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Version finale

31st Legislature, 3rd Session
(February 21, 1978 au February 20, 1979)

Monday, December 4, 1978 - Vol. 20 N° 207

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 90 — Loi sur la protection du territoire agricole


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 90

(Vingt heures cinquante-cinq minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous s plaît. La commission permanente de l'agriculture! est réunie, dans un premier temps, pour entendre les mémoires des organismes et individus relativement à la Loi sur la protection du sol agricole.

Ce soir, les organismes convoqués sont: Le Conseil de l'alimentation du Québec, représenté par M. Léonard Roy, vice-président exécutif, le Conseil régional de développement, représenté par M. Roch Malo et l'Association des propriétaires du Québec, représentée par le Dr Marcel Tremblay.

Ah bon, Lionel Gaumont?

Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain), M. Garon (Lévis), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Rancourt (Saint-François), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Orford) est remplacé par M. Lavoie (Laval). Les intervenants sont: M. Marcoux (Rimouski) qui remplace M. Brassard (Lac Saint-Jean), M. Charbonneau (Verchères), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Verreault (Shefford) remplace M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Picotte (Maskinongé), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Le rapporteur pour la commission est M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata) — vous acceptez? M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata) est donc rapporteur.

M. Lavoie: ...

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît.

Pour la façon de procéder concernant le temps dévolu à chacun des organismes, disons qu'à la conférence des leaders, il n'y a pas eu d'entente spécifique sur le temps. On pourra procéder suivant les mémoires; étant donné que ces mémoires n'ont pas été déposés avant la commission, il n'a pas été possible de s'entendre sur le temps consacré à chacun des mémoires. Disons que le temps... on n'entreprendra pas de question de procédure relativement au temps et on procédera suivant le temps que les membres de la commission jugeront bon d'accorder pour les questions à poser aux gens qui présenteront les mémoires.

J'appelle immédiatement le Conseil de l'alimentation du Québec représenté par M. Léonard Roy. Mémoire no 12M. M. Roy, si vous voulez bien vous asseoir et procéder immédiatement à la lecture de votre mémoire.

Présentation de mémoires

Conseil de l'alimentation du Québec

M. Roy (Léonard): M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire de l'agriculture de notre Assemblée nationale, messieurs.

Le Conseil de l'alimentation du Québec vous remercie de lui permettre de vous faire connaître les réactions des secteurs industriels et commerciaux de l'agro-alimentaire québécois qu'il représente, au projet de loi no 90 du ministre de l'Agriculture du Québec.

Le Conseil de l'alimentation du Québec est une fédération d'associations professionnelles d'affaires qui regroupe une dizaine de conseils ou d'associations dont les membres sont ou des manufacturiers ou des distributeurs de produits agro-alimentaires. Les chefs d'entreprises qu'il représente effectuent plus de 80% des transactions qui s'échelonnent le long de la chaîne alimentaire depuis le producteur agricole jusqu'au consommateur. Au moins 50% des produits agroalimentaires qu'ils offrent aux consommateurs sont manufacturés ou récoltés au Québec. De 35% à 40% de la matière première agricole utilisée dans la fabrication de ces produits alimentaires proviennent des fermes du Québec. D'où l'intérêt direct de tous les secteurs industriels et commerciaux, représentés au Conseil de l'alimentation du Québec.

Dans ce dossier de la protection du territoire agricole québécois. Ce sont en quelque sorte leurs sources d'approvisionnements qui sont mises en cause. Il y a plus encore. C'est toute la politique de développement de l'industrie agro-alimentaire qui est en jeu. Pour l'ensemble de notre industrie, le projet de loi sur la protection du territoire agricole, à la fin de 1978, est l'aboutissement de plus de 10 ans d'efforts pour nous assurer les sources d'approvisionnement de matières premières agricoles susceptibles de justifier les investissements et les initiatives de développement dans ce vaste domaine, porteur d'un potentiel d'expansion économique vital pour tous.

Nos premières interventions à ce sujet ont été faites auprès de la commission d'enquête April sur l'avenir de l'agriculture au Québec, en 1967-1968.

Durant de nombreuses années, notre industrie a réclamé des politiques plus dynamiques de drainage de nos sols arables. Nous avons demandé à l'Etat l'élaboration d'un véritable régime des eaux susceptible de préserver et d'accroître le rendement de notre sol arable. A l'occasion, au début des années soixante-dix, en collaboration avec d'autres corps publics du monde des affaires — et c'est assez surprenant, y compris la Chambre de commerce de Montréal, par exemple — nous avons proposé ce qui nous semblait être des moyens pratiques de conserver et d'améliorer le rendement du territoire agricole.

Nous avons apporté notre contribution aux travaux de recherche du Conseil de planification et de développement du Québec qui a proposé, il y a quelques mois, les éléments d'une politique de développement de l'industrie agro-alimentaire québécoise. Le CPDQ affirme, dans cette étude, que la préservation du potentiel des sols arables québécois lui apparaît être un des éléments majeurs susceptibles de modifier les orientations actuelles du développement de notre industrie agro-alimentaire. Le sommet agro-alimentaire qui a servi le dépôt de ces recommandations du Conseil de planification a réalisé un consensus sur l'énoncé suivant: "Un développement urbain incontrôlé a fait et fait encore que, régulièrement, les terres agricoles les mieux situées et souvent les plus fertiles sont perdues à l'agriculture au profit de la spéculation."

Enfin, à l'occasion de la tournée de consultation du ministre de l'Agriculture du Québec, le Conseil de l'alimentation du Québec a fait connaître son attitude sur la protection de notre territoire agricole dans une optique de développement industriel et a soumis quelques éléments de solutions aux principaux problèmes que soulève ce projet de loi opportun et courageux. Cette préoccupation constante témoigne de la conscience qu'ont nos chefs d'entreprises agro-alimentaires de l'acuité du problème.

La protection du territoire agricole québécois revêt donc un caractère vital et stratégique pour tout l'ensemble de la chaîne alimentaire depuis la ferme jusqu'à la table du consommateur. Le projet de loi no 90 s'identifie, pour nous, à l'objectif qu'il fallait atteindre. La philosophie qui sous-tend l'économie de la loi répond, d'une façon générale, aux anticipations de l'industrie agro-alimentaire québécoise.

M. le Président, nous n'entreprendrons pas ici de répéter ce que nous avons déjà présenté au ministre de l'Agriculture lors de sa tournée, considérant que le projet de loi no 90 répond globalement aux préoccupations de l'industrie agro-alimentaire québécoise, au plan des principes d'une façon indiscutable et au plan de la plupart des moyens choisis pour appliquer cette loi opportune et urgente.

Nous désirons seulement expliciter brièvement un constat qui, pour nous, se dégage de l'étude du texte du projet de loi et tout particulièrement des articles 12, 59 à 65 et 79. C'est ceci: L'absence, à toutes fins pratiques, de véritables critères devant non seulement guider la commission de protection du territoire agricole, mais devant la motiver, la justifier dans la prise de décisions à caractère économique.

Nous avons cru déceler, tout au cours de la tournée de consultation du ministre de l'Agriculture, que cette grande et courageuse entreprise de protection du territoire agricole du Québec était conçue dans une perspective de développement économique beaucoup plus que dans une réaction de défense.

Nous comprenons que telle est bien l'optique du gouvernement, puisque le projet de loi no 90, qui se limite plutôt à la mécanique du zonage, est immédiatement assorti de deux autres projets de loi, un qui veut favoriser l'établissement d'une relève agricole, l'agrandissement et la consolidation des fermes, ainsi que l'exploitation des terres arables non utilisées ou sous-utilisées; l'autre qui vise la mise en valeur des exploitations de fermes par une adaptation appropriée des fonctions de l'Office du crédit agricole du Québec. Depuis la rédaction de ce mémoire, je dois ajouter en toute justice que nous avons appris, comme tout le public, le dépôt d'une loi sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire qui, comprend-on, va avoir une incidence directe également sur ces préoccupations de protection du territoire agricole.

Nous avons compris, par les commentaires qui ont accompagné la présentation de ce projet de législation que c'est en fonction du potentiel de développement des marchés pour notre production agro-alimentaire qu'il ne faut pas hésiter à prendre les grands moyens pour endiguer l'érosion de nos bonnes terres. Si nous en jugeons par les attitudes de la presse parlée et écrite, cet ensemble de lois devrait traduire la détermination de tous les Québécois de tirer le maximum de développement de leurs ressources agro-alimentaires, particulièrement vitales pour l'avenir économique du Québec.

C'est tout cela qu'il nous semble difficile de retrouver, sous forme de critère d'action, dans le projet de loi. A l'article 12, on fait une référence à l'obligation de prendre en considération "les conséquences économiques qui découlent de ces possibilités", mais on se rend compte que les possibilités en question ont trait à l'utilisation du lot ou des lots à des fins d'agriculture.

A l'article 62, la commission peut autoriser l'utilisation du sol à des fins autres que l'agriculture, aux conditions qu'elle détermine. Pour ce qui est des critères de sa décision, elle réfère à l'article 12 où, comme on l'a vu, le critère est particulièrement vague. C'est à l'article 65, où nous nous rapprochons le plus d'un critère qui peut permettre de tenir compte du développement économique. Il est indiqué qu'à l'examen d'une demande d'une corporation municipale, pour exclure un ensemble de lots de la zone agricole, la commission peut considérer l'effet du projet sur le développement économique de la région et la disponibilité d'emplacements autres que ceux qui font l'objet de la demande, toujours en tenant compte des critères prévus à l'article 12. Enfin, l'article 79 qui a trait à l'enlèvement du sol arable précise que toute décision de la commission, dans ce domaine, doit être motivée. D'abord, nous croyons que toutes les décisions de la commission devraient être motivées et que, par suite de cette obligation de motiver ces décisions, les critères de décision ou d'action prévus dans la loi ne devraient pas être uniquement identifiés à des mesures défensives, mais aux préoccupations de développement économique qui semblent avoir inspiré la philosophie de cette loi.

Nous pensons, en faisant ces remarques, aux usines et autres installations de transformation, entreposage, conditionnement, distribution de la chaîne alimentaire qui devront continuer de prendre place en zones agricoles par suite de la nature de leurs opérations. Nous pensons à l'expansion des unités industrielles alimentaires qui existent déjà dans ces milieux. Il va de soi que nous incluons dans ces développements industriels normaux en milieux agricoles, les entreprises de fabrication d'intrants à la ferme, comme par exemple les engrais, les moulées et le reste.

Les parcs industriels, bien sûr, resteront les endroits tout désignés pour ce genre de développement. Par contre, il faut éviter de multiplier les contraintes dans la localisation des unités industrielles qui sont, très souvent, une extension directe de l'exploitation agricole.

Pour toutes ces raisons, nous croyons que l'article 12 devrait être révisé en tenant compte de ce qui existe déjà, d'ailleurs, à l'article 65.

M. le Président, nous voudrions faire une autre constatation. Nos usines alimentaires tendent naturellement à se coller à leurs sources d'approvisionnement de matières premières agricoles. Désormais, par suite de la recherche de la spécialisation dans les secteurs de production où nous avons le plus d'avantages concurrentiels, nous verrons s'accentuer le mouvement vers la décentralisation, vers la régionalisation de nos opérations agro-alimentaires, directement influencée, d'ailleurs, par la vocation des sols. En ce faisant, nous croyons que notre industrie va contribuer à la mise en valeur du dynamisme régional qui est un élément de base dans toute politique de développement industriel.

Or, par suite de ce phénomène propre à l'agriculture et à l'industrie alimentaire, il arrive que la nature des problèmes ou des projets de développement que nous avons à considérer dans la plaine de Montréal ne sont pas nécessairement ceux que nous rencontrons dans le Bas-Saint-Laurent ou dans l'Outaouais. Par exemple, le milieu ou les conditions propices au développement de nos conserveries de légumes sont localisées dans la région de Montréal surtout.

En conséquence, nous croyons que cette législation devrait prévoir et encourager un certain degré de décentralisation dans les opérations de la Commission de protection du territoire agricole, ainsi que des critères d'action qui prévoient les exigences de la régionalisation. Nous anticipons que les règlements qui découleront de cette loi traduiront cette souplesse nécessaire à la décentralisation dans le développement et prévoiront des mécanismes consultatifs régionaux. A ce sujet, nous croyons à l'utilité des structures de participation tant au niveau régional qu'au niveau provincial.

La loi prévoit une telle participation systématique avec les corporations municipales, les communautés. Il faudrait que les règlements permettent de rejoindre à travers nos différentes régions les corps professionnels, les organismes de développement régional, les groupes structurés, en mesure de devenir des interlocuteurs valables en matière de planification et de développement de l'exploitation de notre territoire agricole.

Nous soumettons respectueusement que les articles 12 et 80 du projet de loi devraient traduire cette préoccupation de décentralisation que nous retrouvons d'ailleurs dans l'organisation administrative du ministère de l'Agriculture du Québec actuellement.

Nous remercions, au nom du Conseil de l'alimentation du Québec, les membres de la commission parlementaire de l'Agriculture pour leur bienveillante attention. Nous demeurons disponibles pour répondre à leurs questions.

En terminant, et pour souligner l'importance que nous attachons à cette loi sur la protection du territoire agricole, nous faisons nôtre cet énoncé d'un éditorialiste d'un de nos quotidiens, et je cite: "Tout autant que la grande aventure hydroélectrique, le redressement de la situation agro-alimentaire de la province devrait être au coeur des préoccupations collectives au cours des prochaines années, d'autant plus que nous sommes condamnés, à long terme, à produire une plus grande proportion de nos aliments, compte tenu de l'état précaire de nos réserves alimentaires mondiales". Respectueusement soumis, le Conseil de l'alimentation.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Roy. M. le ministre.

M. Garon: On voudrait remercier M. Roy de sa présentation au nom du Conseil de l'alimentation du Québec et de tous les organismes que vous représentez. Je vous remercie surtout d'être demeurés pour la protection du territoire agricole avant le dépôt de la loi et également après. Vous parlez du courage nécessaire à présenter la loi, mais cela prend aussi du courage pour être toujours pour, pas seulement en principe, mais aussi dans la réalité.

Le grand facteur qui m'a frappé est celui où vous avez dit que vous représentez vraiment l'industrie alimentaire quand vous dites que c'est le besoin de l'approvisionnement de l'industrie. Je disais même au député de Saint-Hyacinthe récemment que si, dans sa région, les municipalités ne souhaitent pas la protection des terres arables, ce sera un devoir pour le ministère de recommander aux industries de se localiser dans les municipalités qui veulent protéger les terres, parce qu'on rendrait un mauvais service en localisant des industries dans des municipalités qui ne veulent pas la protection des terres arables parce qu'on mettrait en péril leur approvisionnement. Je pense que, quand vous soulignez cela, vous soulignez la grande préoccupation des industries alimentaires que j'ai rencontrées et qui, chaque fois, nous ont demandé, comme ministère de l'Agriculture, de les conseiller sur la sécurité des approvisionnements futurs, et, comme ministère de l'Agriculture participant financièrement à peu près à toutes les installations industrielles au Québec, que ce soit dans le domaine des abattoirs, des charcuteries, des salaisons, des industries laitières.

Je pense qu'il y a beaucoup de secteurs dans lesquels nous ne participons pas financièrement. C'est le conseil que nous demande toujours l'industrie. Je pense, encore une fois, en le mettant dans votre mémoire, que vous en soulignez l'importance. Je vous donne un exemple. On discute de la raffinerie de sucre. Si on utilise à 100% le matériel que nous venons d'acquérir, cela va nécessiter 24 000 acres de terre. Si, dans la région où est située actuellement la raffinerie de sucre, les gens ne veulent pas nous donner 24 000 acres pour fournir des betteraves pour la raffinerie, aurons-nous d'autres choix que celui de la localiser ailleurs? Je pense que c'est en ces termes qu'il va falloir parler de développement industriel, comme vous l'avez dit, avec une sécurité des approvisionnements. Je vous remercie du mémoire que vous avez présenté, parce que vous reflétez vraiment les préoccupations du monde industriel.

Il y a une question que j'aimerais vous poser, c'est la principale question. Dans les différentes régions du Québec, en quoi vous apparaît-il que la protection du territoire agricole doit être différente? Je ne parle pas de la Gaspésie et des Iles-de-la-Madeleine qui ont un problème bien particulier d'abandon des terres plus que d'autre chose. Mais, dans les principales régions du Québec, à l'exception de la Gaspésie, une partie tout près de la Gaspésie, la vallée de la Matapédia, où il y a un abandon de terres, les gens nous l'ont souligné au cours de nos tournées du mois de septembre, est-ce que vous observez — évidemment à part les types de produits différents — vraiment une dynamique régionale agro-alimentaire particulière, à part le fait de dire que, dans la région de Montréal, par exemple, ce sont plutôt les légumes et les céréales qu'on ne peut pas faire dans les mêmes proportions dans d'autres régions? (21 h 15)

M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le ministre, notre souci, dans ce domaine particulier, c'est d'éviter, dans toute la mesure du possible, et avec les meilleures intentions du monde, que cet organisme, qui s'appelle la commission de contrôle, arrive avec des normes ou des réglementations ayant un caractère uniquement provincial et qu'on forcerait ensuite à entrer dans les cadres des régions alors que les situations ne seraient peut-être pas tout à fait les mêmes. Alors, précisément, M. le ministre, quand on va parler, dans le sud de Montréal, de l'utilisation des emplacements pour de l'industrie agro-alimentaire, nous ne voyons pas, dans cette partie-là, travailler pour ouvrir de grandes usines laitières, parce qu'on pense qu'en fonction de la vocation naturelle du sol qu'il y a là, il faut que ce soient surtout des usines greffées sur l'horticulture, de façon générale. Bon.

Par exemple, l'industrie laitière qui est le pilier de notre agriculture du Québec, il faut tout de même lui trouver un espace naturel. On sait, par les bassins laitiers existants actuellement au Lac-Saint-Jean, dans les Cantons de l'Est, dans la région de Québec, dans Lotbinière, dans une partie de l'Outaouais, que là aussi, quand on abordera la question de la situation de l'emplacement des usi- nes ou de l'expansion des usines existantes, il faudra qu'on parle en fonction de l'industrie laitière.

Puis, il y a une chose qui est absolument essentielle à notre sens. Qu'on le veuille ou non, même si on est dans l'agriculture, on débouche dans le domaine du développement industriel, et quand on va parler du développement industriel, à notre sens, c'est le même principe que si vous parliez de développement industriel pour les biens de l'acier, pour les biens du meuble, mettant de la partie notre bois de chez nous et le reste. C'est justement là, dans le domaine agro-alimentaire. Vous demandiez tout à l'heure si on va faire un développement dans le Bas-Saint-Laurent et au Lac-Saint-Jean; nous croyons que oui. Si on veut être sincère, il va falloir trouver des utilisations, des spécialisations qui vont faire qu'on va pouvoir aller se placer dans ce domaine. Je vais vous dire pourquoi. Tout autre endroit qu'on choisirait pour faire ces développements, on le ferait aux dépens d'utilisation de sol déjà occupé. Si on s'en allait dans le territoire de Saint-Hyacinthe pour développer davantage l'industrie alimentaire, on va déstabiliser ce que vous essayez de bâtir pour le maïs-grain dans ce coin-là. Ou on va repousser les prairies nécessaires aux troupeaux, que ce soit pour la production laitière ou l'élevage. Parce que notre territoire utilisable est tellement restreint qu'au moment où on veut réellement, tous ensemble, faire cet effort de développement et de consolidation du Québec par l'agro-alimentaire, c'est notre plus gros problème, de savoir où on va aller le faire, sans désorganiser les productions déjà existantes.

Vous seriez sûrement les premiers à nous blâmer, si on entreprenait ce genre de développement absolument sans considération pour ce qui a déjà été bâti par les cultivateurs, durant de nombreuses années, tenant compte du fait que la production agricole, ce n'est pas comme la production de meubles. Vous ne pouvez pas, en trois semaines, changer le modèle de vos meubles. C'est-à-dire que vous ne pouvez pas changer la production agricole en trois semaines.

M. Garon: Pensez-vous que la concentration a laquelle nous assistons dans le domaine laitier, vous êtes un expert dans le domaine laitier, vous êtes dans le conseil de l'industrie laitière, va dans le sens du développement de nos régions?

M. Roy (Léonard): M. le ministre, si vous permettez, puisque vous posez la question, je ne veux pas m'éloigner du sujet, je vous répondrai franchement que nous sommes rendus à un degré de concentration tel, où, si les parties intéressées ne sont pas capables d'elles-mêmes, de mettre les crans d'arrêt où il faudrait les mettre, je crains que l'Etat, comme arbitre, voit à mettre certains crans d'arrêt.

Evidemment, la concentration dans l'industrie laitière, puisque vous y touchez, est rendue à un point... Il y a eu de nombreuses années où c'était excellent. C'était l'économie laitière qui y gagnait. Indiscutablement. Il fallait avoir des usines plus rentables, il fallait le faire.

Lorsque vous pensez, M. le ministre et MM. les membres de la commission parlementaire, qu'il y a à peine quinze ans, disons lorsque j'ai commencé ma carrière dans ce domaine, il y a plus d'une vingtaine d'années, on comptait environ 700 établissements laitiers dans la province de Québec. Actuellement, messieurs, on en compte 101 et, quand on tient compte que certaines de ces entreprises appartiennent à d'autres, on en a exactement 71.

