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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Tuesday, November 1, 1988 - Vol. 30 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La sous-commission commence ses travaux. La sous-commission des institutions est réunie ce matin pour procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Harel (Maisonneuve) est remplacée par M. Filion (Taillon) et M. Marcil (Beauharnois) par (Mme Bélanger (Mégantic-Compton).

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Avant de commencer, je vais vous faire part de l'ordre du jour. De dix heures à onze heures, nous recevons l'Association de l'immeuble du Québec et de onze heures à douze heures, la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. Il y aura suspension à midi.

Avant de débuter, j'aimerais rappeler la durée totale de chaque audition qui est de 60 minutes dont 20 minutes pour la présentation du mémoire et 40 minutes pour la période de discussion, c'est-à-dire 20 minutes pour chacun des groupes parlementaires.

Je demanderais au porte-parole de s'identifier et de présenter les personnes qui l'accompagnent.

Association de l'immeuble du Québec

M. McCaffrey (Louis): Mme la Présidente, mesdames, messieurs, membres de la commission, bonjour. Je me présente. Mon nom est Louis McCaffrey. Je suis président de l'Association de l'immeuble du Québec. Je suis accompagné du vice-président directeur général de l'Association, M. Serge Cayer, de notre conseiller juridique, Me Pierre Galardo et du directeur des affaires juridiques et législatives de l'association, Me Robert Nadeau.

Il nous fait plaisir de vous rencontrer ce matin pour vous présenter les vues de l'Association de l'immeuble du Québec relativement à l'avant-projet de loi portant réforme du Code civil du Québec du droit des obligations. Nous vous remercions d'avoir bien voulu accepter de nous entendre. Vous comprendrez que l'association porte une attention constante à tout projet de loi pouvant affecter le domaine immobilier et, en particulier, les activités professionnelles des courtiers et agents immobiliers. Comme chaque année ces derniers participent étroitement à des milliers de transactions immobilières dont la valeur équivaut à plusieurs milliards de dollars et qu'ils sont naturellement très engagés dans leur communauté, il est impératif qu'une association comme la nôtre soit attentive aux changements législatifs qui affectent le marché immobilier et, en conséquence, la population québécoise. Notamment les règlements qui prévalent au niveau des processus de circulation des biens et services. Je laisse la parole au vice-président directeur général de l'association, M. Serge Cayer qui vous présentera brièvement l'association. Par la suite, Me Galardo vous fera part de nos commentaires sur l'avant-projet de loi.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le Président. M. Serge Cayer.

M. Cayer (Serge): Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames et messieurs les députés. L'Association de l'immeuble du Québec est d'abord un organisme à but non lucratif qui regroupe présentement, sur une base volontaire, plus de 12 000 membres au niveau provincial. Ce sont essentiellement 95 % de tous les courtiers et agents immobiliers de la province de Québec qui sont détenteurs d'un permis en vertu de la Loi sur le courtage immobilier adoptée par l'Assemblée nationale, évidemment.

Notre association est impliquée dans plusieurs champs d'activité différents, le plus important, tel que vu par nos membres, est sans aucun doute la discipline des membres puisque, depuis quelques années, les membres de notre association, insatisfaits de l'insuffisance de la réglementation gouvernementale en matière de courtage immobilier, ont confié à l'association l'administration d'un processus disciplinaire ouvert au public, c'est-à-dire que nous recevons à la fois les plaintes provenant des gens du milieu de même que celles provenant du public, ceci sans couverture d'ordre législatif de quelque nature que ce soit.

Du point de vue de l'association c'est le plus efficace moyen, le plus efficace recours en matière de délit professionnel relié au courtage immobilier dans la province.

L'association est aussi chargée de la formation d'une bonne partie des personnes qui aspirent à devenir agents immobiliers au Québec ainsi que du développement de l'accès à une formation de recyclage, de perfectionnement et de spécialisation des connaissances de ses membres. À cette fin, elle a d'ailleurs créé l'an dernier, conjointement avec l'Université du Québec à Montréal, une chaire d'étude immobilière à laquelle elle a consacré un budget de l'ordre de 200 000 $, toujours sur une base volontaire. (10 h 15)

La protection des parties à une opération immobilière réalisée par l'intermédiaire de ses membres étant toujours au coeur des préoccupa-

tions de l'association, celle-ci s'est chargée, depuis une douzaine d'années, d'élaborer divers formulaires dont l'usage est obligatoire pour tous ses membres. Apparaît d'ailleurs au verso de certains de ces formulaires, plus particulièrement du contrat de courtage en vertu duquel un propriétaire confie à un courtier la vente de son immeuble, un sommaire de l'ensemble des obligations imposées aux courtiers et aux agents, soit en vertu de la Loi sur le courtage immobilier et de son règlement d'application et, évidemment, en vertu de notre Code de déontologie dont je parlais tantôt.

Nous avons de plus créé, il y a plus de deux ans, un service des affaires juridiques à l'association qui est chargé de fournir, tant à nos membres qu'au public, le consommateur moyen, une information juridique de qualité dans le domaine du courtage immobilier puisque aucune source d'information juridique n'était disponible de façon aisée.

Enfin, depuis plusieurs années, notre association revendique, je dois le dire, bien malheureusement sans succès jusqu'à maintenant, une refonte intégrale de la Loi sur le courtage immobilier; nous recherchons plus particulièrement une forme d'autoréglementation permettant de faire évoluer le plus rapidement et le plus efficacement possible le contexte réglementaire de la profession et l'autogestion, dans le but d'assurer une protection plus efficace et plus rapide des intérêts du consommateur dans le cadre d'une transaction.

En dernier lieu, il est important de souligner qu'il est de notre intérêt de revoir de façon générale tous les projets de loi qui ont un impact sur le domaine immobilier. Le projet de loi dont il est question aujourd'hui revêt une importance majeure pour nous étant donné que l'ensemble des membres de notre profession sont ceux qui, en vertu des dispositions actuelles du Code civil, sont le plus souvent l'objet d'un contrat de mandat en provenance du public, dont le nombre actuel est évalué à quelque 300 000 à 350 000 mandats annuellement. Sans plus tarder, je demanderai donc à Me Galardo de vous exposer la teneur principale de notre mémoire.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Cayer.

M. Galardo.

M. Galardo (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Dans notre mémoire, nous avons traité premièrement, à la page 3, de l'impact général du projet de loi sur le domaine immobilier en vous référant plus particulièrement au fait que de plus en plus de Québécois sont propriétaires de leur logement et transigent donc avec l'immobilier à un moment donné de leur vie. On note aussi que le prix moyen de la maison unifamiliale au Québec, en 1987, était de 86 000 $, ce qui a évidemment augmenté quelque peu avec l'inflation; d'où l'importance de l'immobilier et de l'application du chapitre des obligations aux agents et courtiers de cette province.

Tantôt, M. Cayer vous a parlé du contrat de mandat. De fait, ce qu'il y a de plus important dans le projet, c'est la correction que veut effectuer le projet au problème de la nature juridique du contrat. Je parle du contrat entre le client consommateur, l'individu et l'agent ou le courtier. Ce contrat a longtemps été nommé mandat. Il était aussi, par une certaine jurisprudence, considéré comme un contrat de louage d'ouvrage. Finalement, certains juristes ont, en dépit, appelé ça un contrat sui generis, donc, un contrat innommé, contrat qui, à toutes fins utiles, ne répond pas aux critères des deux autres contrats, soit le mandat, le louage d'ouvrage.

Dans le projet de loi, en clarifiant l'article 22.02 et la nature juridique du mandat en disant que le mandat constitue le pouvoir donné à quelqu'un de représenter dans l'accomplissement d'un acte juridique, vous nous avez enlevé du domaine du mandat. Nous avons vérifié le projet de loi pour savoir où nous étions maintenant, si nous étions toujours dans ce domaine sui generis ou un domaine déterminé et nous avons constaté que nous étions maintenant dans la section contrat d'oeuvre. De fait, les agents et courtiers de la province n'accomplissent jamais pour autrui un acte juridique. Ce sont des fournisseurs de services. Ce sont des gens qui, à toutes fins utiles, doivent recevoir la clientèle, fournir à cette clientèle les meilleurs outils pour transiger, soit pour acheter, soit pour vendre, et finalement, offrir l'immeuble en vente ou procéder à l'achat d'un immeuble pour un client.

Ce sont toujours les vendeurs, acheteurs, locataires, locateurs, qui accomplissent les actes juridiques. Toujours, aujourd'hui, ce sont ces citoyens qui aux conseils de leur courtier agent, aux suggestions de leur courtier agent, après vérification avec le conseil juridique, conseillers fiscaux, etc., transigent. Le courtier agent n'accomplit aucun acte juridique d'où nous devenons dorénavant comme des fournisseurs de services. Vous avez ça à l'article 2158 de l'avant-projet. Nous fournissons donc des services. On s'appelle des professionnels. On s'oblige à exécuter ou à procurer un service moyennant un prix que le client s'oblige à nous payer.

Non seulement nous acceptons cette qualification de notre contrat du courtage immobilier, mais nous le trouvons contemporain, nous le trouvons acceptable, nous le trouvons plus près de la réalité. Il est grand temps que les tribunaux se rattachent aux notions de mandat ou de louage d'ouvrage pour tenter de qualifier ce que nous appelons et ce que la Loi sur le courtage immobilier appelle le contrat de courtage immobilier. À ce niveau, on n'a pas de commentaires négatifs. Pour nous ce choix est totalement acceptable d'autant plus qu'il permettra un ajustement de la jurisprudence pour faire part un

peu de la réalité.

Maintenant, dans notre mémoire, nous continuons à vous suggérer quelques qualifications ou corrections au chapitre du contrat d'oeuvre. Plus particulièrement à la page 5, nous vous suggérons, fort respectueusement, de corriger le titre afin qu'il se lise "du contrat d'oeuvre et de services" pour faire paraître plus révélateur, en fait, le contenu du chapitre. Nous vous suggérons de procéder ainsi à la concordance dans tous les articles pertinents à cette réalité, pour bien faire sortir que le contrat d'oeuvre porte plus que sur l'oeuvre à exécuter, mais aussi sur le service à être procuré par des professionnels.

Nous vous demandons aussi de bien vouloir considérer une modification à l'article 2158 qui traite de la définition et qui emploie le mot "rémunération". Nous vous suggérons que le mot rémunération à cet article soit changé par le mot "prix", excusez-moi, c'est le contraire, que le mot "prix" soit changé par le mot "rémunération". J'ai mon texte à l'envers, je m'excuse. En effet, le mot "rémunération", pour nous, répond beaucoup mieux à la réalité d'un ouvrage ou de la fourniture d'un service. Nous avons noté, à la page 6, les définitions de rémunération et de prix. Nous vous suggérons que le mot "prix" est plus approprié à la réalisation d'un ouvrage physique, telle la construction d'un bâtiment, alors que le mot "rémunération" englobe le paiement d'une commission, d'un tarif honoraire et le travail à forfait. Évidemment, si vous agréez à cette suggestion, nous vous soumettons qu'il y aurait lieu aussi de corriger l'article 2169, auquel article nous reviendrons à la page 7 du mémoire.

L'autre article qui nous a surpris quelque peu est l'article 2166 qui porte sur la responsabilité qu'on pourrait qualifier de la chose d'autrui. Il est dit dans cet article que si des biens sont fournis par le client, le professionnel doit en user avec soin et en rendre compte. Il n'y a aucun problème avec cette partie de l'article. La deuxième partie, toutefois, nous indique: "S'ils sont défectueux, il est tenu d'en informer immédiatement le client, à défaut de quoi il est responsable du préjudice qui peut résulter de leur utilisation." Bien que cette protection soit utile et nécessaire pour certains clients, elle est extrêmement excessive pour les courtiers et agents. Comme vous le savez, la plupart des citoyens entrent en contact au moins une fois dans leur vie avec le courtage immobilier. Lorsque vous procédez à une transaction vous faites souvent visiter votre immeuble, votre bâtiment, votre maison par le professionnel qui sera accompagné de clients. Souvent ce professionnel a en sa possession les clés de la propriété. Cette réalité se passe des milliers de fois par semaine au Québec, ce n'est pas une exception.

Or, cette obligation de l'article 2166 rend l'agent quasiment dans l'obligation de procéder à une vérification de la chose, de tenter de déceler une défectuosité, d'en assurer la qualité et se voit mettre dans une situation impossible. Ce qui est arrivé, c'est que le contrat d'oeuvre et de services manque ici de clarification quant aux services. On vous suggère en conséquence de bien vouloir apporter une précision à l'article 2166 qui limiterait cette disposition quant aux agents et aux courtiers immobiliers. Certes, on est d'accord pour la protection et l'usage avec soin d'un bien. La question d'informer d'un défaut, imaginez-vous bien que les gens dans le champ ne peuvent pas le faire.

La deuxième correction qu'on vous propose c'est la troisième à ce chapitre et c'est à l'article 2168. En résumé, on vous suggère de considérer plutôt l'existence de deux différents mots et de remplacer le mot "oeuvre" par le mot "ouvrage". En effet, le mot "ouvrage couvre dans l'esprit populaire toutes les phases de la réalisation du projet alors que le mot "oeuvre a une connotation d'un produit fini. Il nous appert que le chapitre n'a pas assez cette distinction à travers les différentes parties du chapitre et quant à l'ouvrage et à l'oeuvre.

Ensuite, nous avons suggéré à la page 7 les corrections à l'article 2169 que nous, avons mentionnées tantôt quant à la détermination de la rémunération du service. On vous suggère d'y retirer la notion du temps consacré à l'exécution du contrat comme étant un des critères pour déterminer la rémunération de l'ouvrage. Évidemment, cette notion empêcherait une rémunération sous forme de commission. La commission se paie pour une finalité et non pas pour le temps. Le plus fin passe moins de temps, arrive à la même finalité et a une commission; le moins fin arrive à la même finalité, a la même commission, mais met plus de temps. Or, la commission est une forme répandue du prix de services obtenus présentement dans le domaine du courtage immobilier. Je vous dirais même que dans le domaine du courtage immobilier de résidences, c'est la forme privilégiée présentement; non pas privilégiée par l'association, mais privilégiée par le marché.

Enfin, quant au dernier article étudié pour ce chapitre qui va maintenant nous coiffer, soit l'article 2201, le seul point c'est que nous avons lu l'article 2201 en harmonie ou tenté de faire une harmonie avec l'article 2197. Or, les deux articles discutent des obligations d'un client qui résilie un contrat. Selon notre compréhension et on peut se tromper évidemment, l'article 2201 ne s'appliquerait en fait que dans le cas où le client ou le professionnel - pas ensemble j'espère - décède. Si c'est le cas, nous suggérons de le spécifier à l'article 2201, sinon il y a confusion très nette en tel l'article 2197 qui traite de la même chose et l'article 2201. À dire deux fois la même chose, souvent on mélange le produit et le message que veut rendre le produit. (10 h 30)

Le prochain chapitre traité dans le mémoire

à la page 9 commence par une affirmation. Nous disons que le contrat de courtage immobilier n'est pas un contrat de consommation. Il y a eu, quant à nous, beaucoup d'ambiguïté entre le contrat de courtage immobilier et le contrat de consommation. De façon globale - et nous nous référons au titre troisième de l'avant-projet, aux articles 2717 à 2878 - nous vous suggérons que le contrat de consommation ne soit pas incorporé au Code civil. En effet, l'évolution constante et rapide de ce droit, quant à nous, justifie sa réglementation par le droit statutaire, plus facile à amender car plus hermétique; plus facile à amender parce que l'effet d'un amendement reste à l'intérieur du statut.

Cela étant dit, nous avons été étonnés du fait que l'article 2719 de ce titre troisième sur le contrat de consommation n'exclue pas clairement de l'application de ce chapitre les contrats régis par la Loi sur le courtage immobilier. Surprenant parce que, tout récemment, le 15 juin 1988, l'article 6.1 de la Loi sur la protection du consommateur est entré en vigueur et, de fait, prévoyait que plusieurs chapitres de la Loi sur la protection du consommateur ne s'appliquaient pas et je cite "aux actes d'un courtier ou de son agent régis par la Loi sur le courtage immobilier". Il y a, en effet, une exception à l'article 2719 en son premier chapitre qui se réfère, quant à nous, à une notion plus large ou du moins une notion différente de celle du contrat de courtage immobilier.

La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, M. Galardo. Votre temps est déjà écoulé. Si la commission consent à ce que vous continuiez, il y aura moins de discussion. Cela va?

M. Galardo: Excusez-moi, Mme la Présidente. Je disais qu'à l'article 2719, on dit qu'est exclu de l'application du chapitre sur le contrat de consommation le contrat relatif à la vente, au louage ou à la construction d'un immeuble. Je vous répète que le contrat de courtage immobilier n'est pas un contrat relatif à la vente, au louage ou à la construction d'un immeuble. C'est un contrat relatif à la fourniture de services. Donc, on n'est pas exclus par l'article 2719. On ose penser que le législateur voulait nous exclure, mais que par une erreur de rédaction, nous ne sommes pas assez clairement exclus de ce titre troisième de la loi.

Maintenant, sous réserve de ce fait et en présumant le malheur que le législateur ne veuille pas exclure de ce titre les contrats de courtage immobilier, nous avons procédé aux pages 10 et 11 à certains commentaires sur le titre troisième. On vous dit, en résumé, que le consommateur est bien protégé aujourd'hui, surtout par les amendements récents à la Loi sur le courtage immobilier, le chapitre C-73. Vous avez, dans cette loi, énormément de facteurs ou de droits de protection, par exemple, le contenu minimal de certains contrats, le compte en fidéicommis, etc. On vous note bien respectueusement que c'est là le véhicule idéal pour assurer la protection du public quand à nous, protection basée sur une loi qui existe et sur une coutume, une jurisprudence qui existe.

Finalement, on vous note a la page 11 que, pour nous, si jamais vous concluiez que le contrat de consommation s'appliquait au contrat de courtage, qu'il y aurait lieu toutefois, à toutes fins utiles, d'enlever de ce champ du contrat par démarchage, le contrat de courtage.

En effet, je prends une virgule pour vous dire que la Loi sur le courtage immobilier prévoit déjà dans le contenu minimal d'un contrat entre le consommateur et le professionnel, dix mentions obligatoires et une onzième où il est renvoyé à des règlements. Donc, on protège mieux le consommateur à toutes fins utiles par l'article 9.4 de la Loi sur le courtage immobilier que par l'article 2770 de l'avant-projet. Je ne vois pas pourquoi le consommateur serait moins bien protégé par le Code civil que par le droit statutaire.

Évidemment, si vous deviez admettre notre suggestion d'enlever du champ du titre troisième le contrat du courtage immobilier, cela réglerait énormément de problèmes, quant à l'application de ce chapitre, aux agents et courtiers agissant dans le champ.

Toutes les autres suggestions ou remarques qui sont faites à la page 13 et aux pages suivantes sont des remarques générales auxquelles je désire toutefois en ajouter une. Nous trouvons quelque peu particulier, dans l'avant-projet de loi, l'article 2055 portant sur le droit d'un locateur d'agir à toutes fins utiles comme agent et courtier. Je parle d'un locateur de parcs, de terrains mobiles, de résidences qui sont sur un parc de roulottes, si vous voulez.

Le Code civil prévoit actuellement que ce locateur peut agir comme agent et courtier, soit représenter le locataire et, contre rémunération, contre un prix, s'occuper de l'aliénation ou de la location de la maison mobile. On avait trouvé cet ajout à l'époque très étrange et le législateur, j'imagine, par voie de concordance, reprend ce droit à un propriétaire d'un terrain de ce genre, d'agir comme courtier et agent. Compte tenu de la protection offerte par la Loi sur le courtage aux consommateurs - et j'ose croire que le propriétaire d'une maison mobile est un consommateur - nous pensons qu'il y aurait plutôt lieu d'empêcher le locateur d'agir ainsi pour remettre entre les mains non pas tellement des agents et courtiers en soi, mais sous la supervision de la Loi sur le courtage les transactions portant sur ces roulottes. Ce ne sont tout de même pas des choses valant 100 $. Ce sont des morceaux substantiels qui ont une valeur importante. Pourquoi ne pas donner au consommateur, propriétaire de cette roulotte, la même protection que tout autre consommateur aux termes de la Loi sur le courtage? On suggère donc une correction à cet article pour bien faire paraître

que le locateur, en cette situation, ne peut pas agir contre rémunération pour la vente ou la location de la roulotte.

Sur ces mots, je termine en vous notant que les remarques générales contenues aux pages 13 et 15 se lisent et se comprennent fort aisément pour les membres de cette honorable commission. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Galardo. M. le député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dauphin: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à l'Association de l'immeuble du Québec pour sa participation à nos travaux et la féliciter par la même occasion pour la préparation et la présentation de son mémoire. Je reconnais d'ailleurs certains visages, Mme la Présidente, de personnes qui nous ont également été très utiles l'an dernier lors de nos auditions publiques sur la réforme du Code civil en matière de sûreté. Je suis heureux de voir que l'Associa-. tion de l'immeuble du Québec est encore très intéressée par la réforme du Code civil.

Premièrement, Mme la Présidente, si vous me le permettez, j'aurais deux remarques préliminaires à faire. La première concernant l'article 2166 relativement au principe de la responsabilité du professionnel qui néglige d'informer le client des défectuosités qui affectent les biens fournis par ce dernier dans l'exécution des travaux. Nous aimerions rassurer l'association sur un point, c'est-à-dire que seul le professionnel qui utilise les biens ainsi fournis est tenu à cette obligation d'information. D'ailleurs, on peut tout de suite dire à l'Association de l'immeuble du Québec que s'il y a ambiguïté, nous verrons à y remédier.

Maintenant, la deuxième remarque concerne le contrat de consommation. Effectivement, M. le président, vous disiez que vous vous étonnez du fait que la Loi sur le courtage immobilier n'a pas été exclue des contrats régis par le contrat de consommation dans l'avant-projet de loi. L'explication est la suivante. L'avant-projet de loi avait été rédigé avant même que les dispositions dont nous parlions tantôt aient été incluses dans la Loi sur la protection du consommateur.

Cela dit, j'aimerais procéder à une première question. Je sais que ma collègue de Groulx a également des questions pour l'association. J'aimerais qu'on revienne à l'article 1841 de l'avant-projet qui parle de l'exigence d'une circulaire d'information. La question est la suivante: Pensez-vous qu'il est trop lourd d'exiger cette circulaire d'information à partir du moment où un immeuble comprend cinq unités? Je vous pose cette question parce que des groupes nous ont mentionné que le chiffre cinq serait trop petit. On devrait exiger la circulaire lorsqu'il y a 15, 20 ou 25 unités. J'aimerais vous entendre là-dessus. Ce serait trop onéreux aussi pour cinq unités.

M. Cayer: À la lecture de cette section, il me semble...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Cayer.

M. Cayer: Merci, je m'excuse. Il me semble apparent qu'il s'agit en fait d'une obligation au propriétaire de l'immeuble à préparer un tel prospectus, si on peut l'appeler ainsi. Effectivement, j'aurais tendance à être d'accord avec M. Dauphin sur le fait que cette obligation serait fort probablement trop onéreuse pour le propriétaire particulier d'un tel immeuble. J'imagine que ce qui était visé, c'étaient les situations où un constructeur ou un promoteur vendait de tels biens. Là où cela devient un problème, c'est lorsque le propriétaire n'est pas un commerçant en biens immobiliers. Dans ces circonstances, il serait sûrement moins onéreux pour le public consommateur - il s'agit là aussi d'un consommateur - que cette obligation ne soit imposée que pour des immeubles beaucoup plus substantiels. À partir de combien d'unités de logement? Je ne serai pas en mesure d'émettre une opinion aujourd'hui, mais on pourrait communiquer avec vous et vous faire part de notre perception après y avoir songé davantage.

M. Dauphin: D'accord. Très bien. J'aurais une deuxième question en ce qui concerne le contrat d'oeuvre. Vous parlez également de contrat de services à un moment donné. La plupart des organismes qui nous ont parlé du contrat d'oeuvre se sont opposés à la fusion des contrats d'entreprise et de services. Par contre, vous ne semblez pas avoir une telle attitude. Cette fusion est-elle conforme à vos objectifs?

M. Galardo: Madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M.Galardo.

M. Galardo: M. Dauphin, je pense que la fusion est conforme à nos objectifs. Par ailleurs, dans nos commentaires de tantôt, nous disions que cette fusion mériterait d'être retravaillée quant au texte pour faire paraître la fusion, mais aussi clairement les droits et les obligations qui existent entre le contrat d'oeuvre proprement dit et le contrat de services. Cela pourrait être fait en deux chapitres. Mais, pour ce qui est de la fusion, lorsque le comité de juristes de l'association a étudié le chapitre, cela nous a amenés à nous poser quelques questions quant à la compréhension. C'est un texte qui devient lourd par la fusion. Mais si c'est le voeu du législateur de le faire par fusion, on pense que le texte mérite d'être retravaillé pour mettre en parallèle ce qui advient des droits et des obligations de l'oeuvre versus le service. Et ça c'est peut-être un peu faible. (10 h 45)

M. Dauphin: Une autre question si vous me permettez, Mme la Présidente, avant de céder la parole à un autre collègue. À la page 5 de votre mémoire lorsque vous parlez de modification du titre, devons-nous comprendre que vos remarques ne touchent que la modification du titre ou également le contenu comme tel?

M. Galardo: Mme la Présidente, ça inclut les deux. D'ailleurs, la dernière partie du paragraphe porte fort bien et dit "qu'il serait conséquent de faire cette concordance dans tous les articles pertinents du chapitre". Cela revient à votre question antérieure et à ma réponse. Il y aurait lieu de clarifier. D'accord pour la fusion, mais actuellement il y a des articles qui méritent clarification. Donc, changeons le texte s'il y a fusion et procédons alors à analyser vraiment s'il y a une concordance des droits et obligations entre, d'une part, l'oeuvre et d'autre part le service, ce qui semble manquer actuellement. Donc, pour nous le titre était pour noter un problème et le problème existe dans tout le chapitre.

M. Dauphin: D'accord. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Cela va? Merci, M. le député de Marquette. M. le député de Taillon.

M. Filion: Mme la députée de Groulx.

La Présidente (Mme Bélanger): Ah bon! Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Bonjour, messieurs. L'avant-projet propose d'introduire un ensemble de dispositions sur la vente d'immeubles résidentiels afin de protéger l'acheteur lors de cet acte très important. Croyez-vous que ces règles sont suceptibles de modifier la pratique du courtage immobilier? Dites-nous un peu comment.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Cayer. Non?

M. Galardo: Je pense que Mme la députée... La Présidente (Mme Bélanger): M. Galardo.

M. Galardo: Excusez-moi. Je pense que Mme la députée se réfère au chapitre des règles particulières à la vente d'immeubles résidentiels, celui qui a été l'objet d'une question tantôt. Cela va certainement changer la pratique immobilière dans le sens des transactions immobilières. Cela ne changera pas grand-chose à la pratique du courtage immobilier sauf qu'on a fait un commentaire dans les remarques et j'ai peut-être sauté à la fin sur une clarification quant à l'article... Je me réfère à la page 14 où, à l'article 1839, nous notons qu'il y a peut-être actuellement un petit problème entre l'assimila- tion d'un promoteur et l'assimilation d'un courtier. Or, ce problème de compréhension de textes... Si le but était de défendre ou d'habiller de façon plus respectueuse les droits et obligations des forces en litige pour permettre à ces gens d'avoir des recours et comprendre ce qui arrive, on n'a pas d'objection. On ne pense pas par ailleurs que ce chapitre ait été fait pour modifier quoi que ce soit aux règles du courtage immobilier. Il a été fait pour - à la façon dont je le comprends comme juriste - apporter un équilibre entre deux forces dont l'une a certainement une connaissance, un pouvoir économique, un pouvoir fiscal et juridique alors que l'autre en a moins C'est cotte équilibre-là que vous avez tenté de respecter dans le projet de loi. Dans la mesure où la tendance est vers ce but, ça ne change pas grand-chose au courtage. Dans la mesure, par ailleurs où dans notre esprit il y a encore un doute à la définition de promoteur parce que, si ce texte a un problème, c'est sur le mot "promoteur". Dans ma pratique du droit immobilier, j'ai entendu le mot "promoteur" utilisé à toutes les sauces, allant de la multinationale au petit cultivateur qui veut vendre son terrain. C'est un mot que j'ai entendu à toutes les sauces. Alors c'est peut-être la faiblesse du chapitre. Quant au reste, je ne pense pas que ça va changer grand-chose sauf peut-être à certaines occasions rééquilibrer un rapport de forces qui est actuellement déséquilibré.

Mme Bleau: À ce moment-là, si on définissait vraiment le sens qu'on veut donner au mot "promoteur" est-ce que ça vous irait? Est-ce que l'article serait correct?

M. Galardo: Oui, Mme la députée, ça nous irait. Par ailleurs, je suis convaincu que vous entendrez tellement de représentations de tellement de groupes sur ce chapitre que, quand vous procéderez aux corrections du texte, il est possible que vous changiez le sens de certains articles. C'est très près d'affecter le courtage immobilier. Je vous dis qu'actuellement ça ne l'affecte pas, sauf pour la définition du mot "promoteur". Les gens qui ont rédigé le texte ont été de très bons rédacteurs pour tenter de circonscrire le problème. La première fois que les juristes qui ont siégé au comité ont lu ce chapitre, ils ont dit: Mon dieu, c'est une montagne, cette affaire-là. Mais en portant attention au chapitre on se rend compte qu'il veut atteindre un but et qu'il atteint ce but de façon globale.

La Présidente (Mme Bélanger): Nous vous remercions, M. Galardo.

M. le député de Taillon.

M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente. À mon tour, je voudrais, au nom de ma formation politique et au nom de l'Opposition, souhaiter la bienvenue à l'Association de l'im-

meuble de Montréal. Son mémoire est fort intéressant. Je pense qu'il commence bien cette deuxième partie de nos travaux de consultation que nous avons commencés la semaine dernière.

