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Version finale

31st Legislature, 3rd Session
(February 21, 1978 au February 20, 1979)

Wednesday, December 6, 1978 - Vol. 20 N° 215

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 90 — Loi sur la protection du territoire agricole


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 90

(Onze heures vingt minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs! La commission permanente de l'agriculture est réunie pour entendre, dans un premier temps les mémoires des organismes et personnes invités concernant la Loi sur la protection du territoire agricole.

Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain), M. Garon (Lévis), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lèves-que (Kamouraska-Témiscouata), M. Rancourt (Saint-François), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Orford).

Les intervenants sont: M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) remplace M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M. Marcoux (Rimouski) remplace M. Charbonneau (Verchères); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Ver-reault (Shefford) remplace M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue); M. Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Picotte (Maskinongé), M. Samson (Rouyn-Noranda).

A l'ajournement d'hier soir, nous en étions au mémoire de la ville de Saint-Eustache et le mémoire avait été résumé et lu.

M. Chevrette: C'était entendu, M. le Président, hier, qu'il y ait encore cinq minutes, je crois, pour le résumé. Je crois que c'était le consensus.

Le Président (M. Boucher): II y avait consensus. On permettra encore cinq minutes à M. Bélisle pour compléter son mémoire. Alors, M. Bélisle, je vous cède la parole immédiatement.

M. Vaillancourt (Orford): II reste encore les notes complémentaires à la page 46 à lire.

Le Président (M. Boucher): C'est cela.

Ville de Saint-Eustache (suite)

M. Bélisle (Guy): M. le Président, selon l'essentiel de notre mémoire, comme je l'expliquais hier, on ne veut pas être soumis à l'application de deux lois spéciales, la loi no 48 et la Loi sur la protection du territoire agricole.

Nous étions rendus à la page 46 hier, les notes complémentaires. C'est quand même très court et vous me permettrez de les lire, ce matin, étant donné que cela reflète exactement la position de nos cultivateurs dans le territoire de Saint-Eustache, qui, en assemblée, étaient au nombre de 109.

La ville de Saint-Eustache espère ardemment que la demande qu'elle a faite dans la première partie de son mémoire sera agréée dans l'intérêt général de ses concitoyens et notamment de ses producteurs agricoles.

La ville de Saint-Eustache est consciente que plusieurs intervenants ont soumis et soumettront des mémoires intéressants sur le texte même du projet de loi 90, aussi elle demande respectueusement à la commission de formuler les brèves remarques suivantes.

Premièrement, par le projet de loi 90, le législateur n'a porté son attention que sur le fonds de terre agricole, il ne s'est pas attaché à la personne du producteur agricole. La ville de Saint-Eustache souhaite très fortement que dans le domaine agricole aussi, la personne passe avant toute chose. La ville de Saint-Eustache prie respectueusement le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour rentabiliser les productions agricoles existantes et, notamment, pour ouvrir des marchés sûrs et diversifiés aux producteurs agricoles. Le projet de loi 90 voue de nombreuses terres à une nouvelle vocation qu'elles n'avaient pas, la vocation agricole, sans pour autant que le producteur agricole soit assuré d'un revenu suffisant.

Les nombreuses contraintes auxquelles le producteur agricole est astreint par le projet de loi devraient être allégées; en particulier, le producteur agricole devrait pouvoir continuer à jouir de sa terre en liberté, notamment, dans l'intérêt de sa famille tout entière qui y a passé sa vie. Toutes les mesures devraient être prises pour que le producteur agricole assure sa relève, notamment, par l'établissement de ses enfants sur la ferme à des conditions autres que celles prévues dans le projet de loi.

Le producteur agricole devrait également conserver son droit de disposer de son bien dans son meilleur intérêt. Les pénalités rigoureuses imposées par le dernier paragraphe de l'article 106 devraient être retranchées; à notre point de vue et également du point de vue des cultivateurs réunis, ces pénalités sont injustifiables.

Concernant la commission spéciale créée par le projet de loi 90, nous suggérons que cette commission soit formée entre autres de représentants des municipalités qui sont les plus près des citoyens et qui sont les mieux placés pour connaître les problèmes et les solutionner. En effet, la commission n'aura qu'un seul objectif: régir le zonage agricole, sans se préoccuper, comme les municipalités devraient le faire, des autres impératifs d'un plan d'aménagement rationnel. Ces représentants devraient normalement venir de l'Union des municipalités, de l'Union des conseils de comté et, naturellement, de l'UPA.

La commission préconisée par le projet de loi et son mode même d'opération créeront de sérieuses difficultés aux municipalités à vocation urbaine. Leur territoire ne pourra vraisemblablement être dégelé qu'après plusieurs mois.

D'autre part, les pouvoirs de cette commission nous semblent absolument exorbitants. Elle consulte seulement les municipalités pour l'établissement du périmètre final du zonage agricole. Mais c'est elle, la commission, qui va décider exclusivement et de façon finale. Aucun appel n'est prévu des décisions de la commission. Et, fort curieusement, la Cour supérieure est appelée à faire observer les décisions de la commission, mais elle n'a aucun contrôle sur celle-ci, contrairement aux

dispositions mêmes de notre régime juridique actuel.

Nous suggérons qu'un droit d'appel soit donné des décisions de la commission et investi dans un pouvoir municipal régional, ou entre les mains de la Commission municipale de Québec. De plus, un délai devrait être stipulé, pendant lequel la commission doit rendre ses décisions sur les demandes qui lui sont soumises. Actuellement, il n'y a aucun délai prévu.

Il nous paraît anormal que ce soit le gouvernement qui établisse tous les règlements relatifs au projet de loi 90, y compris les règles de régie interne de la commission et les règles de pratique et de procédure de celle-ci.

L'article 95 nous paraît injuste et discriminatoire. Il consacre en fait le principe d'une expropriation déguisée, sans indemnité, ce qui est absolument contraire aux notions fondamentales du droit de propriété que la province de Québec connaît depuis toujours. Dans le régime municipal actuel, tout changement de zonage est sujet au contrôle des citoyens par voie de référendum et au contrôle du ministère des Affaires municipales.

Enfin, le législateur devrait prévoir un mécanisme d'indemnisation valable pour tous les propriétaires de biens fonciers de bonne foi et affectés directement par le projet de loi.

Le tout, respectueusement soumis à la commission par la ville de Saint-Eustache.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Bélisle. J'inviterais maintenant le député de Deux-Montagnes, au nom du ministre, à poser les questions du côté ministériel.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'accueillir mon maire, accompagné ce matin de cinq autres représentants de la ville de Saint-Eustache. Hier soir, ils étaient trois en tout, maintenant ils sont six en tout. Je suis heureux de les accueillir ici alors qu'ils présentent un mémoire qui a été préparé avec grand soin.

Je les félicite du soin apporté à la préparation de ce mémoire dans lequel on trouve des affirmations qui ne peuvent que nous réjouir, par exemple, au bas de la page 2, où la ville de Saint-Eustache se déclare entièrement d'accord avec le but visé par ce projet de loi. Comme si la ville de Saint-Eustache avait lu un éditorial récent de M. Yvan Guay, dans la Presse, elle ajoute — je dis: comme si, je ne sais pas si elle l'a lu — Par le présent mémoire, elle espère vous convaincre qu'il ne s'agit pas là de la formulation d'un énoncé poli pour pouvoir ensuite le détruire par une série de réticences, mais bien qu'elle a déjà agi, de façon positive, réaliste et concrète, dans l'esprit dudit projet de loi. (11 h 30)

M. le Président, je ne mets pas en doute les intentions de la ville, mais j'ai, quant à moi, l'intention de mettre devant la commission un certain nombre de faits à partir desquels nous pourrons nous interroger sur la mesure dans laquelle les dispositions prises par la ville de Saint-Eustache, dans le cadre qu'elle a décrit, résistent effectivement à une urbanisation qu'on pourrait juger, selon les points de vue, excessive ou non excessive, mais, de toute façon, une urbanisation qui porte atteinte au territoire agricole.

Le mémoire n'a pas seulement une importance particulière, quant à moi, parce qu'il s'agit de la ville de Saint-Eustache, principale ville de mon comté. Il a une importance pour une région plus grande, puisqu'il met en cause tout le travail d'aménagement du territoire qui a résulté des travaux de SATRA, le Service d'aménagement du territoire de la région aéroportuaire, et ce que la ville de Saint-Eustache demande, en fait, c'est de continuer d'être couverte par ce régime d'aménagement du territoire plutôt que d'être couverte par la nouvelle Loi sur la protection du territoire agricole.

Au bas de la page 12, on peut lire, dans le mémoire de la ville de Saint-Eustache, là où il est question de la partie sud de la région aéroportuaire: "De cette analyse, il ressort que la partie est du secteur — il s'agit de la partie est du secteur sud — est la plus productive au point de vue agricole et qu'elle se distingue par des productions hautement spécialisées. Le schéma directeur des structures verra à protéger le patrimoine agricole, notamment contre la pression exercée par l'urbanisation dans Saint-Eustache et dans certaines parties de Saint-Joseph-du-Lac ".

C'est là-dessus que je voudrais m'efforcer de démontrer que, bien que ce schéma d'aménagement existe et que les plans directeurs de toutes les municipalités existent, ces dispositions ne procurent pas au territoire agricole — dont je viens de lire un extrait du mémoire qui indique qu'il s'agit d un territoire agricole de grande valeur — une protection suffisante.

Dans le mémoire, on signale que lincinérateur régional et le parc industriel, qui est également régional et qui est situé à Saint-Eustache, se trouvent en territoire maintenant protégé. On pourrait en dire autant des pistes de l'aéroport de Mirabel qui sont également en territoire protégé. Je pense qu'il s imposera à l'évidence que le gouvernement ni la commission ne souhaiteront mettre les béliers mécaniques dans les pistes de l'aéroport, et par la même logique, il s'imposera à l'évidence que lincinérateur régional va demeurer et que le parc industriel de la région sud va également demeurer. Si les autorités compétentes, en particulier la ville de Saint-Eustache, souhaitent, par exemple, un agrandissement de ce parc industriel, ces autorités n'auront qu'à faire valoir leur point de vue auprès de la nouvelle commission.

A la page 29 du mémoire de la ville de Saint-Eustache, je cite: "En somme, il s'agit d'une heureuse synthèse d'une urbanisation progressive de la ville de Saint-Eustache, en accord avec sa vocation spéciale et du développement rationnel de ses meilleures terres agricoles."

C est là-dessus que j'ai des doutes à savoir si les projets établis dans le cadre du schéma d'aménagement de la région aéroportuaire prévoient, effectivement, comme l'affirme la ville de Saint-

Eustache, le développement rationnel de ses meilleures terres agricoles. Je me demande si nous n assistons pas plutôt à une urbanisation qui continue, une urbanisation progressive, qui se situerait, pour reprendre l'expression que M. Moreau, le président de l'Union des conseils de comté, a employée hier, "dans une certaine nébulosité". Le mot n'est pas de moi, il est de M. Moreau. Ce dernier parlait de ce qui se passe quant à l'affectation à l'agriculture ou à d autres formes de développement de certaines terres situées près des villes.

Dans la partie de Saint-Eustache qui se trouve au sud de l'autoroute 640 et qui, par conséquent, ne tombe pas sous le coup de la nouvelle loi, selon des renseignements qui m'ont été fournis par la ville de Saint-Eustache elle-même, il reste près de 1000 terrains à vendre ce qui indique qu'il n'y a pas une crise immédiate pour ceux qui auraient besoin de se bâtir des maisons.

J'ajouterais, d'ailleurs, que même s'il est normal de souhaiter la croissance, il faut comprendre que la croissance doit être rationnelle — pour reprendre un mot qui est employé dans ce mémoire — elle doit correspondre principalement aux besoins de Saint-Eustache et des environs immédiats. Constatant que, selon les statistiques, 75% des résidents de Saint-Eustache qui travaillent en dehors de la maison ont un emploi en dehors de Saint-Eustache, je me demande dans quelle mesure la construction d'habitations à Saint-Eustache répond à une demande locale et sous-régionale et dans quelle mesure, d'autre part, elle correspondrait plutôt au dépeuplement d'autres secteurs y compris Montréal, dépeuplement que le gouvernement, comme tout le monde le sait, ne considère pas souhaitable. C'est un phénomène qui a souvent été expliqué, notamment par le ministre des Affaires municipales, M. Tardif, qu'à mesure que Montréal se dépeuple, les déficits du métro augmentent, on ferme des écoles et, pendant ce temps-là, on est forcé de faire des routes, de fournir des services dans une banlieue dont la croissance ne correspond peut-être pas à ses besoins propres.

A la page 31, la ville de Saint-Eustache affirme que le législateur raie d'un trait de plume les années d'efforts et de concertation de la ville de Saint-Eustache. M. le Président, je crois que cette affirmation va au-delà de la réalité; ce qui arrive, c'est que le législateur remplace une loi par une autre. La ville de Saint-Eustache ne sera pas soumise à deux lois contradictoires ou à deux lois entre lesquelles il faudra qu'elle cherche difficilement à trouver sa place. La ville de Saint-Eustache va être soumise à la loi 90 et pour ce qui est de l'héritage de SATRA, pour ce qui est du schéma d'aménagement existant, il n'en tiendra qu'aux autorités compétentes de faire valoir, dans toute la mesure du possible, l'idée que tous les éléments positifs de ce schéma d'aménagement doivent être retenus. On peut prévoir que la commission se mettra d'accord pour incorporer ces éléments valables à l'aménagement de la région.

Pour résumer ce point de conflit supposé entre deux lois, ce que nous faisons, ce n'est pas de rayer d'un trait de plume, c'est de conserver ce qui a été fait de bien et d'améliorer parce que, dans le schéma d'aménagement résultant des travaux du SATRA, à mon avis, il y a des failles. Pour employer une image, si cet organisme doit freiner une urbanisation excessive, à mon avis, le frein est trop mou et quand le frein est trop mou, vous savez ce qu'on fait, on le change. Alors, le projet de loi 90 est un frein un peu plus dur, raisonnablement dur.

A la page 32, la ville de Saint-Eustache cite le projet de loi, à l'article 98 — c'est au bas de la page 31 — L'article 98 du projet de loi stipule ce qui suit: "La présente loi prévaut sur toute disposition inconciliable d'une loi générale ou spéciale — Je pense qu'il est important de tenir compte du mot inconciliable — "... applicable à une communauté, à une corporation municipale ou à une corporation de comté." Je continue la citation de la loi qui se trouve dans le mémoire de la ville de Saint-Eustache: "Elle prévaut également sur toute disposition incompatible..." — il faut tenir compte du mot incompatible — "... d'un schéma d'aménagement, d'un plan directeur ou d'un règlement de zonage, de lotissement ou de construction."

Je pense qu'il est clair que le projet de loi 90 ne raie pas d'un trait de plume, il apporte un soutien additionnel à tout ce qui a déjà été fait de valable.

A la même page 32,la ville de Saint-Eustache fait état de ce qu'elle appelle une perte de juridiction du conseil sur environ 84% de son territoire. Le projet de loi 90 ne prévoit pas que la municipalité perd la juridiction, le projet de loi prévoit que, pour ce qui est du territoire agricole, la juridiction de la municipalité sur son territoire agricole devra être exercée avec l'assentiment de la commission. Ce n'est pas une perte de juridiction.

A la page 36, et je cite: Alors que la ville par ses textes législatifs protège actuellement 160 terres pour fins agricoles, le projet de loi 90 ajoute inutilement environ 40 autres terres qui n'ont aucune vocation agricole, mais bien une vocation urbaine, ce qui a pour effet de compromettre de façon très grave le développement de l'ensemble des municipalités vis-à-vis des objectifs que ses citoyens se sont fixés." A propos de ce texte que je viens de citer, M. le Président, ce que je mets en doute, quant à moi, c'est à savoir si les 40 terres dont il s'agit ici ont vraiment une vocation urbaine. Il serait peut-être intéressant de découvrir dans quelle mesure ces terres sont, à l'heure actuelle, livrées à la spéculation.

A la même page, on parle de l'expansion du parc industriel dont on dit qu'elle est arrêtée. J'ai déjà dit, M. le Président, que les possibilités d'agrandissement du parc devront tout simplement obtenir l'assentiment de la commission.

A la page 38, ou au bas de la page 37, la citation commence au bas de la page 37: Actuellement, en effet, les terres qui sont détenues pour des fins autres qu'agricoles, dans ce secteur, sont

évaluées, selon la Loi sur l'évaluation foncière, à leur valeur réelle, c'est-à-dire à leur valeur du marché qui, dans la ville de Saint-Eustache, est un marché autre que pour fins agricoles." M. le Président, il me paraît clair qu'on décrit ici la spéculation.

A la page 39, M. le Président, nous revenons à l'expérience de Mirabel et je cite le mémoire: "Le développement de l'aéroport de Mirabel ne fera que s'accentuer dans les prochains mois. Les journaux récents font état de cette réalité prochaine". M. le Président, je m'étonne, de la part de personnes d'expérience comme celles qui représentent devant nous la ville de Saint-Eustache, de cette facilité à croire dans les mirages de Mirabel. Je crois que ce qui a paru dans les journaux récemment, ce n'est pas, comme nous le dit la ville de Saint-Eustache, une réalité prochaine; Je pense que c'est du coulage préélectoral. Le gouvernement du Québec n'a pris connaissance, à propos de cette question, d'aucun engagement concret. C'est le piétinement le plus complet qui continue et il y a eu du coulage préélectoral dans ce secteur comme dans d'autres.

Je pense que des dirigeants responsables à tous les paliers d'administration et le gouvernement doivent éviter d'entretenir des illusions dans la population. Je pense qu'il faut être réaliste et si, d'autre part, il doit y avoir un développement considérable résultant du développement de l'aéroport de Mirabel, il ne faut pas oublier, M. le Président, que la zone sud dans le secteur aéroportuaire n'est pas la seule zone de ce secteur et que d'autres zones figurent dans le schéma d'aménagement. Je veux faire allusion en particulier, M. le Président, au faveux projet de centre-ville à Saint-Augustin, localité située dans la municipalité de Mirabel, et je veux faire allusion également au fameux PICA, pare industriel et commercial aéro-portuaire, pour la réalisation duquel le gouvernement du Québec a déjà investi des sommes considérables qui se chiffrent par millions et où il n'existe pas encore une seule industrie. Je veux bien que le parc industriel de la zone sud se développe, mais il faudra aussi voir à ce que le parc industriel qui s'appelle PICA, non pas se développe, mais naisse, prenne naissance un jour. Je vais, comme député de Deux-Montagnes, voir à favoriser les deux développements, le développement du parc industriel situé à Saint-Eustache, mais aussi le développement de PICA, conformément au schéma d'aménagement. (11 h 45)

A la page 47, pour en venir à l'ajout au mémoire, il y a une citation devant laquelle nous ne pouvons que nous incliner, "la personne passe avant toute chose", à partir de cette affirmation la ville de Saint-Eustache nous dit: "La ville de Saint-Eustache prie respectueusement le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour rentabiliser les productions agricoles existantes, notamment pour ouvrir des marchés sûrs et diversifiés aux producteurs agricoles." C'est exactement ce que nous sommes en train de faire, M. le Président, par des mesures qui, évidemment, ne figurent pas dans la loi 90.

Les représentants de Saint-Eustache étaient présents hier, quand le mémoire de l'UPA, Union des producteurs agricoles, a été présenté et discuté. Ils ont pu constater, d'une part, que l'UPA compte fermement que le gouvernement donne suite à ses engagements quant à la rentabilité de l'agriculture; vous avez pu constater, d'autre part, que la commission, dans son entier, est consciente de cette question fondamentale, tout aussi fondamentale que celle de la protection du sol et que le gouvernement maintient tous les engagements qu'il a pris à propos de la rentabilité de l'agriculture.

A la page 48, après une allusion à la relève agricole, il est bien sûr que nous sommes tous en faveur de toutes les mesures pouvant faciliter la relève agricole. Le mémoire de la ville de Saint-Eustache ajoute: "Le producteur agricole devrait également conserver son droit de disposer de son bien, dans son meilleur intérêt."

M. le Président, ces mots, "dans son meilleur intérêt", me laissent perplexe. Est-ce que le meilleur intérêt, ici, doit primer la nécessité de protéger le sol agricole du Québec? Est-ce que le meilleur intérêt, ici, se mesure purement en dollars? J'ai des doutes, M. le Président, quant au sens et au bien-fondé de cette affirmation.

M. le maire de Saint-Eustache, en donnant lecture de l'ajout au mémoire, ce matin, a fait ce qu'il a parfaitement le droit de faire, des ajouts. Je tiens à vous les signaler, M. le Président, afin que les membres de la commission soient au courant de ces ajouts. Ainsi, au milieu de la page 49, là où on peut lire, dans le texte qui nous a été remis: "Ces représentants — il s'agit des représentants au sein de la commission — devraient normalement venir de l'Union des municipalités et de l'Union des conseils de comté", ce à quoi M. le maire a ajouté: "et naturellement à l'UPA". Bon. Je pense que nous pouvons marquer notre accord avec la bonne intention que reflète cet ajout.

A la page 50, il y a une allusion au droit d'appel. Les représentants de Saint-Eustache, hier, ont pu constater que cette question est en discussion, les discussions, sûrement, continueront. A la page 51, on fait allusion à l'idée d'une indemnisation des producteurs agricoles. Les représentants de Saint-Eustache ont pu constater, hier, que l'Union des producteurs agricoles, dont peu de gens mettent en doute la représentativité, ne s'est elle-même pas ralliée à cette idée, qu'elle a choisi une autre solution.

M. le Président, hier, justement lorsque M. Couture, le président de l'UPA, a répondu aux questions des membres de la commission, il a déclaré qu'à son avis, les municipalités sont en conflit d'intérêts quand il s'agit de protéger le territoire agricole. Je pense qu'une question que nous pouvons nous poser aujourd'hui, c'est si nous avons devant nous des protecteurs du sol agricole ou des protecteurs de l'urbanisation.

Beaucoup de gens croient que les municipalités ont partie liée avec l'urbanisation. Il se peut, M. le Président, que ce soit le cas de Saint-Eustache. Pour que nous puissions examiner cette question, je vais faire allusion à un certain nombre de

documents publics. J'ai mentionné des renseignements de nature publique. On ne pourra donc pas me le reprocher, puisque ce sont des documents de nature publique.

Par exemple, j'ai devant moi copie des lettres patentes d'une entreprise qui s'appelle "Les Jardins Rive Nord Inc. ' données et scellées à Québec le 1er mars 1976. Il y a les noms de trois requérants dont le premier est Guy Bélisle, notaire, 124 Grande Côté, Saint-Eustache et les deux autres noms sont des noms de femmes. On donne comme profession, secrétaire.

Je crois comprendre que cette maison "Les Jardins Rive Nord Inc." possède des propriétés dans le territoire qui se trouvent au nord de l'autoroute 640, donc maintenant protégé...

M. Lavoie: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Bien gentiment, est-ce que je peux intervenir, M. le ministre, sur une question de règlement? D'accord? Mettez votre arrogance de côté et laissez... Le règlement, cela existe.

M. Garon: L'arrogance, c'est une prérogative du Parti libéral, vous savez.

M. Lavoie: Je pense bien que votre "bulldo-zage", cela va faire!

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Question de règlement. M. Garon: On ne "bulldoze" personne. M. Lavoie: Je la pose au président.

Le Président (M. Boucher): Allez-y, M. le député de Laval, sur votre question de règlement.

Une Voix: Ne soyez pas arrogant.

M. Lavoie: Est-ce qu'il est de coutume, dans ce Parlement et dans une commission parlementaire, de se prêter à ce genre de procès sur les activités personnelles d'un témoin, maire d'une municipalité, sur ses activités personnelles ou professionnelles — je crois que Me Bélisle est notaire — du fait qu'il ait été l'un des requérants sur des lettres patentes d'une incorporation d'une compagnie?

M. le Président, est-ce que l'on va faire de la personnalité sur les témoins? C'est une espèce de menace qu'on fait aux témoins, une intimidation. Je vous demande votre opinion, M. le Président. Qu'est-ce que cela a à faire, les activités d'un notaire, maire d'une municipalité, avec l'étude du projet de loi 90? Si on descend à ce niveau-là, M. le Président...

M. Picotte: Cela a commencé hier.

M. Garon: M. le Président, j'aimerais dire un mot.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, sur la question de règlement.

M. Garon: Ce dont il est question ici, c'est de protection du territoire agricole, de spéculation et de possibilité de conflit d'intérêts. Je pense que nous sommes exactement à 100% dans la pertinence du débat. Si le député de Laval veut défendre des positions, il a le droit de le faire. Je pense que le député de Deux-Montagnes a le droit de défendre l'inverse de la spéculation lui aussi.

M. Lavoie: Oui. M. le Président, certainement, sur cette question, le débat est ouvert sur la protection des terres agricoles, sur toutes les implications, soit d'usage abusif de terrains, soit de spéculation. Ce débat est ouvert et c'est tout à fait à propos.

Mais ce dont je vous parle, c'est d'un témoin, notaire de profession, maire démocratiquement élu d'une municipalité, lorsqu'on traite de ses activités personnelles parce qu'il a été requérant pour obtenir des lettres patentes. Vous savez qu'un notaire a le droit, soit à titre personnel ou pour des clients, d'être un requérant pour obtenir des lettres patentes.

M. de Bellefeuille: Sur la question de règlement, M. le Président.

M. Lavoie: Je pense que...

Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous plaît!

M. Lavoie: Sur cette question, est-ce qu'on va s'abaisser à faire le procès des témoins?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Deux-Montagnes, sur la question de règlement.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne nie en aucune façon le droit de quiconque de poser des actes, chacun selon sa compétence. Ce n'est pas du tout en cause. D'autre part, je ne fais le procès de personne, mais je crois qu'il y a certains faits publics qui sont pertinents au débat, dans la mesure où ils pourraient démontrer qu'une municipalité pourrait être encline à favoriser l'urbanisation plutôt qu'à favoriser la protection du sol agricole.

Je pense que les faits que je cite, que j'ai commencé de citer, comme l'a dit le ministre, sont très pertinents.

M. Lavoie: Bon! Votre décision, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval, MM. les membres de la commission, à sa

face même, le document que le député de Deux-Montagnes présente est un document public. Si c'est un document public, je crois bien qu'il peut en citer les passages qui sont pertinents au débat actuel. Je ne vois pas, à priori, ce qui peut porter atteinte aux membres ou aux invités qui sont ici si le nom est inscrit comme professionnel dans un document public.

M. Lavoie: M. le Président, je respecte votre décision. Je vais laisser la parole au député de Deux-Montagnes, s'il veut continuer dans cette indécence. Libre à lui de le faire.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Le document suivant est une copie des lettres patentes de Place Duchesne, Saint-Eustache Ltée, à la requête de Guy Bélisle, notaire. Je ne mentionnerai pas les autres noms. Deux des autres noms portent également la mention, comme profession, de secrétaire. Je crois que Place Duchesne, Saint-Eustache Ltée est également propriétaire de terres agricoles au nord de la 640, dans les limites de la ville de Saint-Eustache.

Ensuite, il y a les lettres patentes d'une entreprise qui s'appelle les Investissements Eurypon Inc. Ces lettres patentes mentionnent, comme requérants, quatre femmes dont la profession dans les quatres cas est indiquée comme étant celle de secrétaire. A propos des Investissements Eurypon Inc., vendredi dernier, le 1er décembre, à 12 h 40, a été déposé au bureau d'enregistrement du comté de Deux-Montagnes un acte de fiducie notarié par Me Guy Bélisle stipulant que la Fiducie populaire effectuera un prêt de $10 millions, à 13%, pendant vingt ans, déboursé en tranches de $1 million à l'Entreprise Eurypon Inc. L'acte fait mention du fait que ces terres sont présentement protégées par la loi 90. La Fiducie populaire est représentée ici par deux personnes dont le gérant de la Caisse populaire de Saint-Eustache.

A partir de ces faits, je crois que nous avons le droit de nous demander si le maire aurait laissé entendre au notaire qu'il y aurait des possibilités de changement de zonage. Je pense que nous avons le droit de nous demander si la municipalité de Saint-Eustache est encline à favoriser l'urbanisation plutôt que la protection du territoire agricole. Je pense que nous avons le droit de nous demander si certaines personnes dans l'administration de Saint-Eustache ont pu, à certains égards, commettre certaines imprudences. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Laval.

M. Lavoie: M. le Président, je suis estomaqué un peu de cette...

Le Président (M. Boucher): Intervenez-vous immédiatement ou ne serait-il pas préférable de laisser M. le maire Bélisle répondre à toutes les interrogations que le député de Deux-Montagnes a posées?

M. Lavoie: Je ne le sais pas, comme vous le désirez.

M. Bélisle: M. le Président, est-ce que j'aurai au moins le même temps pour répondre?

Le Président (M. Boucher): Allez-y, M. Bélisle, on n'est pas limité actuellement dans le temps.

M. Bélisle: Franchement, je n aurais jamais pensé, en venant ici, que mon pire détracteur serait mon député, d autant plus que les exemples qu'il a mentionnés se rapportent à ma stricte vie professionnelle et que je n'ai en aucune façon... Si jamais les accusations allaient plus loin, je demande qu'une enquête soit faite là-dessus, parce que c'est réellement de très bas étage que daller chercher des requérants dans une incorporation. Si vous voulez le savoir, je suis aussi requérant dans des centres commerciaux de la rive sud. Je suis requérant dans des magasins de coupons, je suis requérant dans des garages qui se sont incorporés. Pour la facilité de la pratique — M. le ministre, vous êtes avocat, vous allez le comprendre — ce qu'on fait lorsque quelqu'un nous demande une incorporation, c est qu'on signe nous-mêmes à titre de requérants, la requête adressée au ministère des Institutions financières et on demande à nos secrétaires ou à quelqu'un du bureau de compléter, parce que cela prend trois personnes. (12 heures)

Pour les Jardins Rive Nord, je n'ai d'aucune façon, ni de près ni de loin, eu rapport avec cette compagnie ou eu des intérêts dans cette compagnie. C'est un type qui est venu me demander de faire une incorporation. Si vous en avez plusieurs, c'est parce que je me suis un peu spécialisé dans ce domaine. Aux Jardins Rive Nord, c'est la raison pour laquelle vous voyez mon nom là-dessus. A Place Duchêne, c'est vrai, j'ai déjà été copropriétaire de cette compagnie. Il s'agissait, en plein centre de la ville de Saint-Eustache, d'un entrepôt qui avait servi autrefois pour l'entreposage de fruits et légumes, qui a déjà appartenu à M. Gaétan Barde. A un moment donné, cela a été vendu à un monsieur qui devait importer de la viande en plein milieu de la ville de Saint-Eustache, avec des "frigidaires" et tout ce que cela peut constituer de désagréments, et avec comme seule source pour envoyer les déchets, la rivière du Chêne. Au moment où on a appris cet état de choses, j'étais malade, c'est vrai. J'ai passé une fin de semaine à essayer de trouver des personnes dans Saint-Eustache pour réunir un groupe et éviter que cet entrepôt serve pour ce genre de commerce. J'en ai trouvé huit ou neuf. On a acheté la bâtisse, quelques jours après, avec $80 000 de profit pour celui qui l'avait achetée quelques jours avant, pour éviter aux gens de Saint-Eustache d'être obligés de subir cela.

Là-dessus, on a construit un immeuble à

bureaux. On n'a jamais été capables de faire nos frais. Il a fallu qu'on vende avec une perte de $35 000 par personne. Ce n'est qu'après que cette compagnie a commencé à acheter des terres. Je n'ai jamais participé à cette compagnie au moment où elle a acheté des terres.

En ce qui concerne la compagnie Investissements Eurypon, ce n'est même pas moi qui ai fait l'incorporation. Pour autant que je sache, mais c'est sous toute réserve, c'est Me Vineberg. Me Vineberg doit suivre également, je suppose, la même pratique que tous les bureaux d'avocats et de notaires qui font des incorporations. Il demande à ses secrétaires de compléter le bureau de requérants provisoires.

En ce qui concerne l'acte de fiducie de $10 millions, je me demande si ma fonction de maire m'empêche de passer un acte de fiducie, d'autant plus que le mandat pour cet acte de fiducie remonte à plus d'un an, d'autant plus que cet acte de fiducie devait être administré par une compagnie, un trust de langue anglaise. Je n'ai rien contre cela, mais j'ai essayé, à titre de notaire, de privilégier une société qui venait tout juste de naître, la Fiducie populaire, qui est la nouvelle compagnie de fiducie des caisses populaires. Je pense bien qu'on est quand même assez fier de nos caisses populaires et moi aussi. J'ai essayé de les convaincre, parce qu'il s'agissait de personnes étrangères qui empruntaient et qui prêtaient, de choisir une institution canadienne-française pour administrer l'acte de fiducie et j'ai réussi. Cela se trouve à être le premier contrat qui a été donné à la Fiducie populaire.

Si le député de Deux-Montagnes trouve que cela n'est pas correct, je suis fier de ne pas être correct; si j'ai pu privilégier une institution canadienne-française, on travaille assez pour accéder à notre promotion que c'est un pas de plus. Je ne le regrette pas du tout.

Vous avez souligné avec raison, M. le député, que j'ai bien fait inclure dans le contrat, à titre de notaire toujours, que ces terres se trouvaient sous l'application de la loi 90. A ma connaissance, la loi 90 ne nous empêche pas de passer des actes d'hypothèque ni de fiducie, et ce n'est que dans cette perspective.

Je me demande jusqu'ici — c'est pour cela que je trouve que le débat s'est transposé à un étage absolument inimaginable — pourquoi, tout à coup, je suis obligé de justifier des actes qui n'ont en eux-mêmes rien de répréhensible.

M. le Président, c'est tout pour ce qui concerne ma justification personnelle.

Est-ce que je peux continuer mes remarques?

Le Président (M. Boucher): Allez-y sur le reste.

M. Bélisle: Pour ce qui concerne le respect du plan d'aménagement, il faut dire ici, pour la compréhension de toute la commission, que la philosophie de mon député n'est pas la mienne et que, pour ce qui concerne la philosophie de développement, nous vivons dans un milieu où il y a énormément de jeunes. Il y a deux polyvalentes dans le territoire du grand Saint-Eustache, il y a un CEGEP, il y a plus de 57% de la population de moins de vingt ans. A un moment donné, il va falloir les faire travailler, il va falloir donner à ces jeunes les moyens de ne pas être obligés d'aller chercher ailleurs ce qu'ils pourraient trouver aux environs. Or, le territoire a l'avantage d'être dans l'environnement de Mirabel, sans privilégier une urbanisation extrêmement rapide, il reste quand même que la ville de Saint-Eustache se développe à un rythme qui correspond aux tendances naturelles, c'est-à-dire qu'on ne fait, en tant que ville, aucune publicité indue qui pourrait inciter les gens à venir résider particulièrement à Saint-Eustache. Cela doit être parce qu'on a quelque chose de spécial, s'ils viennent, mais ce n'est pas la ville qui, nécessairement, fait une publicité dans ce sens.

Il ne faut pas oublier, non plus, que la ville de Saint-Eustache se trouve, pour les sept ou huit municipalités environnantes, un centre de services et, comme centre de services, elle doit se doter de certaines infrastructures qu'une autre ville n'est pas obligée de se donner. Ces infrastructures commandent nécessairement un certain développement; un développement qui devrait être harmonisé — j'en conviens — autant sur le plan industriel et commercial que sur le plan résidentiel. Cependant, je tiens à vous dire que nous avons eu à ce jour — je ne veux pas mentionner de nom — des entreprises d'envergure et nous sommes en négociation avec une autre et les raisons qui incitent les industries à venir chez nous, d'abord, c'est une abondance de main-d'oeuvre, c'est également une constante de taxes parce que la ville n'a quand même pas subi des variations de taxes énormes durant les dernières années et c'est également un plan d'aménagement intégré, plan d'urbanisme que la ville a toujours voulu suivre à la lettre.

En ce qui concerne le site de l'incinérateur régional et le parc industriel, nous savons qu'il n'est pas question de déplacer l'incinérateur régional, pas plus que le parc industriel. Cependant, en ce qui concerne le parc industriel, il restera toujours, à moins que je n'obtienne la preuve du contraire, que la terre voisine du parc industriel est zonée agricole et que si la commission le veut, elle peut décider qu'elle restera toujours zonée agricole et on perdrait là une juridiction qui devrait nous appartenir en propre. Il y va du développement industriel de notre ville et de la création d'emplois que nous voulons mettre à la disposition de nos citoyens.

M. Garon: Combien y a-t-il d'acres dans votre parc industriel?

M. Bélisle: Pardon?

M. Garon: Combien y a-t-il d'acres dans votre parc industriel?

M. Bélisle: II doit nous rester environ 200 acres. En tout, je crois que nous en avons 350.

M. Garon: Cela veut dire qu'il y en a plus de 50% qui ne sont pas occupées encore.

M. Bélisle: Oui, mais il ne faut pas oublier que c'est un parc industriel régional qui ne date que de 1973.

M. Garon: Ce n'est pas...

M. Bélisle: C'est quand même une assez bonne performance pour une ville qui, voilà trois ou quatre ans, était encore en bas de 20 000.

En ce qui concerne les terrains à vendre au sud de l'autoroute 640, c'est vrai. Il reste environ 1000 terrains à vendre au sud de l'autoroute 640. Il se construit dans Saint-Eustache, actuellement, près de 600 maisons par année, 600 nouvelles maisons par année. Nous connaissons un développement — et je souligne encore qu'il s'agit de tendances naturelles — assez intensif et s'il reste 1000 terrains, cela ne prendra quand même pas dix ans avant de les vendre à ce rythme. Je pense bien que tout le monde sait compter et qu'il faudra penser à aménager d'autres terrains.

En ce qui concerne le dépeuplement de Montréal, ce n'est pas la première fois que j'en entends parler. Je me demande justement si, au lieu d'empêcher le dépeuplement de Montréal, il ne serait pas opportun pour le gouvernement d'essayer de trouver les raisons pour lesquelles il y a un dépeuplement. Peut-être que si les gens se sentaient, à un certain moment, moins impersonnalisés, moins des pions dans leur ville, peut-être n'y aurait-il pas de dépeuplement, mais c'est quand même un phénomène qui se produit partout. Ce n'est quand même pas particulier à la ville de Montréal.

C'est pareil à Philadelphie, New York et dans plusieurs autres grandes villes et si les citoyens qui quittent les grandes villes peuvent trouver dans les banlieues une revalorisation et une certaine dignité humaine qu'ils pensaient avoir perdue, je me demande si onn est si perdant à ce moment. Et, justement, notre ville s'est employée à privilégier de façon tout à fait particulière des organismes d'animation où ces nouveaux arrivés peuvent participer, manifester leur bénévolat et également leur initiative. (12 h 15)

En ce qui concerne le remplacement du bill 48 par la Loi du zonage agricole, c'est réellement la première fois que j'entends que le bill 48 sera remplacé par la Loi sur le zonage agricole. Non seulement c'est la première fois mais, à mon sens, c'est à peu près impossible parce qu'actuellement toutes les études et le schéma d'aménagement même reposent sur la raison d'être du bill 48. Si le bill 48 doit disparaître et transférer sa juridiction à la Commission sur le zonage agricole, je me demande réellement à quoi cela va rimer parce que le bill 48 ne s'applique pas uniquement au territoire agricole mais s'applique aussi à toute la zone urbanisée des 32 municipalités concernées par le bill 48. Est-ce qu'on va avoir fait faire par des spécialistes un plan d'aménagement, un plan d'urbanisme, un plan directeur, règlement de zonage et de construction par un groupe de personnes compétentes qui ont vécu durant pratiquement huit ans ce travail pour le remplacer par une commission toute puissante qui n'a absolument aucune notion du territoire concerné, de la mentalité et du genre de vie qui s'y mène.

M. Garon: II ne faut pas exagérer. Vous savez, à Mirabel, il y a eu 93 000 acres d'expropriées. L'aéroport en a utilisé 16 000; il en reste 77 000. Sur les 77 000, il y a 45 000, 46 000 acres qui sont très bonnes pour l'agriculture, du sol de première qualité. Il en reste 30 000 qui n'ont pas de vocation agricole. Est-ce qu'il y a assez de 30 000 pour...

M. Bélisle: Mais, M. le ministre, est-ce que vous savez où s'applique le bill 48?

M. Garon: Où il s'applique?

M. Bélisle: II s'applique à Lachute, il s'applique à Saint-Jérôme, il s'applique partout. Il s'applique dans les 32 municipalités. Il ne s'applique pas seulement sur le territoire agricole.

M. Garon: C'est de cela que je parle. Je parle de Mirabel en particulier.

M. Bélisle: Je ne parle pas de Mirabel, je parle du bill 48 qui serait remplacé par la Loi sur le zonage agricole, par la juridiction de la commission.

M. Garon: Vous êtes avocat? M. Bélisle: Non, notaire.

M. Garon: Est-ce que vous avez vu dans la Loi de protection du sol agricole qu'on abrogeait la loi 48?

M. Bélisle: Non, c'est M. le député qui vient de le dire.

M. de Bellefeuille: Si vous permettez, M. le Président, la loi 90 est destinée à remplacer certains effets de la loi 48 en ce qui a trait à la protection du sol agricole seulement. J'ai cité tout à l'heure les mots, à partir de votre propre citation dans votre mémoire, de la nouvelle loi qui indique que ce qui n'est pas modifié par la loi demeure et tout ce qui est modifié par la loi c'est seulement ce qui a trait à la protection du sol agricole.

M. Bélisle: Dans la pratique, il reste que, lorsqu'on va vouloir avoir un changement de zonage dans une partie zonée agricole limitrophe à une zone urbaine, on va être obligé, premièrement... Regardez déjà ce qu'on est obligé de faire pour obtenir un changement de zonage. Premièrement, la Commission d'urbanisme de la ville où siègent des citoyens aussi, je tiens à le mentionner. Deuxièmement, le conseil municipal; troisièmement, la commission conjointe d'urbanisme. C'est

référé à toute la région. Quatrièmement, approbation du représentant spécial du ministre qui doit donner son approbation en vertu du bill 48 et, quand on aura fait tout cela, on sera obligé de remonter encore à la commission qui peut, oui ou non, accepter. Si elle accepte, tout ce qu'on va avoir fait, on va l'avoir fait pour rien, même si — et je me demande justement si ce n'est pas un manque de confiance à l'égard du ministre des Affaires municipales — le ministre des Affaires municipales a accepté.

En ce qui concerne l'aménagement, je déplore, encore une fois, les insinuations faites par le député de Deux-Montagnes, concernant le non-respect et notre manque de souci à conserver l'aménagement, également à protéger les exploitations agricoles. Vous avez parlé d'Eurypon tout à l'heure; lorsque Eurypon a acheté les terres qu'elle possède actuellement, toutes les coupes de bois ont été vendues pour destruction. Personnellement, j'ai rencontré les propriétaires d'Eurypon et leur ai demandé de faire un effort pour racheter, parce qu'il s'agissait d'érablières, toutes ces coupes de bois. Je crois qu'il y en avait 10 ou 12. Une coupe de bois, ça se vend environ $3000 ou $4000. Ils en ont payé jusqu'à $18 000 pour les protéger.

A la page 31, vous avez parlé de l'article 98. La présente loi prévaut sur toute disposition inconciliable et, ensuite, vous avez aussi relevé le mot "incompatible". Vous vous étonnez du fait qu'on ait peur de ces deux mots. C'est justement, c'est que la loi sur le zonage agricole, pour toute une partie de notre aménagement, est inconciliable et incompatible avec notre zonage, avec notre plan directeur, avec notre plan d'aménagement régional.

M. Garon: Vous ne pensez pas que vous êtes en train de faire la preuve que vous ne protégez pas du tout les terres?

M. Bélisle: Pardon?

M. Garon: Votre plan directeur, vous êtes en train de dire, au fond, qu'il ne protégeait pas du tout les terres.

M. Bélisle: Non, ce n'est pas ça, M. le ministre. C'est que, lorsqu'on étend le périmètre urbain, au lieu de faire un plan d'ensemble sur une terre, on pense que ça pourrait être beaucoup plus souhaitable de faire un plan d'ensemble sur une dizaine de terres, sans pour autant donner au développement les dix terres en question. Mais il faut quand même, lorsqu'on fait un plan d'ensemble sur une dizaine de terres, un plan directeur, qu'on soit au moins certain qu'on va pouvoir compléter notre plan directeur. Autrement, on va se retrouver avec des rues droites dans un sens et des rues droites dans l'autre sens. C'est tout ce qu'on va avoir. Il n'y aura pas d'âme dans un plan comme ça.

C'est pour ça que, sans nécessairement gaspiller, on peut quand même voir à la protection du territoire agricole et, en même temps, faire un plan directeur. Je ne vois pas du tout de quelle façon ça peut être incompatible.

Quand on parle des 40 terres, à la page 36, on dit qu'elles ont été ajoutées inutilement. M. le député de Deux-Montagnes m'a demandé combien de ces terres étaient livrées à la spéculation. Beaucoup de ces terres appartiennent encore à des cultivateurs, mais c'est impossible qu'elles puissent être cultivées. Ce sont des terres qui sont séparées par l'autoroute 640, donc le côté sud est urbanisé à presque 100% et le côté nord est protégé par une servitude de non-accès. C'est bien évident qu'à ce moment-là, toutes les bâtisses de ferme qui se trouvaient au bas des terres n'existent plus. Donc, il est absolument impossible pour les cultivateurs, ou même pour les spéculateurs, parce qu'il y en a quelques-unes qui sont dans les mains des spéculateurs, de pouvoir les cultiver.

Je tiens à souligner ici qu'il va arriver la même chose avec le tracé actuel de l'autoroute no 13. Le tracé actuel coupe encore des terres en deux et l'autoroute n'est même pas encore construite. C'est pourtant ce gouvernement qui va la construire. J'ai déjà demandé au ministre des Transports, M. Lessard, dans une rencontre antérieure, de lever l'expropriation et il a absolument refusé.

M. Chevrette: Les avis n'étaient-ils pas donnés en 1975?

M. Bélisle: Pardon?

M. Chevrette: Les avis d'expropriation ont été donnés en 1975.

M. Bélisle: On est en train de démontrer notre souci de protéger le territoire agricole. Je me demande pourquoi on en doute aujourd'hui. Quand on parle, à la page 38, de la valeur du marché autre que pour fins agricoles, tout de suite, on pense à la spéculation. Tout de suite, on pense à la spéculation.

Si un cultivateur a une terre qui pourrait être, par exemple, la deuxième voisine d'un périmètre agricole et que cette terre vaut $2000 ou $3000 l'arpent, et qu'à cause de la loi sur le zonage agricole, elle est ramenée à $700 ou $800 l'arpent, et que le cultivateur n'a pas de relève, parce que sa terre valait trop cher et qu'il a incité ses enfants à faire autre chose que de prendre sa terre et qu'il n'avait pas les moyens de la donner à un seul enfant, à cause d'une loi comme cela, s'il a 100 arpents, calculez 100 fois $1200 de perte, est-ce que c'est juste de faire absorber cette perte par une seule personne ou des personnes, lorsqu'on invoque l'intérêt public? Est-ce que ces personnes doivent porter le poids social de certaines erreurs qui ont été faites dans le passé?

C'est dans cet esprit que nous avons inclus cette mention à la page 38.

Quand on parle de l'aéroport de Mirabel, à la page 39, que les journaux récents font état de cette réalité prochaine, est-ce que c'est du coulage électoral? Peut-être. De toute façon, on ne compte pas là-dessus. Actuellement, notre développement fonctionne, sans que ce soit nécessairement la perspective prochaine du développement de nouvelles phases de l'aéroport de Mirabel.

Si on le mentionne, c'est parce qu'on en a entendu parler, mais ce n'est pas cela qui fait qu'on est ici aujourd'hui et ce n'est pas cela qui nous a fait prendre certaines décisions dernièrement. Nous considérons l'état actuel des choses, jusqu'à ce que l'état des choses, justement, évolue.

Quand on dit, à la page 47, que le gouvernement entend prendre les mesures appropriées pour rentabiliser les productions agricoles et qu'on nous dit justement que le gouvernement est en train de prendre les mesures appropriées, j'ai en ma possession le projet de loi 99 et le projet de loi no 100. J'en retire, pour le moment, que ce sont des octrois qui sont créés, qu'on ne fait rien, absolument rien, pour faire en sorte que les produits puissent se vendre et trouver meilleur marché. On ne fait rien non plus pour soutenir les prix au marché. Peut-être dans des législations futures, mais à ce que je connais actuellement, il n'y a absolument rien. Cependant, on fait confiance au gouvernement et c'est la raison pour laquelle à la page 47, on dit: "La ville de Saint-Eustache prie respectueusement le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour rentabiliser les productions agricoles existantes ". Durant deux mois de l'année, il y a une saturation sur les marchés, de sorte que si certains agriculteurs ne connaissent pas bien les acheteurs, ils ne peuvent pas écouler leurs produits. Si la loi sur le zonage agricole a pour conséquence d'amener, dans la région de Montréal, 1000 ou 2000 cultivateurs de plus, je me demande si c'est cela qui va rentabiliser les fermes. (12 h 30)

On parle, à la page 48, qu'il peut disposer de son bien. Le producteur agricole devrait également conserver son droit de disposer de son bien dans son meilleur intérêt. M. le député nous demande ce que cela veut dire pour nous. Cela veut dire justement, et je le répète, que l'agriculteur n'a pas à défrayer personnellement le prix d'une responsabilité collective et, également, que s'il arrivait que la loi soit sanctionnée, il devrait pouvoir au moins compter sur un fonds de pension qui lui accorderait une certaine sécurité pour l'avenir.

Quand on dit que l'UPA ne demande pas d'indemnisation, là-dessus, je voudrais simplement faire une petite remarque et demander au ministre de bien vouloir vérifier la qualité de la consultation qui a été faite par l'UPA. Nous avons réuni...

M. Garon: Je peux vous répondre tout de suite.

M. Bélisle: M. le ministre, on a réuni nos cultivateurs, en présence de M. le député de Bellefeuille et en présence également du représentant de l'UPA. On a demandé à tous ceux qui étaient propriétaires de terres mais qui n'étaient pas cultivateurs de ne pas venir à la réunion. Dès la réunion, le fait a été connu. Beaucoup de cultivateurs des municipalités environnantes ont voulu venir assister à notre assemblée et on s'y est refusé parce que c'était réellement uniquement une réunion de cultivateurs de Saint-Eustache. On nous a dit justement... Les gens se sont adressés à l'UPA pour dire que la consultation n'avait pas été adéquate, qu'ils n'avaient pas eu le temps de parier. On a dit qu'à la réunion régionale de cultivateurs de la région de Saint-Eustache, on avait invité des producteurs agricoles de la rive sud et que ceux-ci avaient pris le plus gros du temps. M. de Bellefeuille était à cette assemblée où on a affirmé cela.

Quand on dit que les municipalités sont en conflit d'intérêts et ne peuvent pas appliquer la loi, je me demande pourqui on dit cela. Il faut réellement avoir une très piètre opinion des municipalités pour penser qu'elles ne sont pas capables de prendre leurs responsabilités. Avant, il n'existait pas de loi. Parce qu'il n'existait pas de loi, on ne pouvait pas refuser des permis sur aucune partie du territoire, mais s'il y a une Loi sur la protection du territoire agricole et si vous confiez aux municipalités le soin de protéger le territoire, je vous prie de croire que les municipalités vont en prendre la responsabilité. Il n'y a rien, cependant, qui empêche qu'un organisme de contrôle puisse voir si les municipalités sont tellement en conflit d'intérêts et si les conflits d'intérêts l'emportent sur le souci de bien faire exécuter la loi.

M. Garon: Quand vous dites: S'il y a discussion entre la commission et la municipalité, si la municipalité protège les terres, ils vont s'entendre facilement. Si elle ne les protège pas...

M. Bélisle: II reste quand même, M. le ministre, que la municipalité peut décider n importe quoi et que si ce n'est pas selon l'option de la commission, la commission va décider autre chose. A partir de là, on perd notre juridiction; c'est réellement une perte de juridiction. D'après moi, quand on ne peut plus décider, on a perdu juridiction sur quelque chose qu'on pouvait contrôler auparavant.

M. Garon: C'est un champ inoccupé, au fond. M. Bélisle: Pardon?

M. Garon: Vous aviez une telle juridiction dans le zonage mais vous n'occupiez pas le champ.

M. Bélisle: On l'occupait le champ. Depuis le début, je dis qu'on occupe le champ. Même en l'absence d'une loi, on a quand même eu une assez bonne performance. Depuis 1974, depuis la date où les plans d'aménagement ont été déposés, je crois qu'il y a seulement trois ou quatre terres qui sont au nord de l'autoroute 640 et qui ont été développées. Pour toutes les autres, on tient énormément à faire un développement concentré.

M. Garon: On vous en enlève 40. M. Bélisle: Pardon?

M. Garon: Vous dites qu'on vous en enlève 40.

M. Bélisle: Qui sont dans un plan directeur, comme terres futures à développer. On n'en a pas besoin tout de suite de ces terres.

M. Garon: C'est comme un condamné à mort, excepté qu'elles ont quelques années devant elles.

M. Bélisle: Non. Je vous ai aussi expliqué que la plupart de ces 40 terres n'ont plus de bâtisse de ferme. Les gens demeuraient au sud de l'autoroute 640. C'est la deuxième partie des terres qui se trouve au nord. Ils ne peuvent même pas avoir accès à ces terres. Ce sont celles-là, M. de Belle-feuille.

M. Garon: ... bonne terres à céréales. M. Bélisle: Pardon?

M. Garon: Cela ferait de bonnes terres à céréales, il n'y a plus de bâtisse.

M. Bélisle: En tout cas, vous pouvez... Ce sont les contre-remarques que j'avais à faire à celles du député de Deux-Montagnes. Je répète que je regrette énormément qu'il ait, pour faire valoir son point de vue, été obligé de recourir à des tactiques si déloyales.

M. de Bellefeuille: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question à Me Bélisle?

Le Président (M. Boucher): M. le déput de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le maire de Saint-Eusta-che vient de parler de tactiques déloyales, il a parlé d'insinuations, d'accusations. Il me semble qu'il y a une contradiction. Là-dessus, je voudrais poser ma question à Me Bélisle. Il semble y avoir une contradiction entre le fait de dire, d'une part, qu'à titre de notaire, il n'a fait que des choses irréprochables, et d'autre part, de dire que j'ai lancé des accusations, des insinuations et des propos de bas étage. C'est l'un ou bien l'autre. Si, comme notaire, Me Bélisle n'a fait que des choses irréprochables, que j'ai signalées à ce moment, il n'y a ni accusation, ni insinuation. Si ce sont des choses de bas étage, s'il y a des accusations et des insinuations, il faudrait choisir.

M. Bélisle: Est-ce que vous êtes prêt à les retirer après les explications que j'ai données?

M. de Bellefeuille: II n'y a rien à retirer, je n'ai fait que mentionner des faits.

M. Bélisle: Quand même, cela donnait une douche de discrédit pas ordinaire, si j'avais décidé de ne pas me défendre.

M. de Bellefeuille: Me Bélisle, d'où vient le discrédit, puisque vous prétendez que tout ce que vous avez fait est irréprochable?

M. Bélisle: M..le ministre de l'Agriculture a dit: Ecoutez, c'est important que cela continue parce que, quand même, on veut voir si justement on parle de spéculation. Alors, cela laissait entendre que j'étais mêlé à la spéculation par-dessus la tête. Si vous ne le comprenez pas comme cela, je n'ai plus rien à expliquer.

M. Lavoie: Vous n'avez pas entendu les propos du ministre, M. le député de Deux-Montagnes.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! M. Giasson: Je laisse...

M. de Bellefeuille: Est-ce que je peux avoir la parole?

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous avez terminé, M. le député?

M. de Bellefeuille: Oui, merci, M. le Président.

M. Bélisle: Est-ce que je peux reformuler ma question et demander si le député de Deux-Montagnes est prêt à retirer ses insinuations?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je le ferais avec le plus grand empressement, mais je n'ai fait aucune insinuation. J'ai posé la question, à savoir si la ville de Saint-Eustache, vu les faits que j'ai signalés devant la commission, est plutôt encline à protéger le sol agricole ou plutôt encline à encourager l'urbanisation? C'est une simple question que j'ai posée.

M. Lavoie: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Après un court préambule, j'aurais certaines questions bien spécifiques à vous poser, M. le maire.

M. le Président, je voudrais dire au tout début, dans mon préambule, que je regrette infiniment de voir certains parlementaires... Nous sommes solidaires — ce sont des termes notariaux — et conjointement solidaires de l'honneur et de la respectabilité de cette institution et je me sens blessé de la conduite du député de Deux-Montagnes, ce matin, dans ce genre d'intimidation envers les témoins. Je verrai, en vertu de notre règlement, quelle suite il pourrait y avoir à cela. Je me rends compte qu'il y en a qui voient une certaine utilité dans l'immunité et savent se servir de ce qu'on appelle l'immunité parlementaire.

M. Chevrette: Le député de Marguerite-Bourgeoys, le député de Jean-Talon.

M. Lavoie: A ma connaissance, je n'ai jamais vu un parlementaire, ici, depuis plusieurs années,

depuis que j'ai l'honneur de participer à ces activités, faire des procès d'intention aux témoins et personne n'a employé de tels moyens, même si on diffère d'opinion avec des gens qui viennent témoigner ici. Souvent, à l'occasion, on n'est pas toujours d'accord avec les articles. Le député de Deux-Montagnes peut écrire dans un journal anglophone qui n'appartient pas au mouvement coopératif, qui s'appelle la Gazette, mais on respecte son opinion et on ne lui a jamais fait de procès d'intention.

M. le Président, je vois le respect qu'il y a dans cette mentalité en face de nous, la confiance que ces gens peuvent témoigner à l'égard des administrateurs municipaux ou régionaux dûment élus. Ce que je regrette également dans le projet de loi 90, c'est qu'on ne prenne pas du tout en considération la vocation mixte de certaines régions au Québec. On veut tout uniformiser. Je l'ai déjà dit, les problèmes des terres agricoles ne sont pas les mêmes, dans la Beauce ou dans de belles terres agricoles qui se trouvent à 100 milles des régions urbaines, que dans certaines municipalités à vocation mixte comme Saint-Eustache qui, à cause de son site, de l'aéroport de Mirabel, aéroport bâti par les autorités fédérales... Même si cela ne fait pas votre affaire, je pense bien qu'il a coûté assez cher qu'il va rester là, qu'il arrive quoi que ce soit.

