que, si le législateur souhaitait donner un accès euthanasique à une partie de la population, ça ne devrait pas être à l'intérieur du système de santé, mais très clairement en dehors de celui-ci.

Nous pensons que le geste euthanasique, surtout lorsqu'il est posé avec une période de temps prolongé devant le malade alors qu'il n'est pas de façon… la mort n'est pas imminente, comme décrit dans cette loi qui ne prévoit aucune terminalité, nous pensons qu'elle ôte au malade toute possibilité de changer d'avis, et la possibilité de changer d'avis nous semble un droit inviolable.

Enfin, je vois des conflits d'intérêts entre les personnes qui seront appelées à poser un geste euthanasique et le malade. Je suis néphrologue, je l'ai été pendant 30 ans. J'avais, dans mon service, une dizaine de lits. Sur ces lits qui étaient présents, cinq étaient occupés par des patients à qui il n'y avait plus de soins actifs et qui attendaient un transfert en CHSLD. Les médecins, au Québec, sont payés à l'acte, et donc la présence de ces cinq malades diminuait mon revenu de façon significative. Si, pour une raison ou pour une autre, je trouve une façon de les injecter et de les envoyer ad patres, je libère cinq lits; libérant cinq lits, j'augmente les actes et mon salaire double. Est-ce que l'on peut laisser à un professionnel de la santé, qui est en conflit direct avec son malade, le droit, ou le privilège, ou la responsabilité — parce que ce n'est ni un droit ni un privilège, mais la responsabilité — de poser un geste euthanasique?

• (11 h 20) •

Il y a également un conflit d'intérêts avec les institutions qui ont de la difficulté à pouvoir vider les urgences parce que les lits sont pleins par des gens qui ne vont pas en CHSLD parce que ceux-ci sont pleins. Si on vide ces lits-là, voilà, tout d'un coup, que la gestion hospitalière et les coûts s'améliorent. On pourrait même dire qu'en bout de ligne même le ministère de la Santé est un peu en conflit avec les malades. C'est une partie très significative, plus de 50 % de son budget est dépensé dans les six derniers mois de vie. Et, si ces six derniers mois de vie étaient beaucoup plus courts, les impacts financiers deviennent considérables. Je ne pense pas qu'il y ait une collusion, une pensée de conflit d'intérêts. Je pense seulement qu'il est possible que le public le voie comme cela. Je pense qu'il faut non seulement de la transparence et qu'il faut une absence de conflit d'intérêts, mais il faut aussi que ce soit évident.

En conclusion, nous souhaitons que ce gouvernement maintienne son plan de développement des soins palliatifs, ça nous semble un plan très heureux. Nous souhaitons que ce gouvernement ne reconnaisse pas l'euthanasie comme un soin de droit, c'est-à-dire qui fasse partie des soins au sens où c'est dans la charte. Nous souhaitons qu'elle ne permette pas de procéder à des euthanasies dans les milieux de santé et qu'elle retire le terme «sédation palliative terminale», qui est une réalité qui n'existe pas et qui, à toutes fins pratiques, est une deuxième voie pour une euthanasie moins bien balisée que la première de la loi. Effectivement, la sédation palliative terminale n'a pas les mêmes conditions encadrantes, même si celles-ci ne sont pas satisfaisantes pour l'aide médicale à mourir, que celles qui sont dans l'aide médicale à mourir. Nous souhaitons que l'on ne considère jamais que l'aide médicale à mourir puisse faire partie d'un continuum de soins. À ce titre, nous pensons que cette loi doit donc être reformulée et repensée de façon profonde. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Dr Vinay, pour votre présentation. Alors, pour le gouvernement, le premier bloc, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Alors, bonjour à vous deux. Merci d'être ici. Peut-être, dans un premier temps, Dr Vinay, simplement… On vous a vu lorsqu'il y a eu deux, en fait, nouvelles associations de créées au cours des derniers mois, donc l'association que vous représentez aujourd'hui, des médecins en soins palliatifs, et aussi le collectif des médecins pour le refus médical de l'euthanasie. Et, à l'origine, vous étiez le porte-parole du collectif des médecins pour le refus, donc, de l'euthanasie. Donc, je veux juste savoir la différence ou les convergences entre ces deux associations-là.

M. Vinay (Patrick) : Les deux choses sont particulièrement différentes. Je ne dirais pas que nous ne sommes jamais, nous-mêmes, complètement étanches, mais les choses sont différentes. Ce que je représente, ce matin, c'est un regroupement professionnel de médecins de soins palliatifs qui oeuvrent en soins palliatifs depuis plusieurs années et qui sont inquiets du contenu de cette loi. La présentation que je vous fais n'est pas la présentation de mes idées personnelles, mais bien celles du conseil qui a lu, modifié et changé ce mémoire pour qu'elle représente sa pensée. Et donc ce que vous entendez de moi, ce matin, c'est la pensée de ce regroupement-là qui est la pensée de professionnels.

Mme Dallaire (Michelle) : Peut-être que j'aimerais ajouter à ça le point suivant. La Société québécoise des médecins de soins palliatifs est l'équivalent de la société québécoise des néphrologues du Québec et l'équivalent de l'Association des cardiologues du Québec, au sens où c'est une association professionnelle où nous allons ensemble, comme autres experts dans la société, définir, par exemple, qu'est-ce qui serait la meilleure compétence pour exercer la sédation palliative avec nos malades, comment les autres médecins, au Québec, qui ont à faire de la sédation palliative… comment on peut organiser ça peut-être à domicile. Alors, on a beaucoup de réflexion là-dessus.

On a donc des soucis de formation, des soucis, mon Dieu! de représenter nos membres, effectivement, dans différents lieux, on a des soucis d'aide de professionnels. Comme d'autres sociétés, si des médecins sont mal pris, ils veulent avoir des conseils, bon, ils vont nous appeler, puis on va dire : Bon, regarde, peut-être, on peut faire ça comme ceci, comme cela. Voyez-vous, ce n'est vraiment pas une société qui a un rapport quelconque avec l'euthanasie, pas plus, quelque part, que, je ne sais pas, moi, si la société des néphrologues venait vous dire comment eux, avec les dialysés chroniques, ça va leur causer des soucis d'avoir ces patients qui ne sont pas mourants ou qui peuvent continuer de vivre, mais, s'ils demandent l'euthanasie, bien, ils vont devoir les laisser aller alors que ce ne serait pas médicalement requis. Mais comprenez-vous? Il faut vraiment distinguer ça complètement. Dr Vinay a des…

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Donc, c'est ça. Parce que vous avez pris naissance, si je comprends bien, au dernier congrès des soins palliatifs, et donc votre objectif va être beaucoup plus large pour des prises de position pour différents sujets et non pas dans la foulée du projet de loi n° 52, ce qui est le cas du collectif des médecins. O.K. Parce que je voulais juste vous dire… Mais c'est normal un peu aussi.

Mais, quand je regardais, hier, les membres de votre conseil d'administration, il y a plusieurs de ces membres-là qu'on a déjà vus, dans les dernières semaines, pour d'autres associations. Donc, Dr Daneault est venu pour le collectif; hier, on a Dre Martel pour le Réseau de soins palliatifs. Donc, à un moment donné, il y a comme une convergence où c'est comme si les gens de votre conseil d'administration, de ce que je comprends, sont les mêmes personnes qui sont très actives dans plusieurs regroupements. Les regroupements n'ont pas toute la même fin en elle-même, mais, si je comprends bien, le même noyau de personnes est très actif à différents égards par rapport au projet de loi.

Mme Dallaire (Michelle) : Parce qu'effectivement, pour nous, ça a un impact…

Le Président (M. Bergman) : Dre Dallaire

Mme Dallaire (Michelle) : Excusez-moi.

Le Président (M. Bergman) : Dre Dallaire.

Mme Dallaire (Michelle) : Parce que, pour nous, effectivement, en soins palliatifs, cette loi-là, ça a un impact majeur, alors c'est normal que tous nos membres en soins palliatifs se sentent concernés. Dre Martel est venue représenter le Réseau de soins palliatifs du Québec. Moi, j'ai lu le mémoire du réseau, et c'est très proche de ce que nous, on amène. On amène peut-être des choses complémentaires, mais c'est très, très proche.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Vous dites, vous affirmez que 90 % des médecins en soins palliatifs sont contre l'aide médicale à mourir. Et j'aimerais savoir si… Moi, j'ai vu passer un chiffre de 90 % qui était quelque chose de pancanadien, qui n'était donc pas en lien spécifiquement avec le projet de loi n° 52, et je voulais savoir : Votre chiffre de 90 %, est-ce que c'est cette source-là, pancanadienne, ou si c'est un sondage que vous avez fait au Québec?

M. Vinay (Patrick) : C'est une…

Le Président (M. Bergman) : Dr Vinay.

M. Vinay (Patrick) : Je m'excuse, M. le Président. Me permettez-vous de répondre?

Le Président (M. Bergman) : Dr Vinay.

M. Vinay (Patrick) : Il s'agit d'une analyse des interventions qui ont été tenues lors des audiences de la commission sur la question de mourir dans la dignité, dans laquelle nous avons eu accès à une analyse chiffrée des positions de chacune des personnes qui se sont prononcées sur la question. Et, si on fait un sous-groupe des médecins de soins palliatifs, on arrive à un chiffre qui est proche de 90 %.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Donc, ce que vous voulez dire, c'est : Les médecins qui se sont présentés à la commission spéciale, quand vous regardez la proportion, ceux qui sont venus étaient, à 90 %, des médecins qui étaient contre. C'est ça, la…

M. Vinay (Patrick) : Des médecins de soins palliatifs.

Mme Hivon : De soins palliatifs.

M. Vinay (Patrick) : Parce que ça peut être très différent si on regarde les médecins en général.

Mme Hivon : Oui, oui, oui. C'est beau. Parfait. Je voulais juste peut-être recadrer certaines choses. Vous avez dit tout à l'heure qu'une femme de 52 ans qui deviendrait graduellement aveugle parce qu'elle a une dégénérescence maculaire pourrait faire la demande et vous ne voyez pas comment ça pourrait lui être refusé. Je dois vous dire que ça lui serait refusé parce qu'elle n'est pas en fin de vie. Et le critère premier du projet de loi, c'est un projet de loi pour les personnes en fin de vie, c'est là du début à la fin. Et donc, évidemment, quand quelqu'un, il lui reste plusieurs années, qu'elle est au milieu de sa vie, on ne peut pas la considérer en fin de vie — donc, si je peux vous rassurer à cet égard-là — au même titre où les personnes handicapées ne sont pas concernées. Elles peuvent être concernées, préoccupées, mais ce que je veux dire, ce n'est pas une maladie grave et incurable que d'avoir un handicap, pas plus qu'on est en fin de vie parce qu'on a un handicap. Donc, ça, je voulais vous le préciser.

Même chose pour une personne qui est dans le coma. Vous nous avez dit : Ses proches pourraient, si elle l'a demandé dans ses directives anticipées… Dans le projet de loi, il est exclu qu'une personne puisse faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir parce que l'article 26 prévoit que la personne doit être majeure et apte. Donc, dans les directives médicales anticipées, elle ne pourra pas… Et c'est d'ailleurs un sujet de débat parce que plusieurs groupes sont venus nous dire que ça devrait être le cas, qu'une personne apte devrait pouvoir, en prévision d'une éventuelle inaptitude, prévoir une demande d'aide médicale à mourir, mais, dans le projet de loi, ce n'est pas quelque chose qui est prévu. Donc, ça, je voulais aussi vous le signifier.

• (11 h 30) •

Et, pour ce qui est de la question que vous soulevez en dernier, je dois vous dire que je trouve ça très troublant que vous nous parliez du conflit d'intérêts. Je pense que c'est très difficile de laisser passer ça sous silence, une affirmation comme celle-là, parce que vous parlez vous-même de l'importance de la confiance, et là, en fait, vous êtes en train de remettre complètement en cause la confiance que les gens pourraient avoir à l'égard des médecins. Parce que, si on suit votre logique, les seules choses qui guideraient les médecins qui soignent leurs patients, ce serait l'idée de faire plus d'argent. Donc, moi, je dois vous dire, là, quand j'ai lu ça hier, je l'ai relu plusieurs fois parce que j'avais beaucoup de difficultés à comprendre comment vous pouviez faire une telle affirmation, de nous dire que, dans le fond, les médecins, ce qu'ils vont vouloir faire, c'est peut-être — même, à la limite, sans demande — donner une aide médicale à mourir parce que ça va leur simplifier la vie, parce qu'ils vont libérer des lits, parce qu'ils vont pouvoir faire plus d'argent. Donc, je me dis, si c'est ça en ce moment, je trouve ça très triste et très grave comme affirmation. Et, je me dis, si c'est ça la philosophie ou la vision que… je ne sais pas, que vous voulez nous amener sur les médecins, je me dis, ça veut déjà dire que, dans l'état actuel des choses, les médecins, si c'est juste ça qui les intéresse, ils ne vont pas offrir un nouveau traitement à leurs patients, ils vont leur dire : Bien, dans le fond, ça va être plus simple si tu refuses un traitement, comme ça, il n'y aura pas de prolongation de la vie, on devrait arrêter ton traitement. Donc, je vous le dis, je trouve ça très grave.

Puis, à la fin, vous nous dites : Bien, en fait, ce n'est pas vraiment ça que je pense, mais c'est ce que le public voit. Mais moi, je dois vous dire qu'on a entendu beaucoup de gens, beaucoup d'associations, la Protectrice du citoyen, les comités d'usagers, les protecteurs du malade, qui représentent des gens, des associations, il n'y a personne qui est venu nous défendre une vision comme ça de la médecine. Donc, que ça vienne de médecins en soins palliatifs, je trouve ça très troublant. Donc, je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire?

Le Président (M. Bergman) : Dr Vinay.

M. Vinay (Patrick) : Je suis heureux de votre première partie de votre réponse m'indiquant que, dans la loi n° 52, la terminalité est effectivement nécessaire. Je l'ai lue plusieurs fois et je ne suis pas convaincu de trouver cela clairement dans l'article 26. Si c'est clair, cela devrait être inscrit clairement dans les conditions de l'article 26. Je pense que ce serait important.

Je vois la loi et je vois également le rapport Ménard qui l'a précédée, et, pour la question de l'aptitude et au moment même où on fait la demande, je pense qu'il y a un flou également. Donc, je pense que votre réponse, qui est appropriée, pourrait être une voie pour modifier la formulation de la loi pour que cela soit clair.

Enfin, dernièrement, je pense qu'en justice il faut non seulement avoir la justice, mais l'apparence de la justice. Et, si on veut avoir à la fois la justice et l'apparence de la justice, je pense qu'il ne faut pas mettre personne dans des circonstances où l'apparence n'est pas là. Loin de moi de penser que les médecins du Québec ne sont pas dévoués et n'ont pas comme premier intérêt les patients qu'ils soignent. Je suis dans le milieu de la santé depuis 40 ans et je n'ai vu essentiellement que cela. Et j'ai entendu également, dans le milieu de la santé, beaucoup de commentaires qui proviennent d'un manque de clarté ou d'un manque d'apparence de conflit d'intérêts ou de… d'une apparence de conflit d'intérêts qui se manifeste.

Je pense donc qu'il est parfaitement plausible — et je l'ai entendu déjà, à quelques reprises, de la part du public — que les gens se demandent si cette loi n'est pas là pour des raisons économiques, n'est pas là pour des raisons économiques d'État, des raisons économiques d'institutions et alors, pourquoi pas, des raisons économiques de médecins. Cette vision est très probablement fausse, mais peut-on y donner… y prêter flanc? Ne devrait-on pas avoir une situation de pleine transparence? C'est le but de ce paragraphe.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, merci beaucoup pour votre participation à nos travaux. Évidemment, on comprend très bien votre… Comme la plupart de vos collègues qui vous ont précédés, votre objection à l'introduction de l'aide médicale à mourir, en soi, c'est clair. On nous a proposé, hier, d'avoir une approche un petit peu différente au niveau du projet de loi, c'est-à-dire de peut-être s'inspirer de ce qui s'est fait ailleurs, que ce soit en Belgique ou que ce soit, je crois…

Une voix : Au Luxembourg.

Mme Vallée : …au Luxembourg, où on a traité de la question dans deux projets de loi distincts, c'est-à-dire qu'un projet de loi encadrant et mettant en valeur les soins palliatifs… afin de donner suite aux recommandations du rapport, parce qu'on s'entend que le rapport de la commission spéciale porte beaucoup sur la question des soins palliatifs, qu'il y a un effort substantiel à faire. Et on comprend aussi de la ministre que cette volonté-là, elle est présente. Donc, un des groupes qui vous a précédés a suggéré qu'un projet de loi traitant de cet aspect-là bien spécifique soit présenté, présenté aux députés pour le vote, et que la question… s'il y a une volonté d'introduire, à titre de soins… Et là, bon, je comprends que vous, vous n'êtes pas en faveur de cette façon de faire là, mais il y a certains groupes qui ont demandé et qui font… et qui militent en faveur de l'introduction d'une aide médicale à mourir. Bon, il y a toute la question constitutionnelle, on sait que ces éléments-là sont présents.

Mais, compte tenu de ça, êtes-vous d'accord avec cette façon de prendre la bête, c'est-à-dire : Mettons de l'avant un projet pour les soins palliatifs, traitons les soins palliatifs comme vraiment ce qu'ils sont, un soin à part, et encadrons à l'intérieur d'un autre projet de loi la question de l'aide médicale à mourir, de la sédation palliative — continue ou terminale, peu importe le terme qu'elle sera — et traitons ça de façon distincte pour éviter cette confusion-là aussi qui existe entre l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs? J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Dre Dallaire.

Mme Dallaire (Michelle) : Oui. Je pense qu'effectivement, si notre société, à ce moment-ci… Et je pense qu'il y a la preuve ici puisque ce projet est là. Il y a une partie de notre société qui souhaite avoir des conditions qui vont permettre l'accès à l'euthanasie. Puis là, bien, juste pour les mots, là, hein, on a ici un article du président du collège qui dit qu'il faut bien être clair que l'aide médicale à mourir, c'est l'euthanasie, puis être sûr qu'on s'entend, là, que c'est la même chose. Alors donc, si, dans notre société, on a ce besoin, puis il semble que oui, une façon comme ça vous a été proposé hier, entre autres — je ne sais pas si c'était par le Réseau des soins palliatifs du Québec, là, mais je sais qu'ils étaient en faveur de ça — bien, nous, on pense que c'est… on pourrait appeler ça un moindre mal. En fait, ça permet de contenter un peu. Nous, en soins palliatifs…

Parce que, voyez-vous, le coeur de notre travail en soins palliatifs, c'est vraiment… ce qu'il y a là puis qu'on a moins ailleurs, c'est vraiment toute l'intensité de l'accompagnement, hein? On a des gens qui font face à la mort, puis ils disent : Il reste peut-être quelques semaines. Ils sont vraiment désorganisés, ils sont souffrants, ils sont apeurés. Et nous, avec l'équipe en soins palliatifs — parce que c'est vraiment un gros travail interdisciplinaire — on réussit finalement à les aider d'un jour à l'autre, hein? Parce qu'il y a une crise à traverser, là. Ce n'est pas banal, hein, mourir. Donc, il y a vraiment une crise là. Il y a un tas de deuils : la maison, ce qu'on faisait, ce qu'on espérait, les projets, les enfants qui vont grandir, ce qu'on ne verra pas, etc. C'est terrible. Donc, on réussit, en étant à côté, à les suivre comme ça. Puis, à l'intérieur d'eux-mêmes, ces patients-là, régulièrement, vont dire : C'est trop difficile, je ne suis plus capable, il faut que ça finisse, c'est trop difficile. Mais nous, on dit : Regarde, on va attendre encore un petit peu. Veux-tu, on continue encore un petit peu?

On a de grands succès. Puis, Mme Hivon, il y a plein de gens, là, qui ont témoigné là-dessus pendant toute… Votre partie de la commission, là, ça dit qu'effectivement il y a quelque chose, en soins palliatifs, qui est bon pour une société. Alors, mais, à partir du moment où ces personnes-là disent : C'est bien, je ne suis plus capable, j'arrête, mais moi, mon travail, mon temps de soins palliatifs, il peut bénéficier… Puisqu'on dit qu'on a juste 20 % des personnes, peut-être 25 % qui ont accès, quand elles en ont besoin, aux soins palliatifs, bien, nous, c'est important que notre travail, on puisse l'allouer peut-être pour aller chercher un 22 %, un 24 %, un 25 % de soins palliatifs. Puis, pour qu'on puisse continuer à faire bien ce travail dans un esprit de soins palliatifs où on essaie de donner l'opportunité aux gens d'aller chercher du sens encore, malgré la mort qui vient — puis on est témoins que ça se peut — bien, là, nous, on se dit : Protégeons ça en soins palliatifs.

Et ce que vous proposez, vous, de dire : Bon, bien, faisons une loi pour développer les soins palliatifs pour qu'il y ait plus d'accessibilité, pour que les gens qui ont les compétences puissent se développer puis que tous ceux qui sont dans ce milieu-là soient avec plus de formation, plus compétents, puis donnons une autre structure au niveau de la loi, comme vous dites, pour l'aide médicale à mourir, qui s'appelle l'euthanasie… Et j'en profite pour dire : Profitons-en pour enlever toute cette question de sédation palliative terminale, qui ne correspond à rien, hein? Ce n'est pas quelque chose que nous, on utilise en médecine. Puis, si on met ça là, bien, comme on dit, ça va juste mêler les gens, point.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

• (11 h 40) •

Mme Vallée : Il y avait évidemment, dans les échanges que nous avons avec les intervenants depuis le début, toute la question évidemment de la définition, de préciser les termes. Ça, ça fait partie, c'est certain, nous, de notre côté, des demandes qu'on formulera parce qu'il y a, et je le comprends, là, il y a à peu près... Il y a la Fédération des médecins spécialistes qui disait qu'il n'y avait pas de problème puis que tout le monde savait exactement de quoi on parlait. Mais, outre la Fédération des médecins spécialistes, je pense qu'on comprend que généralement il y a un besoin, lorsqu'on légifère — surtout dans une question aussi importante — de bien préciser, de bien encadrer et de bien comprendre de quoi il s'agit.

Dans le rapport de la commission spéciale, dans les documents de consultation qui ont précédé, il y avait un certain nombre de définitions pour les termes qui avaient été utilisés. Je ne sais pas si les termes qui ont été utilisés, que ce soit pour l'aide médicale à mourir, que ce soit pour la sédation, la sédation palliative continue, si ces termes-là vous satisferaient. Mais est-ce qu'il y aurait d'autres termes à l'intérieur du projet de loi qui devraient, à votre avis, être définis, outre la question de la sédation palliative, qu'elle soit terminale ou continue? Parce qu'on a eu des échanges sur cette question-là. Il y a l'aide médicale à mourir, il y a également la notion de fin de vie qui n'est pas clairement identifiée et qui est quand même très large. Est-ce qu'il y a d'autres éléments, quand vous parlez de flou, sur lesquels on devrait se pencher et tenter de préciser la portée?

Le Président (M. Bergman) : Dr Vinay.

M. Vinay (Patrick) : Il me semble, madame, que tout citoyen qui lit une loi doit pouvoir la comprendre. Et, si ça n'est pas clairement expliqué et s'il faut des définitions de définitions, c'est un problème. Il faut une loi claire. Je pense que c'est parfaitement compréhensible que nous souhaitions savoir qu'est-ce que c'est vraiment, l'aide médicale à mourir. Je suis convaincu que 30 % des Québécois ne comprennent pas ce que c'est. Je pense que c'est absolument important que ce terme de «sédation palliative», qui est ambigu, avec ce que l'on fait pour sauver des situations qui sont des situations importantes et qu'on fait avec succès, ne doit pas être ambigu, il faut que ce soit clair. Donc, il ne peut pas y avoir deux sortes de sédation : la sédation palliative appropriée et puis une sédation palliative qui est une forme d'euthanasie sous un autre habit, avec beaucoup moins de conditions. Donc, je pense que ces deux termes-là, c'est certainement très important.

Pour la fin de la vie, bien sûr que nous sommes tous devant une situation qui n'est pas absolument prévisible. Elle est largement prévisible, mais pas toujours absolument prévisible, et donc je pense que ça devient très important de dire qu'est-ce que c'est pour nous, la fin de la vie, et à partir de quel type de terminalité appréhendée est-ce qu'on entre dans la fin de la vie. Et donc je pense que c'est plus difficile à définir, mais qu'il faut s'adresser à cette question.

Vous remarquerez que les sociétés européennes, canadiennes qui se sont penchées sur la sédation palliative, par exemple, mettent la terminalité comme une condition absolue pour faire de la sédation palliative, et, pour eux, la terminalité est de l'ordre de deux semaines et moins. Et il y a un certain nombre de publications internationales sur cette question. En présence d'une période plus longue, il n'y a qu'un seul auteur qui va aller à trois semaines, c'est un Japonais du nom de Morita, qui, lui, va un petit peu plus loin. Et pourquoi? Pour éviter justement qu'il y ait un problème de nutrition-hydratation qui ne se pose pas dans les derniers 15 jours de la vie, ou à peu près pas.

Il est évident que nous rentrons là dans des domaines où la connaissance des soins palliatifs n'est pas la connaissance de M. Tout-le-monde. Nous savons que la morphine ne tue pas; ça n'est pas l'opinion de M. Tout-le-monde. Nous savons que les sédations n'entraînent pas le décès; ça n'est pas l'opinion de M. Tout-le-monde. Et donc nous sommes dans un débat où il y a une confusion de concepts, et toute définition et toute clarification est la bienvenue.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Pour le dernier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Merci, M. le Président. Pour ce qui est de l'aide médicale à mourir versus euthanasie, je l'ai dit souvent depuis le dépôt du projet de loi, lors du dépôt, ce qui explique la définition... je dirais, le choix de mots différent, c'est parce que le mot «euthanasie» ne contient pas en lui-même la référence au fait que c'est la personne elle-même qui doit faire la demande et il ne sous-entend pas non plus le contexte médical, d'où le choix de l'expression «aide médicale à mourir».

Et, pour ce qui est, par ailleurs, de la notion de fin de vie, je veux juste dire que, qu'importe... C'est très difficile, vous le dites vous-même. Et il n'y a personne qui est venu nous dire qu'il faudrait mettre un moment ou un temps parce que, justement, ce serait d'une très grande complexité. De toute façon, vous, vous êtes contre l'idée de l'aide médicale à mourir, ça fait que je ne vous demanderai pas ce que vous voudriez mettre.

Mais, juste quand on parle de «terminal», vous, vous dites : La terminalité, dans le cas de la sédation palliative continue… — puis je vais y revenir — vous la situez à une à deux semaines. Dans toutes sortes de lois, de règlements — on a fait une petite recension — la phase terminale, par exemple dans la Loi sur le régime de retraite des agents de la paix ou toutes sortes de lois sur les régimes de retraite, c'est un décès dans un délai de deux ans. Donc, juste pour vous dire que juste le terme «terminal», ça va varier énormément, comme, il y a des gens qui... «Imminent», «moins imminent», j'ai toujours pensé que c'était imminent, là, c'était comme demain. Il y en a qui disent : Imminent, ça pourrait être...

Donc, je dirais qu'il y a une très grande complexité à vouloir définir sans laisser la marge de manoeuvre voulue pour faire, je pense, ce que l'on souhaite : pouvoir aider une personne qui est en fin de vie. Et moi, je pense que la notion de fin de vie est quand même très éclairante. En Belgique, eux, ils y vont avec «brève échéance» versus «pas brève échéance». «Brève échéance», ils disent que c'est jour, semaine ou mois, ce qui laisse quand même un flou. Et puis ils ont d'autres critères quand la mort n'est pas à brève échéance. Donc, tout ça pour vous dire que je pense qu'il n'y a personne qui a réussi — et ce n'est pas sans raison, je vous dirais — à définir ça de manière archipointue. C'est parce qu'il faut laisser ça aussi, dans la mesure où on est en fin de vie, à une évaluation aussi qui n'est pas... si vous tombez un jour plus tard, un jour trop tôt. Donc, c'est un peu ça que je voulais préciser.

Vous affirmez, dans votre mémoire, que seulement 20 % des gens auraient accès aux soins palliatifs. Donc, encore une fois, j'aimerais voir comment vous arrivez à ce chiffre-là parce que je dois vous dire que nous, on est en train de faire un travail très important, au ministère, pour mieux documenter et on a répertorié... La seule étude qu'on a répertoriée au Québec sur le sujet, c'est une étude de l'INSPQ au début des années 2000 et qui l'évaluait à 34 % et uniquement en milieu hospitalier. Alors, 34 % au début des années 2000, avant même la politique, alors que maintenant on a deux fois plus de maisons de soins palliatifs… il y a eu un développement quand même important des soins palliatifs. Nous, on a fait l'exercice pour les soins à domicile. On arrive, avec nos données, avec 50 % des gens qui ont un potentiel de recevoir des soins palliatifs qui en reçoivent à domicile. Donc, ça exclut les maisons de soins palliatifs et milieux hospitaliers. Donc, je dois vous dire qu'on arrive à des chiffres significativement... beaucoup plus élevés que votre 20 %. Donc, je veux comprendre d'où vient le 20 %.

Le Président (M. Bergman) : Dr Vinay.

M. Vinay (Patrick) : Nous sommes au courant de l'étude de l'institut national, nous l'avons abondamment regardée. Nous sommes au courant que ce que fait cet institut, au fond, c'est de faire des statistiques. Et nous savons tous que les statistiques sont aussi bonnes que les sources d'où elles viennent. Je ne pense pas qu'il suffit de soigner quelqu'un qui est en fin de vie pour dire que l'on fait des soins palliatifs. Voyez-vous, les soins palliatifs, c'est une espèce de sous-discipline de la médecine et une sous-discipline très délicate, puisque le malade n'a pas la même fonction rénale, la même fonction cardiaque le lendemain que la veille et, donc, que l'on doit ajuster la médication à cela.

Je me réjouis que les maisons de soins palliatifs soient apparues au Québec. Je pense que c'est un signe de santé sociétale extraordinaire et qui, pour ma part, m'impressionne considérablement. Je travaille moi-même à essayer de créer de nouvelles maisons de soins palliatifs. Je pense que c'est une belle réponse.

Il s'agit, quand on regarde la réalité des mots et des affirmations, de se mettre dans les contextes. Le contexte de terminalité n'est pas du tout le même dans le contexte des soins palliatifs qu'il peut l'être dans d'autres contextes, avec des définitions qui sont différentes. Je voudrais vous rappeler que la terminalité de 20 jours ou 15 jours ou plus dont je parlais, c'est une terminalité qui a été définie par la Société européenne des soins palliatifs, qui regroupe plusieurs sociétés de soins palliatifs, dont la belge, qui se sont mises d'accord sur cette notion de terminalité, de fin de vie.

Nous pensons qu'une partie de l'effort de cette loi va essayer d'augmenter ce pourcentage qui est probablement, aujourd'hui, effectivement plus grand que 20 % si on pense aux maisons mêmes qui sont en train d'apparaître, qui vont, donc, augmenter, non pas vers 50 %, mais sur 100 %. Au fond, si c'est un droit d'avoir des soins de fin de vie, c'est un droit pour 100 % de nos concitoyens, et notre but ne saurait être plus bas que celui-là : 100 % de nos concitoyens. Je suis sûr que vous êtes d'accord avec moi. Et je serai le premier heureux de pouvoir voir que, l'année prochaine, l'institution qui compile ces statistiques nous dit que nous sommes à 40 %. Eh bien, tant mieux, et nous ne nous reposerons que lorsque nous serons à 100 %.

• (11 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre, il reste trois minutes dans ce bloc.

Mme Hivon : O.K. Donc, le 20 %, en fait, il est plus basé sur une expérience ou une évaluation que vous faites. Parce que, je vous dis, on va être plus qu'à 40 % l'année prochaine parce qu'on est déjà, dans nos données, à l'intérieur, avec ce qu'on peut faire pour ce qui est du domicile… Je ne vous dis pas que tout est parfait, mais on a déjà un chiffre de 50 %, puis, quand on jumelle ça à un chiffre de 34 % d'il y a 10 ans pour le milieu hospitalier, on est pas mal plus qu'à 20 %. Donc, je voulais juste savoir c'était quoi, parce que vous insistez sur l'importance que les choses soient claires, donc je voulais comprendre. C'est un chiffre qu'on entend beaucoup. Le 20 %, vous le véhiculez beaucoup. Ce n'est malheureusement pas un chiffre qui correspond à la réalité que l'on voit.

Le Président (M. Bergman) : Dre Dallaire.

Mme Dallaire (Michelle) : Oui, je veux juste intervenir un instant. Ces chiffres-là principalement sont documentés par l'Association canadienne des soins palliatifs. Je pourrai vous envoyer le rapport, c'est eux qui nous ont donné ces statistiques. C'est sûr que les statistiques que vous avez faites, vous, dernièrement, pour les soins palliatifs, nous, on n'a pas accès à ça, on ne les sait pas, mais je peux vous faire suivre les documents de l'Association canadienne à cet effet-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste 1 min 30 s.

Mme Proulx : 1 min 30 s? En fait, j'avais juste une préoccupation. Et peut-être que je pourrai laisser la minute qu'il reste, là, soit au Dre Dallaire ou au Dr Vinay, de revenir sur l'objection de conscience. Parce que vous aviez, tantôt, mentionné que le droit du patient pourrait être imposé au médecin, mais qu'est-ce que vous faites de votre compréhension de l'objection de conscience des médecins?

Le Président (M. Bergman) : Dr Vinay.

M. Vinay (Patrick) : La remarque que je faisais s'adressait bien sûr à l'imposition d'une demande euthanasique de la part d'un malade. Il est clair que l'espace de discussion des soins est ouvert pour toutes sortes d'autres soins. Je n'ai jamais vu de malade venir me demander d'être transplanté le lendemain matin. J'ai vu des malades me demander d'être transplantés… et ouvrir avec lui une discussion sur l'à-propos de la chose.

Si on revient à votre question plus spécifique, qui est le malade qui dit : Moi, monsieur, j'ai le droit de demander l'aide médicale à mourir parce que c'est un soin et que j'ai refusé tous les autres soins. Je refuse les soins curatifs, je refuse les soins palliatifs, que me reste-t-il? Il me reste ce soin-là. donnez-le-moi, je crois qu'on rentre effectivement dans un espace où il peut y avoir de l'objection de conscience de la part des médecins.

Je ne pense pas que l'objection de conscience soit bien comprise. Je ne suis pas sûr qu'elle soit bien comprise de la majorité de... enfin, de beaucoup de monde. Je pense que le médecin peut parfaitement, et doit parfaitement, s'il pense que c'est... ce sont... sa conscience, de ne pas répondre à cette demande. À ce moment-là, si je comprends les termes de la loi, c'est le directeur des services professionnels qui se retrouve avec une demande pour laquelle il peut lui-même avoir, lui aussi, une objection de conscience. Je ne sais pas comment ce problème se règle. Quand je lis cette loi, ce n'est pas clair pour moi.