Avec raison vous avez soulevé l'importance des questions immobilières dans l'ensemble du droit des obligations. J'ai été un peu fasciné d'entendre - le chiffre augmente toujours - que 63,7 % des Québécois sont propriétaires d'un immeuble. On disait autrefois que les Québécois étaient un peuple de locataires. Heureusement, ça a changé. Il y a eu quelques politiques gouvernementales qui n'ont pas nui. Les gens ont réalisé aussi l'importance, à l'intérieur de leur patrimoine, d'avoir un immeuble. Vous le dites dans votre mémoire, c'est la meilleure protection, en tout cas c'est une bonne protection, contre l'inflation. Cela ne veut pas dire que le marché de l'immeuble sera éternellement rentable mais il l'a été drôlement en tout cas au cours des 15 ou 20 dernières années.

Vous soulignez également, et c'est important, le fait que, finalement, - ce n'est peut-être pas dans ces termes-là - une transaction immobilière constitue souvent, pour une famille ou un homme ou une femme, peu importe, la transaction la plus importante de sa vie. C'est très juste. Vous nous avez dit tantôt que la valeur moyenne des maisons était de 86 000 $. Je serais tenté de piquer un peu mes amis d'en face avec le programme gouvernemental qu'ils ont mis sur pied pour l'accès à la propriété qui est nettement ridicule. Mais comme on a toujours fait nos travaux sans aucune partisanerie, je ferme rapidement cette parenthèse-là. Donc la valeur moyenne des maisons est de 86 000 $. Cela donne quand même une idée de l'impact de l'élément financier des transactions, en plus du fait qu'une maison, pour la plupart des gens, a une valeur symbolique importante. C'est un toit, donc un endroit où on élève notre famille et où on se repose. Tous ces motifs font en sorte que le législateur doit, à mon avis, être extrêmement prudent dans les modifications aux règles de l'ensemble du droit immobilier. Ce ne sont pas des bricoles, c'est important. Il y en a qui ont beaucoup d'expérience dans le domaine immobilier, les courtiers, ceux qui transigent annuellement sur des parcs immobiliers importants, par rapport au modeste citoyen qui achètera deux maisons dans sa vie et qui est susceptible de se retrouver moins facilement dans un contrat - que ce soit une offre d'achat, une offre de vente, un contrat de vente, un contrat d'achat - et dans l'ensemble des dispositions d'un nouveau Code civil adapté aux réalités modernes.

Il faut donc être prudent mais en même temps, bien sûr, il faut évoluer et modifier ces règles qui datent de très longtemps. Dans votre cas il y a la Loi sur le courtage immobilier qui définit certaines règles. C'est une loi qui n'est quand même pas tellement âgée et qui a été modifiée à plusieurs reprises depuis 1964 mais il reste que le Code civil constitue peut-être la partie essentielle de l'architecture juridique des transactions immobilières.

Ma première question découle un peu de ma surprise de voir que vous souhaitez voir le contrat de courtage immobilier comme un contrat d'oeuvre plutôt que comme contrat de mandat. Cela peut évidemment être l'un ou l'autre, cela dépend. Dans ce sens-là, j'aurais une série de questions à vous poser, pour mieux cerner la réalité d'un courtier, sur ce que sont et ce que font les courtiers. Tout d'abord, vous dites que, grosso modo, 350 000 contrats de courtage sont signés chaque année au Québec. Est-ce que je me trompe en disant que 95 % ou 99 % de ces contrats de courtage sont conclus entre un éventuel vendeur, une personne qui veut vendre son immeuble, et un courtier d'immeubles? Est-ce exact? Alors, à partir de ce moment-là, je ne vois pas pourquoi on ne classifierait pas carrément le contrat de courtage comme un contrat de mandat plutôt que comme un contrat d'oeuvre puisque dans 99 % des cas, ce sont les gens qui vous appellent et qui vous disent: Écoutez, vendez donc ma maison. Ils vous donnent en quelque sorte le mandat d'explorer le marché pour tenter, à des conditions qui peuvent varier, qui sont négociées, etc. Mais le fait de vendre et d'offrir de vendre tel immeuble sur le marché ne constitue-t-il pas un acte juridique selon lequel le contrat de courtage devrait plutôt être considéré comme un contrat de mandat? Je pense que je vais au coeur de la première partie de votre mémoire,. M. Cayer.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Cayer.

M. Cayer: Merci, Mme la Présidente. Effectivement, c'est le coeur de notre mémoire et c'est en fait, c'est le coeur de l'avant-projet de loi modifiant le Code civil de faire une très nette distinction entre ce qui constitue un mandat et une tout autre forme de contrat. Jusqu'ici, le Code civil prévoyait que le mandat était un type de contrat par lequel un individu, le mandataire, devait accomplir certains actes juridiques ou administratifs. Or, la principale modification apparaissant dans l'avant-projet vient rejeter tout acte administratif pour ne limiter le contrat de mandat qu'aux situations où il y a représentation d'ordre juridique.

Or, nous considérons qu'à une certaine époque, il est possible que les courtiers en immeubles du Québec aient agi à titre de mandataires puisque, à une certaine époque, nos contrats de courtage prévoyaient que le courtier puisse vendre l'immeuble comme tel, c'est-à-dire accepter une offre d'achat qui lui était présentée, par exemple, aux mêmes conditions que celles demandées par le propriétaire. Or, depuis 1976 environ, la pratique a passablement changé et les formulaires normalisés de l'Association de l'immeuble du Québec, par exemple, font référence au fait que le courtier s'engage à offrir en

vérité. En fait, la nature de l'acte professionnel accompli par le courtier en immeubles se résume essentiellement à deux choses. Premièrement, faire la mise en marché d'un immeuble confié par le propriétaire et, deuxièmement, agir à titre d'intermédiaire pour négocier, non pas un négociateur qui peut engager le propriétaire, ce qui serait davantage de la nature du mandat, mais à titre de négociateur pour tenter de trouver une offre qui serait éventuellement acceptée par le propriétaire. Donc, pour nous, il n'y a pas cette représentation juridique et les conséquences qui en découlent. Ainsi, nous considérons que le contrat de courtage immobilier est davantage de la nature d'un contrat de services. (11 heures)

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Taillon.

M. Filion: En somme, vous dites que ce n'est pas vous qui acceptez l'offre ou les contrats, et vous avez raison. D'abord, vous mettez un immeuble en vente, à partir d'un formulaire qui est tout à fait normatif depuis plusieurs années, ce que je salue d'ailleurs. C'est une bonne chose que le formulaire soit à peu près toujours le même, par rapport à ce qui existait avant, qui était très anarchique et très dangereux pour tout le monde. Donc vous avez un formulaire unique, c'est très bien. Mais il y a un prix mentionné dans le formulaire unique et si le premier acheteur offre le prix qui est là, vous concluez la transaction, c'est-à-dire que l'acte juridique va venir du consentement de l'acheteur à ce prix. En deux mots, je comprends que votre mandat n'est pas total. Ce n'est pas un mandat de représentation à 100 % que vous avez, mais, il est quand même passablement important.

Je craindrais peut-être un peu les conséquences de classer le contrat comme étant un contrat d'oeuvre. Cela place plus le courtier dans la position où il pourrait acheter, par exemple, l'immeuble, non? Il n'y a rien qui l'empêcherait de se porter acquéreur, à l'intérieur d'un contrat d'oeuvre. Or, je pense bien que, dans votre code d'éthique, vous n'achetez pas les immeubles dont vous êtes les courtiers. Bref, il y a toute une série de conséquences, peut-être que celle-là est moins à propos, qui découleraient du fait de classer carrément le contrat dans cette catégorie.

M. Nadeau: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Galardo.

M. Nadeau: Non, Me Nadeau.

La Présidente (Mme Bélanger): Me Nadeau.

M. Nadeau (Robert): Sur les derniers points qui furent soulevés, on pourrait peut-être apporter des précisions. Entre autres, le contrat dont se servent nos membres actuellement dit d'offrir en vente l'immeuble et de présenter au propriétaire vendeur toute offre d'achat qui pourrait être amenée par un acheteur. Le but de ça touche le rôle d'intermédiaire qui est un peu ancré dans ce formulaire. Je ne crois pas qu'une acceptation pure et simple d'un acheteur au courtier, qui agit à titre d'intermédiaire, suffise pour lier le propriétaire vendeur. C'est du moins l'opinion relative à une certaine doctrine. Par ailleurs, vous dites que si nous étions plus ancrés dans le contrat d'oeuvre ou de services, ça nous permettrait d'acheter et ce n'est pas défendu actuellement.

D'ailleurs, la Loi sur le courtage immobilier prévoit certaines déclarations à faire dans ces cas. La jurisprudence et la doctrine vont vous dire que ce n'est pas une impossibilité. Alors, là ce ne sera plus un rôle de mandataire, ce sera certainement un rôle d'acheteur. Il change d'habit, il change de peau. À ce moment, il n'y a certainement pas de commission payable parce qu'il n'est plus dans son rôle de mandataire, mais ça n'empêche pas le courtier ou l'agent de pouvoir acheter. D'ailleurs, la jurisprudence est venue confirmer ça par un arrêt de la Cour d'appel, dernièrement.

Si la Loi sur le courtage immobilier le prévoit déjà, même la Loi sur le courtage immobilier ne parle pratiquement jamais de mandat sauf à un endroit dans le règlement d'application, on parle toujours de contrat de courtage et on permet à un courtier, selon certaines déclarations d'acheter, nous pensons que la nature de notre travail est effectivement plus de la nature d'intermédiaire plutôt que de mandataire. Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas des mandats accessoires dans le contrat de courtage. Il y a certains gestes qu'on pose qui sont une certaine représentation. Mais si on était des mandataires purement et simplement, je pense que ça défavoriserait beaucoup l'acheteur. Est-ce qu'on serait le mandataire sans obligation professionnelle d'un propriétaire vendeur? Je pense que ça permettrait peut-être certains abus qui sont protégés actuellement, entre autres par notre Code de déontologie où, même si on peut représenter un propriétaire vendeur, on ne doit pas le faire au détriment d'un acheteur. Il y a une certaine éthique qui est suivie à ce sujet. Alors que si on veut nous cantonner vraiment au chapitre du mandat de façon claire et précise, parce que la jurisprudence est déjà mêlée là-dessus, je pense que ça pourrait conduire à des pratiques qui peut-être deviendraient douteuses à la longue.

M. Filion: Merci, Me Nadeau et M. Cayer de ces explications.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci Une petite question, M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Une dernière question, Mme la Présidente, relativement à l'article 1839. C'est-à-

dire que le promettant acheteur a la faculté de dédit pour dix jours. J'aimerais connaître l'opinion de votre association là-dessus et savoir si le délai est raisonnable.

M. Cayer: Puisque cet article et, en fait, toute cette section 2 est bien clairement limitée à des circonstances où il est question d'un commerçant, d'une part, et d'un consommateur, d'autre part, il nous semble raisonnable qu'un tel délai soit mis en place. Un tel délai serait beaucoup plus difficile, et en fait inapplicable à toutes fins utiles, s'il s'agissait de deux consommateurs l'un face à l'autre, comme, par exemple, dans le cas du courtage immobilier où même s'il y a un courtier d'impliqué, il y a en fait, comme parties juridiques à l'entente, deux consommateurs. On ne peut brimer les droits de l'un pour favoriser les droits de l'autre. Ce serait inéquitable.

Ici, il s'agit d'une décision tout simplement qui a trait aux cas où un consommateur traite avec un commerçant; il y a lieu de le protéger. Cela se justifie de la même façon que pour tout autre commerçant qui traite avec un consommateur, ce qu'on retrouve énoncé dans la Loi sur la protection du consommateur. La même logique s'applique ici.

M. Dauphin: Merci beaucoup. Alors, au nom du ministre de la Justice du Québec et de mes collègues ministériels, j'aimerais remercier l'Association de l'immeuble du Québec de sa participation et l'assurer que l'équipe de la réforme du Code civil qui m'entoure, du ministère de la Justice, a pris bonne note de ses représentations et va les étudier très attentivement. Merci beaucoup.

Une voix: Merci.

M. Filion: Alors, c'est à mon tour, Mme la Présidente, de remercier les représentants de l'Association de l'immeuble du Québec qui, grâce à leurs réflexions, alimenteront sûrement des réflexions cette fois-ci de l'équipe de la réforme du Code civil qui verra à produire non pas un avant-projet cette fois, mais un projet de loi qui constituera donc une deuxième étape. Par la suite, ce projet de loi sera de nouveau étudié. Alors, vous voyez peut-être le long processus de fabrication, finalement, d'une loi aussi importante que celle qui est le Code civil et qui verra à nous donner le meilleur produit possible, qui tiendra compte de toutes les contraintes et de toutes les réalités. En ce sens-là, votre mémoire a été fort précieux. Merci.

Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, messieurs. Au nom des membres de la commission, on vous souhaite un bon retour.

J'appellerais les représentants de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec à bien vouloir prendre place à la table des invités.

Alors, avec la permission du président de la commission, en l'occurrence le député de Taillon, je dépose les lettres du Conseil régional de l'âge d'or de l'Estrie, du Centre communautaire juridique de l'Estrie et de la Fédération des coopératives funéraires du Québec qui appuient les démarches entreprises par la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec visant à abolir la vente itinérante dans le domaine des préarrangements funéraires.

Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et de présenter les personnes qui l'accompagnent.

M. Bilodeau (Robert): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Robert Bilodeau, consultant budgétaire à l'ACEF de Québec. Permettez-moi de vous présenter les collègues qui m'accompagnent. À ma droite, Mme Christine Lebrun, juriste à l'ACEF de la rive sud de Montréal; à mon immédiate gauche, M. Bernard Lefebvre, coordonnateur à l'ACEF de l'Estrie; et toujours à ma gauche, M. Rolland Pelletier, coordonnateur à l'ACEF de Granby.

La Présidente (Mme Bélanger): Comme le groupe précédent, vous avez vingt minutes pour présenter votre mémoire. Il y aura quarante minutes pour la période de discussions avec les deux formations politiques.

M. Bilodeau: Mme la Présidente, Mmes et MM. membres de la commission, il nous fait plaisir de vous présenter ce matin le point de vue de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. La FNACQ est une fédération de dix associations réparties dans plusieurs régions du Québec. Les associations locales membres de notre fédération sont en contacts directs et constants avec des consommateurs qui vivent des problèmes de consommation quotidiennement.

Les lois administrées par l'Office de la protection du consommateur, tout particulièrement la Loi sur la protection du consommateur, sont pour nous des instruments quotidiens dans notre travail de conseil et d'aide. La FNACQ, dans le passé, a eu l'occasion d'exprimer son point de vue dans l'application et l'amélioration de la législation portant sur la protection de la consommation. Il nous apparaissait donc important de vous transmettre nos commentaires et nos suggestions au moment de l'étude d'un avant-projet de loi qui aura un impact et des répercussions sur la protection de la consommation. C'est pourquoi notre mémoire va porter essentiellement sur le titre troisième en nous permettant tout de même de faire des incursions au titre deuxième au sujet de la vente à tempérament d'un bien meuble.

D'entrée de jeu, notre principale préoccupation au moment de l'étude de cet avant-projet de loi va porter, dans le fond, sur l'avenir de la Loi sur la protection du consommateur et sur l'Office de la protection du consommateur.

En effet, on peut discourir longtemps sur les avantages et les inconvénients de l'insertion de la protection du consommateur à l'intérieur du Code civil. À ce sujet, on peut retrouver deux écoles de pensée juridique qui ne s'entendent pas. Toutefois, nous ne sommes pas essentiellement des juristes et notre préoccupation sur l'analyse des avantages et des inconvénients de l'insertion de cette loi à l'intérieur du Code civil repose sur les assurances que nous fournira le législateur sur certaines de nos interrogations. Notre première interrogation porte évidemment sur la présente Loi sur la protection du consommateur. En effet, dans l'avant-projet de loi on ne reproduit pas toutes les composantes de cette loi présentement en vigueur. Des titres entiers ne s'y retrouvent pas, dont, entre autres, le titre deuxième portant sur les pratiques de commerce, le titre 3-I sur les agents d'information et le titre quatrième et le titre cinquième. Étant donné que l'avant-projet de loi réfère dans plusieurs articles à la Loi sur la protection du consommateur actuelle, on doit en déduire que cette loi sera maintenue, du moins dans ses prescriptions, ne se retrouvant pas dans l'avant-projet de loi. Cela fait donc l'objet d'une première recommandation. De notre part, nous voulons avoir l'engagement du législateur qu'il y aura effectivement encore une Loi sur la protection du consommateur et qu'on y retrouvera les titres mentionnés plus haut.

Dans la même préoccupation, on veut savoir ce qui va arriver de l'Office de la protection du consommateur. Ce fut un acquis important pour la société québécoise que la constitution de cet office au début des années soixante-dix. Malgré les critiques et les commentaires que la FNACQ a pu faire dans le passé et fera dans l'avenir sur la façon dont les dirigeants de l'Office de la protection du consommateur peuvent s'acquitter de leur mandat, il nous paraît tout de même essentiel que soit maintenu l'office avec tous ses mandats actuels tels que définis, à l'article 292 de la loi actuelle.

De la même façon, nous nous préoccupons également du mandat de l'office qui concerne la surveillance d'autres lois présentement en vigueur. Effectivement, c'est aussi une originalité et la force de l'office que d'être polyvalent et de voir à la surveillance de l'application d'un certain nombre de lois. C'est pourquoi nous sommes préoccupés à ce que l'office maintienne dans l'avenir ce rôle de surveillance d'un certain nombre de lois, en particulier en ce qui concerne la Loi sur les agences de voyage, la Loi sur le recouvrement de certaines créances et la Loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture. Nous ne connaissons pas les intentions du législateur à leur sujet. Toutefois, que ces lois demeurent des lois particulières ou soient intégrées à l'intérieur du Code civil, nous trouvons indispensable que la matière qu'elles couvrent demeure sous la surveillance de l'OPC. S'il en était autrement, nous assisterions à un recul important en ce qui concerne les droits des consommateurs et à une remise en question du rôle de l'OPC tel que défini par l'article 292 de la loi actuelle.

Nous nous préoccupons aussi de l'avenir de la réglementation et des annexes de la loi actuellement en vigueur. À plusieurs reprises, nous avons constaté que des articles de l'avant-projet de loi référaient au règlement. Nous ne savons pas s'il y aura des règlements qui compléteront certains articles du Code civil, ou si alors les règlements se retrouveront dans une nouvelle version de la Loi sur la protection du consommateur. De même, certains articles réfèrent aux annexes de la loi présentement en ' vigueur. Doit-on conclure que ces annexes demeureront et seront alors intégrées au Code civil ou à la Loi sur la protection du consommateur remodelée? Nous avons des interrogations, mais pas nécessairement une réponse claire et précise. C'est pourquoi l'on demande au législateur de maintenir les annexes 1 à 10 que l'on retrouve présentement dans la Loi sur la protection du consommateur ainsi que la réglementation actuelle de la loi. (11 h 15)

Une dernière interrogation portait sur la souplesse d'amendement d'un Code civil. Pourra-t-on effectivement amender les règles particulières au contrat de consommation lorsqu'elles seront intégrées au Code civil? Devant l'évolution constante du domaine de la consommation, l'OPC a proposé au cours des années des modifications à la loi. Le gouvernement du Québec a également modifié le libellé de certains articles de cette loi à plusieurs reprises. Cette souplesse d'adaptation et de réaction est pour nous une garantie que la protection du consommateur n'est pas figée dans le temps, mais bien au contraire, s'adapte à un secteur d'activité en perpétuel changement. Nous ne serions donc pas d'accord pour que l'introduction des contrats de consommation à l'intérieur du Code civil signifie la sclérose dans ce domaine. On doit garder la souplesse d'amender que permet la situation présente dans le cadre de la Loi sur la protection du consommateur, sinon la FNACQ considère que le consommateur en subira un préjudice.

Notre mémoire contient des recommandations principales. La première, c'est l'intégration des contrats visés par cette loi du Code civil, c'est-à-dire la Loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture. En effet, pour la FNACQ, il nous apparaîtrait à la fois logique et utile d'intégrer la Loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture sous le giron du titre troisième de l'avant-projet de loi. En effet, cette loi régit

certains types de contrats de consommation qui, sauf pour certaines dispositions énumérées à l'article 88 de cette loi, sont soumis à la Loi sur la protection du consommateur actuelle. Nous considérons que les motifs qui ont prévalu pour l'insertion des contrats de consommation à l'intérieur du Code civil, et plus particulièrement au titre troisième du livre cinquième devraient être valables et s'appliquer également au contrat sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture.

Dans l'optique effectivement où cette loi serait intégrée dans le Code civil, nous avons des commentaires à faire sur le contenu de cette loi présentement en vigueur. Il s'agit effectivement de l'exclusion des contrats conclus par vente itinérante. Dans la mesure où le législateur décide donc d'intégrer cette loi au Code civil, nous avons des commentaires sur le contenu de cette loi et particulièrement sur la vente itinérante. Il faut bien se souvenir qu'en juin 1987, le projet de loi 162 sur les préarrangements funéraires était adopté. À cette époque, le législateur, devant l'insistance du Mouvement des consommateurs au Québec, appuyé par plusieurs associations concernées, pour étendre la période d'annulation des contrats conclus par vente itinérante, a fait passer la période de dix à trente jours.

Force est de constater maintenant que l'ensemble des efforts de la loi sont ici noyés dans l'univers malsain d'une pratique aussi incontrôlable qu'impropre à l'éthique professionnelle du thanatologue. Le coeur du problème décrié, tant par les associations de consommateurs que par les autres intervenants, est sans contredit celui de la sollicitation, voire du harcèlement propre à la vente itinérante dans ce domaine. En effet, il faut bien se rendre compte que la vente de préarrangements funéraires touche un sujet aussi particulier que délicat: la mort avec tous ses tabous et, plus particulièrement, elle vise une clientèle très vulnérable, celle des personnes âgées, souvent démunies, seules, vulnérables aux discours des vendeurs, mal informées de leurs droits et sensibles évidemment au sujet de la mort. Les vendeurs itinérants sont des spécialistes de la vente, utilisant des pratiques et des tactiques souvent associées à cette sorte de vente, qu'on parle de harcèlements téléphoniques et à domicile, de vente sous pression, de chantage émotif et d'arguments verbaux non écrits au contrat. Certains vendeurs vont jusqu'à organiser des bingos dans les résidences pour personnes âgées.

Il faut dire que la vente par vendeur itinérant dans ce domaine-là est basée sur la rémunération à la commission et ceci incite les vendeurs à utiliser plus d'agressivité pour conquérir leur part du marché. Des organisations membres de la FNACQ ont reçu des plaintes concernant les pratiques de ces individus qui n'hésitent pas à profiter des moments de déséquilibre et d'angoisse. Des vendeurs contactent même des personnes encore sous le choc de décès d'un proche ou dont l'état de santé est médicalement déclaré précaire. Des vendeurs jouent sur les convictions religieuses en créant la suspicion dans les familles ou en faisant craindre à des personnes âgées que des membres de leur famille ne respecteront pas leurs dernières volontés.

La vente par vente itinérante dans ce domaine est une pratique très souvent malveillante et abusive. Les compagnies respectables, et il y en a dans ce domaine-là, ont à leur disposition et utilisent d'autres moyens que la vente itinérante pour rejoindre leur clientèle. Nous considérons que les pratiques de vente par des marchands dans ce domaine sont pratiquement incontrôlables, même avec une réglementation pertinente présentement en vigueur. Nous aimerions ajouter que les démarches déjà entreprises par la FNACQ dans le passé, lors de l'adoption de cette loi visant l'abolition de la vente itinérante dans le domaine des préarrangements funéraires, étaient appuyées, à l'époque, par une cinquantaine d'associations au Québec avant l'adoption de cette loi. Parmi ces associations, il y avait la Fédération de l'âge d'or du Québec, la FADOQ.

Il nous apparaît important d'insister sur le fait que la FADOQ a effectué une recherche qui conclut à la nécessité d'abolir la vente itinérante dans ce domaine, recherche financée par l'Office de protection du consommateur. D'ailleurs, si vous ne l'avez pas reçu aujourd'hui même, nous vous avisons que la FADOQ enverra sous peu, si ce n'est pas fait aujourd'hui, un télégramme pour appuyer la requête et le mémoire que nous présentons aujourd'hui en commission parlementaire et qui demande l'abolition de la vente itinérante dans ce domaine.

Nous voulons souligner, dans le fond, que le consensus, commence, de plus en plus, à se sceller autour du principe de l'abolition de la vente itinérante dans le marché de la mort et ceci est de plus en plus évident. La commission, on en a fait allusion tantôt, a déjà reçu des appuis d'associations et nous vous annonçons que d'autres associations vont vous faire parvenir leur appui sous peu, à savoir la FADOQ, la Fédération de l'âge d'or du Québec, le Conseil régional de l'âge d'or de l'Estrie, la Fédération des ACEF du Québec, le Service d'aide au consommateur de Shawinigan, le Conseil diocésain de la pastorale sociale de l'Estrie, le Bureau d'aide juridique de l'Estrie, on en a fait mention, ainsi que la Fédération des coopératives funéraires du Québec. C'est pourquoi notre recommandation à ce sujet est très claire. Nous demandons d'inclure l'interdiction de ce type de vente dans l'avant-projet de loi en tenant pour acquis que cette loi serait intégrée au Code civil. Donc le libellé d'un nouvel article que nous proposons est: "Sous réserve de ce qui est prévu par règlement, nul ne peut solliciter ou conclure à l'adresse du consommateur un contrat d'arran-

gements préalables de service funéraires et de sépulture".

En ee qui concerne une sanction générale pour tout manquement à une obligation imposée par le titre trosième, nous avons constaté des lacunes et nous avons des suggestions à faire à cette commission. Dans un premier temps, il faut bien constater que le domaine de la consommation foisonne de pratiques plus ou moins douteuses. L'imagination des criminels à col blanc ne semble pas avoir de limite et la transgression de la loi prend des moyens et des formes multiples qui demandent une surveillance constante et des sanctions exemplaires. Or, il est pour le moins décevant de ne retrouver que l'article 2732 pour annuler des contrats ne se conformant pas aux conditions nécessaires à leur formation. Bien que, selon notre interprétation, le législateur veuille traiter les recours civils dans la Loi sur la proteaction du consommateur et non dans le Code civil, nous nous serions quand même attendus à retrouver dans l'avant-projet de loi un article prévoyant une sanction générale pour tout manquement à une obligation imposée par le titre troisième.

À cet égard, l'article 272 de la Loi sur la protection du consommateur actuelle est un article très bien structuré qui permet des choix aux consommateurs et des éléments dissuasifs pour les commerçants. Nous proposons donc d'ajouter un nouvel article après l'article 2732 qui reprendrait, dans sa substance, l'article 272 de la loi actuelle. Après une étude plus minutieuse de l'article 2732 de l'avant-projet de loi, nous avons constaté et nous vous recommandons d'inclure une modification à l'article 2732 présentement en vigueur. C'est une recommandation que vous nous retrouverez pas dans le mémoire que nous avons remis à la commission. Nous avons constaté que le libellé de l'article 2732 reprenait, dans sa substance, le libellé de l'article 271 de la Loi sur la protection du consommateur actuelle. Cependant, dans sa rédaction actuelle, l'article 2732 a escamoté le deuxième alinéa de l'article 271 qui permettait un choix au consommateur dans le cas d'un contrat de crédit. Il s'agit donc, à notre avis, d'une perte de droit que le consommateur subirait en gardant la rédaction de l'article 2732 tel que rédigé présentement.

Un nombre encore trop grand de commerçants abusent malheureusement des consommateurs. On doit donc s'assurer que le titre troisième contienne des règles qui sanctionnent civilement les pratiques de commerce visées par l'avant-projet de loi. Ainsi, nous proposons non pas un nouvel article, tel que notre mémoire initial le prévoyait, mais au titre troisième des articles qui sanctionnent civilement les manquements aux pratiques de commerce prévues dans l'avant-projet de loi. Notre intention est très claire à cette recommandation. C'est de réintroduire, dans l'avant-projet de loi, le contenu des articles 273 à 276 de l'actuelle Loi sur la protection du consommateur.

En ce qui concerne les sanctions pénales, nous voulons nous assurer que les manquements à la loi de la part d'un commerçant soient sanctionnés par des dispositions d'ordre pénal. Nous proposons donc l'inclusion dans le Code civil d'un nouvel article qui reprendrait l'essentiel de l'article 277 de l'actuelle Loi sur la protection du consommateur.

En troisième partie, notre mémoire propose 16 recommandations secondaires. Mais nous n'avons pas l'intention, Mme la Présidente, de vous faire la lecture de ces 16 recommandations qui sont contenues dans notre mémoire.

Nous terminons notre présentation en soulignant que notre analyse de l'avant-projet de loi a essentiellement porté sur les règles régissant les contrats de consommation. Bien que l'on reprenne à bien des égards le contenu des articles de l'actuelle Loi sur la protection du consommateur, nous avons souvent constaté que notre mémoire a référé le législateur au libellé de la loi actuelle, d'une part, parce que la formulation des articles nous paraît beaucoup plus claire et précise que celle de l'avant-projet de loi et, d'autre part, parce que l'absence de précision dans la formulation de certains articles entraîne des ambiguïtés et, on pourrait même dire, des pertes de droits préjudiciables aux consommateurs? Globalement, et nous devons le souligner, nous ne sommes pas satisfaits de la rédaction des articles du titre troisième.

Nous insistons, en terminant, pour vous souligner de nouveau que nous vivons quand même une période d'incertitude et de flottement quant à l'avenir de la Loi sur la protection du consommateur, de l'office et de son mandat ainsi que des lois dont la surveillance incombe présentement à l'office.

