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Version finale

31st Legislature, 3rd Session
(February 21, 1978 au February 20, 1979)

Thursday, December 7, 1978 - Vol. 20 N° 216

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 90 — Loi sur la protection du territoire agricole


Journal des débats

 

Audition des mémoires relatifs au projet de loi no 90

(Vingt heures vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'agriculture est réunie pour étudier et entendre les mémoires des organismes et personnes concernant la Loi sur la protection du territoire agricole. Les membres de la commission sont M. Baril (Arthabaska), M. Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain), M. Garon (Lévis), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Rancourt (Saint-François), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Orford). Les intervenants sont M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Charbonneau (Verchères), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Verreault (Shefford) remplace M. Picotte (Maskinongé), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Communauté régionale de l'Outaouais (suite)

A l'ajournement d'hier nous en étions au mémoire de la Communauté régionale de l'Outaouais et je reconnais M. Rivest, M. Lucky Burk. M. le député de Pontiac-Témiscamingue... Vous avez été nommé, M. Vaillancourt (Orford)?

M. Vaillancourt (Orford): Oui.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Témiscamingue-Pontiac avait la parole. M. le député de Pontiac-Témiscamingue.

M. Larivière: Merci, M. le Président. A la page 2 de votre mémoire, vous mentionnez, M. Rivest, que la communauté avait dans son schéma...

Le Président (M. Boucher): Voulez-vous approcher votre micro, s'il vous plaît?

M. Larivière: A la page 2 de votre mémoire, vous mentionnez que la communauté avait dans son schéma de développement 75 000 acres de protégées en terres agricoles. Celui proposé par le ministère de l'Agriculture est de 88 000 acres. Est-ce que vous avez étudié la proposition faite par le ministère de l'Agriculture pour savoir lequel des deux est le plus apte à l'agriculture? Si je remarque, dans bien des cas on gèle beaucoup de terrains qui ne sont même pas aptes à l'agriculture. Ce sont des roches, des montagnes, du bois.

M. Rivest (Jean-Marc): Voyez-vous, dans les deux cas, M. le Président, les outils de base ont été les mêmes, soit les planches ou les cartes de potentiel agricole du ministère de l'Agriculture.

Cependant, dans la proposition du plan provisoire attaché au projet de loi no 90, on s'aperçoit qu'en plus d'être beaucoup plus larges ces zones pénètrent presque jusqu'à l'intérieur du tissu urbain.

A mon sens, ces secteurs, s'ils sont aptes en termes de potentiel, en termes de qualité de sol, ne sont pas aptes réellement à supporter pendant de nombreuses années un développement agricole à la toute frange et même souvent à l'intérieur presque du tissu urbain. D'autre part, sur l'objet principal de votre question à savoir si on a étudié la qualité comme telle de ce qui a été proposé dans le plan provisoire, je dois vous répondre non. Cela aurait été une entreprise beaucoup trop longue. Cependant, cela ne représente que des potentiels, et bien souvent sans tenir compte du fait que le territoire est presque exclusivement ou presque totalement déjà loti et utilisé à d'autres fins qui rendent de façon presque irrémédiable impossible son utilisation pour l'agriculture.

M. Larivière: Je vois une partie de votre mémoire où vous mentionnez que beaucoup de ces lots qui sont présentement gelés par le ministère sont beaucoup trop petits pour être inclus dans l'agriculture, c'est-à-dire les lots de 50 acres ou 25 acres. Vous mentionnez cela dans votre mémoire.

M. Rivest: En ce sens que particulièrement dans le secteur Eardley, de Pontiac, ce sont de toutes petites terres. S'il y avait remembrement, j'imagine qu'il pourrait y avoir quand même utilisation agricole. Mais dans les circonstances actuelles, quand à peu près 50% des lots sont même déjà lotis et de propriétés privées d'individus, cela devrait leur conférer un droit acquis, un droit de privilège. Tout ce grand secteur de Breckenridge, des ravins de Breckenridge à mon sens, ne saura jamais être exploité rationnellement pour fins d'agriculture. (20 h 30)

M. Larivière: A la page 5 de votre mémoire, il y a quelque chose qui semble vous inquiéter. C'est le montant d'argent qui a déjà été déboursé en infrastructure régionale, c'est-à-dire la planification à long terme et à moyen terme, une somme de presque $200 millions. Comment, d'après vous, s'il n 'y a pas moyen de développer les terrains comme la communauté avait l'intention de le faire, cela pourrait-il coûter aux locataires de la région?

M. Rivest: M. le Président, je ne pourrais pas donner de chiffres exacts. Cependant, il faudrait espérer, dans une solution rationnelle, que les quelque $200 millions qui sont investis ou qui vont être investis dans les quelques mois et années à venir soient suffisants à tout jamais pour le développement urbain de l'Outaouais.

En encoconnant, comme je l'ai souligné hier, le zone urbaine, un jour, il faudra penser — quel est l'horizon de ce jour-là? Est-ce dix ans, quinze ans, vingt ans? Je ne le sais pas — à la pose de

nouvelles infrastructures probablement sous la forme de collectivités nouvelles en dehors de la ceinture agricole. A ce moment-là, au niveau global de l'aménagement rationnel d un territoire, cela ne me paraît pas une solution souhaitable.

M. Larivière: On sait que le projet de loi no 90 a pour objectif de protéger les sols agricoles. Quand on examine les milliers d'acres en culture qui ne sont pas protégées par le présent projet de loi, surtout dans la région de l'Outaouais — on parlait hier de Lapêche et il y a bien d autres municipalités qui ne sont même pas touchées — je me demande si cela ne vous donne pas l'impression que ce projet de loi a un deuxième objectif, peut-être bien important pour le gouvernement, celui de contrôler le développement urbain et la villégiature.

M. Rivest: Je ne voudrais pas faire de procès d intention à quiconque. Cependant, j ai dit hier dans mon texte, et je le répète, que la loi 90 est beaucoup plus le plan provisoire, je dirais même exclusivement le plan provisoire. Malheureusement, en changeant de façon unilatérale la vocation d'une partie importante du territoire et des parties stratégiques pour fins de développement, en changeant unilatéralement, je le répète, la vocation de ces secteurs, la loi s érige péremptoirement en une loi d'aménagement du territoire. C est dommage qu'une opération rationnelle de quelques années — le schéma d'aménagement a pris au-delà de trois ans à se faire et a coûté quelques millions; il a été largement subventionné par le gouvernement du Québec — soit changée de façon aussi radicale par une loi qui, en soi — nous lui reconnaissons des qualités — vient un peu saboter, si je puis dire, la rationalité du schéma d'aménagement.

M. Larivière: C'est tout.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Pontiac-Témiscamingue. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. Rivest, vous avez, hier, affirmé devant cette commission que le plan d aménagement adopté au mois d août dernier avait été conditionnel à la réforme sur le plan du zonage agricole, si ma mémoire est fidèle. Vous avez bien admis cela et vous savez très bien les réserves qu'avait le gouvernement à l'époque. Au niveau de votre mémoire, si on le lit, et surtout par les commentaires que vous avez faits; vous avez une frousse terrible de la commission. Vous dites que la commission a peinturé très large, vous avez même utilisé I'expression "pinceau de quatre pouces ", mais tout en parlant de votre zone à vocation différée, si j'ai bien compris votre mémoire. J'aimerais qu'on regarde, ensemble, tous les deux, les articles 47 à 52. On peut aller à ce niveau-là. Je me demande si vous n'avez pas la trouille pour rien. Je vais m'expliquer.

Votre plan d'aménagement est déjà fait. Vous êtes les seuls à en avoir fait un. Donc, vous n avez pas, dans les 180 jours, à vous remettre à I'ouvrage pour reproduire un plan d aménagement. Vous en avez un. Vous avez uniquement, comme étape, à le présenter cependant à la commission qui, elle, va lanalyser. Si vous vous entendez avec la commission, il n'y a pas de problème. Si vous ne vous entendez pas, la commission fait une recommandation au gouvernement qui, lui, décrète. Mais vous semblez vouloir dire que votre plan est bousillé d'ores et déjà. Alors, vous présumez qu'il n y aura même pas d'entente au niveau de la commission. D'abord, c est une présomption que vous faites, et deuxièmement, vous présumez que le décret irait à rencontre de votre plan d'aménagement. Donc double présomption de votre part. J'aimerais que vous expliquiez cela.

M. Rivest: C est vrai, premièrement, la première partie de votre affirmation, lorsque vous dites, et c est très vrai, que le gouvernement, par le ministre de I'Agriculture, avait soulevé des réticences à I égard du schéma d aménagement, notamment sur la question de l'agriculture. Nous acceptions cet état de choses. Cependant, le ministre de l'Agriculture avait encore son as de pique dans sa manche. C est que nous ne connaissions pas les planches. On se doutait que ce serait légèrement différent, mais pas à ce point. Deuxièmement, je connais le mécanisme de la commission.

Quant à ma première présomption, je pense qu'elle est fondée, en ce sens que j'imagine que cette commission aura un préjugé très favorable à l'agriculture et à la préservation des terres agricoles, sinon elle ne jouerait pas son rôle. Sectoriellement, je reconnais qu'elle doive avoir cette orientation d'esprit. J'imagine qu'elle ne sera à peu près pas plus sensible à notre schéma d'aménagement tel que préparé que le projet de loi 90 ne l'est. Si son décret est défavorable et qu ensuite on retourne au gouvernement, je pense que ma deuxième présomption est encore mieux fondée, parce que les plans que vous avez rendus publics récemment changent d'un trait de plume ou d'un trait de pinceau des vocations assez stratégiques du schéma d'aménagement. Or, je me demande comment dans six mois, si on avait à retourner devant le gouvernement, le même gouvernement serait, cette fois-ci, plus sensible à la rationalité globale du document.

M. Chevrette: Si entre-temps, M. Rivest. en plus d'une loi de la protection des sols, vous avez une loi qui est déposée sur l'aménagement, le lieutenant-gouverneur en conseil ou le Conseil des ministres aura à prendre des décisions, ayant une vision globale de sa législation, contrairement à la commission. Supposons que vous êtes fort convaincu du bien-fondé de votre plan d'aménagement, parce que vous l'avez mâchouillé passablement pour en arriver à présenter ce travail, à partir de cela, je trouve que votre deuxième présomption est très forte. Vous pourriez fort bien avoir un plan d'aménagement qui, plus graduellement, pourrait s'étendre mais qui, pour le moment, peut être

limité un peu par rapport à la situation actuelle que vous avez, mais vous offrir l'occasion de!

M. Rivest: Ce que je ne comprends pas dans votre ligne de pensée, c'est le fait que, si tel est le cas et même si la loi de l'aménagement du territoire n'est pas prête à être présentée, pourquoi la zone provisoire ne respecte-t-elle pas plus aujourd'hui les volontés exprimées dans le schéma d'aménagement? Elles étaient connues du ministère de l'Agriculture, elles étaient connues de fond en comble au niveau du gouvernement. Les fonctionnaires, autant à Québec qu'en régions, connaissent absolument le détail des propositions. S'il s'avérait qu'ils voulaient un jour y être d'ac-cord, c'aurait été tout aussi possible de le faire aujourd'hui, à mon sens.

M. Chevrette: Le schéma d'aménagement, M. Rivest, prévoit du différé pour vous couvrir sur une période de 25 ou 30 ans, si j'ai compris vos allégations hier. Comme ministère responsable de la protection des sols arables, est-ce qu'on doit immédiatement dégager des sols en fonction de l'aménagement quand on peut se servir au maximum des sols arables à court terme?

M. Rivest: Je suis d'accord avec ce que vous dites jusqu'à un certain point. Cependant, je tiens à réaffirmer cela. Si les sols agricoles foutent le camp, ce n'est pas simplement et ce n'est surtout pas principalement à cause du fait que l'urbanisation a été rapide au cours des quarante dernières années. C'est parce qu'elle s'est faite sans pensée planificatrice. Elle s'est faite de façon sauvage. Si elle s'est faite de façon sauvage, c'est parce que les gens, à l'époque, peut-être pas de mauvaise foi, n'ont jamais prévu plus loin que le bout de leur nez. A mon sens, trois, quatre et cinq ans, c'est à peu près le bout de notre nez en termes de développement de territoire. Penser vingt ans à l'avance, c'est relativement court en termes de ce qu'on va faire de notre territoire pour toutes ces fins, pour les fins du développement résidentiel, pour les fins industrielles et pour les fins agricoles, et d'harmoniser cela. Faire le compromis — parce que c'est toujours un compromis — le plus souhaitable pour les vingt prochaines années à venir m'apparaît à peu près la seule avenue possible.

En deuxième lieu, vous affirmez, laissez à penser que, lorsque les problèmes de nécessité d'un territoire d'expansion urbaine arriveront, dans dix ou quinze ans, on pourra possiblement gruger à travers ce qu'on qualifie d'agricole aujourd'hui. A ce moment-là, je suivrais mal cette logique. Je considère — là-dessus, j'appuie la loi à 100% — que ce qu'on va zoner agricole aujourd'hui devrait l'être à tout jamais, changé à peu près sous aucune considération à moins de raison majeure.

M. Chevrette: Mais en quoi, M. Rivest, votre plan d'aménagement serait-il compromis dans l'éventualité où il y aura un gel des sols, suppo- sons, pour cinq ans? A cause de la Loi sur la protection du territoire agricole, il n'y a plus de développement sauvage possible. Vous avez toujours la possibilité, comme communauté régionale, d agrandir votre rayon ou votre périmètre en ayant...

M. Rivest: En territoire agricole.

M. Chevrette: Vous avez le droit de revendiquer, de faire des requêtes devant la commission, mais pour changer votre plan d'aménagement.

M. Rivest: Cela m'apparaît essentiellement malsain que dans cinq ans, je doive demander que du territoire agricole soit maintenant affecté à de l'urbain.

M. Chevrette: Le contraire, aussi, pourrait être vrai, M. Rivest. Si on ne zonait pas du tout agricole — oublions l'aspect de la Communauté régionale de l'Outaouais — Là où on n'aura pas zoné, autour de villes, vous savez ce qui va arriver. Cela va être du développement sauvage. En zonant plus que moins pour le sol agricole, tu es sûr que tu arrêtes le développement sauvage, de un, et, de deux, tu es certain qu'entre-temps le sol sert pour la culture.

M. Rivest: M. le Président, M. le député me fournit un argument nouveau.

M. Chevrette: Tant mieux si je vous en fournis parce que vous ne me convainquez pas avec ce que vous avez dit.

M. Rivest: Vous me dites exactement ce que j'ai dit tantôt, soit que la loi 90, en plus de préserver du sol agricole, veut s'ériger en embryon de contrôle du développement urbain et cela, à mon sens, c'est un rôle négatif de la loi 90. Qu'une loi de l'aménagement du territoire vienne faire cela, vienne arrêter le développement sauvage, j'en suis à 100%, mais qu'on lui fasse jouer un rôle de frein global en disant: On va les étouffer ou à peu près et, là, ils vont être obligés de se rationaliser et, ensuite, on en donnera petit à petit, cela ne m'apparaît pas d'une logique à toute épreuve.

M. Chevrette: Supposons que votre plan demeure tel quel, donc, les gens ont le droit de bâtir conformément au plan d'aménagement que vous avez, mais pas nécessairement dans une concentration. Vous ne forcez pas la concentration dans votre plan. J'ai lu votre plan d'aménagement et vous ne forcez pas la concentration. Vrai ou faux? J'ai lu pas mal tout. Vous ne forcez pas la concentration. (20 h 45)

M. Rivest: Non.

M Chevrette: Donc, si vous ne forcez pas la concentration dans le plan d'aménagement que vous avez, dans la zone d'aménagement différé

dont vous parlez, il peut y avoir du développement domiciliaire pour autant que c'est conforme au plan, mais cela peut être très parsemé, très éparpillé.

M. Rivest: Très rapidement, pour ne pas reprendre le texte de 300 pages, ce qui est gris sur les planches couleur que vous avez, cela s'appelle des zones d'aménagement différé. Ce sont des zones qui devront un jour servir à du développement urbain, mais qui ne peuvent pas aujourd'hui, et probablement pour les cinq, dix ou quinze prochaines années, servir à du développement urbain.

La réglementation qui s'y applique présentement et peut-être pour pas mal longtemps, c'est un gel absolu de tout développement. Donc, j'ouvre ici une parenthèse: les sols qui sont bons pour l'agriculture là-dedans, ils sont drôlement bien protégés actuellement. Un jour, ils ne le seront plus si le développement urbain doit y arriver. Mais, actuellement, ils sont drôlement bien gelés.

M. Chevrette: Sauf que vous nous dites: Vous autres vous gelez en vert, nous autres on gèle en gris.

M. Rivest: C'est cela, mais c'est toute la différence du monde.

M. Chevrette: Si vous gelez en gris ou vous gelez en vert, si vous avez l'occasion de dégeler en fonction du développement, en quoi cela vous nuit?

M. Rivest: Parce qu'on dit que la rationalité... Je pense que, quand on planifie un territoire, on doit annoncer ses couleurs, sans jeu de mot. On doit savoir longtemps à l'avance quelle devra ou quelle pourra être la vocation d'un territoire. Alors, en étant zone grise d'aménagement différé, cela véhicule un concept qui dit: Lorsque l'agglomération urbaine aura à s'étendre, elle ne pourra pas s'étendre de n'importe quelle façon. Elle devra s'étendre de façon concentrique alentour de la zone urbaine actuelle. Cela, c'est une chose.

Deuxièmement, ceci étant statué, le schéma d'aménagement de la CRO étant adopté à tous ses niveaux, vous dites: Cela ne force pas la concentration. Jusqu'à un certain point, c'est vrai. Cependant, la loi constituante de la CRO qui nous obligeait à faire ce plan et de l'adopter oblige aussi chacune des municipalités du territoire à produire dans les 18 mois — et cette séquence de 18 mois a commencé à courir le 9 août dernier — oblige chacune des municipalités à produire un plan directeur d'urbanisme avec un plan de zonage, et en illustrant de façon très détaillée quelles seraient les phases d'expansion urbaine, à quel rythme et selon quelles conditions elles pourraient utiliser ces parties de territoire.

M. Chevrette: M. le Président, je vais me permettre un commentaire qui va peut-être donner la chance au ministre de donner les chiffres. Si j'étais un agriculteur chez vous, dans votre fameuse zone grise, à toutes fins utiles je me dirais: Cela ne me donne pas grand-chose d'investir parce qu'un jour, peut-être, on me permettra de vendre ma terre pour fins de lotissement.

M. Rivest: Vous avez absolument raison.

M. Chevrette: M. le Président, si vous n'utilisez pas cette zone, entre-temps, je peux végéter 25 à 30 ans, selon votre concept à vous autres. Je peux végéter dans l'agriculture pendant 25 ans, vous ne me permettrez pas de lotir mes lots, vous ne me donnerez pas la chance du tout d'investir en agriculture et je végète. Qu'est-ce que vous pensez qu'un gars fait?

M. Rivest: Vous avez absolument raison dans l'interprétation de ce qui peut se passer. Cependant, à tout le moins, c'est honnête. Encore là, on annonce nos couleurs. On dit à l'agriculteur qui est là: Un jour, l'urbain pourra y aller. Quand on me parle de 20, 25 ans, je pense que, d'une certaine façon, on peut quand même investir pour faire de l'agriculture. Ce qui est plus grave, c'est la possibilité que vous m'avez soulignée tantôt. On les peinture en vert quand même, donc on laisse croire à l'agriculteur qu'il est là ad vitam aeternam, pour toutes les générations à venir. Et vous me dites qu'en allant me présenter devant la commission, un jour, si je démontre qu'il est absolument essentiel qu'on s'en serve pour fins urbaines, on pourra y aller. Je trouve que là, c'est permettre à un bonhomme, à un cultivateur d'investir sous de fausses représentations.

A mon sens tout ce qui va être vert devrait rester vert ad vitam aeternam. Si on met cette zone agricole, si elle a un potentiel agricole aujourd'hui, pourquoi n'en aurait-elle pas un dans cinq ans et dans dix ans? Si on donne une affectation agricole à un territoire, il devra la garder, sinon le risque que vous me soulignez dans le gris va se produire. En toute bonne foi, le bonhomme va immobiliser sur son territoire et un jour, si on fait une bonne présentation à la commission, si elle écoute nos demandes et qu'elle permette que ce territoire devienne urbain, son risque il va le prendre la même chose, avec le désavantage qu'il n'aura pas connu les règles du jeu au départ.

M. Chevrette: Avec toutes les réserves, je vais permettre aux autres, parce que...

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Garon: Combien cela a coûté et cela a pris combien d'années pour faire votre plan d'aménagement dans votre région?

M. Rivest: Début 1975 à mai, deux ans à peu près.

M. Garon: Combien cela a coûté en tout?

M. Rivest: Avec les études préparatoires qui avaient commencé quelques années avant, cela a coûté entre $2 millions et $3 millions, incluant le personnel du service de la planification et le personnel permanent, etc.

M. Garon: Cela comprend tous les niveaux: municipal, provincial.

M. Rivest: Ce sont les sommes d'argent qui ont été mises par la communauté régionale, incluant les subventions que nous avons reçues du gouvernement du Québec pendant quelques années pour nous aider à la préparation du plan.

M. Garon: Moi, j'ai votre document qui parle de la zone agricole. Il n'est pas long, vous dites: Le zonage agricole établi par la communauté et les dispositions qui s'y rattachent s'appliquent pour une période maximale de deux ans pour jusqu'à l'entrée en vigueur à l'intérieur du terrain d'une loi provinciale de zonage agricole. Vous décrivez des usages permis dans la zone: Les usages permis dans la zone agricole sont l'agriculture et ses usages connexes, la sylviculture, éra-blières, pépinières, etc., de même que les usages industriels, commerciaux, touristiques et récréatifs compatibles avec l'agriculture. La construction de résidences unifarniliales isolées est également prévue. Puis vous prévoyez: Pour fins résidentielles générales. Le détachement de lots pour fins résidentielles peut être autorisé selon un système de quota maximum d'une acre par 50 acres de propriété par année jusqu'à lotissement total de 10% du terrain en question. L'utilisation du quota peut être cumulative, lotissement total de 10% du terrain en question. L'utilisation du quota peut être cumulative, etc. Ces lots doivent avoir une superficie d'au moins 40 000 pieds et d'au plus 80 000 pieds, et vous continuez comme cela. Ce sont les zones agricoles. Vous en avez pour combien d'années, vous pensez, des zones agricoles à ce rythme?

M. Rivest: Hier, M. le ministre, j'ai bien souligné que cela se situait dans un contexte historique assez particulier. A ce moment, il n'existait pas sur la table de proposition de zonage agricole au niveau de l'ensemble de la province de Québec. Nous prenions, jusqu'à un certain point, l'initiative de nous lancer dans ce domaine, c'était à peu près une première; je ne m'avancerai pas trop loin là-dessus. Nous avons admis publiquement, et c'est écrit probablement à la page 270, que cela a été un compromis que d'avoir des normes aussi peu rigides. Et une de nos recommandations: Dans le fond, on serait très disposés à faire un compromis. Au niveau des zones vertes de votre plan, acceptez la superficie des nôtres, leur délimitation et nous serons heureux d'abroger cette réglementation qui est un peu beaucoup laxiste, je l'avoue, et nous accepterions la réglementation plus sévère contenue au projet de loi.

M. Garon: Maintenant, j'ai des chiffres. La superficie totale de la CRO est de 240 300 hectares; la superficie de la région qu'on a désignée à l'intérieur de la CRO, pas qu'on a zonée, la région désignée, le total qu'elle couvre, 84 427 hectares, soit un peu plus que le tiers. La superficie de la zone agricole là-dessus...

Une Voix: ...

M. Garon: Hectares. Un hectare c'est...

Une Voix: Trois acres.

M. Garon: Ce n'est pas à cause de nous autres, c'est le fédéral qui change cela.

M. Gratton: II n'y a rien de pire que le fédéral pour mêler les choses.

M. Garon: 84 427 pour la région désignée en hectares. La superficie de la zone agricole, ce qu'on a réservé pour l'agriculture, est de 36 681. L'aire qu'on n'a pas retenue est de 47 746 hectares et votre domaine bâti, à l'heure actuelle, est, d'après nos calculs, de 6879 hectares. Ne trouvez-vous pas qu'il vous en reste pas mal?

M. Rivest: Je ne contesterai pas vos chiffres, premièrement, parce que je ne suis pas tellement à l'aise avec les hectares.

M. Garon: On multiplie par 2,5 et cela fait des acres.

M. Rivest: Je sais que votre proposition de zone désignée est de 88 000 acres sur le territoire de la CRO.

M. Garon: C'est cela.

M. Rivest: Tout ce qu'on lui reproche...

M. Giasson: Vous parlez d'hectares, là. Entendons-nous.

M. Rivest:... ce n'est pas tellement sa superficie, c'est qu'elle est toute en ville. Elle est toute en ville. On ne reproche pas tellement l'ampleur de votre zone désignée, 88 000 acres, mais elle est toute en ville. Le territoire global de la CRO a 900 milles carrés — je n'oserais pas le traduire en hectares, cela en ferait un paquet — dont environ un quart est qualifié d'urbain dans le schéma d'aménagement, ou à potentiel urbain, en voie de devenir urbain. Cela veut donc dire qu'à peu près les trois quarts de notre territoire sur 900 milles carrés sont, dans le schéma, zonés de façon rurale; ce qui ne veut pas dire pour fins d'agriculture, nécessairement, mais pour des fins qui resteront toujours rurales. Vos 88 000 acres se situent essentiellement et principalement dans le quart qui est urbain ou appelé à s'urbaniser. C'est là que cela vient mêler les cartes.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Si vous me le permettez, juste pour qu'il y ait une meilleure compréhension, je pense qu'il faudrait s'entendre sur les mesures qu'on utilise. Le mémoire déposé par la communauté indique 88 000 acres.

M. Garon: Ou 36 000 hectares, si vous voulez.

M. Giasson: Tout à l'heure, vous avez cité des chiffres en hectares, ce qui change toutes les règles de proportion.

M. Garon: J'ai donné tous mes chiffres en hectares.

M. Giasson: Oui, vous avez parlé de 80 000 hectares.

M. Garon: Ce que j'ai ici comme données, c'est votre superficie bâtie de 6879; dans la superficie qu'on n'a pas déclarée zone agricole, qui est un mauvais potentiel, il y a 36 730 hectares. Le problème est que vous voulez bâtir votre ville sur des bons sols plutôt que sur les mauvais. Parce que 36 730 hectares de mauvais potentiel, vous avez de la place à doubler votre population là-dessus.

M. Rivest: Oui, mais faut-il arrêter là? Faut-il arrêter de planifier à l'horizon qu'on peut voir? Qu'est-ce qui va arriver dans trente ans, lorsqu'on aura doublé la population si l'ensemble de la zone agricole vient étouffer cette zone urbaine? Va-t-on faire comme Ottawa a été obligé de faire, sauter par-dessus la ceinture agricole et aller développer des collectivités nouvelles à des coûts faramineux? Là, on investit $200 millions, ou pas tout à fait, de bon gré dans des infrastructures. On voudrait bien qu'elles servent à tout jamais. On voudrait bien ne pas être obligé, dans 25 ans, même si chacun d'entre nous n'y sera plus, de repenser de nouvelles infrastructures au-delà de la zone agricole, au-delà de la zone urbaine en milieu qui serait très difficilement desservable parce que vous savez que notre territoire, dès qu'il quitte les berges de l'Outaouais, devient pas mal montagneux et accidenté.