M. le maire a mentionné cette population jeune qu'il y a dans la région de Saint-Eustache. Il y a le Canadien National qui la traverse et le député de Deux-Montagnes revient constamment à la charge pour rentabiliser le plus possible cette voie ferrée. Mais elle ne peut pas se diriger uniquement vers une zone agricole parce que cela ne sera pas long que le train va arrêter de circuler.

Il y a un parc industriel qui a déjà un certain succès dans cette région. Il faut considérer qu'il y a des municipalités comme Saint-Eustache, Joliette, Saint-Laurent, Laval et autres qui sont des agents économiques importants dans l'économie générale du Québec. On ne peut pas uniquement limiter notre économie à une vocation agricole. C'est ce manque de normes régionales qu'on ne veut pas considérer. On veut uniformiser; on veut mettre les municipalités, les groupes de citoyens dans l'ordinateur; ils auront des numéros avec des cartes perforées et tout le monde va passer sans aucune distinction, surtout selon certains propos que Montréal s'est vidée...

Il reste quand même une certaine... Il faut avoir un peu plus de souplesse, faire un peu plus de discernement, de distinction. Il y a une liberté qui existe dans l'habitat, dans le milieu de vie que les citoyens désirent. Le monde n'est pas né d'hier.

Vous avez un cas patent où les élus municipaux ont pris leurs responsabilités depuis plusieurs années, depuis que Mirabel est là, depuis l'aéroport. Il y a un plan directeur, je crois, qui affecte combien de municipalités dans votre région jusqu'à Lachute? (12 h 45)

M. Bélisle: Chaque municipalité a son...

M. Lavoie:... schéma...

M. Bélisle:... schéma d'aménagement et là où il y a des municipalités qui ont une zone urbaine, dans chacune d'elles, il y a un plan directeur et également un plan d'urbanisme... Ces trois structures sont complétées par un règlement de zonage particulier, uniforme pour tout le territoire et un règlement de construction également à peu près uniforme. Toutes ces structures sont contrôlées par le ministre des Affaires municipales. On ne fait même pas de changement à notre règlement de construction sans obtenir le consentement du ministre des Affaires municipales.

Cela va très bien actuellement. Le ministre, par son représentant, a appris à connaître les municipalités, connaît le mode de fonctionnement de chacune d'elles et nous sommes heureux de la situation actuelle.

M. Lavoie: Lorsque ce plan a été préparé... vous mentionnez dans votre mémoire qu'il a été fait en collaboration avec le ministère des Affaires municipales et le ministère de l'Agriculture.

M. Bélisle: J'ai dit "entre autres". Parce qu'il y avait le ministère des Affaires municipales, le ministère de l'Agriculture, le ministère — je crois que cela n'était pas un ministère à ce moment — de l'environnement et, il y avait aussi cinq ministères concernés. Le ministère des Transports...

M. Lavoie: Et cela couvre quelle étendue dans votre région?

M. Bélisle: Cela couvre 32 municipalités. Cela va aussi loin que Chatham, que Saint-Louis-de-Terrebonne, Terrebonne, Saint-Jérôme.

M. Lavoie: Au nord-ouest de la région métropolitaine de Montréal, cela part de Terrebonne, qui est dans le comté de Terrebonne, une partie du comté de Terrebonne, de Deux-Montagnes, d'Argenteuil...

M. Bélisle: Oui. Argenteuil aussi. M. Lavoie: ... Lachute...

M. Bélisle: Cela couvre Lachute aussi et tous les environs, et cela va jusqu'à Saint-Placide dans le comté de Deux-Montagnes.

M. Lavoie: Combien a coûté la préparation de ce plan?

M. Bélisle: En salaire, je ne pourrais pas vous dire au juste. On nous a dit de $2 millions à $3 millions. Le gouvernement le sait beaucoup mieux que nous. Maintenant, il y a eu des infrastructures qui ont été mises... par exemple, seulement les conduites qui sont parties de Saint-Jérôme pour aller au parc industriel de PICA ont coûté, je crois, S10 millions. Il y a quand même eu un investisse-

ment pour la construction de l'autoroute no 13 qui était justement intégrée dans ce schéma d'aménagement qui coûte, je ne sais pas, $75 millions, $100 millions. Il reste à la compléter encore. Il y a une partie de la route 50 qui a été construite.

En fait, je pense bien que le gouvernement fédéral a investi peut-ère $700 millions, $800 millions et le gouvernement provincial, je serais porté à croire que ce n'est pas loin de là si on calcule toutes les infrastructures qui ont été mises là. Par exemple, l'incinérateur c'est quand même un investissement gouvernemental. Parce qu'on était là, qu'on était consentants, le gouvernement a accepté de payer 80%, je crois, du coût de construction de l'incinérateur.

M. Lavoie: J'ai vu les plans qui ont été déposés qui donnent la région agricole désignée. Ils ont été déposés le 10 novembre, je crois. J'ai cela à la mémoire. Je vois que le comté d'Argenteuil, le comté de Deux-Montagnes et une partie du comté de Terrebonne et de l'Assomption sont en vert à 95%. Est-ce qu'il y a eu consultation avec votre région avant le dépôt du plan du ministère de l'Agriculture qui a congelé tout le territoire?

M. Bélisle: On a été convoqué à une consultation, je crois que c'est à Côte de Liesse, une journée où j'étais en vacances. Je ne pouvais pas y aller. Mais ce n'était pas en tant que municipalité incluse dans le groupe de municipalités régies par le projet de loi 48. C'était comme toutes les invitations, comme toutes les consultations que le ministre a faites dans les différentes régions. D'abord, il n'y en a pas eu à Saint-Eustache, mais on nous a invités et malheureusement je n'ai pas pu y aller. Par contre, la semaine dernière nous sommes allés à Montréal sur invitation du ministre également, mais à ce moment-là le plan avait été déposé. Avant, il n'y a eu absolument aucune consultation. C'est-à-dire qu'on n'a pas pris la peine de tenir compte des municipalités qui étaient concernées par le projet de loi 48. Remarquez bien que peut-être qu'on ne le savait pas à ce moment-là, mais quand même, il y a eu assez d'argent investi là pour qu'au moins on en ait un soupçon.

M. Lavoie: Vous dites que 84% de votre territoire sont soustraits actuellement à cause du dépôt du plan annexé...

M. Bélisle: Actuellement, oui.

M. Lavoie: ... au projet de loi 90. Il y a 84% de votre territoire qui sont soustraits, en somme, à votre juridiction comme aménagement de territoire actuellement. Il est dit dans votre rapport que vous aviez prévu 10 000 arpents dans votre municipalité pour fins agricoles ou réserves agricoles.

M. Bélisle: On en protège 10 000 actuellement.

M. Lavoie: Avec le nouveau plan, combien entend-on en protéger, au lieu de 10 000 arpents?

M. Bélisle: Avec le nouveau, on en protège peut-être 10% de plus. Ce n'est pas tellement qu'il y en a beaucoup plus, c'est la question qu'on va être pris à l'intérieur d'un carcan dont on ne pourra plus sortir et c'est surtout que la connaissance qu'on peut avoir du milieu et la connaissance des affaires et du développement que l'on a actuellement ne seront pas perçues de la même façon par des représentants de la commission spéciale. La commission spéciale, il faut bien le reconnaître, et c'est comme cela que nous comprenons la loi, n'a qu'un but; la protection du territoire agricole. Cependant, la commission serait prête à faire certains aménagements et considérer certaines raisons qu'on pourrait invoquer, mais il reste quand même que la décision finale — et je dis bien finale parce qu'elle est sans appel et, à ce moment-là, la municipalité est mise complètement hors de combat — si la commission dit non, cela vient de finir, notre développement arrête là, les investissements qu'on a remis arrêtent là. La perspective de planification envisagée ne pourra plus du tout être celle qui avait été pensée par la population et par les administrateurs municipaux du territoire.

M. Lavoie: Vous parliez de la consultation que vous avez faite auprès des producteurs agricoles, des agriculteurs de votre municipalité. C'est vous-même qui les avez convoqués, c'étaient des producteurs membres de l'UPA, combien y en avait-il?

M. Bélisle: II y en avait 110.

M. Lavoie: 110 pour Saint-Eustcche. Combien y en avait-il qui étaient favorables au projet de loi...

M. Bélisle: 109.

M. Lavoie: Favorables ou défavorables.

M. Bélisle: Défavorables au projet de loi: 109.

M. Lavoie: II y en avait un qui était favorable.

M. Bélisle: II y en avait un qui était favorable, il ne savait pas exactement pourquoi. Il avait loué... Il le savait peut-être, mais il avait de la difficulté à s'exprimer... Disons qu'il le savait, d'abord. Mais il y en avait quand même... En fait, il faut s'entendre sur le principe, les 109 sont d'accord, comme nous-mêmes, sur le principe, on est d'accord.

M. Chevrette: ... à l'Opposition.

M. Bélisle: M. le ministre, nous le disons en toutes lettres au début de notre mémoire.

M. Garon: Vous êtes d'accord pour que ce soient des zones temporaires.

M. Bélisle: Sur le principe.

M. Garon: C'est-à-dire que le zonage résidentiel ou le zonage commercial, industriel est un zonage permanent, mais le zonage agricole, c'est un zonage temporaire, à développement différé.

M. Bélisle: Oui.

M. Garon: Je comprends.

M. Bélisle: II reste que le développement différé peut bien être en 2020. Si on continue d'appliquer la politique que nous appliquons actuellement, celle d'un développement concentrique, avant de se rendre au bout de la ville de Saint-Eustache, ça peut prendre pas mal de temps encore. Durant tout ce temps, les terres, on s'engage à les protéger.

M. Lavoie: II y a une question que je pourrais adresser au ministre, est-ce qu'il... D'accord, mais est-on ici pour tenter de bonifier la loi...

M. Garon: On est supposé la bonifier après avoir entendu les témoins.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval, j'ai fait remarquer hier que s'il s'agit d'un article en particulier, vous aurez l'occasion de procéder à vos questions à ce moment-là.

M. Lavoie: C'est tout à fait à propos, c'est d'ordre général. Nous avons un cas — je suis sûr que le ministre ne refusera pas de répondre à ma question — bien précis; dans une région, le nord-ouest de la région métropolitaine de Montréal, à vocation mixte, où il y a eu, à l'occasion de l'implantation de l'aéroport de Mirabel, un plan d'aménagement sérieux fait en collaboration avec 32 municipalités, qui a été fait en collaboration avec le ministère des Affaires municipales, dont la gestion est confiée au ministre des Affaires municipales, qui a été fait en collaboration avec le ministère de l'Agriculture et d'autres ministères, un plan qu'on a pris deux ou trois ans à élaborer et où, d'après les déclarations du témoin, on a vu à protéger le territoire agricole. C'est zoné actuellement. On ne peut pas toucher à ces zones agricoles qui sont bien définies. Et il y en a beaucoup. C'est Saint-Benoît, c'est Saint-Augustin, c'est Saint-Placide, tout cela.

M. Bélisle: Essentiellement agricoles. C'est cela.

M. Lavoie: Est-ce qu'on ne pourrait pas, en l'occurrence, appliquer l'article 37 de la loi? A l'article 37, il est bien prévu, c'est un dégel que le ministre peut autoriser. Il est dit, à l'article 37: "A l'égard de la région agricole désignée décrite à l'annexe A, le ministre dépose..." Cela veut dire que, durant l'étude de la loi, avant la troisième lecture, avant que ce soit confié à la commission de contrôle, le ministre a le droit, vous auriez le droit d'apporter un amendement, de modifier votre plan pour cette région bien définie et vous pourriez soustraire, à cause des investissements que ces gens ont faits, en vertu de l'article 37, vous auriez le droit... Vous n'avez pas à attendre en commission parlementaire; vous pourriez le faire en commission parlementaire, lors de l'étude article par article, mais vous avez prévu vous-même, dans le projet de loi, une mesure de dégel temporaire durant l'étude du projet de loi, en déposant au bureau du secrétaire de l'Assemblée natinale, à titre de document de la session, un amendement à votre plan. Ce ne serait pas un cas patent, où il y a eu vraiment un plan d'aménagement sérieux qui a été fait, qui n'a pas été fait à la légère, avec la collaboration de tous les ministères concernés? Ne pourriez-vous pas dégager cette région de la juridiction comme zone agricole désignée?

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Garon: Je pense que nous ne sommes pas dans le feu. Le maire de Saint-Eustache dit que ce qu'on réserve, c'est un peu plus que ce qu'il voulait réserver. Ce qui l'embarrasse un peu, c'est le carcan pour l'avenir. Son parc industriel a encore 200 acres. Je pense bien que cela ne se bâtira pas cet hiver, 200 acres.

M. Lavoie: Surtout de la manière que l'économie va au Québec actuellement.

M. Garon: II y a encore 1000 lots et il s'en bâtit 600 par année. Alors, il y a encore des lots pour deux ans. Je pense bien que nous ne sommes pas dans le feu pour faire cela dans une semaine.

M. Lavoie: Vous n'avez pas l'intention de vous servir de l'article 37?

M. Garon: Non. S'il y avait urgence, je ne dis pas. Mais il n'y a pas d'urgence. Je parle des paroles que M. le maire a dites. Il a indiqué, je pense, tout ce qu'il fallait actuellement au point de vue du parc industriel. Parfait, le parc industriel, les industries vont là. Il y a 1000 terrains où on peut construire et ils bâtissent 100 constructions par année. Il y a un autre phénomène qu'il ne faut pas oublier. Le plus haut taux de natalité au Québec, dans toute l'histoire du Québec, a été en 1959. Après cela, cela a baissé, en 1960. Pourquoi depuis 1960 les naissances ont-elles baissé au Québec?

Une Voix: La révolution...

M. Garon: Cela veut dire, à ce moment-là...

M. Lavoie: Ils vont en dehors du Québec.

Une Voix: La révolution vraiment tranquille.

M. Garon: En 1960, je n'ai pas voté cette année-là, parce que j'étais dans l'armée, je faisais la guerre de Gagetown.

M. Lavoie: La guerre de...

M. Garon: Gagetown. Gagetown, c'est au Nouveau-Brunswick. On ne tuait personne, par exemple. A ce moment-là, en 1959, on avait le plus haut taux de natalité qui était, je pense, d'environ 147 000 naissances par année. Très rapidement, notre taux de naissance est baissé à 80 000. Le rythme de construction dans les années qui viennent ne pourra pas être le même, au contraire, parce que les gens qui vont s'établir seront de moins en moins nombreux, parce qu'on n'a pas fait beaucoup d'enfants. On est au pic. Le rythme de construction au Québec, en raison des nouvelles gens qui viendront l'habiter, ne peut pas faire autrement que de descendre, parce que le pic était en 1959, cela veut dire il y a vingt ans. A ce moment-là, ces gens qui sont nés il y a vingt ans vont commencer à s'établir et après cela, cela baissera. Les naissances ont radicalement baissé.

Les besoins de terrains pour des fins résidentielles ne seront pas les mêmes encore pendant deux, trois ou quatre ans. Regardez la courbe démographique au Québec. Je pense que c'est évident pour n'importe quelle personne. La population va vieillir considérablement. On va passer de 5% de gens âgés, à 12%, d'ici 1990 ou en l'an 2000, je ne suis pas certain. Cela veut dire que les gens âgés n'ont pas habituellement l'habitude de faire de l'étalement urbain, ils ont plutôt l'habitude de venir se concentrer pas loin de l'église, dans des foyers, des maisons pour gens âgés. C'est la concentration urbaine qui se fait. C'est un phénomène auquel on va assister normalement dans les années qui s'en viennent, parce que la courbe démographique du Québec n'est pas la même.

M. Lavoie: Je ne sais pas si le ministre s'en rend compte, mais il commence à désamorcer l'argumentation sur la crise alimentaire. S'il n'y a plus de gens, il n'y aura plus de crise alimentaire.

M. Garon: Les gens augmentent quand même.

M. Lavoie: Les gens augmentent quand même maintenant! M. le Président, je ne pensais pas retourner à l'époque du curé Labelle à un retour sur la terre avec...

M. Garon: C'est dans l'ensemble du monde. On ne peut pas parler de crise alimentaire uniquement à un endroit. La population, d'ici l'an 2000, va passer de 4 200 000 000 à 6 500 000 000.

M. Lavoie: Je termine très rapidement. Ma conclusion... Une minute...

Le Président (M. Boucher): Une minute, M. le député de Laval, compte tenu que nous dépassons l'heure de la suspension.

M. Lavoie: Ce que je regrette, c'est que l'image que je me fais de ce projet de loi ne change pas; il est à l'image du gouvernement, d'un dirigisme d'Etat. Les administrateurs munici- paux élus n'ont plus leur raison d'être. Tout va être dirigé par l'Etat. On va imposer un genre de société qui fonctionne par des diktats, par des décrets. Il n'y a plus de liberté. Si les gens veulent aller habiter en banlieue... C'est vrai qu'il y a eu, dans le passé, comme cela a été universel, du gaspillage de sols, c'est vrai, mais le monde n'est pas venu au monde hier. Il y a eu des exemples comme celui de Saint-Eustache, il y a eu des exemples comme celui de la ville de Laval, où les plans directeurs ont été faits dans les années 1962 et 1963, où il y a eu des contrôles d'imposés normalement avec distinction. Votre loi massue, je ne pense pas qu'elle fasse l'affaire de tout le monde.

M. le Président, je pense qu'on va continuer à se battre un peu plus contre votre dirigisme et l'emprise étatique que vous voulez avoir à peu près dans toutes vos lois, pour la liberté des citoyens.

M. Garon: Vous êtes contre, je le sais.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Laval. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

Suspension de la séance à 13 h 3

Reprise de la séance à 15 h 6

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

A la suspension de 13 heures, nous en étions toujours avec les représentants de la ville de Saint-Eustache. M. le député de Huntingdon, vous aviez la parole.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais aviser les membres de la commission que le ministre de l'Agriculture est au Conseil des ministres et qu'il sera avec nous d'ici peu.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. le maire et à MM. les membres du conseil municipal de Saint-Eustache, comté de Deux-Montagnes, lesquels ont été très bien traités tout à l'heure par leur député.

Le mémoire très bien articulé que vous avez présenté concerne votre cas, qui est quand même typique de plusieurs villes aux alentours de Montréal. Je pense qu'un problème assez identique sera soulevé par plusieurs municipalités, même si elles n'ont pas présenté de mémoire. Je pense que le vôtre est bien représentatif. Cela démontre bien la nécessité absolue qu'on inscrive le zonage agricole dans un plan global d'aménagement et d'utilisation du territoire.

Les oppositions ont dénoncé ce fait. On arrive avec une mesure sectorielle, qui ne tient pas

compte de tout le développement au Québec. Votre ville est un cas type d'autres villes en banlieue de Montréal qui se développent au niveau industriel, commercial, résidentiel et où il y a aussi des secteurs agricoles, où on doit avoir un respect quand même pour toute l'économie. C'est là qu'on s'aperçoit que le silence du ministre à l'aménagement du territoire est très malheureux. On a longtemps parlé d'arriver avec un plan global; c'était d'ailleurs le voeu du gouvernement actuel. Je pense que cela répondrait à une bonne partie des besoins des villes. Cela s'inscrirait bien dans les désirs de toutes les municipalités de voir qu'on travaille à un grand plan d'aménagement.

Il est regrettable que le ministre d'Etat délégué à l'aménagement ne soit pas ici, parce qu'il pourrait répondre à ces questions. On ne l'a pas vu depuis le début de cette commission. Nous l'avons dénoncé à l'Assemblée nationale, effectivement, au niveau du discours de deuxième lecture.

J'aurai peut-être quelques questions à vous poser. Je vais prendre seulement quelques minutes, parce que nous avons plusieurs intervenants cet après-midi. Je pense qu'il y a des gens qui espéraient se faire entendre ici hier et ils ne passeront même pas aujourd'hui; alors, je vais prendre seulement quelques minutes du temps qui m'est alloué. Vous décrivez bien que le projet de loi, jusqu'à un certain point, aliène nos biens acquis, enlève le droit à la libre disposition de biens vraiment durement acquis, parce que les fermiers sont quand même nos pionniers et, aujourd'hui, ils ne peuvent pas disposer de leurs biens d'une façon libre. Je pense que c'est enfreindre la démocratie aussi. Vous l'indiquez d'une façon pas trop élaborée, mais vous indiquez bien que c'est une attaque à la liberté individuelle qui est inscrite dans le projet de loi no 90.

Je ne sais pas si vous étiez ici hier quand l'Union des municipalités et l'Union des conseils de comté ont présenté respectivement leurs mémoires; elles ont fait état du peu de respect qu'on a pour les élus du peuple. Alors, c'est une autre chose que nous avons dénoncée. Je pense que c'est à peu près mettre en tutelle les municipalités du Québec et ne pas leur accorder l'autorité et le privilège de veiller sur leur territoire, toujours selon le projet de loi 90 parce que je pense que le projet de loi a des bons points, même si on a voté contre en deuxième lecture; on votait sur un projet de loi qui renferme beaucoup de vices. Si le ministre est conscient de ces vices, bien, il va pouvoir, au moins, en troisième lecture, nous présenter quelque chose d'amélioré qui tiendra peut-être compte des revendications qui nous sont présentées.

Ce sont seulement des remarques que je voulais faire parce que je sais qu'il y a d'autres intervenants qui veulent parler sur ce projet de loi et je sais qu'il y a plusieurs groupes qui attendent aussi. Je pense que les représentations de l'Union des conseils de comté hier et de l'Union des municipalités dans leurs deux mémoires étaient à peu près d'accord sur le fait qu'il manque un plan global d'utilisation et d'aménagement du territoire et, personnellement, je pense que cela vous amène des problèmes. On a aussi dénoncé le peu de respect qu'on a pour nos municipalités, nos élus du peuple. Je pense que c'est un vrai manque de confiance, un vote de non-confiance envers les municipalités. Etant donné qu'il y a une loi qui chapeautera tout le respect du territoire agricole, je pense que les maîtres d'oeuvre devraient être les municipalités, les conseils de comté et en fait, tous les élus du peuple.

Je vous remercie, M. le Président, et je vais laisser la parole à un autre.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député d'Huntingdon. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, j'aurais une question mais j'aurais aussi un commentaire à la suite des propos du député d'Huntingdon. Depuis le début qu'on essaie de faire voir qu'on a voté en deuxième lecture contre les bebelles de la loi qui ne fonctionnent pas, mais en deuxième lecture, pour tout citoyen québécois, on vote pour ou contre le principe d'une loi. C'est en troisième lecture qu'on vote sur les modalités. On peut se camoufler rendus devant vous et essayer de conter fleurette à tout le monde; cela ne prend pas. En deuxième lecture, de par les coutumes parlementaires, on vote pour ou contre le principe de la loi...

M. Dubois: On ne travaille pas selon les coutumes, on travaille selon le bon sens, nous.

M. Chevrette: ... et vous avez manifesté... Je parle au témoin, je crois...

M. Dubois: Vous avez relevé de mes propos alors je vous dis qu'on travaille selon le bon sens, nous.

M. Chevrette: Donc, M. le Président, je voudrais aussi demander aux municipalités d'élaborer elles-mêmes le plan pour aller le présenter à la commission; c'est une responsabilité qu'on leur laisse. C'est à elles qu'incombe la responsabilité d'élaborer leur plan pour aller le faire entériner ou non par, à la commission, pour soustraire les édiles municipaux aux pressions qui existent dans bien des cas — je ne parle pas nécessairement d'un cas comme Saint-Eustache — dans plusieurs petits milieux que vous connaissez bien, par suite de pétitions ou de toutes sortes de stratagèmes. Il est très facile de renverser des plans de zonage, comme on l'a vu dans le passé. J'habite moi-même une municipalité et je sais que c'est quand la municipalité décide de ne pas mettre de roulottes par exemple, dans telle partie de la paroisse, dans tel coin de la paroisse; toutes les pressions que doivent subir les conseillers municipaux qui ne sont pas engagés à temps plein dans les milieux ruraux pour s'occuper de cela. Ces gens, si on les voit individuellement, vont vous dire qu'ils sont

fort heureux parce que ce n'est pas les $500, $600 ou $800 par année qui leur permettent d'être à la journée longue à la disposition des contribuables et écouter ce "braillage". Ils sont là pour rendre service à leurs concitoyens, mais ils ne sont pas là pour subir ce genre de pressions qui, au bout de la course, somme toute, constituent des petites "gamiques" politiques à l'intérieur des municipalités et quand arrivent des élections ces gens se font tous balayer parce qu'ils ont justement voulu empêcher un développement incohérent. Ceci était le commentaire que je voulais faire.

La question que je voulais vous poser maintenant, c'est parce que vous avez expliqué que vous aviez un plan d'aménagement qui a coûté $2 millions ou $3 millions. Est-il exact que le plan d'aménagement qui a coûté presque $3 millions vous lie, d'une certaine façon, ou vous met en tutelle d'une certaine façon, puisque vous ne pouvez rien décider sans aller au commissaire responsable? Est-ce que vous pourriez me répondre à cette partie? (15 h 15)

M. Bélisle: Oui, c'est exact. C'est une loi qui est extrêmement coercitive, mais c'est quand même aussi une loi qui va demeurer et qui nous mettra en double tutelle parce qu'après avoir franchi toutes les étapes que j'ai énumérées ce matin on devra s'adresser à la commission spéciale sur la protection du territoire agricole.

J'ai aussi dit que, quand même, c'est une tutelle rosée, parce que ceux avec qui on a affaire au ministère des Affaires municipales, ce sont des gens avec qui on a travaillé à l'élaboration du schéma d'aménagement depuis 1970. Naturellement, la plupart de ces gens ne sont plus en fonction, sauf quelques-uns qui ont, comme charge, de représenter personnellement le ministre et de faire en sorte que tout ce qui a été décidé par concertation entre le gouvernement, les municipalités et les citoyens soit respecté.

Si je dis que c'est une tutelle rosée, c'est tout simplement que si on respecte ce que nous avons nous-mêmes décidé, nous n'aurons jamais de problèmes, alors que si nous nous trouvons, à un moment donné, avec une double tutelle qui n'a pas du tout les mêmes buts pour lesquels nous avons travaillé pendant 4 ans et que nous continuons à poursuivre depuis les 4 dernières années — cela fait 8 ans — à ce moment-là, nous risquons d'être souvent sur une longueur d'onde différente, alors que le représentant des Affaires municipales, c'est quand même un gars avec lequel nous travaillons. Nous avons déjà discuté fort avec lui, mais nous avons appris à nous apprécier réciproquement. Nous avons appris à respecter une loi coercitive, mais qui fait également notre bonheur.

M. Chevrette: M. le maire, je vous ai posé la question et vous me répondez en me disant qu'il y a une double tutelle. C'est parce que vous avez mis tellement d'emphase sur la deuxième tutelle, celle de la loi 90, pour finalement répondre au député de Laval que cela ne représentait que 10% de plus que la situation actuelle. Vous avez mis tellement d'emphase sur la tutelle de la loi 90 que cela avait l'air rosé, la première tutelle de la loi 48 dont vous parliez. Si on veut être objectif et parler dans des cadres normaux, sans émotivité, il y a beaucoup d'emphase et d'après vos propos toujours — j'espère que je me trompe, vous rectifierez — vous avez semblé faire la présomption qu'il vous serait impossible de travailler tout aussi bien avec la commission que vous le faites avec le représentant du ministère des Affaires municipales.

Je ne vois pas en quoi dans votre cas, si, dans un premier souffle, vous avancez que cela ne représente que 10% de plus que le territoire agricole actuel protégé par la loi 48, cela devient si difficile, sans l'avoir fait, avec la commission pour 10% seulement.

M. Bélisle: J'ai répondu ce matin, en disant...

M. Chevrette: Oui, mais c'est l'emphase que vous mettez sur la loi 90. Cela a l'air monstrueux et désastreux, alors que la loi 48, elle, vous a vraiment mis dans un cadre inconditionnel et pour toujours.

M. Bélisle: Le cadre qui découle de la loi 48, c'est notre propre cadre qu'on a décidé nous-mêmes. C'est, si vous voulez, l'application, avant le temps, de la décentralisation préconisée par le gouvernement. Ce sont nos structures. Nous a-vons un sentiment d'appartenance au schéma d'aménagement que nous avons nous-mêmes préparé, au plan d'urbanisme également et à toutes les structures qui en découlent. Ce schéma fait en sorte que si on abandonne notre pouvoir de décision entre les mains d'une commission qui n'a plus un éventail de buts à réaliser, mais bien un seul but, à ce moment-là, cela n'est plus pareil du tout.

Or, nous disons, nous: Le but poursuivi par la commission spéciale est déjà inclus dans le projet de loi 48. N'ayez aucune crainte, laissez-nous uniquement avec le projet de loi 48 et vous êtes certains que le but poursuivi est protégé et va être atteint également.

M. Chevrette: A toutes fins pratiques, vous me répondez: Nous nous sommes donné...

M. Bélisle: Oui.

M. Chevrette: Donc, ne nous en demandez pas plus.

M. Bélisle: Oui, bien, ne nous en demandez pas plus...

M. Chevrette: Si j'interprétais ce que vous avez dit.

M. Bélisle: C'est un peu cela. Nous nous sommes donnés, et nous avons accepté une certaine coercition. Ne nous demandez pas, finalement, de dépendre doublement du gouvernement, on a assez d'en dépendre une première fois.

M. Chevrette: Ne pensez-vous pas qu'il peut y avoir une coordination entre deux ministères du même gouvernement? Si vous vous êtes donnés entièrement aux affaires municipales, ne croyez-vous pas que les ministres d'Etat ou les ministères d'Etat qui chapeautent les différents ministères peuvent faire la coordination et que vous ne soyez pas plus mal pris qu'avant?

M. Bélisle: A ce moment-là, pourquoi la commission spéciale ne s'en rapporterait-elle pas, pour ce cas, elle...

M. Chevrette: Cela peut être des modalités d'application.

M. Bélisle: Bon.

M. Chevrette: II n'en demeure pas moins qu'il ne faudrait pas faire de drame, à mon point de vue. Vous admettez vous-même vous être mis en tutelle vous autres mêmes auprès des Affaires municipales. Si le ministère de l'Agriculture vous demande un contrôle additionnel de 10%, il y aura, bien sûr, d'après moi, dans le contexte actuel, des échanges à partir du plan d'aménagement qui est déjà enregistré, qui est déjà dépendant d'une loi, à la suite de laquelle vous êtes en tutelle déjà, face à votre plan d'aménagement.

M. Bélisle: II faut s'entendre par tutelle.

M. Chevrette: C'est vous qui avez affirmé être sous tutelle. Moi, j'ai parlé d'autre chose.

M. Bélisle: Vous avez dit le mot "tutelle". Il faut quand même s'entendre. On a une commission, ou un surveillant, qui représente personnellement le ministre pour qu'on suive fidèlement le plan d'aménagement et toutes les autres structures qui ont été acceptées finalement par le ministre et ses représentants en 1974. En fait, elle ne décide pas à notre place; on n'a pas de permission à lui demander, sauf si on déroge au plan. Il reste que lorsqu'on s'y réfère, ordinairement, c'est une ratification. On n'a jamais eu de problème en autant qu'on a toujours suivi le plan qui avait été accepté en 1974.

M. Chevrette: Donc, vous admettez avec moi que la même présomption peut être faite face à la loi 90.

M. Bélisle: Non, parce que là on a quand même un droit d'appel. On a le droit de discuter et on a le droit de remonter au ministre. On a aussi un droit de contestation.

M. Chevrette: L'article 18 vous permet une révision; l'article 33 du Code civil vous permet...

M. Bélisle: Oui, mais disons que par la même commission, la...

M. Chevrette: Je n'ai pas fini. L'article 18 vous permet un droit de révision; l'article 33 du Code civil vous permet un droit d'appel sur l'excès de juridiction, et vous pouvez aussi remonter au ministre en vertu de cet article 37 du projet de loi. Vous avez les mêmes prérogatives et vous vous faites une montagne avec rien.

M. Bélisle: Ah! non, non. On n'a pas les mêmes prérogatives. On connaît trop les deux lois pour ne pas savoir comment cela peut être différent.

M. Chevrette: Vous ne connaissez pas la réglementation.

M. Bélisle: Cela fait quand même huit ans qu'on vit avec l'autre et celle-là, on est en mesure de comparer. Faites vous-même les comparaisons et vous allez voir que ce n'est pas du tout la même chose.

M. Garon: Dans ce sens qu'on est au début d'un mariage, alors il y a une période d'adaptation. Remarquez que le voyage de noces peut être difficile, mais on va s'adapter avec le temps.

M. Bélisle: Mais vous nous forcez à faire de la polygamie. Ce qu'on veut, c'est de rester uniquement avec notre premier mariage...

M. Garon: J'aimerais cela.

M. Bélisle: ... sans être obligé de divorcer ou sans être obligé d'être polygame.

M. Chevrette: On va arrêter cela là-dessus, cela fait partie du sexe.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Bélisle. M. le député de Deux-Montagnes. M. le député de Montmagny-L'Islet a demandé la parole. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. de Bellefeuille: Je la lui cède volontiers.

M. Giasson: Merci, M. le Président. M. Bélisle, quelque part dans votre mémoire, vous indiquez comment, dans votre plan d'aménagement, vous avez réservé une aire pour lui maintenir une vocation agricole. Cela pourrait représenter environ 160 fermes. Dans votre esprit, cette zone agricole que vous aviez prévue à l'intérieur du plan, est-ce que vous la voyez toujours réservée à l'agriculture dans un avenir prochain ou même éloigné, quels que soient les besoins de développement de la ville elle-même, de l'urbanisation à créer?

M. Bélisle: Dépendant de la vocation de la ville. Ce matin, j'ai évoqué le fait que la ville de Saint-Eustache est un centre de services pour plusieurs municipalités. C'est là que se trouvent également la plupart des institutions gouvernementales, c'est là que se trouvent le parc industriel, deux centres commerciaux, etc. En plus, c'est situé à huit ou dix kilomètres à peine de l'aéroport de Mirabel; c'est à peu près à mi-

chemin entre Mirabel et Dorval et c'est à l'intérieur du triangle créé par Mirabel, Dorval et Montréal. Géographiquement, c'est un point stratégique.

Il va sûrement arriver que le développement continue de se faire. Est-ce qu'il va s'accélérer ou ralentir? On ne peut pas le prévoir. On essaie d'avoir les structures nécessaires pour le recevoir et, au fur et à mesure que le développement va commander une extension du périmètre urbain, on va l'élargir. Cependant, concernant les 160 terres, il faut calculer que c'est assez difficile de développer l'équivalent; ce sont des terres de 120 ou 130 acres, à peu près, c'est assez difficile d'en développer plus d'une par année. A une terre par année, ceia peut faire 100 ans, mais cela peut faire moins, aussi.

Nous, on a une vocation et on ne veut pas que cette vocation... Il est important d'avoir des structures industrielles fortes autour de Montréal, ce qu'il y a autour de toutes les capitales. Vous avez des villes de banlieue très fortes. Quand on dit que des gens s'en vont à Toronto, on s'aperçoit souvent qu'ils ne sont pas nécessairement à Toronto, ils sont à 10, 15 ou 20 kilomètres de Toronto; quand on parle de Montréal, cela peut vouloir dire Saint-Eustache avec une structure industrielle très forte. Je ne voudrais pas laisser entendre à la commission que nous allons fixer dans le temps, pour toujours, le caractère agricole des terres; on va les prendre au fur et à mesure des besoins.

Je répète ce que je disais ce matin: On ne peut pas faire un plan directeur pour une terre à la fois; on fait un plan directeur pour un groupe de terres, ce qui ne nous empêche pas de dézoner une terre à la fois.

M. Giasson: Dans votre mémoire, n'aviez-vous pas indiqué, à un moment donné, qu'il y avait 40 fermes auxquelles vous n'aviez pas réservé de vocation agricole, mais qui seraient couvertes par les cartes et le plan de zones vertes à l'intérieur de votre municipalité? Quelle est la qualité du sol de ces 40 fermes? Est-ce que ce sont de bons sols agricoles?

M. Bélisle: C'est de la terre argileuse, ce sont des terres qui étaient utilisées autrefois pour fins de grosse culture, c'est-à-dire les vaches, les chevaux, l'élevage. Quand on parle de 40 terres, il faudrait dire 40 moitiés de terre parce que l'autre moitié se trouve au sud de l'autoroute 640 et est développée actuellement. C'est l'autre partie de ces terres qui se trouve au nord de l'autoroute 640 et qui a à peu près l'équivalent de la superficie qu'elle avait au sud.

M. Giasson: Lorsque vous avez fait allusion à une rencontre avec des producteurs agricoles, il s'agissait des producteurs agricoles dont vous faites mention dans votre mémoire?

M. Bélisle: Les 160 producteurs agricoles, oui. M. Giasson: Ce sont des gens qui sont encore actifs en agriculture, qui sont des producteurs reconnus, membres de l'UPA?

M. Bélisle: Oui.

M. Giasson: Au moment de cette rencontre, est-ce que vous connaissiez le contenu de la loi 90?

M. Bélisle: Oui. En fait, on avait lu la loi 90 et on nous avait dit que le premier rôle des municipalités était d'informer les citoyens; la première chose qu'on a faite a été de les informer. Premièrement, on a fait une réunion de tous les citoyens "at large", et on en a profité pour discuter d'autre chose; deuxièmement, on a fait une réunion uniquement réservée aux cultivateurs actifs, ce qui excluait tous les spéculateurs, qui n'étaient même pas invités à l'assemblée parce qu'on voulait avoir le point de vue des cultivateurs. (15 h 30)

M. Giasson: Lors de ces discussions, ces cultivateurs se sont-ils prononcés uniquement sur un choix personnel qu'ils faisaient à l'effet que la ville avait priorité ou qu'eux préféraient que la ville continue à fonctionner en vertu de son plan, de son schéma par rapport au contenu de la loi 90 ou s'ils ont également indiqué d'autres avis sur les dispositions les plus importantes qu'on retrouve à l'intérieur de la loi de protection du sol agricole.

M. Bélisle: La réaction des cultivateurs a été de deux ordres. D'abord, les cultivateurs, en général, se sont dits d'accord avec le principe de la loi de protection. Dans un deuxième temps — et cela fait partie du premièrement — ils se sont dits plutôt intéressés à ce que ce soit la ville qui continue à avoir juridiction entière sur leurs terres et sur leur territoire. Dans un troisième temps, ils ont fait des remarques particulières qui se trouvent en annexe de notre rapport et qui peuvent se résumer dans le fait que les cultivateurs calculent que le fait, de zoner agricole ne rend pas nécessairement les fermes rentables et, deuxièmement, que le fait d'avoir zoné ainsi, sans consultation avec les municipalités, faisait en sorte qu'eux se trouvaient drôlement désavantagés, surtout ceux qui étaient plus près de la zone urbanisée.

M. Giasson: Ont-ils commenté, par exemple, l'absence d'un principe d'indemnisation ou de compensation pour des pertes éventuelles qui pourraient découler du gel dans une vocation agricole pure du territoire que ces gens possèdent?

M. Bélisle: Oui. En fait, ils l'ont commenté. Cependant, la plupart étaient plus ou moins au courant; on venait tout juste de les mettre au courant. Ils ont posé des questions à M. de Bellefeuille et à M. Robert de l'UPA, sur la façon dont ils seraient indemnisés, s'il y avait indemnité. Mais, en fait, leurs remarques peuvent se résumer au principe que j'énonçais ce matin, soit qu'ils n'acceptent pas le fait qu'une catégorie de person-

nes assume les frais de l'intérêt de toute la collectivité. Dans le cas précis des terres de Saint-Eustache, c'était encore plus patent.

M. Giasson: J'aurais une dernière question. A la fin du mémoire, vous indiquez que vous aimeriez voir, au-delà des pouvoirs absolus que possède la commission de contrôle, l'application de cette loi entre les mains d'organismes qui ont les mandats d'élus, les municipalités. Vous ne croyez pas que, pour assurer l'un des principes essentiels de la loi, — je ne veux pas diminuer la qualité ou la capacité des élus municipaux de veiller à tous les intérêts à l'intérieur du territoire — il serait nécessaire de compter, dans cette représentation, des gens qui représentent vraiment le milieu agricole.

M. Bélisle: Sûrement et je le verrais dans une espèce de commission de contrôle, c'est-à-dire que le plan d'aménagement serait discuté avec toutes les municipalités concernées dans une perspective régionale et globale et avec les citoyens. Un zonage définitif serait, par la suite, accepté et, à l'intérieur de la même loi, serait créée une espèce de commission de surveillance qui ferait que, pour autant que le plan est respecté, il n'y a pas de problème. C'est seulement là où il y aurait des décisions ou des changements majeurs à faire qu'interviendrait la consultation avec la même commission.

Là où je diffère d'opinion, c'est en ce qui concerne la juridiction municipale. Moi, je suis persuadé, quand même, après quelque 15 ans de vie municipale, que les municipalités et les conseils municipaux, à priori, sont tous sérieux; que si vous donnez à chacun des conseils municipaux ou aux conseils municipaux les outils dont ils ont besoin pour faire appliquer des politiques, ils vont les appliquer. Et ils vont les appliquer avec beaucoup moins d'affrontements et de discussions qu'en passant par une autorité supérieure.

Qu'est-ce que la loi réserve actuellement aux municipalités? La loi réserve aux municipalités le plus odieux du contact avec les citoyens, puisque la commission ne va rencontrer les citoyens qu'en audience. La demande est faite par le citoyen, la municipalité donne son avis, renvoie cela à la commission et la commission décide. Par la suite, la commission renvoie à la municipalité la décision et c'est la municipalité qui a l'odieux d'appliquer cette décision dont elle n'est aucunement responsable. Au moins qu'on l'associe de quelque façon que ce soit, mais quand même il faut comprendre que, quand on est ici, à Québec, les gens nous appellent peut-être moins souvent.

Mais quand on passe des résolutions, des règlements à un conseil municipal, le lendemain, dans les restaurants et partout dans les rues, cela se commente, cela se discute, et à un moment donné, souvent quelques heures après, on en a les contrecoups.

Or, vous nous demandez de justifier des positions pour lesquelles on n'aura rien eu à dire, à peu près, surtout si la recommandation de la municipalité a été contraire à la décision de la commission.

Le Président (M. Boucher): Merci! Vous avez terminé, monsieur?

M. Bélisle: Oui, M. le député.

M. Giasson: Vous avez fait allusion à une perte de revenus possible, par suite de changements d'évaluation. Les terres qui se trouvent à l'intérieur de la zone agricole que vous avez réservée dans votre plan sont évaluées à combien? $125 l'acre ou l'arpent?

M. Bélisle: II y en a à $150 et il y en a à $2000 l'arpent.

M. Giasson: Même celles qui sont situées dans la zone agricole définie dans votre plan?

M. Bélisle: Oui.

M. Gendron: Comment expliquez-vous cette différence?

M. Bélisle: Si des terres ne sont pas exploitées, on les impose à la pleine valeur; d'autres terres ont été louées non exploitées dans leur majorité, et l'évaluation a été faite et non contestée. On a une évaluation de cette envergure-là.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais poser quelques questions que j'espère rapides et, ensuite, je me permettrai de conclure, au nom du ministre, s'il me le permet, et au mien. Les questions. D'abord, M. le maire vient de nous dire que la ville "file un parfait bonheur" dans son mariage avec le schéma d'aménagement hérité des travaux de SATRA, que généralement il s agit d'une ratification des propositions présentées par la municipalité ou par les municipalités. Dans le cas des Investissements EURIPON, les terres achetées par les Investissements EURIPON, est-ce que c'est limité à ce que le maire a décrit comme des moitiés de terre, ou s'il n'y a pas des terres entières?

M. Bélisle: Celles-là sont des terres entières. Maintenant ces terres-là ne sont pas zonées ou, dans le plan directeur, sont encore zonées agricoles.

M. de Bellefeuille: C'était ma question suivante.

M. Bélisle: C'est encore zoné agricole. On a demandé au promoteur de présenter un plan directeur à ses frais, parce que c'est quand même un gros projet et la ville ne voulait pas

s'embarquer dans des déboursés de frais considérables pour établir un plan directeur. Or, le plan directeur a été soumis à la ville et soumis à la Commission d'urbanisme qui aura à décider de là-propos du changement de zonage en conformité avec le plan directeur.

M. de Bellefeuille: Donc, la demande de changement de zonage n'a pas encore été faite.

M. Bélisle: La demande de changement de zonage a été faite, mais n'a pas été acceptée. Le plan directeur a été soumis à la fin du printemps 1978. Pour la ville, il ne s'agit pas d'engager des fonds pour mettre en péril sa structure financière; il s'agissait de faire une étude en profondeur de la rentabilité de ce projet, compte tenu qu'il y a des collecteurs à conduire à ce développement et de la participation qu'auront les promoteurs du projet. Cette étude vient tout juste d'être terminée, et le projet comme tel a été déféré à la Commission d'urbanisme, dernièrement, avec l'étude de rentabilité.

M. de Bellefeuille: Le plan directeur de ce secteur est fait par l'entreprise elle-même.

M. Bélisle: Oui.

M. de Bellefeuille: La demande de changement de zonage a été faite et n'a pas été acceptée. C'est donc qu'il y a un nuage dans le mariage; cela n'a pas été une ratification immédiate.

M. Bélisle: Non. On n'a pas encore demandé au ministre des Affaires municipales de faire ce changement de zonage. On est assez adulte pour savoir qu'il faut quand même des prérequis, et ce sont ces prérequis qu'on est en train de mettre sur pied qui vont constituer un dossier rentable. Nous aussi voulons que ce projet soit rentable et ne mette pas en péril la structure financière de la ville.

M. de Bellefeuille: Je crois me rappeler que le projet EURIPON prévoit une sous-ville de 20 000 âmes.

M. Bélisle: 25 000 âmes.

M. de Bellefeuille: 25 000 âmes, merci. D'ici quelle année?

M. Bélisle: Dépendant de la demande de maisons, dépendant de la date de mise en oeuvre de ce projet, cela peut être dans cinq ans, cela peut être dans dix ans, cela peut être l'an prochain, on ne le sait pas. Cela dépend si les promoteurs vont accepter de verser immédiatement la contribution qu'on demande ou si la demande justifie pour eux un investissement de cette envergure. Si ce n'est pas le temps, pour eux, de le faire actuellement, cela peut se faire dans cinq ans. De toute façon, c'est sûr que c'est un projet qui doit s'étaler sur 20 ans environ.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le maire, de vos réponses. Je voudrais, de nouveau, vous remercier de vous être présenté devant la commission. Ce matin, il y a eu un moment désagréable à passer. Je voudrais simplement vous dire, à ce sujet-là, que dans la vie, que ce soit en politique ou dans d'autres domaines, chacun fait son devoir. Je sais que vous faites le vôtre, mais je sais aussi que vous le faites de la façon dont vous croyez devoir le faire et je fais mon devoir de la façon dont je crois devoir le faire. J'espère qu'il n'y aura pas, à partir de cela, la moindre rancune parce que, malgré tout, il faudra continuer de travailler ensemble pour le mieux-être de nos commettants communs. Merci, M. le maire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Shefford.

M. Verreault: Une toute petite question, M. le maire. Vous nous avez parlé de la consultation que vous avez faite auprès des agriculteurs de votre région, de Saint-Eustache. Vous nous dites que vous avez 160 fermiers et qu'il y en a 110 qui se sont présentés, donc cela représente plus de 70% des gens qui ont été consultés.

Pourriez-vous me dire si l'UPA a fait exactement la même chose que vous? Est-ce qu'elle a fait, auprès de ses membres, une consultation?

M. Bélisle: Je ne pourrais pas vous le dire exactement. En fait, c'est plutôt une impression qu'on a pu avoir par les remarques qui ont été faites par les agriculteurs aux représentants de l'UPA. L'essence de ces remarques, c'est que les agriculteurs de Saint-Eustache, lorsqu'il fut question de leur consultation par l'UPA, n'ont pu dire ce qu'ils pensaient. M. le député de Deux-Montagnes était là et je pense, M. le député, que c'est bien ce qui a été dit. (15 h 45)

M. Verreault: En conclusion, j'ai tenté la même consultation chez moi et cette consultation a donné exactement les mêmes résultats qu'elle a donnés chez vous. En concluant, M. le Président, j'aimerais profiter de l'occasion pour féliciter le maire et sa délégation de l'excellent mémoire qu'il a présenté et j'espère que les recommandations qui sont incluses dans votre mémoire seront prises en très sérieuse considération par le ministre. Alors, je vous remercie, au nom de l'Opposition libérale, et soyez assurés que nous allons continuer dans le même sens.

Le Président (M. Boucher): Merci. Alors, comme il n'y a pas d'autres intervenants, je remercie les représentants de la ville de Saint-Eustache au nom de tous les membres de la commission qui ont bien voulu présenter leurs mémoires.

M. Bélisle: Merci M. le Président. Maintenant, en conclusion — si vous me permettez une conclusion très rapide — je regrette, moi aussi, l'altercation que le député de Deux-Montagnes et

moi-même avons eue ce matin. Disons que c'était aussi imprévu que subit en ce qui me concerne, toujours, parce que j'ai toujours — excusez l'expression, mais — fait en sorte que toute la transparence possible sorte de l'hôtel de ville et qu'il n'y ait aucun conflit d'intérêts et cela a toujours été ma principale préoccupation. Alors, inutile de vous dire que j'étais extrêmement déçu ce matin de voir que j'étais moi-même accusé d'être dans une situation de conflit d'intérêts. J'ai demandé par deux fois, ce matin, au député de Deux-Montagnes de retirer ses paroles; naturellement, je m'en retournerais à Saint-Eustache beaucoup plus heureux s'il acceptait de les retirer.

Je vous remercie, M. le ministre, et j'espère que vous prendrez en considération l'essentiel et le contenu de notre mémoire et veuillez croire que tout ce que nous avons fait, nous l'avons fait dans un but extrêmement positif.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le maire.

M. de Bellefeuille: M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter juste un mot? Je n'ai pas accusé Me Bélisle de se trouver en situation de conflit d'intérêts; si je l'avais fait, je m'empresserais de retirer ces paroles. Je ne puis que répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, que je fais mon devoir selon ce que je perçois qu'est mon devoir et je répète le voeu que nos relations se continuent pour le mieux-être de la population de Saint-Eustache, merci.

Le Président (M. Boucher): Je demanderais maintenant à l'Association provinciale des constructeurs d'habitations de bien vouloir prendre place. A ce stade-ci de la commission, qu'il me soit permis de faire remarquer aux membres que nous avons quand même pris beaucoup de temps, jusqu'à maintenant, pour les quelques mémoires qui ont été présentés. Or, il apparaît qu'il y a entente présentement entre les leaders pour que l'on essaie, dans la mesure du possible, de se limiter à une heure par mémoire. Alors, je demanderais... — il n'y a pas d'obligation évidente de se limiter à une heure — mais essayons, dans la mesure du possible, de collaborer pour que la lecture et la discussion des mémoires ne durent pas plus qu'une heure, compte tenu qu'il y a des gens qui attendent depuis deux jours pour comparaître et qu'en raison de la convocation qui leur avait été faite, ils ont dû attendre jusqu'à maintenant. Et compte tenu du nombre de mémoires que nous avons ajourd'hui, bien! il va falloir accélérer un peu la procédure.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que je pourrais faire une autre suggestion? Je comprends qu'il y a une entente et qu'on va essayer de maintenir une moyenne d'une heure. Il ne s'agit pas de "bulldozer" les témoins qui sont devant nous. Cependant, dans le cas où les mémoires dépassent quinze minutes de lecture, vous comprendrez que les parties sont limitées à peine, à ce moment, à dix minutes chacune pour poser des questions. Est-ce qu'on peut faire la suggestion également que, lorsque les mémoires dépassent une dizaine de pages, les gens se résument au maximum et sortent les points de divergence avec la loi afin qu'on puisse questionner en fonction des points de divergence, ce qui va leur permettre peut-être d'expliciter davantage leurs points de vue et nous permettre de poser plus de questions également.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette-Montcalm, au début de la commission, on n'avait quand même pas eu le dépôt des mémoires, mais je crois qu'actuellement, la plupart des mémoires ont été déposés et la majorité des membres en ont une copie.

M. Chevrette: On pourrait s'entendre, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): II y a sûrement possibilité d'abréger, dans le cas des mémoires qui, comme vous le dites, dépassent dix pages.

M. Chevrette: Ce que je veux faire comme suggestion, c'est que si les témoins nous disent: On va résumer le mémoire, je suis prêt à faire motion pour que, automatiquement, on s'entende, entre les partis, pour qu'on les dépose au journal des Débats, tels que déposés au secrétariat des commissions, ce qui ne nuira en rien aux mémoires préparés pour l'histoire du Québec. Pour faciliter le débat, il faudrait que les témoins nous disent s'ils veulent faire un résumé ou non.

Le Président (M. Boucher): Cette motion est-elle adoptée?

M. Giasson: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Sur la proposition du député de Joliette-Montcalm, je me mettrais assez facilement d'accord avec le député, s'il s'agit de mémoires volumineux, qui comportent un grand nombre de pages et un texte assez long. Lorsqu'il s'agit de mémoires beaucoup plus condensés, je proposerais qu'on prenne connaissance du mémoire au complet.

M. Chevrette: D'accord, c'est dans cet esprit, M. le député de Montmagny-L'Islet, que je fais la proposition.

Le Président (M. Boucher): La motion veut que les mémoires qui ne seront pas lus au complet soient retranscrits en entier au journal des Débats. D'accord?

M. Chevrette: Oui.

M. Giasson: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Motion adoptée.

M. Chevrette: L'unanimité se fait à cette commission!

Le président (M. Boucher): A titre de remarque, je demanderais aux membres, lorsqu'ils ont à interroger des témoins, d'être très concis dans leurs questions. Je demanderais aussi aux invités d'être concis dans leurs réponses.

Messieurs, si vous voulez vous identifier et identifier ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec

M. Rousseau (Omer): Orner Rousseau, directeur général de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec; à ma gauche, le président, M. Gérard Gazaille; à ma droite, Me Claude-U. Lefebvre, conseiller et M. Pierre Bélanger, économiste.

M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de cette commission, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec vous remercie d'avoir donné suite à sa requête d'être entendue par votre commission parlementaire.

Nous regroupons, dans notre association, près de 3500 membres, entrepreneurs généraux ou spécialisés, qui oeuvrent dans le secteur de la construction résidentielle. Nous réalisons 80% des unités de logement construites au Québec.

Selon le projet de loi no 90 et le dépôt du plan provisoire identifiant l'aire retenue pour fins de contrôle dans la région agricole désignée à l'annexe "A", plusieurs de nos membres qui ont osé gérer leur entreprise de construction en tenant compte du lendemain, de leurs besoins immédiats en terrains, se trouveront demain plus à l'aise au sein de l'Union des producteurs agricoles. Vous comprenez l'émoi de celui qui apprend que son inventaire de terrains fait maintenant partie de la "zone verte" à vocation agricole.

Au cours des débats de l'Assemblée nationale, on a souvent accolé le vocable péjoratif de "spéculateurs" aux propriétaires de lots distraits du patrimoine agricole pour fins de construction. Si cela est vrai pour certains, il est loin d'en être ainsi pour les constructeurs d'habitations. Nous n'avons pas acquis un inventaire de terrains à des fins de revente avec profit, mais, au contraire, pour nous constituer un approvisionnement continu de lots viabilisés à un prix abordable et pour assurer un développement cohérent de nos projets d'habitations. Non seulement nos investissements n'étaient pas spéculatifs, mais ils ont même servi de régulateurs au prix du marché du terrain. En effet, le marché des lots viabilisés offerts aux petits entrepreneurs par les spéculateurs fonciers doit se situer assez près des coûts de revient des lots détenus par les promoteurs constructeurs. Vous reconnaîtrez qu'au Québec le prix des terrains offerts à la construction est bien inférieur au prix payé dans les autres provinces, même si l'on tient compte du coût des services d'infrastructure.

Nous voudrions maintenant vous démontrer qu'il serait bénéfique de soustraire immédiatement de l'application de la loi 90 l'inventaire de terrains acquis par les entrepreneurs professionnels de la construction. 1)parce qu'il s'écoulerait au moins deux années avant que nous puissions nous constituer un nouvel inventaire de terrains viabilisés; 2)parce que l'achat immédiat de lots en "zone blanche" est générateur d'une flambée des prix et partant favorise la spéculation à la hausse; 3)parce que la valeur payée par les constructeurs pour leur inventaire de terrains et les obligations qu'ils ont à cet égard les ruineront s'ils doivent revendre ces terrains à des fins agricoles; 4)parce qu'en permettant l'utilisation de ces terrains à des fins de construction, l'inventaire actuel servira de régulateur aux prix des terrains de la "zone blanche".

Le processus du développement résidentiel d'un secteur à vocation urbaine. Lorsque débutent les travaux de construction d'une maison, c'est la phase terminale d'un long processus de travaux de planification, de choix, de décisions, tant du promoteur constructeur que de nombreux intervenants. Le terrain viabilisé sur lequel on s'apprête à construire, il a fallu deux bonnes années pour l'amener à son état actuel.

Identification du marché. L'entrepreneur sérieux qui ne veut pas rester "collé" — entre guillemets — avec ses maisons, se doit d'abord d'étudier ou de faire étudier soigneusement le marché du secteur, les besoins en logement et la façon d'y répondre. Il tiendra compte de l'état de l'économie de la région, de la croissance de la population, du niveau d'emploi, du revenu des ménages qu'il veut atteindre, de l'offre existante d'habitations dans le secteur visé.

Sélection de l'emplacement et offre d'achat. En tenant compte des facteurs que je viens d'énumérer et du marché potentiel existant, le promoteur-constructeur recherchera l'emplacement le plus apte à répondre à son objectif. Toutefois, il reste que le choix de l'emplacement le plus approprié demeure sujet à de nombreux critères de sélection.