Nous tenons à préciser au législateur que, dans cette période d'incertitude et de flottement, les choix qu'il fera, s'ils entraînent une diminution du rôle et du mandat de l'office, seront nettement perçus, aux yeux des associations de consommateurs comme un recul et un désengagement vis-à-vis de la protection à la consommation.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Bilodeau. M. le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Tout d'abord, j'aimerais, au nom du ministre de la Justice du Québec et de mes collègues ministériels, vous souhaiter la bienvenue à nos travaux, à cette sous-commission sur la réforme du Code civil en matière d'obligations. Deuxièmement, j'aimerais vous remercier et vous féliciter pour la préparation et la présentation do votre mémoire. On connaît évidemment la réputation de votre fédération, effectivement, en ce qui concerne la défense et les intérêts des consommateurs.

Je ferais une remarque préliminaire avant d'aborder les questions. Un peu pour vous rassurer, il n'est pas de l'intention du gouvernement du Québec d'affaiblir ou de diluer toute la mécanique existante en ce qui concerne la protection des consommateurs, bien au contraire. La Loi particulière sur la protection du consommateur va demeurer, mais elle sera remaniée; cependant, comme je l'ai mentionné, ce qui n'aura pas été inclus dans le Code civil sera prévu dans cette loi remaniée, dans cette Loi particulière sur la protection du consommateur; alors, ce sera maintenu, effectivement. Donc, seront également maintenues dans cette loi particulière les règles relatives aux pratiques du commerce, aux sanctions pénales et administratives ainsi que toute la réglementation dont vous parliez tantôt et les annexes ainsi que les règles qui ont trait à l'organisation de l'Office de la protection du consommateur et à ses mandats. Ce qui ne sera pas inclus au Code civil sera maintenu dans une Loi remaniée sur la protection du consommateur.

En ce qui concerne les modifications qui, selon vous, seraient plus faciles à faire au chapitre de la Loi sur la protection du consommateur qu'au chapitre du Code civil, on parle évidemment d'inclusion au Code civil de principes. Le Code civil peut évidemment être modifié lui aussi. Chaque année, on modifie le Code civil. On serait peut-être portés à croire qu'on devrait moins toucher au Code civil, sauf que cela fait huit ans que je suis député et on y a touché régulièrement, à chaque session. Alors si on a à y toucher, on va le faire. Le processus parlementaire est le même pour modifier le Code civil que pour modifier une loi particulière.

Relativement à votre interrogation quant à la Loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture, l'équipe de la réforme du Code civil qui m'entoure aujourd'hui examine la chose et est en train d'étudier cet aspect. Évidemment, on n'a pas de réponse à vous donner aujourd'hui, mais on examine le tout actuellement. Cela dit, je tenais à faire ces précisions avant d'aborder la période de discussion entre nous. (11 h 30)

Cela m'amène à une première question. Plusieurs groupes pour la protection des automobilistes, par exemple, sont venus nous rencontrer la semaine dernière afin de demander aux membres de cette sous-commission de voir à inclure, éventuellement, des règles, dans cet avant-projet de loi que nous étudions actuellement, relativement aux contrats de location d'automobiles à long terme ainsi qu'à la location-achat d'appareils électroménagers ou de vidéos, de même que sur les problèmes se rattachant au retrait préautorisé. Connaissant votre intérêt pour les consommateurs, vous êtes peut-être moins spécialisés que les autres groupes qui sont venus nous rencontrer qui s'occupaient spécialement de la protection des automobilistes, mais j'aimerais savoir de votre part, avec votre vécu quotidien, ce que vous pensez de l'éventualité de prévoir, comme législateur, tous ces contrats: le contrat de location d'automobile à long terme, le contrat de location-achat d'appareils électroménagers ou de vidéos et les retraits préautorisés.

La Présidente (Mme Bélanger): M.Bilodeau.

M. Bilodeau: Mon premier commentaire est le suivant: je suis content de voir que l'adjoint parlementaire du ministre nous rassure concernant le maintien et le remaniement de la loi 72 ainsi que l'examen qu'on fait de la possibilité d'inclure la Loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture dans l'éventuel Code civil.

En ce qui concerne les contrats de location d'automobile à long terme et d'appareils électroménagers ou le retrait préautorisé, nous n'avons pas spécialement relevé ces points dans notre présentation. Mais certaines de nos associations membres de la FNACQ ont des dossiers concernant ces points et, même si on ne connaît pas le contenu des mémoires des associations qui sont venues vous rencontrer la semaine dernière, nous serions d'emblée d'accord pour inclure, dans cet avant-projet de loi, les contrats de location d'automobile à long terme. On sait que, depuis deux ou trois ans, cela a fait l'objet de multiples plaintes de la part des consommateurs.

La location d'appareils électroménagers est aussi un phénomène grandissant sur le plan de la consommation. Auparavant, on ne retrouvait souvent que la location de téléviseurs. Maintenant, vous comprenez que le marché s'élargit grandement et qu'on a besoin d'une protection adéquate.

Quant au retrait préautorisé, au Québec, certaines compagnies se sont rendues célèbres par les erreurs et le fouillis administratif que comportait leur système de retrait préautorisé. De ce côté, il y a effectivement un manque de protection des consommateurs et il serait tout à fait souhaitable que l'on insère ce type de contrat pour avoir une meilleure garantie de protection du consommateur.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: J'ai une question qui va peut-être déborder un peu le contenu du mémoire. Vous parliez de l'office et de ses mandats et vous vouliez que nous conservions, dans une loi particulière, toutes ses attributions. En tant qu'organisme responsable de la protection des consommateurs... Mon collègue de Taillon, en tant que président de la commission des institutions est bien au fait de cela.

Notre commission, il y a un an et demi, deux ans, a eu l'occasion d'examiner les orientations et les mandats de l'Office de la protection du consommateur. Comme organisme qui a à

travailler presque quotidiennement avec l'office... On sait que l'office envoie une espèce de document ou fait des sondages sur le taux de satisfaction de votre clientèle face à l'Office de la protection du consommateur. On sait que le taux de satisfaction est très élevé. D'ailleurs, c'est l'un des organismes du gouvernement dont le taux de satisfaction est des plus élevés. Dans votre quotidien, est-ce que vous auriez des commentaires à faire là-dessus? Est-ce qu'il y a des choses qui pourraient être changées toujours dans le but bien précis d'améliorer et de protéger la condition des consommateurs?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Bilodeau.

M. Bilodeau: On a pris soin d'indiquer dans notre mémoire qu'on voulait que l'office conserve les mandats qu'elle a présentement. Cependant, cela ne veut pas dire que dans le passé et dans l'avenir on n'aura pas des suggestions ou des commentaires à faire sur la façon dont les administrateurs de l'office s'acquittent de leur mandat.

Évidemment, pour nous, en tant qu'association de consommateurs en contact quotidien avec l'office, ce dernier est un interlocuteur privilégié. On a pu constater qu'un des mandats de cet office est à la fois de subventionner les associations de protection du consommateur... Et, là-dessus, on ne fera pas de surprise à personne en constatant que, quant à nous, les subventions sont pour le moins maigres et que, non seulement elles ne suivent pas l'inflation mais elles ne suivent pas la courbe des dépenses croissantes qu'on a à assumer. Mais, indépendamment de ça, nous avons constaté qu'au cours des dernières années, on dirait qu'on a eu plus de difficulté à mener conjointement les dossiers importants quant à la protection de la consommation. Je laisserai maintenant mon collègue de l'ACEF de l'Estrie faire des commentaires plus appropriés quant aux relations qu'ils ont pu entretenir avec les représentants de l'Office de la protection du consommateur, dans certains dossiers en particulier.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lefebvre.

M. Lefèvre (Bernard): Merci. Justement, je pense que les améliorations qui pourraient être apportées devraient l'être principalement quant à la transparence de l'information. On se retrouve dans certaines situations où, comme association, on a le mandat d'aller dépister des problèmes de consommation, de faire des propositions d'améliorations là où les consommateurs sont iésés et d'intervenir directement sur la problématique. Souvent, comme association, nous sommes coincés entre le désir d'information et la possibilité d'y avoir accès, ce qui handicape souvent le fonctionnement de la démarche de nos dossiers, et nous croyons aussi fermement que ça handicape le fonctionnement de l'appareil de protection qui est l'Office de la protection du consommateur. Donc, une plus grande transparence dans la collaboration pourrait grandement aider les deux parties et, nécessairement, le cours de la protection des consommateurs.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M.

Lefebvre.

M. Dauphin: Cela va pour le moment.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Taillon.

M. Filion: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, je voudrais souhaiter la bienvenue à la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. Je remarque qu'il y a plusieurs ACEF qui sont membres de la fédération nationale. Est-que la fédération nationale est la seule à regrouper des ACEF au Québec?

M. Bilodeau: M. le député de Taillon, pour votre information, je dirais, sans faire un recul historique trop long, qu'en 1977, à la suite d'un congrès d'orientation, il y a eu des ACEF qui se sont détachées de la Fédération des ACEF et qui ont été à l'origine de la fondation d'une nouvelle fédération qui s'appelle la FNACQ. Donc, la FNACQ regroupe quatre ACEF ainsi que six autres organisations qui ne portent pas le nom de ACEF mais qui sont toutes sous le chapeau de la FNACQ. À côté de ça, vous avez la Fédération des ACEF qui ne chapeaute que les organisations qui s'appellent ACEF et vous avez aussi deux autres ACEF qui ne sont membres d'aucune fédération.

M. Filion: D'accord. Bon, ça m'aide parce que je me demandais comment il se fait que la Fédération des ACEF, finalement, ne faisait pas partie de la liste des organismes ou groupes qui ont déposé un mémoire. Alors, comme on ne suit pas tous ces partages-là, ces scissions-là, je voulais juste m'instruire.

Écoutez, deux commentaires peut-être en commençant, dans le même sens que le député de Marquette. Mon expérience est plus courte que la sienne; elle n'a que trois ans. Mais le Code civil n'a pas le statut d'une table de Moïse de l'autre côté et c'est une bonne chose. Je ne crois pas aux lois éternelles. Je pense qu'il faut modifier les lois. Surtout actuellement, parce que les réalités changent vite, et ce n'est pas parce que c'est dans le Code civil que ce sera modifié plus ou moins souvent. Il est vrai que ça lui consacre plutôt un certain caractère, mais de !à à dire que le processus de modification des articles contenus au Code civil est différent parce que c'est dans le Code civil, non. Je ne pense pas qu'on puisse conclure ça. Alors peut-être pour vous enlever cette crainte que vous pourriez avoir si, d'aventure, le législateur décidait d'inclure certaines autres dispositions à l'actuel

Code civil...

Deuxièmement, en ce qui concerne l'Office de la protection du consommateur, je vais vous dire que s'il y en a qui s'avisent de passer la hache dans l'office, je pense qu'on va en discuter et qu'il y aura un peu plus de monde autour de cette table. On va essayer de déchirer nos chemises dans les autobus.

Il est vrai qu'un ministre avait signé un rapport qui disait que la revue Protégez-Vous de l'Office de la protection du consommateur devrait être privatisée. Mais je pense que la raison est revenue assez rapidement. Tous les parlementaires avaient étudié ça en commission parlementaire et il n'y a pas de velléités qui ont été perçues de ce côté-là. Et comme l'Opposition est soupçonneuse, si je n'ai rien vu venir, je pense qu'il n'y a pas trop de danger, du côté gouvernemental, à ce qu'on cherche à abolir l'Office de la protection du consommateur.

On a mené bataille l'an dernier, vous vous souviendrez, à l'intérieur du débat portant sur le projet de loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture. L'Opposition était contre le fait de prévoir la vente de préarrangements funéraires par voie de vendeurs itinérants ou par démarchage. L'Opposition était contre. On s'est battus, on a mené là-dessus une bataille qu'on a perdue, mais je suis heureux d'entendre aujourd'hui ce que j'en ai toujours pensé. On a perdu une bataille mais on n'a pas perdu la guerre. Vos arguments étaient très éloquents tantôt. De façon générale, l'Opposition est d'avis que ce type de produit, qui est sensible, ne devrait pas être vendu de façon itinérante. On n'aborde pas les gens dans des foyers, des centres d'accueil, des maisons pour personnes âgées ou dans leur demeure, en leur disant toutes sortes de choses. L'idée est bien simple, c'est qu'une fois qu'ils sont dans la maison, ces gens-là sont des professionnels et ils trouvent toujours toutes sortes de bonnes raisons pour convaincre les personnes, qui sont généralement âgées, que personne ne s'occupera d'elles si elles ne signent pas de préarrangements funéraires. Comme les gens deviennent parfois inquiets de ce qui va leur arriver en vieillissant, et c'est normal, ils deviennent sensibles et signent. C'est un marché, il faut se le dire, où se brassent des millions. On l'a vu en commission parlementaire, alors que la Compagnie d'assurance-vie Glacier National souhaitait que soient modifiées certaines dispositions du Code civil pour favoriser leur pratique. C'est un secteur d'activité où il y a beaucoup d'argent et où on fait du financement parce que les gens ne meurent pas le lendemain après avoir signé leur contrat. Surtout avec la science, tant mieux d'ailleurs, les gens vivent longtemps, mais le contrat est signé et l'argent est versé. Alors ça fait des sous. Je me demande s'il y a un endroit où ça coûte plus cher qu'au Québec pour enterrer les gens. En tout cas, ça coûte cher en maudit au Québec. Il y a un marché lucratif et des intérêts très importants.

Donc, j'ajoute ma voix bien modeste à la vôtre, beaucoup plus étoffée, en ce qui concerne cette demande d'abolir la possibilité de vendre de façon itinérante les contrats de préarrangements funéraires.

Dans votre mémoire, vous soulevez la question des sanctions pénales. Vous aimeriez que le Code civil contienne des sanctions pénales. Je pense que juste le fait de poser la question, ça heurte l'oreille: Code civil, sanctions pénales. Est-ce que les sanctions pénales ne devraient pas être dans une loi distincte et les sanctions administratives, contractuelles, civiles, etc., se retrouver à l'intérieur des lois civiles et les sanctions pénales dans d'autres dispositions? Finalement, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de chercher à éviter, comme législateurs, cette espèce de confusion avec les sanctions?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Bilodeau.

M. Bilodeau: Oui, Mme la Présidente, je vais céder la parole à Me Christine Lebrun.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Lebrun.

Mme Lebrun (Christine): Merci. Si on revient au début de notre mémoire, c'est là qu'on retrouve exactement ce qu'on veut dire. En fait, on ne veut pas qu'il y ait une baisse en ce qui concerne la protection accordée au consommateur. C'est vraiment ce qui est à la base de notre proposition. Pour nous, que ce soit au Code civil... C'est évident, et vous avez un peu raison, qu'on ne retrouve jamais de sanctions pénales dans le Code civil. On l'a formulé comme ça pour que ce soit clair qu'on ne veut pas que les sanctions pénales soient abolies. Autrement dit, on voudrait que la loi... On ne savait pas si la Loi sur la protection du consommateur allait demeurer en vigueur. Maintenant qu'on a l'assurance qu'elle va le rester, on voudrait qu'elle soit modifiée de façon que les sanctions pénales et les recours civils qu'on retrouve dans la Loi sur la protection du consommateur et qui ne sont pas repris dans l'avant-projet de loi continuent de s'appliquer pour sanctionner les obligations contenues dans l'avant-projet de loi. Je pense qu'on pourrait reformuler la recommandation de cette façon-là.

(11 h 45)

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Taillon.

M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Dans votre mémoire, vous soulevez également la nécessité de sanctions civiles - on se comprend bien cette fois - pour les pratiques de commerce défendues. L'article 253 de la Loi sur la protection du consommateur nous dit, et je le lis: "Lorsqu'un commerçant, un manufacturier ou un publicitaire se livre à une pratique interdite - et là, il y a toute la liste des pratiques inter-

dites - il y a présomption - là, on crée une présomption - que, si le consommateur avait eu connaissance de cette pratique, il n'aurait pas contracté ou n'aurait pas donné un prix si élevé." Encore une fois, il y a plusieurs exemples de pratiques interdites ou défendues. Est-ce je dois comprendre, selon votre mémoire, que vous aimeriez étendre ces pratiques à d'autres pratiques interdites? À la page 7 de votre mémoire, vous soulevez le fait que l'avant-projet devrait être modifié afin de sanctionner civilement les pratiques de commerce interdites. On a donc l'article 253. Dois-je comprendre que vous voulez vous assurer, finalement, que cet article 253 demeure intact? Est-ce le sens de votre propos, à la page 7, à savoir qu'il demeure dans le Code civil ou aimeriez-vous, finalement, peut-être, inclure d'autres formes de pratiques de commerce qui pourraient être révélées par l'expertise et l'expérience acquises par vos associations?

La Présidente (Mme Bélanger): M.Bilodeau.

M. Bilodeau: Oui, je vais demander à Me Lebrun de répondre à cette question.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Lebrun.

Mme Lebrun: II y a eu une certaine confusion quant au terme "pratiques de commerce". "Pratiques de commerce", dans l'actuelle Loi sur la protection du consommateur, cela comprend les articles 215 à 253. Ce qu'on visait, par notre recommandation, c'étaient plutôt les pratiques de commerce en général. On voulait que les articles 215 à 253 soient maintenus - et on en a eu l'assurance aujourd'hui - parce qu'ils ne sont pas repris dans l'avant-projet de loi. Par contre, les articles 271, deuxième alinéa, à 276 ne sont pas repris dans l'avant-projet de loi et on voulait qu'il le soient parce qu'on considérait qu'ils sanctionnaient des pratiques de commerce en général. Là, il y a une confusion dans les termes. En fin de compte, c'est le commerce en général, la consommation, qu'on voudrait que l'on continue à sanctionner par les recours civils, d'où la confusion peut-être.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Taillon.

M. Filion: Avec la permission des membres de la commission, je demanderais peut-être à mon conseiller juridique, Me Pierre Gariépy, de poser une question plus spécialisée.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Gariépy.

M. Gariépy (Pierre): Une précision. C'est que l'article 253 n'est pas dans l'avant-projet. Je veux comprendre. Voulez-vous qu'il soit dans l'avant-projet comme étant une présomption de dol ou est-ce que vous voulez qu'il demeure... Parce qu'il y a une présomption de dol en matière civile, à l'article 253.

Mme Lebrun: Mais cette présomption joue, présentement, seulement dans le cas des articles 215 à 253. Comme on a l'assurance qu'ils vont demeurer en vigueur, c'est ça notre proposition.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Lebrun. Y a-t-il d'autres questions?

M. Filion: Cela va de mon côté, Mme la Présidente.

M. Dauphin: Je pense que leur mémoire était quand même très clair sur des points bien précis. On espère qu'on a su répondre à leurs demandes, à leurs interrogations. Du côté ministériel, en tout cas, et au nom du gouvernement et du ministre de la Justice, nous aimerions vous remercier d'avoir participé à nos travaux et vous dire que vos points seront étudiés attentivement. D'ailleurs, ce sont des points qu'on examine actuellement.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le député de Taillon.

M. Filion: Oui. Merci, Mme la Présidente. À mon tour, je voudrais vous remercier de ces éléments de réflexion. Il est rassurant de constater de temps en temps que nos associations de consommateurs arrivent de façon aussi musclée que nos associations patronales. Je le dis, tout simplement, en le constatant. Vous arrivez de façon aussi musclée, aussi préparée avec un mémoire aussi étoffé que n'importe quel autre groupe qui aurait pu se présenter ici. Je vous remercie de votre vigilance.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, MM. les membres de l'association. Au nom de la commission, nous vous remercions de la présentation de votre mémoire et vous souhaitons un bon retour. Voulez-vous ajouter un mot?

M. Lefebvre (Bernard): Je m'excuse, Mme la Présidente, j'ai omis de préciser tantôt qu'on tient à déposer ici, à votre intention, les appuis qu'on avait eus, il y a déjà un an et demi, pour, justement, se présenter en commission parlementaire relativement au projet de loi sur la vente itinérante, à ce moment-là. Comme second appui, finalement, vous pourrez annexer aussi les lettres et télégrammes qui s'ajoutent encore aujourd'hui, deux ans plus tard. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Avec la permission de M. le Président de la commission, en l'occurrence, M. le député de Taillon... Vous acceptez, monsieur?

M. Filion: Cela va.

La Présidente (Mme Bélanger): Cela va,

alors vous pouvez les déposer. Avant de suspendre les travaux, j'aimerais faire une petite correction en ce qui concerne l'horaire de cet après-midi. Alors que l'Association des offices municipaux d'habitation du Québec devait se présenter à 16 heures, elle va se présenter à 20 heures.

M. Filion: Qui va se présenter à 20 heures?

La Présidente (Mme Bélanger): L'Association des offices municipaux d'habitation du Québec va se présenter à 20 heures...

M. Filion: D'accord.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, Mme la Secrétaire, voulez-vous le dire, s'il vous plaît?

La Secrétaire: Contrairement à ce qui avait été initialement annoncé dans l'horaire qui vous avait été distribué la semaine dernière, à 16 heures, ce sera l'Association des offices municipaux d'habitation du Québec tel qu'il apparaît à l'ordre du jour aujourd'hui, qui a déjà été modifié, au lieu de 20 heures, ce soir. À 20 heures, ce sera la Société de développement économique du Saint-Laurent.

M. Filion: Cela va.

La Présidente (Mme Bélanger): On vous remercie beaucoup et bon retour. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 52)

(Reprise à 15 h 19)

Association des consommateurs du Canada (Québec) inc.

La Présidente (Mme Bélanger): La sous-commission des institutions reprend ses travaux. Nous recevons l'Association des consommateurs du Canada, section du Québec, représentée par Me Jacques Carouzet et Mme Lucille Brisebois.

Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et il y aura ensuite une discussion de 40 minutes avec les groupes parlementaires.

Mme Brisebois (Lucille): Je vais commencer par vous donner une idée de ce qu'est notre association et M. Carouzet va lire son mémoire.

L'Association des consommateurs du Canada (Québec) inc. a été fondée en 1948. Nous célébrons cette année le 40e anniversaire de sa fondation. Elle compte 16 300 membres au Québec et est formée de bénévoles. Elle est sans but lucratif. Notre organisme aide les consommateurs à mieux gérer leur argent et à faire de meilleurs achats. Les buts de notre association sont de grouper les consommateurs, de les informer de leurs droits, de leur donner l'information nécessaire pour régler leurs problèmes d'achat de biens ou de services avec un marchand ou une maison d'affaires et d'améliorer leur qualité de vie. Notre bureau est ouvert à ses membres et au public en général, soit pour l'information concernant la consommation, ou pour obtenir une référence à un organisme susceptible de les aider, comme, par exemple, la Cour des petites créances ou un organisme qui peut les conseiller.

L'Association des consommateurs du Canada (Québec) inc. sert d'intermédiaire entre le commerçant et le client et participe aux auditions et commissions parlementaires pour défendre les droits des consommateurs. Notre association remercie le gouvernement du Québec de lui donner l'occasion de présenter ses commentaires sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations.

Le Président (M. Bélanger): Merci, madame.

M. Carouzet (Jacques): Oui. Je vais maintenant vous présenter le mémoire dont vous avez probablement copie. Mon nom est Jacques Carouzet, je suis avocat à Montréal. Donc, je vais me référer aussi bien à mon expérience en tant que défenseur des consommateurs qu'à mon expérience privée, professionnelle qui, évidemment, m'a bien aidé dans ce domaine. Cela fait 20 ans que j'exerce cette activité, alors j'ai vu beaucoup de cas, aussi bien avant l'adoption de la Loi sur la protection du consommateur qu'après.

J'ai examiné l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du droit des obligations et, d'une manière générale, je dois dire, évidemment, que je trouve que ce projet comporte une modernisation qui s'imposait, à mon avis, et des qualités que je dirais de simplification; on a essayé de simplifier les règles de droit, de les rendre moins obscures pour les gens et surtout pour les consommateurs. Les consommateurs sont des gens que nous essayons autant que possible d'informer, d'éduquer, de protéger et de défendre, mais ils n'ont pas toujours l'expérience et l'expertise nécessaires pour se défendre. Dans cette optique, il faut donc rendre les règles de droit plus simples et plus compréhensibles et je considère que l'avant-projet de réforme a fait un effort méritoire. Il y a aussi un effort pour raffiner les règles de droit, pour essayer de rendre les parties plus égales dans les rapports de droit qui les opposent dans le commerce juridique journalier. Alors, cela a aussi été un effort méritoire. Je pense que, évidemment, plus notre civilisation avance, plus il y a un raffinement qui se produit à ce sujet-là et plus on essaie de rendre les parties égales sur le terrain juridique pour éviter qu'il y en ait qui soient injustement frustrées ou fraudées ou, finalement, se trouvent perdantes d'une façon injuste.

Maintenant, si on regarde les différentes

règles de ce projet et les différents chapitres, au point de vue du droit des consommateurs, on a évidemment été très intéressés par le titre troisième du projet qui concerne les contrats de consommation. C'est une première chose que je voudrais aborder ici. Ces règles-là, qui sont produites au titre troisième, reproduisent en grande partie les dispositions qu'on trouve actuellement dans la Loi sur la protection du consommateur. C'est ici que j'aurais une critique à formuler. Du point de vue des consommateurs, on a fait un titre spécial concernant les contrats de consommation, alors qu'on aurait pu prendre une autre méthode étant donné que ces différents contrats sont de nature différente: il y a le contrat de vente, évidemment, il y a des contrats de prêt, il y a différents contrats. On aurait peut-être trouvé plus logique de grouper les contrats par nature dans les sections qui concernent les différents contrats, par exemple de mettre le contrat de vente à la consommation avec le contrat de vente dans le titre du contrat nommé de la vente. On pourrait aussi mettre également les contrats qui se relient aux contrats de location d'ouvrage.

J'ai vu qu'il y a une chose très bien dans le projet, c'est qu'on introduit des nouveaux contrats nommés dans les contrats de consommation: Par exemple, les contrats d'épanouissement de la personne qui est un nouveau contrat auquel on a très justement consacré toute une partie du projet. On aurait pu mettre ce contrat d'épanouissement de la personne qui, au fond, est un contrat d'ouvrage, avec le contrat de location d'ouvrage, et ainsi de suite. Je sais qu'on peut me faire une objection là-dessus, qu'il y a des contrats qui groupent les deux. Par exemple, vous avez le contrat d'achat de biens à crédit qui, lui, participe des deux. En fait, il y a un contrat de prêt et un contrat de vente qui sont groupés. Je suppose que dans ce cas-là, le contrat qui est le plus important est le contrat de vente. Si une personne veut, par exemple, acheter une automobile, c'est le contrat de vente qui est important. Le contrat de prêt, en somme, n'est qu'un accessoire. À ce moment-là on pourrait mettre le contrat d'achat d'automobile avec crédit dans le contrat de vente. On peut mettre une référence dans le titre qui concerne les prêts, et ainsi de suite. L'avantage c'est que cela n'oblige pas les consommateurs, des gens qui n'ont pas une grande expérience, à aller dans plusieurs parties. Au point de vue de clarté, cela ne les oblige pas, pour un contrat d'achat d'automobile, à se référer au contrat de vente générale, et, dans le titre qui traite de la consommation, à aller voir également ce qui traite du contrat de vente pour les contrats de consommation et d'aller à différentes places.

Évidemment que c'est plus compliqué. C'est une question d'organisation, de classification des règles. Je prétends que c'était plus simple de mettre, par exempte, au titre de la vente. Suivant cette méthode, il faudrait évidemment définir ce qu'est un contrat de consommation. Cette définition pourrait être au début. Toutes les définitions des contrats sont au début et on pourrait mettre la définition du contrat de consommation. Cela serait intéressant au point de vue de clarté. C'est très souvent pour les consommateurs. Ils sont souvent perdus et s'il faut qu'ils se reportent à plusieurs passages du Code civil, évidemment que cela complique la tâche.

Il y a une autre critique aussi, c'est qu'on trouve à la page 2 du mémoire, concernant les sortes de contrats qui sont définis comme contrats de consommation, on constate qu'à l'article 2717 cela exclut les contrats d'achat ou de vente d'immeubles. Alors, là-dessus et c'est une critique qui est assez importante à mon sens, c'est que... article 2717... "le contrat relatif à la vente, au louage ou à la construction d'un immeuble". Alors cela exclut tout un groupe de contrats. L'Association des consommateurs fait remarquer qu'on exclut d'un seul coup tous les contrats qui sont les plus importants au fond. Alors je sais bien que les contrats de vente d'immeuble n'intéressent pas seulement les consommateurs, mais je prétends que si je prends le cas, par exemple, d'un jeune couple qui n'a pas d'expérience et qui cherche évidemment à se loger et à chercher un immeuble, à acheter une petite maison, un bungalow pour se loger, bien je trouve qu'il serait souhaitable que ces gens-là soient protégés pour le premier achat important en fait qu'ils vont faire pendant leur vie de couple. C'est extrêmement important, parce que d'une part, ils vont pouvoir se loger à ce moment-là, et pour la famille c'est très important, et il y a d'autres aspects qui rendent cette chose-là importante. (15 h 30)

Finalement, pour un jeune couple, la valeur de la maison qu'il habite constitue souvent la plus grande valeur, le plus grand actif de la famille. Alors c'est une valeur qui augmente généralement, et qui sert de sécurité pour la famille. En même temps que cela sert pour loger les gens, cela sert de sécurité. C'est une valeur. S'il arrive qu'on ait besoin d'argent, on peut toujours hypothéquer cette maison, on peut la vendre, on peut faire quelque chose avec, et c'est une grande sécurité, pour des gens, surtout des gens qui peuvent avoir des enfants, qui peuvent avoir un besoin d'argent, tout d'un coup. Je pense que c'est dans l'intérêt public de favoriser l'acquisition de cette propriété. Alors si les jeunes couples, quand ils font leur première expérience, si c'est une mauvaise expérience quand ils achètent leur première maison, bien je trouve que c'est malheureux; donc, il serait bon de les protéger. Dans le mémoire, on a émis l'avis que cette protection soit sous forme d'un dédit. Supposons que la première maison que les jeunes couples achètent a une valeur de 150 000 $ basée sur la valeur municipale. La façon de protéger ces gens serait de leur

accorder un délai de dix jours, par exemple, pour se dédire de la vente et l'annuler. C'est une suggestion que nous faisons. Cela paraît paradoxal d'exclure d'un seul coup tous les contrats relatifs à la vente, au louage ou à la construction d'immeubles de l'article 2719, alors que dans certains cas, ce sont des achats faits par des gens qui ont réellement la qualité de consommateur et qui méritent d'être protégés.