Le constat que vous portez, savoir que nous voulons que notre ville soit sur les bons sols agricoles, c'est malheureusement partiellement vrai. Cependant, historiquement, il y a 150 ans ou 200 ans, toutes les agglomérations urbaines se sont faites le long des cours d'eau où se trouvaient les meilleures terres agricoles. Jusqu'à un certain point, nous croyons qu'il faut composer avec cela. Il ne faut pas oublier que malgré ce que nous voulons retenir pour fins urbaines — je le répète, c'est très important — malgré tout cela, on zone — et on serait d'accord pour que ce soit permanent à tout jamais — 75 000 acres de bons sols agricoles. (21 heures)

M. Garon: Vous ne nourrirez pas grand monde avec cela!

M. Rivest: Pardon?

M. Garon: Ce n'est pas grand, 75 000 acres, vous savez! Supposons que toute l'Amérique du Nord se comporte comme vous vous comportez dans l'Outaouais, on va manger des produits qui viennent d'où?

M. Rivest: Ecoutez, quand même, M. le ministre! Vous en proposez 88 000 et nous en proposons 75 000.

M. Garon: Ce n'est pas sur le même territoire.

M. Rivest: Pourquoi n'avez-vous pas pris le reste du territoire? C'est ce qu'on vous a demandé aussi.

M. Garon: On va le faire avec le temps. M. Rivest: Nous l'avons fait il y a deux ans!

M. Garon: Oui, mais vous allez voir que cela ne nous prendra pas de temps. Cela ira peut-être plus vite que vous ne le pensez!

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Nous étions en train de...

M. Garon: Je voudrais ajouter juste une dernière affaire, si vous me le permettez, M. le député de Beauce-Sud. Pensez-vous que les Français, quand ils sont venus ici, auraient dû se bâtir en suivant les villages indiens, parce qu'ils étaient déjà établis là? Ils se sont bâtis ailleurs, en tenant compte de la situation. Actuellement, parce qu'il y a des bons sols, pourquoi ne se bâtirait-on pas où il y a de mauvais sols?

M. Lavoie: Etes-vous assez fort pour répondre à une question aussi intelligente?

M. Rivest: Je peux y répondre.

M. Garon: Parce qu'il y a eu développement à un endroit, cela ne veut pas dire qu'il doit continuer à partir de ce premier développement!

M. Rivest: Le développement de l'ensemble d'un territoire comporte beaucoup plus d'éléments complexes que la simple protection des territoires agricoles. On doit aménager un territoire pour toute une société qui est partiellement urbaine, partiellement agricole, qui a des fonctions résidentielles, des fonctions de loisirs, etc. Cela me paraît vouloir trop simplifier la question que de dire: Allons développer nos villes où le territoire n'est pas bon. Nous sommes quand même tous des "payeurs de taxes". Si on doit multiplier par cinq les prix des services d'aqueduc et d'égout parce qu'on va les poser à flanc de

montagne, je pense qu'il faut essayer de rationaliser l'ensemble du développement du territoire. Regardez notre territoire et dites-nous où on pourrait continuer à faire un développement rationnel sans, malheureusement — je l'avoue — avoir à gruger une certaine partie des bonnes terres agricoles. Cependant, malgré tout cela, on en conserve 75 000 acres.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. A la suite des discussions et des remarques qui ont été faites, surtout par l'honorable ministre, je suis en train de me demander s'il n'y aurait pas lieu de réexaminer toute la question pour voir s'il n'y aurait pas lieu de relocaliser tout le Québec et de relocaliser les villes. Il va quand même falloir ête réaliste. On ne changera pas l'emplacement de la ville de Saint-Hyacinthe, ni celui de Drummondville, ni celui de Joliette, pas plus que celui de Nicolet ou de l'île de Montréal.

M. Chevrette: Ni de Beauce-Sud! Alouette!

M. Roy: De Beauce-Sud, non plus. On ne veut pas, non plus. C'est bien important! Dans votre mémoire et à la suite des discussions qui ont eu lieu, j'ai cru comprendre qu'on n'a pas tenu compte — les cartes que vous nous avez distribuées sont d'ailleurs là pour en témoigner — de votre schéma d'aménagement, de votre plan d'aménagement dans la loi qui est actuellement devant nous et selon laquelle on a retenu un territoire dans votre région. J'aimerais savoir si vous avez eu des contrats avec le ministre de l'Agriculture pendant la tournée de consultation qu'il a faite avant de présenter sa loi. Votre groupement, la Communauté régionale de l'Outaouais, a-t-il eu des contrats avec le ministre de l'Agriculture, avec les officiers du ministère et leur avez-vous fait des recommandations particulières à ce sujet?

M. Rivest: J'ai un peu répondu hier à cette question.

M. Roy: Hier, j'ai dû être ailleurs.

M. Rivest: D'accord. Je vais reprendre avec plaisir.

M. Chevrette: II n'a pas un caucus trop nombreux.

M. Roy: Quand même, c'est unanime! Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Chevrette: J'espère que vous ne vous contredisez pas vous-même!

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette-Montcalm!

Allez-y, M. le le député de Beauce-Sud.

M. Rivest: M. le Président, lorsque M. le ministre de l'Agriculture est venu faire sa tournée, nous n'avons pas cru opportun d'aller nous présenter avec le schéma d'aménagement devant lui parce que nous assumions que le contenu de notre schéma lui était totalement connu, d'une part, et, d'autre part, parce qu'à ce moment-là les cartes des plans provisoires de la région désignée n'étaient pas disponibles. Donc, si nous avions été le rencontrer, nous n'aurions pu que dire que nous étions parfaitement d'accord avec la loi, parce qu'il y a deux ans nous avions nous-mêmes zoné 75 000 acres de territoire agricole. Nous ne connaissions pas l'aspect concret que cela prendrait sur le territoire.

M. Garon: Vous saviez ce que le monde agricole demandait lors du schéma d'aménagement.

M. Rivest: Avec des contacts, oui, mais ce n'était pas au niveau de votre tournée de consultation. Dans les mois et les années qui ont précédé, nous avons eu de nombreux contacts avec, entre autres, les gens de votre ministère en région, à Buckingham. Nous savions, évidemment, étant des gens avec des objectifs sectoriels, qu'ils auraient souhaité que notre zone d'aménagement différé devienne agricole. Nous nous en doutions fortement.

M. Roy: La deuxième question, M. le Président. Dans le cas du territoire qui est désigné par le dépôt des plans qui accompagnent la loi 90 jusqu'à maintenant, la région agricole dans votre territoire, est-ce que vous êtes en mesure de dire à la commission si toutes ces terres qui sont incluses dans la zone de retenue, actuellement, sont exploitées pour des fins agricoles? Ou, quel est le pourcentage actuellement qui est exploité?

M. Rivest: Elles ne sont sûrement pas toutes exploitées actuellement, loin de là. Malheureusement, je n'aurai pas de pourcentage d exploitation à vous donner. Je n'ai pas ces chiffres. Le ministère de l'Agriculture les aurait peut-être.

M. Roy: Dans la partie que vous n'avez pas retenue pour des fins agricoles, mais qui a été retenue par le ministère, est-ce que vous disposez de données, est-ce que vous avez un inventaire, est-ce que vous avez une idée des terres actuellement, dans le différend qui vous oppose entre le plan déposé actuel et le plan que vous avez proposé? Il y a quand même une partie de territoire, comme on vient de le dire, qui est retenue par la loi, qui est gelée. Le territoire que vous avez retenu, que la Communauté régionale de l'Outaouais a retenue est moindre, est plus petit. Alors, cette partie que vous n'avez pas retenue, vous autres, est-ce qu'actuellement elle est occupée pour des fins agricoles?

M. Rivest: Je n'ai pas de chiffres précis, cependant, je peux sans aucune crainte de me

tromper affirmer que ce serait la très petite minorité ou une très faible partie de ces terres qui serait actuellement en exploitation agricole, parce que c'est le territoire qui est à la toute périphérie de la zone urbaine actuelle.

M. Roy: Cela a déjà été exploité pour des fins agricoles? C est en friche? C'est abandonné?

M. Rivest: Cela a déjà été exploité. Il y a de très nombreux lotissements qui parsèment ce territoire. Il y a un nombre assez important de maisons individuelles qui ont été construites au cours des années, avant l'adoption du schéma d aménagement qui le défend actuellement aussi. Il y a quand même des implantations assez nombreuses et parsemées un petit peu partout à travers ce territoire.

M. Roy: Dernière question. Est-ce que vous avez une partie de votre territoire qui n'est pas incluse dans la zone gelée par la loi, mais qui pourrait être éventuellement développée pour des fins agricoles?

M. Rivest: Effectivement, la proposition de zones provisoires, de zones désignées ne retient pas ce que nous avions, nous, zoné pour fins agricoles dans quatre municipalités, c'est-à-dire que deux municipalités complètes de notre territoire ne sont pas encore, à ce jour, touchées par la zone désignée. Deux autres municipalités n ont été retenues dans la zone désignée que partiellement. Ce qui crée, comme je l'ai souligné hier soir, des difficultés d'application majeures; à savoir qu'un agriculteur, chez nous, s il est touché par la loi 90, devra suivre un certain nombre de normes particulières, et son voisin, qui est à un demi-mille de lui, qui serait zoné agricole par la CRO, lui, devrait obéir à toute une autre série de normes. Cela crée des incompatibilités assez sérieuses.

M. Roy: Je vous remercie des réponses que vous venez de nous fournir. Cela m'amènerait, avec votre permission, M. le Président, peut-être à faire un commentaire. Je pense que toutes ces discussions nous démontrent que pour faire un zonage agricole, un zonage de territoire, un plan d'aménagement de territoire intelligent et responsable dans le Québec, il va falloir évidemment compter énormémement sur la collaboration des organismes du milieu. Cela ne fait que renforcer les propositions que j'ai faites, qui, d'ailleurs, sont partagées par plusieurs de mes collègues et qui ont été soutenues et appuyées par de nombreux mémoires soumis en commission: la nécessité d'avoir des commissions régionales. Devant les discussions que nous avons eues, ici, autour de la table, je ne vois pas comment un seul organisme provincial, disposant de normes uniques, pourrait, dans tout le Québec, régler tous les problèmes et serait capable de tenir compte des particularités régionales et des besoins des populations des régions.

M. Garon: Je vais vous poser une question M. le député de Beauce-Sud, si vous voulez.

M. Roy: Oui.

M. Garon: Dans l'Outaouais, sur le plan régional, quand on a fait le schéma d'aménagement, les gens du monde agricole régional demandaient de protéger 110 000 acres. Dans le territoire, ils ont réservé 60 000 acres. Qui aurait dû trancher là-dedans?

M. Roy: Vous allez avoir le même problème. Je vais répondre, mais je vais donner une réponse globale. Vous allez avoir le même problème dans toutes les régions du Québec, dans tous les comtés du Québec et il faudra que quelqu un tranche à un moment donné.

M. Garon: Qui?

M. Roy: Si c'est une instance gouvernementale pour laquelle il n'y aura pas de droit d'appel...

M. Garon: Qui?

M. Roy: ... ce sera une application totalement arbitraire.

M. Garon: Qui?

M. Roy: Je reviens aux commissions régionales; elles devraient être constituées d'une première instance composée de gens du milieu, de gens ayant des responsabilités auprès de leur population, des gens impliqués, des gens motivés, des gens responsables pour être capables d organiser un plan d'aménagement qui tienne compte des particularités de leur territoire. La commission provinciale, à ce moment-là, jouerait un rôle d'arbitre et de commission d'appel. C'est ma réponse, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Ecoutez! On pourra débattre ces questions à l'étude article par article du projet de loi. M. le député de Gatineau, vous avez demandé la parole.

M. Garon: C'est un peu comme dans les abattoirs. Vous vouliez nous ramener au XIXe siècle et on est en train de moderniser toute la province.

M. Roy: Ne touchez pas aux abattoirs, parce que je vais ouvrir la porte. J'ai bien des choses à dire là-dessus. Je suis à la veille de reprendre le débat, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! S il vous plaît! M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je suis à la veille de le reprendre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Alors, n'ouvrez pas la porte de grâce, M. le ministre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Gatineau, vous avez demandé la parole. Compte tenu que vous n'êtes ni membre ni intervenant à la commission de l'agriculture, je dois demander la consentement des membres...

M. Chevrette: Oui, consentement. C'est sa région.

Le Président (M. Boucher): ... pour votre intervention.

M. Chevrette: Je trouve cela tout à fait décent et normal.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Gatineau, vous pouvez y aller.

M. Gratton: Merci, M. le Président. Merci aux membres de la commission. Je n'ai sûrement pas l'intention de dire... M. le Président; j'ai l'intention de poser des questions.

Il me semble qu'il serait peut-être important d'élaborer un peu sur les coûts que comportera l'application du projet de loi 90 en rapport avec les infrastructures dans certains secteurs de la Communauté régionale de l'Outaouais. Dans Aylmer, par exemple, dans le secteur de l'aménagement différé, il est évident que le plan de l'usine d'épuration et des collecteurs pour l'épuration des eaux — usine régionale, l'alimentation en eaux, les infrastructures, le réseau routier, etc. — tout cela est fonction du plan d'aménagement. Je dirai à l'intention du ministre que c'est la question à savoir si c'est la poule qui vient avant l'oeuf ou vice versa. Est-ce qu'on doit planifier en fonction d'un plan d'aménagement ou partir de la protection du territoire agricole pour en arriver à un plan d'aménagement? Il est évident...

Une Voix: ...

M. Gratton: Oui, je m'excuse d'ailleurs de ne pas avoir été présent hier parce qu'on discutait en Chambre du projet de loi 106 sur la ville de Sainte-Eustache. On s'est amusé jusqu'à trois heures ce matin pour en arriver nulle part. C'est d'ailleurs ce qui nous arrive très souvent ici à l'Assemblée nationale avec ce gouvernement. Toujours est-il, M. le Président, en revenant à la pertinence de ma question...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Gatineau, s'il vous plaît!

Une Voix: On était censé travailler. M. Garon: Commencez à travailler.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Gatineau, me permettriez-vous de vous demander d'accélérer...

M. Gratton: Oui, je m'excuse de cette digression, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): ... votre question étant donné que... Si nous voulons passer à travers ce soir.

M. Gratton: Ce sera très court. J'aimerais demander au président de la Communauté régionale de l'Outaouais quelles sont, à son avis, les implications pour les populations concernées — les contribuables d'Aylmer en particulier, de Hull-Ouest, dans une certaine mesure, de Val-des-Monts et de Gatineau, en fait, pour le secteur Cantley, Wilson's Corners — si on devait appliquer le projet de loi 90 avec le territoire zoné agricole. Quelles sont les implications pour les contribuables qui devront défrayer les coûts des infrastructures prévues — on parle de $200 millions — et qui, à toutes fins utiles ne pourront servir si, effectivement, il n'y a pas d'entente entre la Communauté régionale de l'Outaouais et la commission de contrôle éventuellement dans quatre, cinq et dix ans, sur le développement de ce territoire?

M. Rivest: Je ne peux malheureusement pas —je pense que c'est compréhensible — avoir de chiffres précis. Par exemple, au niveau du réseau d'épuration qu'on est en train de construire et qui devrait être terminé d'ici environ deux ans et dont les dernières estimations se chiffrent par environ $120 millions. Ce projet prévoyait — son design théorique, si vous voulez — devoir desservir de façon ultime la population qui serait comprise. Je ne sais pas c'est quoi l'horizon — est-ce que c'est dix ans, quinze ans, vingt ans, trente ans? — et la population comprise dans l'actuelle zone urbaine et dans ce que nous appelons la zone d'aménagement différé.

(21 h 15)

C'est donc dire que si elle devient à tout jamais agricole — et moi, je ne peux pas comprendre comment cela pourrait être agricole un jour et ne plus l'être dans cinq ans — si elle devient agricole, selon moi, elle l'est ad vitam aeternam, et il est bien évident que tous ces équipements deviennent "surdimensionnés" et que cela implique nécessairement des coûts plus grands de remboursement d'immobilisation et de fonctionnement à la population urbaine qui sera en place.

M. Gratton: Lorsque vous dites qu'une zone qui est agricole va l'être ad vitam aeternam, je pense que vous vous référez aux dispositions de la loi 90 mais, si j'ai bien compris, selon la définition des zones d'aménagement différées que vous préconisez dans votre schéma d'aménagement, effectivement, il y aurait possibilité, selon cette formule que vous avez, de faire l'exploitation agricole dans ces zones différées tout en prévoyant dès maintenant et en payant les coûts afférents aux infrastructures de cela mais forcément en donnant une vocation éventuelle, que ce soit dans 10 ans, dans 15 ans ou dans 20 ans, au développement dans ce secteur.

M. Rivest: Absolument. La zone d'aménagement différée actuellement, dans notre schéma, au niveau de la réglementation, comporte la permission et encore plus que la permission. On encourage l'agriculture à prendre place dans cette zone tant et aussi longtemps qu'elle ne sera pas nécessaire pour fins de développement urbain. Au nord de cette zone, par exemple, on peut difficilement penser que ce soit avant 20 ans. Alors, lorsqu'on me dit qu'à cause du fait qu'il y a une épée de Damoclès qui pendrait au-dessus de la tête de l'agriculteur, à savoir qu'il n'investira pas parce qu'un jour cela deviendra urbain, lorsqu'on parle de 15, 20 ou 25 ans, je pense qu'on peut quand même faire de l'agriculture de façon rentable pendant cette période de temps.

M. Gratton: Est-ce que je pourrais demander au député de Laval de me permettre de voir mon interlocuteur? D'ailleurs, M. Rivest, cette même logique qui pourrait, selon certains, empêcher le producteur agricole de faire des investissements pour une exploitation agricole qui ne serait pas de nature permanente dans le sens du projet de loi 90 devrait prévaloir aussi pour la collectivité qui, elle, doit investir des sommes encore plus grandes pour l'implantation des infrastructures dont on parle, en particulier, par exemple, des usines d'épuration.

Cela m'amène à dire — je ne sais pas si on l'a traité hier — qu'il y a toujours un point très important du témoignage de la communauté régionale, et c'est la position de la communauté qui est résumée dans cette résolution qui est contenue dans le mémoire de la communauté. Je ne sais pas si le règlement me permet d'interroger le ministre en ce sens, mais il me semble que... Je ne le fais pas, M. le Président, mais si le ministre veut réagir, tant mieux, on pourra voir un peu plus clair dans tout cela! Le conseil de la communauté régionale, finalement, dit: Nous sommes la seule région à avoir un schéma d'aménagement. Nous avons dépensé entre $2 et $3 millions pour le préparer. Le gouvernement d'alors a mis le processus en branle, le gouvernement actuel l'a approuvé en date du 9 août 1978. C'est un schéma d'aménagement. Ce n'est pas un plan de protection du territoire agricole. On en convient. Le conseil de la communauté, selon le principe de la décentralisation où on veut que ce soit l'instance la plus près de la population qui ait droit de regard sur les grandes orientations, en l'occurrence, la communauté régionale, recommande, dans sa résolution, que le gouvernement reconnaisse, dans son projet de loi 90, le statut particulier de la Communauté régionale de l'Outaouais qui est la seule région du Québec à avoir préparé et adopté un schéma d'aménagement; que, compte tenu de son caractère contraignant à l'égard des municipalités, le schéma de la communauté approuvé par le ministre en date du 9 août 1978 soit considéré comme l'instrument de planification régionale privilégié et qu'il soit respecté dans ses propositions concernant la délimitation des zones agricoles.

Ce que je voudrais faire remarquer au ministre, c'est que tout cela n'a pas été préparé en vase clos par un groupe d'amis politiques libéraux, je vais aller jusqu'à ce point.

Une Voix: Vous n'étiez pas là?

M. Gratton: Oui, j'étais là. C'est bien sûr que j'étais là. Moi, je suis là depuis 1972 et j'ai l'impression que je vais être là longtemps aussi.

Je voudrais savoir du ministre, M. le Président, s'il serait prêt ce soir à s'engager à considérer sérieusement cette proposition de la communauté régionale qui demande qu'on donne un statut particulier à la communauté régionale, non pas parce qu'il s'agit des personnes qui sont là, non pas parce qu'il s'agit, non plus, d'un territoire qui est limitrophe à la province de l'Ontario, qui est partie de ce qui est communément appelé la région de la capitale nationale, mais strictement parce que c'est le seul secteur de la province de Québec qui a déjà un plan d'aménagement, un schéma d'aménagement conçu en consultation avec l'ensemble de la population. Je ne reprendrai pas cela; le ministre, je pense, est au courant que cela n'a pas été fait de façon improvisée. On a mis deux ans, beaucoup d'efforts financiers autant que d'efforts de consultation pour en arriver à quelque chose qui dans les grandes lignes se tient énormément bien quant à l'aménagement.

Forcément, il y a une dimension de l'aménagement régional, de l'aménagement du territoire; c'est seulement une dimension, cette protection du territoire agricole. Je ne sais pas si les gens de la communauté régionale seraient satisfaits de cela; quant à moi, je serais satisfait si le ministre nous disait ce soir: On va considérer très sérieusement cette proposition que nous fait la communauté régionale de donner un statut particulier quelconque à la région de la communauté régionale. Encore une fois, non pas pour toutes les autres raisons, mais strictement pour la seule raison qu'ils ont un schéma d'aménagement, qu'il a été fait en fonction des besoins de la population et qu'il y a lieu de le respecter.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Garon: Nous allons respecter l'engagement que nous avons pris lorsque nous avons rencontré les gens de la CRO à l'été qui disait: Ou on attend le zonage pour accepter le schéma d'aménagement, ou on l'accepte immédiatement, mais le zonage va venir s'ajouter à cela. On a respecté notre engagement. Cela a été appliqué le 9 août. Trois mois plus tard, on dépose le zonage. On aurait pu attendre, ne pas l'accepter le 9 août et déposer le zonage avant. C'est cela, l'engagement qu'on a pris. Tout simplement, je pense qu'on respecte notre parole.

M. Gratton: Je n'accuse pas le ministre de ne pas avoir respecté sa parole, M. le Président. Je lui demande, ce soir, s'il est prêt à faire un autre engagement, non pas de donner raison à la

communauté régionale, simplement de le considérer, au moins. S'il nous ferme la porte tout de suite, qu'est-ce qu'on fait ici? On est aussi bien de s'en aller tous chez nous. La Communauté régionale de l'Outaouais n'a pas dépensé $3 millions, perdu deux ans de temps à préparer un schéma d'aménagement strictement pour se faire dire ce soir: Vous reviendrez dans quatre ou cinq ans ou vous discuterez cela avec la commission de contrôle. Est-ce que le ministre veut au moins nous dire qu'il va le considérer?

M. Garon: La commission...

M. Gratton: II peut bien nous le dire. D'habitude, il nous le dit et il ne le fait pas. Qu'il fasse la même chose dans ce cas; au moins, on aurait cette assurance qu'il va y penser.

M. Baril: C'est quoi qu'il n'a pas fait? Donnez-nous un cas?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Gratton: Vous voulez un exemple de ce que vous dites et que vous ne faites pas? Voulez-vous que je vous en donne quelques-uns, M. le Président? Au point de vue décentralisation, par exemple.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Gatineau, il y a des invités qui attendent les questions. J'espère qu'on va s'en occuper. Je demande au député de Huntingdon de poser ses questions le plus rapidement possible, étant donné que nous avons déjà deux heures et demie de consacrées à la CRO.

M. Gratton: Est-ce qu'on pourrait au moins demander au ministre de réagir? Qu'il me dise que je suis dans les patates, mais qu'il me dise quelque chose. Qu'il ne reste pas là seulement à sourire, M. le Président. Est-ce que le ministre veut considérer cette possibilité?

M. Garon: La commission va la considérer, j'en suis convaincu.

M. Gratton: Non, ce n'est pas cela que je demande, M. le Président. La commission n'est même pas formée et, de la manière qu'on s'en va là, elle ne sera peut-être même pas formée en 1979. Je veux savoir du ministre qu'est-ce que lui va considérer.

M. Garon: Vous êtes là depuis cinq minutes à peu près; nous autres on est là depuis lundi soir. On sait à quel rythme cela va. Comme le disait l'éditorial de la Gazette ce matin vous n'êtes pas pour le principe. Vous êtes contre d'après l'attitude que vous adoptez vis-à-vis de la protection des terres agricoles. Même la Gazette l'a dit.

M. Gratton: D'ailleurs, M. le Président, ce n'est pas les propos que tient le ministre qui vont nous convaincre d'être pour, non plus.

M. Garon: Tous les éditorialistes des journaux actuellement vous ont jugés.

M. Gratton: M. le Président, je répète ma question au ministre. Est-ce que le ministre peut nous donner l'assurance qu'il va considérer à sa valeur — ce que je lui demande, c'est de ne pas insulter la communauté régionale — la position qu'elle adopte par sa résolution qui est contenue dans son mémoire, demandant un statut particulier pour le territoire de la communauté régionale?

M. Garon: Je pense que je ne commencerai pas à faire du "spot zoning" à la veille de l'adoption de la loi qui va former une commission. Ce sera le travail de la commission.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Messieurs de la région de l'Outaouais, j'aimerais, premièrement, vous féliciter pour la clairvoyance et le courage que vous avez eus et pour tous les efforts que vous avez déployés afin de présenter un plan global d'aménagement et d'utilisation du territoire. Vous appelez cela un schéma d'aménagement. Je pense que "aménagement", ou "utilisation", cela se tient ensemble aussi. Je peux vous dire que nous avons dénoncé fermement les mesures sectorielles inscrites dans le projet de loi no 90, parce que nous croyons, nous, de l'Union Nationale, qu'un zonage agricole ou un respect des terres fertiles s'inscrit dans un plan global d'aménagement et d'utilisation. Cela a été notre remarque principale au niveau du projet de loi no 90.

Ceci dit, dans votre mémoire, moi, je n'en vois pas beaucoup de problèmes. Les problèmes majeurs entre vous et le ministre, je pense qu'ils vont se régler bien vite; en tout cas, je l'espère. Si le ministre n'a pas la tête trop dure. Il y a huit municipalités chez vous, chacune des huit municipalités a l'obligation de préparer elle-même un plan qu'elle présentera à la commission. Moi, j'espérais qu'il y ait douze commissions régionales, étant donné qu'il y a douze régions agricoles au Québec. D'ailleurs, je n'ai pas fini de me battre là-dessus, je vais aller jusqu'au bout. Mais de toute façon, présentement, ce qu'on nous présente, c'est une commission qui siège à Québec, qui est juge et partie, qui est une régie d'Etat, nous nous donnons cela aussi.

De toute façon, chacune de vos municipalités a l'obligation de préparer, chacune d'elles, un plan. Je vois qu'il y a une différence de 13 000 acres entre ce que vous prévoyez comme secteur agricole réservé strictement pour fins agricoles. Je ne sais pas si votre chiffre de 75 000 acres est ferme ad vitam aeternam pour fins agricoles.

M. Rivest: II ne l'était pas dans la proposition originelle, mais nous nous engagerions volontiers à le rendre permanent.

M. Dubois: Suite au gel du territoire et au dépôt des cartes du ministère de l'Agriculture, dans certains de ces secteurs réservés pour fins agricoles — et les cartes présentées par le ministère seront corrigées — une partie de ces acres seront enlevées pour d'autres fins que l'agriculture. Enfin, cela va arriver partout je pense au Québec. Si je regarde les municipalités où il n'y a pas de services d'égout, où il n'y a pas de services d'aqueduc, où on a gelé tout le territoire, où il n'y a même plus de place pour bâtir une maison, à certains endroits, ces municipalités vont présenter un plan d'aménagement local, et certainement qu'elles vont garder une aire pour les résidences, pour les édifices commerciaux et industriels, dans certains endroits quand même. Quand chacune de vos huit municipalités aura son propre plan, vous allez peut-être en revenir à peu près aux 75 000 acres qui sont prévues par le ministère de l'Agriculture. Je vois une possibilité dans ce sens.