En premier lieu et avant de faire son choix, il doit analyser les éléments suivants: proximité des écoles, parc récréatif, centre commercial, accès rapide aux principaux axes routiers, transport en commun rapide, accès au marché du travail, proximité d'industries, politiques de zonage, niveau de la fiscalité municipale, règlements municipaux.

Pour définir le genre de projet résidentiel à réaliser, il doit tenir compte du type d'habitation existant, de la densité d'occupation urbaine permise, du genre de structure qu'il veut ériger, du prix d'achat de l'ensemble et du prix de revient par lot individuel, du ratio entre le prix de revient du lot subdivisé et du prix de revient total de l'unité d'habitation (terrain et bâtiment).

En troisième lieu, il doit connaître les contraintes qui affectent les coûts de production et les niveaux de taxation, les règlements municipaux de

construction et d'implantation, le genre d'infrastructure et d'équipement public exigé (largeur de rue, trottoir, éclairage, grandeur des parcs, etc.).

Préparation des plans de l'ensemble urbain et ébauche du concept d'habitat. La troisième étape qui suit le promoteur-constructeur après avoir achevé l'étude des deux premières phases et après avoir pris la décision de poursuivre son cheminement critique consiste à conclure une option d'achat sur l'espace choisi en négociant longuement les termes, conditions et prix de l'acquisition. C'est à cette étape qu'il entreprend les procédures de subdivision, de négociation avec la municipalité concernée, d'approbation d'évaluation, d'estimation et de promotion.

Obtention des plans d'aménagement. L'approbation de projets de subdivision de développements résidentiels n'est pas une tâche de tout repos. Ainsi, le promoteur-constructeur, à l'aide de spécialistes (urbaniste, arpenteur-géomètre, architecte), doit au préalable faire accepter le projet par les responsables municipaux qui, à leur tour, doivent obtenir l'approbation de la direction provinciale des affaires municipales, quand il s'agit de demande d'approbation et d'autorisation de règlement pour obtenir un emprunt sur le marché correspondant au coût estimatif des travaux d'infrastructure.

De plus, le projet d'urbanisation et d'implantation des lots (plan de subdivision préliminaire) se doit d'être présenté et approuvé par certains organismes publics ou privés impliqués dans le financement de la construction d'habitation. A titre d'exemple, la Société centrale d'hypothèques et de logement, la Compagnie d'assurance d'hypothèques du Canada, etc.

Cette précaution est nécessaire et très importante pour l'obtention du financement rapide des prêteurs, puisque ceux-ci, en pratiquant des investissements à long terme, se doivent de s'assurer d'un placement sûr, sans risque ni perte et procurant le rendement recherché.

Toutes ces démarches doivent être prises avant l'approbation finale du projet de subdivision par les responsables municipaux qui recommanderont le projet complet pour enregistrement. Les rues, parcs et emplacements publics sont, à cet effet, cédés à la municipalité. La plan du cadastre ainsi que de sa subdivision numérotée sont enfin inscrits au bureau d'enregistrement et deviennent, par ce fait, officiels aux plans et livres de renvoi du comté.

Préparation du site. La cinquième étape du promoteur-constructeur au Québec est de s'assure: a) que le projet de subdivision ait été accepté par l'ensemble des intervenants; b) que le projet de subdivision ait été approuvé par le conseil municipal de la municipalité; c) que le projet de subdivision ait été approuvé par les services du ministère des Affaires municipales; d) que le projet de subdivision ait été approuvé par les Services de protection de l'environnement; e) que le règlement d'emprunt municipal, pour le financement des infrastructures, ait été adopté par le conseil municipal, pour le financement des infrastructures, ait été adopté par le conseil municipal et soumis pour acceptation au ministère des Affaires municipales pour autoriser la municipalité à emprunter; f) que le règlement d'emprunt municipal ait été autorisé par la direction des Affaires municipales qui, en fait, garantit l'emprunt; g) que la municipalité ait engagé une firme d'ingénieurs-conseils pour la préparation des plans et spécifications de la construction des équipements publics; h) qu'une demande de soumissions par la municipalité ait été préparée conformément aux plans et spécifications de l'engineering préparés par la firme d'ingénieurs-conseils; i) qu'une firme spécialisée en construction d'équipements publics ait été retenue; j) que les travaux de cette firme débutent dans les plus brefs délais possible; k) qu'un piquetage complet de tous les lots soit entrepris par une firme d'arpenteurs-géomètres; I) qu'un piquetage complet des rues et l'indication des niveaux des rues soient entrepris incessamment par la firme d'arpenteurs-géomètres ayant réalisé l'implantation des rues et parcs. (16 heures)

Préparation des plans de construction d habitation. Parallèlement ou durant la période qui s'écoule entre la préparation du projet de subdivision et le début des travaux des infrastructures, le promoteur-constructeur doit s'assurer: a)de préparer des plans d'habitation adaptés à la grandeur des lots subdivisés; b) de préparer des plans d'habitat correspondant aux goûts et tendances ainsi qu'aux besoins du marché; c) de préparer des plans d'habitat tenant compte d'une superficie habitable viable à un coût compétitif; d) que les plans, spécifications, architecture, matériaux, esthétique, doivent être comparables, sinon supérieurs, aux compétiteurs qui réussissent.

La mise en marché. La phase finale d'un promoteur-constructeur est de présenter son produit fini sur le marché. Il doit implanter une organisation de vente efficace, intègre et compétente (pamphlet publicitaire, maquette, maison-témoin) et ordonner une organisation publicitaire proportionnée à l'ampleur de sa projection de vente annuelle (exemple: définir et budgéter les montants par unité pour les dépenses publicitaires, définir les périodes de vente les plus favorables de l'année).

Cette longue suite de procédures et d'intervenants dans le cheminement critique du développement résidentiel est nécessaire si l'on veut assurer à l'industrie de la construction résidentielle une disponibilité suffisante de lots viabilisés à des prix correspondant à la capacité financière des résidents éventuels et du marché.

Lorsque nous disons qu'il est nécessaire, pour assurer un développement domiciliaire cohérent, d acquérir un inventaire de terrains au moins deux ans à l'avance, vous conviendrez maintenant que nous n'exagérons pas. S'il nous faut recréer notre inventaire, il s'écoulera près de deux ans avant

que nous puissions atteindre la phase construction d'un développement intégré.

Spéculation dans la zone blanche. Si le projet de loi no 90 fait des malheureux, il suscite également des appétits nouveaux chez les heureux propriétaires fonciers de la zone blanche.

On nous dit que la flambée des prix a été transitoire en Colombie Britannique... Les prix se seraient stabilisés avec les années...

Avons-nous le temps d'attendre? Non, parce que si, demain, notre inventaire actuel retourne à des fins agricoles, nous devons immédiatement procéder à la reconstitution d'un inventaire pour assurer la continuité de nos entreprises en 1981.

Dévaluation de notre patrimoine sans compensation. Sur ces lots, qui ne sont pas encore viabilisés, nous n'avons aucun droit acquis, au sens de la loi. Pourtant, nous les avons payés en moyenne $10 000 l'arpent et plusieurs à cet égard ont gardé de lourdes obligations envers leur vendeur, avec des échéances annuelles. Selon l'étape où nous en sommes dans le processus du développement, des frais ont été engagés. Vous imaginez aisément la perte que nous subirons si, demain, notre inventaire a une stricte vocation agricole. C'est par centaines de milliers de dollars qu'on calculera les pertes chez plusieurs de nos membres qui ne sauraient les supporter sans être indemnisés. Et ces terres seront-elles cultivées pour autant le lendemain?

Effet régulateur de l'inventaire actuel. Nous croyons qu'en accordant aux promoteurs-constructeurs le droit d'utiliser leur inventaire actuel de terrains à des fins de construction, cela permettrait un passage graduel des développements de la zone verte à la zone blanche. Ce processus serait alors étalé sur deux ans et aurait, croyons-nous, l'effet de limiter la hausse des prix en zone blanche, en diminuant la demande massive de terrains, à court terme. Ceci aurait également pour effet de permettre à la commission de contrôle de bien s'implanter et de ne pas avoir à juger en vitesse un nombre considérable de demandes d'exclusion.

Si l'autosuffisance recherchée en matière d'alimentation doit assainir à long terme un marché qui compte pour près de 21% du budget familial, il ne faudrait pas oublier que le budget consacré au logement est tout aussi important, et toute mesure qui pourrait limiter la hausse des prix du terrain, matière première de la construction, aura un effet également bénéfique.

Pour vous permettre de bien juger de notre demande, il nous apparaît important de bien identifier le promoteur-constructeur et de quantifier l'inventaire de lots que nous vous demandons d'exclure de la loi.

Le promoteur-constructeur. Il est facilement identifiable car, pour agir comme constructeur, il doit détenir une licence d'entrepreneur en construction domiciliaire émise par la Régie des entreprises de construction du Québec.

L'inventaire de terrains est détenu soit par l'entrepreneur, soit par une compagnie liée ou personne liée, soit même par un groupement de petits entrepreneurs. Il vous serait donc facile de le distinguer du spéculateur, car ce dernier ne construit pas.

Inventaire quantifié. Nous n'avons pas disposé d'un temps suffisant pour inventorier de façon précise, l'impact qu'aurait le retrait de notre inventaire sur l'aire retenue visée par la loi. Forcément, notre évaluation est approximative, mais, à première vue, il s'agirait d'un retrait de moins de 1% de la zone agricole désignée.

Nous croyons qu'il serait plus approprié de procéder à ce retrait par un amendement à votre loi plutôt que d'attendre une décision de la Commission de contrôle et ce, pour les motifs suivants:

Devant cette commission, nous serions représentés par les corporations municipales (articles 47 et 48) et nous croyons qu'on est jamais aussi bien servi que par soi-même; les délais prévus pour permettre à la commission d'entendre et de juger les demandes retarderaient d'autant la continuité de nos opérations; les critères sur lesquels la commission doit faire reposer son jugement sont bien différents de ceux que nous venons de vous exposer.

C'est pourquoi nous estimons que le législateur pourrait nous accorder une exclusion similaire à celle dont il fait bénéficier le propriétaire d'un lot, à l'article 31, en ajoutant le texte suivant comme article 31b. L'article 31b se lirait comme suit: "Dans une région agricole désignée, un lot peut être aliéné, loti et utilisé aux fins d'un développement domiciliaire, sans l'autorisation de la commission, aux conditions suivantes: 1)L'utilisation projetée doit être en conformité des règlements municipaux applicables et être réalisée dans les cinq ans de la date d'entrée en vigueur de la loi ou d'un décret visé à l'article 22; 2) Le lot doit être la propriété d'un entrepreneur en construction domiciliaire, détenteur d'une licence d'entrepreneur émise par la Régie des entreprises de construction du Québec le 9 novembre 1978, ou être la propriété d'une personne physique qui contrôle cet entrepreneur à telle date, lorsque ce dernier est une personne morale; ou être la propriété d'une personne physique ou morale liée à cet entrepreneur le 9 novembre 1978, au sens de la Loi sur les impôts (L-Q-1972), le tout en vertu d'un titre enregistré le 9 novembre 1978; 3) Le lot doit être situé dans une zone de développement domiciliaire existante ou dans une zone contiguë à cette zone de développement domiciliaire".

Avec l'adoption de cet amendement, nous pouvons vous assurer que notre passage de la zone verte à la zone blanche se fera sans heurt, de façon intégrée et sans provoquer de chute dans l'activité économique produite par notre industrie.

Cette mesure aurait en outre pour effet de servir de régulateur au prix du marché de la construction domiciliaire. A nous, constructeurs, elle permettra de conserver la valeur de notre patrimoine et de continuer à oeuvrer consciencieusement et avec cohérence dans cette activité économique que nous avons choisie.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Rousseau. M. le ministre.

M. Garon: Je vous remercie infiniment d'être venus et vous pouvez être certains que nous allons tenir compte de votre mémoire lors de l'étude article par article du projet de loi. Je dois m'excuser auprès de vous de vous avoir fait attendre, c'était indépendant de notre volonté. Votre mémoire étant très clair, je ne sens pas le besoin de vous poser de questions.

M. Lefebvre (Claude): M. le ministre, vous permettez?

M. le Président, j'aurais une clarification additionnelle à apporter à la suite des conversations que nous avons eues avec vos techniciens et vos cadres. Lorsque nous mentionnons dans notre mémoire qu'il s'agirait d'un retrait de moins de 1% de la zone agricole désignée, c'est encore beaucoup trop grand puisque, selon les chiffres qu'on nous a fournis, il s'agirait de 78 000 acres. Nous n'avons jamais eu l'intention de demander l'exclusion d'une telle ampleur. En fait, lorsque vous retrouvez, dans la proposition de l'article 31b, des termes comme "cinq ans", "par des entrepreneurs en construction détenant une licence " et "dans des zones domiciliaires existantes ou domiciliaires contiguës, ce sont autant de facteurs qui diminuent le nombre d'acres requises.

Ce que nous vous demandons, finalement, c'est de procéder par étape — cette solution étapiste est sans doute connue du gouvernement dans d'autres secteurs — et de protéger le patrimoine. On parle de 78 000 acres. En fait, il se construit annuellement, au Québec, aux environs de 25 000 unités de logement de type unifamilial, bifamilial ou en rangées, enfin le type que nous construisons comme constructeurs d'habitation. Sur une période de cinq ans, cela nous donnerait quelque chose comme 125 000 logements à construire pour l'ensemble du territoire du Québec.

Avec la densité moyenne connue actuellement de 8 1/2 logements à l'acre, cela nous amène à une évaluation, pour l'ensemble du territoire québécois, de 16 000 acres, qui seraient utilisées pour la construction au cours des cinq prochaines années, non seulement dans la zone actuellement désignée à l'annexe A de la loi, mais également dans les territoires du Lac-Saint-Jean, de Sherbrooke, dans la zone blanche qui contient de nombreux terrains, II faudrait également soustraire de ces 16 000 acres tout ce que la commission va enlever de la zone de retenue actuelle par négociation au cours des 180 prochains jours avec les municipalités.

Il nous est impossible de donner un chiffre précis, mais cela va certainement se situer à moins — et de beaucoup — de 10 000 acres; en fait, c'est une approximation qu'on peut vous donner. Il y aurait une possibilité dans trois ou quatre mois par une enquête précise auprès de chacun des détenteurs de licence de savoir exactement ce que cela contient, mais ce n'est pas significatif par rapport à l'ensemble du territoire agricole du Québec. Par contre, ce qui est significatif, c est le prix qu'on a payé à l'arpent. Les entrepreneurs qui ont voulu se donner un inventaire de terrain ont payé, en moyenne, de 0.20 à 0.25 le pied brut, ce qui veut dire que les entrepreneurs ont souvent pour $500 000 et plus, d'inventaire de terrains. On a payé cela, mon Dieu, $8000 ou $10 000 larpent et si demain, il devait être recédé à l'agriculture, on obtiendrait, au plus, $700 ou $900, peut-être dans les bonnes années $1000, surtout que, demain, les terres agricoles ne seront certainement pas rares avec la loi qui y passe. Nous avons des obligations énormes; c est payable annuellement et il est bien sûr que les constructeurs d'habitations ne pourraient pas subir cette perte.

Par contre, dans cinq ans, nous pourrions certainement passer à travers notre stock et, là, connaissant la loi, connaissant les zones blanches, il s'agira tout simplement pour vous de nous orienter là où le législateur veut qu on aille. Ce sera une autre loi à laquelle nous devrons nous adapter, une fois le choc initial passé. C'est ce qu'on a fait avec la Régie des entreprises de construction, avec les lois sur l'aménagement, avec le zonage. Ce n'est pas nouveau, on doit, à toutes les années ou deux, s'adapter à une nouvelle loi et, comme entrepreneurs, on le fait de bonne grâce et on réussit à tirer notre épingle du jeu. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci M. le ministre; vous avez terminé?

M. Lefebvre: Oui.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci M. le Président. Je voudrais tout d'abord vous féliciter du mémoire que vous déposez devant nous aujourd'hui. Pour moi, pour autant que je suis concerné, cela nous fait découvrir quelle est la multitude des étapes que les entrepreneurs en développement domiciliaire doivent franchir avant d'arriver à la phase construction comme telle. Il faut parcourir votre mémoire avec vous pour découvrir une histoire interne de l'opération dans ce secteur.

Vous dites que vous représentez ici les personnes qui pourraient posséder ensemble environ 16 000 acres; c'est bien ce qu'il faut comprendre?

M. Lefebvre: Non, mais disons que la construction domiciliaire, si nous excluons les logements multiples, pourrait requérir au cours des cinq prochaines années, pour le Québec, selon les besoins du marché, au maximum 16 000 à 17 000 acres de terrain.

M. Giasson: Pour les 20 prochaines années.

M. Lefebvre: Exact. Il se construit, dans les meilleurs années — nous avons parlé des années d abondance, de vache grasse — il se construisait

60 000 logements dont environ 30 000 dans le système de maisons unifamiliales en rangée et jumelées, cottage, ou ces choses-là. Actuellement, on est en bas de 25 000. C'est pourquoi nous arrivons à un total de 125 000, compte tenu de la dénatalité à laquelle nous faisons face actuellement, enfin des résultats de la dénatalité, un maximum de 125 000 logements de ce type pour les prochaines années. La densité exigée actuellement se situe aux environs de 8,5 à l'acre, et Central Mortgage, la Société centrale d'hypothèques et de logement s'en va vers les 10 et 11 à l'acre.

Les terrains de 75 et 100 pieds qu'on connaît encore dans certaines régions du Québec, dans les régions urbanisées en sont rendus à 35, 37 pieds. Nous "densifions" beaucoup plus pour rentabiliser les services d'infrastructure qui coûtaient peu cher dans les années cinquante mais qui coûtent actuellement $185 le pied linéaire. Il y a des gens qui peuvent se payer une maison mais qui ne peuvent pas se payer le service d'aqueduc et d'égouts qui passe devant la porte, parce que, très souvent, les remboursements en intérêts sont à peu près l'équivalent de votre remboursement en services municipaux. Quand vous avez des taxes de $1800 par année seulement, dans certaines localités, cela commence à être un loyer et vous n'avez pas encore commencé à payer votre maison.

C'est pourquoi les organismes publics nous demandent de construire en "densifiant ".

M. Giasson: Mais vous représentez environ 3500 membres, votre association?

M. Lefebvre: Entrepreneurs généraux et sous-traitants, dont environ 1400 entrepreneurs généraux, c'est-à-dire les constructeurs, petits, moyens et grands, qui sont responsables de 80% des 30 000 unités de logement annuelles dont je vous parlais.

M. Giasson: Cela peut représenter un chiffre annuel de quel ordre? (16 h 15)

M. Bélanger (Pierre): La valeur moyenne d'une maison est de $35 000 à $42 000, selon les régions, et ce multiplié par 20 000 à 22 000 unités par année.

M. Lefebvre (Claude): Cette industrie d'habitation représente de 25% à 30% de l'industrie totale de la construction qui se situe à environ $6 milliards, je crois, au Québec.

M. Bélanger: Je peux apporter une précision à ce niveau. L'industrie de la construction constitue 14% du PNB et l'industrie de la construction domiciliaire représente 35% de ces 14%, ce qui veut dire 5% du PNB. C'est la moyenne des cinq dernières années, vous n'avez qu'à vérifier auprès de l'Office de la construction, on va vous donner les mêmes données.

M. Giasson: Au sujet des terrains possédés par vos membres et qui sont présentement intégrés à l'intérieur de la zone verte telle qu'établie par les cartes, s'il n'y avait pas d'entente avec la commission, laquelle voudrait agir avec rigueur dans l'application de la loi, étant donné qu'elle découvrirait que ce sont des terres véritablement à vocation agricole, de bonnes terres, cela pourrait représenter une perte de quel ordre, puisque ces terres étant de vocation agricole, dans une possibilité de revente, devraient être revendues au prix que va se vendre le sol agricole dans les prochaines années?

M. Lefebvre (Claude): Evidemment, si je prends votre question à la lettre, cela représenterait, si on mettait 7000 acres que nous vous demandons d'exclure, avec de $7000 à $8000 de perte, cela représente environ $50 millions. Cependant, il ne faut pas partir en peur. Nous sommes très conscients que les municipalités vont certainement — du moins d'après l'économie de la loi — demander à la commission de dégager une zone qui vient d'être créée. On a bien dit que c'était temporaire. On s'en rend compte et on est assuré que la majorité de ce qu'on vous demande va probablement être demandé par la municipalité.

Cependant, on ne voudrait pas que nos biens soient défendus uniquement par les municipalités. On a trop de piastres là-dedans — en bon canadien — pour attendre que d'autres se prononcent. On dit tout de suite, M. le ministre, que puisque vous avez eu la gentillesse de dire à ce monsieur qui avait acheté un terrain pour se construire... Nous, on a acheté plusieurs terrains pour nous construire, pour en construire d'autres. Pourquoi ne pas l'étendre? Ce n'est pas un droit acquis au sens de la loi, on n'occupe pas le terrain, mais nos projets ont toujours été achetés comme prolongement naturel et logique d'un développement domiciliaire en cours.

S'il y en a parmi nos membres qui sont allés acheter une terre en plein milieu d'un secteur agricole ou qui ont voulu en acheter trop, en acheter pour les vingt prochaines années ou faire de la spéculation, c'est leur affaire; ils en subiront les conséquences. Ce qu'on vous demande, c'est de dire que l'industrie de la construction... Parce que le terrain est une matière première de l'industrie de la construction, comme le cuir l'est pour le manufacturier de chaussures, on ne peut malheureusement pas construire ailleurs que sur le sol, pas pour le moment, cela viendra peut-être. On dit: Protégez donc nos avoirs parce qu'on ne le peut pas. On n'a pas acheté pour spéculer; quand j'achète pour spéculer, je paie un prix et je prends la chance de faire dix fois, quinze fois, vingt fois le prix de mon investissement initial. Dans la construction, ce n'est pas cela. On achète déjà à un prix élevé parce qu'on n'achète pas toujours du cultivateur, on achète très souvent des gens qui ont été des intermédiaires et on commence à aménager en fonction d'un développement de quatre à cinq ans.

Avant d'avoir le premier lot viabilisé, cela prend un minimum de deux ans parce qu'il faut tenir

compte du projet triennal de la ville qui a soumis autre chose à la commission municipale. Mais avant d'avoir l'aqueduc et les égouts, cela prend au moins deux ans. En fait, on se dit: Si demain on ne l'avait pas, où irait-on? Il faut commencer à acheter tout de suite ou arrêter. Pour nous, c'est une industrie dans laquelle on a vécu; comme certains sont agriculteurs, nous sommes des constructeurs.

Evidemment, on pourrait toujours devenir agriculteur pour ces 7000 à 10 000 acres, mais je pense que je ne serais pas tellement terrible dans les carottes! C'est mon impression.

M. Giasson: ... la capacité des municipalités d'établir le bien-fondé, de modifier le plan tel que déposé. Vous avez bien indiqué que les municipalités vont être capables de faire comprendre à la commission de contrôle que des changements doivent être apportés pour les besoins des prochaines années. Ne trouvez-vous pas cela suffisant? Est-ce à partir de cette crainte que vous voulez l'addition de l'article 31b à la loi?

M. Lefebvre (Claude): Un vieux réflexe normand me fait dire que, lorsque les municipalités vont se présenter pour discuter — encore une fois, je n'engage pas l'association, je m'engage personnellement — de l'aménagement du territoire, on va sentir — d'ailleurs on a déjà vu cela chez les conseils de comté des municipalités — un besoin d'urbaniser. J'imagine qu'elles vont tenter de faire repousser les barrières au maximum. Qui trop embrasse mal étreint. A un moment donné, au lieu d'en avoir assez, il se peut qu'elles en aient moins, c'est une question de négociations.

Pourquoi, nous, propriétaires, irait-on se mettre le doigt entre l'écorce et l'arbre? J'ai l'impression qu'au train où vont les choses, ce sera un peu cela. Nous avons un certain nombre de lots que nous pouvons utiliser pour un certain nombre d'années. En nous consacrant un droit par la loi, nous sauvons nos investissements et notre patrimoine et demain nous respecterons exactement ce que la loi dit. Là où on pourra bâtir, on bâtira. De toute façon, les autres vont être obligés de le faire; nous représentons tous les constructeurs. Nous sommes en compétition avec des gars qui auront les mêmes lois. Donnez-nous les règles du jeu et on sera capables de les suivre. Mais lorsque vous les changez de façon abrupte, on peut être lésés.

Est-ce qu'il faudrait dire au gouvernement: Remboursez-nous notre montant d'argent, ou nous retourner et dire à notre vendeur: Ecoutez, on n'achète plus et on ne paie plus. J'ai des contrats dans ma serviette et il faudra les respecter. Je pense bien que si cela demeurait agricole, le gars ne voudrait plus reprendre sa terre. C'est une perte nette, quand on connaît les profits qu'on fait et les années difficiles, la construction ce n'est pas le meilleur secteur cette année. Il est bien sûr qu'il y en a qui vont — excusez l'expression — péter.

Le Président (M. Boucher): Merci.

M. Verreault: ...

Le Président (M. Boucher): C'est M. le député de Huntingdon, normalement, qui aurait le droit de parole. Est-ce que le député de Huntingdon permet la question du député de Shefford?

M. Verreault: C'était seulement pour bien saisir le commentaire de M. Lefebvre. Dans le mémoire de l'association qui regroupe 3500 membres, on parle de pertes énormes si toutefois l'amendement proposé par l'organisme n'était pas accepté. Si j'ai bien compris, la perte énorme serait d'environ $50 millions?

M. Lefebvre (Claude): Si le territoire que nous détenons actuellement en zone agricole provisoire était maintenu zone agricole provisoire, la perte se chiffrerait entre $50 et $60 millions.

M. Verreault: Ce n'était que pour satisfaire ma curiosité. A la page 2, vous avez un point...

Le Président (M. Boucher): Vous pourrez y revenir. M. le député de Huntingdon.

M. Verreault: D'accord. J'y reviendrai.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour le mémoire très objectif et, je pense, bien représentatif d'un problème parmi bien d'autres qu'il faudra sans doute considérer dans l'application du projet de loi et au moment de l'étude article par article. Je n'ai que quelques petites questions.

Pour le territoire présentement gelé, si cela prenait six mois avant que la commission puisse juger du dégel de certaines zones, se pourrait-il que vous manquiez de terrains, si cela prend six mois avant qu'on dégèle le territoire?

M. Lefebvre: Certains entrepreneurs ne manqueront pas de terrains parce qu'ils ont suffisamment de lots viabilisés. Pour d'autres lots qui n'étaient pas viabilisés, même si les règlements n'étaient pas adoptés, nous manquerons de terrains l'an prochain parce que, dans notre industrie, un retard de six mois correspond souvent à un retard d'un an au niveau de la mise en chantier. Vous avez deux périodes de vente, celle de l'automne, qui correspond à peu près à 15% ou 20% du volume, et celle du printemps qui correspond au restant.

Oui, des constructeurs manqueront de terrains l'an prochain, mais cette année ils n'en manqueront pas puisque les principales difficultés que nous avions — parce qu'il y en avait d'autres — ont déjà été rectifiées par une déclaration ministérielle suite à notre congrès — nous avions rencontré M. le ministre et lui avions expliqué la situation. Certaines villes refusaient l'émission de permis, mais cela a déjà été réglé, c'est une question d'interprétation des articles 31, 32 et 105 et cela a déjà été réglé. Déjà — je vous mentionne Laval, en particulier — il y a plusieurs centaines de permis qui ont été émis, cela a déjà été dégelé.

Il est sûr que là où il y a des services en vertu

de l'article 105, il y a des droits acquis et on a des choses.

M. Chevrette: Vous avez bien dit Laval?

M. Lefebvre (Claude): Oui, à Laval cela a été débloqué.

M. Chevrette: On pourrait envoyer un télégramme au député de Laval.

M. Lefebvre (Claude): ... Saint-Hubert, cela a été débloqué et dans la majorité des...

M. Chevrette: Non, c'est parce qu'il nous charrie depuis lundi là-dessus.

M. Lefebvre (Claude): Ah bon! En rencontrant M. Lavoie, il me fera plaisir de le lui dire.

M. Chevrette: Vous lui direz que c'est débloqué, les permis ont été débloqués.

M. Lefebvre (Claude): Oui, les permis ont été débloqués. On a des exemples très précis où cela a été...

M. Chevrette: C'est parce qu'il y avait un drame. Quand cela a-t-il été débloqué?

M. Lefebvre (Claude): Au début de la semaine passée.

M. Chevrette: Donc, cela fait une semaine qu'on se fait charrier illégalement.

M. Lefebvre (Claude): Là, écoutez un peu!

M. Dubois: Est-ce qu'il y avait des services municipaux aux endroits où cela a été débloqué?

M. Lefebvre (Claude): Oui, oui.

M. Dubois: II y avait des services municipaux existants?

M. Lefebvre (Claude): Oui.

M. Dubois: Alors, la loi le prévoit de toute façon, prévoyait que s'il y avait aqueduc et égouts sanitaires...

M. Lefebvre (Claude): Sauf que l'article 31, selon une interprétation très restrictive des articles 31 et 105, on peut — puisqu'on est en droit statutaire — dire que le constructeur a besoin de bâtir une seule maison. C'était cela. Maintenant, le ministère nous a bien dit: Ce n'était pas dans notre intention. Si ce n'est pas dans votre intention, dites-le à ceux qui émettent des permis, faites une déclaration ministérielle, cela a un certain poids. Et cela a eu un poids certain.

M. Dubois: En périphérie des grandes villes et des villes satellites entre Montréal, je pense que notre préoccupation n'était pas au niveau des terrains où il y avait des services municipaux mais bien plus au niveau de terrains qui étaient tout près des endroits où il y en avait.

M. Lefebvre (Claude): Bien, c'est pour ces terrains que nous demandons l'exclusion, ceux que nous détenons, nous, non pas en spéculation mais comme propriétaire.

M. Dubois: A présent, vous avez des terrains accumulés pour environ deux ans, en moyenne. C'est cela?

M. Lefebvre (Claude): Non, cela, c'est le minimum avant que ce soit viabilisé. Nous avons des terrains; certains peuvent avoir un stock pour un an ou deux ans mais cela pourrait aller aussi loin que quatre ans, quatre ans et demi, parce qu'on n'achète pas cela par partie de terre. Quand on achète une terre, si le bonhomme construit 50 maisons par année, il en a pour cinq ans. Il achète tout. Lui, à ce moment-là, a un plan quinquennal et il s'en va là-dedans. Dès le moment où il achète la terre, il y a des approches qui ont été faites avec la municipalité. Habituellement — c'est un terme technique — ils sont zonés R-X, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas zonés. Il n'y a rien là-dedans sauf ce que la municipalité décidera. Là, on commence à négocier avec eux; on présente des plans préliminaires avec nos urbanistes qui s'accordent avec les urbanistes de la ville; on nous demande une certaine densification, là où sera placé le parc, les rues, ces choses-là; finalement, au bout d'un nombre d'années — habituellement, deux ans, deux ans et demi — on a des services.

M. Dubois: Vous avez 3500 membres, avez-vous mentionné?

M. Lefebvre (Claude): Oui.

M. Dubois: Parmi ces 3500 membres, est-ce que vous avez une bonne idée combien ces entrepreneurs ou constructeurs sont sur le point de manquer de terrains incessamment et seraient pénalisés pour une période de temps?

M. Lefebvre: Bon. Vous avez trois catégories: vous avez une catégorie d'entrepreneurs-constructeurs, dans les petits, qui construisent moins de dix maisons par année, c'est à peu près 40% du volume qui se fait. Ces gens, normalement, achètent des terrains viabilisés; ils n'ont pas les moyens de s'acheter des terrains qu'ils stockent à l'avance.

Vous avez une autre catégorie de petits à moyens qui se réunissent ensemble — cela se fait dans la région de Québec ici, cela se fait dans la région de Laval — achètent une terre en disant: On va la développer à quatre, cinq. Cela se fait principalement dans la région de Varennes. Ils vont établir une coopérative de publicité; les approches de la ville se font coopérativement et ils peuvent se payer une terre à quatre ou cinq gars. Ces gens, normalement, devraient manquer de terrains, si les règlements municipaux ne sont pas adoptés — là, je pense à Laliberté et d'autres qui vont sans doute être dans cette situation.

Les grands entrepreneurs — et c'est la minorité — qui construisent 200, 300, 500 maisons par année — se doivent d'avoir des inventaires de terrains et ce sont des gens qui sont affectés.

M. Dubois: Ce qui voudrait dire que 40% de 3500, il y aurait environ 1400 petits constructeurs qui pourraient, à très brève échéance, manquer de...

M. Lefebvre (Claude): Non, ce serait 40% de 1400 parce que quand on dit 3500, cela comprend... Notre association regroupe non seulement les entrepreneurs généraux mais également tous les sous-traitants. Alors, ce serait 40% de 1400, c'est-à-dire 560.

M. Dubois: Cela fait quand même une bonne quantité de constructeurs qui pourraient, à très brève échéance, n'avoir plus de terrains et être obligés de cesser leurs activités.

M. Lefebvre (Claude): S'il n'y a pas de lots viabilisés, s'il y a un changement draconien, sûr.

M. Dubois: D'accord. Je vous remercie. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Oui, vous avez terminé, M. le député de Huntingdon?

M. Dubois: C'est cela.

Le Président (M. Boucher): Merci. Alors, M. le député de Berthier.

M. Mercier: J'apprécie beaucoup le ton de votre rapport. On se serait attendu, après l'Union des municipalités, l'Union des conseils de comté, qui étaient plus agressives, que les Constructeurs d'habitations mettent un ton à leur plaidoyer, qu'ils soient plus agressifs. Je trouve que votre ton est très modéré et je pense que vous n'êtes pas sans constater que vous êtes dans une industrie où on commençait, depuis un certain temps, à déceler certaines difficultés. Je pense que cette urbanisation sur un très vaste territoire, ces banques de sol considérables, ce nombre de terres sous spéculation, puisqu'on dit que pour 5% du territoire développé pour la construction domiciliaire, on a souvent 95% du territoire qui sont sous spéculation, donc qui peuvent faire l'objet de déstructurations.

Je pense que vous êtes conscient du nombre de problèmes qu'il y a dans votre industrie. Dernièrement, en feuilletant certains chiffres, je constatais que — ce sont des chiffres que vous connaissez certainement — dans la région de Toronto, le prix du bungalow est de $65 000, alors que dans la région de Montréal il est de $35 000. Une bonne partie de cette différence, la presque totalité, provient du coût du terrain. Le coût du terrain procède de deux aspects fondamentaux: premièrement, le fait qu'en Ontario les terrains sont vendus viabilisés, alors qu'au Québec c'est l'ensemble de la collectivité qui subventionnait, au moyen des subventions des municipalités, discrétionnaires ou autres, ou des réseaux d'aqueducs, les développements domicilaires.

Que pensez-vous de cette pratique qui a eu cours au Québec pendant un certain temps et qui est partiellement corrigée par les programmes PAIRA et LIQUIDATION, mais qui n'existait pas en Ontario?

M. Lefebvre (Claude): En fait, il y a deux aspects très intéressants dans votre question, si on se compare à l'Ontario. Je pense que les coûts de l'infrastructure — on peut calculer cela à $185 le pied — ne légitiment pas la différence de prix qui existe entre l'Ontario et le Québec. Absolument pas. Dans la région de Toronto, vous avez...

M. Mercier: Pas la totalité, mais une bonne partie, quand même.

M. Lefebvre (Claude): ... vous avez quatre grands propriétaires, quatre grandes corporations propriétaires. Ces gens viabilisent eux-mêmes leurs lots, mais ils contrôlent le marché aussi. Que voulez-vous! Votre marché n'est situé qu autour d'un centre urbain. Si M. de Maisonneuve avait à réfléchir de nouveau, probablement ramerait-il un peu plus. Il serait probablement parti de la ville de Montréal, dans les Laurentides, pour garder le bon territoire agricole, mais M. de Maisonneuve ne le savait pas.

Dans la ville de Laval dont je suis citoyen, je réalise très bien — d'abord parce que je suis arrivé là en 1952 et que j'avais des carottes et des tomates devant la porte — qu'on a pris le meilleur territoire agricole de la province pour y bâtir des bungalows. Quand vous me dites que cela n'a pas de sens, je suis très mal placé pour vous dire le contraire. Il reste une chose, si les gens à Montréal ont traversé la rivière, c'est qu'ils avaient une raison de partir d'un troisième étage et de s'en aller. Il y a quand même 91% de la population qui désire vivre chez elle. J'avais le choix de m'en aller à 50 milles, à Saint-Sauveur et de voyager tous les jours, ou de demeurer tout près de mon travail. J'ai choisi de demeurer tout près de mon travail et, à lendroit le plus près, j'étais encore en territoire agricole. Avec ce que vous faites, nous, les constructeurs, allons commencer à chercher des terrains partout où il y a du roc, partout où il y a des arbres; habituellement, les agriculteurs ne s'en servent pas. Si vous regardez la ville de Laval, avec une bonne vue aérienne, là où il y a des arbres, c'est parce que c'est inondé ou il y a du roc à fleur de terre. Les cultivateurs ne l'ont pas utilisée. Cela, c'est un des secteurs; Val-des-Arbres, par exemple, n'est pas cultivable; aujourd'hui, c'est bon pour de la construction et on aurait pu garder le restant comme potager.

Si on parle de Saint-Jérôme ou de ces endroits-là, ce sont ces endroits. Les terres qui ont malheureusement été décapées — excusez I expression, c'est un terme de métier — ce sont ces terres qu'on va rechercher demain matin. J'en vois une à Sainte-Dorothée qui est complètement décapée, ce n'est plus bon à rien sauf pour y construire des bungalows. Il faudra aller chercher ces terres.

Dès que vous nous donnerez les règles du jeu, on va s habituer. C'est pour cela qu'on ne se fâche

pas, pour autant que vous ne nous mettrez pas dans la rue.

M. Mercier: D'accord. Je pense qu'on va très bien s'entendre sur l'approche suivante: Je pense que d'un point de vue — et c'est un argument qui revient souvent — macro-économique, la petite entreprise de construction ou la petite municipalité qui voit dans la construction domiciliaire le progrès, l'avenir, quand on regarde d'un point de vue macro-économique l'ensemble des réalités au niveau national, la préoccupation pour l'alimentation, le développement des industries forestières, agricoles et industrielles, je pense qu'on en arrive à d'autres conclusions.

Le coût des services, entre autres, qu'on doit assumer pour un développement urbain sur un très grand territoire, je pense que cela fait ressortir qu'au niveau macro-économique il y a là un investissement collectif considérable compte tenu de la faible demande, d'autant plus que l'urbanisation sur un trop vaste territoire amène un déséquilibre dans l'offre et la demande du prix du terrain, une concurrence très forte au niveau du coût du terrain et maintient le coût du terrain très bas parce que trop de gens ont des banques de terrains trop considérables par rapport aux besoins en constructions domiciliaires.

D'autre part, je pense que ce qui est le plus inquiétant, c'est moins la construction domiciliaire que justement ces banques de terres et la déstructuration de l'activité économique qui s'ensuit. Quand on passe d'une vocation économique donnée à une autre vocation, c'est un ensemble d'équipements qu'on remplace par un autre ensemble. Comme l'amortissement de ces équipements se fait sur une période d'années, cela amène des inconvénients.

Je pense que vous pouvez témoigner des hausses de taxes de certaines municipalités, en particulier, qui sont passées de 2000 à 10 000 de population, hausses qui ont été astronomiques dans certains cas et qui ont fait en sorte que des individus, qui allaient s'établir à la campagne, quelques années après se retrouvaient en pleine ville avec des taxes astronomiques. Je pense que ce sont des problèmes dont il faut être conscient.

M. Lefebvre (Claude): Non, d'ailleurs ce sont des phénomènes économiques que l'on rencontre régulièrement. Quand on vient nous dire — moi, cela me fait sourire — qu'en développant un certain territoire, on va faire baisser les taxes, moi, à tout coup, je ris, parce que je me dis: cela y est. Tantôt, on va payer encore le double, cela est bien sûr. Quant on réunit quinze villes ensemble une journée et qu'on dit: cela va coûter moins cher, cela se peut. J'ai hâte de le voir. A la communauté urbaine de Montréal, quand on nous a dit que les services de police coûteraient moins cher parce qu'ils seraient intégrés, je peux vous dire que la municipalité de Saint-Léonard est passée de $800 000 à $1 800 000 avec les mêmes policiers. Ce sont des choses comme cela. Nous ne sommes pas législateurs nous. On doit vivre selon ce que la législation nous dit. Nous sommes mobiles. Si vous nous dites: Demain, vous allez construire dans les montagnes, on va aller construire dans les montagnes, parce que c'est notre job de construire. Nous l'avons choisie. Mais c'est un secteur très vital de votre économie, par exemple. Il ne faut pas oublier que pour la construction, vous avez un multiplicateur économique de quatre et, quand je plante un deux par quatre, j'ai un gars qui a coupé l'arbre dans la forêt. Avant que l'arbre arrive en deux par quatre, il a été gossé un bout. Il y a de l'argent là-dedans.

M. Mercier: C'est vrai. Un multiplicateur de quatre dans la mesure de la construction domiciliaire est soutenu, mais comme la construction domiciliaire est liée à la demande de bungalow et qui, une fois construit... Alors que l'agriculture, étant donné qu'elle apporte une richesse renouvelable avec un multiplicateur de 2,8 pour un Etat, c'est une préoccupation qui doit avoir aussi...

M. Lefebvre (Claude): C'est l'éternel débat. Il faudrait peut-être retourner aux temps anciens où on se bâtissait sur le haut de la montagne pour se défendre de ses ennemis et on gardait la plaine comme les Romains faisaient, pour avoir un bon secteur agricole, pour avoir du vin, pour avoir toutes ces choses. Bon! Qu'est-ce que vous voulez? Cela était du temps des Romains. Maisonneuve a décidé de se bâtir dans la plaine.

M. Mercier: Avez-vous l'impression, pour terminer — je ne voudrais pas prolonger considérablement — que cela va amener à l'intérieur de votre profession, puisque vous insistez beaucoup sur la question des permis et tout cela, que cette nouvelle approche va amener à l'intérieur de votre profession de meilleures garanties de professionnalisme et de...

M. Lefebvre (Claude): Je peux vous dire que, depuis la loi sur la qualification professionnelle des entreprises de construction du Québec, il y en a qui commencent à se demander comment ils vont faire pour obtenir des permis. J'ai été président de cette chose-là. Il y a eu des règles. Il y a eu des règlements adoptés. Cela fait du bien et cela continue à faire du bien. Tout ce qu'on leur demande aux gens: vous recevez un salaire de professionnel, rendez donc un service professionnel. Cela a été le moto qui a été adopté à travers l'industrie. Et chaque fois que vous avez plus d'exigences, que voulez-vous? ce sont les lois naturelles, plus c'est "toffe", moins il y en a qui réussissent. Plus vous allez mettre — appelons cela des enfarges ou des lois, des règlements — parce que c'est plus facile d'être un constructeur... On ne s'en va plus au conseil municipal demander le permis et dire je l'ai. Il y a moins de constructeurs et cela prend des gens qui sont de plus en plus professionnels. Sûrement. Parce que celui qui n'est pas professionnel et qui s'en vient dans notre industrie, il a besoin de frapper une année de vaches grasses, sinon il va se ramasser et ce ne sera pas bien long. Ce sera une faillite de plus.

Avant de se présenter en construction, vous devez avoir un bilan, vous devez prouver que vous êtes une personne solvable et vous devez obtenir une garantie auprès d'un accréditeur à l'effet que votre maison est garantie pour cinq ans. Ecoutez un peu. Ce n'est plus l'ancien temps. C'est changé.

Le Président (M. Boucher): Merci.

M. Lefebvre (Claude): M. le Président, j'aurais une petite remarque...

Le Président (M. Boucher): Oui, monsieur Lefebvre.

M. Lefebvre (Claude): ... j'aurais deux petites remarques qui n'ont pas trait à la construction — notre principale demande étant faite et, je l'espère, agréée au moins en partie — deux petites remarques qui relèvent d'un certain relent d'avocat qui me revient de temps en temps. L'article 31, en fonction de l'article 98: dans l'article 31, vous dites qu'il y a un droit. Je vous souligne — ce n'est pas tellement important — le propriétaire d'un lot vacant, en vertu d'un lot enregistré, peut y construire et, si je me réfère à l'article 98, la loi a préséance sur les règlements municipaux, a préséance sur la Loi des cités et villes etc., ce qui veut dire à mon sens — encore une fois, je ne suis pas juge, mais je serais enclin à le plaider — que quelqu'un qui a un lot, pourrait bâtir en contravention d'un règlement de zonage municipal en disant: La loi me le permet, vous ne pouvez pas m'en empêcher. Enfin, c'est poussé loin, remarquez que cela ne tournera pas la province de Québec à l'envers demain matin.

Le deuxième point, ce sont les articles 18 et 44. En vertu de l'article 18, la commission pourra réviser sa décision dans les six mois. En vertu de l'article 44, le jugement est final et sans appel. A partir de cela, lorsqu'on a dit "final et sans appel", j'interprète la loi en me disant: J'ai un droit d'exécution. Je peux exécuter la décision de la commission. Si la commission peut réviser sa décision six mois après, qu'arrivera-t-il de tous les gestes juridiques que j'ai posés entre la date de la décision et la date de la révision.

Je donne un exemple. Je m'entends avec un cultivateur qui, dans une zone domiciliaire, veut me vendre son terrain et je lui dis: Avant d'acheter, il faut quand même que je sache si je pourrai y construire en vertu de la loi. Nous nous adressons à la commission qui rend cette décision: Oui, nous sommes d'accord, ce lot pourra servir à des fins domiciliaires. Je l'achète, convaincu parce que j'ai eu la décision de la commission, mais le deuxième voisin n'est pas d'accord et cinq mois après, il se présente devant la commission et la commission dit: On a peut-être fait une erreur, on va réviser notre jugement. Me voilà pris avec un lot pour fins agricoles que j'ai acheté pour des fins domiciliaires en vertu dune décision de la commission.

Je regarde les articles 101 à 106 sur les droits acquis et il n'y a rien là-dedans qui pourrait me rassurer. Il me semble que si on disait, à l'article 44, que la décision rendue — ou à l'article 18 — est créatrice de droits sujets à la révision. Autrement dit, si la commission défait sa décision, que celui qui est là soit indemnisé ou qu'on replace les parties dans l'état où elles étaient auparavant. Enfin, c'est une simple suggestion. Je me dis que tant qu'un jugement n'est pas exécutoire, tant qu'il y a une possibilité d'appel, je ne peux pas m'embarquer. Autrement dit, je ne dépenserai pas l'argent qu'un juge de la Cour supérieure m'a alloué par un jugement tant et aussi longtemps que les délais d'appel ne seront pas expirés. Cela revient à peu près à cela. Remarquez que cela mapparaît comme un certain trou; comme dans toute loi, il y a un trou possible. Les articles 101 et 105 ne semblent pas dire que... Enfin, je vous le souligne, vous avez des légistes qui sauront faire la bonne part des choses M. le ministre, nous vous remercions infiniment. M. le Président, Messieurs.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lefebvre. M. le député de Shefford.

M. Verreault: Je voudrais m'adresser à M. Rousseau. A la page 2 de son mémoire, alors qu'il essayait de démontrer qu'il serait bénéfique de soustraire immédiatement à l'application de l'article 90 l'organisme qu'il représente, il donne une raison, au numéro 2, qui se lit comme suit: Parce que l'achat immédiat de lots en zone blanche est générateur d une flambée des prix et pourtant favorise la spéculation à la hausse. Est-ce que vous pourriez expliciter cela?

Comme deuxième question — pour être bref — tout à l'heure, M. Lefebvre disait que si votre demande d'amendement n'était pas acceptée, cela créerait des pertes de $50 à $60 millions pour les membres de votre association. Pourriez-vous nous dire, en plus, combien de pertes d'emplois cela pourrait créer?

M. Rousseau: Puisque vous faites référence à des propos que Me Lefebvre a avancés tout à l'heure, je lui laisserai le soin de répondre à la question, et peut-être aussi à l'économiste puisqu'il s'agit de calculs.

M. Verreault: D'accord.

M. Lefebvre (Claude): Dans la zone blanche, la première chose que les gens qui s'occupent de terrains regardent, c'est qu'étant dans la zone blanche, ils se disent: Donc, la construction doit venir chez moi. On ne peut pas empêcher cela, c'est un phénomène naturel. Dans la zone verte, il y en a qui sont mal pris et c'est un fait qu'ils ne pourront pas, demain, construire dans la zone verte. Le gars qui se dirigeait dans une municipalité qui est aujourd'hui à vocation agricole va devoir regarder ailleurs; alors...

Donc, il va y avoir une demande adressée à des gens qui disent: J'en ai pour tant de temps, j'ai

une offre, mais je suis bien placé. D'ailleurs, cela va faire augmenter les prix, c'est la loi de l'offre et de la demande. En Colombie-Britannique, avec la même loi, ils ont expérimenté cela. Evidemment, le nouveau riche exige des prix très élevés. Il s'agit de savoir si on va payer ces prix. (16 h 45)

Si on a un stock en main qui nous permet — et c'est ce qu'on vous dit comme régulateurs — d'écouler pendant deux, trois, quatre ans ou cinq ans, lui attend encore. A un moment donné, il va dire: Ce n'est peut-être pas aussi vrai que cela. Pendant ce temps, on n'est pas fous, nous autres, on va aller négocier dans la zone blanche. On n'ira pas voir... et on va se constituer une autre banque de terrains. Alors, les prix qui vont être hauts vont normalement redescendre, mais devraient, selon mon estimation, redescendre à un niveau qui sera quand même supérieur au prix actuellement payé. Mais, sur cela, le gouvernement a dit: On en prend, on sait que cela va arriver, mais on l'accepte. C'est une décision, c'est un choix politique. Celui qui va payer, bien, c'est le consommateur. La maison au Québec va se vendre un peu plus cher si on paie le terrain un peu plus cher.

C'est sûr qu'à partir du moment où on signe une convention collective avec les ouvriers de la construction, la maison va se vendre un peu plus cher. Par contre, les ouvriers vont demander un salaire un peu plus élevé pour payer la maison. C'est ce qui va arriver.

M. Verreault: M. Lefebvre, vous comprendrez que j'avais déjà compris cette chose. Ce que je voulais, c'est que les renseignements complémentaires figurent au journal des Débats.

Au sujet de la deuxième question, celle dont nous avons discuté tout à l'heure, soit les pertes de $50 millions à $60 millions, au point de vue des emplois, est-ce que cela représente un nombre important ou insignifiant, si toutefois l'amendement n'était pas accepté?

M. Lefebvre (Claude): Tout d'abord, qu'il y aura une perte de $50 millions à $60 millions, je voudrais bien qu'on comprenne, ce n'est pas automatiquement une perte de $50 millions à $60 millions. Ce le serait si cela demeurait ouvert, mais j'imagine que les municipalités vont quand même en dégrever un peu. Cela, c'est si notre mémoire n'est pas accepté; je ne le sais pas, mais j'ai l'impression qu'il va l'être.

Les pertes seraient d'à peu près un emploi les $1000. C'est une norme qu'on a.

M. Verreault: Un emploi par $1000. M. Lefebvre (Claude): Par $1000.

M. Bélanger: Par mise en chantier qui ne se réaliserait pas, c'est environ un emploi.

M. Verreault: Disons, approximativement, pour mettre un chiffre?

M. Bélanger: La dernière fois que j'ai fait une estimation, c'était de 10 000, compte tenu de l'application stricte du règlement 105, c'est-à-dire de l'impossibilité de construire même sur des lots sur lesquels la municipalité pouvait émettre des permis. Je pense qu'il est très difficile, compte tenu de la nature des attentes ou même de l'investissement, de donner un chiffre précis. Compte tenu de la restriction qui va se matérialiser au niveau du terrain, c'est une mise en chantier automatique...

M. Verreault: Alors, c'est tout...

M. Bélanger: ... qui peut être très considérable.

M. Verreault: ... M. le Président.

M. Lefebvre (Claude): ... un an sans construction et on ne pense pas à cela.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président, j'ai cru comprendre tout à l'heure que vous aviez réclamé récemment une déclaration ministérielle ou quelque chose du genre pour pouvoir débloquer des permis ou des activités qui étaient bloqués ou gelés par le dépôt du projet de loi. M. le Président, je ne crois pas qu'il y ait eu de déclaration ministérielle, du moins pas à l'Assemblée nationale.

M. Lefebvre (Claude): En fait, cela s'est passé il y a une semaine — déjà deux semaines — au congrès de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations, lorsque M. le ministre est venu. On avait évidemment des doléances — pour ne pas dire plus — à lui exprimer, surtout parce qu'avec le dépôt de la loi, dans les municipalités de la rive nord et de la rive sud, toute émission de permis était complètement bloquée. Alors, la ville de Laval n'émettait plus aucun permis, même si les services municipaux étaient à la porte et que vous aviez des projets arrêtés; la même chose sur la rive sud.

Lors de cette rencontre, on a dit: M. le ministre, écoutez un peu, ce n'est pas la portée de l'article 31 selon l'interprétation qu'on en donne. On dit: Si ce n'est pas l'interprétation que le ministre veut, ce serait peut-être bon d'avoir — M. le ministre me corrigera si ce n'est pas le sens exact de ses paroles... Il a dit: Ce n'est pas le sens de l'article 31 selon nous. Là où il y a des services, vous pouvez y aller. Bon! On a dit: Déclarez-le donc. Le lendemain midi, nous avons rencontré deux hauts fonctionnaires du ministère pour démêler cette situation. Il nous ont dit: On va communiquer avec le ministre des Affaires municipales et, deuxièmement, il va y avoir immédiatement des rencontres avec les gens des municipalités pour l'émission des permis. Effectivement, dans les villes de la rive sud et à Laval, les

permis ont été émis, et je peux citer des cas concrets.

Maintenant, il faut faire une déclaration en vertu de l'article 32. Il y a actuellement, je pense, d'adressé à la commission qui sera formée un paquet de déclarations qui disent: En vertu de la loi, nous ne sommes pas soumis à un décision de la commission et nous bâtissons. C'est exactement ce qui est arrivé.

M. Lavoie: Vous avez déjà envoyé des avis à la commission?

M. Lefebvre (Claude): Oui.

M. Garon: L'article 32 dit qu'il doit y avoir une preuve qu'ils ne sont pas soumis à l'autorisation de la commission.

M. Lavoie: Une déclaration.

M. Garon: Une déclaration. Un récépissé de recommandation postale est une preuve qu'on a envoyé un avis à la commission.

M. Lavoie: Quelle est l'adresse de la commission?

M. Garon: Au ministère de l'Agriculture, en attendant.

M. Lavoie: En attendant. M. le Président, qui sont les membres de la commission?

M. Garon: II faut dire simplement que l'article 105 dont parle M. Lefebvre dit "si cela devient adjacent"...

M. Lavoie: Parlez-nous donc de la commission.

M. Garon: Je veux expliquer clairement...

M. Lavoie: Existe-t-elle légalement, cette commission?

M. Garon: Elle va exister légalement quand la loi va être adoptée.

M. Lavoie: Et on peut lui envoyer des lettres actuellement.

M. Garon: Attendez! Laissez-moi donc finir! C'est une affaire de bon sens. A l'article 105, on dit: Devient adjacent à un terrain viabilisé, à un chemin public où les services d'aqueduc et d'égouts sont autorisés par règlement. Quand on a rédigé la loi, les juges ont dit: Quand on dit que cela devient adjacent, si c'est déjà adjacent, on n'a pas besoin de l'écrire. A plus forte raison, si cela l'est déjà. Ce n'était pas marqué "est déjà adjacent". C'est évident que si cela le devient, c'est correct; si cela l'est déjà, à plus forte raison. Il s'agissait de clarifier ce point-là; cela me semble un point uniquement basé sur le bon sens.

Je pense que si cela peut clarifier la situation, on va inscrire, lors des amendements, "est adjacent ", c'est tellement évident! L'interprétation stricte empêchait qu'il y ait des permis quand c'était déjà adjacent à un chemin public existant, il y avait déjà des services viabilisés à l'endroit. Cela m'apparaît clair.

M. Lefebvre (Claude): Maintenant, les constructeurs...

M. Garon: On ne disait pas cela, pas une minute.

M. Lefebvre (Claude): Dans notre groupe, il y a très peu d'avocats. Tout ce qui nous intéressait, c'était d'avoir un permis. Point.

M. Lavoie: M. le Président, j'ai moi-même eu l'occasion de téléphoner à 644-1000. J'ai parlé à trois conseillers juridiques qui m'ont donné trois interprétations différentes des articles 31, 32 et 105. J'aurais dû appeler le ministre. Il m'aurait prouvé qu'il pataugeait dans sa loi. Il m'aurait dit d'envoyer une lettre — j'imagine — à une commission inexistante.

M. Chevrette: Mais vous êtes content que les permis soient débloqués.

M. Lavoie: Ecoutez, je ne suis pas conseiller juridique, ces gens ont des intérêts comme les agriculteurs — je ne blâme pas les agriculteurs de vouloir protéger les terres agricoles et nous sommes en faveur dans une certaine limire, il s'agit de savoir comment le faire... Ces gens sont constructeurs. La logique est là, s'ils ont des services d'égouts et d'aqueduc devant la porte, je suis très heureux qu'ils aient leur permis. Je ne sais pas si cela les limite, on ne fera pas l'interprétation des lois, mais est-ce que cela les limite? A l'article 31, au deuxième paragraphe...

M. Garon: Non.

M. Lavoie: ... une personne qui est propriétaire de plusieurs lots... C'est dans une région agricole désignée, toute la ville de Laval est dans une région agricole désignée, cela a 20 milles de long sur 6 milles de large, 14 anciennes municipalités. Si on lit le dernier paragraphe de l'article 31 : "Lorsqu'au 9 novembre 1978 une personne est propriétaire de plusieurs lots vacants, contigus ou non contigus et situés dans une même municipalité — cela veut dire qu'un constructeur peut avoir dix lots à Sainte-Dorothée, cinq lots à Sainte-Rose, cinq lots à Duvernay...