Je ne dis pas que nous sommes rendus au point où on pourrait lever les bras en l'air et dire: On se dirige tout de go vers une espèce de phénomène de monopole. Il est encore temps de garder l'équilibre, de bâtir certains centres d'attraction à côté de vos centres dont nous sommes très fiers. Qu'on veuille bien me comprendre, M. le ministre. Il y a des réalisations qui sont faites en industrie laitière au Québec, par des Québécois, avec le capital des Québécois, qui sont formidables, surtout dans un genre d'entreprise que les étrangers ne sauraient acheter. Mais entre cela et pousser au point qu'on se ramasse du jour au lendemain dans un état de monopole, ce sont les cultivateurs les premiers qui en souffriront et ensuite les consommateurs.

A votre question, si la commission me permet de répondre dans ce sens-là, puisque vous m'avez entraîné sur cette voie, c'est notre réponse.

M. Garon: ... je sais que c'est une de vos grandes préoccupations et je suis persuadé que les membres de la commission étaient contents de vous entendre. Je suis même persuadé qu'il y en a d'autres qui vont vous faire continuer sur ce terrain.

M. Roy (Léonard): Pourquoi est-ce que le ministre me regarde?

M. Chevrette: C'est parce qu'il vous connaît.

M. Garon: Je pense que vous avez raison. C'est une de mes grandes préoccupations. Le secteur agro-alimentaire, dans la plupart de nos régions, est le principal secteur de développement économique. Il y a une trop grande concentration, alors qu'il devrait y avoir possiblement un déplacement du bassin laitier, surtout du lait de transformation. Je ne parle pas du lait de consommation qui doit être proche des marchés, mais du lait de transformation qui devrait être déplacé vers des régions où les opportunités de développement agricole ne seront pas aussi nombreuses. A ce moment-là, vous utilisez, dans la plaine de Montréal, des productions qui sont adaptées au climat et font développer économiquement mieux les régions qui n'ont pas autant de possibilités.

M. Roy (Léonard): J'en suis convaincu.

Le Président (M. Boucher): Je vous remercie. M. le ministre, vous avez terminé? M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. Je voudrais également vous remercier, M. Roy, d'avoir pris le temps fort précieux qui vous incombe en déposant devant notre commission parlementaire un énoncé d'appréciation sur le contenu du projet de loi 90. Je sais que depuis longtemps, le Conseil de l'alimentation du Québec s'intéresse de près, non seulement à ce qui est législation agricole, mesures agricoles, programmes que le gouvernement peut instaurer, mais également vous suivez de près tout ce qui touche, qui concerne le secteur agricole-alimentaire. J'ai eu l'occasion de vous voir intervenir dans d'autres occasions et j'ai senti cette préoccupation qui anime le Conseil de l'alimentation du Québec à l'endroit de l'industrie agro-alimentaire.

J'ai remarqué, à la première page du document que vous avez déposé, que vous nous indiquez que les entreprises qui sont regroupées à l'intérieur du Conseil de l'alimentation transforment ou interviennent, d'une façon ou de l'autre, dans une proposition de 35% à 40%, dans la production de la matière première agricole produite sur les fermes du Québec.

Est-ce que vous pourriez nous identifier quelles sont les productions particulières qu'on peut retrouver, qui font un bloc plus important à l'intérieur de ces 35% à 40% qu'on retrouve dans toutes les entreprises que vous représentez?

M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le député, pour faire une image claire, vous avez tous, par votre statut matrimonial, à un moment donné, à pousser un panier de provisions, quelque part, dans un magasin. Dans ce panier de provisions, si vous vous demandez combien des produits qui sont là viennent du Québec, en ce sens qu'ils ont été manufacturés au Québec, ont eu une valeur ajoutée au Québec, ont créé de l'emploi au Québec, on vous répond, à la lumière des études qui ont été faites en ce sens-là et que j'ai eu le plaisir de vous distribuer, environ 50%.

Vous ne vous demandez pas quelle est la matière première qui vient du Québec, si vous demandez seulement quels sont les produits qui sont manufacturés au Québec. Or, cela peut être des produits de Sainte-Martine, par exemple pour la conserve des légumes; on s'est servi, pour une partie, de la récolte du Québec, durant X mois. On a importé du Niagara la différence ou on a importé des Etats-Unis la différence. Mais, tout de même, on a fait tourner une usine et on a créé de l'emploi pour plusieurs centaines de personnes avec toutes les retombées économiques que signifient les opérations industrielles. C'est cela qu'on dit à ce moment-là, qu'au moins 50% de ces produits laissent une valeur ajoutée dans le Québec et créent de la richesse.

Si vous vous étiez demandé quel est le pourcentage de tout ce que j'ai dans mon panier de provisions qui vient d'une matière première du Québec, vous en auriez environ 30% à 35%. N'allez pas croire que je suis en train de vous dire qu'il faudrait avoir 100%, jamais. Jamais nous n'avons

eu ce genre de préoccupation qui serait trop simpliste. Nous pensons qu'on pourrait avoir normalement, au point de vue du développement industriel, environ 70% de ce dont nous avons besoin pour nous nourrir en provenance de notre sol agricole, cultivable, rentable et de nos usines qui pourraient être greffées à ces opérations. Le reste est en fait la partie des aliments qui ne pousseront jamais ici et un autre facteur auquel on pense très rarement, mais qui, pour l'industrie, est vital, quand, messieurs, vous voulez exporter, quand vous investissez dans une entreprise, c'est entendu, au Québec, vous n'investissez jamais pour six millions d'individus, vous investissez dans l'espoir que vous allez servir six millions d'individus, plus de l'exportation. C'est là que commence véritablement la grande rentabilité des entreprises.

Or, si vous voulez exporter, dans ce domaine, c'est le troc qui domine, ce ne sont pas les échanges comptables, c'est le troc: tu donnes, je donne. Si vous voulez exporter, il faut que vous vous gardiez de l'espace pour importer. C'est pour cela qu'on fixe nos barèmes à 70% ou 72%.

Qu'est-ce qu'on fait actuellement ou qu'est-ce qu'on a fait jusqu'à maintenant pour répondre à cela? On ne jette la pierre à personne, parce que, premièrement, il reste qu'on mange plein notre ventre au Québec, on mange pour $5 500 000 000, par année, $5 milliards, par année. On se nourrit au Québec. On est en Amérique du Nord, le marché le plus gastronomique, le plus exclusif, celui où on achète les parties de boeuf les plus chères. C'est prouvé dans toutes les agences de marketing. C'est pour cela que, de l'extérieur, se ruent, à Montréal et dans le Québec, tout ce qu'on peut avoir de grandes entreprises alimentaires au Canada qui viennent vendre chez nous $1 milliard par année. Sur les $5 500 000 000, elles viennent en chercher un peu plus de $1 milliard, par année, soit parce qu'elles exploitent chez nous des usines... A ce moment-là, nous sommes très heureux, parce qu'elles sont venues remplir un vacuum. Il y a des choses qu'il faut savoir se dire entre nous. Nous n'occupions pas l'espace; on s'en souciait peu, de l'agro-alimentaire, c'était tabou, au Québec, on parlait de l'électronique, on parlait de l'aviation, mais on oubliait l'essentiel, c'est qu'on mange trois fois par jour et qu'on a un marché captif qui génère $5 500 000 000, mais c'était tabou, cela. On a laissé les étrangers qui, eux, voient loin et savent comptabiliser, venir s'établir chez nous. Pour une part, ils sont venus chez nous. Ils ont occupé un vacuum. Ils créent de l'emploi et contribuent à notre richesse économique.

D'autre part, vous avez plusieurs entreprises multinationales qui viennent vendre chez nous de la soupe, par exemple, à $32 millions, par année — mais qui n'achètent même pas une palette de fèves au Québec pour faire leur soupe. Il y en a comme cela. Je ne voudrais pas recommencer le travail que j'ai fait, vous l'avez tous reçu, c'est là-dedans.

En réponse à votre question, M. le député, justement pour obvier à cela, pour faire un geste et pour essayer de se ressaisir, on n'a jamais pensé qu'il fallait prendre le fusil et tirer sur tous ceux qui sont là, ce n'est pas vrai. On dit une chose: Essayons de voir si, par une spécialisation, on peut occuper de plus en plus d'espace. (21 h 30)

Deuxièmement, comme le territoire agricole est très restreint, faisons le nécessaire pour... n'appelons pas cela geler le territoire agricole, mais, d'un autre côté, si c'est notre richesse la plus importante qui est disponible actuellement, qu'on peut exploiter et qui est renouvelable, celle-là, si on sait la conserver, parce que c'est l'instrument du cultivateur et, pour l'industrie, c'est sa source d'approvisionnement, sans quoi vous les jetez à l'extérieur, ils seront obligés de s'approvisionner à l'extérieur...

Troisièmement, on dit, nous autres, aux gens qui sont ici, les entreprises nationales et multinationales: Faisons-leur jouer un rôle, proposons-leur quelque chose à faire, intéressons-les à s'intégrer dans l'économique du Québec, chose qui, jusqu'à maintenant, n'a peut-être pas été assez faite, M. le député. On a regardé ces gens comme des étrangers. On s'est plaint, dans les salons — pas aux bonnes places — que c'est malheureux, que ce sont eux qui occupaient l'espace, mais on n'a rien fait pour leur dire: Qu'est-ce que vous pouvez faire pour le Québec? Nous, dans notre groupe, c'est justement ce qu'on a commencé à faire. Nous autres aussi, on les regroupe ces entreprises, que ce soit Kraft, que ce soit Campbell, que ce soient toutes ces grandes entreprises, on les regroupe chez nous. C'est la question qu'on leur pose: Qu'est-ce que vous êtes prêtes à faire maintenant pour le Québec? C'est avec cela, M. le député, qu'on pense — si c'est bien le sens de votre question — répondre à ce besoin fondamental qu'on a de vouloir reprendre notre place dans ce domaine. Est-ce que cela a répondu à votre question, M. le député?

M. Giasson: Oui, mais il y aurait une précision que j'aurais aimé entendre de vous. Lorsque vous dites que tous les organismes ou toutes les entreprises que vous représentez, vous autres, au Conseil de l'alimentation, vous utilisez de 35% à 40% de la totalité des produits de l'agro-alimentaire mis en marché par des organismes que vous représentez, j'aurais aimé vous faire identifier quels étaient les secteurs particuliers de nos productions. Quand vous représentez, par exemple, le Conseil laitier du Québec, est-ce que vous incluez tous les produits laitiers?

M. Roy (Léonard): Pour le lait, c'est évident que nous sommes plus qu'autosuffisants. Nous sommes à 138%. Cela veut dire qu'on a 38% à disposer sur les marchés extérieurs, une fois qu'on a fait face à tous les besoins du Québec.

M. Giasson: Vous représentez toute l'industrie laitière du Québec par le Conseil laitier du Québec?

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Giasson: Auquel sont affiliées les coopératives ou les autres industries du secteur?

M. Roy (Léonard): Oui. Actuellement, quand je vous donne ces chiffres, ce sont des chiffres qui couvrent tous ces secteurs. Vous avez le lait, vous avez une certaine partie de la production animale, comme le veau par exemple, où nous sommes excédentaires; nous avons, dans certains légumes, par exemple, les fèves vertes et les pois, où nous sommes excédentaires, les oignons actuellement, les carottes. De mémoire, ce sont les secteurs — il y en a peut-être d'autres que j'oublie, je vous prie de m'excuser — où nous tirons le maximum qu'on peut tirer. Simplement, il y a d'autres domaines qui n'ont pas été touchés et qui pourraient l'être, où nous produisons, mais en petite quantité. Je pense au boeuf, à la viande rouge. On ne viendra pas vous dire ici que c'est assurément le pactole.

Il y aura certainement des difficultés pour développer une industrie du boeuf, mais nous croyons qu'actuellement, il se fait des choses sur la bonne voie où on va prendre notre place; au lieu d'être à 20% autosuffisants dans le boeuf, si on était seulement à 35% autosuffisants dans cinq ans, à ce moment, pour chaque cinq points que vous gagnez — je vous parle en économiste — vous ajoutez, en valeur ajoutée, environ $400 millions. $400 millions, cela crée environ 20 000 emplois dans notre domaine. Alors, on dit: C'est dans ces domaines que nous avons déjà commencé à faire quelque chose, qu'on pourrait développer, et dans des domaines nouveaux où on peut actuellement entrer. Nous savons qu'il se fait de la recherche et qu'il y a des entreprises qui se préparent là-dedans. Ce sont surtout les domaines des produits mixtes. Les produits mixtes, dans notre esprit, c'est qu'à un moment donné, vous allez trouver un nouveau débouché, des marchés formidables pour un mélange de pâtisserie et de crème glacée. Je vous donne cet exemple en passant.

Vous avez un mélange de certains légumes avec un autre ou la manière de la présenter. Les mets préparés pour correspondre actuellement aux tendances de notre population. La préoccupation du loisir ou le fait qu'il y a beaucoup de femmes qui travaillent. Nous sommes totalement absents actuellement de l'institutionnel. L'institutionnel, ce sont les hôtelleries, les restaurants, tous ceux qui servent des repas à l'extérieur. Nous commençons à peine à faire une percée là-dedans, mais c'est formidable. Ceux qui y sont font des profits. Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas notre place là-dedans? On n'y a jamais touché.

Vous avez McDonald's, toutes ces grandes entreprises de l'extérieur qui créent des ruées de notre population vers ce mode d'alimentation vite. Mais cherchez donc les Québécois qui sont là-dedans.

C'est ce qu'on essaie de vous dire. Nous sommes prêts à faire cet effort, mais donnez-nous les intruments pour le faire. C'est bien curieux que je vous dise cela, car notre instrument principal, c'est la terre qui va produire ce dont on a besoin pour tansformer.

M. Giasson: Je crois que lors de la ronde de consultations que le ministre de l'Agriculture du Québec a menée — c'est en septembre, je crois — vous aviez également déposé un mémoire et exposé des vues sur les attentes qui étaient vôtres, le Conseil d'alimentation, à l'endroit de ce que devait contenir la loi de protection des terres ou de zonage. Je crois que vous aviez pris une position assez ferme vis-à-vis de la nécessité que la loi contienne des conditions de manière à ne plus permettre que de bons sols demeurent en friche au Québec. Est-ce que vous trouvez que le projet de loi répond à cette attente que vous aviez exprimée à l'époque?

M. Roy (Léonard): Vous comprendrez que notre réaction, sur un texte de loi, nous l'avons faite d'une fa on non pas exhaustive, mais plutôt dans l'aspect qui peut prêter à intervention de notre part, tenant pour acquis que les autres grands corps qui sont, par exemple, l'UPA et les autres grands secteurs plus directement intéressés à cette partie-là, puissent apporter leur point de vue. C'est ce qui explique que dans nos constatations, ce soir, nous nous sommes limités à deux, qui sont des constats de développement économique.

Evidemment, nous avions recommandé fortement qu'on fasse en sorte... Et nous avons même... Le Conseil d'alimentation s'est limité à dire: II faut que vous preniez des moyens, même coercitifs, pour faire en sorte que ceux qui laissent les terres en friche soient forcés de faire quelque chose avec elles, de les abandonner ou de les vendre à quelqu'un qui va les cultiver. Je vous fais remarquer, M. le député, que même une de nos associations, l'Association des manufacturiers de produits alimentaires, les conserveries, entre autres, est venue vous dire, à ce moment-là: Imposez des pénalités. Ces gens sont allés encore plus loin que l'ensemble du Conseil de l'alimentation avait jugé bon d'aller. En collégialité, vous allez comprendre cela aussi, nous aimerions dire bien des choses, mais à un moment donné il faut respecter le point de vue de dix corps publics qui nous disent ne pas être prêts à aller aussi loin, alors, on compose. Comme collectivité de l'alimentation, nous vous avions demandé d'être assez exigeants pour que les territoires agricoles ne soient plus laissés en friche, parce que c'est quasiment un crime, compte tenu de ce que l'on vous a dit. Une de nos associations vous a dit carrément: De grâce, allez plus loin, faites jouer la fiscalité, les taxes et mettez-en pour régler ce problème. Cela a été notre attitude.

M. Giasson: Mais, en général, est-ce que vous croyez qu'au-delà du principe de la protection qui est excellent en soi, je pense que là-dessus on ne trouve personne au Québec qui soit contre ce principe, mais trouvez-vous que la loi...

M. Gagnon: II a voté contre.

M. Giasson: Non, on a voté contre les moyens utilisés dans le système de protection...

M. Chevrette: Vous avez voté contre le principe. En deuxième lecture, c'est le principe.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Garon: Je vous dis que c'était brimer la liberté.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre s'il vous plaît, M. le ministre! M. le député de Montmagny-L'Islet vous avez la parole.

M. Garon: C'était contre le zonage...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Giasson: Vous aviez attaché beaucoup d'importance, au-delà du principe de zoner, à une meilleure utilisation des bons sols du Québec. A votre avis, est-ce que la loi 90 contient suffisamment de dispositions qui nous garantissent une véritable utilisation à son maximum, des bons sols au Québec?

M. Roy (Léonard): Bon! Ne pensez pas que vous allez me faire dire que la loi consacre le maximum de bonnes utilisations des terres, mais nous tenons pour acquis que si ce n'est pas la loi elle-même qui contient la technique du zonage, ce sont les lois qui vont l'entourer, y compris cette nouvelle loi sur l'urbanisme, qui touche à l'aménagement du territoire, qui, toutes ensemble, à notre sens, vont contribuer à cela.

Vous me faites disserter sur un aspect où je n'ai pas pu prendre le pouls de l'ensemble de l'industrie pour répondre à une question spécifique comme celle que vous me posez. Cependant, quand je vous dis que l'ensemble de l'industrie est satisfait de ce qu'il y a au plan des principes dans cette loi, et au plan de la plupart des modalités d'application, c'est ce qu'on veut dire. On est satisfait mais on est satisfait en pensant, encore une fois, qu'il a fallu attendre, M. le député, 1978 — et je dis cela avec toute la déférence...

Au cours de ma carrière, j'ai travaillé en collaboration avec sept ministres de l'Agriculture au Québec, alors cela fait 27 ans; il y en a qui ont duré longtemps, alors, il a fallu attendre et cela, je peux le dire — si certaines personnes autour de la table sont liées par le jeu de la démocratie, je le comprends très bien et personne ne va vous en blâmer, mais, moi, par exemple, au nom de l'industrie, de ceux qui vous regardent faire de l'extérieur, je dois vous dire ceci: II a fallu attendre 1978, dans tout ce long procédé de réadaptation, de mise en valeur de cette richesse naturelle à nulle autre pareille qui s'appelle les six pouces de terre qui nous font manger, pour avoir quelque chose. Vous allez comprendre qu'on n'est pas de ceux qui vont dire: II faudrait avoir la perfection, trois étoiles du premier coup. On trouve que c'est déjà beaucoup ce coup de barre qui est donné et on anticipe qu'avec les années, avec la participation active de tous ceux qui représentent chaque région économique du Québec ici, cela va s'améliorer.

C'est ma réaction à votre question et vous comprendrez que vous posez une question très délicate parce que je ne fais pas de politique partisane, excusez-moi. J'aime à faire de la grande politique, par exemple, mais pas de politique partisane. Ce n'est pas mon rôle. Si jamais j'avais des vélléités de le faire, cela me ferait plaisir de me ramasser sur les banquettes avec vous autres.

Une Voix: Vous êtes invité. Une Voix:II est bien parti.

M. Garon: Si vous faites de la grande politique, vous ne faites pas de la politique libérale.

M. Roy (Léonard): M. le ministre...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Roy (Fabien): Ne gâtez rien, ça va bien!

M. Giasson: Vous avez indiqué, M. Roy, à un moment donné que... Vous avez fait référence à des articles dans le projet de loi, l'article 12 que vous ne trouvez pas assez précis dans ses indications; est-ce que vous pourriez nous indiquer quelles seraient les précisions mieux formulées que vous auriez espérées vis-à-vis la rédaction de l'article 12?

M. Roy (Léonard): Encore une fois...

M. Giasson: C'est une référence à la nécessité de décentraliser...

M. Roy (Léonard): Oui, avoir des normes pour que cette commission, qui va avoir à trancher, à rendre des jugements à l'année longue, puisse les rendre quand cela sera nécessaire, à la lumière de principes de développement industriel qui auraient été prévus par le législateur parce que je vous soumets respectueusement — aux législateurs — qu'en lisant l'article 12 qui me semble être le seul article auquel dans toute la loi, on se réfère toujours quand on parle de normes, il n'y en a pas de cela. On dit: En tenant compte des nécessités économiques qui suivent — et les nécessités économiques qui suivent sont l'utilisation des lots à certaines fins — c'est pour cela qu'on trouve que c'est trop général. Encore une fois, ce n'est pas une critique destructive qu'on fait.

M. Garon: Je pourrais peut-être donner des explications sur l'article 12, ce qui aiderait à la compréhension.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet, est-ce que vous permettez que M. le ministre donne des explications?

