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Etude du projet de loi no 90
(Vingt heures cinquante-cinq minutes)
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous s
plaît. La commission permanente de l'agriculture! est réunie, dans
un premier temps, pour entendre les mémoires des organismes et individus
relativement à la Loi sur la protection du sol agricole.
Ce soir, les organismes convoqués sont: Le Conseil de
l'alimentation du Québec, représenté par M. Léonard
Roy, vice-président exécutif, le Conseil régional de
développement, représenté par M. Roch Malo et
l'Association des propriétaires du Québec,
représentée par le Dr Marcel Tremblay.
Ah bon, Lionel Gaumont?
Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M.
Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain),
M. Garon (Lévis), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Rancourt (Saint-François), M. Roy
(Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Orford) est remplacé par M. Lavoie
(Laval). Les intervenants sont: M. Marcoux (Rimouski) qui remplace M. Brassard
(Lac Saint-Jean), M. Charbonneau (Verchères), M. Chevrette
(Joliette-Montcalm), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Verreault (Shefford)
remplace M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Mercier
(Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Picotte (Maskinongé), M.
Samson (Rouyn-Noranda).
Le rapporteur pour la commission est M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata) vous acceptez? M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata) est donc rapporteur.
M. Lavoie: ...
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît.
Pour la façon de procéder concernant le temps
dévolu à chacun des organismes, disons qu'à la
conférence des leaders, il n'y a pas eu d'entente spécifique sur
le temps. On pourra procéder suivant les mémoires; étant
donné que ces mémoires n'ont pas été
déposés avant la commission, il n'a pas été
possible de s'entendre sur le temps consacré à chacun des
mémoires. Disons que le temps... on n'entreprendra pas de question de
procédure relativement au temps et on procédera suivant le temps
que les membres de la commission jugeront bon d'accorder pour les questions
à poser aux gens qui présenteront les mémoires.
J'appelle immédiatement le Conseil de l'alimentation du
Québec représenté par M. Léonard Roy.
Mémoire no 12M. M. Roy, si vous voulez bien vous asseoir et
procéder immédiatement à la lecture de votre
mémoire.
Présentation de mémoires
Conseil de l'alimentation du Québec
M. Roy (Léonard): M. le Président, MM. les membres
de la commission parlementaire de l'agriculture de notre Assemblée
nationale, messieurs.
Le Conseil de l'alimentation du Québec vous remercie de lui
permettre de vous faire connaître les réactions des secteurs
industriels et commerciaux de l'agro-alimentaire québécois qu'il
représente, au projet de loi no 90 du ministre de l'Agriculture du
Québec.
Le Conseil de l'alimentation du Québec est une
fédération d'associations professionnelles d'affaires qui
regroupe une dizaine de conseils ou d'associations dont les membres sont ou des
manufacturiers ou des distributeurs de produits agro-alimentaires. Les chefs
d'entreprises qu'il représente effectuent plus de 80% des transactions
qui s'échelonnent le long de la chaîne alimentaire depuis le
producteur agricole jusqu'au consommateur. Au moins 50% des produits
agroalimentaires qu'ils offrent aux consommateurs sont manufacturés ou
récoltés au Québec. De 35% à 40% de la
matière première agricole utilisée dans la fabrication de
ces produits alimentaires proviennent des fermes du Québec. D'où
l'intérêt direct de tous les secteurs industriels et commerciaux,
représentés au Conseil de l'alimentation du Québec.
Dans ce dossier de la protection du territoire agricole
québécois. Ce sont en quelque sorte leurs sources
d'approvisionnements qui sont mises en cause. Il y a plus encore. C'est toute
la politique de développement de l'industrie agro-alimentaire qui est en
jeu. Pour l'ensemble de notre industrie, le projet de loi sur la protection du
territoire agricole, à la fin de 1978, est l'aboutissement de plus de 10
ans d'efforts pour nous assurer les sources d'approvisionnement de
matières premières agricoles susceptibles de justifier les
investissements et les initiatives de développement dans ce vaste
domaine, porteur d'un potentiel d'expansion économique vital pour
tous.
Nos premières interventions à ce sujet ont
été faites auprès de la commission d'enquête April
sur l'avenir de l'agriculture au Québec, en 1967-1968.
Durant de nombreuses années, notre industrie a
réclamé des politiques plus dynamiques de drainage de nos sols
arables. Nous avons demandé à l'Etat l'élaboration d'un
véritable régime des eaux susceptible de préserver et
d'accroître le rendement de notre sol arable. A l'occasion, au
début des années soixante-dix, en collaboration avec d'autres
corps publics du monde des affaires et c'est assez surprenant, y compris
la Chambre de commerce de Montréal, par exemple nous avons
proposé ce qui nous semblait être des moyens pratiques de
conserver et d'améliorer le rendement du territoire agricole.
Nous avons apporté notre contribution aux travaux de recherche du
Conseil de planification et de développement du Québec qui a
proposé, il y a quelques mois, les éléments d'une
politique de développement de l'industrie agro-alimentaire
québécoise. Le CPDQ affirme, dans cette étude, que la
préservation du potentiel des sols arables québécois lui
apparaît être un des éléments majeurs susceptibles de
modifier les orientations actuelles du développement de notre industrie
agro-alimentaire. Le sommet agro-alimentaire qui a servi le dépôt
de ces recommandations du Conseil de planification a réalisé un
consensus sur l'énoncé suivant: "Un développement urbain
incontrôlé a fait et fait encore que, régulièrement,
les terres agricoles les mieux situées et souvent les plus fertiles sont
perdues à l'agriculture au profit de la spéculation."
Enfin, à l'occasion de la tournée de consultation du
ministre de l'Agriculture du Québec, le Conseil de l'alimentation du
Québec a fait connaître son attitude sur la protection de notre
territoire agricole dans une optique de développement industriel et a
soumis quelques éléments de solutions aux principaux
problèmes que soulève ce projet de loi opportun et courageux.
Cette préoccupation constante témoigne de la conscience qu'ont
nos chefs d'entreprises agro-alimentaires de l'acuité du
problème.
La protection du territoire agricole québécois revêt
donc un caractère vital et stratégique pour tout l'ensemble de la
chaîne alimentaire depuis la ferme jusqu'à la table du
consommateur. Le projet de loi no 90 s'identifie, pour nous, à
l'objectif qu'il fallait atteindre. La philosophie qui sous-tend
l'économie de la loi répond, d'une façon
générale, aux anticipations de l'industrie agro-alimentaire
québécoise.
M. le Président, nous n'entreprendrons pas ici de
répéter ce que nous avons déjà
présenté au ministre de l'Agriculture lors de sa tournée,
considérant que le projet de loi no 90 répond globalement aux
préoccupations de l'industrie agro-alimentaire québécoise,
au plan des principes d'une façon indiscutable et au plan de la plupart
des moyens choisis pour appliquer cette loi opportune et urgente.
Nous désirons seulement expliciter brièvement un constat
qui, pour nous, se dégage de l'étude du texte du projet de loi et
tout particulièrement des articles 12, 59 à 65 et 79. C'est ceci:
L'absence, à toutes fins pratiques, de véritables critères
devant non seulement guider la commission de protection du territoire agricole,
mais devant la motiver, la justifier dans la prise de décisions à
caractère économique.
Nous avons cru déceler, tout au cours de la tournée de
consultation du ministre de l'Agriculture, que cette grande et courageuse
entreprise de protection du territoire agricole du Québec était
conçue dans une perspective de développement économique
beaucoup plus que dans une réaction de défense.
Nous comprenons que telle est bien l'optique du gouvernement, puisque le
projet de loi no 90, qui se limite plutôt à la mécanique du
zonage, est immédiatement assorti de deux autres projets de loi, un qui
veut favoriser l'établissement d'une relève agricole,
l'agrandissement et la consolidation des fermes, ainsi que l'exploitation des
terres arables non utilisées ou sous-utilisées; l'autre qui vise
la mise en valeur des exploitations de fermes par une adaptation
appropriée des fonctions de l'Office du crédit agricole du
Québec. Depuis la rédaction de ce mémoire, je dois ajouter
en toute justice que nous avons appris, comme tout le public, le
dépôt d'une loi sur l'urbanisme et l'aménagement du
territoire qui, comprend-on, va avoir une incidence directe également
sur ces préoccupations de protection du territoire agricole.
Nous avons compris, par les commentaires qui ont accompagné la
présentation de ce projet de législation que c'est en fonction du
potentiel de développement des marchés pour notre production
agro-alimentaire qu'il ne faut pas hésiter à prendre les grands
moyens pour endiguer l'érosion de nos bonnes terres. Si nous en jugeons
par les attitudes de la presse parlée et écrite, cet ensemble de
lois devrait traduire la détermination de tous les
Québécois de tirer le maximum de développement de leurs
ressources agro-alimentaires, particulièrement vitales pour l'avenir
économique du Québec.
C'est tout cela qu'il nous semble difficile de retrouver, sous forme de
critère d'action, dans le projet de loi. A l'article 12, on fait une
référence à l'obligation de prendre en
considération "les conséquences économiques qui
découlent de ces possibilités", mais on se rend compte que les
possibilités en question ont trait à l'utilisation du lot ou des
lots à des fins d'agriculture.
A l'article 62, la commission peut autoriser l'utilisation du sol
à des fins autres que l'agriculture, aux conditions qu'elle
détermine. Pour ce qui est des critères de sa décision,
elle réfère à l'article 12 où, comme on l'a vu, le
critère est particulièrement vague. C'est à l'article 65,
où nous nous rapprochons le plus d'un critère qui peut permettre
de tenir compte du développement économique. Il est
indiqué qu'à l'examen d'une demande d'une corporation municipale,
pour exclure un ensemble de lots de la zone agricole, la commission peut
considérer l'effet du projet sur le développement
économique de la région et la disponibilité d'emplacements
autres que ceux qui font l'objet de la demande, toujours en tenant compte des
critères prévus à l'article 12. Enfin, l'article 79 qui a
trait à l'enlèvement du sol arable précise que toute
décision de la commission, dans ce domaine, doit être
motivée. D'abord, nous croyons que toutes les décisions de la
commission devraient être motivées et que, par suite de cette
obligation de motiver ces décisions, les critères de
décision ou d'action prévus dans la loi ne devraient pas
être uniquement identifiés à des mesures défensives,
mais aux préoccupations de développement économique qui
semblent avoir inspiré la philosophie de cette loi.
Nous pensons, en faisant ces remarques, aux usines et autres
installations de transformation, entreposage, conditionnement, distribution de
la chaîne alimentaire qui devront continuer de prendre place en zones
agricoles par suite de la nature de leurs opérations. Nous pensons
à l'expansion des unités industrielles alimentaires qui existent
déjà dans ces milieux. Il va de soi que nous incluons dans ces
développements industriels normaux en milieux agricoles, les entreprises
de fabrication d'intrants à la ferme, comme par exemple les engrais, les
moulées et le reste.
Les parcs industriels, bien sûr, resteront les endroits tout
désignés pour ce genre de développement. Par contre, il
faut éviter de multiplier les contraintes dans la localisation des
unités industrielles qui sont, très souvent, une extension
directe de l'exploitation agricole.
Pour toutes ces raisons, nous croyons que l'article 12 devrait
être révisé en tenant compte de ce qui existe
déjà, d'ailleurs, à l'article 65.
M. le Président, nous voudrions faire une autre constatation. Nos
usines alimentaires tendent naturellement à se coller à leurs
sources d'approvisionnement de matières premières agricoles.
Désormais, par suite de la recherche de la spécialisation dans
les secteurs de production où nous avons le plus d'avantages
concurrentiels, nous verrons s'accentuer le mouvement vers la
décentralisation, vers la régionalisation de nos
opérations agro-alimentaires, directement influencée, d'ailleurs,
par la vocation des sols. En ce faisant, nous croyons que notre industrie va
contribuer à la mise en valeur du dynamisme régional qui est un
élément de base dans toute politique de développement
industriel.
Or, par suite de ce phénomène propre à
l'agriculture et à l'industrie alimentaire, il arrive que la nature des
problèmes ou des projets de développement que nous avons à
considérer dans la plaine de Montréal ne sont pas
nécessairement ceux que nous rencontrons dans le Bas-Saint-Laurent ou
dans l'Outaouais. Par exemple, le milieu ou les conditions propices au
développement de nos conserveries de légumes sont
localisées dans la région de Montréal surtout.
En conséquence, nous croyons que cette législation devrait
prévoir et encourager un certain degré de décentralisation
dans les opérations de la Commission de protection du territoire
agricole, ainsi que des critères d'action qui prévoient les
exigences de la régionalisation. Nous anticipons que les
règlements qui découleront de cette loi traduiront cette
souplesse nécessaire à la décentralisation dans le
développement et prévoiront des mécanismes consultatifs
régionaux. A ce sujet, nous croyons à l'utilité des
structures de participation tant au niveau régional qu'au niveau
provincial.
La loi prévoit une telle participation systématique avec
les corporations municipales, les communautés. Il faudrait que les
règlements permettent de rejoindre à travers nos
différentes régions les corps professionnels, les organismes de
développement régional, les groupes structurés, en mesure
de devenir des interlocuteurs valables en matière de planification et de
développement de l'exploitation de notre territoire agricole.
Nous soumettons respectueusement que les articles 12 et 80 du projet de
loi devraient traduire cette préoccupation de décentralisation
que nous retrouvons d'ailleurs dans l'organisation administrative du
ministère de l'Agriculture du Québec actuellement.
Nous remercions, au nom du Conseil de l'alimentation du Québec,
les membres de la commission parlementaire de l'Agriculture pour leur
bienveillante attention. Nous demeurons disponibles pour répondre
à leurs questions.
En terminant, et pour souligner l'importance que nous attachons à
cette loi sur la protection du territoire agricole, nous faisons nôtre
cet énoncé d'un éditorialiste d'un de nos quotidiens, et
je cite: "Tout autant que la grande aventure hydroélectrique, le
redressement de la situation agro-alimentaire de la province devrait être
au coeur des préoccupations collectives au cours des prochaines
années, d'autant plus que nous sommes condamnés, à long
terme, à produire une plus grande proportion de nos aliments, compte
tenu de l'état précaire de nos réserves alimentaires
mondiales". Respectueusement soumis, le Conseil de l'alimentation.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Roy. M. le
ministre.
M. Garon: On voudrait remercier M. Roy de sa présentation
au nom du Conseil de l'alimentation du Québec et de tous les organismes
que vous représentez. Je vous remercie surtout d'être
demeurés pour la protection du territoire agricole avant le
dépôt de la loi et également après. Vous parlez du
courage nécessaire à présenter la loi, mais cela prend
aussi du courage pour être toujours pour, pas seulement en principe, mais
aussi dans la réalité.
Le grand facteur qui m'a frappé est celui où vous avez dit
que vous représentez vraiment l'industrie alimentaire quand vous dites
que c'est le besoin de l'approvisionnement de l'industrie. Je disais même
au député de Saint-Hyacinthe récemment que si, dans sa
région, les municipalités ne souhaitent pas la protection des
terres arables, ce sera un devoir pour le ministère de recommander aux
industries de se localiser dans les municipalités qui veulent
protéger les terres, parce qu'on rendrait un mauvais service en
localisant des industries dans des municipalités qui ne veulent pas la
protection des terres arables parce qu'on mettrait en péril leur
approvisionnement. Je pense que, quand vous soulignez cela, vous soulignez la
grande préoccupation des industries alimentaires que j'ai
rencontrées et qui, chaque fois, nous ont demandé, comme
ministère de l'Agriculture, de les conseiller sur la
sécurité des approvisionnements futurs, et, comme
ministère de l'Agriculture participant financièrement à
peu près à toutes les installations industrielles au
Québec, que ce soit dans le domaine des abattoirs, des charcuteries, des
salaisons, des industries laitières.
Je pense qu'il y a beaucoup de secteurs dans lesquels nous ne
participons pas financièrement. C'est le conseil que nous demande
toujours l'industrie. Je pense, encore une fois, en le mettant dans votre
mémoire, que vous en soulignez l'importance. Je vous donne un exemple.
On discute de la raffinerie de sucre. Si on utilise à 100% le
matériel que nous venons d'acquérir, cela va nécessiter 24
000 acres de terre. Si, dans la région où est située
actuellement la raffinerie de sucre, les gens ne veulent pas nous donner 24 000
acres pour fournir des betteraves pour la raffinerie, aurons-nous d'autres
choix que celui de la localiser ailleurs? Je pense que c'est en ces termes
qu'il va falloir parler de développement industriel, comme vous l'avez
dit, avec une sécurité des approvisionnements. Je vous remercie
du mémoire que vous avez présenté, parce que vous
reflétez vraiment les préoccupations du monde industriel.
Il y a une question que j'aimerais vous poser, c'est la principale
question. Dans les différentes régions du Québec, en quoi
vous apparaît-il que la protection du territoire agricole doit être
différente? Je ne parle pas de la Gaspésie et des
Iles-de-la-Madeleine qui ont un problème bien particulier d'abandon des
terres plus que d'autre chose. Mais, dans les principales régions du
Québec, à l'exception de la Gaspésie, une partie tout
près de la Gaspésie, la vallée de la Matapédia,
où il y a un abandon de terres, les gens nous l'ont souligné au
cours de nos tournées du mois de septembre, est-ce que vous observez
évidemment à part les types de produits différents
vraiment une dynamique régionale agro-alimentaire
particulière, à part le fait de dire que, dans la région
de Montréal, par exemple, ce sont plutôt les légumes et les
céréales qu'on ne peut pas faire dans les mêmes proportions
dans d'autres régions? (21 h 15)
M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le ministre,
notre souci, dans ce domaine particulier, c'est d'éviter, dans toute la
mesure du possible, et avec les meilleures intentions du monde, que cet
organisme, qui s'appelle la commission de contrôle, arrive avec des
normes ou des réglementations ayant un caractère uniquement
provincial et qu'on forcerait ensuite à entrer dans les cadres des
régions alors que les situations ne seraient peut-être pas tout
à fait les mêmes. Alors, précisément, M. le
ministre, quand on va parler, dans le sud de Montréal, de l'utilisation
des emplacements pour de l'industrie agro-alimentaire, nous ne voyons pas, dans
cette partie-là, travailler pour ouvrir de grandes usines
laitières, parce qu'on pense qu'en fonction de la vocation naturelle du
sol qu'il y a là, il faut que ce soient surtout des usines
greffées sur l'horticulture, de façon générale.
Bon.
Par exemple, l'industrie laitière qui est le pilier de notre
agriculture du Québec, il faut tout de même lui trouver un espace
naturel. On sait, par les bassins laitiers existants actuellement au
Lac-Saint-Jean, dans les Cantons de l'Est, dans la région de
Québec, dans Lotbinière, dans une partie de l'Outaouais, que
là aussi, quand on abordera la question de la situation de l'emplacement
des usi- nes ou de l'expansion des usines existantes, il faudra qu'on parle en
fonction de l'industrie laitière.
Puis, il y a une chose qui est absolument essentielle à notre
sens. Qu'on le veuille ou non, même si on est dans l'agriculture, on
débouche dans le domaine du développement industriel, et quand on
va parler du développement industriel, à notre sens, c'est le
même principe que si vous parliez de développement industriel pour
les biens de l'acier, pour les biens du meuble, mettant de la partie notre bois
de chez nous et le reste. C'est justement là, dans le domaine
agro-alimentaire. Vous demandiez tout à l'heure si on va faire un
développement dans le Bas-Saint-Laurent et au Lac-Saint-Jean; nous
croyons que oui. Si on veut être sincère, il va falloir trouver
des utilisations, des spécialisations qui vont faire qu'on va pouvoir
aller se placer dans ce domaine. Je vais vous dire pourquoi. Tout autre endroit
qu'on choisirait pour faire ces développements, on le ferait aux
dépens d'utilisation de sol déjà occupé. Si on s'en
allait dans le territoire de Saint-Hyacinthe pour développer davantage
l'industrie alimentaire, on va déstabiliser ce que vous essayez de
bâtir pour le maïs-grain dans ce coin-là. Ou on va repousser
les prairies nécessaires aux troupeaux, que ce soit pour la production
laitière ou l'élevage. Parce que notre territoire utilisable est
tellement restreint qu'au moment où on veut réellement, tous
ensemble, faire cet effort de développement et de consolidation du
Québec par l'agro-alimentaire, c'est notre plus gros problème, de
savoir où on va aller le faire, sans désorganiser les productions
déjà existantes.
Vous seriez sûrement les premiers à nous blâmer, si
on entreprenait ce genre de développement absolument sans
considération pour ce qui a déjà été
bâti par les cultivateurs, durant de nombreuses années, tenant
compte du fait que la production agricole, ce n'est pas comme la production de
meubles. Vous ne pouvez pas, en trois semaines, changer le modèle de vos
meubles. C'est-à-dire que vous ne pouvez pas changer la production
agricole en trois semaines.
M. Garon: Pensez-vous que la concentration a laquelle nous
assistons dans le domaine laitier, vous êtes un expert dans le domaine
laitier, vous êtes dans le conseil de l'industrie laitière, va
dans le sens du développement de nos régions?
M. Roy (Léonard): M. le ministre, si vous permettez,
puisque vous posez la question, je ne veux pas m'éloigner du sujet, je
vous répondrai franchement que nous sommes rendus à un
degré de concentration tel, où, si les parties
intéressées ne sont pas capables d'elles-mêmes, de mettre
les crans d'arrêt où il faudrait les mettre, je crains que l'Etat,
comme arbitre, voit à mettre certains crans d'arrêt.
Evidemment, la concentration dans l'industrie laitière, puisque
vous y touchez, est rendue à un point... Il y a eu de nombreuses
années où c'était excellent. C'était
l'économie laitière qui y gagnait. Indiscutablement. Il fallait
avoir des usines plus rentables, il fallait le faire.
Lorsque vous pensez, M. le ministre et MM. les membres de la commission
parlementaire, qu'il y a à peine quinze ans, disons lorsque j'ai
commencé ma carrière dans ce domaine, il y a plus d'une vingtaine
d'années, on comptait environ 700 établissements laitiers dans la
province de Québec. Actuellement, messieurs, on en compte 101 et, quand
on tient compte que certaines de ces entreprises appartiennent à
d'autres, on en a exactement 71.