Le Président (M. Bergman) : Alors, maintenant, pour le deuxième bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup. Merci d'être parmi nous. Je dois vous dire, pour n'être pas médecin, pour ma... Je n'ai pas non plus participé à la commission. Je suis assise ici depuis quelque temps et je dois vous dire qu'on peut avoir une idée au départ, une idée préconçue, mais, depuis que je suis assise, je dois vous dire que c'est extrêmement émouvant, cette commission parce que j'assiste ici à des chocs de valeurs, des chocs de valeurs où je rencontre des médecins qui traitent des patients en phase terminale et qui, pour une grande majorité — c'est la grande majorité — s'objectent au projet de loi tel qu'il est libellé, tel qu'il est proposé.

Hier, j'ai été extrêmement émue. Il y avait un médecin, je pense que c'est la Dre Martel… en tout cas, il y avait un médecin qui était ici et qui disait : On manque de ressources personnellement pour nous soutenir, nous, les médecins dans ce que nous faisons. Si je suis obligée d'accompagner une personne dans ce que vous appelez une sédation palliative… — elle n'aimait pas le mot «terminale», donc «continue» ou «euthanasie», là, je veux dire, ce n'est pas nécessairement clair, la terminologie — elle dit : J'aurais beaucoup de difficultés personnellement, et qui pourrait me soutenir, alors qu'actuellement on n'a pas ces groupes de soutien, que ça existe ailleurs dans d'autres pays?

Je dois vous dire que c'est extrêmement prenant d'entendre des médecins qui… normalement, quand on est, nous, des patients, quand on va vers les médecins, c'est pour se faire rassurer… d'entendre des médecins qui sont déstabilisés à quelque part face à ce projet de loi, qui est un projet de loi extrêmement important. Donc, nous, comme députés, comme législateurs, on a une très grande responsabilité par rapport à ça. Et je trouve ça sain qu'il y ait ici encore une fois une commission parlementaire. Parce que ce n'est pas la première commission parlementaire. C'est une autre commission parlementaire qui parle non pas du sujet, mais qui parle du projet de loi.

Est-ce que vous trouvez qu'il vous manque, vous, comme médecins, des ressources pour vous aider dans votre tâche, qui est celle actuellement d'accompagner des personnes en fin de vie? Parce que vous vivez avec ça tout le temps, là. Vous vivez avec des personnes plus âgées qui partent ou vous vivez avec des personnes qui ont le cancer. Vous faites face à la mort quotidiennement. Est-ce que vous manquez, personnellement, de ressources?

Le Président (M. Bergman) : Dr Vinay.

M. Vinay (Patrick) : Nous allons partager la réponse à deux, M. le Président, si vous voulez bien.

Le Président (M. Bergman) : Certainement.

M. Vinay (Patrick) : Un tout petit mot pour vous dire : La fin de la vie des hommes est une époque très importante pour eux et aussi pour les proches et les familles. La fin de la vie des hommes n'est pas qu'un drame. Dans la fin de la vie des hommes, voilà que les priorités changent, voilà que les petites priorités disparaissent et qu'il reste des priorités lourdes qui ont toutes un nom propre. Et les patients souhaitent qu'on les aide à rencontrer ces priorités, et c'est ce que nous ferons en enlevant la douleur, le mal de coeur, etc. Et le fait de pouvoir rencontrer ces nouvelles priorités, de parler à cette madame qu'il n'a pas vue depuis deux ans et qui vient le voir samedi et il a quelque chose à lui dire et il demande qu'on ne lui donne pas trop de morphine parce que, des fois, il dort avec ça... C'est l'expression que ces nouvelles priorités, ces changements qu'ils sont en train de vivre, ces patients et leurs familles ont un côté précieux.

Il y a, bien sûr, aussi un côté difficile. Et nous avons tous besoin de support dans le côté difficile. Pour ma part, je voudrais rendre hommage aux malades, qui m'ont tellement transformé depuis que je m'occupe d'eux. Je fais cela seulement depuis 10 ans et je suis beaucoup plus vivant depuis que je fais cela. Et ce que j'essaie de faire, c'est de protéger pour chacun un espace de fin de vie qui soit véritablement un espace où on cueille les derniers fruits de cette vie et on s'occupe de ceux qui restent après nous. Il y a quelque chose qui se passe là. Il y a beaucoup plus que de la technique, il y a beaucoup plus que de la médecine pharmacologique, il y a aussi une transformation humaine, relationnelle qui est à l'oeuvre et qui est d'une très grande efficacité, une efficacité que notre monde technique ne peut pas mesurer et, donc, qu'il ne regarde pas.

Ma réponse est donc : J'ai déjà énormément de support devant le courage et devant l'attitude de ces familles que j'ai le privilège d'accompagner. J'ai quelquefois besoin d'un peu plus.

Le Président (M. Bergman) : Dre Dallaire.

• (12 heures) •

Mme Dallaire (Michelle) : Je voudrais compléter ça. Suivre ces malades dont la vie s'achève, qui ont, comme je disais, encore plein de projets, plein d'idées, plein de choses qu'ils voulaient faire, dans toutes les déceptions que ça leur amène, dans leur souffrance, ça devient effectivement, certains jours, presque insupportable pour l'équipe interdisciplinaire où on est. Il y a des situations qui sont tellement difficiles. C'est vraiment très souffrant. Et c'est parce qu'on a une équipe interdisciplinaire solide, complète, avec le service social, souvent, malheureusement, pas assez de psychologues, très peu de psychologues dans notre milieu en général puis dans le milieu de santé… Donc, avec les équipes, ensemble, on se donne les uns les autres le soutien, mais il demeure que c'est souvent extrêmement souffrant.

Et, quand notre patient reprend un peu… avec tout ce qu'on fait comme équipe, il reprend un petit peu le dessus puis il sourit un petit peu plus… Bon. Mais, si on va, mettons, en cardiologie, avec un patient qui a une insuffisance cardiaque, qui a fait trois fois de l'eau sur les poumons, qui a été… trois fois revenu à l'urgence, puis que, là, il dit : Là, il dit, vraiment, c'est difficile... Il n'a pas l'équipe interdisciplinaire formée comme nous on a en soins palliatifs, développée, habilitée, qui est habituée d'entendre des gens qui disent : C'est fini, cette vie-là, je n'en veux plus, je ne suis plus capable. Ça n'existe pas, ça. Si on veut avoir les soins palliatifs compétents, interdisciplinaires, dans notre société, qui soient adéquats, si on veut, il faut que ça, cette force-là, soit disponible au service de cardio, au service de néphro, avec les patients dialysés qui sont fatigués, ils ont eu une mauvaise semaine, puis ils disent : Ah, c'est assez, je n'en veux plus, de la dialyse. Et ces patients-là sont tous des gens en fin de vie, là. Quand je parle des grands cardiaques qui ont fait trois fois des épisodes d'oedème sur les poumons, là, c'est des gens qui tiennent à un fil, qui peuvent faire encore une année, mais qui peuvent aussi mourir dans les prochains temps. Donc, ils vont rentrer dans notre espace fin de vie, là. Mais il faut qu'il y ait quelqu'un, là, qui soit capable aussi de les aider.

Et l'autre chose que je veux ajouter… Donc on est beaucoup à avoir besoin d'aide. Beaucoup de médecins ne sont pas en soins palliatifs. Tous les médecins, hein, la majorité sont vraiment engagés pour trouver des nouveaux chemins pour guérir, pour sauver. Ça fait que c'est une petite minorité, là, qui s'est comme mis à la main… qui s'expose avec cette fin, là, ou le fait que les humains meurent. Donc, oui, on a besoin nous-mêmes, en soins palliatifs, de soutien. Et les autres, il me semble que les autres vont en avoir un besoin mais démesuré partout dans les hôpitaux, là, où on va se mettre à faire l'euthanasie. Ça va être incroyable, là, ça va être la souffrance partout. Nous, on est habitués de souffrir, quelque part, mais on a développé, hein… mais les autres, non. Et, quand on dit que les soins palliatifs ne sont pas accessibles, on ne les voit pas, nous, les patients en cardio, on ne les voit pas, les patients en pneumo, là, qui ont une maladie cardiaque chronique depuis déjà deux, trois, quatre années, qui sont venus trois fois à l'urgence, qui sentent bien, là, que bientôt ils vont partir, là. Mais nous, on ne les voit pas, on n'a pas de consultation, on n'en a pas pour les patients qui ont des maladies pulmonaires obstructives chroniques sévères. Nous, on voit ces patients-là à la toute fin parfois… cette clientèle-là, souvent, pas du tout parce que la mort, on ne peut pas la…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Dallaire (Michelle) : …la préciser.

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Dallaire (Michelle) : En conclusion… Oui, oui, on va avoir besoin d'aide.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au Dr Vinay. Sincèrement, j'ai lu votre mémoire, ça fait plusieurs heures qu'on entend des groupes qui ont des positions différentes envers l'aide médicale à mourir, je peux vous dire que toutes les interventions se sont faites dans le respect, mais j'avoue que, quand je reçois votre mémoire, je n'y vois plus aucune crédibilité lorsqu'on arrive au point 12 et qu'un professeur émérite de votre trempe signe un document où il est inscrit et où l'on affirme que «les médecins hospitaliers seront en conflit d'intérêts avec le malade puisqu'ils retireront des bénéfices personnels directs en posant un geste euthanasique».

Sincèrement, je peux comprendre votre position, comme on peut comprendre la position de ceux qui sont favorables, mais, quand on a des affirmations de la sorte venant d'un professeur de votre trempe, sincèrement vous perdez toute crédibilité à mes yeux, et je vous le dis.

Ma question : Est-ce que les cosignataires de ce document ont vu l'article 12? Et est-ce que tous les médecins qui sont listés en annexe ont aussi vu le document avant que vous nous l'envoyiez?

Le Président (M. Bergman) : Dr Vinay.

M. Vinay (Patrick) : Les médecins qui sont en annexe se sont simplement prononcés sur le fait qu'à leurs yeux l'euthanasie ne soit pas un soin. Ils n'ont pas vu ce document.

Une voix : Palliatif.

M. Vinay (Patrick) : L'euthanasie n'est pas un soin palliatif. Cette annexe ne vise, au fond, qu'à vous montrer qu'il ne s'agit pas là d'une opinion très minoritaire de la part des soins palliatifs de penser que l'euthanasie ne soit pas un soin.

Pour le reste, la première partie de votre question, ce document n'est pas mon document, c'est notre document, et tous les membres de notre conseil d'administration l'ont vu plus qu'une fois avant que nous l'envoyions, et donc c'est les résultats d'une concertation. Je crois qu'il ne faut pas le regarder autrement que comme la nécessité d'avoir à la fois la justice et l'apparence de justice. Ce paragraphe, tout ce qu'il dit, c'est qu'il dit que l'on peut lire qu'il y ait des conflits d'intérêts à l'intérieur de ce geste. Il y a peut-être moyen de faire qu'il n'y ait pas d'apparence de conflit d'intérêts à l'intérieur de ce geste. Je ne vois pas ces moyens dans la loi. Peut-être que nous pouvons améliorer l'organisation de cette loi pour que personne ne pense qu'il y ait des conflits d'intérêts, mais, des gens qui le pensent, madame, il y en a, et j'en ai entendu plusieurs, surtout d'un grand public.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx, il vous reste 1 min 30 s.

Mme Daneault : Je m'excuse de vous dire ça, Dr Vinay, mais sincèrement de penser que les médecins sont réduits à servir leurs malades, à soigner leurs malades en bénéficiant d'intérêts personnels, c'est carrément… pour le corps médical, c'est insultant… dont je fais partie. Et je ne pense pas qu'à l'intérieur de ce projet de loi… Et, s'il y a lieu d'ajouter certaines balises, je pense que tout le monde ici, autour de la table, est de bonne foi et a travaillé dans le respect de tous les individus, incluant le corps médical, et je pense que, si, oui, effectivement, il y a des balises à ajouter, on est ouverts à le faire. Mais, de là à affirmer que les médecins retireront des bénéfices personnels et iront vers cette option-là, uniquement dans cette voie-là, sincèrement je pense que c'est de dénigrer l'ensemble du corps médical et c'est tout à fait, de votre part… sérieusement, c'est insultant. Et c'est une insulte à ma profession, je vous le dis. Et je suis profondément insultée aujourd'hui de lire ça. Et j'espère qu'on pourra corriger cette vision…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Daneault : …et ensemble, en assurant qu'il n'y ait pas de mauvaise perception à cet égard-là.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Dr Vinay, Dre Dallaire, merci pour votre présentation, merci de partager votre expertise avec nous.

Je demande aux gens de NOVA Montréal de prendre leur place à la table. Et, collègues, je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 12 h 8)

(Reprise à 12 h 9)

Le Président (M. Bergman) : Alors, je souhaite la bienvenue à NOVA Montréal. Dr Laplante, Mme Mainville, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres, et le prochain 15 minutes, c'est à vous pour faire votre présentation. Bienvenue.

NOVA Montréal

Mme Mainville (Marie-Claude) : Bonjour. Tout d'abord, on tenait profondément à vous remercier de nous avoir invités, on a été très touchés. NOVA Montréal existe depuis 118 ans, mais presque personne ne nous connaît, donc, qu'on nous reconnaisse et qu'on nous invite, ça nous a fait très chaud au coeur.

Mon nom est Marie-Claude Mainville, je suis, de formation, une infirmière, actuellement directrice générale de NOVA Montréal et j'ai presque 30 ans d'expérience en soins palliatifs comme infirmière. J'ai travaillé dans un milieu hospitalier au tout, tout, tout début des soins palliatifs, j'ai travaillé dans une maison de soins palliatifs et j'ai travaillé à domicile, donc 30 ans d'expérience en soins palliatifs. Et, Dr Laplante…

• (12 h 10) •

M. Laplante (Michael) : Michael Laplante, chirurgien en retraite. Et je suis ici représentant le conseil d'administration de NOVA Montréal. Alors, je suis président du conseil, et ce n'est pas nécessairement complètement mes vues personnelles que je vais essayer d'exprimer. Alors, le mémoire est à Mme Mainville.

Mme Mainville (Marie-Claude)  : Donc, je vais procéder à la lecture de notre mémoire. Je crois qu'on va arriver dans le 15 minutes et répondre à vos questions. On pourra expliquer davantage notre position. N'hésitez pas.

Donc, premièrement, c'est un constat qu'on n'est pas tous égaux devant la mort. Et la mort est un phénomène naturel. Je vous annonce qu'on va tous mourir. Évidemment, on ne meurt pas tous de la même façon ni avec les mêmes souffrances. Donc, dans la plupart des cas, lorsqu'un malade est bien entouré, adéquatement traité et maintenu dans une zone de confort et que le personnel qualifié répond à ses besoins, les derniers moments de sa vie se déroulent habituellement dans le calme et la sérénité, et c'est notre expérience.

Les soins palliatifs, ce n'est pas juste les soins en fin de vie; pour nous, c'est l'ensemble des soins qui sont prodigués à des personnes dont la maladie est potentiellement incurable et l'espérance de vie limitée, dont les objectifs sont la qualité de vie, le respect et la dignité jusqu'à la mort. Et nous nous devons, comme professionnels en soins palliatifs, de répondre aux besoins multiples de ces malades, physiques, psychologiques, sociaux et spirituels. C'est une philosophie de transparence, de franchise et de dialogue avec le malade et ses proches et c'est accompagner ceux-ci dans leur cheminement dans la maladie jusqu'à la mort. Nous visons à améliorer la qualité de vie; nous ne visons pas le prolongement de la vie à tout prix ni la précipitation de la mort. Munie d'une longue expérience auprès des personnes atteintes de cancer ou autres maladies en phase terminale, NOVA Montréal désire soumettre sa position. Donc, juste un petit peu pour l'histoire, depuis 1898, NOVA Montréal, anciennement le VON — et là il y a une petite erreur de frappe — c'est la Victorian Order of Nurses ou l'ordre des infirmières de Victoria. Donc, les toutes premières infirmières visiteuses ici, au Québec et au Canada, étaient le VON, donc NOVA Montréal. On a toujours offert des services infirmiers à domicile à la communauté de la province de Québec, mais, à l'arrivée des CLSC, nous nous sommes concentrés à la communauté montréalaise. Il n'y a plus de VON au Québec, excepté NOVA Montréal, trois branches, uniquement dans la région de Montréal.

Donc, au cours des années, NOVA a cherché à aider ceux qui en avaient le plus besoin sans faire un duplicata des services, et on a commencé au début des années 90, quand ce n'était pas encore très la mode, les soins palliatifs. Les infirmières de NOVA se sont consacrées à aider les personnes atteintes de cancer principalement, qui désirent finir leurs jours à la maison et vivre ces derniers moments dans les meilleures conditions possible. NOVA fait des soins palliatifs depuis, donc, bientôt 25 ans. Et nous sommes un organisme communautaire sans but lucratif. Nous offrons gratuitement nos services spécialisés à la population et nous sommes entièrement tributaires de nos donateurs et de nos dons. Donc, on ne reçoit aucun autre argent à part les gens qui donnent à NOVA.

Voici ce qui ressort de cette longue expérience. Il est illusoire de penser que les familles peuvent donner tous les soins nécessaires au bien-être d'une personne atteinte d'un cancer en phase terminale qui désire mourir à la maison. La famille seule ne peut pas y arriver. Pour être efficaces, le contrôle de la douleur, la gestion des médicaments, le support psychologique, entre autres, doivent être supervisés par des professionnels de la santé dans une équipe multidisciplinaire. S'ils reçoivent des soins adéquats à domicile qui les maintiennent dans une zone de confort, un grand nombre de ces patients terminent leur vie entourés de leurs proches dans le calme et la sérénité. Et là, évidemment, c'est plus compliqué que ça, ça prend un milieu adéquat, apte, formé, etc. Pour d'autres qui vivent une grande détresse causée par la douleur physique et/ou psychique que la médecine n'arrive pas à soulager — et ça représente de 3 % à 5 % de notre clientèle — le choix de mourir dignement au moment voulu devient une option envisageable. C'est un constat.

Donc, des exemples. Depuis plus de deux décennies, chaque année, les infirmières de NOVA sont appelées au chevet des patients. On en suit en moyenne 403 par année, donc c'est à peu près ce qu'on suit dans notre organisme annuellement. Voici les observations des statistiques maison de notre organisme. 36 % de nos patients suivis par NOVA, évidemment conjointement avec les divers CLSC de notre territoire parce qu'on couvre divers CLSC, 36 % voient leurs voeux se réaliser et meurent à la maison dans de bonnes conditions. 30 % de ces patients de NOVA Montréal — pas du 36 %, mais de la totalité de nos patients — souffrent de douleurs difficiles à contrôler et, à un moment donné ou un autre, vocalisent le désir de mettre fin à leur vie, mais, très souvent, après un contrôle efficace de leurs symptômes, dans 27 % des cas, cette option n'est plus à l'avant-plan, et nous reconnaissons plus une demande dans le sens de vouloir être soulagé que d'en finir réellement. Cependant, il existe encore toujours le même 3 % à 5 % pour qui, malgré tous nos efforts, il y a une grande détresse, et ils veulent en finir.

Quelques exemples que je vous ai donnés, c'est des cas réels, précis. Je pourrais vous en donner 2 012, mais j'en ai choisi quelques-uns. Françoise, 64 ans, atteinte d'un cancer du côlon en phase terminale. Malgré la bonne volonté de ses quatre enfants, ils font appel aux infirmières de NOVA Montréal parce que c'est le chaos, c'est la panique. Rapidement, le calme fait suite au chaos, l'état de la patiente est stabilisé, la famille, rassurée, et soulagée, réconfortée. Françoise voit enfin son voeu se réaliser, et elle termine sa vie chez elle entourée des siens. Évidemment, ça ne s'est pas fait en deux jours, on s'entend.

Pour Louis, dans la trentaine, atteint également d'un cancer en phase terminale, c'est une agonie lente. Il accepte éventuellement son décès imminent, il est calme, il est prêt à mourir, mais il trouve ça trop long. Il se confie à l'infirmière : Je m'endors en espérant mourir dans mon sommeil. Chaque matin, je me réveille déçu, je suis encore vivant. Moi qui veux mourir, dites-moi pourquoi est-ce que je vis encore.

Troisième cas : Aline, 83 ans, souffrant d'un cancer de poumon en phase terminale, exprime son désir de terminer ses jours chez elle, entourée des siens. Elle est stable, non souffrante, elle a cependant de la difficulté à respirer, cancer de poumon exige. Les enfants sont incapables de la regarder mourir, ils veulent l'euthanasie pour leur mère. On achève bien les animaux, pourquoi faut-il encore la regarder mourir? Et ça, ça nous est très, très souvent dit.

Notre position. Alors, évidemment, je pense que je l'ai entendu précédemment, il faut bien éclaircir le langage utilisé. Le projet de loi mélange un peu les termes, ou du moins c'est ce qu'il nous semblait, sans distinction. Dans le chapitre 1.3.3, «soins de vie», «soins palliatifs», «sédation palliative terminale», «euthanasie», et voilés sous l'aide médicale à mourir, nous semblent un peu mélangés et pas bien définis.

Pour la définition des soins palliatifs, je l'ai déjà dit ci-haut, précédemment, mais ce n'est pas uniquement les soins de fin de vie, un client peut bénéficier des soins palliatifs parce qu'il n'y a pas de soins curatifs à donner, possibles pour sa maladie, et sa maladie peut évoluer pendant plusieurs années, et c'est pourtant un soin palliatif mais pas terminal. Donc, «soins palliatifs» n'est pas juste «soins aux mourants», en d'autres termes. Et les soins palliatifs incluent bien sûr les soins de fin de vie aussi. Donc, il y a une distinction ici à faire. Et nous devons parfois nous battre pour que des gens malades acceptent nos services de soins palliatifs afin que nous puissions mieux contrôler leur douleur ou leurs symptômes, et ils nous refusent parce qu'ils disent : Bien, je ne suis pas encore mourant. Donc, on a de la difficulté, nous, à voir que «soins palliatifs» existe juste sous la forme de soins aux mourants. «Soins palliatifs» devrait être «soins de confort», soins pour les gens pour qui il n'y a plus de traitement curatif possible, mais ils ont encore du temps à vivre puis ils ne sont pas, par nous, considérés comme des mourants. Alors, c'est une distinction qu'il est important de faire.

• (12 h 20) •

La sédation palliative terminale. Nous aussi, on utilise plus le terme «sédation palliative». Nous avons, par expérience, très rarement recours à la sédation palliative terminale telle qu'on l'entend, mais elle est une option légale et éthique, quant à nous, pour éventuellement soulager le 3 à 5 % des patients non soulagés. Il ne s'agit pas de mettre un terme à leur vie, ce n'est pas utilisé pour achever leur vie, et ça, c'est très important, nous aussi, que vous le compreniez dans ce sens-là. Mais ça permet à ces personnes de dormir quand ça devient insupportable de se voir mourir soit parce qu'on a des souffrances physiques ou soit parce qu'on a des souffrances physiques ou psychiques. Et ce n'est pas utilisé six mois avant qu'ils meurent, c'est utilisé dans les derniers jours pour leur permettre de ne pas être conscients qu'ils sont en train de mourir. Et j'ai déjà vu... Je peux vous en dire, plusieurs cas où les médecins avaient finalement prescrit la médication d'aide à mourir, et, quand je suis venue pour la leur donner : Non, je ne veux pas mourir. Mais vous n'allez pas mourir, c'est un médicament... vous l'avez demandé, vous aviez demandé à être soulagé, c'est-à-dire de dormir. Donc, encore une fois, dans les souhaits, parfois, des patients, ce qu'on entend, c'est : Aidez-moi, plus que le souhait réel de mourir. Mais là je ne rentre pas dans ce débat-là.

L'aide médicale à mourir ou euthanasie, comme on l'entend, comme nous le comprenons dans le texte de loi, va à l'encontre de notre philosophie de soins palliatifs et, quant à nous, n'est ni légale ni éthique. En 2013, on doit encore se battre pour convaincre le grand public et démystifier la morphine comme n'étant pas un médicament qui tue, mais un médicament qui va aider leur douleur. Donc, associer les soins palliatifs à un milieu qui va leur donner l'aide médicale à mourir, on pense que c'est une voie dangereuse.

Le suicide assisté — je sais que vous n'en avez pas parlé dans votre projet de loi — qui est permis aux États-Unis selon des critères bien établis, en Oregon et dans l'État de Washington, permet au médecin de prescrire une médication mortelle que le patient prend lui-même lorsqu'il en juge le moment, et ça s'adresse aux personnes en fin de vie, nous démontre que très peu de malades passent à l'acte, comme si le besoin de décider pour eux-mêmes était plus fort que le désir vraiment d'en finir. Si toutes les demandes d'en finir se terminaient par l'aide médicale à mourir telle que décrite dans le projet de loi, qu'arriverait-il de ceux qui avaient la possibilité de le faire et ne l'auraient pas fait? Et, à domicile, on suit, comme je vous dis, 400 cas par année. Ils ont tout ce qu'il faut à la maison éventuellement pour passer à l'acte, s'ils le souhaitaient, parce qu'ils ont de la morphine et ils ne passent pas à l'acte. Donc, ça pose question aussi.

Nous croyons que le projet de loi va, à notre avis, beaucoup trop loin. Et, pour nous, l'euthanasie est éthiquement inacceptable alors que la majorité des gens n'ont pas accès à des soins palliatifs égaux pour tous et un bon contrôle de leurs symptômes. Il faut qu'il y ait des ressources financières adéquates et des ressources humaines compétentes et formées en soins palliatifs pour soutenir les clients et leurs familles dans leur cheminement face à une mort probable.

Nous ne souhaitons pas non plus que l'euthanasie puisse être perçue de la part du gouvernement… ou acceptée pour des raisons économiques. Nous, NOVA, on se fait dire que les gens n'ont pas les moyens financiers. Le gouvernement n'a pas les finances pour nous aider. Donc c'est limité. Et on ne voudrait pas que, pour des raisons économiques, l'euthanasie devienne accessible… mais plus pour des raisons de compassion. Lorsque tous les malades auront des services de soins palliatifs adéquats au Québec et qu'on répondra à tous leurs besoins, on croit peut-être que l'on pourra rouvrir le débat. Mais ce que nous croyons, c'est que, si une personne souffre et n'a pas accès à des soins palliatifs, c'est plus facile de demander l'aide médicale à mourir que si elle reçoit des soins et qu'on s'occupe de son confort et qu'on s'occupe de sa douleur ou de sa souffrance émotionnelle.

Et je rajouterais que, pour les soins palliatifs, en majorité, au Québec, peut-être que ça va changer, mais, pour l'instant, il faut que vous ayez le bonheur d'avoir un cancer — et je dis bien «le bonheur d'avoir un cancer» — pour avoir accès aux soins palliatifs, parce que, si vous avez une sclérose en plaques ou si vous mourez de la maladie de Lou Gehrig, vous n'avez pas accès aux lits de soins palliatifs ou aux résidences de soins palliatifs, qui se limitent aux gens avec un cancer. Et c'est très triste pour cette population-là aussi. Et c'est une réalité. Donc, on ne meurt pas tous égaux, c'est évident. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Bonjour. Alors, merci beaucoup d'être ici. En fait, oui, on vous a invités, vous êtes peu connus, mais je vous avais entendus lors... j'ai eu la chance de faire l'autre commission. Ce n'était pas vous deux qui représentiez, je crois…

Mme Mainville (Marie-Claude) : Non, c'était Marla Stovin, je crois.

Mme Hivon : … — oui, c'est ça — donc, votre regroupement. Mais on avait été très impressionnés parce que c'étaient des infirmières qui nous avaient parlé avec leur coeur de l'accompagnement qu'elles faisaient au quotidien à domicile avec une grande expertise. Et, je vous dirais, autant pour votre expertise, votre expérience que pour, je dirais, votre transparence, tel que ça nous avait été reflété quand on avait entendu NOVA, on avait tous été, les membres de la commission, très impressionnés puis on avait trouvé que c'était un apport significatif. Et donc, pour nous, c'était important de pouvoir vous entendre. Parce qu'on entend beaucoup, beaucoup de médecins, et puis c'est très important, les médecins, mais les infirmières, on sait à quel point elles sont au premier plan dans la fin de vie, avec les soins palliatifs, donc je pense que c'est aussi très important. Alors, merci beaucoup d'être ici.

Je dois vous dire que, pour ce qui est de… Puis je trouve ça intéressant parce que, pour une fois, les gens… On a eu, là, hier, beaucoup de regroupements en soins palliatifs, et à peu près personne ne nous parle des soins palliatifs, ils nous parlent uniquement de l'aide médicale à mourir. Donc, on a compris qu'il y avait beaucoup de gens en soins palliatifs qui n'étaient pas à l'aise. Mais je pense qu'il y a tout un volet du projet de loi aussi et du chantier qui est entrepris qui porte sur les soins palliatifs. Donc, je suis heureuse de voir que vous parlez quand même de la réalité des soins palliatifs dans ce que vous nous avez transmis comme mémoire.

Donc, à ce sujet-là, je voulais peut-être vous faire part de quelques éléments. C'est certain qu'on est tout à fait d'accord avec vous — je vais prendre le dernier point — sur le fait que… bien, l'avant-dernier, je pense… mais que les soins palliatifs doivent intervenir plus tôt et en parallèle, je dirais même parfois avec du curatif ou dès lors qu'on sait qu'il n'y a plus de possibilité curative, mais le projet de loi… Ça ne fait pas en sorte qu'on ne travaille pas sur ce front-là effectivement, mais le projet de loi est un projet de loi, c'est vrai, dédié à la période qui est la fin de vie parce qu'on pense que c'est une période qui est très importante, où l'accompagnement requis doit être présent et on doit pouvoir répondre aux souffrances de la meilleure manière possible. Ça n'exclut pas l'autre partie.

L'autre chose que je suis très contente de vous entendre dire, c'est qu'il y a encore beaucoup de difficultés — bien, contente et pas, mais c'est pour ça que j'apprécie votre transparence — pour les personnes qui ne souffrent pas de cancer, qui ont, par exemple, une maladie dégénérative, d'avoir accès aux soins palliatifs en fin de vie. Parce qu'on a un son de cloche parfois différent, d'institutions qui nous disent qu'il n'y a aucune discrimination, qu'on accepte tout le monde. Mais, quand on regarde dans les faits, c'est à peu près exclusivement des gens qui souffrent de cancer. Évidemment, c'est beaucoup plus complexe d'accompagner, je pense… et c'est plus long parce que la fin de vie d'une personne qui a une maladie neurodégénérative, une SLA, tout ça, est beaucoup plus longue et complexe. C'est pour ça que, des fois, je dis que la fin de vie ne se mesure pas de la même manière selon la maladie. Mais c'est quelque chose qu'on constate et sur quoi on travaille très fort, tout comme la bonification en général des soins palliatifs, et surtout en mettant l'accent sur les soins palliatifs à domicile. Donc, on a bon espoir qu'on puisse changer les choses pour faire ce virage-là, qui, je pense, est demandé aussi par la population.

Je voulais vous amener sur la question du… Je trouve ça très intéressant quand vous nous… Parce que c'est documenté, là, puis moi, j'aime ça quand c'est clairement documenté. Donc, vous nous dites combien de personnes que vous suivez peuvent, à un moment ou l'autre, vous exprimer le souhait que ce soit fini, qu'ils n'en peuvent plus, puis tout ça, et que, quand, par exemple, ils sont bien accompagnés, ça diminue significativement. Puis vous évaluez à 3 %, à 5 % le nombre de personnes à qui vous n'êtes, en quelque sorte, pas capables d'amener une réponse satisfaisante. Puis ça correspond, je vous dirais… Michel Sarrazin nous disait 5 % à 6 %. Et puis on avait une étude, hier, dont je faisais mention, qui l'évaluait à 5,8 %. Donc des gens qui, au fil du temps, continuent à demander à chaque jour, et tout ça.

Donc, votre position, je l'entends. Vous dites que personnellement… en tout cas, Nova ne souhaite pas l'ouverture à l'aide médicale à mourir. Je serais quand même curieuse de vous entendre parce que, quand vous étiez venus dans l'autre commission, vous aviez une position différente, donc, en demandant que le droit de chaque personne de décider de la fin de sa vie soit respecté, et tout ça. Donc, peut-être nous expliquer ce qui a modifié les choses. Mais ma question, plus fondamentalement, c'est : Si 3 % à 5 % des personnes, avec les meilleurs soins palliatifs — parce que je pense que vous offrez pas mal la Cadillac des soins palliatifs — continuent à formuler une telle demande, qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Mainville.

• (12 h 30) •

Mme Mainville (Marie-Claude) : C'est qu'en règle générale… Premièrement, comme je dis, c'est ça, tous les efforts sont faits dans le sens d'essayer de combler leurs besoins, essayer de voir où est-ce que ça… où est-ce qu'on ne répond pas à leurs besoins pour qu'elles en arrivent à demander ça. Soit c'est une souffrance physique, à cause du cancer, de la maladie, de l'atteinte nerveuse, neurologique ou neuropathique de tout ça, qui fait que les douleurs sont plus difficilement contrôlables malgré toute l'expertise qu'on a en 2013. On est capables d'aller sur la planète Mars, donc, des fois, on est aussi capables de les soulager. Mais c'est au prix de la conscience. Alors, des fois, la personne veut rester lucide, veut rester en contrôle mais souffre. Et là, bien, on a tout le débat avec eux de dire : Bien, écoutez, on pourrait éventuellement soulager davantage vos souffrances physiques, mais ça serait peut-être au prix de votre conscience. Donc, on serait obligés d'arriver à des doses de morphine extrêmement élevées, ou de Dilaudid, ou peu importe la médication, qui feraient que vous seriez éventuellement soulagé, mais vous dormiriez les trois quarts du temps. Ou alors on pourrait aller — et ça, c'est un plan thérapeutique qui doit être discuté avec les médecins ou avec les infirmières, mais nous, on pousse pour que le dialogue soit ouvert — vers la sédation terminale. Si la souffrance est telle, physique, on n'hésitera pas à donner des médicaments pour les faire dormir ou, du moins, les déconnecter de leurs souffrances. On prendra tous les moyens qu'il faut. Mais on ne précipitera pas, donc on ne donnera pas une dose létale qui va faire : Ah, inquiétez-vous pas, on est bonnes, nous autres, vous allez voir, vous ne souffrirez plus. Mais on leur explique qu'évidemment, s'ils dorment les trois quarts du temps et qu'ils sont rendus là, là, qu'on est rendus dans les derniers jours, bien ils ne mangeront plus, ils vont boire de moins en moins, et évidemment la mort va arriver, mais ils ne seront pas conscients.

Donc, on l'offre, on offre en équipe multidisciplinaire ce choix-là aux patients, c'est ça qu'on fait avec notre 3 % à 5 %. Et on essaie de voir, si c'est psychologique, on peut, à ce moment-là, demander l'ajout d'un psychologue, si ce n'est pas déjà fait, ou d'un psychiatre, ou d'une médication antidépressive si on pense que c'est une dépression qui fait qu'ils demandent ça. Mais il y a des gens pour qui c'est leurs valeurs, ils veulent en finir. Et à ce moment-là on fait tout ce qui est en notre ressort. Mais on ne peut pas dire : Bon, bien, vous voulez mourir, donc on va le faire, parce qu'à l'heure actuelle c'est criminel.