M. Giasson: J'aimerais entendre M. Roy, notre visiteur, et ensuite le ministre.

M. Roy (Léonard): Je vais essayer de donner un exemple: Deux choses, à mon sens: soit dans cet article 12 ou ailleurs — le législateur avec ses conseillers mettra cela où il voudra — il devrait y avoir quelque chose dans la loi qui dise: II y a des décisions administratives ordinaires d'application de la technique du zonage qui sont prévues dans la loi 90 mais, comme on ne peut appliquer cette technique sans penser que cela prend place dans un contexte économique, il faudrait qu'il soit dit quelque part dans la loi: Premièrement, qu'on devra tenir compte de l'importance ou de la nécessité de permettre le développement industriel dans les milieux agro-alimentaires de toutes les entreprises qui sont normalement collées à l'agriculture. Je vous donne, d'une façon générale, ce qu'un légiste pourra mettre dans des mots plus précis. (21 h 45)

Deuxièmement, il faudrait que cela soit aussi une norme dans les décisions de la commission en question, qu'elle doit faire attention, quand elle rend ses décisions, de ne pas rendre des décisions qui ont un caractère exclusivement provinciale. Qu'elle rende des décisions ou qu'elle ait la souplesse nécessaire pour rendre les décisions qui s'ajustent avec souplesse aux exigences de certaines régions, toujours compte tenu de la vocation des sols. Ce n'est pas nous qui devrons décider cela.

Depuis de longues années, on sait au Québec quelle est la vocation des sols dans tel comté, dans tel comté; dans tous les comtés, on le sait. Alors, compte tenu de cette vocation des sols, il faudrait qu'il soit clairement indiqué dans le texte de la loi, d'après nous, comme normes, qu'il faudra qu'à un moment donné cette commission rende des décisions qui protègent cela ou qui ouvrent la porte à une certaine expansion industrielle pour le bénéfice des producteurs agricoles qui sont dans les alentours. Je pense aux intrants de ferme. C'est ce que j'ai dans l'esprit quand on vous parle de normes, à l'article 12 ou ailleurs. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Giasson: Oui, M. Roy.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que M. le ministre...

M. Giasson: M. le Président, quitte à revenir un peu plus tard, j'aimerais permettre à d'autres collègues de continuer la tournée de table avec au moins un représentant de chacune des formations.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre avait demandé de donner des explications sur l'article 12, est-ce que vous acceptez?

M. Giasson: Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Garon: Je pense que, pour tenir compte de l'ensemble de la situation de chacune des régions, il fallait que les conditions soient un peu générales. Il y a même des experts qui disaient qu'on serait mieux de ne pas en mettre du tout, pour qu'à ce moment-là la commission ait toute la souplesse voulue d'agir en tenant compte de chacune des régions lorsqu'elle va rendre des décisions. Parce qu'ils ont dit: Si vous mettez des conditions trop précises, cela va amener des aberrations. A ce moment-là, on a dit: On va prendre en considération les conditions biophysiques du sol et du milieu, c'est-à-dire les conditions du sol, les unités thermiques, la valeur du sol, les types de productions qu'il y a là, qui vont avec ce sol, les possibilités d'utilisation du lot à des fins d'agriculture et les conséquences économiques qui découlent de ces possibilités. Alors, il peut arriver, par exemple, que si on soustrait du milieu un certain nombre de lots, l'infrastructure agricole ne peut plus vivre. Ce que vous disiez tantôt, par exemple, les intrants, les engrais, tout cela, la meunerie, cela va s'en aller, à un moment donné, s'il n'y a pas assez d'agriculture pour la faire fonctionner, une "run" de lait, par exemple, va arrêter de se faire, parce qu'il n'y a pas assez de cultivateurs dans le rang. C'est tout cela quand on dit: les possibilités de l'utilisation du sol à des fins d'agriculture, les conséquences économiques qui découlent de ces possibilités, l'effet d'accorder la demande sur la préservation du sol agricole dans la municipalité et la région. Qu'est-ce que cela va faire, cette demande, par rapport à cette région, cette municipalité, l'homogénéité de la communauté et de l'exploitation agricole. Dans certains cas, par exemple, le fait de distraire une partie de la municipalité pour une fin autre que l'agriculture va avoir pour effet... Les effets de déstructuration sont très connus, pour ceux qui connaissent cela. C'est évident qu'il y a des gens qui ne connaissent pas cela, mais, pour ceux qui connaissent comment la déstructuration d'un territoire se fait, ce sont des phénomènes connus. Quand il se passe tel phénomène, cinq ans après, c'est là et, dix ans après, c'est là, et, quinze ans après, il n'y a plus d'agriculture du tout. Alors, c'est ce qu'on a voulu dire par ces notions, lorsqu'on établit la zone agricole, tandis qu'à l'article 65, il se réfère lorsqu'il y a une demande d'exclusion de la zone agricole. C'est pour cela qu'on dit, à l'examen de la demande: La commission peut considérer l'effet du projet sur le développement économique de la région et la disponibilité d'emplacements autres que ceux qui font l'objet de la demande.

Ce qui arrive, en tenant compte des critères prévus à l'article 12, c'est que l'article 12 se trouve inclus dans l'article 65. Vous disiez tantôt qu'il faudrait tenir compte plus de l'article 12 que de l'article 65. Par cette phrase-là, il en est tenu compte dans l'article 65, vous avez raison de le dire, mais cela y est. Pourquoi? Parce que, si on

exclut, à un moment donné, d'une région, deux ou trois emplacements, c'est la fin des autres. Je pense, par exemple, à des "runs" de lait ou des choses comme cela. Il y a toutes sortes de facteurs qui vont jouer. C'est pour cela qu'on doit tenir compte, lors d'une exclusion, de l'effet que va avoir l'exclusion sur le groupe de cultivateurs de cet endroit-là. Ce sont ces facteurs dont va tenir compte la commission en s'adaptant à la situation économique de chacune des municipalités ou des régions. C'est ce qu'on a voulu dire par cela.

M. Roy (Léonard): C'est cela, M. le ministre, mais, simplement, encore une fois, c'est peut-être seulement une question de morphologie, cela doit aller un petit peu plus loin. Je trouve que le contexte général qui a amené la présentation de cette loi et qui vous a donné un appui, semble-t-il — à nous de l'extérieur, qui pouvons juger par ce qui s'écrit dans les journaux et ce qui se dit partout — cela devrait se refléter, et ces normes et ces raisons qui vous ont donné cet appui vous les avez déclinées durant toute votre tournée, on devrait les retrouver en quelques mots, quelque part dans la loi. C'est cela que je veux faire comprendre.

J'admets avec vous que c'est une question de technique; les techniciens qui vont appliquer cette loi savent comment on procède. Mais, pour le grand public, pour le public non averti, non trop initié, ce serait peut-être bon qu'on sente ça dans la loi, que c'est tout de même... que ça s'appuie sur une préoccupation de développement de l'agro-alimentaire, quelque chose comme ça.

M. Garon: C'est clair. Je vais vous dire le problème. C'est que les légistes ne veulent plus mettre, dans les lois, les objectifs des lois. J'ai voulu les faire mettre dans différentes lois, mais les légistes disent que c'est très difficile de mettre ça dans les lois. Quand ils écrivent les lois, ils demandent d'enlever ces éléments, parce qu'ils disent que c'est inutile. Ils disent de le mettre parfois dans le préambule de la loi, les attendus par exemple, parce qu'on veut le développement économique, telle chose, telle chose, voici telle loi. Ils ne veulent plus mettre ça dans les lois. C'est plus de la rédaction juridique qu'autre chose.

M. Roy (Léonard): Alors...

M. Garon: Parce que ce que vous dites, je voulais le mettre moi-même dans la loi, mais, à ce moment-là, on disait: Vous allez faire de la propagande avec votre loi. Ils enlèvent ça.

M. Roy (Léonard): C'est pour ça qu'on vous suggère, au moins, d'avoir des règlements d'application pratique, au moins un qui fera référence à cette nécessité du développement industriel en milieu agricole.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Une autre question avant de céder la parole aux représentants de l'Union Nationale.

Dans le mémoire que vous aviez soumis le 20 septembre, vous aviez indiqué l'avantage d'avoir des mesures fiscales incitatives à l'endroit des producteurs agricoles qui conservent la vocation agricole à leur ferme. Mais vous aviez également donné une autre indication, et je vous cite, vous parliez de "mesures compensatoires pour certains inconvénients découlant des règlements", etc. Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit, à ce moment-là?

M. Roy (Léonard): C'est encore à la fois au plan des principes et de leur application immédiate. C'est pour faire respecter un principe d'application générale comme celui qui semble avoir rallié tout le monde à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire la nécessité de protéger notre sol arable; il n'y a personne qui veut discuter de ça, tout le monde est d'accord. On dit: Faites-le appliquer, ce principe, simplement; si cela a pour effet, s'il y a des retombées qui se trouvent à pénaliser, d'une façon indue, quelque catégorie de producteurs agricoles, même, par extension, je dirais quelques genres d'entreprises de transformation qui sont encore au niveau artisanal, en milieu agricole, qu'il y ait une manière de compensation pour ces gens, temporairement, en prenant toujours pour acquis que, par le jeu des forces économiques qui sont là, éventuellement, ceux qui ne sont pas capables de faire face à cette situation vont s'éliminer graduellement. Qu'est-ce que vous voulez, c'est la loi fondamentale du régime dans lequel on vit, c'est la survivance de ceux qui sont capables de résister au régime qu'on a.

C'est ce qu'on avait à l'esprit, de compenser; une fois qu'on a appliqué le principe, s'il soulevait des choses qui sont réellement injustes, inéquitables pour certaines catégories de personnes, que, temporairement, on les compense.

M. Giasson: Merci, merci, M. Roy.

M. Roy (Léonard): D'ailleurs, cela se fait dans certaines législations. J'hésite à citer un cas, parce que je ne sais plus si c'est Ottawa ou Québec et je ne voudrais pas apporter ça ici, pour faire plaisir à bien des gens.

Je crois qu'il y a des lois, actuellement, où on dit: On va appliquer la loi telle qu'on la veut, pour les principes de bien commun qu'on vise. S'il y a des retombées qui sont malheureuses pour certaines classes, on les compensera en cours de route. C'est un principe qui semble aujourd'hui accepté.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Je voudrais vous saluer, M. Roy, et vous remercier d'avoir bien voulu présenter un mémoire au nom du Conseil de l'alimentation du Québec. Je suis très heureux de constater que

vous êtes très préoccupé d'obtenir une meilleure autosuffisance dans la production agro-alimentaire. Moi aussi, je suis très préoccupé de ce côté.

J'aimerais connaître votre opinion; premièrement, jusqu'où le Québec devrait-il aller, quand il n'y a pas d'avantages comparatifs à produire ici? J'aimerais connaître votre opinion. Jusqu'où le Québec doit-il aller, au niveau des taxes des Québécois, quant aux productions où il n'y a pas d'avantages comparatifs à produire ici? A titre d'économiste, je pense que vous auriez peut-être un point de vue à soumettre à la commission ici.

M. Roy (Léonard): M. le député, au moment où on parle, c'est évident qu'au Québec, en industrie laitière, ce serait réellement une folie furieuse que de vouloir encore développer des fermes laitières, ou multiplier les fermes laitières. Nous sommes précisément dans un milieu où il faut spécialiser à tout prix.

Il faut spécialiser. Il faut ramener d'une façon progressive notre volume de production laitière le plus proche possible de ce dont on a besoin, pour faire face à la demande du marché domestique, plus ce qu'on peut exploiter avantageusement en exportation. Dans le moment, on n'a pas beaucoup de produits laitiers spécialisés qui peuvent se traduire comme un bénéfice pour nous, en exportation. On fait de la poudre de lait, on envoie cela et c'est supporté par les taxes des contribuables du Canada. A un moment donné, on ne sait plus quoi en faire et on enterre cela. Je ne veux pas charrier, mais c'est pas mal le portrait de l'expérience qu'on a eue des politiques laitières nationales depuis des années. Ce n'est pas le temps, en industrie laitière, de continuer à multiplier les entreprises.

Mais dans d'autres secteurs, compte tenu de la vocation de nos sols, compte tenu de l'expérience de nos entrepreneurs immédiats que sont les cultivateurs et les entreprises industrielles, il y a des secteurs où on pourrait mettre l'accent pour avoir un développement plus accentué. A ce moment-ci, sans arrière-pensée, je pense à la viande rouge. Je ne vous dis pas qu'il faut faire comme l'Ouest ou qu'il faut penser, qu'on va devenir comme l'Aberta. Jamais de la vie. Mais quant à la valeur des fonds de terres, la différence est tellement considérable que pour celui qui entre dans ce domaine de l'élevage du boeuf, pour une terre qui peut coûter $100 l'acre ici, dans l'Ouest, cette même terre coûte beaucoup moins. En partant, tout de suite, votre entrepreneur est déjà perdant.

Mais il y a bien des moyens de contourner cela pour des développements non outranciers, progressifs, ne pas jeter les cultivateurs en masse dans des entreprises, avec des promesses de réalisation, alors qu'on n'a aucune assurance. C'est pour cette raison que j'emploie le mot "progressif", s'assurer des débouchés solides, mais par la spécialisation.

Je vous donne un exemple. On a appris après coup dans le Québec qu'on avait des entreprises d'abattage de porc à nulle autre pareille au

Canada. Et au hasard d'un voyage d'expertise au Japon, j'ai vu, dans le livre qu'on appelle les "normes d'importation de porc au Japon" quelque chose qui, en anglais, disait "Saint-Jean Cuts". Saint-Jean Cuts, messieurs, c'est une de vos entreprises du Québec à Saint-Hyacinthe, les frères Saint-Jean, qui vend actuellement au Japon pour des millions de dollars par année de produit coupé, apprêté pour les consommateurs, mais qui a eu l'esprit de servir les Japonais de la manière qu'ils veulent être servis. Ce sont des gens qui mangent comme des oiseaux. Alors, nous ne devons pas leur présenter un quartier de porc. On leur vend du porc coupé, tout prêt, sous vacuum. Ils appellent cela Saint-Jean Cuts. Et quand les Américains font des propositions pour vendre du porc au Japon, il faut que ce soit à la manière de Saint-Jean Cuts. Je ne parle pas à travers mon chapeau, je l'ai vu.

Il y a des choses comme cela qu'il faut réaliser à un moment donné. Quand vous me demandez jusqu'où on peut aller, il y a des secteurs qui sont prometteurs chez nous. D'autres, on les a exploités au coton et on ne devrait peut-être plus les toucher. Ils ont donné ce qu'ils pouvaient donner.

N'essayons pas de jouer le rôle de la grenouille qui voudrait ressembler au boeuf. Jouons à la possibilité de nos capacités, pas plus, pour le moment. Et faisons des succès avec des entreprises de $5 millions et contentons-nous de cela. Ne visons pas $50 millions. Quand on aura les reins forts, on fera $50 millions, facilement. Mais on ne fera pas prendre de risque au cultivateur.

M. Dubois: La question, je l'ai posée pour amener la discussion vers les céréales et le boeuf.

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Dubois: Je pense qu'on sait tous que cela coûte quand même beaucoup plus cher ici pour produire du boeuf, étant donné que nous sommes à court de céréales, et que cela coûte aussi plus cher de produire des céréales ici que dans l'Ouest canadien.

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Dubois: La question que je me pose et que je veux vous poser en même temps, c'est jusqu'à quel point l'Etat doit subventionner les fermiers, pour pouvoir produire du boeuf et aussi produire les céréales pour nourrir ce boeuf. (22 heures)

M. Roy (Léonard): M. le député...

M. Dubois: Je pense qu'on peut aller jusqu'à un certain degré d'autosuffisance, mais il y a peut-être un point où on dit que cela prend trop de dollars de l'Etat pour arriver à cette suffisance. Il faut peut-être avoir un barème quelque part.

M. Roy (Léonard): M. le député, je crois qu'il faut que l'Etat regarde d'abord ceux qui font le travail dans les champs. A ce moment-là, je pense

aux cultivateurs et aux transformateurs ainsi qu'à ceux qui font le marketing. Si ce sont des gens raisonnables, instruits, qui ont la connaissance, si ce ne sont pas des gens qui font tout au pifomètre, l'Etat peut les aider, mais non pas avoir ce genre d'aide qui s'applique à la fois, grosso modo, à ceux qui ne connaissent rien et à ceux qui sont capables de faire quelque chose. Que ce soit sélectif.

A ce moment-là, vous ramenez le rôle de l'Etat à un rôle juste de suppléance, non pas à un rôle de "subventionneur" à outrance pour faire des choses pour lesquelles, des fois, on n'est pas encore préparé. Mais regardez dans le champ d'abord et si vous rencontrez dix Saint-Jean, comme nos amis de Saint-Hyacinthe, dans l'ensemble du Québec, dans différents secteurs de production alimentaire, qui sont entourés de gens de même capacité que ceux que vous trouvez dans ces usines, accompagnés d'un ensemble de cultivateurs qui sont réellement coopérateurs avec eux pour leur apporter la qualité et la régularité des approvisionnements, n'ayez pas peur de les aider, d'une façon sélective.

Justement, cela va se faire par le marché lui-même. On nous a dit que, dans nos études, il faudrait que nous indiquions les secteurs prioritaires. Non, on n'a pas indiqué nos secteurs prioritaires. On préfère que le marché, que l'ensemble de toutes les lignes de force du marché nous les fasse, nous les montre. Je ne veux pas dire par là qu'on veut absolument laisser aller et tout, ce n'est pas cela qu'on veut dire. Mais, précisément pour répondre à votre question, au lieu d'avoir un genre d'Etat qui est présent partout et qui veut que tout le monde embarque dans toutes sortes d'affaires, on dit: Regardez faire ceux qui sont dans le champ. Quand vous vous apercevrez que ce sont des gens sérieux et qui sont organisés pour faire quelque chose et qui ont fait leurs preuves, appuyez-les. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Dubois: Oui, je vous remercie. M. le Président, vous avez soulevé, concernant l'article 12 tout à l'heure, peut-être une préoccupation au niveau de la centralisation qui sera effectuée par la commission. Personnellement, j'aimerais quand même voir une certaine décentralisation vis-à-vis les verdicts qui seront rendus. Dans cet ordre d'idées, j'aimerais quand même, étant donné qu'il y a douze régions agricoles au Québec, voir douze commissions pour qu'elles soient plus près du centre où s'établiront soit des industries, soit du développement domiciliaire, soit des industries de la ferme. J'aimerais quand même voir les commissions plus près du centre de décision. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus. Ne pensez-vous pas qu'on rendrait peut-être mieux service à ces régions si les commissions étaient décentralisées et s'il y en avait une par région?

M. Roy (Léonard): Quant à nous, on regarde ce qui existe dans le moment. Vous avez un ministère de l'Agriculture qui, d'après nous, à le regarder faire, tend à se décentraliser dans son administration propre.

Deuxièmement, vous avez actuellement toute une batterie d'organismes professionnels qui tiennent à la fois des agronomes et des CRD, des organismes de développement régionaux, tous ces groupes. Je ne dis pas que c'est la perfection, mais c'est déjà beaucoup que vous ayez des gens sensibilisés qui s'unissent pour essayer de développer chacune des régions. Vous avez d'autres corps publics qui sont reconnus, des gens qui oeuvrent dans leur milieu, qui veulent un développement et qui vont s'y pencher — peut-être qu'ils n'ont jamais eu la chance de se pencher sur les problèmes agro-alimentaires chez eux — davantage. Je pense aux chambres de commerce locales. Je ne pense pas à la Chambre de commerce de Montréal, mais je pense à la Chambre de commerce de Champlain, je pense à la Chambre de commerce de Rimouski. Vous avez des corps publics qui peuvent répondre de leurs gestes devant la population et qui sont là tout près dans des régions. A notre sens, on croit que c'est déjà beaucoup. C'est pour cela qu'on se contente de dire: Que cette commission provinciale, qui va surveiller l'utilisation du sol arable, ait le souci de rendre des décisions qui tiennent compte des besoins des régions et se structure par ses règlements — ce n'est peut-être pas nécessaire dans la loi — en groupes consultatifs dans chaque région qui existe dans la province de Québec. Notre conception va dans ce sens, quand on parle de décentralisation.

M. Dubois: Le ministre a ouvert la porte tout à l'heure, au niveau de la concentration dans l'industrie laitière, surtout au niveau industriel, dans le lait industriel. J'aimerais seulement faire une remarque, ce n'est pas une question que je pose. Si la Coopérative de Granby s'appelait Kraft ou General Foods, je pense qu'on dénoncerait quand même le cartel qui existe là. Ce n'est pas dénoncé présentement par le ministère de l'Agriculture, mais je pense que cela se ferait, si c'était une multinationale. C'était seulement une remarque que je voulais faire au ministre. C'est tout.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy (Fabien): Merci, M. le Président. A mon tour, je veux remercier...

M. Garon: Est-ce que le député de Shefford est d'accord avec cela?

M. Verreault: Je ne suis pas d'accord avec cela. Tu lui diras tantôt que je...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud, vous avez la parole.