Je ne dis pas que nous sommes rendus au point où on pourrait
lever les bras en l'air et dire: On se dirige tout de go vers une espèce
de phénomène de monopole. Il est encore temps de garder
l'équilibre, de bâtir certains centres d'attraction à
côté de vos centres dont nous sommes très fiers. Qu'on
veuille bien me comprendre, M. le ministre. Il y a des réalisations qui
sont faites en industrie laitière au Québec, par des
Québécois, avec le capital des Québécois, qui sont
formidables, surtout dans un genre d'entreprise que les étrangers ne
sauraient acheter. Mais entre cela et pousser au point qu'on se ramasse du jour
au lendemain dans un état de monopole, ce sont les cultivateurs les
premiers qui en souffriront et ensuite les consommateurs.
A votre question, si la commission me permet de répondre dans ce
sens-là, puisque vous m'avez entraîné sur cette voie, c'est
notre réponse.
M. Garon: ... je sais que c'est une de vos grandes
préoccupations et je suis persuadé que les membres de la
commission étaient contents de vous entendre. Je suis même
persuadé qu'il y en a d'autres qui vont vous faire continuer sur ce
terrain.
M. Roy (Léonard): Pourquoi est-ce que le ministre me
regarde?
M. Chevrette: C'est parce qu'il vous connaît.
M. Garon: Je pense que vous avez raison. C'est une de mes grandes
préoccupations. Le secteur agro-alimentaire, dans la plupart de nos
régions, est le principal secteur de développement
économique. Il y a une trop grande concentration, alors qu'il devrait y
avoir possiblement un déplacement du bassin laitier, surtout du lait de
transformation. Je ne parle pas du lait de consommation qui doit être
proche des marchés, mais du lait de transformation qui devrait
être déplacé vers des régions où les
opportunités de développement agricole ne seront pas aussi
nombreuses. A ce moment-là, vous utilisez, dans la plaine de
Montréal, des productions qui sont adaptées au climat et font
développer économiquement mieux les régions qui n'ont pas
autant de possibilités.
M. Roy (Léonard): J'en suis convaincu.
Le Président (M. Boucher): Je vous remercie. M. le
ministre, vous avez terminé? M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. Je voudrais
également vous remercier, M. Roy, d'avoir pris le temps fort
précieux qui vous incombe en déposant devant notre commission
parlementaire un énoncé d'appréciation sur le contenu du
projet de loi 90. Je sais que depuis longtemps, le Conseil de l'alimentation du
Québec s'intéresse de près, non seulement à ce qui
est législation agricole, mesures agricoles, programmes que le
gouvernement peut instaurer, mais également vous suivez de près
tout ce qui touche, qui concerne le secteur agricole-alimentaire. J'ai eu
l'occasion de vous voir intervenir dans d'autres occasions et j'ai senti cette
préoccupation qui anime le Conseil de l'alimentation du Québec
à l'endroit de l'industrie agro-alimentaire.
J'ai remarqué, à la première page du document que
vous avez déposé, que vous nous indiquez que les entreprises qui
sont regroupées à l'intérieur du Conseil de l'alimentation
transforment ou interviennent, d'une façon ou de l'autre, dans une
proposition de 35% à 40%, dans la production de la matière
première agricole produite sur les fermes du Québec.
Est-ce que vous pourriez nous identifier quelles sont les productions
particulières qu'on peut retrouver, qui font un bloc plus important
à l'intérieur de ces 35% à 40% qu'on retrouve dans toutes
les entreprises que vous représentez?
M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le
député, pour faire une image claire, vous avez tous, par votre
statut matrimonial, à un moment donné, à pousser un panier
de provisions, quelque part, dans un magasin. Dans ce panier de provisions, si
vous vous demandez combien des produits qui sont là viennent du
Québec, en ce sens qu'ils ont été manufacturés au
Québec, ont eu une valeur ajoutée au Québec, ont
créé de l'emploi au Québec, on vous répond,
à la lumière des études qui ont été faites
en ce sens-là et que j'ai eu le plaisir de vous distribuer, environ
50%.
Vous ne vous demandez pas quelle est la matière première
qui vient du Québec, si vous demandez seulement quels sont les produits
qui sont manufacturés au Québec. Or, cela peut être des
produits de Sainte-Martine, par exemple pour la conserve des légumes; on
s'est servi, pour une partie, de la récolte du Québec, durant X
mois. On a importé du Niagara la différence ou on a
importé des Etats-Unis la différence. Mais, tout de même,
on a fait tourner une usine et on a créé de l'emploi pour
plusieurs centaines de personnes avec toutes les retombées
économiques que signifient les opérations industrielles. C'est
cela qu'on dit à ce moment-là, qu'au moins 50% de ces produits
laissent une valeur ajoutée dans le Québec et créent de la
richesse.
Si vous vous étiez demandé quel est le pourcentage de tout
ce que j'ai dans mon panier de provisions qui vient d'une matière
première du Québec, vous en auriez environ 30% à 35%.
N'allez pas croire que je suis en train de vous dire qu'il faudrait avoir 100%,
jamais. Jamais nous n'avons
eu ce genre de préoccupation qui serait trop simpliste. Nous
pensons qu'on pourrait avoir normalement, au point de vue du
développement industriel, environ 70% de ce dont nous avons besoin pour
nous nourrir en provenance de notre sol agricole, cultivable, rentable et de
nos usines qui pourraient être greffées à ces
opérations. Le reste est en fait la partie des aliments qui ne
pousseront jamais ici et un autre facteur auquel on pense très rarement,
mais qui, pour l'industrie, est vital, quand, messieurs, vous voulez exporter,
quand vous investissez dans une entreprise, c'est entendu, au Québec,
vous n'investissez jamais pour six millions d'individus, vous investissez dans
l'espoir que vous allez servir six millions d'individus, plus de l'exportation.
C'est là que commence véritablement la grande rentabilité
des entreprises.
Or, si vous voulez exporter, dans ce domaine, c'est le troc qui domine,
ce ne sont pas les échanges comptables, c'est le troc: tu donnes, je
donne. Si vous voulez exporter, il faut que vous vous gardiez de l'espace pour
importer. C'est pour cela qu'on fixe nos barèmes à 70% ou
72%.
Qu'est-ce qu'on fait actuellement ou qu'est-ce qu'on a fait
jusqu'à maintenant pour répondre à cela? On ne jette la
pierre à personne, parce que, premièrement, il reste qu'on mange
plein notre ventre au Québec, on mange pour $5 500 000 000, par
année, $5 milliards, par année. On se nourrit au Québec.
On est en Amérique du Nord, le marché le plus gastronomique, le
plus exclusif, celui où on achète les parties de boeuf les plus
chères. C'est prouvé dans toutes les agences de marketing. C'est
pour cela que, de l'extérieur, se ruent, à Montréal et
dans le Québec, tout ce qu'on peut avoir de grandes entreprises
alimentaires au Canada qui viennent vendre chez nous $1 milliard par
année. Sur les $5 500 000 000, elles viennent en chercher un peu plus de
$1 milliard, par année, soit parce qu'elles exploitent chez nous des
usines... A ce moment-là, nous sommes très heureux, parce
qu'elles sont venues remplir un vacuum. Il y a des choses qu'il faut savoir se
dire entre nous. Nous n'occupions pas l'espace; on s'en souciait peu, de
l'agro-alimentaire, c'était tabou, au Québec, on parlait de
l'électronique, on parlait de l'aviation, mais on oubliait l'essentiel,
c'est qu'on mange trois fois par jour et qu'on a un marché captif qui
génère $5 500 000 000, mais c'était tabou, cela. On a
laissé les étrangers qui, eux, voient loin et savent
comptabiliser, venir s'établir chez nous. Pour une part, ils sont venus
chez nous. Ils ont occupé un vacuum. Ils créent de l'emploi et
contribuent à notre richesse économique.
D'autre part, vous avez plusieurs entreprises multinationales qui
viennent vendre chez nous de la soupe, par exemple, à $32 millions, par
année mais qui n'achètent même pas une palette de
fèves au Québec pour faire leur soupe. Il y en a comme cela. Je
ne voudrais pas recommencer le travail que j'ai fait, vous l'avez tous
reçu, c'est là-dedans.
En réponse à votre question, M. le député,
justement pour obvier à cela, pour faire un geste et pour essayer de se
ressaisir, on n'a jamais pensé qu'il fallait prendre le fusil et tirer
sur tous ceux qui sont là, ce n'est pas vrai. On dit une chose: Essayons
de voir si, par une spécialisation, on peut occuper de plus en plus
d'espace. (21 h 30)
Deuxièmement, comme le territoire agricole est très
restreint, faisons le nécessaire pour... n'appelons pas cela geler le
territoire agricole, mais, d'un autre côté, si c'est notre
richesse la plus importante qui est disponible actuellement, qu'on peut
exploiter et qui est renouvelable, celle-là, si on sait la conserver,
parce que c'est l'instrument du cultivateur et, pour l'industrie, c'est sa
source d'approvisionnement, sans quoi vous les jetez à
l'extérieur, ils seront obligés de s'approvisionner à
l'extérieur...
Troisièmement, on dit, nous autres, aux gens qui sont ici, les
entreprises nationales et multinationales: Faisons-leur jouer un rôle,
proposons-leur quelque chose à faire, intéressons-les à
s'intégrer dans l'économique du Québec, chose qui,
jusqu'à maintenant, n'a peut-être pas été assez
faite, M. le député. On a regardé ces gens comme des
étrangers. On s'est plaint, dans les salons pas aux bonnes places
que c'est malheureux, que ce sont eux qui occupaient l'espace, mais on
n'a rien fait pour leur dire: Qu'est-ce que vous pouvez faire pour le
Québec? Nous, dans notre groupe, c'est justement ce qu'on a
commencé à faire. Nous autres aussi, on les regroupe ces
entreprises, que ce soit Kraft, que ce soit Campbell, que ce soient toutes ces
grandes entreprises, on les regroupe chez nous. C'est la question qu'on leur
pose: Qu'est-ce que vous êtes prêtes à faire maintenant pour
le Québec? C'est avec cela, M. le député, qu'on pense
si c'est bien le sens de votre question répondre à
ce besoin fondamental qu'on a de vouloir reprendre notre place dans ce domaine.
Est-ce que cela a répondu à votre question, M. le
député?
M. Giasson: Oui, mais il y aurait une précision que
j'aurais aimé entendre de vous. Lorsque vous dites que tous les
organismes ou toutes les entreprises que vous représentez, vous autres,
au Conseil de l'alimentation, vous utilisez de 35% à 40% de la
totalité des produits de l'agro-alimentaire mis en marché par des
organismes que vous représentez, j'aurais aimé vous faire
identifier quels étaient les secteurs particuliers de nos productions.
Quand vous représentez, par exemple, le Conseil laitier du
Québec, est-ce que vous incluez tous les produits laitiers?
M. Roy (Léonard): Pour le lait, c'est évident que
nous sommes plus qu'autosuffisants. Nous sommes à 138%. Cela veut dire
qu'on a 38% à disposer sur les marchés extérieurs, une
fois qu'on a fait face à tous les besoins du Québec.
M. Giasson: Vous représentez toute l'industrie
laitière du Québec par le Conseil laitier du Québec?
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Giasson: Auquel sont affiliées les coopératives
ou les autres industries du secteur?
M. Roy (Léonard): Oui. Actuellement, quand je vous donne
ces chiffres, ce sont des chiffres qui couvrent tous ces secteurs. Vous avez le
lait, vous avez une certaine partie de la production animale, comme le veau par
exemple, où nous sommes excédentaires; nous avons, dans certains
légumes, par exemple, les fèves vertes et les pois, où
nous sommes excédentaires, les oignons actuellement, les carottes. De
mémoire, ce sont les secteurs il y en a peut-être d'autres
que j'oublie, je vous prie de m'excuser où nous tirons le maximum
qu'on peut tirer. Simplement, il y a d'autres domaines qui n'ont pas
été touchés et qui pourraient l'être, où nous
produisons, mais en petite quantité. Je pense au boeuf, à la
viande rouge. On ne viendra pas vous dire ici que c'est assurément le
pactole.
Il y aura certainement des difficultés pour développer une
industrie du boeuf, mais nous croyons qu'actuellement, il se fait des choses
sur la bonne voie où on va prendre notre place; au lieu d'être
à 20% autosuffisants dans le boeuf, si on était seulement
à 35% autosuffisants dans cinq ans, à ce moment, pour chaque cinq
points que vous gagnez je vous parle en économiste vous
ajoutez, en valeur ajoutée, environ $400 millions. $400 millions, cela
crée environ 20 000 emplois dans notre domaine. Alors, on dit: C'est
dans ces domaines que nous avons déjà commencé à
faire quelque chose, qu'on pourrait développer, et dans des domaines
nouveaux où on peut actuellement entrer. Nous savons qu'il se fait de la
recherche et qu'il y a des entreprises qui se préparent
là-dedans. Ce sont surtout les domaines des produits mixtes. Les
produits mixtes, dans notre esprit, c'est qu'à un moment donné,
vous allez trouver un nouveau débouché, des marchés
formidables pour un mélange de pâtisserie et de crème
glacée. Je vous donne cet exemple en passant.
Vous avez un mélange de certains légumes avec un autre ou
la manière de la présenter. Les mets préparés pour
correspondre actuellement aux tendances de notre population. La
préoccupation du loisir ou le fait qu'il y a beaucoup de femmes qui
travaillent. Nous sommes totalement absents actuellement de l'institutionnel.
L'institutionnel, ce sont les hôtelleries, les restaurants, tous ceux qui
servent des repas à l'extérieur. Nous commençons à
peine à faire une percée là-dedans, mais c'est formidable.
Ceux qui y sont font des profits. Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas notre
place là-dedans? On n'y a jamais touché.
Vous avez McDonald's, toutes ces grandes entreprises de
l'extérieur qui créent des ruées de notre population vers
ce mode d'alimentation vite. Mais cherchez donc les Québécois qui
sont là-dedans.
C'est ce qu'on essaie de vous dire. Nous sommes prêts à
faire cet effort, mais donnez-nous les intruments pour le faire. C'est bien
curieux que je vous dise cela, car notre instrument principal, c'est la terre
qui va produire ce dont on a besoin pour tansformer.
M. Giasson: Je crois que lors de la ronde de consultations que le
ministre de l'Agriculture du Québec a menée c'est en
septembre, je crois vous aviez également déposé un
mémoire et exposé des vues sur les attentes qui étaient
vôtres, le Conseil d'alimentation, à l'endroit de ce que devait
contenir la loi de protection des terres ou de zonage. Je crois que vous aviez
pris une position assez ferme vis-à-vis de la nécessité
que la loi contienne des conditions de manière à ne plus
permettre que de bons sols demeurent en friche au Québec. Est-ce que
vous trouvez que le projet de loi répond à cette attente que vous
aviez exprimée à l'époque?
M. Roy (Léonard): Vous comprendrez que notre
réaction, sur un texte de loi, nous l'avons faite d'une fa on non pas
exhaustive, mais plutôt dans l'aspect qui peut prêter à
intervention de notre part, tenant pour acquis que les autres grands corps qui
sont, par exemple, l'UPA et les autres grands secteurs plus directement
intéressés à cette partie-là, puissent apporter
leur point de vue. C'est ce qui explique que dans nos constatations, ce soir,
nous nous sommes limités à deux, qui sont des constats de
développement économique.
Evidemment, nous avions recommandé fortement qu'on fasse en
sorte... Et nous avons même... Le Conseil d'alimentation s'est
limité à dire: II faut que vous preniez des moyens, même
coercitifs, pour faire en sorte que ceux qui laissent les terres en friche
soient forcés de faire quelque chose avec elles, de les abandonner ou de
les vendre à quelqu'un qui va les cultiver. Je vous fais remarquer, M.
le député, que même une de nos associations, l'Association
des manufacturiers de produits alimentaires, les conserveries, entre autres,
est venue vous dire, à ce moment-là: Imposez des
pénalités. Ces gens sont allés encore plus loin que
l'ensemble du Conseil de l'alimentation avait jugé bon d'aller. En
collégialité, vous allez comprendre cela aussi, nous aimerions
dire bien des choses, mais à un moment donné il faut respecter le
point de vue de dix corps publics qui nous disent ne pas être prêts
à aller aussi loin, alors, on compose. Comme collectivité de
l'alimentation, nous vous avions demandé d'être assez exigeants
pour que les territoires agricoles ne soient plus laissés en friche,
parce que c'est quasiment un crime, compte tenu de ce que l'on vous a dit. Une
de nos associations vous a dit carrément: De grâce, allez plus
loin, faites jouer la fiscalité, les taxes et mettez-en pour
régler ce problème. Cela a été notre attitude.
M. Giasson: Mais, en général, est-ce que vous
croyez qu'au-delà du principe de la protection qui est excellent en soi,
je pense que là-dessus on ne trouve personne au Québec qui soit
contre ce principe, mais trouvez-vous que la loi...
M. Gagnon: II a voté contre.
M. Giasson: Non, on a voté contre les moyens
utilisés dans le système de protection...
M. Chevrette: Vous avez voté contre le principe. En
deuxième lecture, c'est le principe.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, à
l'ordre!
M. Garon: Je vous dis que c'était brimer la
liberté.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre s'il vous
plaît, M. le ministre! M. le député de Montmagny-L'Islet
vous avez la parole.
M. Garon: C'était contre le zonage...
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
M. Giasson: Vous aviez attaché beaucoup d'importance,
au-delà du principe de zoner, à une meilleure utilisation des
bons sols du Québec. A votre avis, est-ce que la loi 90 contient
suffisamment de dispositions qui nous garantissent une véritable
utilisation à son maximum, des bons sols au Québec?
M. Roy (Léonard): Bon! Ne pensez pas que vous allez me
faire dire que la loi consacre le maximum de bonnes utilisations des terres,
mais nous tenons pour acquis que si ce n'est pas la loi elle-même qui
contient la technique du zonage, ce sont les lois qui vont l'entourer, y
compris cette nouvelle loi sur l'urbanisme, qui touche à
l'aménagement du territoire, qui, toutes ensemble, à notre sens,
vont contribuer à cela.
Vous me faites disserter sur un aspect où je n'ai pas pu prendre
le pouls de l'ensemble de l'industrie pour répondre à une
question spécifique comme celle que vous me posez. Cependant, quand je
vous dis que l'ensemble de l'industrie est satisfait de ce qu'il y a au plan
des principes dans cette loi, et au plan de la plupart des modalités
d'application, c'est ce qu'on veut dire. On est satisfait mais on est satisfait
en pensant, encore une fois, qu'il a fallu attendre, M. le
député, 1978 et je dis cela avec toute la
déférence...
Au cours de ma carrière, j'ai travaillé en collaboration
avec sept ministres de l'Agriculture au Québec, alors cela fait 27 ans;
il y en a qui ont duré longtemps, alors, il a fallu attendre et cela, je
peux le dire si certaines personnes autour de la table sont liées
par le jeu de la démocratie, je le comprends très bien et
personne ne va vous en blâmer, mais, moi, par exemple, au nom de
l'industrie, de ceux qui vous regardent faire de l'extérieur, je dois
vous dire ceci: II a fallu attendre 1978, dans tout ce long
procédé de réadaptation, de mise en valeur de cette
richesse naturelle à nulle autre pareille qui s'appelle les six pouces
de terre qui nous font manger, pour avoir quelque chose. Vous allez comprendre
qu'on n'est pas de ceux qui vont dire: II faudrait avoir la perfection, trois
étoiles du premier coup. On trouve que c'est déjà beaucoup
ce coup de barre qui est donné et on anticipe qu'avec les années,
avec la participation active de tous ceux qui représentent chaque
région économique du Québec ici, cela va
s'améliorer.
C'est ma réaction à votre question et vous comprendrez que
vous posez une question très délicate parce que je ne fais pas de
politique partisane, excusez-moi. J'aime à faire de la grande politique,
par exemple, mais pas de politique partisane. Ce n'est pas mon rôle. Si
jamais j'avais des vélléités de le faire, cela me ferait
plaisir de me ramasser sur les banquettes avec vous autres.
Une Voix: Vous êtes invité. Une Voix:II est bien parti.
M. Garon: Si vous faites de la grande politique, vous ne faites
pas de la politique libérale.
M. Roy (Léonard): M. le ministre...
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
M. Roy (Fabien): Ne gâtez rien, ça va bien!
M. Giasson: Vous avez indiqué, M. Roy, à un moment
donné que... Vous avez fait référence à des
articles dans le projet de loi, l'article 12 que vous ne trouvez pas assez
précis dans ses indications; est-ce que vous pourriez nous indiquer
quelles seraient les précisions mieux formulées que vous auriez
espérées vis-à-vis la rédaction de l'article
12?
M. Roy (Léonard): Encore une fois...
M. Giasson: C'est une référence à la
nécessité de décentraliser...
M. Roy (Léonard): Oui, avoir des normes pour que cette
commission, qui va avoir à trancher, à rendre des jugements
à l'année longue, puisse les rendre quand cela sera
nécessaire, à la lumière de principes de
développement industriel qui auraient été prévus
par le législateur parce que je vous soumets respectueusement aux
législateurs qu'en lisant l'article 12 qui me semble être
le seul article auquel dans toute la loi, on se réfère toujours
quand on parle de normes, il n'y en a pas de cela. On dit: En tenant compte des
nécessités économiques qui suivent et les
nécessités économiques qui suivent sont l'utilisation des
lots à certaines fins c'est pour cela qu'on trouve que c'est trop
général. Encore une fois, ce n'est pas une critique destructive
qu'on fait.
M. Garon: Je pourrais peut-être donner des explications sur
l'article 12, ce qui aiderait à la compréhension.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet, est-ce que vous permettez que M. le ministre donne des
explications?
M. Giasson: J'aimerais entendre M. Roy, notre visiteur, et
ensuite le ministre.