Et la position de NOVA, vous m'aviez posé la question. En fait, on a toujours été des grands défenseurs des besoins des clients et, dans le dernier mémoire, que j'ai relu aussi, on laissait la porte ouverte en disant : Bien, ils ont le droit de choisir. Et, quand je pose la question à mes infirmières : Est-ce que vous seriez prêtes à la faire, de donner vous-mêmes l'injection… Je sais que, dans votre texte de loi, c'est aux médecins qu'on pose la question, mais la sédation palliative, c'étaient aussi les médecins au départ puis maintenant c'est délégué aux infirmières et c'est les infirmières qui donnent la médication. Donc, je me dis : Est-ce que vous seriez prêtes à le faire? Et c'est partagé. Il y en a que c'est non, jamais, et d'autres oui. Mais la position de NOVA Montréal, c'est qu'on pense qu'il y a d'autres moyens que l'euthanasie pour arriver à soulager les souffrances.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Est-ce que vous… Parce que vous êtes en contact avec les gens, puis tantôt c'était intéressant parce que… Puis je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il y a encore beaucoup de pédagogie à faire pour que les gens comprennent bien, puis tout ça. Et, quand on tombe dans des termes… Puis c'était intéressant, la semaine dernière, il y avait quelqu'un qui nous disait : La personne, elle ne dira pas : Je veux une sédation palliative continue ou je veux une aide médicale à mourir. Elle va dire : Écoutez, je voudrais dormir jusqu'à… et ne plus jamais me réveiller, ou elle va dire : Je voudrais que ça s'arrête maintenant, je n'en peux plus, je veux que vous me donniez quelque chose qui va faire en sorte que je vais mourir. Donc, c'est sûr que la personne, elle ne dira pas…

Mais moi, je pense que les gens, ils comprennent quand même assez bien ce dont il s'agit. C'est notre défi à tous, puis je pense que c'est un défi aussi aux soignants d'expliquer tout ça. Parce que, on se rend compte, ça fait 20 ans qu'il y a eu beaucoup de modifications au Code civil pour préserver le principe de l'autonomie de la personne et le refus de traitement, le refus de l'acharnement thérapeutique. Tout ça est tout à fait accepté et devrait être la norme. Et on se rend compte à quel point il y a beaucoup de gens qui sont encore, je dirais, dans le doute. Donc, je pense que c'est une responsabilité collective — nous, élus, vous, soignants — de démystifier un petit peu tout ça. Et nous, on souhaite le faire avec des outils de communication pour que les gens, ça ne soit pas quand ils sont en toute fin de vie qu'ils se mettent à se poser ces questions-là, mais qu'il y ait une plus grande sensibilisation à cet égard-là. Mais… Oui?

Le Président (M. Bergman) : Mme Mainville.

Mme Mainville (Marie-Claude) : Mais il faut juste décoder, c'est bien important de décoder, là, «je n'en peux plus, je veux mourir», puis je pense que j'ai insisté là-dessus, parce que ce n'est pas à prendre toujours au premier degré.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, merci pour votre présentation qui est assez limpide. J'avais un certain nombre de questions, et là vos échanges avec la ministre ont permis de clarifier aussi cette question-là, surtout sur le 3 % à 5 %. Donc, ce que je comprends, vous, le 3 % à 5 % des patients qui sont rendus vraiment au bout, au bout du rouleau, vous, vous les dirigez davantage vers la sédation palliative terminale?

Mme Mainville (Marie-Claude) : C'est une option.

Mme Vallée : Oui, c'est une option. Je comprends que ça fait partie de ce qui est présenté comme offre d'accompagnement et de soins, et que cette sédation-là s'accompagne également d'une réduction de l'hydratation puis de l'alimentation donc. Je veux juste la raison, là. Ce n'est pas un piège. C'est parce qu'on a certains groupes qui nous disaient : Oui, nous, on va privilégier une sédation qui va simplement amener la personne dans une inconscience, mais il n'y aura pas d'autres gestes de posés, c'est-à-dire on ne va pas précipiter la mort en réduisant l'hydratation, en réduisant l'alimentation.

Et donc elle est là, à mon avis, la distinction, puis on doit bien faire la part des choses. Il y a la sédation palliative, la sédation qui amène la personne à ne pas être consciente de ses douleurs, qui peut être utilisée en fin de vie, mais qui peut être utilisée à d'autres moments, dans d'autres circonstances; mais il y a cette sédation palliative terminale, continue, peu importe, qui s'accompagne aussi d'une réduction de l'hydratation et de l'alimentation, qui ultimement aura un effet.

Le Président (M. Bergman) : Mme Mainville.

Mme Mainville (Marie-Claude) : C'est que le médicament que vous donnez doit être donné d'une façon régulière et continue, sinon la personne se réveille, à moins qu'elle soit déjà rendue dans un état comateux. Mais, si vous dormez tout le temps, vous ne mangez plus et vous ne buvez plus. Vous ne pouvez pas vous réveiller puis dire : Ah, là, tout d'un coup, j'ai faim. La médication force le sommeil, c'est un curare qui est utilisé, qui n'affecte pas… En tout cas, pour parler en termes médicaux, là, c'est un médicament qui n'affecte pas les centres respiratoires, donc la personne n'arrêtera pas de respirer sous ce médicament-là, mais elle va dormir comme une personne en anesthésie. Mais vous n'aurez pas besoin de l'intuber, par exemple, pour la faire respirer; elle va respirer, ça n'affecte pas sa respiration.

Mais elle va vraiment dormir profondément, vous ne pouvez pas la réveiller. Donc, si vous ne pouvez pas la réveiller… Bien, vous pouvez la réveiller si vous attendez que le médicament ne fasse plus effet, et, à ce moment-là, elle va cuver son médicament puis elle va se réveiller. Mais, si vous ne la laissez pas se réveiller, et c'est ce qu'elle souhaite, évidemment elle ne mangera plus et elle ne boira plus. Mais nous, en soins palliatifs, on ne prône pas le soluté, par exemple, pour l'hydrater par les veines alors qu'elle est comateuse parce qu'à ce moment-là vous allez remplir ses poumons d'eau et vous allez avoir une agonie atroce. Donc, évidemment, on ne prône pas l'alimentation pendant qu'elle dort. Mais, lorsque vous donnez de la sédation, évidemment la personne dort tout le temps.

Et, au début, je me souviens, au début de ma carrière, là, il y a 25 ans, quand occasionnellement on donnait de la sédation terminale, après 24 heures — et encore dans certains milieux — on les laisse se réveiller pour leur demander si c'est toujours leur choix. Et, 9,9 fois sur 10, ils ne se réveillent même pas parce qu'ils étaient rendus à cette étape-là de leur maladie, puis juste le fait qu'on les ait bien endormis, le naturel prend le dessus et ils meurent de façon naturelle, mais en dormant. On ne précipite pas rien et on continue les antidouleurs, etc., mais on ne les nourrit pas de force par des solutés. Oui.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Lorsque je pensais à l'hydratation, je pensais au soluté. Je m'excuse, je ne l'avais pas précisé, là. Il n'était pas…

Mme Mainville (Marie-Claude) : …non, non. Ah, non, non, non, jamais. Non, non. Ça fait des agonies atroces, le soluté.

Mme Vallée : Et je comprends que, de pousser au-delà de ça, donc d'offrir un soin additionnel ou supplémentaire qui se nommerait l'aide médicale à mourir, pour vous, cet élément-là, c'est une étape additionnelle qui va… on va un peu trop loin. Est-ce que je comprends bien?

Mme Mainville (Marie-Claude) : Oui.

Mme Vallée : O.K. Mais, à ce moment-là — j'essaie de bien comprendre — la distinction, pour vous, entre cette sédation palliative là où vous me dites : Bien, ils étaient rendus là, ils étaient rendus à s'éteindre tranquillement, entre l'administration de cette sédation-là et l'aide médicale à mourir… J'essaie de comprendre. Parce que c'est quand même… c'est délicat. Pour certains, on pourrait dire : Bien, c'est du pareil au même. Parce que certains groupes qui oeuvrent en soins palliatifs nous disaient : La sédation palliative puis terminale, on n'est pas à l'aise avec, on la met dans le même bateau que l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Mme Mainville.

• (12 h 40) •

Mme Mainville (Marie-Claude) : Merci. Il y a certaines personnes qui nous disent effectivement que l'aide médicale à… bien, la sédation palliative, c'est de l'euthanasie déguisée. Dans notre livre à nous, c'est… C'est sûr que c'est une question de perception, hein? Parce que, pour certaines personnes, prendre de la morphine, c'est tranquillement prendre un médicament qui va vous faire mourir. Donc, évidemment, tout est perception. Mais, pour nous, c'est offert quand tout le reste a été répondu ou du moins qu'on a essayé de répondre à tous les besoins, et que la personne est vraiment rendue en fin de vie, et qu'il lui reste peut-être, maximum — je dis bien «maximum» — quelques jours à une semaine à vivre.

Contrairement à nous, l'idée qu'on se fait du projet de loi, de l'euthanasie ou de l'aide médicale à mourir pourrait être demandée par une personne lucide, pas rendue dans ses derniers, derniers moments, et qui déciderait d'avoir ça comme option alors qu'on n'a pas évalué sa détresse psychologique, qu'on n'a pas fait tout le reste. Donc, c'est pour ça que nous, on en fait une grosse distinction, parce qu'on le voit, des fois, on arrive dans le décor et la personne nous dit déjà, alors que sa maladie est terminale : Je veux mourir. Mais on n'a pas encore évalué sa douleur, on n'a pas encore évalué ses besoins psychologiques. Et c'est tout de suite ça qu'elle nous dit. Donc, si, tout de suite, elle nous dit : Aidez-moi, mais on n'a pas encore fait le tour de toutes les ressources qu'on a pour l'aider avant d'en arriver là… Et c'est pour ça qu'on a peur que le piège de donner… l'euthanasie soit trop vite donnée alors qu'on n'a pas tout fait les efforts dans l'autre sens.

Et, pour nous, quand on donne de la sédation à la fin de la vie, c'est juste que la personne dort, elle n'est pas consciente qu'elle meurt, mais on ne précipite pas sa mort. On ne cause pas la mort avec la sédation. Elle va dormir. Évidemment qu'on joue sur les mots parce qu'elle va dormir, elle ne mangera pas, elle ne boira pas, mais, de toute façon, souvent, quand ils sont à ce stade-là, ils ne mangent plus et ils ne boivent presque plus parce qu'ils sont vraiment rendus dans les derniers milles. Et ce n'est pas proposé à des gens à qui il reste une espérance de vie de deux à trois mois dans notre façon de pratiquer…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Donc, la notion de fin de vie est extrêmement importante pour vous dans toute la question des soins qui pourraient être offerts aux patients.

Mme Mainville (Marie-Claude) : Oui.

Mme Vallée : J'aimerais vous entendre sur un autre élément. Vous mentionniez que seuls les chanceux — et je le mets entre guillemets pour les fins de la sténographie — qui sont atteints d'un cancer ont accès aux soins palliatifs. Donc, qu'est-ce qui fait ça? Ça, c'est un élément dont on a très peu parlé avec les regroupements de médecins. Je sais qu'hier la Société canadienne du cancer a plaidé pour un accompagnement plus rapide en soins palliatifs auprès de leur clientèle, mais là vous faites état aussi d'autres maladies, d'autres patients.

Mme Mainville (Marie-Claude) : Chez NOVA, on accepte à… Notre mission, c'étaient vraiment les cancéreux, les gens qui avaient un cancer en phase terminale. C'est ça, notre mission première. Mais on s'est aperçu qu'il y avait un énorme besoin dans la communauté, et des gens qui n'avaient pas de soins alors qu'ils avaient la maladie de Lou Gehrig, par exemple, en phase terminale ou un cancer en phase… pas un cancer, une dégénérescence très importante, je parle de la sclérose en plaques ou une insuffisance rénale en fin de vie, et ces gens-là ne pouvaient pas être admis dans les unités de soins palliatifs parce qu'on n'admet que des gens qui ont le cancer. C'est ça, les critères d'admission. Comme on a dit précédemment, c'est que ces gens-là, des fois, n'ont pas toujours une espérance de vie ou un pronostic de deux à trois semaines, mais ça pourrait être plus long. Et là ils occuperaient des lits, et il y en aurait… en tout cas, il n'y en a pas assez, des lits, pour qu'on puisse offrir à tous les mourants de toutes les catégories… Donc, on se concentre sur…

Et la douleur du cancer, la souffrance physique du cancer, le fait que le cancer empiète et vous dévore certains organes — pour vulgariser un peu ce que le cancer fait dans votre corps — ça devient plus souffrant, donc un besoin de les soulager davantage. Et on sait, avec le cancer, les statistiques et tout ce qu'il y a autour de ça, qu'on peut bien prévoir… plus ou moins, là, parce qu'on n'est pas des bons dieux, là, mais on peut avoir un pronostic. On sait que, cette personne, il lui reste approximativement un mois, trois semaines, un an à vivre. Évidemment, elle peut déjouer les statistiques et mourir plus rapidement ou faire plus longtemps, mais on a déjà une piste, alors qu'avec la sclérose en plaques il n'est pas forcément mourant, il est en terminale de sa maladie et il ne mange plus… bien, il mange avec aide, mais il est alité presque tout le temps, il est en chaise roulante. Et là, bien, il ne peut plus rester à la maison et souvent il va être placé en CHSLD ou ailleurs, alors que ce n'est pas forcément la meilleure ressource pour lui s'il a 40 ans. Mais il n'aura pas accès à une unité de soins palliatifs telle qu'on l'entend dans le réseau à l'heure actuelle. Donc, c'est dommage. C'est pour ça que je dis qu'il faut avoir le bonheur d'avoir un cancer pour être admis dans les soins palliatifs.

À domicile, les équipes de soins à domicile qui font des soins palliatifs ont des critères un petit peu plus larges et des fois vont suivre, aux soins courants, une personne avec la sclérose en plaques. Mais, si elle ne peut plus rester à domicile, elle ne finira pas dans le système de soins palliatifs du domicile, elle va être placée. Il faut que vous ayez aussi le bonheur d'avoir une famille qui puisse s'occuper de vous, qui puisse ne pas travailler et ne pas avoir d'emploi, ou de ne pas avoir un employeur qui permet les congés, ou… Parce qu'encore une fois prendre soin d'un grand malade, ça implique que vous ayez quelqu'un qui le fait. Et, si c'est votre conjoint qui a 40 ans, bien il y a des grandes chances qu'il travaille. Donc, lui, il est placé face à une situation extrêmement difficile. Et là le placement est envisagé, et ces gens-là qui ont d'autres maladies que le cancer n'ont pas beaucoup d'options.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Je suis très contente qu'on vous ait invités encore une fois — non, je dois vous le dire — parce que je pense qu'avec la question de la sédation palliative… moi, je reviens souvent là-dessus, puis des fois ça a l'air très technique, mais je pense que c'est très central aussi. C'est très central en termes de… Ce n'est pas pour rien qu'il est dans le projet de loi. Puis là certains nous ont dit : Vous, vous utilisez «terminale», donc je vois que ce n'est pas quelque chose de si inusité, que c'est utilisé. En fait, c'est un peu un synonyme de «continue», selon moi, là. Sédation palliative continue ou terminale, plusieurs nous ont dit que c'était mieux, «continue». Moi, je suis tout à fait ouverte à ça. Mais, pour moi, c'est l'idée, la définition est toujours la même, de plonger quelqu'un dans un état, en fait…

Mme Mainville (Marie-Claude) : De non-conscience.

Mme Hivon : …de non-conscience jusqu'à ce que le décès survienne. Et on sait, quand on le lui propose, qu'elle va ou qu'il va dormir jusqu'à ce que le décès survienne. Et, avec les questions de ma collègue, bien je pense que ça montre justement pourquoi certains sont moins confortables puis pourquoi aussi c'est important pour nous de le mettre dans le projet de loi. C'est parce que plusieurs sont venus nous dire, lors des travaux de la précédente commission : Il faut que ça soit encadré avec des protocoles qui sont corrects, justement parce que ce n'est pas une pratique qui semble normale s'il vous reste encore deux ou trois mois à vivre, parce que la personne s'alimente encore ou… Donc là, c'est comme radical.

Alors que, quand on est plus dans une période de fin de vie où la personne, des fois, ne mangera plus vraiment, mais des fois va boire encore un peu, mais elle va avoir de la souffrance — bon, dépendamment, il y a une expectative de vie, en général on nous dit deux semaines, évidemment, des fois, la personne, elle peut faire trois semaines, on ne le sait pas — mais que, là, c'est plus approprié, mais que ce n'est quand même pas banal comme soin parce que la personne ne se réveillera plus. Et d'où l'importance, nous, on trouvait, de spécifier qu'il faut un consentement, donc, écrit parce que c'est quelque chose qui est quand même très sérieux pour la personne elle-même ou pour le tiers qui consent à ça. Donc, c'est ça, l'idée de l'encadrement.

Puis je pense qu'avec les questions puis l'éclairage que vous nous apportez aujourd'hui c'est très intéressant. Parce que, là, certains sont venus nous dire : Oui, mais «terminale», on est contre ça, l'utilisation de «terminale» parce que c'est comme si on le faisait dans des circonstances non appropriées où, la personne, il pourrait rester deux ou trois mois à vivre. Moi, je dis non. Je veux dire, c'est exclu, ça. Toute l'idée derrière le fait de mettre ça dans le projet de loi, c'est justement que ça soit encadré par des protocoles uniformes partout parce que ce n'est pas tout le monde qui a cette expertise-là de vraiment faire une sédation continue. Donc, c'est ça, l'idée, puis de montrer que ce n'est quand même pas un soin banal.

Et, pour plusieurs personnes… C'est pour ça que je suis contente de vous entendre dire que, pour certains, bien, on joue un peu sur les mots. Pour le commun des mortels, il y a là-dedans une distinction entre la sédation continue et l'aide médicale à mourir qui souvent est très ténue. Parce qu'il y a des gens qui sont venus nous dire, lors des autres auditions : Vous savez, moi, je n'avais pas envie qu'on me dise : On va vous endormir, puis vous ne vous réveillerez plus. J'avais envie de dire : Là, pour moi, ça n'a plus aucun sens, je veux qu'on arrête ça. Dans un processus très encadré, là, c'est ça, l'autre réalité. Donc, pour le commun des mortels qui n'est pas dans cette réalité-là où on fait des distinctions, puis de l'hydratation, puis l'alimentation, puis tout ça, il y a quand même, je dirais, deux pratiques qui sont très proches. Donc, on les distingue dans le projet de loi parce qu'on comprend que, dans le milieu médical, ce n'est pas la même chose. Mais je pense que c'est important de clarifier tout ça. Ça fait que je vous remercie parce que je pense que vous avez permis de le clarifier encore davantage.

Puis, quand vous nous dites que vous ne pensez pas qu'il faut franchir l'autre pas parce que, bon, il y a des gens qui peuvent, tu sais, changer d'idée, évoluer, moi, je pense que justement toutes les balises qui sont là sous-tendent un processus qui fait en sorte que ce n'est pas une personne, au jour un, qui se réveille, elle n'a jamais parlé de ça avec son médecin ou son infirmière, ou tout ça, là elle décide : Aujourd'hui, je suis découragée, on arrête. Tout l'encadrement qui est là fait en sorte qu'on ne pourrait pas être dans une situation comme ça. Mais c'est une manière d'apporter une réponse aux 3 % à 5 % des gens pour lesquels on n'a pas de réponse. Parce que je me demande… je continue toujours à me demander ce qu'on fait avec ces gens-là qui ne sont pas à l'aise, par exemple, à dire : O.K., endormez-moi jusqu'à la fin, mes proches vont me veiller, mais combien de temps ça va durer, tout ça? Puis ça peut leur créer, certains me disaient, de l'angoisse, juste cette idée-là aussi de dire : À quoi ça va ressembler? Donc, c'est un peu ça que je me… Dans votre expérience à vous, très concrète, j'imagine que votre 3 % à 5 % des gens, c'est des gens qui ont de la difficulté à obtenir une réponse qui les satisfait, eux, dans leur individualité en fin de vie.

• (12 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Mainville.

Mme Mainville (Marie-Claude) : Oui, c'est sûr. Mais, en même temps, pour nous, l'euthanasie ou l'aide médicale à mourir, c'est fini, c'est bâton, on cause la mort. Et, comme professionnels, on ne peut avoir cette idée, en tout cas chez NOVA, qu'on va précipiter la mort de quelqu'un, on est plus dans le naturel. Je sais que la nuance, elle est mince. On est en zone grise. Les faire dormir pour trois jours ou leur donner une injection trois jours avant, c'est peut-être, pour vous, pareil au même; pour nous, ça ne l'est pas du tout. Pour nous, ça ne l'est pas du tout. Donc, vraiment, c'est… Mais il faut répondre aux besoins de la personne, c'est définitif. Et je suis d'accord avec vous quand vous dites que ce n'est pas quelque chose qu'on doit discuter avec eux à brûle-pourpoint, du jour au lendemain. Mais, nous, cette distinction-là, elle est très, très, très, importante à faire.

Le Président (M. Bergman) : Dr Laplante.

M. Laplante (Michael) : Je trouve qu'il faut faire vraiment une distinction et qu'il y a une vraie distinction entre soins palliatifs et l'euthanasie, et il s'agit de l'intention. Et, en loi, ça, c'est quelque chose qui, je crois, est important. L'intention de sédation palliative est de permettre au patient… et c'est quand… ça doit être toujours quand la mort est imminente, pas deux ans avant. Alors, le terme «terminale» n'est pas un bon terme, c'est quand la mort est imminente. Notre intention, c'est de soulager l'angoisse de ce patient qui a quelques heures ou jours à vivre. Un geste spécifique pour terminer la vie, c'est une autre chose. Et il y a vraiment une distinction.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

27 12235 Mme Proulx : Oui, merci, M. le Président. Je voudrais revenir… Dans votre présentation, vous avez mentionné tantôt quelque chose qui me… je voudrais que vous puissiez clarifier un peu ce que vous vouliez dire. Et d'ailleurs, dans votre mémoire, vous faites référence, à un moment donné, quand vous parlez du suicide assisté, disant qu'en fait, même ceux parmi les malades qui le demandent, il y en a très peu finalement qui passent à l'acte, «comme si le besoin de décider était plus fort que le besoin [réel] de vouloir en finir».

Je trouve ça extrêmement intéressant comme réflexion. Est-ce que vous ne pensez pas par ailleurs qu'avec l'aide médicale à mourir, le simple fait… Peut-être que c'est vrai que les gens ont besoin de savoir qu'ils pourront décider pour eux-mêmes le temps venu. Est-ce que vous ne croyez pas que la simple possibilité pour quelqu'un de savoir qu'il existerait l'aide médicale à mourir, à laquelle ils pourraient recourir, viendrait peut-être diminuer le niveau d'angoisse et peut-être ferait en sorte que la personne ne le demanderait jamais? Et, si elle ne le demande pas, à mon sens, il n'y a pas de problème, elle ne le demande pas, mais par contre elle sait que ça existe. Et quelqu'un peut le demander et, en dernier, comme vous mentionnez, ne pas l'utiliser.

Le Président (M. Bergman) : Dr Laplante…

Mme Proulx : Moi, je ne vois pas un problème là-dedans. Je voudrais savoir : Est-ce que vous ne croyez pas que ça pourrait justement faire diminuer l'angoisse de quelqu'un qui est en fin de vie, de quelqu'un pour qui la mort est inéluctable et pour qui, dépendant de la maladie dont il souffre, ça pourrait peut-être représenter quelque chose d'extrêmement difficile à vivre, une agonie ou une angoisse de mourir étouffé — je prends un exemple, mourir étouffé — si la personne sait que ça peut lui arriver et qu'il y aurait, à ce moment-là, une possibilité pour elle, au moment où elle le choisira, de demander une aide médicale à mourir?

Le Président (M. Bergman) : Dr Laplante.

M. Laplante (Michael) : Bien, je ne suis pas d'accord parce que je vois cette distinction et je vois vraiment où la sédation palliative est très efficace. L'intention, c'est de soulager, pas de terminer la vie. Et, dans ce cas-là, les soins palliatifs devraient être tels qu'on peut donner assez d'espoir ou de foi au patient qu'on ne le laissera pas souffrir comme ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme Mainville.

Mme Mainville (Marie-Claude) : Par exemple, pour l'angoisse face à étouffer, ça fait partie des angoisses, ça fait partie des choses que les patients nous disent. Mais on a des médicaments qui vont permettre qu'ils n'étoufferont pas, à moins d'avoir un cancer de la gorge avec une tumeur qui les étouffe, et à ce moment-là peut-être que la sédation pourrait être une façon de faire qu'ils ne s'étouffent pas. Mais les râles du mourant ou cette sensation de manquer d'air, c'est très souffrant pour les familles qui assistent, mais nous, on sait très bien qu'on a de la médication qui va faire qu'on va assécher les poumons, avec la scopolamine, ou l'atropine, ou peu importe, et qui va faire en sorte qu'il n'y aura pas de râle.

Mais les soins palliatifs ne sont pas égaux pour tous. Donc, si le médecin ne prescrit pas la scopolamine, ça se peut que vous assistiez à une mort qui vous semble épouvantable parce que la personne a énormément de râles et, comme il s'est bien hydraté jusqu'à la fin, ça mousse et que ça lui sort par la bouche. C'est très différent d'une mort calme, bien contrôlée, avec des médicaments qui vont assécher ses sécrétions et qui ne donneront pas de problèmes à respirer. Mais il y a autant de façons de mourir qu'il y a de personnes qui meurent, et il y a autant de peurs face à mourir. Les peurs sont exprimées différemment. Il y a des gens qui vont avoir peur de mourir étouffés…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Mainville (Marie-Claude) : …d'autres qui vont avoir peur de mourir dans d'autres conditions. Et, si vous suggérez éventuellement l'euthanasie comme une possibilité, il y en a, parce qu'ils ont peur, qui vont être tentés de la prendre, alors que, si on avait donné le support ou la médication adéquate… Nous, on croit qu'il y a d'autres choses à proposer avant d'en arriver à proposer ça. Et on décode plus dans «je ne veux pas souffrir ou je veux…» Ça, on le décode très facilement. Mais, quand on les conforte dans le fait qu'on va les soulager, ils ne disent plus qu'ils veulent mourir.

Donc, je suis un peu ambivalente face à votre question. Parce que, oui, il faut répondre à leurs besoins, oui, il faut les rassurer, oui, il faut être à leurs côtés, et, si on propose trop tôt l'euthanasie, nous, on croit que ça devient une option facile. Et on vit dans une société où on a tout de suite tout ce qu'on veut tout le temps. Les gens n'ont pas l'habitude de souffrir.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du gouvernement.

Mme Mainville (Marie-Claude) : Pardon? Je m'excuse?

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement.

Mme Mainville (Marie-Claude) : O.K.

Le Président (M. Bergman) : Pour le bloc de l'opposition officielle, le deuxième bloc, Mme la députée de Gatineau… M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. C'est très philosophique. Et puis c'est comme vous disiez, vous, vous donnez des exemples par : Si on leur laisse le temps, ils vont peut-être… ils vont décider de continuer de vivre. Mais prenez n'importe quelle situation, vous pouvez toujours trouver des cas qui sont reliés à cette situation. Puis c'est ça qui est difficile dans cette commission, c'est que les gens, lorsqu'ils ont une position, ils viennent défendre leur position en donnant des exemples très pratiques qui sont vrais, mais, pour chacun de ces cas, on pourrait faire un film avec une conclusion qui est différente. Et c'est ce qu'on vit dans nos pratiques. Puis, à la fin, il y a des gens qui veulent avoir le choix, qui ne reculeront pas et qui ne comprennent pas, sur le principe de l'autonomie et que c'est leur vie, pourquoi on leur refuse. Et ça, nous en avons, de ces cas-là.

L'objectif de la loi, c'est d'être capables de dire sur quelles valeurs on se base. Mais là, quand les gens viennent, il y en a qui disent : La valeur, c'est la vie, c'est un incontournable. Ça dépend comment vous avez été élevé, ça dépend de vos valeurs profondes. Puis il y a des endroits, dans certaines civilisations, où que la vie, ce n'est pas la finalité, il y a d'autres valeurs autres. Puis il y en a d'autres qui vont dire : C'est l'autonomie, c'est moi qui décide.

Vous avez dit quelque chose qui est vrai au début : On finit tous par mourir. Mais le chemin peut être différent. Et ce que je me rends compte ici, c'est qu'il y en a qui veulent qu'on prenne leur chemin à eux autres, mais il y en a, des personnes, qui nous disent : Le chemin, ce n'est pas lui que je veux, c'est un autre. Et nous avons des patients qui veulent avoir le choix, nous avons des patients qui ne veulent pas vraiment avoir le choix parce qu'ils sont contre le principe. Et nous avons des professionnels qui disent : Moi, je ne le ferai jamais. Nous avons d'autres professionnels qui sont prêts à le faire. Maintenant, c'est quoi, la combinaison pour respecter, si possible, l'avis de chacun, en assumant…

Moi, je pars avec le principe que… Il y en a qui disent : La vie, c'est Dieu qui va décider de nous l'enlever. Mais ce n'est pas tout le monde qui pense comme ça. Il faut être capable de respecter les gens qui ne croient pas là-dedans puis que ça fait partie de notre société. D'ailleurs, on est une société pluraliste dans laquelle on peut trouver plusieurs opinions, et il faut répondre à ces gens-là. Je pense que, quand on arrive à notre fin de vie, il y a un principe… Puis tout le monde en a vu, moi, j'ai vu des patients qui ont témoigné, ils ne voudraient pas que leur mère soit morte comme elle est morte. C'est un choix. Puis il y en a qui disent : Moi, je ne veux pas mourir comme ça. C'est son choix personnel. Il ne l'applique pas à sa mère, il se l'applique à lui-même ou à elle-même. Ça fait que c'est des décisions qui doivent être faites.

La loi, comme elle est faite actuellement, a besoin d'être améliorée. Puis il y a des contraintes. Il va y avoir la contrainte de l'applicabilité à cause de l'objection de conscience, puis à cause du choix du patient, puis à cause de toutes les craintes qui peuvent être amenées. Mais, à la fin, on n'aura pas le choix, il va falloir qu'on prenne une décision : On y va dans ce sens-là ou on n'y va pas, puis comment on va l'appliquer. Ce que je trouve un petit peu difficile, là, c'est, à la fin, comment on va faire pour appliquer cette loi-là de façon pratique. Exemple, puis ça va être ma question. Si on arrive puis que la loi passe, vous allez avoir des patients qui vont arriver en fin de vie, soins palliatifs. Vous autres, vous dites : Nous autres, on n'est pas d'accord à cause de l'intention de poser le geste. Comment vous allez réagir face à ça? Parce que ça, ça va être la difficulté qu'on va avoir dans l'applicabilité.

Le Président (M. Bergman) : Mme Mainville.

• (13 heures) •

Mme Mainville (Marie-Claude) : À mon avis, c'est tout le support psychologique que vous pouvez donner à cette personne-là puis tout en respectant ses choix. Donc, à leur domicile, des fois, ils nous disent : Je veux mourir, je veux mourir, je veux mourir. Ils ont, comme je disais tout à l'heure, toute la médication pour le faire, s'ils voulaient, puis ils ne le font pas. Donc, ça va devenir... Si ça devient légal, c'est sûr que ça ne sera pas aux infirmières — nous, on est des infirmières — donc, que ce ne sera pas à nous de l'injecter. Et, si le médecin traitant, avec son patient, décide qu'il le fait, il le fera pour le patient. On ne se battra pas contre lui, on ne se battra pas contre ses valeurs. Mais nous, en termes d'organisation, on doit se positionner. Et c'est sûr qu'on n'en fera pas la promotion puisque, depuis qu'on existe, on fait la promotion des soins de confort aux gens, des mourants, et on travaille très fort pour combler tous leurs besoins et qu'ils soient bien entendus et bien écoutés. Donc, évidemment, on les écoute quand ils nous disent : Je veux mourir pareil puis… Mais, je vous dis, c'est une minorité de nos clients.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : ...M. le Président. Je suis d'accord quand on me dit que c'est une minorité, mais, si ces gens-là font ce choix-là, comment on va faire pour organiser notre système pour être capables de le leur offrir en tenant compte que c'est légal? D'ailleurs, dans la loi, la plus grande difficulté qu'on va avoir, c'est quand on va arriver par la suite. Puis je prenais un exemple : on avait des gens qui pratiquaient à Notre-Dame ce matin à l'unité de soins palliatifs, eux autres, ils vont tout simplement refuser par conviction puis ils vont probablement même démissionner de l'hôpital plutôt que d'avoir l'obligation de faire ça, et, dans la loi, on a une obligation de faire ça.

L'autre question qu'on va devoir se poser, puis elle est profonde, quand vous faites des sondages… Puis, en passant, les premiers sondages, là, ça répondait beaucoup plus à la question : Est-ce que vous êtes d'accord qu'on est contre l'acharnement thérapeutique? Est-ce que vous êtes d'accord qu'on doit vous soulager en fin de vie? C'est normal, 90 % des docteurs, ils sont d'accord. La vraie question, ça va être : Oui, vous êtes d'accord pour l'aide médicale à mourir. Maintenant, si vous êtes si d'accord que ça, êtes-vous prêts à la pratiquer? Ça va être ça, le défi. Parce qu'il y a plusieurs personnes qui sont tout à fait d'accord que quelqu'un d'autre le fasse, mais il y en a combien qui vont être d'accord pour le faire? Ça, ça va être peut-être la question qu'un sondage devrait être fait par un journal de façon un peu plus scientifique, là, pour voir le nombre de personnes puis, si possible, qu'ils donnent leur nom, parce qu'on va avoir besoin d'eux autres après, ça va être…

Là, on va tomber dans l'applicabilité d'une loi, que je ne vous dis pas qu'il ne faut pas la passer quand même, mais, si on n'y pense pas aujourd'hui à comment on va la travailler après... Parce qu'il y a trois éléments : tu as un droit du patient, c'est une obligation de l'établissement puis tu peux également avoir ton objection de conscience. Je ne le sais pas, mais il va falloir qu'on découvre des mécanismes de façon transitoire sur quelques années, que ça ne se fera pas du jour au lendemain, mais on ne pourra pas répondre à tous les droits, d'où l'obligation aussi d'être capables de soulager puis d'aider ces gens-là.

Ça fait que moi, Mme la ministre, on va avoir beaucoup de travail à faire là-dessus, parce que les gens sont arrivés… Puis l'autre élément que je voudrais mettre en pratique, l'idéalisme puis le pragmatisme. Tu sais, dans un monde idéal, il n'y en aurait pas, de problème. Dans un monde réel, c'est une loi qui va être très difficile à appliquer pour tout le monde, partout au Québec. Par contre, si on passe la loi, il va falloir qu'on travaille ensemble pour le faire, dont, entre autres, on va avoir besoin des collaborations, même de ceux qui n'y croient pas, non pas un refus, dire : On va continuer à faire… mais comme on va faire un mécanisme de référence, possiblement, au niveau des établissements, qu'est-ce qui est possible à faire, d'où, je pense, à la fin, je ne suis pas certain qu'on va être capables de garder dans la loi… peut-être qu'on va être capables de le garder, mais il va falloir avoir un mécanisme transitoire pour dire… On ne pourra pas appliquer ça demain matin, là, ça va nous prendre quelques années avant de mettre le système en place, en espérant, si la loi passe, qu'il y a des professionnels qui vont y croire assez par conviction pour dire : Moi, je vais être prêt à aider les patients dans les situations qu'ils le demandent. Vos commentaires.

Le Président (M. Bergman) : Mme Mainville.