M. Rivest: Je dois avouer, M. le député, que moi, je suis quand même plus pessimiste. Comme je le soulignais, hier, je ne pense pas faire de procès d'intention, à savoir que la Commission de la protection du territoire agricole va sûrement avoir un préjugé favorable important pour cette activité sectorielle qu'est l'agriculture, à tout le moins aussi important comme préjugé que celui du ministère de l'Agriculture. Je me dis: Si la commission était pour nous donner raison globalement, ou presque globalement, d'ici X mois, lorsque chaque municipalité ira faire son pèlerinage, je me demande pourquoi la proposition de zones désignées, aujourd'hui à l'étude, ne pourrait pas comporter tout de suite le même aménagement ou le même changement et de façon globale.

Quand j'ai dit, un peu à la blague hier, qu'on s'était servi de pinceaux de quatre pouces pour badigeonner en vert de larges secteurs, je comprends, étant urbaniste, que dans certains cas, il est difficile de prévoir le détail de ce qu'on veut proposer. Cependant, et c'est là que nous considérons que nous accusons un recul par rapport à la situation actuelle, cependant dans l'Outaouais, à la Communauté régionale de l'Outaouais les propositions étaient connues de façon très explicite et très détaillée. Si on avait eu le préjugé favorable de proposer quelque chose qui serait en adéquation avec le schéma d'aménagement de la CRO, on aurait pu le faire immédiatement.

M. Dubois: Dans le territoire qui est réservé par le ministère de l'Agriculture, il y a certainement des fermes qui ne sont pas propres à être cultivées.

M. Rivest: Certainement un grand nombre. (21 h 30)

M. Dubois: A présent, vos 75 000 acres, est-ce que ce sont les meilleurs sols de votre région?

M. Rivest: Comme je l'ai souligné, nous avons utilisé les mêmes documents de base que le ministère de l'Agriculture, à savoir les cartes de potentiel et en retenant les trois meilleures catégories qu'on appelle, en jargon, les catégories A, B, C. Nous avons épuré cela de ce qui était déjà trop engagé en termes de développement résidentiel, de ce qui était trop engagé en termes de lotissements dûment approuvés, et c'est pour cela qu'on peut expliquer une certaine... Et en tenant compte des besoins de développement urbain. Je pense qu'on ne peut pas, globalement, en faire fi de cette façon.

Si je peux me permettre d'ajouter un commentaire à ce que M. le ministre a souligné tantôt, il est réel que lors de l'examen du schéma d'aménagement on nous avait sérieusement avertis que jusqu à un certain point l'acceptation par le gouvernement comportait la condition qu'on devrait se conformer à la loi 90 qui, à ce moment-là, était en préparation, et on a donné notre accord de principe à ce niveau. Cependant, comme je le soulignais — et cela me paraît très important — à ce moment les cartes de régions désignées n'étaient pas disponibles, ne nous étaient pas connues et nous ne pouvions pas penser que cela pouvait compromettre à tel point l'ensemble des propositions du schéma d'aménagement.

En terminant, on a un peu l'impression que le ministre de l'Agriculture considère qu'à peu près toutes les municipalités ou les organismes municipaux ont évidemment, eux, un préjugé favorable à l'urbanisation, contrairement au préjugé favorable à la protection du territoire agricole. Je voudrais souligner — la majorité d'entre vous n'ont pas eu l'occasion de lire le document en profondeur, le schéma d aménagement — qu'il n'y a certainement pas beaucoup de régions au Québec qui ont un souci de conservation des ressources non renouvelables et des ressources naturelles au point, par exemple, de mettre légalement en application des propositions telles que du zonage concernant la faune sauvagine où il n'y a à peu près aucune construction permise et aussi même d'avoir des zones de protection de la faune ongulée. Il faut quand même avoir un souci de respect de l'environnement naturel, de l'environnement rural pour en venir à faire accepter à une population de limiter ses droits de construction ou de développement pour des choses de ce genre.

Le Président (M. Boucher): Merci.

M. Dubois: Si chacune de vos municipalités présente son propre plan basé exactement sur votre schéma d aménagement à la commission, je pense qu'à ce moment-là vous auriez peut-être I appui du ministre délégué à l'aménagement du territoire. Je pense que ce serait une manière de présenter votre cas. Le ministre va devoir entrer un peu dans le sujet parce qu'il est quand même responsable de ce ministère. C'est malheureux que le ministre délégué à l'aménagement du territoire ne soit pas à cette commission, parce qu'il devrait être l'interlocuteur premier. Quand on parle de respect, c'est facile; on parle d'aménagement de territoire, premièrement. C'est le mot de la fin. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Huntingdon. M. le député de Laval, comme vous êtes le dernier intervenant et que déjà nous avons consacré au-delà de deux heures à la CRO, je vous demanderais d'être bref.

M. Lavoie: Je vais accéder à votre demande, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup de votre collaboration, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Je vais faire un exposé le plus concis possible et je vais terminer, comme mon collègue le député de Gatineau, par une demande peut-être plus atténuée au ministre de l'Agriculture. J'aimerais bien avoir une réponse afin qu'on aboutisse à quelque chose avec chacun des organismes et, en particulier, la CRO qui vient nous voir ce soir.

Nous avons un cas évident comme nous en avons eu un hier de la région de Saint-Eustache qui couvrait 32 municipalités — un peu à l'est de cette région-ci — des comtés de L'Assomption, Terrebonne, Deux-Montagnes, Argenteuil, Prévost un peu, et là nous sommes un peu plus à l'ouest. Ce sont des gens du milieu, des administrateurs municipaux qui ont pris la peine, en consultation avec la population durant une période de deux ou trois ans, d'investir des sommes importantes de $2 millions à $3 millions.

Ce n'est pas facile, je le sais, pour les administrateurs municipaux, dans ce cas-ci huit municipalités, de préparer avec des experts, en dépensant des fonds publics de l'ordre de $2 millions ou $3 millions, de soumettre à la population — on m'a dit combien il y a eu de réunions — ce n'est pas facile de faire accepter cela par tout le monde. On a pris en considération l'aménagement du territoire, fait des prévisions pour 5 ans, 10 ans, 50 ans à venir, avec les réservoirs de population, avec les infrastructures, les collecteurs d'égout, les conduites maîtresses d'aqueduc, les voies futures, présentes, une planification, la question de la fiscalité, quand on sait qu'une terre zonée en vert ou zonée en blanc ne sera pas évaluée au même montant et ne rapportera pas la même chose aux municipalités. En plus, cet organisme a pensé, avant tous les autres, à protéger le territoire agricole dans leur milieu.

Le ministère des Affaires municipales, qui est quand même le patron de l'aménagement et l'autorité au-dessus des municipalités, approuve, le 9 août 1978, ratifie le schéma qui a été fait. Deux ou trois mois après, le ministère de l'Agriculture, avec des fonctionnaires... On l'a déjà dit, ce plan-là, ce projet de loi-là a été fait en vitesse. Je dois le reconnaître, dans Laval, dans Terrebonne, dans l'Assomption, là aussi cela a été fait à la broche. Ils ont zoné en vert des places où il y a 500 maisons. Ce plan a été bousculé. On met tout de côté du revers de la main par un décret du 9 novembre, enregistré dans tous les bureaux d'enregistrement du Québec, on passe par-dessus toutes les municipalités et on dit que c'est la loi. Il y a quand même une limite. Je ne voudrais pas être dans la peau, actuellement, du ministre d'Etat à l'aménagement du territoire. C'est la première fois qu'on en a un au Québec. C'est un superministre. Le ministre des Affaires municipales, le ministre des Terres et Forêts, le ministre des Richesses naturelles, le ministre des Transports n'ont plus un mot à dire.

M. Mercier: Je soulève une question de règlement, M. le Président. Nous sommes ici pour écouter les intervenants, questionner les intervenants et tâcher de leur faire préciser les différents aspects de leur rapport. Je pense que le discours du député de Laval serait très approprié à l'étude article par article, mais pas à ce moment-ci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Berthier.

Une Voix: Question de règlement.

M. Lavoie: On ne fera pas de question de règlement.

M. Gratton: Excusez-moi, M. le député de Laval. Sur la question de règlement que vient de soulever le député de je ne sais où, le fait demeure que nous avons effectivement des invités qu'on voudrait bien écouter, mais les écouter et ne pas entériner leurs suggestions, ce que semble vouloir faire le ministre, ne donne absolument rien. Je ferai remarquer au député que ce n'est pas nous hier qui, lorsque le député de Deux-Montagnes a fait un procès d'intention à l'endroit du maire de Saint-Eustache, avons débordé le cadre de nos discussions. Il n'y a pas deux poids, deux mesures dans cette affaire-là.

M. Chevrette: Je fais appel au règlement, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: On n'est pas en deuxième lecture. Les discours en Chambre sont terminés et ce n'est pas un appel au règlement que d'essayer d'atténuer la portée d'un discours d'un autre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval, vous m'avez offert votre collaboration tout à l'heure. Vous la réitérez, alors je vous demande d'abréger le préambule de votre question.

M. Lavoie: Nous sommes ici et nous devenons sociétaires, collaborateurs des gens qui viennent ici pour essayer d'allumer les lumières du ministre. Le ministre est quand même responsable. Il impose cette loi. Avant qu'il n'aille jusqu'au bout, à la troisième lecture, je pense que c'est la responsabilité des députés ministériels comme des députés de l'Opposition et de la population de dire au ministre: Essayez d'améliorer votre loi. C'est le but de mon intervention. Comme ces gens-là l'ont dit, comme les gens de Saint-Eustache lont dit...

M. Chevrette: C est à eux de le dire.

M. Lavoie: ... comme ces gens l'ont dit, comme les gens de Saint-Eustache l'ont dit et comme d'autres vont le dire. Il y a quand même une limite et je vais aller le plus rapidement possible. Savez-vous où l'on retourne, M. le ministre? Il y a 25 ans, au Québec, il n'y avait pas 28 ministres. Dans les années vingt, le savez-vous et cela, c'est bon... Le ministre nous a ramenés dans le temps de Jacques-Cartier, en nous demandant s'il aurait fallu habiter uniquement les bourgades indiennes. Moi, je vais le ramener pas si loin, dans les années trente.

M. Garon: Je pense qu'il y a un point d'ordre, M. le Président. On ne discute pas sur les plans, on discute sur la loi. Est-ce qu'on peut revenir à la pertinence du débat?

M. Lavoie: On discute sur la loi.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval, encore une fois, je vous demande votre collaboration pour poser les questions aux gens qui sont invités ce soir. Vous pourrez faire ce débat peut-être à l'étude article par article. Je pense que cela sera le moment.

M. Lavoie: Non, je ne le crois pas. Le ministre nous a ramenés dans le temps des bourgades indiennes. Je voudrais le ramener dans les années vingt où, savez-vous, M. le ministre... Amicalement on va se parler, amicalement. Je me demande...

Le Président (M. Boucher): II y a des invités et vous leur tournez le dos actuellement. C'est à eux que doivent s'adresser vos questions.

Une Voix: Ils ont nommé un péquiste, par exemple.

M. Lavoie: D'accord, je veux m'adresser au ministre et aux gens qui sont ici.

Le Président (M. Boucher): Je n'accepte pas qu'on pose des questions au ministre actuellement si nous avons des invités devant nous.

M. Beauséjour: II n'y a pas de télévision ici. M. Lavoie: M. le ministre... Une Voix: II y a des spectateurs.

M. Lavoie: Je pense que le ministre aime les anecdotes historiques. Savez-vous que, dans les années vingt, il n'y avait pas de ministre des Affaires municipales, il n'y avait pas de ministre des Terres et Forêts, il n'y avait pas de ministre à l'aménagement du territoire?

M. Baril: Y avait-il un gouvernement?

M. Lavoie: II n'y avait pas de ministre des Transports. Tous ce ministères — et cela, je le demanderais aux parlementaires qui sont ici — que je viens de mentionner émanaient du ministède de l'Agriculture. Tous ont été des démembrements du ministère de l'Agriculture dans les années vingt. Le ministère des Transports n'existait pas. Le ministère pour l'aménagement du territoire n'existait pas, les Richesses naturelles n'existait pas. Je vous dis qu'on retourne 50 ans en arrière.

M. Chevrette: Question de règlement, s'il vous plaît!

M. Lavoie: II ne reste plus qu'un ministre de l'Agriculture qui met tous les autres en tutelle.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval. M. le député de Joliette-Montcalm, question de règlement.

M. Chevrette: M. le Président, si vous permettez au député de Laval de faire un discours de deuxième lecture, je m'inscris. Est-ce clair? Vous n'êtes pas là pour faire l'histoire du parlementarisme ou des régimes gouvernementaux qui ont changé. Il y a des limites. Si on se met à se rappeler...

M. Lavoie: Je termine, M. le Président. Est-ce que j'ai la parole?

Le Président (M. Boucher): Je vous dis: Si vous avez une question à poser aux invités, posez-la, parce que je devrai vous retirer le droit de parole.

M. Chevrette: M. le Président, je n'ai pas fini. Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Lavoie: Je termine, M. le Président.

M. Chevrette: Si vous me le permettez, je vais vous demander une directive.

M. Garon: Le Parti libéral fait vraiment un "filibuster".

M. Chevrette: Si vous permettez au député de Laval de continuer, je vous avise tout de suite que moi aussi, je vais faire le relevé complet de ce qu'ils auraient dû faire en six ans et qu'ils n'ont jamais fait.

M. Lavoie: M. le Président, je termine avec une question au ministre. Je n'irai peut-être pas aussi loin. Le député de Gatineau vous a demandé un statut particulier pour la CRO, je vais faire une autre demande au ministre.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président. Ce n'est pas moi qui l'ai demandé; c'est la communauté régionale.

M. Lavoie: Oui, d'accord.

M. Chevrette: Vous ne pourriez pas faire un caucus avant pour vous entendre?

M. Lavoie: Non, il y a une certaine liberté qui existe encore de ce côté-ci de la table.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Gratton: Cela vous surprend peut-être.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre!

M. Gratton: Cela n'existe pas chez vous, cela.

M. Chevrette: Vous avez l'infaillibilité papale, vous autres.

M. Lavoie: Suite à la demande de la CRO appuyée par des députés, notamment par le député de Gatineau, étant donné que cet organisme a préparé un plan qui prévoit une protection de zonage agricole, ce que tout le monde désire, de 75 000 acres, que certains fonctionnaires du ministère de l'Agriculture — je ne dis pas le ministre — en prévoient 88 000, une différence de 17%, je vais vous demander, entre deux maux, de choisir le moindre. Ne pourriez-vous pas...

M. Garon: Ce n'est pas le même territoire qui est concerné.

M. Lavoie: J'ai plus confiance au territoire décidé par les administrateurs municipaux et après une consultation de la population...

M. Garon: Ne faites donc pas des mensonges.

M. Lavoie: ... que par les technocrates du ministère de l'Agriculture.

M. Gratton: Moi aussi.

M. Lavoie: Bon. Il y a eu une consultation de ce côté.

M. Garon: Ce n'est pas cela que je vous dis. Les 75 000 et les 88 000 ne couvrent pas le même territoire. Les 75 000 concernent le territoire de la CRO au complet, alors que nous, on touche le tiers, un peu plus que le tiers, 35% du territoire de la CRO. Vous ne pouvez pas comparer 75 000 et 88 000.

M. Lavoie: De toute façon, on va enlever les chiffres. J'ai plus confiance au choix des administrateurs de huit conseils municipaux quant aux plans, parce qu'ils ont pris deux ans à les préparer, les ont soumis à la population et une décision vient de Québec sans consultation. Je fais confiance de ce côté. Je vous demanderais une chose. Votre dirigisme... (21 h 45)

M. Mercier: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Boucher): Est-ce une question, M. le député de Laval? Posez-là.

M. Lavoie: Oui, c'est une question, si on peut me permettre de la poser. Voulez-vous vous enlever, j'aimerais parler au ministre.

M. Chevrette: Vous avez nui à votre propre confrère.

M. Lavoie: Oui, mais je me suis retiré. Retirez-vous!

M. Chevrette: Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous.

M. Lavoie: M. le ministre...

M. Chevrette: Vous n'êtes plus président de l'Assemblée nationale; vous êtes député comme nous autres.

M. Lavoie: Et vous, vous ne le serez jamais à part cela.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Non, j'espère.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Lavoie: C'est clair? M. le Président...

M. Chevrette: Parce que, avec l'exemple que vous donnez, avec l'expérience...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette-Montcalm, je vous demande...

M. Chevrette: ... que vous avez, on n'a rien à retirer de vous.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette-Montcalm, je vous demande...

M. Lavoie: M. le ministre, serait-il possible...

M. Chevrette: II n'est pas censé parler, lui, et je demande immédiatement qu'il se retire de la table.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! Qu'est-ce qui se passe ce soir? Y a-t-il de l'orage dans l'air?

M. Lavoie: Je ne me retirerai pas de la table.

M. Chevrette: On a donné un consentement pour le laisser parler, tantôt, parce que c'était sa région, mais on ne lui a pas demandé de venir déblatérer continuellement ici.

M. Baril: On va se retrouver à trois heures, comme hier soir.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Laval, encore une fois je vous demande votre collaboration et je vous demande de poser votre question...

M. Gratton: Voulez-vous faire un caucus, vous autres?

Le Président (M. Boucher): ... parce que je vais être obligé de vous retirer le droit de parole.

M. Gratton: Voudriez-vous en faire un qui...

Le Président (M. Boucher): Allez-y brièvement.

M. Lavoie: M. le ministre, les contraintes et la protection que vous désirez appliquer dans les zones agricoles, suivant votre plan, serait-il possible de les appliquer sur le territoire choisi par les administrateurs municipaux et accepté par la population du CRO — les 75 000 acres — et que les mêmes règles de protection du territoire agricole soient appliquées au territoire agricole que ces gens-là ont déterminé? Pour le reste, laissez-leur la paix. Cela serait-il possible, M. le ministre? Que ce que ces gens-là ont déterminé comme territoire agricole devienne votre zone agricole, avec toute la projection qu'on accepte, du fait que cela a été fait en consultation depuis deux ou trois ans, ce n'est pas une demande exceptionnelle qu'on vous demande. Est-ce qu'on pourrait vous demander cet engagement-là?

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, est-ce que vous voulez répondre à cette question?

M. Garon: J'ai déjà répondu.

Le Président (M. Boucher): Bon! Alors, M. le député de Laval, je dois reconnaître que le ministre vous a déjà répondu.

M. Lavoie: J'ai terminé mon intervention.

Le Président (M. Boucher): Bon! Merci beaucoup. Alors, je remercie, au nom de tous les membres de la commission, la Communauté régionale de l'Outaouais d'avoir présenté son mémoire, et je remercie M. Rivest, M. Lock, M. Burk.

M. Rivest: Merci, M. le Président.

M. Garon: Merci d'être venus nous présenter votre mémoire. Je suis convaincu que la commission pourra vous entendre assez tôt au cours du mois de janvier.

M. Rivest: Je l'espère aussi.

M. Lavoie: Bonne chance!

Association des propriétaires du Québec Inc.

Le Président (M. Boucher): Maintenant, j'appellerais l'Association des propriétaires du Québec Inc. Monsieur, si vous voulez vous identifier et identifier ceux qui sont avec vous.

M. Tremblay (Marcel): Je suis le président de l'Association des propriétaires du Québec et vice-président de l'Union des ligues de propriétaires de la province de Québec. Je demanderais à M. Lépine, qui est le directeur général de l'Association des propriétaires du Québec et de l'Union des ligues...

M. Lépine (Edouard): Mes respects et mes amitiés, M. le Président, et les membres de la commission.

M. Tremblay (Marcel): M. Edouard Lépine, directeur général. Vous avez ici à droite le président de l'Union des ligues de propriétaires de la province de Québec ainsi que le représentant de l'OLPPQ, section de la propriété de la région de Montréal, le docteur Loyola Perras. Vous avez notre secrétaire-trésorier, M. Laval Tardif, agronome et également cultivateur et propriétaire à Québec.

Le Président (M. Boucher): Merci. Allez-y de votre mémoire.

M. Tremblay (Marcel): Oui. Je vais commencer par I'avant-propos.

M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, nous vous remercions de nous avoir convoqués et invité à donner nos opinions. C'est humblement que nous nous présentons ici.

Nous commençons. La relève doit se faire chez la gent agricole comme dans les autres classes de la société ou catégories de travailleurs. Pour ce faire, il faut que les gouvernements, surtout celui du Québec, prennent des mesures dans ce sens. Le jeune homme qui ambitionne de devenir exploitant agricole doit pouvoir trouver les crédits et les conseils ad hoc indépendamment des gouvernements et des partis politiques.

L'ULPPQ et l'APQ, pour leur part, demandent que l'équité et l'efficacité se rejoignent dans la poursuite de cet objectif. L'accès à la propriété agricole, même pour les agriculteurs démunis, doit être facilité, car il est un facteur de responsabilité individuelle, d'encouragement personnel et de stabilité collective dans le milieu rural. Notre pays du Québec est grand, vaste, beau et riche. Il n'y a aucune raison que s'y installe le paupérisme agricole à force de gaspillage administratif ou la pauvreté, à coups de collectivisme forcé. Pour les jeunes agriculteurs, la propriété est la clé de l'avenir.

Enoncés de principe. L'action de l'ULPPQ et de l'APQ s'inspire des principes suivants. Premiè-

rement, la propriété est le prolongement naturel de la liberté et doit donc être encouragée et protégée; deuxièmement, l'accès à la propriété terrienne doit être facilité à tous les fils de cultivateur qui veulent pratiquer l'agriculture; troisièmement, la relève en matière d'agriculture doit se faire tout naturellement par les descendants de la Nouvelle-France; quatrièmement, l'avenir de notre agriculture et de la propriété agricole dépend de l'intérêt que doit y porter notre jeunesse; cinquièmement, nos associations ne restent pas neutres devant les politiques municipales ou gouvernementales qui affectent le droit à la propriété agricole et son usage, mais elles ne sont jamais partisanes; sixièmement, nos associations sont particulièrement sensibles à toute mesure visant à améliorer, conserver et détruire le patrimoine agricole de notre pays du Québec; septièmement, nos associations s'opposeraient à toute politique favorisant la lutte des classes parmi la gent agricole; huitièmement, en protégeant le droit de propriété de nos cultivateurs propriétaires et de tous les autres propriétaires terriens, nos associations participent au bien commun de la société québécoise.

Limite des interventions de nos deux associations. Nous n'allons pas nous substituer dans ce mémoire à des organismes spécialisés comme l'Union des producteurs agricoles, l'Association des marchands de machines aratoires, le Conseil de l'alimentation du Québec In., les cercles de fermières, les corporations municipales et autres organismes du genre en présentant nos doléances. Ce serait présomptueux. Nous répéterons que le problème de notre agriculture est d'ordre social autant que technique, que la propriété terrienne n'est pas responsable de la pauvreté de certaines couches de notre société rurale, que la propriété privée est plus à même de gérer notre fonds terrien que les institutions gouvernementales ou paragouvernementales, que l'agriculture est de moins en moins un investissement rentable, que bien des problèmes de rentabilité agricole sont posés par des relations tendues entre le gouvernement fédéral et celui du Québec et que les hauts technocrates, agronomes ou autres, sont devenus une plaie pour les agriculteurs, qu'il n'existe pas de politique globale en matière d'agriculture, que l'évaluation foncière des propriétés agricoles est exorbitante, que le loyer de l'argent dépasse de plus en plus les possibilités du petit ou moyen agriculteur, que l'application technocratique d'un zonage agricole, sans classification scientifique des sols, serait la répétition d'expériences désastreuses pratiquées dans d'autres pays, que l'article 22 du projet de loi 90 est inacceptable pour tout cultivateur qui se considère comme le citoyen d'un pays libre, que le projet de loi 90 est le prélude d'autres projets du genre destinés à limiter dans son essence la liberté démocratique si chèrement acquise par notre peuple à travers les siècles.

Les bizarreries du projet 90. Le projet de loi 90 ne présente qu'un aspect partiel, l'aménagement du territoire. Les entraves apportées à l'accession à la propriété agricole feront de l'agriculture une profession fermée où ne pourront s'introduire que les grands possédants et les intérêts financiers des multinationales.

Le projet de loi 90 présente à notre attention ni plus ni moins que le spectacle de la confiscation légale de la plus-value entre la valeur vénale d'un terrain et sa valeur productive agricole. Pour compléter les choses, les cartes, au lieu d'être préparées au 63 millième l'ont été au 50 millième, ce qui permet des possibilités d'erreurs considérables. En Colombie-Britannique, une loi similaire au projet de loi no 90 excluait du zonage les terrains de moins de deux acres. L'indemnisation aux cultivateurs touchés par le zonage projeté est tout simplement oubliée. Sous prétexte de protéger le sol arable, on va priver le cultivateur descendant des premiers habitants de la Nouvelle-France de rentes viagères et de possibilités de capitalisation sur son bien ancestral.

Cette disproportion entre voisins classés de façon disparate établira des différences d'évaluation qui varieront du simple au quadruple, sextuple, etc. Une ville à vocation urbaine comme Laval, deuxième ville du Québec en nombre d'habitants, se retrouve première ville à vocation agricole de notre province. Le projet de loi no 90 établit la discontinuité entre les droits ancestraux de notre population agricole et les désiderata de la ploutocratie technocratique du haut fonctionnarisme du ministère de l'Agriculture.

L'administration technocratique ennemie de la classe agricole. Dans le monde qui constitue notre quotidien, le fonctionnarisme remplit un rôle clé. Tant que le fonctionnaire s'en tient à la stricte administration publique, il remplit le rôle qu'on lui fait jouer. S'il en arrive à influencer les législateurs au point de leur faire voter des lois uniques par des astuces administratives ou idéologiques, il outrepasse les limites de sa fonction. C'est malheureusement trop souvent le cas au Québec où une caste de hauts fonctionnaires technocrates réglemente par le truchement du lieutenant-gouverneur en conseil, se mettant très souvent en conflit d'intérêts avec leurs propres ambitions mercantiles allant à l'encontre du bien commun. Le projet de loi no 90 met en évidence cet aspect malheureux de l'actuelle situation de la fonction publique au ministère de l'Agriculture. Là où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Le besoin de faire surveiller cette nouvelle caste de hauts fonctionnaires trop puissante est devenue impérieux, particulièrement au ministère du Revenu ou le fardeau de la preuve incombe à l'accusé. Les propriétaires terriens en savent quelque chose.

Nous suggérons qu'un comité permanent — et cela est très important pour nous, nous pensons sur cela, cela existe dans plusieurs pays du monde — nous suggérons, dis-je, qu'un comité permanent composé de députés, c'est là que les députés d'arrière-ban ont de l'importance, en provenance de tous les partis reçoive les doléances des citoyens et groupes de citoyens qui ont à se plaindre des injustices administratives. En France, il a été évalué que 80% des injustices faites aux

citoyens le sont du fait de l'administration publique. Ce comité pourrait exiger qu'un dossier administratif nous soit remis dans un délai maximum de trois jours sous peine de sanction. Voilà une bonne occasion d'utiliser les députés de l'arrière-ban. Nous remarquons également que les conseils municipaux et de comté sont traités comme des porte-documents du ministère de l'Agriculture. Cette façon de bafouer l'autonomie des corps intermédiaires est intolérable en démocratie.

Il va de soi que les conflits qui s'élèvent entre les corps intermédiaires et le gouvernement sont imputables, dans l'état actuel des choses, au gouvernement qui légifère sans tenir compte des moeurs, des coutumes et des libertés locales et régionales.