M. Garon: Cela, c'est une autre affaire.

M. Lavoie: ... et je continue — elle peut, aux mêmes conditions, construire une seule résidence sur un de ces lots."

M. Garon: L'article 31 vient après l'article 105. L'article 105 concerne les droits acquis sur les

chemins viabilisés. L'article 105, c'est une chose; l'article 31, c'est autre chose. Il ne faut pas lire les deux articles en même temps. A l'article 105, ce sont les chemins viabilisés où il y a aqueduc et égouts, où il y a déjà un règlement qui est entièrement approuvé, adopté conformément à la loi, où on dit qu'il va y en avoir un. Alors, on dit comment cela va fonctionner dans ces cas-là. A ce moment-là, il n'y a pas de problème au point de vue des lots. On dit qu'on peut même lotir, aliéner, utiliser à une fin autre que l'agriculture dans ces cas-là. Il faut distinguer l'article 105; l'article 105, c'est une chose. L'article 31, c'est autre chose. Il ne faut pas essayer de les mêler l'un et l'autre, ils ne s'interprètent pas l'un et l'autre.

M. Lefebvre (Claude): M. le Président, l'interprétation ministérielle n'était pas faite, je pense qu'elle l'est maintenant.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. Garon: ...

Le Président (M. Boucher): J'espère que ces précisions, article par article, écourteront le débat que nous allons avoir après avoir entendu les mémoires.

M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Garon: J'aimerais poser une question. Quand vous avez dit, à un moment donné, que vous avez 1400 entrepreneurs dans votre association de constructeurs généraux qui font des travaux...

M. Lefebvre (Claude): C'est ceux qui sont responsables de...

M. Garon: Des petits, des gros et des moyens. M. Lefebvre (Claude): C'est cela.

M. Garon: Bon! Sur les 1400, combien y en a-t-il qui opèrent dans la région désignée?

M. Lefebvre (Claude): Québec, Montréal, minimum 80%.

M. Garon: 80% de...

M. Lefebvre (Claude): Oui, oui. Le gros du volume est là.

M. Garon: Oui, oui. Je le sais. On me l'a dit que le gros du volume était là. 1100 à peu près. Là-dessus, vous avez dit qu'en tout, 40% achetaient seulement des terrains viabilisés parce qu'ils n'avaient pas le moyen d'acheter autre chose.

M. Lefebvre (Claude): Oui.

M. Garon: Cela veut dire que ces gens-là ne sont pas du tout affectés par la loi parce que...

M. Lefebvre (Claude): Absolument pas. Sauf qu'ils vont chercher un peu plus pour en trouver.

M. Garon: Peut-être pas...

M. Lefebvre (Claude): S'il y en a.

M. Garon: ... parce qu'à ce moment-là, le territoire dans lequel la construction va se faire étant plus restreint, il y aura sans doute plus de facilité pour mettre les services aussi, parce que là, il y aura une assurance de densification urbaine plus rapide. Maintenant, parmi vos gens aussi... — je ne sais pas, je ne peux pas vous dire — j'imagine qu'il y a des grandes entreprises qui peuvent acheter 5000 acres d'une claque.

M. Lefebvre (Claude): Ce sont des grosses, là. M. Garon: Non, mais...

M. Lavoie: A peu près 40 000 maisons. Une minute!

M. Garon: II y a des exemples concrets de cela.

M. Lefebvre (Claude): Disons qu'un bon gros, un vrai gros pourrait détenir... Oh! mon Dieu, s'il détient 250 arpents, en tout cas, il est "gréyé".

M. Lavoie: 250 au lieu de 5000.

M. Garon: Non, mais j'ai des cas...

M. Lefebvre (Claude): Là, vous avez pour...

M. Lavoie: Donnez-nous un cas de 5000.

M. Garon: II y a des cas où, vous savez...

M. Lefebvre (Claude): Mettez-les à huit et demie l'acre. Cela fait bien des maisons, cela.

M. Lavoie: 8 à 250, cela fait un stock de terrains pour 2000 maisons. Une minute! C'est de l'unifamilial, seulement de l'unifamilial.

M. Garon: En fait, je pense que vous pouvez prendre des cas. Je ne dis pas dans votre association. Mais il y a déjà eu des articles qui ont été faits... qui possède Montréal, par exemple? Vous avez des exemples où vous avez des corporations qui possèdent plusieurs milliers d'acres.

M. Lefebvre (Claude): Ah! oui, mais ce ne sont pas des constructeurs d'habitations. C'est cela.

M. Garon: Mais non! C'est pour cela que...

M. Lefebvre (Claude): Oui, oui. Ecoutez un peu. Il y a des constructeurs qui ont de grands terrains. Et il y a des compagnies liées qui en ont

un grand nombre, mais elles ne sont pas liées à des compagnies de construction. Un constructeur d'habitations, c'est une personne qui achète pour vendre. Autrement dit, on se garde des stocks pour les besoins qu'on nous a exprimés selon les nécessités du marché et du fonctionnement cohérent de notre entreprise, mais s'il fallait garder pour dix à quinze ans, les taxes dans les municipalités... la minute où cela devient... — parce qu'ils calculent cela comme du territoire spéculatif ou prêt à être urbanisé — les taxes sont plus chères. Avec les profits qu'on fait, si on paie 5000 terrains, les taxes sur 5000 terrains et qu'on en bâtit 50 par année, au bout de l'année, on va avoir fait des profits sur les maisons mais on va les avoir payés en taxes. Pour nous, en fait, c'est une question d'inventaire. C'est rien que cela. C'est un inventaire dont on a besoin et ce serait aussi logique pour nous de se tenir un inventaire vingt fois nos besoins que le constructeur de ce...

M. Garon: Je pense que vous avez rencontré nos gens déjà pour approfondir certains points. Pourquoi ne pas continuer de regarder cela avec eux? Vous êtes un bon avocat. Je vous regarde faire depuis une heure.

M. Lefebvre (Claude): Nous avons convenu de le faire et nous vous remercions infiniment de nous avoir reçus. Je pense que c'est bien engagé.

M. Garon: Je pense que comme l'habitation et l'alimentation sont les deux mamelles de l'économie québécoise, au fond...

M. Lefebvre (Claude): Je me sens à l'aise quand vous me parlez de cela, M. le ministre.

M. Garon: Votre état d'esprit, en fait, est exactement dans le sens dans lequel on voudrait fonctionner quand vous parlez, à un moment donné, ... et j'aimerais que vous approfondissiez la question avec nos gens. L'article 31b que vous suggérez, on n'est pas capable de l'évaluer. S'il était possible de regarder cela ensemble et...

M. Lefebvre (Claude): En fait, la grande limitation que vous avez, c'est le temps et la personne qui peut l'utiliser. Autrement dit, si dans cinq ans on n'a pas utilisé notre territoire — et nous sommes limités par la demande — on ne peut pas penser qu'un constructeur va se bâtir — je ne sais pas, moi — X centaines de maisons d'avance; ce ne serait pas payant. Il retournera au territoire agricole si la commission l'a décidé ainsi. Autrement dit, permettez-nous d'utiliser... pour les cinq prochaines années et ce serait une étape... On fonctionnerait par étapes. (17 heures)

Autrement dit, si j en utilise une partie Tannée prochaine, je vais commencer à acheter dans la zone blanche, tout simplement.

M. Garon: Mais il faudrait essayer de circonscrire plus que ce que cela représente; tantôt vous avez parlé de 1% et en ajustant, vous vous êtes aperçu que cela ne pouvait pas être 1%.

M. Lefebvre (Claude): Cela ne peut pas faire 1%, j'en ai parlé avec un monsieur tantôt, cela donnerait 78 000 acres, cela veut dire qu'on bâtirait 560 000 maisons; j en aurais pour 20 ans d'avance. Cela n a pas de sens.

M. Garon: Parce qu'il peut y avoir plusieurs formules.

M. Lefebvre (Claude): Vous savez, quand on parle de chiffres, c est dangereux. On parle de 1%, c'est minimal, mais ce pourcentage n'est pas minimal, il est énorme, c'est une fraction de 1%. On avait dit moins de 1%, c'était au moins une précaution.

M. Garon: II y a une chose qui me frappe dans ce que vous dites. Dans I'article que vous nous suggérez, vous dites: "Dans une région agricole désignée, un lot peut être aliéné, loti et utilisé aux fins d'un développement domiciliaire sans I autorisation de la commission", et vous dites: "le lot doit être la propriété d'un entrepreneur en construction domiciliaire". Non, c'est plutôt "il doit être situé dans une zone de développement domiciliaire existante ou dans une zone contiguë à cette zone de développement domiciliaire".

M. Lefebvre (Claude): Cela, c'est en fonction de...

M. Garon: Normalement, quand on veut avoir une frange autour d'une municipalité, si c est contingu à une zone domiciliaire, cela doit être dans la frange.

M. Lefebvre (Claude): Ce qui arrive — et on va parler des territoires urbanisés — c'est que vous avez toujours la... A un moment donné, on déclare une zone domiciliaire. On est en train de construire dans cette zone, on est rendu au bord et on commence à acheter dans la zone voisine parce que les services, les collecteurs d égouts, les lignes d'aqueduc, les stations de pompage, les bassins, les ingénieurs ont décidé que tout cela serait là. Alors on dit: C'est là qu'on va acheter. Mais cette zone est toujours zonée — et c est un terme technique que les urbanistes ont inventé au cours des dernières années — RX, c est zoné RX, c est un zonage différé.

M. Lavoie: C'est du territoire en réserve.

M. Lefebvre (Claude): C est cela. Pour ce zonage RX, pourquoi dit-on contigu? Je vais vous dire... Personnellement, je possède des terrains zonés RX, ce qui veut dire que je ne peux rien faire avec ces terrains tant que la municipalité ne prendra pas une décision. Il faut donc que je décide la municipalité à les utiliser. Quand j'ai acheté ces terrains, c était parce qu'ils formaient un prolongement normal de la zone domiciliaire

existante. C'est pourquoi on dit: "Dans une zone domiciliaire existante ou dans une zone contiguë" parce qu autrement, je vais m'en aller dans la zone et quand on parle de zone, c'est quand même assez grave, ce n'est plus du "spot zoning". Il faudrait vraiment déborder et on dit: Là, cela n'a plus d'allure. C'est comme si on disait que la loi 90 n'est plus bonne, c'est-à-dire qu'elle est là, mais qu elle ne veut rien dire. Alors, on dit: "zones existantes et zones contiguës " parce que cela fait partie du bassin naturel en prolongement naturel par les services et l'infrastructure qui ont été donnés par la municipalité. C'est la précision que je peux apporter.

C'est la même chose pour les personnes liées. C'est très rare que la compagnie de construction détienne un terrain au nom de l'entreprise de construction, ceci pour les fins du bilan à présenter à la régie parce que vos exigibilités à court terme sur vos investissements immobiliers sont calculées comme une exigibilité et cela vous dépasse, vous n'avez pas votre ratio de 1.1% au niveau de la solvabilité. On a une compagnie de "holding immobilier" où c'est la femme... Enfin, en tant qu'avocat vous connaissez toutes les subtilités. Quand on est capable d'avoir des avantages fiscaux, on essaie de s'en servir malgré que ce soit très difficile de ce temps-ci.

M. Lavoie: Juste un petit mot. Ce que je voudrais suggérer au ministre... Je comprends que son principal partenaire ou interlocuteur dans ce projet de loi — et c'est normal — que ce soient le milieu agricole, l'UPA ou d'autres groupes qui représentent les agriculteurs... Egalement, je demande au ministre s'il a discuté des implications de ce projet de loi avec des ministres à vocation économique du gouvernement actuel, soit le ministre de l'Industrie et du Commerce ou le ministre d'Etat au développement économique qui ont à coeur l'industrie de la construction au Québec et le marché de la construction en général? S'il ne l'a pas fait, je crois qu'il serait temps qu'il le fasse.

J'aimerais, lorsqu'on reçoit des invités qui veulent parler de ces implications, que ces ministres participent à la commission parce qu'il n'y a pas seulement l'agriculture. Je suis bien d'accord avec l'agriculture, mais il ne faut pas mettre tout le reste en veilleuse.

M. Garon: M. le député de Laval sait bien qu'un projet de loi comme celui-là, avant d'être déposé, a été longuement analysé au Conseil des ministres et ces ministres y participaient et ont étudié ce projet de loi parce qu'il a été longuement expliqué. Il y a des choses auxquelles on n'a jamais pensé, auxquelles je n'ai jamais pensé, et je l'ai dit à un moment donné.

M. Lavoie: C'est le temps d'y penser.

M. Garon: Une minute! Quand on disait: "devient adjacent... ' S'il est déjà adjacent, dans notre esprit, c'est clair que c'était compris puisque le plus inclut le moins. Alors, le problème que vous soulignez est une évaluation de l'affaire, parce qu'il peut y avoir des règlements municipaux. Dans votre commentaire, je remarque que vous êtes un excellent exemple d'un bon avocat, parce que vous dites à quel point il faut clarifier la loi quand elle ne l'est pas. Dans le fond, vous enlevez des causes aux avocats quand vous faites cela.

Mais j'ai remarqué que le député de Laval ne nous aide pas autant à clarifier tout cela, il cherche des difficultés terribles à la loi.

M. Lavoie: Je vais vous dire honnêtement, cette loi brime le droit de propriété, c'est la loi la plus dirigiste que j'aie vue depuis 20 ans.

M. Garon: Je pense aussi que ce que vous mentionnez au sujet de l'article 98, ce n'est pas notre interprétation, mais, pour plus de clarté, on devrait l'inscrire pour ne pas que ce soit interprété...

M. Lefebvre (Claude): C'est que, comme avocat, chaque fois qu'une loi est imprécise, et même quand elle est bien précise... Vous savez, les avocats trouvent toujours le moyen — comme M. Lavoie le disait tantôt, il a téléphoné à trois avocats et ils n'étaient pas d'accord... S'il fallait que les avocats se mettent d'accord, vous savez qu'on ne plaiderait plus et si on ne plaide plus, on ne gagne plus notre vie, nous autres.

M. Garon: C'est cela.

M. Lefebvre (Claude): II faut quand même protéger notre agriculture.

M. Garon: On va plaider sur les contrats des notaires.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!

M. Lefebvre (Claude): Les opinions légales, c'est notre agriculture.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs! Au nom des membres de la commission...

M. Lavoie: Vous avez un allié dans le ministre.

Le Président (M. Boucher): Je regrette, M. le député de Huntingdon, vous avez eu l'occasion de poser vos questions, je crois, et nous avons déjà dépassé l'heure avec le présent mémoire.

M. Dubois: Certains membres libéraux sont revenus deux ou trois fois.

Le Président (M. Boucher): Je pense qu'il y a des gens qui attendent pour présenter leurs mémoires. Disons que j'avais donné le mot de la fin au ministre...

M. Vaillancourt (Orford): Juste une petite question, M. le Président.

M. Lavoie: Consentement. Une brève question.

Le Président (M. Boucher): Une brève question?

M. Chevrette: Consentement.

Le Président (M. Boucher): Consentement? D'accord.

M. Dubois: J'imagine qu'à l'intérieur des 3500 membres dont vous défendez les intérêts aujourd'hui, il doit se trouver des hommes d'affaires, des spéculateurs, comme on les appelle généralement, qui sont peut-être aussi des aventuriers, qui auraient acheté, disons, 100 acres ou 200 acres de terre dans l'aire réservée aux fins agricoles et qui auraient peut-être dépensé $2000 l'acre, ce qui fait $200 000 ou $300 000. Ces gens, aujourd'hui, voient leur territoire gelé et seront peut-être dans la rue. Je pense qu'en toute liberté ils ont acheté ces terrains et de bonne foi, avant le 9. J'imagine que dans les 3500 membres, il doit se trouver des cas identiques, ou quelques-uns quand même. J'aimerais que vous fassiez quelques remarques.

M. Lefebvre (Claude): Bien oui, j'imagine que cela se peut que nous ayons quelques très gros entrepreneurs — mettre un singulier ou un pluriel serait difficile — qui ont des terrains pour faire de la spéculation. Mais lorsque l'association représente quelqu'un, elle ne le représentera certainement pas comme spéculateur. C'est une association qui représente les constructeurs d'habitations dans le cadre des lois qui nous dirigent.

Ce que l'on vient défendre ici, à la suite de notre réunion générale qui vient d'avoir lieu, ce sont les intérêts du constructeur. Maintenant, celui qui a spéculé... quand vous me dites: Si quelqu'un a spéculé en achetant des terrains à $8000 ou $10 000, il n'a rien à faire dans la spéculation, il n'est pas dans sa ligne, le gars. A $2000, il a pu spéculer. Maintenant, il ne nous appartient pas d'en juger, il a pris son risque. Maintenant, il va certainement perdre de l'argent si cela retourne à la vocation agricole, à $2000, je ne pense pas qu'on atteigne $2000 avant quelques années. Pour cela, il faudrait qu'il s'adresse à l'union des spéculateurs, mais pas chez nous.

M. Dubois: Je vous pose la question parce que c'est un entrepreneur, effectivement, qui bâtit de quinze à vingt maisons par année. Il a acheté une ferme de 100 acres à $2000 l'acre. Là, certainement que la ferme est dans l'aire réservée aux fins agricoles. Je sais que ce type est dans la rue pratiquement, c'est sûr. La ferme vaut $20 000 pour fins agricoles et il l'a payée $200 000, et c'est un entrepreneur.

M. Lefebvre (Claude): II va être obligé de vendre ses carottes pas mal cher.

Le Président (M. Boucher): Alors, au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Rousseau et M. Lefebvre ainsi que ceux qui les accompagnent pour leur magnifique mémoire.

Maintenant, j'appellerais l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, représentée par M. Carol Wagner. M. Wagner, si vous voulez vous présenter et...

Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec

M. Wagner (Carol): A ma gauche, je vous présente Me Micheline Laliberté, avocate de l'association, responsable de la mission légale et Carol Wagner, ingénieur, directeur gérant de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

Le Président (M. Boucher): Allez-y, M. Wagner.

M. Wagner: Je vais laisser à Micheline Laliberté le soin de lire le mémoire le plus court que vous avez eu et, j'espère, le plus constructif.

Mme Laliberté (Micheline): M. le ministre, M. le Président et MM. les membres de la commission, à votre demande, nous serons effectivement très bref. L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec regroupe la majorité des entrepreneurs oeuvrant dans le secteur de voirie et génie civil. Nos principaux donnants d'ouvrage sont le ministère des Transports, l'Hydro-Québec, la Société d'énergie de la Baie James, et les corporations municipales.

La construction de routes nécessite normalement de l'emprunt B provenant des terres avoisi-nantes, de l'emprunt granulaire, du gravier concassé ou de la pierre concassée et de la terre arable pour l'aménagement des abords de routes. Le projet de loi no 90, Loi sur la protection du territoire agricole, a pour objet d'assurer la protection du territoire agricole et cette fonction sera sous la responsabilité de la Commission de protection du territoire agricole du Québec.

L'actuel projet de loi nous décrit, à la section V, les conditions applicables à la protection du sol arable, mais aucune mention n'est faite en ce qui regarde l'exploitation d'agrégats, sable, gravier, emprunts granulaires et emprunts ordinaires se situant dans ces zones agricoles. Nous avons discuté de cet aspect avec des responsables du ministère des Transports et du ministère des Richesses naturelles et nous leur avons transmis nos craintes face à cette omission.

L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec recommande donc d'ajouter, à la section II de ce projet de loi no 90, l'article 3 et surtout le paragraphe f) qui pourrait se lire ainsi: "De délimiter, en collaboration avec le ministère des Transports, le ministère des Richesses naturelles, le ministère de l'environnement, le comité d'aménagement et les associations représentatives, les zones d'agrégats, c'est-à-dire toute matière de nature minérale. Par l'addi-

tion de cet article 3, paragraphe f), la commission pourra consulter ces organismes en vue de trouver des solutions aux problèmes réels qui se retrouvent dans tous les contrats de voirie et de travaux municipaux et d'en faire une réglementation adéquate.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre. Est-ce que vous avez à ajouter, M. Wagner?

M. Wagner: Oui. Je voudrais faire quelques commentaires à la suite de cette présentation. En effet, dans notre association, nous regroupons les entrepreneurs qui oeuvrent dans la voirie et le génie civil, mais aussi nous avons les extracteurs de carrières et ceux qui exploitent les produits finis, tels que le béton préparé et l'asphalte. Comme vous le savez tous déjà, certains de nos membres qui sont des exploitants d'agrégats sont déjà soumis à la loi de l'environnement; il faut qu'ils aient un certificat d'autorisation déjà.

A la présentation de ce projet de loi, tel que rédigé, on se demande s'il n'y aurait pas moyen de mettre un mécanisme qui serait peut-être moins lourd qu'actuellement et qui pourrait activer l'émission des permis quand on exécute des contrats de voirie. On sait fort bien, normalement, quand on exécute des contrats de voirie, qu'on a dix ou quinze jours pour soumissionner au gouvernement et, dans certains contrats de voirie, il y a deux choix: soit que le ministère lui-même fournisse les agrégats, ce qui veut dire qu'il faut prendre la terre avoisinante d'un projet, il faut prendre du sable, l'emprunt granulaire, du gravier, etc., ou c'est à l'entrepreneur lui-même de fournir les sources.

Déjà, on avait certaines difficultés mais, avec le temps, cela s'est amélioré, avec le ministère de l'environnement, pour avoir le certificat d'autorisation de ces gisements. Maintenant, je vois mal comment on devrait se soumettre encore à une commission qui devrait normalement siéger quelque part, peut-être à Québec, si elle est unique, pour essayer d'avoir ces permis et on pourrait avoir des réponses faciles dans les délais prévus pour soumissionner au prix le plus réaliste, en conformité avec les distances pour aller chercher les agrégats.

C'est une des choses que je dois souligner ici et qui nous préoccupe beaucoup. Aussi, comme vous le savez, notre but n'est pas de critiquer la loi du zonage agricole — j'ai compris ce matin que cela fait quatre ans que l'UPA la demande — nous, cela fait quatre ans qu'on demande au ministère des Richesses naturelles d'avoir des zones d'agrégats. On ne les a pas eues encore. On nous a promis un projet pilote dans la région de Montréal, mais, à cause des priorités, cela a été arrêté temporairement. Espérons que nous l'aurons. (17 h 15)

Mais, quand on dit qu'il n'est pas mention des agrégats dans votre zone agricole, je pense qu'il est important de souligner que l'exploitation des agrégats... Normalement, si on compare les gisements ou les exploitations fixes et temporaires, cela pourrait représenter en pierre concassée 47 millions de tonnes, ce qui équivaut presque à 111 millions et en sable et gravier 80 millions de tonnes. Je pense qu'on peut retrouver ceci finalement dans le rapport du ministère des Richesses naturelles, produit en 1977.

C'est pour cela qu'on se dit qu'il faut absolument que les agrégats, qui se trouvent dans les grands centres, soient délimités à ce qui se trouve à l'intérieur de vos zones agricoles actuelles. Le travail que vous avez fait est une première étape et j'espère que le ministère des Richesses naturelles ira aussi vite que vous et que, sous le chapeau du développement de l'aménagement, on pourra coordonner pour avoir un genre d'aménagement du territoire qui tiendra réellement compte de cela. Il sera très difficile pour nous de pouvoir obtenir des permis sans avoir un mécanisme plus facile qu'il l'est actuellement, avec une commission qui semble nous donner la permission d'agir dans le cas précis.

Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. Wagner. M. le ministre.

M. Garon: Je voudrais dire un mot brièvement. En ce qui concerne les agrégats, j'ai compris que c'était du gravier concassé, de la pierre concassée, du sable...

M. Wagner: ... l'emprunt des terres arables pour faire les accotements de terrain, etc..

M. Garon: Mais quand vous faites une route, habituellement il y a de la terre...

M. Wagner: C'est cela.

M. Garon: J'ai remarqué qu'en certains endroits, ils la mettent de côté en tas et ils s'en servent après; alors ils l'ont sur place...

M. Wagner: D'accord, mais il arrive souvent que, pour relever le profil, il faut amener de l'emprunt ordinaire, soit A ou B et cela représente une grande quantité. L'emprunt A, l'emprunt qui n'est pas granulé, est le matériel le plus approprié pouvant devenir compact; on prend l'extérieur et on l'amène.

M. Garon: II y aura encore des sablières. Quand on donne un permis pour les sablières, on veut voir comment la sablière va se faire. Par exemple il peut y avoir différentes façons de faire une sablière, on peut en prendre quelques pieds ou le plus possible. Il y a différentes façons de la faire.

M. Wagner: Ce que l'on vise, c'est un mécanisme assez flexible parce que, si on se rappelle bien, on ne peut pas parler pour le ministère des Transports; ils ont déjà des relevés des gisements à travers la province en ce qui regarde les projets. M. Chevrette peut l'affirmer. Ils ont des relevés géologiques, ils savent

automatiquement que dans le corridor, par exemple entre Candiac et Saint-Jean, ce peut être la zone future d'approvisionnement des agrégats de la région de Montréal ou entre L Ange-Gardien — vous le savez fort bien M. le député d'Iberville — et Saint-Pie, c'est plein de zones d'agrégats et éventuellement il faudra aller chercher ces agrégats là où ils se trouvent.

Il va falloir un jour délimiter ces zones d agrégats à I'intérieur des zones qui se situent actuellement dans la zone agricole désignée. Comprenez-vous? Quelle sorte de mécanismes pourrait-on employer? On sait très bien que le ministère des Transports donne peut-être 50 contrats de concassage de gravier à 50 mille tonnes. Ils disent: D'accord, en tel endroit, les gisements sont reconnus, j'ai eu l'autorisation du ministère de l'environnement, vous pouvez le faire! Dans un autre cas ils disent: Trouver vos agrégats et on paiera tant la tonne. S il faut se référer à une commission nationale pour avoir des permis, il y a quelque chose qui ne marche pas. Ce serait peut-être une solution d'avoir des commissions régionales qui regrouperaient par exemple, non seulement les agriculteurs, mais les personnes réellement intéressées par le milieu, soit des représentants des ministères des Transports, Richesses naturelles, etc.

Mme Laliberté: M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Boucher): Oui...

Mme Laliberté: ... j'aurais une question à poser à M. le ministre Garon, suite à l'intervention qu'il a faite avant celle de M. Wagner; vous me corrigerez si je me trompe. J'ai cru comprendre que vous avez dit qu en fait, surtout la section no 5 du projet de loi était là pour contrôler le nombre d'ouvertures de carrières ou de sablières, pour savoir le potentiel existant au niveau de ce genre d'entreprise. Est-ce que je me trompe?

M. Caron: Ce n'est pas cela! Mme Laliberté: J'ai mal compris?

M. Garon: II ne faut pas que cela se fasse n'importe comment. Il ne faut pas que ce soit dommageable. J'ai I'impression que les gens vont arriver dans certains cas — ce sera même une bonne chose — mais simplement pour l'obtention d'un permis, pour qu'on dise de quelle façon on va le faire et si le permis va être accordé.

Mme Laliberté: A moins que je ne m'abuse, vous me corrigerez de nouveau si je me trompe, c'est déjà quelque chose qui est prévu depuis quelque temps par le règlement relatif aux carrières et sablières adopté en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement. Le ministère de l'environnement est très sévère vis-à-vis de l'émission de ces permis d'exploitation.

M. Garon: Mais il n'empêche pas le décapage des sols, vous l'avez vu à Saint-Amable, cet été.

Mme Laliberté: Oui, je suis d accord avec vous.

M. Garon: Le décapage s'est fait comme avant: alors, ceci, avec l'obtention du permis, a pour but d'empêcher le décapage des sols.

Mme Laliberté: Oui.

M. Garon: Excepté que vous ne pouvez pas imaginer toutes les situations possibles, alors on a dit que cela pouvait aller jusqu'au gazon. D'une façon générale, quand les gens prennent du gazon, ils ne prennent quasiment rien, mais quelqu'un pourrait interpréter cela et, par exemple, en prendre un pied en même temps. Alors, il s'agit simplement qu'il y ait un permis et les conditions d'opération vont être déterminées. Cela n'a pas pour but d'empêcher que vous preniez des agrégats.

M. Wagner: Je suis d'accord, parce que, dans la présente loi, je pense qu'il y avait un manque à cet effet. C'est pour cela que nous voulions ajouter l'article 3f qui donnait, en collaboration avec les ministères concernés, le ministère des Richesses naturelles et le ministère des Transports, la mission de trouver une formule qui soit réellement pratique et réaliste; j'appellerais cela une addition au projet de loi. A l'article 3f, c'est ce qu'on dit.

M. Garon: Oui, mais c'est large.

M. Wagner: Bien, c'est large...

Mme Laliberté: A moins qu'on ait la garantie, au niveau de la réglementation, je préférerais au niveau de la loi, remarquez bien... En fait, à l'article 70 on dit: "sauf dans les cas déterminés par règlement". Ce ferait une exception à cet article pour la personne qui n'aurait pas besoin de permis d'exploitation de la commission. Sans vouloir présumer du contenu de la réglementation elle-même, surtout vis-à-vis de cet article, en gros, que pourrait comprendre ce règlement? J'anticipe un peu...

M. Wagner: On ne voudrait pas oublier l'aspect des agrégats. Quand on imagine qu'il y a tant de millions qui se font par année, qui représentent peut-être $120 millions dans le rapport actuel, c'est une masse économique importante. Comment pourrait-on la contrôler? Par les gisements, les droits acquis? Pour ceux qui ont des carrières existantes, d'accord; mais on ne sait jamais quelle est la proportion du concassage temporaire. C'est cela qu'il va falloir prévoir.

M. Garon: Ils n'ont pas de droits acquis, ils ont six mois pour demander un permis après l'adoption de la loi.

M. Wagner: Oui, pour les existants, d'accord, mais je parle pour les nouveaux exploitants. Supposons qu'ils soient en conformité avec l'environnement, ils n'auraient pas de laps de temps assez long pour s'ajuster, pour pouvoir somissionner et exécuter les travaux aussitôt que possible. Comme je vous le dis, j'ai discuté sommairement avec des fonctionnaires des Richesses naturelles et du ministère des Transports et je pense qu'ils sont sensibilisés à ce problème. Ils ont dit: ...

M. Garon: Selon nous, cela n'a pas pour but d'empêcher... Vous parlez des agrégats, mais il s'agit surtout de la manière de les faire, de décaper les sols, par exemple. Je pense que cette loi va modifier les façons de mettre du gazon ou de la terre le long des routes; autrement, on va demander l'autorisation de semer le long des routes. Si on met six pouces ou un pied de terre le long des routes, on va demander de semer nos carottes et notre laitue là. A un moment donné, on va avoir transporté nos terres le long des routes.

J'ai remarqué que, quand on fait une route... L'autre jour je m'en allais vers le pont de Trois-Rivières. On était en train de faire de la construction et je voyais que l'on avait fait des tas de terre. Je me suis dit: Tiens, il font cela d'une façon qui a du bon sens, ils ramassent la terre et quand la route sera faite et ils vont recouvrir le tout. Au fond, il n'y a plus besoin de terre arable...

M. Wagner: Le problème actuel est de trouver une façon de pouvoir dégager rapidement les gisements qui se trouvent dans les zones désignées agricoles, qui ont été gelées à partir du 9 novembre 1978. Si on y regarde de plus près, on verra qu'il y en a plusieurs qui sont riches. Il y a Bedford, la région de L'Ange-Gardien... Alors, s'il y a un projet de construction qui s'en vient, il faut avoir un mécanisme; je ne dis pas immédiatement, mais le plus tôt possible. Ce qui est de valeur, c'est que les zones d'agrégats, qui représentent un gros volume, sont dans les zones désignées.

M. Garon: Oui, mais souvent, elles ne dérangent pas seulement l'agriculture, elles en dérangent d'autres. Par exemple, on est en train de gruger tranquillement le Mont-Saint-Hilaire. On ne dira pas un mot parce qu'on ne sème pas sur le Mont-Saint-Hilaire, mais il y en a d'autres qui ne veulent pas, à cause du paysage, de l'environnement. Au point de vue agricole — c'est absurde ce que je vais dire — on pourrait faire disparaître le Mont-Saint-Hilaire et cela ne nous dérangerait pas sur le plan agricole. Ce sont d'autres personnes qui s'occupent de cela; on ne s'occupe pas de la protection des sites, du paysage, mais plutôt de ce qui pourrait nuire à l'agriculture.

Je pense que, d'une façon générale, on ne sait pas où sont les sites d'agrégats. En fonction de tel projet, par exemple, vous dites: J'arrête le projet de route, je veux prendre tel site d'agrégats. Il serait difficile pour nous de dire: Voici tous les sites d'agrégats...

M. Wagner: Justement, notre article prévoit cela. Si vous ne savez pas où sont les sites, le ministère des Richesses naturelles le sait et le ministère des Transports le sait. Il faut absolument qu'il y ait une collaboration. Vous demandez aux corporations municipales d'établir les plans provisoires; on demande la même collaboration entre le ministère de l'Agriculture, le ministère des Richesses naturelles et le ministère des Transports afin de pouvoir établir des plans provisoires ou des zones d'agrégats.

Dans les zones gelées, actuellement, se trouvent des sites d'agrégats et c'est là qu'il faudra les prendre.

M. Chevrette : M. Wagner, à cause des plans triennaux et quinquennaux, on sait à l'avance quelles sont les voies d'accès qui seront refaites et les constructions de routes qui se feront. Peut-être craignez-vous le délai, c'est ce que j'ai pu comprendre dans votre intervention. Mais si c'était cela, à l'intérieur des délais prévus à cause de l'établissement des plans triennaux et quinquennaux au niveau du ministère des Transports, on a suffisamment de temps pour qu'il y ait entente entre les ministères à ce sujet.

M. Wagner: Je comprends. Pour le ministère des Transports, il y a peut-être moyen de régler cela, mais comme on dit, il ne faut pas se leurrer, le ministère des Affaires municipales est également impliqué en ce sens que les municipalités exigent, en faisant des égouts, etc., de remplir avec du sable ou avec une matière granulaire. Cela représente un volume X là aussi. Quand l'entreprise privée bâtit des centres commerciaux, des développements de maison, etc., cela demande encore du remplissage qui, normalement, est granulaire.

M. Chevrette: Sauf que la difficulté majeure ne vient pas nécessairement des agrégats, c'est beaucoup plus du sol arable en bordure des routes où il n'y a pas possibilité de décapage. Je prends, par exemple, une route qui serait construite dans une savane ou en montagne, il est évident que pour les bordures, cela prend du sol arable pour permettre l'ensemencement. J'ai bien compris cela de Mme Laliberté. A partir de là, cela représente un problème plus important au niveau de l'agriculture. Je pense que c'est un des problèmes auquel devra faire face le ministère des Transports; à l'aide des mécanismes qu'il y a là à l'intérieur de la loi, il devra s'entendre pour prévoir cela parce que nos plans triennaux et quinquennaux sont prévus en fonction des routes, de l'établissement et de la construction des routes.

M. Wagner: Admettez-vous que l'article qu'on suggère a sa place là?

M. Chevrette: Je ne sais pas si c'est votre texte intégral, mais je me rends compte que cela prend quelque chose.

Mme Laliberté: ... A l'intérieur des mécanismes prévus par la loi, on trouve qu'il n'y en a pas; c'est pour cela qu'on en suggère un mécanisme.

M. Chevrette: II n'y en a pas? Il y a des articles assez vastes qui permettent des échanges, parce que quand on dit que le ministère ou le gouvernement se considère comme une personne au sens de la loi, cela veut dire qu'on a les mêmes démarches à faire qu'un cultivateur ou qu'un promoteur domiciliaire ou qu'une municipalité qui établit son plan de zonage local. A partir de cela, si le ministère des Transports décide de construire l'autoroute 125 dans le nord du plus beau comté de la province, Joliette-Montcalm, il doit prévoir que cela lui prendra des agrégats, cela lui prendra des sols arables pour faire la bordure de la route. Comme je vous l'ai dit, c'est considéré dans la loi, peut-être pas aussi clairement que vous auriez aimé le voir...

Mme Laliberté: Vous admettrez que ce n'est pas tellement précis.

M. Chevrette: Je l'ai admis, je ne peux pas faire plus que cela, je vous dis que cela prendrait quelque chose de plus clair, mais il y a déjà quelque chose en ce sens.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président, je suis en mesure de comprendre les inquiétudes que vous avez concernant la capacité ou la possibilité rapide d'exploiter des bancs de gravier ou d'agrégats qui sont situés à des endroits où on va retrouver des chantiers, soit à caractère municipal, provincial, quels que soient les organismes qui requièrent cela. Je le comprends parce que lors de la construction d'autoroutes dans mon comté, il s'est toujours produit que les bancs de gravier ou d'agrégats qui avaient été retenus étaient couverts d'une couche de sol arable qui avait été repoussée par des béliers mécaniques. Vous savez, ils amoncellent cela en tas pour atteindre la partie du gravier ou du sable, mais vous retrouvez des couches à l'intérieur de ces bancs-là. (17 h 30)

Je crois que, dans le contexte de ce que nous avons chez nous, dorénavant, pour celui qui voudra exploiter un banc de gravier, au-dessus duquel repose une couche de sol arable, il va nécessairement falloir obtenir un permis de la commission, puisque la loi mentionne l'obligation de permis pour enlever la couche de sol arable, que ce soit du sol de types différents ou du sable. Souvent au-dessus des bancs de gravier on retrouve, du moins dans la région, on retrouve surtout une terre sablonneuse; c'est un sol léger, où se font les cultures maraîchères.

Mais, il est sûr que, dorénavant, si on était zoné dans une zone agricole permanente, il n'y aurait plus de possibilité de procéder, d'ouvrir ou de développer des bancs de concassé ou de gravier sans, au préalable, quelle que soit l'attitude du ministre des Transports ou de celui de l'environnement, obtenir une autorisation, un permis de la commission, pour retirer d'abord la couche de surface qui est du sol arable avant d'aller chercher le gravier ou le concassé qui est dessous.

Et vous voudriez que la loi prévoie ou ait une disposition...

M. Wagner: On a l'habitude dans la loi de pouvoir, comme on dit, discuter avec les personnes concernées, les ministères concernés. Deuxièmement, je présume que, par réglementation, ces choses-là pourraient être prévues, par exemple quand le ministère de l'environnement nous dit que premièrement si on exploite un gisement, il faut le reboiser, etc., qu'il faut avoir les pentes de telle manière; c'est déjà écrit dans le règlement. Alors, c'est pour cela qu'on insiste sur le fait d'avoir une ouverture dans la loi qui prévoirait, comme on dit, un genre de dialogue avec les autres ministères concernés, non seulement le ministère de l'Agriculture. Et de là, par réglementation, on pourrait établir les règles du jeu: le ministère de l'environnement, le ministère de l'Agriculture, etc. On pourrait dire s'il se trouve des couches granulaires, de sable, etc., sur une colline, pour l'enlever, pour enlever le pied, deux pieds de sol arable, le mettre de côté en tas, peut-être enlever la couche granulaire, replacer, reboiser, ensemencer; vous pourrez établir les règles du jeu.

M. Giasson: Vous êtes capable d'obtenir un permis par la loi 90, présentement, pour enlever la...

M. Wagner: Actuellement, non, parce que c'est gelé. Actuellement, ce serait gelé, normalement dans la zone désignée.

M. Garon: D'accord.

M. Wagner: Non, non, tout nouveau gisement est gelé.

M. Garon: Oui, mais à ce temps-ci de l'année, ce ne doit pas... On pelle plutôt de la neige que des agrégats.

M. Chevrette: Mais quand une route va passer à travers une zone verte, le ministère des Transports signe ces contrats. Il peut y avoir des modalités dans la réglementation, comme disait Me Riberdier, aussi. Il y a peut-être moyen de s'en sortir autrement.

M. Wagner: D'accord, cela, je l'ai mentionné, M. Chevrette. C'est quand le ministère fournit ces gisements, on va, comme on dit, se fier sur lui. Mais il arrive souvent qu'il dit: "Trouvez vos gisements vous-mêmes." Alors, c'est là qu'il va arriver, notre problème, parce que si cela avait été clair et net que le ministère fournisse toujours ces gise-

merits, on n'aurait pas le droit de venir ici défendre notre point, avec le ministère et les autres ministères, les villes.

M. Garon: Mais je dois parler avec le ministère des Transports et on va tenir compte de votre argumentation. Il ne s'agit pas d'arrêter non plus les entrepreneurs de routes et des grands travaux de trouver des agrégats. On va sûrement trouver une formule.

Vous avez déjà parlé à nos gens du ministère, je pense.

M. Wagner: Oui, j'ai parlé à quelqu'un de votre ministère.

M. Chevrette: Continuez de le faire.

M. Garon: Et d'autant plus, vous savez que le sous-ministre qui est chargé du dossier, M. Ther-rien, est lui-même ingénieur.

M. Wagner: C'est cela, oui.

M. Chevrette: Alors, on fera le point avec le ministère des Transports, monsieur. Je suis à côté de l'Agriculture et je suis adjoint aux Transports, alors, vous voyez qu'il y a moyen de s'entendre.

M. Wagner: D'accord. Alors, je pense que c'était le but principal, je voulais avoir une ouverture dans votre loi. La réglementation... Par la suite, vous pourrez peut-être en discuter ou, du moins, on pourra encore contester en temps voulu, quand les règlements seront soumis; j'espère qu'ils seront soumis bientôt. Je pense que Me Micheline Laliberté aurait peut-être quelque chose à dire sur le droit d'appel. C'est peut-être une répétition mais je pense que c'est encore important.

M. Laliberté: Justement, je n'insisterai pas trop longtemps parce que cela a déjà été mentionné par plusieurs personnes qui se sont présentées ici. Ensuite, je veux surtout parler de l'article 18 ainsi que des autres articles où il est mentionné que les décisions de la commission sont finales, donc sans appel et tout ce qui s'ensuit. Je crois que ce n'est pas sans favoriser les partisans du projet de loi ou ceux qui sont contre, mais je crois qu'il serait peut-être équitable pour tout le monde qu'il y ait un mécanisme d'appel prévu dans la loi. Je pense ici à un bureau de révision, avec composition directe, mais surtout des gens en révision qui ne seraient pas les mêmes que ceux qui auraient rendu la décision en première instance.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le Président, je vous remercie pour votre mémoire. Je suis bien d'accord, pour ma part, que vous ayez — enfin, à l'intérieur de la loi — les mécanismes nécessaires pour vous assu- rer des agrégats et des matières de base pour la construction de routes. Il y a quand même un point assez important au niveau du coût/mille pour construire une route, c'est celui des frais de transport. Je n'ai aucune idée du coût mille/tonne, mais vous devez avoir une bonne idée de cela et de l'influence de ce coût de transport sur la construction des routes.

M. Wagner: Quand on a réussi à sensibiliser le ministère des Richesses naturelles il y a deux ans, on lui a justement posé la question suivante: "Avez-vous déjà pensé, au lieu de fermer les carrières où les municipalités ont laissé la chance à tout le monde de se bâtir alentour, que les personnes qui résident à côté se plaignent ou ont raison de se plaindre?" Il dit: "Avez-vous déjà évalué, s'il faut fermer cette carrière et aller en chercher une, je ne sais pas moi, à 40 ou 50 milles... Imaginez-vous que la ville de Montréal ou que le ministère des Transports prennent des millions de tonnes. Quand on considère que chaque tonne additionnelle vaut $0.10 le mille, alors, 40 milles multipliés par $0.10 donne $4.00. Alors, imaginez que, quand c'est $0.10 le mille additionnel de transport, le nombre de tonnes que vous déplacez, c'est $0.10 le mille de transport.

M. Dubois: Je suis sûr que le ministre prendra en considération les deniers publics qui sont impliqués dans votre demande. Je vous remercie.

M. Garon: C'est pour cela que je le dis, si on prend la terre arable sur place, on va économiser de l'argent au lieu d'aller la chercher cinq milles plus loin. Si on la prend exactement dans l'emprise de la route, là où était la route...

M. Dubois: Je pense bien qu'on se comprend tous.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Huntingdon. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie Me Laliberté et M. Wagner pour leurs mémoires et j'inviterais maintenant les représentants de Québec-Téléphone... est-ce qu'ils sont présents dans la salle? Je pense qu'on n'a pas reçu de mémoire... Alors, si les représentants de Québec-Téléphone ne sont pas présents, j'appellerais immédiatement les représentants de Bell Canada. Merci.

M. Hubert Leroux, si vous voulez vous identifier de même que ceux qui vous accompagnent.

Bell Canada et Télébec Ltée

M. Leroux: M. le Président, M. le ministre de l'Agriculture, messieurs les députés, pour s'exprimer devant cette commission, Bell Canada et Télébec Ltée, sa filiale québécoise, ont choisi de déléguer, à ma droite, M. Claude Maillet, ingénieur, vice-président adjoint au rendement régional; à sa droite, M. Jean-Marie Huard, ingénieur divisionnaire aux plans et devis des lignes et à la construction; à l'extrême droite, M. Noël Sarrasin,

chef de secteur à l'administration et aux droits de passage et, à ma gauche, M. Roland Frenière, directeur de la coordination des services publics et moi-même, Hubert Leroux, notaire, attaché aux services juridiques de Bell Canada et secrétaire de Télébec.

Qu'il nous soit d'abord permis de remercier la commission d'avoir autorisé notre présence en ces lieux, afin de nous donner l'occasion de participer activement à la préparation d'un texte législatif qui crée déjà un impact sur les transactions immobilières présentes et futures de nos deux compagnies.

A l'instar d'autres intervenants qui se sont déjà prononcés sur le présent sujet, nous croyons qu'il est dans l'ordre des choses que le Québec franchisse dès maintenant cette première étape en vue de l'aménagement global de son territoire. Avant d'y arriver, il nous paraît important de vous faire part de certaines constatations qui risquent d'affaiblir le but recherché par un tel projet de loi.

Bell Canada et Télébec Ltée, pour dispenser le service aux abonnés, se doivent d'obtenir des droits de superficie, des servitudes et des permissions orales ou écrites, afin de construire et de maintenir leurs réseaux extérieurs. Toutefois, à cause des restrictions imposées par le projet de loi sur la protection du territoire agricole, quant à l'aliénation des sols, d'une part, et à leur utilisation, d'autre part, en milieu semi-urbain et rural, le processus administratif actuellement en place dans nos entreprises sera davantage alourdi par l'entrée en scène de la commission de protection du territoire agricole qui devra se pencher sur les cas de son ressort. Soit dit en passant, d'après nos calculs, le nombre annuel de demandes à être faites devant la commission de protection des terres se chiffre à 2000 pour la seule région agricole désignée par le décret de l'article 25.

Maintenant, si la loi, une fois en vigueur, s appliquait dans tout le Québec, nous devrions effectuer 2500 requêtes additionnelles en autorisation, chaque année, pour obtenir des droits de passage adéquats. Il va sans dire que par voie de conséquence, nous assisterons à l'introduction de nouveaux délais et coûts reliés à I application de cette loi, le tout au détriment de l'abonné. De plus, Bell Canada, consciente de son rôle auprès de la collectivité, s'est récemment engagée à améliorer sur une période de trois ans le service téléphonique dans tout le territoire non urbain du Québec. La législation proposée se dresse comme un obstacle à cette réalisation puisqu'elle prescrit une démarche supplémentaire chaque fois que Bell Canada, pour loger ses installations, voudra se porter acquéreur de lots de terre situés dans les périmètres arrêtés dans le projet de loi.

A ce seul chapitre, 3000 autorisations additionnelles pour chacune des deux années à venir seront nécessaires pour raccorder le réseau actuel à ses nouvelles constructions. Tous ces nouveaux délais et coûts s'ajoutent à ceux que vous connaissez fort bien et le fardeau retombe encore sur les épaules des abonnés dont vous êtes.

Bell Canada et Télébec Ltée, de par leur charte et lettres patentes respectives, pour la poursuite de leurs fins, ne sétant jamais vu confier le pouvoir d expropriation ou celui de contraindre les tiers à leur vendre des biens-fonds, sont ainsi empêchées de bénéficier, le cas échéant, des avantages exprimés à l'article 1589 du Code civil du Québec (inséré, à juste titre, comme exception par les concepteurs du projet de loi).

Pour toutes les raisons qui précèdent, nous croyons que le législateur devrait soustraire les organismes ou entreprises d'utilité publique, dont les deux nôtres, de l'application de la loi. Quant au moyen utilisé pour arriver à cette fin, nous avions envisagé de suggérer, à titre d'amendement, qu'un sous-alinéa d) soit ajouté au paragraphe 3 de I'article 1 qui définit le terme "aliénation ", afin d exclure de la catégorie des actes translatifs de propriété tous droits conférés ou à être conférés aux organismes ou entreprises d utilité publique.

Toutefois, comme la future législation se veut en plus un instrument réglementant I'utilisation du sol agricole, notre amendement s avérerait insuffisant en ce qu'il serait vain de nous porter acquéreur de droits réels et personnels si nos entreprises ne pouvaient, par la suite, utiliser de tels droits à une fin autre que l'agriculture.

C'est pourquoi, nous devons recommander qu un nouvel article soit ajouté au projet de loi tel que rédigé en annexe.

Je laisse à votre infinie sagesse le soin de trouver à cet article la niche qui lui conviendra.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Leroux.

M. Leroux: Je voudrais, pour bonifier ce que je viens de dire, permettre à mon collègue M. Maillet de vous entretenir quelque peu sur certaines considérations techniques.

Le Président (M. Boucher): M. Maillet.

M. Maillet (Claude): M. le Président, je serai très bref mais j'espère quand même, en très peu de mots, faire le point sur un problème particulier.

En 1977, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes demandait à Bell Canada de compléter son programme d amélioration du service en territoire rural pour la fin de 1980, soit une période de quatre ans en débutant en 1977. Bell Canada avait demandé un délai de cinq ans pour terminer ce programme. Le gouvernement actuel de la province de Québec avait décidé, lors d'audiences tenues devant le CRTC, qu'il se fasse plutôt en quatre ans et c'est ce qui fut retenu comme échéancier. (17 h 45)

Le coût total de ce programme sera d environ $260 millions dans la région du Québec. Jusqu'à maintenant, nous avons dépensé environ $105 millions. Il nous reste donc plus de $150 millions à dépenser en deux ans. Notre cédule de travail est excessivement serrée et tout retard occasionné par quelque raison que ce soit compromettra sérieusement notre objectif qui est de terminer ce

programme pour la fin de 1980. Déjà, à cause du projet de loi 90, nous n'avons pu obtenir les permis de construction nécessaires à l'instauration en territoire rural de huttes devant abriter de l'équipement.

Ce retard aura définitivement un impact immédiat sur le service des abonnés dans les territoires concernés. Ce qui nous inquiète davantage est le fait que nous ne savons pas quand nous pourrons reprendre nos travaux en ces endroits. Tout retard additionnel qui pourrait nous être imposé par le projet de loi 90 ne pourra être rattrapé à cause de notre programme déjà très comprimé, et le service à l'abonné en souffrira d'autant. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Garon: Voyez-vous, il ne faut pas nous prendre pour des malades. On ne peut pas vous empêcher de poser des poteaux à côté des maisons. Ce n'est pas le but de la loi, j'en ai l'impression, parce que... Par ailleurs, l'amendement que vous demandez est un peu large. Il s agit sans doute de prévoir justement une exemption automatique quand il s'agira d'aller poser un poteau à côté d une maison ou bien pour mettre un fil. Mais il y a une différence entre un poteau à côté d'une maison et un réseau de poteaux. Ce qu'on veut couvrir comme pour les lignes d'électricité, par exemple, ce sont des réseaux de poteaux; ce n'est pas le poteau à côté de la maison. C'est évident qu'on va prévoir quelque chose concernant cette question pour une plus grande sécurité. A l'étude article par article, on prévoira.

C'est toujours une exemption automatique quand il s'agit de poser un poteau à côté d'une maison, un fil ou une entrée de gaz à côté d'une maison, quelque chose comme ça. Mais j'ai l'impression qu'actuellement les appareils téléphoniques que vous devez poser doivent l'être dans l'ensemble du territoire qui n'est pas zoné parce que ce n'est pas là qu'y habite le plus de personnes. Dans le territoire qu'on a gelé, il y a des périmètres, il y a des villes. Le plus gros de la population doit rester à Montréal. Je n'ai pas l'impression qu'on vient de paralyser Bell Canada dans ses opérations. Normalement, d'ici Noël, la loi devrait être adoptée. On prévoira des amendements possiblement pour prévoir des exemptions automatiques dans des cas comme celui-là.

M. Maillet: Nous avons présentement des problèmes à certains endroits. On doit quand même réaliser qu'on a $155 millions à dépenser d'ici deux ans. C'est le plus gros programme jamais entrepris par Bell Canada, tous en territoire rural.

M. Garon: Je comprends, mais là, ce sont des réseaux.

M. Maillet: Oui. Ce sont des additions de poteaux.

M. Garon: Ce n'est pas un poteau à côté d'une maison, ces $155 millions. Cela ferait un joli paquet de poteaux.

M. Maillet: Non. C est un réseau complet.

M. Garon: J'ai limpression que ce sont des lignes.

M. Maillet: C'est cela.

M. Garon: Bon! Les lignes, cela va être comme les lignes de l'Hydro. Je vais vous dire bien franchement. Depuis plusieurs mois, l'Hydro et le ministre de l'Agriculture discutent ensemble du passage des lignes et ils s'entendent très bien. Mais il s'agit de placer les lignes aux endroits qui sont le moins dommageables. Vous avez l'habitude de poser cela le long des routes, vous autres, je pense. Normalement, ce n'est pas cela qu'on va empêcher. Là-dessus, je pense qu'il n'y aura pas de problème. On va prévoir quelque chose. D'ailleurs, vous avez déjà rencontré des gens de notre ministère, je pense.

M. Leroux: Pas encore. Pas à ma connaissance.

M. Garon: Pas encore? Le pourcentage de vos poteaux qui sont posés le long des routes.

M. Huard (Jean-Marie): Pour répondre à ceci...

M. Garon: Dans vos $155 millions, combien d argent...

M. Huard: J'espère que vous ne me demanderez pas de nommer les poteaux.

M. Garon: Non, non, mais là, vous nous parlez de $155 millions. On vient quasiment geler $155 millions.

M. Huard: Pour répondre sérieusement à votre question...

M. Garon: Dans vos $155 millions, il y a combien de poteaux le long des routes?

M. Huard: Je dirais que majoritairement parlant, nos alimentations sont le long des routes et cela comprend environ 80% des poteaux. Mais il reste, de fait, que dans le territoire rural vous avez des maisons qui sont éloignées de la rue même. Il nous faut aller jusqu'à faire du raccordement à la maison. Je dirais qu à peu près 80% des poteaux qu'on peut planter sont le long des routes.

M. Garon: Mais même quand la maison...

M. Huard: Encore là on doit avoir la permission du ministère des Transports pour poser nos poteaux le long des routes. Il arrive, à plusieurs occasions, lorsqu'il y a planification et que la route doit être élargie, qu'on est obligés d'aller sur la propriété privée, avec une permission verbale.

M. Garon: Mais vous savez qu'une maison qui est située près d'une route a, à toutes fins pratiques, un demi-hectare aux fins résidentielles. J'ai l'impression que les gens, surtout au Québec — on n'est pas en Floride — n'ont pas l'habitude de se mettre à un mille du chemin parce que cela coûterait cher d'entretien l'hiver. Or, ils sont assez proches du chemin et comme on considère qu'il y a à peu près un demi-hectare pour les services de la maison, il n'y a pas de problème pour poser le poteau. De toute façon, on va prévoir une disposition claire.

M. Huard: Je vous remercie infiniment de votre compréhension, mais on a un autre problème qu'on aimerait souligner, ici, à la commission. C'est le fait que nous sommes dans l'ère de la technologie et que nous avons beaucoup d'équipement électronique à placer dans des huttes qui ont l'air climatisé, qui sont chauffées, tout le "kit", si vous voulez. Pour installer ces dites huttes qui ont onze pieds sur onze pieds, on a besoin de terrains qu'on achète.

Je ne sais pas jusqu'à quel point la loi 90 peut occasionner des retards à l'achat de terrains pour y déposer les huttes et notre équipement électronique, qui peut coûter jusqu'à $200 000 ou $300 000.

M. Garon: Vous posez combien de huttes par année?

M. Maillet: En 1979, on prévoit en poser à peu près 125.

M. Garon: Vous posez cela l'été ou l'hiver? M. Huard: Douze mois par année.

M. Garon: Est-ce nécessaire que ce soit en bonne terre ou si cela peut...

M. Huard: Avec notre équipement électronique, on va principalement, M. le ministre, vers les concentrations: les villages, les parcs de roulottes, autrement dit, on suit l'expansion.

M. Garon: Alors, si vous êtes dans les concentrations, vous êtes à l'intérieur des périmètres, il n'y a aucun problème.

M. Maillet: Excepté que, présentement, on en a quatre qui sont bloquées à cause de cela. On en a quatre pour lesquelles, présentement, on n'a pas de permis de construction.

M. Garon: Elles sont à l'extérieur des villages? M. Maillet: Oui.

M. Leroux: II y en a quatre et le programme débute à peine. Quatre sur une cinquantaine, c'est un nombre quand même assez imposant.

M. Garon: Mais elles ne sont pas dans les concentrations si...

M. Leroux: Celles-là sont situées dans les parcs de roulottes.

M. Garon: Dans les parcs de roulottes?

M. Chevrette: Oui, mais quand vous installez votre hutte avec tout l'appareillage électronique, c'est parce qu'il y a déjà passablement de personnes d'installées?

M. Huard: Oui, c'est évident, mais il reste qu'on en a présentement quatre de retardées à cause de cela.

M. Garon: A quel endroit?

M. Leroux: A Saint-Lin, précisément.

M. Chevrette: Saint-Lin-des-Laurentides?

M. Garon: L'autre?

M. Leroux: Saint-Lin et Sainte-Julienne.

M. Maillet: Domaine Bélisle, à Saint-Lin; Domaine Meltour, à Saint-Lin; Domaine Lapierre, à Saint-Lin ainsi que Domaine Dumoulin, à Sainte-Juliennne.