Il y a beaucoup de choses qu'on retrouvera dans le projet. Je ne m'attacherai pas aux textes de loi qui reproduisent plus ou moins les anciens textes, ce n'est pas la peine. Je m'attacherai surtout aux choses nouvelles. À la page 4 du projet on a constaté avec satisfaction que l'article 1423 parle des contrats d'adhésion. La théorie des contrats d'adhésion, ce n'est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c'est que la définition a été introduite dans le projet de loi. Il fallait évidemment qu'elle soit introduite, parce qu'on a fait découler de cette notion des conséquences juridiques où les clauses externes sont, en principe, nulles. Externes, ça veut dire qu'elles sont en dehors du contrat, qu'elles ne sont pas entre le début du contrat et la signature. Ce sont de bonnes dispositions, on est entièrement d'accord avec celles-ci. Concernant les nouveaux modes de paiement, on peut regretter que les cartes de crédit encouragent les consommateurs à la dépense; c'est un avantage et c'est un inconvénient, mais on peut difficilement... On se félicite tout de même qu'il y ait certaines limitations notamment pour l'émission des cartes de crédit.

À l'article 1782, j'ai trouvé une disposition qui m'a frappé parce qu'elle ne se trouvait pas dans l'ancien code et qu'il y avait un certain vide à ce sujet-là. L'article 1782 dit: "Lorsque, au moment de la vente d'un bien meuble, par un contrat autre qu'un contrat de consommation - je l'ai souligné parce qu'on y reviendra tout à l'heure - le prix n'est pas déterminé et que le contrat ne permet pas de le déterminer, l'acheteur est tenu de payer le prix généralement exigé, dans des circonstances semblables, pour un bien de même nature." Autrement dit, il est obligé de payer le prix du marché.

C'est une bonne disposition, c'est extrêmement logique: quand quelqu'un ne stipule pas le prix qu'il veut payer, c'est comme à la Bourse quand on commande quelque chose au prix du marché. C'est extrêmement logique, mais si logique que cela paraisse, ça n'existait pas dans l'ancien Code civil et ça remplit effectivement un vide. Ce qui est malheureux, à mon sens, c'est qu'on ait mis cette restriction "par un contrat autre qu'un contrat de consommation". C'est dommage qu'on n'ait pas appliqué cette notion aux contrats de consommation. Je sais que dans la plupart de ces contrats, il y a un prix qui doit être fixé, inscrit dans les contrats et qu'il doit y avoir une évaluation dans le cas de réparations d'automobile, mais il peut toujours y avoir le cas où il peut y avoir un oubli, ou bien certains contrats qui ne sont pas prévus...

Le titre préliminaire qui concerne les contrats de consommation en général ne détermine pas qu'il faut qu'il y ait un prix fixé dans tout contrat de consommation. Or, dans les contrats usuels, par exemple s'il s'agit de remplacer une vitre cassée ou de faire réparer une automobile, un pneu, ou pour toutes sortes de réparations ou d'achats usuels, il arrive très souvent que les consommateurs ne se dérangent pas pour demander un prix. Je soumets qu'il serait utile que cette disposition de l'article 1782 s'applique même aux contrats de consommation quand il n'y a pas de stipulation contraire dans la loi. Il me semble que ce serait une bonne chose, parce que cet article est très logique et que cela donnerait un recours au consommateur qui pourrait prouver que le prix qu'on lui demande n'est pas celui du marché. Si c'est beaucoup supérieur au prix du marché, il pourrait avoir recours. Ce serait plus clair. Les commerçants aussi sauraient à quoi s'en tenir.

Ce qui nous a beaucoup intéressés dans les contrats nommés, dans le titre deuxième, ce sont les règles particulières à la vente d'immeubles résidentiels, c'est-à-dire les articles 1839 et suivants. Cette partie nous a beaucoup intéressés, parce qu'elle contribue à protéger l'acheteur de certains immeubles résidentiels, surtout. Vous avez l'article 1839 qui dit que dans la vente d'un immeuble résidentiel de moins de cinq logements, l'acheteur bénéficie d'un dédit qui s'exerce dans les dix jours. Cela, c'est très intéressant dans les cas que cela concerne, évidemment. Ce que nous trouvons, au point de vue des consommateurs, c'est qu'on aurait dû élargir cette formule non seulement dans le cas d'immeubles de moins de cinq logements...

La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, M. Carouzet, votre temps est écoulé. S'il y a consentement des deux côtés, vous pouvez continuer votre exposé, mais il y aura moins de temps pour les discussions avec les deux partis.

Une voix: Consentement.

M. Dauphin: Consentement.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, vous pouvez y aller, M. Carouzet.

M. Carouzet: Merci, je vais essayer d'aller assez vite.

On en est à un passage très important, l'article 1839, qui concerne l'immeuble résidentiel de moins de cinq logements. C'est cette formule que nous aurions aimé voir généralisée, appliquée dans les cas qui concernent spécialement les consommateurs à petits revenus, comme les jeunes couples, qui pourraient bénéficier d'une formule de dédit pendant dix jours pour une maison unifamiliale.

Une dernière chose importante que nous

avons regrettée. Évidemment le titre concerne les contrats de consommation, nous sommes tout à fait d'accord avec ce titre sur les contrats de consommation. Mais il y a une chose que nous aimerions, c'est le rapport entre ce titre et l'actuelle Loi sur la protection du consommateur. J'ai remarqué évidemment que les dispositions de ce titre reproduisent en grande partie les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur. Mais on ignore si cela va remplacer complètement la Loi sur la protection du consommateur ou bien s'il y en a une partie qui va rester dans une autre loi.

J'ai remarqué que beaucoup de ces dispositions sur les contrats de consommation font référence à des règlements qui ont été pris en vertu de la Loi sur la protection du consommateur. C'est aussi une chose importante. On aimerait que tout le contenu de la Loi sur la protection du consommateur soit transféré dans le Code civil, ce qui serait évidemment beaucoup plus clair pour ne pas obliger les consommateurs à se reporter au Code civil et, en plus de cela, être obligé de se référer à un texte séparé, à part. S'il y a des règlements d'application qui font référence au Code civil, pour les consommateurs cela va être assez compliqué, s'ils doivent référer à deux textes différents. C'est une autre chose.

Enfin, une dernière remarque que j'aimerais vous soumettre. Parmi les contrats de consommation, il y en a un, si je peux m'exprimer ainsi, qui brille par son absence et, pourtant, c'est un contrat de consommation qui est très fréquent et très populaire, c'est le contrat de rénovation et de réparation d'immeubles.

Dans ma pratique, j'ai eu très souvent affaire avec des consommateurs qui ont été pris au piège dans des sortes de contrat. Pour vous donner un exemple, un monsieur est venu une fois à mon bureau. Il avait demandé à un entrepreneur de lui installer une porte et il avait versé un acompte de 6000 $ pour faire installer sa porte. Finalement, il n'a jamais rien eu, il n'a jamais eu de porte; les 6000 $ sont disparus. Le monsieur a fait faillite et non seulement, il a perdu ses 6000 $, mais il a été obligé de payer des frais d'avocat en plus de sa perte.

Cela est un cas. J'ai eu un autre cas où il s'agissait de construire un garage. Le monsieur a fait un plan et a reçu un acompte. Et après, il a été obligé de voir... Il a récupéré éventuellement son acompte, mais là aussi, cela a été une perte.

Une autre chose. Lorsque les gens ont des réparations à faire ne font pas de contrat du tout ou font des contrats, mais qui sont tellement rudimentaires qu'ils ne les protègent absolument pas. Un exemple très simple: ils ne pensent même à indiquer la date du début des travaux et la durée des travaux; avec la conséquence qu'on attend... Ce monsieur doit venir; doit-il venir aujourd'hui ou demain? On attend quinze jours ou trois semaines, etc. Finalement, on se retrouve devant le tribunal. L'entrepreneur fait les travaux vite, vite, après trois ou quatre mois... et on le poursuit en justice mais le juge dit: Écoutez, il n'y avait pas de délai de stipulé dans votre contrat, donc ce n'est pas de l'essence des obligations. Alors, je soumets que c'est un contrat qu'il serait vraiment très important d'inclure dans les contrats de consommation. Notre association a même fait un modèle de contrat: il y en a plusieurs, mais je dois dire que la plupart des contrats sont faits par des entrepreneurs, donc, ils sont faits dans l'intérêt, évidemment, des entrepreneurs. Il y a aussi des garanties qui sont données, mais, en général, ces garanties sont accordées par des associations d'entrepreneurs, suivant les conditions des entrepreneurs et non des consommateurs. Alors, ceci est une critique assez importante. (15 h 45)

Notre association a réellement fait un modèle de contrat de rénovation ou de réparation qui a eu énormément de succès parce que je pense que cela répondait vraiment à un besoin de la population. Non seulement on en a vendu à des consommateurs, mais même à des entrepreneurs, etc. Je pense qu'il y aurait lieu de réglementer ce contrat, d'en faire un contrat de consommation, de soumettre l'entrepreneur à l'obligation d'avoir un compte en fidéicommis, de ne pas séparer son argent avec l'argent du client, tant que les travaux n'ont pas été faits, ce qui figurait d'une certaine façon dans le Code civil, mais il n'y a pas beaucoup de sanctions et il semble que ce compte en fiducie soit surtout dans l'intérêt des sous-entrepreneurs plutôt que de celui du client. Je soumets, évidemment, que cela vient en contradiction avec les dispositions qui disent que les contrats de consommation ne concernent pas les immeubles. Ici encore, cela concernerait effectivement les immeubles, mais je pense que, dans certains cas, les contrats de consommation concernent effectivement des immeubles et qu'il faudrait essayer de le reconnaître à l'occasion d'une refonte du Code civil et faire des dispositions à ce sujet peut-être plus poussées, plus élaborées que celles qui existent actuellement dans le projet. Alors, ceci constitue l'essentiel des suggestions de l'Association des consommateurs.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Me Carouzet. M. le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, au nom du ministre de la Justice du Québec et de mes collègues ministériels, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'Association des consommateurs du Canada, représentée par Me Carouzet et Mme Brisebois, et vous remercier de votre participation à nos travaux. J'aurais quelques questions à vous poser, sachant déjà que ma collègue de Groulx a également des questions pour vous et aussi,

évidemment, notre collègue de Taillon.

J'aimerais tout d'abord vous entretenir sur l'article 1449, qui introduit la lésion entre majeurs comme motif pouvant donner accès à la nullité. Alors, qu'est-ce que vous en pensez, vous, comme porte-parole de l'Association des consommateurs?

Mme Brisebois: Ce n'est pas 1449. M. Carouzet: 1449, oui. Mme Brisebois: Ah, c'est ça!

Le Président (M. Bélanger): De l'avant-projet de loi.

Mme Brisebois: Ce n'est pas cela. J'ai compris "adhésion".

Une voix: La lésion.

M. Carouzet: C'est une très bonne chose, évidemment. On ne peut pas être contre cette disposition. C'est évidemment une bonne chose. Cela s'inscrit dans le raffinement du droit dont est empreint le projet de réforme du Code civil. D'ailleurs, le deuxième paragraphe montre bien qu'on s'attache ici à défendre surtout les consommateurs, les gens qui n'ont pas d'expérience, toujours dans le but de donner une plus grande égalité entre les gens, une égalité réelle sur le plan juridique. Alors, au fond cela s'inscrit dans toute cette démarche qui, par exemple, a fait donner des sanctions aux contrats d'adhésion. C'est une très bonne chose.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci beaucoup. Toujours concernant le principe d'introduction d'une fiducie, je vous réfère à titre d'exemple à l'article 2189. Lorsque vous parliez tantôt de votre exemple de réparation d'immeuble pour le contrat de 6000 $, vous parliez d'une porte, je crois.

M. Carouzet: Oui. J'ai vu...

M. Dauphin: Ne trouvez-vous pas que cet article-là s'appliquerait?

M. Carouzet: J'ai vu cet article: "...dès ce versement, détenues en fiducie par le professionnel, pour..." Mais, cela paraît être plus pour le bénéfice des sous-entrepreneurs que du client en réalité. On voit: "...pour le bénéfice des sous-entrepreneurs, des fournisseurs de matériaux et des autres personnes qui participent à la construction ou à la rénovation de l'immeuble résidentiel." Effectivement - d'ailleurs je l'ai mentionné quelque part dans mon mémoire - cela oblige l'entrepreneur à avoir un compte en fiducie, sauf qu'il n'est pas expressément mentionné que c'est... On ne voit pas que c'est expressément dans l'intérêt du client, pour sauvegarder l'argent du client. On ne voit pas non plus de sanctions à cette obligation, à part une sanction que j'ai vue quelque part.

M. Dauphin: L'article suivant nous dit clairement que le professionnel ne peut pas retirer les sommes tant et aussi longtemps que le travail n'a pas été effectué.

M. Carouzet: Mais, s'il le fait, s'il retire les sommes, qu'est-ce qui arrive? Je ne vois pas grand-chose qui dit que... Évidemment, il commet une transgression au Code civil, mais par-de çà, on aurait aimé que la loi ait plus de dents à ce sujet-là.

M. Dauphin: C'est sûr qu'on est en matière civile, évidemment. Sauf qu'il ne peut pas les retirer, c'est en fiducie, justement.

M. Carouzet: Non.

M. Dauphin: À moins d'envoyer la police chez lui les surveiller jour et nuit, à part cela...

M. Carouzet: II y a le problème et il pourrait y avoir des sanctions disciplinaires comme, par exemple, des sanctions disciplinaires s'appliquent au Barreau. Il pourrait y avoir des sanctions qui seraient coupées après cela, c'est sûr, pour obliger le professionnel à respecter son obligation de tenir un compte en fiducie tant qu'il n'a pas exécuté les travaux de façon satisfaisante. C'est sûr. D'abord, à ce sujet-là, s'il ne le fait pas, on peut se poser la question: S'il retire l'argent de son compte en fiducie, à ce moment-là, qu'est-ce qui arrive du point de vue disciplinaire? Cela dépendra des autres lois qui seront édictées du point de vue professionnel. Du point de vue civil, est-ce que le consommateur perd son argent? Je sais qu'actuellement il y a des programmes de garantie, avec l'APCHQ. Il y a un nouveau programme qui a été créé, la CQ, je pense, qui est tout récent... Une voix: La FCQ.

M. Carouzet: La FCQ. Ce sont des espèces d'assurances qui sont couplées après le contrat de rénovation. D'abord, il faut que le consommateur paie ça en plus. C'est lui qui paie. Deuxièmement, comme je l'ai dit plus tôt, les clauses de ces contrats-là sont généralement plutôt en faveur de l'entrepreneur, car ce sont des associations d'entrepreneurs qui donnent les garanties. Quand on regarde ces contrats, on s'aperçoit que ce sont des contrats d'adhésion en fait, qui favorisent beaucoup les entrepreneurs, plus que les consommateurs.

M. Dauphin: Une autre question, si vous

permettez, Mme la Présidente, concerne l'article 1841, qui parle de la circulaire d'information lorsque la vente porte sur un immeuble résidentiel de cinq unités de logement au moins. Est-ce que vous avez une opinion sur cet aspect?

Mme Brisebois: Si je peux répondre... M. Dauphin: Je vous en prie. Mme Brisebois: C'est déjà...

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Brisebois.

Mme Brisebois: C'est déjà dans la Loi sur la protection du consommateur, c'est très bien, d'après nous. Cela veut dire que le promoteur ou le constructeur va faire attention à ce qu'il promet, parce qu'il va être obligé de respecter ce qu'il promet aux gens. Cela va donner un recours à l'acheteur de la propriété, s'il n'a pas vraiment respecté ses promesses, et il va pouvoir débattre son problème, au moins. Souvent ces contructeurs promettent et pour toutes sortes de raisons, ils ne peuvent pas donner, mais ils sont tellement bien protégés par tout ce qui les entoure qu'à peu près tout est une bonne raison pour ne pas donner ce qu'ils sont supposés donner. On espère que cela va fonctionner. Cela nous permet de dire aux gens. Gardez tous les dépliants ou toute la publicité autour d'une maison que vous allez acheter et vous allez avoir des recours si quelque chose ne fonctionne pas à votre goût.

M. Dauphin: D'accord. Je sais que plusieurs organismes nous ont mentionné que cinq unités c'était peut-être un peu lourd ou trop onéreux, comme représentant des consommateurs...

Mme Brisebois: Non, cela devrait être plus que cela. Cela devrait être dans toutes les copropriétés, quant à nous. Qu'il construise 60 unités ou 5 unités, il doit être tenu à la même règle. Ce n'est pas plus facile de construire 60 unités. Comme je vous le dis, si vous regardez les offres d'achat pour les propriétés en condominium, ces temps-ci, souvent, elles sont fournies par les associations de constructeurs. Il y a treize clauses dans cette offre d'achat qui protègent le constructeur au lieu de protéger l'acheteur de maison. L'acheteur n'a pas beaucoup de recours. Cela devrait même être poussé plus loin, d'après nous.

M. Dauphin: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Taillon.

M. Filion: Mme la Présidente, je vous remercie. Je vais donner la parole, après, à Mme la députée de Groulx.

Je voudrais remercier les gens de l'Association des consommateurs du Canada pour leur mémoire, les énergies qu'ils ont investies pour passer à travers cette brique, quand même relativement volumineuse, et afin de nous livrer l'essentiel de leur commentaires, je pense que ce sont des énergies précieuses qui ont été investies et qui méritent d'être soulignées. En ce qui concerne l'article 1782, c'est-à-dire la possibilité lors de la vente d'un bien meuble, lorsque le prix n'a pas été déterminé dans le contrat, vous suggérez à la page 5 de votre mémoire, en somme vous trouvez le principe tellement bon, que vous dites: Bien écoutez, il faudrait peut-être l'exporter et faire en sorte que cela s'applique aux contrats de consommation. Et dans votre mémoire vous donnez deux exemples, le premier c'est le cas où l'on se présente chez le nettoyeur pour faire nettoyer son costume et qu'on ne connaît pas le prix du nettoyage, et le deuxième cas c'est celui du remplacement d'une vitre. À l'oeil, d'abord, en ce qui concerne le costume au nettoyage, c'est plutôt un service qu'un bien meuble.

Une voix: Oui.

M. Filion: Dans le cas de la vitre, il y a une partie où l'on nous vend la vitre et une autre où celui qui fournit le service, l'installe également. Alors je voudrais peut-être vérifier avec vous si vous croyez que cet objectif que vous visiez dans votre mémoire n'est pas, finalement, en bonne partie, et un peu dans le même sens que la question de tantôt, du député de Marquette, résolue par l'article 2722, qui est la lésion contenue dans le contrat de consommation par rapport à la lésion en général, celle qui était visée à l'article 1445, je crois.

M. Carouzet: L'article 2722.

M. Filion: Pardon, oui, l'article 2722. En deux mots, est-ce que les cas que vous auriez à l'esprit et qui toucheraient les contrats de consommation ne pourraient finalement pas être réglés par l'article 2722, qui, si j'ai bien compris, est la lésion à l'intérieur du contrat de consommation, par rapport à l'article 1449 et non par l'article 1445, qui est la lésion en général?

M. Carouzet: Bien, je dirais que l'article 2722 pourrait s'expliquer par l'article 1782. On pourrait se référer à l'article 1782 pour voir justement s'il y a lieu à l'application de l'article 2722 et je pense que cela aurait un effet de clarté qui serait certainement souhaitable. J'ai eu par exemple, dans ma pratique, beaucoup de cas de réclamations, pas seulement pour les consommateurs, parce que l'article 1782 est d'application générale, et s'applique à toute la pratique juridique, et j'ai eu le cas très souvent, de comptes qui étaient contestés, de comptes de n'importe quoi. Ce pouvaient être des comptes de

ventes, de prêts, de réparation d'autos, ce peut être de n'importe quoi, c'est très général évidemment, et l'article 1782 concerne seulement la vente, et c'est ce qu'il faut remarquer quand même, que cela concerne la vente de biens meubles, mais on pourrait l'appliquer même à des contrats de services. (16 heures)

Par exemple, le remplacement d'une roue d'automobile, pourquoi pas? Dans cela, il va y avoir du travail, il va y avoir des choses. C'est un article très logique et qui n'existait pas dans l'ancien Code civil. Je pense que pour mieux illustrer cela, c'est mieux de prendre des exemples concrets. Par exemple, il y a eu des contestations d'une vente d'une certaine quantité de matériel électronique. Le compte était contesté. On disait que c'était exagéré. Mais exagéré par rapport à quoi? Si je dis que 1200 $ c'est trop cher, mais trop cher par rapport à quoi? Il faut trouver une norme. Il faut savoir pourquoi c'est exagéré. C'est là que l'article 1782 vient à notre aide et nous dit: Bien voilà! Quand il n'y a pas de prix de stipulé, c'est le prix du marché. C'est ce que dit l'article. Il emploie une autre expression mais, au fond, c'est cela qu'il dit. Il dit c'est le prix que se vend le produit en question sur le marché. Cela n'existait pas dans l'ancien code. C'était une solution logique qui s'imposait mais qui n'était inscrite nulle part, si bien que les gens pouvaient se demander comment on peut faire une preuve de cela. Comment peut-on prouver qu'il y a eu une exagération? On fait venir un expert, on fait venir des gens qui connaissent le prix des choses sur le marché pour nous dire: Bien voilà, telle chose se vend à un tel prix. Si le prix normal de la chose en question, des appareils électroniques, c'est 600 $, supposons un ordinateur, un logiciel, évidemment que 1200 $, c'est exagéré. À ce moment, on doit prouver qu'il y a lieu à l'application de l'article 2722. Par exemple, des comptes d'avocats c'était très facile. Comme les comptes d'avocats étaient exagérés, c'était facile pour la raison suivante: les juges qui apprécient ces comptes ont eux-mêmes été avocats. Ils ont une expérience personnelle de la chose. Ils savent à combien ils estimaient ces services. Dans ces cas, la justice fonctionnait très bien parce que les juges avaient une connaissance personnelle judiciaire de ces choses. Ils pouvaient rétablir les faits, mais dans d'autres cas c'était plus difficile. C'est pour cela que je considère que l'article 1782, à mon sens, ne contredit pas l'article 2722. Au contraire, je trouve que cela se complète très bien parce que cela donne une norme qui va permettre à ce moment, si cette norme est dépassée, passer à l'article 2722 et on va juger.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Taillon.

M. Filion: Non, étant donné l'heure je vais laisser la parole à Mme la députée de Groulx.

La Président (Mme Bélanger): Madame la députée de Groulx.

Mme Bleau: Oui, merci. C'est à propos du contrat de consommation. Vous avez discuté avec mon collègue, tout à l'heure, de rénovation, de réparation d'immeubles. Par ailleurs, vous n'abordez pas certains problèmes dont plusieurs organismes de protection du consommateur nous ont fait part. Entre autres, on nous a saisis des problèmes liés à la location d'automobile à long terme...

M. Carouzet: Ah oui!

Mme Bleau: ...à la location, à l'achat d'appareils électro ménagers ou de vidéos de même que les problèmes se rattachant au retrait préautorisé. À titre d'association très impliquée auprès des consommateurs, on aimerait connaître un peu votre avis sur ces problèmes.

M. Carouzet: Sur les locations à long terme d'automobiles par exemple, j'ai pris connaissance du mémoire de l'APA, je l'ai même ici. Je ne me suis pas tellement attardé sur l'automobile parce que j'ai pensé justement qu'il y avait d'autres organismes qui s'en occupaient plus spécialement. Effectivement, il y a là un problème. J'ai eu une cause, il n'y a pas tellement longtemps, où une automobile avait été louée. La personne payait et elle était prise avec une automobile qui était un citron. Elle était poursuivie par le locateur de l'automobile... Enfin je suis payé pour savoir comment cela se passe. Je suis entièrement d'accord avec le mémoire de l'APA. Simplement, je ne m'en suis pas occupé parce que j'ai pensé qu'eux s'en occupaient. Alors, comme ils sont plus spécialisés là-dedans, je leur en ai laissé le souci.

Mme Bleau: Mais vous êtes d'accord avec le mémoire de l'APA?

M. Carouzet: Oui, il faudrait qu'il y ait quelque chose de fait dans ce domaine, c'est sûr.

Mme Brisebois: Si je peux me permettre de faire une remarque, on a eu des plaintes de gens qui avaient loué une auto, qui ont voulu l'acheter à un moment donné et ils ont eu des pénalités comme s'ils avaient emprunté à la banque. Vous savez, les banques ne vous permettent pas de remettre avant le temps. Ils ont la même chose, ils ont des pénalités comme ça. Il faudrait étudier ça de très près. C'est ce qu'on fait d'ailleurs, mais ce sont des problèmes qui viennent d'arriver dans ce monde-là et ces gens sont très agressifs. Il y a vraiment quelque chose à faire. On est absolument d'accord pour dire qu'il y a des choses dans ce milieu-là et c'est difficile de traiter avec eux parce qu'on a quasiment eu des menaces à un moment donné,

parce qu'on essayait de leur prouver que ce n'était pas raisonnable de la façon que cela arrive. Alors c'est très difficile dans ce milieu.

Mme Bleau: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Brisebois. M. le député de Taillon.

M. Filion: Avec la permission de mes collègues, j'aimerais demander à Me Pierre Gariépy, notre conseiller juridique à l'Opposition, de vous adresser une question qui contient des éléments plus particuliers.

La Présidente (Mme Bélanger): Me Gariépy.

M. Gariépy: Me Carouzet, à la page 6 de votre mémoire, vous proposez d'étendre des dispositions de la vente d'immeubles résidentiels à davantage que le constructeur et le promoteur, mais aussi à tout propriétaire subséquent. De plus, vu que les dispositions de la vente d'immeubles résidentiels confèrent à l'acquéreur la possibilité d'un dédit de dix jours, le contrat préliminaire confère aussi le droit à l'annulation de la vente dans une période de trois ans après la vente et le fait que l'acquéreur doit recevoir une circulaire d'information si jamais l'immeuble acheté est une copropriété divise, est-ce que vous proposez, dans votre mémoire, d'étendre cela à toute personne y compris à des individus qui vendraient leur résidence? Pouvez-vous expliciter votre souhait à la page 6?

M. Carouzet: Je comprends le sens de votre remarque. Évidemment vous dites que cette formule de dédit... pas forcément la formule de dédit mais ce qui est déterminé par les articles 1839 et suivants, il y a des sanctions assez graves. Peut-être que généraliser pourrait avoir des inconvénients. Je ne dis pas qu'il faille généraliser dans le sens que cela devrait s'appliquer... même pour ce qui est des propriétaires subséquents, à beaucoup de contrats. Il s'agit de choses quand même exceptionnelles. Cela s'appliquerait à de jeunes couples qui en sont à l'achat de leur première maison pour une certaine valeur seulement et qui seraient obligés de déclarer leur condition au vendeur. Donc, à ce moment-là, il y a certaines exigences de l'article 1839. Peut-être qu'il y a certaines dispositions comme l'exigence de la circulaire; cela pourrait être quand même assoupli dans ce cas-là. On n'est pas obligés de faire une description extraordinaire, mais il n'en reste pas moins que si, dans les trois ans, il y a découverte de vices sérieux, de choses qui sont extrêmement graves dans la maison, à ce moment-là, ce serait bon que cette disposition s'applique à ce moment dans ce cas seulement, si on découvre des vices cachés qui, vraiment, diminuent la valeur de la maison d'une manière très très importante. Je pense que ce serait une bonne chose de prévoir cette protection. J'en- tends qu'on s'en tient ici au contrat de consommation, c'est-à-dire à certaines qualités de l'acheteur qui sont restreintes. Cela devrait être, par exemple, seulement sa première fhaison et ce serait en dessous d'une certaine valeur. Enfin, ce serait limité, mais je pense que de cette manière limitée, ce serait une bonne chose.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Carouzet.

M. Filion: De notre côté, Mme la Présidente, nous voudrions remercier l'Association des consommateurs du Canada et ses représentants, Me Carouzet, en particulier, encore une fois, pour avoir pris la peine de réfléchir sur ce volumineux projet de loi, probablement un des projets de loi les plus volumineux qu'il m'ait été donné de voir déposer depuis trois ans; à partir de l'expérience des gens, des consommateurs dont vous nous avez fait part, merci de nous avoir livré vos souhaits ou votre opinion. Encore une fois, je pense qu'il s'agit là d'un travail très méritoire pour lequel, comme représentant de l'Opposition officielle, je voudrais vous remercier.

M. Carouzet: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Au même titre que M. le député de Taillon et au nom du gouvernement du Québec et du ministre de la Justice qui est ici avec nous, j'aimerais vous remercier pour votre participation à nos travaux et vous dire que l'équipe de la réforme du Code civil qui nous accompagne, qui est avec nous, va étudier attentivement vos recommandations. Merci beaucoup.

Association des offices municipaux d'habitation du Québec

La Présidente (Mme Bélanger): Au nom des membres de la commission, nous vous remercions, Me Carouzet et Mme Brisebois pour votre participation à cette sous-commission et nous vous souhaitons un bon retour. J'invite maintenant l'Association des offices municipaux d'habitation du Québec à prendre place à la table des invités.

Comme pour le groupe précédent, vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Il y aura une période de discussion de 40 minutes entre les deux groupes parlementaires. Alors, si vous voulez bien vous identifier et présenter la personne qui vous accompagne.