La propriété, prolongement de la liberté. Nos associations de propriétaires sont trop soucieuses du bien commun pour laisser le projet de loi no 90, annonciateur des projets de loi nos 99 et 102, passer sans une intervention vigoureuse de notre part. La raison est toujours la même. Sans partisa-nerie politique, nous défendons la propriété prolongement de la liberté. Or, dans ces trois projets, la propriété et la liberté en prennent un coup. Nous limitant au projet de loi no 90, il suffit que nous dénoncions l'article 22 qui se lit comme suit: "Le gouvernement peut, par décret, identifier dans une région agricole désignée toute partie du territoire du Québec." (22 heures)

II est facile de s'imaginer l'effet désastreux d'un tel article appliqué arbitrairement par un fonctionnaire zélé, vindicatif ou simplement intéressé. Comme le dirait M. Samson, chef parlementaire des Démocrates, un technocrate pourrait déclarer terre agricole une terrasse gazonnée d'un édifice de 20 étages. Nous tombons dans l'aberration.

La Commission de protection du territoire agricole du Québec que veut former le gouvernement bafoue les pouvoirs municipaux. Les pouvoirs que le gouvernement s'arroge à l'intérieur de ladite commission et ceux de la commission elle-même sont excessifs. Une réunion de deux membres de la commission, avec le vote prépondérant du président, peut valider les options qui vont à l'encontre des opinions de la majorité des membres de la commission, des députés de l'Assemblée nationale, de la classe agricole et de la population tout entière. Les droits les plus légitimes de l'agriculteur propriétaire et du propriétaire terrien du type "gentleman farmer" sont brimés de la façon la plus antidémocratique même dans leur façon de tester, car, pour pouvoir morceler leur terre de manière à favoriser chacun des héritiers à qui ils veulent en léguer une partie, ils devront, avant de rédiger leur testament, en obtenir la permission des technocrates fonctionnaires du ministère de l'Agriculture.

M. Garon: Ce n'est pas exact. Je dois vous dire qu'il y a une exception dans la loi.

M. Tremblay: Si vous voulez, je vais finir de lire, puis on reviendra sur cela.

M. Lavoie: Est-ce que tout le reste était exact?

M. Tremblay: Le projet de loi no 90 va à l'en-contre du bon sens et de la loi naturelle lorsqu'il s'agit de pouvoir disposer librement de ses biens conformément au bien commun. Ce droit est plus fort que tous les édits et les communistes de l'URSS l'ont amèrement constaté dans leur constitution du 7 octobre 1977.

Le projet de loi no 90 est doté de toutes sortes d'autres mesures contraignantes qui briment même le droit d'accès à la propriété pour le gagne-petit, car les endroits accessibles et viables tomberont sous la coupe d'une réglementation rigide qui ne laisse guère de place à la ferme où une famille vit en régime quasi autarcique. De plus, zonage signifie un jour ou l'autre dézonage où le patronage pourra s'exercer sans que les tribunaux y trouvent à redire, le projet de loi no 90 favorisant presque.

Nous pourrions continuer ainsi en apportant des arguments d'ordre technique, mais nous nous contenterons de préciser que le zonage agricole est sans objet si on considère que la rentabilité financière conditionne toute action future en matière d'agriculture de la part de l'Etat. Par ailleurs, qui doit payer pour le zonage? Déjà, tout le mal a été fait à nos agriculteurs de l'Ouest du Québec. Quelques-uns de nos meilleurs sols arables ont été transformés en centres d'achat contrôlés par des intérêts étrangers à notre peuple. Qu'on laisse donc nos agriculteurs tranquilles, qu'on les aide au besoin par des subventions et qu'on s'attaque plutôt aux trusts agro-industriels qui spéculent sur le dos de nos paysans, au lieu de prendre ces derniers comme boucs émissaires en essayant de leur faire croire que c'est pour leur bien et celui du Québec.

L'agriculture québécoise ne mobilise, en somme, que 40 000 cultivateurs, dont certains à temps partiel, mais 4000 fonctionnaires à temps plein qui ne produisent pas grand chose d'utile pour te Québec. Au Québec, seulement 9 millions d'acres sont sous la coupe de la classe agricole, ce qui constitue seulement 3% de tout notre territoire, le Labrador excepté. Les deux tiers des terres utilisées sont consacrées à la culture du foin dont le revenu net est mince pour l'exploitant. D'autres terrains non cultivés sont occupés par des élevages de porcs et de volailles qui apportent un profit raisonnable à leurs propriétaires à force de spécialisation et de rationalisation des coûts de production.

A quand les mesures incitatives qui permettront au Québec de devenir vraiment indépendant sur le plan alimentaire? L'alimentation des animaux de la ferme est principalement composée de céréales, à 70%. Presque toutes proviennent de l'extérieur du Québec. L'arrière-pays serait excellent pour l'élevage du mouton, mais nous ne produisons que 6% de notre propre consomma-

tion. La viande de boucherie produite au Québec qui circule dans les circuits agro-alimentaires l'est en proportion minime et nos éleveurs ne peuvent concurrencer le boeuf de l'Ouest. Pourquoi? Que fait le gouvernement pour changer cet état de choses? Les revenus de nos éleveurs sur la vente de leurs bêtes sont de plus en plus rognés par la spéculation des trusts agro-alimentaires qui en font baisser les prix pour acheter la viande à vil prix, viande qu'ils revendront au prix fort du marché, comme peuvent le constater tous les consommateurs avertis.

L'agriculture est en peine d'un deuxième souffle. Ce qui importe maintenant, ce n'est pas qu'on I'encastre dans un carcan, mais qu'on lui insuffle suffisamment d'oxygène pour qu'elle redevienne une des principales activités économiques du Québec et faire en sorte que le cultivateur ne devienne pas de plus en plus un Québécois dépendant dans un Québec en voie de devenir indépendant.

Conséquences découlant de la mise en application du projet de loi no 90: 1) Ce projet devenant loi tel qu'il est rédigé favorisera la collusion entre la technologie technocratique des secteurs public et privé et la technologie financière des trusts agro-alimentaires. 2) Ce projet transformera en agriculture du type tiers monde l'agriculture polyvalente de notre pays du Québec. 3) Ce projet confirmera la dépossession des descendants de la Nouvelle-France des terres qu'ils détiennent sous prétexte qu'ils n'ont pas les moyens financiers de les faire fructifier. 4) Ce projet facilitera l'installation progressive sur les meilleures terres de complexes agroindustriels qui obtiendront des terres gratuitement du gouvernement pour les exploiter à outrance au nom de la sacro-sainte efficacité et du nom moins vénéré profit. Quand on sait que planter de la luzerne ou du maïs durant quinze ans dans un sol fertilisé à l'engrais chimique brûle le sol et le stérilise, il n'est pas difficile de concevoir ce qui arrivera aux régions ainsi exploitées. 5)Ce projet augmentera le taux du prolétariat au Québec et abaissera celui des propriétaires agriculteurs responsables. 6) Ce projet préconise la mise en servage économique d'une population semi-rurale qui, jusqu'à maintenant, avait réussi à maintenir une certaine indépendance économique essentielle au développement de communautés rurales et semi-urbaines. 7) Ce projet détruit les possibilités à long terme du développement d'une agriculture de choix où les produits atteindraient la qualité et la variété de ceux des agricultures européennes.

Suggestions: 1)Inscrire dans la loi les attendus qui déterminent et précisent les véritables intentions du gouvernement et les principes qui le guident; 2) respecter le droit de propriété des agriculteurs; 3) ne considérer le zonage agricole que comme un moyen parmi d'autres pour relever notre agriculture québécoise de l'ornière dans laquelle elle chemine péniblement; 4) faire en sorte que ne se reproduise plus ce qui s'est produit en 1977 dans les encans où les grands trusts agro-alimentaires s'approvisionnaient de viande au Québec. Exemple: Du boeuf charolais qui avait coûté à l'achat $0.83 la livre et qui coûtait à conserver et à nourrir vivant $0.60 la livre était acheté en moyenne à $0.16 la livre par des représentants déguisés de trusts utilisant des astuces inadmissibles qui ruinaient nos éleveurs de bovins; 5)prêter à 2 1/2%, comme l'avait fait Duplessis dans le passé, aux agriculteurs propriétaires résidant sur leur terre pour empêcher que les faillites se succèdent, entraînant dans la pauvreté et le désespoir des centaines de nos familles québécoises; 6) permettre le rachat par leurs anciens propriétaires des terres saisies par l'Office du prêt agricole, faire disparaître l'intérêt de 91/2% y attaché en autant qu'ils continuent de pratiquer l'agriculture. Cette mesure touche pratiquement un tiers des terres soumises au prêt agricole de cet organisme fédéral; 7) admettre le principe et l'application de la fertilisation des sols par des engrais traditionnels dont les cycles carbonifères et azotiques naturels sont les meilleurs regénérateurs de l'humus du sol; en étendre l'emploi dans tout notre territoire agricole; 8) indemniser les propriétaires terriens touchés par le zonage agricole au prix du marché en tenant compte de la valeur vénale du terrain par rapport à celle de l'exploitation du même terrain à des fins agricoles; 9) procéder le plus rapidement possible à une évaluation scientifique des sols sans laquelle un zonage agricole n'a aucun sens.

Proposition du Dr Loyola Perras, président de l'ULPQ. Une grande partie des problèmes financiers posés aux cultivateurs québécois repose sur le fait que le climat rend particulièrement difficile la rentabilité d'une exploitation agricole ou moyenne. Seules les grandes exploitations à haute rentabilité et les exploitations familiales en réchappent. Sur des terres trop petites pour la culture extensive à haut rendement, le cultivateur n'arrive pas à trouver de main-d'oeuvre à bon marché pour la rentabilité de son exploitation. Pourquoi le gouvernement ne dirigerait-il pas nos jeunes qui accepteraient de travailler à des conditions de salaire minimum garanti par le gouvernement, logés et nourris, chez des cultivateurs ou des gentlemen farmers qui requièrent, pour rentabiliser leur exploitation, une main-d'oeuvre à bon marché.

Bien des tenants du bien-être social, surtout des célibataires, pourraient également bénéficier d'un tel programme s'il était mis en application judicieusement. Beaucoup d'étudiants des régions excentriques du Québec trouveraient là le moyen de se ramasser un petit pécule pour l'hiver tout en travaillant dans leur région d'origine. Cette formule que nous suggérons au gouvernement n'exige-

rait pas, dans son utilisation, de transfusion de fonds exorbitante en comparaison des services qu'elle rendrait à notre collectivité.

Et ma proposition est celle-ci. Nous croyons que l'occupation de nos terres québécoises par des intérêts étrangers d'ordre spéculatif est nuisible à notre agriculture à plus d'un titre. Nous suggérons que le gouvernement, par un arrêté en conseil et par une loi ad hoc, interdisse l'achat des terres par des non-résidents québécois. Qu'il oblige les non-résidents propriétaires de terres à les céder au prix du marché à des résidents québécois. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, Dr Tremblay.

M. le ministre.

M. Garon: Si j'ai bien compris, vous n'aimez pas trop notre projet de loi!

M. Tremblay (Marcel): Je crois bien que le but du projet de loi est louable. Protéger les sols arables, je pense qu'il n'y a pas un seul Québécois qui a un peu de patriotisme au coeur qui puisse s'opposer à ce principe. Mais nous avons pour principe de protéger les droits de propriété. Nous n'avons peut-être pas des gars du Barreau pour venir nous conseiller ici, c'est certainement un instinct de conservation de ce droit de propriété qui nous a été transmis par nos ancêtres. Je pense qu'il est de notre devoir... L'orientation que nous avons constatée... L'autre jour, nous avons assisté à la présentation du Conseil de l'alimentation du Québec. M. le ministre, vous sembliez très complaisant avec ce Conseil de l'alimentation qui représente des associations membres qui sont très importantes, telles que le Conseil des salaisons du Canada, division du Québec, l'Association des abattoirs avicoles du Québec. Le Conseil des salaisons du Canada a ses acheteurs aux enchères. Ce sont pratiquement les seuls gars qui viennent renchérir sur nos bovins. L'an passé, ces gens-là payaient du Charolais $0.16 la livre. Nous n'avions pas d'autres gars pour venir renchérir! Nous ne voudrions pas que le cultivateur soit assis entre deux sortes de technocratie, la technocratie du gouvernement et la technocratie financière. On ne voudrait pas que le processus d'abandon des terres soit le fait de ces organismes qui sont quasiment des multinationales, qu'ils deviennent propriétaires pour, ensuite, déplacer des familles. A l'article 7, le conseil, lorsqu'il vous a présenté cela, a dit: Comme une telle loi n'aurait rien de commun avec les lois de l'expropriation, les propriétaires ne devraient pas s'attendre à être indemnisés par suite de l'application de ladite loi. S'il y a des gens qui, réellement, devraient se taire, c'est surtout eux. Mais vous sembliez très complaisant vis-à-vis de ces gens-là, M. le ministre. Nous étions présents.

M. Garon: Une chose que je voudrais vous dire c'est que votre mémoire est surtout au niveau des principes et, là, nous regardons les modalités du projet de loi. Quand vous dites que le projet de loi empêche un père de léguer sa terre à ses enfants, même en la divisant, ce n'est pas exact. Dans l'article 1, paragraphe 3, on définit l'aliénation comme tout acte translatif de propriété, sauf la transmission pour cause de décès, ce qui veut dire lors du décès du père. Ce n'est pas exact que le père ne peut pas léguer sa terre à ses enfants, comme il le veut.

M. Tremblay (Marcel): M. le Président, hier soir nous assistions, comme M. le ministre, au congrès de l'UPA et nous avons questionné, à toutes fins utiles, à peu près une centaine de cultivateurs qui étaient là, qui sont des représentants autorisés de l'UPA. Chacun nous a démontré, en catimini, ce qu'il n'ose dire tout haut, que c'est fort embêtant. Un propriétaire terrien, un cultivateur, à un moment donné, a vieilli. Ses enfants ont choisi d'autres voies que l'agriculture. A un moment donné, pour finir ses jours, il voudrait avoir à côté de lui sa fille ou même son garçon, qui ne travaille pas sur la terre, pour se construire une maison, pour pouvoir les avoir très de lui, pour pouvoir les soigner, etc., pour ne pas envoyer ces gens dans des foyers. Avez-vous prévu quelque chose pour ces gens? (22 h 15)

Notez bien, il n'y aura plus de descendants qui vont pratiquer sur la terre. Absolument pas. Vous avez les enfants qui veulent se construire une maison. Les parents sont vieux, ils sont malades et ils veulent avoir une maison pour leurs enfants, ce couple qui ne travaille pas du tout sur la terre, mais malgré tout qui apporte des soins à ces gens. Hier soir, cette question s'est posée. C'est eux-mêmes qui nous l'ont posée. C'est eux-mêmes qui nous ont apporté cette inquiétude.

M. Garon: C'est prévu à l'article 40.

M. Tremblay (Marcel): Par cet article 40, vous croyez réellement que quelqu'un pourrait, sans pratiquer la culture ni quoi que ce soit...

M. Garon: Non. L'article 40 s'adresse à une personne dont la principale occupation est l'agriculture.

M. Tremblay (Marcel): Notez bien, c'est son fils, c'est sa fille.

M. Garon: Je comprends.

M. Tremblay (Marcel): Ces gens ont besoin de leurs fils ou de leurs filles avant de mourir, parce qu'ils sont des malades chroniques. Ils sont boycottés. L'article 40 ne le prévoit pas. C'est eux qui nous l'ont dit. C'est eux qui nous ont fait part de cette inquiétude. C'est pour cela que c'est important.

M. Garon: Si c'étaient des gens de l'UPA, ce sont donc des cultivateurs qui ont demandé cela.

M. Tremblay (Marcel): Oui, c'est cela.

M. Garon: Alors, l'article 40 s'appliquerait pour eux.

M. Tremblay (Marcel): Un instant. Le cultivateur s'en va. Il est malade chronique. Il ne pratique plus. Notez bien cela.

M. Garon: Oui.

M. Tremblay (Marcel): II attend sa mort, peut-être durant dix ans ou quinze ans et il veut avoir quelqu'un qui prendra soin de lui. De toute façon, c'est une des inquiétudes.

M. Garon: Normalement, si ce n'est plus son occupation, il aurait dû vendre sa terre.

M. Tremblay (Marcel): Je trouverais cela infiniment triste...

M. Garon: Je pense que quelqu'un qui a une terre et qui devient malade...

M. Tremblay (Marcel): ... qu'un gars qui a cultivé sur sa terre, une terre qui remonte à 200 ou 250 ans, soit obligé de la vendre et de s'en aller ailleurs. Je ne suis pas d'accord.

M. Garon: Ce n'est pas cela. Habituellement, un homme qui est malade, qui est quasiment rendu à l'article de la mort voudra vendre sa ferme et garder sa maison. Il peut faire cela. S'il est malade autant que vous le dites.

M. Tremblay (Marcel): De toute façon, M. le ministre, je garde les opinions. Ces gens nous ont posé en même temps des questions. Nous avons dialogué ensemble, tranquillement. Je vous donne le reflet de ce que les gens nous disent.

M. Garon: Je ne connais pas beaucoup d'enfants, comme vous le dites, dont le père est bien malade, il était cultivateur, il ne travaille plus qui vont venir se construire une maison à côté — ou la fille — pour prendre soin de leur père.

M. Tremblay (Marcel): Enlevez le terme "bien malade ". Le gars a le droit de finir ses jours sur sa propriété. C'est un droit de jouir tel que le Code civil le décrit.

M. Garon: Oui, mais il n'y a rien d'interdit là-dedans.

M. Tremblay (Marcel): D'après l'article 40, à un moment donné, si un cultivateur veut avoir son fils ou sa fille qui veut se bâtir, s'il ne travaille pas sur la terre, ce n'est pas prévu.

M. Garon: Je n'ai plus d'autres questions, M. le Président.

M. Roy: ... Avant qu'on procède, M. le Président, si vous me permettez, pour le bon éclairage de la commission, ce n'est pas la première fois que le ministre nous réfère à l'article 40, lorsqu'on parle de ce droit pour un père de famille de voir à l'établissement de ses enfants sur sa terre. Je voudrais bien faire comprendre et je voudrais qu'on explique aux gens les réserves qu'on retrouve dans l'article 40. On dit très bien dans la loi, et c'est bien écrit en toute lettre, en noir sur blanc, comme on dit: "La construction d'une résidence en vertu du présent article n'a pas pour effet de soustraire le lot ou la partie de lot sur laquelle elle est construite à l'application des articles 28 à 30." Que disent les articles 28 à 30? Dès l'article 29: "Dans une région agricole désignée, une personne ne peut, sans l'autorisation de la commission, procéder à l'alinéation..." Si la personne veut faire un emprunt hypothécaire pour pouvoir construire sa maison, elle est obligée de l'aliéner. Elle sera obligée de la donner en hypothèque en garantie. Pour faire une hypothèque, il faut soustraire la partie de terrain sur laquelle la maison est construite, pour pouvoir procéder à un acte hypothécaire. J'ai travaillé assez longtemps dans le domaine, dans le milieu, pour savoir cela. J'aimerais bien qu'on nous apporte un éclairage là-dessus. Telle que la loi est rédigée et telle que je la comprends, c'est exactement la restriction que nous retrouvons là-dessus. Quant à l'institution prêteuse, comment pourra-t-elle, par la suite, exercer son droit d'hypothèque si la personne désire vendre ou si elle décède, à un moment donné?

M. Garon: J'espère que ce n'était pas vous qui faisiez les contrats, M. Roy, parce que cela ne marche pas ainsi.

M. Roy: Ecoutez, ce n'est pas moi...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, je pense qu'on s'embarque dans une étude article par article.

M. Lavoie: Je vais appuyer le député de Beauce-Sud.

Le Président (M. Boucher): Je pense qu'on s'embarque article par article.

M. Lavoie: Non écoutez! C'est un point soulevé par un des témoins ici. Je pense que le ministre n'a pas le droit de donner des avis juridiques sur le bout du bras. Ce qui est clair, M. le ministre, c'est ceci: Si un père de famille veut bâtir son fils sur sa terre, il ne le peut pas. Si la maison coûte $35 000, il ne peut pas aller à la caisse populaire pour emprunter $30 000 sur un lot particulier de la terre, de 200 par 200. Il ne peut pas le faire en vertu de votre loi. Il va être obligé d'aller négocier avec le Crédit agricole, d'augmenter son gros prêt de crédit agricole et mettre tout cela sur la terre. Vrai? Cela veut dire qu'il y a une aliénation. Il ne peut pas bâtir un enfant ou deux enfants sur sa terre parce que les cultivateurs n'ont pas tous l'argent comptant pour bâtir deux ou trois maisons pour leurs enfants. Donnez donc ces explica-

tions que nous, qui ne sommes pas ministres, donnons. Soyez donc honnête avec la population.

M. Garon: Ecoutez donc, M. Lavoie! On étudie le projet de loi article par article! Quand on va l'étudier article par article...

M. Lavoie: Quand les témoins ne seront plus là. Vous ne voulez pas dire la vérité aux gens.

M. Garon: Voyons donc!

M. Roy: M. le Président, sur un point de règlement.

M. Garon: Je vous réfère à l'exemple qu'il donne. Je ne vous raconte pas des romans.

M. Roy: M. le Président, sur le point de règlement. Je ne recommande pas qu'on fasse immédiatement l'étude du projet de loi article par article, mais je tiens à être bien clair.

M.Garon:

M. Roy: Celui qui s'est référé à l'article 40, c'est le ministre de l'Agriculture. Ce n'est pas le député de Beauce-Sud et ce n'est pas le député de Laval, ce n'est pas le témoin non plus. Alors, puisque le ministre vient encore de donner une explication concernant le prêt agricole, si la personne qui veut résider sur la ferme paternelle n'est pas un exploitant agricole et ne va pas chercher ses revenus de l'agriculture, elle n'aura pas de prêt agricole. Le ministre devrait être le premier à le savoir. Elle devra emprunter dans une autre institution prêteuse et, en vertu de la loi, elle ne peut pas le faire. Alors, qu'on dise quand même les choses telles qu'elles sont. Je suis bien prêt à examiner la loi positivement, en toute objectivité...

M. Garon: D'abord...

M. Roy: ... mais qu'on ne charrie pas.

M. Garon: II faudrait que vous appreniez à lire d'abord.

M. Roy: Non, je m'excuse, M. le Président. M. Garon: Un instant.

M. Roy: Je n'ai pas de cours de lecture à prendre du ministre. Je pense que j'ai appris à lire avant lui.

M. Garon: Oui, mais je vais vous dire une chose.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je ne veux pas être désagréable, mais j'ai appris à lire avant lui.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Garon: J'aurais pu vous donner des cours.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le député de Beauce-Sud.

M. Garon: Ce qui est dit ici est dit à I article 40. Citons-!e comme il faut quant à y être: ... une personne dont la principale occupation est I agriculture peut, sans l'autorisation de la commision, contrui-re sur son lot une résidence pour elle-même, pour son enfant et son employé". Alors, c'est clair.

Une Voix: Pas ses enfants, son enfant.

M. Roy: Son enfant agriculteur.

Une Voix: C'est cela.

M. Garon: En droit, vous savez, le singulier est un pluriel, je pense.

M. Tardif (Laval): Vous voulez ôter le droit de propriété. Point final. C'est cela que vous faites. Je ne tournerai pas autour; il n'en reste plus de droit de propriété dans votre loi. Je suis agronome et je suis cultivateur. Baptême! Vous les ruinez tous. Il y a toujour un baptême de bout!

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, monsieur! S'il vous plaît! Je ne pense pas qu'on vous ait donné la parole immédiatement.

M. Tardif (Laval): Je l'ai prise.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! Y a-t-il d'autres questions, M. le ministre?

M. Garon: Non, je n'en ai pas d'autres.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. J'ai remarqué à la lecture de votre mémoire que vous aviez fait beaucoup d'énoncés là-dedans. A la page d'avant-propos, vous déclarez une chose que je ne saisis pas lorsque vous dites: "Le jeune homme qui ambitionne de devenir exploitant agricole doit pouvoir trouver les crédits et les conseils ad hoc, indépendamment des gouvernements et des partis politiques". Qu'est-ce que vous entendez exactement par là? Vous répétez à peu près la même phrase dans les énoncés de principe.

M. Tremblay (Marcel): Voici. Actuellement, nous voulons faire ressortir ici à la commission parlementaire que le pouvoir donné à des technocrates est outrancier. Qu'à cette commission, comme à beaucoup de commissions, malheureusement, les technocrates sont surprotégés, surpermanents, surinformés, électroniquement informés devant un citoyen propriétaire agriculteur qui est sous-organisé, sous-informé, etc. Nous voulons faire ressortir que dans tout cela il s'installe une dictature technocratique, consciemment ou inconsciemment. Cette dictature technocratique est

sans appel. Elle existe autant à l'impôt sur le revenu où vous avez le fardeau de la preuve. Elle va exister avec les amendes de $5000 et $10 000 dans ce domaine-là aussi. Or, on donne des pouvoirs outranciers sans donner la contrepartie. Dans tout Etat démocratique, nous croyons qu'il devrait y avoir un équilibre. C'est pour cela que nous revenons ici en préconisant la fondation d'un comité permanent. Nous sommes sérieux à ce propos. Il existe dans plusieurs pays du monde actuellement un comité permanent de députés — non pas de ministres, où aucun ministre n'a rien à voir — des gars qui seront payés au même salaire que les ministres, des députés "back-benchers ", des gars représentant uniformément, proportionnellement chacun des partis.

Il faut mettre un frein à cette technocratie qui est envoûtante, qui est omniprésente, omnipotente. Il est temps réellement qu'on arrête cela. Cette commission parlementaire, selon ce qu'on voit, n'y changera rien du tout. Je viens ici, moi, depuis 26 ans. A l'époque de M. Duplessis, à l'époque de M. Lesage, etc., on a fait amender des projets de loi, on a fait changer des choses. Les associations de propriétaires ont fait changer énormément de choses. C était une discussion qu'on avait.

Comme c'est là, on voit qu'il n'y a absolument rien de fait. Il y a une chose que nous voudrions installer et que le public le sache, une fois pour toutes. Cette technocratie que vous installez — vous n'êtes pas les seuls, d'autres gouvernements l'ont fait avant vous autres aussi — il est temps de mettre un frein à cela. La seule limite, c'est de sortir un dossier en trois jours au maximum, comme cela se fait dans les autres pays. Autant en Europe de lOuest que de l'Est, on ressort un dossier lorsqu un organisme ou des citoyens le veulent. On n'a pas l'histoire de l'ombudsman. Ce n est pas une histoire de salon qu'on veut. C'est qu'on ressorte un dossier et qu'on le ressorte en trois jours au maximum au moyen d'une commission permanente de députés. Ayez quinze députés nommés pour surveiller cette omniprésence, cette omnipotence dans laquelle vous êtes sans droit d'appel contre le commissaire, sans droit d'appel contre d'autres sous-commissaires. Ce sont des technocrates ultrapuissants. Alors, il faut réellement mettre un équilibre à cela. Cela a même déjà été présenté dans d'autres projets de loi qui ne sont pas tout à fait directement comme cela.

M. Giasson: Même quand vous recommandez qu'il y ait un changement profond, que ce soient des députés élus, ces députés élus sont à l'intérieur d'un appareil qu'on appelle le gouvernement. C est encore le gouvernement qui est présent. Que ce soient des technocrates, fonctionnaires ou députés, ce sont des gens qui oeuvrent à I'intérieur d'un gouvernement. C'est pour cela que je ne comprenais pas le sens de vos propos.