M. Chevrette: Celui-là est dans mon comté. M. Maillet: Dans le beau comté!

M. Chevrette: Le dernier de Sainte-Julienne. Les trois autres sont dans le comté de M. Pa-rizeau.

Quand vous parlez des domaines en question, — je les connais tous les quatre — il y a déjà une concentration; c'est sûrement une mauvaise interprétation de la loi parce que, quand vous situez votre terrain à l'intérieur de la concentration domiciliaire, il n'y a pas de problème. Il y a déjà des édifices de construits...

M. Leroux: M. le député, est-ce que je peux me permettre d'ajouter que ce sont les corporations municipales qui refusent d'émettre des permis de construction?

M. Chevrette: A plus forte raison, cela prouve que c'est une mauvaise compréhension de la loi. Je leur ai expliqué la semaine passée qu'il n'y avait pas de problème là-dessus.

M. Leroux: Alors, que voulez-vous que l'on fasse?

M. Garon: Le terrain est-il déjà acheté?

M. Chevrette: II y a des droits acquis, il y a déjà des maisons qui y sont bâties.

M. Leroux: C'est en voie d'être complété.

M. Garon: Dans les quatre cas, le terrain est-il acheté?

M. Leroux: Il n'est pas acheté. M. Garon: Dans aucun cas?

M. Leroux: C'est-à-dire qu'il y a des promesses de ventes acceptées, mais qui ne satisfont pas la loi pour la simple raison qu'elles n'ont pas été enregistrées, comme la loi le veut, avant le 9 novembre.

M. Garon: Mais vous ne deviez pas commencer la construction tout de suite, si vous n'aviez pas encore acheté les terrains?

M. Leroux: Oui.

M. Garon: Vous achetez le terrain la veille des travaux?

M. Leroux: II faut dire que les ingénieurs sont bien entreprenants, ils s'amusent à construire avant que les titres soient chose faite.

M. Garon: Je pense que, normalement, cela devrait être clarifié assez facilement.

M. Chevrette: II n'y a aucune raison de refuser un permis, c'est bâti partout.

M. Huard: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: J'ai cru comprendre tout à l'heure, dans les explications que vous avez fournies en réponse au ministre de l'Agriculture, qu'il vous arrive parfois de devoir, pour l'installation de poteaux, procéder à l'achat de terrain; je présume que cela se négocie de gré à gré. Je suppose qu'à certains endroits, vous avez des lignes de poteaux qui peuvent s'implanter en dehors de l'emprise du ministère des Transports. Cela doit être des cas extrêmement rares, généralement les lignes de service — je ne parle pas des lignes maitresses — qui desservent une population rurale, on les retrouve à l'intérieur de l'emprise de la voirie ou de chemins municipaux.

M. Huard: Oui, généralement. Il reste qu'il y a des obstacles. Ce qui arrive, c'est qu'on fait une demande au ministère des Transports pour la plantation de poteaux, mais si le ministère refuse pour la simple et bonne raison qu'il prévoit un élargissement de la route, on est alors obligé de s'éloigner de la même route et d'aller sur les propriétés privées. La plupart du temps, on plani- fie avec le ministère pour connaître les limites de l'emprise de la nouvelle route et on essaie de s'en tenir à l'intérieur de l'emprise.

Il reste que, dans le territoire couvert du Québec, il y a des endroits où on n'a pas le choix et on est parfois obligé d'aller sur des terrains privés. C'est une question de courbes, par exemple, une question de ruisseaux ou des choses comme cela, ce qui fait que nous y sommes forcés. A cause d'un viaduc, par exemple, on est obligé de s'éloigner de l'emprise publique.

M. Giasson: Là où vous faites de l'enfouissement de fils, parce que vous avez commencé à développer cette technique...

M. Huard: On en fait, oui.

M. Giasson: ... devez-vous vous porter acquéreur de terrains sur des propriétés privées?

M. Huard: Non, on ne se porte pas acquéreur de terrains en ce qui concerne l'installation de poteaux ou de câbles, on adresse une demande verbale au propriétaire. Les câbles peuvent être enfouis dans un terrain sablonneux de 24" à 30" de profondeur qui sont, soit encore sous l'emprise publique ou la propriété privée, selon la location et les obstacles qu'on peut affronter.

M. Giasson: Pour procéder à l'enfouissement, devez-vous enlever une parcelle de la couche de sol arable?

M. Huard: Non, c'est enfoui directement. Ce sont des charrues qui enfouissent directement le câble et laissent une grande ouverture de 2 1/2 à 3", selon la largeur de la charrue.

M. Giasson: Vous n'avez pas besoin d'enlever la couche de surface?

M. Huard: Non, absolument pas. M. Giasson: Très bien.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Huntingdon, rapidement avant l'ajournement.

M. Dubois: Je n'ai qu'un seul commentaire. Je pense qu'on vient de vivre une justification de plus pour la commission provisoire que j'avais réclamée avant même la deuxième lecture du projet de loi. Du côté ministériel, on a souri quand j'ai dit qu'il y aurait un gel économique. Je pense que c'est un exemple frappant qu'on a eu aujourd'hui et que cela dénote un manque de vision du gouvernement de ne pas avoir institué cette commission provisoire. C'est tout ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Leroux ainsi que tous ceux qui l'accompagnent et qui représentent Bell Canada. Merci beaucoup.

M. Huard: Merci. M. Leroux: Merci.

Le Président (M. Boucher): Etant donné qu'il est 18 heures, nous allons suspendre les travaux de la commission jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 17 h 59

Reprise de la séance à 20 h 19

Le Président (M. Boucher): A Tordre, s'il vous plaît!

Au nom des membres de la commission, je souhaite la bienvenue aux représentants de la société d Etat qu'on peut appeler le gazoduc transcanadien — je n'ai pas d idée comment on peut dire "pipelines "...

M. Janin: Les pipe-lines transcanadiens.

Le Président (M. Boucher): ... appelons cela les pipe-lines. Alors, si vous voulez vous identifier et identifier les gens qui vous accompagnent.

TransCanada PipeLines

M. Janin: M. le Président, je m appelle Alban Janin, je suis avocat au service du contentieux de TransCanada; à ma droite, M. Doug Calder qui est directeur des acquisitions de droits de passage et de l'environnement de TransCanada, et cela, depuis la fondation de notre compagnie; à ma gauche, M. Roger Sénécal, qui est chef de district des affaires foncières.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, je désire, au nom de TransCanada PipeLines vous remercier de nous avoir donné l'occasion aujourd'hui de faire valoir notre point de vue et notre intérêt relativement au projet de loi no 90 intitulé Loi sur la protection du territoire agricole.

TransCanada PipeLines est une entreprise d'utilité publique, qui a été consituée en 1951 par une loi spéciale du Parlement du Canada et qui a été continuée à titre de compagnie par lettres patentes émises en 1972.

TransCanada exploite présentement un gazoduc à grand diamètre depuis la province d'Alberta, alimentant les provinces de la Saskatchewan, du Manitoba, de lOntario et du Québec jusqu à Montréal, avec raccordements à la frontière internationale près d Emerson au Manitoba, de Sault-Sainte-Marie, de Sarnia et de Niagara Falls, en Ontario et de Philipsburg, au Québec, tel qu'en témoigne le tracé qui vous est soumis à l'annexe 1.

Le 4 avril 1978, TransCanada déposait une requête auprès de I'Office national de lénergie proposant de prolonger son gazoduc jusqu à la ville de Québec. Ce projet correspond à un des objectifs de la politique québécoise de lénergie telle qu'énoncée en juin dernier dans le livre blanc intitulé "Assurer l'avenir". Je cite un extrait que vous retrouvez aux pages 62 et 63: "II faudrait... prendre les dispositions requises pour assurer le transport du gaz depuis Montréal jusqu en divers points de livraison dans l'axe Montréal-Québec. Il y aurait naturellement avantage à ce que le développement des infrastructures de transport au Québec se fasse assez rapidement".

Parfaitement conscient de tous les avantages qu'offre le gaz naturel, le ministre délégué à l'Energie, M. Joron, énonçait l'intention du gouvernement de favoriser l'accroissement de la part du gaz naturel dans le bilan énergétique québécois tel qu'en fait foi le passage suivant, et je cite encore une fois: "Les qualités particulières du gaz naturel comme facteur d'industrialisation, ses caractéristiques de propreté au niveau du transport et de combustion ainsi que la sécurité des approvisionnements de gaz naturel en font une forme additionnelle d'énergie avantageuse pour le Québec dans la transition énergétique qui s'amorce. "Pour ces raisons, le gouvernement entend favoriser un rôle accru du gaz naturel dans la satisfaction des besoins énergétiques du Québec". Fin de la citation.

Le tracé que prévoit emprunter TransCanada dans l'axe Montréal-Québec est entièrement situé dans la région agricole désignée, telle qu'identifiée à l'annexe A du projet de loi no 90. Conséquemment, TransCanada sera touchée et sérieusement affectée par les dispositions de ce projet de loi dans sa version actuelle.

Tout en souscrivant aux objectifs et à la philosophie du projet de loi no 90, TransCanada désire soumettre à cette commission que, d'une part, la mise en place et l'exploitation en terres agricoles de canalisations souterraines servant au transport du gaz naturel n'entraînent pas l'aliénation de la vocation et du caractère essentiellement agricoles de ces terres et que, d'autre part, l'assujettissement des activités de TransCanada aux contrôles administratifs envisagés par ce projet de loi entraînerait un accroissement indu du fardeau de réglementation auquel nous devons déjà faire face.

La gazoduc de TransCanada, actuellement, tel qu'il existe, traverser au-delà de 6000 propriétés sur une distance de 2470 milles. Plus de la moitié de ces propriétés sont des terres agricoles. Les soins pris lors de la mise en place de nos canalisations souterraines ont permis de conserver à ces terres leur vocation agricole sans aucunement réduire l'aire de culture, ni le rendement de ces terres.

Une brève description de la procédure et des techniques de mise en place des canalisations souterraines servant au transport du gaz naturel permettra d'évaluer l'impact d'une telle opération en milieu agricole, et nous permettra, en même temps, d'illustrer les points que nous désirons vous soumettre aujourd'hui.

Le prolongement du gazoduc jusqu'à la ville de Québec nécessitera l'acquisition d'un droit de passage sur une emprise ayant 75 pieds de

largeur. Ce droit de passage s'acquiert normalement au moyen d'un acte de servitude au terme duquel le propriétaire de la terre consent à TransCanada le droit de mettre en place et d'exploiter ces canalisations souterraines et s'engage aussi à ne pas construire sur l'emprise du gazoduc. Cette procédure permet au propriétaire de conserver son titre de propriété sur l'emprise ainsi que l'usage et la jouissance de la terre, y compris, évidemment, l'emprise du gazoduc.

Lors de la mise en place des canalisations, le sol arable est d'abord retiré de toute surface susceptible d'être dérangée durant l'exécution des travaux et ensuite réservé le long de l'emprise et gardé séparé de cette partie du sous-sol qui devra aussi être excavée. Les canalisations sont par la suite déposées dans la tranchée de manière à assurer une couverture de quatre pieds afin de ne pas gêner l'agriculture et le drainage des terres.

La tranchée est maintenant remblayée, le sol arable qui avait été réservé est répandu en surface de manière que l'emprise soit restaurée dans son état original. Le sol arable est finalement labouré, fertilisé et ensemencé par des équipes spécialisée.

Le résultat de ces opérations peut être visualisé sur les photographies présentées à l'annexe 2.

Brièvement, dans une première photographie, nous illustrons le remplacement de drains agricoles. C'était un des cas où il a été jugé préférable de les remplacer et de ne pas garder les drains qui existaient. Dans la plupart des cas, on garde les drains, mais, dans certains cas, de remplacement s'impose, alors, on le fait à nos frais.

La deuxième photographie vous montre l'emprise immédiatement après la fin des travaux. Alors, vous voyez en plein centre l'emprise du gazoduc qui a déjà été fertilisée, mais, en fait, c'est pris immédiatement après, la semence a été faite, mais on ne voit pas encore les pousses.

La troisième photo vous montre une emprise deux mois après la fin des travaux.

La quatrième photo vous montre une récolte de sarrasin après les travaux qui avaient été exécutés l'hiver précédent. Si ce n'était pas du poteau, on ne pourrait pas le discerner.

La cinquième photo vous montre un pâturage après la fin des travaux.

L'exécution de ces travaux interrompt la culture du sol pour une période relativement courte, qui varie de un à trois mois, suivant les conditions météorologiques et géologiques. Il est à noter qu'il arrive fréquemment que ces canalisations soient mises en place l'hiver alors que le sol est gelé. Cette pratique réduit d'autant les perturbations du sol et permet d'éviter l'interruption des activités agricoles sur l'emprise. Une fois les activités agricoles reprises, TransCanada fait appel aux services d'experts qui surveilleront le rendement de ses terres. Si des mesures correctives s'imposent, TransCanada en assume la pleine responsabilité.

Nous devons vous souligner que les activités de TransCanada sont soumises au pouvoir de contrôle et de réglementation de l'Office national de l'énergie. L'article 46 de la Loi sur l'Office national de l'énergie stipule: "L'office peut, selon les modalités et conditions qu'il estime convenables et exprimées dans un certificat ou autrement, ordonner à une compagnie de prendre les mesures qui peuvent être nécessaires au cours de la construction de son pipe-line et, après celle-ci, pour remettre en état tout terrain qui emprunte son pipe-line et enlever, conserver et, après la construction de son pipe-line, replacer la couche de terre végétale sur tout terrain qu'emprunte le pipe-line".

Une attention particulière mérite d'être accordée au règlement sur les gazoducs édicté en vertu de l'article 39, paragraphe 2, de la Loi sur l'Office national de l'énergie et dont le texte apparaît à l'annexe 3 des présentes.

Pour faciliter la lecture de l'annexe 3, j'ai souligné, en marge, les articles les plus pertinents et je laisse à votre discrétion et à votre loisir de les lire. Il s'agit plus particulièrement de l'article 69 et des articles de la deuxième partie.

A la lecture des articles de la partie II de ce règlement et de l'article 69, l'on constate que TransCanada est déjà astreinte à des mesures de préservation de l'environnement et de protection du territoire agricole élaborées et extrêmement sévères. Tout en reconnaissant la valeur et le bien-fondé de ces mesures et tout en acceptant de s'y soumettre, TransCanada désire éviter le dédoublement des contrôles administratifs pour les mêmes fins.

La répercussion du projet de loi no 90 sur les activités de TransCanada PipeLines. Nous croyons que, si le projet de loi no 90 devait être adopté dans sa forme actuelle, il en résulterait de sérieux inconvénients pour les entreprises d'utilité publique responsables de la mise en marché et de la distribution du gaz naturel au Québec. (20 h 30)

Les délais et les coûts additionnels qu'occasionnerait l'obligation de se soumettre à des contrôles administratifs supplémentaires, voire répétitifs, auraient des répercussions défavorables sur la pénétration du gaz naturel au Québec et sur les situations concurrentielles face aux autres sources d'énergie et plus particulièrement au pétrole.

Il est à craindre que tout projet d'envergure destiné à servir l'intérêt public, tel un prolongement du gazoduc au Québec, soit ainsi retardé et que, par voie de conséquence, les usagers éventuels de cette source d'énergie se voient privés de ce service pour une plus longue période.

Comme nous l'avons mentionné, notre compagnie est déà soumise aux pouvoirs de contrôle et de réglementation de l'Office national de l'énergie. Compte tenu de la célérité des exigences et des contrôles réglementaires auxquels TransCanada est déjà astreinte, nous doutons que l'application du projet de loi no 90 à nos activités aurait pour effet d'assurer une meilleure protection du territoire agricole.

Il nous apparaît que dans de telles circonstances, la balance des inconvénients milite en faveur de la création d'une exemption en faveur de TransCanada PipeLines.

M. le Président, à ce point, j'aimerais souli-

gner que l'exemption que nous mentionnons ici n'est pas une exemption de la personne morale de TransCanada, mais une exemption de certaines activités seulement. Je développerai ce point plus tard.

Certains commentaires sur certains articles de la loi. Tout d'abord, au premier article, les sous-alinéas 3 et 8 et l'article 29.

De la définition des termes "aliénation " et "lot" donnée à l'article premier et de l'emploi de l'expression "droit réel immobilier" à l'article 29, TransCanada a conclu que l'acquisition d'un droit de passage, par voie de servitude sur le territoire agricole, serait soumise aux pouvoirs de contrôle de la Commission de protection du territoire agricole du Québec.

Si telle n'était pas l'intention du législateur ou du rédacteur, nous sommes d'avis qu'un amendement exemptant de l'application du présent projet de loi l'acquisition d'un droit de passage ou d'une servitude aurait pour effet d'enrayer toute ambiguïté qui, autrement, pourrait exister.

Toutefois, si telle était l'intention du législateur, nous prétendons qu'une telle exigence risquerait d'entraîner la multiplication des procédures devant la commission et l'Office national de l'énergie, jusqu'à ce que les décisions de ces deux organismes administratifs concordent.

Nous craignons plus particulièrement la situation suivante où, avant d'aller devant l'Office national de l'énergie cet été, nous nous verrons contraints d'obtenir du gouvernement, de la commission, les autorisations requises. L'office, tout en respectant les autorisations que la province accordera alors, et en les acceptant comme telles, pourrait, pour d'autres raisons, demander un nouveau tracé. Nous serions, à ce moment-là, obligés de revenir devant la commission pour faire approuver ce nouveau tracé et retourner devant l'Office national de l'énergie. Les délais pourraient ainsi s'étendre jusqu'à une période de deux ans.

Les articles 26, 58, 59, 60 et 62. Les articles 26 et 62 prévoient que la commission peut autoriser un requérant à utiliser un lot agricole à une fin autre que l'agriculture. Nous soumettons que l'application de cette exigence à TransCanada aurait aussi comme conséquence d'entraîner la multiplication des procédures devant la commission et l'Office national de l'énergie jusqu'à ce que les décisions de ces deux organismes administratifs concordent.

Les articles 58, 59 et 60 exigent, dans le cas d'une autorisation recherchée pour un lot situé dans une zone agricole, que la demande soit soumise à l'examen et au pouvoir de recommandation de la corporation municipale concernée avant qu'en soit saisie la commission. De plus, tant la commission que la corporation municipale sont autorisées à tenir des audiences publiques pour leurs fins respectives.

Nous soumettons que le privilège et les pouvoirs ainsi conférés aux corporations municipales aggravent la situation que nous déplorions déjà dans nos commentaires sur les articles 26 et 62.

Nous ne soumettons pas une exemption soit d'une application à la commission ou à une corporation municipale, nous soulignons tout simplement qu'il y a un double contrôle et si contrôle il devait y avoir, nous demandons qu'il y en ait un seul.

L'article 18 confère à la commission le pouvoir de réviser ou de révoquer toute décision ou ordonnance dans les six mois de la date où elle a été rendue. Cette disposition, si elle devait subsister dans sa forme actuelle, empêcherait TransCanada de procéder à l'exécution de travaux autorisés par la commission avant l'expiration de ce délai de six mois, car autrement TransCanada risquerait, advenant le renversement d'une telle décision, de subir des pertes considérables.

Si ce pouvoir de révision devait être maintenu, nous soumettons qu'il y aurait avantage à en limiter l'exercice aux cas de demandes à cet effet, logées auprès de la commission dans les trente jours qui suivent la décision.

Relativement à l'article 66, si le législateur refusait de soustraire à l'application du projet de loi no 90 les actes posés par les entreprises d'utilité publique dans la mise en place et l'exploitation de canalisations souterraines, nous soumettons qu'il y aurait avantage à ajouter à celles déjà contenues à l'article premier une définition d'"en-treprise d'utilité publique" et d'exempter de l'application de certaines dispositions du projet de loi no 90 ces entreprises d'utilité publique. L'expression "entreprise d'utilité publique", si elle était ajoutée à la fin du premier paragraphe de l'article 66, permettrait au gouvernement, après avoir pris l'avis de la commission, d'exclure un lot ou une partie de lot d'une zone agricole pour les fins d'une compagnie d'utilité publique.

Encore une fois, si le législateur refusait de soustraire à l'application du projet de loi no 90 les actes posés par les entreprises d'utilité publique dans la mise en place et l'exploitation de canalisations souterraines, nous soumettons qu'il y aurait avantage à ce que toute demande ou requête soit traitée par préséance et avec toute la diligence humainement possible. Nous soumettons que la mise en place et l'exploitation, en terres agricoles, de canalisations souterraines servant au transport du gaz naturel n'entraînent pas l'aliénation de la vocation essentiellement agricole de ces terres et, par voie de conséquence, ne constituent pas une entrave aux objectifs du projet de loi no 90.

Par contre, l'assujettisement des activités de TransCanada aux dispositions du projet de loi no 90 entraînerait un accroissement indu du fardeau de réglementation auquel nous devons déjà faire face et une répétition des contrôles administratifs auxquels TransCanada doit déjà se soumettre en vertu de la Loi sur l'Office national de l'énergie et ses règlements.

Nous soumettons que la situation dans laquelle se retrouve TransCanada face au projet de loi no 90 est particulière sinon exceptionnelle.

Nous demandons, par conséquent, que nous soyons soustraits de I'application du projet de loi no 90 et que, plus particulièrement, nos activités

relatives à l'acquisition de droits de passage, à la mise en place de canalisations souterraines seulement et à l'exploitation et l'entretien de ces canalisations, soient exemptées.

Alternativement, nous vous demandons de prévoir pour les entreprises d'utilité publique un régime spécial qui, d'une part, assurerait la protection du territoire agricole, et, d'autre part, permettrait aux usagers éventuels de gaz naturel d'avoir accès à cette source d'énergie aussitôt que possible.

J'aimerais pour vous laisser sur ces chiffres que nous avons ici... L'emprise du gazoduc sur l'axe de Montréal-Québec aurait une superficie de 2000 acres. Nous devrions traverser 42 municipalités et nous devrions faire affaires avec 843 propriétaires sur 1878 lots. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Janin. M. le ministre.

M. Garon: Je peux vous dire qu'on a eu un cas semblable. On a commencé, de façon informelle avec l'Hydro, et des cas qui doivent passer par le Conseil des ministres; on a demandé l'opinion du ministère de l'Agriculture. Je ne me rappelle pas pour quelle distance, je me demande si ce n'était pas une vingtaine de milles. Cela a été accepté en dedans d'une semaine, parce que, comme vous dites, dans votre cas, il s'agit d'une façon de faire qui, habituellement... J'ai vu un cas jusqu'ici, depuis un an de pose de tuyau pour le gaz, et cela a été une approbation rapide, en dedans d'une semaine. On va regarder cela. Vous posez plusieurs hypothèses, mais le but n'est pas de vous empêcher de poser vos tuyaux, surtout à quatre pied dans le sol, parce qu'on ne laboure jamais si creux que cela, sauf dans l'Abitibi quand on enterre les arbres en même temps. A ce moment-là, je pense qu'on peut sûrement trouver des dispositions, soit dans la loi, soit dans les règlements, pour qu'on ne vous crée pas d'embêtements inutiles, parce que le but n'est pas de créer des embêtements, c'est de protéger la terre. Si la pose de vos tuyaux ne pose pas ce problème, alors...

M. Janin: Si vous le permettez, les craintes que nous avons sont particulières au moment de ce que nous appelons la troisième phase, c'est-à-dire la phase de la zone agricole. C'est à ce moment que nous devons d'abord placer nos demandes devant les différentes municipalités; alors, il y a une fragmentation d'une procédure administrative qui, à ce moment, alourdit le processus. Il y a évidemment des délais de trois mois et il y a lieu de croire que ces demandes sont déposées en même temps. Trois mois après que les corporations ont fait leurs recommandations, la commission en est alors saisie et rend sa décision. Nous aimerions et nous suggérons que, dans des cas semblables, s'il est impossible ou si le gouvernement croit ne pas devoir exclure les entreprises d'utilité publique dans certaines circonstances... Et j'insiste sur les certaines circonstances, parce que, si jamais nous devions acquérir du terrain agricole, l'acheter, l'aliéner, M. le ministre, nous ne sommes pas ici pour faire des représentations selon lesquelles nous devrions être exemptés. On parle simplement d'un droit de passage: on parle d'une servitude. Il y a aussi l'exécution de la décision que rendrait la commission: les six mois de l'article 18 nous obligent à mettre cette décision au tiroir pendant six mois avant de commencer l'exploitation.

M. Garon: Actuellement, quand vous faites vos poses de tuyau, vous discutez uniquement avec l'agriculteur du droit de passage; vous n'allez pas à la municipalité du tout.

M. Janin: Nous discutons avec l'agriculteur. C'est une discussion qui se fait de gré à gré. Cela a été une procédure qui, pour TransCanada, a donné des résultats merveilleux. On a quasiment pas eu d'expropriations dans notre histoire; cela n'a jamais été nécessaire, sauf, je pense, dans six cas sur toute la distance et c'étaient des points qui se sont réglés avant même qu'une décision soit rendue par les tribunaux.

M. Garon: Est-ce que vous en discutez avec la municipalité ou si vous ne le faites jamais?

M. Janin: Je vais demander à M. Sénécal de répondre à cette question, il est plus familier que moi avec la procédure suivie.

M. Senécal (Roger): Nous procédons simplement. Nous envoyons une lettre au conseil municipal dans laquelle nous disons que nous passons un tuyau de gaz à travers les propriétés ci-décrites et puis, nous demandons tout simplement la permission et, la plupart du temps, cette permission nous est accordée. Après cela, c'est la discussion entre le cultivateur et la compagnie TransCanada.

M. Garon: Arrive-t-il parfois que des gens se réunissent au niveau d'une municipalité ou d un endroit parce qu'ils ont peur d'avoir des conduites de gaz sur leur territoire?

M. Senécal: Non, pas à ma connaissance.

M. Garon: Je vous remercie infiniment d'être venus nous présenter votre mémoire et les solutions que vous envisagez, on va les étudier avec soin, vous pouvez en être sûrs. (20 h 45)

M. Janin: On vous remercie.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Bonsoir M. Janin, M. le Président. Je crois que pour une première fois, nous recevons un organisme qui a une expérience pratique, vécue non seulement au Québec, mais également dans d'autres provinces. Le gazoduc que vous exploitez s'étend de la province de l'Alberta, sauf

erreur, passe par la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario et vous avez un tuyau qui passe même par les Etats-Unis pour entrer au Canada, je pense. Evidemment, pour une telle installation, vous avez dû franchir des distances fort importantes et je présume que vous avez traversé un grand nombre de fermes.

M. Janin: C'est exact.

M. Giasson: Cette expérience que vous avez vécue dans d'autres provinces, premièrement, avez-vous eu à traverser des territoires qui étaient sous contrôle d'une forme de protection de zonage?

M. Janin: Oui, c'est arrivé et nous n'avons eu aucune difficulté.

M. Giasson: Vous n'avez eu aucune difficulté, mais tout de même, l'organisme qui veillait au contrôle de protection a certainement posé des conditions, sans connaître les législations qui étaient en vigueur dans ces provinces.

M. Janin: Voici ce qui est arrivé dans le cas des autres provinces. Les règlements de l'Office national de l'énergie étaient tellement sévères que les normes exigées étaient supérieures à celles que les gouvernements provinciaux exigeaient. Alors, en satisfaisant les normes que nous imposait l'Office national de l'énergie, on se trouvait en même temps à satisfaire celles des gouvernements provinciaux. Alors, c'était une façon qui nous a permis de régler les problèmes.

M. Giasson: Mais vous allez peut-être vivre une expérience différente si le Québec n est pas une province comme les autres.

Dans cette acquisition de droit de passage, vous est-il arrivé parfois de devoir acquérir, acheter certains terrains à la suite d'une objection que vous auriez pu subir de la part de ces propriétaires de terrains dans le parcours ou l'itinéraire que devait suivre le gazoduc?

M. Garon: C'est vrai qu'on n'est pas comme les autres. On a encore des libéraux.

M. Giasson: On a le PQ que les autres n'ont pas non plus.

M. Garon: Peut-être qu'ils aimeraient cela.

M. Giasson: Ah oui! Beaucoup! Il y a la Colombie-Britannique qui a essayé et elle s'est dépêchée de changer cela.

M. Janin: C'est arrivé, M. Giasson, dans cinq cas et c'étaient des cas où le propriétaire tout simplement préférait qu'on achète sa terre. Il disait: Prenez-la. Parce qu'à ce moment-là il disait: Je ne veux pas vous donner un droit de passage parce que vous allez m'offrir tant, mais si je vous donnais toute la terre, est-ce que vous m'offririez plus? Alors, on va vous donner un peu plus. Parfait, prenez-la parce que, de toute façon, je ne veux pas m'en servir. Les autres cas où on doit acheter sont des cas où on doit installer des stations de compression et des stations de mesurage. Dans ces cas-là, nous devons acquérir le terrain parce que là, il est question de structures qui sont sur le sol.

M. Giasson: Dans les provinces où vous avez acquis des terrains, est-ce que vous avez toujours négocié directement avec les propriétaires individuellement ou s'il vous est arrivé, parfois, de retrouver des propriétaires soit de terres agricoles, ou d'autres secteurs d'activité qui eux fonctionnaient sur une base collective, c'est-à-dire qu'ils s'étaient regroupés, quel que soit l'organisme, en retenant les services de spécialistes, de procureurs ou...

M. Janin: Non, jamais de problèmes semblables.

M. Giasson: Vos négociations se sont toujours faites sur une base individuelle entre la compagnie et le propriétaire du terrain.

M. Janin: C'est exact.

M. Giasson: J'ai cru comprendre, à la lecture de votre mémoire, que l'Office national de l'énergie vous imposait des obligations sur la façon de faire vos installations sur les terrains et surtout vous obligeait à remettre ce terrain dans des conditions acceptables aux propriétaires. Est-ce qu'il s'est produit parfois, à la suite de la pose ou des installations, qu'il y ait des producteurs agricoles dans ces régions que vous avez traversées qui ne soient pas satisfaits de l'état du terrain dans lequel vous l'avez laissé?

M. Janin: Ce n'est pas une question d'un propriétaire qui n'était pas satisfait de l'état du terrain. C'est arrivé dans certains cas et cela dépend encore des récoltes où le terrain a été restauré, où nous avons suivi la procédure que j'ai décrite, mais où il y a eu certains ajustements à faire à la terre. Alors, soit que le propriétaire nous appelle, ou soit que notre spécialiste qui, de toute façon, se rend tant de fois sur les terres durant les années qui suivent la mise en place du pipe-line, s'en aperçoive et les mesures correctives sont immédiatement adoptées et la situation est corrigée. C'était simplement des cas de rendement de terres où le rendement de la terre était légèrement diminué. Ce sont des problèmes mineurs et cela représente un pourcentage infime, mais c'est déjà arrivé. Si vous demandez si c'est déjà arrivé, je ne peux pas vous dire que ce n'est jamais arrivé. Pas sur la longueur de notre pipe-line, ce n'est pas possible, on traverse la moitié du pays.

M. Giasson: Vous avez la conviction profonde de ne pas modifier, après les installations et la remise en place de la terre, la structure du sol et

de ne pas déséquilibrer les conditions telles qu'elles étaient avant que vous ne fassiez les installations.

M. Janin: Je m'excuse, M. Giasson, je pense...

M. Giasson: Je vous ai demandé si vous aviez une conviction absolue d'avoir remis le sol sur lequel vous aviez fait du travail... Naturellement, je présume que vous faites une tranchée. Donc, vous déplacez beaucoup de terre, une couche de surface et du sol plus en profondeur. Avez-vous la conviction absolue de ne pas avoir déséquilibré les conditions de ce sol à la suite des formes de traitement que vous donnez après la fermeture de cette tranchée?

M. Janin: Absolument, et j'aimerais ajouter que, dans bien des cas, on l'a amélioré. A tel point que vous remarquerez, si je peux faire référence à l'exhibit 1 ou à l'annexe 1, que, de la frontière de l'Alberta jusqu'à Emerson, vous voyez quatre lignes. Evidemment, ces lignes ont été construites l'une après l'autre. Lorsq'on repassait et qu'on allait revoir les propriétaires, certains de ces propriétaires étaient heureux de nous revoir, parce que le pipe-line avait des effets bénéfiques sur leur récolte.

M. Giasson: Parce que vous aviez décompacté ce sol ou...

M. Janin: Pace que le sol avait été décompacté, avait été travaillé. Il y en a même qui nous ont dit que, parce que le pipe-line dégageait de la chaleur, la terre produisait une semaine ou deux de plus, et que cela créait aussi de l'aération. Je ne cite pas ça comme une règle générale, comme quelque chose qui arrive tout le temps, mais il y a beaucoup de cas où certains nous l'ont mentionné et ils étaient bien fiers dé nous revoir.

M. Giasson: S'il y avait bris de vos conduites ou fuite de gaz, quels sont les inconvénients qui peuvent en découler pour les propriétaires de ces terrains?

M. Janin: S'il y avait bris, évidemment, la récolte qui se trouve en surface serait perdue. Mais le propriétaire serait immédiatement dédommagé par TransCanada. Cela a toujours été une politique, de s'arranger pour que le propriétaire ne souffre d'aucun inconvénient pécuniaire lors de notre passage.

M. Giasson: Vous avez commencé l'installation de votre réseau après 1951 ?

M. Janin: En 1957.

M. Giasson: En 1957. Parce qu'au départ, c'était une société de la couronne qui a eu des...

M. Janin: Non, ça n'a jamais été une société de la couronne, c'a été une...

M. Giasson: Entreprise temporaire.

M. Janin:... corporation créée par loi spéciale, mais sans être une société de la couronne.

M. Giasson: Depuis que vous l'exploitez, est-ce que vous avez dû faire face à des réclamations venant de fermiers, pour des dommages résultant de bris?

M. Janin: Vous me parlez de réclamations judiciaires ou des réclamations de gré à gré? C'est déjà arrivé...

M. Giasson: De gré à gré.

M. Janin: ... qu'il y ait eu des bris, évidemment, le fermier faisait sa réclamation, il n'y a jamais de problèmes, on paie.

M. Giasson: Cela s'est toujours traduit uniquement par des pertes de récoltes, il n'y a pas eu de pertes d'animaux.

M. Janin: C'est arrivé six fois.

M. Giasson: Des récoltes seulement.

M. Janin: Non, où il y a eu des animaux qui ont été tués.

M. Giasson: Pas de pertes de vies humaines.

M. Janin: Pas de pertes de vies humaines, non.

M. Giasson: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. J'avais plusieurs questions qui allaient dans le même sens que celles posées par le député de Montmagny-L'Islet. Il ne me reste plus beaucoup de remarques à amener. Je crois bien quand même qu'à l'effet de ne pas alourdir les procédures, il serait peut-être souhaitable que TransCanada, ainsi que d'autres compagnies de services publics puissent intervenir directement avec la commission, afin de ne pas alourdir les procédures. Je pense bien que ces compagnies devraient être des interlocuteurs privilégiés avec la commission ou les commissions selon ce qui va être formé. Je pense que le ministre ne devrait pas avoir beaucoup d'objections dans ce sens, en tout cas, je l'espère.

C'est la seule remarque que j'avais à faire, parce que le député de Montmagny-L'Islet a vidé mes questions. Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Est-ce que vous avez eu beaucoup de conflits avec les municipalités ou les produc-

teurs agricoles sur les propriétés desquels vous avez dû passer?

M. Janin: Non.

M. Lavoie: Vous avez un bon service de relations publiques.

M. Janin: Extraordinaire, M. Lavoie, et j'en suis fier.

M. Lavoie: Très bien. Votre projet de pipe-line Montréal-Québec représente un investissement de quelle envergure?

M. Janin: Si on parle d'investissements pour TransCanada seulement, on peut parler... C'est difficile de vous donner un chiffre. Evidemment, si j'évalue le temps, les chiffres sont très relatifs. On peut parler d'un quart de million de dollars. Mais il faut quand même penser au distributeur. C'est simplement pour les canalisations de transport du gaz. Après cela, il faut quand même prévoir un investissement pour Gaz Métropolitain ou tout autre distributeur à qui nous allons livrer le gaz et qui, à son tour, livrera le gaz au consommateur.

M. Lavoie: Mais je vous parle de l'investissement.

M. Janin: Est-ce que j'ai dit un quart de million de dollars?

M. Lavoie: Oui.

M. Janin: Je m'excuse, c'est un quart de milliard de dollars.

M. Lavoie: Je trouvais cela assez minime, un quart de million de dollars, $250 000. C'est un zéro de plus, ou quelque chose comme cela. En tout cas, ce serait un investissement de $250 millions.

M. Garon: Attendez un peu. Etes-vous sûr de votre investissement? Si vous ne le faites pas, les gens vont dire que c'est à cause de nous autres.

M. Janin: Je m'excuse, M. Garon?

M. Garon: J'ai envie de vous faire faire un dépôt de 20%.

M. Lavoie: J'espère que vous le réaliserez le plus vite possible.

M. Janin: C'est notre intention.

M. Lavoie: Et que le climat économique du Québec pourra faciliter cet investissement.

M. Janin: C'est notre intention, c'est le plus gros projet que TransCanada ait entrepris depuis la mise en place de son système original et TransCanada souhaite vivement pouvoir prolonger son gazoduc jusqu'à la ville de Québec.

M. Lavoie: Mais, sans dévoiler vos projets, dans quels délais cela pourrait-il être prévu?

M. Janin: TransCanada, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, a présenté sa demande à l'Office national de l'énergie le 4 avril dernier. L'Office national de l'énergie, présentement, est en audition sur les demandes et les nécessités de gaz naturel au Canada et, selon les meilleures informations que nous ayons, notre requête devrait être entendue au mois de juin ou au mois de juillet, cet été. Une décision, sans doute, serait rendue au mois de septembre. Si tout allait bien, on aimerait commencer au mois de novembre; en fait, dans le courant de l'hiver prochain, pas l'hiver qu'on commence, mais le prochain, si c'était faisable.

M. Lavoie: Voulez-vous nous expliquer quelles tracasseries administratives pourrait vous causer un tel projet de loi concernant la requête que vous devez faire à l'Office de l'énergie? Est-ce que vous avez dit que vous devriez, avant, obtenir, en vertu de certains articles de la loi, d'abord faire votre demande aux autorités municipales où votre pipe-line... C'est l'article 38 ou quelque chose comme cela.

M. Janin: M. Lavoie...

M. Lavoie: Quelles seraient les étapes, si la loi était adoptée telle quelle? (21 heures)

M. Janin: Logiquement, selon l'expérience que nous avons devant l'Office national de l'énergie dans des situations semblables, il serait essentiel pour nous, si la loi, au Québec, nous l'imposait, d obtenir toutes les autorisations du gouvernement de cette province avant de se présenter devant I'Office national de l'énergie. Cela veut donc dire que, si nous étions incapables de ramasser toutes les autorisations nécessaires pour juin ou juillet, il faudrait quasiment demander à I'Office national de l'énergie de retarder l'audition et de la retarder probablement pour une période de six mois.

Un autre problème qui est posé, ce sont les différentes étapes du projet. Si nous allions chercher nos autorisations immédiatement, en fait, après la session, au début de 1979, nous ne serions pas encore dans la troisième phase et alors que les zones agricoles sont définies, cela pourrait changer bien des choses. Les autorisations que nous avons pourraient ne plus être valables dans leur totalité. On aurait pu créer de nouvelles zones agricoles qui auraient remplacé les aires réservées. Il faudrait encore recommencer, ce qui retarderait tout le processus probablement d une autre année, parce que je comprends les contraintes qu'aura la commission de devoir envoyer des avis à toutes les municipalités. Je comprends que la commission préférera sans doute s'occuper des territoires autour de la ville de Québec qui sont quand même des territoires qui ont besoin d être réglés le plus tôt possible et quelle s'occupera

des territoires plus éloignés après. Quand même, il y a du boulot à faire dans tout cela.

M. Lavoie: Je comprends.

M. Janin: Ce qui arrivera, c'est que l'Office national de l'énergie entendra notre requête, si tout va bien, au mois de juin, mais j'ai bien peur que cela pourrait retarder d'une année pour tout ramasser et satisfaire ses exigences. L'Office national de l'énergie ne contestera pas et acceptera les décisions du gouvernement de la province de Québec, mais pour d'autres raisons qui sont de son ressort, il peut décider de déplacer le pipe-line sur une distance quelconque. Un déplacement semblable voudrait dire qu'il faudrait revenir ici au Québec obtenir d'autres autorisations et, dans chacun de ces cas, je pense tout le temps aux six mois de l'article 18. Si je dois venir deux fois demander des autorisations à la commission, je dois aussi attendre deux fois six mois, ce qui veut dire douze mois.

M. Beauséjour: ... les six mois.

M. Janin: C'est dans les six mois, M. le ministre. Je serais bien heureux que ma compréhension ne soit pas exacte. Je vous prierais de me l'indiquer. Tant qu'il y a une possibilité que quelqu'un se plaigne, on ne peut vraiment pas procéder à des installations.

M. Garon: Vous avez raison.

M. Lavoie:... tribunal compétent, c est comme un délai d appel que vous devez respecter.

M. Janin: Oui, c'est cela.

M. Lavoie: Vous avez un terme juridique pour cela, le dernier tribunal, la dernière juridiction compétente.

M. Janin: C'est cela, de dernier ressort.

M. Garon: Aimeriez-vous mieux qu'il y ait plusieurs appels possibles?

M. Janin: Notre expérience devant l'Office national de lénergie... On est habitué de vivre avec cet organisme. L'office a un pouvoir de révision de ses décisions.

M. Garon: Comme dans la loi existante.

M. Janin: Mais c'est un pouvoir de révision qui est très court à endurer, il est de trente jours. Ce pouvoir de révision est exercé par l'office seulement si un requérant fait application et demande une révision. L'office effectivement agit très vite, dans la plupart des cas.

M. Lavoie: M. le Président, je comprends votre crainte ou vos appréhensions, lorsqu'on sait que le projet de loi n'est pas adopté, que la com- mission dont les membres ne sont pas encore choisis... Ils sont peut-être considérés par le ministre et ils pourraient être nommés assez rapidement après l'adoption du projet de loi, mais cette commission devra envoyer des communiqués à 614 municipalités. Elle a six mois pour notifier les 614 municipalités. Puis, les municipalités doivent se mettre en marche pour négocier avec cette commission pour déterminer la zone permanente. Il n'y a pas de délai dans la loi qui prévoit l'entente, le périmètre final de la zone agricole. Cela peut prendre un an ou un an et demi. Cela fait déjà quatre ou cinq municipalités qui me disent qu'elles seront les premières à être considérées, soit qu'un ministre ou qu'un député péquiste ait dit: Saint-Eustache va passer une des premières; Laval va être une des premières; Saint-Bruno va être une des premières; Jonquière, cela va être une des premières.

M. Garon: Je n'ai jamais dit cela à Saint-Eustache.

M. Chevrette: M. le Président, je fais appel au règlement.

M. Garon: Jonquière n'est même pas zonée. M. Chevrette: Ce n'est pas dit, cela. M. Garon: Jonquière n'a pas de zone... M. Lavoie: II n'y a rien de méchant dans cela.

M. Garon: Non, mais s'il n'a pas dit cela, il n'y a personne qui a dit cela ici.

M. Lavoie: Je vois l'appréhension de nos témoins actuellement. C'est normal que la commission essaie de débloquer le plus rapidement possible — et c'est logique — certains développements domiciliaires ou certaines constructions. Vous craignez justement que votre projet de pipeline puisse être facilement — surtout s'il vous faut soumettre à chacune des municipalités où votre tuyau devra passer, votre conduit devra passer et tout... Ce sont les embêtements administratifs auxquels seront soumis non seulement la TransCanada PipeLines, mais énormément de corporations et d'individus. Lorsqu'il y a trop d'ingérence gouvernementale, on se réveille devant des tracasseries administratives qu'une bonne partie des citoyens du Québec auront à subir.

Le dernier point que je voudrais soulever, en terminant — cela peut retarder possiblement, sans charrier, d'un an ou deux, facilement un investissement de l'ordre de $250 millions au Québec. Mon dernier point: Le ministre a laissé entendre tout à l'heure que dans les cas spéciaux, il se servirait, il utiliserait l'article 96. Il ne l'a pas nommé, mais...

M. Garon: J'y pensais justement à l'article 96. M. Lavoie: II nous a dit: Cela va être très rare.

Je vois que, logiquement, ce serait un cas où le ministre pourrait se soustraire à la commission et dire: Donnez-moi le dossier de la TransCanada PipeLines, donnez-moi le dossier de Bell Téléphone ou d'un autre, etc. Je crois que ce n'est pas dans notre mentalité — et cela a été décrié, non pas il y a cinq ou dix ans. mais il y a une vingtaine d'années — les pouvoirs discrétionnaires des gouvernements. Dans les années où j'ai commencé à faire de la politique, on reprochait cela à un ancien régime, des subventions discrétionnaires et des pouvoirs discrétionnaires. Là, la décision appartiendrait uniquement au ministre, si les compagnies ou les individus qui ont des problèmes font du bon "lobbying" auprès du ministre pour le décider à dire à la commission: Je soustrais tel dossier. C'est le ministre qui remplace la commission avec les mêmes pouvoirs que la commission. Je pense qu'on a été élevés, M. le ministre, un peu dans la même tradition. On ne voudrait pas retourner vingt ans en arrière avec des pouvoirs discrétionnaires du maître, de Dieu le Père, du prince. Je pense que le ministre — je le connais assez bien — ne voudrait pas retourner à cela, à ces pouvoirs discrétionnaires, autrement, on retournerait vingt ans en arrière, à certains régimes que le Québec a mis de côté — je n'ai pas dit rejetés" — pour un certain bout de temps.

N'y aurait-il pas moyen, M. le ministre, de trouver une formule pour enlever ce pouvoir discrétionnaire résultant du "lobbying ' ou ouvrant la porte à un certain — appelons cela comme on voudra — patronage? Si les gens se sont bien présentés, le ministre le soutirera à la commission. Je pense qu'on a fini cette période. Le ministre ne voudrait pas être investi de ces pouvoirs discrétionnaires, ce n est pas son genre, d'ailleurs. Si vraiment il n'y a pas eu de problème, M. le ministre, avec certaines corporations ou certains individus... Je ne pense pas qu il y ait eu des problèmes avec le milieu agricole, ces gens prouvent qu'ils n'ont pas fait de dommages à l'industrie agricole au Québec. Alors, quant à laisser des pouvoirs discrétionnaires au ministre, des pouvoirs qu'il ne désire pas lui-même, dans le plus grand nombre de cas, où c est possible de les soustraire carrément à la loi, surtout lorsqu'ils ne font pas de dommages à l'exploitation agricole, j'aimerais beaucoup mieux qu'ils s'y soustraient totalement surtout si leur passé est une garantie qu'ils ont un passé sans reproche et une bonne tradition.

Voyez-vous l'autre danger qui pourrait arriver? Au Québec, on est exposé à des disputes dans le domaine de l'énergie. Dans le domaine de l'énergie au Québec, le gouvernement a certaines politiques d'énergie. On le sait; on a eu des débats récemment. Si on pense autosuffisant en énergie, si on veut accentuer la production de l'électricité — on en a parlé, je pourrais inviter mon collègue le député de Mont-Royal, qui a fait des débats sur des politiques d'énergie, le ministre serait placé à certains moments dans une position vraiment délicate si mon collègue délégué à l'énergie, pour une raison ou pour une autre, voulait mettre l'accent au point de vue peut-être politique ou électoral sur une politique d'énergie quelconque; ces gens-là seraient peut-être malvenus, ils n'auraient pas l'autorisation voulue, le ministre n'oserait pas les soustraire et cela pourrait retarder l'application, l'expansion d'une certaine forme d'énergie. Les débats qu'on a eus récemment nous donnent une ouverture sur cela et je ne voudrais pas placer le ministre dans une situation aussi difficile. J'ai bien confiance en vous.

M. Garon: Vous avez un paquet de tours. Je n'aurais jamais pensé à tout cela.

M. Lavoie: S'il arrive une dispute Alberta-Québec ou du reste du Canada avec le Québec, sur une politique d'énergie, le ministre de l'Agriculture sera là pour trancher et dire: Pour un bout de temps, on ne mettra pas l'accent sur le gaz naturel, on va s'en passer; on va être autosuffisant dans l'électricité ou dans d'autres choses. Mais cela a une portée. Cela peut arriver. C'est vrai, c'est un député, un de vos collègues qui vous le dit: Cela peut arriver.

M. Giasson: II connaît son ministre.

M. Chevrette: Ne nous chicanons pas, cela va assez bien depuis quelques minutes.

M. Garon: Dans ce temps-là, on verra à cela.

M. Lavoie: Si, vraiment, il n'y a pas eu de mauvaises expériences dans le passé, je pense que, dans des cas comme nous avons devant nous et d'autres, cela pourrait être exclu de la loi.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Laval. M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Garon: Je pense qu'on va regarder cela de façon attentive. Notre but n'est pas de créer le plus d'embêtements possible, c'est de protéger les terres en créant le moins d'embêtements possible. La seule question que j'aimerais vous poser est la suivante: A l'Office national de l'énergie, y a-t-il un droit d'appel ou s'il y a seulement un droit de révision dans les 30 jours?

M. Janin: C'est simplement un droit de révision. Les droits d'appel sont prévus à la Cour fédérale, division d'appel, mais sur des points de droit seulement. Alors, ce sont des cas d'excès de juridiction.

M. Garon: Trouvez-vous cela correct qu'il n'y ait pas de droit d'appel, seulement un droit de révision un peu comme le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure en vertu de l'article 33 est au fond équivalent à cela?

M. Janin: M. le ministre, même si je ne trouvais pas cela correct je serais obligé de vivre avec la situation.

M. Garon: Je suis bien content, parce qu'il y a des gens qui nous ont dit que cela n'existait pas, de tels tribunaux, qu'il y avait seulement un droit de révision dans les six mois; vous venez de nous en nommer un, d'un coup sec, sans même qu'on vous le demande.

M. Lavoie: M. le Président, est-ce que vous me permettez de répondre peut-être à ce point de vue. Sans lancer de débat politique ou faire de la partisanerie politique, sur une décision administrative comme quand la Commission municipale de Québec doit décider si une ville doit faire ou non un emprunt municipal ou se poser en arbitre entre deux municipalités pour décider quel est le partage d'une dépense de $1 million ou entre quatre municipalités, si ce sera 15% pour l'une, etc., je suis d'accord, je ne peux pas multiplier les droits d'appel. Je suis d'accord sur une décision administrative de la commission de l'énergie qui dit: Est-ce que vous le faites à telle place votre pipeline ou non? Il n'y a pas de massacre à cela, mais je vois une différence, M. le ministre, et c'est le point que je voudrais ajouter: lorsqu'une commission de contrôle va décider à la place d'élus sur un certain exercice du droit de propriété, peut décider, en l'occurrence, qu'une ferme pourrait être sortie de la zone verte pour aller dans la zone blanche, pourrait être vendue peut-être au désir du cultivateur à $300 000 ou $500 000, mais que ces fonctionnaires vont décider qu'elle va rester dans la zone verte où elle ne vaut que $50 000, cela est un point. (21 h 15)

Si un agriculteur veut rester dans la zone verte, mais on le sort à la suite de représentations des municipalités, on l'entre dans la zone blanche et I'agriculteur est obligé de rembourser dix ans en arrière, et même contre son désir... Il voudrait rester agriculteur, mais la décision de la commission le sort de là et il est soumis à des taxes énormes, il est obligé de rembourser dix ans de taxes qu il aurait dû payer à la vraie évaluation; ce ne sont plus des décisions administratives. Ce sont des décisions qui touchent au droit de propriété, au choix d un individu et cela peut amener des implications énormes, bien plus importantes que de simples décisions administratives d une commission quelconque, parce que cela touche au choix des gens. On peut sortir quelqu un par une décision prise à un banc de deux, un banc de deux que vous prévoyez dans votre projet de loi, mais deux et un, un vote majoritaire, cela veut dire que c est la décision d'un seul fonctionnaire qui peut avoir des implications énormes sur un individu, qui peut avoir des implications de plusieurs centaines de milliers de dollars. Ce n'est plus une décision administrative comme celle de la Commission municipale ou de la commission de lénergie. Se comprend-on sur cela?

M. Verreault: II est encore perdu.

M. Janin: Avec votre permission, je ferais la remarque suivante sur l'Office national de l'éner- gie. L Office national de lénergie réglemente un secteur de l'industrie qui est hautement spécialisé et, s'il fallait qu'il y ait des droits d'appel à des cours sur les questions de fond comme, par exemple, les coûts de service que TransCanada se verrait allouer, les membres de l'office sont beaucoup plus compétents, de par leur expérience passée, pour juger de ces questions et un juge aurait sans doute de la difficulté à comprendre ces problèmes. Alors, c'est un cas un peu particulier. Non seulement cela, le droit de révision doit être circonscrit, doit être restreint le plus possible, simplement pour couvrir les cas extrêmes qui pourraient survenir et il n'y a pas eu beaucoup de cas de révision parce que, dans la Loi de l'Office national de l'énergie, il y a appel sur des questions de droit et, lorsqu'il y avait contestation, c'était sur des questions de droit.

M. Garon: Je suis entièrement de votre avis. Je pense que I'Office national de I'énergie a accepté sans problème que les lignes d électricité passent dans les terres au lieu de passer le long du canal Beauharnois où se font les arrosages en avion et il y a les pylônes en plus des fils. Pourtant, cela restreignait le droit de propriété parce que les gens qui avaient des cultures intensives, quand l'avion passait en dessous des fils, cela passe mal, parce que c est un peu dangereux...

M. Lavoie: C est accrochant.

M. Garon: ... et cela endommageait le droit de propriété. Je suis complètement de votre avis, Me Janin, quand vous dites cela, d autant plus que lOffice national de lénergie prend des décisions qui représentent des milliards de dollars. Ce sont des décisions extrêmement importantes sur le plan économique, sans droit d'appel, et je ne dis pas que ce n est pas correct, mais je veux simplement...

M. Janin: C est une question de fait.

M. Garon: ... vous faire remarquer... Parce que vous savez qu un autre notaire, le député de Roberval, disait que des commissions sans droit d appel n existaient pas. Je me rappelle son discours.

M. Lavoie: Non, mais je fais une distinction. Un tribunal strictement administratif qui n'a pas les implications de la commission que vous allez créer. Je pense que le ministre l'a reconnu d ailleurs.

M. Garon: Mais ne pensez pas que, dans leur domaine, ce ne sont des implications terribles. Ce sont des milliards.

M. Lavoie: Oui, mais ces gens décident d'un pipe-line, s'ils disent: Vous ne le faites pas...

M. Garon: Je pense qu'il ne faudrait pas retarder indéfiniment...

M. Lavoie: Non. Je suis bien d'accord.

M. Janin: Le point que nous voulons faire, c'est que, face au projet de loi no 90, notre situation est exceptionnelle et, si la procédure est vivable pour un individu qui veut, à un certain moment, vendre une terre et qui doit s adresser à la commission pour en obtenir l'autorisation, c est une procédure qui existe ailleurs...

M. Garon: Oui.

M. Janin: ... Mais pour une compagnie et non seulement une compagnie, mais je dis bien une compagnie d'utilité publique, c'est une vocation un peu spéciale dans l'économie parce que sans l'énergie, il n'y a rien qui fonctionne. Si vous permettez, pour une compagnie d'utilité publique qui devra faire un nombre considérable de demandes, s'il faut en faire une par municipalité, on en aura entre 42 et 62 selon l'étendue de notre ligne, et cela, si on va dans les Cantons de l'Est. Parce que j'ai parlé de Montréal-Québec, mais il est aussi question d'aller dans les Cantons de l'Est, ce qui représente un autre prolongement considérable.

M. Garon: Est-ce que c'est toujours placé en ligne droite ou si cela peut contourner les obstacles assez facilement?

M. Janin: II y a toutes sortes d'inconvénients qui se posent. Autant que possible, il y a intérêt à réduire la longueur du pipe-line, parce que c'est le consommateur qui paie les coûts finalement. Alors, pour permettre de réduire les prix de transport et permettre un meilleur prix du gaz naturel, il y a tout le temps avantage à suivre la ligne la plus droite.

M. Garon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Janin. Au nom des membres de la commission, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire.

J'inviterais maintenant la Fédération de l'UPA de Joliette. Si vous voulez vous identifier et procéder à la lecture de votre mémoire.

Fédération de l'UPA de Joliette

M. Duval (Bernard): Bernard Duval, président de la Fédération de l'UPA de Joliette.

M. Massicotte (Raymond): Raymond Massi-cotte, sercétaire de la fédération.

M. Duval (Bernard): M. le ministre, MM. les députés, la Fédération de l'UPA de Joliette est un organisme affilié à l'Union des producteurs agricoles qui regroupe tous les producteurs agricoles du Québec. Nous vous remercions, M. le ministre, de nous permettre d'exprimer publiquement devant cette commission nos positions sur le projet de loi 90. Auparavant, permettez-nous de fournir brièvement quelques indications sur la nature de l'agri- culture dans notre région, avant de parler du projet de loi et ce, pour le bénéfice des participants. Notre fédération reqroupe 19 syndicats de producteurs agricoles, c'est-à-dire neuf syndicats de base ou de territoire, et dix syndicats spécialisés. Notre fédération couvre le territoire compris dans les comtés de Joliette, Berthier, L Assomption et Montcalm. Parmi les quelque 3100 producteurs agricoles répartis au niveau régional, environ 1320 d'entre eux s'adonnent à la production laitière, 716 à la production porcine, 454 à la production de sucre et de sirop d érable, 323 au secteur horticole, 250 à la production de fruits et légumes, 238 à la production de volailles, 105 à la production de pommes de terre, 83 aux cultures commerciales, 25 producteurs d'oeufs et, non les moindres, les producteurs de tabac.

Au cours de l'année 1976-1977, on peut estimer que la valeur brute agricole de la région La-naudière se chiffrait à une valeur minimum de $102 millions, représentant tout près de 10% des ventes provinciales. Le 22 novembre dernier, notre fédération faisait connaître publiquement, par un communiqué de presse, sa position sur le projet de loi 90.

Dans un premier temps, nous vous ferons connaître notre position sur ce projet de loi et nous reviendrons sur certains points qui, à notre avis, ne sont pas en concordance avec le projet de loi ou n'ont pas la portée que nous demandions lors du dépôt de notre mémoire le 26 septembre dernier.