M. Portelance (Jacques): Mme la Présidente, messieurs, mesdames. Mon nom est Jacques Portelance, membre de l'exécutif de l'association et M. Claude Poulin, directeur général, m'accompagne. Je voudrais, dans un premier temps, vous

signifier que l'Association des offices municipaux d'habitation du Québec est un organisme sans but lucratif fondé en 1972 dans le but de représenter, d'informer, de conseiller et de perfectionner les membres des 530 offices municipaux d'habitation dont le mandat est d'administrer les habitations à loyer modique et le programme de supplément au loyer dans le secteur privé.

Nous voulons remercier la sous-commission des institutions de l'Assemblée nationale de nous donner l'occasion de présenter nos recommandations. Notre bref mémoire, parce qu'il est bref, vise à attirer l'attention du législateur sur quelques articles de l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil, au chapitre de l'allocation, qui reprennent des articles existants qui sont particulièrement difficiles d'application pour les offices municipaux d'habitation. Ces articles vont parfois même à l'encontre de l'objectif des logements publics, soit de venir en aide aux ménages à faible revenu. Mon collègue, le directeur général, M. Claude Poulin, traitera des trois volets qu'on veut discuter avec vous. Le premier volet: le droit au maintien dans les lieux; le deuxième volet: la reconduction et la modification du bail et le troisième volet: les dispositions particulières au bail d'un logement à loyer modique. (16 h 15)

M. Poulin (Claude): Le premier volet dont nous voulons vous entretenir est précisément la question du droit au maintien dans les lieux. Nous sommes tout à fait d'accord au droit au maintien dans les lieux, donc à cette idée qui avait été avancée il y a déjà plusieurs années à savoir de protéger les locataires dans leur logement. Sauf que, si ce principe-là est justifiable, à notre avis, dans le secteur privé, il l'est un peu moins dans le secteur public des logements.

L'effet suivant, c'est que l'article 1997 de l'avant-projet de loi précise que le conjoint d'un locataire ou son concubin, un parent ou un allié a droit automatiquement au maintien dans les lieux lorsque cesse sa cohabitation, s'il continue d'occuper le logement et en avise le locateur, donc l'office municipal d'habitation. Pour un office municipal d'habitation, cela pose problème parce que le concubin, le parent ou un allié qui peut demeurer avec la personne qui a signé le bail avec l'office municipal d'habitation n'est pas nécessairement une personne qui, en principe, pourrait se qualifier auprès de l'office municipal d'habitation pour un logement à loyer modique. Dans cet esprit, nous croyons que l'article devrait exclure les offices ou les habitations à loyer modique de ce principe. Cela fait longtemps, comme association, qu'on demande cette exclusion et on a la chance actuellement avec l'avant-projet de loi de faire valoir encore une fois ce principe. Je pense qu'il y a là une question d'équité importante pour les locataires demeurant dans les habitations à loyer modique et le fait qu'on ne croit pas que le législateur qui subventionne largement les offices municipaux d'habitation ou les habitations à loyer modique, à raison actuellement d'une moyenne de 300 $ environ par mois, souhaite que des personnes qui n'ont pas subi le processus de sélection normal ou qui ne sont pas comme telles admissibles puissent demeurer là. Donc, c'est le premier principe que nous voulons émettre et nous suggérons cette première modification.

La deuxième proposition que nous faisons concernant l'avant-projet de loi touche la reconduction ou la modification du bail qui est à l'article 2003 de l'avant-projet de loi et qui reprend essentiellement l'article 1658 du code actuel. Il se lit comme ceci: "L'avis de modification qui vise à augmenter le loyer doit indiquer, en dollars, le nouveau loyer proposé ou le montant de l'augmentation en dollars ou en pourcentage du loyer actuel." Nous demandons encore une fois d'être exempté, comme office municipal d'habitation, de cet article-là, parce que le problème que cela pose est que nous n'avons pas toujours comme office d'habitation, au moment d'envoyer l'avis d'augmentation, les renseignements qui nous sont nécessaires pour établir le montant du loyer. Avec le règlement de location qui est en vigueur dans les offices municipaux d'habitation, les offices doivent demander aux locataires, lors de l'avis d'augmentation, des preuves de revenus et ces preuves ne sont pas toujours disponibles au moment de l'avis. Effectivement, cela pose un problème d'indiquer le montant exact du loyer si on n'a pas encore obtenu de la part du locataire les preuves de revenus. Cette exemption-là, d'ailleurs, existe dans le code actuel à l'article 1658.22. Ce que nous demandons, c'est que l'avant-projet de loi réintègre, en fait, cet article.

La troisième modification que nous souhaiterions concerne la section des dispositions particulières au bail d'un logement à loyer modique, soit les articles 2042 à 2051 de l'avant-projet de loi et les articles 1662 à 1662.12 du code actuel, où on dit précisément, à l'article 2047, que: Si le logement ne répond plus aux besoins du locataire, le locateur peut, à la fin du bail, reloger dans un logement de la catégorie à laquelle il a droit un locataire s'il donne un avis de trois mois. Le point qu'on veut souligner et qui pose problème aux offices d'habitation est que nous pensons et souhaiterions qu'un office d'habitation, que les gestionnaires de l'office qui ont à reloger un locataire d'une habitation à loyer modique dans un logement qui convient mieux à ses besoins, puissent le faire le plus rapidement. Les exemples sont faciles à trouver. Dans certains cas le nombre d'occupants dans la famille diminue et de laisser une habitation à loyer modique de trois ou quatre chambres à coucher à deux personnes, par exemple, nous apparaît aller à rencontre de la saine gestion et de la bonne utilisation des fonds publics. L'article précise qu'on doit les reloger seulement à

la fin du bail et c'est là que cela cause un problème. Nous souhaiterions pouvoir les reloger, même pendant le bail, sur un avis de trois mois, pour éviter, par exemple, une situation où la personne doit demeurer huit ou dix mois dans un logement qui ne convient absolument pas à ses besoins.

Cela ne fait pas partie du mémoire comme tel, mais je voudrais également souligner l'article 2051, une modification intéressante qui figure au projet de loi, parce que cet article dit qu'un locataire d'un office municipal d'habitation doit donner un avis de trois mois à l'office plutôt que d'un mois, comme il est indiqué actuellement dans le code. Cela nous semble plus conforme à ce qu'on souhaite depuis longtemps, parce que dans le secteur privé, c'est un avis de trois mois, et nous devons vivre avec un avis d'un mois, ce qui nous semble beaucoup trop court Donc, la situation qui est apportée dans l'avant-projet de loi est, à notre avis, tout à fait souhaitable et correcte, et on espère que l'article restera dans le même état.

Le dernier point que je voudrais souligner, c'est que toute la section concernant les dispositions du bail d'un logement à loyer modique n'est pas applicable, comme vous le savez probablement, parce que le ministre des Affaires municipales n'a toujours pas adopté le règlement de sélection des locataires dans les offices municipaux d'habitation, ce qui invalide pratiquement toute la section depuis 1982, à l'exception des articles 2049, 2050 et 2051 de la nouvelle version de l'avant-projet de loi. Tout ceci est lié à l'adoption de ce règlement de sélection, pour que cette section concernant la sélection, notamment, puisse devenir applicable et, évidemment, comme office, nous souhaitons que cette section devienne rapidement applicable et que le règlement soit adopté. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Poulin. M. le ministre.

M. Rémillard: Je voudrais tout d'abord, Mme la Présidente, remercier M. Poulin et M. Portelance d'avoir accepté de venir présenter leur mémoire aujourd'hui. Je les remercie de ce mémoire qui est très intéressant, qui porte sur des points, de fait, dont nous devons discuter. Je voudrais les informer qu'une étude a été entreprise l'été dernier en matière de logement à loyer modique dans mon ministère, en relation avec la Société d'habitation du Québec et la Régie du logement, et qui fait état des points que vous avez soulevés dans votre mémoire. Donc, votre mémoire est très pertinent et il est très intéressant qu'on puisse vous entendre et faire la relation avec le projet de loi que nous avons.

Dans votre mémoire, donc, vous proposez d'exclure les logements à loyer modique de l'application du principe du droit au maintien dans les lieux, principe de base dans la loi.

Est-ce que vous seriez d'accord pour qu'il soit plutôt prévu que le bénéficiaire du droit au maintien dans les lieux ne puisse exercer ce droit, à la suite de la cessation de la cohabitation, que s'il satisfait lui-même aux critères d'attribution d'un logement à loyer modique?

M. Poulin (Claude): Je pense que cela pourrait être une avenue intéressante à explorer, effectivement, dans le sens où si la personne répond aux critères ou doit passer par le processus de sélection normale, qu'elle réponde en fait aux critères habituels de sélection d'un office municipal d'habitation.

M. Rémillard: Je vous remercie. Maintenant, si vous me permettez, une autre question: Pourquoi faites-vous une exception, dis-je, pour le conjoint du locataire? Ne croyez-vous pas que le conjoint devrait être soumis au même principe? Je n'ai pas compris votre raisonnement là-dessus.

M. Poulin (Claude): La discussion a effectivement été longue là-dessus, à savoir: Pourquoi exclure le conjoint? On a décidé de le protéger en pensant effectivement que le conjoint répondait habituellement aux critères de sélection des offices municipaux d'habitation et qu'il devrait à ce moment-là voir son logement protégé advenant le décès du conjoint, par exemple, ou une cessation de cohabitation.

La Présidente (Mme Bélanger): D'autres questions, M. le ministre? Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Au sujet de la même question, supposons une dame âgée qui a un logement à loyer modique. Cela arrive très souvent, j'en ai plusieurs dans mon comté. Je pense entre autres au conjoint de fait. Selon l'article 2042, vous aimeriez que... La dame décède, et cela fait plusieurs années qu'elle vit avec un conjoint de fait. Ce monsieur vieillit, il peut être assez âgé, cela arrive assez souvent. Même s'il a un peu d'argent, je ne regarde pas l'argent, je regarde le côté psychologique de l'affaire, rendu à son âge, il a déjà de la peine que sa conjointe soit partie, ne pensez-vous pas que cela peut apporter des problèmes très graves que d'être obligé de déménager pour lui qui vit bien souvent avec les mêmes voisins depuis plusieurs années, souvent des voisins qui peuvent l'aider à l'occasion? Vous dites: II a un peu d'argent, la dame est morte, il s'en va. Je trouve cela vraiment très dur.

M. Poulin (Claude): On est conscients de cela, effectivement. Sauf que les offices ont le mandat de répondre aux ménages à faible revenu. C'est cette catégorie de gens qu'on essaie de garder dans nos logements. Dans cet esprit-là, c'est sûr que, comme vous le dites très bien,

psychologiquement, cela peut représenter beaucoup pour la personne qui survit et qui se voit refuser l'accès à un logement comme cela. Mais il reste que toujours pour une question d'équité, comme je le disais au début, il est important que les logements soient vraiment accordés aux gens qui sont dans le besoin. Si on garde la personne qui, comme vous dites, est capable de vivre dans le secteur privé, quand on sait que les listes d'attente sont actuellement de 30 000 à 35 000 personnes dans les offices municipaux d'habitation au Québec, le principe d'équité, à notre avis, n'est pas respecté dans un cas comme cela. Cela nous apparaît important, en tout cas pour nous autres, d'aller au bout de notre mandat et de vraiment héberger les gens qui ont un problème financier sérieux et non pas les autres, bien qu'on soit conscients de ces problèmes.

Mme Bleau: À ce moment-là, est-ce que vous ne seriez pas capables de regarder les revenus et de lui faire payer le logement en conséquence? Tout le monde ne paie pas le même prix.

M. Poulin (Claude): Non, ils paient 25 % de leur revenu. Mais ce qu'on souhaite, c'est que ce soient des gens à faible revenu, forcément, c'est le mandat de l'office. Une personne qui aurait des revenus beaucoup plus élevés et qui paierait 25 % n'aurait pas un grand intérêt à rester à l'office parce qu'elle pourrait à ce moment là trouver un logement dans le secteur privé qui serait aussi intéressant, sinon plus intéressant.

Mme Bleau: Déraciner quelqu'un de son milieu, c'est quelque chose à un âge avancé. Je ne parle pas d'un couple dans la quarantaine. Souvent, cela arrive qu'ils aient plus de 65 ans et je trouve très regrettable à ce moment-là qu'on soit obligé de déloger une personne.

M. Poulin (Claude): Je n'ai pas de réponse absolue là-dessus. Je vous dis que c'est notre mandat. Je comprends que des situations sont peut-être un peu plus difficiles, mais c'est comme cela que nous voyons la gestion des offices sur ce plan.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Taillon.

M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente. Au nom de la formation politique que je représente, je voudrais vous remercier d'avoir pris la peine d'examiner l'avant-projet de loi et de nous avoir fait part de votre point de vue. Beaucoup de groupes ne prennent pas la peine de venir en commission parlementaire, mais lorsque la loi sera déposée ou adoptée, on se plaindra. Au moins, aux offices municipaux d'habitation on peut être d'accord ou non, c'est secondaire, mais au moins vos réflexions feront partie de l'ensemble de la cogitation qui aura lieu avant le dépôt d'un projet de loi. En ce sens, je voudrais vous féliciter des énergies que vous avez investies dans la préparation de votre mémoire. (16 h 30)

J'ai écouté votre réponse et dans le même sens que la députée de Groulx, c'est vrai que l'office municipal de l'habitation a un mandat, celui de loger les personnes à faible revenu. Mais à l'égard de votre réponse, si la personne qui vivait avec la personne admissible, le défunt, est elle-même admissible, le bon sens nous dit que si vous ne la maintenez pas dans les lieux, elle va probablement venir grossir la liste des personnes admissibles que vous n'aurez pas placées. En deux mots, vous allez la mettre à la queue parce que sa demande n'aura pas été faite, etc. Votre objectif n'est pas moins bien atteint parce que vous décidez de maintenir une personne, surtout si elle est admissible. Vous comprenez la distinction que je fais? Si elle est n'est pas admissible, cela serait le sens de ma deuxième question. Mais dans ma première question je me dis: Est-ce que vous ne croyez pas qu'en maintenant dans les lieux la personne qui accompagnait le défunt ou la défunte, cette personne étant admissible, que vous remplissez quand même votre mandat?

M. Poulin (Claude): Je pense que oui. C'est pour cela que, tout à l'heure, la solution qu'a proposée M. Rémillard était intéressante et je l'ai dit dans cet esprit. Les personnes qui seraient admissibles pourraient demeurer plus facilement...

M. Filion: J'avais comme l'intuition qu'on pouvait s'entendre là-dessus. Le deuxième problème est un peu plus corsé. Qu'est-ce qu'on fait avec la personne qui accompagnait le ou la défunte, dans la mesure où cette personne n'est pas admissible? Le problème n'est pas simple, bien que, mettre le monde dehors... Est-ce qu'il ne serait pas possible, à partir des critères de revenus, d'établir des dispositions particulières sur le plan administratif, pour régler ce problème?

M. Poulin (Claude): Cette personne pourrait devenir admissible au moins à Logirente, si elle à 60 ans ou plus. Il existe un autre programme gouvernemental pour aider les personnes, parce que demeurant dans un office d'habitation elle n'a pas droit à Logirente, mais si elle en sort, elle y aurait droit. Cela serait une possibilité d'aide pour une telle personne. La solution n'est pas facile, j'en conviens, mais il y aurait au moins ce programme qui existe.

M. Filion: Dans le sens de Mme la députée de Groulx, en ayant peut-être un préjugé favorable du côté du maintien dans les lieux. Généralement dans ces cas-là, les gens sont souvent âgés, il n'y a rien de pire qu'un déménagement. Cela cause des problèmes, cela coûte des sous, etc.

M. Poulin (Claude): Je veux vous signaler également qu'on parle des personnes âgées qui peuvent demeurer avec une autre personne âgée. Mais il y a également les cas où des personnes beaucoup plus jeunes ou des personnes d'âge moyen, demeurent avec des personnes âgées. À ce moment-là, on ne pense pas qu'une personne de 25 ans qui travaille et dont la vieille mère décède, doive demeurer dans un logement public toute sa vie avec un droit absolu au maintien dans les lieux. C'est dans cet esprit aussi qu'on le fait.

M. Filion: Vous avez raison de le souligner, d'ailleurs. Combien y a-t-il de places actuellement au Québec dans ce qu'on appelle les HLM, les habitations à loyer modique? Quel est le parc locatif des HLM?

M. Poulin (Claude): Le parc actuel est de 53 000 logements publics, donc construits par la Société d'habitation. Il y a maintenant tout près de 3000 logements dont les offices s'occupent dans le cadre du programme de supplément au loyer dans le secteur privé, donc le nouveau programme de 1987, et cela s'adresse strictement aux familles, ce qui fait donc un parc global que les offices dirigent, de 56 000 logements.

M. Filion: 56 000 logements.

M. Poulin (Claude): Dont à peu près 30 000 réservés aux personnes âgées.

M. Filion: Donc, les autres 20 000 et quelques soit pour les personnes à faible revenu.

M. Poulin (Claude): C'est cela. Pour les familles à faible revenu, dont la grande majorité est habitée par des familles monoparentales dont le chef de famille est de sexe féminin. Nos statistiques sont très précises à ce sujet.

M. Filion: Oui, et recoupent toutes les statistiques connues qui démontrent que du côté des familles monoparentales il y a beaucoup de femmes qui tombent sous le seuil de la pauvreté. Je vous remercie de ces bonnes explications. Peut-être une autre question. C'est surtout une explication. À la page 8 de votre mémoire, lorsque vous recommandez de modifier l'article 2047, 1662.7, afin de permettre à un office municipal d'habitation de reloger un locataire dont les besoins ont changé, par un avis de trois mois, non seulement à la fin du bail, mais à l'intérieur du bail également, vous dites: La situation actuelle fait en sorte que plusieurs offices doivent maintenir des logements vides plusieurs mois dans le but de respecter cet article. J'aimerais saisir la réalité qu'il y a dessous cette recommandation.

M. Portelance: Je peux vous donner un exemple, étant président d'un office d'habitation...

La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, mais j'ai besoin du Journal des débats.

M. Portelance: D'accord, merci. Dans le cadre d'un office, si vous avez dans un édifice, par exemple, trois ou quatre logements de cinq pièces et demie, pour des familles de deux ou trois enfants, et que dans une famille après trois ou quatre ans, ou même cinq ans, les enfants disparaissent, que le couple est là, nous n'avons pas le moyen actuellement, à moins de leur consentement et à leur demande, de demander à ce couple de se reloger dans le même édifice, dans un logement avec une ou deux chambres à coucher. Et sur notre liste d'attente il y a des familles qui sont dans le besoin et qui attendent parce que nous n'avons pas de cinq pièces et, demie. C'est dans ce cadre-là, et l'exemple peut se refléter sur d'autres points aussi.

M. Filion: D'accord. Est-ce que je dois comprendre par votre exemple que maintenant vous pouvez le faire, mais à la fin du bail seulement?

M. Poulin (Claude): C'est ça.

M. Filion: Et vous aimeriez pouvoir répondre aux modifications des besoins durant le bail?

M. Poulin (Claude): C'est ça. Parce que nous considérons que nous n'enlevons rien au locataire actuel, nous ne faisons que lui donner un logement qui est conforme à ses besoins. Donc nous n'enlevons aucun droit, en fait, nous lui redonnons un logement et c'est toujours dans un but d'équité. C'est de donner les logements aux gens qui attendent, parce qu'il y a beaucoup de gens qui attendent à la porte des offices souvent et qui ont besoin d'une telle grandeur de logement, compte tenu de la taille de leur famille.

M. Filion: Et qu'est-ce qui fait que des logements peuvent être libres? Est-ce que c'est le fait que le logement qui pourrait recevoir cette nouvelle famille, disons qui a perdu ses enfants, lui, vous le gardez libre pour la recevoir à la fin du bail?

M. Poulin (Claude): Nous sommes obligés, parce que souvent il n'y a pas un gros parc de logements qui corresponde aux besoins précis de cette famille-là. Donc il faut le protéger assez longtemps pour être sûrs d'être capables de reloger ces personnes-là. Avant de promettre une relocation à quelqu'un il faut s'assurer que nous allons avoir un logement. Mais, par exemple, si on vient de signer un bail en juillet et que, dès le mois d'août ou septembre, on apprend qu'il y a des changements dans la composition familiale,

il faut attendre dix mois pour faire la modification et à ce moment, à notre avis, nous sous-utilisons le parc de logements publics. C'est dans ce sens que nous souhaiterions obtenir une modification.

M. Filion: Les baux que vous signez sont généralement d'un an?

M. Poulin (Claude): C'est ça.

M. Filion: D'accord. Dans ces cas il y a une partie de vos locataires qui consentent, mais il y en a d'autres qui ne consentent pas?

M. Poulin (Claude): C'est ça. Il y en a d'autres qui sont un peu plus réticents, qui effectivement attendent qu'on les pousse jusqu'à la fin du bail parce qu'ils ne veulent pas. Il y en a qui ne veulent carrément pas, et qui nous emmènent même à la Régie du logement, contestant même cet article-là, dans certains cas.

M. Filion: Cela va.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Taillon. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. On nous a informé qu'un de vos gros problèmes actuellement aux offices municipaux à travers le Québec, ce sont les fausses déclarations. Une personne se rend à vos bureaux, prétend effectivement qu'elle a un certain nombre d'enfants et peu de revenus, et après la signature du bail survient une autre personne dans le logement, bien souvent avec une rémunération substantielle et apparemment vos seuls recours dans ces circonstances-là sont les recours de droit commun, c'est-à-dire des délais et des problèmes pratiques. Alors ne verriez-vous pas d'un bon oeil à ce moment-là que le législateur permette au locateur, en l'occurrence à l'office, de recourir à la Régie du logement pour demander soit la résiliation du bail, soit des conditions différentes, considérant qu'il y a eu effectivement une fausse déclaration, selon évidemment l'importance de la fausse déclaration, mais si la déclaration fausse est d'une importance telle que l'avocat à la régie puisse décider que cela vaut une résiliation? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Poulin (Claude): C'est un excellent point. Effectivement, on a de la difficulté avec cela. On pourrait vous citer plusieurs cas à l'intérieur du réseau des offices où on se fait prendre dans de telles situations. Les occupants réintègrent le logement immédiatement après la signature des baux. Effectivement, si le législateur nous permettait d'aller en résiliation là-dessus, cela serait très utile. Nous, ce qu'on souhaitait et si on n'en a pas parlé dans l'avant-projet de loi, c'est que dans le règlement de location actuelle- ment des logements à loyer modique qui relève de la Société d'habitation du Québec, on nous a parlé à un moment donné qu'il y aurait possibilité qu'un des articles du règlement de location vienne prévoir cette possibilité-là sous une forme ou sous une autre, et c'est pour cela qu'on ne l'a pas amené, en fait, comme tel. Si c'était prévu comme tel au Code civil, à notre avis, cela serait très utile et cela nous permettrait de beaucoup mieux contrôler. Actuellement, les offices n'ont absolument pas de recours là-dessus. Nous n'avons pas les possibilités de contrôle qu'a le ministère du Revenu ou qu'ont d'autres organismes. Vraiment, c'est une très bonne idée que vous avez suggérée.

M. Dauphin: Est-ce que cela se produit fréquemment? Dans votre expérience pratique, voyez-vous souvent de telles situations? Oui?

M. Poulin (Claude): Très souvent. Moi, comme conseiller juridique à l'association, plusieurs offices nous appellent régulièrement là-dessus et nous disent: Qu'est-ce qu'on fait? On sait que quelqu'un habite avec une personne depuis X mois depuis la signature du bail. En vertu de la loi, on ne peut pas augmenter son loyer en cours de bail. On ne peut même pas l'obliger à venir au bureau et à s'inscrire comme occupant régulier du logement. On n'a pas de moyen, on n'a aucun pouvoir vraiment de contrôler cette personne-là. Vraiment, on est laissés dans le vague total sur ce plan, oui.

M. Dauphin: Dans le même ordre d'idées, justement, on parlait de cela tantôt avec l'équipe de la réforme, est-ce que vous seriez favorable à ce que dorénavant il soit permis au locateur, toujours dans le même ordre d'idées, de hausser le loyer en cours de bail, advenant un changement dans la composition du ménage, évidemment avec l'exemple de tantôt...

M. Poulin (Claude): D'accord.

M. Dauphin: ...si, du jour au lendemain, le concubin arrive et il fait 50 000 $ par année?

M. Poulin (Claude): C'est une excellente observation également, et on le souhaiterait beaucoup. Encore une fois, cela devrait être une modification dans le règlement de location que les offices ont; ce serait un corollaire intéressant. Actuellement, le règlement de location permet une diminution de loyer en cours de bail. Les offices sont obligés de diminuer le loyer si les revenus de la personne diminuent. On verrait donc d'un bon oeil qu'on puisse également faire l'inverse lorsque la situation se présente à l'inverse, ce qu'on ne peut pas faire à cause du régime actuel qui est pour l'ensemble des propriétaires.

M. Dauphin: À ce moment-là, si vous me le

permettez, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): Allez, M. le député.

M. Dauphin: ...seriez-vous favorable à ce qu'on modifie le règlement qui régit les offices ou bien qu'on l'inclue dans la réforme du Code civil?

M. Poulin (Claude): Personnellement, je préférerais que ce soit inclus dans le Code civil, si c'est possible. C'est un principe important et, comme les modifications au Code civil sont peut-être moins fréquentes, ce serait un principe mieux établi que dans un règlement.

M. Dauphin: D'accord. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Filion: Non. Au nom de la formation politique que je représente, je voudrais vous remercier de vous être livrés à cet exercice de dialogue avec nous, je pense, très fructueux. De toute façon, vos recommandations, vos suggestions font désormais partie de la grande marmite qui produira le projet de loi le plus tôt possible, on l'espère. Quant à nous, nous vous remercions de votre mémoire et de votre présence.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Rémillard: M. Poulin, M. Portelance, merci pour votre intervention et pour ce mémoire. Je pense que la discussion que nous avons eue démontre très bien la pertinence des remarques que vous faites valoir dans votre mémoire. Vous soulevez des points très importants. Ce que vous nous avez dit et les commentaires que nous avons eus de vous à la suite de nos questions vont nous servir à bonifier ce projet de loi, et je vous en remercie. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Au nom des membres de la commission, M. Poulin et M. Portelance, nous vous remercions de votre participation et nous vous souhaitons un bon retour.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 16 h 45)

(Reprise à 20 h 10)

Société de développement économique du Saint-Laurent

La Présidente (Mme Bélanger): La sous-commission des institutions reprend ses travaux.

Nous recevons ce soir la Société de développement économique du Saint-Laurent, représentée par MM. John O'Connor et Marc Gagnon. Messieurs, vous avez vingt minutes pour présenter votre mémoire. Après, il y aura 40 minutes de discussion entre les deux groupes parlementaires. Si le porte-parole veut présenter son collègue pour les fins du Journal des débats.

M. Filion:...

La Présidente (Mme Bélanger): Un instant, s'il vous plaît.

M. Filion: Avec votre permission, selon les feuilles qui nous avaient été remises, il y avait trois personnes qui représentaient la Société de développement économique du Saint-Laurent. C'est pour cela que j'aimerais que vous répétiez le nom des personnes présentes.

La Présidente (Mme Bélanger): M. John O'Connor et M. Marc Gagnon. Cela va?

M. Filion: II serait bon de connaître les titres de ces personnes.

M. O'Connor (John): Je pourrais peut-être vous le dire tout de suite. Mon nom est John O'Connor. Je suis membre du comité législatif de la SODES. En réalité, sur votre liste vous voyez, je crois, le nom de Raynold Langlois qui est président de ce comité. Me Langlois étant retenu à Montréal, il m'a appelé pour que je le remplace ce soir. Je suis accompagné de M. Gagnon, directeur général de la SODES.

M. Filion: M. Derome.

M. O'Connor: M. Derome n'était pas disponible non plus ce soir, malheureusement.

M. Filion: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. O'Connor, c'est vous qui allez présenter le mémoire?

M. O'Connor: Exact.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous pouvez commencer.

M. O'Connor: Merci, Mme la Présidente, et merci MM. les députés. La première chose que je dirais peut-être, c'est justement de vous remercier de nous avoir reçus ce soir pour présenter notre mémoire. Vous avez sûrement dû constater que notre mémoire est très bref. Nous ne nous arrêtons pas article par article à votre avant-projet de loi. Notre intervention ce soir sera également brève.

La SODES est, comme vous l'avez dit tantôt, la Société de développement économique du Saint-Laurent. C'est un regroupement de

toutes sortes d'intervenants intéressés, on peut dire, à la Voie maritime et au fleuve Saint-Laurent. Ce sont des armateurs, des affréteurs. Il y a des avocats, comme moi-même, des pêcheurs, des municipalités, des ports, des administrateurs de port. Bref, c'est un regroupement sans but lucratif de plusieurs intervenants au Québec intéressés à promouvoir le développement du Saint-Laurent. On s'intéresse à toutes sortes de problèmes et de situations qui peuvent toucher le Saint-Laurent, voire la pollution, aller justement jusqu'à un comité législatif sur la législation de l'Assemblée nationale et, également, du Parlement canadien. Le but de la SODES est simplement de former un forum québécois pour veiller justement à la création d'un climat social, politique et économique, favorable à l'exploitation du Saint-Laurent. C'est une société à but non lucratif.

Qu'est-ce qu'on fait ici ce soir? Très bonne question. C'est que l'avant-projet de loi sur le Code civil nous intéresse comme citoyens, c'est évident. En réalité, la SODES est simplement intéressée par quelques articles dans ce projet de loi. Dans la partie sur les contrats nommés, voire la partie sur l'affrètement, le transport des biens et sur l'assurance maritime. Comme l'indique le titre SODES, on est évidemment du monde intéressé par la Voie maritime, le transport maritime, le droit maritime. C'est l'aspect maritime du projet qui nous intéresse.