M. Roy (Fabien): A mon tour, je veux remercier M. Roy, du Conseil de l'alimentation du Québec, pour l'excellence du mémoire qu'il nous présente

aujourd'hui et pour les arguments qu'il vient de nous apporter, ainsi que pour les réponses qu'il a données à la commission parlementaire, à mes collègues de la commission parlementaire. J'avais dit et je le dis un peu à l'attention du Conseil de l'alimentation, qu'une loi sur le zonage agricole pouvait être interprétée comme la quatrième loi en importance de toute l'histoire du monde agricole du Québec, après la Loi de I'électrification rurale, après la Loi du crédit agricole et après la Loi des marchés agricoles.

D'un autre côté, c'est la première fois qu'on va aussi loin dans une loi pour restreindre l'exercice du droit de propriété, qui a toujours fait partie de nos traditions fondamentales et pour lesquelles nos concitoyens, nos compatriotes ont toujours été extrêmement jaloux. Pardon?

Une Voix: Je parlais là-bas.

M. Roy (Fabien): Je m'excuse, je pensais que c'était moi qui avais la parole. Je disais que c'était la première fois qu'on allait aussi loin pour restreindre l'exercice du droit de propriété. Une loi de zonage agricole, pour être vraiment efficace, doit être acceptée dans les milieux, parce que si une loi est contestée dans les milieux, le gouvernement va avoir énormément de difficultés, de problèmes, et on n'atteindra pas les objectifs désirés. J'aimerais un peu reprendre ce que mon collègue vient de vous poser comme question, à savoir d'établir des commissions régionales. On sait très bien que le ministère de l'Agriculture, il y a plusieurs années, a organisé le Québec agricole en douze grandes régions. Il y a le Service de l'utilisation des terres du ministère de l'Agriculture, il y a des instances gouvernementales. J'aimerais que vous nous disiez, que vous nous donniez, à la lumière de votre expérience, votre opinion sur le fait qu'il pourrait exister — c'est une suggestion que j'ai faite et j'y tiens encore, jusqu'à ce qu'on m'ait prouvé que c'est une suggestion qui ne serait pas une suggestion acceptable dans le milieu, qu'on fasse en sorte d'avoir douze organismes, un dans chacune des régions, qui auraient à établir des critères — parce que vous avez fait référence à des critères tout à l'heure — certainement différents d'une région à l'autre.

Or, l'expérience nous a démontré avec les années qu'une seule instance gouvernementale qui chapeaute toute une activité comme celle-là, finit par établir des normes provinciales, qu'elle tente d'appliquer tant bien que mal dans toutes et chacune des régions du Québec. J'aimerais que vous me donniez votre opinion là-dessus, et que vous élaboriez davantage votre pensée sur la nécessité d'impliquer chacune des régions du Québec à l'intérieur d'une instance — si vous êtes d'accord avec le principe — qui serait établie dans chacune des régions et qui pourrait être chapeautée par l'instance provinciale qui elle, deviendrait, en quelque sorte, comme un tribunal de haute instance, un tribunal d'appel, un tribunal qui aurait effectivement le pouvoir de trancher la question, mais qui ne trancherait pas au premier degré, qui trancherait en dernier lieu, après que les instances locales ou régionales auraient joué leur rôle.

M. Roy (Léonard): Précisant l'expérience qu'on a eue dans le passé, par exemple, on va parler du rôle de la Régie des marchés agricoles du Québec, ou ce qu'on avait avant, l'Office des marchés agricoles, depuis le juge Héon. Cet organisme était provincial; avec les années, avec son expérience — j'ai eu l'occasion de travailler dans cet organisme — on s'est vite aperçu après trois ans qu'il fallait absolument que les problèmes qu'on apportait au niveau de l'Office des marchés agricoles, à ce moment, aient passé à travers une espèce d'écran où les réactions locales pouvaient se produire. Ce n'était pas nécessaire, à ce moment, de créer douze offices des marchés agricoles dans la province de Québec.

Ce qui est arrivé, c'est que les producteurs se sont organisés avec des mécanismes qui leur permettaient de faire ce travail de rationalisation dans leur mise en marché à leur niveau et, une fois qu'ils l'avaient fait à leur niveau, ils arrivaient devant l'organisme provincial et pouvaient dire: Nous voudrions un endossement, une homologation à ce que l'on a décidé pour telle ou telle région. Vous avez été longtemps — on avait, je crois, 32 plans conjoints dans le lait dans la province de Québec — c'était ce principe-là qui prévalait. Avec les années, les producteurs agricoles eux-mêmes, dans le fait, ont décidé que c'était mieux d'avoir un plan conjoint provincial pour la mise en marché du lait, compte tenu du fait que, lorsque vous parlez de mise en marché, vous parlez, à ce moment-là, vous faites intervenir des considérations de "marketing" que vous ne pouvez pas morceler indûment.

Quand on dit: Si vous voulez prendre place avec le lait, avec des produits laitiers, il faut que vous nous produisiez, par exemple, des produits laitiers, notre matière première, avec tel degré de qualité, en se servant des comptages bactériens et tout cela, pour une chose. Ou bien il faut que vous nous produisiez avec tel genre de régularité. On ne peut pas, à ce moment-là, dire que ce seront tant de bactéries dans la Beauce, tant de bactéries dans le Sud de Montréal et tant de bactéries au Lac-Saint-Jean. Il faut être capable d'avoir des approvisionnements de lait qui répondent à toutes ces normes. Parce que le marché qu'on a à servir n'est pas régional. Le marché — je parle du produit fini — est même continental. Les cultivateurs eux-mêmes sont venus et, au lieu des quelque 30 plans conjoints dans le lait, ils en ont deux aujourd'hui: le lait industriel et le lait nature.

Est-ce que cela voudrait dire qu'il n'y a peut-être pas une grande différence entre ce que vous demandez et ce que nous proposons? On dit: Faites donc appel au plan régional... D'abord, d'une part, organisez-vous donc pour que cette commission ait la préoccupation de régionaliser ses décisions. Deuxièmement, faites donc appel au niveau régional, à ce qui existe déjà, les groupements de développement régional, les groupes de producteurs agricoles, les chambres

de commerce et le reste, qui peuvent représenter les industries agro-alimentaires intéressées, et faites fonctionner cela avec des chambres, par règlements, créez des groupes — les mots m'importent peu, c'est la chose qui m'intéresse — et nous ne sommes peut-être pas loin l'un de l'autre dans ces recommandations-là.

M. Roy (Fabien): Vous faites référence, évidemment, à la mise en marché des produits agricoles au niveau de la réglementation et des différents plans conjoints provinciaux. Ce n'est pas la place, je pense bien, pour commencer une longue discussion là-dessus, quoique je me pose bien des questions. Il y a eu des conséquences assez néfastes pour plusieurs régions du Québec. Parce que la qualité des sols n'est pas la même dans le plateau du Saint-Laurent que dans le plateau appalachien ou dans le plateau laurentien. Les conditions des sols ne sont pas du tout les mêmes. Je prends, à titre d'exemple — d'ailleurs, je l'ai souligné à l'attention du ministre — une région comme la Beauce, la région de la Chaudière. Je pourrais prendre celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean, celle du Bas-Saint-Laurent — d'ailleurs, le député de Rimouski a fait des recommandations aujourd'hui dans ce sens-là — ou celle du Nord-Ouest québécois, qui ne se comparent pas du tout l'une à l'autre. Ma grande crainte — et je l'ai dit à l'intention du ministre — c'est qu'on fasse en sorte que, justement, par le jeu des règlements, sur lequel les parlementaires, les députés et les élus du peuple n'ont jamais un mot à dire, règlements que nous apprenons lorsque nous avons le temps et le goût de lire la Gazette officielle, ce qui n'est pas une mince tâche, vous en conviendrez avec moi, on fasse en sorte d'amener une certaine instabilité, une certaine insécurité chez les gens du milieu.

Si, sur le plan juridique, dans la conception même de la loi, il y avait, dans un premier temps, des obligations et des règles assez strictes pour créer des mécanismes régionaux pour commencer l'application d'une loi... Parce que cette loi, ne l'oublions pas, va faire mal à bien des gens et elle va déranger bien du monde. Mais il ne faudrait pas faire en sorte que, par les terres les mieux favorisées, les régions les mieux favorisées au point de vue du sol, on fasse en sorte de transférer l'agriculture et de la centraliser dans la seule région de la plaine du Saint-Laurent. Ce serait extrêmement malheureux et c'est ma grande crainte.

M. Roy (Léonard): D'abord, l'industrie elle-même a intérêt à se rapprocher de ces milieux-là et, comme l'industrie ne peut pas être toute localisée dans le Sud de Montréal, beaucoup de genres d'industries ont avantage et déjà se collent à des régions que je n'appellerais pas périphériques, mais c'est encore étrange comme cela va assez loin. Seulement l'attrait du profit à réaliser dans des activités normales, honnêtes, industrielles, va faire qu'on va toujours demander que l'on ne tue pas, à toutes fins pratiques, le petit producteur. Je ne parle pas de celui qui est absolument marginal et qui gagne son salaire total dans le village ou en ville et qui garde des terres plus ou moins cultivées, je parle du petit qui aurait des chances de devenir moyen et gros éventuellement. Alors, les entreprises s'en vont vers ces gens-là, c'est évident; on le voit déjà dans plusieurs régions. (22 h 15)

M. Roy (Fabien): II est absolument nécessaire, dans le domaine de l'agriculture, de faire en sorte qu'on puisse conserver l'initiative régionale, le dynamisme régional, l'esprit de développement régional pour que chaque région se mette à contribution et travaille dans ce sens. Un organisme uniquement provincial, à mon avis, j'aimerais avoir le vôtre, ne peut pas avoir cette préoccupation régionale aussi forte que les gens du milieu lorsqu'ils sont directement impliqués et qu'ils vivent dans cette région, qu'ils ont intérêt à développer cette région.

M. Roy (Léonard): Un organisme, par exemple comme le Conseil de l'alimentation ou des grands organismes comme cela, c'est remarquable; la plupart sont tous structurés sur une base régionale; on élit les administrateurs par région; on a le souci, quand on fait des assemblées, que le quorum même indique dans nos structures qu'on doit tenir compte de la représentation de toutes les régions, si on n'a pas notre représentation de régions, on n'a pas quorum. Cela est évident, quand vous avez des corps publics qui veulent embrasser l'ensemble du Québec, si vous voulez embrasser l'ensemble du Québec, il faut que vous commenciez par être sûrs que vous êtes une plaque de résonnance pour toutes les constituantes du Québec. D'ailleurs, toutes les grandes associations professionnelles sont structurées ainsi; vous avez le Barreau, c'est par région; vous avez le Barreau rural, etc.; alors, c'est partout pareil.

M. Roy (Fabien): D'ailleurs on sait quel rôle jouent les conseils économiques régionaux. J'aurais bien d'autres questions, M. le Président, c'est bien intéressant, mais je ne veux pas être égoïste au point de monopoliser la commission parlementaire seul. Je vous remercie beaucoup, M. Roy.

Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le député de Beauce-Sud. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais, au départ, peut-être ne pas démystifier le plan régional dont on parle depuis un bon bout de temps, mais je pense que l'esprit de la loi dénote la collaboration qui doit exister entre le palier régional et le palier provincial qu'incarne la commission. Quand on dit dans la loi que tout intéressé peut intervenir, cela suppose que chaque municipalité qui aura à déposer un plan, l'UPA pourra intervenir, les CRD pourront intervenir,

même l'individu comme tel touché dans un plan de développement additionnel sur le plan domiciliaire pourrait intervenir. Donc, la loi donne ouverture à tout cela. Je suis porté à considérer les propos de M. Roy comme très sages en disant qu'au niveau de la réglementation, on pourrait prévoir des mesures pour tâcher, par exemple, d'informer le public pour leur donner vraiment la chance d'amener une intervention valable.

Cela dit, j'aurais une question, non pas farfelue, mais j'en ai entendu des vertes et des pas mûres au niveau de l'adoption en deuxième lecture du projet de loi. Quand on représente 80% du marché alimentaire — je m'en aperçois parce que vos arguments sont solides, serrés, j'ai même lu votre travail avant que vous arriviez ici — je voudrais savoir ce que vous répondriez, si vous étiez député à ma place, à l'argument du genre de celui-ci: Un tel projet de loi brime les libertés individuelles ou les droits individuels et un tel projet de loi est un concept socialiste. Si je vous demandais vos arguments face à une telle argumentation, que me répondriez-vous?

M. Roy (Léonard): M. le député, je ne suis pas député, mais tout de même, je dois avouer que j'ai aussi des réactions devant cela. Je l'entendais encore, ce soir, parce que j'ai eu le plaisir d'être dans la galerie à écouter. Je n'ai qu'une question là-dessus: Pourquoi diable faisons-nous toutes ces lois? Pourquoi un ensemble d'hommes intelligents, que sont nos législateurs, à un moment donné, s'arrêtent et disent — j'ai compris que vous avez dit "en principe" — il le faut. Pourquoi dites-vous cela? C'est donc que vous avez conscience que toutes les couches de la société ont besoin d'être rassurées sur leur avenir au point de vue approvisionnement alimentaire. Cela, on ne le dit pas, on n'ose pas le dire, mais dans le fond, c'est cela, parce qu'on est conscient, avec les chiffres que je vous ai donnés tout à l'heure, que pour une province agricole comme l'a été longtemps le Québec — et cela sans reproche envers les gouvernements précédents, je ne fais pas de politique — il reste que ce n'est presque pas acceptable qu'on se ramasse en 1978 avec encore à peine le tiers de notre production agricole qui entre dans le panier à provisions. On dépend — on est des soutenus — de l'extérieur pour manger.

Si vous prenez cette attitude, cela répond à un besoin, à un voeu de la population. Si c'est cela, à ce moment-là, quand on pose le principe du respect du droit de propriété, j'y crois aussi, moi aussi, fondamentalement. Mais je sais, par exemple, que j'ai des droits, moi aussi, comme personne humaine et ces droits sont rationalisés par d'autres que moi. Au moment où je suis né, il y avait des gens avant qui avaient pensé que je ne pouvais pas conduire une voiture à 100 milles à l'heure sur la rue Sainte-Catherine à Montréal. Pourtant, j'aurais bien le droit de faire cela. C'est à moi la voiture. Alors, on est entouré quotidiennement de restrictions, de gestes rationnels posés par ceux qui prennent le bien commun en considération et qui briment les droits des individus, mais on finit par les accepter. On dit: C'est pour le bien commun.

Quant à la protection du sol arable, je suis heureux qu'il se trouve des gens pour poser le problème tout de suite avant qu'on soit, dans peut-être dix ou quinze ans, en totale dépendance de l'étranger dans l'alimentation. Je suis heureux qu'on pose le problème: Etes-vous prêts à partager un peu, à accepter qu'on rationalise votre droit de propriété? Vous n'enlevez pas le droit de propriété à personne avec cette loi, à mon sens. Je me permets de raisonner tout haut. Je suis un citoyen et je vote de temps en temps. Je raisonne comme cela. Vous n'enlevez les droits de personne. Seulement, vous les rationalisez dans leur utilisation, tout simplement.

Si, éventuellement, un gouvernement est allé trop loin, j'imagine qu'un autre gouvernement viendra rétablir l'équilibre. Il n'enlèvera pas les droits de propriété, mais il corrigera peut-être ce qui aura été trop loin. Alors, il y a une différence entre — quand on parle de brimer les droits des gens — leur enlever leurs droits et rationaliser l'utilisation qu'on en fait. Devant cela, je ne peux pas voir où est le problème. Je vous concède que pour les règles, pour le jeu de la démocratie, il faut qu'il se trouve des gens pour dire quelque part: Vous auriez pu faire mieux. J'accepte cela, ce sont les règles du jeu, mais il y a un certain nombre de choses tout de même, comme cela, le sol arable, la langue, la santé, où, à un moment donné, les nécessités, les impératifs du fonctionnement gouvernemental devraient s'arrêter et dire: C'est du sens commun.

Alors, vous m'avez posé une question sur ma réaction et je vous ai dit que je n'étais pas député. Je vous donne une réaction d'un simple électeur qui ne contrôle pas grand-chose.

M. Chevrette: Qui rejoint beaucoup de députés. Je vous remercie, M. Roy.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député. M. le député de Shefford.

M. Verreault: M. le Président, tout à l'heure, M. Roy nous a parlé, dans son exposé, de décentralisation en parlant de régionalisation. Il a parlé également de rentabiliser l'agro-alimentaire. Au niveau de la décentralisation, je crois qu'il faisait également allusion à certaines vocations agricoles dans ces régions. Evidemment, dans la Gaspésie, probablement que la pomme de terre est plus facilement cultivable. Il y a des usines de transformation qui s'en chargent. Dans la région des Cantons de l'Est que je représente, dans la région du Haut-Richelieu et Yamaska, évidemment, nous avons la pomme tout court, nous avons la betterave à sucre et nous avons différentes cultures semblables. Dans la région de Lévis, le ministre a le blé d'Inde, le maïs. Evidemment, la rentabilité est importante.

M. Garon: II y a pas mal de porcs aussi. Il y a pas mal de lait aussi.

M. Verreault: Vous avez également... Une Voix: Sûrement.

M. Verreault: Non, je ne fais aucun rapprochement, de toute façon, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! M. le député de Shefford.

M. Verreault: Vous avez parlé également de la protection du sol agricole et, en plus, vous donniez comme argument des craintes à l'effet que tout cela, s'il n'y avait pas de protection agricole, on pouvait risquer, en agriculture, d'avoir une certaine discontinuité, soit dans la production ou dans les récoltes. Mais à part le zonage agricole proprement dit, pour permettre une certaine rentabilité, une certaine productivité aussi, est-ce qu'il y aurait d'autres causes qui pourraient inciter les gens à discontinuer les récoltes...

M. Roy (Léonard): A discontinuer?

M. Verreault: ... une production ou... Est-ce qu'il y aurait d'autres causes, parce que vous dites que le zonage agricole, s'il n'est pas fait, pour vous, c'est une crainte qu'il y ait une discontinuité...

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Verreauit: ... soit dans la relève, soit dans la production. Est-ce que vous voyez d'autres causes, à part celle-là, qui pourraient permettre une discontinuité?

M. Roy (Léonard): Vous avez toutes les questions strictement pertinentes au marketing. Je m'explique là-dessus. Si, par hasard — on va prendre l'extrême, un exemple qui charrie — tous nos cultivateurs disaient demain matin: On ne fait rien d'autre que du lait, c'est évident qu'à ce moment-là, ils se font hara-kiri. Ce n'est pas mêlant. Même s'ils avaient tout le sol protégé que vous voudrez, ils ne pourraient jamais... Je vous ai dit tout à l'heure que c'est un des domaines où, actuellement, c'est urgent qu'on spécialise et qu'on rationalise, parce qu'on fait trop de choses qui ne se consomment pas. On ne peut pas continuer longtemps comme ça, seulement pour le bénéfice de dire: On produit et on envoie ça à des entrepôts, on vend ça à des ventes de feu dans le tiers-monde, et, quand on ne le vend pas, on l'enterre. Ce n'est pas ça, de l'économie saine.

Si vous me demandez s'il y a d'autres facteurs qui peuvent précipiter une déchéance de notre capacité de produire en agro-alimentaire, vous avez toutes ces questions qui touchent au marketing.

M. Verreault: Vous parlez de la rationalisation. S'il arrive, à un moment donné qu'il y a une certaine chute de certains produits agricoles ou agro-alimentaires, c'est sûr que le zonage agricole n'aura pas tellement d'effets dans les circonstances. Donc, ce sont les politiques agricoles, comme vous le mentionniez tout à l'heure, qui pourraient faire la résultante bénéfique du zonage agricole, de la protection du sol agricole.

Le ministre parlait tout à l'heure du porc. Chez moi, il y a à peu près une dizaine de permis par semaine qui sont donnés, tant pour la maternité, 200 ou 300 porcs ou truies et, d'autre part, que pour l'engraissement, c'est à coups de 2000, 3000 et 5000 porcs. Cela fait déjà deux ans que les permis se donnent comme ça. Qu'est-ce qui arriverait, selon vous, si, à un moment donné, il y avait un krach demain matin dans le porc?

M. Roy (Léonard): Evidemment, nous, de l'industrie, on a été les premiers à réagir auprès de la Régie des marchés agricoles du Québec, sur la question d'émission des permis. On a demandé à la régie de se servir davantage de sa tête. Il ne faut pas... on doit exiger et j'imagine que ceux qui sont responsables des ministères, les fondés de pouvoir et leurs premiers lieutenants, doivent être en mesure d'exiger des gens qui dirigent des organismes comme ça, qui ont un tant soit peu des capacités de dirigisme, ils doivent exiger de ces gens d'avoir de la tête.

Nous autres, on dit à la Régie des marchés agricoles: Faites attention dans l'émission de vos permis, soyez sélectifs, faites des enquêtes à base de données économiques. Actuellement, on se plaint, on essaie de développer les fromages de spécialité. Cela va, on a une dizaine d'entreprises qui font des fromages de spécialité, on en fait 29 au Québec, 20 différentes sortes. Si vous donnez des permis, at large à tous ceux qui veulent commencer, d'une façon artisanale, à faire tous ces fromages de spécialité, vous allez enlever totalement à ces dizaines ou douzaines d'entreprises qui visent à avoir une économie d'échelle, la rentabilité et la sécurité comme l'ont les bouchers et les cultivateurs, ils ne seront plus capables d'arriver.

