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Audition des mémoires relatifs au projet de loi
no 90
(Vingt heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'agriculture est réunie pour
étudier et entendre les mémoires des organismes et personnes
concernant la Loi sur la protection du territoire agricole. Les membres de la
commission sont M. Baril (Arthabaska), M. Beauséjour (Iberville), M.
Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain), M. Garon (Lévis), M. Giasson
(Montmagny-L'Islet), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M.
Rancourt (Saint-François), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt
(Orford). Les intervenants sont M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Charbonneau
(Verchères), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M.
Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Verreault (Shefford)
remplace M. Picotte (Maskinongé), M. Samson (Rouyn-Noranda).
Communauté régionale de l'Outaouais
(suite)
A l'ajournement d'hier nous en étions au mémoire de la
Communauté régionale de l'Outaouais et je reconnais M. Rivest, M.
Lucky Burk. M. le député de Pontiac-Témiscamingue... Vous
avez été nommé, M. Vaillancourt (Orford)?
M. Vaillancourt (Orford): Oui.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Témiscamingue-Pontiac avait la parole. M. le député de
Pontiac-Témiscamingue.
M. Larivière: Merci, M. le Président. A la page 2
de votre mémoire, vous mentionnez, M. Rivest, que la communauté
avait dans son schéma...
Le Président (M. Boucher): Voulez-vous approcher votre
micro, s'il vous plaît?
M. Larivière: A la page 2 de votre mémoire, vous
mentionnez que la communauté avait dans son schéma de
développement 75 000 acres de protégées en terres
agricoles. Celui proposé par le ministère de l'Agriculture est de
88 000 acres. Est-ce que vous avez étudié la proposition faite
par le ministère de l'Agriculture pour savoir lequel des deux est le
plus apte à l'agriculture? Si je remarque, dans bien des cas on
gèle beaucoup de terrains qui ne sont même pas aptes à
l'agriculture. Ce sont des roches, des montagnes, du bois.
M. Rivest (Jean-Marc): Voyez-vous, dans les deux cas, M. le
Président, les outils de base ont été les mêmes,
soit les planches ou les cartes de potentiel agricole du ministère de
l'Agriculture.
Cependant, dans la proposition du plan provisoire attaché au
projet de loi no 90, on s'aperçoit qu'en plus d'être beaucoup plus
larges ces zones pénètrent presque jusqu'à
l'intérieur du tissu urbain.
A mon sens, ces secteurs, s'ils sont aptes en termes de potentiel, en
termes de qualité de sol, ne sont pas aptes réellement à
supporter pendant de nombreuses années un développement agricole
à la toute frange et même souvent à l'intérieur
presque du tissu urbain. D'autre part, sur l'objet principal de votre question
à savoir si on a étudié la qualité comme telle de
ce qui a été proposé dans le plan provisoire, je dois vous
répondre non. Cela aurait été une entreprise beaucoup trop
longue. Cependant, cela ne représente que des potentiels, et bien
souvent sans tenir compte du fait que le territoire est presque exclusivement
ou presque totalement déjà loti et utilisé à
d'autres fins qui rendent de façon presque irrémédiable
impossible son utilisation pour l'agriculture.
M. Larivière: Je vois une partie de votre mémoire
où vous mentionnez que beaucoup de ces lots qui sont présentement
gelés par le ministère sont beaucoup trop petits pour être
inclus dans l'agriculture, c'est-à-dire les lots de 50 acres ou 25
acres. Vous mentionnez cela dans votre mémoire.
M. Rivest: En ce sens que particulièrement dans le secteur
Eardley, de Pontiac, ce sont de toutes petites terres. S'il y avait
remembrement, j'imagine qu'il pourrait y avoir quand même utilisation
agricole. Mais dans les circonstances actuelles, quand à peu près
50% des lots sont même déjà lotis et de
propriétés privées d'individus, cela devrait leur
conférer un droit acquis, un droit de privilège. Tout ce grand
secteur de Breckenridge, des ravins de Breckenridge à mon sens, ne saura
jamais être exploité rationnellement pour fins d'agriculture. (20
h 30)
M. Larivière: A la page 5 de votre mémoire, il y a
quelque chose qui semble vous inquiéter. C'est le montant d'argent qui a
déjà été déboursé en infrastructure
régionale, c'est-à-dire la planification à long terme et
à moyen terme, une somme de presque $200 millions. Comment,
d'après vous, s'il n 'y a pas moyen de développer les terrains
comme la communauté avait l'intention de le faire, cela pourrait-il
coûter aux locataires de la région?