Je ne prendrai pas votre temps pour vous lire le mémoire, même s'il est bref. Vous allez voir qu'il y a quelques exemples d'articles avec lesquels on n'est pas exactement d'accord. Mais on va laisser à d'autres intervenants l'étude, article par article, de ces dispositions, même les dispositions sur le droit maritime, parce que, entre autres, certains membres de notre comité législatif de la SODES, sont également membres d'un comité du Barreau du Québec qui va présenter un mémoire la semaine prochaine, je crois, justement ici, sur les articles de droit maritime, dans le sens d'article par article. Ils ne parleront pas, par exemple, de compétence législative ou quoi que ce soit. Ils vont simplement parler du contenu, de la substance. Nous, on va se limiter, comme vous allez le voir, justement à la juridiction, à la compétence législative de l'Assemblée nationale. (20 h 15)

En passant, on peut même dire qu'à notre avis le projet est très bien fait. Le Barreau va sûrement faire beaucoup de critiques, comme d'autres. Mais en général, c'est une bonne codification, à notre point de vue, du droit maritime applicable aujourd'hui au Québec. En parlant de codification, on peut peut-être se poser la question: Quel est le but de codifier en droit maritime? Ce n'est pas exactement comme les autres secteurs du Code civil. Je pense, par contre, que les raisons pour la codification peuvent être semblables. On peut parler, par exemple, de clarté, d'uniformité. On peut parler de mettre de l'ordre dans la loi, et ainsi de suite, dans le droit, pas juste dans la loi. Or, le droit maritime au Québec et au Canada, tel que pratiqué aujourd'hui, découle surtout de la "common law", c'est-à-dire le droit anglais. Donc, les avocats maritimistes s'intéressent beaucoup au droit anglais, au droit américain, au droit de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de tout autre coin du monde où le droit anglais est appliqué. On peut même dire que le monde maritime est assez uni. Cette "common law" est très flexible. C'est un avantage de ne pas codifier le droit maritime même s'il y a aussi des avantages à codifier, telles la clarté et l'uniformité, comme je l'ai dit tantôt.

Alors, la question qui se pose, finalement, c'est: Est-ce qu'on doit ou non codifier le droit maritime? Là-dessus, la SODES ne se prononce pas tellement. Au contraire, on trouve votre projet très intéressant et le palier de pouvoir qui peut codifier le droit maritime serait certainement, quant à nous, invité à le faire. La question qui se pose, par contre, c'est: Qui doit le faire? L'Assemblée nationale ou le Parlement d'Ottawa? La position de la SODES et de son comité législatif est que, malheureusement, ce n'est pas à l'Assemblée nationale à faire ce travail. Je vais ouvrir tantôt une petite parenthèse. Je n'irai pas aussi loin que dire que l'Assemblée nationale n'a aucun pouvoir en droit maritime. Je n'irai pas aussi loin, mais je vais dire que, en pratique, le pouvoir qu'il lui reste est tellement minime que c'est plus théorique qu'autre chose. Je suis moi-même avocat en pratique de droit maritime. Je ne peux pas penser à un seul exemple qui tomberait dans cette parenthèse, et je n'en ai jamais vu un. Mais, théoriquement, cela existerait. J'y viendrai tantôt. Pour le moment, disons que, comme vous le savez, la constitution donne, à l'article 91.10°, un pouvoir au gouvernement fédéral sur "navigation and shipping", comme on dit en anglais, soit la navigation et les expéditions par eau, comme je pense qu'on le dit en français. Alors que, à l'article 92.10°, un pouvoir est donné aux provinces, à l'exclusion des lignes de bateau qui vont à l'extérieur d'une province, et ainsi de suite.

Alors, la question s'est posée à plusieurs reprises depuis 1967: Qui a juridiction sur "navigation and shipping"? Aujourd'hui, je dirais que, de façon uniforme, les spécialistes, les juristes au pays sont d'accord que la navigation comme telle est uniquement sous juridiction fédérale. La navigation qui porte plus sur la sécurité, les dispositions sur la construction et l'utilisation des navires, et ainsi de suite, il n'y a pas un juriste au Québec qui va dire que cette partie du droit appartient aux provinces. En passant, il n'y a pas non plus dans votre avant-projet de disposition purement sur la navigation. il y en a certaines qui vont frôler la navigation, mais on laisse au gouvernement fédéral la construction et la sécurité des navires. Par contre, le mot "shipping", qui est un mot extrêmement difficile à traduire - et je crois

que les expéditions par eau ne traduisent pas du tout le mot "shipping" - engloble un aspect commercial, un aspect d'échanges entre des parties, et ainsi de suite, évidemment par voie maritime. La question est de savoir si c'est exclusivement au gouvernement fédéral. On peut dire, en gros, oui à cette question. Par exemple, il y un côté de "shipping" qui tomberait normalement sous l'article 92, dans le sens que cela peut avoir une certaine nature locale ou de droit civil, tout comme les exemples qui peuvent être donnés des chèques et des billets à ordre, des exemples comme le divorce aussi, pourraient avoir un aspect identique, mais pourtant c'est donné au fédéral. Alors, la première constatation, c'est simplement parce que "shipping" peut avoir un aspect local, cela ne veut pas nécessairement dire que cela ne peut pas être donné au fédéral, et au contraire, 91.10 dit clairement que "shipping" va au fédéral.

Le deuxième aspect, c'est que le "shipping" serait seulement limité par l'article 92, qui donne aux provinces leurs pouvoirs. Alors 92.10° dit clairement que la province veut avoir juridiction sur toutes les entreprises de nature locale, sauf - et là a), b) et c) sont sur la liste, et il y en a une en liste - si ce sont des lignes de bateaux, comme ils disent dans la traduction, faisant affaire entre le Québec et une autre province, ou un autre pays. C'est là qu'est la parenthèse à laquelle je me suis référé tantôt. C'est qu'il est théroriquement possible qu'un "shipping" purement intraprovincial, au Québec soit de votre compétence. Par exemple, si on commençait à faire du transport sur le lac Saint-Jean, d'un bout à l'autre, et qu'on émettait des connaissements à un bout et on les remettait à l'autre, et ainsi de suite, théoriquement ce serait possible. On pourrait dire que cela n'a aucun effet sur le transport international; ce n'est pas interprovincial; c'est purement intraprovincial. Théoriquement, on pourrait parler d'une compétence "shipping" au Québec.

Cependant, comme je l'ai dit tantôt, je n'ai jamais vu d'exemple de cela, mais théoriquement cela pourrait exister. Il y en a peut-être qui existent, mais le transport maritime étant tellement international, presque par définition, on utilise des bateaux pour aller où on ne peut aller autrement, l'aspect intraprovincial est presque inexistant.

Il y a un arrêt très récent de la Cour suprême, il y en a un autre que j'ai mentionné tantôt, c'est l'affaire Buenos Aires Maru, c'est le nom d'un navire, où la Cour suprême a été appelée, si vous pouvez imaginer, à trancher un litige qui est arrivé dans le port de Montréal. Une cargaison a été déchargée dans un hangar du port de Montréal. Il y a eu un vol. Une action a été prise contre la compagnie de gardiennage à Montréal, une compagnie québécoise. La question était de savoir quel droit s'applique à cela? Le droit maritime canadien ou le Code civil? Par cet arrêt, la Cour suprême a très clairement tranché que le droit maritime est un droit uniforme au Canada, c'est un droit fédéral qui ne relève pas du tout des provinces, et la cour a donné certaines balises à ce droit, à savoir de quoi il s'agissait. C'est quand même assez étonnant de penser que, dans ce contexte, à Montréal c'est la "common law" qui peut s'appliquer quant aux devoirs d'un gardien sur le quai, et non le Code civil.

En ce qui concerne l'assurance maritime, la Cour suprême a également tranché en 1983 que cette matière était purement une matière fédérale et du pouvoir législatif fédéral, alors que vous savez qu'il n'y a pas encore de loi sur l'assurance maritime au fédéral. Il y a un projet de loi au fédéral qui n'a jamais été déposé à ce jour mais qui est en préparation, un avant projet de loi depuis cette décision, mais nous n'avons pas de loi fédérale. Cependant, la Cour suprême a clairement indiqué que les lois provinciales, incluant le Québec dans le Code civil, et incluant les autres provinces, étaient hors de leur compétence.

En résumé, quelle est la position de la SODES? Nous ne sommes pas du tout contre le projet tel que rédigé; nous sommes simplement contre le fait que le Québec l'adopte. Pourquoi? C'est simple. C'est parce que, comme je l'ai dit tantôt, le but de la codification c'est la clarté, c'est l'uniformité. Nous avons l'impression, et nous avons vraiment peur que si ce projet est adopté tel quel, et je parle des articles du droit maritime seulement et de l'assurance maritime, je ne m'adresse pas aux autres articles, s'ils sont adoptés nous allons au contraire créer un système ambigu au Québec. Pourquoi un système ambigu? Parce que même si ce projet est une codification en bonne partie des principes de la "common law", nous sommes en train de couler dans le béton un projet, par la voie de l'Assemblée nationale, alors que, de notre point de vue, l'Assemblée nationale ne peut le faire, pour les raisons que j'ai évoquées.

Le problème que cela va poser, c'est quoi? Pensez, par exemple, à l'assurance maritime. À part les banquiers, il est difficile d'imaginer des gens plus nerveux que les assureurs. Alors, si on a un système au Québec où il y a des règles d'assurance maritime qui s'appliquent mais que ce ne sont pas les mêmes règles qui s'appliquent en Angleterre, en Ontario et ailleurs en Amérique du Nord, on a l'impression qu'on jette une mauvaise lumière sur le Saint-Laurent, dans le sens qu'il y a là un risque que les assureurs ne puissent pas bien évaluer. Ils seront toujours en train de nous poser des questions comme: Quel droit s'applique? Quel article s'applique? Et ainsi de suite. Et on peut aussi bien leur dire: Écoutez, on pense que c'est le fédéral. Il nous faudra, chaque fois, aller en Cour suprême pour nous faire dire si oui ou non tel article du Code civil est applicable. L'exemple probablement parfait, c'est qu'en 1866 le Code civil original du Québec a codifié le droit anglais de l'époque en

bonne partie dans les articles qui ont traité du droit maritime, articles qui d'ailleurs n'ont presque pas été utilisés depuis cette époque. Le problème qu'on a eu depuis ce temps, c'est de savoir, par un exemple très pratique, la limite de tonnage qu'un navire peut évoquer. Dans le Code civil, il y a une limite de tonnage de 36 $ par tonneau, je crois, ou quelque chose comme ça, alors qu'au fédéral c'est trois fois plus. La question nous revient très souvent, à nous, avocats, et à tout le monde, à savoir lequel des deux systèmes s'applique. Nous allons dire maintenant, selon la décision de la Cour suprême, que c'est le système fédéral. Mais le Code civil demeure tel quel, et cela crée une ambiguïté que nous voulons absolument éviter.

Il y a un article du Code civil actuel que j'aimerais souligner et il y a un article du projet que j'aimerais également regarder brièvement. D'abord, dans le Code civil, c'est l'article 2496 et, sauf erreur, je crois que cet article n'est pas dans l'avant-projet sous cette forme ni sous aucune autre forme. C'est l'article qui prévoyait, en matière d'assurance maritime, quand le Code civil s'appliquait... Il disait, entre autres, qu'un contrat était conclu au Québec ou réputé conclu au Québec s'il était souscrit par une personne y ayant son domicile ou sa résidence, ou portant sur une chose ou intérêt au Québec, dès lors que le preneur en faisait la demande au Québec ou que l'assureur signait ou y délivrait la police. Très souvent, cet article nous disait que la loi québécoise ne s'appliquait pas parce que, par exemple, si la police était demandée par un courtier anglais auprès d'un assureur anglais, et délivrée à Londres - cela représente à peu près 92 % des cas actuellement, en droit maritime - à ce moment-là, l'article 2496 nous dit que le Code civil ne s'appliquait pas.

L'autre article en est un que vous avez mis dans l'avant-projet, c'est l'article 2118. Cet article, c'est un peu semblable, est le premier sous le titre 'Transport maritime des biens", où l'on dit que "...la section s'applique au transport de biens ou de marchandises par eau effectué au départ ou à destination d'un port situé au Québec..." - je ne lirai pas tout, mais, en tout cas, il dit - "...en autant que la loi fédérale ne s'applique pas." Bon, la loi fédérale ne s'applique qu'aux expéditions qui partent du Canada. Donc, dans le cas d'une expédition partant de la Belgique qui vient au Canada, c'est la loi belge qui s'applique. Et ici, dans le Code civil, si cela débarque à Montréal, on va dire: Non, c'est le Code civil qui s'applique. C'est un exemple où l'on est en train de modifier gravement les règles du jeu. Le Belge qui fait toujours ses contrats vers le Canada, lui, va peut-être décider de passer par un autre port, par Halifax ou par la côte Ouest, je ne le sais pas, si on commence à introduire des articles qui lui diront que le droit maritime, tel qu'il le connaît, n'existera plus au Québec, ou à Montréal. Je souligne simplement ces deux articles pour dire que, dans un cas, dans l'ancien Code civil, on pouvait exclure l'assurance maritime, et dans l'autre, qu'il faut faire vraiment attention, dans le nouveau projet, quand on commence à intervenir dans un champ de juridiction contestable, sinon non existant. (20 h 30)

En conclusion, nous vous demanderions de ne pas adopter les articles cités dans notre mémoire, mais plutôt d'envoyer la codification que vous avez si bien faite au fédéral qui est, lui, en train de faire petit à petit le Code maritime canadien qui sera une codification de tout le droit maritime, incluant l'assurance maritime pour tout le Canada. Nous vous suggérons donc de ne pas "scraper" votre projet, mais de l'envoyer plutôt au législateur fédéral qui a juridiction à 99.9 % dans le domaine. Je termine en vous rappelant la petite parenthèse dont je vous ai parlé tantôt: vous avez au Québec une certaine juridiction sur le transport ou le droit maritime mais c'est tellement limité, que c'est presque inexistant. Il me semble qu'il serait beaucoup plus clair et moins ambigu si ce n'était qu'un seul législateur qui faisait l'intervention. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Me O'Connor. M. le député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la Société de développement économique du Saint-Laurent représentée par Me O'Connor et M. Gagnon et vous dire notre volonté, non seulement de vous écouter mais de vous remercier de participer à nos travaux. En guise de remarques préliminaires, je vous dirai qu'il y a une position à l'effet que tous les constitutionnalistes québécois s'accordent - et c'est également la position du gouvernement du Québec - à dire que le transport purement provincial est de juridiction provinciale. D'ailleurs, on m'indique qu'il y a des cas de jurisprudence québécoise à cet effet, ce qui m'amène à vous poser une première question: Considérez-vous que l'opinion majoritaire en ce qui concerne le jugement de la Cour suprême dans l'affaire ITO met fin à tout débat sur ce qu'est le droit maritime canadien et ne laisse aucune place au droit provincial?

La Présidente (Mme Bélanger): Me O'Connor.

M. O'Connor: Merci. Ce serait probablement mal vu de dire que ça met fin à toute question, mais je dirais ceci... Je ne voudrais pas prendre le temps de la sous-commission pour essayer de faire l'analyse de la jurisprudence depuis le début, mais vous savez que le Canada a eu, en 1867, un reçu, c'était 9110 que j'ai mentionné tantôt. Mais ce n'est pas exactement en 1867 que la juridiction est tombée entre les mains du

fédéral. Sans vous décrire les étapes, parce qu'il y a eu quatre ou cinq lois très importantes, c'est seulement en 1931 avec le Statut de Westminster que le Canada a pris un pouvoir, le plein pouvoir de mettre en vigueur 9110, c'est-à-dire de faire des lois sur le transport maritime qui pouvaient avoir un effet sur les bateaux arrivant, les bateaux partant, etc. sans qu'on veuille dire loi anglaise. Or, depuis 1931, il y a plusieurs arrêts de jurisprudence dont le dernier c'est ITO. Je ne dirais pas que ITO ferme toutes les portes et tous les dossiers mais je dirais, quant à moi, que ça devient de plus en plus clair. Il y a cette petite parenthèse dont j'ai parlé et vous êtes là-dedans quand vous parlez d'un transport purement provincial, intraprovincial.

Je ne dirais pas que toutes les portes sont fermées, mais si vous décidez d'aller de l'avant avec ces articles dans votre avant-projet, à ce moment, pour la clarté - parce que la codification c'est en partie pour une raison de clarté - pourquoi ne pas mettre simplement un article qui va dire que ces articles ne s'appliquent qu'au transport intraprovincial étant de compétence québécoise? À ce moment-là, je me trouve bouché parce que je ne peux pas dire si ça existe ou non. Vous pouvez dire que, si ça n'existe pas, il n'y a personne qui va l'invoquer et que, si ça existe, c'est là. De la façon dont vous avez procédé, sans dire ce que vous avez dit ou quelque chose de semblable, à 2496, une question se pose alors: Est-ce que ça s'applique ou non? Je pense que je dirais à mon client que ça ne s'applique pas, mais, chaque fois, c'est un débat juridique. Il faudrait clarifier la situation. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: D'ailleurs, on m'indique que ledit article 2496 est repris dans le droit international, dans l'avant-projet sur le DIP.

M. O'Connor: C'est quel article s'il vous plaît!

M. Dauphin: Cela fera l'objet de d'autres consultations un peu plus tard dans d'autres chapitres du Code civil, mais 2496 est repris justement.

M. O'Connor: D'accord, est-ce que c'est dans l'avant-projet devant moi.

M. Dauphin: Non. C'est dans un autre chapitre que nous étudierons ultérieurement, celui du droit international privé.

M. O'Connor: D'accord. Est-ce que ça va s'appliquer à l'assurance maritime? Je ne l'ai pas vu...

M. Dauphin: C'est-à-dire qu'il n'est pas dans l'avant-projet qu'on a devant nous. M.O'Connor: Non, d'accord.

M. Dauphin: II sera dans un autre avant-projet de loi sur le DIP. Ce sera un article général.

M. O'Connor: Que vous allez déposer ultérieurement.

M. Dauphin: C'est cela.

M. O'Connor: C'est cela. D'accord, je ne l'ai pas vu. Cela se peut.

M. Dauphin: J'aurais une deuxième question, si vous me le permettez, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Estimez-vous qu'il y a uniformité du droit du transport maritime si l'on considère que la loi fédérale est la reproduction d'une convention internationale de 1924 et que la plupart des États européens ont ratifié les règles deVISBY, en 1968?

M. O'Connor: Bon, alors, si je peux répondre à cette question, Mme la Présidente, l'uniformité est présente mais il y a plus d'un palier en ce qui concerne uniformité. L'uniformité du droit maritime au Canada, oui, cela existe. C'est-à-dire que si j'ai un paquet qui arrive à Montréal ou si j'ai un paquet qui arrive à Vancouver, le droit maritime est identique. Cela, c'est clairement dit, non seulement dans ITO - ITO, c'est la décision la plus récente où on le dit - mais dans plusieurs décisions. C'est un droit uniforme au pays. Mais si vous partez d'uniformité dans le sens international, c'est évident qu'il n'y a pas uniformité du droit entre le Canada et tous les autres pays. Cependant, l'uniformité est un des buts de tous les pays en droit maritime. Le droit maritime, presque par définition, c'est une connexion, c'est un pont entre les pays, d'où toutes les conventions internationales qui concernent le droit maritime, d'où la formation d'un comité des Nations unies sur le sujet, d'où le IMO, International Maritime Organization, d'où tous ces organismes internationaux qui essaient justement d'atteindre l'uniformité. Ce n'est pas possible de le faire rapidement. Ce n'est pas possible d'avoir tous les joueurs en ligne mais c'est un but. Par exemple, les règles de VISBY ne sont pas en vigueur au Canada, effectivement. Elles ne le sont pas aux États-Unis non plus, mais elles le sont dans la plupart des pays européens. Alors, c'est un exemple d'un des problèmes de la codification. Pourquoi ne sont-elles pas en vigueur au Canada? Parce que cela prend une loi pour les mettre en vigueur. Dans certains pays, cela ne prend pas de

loi. Ils vont simplement dire: Si le gouvernement signe un décret - vous allez peut-être me dire que cela revient pas mal au même - on peut les mettre en vigueur par adhésion seulement. Mais au Canada, il faut absolument légiférer. Alors, effectivement, on procède très lentement quand il faut modifier la loi chaque fois et c'est peut-être un autre signe que la codification, dans un certain sens, n'est peut-être pas souhaitable. Une fois que cela est codifié, bien, il faut absolument revenir avec un projet de loi, faire avancer un projet de loi et le faire adopter, etc., avant de pouvoir nous mettre au pas avec les autres pays. Cela, c'est sur les conventions.

L'autre exemple est sur le droit maritime en général. C'est un droit non codifié en général. Or, s'il y a un jugement qui est rendu, admettons, de la Chambre des Lords en Angleterre, demain, qui parle du contrat d'affrètement, et qui dit que c'est comme ceci et c'est comme cela que cela fonctionne, alors, s'il arrive que, moi, j'ai une cause qui est identique, c'est cet arrêt-là qui va s'appliquer. Alors, il y a une uniformité dans ce sens-là, oui.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Mme la Présidente, avec la permission des collègues, je vais demander au professeur Jean Pineau de poser des questions à nos invités.

La Présidente (Mme Bélanger): D'accord. M. Pineau.

M. Pineau (Jean): Merci, Mme la Présidente. Je suis surpris d'entendre dire que le droit du transport maritime n'est pas un droit codifié. Tous les États d'Europe qui sont des pays de droit civil ont un droit maritime qui est un droit codifié. Il n'y a que les pays de "common law" qui n'ont pas un droit maritime codifié. Cela, c'est un premier point. D'autre part, je suis surpris que vous parliez d'uniformité du droit maritime canadien. Vous avez dit, cependant, que le processus était un peu lent, je dirais qu'il est très lent si on considère que les règles de VISBY datent de 1968 et que le Canada n'a pas encore bougé, il y a 20 ans de cela, que les règles de Hambourg datent de 1980 et qu'il n'en est pas question, je pense que l'uniformité, on n'y est pas encore et je pense qu'on peut y croire de moins en moins à cette uniformité dont vous parlez. Quoi qu'il en soit, je suis surpris d'entendre dire qu'il faut évacuer tout le contrat de transport du Code civil, étant donné que nous sommes dans une situation qui n'est pas nouvelle: les codificateurs de 1866 se sont posé la question à savoir s'ils légiféraient ou non en droit maritime. Dans le Code civil de 1866, il y a référence aux lois impériales, n'est-ce-pas, dans certains articles? La même question s'est posée à l'Office de révision du Code civil et celui-ci a décidé de présenter un projet de codification du contrat de transport maritime et d'affrètement. Le fédéral n'a absolument pas légiféré sur l'affrètement. Il n'y a aucune disposition dans ce contexte. Donc, c'est le vide juridique le plus complet. On ne peut dire que le Canada présente des chefs-d'oeuvre de législation en matière maritime. C'est le néant. Pardonnez-moi, mais c'est un peu cela. Mais, même s'il n'y a que 1 % de chances que ce contrat de transport maritime soit appliqué, je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas, dans le Code civil, des dispositions sur le contrat d'affrètement et sur le contrat de transport. Quant au contrat d'assurance maritime, vous avez pu constater qu'on a repris la loi anglaise, en définitive, et je crois savoir que certaines provinces anglaises tiennent beaucoup et ont même adopté comme législation, ont reproduit dans leur propre législation les dispositions de la loi anglaise.

M. O'Connor: Si je peux me permettre de répondre. M. Pineau, je partage ce que vous dites, mais je ne le dirais pas exactement dans ce sens-là. Je vais reprendre vos points un à un. Quand je parlais d'uniformité du droit, peut-être me suis-je mal exprimé, mais je voulais dire: uniformité du droit au Canada. Je ne dis pas que le droit maritime canadien est exactement pareil au droit maritime allemand. Ce n'est pas le cas d'ailleurs. Mais, je dis simplement que le droit maritime, dans le pays qui s'appelle le Canada, incluant le Québec, est uniforme, premièrement.

Deuxièmement, quand on parle d'un vide juridique, là, je ne peux vraiment pas partager votre avis. On ne parle pas d'un vide juridique, on parlerait plutôt d'un vide législatif, mais pas juridique.

M. Pineau: Oui, législatif, oui.

M. O'Connor: Exact? Alors, la "common law" remplit le vide. En anglais, l'expression est: "It is a seamless web". Cela veut dire qu'il n'y a pas de trou dans le droit, c'est partout. La "commom law" n'a pas besoin d'être codifiée. Alors, le droit maritime canadien - je ne parle pas, encore une fois, du droit maritime dans les pays d'Europe qu'ils ont, en effet, codifié -effectivement, tantôt, quand j'ai dit cela, je voulais dire le droit canadien, parce que notre droit maritime, évidemment, étant basé sur la "common law" anglaise, n'est codifié qu'en partie. Mais parler de vide, absolument pas, au contraire. Tout est là. Toutes les règles sont là. C'est très clair. On peut avoir un jugement là-dessus et ainsi de suite sans être obligés de s'appuyer sur un texte législatif.

Troisièmement, si vous parlez de l'assurance maritime, je suis d'accord avec vous quand vous dites que quelques-unes des provinces anglaises ont adopté des lois identiques, par exemple l'Ontario, à la loi anglaise de 1906. C'est tout aussi légal que les dispositions qui seront

adoptées par le Québec. Mais juste parce qu'ils ont codifié comme en Angleterre, cela ne veut pas dire qu'ils ont un pouvoir législatif. La question ne se posera peut-être jamais en Ontario; cela se peut. Les gens vont dire: Étant donné que c'est identique, on n'a pas à se casser la tête à aller en cour pour se battre et savoir si cette loi ontarienne est légale ou non. Mais la Cour suprême nous a dit - et j'ai eu le plaisir de plaider cette cause moi-même - Non, monsieur, c'est le fédéral qui a ce pouvoir. Alors, dans la cause Triglav, on ne demandait pas que la cour proclame que les articles du Code civil sur l'assurance maritime soient déclarés légaux, parce que la police d'assurance incorporait une loi étrangère de toute façon. Mais, on aurait pu le demander. La cour était prête. Ils l'ont concédé de façon unanime: le Québec n'a pas de pouvoir ni l'Ontario. Alors, la loi ontarienne qui est basée sur la loi anglaise de 1906 est tout aussi mauvaise que la loi que le Québec pourrait se donner dans le Code civil.

Maintenant, est-ce que cela veut dire qu'on est devant un vide en assurance maritime? Je dirais que la réponse est probablement plus pratique qu'en d'autres choses. Tantôt, quand j'ai dit que 92 % des polices sont émises en Angleterre, c'est un chiffre. Je ne suis pas certain si c'est 92 % ou 95 %, mais c'est dans ces chiffres-là. Si vous suivez les polices d'assurance anglaises depuis 1983, quand ils ont changé les formulaires de police en Angleterre, ils ont tous indiqué que c'est le droit anglais qui s'applique. Avant, ils n'avaient jamais à se poser de questions; il tenaient pour acquis que c'était le droit anglais qui s'appliquait. Mais ce n'est pas seulement le Québec qui leur a fait comprendre qu'il y a des arguments pour et contre... Ils ont simplement décidé de le mettre dans leur police. (20 h 45)

Donc, 92 % des polices qui régissent des armateurs québécois incorporent, non pas la loi fédérale, mais la loi anglaise. Pour l'assurance maritime, de toute façon, la loi de 1906 n'était qu'une simple codification de la "common law" de l'assurance maritime telle qu'elle existait depuis au moins le XVe siècle, je crois. Il ont simplement dit: On va la codifier. Ils ne l'ont pas inventée, ils l'ont codifiée. Ils l'ont mise comme elle était et ils ont coulé cela dans le béton. Alors, même si on n'a pas une telle loi, on va finir par en avoir une au fédéral, mais avant qu'on ait une telle loi au Canada, on a quand même toutes ces dispositions dans la "common law", donc je ne peux pas accepter que quelqu'un me parle de vide.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Pineau.

M. Pineau: Merci, Mme la Présidente. Je laisserai l'assurance de côté pour l'instant, mais en matière de transport, lorsque vous dites que le droit maritime est complet grâce à la "common law" du droit anglais, nous le savons depuis l'affaire ITO, donc c'est tout à fait récent, 1986. M. O'Connor: ITO, oui, c'est 1986.

M. Pineau: 1986. Cependant, la décision de la Cour suprême dans l'affaire ITO ne me paraît pas coulée dans le béton. Il y a trois juges dissidents et les juges majoritaires ne sont pas immortels. Les majorités peuvent changer. Je crois savoir que cet arrêt est très critiqué.

M. O'Connor: II y a une personne qui le critique, c'est un professeur, M. Braën - je ne sais pas si je prononce bien son nom...

M. Pineau: Oui, oui.

M. O'Connor: ...d'Ottawa. Il l'a critiqué très fortement dans une revue. J'avoue que je n'ai pas vu d'autre critique. En avez-vous vu?

M. Pineau: Si vous permettez, Mme Bélanger?

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M.Pineau.

M. Pineau: Je pense que tous les constitu-tionnalistes, en tout cas québécois, et certains historiens du droit aussi, trouvent étonnant de voir une déclaration de la Cour suprême, au terme de laquelle le droit anglais serait entré au Canada par l'intermédiaire de la Loi sur la Cour fédérale qui décide, qui dispose du domaine de compétence de la Cour fédérale. Je pense qu'il y aurait beaucoup à dire et on pourrait faire de très longues dissertations sur la question. Il n'est pas question de débattre cela ici. C'est très douteux.

M. O'Connor: Non, je suis d'accord. Si vous me permettez d'ajouter ceci: l'article auquel vous vous référez sûrement dans la Loi sur la Cour fédérale, c'est l'article qui crée le droit maritime canadien?

M. Pineau: Pardon?

M. O'Connor: Vous avez mentionné la Cour fédérale. Est-ce que vous voulez parler de l'article qui a créé le droit maritime canadien, la définition du droit maritime canadien?

M. Pineau: Oui.

M. O'Connor: Remarquez bien que le problème de la Loi sur la Cour fédérale, c'est probablement le titre. Cela n'aurait pas dû s'appeler: Loi sur la Cour fédérale, cela aurait dû s'appeler: Loi créant une Cour fédérale et régissant le droit maritime canadien. À ce moment-là, avec exactement le même texte, vous ne me diriez pas une telle chose. Ce n'est pas du droit procédural, c'est du droit substantif.