M. Roy (Léonard): Je vais essayer de donner un exemple:
Deux choses, à mon sens: soit dans cet article 12 ou ailleurs le
législateur avec ses conseillers mettra cela où il voudra
il devrait y avoir quelque chose dans la loi qui dise: II y a des
décisions administratives ordinaires d'application de la technique du
zonage qui sont prévues dans la loi 90 mais, comme on ne peut appliquer
cette technique sans penser que cela prend place dans un contexte
économique, il faudrait qu'il soit dit quelque part dans la loi:
Premièrement, qu'on devra tenir compte de l'importance ou de la
nécessité de permettre le développement industriel dans
les milieux agro-alimentaires de toutes les entreprises qui sont normalement
collées à l'agriculture. Je vous donne, d'une façon
générale, ce qu'un légiste pourra mettre dans des mots
plus précis. (21 h 45)
Deuxièmement, il faudrait que cela soit aussi une norme dans les
décisions de la commission en question, qu'elle doit faire attention,
quand elle rend ses décisions, de ne pas rendre des décisions qui
ont un caractère exclusivement provinciale. Qu'elle rende des
décisions ou qu'elle ait la souplesse nécessaire pour rendre les
décisions qui s'ajustent avec souplesse aux exigences de certaines
régions, toujours compte tenu de la vocation des sols. Ce n'est pas nous
qui devrons décider cela.
Depuis de longues années, on sait au Québec quelle est la
vocation des sols dans tel comté, dans tel comté; dans tous les
comtés, on le sait. Alors, compte tenu de cette vocation des sols, il
faudrait qu'il soit clairement indiqué dans le texte de la loi,
d'après nous, comme normes, qu'il faudra qu'à un moment
donné cette commission rende des décisions qui protègent
cela ou qui ouvrent la porte à une certaine expansion industrielle pour
le bénéfice des producteurs agricoles qui sont dans les
alentours. Je pense aux intrants de ferme. C'est ce que j'ai dans l'esprit
quand on vous parle de normes, à l'article 12 ou ailleurs. Est-ce que
cela répond à votre question?
M. Giasson: Oui, M. Roy.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que M. le
ministre...
M. Giasson: M. le Président, quitte à revenir un
peu plus tard, j'aimerais permettre à d'autres collègues de
continuer la tournée de table avec au moins un représentant de
chacune des formations.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre avait
demandé de donner des explications sur l'article 12, est-ce que vous
acceptez?
M. Giasson: Très bien, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Garon: Je pense que, pour tenir compte de l'ensemble de la
situation de chacune des régions, il fallait que les conditions soient
un peu générales. Il y a même des experts qui disaient
qu'on serait mieux de ne pas en mettre du tout, pour qu'à ce
moment-là la commission ait toute la souplesse voulue d'agir en tenant
compte de chacune des régions lorsqu'elle va rendre des
décisions. Parce qu'ils ont dit: Si vous mettez des conditions trop
précises, cela va amener des aberrations. A ce moment-là, on a
dit: On va prendre en considération les conditions biophysiques du sol
et du milieu, c'est-à-dire les conditions du sol, les unités
thermiques, la valeur du sol, les types de productions qu'il y a là, qui
vont avec ce sol, les possibilités d'utilisation du lot à des
fins d'agriculture et les conséquences économiques qui
découlent de ces possibilités. Alors, il peut arriver, par
exemple, que si on soustrait du milieu un certain nombre de lots,
l'infrastructure agricole ne peut plus vivre. Ce que vous disiez tantôt,
par exemple, les intrants, les engrais, tout cela, la meunerie, cela va s'en
aller, à un moment donné, s'il n'y a pas assez d'agriculture pour
la faire fonctionner, une "run" de lait, par exemple, va arrêter de se
faire, parce qu'il n'y a pas assez de cultivateurs dans le rang. C'est tout
cela quand on dit: les possibilités de l'utilisation du sol à des
fins d'agriculture, les conséquences économiques qui
découlent de ces possibilités, l'effet d'accorder la demande sur
la préservation du sol agricole dans la municipalité et la
région. Qu'est-ce que cela va faire, cette demande, par rapport à
cette région, cette municipalité,
l'homogénéité de la communauté et de l'exploitation
agricole. Dans certains cas, par exemple, le fait de distraire une partie de la
municipalité pour une fin autre que l'agriculture va avoir pour effet...
Les effets de déstructuration sont très connus, pour ceux qui
connaissent cela. C'est évident qu'il y a des gens qui ne connaissent
pas cela, mais, pour ceux qui connaissent comment la déstructuration
d'un territoire se fait, ce sont des phénomènes connus. Quand il
se passe tel phénomène, cinq ans après, c'est là
et, dix ans après, c'est là, et, quinze ans après, il n'y
a plus d'agriculture du tout. Alors, c'est ce qu'on a voulu dire par ces
notions, lorsqu'on établit la zone agricole, tandis qu'à
l'article 65, il se réfère lorsqu'il y a une demande d'exclusion
de la zone agricole. C'est pour cela qu'on dit, à l'examen de la
demande: La commission peut considérer l'effet du projet sur le
développement économique de la région et la
disponibilité d'emplacements autres que ceux qui font l'objet de la
demande.
Ce qui arrive, en tenant compte des critères prévus
à l'article 12, c'est que l'article 12 se trouve inclus dans l'article
65. Vous disiez tantôt qu'il faudrait tenir compte plus de l'article 12
que de l'article 65. Par cette phrase-là, il en est tenu compte dans
l'article 65, vous avez raison de le dire, mais cela y est. Pourquoi? Parce
que, si on
exclut, à un moment donné, d'une région, deux ou
trois emplacements, c'est la fin des autres. Je pense, par exemple, à
des "runs" de lait ou des choses comme cela. Il y a toutes sortes de facteurs
qui vont jouer. C'est pour cela qu'on doit tenir compte, lors d'une exclusion,
de l'effet que va avoir l'exclusion sur le groupe de cultivateurs de cet
endroit-là. Ce sont ces facteurs dont va tenir compte la commission en
s'adaptant à la situation économique de chacune des
municipalités ou des régions. C'est ce qu'on a voulu dire par
cela.
M. Roy (Léonard): C'est cela, M. le ministre, mais,
simplement, encore une fois, c'est peut-être seulement une question de
morphologie, cela doit aller un petit peu plus loin. Je trouve que le contexte
général qui a amené la présentation de cette loi et
qui vous a donné un appui, semble-t-il à nous de
l'extérieur, qui pouvons juger par ce qui s'écrit dans les
journaux et ce qui se dit partout cela devrait se refléter, et
ces normes et ces raisons qui vous ont donné cet appui vous les avez
déclinées durant toute votre tournée, on devrait les
retrouver en quelques mots, quelque part dans la loi. C'est cela que je veux
faire comprendre.
J'admets avec vous que c'est une question de technique; les techniciens
qui vont appliquer cette loi savent comment on procède. Mais, pour le
grand public, pour le public non averti, non trop initié, ce serait
peut-être bon qu'on sente ça dans la loi, que c'est tout de
même... que ça s'appuie sur une préoccupation de
développement de l'agro-alimentaire, quelque chose comme ça.
M. Garon: C'est clair. Je vais vous dire le problème.
C'est que les légistes ne veulent plus mettre, dans les lois, les
objectifs des lois. J'ai voulu les faire mettre dans différentes lois,
mais les légistes disent que c'est très difficile de mettre
ça dans les lois. Quand ils écrivent les lois, ils demandent
d'enlever ces éléments, parce qu'ils disent que c'est inutile.
Ils disent de le mettre parfois dans le préambule de la loi, les
attendus par exemple, parce qu'on veut le développement
économique, telle chose, telle chose, voici telle loi. Ils ne veulent
plus mettre ça dans les lois. C'est plus de la rédaction
juridique qu'autre chose.
M. Roy (Léonard): Alors...
M. Garon: Parce que ce que vous dites, je voulais le mettre
moi-même dans la loi, mais, à ce moment-là, on disait: Vous
allez faire de la propagande avec votre loi. Ils enlèvent ça.
M. Roy (Léonard): C'est pour ça qu'on vous
suggère, au moins, d'avoir des règlements d'application pratique,
au moins un qui fera référence à cette
nécessité du développement industriel en milieu
agricole.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Une autre question avant de céder la parole
aux représentants de l'Union Nationale.
Dans le mémoire que vous aviez soumis le 20 septembre, vous aviez
indiqué l'avantage d'avoir des mesures fiscales incitatives à
l'endroit des producteurs agricoles qui conservent la vocation agricole
à leur ferme. Mais vous aviez également donné une autre
indication, et je vous cite, vous parliez de "mesures compensatoires pour
certains inconvénients découlant des règlements", etc.
Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit, à ce moment-là?
M. Roy (Léonard): C'est encore à la fois au plan
des principes et de leur application immédiate. C'est pour faire
respecter un principe d'application générale comme celui qui
semble avoir rallié tout le monde à l'Assemblée nationale,
c'est-à-dire la nécessité de protéger notre sol
arable; il n'y a personne qui veut discuter de ça, tout le monde est
d'accord. On dit: Faites-le appliquer, ce principe, simplement; si cela a pour
effet, s'il y a des retombées qui se trouvent à pénaliser,
d'une façon indue, quelque catégorie de producteurs agricoles,
même, par extension, je dirais quelques genres d'entreprises de
transformation qui sont encore au niveau artisanal, en milieu agricole, qu'il y
ait une manière de compensation pour ces gens, temporairement, en
prenant toujours pour acquis que, par le jeu des forces économiques qui
sont là, éventuellement, ceux qui ne sont pas capables de faire
face à cette situation vont s'éliminer graduellement. Qu'est-ce
que vous voulez, c'est la loi fondamentale du régime dans lequel on vit,
c'est la survivance de ceux qui sont capables de résister au
régime qu'on a.
C'est ce qu'on avait à l'esprit, de compenser; une fois qu'on a
appliqué le principe, s'il soulevait des choses qui sont
réellement injustes, inéquitables pour certaines
catégories de personnes, que, temporairement, on les compense.
M. Giasson: Merci, merci, M. Roy.
M. Roy (Léonard): D'ailleurs, cela se fait dans certaines
législations. J'hésite à citer un cas, parce que je ne
sais plus si c'est Ottawa ou Québec et je ne voudrais pas apporter
ça ici, pour faire plaisir à bien des gens.
Je crois qu'il y a des lois, actuellement, où on dit: On va
appliquer la loi telle qu'on la veut, pour les principes de bien commun qu'on
vise. S'il y a des retombées qui sont malheureuses pour certaines
classes, on les compensera en cours de route. C'est un principe qui semble
aujourd'hui accepté.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: Je voudrais vous saluer, M. Roy, et vous remercier
d'avoir bien voulu présenter un mémoire au nom du Conseil de
l'alimentation du Québec. Je suis très heureux de constater
que
vous êtes très préoccupé d'obtenir une
meilleure autosuffisance dans la production agro-alimentaire. Moi aussi, je
suis très préoccupé de ce côté.
J'aimerais connaître votre opinion; premièrement,
jusqu'où le Québec devrait-il aller, quand il n'y a pas
d'avantages comparatifs à produire ici? J'aimerais connaître votre
opinion. Jusqu'où le Québec doit-il aller, au niveau des taxes
des Québécois, quant aux productions où il n'y a pas
d'avantages comparatifs à produire ici? A titre d'économiste, je
pense que vous auriez peut-être un point de vue à soumettre
à la commission ici.
M. Roy (Léonard): M. le député, au moment
où on parle, c'est évident qu'au Québec, en industrie
laitière, ce serait réellement une folie furieuse que de vouloir
encore développer des fermes laitières, ou multiplier les fermes
laitières. Nous sommes précisément dans un milieu
où il faut spécialiser à tout prix.
Il faut spécialiser. Il faut ramener d'une façon
progressive notre volume de production laitière le plus proche possible
de ce dont on a besoin, pour faire face à la demande du marché
domestique, plus ce qu'on peut exploiter avantageusement en exportation. Dans
le moment, on n'a pas beaucoup de produits laitiers spécialisés
qui peuvent se traduire comme un bénéfice pour nous, en
exportation. On fait de la poudre de lait, on envoie cela et c'est
supporté par les taxes des contribuables du Canada. A un moment
donné, on ne sait plus quoi en faire et on enterre cela. Je ne veux pas
charrier, mais c'est pas mal le portrait de l'expérience qu'on a eue des
politiques laitières nationales depuis des années. Ce n'est pas
le temps, en industrie laitière, de continuer à multiplier les
entreprises.
Mais dans d'autres secteurs, compte tenu de la vocation de nos sols,
compte tenu de l'expérience de nos entrepreneurs immédiats que
sont les cultivateurs et les entreprises industrielles, il y a des secteurs
où on pourrait mettre l'accent pour avoir un développement plus
accentué. A ce moment-ci, sans arrière-pensée, je pense
à la viande rouge. Je ne vous dis pas qu'il faut faire comme l'Ouest ou
qu'il faut penser, qu'on va devenir comme l'Aberta. Jamais de la vie. Mais
quant à la valeur des fonds de terres, la différence est
tellement considérable que pour celui qui entre dans ce domaine de
l'élevage du boeuf, pour une terre qui peut coûter $100 l'acre
ici, dans l'Ouest, cette même terre coûte beaucoup moins. En
partant, tout de suite, votre entrepreneur est déjà perdant.
Mais il y a bien des moyens de contourner cela pour des
développements non outranciers, progressifs, ne pas jeter les
cultivateurs en masse dans des entreprises, avec des promesses de
réalisation, alors qu'on n'a aucune assurance. C'est pour cette raison
que j'emploie le mot "progressif", s'assurer des débouchés
solides, mais par la spécialisation.
Je vous donne un exemple. On a appris après coup dans le
Québec qu'on avait des entreprises d'abattage de porc à nulle
autre pareille au
Canada. Et au hasard d'un voyage d'expertise au Japon, j'ai vu, dans le
livre qu'on appelle les "normes d'importation de porc au Japon" quelque chose
qui, en anglais, disait "Saint-Jean Cuts". Saint-Jean Cuts, messieurs, c'est
une de vos entreprises du Québec à Saint-Hyacinthe, les
frères Saint-Jean, qui vend actuellement au Japon pour des millions de
dollars par année de produit coupé, apprêté pour les
consommateurs, mais qui a eu l'esprit de servir les Japonais de la
manière qu'ils veulent être servis. Ce sont des gens qui mangent
comme des oiseaux. Alors, nous ne devons pas leur présenter un quartier
de porc. On leur vend du porc coupé, tout prêt, sous vacuum. Ils
appellent cela Saint-Jean Cuts. Et quand les Américains font des
propositions pour vendre du porc au Japon, il faut que ce soit à la
manière de Saint-Jean Cuts. Je ne parle pas à travers mon
chapeau, je l'ai vu.
Il y a des choses comme cela qu'il faut réaliser à un
moment donné. Quand vous me demandez jusqu'où on peut aller, il y
a des secteurs qui sont prometteurs chez nous. D'autres, on les a
exploités au coton et on ne devrait peut-être plus les toucher.
Ils ont donné ce qu'ils pouvaient donner.
N'essayons pas de jouer le rôle de la grenouille qui voudrait
ressembler au boeuf. Jouons à la possibilité de nos
capacités, pas plus, pour le moment. Et faisons des succès avec
des entreprises de $5 millions et contentons-nous de cela. Ne visons pas $50
millions. Quand on aura les reins forts, on fera $50 millions, facilement. Mais
on ne fera pas prendre de risque au cultivateur.
M. Dubois: La question, je l'ai posée pour amener la
discussion vers les céréales et le boeuf.
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Dubois: Je pense qu'on sait tous que cela coûte quand
même beaucoup plus cher ici pour produire du boeuf, étant
donné que nous sommes à court de céréales, et que
cela coûte aussi plus cher de produire des céréales ici que
dans l'Ouest canadien.
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Dubois: La question que je me pose et que je veux vous poser
en même temps, c'est jusqu'à quel point l'Etat doit subventionner
les fermiers, pour pouvoir produire du boeuf et aussi produire les
céréales pour nourrir ce boeuf. (22 heures)
M. Roy (Léonard): M. le député...
M. Dubois: Je pense qu'on peut aller jusqu'à un certain
degré d'autosuffisance, mais il y a peut-être un point où
on dit que cela prend trop de dollars de l'Etat pour arriver à cette
suffisance. Il faut peut-être avoir un barème quelque part.
M. Roy (Léonard): M. le député, je crois
qu'il faut que l'Etat regarde d'abord ceux qui font le travail dans les champs.
A ce moment-là, je pense
aux cultivateurs et aux transformateurs ainsi qu'à ceux qui font
le marketing. Si ce sont des gens raisonnables, instruits, qui ont la
connaissance, si ce ne sont pas des gens qui font tout au pifomètre,
l'Etat peut les aider, mais non pas avoir ce genre d'aide qui s'applique
à la fois, grosso modo, à ceux qui ne connaissent rien et
à ceux qui sont capables de faire quelque chose. Que ce soit
sélectif.
A ce moment-là, vous ramenez le rôle de l'Etat à un
rôle juste de suppléance, non pas à un rôle de
"subventionneur" à outrance pour faire des choses pour lesquelles, des
fois, on n'est pas encore préparé. Mais regardez dans le champ
d'abord et si vous rencontrez dix Saint-Jean, comme nos amis de
Saint-Hyacinthe, dans l'ensemble du Québec, dans différents
secteurs de production alimentaire, qui sont entourés de gens de
même capacité que ceux que vous trouvez dans ces usines,
accompagnés d'un ensemble de cultivateurs qui sont réellement
coopérateurs avec eux pour leur apporter la qualité et la
régularité des approvisionnements, n'ayez pas peur de les aider,
d'une façon sélective.
Justement, cela va se faire par le marché lui-même. On nous
a dit que, dans nos études, il faudrait que nous indiquions les secteurs
prioritaires. Non, on n'a pas indiqué nos secteurs prioritaires. On
préfère que le marché, que l'ensemble de toutes les lignes
de force du marché nous les fasse, nous les montre. Je ne veux pas dire
par là qu'on veut absolument laisser aller et tout, ce n'est pas cela
qu'on veut dire. Mais, précisément pour répondre à
votre question, au lieu d'avoir un genre d'Etat qui est présent partout
et qui veut que tout le monde embarque dans toutes sortes d'affaires, on dit:
Regardez faire ceux qui sont dans le champ. Quand vous vous apercevrez que ce
sont des gens sérieux et qui sont organisés pour faire quelque
chose et qui ont fait leurs preuves, appuyez-les. Est-ce que cela répond
à votre question?
M. Dubois: Oui, je vous remercie. M. le Président, vous
avez soulevé, concernant l'article 12 tout à l'heure,
peut-être une préoccupation au niveau de la centralisation qui
sera effectuée par la commission. Personnellement, j'aimerais quand
même voir une certaine décentralisation vis-à-vis les
verdicts qui seront rendus. Dans cet ordre d'idées, j'aimerais quand
même, étant donné qu'il y a douze régions agricoles
au Québec, voir douze commissions pour qu'elles soient plus près
du centre où s'établiront soit des industries, soit du
développement domiciliaire, soit des industries de la ferme. J'aimerais
quand même voir les commissions plus près du centre de
décision. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus. Ne
pensez-vous pas qu'on rendrait peut-être mieux service à ces
régions si les commissions étaient décentralisées
et s'il y en avait une par région?
M. Roy (Léonard): Quant à nous, on regarde ce qui
existe dans le moment. Vous avez un ministère de l'Agriculture qui,
d'après nous, à le regarder faire, tend à se
décentraliser dans son administration propre.
Deuxièmement, vous avez actuellement toute une batterie
d'organismes professionnels qui tiennent à la fois des agronomes et des
CRD, des organismes de développement régionaux, tous ces groupes.
Je ne dis pas que c'est la perfection, mais c'est déjà beaucoup
que vous ayez des gens sensibilisés qui s'unissent pour essayer de
développer chacune des régions. Vous avez d'autres corps publics
qui sont reconnus, des gens qui oeuvrent dans leur milieu, qui veulent un
développement et qui vont s'y pencher peut-être qu'ils
n'ont jamais eu la chance de se pencher sur les problèmes
agro-alimentaires chez eux davantage. Je pense aux chambres de commerce
locales. Je ne pense pas à la Chambre de commerce de Montréal,
mais je pense à la Chambre de commerce de Champlain, je pense à
la Chambre de commerce de Rimouski. Vous avez des corps publics qui peuvent
répondre de leurs gestes devant la population et qui sont là tout
près dans des régions. A notre sens, on croit que c'est
déjà beaucoup. C'est pour cela qu'on se contente de dire: Que
cette commission provinciale, qui va surveiller l'utilisation du sol arable,
ait le souci de rendre des décisions qui tiennent compte des besoins des
régions et se structure par ses règlements ce n'est
peut-être pas nécessaire dans la loi en groupes
consultatifs dans chaque région qui existe dans la province de
Québec. Notre conception va dans ce sens, quand on parle de
décentralisation.
M. Dubois: Le ministre a ouvert la porte tout à l'heure,
au niveau de la concentration dans l'industrie laitière, surtout au
niveau industriel, dans le lait industriel. J'aimerais seulement faire une
remarque, ce n'est pas une question que je pose. Si la Coopérative de
Granby s'appelait Kraft ou General Foods, je pense qu'on dénoncerait
quand même le cartel qui existe là. Ce n'est pas
dénoncé présentement par le ministère de
l'Agriculture, mais je pense que cela se ferait, si c'était une
multinationale. C'était seulement une remarque que je voulais faire au
ministre. C'est tout.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy (Fabien): Merci, M. le Président. A mon tour, je
veux remercier...
M. Garon: Est-ce que le député de Shefford est
d'accord avec cela?
M. Verreault: Je ne suis pas d'accord avec cela. Tu lui diras
tantôt que je...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud, vous avez la parole.