Le permis, à ce moment-là, joue un rôle. Puisque vous me parlez de ça, si le manque de discernement dans l'émission des permis de lait peut causer des problèmes, j'imagine que I absence de discernement dans l'émission des permis pour l'élevage des porcs ou l'engraissement des porcs risque de causer les mêmes dommages. Vous savez, il y a une chose, en tout cas, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, l'économie agricole alimentaire au Québec est dans le dirigisme, même si on n'aime pas ça, ça fait longtemps qu'on est dans le dirigisme.

Dès qu'on a accepté de fixer des prix pour des aliments, on est dans le dirigisme. Si on est dans le dirigisme, il faut que les gens qui ont des responsabilités de décision à différents niveaux, usent de leur jugement et soient conscients, quand ils rendent des décisions, qu'ils rendent des décisions qui peuvent amener le progrès d'un secteur ou la banqueroute du même secteur. De ce côté, puisque vous parlez des permis, c'est notre attitude. C'est aussi important, sous certains

angles, la technique de l'émission des permis, que la conservation de nos sols arables. (22 h 30)

M. Verreault: M. Roy, en plus des permis, il y a aussi la main-d'oeuvre. Si je prends la région que je représente, concernant la cueillette des pommes. Quand on parle de main-d'oeuvre dans la cueillette des pommes, c'est une chose qui est presque impossible.

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Verreault: De toute façon, si j'ai bien compris le raisonnement que vous avez établi ce soir, vous êtes en parfait accord avec les députés sur le principe. Si on parle du fond et de l'application de la loi, à ce moment-là, vous la laissez complètement au législateur.

M. Roy (Léonard): L'industrie vous donne deux indications. S'il vous plaît, ayez des normes qui montrent bien dans le public que ce n'est pas une attitude négative de protection que vous avez, c'est une attitude positive de développement. C'est le jour et la nuit.

M. Verreault: Cela va prendre une autre loi pour le développer à fond. Et cela ne prendra pas simplement des lois comme on l'a mentionné, cela va prendre des budgets pour le faire.

M. Roy (Léonard): Oui. Et cela demande une technique, et cela demande un encadrement.

M. Verreault: Et il va falloir diriger les gens dans d'autres domaines, à un moment donné, où il n'y aura pas trop de surproduction, dans un domaine où cela sera "écoulable".

M. Roy (Léonard): Laissez-nous créer des marchés profitables pour les cultivateurs et cela va se faire tout seul. Laissez-nous faire cela. Qu'on ait des chances. Evidemment, on va demander à l'Etat, de temps en temps, lorsqu'on n'est plus capable de se protéger, que le parapluie n'est pas assez grand, on va lui demander de tirer un peu dessus. Mais laissez-nous faire la "job" et vous allez voir que les cultivateurs, si c'est payant, vont venir là.

M. Verreault: Est-ce que vous voulez dire par là: Adoptez-la, votre loi; après cela, on critiquera et, si on n'est pas satisfait, on chialera?

M. Roy (Léonard): Pardon, monsieur?

M. Verreault: Je répète. Est-ce que vous voulez dire par là: Adoptez-la, votre loi et, si on n'est pas satisfait, on chialera après?

M. Roy (Léonard): Non, nous ne chialerons pas après. On se dit une chose. On vous fait nos constatations d'une façon très constructive, d'après ce qu'on pense. On dit: C'est un bon début. C'est toujours perfectible. Mais n'essayons pas d'obtenir la perfection en commençant. On ne débouchera jamais nulle part.

M. Verreault: De toute façon, on en conclut quand même qu'il y a certaines lacunes.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Je profite de cette occasion, M. Roy, pour vous remercier sincèrement du témoignage que vous avez rendu à la maison H. Saint-Jean et Fils de Saint-Hyacinthe, gérée par les frères Saint-Jean, à qui je ferai certainement parvenir copie de votre témoignage.

Est-ce que, lors de votre voyage au Japon, vous avez vu aussi les produits Olympia?

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Cordeau: Pour l'information des honorables membres du Parlement qui sont en face de moi, je dois vous dire que c'est une autre compagnie du comté de Saint-Hyacinthe, à Saint-Simon.

M. Garon: Le député devrait savoir qu'il y a une participation de SOQUIA, la Société québécoise d'initiatives agricoles, dans la compagnie Olympia et que la mission au Japon a été faite conjointement avec le ministère de l'Agriculture du Québec.

M. Baril: Et vous allez voter contre la loi sur la protection du territoire agricole. C'est épouvantable.

M. Cordeau: Tout juste. M. le Président, c'est pour vous dire que ce sont deux industries...

M. Garon: II n'y a pas eu qu'une mission, il y en a eu deux.

Le Président (M. Boucher): ... pourriez-vous procéder à votre question?

M. Cordeau: Oui. Ce sont deux industries canadiennes-françaises qui font honneur au Québec à l'étranger. Je crois que c'est le temps de rendre des témoignages d'appréciation à des maisons d'affaires qui travaillent pour faire connaître le Québec à l'étranger et qui réussissent.

M. Garon: C'est pour cela que le ministère...

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci beaucoup. Pour faire suite à ce que mentionnait le député de Saint-Hyacinthe, après avoir rendu des témoignages semblables au ministère de l'Agriculture, au développement de l'Agriculture dans le comté de Saint-Hyacinthe, ce n'est pas croyable qu'un député

comme celui-là vote contre le principe de la loi sur la protection du territoire agricole.

M. Garon: Et il fait des brochures contre le gouvernement.

M. Gagnon: C'est cela.

M. Garon: Et il dit qu'il ne se fait rien dans son comté.

M. Cordeau: Depuis ce temps-là que cela va bien, M. le ministre. Vous vous êtes grouillé.

M. Gagnon: M. Roy, vous avez mentionné que, dans le panier de provisions d'un consommateur québécois, on retrouvait environ 30% à 35% du contenu qui était un produit québécois.

M. Roy (Léonard): Matières premières.

M. Gagnon: Matières premières québécoises. Vous avez dit que cela pouvait aller jusqu'à 50% d'un produit avec un ajout québécois.

M. Roy (Léonard): C'est cela.

M. Gagnon: Un peu plus loin, vous mentionnez qu'il y aurait possibilité, sans croire à l'auto-suffisance complète, d'augmenter à 70% la matière première québécoise, si on a une bonne gestion de notre territoire agricole et si on développe les programmes pour mettre le territoire protégé en production.

Si on atteignait 70%, au point de vue des emplois, qu'est-ce qu'il y aurait possibilité de créer comme emplois, au Québec, comme emplois stables, dans le domaine agricole?

M. Roy (Léonard): Tout à l'heure, j'ai parlé par secteur, mais j'ai donné des chiffres quelque part. Chaque dix points — passons de 50% à 60% — ajoute $1 milliard de valeur ajoutée, aux $5 500 000 000.

M. Gagnon: $1 milliard.

M. Roy (Léonard): Pour chaque dix points.

M. Gagnon: Pour chaque dix points.

M. Roy (Léonard): Si vous créez une valeur ajoutée de $1 milliard, dans notre industrie, pour créer un emploi, cela coûte $47 000. Je vous donne la loi des grands nombres. On calcule que, dans l'alimentation, pour créer un emploi, il en coûte $47 000. Si on a une valeur ajoutée qui fait que nos expéditions industrielles atteignent $1 milliard de plus, divisez cela par $47 000 ou $50 000, grosso modo, et vous allez avoir le nombre d'emplois que cela crée.

M. Gagnon: Une vingtaine de mille?

M. Roy (Léonard): Vous allez peut-être dire que ces calculs sont quand même simplistes, mais il faut, à un moment donné, arriver à des normes et, ordinairement, quand on veut évaluer la rentabilité des secteurs industriels, c'est là-dessus qu'on se base.

M. Gagnon: Un autre petit point, lorsque vous parlez de création d'emplois, vous parlez de votre industrie. Considérez-vous, comme dirait le premier ministre, tout ce qui est en amont et en aval, c'est-à-dire partant de la ferme, les emplois créés aussi à la ferme?

M. Roy (Léonard): Oui, toute la chaîne.

M. Gagnon: Dans vos industries, peut-on dire que c'est un emploi stable et dans quelle proportion?

M. Roy (Léonard): A l'exception des conserveries, pour des raisons très visibles, très compréhensibles, je crois que les autres secteurs industriels de transformation sont des secteurs qui transforment ou qui cherchent à transformer à longueur d'année, mais, concernant l'industrie laitière, c'est évident que la partie qui n'est pas une production pour la consommation humaine dépend du rythme, du cycle naturel des vaches. Elles donnent beaucoup de lait en juin et pratiquement pas en ce temps-ci de l'année. C'est un problème, mais c'est un problème qui se corrige. Actuellement, avec l'Etat, nous sommes à corriger cette partie. On essaie de rationaliser la production hiver-été de manière que nos usines ne soient pas amenées à fermer totalement durant les mois de décembre, janvier, février; ce qui arrive de moins en moins d'ailleurs. On est capable de produire à longueur d'année.

Evidemment, il y aura toujours des surplus au mois de juin, parce que la nature fait que les vaches produisent beaucoup plus de lait en mai, juin, juillet qu'en tout autre temps de l'année. Si vous mettez cela de côté, les autres secteurs sont des secteurs de transformation qui sont réguliers à longueur d'année.

M. Gagnon: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre, un dernier mot.

M. Garon: II y aurait seulement un mot que j'aimerais dire sur un article, M. Roy, parce que le député de Joliette-Montcalm l'a souligné. L'article 35 ouvre des possibilités importantes sur le plan régional pour des organismes de faire valoir... Remarquez bien qu'avec l'étude des mémoires qui seront présentés à la commission parlementaire, il sera peut-être possible de l'améliorer, mais je dois dire déjà qu'avec cet article, le plan provisoire est déposé à la municipalité, il peut être consulté au bureau de chacune des corporations municipales et au bureau de la commission. Toute personne — toute personne, cela veut dire n'importe quel organisme, individu, personne physique, personne

morale, Union des producteurs agricoles, conseil de comté, tout organisme local ou régional — peut faire des représentations écrites à la corporation municipale visée en faisant suivre une copie à la commission. C'est-à-dire, pour faire valoir son point de vue au niveau de la municipalité, elle en envoie une copie à la commission pour que la commission soit au courant aussi qu'il y a eu des représentations régionales ou locales. A ce moment-là, il faut tenir compte aussi que ce sera discuté avec la municipalité. Il ne faut pas se faire d'illusions. Dans certaines municipalités, je ne dis pas que c'est la majorité, ce sont les spéculateurs qui sont au pouvoir. Je pense que les représentations de personnes du milieu peuvent être écrasées par les spéculateurs. Cela arrive à certains endroits. A ce moment-là, les organismes locaux ou régionaux qui voudront faire valoir leur point de vue pourront permettre à la commission de protéger les agriculteurs de cette région.

Il y a un point qui m'apparaît excessivement important. Il y a eu le schéma d'aménagement du territoire dans l'Outaouais, dont le conseil régional nous a remis rapport en juin 1977. Donc, c'est un véritable schéma d'aménagement qui a été fait, un volume considérable que j'ai eu. Il a presque 450 pages, 430 pages.

A la page 262, on dit ceci — et ce sont des gens qui en ont fait un schéma d'aménagement, qui n'ont pas zoné toutes les terres agricoles — à un moment donné: "De plus, une réglementation aussi stricte qui permettrait que l'agriculture ne peut constituer qu'un aspect d'une politique générale de protection des terres arables et de relance de l'industrie agricole. Cette politique d'ensemble, qui relève des gouvernements supérieurs — c'est la CRO qui dit cela dans son schéma d'aménagement régional de l'Outaouais — donc, objectif national, est depuis longtemps promise, mais toujours attendue, et ce, en juin 1977. En l'absence de ce complément, le zonage agricole ne va pas sans difficulté et se heurte à plusieurs objections de la part des cultivateurs et des organismes intéressés à l'économie agricole". On continue un peu plus loin et on explique, à ce moment, qu'on a gardé pour l'agriculture un certain nombre d'acres et qu'on aurait pu en garder plus, parce que les organismes agricoles et para-agricoles demandaient d'en garder plus. On n'en a pas gardé plus, parce qu'on disait: Qu'est-ce qu'on va faire avec cela?

On dit dans le rapport — c'est ce que le rapport revient à dire: Si on veut développer l'agriculture, c'est au gouvernement du Québec à le dire. C'est d'avoir une politique de développement agro-alimentaire. A ce moment, c'est à lui à protéger le territoire, en tenant compte des organismes régionaux. Quand on aura fini d'entendre les mémoires, il va falloir en discuter.

Je pense que l'article 35 permet déjà une souplesse à tout organisme et à toute personne d'aller faire valoir son point de vue à la municipalité. Cet article a été ajouté, suite à notre tournée de consultations du mois de septembre, parce qu'il y avait des personnes qui nous disaient qu'elles aimeraient se faire entendre au niveau local où le projet commencerait à être discuté. Cet article n'a pas été assez mentionné au cours des débats jusqu'à maintenant. Je voudrais souligner son existence.

Je voudrais vous remercier, M. Roy, du temps que vous avez pris et du travail que vous avez fait. Je veux souligner, en passant — parce qu'il y en a peut-être plusieurs qui ne le savent pas — que quand vous avez dit 27 ans, vous êtes sans doute le principal économiste au Québec qui oeuvre dans le milieu agro-alimentaire, vous êtes sûrement le doyen...

M. Roy (Léonard): Ne me donnez pas de titres comme cela.

M. Garon: ... qui avez travaillé énormément pour le développement agro-alimentaire et réussi cette cohésion des industries manufacturières au sein du Conseil de l'alimentation du Québec. Je peux vous dire que dans les mois qui vont venir, il va y avoir des programmes pour le développement de l'industrie manufacturière alimentaire au Québec. Je vous remercie.

M. Roy (Léonard): Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Roy. Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie pour votre présence, ici ce soir.

Maintenant, j'appellerais le Conseil régional de développement, représenté par M. Lionel Gaumont.

M. Gaumont, si vous voulez prendre place et présenter celui qui vous accompagne.

Conseil régional de développement

M. Gaumont (Lionel): M. Denis Charrette, du Conseil régional de développement, agent de développement.

Le Président (M. Boucher): M. Denis Charrette. M. Gaumont, allez-y de votre mémoire.

M. Gaumont: M. le Président, M. le ministre, messieurs, c'est avec un vif désir de s'associer aux objectifs du gouvernement du Québec en matière de développement de l'agriculture québécoise, que le Conseil régional de développement Lanau-dière dépose aujourd'hui ses commentaires sur certains aspects du projet de loi de protection du territoire agricole.

La participation du CRD Lanaudière. A l'automne 1975, le Conseil régional de développement Laurentides-Lanaudière, fédération des CRD Laurentides et Lanaudière, couvrant le territoire, à peu de localités près de la région agricole no 10, prenait l'initiative de mandater un comité régional représentatif du milieu agricole et municipal, afin d'éclairer le CRD sur le potentiel du territoire agricole à conserver et les mesures à prendre pour en rentabiliser l'économie. (22 h 45)

En mars 1977, un mémoire a été déposé à l'actuel ministre de l'Agriculture, dans le but de lui faire connaître le niveau de concertation atteint dans la région Laurentides-Lanaudière et les recommandations en matière de protection et de rentabilisation.

Le 26 septembre 1978, à la suite de l'invitation du ministre du 11 août, le CRDLL précisait aux audiences publiques tenues à Joliette les niveaux de pouvoir qu'il souhaitait voir instaurer pour l'application de la loi.

Cette fois, pour des raisons d'ordre pratique, dues au délai trop court et pour respecter davantage l'expression des deux régions distinctes de Lanaudière et des Laurentides, le CRD Laurentides-Lanaudière laisse ses deux CRD membres s'exprimer séparément.

Avant de présenter les aspects que nous avons choisis de traiter dans le présent mémoire, nous nous empressons, M. le ministre et M. le Président, d'exprimer notre grande satisfaction à l'annonce du dépôt, ces prochains jours, du projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Depuis 1970, le CRD Lanaudière revendique pour les gouvernements locaux la majeure partie des responsabilités, rôles et fonctions à être exercés pour le bénéfice des membres des collectivités.

Si les propos du Devoir de samedi le 2 décembre 1978 sont exacts, le gouvernement, et je cite: "n écarte pas la possibilité que les municipalités de comté aient un certain rôle à jouer dans la protection du territoire agricole.''

Notre satisfaction serait alors plus grande puisque non seulement le premier geste concret vers la décentralisation sera posé par la loi de l'aménagement et de l'urbanisme, mais cette loi aurait une approche intégrée sur l'ensemble des activités du territoire des municipalités de comté.

C'est dans cette ligne de pensée, M. le ministre, que nous aborderons maintenant le développement de I agriculture en regard de la protection du territoire, les paliers décisionnels en regard de l'application de la loi, et deux aspects particuliers liés aux zones agricoles: le droit du premier occupant et les projets de développement gouvernementaux.

Protection du territoire agricole et développement de l'agriculture. Une loi provinciale sur la protection du territoire agricole doit nécessairement s'accompagner d'un zonage coercitif des bonnes terres agricoles du Québec, afin d'assurer la permanence de l'activité agricole, de viabiliser les exploitations agricoles et de permettre une augmentation du degré d'autosuffisance par des moyens efficaces.

Dans cette optique, nous croyons que la loi de protection du territoire agricole devrait s'étendre pour s'appliquer à tout le territoire agricole du Québec. Aussi, cette loi sur la protection du territoire agricole devrait s'intégrer à une loi-cadre d'aménagement du territoire, avec décentralisation et réorganisation des pouvoirs vers les collectivités locales. Nous y reviendrons plus loin.

Des mesures fiscales seront prévues dans les zones agricoles pour en conserver l'utilisation à des fins essentiellement agricoles. Nous pensons ici à: 1) l'allégement du fardeau fiscal des agriculteurs par le remboursement d'une somme additionnelle de 30% des taxes foncières, municipales et scolaires; 2) à l'obligation au remboursement de l'excédent des taxes foncières perçues pour une terre ou partie de terre exclue d'une zone agricole.

Par ailleurs, il faudrait repenser la fiscalité dans les territoires municipaux zonés pour fins agricoles, en regard de l'accessibilité aux conditions de vie sociales pour ses habitants. Par là, nous entendons la facilité d'accès aux équipements récréatifs, culturels et professionnels.

De même, des mesures de développement de l'agriculture doivent être mises de l'avant pour rentabiliser, en priorité, les exploitations agricoles dans les territoires zonés.

Toutefois, le ministère de l'Agriculture doit maintenir les avantages que confèrent ses différents programmes et services à tous les producteurs agricoles reconnus, et cela, même en dehors des zones agricoles.

A cet égard, nous croyons que les projets de loi 99 et 100 sur la création d'une banque de terre et sur l'accroissement des subventions pour la mise en valeur des exploitations agricoles à l'occasion de l'établissement de jeunes agriculteurs ou de l'agrandissement de fermes constituent certes des mesures de développement à encourager.

En contrepartie, l'Etat se doit de garder un lien de servitude sur toute terre, à l'intérieur et à l'extérieur des zones agricoles, faisant l'objet d'investissements de la part du ministère de l'Agriculture du Québec (améliorations apportées au sol uniquement). Nous entendons par là que les producteurs agricoles s'engagent à ce que leurs terres servent uniquement à des fins agricoles pendant une certaine période de temps. La durée de cette période serait fonction de l'importance des investissements ou subventions accordées.

En troisième partie, l'application de la Loi sur la protection du territoire agricole et la décentralisation.

Le rôle de l'Etat est absolument nécessaire pour fixer les objectifs quant au nombre d'acres de terre à protéger pour l'agriculture par rapport aux objectifs provinciaux d'autosuffisance en matière alimentaire. Toutefois, la délimitation des zones agricoles doit se faire en collaboration étroite entre la Commission de protection du territoire agricole et chacune des municipalités concernées. A cet égard, les intentions de l'Etat dans son projet de loi sont manifestes.

Quant aux modalités d'amendement au zonage agricole, nous ne pouvons que souligner la reconnaissance, par le ministère de l'Agriculture, du rôle essentiel des municipalités comme paliers démocratiques intermédiaires entre le citoyen et l'Etat. Mais la participation s'arrête là.

Pour nous, M. le ministre, l'application d'une loi aussi importante qui modifiera profondément l'utilisation des territoires municipaux et les com-

portements socio-économiques des populations rurales et urbaines devrait comprendre une participation beaucoup plus grande des institutions démocratiques les plus près du citoyen: la municipalité et le conseil de comté; car la planification et le contrôle du territoire est une fonction politique d'aménagement selon laquelle les gouvernements, près de la population, sont investis de pouvoirs et de moyens.

Or, le projet de loi 90 confère des pouvoirs beaucoup trop larges à la Commission de protection du territoire agricole du Québec. Une approche aussi centralisatrice s'harmonise mal avec les perspectives décentralisatrices annoncées par le gouvernement du Québec en matière d'aménagement du territoire.