D'ailleurs il y a une partie de la Loi sur la Cour fédérale qui s'appelle "droit substantif, assez étonnant! Ce n'est pas seulement une loi qui crée une cour.

Si je peux revenir pour une minute, je dirais ceci. Ici, ce soir, je représente la SODES. On est un rassemblement de personnes de toutes sortes de métiers, de toutes sortes de couleurs politiques, de tous les partis, etc. On représente tout le monde. Il n'est pas question de dire: On voudrait que cela soit plus au fédéral qu'au Québec. Ce n'est pas cela du tout. On voudrait simplement éviter l'ambiguïté qui, nous le prétendons, est créée, en essayant de codifier, dans le Code civil, une matière, qui, selon nous, n'est pas québécoise, premièrement, et, deuxièmement, qui va créer deux systèmes. Cela va être difficile pour la personne qui envoie ses marchandises vers le Canada de savoir quel système s'applique, s'il vient à Montréal, alors que, s'il va à Vancouver ou s'il va à Halifax, il va le savoir. C'est pour cela qu'on dit, nous, que le Saint-Laurent va être désavantagé par un projet de loi qui est peut-être trop moderne. C'est pour cela qu'on aime votre codification.

Vous m'avez dit tantôt que cela prend des années et des années avant de faire des changements dans le système actuel du droit maritime canadien. Je partage cela parfaitement. Je suis moi-même membre de CMLA. Combien de fois sommes-nous allés gueuler à Ottawa en disant: Vos lois ne sortent jamais, avancez plus vite. Si le Québec avance, c'est bien de voir quelqu'un avancer, mais le problème est: Qui devrait le faire? Si le Québec le fait tout seul, un expéditeur qui veut envoyer ses colis au Canada ne choisira peut-être pas le Québec s'il ne sait pas ce que cela veut dire. On veut simplement éviter cette ambiguïté de deux systèmes, c'est tout. On voudrait avoir un système codifié, amélioré, comme tout le monde, mais un système qui embarque dans le droit maritime canadien que nous prétendons uniforme.

Sur l'arrêt ITO, ce n'est pas seulement depuis 1986; à mon point de vue, c'était prévisible. Le fameux dicton selon lequel le droit maritime est uniforme au Canada vient d'un jugement - si je ne me trompe - du juge Thurlow qui vient de prendre sa retraite comme juge en chef de la Cour fédérale il y a un mois. À ce moment-là, le juge Thurlow était un juge puîné de la Cour de l'échiquier, je crois que c'était en 1964. C'est la première fois que cela a été dit et cela n'a jamais été contredit depuis, nulle part. Les auteurs... Il y en a qui l'ont peut-être critiqué, entre autres M. Braën, le professeur Braën l'a critiqué à plusieurs reprises, mais cela a toujours été dit que c'était un droit uniforme dans tout le Canada. Cet arrêt-là est mentionné dans l'arrêt ITO où la Cour suprême reprend ce dicton et le réitère. Enfin, sur l'arrêt ITO, il y a, effectivement, trois juges dissidents au Québec. Personnellement, si j'avais une critique à porter au jugement, je critiquerais les dissidents parce qu'ils ne motivent pas leur dissidence. On ne sait pas sur quoi ils se basent sauf qu'ils disent qu'ils sont d'accord avec les juges des cours inférieures, mais on ne sait pas exactement ce qu'ils pensent sur des questions si importantes.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Pineau.

M. Pineau: Je me bornerai à dire que, certes, c'est exact que le juge Thurlow était déjà allé dans ce sens-là. Mais le juge Marceau, dans l'affaire ITO, n'était pas allé dans ce sens. Il n'y avait que, au plan de la Cour d'appel, le juge LeDain qui était allé dans ce sens. Le juge Pratte n'est pas allé non plus dans ce sens-là, il s'est contenté de dire: Vous plaidez sur le terrain délictuel, or sur le terrain délictuel, en droit civil québécois, nous n'avons pas compétence, c'est tout.

M. O'Connor: M. Pineau, je peux vous faire, peut-être, deux petits commentaires. Premièrement, en tant que professeur de "common law" à l'université Laval simplement comme chargé de cours, je donnais parfois à mes élèves l'arrêt de la Cour d'appel dans l'affaire ITO en leur demandant: Lequel des trois juges a raison? Je peux vous dire que j'ai eu plusieurs mémoires assez intéressants là-dessus. Il y a trois juges avec trois raisonnements parfaitement différents chacun, dont les deux que vous avez mentionnés et le juge suppléant qui était... Je ne m'en souviens pas. Je ne sais pas si vous avez lu le jugement du même juge Marceau dans l'affaire du transport portuaire du Québec, daté du mois d'août 1988, où il revient sur la question, au Québec, de l'arrimage "stevedoring". C'est un port privé et on a demandé à la cour de déclarer que ce n'est pas le Conseil canadien qui a juridiction mais que c'est une juridiction québécoise. C'est un jugement fort intéressant qui va sûrement être publié. Le juge Marceau, dans un jugement de 20-25 pages, refait l'historique de l'arrimage et de l'arrêt 55, qui est en soi très difficile à comprendre, sur l'arrimage et son rôle à jouer au Québec. Le juge Marceau décide que, effectivement, c'est sans aucun doute dans son esprit une compétence fédérale, comme tout le reste du droit maritime canadien. Même si on est au Québec, entre Québécois, il dit: Ne touchez pas à cela, etc. La Cour suprême a décidé la semaine passée de ne pas entendre l'appel de cette décision. Je ne sais pas si vous l'avez lu.

M. Pineau: Non.

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires, M. Pineau?

M. Pineau: Non.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Taillon, si vous voulez conclure.

M. Filion: Vous me demandez quoi, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bélanger): De poser vos questions et vous serez le dernier...

M. Filion: D'accord. Je n'en ai pas pour longtemps. Je ne suis pas constitutionnaliste, encore moins expert en droit maritime. Je pense que vous avez dit beaucoup de choses, Me O'Connor, j'essaie de bien les saisir. D'abord sur le plan des compétences, si j'ai bien saisi vos propos, dans l'hypothèse que j'appellerais minimaliste - vous me corrigerez - vous dites: Oui, le Québec a une compétence mais elle est tellement petite, avez-vous dit, tellement minime que ce serait difficile, dangereux de légiférer, cela créerait de la confusion, etc. Est-ce que je vous saisis bien, vous avez bien dit cela? Dans l'hypothèse minimaliste... parce que les jugements de la Cour suprême ne sont pas coulés dans le béton. Mais, un récent jugement de la Cour suprême pourrait faire en sorte qu'il existe, donc, une hypothèse extrêmement minimaliste qui ferait en sorte que la compétence du Québec se limiterait au transport strictement intraprovincial. Est-ce que je comprends bien votre propos?

La Présidente (Mme Bélanger): Me O'Connor.

M. O'Connor: Merci, Mme la Présidente. Je crois que vous comprenez bien, mais je dirais ceci: Je crois que vous avez pris un bout de phrase et que vous l'avez peut-être collé avec un autre bout de phrase. Mais, en essence, je pense que c'est cela. Je dirais ceci...

M. Filion: D'accord.

M. O'Connor: J'aimerais juste ajouter un commentaire. C'est vrai que j'ai dit que la compétence est tellement restreinte, tellement minime, qu'on peut se demander si cela vaut la peine. Mais, en réaction à M. Pineau et aux autres membres de la sous-commission, j'ai suggéré que, si vous décidez que cela vaut la peine, vous ajoutiez un article pour dire: Ce n'est que dans ce cas où cela s'applique, soit intraprovincial. Cela va clarifier la situation.

M. Filion: Là-dessus, si vous me permettez, je ne suis pas professeur de droit et, encore là, je ne suis pas un expert du tout, bien que les gens d'en face soient gentils et me qualifient parfois de juriste, ce n'est pas du tout le cas. Mais, le législateur n'a pas besoin de dire que le contenu de sa législation s'applique aux matières de sa compétence. Le législateur légifère, donc donne un contenu qui est toujours défini à l'intérieur de son champ de compétence, bien sûr. Je veux dire que nous ne pouvons pas refaire le partage des compétences.

M. O'Connor: Le législateur est toujours présumé et obligé - pas juste présumé, mais obligé - de légiférer à l'intérieur de sa compétence. Cela va de soi. Cependant, dans une matière hautement économique, une matière de "shipping" comme j'ai dit tantôt, une matière qui a des implications parfois peu connues mais très importantes pour le Québec, il me semble intelligent de faire ce que vous avez déjà fait ou ce que vous vous proposez déjà de faire à l'article 2118 de l'avant-projet, soit de définir dans quel contexte une partie du projet s'applique. Je suis d'accord avec vous que, strictement parlant, il n'a jamais à définir sa compétence parce que c'est la constitution qui la définit. Mais, à ce moment-là, on n'aura pas besoin du tout de l'article 2118. C'est pourtant là. Pourquoi? Parce que c'est tellement une matière fédérale qu'il faut se définir. Qu'est-ce qu'on fait là? Est-ce qu'on essaie de faire une bataille à chaque article sur la juridiction pour avoir autant de jugements à la Cour suprême qu'on a d'articles dans le Code civil? Pas du tout. Je pense que c'est peut-être souhaitable de définir le contexte.

M. Filion: Vous savez, finalement, le partage des compétences crée... Vous dites: En matière de transport maritime, c'est important, cela a des incidences économiques. Je n'en doute point. Je suis convaincu que la matière dans laquelle vous oeuvrez en général, puisque vous me semblez spécialisé dans ce secteur, entre autres, est sûrement une matière à forte incidence économique. Le transport maritime est extrêmement important au niveau des biens, de l'exportation et de l'importation des biens. Mais, le partage des compétences entre le Canada et le Québec et ses provinces, en général, crée une multitude de situations complexes dans beaucoup de secteurs. Ce n'est pas le seul secteur où Québec et Ottawa se partagent des compétences. Tous les jours ou à peu près toutes les semaines, dans cette enceinte de l'Assemblée nationale du Québec, les législateurs doivent se référer à des textes constitutionnels. Alors, là, vous me dites: Écoutez, il faudrait que ce soit simple pour les gens à l'extérieur et même à l'intérieur. Mais, il demeure qu'on vit dans un système que l'histoire a voulu tel, à savoir que les compétences soient partagées. Il y a d'ailleurs beaucoup d'énigmes constitutionnelles qui ne sont pas encore résolues. Mais je crois quand même comprendre de vos propos que vous avez tendance à retirer ce que vous avez dit tantôt et qui est à la page 11 de votre mémoire, où vous recommandez à l'Assemblée nationale du Québec de ne pas exercer, finalement, sa juridiction, aussi petite soit-elle. Je crois quand même comprendre de vos propos, à la suite de notre discussion, que cette conclusion qui apparaît à votre mémoire et ce que vous avez dit tantôt, vous êtes plus porté à la nuancer et à faire en sorte que les choses

soient le plus claires possible, etc., je dois quand même comprendre, vous me corrigerez, Me O'Connor, que vous ne recommandez pas à cette Assemblée nationale d'exercer une compétence qu'elle aurait, à la suite de notre discussion. (21 heures)

M. O'Connor: Je vais vous corriger effectivement, si vous me le permettez, ce que je recommande à l'Assemblée nationale de faire, c'est de retirer de l'avant-projet de loi les articles mentionnés dans le mémoire. Ce que j'ai voulu faire ici ce soir, c'est d'ajouter - entre parenthèses, je voyais bien que M. Pineau était là et, de toute façon, si je ne l'avais pas dit, il m'aurait forcé à le dire - qu'il y a cette petite juridiction qui existe théoriquement. Alors, j'ai dit comme première conclusion: Retirez donc cela. Deuxième conclusion, si vous maintenez cela en disant: Non, monsieur, on vous entend mais on ne retire pas cette partie-là de l'avant-projet, mais alors ajoutez cet article pour dire dans quel contexte il s'applique. C'est ce que je vous dis. Réellement, je ne contredis pas mon mémoire. Au contraire c'est ma première conclusion, je voulais être le plus global possible et vous dire qu'il y a des arguments mais ils sont très minimes et je ne pense pas qu'il vaille la peine de faire un code comme celui-là. C'est notre première conclusion mais l'autre dépend de votre choix.

M. Filion: D'accord. Donc, votre conclusion principale est de recommander aux législateurs de cette Assemblée de ne pas exercer une juridiction que, par ailleurs, vous admettez comme étant existante même si minimaliste. Alors Me O'Connor, sans vouloir prolonger nos débats, vous me permettrez de différer d'opinion avec vous. Je comprends les contraintes que vous énoncez. Elles existent sur beaucoup de plans. En ce qui concerne notre formation politique, il n'est pas question de ne pas exercer une juridiction, d'autant plus que cette juridiction-là s'est déjà exercée dans le Code civil il y a plus de 120 années. Alors, de faire en sorte que le Québec se retire d'un champ de compétence aussi petit soit-il et le plus circonstanciel, contre l'existence d'une tradition bien appuyée par des textes législatifs qui existent depuis plus de 100 ans, vous me permettrez, avec tout le respect que j'ai pour le mémoire que vous avez présenté et le point de vue que vous avez développé de façon vigoureuse et articulée, de différer d'opinion avec vous.

M. O'Connor: Je vous permets de différer d'opinion mais vous me permettrez de vous souligner une couple de faits parce que vous vous repliez sur l'histoire au Québec depuis 1866. En 1866, quand le Code civil a été proclamé, il n'y avait pas d'article 9110 de la constitution parce que la constitution a été faite l'année suivante. Deuxièmement, je pourrais vous entretenir sur le développement, depuis 1867, en droit maritime pour conclure qu'il y a dans le Code civil des articles sur le droit maritime et sur le sens maritime depuis 1866, c'est évident, c'est dans le texte. Notre conclusion est que ces articles n'ont fait que causer de la confusion depuis ces années-là, sont à 99,9 % non applicables, n'ont pas été appliqués non plus. Je mets au défi n'importe quel juriste, incluant M. Pineau, de me mentionner plus qu'une ou deux causes qui ont parlé de ces articles. Les arrêts qu'ils ont mentionnés, c'était pour dire qu'ils sont de toute façon non constitutionnels. Notre conclusion demeure que vous devriez retirer ces articles de l'avant-projet mais je suis d'accord qu'il y a théoriquement cette petite compétence. À ce moment-là, cela ne fait pas de mal, mettez un article pour dire dans le champ de compétence intraprovincial, point, à la ligne. Je vais vous le rédiger sans frais si vous me le demandez.

La Présidente (Mme Bélanger): Cela va, M. le député de Taillon?

M. Filion: Non, je pense qu'on a un groupe qui est prévu à vingt et une heures, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Un mot pour remercier la société d'être venue à notre commission défendre son point de vue et je pense que c'est légitime pour elle de le faire. Évidemment, c'est difficile de demander à des membres de l'Assemblée nationale du Québec de ne pas exercer une juridiction, vous le comprendrez très bien. D'ailleurs, le ministre actuel de la Justice est spécialisé en droit constitutionnel et vous pouvez être certain que je lui ferai part de la discussion que nous avons eue ensemble ce soir. Je tiens quand même à vous remercier de vous être déplacés et d'avoir participé à nos travaux.

Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, messieurs, de votre participation. On vous souhaite bon retour.

J'invite le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec à prendre place à la table des invités. Alors, mesdames et messieurs, j'aimerais vous rappeler la durée de l'audition. Vous avez vingt minutes pour la présentation de votre mémoire et suivra une discussion de 40 minutes avec les groupes parlementaires. Je demanderais au porte-parole de s'identifier et de bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent.

M. Cusson (Denis): Bonsoir. Mon nom est Denis Cusson, président du Regroupement des comités logement et associations de locataires du

Québec. À ma droite, en partant de l'extrême droite, M. Marc Berthiaume, secrétaire, Mme Anne Thibeault, vice-présidente et M. Pierre Marquis, vice-président.

Le Regroupement des comités logement et associations de locataires existe depuis 1978 et est formé actuellement de onze groupes situés à Montréal, Montréal-Nord, Longueuil, Sherbrooke, Victoriaville, Thetford Mines, Québec et Baie-Comeau. Le regroupement a acquis une vaste expérience sur la question du logement. Deux de ces groupes ont d'ailleurs plus de quinze ans d'existence et quatre autres ont plus de dix ans d'existence. Par son travail et celui de ces groupes-membres, le regroupement rejoint au-delà de 500 000 ménages-locataires à travers la province. Le regroupement a comme objectif la défense et la promotion des droits des locataires défavorisés économiquement et/ou socialement. Six principes de base guident notre travail: assurer l'accès et le maintien à tous et à toutes à un logement convenable et abordable, assurer la protection et la conservation du stock de logements locatifs, favoriser la prise en charge des conditions de vie par les populations, assurer le droit d'association, assurer l'accès à la propriété collective sans but lucratif et responsabiliser l'État quant à la protection, la sauvegarde et la promotion de ces principes.

Nous avons été très heureux d'apprendre que le gouvernement du Québec procédait finalement à une réforme du Code civil. Pour nous, c'était une chose qui s'imposait. C'est l'occasion de rendre conforme la loi avec la société actuelle. Nous croyons qu'il est important que les lois régissant la société soient en mesure de répondre aux problèmes actuels. Depuis des dizaines d'années, les associations de locataires ont demandé aux différents ministres qui ont été responsables de l'habitation des changements à la loi afin d'apporter une équité juridique entre les locataires et les propriétaires. Malheureusement, rien ne s'est fait en ce sens sauf de petits changements à la loi. La révision des articles touchant la location de logements est initiée par le ministre de la Justice et non par le ministre responsable de l'Habitation ce qui est, une fois de plus, révélateur sur l'intérêt porté par ce dernier à l'endroit du logement locatif et des locataires.

L'ancien ministre responsable de l'Habitation devait d'ailleurs présenter une politique globable en habitation, il y a de cela plusieurs mois, et rien n'a été fait. Cela aurait été l'occation rêvée de faire concorder une réforme sociale avec la loi régissant les relations entre les individus dans la société, ce qui ne sera pas, pas encore une fois, le cas avec la présente réforme.

L'avant-projet de loi comporte quelques modifications intéressantes par rapport à la loi actuelle. Les modifications apportées au délai d'avis sur les visites du logement par le locateur, la novation lors de la cession du bail, les droits du sous-locataire, le remboursement de répara- tions faites par le locataire, le délai d'avis d'augmentation de loyer pour les baux à durée indéterminée, la possibilité de contester la non-prolongation du bail sous-loué pendant plus de douze mois par le locataire et la possibilité de dommages punitifs lors des reprises de possession faites de mauvaise foi nous sont très acceptables. Certaines d'entre elles permettront de clarifier des ambiguïtés et réduiront les abus. Nous pensons entre autres à la perte de jouissance des lieux des locataires lorsque leur logement est mis en location. La plupart des locateurs ne donnent aucun avis pour les visites.

Cependant, ce ne sont là que des points mineurs. Essentiellement, il n'y a rien de changé. La refonte du Code civil aurait pu être une véritable révision des droits et obligations actuels des propriétaires et des locataires. Ce n'est toutefois pas le cas. Le droit de propriété a toujours préséance sur le droit d'habiter un logement convenable à prix abordable. D'ailleurs tout le Code civil en matière d'habitation est basé sur le droit de propriété privé, ce qui enlève toute équité entre le propriétaire et le locataire. Nous croyons que le propriétaire immobilier ne doit plus avoir de droits absolus sur le locataire et sur le logement qu'il cède temporairement moyennant loyer. Depuis longtemps, a été dénoncée la discrimination dont ont été victimes certains groupes de locataires. Il n'y a rien de changé à ce sujet dans l'avant-projet de loi: pas de protection additionnelle. Il en est de même pour les réparations et les améliorations. Le locataire ne peut toujours pas contester la nature et l'opportunité des travaux. Or, il a été démontré que c'est un très bon moyen pour un propriétaire de se débarrasser de son locataire. Il n'y a aucune nouvelle mesure pour enrayer le harcèlement et l'intimidation. Si nous regardons ce qu'il en coûte de ne pas respecter ses obligations, nous pouvons constater que c'est plus coûteux au locataire qu'au propriétaire. Par exemple, si le locataire est en retard de plus de trois semaines dans le paiement de son loyer, le propriétaire peut obtenir la résiliation du bail peu importe le motif du retard. Par contre, il n'y a aucune mesure pour forcer le propriétaire à effectuer une réparation nécessaire à moins que le locataire ne démontre le danger pour sa santé ou sa sécurité. Le locataire obtiendra tout au plus une diminution de loyer ou des dommages et intérêts. Dans le premier exemple, la cause est jugée d'urgence à la Régie du logement; dans la deuxième situation, ça prend plusieurs mois. Vous nous direz que la question des délais d'audition n'est pas du ressort du Code civil et de votre travail. Toutefois, la détermination des priorités dans les causes par la Régie du logement est faite à partir de l'importance de l'infraction qu'en fait le Code civil.

Nous avons analysé les articles touchant le logement locatif de l'avant-projet de loi et de la loi actuelle avec les principes de base qui guident nos actions et nous vous proposons les

modifications qui suivent afin que ces principes de base pour l'habitation soient reconnus. Nous croyons que le Code civil doit reconnaître les principes suivants: 1° assurer l'accès et le maintien à tous et toutes à un logement convenable et abordable; 2° assurer la protection et la conservation du stock de logements locatifs et, 3° responsabiliser l'État dans l'atteinte de ces principes. Nous croyons qu'une loi encadrant la location du logement doit reconnaître et viser à faire respecter ces principes de base sans quoi le droit au logement ne sera réservé qu'à une minorité.

Assurer l'accès et le maintien à tous et toutes à un logement convenable et abordable. Ce principe vise à faire reconnaître qu'il est un droit fondamental pour tous et toutes que de vivre dans un logement de qualité sans devoir débourser une somme d'argent trop élevée. Vivre dans un logement de qualité ne devrait pas être le privilège de quelques fortunés. C'est un droit à reconnaître à tous. Il demande donc de procéder à un contrôle des commerçants de logements et de leur imposer un cadre dans lequel ils peuvent exploiter leur commerce dans le respect d'un droit social.

Les locataires et les locateurs ne sont actuellement pas égaux en droits et obligations devant la loi. Le propriétaire immobilier a un droit absolu sur l'immeuble et les logements qu'il met en location. Il peut faire des reprises de possession, faire son choix de locataires, fixer unilatéralement le prix et les conditions, accéder comme bon lui semble dans le logement, mettre fin au bail par différents moyens, livrer, maintenir le logement dans une qualité douteuse, faire les améliorations et les changements qu'il désire quand bon lui semble. (21 h 15)

De son côté, le locataire n'a aucun droit reconnu au départ. Le droit d'avoir un toit sur la tête n'est même pas reconnu. Vous nous direz que le locataire a le droit au maintien dans les lieux. Dans les faits, ce droit est continuellement remis en question par les droits absolus du propriétaire. Il est contourné, bafoué mais inopérant.

L'avant-projet de loi n'amène pas de modifications pour établir un équilibre juridique des deux parties. Le locataire n'a toujours pas de protection lors de la location d'un logement. Le locateur peut tout lui demander et ne rien lui donner si le locataire veut absolument avoir ce logement. Le locataire devra montrer patte blanche à tous les niveaux car il est obligé d'avoir un logement. Le locateur ne se sent nullement obligé envers le locataire. Même la loi ne l'oblige pas à grand-chose à ce niveau. Remettre le prix le plus bas payé quand le locateur ne le fait pas, il n'y a même pas de pénalité prévue. Livrer le logement en bon état. Encore là, s'il ne le fait pas, la Régie du logement considère que ce n'est pas prioritaire. Il importe donc pour nous que le Code civil rende locataire et locateur sur le même pied juridiquement.

Une première mesure nécessaire pour protéger les droits des locataires et contrôler le marché du logement locatif est l'enregistrement obligatoire des baux. L'enregistrement obligatoire des baux permettra de faire efficacement le contrôle des loyers, d'éliminer les clauses inopérantes au bail et d'appliquer efficacement les lois sur la conversion des immeubles locatifs en condominium.

Avec l'enregistrement des baux, les nouveaux locataires connaîtront les dernières conditions du bail. Ils pourront ainsi mieux contrer les abus dans les hausses de loyer lors du changement de locataire. Cette année, on a vu apparaître un plus grand nombre de situations où le propriétaire antidatait la signature du bail. Le propriétaire voulait ainsi enlever au locataire son droit de contestation dans les dix jours de la signature. Nous demandons donc que le nouveau locataire ait toute la durée du premier terme du bail pour demander une révision du bail. Il est aussi très important que les parties soient tenues de se conformer au bail enregistré afin d'éviter des situations comme celles qu'on a vues encore cette année, à savoir signer un bail à un prix plus élevé en échange de mois de loyers gratuits.

Les baux non enregistrés ne seront pas valides. Le dernier bail enregistré devrait servir de bail de référence pour toute cause devant la Régie du logement.

Maintenir les logements à prix abordable est presque impossible avec le libre marché. Le libre marché est inopérant dans le domaine du logement locatif. Contrairement aux autres commerces, la surproduction de logements locatifs n'entraîne pas une baisse des prix. La population locataire est très majoritairement prisonnière de ses conditions économiques et les propriétaires immobiliers le savent. Ainsi, même s'il y a beaucoup de vacances, le prix du logement ne baisse pas. Le propriétaire immobilier préférera offrir des cadeaux plutôt que de baisser ses prix, les lois fiscales l'encourageant dans ce sens aussi. De plus, ces cadeaux finissent toujours par être payés par le locataire lui-même l'année suivante ou sont donnés au détriment de droits des locataires.

Le contrôle des loyers n'est pas une chose nouvelle au Québec. Certains diront que ça nuira à l'industrie. Cela réduit les profits du propriétaire, certes, mais n'amène nullement un déficit. Le contrôle des loyers doit l'être pour tous les logements. Aussi, dans la mesure que nous proposons, tous les propriétaires qui désireraient une augmentation de loyer supérieure à l'indice d'augmentation du secteur de l'habitation déterminé à partir des variations des taxes municipales de services, taxes scolaires, des matériaux, de la main-d'oeuvre, en habitation et des frais de gestion devraient obligatoirement en faire la demande à la Régie du logement.

Actuellement, il n'y a pas de véritable négociation entre le propriétaire et le locataire sur le prix du logement et sur les conditions au bail. Le locataire ne connaît pas le coût des dépenses effectuées par le propriétaire. De plus, le propriétaire demande souvent au locataire de prendre une décision sur l'augmentation proposée six mois avant la fin de son bail, à un moment où il ne peut savoir quels logements seront disponibles et à quel prix. Le locataire n'a aucune information, ne peut faire aucune comparaison. Il ne peut faire aucune négociation le moindrement juste.

Nous demandons donc que le propriétaire doive obligatoirement informer le locataire du coût des dépenses effectuées dans l'immeuble et dans son logement et cela, au même moment où il envoie son avis d'augmentation de loyer. De plus, le locataire devrait pouvoir répondre à l'avis du propriétaire jusqu'à deux mois avant la fin de son bail si le tarif est fixe de douze mois ou plus.

Ainsi une véritable négociation pourrait avoir lieu entre les deux parties afin de réduire le harcèlement lors de la signature ou du renouvellement du bail, le locataire devrait aussi pouvoir annuler l'entente dans les dix jours de la signature. Les éléments servant à la détermination du prix du loyer ne devraient plus être l'objet d'un règlement. Nous croyons qu'il devrait être clairement indiqué dans le Code civil. Pour la détermination du prix du loyer, nous croyons que seuls les éléments suivants devraient être retenus. Les taxes municipales de service, les taxes scolaires, le chauffage, le gaz, l'électricité, l'entretien, les réparations majeures, les frais de gestion et l'indexation du revenu net et le coût des dépenses effectuées pour le locataire.

Nous retirons les taxes sur l'évaluation foncière et les assurances du propriétaire car le locataire ne tire aucunement profit de la spéculation foncière et de la revente de l'immeuble, de même que le remboursement des assurances du propriétaire en cas d'accident ou de sinistre. Pour la détermination du revenu brut du propriétaire, nous ne retenons que les revenus réels et potentiels de location immobilière, résidentielle et commerciale. Comme actuellement ces dépenses seraient calculées selon les indices officiels, les dépenses effectuées par le locataire seraient calculées de la même façon, mais appliquées sur le montant d'augmentation totale auquel le propriétaire aurait droit. Dans le cas de rénovation subventionnée, l'indice de calcul serait réduit en proportion des subventions que le propriétaire a reçues. Par exemple, les rénovations subventionnées à 50 %, il serait juste que le locataire bénéficie aussi d'une part de la subvention.

Ainsi, le locataire bénéficierait aussi du programme de rénovation. Le système de calcul devrait mettre à contribution aussi le propriétaire non résident, tout comme elle le fait envers le propriétaire résident. Le propriétaire résident absorbe une partie des dépenses tandis que le propriétaire non résident actuellement ne paie aucun des coûts. Au niveau de la discrimination, le propriétaire est toujours en mesure de refuser un logement aux familles, aux personnes d'ethnies différentes, aux personnes handicapées physiquement ou mentalement, aux personnes qui refusent de divulguer des renseignements personnels. Le moyen le plus couramment utilisé pour opérer une discrimination illégale, c'est de faire remplir au locataire une fiche de renseignements personnels.

Ainsi, il peut refuser officiellement un locataire pour le motif de la solvabilité de ce dernier. L'insolvabilité n'est pas considérée comme un motif discriminatoire par les tribunaux. Le propriétaire peut aussi refuser de louer à des personnes assistées sociales, en chômage ou à bas salaires. Nous demandons donc qu'il soit interdit à un propriétaire d'exiger des renseignements personnels des locataires. La Régie du logement doit, à notre avis, avoir juridiction sur les cas de discrimination étant donné que cela interfère dans la conclusion d'un bail. De plus, les propriétaires fautifs devraient être sévèrement pénalisés. La Commission des droits de la personne doit accentuer son action sur la discrimination dans le logement, opérer des vérifications continuelles et sur demande servir de témoin pour le locataire à la Régie du logement.