M. Roy (Fabien): A mon tour, je veux remercier M. Roy, du Conseil
de l'alimentation du Québec, pour l'excellence du mémoire qu'il
nous présente
aujourd'hui et pour les arguments qu'il vient de nous apporter, ainsi
que pour les réponses qu'il a données à la commission
parlementaire, à mes collègues de la commission parlementaire.
J'avais dit et je le dis un peu à l'attention du Conseil de
l'alimentation, qu'une loi sur le zonage agricole pouvait être
interprétée comme la quatrième loi en importance de toute
l'histoire du monde agricole du Québec, après la Loi de
I'électrification rurale, après la Loi du crédit agricole
et après la Loi des marchés agricoles.
D'un autre côté, c'est la première fois qu'on va
aussi loin dans une loi pour restreindre l'exercice du droit de
propriété, qui a toujours fait partie de nos traditions
fondamentales et pour lesquelles nos concitoyens, nos compatriotes ont toujours
été extrêmement jaloux. Pardon?
Une Voix: Je parlais là-bas.
M. Roy (Fabien): Je m'excuse, je pensais que c'était moi
qui avais la parole. Je disais que c'était la première fois qu'on
allait aussi loin pour restreindre l'exercice du droit de
propriété. Une loi de zonage agricole, pour être vraiment
efficace, doit être acceptée dans les milieux, parce que si une
loi est contestée dans les milieux, le gouvernement va avoir
énormément de difficultés, de problèmes, et on
n'atteindra pas les objectifs désirés. J'aimerais un peu
reprendre ce que mon collègue vient de vous poser comme question,
à savoir d'établir des commissions régionales. On sait
très bien que le ministère de l'Agriculture, il y a plusieurs
années, a organisé le Québec agricole en douze grandes
régions. Il y a le Service de l'utilisation des terres du
ministère de l'Agriculture, il y a des instances gouvernementales.
J'aimerais que vous nous disiez, que vous nous donniez, à la
lumière de votre expérience, votre opinion sur le fait qu'il
pourrait exister c'est une suggestion que j'ai faite et j'y tiens
encore, jusqu'à ce qu'on m'ait prouvé que c'est une suggestion
qui ne serait pas une suggestion acceptable dans le milieu, qu'on fasse en
sorte d'avoir douze organismes, un dans chacune des régions, qui
auraient à établir des critères parce que vous avez
fait référence à des critères tout à l'heure
certainement différents d'une région à l'autre.
Or, l'expérience nous a démontré avec les
années qu'une seule instance gouvernementale qui chapeaute toute une
activité comme celle-là, finit par établir des normes
provinciales, qu'elle tente d'appliquer tant bien que mal dans toutes et
chacune des régions du Québec. J'aimerais que vous me donniez
votre opinion là-dessus, et que vous élaboriez davantage votre
pensée sur la nécessité d'impliquer chacune des
régions du Québec à l'intérieur d'une instance
si vous êtes d'accord avec le principe qui serait
établie dans chacune des régions et qui pourrait être
chapeautée par l'instance provinciale qui elle, deviendrait, en quelque
sorte, comme un tribunal de haute instance, un tribunal d'appel, un tribunal
qui aurait effectivement le pouvoir de trancher la question, mais qui ne
trancherait pas au premier degré, qui trancherait en dernier lieu,
après que les instances locales ou régionales auraient
joué leur rôle.
M. Roy (Léonard): Précisant l'expérience
qu'on a eue dans le passé, par exemple, on va parler du rôle de la
Régie des marchés agricoles du Québec, ou ce qu'on avait
avant, l'Office des marchés agricoles, depuis le juge Héon. Cet
organisme était provincial; avec les années, avec son
expérience j'ai eu l'occasion de travailler dans cet organisme
on s'est vite aperçu après trois ans qu'il fallait
absolument que les problèmes qu'on apportait au niveau de l'Office des
marchés agricoles, à ce moment, aient passé à
travers une espèce d'écran où les réactions locales
pouvaient se produire. Ce n'était pas nécessaire, à ce
moment, de créer douze offices des marchés agricoles dans la
province de Québec.
Ce qui est arrivé, c'est que les producteurs se sont
organisés avec des mécanismes qui leur permettaient de faire ce
travail de rationalisation dans leur mise en marché à leur niveau
et, une fois qu'ils l'avaient fait à leur niveau, ils arrivaient devant
l'organisme provincial et pouvaient dire: Nous voudrions un endossement, une
homologation à ce que l'on a décidé pour telle ou telle
région. Vous avez été longtemps on avait, je crois,
32 plans conjoints dans le lait dans la province de Québec
c'était ce principe-là qui prévalait. Avec les
années, les producteurs agricoles eux-mêmes, dans le fait, ont
décidé que c'était mieux d'avoir un plan conjoint
provincial pour la mise en marché du lait, compte tenu du fait que,
lorsque vous parlez de mise en marché, vous parlez, à ce
moment-là, vous faites intervenir des considérations de
"marketing" que vous ne pouvez pas morceler indûment.
Quand on dit: Si vous voulez prendre place avec le lait, avec des
produits laitiers, il faut que vous nous produisiez, par exemple, des produits
laitiers, notre matière première, avec tel degré de
qualité, en se servant des comptages bactériens et tout cela,
pour une chose. Ou bien il faut que vous nous produisiez avec tel genre de
régularité. On ne peut pas, à ce moment-là, dire
que ce seront tant de bactéries dans la Beauce, tant de bactéries
dans le Sud de Montréal et tant de bactéries au Lac-Saint-Jean.
Il faut être capable d'avoir des approvisionnements de lait qui
répondent à toutes ces normes. Parce que le marché qu'on a
à servir n'est pas régional. Le marché je parle du
produit fini est même continental. Les cultivateurs
eux-mêmes sont venus et, au lieu des quelque 30 plans conjoints dans le
lait, ils en ont deux aujourd'hui: le lait industriel et le lait nature.
Est-ce que cela voudrait dire qu'il n'y a peut-être pas une grande
différence entre ce que vous demandez et ce que nous proposons? On dit:
Faites donc appel au plan régional... D'abord, d'une part,
organisez-vous donc pour que cette commission ait la préoccupation de
régionaliser ses décisions. Deuxièmement, faites donc
appel au niveau régional, à ce qui existe déjà, les
groupements de développement régional, les groupes de producteurs
agricoles, les chambres
de commerce et le reste, qui peuvent représenter les industries
agro-alimentaires intéressées, et faites fonctionner cela avec
des chambres, par règlements, créez des groupes les mots
m'importent peu, c'est la chose qui m'intéresse et nous ne sommes
peut-être pas loin l'un de l'autre dans ces
recommandations-là.
M. Roy (Fabien): Vous faites référence,
évidemment, à la mise en marché des produits agricoles au
niveau de la réglementation et des différents plans conjoints
provinciaux. Ce n'est pas la place, je pense bien, pour commencer une longue
discussion là-dessus, quoique je me pose bien des questions. Il y a eu
des conséquences assez néfastes pour plusieurs régions du
Québec. Parce que la qualité des sols n'est pas la même
dans le plateau du Saint-Laurent que dans le plateau appalachien ou dans le
plateau laurentien. Les conditions des sols ne sont pas du tout les
mêmes. Je prends, à titre d'exemple d'ailleurs, je l'ai
souligné à l'attention du ministre une région comme
la Beauce, la région de la Chaudière. Je pourrais prendre celle
du Saguenay-Lac-Saint-Jean, celle du Bas-Saint-Laurent d'ailleurs, le
député de Rimouski a fait des recommandations aujourd'hui dans ce
sens-là ou celle du Nord-Ouest québécois, qui ne se
comparent pas du tout l'une à l'autre. Ma grande crainte et je
l'ai dit à l'intention du ministre c'est qu'on fasse en sorte
que, justement, par le jeu des règlements, sur lequel les
parlementaires, les députés et les élus du peuple n'ont
jamais un mot à dire, règlements que nous apprenons lorsque nous
avons le temps et le goût de lire la Gazette officielle, ce qui n'est pas
une mince tâche, vous en conviendrez avec moi, on fasse en sorte d'amener
une certaine instabilité, une certaine insécurité chez les
gens du milieu.
Si, sur le plan juridique, dans la conception même de la loi, il y
avait, dans un premier temps, des obligations et des règles assez
strictes pour créer des mécanismes régionaux pour
commencer l'application d'une loi... Parce que cette loi, ne l'oublions pas, va
faire mal à bien des gens et elle va déranger bien du monde. Mais
il ne faudrait pas faire en sorte que, par les terres les mieux
favorisées, les régions les mieux favorisées au point de
vue du sol, on fasse en sorte de transférer l'agriculture et de la
centraliser dans la seule région de la plaine du Saint-Laurent. Ce
serait extrêmement malheureux et c'est ma grande crainte.
M. Roy (Léonard): D'abord, l'industrie elle-même a
intérêt à se rapprocher de ces milieux-là et, comme
l'industrie ne peut pas être toute localisée dans le Sud de
Montréal, beaucoup de genres d'industries ont avantage et
déjà se collent à des régions que je n'appellerais
pas périphériques, mais c'est encore étrange comme cela va
assez loin. Seulement l'attrait du profit à réaliser dans des
activités normales, honnêtes, industrielles, va faire qu'on va
toujours demander que l'on ne tue pas, à toutes fins pratiques, le petit
producteur. Je ne parle pas de celui qui est absolument marginal et qui gagne
son salaire total dans le village ou en ville et qui garde des terres plus ou
moins cultivées, je parle du petit qui aurait des chances de devenir
moyen et gros éventuellement. Alors, les entreprises s'en vont vers ces
gens-là, c'est évident; on le voit déjà dans
plusieurs régions. (22 h 15)
M. Roy (Fabien): II est absolument nécessaire, dans le
domaine de l'agriculture, de faire en sorte qu'on puisse conserver l'initiative
régionale, le dynamisme régional, l'esprit de
développement régional pour que chaque région se mette
à contribution et travaille dans ce sens. Un organisme uniquement
provincial, à mon avis, j'aimerais avoir le vôtre, ne peut pas
avoir cette préoccupation régionale aussi forte que les gens du
milieu lorsqu'ils sont directement impliqués et qu'ils vivent dans cette
région, qu'ils ont intérêt à développer cette
région.
M. Roy (Léonard): Un organisme, par exemple comme le
Conseil de l'alimentation ou des grands organismes comme cela, c'est
remarquable; la plupart sont tous structurés sur une base
régionale; on élit les administrateurs par région; on a le
souci, quand on fait des assemblées, que le quorum même indique
dans nos structures qu'on doit tenir compte de la représentation de
toutes les régions, si on n'a pas notre représentation de
régions, on n'a pas quorum. Cela est évident, quand vous avez des
corps publics qui veulent embrasser l'ensemble du Québec, si vous voulez
embrasser l'ensemble du Québec, il faut que vous commenciez par
être sûrs que vous êtes une plaque de résonnance pour
toutes les constituantes du Québec. D'ailleurs, toutes les grandes
associations professionnelles sont structurées ainsi; vous avez le
Barreau, c'est par région; vous avez le Barreau rural, etc.; alors,
c'est partout pareil.
M. Roy (Fabien): D'ailleurs on sait quel rôle jouent les
conseils économiques régionaux. J'aurais bien d'autres questions,
M. le Président, c'est bien intéressant, mais je ne veux pas
être égoïste au point de monopoliser la commission
parlementaire seul. Je vous remercie beaucoup, M. Roy.
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. le
député de Beauce-Sud. M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais, au
départ, peut-être ne pas démystifier le plan
régional dont on parle depuis un bon bout de temps, mais je pense que
l'esprit de la loi dénote la collaboration qui doit exister entre le
palier régional et le palier provincial qu'incarne la commission. Quand
on dit dans la loi que tout intéressé peut intervenir, cela
suppose que chaque municipalité qui aura à déposer un
plan, l'UPA pourra intervenir, les CRD pourront intervenir,
même l'individu comme tel touché dans un plan de
développement additionnel sur le plan domiciliaire pourrait intervenir.
Donc, la loi donne ouverture à tout cela. Je suis porté à
considérer les propos de M. Roy comme très sages en disant qu'au
niveau de la réglementation, on pourrait prévoir des mesures pour
tâcher, par exemple, d'informer le public pour leur donner vraiment la
chance d'amener une intervention valable.
Cela dit, j'aurais une question, non pas farfelue, mais j'en ai entendu
des vertes et des pas mûres au niveau de l'adoption en deuxième
lecture du projet de loi. Quand on représente 80% du marché
alimentaire je m'en aperçois parce que vos arguments sont
solides, serrés, j'ai même lu votre travail avant que vous
arriviez ici je voudrais savoir ce que vous répondriez, si vous
étiez député à ma place, à l'argument du
genre de celui-ci: Un tel projet de loi brime les libertés individuelles
ou les droits individuels et un tel projet de loi est un concept socialiste. Si
je vous demandais vos arguments face à une telle argumentation, que me
répondriez-vous?
M. Roy (Léonard): M. le député, je ne suis
pas député, mais tout de même, je dois avouer que j'ai
aussi des réactions devant cela. Je l'entendais encore, ce soir, parce
que j'ai eu le plaisir d'être dans la galerie à écouter. Je
n'ai qu'une question là-dessus: Pourquoi diable faisons-nous toutes ces
lois? Pourquoi un ensemble d'hommes intelligents, que sont nos
législateurs, à un moment donné, s'arrêtent et
disent j'ai compris que vous avez dit "en principe" il le faut.
Pourquoi dites-vous cela? C'est donc que vous avez conscience que toutes les
couches de la société ont besoin d'être rassurées
sur leur avenir au point de vue approvisionnement alimentaire. Cela, on ne le
dit pas, on n'ose pas le dire, mais dans le fond, c'est cela, parce qu'on est
conscient, avec les chiffres que je vous ai donnés tout à
l'heure, que pour une province agricole comme l'a été longtemps
le Québec et cela sans reproche envers les gouvernements
précédents, je ne fais pas de politique il reste que ce
n'est presque pas acceptable qu'on se ramasse en 1978 avec encore à
peine le tiers de notre production agricole qui entre dans le panier à
provisions. On dépend on est des soutenus de
l'extérieur pour manger.
Si vous prenez cette attitude, cela répond à un besoin,
à un voeu de la population. Si c'est cela, à ce moment-là,
quand on pose le principe du respect du droit de propriété, j'y
crois aussi, moi aussi, fondamentalement. Mais je sais, par exemple, que j'ai
des droits, moi aussi, comme personne humaine et ces droits sont
rationalisés par d'autres que moi. Au moment où je suis
né, il y avait des gens avant qui avaient pensé que je ne pouvais
pas conduire une voiture à 100 milles à l'heure sur la rue
Sainte-Catherine à Montréal. Pourtant, j'aurais bien le droit de
faire cela. C'est à moi la voiture. Alors, on est entouré
quotidiennement de restrictions, de gestes rationnels posés par ceux qui
prennent le bien commun en considération et qui briment les droits des
individus, mais on finit par les accepter. On dit: C'est pour le bien
commun.
Quant à la protection du sol arable, je suis heureux qu'il se
trouve des gens pour poser le problème tout de suite avant qu'on soit,
dans peut-être dix ou quinze ans, en totale dépendance de
l'étranger dans l'alimentation. Je suis heureux qu'on pose le
problème: Etes-vous prêts à partager un peu, à
accepter qu'on rationalise votre droit de propriété? Vous
n'enlevez pas le droit de propriété à personne avec cette
loi, à mon sens. Je me permets de raisonner tout haut. Je suis un
citoyen et je vote de temps en temps. Je raisonne comme cela. Vous n'enlevez
les droits de personne. Seulement, vous les rationalisez dans leur utilisation,
tout simplement.
Si, éventuellement, un gouvernement est allé trop loin,
j'imagine qu'un autre gouvernement viendra rétablir l'équilibre.
Il n'enlèvera pas les droits de propriété, mais il
corrigera peut-être ce qui aura été trop loin. Alors, il y
a une différence entre quand on parle de brimer les droits des
gens leur enlever leurs droits et rationaliser l'utilisation qu'on en
fait. Devant cela, je ne peux pas voir où est le problème. Je
vous concède que pour les règles, pour le jeu de la
démocratie, il faut qu'il se trouve des gens pour dire quelque part:
Vous auriez pu faire mieux. J'accepte cela, ce sont les règles du jeu,
mais il y a un certain nombre de choses tout de même, comme cela, le sol
arable, la langue, la santé, où, à un moment donné,
les nécessités, les impératifs du fonctionnement
gouvernemental devraient s'arrêter et dire: C'est du sens commun.
Alors, vous m'avez posé une question sur ma réaction et je
vous ai dit que je n'étais pas député. Je vous donne une
réaction d'un simple électeur qui ne contrôle pas
grand-chose.
M. Chevrette: Qui rejoint beaucoup de députés. Je
vous remercie, M. Roy.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député. M. le député de Shefford.
M. Verreault: M. le Président, tout à l'heure, M.
Roy nous a parlé, dans son exposé, de décentralisation en
parlant de régionalisation. Il a parlé également de
rentabiliser l'agro-alimentaire. Au niveau de la décentralisation, je
crois qu'il faisait également allusion à certaines vocations
agricoles dans ces régions. Evidemment, dans la Gaspésie,
probablement que la pomme de terre est plus facilement cultivable. Il y a des
usines de transformation qui s'en chargent. Dans la région des Cantons
de l'Est que je représente, dans la région du Haut-Richelieu et
Yamaska, évidemment, nous avons la pomme tout court, nous avons la
betterave à sucre et nous avons différentes cultures semblables.
Dans la région de Lévis, le ministre a le blé d'Inde, le
maïs. Evidemment, la rentabilité est importante.
M. Garon: II y a pas mal de porcs aussi. Il y a pas mal de lait
aussi.
M. Verreault: Vous avez également... Une Voix:
Sûrement.
M. Verreault: Non, je ne fais aucun rapprochement, de toute
façon, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! M. le
député de Shefford.
M. Verreault: Vous avez parlé également de la
protection du sol agricole et, en plus, vous donniez comme argument des
craintes à l'effet que tout cela, s'il n'y avait pas de protection
agricole, on pouvait risquer, en agriculture, d'avoir une certaine
discontinuité, soit dans la production ou dans les récoltes. Mais
à part le zonage agricole proprement dit, pour permettre une certaine
rentabilité, une certaine productivité aussi, est-ce qu'il y
aurait d'autres causes qui pourraient inciter les gens à discontinuer
les récoltes...
M. Roy (Léonard): A discontinuer?
M. Verreault: ... une production ou... Est-ce qu'il y aurait
d'autres causes, parce que vous dites que le zonage agricole, s'il n'est pas
fait, pour vous, c'est une crainte qu'il y ait une discontinuité...
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Verreauit: ... soit dans la relève, soit dans la
production. Est-ce que vous voyez d'autres causes, à part
celle-là, qui pourraient permettre une discontinuité?
M. Roy (Léonard): Vous avez toutes les questions
strictement pertinentes au marketing. Je m'explique là-dessus. Si, par
hasard on va prendre l'extrême, un exemple qui charrie tous
nos cultivateurs disaient demain matin: On ne fait rien d'autre que du lait,
c'est évident qu'à ce moment-là, ils se font hara-kiri. Ce
n'est pas mêlant. Même s'ils avaient tout le sol
protégé que vous voudrez, ils ne pourraient jamais... Je vous ai
dit tout à l'heure que c'est un des domaines où, actuellement,
c'est urgent qu'on spécialise et qu'on rationalise, parce qu'on fait
trop de choses qui ne se consomment pas. On ne peut pas continuer longtemps
comme ça, seulement pour le bénéfice de dire: On produit
et on envoie ça à des entrepôts, on vend ça à
des ventes de feu dans le tiers-monde, et, quand on ne le vend pas, on
l'enterre. Ce n'est pas ça, de l'économie saine.
Si vous me demandez s'il y a d'autres facteurs qui peuvent
précipiter une déchéance de notre capacité de
produire en agro-alimentaire, vous avez toutes ces questions qui touchent au
marketing.
M. Verreault: Vous parlez de la rationalisation. S'il arrive,
à un moment donné qu'il y a une certaine chute de certains
produits agricoles ou agro-alimentaires, c'est sûr que le zonage agricole
n'aura pas tellement d'effets dans les circonstances. Donc, ce sont les
politiques agricoles, comme vous le mentionniez tout à l'heure, qui
pourraient faire la résultante bénéfique du zonage
agricole, de la protection du sol agricole.
Le ministre parlait tout à l'heure du porc. Chez moi, il y a
à peu près une dizaine de permis par semaine qui sont
donnés, tant pour la maternité, 200 ou 300 porcs ou truies et,
d'autre part, que pour l'engraissement, c'est à coups de 2000, 3000 et
5000 porcs. Cela fait déjà deux ans que les permis se donnent
comme ça. Qu'est-ce qui arriverait, selon vous, si, à un moment
donné, il y avait un krach demain matin dans le porc?
M. Roy (Léonard): Evidemment, nous, de l'industrie, on a
été les premiers à réagir auprès de la
Régie des marchés agricoles du Québec, sur la question
d'émission des permis. On a demandé à la régie de
se servir davantage de sa tête. Il ne faut pas... on doit exiger et
j'imagine que ceux qui sont responsables des ministères, les
fondés de pouvoir et leurs premiers lieutenants, doivent être en
mesure d'exiger des gens qui dirigent des organismes comme ça, qui ont
un tant soit peu des capacités de dirigisme, ils doivent exiger de ces
gens d'avoir de la tête.
Nous autres, on dit à la Régie des marchés
agricoles: Faites attention dans l'émission de vos permis, soyez
sélectifs, faites des enquêtes à base de données
économiques. Actuellement, on se plaint, on essaie de développer
les fromages de spécialité. Cela va, on a une dizaine
d'entreprises qui font des fromages de spécialité, on en fait 29
au Québec, 20 différentes sortes. Si vous donnez des permis, at
large à tous ceux qui veulent commencer, d'une façon artisanale,
à faire tous ces fromages de spécialité, vous allez
enlever totalement à ces dizaines ou douzaines d'entreprises qui visent
à avoir une économie d'échelle, la rentabilité et
la sécurité comme l'ont les bouchers et les cultivateurs, ils ne
seront plus capables d'arriver.