Mme Mainville (Marie-Claude) : C'est sûr, j'ai beaucoup de professionnels qui m'ont dit : Si les soins palliatifs deviennent l'aide... l'accessibilité à l'euthanasie, je n'en ferai plus. Je l'ai entendu. J'ai entendu des gens du public qui m'ont dit… Comme je vous donnais l'exemple de cette famille qui demandait l'euthanasie pour leur mère parce qu'ils ne pouvaient pas croire qu'on pouvait mourir de cette façon-là — et ils n'en avaient pas déjà vu beaucoup mourir parce que je peux vous dire que cette dame-là était confortable et mourait paisiblement, mais l'idée de voir mourir sa mère est atroce, même si ça se passe dans de bonnes circonstances — et qui clamait que je fasse la fameuse injection. Parce que vous, vous la faites bien, la fameuse injection. Et, quand je disais : Quelle injection?, bien, l'injection qui va finir, que… faire que ma… Bien, j'ai dit : Faites-la, l'injection. Et j'avais la seringue de morphine dans les mains, et ça n'allait pas causer la mort de personne. Et là elle était tout outrée, en me disant : Mais vous n'allez quand même pas me demander de tuer ma mère, vous êtes payée pour ça, vous. Donc, il y a une marge entre le vouloir «at large» et l'exécuter. C'est comme la peine de mort, il y a des gens qui peuvent être pour mais qui ne seraient certainement pas le bourreau qui ferait l'injection léthale. Donc, nous, c'est notre position aussi, c'est : l'idée de ne pas prolonger les souffrances, on est en accord; l'idée de pousser la seringue qui cause la mort, c'est un autre débat.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du deuxième groupe d'opposition… du premier groupe d'opposition. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence. Merci aussi de votre mémoire, et je pense qu'on peut vous féliciter de votre excellent travail et peut-être s'inspirer, dans plusieurs régions du Québec, sur votre travail. Ce que je comprends de votre position, c'est que finalement on voudrait, dans un système idéal, que tout le monde ait accès à des soins palliatifs.

Mme Mainville (Marie-Claude) : ...palliatifs, excellents soins palliatifs.

Mme Daneault : C'est ça, des soins de grande qualité, mais des soins palliatifs.

Mme Mainville (Marie-Claude) : ...de qualité, uniformisés.

Mme Daneault : ...uniformisés et d'excellente qualité. Mais je veux vous amener un petit peu plus loin. À partir du moment où on dit que, oui, bon, un individu a eu droit à des soins palliatifs d'excellente qualité... Puis, quand je regarde dans votre mémoire et on se retrouve avec Louis, dans la trentaine, qui a un cancer en phase terminale, qui a une agonie lente, qui accepte son décès, qui est calme, qui est prêt à mourir mais la mort ne vient pas... Et c'est souvent le cas chez les jeunes, les plus jeunes, vous le savez comme moi, parce que le coeur, les fonctions vitales sont encore en santé et en forme, ce qui fait qu'on prolonge la phase terminale parce que les organes vitaux sont encore en forme.

Alors, on se retrouve dans une situation où Louis, à chaque matin, se réveille puis est déçu d'être encore vivant. Et là ce qu'on lui offre actuellement, c'est une sédation terminale qui va l'amener dans un coma qui peut durer et qui peut se prolonger parce que, comme il est jeune, on le sait, et que ses organes vitaux sont quand même en bon état, on peut se retrouver dans un coma, dans un soin qui est de longue durée puis qui peut être très pénible aussi pour lui et sa famille, alors que, dans le projet de loi actuel, on pourrait lui offrir aussi de dire : Bon, bien, on pourrait te donner l'aide médicale à mourir et arrêter tes souffrances à partir de maintenant, plutôt que de le plonger dans un coma qui risque de durer on ne sait pas combien de temps.

Le Président (M. Bergman) : Mme Mainville.

Mme Mainville (Marie-Claude)  : Ce ne serait pas proposé s'il lui restait plusieurs semaines. Si mon M. Louis a 30 ans, est capable de parler, et qu'il trouve ça long, et qu'il est très faible, mais qu'il mange son steak à tous les soirs, il est évident qu'on ne lui proposera pas tout de suite l'aide de la sédation terminale. Donc, c'est vraiment proposé en fin de vie. Mais ce qu'il va être très important de faire avec Louis, c'est d'écouter sa détresse, de s'asseoir avec lui puis d'en parler. Parce que beaucoup de gens, quand on arrive à ce point-là, ils trouvent ça tellement insupportable de voir ce jeune homme là mourir, qui attend la mort, que leur détresse est tellement grande qu'ils fuient. Donc, cette personne-là se retrouve très souvent très seule et personne pour répondre à son besoin. Et c'est là où, des fois, justement, nous, on aurait peur que, si Louis ne serait pas tout à fait rendu en fin de vie, on ne prenne pas le temps d'écouter sa détresse et qu'on irait trop vite vers l'injection. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Mais moi, je vais un petit peu plus loin dans son état, dans le sens où, quand Louis n'est pas soulagé de ses douleurs, de sa souffrance mais qu'il n'est pas capable de manger non plus... Parce qu'on le sait, en phase terminale, l'appétit s'en va et, bon, même s'hydrater, se nourrir... Mais, à partir du moment où il est dans un état où on n'arrive plus à soulager ses souffrances, qu'il n'arrive plus non plus à manger et à s'hydrater, mais qu'il a 30 ans, 35 ans, on sait que, bon, l'offre qu'on va lui faire, c'est de le sédationner davantage pour qu'il atteigne finalement un... qu'il ne sente plus ses souffrances, et souvent, bon, il est en coma. Mais on ne sait pas d'avance combien de temps va durer ce coma-là. Est-ce qu'il va durer deux jours, trois jours, une semaine? Puis plus il est jeune, plus il y a un risque que ça se prolonge.

Et là mon questionnement : Est-ce qu'à ce moment-là il n'est pas en mesure d'accepter de faire le choix de dire : Non, moi, je ne veux pas que vous me plongiez dans un coma qui aura une durée x, je voudrais mettre un terme aujourd'hui à ces souffrances-là, en connaissance de cause, et tout ça? Et c'est un petit peu l'option qu'on offre à ce minime pourcentage de patients là qui arrivent en fin de vie et qui demandent à soulager les souffrances, mais à ne pas les soulager dans un coma qui se prolonge d'une durée que personne ne connaît d'avance. Alors, c'est la question qu'on se pose, en fait, quand on offre cette option-là à ces patients-là.

• (13 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : Il reste du temps pour une très courte réponse. Dr Laplante.

M. Laplante (Michael) : C'est dans ce cas ou cette situation où il faut faire aussi une distinction entre le suicide assisté et l'euthanasie. Il y a une distinction. Pour ce monsieur, la sédation palliative n'est pas appropriée parce que la mort n'est pas imminente dans son cas, apparemment. Si oui, alors... et le projet de loi n'aborde pas cette très délicate question de suicide assisté, mais je pense qu'il faut voir que ça, c'est aussi une option où le patient, qui est conscient, qui est apte à faire ses décisions lui-même, peut avoir peut-être cette option.

Le Président (M. Bergman) : Dr Laplante, Mme Mainville, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui.

Et, collègues, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures aujourd'hui. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 13 h 11)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur téléphone cellulaire.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Alors, je souhaite la bienvenue au Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie, représenté par Dr Brian L. Mishara, le directeur. Alors, Dr Mishara, bienvenue d'être avec nous. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous votre nom, votre titre, et la parole, c'est à vous.

Centre de recherche et d'intervention
sur le suicide et l'euthanasie (CRISE)

M. Mishara (Brian L.) : O.K. Merci beaucoup. Je m'appelle Brian Mishara, je suis directeur du Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie. Et je vais partager avec vous brièvement quelques réactions au projet de loi, basées sur mes expériences en recherche et aussi mon expérience, il y a quelques années, en 1995, quand j'avais la bourse Bora Laskin sur les droits de la personne et j'ai étudié les situations d'euthanasie dans les Pays-Bas.

• (15 h 10) •

Nous vivons dans une époque où il y a énormément d'emphase sur la liberté de décider pour nous-mêmes ce qu'on va faire. C'est très valorisé. Aussi, on vit à un moment dans l'histoire où la souffrance n'est pas valorisée. Il y a 100 ans, c'est pris comme acquis qu'une femme devrait souffrir à l'accouchement. Maintenant, c'est considéré comme cruel et barbare. En même temps, on vit dans un monde imparfait, où les êtres humains ont des fausses croyances, peuvent avoir des peurs et des craintes qui ne sont pas justifiées. On a des biais, des préjugés. On peut souhaiter mourir par crainte des souffrances futures, qui sont vraiment évitables. On peut ignorer des bons traitements. Et on peut choisir de faire des choses qui ne sont pas bonnes pour nous. On peut fumer des cigarettes, même si on sait c'est quoi, les effets. On peut vouloir rouler sans porter une ceinture, ou une moto sans casque, ou prendre des drogues qui ne sont pas bonnes pour nous. Et l'État nous protège contre nous-mêmes : nous sommes obligés de porter une ceinture, porter un casque, il y a des drogues qui sont interdites.

Donc, votre tâche n'est pas facile. C'est balancer entre un respect du droit des personnes et l'obligation de l'État de protéger des citoyens contre leurs fausses croyances, habitudes et pratiques qui ne sont pas bonnes pour eux-mêmes. Dans ce contexte, un des premiers défis, c'est s'assurer que l'euthanasie ne devient pas un substitut pour les bons soins palliatifs. Le gouvernement a déjà fait un pas en investissant plus dans les soins palliatifs, mais, quand même, on est loin d'avoir un système parfait. Les Pays-Bas étaient cotés septièmes parmi 40 pays au monde, par rapport à la qualité des soins palliatifs, Belgique, cinquième, deux pays où l'euthanasie est légale.

Je sais que vous n'utilisez pas le mot «euthanasie», vous préférez «aide médicale à mourir». Je comprends parfaitement les enjeux par rapport aux lois canadiennes, qui interdisent l'homicide ou tuer qui que ce soit, même par compassion, mais, quand même, c'est de l'euthanasie. Même le mot «euthanasie» a été développé pour rendre la mort plus acceptable, c'est une bonne mort, ce n'est pas juste une mort banale.

Alors, ici, 45 % de la population meurt à l'hôpital, et je ne comprends pas du tout pourquoi on n'a pas un accès universel complet en soins palliatifs pour tout le monde, simplement parce que toutes les études, jusqu'à date, indiquent que ça sauve de l'argent. Par exemple, l'étude de Taylor, en 2007, aux États-Unis, a trouvé que les hospices ont diminué de 25 % les coûts de santé dans la dernière année de la vie, ont sauvé en moyenne 2 309 $ par personne. Il n'y a pas d'excuse. Alors, deuxièmement, il y a un problème fondamental dans le système de soins palliatifs. On a deux systèmes : soit on rentre dans une unité, soit on reçoit des soins à domicile. En Angleterre, aux États-Unis et ailleurs, il y a intégration, et la grande majorité du temps passé dans une unité, c'est pour du répit temporairement, une fin de semaine, quelques jours. Il faut repenser le système.

On a une obligation pour comprendre pourquoi les personnes demandent l'euthanasie au lieu des soins palliatifs. Il me semble que votre hypothèse de base, c'est que c'est à cause de la souffrance physique ou mentale associée aux effets ou aux pertes liées à la maladie. La recherche indique que ce n'est simplement pas le cas. Quelqu'un qui a un cancer, à peu près 23 % des personnes vont, à un moment donné, désirer mourir, et presque 100 % de ces personnes vont souffrir de la dépression, souvent, comme effet secondaire des traitements, des médicaments pour traiter le cancer. Pour beaucoup de maladies graves — cancer, sida, maladie d'Alzheimer — le danger du suicide est le plus élevé après avoir reçu le diagnostic, avant de commencer à avoir les symptômes graves ou beaucoup de souffrance. Il y a des recherches sur ce qui constitue une mort digne, et ce n'est pas lié tellement à... ce n'est pas lié à la souffrance physique, mais des choses comme soutien social et vivre dans un environnement où on se sent en sécurité et à l'aise.

Nous savons qu'à l'État d'Oregon, où, entre 1998 et 2012, il y avait 480 000 personnes qui sont mortes, seulement 673 ont demandé le suicide assisté. Pas beaucoup. Et le critère, c'est qu'il faut souffrir tellement qu'on ne peut pas continuer à vivre. Ces personnes ont reçu un médicament pour se tuer, et 36 % ne l'ont jamais pris. Qu'est-ce que ça indique? C'est que, même si on peut dire «je souffre et il faut que je meure tout de suite», très souvent c'est pour éviter une souffrance dans l'avenir. Et, dans un grand nombre des cas, l'avenir qu'on craint n'arrive jamais.

Donc, je conclus qu'il faut tout faire pour soulager la souffrance avant d'avoir accès à la mort. Et les Pays-Bas, qui est le pays qui a le plus de pratiques de l'euthanasie, le premier pays à légaliser, a étudié la question, et deux tiers des demandes sont refusées d'habitude parce que le médecin croit que ce n'est pas bien réfléchi ou la souffrance n'est pas insupportable, mais souvent parce qu'il y a quelque chose qu'ils n'ont pas encore essayé.

Vous avez inscrit que la personne doit avoir une souffrance physique ou psychologique qui ne peut pas être apaisée dans les conditions qu'elle juge tolérables. Dans les Pays-Bas, ce n'est pas à la personne de décider ce qui est tolérable, c'est le médecin qui dit : Vous souffrez de dépression, il faut faire quelque chose et revenir avec la demande. Il y a d'autres traitements pour la douleur. Vous êtes isolé, vous avez besoin de soutien social. Et ce qui arrive dans les Pays-Bas, c'est : les gens ne reviennent pas avec une demande après.

Comment ça se fait que les personnes peuvent vouloir mourir et se tromper? J'ai beaucoup d'expérience en prévention du suicide. Et, quand quelqu'un appelle un CPS au Québec, la personne a pris des médicaments et la personne dit : Je souffre de cancer, je veux mourir, j'ai pris des médicaments. Ils retracent l'appel, ils envoient l'ambulance. On le justifie de deux façons. Un, dans un état de situation de crise, on ne prend pas des bonnes décisions. Mais heureusement il y a quelque chose qui arrive souvent, c'est qu'en général la personne rappelle deux jours plus tard pour nous remercier, même si, au moment où la personne a pris les médicaments, la personne dit : Non, je ne veux pas l'ambulance. Donc, des fois, on ne prend pas des bonnes décisions parce qu'on souffre de dépression, on est dans une situation de crise ou on a peur de quelque chose qui ne va pas vraiment arriver.

Par exemple, la sclérose amyotrophique latérale, quand on étudie pourquoi quelqu'un qui souffre de cette maladie générative veut mourir par l'euthanasie, dans 45 % des cas, la réponse : ils ont peur de s'asphyxier. En réalité, selon les études, il y a entre 0 % et 3 % des personnes qui meurent par asphyxiation et il y a des traitements pour l'éviter. Donc, souvent, on choisit de mourir parce qu'on a peur des choses qui ne vont pas arriver.

• (15 h 20) •

O.K. Qu'est-ce qu'on doit faire? Moi, je suggère d'abord de choisir la phrase qui ne peut pas être... de laisser la phrase «ne peut pas être apaisée» et s'assurer que les médecins ont une obligation de tout faire avant d'accorder accès à la mort. Les médecins ont de la misère à prendre ces décisions. Dans les Pays-Bas, où l'euthanasie existe depuis longtemps, 25 % des médecins ont de la misère à décider, 79 % si la souffrance est intolérable, 58 % si c'est bien réfléchi. Donc, les médecins ont besoin de soutien. Ce qui est inscrit dans la loi, le deuxième médecin doit juste regarder le dossier. Ailleurs où ces pratiques sont légales, le deuxième médecin doit rencontrer la personne et faire une évaluation. C'est une autre garantie.

Il faut aussi comprendre les vraies raisons pour les prises de décision. Pour cette raison, dans les Pays-Bas, quand ils ont commencé, ils ont créé un comité consultatif que les médecins pouvaient consulter avec des psychiatres, psychologues, qui ont pu évaluer davantage pourquoi la personne fait la demande.

Aussi, dans votre projet de loi, vous parlez des souffrances physiques ou psychiques et qu'il faut que ce soit «une maladie grave et incurable». La schizophrénie est une maladie grave et incurable et, des fois, les schizophrènes ont des souffrances psychiques. Est-ce que vous voulez vraiment que les personnes qui ont un problème de santé mentale aient accès à l'euthanasie pour soulager leurs souffrances au lieu de prendre des médicaments, si quelqu'un juge que ce n'est pas acceptable de prendre les médicaments? Dans les Pays-Bas, il y a 400 demandes de personnes âgées, chaque année, d'euthanasie. 48 % sont fatiguées de vivre, 57 % disent qu'ils ont vécu assez longtemps. Ces demandes sont refusées.

Je vais terminer en suggérant que, d'abord, il faut établir un système intégré universel des soins palliatifs. L'idée de mettre l'aide médicale à mourir avec des soins palliatifs, c'est comme mettre une clinique d'avortement dans une église catholique. C'est tout à fait à l'encontre de la philosophie des soins palliatifs, qui est que c'est mieux pour vivre jusqu'à la fin de la vie. Ça n'a rien à faire avec accélérer la mort. Il faut vraiment s'assurer qu'on fait tout pour soulager la souffrance si on veut avoir accès…

Et, finalement, je n'ai pas compris, en lisant la loi — peut-être, quelqu'un peut clarifier — si une directive médicale anticipée peut prévoir l'aide médicale à mourir. Si c'est le cas, ce serait la première fois dans le monde où quelqu'un peut décider d'avoir l'euthanasie des mois, des années avant que la personne soit rendue dans une telle situation. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Dr Mishara, pour votre présentation. Alors, maintenant, le gouvernement, pour le premier bloc. Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Alors, merci beaucoup, Dr Mishara, de votre présence pour un éclairage un peu différent et votre expérience aussi. Peut-être juste clarifier certaines choses sur lesquelles vous vous posez des questions. D'abord, est-ce qu'une personne qui a une schizophrénie pourrait demander l'aide médicale à mourir? La réponse, c'est non parce qu'elle ne serait pas en fin de vie, et le projet de loi ne parle que des personnes en fin de vie. Donc, je le répète à chaque fois, mais c'est fondamental. Donc, évidemment, si quelqu'un est au milieu de sa vie ou qu'il lui reste plusieurs années à vivre, c'est essentiel que cette possibilité-là ne soit pas là parce qu'on n'abdique pas, comme on n'abdique pas par rapport à quelqu'un qui peut avoir des idées suicidaires. Je pense qu'une société solidaire ça veut dire aussi, bien sûr, faire tous les efforts et déployer tous les efforts possibles pour prévenir le suicide. Donc, ça, je voulais vous faire cette spécification-là.

Pour ce qui est du deuxième médecin, le deuxième médecin, ça dit bien, à l'article 28e, 3°, que le deuxième médecin «prend connaissance du dossier de la personne et examine celle-ci». Donc, ça ne pourra pas se faire sur dossier; ça va devoir, dans tous les cas, nécessiter une rencontre et un examen de la personne, ça va de soi. Et tout ce processus-là fait justement en sorte qu'une personne ne peut pas se lever un bon matin, dire : Je suis déprimée et je veux l'aide médicale à mourir maintenant, dans la prochaine minute. Donc, il y a un encadrement qui est prévu aux articles 26 et suivants.

L'autre élément sur lequel je voulais apporter une précision, c'est la question que vous amenez, à savoir si, dans les directives médicales anticipées, quelqu'un pourrait demander l'aide médicale à mourir. Donc, dans le projet de loi, ce n'est pas possible. Pourquoi? Parce qu'à l'article 26, qui énonce les critères, la personne doit être apte à consentir. Donc, elle doit être apte à consentir au moment où elle fait sa demande d'aide médicale à mourir. Donc, ce n'est pas possible dans le projet de loi.

Je dois toutefois vous dire que plusieurs groupes sont venus nous dire que ce devrait être une possibilité, qu'on devrait l'envisager pour des cas où une personne aurait, de manière anticipée, pu voir venir dans quelle situation elle pourrait être, dans quel état d'inconscience elle pourrait être, et donc il y a des groupes qui nous l'ont demandé, pas pour que quelqu'un puisse faire une demande d'aide médicale à mourir cinq ans, ou 10 ans, ou 15 ans avant la fin de sa vie, mais que, lorsqu'elle serait en fin de vie mais dans une situation où ce ne serait pas possible, elle ait pu le faire à l'avance. Mais, je vous le dis, ce n'est pas prévu dans le projet de loi. Donc, ça, c'est des éléments de clarification que je voulais apporter.

Je trouve ça très intéressant, ce que vous dites par rapport aux soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. L'aide médicale à mourir n'est pas, dans le projet de loi, considérée comme un soin palliatif. Donc, c'est considéré comme un soin, mais pas dans un soin palliatif. On est bien conscients que, pour le milieu des soins palliatifs, il y a une différence, là, importante, que l'on souhaite respecter. Par ailleurs, je pense que toute cette idée…

Tantôt vous disiez : Il faut avoir accès aux soins palliatifs. On en est, on travaille très fort à cet égard-là, c'est un chantier prioritaire. Et je crois que c'est très important de ne pas opposer les deux, parce que la plupart des gens qu'on a entendus dans l'autre commission parlementaire et qui sont venus nous relater des expériences ou quand on lit les journaux — encore une histoire qui est relatée dans Le Soleil, au cours des dernières semaines, de Georges C. — ce sont très, très, très généralement… En fait, je ne me souviens pas vraiment d'un cas où on nous a amené une histoire où la personne n'avait pas reçu de soins palliatifs et qu'elle aurait voulu avoir une aide médicale à mourir.

Donc, ce n'est pas une opposition, c'est une idée fondamentale du projet de loi de se situer sur un continuum de soins, de, oui, offrir les soins palliatifs, on en fait même un droit dans le projet de loi. On veut provoquer un essor important, une prise de conscience importante des établissements, des soignants quant à l'approche palliative. Mais on se dit aussi que l'accompagnement qu'on veut offrir à tous, le meilleur possible, par les soins palliatifs… Il arrive des situations où… Encore, ce matin, on avait les infirmières de NOVA, qui font des soins palliatifs, hier, on avait La Maison Michel Sarrazin, qui nous situent autour de 3 % à 5 % ou 5 % à 6 % les gens qu'on n'arrive pas à soulager. Et l'idée derrière ça, c'est d'être capables d'offrir une réponse à ces gens-là qui n'ont pas de réponse à ce jour.

Un autre élément que je veux apporter, c'est qu'aux Pays-Bas la personne n'a pas à être en fin de vie. C'est une distinction fondamentale avec ce qu'on propose dans le projet de loi. Aux Pays-Bas, le critère fondamental, c'est la souffrance, et c'est à peu près le seul élément, là, de ne pas être capable d'arriver à soulager sa souffrance. Et c'est ce qui explique qu'on arrive à des situations très différentes de ce qui, ici, serait le cas, puisqu'ici en plus, bien sûr, le critère de base, c'est que la personne doit être en fin de vie et qu'elle le demande elle-même pour elle-même. Donc, ça, je voulais spécifier ça.

Vous semblez vous être arrêté beaucoup à la réalité des Pays-Bas, au fait que deux tiers des personnes qui le demandent voient leur demande refusée. Je trouve ça très intéressant puis je ne sais pas si vous pouvez élaborer davantage, parce que justement c'est comme s'il y en a qui pensent que, du jour au lendemain, tout le monde va vouloir avoir l'aide médicale à mourir puis tous les médecins vont se mettre à donner de l'aide médicale à mourir sans se soucier du respect des critères. Moi, je pense que la plus forte des balises, c'est la volonté de vivre des gens malgré l'adversité, cette volonté-là, elle est très forte, et c'est aussi tous les critères et, je dirais, le dialogue qui doit s'enclencher entre un médecin et son patient.

Donc, quand vous me dites que les deux tiers des demandes sont refusés aux Pays-Bas, je trouve que c'est de nature à rassurer. Alors, je ne sais pas si vous pourriez élaborer là-dessus, sur les raisons pour lesquelles les demandes sont refusées, aux Pays-Bas, dans une large majorité, au même titre où on parlait ce matin d'en Oregon, où il y a très peu de gens qui finalement vont jusqu'au bout de la démarche, et la même chose, je pense, en Belgique, de ce qu'on a compilé.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Dr Mishara.

M. Mishara (Brian L.) : Merci. Je voulais juste... parce que, peut-être que j'ai manqué quelque chose, mais je ne vois pas où c'est inscrit comme critère ou condition qu'il faut que la personne soit en fin de vie. J'ai relu les critères et je ne le vois pas. Est-ce qu'il y avait des modifications ou...

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : En fait, le titre, c'est «les soins de fin de vie». Et, dès le premier article, on dit : «...a pour but d'assurer aux personnes en fin de vie des soins respectueux...» Et, en fait, la raison pourquoi ça n'apparaît pas, c'est que sinon il faudrait le mettre à chaque article ou à peu près parce que l'objet de la loi, c'est une loi pour les personnes en fin de vie, donc c'est pour ça. Il n'y a vraiment pas d'ambiguïté à cet égard-là. Et d'ailleurs on nous parle des soins palliatifs, que les soins palliatifs doivent intervenir plus tôt, et on est tout à fait d'accord avec ça, mais je répète toujours que cette loi-là, c'est vraiment pour les personnes en fin de vie, pour cette étape-là fondamentale de la vie qu'est la fin de vie.

Le Président (M. Bergman) : Dr Mishara.

M. Mishara (Brian L.) : Oui. Peut-être qu'il faut, dans ce cas-ci, définir ce que c'est, «fin de vie». Et, même si c'est dans le titre, si c'est l'objectif, peut-être qu'il serait plus clair si c'était parmi les critères qu'il faut que... Parce que, «fin de vie», vous savez, il y a des recherches sur les habiletés des médecins à prédire l'espérance de vie, et en général les médecins sous-estiment l'espérance de vie, ils sous-estiment pas mal. Et probablement une tendance à sous-estimer, c'est parce que, si quelqu'un vit plus longtemps, la personne, la famille se sent bien, mais, si la personne meurt plus tôt, la famille, la personne seraient peut-être moins contentes. Donc, mais c'est tendance. Il y a des recherches là-dessus. Mais peut-être qu'il faut définir c'est quoi, «fin de vie», si c'est vraiment pour les personnes seulement en fin de vie.

C'est certain que les médecins dans les Pays-Bas font une évaluation de la personne. Et il y a une différence fondamentale, c'est que, dans une étude, les médecins ont connu la personne qui a demandé l'euthanasie… de 20 ans. Donc, dans un contexte où il y a une relation entre le médecin et le patient, c'est plus facile de cerner ce qui se passe. Et, en effet, ils ont l'obligation de tout faire pour soulager la souffrance avant d'avoir accès à la mort. Donc, ils ont tendance à fouiller, et regarder toutes les possibilités, et exiger que le patient essaie des traitements. D'habitude, ces traitements fonctionnent : traitement pour la dépression, autre façon de contrôler la douleur, etc. C'est à cause de ça que ça... Je me demande si cette obligation devrait être inscrite dans un tel projet, de tout faire avant d'avoir accès à la mort.

Mais ce qui est important pour moi, c'est que… On parle beaucoup de la souffrance physique et des quelques rares cas où on ne peut pas contrôler cette souffrance, mais l'ensemble des recherches indiquent que ce n'est pas à cause de la souffrance physique que les gens demandent l'euthanasie, ils demandent à abréger leur vie souvent par crainte de quelque chose qui va arriver. Et il y a moins de ces craintes… elles sont très rares dans une bonne unité de soins palliatifs ou quand la personne reçoit des bons soins palliatifs à domicile parce que c'est très facile d'avoir peur des choses qu'on ne vit pas encore. Pour cette raison, en Oregon, les personnes qui reçoivent des poisons, qui ont rempli l'ordonnance et ont avec eux un moyen de se tuer et qui ont convaincu deux médecins qu'ils doivent mourir tout de suite parce qu'ils souffrent tellement, plus qu'un tiers changent d'avis parce que ce n'est pas si pire. Leurs craintes ne sont pas fondées. Donc, c'est très important de tout faire pour soulager la souffrance. Et, s'il y a une loi passée au Québec sur l'euthanasie, j'aimerais que ce soit inscrit nommément comme une obligation des médecins pour s'assurer que l'euthanasie ne devient pas quelque chose que les gens vont choisir quand il y a d'autres options.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, merci pour votre présentation. Si je comprends bien, vous souhaiteriez une espèce de gradation. Advenant le cas où le projet de loi serait maintenu dans sa forme actuelle, vous souhaiteriez certains amendements incluant une espèce de gradation quant aux soins de fin de vie, c'est-à-dire, soins palliatifs. Est-ce qu'il faudrait que la sédation palliative fasse partie de cette gradation de soins là, puisque vous demandez que l'aide médicale à mourir ne soit placée comme le choix de dernier recours ou le choix ultime? Donc, j'essaie de comprendre, parce lorsque vous dites : Tout faire avant d'accéder… il faut s'assurer de tout faire avant d'accéder à la mort, ça veut dire qu'il y aurait une gradation dans les soins qui pourrait être offerte.

M. Mishara (Brian L.) : Je pense…

Le Président (M. Bergman) : M. Mishara.

M. Mishara (Brian L.) : Oui. Merci. Je pense qu'il y a deux choses. La première chose, c'est que souvent les êtres humains se trompent. On ne prend pas des bonnes décisions : on ne se marie pas avec la bonne personne, on n'achète pas la voiture la plus fiable. On fait toutes sortes d'erreurs dans la vie. Et très souvent les personnes qui demandent l'euthanasie, selon les recherches dans les Pays-Bas et en Oregon, se trompent. Ils pensent que l'avenir est épouvantable, qu'il n'y a rien à faire, que je vais continuer à souffrir comme ça, et ils ignorent le fait que peut-être ils sont déprimés à cause des effets secondaires des médicaments ou quoi que ce soit. Donc, il y a obligation primordiale de s'assurer qu'on fait tout notre possible pour soulager les souffrances autrement avant de donner accès à la mort. C'est une chose.

La deuxième chose, c'est vraiment par rapport à c'est quoi, les soins palliatifs. Quand Cicely Saunders a créé le premier hospice en Angleterre, dans les années 1950, c'était un lieu pour vivre, ce n'était pas un lieu pour mourir. C'était un lieu pour vivre avec la meilleure qualité de vie possible jusqu'à la fin de la vie. Il fallait ne pas continuer des traitements pour prolonger la vie pour entrer en soins palliatifs parce que l'idée, c'était de ne pas lutter contre la mort mais vivre dans les meilleures conditions possibles jusqu'à la mort. Plus tard, elle a mis toute l'emphase sur les soins à domicile, et les lits dans les unités de soins palliatifs servaient et servent maintenant majoritairement pour donner un peu de répit à la famille qui prend soin de quelqu'un. Quelqu'un, dans une période de crise, peut rentrer quelques jours, retourner à la maison. Donc, ce n'est pas : Vous rentrez là, vous allez mourir, mais c'est dans une… vraiment un service de soins intégrés. Donc, l'idée de mettre dans un lieu pour vivre, pour bien vivre… Le fait que la personne… un des intervenants peut donner la mort à quelqu'un, c'est incompatible avec la philosophie de base des soins palliatifs.

• (15 h 40) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci. J'ai un certain nombre de questions. Si toutes vos réponses sont aussi longues, on va en avoir pour un petit bout de temps.

Dans votre présentation, vous nous avez parlé à votre façon de l'article 26 du projet de loi, les critères qui... les conditions qui permettraient, dans l'éventualité d'une adoption du projet de loi, de recourir à l'aide médicale à mourir. Et j'ai compris de vos commentaires qu'il y aurait peut-être, advenant le cas où cette loi-là était adoptée, advenant le cas où on maintenait cette orientation-là, ce soin-là, il faudrait peut-être ajouter le caractère imminent de la mort, c'est-à-dire, pour peut-être venir pallier à votre préoccupation à l'effet que, par exemple, une personne atteinte de schizophrénie puisse se prévaloir à un certain moment donné, bien qu'on est dans une question de soins de fin de vie… le préciser, à l'intérieur de l'article 26, que c'est vraiment dans un contexte où la mort est imminente, est à nos pas, et de ne pas laisser la voie à une interprétation plus large. De un.

Et, de deux, est-ce que vous croyez, justement en raison des mauvais choix parfois qui sont faits par l'être humain de façon naturelle, est-ce que vous croyez qu'il serait opportun d'introduire un délai entre la première demande et la deuxième demande ou entre l'avis du premier médecin et le deuxième avis, c'est-à-dire un délai où le patient pourrait peut-être revenir sur sa décision? Ça avait été présenté au tout début, lors des auditions de la commission, de la commission spéciale. Certains groupes avaient suggéré qu'un délai puisse être introduit pour donner justement cette réflexion-là ou un petit peu la même réflexion que les patients en Oregon qui reçoivent leur médication et qui ne la prennent pas. Bien, probablement qu'il y a quelque chose qui s'est passé pendant cette période tampon là, entre le moment où ils sont allés voir le médecin et qu'ils ont dit : J'ai besoin de ma médication, et le moment où ils sont arrivés à la maison puis ont dit : Oups! c'est peut-être un peu fort, comme solution. Est-ce que vous croyez que d'introduire ces balises-là pourrait...

Puis je comprends, là, je comprends aussi votre distinction entre l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs. Il y a énormément de groupes qui nous l'ont dit puis, à quelque part, ça n'allait pas ensemble. Ça, on a bien compris la philosophie des soins palliatifs. Mais, une fois ça mis de côté, est-ce que vous croyez que ces éléments-là devraient être... ces balises-là devraient être incluses à l'article 26?

Le Président (M. Bergman) : Dr Mishara.

M. Mishara (Brian L.) : Merci. Dans un premier temps, si vous souhaitez que ce soit limité aux personnes en fin de vie, je pense qu'il faut l'inscrire. L'expérience démontre... au début, en Belgique et dans les Pays-Bas, c'étaient les personnes en fin de vie et personne d'autre. Maintenant, les personnes qui souffrent de dépression ont reçu l'euthanasie. Quelqu'un récemment qui a eu une intervention chirurgicale pour changer son sexe a réclamé et reçu l'euthanasie. Si vous voulez que cette pente glissante dont tout le monde parle n'arrive pas, il faut être très précis.

Par rapport aux questions de délais, je laisse à vous… C'est inscrit qu'il faut que ce soit réfléchi. Pour moi, ça implique un certain délai. Je ne sais pas si ça ajouterait. Je pense que ce qui est crucial, ce n'est pas tellement des choses techniques, si on a mis 10 jours ou cinq jours. Mais, si on a une obligation de tout faire pour soulager la souffrance avant, le nombre de personnes pour lesquelles on ne peut pas soulager ces souffrances va être très petit.

Encore une fois, le Sénat du Canada, à deux reprises, ils ont un comité spécial qui s'est penché sur la question, ils ont entendu plus ou moins les mêmes arguments que vous avez entendus et ils ont conclu que c'est prématuré de passer une loi sur l'euthanasie ou le suicide assisté parce que tous les Canadiens n'ont pas accès aux bons soins palliatifs. Donc, personnellement, je souhaiterais que d'abord vous assurer que tout le monde ait accès aux soins palliatifs. Des gens qui travaillent en soins palliatifs croient que c'est très rare — et c'est leurs expériences — que quelqu'un demande l'euthanasie ou désire mourir quand il reçoit ces soins. Et un bon nombre de demandes, c'est des personnes qui ne connaissent pas assez bien c'est quoi, les bons soins ou qui n'ont pas accès.