La position de la Fédération de l'UPA de Joliette. Notre fédération a accueilli avec satisfaction le dépôt du projet de loi 90 sur la protection du territoire agricole. Nous estimons, M. le ministre, que votre gouvernement a franchi un pas important sur cette question et à ce titre, nous appuyons votre projet. Sans reprendre une à une les demandes que nous vous formulions le 26 septembre à I'occasion de votre tournée de consultation, il demeure que plusieurs dispositions contenues dans ce projet de loi nous satisfont, telles quelles. Premièrement, qu'un projet de loi soit déposé rapidement; que le ministre de l'Agriculture soit responsable de son application; qu'un organisme, régie ou commission provinciale soit créé et détienne le pouvoir décisionnel en matière de protection du territoire; que seule la commission ait le pouvoir d'autoriser une utilisation non agricole des terres arables; que l'utilisation des terres arables pour rétablissement d'infrastructures requiert l'approbation de la commission; qu'un terrain agricole soit restitué à l'agriculture advenant qu'il soit mis fin à une utilisation non agricole; que soient établies les zones d'extension future du territoire urbain; que la loi de l'environnement soit adaptée au milieu agricole; que la taxation foncière soit révisée; qu'il y ait gel des transactions qui changeraient la vocation des terres arables durant la période de négociation pour l'établissement de la zone permanente.

Revenons maintenant sur certains points que nous demandions et qui ne sont pas inclus dans votre projet de loi. Le territoire à protéger. En

référence à notre mémoire du 26 septembre dernier, nous vous demandions et recommandions de zoner tout le territoire agricole actuellement exploité, d'y appliquer deux formes de zonage, c'est-à-dire un zonage permanent ou espace vital qui couvrirait les meilleurs sols agricoles du Québec; et un zonage temporaire qui, pour sa part, couvrirait le reste du territoire agricole exploité. Revenons à ces deux formes de zonage.

En se référant, premièrement, à la liste des municipalités incluses dans la région agricole désignée, nous constatons que la majorité des meilleurs sols de notre région y sont couverts. Sur ce point, nous sommes d'accord. D'autant plus que la commission provinciale aura le pouvoir d'autoriser une utilisation non agricole des terres arables. Cependant, nous demandions que ce zonage soit permanent, définitif, en ce sens qu'il ne pourrait être amendé, ni transformé, sauf pour des projets d'envergure nationale, car nous continuons de croire que si ce territoire est nécessaire à notre survie d'aujourd'hui, donc comme minimum vital, il le sera à plus forte raison encore plus dans 30 ou 50 ans.

A notre point de vue, votre projet de loi ne va pas assez loin en ce sens, puisqu'il permet à toute personne de faire une demande pour une utilisation autre que l'agriculture et ce, sur les meilleurs sols. Sur ce point, M. le ministre, si certains pensent que votre projet de loi est restrictif, nous pensons plutôt le contraire. Ce premier projet de zonage devrait être permanent.

Pour ce qui est du deuxième zonage, nous sommes convaincus que le reste du territoire agricole actuellement exploité doit être couvert par votre projet de loi. Nous voulons empêcher une dégradation rapide sur ce territoire et une perte sensible de production québécoise et ce, à court terme. Nous croyons, M. le ministre, que les spéculateurs qui ne pourront plus spéculer autour des villes continueront de faire la même chose si des mesures ne sont pas prises. C'est la raison pour laquelle nous continuons à demander que ce territoire soit zoné. Mais nous comprenons que ce zonage serait plus souple et pourrait subir des amendements relevant d'une autorité régionale; nous reviendrons d'ailleurs plus loin sur ce rôle de cette autorité régionale.

Bref, M. le ministre, nous sommes d'accord: pour que tous les meilleurs sols du Québec soient zonés, mais nous demandons, par ailleurs, qu'ils le soient définitivement, sauf pour des projets d'envergure nationale; pour que seule la commission provinciale ait le pouvoir d'autoriser une utilisation non agricole de ces sols, selon la condition exprimée précédemment. Nous revendiquons toujours un deuxième zonage, tel qu'exprimé antérieurement. (21 h 30)

Concernant maintenant les niveaux d'autorité, voici quelles sont les recommandations à ce sujet: Le zonage agricole est administré par une commission provinciale composée majoritairement de producteurs agricoles, nommés par votre gouvernement, sur recommandation de l'organisme ac- crédité comme représentant les agriculteurs du Québec. Il faudrait prévoir, dans la loi, une décentralisation, de façon à permettre la création d'une commission consultative régionale formée entre autres, à parts égales, de représentants de l'organisme accrédité comme représentant des agriculteurs du Québec et des municipalités.

Cette commission régionale verrait à l'acheminement des demandes et à protéger l'espace vital minimum ou permanent. Cet espace vital servira à couvrir tout le développement, les infrastructures du système agro-alimentaire, permettant de réaliser un des objectifs de votre gouvernement, soit l'autosuffisance en production alimentaire.

L'autre partie du territoire zonée agricole servirait aux zones d'expansion non agricoles déjà accordées par votre projet de loi, de même qu'à un pourcentage imprévisible du développement de l'agriculture. Les demandes des municipalités devront être telles que prévues par votre projet de loi aux articles 58 et 59 et la commission consultative régionale soumettra après étude une recommandation à la commission provinciale.

Même si nous savons, M. le ministre, que ce n'est pas l'endroit désigné pour obtenir des réponses aux demandes formulées par notre fédération le 26 septembre dernier, demandes se rapportant aux mesures de rentabilisation, à la vie sociale sur le territoire agricole, qu'il nous soit permis, M. le ministre, de vous dire que nous ne les avons pas oubliées pour autant.

En conclusion, M. le ministre, les objections formulées par plusieurs groupements contre une commission provinciale chargée de l'administration de la loi, non seulement ne nous ont pas ébranlés, mais, au contraire, nous ont plutôt confirmé sa nécessité.

La Fédération de l'UPA de Joliette.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Duval.

M. Garon: Je vais laisser agir le député de Joliette. J'ai toujours l'habitude de consulter les députés dans leur région. Leur opinion pèse toujours lourd dans la balance. Je suis persuadé que c'est avec beaucoup de fierté que le député de Joliette-Montcalm va vous questionner concernant votre mémoire. Il en trépigne d'envie depuis tantôt.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: II est flatteur. Je ne pensais pas que j'étais pesant comme cela. Je voudrais vous remercier tout d'abord de vous être déplacés pour présenter un mémoire, surtout que vous êtes accompagnés d'une quarantaine de cultivateurs de la région, qui regroupent les comtés de L'Assomption, de Berthier et de Joliette.

J'aurai quelques questions. Je dois dire que je suis heureux de voir que vous adhérez au principe de la loi, principe qui semble être accepté globalement, jusqu'à maintenant, au niveau de tous les témoins.

Pour ne pas faire de partisanerie — parce que le député de Laval a été bien gentil tantôt — je vais essayer de l'être à mon tour. J'ai quelques questions à vous poser, relativement à la consultation que vous avez faite, avant d'en arriver à élaborer un tel mémoire.

Ce matin, on a eu un maire qui est venu ici — je ne sais pas si vous étiez présent aux audiences de ce matin — qui reprochait à l'UPA sa forme de consultation. Je voudrais savoir ce que vous avez fait. Comment avez-vous consulté les agriculteurs, pour en arriver à avoir un tel consensus, pour en arrive à élaborer un tel mémoire.

M. Duval: M. le Président, la Fédération de l'UPA de Joliette a peut-être été un des pionniers à trop de zonage agricole. Depuis au moins trois ans, les producteurs de la Fédération de l'UPA de Joliette se prononcent et demandent au gouvernement de mettre en place une loi de zonage agricole.

Particulièrement cette année, les 3158 agriculteurs de Joliette ont reçu un avis de convocation écrite, à leur propre nom, les invitant à des assemblées qu'on appelle, au niveau de I union, des mini-congrès de secteur, pour venir parler des grands problèmes de l'agriculture dans leur région. On soulignait, entre autres: zonage, environnement, financement de l'union, fonctionnement de l'union. En premier lieu, c'était le zonage. A ce titre, on a reçu des appels téléphoniques d'élus municipaux, d'agriculteurs nous reprochant de ne pas les avoir consultés. On leur a dit qu à certains moments, ils avaient au moins reçu une lettre. Si le ministère des Postes fédéral était en grève ces jours-là, ce n'est pas notre faute, au niveau de la Fédération de I'UPA de Joliette, mais ils savaient au moins qu'ils avaient été convoqués.

M. Chevrette: Dans votre mémoire, vous parlez de projets d envergure nationale. J aimerais savoir ce que vous entendez par projets d envergure nationale, parce que vous parlez également de commissions régionales. J aimerais que vous me clarifiiez cela.

M. Duval: Concernant les projets d envergure nationale, on mentionne, entre autres, les projets... Je pense que la Fédération de I'UPA de Joliette est située dans un axe tissé comme une toile d'araignée, au niveau des "lignes" de I'Hydro-Québec, en fonction de la centralisation, ce qui fait qu on est sur Taxe Montréal et les grands centres de distribution des lignes. On a certaines autoroutes. Les participants à la commission qui nous ont précédés, de la TransCanada PipeLines, seront justement dans Taxe entre Mirabel, qui est le poste de jonction, et Québec. Les comtés de L Assomption, Joliette et Berthier seront touchés par ce projet d'envergure nationale. Ce sont peut-être des secteurs auxquels on pense. Je pense que les derniers articles de la loi, pour ne pas les nommer — je pense à ceux autour de l'article 100 — du projet de loi sur la protection du territoire voit à ce qu'il y ait au moins un minimum de consultation.

M. Chevrette: Le CRD de Joliette, Laurenti-des-Lanaudière, est venu témoigner devant nous, je crois, hier matin. Il parlait de commissions régionales. A un de vos derniers paragraphes, vous faites référence à une commission consultative régionale. Le CRD allait un peu plus en détail en parlant de parité, si ma mémoire est fidèle, entre I UPA et le conseil de comté. Est-ce à cela que vous faites référence, puisqu on avait dégagé un consensus au niveau du CRD Laurentides-Lanau-diere?

M. Duval: Tel qu'on le mentionne dans le dossier qu on vient de vous lire, la commission consultative régionale, c est peut-être le compromis qui pouvait exister au niveau de I union membre du CRD de la région de Lanaudière et les autres organismes membres du même CRD. Le compromis qui a peut-être existé, c est que la commission consultative est formée en vertu de la loi, qu elle n est pas formée en vertu d'un coordinateur. Le chef d orchestre régional est éliminé. Indirectement, cela fait qu au niveau de la commission décisionnelle provinciale ou nationale, cela permet indirectement de savoir où envoyer les lettres et à la région de savoir où s'adresser, à quelle porte frapper pour être capable de se faire entendre en fonction de certains articles, d amendements, d'affectations ou de changements d affectation du zonage agricole.

M. Chevrette: En d autres mots. M. Duval, si j interprète bien ce que vous dites, vous aimeriez voir, dans la loi sur la protection du sol arable, un article qui créerait officiellement une commission consultative régionale.

M. Duval: Je souhaiterais que, dans le projet de loi. aux articles 3 et 4, où il y a formation et composition de la commission provinciale, qu'il existe un paragraphe supplémentaire à chacun des articles qui forment la commission régionale consultative, formée des organismes et d'agriculteurs qui seraient seulement les porte-parole de la région, ce serait le pied-à-terre de la commission provinciale dans chacune des régions.

M. Garon: Avez-vous dit seulement des cultivateurs?

M. Duval: A part égale, l'organisme du milieu tel que les municipalités dont vous avez reconnu à l'intérieur de la loi une certaine responsabilité de consultation aux articles 58 et 59, si on se souvient bien. En fonction de cela, on aimerait que même à I intérieur de I article 44 où vous mentionnez aux personnes intéressées", on a peut-être pu se sentir visés par cela. On se sentait liés par cela. On souhaiterait être indiqué plus clairement.

M. Chevrette: Vous savez, il se dit bien des choses sur un projet de loi quand il est déposé à

l'Assemblée nationale. J'ai le goût de vous en poser une qui m'agace, au sujet de commentaires qui m'ont agacé fortement. Je ne vous dirai pas de qui cela vient, mais nous avons été taxés, en tant que gouvernement qui déposions un tel projet de loi, de présenter une loi socialiste. J'aimerais bien connaître vos commentaires là-dessus.

M. Duval: Une loi socialisante, c'est peut-être une loi... Je ne sais pas si mettre de l'ordre, c'est de la "socialité", du communisme, si mettre un "stop " au coin de la rue. c'est socialisant, si dire que 50 000 agriculteurs nourrissent le plus fortement possible la population, la société québécoise, c'est socialisant, d'accord. Si la société consommatrice de ces même produits n'est pas d'accord, c'est peut-être non socialisant, si en fonction de cela, si mettre de l'ordre, c'est socialiser comme tel, n'importe quel gouvernement, avant aujourd'hui, quand les projets sont devenus lois, si cela n'a pas été pour mettre de l'ordre, ils n'auraient peut-être pas dû exister.

M. Chevrette: Je vais me limiter, parce qu'on s'est entendu pour une heure, mais je finirai par un commentaire. J'ai eu la chance personnellement, M. le Président, M. le ministre, de convoquer les agriculteurs de mon comté. Les commentaires que j'ai recueillis à ce moment sont identiques à ceux du mémoire. J'ai fait la comparaison avec les positions du 26 septembre dernier. La cohérence des propos de l'UPA de Joliette est sans équivoque.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Joliette-Montcalm. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. M. Duval, d'abord, je vous félicite du contenu de votre mémoire, non seulement du contenu du mémoire, mais de la connaissance que vous me semblez avoir de la loi 90. Tout au cours de vos commentaires ou de vos réponses aux questions qui vous étaient formulées, vous avez indiqué que vous possédiez fort bien votre loi par des références à certains articles qui avaient une incidence directe sur des objectifs que vous voudriez voir atteints à l'intérieur de la loi.

J'ai remarqué que vous aviez vis-à-vis des pouvoirs, une attitude qui voulait la possibilité d'avoir deux paliers, d'abord la commission provinciale, la grande commission qui aurait droit absolu sur une partie du territoire du Québec, qui est composé, j'imagine, des meilleurs types de sols qu'on peut retrouver au Québec, et en plus de cela, vous jugiez nécessaire d'avoir un deuxième palier ou une deuxième instance qui représenterait, elle, la région et qui aurait, non seulement un droit de regard — vous me direz si je me trompe — mais qui aurait une capacité de faire des recommandations très fortes que ne devrait pas nécessairement accepter et reconnaître obligatoirement la commission provinciale mais qui devrait être considérée avec beaucoup d'à-propos. Est-ce que je saisis bien la portée du rôle qu'aurait cette commission régionale ou ce comité régional? (21 h 45)

M. Duval: Voici ce que serait la commission régionale, tel qu'on l'avait prévu et formulé dans notre mémoire du 26 septembre. On disait qu'au niveau de la région Lanaudière il y avait aux alentours de 320 000 acres de classes AA, AB et AC, justement le pourcentage que je vous mentionne. A l'intérieur de ces classes de sols, on disait: II y a un minimum vital dont les producteurs ont besoin, que les industries, tant en aval qu'en amont de la production, ont besoin de maintenir automatiquement; en bas de cela, c'est invivable dans la région au niveau de l'agriculture. On est situé dans l'axe nord de Montréal et quand on regarde une carte, c'est toujours plus facile de descendre que de monter. Alors les marchés de Montréal nous sont accessibles.

Donc, la commission régionale verrait à la production de cet espace vital minimum, ferait des recommandations à toute la population, à la commission provinciale et elle dirait: Cet espace vital minimum doit être absolument conservé, il est situé dans Lanaudière. On parle de développement de l'agriculture; on est peut-être la région qui, grâce à l'augmentation de la production horticole — on est très déficient au niveau du Québec — peut satisfaire cette demande. Cet espace minimum vital, il faut que tous les intervenants, toute la population de Lanaudière en prennent conscience, comme au niveau des agriculteurs. Je pense que l'union régionale aura à informer ces agriculteurs de notre devoir en tant que membres de la société et qu'il faut être productifs à l'intérieur de cet espace, l'espace vital minimum, plus le pourcentage incalculable de développement de l'agriculture. Il faut que des intervenants régionaux puissent le proclamer partout sur la place publique, dans les soirées et au niveau de l'autorité compétente que sera la Commission provinciale, de protection du territoire agricole qui rendra la décision dans les actions à entreprendre au niveau du zonage.

M. Giasson: M. Duval, je remarque également, par un des commentaires de votre mémoire, qu'il y aurait à l'intérieur de votre région dix syndicats spécialisés. Cela laisse croire que vous avez une agriculture passablement diversifiée; vous avez différentes spécialités agricoles si on retrouve dix syndicats spécialisés. Est-ce que vous croyez que pour l'avenir de votre région, tel que vous le percevez par la connaissance du milieu, elle doit continuer de maintenir autant de spécialités que celles qu'on croit découvrir par la lecture de votre mémoire?

M. Duval: Une région comme Lanaudière, au niveau provincial, détient le deuxième rang comme unité de production agricole. On a l'habitude de dire, pour ne pas trop se rabaisser, qu'on est la première sur la rive nord. Il y a une diversité complexe de toutes les unités de production dont on peut développer chacun des secteurs. On a

presque l'exclusivité de la production du tabac à cigare et à pipe, on a l'exclusivité provinciale de la production du tabac à cigarettes; c'est sûr qu'avec les campagnes c'est une des productions qui est en régression; on était une des régions très hautement productrices de betteraves à sucre. On a délaissé cette production pour certaines raisons mais je pense que toutes les autres sont en expansion au niveau de la région de Lanaudière.

M. Giasson: A un certain moment — c'est à la page 4 de votre mémoire — vous déclarez qu à votre point de vue le projet de loi n'allait pas assez loin dans le sens de la protection la plus intégrale possible d une partie de votre territoire à un point que vous n'accepteriez pas qu'aucun sol de première qualité, selon la description que vous venez de mentionner, ne puisse être en tout temps retiré de la zone agricole, quelles que soient les exigences de développement, autre que I agriculture. Est-ce cela que je dois comprendre?

M. Ouval: D'après l'UPA de Joliette, la journée où le minimum vital sera défini, le minimum vital, je pense que je l'ai assez expliqué tout à l'heure, il ne faudra plus indirectement penser à une expansion autre que l'agriculture. Je pense que l'industrie agro-alimentaire est très sensible chez nous, tant au niveau des conserveries, des abattoirs et de toutes les fournitures d'intrants. Vous avez justement mentionné la multitude de productions qui se font dans Lanaudière; on n est pas nécessairement au maximum partout en volume, si vous y regardez bien, nous sommes parfois peut-être 200 ou 250 producteurs, mais ce ne sont pas les moindres et les fournisseurs d intrants agricoles sont en fonction d'un développement constant. Il viendra un temps où, dans Lanaudière, il y aura un minimum. Si on dit, pour prendre un chiffre, aucunement calculé, qu à I intérieur de nos 320 000 acres qui forment les meilleurs sols au Québec, il y a 250 000 acres ou 300 000 acres, il ne faut pas baisser en bas de cela; au niveau régional, indirectement, il faudrait que I expansion non agricole soit arrêtée là.

C est pourquoi, lorsqu'on dit que le projet de loi ne va pas assez loin, nous proposons la commission consultative régionale, pour que tous les intervenants, la société de Lanaudière, soient réellement dans le bain du développement agroalimentaire dont toute la population profitera.

M. Chevrette: Vous allez passer pour un communiste!

M. Giasson: Je pense que vous participez, comme Fédération de l'UPA, assez activement aux activités du Conseil de développement régional, le CRD. Tout récemment, nous avions le plaisir d accueillir ici les représentants du CRD Lanaudière, je pense. Ces gens ont exposé des opinions, des points de vue. Ils semblaient nous indiquer qu'ils auraient souhaité que le gouvernement reconnaisse l'utilité de commissions régionales qui auraient des pouvoirs non seulement consultatifs, mais des pouvoirs décisionnels jusqu à un certain niveau, quitte à réserver les cas plus spéciaux à la commission provinciale.

Partagez-vous les opinions qui ont été émises ou le point de vue exprimé à ce moment par le CRD Lanaudière?

M. Ouval: Vous faites sûrement allusion aux 30 jours qui deviendraient... au lieu d être un avis, lavis qui serait transmis à la commission provinciale deviendrait décisionnel au bout de 30 jours.

La Fédération de l'Union de I'UPA de Joliette s est prononcée en fonction de la composition de la représentation à parts égales, mais le mécanisme et I articulation comme tels, on n en connaît pas, on n'en a pas étudié la portée. Mais vu que cette section a été apportée en fonction de ce qui se passe prétendument, régulièrement, à I intérieur des pouvoirs accordés indirectement aux municipalités par le Code municipal, nous ne sommes pas entrés dans les détails comme tels.

Cette section a été apportée par I'autre partie qui forme les CRD, le CRD Lanaudière.

M. Giasson: Enfin, si vous permettez, M. Duval, à la toute fin de vos commentaires au mémoire, vous rappelez que le zonage agricole, pour vous, c est important, mais que ce n'est pas la fin en soi, que vous espérez d autres programmes, d autres lois ou d'autres mesures. Pourriez-vous nous définir quels seraient les programmes nouveaux à développer ou à améliorer ou les mesures que vous attendez du gouvernement ou encore des lois additionnelles?

M. Duval: M. le Président, je vais essayer de faire ressortir certains points du mémoire présenté le 26 septembre. Nous ne sommes pas entrés dans les détails. Entre autres, on voulait voir améliorer le système des impôts fonciers, les droits de succession à réévaluer, l'implantation des plans conjoints dotés de pouvoirs suffisants et de programmes d'assurance-stabilisation des revenus, d'assurance récolte, et on mentionne que le rythme auquel sont implantés les plans conjoints de mise en marché collectif des produits agricoles, vu que ce n'est pas accordé tellement rapidement, suscitait beaucoup d'impatience au niveau de notre organisme. On réclamait des politiques additionnelles de développement régional. On demandait que ce soit appliqué assez rapidement. On préconisait également que des mesures gouvernementales soient élaborées en vue de permettre des possibilités de production accrue, à la fois des productions où nous sommes engagés et dans les nouvelles productions. On mentionnait qu'il semble opportun de souligner que les agriculteurs sont actuellement fort préoccupés, même si ce n'est pas une mesure directement de rentabilisation... Mais, dans notre région, si vous regardez la quantité d'unités de production animale, on est fort préoccupé par les règlements de la protection de l'environnement. Avec beaucoup de producteurs de porcs, beaucoup de producteurs de volailles au niveau de la région de Joliette, beaucoup de pro-

ducteurs de lait, des producteurs de Joliette sont très préoccupés par les mesures de protection de l'environnement.

M. Giasson: Mais, quand vous voulez voir développer de nouveaux plans conjoints, quelles seraient les principales productions, qui représentent un volume fort important ou relativement important, qui ne sont pas déjà couvertes par des plans conjoints? Le lait, cela va; le porc, cela va; la volaille, la chair de volaille. Est-ce que c'est du côté des produits maraîchers, le tabac? Pour le tabac, vous avez un plan conjoint.

M. Duval: Habituellement, les producteurs, à l'intérieur de nos résolutions de l'union, demandent que soient implantés, le plus rapidement possible, des plans conjoints pour toutes les productions, des plans dotés de tous les pouvoirs prévus par la mise en marché. C'est la loi de la mise en marché. Je ne pense pas qu'un producteur accepte qu'un producteur passe en avant d'un autre parce que sa production semble supérieure. Présentement, en 1978, dans la région de Lanaudière, nous allons bénéficier du plan conjoint des producteurs de porcs et du plan conjoint des producteurs de fruits et légumes. Donc, c'est un secteur très important au niveau de la mise en marché et des conserveries. On souhaite que d'autres plans conjoints avec de pleins pouvoirs soient mis sur pied très rapidement, dans toutes les productions.

M. Giasson: Lorsque vous faites allusion à quelques fermes qui vivent de culture commerciale, c'est du maïs-grain; quel est le type?

M. Duval: Surtout du maïs-grain. M. Giasson: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Bonsoir, messieurs de la fédération des producteurs de Joliette. Je connais très bien le territoire que vous couvrez avec votre fédération, parce que j'ai fait une bonne tournée de ce territoire; je connais aussi la qualité exceptionnelle de vos sols et je sais que vous êtes très productifs au niveau agricole. Ceci dit, nous avons étudié hier soir le mémoire présenté par votre organisme national. Nous l'avons étudié d'une façon assez intensive. J'ai eu la chance de poser de nombreuses questions. Je m'aperçois que votre mémoire s'apparente à celui de l'organisme national, ce qui m'amène à poser moins de questions que j'en ai posé hier soir. Les seules remarques que je ferais, c'est que...

M. Chevrette: ... les mêmes réponses, vous êtes aussi bien de ne pas poser vos questions.

M. Dubois: Etant donné qu'on a demandé de procéder le plus rapidement possible, cela ne me sert à rien d'avoir les mêmes réponses deux fois. Je les ai eues une fois.

M. Chevrette: Je m'excuse de vous avoir dérangé.

Le Président (M. Boucher): J'apprécie votre collaboration, M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: J'ai dit que je collaborerais, je le fais. Je m'aperçois quand même que vous déviez un petit peu de l'organisme national à quelques endroits, en disant qu'il y aurait un intervenant de plus. A certains moments, ce serait la municipalité, une commission régionale et la commission nationale, tandis que la loi prévoit que la municipalité prépara son plan et le soumet à la commission nationale. Vous amenez un intervenant de plus que ce qui a été proposé par votre organisme national. Vrai ou faux? (22 heures)

M. Duval: Peut-être que j'ai mal saisi, ce sont des choses qui peuvent arriver, mais si je me souviens bien, sans connaître le mot à mot, parce que le mémoire de la confédération, était plus épais, mais en tant que membre du conseil général, je pense que j'ai participé un peu au niveau de la composition du mot à mot du texte. Il me semble bien qu'au niveau de l'union, il y a mention d'une commission coordonnée par l'union régionale, au niveau d'une représentation auprès... en tout cas, une décentralisation régionale coordonnée par l'union régionale.

On apporte une certaine nuance, je l'ai mentionné, c'était un compromis au niveau des organismes du milieu, en voulant dire qu'il n'existait pas réellement de chef d'orchestre, il n'y a personne qui convoque l'autre, en fonction de ça.

C'est peut-être la discordance qui existe entre le mémoire de la confédération, je pense qu'on est d'accord, entièrement d'accord, parce que le mémoire de la confédération est formé des organismes affiliés, dont la Fédération de l'UPA de Joliette est membre.

M. Dubois: Ce n'est peut-être pas soumis de la même façon, je ne me souviens pas, hier soir, lors de l'étude de ce mémoire, de votre organisme national, d'avoir pu reconnaître, à certains moments trois intervenants au lieu de deux. En tout cas... Je peux faire erreur, remarquez bien. Vous êtes un peu plus fermes, je pense, parce que vous amenez deux zonages, un temporaire et un autre ferme. L'organisme national ne présentait pas le zonage sous deux formes.

M. Duval: Peut-être que cela n'était pas dit textuellement comme tel, mais je pense que dans la loi, il est déjà prévu, indirectement, deux systèmes de zonage. Qu'on se réfère à l'article 105 où vous permettez une zone d'expansion de 60 mètres autour des services publics, de chacune des municipalités. Il y en a 614 présentement et, si ma mémoire est bonne, il y a 616 zones d'expansion prévues par la loi.

M. Dubois: C'est parce que c'est présenté d'une façon bien différente. Ici, vous dites, ce qui est gelé, c'est temporaire, parce que chaque municipalité va présenter son propre plan d'aménagement de territoire. A la suite de cela, vous voulez avoir une zone gelée ferme, où votre commission régionale aura un rôle à jouer, à savoir soumettre à la commission nationale, une demande qui serait d'intérêt national seulement. Alors, hier, dans le mémoire de l'UPA, ce n'était pas formulé de cette façon, loin de là.

M. Duval: Je pense que quand on arrive à appliquer sur une plus petite surface un mémoire et qu'on essaie d'appliquer une loi telle que présentée, on peut nécessairement, comme principe d'articulation, indiquer directement où sont situés les meilleurs sols. Présentement, on a 43 municipalités dans la région de Lanaudière qui sont en zone désignée, il reste 7 ou 8 municipalités à vocation agricole; on espère que le ministre utilisera le plus rapidement possible, l'article 22, qui décrétera que ces 7 ou 8 municipalités seront dans la zone désignée aussitôt que les cartes seront prêtes, on le souhaite ardemment, on en fera des représentations en temps et lieu.

Quand vous dites que la confédération de l'union ne s'est pas prononcée si précisément, c est qu'en fonction de la grande extension du territoire, elle ne pouvait pas dire que 320 000 acres situées dans un endroit déterminé, au niveau de Lanaudière, je pense qu'on peut en faire une spécification très ordonnée. On sait que certains secteurs devraient être privilégiés au niveau du minimum vital à protéger. Indirectement, il y a certains secteurs où les zones d'expansion de 60 mètres ou 200 pieds, autour des services publics, qui pourront obtenir une certaine restriction dans l'élasticité de ces 200 pieds.

M. Dubois: C'est-à-dire que votre deuxième plan de zonage est immuable, à moins que ce soit un service d intérêt national. C'est là que vous êtes plus rigides que l'organisme national, dans votre exposé.

Je comprends que votre problème est quand même un peu différent, enfin le domaine que vous avez à protéger est différent de celui de l'ensemble de la province de Québec. Mais il reste que vous allez plus loin quand même, que vous êtes plus rigides. On trouve déjà la loi un peu coerci-tive, alors...

M. Duval: Quand on parle de zonage permanent, on parle toujours de minimum à protéger.

M. Dubois: Le minimum que vous voulez protéger représente combien d'acres cultivés actuellement? En pourcentage.

M. Duval: Peut-être 87%, 90%.

M. Dubois: Ce que vous voulez garder comme réservé et immuable, cela représente de 80% à 90% du territoire qui est présentement cultivé. C'est cela?

M. Duval: Oui.

M. Dubois: D'accord. Je n'ai pas d'autre question. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Berthier.

M. Mercier: Vous avez fait mention qu'il existe quelques municipalités qui ont un bon potentiel agricole et qui ne font pas partie du plan de zonage. Je pense à Saint-Charles-de-Mandeville, à Saint-Gabriel-de-Brandon paroisse, Saint-Jean-de-Matha, Sainte-Béatrix, une section également. Est-ce que vous croyez que cela peut poser des inconvénients pendant cette période de temps avant qu'ils se joignent à la zone ou non? Est-ce que vous croyez que cela peut créer des inconvénients sérieux?

M. Duval: Je pense qu'à l'intérieur des noyaux agricoles de chacune de ces municipalités de très nombreux agriculteurs sont très impatients d'être annexés aux zones désignées. Nous ne sommes pas entrés en contact avec chacun de ces agriculteurs. Nous avons eu un rapport du syndicat de base représentant ces agriculteurs. On sait pertinemment que certains noyaux ont manifesté le désir qu'on fasse des représentations pour les faire reconnaître zone désignée.

M. Mercier: Deuxième question. Compte tenu de certains dossiers auxquels vous avez été mêlés de près — je pense par exemple à la fameuse ligne Carignan, à la route d'accès à Joliette ou au viaduc de Lavaltrie — l'article 96, est-ce que cela vous préoccupe un peu, qui dit que le gouvernement, sur avis...?

M. Duval: Je pense qu'on souhaite ardemment que cet article soit éliminé, pour justement empêcher la tentation d'utiliser les pouvoirs donnés au gouvernement en vertu de cet article, comme la confédération l'a réclamé. Je pense que, le lendemain de l'adoption d'une loi comme telle, on est tous armés de bonne volonté, mais, quelquefois, la tentation nous fait succomber trop facilement lorsque c'est trop bien défini dans la loi.

M. Mercier: Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre, le mot de la fin.

M. Garon: Je pense que c'est pas mal clair. Je vous remercie infiniment d'être venus. Vous pouvez être convaincus que tout le monde a été bien content d'entendre votre message, parce qu'il contenait des suggestions très intéressantes. Merci beaucoup.

M. Duval: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la commission, je remercie M. Duval et M. Massicotte pour le mémoire qu'ils ont présenté.

J'inviterais maintenant la Fédération de l'UPA de Saint-Jean-de-Valleyfield, représentée par M. Réal Montcalm, secrétaire général, à présenter son mémoire. Est-ce qu'il y a des gens de l'UPA de Saint-Jean? Ils ne sont pas ici?

M. Duval: Je crois qu'ils se sont retirés.

Le Président (M. Boucher): Alors, nous allons passer aux représentants de Gaz Métropolitain Inc.

Messieurs, si vous voulez vous identifier et procéder à la lecture de votre mémoire. Gaz Métropolitain Inc

M. Fortier (Marc): M. le Président, mon nom est Marc Fortier. Je suis vice-président au contentieux et secrétaire de la compagnie Gaz Métropolitain. M'accompagnent ce soir, à mon extrême gauche, M. Hubert Duvieusart, agronome-conseil, à sa droite, Me Jean Archambault, avocat et, à ma droite, M. Arsène Lessard, vice-président à l'ingénierie de Gaz Métropolitain.

M. le Président, M. le ministre, messieurs, nous tenons tout d'abord à vous remercier de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui d'exprimer notre point de vue à cette commission parlementaire sur le projet de loi no 90 intitulé Loi sur la protection du territoire agricole.

Vous avez entendu tantôt le point de vue d'un transporteur de gaz naturel. Nous vous ferons maintenant entendre celui du distributeur de gaz naturel, celui qui se raccorde après dans l'ordre séquentiel.

Messieurs, si ce projet de loi qui est présentement sous étude était adopté dans sa forme actuelle, nous croyons qu'il risquerait d'entraîner des conséquences fâcheuses sur le développement de l'industrie du gaz naturel au Québec ainsi que pour les usagers de cette industrie et notre entreprise.

Loin de nous opposer aux principes énoncés dans ce projet de loi qui vise à assurer la protection du territoire agricole au Québec, nous voulons simplement attirer votre attention sur le fait que notre compagnie, en exploitant son réseau de distribution par gazoduc souterrain, ne cause aucun dommage, ni n'entrave de façon permanente les exploitations agricoles.

Par contre, si elle était assujettie aux dispositions de cette loi, telle qu'elle est présentement rédigée, notre entreprise subirait des inconvénients majeurs en raison des délais et des coûts engendrés par son application. Nous croyons donc qu'il serait dans l'intérêt des usagers et de notre compagnie de soustraire notre réseau de distribution de gaz naturel du champ d'application de la loi.

Nous avons préparé le présent mémoire en espérant qu'il puisse servir aux présentes délibérations.

Dans ce document, nous avons tenté de développer les points suivants: l'entreprise Gaz Métropolitain, les possibilités d'expansion du réseau de transport et de distribution de gaz naturel au Québec, les effets de l'implantation d'un gazoduc en milieu agricole, les répercussions du projet de loi no 90 sur l'activité de notre entreprise et enfin nos recommandations.

M. le Président, j'omettrai certains paragraphes de l'historique de notre mémoire afin d'abréger mon exposé. J'aimerais cependant que notre mémoire soit reproduit in extenso au journal des Débats.

Le Président (M. Boucher): Monsieur, on a d'ailleurs voté cette motion cet après-midi. (Voir annexe A)

M. Fortier: Merci, M. le Président. L'entreprise Gaz Métropolitain a tout d'abord existé sous la raison sociale de Corporation de gaz naturel du Québec. Elle a été constituée le 15 juin 1955, en vertu des lois de la province de Québec, pour s'occuper de la vente et de la distribution du gaz naturel à l'intérieur d'un territoire accordé par la loi.

Le 21 février 1957, la Législature adoptait la loi concernant la vente et la distribution de gaz. Cette loi avait comme effet de soumettre les distributeurs de gaz au pouvoir de réglementation de la Régie provinciale de l'électricité devenue subsé-quemment la Régie de l'électricité et du gaz. Cette régie fixe non seulement les taux et tarifs du gaz, mais elle a des pouvoirs généraux de surveillance et d'arbitrage en matière de vente, de distribution, de transport et d'emmagasinage de gaz.

Nous exploitons présentement un réseau de distribution par canalisation souterraine dans le territoire qui nous est accordé par la loi et qui comprend l'île de Montréal, les municipalités ou parties des municipalités situées dans un rayon de quinze milles de l'île et les comtés de Verchères et de Richelieu, ainsi qu'une partie du comté de Rouville, qui sont situés sur la rive sud du Saint-Laurent. (22 h 15)

En prévision du raccordement de notre réseau avec TransCanada PipeLines Limitée et de la conversion du système de distribution, pour le rendre apte à l'usage du gaz naturel, Gaz Métropolitain construisait, en 1957, 34 milles de canalisation partant d'un point de raccordement à Sen-neville vers l'extrémité est de l'île de Montréal. En 1959, 45 milles de conduite ont été ajoutés pour desservir la rive sud du fleuve Saint-Laurent. En 1962, un nouveau prolongement du réseau nous a amenés à desservir Tracy et Saint-Joseph-de-Sorel, 18 milles en aval de Contrecoeur. En 1969, le réseau était de nouveau augmenté d'une conduite pour desservir le potentiel industriel et commercial de la région de Valleyfield et, enfin, en 1972, Gaz Métropolitain installait un gazoduc d'environ 40 milles pour desservir les installations de réduction de minerai de fer de la compagnie SIDBEC à Contrecoeur. Plus près de nous, en 1977, la compagnie étendait son réseau à Marie-ville. Vous trouverez d'ailleurs, en annexe A, je crois, un plan indiquant nos principales lignes de distribution.

Au 31 décembre 1977, le réseau de distribution de la compagnie comprenait 960 milles de conduite d acier enrobé, 655 milles de conduite de fonte, 30 milles de conduite en plastique, ainsi que 90 508 branchements de service, dont 2927 en plastique, et il y avait environ 172 000 compteurs chez 169 940 clients. Grâce aux améliorations apportées aux installations et à la continuité d'un programme intensif d'entretien préventif et de sécurité du réseau, la compagnie a pu maintenir à un degré élevé la sécurité de son système de distribution.

Le territoire que la compagnie est présentement autorisée à desservir comprend une population globale de plus de 3 millions de personnes, un total de 56 municipalités, et les régions hautement industrialisées de l'île de Montréal et de la rive sud du Saint-Laurent jouissent du gaz naturel.

A l'intérieur de notre franchise, la concurrence est particulièrement vive, en raison du fait qu'il existe à Montréal une guerre de prix entre les raffineries de pétrole; le prix du gaz est indexé sur celui du pétrole brut à Toronto et les coûts du gaz naturel sont légèrement plus élevés à Montréal qu à Toronto, en raison du coefficient d utilisation inférieur.

Face à une telle situation, la compagnie a réussi avec difficulté à augmenter ses ventes et a dû utiliser des moyens incitatifs pour se tailler une meilleure place dans le marché de la distribution de l'énergie, l'objectif étant d'assurer les clients d'une utilisation aussi facile du gaz que de toute autre forme d énergie.

Les possibilités d expansion du réseau de transport et de distribution de gaz naturel au Québec. Dans son livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie intitulé "Assurer l'avenir", le gouvernement du Québec semble favoriser une plus grande pénétration du gaz naturel dans le marché énergétique québécois. A cet égard, le livre blanc prévoit, et je cite: "Les qualités particulières du gaz naturel comme facteur d'industrialisation, ses caractéristiques de propreté au niveau du transport et de la combustion ainsi que la sécurité des approvisionnements de gaz naturel en font une forme additionnelle d'énergie avantageuse pour le Québec dans la transition énergétique qui s amorce. Dans lélaboration de nos prévisions, nous avons fait l'hypothèse que le gaz naturel pourrait, selon les conditions qui lui seraient faites, satisfaire entre 6% et 12% des besoins énergétiques du Québec en 1990. " Une précision; actuellement, nous occupons, dans le bilan énergétique, environ 6%. Ce que voulait dire le livre blanc, de la façon que nous l'avons compris, c est qu'on pourrait doubler l'utilisation du gaz naturel au Québec. Alors, quand on dit entre 6% et 12%, ce serait passer du taux actuel à un potentiel double. A l'heure actuelle, TransCanada PipeLines Limitée est le seul transporteur de gaz naturel au Québec. Cette compagnie achemine les réserves de gaz naturel de l'Alberta aux différentes stations de mesurage de Gaz Métropolitain dans la région de Montréal.

Il existe actuellement deux projets majeurs d'expansion pour le Québec. En effet. TransCanada PipeLines Ltée et Q & M Pipes Lines Limited ont l'une et l'autre récemment présenté à l'Office national de l'énergie des projets d'expansion en vertu desquels le réseau transcanadien de transport de gaz serait prolongé à l'est de Montréal pour desservir notamment la ville de Québec et les municipalités de la vallée du Saint-Laurent situées le long de ce parcours.

J'aimerais, à ce moment-ci, vous faire un commentaire qui n'apparaît pas au dossier. Selon nos estimations et les projets actuels qui ne sont, je l'avoue, qu à l'état de projets puisque ce n est même pas décidé pour le transporteur, mais on parle de desservir — peu importe qui sera le distributeur, cela restera à déterminer, c'est sous toute réserve — des villes comme Saint-Jérôme. Joliette, Trois-Rivières, Lachute, Bécancour. Saint-Hyacinthe. Drummondville et on parle, comme ordre de grandeur au niveau de la distribution, d'environ S500 000 000. Je ne veux pas faire le lapsus et dire S500 000, il s'agit de $500 000 000 qui s ajoutent évidemment aux chiffres mentionnés tantôt.

L'effet de l'implantation d'un gazoduc en milieu agricole: Même si l'établissement d'un gazoduc souterrain nécessite des travaux impressionnants d'excavation, il faut savoir que l'emprise temporairement affectée a un maximum d'environ 60 pieds de largeur. De plus, il est maintenant bien établi que l'installation d'un tel gazoduc souterrain ne cause aucun dommage permanent à l'exploitation agricole lorsque les travaux de construction et de restauration ont été bien planifiés. La présence d'une telle infrastructure ne modifie en rien les possibilités d'utilisation agricole des sols.

En général, les travaux de construction consistent dans le nivellement et le déblaiement de l'emprise, l'excavation d'une tranchée, la pose des tuyaux et la vérification de leur étanchéité, le remblayage de la tranchée et la restauration du sol La tranchée est creusée à une profondeur suffisante pour dégager les fossés et permettre I exploitation normale du sol cultivable. Les travaux de construction peuvent en général s'effectuer pendant la période d'automne et d'hiver de façon à réduire au minimum les pertes de récoltes.

Des équipes de construction nettoient le site de construction aussitôt que le gazoduc est enfoui dans le sol afin que le cultivateur puisse reprendre les activités agricoles sur l'emprise dès le printemps suivant. Une fois le nettoyage achevé, des équipes de restauration se mettent à l'oeuvre pour remettre l'emprise dans l'état où elle était avant le passage du gazoduc. Les drains brisés sont remplacés. La couche superficielle du sol. qui a été enlevée et ramassée par les équipes de construction, est épandue sur l'emprise. Le sol est ensuite travaillé (labour, hersage, fertilisation, semis, etc.) pour le remettre immédiatement en état d'exploitation. Si possible, ces travaux du sol sont effectués par le propriétaire ou un cultivateur du voisinage moyennant compensation. En suivant cette méthode, seule la récolte d'une année sur l'emprise du gazoduc peut être touchée par les travaux de

construction et de restauration au cours de la première année seulement. Cependant, toute perte de récolte est rapidement compensée.

Selon notre expérience et celle de nos experts en la matière, avec un tel programme de construction et de restauration des sols, un gazoduc souterrain ne laisse aucune séquelle permanente sur des sols affectés à l'agriculture. Dans plusieurs cas, tel que vous l'a indiqué un intervenant précédemment, on a noté que le rendement sur l'emprise était supérieur à celui obtenu sur le reste de la ferme. Après quelques années, il est généralement impossible de voir le tracé du gazoduc et ce tracé peut être découvert seulement par les couleurs voyantes des poteaux de clôture aux endroits où est située la servitude.

Les répercussions du projet de loi no 90 sur l'activité de notre entreprise: Dans le cours de son activité, notre compagnie doit acquérir de temps à autre, par entente de gré à gré ou par expropriation, des servitudes de passage pour l'implantation des gazoducs. De plus, notre compagnie doit acquérir occasionnellement de petites parcelles de terrain d'environ 20 pieds sur 20 pieds où sont érigées des stations de décompression et de mesurage.

Etant donné que le projet de loi no 90 empêche l'utilisation d'un lot à une fin autre que l'agriculture dans une région agricole désignée sans l'autorisation de la commission, et étant donné qu'une personne ne peut, sans cette autorisation, procéder à l'aliénation d'un droit réel immobilier et donc, d'une servitude de passage, nous croyons que si le projet de loi no 90 était adopté dans sa forme actuelle, il en résulterait de sérieuses répercussions sur notre compagnie, tant en raison, premièrement des délais imposés par la procédure prévue pour une demande d'autorisation à la commission, de l'incertitude que ceci nous causerait et des coûts additionnels.

Tout d'abord, quant aux demandes d'autorisation à la commission, si notre compagnie doit se conformer aux formalités requises pour obtenir I autorisation de la commission et des différentes corporations municipales, le cas échéant, avant d'installer son réseau souterrain de gazoduc, dans une région agricole désignée ou dans une zone agricole, nous croyons que les délais qui peuvent résulter de ces demandes se traduiront par des pertes importantes pour notre compagnie, lesquelles devront être assumées par les usagers de notre service par le biais de la réglementation.

Notre compagnie est déjà soumise à la surveillance et au contrôle de la Régie de l'électricité et du gaz ainsi qu'aux différentes lois concernant l'environnement. Les organismes responsables de l'application de ces lois peuvent exiger déjà de notre compagnie la soumission de plans et devis de construction, des rapports concernant l'impact sur l'environnement, et même des audiences publiques dans le cas de la Régie de l'électricité et du gaz.

Notre compagnie est de plus astreinte à des normes sévères de construction et doit respecter les codes en vigueur. J'y reviendrai plus tard, mais ce sont les mêmes codes que ceux dont a parlé un précédent intervenant, TransCanada PipeLines. J'y reviendrai peut-être après.

Si les dispositions du projet de loi no 90 étaient adoptées telles qu'elles sont présentement rédigées, notre compagnie devrait soumettre des demandes à la commission et aux corporations municipales, le cas échéant, pour être autorisée à utiliser des lots à des fins autres que l'agriculture ou pour acquérir un droit de servitude de passage sur chaque lot situé dans une région agricole désignée ou une zone agricole. Elle devrait même présenter de telles demandes à la commission et aux corporations municipales, le cas échéant, pour installer et exploiter un gazoduc dans l'emprise d'un chemin public, d'une rue et d'une ruelle cadastrée.

Le projet de loi no 90 prévoit qu'une personne désirant poser l'un des actes nécessitant l'autorisation de la commission doit faire une demande à ladite commission et aux corporations municipales, le cas échéant. La loi ne prévoit aucun délai pour que la commission entende la demande, ni aucun délai pour quelle rende sa décision. Cependant, un délai de trois mois est prévu pour les décisions d'une corporation municipale. La loi prévoit que la commission doit donner à toute partie intéressée l'occasion de faire des représentations écrites et en certains cas, elle peut tenir des audiences publiques. En plus, le projet de loi prévoit que la commission peut réviser et même révoquer toute décision dans les six mois suivant la date à laquelle elle a été rendue.

Nous sommes d'avis que notre entreprise ne peut faire affaires de façon efficace, rentable et concurrentielle avec de telles contraintes surtout lorsque nos concurrents de l'industrie pétrolière ne subissent aucune contrainte semblable.

Si nous ne pouvons pas répondre rapidement et avec une certaine souplesse aux besoins du marché, nous perdrons certainement le nouveau marché potentiel au profit de nos concurrents.

L'incertitude que j'ai soulevée précédemment. Dans un monde énergétique en constante évolution, nous devons être en mesure de faire face aux changements rapides et à une vive concurrence de façon efficace et souple.

Le projet de loi, tel que rédigé, entraînerait une atmosphère d'incertitude en raison du fait qu'il ne prévoit pas: les normes et critères qui doivent être suivis par la commission dans l'adjudication des demandes; les règles de pratique et de procédure à suivre devant la commission, que cela soit pour la soumission de documents ou pour les enquêtes quelle peut tenir et enfin, les délais à l'intérieur desquels la commission doit entendre et rendre une décision. Tous ces facteurs nous empêchent de planifier d'avance la construction, la localisation et les conditions de construction en milieu agricole.

Les coûts additionnels. Parmi ces coûts qui résultent de l'application de ce projet de loi, on peut souligner les frais de préparation de plans, devis et autres documents, frais d'expertise, et les frais nécessités par l'obtention des autorisations

de la commission. Les délais, en outre, entraîneront des frais additionnels, notamment pour la main-d oeuvre et les matériaux et une perte de revenus puisque nous ne pourrons desservir en temps utile une partie du marché. (22 h 30)

Finalement, nous devrons certainement supporter les coûts additionnels, s'il faut faire dévier le gazoduc de façon substantielle en raison d'une décision de la commission ou d'une corporation municipale. Tel que je l'ai mentionné, puisque nous sommes une entreprise réglementée, ce sont nos usagers qui, au premier chef, doivent supporter ces coûts additionnels. Cette situation pourrait créer de sérieux problèmes également à l'égard de notre position concurrentielle et le fait que notre compagnie ne puisse faire face à la concurrence, irait à l'encontre des objectifs du livre blanc sur I'énergie où l'on prévoit: "C'est au niveau des prix que se pose la question essentielle. La compétitivité du gaz face à d autres formes d'énergie doit être assurée. Il est illusoire en effet de croire qu'on puisse favoriser la consommation de gaz si son prix n'est pas concurrentiel. C'est là un des principaux facteurs qui ont limité l'utilisation du gaz au Québec dans le passé et l'on ne peut s'attendre qu'il joue différemment dans l'avenir à moins qu'il n'y ait adaptation conforme aux conditions de marché. "Pour sa part, afin de faciliter la mise en marché, le gouvernement du Québec envisage le retrait de sa taxe de vente au détail de 8% sur le gaz naturel. Comme les produits pétroliers ne sont pas assujettis à cette taxe de vente, et dans l'hypothèse où un effort approprié serait fait au niveau de la production et du transport pour rendre le gaz compétitif, une telle mesure paraît naturelle."

Enfin, M. le Président, permettez-moi de formuler nos recommandations.

Une fois que le réseau souterrain est installé, I activité agricole peut reprendre sur le site de I emprise, la destination du sol demeure donc inchangée. Nous soumettons que les objectifs de la loi, qui sont d'assurer la préservation du patrimoine agricole sont atteints.

En conséquence, nous ne voyons aucune raison pour laquelle une entreprise d'utilité publique comme la nôtre devrait être assujettie à la loi.

Si le législateur désire s'assurer que les critères de protection du territoire agricole soient respectés, il devrait conférer les pouvoirs nécessaires à la Régie de l'électricité et du gaz à l'exclusion de la juridiction de la commission. En effet, la régie exerce déjà un pouvoir général de surveillance et de contrôle portant notamment sur la sécurité, les normes de construction, les besoins des usagers actuels et futurs, les coûts à être supportés par ces usagers et la rentabilité des entreprises qui est essentielle au maintien de la qualité du service. La Régie de l'électricité et du gaz est donc l'organisme tout indiqué pour assurer cette protection en raison de sa vaste expérience et de ses connaissances techniques. En outre, grâce à ses pouvoirs et à son personnel de surveillance, la régie pourra s'assurer du respect de toutes les lois pertinentes sans coûts additionnels ni délais indus. Par ailleurs, la Commission de protection du territoire agricole pourra faire connaître son point de vue devant la régie par des représentations ou par l'établissement de normes et critères visant à guider la régie dans l'exercice de la juridiction de cette dernière. Nous croyons que si nos recommandations sont acceptées, non seulement l'intégrité du territoire agricole sera respectée, mais aussi nous pourrons continuer d'être un instrument efficace dans le cadre de la politique énergétique du Québec.

J'aimerais vous souligner, avant de terminer mon allocution, que nous vous soumettons également en annexe B plusieurs suggestions de modifications au projet de loi et je pense qu'il n'y a peut-être pas lieu que j'en donne le détail tout de suite. Si vous avez des questions, je ne veux pas prendre trop de temps de la commission là-dessus. Alors, M. le Président, messieurs les membres, ceci termine mon allocution. Maintenant, c'est avec plaisir que je répondrai, à l'aide de mes collègues, à vos questions.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Fortier. M. le ministre.

M. Garon: Quand vous êtes allé cet été vers Marieville, vous ne l'avez peut-être jamais su, mais votre projet avait été étudié au ministère de l'Agriculture. Je disais que je ne voulais pas mentionner de noms tantôt, mais, en dedans d une semaine, le ministère de l'Agriculture avait donné son avis favorable, à ce moment-là, je pense que c'était au ministre de l'énergie, qui avait un projet. Faisons donc comme avec les lignes de l'Hydro-Québec, pour que les lignes de transport de gaz, on puisse regarder cela. Il nous avait transféré le dossier en dedans d'une semaine. On avait dit: Pas de problème.

M. Fortier: Est-ce que vous me permettez un commentaire, M. le ministre?

M. Garon: Oui.

M. Fortier: Effectivement, dans le cas de ce projet — je ne vise pas à répondre ou à prendre votre déclaration au pied de la lettre, je ne vise absolument pas le ministère de l'Agriculture — des circonstances exceptionnelles — cela a été très court, très rapide, je dois l'admettre — ont fait que cela a été reporté, à l'étude du Conseil des ministres, d'une semaine seulement. Ce seul petit délai nous a causé des coûts additionnels de $72 000.

M. Garon: Pourquoi?

M. Fortier: Ce que je veux dire par là, c'est que cela a été très efficace, mais imaginez, si cela ne l'avait pas été, si on était soumis à d'autres délais, si on parlait de deux ou trois mois.

M. Garon: Pourquoi cela a-t-il coûté $72 000 pour une semaine?

M. Lessard (Arsène): M. le Président, la raison pour laquelle on a été obligé de verser $72 000 à l'entrepreneur qui a fait les travaux, c'est qu'il y avait un échéancier bien précis, il y a eu des soumissions bien précises et, comme vous savez, cette "ligne" a été construite à l'automne, très tard, et elle devrait être terminée avant Noël. Vous savez qu'après Noël, le sol gèle et que les coûts d'hiver sont majorés de 65%. Alors, l'entrepreneur nous a certifié qu'à cause de ce délai, il était dans l'impossibilité de terminer ce travail avant la mi-janvier et il nous a réclamé $72 000 qu'il a fallu débourser.

M. Fortier: Je réitère mon commentaire, c'est effectivement très rapide et ça ne vise absolument pas à contredire ce que vous disiez. C'est juste pour indiquer comment cela peut être fragile, un délai, M. le ministre. Une semaine, c'est très court, c'est très efficace. Je salue l'efficacité du gouvernement, mais cela a coûté $72 000. Imaginez si c'était trois mois devant une commission!

M. Garon: Entre le jour où vous avez envoyé ça au gouvernement et l'approbation, cela a pris combien de temps?

M. Fortier: Cela a été très court, je ne me rappelle pas les délais exacts, parce que je ne m'attendais pas à cette question en particulier, M. le ministre. Mais cela a été une affaire de quelques semaines.

Entre le moment... Je devrais peut-être expliquer quelque chose, pour le bénéfice des membres de la commission. Il s'agissait d'une extension de notre réseau à l'extérieur de notre franchise, ce qui supposait que nous présentions une requête à la Régie de l'électricité et du gaz, qui devait étudier ça avec des auditions, des intervenants, tout ça. Une fois la décision de la régie rendue, la régie ne rend pas une décision de l'accorder ou non, mais donne un avis au lieutenant-gouverneur en conseil et c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui prend la décision. Cela a été rapide devant le lieutenant-gouverneur en conseil. Le Conseil des ministres, ce n'est pas le magasin du coin, ça ne se réunit pas tous les jours et ça ne fonctionne pas 24 heures par jour, mais il y a eu, à un moment donné, un accrochage quelconque qui était mineur, qui a fait que cela a été reporté d'une semaine, je pense. Cela a apporté des coûts additionnels de l'ordre de ceux que je vous mentionnais.

C'était seulement pour sensibiliser les membres au fait que tout délai implique des coûts.

M. Garon: ... vous l'avez exprimé de façon claire, j'ai l'impression que vous êtes en contact avec nos avocats.

M. Fortier: Pardon?

M. Garon: Vous êtes en contact avec nos avocats, je pense, pour trouver une formule où on pourrait, où les approbations pourraient être rapides, pour trouver une formule.

M. Fortier: Effectivement, M. le ministre, nous avons eu certaines rencontres privées, mais c'est un peu embêtant, les rencontres que nous avons eues. Enfin, si c'est un projet de loi qui est à l'étude, je pense qu'au moment où on se parle, c'est encore sous la juridiction du Parlement et je suis un peu embêté de m'embarquer dans...

M. Garon: Non, je veux simplement dire qu'on veut trouver une formule pour rendre tout le processus rapide et efficace, pour qu'il n'y ait pas d'embêtements, parce que je pense que, d'une façon ordinaire, d'après ce qu'on sait, votre façon d'agir ne crée pas d'embêtements aux agriculteurs.

M. Fortier: Je pense que nous avons bénéficié de l'intervenant précédent, la formule devrait être à peu près semblable, parce que les problèmes sont à peu près semblables. J'aurais peut-être un commentaire additionnel sur le parallèle à établir entre les problèmes du précédent intervenant, TransCanada, et notre entreprise. C'est que les problèmes qui se posent sont d'ordre séquentiel. Lorsque TransCanada a parlé de la possibilité de délai d'un an, le distributeur, qu'il soit Gas Métropolitain ou un autre, attend pendant ce temps. Ses délais n'ont pas commencé à courir. Le pipe-line passe et viennent se raccorder les distributeurs qui ont des branchements multiples.

A cela s'ajoutent des délais. Donc, les délais sont additionnels cumulatifs et, en plus, les autorisations requises ou la toile d'araignée, si je peux m'exprimer ainsi, est plus importante dans notre cas, parce que pour nous, cela s'en va par branchements. Le problème est additionné et décuplé.