Il nous apparaît important qu'il soit clairement indiqué dans le Code civil que le loyer est un bien quérable par le locateur. On évitera ainsi que le locateur impose des méthodes de paiement qui sont coûteuses au locataire et souvent non sécuritaires, comme par exemple, le paiement par la poste, le paiement par mandat-poste, le paiement chez le locateur lui-même. Ces formes de paiement très courantes amènent énormément de conflits sur la question du retard de paiement. Nous déplorons le fait que dans le Code civil on présume que le logement est déjà en bon état d'habitabilité et que le locataire a la charge en cas de litige de prouver que les détériorations ne sont pas dues à sa faute, en référence, l'article 1929, alinéa 1 C'est le principe inverse du droit canadien québécois. Il est à la charge de l'accusateur de prouver que l'accusé est fautif et non pas à l'accusé de prouver son innocence.

Dans les articles du Code civil, il est fait mention de bon état d'habitabilité, mais il n'est défini à aucun endroit ce qu'est un bon état d'habitabilité. Nous suggérons donc que le Code civil précise un point de référence afin que ce soit le même pour tous. Bon nombre de municipalités n'ont pas de règlements sur l'entretien des maisons et d'une municipalité à l'autre, l'habitabilité est définie différemment. Nous suggérons, de même, que la province se dote d'un code du logement et que ce code soit le point de référence.

Au niveau des réparations, on peut cons-

tater qu'elles sont le moyen le plus couramment utilisé pour se débarrasser d'un locataire de façon légale. La loi actuelle donne au locateur carte blanche pour faire toutes les réparations et améliorations qu'il désire. S'il veut transformer ses logements en logements de luxe il le peut. Le locataire doit en payer les frais.

Le locataire, même si la loi dit qu'il peut retourner dans le logement après les travaux, ne retourne que très rarement étant donné qu'il n'a souvent pas les moyens de payer le prix du logement après les travaux ou bien qu'il doive voir à la résiliation du bail qu'il a dû prendre pendant la durée des travaux. Donc, nous demandons que le locataire ait le droit de contester la nature et l'opportunité des travaux à la Régie du logement.

De même, au niveau des programmes de rénovation actuels, ils n'assurent pas au locataire le retour dans les lieux, ne garantit pas le maintien dans les lieux avec de faibles dédommagements en argent pour le départ ou pour le dérangement que ça occasionne. Je pense particulièrement au programme PARCQ actuel qui est très en deçà de ce que la Régie du logement accorde dans d'autres situations.

On croit que le Code civil devrait protéger beaucoup mieux les locataires évincés temporairement que ce ne peut être le cas actuellement. Le locataire évincé temporairement peut se retrouver sans logement si le locateur signe un bail avec une autre personne avant son retour dans les lieux. Le locataire illégalement évincé ne peut reprendre son logement. Il ne peut obtenir que des dommages et intérêts, dédommagements qui sont souvent ridicules considérant...

La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, il ne vous reste que 30 secondes.

M. Filion: Consentement, Mme la Présidente, si M. Cusson veut terminer.

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que vous voulez lire votre mémoire jusqu'à la page 12?

M. Cusson: Non, je n'avais l'intention que de voir les douze premières pages.

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce qu'il y a consentement pour dépasser le temps?

M. Dauphin: Consentement.

La Présidente (Mme Bélanger): Continuez, M. Cusson, nous vous écoutons.

M. Cusson: Je vais aller à l'essentiel des points. Donc, ce qu'on a pu voir dans les cas de rénovation, des locataires ne pouvaient pas reprendre possession de leur logement parce que le propriétaire avait reloué son logement à quelqu'un d'autre et les jugements de la Cour supérieure ont donné que le locataire illégalement évincé ne pouvait pas reprendre ce logement-là parce que ça nuirait à une tierce personne. On voudrait donc que cette situation change.

Au niveau de la résiliation de bail on demande qu'il soit possible aux locataires qui, pour une raison de santé ou de handicap physique, ne peuvent plus habiter leur logement, puissent obtenir une résiliation de bail. Pour une raison d'accident une personne peut devenir incapable d'habiter le logement qu'elle habite. À ce moment-là la personne continuera, en plus de subir son handicap, de devoir trouver un sous-locataire pour le remplacer.

Dans les cas de décès, nous demandons, si le locataire vivait seul, que le bail prenne fin immédiatement au moment du décès de façon à ne pas laisser le fardeau du logement à la succession.

Au niveau de la sous-location, on est très heureux de la précision apportée entre la sous-location et la cession du bail pour faire en sorte qu'il y ait plus de cessions de baux que de sous-locations. Dans la loi actuelle, il n'y a, pour ainsi dire, aucune différence dans les deux situations. La réforme en amène une qu'on trouve très intéressante.

Le deuxième principe qu'on veut voir développer, c'est d'assurer la protection et la conservation du stock de logements locatifs. La protection et la conservation du stock de logements locatifs sont très importantes pour les locataires. Sans protection, le parc immobilier locatif ira au gré des développeurs sans tenir compte des besoins sociaux. Bien plus, cela amènera un accroissement de demandes de logements et de services sociaux. Le développement du logement locatif, pour les ménages défavorisés, passe, à notre avis, par le développement de la propriété collective sans but lucratif des logements comme coopérative, OSBL, HLM. Toutefois, nous sommes encore face à l'entreprise privée comme principal intervenant dans l'habitation. Étant donné que l'accession à la propriété privée n'est pas possible pour la très grande majorité des locataires, il est des plus important que l'État protège les logements existants afin de ne pas appauvrir davantage les ménages démunis. (21 h 30)

Pour ce qui est de la reprise de possession, nous demandons qu'elle soit limitée au seul propriétaire et non plus à toute sa descendance, comme ce l'est actuellement, de même que nous sommes totalement contre l'article 2017 qui permettrait la reprise de possession à l'emphytéote et à l'usufruitier. En permettant cela, vous ouvrez la porte pour que les gens contournent la loi au sujet de la conversion des immeubles locatifs en condos et de l'interdiction aux compagnies de faire une reprise de possession.

En ce qui a trait aux critères de logements

comparables, cela devrait se limiter à la grandeur et aux services offerts. Nous trouvons injuste envers le locataire, qui a tout fait pour maintenir son logement a bas prix, que cela se retourne contre lui quand c'est le temps d'une reprise de possession, parce que actuellement, on considère le prix du logement dans les critères de logements comparables. Nous croyons que le propriétaire devrait être obligé d'indemniser le locataire délogé.

Pour les changements d'affectation, la subdivision, l'agrandissement, la démolition, on aimerait que les mêmes délais s'appliquent que pour la reprise de possession; donc, le propriétaire envoie un avis six mois avant les délais, et si le locataire ne répond pas, le propriétaire aura la charge de faire une demande à la Régie du logement, contrairement à la situation actuelle qui est maintenue, alors que c'est au locataire de faire la demande à la Régie du logement. Cette double situation est très ambiguë pour les locataires.

Nous aimerions que ce qui encadre la démolition de logements soit inclus au Code civil. À l'heure actuelle, c'est dans la Loi sur la Régie du logement, dans la Loi sur les cités et villes et dans le Code municipal du Québec. Nous ne comprenons pas pourquoi c'est à part, alors que ce devrait être dans le Code civil.

Nous croyons qu'on devrait revoir la question du droit de préemption pour faciliter l'expansion du logement coopératif et sans but lucratif, c'est-à-dire qu'avant qu'un propriétaire vende son logement à l'extérieur, à un individu privé, il devrait l'offrir d'abord aux locataires en place, au GRT et aux offices municipaux d'habitation. Et puis, aux locataires qui décideraient de vouloir acheter collectivement cet immeuble pour en faire une coopérative d'habitation ou un OSBL, on devrait leur donner un délai pour faire une offre d'achat et un délai supplémentaire de six mois pour permettre la conclusion de la transaction.

Finalement, nous croyons que le gouvernement a une part importante à jouer dans la protection et la promotion des droits des locataires, parce que nous croyons que la question du logement n'est pas une question individuelle, mais une question sociale. Quand on voit que le quart des logements, d'après le livre Se loger au Québec, nécessite des réparations dites mineures et majeures, nous ne pensons pas que ce soit une question d'individu à individu. Le fait qu'il y ait 1 000 000 de ménages qui vivent des maigres prestations gouvernementales et qui ont des problèmes d'accessibilité à un logement, nous ne croyons pas que ce soit une question individuelle. Le fait que le prix des logements au Québec se soit accru plus rapidement que dans l'ensemble du Canada, nous ne croyons pas non plus que cela devienne une question d'individu à individu. Étant donné, donc, que le logement est un problème social, la solution doit être sociale. L'État québécois a un rôle très important à jouer pour faire en sorte que vivre dans un logement de qualité à prix abordable soit le lot de tous les résidants et résidantes de la province. Donc, nous pensons que les trois mesures les plus immédiates à entreprendre pour réaliser cela sont l'enregistrement obligatoire des baux, le contrôle obligatoire des loyers et l'appropriation collective par le droit de préemption.

Nous aurions des petites modifications à demander dans les articles suivants, comme à la page 15, par rapport à l'article 2002. Nous aimerions que les chambreurs soient considérés sur le même pied d'égalité que les autres locataires, que dans les cas de renouvellement de bail, le propriétaire doive donner un avis de trois mois au locataire d'une chambre, et non pas seulement de dix jours. À la page 16, concernant l'article 2006, nous modifierions aussi les délais pour éviter au locataire le renouvellement du bail. Donc, dans le cas d'une chambre, au lieu de dix jours avant la date prévue de départ, nous le mettrions à trois mois, là aussi, pour l'équité.

À la page 18, concernant l'article 1982, dans les cas d'améliorations ou de réparations majeures, nous ne voulons pas que ce soit seulement dans le cadre des programmes publics de conversion et de remise en état que cela passe à la régie; nous voudrions que ce soit dans toutes les situations, y compris dans celles-là. Donc, l'article tel que libellé est correct. C'est pour préciser que l'article 1989 aurait à être supprimé pour faire en sorte que même les programmes comme le PARCQ doivent obtenir l'assentiment de la Régie du logement et que le locataire puisse faire valoir ses droits.

À la page 20, concernant l'article 2017, on supprime le deuxième alinéa, c'est-à-dire que pour la reprise de possession, c'est seulement le propriétaire de l'immeuble qui peut reprendre possession d'un logement pour l'habiter.

Je crois que c'est tout.

La Présidente (Mme Bélanger): On vous remercie, M. Cusson.

M. le député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue au Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec pour sa participation à nos travaux en sous-commission sur la réforme du Code civil. J'aimerais tout d'abord lui dire qu'il y a des propositions très intéressantes dans son mémoire, mémoire qui est quand même assez complet dans le domaine des relations locateurs-locataires. Certaines d'entre elles ont des incidences économiques et sociales très importantes, ce qui est une raison de plus pour apporter un examen attentif à ses recommandations. Ceci étant dit, ceci m'amène à une série de questions que nous avons préparées à son intention.

Concernant l'enregistrement des baux, pour-

riez-vous nous suggérer d'autres moyens que l'enregistrement systématique à la Régie du logement? Croyez-vous que le simple dépôt du bail à la régie serait suffisant pour faire connaître, notamment, de combien était le loyer du locataire antérieur?

M. Cusson: Disons que techniquement, de la façon dont on voit l'enregistrement, c'est que peu de temps après la signature du bail, le propriétaire se doit de le faire parvenir à la Régie du logement pour qu'il soit conservé et consulté à la demande de toute personne intéressée. Dans cet enregistrement, on voit aussi toutes les choses qui peuvent modifier les conditions du bail. Par exemple, les avis de rénovation, de travaux majeurs qui peuvent modifier les conditions du bail devraient en faire partie, de même qu'un programme comme le PARCQ, s'il y a entente. Ce programme a la particularité que le propriétaire s'engage à un certain contrôle des loyers, sauf que l'organisme qui est censé superviser ce contrôle, c'est la SHQ. Mais la SHQ a affirmé qu'elle ne ferait pas de supervision de façon systématique, que ce serait de façon aléatoire qu'elle irait voir certains locataires. On pense que l'organisme le plus en mesure de faire cette supervision et de faire respecter la loi, c'est la Régie du logement; en ayant le bail sous la main, elle pourra plus facilement superviser donc faire respecter la loi telle qu'elle était censée s'appliquer, et non pas au détriment de la personne.

Par exemple, dans le cas d'un logement rénové dans le cadre du PARCQ, s'il y a changement de locataires, ce n'est pas évident que le nouveau locataire saura que le contrôle de son loyer est censé être supervisé par la SHQ. Ça semble être un moyen assez draconien qui peut paraître coûteux, mais, considérant que ces locataires sont en général des personnes démunies qui n'utilisent pas leur droit de contestation en tant que nouveaux locataires, on croit que le gouvernement doit faire une dépense, justifiée, à notre sens, pour les protéger. Je ne vois pas de moyens techniques autres que ces moyens radicaux.

M. Marquis (Pierre): II peut y avoir confusion quant à la définition des mots "enregistrer un bail". J'aimerais connaître votre définition. Vous avez posé la question: Est-ce que cela conviendrait que les baux soient déposés? Nous, on le voit comme cela. Je ne pense pas à un enregistrement chez le notaire, mais à un dépôt systématique des baux. La Régie du logement prendrait les données en conséquence, et cela serait suffisant pour nous.

M. Dauphin: Dans le droit actuel, normalement on enregistre un bail pour se protéger. Le propriétaire ne peut pas mettre fin au bail si celui-ci est enregistré. S'il ne l'est pas, cela a moins de sécurité, en termes de droit préservé.

C'est pour cela qu'on les enregistre.

M. Cusson: On voit aussi une valeur à cet enregistrement dans le sens que le bail qui est déposé à la régie est celui légalement en vigueur et ne peut pas être modifié dans les douze prochains mois. S'il y a des choses, c'est le bail auquel la régie devra obligatoirement se référer.

M. Dauphin: Je suis d'accord avec vous.

M. Cusson: II y a une valeur d'enregistrement, mais la forme qu'on voit est plus le dépôt.

M. Dauphin: Je suis d'accord avec vous qu'on parlerait de grosses dépenses. Combien de logements font l'objet d'un bail au Québec?

M. Cusson: II y a 1 000 000 de logements, mais si on regarde combien il y a de contribuables au Québec... Il y a un ministère qui a un système informatique pour contrôler la taxation, les impôts. En termes de système, c'est certain que cela va amener des dépenses majeures, mais considérant que la Régie du logement, particulièrement depuis sa création, a subi des diminutions des montants d'argent affectés à ce service, on pense que c'est de bon aloi de remettre plus d'argent dans ce secteur.

M. Marquis: Juste pour compléter...

La Présidente (Mme Bélanger): Un instant, s'il vous plaît, si vous voulez attendre que je vous nomme pour les bonnes fins du Journal des débats, M. Pierre Marquis.

M. Marquis: C'est cela, oui. C'est sûr qu'on ne veut tout de même pas amener les gens dans un bourbier juridique très complexe, que ce soient les locataires, les propriétaires. Comme regroupement, ce que nous voulons ramener, c'est que les gens puissent utiliser de façon convenable les recours qui leur sont permis actuellement, c'est-à-dire que si un nouveau locataire a une augmentation trop élevée de loyer, il peut faire baisser le loyer à la Régie du logement. On pense que juste par le dépôt des baux, cela permettrait, par exemple, à une personne âgée qui signe un bail à titre de nouvelle locataire, qui a un loyer trop élevé, de faire les démarches pour aller chercher l'ancienne locataire... C'est très complexe et la loi actuelle n'est à peu près pas mise en application. L'enregistrement des baux faciliterait énormément la tâche des gens. Ils n'auraient qu'à aller à la régie et vérifier si oui ou non le propriétaire n'a pas raconté de mensonges. Le dépôt des baux serait suffisant. C'est juste pour alléger le fardeau, pour faire la preuve.

M. Dauphin: D'accord, merci. J'aimerais passer à une autre question, si vous permettez, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: ...étant donné que l'heure passe rapidement. J'aimerais vous entendre davantage sur les difficultés rencontrées quant à cette notion de bon état d'habitabilité.

M. Cusson: À l'heure actuelle, le seul code de référence pour les petites municipalités, entre autres, c'est le Code du bâtiment canadien. Des municipalités peuvent avoir un code particulier, mais cela va être sur des normes générales, par exemple pas sur la moisissure ou la vermine. Mais, les pénalités en cas d'infraction sont vraiment mineures dans la plupart des codes qu'on a vérifiés. Ce qu'on demande, c'est un code qui ait des normes précises sur ce que veut dire l'insonorisation, sur ce que veut dire un trop gros taux d'humidité dans un logement, des choses qui soient vraiment plus actuelles que ce que les codes ont donné.

(21 h 45)

On a vu, par exemple, une décision de la Régie du logement où un propriétaire a plaidé que son logement répondait aux normes du Code du bâtiment; par contre, il y avait un fort défaut d'insonorisation et le locataire a gagné sa cause parce qu'il a réussi à prouver que même si le propriétaire respectait le Code du bâtiment, ce n'était pas en conformité avec la quiétude à laquelle le locataire avait droit. Donc, les codes actuels ne sont pas suffisamment mis à jour par rapport aux normes des matériaux utilisés. Il y aurait aussi un contrôle à faire de façon que ce ne soient pas les matériaux les moins résistants qui soient utilisés, ceux aux plus basses normes.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va, M. le député de Marquette?

M. Dauphin: Ça va pour le moment, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Taillon.

M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais à mon tour féliciter les auteurs du mémoire qui, parfois, se sont transformés en juristes pour aller même jusqu'à écrire le texte précis que pourrait prendre leurs recommandations, si elles étaient acceptées. Il y a dans votre mémoire un travail assez colossal pour lequel je voudrais vous féliciter. Dans l'ensemble, vous dites que l'avant-projet de loi contient des mesures intéressantes, mais que de façon générale, il est trop timide sur plusieurs points. Vous suggérez plusieurs améliorations à ce projet de loi. Le député de Marquette a posé la question qui m'intriguait en ce qui concerne l'enregistrement obligatoire des baux. Cela pourrait être un dépôt. Il y a la question des frais, mais vous y soulevez des avantages qui ne sont sûrement pas négligeables. Il y a le contrôle des loyers par l'État que vous soulevez également.

En ce qui concerne la discrimination, je veux vous faire remarquer - c'est seulement un point de votre mémoire - que l'ethnie, la religion ou l'orientation sexuelle, c'est déjà couvert par la Charte des droits et libertés de la personne. Beaucoup de décisions, d'ailleurs, ont été rendues sur ce plan.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Cusson.

M. Cusson: C'est cela. C'est mis de côté, si on peut dire. Jamais le propriétaire ne va dire: Bon, tu es une personne d'ethnie X. Je refuse de louer. On va prendre une méthode qui est dite objective, qui est le formulaire de renseignements personnels, pour vérifier la solvabilité de la personne. Puis, le propriétaire va utiliser la question de la solvabilité pour refuser une personne, pour ne pas dire que c'est parce qu'elle est assistée sociale ou bien parce qu'elle est une femme chef de famille. On contourne la protection qu'on a d'après la charte en utilisant d'autres moyens qui ne sont pas justifiés, qui ne sont pas nécessaires à la location d'un logement, soit celui de demander des renseignements personnels.

M. Filion: Oui, vous avez raison de soulever cela. C'est une question de preuve.

M. Cusson: Oui.

M. Filion: Vous demandez au propriétaire: Pourquoi vous avez refusé le candidat locataire X? Le propriétaire peut bien répondre ce qu'il veut. Mais il demeure qu'il y a des décisions qui commencent à être rendues par la Commission des droits et libertés de la personne, des décisions qui vont dans le sens, en tout cas, d'une plus grande attention de la commission à ce fait-là. C'est bien rare qu'un propriétaire va arriver à dire: Franchement, écoutez, je n'ai pas loué à cette association d'homosexuels parce que c'étaient des homosexuels. Il y a une question de preuve. Dans le cas, d'ailleurs, que je vous soumets, il y a eu un jugement de rendu. Bref, on avance un petit peu dans ce secteur-là. Vous avez peut-être raison de soulever l'ensemble du problème de la discrimination.

Le député de Marquette vous a aussi interrogés sur le bon état d'habitabilité. Il y a quelque chose qui m'intrigue. Vous suggérez en page 16 de votre mémoire qu'un loyer devrait toujours être quérable. Est-ce que, à votre connaissance, cette suggestion-là répond à une problématique quelconque?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Cusson.

M. Cusson: Oui. À l'heure actuelle, les gens ne savent pas de prime abord que le logement,

c'est un bien qui est quérable. On ne le sait, nous, que par des jugements qui ont été rendus par des tribunaux supérieurs qui ont déterminé que le loyer est un bien quérable. On voit, comme on l'a indiqué dans le mémoire, des situations où le propriétaire, en tout cas un propriétaire de Québec en particulier, demande à ses locataires de payer par la poste. Quand il est tanné d'un de ses locataires, il plaide tout simple: Je n'ai pas reçu le loyer. Donc, il va à la Régie du logement et demande la résiliation du bail. Il va l'obtenir si le locataire n'est pas en mesure de faire la preuve qu'il a bel et bien payé son loyer. Le fait d'avoir un reçu, même si on lé payait par courrier enregistré... Payer par courrier enregistré n'est encore pas une preuve que dans la lettre, il y avait effectivement un chèque. Donc, le fait de payer par un intermédiaire - le service des postes, par exemple - fait en sorte que le locataire n'a souvent pas la preuve qu'il a bel et bien acquitté son loyer. Et les propriétaires ne sont pas très primes non plus à donner des reçus quand ils reçoivent le loyer. Cela fait que le locataire a souvent peu de preuves pour démontrer qu'il a bel et bien payé son loyer.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Taillon.

M. Filion: Vous avez traité de la question des réparations et des améliorations. Deux autres points. Vous suggérez quelque chose d'intéressant à la page 8 de votre mémoire, un droit de résiliation du bail en faveur du locataire qui ne peut plus habiter son logement pour des causes de santé ou de handicap physique. J'ai un cas classique qui me vient à l'esprit: c'est un locataire qui habiterait à un 3e étage et qui, dans un accident, perd en partie ou en totalité l'usage d'une jambe. Sauf erreur, vous me dites qu'il n'existe rien actuellement dans notre code. Ce serait totalement de droit nouveau, c'est cela?

M. Cusson: Oui.

M. Filion: Le problème que cela pose - je pense que c'est intéressant, ce que vous suggérez - c'est un problème de preuve, aussi. C'est quoi exactement, un état de santé? Quelle extension pourrait prendre une disposition comme celle là qui serait bien intentionnée? Est-ce que vous avez retracé des précédents ailleurs?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Cusson.

M. Cusson: Dans d'autres lois? On n'a pas fouillé d'autres lois pour voir s'il y avait des choses semblables mais on a souvent, en tout cas par expérience personnelle, à notre bureau de

Québec, des situations de personnes âgées qui ont des problèmes cardiaques mais qui demeurent au 3e étage d'un immeuble où il n'y a pas d'ascenseur. Cette personne-là, à la recommandation du médecin, devrait déménager, sauf que, en cours de bail, fa dame ne peut pas déménager à moins de trouver un sous-locataire. Quand on est une personne âgée, devoir trouver un sous-locataire, avec toute l'incertitude que cela entraîne pour cette personne, probablement qu'elle va finir son bail en souhaitant qu'elle ne finisse pas sa vie dans son 3e étage avec ses problèmes cardiaques; ou bien, elle va devoir assumer deux loyers. Donc, il faudra voir les mécanismes. À ce qu'on voit, ce sont les billets de médecin ou une attestation d'un médecin qui assurent que, en raison de l'état de santé de la personne, elle ne peut demeurer dans le logement qu'elle habite.

M. Filion: C'est bien. Il y a un autre point que j'ai trouvé très original dans votre mémoire, en page 10, soit le droit de préemption. Vous dites: Ce qu'il faudrait, c'est donner la possibilité ou la faculté au locataire d'acheter l'immeuble lorsque le propriétaire décide de le mettre en vente, de réaliser une transaction. C'est original. Il y a un petit problème: tout cela prend du temps. Le marché immobilier bouge, et c'est normal. Vous suggérez un délai de trois mois pour accepter, pour organiser des coopératives ou des organismes sans but lucratif, et un délai de six mois pour conclure la vente. L'idée est intéressante, il s'agit juste de trouver une formule quelconque, dans un marché qui est libre, tout de même.

M. Cusson: Le délai de six mois existe pour la conversion en condos. Le locataire qui désirerait utiliser son droit de préemption et qui fait une offre équivalente à celle de l'investisseur à l'extérieur a un délai de six mois pour réaliser sa chose.

M. Filion: Là, vous parlez de la conversion d'un immeuble, ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. Cusson: C'est pour cela qu'on pense que les délais de trois mois et de six mois seraient justifiés, d'autant plus si c'est un achat collectif, en raison des délais pour l'enregistrement en tant qu'organisme sans but lucratif et tout cela.

M. Filion: Vous convenez que la différence est quand même le fait qu'un transfert de propriété n'impliquerait pas un changement de locataires, alors que la conversion d'un immeuble locatif en condos implique des changements en ce qui concerne les personnes qui habitent l'immeuble.

M. Cusson: Ce n'est pas supposé.

M. Filion: Pardon?

M. Cusson: Ce n'est pas supposé.

M. Filion: Cela dépend de ce qui se produit. M. Cusson: On le souhaite.

M. Filion: Cela dépend de ce qui arrive effectivement. Non, je trouve que c'est une avenue intéressante dans la mesure où on cherche à faire en sorte qu'il y ait de plus en plus de gens qui se portent acquéreurs. On l'a vu cet après-midi ou ce matin, je ne me souviens pas, environ 54 % des Québécois sont propriétaires. Vous savez que ce pourcentage devait être pas loin de 20 % ou 25 % au début des années soixante-dix. Il n'y a pas si longtemps. Il y a beaucoup de chemin de fait pour faire en sorte que les Québécois et les Québécoises soient de plus en plus propriétaires. Il reste encore un bout de chemin à faire. Des avenues comme celles-là sont originales. Il s'agit de trouver les modalités. Comme je l'ai dit ce matin, tout cela va entrer dans la grande bouilloire des personnes chargées de réviser le Code civil, c'est-à-dire de préparer un projet de loi.

Je pense que vous vouliez ajouter quelque chose, M. Marquis.

M. Marquis: Oui, c'est cela. Par rapport au droit de préemption, la loi actuelle le permet pour ce qui est de la conversion en condos. En tout cas, il y en a plusieurs qui veulent s'orienter là-dessus. Ce qu'on veut ramener là-dedans, c'est la possibilité de l'élargir en dehors de la conversion en copropriétés. Donc, c'est l'élément qui a été ramené. Les délais qui ont été amenés là sont très liés en fonction de la réglementation de la loi actuelle quand on veut faire des coopératives d'habitation. Ce sont des délais qu'on retrouve un peu partout. C'est bien sûr que si, dans la loi, en ce qui concerne la Société d'habitation du Québec, pour faire des coopératives ou des organismes sans but lucratif, et dans celle du fédéral, on pouvait accélérer le processus pour restreindre les délais, ce serait très intéressant.

L'autre aspect qui a été amené par les municipalités, il y en a plusieurs qui veulent le développer, entre autres, les offices municipaux de l'habitation. Ils veulent utiliser le droit de préemption et les municipalités aussi. Donc, il y a un gros débat qui est en train de se faire actuellement en ce qui concerne le droit de préemption pour essayer de l'élargir en dehors de la conversion en condos, c'est bien sûr.

M. Filion: Au nom de l'Opposition officielle, MM. Cusson et M. Marquis, Mme Thibeault et M. Berthiaume, je vous remercie à la fois pour la qualité de votre mémoire et pour notre discussion de ce soir. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Taillon.

M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Oui, Mme la Présidente.

Juste avant de vous remercier à mon tour, j'aimerais poser une dernière question qui est relative à l'article 1932 de l'avant-projet de loi, qui parle de cession de bail. Je crois que dans votre mémoire, vous vous êtes prononcés en faveur de cet article qui est de droit nouveau, qui opère novation, c'est-à-dire qui libère l'ancien locataire. À votre connaissance est-ce qu'il y a beaucoup d'abus en matière de cession de bail, de sous-location?

M. Cusson: C'est que les locataires ne savent pas ce que la cession de bail veut dire. Ils n'y voient aucun avantage vraiment différent de la sous-location. En tout cas, on pourrait dire que c'est relativement récent pour nous, dans le sens que cela fait un an et demi à deux ans qu'on recommande aux locataires de céder leur bail plutôt que de sous-louer, s'ils n'ont pas l'intention de revenir dans leur logement. C'est une chose nouvelle et je constate que c'est difficile à expliquer aux locataires parce qu'on leur dit: Vous cédez votre bail, mais n'oubliez pas que vous êtes encore à 100 % responsables. Cette définition ne concorde même pas avec le Petit Robert. Quand on cède, on cède, on s'en débarrasse. Là où on y voit un grand avantage, c'est quand une personne est transférée d'une ville à l'autre; elle peut céder son bail et est libre de toutes responsabilités. C'est un grand avantage plutôt que de devoir sous-louer, d'être à l'extérieur et de vérifier si tout va bien dans son ancien logement. Donc, avec la cession de bail, on trouve cela très, très avantageux.

M. Dauphin: Merci beaucoup. Donc, au nom du ministre de la Justice du Québec et des collègues ministériels, j'aimerais vous remercier d'avoir participé à nos travaux et vous dire que l'équipe de réforme du Code civil qui m'accompagne ici verra avec un oeil attentif toutes vos recommandations.

M. Cusson: On vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, mesdames et messieurs, nous vous souhaitons te bonsoir et un bon retour. La sous-commission des institutions ajourne ses travaux au jeudi 3 novembre, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 22 h 1)

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