Le Président (M. Bergman) : …fin au premier bloc de l'opposition officielle. Deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui, merci beaucoup. Peut-être un élément pour ce qui est de s'assurer de la réflexion de la personne. Je vous référerais à l'article 28.1°c, qui dit que le médecin doit donc s'assurer «de la persistance de ses souffrances et de sa volonté réitérée d'obtenir l'aide médicale à mourir, en menant avec elle des entretiens à des moments différents, espacés par un délai raisonnable compte tenu de l'évolution de son état». Donc, c'est quelque chose qui est justement là pour s'assurer qu'on s'inscrit dans une demande qui est réitérée dans le temps, qui fait l'objet d'échanges, je dirais, à des moments différents avec le soignant. Et je vous entends dire : Vous n'iriez pas dans quelque chose de chiffré comme cinq jours ou 10 jours. Et effectivement, de l'expérience d'ailleurs, on nous a dit de ne surtout pas faire ça. C'est pour ça qu'on met «compte tenu de l'évolution de son état» parce qu'on est conscients qu'une personne… — puis on avait un cas, ce matin, qui nous a été relaté — chaque heure peut représenter comme deux jours d'agonie tellement c'est difficile. Donc, quelqu'un peut en avoir pour quelques jours, quelqu'un peut en avoir pour quelques semaines, mais l'important, c'est de s'assurer, compte tenu de son état, de la persistance de sa demande, de ses souffrances et en menant des entretiens, donc, à des moments différents. Je voulais juste porter ça à votre attention.

Il y a peut-être deux éléments sur lesquels j'aimerais vous entendre. Vous avez dit tout à l'heure que, dans les 40 pays où on a évalué le niveau ou la qualité des soins palliatifs, la Belgique et les Pays-Bas se situent au cinquième et au septième rang. Et on a souvent entendu, pendant les travaux de la commission spéciale — ce qui sont des bons rangs quand même pour des pays où l'aide médicale à mourir et où l'euthanasie sont possibles — et on nous a souvent dit, pendant les travaux, que justement il y avait eu cet essor des soins palliatifs dans la foulée de l'introduction d'une forme d'aide médicale à mourir dans ces deux pays-là. Donc, ça, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'effectivement c'est le cas?

Et l'autre élément, c'est de savoir, quand une personne est en toute fin de vie… Parce que vous dites… tantôt, vous parliez : Il y a une crise qui peut survenir après un diagnostic, des symptômes de dépression, avec les traitements aussi, en chimiothérapie notamment quand on est dans un contexte de cancer. Ça, je vous suis parfaitement. Mais, quand on n'est plus dans le curatif, on n'est plus dans le choc du moment mais qu'on est en fin de vie, j'imagine aussi qu'il y a beaucoup de gens qui sont déprimés parce que, la fin de vie, il y a la souffrance existentielle de voir cette mort-là qui est imminente ou qui approche à grands pas. Est-ce que, dans les derniers jours de la vie de quelqu'un, on traite… Si on estime qu'elle est en dépression, est-ce qu'on traite la dépression? Parce que les antidépresseurs, ça prend du temps à agir, une psychothérapie aussi. Donc, est-ce qu'on traite ça en toute fin de vie?

• (15 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : Dr Mishara.

M. Mishara (Brian L.) : C'est curieux, mais, d'habitude, selon les recherches, plus qu'on se rapproche de la mort, moins qu'on souffre de dépression, anxiété, et tout cela. Donc, les craintes, les peurs, et les craintes, et les réactions de dépression sont les plus aiguës au moment où on apprend le diagnostic et les quelques mois après, loin d'être en fin de vie. Et c'est à ce moment-là qu'il y a le plus de demandes. Donc, si vous insistez sur le fait que c'est fin de vie, ça va éliminer un certain nombre de personnes qui ont des réactions en anticipation de ce qui va arriver. C'est la même chose avec le vieillissement et l'âge des personnes. Les jeunes ont plus peur de la mort que les vieillards. Les personnes âgées ont moins peur de la mort quand elle se rapproche. Et évidemment il y a des exceptions.

Une partie de la philosophie en soins palliatifs, c'est beaucoup de la dépression, c'est lié au milieu de vie. Et, si c'est à domicile ou dans une unité de soins palliatifs, si on améliore la qualité de la vie de la personne, le désir de mourir plus tôt disparaît dans un grand nombre de cas. Et, quand j'avais suggéré et dit que, selon les recherches, même si tout le monde peut citer un cas épouvantable de douleurs non traitables, qui est très rare, grosso modo les personnes qui reçoivent l'euthanasie, suicide assisté ailleurs ne sont pas ces personnes qui souffrent physiquement. Ce sont des personnes qui ont une souffrance plus psychique. Et il y a toutes sortes de questionnements si ces personnes continueraient à souffrir si elles avaient des bons soins.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste deux minutes dans ce bloc.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Dr Mishara. Vous venez de mentionner quelque chose qui m'apparaît intéressant et que je mets en lien avec des propos que vous aviez au début de votre présentation. Vous venez de dire que plus on se rapproche de la mort, en fait, les études démontrent que moins on est dépressif ou angoissé. Et vous mentionniez, au début, que, bien souvent, les gens ont peur, et, lorsqu'ils demandent l'aide médicale à mourir, ça peut être parce qu'ils anticipent, ils ont peur de ce qui peut arriver.

Mais à ce moment-là, si on prend un exemple de quelqu'un qui est réellement en fin de vie, qui sait que sa mort est très proche, quelqu'un qui est extrêmement souffrant, quelqu'un qui, par exemple, ferait partie du 3 % de personnes pour qui on ne peut pas soulager la souffrance et qui, en toute connaissance de cause, légitimement, demande l'aide médicale à mourir, est-ce que vous ne pensez pas que ça peut être quelque chose d'envisageable, là, de la part du médecin, compte tenu notamment de ce que vous venez de dire, qu'on peut présumer que cette personne-là n'est pas dans une grande déprime, elle est souffrante?

Moi, je vous donne l'exemple de quelqu'un qui a des souffrances intolérables, qui est en train d'agoniser et qui, par exemple, se rendrait au bout du continuum, c'est-à-dire que tout ce qu'il nous reste à lui proposer serait la sédation et qui, confronté à ce choix-là, dirait : Je décide, et je souhaite, et je demande plutôt l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Dr Mishara, le temps pour une très courte réponse.

M. Mishara (Brian L.) : Je peux donner la réponse que Cicely Saunders m'a donnée quand j'ai posé la même question à elle, fondatrice des soins palliatifs. Sa réponse était : Si quelqu'un souffre, c'est parce que son médecin ne sait pas comment bien soulager la souffrance, parce que, chez nous, on est toujours capables. Je ne sais pas si c'est vrai, mais la question est plus large qu'un seul cas. Si on fait les lois basées sur un cas d'exception rare, on est un peu foutus comme société, parce qu'il faut qu'on crée des lois qui vont s'appliquer à tout le monde, être accessibles à tout le monde, et pas pour un rare cas. Donc, pour moi, la décision d'adopter une loi qui autorise ou permet l'euthanasie dans certains cas doit considérer l'ensemble des demandes, le contexte réel.

Ou l'exemple que vous donnez, qui… J'ai beaucoup d'empathie et sympathie, et ça me touche, un tel exemple, mais je sais que la grande majorité des personnes qui reçoivent l'euthanasie aujourd'hui ne sont pas comme cet exemple. Donc, il faut penser, quand on relit les critères, et tout cela : Est-ce que ça vise cette personne rare et ça exclut tous les autres ou est-ce que cette personne est, comme en Belgique ou les Pays-Bas, la personne qui a une dépression chronique et dit qu'elle ne veut pas prendre des médicaments parce que, tel qu'inscrit ici, la personne ne juge pas que c'est tolérable de prendre des médicaments? Donc, il faut vraiment penser à l'ensemble des personnes et pas les rares cas d'exception qui semblent évidents pour beaucoup de monde.

Le Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci, docteur, Pr Mishara. En préambule, avant la commission, on se parlait et vous disiez — parce que vous êtes un spécialiste de la prévention du suicide — que les personnes sourdes étaient les personnes qui se suicidaient moins que d'autres groupes dans la population, comme des personnes en situation de handicap. Je voulais le dire parce que je pense qu'il y a quelque chose d'important.

Deuxièmement, quand vous avez parlé, vous avez toujours dit «euthanasie» et vous avez évité le terme «aide médicale à mourir». J'ai comme l'impression que vous n'aimez pas tellement cette terminologie.

Troisièmement, vous avez aussi mentionné que, s'il y avait des accès universels complets pour les personnes qui ont besoin de soins palliatifs, ça coûterait 25 % des coûts, ça coûterait beaucoup moins cher. Je pense que c'est ça que vous avez dit, puis vous me corrigerez.

Puis, en terminant, c'est une question très directe : Vous, qui avez étudié l'euthanasie aux Pays-Bas, est-ce que vous êtes pour un projet de loi tel qu'il est présenté actuellement au Québec?

Le Président (M. Bergman) : Dr Mishara.

• (16 heures) •

M. Mishara (Brian L.) : Bon. Un, je suis convaincu que ça coûterait moins cher. Chaque dollar investi en soins palliatifs va sauver de l'argent parce qu'on meurt à l'hôpital et ça coûte cher à l'hôpital. Mais, quand j'ai dit : Je pense qu'il faut repenser le système et avoir une meilleure intégration du système, ne pas avoir deux systèmes, un à domicile, un dans un hôpital ou une unité spécialisée...

Oui, j'utilise le mot «euthanasie» parce que c'est le mot que tout le monde utilise pour décrire ce que vous voulez légaliser, même si je comprends parfaitement pourquoi vous avez choisi une autre terminologie. Je pense que ça porte confusion dans la population. On ne sait pas ce dont on parle parce qu'on crée une autre terminologie et une autre… Bon. Je crois que c'est vraiment une décision de société si on légalise ou on ne légalise pas quelque chose, mais personnellement, et ce n'est pas très bien vu au Québec, si on légalise quelque chose, je préfère légaliser le suicide assisté parce que, quand j'ai les «medicines» dans ma poche, je peux faire comme en Oregon, je peux les prendre ou ne pas les prendre, mais, quand le médecin vient pour mettre fin à ma vie, j'ai de la misère à refuser. Mais je ne pense pas que c'est… on va dans une telle direction, donc c'est inutile de le dire. Mais, dans le contexte actuel, je préférerais s'assurer que tout le monde ait accès à de bons soins palliatifs et, après ça, voir s'il y a toujours une demande pour l'euthanasie.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Une question qu'on n'a pas beaucoup abordée parce qu'on est partis avec le principe que c'est un droit du patient d'avoir l'aide médicale assistée : Est-ce que vous trouvez que ça doit être une obligation pour un établissement de santé au Québec d'offrir l'aide assistée tel que ça a été émis dans la loi ou encore on devrait avoir une organisation du service dans le sens que c'est une possibilité de l'avoir au Québec, mais ça devient le choix de la personne puis, à ce moment-là, on mettra en place une organisation de services pouvant le plus possible être capable de répondre à ce besoin, et non pas en faire un droit?

Le Président (M. Bergman) : Dr Mishara.

M. Mishara (Brian L.) : La question, c'est : Qui est en mesure de déterminer si une demande de mourir répond aux critères? Et l'option, en Europe, que ce soit le médecin, c'est parce que les médecins, d'habitude, ont une longue relation avec leur patient et ils sont en mesure de prendre ces décisions. Et le problème, c'est… Moi, pendant longtemps, je n'avais pas de médecin de famille. Je suis allé à une clinique. À ce moment-là, si je demandais l'euthanasie, ce serait un médecin que je viens de rencontrer, qui ne me connaît pas en tant que personne. Donc, c'est une situation très différente.

Donc, l'obligation, si on légalise quelque chose, c'est de s'assurer que les personnes qui décident si je réponds aux critères me connaissent, et prennent ça au sérieux, et font une bonne évaluation, et prennent le temps de me connaître. Et je ne pense pas que le fait de créer des spécialistes qui ne font qu'accueillir les personnes qui veulent mourir va s'assurer qu'il y a une très bonne évaluation de ce qui se passe.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Admettons l'hypothèse que le projet de loi passe, on va vouloir le mettre en application dans les mois qui suivent. Au Québec, la situation actuelle, en moyenne, c'est 25 % des Québécois qui n'ont pas de médecin de famille, mais, certaines régions comme Montréal, c'est près de 40 % des gens qui n'ont pas de médecin de famille. Ce que vous demandez là, c'est peu plausible qu'on soit capables de le faire à brève échéance.

Deuxième phénomène. On a rencontré la majorité des groupes de soins palliatifs, et eux ne veulent pas le faire. Donc, on va se retrouver dans le dilemme où ceux qui suivent les patients sur une longue période, lorsqu'arrive le moment de la demande de l'aide médicale à mourir, la réponse, dans le projet de loi, c'est de dire : Ils vont référer à un endroit, qui, d'après moi, ne devrait pas être le DSP, mais peut-être quelqu'un dans la structure hospitalière ou du CSSS, et cette personne-là va avoir la responsabilité de trouver quelqu'un, mais la personne qu'ils vont trouver, ce ne sera pas quelqu'un qui connaît le patient, dans un premier temps. Ça fait que je ne sais pas… Vous voyez la mécanique qu'on doit mettre en place pour réussir à répondre à ce droit-là selon le projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Dr Mishara.

M. Mishara (Brian L.) : Je ne sais pas. C'est tout un défi. Parce que l'objectif de répondre n'est pas simplement d'accéder à une demande; l'objectif, c'est de faire la meilleure chose pour la personne et s'assurer que la personne ne meure pas quand on peut soulager sa souffrance autrement. Donc, il faut que ce soient les personnes qui sont en mesure de s'assurer que la personne reçoit les bons services et qu'il y a un suivi et une bonne intervention. Et, avant de faire ça, il faut s'assurer qu'on a les services disponibles — les bons soins palliatifs à domicile, l'hébergement, et tout cela — accessibles à tout le monde. Sinon, quelqu'un va faire une demande, le médecin va dire : Bon, cette personne a besoin d'un meilleur contrôle de sa souffrance, mais malheureusement elle est sur une liste d'attente.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous avez glissé le mot sur le suicide assisté. Moi, je pensais que le fait d'avoir l'aide médicale à mourir répondrait aux gens qui faisaient justement de la demande de suicide assisté tout simplement parce qu'étant donné que c'est balisé ils vont être supportés par un médecin et ils n'auront pas l'odieux, à ce moment-là, soit de prendre la médication ou s'injecter un produit par eux autres mêmes pour ne pas que quelqu'un d'autre soit accusé au niveau criminel. Moi, il me semblait, au contraire, qu'en créant l'aide médicale à mourir on pouvait dire qu'on répondait également aux demandes de suicide médical assisté, mais par un geste de consentement tant du patient que du professionnel.

Le Président (M. Bergman) : Dr Mishara.

M. Mishara (Brian L.) : Le problème, c'est la question de pouvoir changer d'avis. Si je prends rendez-vous avec un médecin qui va venir mettre fin à ma vie parce que je l'ai convaincu que je dois mourir, c'est pas facile, dire au médecin : Est-ce que vous pouvez revenir la semaine prochaine?, j'hésite un peu. Il est occupé, il est convaincu que je dois mourir. D'habitude, on est dans une situation de quelqu'un de pouvoir, qui a un grand pouvoir, qui est présent, mais, dans le suicide assisté, moi, tout seul, je décide. Et l'expérience indique que 37 % des personnes qui ont convaincu deux médecins qu'elles souffrent tellement qu'elles doivent tout de suite mourir et qui ont procuré les moyens ont décidé de continuer à vivre. Pour moi, c'est très puissant. Presque 0 % des personnes qui prennent rendez-vous avec un médecin pour l'euthanasie ou l'aide médicale à mourir changent d'avis.

Donc, je veux ouvrir les possibilités aux personnes de changer d'avis, mais je suis tout à fait conscient qu'actuellement ce n'est pas envisagé au Québec. Donc, c'est une opinion. Mais donc il faut voir ce qui est réaliste. Actuellement, on a un projet de loi déposé. Si ça passe, je veux m'assurer que ça protège autant que possible les personnes vulnérables. Mais personnellement je préfère d'abord investir en soins palliatifs et je ne comprends pas pourquoi il faut se dépêcher pour avoir accès à l'euthanasie quand on n'a pas encore accès aux bons soins palliatifs.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je vous suis dans votre raisonnement. Mais moi, je n'avais pas tout à fait le même raisonnement, dans le sens que, lorsque la personne va faire la demande, il n'y aura pas une réponse immédiate. Il y a une démarche qui doit être faite, entre autres le deuxième médecin. Je ne sais pas s'il est prévu qu'il va y avoir un délai pour s'assurer que la personne veuille continuer à être dans cette démarche-là. Et ce que je comprends, puis ça, c'est important : avant de poser le geste, qui est quand même un geste important, il va certainement y avoir une validation si, oui ou non, les gens veulent qu'on continue. Puis là, si leur décision, c'est de continuer, bien on va respecter leur choix.

Et, dans ce dossier-là, pour moi, un élément extrêmement puissant : on offre le choix au patient, mais à un moment donné le patient a aussi la responsabilité de prendre sa décision. Là, tous les gens viennent nous voir et nous disent : Oui, mais pression de la famille ou telle autre raison, il peut changer en cours de route, il va être plus heureux s'il décide de ne pas le faire. Ils nous disent tous, 10 jours après : Je suis content de ne pas l'avoir fait. On est dans un principe aussi, on fait nos choix. Moi, quand un patient vient me voir au bureau puis je lui offre quelque chose… Un exemple, on parlait des dépressions. On lui offre des antidépresseurs. S'il décide de ne pas les prendre, je ne me sens pas coupable comme docteur. Je travaille avec elle peut-être ou avec lui pour qu'il essaie de les prendre si je pense que c'est bon, mais, à la fin, c'est son choix, cette personne-là.

Je le vois comme ça également dans l'aide médicale à mourir, qui, pour moi, est un soin qu'on voit plus gros, mais, à la fin, c'est la décision des personnes, en termes d'autonomie, qui doit prévaloir. Et, oui, sur 10 000 personnes ou 600 personnes par année, on va avoir des histoires où des gens nous ont dit : On n'aurait peut-être pas voulu ça, on n'aurait pas ci, on n'aurait pas ça. Et ça, c'est le dilemme de la médecine de chaque jour. Ce n'est pas parfait, mais on vise à satisfaire le plus de personnes possible en respectant les droits de chaque personne. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Bergman) : Dr Mishara.

• (16 h 10) •

M. Mishara (Brian L.) : Ce n'est pas un choix comme les autres, le choix de mourir. Et les médecins, même dans les Pays-Bas et en Belgique, qui doivent voir si quelqu'un répond aux critères se sentent très mal à l'aise à appliquer les critères. Donc, ce n'est pas facile. Et c'est un choix irréversible. Donc, si on doit faire des erreurs dans une telle situation, c'est mieux d'avoir un accès plus difficile que plus facile et de maximiser les possibilités de changer d'avis même après avoir fait un tel choix.

Quand je suis tout seul avec mes médicaments, tel qu'il se passe en Oregon, je les prends, je ne les prends pas, il n'y a personne d'autre d'impliqué. Mais, nous savons, il y a une situation psychologique et sociale quand un médecin arrive pour faire une intervention, énormément de pression de continuer même si on dit : Est-ce que vous voulez continuer? Et, en réalité, ça arrive rarement que quelqu'un qui choisit l'euthanasie change d'avis à la dernière minute parce qu'il va décevoir le médecin, qui est un homme occupé, qui est arrivé, tout est prévu, et tout cela. C'est différent quand j'ai les médicaments, je décide, et c'est autre chose.

Mais, encore une fois, je suis réaliste et je ne crois pas que l'idée d'avoir le suicide assisté est acceptée. Et, encore une fois, il y a un problème légal. Le suicide assisté est interdit par la loi 241 du gouvernement fédéral, donc il serait moins faisable de l'autoriser.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Dr Mishara, merci beaucoup pour la présentation. Merci d'avoir partagé votre expertise avec nous.

Je demande aux gens de l'Association du Québec pour l'intégration sociale de prendre place à la table.

Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

(Reprise à 16 h 14)

Le Président (M. Bergman) : Alors, collègues, on reçoit maintenant l'Association du Québec pour l'intégration sociale. Je souhaite la bienvenue à l'association. Je vous demande de vous présenter : vos noms, vos titres. Et vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Alors, les prochaines 15 minutes, c'est à vous.

Association du Québec pour l'intégration sociale (AQIS)

Mme Babin (Jacqueline) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, membres de l'Assemblée, bonjour. Merci à la commission de permettre à l'AQIS de présenter son mémoire. Je suis Jacqueline Babin, présidente, et surtout maman d'un enfant de 47 ans qui vit avec une déficience intellectuelle; M. Roger Duchesneau, vice-président, qui est père d'une jeune fille de 24 ans qui vit également avec une déficience intellectuelle et qui, de plus, est non verbale; Mme Catherine Fortier, qui représente les personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle sur le conseil d'administration de l'AQIS et également à l'Association pour l'intégration sociale, région de Québec, où elle travaille également, Mme Fortier est aussi la première femme présidente du Mouvement Personne d'abord canadien; et Mme Susie Navert, la dernière et non la moindre, conseillère à la promotion et à la défense des droits.

L'Association du Québec pour l'intégration sociale est un organisme provincial voué à la promotion des intérêts et à la défense des droits des personnes présentant une déficience intellectuelle et de leurs familles, et ce, depuis plus de 60 ans. Elle regroupe plus de 80 associations oeuvrant dans le domaine de la déficience intellectuelle à travers le Québec. Dans le mémoire que nous avons présenté à la commission spéciale Mourir dans la dignité en 2010, nous évoquions que l'AQIS a développé un grand intérêt pour la question de l'euthanasie au début des années 90 lors du cas Latimer, en Saskatchewan, ce père qui a tué par compassion sa fille qui avait de grands besoins en raison de ses limitations sur les plans physique et intellectuel.

Cet événement tragique a amené l'AQIS à se doter d'une charte des valeurs qui fut suivie d'une profonde réflexion concernant la prise de décision. Ainsi ont été élaborés un guide et une formation, qui se donne encore, intitulée Prendre la décision de décider pour l'autre : un pensez-y-bien, dont Catherine Fortier est d'ailleurs coformatrice. En fait, pour bien dire, nous avons de sérieux doutes quant à la capacité de certaines personnes qui ont de la difficulté à maîtriser des concepts à prendre une décision libre et éclairée sur des sujets aussi cruciaux que l'euthanasie. Enfin, notre ultime crainte est que des personnes ayant une déficience intellectuelle se fassent euthanasier sans leur réel consentement.

Les consultations. Bien que nous saluions la démarche et le processus de la consultation de la commission spéciale Mourir dans la dignité, qui a eu un haut taux de participation, nous avons été étonnés des conclusions qui en ont été tirées. Tout particulièrement, nous avons été stupéfaits d'apprendre que les Québécois sont majoritairement pour l'euthanasie. C'est ce que les sondages font ressortir. Mais doit-on s'y fier, sachant que l'arrêt ou le refus de traitement est souvent pris pour de l'euthanasie par la population? D'ailleurs, dans son document de réflexion Mourir dans la dignité Des précisions sur les termes et quelques enjeux éthiques, la Commission de l'éthique de la science et de la technologie souligne les diverses conceptions de certains termes et les limites de sondages.

Par ailleurs, l'organisme réseau Vivre dans la dignité, qui a analysé mémoires, présentations et interventions à la consultation publique de la commission, a tiré des statistiques selon lesquelles 60 % des Québécois sont totalement opposés à l'euthanasie et au suicide assisté et seulement un tiers, 34 %, de ceux qui ont participé aux auditions étaient favorables ou plutôt favorables à l'euthanasie. On fait référence ici aux individus et aux organismes qui ont pris la peine d'écrire un mémoire ou de se déplacer pour faire part de leurs réflexions sur le sujet. Nous sommes très préoccupés du fait que la commission se soit basée sur différents sondages menés au cours des dernières années pour affirmer qu'entre 70 % et 80 % des Québécois démontrent un appui à l'euthanasie, terme qui est mal compris, plutôt que ceux sur les réflexions des personnes qui ont participé à la commission en personne ou par écrit. La majorité des Québécois souhaitent-ils vraiment la légalisation de l'euthanasie?

• (16 h 20) •

La terminologie. Par manque de temps, je passerai vite sur cette question. Mais nous considérons que l'aide médicale à mourir n'est pas un soin et qu'elle devrait être dans une catégorie à part. Aussi, par souci de clarté et de transparence, nous aurions préféré qu'un terme plus précis soit utilisé et nous suggérons «l'euthanasie médicalement accompagnée».

Les soins palliatifs. Le gouvernement actuel a entendu la population, qui réclame l'accès à des soins palliatifs. Nous espérons qu'il poursuivra ses efforts. Dans l'éventualité où l'euthanasie deviendrait accessible au Québec, il serait primordial que la personne qui la demande ait l'opportunité de bénéficier des soins palliatifs à sa convenance avant que sa demande ne soit considérée afin que ce ne soit pas par manque d'alternative qu'elle envisage l'euthanasie.

La sédation palliative terminale. Dans son rapport de 2012, la commission souligne le besoin d'encadrer la sédation palliative intermittente et continue, entre autres pour contrer le fait que certains médecins demandent le consentement de la famille sans s'assurer de celui de la personne concernée même si elle est apte à le faire.

Nous aimerions vérifier notre compréhension de la sédation palliative alternative. Nous avons compris, lors de votre conférence de presse, Mme la ministre, que c'est l'administration d'une médication à une personne de façon continue dans le but de soulager sa douleur en la rendant inconsciente jusqu'à son décès. Est-ce alors un soin de confort ou est-ce plutôt un acte d'euthanasie puisque, dans le projet de loi, à l'article 25, on précise que cet acte est irréversible? Si tel est le cas, pourquoi la sédation palliative n'a-t-elle pas le même encadrement que l'aide médicale à mourir? Un représentant légal pourrait-il donner son consentement pour une personne inapte? Le cas échéant, en serait-elle informée? Par ailleurs, qu'en est-il de la sédation palliative intermittente? Fera-t-elle toujours partie des soins palliatifs?

L'aide médicale à mourir : les critères et les balises. Lors de notre présentation à la commission spéciale Mourir dans la dignité, nous nous sommes montrés très préoccupés du sort qui pourrait être réservé aux personnes déclarées inaptes advenant la légalisation ou la dépénalisation de l'euthanasie. En effet, partant du principe que personne ne peut juger de la qualité de la vie d'une autre et que, d'autre part, le Code civil du Québec prévoit qu'un représentant autorisé par la loi peut donner son consentement aux soins en remplacement d'un autre, le souci de l'AQIS est d'éviter que, par compassion, un tiers — famille ou représentant légal — décide de demander l'euthanasie à la place d'une personne qui a une déficience intellectuelle.

Le projet de loi comprend des critères qui, à première vue, apparaissent rassurants, en ce sens que la personne doit demander l'euthanasie elle-même et doit être apte à consentir aux soins. Mais une telle loi aurait-elle préséance sur l'article 11 du Code civil, qui se lit comme suit : «Si l'intéressé est inapte à donner ou à refuser son consentement à des soins, une personne autorisée par la loi ou par un mandat donné en prévision de son inaptitude peut le remplacer»? Si tel n'est pas le cas, est-ce suffisamment explicite dans le projet de loi?

Les dérives. Le rapport de la commission se fait également rassurant en soulignant que l'euthanasie ne conduit à aucune des dérives appréhendées au sujet des personnes vulnérables, qu'elle n'a pas nui au développement des soins palliatifs là où elle est permise. Peut-être que les appréhensions de la commission ne se sont pas avérées justes, mais il n'en demeure pas moins que des abus et des dérives ont été constatés dans les pays où l'euthanasie est autorisée. D'ailleurs, ce printemps même, un mouvement citoyen s'est élevé en Belgique en réaction à de nouvelles propositions de loi visant à étendre le champ de la loi aux mineurs d'âge et aux déments. Ainsi, un collectif de professeurs universitaires, professionnels de santé et juristes de tous les coins de la Belgique et d'horizons philosophiques différents a annoncé, en avril 2013, la création du site Internet euthanasiestop. Ces gens sentent-ils que, 10 ans après l'autorisation de pratiquer l'euthanasie, ils sont au bord de la pente glissante?

Le consentement aux soins de fin de vie. Nous approuvons les précisions, à l'article 6, concernant le droit de refuser un soin. Nous souhaitons qu'elles soient diffusées pour que chaque personne sache qu'elle n'est pas obligée de se faire soigner à tout prix et qu'elle peut refuser l'acharnement thérapeutique. Cependant, que signifie ici «sauf disposition contraire de la loi»? Cet élément nous apparaît flou. Dans quelles circonstances un représentant légal pourra-t-il consentir aux soins pour une autre personne, tel que le prévoit l'article 11 du Code civil? Il est clair, dans le projet de loi, qu'il s'appliquerait à la sédation palliative terminale, mais qu'en est-il de l'aide médicale à mourir? Si l'intention est que le représentant légal ne peut donner son consentement à la place de la personne, cela devrait être écrit noir sur blanc pour éviter toute interprétation.

Le consentement libre et éclairé. La notion du consentement libre et éclairé est fort complexe puisque nous sommes influencés par de multiples sources. Le droit à un consentement libre et éclairé est tantôt respecté, tantôt mal compris, tantôt bafoué, dépendant des contextes mais aussi des individus qui doivent l'appliquer.

Ainsi, on peut lire, dans le rapport du comité des juristes experts présidé par Me Jean-Pierre Ménard, que — et je cite — «les abus et dérapages qui sont signalés de temps à autre, tant dans les pays où l'aide médicale à mourir est permise que dans les juridictions où elle ne l'est pas, impliquent principalement des problèmes liés au consentement. Ce peut être la liberté du consentement, son caractère éclairé ou l'aptitude de la personne à consentir qui est en cause. Certains rapports font également état d'euthanasie non volontaire ou involontaire, dans lesquels le consentement du patient n'a pas été obtenu, ou, pire encore, outrepassé.»

Et aussi : «La liberté de consentement peut être affectée par la douleur, qui peut être tellement considérable qu'elle amène le patient à solliciter la mort pour s'en délivrer. Dans un tel cas, le médecin doit s'assurer que toutes les tentatives ont été faites pour soulager le patient, et qu'il en conclut que sa douleur résiste à tout traitement, qu'il s'agit d'une douleur réfractaire. La douleur momentanée ne devrait pas être suffisante ni pour solliciter la mort ni pour convaincre le médecin de la liberté de consentement.»

En conclusion, le seul réelconsensus social qui ait été établi, ces dernières années, autour de la question de mourir dans la dignitéest le besoin de soins palliatifs de qualité dans toutes les régions du Québec, préférablement à domicile. Soulager la souffrance morale, physique, psychologique des personnes mourantes et de leurs proches, voilà le réel besoin de tous les Québécois.

L'AQIS doute fortement qu'une réellemajorité des Québécois veuille la légalisation de l'euthanasie. Nous sommes plus pessimistes ou peut-être plus réalistes que le gouvernement quant aux dérives possibles envers des groupes de personnes dites vulnérables. Ce qui se discute actuellement au Parlement belge seulement 10 ans après la légalisation et les propos que nous avons entendus de certains professionnels qui sont intervenus devant cette commission — qui parlent déjà de permettre, sous prétexte d'égalité, l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes et aux mineurs — renforcent notre conviction qu'il faut à tout prix protéger les plus vulnérables de notre société et éviter que des tiers prennent la décision de les euthanasier. C'est par des soins palliatifs de qualité que tous seront égaux. Pensons-y bien. Que souhaitons-nous léguer aux générations futures : une société qui protège ses membres les plus vulnérables ou qui laisse place à d'éventuelles dérives?

Je vous remercie. Et, M. le Président, si vous le permettez et s'il me reste quelques secondes, Catherine aurait quelque chose d'important à nous dire.

• (16 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé, mais...

Mme Babin (Jacqueline) : Ah!

Le Président (M. Bergman) : Il y a consentement. Alors, Mme Navert.

Mme Babin (Jacqueline) : Catherine.

Le Président (M. Bergman) : Mme Fortier. Je m'excuse.

Mme Babin (Jacqueline) : Merci.

Mme Fortier (Catherine) : Merci. Moi, je vous remercie de... Excusez-moi. Je vous remercie de me... parmi vous autres. Je veux vous dire, je ne souffre pas de mon handicap intellectuel. J'ai une belle vie, je crois. J'ai un logement, je fais des activités, je suis comme tous les autres, à peu près. Oui, je suis chanceuse, moi. Je suis comme mes soeurs, je suis en... Mais je souffre des préjugés encore en face de moi quand les personnes me disent telle, telle chose. C'est ça, c'est... Ils pensent que je ne suis pas capable de prendre les décisions. Quand j'ai besoin d'aide, je le demande, mais la décision finale revient à moi-même, à moi, pas aux autres. C'est dangereux que les autres, ils prennent des décisions à ma place. Je vous remercie.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme Fortier. Merci beaucoup pour ces beaux mots de... Merci beaucoup. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Bonjour. Alors, bonjour à vous quatre. Mme Babin, je sais que vous venez de loin, donc heureuse que vous soyez ici, M. Duchesneau, Mme Navert et bien sûr Mme Fortier. D'ailleurs, je vous félicite. Je comprends que vous êtes maintenant présidente du Mouvement Personne d'abord Canada. Donc, demain, on va entendre le Mouvement Personne d'abord du Québec. Donc... Non?

Mme Navert (Susie) : Elle a été.

Mme Hivon : Vous avez été. Bon. Bien, félicitations quand même! Ça s'applique pour le passé aussi, donc. Bien, merci beaucoup d'être ici.

Vous savez, pour moi, c'est assez spécial parce que je pilote ce projet de loi sur les soins de fin de vie, j'ai été membre, donc vice-présidente de la commission spéciale pendant plusieurs années, et je suis aussi, par le fait de l'évolution des choses, maintenant ministre déléguée des Services sociaux et donc ministre responsable de l'Office des personnes handicapées et ministre responsable, donc, évidemment, de la réalité, je dirais, des services, et de l'aide, et de l'accompagnement pour les personnes qui vivent avec une déficience, qu'elle soit intellectuelle ou physique. Donc, c'est certain que votre présence et votre témoignage sont doublement importants pour moi.

Et j'ai une sensibilité, depuis le début, je dirais, de ce projet de loi là, à ce que, d'une part, les personnes qui ont une déficience sentent qu'on les traite sur un pied d'égalité dans ce projet de loi là. Donc, exactement comme vous venez de dire, Mme Fortier, je dois vous dire qu'on est sur la même longueur d'onde, parce que ce qui est au coeur de ce projet de loi là, c'est de respecter, avec d'autres principes évidemment, mais… la personne elle-même. Donc, ce n'est pas un médecin qui doit prendre la décision. Que ce soit un refus de traitement, que ce soit un arrêt de traitement, que ce soit une sédation ou une aide médicale à mourir, le pouvoir doit être entre les mains de la personne.