M. Rivest: M. le Président, je ne pourrais pas donner de
chiffres exacts. Cependant, il faudrait espérer, dans une solution
rationnelle, que les quelque $200 millions qui sont investis ou qui vont
être investis dans les quelques mois et années à venir
soient suffisants à tout jamais pour le développement urbain de
l'Outaouais.
En encoconnant, comme je l'ai souligné hier, le zone urbaine, un
jour, il faudra penser quel est l'horizon de ce jour-là? Est-ce
dix ans, quinze ans, vingt ans? Je ne le sais pas à la pose
de
nouvelles infrastructures probablement sous la forme de
collectivités nouvelles en dehors de la ceinture agricole. A ce
moment-là, au niveau global de l'aménagement rationnel d un
territoire, cela ne me paraît pas une solution souhaitable.
M. Larivière: On sait que le projet de loi no 90 a pour
objectif de protéger les sols agricoles. Quand on examine les milliers
d'acres en culture qui ne sont pas protégées par le
présent projet de loi, surtout dans la région de l'Outaouais
on parlait hier de Lapêche et il y a bien d autres
municipalités qui ne sont même pas touchées je me
demande si cela ne vous donne pas l'impression que ce projet de loi a un
deuxième objectif, peut-être bien important pour le gouvernement,
celui de contrôler le développement urbain et la
villégiature.
M. Rivest: Je ne voudrais pas faire de procès d intention
à quiconque. Cependant, j ai dit hier dans mon texte, et je le
répète, que la loi 90 est beaucoup plus le plan provisoire, je
dirais même exclusivement le plan provisoire. Malheureusement, en
changeant de façon unilatérale la vocation d'une partie
importante du territoire et des parties stratégiques pour fins de
développement, en changeant unilatéralement, je le
répète, la vocation de ces secteurs, la loi s érige
péremptoirement en une loi d'aménagement du territoire. C est
dommage qu'une opération rationnelle de quelques années le
schéma d'aménagement a pris au-delà de trois ans à
se faire et a coûté quelques millions; il a été
largement subventionné par le gouvernement du Québec soit
changée de façon aussi radicale par une loi qui, en soi
nous lui reconnaissons des qualités vient un peu saboter, si je
puis dire, la rationalité du schéma d'aménagement.
M. Larivière: C'est tout.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Pontiac-Témiscamingue. M. le
député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. Rivest, vous avez, hier, affirmé devant
cette commission que le plan d aménagement adopté au mois d
août dernier avait été conditionnel à la
réforme sur le plan du zonage agricole, si ma mémoire est
fidèle. Vous avez bien admis cela et vous savez très bien les
réserves qu'avait le gouvernement à l'époque. Au niveau de
votre mémoire, si on le lit, et surtout par les commentaires que vous
avez faits; vous avez une frousse terrible de la commission. Vous dites que la
commission a peinturé très large, vous avez même
utilisé I'expression "pinceau de quatre pouces ", mais tout en parlant
de votre zone à vocation différée, si j'ai bien compris
votre mémoire. J'aimerais qu'on regarde, ensemble, tous les deux, les
articles 47 à 52. On peut aller à ce niveau-là. Je me
demande si vous n'avez pas la trouille pour rien. Je vais m'expliquer.
Votre plan d'aménagement est déjà fait. Vous
êtes les seuls à en avoir fait un. Donc, vous n avez pas, dans les
180 jours, à vous remettre à I'ouvrage pour reproduire un plan d
aménagement. Vous en avez un. Vous avez uniquement, comme étape,
à le présenter cependant à la commission qui, elle, va
lanalyser. Si vous vous entendez avec la commission, il n'y a pas de
problème. Si vous ne vous entendez pas, la commission fait une
recommandation au gouvernement qui, lui, décrète. Mais vous
semblez vouloir dire que votre plan est bousillé d'ores et
déjà. Alors, vous présumez qu'il n y aura même pas
d'entente au niveau de la commission. D'abord, c est une présomption que
vous faites, et deuxièmement, vous présumez que le décret
irait à rencontre de votre plan d'aménagement. Donc double
présomption de votre part. J'aimerais que vous expliquiez cela.