M. Chevrette: C'est le grossiste par rapport au détaillant.

M. Fortier: Pardon?

M. Chevrette: C'est l'histoire du grossiste et du détaillant.

M. Fortier: Exactement. M. Garon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: On vous félicite pour votre mémoire. A la lecture de ce mémoire, on découvre la situation que vous vivez en matière de nécessité de traverser des fermes avec les tuyaux de distribution. Ce sont à peu près les problèmes que rencontre l'organisation qui vous a précédés ce soir, soit TransCanada, mais avec une différence. A la suite des commentaires qu'on retrouve dans votre mémoire, il semblerait que vous êtes beaucoup moins en mesure ou en position de supporter la concurrence ou la compétition d'autres vendeurs d'énergie, que pourrait l'être TransCanada.

M. Fortier: TransCanada ne vend pas d'énergie. Elle se contente de la transporter. Je veux

faire cette distinction avant de répondre à votre question. Si je comprends bien votre question, vous voulez savoir si nous avons des problèmes particuliers que d'autres transporteurs n'ont pas. Ma réponse est oui.

Nous avons disserté longuement là-dessus, dans une précédente commission parlementaire, l'an dernier, avant la parution du livre blanc sur la politique énergétique. Nous croyons modestement que les citations données sont en partie inspirées — elles sont inspirées d'autres interventions également — des nôtres. Je pense que le gouvernement a été conscient du fait que la situation dans le marché énergétique est très différente dans le Québec.

Permettez-moi de vous citer quelques chiffres. Au Québec, dans le bilan énergétique, 70% c'est le pétrole; 21% environ, c'est l'hydroélectricité; 6% c'est le gaz naturel. En comparaison, en Ontario, le gaz naturel représente 35% du bilan énergétique. Dans le reste du Canada il représente 30% et aux Etats-Unis, il représente environ 35%. Dans certains pays d'Europe, c'est encore plus fort.

Il est important de souligner — cela aussi est indiqué dans le livre blanc — que des réserves de gaz naturel au Canada, on en a pour très longtemps, contrairement aux réserves de pérole. Cela va vous sembler curieux qu'ailleurs, on fonctionne aussi bien, qu'on ait beaucoup de ressources énergétiques en gaz naturel et qu'on ait pénétré si peu le marché. C'est dû à une foule de raisons et je ne voudrais pas faire toute l'analyse de la situation énergétique.

Depuis l'établissement de la ligne Borden, qui est la ligne imaginaire qui sépare le Québec et l'Ontario au point de vue énergétique, la province de Québec et les marchés de l'Est sont tributaires du pétrole importé. A court et à moyen terme, si on parle d'une situation conjoncturelle, il y a des surplus de pétrole, notamment sur le marché montréalais. Je pense que si vous venez à Montréal et que vous faites le plein de votre automobile, vous allez vous rendre compte qu'il y a une guerre de prix épouvantable. Les raffineries qui sont toutes situées à l'Est de Montréal, il n'y en a aucune qui fonctionne à pleine capacité et elles se battent pour s'arracher le marché. Le gaz naturel ici, entre dans un marché qui est plus éloigné, si vous voulez, avec des coûts additionnels et fait face à une situation, je le souligne, conjoncturelle. C'est d'ailleurs reconnu par le livre blanc. A court terme, il y a trop de pétrole. On va en manquer peut-être dans quelques années et le gaz naturel a de la difficulté à pénétrer. C'est pour cette raison que je me suis permis de faire ces citations du livre blanc. C'est reconnu non seulement par le gouvernement, mais par tous les experts en la matière. Je pense que c'est important de situer cela dans ce contexte.

M. Giasson: Mais comme certains de vos prédécesseurs, vous souhaiteriez être exclus des obligations de l'application de la loi?

M. Fortier: C'est exact.

M. Giasson: Si le gouvernement devait répondre favorablement à cette demande, vous réalisez qu'il y aurait beaucoup d'organismes qui auraient aussi le droit d'être exclus.

M. Fortier: Pas nécessairement.

M. Giasson: Même les ministères et les organismes qui ont une dépendance du gouvernement sont assujettis à la loi.

M. Fortier: Est-ce que vous faites référence à l'article 2, M. Giasson? (22 h 45)

M. Giasson: Oui.

M. Fortier: C est que nous croyons — là-dessus, nous sommes dans le même cas que TransCanada — que nous ne causons aucun dommage permanent à I agriculture. Nous ne changeons pas la destination ultime du soi. Je peux prendre un exemple. Si le ministère des Travaux publics construit une route — dans certains cas, je suis bien prêt à croire que c'est nécessaire une route, cela va de soi. Il reste que vous ne pourrez plus cultiver de carottes et de radis sur votre route, mais vous allez toujours pouvoir continuer à cultiver des carottes et des radis, même sur lemprise du gazoduc, juste au-dessus du tuyau. Je pense que cela est très important.

Peut-être une distinction, si vous me permettez, M. le Président, toujours en réponse à la même question, on demande d être exclu de l'application de cette loi en particulier, mais nous ne disons pas que nous ne sommes pas en mesure de nous conformer à ces normes et nous sommes prêts à nous conformer à ces normes et nous tentons de suggérer le moyen le plus efficace de nous y conformer. Nous ne croyons pas que de faire application devant un organisme additionnel qui a une juridiction additionnelle, des délais additionnels, etc., vienne aider le but de la loi. Foncièrement, c'est tout simplement cela

M. Giasson: Vous aimeriez passer outre à l'étape dune demande aux municipalités, le palier des municipalités pour aller directement à la commission?

M. Fortier: Non, actuellement, nous devons demander la permission aux municipalités lorsque notre gazoduc passe sur un territoire qui est sous la juridiction municipale. M. Lessard pourra me corriger. Je pense qu'il y a trois cas. Lorsque nous passons dans les emprises de routes provinciales, nous devons demander la permission au ministère concerné. Lorsque nous passons dans un territoire municipal, nous devons demander la permission à la municipalité et, lorsque nous passons sur un terrain privé, nous devons demander la permission au cultivateur ou au propriétaire urbain, selon le cas, par le moyen d'un droit de passage.

M. Giasson: II y a quelque chose que je n'ai pas compris dans une des phrases qu'on retrouve

à la page 11. Vous dites: "Elle devrait même présenter de telles demandes à la commission et aux corporations municipales, le cas échéant, pour installer et exploiter un gazoduc dans l'emprise d'un chemin public, d'une rue ou d'une ruelle cadastrée".

M. Fortier: C'est notre interprétation.

M. Giasson: A l'intérieur d'un territoire qui n'a plus aucune vocation agricole, sans doute à tout jamais...

M. Fortier: Respectueusement, ce n est pas notre interprétation du projet de loi actuel. La réponse que je donnais tantôt — j'espère qu on se comprend bien — c'était sur la situation actuelle. Quand je parlais de demander la permission aux municipalités dans les territoires municipaux, je ne parlais pas de notre interprétation du projet de loi actuel, je parlais de la situation que nous avons vécue dans les années précédentes. Est-ce que nous nous sommes bien compris là-dessus?

M. Giasson: D'accord, cela va.

M. Fortier: Si on parle de la nouvelle loi, c'est une toute autre chose. De la façon dont nous la lisons, nous sommes soumis à aller devant la commission dans tous les cas de régions qui sont zo-nées agricoles. J'irai plus loin. Le projet de loi prévoit certaines possibilités qu'il y ait des fois des auditions devant la Régie de l'électricité et du gaz. Je pense à l'article 107, si ma mémoire est fidèle, mais cela n'exclut pas, toujours dans ce projet de loi, la juridiction de la Commission de protection du territoire agricole.

M. Giasson: Je voudrais vous remercier encore une fois de... Oui, vous aviez peut-être un commentaire.

M. Lessard (Arsène): A titre d'exemple, on pourrait prendre la ville de Laval. Présentement, notre interprétation de la loi est la suivante: On ne peut pas poser de tuyaux dans la ville de Laval, même dans les rues existantes, lesquelles rues sont dans la zone agricole.

M. Giasson: Vous ne pouvez pas parce que la municipalité ne veut pas émettre de permis ou d'autorisation?

M. Chevrette: Qui vous a donné cette interprétation?

M. Archambault (Jean): Je dois confesser que c'est moi. Vous verrez, je pense... Nous avons fait une étude assez détaillée du projet de loi et les commentaires sur ce projet de loi apparaissent en annexe. Je pense que c'est pour le bénéfice de la commission ou de ce comité que nous les avons soumis. S'ils peuvent vous être utiles... Je crois qu'il y en a certains qui sont valables. Mais, de la façon dont nous lisons la loi actuellement, les rues et chemins publics cadastrés font partie des zones agricoles. Théoriquement, il faudrait aller à la commission pour obtenir une permission pour aller dessus.

M. Chevrette: Vous comprendrez bien que si ces rues sont déjà construites...

M. Garon: Cela nous fait...

M. Chevrette: ... il y a déjà des maisons de chaque côté, il n'y a pas d'agriculteur là. Entre vous et moi, le gros bon sens va parler.

M. Garon: Comment se fait-il que vous dites que c est interdit dans une rue faite, avec des maisons? Je ne comprends plus.

M. Giasson: Moi non plus, je ne comprends pas. Vous avez tout de même un article qui permet, même depuis le 9 novembre, de faire de la construction en bordure de chemins sur des bandes, des distances définies à l'article, qui sont pourvues des services d'utilité publique, c'est-à-dire des services publics qu'une municipalité accorde à ses contribuables.

M. Archambault: A mon point de vue, avec la rédaction actuelle, je ne crois pas que ce soit si clair et évident. On dit qu'on peut continuer l'utilisation, mais pas toute utilisation autre qu'agricole. C'est l'utilisation qui existe en ce moment. Alors, si c'est le principe des droits acquis, les seuls principes que je connaisse de droits acquis, ce sont les droits acquis dans le domaine municipal. C'est très restrictif.

M. Giasson: Ecoutez...

M. Archambault: Je sais bien que ce n'était pas l'intention du législateur de...

M. Giasson: Vous êtes juriste, je ne le suis pas. Vous avez un bon avantage sur moi.

M. Archambault: C'est pour cette raison qu'on a des commentaires à la loi, et, quelquefois, en changeant quelques petits mots, on peut atteindre la fin que vous recherchez. Entre autres, si je peux vous donner une contradiction évidente, à l'article 6 de la loi, on dit que le quorum de la commission est de trois membres, mais que la commission peut siéger en division, constituée de deux membres. Si on siège en division avec deux membres, je ne vois pas le quorum de trois membres. Il y a un problème de quorum, à ce moment.

M. Giasson: Elle siège avec deux membres, et si les deux personnes ne se mettent pas d'accord, il y en a une qui décide, à toutes fins utiles.

M. Archambault: De toute façon, la commission n'aura pas le quorum pour décider.

M. Garon: Elle siège...

M. Giasson: En sous-division. M. Garon: En sous-division.

M. Archambault: En sous-division, mais on ne dit pas que le quorum est différent en sous-division. Le quorum est établi. Le quorum de la commission est de trois membres. La commission peut siéger en sous-division avec deux membres. Je ne vois pas comment vous allez obtenir le quorum, on ne parle plus de quorum dans la loi.

M. Garon: Oui, ils doivent être deux.

M. Archambault: Ce n'est pas mentionné.

M. Giasson: Celui qui préside a la priorité de décision.

M. Garon: Oui, c'est cela.

M. Archambault: M. le Président...

M. Fortier: De toute façon, ce sont des notions juridiques, détaillées. Je pense que cela ne ferait pas l'objet d'intérêt ici.

M. Garon: Mais...

M. Chevrette: Oui, cela va être au niveau de l'étude article par article. Je suis convaincu que...

M. Archambault: Exactement.

M. Fortier: M. le Président, si vous me permettez de faire une remarque à ce sujet, on ne voudrait pas conduire la commission dans les dédales d'un débat juridique. Je pense que l'exemple qui était donné n'est peut-être pas le plus essentiel à notre industrie, mais on a essayé de diviser nos commentaires de nature légale à deux niveaux: le premier, c'est celui qui touche plus particulièrement les utilités publiques, et l'autre, ce sont des commentaires d'ordre plus général. Nous espérons humblement qu'ils pourront servir à vous en inspirer. Une remarque additionnelle sur la question des chemins publics, c'est qu'il ne faut pas perdre de vue que, contrairement à un transporteur qui, lui, bien souvent — encore là, je ne suis pas certain, dans le cas du transporteur, je ne devrais même pas me permettre cette affirmation, je vais me contenter de nous — ... on ne peut pas toujours passer sur un chemin public, il n'y a pas toujours de chemin public. J'aimerais vous citer un cas particulier, soit celui de SIDBEC, à Contrecoeur. C'est le cas d'une extension de pipe-line de 40 milles de long pour aller essentiellement servir une industrie, parce que le volume est suffisant. Si vous connaissez, évidemment, les usines de réduction de minerai de fer à Contrecoeur, c'est rentable de construire un pipe-line de 40 milles. S il eût fallu suivre les chemins publics, les chiffres qu'on m'a indiqués, comme ordre de grandeur, parlent de millions de dollars de plus, ce seul amendement ne nous satisferait pas. Il nous plairait bien, mais il ne serait pas suffisant. C'est important de suivre la ligne droite dans la mesure où c'est possible, en partant du bon principe de géométrie, à savoir que c'est le chemin le plus court entre deux points.

M. Chevrette: Entre deux points, la ligne droite est toujours le chemin le plus court. Avez-vous des questions, M. le député de Huntingdon?

M. Dubois: Seulement une petite...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le Président, je vous remercie. C'est seulement pour ajouter que, face aux contraintes auxquelles vous auriez à vous soumettre, en vertu du projet de loi 90, j'opterais bien pour qu'on apporte à ce projet de loi un amendement qui aurait pour effet de vous soustraire des contraintes qu'on vous amène à ce moment-ci et de vous soustraire totalement à l'application de la loi. Je pense que cela respecterait vos besoins et ceux de TransCanada PipeLines.

M. Fortier: Je pense à une suggestion, M. le Président, c'est qu'il faudrait qu'aux articles 26 ou 29 et suivants, qui créent la juridiction de la commission, on en soit soustrait et que l'article 107 soit rendu beaucoup plus fort parce qu'il y a seulement un pouvoir de déférer à la régie, ce qui nous apparaît absolument insuffisant, et il y a contradiction entre les deux juridictions.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Garon: Je suis content que vous soyez venus. Quand vous envoyez vos dossiers à la Régie de I'électricité et du gaz, cela prend combien de temps avant qu elle rende une décision?

M. Fortier: Cela dépend. M. Garon: En moyenne?

M. Archambault: Si vous me permettez, M. le ministre, dans le cas de la "ligne" SIDBEC, notre bureau avait préparé une requête devant la Régie de l'électricité et du gaz en date du 6 mars 1972, laquelle requête fut signifiée à la régie le 7 mars; la régie a donné ses avis, les auditions ont eu lieu les 10 et 11 avril et la décision de la régie a été rendue le 30 mai 1972.

M. Garon: Deux mois. Demandez-vous des autorisations aux municipalités?

M. Lessard (Arsène): On doit toujours demander des autorisations aux municipalités lorsqu on est dans des chemins publics, municipaités ou gouvernements, toujours.

M. Garon: II faut que vous envoyiez votre dossier à la commission en même temps que vous l'envoyez à la régie et je vous garantis que, dans

tous les cas, vous allez avoir notre réponse avant, mais sans vous soustraire à vos obligations face aux municipalités.

M. Lessard (Arsène): II y aurait peut-être des cas où Ion pourrait avoir des problèmes de temps, surtout pour les tuyaux où on doit faire des études d'environnement. Comme vous le savez, présentement, il y a une loi qui existe et qui dit que, lorsqu'un distributeur installe un tuyau d'une grosseur de douze pouces ou plus ou un tuyau qui est utilisé à 200 livres par pouce carré et plus, il se doit de produire une étude d'environnement au ministre de l'environnement et d'obtenir un certificat en conséquence. Alors, c'est la première chose qu'on doit faire avant d'entreprendre le projet. Si on est assujetti à la loi agricole, je ne vois pas de quelle façon on pourra brûler les étapes, surtout dans les projets où nous devrons faire une étude d'environnement, parce que la loi de l'environnement dit qu'on va nous donner un certificat définitif, parce qu'on se doit de produire, dans notre étude, des alternatives et on va nous donner un certificat sur une des alternatives, alors que la loi agricole — je fais peut-être de l'interprétation — pourrait peut-être refuser qu'on installe le pipe-line. A ce moment-là, lequel est lequel? Est-ce qu'on fait l'étude d'environnement en premier lieu ou est-ce qu'on va demander une permission préalable à la commission agricole?

M. Garon: Comme vous ne semblez pas, dune façon générale, poser trop de problèmes à l'agriculture, vous seriez mieux de demander à l'environnement avant.

M. Lessard (Arsène): On est obligé de le faire selon la loi.

M. Garon: Oui.

M. Lessard (Arsène): C'est ce qu'on fait, mais il n'y a rien qui nous dit qu'à ce moment-là, si on a un certificat de l'environnement, on va avoir un certificat de la commisson du ministère de l'Agriculture.

M. Garon: Normalement, vous passez vos tuyaux où, dans l'emprise des routes et des choses comme celles-là?

M. Lessard (Arsène): On les pose dans les voies publiques; on les pose dans des droits de passage; on les pose dans les endroits les plus rentables.

M. Chevrette: Sauf que vous êtes appelés à avoir plus de négociations, fort probablement, parce que vous êtes des distributeurs, vous avez des paquets de ramifications...

M. Lessard (Arsène): Assurément. M. Fortier: C'est exact.

M. Chevrette: ... contrairement à la TransCanada PipeLines qui a plutôt une voie directe. (23 heures)

M. Fortier: Ce sont des négociations, effectivement. On n'a pratiquement pas d'expropriations. Ce sont des ententes de gré a gré pratiquement tout le temps. Il n'y a à peu près pas de problèmes, de ce côté.

M. Garon: Ce qu'on va arriver à voir de plus en plus, ce sont des corridors de services publics, poteaux de téléphone ou poteaux d'électricité, de tuyaux de gaz, et tout cet ensemble.

M. Fortier: II n'y a qu'une chose qui m'agace à ce point de vue. Que l'on soit comparé à TransCanada, cela ne me dérange pas, mais aux poteaux. Le téléphone n'a pas toujours des choses enfouies. Ce n'est pas pour démolir le dossier d'autres, mais c'est pour bien souligner que vous ne nous voyez plus. On est là durant environ trois mois et après, vous ne vous voyez plus; tandis que les poteaux, vous les voyez encore. On n'est plus là.

M. Chevrette: C'est la réalité.

M. Fortier: Pardon?

M. Chevrette: C'est la réalité.

M. Fortier: Les pylônes et les poteaux sont là; mais nous ne sommes pas là. D'ailleurs, M. le ministre, si vous passez sur la route 10 qui est l'autoroute des Cantons de l'Est, vous ne le savez peut-être pas, mais notre pipe-line passe juste en dessous pour aller desservir SIDBEC. Il faut le savoir et il faut avoir l'oeil clair pour le savoir.

M. Chevrette: Ce n'est pas visible.

M. Garon: Cela veut dire qu'on pourrait...

M. Fortier: Non. J'ai parlé d'ailleurs des normes de sécurité dans notre mémoire et je pense qu'on peut être fier à ce point de vue.

M. Garon: Cela...

M. Fortier: C'est comme les avions et les autos. C'est susceptible d'avoir des accidents.

M. Garon: Cela chauffe un peu le sol en passant.

M. Fortier: J'aime la comparaison avec les autos et les avions, parce que les explosions de gaz, c'est comme les avions. C'est moins fréquent que les accidents d'automobile, mais cela fait surtout la manchette. C'est malheureux. Mais c'est très peu fréquent.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Lorsque vous avez installé une conduite, vous êtes assujettis à des obligations. Ces obligations, vous les respectez en fonction de conditions posées par la Régie de l'électricité et du gaz.

M. Fortier: C'est exact. J'ai mentionné dans notre mémoire que les normes de construction étaient exactement les mêmes que celles de TransCanada. C'est un code — on va me dire le nom...

M. Lessard (Arsène): ACNORZ184. M. Fortier: C'est le code.

M. Giasson: Ce sont les mêmes conditions que celles de l'Office national de l'énergie.

M. Lessard (Arsène): Exactement. C'est le code CSA international.

M. Fortier: C'est un code que je n'ai jamais lu. Je n'y comprendrais rien. Il a 181 pages et avec toutes les normes techniques, il est exactement le même dans tout le Canada.

M. Lessard (Arsène): A titre d'exemple, dans les droits de passage, le code recommande que les conduites soient à une profondeur minimum de 24 pouces. On a comme minimum 30 pouces et plus. On est plus sévère déjà que le code ne l'est.

M. Giasson: D'ailleurs, vous êtes conscients que lorsque vous traversez des fermes à cause des politiques qui existent depuis quelques années en matière de drainage souterrain, pour ne pas causer d'obstacle à des cultivateurs qui voudraient...

M. Lessard (Arsène): D'ailleurs, il y a une clause...

M. Giasson: ... appliquer une politique de drainage souterrain...

M. Lessard (Arsène): ... dans ce code au sujet du drainage. On doit, par exemple, dans les fossés, être à deux pieds et six pouces plus bas que le fond du fossé. Alors, c'est déjà couvert dans le code.

M. Giasson: J'aimerais exprimer mon avis. Etant donné la nature de vos activités, je crois que le ministre responsable de la loi se doit d'examiner, avec beaucoup de sérieux, les possibilités de réduire la période de temps qui devrait s'écouler, compte tenu de ce qu'on sait dans la loi, de manière à ne pas causer de préjudice trop important à vos installations.

Compte tenu des règles que vous respectez et des dommages que vous pourriez causer, cela mérite une attention très sérieuse. Il restera au ministre à décider de façon finale ce qui pourrait être fait dans ces cas.

M. Garon: J'ai dit qu'on porterait une attention à ce cas. D'ailleurs nos avocats ont déjà rencontré les gens de Gaz Métropolitain pour penser à des dispositions dans le cas d'entreprises publiques, dans des cas comme celui-là pour trouver une formule.

Merci.

Le Président (M. Boucher): Alors, au nom des membres de la commission, je voudrais remercier M. Fortier ainsi que ceux qui l'accompagnent pour le mémoire qu'ils ont présenté.

M. Fortier: Merci.

M. Lessard (Arsène): Merci, M. le Président.

Communauté régionale de l'Outaouais

Le Président (M. Boucher): Maintenant, j'appellerais les représentants de la Communauté régionale de l'Outaouais. Alors, messieurs, si j'ai bien compris, vous avez deux parties à votre mémoire. Il y a une allocution du président et il y aurait aussi le mémoire. Compte tenu que nous devons ajourner à minuit, est-ce qu'il serait possible d'essayer de résumer ces deux documents.

M. Rivest (Jean-Marc): M. le Président, nous n'entendons pas lire le mémoire comme tel. Il est cité comme pièce jointe.

Le Président (M. Boucher): II sera retranscrit au journal des Débats. (Voir annexe B)

M. Rivest: D'accord.

Le Président (M. Boucher): Alors, si vous voulez vous identifier et identifier les personnes avec vous.

M. Rivest: M. le Président, mon nom est Jean-Marc Rivest, président de la Communauté régionale de l'Outaouais. Je suis accompagné ce soir par, à ma gauche, M. John Luck, maire de la ville de Gatineau, et à ma droite, M. William Burke, maire de la municipalité agricole de Pontiac et nous devons déplorer que trois des membres de notre délégation aient dû prendre le dernier avion ce soir. Alors, nous étions aujourd'hui accompagnés de M. Léo Fournier, maire de Lapêche, M. Réginald Scullion, maire de l'actuelle ville de Buckingham et M. André Carreau, conseiller de la ville de Hull.

M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, je voudrais commencer en statuant de façon bien énergique que la Communauté régionale de l'Outaouais ne pourra jamais assez exprimer son accord avec les principes que sous-tendent le projet de loi 90 concernant la protection du territoire agricole, et même plus que le principe, le texte complet de la loi moyennant certaines virgules.

Bien avant que ceux qui en parlent le plus se fassent entendre, la Communauté régionale de

l'Outaouais était passée aux actes et avait produit publiquement une première version d'un zonage agricole sur son territoire à l'occasion de la parution de son schéma d'aménagement en date du 1er mai 1976. Dans la version finale de son schéma d'aménagement, adopté intégralement le 9 août 1978 par le ministre des Affaires municipales, M. Guy Tardif, la communauté posait le constat suivant à savoir que: "Ces dernières années, on a assisté à une réduction constante des terres arables au profit de l'urbanisation. Alliée à la progression de l'urbanisation, la spéculation contribue ainsi à la déstructuration graduelle de toute l'industrie agricole régionale". Fin de la citation.

Considérant le sol agricole comme une ressource non renouvelable, la communauté a reconnu comme étant de son devoir le plus strict d'en assurer la protection. Dans cette optique, et je cite encore le schéma d'aménagement: "La communauté a envisagé une politique de zonage qui assurerait une protection absolue de tous les sols agricoles en y permettant que l'agriculture et ses usages connexes. Cependant, l'aménagement du territoire commande une approche synthétisante et intégrée de l'allocation des différentes ressources et fonctions". La communauté ne pouvait donc considérer la protection du sol agricole et de l'agriculture indépendamment de l'ensemble des contraites d'organisation future de son territoire. Elle ne le peut toujours pas.

Je vous invite, à ce stade-ci, à considérer la proposition concrète de zonage agricole que la communauté a adoptée par son schéma d'aménagement. Vous avez, dans vos mémoires, deux planches couleurs qui représentent l'affectation des sols. Nous avons reproduit en liséré rouge l'équivalent de la zone provisoire pour que vous puissiez comparer effectivement entre les deux propositions.

Nous reviendrons plus avant, si vous le souhaitez, sur les différences entre les deux propositions concrètes, celle de la Communauté régionale de l'Outaouais, 75 000 acres, et celle du ministère de l'Agriculture, ou du projet de loi 90, de 88 000 acres. Avant de ce faire, cependant, nous voudrions relever ce que nous considérons être des failles majeures du projet de loi 90 et surtout, du plan provisoire l'accompagnant sur le territoire de la communauté.

En fait, ce n'est pas la loi qui nous chatouille, c'est l'image, à coups de pinceaux de quatre pouces, en vert.

M. Garon: Des coups de pinceaux de quatre pouces, c'est juste une petite bande le long de la rivière!

M. Rivest: Premièrement, le plan provisoire de la région désignée n'a pas cru opportun de respecter l'intégrité ou l'homogénéité du territoire de la Communauté régionale de l'Outaouais; en voulant s'en tenir au principe de ne reconnaître, dans la première zone désignée, que les basses terres de la vallée de l'Outaouais, il a ignoré totalement le territoire de deux municipalités rurales de la communauté et partiellement, celui de deux autres, alors que la Communauté régionale de l'Outaouais, par son schéma d'aménagement, avait été une des premières, sinon la seule région du Québec, à protéger, dans les faits et sur l'ensemble de son territoire, de larges proportions du territoire agricole.

Au-delà de ce manquement de principe qui m'apparaît quand même majeur, il en découle des difficultés d'application qui frisent l'incohérence ou même l'injustice. Par exemple, sur le même territoire de la Communauté régionale de l'Outaouais, certaines municipalités effectueront ou actualiseront un zonage agricole à même les normes du schéma d'aménagement de la communauté, alors que d'autres municipalités devront le faire à même les normes de la loi 90.

Ce qui plus est, la situation se reproduira au sein d'une même municipalité; par exemple au niveau des municipalités de Pontiac, Buckingham et Gatineau, certains cultivateurs devront fonctionner selon nos normes de zonage et d'autres cultivateurs devront le faire selon les normes du projet de loi 90.

Alors que deux organismes publics, le gouvernement du Québec et la Communauté régionale de l'Outaouais, prétendent travailler dans le sens des mêmes objectifs, il m'apparaît élémentaire que le plan provisoire du projet de loi 90 aurait dû s'appliquer à l'ensemble du territoire de la Communauté régionale de l'Outaouais. Disons que c'est une critique, dans un sens qu'on en aurait voulu plus, à ce niveau.

En second lieu, il me semble important de nous arrêter quelque peu sur la question des droits de privilège. C'est peut-être le seul point au niveau du texte de la loi qui crée des difficultés d'application chez nous. D'une part, les conditions d'opération d'un droit de privilège prévu par le projet de loi 90, sont plus restrictives que celles reconnues depuis maintenant plus de quatre années par la Communauté régionale de l'Outaouais. La situation est délicate et peut entraîner des inéquités sociales pour des individus qui se sont vus accorder un droit de privilège par la Communauté régionale de l'Outaouais après de sérieuses exigences et qui se le verront retirer ou refuser par le projet de loi 90.

D'autre part, le projet de loi 90, dans ses conditions reliées au droit de privilège, ne fixe aucun minimum quant à la superficie des lots individuels. Il y a un maximum d'un demi-hectare, mais il n'y a pas de minimum. Ceci entraîne une incohérence avec les normes régionales, parce que nous avons des minimums d'une acre qui s'appliquent sur l'ensemble du territoire, et même si la situation peut se régler facilement au niveau juridique, elle met quand même les administrations locales et régionales dans une situation à tout le moins inconfortable. (23 h 15)

Nous aimerions maintenant discuter de façon plus globale, l'impact concret de la région désignée ou de la zone provisoire. C'est surtout sur ce

point que nous avons des critiques à formuler. Je répète qu'au niveau de la loi, nous acceptons d'emblée l'ensemble de la loi.

Nous considérons, en dernière analyse, que le plan provisoire fait bien peu de cas de l'ensemble des propositions maîtresses du schéma d'aménagement de la Communauté régionale de l'Outaouais qui, rappelons-le, représente encore un cas unique au Québec.

Nous voulons bien accepter l'argumentation du ministre de l'Agriculture qui consiste à souligner que la protection des terres agricoles ne pouvaient attendre une loi plus globale sur l'aménagement du territoire. Nous en sommes à 100%. Cependant, nous n'accepterons jamais qu'un plan de zonage agricole ne tienne aucunement compte d'efforts rationnels d'aménagement du territoire, lesquels sont dûment consignés en un schéma d'aménagement du territoire ayant subi toutes les étapes de consultation, et de façon très exhaustive, et ayant reçu toutes les approbations nécessaires, locales, régionales et du gouvernement du Québec.

Si l'on veut croire à la logique de l'aménament — et je ne parle pas de la logique de la protection des terres agricoles — qui sous-tend ou qui prétend sous-tendre le plan provisoire de la région désignée, le développement urbain de l'Outaouais québécois devrait, d'une part, s'en tenir, à toutes fins pratiques, exclusivement au périmètre actuellement urbanisé ou en voie d'urbanisation à court terme, sans aucune pensée planificatrice de quelque sorte que ce soit, pour les besoins d'urbanisation de moyen ou de long terme.

Il faudrait faire peu de cas des infrastructures régionales d'aqueduc et d'égoits d'une valeur d'environ $200 millions, toutes subventionnées plus ou moins par le gouvernement du Québec, dans une certaine proportion.

Il faudrait, de la même façon, se résigner à ce que des territoires appelés à s'urbaniser en moyenne et haute densités et situés à quelques minutes à peine, par transport collectif, du centre-ville régional, demeurent à tout jamais agricoles.

Il faudrait également se résigner à garder une vocation agricole à des territoires presque complètement morcelés pour des fins résidentielles, par exemple le secteur Eardly, dans la municipalité de Pontiac, où 1428 lots résidentiels existent sur 2150 lots touchés par le plan provisoire. Et la liste pourrait s'allonger ad infinitum.

On nous répondra peut-être que la Commission de protection du territoire agricole pourra "arranger" ces quelques inadéquations de parcours. Si telle était la réponse, nous répondrions qu'il en va de beaucoup plus. Il en va finalement de toute la compétence de la Communauté régionale de l'Outaouais en matière d'aménagement du territoire et il ne saurait y avoir d'arrangement en cette matière, mais bien plutôt une réelle concertation des efforts du gouvernement central et des différents niveaux de compétence en région.

Dans la mesure, et je le souhaiterais, où cette concertation saurait prendre place, bien que tardivement, la Communauté régionale de l'Outaouais serait disposée à assurer — et là, c'est une modification importante de nos propositions originales — un caractère permanent à son zonage agricole et à faire en sorte que la réglementation du Québec — toutes les réglementations prévues au projet de loi 90 — s'applique intégralement à l'intérieur des zones agricoles retenues.

Bien que la conception du conseil de la Communauté régionale de l'Outaouais puisse sembler sévère et intransigeante, nous croyons sincèrement — et c'est là le coeur de notre position — quelle représente l'ordre logique des choses, à savoir: une vision globale et synthétique de l'aménagement doit prévaloir sur quelque vue sectorielle que ce soit.

En conséquence, le conseil de la Communauté régionale de l'Outaouais recommande, en trois points, principalement:

Que le gouvernement du Québec reconnaisse par le projet de loi 90, le statut quelque peu particulier de la Communauté régionale de l'Outaouais, qui est la seule région au Québec à avoir préparé et adopté un schéma d'aménagement selon les exigences de sa loi constituante.

Deuxièmement, que compte tenu de son caractère contraignant à l'égard des municipalités, le schéma de la communauté approuvé par le ministre des Affaires municipales, en date du 9 août 1978, soit considéré comme l'instrument de planification régional privilégié et qu'il soit respecté dans ses propositions concernant la délimitation des zones agricoles.

Finalement, que le schéma de la communauté soit amendé, ainsi que les règlements de contrôle intérimaire, afin que les zones agricoles proposées par le schéma revêtent un caractère permanent et que la réglementation du projet de loi 90 s'applique dorénavant à l'intérieur des zones retenues, en plus de la réglementation existante. Merci de votre attention.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Rivest. Le mémoire qui accompagne les documents sera consigné au journal des Débats. M. le ministre.

M. Garon: Quand vous dites que le projet de loi 90, à la page 4, ne fixe aucun minimum quant à la superficie des lots individuels, on constate que ce n'est pas notre job. Notre travail est de déterminer les terres qui, doivent être réservées à l'agriculture ou non. Mais les règlements municipaux viennent s'appliquer...

M. Rivest: Mais vous savez ce qui se passe quand trois paliers de gouvernement ont des normes différentes, le pauvre citoyen se trouve — excusez l'expression — un peu fourvoyé; il revient de la commission et nous dit: Comment se fait-il vous nous imposez un minimum, alors que là-bas, on nous dit qu'on pourrait avoir notre droit de privilège? Mais pour des fins de protection de l'environnement, de la qualité des eaux, on est obligé de le refuser.

Comme je vous dis, il n'y a pas de problème juridique à ce niveau, mais il y a un problème d'inconfort lorsque deux administrations ne s'entendent pas sur des critères de ce genre.

M. Garon: Quant à nous, c'est seulement l'utilisation du sol. On dit: Tel sol doit être réservé pour l'agriculture. Les endroits où les gens peuvent construire les lots, ce sont des 50 sur 100, des 100 sur 100 ou des 50 sur 200. Nous autres, ça ne nous regarde pas. Dans le territoire qui n'est pas réservé à l'agriculture, on dit: Faites ce que vous voulez.

Mais je lis votre rapport, les membres de l'Opposition s'attendent bien à ce que je cite votre rapport, je l'ai bien lu.

M. Rivest: Surtout les pages 261, 262 et 263, si je ne m'abuse.

M. Garon: Ils savaient que j'en parlerais. M. Rivest: On lit les journaux aussi.

M. Garon: Quand vous dites qu'on a 75 000 acres par rapport à 88 000 acres, dans la partie qu'on a réservée, mais si on avait suivi le territoire de la CRO, on n'aurait pas pris tout le territoire de la CRO, parce qu'il y avait une partie qui avait plus 500 pieds; ce qui avait plus de 500 pieds, comme on n'avait plus de règles, on disait: Les basses terres du Saint-Laurent, mais on n'est allé nulle part, à plus de 500 pieds, sauf pour compléter une municipalité.

Parce que c'était 75 000 acres par rapport à 88 000 acres, ce n'est pas complètement exact, parce que notre plan ne couvre pas toute la Communauté régionale de l'Outaouais.

M. Rivest: C'est ce qu'on vous reproche aussi.

M. Garon: Je vais être bien franc avec vous, cela a été un dilemme, quand on fait ça, parce que...

M. Rivest: J'imagine.

M. Garon: ... je me demandais quelle était votre opinion, qu'on devrait pas mal couvrir, mais on s'est dit, le principe qui a prévalu... quand on a étudié ça au ministère, on s'est dit: Si on fait 500 pieds pour les basses terres du Saint-Laurent, faisons la même chose pour tout le monde.

M. Rivest: Excusez-moi, M. le ministre, mais dans notre région, vous allez beaucoup plus loin qu'à 500 pieds des rives de l'Outaouais.

M. Garon: Ce n'est pas à 500 pieds des rives, mais 500 pieds d'élévation au-dessus du niveau de la mer. Vous dites dans votre rapport qu'au fond, votre mandat, comme société d'aménagement ou comme Communauté régionale de l'Outaouais, n'est pas en particulier de protéger les terres agricoles. Vous en réservez une partie à l'agri- culture, vous en réservez une certaine quantité, mais ce n'est pas votre mandat particulier. Si le gouvernement a une politique agro-alimentaire, cela doit venir de Québec. C'est à lui, à ce moment-là, à assurer une protection agricole plus grande. J'ai trouvé que cela avait du bon sens. J'ai dit: Dans le fond, une politique agro-alimentaire ne peut pas être autre chose qu'une politique nationale. J'ai souvent cité votre rapport, parce que je trouvais que l'argumentation qu'il y avait là... On est toujours d'accord avec ce qu'on trouve correct. Habituellement, on dit que cela a du bon sens quand c'est notre opinion. Je trouvais que cela avait du bon sens.

C'est vrai que j'en ai parlé souvent, parce que je trouvais que l'argumentation qu'il y avait là était logique. Mais ce que vous demandez ne me semble pas aller dans le même sens que ce que vous disiez dans votre rapport.

M. Rivest: Je pourrais peut-être, M. le Président, si vous permettez, essayer d'expliquer cela un peu plus à fond. Il est bien certain que, lorsque nous avons dû nous attaquer à la tâche de préparer un schéma d'aménagement régional, ce qui était le plus difficile "à faire avaler" à l'ensemble de la population, c'était un zonage agricole. On a détaillé toute cette problématique qui vous agrée et qu'on maintient encore. C'est un peu pour cela qu'on avait mis une clause temporelle en disant: Si, à l'intérieur d'un délai de deux ans, le gouvernement du Québec — à ce moment-là, ce n'était pas le vôtre, donc cela ne visait pas un gouvernement en particulier — n'a pas pris ses responsabilités à ce niveau, on s'en lave les mains. Ce n'était peut-être pas très courageux, mais c'est de cette façon qu'on a réussi à le faire adopter, si vous voulez. On maintient encore cette position. Si le gouvernement n'avait pas pris ses responsabilités là-dedans, il est fort probable qu'au mois de mai prochain, il se serait passé quelque chose à ce niveau-là. On maintient donc cette approche.

Lorsqu'on dit: Tout ce qui est compris dans votre projet de loi, sauf la petite question des droits de privilège, on est absolument d'accord sur l'ensemble du projet de loi. Lorsque vous êtes venus en régions, si on ne s'est pas présenté, c'était parce que vous étiez venus avec les grandes lignes du projet de loi et vous n'aviez pas votre sac de cartes à côté.

M. Garon: Non.

M. Rivest: On était absolument d'accord avec le projet de loi. On avait les pages 261, 262, 263 qu'on savait que vous aimiez... On a dit: Cela ne donne rien d'aller exprimer nos positions, on va dans le même sens, mais, un beau jour, les cartes sont sorties et c'est seulement sur cet aspect qu'on a quelque chose à redire, non pas au niveau de la volonté que transposent ces cartes, mais au niveau du fait que — je vais caricaturer un peu — le peintre qui les a produites, en le faisant, a mis en cause les propositions maîtresses du schéma d'aménagement qui ne parlent pas d'agriculture.

Mais il faut encore là se situer dans le cadre de ce qu'est un schéma d'aménagement. C'est peut-être le produit le plus complexe, en ce sens qu'il doit trouver ou harmoniser les besoins de l'agriculture, les besoins de protection des ressources non renouvelables, les besoins de l'urbanisation, etc., et essayer de produire un document cohérent. Ce n'est pas tellement sur le nombre d'acres que comprend la proposition de zone provisoire, mais bien plus aux endroits où elle est localisée.

Par exemple, dans mon texte, je faisais allusion à un certain territoire qui est presque au coeur de la municipalité ou de la zone urbanisée et qui le sera sûrement d'ici dix ans, à moins que tout le monde ne postule une croissance zéro ou la théorie du "zero growth ' en milieu urbain. Je pense que personne n'est prêt à appliquer ce genre de théorie. Ce territoire, d'ici quelques mois, sera raccordé au niveau des collecteurs d'égouts, comme je le soulignais au niveau des possibilités de desserte par l'entremise de modes de transport collectifs qui seront à peine à dix minutes ou à cinq minutes du grand centre-ville régional. (23 h 30)

Ce qu on se dit et ce qu'on n'aimerait pas, c est que, pour tout cela, il faille toujours se référer à la commission, aller négocier, finalement, ce qu'on appelle en jargon d'urbanisme des "spot decisions" ou du "spot zoning": Messieurs, notre tuyau est arrivé là, est-ce qu'on peut prendre ces quelques acres pour fins de développement urbain? Cela a toujours été reconnu comme non souhaitable au niveau de l'aménagement global que de prendre des décisions en vertu de la théorie du "spot decision". Même si, ici, on dit qu'on voudrait que ce soit absolument le périmètre de nos zones, que ce soit légèrement différent, qu'il y ait des accommodements, au niveau de la loi, je pense que la communauté serait ouverte à cela.

M. Garon: Quand vous parlez de "spot zoning", quand on parle d'exclusion, ce n'est pas pour faire du "spot zoning" ou des exclusions, bing! bang! Je pense, par exemple, à un beau cas que mentionnait, je crois, le député de Huntingdon. On veut faire une usine d'engrais chimiques dans une municipalité et l'usine d'engrais chimiques ne peut pas être dans le village, parce qu'une usine d'engrais chimiques fait de la poussière. Comme cela dessert les cultivateurs et que c'est un service aux agriculteurs, vous avez un cas auquel, normalement, une commission ne dira pas non; elle va essayer de trouver un endroit localisé le mieux possible, mais elle ne dira pas non à une chose comme cela, dans mon esprit du moins.

Mais, il y a deux périodes là-dedans. Il y a une période provisoire et il y a le zonage permanent. Le zonage permanent a un certain caractère de permanence. On ne peut pas prévoir dans 20 ou 25 ans tout ce qui va se passer; même aujourd'hui, avec la vitesse de l'évolution, quand on a prévu pour cinq ans, on est pas mal bon parce que cela change trop vite.

M. Rivest: Je pense, M. le Président, qu'on doit postuler que les propositions de zones désignées ne sont pas là juste pour dire: Quand vous en aurez besoin pour fins de développement urbain, vous viendrez grignoter à même.

M. Garon: Non.

M. Rivest: Je ne serais même pas d'accord avec cela non plus.

M. Garon: Vous avez différentes catégories de sols là-dedans.

Je vais vous poser une question dans un autre sens, un aspect différent des autres: Si vous aviez à faire un schéma d'aménagement à partir de zéro, pensez-vous qu'il serait préférable que vous sachiez en partant ce qui serait gardé pour l'agriculture et partir de là?

M. Rivest: Absolument. Je pense qu'il ne faudrait pas se faire de cachette, même lorsqu'on ferait ce genre de documents, à savoir, qu'en fait, si les terres agricoles disparaissent et foutent le camp rapidement au Québec, ce n'est pas seulement à cause du taux de croissance du phénomène urbain mais surtout à cause du développement urbain anarchique...

M. Garon: Oui.

M. Rivest:... qui s'en va tous azimuts sans aucune pensée planificatrice. Notre schéma a été critiqué, je le sais, en ce sens qu'il réservait possiblement trop de zones pour fins d'urbanisation différée mais, à tout le moins, les cartes étaient sur la table et tout le monde connaissait les règles du jeu pour les 20, 30, 40 prochaines années. Je pense que cela est souhaitable, d'autant plus que la réglementation qui protégeait ce territoire le protégeait même de façon plus stricte que ce qu'on appelle zone agricole chez nous.

M. Garon: Ce doit être là-dedans qu'on a peinturé en vert un peu, je suppose?

M. Rivest: Oui, mais vous l'avez peinturé en vert à peu près à 95%. Je vous pose une question: En ce qui me concerne, cela fout sur le dos tout le schéma d'aménagement de la CRO, parce que...

M. Garon: Vos zones de développement différé surtout.

M. Rivest: Oui, mais vous peinturez en vert toute la zone d'aménagement différé — presque toute, à 90% — c'est donc dire qu'on doit postuler que, d'ici les 15, 20, 30 prochaines années — je pense que ce n'est pas mauvais de se questionner sur ce que sera notre agglomération dans 10, 15 ou 20 ans — tout le développement urbain devra se faire à I'intérieur de cette zone. Si on assiste au même taux de croissance que celui qu'on connaît actuellement et qui n'est pas très rapide, cela va devoir déborder à moins d'appliquer des théories

de "zero growth". A ce moment-là, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour absorber le phénomène urbain parce que, dans notre société, à moins d'un immense retour vers les campagnes, ces phénomènes vont continuer à exister. Il faudra penser, à ce moment, à sauter la clôture agricole. Qu'est-ce que cela impliquera en termes de coûts d'infrastructure, d'égouts, d'aqueduc? C'est un peu cela que je déplore, non pas dans la loi, mais dans le plan tel que présenté, en ce sens qu'il nie le concept de croissance. Qu'on s'entende. Est-ce que c'est pour dix ans, vingt ans ou vingt-cinq ans? C'est assez peu important. L'avenir le dira. On nie la façon d'organiser le territoire qui avait été présentée dans le schéma d'aménagement.

M. Garon: Oui, mais si on regarde la réalité... Québec a environ 6 200 000 habitants et il y en aurait, d'après les prévisions optimistes, 7 000 000 en l'an 2000. Il y aurait aussi, au lieu de 5% de vieux, 12% de vieux. Les vieux ne font pas d'étalement urbain, habituellement. Cela se rapproche de l'église dans une maison en hauteur, quatre ou cinq étages. Si on tient compte, par exemple, qu'on va augmenter de trois quarts de million de population d'ici l'an 2000, mais en même temps que nos vieux vont passer de 5% à 12%, savez-vous qu'on n'aurait pas besoin de construire beaucoup, d'étaler beaucoup pour loger toute cette population?

M. Rivest: Mais on ne veut pas nécessairement étaler pour étaler. Je pense que notre zone d'aménagement différée, on n'en trouve pas beaucoup au Québec, tellement que votre collègue, le ministre des Affaires municipales, avait peur qu'on soit contesté légalement pour de telles propositions, ce qui, heureusement, ne s'est pas encore produit. Cela viendra peut-être. On est prêt à absorber ce risque. Mais, voyez-vous, actuellement, on est en train d'installer des infrastructures d'aqueduc et d'égouts pour à peu près $200 millions; la fameuse entente tripartite sur les réseaux d'épuration, $120 millions, cela va probablement péter. Il y a trois usines de filtration d'eau qui totalisent $20 millions ou $25 millions. Si jamais, à l'avenir il faut prendre un autre concept d'organisation et sauter la clôture agricole, c'est donc dire qu'on devra penser à une toute autre gamme de nouveaux types d'infrastructures. Celles-là ne pourront pas être raccordées, alors que le principe d'aménagement qui prévalait était de faire en sorte que ces infrastructures soient à tout jamais suffisantes et de ne faire qu'un développement progressif. Lorsque vous parliez, il y a quelques minutes, du fait que, si on avait aménagé notre territoire à partir du néant... Il est bien certain que notre zone urbanisée serait plus compacte. Mais, là-dedans comme dans toutes choses, lorsqu'on s'est mis à préparer ce document, et un peu comme partout au Québec, on a dû absorber 100 ans d'histoire de développement souvent anarchi-que, qui s'était souvent fait en sauts de mouton, et on est obligé, jusqu'à un certain point, d'absorber un certain nombre de contraintes. Je sais bien qu'idéalement, sur une chaire d'université, je ne prétendrais pas que c'est la formule idéale qu'on a mise de l'avant. Cependant, compte tenu de l'avenir engagé... Et là, je parle de l'infrastructure d'égouts de $120 millions, je ne dis pas que la région l'a souhaitée, mais une fameuse entente tripartite a fait en sorte que ce projet est en train de se construire.

M. Garon: $200 millions.

M. Rivest: Mieux vaut, à mon sens, l'utiliser à plein que d'avoir à penser, dans dix ans, à poser d'autres infrastructures du même genre pour absorber une population urbaine future.

M. Garon: Mais vos $200 millions d'infrastructures doivent être prévus dans les zones à développer immédiatement, pas dans les zones à développement différé.

M. Rivest: Voyez-vous, son gabarit visait à développer la zone, à desservir la zone actuellement urbanisée et celle qui viendra s'y greffer, au cours des 25 ou 30 prochaines années, dans la zone d'aménagement différé. Si vous nous zonez cela agricole, c'est donc dire que, ou bien le taux de croissance devra être ralenti et moins de citoyens contribuables auront à se diviser les sommes, d'où augmentation des coûts, ou bien il faudra penser à développer sous le module de ce qu'on appelle des collectivités nouvelles un peu en milieu rural et, à ce moment-là, on pense à de nouvelles infrastructures.

M. Garon: Quelle est votre population actuellement dans la communauté régionale?

M. Rivest: Dans le milieu urbain, il y a environ 160 000 habitants.

M. Garon: Et vous en prévoyez combien d'ici l'an 2000?

M. Rivest: D'ici l'an 2000, on prévoit, pour ce secteur, environ un doublement de population.

M. Garon: Comment?

M. Rivest: Un doublement de population...

M. Garon: Whoa!

M. Rivest: ... qui passerait à environ 300 000. Un doublement en quelque 20 années, un doublement en 25 ans en milieu urbain, non pas à cause de l'accroissement démographique, mais à cause des mutations interrégionales. Ce n'est pas tellement élevé comme taux de croissance; ce n'est pas tellement élevé.

M. Garon: Dans le territoire de la CRO. M. Rivest: Non, dans la zone urbanisée...

M. Garon: Et, si on prend tout le territoire au complet de la CRO, la population est de combien?

M. Rivest: Environ 200 000 habitants.

M. Garon: Et vous en prévoyez combien en l'an 2000?

M. Rivest: Environ 400 000; doublement aussi. Mais tout ce secteur, dans notre document, dans notre schéma d'aménagement, est appelé à toujours rester rural. Ce sont des villages ruraux, tel que Wakefield, Notre-Dame-de-la-Salette, Sainte-Cécile-de-Masham; ce n'est pas un développement de type urbain; cela devra toujours rester au niveau de collectivité rurale.

Finalement, le gros élément, c'est que votre zone agricole qui vient se substituer à notre zone d'aménagement différé vient, en quelque sorte, poser un cocon autour de la zone urbanisée actuelle et un cocon que je dois penser comme étant immuable parce que si vous me dites qu'il n'est pas immuable, il y a un de nous deux qui n'est pas sérieux. Alors, si réellement, il est immuable et à tout jamais pour les fins agricoles, il faut donc que les concepts d'aménagement pour d'ici 20, 25, 30 ans changent parce que l'accroissement naturel, il faudrait qu'il aille, probablement, sous la forme de collectivité nouvelle. Je ne pense pas que ce soit ce qu'il y a de plus rentable aujourd'hui.

M. Garon: Quel a été le nombre de permis de construction par année depuis cinq ans, mettons dans...

M. Rivest: Pour citer des chiffres par coeur: au cours des deux dernières années, cela a été assez faible, au cours des trois précédentes, c'était à un rythme assez rapide, rythme qui, évidemment, ne reviendra probablement jamais à cause de la conjoncture économique générale. Il y a quand même une reprise cette année de la construction domiciliaire.

M. Garon: ... mais en gros?

M. Rivest: Mais je ne peux pas vous citer les chiffres... M. Luck me souligne qu'à Gatineau, qui est la principale ville urbaine en expansion on pourrait parler d'environ 2500 en 1975 et 2600 en 1976.

M. Garon: 2600 quoi? Personnes? M. Rivest: Permis de construction.

M. Garon: A Gatineau? Quelle est la population actuelle de Gatineau?

M. Luck: Justement, M. le ministre, 75 800.

M. Rivest: Alors, lorsqu'on réfère à la zone urbaine...

M. Garon: Cela, c'est actuellement?

M. Luck: Cela, c'est le recensement du gouvernement provincial.

M. Garon: Et, il y a cinq ans, c'était quoi?

M. Luck: II y a cinq ans, je ne sais pas si c'était 50 000.

M. Rivest: La ville de Gatineau, depuis les cinq ou sept dernières années, et notre zone urbanisée qui est constituée d'Aylmer, Hull et Gatineau, est l'endroit où il s'est fait le plus de construction; c'est évident. Hull est complètement développé ou à peu près et Aylmer, disons, à moitié.

M. Garon: Votre norme de permis a augmenté ou est restée...

M. Luck: Depuis deux ans, comme le président l'a mentionné, M. le ministre, cela a diminué.

M. Garon: Cela a diminué?

M. Luck: Parce que nous avions tout un flow" de la province voisine, la province de l'Ontario.

M. Rivest: Cela s'est résorbé quelque peu, depuis.

M. Garon: Depuis deux ans, cela a baissé, quoi.

M. Luck: Oui, mais il y a quand même...

M. Garon: Le gars de l'Ontario a pu revenir jusqu'en Ontario!

M. Rivest: ... M. le ministre, si vous me permettez de le mentionner, il y a quand même... Cette année, on a connu peut-être quelque chose comme 400 à 500 permis, à comparer à 77 à 250. Vous voyez, à certains moments donnés, la rapidité...

M. Garon: C'est parce qu'ils avaient peur qu'on fasse boire du lait à leurs enfants dans nos écoles.

M. Rivest: II y a aussi ce que je voudrais...

M. Luck: On construit des écoles, M. le ministre, puisqu'il y a des endroits où...

M. Rivest: Ce que je voudrais peut-être ajouter, M. le Président, c'est que, bien que cela ne paraisse pas souvent parce qu'on est loin vers l'ouest et, même si le volume absolu de la population n'est pas très élevé, on peut quand même dire que l'Outaouais québécois est la troisième plus grande agglomération urbaine au Québec. A partir de la deuxième, il y a un gros décalage, mais c'est quand même la troisième. Il me paraîtrait un peu forcé que de dire: Voici, elle existe, cette agglomération urbaine et on ne prévoit même aucune zone

d'aménagement différée; on l'encercle complètement par une zone agricole. On sait ce que cela a produit chez nos voisins du Sud, à Ottawa où ils sont encerclés par une ceinture de verdure de la commission de la capitale nationale. Cela a exigé que le développement urbain se fasse en sauts de mouton; lorsqu'ils se sont sentis serrés, en termes de développement urbain, à l'intérieur de la ceinture de verdure, le développement s'est fait à l'aide de collectivités nouvelles, comme Canata, avec toute une gamme d'infrastructures nouvelles qui ont jailli comme des champignons. (23 h 45)

M. Garon: Oui, mais il n'y avait qu'une bande autour de la ville; nous protégerons éventuellement le territoire au complet.

M. Rivest: Oui, mais c'est une joyeuse bande verte que vous nous mettez autour de l'ensemble de la partie urbanisée de l'Outaouais. Elle était grise dans le schéma d'aménagement; on l'appelait zone d'aménagement différé, on ne voulait absolument pas aller porter les services tout de suite dans ce secteur et maintenant elle est — j'ai dit à 95% tantôt, j'ai peut-être exagéré un peu — à tout le moins à 80% de ce qu'elle était occupée, maintenant par...

M. Garon: Votre zone de développement différé.

M. Rivest: Oui. A au-delà de 80%, elle est maintenant occupée par une zone agricole.

M. Garon: Vous avez déjà votre zone qui est à développement immédiat, en plus vous avez votre zone de développement différé. On a grugé celle-là un peu...

M. Rivest: Vous l'avez grignotée à 80%. Ce que je n'accepte pas... j'ai écouté longtemps cet après-midi, vous semblez toujours satisfait lorsqu'il reste pour quelques années de développement urbain.

M. Garon: Non, ce n'est pas cela que j'ai dit. Ecoutez, il va y avoir une commission qui va aller rencontrer les gens localement et ils vont regarder cela ensemble.

M. Rivest: Cela m'apparaît, M. le ministre, comme des arrangements, entre guillemets. Il faudra aller négocier avec un groupe de sept personnes, et que je sache, elles vont être occupées en bon dieu pour les prochaines années, parce que ce sera le seul groupe pour tout le Québec. Je sais bien qu'on va le réclamer assez longtemps nous-mêmes. Ce sera selon les critères...

M. Garon: II y aura dans ce groupe des analystes qui vont vous rencontrer... Quand le dossier va arriver à la commission, il sera préparé, avec ce que vous voyez, ce que les gens voient; ils vont regarder tout cela et ils vont vous parler. Il y aura tout un travail de déblayage préliminaire. Dans votre cas, le travail est pas mal déblayé.

M. Rivest: C'est justement dans notre cas, M. le ministre, que cela constitue un pas en arrière. On a conçu, après quatre années de travail, $2 millions d'investissements, un schéma d'aménagement qui a reçu l'assentiment du gouvernement du Québec. On va retourner en arrière pour aller négocier de nouveau de larges parties de ce schéma d'aménagement avec une commission, laquelle, sans présumer de son attitude — je suppose qu'elle est très ouverte à la conservation des zones agricoles, et c'est son rôle, elle doit même avoir un préjugé favorable contre un préjugé défavorable au développement urbain. Je la comprends, dans son optique sectorielle, c'est son rôle. Alors, j'hésite à remettre le sort de notre schéma d'aménagement entre les mains d'une telle commission, sans présumer de ses décisions.