Mais on n'est pas dans un régime d'autonomie absolue, à dire : Moi, je veux ci, ça, à tel moment, à telle heure parce que je suis toute-puissante. On est aussi dans un contexte médical où il y a une relation thérapeutique avec un médecin, et donc il y a des balises aussi, quand on parle de l'aide médicale à mourir, pour éviter évidemment les dérives. Mais le principe au coeur de ça, c'est de respecter la personne, et ça, je pense que c'est fondamental. Donc, ça, c'est quelque chose qui m'habite beaucoup, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas un paternalisme, quand on regarde ce projet de loi là, pour dire : Ah bien, il faut avoir des critères différents, ou s'inquiéter indûment, ou avoir... pour les personnes qui auraient une déficience ou un défi particulier. Je pense qu'il faut être conscients que ces personnes-là, comme nous le rappelle toujours le Mouvement des personnes d'abord, sont des personnes d'abord aptes dans la mesure des choses à exprimer leur point de vue.

Mais l'autre, évidemment, préoccupation, c'est de se dire qu'il ne faut pas que des personnes qui peuvent être plus vulnérables dans notre société puissent, je dirais, ne pas se sentir assez sécurisées ou sentir qu'il y a les balises juste pour éviter qu'il puisse y avoir des dérapages. Et, à cet égard-là, je veux vous dire que, pour moi, la plus grande des balises, c'est d'abord, comme je le dis toujours, la volonté très forte de vivre des gens, et la deuxième, c'est qu'on doit être dans un contexte de fin de vie.

Donc, je sais qu'il y a des associations de personnes handicapées qui ont des craintes ou véhiculent des craintes à l'effet qu'il pourrait y avoir des dérapages concernant les personnes handicapées, mais on ne parle pas ici de mettre fin à la vie de personnes qui sont dans le courant de leur vie pour des raisons qui n'ont rien à voir avec de la souffrance incontrôlable ou une situation qui n'est pas en fin de vie. Donc, tout ça est exclu parce qu'on est dans un contexte de fin de vie. Donc, ça, pour moi, c'est toujours important de recadrer ça pour rassurer les gens.

L'autre élément — puis après je vais revenir plus à votre situation à vous — c'est de dire comment on en est venus avec ces recommandations-là à la commission, comment on a évalué tout ça, la place des sondages. Je vous dirais que c'est évident que ce n'est pas les sondages qui ont mené la démarche parce qu'on n'aurait pas fait deux ans de consultations, on aurait dit : On a des sondages, depuis 20 ans, qui nous indiquent un appui fortement majoritaire de la population. Ça aurait été une démarche vraiment beaucoup plus simple. Mais je ne pense pas qu'elle aurait été, d'un point de vue démocratique, saine et solide.

Donc, quand on est arrivés avec nos recommandations, c'est à la base de tout l'éclairage qu'on a reçu autant des experts, des groupes, des particuliers et à la lumière de 51 séances de travail des membres de la commission qu'on en est venus avec ces recommandations-là pour une multitude de raisons, mais surtout parce qu'on pensait qu'elles reflétaient le juste équilibre entre les besoins d'accompagnement, de compassion, de respect de la personne, de limites, je dirais, aux souffrances humaines et aussi de protection des personnes vulnérables. C'est ça qui nous a habités et c'est ce qui m'habite encore avec le projet de loi qui est devant nous.

Ceci dit, je pense que les sondages, quand ils sont constants sur une période de 20 ans, comme ils le sont… Il y en a qui nous disent : Aide médicale à mourir, c'est confus. Il y en a qui nous disent : Euthanasie, c'est confus, les gens, ils ne comprennent pas. Moi, je pense, pour être députée aussi puis avoir des gens qui me parlent quotidiennement dans différentes circonstances, que les gens, ils comprennent, en général, bien franchement. Je pense que les gens, surtout à la lumière de débats qui ont eu cours au Québec, au Canada, je pense que les gens savent de quoi il est question. Est-ce que tous les sondages sont parfaits? Non. Mais est-ce que c'est une indication quand même tenace dans le temps? En plus, on avait fait une consultation en ligne, et ça cadrait parfaitement avec les résultats des sondages, avec des définitions précises, et tout. Je ne pense pas que c'est un élément qui doit être celui qui nous guide, mais je pense que c'est un élément qui indique une évolution sociale. Ça, je voulais juste vous faire part de ça, puis vous pourrez réagir, évidemment.

Moi, ce qui m'intéresse, c'est toute la question du consentement libre et éclairé pour les personnes qui ont une déficience intellectuelle, qu'importe le degré, légère, moyenne, sévère. Il y a toutes les dispositions du Code civil. Mais je veux savoir, dans le quotidien — puis peut-être que, Mme Fortier, vous êtes bien placée pour nous le dire — quand on accepte ou on refuse un traitement… Il y a des personnes qui sont jugées aptes à consentir aux soins, puis il y en a qui ne sont pas jugées aptes à consentir aux soins. Je voudrais que la logique qui nous habite dans le projet de loi, c'est la logique de suivre ce qui existe déjà. Une personne apte à consentir aux soins peut consentir à tous les soins, y compris si elle est en fin de vie. Elle ne perd pas cette aptitude-là parce qu'elle est en fin de vie. Donc, j'aimerais ça savoir, dans le quotidien, peut-être, les défis que vous rencontrez ou comment ça se passe, toute cette question de l'évaluation de l'aptitude des personnes pour consentir aux soins, que ce soit un traitement, une chirurgie. Et aussi, plus spécifiquement, si vous avez des histoires de personnes qui sont en fin de vie, qui ont été en fin de vie, comment tout ça s'est articulé.

• (16 h 40) •

Mme Fortier (Catherine) : Je pense, d'après moi, selon moi, c'est la peur en premier, la peur, la colère, pas la... Comment? Je vais vous donner un exemple. Mon père, il a déjà vécu... ça fait cinq ans, mon père, il a déjà vécu dans un soin palliatif. Puis là, quand il s'est ouvert… un peu, une petite affaire, puis à ceux-là, ils sont... avec sa maladie, ils ne l'ont pas mis, réellement mis dans le coma, il n'était pas capable. Il était conscient, il était là, mais il... Puis, quand il s'est aperçu : Oui, c'est bien beau, mais ce n'est pas chez nous, c'est quoi que je fais là? C'est un peu la peur, c'est un peu la colère... Non?

Une voix : ...

Mme Fortier (Catherine) : Excusez-moi, je ne veux pas me... Oui, une seconde. Je peux aussi... Je pense à ma cousine, ma cousine propre. Elle, elle ne parle pas, mais elle est consciente. Elle ne parlera pas, elle n'est pas… comme moi, elle ne parle pas. Comme je vous ai dit, la personne, il faut que ça revienne d'elle-même avant, en premier. Je le sais, que vous êtes bien conscients, vous... Mais elle, comme… supposons, on la prendrait par la main, on l'emmènerait au... une autre place pour la soigner, c'est la colère, c'est la peur, elle se demanderait quoi il se passerait pour elle. On lui expliquerait correctement…

Une voix : Tu veux que je continue?

Mme Fortier (Catherine) : Oui.

Le Président (M. Bergman) : Mme Navert.

Mme Navert (Susie) : Oui. En fait, en termes de consentement libre et éclairé, la difficulté… Premièrement, pour tout le monde, ce n'est jamais facile parce qu'on a... comme Mme Babin disait tantôt, il y a des influences de toutes parts. Mais, pour une personne qui a une déficience intellectuelle, dépendant de son degré évidemment, c'est facile de subir les pressions, ils sont plus sensibles aux pressions de l'extérieur. Ils sont plus sensibles souvent à vouloir répondre à ce qu'on attend d'eux.

Je vous rappelle le gros cas qui est bien connu, de M. Marshall, ici, de Québec, qui s'était accusé lui-même de viol qu'il n'avait jamais fait, là, et que c'est l'ADN qui avait démontré que ce monsieur-là, il n'était pas coupable, puis qu'il a fait cinq ans ou huit ans de prison pour rien, là, parce que lui comme beaucoup de personnes de sa condition, ils vont avoir tendance à fléchir à la pression et à vouloir plaire à la personne, vouloir répondre dans le sens de ce que la personne demande. Alors, c'est pour ça qu'on disait que, pour certaines personnes, on pense que le consentement libre et éclairé, c'est difficile de l'obtenir.

Et aussi pour l'aptitude. Qui est-ce qui va juger de l'aptitude d'une personne à consentir aux soins? C'est ça qui est aussi particulier. Ce n'est pas facile, il faut connaître bien la personne, il faut avoir des bonnes intentions aussi à son égard. Mais comment on fait? Qui va la déterminer, cette aptitude-là?

En fait, ce qu'on a vraiment peur, nous, c'est les dérapages, c'est les dérapages comme... On ne pense pas que, demain matin ou dans 10 ans, on va dire : Bon, bien, toutes les personnes qui ont telle déficience, on va les euthanasier, là. Ce n'est vraiment pas de cet ordre-là. C'est de l'ordre de ce que notre prédécesseur a mentionné tantôt, là, qu'on a vu dans les nouvelles ce matin, d'une personne qui a 44 ans puis qui n'est pas satisfaite de l'opération qu'elle a subie suite à son changement de sexe, qui n'est pas satisfaite de son corps, que cette personne-là, elle a demandé l'euthanasie, pas parce qu'elle a des grandes souffrances physiques, parce qu'elle n'est pas capable d'aimer son corps. Alors, mais, moi, l'idée que j'ai, là, tout de suite, en voyant ça, c'est : Bien, regarde, c'est peut-être d'une psychothérapie que cette personne-là aurait besoin. Ce sont des soins. Mais qu'est-ce qu'on a fait, c'est qu'on l'a euthanasiée. C'est ce genre de… On va dans l'extrême, mais c'est un extrême qui est là, qui est réel, qui est actuel.

Alors, c'est ce genre de choses là dont on a peur beaucoup. Et il faut dire que je suis très, très consciente, et, à l'AQIS, on est très conscients du soin qui a été pris pour faire la commission Mourir dans la dignité, de toutes les interventions qui ont été faites, l'écoute, la qualité de l'écoute, et de l'écoute que vous avez aussi ici, à la commission, là, c'est incroyable, c'est vraiment très, très, très bien. Sauf que, nous autres, notre position, c'est que c'est dangereux d'ouvrir.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, merci beaucoup pour votre présentation, merci de venir partager avec nous votre interprétation et surtout aussi vos craintes face à la mise en oeuvre du projet de loi.

J'aimerais savoir... Le témoignage de Mme Fournier, tout à l'heure, a suscité une question. Mme Fournier mentionnait, a fait état de la question de la peur, la crainte face à l'inconnu, la crainte peut-être face à des concepts, des notions qui ne sont pas tout à fait claires à un certain moment donné. Comment se fait l'accompagnement en soins palliatifs pour une personne qui est atteinte d'un déficit intellectuel, d'une déficience intellectuelle? Comment on accompagne cette clientèle bien particulière de gens là à l'intérieur d'un processus de fin de vie? Je ne sais pas si vous avez une connaissance ou si, au sein de vos membres, il y a eu des gens qui ont eu à traverser cette période-là. Parce qu'on parle du consentement aux soins, mais c'est une étape qui apporte énormément de peur aussi pour les gens. Et je pense que ça pourrait être éclairant d'avoir votre expertise ou vos connaissances, de les partager avec nous.

Le Président (M. Bergman) : Madame…

Une voix : O.K. Vas-y.

M. Duchesneau (Roger) : O.K. Les soins palliatifs… L'AQIS a des congrès à chaque année, puis il y a eu une présentation par une personne — puis je n'arrive pas à me rappeler son nom — qui travaille à l'hôpital Robert-Giffard, qui porte un autre nom aussi maintenant. Elle nous a présenté ça, puis, quand elle reçoit les personnes, elle va faire la même chose que pour n'importe qui, elle va soulager les personnes du mieux qu'elle le peut pour que ces personnes-là puissent vivre leur fin de vie de la meilleure façon qui soit.

Puis tantôt on parlait d'au quotidien comment ça se vit. Pour ma fille, je vais prendre des décisions pour elle parce qu'elle ne peut pas prendre des décisions. Ça fait qu'on est avec l'article 11 du Code civil. Pour améliorer sa santé ou sa condition, je vais prendre des décisions pour elle, mais je vais l'informer du mieux que je peux. Mais je ne me vois pas prendre une décision à sa place pour l'euthanasier, mettre… ou, si on aime mieux, utiliser le terme «les soins de fin de vie», parce que j'ai une conviction profonde — puis ça, c'est personnel à moi — qu'elle, malgré la souffrance, elle va vouloir rester avec nous autres jusqu'à la fin, le plus loin possible. C'est ce qui va arriver.

Ça fait que c'est aussi une grande crainte pour moi puis mon épouse, quand on va mourir ou quand on ne sera plus capables de s'occuper d'elle — parce qu'elle a quand même un certain âge, puis nous autres, on est un petit peu plus vieux — les personnes qui vont s'en occuper, c'est une des grandes craintes, ça, qu'ils prennent… tu sais, surtout qu'on appelle ça un soin, là, un soin de fin de vie, on n'appelle plus ça l'euthanasie, là… quelqu'un d'autre qui va répondre pour elle pour recevoir des soins, puis, on peut peut-être imaginer, y compris celui-là. Puis ça va peut-être être par compassion. Mais, tu sais, je ne suis pas capable d'imaginer qu'on va décider pour elle de ces soins-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Bien, en fait, je laisserais… je voyais que madame avait levé la main.

• (16 h 50) •

Mme Babin (Jacqueline) : Bien, écoutez, moi, je n'ai pas de grands diplômes universitaires, là. J'ai simplement été à l'école de la vie pendant 47 ans. Il faut croire que j'ai eu de la misère, hein, ça a duré longtemps. Et cette école que j'ai fréquentée, ils m'ont appris les vraies valeurs, ce qu'étaient les valeurs et ce qui va me suivre tout au long de ma vie. Pendant 47 ans, je me suis battue pour que mon fils soit intégré à la société, qu'il fasse partie puis qu'il soit inclus dans la communauté, et qu'il fasse partie de la communauté à part entière. Je me suis battue comme tous les parents d'enfants différents et je me dis qu'on est portés à miser sur... pas à miser, mais à regarder les faiblesses de ces personnes, alors qu'il faudrait miser sur leurs capacités, et Dieu sait qu'ils en ont qu'ils peuvent nous donner.

Moi, comme je disais, je me suis battue pendant 47 ans pour tout ça. Je me demande si j'ai le courage ou la force encore de me battre pour sa fin de vie. Mais je pense que, s'il le faut, je vais le faire. Mais, moi, il y a une chose que je ne veux pas et des choses que je veux. Je ne veux pas d'acharnement thérapeutique. Ce que je veux pour mon enfant, ce sont des soins palliatifs de qualité, qu'il soit accompagné de gens qui l'aiment, entouré d'amour, de respect et de dignité. Et je ne crois pas qu'aucune personne dans cette salle ait le droit de faire basculer quelqu'un dans une autre vie sans que cette personne ait vraiment dit que c'était son choix ou fait savoir que c'était son choix.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Le projet de loi, dans sa forme actuelle, prévoit vraiment que l'aide médicale à mourir serait admissible seulement aux personnes aptes à consentir. Donc, je comprends que, face à une situation comme la vôtre, ce serait particulier, là, ça ne pourrait pas s'appliquer, vous ne pourriez pas l'appliquer. Mais votre crainte, c'est une dérive éventuelle. Donc, pour vous, c'est de dire : Là, actuellement, on est très limitatifs dans ce qu'on souhaite introduire, par contre, avec les pressions de certains groupes, de certains lobbys, de certaines corporations, il pourrait y avoir un élargissement de ces soins-là, parce que, comme on disait, c'est plus facile, une fois que le concept est sur la table, c'est plus facile de l'ouvrir, pas à tous, mais de l'ouvrir à ceux qui n'étaient pas initialement visés.

Alors, je comprends de votre présentation, aujourd'hui, c'est de dire : Écoutez, on n'en est pas là, on milite pour des soins palliatifs de qualité, un élargissement des soins palliatifs à la clientèle, aux gens, à tous les citoyens du Québec. On n'est pas rendus à introduire cette notion d'aide médicale à mourir là, et nous, on a des craintes que cette notion-là mène, d'ici cinq ans, d'ici 10 ans, d'ici quelques années, à des dérives, et là ce sera très difficile de revenir là où nous sommes actuellement. Est-ce que je comprends bien votre message?

Le Président (M. Bergman) : Mme Babin.

Mme Babin (Jacqueline) : Bien, vous m'ouvrez la porte en parlant de soins palliatifs. C'est que, comme vous disiez, je viens de la Gaspésie, je viens de loin, on a une belle maison de soins palliatifs, où j'ai eu la chance d'aller visiter des personnes et qu'elles étaient très bien, très bien soignées, et malheureusement, depuis — je ne sais pas le temps — un an, un an et demi, cette maison est fermée faute de sous. Et je me demande si, avec les nouveaux projets que le gouvernement a en tête, que, si des infrastructures sont déjà là, qu'il pourrait y avoir des argents de déposés pour que cette maison ouvre de nouveau, parce que c'est vraiment un besoin, vraiment un besoin.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : En fait, je pense que, justement, la question de l'accessibilité aux soins palliatifs sur le territoire fait partie des préoccupations. Je sais qu'on est en train — la ministre nous l'a confirmé — de recenser, en train de faire une évaluation. Je pense qu'un peu partout sur le territoire on souhaite... Puis d'autant plus que le projet de loi prévoit le droit à toute personne d'avoir accès à certains soins, donc il va falloir arriver avec des solutions pour permettre justement cet accès-là. En Gaspésie, je ne sais pas quelle est votre situation en fait d'accès aux soins palliatifs, mais moi aussi, je suis loin, là, je suis à Maniwaki, on est aux deux extrêmes toutes les deux. Je sais qu'en région rurale ce n'est pas… les soins palliatifs ne sont pas nécessairement accessibles partout, là. Nos citoyens doivent faire de grandes distances pour se rendre dans les centres urbains pour avoir accès à des maisons de soins palliatifs.

Mme Babin (Jacqueline) : Il y en a qui se font à domicile aussi. Mais, je veux dire, c'est que le besoin est tellement grand qu'on manque d'effectifs. C'est sûr que ce n'est pas 15 minutes pas jour qui va aider la famille.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Oui. Je voyais qu'il y avait une demande d'intervention. Je vais vous…

Le Président (M. Bergman) : M. Duchesneau.

M. Duchesneau (Roger) : Merci. On n'a pas besoin d'aller loin pour les soins palliatifs. Quand on parle de soins palliatifs, on veut avoir des soins palliatifs de qualité.

J'ai pour exemple ma belle-mère, qui est décédée au printemps. Elle a eu des soins palliatifs, mais ce n'était pas extraordinaire. C'est dans un hôpital ici, à Québec, là, je ne donnerai pas le nom. Elle a été mise sur une liste d'attente parce que le secteur où c'est qu'il y a les soins palliatifs adéquats et de qualité, c'était plein puis il fallait attendre que quelqu'un en sorte. Elle a été mise dans une chambre, sur un étage où c'est que c'est, entre guillemets, la production, là. Il faut qu'il y ait… Il faut que les gens sortent au plus vite pour qu'on puisse en rentrer d'autres. Puis c'est bien correct, parce que c'est ça que ça prenait. Puis c'était très bruyant.

Puis la personne qui donnait les… la responsable des soins palliatifs venait la voir une fois par jour, tôt le matin, pas longtemps, puis elle prescrivait des choses pour ma belle-mère. Mais les gens qui venaient donner les soins, eux autres, c'était à la course. On vient, bon, on le regarde. C'est prescrit ça. À telle heure, on te donne ça puis on s'en va. Ce n'est pas ce que j'appelle des soins palliatifs de qualité, là. Ça fait que c'était juste cet exemple-là que je voulais donner.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle.

Alors, collègues, il y a un vote à l'Assemblée nationale. Alors, on se reprend après le vote.

Je suspends pour quelques instants seulement. Il y a un vote à l'Assemblée nationale.

(Suspension de la séance à 16 h 57)

(Reprise à 17 h 14)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on vient de terminer le bloc de l'opposition officielle, le premier bloc. Le dernier bloc du gouvernement, un bloc de cinq minutes, Mme la ministre.

Mme Hivon : O.K. Merci, M. le Président. Peut-être… Bien, je pense que vos réponses aux questions de ma collègue nous ont bien éclairés sur le type de craintes qui vous animent. Puis, moi, comme je le dis depuis le début, il faut recevoir, je pense, aussi l'ensemble des messages et les messages de craintes aussi qui peuvent nous être véhiculés, et essayer, autant de par nos messages à nous que par le projet de loi, de répondre à ces craintes-là. Je pense que le meilleur guide dans ça, ce n'est pas la peur, mais c'est la prudence, je vous dirais. Donc, pour avancer dans la vie, des fois les peurs nous freinent, donc il faut essayer de les mettre de côté, mais il faut être prudent, par ailleurs. Donc, c'est ça qui me guide dans le projet de loi.

Pour ce qui est de la question des dérapages, je vous dirais que, si vous me parlez de ce qu'on a vu en Belgique, de la personne qui aurait demandé une euthanasie à la suite d'une opération de changement de sexe, je pense qu'effectivement c'est quelque chose qui n'a pas sa raison d'être. Du moins, ici, au Québec, je ne vois pas comment on pourrait accepter une telle chose, au même titre où on avait vu dans le passé que les personnes sourdes et aveugles... des jumeaux devenus sourds et aveugles avaient demandé aussi l'aide médicale à mourir.

Et, vous savez, je pense que chaque société fait ses débats, et on peut s'inspirer aussi d'améliorer les choses. Et ici notre loi, elle est différente de ce qu'on voit ailleurs parce qu'on dit spécifiquement qu'il faut être en fin de vie, et je le répète, mais ce n'est pas le cas ni en Belgique ni aux Pays-Bas, il n'y a pas cette balise-là de la fin de vie. Et, pour moi, c'est une balise importante dans la mesure où toute l'optique du projet de loi, c'est un continuum de soins, c'est d'accompagner le mieux possible la personne en fin de vie et, dans des circonstances exceptionnelles, de pouvoir considérer l'aide médicale à mourir.

Dans les autres juridictions, ils sont plus axés sur la notion de souffrance en elle-même, mais ils sont également fermés aux personnes inaptes. Et ça aussi, c'est important de vous le dire. Ma collègue vous l'a dit, ma collègue de Gatineau. Mais c'est quelque chose, dans le projet de loi, qui serait tout à fait impossible, qu'une tierce personne, que le tuteur, le curateur, le parent demande, pour une personne qui est inapte à consentir, l'aide médicale à mourir. C'est totalement exclu. Et je dois vous dire qu'il n'y a personne qui est venu nous demander ça. Il y a des gens qui sont venus nous demander d'élargir la loi, mais jamais pour les personnes qui sont inaptes à consentir, je dirais, de naissance. Ce que certains nous ont demandé, c'est que les personnes aptes pourraient peut-être le demander en prévision d'une inaptitude, mais il n'y a personne qui nous a parlé de le permettre pour une personne qui serait inapte à consentir. Et je peux vous assurer que ce n'est pas présent dans la loi. Et évidemment c'est à mille lieues de ce que l'on souhaite avec cette loi-là.

Je pense que c'est très important de valoriser la pleine participation à la vie, à la société des personnes qui ont un handicap, qui ont une déficience intellectuelle et que tous les efforts doivent être déployés en ce sens-là, et j'y travaille très fort. Et ça, je pense que c'est un message très important et très puissant. Et, pour moi, ce projet de loi là, il n'a absolument rien à voir… Je reçois vos craintes, mais je veux vous dire, moi, comment on l'a vu, il n'y a rien à voir là-dedans qui pourrait envoyer un message de dévalorisation, au contraire, parce qu'il n'y a rien qui concerne les personnes qui ont une déficience.

Ceci dit, je comprends tout à fait ce que vous nous dites : Est-ce que ça pourrait faire en sorte que, dans l'évolution du temps, ou tout ça… Moi, je pense qu'il faut faire confiance à nos institutions démocratiques. Je suis convaincue que non parce que j'entends ce qui nous est dit par l'ensemble des groupes en ce moment. Je vois aussi que, dans les autres juridictions, ce n'est jamais quelque chose qui a été considéré non plus. Alors, pour voir le soin et le sérieux que l'on met dans un débat de société, je pense aussi qu'il faut faire confiance au processus démocratique.

Et l'autre chose, je pense, qui est de nature à rassurer, c'est qu'on propose la mise en place d'une commission sur les soins de fin de vie, et cette commission-là, elle va regarder non seulement les gestes qui vont se poser au quotidien, mais elle va regarder l'évolution des tendances, par exemple : Est-ce qu'il y a plus de demandes d'aide médicale à mourir au fil du temps? Est-ce que les sédations palliatives — on a vu ça en Europe — les sédations palliatives vont augmenter?

Donc, je voulais juste vous dire que, pour moi, je reçois très bien ce que vous nous dites puis je l'accueille pleinement, mais je pense aussi qu'il ne faut pas que quelque chose, je dirais, qui n'a pas de prise dans le projet de loi qui est déposé devant nous puisse nous empêcher de donner des réponses aussi à des personnes, y compris des personnes qui peuvent avoir des fins de vie difficiles, et surtout nous empêcher d'avancer pour améliorer les soins de fin de vie. C'est le coeur de ce projet de loi là aussi, c'est d'améliorer les soins de fin de vie et de mieux accompagner les gens évidemment, y compris les gens qui ont une déficience. Donc, moi, c'est ça qui m'anime. Donc, j'espère vous avoir rassurés le mieux possible. Ceci dit, je respecte votre position complètement, mais je voulais vous apporter ces éléments-là. Je pensais que j'avais 10 minutes, mais j'avais moins de temps que ça.

• (17 h 20) •

Le Président (M. Bergman) : Merci beaucoup. Alors, ceci termine le bloc du gouvernement. Et maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. Merci d'être parmi nous. Si vous avez présenté un deuxième mémoire — donc, vous avez fait la première consultation — le deuxième, et si vous arrivez avec autant de questionnements, c'est que probablement que le projet de loi n'est pas assez clair pour vous. Peut-être que les définitions ne sont pas assez claires. Pour vous, l'aide médicale à mourir, c'est de l'euthanasie. Je pense que c'est très important que ce soit clair. Il y avait le professeur Brian Mishara qui était un peu plus tôt et qui mentionnait : Bien, on ne le voit pas, «soins de fin de vie». Et la ministre disait : Bien, c'est dans le titre, «soins de fin de vie», il faut que la mort soit imminente. Probablement qu'il faut définir encore plus.

Mais, au-delà de ça, je suis très sensible, M. Duchesneau, quand vous mentionniez, tout à l'heure... Parce que je suis grand-mère d'un petit garçon différent, alors je suis très, très sensible à ce que les parents peuvent vivre. Et c'est quand vous allez partir… Parce que, pour l'instant, vous vous occupez de votre fille, vous travaillez avec elle, vous partagez les prises de décision, en quelque sorte, mais, si un jour vous n'êtes plus là et que votre fille est confiée à quelqu'un d'autre, quelles seront les décisions? Et je pense que c'est ça. Et, si, dans le temps, le projet... Parce qu'on ne sait jamais, hein? S'il y a eu, au fil du temps, dans les Pays-Bas, en Belgique ou au Luxembourg, des modulations dans la loi, est-ce que ça pourrait arriver? À moins que la commission de soins de fin de vie soit tellement forte pour baliser et faire respecter le projet de loi. Je crois que c'est ce qui vous inquiète le plus.

Le Président (M. Bergman) : M. Duchesneau.

M. Duchesneau (Roger) : Oui. Merci. C'est très inquiétant de savoir ce qui va se passer. Puis, de toute façon, j'y ai comme pensé — remarque, peut-être que je me trompe — mais, à voir ce qui s'est passé ailleurs, ça commence par ça, puis ça a tendance à s'élargir, puis plus ça avance, plus les balises tombent. Ça fait qu'à un moment donné c'est inquiétant à savoir ce qui va se passer dans l'avenir, si on va inclure des personnes vulnérables dans le processus, puis là comment ça va se passer. Mais c'est certain qu'une des plus grandes inquiétudes, c'est quand on ne sera plus là, à savoir les personnes qui vont décider, dans un exemple concret, pour ma fille et, pour les autres parents, pour leurs enfants. Mais on ne sait pas ce qui va se passer, puis c'est ça qui est inquiétant.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de… Mme Babin?

Mme Blais : Est-ce que vous trouvez que les définitions sont assez claires dans le projet de loi?

M. Duchesneau (Roger) : Bien, à force d'écouter des… Excusez-moi.

Le Président (M. Bergman) : ...

M. Duchesneau (Roger) : Merci. À force de regarder des séances qui se passent ici, bien, ça devient plus clair, on le sait, mais en général, pour la population en général qui ne s'arrête pas à ça, je pense que «soins de fin de vie», ça sonne «soins», alors que, quand on regarde le processus, bien, pour nous autres, on considère que ça ressemble pas mal à l'euthanasie.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de…

M. Duchesneau (Roger) : Ça fait que, tu sais, la clarté n'est pas là, là, Il me semble que… Tu sais, on a soumis un terme tantôt qui pourrait être très adéquat, là, «l'euthanasie médicalement accompagnée». Il me semble que c'est clair. Parce que l'euthanasie, les gens, ils ont une mosus de bonne idée de ce que c'est, là, puis, si on regarde au dictionnaire, on le trouve. Ça fait que je pense que ce serait une clarté d'avoir un terme comme ça. L'aide médicale à mourir, soins de fin de vie, tu sais, c'est des soins. Pour les gens en général, ils vont regarder ça comme des soins.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne? Mme Babin? Excusez. Mme Navert.

Mme Navert (Susie) : Merci. En fait, au niveau des définitions, ce n'est effectivement pas suffisamment clair pour nous. Bon, comme le disait M. Duchesneau, pour nous, ce n'est pas un soin et puis ça devrait être complètement à part, l'euthanasie et les soins. Les soins palliatifs, ce sont des soins médicaux, et ça devrait être une chose. Et, s'il y a un projet de loi qui a à passer pour l'euthanasie, bien ça devrait d'abord être nommé pour ce que c'est et être complètement à part.

Mais, ceci étant dit, par exemple, l'article 11 du Code civil, on ne comprend pas encore s'il a préséance sur le suicide… voyons, l'euthanasie... bien, l'aide médicale à mourir, pardon. Est-ce qu'en principe un article du Code civil a préséance sur les lois? L'article 11 du Code civil dit que quelqu'un peut… un représentant peut prendre la décision pour l'autre. Comment ça ne s'applique pas ici? Vraiment, ça, c'est une autre de nos inquiétudes, là. Je ne sais pas si quelqu'un peut y répondre.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon? Mme la députée de Gatineau.

Une voix :

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : En fait, je pense que la question serait plutôt dirigée aux législateurs. Nous, on n'est pas… Ce n'est pas… Merci de me refiler la balle. J'apprécie. C'est un travail d'équipe.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Savez-vous... J'ai une bonne idée. Tout à l'heure, la ministre pourra répondre à votre question, mais là on va demander au député de Jean-Talon, si le président le souhaite, de…

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je ne sais pas qu'est-ce qu'ils en pensent, nos législateurs, là, mais je peux vous garantir, là, que, lorsqu'on va faire l'étude détaillée, là, on va le clarifier puis on va s'assurer que, dans la loi, le Code civil ne peut pas avoir préséance là-dessus. Parce que, si je comprends, si la personne décide, puis, dans cette loi-ci, on dit qu'elle n'a pas accès à l'aide médicale à mourir, quant à moi c'est cette loi-là qui va avoir préséance. Sinon on ira modifier le Code civil. Moi, c'est comme ça que je le vois.

D'ailleurs, quand on fait des lois comme ça — on a eu une discussion, à un certain moment donné — lorsque c'est dans le Code civil et également au niveau de la loi, moi, j'aime ça qu'on clarifie ça d'abord dans le Code civil, tout simplement parce que les gens vont référer beaucoup plus souvent… — pour les légistes — beaucoup plus souvent au niveau du Code civil que de retourner dans une loi qui a été passée voilà trois, quatre, cinq ans, là. Vous mettez... dans six ans, le Code civil va toujours être encore très actif, la loi va être active, mais les gens ne penseront pas nécessairement, là, au niveau de la loi. Ça fait que ça, je vous garantis qu'on va surveiller ça de près.

Quant à moi, c'est clair, les gens qui ont des déficiences, qui sont inaptes à consentir ne peuvent pas avoir le droit à l'aide médicale à mourir. Et il y en a qui nous disaient : Oui, mais un jour on va ouvrir. Pour cette catégorie de personnes là — puis je connais le cas Latimer, où quelqu'un d'autre a pris la décision pour sa fille — quant à moi, je ne pense pas qu'il faut ouvrir là-dessus. Il faut protéger les personnes les plus vulnérables de la société. Qu'une personne soit apte à consentir, prend sa décision, moi, je respecte ça, mais, lorsque la personne n'est pas apte à consentir, je pense qu'il faut fermer ça puis garder ça très serré. Ça, c'est un endroit qui, quant à moi, on ne devrait pas ouvrir.

Pour ce qu'il s'agit des gens… Parce qu'il y a une autre catégorie, c'est les gens qui, à un moment donné, développent la maladie d'Alzheimer, puis ils auraient voulu laisser savoir, lorsqu'ils étaient aptes, qu'ils pourraient avoir accès aux services. Ça, je pense que c'est une discussion qui va pouvoir avoir lieu. Personnellement, actuellement, je ne serais pas apte à ce qu'on ouvre… je ne serais pas… pas apte, mais je ne serais pas d'accord pour qu'on ouvre là-dessus, mais il va y avoir des travaux qui vont être faits. Et, pour les personnes qui ne sont pas aptes et qui ont des déficiences intellectuelles qui empêchent l'aptitude, quant à moi, je pense que c'est bien important qu'il faut fermer la porte. C'est ça que vous voulez? Il faut le dire au micro.

Le Président (M. Bergman) : ...

Mme Navert (Susie) : Ah bien, c'est ça qu'on veut.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Durant ce temps-là, on dit un gros «oui», comme si on se mariait.

Mme Navert (Susie) : Un beau «oui».

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K., c'est parfait. Parce que, pour moi, en tout cas, c'est bien, bien, bien important. Ça, du côté du législateur, je pense qu'avec les remarques que vous avez faites, si ce n'est pas clair pour vous, ce n'est pas clair pour probablement plusieurs personnes. Et l'objectif également de cette loi-là, où les gens ont... Ah, c'est évident! Mais il y a d'autres personnes qui viennent puis qui disent : Bien, c'est loin d'être évident. Mais je pense qu'il faut faire un effort pour clarifier. Et c'est ce qu'on va faire à ce niveau-là.

En général — ma question serait plus d'ordre général — y a-tu autre chose que vous voyez, qu'on devrait protéger… protéger des gens, dans la loi qui est proposée, ou c'est seulement que l'élément que vous venez de parler, qui est un problème par rapport aux personnes…

Le Président (M. Bergman) : Mme Babin.