M. Rivest: C est vrai, premièrement, la première
partie de votre affirmation, lorsque vous dites, et c est très vrai, que
le gouvernement, par le ministre de I'Agriculture, avait soulevé des
réticences à I égard du schéma d
aménagement, notamment sur la question de l'agriculture. Nous acceptions
cet état de choses. Cependant, le ministre de l'Agriculture avait encore
son as de pique dans sa manche. C est que nous ne connaissions pas les
planches. On se doutait que ce serait légèrement
différent, mais pas à ce point. Deuxièmement, je connais
le mécanisme de la commission.
Quant à ma première présomption, je pense qu'elle
est fondée, en ce sens que j'imagine que cette commission aura un
préjugé très favorable à l'agriculture et à
la préservation des terres agricoles, sinon elle ne jouerait pas son
rôle. Sectoriellement, je reconnais qu'elle doive avoir cette orientation
d'esprit. J'imagine qu'elle ne sera à peu près pas plus sensible
à notre schéma d'aménagement tel que préparé
que le projet de loi 90 ne l'est. Si son décret est défavorable
et qu ensuite on retourne au gouvernement, je pense que ma deuxième
présomption est encore mieux fondée, parce que les plans que vous
avez rendus publics récemment changent d'un trait de plume ou d'un trait
de pinceau des vocations assez stratégiques du schéma
d'aménagement. Or, je me demande comment dans six mois, si on avait
à retourner devant le gouvernement, le même gouvernement serait,
cette fois-ci, plus sensible à la rationalité globale du
document.
M. Chevrette: Si entre-temps, M. Rivest. en plus d'une loi de la
protection des sols, vous avez une loi qui est déposée sur
l'aménagement, le lieutenant-gouverneur en conseil ou le Conseil des
ministres aura à prendre des décisions, ayant une vision globale
de sa législation, contrairement à la commission. Supposons que
vous êtes fort convaincu du bien-fondé de votre plan
d'aménagement, parce que vous l'avez mâchouillé
passablement pour en arriver à présenter ce travail, à
partir de cela, je trouve que votre deuxième présomption est
très forte. Vous pourriez fort bien avoir un plan d'aménagement
qui, plus graduellement, pourrait s'étendre mais qui, pour le moment,
peut être
limité un peu par rapport à la situation actuelle que vous
avez, mais vous offrir l'occasion de!
M. Rivest: Ce que je ne comprends pas dans votre ligne de
pensée, c'est le fait que, si tel est le cas et même si la loi de
l'aménagement du territoire n'est pas prête à être
présentée, pourquoi la zone provisoire ne respecte-t-elle pas
plus aujourd'hui les volontés exprimées dans le schéma
d'aménagement? Elles étaient connues du ministère de
l'Agriculture, elles étaient connues de fond en comble au niveau du
gouvernement. Les fonctionnaires, autant à Québec qu'en
régions, connaissent absolument le détail des propositions. S'il
s'avérait qu'ils voulaient un jour y être d'ac-cord, c'aurait
été tout aussi possible de le faire aujourd'hui, à mon
sens.
M. Chevrette: Le schéma d'aménagement, M. Rivest,
prévoit du différé pour vous couvrir sur une
période de 25 ou 30 ans, si j'ai compris vos allégations hier.
Comme ministère responsable de la protection des sols arables, est-ce
qu'on doit immédiatement dégager des sols en fonction de
l'aménagement quand on peut se servir au maximum des sols arables
à court terme?