M. Garon: Le gouvernement a reçu le schéma au mois d'août. Il avait le choix, à ce moment-là, de dire: On attend, pour donner le schéma, que les démarches de la protection du territoire agricole soient commencées ou bien: On le donne tout de suite, quitte à l'amender. C'est un peu cela.

M. Rivest: Je sais; vous ne nous l'aviez pas caché, effectivement, à ce moment-là, que c'était l'alternative...

M. Garon: Mais je ne voudrais pas...

M. Rivest: Sauf qu'encore là, M. le ministre, lorsqu'on avait discuté de cela aux réunions du COMPAT, j'étais parfaitement d'accord avec votre vision des choses. Est-ce qu'on l'adopte tout de suite, quitte à réajuster lorsque la loi sortira? Encore là, vous n'aviez pas votre "set" de cartes avec vous...

M. Garon: Mais là, je ne pouvais pas, j'ai été obligé de...

M. Rivest: Non, c'est cela, mais c'est toujours la transcription réelle sur le territoire qui nous fait tiquer, ce n'est jamais le principe de la loi et l'ensemble de la loi.

Le Président (M. Boucher): Merci.

M. Lavoie: Pourrais-je vous poser quelques questions?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pontiac-Témiscamingue avait demandé la parole, M. le député de Laval. M. le député de Pontiac-Témiscamingue.

M. Larivière: Merci, M. le Président. En premier lieu, je veux féliciter la commission de la région de l'Outaouais pour le plan qu'elle a fait. Elle a pris l'initiative de faire un schéma d'aménagement. Ce que j'aimerais savoir, c'est combien

de municipalités du territoire ont été consultées quand vous avez préparé votre schéma d'aménagement. Aussi, combien de réunions avez-vous tenues? Est-ce que vous aviez dans ce temps-là des experts en agriculture qui auraient pu vous recommander certaines régions en agriculture, etc.?

M. Rivest: M. le Président, au niveau de la préparation du schéma d'aménagement, n'étant pas nous-mêmes spécialistes en agriculture, on est allé frapper à la porte du ministère de l'Agriculture pour aller chercher ce qui est l'outil essentiel, c'est-à-dire les plans de potentiel. Nous les avons analysés pour en retirer ce qui nous paraissait nécessaire aux fins du développement urbain, d'une part, et ce qui de façon réaliste, ne nous paraissait pas nécessaire de conserver aux fins agricoles; c'est ce qui explique la différence de superficie. Ensuite, nous sommes partis sur le terrain, et j'insiste pour dire que nous sommes partis avec nos cartes, avec exactement ces planches-là pour les montrer à la population. Nous avons tenu au-delà de 35 réunions de la commission consultative du schéma d'aménagement qui était constituée des huit maires des municipalités concernées et de conseillers municipaux. Nous avons tenu au-delà de 35 réunions publiques; au-delà de 500 personnes ou groupes de personnes ont soumis des mémoires et cette opération a duré six mois. 500 personnes ou groupes de personnes ont soumis des mémoires, 86 agriculteurs ou groupes informels d'agriculteurs ont soumis des mémoires ou des griefs, si vous voulez. C'est ce qui explique la différence de réglementation entre notre version originale, qui était plus rigide au niveau de la réglementation sur l'agriculture, et la version officielle qui, elle, était plus — je ne dirais pas laxiste — mais plus ouverte, de façon à permettre aux agriculteurs de se dispenser d'une certaine partie de leurs sols agricoles. Mais 86 personnes ou groupes de personnes sur le seul sujet de l'agriculture, principalement, évidemment, dans la municipalité de Pontiac qui était la plus concernée, cela m'apparaît une consultation assez exhaustive.

M. Larivière: Est-ce que, d'après vous, le projet de loi 90 fait disparaître votre schéma presque au complet et tout l'argent que vous y avez mis durant l'étude?

M. Rivest: Je répondrai par deux volets. Le projet de loi, non, absolument pas. Il est absolument conciliable avec notre schéma d'aménagement. Ce qui est inconciliable avec notre schéma d'aménagement et ce qui le compromet, d'après moi, c'est la configuration actuelle de la zone désignée qui fait en sorte que tout le concept d'aménagement urbain devrait être revu et corrigé, si vous voulez, en mettant de l'avant d'autres modes de développement urbain pour les années futures.

M. Larivière: Dans ce cas-là, est-ce que vous auriez de beaucoup préféré, par exemple, une loi- cadre, un schéma d'aménagement qui aurait donné aux autorités régionales la possibilité de s'orienter vers cette loi-cadre?

M. Rivest: Vous parlez d'une loi-cadre de l'aménagement?

M. Larivière: Une loi-cadre de l'aménagement aussi bien en agriculture, etc.. S'il y avait eu une loi-cadre, chacune des régions aurait eu la responsabilité de suivre ce cadre.

M. Rivest: Effectivement, au niveau de l'ordre logique des choses, comme je le soulignais tantôt, nous acceptons cependant qu'à cause d'urgences l'ordre ait été inversé. Cependant, à mon sens, la production de l'actuelle loi... je ne devrais pas dire cela, je devrais dire plutôt la production de l'actuelle zone désignée est une action d'aménagement urbain en soi. Lorsqu'on détermine à tout jamais que toute notre zone d'expansion future sera agricole, on fait de l'aménagement urbain. L'un ne va pas sans l'autre et c'est là, dans les faits réels, que nous contestons la configuration de la zone agricole désignée.

M. Larivière: My next question is a reply to Mr Burke who is in the municipality of Pontiac. Mr Burke, from your experience, this law that controls the green belt for agriculture, is it really a necessity, as far as you are concerned in Pontiac — we are talking about Pontiac — maybe it would be more urgent to have some law that would encourage agriculture or farmers to make a good living on their farms.

M. Burke: In answer to that question, I think the problem is more the lack of farmers than the lack of land to farms. We have many many vacant farms and when you are close to a city like Ottawa where they have a 32 hour week or a 35 hour week and you can make more money without any investment in a farm, your son is not going to stay on the farm; he is going to go to the city where he can get a nice 32 hour week, 17 days a year sick-leave, holidays and all of these things. So, we have this problem and like our president have said here, Mr Rivest, there is no question that we are in favour of protecting the farm land. But we also have to have a reason that the farmers will stay on the farms.

At the present time, we have some agricultural producers milk producers, who are in the process of giving up their business — and they have got a good business — because they cannot get help. In this case, people do not want a farm when they can have an alternative that is much more attractive.

M. Larivière: Je vois dans votre plan que dans la municipalité de Lapêche, vous aviez un certain contrôle de l'agriculture. Dans le plan soumis par le ministère, dans la loi 90, on voit qu'il n'est pas inclus dans le contrôle. D'après vous, est-ce que c'est logique?

M. Rivest: C'est réellement une difficulté majeure en ce qui nous concerne et ce, pour deux raisons. A supposer que la loi soit en vigueur demain matin, il y a un certain nombre d'agriculteurs sur notre territoire qui devront respecter les normes de la CRO qui sont moins rigides que celles incluses dans le projet de loi 90. Ils pourront lotir quelques lots de leur terre, etc. Quelques centaines de mètres plus bas, un autre agriculteur devra respecter les conditions de la loi 90 et ce, sur un territoire administratif qui est la CRO qui, depuis sept ans, apprend à vivre ensemble, apprend à vivre avec les mêmes normes. C'est un problème important.

Vous m'avez avoué tantôt que c'était quand même un dilemme qui vous avait préoccupé pendant un certain temps. Qui plus est, dans la municipalité de Pontiac qui est zonée agricole par le projet de loi 90 à environ 90% de son territoire, il reste quand même le territoire nord de la ville qui, lui, n'est pas touché dans la même municipalité. On pourrait même, théoriquement — et je n'ai pas vérifié les plans — arriver à la situation suivante: Un même agriculteur possédant 800 acres de terre pourrait voir le sud de sa terre touché par la loi 90 et le nord de sa terre touché par le zonage agricole de la CRO. Cela va créer des embêtements assez sérieux.

A ce niveau, on vous demande sérieusement la possibilité, et il me semble que l'échappatoire serait peut-être facile pour briser la norme des 500 pieds d'altitude et dire: La CRO étant la seule région au Québec ayant déjà en vigueur, officiellement, un zonage agricole, nous considérons que nous pourrions l'appliquer. On s'en vient à 500 pieds le long de l'Outaouais, mais rendu à la CRO, qu'on prenne le territoire administratif de la CRO. Je ne sais pas si c'est une entorse majeure à un principe qui serait difficilement variable, mais cela donnerait beaucoup plus de logique à l'ensemble de la loi sur notre territoire, sans contredire.

M. Larivière: Est-ce que...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pontiac, je m'excuse de vous interrompre. Nous sommes à l'heure de l'ajournement et je voudrais donner la parole au député de Huntingdon pour une courte question.

M. Lavoie: Messieurs de la CRO, seriez-vous prêts à demeurer ici pour demain?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval, c'est demain soir.

M. Lavoie: Demain soir, à 20 heures. (Minuit)

M. Rivest: Absolument, d'accord. Lorsque les problèmes sont sérieux, on est toujours disponibles.

M. Lavoie: Je pense que vous avez un mémoire et un problème assez grave à solutionner et je pense qu'on ne peut pas bousculer cela.

M. Chevrette: ... du groupe à accorder le consentement.

M. Lavoie: Non, M. le Président, je crois que le député de Joliette va comprendre que, pratiquement, tous les soirs cette semaine on a fini à l'Assemblée vers une heure ou une heure et demie du matin; on recommence à dix heures chaque matin; cela fait des journées de 15 ou 16 heures. Demain on recommence...

Une Voix: Vous n'êtes pas en forme?

M. Lavoie: On est en pleine forme, ne vous en faites pas; mais on veut rester en forme, c'est pour cela qu'on va...

M. Chevrette: C'est que je pensais plutôt aux gens qui devront passer la journée à Québec.

M. Lavoie: Non, hier, je leur ai demandé et il n'y avait aucune objection. D'ailleurs, les...

M: Rivest: C'est quand même désagréable.

M. Lavoie:... travaux ne sont pas finis, on doit se transporter dans l'autre salle, là où l'heure de minuit ne s'applique pas.

M. Chevrette: En ce cas, vous passerez une agréable journée à Québec et revenez-nous demain soir.

Le Président (M. Boucher): Alors, les travaux de la commission sont ajournés sine die.

Fin de la séance à 0 h 2

ANNEXE A

Loi sur la protection du territoire agricole

Mémoire présenté à la Commission parlementaire de l'Agriculture

Décembre 1978 GAZ METROPOLITAIN, inc.

Monsieur le Président,

Nous tenons tout d'abord à vous remercier de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui d'exprimer notre point de vue à cette Commission parlementaire sur le projet de loi no 90 intitulée "Loi sur la protection du territoire agricole".

Si ce projet était adopté dans sa forme actuelle, il risquerait d'entraîner des conséquences fâcheuses pour le développement de l'industrie du gaz naturel au Québec ainsi que pour les usagers de cette industrie et notre entreprise.

Loin de nous opposer aux principes énoncés dans ce projet de loi qui vise à assurer la protection du territoire agricole au Québec, nous voulons simplement attirer votre attention sur le fait que notre compagnie, en exploitant son réseau de distribution par gazoduc souterrain, ne cause aucun dommage ni n'entrave en aucune façon de façon permanente les exploitations agricoles. Par contre, si elle était assujettie aux dispositions de cette loi telle qu'elle est présentement rédigée, notre entreprise subirait des inconvénients majeurs en raison et des délais et des coûts engendrés par son application. Nous croyons donc qu'il serait dans l'intérêt des usagers et de notre compagnie de soustraire notre réseau de distribution de gaz naturel du champ d'application de la loi.

Nous avons préparé le présent mémoire en espérant qu'il puisse servir aux présentes délibérations.

Dans ce document, nous avons tenté de développer les points suivants: — Entreprise Gaz Métropolitain, inc., — Possibilité d'expansion du réseau de transport et de distribution du gaz naturel au Québec, — Effet de l'implantation d'un gazoduc en milieu agricole, — Répercussions du projet de loi no 90 sur l'activité de Gaz Métropolitain, inc., — Recommandations.

Entreprise Gaz Métropolitain, inc

Gaz Métropolitain, inc. a tout d'abord existé sous la raison sociale de Corporation de Gaz Naturel du Québec. Elle a été constituée le 15 juin 1955 en vertu des lois de la province de Québec pour s'occuper de la vente et de la distribution du gaz naturel à l'intérieur d'un territoire accordé par la loi.

Le 21 février 1957, la législature adoptait la loi concernant la vente et la distribution de gaz. Cette loi avait comme effet de soumettre les distributeurs de gaz au pouvoir de réglementation de la Régie provinciale de l'électricité devenue subséquemment Régie de l'électricité et du gaz. Cette Régie fixe non seulement les taux et tarifs du gaz, mais elle a des pouvoirs généraux de surveillance et d'arbitrage en matière de vente, de distribution, de transport et d'emmagasinage de gaz.

Le 25 avril 1957, la compagnie achetait de la Commission Hydro-Electrique de Québec le réseau de distribution de gaz manufacturé dans la région de Montréal, ainsi que les intallations de fabrication et autres éléments d'actif de la Montreal Coke and Manufacturing Company qui, à l'époque, fournissait du gaz manufacturé à la Commission Hydro-Electrique de Québec. Les premières livraisons de gaz naturel eurent lieu le 7 janvier 1958.

Enfin, le 4 octobre 1969, la raison sociale actuelle de la compagnie, soit Gaz Métropolitain, inc., fut adoptée.

Nous exploitons présentement un réseau de distribution par canalisation souterraine dans le territoire qui nous est accordé par la loi et qui comprend l'île de Montréal, les municipalités ou parties de municipalités situées dans un rayon de quinze milles de l'île, et les comtés de Verchères et de Richelieu et une partie du comté de Rouville qui sont situés sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent.

En prévision du raccordement de notre réseau avec TransCanada PipeLines Limitée et de la conversion du système de distribution pour le rendre apte à l'usage du gaz naturel, Gaz Métropolitain construisait en 1957 34 milles de canalisation partant d'un point de raccordement à Senneville vers l'extrémité est de l'île de Montréal.

En 1959, 45 milles de conduites ont été ajoutés pour desservir des zones industrielles, commerciales et résidentielles en pleine expansion sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent. En 1962, un nouveau prolongement du réseau nous a amenés à desservir Tracy et St-Joseph de Sorel, 18 milles en aval de Contrecoeur.

En 1969, le réseau était de nouveau augmenté d'une conduite pour desservir le potentiel industriel et commercial de la région de Valleyfield. Et enfin, en 1972 Gaz Métropolitain installait un gazoduc d'environ 40 milles pour desservir les installations de réduction du minerai de fer de la compagnie Sidbec à Contrecoeur.

En 1977, la compagnie étendait son réseau à Marieville. Vous trouverez en annexe un plan indiquant nos principales lignes de distribution.

Depuis l'acquisition en 1957 du réseau de distribution en fonte de la Commission Hydro-Electrique, des mises de fonds considérables ont été faites afin d'améliorer les installations. Ainsi, un grand nombre de conduites de fonte ont été remplacées dans les cas nécessaires par des conduites d'acier enrobées ou par des conduites en plastique par voie d'insertion.

Au 31 décembre 1977, le réseau de distribution de la compagnie comprenait 960 milles de conduites d'acier enrobées, 655 milles de conduites de fonte, 30 milles de conduites en plastique et 90,508 branchements de service, dont 2,927 en plastique et environ 172,000 compteurs chez nos 169,940 usagers.

Grâce aux améliorations apportées aux installations et à la continuité d'un programme intensif d'entretien préventif et de sécurité du réseau, la compagnie a pu maintenir à un degré élevé la sécurité de son système de distribution.

Le territoire que la compagnie est présentement autorisée à desservir comprend une population globale de plus de trois millions de personnes. Un total de 56 municipalités et les régions hautement industrialisées de la rive sud du Saint-Laurent jouissent du gaz naturel.

Nous fournissons le gaz naturel à une clientèle domiciliaire pour la cuisson, le chauffage de l'eau et des locaux; à une clientèle commerciale, telle qu'édifices à bureaux, hôtels, restaurants et magasins, pour le chauffage des locaux, la cuisson; et à une clientèle industrielle variée composée de grandes et petites entreprises.

A l'intérieur de notre franchise, la concurrence est particulièrement vive en raison du fait que: 1) il existe à Montréal une guerre de prix entre les raffineries de pétrole; 2) le prix du gaz est indexé sur le prix du pétrole brut à Toronto; 3) les coûts du gaz naturel sont légèrement plus élevés à Montréal qu'à Toronto en raison du coefficient d'utilisation inférieur.

Face à une telle situation, la compagnie a réussi avec difficulté à augmenter ses ventes et a dû utiliser des moyens incitatifs pour se tailler une meilleure place dans le marché de la distribution de l'énergie. L'objectif étant d'assurer les clients d'une utilisation aussi facile du gaz que de toute autre forme d'énergie.

Possibilité d'expansion du réseau de transport et de distribution du gaz naturel au Québec 1.Dans son livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie intitulée "Assurer l'avenir", le gouvernement du Québec semble favoriser une plus grande pénétration du gaz naturel dans le marché énergétique québécois; à cet égard, le livre blanc prévoit: "Les qualités particulières du gaz naturel comme facteur d'industrialisation, ses caractéristiques de propreté au niveau du transport et de la combustion, ainsi que la sécurité des approvisionnements de gaz naturel en font une forme additionnelle d'énergie avantageuse pour le Québec dans la transition énergétique qui s'amorce."... "Dans l'élaboration de nos prévisions, nous avons fait l'hypothèse que le gaz naturel pourrait, selon les conditions qui lui seraient faites, satisfaire entre 6 et 12% des besoins énergétiques du Québec en 1990."(')

A l'heure actuelle, TransCanada PipeLines Limitée est le seul transporteur de gaz naturel au Québec. Cette compagnie achemine les réserves de gaz de l'Alberta aux différentes stations de mesurage de Gaz Métropolitain, inc. dans la région de Montréal. 2.Il existe actuellement deux projets majeurs d'expansion pour le Québec. En effet, TransCanada PipeLines Limitée et Q & M Pipe Lines Limited ont l'une et l'autre récemment présentée à l'Office National de l'Energie des projets d'expansion en vertu desquels le réseau transcanadien de transport de gaz naturel serait prolongé à l'est de Montréal pour desservir notamment la ville de Québec et les municipalités de la vallée du Saint-Laurent situées le long de ce parcours.

(') La politique québécoise de l'énergie "Assurer l'avenir", 2e trimestre 1978, p. 62.

Effet de l'implantation d'un gazoduc en milieu agricole

Même si l'établissement d'un gazoduc souterrain nécessite des travaux impressionnants d'excavation, il faut savoir que l'emprise temporairement affectée a un maximum de 60' de largeur. De plus, il est maintenant bien établi que l'installation d'un tel gazoduc souterrain ne cause aucun dommage permanent à l'exploitation agricole lorsque les travaux de construction et de restauration ont été bien planifiés. La présence d'une telle infrastructure ne modifie en rien les possibilités d'utilisation agricole des sols.

En général, les travaux de construction consistent dans le nivellement et le déblaiement de l'emprise, l'excavation d'une tranchée, la pose des tuyaux et la vérification de leur étanchéité, le remblayage de la tranchée et la restauration du sol. La tranchée est creusée à une profondeur suffisante pour dégager les fossés et permettre l'exploitation normale du sol cultivable. Les travaux de construction peuvent en général s'effectuer pendant la période d'automne et d'hiver, de façon à réduire au minimum les pertes de récoltes.

Des équipes de construction nettoient le site de construction aussitôt que le gazoduc est enfoui dans le sol afin que le cultivateur puisse reprendre les activités agricoles sur l'emprise dès le printemps suivant. Une fois le nettoyage achevé, des équipes de restauration se mettent à l'oeuvre pour remettre l'emprise dans l'état où elle était avant le passage du gazoduc. Les drains brisés sont remplacés. La couche superficielle du sol, qui a été enlevée et ramassée par les équipes de construction, est épandue sur I emprise. Le sol est ensuite travaillé (labours, hersage, fertilisation, semis, etc.) pour le remettre immédiatement en état d'exploitation. Si possible, ces travaux du sol sont effectués par le propriétaire ou un cultivateur du voisinage, moyennant compensation. En suivant cette méthode, seule la récolte d'une année sur l'emprise du gazoduc peut être touchée par les travaux de construction et de restauration au cours de la première année seulement. Cependant, toute perte de récolte est rapidement compensée.

Selon notre expérience et celle de nos experts en la matière, avec un tel programme de construction et de restauration des sols, un gazoduc souterrain ne laisse aucune séquelle permanente sur des sols affectés à l'agriculture. Dans plusieurs cas, on a noté aue le rendement de l'emprise était supérieur à celui obtenu sur le reste de la ferme, grâce à l'aération du sol et à une fertilisation bien étudiée. Après quelques années, il est généralement impossible de voir le tracé du gazoduc et ce tracé peut être découvert seulement par les couleurs voyantes des poteaux de clôture aux endroits où est située la servitude.

Répercussions du projet de loi no 90 sur l'activité de Gaz Métropolitain, inc.

Dans le cours de son activité, notre compagnie doit acquérir de temps à autre, par entente de gré à gré ou par expropriation, des servitudes de passage pour l'implantation des gazoducs. De plus, notre compagnie doit acquérir occasionnellement de petites parcelles de terrain (environ 20 pi. sur 20 pi.) où sont érigées des stations de décompression et de mesurage.

Etant donné que le projet de loi no 90 empêche l'utilisation d'un lot à une fin autre que l'agriculture dans une région agricole désignée sans l'autorisation de la Commission, et étant donné qu'une personne ne peut, sans cette autorisation, procéder à l'aliénation d'un droit réel immobilier (et donc d'une servitude de passage), nous croyons que si le projet de loi no 90 était adopté dans sa forme actuelle, il en résulterait de sérieuses répercussions sur notre compagnie, tant en raison 1) des délais imposés par la procédure prévue pour une demande d'autorisation à la Commission 2) de l'incertitude et 3) des coûts additionnels. 1. Demande d'autorisation à la Commission —

Si notre compagnie doit se conformer aux formalités requises pour obtenir l'autorisation de la Commission et des différentes corporations municipales, le cas échéant, avant d'installer son réseau souterrain de gazoduc dans une région agricole désignée ou dans une zone agricole, nous croyons que les délais qui peuvent résulter de ces demandes se traduiront par des pertes importantes pour la compagnie, lesquelles pertes devront être assumées par les usagers de notre service.

Notre compagnie est déjà soumise à la surveillance et au contrôle de la Régie de l'électricité et du gaz ainsi qu'aux différentes lois concernant l'environnement. Les organismes responsables de l'application de ces lois peuvent exiger déjà de notre compagnie la soumission de plans et devis de construction, de rapports concernant l'impact sur l'environnement, et même des audiences publiques. Notre compagnie est de plus astreinte à des normes sévères de construction et doit respecter les Codes en vigueur.

Si les dispositions du projet de loi no 90 étaient adoptées telles qu'elles sont présentement rédigées, notre compagnie devrait soumettre des demandes à la Commission et aux corporations municipales, le cas échéant, pour être autorisée à utiliser des lots à des fins autres que l'agriculture et pour acquérir un

droit de servitude de passage sur chaque lot situé dans une région agricole désignée ou une zone agricole. Elle devrait même présenter de telles demandes à la Commission et aux corporations municipales, le cas échéant, pour installer et exploiter un gazoduc dans l'emprise d'un chemin public, d'une rue ou d'une ruelle cadastrés.

Le projet de loi no 90 prévoit qu'une personne désirant poser l'un des actes nécessitant l'autorisation de la Commission doit faire une demande à la Commission et aux corporations municipales, le cas échéant. La loi ne prévoit aucun délai pour que la Commission entende la demande ni aucun délai pour qu'elle rende sa décision. Cependant, un délai de trois (3) mois est prévu pour les décisions d'une corporation municipale. La loi prévoit que la Commission doit donner à toute partie intéressée l'occasion de faire des représentations écrites, et en certains cas des audiences publiques peuvent être tenues. En plus, le projet de loi prévoit que la Commission peut réviser et même révoquer toute décision dans les six (6) mois suivant la date à laquelle elle a été rendue.

Nous sommes d'avis que notre compagnie ne peut continuer à faire affaire d'une façon efficace, rentable et concurrentielle avec de telles contraintes surtout lorsque nos concurrents de l'industrie pétrolière ne subissent aucune contrainte semblable.

Si nous ne pouvons pas répondre rapidement et avec une certaine souplesse aux besoins du marché, nous perdrons certainement le nouveau marché potentiel au profit de nos concurrents. 2. L'incertitude —

Dans un monde énergétique en constante évolution, nous devons être en mesure de faire face aux changements rapides et à une vive concurrence de façon efficace et souple.

Le projet de loi tel qu'il est rédigé entraînerait une atmosphère d'incertitude en raison du fait qu'il ne prévoit pas: — les normes et critères qui doivent être suivis par la Commission dans l'adjudication des demandes; — les règles de pratique et de procédure à suivre devant la Commission, que ce soit pour la soumission de documents devant la Commission ou pour les enquêtes qu'elle peut tenir; — les délais dans lesquels la Commission doit entendre et rendre une décision.

Tous ces facteurs nous empêchent de planifier d'avance la construction, la localisation et les conditions de construction en milieu agricole. 3. Les coûts additionnels —

Parmi les coûts additionnels qui résultent de l'application de ce projet de loi, soulignons les frais de préparation de plans, devis et autres documents, les frais d'experts et tous les frais occasionnés par la nécessité d'obtenir des autorisations de la Commission. Les délais ci-haut mentionnés entraîneront aussi des frais additionnels, notamment pour la main-d'oeuvre et les matériaux et une perte de revenus évidente puisque nous ne pourrons desservir en temps utile une partie du marché. Finalement, nous devrons certainement supporter des coûts additionnels s'il faut faire dévier le gazoduc de façon substantielle en raison d'une décision de la Commission ou d'une corporation municipale.

Etant une entreprise réglementée, ce sont nos usagers qui en premier lieu seront désavantagés. Ces coûts supplémentaires leur sont transmis par la voie de la tarification. Cette situation pourrait créer de sérieux problèmes à l'égard de notre position concurrentielle.

Le fait que notre compagnie ne puisse faire face à la concurrence irait à l'encontre des objectifs du livre blanc sur l'énergie où l'on prévoit: "C'est au niveau des prix que se pose la question essentielle: la compétitivité du gaz face à d'autres formes d'énergie doit être assurée. Il est illusoire, en effet, de croire qu'on puisse favoriser la consommation de gaz si son prix n'est pas concurrentiel. C'est là un des principaux facteurs qui ont limité l'utilisation du gaz au Québec dans le passé et l'on ne peut s'attendre à ce qu'il joue différemment dans l'avenir, à moins qu'il y ait adaptation conforme aux conditions du marché. Pour sa part, afin de faciliter la mise en marché, le gouvernement du Québec envisage le retrait de sa taxe de vente au détail de 8% sur le gaz naturel. Comme les produits pétroliers ne sont pas sujets à la taxe de vente et dans l'hypothèse où un effort approprié serait fait au niveau de la production et du transport pour rendre le gaz compétitif, une telle mesure paraîtrait naturelle.'' (2)

Recommandations

Une fois que le réseau souterrain est installé, l'activité agricole peut reprendre sur l'assiette de l'emprise. La destination du sol demeure donc inchangée et les objectifs de la loi qui sont d'assurer la préservation du patrimoine agricole, sont rencontrés.

(2) op.cit. p.63

En conséquence, nous ne voyons aucune raison pour laquelle une entreprise d'utilité publique comme la nôtre devrait être assujettie à cette loi.

Si le législateur désire s'assurer que les critères de protection du territoire agricole soient respectés, il devrait conférer les pouvoirs nécessaires à la Régie de l'électricité et du gaz. En effet, la Régie exerce déjà un pouvoir général de surveillance et de contrôle portant notamment sur la sécurité, les normes de construction, les besoins des usagers actuels et futurs, les coûts à être supportés par ces usagers et la rentabilité des entreprises qui est essentielle au maintien de la qualité du service. La Régie de l'électricité et du gaz est donc l'organisme tout indiqué pour assurer cette protection en raison de sa vaste expérience et de ses connaissances techniques. En outre, grâce à ses pouvoirs et à son personnel de surveillance, la Régie pourra s'assurer du respect de toutes les lois pertinentes, sans coûts additionnels ni délais indus. Par ailleurs, la Commission pourra faire connaître son point de vue devant la Régie par des représentations ou par l'établissement de normes et de critères visant à guider la Régie dans l'exercice de la juridiction de cette dernière.

Nous croyons que si nos recommandations étaient maintenues, non seulement l'intégrité du territoire agricole sera respectée mais aussi nous pourrons continuer d'être un instrument efficace dans le cadre de la politique énergétique du Québec.

Monsieur le Président, Messieurs les membres, cela termine mon allocution et c'est avec plaisir que je répondrai avec l'aide de mes collègues, ici présents, à toutes vos questions.

Référer à la version PDF page B-8771

(ANNEXE "B")

Commentaires sur la rédaction de certains articles du projet de loi no 90 concernant en particulier les services publics 1.Article 1, paragraphe 1, "agriculture"

La notion d'agriculture devrait être élargie pour y inclure les services d'utilité publique (aqueduc, égout, téléphone, électricité, gaz) requis pour les fins de l'exploitation agricole. 2.Article 1, paragraphe 3, "aliénation " les servitudes pour fins d'utilité publique " devraient être ajoutés aux exceptions. 3.Article 43

Cet article devrait être modifié afin que les entreprises d'utilité publique puissent faire une seule demande devant la Commission et que cette dernière puisse rendre une seule décision, lorsqu'un projet de ces entreprises d'utilité publique concerne plusieurs lots.

Commentaires généraux sur la rédaction de certains articles du projet de loi no 90

1.Article 1, paragraphe 3, "aliénation"

Cette définition devrait être précisée. En incluant expressément les mots "la vente à réméré et le bail emphytéotique", certains autres droits, tels le droit de superficie ou le droit d'usufruit, semblent être exclus. De plus, cette définition ne précise pas si le législateur entendait y inclure les autres démembrements du droit de propriété, tels les droits de servitude, les droits d'usage et d'habitation. De plus, à l'alinéa "C " on exclut la dation en paiement lorsqu'elle constitue une clause accessoire à un acte de vente ou à un acte d'hypothèque. Soulignons que dans le cas de l'acte de vente, cette clause accessoire est une clause résolutoire et non une dation en paiement. 2.Article 1, paragraphe 8, "lot"

Les chemins publics, les rues et ruelles existants lors de la mise en vigueur d'un décret devraient être expressément exclus de cette définition. 3.Article 1, paragraphe 13, "Plan provisoire"

Nous croyons utile de prévoir la situation où la désignation technique ne correspond pas au plan y rattaché. 4.L'article 6 prévoit que le quorum de la Commission est de trois membres. L'article 7 prévoit que la Commission peut siéger en divisions composées d'au moins deux membres. Nous suggérons que l'article 6 devrait être modifié en ajoutant une exception au quorum de trois dans les cas où la Commission siège en divisions. 5.Il nous semble que l'article 12 devrait contenir non seulement les critères agricoles mais aussi un critère fondamental, celui de l'intérêt public. 6. Le premier alinéa de l'article 18 devrait disparaître. A notre avis, si la Commission ne pouvait réviser ou révoquer ses décisions ou ordonnances dans les six (6) mois de la date où elles ont été rendues, ceci éliminerait une partie de l'incertitude créée par ce projet de loi. 7.En ce qui concerne le dépôt d'un plan provisoire ou l'entrée en vigueur d'un décret établissant une zone agricole, selon le cas, les articles 26 à 33 et l'article 70 ne devraient pas s'appliquer à des lots qui étaient originellement visés par un décret aux termes de l'article 22, mais qui en sont devenus exclus; ce retrait des régions précédemment touchées par un décret en vertu de l'article 25, devrait être rétroactif au 9 novembre 1978 de façon à éliminer l'ambiguïté qui existe au sujet de la validité d'un acte signé entre le 9 novembre 1978 et le dépôt ou l'entrée en vigueur du décret, selon le cas. 8.Article 29, paragraphe 1

Si des précisions étaient apportées à la définition du mot "aliénation", les mots "d'un droit réel immobilier sur un lot" pourraient être remplacés par les mots "d'un lot".

Article 29, paragraphe 2

Les mots "d'un droit réel immobilier" pourraient être éliminés.

Article 29, paragraphe 3

Les mots "Ne sont pas considérés comme des droits réels immobiliers aux fins du présent article" pourraient être remplacés par les suivants "Pour les fins du présent article, le mot aliénation ne comprend pas une servitude pour fins d'utilité publique'.

9.Sous la rubrique intitulée "Demandes d'autorisation" qui comprend les articles 43 à 46 du projet de loi, nous croyons que la loi devrait établir clairement que les représentations et les audiences devant la Commission soient soumises à des règles de droit bien établies. A titre d'exemple, un renvoi pourrait être fait à la loi des commissions d'enquête, des Statuts refondus du Québec, 1964, Chapitre II, ou aux articles 293 à 323 du Code de procédure civile. De plus, la Commission devrait être soumise à des délais maximaux pour examiner les demandes d'autorisation et en disposer. 10.Les formalités prévues aux articles 51, 52 et 53 devraient être accomplies avant la date fixée pour la mise en vigueur du décret, sinon ces dispositions sont inutiles. 11.Article 58, paragraphe 2

Le mot "intéressée" devrait apparaître après le mot "personne". 12.L'article 82 devrait prévoir que ce recours est ouvert à la demande de toute personne intéressée. 13.Sous la rubrique intitulée "Droits Acquis", les articles 101 à 105 devraient être amendés pour prévoir que le droit reconnu par l'article 101 subsiste même s'il y a perte ou destruction. De plus, le terme "permis d'utilisation à une fin autre que l'agriculture" devrait être défini.

La rédaction de ces articles nous permet de douter si ces articles s'appliquent aux compagnies d'utilité publique qui ont installé des réseaux en région agricole et qui doivent par la suite les maintenir et les réparer. 14.Le terme "gouvernement" apparaît dans ce projet de loi aux articles 66, 67 et 96. Le législateur devrait préciser ce qu'il entend par ce terme. Ce terme devrait peut-être être remplacé par le terme "le Lieutenant-Gouverneur en Conseil".

ANNEXE B

Mémoire de la Communauté régionale de l'Outaouais concernant les implications du projet de loi 90 sur son territoire

présenté à la Commission parlementaire de l'Agriculture

Le 6 décembre 1978.

Introduction

Le gouvernement du Québec a déposé le 9 novembre à l'Assemblée nationale, un projet de loi sur la protection du territoire agricole. Ce projet de loi, qui entrera en vigueur le jour de sa sanction, aura des effets à compter de la date de son dépôt.

Le territoire visé comprend en grande partie les basses terres du St-Laurent et de la Vallée de l'Outaouais. C'est ce qu'on appelle au sens de la loi "la région agricole désignée" pour laquelle une zone agricole provisoire a été délimitée.

La Communauté régionale de l'Outaouais, tout en souscrivant à l'objectif du gouvernement qui entend fournir au Québec "un instrument législatif en vue de protéger ses meilleures terres agricoles, afin d'assurer le maintien et la croissance de l'activité du secteur économique le plus important, celui de l'agriculture et de l'agro-alimentaire" (1), a jugé opportun de cerner les implications de ce projet de loi sur l'organisation de son territoire afin d'en évaluer les conséquences.

Le sol agricole étant considéré comme une ressource non renouvelable, la Communauté considère essentiel dans le cadre de son schéma d'aménagement, d'en assurer la protection.

Toutefois, cette politique est basée sur un juste accommodement entre "d'une part les divers potentiels du milieu naturel et d'autre part les besoins de l'urbanisation, les contraintes du futur engagé et les désirs légitimes des citoyens" (2).

La protection du territoire agricole ne pouvait être qu'un volet d'une politique cohérente et dynamique de développement, il est primordial que l'élaboration de pareil programme de protection soit conçue en fonction des impératifs d'aménagement de la Communauté et adaptée aux besoins de notre région.

(1) Déclaration du ministre Jean Garon lors du dépôt du projet de loi 90. (2) Schéma d'aménagement du territoire, Juin 1977, p. 257.

Ce mémoire se propose, dans un premier temps, de présenter un rappel des principales propositions du projet de loi 90, une brève description de la zone agricole provisoire ainsi que les principales implications de ce projet de loi sur les zones les plus affectées du schéma d'aménagement.

Dans un deuxième temps, le mémoire exposera une synthèse de la problématique suivie de la position que le Conseil de la Communauté entend soutenir face à ce projet de loi.

Partie I Le projet de loi 90

A) Résumé des principales propositions du projet de loi 90 1) La loi est rétroactive au 9 novembre 1978 et ainsi peut annuler ou modifier toute décision prise postérieurement concernant les terrains dans l'aire agricole désignée pour fins de contrôle. 2) Pour l'application de cette loi, le projet de loi 90 prévoit (dès sa sanction) qu'une Commission de protection du territoire agricole (CPTA) sera créée et aura juridiction sur le plan provisoire de l'aire retenue pour fins de contrôle. Elle sera composée d'au plus sept (7) membres, dont un président et deux vice-présidents exerçant leurs fonctions à plein temps. Ces membres sont nommés pour une période d'au plus cinq (5) ans.

Le rôle de la Commission est d'assurer la protection du territoire agricole. A cette fin, elle pourra entendre les demandes d'autorisation ou de lotissement de même que les demandes d'inclusion et d'exclusion d'une zone agricole, en plus de donner son avis au gouvernement sur ces sujets.

Elle pourra émettre des ordonnances et déterminer les conditions d'une autorisation ou d'un permis qu'elle accorde. Dans l'exécution de son mandat, la Commission pourra entendre toute personne intéressée par une demande qui lui est présentée et tout groupement dont elle voudrait avoir l'avis. Elle pourra aussi requérir d'un ministère ou encore d'un organisme public, local ou régional, les renseignements dont elle a besoin pour l'exécution de ses fonctions. 3)Dans les 180 jours d'un avis qu'elle recevra de la Commission, chacune des municipalités visées aura à négocier avec celle-ci le plan de la zone agricole permanente de son territoire. A défaut d'entente, la Commission pourra préparer elle-même le plan de la zone agricole permanente d'une municipalité, en tenant compte des représentations qui lui auront été faites et en recommander l'adoption par un décret gouvernemental. Il s'agit de la deuxième étape. 4) Durant la troisième étape, une fois le plan de la zone agricole permanente adopté, les municipalités auront à analyser et à soumettre à la Commission toute demande d'autorisation, d'inclusion ou d'exclusion, en regard de la zone agricole.

Le même processus s'appliquera à tout décret établissant de nouvelles régions agricoles désignées. 5) Les droits acquis

Le projet de loi prévoit le respect des droits acquis au jour du dépôt, le 9 novembre 1978. Ainsi, dans la région agricole désignée, un lot utilisé à des fins autres qu'agricoles pourra continuer à l'être sur la même superficie utilisée. De plus, il y aura possibilité d'expansion, sans recourir à une autorisation de la Commission.

Ces propriétaires jouiront du droit de lotir jusqu'aux limites d'un demi ou d'un hectare seulement, selon l'utilisation au moment du dépôt du projet de loi. A l'intérieur de la région agricole désignée, le propriétaire de plusieurs lots contigus ou séparés par un chemin public ne pourra, sans l'autorisation de la Commission, démembrer cet ensemble de lots, ni effectuer le lotissement d'un seul ou de l'ensemble de ces lots.

Un droit acquis à toutes fins autres que l'agriculture s'applique à tous les lots qui sont ou deviendront adjacents à des services publics d'aqueduc et d'égouts sanitaires établis en vertu de règlement municipaux adoptés avant le 9 novembre 1978 ou avant l'adoption d'un décret établissement une nouvelle région agricole désignée.

D'autre part, le propriétaire d'un lot vacant en vertu d'un acte enregistré au 9 novembre 1978 peut y construire une seule résidence, dans les trois ans du dépôt du projet de loi ou de l'adoption d'un décret établissement une nouvelle région agricole désignée.

Quant à la personne dont l'agriculture constitue la principale occupation, elle peut construire sur sa ferme une résidence pour elle-même, son enfant ou son employé. Elle ne pourra cependant pas vendre cette nouvelle résidence indépendamment de sa ferme. La construction de bâtiments nécessaires à l'exploitation ne requiert aucun autorisation de la Commission de la protection du territoire agricole. 6) La protection de la couche arable

Le projet de loi permet la réglementation de l'enlèvement du sol arable (décapage de sol) de même que l'exploitation de gazonnières.

A compter du dépôt du projet de loi, le 9 novembre 1978, les entreprises concernées déjà en opération devront se limiter aux superficies en exploitation et se doter d'un permis dans les six (6) mois de la sanction de la loi.

Par ailleurs, toute expansion de même que toute nouvelle exploitation seront soumises à l'obtention d'un permis émis par la Commission de protection du territoire agricole du Québec.

B) Brève description de la zone agricole provisoire sur le territoire* de la Communauté pour les municipalités de: 1)Pontiac: tout le canton d'Eardley excluant le Parc de la Gatineau plus celui d'Onslow

Sud moins le rang VI et la partie urbaine bâtie de façon continue de Quyon. 2)Aylmer: incluant les rangs III, lots 22 à 28

IV, lots 11 à 16 et 22 à 28

V, lots 11 à 28

VI, lots 15 à 28

VII, lots 21 à 28 pour les rangs V, VI et VII, la limite nord est le contrefort des collines de la Gatineau. 3)Hull-Ouest incluant le rang VIII, lots 22 à 28 bordé au nord par le Chemin de la Monta- gne au contrefort des collines de la Gatineau. 4)Gatineau: incluant dans le canton de Templeton les rangs:

I, lots 1 à 3

II, lots 1 à 5 au nord de la 148 lots 6 & 7 au nord de la voie ferrée lots 8 à 11 au nord du boulevard St-René jusqu'à la Rivière La Blanche

III, IV et V, lots 1 à 28 et dans le canton de Gatineau, les rangs:

VIII,lots 1 & 2

IX, lots 1 à 4

X, lots 1 & 2

XII & XIII, lots 3 à 6

XIV, lots 7 à 11

XV, lots 8 à 11

XVI, lots 7 à 11 5)Buckingham: incluant les rangs I et II au complet jusqu'à la Rivière des Outaouais ainsi que les rangs:

III au complet moins les lots 11 et 12

IV, lots 1 à 5 et 19 à 28

V, lots 20 à 28

Partie II Implications du projet de loi 90 sur le schéma d'aménagement

Avant l'étude des implications du projet de loi 90, il est nécessaire d'effectuer ici un bref rappel des principes qui ont guidé l'intervention de la Communauté dans le domaine de la protection des terres agricoles.

Ces principes sont: 1) Protection et utilisation rationnelle des ressources physiques; 2) élaboration des critères d'aménagement appropriés à chacune de ces ressources; 3) délimitation des zones affectées prioritairement à la protection de ces ressources et à leur mise en valeur; le schéma d'aménagement devait faire la part entre les ressources à protéger et les espaces nécessaires au développement.

Ainsi, le zonage agricole de la Communauté a permis de: — Conserver 73,700 acres de terres agricoles pour les besoins futurs de la collectivité dont 60,000 acres de bon potentiel sans oublier 10,000 acres en zone d'aménagement différé; — éviter la déstructuration des terres par une urbanisation sauvage où la spéculation règne et met en péril, à un rythme effréné, l'activité agricole dans la région.

Le zonage agricole du schéma se voulait être un compromis par lequel n'avaient été retenues que les aires de potentiel suffisamment vastes pour permettre une exploitation rentable de l'agriculture.

Voyons maintenant l'impact sur les principales zones affectées par le projet de loi 90 (voir carte ci-jointe). * Voir la carte ci-jointe.

On constate d'abord que la zone agricole provisoire du ministère de l'Agriculture du Québec confirme en grande partie la fonction agricole déjà protégée par le schéma. De plus, la zone agricole provisoire englobe des zones d'aménagement différé, rurales I et II, des activités à moyenne intensité et d'utilisation publique sur lesquelles les impacts suivants sont à prévoir:

A) Les zones d'aménagement différé

Les zones d'aménagement différé sont considérées par le schéma comme des réserves en vue du développement urbain futur à faible ou moyenne intensité. Entretemps, ces zones pourront être utilisées pour des activités qui, comme l'agriculture, ne viendront pas compromettre, par la permanence des bâtiments ou des structures, leur vocation urbaine future. Il reviendra aux municipalités, dans le cadre de leur plan local et conjointement avec la Communauté, d'inventorier la gamme de ces possibilités d'utilisation.

Les zones d'aménagement différé ont été délimitées à la lumière de certaines études géotechniques élaborées sur le territoire de la Communauté en vue d'identifier les différents secteurs pouvant être éventuellement desservis par les infrastructures d'aqueduc et d'égout, compte tenu des bassins de drainage et des coûts reliés à la construction et l'exploitation des réseaux.

De l'importante superficie occupée par les secteurs desservables furent soustraits les sols présentant un bon potentiel agricole et qui n'avaient pas encore été touchés par des développements urbains.

A ceci, s'ajoute une contrainte fiscale municipale énorme. En effet, la planification des infrastructures régionales actuellement en construction s'est effectuée dans l'optique de la desserte éventuelle de ces zones. (Ex.: Système régional de collecte et d'épuration des eaux $120 millions — Usine de filtration $12 millions).

Le projet de loi 90 vient donc à rencontre de l'objectif fondamental du schéma d'aménagement qui implique une utilisation maximale des infrastructures régionales projetées ou en construction.

B) La zone des activités à moyenne intensité

En fonction du concept de l'organisation de l'espace mis de l'avant par le schéma, les zones des activités à moyenne intensité reflètent la répartition de la population prévue et la stratégie de développement retenue.

Le schéma de la Communauté a proposé dans l'unité d'analyse de Lucerne Nord une zone d'activités à moyenne intensité pour un bassin de population de 25,000 personnes. Ces positions régionales sont une traduction directe d'un objectif-clé du schéma, i.e. le développement d'une armature urbaine et régionale dynamique. Concrètement, il s'agit de viabiliser les activités économiques de même que les équipements publics du centre-ville régional, d'une part en s'assurant d'un bassin important de population à sa proximité et d'autre part en favorisant, dans sa périphérie immédiate, une extension progressive du tissu urbain tant à l'est et à l'ouest qu'au nord de son périmètre.

Le projet de loi 90 dans sa formulation actuelle en désignant agricole près de 75% de la superficie de cette zone nie intégralement le concept de centralité et remet en question l'objectif-clé du schéma de créer une armature urbaine et régionale dynamique.

C) Les zones rurales I et II

Au niveau de l'organisation spatiale du milieu rural, le schéma d'aménagement retient une stratégie qui oriente le développement vers les secteurs de croissance, ce sont les zones désignées comme rurales I.

D'autres secteurs appelés "d'équilibre" sont prévus afin d'accueillir une intensité de développement beaucoup plus faible, ce sont les zones rurales II.

Les zones rurales I et II, soit l'une et l'autre, sont affectées aux activités que l'on peut déjà observer dans le milieu rural.

Le territoire visé pour les muncipalités de Pontiac et d'Aylmer constitue un axe de croissance privilégié par le schéma pour les raisons suivantes: — la proximité à la zone urbaine — son accès facile grâce à l'autoroute 50 — une grande concentration de développement de villégiature le long de la rivière des Outaouais — un degré avancé d'urbanisation caractérisé par un grand nombre de subdivisions officielles, et — les prévisions de population pour le milieu rural.

La nouvelle affectation proposée par le ministère de l'Agriculture du Québec pour les zones rurales I et II témoigne d'une méconnaissance des objectifs du schéma d'aménagement en milieu rural.

Les affectations rurales I et II se veulent une réponse aux objectifs du schéma d'aménagement, soit la volonté de canaliser le développement, de sauvegarder et mettre en valeur les ressources naturelles non renouvelables et de protéger l'environnement.

D) Par ailleurs, mentionnons que d'autres zones sont touchées par le projet de loi 90. Il s'agit des zones d'utilisation publique, des zones industrielles, des zones des activités à faible intensité, des zones de protection de la faune ongulée et sauvagine.

Toutefois, compte tenu du peu d'impact du projet de loi 90 sur ces zones et des mécanismes prévus par la loi pour leur exclusion, nous n'avons pas jugé nécessaire de les commenter dans le cadre de ce mémoire.

Partie III La problématique

A) Problèmes liés à la zone agricole désignée 1) Zone d'aménagement différé

Près de 50% du territoire compris dans la zone urbaine est désigné agricole. Ce secteur est situé principalement dans la zone d'aménagement différé qui selon le schéma d'aménagement doit servir de réserve en vue de développement urbain futur à faible ou moyenne intensité. Cette zone a été délimitée en fonction de sa desserte éventuelle par les infrastructures régionales d'aqueduc et d'égout en construction ou en voie de l'être.

Le développement de cette zone est donc reporté jusqu'au moment où le degré d'organisation de l'agglomération permettra son urbanisation. La désignation comme zone agricole compromet la canalisation de la croissance prévue par le schéma et remet en cause les phases de développement établies. 2) Zone des activités à moyenne intensité

Dans le secteur ouest (unité d'analyse Lucerne Nord), près de 75% du territoire compris dans la zone de développement des activités à moyenne intensité est désignée agricole.

Cette proposition ignore totalement l'une des composantes majeures du schéma. En effet, selon une politique de rationalisation des équipements d'infrastructures et de façon à assurer une plus grande cohésion du tissu urbain, le schéma prévoit un accroissement démographique de 25,000 personnes d'ici l'an 2001 pour ce secteur de planification.

Encore une fois, la stratégie de développement du schéma qui précise au niveau spatial et temporel le détail de l'organisation urbaine se trouve sérieusement compromise. 3) Droits de privilège

La reconnaissance des droits de privilège découle d'une tradition issue d'une interprétation de la loi 54; cette tradition évolua par la suite dans l'application des divers règlements de contrôle intérimaire. Cette reconnaissance couvre les lots cadastrés ou ayant été acquis avant le 31 juillet 1974 ainsi que les lotissements approuvés par la Communauté antérieurement au dépôt du schéma, en accord avec certaines modalités administratives.

Le projet de loi 90 a pour effet de limiter les droits de privilège à un lot indépendamment du degré de développement, des déboursés effectués, des approbations obtenues et des implications sur les finances municipales. La Communauté est donc confrontée à une situation assez délicate où des approbations qu'elle a accordées après de sérieuses exigences sont ignorées par le projet de loi.

Cette situation devient encore plus délicate dans les cas où le projet de loi reconnaît que le propriétaire d'un lot vacant en vertu d'un titre enregistré avant le 9 novembre 1978 peut construire dans un délai de trois (3) ans une résidence sur une superficie n'excédant pas un demi hectare (article 31).

Cette disposition vient à toute fin pratique reconnaître à l'échelle de la zone agricole provisoire des droits à certains propriétaires en dépit des normes régionales plus restrictives; elle constitue un net recul par rapport aux mécanismes de contrôle mis sur pied depuis quatre (4) ans. 4)Double réglementation

Dans les municipalités désignées, certaines parties du territoire ne sont pas retenues pour fins de contrôle. Ces parties, qui offrent un bon potentiel agricole (et sont effectivement zonées agricole selon le schéma), ne sont pas couvertes par le plan provisoire. Il s'ensuit l'application d'une double réglementation avec les conséquences administratives qui en découlent (projet de loi 90 et règlement 123 de la Communauté).

B)Problèmes liés à la zone de contact

Toutes les municipalités de la Communauté sont présentement engagées dans le processus de préparation de leurs plans d'urbanisme qu'elles devront obligatoirement produire avant février 1980, conformément aux dispositions de la loi de la Communauté. Or, les municipalités situées en tout ou en

partie hors de la zone actuellement désignée demeurent dans l'incertitude en ce qui regarde le moment où le gouvernement viendra par décret identifier comme région agricole l'une ou l'autre partie de leur territoire. Dans un pareil contexte, on comprendra qu'il devient très difficile pour ces municipalités de prendre certaines positions importantes relatives à l'aménagement local.

Cette problématique a pour effet d'une part de créer une confusion parmi la population quant aux différentes responsabilités sur le zonage agricole et ainsi éroder la confiance dans l'administration régionale et municipale et d'autre part remettre en cause l'aménagement du territoire, tel que conçu par le schéma.

Partie IV Position de la Communauté régionale de l'Outaouais

Considérant que lors de sa création par le gouvernement du Québec, la Communauté régionale de l'Outaouais a reçu la compétence en matière d'aménagement du territoire.

Considérant que le but de l'aménagement du territoire est de réaliser un équilibre dans l'affectation et l'utilisation des sols et déterminer les différentes formes d'occupation de l'espace en fonction des besoins futurs de la société.

Considérant qu'il n'y a pas lieu de dissocier la protection des terres agricoles de l'aménagement du territoire.

Considérant que la Communauté s'est dotée d'un schéma d'aménagement qui se révèle l'outil par excellence pour guider l'intervention des pouvoirs publics sur son territoire.

Considérant que ce schéma constitue un projet-pilote pour l'ensemble du Québec.

Le Conseil de la Communauté régionale de l'Outaouais recommande:

Que, le gouvernement du Québec reconnaisse par le projet de loi 90 le statut particulier de la Communauté régionale de l'Outaouais qui est la seule région du Québec à avoir préparé et adopté un schéma d'aménagement selon les exigences de la loi.

Que, compte tenu de son caractère contraignant à l'égard des municipalités, le schéma de la Communauté, approuvé par le ministre des Affaires municipales en date du 9 août 1978, soit considéré comme l'instrument de planification régionale privilégiée et qu'il soit respecté dans ses propositions concernant la délimitation des zones agricoles.

Que, le schéma de la Communauté soit amendé ainsi que le règlement de contrôle intérimaire afin que les zones agricoles proposées par le schéma revêtent un caractère permanent et que la réglementation provinciale s'applique dorénavant à l'intérieur des zones retenues en plus de la réglementation existante.

Que, sur le territoire de la Communauté, tout programme de soutien ou de rentabilisation de l'agriculture soit accessible aux exploitations agricoles reconnues Bona Fide en vertu de l'article 21 de la loi sur l'évaluation foncière.

Référer à la version PDF page B-8779

Référer à la version PDF page B-8780

Référer à la version PDF page B-8781

L'application du gel dans la zone agricole provisoire:

Selon le M.A.Q. Les restrictions

Suite au dépôt du projet de loi, certaines activités sont susceptibles d'être interdites dans la zone agricole provisoire. Toutefois, ces activités pourront être à nouveau permises après la sanction de la loi, moyennant l'obtention d'une autorisation de la Commission de Protection du territoire agricole.

Ainsi, à compter du 9 novembre 1978, selon le texte original du projet de loi, tout morcellement des terres par la vente d'une partie de lot ou par le dépôt d'un plan de subdivision est interdit. De plus, il ne sera plus permis de vendre une partie d'une terre ou d'un terrain et d'en conserver l'autre partie contiguë. Ces ventes ou lotissements pourraient être annulés après la sanction de la loi, si le propriétaire n'obtient pas l'autorisation de la Commission de Protection du territoire agricole. * Note à nos lecteurs

Ce numéro spécial de Municipalité 78 a été réalisé avec la collaboration du ministère de l'Agriculture. Nos lecteurs comprendront qu'en raison du caractère exceptionnel de ce projet de loi sur la protection du territoire agricole, il faut absolument établir la distinction entre le document déposé devant l'Assemblée nationale et le texte définitif de la loi auquel nous ferons d'ailleurs largement écho, en temps et lieux.

La rédaction. * Municipalité 78

Edition complémentaire, 10e année 1 numéro 11 bis/Novembre 1978, p. 6.

Selon le M.A.M.

Rôle* des municipalités dans la mise en oeuvre de la loi

Le projet de loi réserve aux municipalités un rôle privilégié dans la définition et la mise en oeuvre de la politique de protection du territoire agricole que le gouvernement entend instaurer. La nature et l'importance de ce rôle varieront, dans le temps, à l'intérieur de trois étapes bien définies: 1. dans la période entre le dépôt du projet de loi (le 9 novembre 1978) et son entrée en vigueur (c'est-à-dire, le jour de sa sanction); 2. la période entre l'entrée en vigueur de la loi et l'entrée en vigueur d'un décret de zone agricole établi conformément à la loi; 3. la période après l'entrée en vigueur d'un décret de zone agricole. 1. Au cours de la première période, le projet de loi ne sera pas en vigueur. Le gouvernement et les municipalités ne pourront s'autoriser de ses dispositions pour refuser une demande d'autorisation qui serait conforme à une loi ou un règlement existant. A titre d'exemple, la municipalité ne pourra pas, au cours de cette période, refuser un permis de construction pour un projet qui serait conforme au règlement de zonage de la municipalité, sous prétexte que le projet serait éventuellement interdit par la Loi de la protection du territoire agricole. Les municipalités auront à leur disposition toutes les cartes, descriptions techniques et documents qui leur permettront de renseigner pleinement ceux qui demanderont des permis sur l'incidence qu'aura éventuellement la loi sur leur projet. A ce stade, donc, le rôle des municipalités sera d'informer les citoyens sur les effets découlant de la loi. Parmi les effets importants, signalons que cette loi, une fois en vigueur, aura son effet depuis le 9 novembre 1978, et qu'alors elle primera sur les lois et règlements, y compris les règlements municipaux, qui y seraient incompatibles.

Référer à la version PDF page B-8783

Communauté régionale de l'Outaouais Résolution No 78-639

Ds: 20460

Extrait des minutes d'une assemblée du Conseil de la Communauté régionale

de l'Outaouais tenue au siège social le 16 novembre 1978.

IL EST RÉSOLU que, conformément aux dispositions de l'article 80 du chapitre 85 (Lois de 1969), une commission composée de membres de ce Conseil soit formée en vue de faire une étude approfondie du projet de Loi no 90 "Loi sur la protection du territoire agricole" et de soumettre un rapport à ce conseil relativement aux représentations à être faites au gouvernement du Québec concernant ledit projet de Loi.

Copie conforme

Jean-Guy Gariépy Le Secrétaire-adjoint.

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