Pour nous, la participation des régions dans l'application de la loi est essentielle. Elle devrait s'exprimer par des commissions régionales de protection du territoire agricole. Ainsi, après le décret de zones agricoles, des commissions régionales relevant de la loi au même titre que la commission nationale seraient formées dans chacune des régions agricoles du Québec. Elles seraient composées, en nombres égaux, de délégués de l'UPA et de représentants municipaux. Leur mandat serait: premièrement, d'étudier les demandes de modification au zonage agricole dans une région agricole donnée; deuxièmement, d'acheminer ses avis motivés à la commission nationale de protection du territoire agricole. Si, après 30 jours, la commission nationale n'a pas fait opposition aux demandes de modifications formulées, l'amendement est en vigueur. Si la commission nationale n'est pas d'accord, elle doit faire parvenir son refus motivé à la commission régionale dans les 30 jours. Les modifications proposées sont alors refusées.

Bref, M. le ministre, après les études et les efforts de concertation que nous avons déployés et avec les autorités concernées dans notre région, depuis plus de deux ans, nous sommes en mesure d'insister auprès de vous afin que l'intervention législative que vous vous apprêtez à faire en matière de protection du territoire agricole soit cohérente avec le projet de décentralisation et reconnaisse les responsabilités et la participation des régions en matière d'aménagement du territoire.

Quatrième volet. Deux aspects particuliers du projet de loi 90: Le droit du premier occupant et les projets gouvernementaux de développement affectant les zones agricoles.

Le droit du premier occupant. Nous sommes entièrement d'accord, M. le ministre, sur l'article 100 de votre projet de loi qui établit clairement le droit du producteur agricole à développer son exploitation dans des conditions qui le protégeront dorénavant contre les plaintes et les poursuites judiciaires faites par des résidents en dehors de la production. Depuis le temps qu'on en parle...

Nous espérons cependant que cet article du projet de loi s'harmonisera avec les lois et règlements à l'étude au ministère de l'environnement sur les exploitations de la protection animale.

M. Garon: Cela va être facile à harmoniser. M. Giasson: Avec M. Léger.

M. Gaumont: Les projets gouvernementaux de développement et les zones agricoles. Dans les zones agricoles le gouvernement, ses ministères et organismes publics seront autorisés à changer l'affectation du territoire à des fins autres que l'agriculture pour autant que la Commission du territoire agricole aura fourni les avis requis pour ce faire. Il nous semble tout à fait logique que cela se passe de cette façon. Il nous paraît certain que des projets nationaux, à fortes incidences spatiales viendront modifier l'échiquier agricole, et peut-être dans pas grand temps.

M. Garon: Avez-vous des exemples?

M. Gaumont: Le gaz, qui s'en vient, le pipeline, l'électricité.

M. Garon: Ces tuyaux passent sous la terre. M. Gaumont: Oui, mais ils vont...

M. Roy: Ils dérangent le dessus de la terre.

M. Gaumont: ... travailler le dessus de la terre aussi.

Une Voix: On va arrêter les pipe-lines.

M. Gaumont: Toutefois, nous croyons qu'il devrait y avoir une consultation systématique des collectivités locales touchées dans tous les cas d'un changement important au niveau de la vocation du territoire agricole par le gouvernement, ses ministères et organismes publics. Ces consultations seraient complémentaires aux avis formulés par la Commission provinciale de protection du territoire agricole.

Conclusion. En terminant, M. le ministre, nous croyons opportun de tenir quelques propos visant à qualifier le présent mémoire et à vous rappeler nos principales recommandations. Notre conseil régional de développement est un organisme issu du milieu dont l'assemblée générale est composée actuellement de 120 organismes membres représentant le monde municipal, scolaire, agricole, coopératif, industriel, touristique et social. Toute intervention de notre part met directement à contribution le conseil d'administration et les représentants d'organismes concernés par les actions et les dossiers amenés. La représentativité dans la structure et dans l'action est assurée constamment par les mécanismes de concertation que nous mettons sur pied, compte tenu de nos modestes moyens et des nombreuses contraintes avec lesquelles nous devons composer quotidiennement.

La réalisation du présent mémoire n'a pas échappé à ces règles du jeu. Malgré les quelques jours dont nous disposions pour étudier le projet de loi 90, et pour mettre en branle le processus, le

CRD a fait le maximum pour élaborer son avis en concertation avec des personnes engagées dans le monde municipal et agricole. (23 heures)

Nous avons donc livré les résultats de nombreux efforts visant à illustrer l'expression d'une région qui, par des représentants, se sont mis d'accord pour agir en faveur des objectifs que le gouvernement poursuit en matière de protection du territoire agricole et contre un abus de centralisation.

Nous croyons que les objectifs, pour être atteints, n'ont pas besoin de cette centralisation qui va nettement à rencontre du désir actuel et si souvent proclamé du gouvernement de procéder à une véritable réforme de la décentralisation administrative et politique. Les revendications fermes de l'UPA et celles des Corporations municipales de comté, dans notre région, visent les mêmes objectifs que ceux de l'Etat. L'une accepte les moyens qui lui semblent les plus sécurisants, quoique centralisateurs, pour protéger les territoires agricoles, ressources premières et indispensables à l'exercice de la protection. L'autre, responsable du contrôle de l'utilisation du sol municipal, à diverses fins, réclame des pouvoirs mieux identifiés pour ce faire. Mais, de part et d'autre, on réclame des pouvoirs en région.

Le Conseil régional de développement croit tout à fait possible, efficace et rapide la concertation au palier régional où les représentants municipaux et producteurs agricoles doivent s'entendre, conscients, de part et d'autre, des interrelations qui existent et du poids des choix à faire.

M. le ministre, nous espérons que vous partagerez nos convictions et notre ligne de pensée que d'autres ont aussi déjà souhaitées, notamment des membres de notre Assemblée nationale, autant du côté de l'aile parlementaire que de l'Opposition.

Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Gaumont. M. le ministre.

M. Garon: J'aimerais vous poser une première question. Dans la rédaction de votre mémoire, vous représentez 120 organismes. Sur ces 120 organismes, il y a combien d'organismes agricoles?

M. Charette (Denis): Sur 120 organismes membres, il y a environ une vingtaine d'organismes agricoles et je compte les syndicats de base et les syndicats spécialisés de la fédération régionale.

M. Garon: Dans le schéma d'aménagement de la Communauté régionale de l'Outaouais — elle en a fait un vrai — en juin 1977, à la page 263, on dit que les organismes agricoles ont identifié 108 000 acres de bonne terre pour l'agriculture. Eux, ils ont réservé pour l'agriculture seulement 75 000 acres et, là-dessus, il y en a 60 000 qui sont bonnes pour l'agriculture, 15 000 ne sont pas bonnes, alors 60 000 sur 108 000. On en a laissé 48 000 de côté. Les organismes ont dit qu'ils avaient fait des zones tampons, des provisions pour des zones de développement différé. Alors, ils en ont réservé 60 000 et le monde agricole en voulait 108 000. J'imagine que la Communauté régionale de l'Outaouais n'est pas différente de ce qui va se passer dans l'ensemble du Québec. Supposons que dans toutes les régions du Québec, c'est la même situation, que le monde agricole demande 108 000 acres et que le monde municipal, scolaire, industriel, récréatif, tout ça, dit: Non, nous autres, on pense qu'on est promis à un brillant avenir, qu'on va être 1 000 000 dans tant d'années, ça nous prend tant d'acres. Là, ils disent: Au lieu d'en garder 108 000, on voudrait en garder seulement 60 000. Qui devrait décider si c'est 108 000 acres ou 60 000 acres?

M. Gaumont: Dans l'ensemble des discussions que nous avons eues avec les producteurs agricoles, pour eux, c'est la quantité qui devrait être gelée, si vous voulez, une certaine quantité. D'autre part, nous savons que la région Lanaudiè-re et une partie de la région des Laurentides, c'est un bassin qui est, en majeure partie, agricole, si on fait exception de la partie très au nord où il y a des montagnes, ou pas grand-chose au point de vue agriculture; même les études du ministère de l'Agriculture nous indiquent que c'est très faible.

M. Garon: Alors, ce qui n'est pas bon, on ne veut pas garder ça. Ce n'est pas ce que je vous dis. Je vous dis qu'il y a 108 000 acres. C'était le dilemme de la Communauté régionale de l'Outaouais; 108 000 acres sont bonnes pour l'agriculture et les milieux agricoles voulaient les garder pour l'agriculture. Les organismes d'aménagement, eux, voulaient en garder 60 000. Qui va décider si c'est 108 000 acres ou 60 000 acres qui vont être réservées pour l'agriculture?

M. Gaumont: Actuellement, toutes les terres sont gelées, c'est premier acquis. L'ensemble du secteur est favorable à cette chose.

M. Garon: Ils sont favorables chez vous?

M. Gaumont: Ils sont favorables, parce que, à beaucoup d'endroits comme Saint-Roch, Saint-Esprit, Saint-Jacques, Saint-Alexis, Berthier, ce sont des terres agricoles et des terres plaines, planches. Il y aurait certainement la majorité du territoire qui devra rester agricole, parce que nous constatons que nous sommes très près de Montréal et nous devrons devenir le bassin producteur et fournisseur de la région de Montréal.

M. Garon: Oui. Mais, vous savez, avant le dépôt de la loi, il y avait toutes sortes de pressions qui jouaient pour enlever des terres à l'agriculture. Ces pressions ne sont pas mortes, elles sont encore vivantes. Tous ces gens sont encore là. Toutes ces pressions sont prêtes à être exercées. D'ailleurs, elles s'exercent de différentes façons.

Elles vont s'exercer encore davantage dans les temps qui viennent, dans les journées, dans les semaines, dans les mois qui viennent, pour essayer de déstabiliser tout cela. Il ne faut pas se faire d'illusion.

Tenant compte de la réalité, tout cela va jouer. Qu'on le veuille ou non, il y a des gens qui ont des intérêts. Je ne les blâme pas d'avoir des intérêts, parce que tout le monde en a. Tout le monde a des intérêts. Mais il y a des intérêts agricoles et il y a des gens qui n'ont pas d'intérêts pour les choses agricoles, mais qui ont des intérêts pour faire d'autres choses avec les terres agricoles.

Quand vous dites dans votre mémoire qu'il faut garder telle portion pour la protection du territoire agricole, on n'a pas le choix, il faut garder au complet notre territoire agricole. Il n'y en a plus d'acres agricoles au Québec. On parle de 6 millions d'acres, mais en grattant.

M. Roy: Voyons donc! M. Garon: C'est un fait.

M. Roy: Une minute! Il ne faut pas créer une panique non plus.

M. Garon: Non, c'est un fait. Quand on arrive dans des régions comme celles de l'Outaouais et des Cantons de l'Est, ne nous trompons pas, c'est à peu près 10% du territoire qui est bon pour l'agriculture. On se fait pas pousser dans les montagnes. L'acrage est beaucoup plus limité qu'on le prétend. Je suis obligé de me fier aux études qu'ont faites les spécialistes des sols au Québec. L'inventaire des sols au Canada, ce n'est pas le Parti québécois qui a fait cela. L'inventaire des terres du Canada, cela a été fait sous la direction du gouvernement fédéral. Nous ne sommes pas fanatiques. On a pris cela.

Ils nous disent que les terres agricoles sont rares. Vous ne répondez pas à ma question. Je vous demande si, dans une région donnée — supposons que c'est la vôtre — comme cela s'est posé dans l'Outaouais, ils ont eu le choix, il y avait 108 000 acres que l'agriculture voulait garder, si les agriculteurs en voulaient 108 000, et que les organismes para-agricoles, les autres organismes, les développeurs, les autres gens disaient: Nous autres, on a besoin d'expansion, je ne sais pas s'ils vont dire comme les gens de Saint-Hyacinthe, qui disaient qu'ils voulaient en avoir assez pendant deux générations de 33 ans, assez de terre pour les 66 prochaines années, en plus de deux kilomètres de chaque côté de l'autoroute, et tous les sols où le dur, le roc était à moins de quatre mètres. Cela veut dire douze ou treize pieds. Ils voulaient que tout cela soit enlevé de l'agriculture. Cela veut dire, à toutes fins utiles, qu'il ne reste plus rien dans Saint-Hyacinthe...

Il y en a qui vont nous dire cela, c'est clair.

M. Roy: Vous exagérez un peu.

M. Garon: Non, je n'exagère pas, j'ai fait le calcul.

M. Roy: II ne faudrait pas prendre des cas d'espèce pour généraliser.

M. Garon: Non, il faut...

M. Roy: II faut quand même être réalistes.

M. Garon: Je pose la question suivante, elle est précise et elle est simple: C'est comme cela que se pose la réalité. Il va y avoir des organismes, des gens du monde agricole, qui vont dire: On veut développer l'agriculture et on veut vivre avec l'agriculture. Et, pour l'industrie alimentaire, comme on le disait tantôt, on veut avoir du sol pour que les agriculteurs puissent fournir nos industries.

Ces organismes, dans votre région, nous disent: II faut réserver 108 000 acres. Les autres organismes disent 60 000. Qui doit trancher si c'est 108 000 acres ou 60 000 acres?

M. Charette: Si vous voulez, M. le ministre, je vais répondre par une autre question. On a reçu vos cartes du territoire agricole, on vous en remercie. On les a reçues aujourd'hui. Je ne pourrai pas tellement discuter sur le contenu des terres agricoles, mais on a quand même remarqué que le ministère de l'Agriculture, dans le territoire qui est arrêté chez nous... On a fait une étude au CRD sur le territoire qui devait être gardé pour l'agriculture il y a deux ans. Il y a des terres qui ont été zonées dans notre rapport agricole qui ne l'ont pas été par le ministère de l'Agriculture. Cela vaut l'étude de l'Outaouais.

M. Garon: Je ne vous pose pas cette question, je vous dis: Qui doit décider? C'est sûr que cela va se présenter dans toutes les régions du Québec; ne nous trompons pas. C'est cela qui va se poser comme problème.

M. Charette: Dans le cadre de notre mémoire, M. le ministre, c'est l'Etat qui doit décider des terres à protéger pour l'ensemble du Québec.

M. Garon: Je vous dis, à ce moment-là...

M. Charette: On dit clairement que l'Etat doit fixer les objectifs généraux de l'ensemble des acrages de terres à préserver pour l'agriculture...

M. Garon: C'est quoi les objectifs...

M. Charette: ... et on dit qu'un mécanisme régional, qu'on appelle des commissions régionales formées de gars de l'UPA et de corporations municipales, va administrer le décret des régions agricoles.

M. Garon: On les consulte souvent.

M. Charette: Ce ne sont pas les organismes régionaux qui vont décider des acrages de terres à préserver pour l'agriculture. On dit que c'est une responsabilité de l'Etat. D'ailleurs, on le souligne dans notre mémoire.

M. Garon: Quant au projet de loi, l'article 35 dit que tous les gens vont pouvoir faire leurs représentations au niveau municipal. L'article 35 dit que les cartes sont envoyées à la municipalité et que toute personne peut faire des représentations écrites à la corporation municipale visée en en transmettant copie à la commission, c'est-à-dire qu'on a déterminé en forum ce qui était bon et ce qui n'était pas bon pour l'agriculture. Le zonage, cela se fait au niveau municipal, au Québec, actuellement.

M. Giasson: Cela se décide-là.

M.Garon: Pardon?

M. Giasson: Cela se décide là.

M. Garon: C'est là que cela se fait, à ce niveau de juridiction-là.

M. Giasson: Où est-ce que cela va se décider?

M. Garon: Attendez un peu. Au forum, on a dit que cela devait être au niveau municipal et que tous les organismes concernés pourraient aller là. Dans notre esprit, en tout cas, cela permet une concertation à ce niveau, mais qui devrait trancher pour savoir ce qui sera gardé comme terres pour l'agriculture? La Commission de protection des terres ou la municipalité?

M. Charette: Dans le cas de notre mémoire, tel...

M. Garon: Pour la décision finale? Si elles s'entendent, pas de problème. Dans bien des cas, elles vont s'entendre, mais on adopte des lois. Il ne faut pas parler des principes, il faut le dire dans la loi. Qui va décider s'il y a mésentente entre les deux, si l'une dit 110 000 acres et l'autre 50 000 acres?

M. Gaumont: C'est la commission nationale, M. le ministre, on l'a dit dans le mémoire.

M. Garon: Merci.

M. Gaumont: Mais on souhaite que, sur le plan régional, ce soit les municipalités et l'UPA qui soient directement intéressées à la chose. On en est venu à amener nos membres des conseils municipaux et de l'UPA à dire qu'il faudra que la représentation soit égale pour que les études soient faites sérieusement. Cette commission régionale fera la recommandation en connaissance de cause et en connaissance du terrain et de la région, probablement mieux qu'un organisme provincial qui, à un moment donné, aura certainement passablement de boulot.

M. Garon: Mais l'article 35 permet habituellement cela.

M. Gaumont: Vous savez, M. le ministre, comment se règlent ces problèmes de demandes de zonage? Par un dépôt au conseil municipal. Si le conseil municipal est plus ou moins intéressé, on placera une petite affiche sur le panneau à la porte de l'église. Il n'y a personne qui va la voir, et vous vous réveillez avec un règlement de zonage qui est adopté.

M. Giasson: Si c'est fait dans la réglementation, il n'y a pas de problème.

M. Gaumont: Plus que cela, M. le Ministre, il y a des municipalités à qui la chambre de commerce locale, l'UPA, les syndicats de producteurs ont demandé une rencontre et une discussion avec ces gens sur le plan qu'ils avaient zoné et on ne l'a pas encore. Cela fait un an et demi. Les lettres sont envoyées à la municipalité pour avoir une rencontre à propos de cela. C'est discuté, c'est adopté.

M. Garon: Vous voulez dire que la municipalité ne veut pas s'en occuper?

M. Gaumont: Elle passe à côté. Elle ne s'occupe pas de la demande que l'on fait parce qu'elle a des intérêts à protéger, tandis que, sur le plan d'un conseil de comté, des représentants de conseils de comté, à ce moment-là il y a un maire qui serait peut-être directement intéressé à cette chose. L'article 35 que vous citez, M. le ministre, nous l'avons vu, mais dans l'ensemble, le jour où on est pris par le cou, d'accord. (23 h 15)

M. Charette: Je pense, M. le ministre, pour ajouter à cela, que les problèmes étant quotidiens, dans le milieu rural en particulier, que ce soit au niveau des changements de lotissement ou d'affectation des zones agricoles, les permis de construction, cela augmente tous les jours, on croit qu'un Etat trop centralisateur, par cette loi, alourdirait considérablement le processus de changement d'affectation, si changement il y avait, et que la plupart des problèmes se réglerait au jour le jour en région. Si le comité ou la commission décentralisée qu'on propose pouvait déjà filtrer "un certain nombre de demandes", cela accélérerait, je pense bien, le processus démocratique.

M. Gaumont: M. le ministre, nous permettez-vous d'ajouter quelque chose? Vous avez le maire de La Plaine en arrière de moi, M. Villeneuve, et c'est le seul dans le conseil municipal qui a tenu au zonage agricole et qui n'a pas laissé des développements se faire. Ce n'est pas un exemple bien loin, cela se passe chez nous.

M. Garon: Vous voulez dire, dans le fond, que pour protéger les terres agricoles vous n'avez pas confiance dans les conseils municipaux? Est-ce cela que vous voulez dire dans vos mots?

M. Gaumont: Presque, M. le ministre. M. Giasson: Sauf exception.

M. Gaumont: Oui, il y en a toujours. Pour confirmer les règles, il faut qu'il y en ait.

M. Charette: M. le ministre, on vous a déjà rencontré à Joliette pour vous faire part de notre mémoire. Je pense qu'à cette occasion on a été un peu plus draconien au sujet des pouvoirs à laisser aux régions. On a temporisé un peu là-dessus. Je puis vous dire que c'est à la suite de consultations. Si on avait eu un peu plus de temps pour en faire, je pense qu'on serait arrivé à un consensus un peu plus fort, mais, quand même, il est déjà pas mal bien. Les corporations municipales, par l'intermédiaire des conseils de comté, et l'UPA avaient des positions pas mal divergentes sur la façon d'appliquer la loi pour les territoires agricoles. Maintenant, je pense qu'il y a une volonté, comme on l'exprime dans notre conclusion, d'avoir une espèce d'organisme régional plus près des citoyens pour administrer la loi. On ne dit pas qu'on a la solution miracle, mais on dit que tous les gens s'entendent dans la région, que ce soit l'UPA ou les conseils de comté, pour que ce soit décentralisé. On a quand même fait un pas jusque-là. Si on avait été plus loin, peut-être qu'on aurait trouvé un mécanisme un peu plus étoffé.

M. Garon: Je comprends mal. Vous disiez tantôt que les décisions devaient être prises par la Commission nationale de la protection des terres agricoles. Là, vous dites...

M. Gaumont: Oui. La commission régionale remet sa décision ou sa recommandation à la commission nationale, et c'est la commission nationale, si elle la trouve correcte et qu'elle n'a rien à répondre, automatiquement, qui approuve. Elle a trente jours pour le faire. Si, au bout de trente jours, elle ne l'a pas fait, cela veut dire qu'elle l'accepte. Si elle refuse, il faudra qu'elle donne les raisons pour lesquelles elle a refusé. Peut-être que cela permettra à la commission régionale de réétudier le cas et de faire les transformations ou les changements que la commission nationale désire ajouter à ce changement, ou l'explication n'a peut-être pas été assez claire de la part de la commission régionale.