Le permis, à ce moment-là, joue un rôle. Puisque
vous me parlez de ça, si le manque de discernement dans
l'émission des permis de lait peut causer des problèmes,
j'imagine que I absence de discernement dans l'émission des permis pour
l'élevage des porcs ou l'engraissement des porcs risque de causer les
mêmes dommages. Vous savez, il y a une chose, en tout cas, qu'on le
veuille ou qu'on ne le veuille pas, l'économie agricole alimentaire au
Québec est dans le dirigisme, même si on n'aime pas ça,
ça fait longtemps qu'on est dans le dirigisme.
Dès qu'on a accepté de fixer des prix pour des aliments,
on est dans le dirigisme. Si on est dans le dirigisme, il faut que les gens qui
ont des responsabilités de décision à différents
niveaux, usent de leur jugement et soient conscients, quand ils rendent des
décisions, qu'ils rendent des décisions qui peuvent amener le
progrès d'un secteur ou la banqueroute du même secteur. De ce
côté, puisque vous parlez des permis, c'est notre attitude. C'est
aussi important, sous certains
angles, la technique de l'émission des permis, que la
conservation de nos sols arables. (22 h 30)
M. Verreault: M. Roy, en plus des permis, il y a aussi la
main-d'oeuvre. Si je prends la région que je représente,
concernant la cueillette des pommes. Quand on parle de main-d'oeuvre dans la
cueillette des pommes, c'est une chose qui est presque impossible.
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Verreault: De toute façon, si j'ai bien compris le
raisonnement que vous avez établi ce soir, vous êtes en parfait
accord avec les députés sur le principe. Si on parle du fond et
de l'application de la loi, à ce moment-là, vous la laissez
complètement au législateur.
M. Roy (Léonard): L'industrie vous donne deux indications.
S'il vous plaît, ayez des normes qui montrent bien dans le public que ce
n'est pas une attitude négative de protection que vous avez, c'est une
attitude positive de développement. C'est le jour et la nuit.
M. Verreault: Cela va prendre une autre loi pour le
développer à fond. Et cela ne prendra pas simplement des lois
comme on l'a mentionné, cela va prendre des budgets pour le faire.
M. Roy (Léonard): Oui. Et cela demande une technique, et
cela demande un encadrement.
M. Verreault: Et il va falloir diriger les gens dans d'autres
domaines, à un moment donné, où il n'y aura pas trop de
surproduction, dans un domaine où cela sera "écoulable".
M. Roy (Léonard): Laissez-nous créer des
marchés profitables pour les cultivateurs et cela va se faire tout seul.
Laissez-nous faire cela. Qu'on ait des chances. Evidemment, on va demander
à l'Etat, de temps en temps, lorsqu'on n'est plus capable de se
protéger, que le parapluie n'est pas assez grand, on va lui demander de
tirer un peu dessus. Mais laissez-nous faire la "job" et vous allez voir que
les cultivateurs, si c'est payant, vont venir là.
M. Verreault: Est-ce que vous voulez dire par là:
Adoptez-la, votre loi; après cela, on critiquera et, si on n'est pas
satisfait, on chialera?
M. Roy (Léonard): Pardon, monsieur?
M. Verreault: Je répète. Est-ce que vous voulez
dire par là: Adoptez-la, votre loi et, si on n'est pas satisfait, on
chialera après?
M. Roy (Léonard): Non, nous ne chialerons pas
après. On se dit une chose. On vous fait nos constatations d'une
façon très constructive, d'après ce qu'on pense. On dit:
C'est un bon début. C'est toujours perfectible. Mais n'essayons pas
d'obtenir la perfection en commençant. On ne débouchera jamais
nulle part.
M. Verreault: De toute façon, on en conclut quand
même qu'il y a certaines lacunes.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Je profite de cette occasion, M. Roy, pour vous
remercier sincèrement du témoignage que vous avez rendu à
la maison H. Saint-Jean et Fils de Saint-Hyacinthe, gérée par les
frères Saint-Jean, à qui je ferai certainement parvenir copie de
votre témoignage.
Est-ce que, lors de votre voyage au Japon, vous avez vu aussi les
produits Olympia?
M. Roy (Léonard): Oui.
M. Cordeau: Pour l'information des honorables membres du
Parlement qui sont en face de moi, je dois vous dire que c'est une autre
compagnie du comté de Saint-Hyacinthe, à Saint-Simon.
M. Garon: Le député devrait savoir qu'il y a une
participation de SOQUIA, la Société québécoise
d'initiatives agricoles, dans la compagnie Olympia et que la mission au Japon a
été faite conjointement avec le ministère de l'Agriculture
du Québec.
M. Baril: Et vous allez voter contre la loi sur la protection du
territoire agricole. C'est épouvantable.
M. Cordeau: Tout juste. M. le Président, c'est pour vous
dire que ce sont deux industries...
M. Garon: II n'y a pas eu qu'une mission, il y en a eu deux.
Le Président (M. Boucher): ... pourriez-vous
procéder à votre question?
M. Cordeau: Oui. Ce sont deux industries
canadiennes-françaises qui font honneur au Québec à
l'étranger. Je crois que c'est le temps de rendre des témoignages
d'appréciation à des maisons d'affaires qui travaillent pour
faire connaître le Québec à l'étranger et qui
réussissent.
M. Garon: C'est pour cela que le ministère...
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Saint-Hyacinthe. M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Merci beaucoup. Pour faire suite à ce que
mentionnait le député de Saint-Hyacinthe, après avoir
rendu des témoignages semblables au ministère de l'Agriculture,
au développement de l'Agriculture dans le comté de
Saint-Hyacinthe, ce n'est pas croyable qu'un député
comme celui-là vote contre le principe de la loi sur la
protection du territoire agricole.
M. Garon: Et il fait des brochures contre le gouvernement.
M. Gagnon: C'est cela.
M. Garon: Et il dit qu'il ne se fait rien dans son
comté.
M. Cordeau: Depuis ce temps-là que cela va bien, M. le
ministre. Vous vous êtes grouillé.
M. Gagnon: M. Roy, vous avez mentionné que, dans le panier
de provisions d'un consommateur québécois, on retrouvait environ
30% à 35% du contenu qui était un produit
québécois.
M. Roy (Léonard): Matières premières.
M. Gagnon: Matières premières
québécoises. Vous avez dit que cela pouvait aller jusqu'à
50% d'un produit avec un ajout québécois.
M. Roy (Léonard): C'est cela.
M. Gagnon: Un peu plus loin, vous mentionnez qu'il y aurait
possibilité, sans croire à l'auto-suffisance complète,
d'augmenter à 70% la matière première
québécoise, si on a une bonne gestion de notre territoire
agricole et si on développe les programmes pour mettre le territoire
protégé en production.
Si on atteignait 70%, au point de vue des emplois, qu'est-ce qu'il y
aurait possibilité de créer comme emplois, au Québec,
comme emplois stables, dans le domaine agricole?
M. Roy (Léonard): Tout à l'heure, j'ai parlé
par secteur, mais j'ai donné des chiffres quelque part. Chaque dix
points passons de 50% à 60% ajoute $1 milliard de valeur
ajoutée, aux $5 500 000 000.
M. Gagnon: $1 milliard.
M. Roy (Léonard): Pour chaque dix points.
M. Gagnon: Pour chaque dix points.
M. Roy (Léonard): Si vous créez une valeur
ajoutée de $1 milliard, dans notre industrie, pour créer un
emploi, cela coûte $47 000. Je vous donne la loi des grands nombres. On
calcule que, dans l'alimentation, pour créer un emploi, il en
coûte $47 000. Si on a une valeur ajoutée qui fait que nos
expéditions industrielles atteignent $1 milliard de plus, divisez cela
par $47 000 ou $50 000, grosso modo, et vous allez avoir le nombre d'emplois
que cela crée.
M. Gagnon: Une vingtaine de mille?
M. Roy (Léonard): Vous allez peut-être dire que ces
calculs sont quand même simplistes, mais il faut, à un moment
donné, arriver à des normes et, ordinairement, quand on veut
évaluer la rentabilité des secteurs industriels, c'est
là-dessus qu'on se base.
M. Gagnon: Un autre petit point, lorsque vous parlez de
création d'emplois, vous parlez de votre industrie.
Considérez-vous, comme dirait le premier ministre, tout ce qui est en
amont et en aval, c'est-à-dire partant de la ferme, les emplois
créés aussi à la ferme?
M. Roy (Léonard): Oui, toute la chaîne.
M. Gagnon: Dans vos industries, peut-on dire que c'est un emploi
stable et dans quelle proportion?
M. Roy (Léonard): A l'exception des conserveries, pour des
raisons très visibles, très compréhensibles, je crois que
les autres secteurs industriels de transformation sont des secteurs qui
transforment ou qui cherchent à transformer à longueur
d'année, mais, concernant l'industrie laitière, c'est
évident que la partie qui n'est pas une production pour la consommation
humaine dépend du rythme, du cycle naturel des vaches. Elles donnent
beaucoup de lait en juin et pratiquement pas en ce temps-ci de l'année.
C'est un problème, mais c'est un problème qui se corrige.
Actuellement, avec l'Etat, nous sommes à corriger cette partie. On
essaie de rationaliser la production hiver-été de manière
que nos usines ne soient pas amenées à fermer totalement durant
les mois de décembre, janvier, février; ce qui arrive de moins en
moins d'ailleurs. On est capable de produire à longueur
d'année.
Evidemment, il y aura toujours des surplus au mois de juin, parce que la
nature fait que les vaches produisent beaucoup plus de lait en mai, juin,
juillet qu'en tout autre temps de l'année. Si vous mettez cela de
côté, les autres secteurs sont des secteurs de transformation qui
sont réguliers à longueur d'année.
M. Gagnon: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre, un
dernier mot.
M. Garon: II y aurait seulement un mot que j'aimerais dire sur un
article, M. Roy, parce que le député de Joliette-Montcalm l'a
souligné. L'article 35 ouvre des possibilités importantes sur le
plan régional pour des organismes de faire valoir... Remarquez bien
qu'avec l'étude des mémoires qui seront présentés
à la commission parlementaire, il sera peut-être possible de
l'améliorer, mais je dois dire déjà qu'avec cet article,
le plan provisoire est déposé à la municipalité, il
peut être consulté au bureau de chacune des corporations
municipales et au bureau de la commission. Toute personne toute
personne, cela veut dire n'importe quel organisme, individu, personne physique,
personne
morale, Union des producteurs agricoles, conseil de comté, tout
organisme local ou régional peut faire des représentations
écrites à la corporation municipale visée en faisant
suivre une copie à la commission. C'est-à-dire, pour faire valoir
son point de vue au niveau de la municipalité, elle en envoie une copie
à la commission pour que la commission soit au courant aussi qu'il y a
eu des représentations régionales ou locales. A ce
moment-là, il faut tenir compte aussi que ce sera discuté avec la
municipalité. Il ne faut pas se faire d'illusions. Dans certaines
municipalités, je ne dis pas que c'est la majorité, ce sont les
spéculateurs qui sont au pouvoir. Je pense que les
représentations de personnes du milieu peuvent être
écrasées par les spéculateurs. Cela arrive à
certains endroits. A ce moment-là, les organismes locaux ou
régionaux qui voudront faire valoir leur point de vue pourront permettre
à la commission de protéger les agriculteurs de cette
région.
Il y a un point qui m'apparaît excessivement important. Il y a eu
le schéma d'aménagement du territoire dans l'Outaouais, dont le
conseil régional nous a remis rapport en juin 1977. Donc, c'est un
véritable schéma d'aménagement qui a été
fait, un volume considérable que j'ai eu. Il a presque 450 pages, 430
pages.
A la page 262, on dit ceci et ce sont des gens qui en ont fait un
schéma d'aménagement, qui n'ont pas zoné toutes les terres
agricoles à un moment donné: "De plus, une
réglementation aussi stricte qui permettrait que l'agriculture ne peut
constituer qu'un aspect d'une politique générale de protection
des terres arables et de relance de l'industrie agricole. Cette politique
d'ensemble, qui relève des gouvernements supérieurs c'est
la CRO qui dit cela dans son schéma d'aménagement régional
de l'Outaouais donc, objectif national, est depuis longtemps promise,
mais toujours attendue, et ce, en juin 1977. En l'absence de ce
complément, le zonage agricole ne va pas sans difficulté et se
heurte à plusieurs objections de la part des cultivateurs et des
organismes intéressés à l'économie agricole". On
continue un peu plus loin et on explique, à ce moment, qu'on a
gardé pour l'agriculture un certain nombre d'acres et qu'on aurait pu en
garder plus, parce que les organismes agricoles et para-agricoles demandaient
d'en garder plus. On n'en a pas gardé plus, parce qu'on disait:
Qu'est-ce qu'on va faire avec cela?
On dit dans le rapport c'est ce que le rapport revient à
dire: Si on veut développer l'agriculture, c'est au gouvernement du
Québec à le dire. C'est d'avoir une politique de
développement agro-alimentaire. A ce moment, c'est à lui à
protéger le territoire, en tenant compte des organismes
régionaux. Quand on aura fini d'entendre les mémoires, il va
falloir en discuter.
Je pense que l'article 35 permet déjà une souplesse
à tout organisme et à toute personne d'aller faire valoir son
point de vue à la municipalité. Cet article a été
ajouté, suite à notre tournée de consultations du mois de
septembre, parce qu'il y avait des personnes qui nous disaient qu'elles
aimeraient se faire entendre au niveau local où le projet commencerait
à être discuté. Cet article n'a pas été assez
mentionné au cours des débats jusqu'à maintenant. Je
voudrais souligner son existence.
Je voudrais vous remercier, M. Roy, du temps que vous avez pris et du
travail que vous avez fait. Je veux souligner, en passant parce qu'il y
en a peut-être plusieurs qui ne le savent pas que quand vous avez
dit 27 ans, vous êtes sans doute le principal économiste au
Québec qui oeuvre dans le milieu agro-alimentaire, vous êtes
sûrement le doyen...
M. Roy (Léonard): Ne me donnez pas de titres comme
cela.
M. Garon: ... qui avez travaillé énormément
pour le développement agro-alimentaire et réussi cette
cohésion des industries manufacturières au sein du Conseil de
l'alimentation du Québec. Je peux vous dire que dans les mois qui vont
venir, il va y avoir des programmes pour le développement de l'industrie
manufacturière alimentaire au Québec. Je vous remercie.
M. Roy (Léonard): Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Roy. Au nom
de tous les membres de la commission, je vous remercie pour votre
présence, ici ce soir.
Maintenant, j'appellerais le Conseil régional de
développement, représenté par M. Lionel Gaumont.
M. Gaumont, si vous voulez prendre place et présenter celui qui
vous accompagne.
Conseil régional de
développement
M. Gaumont (Lionel): M. Denis Charrette, du Conseil
régional de développement, agent de développement.
Le Président (M. Boucher): M. Denis Charrette. M. Gaumont,
allez-y de votre mémoire.
M. Gaumont: M. le Président, M. le ministre, messieurs,
c'est avec un vif désir de s'associer aux objectifs du gouvernement du
Québec en matière de développement de l'agriculture
québécoise, que le Conseil régional de
développement Lanau-dière dépose aujourd'hui ses
commentaires sur certains aspects du projet de loi de protection du territoire
agricole.
La participation du CRD Lanaudière. A l'automne 1975, le Conseil
régional de développement Laurentides-Lanaudière,
fédération des CRD Laurentides et Lanaudière, couvrant le
territoire, à peu de localités près de la région
agricole no 10, prenait l'initiative de mandater un comité
régional représentatif du milieu agricole et municipal, afin
d'éclairer le CRD sur le potentiel du territoire agricole à
conserver et les mesures à prendre pour en rentabiliser
l'économie. (22 h 45)
En mars 1977, un mémoire a été déposé
à l'actuel ministre de l'Agriculture, dans le but de lui faire
connaître le niveau de concertation atteint dans la région
Laurentides-Lanaudière et les recommandations en matière de
protection et de rentabilisation.
Le 26 septembre 1978, à la suite de l'invitation du ministre du
11 août, le CRDLL précisait aux audiences publiques tenues
à Joliette les niveaux de pouvoir qu'il souhaitait voir instaurer pour
l'application de la loi.
Cette fois, pour des raisons d'ordre pratique, dues au délai trop
court et pour respecter davantage l'expression des deux régions
distinctes de Lanaudière et des Laurentides, le CRD
Laurentides-Lanaudière laisse ses deux CRD membres s'exprimer
séparément.
Avant de présenter les aspects que nous avons choisis de traiter
dans le présent mémoire, nous nous empressons, M. le ministre et
M. le Président, d'exprimer notre grande satisfaction à l'annonce
du dépôt, ces prochains jours, du projet de loi sur
l'aménagement et l'urbanisme.
Depuis 1970, le CRD Lanaudière revendique pour les gouvernements
locaux la majeure partie des responsabilités, rôles et fonctions
à être exercés pour le bénéfice des membres
des collectivités.
Si les propos du Devoir de samedi le 2 décembre 1978 sont exacts,
le gouvernement, et je cite: "n écarte pas la possibilité que les
municipalités de comté aient un certain rôle à jouer
dans la protection du territoire agricole.''
Notre satisfaction serait alors plus grande puisque non seulement le
premier geste concret vers la décentralisation sera posé par la
loi de l'aménagement et de l'urbanisme, mais cette loi aurait une
approche intégrée sur l'ensemble des activités du
territoire des municipalités de comté.
C'est dans cette ligne de pensée, M. le ministre, que nous
aborderons maintenant le développement de I agriculture en regard de la
protection du territoire, les paliers décisionnels en regard de
l'application de la loi, et deux aspects particuliers liés aux zones
agricoles: le droit du premier occupant et les projets de développement
gouvernementaux.
Protection du territoire agricole et développement de
l'agriculture. Une loi provinciale sur la protection du territoire agricole
doit nécessairement s'accompagner d'un zonage coercitif des bonnes
terres agricoles du Québec, afin d'assurer la permanence de
l'activité agricole, de viabiliser les exploitations agricoles et de
permettre une augmentation du degré d'autosuffisance par des moyens
efficaces.
Dans cette optique, nous croyons que la loi de protection du territoire
agricole devrait s'étendre pour s'appliquer à tout le territoire
agricole du Québec. Aussi, cette loi sur la protection du territoire
agricole devrait s'intégrer à une loi-cadre d'aménagement
du territoire, avec décentralisation et réorganisation des
pouvoirs vers les collectivités locales. Nous y reviendrons plus
loin.
Des mesures fiscales seront prévues dans les zones agricoles pour
en conserver l'utilisation à des fins essentiellement agricoles. Nous
pensons ici à: 1) l'allégement du fardeau fiscal des agriculteurs
par le remboursement d'une somme additionnelle de 30% des taxes
foncières, municipales et scolaires; 2) à l'obligation au
remboursement de l'excédent des taxes foncières perçues
pour une terre ou partie de terre exclue d'une zone agricole.
Par ailleurs, il faudrait repenser la fiscalité dans les
territoires municipaux zonés pour fins agricoles, en regard de
l'accessibilité aux conditions de vie sociales pour ses habitants. Par
là, nous entendons la facilité d'accès aux
équipements récréatifs, culturels et professionnels.
De même, des mesures de développement de l'agriculture
doivent être mises de l'avant pour rentabiliser, en priorité, les
exploitations agricoles dans les territoires zonés.
Toutefois, le ministère de l'Agriculture doit maintenir les
avantages que confèrent ses différents programmes et services
à tous les producteurs agricoles reconnus, et cela, même en dehors
des zones agricoles.
A cet égard, nous croyons que les projets de loi 99 et 100 sur la
création d'une banque de terre et sur l'accroissement des subventions
pour la mise en valeur des exploitations agricoles à l'occasion de
l'établissement de jeunes agriculteurs ou de l'agrandissement de fermes
constituent certes des mesures de développement à encourager.
En contrepartie, l'Etat se doit de garder un lien de servitude sur toute
terre, à l'intérieur et à l'extérieur des zones
agricoles, faisant l'objet d'investissements de la part du ministère de
l'Agriculture du Québec (améliorations apportées au sol
uniquement). Nous entendons par là que les producteurs agricoles
s'engagent à ce que leurs terres servent uniquement à des fins
agricoles pendant une certaine période de temps. La durée de
cette période serait fonction de l'importance des investissements ou
subventions accordées.
En troisième partie, l'application de la Loi sur la protection du
territoire agricole et la décentralisation.
Le rôle de l'Etat est absolument nécessaire pour fixer les
objectifs quant au nombre d'acres de terre à protéger pour
l'agriculture par rapport aux objectifs provinciaux d'autosuffisance en
matière alimentaire. Toutefois, la délimitation des zones
agricoles doit se faire en collaboration étroite entre la Commission de
protection du territoire agricole et chacune des municipalités
concernées. A cet égard, les intentions de l'Etat dans son projet
de loi sont manifestes.
Quant aux modalités d'amendement au zonage agricole, nous ne
pouvons que souligner la reconnaissance, par le ministère de
l'Agriculture, du rôle essentiel des municipalités comme paliers
démocratiques intermédiaires entre le citoyen et l'Etat. Mais la
participation s'arrête là.
Pour nous, M. le ministre, l'application d'une loi aussi importante qui
modifiera profondément l'utilisation des territoires municipaux et les
com-
portements socio-économiques des populations rurales et urbaines
devrait comprendre une participation beaucoup plus grande des institutions
démocratiques les plus près du citoyen: la municipalité et
le conseil de comté; car la planification et le contrôle du
territoire est une fonction politique d'aménagement selon laquelle les
gouvernements, près de la population, sont investis de pouvoirs et de
moyens.
Or, le projet de loi 90 confère des pouvoirs beaucoup trop larges
à la Commission de protection du territoire agricole du Québec.
Une approche aussi centralisatrice s'harmonise mal avec les perspectives
décentralisatrices annoncées par le gouvernement du Québec
en matière d'aménagement du territoire.