• (17 h 30) •

Mme Babin (Jacqueline) : J'ai vécu, personnellement, quand mon mari est décédé... Quand on parlait, tout à l'heure, qu'on ne donnait pas… c'est la famille qui prenait la décision pour la personne, même si elle était apte à choisir, mon mari, c'est sûr qu'il était en fin de vie, ses poumons ne fonctionnaient presque plus, mais le médecin est venu me demander qu'est-ce que je décidais pour lui, est-ce qu'on le réanimait si jamais il s'en allait ou bien si on l'installait au confort, entouré de sa famille et, comme on disait tantôt, avec dignité, amour, et tout. Et, moi — c'est pour ça que je me dis qu'aujourd'hui je ne pourrais pas prendre cette décision-là pour n'importe qui — je n'ai pas pu. Il était conscient, il ne parlait pas fort, mais j'ai dit au médecin : Allez-lui demander, ça va être son choix, et il a choisi le confort. Mais, si c'est moi qui avais choisi ça, je n'aurais pas vu vivre avec cette décision-là, sachant que lui pouvait la prendre.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Merci, M. le Président. Mais, quant à moi, c'est toujours la personne qui doit décider. Lorsqu'on arrive dans la question de l'aide médicale à mourir, les autres ne peuvent pas décider pour nous. Et, si quelqu'un n'avait pas l'opportunité ou n'y a pas pensé, bien, à ce moment-là, l'aide médicale à mourir ne doit pas devenir disponible parce que, quand on… on ne peut pas laisser aux autres ce choix-là.

Et ce que vous venez de dire, là, c'est vrai. Lorsque les gens sont confrontés avec ce choix-là, il y en a que ça va peut-être briser leur vie par la suite. Et on n'est pas dans un monde parfait. Puis il y a des gens qui viennent ici puis ils disent : Il faudrait tout corriger pour que, tout le monde, ce soit parfait. Ce ne sera pas ça. Je pense qu'il faut répondre à la majorité des demandes des gens, des besoins, répondre aux besoins, également rester à l'intérieur de la loi en sachant que ce n'est pas parfait, mais c'est mieux peut-être que ce qu'il y avait auparavant, si jamais les gens veulent respecter le choix de la personne parce qu'elle est apte à consentir.

Le Président (M. Bergman) : Oui. Mme Navert.

Mme Navert (Susie) : Ce qui est important, ce serait d'encadrer la définition. Comment on va définir si une personne est apte à consentir ou pas? Est-ce que ça va être fait par une équipe multi? Parce qu'en déficience intellectuelle c'est peut-être intéressant qu'il y ait des gens qui sont habituellement autour, les gens du CRDI — en tout cas, je ne sais pas si ce sera toujours le cas — ou les gens du CSSS, les intervenants, là, peu importe, la famille aussi évidemment, l'entourage. Mais comment on va déterminer ça? Ça ne se fait pas, ce n'est pas… On parlait tantôt qu'il y a plein de gens qui n'ont pas de médecin de famille, alors ce n'est pas aux médecins en urgence, à la clinique 24 heures, là, qu'on va pouvoir décider si la personne est apte à consentir. Alors, il y aurait besoin d'encadrer ça.

Aussi, vous nous demandiez tantôt quelles étaient nos préoccupations autres. Mais le fait que «fin de vie» ne soit partie intégrante des critères… Pourquoi ce n'est pas marqué dans les critères? Oui, c'est dans le préambule, mais pourquoi ce n'est pas dans les critères? C'est un peu agaçant. On se dit : C'est quoi? C'est un oubli ou s'il y a quelque chose derrière ça? C'est agaçant. Et ce serait intéressant ou important que ce soit vraiment défini.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Mme Babin, M. Duchesneau, Mme Fortier, Mme Navert, merci pour votre présentation, merci d'être avec nous aujourd'hui et merci de partager votre expertise avec nous. Et certainement le témoignage de Mme Fortier était très touchant. Alors, merci beaucoup.

Je demande aux gens de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec pour prendre leur place à la table et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 17 h 33)

(Reprise à 17 h 36)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, on reçoit la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Pour faciliter nos invités pour nous connaître, est-ce que je peux vous demander, chacun des députés et la ministre, pour identifier, votre nom et votre titre? On va commencer avec vous, Mme la ministre, votre titre et peut-être votre circonscription.

Mme Hivon : Oui. Alors, je suis Véronique Hivon, ministre déléguée aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, députée de Joliette. Et peut-être, pour les fins des gens de COPHAN, juste vous dire que j'ai, à ma gauche, Marie-Joëlle Carbonneau, qui travaille avec moi à mon cabinet, et, à ma droite, Nathalie Desrosiers, qui est la directrice de la Direction de l'éthique au ministère de la Santé et des Services sociaux. Et je laisse mes collègues se présenter.

Le Président (M. Bergman) : Oui, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. Bonjour, mon nom est Suzanne Proulx, je suis députée de Sainte-Rose.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Bonjour, je suis Jeannine Richard, la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui, bonjour. Je suis Diane Gadoury-Hamelin, députée du comté de Masson.

Le Président (M. Bergman) : Et, M. le député d'Argenteuil, votre nom et votre titre.

M. Richer : Oui, bonjour. Je suis Roland Richer, député de la circonscription d'Argenteuil.

Le Président (M. Bergman) : Merci beaucoup. Sur le côté de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Alors, Stéphanie Vallée, députée de Gatineau, porte-parole de l'opposition en matière de services sociaux, d'adoption et de protection de la jeunesse.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Yves Bolduc, député de Jean-Talon.

Mme Blais : Marguerite Blais, députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Le Président (M. Bergman) : Alors, bienvenue à nos invités. Mme Vézina, M. Lavigne, Mme Leduc, on vous souhaite la bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. S'il vous plaît, nous donner vos noms et vos titres et commencer de faire votre présentation pour les prochaines 15 minutes.

Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)

M. Lavigne (Richard) : Bien, merci, M. le Président. Donc, je vais commencer par le minoritaire de la gang. Richard Lavigne, je suis le directeur de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Et je vais permettre à la personne à ma gauche de se présenter.

Mme Vézina (Véronique) : Bonjour. Véronique Vézina, présidente de la COPHAN.

M. Lavigne (Richard) : Et à ma droite.

Mme Leduc (Michèle) : Et Michèle Leduc, responsable du dossier pour la COPHAN.

M. Lavigne (Richard) : Ce qu'on vous propose, M. le Président, c'est que Mme Vézina commence et, après ça, que j'essaie de continuer.

Le Président (M. Bergman) : Alors, le micro, c'est à vous.

• (17 h 40) •

Mme Vézina (Véronique) : Merci, M. le Président. Tout d'abord un bref préambule pour vous présenter la COPHAN. La COPHAN existe depuis maintenant 30 ans. On a pour mission de défendre les droits des personnes qui ont des limitations fonctionnelles au Québec. Nous regroupons 55 organismes provinciaux et régionaux de personnes qui ont différentes limitations, que ce soit motrices, visuelles, auditives, intellectuelles, des problèmes de santé mentale, des troubles envahissants du développement, des problèmes neurologiques ou organiques. Depuis sa création, la COPHAN intervient dans plusieurs domaines, notamment en santé et services sociaux, mais aussi en éducation, en habitation, en transport, en travail et bien sûr sur d'autres dossiers.

Une petite précision en préambule, la COPHAN, je vous le disais, est constituée de 55 membres d'organismes provinciaux et régionaux, et ces membres sont majoritairement constitués de personnes qui ont des limitations fonctionnelles ou de familles, de parents de personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Et le grand nombre de nos organismes sont des représentants de personnes. Il y a quelques organismes qui sont des représentants de familles.

Aussi, on tient à préciser qu'on est membre du Conseil des Canadiens avec déficiences. Par contre, sur la question qui nous préoccupe aujourd'hui, on a des divergences d'opinions, mais, la COPHAN étant une instance québécoise, on représente les intérêts des personnes qui ont des limitations fonctionnelles au Québec et non pas les intérêts des personnes qui ont des limitations fonctionnelles dans l'ensemble du Canada.

Ensuite, rapidement vous faire un préambule sur ce qui nous amène à se prononcer ici puis à vous présenter ici aujourd'hui un mémoire. D'abord, la COPHAN avait tenu, avant qu'il y ait la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, une consultation auprès de ses membres pour avoir leur point de vue sur cette question-là. Lors de cette rencontre-là, il y avait au moins la moitié de nos membres qui étaient présents et il y a eu différentes discussions favorables ou non à cette situation-là, mais il y a quand même des enjeux généraux sur lesquels il y a eu un consensus et qui ont ensuite été acheminés à l'ensemble de nos membres. Donc, la position qu'on présente aujourd'hui est une position associative et non pas une position individuelle. À chaque fois qu'on présente un mémoire — d'ailleurs, c'est le mode de fonctionnement qu'on a — on parle toujours par et pour nos membres et on se base sur leur expertise pour le faire. Dans la présentation qu'on va vous faire, il y a deux enjeux principaux sur lesquels il y a consensus, et c'est ceux-là qu'on va vous présenter.

D'abord, ce qui est important pour nous, dans le cadre de la question qui nous préoccupe, c'est donner aux personnes qui ont des limitations fonctionnelles une réelle liberté de choisir de façon éclairée. Lorsqu'on parle de choisir de façon éclairée, c'est bien sûr de s'assurer que l'information qui leur est transmise est accessible, qu'on respecte leur rythme et leur capacité de choisir et que les services qu'on leur offre, notamment les soins palliatifs, sont aussi accessibles à ces personnes.

L'autre question qui nous préoccupe et sur laquelle il y a consensus, qui devrait primer, je dirais, sur pouvoir mourir dans la dignité, c'est la question de vivre dans la dignité. On doit, tout d'abord, soutenir adéquatement les personnes avec des limitations fonctionnelles afin qu'elles puissent vivre dans la dignité, incluant les soins de fin de vie, et une dignité… et pouvoir mourir dans la dignité, mais on insiste beaucoup sur les services qu'elles doivent recevoir pour d'abord pouvoir vivre dignement. Je laisse M. Lavigne vous expliquer plus clairement nos positions.

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : Merci, M. le Président. Alors, ma présidente est très claire, je pense que la COPHAN a… Je pense que certains d'entre vous nous connaissez déjà, c'est notre leitmotiv, le «pour et par». Alors, on vous dit tout de suite que la COPHAN a fait le choix de la liberté, c'est-à-dire que la COPHAN ne se prononce pas, comme organisme, si on veut ou pas. On considère que c'est un choix de la personne. Alors, vous entendrez des personnes dire qu'elles sont d'accord, d'autres qui ne sont pas d'accord, et nous considérons qu'elles ont le droit.

Ceci dit, la COPHAN promeut l'autonomie, la liberté, le choix, Mme Vézina vous l'a dit. Alors, ce serait difficile pour nous de promouvoir le choix libre, éclairé de quelque chose et, après ça, dire qu'on ne veut pas d'autre chose. C'est là-dessus que nos recommandations que vous avez reçues reposent. On veut s'assurer aussi qu'il n'y ait pas de dérapage, c'est très important. On en parle beaucoup. Nos prédécesseurs de l'AQIS ont illustré un certain inconfort, certains questionnements, et, en gros, on appuie ces questionnements-là. On compte sur nos législateurs pour nous donner toutes les garanties qu'il n'y en aura pas, de dérapage. Il y en aura peut-être un peu de dérapage, mais je crois qu'on est capables, au Québec, de se donner des outils.

Premier outil qu'on souhaite, c'est que la loi, bien sûr… le projet de loi nous propose de référer à un certain nombre d'autres lois. Et peut-être que ça serait bien que, dans la loi, on reprenne ces droits-là, responsabilités, obligations de tout le monde là-dedans, parce que, lorsqu'on est clairs dans une loi, c'est plus facile à suivre. Les Québécois n'ont pas tous la capacité de faire des interactions entre les lois, le Code civil, la charte, la loi sur la santé et services sociaux, d'ailleurs, qui est une petite loi pas trop, trop difficile à comprendre. Alors, je pense que nous, on souhaite que ce soit clairement dit sur quels droits, responsabilités et obligations que ce projet de loi là repose. Et nous, on souhaite que cette loi-là soit adoptée dans le respect du droit de tous de décider pour lui-même.

Et on parle bien de tous. À la COPHAN, on a des groupes qui représentent des familles. Mais les groupes membres de la COPHAN disent que, oui, ce sont des parents, mais — je crois que vous l'avez entendu tantôt — lorsque les personnes sont capables de décider, c'est à elles de décider. On vit dans une famille, oui, mais, lorsqu'on parle de soins, notamment de soins palliatifs et des soins de fin de vie, on pense que ça doit reposer sur les personnes et de leur donner tous les outils dans un format…

Hein, il y a beaucoup d'informations que les gens doivent obtenir, et ces informations-là… Actuellement, c'est un défi, au Québec, d'avoir de l'information simple à comprendre et surtout accessible à tous et à toutes. Je parle de l'accessibilité dans son sens large, en termes de compréhension et en termes d'accès. On a une politique gouvernementale sur l'accès aux documents qui a été adoptée en 2006. Alors, on considère que cette politique-là doit guider le gouvernement et les réseaux concernés, notamment dans ce dossier, pour que tous, on ait accès à l'information. Moi, personnellement, quand j'aurai un choix à faire, j'aimerais ça avoir mes informations que je peux lire moi-même puis, si je ne les comprends pas, bien j'aimerais ça avoir quelqu'un qui est capable de me les expliquer non pas pour m'influencer, mais pour me donner l'information juste.

Pour ce qui est — rapidement — de la question des directives médicales anticipées, je dois vous avouer que ce qu'on comprend, c'est que ça nous semble assez compliqué. Parce que, si on comprend bien, le projet de loi dit qu'on va pouvoir d'avance dire, sur un papier que quelqu'un du réseau va mettre dans un registre, quelles sont les choses, les services qu'on veut en cas de besoin. Moi, je vais vous dire bien franchement, je ne peux pas savoir quels services j'ai besoin parce que je ne le sais pas, ce va qui m'arriver dans deux jours peut-être, dans trois semaines, dans cinq ans. Ce que je sais, par exemple, c'est qu'on pourrait avoir aussi, premièrement, une liste de services, ou de soins, ou de traitements — appelez ça comme vous voulez — que je veux et que je ne veux pas.

Et la question qu'on se demande, c'est : Tant qu'à faire des directives, pourquoi qu'on n'inclut pas dans les directives le droit, pour une personne, de dire qu'elle veut des services de fin de vie? Dans le projet de loi, c'est exclu. Et moi, personnellement, s'il m'arrive… puis d'autres, s'il nous arrive, par exemple, de tomber dans le coma, je ne voudrais pas que ce soit ma conjointe qui décide ce qui se passe avec moi vers la fin et qui soit prise avec une décision. Si je pouvais, moi, dès le départ, dire qu'en cas de... bon, les autres... les critères qui sont édictés dans la loi, si ça m'arrive, bien, d'autoriser par avance le fait que je souhaite bénéficier de ce traitement ultime qui est de me permettre de passer à une étape autre de la vie, parce que partir, ça fait partie de la vie. Donc, pour résumer, donc, on souhaiterait inclure ça dans les directives et aussi d'avoir une possibilité de pouvoir gérer ça d'une façon plus facile.

La mise en oeuvre de la loi, bien, écoutez, si je réfère à mes notes, il y a quand même certains enjeux qui nous... Si vous permettez, là, un petit peu d'accommodements pour moi, s'il vous plaît. Là, je suis rendu à la composition de la commission. Il y a beaucoup d'interlocuteurs qui sont concernés — je n'ai pas la liste par coeur, puis, si je le cherche dans mon mémoire, ça va être trop long — et il faudrait qu'on précise vraiment le rôle, les responsabilités de chacun, que ce soit clair pour tout le monde. Il faudrait aussi vraiment que la population soit informée, parce que, souvent, c'est des problèmes d'information. Je pense que, dans plusieurs dossiers, on se rend compte qu'une personne ou un groupe de personnes mal informées peut prendre de mauvaises décisions. Et, lorsqu'on parle avec des professionnels, bien il faut bien les former et les informer sur leur rôle, leur mandat, leurs responsabilités, et notamment lorsqu'on parle des personnes qui ont une limitation fonctionnelle.

Je vais juste vous donner un exemple. Il nous arrive... en tout cas, moi, il m'arrive régulièrement encore, lorsque je vais m'acheter des vêtements, que le vendeur ne s'adresse pas à moi, mais il s'adresse à la personne qui m'accompagne. Alors, j'imagine que, s'il m'arrive un problème de fin de vie, ça se peut que ça soit la même chose qui arrive, hein? Et je crois que les gens ont un malaise. Et je crois qu'on doit vraiment s'assurer que les gens sont bien informés, sont bien formés sur ce que c'est qu'une personne qui a une limitation fonctionnelle. On est des gens qui… on est capables de décider pour nous-mêmes, on est capables de s'exprimer verbalement et/ou autrement. Mme Blais pourrait très bien nous parler d'autres façons de s'exprimer. Je pense qu'elle peut m'en montrer là-dessus, sur la question des personnes sourdes. Alors, je pense qu'on doit vraiment insister là-dessus.

• (17 h 50) •

Concernant les orientations dont on parle dans la loi, je crois que c'est important qu'il y ait des orientations qui sous-tendent la mise en oeuvre et l'application de tout ça. La seule chose qui nous inquiète, c'est comment et quand seront déterminées ces orientations-là. Nous, comme représentants de beaucoup de personnes qui ont des limitations fonctionnelles, ça nous inquiète, et on souhaite que, lorsqu'il y aura réflexion sur toute la question des orientations, je pense que… En tout cas, moi, je vais parler pour la COPHAN, en tout cas, là. La COPHAN souhaiterait pouvoir participer aux discussions pour aider à préciser les orientations. Parce qu'il y a beaucoup de craintes, je vous dis, chez les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, là-dessus. Nous, on fait de la formation, on leur explique, mais, vous savez, ce n'est pas monolithique, les personnes de notre milieu. Il y a des gens qui sont pour, il y en a qui sont contre, il y en a qui veulent, il y en a qui ne veulent pas. C'est pour ça — je reviens là-dessus — que nous, on ne prend pas cette position... cette décision-là pour les autres.

Concernant la qualité des services palliatifs et des services de soins de fin de vie — parce que c'est de ça dont on parle aujourd'hui — nous recommandons qu'il y ait un processus indépendant qui s'assure de la qualité des services et qui puisse éventuellement faire des rapports. Le projet de loi prévoit la rédaction et le dépôt de rapports, mais cinq ans, ça nous paraît très long. Je pense que, surtout les premières années, ce serait bien qu'il y ait une surveillance, entre parenthèses, de la mise en oeuvre de cette loi-là et je pense que les rapports de mise en oeuvre devraient être rapides, déposés dans des délais prescrits, et non pas le plus tôt possible mais avec des délais prescrits dans la loi et surtout publics, et tout ça. Bon…

La composition de la commission, bien, écoutez, on prend pour acquis que les gens qui vont être là vont savoir de quoi ils parlent, on prend pour acquis que oui. Ce qu'on prend moins pour acquis, et on vous demande, au gouvernement, de songer sérieusement : compte tenu qu'il y a des enjeux particuliers liés aux personnes qui ont des limitations fonctionnelles, on recommande au gouvernement d'ajouter des représentants des groupes de personnes qui ont des limitations fonctionnelles dans la commission parce qu'effectivement je pense qu'on doit partager sur ces enjeux-là parce qu'il y a beaucoup de choses qui se disent, qui se passent à l'extérieur du Québec, en tout cas, on entend tout et son contraire, là, concernant ce qui est réservé aux personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Nous, on pense qu'il y a moyen de gérer la chose, mais on pense que la présence de représentants des personnes qui ont des limitations fonctionnelles à la commission serait un gage de transparence et aussi d'ouverture.

La formation du personnel, ça, on n'en parlera jamais assez. Je vous ai donné quelques exemples tantôt. Alors, nous, on insiste sur l'importance que la population soit bien informée, bien formée, mais surtout les divers intervenants qui travailleront dans ce dossier, notamment sur toute la question des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, de comment ça fonctionne… Souvent, les gens ont tendance à penser que, lorsqu'on a une limitation fonctionnelle, on n'est pas capable de décider, on ne comprend pas. En tout cas, une sensibilisation, une formation à laquelle la COPHAN offre ses services de collaborer pour la mise en place de programmes.

Notre présidente vous a parlé tantôt qu'au-delà de mourir avec dignité ou d'avoir des soins de fin de vie, pour nous, la priorité, c'est la vie en pleine dignité. On va prendre deux minutes pour vous resensibiliser sur l'importance que tout soit mis en place pour que les personnes les plus hypothéquées puissent vivre en toute dignité. Pour nous, il n'est pas question que les soins de fin de vie soient demandés en lien avec l'absence ou l'inadéquation des besoins versus les services rendus, notamment pour les services… les soins palliatifs. Je ne l'ai peut-être pas dit, mais ce qu'on nous rapporte, c'est que, lorsque quelqu'un requiert des services… des soins palliatifs à domicile, imaginez-vous qu'on leur retire souvent leur maintien à domicile. C'est un ou c'est l'autre, hein? Alors, ça, on voudrait que, dans la loi, d'ailleurs, ça soit inscrit que ça soit des soins et des services à domicile. On parle de soins à domicile dans le projet de loi, et le mot «soins», c'est souvent vu comme étant plus au niveau médical, et nous, on souhaiterait que, dans la loi, figure que la personne qui le requiert peut obtenir des soins et des services à domicile dans son processus d'achèvement de vie, de soins palliatifs ou etc.

Alors, on attire votre attention sur cette dimension-là parce que nous, on considère que le Québec fait un choix de respect de la personne, du respect de sa capacité de décider et on pense que, si on fait le maximum pour aider les personnes à avoir des services, notamment de soutien à domicile, d'accompagnement, des services de soutien aux familles, des services dont ils ont besoin pour être autonomes, participer socialement, bien on aura moins de liens à faire avec ce qui se véhicule malheureusement comme rumeurs.

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Lavigne (Richard) : Alors, là-dessus, on aurait terminé. Si notre temps est terminé, on a terminé.

Le Président (M. Bergman) : Ça va. Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Alors, bien le bonjour à vous trois, merci beaucoup de votre précieuse présentation. C'est toujours un plaisir de vous entendre parce que je pense que vous nous ramenez toujours au vrai sens des choses.

En fait, tantôt, j'essayais d'illustrer en disant qu'en ayant les deux chapeaux j'ai un souci constant, que ce n'est pas parce qu'une personne a une limitation, de quelque nature qu'elle soit, physique, intellectuelle, que cette personne-là ne doit pas être considérée au même titre que toute autre personne dans la société et donc au même titre dans le cadre de ce projet de loi là. Mais par ailleurs il faut être conscient qu'il peut y avoir des défis, ou des enjeux, ou des craintes particulières. Et donc il faut y répondre aussi dans le cadre de ce projet de loi là. Donc, c'est ce qui m'anime, et je comprends que c'est ce qui vous anime aussi.

À la fin, vous avez dit : Il ne faut pas laisser place aux rumeurs, ou je… Vous avez terminé avec le mot «rumeurs», mais juste au moment où le président demandait de conclure. Donc, qu'est-ce que vous voulez dire par «rumeurs»?

M. Lavigne (Richard) : M. le Président, mesdames messieurs de la commission, écoutez, tous ceux qui me connaissent savent que je suis direct. On a eu toutes sortes de correspondances qui ont circulé, et nous, à la COPHAN, c'est clair qu'on veut collaborer avec vous autres pour que cette loi-là passe. Cependant, on veut vous sensibiliser une fois encore sur l'importance de ne pas donner flanc à ceux qui disent qu'on préfère faire ça que de développer des services. C'est-u assez direct comme réponse?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Comme ceux qui diraient qu'on fait ça pour économiser de l'argent ou parce que… c'est ça, on ne veut pas…

M. Lavigne (Richard) : Oui. Économiser de l'argent ou que les personnes handicapées valent moins cher que les autres. Je pense…

Mme Hivon : O.K.

M. Lavigne (Richard) : Moi, personnellement, je sais que je ne vaux pas cher, mais je ne suis pas le seul. Puis ce n'est pas parce que je suis aveugle, je vous le garantis. Puis, je vous dis, c'est que, dans d'autres pays, eux, il y a eu des choses qui ont été dites, il y a eu d'autres choses qui ont été dites aussi, alors il faut faire attention lorsqu'on ramène des soi-disant études. Moi, là, je n'ai pas de maîtrise ni de doctorat en éthique ni en droit. Je vous le dis, là, je représente des personnes qui vivent. J'ai beaucoup de respect pour les experts, mais j'ai beaucoup plus de respect pour les individus qui vivent et je crois que les experts sont là pour nous aider et non pas pour nous manipuler.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Bon. O.K. Alors, c'est clair. Bien, je veux vous dire que je pense qu'il faut travailler sur tous les fronts en même temps, et moi, je suis convaincue qu'on peut le faire. Est-ce que ça pose des défis? Oui. Est-ce que ça pose de grands défis? Oui. Mais est-ce qu'on est capables de relever des grands défis? Je pense que oui, surtout quand on travaille ensemble.

Et, dans le cadre du projet de loi sur les soins de fin de vie, on a un grand défi qui est celui d'améliorer les soins de fin de vie, de les rendre encore plus disponibles, de meilleure qualité, de voir comment on peut maximiser, je dirais, l'offre en ayant une meilleure organisation des services. On regarde ça très, très attentivement. Il y a tout un chantier, comme je le répète tout le temps, au ministère sur ça. Mais je suis convaincue aussi que ça ne fait pas… que tout ce travail-là doit évacuer les situations qui sont plus difficiles, où on a besoin de soins plus exceptionnels pour répondre aux souffrances de personnes en fin de vie qui sont de nature tout à fait exceptionnelle.

Et est-ce qu'il faut travailler… Ça me faire rire parce que, quand on avait déposé le rapport de la commission, j'avais fait une entrevue avec Jean-Luc Mongrain, on avait fait une belle entrevue, puis, à la fin, il avait dit : O.K., et maintenant vivre dans la dignité. Alors là, j'avais dit : Vaste chantier. Donc, on va s'attaquer à celui-là. Mais je pense surtout que vivre dans la dignité, c'est un chantier auquel il faut s'attaquer à chaque jour, en constance. Ce n'est pas une question d'un projet de loi, c'est une question de travail continu. Et je peux vous dire que, comme ministre déléguée aux Services sociaux, c'est un travail de tous les jours qui n'est pas toujours facile mais qui est un travail très important.

• (18 heures) •

Alors, quand on me dit qu'on peut marcher et mâcher de la gomme en même temps, moi, c'est ce qui m'habite dans mon travail, c'est d'améliorer au quotidien, et jamais qu'il faut baisser les bras pour améliorer, comme vous le faites aussi avec l'ensemble de votre regroupement, la qualité de vie des personnes qui ont une situation, donc, de limitation ou de handicap. Mais je pense que ça ne nous empêche pas non plus d'avancer sur d'autres fronts. Il faut essayer de mener ça le mieux possible ensemble.

Je vous entends bien. Puis je dois vous dire que c'est un souci que j'ai parce que, depuis que j'ai la chance d'occuper ces fonctions-là, il y a plusieurs personnes… Je veux dire, je vous entends bien sur la question aussi de l'accès aux soins palliatifs pour les personnes, par exemple, handicapées ou qui ont une limitation et du fait que c'est comme si, là, si vous êtes aux soins palliatifs, votre réalité propre d'avant les soins palliatifs ne serait plus dans le décor. Donc, je comprends très bien ce que vous voulez dire

D'autres personnes nous disent aussi à quel point, pour certaines personnes qui ont une déficience, c'est difficile de voir reconnaître leurs souffrances ou leur situation, à quel point il y a des défis, je dirais, de diagnostic, surtout quand les gens ont une limitation pour s'exprimer, ou tout ça, et que souvent ça va avoir un impact pour le moment où on va diagnostiquer certaines choses parce qu'on va penser tout de suite : Ah bien, c'est lié à sa déficience, ou elle est inconfortable parce que c'est une personne qui a une déficience, ou tout ça. Donc, je pense qu'il faut être très vigilant aussi par rapport à ça. Donc, je reçois très bien votre message.

Par rapport, je dirais, aux éléments plus précis sur lesquels vous vous penchez, notamment la nécessité d'expliquer, d'outiller davantage, que toute l'information soit plus accessible, y compris pour les personnes qui peuvent avoir une limitation, je pense que c'est un message aussi qui est très important. On a l'objectif et… pas juste l'objectif, on va le faire, mais de donner de l'information beaucoup… très vulgarisée, donc une trousse d'information pour les personnes qui vont se retrouver en fin de vie, qui va être la plus accessible possible, qui va sensibiliser à la fois les personnes en fin de vie pour savoir ce qui s'en vient puis ce qui est disponible, mais aussi les soignants qui vont devoir remettre cette trousse-là et qui vont peut-être aussi engager un dialogue à la lumière de ça.

Tantôt, vous disiez : Je voudrais être capable, si j'étais dans une situation de coma, d'avoir prévu de manière anticipée, mais comment savoir, comment prévoir de manière anticipée ce que je voudrais ou… je ne saurai pas nécessairement ce dont j'ai besoin. C'est évident qu'on ne peut pas anticiper tout ce qui peut nous arriver, mais la réalité ou la volonté des directives médicales anticipées, c'est de venir dire le type de soins qu'on souhaiterait avoir ou non. Exemple, si je suis dans telle situation en fin de vie, est-ce que je veux encore qu'on me donne des antibiotiques? Si j'arrive à l'urgence dans telle situation, est-ce que je voudrais qu'on me réanime? Si je suis en fin de vie, que je n'ai plus aucune conscience, est-ce que je voudrais qu'un proche demande une sédation palliative continue si je souffre? Donc, des éléments comme ça. Évidemment, on ne peut pas tout prévoir, mais c'est l'objectif des directives médicales anticipées.

Là, je veux vous amener… Parce que vous avez dit : Moi, si j'étais dans un coma… Je voudrais être capable, peut-être, de dire à l'avance : Si je suis dans cette situation-là, je voudrais pouvoir recevoir une aide médicale à mourir — exemple — pas nécessairement vous, mais une personne. En ce moment, dans le projet de loi, on exclut la possibilité de demander de manière anticipée une aide médicale à mourir. Vous pouvez prévoir les soins que vous voudriez ou que vous ne voudriez pas, mais, vu, je dirais, la sensibilité autour de l'aide médicale à mourir et toute la prudence qu'on veut y mettre, c'est quelque chose qu'on a exclu d'une demande anticipée. Est-ce que, comme d'autres qui sont venus ici, vous pensez qu'il faudrait le prévoir?

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : Bien oui, M. le Président, Mme la ministre, nous, à la COPHAN, on considère que ça fait partie des choix, oui. La réponse est aussi simple que oui parce que justement on considère que, de faire cette chose-là pour quelqu'un qui… Il y a moyen de vérifier auprès des proches si c'est bel et bien vrai ce qu'il voulait. Tu sais, je ne dis pas qu'on fait ça juste avec un papier, mais c'est de ne pas donner le fardeau à un proche de prendre les décisions.

Moi, dans ma vie personnelle, j'ai… On a discuté de ce genre de question là, puis beaucoup d'entre nous… Je pense qu'à un moment donné on doit pouvoir le faire. Je ne connais pas les enjeux légaux, en tout cas, ou tout ça, mais nous, on vous dit qu'effectivement, si on pouvait évaluer… En tout cas, nous, on souhaiterait que ce picot-là soit dans la liste, vous savez, le petit picot, «soins de fin de vie», là, après… Comment qu'ils ont appelé ça? Sédation… Vous me pardonnerez, les termes médicaux, là… Sédation palliative terminale. C'est que, lorsqu'on a parlé avec M. Ménard, je lui expliquais : Comme ça, dans le fond, j'ai le droit qu'on arrête de me nourrir, mais je n'ai pas le droit de me donner la dernière petite shot pour m'en aller. Tu sais, c'est comme quelque chose qu'on… Il y a juste une… On comprend que le gouvernement puis l'Assemblée nationale peut-être hésitent, mais nous, on considère que ça devrait être évalué, de permettre ça. On se rappelle que c'est le choix de la personne, là — je ne sais pas si on nous enregistre, là — il ne s'agit pas de promouvoir la mort, il s'agit de promouvoir le choix de la personne.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Vézina, M. Lavigne, Mme Leduc. C'est un plaisir d'avoir votre voix qui s'ajoute à celles de tous les organismes qui viennent devant la commission. On comprend bien, là, votre philosophie, la philosophie qui vous a animés lors de la préparation de votre mémoire. C'est-à-dire, pour vous, la liberté de choix prime avant toute chose, c'est-à-dire : Moi, je n'imposerai pas mes valeurs à l'autre, je vais respecter l'autre dans ses valeurs et je m'attends à ce que l'autre me respecte également dans mes valeurs et dans mes choix, mes choix de vie.

Pour revenir à l'échange que vous aviez avec la ministre, juste avant que le président mette fin à cet échange-là, sur la question des directives médicales anticipées, vous dites : Moi, j'aimerais pouvoir consigner à l'intérieur des directives médicales anticipées ce que je souhaite obtenir comme soins de fin de vie advenant un certain nombre de situations qui pourraient se présenter. Par contre, ce qui arrive… Puis, je pense, c'est que, dans le projet de loi pour l'aide médicale à mourir, on prévoit que la personne qui fait la demande peut toujours changer d'idée. On prévoit que le consentement peut toujours être retiré à la dernière minute, et tout ça.

Comment on pourrait s'assurer qu'une directive médicale anticipée donnée, par exemple, le 2 octobre 2013, corresponde toujours à ce que vous voulez le 2 octobre 2020, disons? Parce qu'on le sait parfois les gens négligent un petit peu ces trucs-là, puis on ne met pas nécessairement à jour nos documents. Est-ce qu'on peut s'assurer que le consentement donné face à un soin très précis et terminal sera toujours valide? Est-ce qu'il ne faudrait pas avoir certaines balises autour de ça? Parce qu'il faut vraiment s'assurer… puis c'est ce que je comprends du projet de loi, là, c'est qu'on veut vraiment s'assurer que le soin qu'on s'apprête à accorder corresponde toujours à l'intention de la personne qui en fait la demande.

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : Oui, vous avez raison, il faut que… Et c'est prévu dans le projet de loi qu'on peut changer d'idée. Et j'espère qu'on peut changer d'idée parce que le libre choix fait partie de changer de choix aussi. Et effectivement on s'est posé la question… on se pose la question, en même temps, en disant : Si, par ailleurs, il m'arrive un événement qui… dans mon certificat, c'est écrit que j'autorise les soins palliatifs terminaux — c'est ça? — bien, si ça arrive, le consentement, je ne pourrai pas peut-être l'avoir plus, là. Je ne le sais pas, là. Si je suis dans le coma… Admettons que je tombe dans le coma puis je marque : Je veux les soins palliatifs terminaux ou je veux les services de soins de vie, je comprends que c'est presque la même chose, c'est juste un autre chemin pour y arriver. C'est notre compréhension.

Mais effectivement c'est pour ça qu'on dit : Il faudrait que vous regardiez ça, la possibilité de le faire. Et la gestion du consentement, c'est la première chose. Mais, de toute façon, quand la personne ne peut plus gérer son consentement dans un processus x, que ça soit pour un traitement ou un autre, la possibilité de vérifier demeure inexistante dans les deux cas. Alors, si moi, je fais le choix, pendant que je me porte bien, de dire : Advenant le cas que tatati, tatata… il y a moyen, je pense, aussi de se prémunir de ça.