M. Tremblay (Marcel): Proportionnellement à chacun des partis, le pouvoir est toujours conser- vé, d accord, mais nous voulons que ces gars, qui sont élus et qui sont susceptibles d'être réélus ou battus aux prochaines élections, soient jugés selon leurs actions au comité permanent en question. Je pense que c'est très important que nous mettions une technique démocratique. Il n y a plus de conseil législatif où on allait autrefois discuter d un projet de loi sur la question des droits acquis, sur la question des droits qui régnaient depuis au-delà de deux siècles ou de trois siècles. Cela n'existe plus aujourd'hui. La commission parlementaire n'offre pas tellement de changements dans quoi que ce soit. La loi est là, elle est présentée et on discute un peu comme si on discutait sans espoir de changement. C est pour cela que nous voulons y mettre ce que les uns ont appelé douze sections agricoles, les autres les municipalités, d autres des gars de I'UPA, d'autres autre chose mais, nous, nous présentons, au niveau même du technocrate, un comité permanent de députés qui siégeraient d une façon permanente sur cela pour qu'on puisse réellement faire venir un dossier, par exemple, lorsqu'il y a abus de pouvoir de la part de technocrates.

M. Giasson: J'aurais une autre question. L énoncé no 7 dit que vos associations s opposent à toute politique favorisant la lutte des classes parmi la gent agricole.

M. Tremblay (Marcel): Hier soir, nous étions à l'UPA, au congrès, et le seul espoir que certaines gens de l'UPA avaient, c'était de nous dire: Les gars de la ville, vous ne viendrez pas nous acheter nos terres, etc., et il n'y aura plus d'histoire de concurrence. Par contre, ils gardaient tous une espèce de restriction. C'était comme un paquet de dynamite, cette affaire-là.

M. Giasson: C'étaient tous des agriculteurs qui étaient là?

M. Tremblay (Marcel): Hier soir? Oui, c'étaient des agriculteurs, c'était l'UPA.

M. Giasson: C'était la même classe. Ce n'étaient pas des classes différentes.

M. Tremblay (Marcel): Ces gens sont conditionnés pour le projet de loi, mais à une condition donnée, un petit peu ce qu'on appelle la facette de la lutte des classes, que le gars de la ville ne vienne pas nous emmerder ou quelque chose comme cela. Nous ne voulons pas entrer dans cette chose comme telle. Ce que nous voulons, nous autres, c'est qu'il y ait complémentarité des classes. Que ce soit le grand fermier producteur, le "gentleman farmer" ou le petit propriétaire fermier, nous voulons ce qu'on appelle la complémentarité des classes. Nous sommes contre la lutte des classes. C'est un principe de base que nous avons adopté.

M. Giasson: M. le Président, j'ai sans doute d'autres collègues qui veulent intervenir. Je reviendrai, s'il y a lieu.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député de Huntingdon. (22 h 30)

M. Dubois: M. Tremblay, vous avez certainement beaucoup de propositions très valables et très intéressantes. J'en ai remarqué une juste à la fin quand vous dites — c'est celle-là que je voulais soulever parce qu'il y a plusieurs de mes collègues qui vont vouloir parler sur le sujet, j'imagine — a un endroit: Nous suggérons que le gouvernement, par un arrêté en conseil ou par une loi ad hoc interdise l'achat de terres par des non-résidents québécois. A ce moment-ci, vous voulez préciser que quelqu'un qui resterait en bordure du Québec, mais en Ontario ou au Nouveau-Brunswick, ne devrait pas acheter une terre au Québec.

M. Tremblay (Marcel): Voici, lorsqu'il est question de la protection de nos sols arables... Je crois que le but est très bien de protéger nos sols arables. Disons que dans cette région par exemple de Témiscouata et de Lotbinière, il y a un grand nombre de terres qui sont achetées, et on ne s'en cache pas, par des Américains. Nous ne voulons pas que ce processus se continue sans qu'il y ait ce qu'on appelle une réglementation comme cela s'est fait en Saskatchewan et en Colombie canadienne. Vous avez tout simplement un arrêté ministériel qui permet tout simplement d'empêcher ou d'installer ce qu'on appelle des conditions. Vous allez par exemple au Mexique; on vous oblige à avoir un Mexicain ou une Mexicaine avec qui vous serez marié, 51% des parts.

M. Dubois: Je veux vous arrêter une minute. Ici on est au Canada. Est-ce qu'on ne devrait pas mettre Canadien au lieu de Québécois? Parce qu'on est au Canada quand même, vous me parlez du Mexique.

M. Tremblay (Marcel): Disons que la loi est provinciale.

M. Dubois: Oui, mais je veux dire qu'on est au Canada quand même.

M. Tremblay (Marcel): On se sert d'exemple de voisins.

M. Dubois: A moins qu'on dise que Québec est un pays. Je l'entends de la façon que le Canada est un pays, le Québec est une province. Comment verriez-vous un résident qui est à un quart de mille des frontières Québec-Ontario, et qui n'aurait pas le droit. Si sa maison est en Ontario, il n'aurait pas le droit d'acheter une ferme au Québec même si c'est à un demi-mille de chez lui. Est-ce que vous trouvez cela logique?

M. Tremblay (Marcel): Voici, je pense que la façon, l'idée l'esprit dans lequel nous, nous vou- lons protéger les sols québécois, c'est qu'il y ait enfin des lignes de démarcation, je pense bien. Je ne suis pas assez spécialisé pour pouvoir vous apporter beaucoup d'éclairage ce soir. De toute façon, l'idée, c'est que nous sommes d'accord pour que cesse justement la saignée de nos terres entre les mains d'étrangers, etc., qui ne viendront jamais résider chez nous et qui sont là simplement pour la spéculation.

M. Dubois: Je peux l'entendre de cette façon-ci. Quand on dit: Non-résidents québécois, on peut dire dans un esprit de séparation du Québec du restant du Canada. On peut dire dans cet esprit.

Une Voix: Est-ce que c'est cela que vous voulez?

M. Dubois: Non. Je pose la question.

M. Tremblay(Marcel): II n'y a rien qui nous anime sur la question, sur la séparation. On n'est pas animé ce soir pour faire du nationalisme à outrance. D'ailleurs, même si je passe pour un nationaliste, je suis pour une indépendance du citoyen d'abord. C'est pour cela qu'actuellement on combat le système technocratique. D'abord, l'indépendance du citoyen. La qualité du tout doit représenter la qualité des parties et les parties, c'est le citoyen, c'est le gars de chez nous, sa famille dans son village, c'est cela qu'on vient ici protéger.

M. Dubois: Oui, mais vous avez des francophones sur les bordures Québec-Ontario. Vous auriez objection à ce que l'Ontarien, même s'il demeure dans les bordures Québec-Ontario, vienne acheter une terre près de chez lui au Québec. Vous auriez objection à cela?

M. Tremblay (Marcel): Je ne suis justement pas assez spécialisé pour voir, mais je pense que toute exception peut confirmer une règle, je suppose. Disons que je ne suis pas assez spécialisé. L'esprit dans lequel je lance cette chose, c'est que nous voulons aussi que s'arrête la saignée des terres, leur vente autant aux Américains qu'aux étrangers non résidents. Que Lotbinière se vende à vil prix à des Américains, et Témiscouata, etc., comme cela se fait actuellement, comme cela s'est fait, cela, d'accord, on est contre cela et il faut trouver un mode de protection. On dit que le 90 n'est pas satisfaisant pour protéger cela, qu'il y a des corrections à y apporter. C'est ce qu'on voudrait apporter. C'est pour cela qu'on est ici dans le fond.

M. Dubois: Je suis d'accord avec vous qu'il y a... vice dans le projet de loi no 90. Au moment de l'étude article par article, nous allons proposer des amendements quand même et beaucoup.

M. Tremblay (Marcel): J'espère qu'il y aura des changements dans cette loi. J'espère qu'on admettra... Même au temps où M. Duplessis pas-

sait pour un dictateur, il nous accordait ici des changements à la loi. M. Lesage nous accordait des changements. Franchement, j'ai l'impression... j'espère qu'on ne vient pas tout simplement se présenter en disant: Acceptez cela, vous êtes consultés et bonjour. Ces consultations, on n'en veut pas. Ce qu'on veut, c'est justement qu'il y ait un éclairage et après cet éclairage qu'on puisse changer des choses, compléter des choses, parce que pour l'esprit tout le monde est d'accord. Toute la province est d'accord sur l'esprit du respect de nos sols arables. Je ne vois pas de véritables opposants.

M. Dubois: Merci, M. Tremblay.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous soulevez un point qui est fort pertinent — je vais essayer de retrouver la page — vous soulevez la question de la classification des sols. — C'est à la page no 2, limites des interventions, au bas de la page. — Vous dites que l'application technocratique d'un zonage agricole sans classification scientifique des sols serait la répétition d'expériences désastreuses pratiquées dans d'autres pays. En somme, ce que vous suggérez, ce que vous demandez, c'est qu'on procède d'abord à une classification des sols avant de procéder à un zonage pour savoir quelle est la qualité des sols, le potentiel et la possibilité de ces sols avant de les zoner comme tels.

M. Tremblay (Marcel): Vous savez, M. le Président, comme il est important de faire une classification judicieuse des sols. Vous le savez, les pays de l'Est ont donné des subventions de centaines de millions aux pays du Tiers-Monde. L'URSS a fait des expériences en Afrique du Nord, elle a perdu des centaines de millions de dollars parce qu'elle a tout simplement fait une culture technologique, soi-disant idéale, sur le plan des cycles carbonifères et azotiques. Elle a connu un échec lamentable, elle en a pour 20 ans, et j'ai l'article dans la revue Spoutnik. Elle a dit: Mieux vaut laisser ce qu'on appelle les cultures traditionnelles et variantes, ce vers quoi l'on ne semble pas s'orienter dans ce projet de loi. On ne semble pas s'orienter vers ce qu'on appelle la culture réellement polyvalente, qui respecte la valeur du sol, sa composition, sa production, sa "sécurisation "; elle apporte un élément sécuritaire pour ne pas qu'on connaisse un jour d'épidémie.

Actuellement, on est au "top" dans le domaine du lait. Dans le domaine du bovin, on est à 20%. Il y en a la moitié qui disparaîtra d'ici deux ans, si cela continue comme cela. Il faut absolument apporter ce qu'on appelle de la variation, mais pas dans les grands secteurs de la culture. Il faut bien faire attention à cela.

M. Roy: Je vous remercie, Dr Tremblay. Vous avez parlé tout à l'heure d'une commission parlementaire composée de représentants de partis politiques. Cette commission parlementaire toucherait l'administration générale à laquelle est astreint le citoyen du Québec, et non seulement les cas — j'ai peut-être mal compris — qui pourraient être touchés par la Loi du zonage agricole.

M. Tremblay (Marcel): Ce serait une loi-cadre. M. Roy: Ce serait une loi-cadre.

M. Tremblay: Un comité permanent, plus fort encore qu'une commission parlementaire, ayant une force égale à un conseil de ministres, pratiquement, où le ministre n'aurait aucune affaire, aucun droit de regard. Vous auriez quinze gars voués à cela, y travaillant et le gars d'arrière-ban mettrait ce qu'on appelle un équilibre entre le technocrate qui est surprotégé, surpuissant, surinformé, etc., et le petit citoyen sous-informé, sous-organisé. Je pense qu'il est temps de le faire. Cela existe dans la plupart des pays et de l'Ouest et de l'Est de l'Europe.

M. Roy: En somme, cela ne se limiterait pas, si j'ai bien compris, exclusivement aux personnes qui auraient des revendications ou des objections à faire à la Loi du zonage agricole, ou qui la contesteraient?

M. Tremblay (Marcel): Ce serait un comité permanent, au niveau même de la législation, plus fort qu'une commission parlementaire. Il aurait un droit de regard sur les commissions parlementaires, les technocrates de la commission parlementaire et les technocrates en général, mais, surtout les hauts technocrates qui ont des dossiers importants. C'est très important.

Je vais vous dire, à Leningrad, on a liquidé 400 hauts fonctionnaires qui faisaient de la corruption au plus haut point, dans les pays de l'Est, pour les gens qui aiment les coins à saveur communiste. A Kiev, 280 ont été obligés de liquider.

Alors, avec la commission parlementaire qu'on vient de former en URSS le 7 octobre, dans sa constitution nouvelle de 1977, pour les gens qui aiment la saveur communiste, ces gens ont vu qu'ils ne pouvaient établir l'équilibre sans créer cette loi. Chez nous, si réellement on veut créer une saveur technocratique — je ne dirais pas communiste — surprotégée, qu'on instaure une loi à peu près identique. Qu'on joue le jeu jusqu'au bout, et comme il faut, à part cela. On est en démocratie.

M. Roy: J'aurais une dernière question à poser pour apporter un peu de précision à la question qui a été posée par mon collègue de Huntingdon. Vous dites: Nous suggérons que le gouvernement, par un arrêté en conseil ou par une loi ad hoc, interdise l'achat des terres par les non-résidents québécois. Si j'ai bien compris votre réponse, en somme, c'est une question de principe que vous avez posée beaucoup plus qu'une question d'application radicale, totale.

M. Tremblay (Marcel): C'est cela.

M. Roy: J'aurais quand même certaines réserves, ayant un comté près de la frontière américaine, là où des gens du milieu, de ces régions, vont habiter pendant un certain temps aux Etats-Unis. Ils veulent quand même se porter acquéreurs parfois d'une propriété au Québec pour y revenir plus tard. Ce sont les nôtres qui sont à l'extérieur qui pourraient revenir.

Si c'est au niveau des principes, je n'irai pas plus loin. Ce n'est pas une question totalement arbitraire qui s'imposerait ou qui s'appliquerait de façon intégrale.

M. Tremblay (Marcel): Je suis parfaitement d'accord.

M. Roy: Je vous remercie beaucoup, ainsi que tous vos collaborateurs, de nous avoir présenté ce mémoire et de vous être donné la peine de vous déranger pour venir à la commission parlementaire nous apporter votre point de vue qui, sur le plan des principes, devrait en faire réfléchir plusieurs.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Beauce-Sud.

M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Premièrement, j'aimerais vous remercier de nous avoir fait une suggestion pour revaloriser le rôle du député "d'arrière-ban"...

M. Lavoie: Les sans-culottes!

M. Baril: ... les sans-culottes comme on nous appelle depuis quelque temps.

Deuxièmement, j'aimerais demander au monsieur qui est au bout de la table, qui s'est fâché tout à l'heure, semble-t-il, si j'ai bien compris. Je crois qu'il est agriculteur et agronome.

M. Tardif (Laval): Je suis agronome et je suis "gentleman farmer" depuis quinze ans à Neuville.

M. Baril: Bon. Est-ce que...

M. Tardif (Laval): Je ne suis pas fonctionnaire de l'Etat, je vis par mes propres moyens.

M. Baril: Avez-vous participé à la mise sur pied de ce mémoire?

M. Tardif (Laval): Pas celui de l'UPA.

M. Baril: Non, mais de celui-ci?

M. Tardif (Laval): Oui, j'y ai participé.

M. Baril: Je vais simplement lire une phrase tirée de votre texte et je laisserai la population en juger. On dit dans le texte: "Quand on sait que planter — je lis bien "planter" — de la luzerne ou du maïs durant quinze ans sur un sol fertilisé à l'engrais chimique brûle le sol et le stérilise, il n'est pas difficile de concevoir ce qui arrivera aux régions ainsi exploitées." Je m'arrête là. Je laisse le soin aux gens de juger de la qualité du sol. Pas du sol, mais...

M. Tardif (Laval): Est-ce que je peux répondre?

M. Baril: Oui, vous pouvez répondre.

M. Tardif (Laval): Dans la monoculture, seul le blé d'Inde, selon les expériences américaines et les fermes expérimentales, peut être cultivé, culture sur culture, monoculture sur monoculture, avec amélioration et augmentation de rendement. C'est pour cela qu'il y a le "corn belt" américain. Aussi bien pour la luzerne que pour autre chose, si on pousse toujours davantage les animaux, si on force encore et encore, il arrive nécessairement que l'abus de toute chose est mauvais.

N'essayez pas de me déclasser comme agronome au sujet d'un point particulier parce que cela fait trente ans que je suis agronome, je suis gradué de Sainte-Anne-de-la-Pocatière avec magna cum laude en 1947, à 21 ans. Je connais cela.

M. Baril: Je ne suis pas agronome — je respecte les agronomes, c'est leur profession — je suis agriculteur de profession, j'ai encore ma ferme. Je peux vous dire que mon père, avant moi, cela faisait longtemps qu'il semait de la luzerne; j'en sème encore, je sème du blé d'Inde et ça pousse. Cela fait beaucoup plus que quinze ans. J'ai terminé, M. le Président.

M. Tardif (Laval): II y a le blé dans l'Ouest, mais il y a le blé aussi dans la province de Québec. On l'a "monocultivé" et à un moment donné, au bout de quelques années, il était ruiné. On ne parlera pas d'agriculture technique pour montrer que je ne connais rien, parlons des principes de propriété.

Le Président (M. Boucher): Merci. Comme il n'y a pas d'autre intervenant, au nom de tous les membres de la commission, je remercie... M. le député de Saint-François.

M. Rancourt: Au nom du ministre, je voulais remercier l'Association des propriétaires du Québec d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer pour nous présenter ce mémoire ce soir. Merci beaucoup.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Je voudrais également remercier les gens qui sont avec nous ce soir de s'être donné la peine de faire une recherche sur le contenu de la loi 90 et d'avoir exposé des dimensions qui correspondent à une perception, à une vision des choses. On vous remercie, messieurs.

M. Lépine: Au nom de l'association, j'aimerais vous remercier de l'accueil. Je voudrais surtout féliciter le ministre de l'Agriculture; au-delà de

toutes les autres considérations, il a posé un geste éclatant dans les annales de l'administration du domaine public au Québec en déposant sa loi sur le zonage. Il est animé de bons sentiments. Attendez, M. Lavoie.

M. Lavoie: Je cherche le ministre. (22 h 45)

M. Lépine: II est véritablement animé de bons sentiments et il a à coeur la solution du problème agro-alimentaire. A plusieurs reprises, notre association a collaboré avec lui en acceptant son défi invitation à l'Expo-Québec ou j'étais membre du comité de planification. On parlait à des murs autrefois et quand M. Garon est intervenu, ils ont compris quelque chose. C'est pour cela que cette année, grâce à l'initiative du ministère de l'Agriculture, on a eu une section agro-alimentaire à l'Expo-Québec. Mais, attention! Cette loi-là sera son monument ou son tombeau!

Si vous me donnez encore deux minutes, d'accord? Je voudrais remercier les gens de l'Opposition pour le sérieux et le désintéressement au-dessus des étiquettes politiques. J'ai l'impression de ressentir — en tout cas en ce qui les anime — de suggérer aux autorités les moyens de rendre cette loi-là viable pour les agriculteurs de Québec. Et je termine par cela, comme le disait le député de Beauce-Sud, l'indépendance n'est pas possible pour un pays qui a le ventre vide!

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lépine, ainsi que le Dr Tremblay et tous ceux qui vous accompagnent.

M. Tremblay (Marcel): Merci, M. le Président, ainsi que tous les partis politiques en présence. Excusez certains de nos emportements!

Le Président (M. Boucher): Très bien. Merci beaucoup.

J'appellerais M. Julien Fortin, à titre personnel.

M. Fortin (Julien): M. le Président, je suis tout fin seul.

Le Président (M. Boucher): Allez-y M. Fortin. Livrez-nous votre mémoire.

M. Fortin: Je ne suis pas parlementaire, je ne suis pas politicien, pas même avocat!

M. Baril: Vous êtes peut-être chanceux.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous n'êtes pas notaire non plus!

M. Julien Fortin, à titre personnel

M. Fortin: S'il y a un peu de décorum, vous allez être obligés de souffrir avec moi. Ayant décidé en 1977 de nous construire une plus petite maison, pour ainsi faire je devais donc suivre les lois et directives de ma municipalité et de la CRO, la Communauté régionale de l'Outaouais, comprenant ainsi les lois provinciales pour fosse septi-que, faire alors arpenter, subdiviser mon terrain pour qu'il y ait seulement une résidence sur un cadastre officiel. Comme je désirais conserver avec ma nouvelle maison un semblant de petite érablière que j'étais parvenu à récupérer durant des années, j'ai subdivisé 30 acres qui devenaient le lot 17A2, 5e concession Onslow-Sud, qui fut reconnu et cadastré par ma municipalité et la CRO ainsi qu'enregistré à Campbells-Bay, dans le comté de Pontiac.

Comme tout ceci est maintenant fait et que nous allons demeurer, mon épouse et moi-même, dans notre nouvelle maison sur ce nouveau lot 17A 2, je me fais dire que je ne peux pas vendre mon autre maison avec ses 65 acres qui sont maintenant libres, à cause de cette loi 90. Cette maison je dois la vendre pour maintenir et assumer les obligations de ma nouvelle demeure et survivre comme citoyen de Pontiac, nouvelle demeure que je n'aurais jamais construite si les lois municipales en vigueur n'avaient pas été valables et respectées. Avec la loi 90, tous les achats possibles sont interdits, même au niveau agricole, pour survivre sur cet emplacement de terre de vaches maigres que la CRO avait désignée comme rural 2 après les mémoires présentés à la commission du schéma d'aménagement de l'Outaouais que le ministre Guy Tardif a approuvé en août 1978 pour le ministère des Affaires municipales. Comme simple citoyen de la municipalité de Pontiac dans la province de Québec, je demande que nos lois soient respectées et que soit reconnu le droit acquis à la propriété, et que le coût d'un manque de planification du passé ne soit pas mis sur le dos du petit contribuable qui se cherche une place pour vivre dans cette société qui est la nôtre. Est-ce que les lois de la municipalité et de la CRO de 1977-78 étaient légales ou non? Si oui, il est inconcevable que les citoyens ne soient pas protégés après avoir suivi ces lois et directives à la lettre.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Fortin. M. le député de Saint-François va répondre au nom du ministre.

M. Rancourt: M. Fortin, à ce qu'il me semble, à ce que je vois actuellement, il semble qu'il y a une mauvaise interprétation de la loi actuelle, dans votre cas. Je vous remercie d'être venu. Vous voulez défendre votre point de vue, vous êtes venu nous rencontrer, mais je pense que, dans un cas semblable, vous devriez voir votre notaire et avoir une interprétation. Nous ne pouvons pas vous donner un point de vue juridique ici, ce soir. On entend des mémoires tout simplement.

M. Fortin: Très bien, mais par contre, je suis ici à mes propres dépens. Il n'y a aucun organisme qui a défrayé mon avion ou qui défraie mon hôtel. Avant de venir ici j'ai été à ma municipalité pour avoir de l'information. J'ai été à la communauté régionale de l'Outaouais pour en recevoir d'autres.

J'ai été voir l'agronome au département de l'agriculture à Shawville, M. Macmillan, il m'a référé au bureau du département de l'agriculture à Buckingham. J'ai eu la même réponse partout. Nous ne savons pas et c est Québec qui sait cela. Donc, je suis à Québec dans le moment et je suis venu pour avoir ces réponses.

M. Rancourt: D accord. Comme vous le savez, actuellement il y a une période de gel, mais ultérieurement vous devrez vous présenter à la commission pour avoir l'autorisation. Pour I instant il y a une période de gel, bien sûr, mais de là à ce que cela soit définitif, absolument pas. Vous êtes un cas d'espèce et vous avez droit de recours à la commission qui sera nommée aussitôt que la loi sera adoptée.

M. Fortin: Je comprends. Est-ce que c'est bien d attendre qu'une loi soit mise en force pour obtenir quelque chose et après votre cheval est en dehors de l'écurie et vous ne pouvez plus le rentrer dedans.

M. Lavoie: M. Fortin, pourriez-vous nous expliquer...

M. Rancourt: C'est la même chose que dans un cas de zonage municipale. Vous ne pouvez pas transformer, si vous voulez, un logement ou deux logements dans une section unifamiliale ou autres choses. Vous êtes dans le même cas actuellement, temporairement, jusqu'à ce que cela soit décidé à la commission. C'est un gel temporaire pour vous et vous pourrez vous référer à cette commission en temps et lieu, aussitôt que la loi sera votée.

M. Fortin: Mais, entre temps c'est moi qui va être obligé de chauffer l'autre maison à 2000 pieds de la maison que je viens de construire, de payer les taxes, l'entretien et ainsi de suite...

M. Beauséjour: La maison est construite?

M. Fortin: La maison est construite et je suis prêt à déménager dedans, dans le moment. J'ai une autre maison à vendre avec ses 65 acres. C'est là qu'est la question. J'ai deux maisons. J'ai une maison sur le 17A originel qui a 100 acres de terre. J'ai subdivisé les 32 acres pour bâtir ma nouvelle maison. Donc, j'ai été obligé d'aller à la communauté régionale, à la municipalité pour avoir les règles du jeu. J'ai suivi toutes les règles du jeu à la lettre. J'ai bâti ma deuxième maison, je déménage dedans la semaine prochaine. Je voudrais vendre mon autre maison.

M. Rancourt: Pour moi, cela me semble un droit acquis parce que vous étiez là avant le 9 novembre.

M. Fortin: Définitivement.

M. Lavoie: Un instant s'il vous plaît. Il faut dire la vérité à ce monsieur. Est-ce que votre notaire actuellement ne se sent pas en mesure de passer le contrat à cause de la loi actuelle?

M. Fortin: Pour commencer, ils m'ont dit qu aucune transaction ne pouvait être enregistrée dans le moment.

M. Lavoie: C est sûr. Vous êtes sur une zone sous contrôle actuellement.

M. Fortin: Oui. Je suis dans la nouvelle zone de contrôle. Je suis à peu près à un demi-mille de votre ligne de démarcation de votre pinceau de quatre pouces dont M. Rivest parlait tout à l'heure sur les schémas d'aménagement.

M. Lavoie: M. le député de Saint-François, je pense qu'il faut être honnête avec ce citoyen. Ce cas est multiplié par 10 000 ou 25 000 au Québec actuellement avec la loi qui est là. Dites lui.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): II y aura une commission pour régler cela.

M. Lavoie: Ne lui racontez pas d histoires. C est cela les implications de la loi. Les accrocs des droits de propriété.

Le Président (M. Boucher): M. le députe de Saint-François.

M. Rancourt: A ce qu'il semble, il y a peut-être plusieurs notaires qui n'ont pas suffisamment bien lu la loi non plus pour savoir où sont les droits acquis et de quelle façon ils peuvent se référer à la commission de contrôle après une période de temps. C est sûr que, dans ce cas, pour moi, c était un droit acquis qu'il possédait. Il a le droit de vendre sa deuxième ferme pour fins agricoles actuellement.

M. Lavoie: En vertu de quel article? Dites-moi donc, si vous êtes conseiller juridique.

M. Rancourt: II n'y a rien d interdit à ce niveau, pour fins agricoles.

M. Lavoie: Voulez-vous, on va lire l'article 29. Ecoutez s'il y a une place où il doit y avoir un peu la transparence d'une vérité c'est bien...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le député de Lavai!

M. Lavoie: ... en commission parlementaire. Une Voix: Ce n'est pas nous autres. M. Lavoie: L'article 29...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Est-ce que je peux lire l'article 29? Le Président (M. Boucher): Je m'excuse.

J'aurais quand même une précision à donner. La commission parlementaire n'a pas le mandat de donner des avis juridiques. Je crois que la demande de M. Fortin pourrait être étudiée au niveau du ministère. Les fonctionnaires du contentieux pourraient lui donner un avis juridique à ce sujet.

M. Lavoie: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Je ne pense pas qu'on soit en présence d'un cas relevant de la commission parlementaire comme on l'a fait depuis le début.