Pour nous, la participation des régions dans l'application de la
loi est essentielle. Elle devrait s'exprimer par des commissions
régionales de protection du territoire agricole. Ainsi, après le
décret de zones agricoles, des commissions régionales relevant de
la loi au même titre que la commission nationale seraient formées
dans chacune des régions agricoles du Québec. Elles seraient
composées, en nombres égaux, de délégués de
l'UPA et de représentants municipaux. Leur mandat serait:
premièrement, d'étudier les demandes de modification au zonage
agricole dans une région agricole donnée; deuxièmement,
d'acheminer ses avis motivés à la commission nationale de
protection du territoire agricole. Si, après 30 jours, la commission
nationale n'a pas fait opposition aux demandes de modifications
formulées, l'amendement est en vigueur. Si la commission nationale n'est
pas d'accord, elle doit faire parvenir son refus motivé à la
commission régionale dans les 30 jours. Les modifications
proposées sont alors refusées.
Bref, M. le ministre, après les études et les efforts de
concertation que nous avons déployés et avec les autorités
concernées dans notre région, depuis plus de deux ans, nous
sommes en mesure d'insister auprès de vous afin que l'intervention
législative que vous vous apprêtez à faire en
matière de protection du territoire agricole soit cohérente avec
le projet de décentralisation et reconnaisse les responsabilités
et la participation des régions en matière d'aménagement
du territoire.
Quatrième volet. Deux aspects particuliers du projet de loi 90:
Le droit du premier occupant et les projets gouvernementaux de
développement affectant les zones agricoles.
Le droit du premier occupant. Nous sommes entièrement d'accord,
M. le ministre, sur l'article 100 de votre projet de loi qui établit
clairement le droit du producteur agricole à développer son
exploitation dans des conditions qui le protégeront dorénavant
contre les plaintes et les poursuites judiciaires faites par des
résidents en dehors de la production. Depuis le temps qu'on en
parle...
Nous espérons cependant que cet article du projet de loi
s'harmonisera avec les lois et règlements à l'étude au
ministère de l'environnement sur les exploitations de la protection
animale.
M. Garon: Cela va être facile à harmoniser. M.
Giasson: Avec M. Léger.
M. Gaumont: Les projets gouvernementaux de développement
et les zones agricoles. Dans les zones agricoles le gouvernement, ses
ministères et organismes publics seront autorisés à
changer l'affectation du territoire à des fins autres que l'agriculture
pour autant que la Commission du territoire agricole aura fourni les avis
requis pour ce faire. Il nous semble tout à fait logique que cela se
passe de cette façon. Il nous paraît certain que des projets
nationaux, à fortes incidences spatiales viendront modifier
l'échiquier agricole, et peut-être dans pas grand temps.
M. Garon: Avez-vous des exemples?
M. Gaumont: Le gaz, qui s'en vient, le pipeline,
l'électricité.
M. Garon: Ces tuyaux passent sous la terre. M. Gaumont:
Oui, mais ils vont...
M. Roy: Ils dérangent le dessus de la terre.
M. Gaumont: ... travailler le dessus de la terre aussi.
Une Voix: On va arrêter les pipe-lines.
M. Gaumont: Toutefois, nous croyons qu'il devrait y avoir une
consultation systématique des collectivités locales
touchées dans tous les cas d'un changement important au niveau de la
vocation du territoire agricole par le gouvernement, ses ministères et
organismes publics. Ces consultations seraient complémentaires aux avis
formulés par la Commission provinciale de protection du territoire
agricole.
Conclusion. En terminant, M. le ministre, nous croyons opportun de tenir
quelques propos visant à qualifier le présent mémoire et
à vous rappeler nos principales recommandations. Notre conseil
régional de développement est un organisme issu du milieu dont
l'assemblée générale est composée actuellement de
120 organismes membres représentant le monde municipal, scolaire,
agricole, coopératif, industriel, touristique et social. Toute
intervention de notre part met directement à contribution le conseil
d'administration et les représentants d'organismes concernés par
les actions et les dossiers amenés. La représentativité
dans la structure et dans l'action est assurée constamment par les
mécanismes de concertation que nous mettons sur pied, compte tenu de nos
modestes moyens et des nombreuses contraintes avec lesquelles nous devons
composer quotidiennement.
La réalisation du présent mémoire n'a pas
échappé à ces règles du jeu. Malgré les
quelques jours dont nous disposions pour étudier le projet de loi 90, et
pour mettre en branle le processus, le
CRD a fait le maximum pour élaborer son avis en concertation avec
des personnes engagées dans le monde municipal et agricole. (23
heures)
Nous avons donc livré les résultats de nombreux efforts
visant à illustrer l'expression d'une région qui, par des
représentants, se sont mis d'accord pour agir en faveur des objectifs
que le gouvernement poursuit en matière de protection du territoire
agricole et contre un abus de centralisation.
Nous croyons que les objectifs, pour être atteints, n'ont pas
besoin de cette centralisation qui va nettement à rencontre du
désir actuel et si souvent proclamé du gouvernement de
procéder à une véritable réforme de la
décentralisation administrative et politique. Les revendications fermes
de l'UPA et celles des Corporations municipales de comté, dans notre
région, visent les mêmes objectifs que ceux de l'Etat. L'une
accepte les moyens qui lui semblent les plus sécurisants, quoique
centralisateurs, pour protéger les territoires agricoles, ressources
premières et indispensables à l'exercice de la protection.
L'autre, responsable du contrôle de l'utilisation du sol municipal,
à diverses fins, réclame des pouvoirs mieux identifiés
pour ce faire. Mais, de part et d'autre, on réclame des pouvoirs en
région.
Le Conseil régional de développement croit tout à
fait possible, efficace et rapide la concertation au palier régional
où les représentants municipaux et producteurs agricoles doivent
s'entendre, conscients, de part et d'autre, des interrelations qui existent et
du poids des choix à faire.
M. le ministre, nous espérons que vous partagerez nos convictions
et notre ligne de pensée que d'autres ont aussi déjà
souhaitées, notamment des membres de notre Assemblée nationale,
autant du côté de l'aile parlementaire que de l'Opposition.
Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Gaumont. M. le
ministre.
M. Garon: J'aimerais vous poser une première question.
Dans la rédaction de votre mémoire, vous représentez 120
organismes. Sur ces 120 organismes, il y a combien d'organismes agricoles?
M. Charette (Denis): Sur 120 organismes membres, il y a environ
une vingtaine d'organismes agricoles et je compte les syndicats de base et les
syndicats spécialisés de la fédération
régionale.
M. Garon: Dans le schéma d'aménagement de la
Communauté régionale de l'Outaouais elle en a fait un vrai
en juin 1977, à la page 263, on dit que les organismes agricoles
ont identifié 108 000 acres de bonne terre pour l'agriculture. Eux, ils
ont réservé pour l'agriculture seulement 75 000 acres et,
là-dessus, il y en a 60 000 qui sont bonnes pour l'agriculture, 15 000
ne sont pas bonnes, alors 60 000 sur 108 000. On en a laissé 48 000 de
côté. Les organismes ont dit qu'ils avaient fait des zones
tampons, des provisions pour des zones de développement
différé. Alors, ils en ont réservé 60 000 et le
monde agricole en voulait 108 000. J'imagine que la Communauté
régionale de l'Outaouais n'est pas différente de ce qui va se
passer dans l'ensemble du Québec. Supposons que dans toutes les
régions du Québec, c'est la même situation, que le monde
agricole demande 108 000 acres et que le monde municipal, scolaire, industriel,
récréatif, tout ça, dit: Non, nous autres, on pense qu'on
est promis à un brillant avenir, qu'on va être 1 000 000 dans tant
d'années, ça nous prend tant d'acres. Là, ils disent: Au
lieu d'en garder 108 000, on voudrait en garder seulement 60 000. Qui devrait
décider si c'est 108 000 acres ou 60 000 acres?
M. Gaumont: Dans l'ensemble des discussions que nous avons eues
avec les producteurs agricoles, pour eux, c'est la quantité qui devrait
être gelée, si vous voulez, une certaine quantité. D'autre
part, nous savons que la région Lanaudiè-re et une partie de la
région des Laurentides, c'est un bassin qui est, en majeure partie,
agricole, si on fait exception de la partie très au nord où il y
a des montagnes, ou pas grand-chose au point de vue agriculture; même les
études du ministère de l'Agriculture nous indiquent que c'est
très faible.
M. Garon: Alors, ce qui n'est pas bon, on ne veut pas garder
ça. Ce n'est pas ce que je vous dis. Je vous dis qu'il y a 108 000
acres. C'était le dilemme de la Communauté régionale de
l'Outaouais; 108 000 acres sont bonnes pour l'agriculture et les milieux
agricoles voulaient les garder pour l'agriculture. Les organismes
d'aménagement, eux, voulaient en garder 60 000. Qui va décider si
c'est 108 000 acres ou 60 000 acres qui vont être réservées
pour l'agriculture?
M. Gaumont: Actuellement, toutes les terres sont gelées,
c'est premier acquis. L'ensemble du secteur est favorable à cette
chose.
M. Garon: Ils sont favorables chez vous?
M. Gaumont: Ils sont favorables, parce que, à beaucoup
d'endroits comme Saint-Roch, Saint-Esprit, Saint-Jacques, Saint-Alexis,
Berthier, ce sont des terres agricoles et des terres plaines, planches. Il y
aurait certainement la majorité du territoire qui devra rester agricole,
parce que nous constatons que nous sommes très près de
Montréal et nous devrons devenir le bassin producteur et fournisseur de
la région de Montréal.
M. Garon: Oui. Mais, vous savez, avant le dépôt de
la loi, il y avait toutes sortes de pressions qui jouaient pour enlever des
terres à l'agriculture. Ces pressions ne sont pas mortes, elles sont
encore vivantes. Tous ces gens sont encore là. Toutes ces pressions sont
prêtes à être exercées. D'ailleurs, elles s'exercent
de différentes façons.
Elles vont s'exercer encore davantage dans les temps qui viennent, dans
les journées, dans les semaines, dans les mois qui viennent, pour
essayer de déstabiliser tout cela. Il ne faut pas se faire
d'illusion.
Tenant compte de la réalité, tout cela va jouer. Qu'on le
veuille ou non, il y a des gens qui ont des intérêts. Je ne les
blâme pas d'avoir des intérêts, parce que tout le monde en
a. Tout le monde a des intérêts. Mais il y a des
intérêts agricoles et il y a des gens qui n'ont pas
d'intérêts pour les choses agricoles, mais qui ont des
intérêts pour faire d'autres choses avec les terres agricoles.
Quand vous dites dans votre mémoire qu'il faut garder telle
portion pour la protection du territoire agricole, on n'a pas le choix, il faut
garder au complet notre territoire agricole. Il n'y en a plus d'acres agricoles
au Québec. On parle de 6 millions d'acres, mais en grattant.
M. Roy: Voyons donc! M. Garon: C'est un fait.
M. Roy: Une minute! Il ne faut pas créer une panique non
plus.
M. Garon: Non, c'est un fait. Quand on arrive dans des
régions comme celles de l'Outaouais et des Cantons de l'Est, ne nous
trompons pas, c'est à peu près 10% du territoire qui est bon pour
l'agriculture. On se fait pas pousser dans les montagnes. L'acrage est beaucoup
plus limité qu'on le prétend. Je suis obligé de me fier
aux études qu'ont faites les spécialistes des sols au
Québec. L'inventaire des sols au Canada, ce n'est pas le Parti
québécois qui a fait cela. L'inventaire des terres du Canada,
cela a été fait sous la direction du gouvernement
fédéral. Nous ne sommes pas fanatiques. On a pris cela.
Ils nous disent que les terres agricoles sont rares. Vous ne
répondez pas à ma question. Je vous demande si, dans une
région donnée supposons que c'est la vôtre
comme cela s'est posé dans l'Outaouais, ils ont eu le choix, il y avait
108 000 acres que l'agriculture voulait garder, si les agriculteurs en
voulaient 108 000, et que les organismes para-agricoles, les autres organismes,
les développeurs, les autres gens disaient: Nous autres, on a besoin
d'expansion, je ne sais pas s'ils vont dire comme les gens de Saint-Hyacinthe,
qui disaient qu'ils voulaient en avoir assez pendant deux
générations de 33 ans, assez de terre pour les 66 prochaines
années, en plus de deux kilomètres de chaque côté de
l'autoroute, et tous les sols où le dur, le roc était à
moins de quatre mètres. Cela veut dire douze ou treize pieds. Ils
voulaient que tout cela soit enlevé de l'agriculture. Cela veut dire,
à toutes fins utiles, qu'il ne reste plus rien dans
Saint-Hyacinthe...
Il y en a qui vont nous dire cela, c'est clair.
M. Roy: Vous exagérez un peu.
M. Garon: Non, je n'exagère pas, j'ai fait le calcul.
M. Roy: II ne faudrait pas prendre des cas d'espèce pour
généraliser.
M. Garon: Non, il faut...
M. Roy: II faut quand même être réalistes.
M. Garon: Je pose la question suivante, elle est précise
et elle est simple: C'est comme cela que se pose la réalité. Il
va y avoir des organismes, des gens du monde agricole, qui vont dire: On veut
développer l'agriculture et on veut vivre avec l'agriculture. Et, pour
l'industrie alimentaire, comme on le disait tantôt, on veut avoir du sol
pour que les agriculteurs puissent fournir nos industries.
Ces organismes, dans votre région, nous disent: II faut
réserver 108 000 acres. Les autres organismes disent 60 000. Qui doit
trancher si c'est 108 000 acres ou 60 000 acres?
M. Charette: Si vous voulez, M. le ministre, je vais
répondre par une autre question. On a reçu vos cartes du
territoire agricole, on vous en remercie. On les a reçues aujourd'hui.
Je ne pourrai pas tellement discuter sur le contenu des terres agricoles, mais
on a quand même remarqué que le ministère de l'Agriculture,
dans le territoire qui est arrêté chez nous... On a fait une
étude au CRD sur le territoire qui devait être gardé pour
l'agriculture il y a deux ans. Il y a des terres qui ont été
zonées dans notre rapport agricole qui ne l'ont pas été
par le ministère de l'Agriculture. Cela vaut l'étude de
l'Outaouais.
M. Garon: Je ne vous pose pas cette question, je vous dis: Qui
doit décider? C'est sûr que cela va se présenter dans
toutes les régions du Québec; ne nous trompons pas. C'est cela
qui va se poser comme problème.
M. Charette: Dans le cadre de notre mémoire, M. le
ministre, c'est l'Etat qui doit décider des terres à
protéger pour l'ensemble du Québec.
M. Garon: Je vous dis, à ce moment-là...
M. Charette: On dit clairement que l'Etat doit fixer les
objectifs généraux de l'ensemble des acrages de terres à
préserver pour l'agriculture...
M. Garon: C'est quoi les objectifs...
M. Charette: ... et on dit qu'un mécanisme
régional, qu'on appelle des commissions régionales formées
de gars de l'UPA et de corporations municipales, va administrer le
décret des régions agricoles.
M. Garon: On les consulte souvent.
M. Charette: Ce ne sont pas les organismes régionaux qui
vont décider des acrages de terres à préserver pour
l'agriculture. On dit que c'est une responsabilité de l'Etat.
D'ailleurs, on le souligne dans notre mémoire.
M. Garon: Quant au projet de loi, l'article 35 dit que tous les
gens vont pouvoir faire leurs représentations au niveau municipal.
L'article 35 dit que les cartes sont envoyées à la
municipalité et que toute personne peut faire des représentations
écrites à la corporation municipale visée en en
transmettant copie à la commission, c'est-à-dire qu'on a
déterminé en forum ce qui était bon et ce qui
n'était pas bon pour l'agriculture. Le zonage, cela se fait au niveau
municipal, au Québec, actuellement.
M. Giasson: Cela se décide-là.
M.Garon: Pardon?
M. Giasson: Cela se décide là.
M. Garon: C'est là que cela se fait, à ce niveau de
juridiction-là.
M. Giasson: Où est-ce que cela va se décider?
M. Garon: Attendez un peu. Au forum, on a dit que cela devait
être au niveau municipal et que tous les organismes concernés
pourraient aller là. Dans notre esprit, en tout cas, cela permet une
concertation à ce niveau, mais qui devrait trancher pour savoir ce qui
sera gardé comme terres pour l'agriculture? La Commission de protection
des terres ou la municipalité?
M. Charette: Dans le cas de notre mémoire, tel...
M. Garon: Pour la décision finale? Si elles s'entendent,
pas de problème. Dans bien des cas, elles vont s'entendre, mais on
adopte des lois. Il ne faut pas parler des principes, il faut le dire dans la
loi. Qui va décider s'il y a mésentente entre les deux, si l'une
dit 110 000 acres et l'autre 50 000 acres?
M. Gaumont: C'est la commission nationale, M. le ministre, on l'a
dit dans le mémoire.
M. Garon: Merci.
M. Gaumont: Mais on souhaite que, sur le plan régional, ce
soit les municipalités et l'UPA qui soient directement
intéressées à la chose. On en est venu à amener nos
membres des conseils municipaux et de l'UPA à dire qu'il faudra que la
représentation soit égale pour que les études soient
faites sérieusement. Cette commission régionale fera la
recommandation en connaissance de cause et en connaissance du terrain et de la
région, probablement mieux qu'un organisme provincial qui, à un
moment donné, aura certainement passablement de boulot.
M. Garon: Mais l'article 35 permet habituellement cela.
M. Gaumont: Vous savez, M. le ministre, comment se règlent
ces problèmes de demandes de zonage? Par un dépôt au
conseil municipal. Si le conseil municipal est plus ou moins
intéressé, on placera une petite affiche sur le panneau à
la porte de l'église. Il n'y a personne qui va la voir, et vous vous
réveillez avec un règlement de zonage qui est adopté.
M. Giasson: Si c'est fait dans la réglementation, il n'y a
pas de problème.
M. Gaumont: Plus que cela, M. le Ministre, il y a des
municipalités à qui la chambre de commerce locale, l'UPA, les
syndicats de producteurs ont demandé une rencontre et une discussion
avec ces gens sur le plan qu'ils avaient zoné et on ne l'a pas encore.
Cela fait un an et demi. Les lettres sont envoyées à la
municipalité pour avoir une rencontre à propos de cela. C'est
discuté, c'est adopté.
M. Garon: Vous voulez dire que la municipalité ne veut pas
s'en occuper?
M. Gaumont: Elle passe à côté. Elle ne
s'occupe pas de la demande que l'on fait parce qu'elle a des
intérêts à protéger, tandis que, sur le plan d'un
conseil de comté, des représentants de conseils de comté,
à ce moment-là il y a un maire qui serait peut-être
directement intéressé à cette chose. L'article 35 que vous
citez, M. le ministre, nous l'avons vu, mais dans l'ensemble, le jour où
on est pris par le cou, d'accord. (23 h 15)
M. Charette: Je pense, M. le ministre, pour ajouter à
cela, que les problèmes étant quotidiens, dans le milieu rural en
particulier, que ce soit au niveau des changements de lotissement ou
d'affectation des zones agricoles, les permis de construction, cela augmente
tous les jours, on croit qu'un Etat trop centralisateur, par cette loi,
alourdirait considérablement le processus de changement d'affectation,
si changement il y avait, et que la plupart des problèmes se
réglerait au jour le jour en région. Si le comité ou la
commission décentralisée qu'on propose pouvait déjà
filtrer "un certain nombre de demandes", cela accélérerait, je
pense bien, le processus démocratique.
M. Gaumont: M. le ministre, nous permettez-vous d'ajouter quelque
chose? Vous avez le maire de La Plaine en arrière de moi, M. Villeneuve,
et c'est le seul dans le conseil municipal qui a tenu au zonage agricole et qui
n'a pas laissé des développements se faire. Ce n'est pas un
exemple bien loin, cela se passe chez nous.
M. Garon: Vous voulez dire, dans le fond, que pour
protéger les terres agricoles vous n'avez pas confiance dans les
conseils municipaux? Est-ce cela que vous voulez dire dans vos mots?
M. Gaumont: Presque, M. le ministre. M. Giasson: Sauf
exception.
M. Gaumont: Oui, il y en a toujours. Pour confirmer les
règles, il faut qu'il y en ait.
M. Charette: M. le ministre, on vous a déjà
rencontré à Joliette pour vous faire part de notre
mémoire. Je pense qu'à cette occasion on a été un
peu plus draconien au sujet des pouvoirs à laisser aux régions.
On a temporisé un peu là-dessus. Je puis vous dire que c'est
à la suite de consultations. Si on avait eu un peu plus de temps pour en
faire, je pense qu'on serait arrivé à un consensus un peu plus
fort, mais, quand même, il est déjà pas mal bien. Les
corporations municipales, par l'intermédiaire des conseils de
comté, et l'UPA avaient des positions pas mal divergentes sur la
façon d'appliquer la loi pour les territoires agricoles. Maintenant, je
pense qu'il y a une volonté, comme on l'exprime dans notre conclusion,
d'avoir une espèce d'organisme régional plus près des
citoyens pour administrer la loi. On ne dit pas qu'on a la solution miracle,
mais on dit que tous les gens s'entendent dans la région, que ce soit
l'UPA ou les conseils de comté, pour que ce soit
décentralisé. On a quand même fait un pas jusque-là.
Si on avait été plus loin, peut-être qu'on aurait
trouvé un mécanisme un peu plus étoffé.
M. Garon: Je comprends mal. Vous disiez tantôt que les
décisions devaient être prises par la Commission nationale de la
protection des terres agricoles. Là, vous dites...
M. Gaumont: Oui. La commission régionale remet sa
décision ou sa recommandation à la commission nationale, et c'est
la commission nationale, si elle la trouve correcte et qu'elle n'a rien
à répondre, automatiquement, qui approuve. Elle a trente jours
pour le faire. Si, au bout de trente jours, elle ne l'a pas fait, cela veut
dire qu'elle l'accepte. Si elle refuse, il faudra qu'elle donne les raisons
pour lesquelles elle a refusé. Peut-être que cela permettra
à la commission régionale de réétudier le cas et de
faire les transformations ou les changements que la commission nationale
désire ajouter à ce changement, ou l'explication n'a
peut-être pas été assez claire de la part de la commission
régionale.