M. Charette: Vous savez, je pense que les gens chez nous, que ce soient les producteurs agricoles, les maires ou les conseillers de municipalités, pensent que, dans le cadre d'une commission décentralisée comme celle-là, s'il y avait consensus au niveau d'une commission comme celle-là sur un changement d'affectation du territoire dans une zone agricole, ces gens pensent qu'il serait difficile, à ce moment, pour une commission nationale de refuser.

M. Garon: Ce n'est pas la question, je pense bien, de dire: Est-ce que cela va être difficile de refuser ou non. Il s'agit de se demander...

M. Gaumont: Prenez le cas de l'agro-alimen-taire, M. le ministre.

M. Garon: ... si on va protéger les terres ou non, si on va développer l'agriculture ou non. Vous savez, j'ai souvent des propositions qui me parviennent à mon bureau de la part de gens qui sont très généreux quand c'est le gouvernement qui finance à 100%. Ils sont prêts à lancer n'importe quoi, mais à condition de ne pas courir de risque. Je reçois des propositions comme celles-là à mon bureau tous les jours. Quand il s'agit de faire un choix, habituellement, c'est moins facile.

Le président de la commission de la Colombie-Britannique me racontait qu'un groupe municipal lui avait envoyé une proposition pour la protection des terres agricoles. Il a dit : Nous autres, on est pour le développement. On est prêt à abandonner ces dix fermes pour un développement. Il a dit: On a regardé ça, on a vu les terres, ce n'étaient pas des terres très bonnes, alors d'accord. On va laisser aller l'exclusion parce que ces terres ne sont pas très bonnes pour l'agriculture. Quand les autorités de la municipalité ont reçu cela elles étaient furieuses, elles ont dit: Non, il n'y aura pas de développement là. Le groupe leur a demandé: Pourquoi avez-vous dit oui en premier lieu? Elles ont répondu: On voulait que ce soit la commission qui dise non, mais là, on a été coincé car elle a dit oui. On ne voulait pas de développement là, mais on aimait mieux dire oui et laisser la commission dire non.

Vous savez, il faut être assez réaliste aussi, parce que j'ai des exemples; tous les exemples que j'ai vont dans le même sens, au niveau municipal. J'ai l'exemple du schéma d'aménagement du territoire de l'Outaouais et ça ne protège pas les terres. On dira ce qu'on voudra, ça ne protège pas les terres.

M. Gaumont: M. le ministre, le document que vous avez entre les mains...

M. Garon: Oui.

M. Gaumont: ... si, au moment où il a été fait, les gens avaient eu la loi sur la protection des sols, la loi sur l'aménagement du territoire, la loi sur le zonage, est-ce que le rapport serait de la teneur de celui que vous avez là? Ils y auraient peut-être pensé deux fois.

M. Garon: Oui, parce que là ils auraient dit que ce gouvernement...

M. Gaumont: Peut-être que les arguments... M. Garon: ... est prêt à le faire.

M. Gaumont:... amenés auraient été différents de ceux que vous avez là.

M. Garon: Oui, mais à ce moment-là, les gens disaient: Le gouvernement ne veut pas faire ça, il a peur de ça. Alors, d'un coup sec, parce qu'on est embarqué dans la protection du territoire agricole, il y a un tas de monde, d'un coup sec, qui veut

zoner, qui veut protéger les terres. D'un coup sec, les gens sont devenus vertueux. Je suis un homme réaliste habituellement, je mets toujours le passé garant de l'avenir.

M. Gaumont: Non, M. le ministre, vous n'êtes pas d'accord avec vos affaires, parce que vous n'auriez pas présenté la loi d'aménagement du territoire, la protection du territoire, si vous aviez suivi le passé pour préparer l'avenir.

M. Chevrette: Cela, c'est vrai, cette partie-là, parce qu'il ne s'est rien fait dans le passé; donc le passé n'aurait pas été garant de l'avenir.

M. Gaumont: II ne s'est rien fait, parce qu'au point de vue de l'agriculture, il y a toujours eu des avantages à donner aux agriculteurs; peut-être que cela a été mal donné, mais en tout cas, cela a été donné quand même.

M. Charette: Si vous permettez, M. le ministre, j'aimerais quand même...

M. Chevrette: C'est vrai qu'il n'y a pas eu grand-chose de fait avant.

M. Charette: ... revenir sur les propos que vous avez tenu tantôt à l'égard des municipalités et selon lequel soudainement les municipalités s'occupent de zonage agricole parce qu'il y a une loi de protection du territoire agricole. Je vous ferais remarquer que chez nous, sur une cinquantaine de municipalités rurales, agricoles, en 1975, je crois qu'il n'y avait aucune municipalité qui avait un plan pour protéger les terres agricoles et aujourd'hui, avant que la loi soit annoncée, on a tout près d'une vingtaine de municipalités qui ont des plans de zonage qui respectent, en partie, les terres pour l'agriculture, celles qui ont une vocation pour l'agriculture.

M. Garon: J'ai vu ça, ces plans de zonage, vous savez; c'est marqué: zone agricole, zone pour développement différé. Habituellement, la grosse zone, c'est la zone pour un développement différé, comme ils appellent; le cultivateur est là en attendant qu'on le débarque. C'est habituellement ce que j'ai vu.

M. Charette: C'est dans le cas des villes.

M. Roy: Pourquoi...

M. Garon: Pardon?

M. Charette: C'est dans le cas des villes, ça.

M. Garon: Non, c'est de l'agriculture temporaire; il y a un petit noyau réservé, après ça, il y a une grande zone où c'est marqué zone à développement différé. Le cercle à l'extérieur est gardé pour l'agriculture, parce qu'habituellement, on est rendu au diable vauvert. Je ne vous questionnerai pas plus longtemps, parce que je sais que mes collègues veulent vous interroger sur votre vision des choses. Je vais laisser mes collègues, ils vont vous donner le mot de la fin.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.

M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président, merci. M. Gaumont, M. Charette, je voudrais d'abord vous remercier pour le temps que vous avez consacré, à préparer le mémoire que vous avez déposé. J'ai pris connaissance également du premier mémoire que vous aviez soumis lors des auditions de la tournée de consultation et je remarque une chose: En dépit de différences réelles qui existent entre le projet de loi et les demandes que vous aviez formulées dans votre premier mémoire, il reste une constante assez remarquable sur l'ensemble des prises de position premières que vous aviez.

Vous croyez — c'est évident — à la capacité des instances régionales de jouer un rôle direct dans la mise en application pratique d'une décision sur la zone déterminée par l'autorité centrale et je vous avoue que je partage votre point de vue de ce côté.

En déput des expériences passées, je continue de croire qu'en faisant appel à tous les corps intéressés à l'intérieur d'une région comme vous l'avez fait — votre mémoire mentionne le nombre d'organismes que vous regroupez, que vous avez consultés, selon les déclarations que vous nous faites — pour en arrivera une forme de consensus qui vous laisse croire avec certitude qu'il y aurait une capacité d'accorder plus de pouvoirs à l'instance locale pour appliquer les mesures de protection du sol agricole...

Vous me donnez aussi l'impression de croire à cela et vous avez même eu cette capacité d'asseoir à la même table des gens de l'UPA, des gens de municipalités et d'autres corps intermédiaires et, si vous ne nous induisez pas en erreur dans vos commentaires, vous nous affirmez que ces gens ont été en mesure d'arriver à une forme de consensus qui laisse tous les espoirs dans la capacité d'une instance régionale ou locale à assumer des responsabilités directes et véritables dans l'application, non seulement d'une politique de zonage agricole, mais également dans l'aménagement complet et total d'un territoire donné.

Croyez-vous également à ce palier?

M. Gaumont: Oui.

M. Giasson: Et je crois, en dépit de ce que le gouvernement pourra faire... J'ai demandé au gouvernement d'apporter des modifications à son projet de loi, tout en sauvant et respectant l'objectif de base qui était la protection... C'est ce que j'ai demandé lors de...

M. Garon: Voyons.

M. Giasson: J'ai demandé des modifications majeures...

Une Voix: ... pas acceptables...

M. Gagnon: ... pas d'accord avec les principes.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre s'il vous plaît! M. le député de Montmagny-L'Islet, vous avez la parole.

M. Giasson: J'ai la parole et j'ai dit, lors du débat de deuxième lecture, que je ne pourrais pas voter pour le projet de loi si le ministre n'appc rtait pas des modifications majeures. C'est au journal des Débats.

M. Chevrette: En troisième lecture, pas en deuxième lecture.

M. Giasson: Vous croyez en cela et je crois que, dans l'exécution d'un tel plan et d'un tel programme, si on recherche la rapidité d'exécution, la rapidité de décisions à rendre sur une multitude de demandes qui viendront du milieu — c'est inévitable — nous aurions la possibilité de décisions beaucoup plus rapides et surtout beaucoup plus équilibrées et conformes à la situation qui se vit dans chacune des régions.

S'il m'est encore permis de formuler un voeu, comme je l'ai déjà fait, c'est celui d'inviter le ministre a revoir cette partie — il y en a d'autres — de la possibilité de décentraliser l'opération et la mise en parcours de toute cette étape de protection du territoire...

M. Garon: ... mes amis.

M. Giasson: Vous avez les municipalités. Vous avez cité le cas d'une municipalité, La Plaine, je pense. A l'intérieur de cette municipalité, 100% du territoire municipal est-il réservé ou est-il prévu pour des fins agricoles ou y a-t-il une parcelle de territoire dont la vocation naturelle serait autre que l'agriculture pour des conditions particulières à l'intérieur du territoire de la municipalité?

M. Gaumont: II y a un boisé très pauvre et les terres sont très faibles dans cette partie. Il y a peut-être une possibilité. Simplement pour vous donner un exemple, quand il s'est agi des études de la route 50 qui traversait en plein milieu d'une terre agricole, les citoyens, les membres de l'UPA avec la municipalité ont demandé au ministère de déplacer le tracé de la route pour pouvoir éviter de couper la terre et c'est une chose qui a été obtenue. (23 h 30)

Cela veut donc dire qu'il y a des gens qui veulent conserver quelque chose dans ces coins-là. Ce sont des gens responsables, c'est cela. Moi, je ne peux pas douter des gens responsables. Cela fait assez longtemps qu'on parle de décentralisation et du gouvernement actuel comme un gouvernement décentralisateur, c'est une preuve à donner là.

M. Giasson: Vous avez également abordé un autre aspect dans votre mémoire, celui de respecter les droits du premier occupant. Là, encore, cela vous paraît une nécessité fondamentale dans toutes les activités futures qu'on va vivre à l'intérieur du monde agricole au Québec. Quand vous voulez protéger les droits, c'est-à-dire que vous énoncez le principe de protection de droit du premier occupant, qu'est-ce que vous craignez derrière tout cela pour les années à venir?

M. Charette: Je pense qu'on rejoint pas mal le projet de loi que le ministre a préparé là-dessus à l'effet qu'on permette au producteur agricole de travailler dans un climat qui ne lui est pas hostile tous les jours pour, d'une part, assurer une production qui peut être viable et, d'autre part, pour avoir des perspectives de développement de son exploitation. Parce que dans le contexte actuel il est assez difficile pour le producteur et de produire dans un cadre de vie typiquement agricole où son environnement ne lui est pas hostile et, d'autre part, il est encore plus difficile de penser à étendre son exploitation. En ce sens, on sait qu'il y a un projet de loi actuellement à l'étude au ministère de l'environnement qui a aussi des normes assez sévères, je pense, au niveau des exploitations animales et on a souligné qu'on voudrait que ce projet de loi s'harmonise aussi avec cet aspect du projet de loi 90 qui est celui de fournir un cadre de vie propre à produire pour l'alimentation au Québec. Alors, cela rejoint un peu notre optique du droit du premier occupant, qu'il ne soit pas dérangé dans sa production par des gens qui sont arrivés dix ans après lui, des urbains implantés en région rurale ou bien simplement des ruraux mais qui ne sont pas dans la production et qui, par des plaintes au niveau des odeurs ou du bruit, exigent la fermeture ou le déplacement de certains bâtiments de la production. C'est en ce sens-là qu'on le voyait.

M. Giasson: II y a un autre point que vous avez soulevé qui a retenu mon attention. Il y a le danger — c'est vrai — que certaines municipalités, certains édiles municipaux n'aient pas un souci total et réel de la protection des bonnes terres. Cela s'est vu et cela va se voir encore. Il faut voir la réalité. Mais si les pouvoirs décisionnels, de concert avec la commission de contrôle, étaient mis entre les mains d'un conseil de comté ou, tout au moins, d'un organisme qui fonctionne au niveau d'un comté, avez-vous l'impression qu'il y aurait possibilité de ramener à la raison, parfois, et au sens de la protection véritable du territoire, les quelques municipalités qui auraient des goûts, des projets tellement vastes, qu'ils pourraient empiéter sur le bon sol agricole d'une municipalité?

M. Gaumont: II faudrait que, dans un certain sens, l'UPA démissionne à ce moment-là, parce que nous suggérons que cette commission régionale soit composée en nombre égal de délégués de l'UPA et de délégués des municipalités.

Si tous les membres de l'UPA disent que cela ne sert à rien, c'est un sol qui ne fonctionne pas pour l'agriculture, cela n'a jamais rien apporté, ils rejoindront, mais si c'est une bonne terre, je ne vois pas l'opposition. Au moment où la décision sera partagée, en arrivant à la commission nationale, celle-ci ne pourra certainement pas donner gain de cause à la demande qui est faite.

M. Giasson: Dans votre région, dans votre comté, est-ce qu'il existe des municipalités qui on déjà, en vertu des pouvoirs peut-être pas complets qu'elles avaient, procédé à la confection d'un plan d'aménagement du territoire incluant la protection du sol?

M. Charette: Chez nous, je le disais tantôt, il y a à peu près une vingtaine de municipalités qui ont procédé à l'élaboration d'un schéma d'urbanisme dans ces municipalités où il est prévu des aires à conserver pour l'agriculture. Je ne vous dis pas que, sur ces 20 municipalités, toutes ont gardé plus de territoire pour l'agriculture que pour d'autres affectations, je vous dirais que sur les 20 qui en ont adoptés, il y a peut-être trois ou quatre municipalités qui, réellement, ont eu le souci de garder beaucoup plus de terres pour l'agriculture que pour d'autres affectations.

Cela a été fait surtout en fonction des potentiels du sol que des utilisations qui pourraient venir, soit de développeurs ou autres gens de cet acabit, si on peut dire. Il y a quand même un souci au niveau régional, c'est pourquoi je disais tantôt qu'il ne faut pas dire que c'est arrivé tout d'un coup, ça nous est tombé sur la tête, les municipalités qui s'occupent de protection du territoire agricole. Il y a une évolution qui s'est faite depuis deux ou trois ans.

Je pense que le mouvement est amorcé, ce sont des attitudes, une politique qui prend cours dans notre région et c'est lent à évoluer, dans ce sens-là. Il y a cinq ans, rien ne se faisait; aujourd'hui, ça commence à brasser un peu dans le milieu municipal, parce qu'on se rend compte qu'on a des responsabilités qu'on pourrait prendre dans la région. On aimerait les prendre en ayant les moyens pour le faire.

M. Giasson: M. le Président, étant donné que l'heure s'écoule vite, je veux permettre à d'autres de mes collègues d'intervenir et de poser les questions qu'ils veulent.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier MM. Gaumont et Charette pour le mémoire très intéressant qu'ils nous ont présenté. Je suis très heureux de constater que vous demandez aussi une décentralisation, parce que nous prétendons que la commission — je pense que ça correspond au voeu de plusieurs des membres de cette commission, surtout du côté de l'Opposi- tion — telle qu'on veut la former à Québec, sera très lourde au niveau administratif. Elle ne pourra répondre aux demandes des 614 municipalités où le territoire est gelé, et aussi, au niveau des demandes de contribuables qui voudront formuler une demande quelconque, soit pour dézoner un territoire ou en faire une autre utilisation que celle de la ferme.

Je pense que cela correspond à nos vues. Je voudrais tout de suite passer à autre chose, à savoir le développement agricole. Le gouvernement actuel nous a présenté un projet de loi théorique, à cause du développement sauvage, peut-être à cause de notre climat, situation géographique, basse productivité à l'acre, dans bien des domaines, peut-être pas dans tous, le faible nombre d'acres à haute unité thermique... Vis-à-vis de ces faits, on a posé un geste radical, un projet de loi, on gèle le territoire.

Je prétends que ce n'est pas le problème numéro 1 au Québec. Présentement, nous manquons d'agriculteurs intéressés. Je pense que c'est là que se situe le premier problème. On a mis la charrue devant les boeufs. Si on avait pu intéresser les agriculteurs à cultiver le sol, après ça, on aurait pu amener un certain respect pour les bons sols agricoles. Je me demande où la loi se dirige présentement, parce qu'on n'a pas l'assurance que le sol va être cultivé, même s'il y avait une loi qui gèlerait le sol. En premier lieu, je ne sais pas si ça répond à certains de vos objectifs dans votre région, on devrait s'assurer qu'il y a un avantage comparatif à produire ici, au Québec, aussi à amener des programmes très incitatifs. Il va falloir que ce soit très incitatif, parce que notre productivité à l'acre est peut-être à 50% de celle du sud de l'Ontario, dans plusieurs domaines.

En plus, je me demande comment on va faire pour forcer la relève agricole, vis-à-vis de tout ça. Je vis au sud de Montréal, où les terres sont très fertiles et les rendements sont très bons, mais la relève agricole n'est pas là et ne désire pas y aller. Cela peut peut-être correspondre, dans cette région du Québec, à un but, mais je pense que dans les régions les plus productrices, surtout en périphérie de Montréal, le jeune agriculteur qui a connu la vie à l'extérieur de la ferme, n'est pas très intéressé, même à haut revenu, à y retourner.

Si on veut le retour des jeunes agriculteurs, il va falloir aller beaucoup plus loin dans les programmes agricoles, quant aux incitatifs. J'aimerais savoir comment se situe votre région dans ce sens. Je sais que c'est un problème qu'on vit au sud de Montréal.

M. Gaumont: M. le député, les cultivateurs qui sont réellement de véritables cultivateurs, qui aiment leur terre, ont des jeunes qui suivent. Mais la quantité de cultivateurs qui parlent en mal, qui parlent négativement de leur terre, sont ceux-là qui causent le plus de tort. Je me demande pour quelles raisons le ministère de l'Agriculture, qui a des programmes d'incitation et de revalorisation dans tous les domaines, à peu près, ne table pas sur cette chose-là.

Je connais des cultivateurs dont le père a convaincu ses jeunes que la terre, c'était quelque chose. Mais ce sont les jeunes, le matin, pendant les vacances, qui levaient le père pour dire: On commence de bonne heure ce matin. Et, dans la terre d'à côté, cela ne marchait pas, les jeunes s'en allaient travailler ailleurs.

C'est peut-être la première incitation qu'il y aurait à faire. Le premier coup de barre est donné. On a des terres agricoles. Il va falloir avoir des gens dessus. Mais il y a peut-être un autre point où le ministère va être obligé de mettre du sien: intéresser la télévision, la radio, les inciter à mettre des annonces qui revalorisent le sol également. Dans nos écoles, il s'agira peut-être de promouvoir des sections, des programmes spéciaux. L'agriculture s'apprend dans le champ. Quand on n'aura que des programmes pour intéresser le jeune, où on va l'endoctriner sur un banc d'école, ce n'est pas là que cela va marcher. Qu'il apprenne quelque chose là et qu'il s'en aille le pratiquer. Et que son travail soit supervisé par ses maîtres, sur sa ferme. Ce seraient peut-être des avantages qu'on pourrait vérifier.

M. Dubois: II y aurait une petite question...

M. Charette: Si vous voulez que je complète, M. le député. Vous parliez de la relève en agriculture tantôt, je vous ferai remarquer que, dans le coin où on se trouve, dans la périphérie immédiate de Montréal, que j'appellerais une zone hautement spéculative, il est difficile d'intéresser les jeunes à l'agriculture, parce qu'ils ne peuvent tout simplement pas acheter des terres au prix de la spéculation.

Si on veut commencer par là, je crois qu'une politique de protection du territoire agricole s'impose pour donner des moyens aux jeunes de prendre la relève de leur père, ou tout simplement aux gens qui n'ont pas d'antécédents en agriculture, et c'est encore plus difficile de pouvoir espérer acquérir une terre à bon marché, en tout cas à prix compétitif.

M. Dubois: C'est quand même assez minime, la région où les terres peuvent se vendre présentement à d'autres fins que l'agriculture à un prix très élevé. Si on regarde le nombre d'acres, ce n'est quand même pas une bonne partie de nos terres fertiles au Québec.

M. Charette: Dans notre région, c'est passablement important, M. le député.

M. Dubois: II peut y avoir une différence dans certaines régions.

Vous avez indiqué votre accord sur le projet de loi 99.

M. Garon: Vous ne commencerez pas à nier ce qui se passe dans les régions.

M. Dubois: Je n'ai pas dit cela, non plus.

M. Garon: II vous dit ce qui se passe chez eux.

M. Dubois: Et moi, je sais ce qui se passe chez nous et nous sommes prêts de Montréal aussi.

M. Garon: II y a des régions qui sont différentes.

M. Roy: Si le ministre l'admet, c'est déjà un point de gagné.

M. Garon: C'est pour cela que le ministre a fait je ne sais combien de programmes régionaux depuis un an et demi.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! M. le député de Huntingdon, si vous voulez poser vos questions.