M. Lavoie: M. le Président, ce sera très bref. Encore un instant.

Le Président (M. Boucher): Si vous voulez donner un avis juridique, M. le député de Laval, vous pouvez y aller.

M. Lavoie: Mais le ministre en a donné plusieurs depuis que la commission siège. Mon interprétation et ce, sous toutes réserves, c'est que l'article 29 dit: "Dans une région agricole désignée ". Une région agricole désignée, ce sont les 614 municipalités au complet, pas uniquement les zones réservées aux fins agricoles, ce qui est en vert. "Dans les régions agricoles désignées", ce sont les 614 municipalités du Québec. Dans le orojet de loi, on fait la mention suivante: "... une personne ne peut, sans l'autorisation de la commission, procéder à l'aliénation d'un droit réel immobilier sur un lot si elle conserve un tel droit sur un lot contingu... " Je pense que c'est votre cas: vous gardez un lot à côté.

M. Fortin: C'est cela.

M. Lavoie: Vous le séparez du premier par un chemin public. M. le Président, je crois que ce monsieur devra attendre — je ne dis pas que c'est final — que la loi soit adoptée, que la commission soit formée, que les membres soient appointés, que ces membres envoient l'avis aux 614 municipalités, que les municipalités proposent et négocient avec la commission le plan final de zonage agricole. Il se peut que votre terrain puisse rester dans la zone. S'il reste dans la zone définitive, en vertu de l'article 29, vous ne pourrez plus vendre. Si votre emplacement est éliminé de la zone verte, à ce moment-là, quand cela sera réglé, vous pourrez vendre.

M. Garon: Un instant, un instant!

M. Baril: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Arthabaska, question de règlement.

M. Baril: Est-ce que...

M. Lavoie: Sauf si la commission vous donne le droit.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval, je m'excuse. Question de règlement, M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Est-ce que I Opposition est en droit d'expliquer les articles du projet de loi un par un ou est-on ici pour entendre les mémoires des citoyens?

M. Lavoie: M. le Président, je consens que le... M. Baril: J'aimerais que vous...

M. Lavoie: ... ministre donne son interprétation.

Le Président (M. Boucher): J'ai fait remarquer au député de Laval tout à l'heure que nous étions en commission parlementaire pour entendre les mémoires des organismes et des personnes intéressés et non pour donner des avis juridiques sur des cas d'espèce.

M. Baril: Mais il faudrait s'en tenir à cela.

Le Président (M. Boucher): Alors, si le député de Laval y est allé de son interprétation, je laisse à son entière responsabilité l'interprétation qu'il peut en donner.

M. Lavoie: J'ai une question à poser au témoin. Quelle est l'interprétation que votre notaire vous a donnée?

M. Fortin: Que dans le moment il n'y a aucune transaction qui peut être faite. C'est tout.

M. Lavoie: Je n'ai plus de questions à poser.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. Fortin, je veux être bien certain de comprendre ce qui fait l'objet de vos inquiétudes et de votre venue à Québec. Est-ce que le problème se situe au niveau du lot que vous avez distrait et sur lequel vous avez construit une nouvelle maison ou est-ce l'autre partie de la ferme que vous voudriez vendre?

M. Fortin: Exactement. C'est l'autre partie de la ferme avec la vieille maison de 90 ans et les 65 acres de terre que je veux vendre. Maintenant, il ne faut pas oublier, que quand on dit que je peux vendre à des fins agricoles, je verrais mal que quelqu un puisse survivre sur 65 acres de terre, j'étais classé avant par la CRO, quand j'ai commencé ma construction, dans le rural 2 qui disait qu on pouvait vendre et qu'on pouvait bâtir une nouvelle demeure et que je pouvais avoir dix, quinze, vingt ou vingt-cinq différents candidats pour acheter cette propriété. Maintenant, il n'y a plus que la moitié des candidats car ils ne pourraient pas y survivre.

M. Giasson: D'accord, mais vous ne pouvez pas la vendre à un autre agriculteur qui aurait be-

soin d agrandir sa ferme et obtenir la permission de la commission, quand elle va exister, de soustraire la résidence en présumant qu'un cultivateur qui veut agrandir sa terme achète la terre sans la résidence s il n'en a pas besoin. S'il est prêt à acheter les deux, il n'y a pas de problème.

M. Fortin: Vous voulez dire que ce serait permis pour moi de vendre la maison seule et de garder... (23 heures)

M. Giasson: Selon moi, pas immédiatement, mais ce n'est pas une cause désespérée. Si la commission vous donnait l'autorisation de faire une vente en vertu de laquelle vous pourriez vendre la ferme à un agriculteur qui veut s'agrandir et vendre la résidence à une personne qui a besoin d'une résidence.

M. Fortin: M. le Président, pourrais-je répondre à M. le député? J'ai déjà essayé cela. Cet été j'ai eu une lettre du ministère sur la banque des ressources en terres. Donc, je suis allé au ministère de l'Agriculture à Shawville et j'ai offert la partie que je ne gardais plus avec la vieille maison. Cela fait au moins quatre à cinq mois de cela, je crois, et je n'ai jamais eu de réponse. J'ai offert de la vendre au ministère de l'Agriculture. J'ai 65 acres avec la maison.

M. Giasson: Si je vous comprends bien, vous n'avez aucun acheteur intéressé dans le moment?

M. Fortin: Je n'ai aucun acheteur agriculteur.

M. Giasson: Avez-vous d'autres types d'acheteurs?

M. Fortin: Oui, j'en avais.

M. Lavoie: Même un agriculteur ne peut pas l'acheter. En vertu de l'article 29, il faut attendre que la commission soit créée, que la municipalité, avec la commission, ait tranché le dernier territoire agricole dans cette région. Donnez-nous l'interprétation, M. le ministre.

M. Baril: Cela fait 25 fois qu'on le dit.

M. Garon: Je pense qu'il peut vendre tous ses lots et la maison dans laquelle il veut demeurer avec un demi-hectare.

M. Lavoie: II a le droit de vendre quoi?

M. Fortin: J'aimerais comprendre, M. le ministre, s'il vous plaît!

Le Président (M. Boucher): Pourriez-vous répéter, M. le ministre, pour l'information du témoin?

M. Garon: Je pense que la loi a été faite pour des cas comme celui-là. Elle avait été conçue dans ce sens. S'il y a deux résidences sur une terre, vous choisissez la résidence que vous voulez avec un demi-hectare et vous vendez tout le reste, à mon sens.

M. Fortin: Excusez-moi, M. le ministre. La nouvelle construction que je viens de faire, j'ai subdivisé 30 acres dans l'espoir de garder une petite érablière que j'ai conçue en l'espace de quinze ans, de continuer à faire fonctionner cette érablière. Il y a des secteurs, par exemple, des lignes de transmission et un boisé qui ne sont pas rentables au point de vue de l'agriculture.

M. Garon: A ce moment-là, il faut que vous attendiez la formation de la commission pour demander une exclusion parce que, là, c'est différent de la loi.

M. Lavoie: C'est ce que j'ai dit tout à l'heure.

M. Garon: Elle le permet d'une façon automatique.

M. Giasson: Non, ce n'était pas une terre qui était à une fin autre que l'agriculture. Au moment où il a voulu la vendre.

M. Garon: Tout ce que vous pouvez faire, c'est qu'en vertu de 43, aussitôt que la commission sera formée, vous pourrez faire une demande.

M. Fortin: A la commission.

M. Garon: A la commission. Non pas attendre que la municipalité ait reçu un avis. Dès que la commission sera formée...

M. Giasson: Ce lot était utilisé ou faisait déjà l'objet d'un permis d'utilisation à une fin autre que l'agriculture.

M. Garon: Vous pourrez envoyez une demande à la commission.

M. Fortin: M. le Président, j'aurais maintenant une autre question à poser, si vous me le permettez.

M. Garon: Oui.

M. Fortin: C'est selon l'article 40 de nouveau. Quand j'ai subdivisé les 102 acres, j'avais aussi subdivisé 2 acres pour mon garçon qui voulait probablement se bâtir plus tard. Tout cela a été fait, cadastré, déposé et enregistré bien avant le 9 novembre. Est-ce que ce sont des droits acquis, cela, ou non?

M. Garon: Je pense que le but de la commission, ce n'est pas de régler les cas individuels un par un. On a pour cela, au ministère de l'Agriculture, un numéro qui est 644-1000. Appelez-là et on va vous donner tous les renseignements. Le but de la commission, c'est de discuter du mémoire, des opinions des organismes qui veulent discuter de la loi pour dire aux autres comment ils la voient. Ce n'est pas pour régler des cas individuels.

M. Fortin: M. le ministre, je regrette, quand vous n'étiez pas ici, tout à l'heure, j'ai dit que j'avais appelé à Québec, à part de cela. J'ai mentionné que je m'étais informé d'un bureau du ministère de l'Agriculture à l'autre, à la municipalité où je réside et à la Communauté régionale de l'Outaouais.

M. Garon: Qui avez-vous appelé à Québec?

M. Fortin: J'ai appelé à Québec, le numéro zénith pour avoir 644-1000 et on m'a donné exactement les mêmes renseignements qu'on avait sur les petits dépliants; c'est-à-dire de l'information générale qui ne touche pas un cas particulier. C'est pour cela que j'ai dépensé $200 pour venir vous parler ce soir. Je n'ai pas les moyens de le faire, mais je voulais essayer d'avoir une réponse quelconque.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis un simple citoyen, je ne représente pas un organisme.

M. Garon: Je comprends ce que vous dites là mais, jusqu'à maintenant, il y a des centaines de simples citoyens qui appellent au numéro et qui ont des renseignements, et...

M. Lavoie: Ils ont des renseignements, mais cela ne règle pas leur problème.

M. Garon: Dans certains cas, cela les règle, dans certains cas, cela ne les règle pas. Dans certains cas, ils sont réglés par l'information, dans certains cas, il faut attendre la formation de la commission.

M. Lavoie: II faut attendre. Il n'y a pas autre chose, il va falloir attendre. Comme la loi est faite, il va falloir attendre.

M. Fortin: Est-ce que je ne pourrais pas faire un petit commentaire?

Le Président (M. Boucher): Allez-y.

M. Fortin: Pourquoi n'y aurait-il pas une loi de recours? Dans le moment, après avoir feuilleté la loi 90 d'un bout à l'autre, je m'aperçois que c'est certainement pour la protection des terres agricoles qu'elle a été conçue et je ne questionne pas à ce niveau. Ce que je pense c'est qu'on protège les terres agricoles, mais je n'ai vu nulle part dans cette loi qu'on protégeait le petit propriétaire, le petit fermier qui a travaillé tout le temps de sa vie sur ses terres et nulle part on le protège. Pour quelle raison il n'y aurait-il pas une petite loi de recours pour venir en aide à ce monde-là? C'est institué ailleurs...

Parce qu'on parle d'une commission administrative avec un président et deux vice-présidents à travers la province, peut-être que s'il y avait des petites commissions ou des petits comités locaux en dehors de l'UPA, s'il vous plaît, des conseils municipaux ou des comités régionaux, quelqu'un qui serait complètement indépendant et qui pourrait donner justice à tout le monde...

Parce que ce n'est pas avec les gens de l'UPA qu'on va avoir cela parce qu'ils sont intéressés à acheter la terre du petit voisin qui n'est pas trop gros, pour pas grand-chose.

M. Giasson: M. Fortin, lorsque vous nous dites que vous auriez des acheteurs des 65 acres que vous séparez des autres 30 acres sur lesquels vous êtes contruit, est-ce qu'il s'agit d'acheteur qui est intéressé à l'ensemble, c'est-à-dire, au fond de terre, 65 acres, et la résidence qu'il y a dessus?

M. Fortin: Oui.

M. Giasson: II ne veut pas uniquement la résidence.

M. Fortin: Non.

M. Giasson: II veut tout. Cela prend la décision de la commission.

M. Fortin: Maintenant, si c'est juste une question de deux acres seulement et la maison, est-ce que je pourrais vendre cela et garder 65 acres?

M. Giasson: Vous pourriez faire lotir un demi-hectare sur lequel est située votre résidence.

M. Fortin: Parlons donc en acres plutôt que des hectares. Les mètres, moi là...

M. Garon: Un acre et quart. M. Fortin: Pardon?

M. Garon: Un demi-hectare, c'est un acre et quart.

M. Lavoie: Un instant. Pourriez-vous m'indiquer en vertu de quel article ce monsieur pourrait vendre un demi-hectare avec une maison.

M. Fortin: Je ne peux même pas faire cela, ma maison est à 200 pieds du chemin.

M. Lavoie: Sans l'autorisation de la commission, il va falloir qu'il attende la commission quand même... Je l'ai 101 ici: "Une personne peut sans l'autorisation de la commission aliéner, lotir et utiliser à une fin autre que l'agriculture un lot situé dans une région agricole désignée, une aire retenue pour fins de contrôle ou une zone agricole, dans la mesure où ce lot était utilisé ou faisait déjà l'objet d'un permis d'utilisation à une fin autre que l'agriculture lorsque les dispositions de la présente loi visant à exiger une autorisation de la commission ont été rendues applicables sur ce lot. Ce droit n'existe qu'à l'égard de la superficie du lot qui était utilisée à une fin autre que l'agriculture..."

Etait avant la loi, je crois, avant le dépôt de la loi. Il ne peut plus lotir. Il aurait fallu qu'il soit loti avant.

M. Mercier: Nous ne sommes pas la commis-

sion chargée d'administrer la loi et nous ne sommes pas ici à l'étape de la deuxième lecture où nous étudierons article par article le projet de loi. Je pense que nous avons entendu l'opposition de monsieur. Le cas est bien clair.

M. Giasson: Je comprends la préoccupation du député de Mercier, mais cet homme est venu à même ses ressources de la région de l'Outaouais et, si on peut lui apporter des lumières avant qu'il quitte Québec, je ne pense pas qu'il y ait de mal à cette chose.

M. Mercier: C'est un cas qui doit être soumis à la commission.

M. Fortin: J'avais une question dans mon dossier tout à l'heure.

M. Giasson: Ce n'est pas tout le monde qui s'entend. Il y a des interprétations.

M. Fortin: J'avais une question dans mon dossier tout à l'heure et je ne crois pas avoir eu la réponse. Est-ce que les lois de notre municipalité de la Communauté régionale de l'Outaouais étaient valables dans le temps ou ne sont-elles pas respectées maintenant par le ministère? Pourquoi? Qu'est-ce qui arrive?

M. Giasson: Elle était valable, mais cette nouvelle a priorité sur l'autre.

M. Fortin: Même les droits acquis avant le 9 novembre.

M. Giasson: Oui. Pas tous les droits acquis.

M. Garon: II faudrait voir les articles concernés de la loi.

M. Giasson: ... tel que défini dans la loi.

M. Garon: Vous êtes rendu à Québec, le mieux, c'est d aller au ministère de lAgriculture demain matin, vous ne partirez pas ce soir pour Pontiac.

M. Fortin: Je devais partir demain matin, mais je peux attendre.

M. Garon: Allez faire un tour au ministère de lAgriculture et voyez les gens du contentieux à 200 A, Chemin Sainte-Foy. Allez demander des informations en expliquant votre affaire.

M. Fortin: J espère qu'on va me donner plus d information qu'à Buckingham ou Shawville.

M. Garon: Pardon?

M. Fortin: J espère qu on va me donner plus d information qu à Shawville ou qu'à Buckingham, parce qu on ne m'a donné aucune information quand je suis allé au ministère de l'Agriculture.

M. Garon: Non, mais...

M. Fortin: Quelle adresse encore, M. le ministre?

M. Garon: 200, Chemin Sainte-Foy.

M. Fortin: 200, Chemin Sainte-Foy.

M. Garon: Deuxième étage.

M. Fortin: Deuxième étage.

M. Garon: A Québec.

M. Fortin: Les bureaux ouvrent à neuf heures?

M. Garon: Oui, à neuf heures ils vont être ouverts.

M. Fortin: Parce que je veux prendre r avion après cela.

M. Garon: Pardon?

M. Fortin: Je veux prendre l'avion pour m'en aller chez nous après.

M. Garon: D accord.

Le Président (M. Boucher): M. Fortin, je vous remercie et j espère que vous aurez les informations que vous désirez.

Passons à M. Philippe Chartrand, entreprise de lotissement, représenté par Me Yves Chartrand, avocat

Me Chartrand, vous pouvez y aller. Est-ce que vous pouvez présenter ceux qui vous accompagnent?

Philippe Chartrand, entreprise de lotissement

M. Chartrand (Yves): M. le Président, M. le ministre, MM. les commissaires de cette commission parlementaire, je vous présente Philippe Chartrand, mon père; Gilles Chartrand, mon frère et ma mère, Mme Marie-Paule Chartrand.

Je vais céder immédiatement la parole à Philippe Chartrand qui a une petite introduction à lire avant que je vous donne le contenu de notre mémoire.

M. Chartrand (Philippe): M. le ministre, j'ai laissé à mon fils qui a une formation juridique le soin de faire une présentation qui convient à I importance de la présente commission parlementaire sur la loi du zonage agricole. Je voudrais me faire, dans mes propres termes, le porte-parole de plus de 30 000 entrepreneurs de toutes sortes, lotisseurs, constructeurs, excavateurs, arpenteurs, puisatiers, paysagistes, entrepreneurs en travaux de voirie, etc., dont le gagne-pain est vitalement affecté par le présent projet de loi, ainsi que des centaines de milliers de Québécois qui rêvent

d avoir une demeure. Ils ont dans bien des cas affecté toutes leurs économies, souvent aidés d un emprunt à leur caisse populaire, à l'achat d'un terrain en plus d'avoir dépensé des centaines d heures de travail personnel pour ébrancher, excaver, niveler, faire une voie d accès. Ils ont ajouté une plus-value à leur terrain de plus d un millier de dollars en dotant leur terrain d'une fosse septique et d'un puits.

Au début de tout ce processus, il y a celui qui fait fonction de lotisseur. Dans mon cas, qui est à quelques variantes près l'histoire de tous les lotis-seurs, j'ai assemblé environ 600 arpents de terrain, après avoir irrigué ces terrains et avoir exécuté plusieurs centaines de milliers de dollars de travaux de lotissement. Une agglomération nouvelle est née dans la périphérie de Montréal donnant ainsi une vocation nouvelle à du terrain qui était en régression en tant que terre agricole.

J ai répété cette opération sept milles plus loin, dans la municipalité voisine. Aujourd hui, il y a environ 5000 personnes dans ces deux agglomérations, tout ceci est inclus dans la zone agricole temporaire. Cependant, comme ce n'est sûrement pas dans l'esprit de la loi de causer un préjudice grave à des Québécois en gelant leurs biens, j'espère que même avant la promulgation de la loi ces situations seront corrigées. Ceci sera d autant plus facile que dans les deux municipalités concernées, 90% du territoire est déjà zoné agricole et que dans les 10% où le développement est permis, 80% sont déjà développés et que les autres 20%, en plus d être enclavés dans le territoire développé, sont absolument nécessaires à I'épanouissement de ces agglomérations.

Je demande à M. le ministre de considérer avec sympathie, dans la section des droits acquis, les milliers d entrepreneurs et les centaines de milliers de Québécois qui, avant le 9 novembre 1978, ont agi dans le respect des lois et je lui demande d harmoniser sa loi présente avec les réalisations du passé. (23 h 15)

Dans toute agglomération de 200, 300 ou 400 lots, si on considère le phénomène de transfert qui va accompagner l'interdiction de se livrer à des utilisations autres qu'agricoles sur les terrains avoisinants, les terrains qui sont enclavés, partiellement développés, continus, juxtaposés ou qui sont nécessaires à l'épanouissement de sa municipalité, réunion de deux rues, parc industriel, récréatif, centre commercial, etc., les autorités municipales, lorsqu'elles devront dialoguer avec le commissaire agricole, auront un interlocuteur qui, lorsqu'il aura à prendre une décision, aura la latitude voulue pour faire la balance des avantages et des inconvénients et sera en mesure de décider, dans le meilleur intérêt de la collectivité québécoise à court et à long terme. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. Char-trand.

M. Chartrand (Jean-Yves): Je procède avec le mémoire. J'aimerais souligner que le mémoire qui est devant vous a été préparé avec un préavis de 24 heures et sous le choc du texte du projet de loi no 90. Nous participons depuis trois jours aux débats de cette commission et nous constatons qu'une approche sereine est de beaucoup préférable aux déclarations enflammées. Nous tenons à nous excuser de quelques passages qui reflètent notre tempérament latin. Nous avons pris connaissance du projet de loi no 90 et espérons sincèrement que cette commission parlementaire sera un forum où le gouvernement portera une oreille attentive aux représentations exprimées. Nous devons nous contenter d'indiquer en annexe le débat de l'opportunité de l'aménagement de la région montréalaise en régions-ressources et des effets d'une telle option sur le développement de ce même territoire en régions de fabrication.

Nous tenons quand même à exprimer notre crainte à cet égard devant l'inconsidération constaté dans le mécanisme retenu par le projet de loi no 90 où le jour du dépôt, le 9 novembre 1978, 614 municipalités ont vu, dans la plupart des cas, la majeure partie de leur territoire gelée parce qu'à I intérieur de la zone agricole. Nous désirons également attirer l'attention de la commission sur une critique des politiques du ministère de l'Agriculture présentée au député du comté de l'Assomption le 30 octobre dernier et dont le ministère de l'Agriculture a reçu copie, notamment la proposition de calquer le plan de zonage agricole sur une carte pédologique.

Avant de continuer, j'aimerais faire une requête pour que ces deux annexes soient transcrites intégralement au journal des Débats, (voir annexes)

Le Président (M. Boucher): D'accord, M. Chartrand.

M. Chartrand (Jean-Yves): D accord? Merci. Avant d'entreprendre la critique spécifique du projet de loi no 90, il nous paraît nécessaire d esquisser les règles du jeu du processus de développement et d'en identifier les protagonistes. L'aménagement du territoire implique la transformation du terrain afin qu'il puisse servir aux différentes utilisations connues. Notons: l'agriculture, le résidentiel, l'industriel, le récréatif, le transport, etc. L'autorité privilégiée à ce jour en ce domaine est incontestablement la corporation municipale. La municipalité a le pouvoir de zonage sur son territoire, c est-à-dire la responsabilité de déterminer les zones a l'intérieur desquelles sont permises les utilisations possibles accompagnées de la réglementation qui encadre sa mise en application. Une fois que la municipalité a exercé son pouvoir de zonage, elle voit à son application par le biais de permis.

Il y a d abord le permis de lotissement, c'est-a-dire une demande d aménagement d'un territoire, qui, pour être accorde, doit se conformer au règlement de zonage; à cette étape, plusieurs corporations municipales exigent que la demande soit accompagnée d'un plan d'aménagement d'ensemble, c'est-à-dire un plan qui donne une vue

d ensemble a long terme a I intérieur duquel doit s harmoniser le permis de lotissement. Le permis de lotissement prend souvent la forme d'une résolution du conseil qui approuve le projet de lotissement soumis et peut ou non faire l'objet de droits payables, taxes de lotissement. Après l'émission de ce permis, l'entrepreneur ou le promoteur fait exécuter les travaux nécessaires à I aménagement proposé, c est-à-dire la construction de rues, I arpentage, l'irrigation et parfois I installation d'autres services. Notons ici que les infrastructures sont dans certains cas la responsabilité de la corporation municipale qui, par entente avec des constructeurs, commande des travaux d urbanisation et en répartit le coût sur les lots bénéficiaires par le biais de taxes foncières.

Nous tenons à signaler que dans une partie appréciable, si ce n est la majorité des municipalités, et particulièrement dans le cas où I'approvisionnement en eau potable et l'épuration des eaux usées se fait d'une façon individuelle par un puits et une fosse septique, les travaux sont à la charge de I entrepreneur en lotissement.

A titre de référence, nous pouvons avancer que le coût des travaux de base, défrichement, enlèvement du sol arable, fossé d'égouttement fluvial, empierrement et arpentage, représentent pour les soussignés le double du prix d'achat de la terre ou $15 le pied linéaire de rue. Il faut également noter ici qu'il en coûterait trois fois plus cher pour rendre un terrain à l'agriculture qu'il en a coûté pour le développer. Une fois le permis de lotissement émis, l'entrepreneur en lotissement peut commencer à vendre les lots approuvés. Même avant que les travaux d'aménagement ne débutent ou ne soient complétés, cette vente peut être notariée ou non, enregistrée au bureau d'enregistrement ou non et, en ce qui nous concerne 99% des ventes effectuées commencent par la signature d'une promesse de vente avec un dépôt en argent, le paiement de la balance sur une période de deux à cinq ans, l'acheteur demeurant en promesse de vente tant et aussi longtemps qu'il n'acquitte pas le solde du prix de vente agréé et c'est alors qu'il voit transférer le titre de sa propriété au bureau d'enregistrement par acte de vente notarié.

Dès la signature de la promesse de vente, le promettant acquéreur prend possession de son lot et, dans le cas de maisons mobiles — pas d'hypothèques — plus de 75% des lots sont occupés sans que l'achat de ce consommateur n'apparaisse au bureau d'enregistrement. Pour ce qui est du dépôt de cadastre, il n'est pas exigé partout et pour un pourcentage appréciable de lots il ne l'est jamais. Il peut s'effectuer à n'importe quel moment, et plus souvent qu'autrement il est fait une fois que tout l'aménagement est complété et que les lots sont vendus, parce qu'alors les taxes municipales qui portent sur un lot original se multiplient par le nombre de subdivisions.

Nous venons ici de dégager le rôle joué par l'entrepreneur en lotissement. Cet entrepreneur peut être un constructeur d'immeubles qui intègre les opérations de lotissement à son entreprise de construction, un entrepreneur en travaux de voirie ou un promoteur, qui loue les services d'un entrepreneur en excavation, ou la municipalité elle-même.

Il est capital ici de distinguer l'entrepreneur en lotissement du spéculateur. Le spéculateur est un agent de placement. On le retrouve partout, tant dans l'achat de titres boursiers, de stocks de commodités que de titres immobiliers. La notion de spéculateurs implique un profit passif, c'est-à-dire l'achat d'un bien et sa revente à profit sans valeur ajoutée.

A l'encontre de ceci, l'entrepreneur en lotissement voit à acheter une terre où l'aménagement recherché est permis avant toute autre démarche et, alors, voit à l'aménagement de cette dernière selon les exigences municipales et son propre standard de développement.

Il faut aussi distinguer l'entrepreneur en lotissement professionnel de l'entrepreneur de fin de semaine, c'est-à-dire le degré de valeur ajoutée par l'entrepreneur et l'importance de cette activité comme source de revenu principal, secondaire ou simplement comme revenu d'appoint.

L'entrepreneur en lotissement joue un rôle essentiel dans l'approvisionnement du stock de terrains à toutes les fins. Afin d'assurer une continuité du processus engagé et du nouveau cadre découlant de votre projet de loi, vous devez reconnaître les investissements en cours et indiquer les nouvelles règles du jeu avec assez de souplesse pour que ces entrepreneurs aient le temps de se retourner et d'aligner leurs efforts dans la voie indiquée.

Il est capital de reconnaître que toute entreprise responsable voit à une planification dans le temps de ses activités, financement à long terme, approvisionnement de stocks pour pouvoir offrir sa marchandise d'une façon continue, inventaire d'équipements dont le paiement est étalé sur cinq ans, inventaire de terres dont le paiement est étalé sur cinq ans, immobilisation dans les travaux de développement dont le revenu est basé sur la vente des terrains.