M. Charette: Vous savez, je pense que les gens chez nous, que ce
soient les producteurs agricoles, les maires ou les conseillers de
municipalités, pensent que, dans le cadre d'une commission
décentralisée comme celle-là, s'il y avait consensus au
niveau d'une commission comme celle-là sur un changement d'affectation
du territoire dans une zone agricole, ces gens pensent qu'il serait difficile,
à ce moment, pour une commission nationale de refuser.
M. Garon: Ce n'est pas la question, je pense bien, de dire:
Est-ce que cela va être difficile de refuser ou non. Il s'agit de se
demander...
M. Gaumont: Prenez le cas de l'agro-alimen-taire, M. le
ministre.
M. Garon: ... si on va protéger les terres ou non, si on
va développer l'agriculture ou non. Vous savez, j'ai souvent des
propositions qui me parviennent à mon bureau de la part de gens qui sont
très généreux quand c'est le gouvernement qui finance
à 100%. Ils sont prêts à lancer n'importe quoi, mais
à condition de ne pas courir de risque. Je reçois des
propositions comme celles-là à mon bureau tous les jours. Quand
il s'agit de faire un choix, habituellement, c'est moins facile.
Le président de la commission de la Colombie-Britannique me
racontait qu'un groupe municipal lui avait envoyé une proposition pour
la protection des terres agricoles. Il a dit : Nous autres, on est pour le
développement. On est prêt à abandonner ces dix fermes pour
un développement. Il a dit: On a regardé ça, on a vu les
terres, ce n'étaient pas des terres très bonnes, alors d'accord.
On va laisser aller l'exclusion parce que ces terres ne sont pas très
bonnes pour l'agriculture. Quand les autorités de la municipalité
ont reçu cela elles étaient furieuses, elles ont dit: Non, il n'y
aura pas de développement là. Le groupe leur a demandé:
Pourquoi avez-vous dit oui en premier lieu? Elles ont répondu: On
voulait que ce soit la commission qui dise non, mais là, on a
été coincé car elle a dit oui. On ne voulait pas de
développement là, mais on aimait mieux dire oui et laisser la
commission dire non.
Vous savez, il faut être assez réaliste aussi, parce que
j'ai des exemples; tous les exemples que j'ai vont dans le même sens, au
niveau municipal. J'ai l'exemple du schéma d'aménagement du
territoire de l'Outaouais et ça ne protège pas les terres. On
dira ce qu'on voudra, ça ne protège pas les terres.
M. Gaumont: M. le ministre, le document que vous avez entre les
mains...
M. Garon: Oui.
M. Gaumont: ... si, au moment où il a été
fait, les gens avaient eu la loi sur la protection des sols, la loi sur
l'aménagement du territoire, la loi sur le zonage, est-ce que le rapport
serait de la teneur de celui que vous avez là? Ils y auraient
peut-être pensé deux fois.
M. Garon: Oui, parce que là ils auraient dit que ce
gouvernement...
M. Gaumont: Peut-être que les arguments... M. Garon:
... est prêt à le faire.
M. Gaumont:... amenés auraient été
différents de ceux que vous avez là.
M. Garon: Oui, mais à ce moment-là, les gens
disaient: Le gouvernement ne veut pas faire ça, il a peur de ça.
Alors, d'un coup sec, parce qu'on est embarqué dans la protection du
territoire agricole, il y a un tas de monde, d'un coup sec, qui veut
zoner, qui veut protéger les terres. D'un coup sec, les gens sont
devenus vertueux. Je suis un homme réaliste habituellement, je mets
toujours le passé garant de l'avenir.
M. Gaumont: Non, M. le ministre, vous n'êtes pas d'accord
avec vos affaires, parce que vous n'auriez pas présenté la loi
d'aménagement du territoire, la protection du territoire, si vous aviez
suivi le passé pour préparer l'avenir.
M. Chevrette: Cela, c'est vrai, cette partie-là, parce
qu'il ne s'est rien fait dans le passé; donc le passé n'aurait
pas été garant de l'avenir.
M. Gaumont: II ne s'est rien fait, parce qu'au point de vue de
l'agriculture, il y a toujours eu des avantages à donner aux
agriculteurs; peut-être que cela a été mal donné,
mais en tout cas, cela a été donné quand même.
M. Charette: Si vous permettez, M. le ministre, j'aimerais quand
même...
M. Chevrette: C'est vrai qu'il n'y a pas eu grand-chose de fait
avant.
M. Charette: ... revenir sur les propos que vous avez tenu
tantôt à l'égard des municipalités et selon lequel
soudainement les municipalités s'occupent de zonage agricole parce qu'il
y a une loi de protection du territoire agricole. Je vous ferais remarquer que
chez nous, sur une cinquantaine de municipalités rurales, agricoles, en
1975, je crois qu'il n'y avait aucune municipalité qui avait un plan
pour protéger les terres agricoles et aujourd'hui, avant que la loi soit
annoncée, on a tout près d'une vingtaine de municipalités
qui ont des plans de zonage qui respectent, en partie, les terres pour
l'agriculture, celles qui ont une vocation pour l'agriculture.
M. Garon: J'ai vu ça, ces plans de zonage, vous savez;
c'est marqué: zone agricole, zone pour développement
différé. Habituellement, la grosse zone, c'est la zone pour un
développement différé, comme ils appellent; le cultivateur
est là en attendant qu'on le débarque. C'est habituellement ce
que j'ai vu.
M. Charette: C'est dans le cas des villes.
M. Roy: Pourquoi...
M. Garon: Pardon?
M. Charette: C'est dans le cas des villes, ça.
M. Garon: Non, c'est de l'agriculture temporaire; il y a un petit
noyau réservé, après ça, il y a une grande zone
où c'est marqué zone à développement
différé. Le cercle à l'extérieur est gardé
pour l'agriculture, parce qu'habituellement, on est rendu au diable vauvert. Je
ne vous questionnerai pas plus longtemps, parce que je sais que mes
collègues veulent vous interroger sur votre vision des choses. Je vais
laisser mes collègues, ils vont vous donner le mot de la fin.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.
M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: M. le Président, merci. M. Gaumont, M.
Charette, je voudrais d'abord vous remercier pour le temps que vous avez
consacré, à préparer le mémoire que vous avez
déposé. J'ai pris connaissance également du premier
mémoire que vous aviez soumis lors des auditions de la tournée de
consultation et je remarque une chose: En dépit de différences
réelles qui existent entre le projet de loi et les demandes que vous
aviez formulées dans votre premier mémoire, il reste une
constante assez remarquable sur l'ensemble des prises de position
premières que vous aviez.
Vous croyez c'est évident à la
capacité des instances régionales de jouer un rôle direct
dans la mise en application pratique d'une décision sur la zone
déterminée par l'autorité centrale et je vous avoue que je
partage votre point de vue de ce côté.
En déput des expériences passées, je continue de
croire qu'en faisant appel à tous les corps intéressés
à l'intérieur d'une région comme vous l'avez fait
votre mémoire mentionne le nombre d'organismes que vous regroupez, que
vous avez consultés, selon les déclarations que vous nous faites
pour en arrivera une forme de consensus qui vous laisse croire avec
certitude qu'il y aurait une capacité d'accorder plus de pouvoirs
à l'instance locale pour appliquer les mesures de protection du sol
agricole...
Vous me donnez aussi l'impression de croire à cela et vous avez
même eu cette capacité d'asseoir à la même table des
gens de l'UPA, des gens de municipalités et d'autres corps
intermédiaires et, si vous ne nous induisez pas en erreur dans vos
commentaires, vous nous affirmez que ces gens ont été en mesure
d'arriver à une forme de consensus qui laisse tous les espoirs dans la
capacité d'une instance régionale ou locale à assumer des
responsabilités directes et véritables dans l'application, non
seulement d'une politique de zonage agricole, mais également dans
l'aménagement complet et total d'un territoire donné.
Croyez-vous également à ce palier?
M. Gaumont: Oui.
M. Giasson: Et je crois, en dépit de ce que le
gouvernement pourra faire... J'ai demandé au gouvernement d'apporter des
modifications à son projet de loi, tout en sauvant et respectant
l'objectif de base qui était la protection... C'est ce que j'ai
demandé lors de...
M. Garon: Voyons.
M. Giasson: J'ai demandé des modifications majeures...
Une Voix: ... pas acceptables...
M. Gagnon: ... pas d'accord avec les principes.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre s'il vous
plaît! M. le député de Montmagny-L'Islet, vous avez la
parole.
M. Giasson: J'ai la parole et j'ai dit, lors du débat de
deuxième lecture, que je ne pourrais pas voter pour le projet de loi si
le ministre n'appc rtait pas des modifications majeures. C'est au journal des
Débats.
M. Chevrette: En troisième lecture, pas en deuxième
lecture.
M. Giasson: Vous croyez en cela et je crois que, dans
l'exécution d'un tel plan et d'un tel programme, si on recherche la
rapidité d'exécution, la rapidité de décisions
à rendre sur une multitude de demandes qui viendront du milieu
c'est inévitable nous aurions la possibilité de
décisions beaucoup plus rapides et surtout beaucoup plus
équilibrées et conformes à la situation qui se vit dans
chacune des régions.
S'il m'est encore permis de formuler un voeu, comme je l'ai
déjà fait, c'est celui d'inviter le ministre a revoir cette
partie il y en a d'autres de la possibilité de
décentraliser l'opération et la mise en parcours de toute cette
étape de protection du territoire...
M. Garon: ... mes amis.
M. Giasson: Vous avez les municipalités. Vous avez
cité le cas d'une municipalité, La Plaine, je pense. A
l'intérieur de cette municipalité, 100% du territoire municipal
est-il réservé ou est-il prévu pour des fins agricoles ou
y a-t-il une parcelle de territoire dont la vocation naturelle serait autre que
l'agriculture pour des conditions particulières à
l'intérieur du territoire de la municipalité?
M. Gaumont: II y a un boisé très pauvre et les
terres sont très faibles dans cette partie. Il y a peut-être une
possibilité. Simplement pour vous donner un exemple, quand il s'est agi
des études de la route 50 qui traversait en plein milieu d'une terre
agricole, les citoyens, les membres de l'UPA avec la municipalité ont
demandé au ministère de déplacer le tracé de la
route pour pouvoir éviter de couper la terre et c'est une chose qui a
été obtenue. (23 h 30)
Cela veut donc dire qu'il y a des gens qui veulent conserver quelque
chose dans ces coins-là. Ce sont des gens responsables, c'est cela. Moi,
je ne peux pas douter des gens responsables. Cela fait assez longtemps qu'on
parle de décentralisation et du gouvernement actuel comme un
gouvernement décentralisateur, c'est une preuve à donner
là.
M. Giasson: Vous avez également abordé un autre
aspect dans votre mémoire, celui de respecter les droits du premier
occupant. Là, encore, cela vous paraît une nécessité
fondamentale dans toutes les activités futures qu'on va vivre à
l'intérieur du monde agricole au Québec. Quand vous voulez
protéger les droits, c'est-à-dire que vous énoncez le
principe de protection de droit du premier occupant, qu'est-ce que vous
craignez derrière tout cela pour les années à venir?
M. Charette: Je pense qu'on rejoint pas mal le projet de loi que
le ministre a préparé là-dessus à l'effet qu'on
permette au producteur agricole de travailler dans un climat qui ne lui est pas
hostile tous les jours pour, d'une part, assurer une production qui peut
être viable et, d'autre part, pour avoir des perspectives de
développement de son exploitation. Parce que dans le contexte actuel il
est assez difficile pour le producteur et de produire dans un cadre de vie
typiquement agricole où son environnement ne lui est pas hostile et,
d'autre part, il est encore plus difficile de penser à étendre
son exploitation. En ce sens, on sait qu'il y a un projet de loi actuellement
à l'étude au ministère de l'environnement qui a aussi des
normes assez sévères, je pense, au niveau des exploitations
animales et on a souligné qu'on voudrait que ce projet de loi
s'harmonise aussi avec cet aspect du projet de loi 90 qui est celui de fournir
un cadre de vie propre à produire pour l'alimentation au Québec.
Alors, cela rejoint un peu notre optique du droit du premier occupant, qu'il ne
soit pas dérangé dans sa production par des gens qui sont
arrivés dix ans après lui, des urbains implantés en
région rurale ou bien simplement des ruraux mais qui ne sont pas dans la
production et qui, par des plaintes au niveau des odeurs ou du bruit, exigent
la fermeture ou le déplacement de certains bâtiments de la
production. C'est en ce sens-là qu'on le voyait.
M. Giasson: II y a un autre point que vous avez soulevé
qui a retenu mon attention. Il y a le danger c'est vrai que
certaines municipalités, certains édiles municipaux n'aient pas
un souci total et réel de la protection des bonnes terres. Cela s'est vu
et cela va se voir encore. Il faut voir la réalité. Mais si les
pouvoirs décisionnels, de concert avec la commission de contrôle,
étaient mis entre les mains d'un conseil de comté ou, tout au
moins, d'un organisme qui fonctionne au niveau d'un comté, avez-vous
l'impression qu'il y aurait possibilité de ramener à la raison,
parfois, et au sens de la protection véritable du territoire, les
quelques municipalités qui auraient des goûts, des projets
tellement vastes, qu'ils pourraient empiéter sur le bon sol agricole
d'une municipalité?
M. Gaumont: II faudrait que, dans un certain sens, l'UPA
démissionne à ce moment-là, parce que nous
suggérons que cette commission régionale soit composée en
nombre égal de délégués de l'UPA et de
délégués des municipalités.
Si tous les membres de l'UPA disent que cela ne sert à rien,
c'est un sol qui ne fonctionne pas pour l'agriculture, cela n'a jamais rien
apporté, ils rejoindront, mais si c'est une bonne terre, je ne vois pas
l'opposition. Au moment où la décision sera partagée, en
arrivant à la commission nationale, celle-ci ne pourra certainement pas
donner gain de cause à la demande qui est faite.
M. Giasson: Dans votre région, dans votre comté,
est-ce qu'il existe des municipalités qui on déjà, en
vertu des pouvoirs peut-être pas complets qu'elles avaient,
procédé à la confection d'un plan d'aménagement du
territoire incluant la protection du sol?
M. Charette: Chez nous, je le disais tantôt, il y a
à peu près une vingtaine de municipalités qui ont
procédé à l'élaboration d'un schéma
d'urbanisme dans ces municipalités où il est prévu des
aires à conserver pour l'agriculture. Je ne vous dis pas que, sur ces 20
municipalités, toutes ont gardé plus de territoire pour
l'agriculture que pour d'autres affectations, je vous dirais que sur les 20 qui
en ont adoptés, il y a peut-être trois ou quatre
municipalités qui, réellement, ont eu le souci de garder beaucoup
plus de terres pour l'agriculture que pour d'autres affectations.
Cela a été fait surtout en fonction des potentiels du sol
que des utilisations qui pourraient venir, soit de développeurs ou
autres gens de cet acabit, si on peut dire. Il y a quand même un souci au
niveau régional, c'est pourquoi je disais tantôt qu'il ne faut pas
dire que c'est arrivé tout d'un coup, ça nous est tombé
sur la tête, les municipalités qui s'occupent de protection du
territoire agricole. Il y a une évolution qui s'est faite depuis deux ou
trois ans.
Je pense que le mouvement est amorcé, ce sont des attitudes, une
politique qui prend cours dans notre région et c'est lent à
évoluer, dans ce sens-là. Il y a cinq ans, rien ne se faisait;
aujourd'hui, ça commence à brasser un peu dans le milieu
municipal, parce qu'on se rend compte qu'on a des responsabilités qu'on
pourrait prendre dans la région. On aimerait les prendre en ayant les
moyens pour le faire.
M. Giasson: M. le Président, étant donné que
l'heure s'écoule vite, je veux permettre à d'autres de mes
collègues d'intervenir et de poser les questions qu'ils veulent.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Montmagny-L'Islet. M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
MM. Gaumont et Charette pour le mémoire très intéressant
qu'ils nous ont présenté. Je suis très heureux de
constater que vous demandez aussi une décentralisation, parce que nous
prétendons que la commission je pense que ça correspond au
voeu de plusieurs des membres de cette commission, surtout du côté
de l'Opposi- tion telle qu'on veut la former à Québec,
sera très lourde au niveau administratif. Elle ne pourra répondre
aux demandes des 614 municipalités où le territoire est
gelé, et aussi, au niveau des demandes de contribuables qui voudront
formuler une demande quelconque, soit pour dézoner un territoire ou en
faire une autre utilisation que celle de la ferme.
Je pense que cela correspond à nos vues. Je voudrais tout de
suite passer à autre chose, à savoir le développement
agricole. Le gouvernement actuel nous a présenté un projet de loi
théorique, à cause du développement sauvage,
peut-être à cause de notre climat, situation géographique,
basse productivité à l'acre, dans bien des domaines,
peut-être pas dans tous, le faible nombre d'acres à haute
unité thermique... Vis-à-vis de ces faits, on a posé un
geste radical, un projet de loi, on gèle le territoire.
Je prétends que ce n'est pas le problème numéro 1
au Québec. Présentement, nous manquons d'agriculteurs
intéressés. Je pense que c'est là que se situe le premier
problème. On a mis la charrue devant les boeufs. Si on avait pu
intéresser les agriculteurs à cultiver le sol, après
ça, on aurait pu amener un certain respect pour les bons sols agricoles.
Je me demande où la loi se dirige présentement, parce qu'on n'a
pas l'assurance que le sol va être cultivé, même s'il y
avait une loi qui gèlerait le sol. En premier lieu, je ne sais pas si
ça répond à certains de vos objectifs dans votre
région, on devrait s'assurer qu'il y a un avantage comparatif à
produire ici, au Québec, aussi à amener des programmes
très incitatifs. Il va falloir que ce soit très incitatif, parce
que notre productivité à l'acre est peut-être à 50%
de celle du sud de l'Ontario, dans plusieurs domaines.
En plus, je me demande comment on va faire pour forcer la relève
agricole, vis-à-vis de tout ça. Je vis au sud de Montréal,
où les terres sont très fertiles et les rendements sont
très bons, mais la relève agricole n'est pas là et ne
désire pas y aller. Cela peut peut-être correspondre, dans cette
région du Québec, à un but, mais je pense que dans les
régions les plus productrices, surtout en périphérie de
Montréal, le jeune agriculteur qui a connu la vie à
l'extérieur de la ferme, n'est pas très intéressé,
même à haut revenu, à y retourner.
Si on veut le retour des jeunes agriculteurs, il va falloir aller
beaucoup plus loin dans les programmes agricoles, quant aux incitatifs.
J'aimerais savoir comment se situe votre région dans ce sens. Je sais
que c'est un problème qu'on vit au sud de Montréal.
M. Gaumont: M. le député, les cultivateurs qui sont
réellement de véritables cultivateurs, qui aiment leur terre, ont
des jeunes qui suivent. Mais la quantité de cultivateurs qui parlent en
mal, qui parlent négativement de leur terre, sont ceux-là qui
causent le plus de tort. Je me demande pour quelles raisons le ministère
de l'Agriculture, qui a des programmes d'incitation et de revalorisation dans
tous les domaines, à peu près, ne table pas sur cette
chose-là.
Je connais des cultivateurs dont le père a convaincu ses jeunes
que la terre, c'était quelque chose. Mais ce sont les jeunes, le matin,
pendant les vacances, qui levaient le père pour dire: On commence de
bonne heure ce matin. Et, dans la terre d'à côté, cela ne
marchait pas, les jeunes s'en allaient travailler ailleurs.
C'est peut-être la première incitation qu'il y aurait
à faire. Le premier coup de barre est donné. On a des terres
agricoles. Il va falloir avoir des gens dessus. Mais il y a peut-être un
autre point où le ministère va être obligé de mettre
du sien: intéresser la télévision, la radio, les inciter
à mettre des annonces qui revalorisent le sol également. Dans nos
écoles, il s'agira peut-être de promouvoir des sections, des
programmes spéciaux. L'agriculture s'apprend dans le champ. Quand on
n'aura que des programmes pour intéresser le jeune, où on va
l'endoctriner sur un banc d'école, ce n'est pas là que cela va
marcher. Qu'il apprenne quelque chose là et qu'il s'en aille le
pratiquer. Et que son travail soit supervisé par ses maîtres, sur
sa ferme. Ce seraient peut-être des avantages qu'on pourrait
vérifier.
M. Dubois: II y aurait une petite question...
M. Charette: Si vous voulez que je complète, M. le
député. Vous parliez de la relève en agriculture
tantôt, je vous ferai remarquer que, dans le coin où on se trouve,
dans la périphérie immédiate de Montréal, que
j'appellerais une zone hautement spéculative, il est difficile
d'intéresser les jeunes à l'agriculture, parce qu'ils ne peuvent
tout simplement pas acheter des terres au prix de la spéculation.
Si on veut commencer par là, je crois qu'une politique de
protection du territoire agricole s'impose pour donner des moyens aux jeunes de
prendre la relève de leur père, ou tout simplement aux gens qui
n'ont pas d'antécédents en agriculture, et c'est encore plus
difficile de pouvoir espérer acquérir une terre à bon
marché, en tout cas à prix compétitif.
M. Dubois: C'est quand même assez minime, la région
où les terres peuvent se vendre présentement à d'autres
fins que l'agriculture à un prix très élevé. Si on
regarde le nombre d'acres, ce n'est quand même pas une bonne partie de
nos terres fertiles au Québec.
M. Charette: Dans notre région, c'est passablement
important, M. le député.
M. Dubois: II peut y avoir une différence dans certaines
régions.
Vous avez indiqué votre accord sur le projet de loi 99.
M. Garon: Vous ne commencerez pas à nier ce qui se passe
dans les régions.
M. Dubois: Je n'ai pas dit cela, non plus.
M. Garon: II vous dit ce qui se passe chez eux.
M. Dubois: Et moi, je sais ce qui se passe chez nous et nous
sommes prêts de Montréal aussi.