M. Dubois: J'aurais simplement une petite question. Vous semblez favorable au projet de loi 99, la banque des terres. J'aimerais savoir où vous croyez que cela va mener, la banque des terres. Est-ce qu'on va attirer le vrai cultivateur sur une terre de l'Etat? J'ai vécu...

M. Garon: Un instant, pertinence du débat.

M. Roy: Question de règlement.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Roy: Je pense que le député a quand même le droit de poser des questions...

M. Garon: On parle de la loi 90 actuellement.

M. Roy: Je m'excuse, M. le Président, nous sommes sur la loi 90 et j'en fais un point de règlement.

M. Garon: Oui.

M. Roy: La loi 99 est déposée. On sait très bien qu'il n'y aura pas de commission parlementaire sur le projet de loi 99.

M. Garon: Ce n'est pas une raison.

M. Roy: Le projet de loi 99 a été déposé pour donner une mesure additionnelle au projet de loi 90, pour démontrer une volonté du gouvernement d'aller plus loin. Je pense que cela fait partie d'un tout. Si le député veut poser une question, M. le Président, je pense qu'on ne devrait pas avoir de restriction au niveau de la commission parlementaire.

M. Beauséjour: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Iberville.

M. Garon: Laissons-les faire.

Le Président (M. Boucher): C'est évident que les gens qui sont venus déposer des mémoires ne sont pas venus déposer des mémoires sur la loi 99 ni sur la loi 100.

M. Cordeau: On en parle dedans.

M. Dubois: Mais il est question de la loi 99.

Le Président (M. Boucher): De toute façon, dans le mémoire, il en est question et je permets la question du député de Huntingdon.

M. Dubois: Ce que je veux soulever, c'est l'expérience que j'ai et j'ai toujours vécu dans le domaine agricole. Je n'ai jamais vu un vrai producteur être intéressé à louer une terre et surtout à la mettre en valeur. C'est bien beau, une banque de terres, mais est-ce que c'est le vrai producteur qui va se servir d'une terre louée et qui va la mettre en valeur? Je pense que le producteur agricole, pour lui, c'est d'aller chercher le maximum d'une terre, pour en retirer le plus possible de dollars. Est-ce que c'est cela, oui ou non? (23 h 45)

M. Gaumont: Actuellement, dans notre secteur, il y en a plusieurs qui louent des terres des voisins, parce que les gens sont trop vieux, par exemple, pour cultiver. C'est surtout dans la culture des légumes, comme la carotte, le navet, ces choses-là. Il y a plusieurs...

M. Dubois: Si une terre est rentable, je pense qu'on n'a pas besoin de l'intervention de l'Etat pour qu'une terre puisse être transférée d'un propriétaire à un autre ou d'intéresser une autre personne à une ferme. Je pense que toutes les bonnes terres agricoles au Québec se vendent facilement pour fins agricoles sans que l'Etat n'intervienne directement dans le sens qu'il va acheter une ferme de quelqu'un qui délaisse le sol pour la revendre ou la louer à une autre personne. Je pense que cette intervention est exagérée et non nécessaire. C'est mon point de vue.

Je me demande pourquoi vous défendez le projet de loi 99 dans votre mémoire.

M. Gaumont: Vous n'êtes pas sans savoir, M. le député, qu'on a un certain nombre de "city farmers".

M. Dubois: Oui, cela, je le sais.

M. Gaumont: A ce moment-là, ce sont des terres qui permettent un équilibre d'impôt sans que cela coûte trop cher. La terre n'est pas cultivée à ce moment-là. Si l'Etat peut se servir de ces terres, probablement qu'il serait obligé d'imposer des choses.

M. Dubois: Vous voulez dire que l'Etat irait forcer un propriétaire urbain à la cultiver.

M. Gaumont: A la cultiver ou à la louer.

M. Dubois: Je crois qu'il y a quand même d'autres manières que par le bill 99, il y a des mesures fiscales qui peuvent être apportées à ce moment-là, dans ces cas-là.

M. Gagnon: M. le Président, lors de l'étude en deuxième lecture du projet de loi 99, je pense que...

Le Président (M. Boucher): M. le Président, j'ai permis la question au député de Huntingdon, étant donné qu'il en est question dans le mémoire.

M. Garon: On est large d'esprit.

Une Voix: Vous avez permis la question.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

Une Voix: On aura la chance de s'en reparler.

M. Dubois: Je vais laisser à mes collègues le soin de poser cette question.

M. Roy: Merci, M. le Président. A mon tour, je vais remercier nos invités, M. Gaumont et M. Charette, pour le mémoire qu'ils nous ont présenté et pour s'être prêtés de bonne grâce à l'examen de leur mémoire par la commission parlementaire. Je remarque, à la page 6, une suggestion que vous faites dans le dernier paragraphe. "Pour nous, la participation des régions dans l'application de la loi est essentielle. Elle devrait s'exprimer par des commissions régionales de protection du territoire agricole." Je partage votre point de vue de ce côté-là et je pense que tous mes collègues de l'Opposition l'ont clairement manifesté, même nos collègues du côté ministériel parlent à un moment donné de régionalisation dans l'application de la loi.

Vous nous suggérez aussi un mécanisme très intéressant de formation de cette commission régionale. C'est un commentaire que je voulais faire sur cette suggestion, pour vous dire que nous sommes entièrement d'accord avec la suggestion que vous nous faites, mais j'aimerais plutôt avoir d'autres informations. Vous représentez la région no 10, possiblement ce territoire. Le CRD possède-t-il des études, a-t-il des inventaires relativement au territoire, par exemple, l'inventaire des terres arables, des terres défrichées, des terres en culture et des terres abandonnées, a-t-il des données à ce sujet? Pouvez-vous nous donner une idée de l'inventaire en somme, de l'inventaire général des terres dans votre région?

M. Charette: Chez nous, le territoire agricole de La Plaine-Nord de Montréal s'étend sur quatre comtés, soit Berthier, Joliette, L'Assomption et Montcalm. Cela fait à peu près au total la plaine agricole. C'est environ 800 000 acres de terre. Sur les 800 000 acres de terre, je dirais qu'il y a 90% du territoire dans la plaine agricole qui sont de

bonnes terres pour l'agriculture. Je comprends là-dedans aussi les boisés de fermes et les érabliè-res.

M. Roy: Quel est le pourcentage de ces terres qui sont actuellement consacrées à l'agriculture?

M. Charette: Sur les 800 000 acres?

M. Roy: Sur les 800 000 acres dont vous parlez?

M. Charette: II y a environ 600 000 à 650 000 acres.

M. Roy: Ce sont environ les deux tiers? M. Charette: Les deux tiers, oui.

M. Roy: Les deux tiers, environ. C'est parce que, dans les ressources agricoles du Québec, dans l'annuaire statistique, on parle de la région au nord de Montréal. Je veux croire qu'à ce moment-là on tient compte des comtés de Montcalm, de Terrebonne, plus l'île de Montréal et l'île Jésus. On parle de 6 millions d'acres de terre dont 10% constituent la superficie des 5600 fermes où les exploitants et leurs familles forment une population de 28 700 personnes. En tout cas, sur 6 millions d'acres, on parle de 10%. Cela revient à peu près au chiffre que vous nous avez dit. J'aimerais savoir, actuellement, dans cet inventaire, combien de terres sont abandonnées, sont laissées en friche? D'abord, est-ce qu'il y en a, premièrement, et quel est le pourcentage que vous pouvez avoir?

M. Charette: Je ne saurais vous dire, M. le député; nous ne possédons pas de renseignement sur le nombre de terres en friche ou abandonnées.

M. Roy: Est-ce que ces statistiques, au niveau de votre CRD, sont des statistiques auxquelles vous pouvez avoir accès? Est-ce que vous pouvez avoir ces données?

M. Charette: Oui, par deux biais, d'une part par l'Union des producteurs agricoles de la région nord de Joliette et aussi, en partie, par le ministère de l'Agriculture à L'Assomption, le bureau régional.

M. Roy: Vous n'avez pas préparé de document, vous n'avez pas fait d'étude particulière à ce niveau?

M. Charette: Non, pas du tout.

M. Roy: En guise de dernière question, puis-qu'évidemment, les questions ont été passablement posées par le ministre et par mon collègue, le député de Montmagny-L'Islet, et par mon collègue de Huntingdon. Evidemment, on parle de développement agricole, on parle de zonage des terres, de protection des terres. Quel est le pro- blème numéro un, concernant le monde agricole, le monde rural dans votre région, dans la région où votre organisme exerce ses activités, le problème majeur?

M. Charette: Si vous voulez, je préférerais que vous posiez cette question aux gens de l'UPA qui sont aussi... Je pense que vous allez avoir un mémoire déposé par l'UPA régionale de Lanau-dière. Ces gens vivent beaucoup plus les problèmes de l'agriculture parce qu'ils sont spécialisés dans cette question. Nous, on est un organisme régional de consultation sur des problèmes d'aménagement du territoire. Alors, ce n'est pas une spécificité, l'agriculture, chez nous. En ces termes, je ne voudrais pas mettre la charrue devant les boeufs. Enumérer des problèmes, je sais qu'au niveau de la région, il y a beaucoup de problèmes en agriculture, mais je ne voudrais faire le point sur un problème en particulier et dire que c'est celui-là qui est le plus urgent au niveau de la région.

M. Roy: Je veux bien poser la question — d'ailleurs, c'est mon intention, si mes collègues ne la posent pas avant moi — aux gens de l'UPA qui représentent votre région mais, ayant fait partie d'un CRD dans la région que je représente, évidemment, je pensais que vous pouviez avoir examiné cette question pour avoir une vue d'ensemble, une idée. J'aurais aimé avoir votre version.

M. Charette: Je peux vous dire...

M. Roy: C'est évident, on a la version du monde agricole, comme telle.

M. Charette: Sans répondre directement à votre question, je peux vous dire que les secteurs d'intervention du CRD au cours des dernières années dans le monde agricole ont été la protection du territoire agricole et le développement du secteur agro-alimentaire, principalement au niveau de l'horticulture.

M. Roy: Est-ce qu'il y a un manque de terres actuellement pour ceux qui sont intéressés à s'établir en agriculture dans votre région? Est-ce qu'il y a une relève suffisante? En somme, ce que nous voulons savoir, c'est que ce n'est pas tout de protéger le territoire agricole, il ne faudra pas faire du zonage simplement dans l'idée de faire du zonage et dire qu'on protège des terres et les laisser en plan, ou encore faire en sorte que les prix diminuent et que ceux qui ont beaucoup d'argent, les industriels, les hommes d'affaires arrivent et achètent une, deux, cinq ou dix fermes, et la première nouvelle que nous saurons, il y aura des rangs complets qui seront entre les mains de personnes qui ne changeront pas la vocation des terres, mais qui feront en sorte, par exemple, de posséder les terres, et nous aurons d'autres problèmes, et on n'aura pas réglé le problème par la Loi du zonage agricole. Je voulais savoir si, dans votre région, il y

a un problème de relève. Est-ce que vous avez pu constater que, lorsqu'un agriculteur, par exemple, à cause de l'âge, à cause de sa situation physique, est obligé d'abandonner l'agriculture, il y a une relève pour s'assurer d'une véritable continuité de développement agricole chez vous?

M. Charette: Je dois vous avouer, M. le député, qu'effectivement, il y a un problème de relève chez nous, en agriculture, mais il est explicable, selon nous, en bonne partie par l'absence d'une option agricole dans les écoles de la région.

M. Roy: En somme, il n'y a pas de formation agricole, il n'y a pas de cours agricoles qui se donnent...

M. Charette: II n'y a pas de cours agricoles dans la région de Lanaudière actuellement. Alors, les gens doivent se rendre à Saint-Hyacinthe, à l'Institut technologique agricole.

M. Roy: C'est un point sur lequel il faudra attirer l'attention du ministre une autre fois sur cette question.

M. Chevrette: C'est-à-dire qu'on pourra peut-être en discuter...

M. Garon: Vous savez que ce n'est pas sous notre gouvernement que les écoles d'agriculture ont été fermées.

M. Roy: Non. Je ne m'adresse pas à l'ancien gouvernement, parce que quand je conduis mon automobile, je ne regarde pas dans le rétroviseur. Je regarde en avant.

M. Garon: Non? Ce...

M. Chevrette: C'est dangereux.

M. Roy: Non. Quand je conduis mon automobile...

M. Chevrette: II ne regarde pas dans son rétroviseur.

M. Roy: ... je ne passe pas tout mon temps à regarder dans le rétroviseur.

M. Chevrette: Ah! C'est plus précis. C'est déjà mieux.

M. Roy: II y a un petit mot que j'ai oublié. Voyez-vous comme c'est important d'avoir de la précision dans ce qu'on dit.

M. Chevrette: C'est vrai.

M. Roy: Cela veut aussi que c'est extrêmement important d'avoir tous les mots et toute la précision nécessaire dans un texte de loi. Vous voyez que cela peut être dangeureux; cela joue dans tous les sens.

Je veux vous remercier quand même. Il est près de minuit. Je voudrais quand même permettre à mes collègues, s'il y en a qui sont intéressés à poser des questions...

Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Boucher): Merci, monsieur. Je vous ferai remarquer que nous devons terminer à minuit. Je vais laisser le député de Joliette-Montcalm faire une courte intervention.

M. Chevrette: Etant donné qu'il reste trois minutes... J'ai plusieurs questions. D'abord, je voudrais avoir une directive. A minuit, est-ce l'ajournement automatique des travaux parce qu'il y a plusieurs députés qui veulent parler?

Le Président (M. Boucher): Absolument, suivant le règlement sessionnel.

M. Chevrette: Dans ce cas, j'ai une question de règlement.

M. Garon: ... minutes après.

M. Chevrette: II y a eu un précédent de créé lors de l'étude de la Loi sur la protection du consommateur, me dit-on, qui serait à vérifier, mais on ne devrait pas accepter en commission parlementaire, même lors de l'audition des mémoires, toute question qui viserait à contredire le principe qui vient d'être adopté à l'Assemblée nationale. Cela devrait être déclaré antiréglementaire automatiquement. Je n'ai pas voulu en faire un chiard ce soir, mais on remet en question pratiquement continuellement, par des questions habiles, le principe qu'on vient d'adopter à l'Assemblée nationale. Je voulais attirer votre attention là-dessus et, demain matin, après la période des questions, je pense qu'on sera convoqué. J'aimerais que les représentations du CRDL Lanaudière soient ici parce que j'ai des questions. M. le député de Maskinongé en a. Le député de Saint-Hyacinthe et le député de Berthier se sont aussi inscrits. Donc, je propose l'ajournement des travaux.

M. Lavoie: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous plaît!

M. Lavoie: J'aurais une question de règlement. J'espère que cela sera enregistré au journal des Débats.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Je ne voudrais pas soulever de débat, mais avant que vous ne puissiez ou que vous ne deviez rendre une décision, je pense bien que si on pousse l'argumentation du député de Joliette-Montcalm à l'extrême, cela voudrait dire qu'on ne pourrait entendre en commission que

ceux qui sont totalement favorables au principe du projet de loi. Avant de rendre votre décision, sachez que cela voudrait dire que tous ceux qui sont contre n'auraient pas le droit de venir se faire entendre.

M. Roy: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Sur la même question de règlement parce que c'est fondamental et extrêmement important. Nous avons évidemment accepté d'adopter la deuxième lecture, mais il était bien entendu, et il y a des précédents d'établis, que cela ne devait pas gêner ni brimer les droits des membres de la commission. Si le député de Joliette-Montcalm maintient l'idée qu'il vient de soumettre à la commission, il va me faire regretter d'avoir voté en deuxième lecture, je n'ai pas voté sur le contenu du projet de loi, mais sur le principe du projet de loi sur le zonage agricole.

M. Chevrette: C'est toujours sur le principe que j'ai argumenté. Je n'ai pas argumenté sur les modalités. Il y a un paquet de gens...

M. Roy: On ne remet pas en cause le zonage.

M. Chevrette: D'ailleurs, j'ai appris ce soir, M. le député de Beauce-Sud, à ma grande stupéfaction, qu'il n'y avait personne contre le principe, après avoir eu un vote enregistré et avoir reconnu le Parti libéral et l'Union Nationale contre le principe même...

M. Giasson: M. le Président, c'est du charriage.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: Du charriage.

Le Président (M. Boucher): II est déjà 24 heures. Je dois auparavant — un instant, s'il vous plaît. S'il vous plaît, M. le député de Maskinongé, j'ai d'abord une communication du Barreau du Québec. Les gens de Lanaudière sont-ils prêts à revenir demain matin?

M. Chevrette: On a réservé.

Le Président (M. Boucher): Alors, d'accord pour demain matin?

M. Picotte: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous plaît!

M. Picotte: ... sur la même question de règlement. Les gens du CRD sont prêts à revenir demain, mais j espère bien aussi que nous allons avoir l'occasion d'entendre un autre mémoire, celui de l'Association des propriétaires du Québec Inc.

Le Président (M. Boucher): J'allais justement en parler, M. le député de Maskinongé. L'Association des propriétaires du Québec sera convoquée jeudi soir, alors qu'il y aura une commission parlementaire qui siégera justement pour entendre les mémoires des organismes qu'on n'aura pu entendre au moment où ils auront été convoqués.

D'autre part, j'ai une communication du Barreau du Québec, et je vous lis la lettre telle quelle: "Veuillez trouver sous pli 20 exemplaires du mémoire du Barreau du Québec sur la protection du territoire agricole québécois qui a déjà été transmis au ministre de l'Agriculture et à tous les députés. Auriez-vous l'obligeance de déposer ce mémoire auprès de la commission qui étudie le projet de loi 90 sur le zonage agricole? "Nous croyons qu'il serait utile que ce mémoire soit reproduit au journal des Débats. Vous remerciant de votre collaboration, etc.."

Les membres de la commission seraient-ils d'accord pour que ce mémoire soit déposé au journal des Débats? Je vous ferai remarquer que le mémoire a déjà été déposé à l'Assemblée nationale et que tous les députés y ont eu accès; deuxièmement, si on accepte de déposer ce mémoire, il y a le danger que les 104 organismes qui ont déjà présenté des mémoires fassent la même demande et qu'on soit obligé de reproduire au journal des Débats ces documents qui ont déjà été déposés à l'Assemblée nationale.

M. Roy: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud. (minuit)

M. Roy: Sur ce point, je pense qu'il y a plusieurs personnes qui regardent le journal des Débats, qui le reçoivent et qui le conservent comme une excellente source d'information et de documentation. Je suis bien d'accord que les mémoires ont été présentés aux membres de la commission, ont été présentés aux membres de l'Assemblée nationale, mais le mémoire du Barreau, quand même, c'est à la demande du gouvernement; c'est le gouvernement lui-même qui a demandé au Barreau de faire un examen attentif du projet de loi sur la question du zonage agricole.

M. Garon: Je regrette, c'est un mémoire qui a été présenté avant le dépôt du projet de loi. Ce n'est pas un mémoire qui analyse le projet de loi.

Le Président (M. Boucher): C'est cela. M. Roy: Lors de la tournée du ministre.

Le Président (M. Boucher): C'est lors de la tournée du ministre.

M. Roy: Je pense qu'étant donné que le Barreau, quand même, a un excellent mémoire, un mémoire de qualité, un mémoire qui comporte beaucoup d'information, de documentation, en ce qui me concerne, je serais bien d'accord qu'il soit déposé au journal des Débats et qu'il soit imprimé au journal comme on l'a fait pour de nombreux autres organismes qui sont venus se présenter devant les commissions parlementaires et qui n'ont pas toujours eu le temps de se faire entendre.

Le Président (M. Boucher): Oui. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Je partage l'avis du député de Beauce-Sud à l'effet que le mémoire du Barreau est un mémoire de grande qualité, mais il faut se rappeler que beaucoup d'autres organismes aussi ont déposé des mémoires devant le ministre, dans les mêmes circonstances et à la même époque, et qu'il y a de la qualité également dans d'autres mémoires.

M. Roy: Je n'ai pas dit le contraire.

M. Giasson: On doit traiter tout le monde sur le même pied, je pense.

Le Président (M. Boucher): Et le mémoire ne portait pas...

M. Roy: Si j'ai fait une intervention, ce n'est pas pour mettre de côté les autres mémoires. C'est parce qu'eux l'ont demandé. Alors, s'il y en a qui ne l'ont pas demandé, il n'y a pas de problème.

M. Beauséjour: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): II est minuit, de toute façon, les organismes convoqués pour demain, si cela vous intéresse de le savoir...

M. Beauséjour: M. le Président, j'ai à apporter une précision à ce sujet-là.

M. Garon: Après la période des questions.

Le Président (M. Boucher): Alors, il y aura l'Union des conseils de comtés, l'Union des municipalités du Québec, la Confédération de l'UPA, la ville de Saint-Eustache, l'Association des urbanistes conseils du Québec, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations et l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

Alors, la commission ajourne sine die.

Fin de la séance à 0 h 3

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