Nous comprenons que le but recherché par le projet de loi est la protection des terres agricoles et l'arrêt de l'empiétement inutile et désordonné sur les bonnes terres des autres types d'aménagement. Cette loi vise à empêcher la spéculation et, pour y parvenir, a décrété le gel de ce qu'on appelle la zone agricole provisoire. Dans cette zone, une personne ne peut procéder à I'aliénation d'un lot sans aliéner également tous les autes lots contigus ou séparés par un chemin de ce lot. Ainsi, cette mesure paralyse toutes les transactions courantes d'un entrepreneur en lotissement situé dans la zone provisoire. Cette situation place l'entrepreneur conncerné dans une position financière intenable, bien qu'il ait agi dans le respect des lois. Cette situation favorisera à coup sûr le spéculateur qui, voyant un entrepreneur acculé à la faillite, lui offrira un prix dérisoire pour son investissement sachant que dans trois, six ou douze mois, il sera possible de faire dégeler ce projet par la commission de protection.

Dans les municipalités où l'utilisation du sol

est réglementée, le gel des terres non aménagées aurait été une mesure draconienne. Le gel des lotissements existant et en cours est, lui, injustifiable et cause un préjudice inutile qui s'aggrave de jour en jour. Le fait que ces lotissements ne soient pas exclus de la zone agricole provisoire ni reconnus dans la section des droits acquis crée des situations d'un illogisme tel qu'il devient une incitation à la désobéissance civile.

Nous changeons de chapitre. Nous allons traiter de la Commission de protection du territoire agricole. Le mécanisme retenu pour le fonctionnement de la Commission de protection du territoire agricole ne respecte pas le fonctionnement de nos institutions démocratiques qui sont le fondement même de notre société. Le gouvernement nomme sept mandarins qui seront juges et parties dans les décisions qu'ils auront à rendre. Ces décisions devant être basées sur la possibilité d'utilisation du lot à des fins d'agriculture plutôt que la balance des inconvénients entre la vocation agricole et les utilisations non agricoles.

Nous comprenons que le projet de loi à l'étude a pour but la protection des terres agricoles et que la dialectique globale de l'aménagement du territoire ne peut et ne doit pa y être discutée. Nous sommes convaincus que le Québec doit avoir ses Whitby, que Montréal doit être plus sélectif et laisser les villes périphériques la concurrencer pour les emplois de fabrication.

Nous espérons que cet énoncé réussira à éveiller dans l'esprit des participants de cette commission parlementaire le scepticisme nécessaire à la compréhension d'opinions diversifiées, que vous admettrez qu'il n'est pas sûr qu'à 12 milles de Montréal, à côté de l'autoroute 640, dans des terres où le potentiel agricole est de quatrième et cinquième ordre, la seule vocation est la nomenclature de maïs grain ou la culture intensive de la pomme de terre.

Déjà cette législation proposée sort des sentiers battus avec une témérité déconcertante en annonçant le gel, dès le dépôt du projet de loi, d'un espace qui correspond facilement à 80% de la base économique de Montréal, en n'y excluant que les parties où l'aménagement est complété ou dans une phase terminale, et en omettant tous les lotissements qui sont munis des services essentiels d'une façon plus économique et écologiquement valable.

Mais quand on propose de soustraire cette législation du contrôle judiciaire et de l'administration municipale, nous avons de fortes réserves. Les municipalités sont les seules équipées pour répondre à l'administration du territoire et elles doivent respecter les lois.

La loi sur la protection du territoire devrait édicter les normes de protection et la commission de protection en serait le chien de garde devant les tribunaux qui sont l'institution chargée de l'application de la loi.

Les décisions politiques du type plan d'aménagement ou de réaménagement, n'entrent pas sous le conrôle judiciaire et demandent une réflexion des élus qui sont les seuls qui ont l'autorité morale d'en décider, après qu'ils auront, avec l'aide des technocrates, défini les plans possibles. Nous voyons ici une opportunité de revaloriser le rôle du député de comté qui sera certainement très intéressé d'y participer.

Nous croyons que le choc du 9 novembre 1978 peut encore être un geste salutaire en forçant une prise de conscience régionale aux niveaux des administrations municipales que canalisera la loi de l'aménagement et de l'urbanisme annoncé par le ministre d'Etat à l'aménagement, Jacques Léonard.

Le temps d'exécution de ce scénario est l'essence même de sa réussite. Le gel prolongé de la région désignée décale d'autant tout le processus de développement qui débute par la volonté des entrepreneurs d'aménager et celle des utilisateurs d'acheter. De plus, il nous paraît essentiel de corriger les exclusions de la zone agricole provisoire. La confection des premiers plans provisoires démontre clairement l'impossibilité pratique de cerner tous les lotissements existants.

Cette correction doit s'opérer par un élargissement de la notion des droits acquis mis en application par les municipalités, surveillé par la commission de protection et contrôlé par les tribunaux de droit commun.

Nous entreprenons maintenant le chapitre des recommandations et nous tenons à signaler que ces recommandations sont fondées sur le droit au travail des employés, des entrepreneurs en lotissements et doivent être considérées comme transitoires afin de permettre la survie de ces entrepreneurs, le temps nécessaire à une réorientation réfléchie de l'aménagement.

La déstructuration de ces entreprises ne serait ressentie qu'après coup et handicaperait la capacité d'exécution du projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Nous laissons à la commission le soin de régler la plomberie législative si elle veut modifier le rôle et les pouvoirs de la commission de protection du territoire agricole.

Pour ce qui est des entrepreneurs en lotissement, nous formulons les recommandations suivantes: Que I article 1 du projet de loi identifie l'entrepreneur en lotissement et distingue les municipalités qui ont un règlement de zonage. Nous suggérons les définitions suivantes: "Entrepreneur en lotissement: une personne dont la principale source de revenus est le lotissement et dont la somme des lots pour lesquels elle a obtenu un permis de lotissement au cours des années 1976, 1977, 1978, n'est pas inférieur à deux cents.'' "Territoire réglementé: municipalité dont le territoire a fait l'objet d'un règlement de zonage. "

Permis de lotissement: autorisation municipale d'aménager un lot en le subdivisant sur présentation d'un projet de lotissement conforme au règlement de zonage." (23 h 30)

Nous suggérons également que la section IX du projet de loi, qui traite des droits acquis à l'ar-ticle 101, stipule: "Dans une municipalité où le territoire est réglementé, l'entrepreneur en lotisse-

ment peut, sans l'autorisation de la commission, aliéner, lotir et utiliser à une fin autre que l'agriculture un lot situé dans une région agricole désignée pourvu qu'il ait obtenu, avant le dépôt du projet de loi, un permis de lotissement. De plus, il peut obtenir un permis de lotissement pour un nombre de lots égal à la moyenne annuelle du nombre de lots pour lesquels il a obtenu un permis de lotissement, cette moyenne anuelle étant calculée en faisant la somme du nombre de lots compris dans les permis de lotissement obtenus pour les années 1976, 1977 et 1978. Les droits acquis de l'entrepreneur en lotissement le sont également pour ses ayants droit."

Vous priant de croire que ce mémoire et ces recommandations ont été formulés avec lobjecti-vité que commande la responsabilité que nous ressentons envers tous ceux qui seront affectés par cette loi, nous vous prions d agréer I'expression de notre très haute considération.

Le Président (M. Boucher): Merci, Me Char-trand. M. le ministre.

M. Garon: Je veux remercier M. Chartrand d avoir présenté son point de vue. Je pense que son mémoire est clair. Je n'ai pas besoin de poser de question additionnelle puisque je comprends exactement la portée et la signification de son mémoire. Merci beaucoup.

M. Lavoie: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: ... si je comprends bien, M. Chartrand, combien de projets de lotissement avez-vous, en ce qui vous concerne?

M. Chartrand (Jean-Yves): Nous autres, on a deux projets distincts.

M. Lavoie: A quel endroit?

M. Chartrand (Jean-Yves): A La Plaine et à Saint-Lin dans le comté de L'Assomption. Il y en a un à La Plaine qui doit comprendre 2000 lots. Parmi ceux-là, il y en a peut-être 400 qui sont en promesse de vente, donc ils sont gelés et on en a peut-être quelques centaines d'autres qui sont à vendre et qu on ne peut vendre qu à un seul. Dans lautre projet, on parle d environ 600 lots.

M. Lavoie: A Saint-Lin.

M. Chartrand (Jean-Yves): Ce sont à peu près les mêmes chiffres qui ressortent.

M. Lavoie: Combien de lots à Saint-Lin?

M. Chartrand (Jean-Yves): 600 lots en tout. Parmi eux, on peut parler d environ 300 — disons, pas tant que cela — 200 d'enregistrés au bureau d'enregistrement, 200 sous promesse de vente et 200 qu on ne peut vendre qu à un seul.

M. Lavoie: Dans le cas de La Plaine, votre projet de lots a-t-il suivi tout le processus normal avec le conseil municipal, pour le plan d aménagement, larpentage, le tracé de rues, des rues construites?

M. Chartrand (Jean-Yves): II y a plusieurs lots... On peut arriver dans une rue, les plus nouvelles, où on a 50 lots dans la rue, 25 maisons de bâties et des lots intermittents où il n y a pas de maisons de bâties, qui sont en promesse de vente ou à vendre et tout cela est gelé. Mais les rues sont faites, les services d électricité et de téléphone sont là. Il y a d autres lots où les rues sont faites, mais où l'électricité n est pas encore installée.

M. Lavoie: Si je comprends, ces lots ont les services d aqueduc ou quoi?

M. Chartrand (Jean-Yves): A Iheure actuele, il y a des fosses septiques et puis...

M. Lavoie: Non, l'aqueduc?

M. Chartrand (Jean-Yves): Non, des puits artésiens.

M. Lavoie: Puits artésiens. M. Chartrand (Jean-Yves): Oui. M. Lavoie: Et des fosses septiques. M. Chartrand (Jean-Yves): C'est cela.

M. Lavoie: Et cela, c est reconnu par le ministère de...

M. Chartrand (Jean-Yves): De I'environnement. Il y a des ententes avec les municipalités à savoir que ce sont des lotissements qui sont "desservables", c est-à-dire que premièrement, il y a dix pieds de sable, donc les conditions filtrantes et d épuration des eaux usées sont optimales. La dimension des lots a été prévue pour I implantation d'un aqueduc quand la densité sera acceptable. D ailleurs, à La Plaine, il en est peut-être question pour le printemps. Mais même là, on na pas d égout et on n'a pas prévu d'en avoir parce que...

M. Lavoie: Non, d'accord. Parce que si la superficie d un lot est assez grande, il peut y avoir des fosses septiques avec des drains. Mais ce que je vous demande, c'est si vous avez suivi toutes les formalités exigées par les municipalités, par les ministères du Québec, pas de lOntario, du Québec.

M. Chartrand (Jean-Yves): Oui.

M. Lavoie: D aménagement et tout. Et si je comprends bien, actuellement, vos transactions sont toutes gelées.

M. Chartrand (Jean-Yves): Non seulement cela, mais notre marge de crédit est gelée et nos fi-

nanciers ne veulent pas nous attendre, de leur côté.

M. Lavoie: En plus de cela, vous avez des gens, j'imagine, qui ont des lots achetés sous promesse de vente et qui ont bâti.

M. Chartrand (Jean-Yves): Oui.

M. Lavoie: Qui ont donné une plus-value au terrain?

M. Chartrand (Jean-Yves): Effectivement.

M. Lavoie: Et eux, ils n'ont pas de titre de propriété parce qu ils n ont pas fini de payer le terrain.

M. Chartrand (Jean-Yves): C'est cela.

M. Chartrand (Philippe): Je tiendrais à signaler que j'ai reçu une lettre de la municipalité qui m'enjoint de payer $16 000 de taxes.

Une Voix: $32 000 de taxes.

M. Chartrand (Gilles): $32 000, mais il y en a $16 000 payés, sinon ils ont le droit de faire vendre les lots.

M. Lavoie: Ils ont le droit, oui, en vertu de la Loi des cités et villes, de faire vendre les lots.

M. Chartrand (Philippe): C'est l'article 427.

M. Chartrand (Gilles): Une petite parenthèse, si vous me permettez.

C'est un point de vue que j'aimerais souligner, à la suite de l'intervention hier de l'Association des constructeurs du Québec. Il est vrai que les plus gros d'entre eux ont leur propre stock de terrains, mais il existe des constructeurs plus modestes qui se fient sur des entrepreneurs comme nous pour leur fournir des stocks de terrains. C'est une petite parenthèse que je voulais faire entrer. C'est sûr que les gros constructeurs ont bien souvent leur propre stock de terrain mais les plus petits se fient sur des gens comme nous qui sont spécialisés en lotissement, et leur stock de terrains c'est nous qui leur fournissons.

M. Lavoie: Vos terrains, si je comprends bien, ont une superficie plus grande que les terrains qu'on trouve dans les zones urbaines, c'est-à-dire que vos terrains individuels ont de 10 000 à 15 000 pieds. Cela veut dire que les coûts d'infrastructure qui sont très élevés dans les municipalités, vous n'avez pas cela, parce qu'il y a une fosse septique qui élimine et vous avez un puits artésien.

M. Garon: C'est pas mal plus que cela.

M. Lavoie: Tout dépend. Je n'étais pas arrivé dans ces détails.

M. Chartrand (Gilles): Cela dépend beaucoup de la nature du sol. Si la nappe phréatique est assez basse et nous, nous sommes dans des terres de sable, à ce moment-là, l'épuration des eaux, il n'y a aucun problème. Ce n'est pas comme quelqu'un qui construit sur la glaise.

M. Lavoie: C'est sûr que cela peut permettre des lots plus grands. Dans les milieux urbains, cela coûte $120 le pied linéaire de coût de construction pour les services d'égout et tout cela. Ces personnes qui achètent ces lots bâtissent des maisons ou font bâtir; ce sont des maisons de quelle valeur environ?

M. Chartrand (Jean-Yves): Sur un des lotissements il n'y a que des maisons mobiles et un autre, c'est une section homogène de bungalows et une section homogène de maisons mobiles. Dans la section des bungalows, cela varie entre $27 000 à $35 000, $40 000.

M. Lavoie: Votre projet de maisons mobiles est également approuvé selon les règlements municipaux et tout. M. le ministre, ce que je vous proposerais, je ne le sais pas. Il y a des gens qui peuvent faire des faillites monumentales dans des cas comme cela. Ces gens ont investi de bonne foi et ils n'ont pas volé personne. Ce sont des commerçants en terrains, comme il y a des commerçants en grains et en blé d'Inde et en animaux. Ils ont acheté des terres.

M. Garon: Ils sont venus me rencontrer dans ma tournée à Joliette en septembre.

M. Lavoie: Je vais vous faire une suggestion. Ces gens ont respecté toutes les lois.

M. Garon: Je vais faire la suggestion qu'on l'étudiera article par article.

M. Lavoie: Non, je voudrais la faire; cela ne prendra pas de temps, ma suggestion, et je pense qu'elle va être constructive. Il y en a des cas comme cela. Ces gens peuvent subir...

M. Garon: J'y répondrai quand on en fera l'étude, article par article.

M. Lavoie: Je vais vous en faire une quand même.

M. Garon: Ce n'est pas vrai!

M. Lavoie: Bon... Quand même, il n'y en a pas 100 000 au Québec, de ces cas. Ce sont des gens de bonne foi qui ont investi légalement, suivant toutes les formalités municipales, de tous les ministères et tout. Vous avez un pouvoir, en vertu de la loi, l'article 37. Ces gens ont fait accepter par les municipalités, par les gens du milieu, par les autorités municipales, ce que vous n'avez pas voulu consulter. Pourquoi, en vertu de l'article 37,

n'envoyez-vous pas un inspecteur de votre ministère. Vous en avez des inspecteurs de votre ministère, des gens qui ont collaboré à la loi pour des cas d'espèces comme cela. Si on leur prend une journée ou deux ou trois pour aller rencontrer la municipalité, vérifier si on a vu tous les permis municipaux, s'ils ont respecté toutes les lois du ministère de l'environnement et tout; vous avez droit, en vertu de l'article 37, de modifier votre plan. Je ne vous demande pas 100 000 cas; il y a des cas dans Saint-Lin et dans La Plaine et d'autres qui vous feront... et cela ne fera pas de tort aux terres agricoles parce que ces terrains ne deviendront jamais terres agricoles.

M. Mercier: On revient sur cette question depuis déjà quelques reprises au cours de la soirée. Nous ne sommes pas ici...

M. Lavoie: II n'y a plus de liberté ici! Allez-vous nous enlever... vous enlevez les biens à ces gens; vous ne m'enlèverez pas le droit de parole!

M. Mercier: Ce n'est pas le but de cette commission, alors, je demande qu'on en revienne à la pertinence.

M. Lavoie: M. le Président, est-ce que mes propos sont pertinents, ou non?

Le Président (M. Boucher): M. le député, avez-vous terminé votre intervention?

M. Lavoie: Je m'adresse à M. le ministre.

Le Président (M. Boucher): Je remarque, M. le député de Laval, que M. le ministre a déjà donné une réponse sur la première question que vous avez posée. En avez-vous une autre?

M. Lavoie: C'est une suggestion que je fais... je termine, vous répondrez après cela.

Je fais une suggestion positive. Vous envoyez un inspecteur d'ici à une semaine, parce que la loi ne sera pas adoptée avant au moins une semaine encore, ou dix jours; disons une semaine. Vous envoyez un inspecteur pour des cas comme ceux-là. Vous vérifiez avec toures les autorités, les ministères de l'environnement, des Affaires municipales, les municipalités de la Plaine ou de Saint-Lin, que cela ne deviendra jamais zone agricole. Ces gens, s'ils sont obligés d'attendre un an ou deux avant que la commission se mette en marche et fasse le plan final, peuvent être en faillite, et bien des fois. Il y a même des gens, d'autres, pas seulement eux, des Québécois ordinaires, qui ont acheté, qui ont bâti une maison et qui ne pourront pas avoir d'hypothèque parce qu'ils n'ont pas de titres. Vous comprenez mon point de vue?

M. Mercier: M. le Président, je voudrais poser des questions aux intervenants. C'est le but de la commission, alors je demande l'application du règlement. Si on est pour faire des commentaires de ce genre...

M. Lavoie: Est-ce que je respecte le règlement ou non?

M. Mercier: ... au ministre, je demande le droit de poser des questions.

Le Président (M. Boucher): Très bien, M. le député de Berthier. M. le député de Laval, vous avez fait votre suggestion deux fois, si j'ai bien remarqué. Est-ce que vous voudriez terminer pour que le ministre vous réponde?

M. Lavoie: M. le ministre, vous envoyez des inspecteurs, s'ils ont tout respecté en vertu de l'article 37... Vous amendez votre plan avant la troisième lecture, vous éliminez ces lotissements de votre zone, de votre territoire désigné zone agricole — même pas aire, c'est toute l'annexe; non, de l'aire.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Garon: Voulez-vous, je vais vous dire la meilleure façon. Au lieu de faire traîner la commission en longueur inutilement, qu'on entende tous les mémoires, qu'on fasse l'étude article par article rationnellement, qu'on adopte la loi et la commission va être formée. A ce moment, M. Philippe Chartrand Inc. pourra faire une demande à la commission immédiatement après la formation de la commission, en vertu de l'article 43, expliquer tout le problème qu'il a exposé ici, demander une exclusion en vertu de l'article 43 et indiquer la nouvelle utilisation qu'il veut faire du terrain. A ce moment, la commission va pouvoir entendre sa demande.

M. Chartrand (Gilles): M. le ministre, est-ce que je peux faire un petit commentaire? Je suis d'accord avec vous. Les constructeurs du Québec vous ont expliqué le processus de lotissement qui est très long. Il faut prévoir trois ans à l'avance, on a des travaux en cours. Si vous pouvez me certifier — ce n'est pas une question de jours, j'en conviens — que d'ici à un mois ou deux on peut régler notre problème, il n'y a pas de problème. Mais si cela traîne pendant six mois ou un an, à ce moment...

M. Garon: Au fond, cela va dépendre...

M. Chartrand: Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire.

M. Garon: Cela va dépendre un peu de la rapidité de l'Opposition à adopter le projet de loi.

M. Lavoie: Je ne répondrai même pas à des stupidités de la sorte.

M. Baril: Non, il n'y a rien à dire.

M. Chartrand (Jean-Yves): M. le ministre...

M. Garon: Immédiatement, je puis vous dire

que la commission va être formée. Les gens, surtout dans votre cas, M. Chartrand, qui êtes venu nous rencontrer à Joliette lors de notre tournée de consultation... Vous revenez aujourd'hui, vous avez l'air de vous occuper de votre affaire drôlement.

Mme Chartrand (Marie-Paule): On est concernés.

M. Garon: Je le sais. J'ai l'impression que la première demande qui va entrer à la commission sera la vôtre et la commission, qui traitera les demandes d'exclusion, va procéder assez rapidement.

M. Chartrand (Jean-Yves): Est-ce que vous pourriez m'expliquer pourquoi on aurait à attendre ce délai?

M. Garon: Parce qu'il n'y a pas de commission actuellement.

M. Lavoie: Vous ne pouvez pas vous servir de l'article 37 que vous avez prévu dans le projet de loi?

M. Garon: M. le député de Laval, je ne peux pas régler les cas un par un. Si on siège de 10 heures à minuit, comment voulez-vous qu'on règle les cas?

M. Chartrand (Jean-Yves): Au niveau des droits acquis.

M. Garon: La section des droits acquis, quand cela s'applique, quand il s'agit vraiment de droits acquis.

M. Chartrand (Jean-Yves): Non, mais une modification qui permettrait aux entrepreneurs en lotissement qui avaient des projets approuvés avant le dépôt du projet de loi débloquerait tout. (22 h 45)

M. Garon: On n'est pas rendu là. Actuellement, on entend les mémoires de ceux qui présentent des suggestions concernant la loi. Une fois que les mémoires auront tous été entendus, à ce moment, on va commencer l'étude de la loi article par article. Quand on aura terminé, il va y avoir des amendements sans doute de proposés. Il y en a qui vont être adoptés, il y en a d'autres qui ne seront pas adoptés. Après cela, on va aller en troisième lecture, puis la sanction par le lieutenant-gouverneur et là, la loi va être en vigueur telle qu'amendée au cours de l'étude article par article.

M. Chartrand (Jean-Yves): M. le ministre, nous sommes prêts à vous donner notre entière confiance. J'ai parlé avec votre avocat qui m'a rassuré un peu en disant qu'on n'attendrait pas un ou deux ans avant...

Mais, je veux que vous compreniez que pour nous, c'est notre vie qui est en jeu et le coefficient du temps est très important pour pouvoir s'aligner ou se "réaligner".

M. Lavoie: Est-il exact, M. le ministre, que votre commission devra également négocier autant avec ces gens qu'avec plusieurs municipalités parmi les 614 qui ont des cas...?

M. Garon: Oui, mais normalement, une commission... Il va y avoir des analystes qui vont commencer à travailler avec les gens. A ce moment, les rapports vont arriver, la commission va commencer à étudier les cas individuels. Il y a beaucoup de cas qui vont pouvoir aller très rapidement dès la formation de la commission, tandis que vis-à-vis des municipalités... La municipalité qui va recevoir un avis, j'ai l'impression qu'elle n'arrivera pas en 24 heures pour présenter son projet immédiatement. Il y en a un certain nombre, mais je pense bien que le CRO est plus prêt qu'un autre. Je pense qu'il y en a qui vont aller plus rapidement que d'autres, possiblement Laval.

M. Lavoie: Oui, les représentais de Laval vont venir demain.

M. Garon: Alors, à ce moment, il y a des municipalités qui vont être plus rapides. Les demandes des individus vont être traitées, je pense, beaucoup plus rapidement.

M. Lavoie: Une dernière question. Comment prévoyez-vous d effectifs dans votre commission, vos analystes et tout cela, pour aller visiter et régler tous ces cas assez urgents? Quels sont les effectifs que vous avez soumis au Conseil du trésor?

M. Garon: On vous racontera cela plus tard.

M. Lavoie: Non, mais est-ce qu'on peut savoir combien il va y avoir...

M. Garon: Là, on entend les mémoires et plus tard, on étudiera cela.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Je veux juste indiquer au ministre que nous avons encore ce soir une preuve évidente et vivante du manque de vision que vous avez eu, à savoir, de ne pas avoir institué une commission provisoire pour prendre charge de ces cas.

M. Garon: On a vu tout cela, mais on ne vous a pas fait confiance pour adopter la commission provisoire rapidement.

M. Dubois: C'est cela, vous ne faites confiance à personne.

La question d'une commission aurait pu être discutée en une soirée à l'Assemblée nationale et cela aurait réglé tous ces problèmes.

M. Garon: Parfois, une proposition d'ajournement dure trois heures; alors, il n'y a pas moyen.

M. Dubois: Quand ce sont des cas urgents et qu'on les reconnaît, on est là pour faire notre travail.

M. Garon: Si, dans tous les cas où l'Opposition donne sa parole, elle la respectait, on aurait pu faire une entente sur une commission provisoire.

M. Dubois: Vous allez faire souffrir un paquet de compagnies au Québec.

M. Lavoie: Ecoutez, vos petites attaques, là...

M. Baril: Vous étiez prêts à attendre deux mois parce que cela ne dérangeait rien dans leurs affaires.

M. Lavoie: Est-ce que le député de Huntingdon me permettrait une question?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon, vous avez la parole.

M. Dubois: Je veux juste rajouter qu'il y aura seulement une commission, tel que le ministre le prévoit. Pour une commission, il va peut-être y avoir 10 000 cas à traiter dans le premier mois ou elle va siéger. Je me demande comment elle va faire pour donner un service rapide à des compagnies comme celles-là. Le ministre est peut-être très optimiste, mais moi, je ne le vois pas d'une façon optimiste en ayant une seule commission. Elle aura tellement de cas à traiter que ces gens-là auront à attendre; veux ou veux pas, ils auront à attendre.

M. Lavoie: Est-ce que le député de Huntingdon me permettrait une question?

M. Dubois: J'ai fini.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Huntingdon.

M. Lavoie: Ne croyez-vous pas...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie:... M. le député de Huntingdon, que l'article 37, si le ministre voulait s'en servir...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval, vous devez poser votre question au président, s'il vous plaît.

M. Lavoie: Par votre entremise.

Le Président (M. Boucher): Cela a l'air d'un dialogue entre deux députés, là.

M. Lavoie: Elle s'adresse au député de Huntingdon par votre entremise, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député.

M. Lavoie: Là, je ne sais plus vers qui me tourner.

Le Président (M. Boucher): Posez-la moi.

M. Lavoie: M. le député de Huntingdon, ne croyez-vous pas que l'article 37 pourrait servir au ministre, s'il voulait s'en servir — de la commission provisoire dans ce cas-ci — pour dégeler certains cas spécifiques où il y aurait des dommages sérieux subis?

M. Mercier: Question de règlement.

M. Lavoie: J'ai posé une question au député par votre entremise, M. le Président.

M. Baril: Ce n'est pas le temps de discuter article par article. Le député de Laval doit connaître le règlement plus que n'importe qui.

M. Dubois: J'aimerais répondre à cette question.

M. Garon: Envoyez-le donc témoigner!

Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres intervenants?

M. Lavoie: J'aimerais avoir une réponse du député de Huntingdon.

M. Dubois: Oui, j'ai une réponse à donner. J'ai posé cette question à un autre ministre il y a quelques jours et il m'a dit: "Ce n'était pas un problème, dans des cas majeurs et très urgents, on verra à débloquer". Je ne nomme pas personne, mais cela m'a été dit par un autre ministre.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: En tout cas, je vais revoir ce ministre pour qu'il puisse parler au ministre de l'Agriculture.

M. Lavoie: ... le ministre Léonard.

Le Président (M. Boucher): Comme il n'y a pas d'autre intervenant... S'il vous plaît!

M. Mercier: Un instant, s'il vous plaît. J'ai une question à poser.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Berthier.