M. Garon: II y a des régions qui sont
différentes.
M. Roy: Si le ministre l'admet, c'est déjà un point
de gagné.
M. Garon: C'est pour cela que le ministre a fait je ne sais
combien de programmes régionaux depuis un an et demi.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! M. le
député de Huntingdon, si vous voulez poser vos questions.
M. Dubois: J'aurais simplement une petite question. Vous semblez
favorable au projet de loi 99, la banque des terres. J'aimerais savoir
où vous croyez que cela va mener, la banque des terres. Est-ce qu'on va
attirer le vrai cultivateur sur une terre de l'Etat? J'ai vécu...
M. Garon: Un instant, pertinence du débat.
M. Roy: Question de règlement.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
M. Roy: Je pense que le député a quand même
le droit de poser des questions...
M. Garon: On parle de la loi 90 actuellement.
M. Roy: Je m'excuse, M. le Président, nous sommes sur la
loi 90 et j'en fais un point de règlement.
M. Garon: Oui.
M. Roy: La loi 99 est déposée. On sait très
bien qu'il n'y aura pas de commission parlementaire sur le projet de loi
99.
M. Garon: Ce n'est pas une raison.
M. Roy: Le projet de loi 99 a été
déposé pour donner une mesure additionnelle au projet de loi 90,
pour démontrer une volonté du gouvernement d'aller plus loin. Je
pense que cela fait partie d'un tout. Si le député veut poser une
question, M. le Président, je pense qu'on ne devrait pas avoir de
restriction au niveau de la commission parlementaire.
M. Beauséjour: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Iberville.
M. Garon: Laissons-les faire.
Le Président (M. Boucher): C'est évident que les
gens qui sont venus déposer des mémoires ne sont pas venus
déposer des mémoires sur la loi 99 ni sur la loi 100.
M. Cordeau: On en parle dedans.
M. Dubois: Mais il est question de la loi 99.
Le Président (M. Boucher): De toute façon, dans le
mémoire, il en est question et je permets la question du
député de Huntingdon.
M. Dubois: Ce que je veux soulever, c'est l'expérience que
j'ai et j'ai toujours vécu dans le domaine agricole. Je n'ai jamais vu
un vrai producteur être intéressé à louer une terre
et surtout à la mettre en valeur. C'est bien beau, une banque de terres,
mais est-ce que c'est le vrai producteur qui va se servir d'une terre
louée et qui va la mettre en valeur? Je pense que le producteur
agricole, pour lui, c'est d'aller chercher le maximum d'une terre, pour en
retirer le plus possible de dollars. Est-ce que c'est cela, oui ou non? (23 h
45)
M. Gaumont: Actuellement, dans notre secteur, il y en a plusieurs
qui louent des terres des voisins, parce que les gens sont trop vieux, par
exemple, pour cultiver. C'est surtout dans la culture des légumes, comme
la carotte, le navet, ces choses-là. Il y a plusieurs...
M. Dubois: Si une terre est rentable, je pense qu'on n'a pas
besoin de l'intervention de l'Etat pour qu'une terre puisse être
transférée d'un propriétaire à un autre ou
d'intéresser une autre personne à une ferme. Je pense que toutes
les bonnes terres agricoles au Québec se vendent facilement pour fins
agricoles sans que l'Etat n'intervienne directement dans le sens qu'il va
acheter une ferme de quelqu'un qui délaisse le sol pour la revendre ou
la louer à une autre personne. Je pense que cette intervention est
exagérée et non nécessaire. C'est mon point de vue.
Je me demande pourquoi vous défendez le projet de loi 99 dans
votre mémoire.
M. Gaumont: Vous n'êtes pas sans savoir, M. le
député, qu'on a un certain nombre de "city farmers".
M. Dubois: Oui, cela, je le sais.
M. Gaumont: A ce moment-là, ce sont des terres qui
permettent un équilibre d'impôt sans que cela coûte trop
cher. La terre n'est pas cultivée à ce moment-là. Si
l'Etat peut se servir de ces terres, probablement qu'il serait obligé
d'imposer des choses.
M. Dubois: Vous voulez dire que l'Etat irait forcer un
propriétaire urbain à la cultiver.
M. Gaumont: A la cultiver ou à la louer.
M. Dubois: Je crois qu'il y a quand même d'autres
manières que par le bill 99, il y a des mesures fiscales qui peuvent
être apportées à ce moment-là, dans ces
cas-là.
M. Gagnon: M. le Président, lors de l'étude en
deuxième lecture du projet de loi 99, je pense que...
Le Président (M. Boucher): M. le Président, j'ai
permis la question au député de Huntingdon, étant
donné qu'il en est question dans le mémoire.
M. Garon: On est large d'esprit.
Une Voix: Vous avez permis la question.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
Une Voix: On aura la chance de s'en reparler.
M. Dubois: Je vais laisser à mes collègues le soin
de poser cette question.
M. Roy: Merci, M. le Président. A mon tour, je vais
remercier nos invités, M. Gaumont et M. Charette, pour le mémoire
qu'ils nous ont présenté et pour s'être prêtés
de bonne grâce à l'examen de leur mémoire par la commission
parlementaire. Je remarque, à la page 6, une suggestion que vous faites
dans le dernier paragraphe. "Pour nous, la participation des régions
dans l'application de la loi est essentielle. Elle devrait s'exprimer par des
commissions régionales de protection du territoire agricole." Je partage
votre point de vue de ce côté-là et je pense que tous mes
collègues de l'Opposition l'ont clairement manifesté, même
nos collègues du côté ministériel parlent à
un moment donné de régionalisation dans l'application de la
loi.
Vous nous suggérez aussi un mécanisme très
intéressant de formation de cette commission régionale. C'est un
commentaire que je voulais faire sur cette suggestion, pour vous dire que nous
sommes entièrement d'accord avec la suggestion que vous nous faites,
mais j'aimerais plutôt avoir d'autres informations. Vous
représentez la région no 10, possiblement ce territoire. Le CRD
possède-t-il des études, a-t-il des inventaires relativement au
territoire, par exemple, l'inventaire des terres arables, des terres
défrichées, des terres en culture et des terres
abandonnées, a-t-il des données à ce sujet? Pouvez-vous
nous donner une idée de l'inventaire en somme, de l'inventaire
général des terres dans votre région?
M. Charette: Chez nous, le territoire agricole de La Plaine-Nord
de Montréal s'étend sur quatre comtés, soit Berthier,
Joliette, L'Assomption et Montcalm. Cela fait à peu près au total
la plaine agricole. C'est environ 800 000 acres de terre. Sur les 800 000 acres
de terre, je dirais qu'il y a 90% du territoire dans la plaine agricole qui
sont de
bonnes terres pour l'agriculture. Je comprends là-dedans aussi
les boisés de fermes et les érabliè-res.
M. Roy: Quel est le pourcentage de ces terres qui sont
actuellement consacrées à l'agriculture?
M. Charette: Sur les 800 000 acres?
M. Roy: Sur les 800 000 acres dont vous parlez?
M. Charette: II y a environ 600 000 à 650 000 acres.
M. Roy: Ce sont environ les deux tiers? M. Charette: Les
deux tiers, oui.
M. Roy: Les deux tiers, environ. C'est parce que, dans les
ressources agricoles du Québec, dans l'annuaire statistique, on parle de
la région au nord de Montréal. Je veux croire qu'à ce
moment-là on tient compte des comtés de Montcalm, de Terrebonne,
plus l'île de Montréal et l'île Jésus. On parle de 6
millions d'acres de terre dont 10% constituent la superficie des 5600 fermes
où les exploitants et leurs familles forment une population de 28 700
personnes. En tout cas, sur 6 millions d'acres, on parle de 10%. Cela revient
à peu près au chiffre que vous nous avez dit. J'aimerais savoir,
actuellement, dans cet inventaire, combien de terres sont abandonnées,
sont laissées en friche? D'abord, est-ce qu'il y en a,
premièrement, et quel est le pourcentage que vous pouvez avoir?
M. Charette: Je ne saurais vous dire, M. le député;
nous ne possédons pas de renseignement sur le nombre de terres en friche
ou abandonnées.
M. Roy: Est-ce que ces statistiques, au niveau de votre CRD, sont
des statistiques auxquelles vous pouvez avoir accès? Est-ce que vous
pouvez avoir ces données?
M. Charette: Oui, par deux biais, d'une part par l'Union des
producteurs agricoles de la région nord de Joliette et aussi, en partie,
par le ministère de l'Agriculture à L'Assomption, le bureau
régional.
M. Roy: Vous n'avez pas préparé de document, vous
n'avez pas fait d'étude particulière à ce niveau?
M. Charette: Non, pas du tout.
M. Roy: En guise de dernière question,
puis-qu'évidemment, les questions ont été passablement
posées par le ministre et par mon collègue, le
député de Montmagny-L'Islet, et par mon collègue de
Huntingdon. Evidemment, on parle de développement agricole, on parle de
zonage des terres, de protection des terres. Quel est le pro- blème
numéro un, concernant le monde agricole, le monde rural dans votre
région, dans la région où votre organisme exerce ses
activités, le problème majeur?
M. Charette: Si vous voulez, je préférerais que
vous posiez cette question aux gens de l'UPA qui sont aussi... Je pense que
vous allez avoir un mémoire déposé par l'UPA
régionale de Lanau-dière. Ces gens vivent beaucoup plus les
problèmes de l'agriculture parce qu'ils sont spécialisés
dans cette question. Nous, on est un organisme régional de consultation
sur des problèmes d'aménagement du territoire. Alors, ce n'est
pas une spécificité, l'agriculture, chez nous. En ces termes, je
ne voudrais pas mettre la charrue devant les boeufs. Enumérer des
problèmes, je sais qu'au niveau de la région, il y a beaucoup de
problèmes en agriculture, mais je ne voudrais faire le point sur un
problème en particulier et dire que c'est celui-là qui est le
plus urgent au niveau de la région.
M. Roy: Je veux bien poser la question d'ailleurs, c'est
mon intention, si mes collègues ne la posent pas avant moi aux
gens de l'UPA qui représentent votre région mais, ayant fait
partie d'un CRD dans la région que je représente,
évidemment, je pensais que vous pouviez avoir examiné cette
question pour avoir une vue d'ensemble, une idée. J'aurais aimé
avoir votre version.
M. Charette: Je peux vous dire...
M. Roy: C'est évident, on a la version du monde agricole,
comme telle.
M. Charette: Sans répondre directement à votre
question, je peux vous dire que les secteurs d'intervention du CRD au cours des
dernières années dans le monde agricole ont été la
protection du territoire agricole et le développement du secteur
agro-alimentaire, principalement au niveau de l'horticulture.
M. Roy: Est-ce qu'il y a un manque de terres actuellement pour
ceux qui sont intéressés à s'établir en agriculture
dans votre région? Est-ce qu'il y a une relève suffisante? En
somme, ce que nous voulons savoir, c'est que ce n'est pas tout de
protéger le territoire agricole, il ne faudra pas faire du zonage
simplement dans l'idée de faire du zonage et dire qu'on protège
des terres et les laisser en plan, ou encore faire en sorte que les prix
diminuent et que ceux qui ont beaucoup d'argent, les industriels, les hommes
d'affaires arrivent et achètent une, deux, cinq ou dix fermes, et la
première nouvelle que nous saurons, il y aura des rangs complets qui
seront entre les mains de personnes qui ne changeront pas la vocation des
terres, mais qui feront en sorte, par exemple, de posséder les terres,
et nous aurons d'autres problèmes, et on n'aura pas réglé
le problème par la Loi du zonage agricole. Je voulais savoir si, dans
votre région, il y
a un problème de relève. Est-ce que vous avez pu constater
que, lorsqu'un agriculteur, par exemple, à cause de l'âge,
à cause de sa situation physique, est obligé d'abandonner
l'agriculture, il y a une relève pour s'assurer d'une véritable
continuité de développement agricole chez vous?
M. Charette: Je dois vous avouer, M. le député,
qu'effectivement, il y a un problème de relève chez nous, en
agriculture, mais il est explicable, selon nous, en bonne partie par l'absence
d'une option agricole dans les écoles de la région.
M. Roy: En somme, il n'y a pas de formation agricole, il n'y a
pas de cours agricoles qui se donnent...
M. Charette: II n'y a pas de cours agricoles dans la
région de Lanaudière actuellement. Alors, les gens doivent se
rendre à Saint-Hyacinthe, à l'Institut technologique
agricole.
M. Roy: C'est un point sur lequel il faudra attirer l'attention
du ministre une autre fois sur cette question.
M. Chevrette: C'est-à-dire qu'on pourra peut-être en
discuter...
M. Garon: Vous savez que ce n'est pas sous notre gouvernement que
les écoles d'agriculture ont été fermées.
M. Roy: Non. Je ne m'adresse pas à l'ancien gouvernement,
parce que quand je conduis mon automobile, je ne regarde pas dans le
rétroviseur. Je regarde en avant.
M. Garon: Non? Ce...
M. Chevrette: C'est dangereux.
M. Roy: Non. Quand je conduis mon automobile...
M. Chevrette: II ne regarde pas dans son rétroviseur.
M. Roy: ... je ne passe pas tout mon temps à regarder dans
le rétroviseur.
M. Chevrette: Ah! C'est plus précis. C'est
déjà mieux.
M. Roy: II y a un petit mot que j'ai oublié. Voyez-vous
comme c'est important d'avoir de la précision dans ce qu'on dit.
M. Chevrette: C'est vrai.
M. Roy: Cela veut aussi que c'est extrêmement important
d'avoir tous les mots et toute la précision nécessaire dans un
texte de loi. Vous voyez que cela peut être dangeureux; cela joue dans
tous les sens.
Je veux vous remercier quand même. Il est près de minuit.
Je voudrais quand même permettre à mes collègues, s'il y en
a qui sont intéressés à poser des questions...
Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Boucher): Merci, monsieur. Je vous ferai
remarquer que nous devons terminer à minuit. Je vais laisser le
député de Joliette-Montcalm faire une courte intervention.
M. Chevrette: Etant donné qu'il reste trois minutes...
J'ai plusieurs questions. D'abord, je voudrais avoir une directive. A minuit,
est-ce l'ajournement automatique des travaux parce qu'il y a plusieurs
députés qui veulent parler?
Le Président (M. Boucher): Absolument, suivant le
règlement sessionnel.
M. Chevrette: Dans ce cas, j'ai une question de
règlement.
M. Garon: ... minutes après.
M. Chevrette: II y a eu un précédent de
créé lors de l'étude de la Loi sur la protection du
consommateur, me dit-on, qui serait à vérifier, mais on ne
devrait pas accepter en commission parlementaire, même lors de l'audition
des mémoires, toute question qui viserait à contredire le
principe qui vient d'être adopté à l'Assemblée
nationale. Cela devrait être déclaré
antiréglementaire automatiquement. Je n'ai pas voulu en faire un chiard
ce soir, mais on remet en question pratiquement continuellement, par des
questions habiles, le principe qu'on vient d'adopter à
l'Assemblée nationale. Je voulais attirer votre attention
là-dessus et, demain matin, après la période des
questions, je pense qu'on sera convoqué. J'aimerais que les
représentations du CRDL Lanaudière soient ici parce que j'ai des
questions. M. le député de Maskinongé en a. Le
député de Saint-Hyacinthe et le député de Berthier
se sont aussi inscrits. Donc, je propose l'ajournement des travaux.
M. Lavoie: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Lavoie: J'aurais une question de règlement.
J'espère que cela sera enregistré au journal des
Débats.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: Je ne voudrais pas soulever de débat, mais
avant que vous ne puissiez ou que vous ne deviez rendre une décision, je
pense bien que si on pousse l'argumentation du député de
Joliette-Montcalm à l'extrême, cela voudrait dire qu'on ne
pourrait entendre en commission que
ceux qui sont totalement favorables au principe du projet de loi. Avant
de rendre votre décision, sachez que cela voudrait dire que tous ceux
qui sont contre n'auraient pas le droit de venir se faire entendre.
M. Roy: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Sur la même question de règlement parce que
c'est fondamental et extrêmement important. Nous avons évidemment
accepté d'adopter la deuxième lecture, mais il était bien
entendu, et il y a des précédents d'établis, que cela ne
devait pas gêner ni brimer les droits des membres de la commission. Si le
député de Joliette-Montcalm maintient l'idée qu'il vient
de soumettre à la commission, il va me faire regretter d'avoir
voté en deuxième lecture, je n'ai pas voté sur le contenu
du projet de loi, mais sur le principe du projet de loi sur le zonage
agricole.
M. Chevrette: C'est toujours sur le principe que j'ai
argumenté. Je n'ai pas argumenté sur les modalités. Il y a
un paquet de gens...
M. Roy: On ne remet pas en cause le zonage.
M. Chevrette: D'ailleurs, j'ai appris ce soir, M. le
député de Beauce-Sud, à ma grande stupéfaction,
qu'il n'y avait personne contre le principe, après avoir eu un vote
enregistré et avoir reconnu le Parti libéral et l'Union Nationale
contre le principe même...
M. Giasson: M. le Président, c'est du charriage.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Une Voix: Du charriage.
Le Président (M. Boucher): II est déjà 24
heures. Je dois auparavant un instant, s'il vous plaît. S'il vous
plaît, M. le député de Maskinongé, j'ai d'abord une
communication du Barreau du Québec. Les gens de Lanaudière
sont-ils prêts à revenir demain matin?
M. Chevrette: On a réservé.
Le Président (M. Boucher): Alors, d'accord pour demain
matin?
M. Picotte: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Picotte: ... sur la même question de règlement.
Les gens du CRD sont prêts à revenir demain, mais j espère
bien aussi que nous allons avoir l'occasion d'entendre un autre mémoire,
celui de l'Association des propriétaires du Québec Inc.
Le Président (M. Boucher): J'allais justement en parler,
M. le député de Maskinongé. L'Association des
propriétaires du Québec sera convoquée jeudi soir, alors
qu'il y aura une commission parlementaire qui siégera justement pour
entendre les mémoires des organismes qu'on n'aura pu entendre au moment
où ils auront été convoqués.
D'autre part, j'ai une communication du Barreau du Québec, et je
vous lis la lettre telle quelle: "Veuillez trouver sous pli 20 exemplaires du
mémoire du Barreau du Québec sur la protection du territoire
agricole québécois qui a déjà été
transmis au ministre de l'Agriculture et à tous les
députés. Auriez-vous l'obligeance de déposer ce
mémoire auprès de la commission qui étudie le projet de
loi 90 sur le zonage agricole? "Nous croyons qu'il serait utile que ce
mémoire soit reproduit au journal des Débats. Vous remerciant de
votre collaboration, etc.."
Les membres de la commission seraient-ils d'accord pour que ce
mémoire soit déposé au journal des Débats? Je vous
ferai remarquer que le mémoire a déjà été
déposé à l'Assemblée nationale et que tous les
députés y ont eu accès; deuxièmement, si on accepte
de déposer ce mémoire, il y a le danger que les 104 organismes
qui ont déjà présenté des mémoires fassent
la même demande et qu'on soit obligé de reproduire au journal des
Débats ces documents qui ont déjà été
déposés à l'Assemblée nationale.
M. Roy: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud. (minuit)
M. Roy: Sur ce point, je pense qu'il y a plusieurs personnes qui
regardent le journal des Débats, qui le reçoivent et qui le
conservent comme une excellente source d'information et de documentation. Je
suis bien d'accord que les mémoires ont été
présentés aux membres de la commission, ont été
présentés aux membres de l'Assemblée nationale, mais le
mémoire du Barreau, quand même, c'est à la demande du
gouvernement; c'est le gouvernement lui-même qui a demandé au
Barreau de faire un examen attentif du projet de loi sur la question du zonage
agricole.
M. Garon: Je regrette, c'est un mémoire qui a
été présenté avant le dépôt du projet
de loi. Ce n'est pas un mémoire qui analyse le projet de loi.
Le Président (M. Boucher): C'est cela. M. Roy: Lors
de la tournée du ministre.
Le Président (M. Boucher): C'est lors de la tournée
du ministre.
M. Roy: Je pense qu'étant donné que le Barreau,
quand même, a un excellent mémoire, un mémoire de
qualité, un mémoire qui comporte beaucoup d'information, de
documentation, en ce qui me concerne, je serais bien d'accord qu'il soit
déposé au journal des Débats et qu'il soit imprimé
au journal comme on l'a fait pour de nombreux autres organismes qui sont venus
se présenter devant les commissions parlementaires et qui n'ont pas
toujours eu le temps de se faire entendre.
Le Président (M. Boucher): Oui. M. le député
de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Je partage l'avis du député de
Beauce-Sud à l'effet que le mémoire du Barreau est un
mémoire de grande qualité, mais il faut se rappeler que beaucoup
d'autres organismes aussi ont déposé des mémoires devant
le ministre, dans les mêmes circonstances et à la même
époque, et qu'il y a de la qualité également dans d'autres
mémoires.
M. Roy: Je n'ai pas dit le contraire.
M. Giasson: On doit traiter tout le monde sur le même pied,
je pense.
Le Président (M. Boucher): Et le mémoire ne portait
pas...
M. Roy: Si j'ai fait une intervention, ce n'est pas pour mettre
de côté les autres mémoires. C'est parce qu'eux l'ont
demandé. Alors, s'il y en a qui ne l'ont pas demandé, il n'y a
pas de problème.
M. Beauséjour: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): II est minuit, de toute
façon, les organismes convoqués pour demain, si cela vous
intéresse de le savoir...
M. Beauséjour: M. le Président, j'ai à
apporter une précision à ce sujet-là.
M. Garon: Après la période des questions.
Le Président (M. Boucher): Alors, il y aura l'Union des
conseils de comtés, l'Union des municipalités du Québec,
la Confédération de l'UPA, la ville de Saint-Eustache,
l'Association des urbanistes conseils du Québec, l'Association
provinciale des constructeurs d'habitations et l'Association des constructeurs
de routes et grands travaux du Québec.
Alors, la commission ajourne sine die.
Fin de la séance à 0 h 3