Ce qui est très important dans les directives médicales, puis ça, j'espère qu'on va vraiment porter une attention particulière, c'est d'éviter des dérapages, que quelqu'un pourrait influencer quelqu'un pour qu'il signe un document. Et ça, des vérifications, il n'y en aura jamais trop. Et, pour l'aptitude à consentir, il y a moyen de s'assurer que la personne est bien consciente de ce qu'elle signe. Et, comme on disait, même quand on a des limitations fonctionnelles importantes ou assez importantes, notre jugement, il n'est pas toujours affecté. Dans certains cas, oui, mais dans d'autres cas non.

Alors, je ne sais pas c'est quoi, la recette, mais nous, on considérait de vous proposer de songer à aller… tant qu'à respecter le consentement, bien peut-être d'aller regarder si on ne pourrait pas ajouter ce traitement-là, ce soin-là qui est de permettre à la personne de passer outre, de passer l'arme à gauche — je ne sais pas trop comment le dire — de passer à une autre étape.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Est-ce qu'il pourrait y avoir une date de péremption? Je ne sais pas, parce que… Est-ce qu'on pourrait… Pour éviter la situation… En fait, ma question, c'était… Il peut y avoir, au cours de notre vie, des éléments qui se présentent et qui font qu'on change d'idée. Et là où je voulais avoir votre point de vue, c'est qu'aujourd'hui… Mettons qu'aujourd'hui vous allez faire vos directives médicales anticipées et vous dites : Si j'arrive à l'hôpital dans un coma profond à la suite d'un accident et puis, je ne sais pas, je suis dans un état végétatif, je souhaite, par exemple, qu'on m'administre la sédation palliative terminale, par exemple. Ça, c'est aujourd'hui, en 2013. Il peut y avoir des avancées médicales. Vous pouvez arriver dans cet état-là 10 ans plus tard, puis comment on peut s'assurer que la directive médicale anticipée que vous aviez donnée il y a 10 ans correspond toujours à votre volonté? C'est là la difficulté, je pense, c'est de s'assurer… Est-ce qu'à ce moment-là on ne devrait pas s'assurer que les directives médicales anticipées aient été données à l'intérieur d'un délai x, soient quand même relativement récentes?

• (18 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : Vous posez la question, puis là je réfléchis en même temps que vous parlez. Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée. Écoutez, effectivement, s'il y a des progrès scientifiques puis que moi, je ne le sais pas, bien, peut-être que, si je le savais, je ferais d'autres choix, vous avez raison. Mais c'est parce qu'avec des «si», on peut aller loin, puis, à un moment donné, je pense que la personne doit aussi… Peut-être qu'il faudrait voir dans la loi s'il n'y aurait pas effectivement quelqu'un qui a signé un… en tout cas, les directives voilà 28 ans. Il faudrait peut-être, de temps en temps, que quelqu'un… Peut-être que le système pourrait lui envoyer une lettre de temps en temps : Est-ce que vous êtes encore sûr? En tout cas, je ne sais pas, là.

Mais vous avez raison. Mais ça s'applique aux soins pour mourir puis ça s'applique au reste aussi parce qu'il s'ajoute des traitements aussi. Dans 15 ans, il y aura peut-être des traitements x, y, z qui pourraient se rajouter dans la liste des services et des soins qu'on voudrait avoir. Effectivement, je pense que tout évolue puis ça aussi. Ce n'est pas prévu, mais j'imagine que le législateur pourrait voir… Parce que, si quelqu'un oublie, là, de refaire son petit papier, ça peut aller à l'inverse aussi, hein? Ça peut aller à l'inverse. Alors, peut-être qu'il pourrait y avoir une espèce de délai ou de… Je ne sais pas.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Pour revenir à votre demande à ce que l'information soit accessible et compréhensible, nous, on s'est beaucoup attardés, au cours des dernières semaines, sur l'importance de définir clairement les termes utilisés dans la loi pour que tout le monde comprenne très bien de quoi il s'agit. Est-ce que, pour vous… Je comprends que vous ne prenez pas position en faveur, en défaveur parce que c'est vraiment une question de choix personnel. Mais est-ce que vous trouvez que les termes utilisés devraient être définis de façon claire, de sorte que quelqu'un sache très bien, clairement que l'aide médicale à mourir, ce n'est pas un soin palliatif, c'est une euthanasie… bien, l'équivalent de l'euthanasie ou les définitions prévues dans les documents de consultation de la commission spéciale ou même dans le rapport de la commission spéciale… On a parlé de la sédation palliative terminale. C'est des termes qui, bien, pour les experts, sont clairs, mais, pour M. puis Mme Tout-le-monde, ce n'est pas toujours très clair. Parce que, justement, vous dites que vous êtes la voix de M. puis Mme Tout-le-monde et de vos membres, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Est-ce qu'il serait important justement que les citoyens se retrouvent plus facilement dans ce jargon-là?

M. Lavigne (Richard) : Très important…

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : Oui, très important — M. le Président, je m'excuse, j'ai parlé trop vite — très important que ça soit le plus clair… Ça ne sera jamais assez clair, les termes. Et il faut les expliquer parce que souvent il y a des mots qui sont associés à des affaires qui ne sont pas tout à fait vraies aussi, là, hein? Je n'en nommerai pas, là, mais des fois on fait dire des significations à des mots. Alors, peut-être qu'on pourrait…

Puis, en parlant de langage simple, le langage simple, c'est bon pour tout le monde. Le langage compliqué, il n'y a quasiment personne qui comprend ça. Ça fait que, si on est simple, on est sûr qu'on est compris. Des phrases courtes, des affaires… Vous savez, il y a beaucoup d'analphabètes au Québec aussi, là. Il n'y a pas juste des personnes qui ont des difficultés à comprendre en termes cognitifs, ou tout ça, il y a des gens qui ont de la misère à lire. Les gens qui n'ont pas beaucoup d'instruction, puis même ceux qui ont de l'instruction, des fois, ils ne comprennent pas tout ou ils comprennent différemment. Alors, je pense que c'est important qu'on fasse un devoir d'éducation populaire.

Et tantôt Mme la ministre parlait de ça, et je vous dirais que l'information pertinente doit être toujours disponible à tout le monde pour préparer nos choix, pas juste quand ça arrive. Tu sais, moi, j'aimerais ça, l'avoir, le kit du décideur avant que je sois obligé de l'avoir. Je pourrais y penser, tu sais. Mais, si je pouvais l'avoir en braille, ça serait pas pire, mais ça, bon, ça, c'est une autre histoire. Mais, quand qu'on parle d'accessibilité, c'est pour tout le monde. Puis il ne faut pas penser qu'il y a juste les sites Internet. Parce que ça, on s'en vient pas mal Internet, là. Les gens ne vont pas tous sur Internet. Il y a des campagnes d'information, on entend toutes sortes de publicités à la télé, on pourrait entendre de l'information sur ça aussi. Parce que je pense que le gouvernement a les outils pour bien faire comprendre les choses. Mais on n'est jamais trop clair. Ça, c'est…

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Pour le dernier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup. Alors, peut-être juste pour les directives médicales anticipées… Moi, je dois vous dire, avant ça, que j'aime beaucoup vous entendre parce que je pense que vous êtes un peu la voix du gros bon sens. Et on écoute tous les avis, on est réceptifs à tout, et puis on entend… Il faut, de temps en temps, se ramener aux citoyens, aux citoyens… dans toute la complexité de la vie aussi de certains citoyens, donc plusieurs des personnes et associations que vous représentez. Puis il faut aussi entendre ce que les soignants ont à nous dire parce qu'ils sont impliqués là-dedans, c'est certain. Mais il ne faut pas perdre de vue, donc, je dirais, les considérations très concrètes des gens qui se projettent dans leur fin de vie, dont le besoin d'information. Puis ça, je veux vous le dire, c'est un grand souci puis une grande préoccupation pour nous que les gens soient outillés, autant pour savoir, en fin de vie, ce qui s'en vient — c'est quoi, mes options, puis tout ça — que de sensibiliser les gens à l'importance de faire des directives médicales anticipées pour qu'ils s'assurent davantage d'avoir des soins, à la fin de leur vie, conformes à ce qu'ils veulent vraiment.

Et, pour ce qui est de la question : Est-ce qu'il devrait y avoir un délai, et tout ça?, évidemment, on s'est posé ces questions-là, et le défi, c'est de dire… En Belgique, ils ont dit qu'eux ils ont mis un délai et ils trouvent que c'est très restrictif parce que, si vous les faites à 80 ans, est-ce que vous devez les renouveler à 82 ans, à 84 ans, à 86 ans quand votre situation ne change pas tant que ça? On se comprend qu'entre 25 ans, 50 ans, 75 ans ça peut changer. Mais, nous, l'idée qu'on a — je vous partage ça — c'est de vraiment valoriser les directives médicales anticipées et de rappeler aux gens, peut-être lors du renouvellement de leur carte d'assurance maladie ou quelque chose comme ça : Avez-vous fait… vous devriez en faire et, si vous en avez fait, est-ce qu'elles sont toujours à jour et conformes à vos volontés? C'est ce genre d'éléments là qu'on regarde.

Moi, je veux vous entendre sur une réalité plus technique. On prévoit, à un endroit, notamment pour l'aide médicale à mourir, qu'il doit y avoir un consentement écrit. Donc, c'est-à-dire que la personne qui demanderait une aide médicale à mourir doit signer un formulaire, qui serait déjà existant, là, pour accroître le formalisme. On est conscients qu'il y a des gens qui ne peuvent pas signer, ils ont des limitations fonctionnelles qui font en sorte qu'ils ne peuvent pas signer, par exemple. Il y a déjà des réalités qui existent, où on demande un consentement écrit, dans la vie, là, en termes de soins, ça existe déjà, comme par exemple pour les soins qui ne sont pas requis par l'état de santé, par exemple, pour l'aliénation d'une partie du corps, un don d'organe. Il y a des réalités comme ça. Est-ce que, pour vous… Ce qu'on prévoit alors, c'est que ça peut être un tiers qui signe pour la personne. Je ne sais pas si vous pouvez nous éclairer, comment ça fonctionne dans la vie de tous les jours. Parce que je sais que notre président, qui est notaire, a notamment une préoccupation par rapport à ça. Puis plus c'est important, ce qu'on demande, plus cette exigence-là, on veut s'assurer de bien la remplir. Donc, à quoi ça peut ressembler dans le quotidien?

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : Oui. Puis, c'est très important, le consentement peut s'exprimer par une signature, mais par aussi un constat de consentement obtenu autrement. Moi, j'adore ma famille, mais je ne voudrais pas que ma famille signe à ma place sans s'assurer que je suis bien au courant qui signe, là. Je dis «ma famille», mais n'importe qui, hein? Je veux dire, il faudrait…

Écoutez, je n'ai pas la réponse, là. C'est un souci qu'on a. Je pense qu'il y a d'autres... Il y a la signature, mais il y a aussi la confirmation par… Tu sais, on parle de deux médecins, mais on pourrait peut-être voir, dans certains cas où quelqu'un ne peut pas consigner par écrit quelque chose, d'avoir une troisième personne puis que… Puis quelqu'un qui ne peut pas signer un acte notarié… Il y a, si je me souviens bien, une réforme qui a été suggérée dans le Code civil — il faudrait s'y référer — pour s'assurer que le consentement exprimé par la personne comme elle le peut soit consigné par quelqu'un qui garantit le respect. Et le meilleur moyen de garantir le respect de quelque chose... de la volonté de quelqu'un, c'est de ne pas être en conflit d'intérêts avec cette personne-là d'aucune façon. Il faudrait trouver des alternatives.

La seule chose que je voudrais dire ici, c'est qu'il ne faudrait pas, sous le prétexte que quelqu'un, soi-disant, ne peut pas signer, qu'on demande à ses proches de décider à sa place. Les proches ont un rôle à jouer, mais le projet de loi parle bien de la personne qui doit elle-même consentir. Il faut faire attention de ne pas défaire un petit peu ce qu'on essaie de faire de l'autre côté.

• (18 h 20) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Effectivement, c'est très important. Mais peut-être juste vous dire qu'à l'article 26 ce qu'on prévoit… Évidemment, ça ne remplace jamais la demande de la personne, donc la demande doit être faite par la personne, verbalisée, répétée, tous les critères. Mais, pour cette embûche-là, je dirais, qui est plus technique, là, ce qui est prévu, c'est que c'est un tiers qui peut signer mais en présence de la personne qui fait la demande évidemment, qui a verbalisé la demande, qui a répondu à tous les critères d'un professionnel de la santé. Donc, c'est ça, en ce moment, qui est mis de l'avant.

Ça n'a rien à voir avec le fait de dire : une tierce personne pourrait consentir au nom d'une personne inapte, par exemple, qui ne l'aurait pas demandé. Ça n'a rien à voir. On garde tous nos critères d'aptitude, là. C'est vraiment juste une personne qui serait dans l'incapacité physique, motrice de le faire. C'est ce qui est prévu pour l'instant. Un tiers qui ne fait pas partie, donc, de l'équipe soignante de la personne, qui n'a comme pas d'intérêt dans, je dirais, la dispensation de soins pourrait signer le formulaire en présence de la personne qui fait la demande de manière répétée, verbalement, puis tout ça. Est-ce que ça, ça peut vous apparaître adéquat?

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : C'est juste qu'il faut le gérer, s'assurer que c'est vraiment la personne qui décide. Moi, je ne me rappelais plus de ce petit bout d'article là, mais, rendu là, bien il faudrait voir à ce que les professionnels autour s'assurent que c'est bel et bien le cas qu'on respecte… Mais, comme vous dites, il n'y a pas juste une personne dans le bureau, là, il y a… et ça commence à faire un peu de monde. J'imagine qu'à un moment donné il n'y a pas de complot, là. À un moment donné, c'est ça, là. Parce qu'on a déjà parlé de… J'ai déjà vu, dans des courriels, qu'il y a des gens qui criaient au complot contre les personnes handicapées, là. Il ne faut pas aller là non plus. On ne peut pas avoir des bretelles, puis une ceinture, puis une autre ceinture. À un moment donné, il faut quand même faire confiance à la loi. Alors, effectivement, il faut juste s'assurer que le tiers en question respecte bien la personne. Puis il y a d'autres moyens. Même quelqu'un qui ne peut pas s'exprimer verbalement, je vous garantis, M. le Président, d'une façon ou d'une autre, il peut vous dire s'il est content ou pas.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Avant de céder la parole à ma collègue de Sainte-Rose, je veux juste vous dire… On n'a pas le temps d'aborder tous les points, là, mais j'ai pris note et je reçois avec beaucoup d'ouverture plusieurs de vos commentaires. Puis juste vous dire que, pour ce qui est de la question des droits, de la reconnaissance des droits, de ne pas exclure des droits, ça va de soi. Puis, quand évidemment on fait une loi comme celle-là, on réaffirme ou on met de l'avant certains principes qui nous apparaissent particulièrement importants en lien avec la fin de vie, mais tout ça se lie en conjonction avec l'ensemble du corpus législatif, des chartes, évidemment, et des droits, donc, des personnes handicapées. Il n'y a rien là-dedans qui peut venir limiter quoi que ce soit d'autre, et tout ça doit être lu, je dirais, dans un ensemble.

Évidemment, dans le meilleur des mondes, on ferait une loi sur les soins de fin de vie et les personnes handicapées pour que tout ça soit dans un tout. On pourrait faire plein de petites lois qui pourraient simplifier la lecture. Mais la législation étant ce qu'elle est, il faut essayer d'avoir les outils les plus clairs. Je suis tout à fait d'accord avec ça. Mais on ne peut pas faire l'économie ou, je dirais, redoubler à chaque fois et remettre tous les principes qui se trouvent dans la LSSSS, ou qui se trouvent dans les chartes, ou qui se trouvent dans le Code civil dans notre loi. Donc, je voulais juste vous dire…

M. Lavigne (Richard) : M. le Président?

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : Est-ce que je peux réagir?

Le Président (M. Bergman) : Certainement.

M. Lavigne (Richard) : Je voudrais dire à Mme la ministre qu'on rêve, nous, à la COPHAN, qu'il n'y aurait plus de loi pour les personnes handicapées au Québec. On rêve du jour où toutes les lois vont nous inclure. Je ne sais pas si on va réussir avant ma fin de vie, mais on rêve du… On rêve justement que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, ça soit tellement acquis pour tout le monde qu'on n'ait plus besoin de loi particulière. Mais ça, c'est un petit aparté, comme ça, à la ministre responsable de la loi sur un exercice des droits des personnes handicapées.

Mme Hivon : Ça me ferait une loi de moins à gérer.

M. Lavigne (Richard) : Oui, c'est ça.

Mme Hivon : Donc, je reçois ça avec ouverture. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste 2 min 30 s.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Lavigne, Mme Vézina, Mme Leduc. Je voulais vous reparler, M. Lavigne, parce que vous avez mentionné un intérêt pour ce qui est de la formation. Et vous n'êtes pas le premier groupe à nous signifier un intérêt pour la formation des professionnels de la santé. Et vous mentionnez dans votre mémoire, notamment à ce sujet-là, que présentement les divers professionnels de la santé et les médecins sont formés aux niveaux technique et scientifique, mais que vous souhaiteriez, compte tenu de la place prépondérante et du pouvoir, hein, que cette nouvelle loi pourrait leur conférer, vous souhaiteriez vraiment que ces personnes-là soient préparées et qu'elles devraient recevoir une meilleure formation, notamment sur l'accompagnement des patients en soins de vie et leurs proches, c'est un des éléments que vous mentionnez. Et vous proposez aussi d'être partie prenante de l'élaboration d'un contenu de formation. J'aimerais ça vous entendre de manière un peu plus détaillée. Pourquoi cet aspect-là de formation des équipes soignantes sur les soins palliatifs et l'accompagnement des patients vous semble si important?

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : Bien, écoutez, on a tous, comme citoyens — et ça, j'imagine que je ne vous apprends rien — on a tous des préjugés, des façons de penser, des opinions sur toutes sortes de choses. Et, au moment où on se parle, je vous l'ai dit tantôt lors d'une autre question, je vous l'ai dit, M. le Président, que, lorsqu'on veut s'acheter des vêtements, les gens ont le réflexe encore trop souvent de s'adresser à d'autres personnes qu'à nous. Lorsque je m'adresse à quelqu'un d'autre qu'à celui à qui je parle, je ne m'en rends pas compte, mais je ne lui donne pas beaucoup de crédibilité. Je ne m'en rends pas compte, là, mais c'est ça quand même. Je vous dis ce que les personnes ressentent.

Alors, lorsqu'on arrive dans ce genre… Lorsqu'on parle de formation du personnel, là, M. le Président… On parle de ça à peu près à toutes les fois qu'on vient ici parce qu'il y a une méconnaissance du potentiel des personnes. Alors, qu'on soit médecin ou autre, on a tous, dans notre bagage, notre vécu, notre façon de voir la vie, les choses et les personnes. On n'est pas en train de dire que les gens du réseau de la santé et des services sociaux, ils ont plus besoin de formation que les autres, c'est que la formation dont ils ont besoin, compte tenu de leur rôle, est beaucoup plus importante. On parle de soins de fin de vie puis de soins palliatifs, là, on ne parle pas d'aller chercher un hamburger à la cafétéria, là. Alors, on se dit, c'est beaucoup plus fondamental. Et la COPHAN, nous, notre leitmotiv, si on peut dire, c'est qu'il n'y a personne de mieux qu'une personne elle-même pour parler à une personne de ce que c'est qu'une personne qui a des limitations fonctionnelles.

Il existe des programmes de formation sur nous, mais c'est souvent sans nous. Alors, ça, nous, on considère que c'est complètement… je ne dirai pas le mot, mais inacceptable — on va le dire comme ça — qu'on vienne former quelqu'un sur les personnes handicapées sans qu'on ait des personnes handicapées qui soient là. Et ça, il faudrait peut-être, à un moment donné, qu'on y pense. Nous ne sommes pas juste des témoins de la situation, on a, dans nos bagages, à nos organismes, la connaissance de donner de la formation de façon à amener les gens justement à poser des questions directement.

Le Président (M. Bergman) : Alors, le temps du bloc du gouvernement s'est écoulé. Mme la députée de Gatineau, pour l'opposition officielle.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. M. Lavigne, j'ai une petite question pour vous. Parce que plusieurs groupes craignent les dérives advenant la mise en application de l'aide médicale à mourir. Est-ce qu'il serait important de prévoir, parmi les conditions qui sont énumérées à l'article 26, les conditions qui donnent ouverture à l'aide médicale à mourir? Est-ce qu'on devrait inclure le caractère imminent de la mort?

Parce qu'actuellement on parle d'une personne qui peut se prévaloir de ça si «elle est atteinte d'une maladie grave et incurable [que] sa situation médicale [est caractérisée] par un déclin avancé et irréversible de ses capacités [puis qu'] elle éprouve des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables». Mais ça, bon, selon certains groupes, c'est interprété différemment. Donc, que pensez-vous d'ajouter ce caractère imminent de la mort aux conditions?

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : Écoutez, c'est quoi, ça, l'imminence? C'est-u cinq minutes, deux heures, trois jours, cinq semaines? À un moment donné, si on commence à mettre des mots, là, il y a quelqu'un qui va décider que ce n'est pas encore assez précis. Je le sais, là, j'en ai entendu, des gens, puis vous allez avoir… je ne nommerai pas personne, mais vous allez en avoir au moins un, un organisme qui va venir vous parler de l'imminence. Bien, «l'imminence», là… On parle de l'imminence de la mort et non pas de d'autres sortes d'imminences, là. Bien, ça commence à être compliqué.

Écoutez, il y en a déjà, des critères que nous, on considère très, très corrects comme ça. Si on en rajoute, bien, écoutez, là, tantôt, l'autre, il va parler… un délai : L'imminence, c'est-à-dire, entre parenthèses, dans les trois prochaines heures? On n'en finira plus. À un moment donné, on dit aux gens : Vous devez consentir. Écoutez, la personne consent, puis là on va dire : Bien, ce n'est pas assez imminent, ça ne compte pas?

En tout cas, moi, j'ai un problème avec ça, je vous le dis, M. le Président, messieurs dames de la commission. Je nous encourage à permettre aux gens de bénéficier de la liberté de choisir s'ils veulent avoir des services pour en finir avec leurs souffrances. L'imminence, ça, c'est quelque chose qui va… On va se ramasser je ne sais pas où pour savoir c'est quoi, l'imminence, après, là.

• (18 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. M. Lavigne, je suis très contente que vous soyez ici. On a parlé tout à l'heure d'un tiers qui pourrait participer à la signature si une personne a des limitations pour pouvoir le faire. Mais vous avez mentionné tout à l'heure la personne sourde. Il y a des sourds qui ont besoin d'interprètes et il y a des sourds aveugles qui ont besoin d'interprètes tactiles. Alors, je pense que dans le projet de loi — puis j'aimerais ça que vous puissiez élaborer — il faut aussi penser à ce qu'il puisse y avoir un interprète, qui serait… un interprète professionnel, formé en LSQ ou en American Sign Language, qui serait capable de pouvoir interpréter les volontés de la personne pour qu'il y ait par la suite une signature, s'il y a un acte notarié, devant le notaire, là.

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : Écoutez, Mme Blais, je pense que vous connaissez très bien le rôle des interprètes, et vous savez que ce sont des professionnels. Lorsqu'on parle d'un tiers, bien, un interprète... s'il y a un notaire ou un témoin, l'interprète, lui, il va dire : Oui, il veut que tu signes. L'interprète pourrait signer si quelqu'un peut confirmer qu'il l'autorise. Moi, je pense que... Nous, à la COPHAN, on fait affaire avec des interprètes régulièrement, puis je ne dis pas que les interprètes sont parfaits, il n'y a rien de parfait, mais les interprètes sont habitués à faire des choses comme ça. Mme Blais, en autant que ce n'est pas un enfant de quatre ans qui devient l'interprète de sa mère, là, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : M. Lavigne, je suis heureuse de vous entendre. C'est parce que, dans la modification du Code civil, à un moment donné, il y a eu une difficulté parce que, pour modifier le testament, au niveau de la Chambre des notaires, il y a eu un imbroglio par rapport aux interprètes en LSQ et American Sign Language. C'est la raison pour laquelle je vous posais la question ici, parce qu'il me semble que c'est extrêmement important et que ça pourrait arriver… ça ne veut pas dire que ça va arriver, mais que ça pourrait arriver. Alors, mieux vaut que le législateur soit immédiatement au courant de la situation pour qu'il y ait peut-être une clause qui prévoit que, si, devant un notaire, il y a cet acte notarié pour une personne sourde ou sourde aveugle avec un interprète, les volontés puissent être considérées parce que l'interprète est professionnel. Je voulais seulement vous entendre le confirmer, là, ici, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Vézina.

Mme Vézina (Véronique) : Pour compléter, je pense que la nécessité d'avoir un interprète professionnel pour le faire doit être non pas seulement offerte, mais obligée. Mais je pense que ça va au-delà de l'interprétation, il y a une aide à la compréhension qui doit y être associée. Je vais vous donner un exemple de quelqu'un qui avait un interprète professionnel lorsqu'il était allé rencontrer un médecin — on l'a ressorti à quelques reprises dans différentes situations — et qui reçoit un résultat positif pour le VIH, et qui sort de là content : C'est beau, mon résultat est positif, parce qu'on lui a interprété directement le résultat, mais il n'en a pas compris les conséquences ou qu'est-ce que ça voulait dire.

Donc, je pense que l'interprète ne doit pas être juste un interprète professionnel qui est capable de bien traduire ce qui a été dit, mais aussi d'aider la compréhension de ce qui est bien dit parce que, quand on est dans des termes médicaux, des fois, ce n'est pas simple pour personne puis ça ne l'est pas plus pour les personnes sourdes. Donc, il faut s'assurer que cette personne-là est aussi en mesure d'aider à comprendre le message qu'on est en train de lui transmettre.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Merci d'être ici, c'est très, très intéressant. La directive médicale anticipée, on l'a abordée, les gens trouvent que c'est comme une solution à beaucoup de problèmes, mais je vais vous exposer deux, trois problématiques avec ça.

Premièrement, lorsque la personne la rédige, elle ne peut pas prévoir toutes les situations. Et, une des problématiques, lorsqu'il arrive une situation qui est différente, elle n'est pas en état de décider, mais les autres qui ont à gérer la directive médicale anticipée ont à prendre une décision. Puis, quand moi, j'ai fait ma formation en éthique à l'Université du Québec à Chicoutimi, on en a longuement discuté. Et vous savez que l'ancêtre de la directive médicale anticipée, c'est le testament biologique, qui n'avait pas force de loi et qui n'était pas contraignant.

Le problème, c'est que la famille qui a à gérer ça par la suite — parce qu'on ne peut pas tout prévoir, comme je vous disais, à moins de le rédiger de façon très large et faire confiance à la personne qui va l'interpréter ou la gérer par la suite — elle, elle a à prendre des décisions qui parfois sont très, très difficiles. Et nous autres, on avait évalué, à ce moment-là, que ça se pourrait qu'il y ait des gens qui pouvaient rester avec des séquelles parce qu'ils iraient soit à l'encontre parce que ça n'avait pas de bon sens dans la directive médicale anticipée, ou encore qu'ils sont obligés de respecter la volonté en sachant que ce n'est pas correct.

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : C'est sûr qu'il y a toujours des risques, là. Mais, écoutez, c'est parce qu'à un moment donné il faut se donner un mécanisme. Puis, à partir du moment où j'écris, moi, puis que tout le monde sait que je suis sain d'esprit, qu'advenant telle situation je veux qu'on me donne un soin de fin de vie, bien, là, je veux dire, à un moment donné, il faut quand même lire ce qui est écrit sur la feuille. Ce qui n'est pas écrit sur la feuille, bien, ça, je comprends que, là, ce n'est pas évident, là. Puis c'est pour ça qu'on disait dans notre mémoire que c'est complexe parce qu'on ne pourrait pas prévoir une liste de…

Le formulaire, il va être assez énorme, là, parce qu'il en arrive, des sortes de situations qu'on ne peut pas imaginer. Mais il faudrait se pencher sur une direction à donner. Puis je pense qu'une fois qu'on a compris que monsieur ou madame X a dit : Je ne veux pas ci, je veux ça, je veux ça, je veux ça, on peut établir un peu… — comment qu'on dit ça? — une orientation de la personne. Si ça dit «je ne veux pas qu'on me nourrisse, je veux qu'on me donne des soins de fin de vie», on comprend un peu vers où elle veut aller, la personne, là. C'est sûr, si la personne se contredit, si j'ai mal a l'oreille gauche, je veux une affaire, si j'ai mal à l'oreille droite, je veux autre affaire, bien, là, là, il y a un problème, là. Mais là on parle de choses majeures.

Mais effectivement il y a toujours un risque. Mais je pense qu'il faut qu'on trouve une façon de respecter le plus possible le choix de la personne. Et le petit risque qu'il y a ne doit pas empêcher le Québec d'avancer. Je pense qu'on est capables de trouver des façons de minimiser les risques. Mais, si on attend d'avoir une loi parfaite, je considère que l'Assemblée nationale devrait fermer ses portes. Il n'y a pas de loi parfaite au Québec. Alors, il faut qu'on avance. Les lois, c'est modifiable. Je pense que, dans les orientations ministérielles, nous, on souhaite que le ministre ou la ministre éventuellement puisse discuter avec des groupes comme nous sur les orientations que ça doit prendre. On peut travailler là-dessus, sur le formulaire en question. Il y a sûrement des gens qui peuvent aider à trouver des formulations simples, mais qui sont les plus complètes possible.

Je n'ai pas la réponse. Je n'ai pas mon postdoc non plus, là, puis je n'en ai pas besoin. Mais, en même temps, je pense qu'on doit trouver des façons d'éviter le dérapage. Et le dérapage, il ne faut pas non plus en parler à tous les cinq minutes, là. Je veux dire, là où ça a été fait, là, ces soins-là, il y a toujours du dérapage, mais il ne faut pas en faire non plus une règle, là. Ce n'est pas si vrai que ça… Il n'y en a pas eu tant que ça, du dérapage, là, selon les informations qu'on a, en tout cas.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Tout à fait d'accord avec vous. La directive médicale anticipée, pour certaines choses, ça peut s'appliquer très bien. Exemple, si vous dites : Si j'arrive en fin de vie puis des gens savent que mon espérance de vie est très courte, je ne veux pas avoir de réanimation cardiaque et je ne veux pas être intubé. Ça, je vous dirais que c'est la partie facile de la directive médicale anticipée. Mais je vais vous donner un exemple avec des gens qui vont peut-être décrire comme directive médicale anticipée : Quelle que soit ma situation, je veux qu'on me donne le maximum de soins avec certaines spécifications. Mais, si vous, vous ne révisez pas vos directives médicales anticipées puis vous arrivez à la fin de votre vie puis vous avez un cancer en phase terminale où les soins deviendraient ce qu'on appelle futiles, bien l'interprétation doit être assez claire pour tout le monde qu'on n'aura pas à donner ces soins-là.

Et c'est cette façon de rédiger les directives médicales anticipées qui va être très, très importante. On va certainement en discuter lorsqu'on va arriver à cet article. Mais le législateur doit penser, de la façon dont il va mettre les directives médicales anticipées dans la loi, d'être capable d'avoir un certain jugement puisque, dans le cas où est-ce qu'il y aura un soin futile que personne ne voudrait donner mais que la personne, par exemple, aurait demandé, est-ce qu'il y a un mécanisme pour dire que ça ne deviendra pas contraignant pour le professionnel?

Le Président (M. Bergman) : M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard) : Oui, M. le Président. Oui, M. le député a raison. Et certains sont venus et vont venir vous dire avec ça que… Hein? Il y en a qui vont se servir de ce qu'on discute là pour dire qu'il ne faut rien faire. Alors, moi, je vous dis : On doit trouver une façon pour permettre aux personnes de faire des choix. Puis on doit trouver une façon aussi pour ne pas, non plus, que ça soit… je ne dirai pas farfelu, parce que ce n'est pas farfelu, mais, à un moment donné, si tu es… si c'est vraiment qu'il n'y a plus rien à faire… Tu as beau dire : Je veux tout, je veux tout, je veux tout, mais, à un moment donné, ça… Il y a comme une limite. Tu sais, c'est le gros bon sens aussi, là. C'est juste qu'il ne faut pas penser que… C'est des cas probablement assez rares.

Puis il faut vous dire que, dans la loi, le ministre doit faire des rapports, là, de tout ça, là. On va faire un suivi, j'imagine… «on» n'étant pas la COPHAN, mais quelqu'un d'autre. On va faire des suivis là-dessus puis on va réajuster. Puis, moi, je pense qu'il faut se… Dans vos discussions… moi, je ne suis pas légiste, mais il y a sûrement un légiste ou quelqu'un qui va être capable de trouver des formulations de manière à éviter le plus possible... Mais quelqu'un qui va venir vous dire qu'il y a un risque de dérapage, là… Bien, je vous le dis, on vous le dit, nous autres aussi. Mais ce n'est pas le risque de dérapage qui doit nous faire agir, c'est le risque de... de respecter la liberté de la personne puis le libre choix.

• (18 h 40) •

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 1 min 30 s.

M. Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président, juste pour clarifier. On ne sera pas contre les directives médicales anticipées, sauf qu'il y a la règle générale puis les cas particuliers qui pourraient s'appliquer. Et les réponses que vous m'avez données sont très, très bonnes, ça peut être revu plus tard. Mais, si on pouvait faire un peu de droit préventif puis voir les problématiques qui pourraient survenir... Parce que, soit, la personne, on ne pourra pas respecter sa volonté, soit qu'il y a quelqu'un qui est un proche que la personne aime qui pourrait être mal pris avec la situation, ou encore des professionnels qui pourraient être appelés à appliquer des directives qui ne peuvent pas être appliquées à cause de la futilité du soin. C'est seulement que la réflexion qu'on va devoir faire. Puis, je suis d'accord avec vous, il ne faut pas s'empêcher d'avancer au Québec en disant qu'il y a toujours un risque. Donc, pour moi, c'est une bonne idée. Parce que, déjà de laisser savoir ce que l'on veut, c'est une bonne idée. Sauf que les gens doivent être conscients qu'on ne peut pas tout prévoir, et ça, il faut le prévoir quand on fait notre directive médicale anticipée.

Le Président (M. Bergman) : Alors, malheureusement, le temps s'est écoulé...

M. Lavigne (Richard) : M. le Président, je voudrais vous remercier et insister. Vous avez entendu et à entendre beaucoup de choses sur la question des personnes qui ont une limitation fonctionnelle. Je nous invite tous, organisations, élus, à garder une chose en tête, c'est qu'individuellement les personnes ont le droit pour elles-mêmes de décider. Il ne faut pas verser dans la démagogie, ni dans un sens ni dans l'autre.

Alors, j'espère que le Parlement, l'Assemblée nationale abordera cette question-là de façon à respecter... d'ailleurs, reconnaître que tous ou à peu près tous, on peut décider qu'on a le droit de choisir, on a le droit d'avoir les outils pour choisir et que le respect de notre choix n'est pas fondé sur le fait qu'on a des préjugés plus favorables ou défavorables aux limitations fonctionnelles. Le droit de la personne va jusque-là. Et je nous invite à faire attention à tout dérapage dans ce qu'on va entendre dans les prochaines semaines.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Mme Vézina, M. Lavigne, Mme Leduc, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous et de partager votre expertise.

Collègues, la commission ajourne ses travaux au jeudi 3 octobre 2013, après les affaires courantes, soit vers 11 heures, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52. Merci, collègues.

(Fin de la séance à 18 h 43)

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