M. Mercier: Vous parlez, dans votre mémoire, de territoire réglementé. Vous dites "la municipalité dont le territoire a fait l'objet d'un règlement de zonage"; si je comprends bien, vous excluriez les municipalités de l'application de la loi.

M. Chartrand (Jean-Yves): Non, non. Les municipalités qui ont un règlement de zonage, dont certains entrepreneurs sont engagés pour

travailler à l'intérieur de ce règlement de zonage ont demandé des permis de lotissement, ont des lotissements en cours. C'est cela que je voudrais qui soit exclu. Toutes ces choses se sont faites selon ce que l'ancienne loi demandait. Ce sont des cas, d'après moi, évidents de droits acquis. Il serait facile de dire...

Les municipalités qui ont des règlements de zonage et les entrepreneurs qui ont demandé des permis de lotissement avant le dépôt du projet de loi, qu'on leur reconnaisse un droit acquis. J'exclus les municipalités qui n'ont pas de règlement de zonage parce que, quand elles n'en ont pas, c'est là qu'on a de l'éparpillement et tout ce que vous voulez. J'exclus même les territoires zonés, mais non aménagés, où le processus n'est pas engagé.

Mais je dis que là où il y a du zonage et où le processus était engagé avant le dépôt du projet de loi, pourquoi ne pas reconnaître les droits acquis? Pourquoi faut-il attendre de comparaître devant la commission? Ce serait expéditif, cela enlèverait tout ce travail aux commissaires qui vont certainement avoir une charge incroyable à supporter, et je dirais que ce sont probablement des cas qui vont tous faire reconnaître leurs droits acquis. Pourquoi ne pas le faire en l'écrivant dans la loi et permettre à la commission de protection de voir aux autres cas urgents?

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Berthier, au nom de tous les membres de la commission. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie Me Chartrand ainsi que sa famille pour le mémoire qu'ils nous ont présenté..

M. Chartrand (Philippe): J'aurais une question additionnelle à poser à M. le ministre.

Le Président (M. Boucher): Oui, M. Chartrand.

M. Chartrand (Philippe): Le type qui a dépensé $200 000 pour développer une terre, est-ce qu'il a $200 000 de droits acquis?

M. Garon: Le droit acquis est une notion bien connue en droit, mais le lotissement ne confère pas un droit acquis. C'est l'utilisation de la terre qui donne un droit acquis.

M. Chartrand (Jean-Yves): Mais l'entrepreneur en lotissement utilise sa terre en la développant et le fondement même du droit acquis est une question d'équilibre des inconvénients. J'ai fait des recherches sur les droits acquis et c'est l'équilibre des inconvénients qui doit jouer.

M. Lavoie: Je ne ferai pas d'interprétation légaliste, mais je vous dis que tout le monde a droit à une certaine justice. Le ministre n'a pas le droit de causer des dommages comme il va en causer!

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Chartrand.

M. Chartrand (Jean-Yves): Nous vous remercions et nous espérons être considérés avec sympathie.

Le Président (M. Boucher): J'appellerais maintenant la Chambre des notaires du Québec, représentée par M. Jean-Marie Tétreault, notaire.

Chambre des notaires du Québec

M. Kimmel (Earl): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, malheureusement, Me Jean-Marie Tétreault n'est pas ici ce soir, mais nous avons une délégation de notaires composée de Me Gaston Paradis, notaire de Québec et conseiller juridique à l'Office du crédit agricole; Me Gisèle Archambault, recherchiste au service de recherche de la Chambre des notaires; Me Henri Cossette, notaire de Québec, membre du comité de législation de la chambre; M. Jean-Marc Audet, notaire et membre d'un comité ad hoc du comité de législation chargé d'étudier le projet de loi no 90 et moi-même, le notaire Earl Kimmel, président du comité de législation de la Chambre des notaires

Nous désirons féliciter la commission parlementaire de nous avoir reçus ce soir malgré l'heure tardive. Nous désirons également féliciter le gouvernement du principe du projet de loi no 90, avec lequel nous sommes entièrement d'accord.

Lors d'une tournée du ministre Garon à Montréal, nous avons parlé de certains principes au sujet de ce projet de loi sur lesquels nous ne voulons pas revenir, mais nous voudrions maintenant parler de certains points d'ordre très technique et très précis.

Malheureusement, le temps ne nous a pas permis de préparer un mémoire écrit à ce sujet, mais, avec votre permission, je voudrais demander au notaire Jean-Marc Audet d'exposer notre point de vue.

M. Audet (Jean-Marc): Nous allons procéder par deux étapes distinctes, en commençant par un préambule. Ensuite nous pourrons regarder ensemble quelques articles de la loi.

Vous savez que le fondement de notre droit civil est basé sur le droit de propriété et, historiquement, ce droit de propriété était un droit immobilier. En gros, le droit de propriété était illimité, absolu, total et se définissait dans deux articles différents: l'article 406 du Code civil qui dit que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements; et l'article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne qui dit que toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.

Il est certain que, dans le cas présent, la Loi sur la protection du territoire agricole constitue une exception qui, à notre avis est historiquement fondamentale. Je pense que depuis la promulgation du Code civil en 1866, on a rarement eu l'occasion

de discuter d'une loi à portée immobilière d'une façon aussi étendue et aussi profonde.

D'autre part, ce droit immobilier a été appliqué quotidiennement par les notaires qui sont, comme vous le savez, des hommes de loi qui ont une formation juridique et qui font des contrats. Ils ont à donner des opinions juridiques et ce soir nous nous sommes rendu compte que des intervenants sont venus ici vous demander des avis à portée légale et vous avez tous réalisé qu'il est extrêmement difficile de donner des avis d ordre juridique.

Vous comprendrez que tous les notaires qui exercent, dans la région zonée agricole, auront chaque jour à répondre à énormément de questions; à savoir à qui peut-on aliéner un bien immobilier? Quand pourra-t-on l'aliéner? Qu'est-ce qui sera aliéné? Comment pourra-t-on l'aliéner? Par qui ce bien pourra-t-il être aliéné, etc.? Autant de questions qui suscitent autant d'interrogations et non pas autant de réponses.

Si le notaire est un spécialiste en droit immobilier, il a pour principale fonction de vérifier les titres de propriété; il a comme mandat l'obligation de certifier la validité des titres de propriété, surtout en droit immobilier. Le but de I'examen des titres qu'il fait est de retrouver la certitude juridique.

Lorsque nous en venons à la lecture de cette Loi sur la protection du territoire agricole, nous nous rendons compte qu'il y a beaucoup d'exceptions au droit normal de propriété immobilière. Il y aura nécessité d'obtenir, très souvent, soit des approbations, soit des confirmations, soit des autorisations de la part d'une commission qui sera formée incessamment.

Nous voulons formuler le voeu qu'au sein de cette commission il y ait au moins un notaire, ne serait-ce que pour établir une jurisprudence en droit immobilier, que pour uniformiser les opinions juridiques, que pour guider davantage les notaires de la pratique privée. Nous soutenons aussi qu'il serait infiniment souhaitable que dans le personnel de votre contentieux, on retrouve un ou plusieurs notaires qui s'y comprennent en droit immobilier et qui vont réussir à renseigner d'une façon pertinente les praticiens du droit qui auront à subir bien souvent les foudres de leurs clients à cause, justement, de la nouveauté de la loi.

M. Garon: Cela dépend. On a un notaire, avec nous autres, à longueur de journée...

M. Lavoie: Je voudrais dire au ministre que je ne suis pas candidat à la commission parce que je suis déjà pas mal occupé à vous surveiller.

M. Garon: Si tous les notaires ont de la misère à comprendre la loi comme lui en a, je ne sais pas si on va prendre un notaire, pour moi on va prendre un avocat.

M. Lavoie: Mes confrères, là-bas, ont-ils le droit de soulever une question de privilège pour me défendre? (Minuit)

Le Président (M. Boucher): Nous sommes à Iheure de l'ajournement.

M. Garon: Sans malice.

M. Lavoie: Vous avez de ' humour.

Le Président (M. Boucher): Excusez-moi, M. le député de Laval. Nous sommes à Iheure de l'ajournement et, suivant le règlement sessionnel, nous devons ajourner à minuit. Est-ce que vous êtes disposés à revenir demain?

M. Kimmel: Nous sommes deux de Montréal et un de Sherbrooke. Ce serait bien difficile pour nous de revenir demain. Vu que nous n'avons pas de mémoire à lire, y aurait-il moyen de prendre une demi-heure de votre temps seulement pour présenter nos points très précis et très techniques?

M. Garon: Je suis bien prêt.

M. Lavoie: Je voudrais bien être agréable. Je m'excuse mais nous siégions actuellement de dix heures du matin jusqu à minuit et, hier soir, nous avons siégé à l'Assemblée nationale jusqu à trois heures du matin.

M. Baril: C est votre faute.

M. Lavoie: Je dois vous dire que nous ne réussissons pas tout le temps à améliorer les lois même jusqu'à trois heures le matin avec tous les efforts qu'on peut y apporter. J aurais plusieurs questions à poser sur les implications de ce projet de loi sur le droit de propriété aux représentants de la Chambre des notaires. Je ne pense pas que dans une demi-heure, on pourrait vider la question. Je pense que ce projet de loi a trop d'implications. Il ne faudrait pas qu on en brusque l'étude et je voudrais apprécier davantage la contribution de la Chambre des notaires.

M. Garon: Pour être agréable aux notaires, je serais prêt à faire durer la séance le temps qu'il faudrait.

Le Président (M. Boucher): Je vois qu'il n y a pas consentement et je me vois forcé...

M. Baril: Pas de consentement.

M. Lavoie: Ce n'est pas une question entre notaires; il s agit...

Le Président (M. Boucher): ... d'ajourner les travaux de la commission sine die. Est-ce qu il y aurait possibilité tout de même demain que vous puissiez avoir un ou deux représentants?

M. Kimmel: A quelle heure?

Le Président (M. Boucher): Après la période des questions, vers onze heures.

M. Kimmel: La période des questions à l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Boucher): Pardon?

M. Kimmel: La période des questions à l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Boucher): Après la période des questions à l'Assemblée nationale, il y aura convocation des commissions parlementaires.

M. Kimmel: C est vers onze heures demain matin?

Le Président (M. Boucher): Vers onze heures.

M. Garon: Vous allez voir toutes les drôles de questions qu'on se fait poser.

M. Kimmel: Est-ce qu'on sera les premiers?

Le Président (M. Boucher): Certainement, on continuera ce que vous avez commencé ce soir.

M. Kimmel: D'accord.

Le Président (M. Boucher): Alors, merci. La commission ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 0 h 5

ANNEXES

Philippe Chartrand Inc. 325 Boul. Laurier, La Plaine, Co. L Assomption. P.Q. JON IB0

Le 30 octobre 1978

Prospective d'aménagement pour la rive nord de Montréal dans le cadre des

politiques du ministère des Affaires municipales, du ministère de l'agriculture et du

ministère d'Etat à l'aménagement du territoire

M. Jacques Parizeau

Député Ministre du Comté de l'Assomption 555, Notre-Dame suite 218

St-Paul l'Ermite, Québec

J5Z 3B5

Politique du ministère des Affaires municipales M. Guy Tardif, ministre

Le conseil exécutif du gouvernement du Québec en date du 19 mai 1976 confiait au ministère des Affaires municipales le mandat de présenter les éléments clefs d'une politique générale d'aménagement urbain pour la région de Montréal. La direction générale de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire du MAM a conséquemment soumis le rapport sur l'urbanisation dans la conurbation montréalaise au mois d avril de l'an 1977. Cette étude porte sur les agglomérations de la région de Montréal dont le découpage apparaît en annexe à la carte 1.

Les recherches de la D.G.U. font ressortir les tendances des dernières années et la situation actuelle de la conurbation de Montréal. Elles dégagent les perspectives de développement en 1986 selon les tendances constatées et proposent une orientation de concentration et de consolidation dans la partie centrale de la conurbation soit l'Ile de Montréal, le sud de Laval ainsi que Longueuil.

Le rapport propose également de restreindre le développement dans les agglomérations périphériques et l'arrêt de l'urbanisation en dehors des agglomérations.

Une des tendances lourdes que dégage l'étude est la régression de la population dans la partie centre de l'Ile de Montréal depuis 10 ans, l'augmentation de la population dans les autres parties de l'Ile à un rythme plus lent que celui des années 60, un fléchissement du taux de croissance dans les secteurs de Laval et dans la partie ouest de l'Ile de Montréal et finalement dans les secteurs nord et sud, un rythme de croissance qui est le triple de celui de la conurbation.

Ces tendances du taux de croissance de la population dans les différentes parties de la conurbation montréalaise reflètent le désir de la population pour un développement à faible densité. Le concept: un terrain, une maison, étant un rêve chéri par la très grande majorité des familles québécoises.

Cette tendance témoigne également à notre avis, d'une réaction au coût imposé aux propriétaires fonciers de la communauté urbaine de Montréal engendré par les normes de viabilisation des terrains de même que les coûts commandés par les 5000 policiers, les 8000 cols bleus et autant de fonctionnaires jugés nécessaires pour desservir la population.

Au niveau du transport, le réseau routier est jugé adéquat dans sa forme actuelle à quelques exceptions près. Toute extension du réseau des autoroutes étant déconseillée parce que favorisant l'étalement de l'urbanisation.

Ce rapport fait état des difficultés énormes à rentabiliser les systèmes de transport en commun. On estime que les équipements de transport collectif sont rentables dans les bassins de desserte ayant une densité d'au moins 50 personnes à l'acre. Un des moyens suggéré afin d'éviter l'avance inexorable de la congestion sans faire des investissements massifs dans les transports en commun ou dans l'extension du réseau autoroutier serait de créer des conditions favorables à la décentralisation de l'emploi. Non seulement éviterait-on d'avoir à construire les ponts ou les tunnels très coûteux que l'automobile ou le métro doit emprunter pour atteindre les concentrations d'emplois actuels, mais il s'en suivrait sans doute une meilleure utilisation de l'ensemble du réseau routier.

L orientation retenue par le rapport sur l'urbanisation dans la conurbation montréalaise est la concentration et la consolidation à Laval, Longueuil et Montréal (la ville en ville). Cette orientation bien que souhaitée par les technocrates ne tient pas compte de la réalité montréalaise en tant que métropole d'une région de fabrication. Nous référons ici à l'étude du Docteur Boisvert publiée dernièrement par le conseil économique du Canada:

"La correspondance entre le système urbain et la base économique

des régions canadiennes"

Docteur Michel Boisvert, Ph.D.

Professeur à l'institut d'urbanisme de l'Université de Montréal

Nous reprenons ici quelques passages de cette étude touchant la planification de la conurbation montréalaise.

Tout plan d'aménagement concernant la métropole montréalaise doit comprendre et encourager le rayonnement de la métropole. Au mieux, les politiques gouvernementales peuvent influer sur la direction actuelle du développement mais jamais elles ne réussiront à la renverser. Au pire, elles peuvent accélérer la régression économique.

Les activités de fabrication sont attirées par l'accessibilité au marché. La réduction des coûts de transport représentent un élément beaucoup plus important du coût total de production pour les industries de transformations que pour les industries de fabrications. Pour ces dernières, le transport représente aussi un facteur de localisation important mais cette fois, en raison du nombre élevé de fournisseurs (pour le processus d'assemblage) et des clients (pour un produit fini), ce sera sous la forme de moyens de transports et de communications à la fois rapides et diversifiés, deux caractéristiques qui exigent un fort volume d'utilisation métropolitaine.

On note que I aménagement du territoire peut faciliter ou nuire au développement de la région de fabrication.

Il est primordial: — Que la métropole régionale accentue encore sa domination dans le secteur quaternaire. Cette concentration bien qu'elle corresponde à un processus naturel requiert toutefois le support des divers niveaux du gouvernement. — Permettre aux régions de fabrications de rivaliser entre elles de manière équitable. —Encourager la diversification et un accroissement de la qualité des services dans les villes de taille intermédiaire situées dans l'Hinterland de cette métropole.

La présence d'un tertiaire supérieur de qualité impliquant en outre la mise en place d'une infrastructure de transport et de communication moins hiérarchisée devrait permettre la polynucléation grâce à une déconcentration orientée de la base économique, car même si les activités de fabrications exigent l'accès à un pôle de développement métropolitain et à un marché important, accessibilité ne signifie pas juxtaposition; d'autres facteurs de localisation propres à chaque catégorie d'activité de fabrication en effet vont dans le sens d'une déconcentration. La déconcentration des activités basiques de la région, comprenant à la fois les industries de transformations et celle de fabrications peuvent provenir d'une relocalisation d'un certain nombre d'usines actuellement situées dans la métropole mais plus encore de la sélection d'un site non métropolitain pour les nouvelles usines.

Dans une région de fabrication, il est important de disposer d'un centre métropolitain qui à la fois représente le marché important et remplisse les fonctions attendues d'un pôle de développement. Il n'est pas du tout impossible que la région de Montréal ne voit les activités de fabrication se déplacer encore davantage vers la région de Toronto et prendre prochainement un certain essor dans la région de Vancouver. De nombreux signes touchant la localisation du secteur quaternaire et la qualité relative des réseaux de transports disponibles en chaque cas sont venus alimenter ces dernières années un tel scénario.

I! apparaît indiscutable que l'expansion de la base manufacturière d'une région s'accompagne d'une plus grande concentration de la population dans les centres urbains. La métropole régionale joue un rôle intégrateur en région de fabrication. En région de fabrication, le rôle intégrateur joué par la métropole régionale lui impose une croissance beaucoup plus sélective qui permet aux centres urbains de son Hinterland de lui faire concurrence au niveau de la localisation des industries de fabrications. Il est donc important que l'avantage de localisation de chaque agglomération urbaine soit mise en évidence. Par exemple, comme la disponibilité de main-d'oeuvre à bas salaire représente un de ces

facteurs de localisations, il serait incohérent de considérer l'ensemble de la région de fabrication comme une entité homogène au niveau des conditions de travail. De même, s'il est nécessaire que la métropole régionale joue un rôle intermodal dans le domaine des transports, les terminus n'ont pas tous à se localiser dans cette métropole. Enfin, s'il est naturel que le secteur quaternaire lorsqu'il choisit de s'installer dans ce type de région, privilégie la métropole régionale et ce faisant, permet à toute la région une restructuration industrielle par l'augmentation de la part des activités de fabrications dans la base économique, il n'est pas sûr que la concentration du secteur quaternaire soit la mesure la plus importante dans la stratégie d'aménagement.

L'intensité des échanges intrarégionaux augmentent lorsque l'on passe de la région ressource à la région de transformation et à la région de fabrication; il est donc nécessaire de prévoir et de planifier cette expansion. La direction de ces échanges se modifie également puisqu'à un réseau composé d'un grand nombre de points de sorties et de tracés plus ou moins parallèles se substitue normalement un réseau beaucoup plus hiérarchisé centré sur la métropole régionale et que, rendu à l'étape de fabrication, les liaisons interurbaines manquantes, notamment celles qui n'impliquent pas la métropole régionale, doivent être mises en place.

Nous considérons à cet égard que le réseau autoroutier, de même que les tracés empruntés par le transport en commun dans la région de Montréal n'ont pas su s'adapter à cette réalité. Il n'existe pas de taille urbaine idéale, indépendante de l'environnement, mais il existe plutôt une correspondance entre les caractéristiques d'un système urbain et les conditions économiques d'une région, en particulier la base industrielle.

Le développement économique n'est possiblement que dans l'hypothèse d'une polarisation par une région de fabrication et n'est véritablement assuré que si cette dernière compte sur un pôle de développement dynamique. L'agglomération montréalaise a connu dans le passé une croissance remarquable et la part de la production provinciale qui s'y trouve localisée s'est accrue avec les années. Il est vrai aussi que malgré une croissance encore plus rapide de l'agglomération torontoise, le même phénomène de concentration à l'échelle de la province de l'Ontario ne s'est pas réalisé. Montréal et sa région doivent être comparés non pas au reste du Québec mais à Toronto et à sa région puisque c'est à une autre région de fabrication qu'il faut se référer pour en évaluer les performances.

Avec l'extension de la base manufacturière du Canada et la tertiarisation à laquelle nous avons assisté ces dernières années, il est normal que les premières régions à en bénéficier soient les régions de fabrications liées au bien fini et dotées de pôle de développement. Il est important dans une perspective de long terme de reconnaître que l'essor des régions ressources et celui des régions de transformations dépendent en grande partie du dynamisme du marché représenté par l'activité économique de la région de fabrication et surtout de l'efficacité avec laquelle la métropole de cette région remplie son rôle de pôle de développement. Il est indiscutable que Montréal continue de concentrer l'activité économique de manière excessive, eu égard à la déconcentration de l'activité économique à laquelle on doit s'attendre en région de fabrication. Ainsi, afin de favoriser l'essor économique du Québec, il est essentiel d'étudier la correspondance entre le système urbain et sa base économique et partant de favoriser l'essor des satellites péri-métropolitains en région de fabrication.

Dans cette optique, il nous paraît que le pôle de développement qui favorisera le plus le Québec est franc nord. Un pôle de développement sud étant limité par la proximité des frontières.

Enfin, cette prospective d'aménagement à l'immense avantage de valoriser les centaines de millions investis dans la dernière de nos supers voies de transports, l'autoroute 640 de même que la super aérogare de Mirabel. La jonction de la 640 et de la Transcanadienne (autoroute 40) devrait recevoir une attention prioritaire, de même que le prolongement de l'autoroute 19 vers le nord afin de favoriser un pôle de développement dynamique vers le nord.

Le prolongement du réseau de distribution du gaz de Montréal vers l'est du Québec proposé par la société TransCanada Pipelines à l'Office National de l'Energie le 4 avril dernier serait un atout majeur pour promouvoir le développement de cette stratégie.

L'implantation de l'usine de moteurs de General Motors à une importance cruciale. General Motors étant incontestablement le chef de file des multinationales. Cette implantation aura une influence déterminante sur les décisions non seulement des industries connexes mais sur toutes les industries de fabrications qui se fixeront sur ce choix.

Le développement de la base économique montréalaise en région de fabrication se fixera naturellement sur les voies de transports disponibles. Nous trouvons qu'il serait très dommageable de succomber aux propositions de technocrates qui ne manqueront pas de cerner d'avance d'une façon rigide les superficies à être urbanisées dans le futur. La délimitation rigide de ces aires viendront annuler l'avantage comparatif majeur du prix des terrains dans les régions montréalaises par la concentration de la spéculation dans un cadre restreint. Les premières victimes d'une telle politique seraient les entrepreneurs autochtones pour qui le prix du terrain est un facteur déterminant. Sans parler de toutes les agglomérations ainsi que des propriétaires qu'on empêche d'avoir un espoir d'avenir prometteur, ce qui est fondamentalement sain dans toute société.

Confiants que notre gouvernement adoptera des mesures qui tiennent compte de toute la réalité québécoise, nous vous prions d'agréer, M. le ministre, l'expression de notre très haute considération.

LES ENTREPRISES CHARTRAND Jean-Yves Chartrand

Le 30 octobre 1978

Prospective d'aménagement pour la rive nord de Montréal dans le cadre des politiques

du ministère des Affaires municipales, du ministère de l'Agriculture

et du ministère d'Etat à l'aménagement du territoire

M. Jacques Parizeau

Député Ministre du Comté de l'Assomption 555, Notre-Dame

Suite 218

St-Paul l'Ermite, Québec

J5Z 3B5

Politique du ministère de l'Agriculture M. Jean Garon, ministre

Le gouvernement du Québec annonce avec insistance le dépôt éminent d'un projet de loi sur la protection du territore agricole. Nous avions déjà présenté un mémoire dans le cadre de la consultation sur la protection du territoire agricole à Joliette, le 26 septembre 1978, nous vous remettons une copie du mémoire alors présenté avec la présente. Depuis la présentation de ce mémoire, nous avons continué nos recherches afin de bien comprendre les données avancées par le Ministère de l'Agriculture et croyons être en mesure de formuler une critique constructive à l'élaboration des politiques gouvernementales en gestation à ce niveau en ce moment.

Les données avancées par le Ministère de l'Agriculture estiment le territoire agricole de la province à l'heure actuelle à 9 000 000 d'acres. Par contre, le même Ministère de l'Agriculture en 1961 estimait le territoire agricole à 14 000 000 d'acres. Il va s'en dire que le 5 000 000 d'acres perdus est dû à 98% à l'abandon pur et simple de l'exploitation à des fins agricoles de ces sols. Notons à titre de l'exploitation que de 1964 à 1975 dans la conurbation de Montréal, la consommation de terrains pour fin d'urbanisation a été de 57 500 acres soit 1.14% du territoire soustrait du patrimoine agricole par le Ministère de l'Agriculture depuis 1961.

Il est important de souligner également que le chiffre de 9 000 000 d'acres de sol arable au Québec avancé par le Ministère de l'Agriculture ne tient pas compte des sols qui ont un potentiel agricole mais dont la mise en valeur implique des travaux mécaniques (défrichement). Ainsi le Ministère de l'Agriculture selon la carte consultée lors de la présentation de notre mémoire à M. Jean Garon, semble avoir calqué le patrimoine agricole de la province sur son périmètre défriché.

Nous comprenons que la proximité d'un marché est un avantage appréciable pour une production agricole. Mais à notre avis, il faudrait considérer l'impact régressif du zonage agricole sur la base économique de la région de Michel Boisvert présentée par le conseil économique du Canada: "La correspondance entre le système urbain et la base économique des régions canadiennes" que nous avons abondamment commentée dans notre critique des politiques du Ministère des Affaires Municipales.

Ce que nous tenons à souligner primordialement est que tout plan de zonage agricole doit nécessairement être basé sur une étude pédologique. Nous retrouvons en annexe à la carte 3 un classement des milieux agricoles pour la conurbation montréalaise. Nous y constatons que tous les sols de catégorie A à croissance accélérée se retrouvent sur la rive sud de la conurbation soit Vaudreuil, Ile Perrot, Châteauguay, St-Rémi et Laprairie. Ensuite les sols à croissance normale composent 80% des sols restant dans la partie sud de la conurbation montréalaise et une partie des sols de la rive nord notamment à Laval, Repentigny et l'Assomption. On y constate également une forte concentration des sols pauvres, catégories D et E dans la région de St-Eustache, Ste-Thérèse, Terrebonne et La Plaine.

Cette étude pédologique vient donc renforcir notre prospective d'aménagement pour la rive nord en tant que pôle de développement de la base économique de la région de fabrication de Montréal.

Une étude approfondie devrait être faite de l'impact qu'aura le zonage agricole sur la base économique de Montréal en tant que métropole d'une région de fabrication.

Nous craignons que par le biais du zonage agricole, le gouvernement tente de mettre en application l'orientation retenue par le Ministère des Affaires Municipales qui vise à consolider et concentrer l'urbanisation à Montréal, Laval et Longueuil. Cette voie susciterait une réaction justifiée des détenteurs des sols pauvres qui menaceraient l'ensemble des mesures nécessaires pour préserver le patrimoine agricole.

Il faut considérer que l'agriculture bien qu'elle soit une préoccupation fondamentale de notre société avec l'avancement technologique n'emploi que 5% de la population du Québec, qu'elle est déjà subventionnée à 50% et qu'insister sur l'aménagement des banlieues de Montréal en une région ressource est fondamentalement en contradiction avec le développement de la métropole montréalaise en tant que région de fabrication, cette dernière option étant la vraie solution aux problèmes économiques aigus que traverse le Québec en ce moment.

Confiants que vous saurez apprécier ces quelques points dans la mise en oeuvre de ces politiques délicates, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de notre très haute considération.

Les Entreprises Chartrand Jean-Yves Chartrand

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