M. Rivest: Je suis d'accord avec ce que vous dites jusqu'à
un certain point. Cependant, je tiens à réaffirmer cela. Si les
sols agricoles foutent le camp, ce n'est pas simplement et ce n'est surtout pas
principalement à cause du fait que l'urbanisation a été
rapide au cours des quarante dernières années. C'est parce
qu'elle s'est faite sans pensée planificatrice. Elle s'est faite de
façon sauvage. Si elle s'est faite de façon sauvage, c'est parce
que les gens, à l'époque, peut-être pas de mauvaise foi,
n'ont jamais prévu plus loin que le bout de leur nez. A mon sens, trois,
quatre et cinq ans, c'est à peu près le bout de notre nez en
termes de développement de territoire. Penser vingt ans à
l'avance, c'est relativement court en termes de ce qu'on va faire de notre
territoire pour toutes ces fins, pour les fins du développement
résidentiel, pour les fins industrielles et pour les fins agricoles, et
d'harmoniser cela. Faire le compromis parce que c'est toujours un
compromis le plus souhaitable pour les vingt prochaines années
à venir m'apparaît à peu près la seule avenue
possible.
En deuxième lieu, vous affirmez, laissez à penser que,
lorsque les problèmes de nécessité d'un territoire
d'expansion urbaine arriveront, dans dix ou quinze ans, on pourra possiblement
gruger à travers ce qu'on qualifie d'agricole aujourd'hui. A ce
moment-là, je suivrais mal cette logique. Je considère
là-dessus, j'appuie la loi à 100% que ce qu'on va zoner
agricole aujourd'hui devrait l'être à tout jamais, changé
à peu près sous aucune considération à moins de
raison majeure.
M. Chevrette: Mais en quoi, M. Rivest, votre plan
d'aménagement serait-il compromis dans l'éventualité
où il y aura un gel des sols, suppo- sons, pour cinq ans? A cause de la
Loi sur la protection du territoire agricole, il n'y a plus de
développement sauvage possible. Vous avez toujours la
possibilité, comme communauté régionale, d agrandir votre
rayon ou votre périmètre en ayant...
M. Rivest: En territoire agricole.
M. Chevrette: Vous avez le droit de revendiquer, de faire des
requêtes devant la commission, mais pour changer votre plan
d'aménagement.
M. Rivest: Cela m'apparaît essentiellement malsain que dans
cinq ans, je doive demander que du territoire agricole soit maintenant
affecté à de l'urbain.
M. Chevrette: Le contraire, aussi, pourrait être vrai, M.
Rivest. Si on ne zonait pas du tout agricole oublions l'aspect de la
Communauté régionale de l'Outaouais Là où on
n'aura pas zoné, autour de villes, vous savez ce qui va arriver. Cela va
être du développement sauvage. En zonant plus que moins pour le
sol agricole, tu es sûr que tu arrêtes le développement
sauvage, de un, et, de deux, tu es certain qu'entre-temps le sol sert pour la
culture.
M. Rivest: M. le Président, M. le député me
fournit un argument nouveau.
M. Chevrette: Tant mieux si je vous en fournis parce que vous ne
me convainquez pas avec ce que vous avez dit.
M. Rivest: Vous me dites exactement ce que j'ai dit tantôt,
soit que la loi 90, en plus de préserver du sol agricole, veut
s'ériger en embryon de contrôle du développement urbain et
cela, à mon sens, c'est un rôle négatif de la loi 90.
Qu'une loi de l'aménagement du territoire vienne faire cela, vienne
arrêter le développement sauvage, j'en suis à 100%, mais
qu'on lui fasse jouer un rôle de frein global en disant: On va les
étouffer ou à peu près et, là, ils vont être
obligés de se rationaliser et, ensuite, on en donnera petit à
petit, cela ne m'apparaît pas d'une logique à toute
épreuve.
M. Chevrette: Supposons que votre plan demeure tel quel, donc,
les gens ont le droit de bâtir conformément au plan
d'aménagement que vous avez, mais pas nécessairement dans une
concentration. Vous ne forcez pas la concentration dans votre plan. J'ai lu
votre plan d'aménagement et vous ne forcez pas la concentration. Vrai ou
faux? J'ai lu pas mal tout. Vous ne forcez pas la concentration. (20 h 45)
M. Rivest: Non.
M Chevrette: Donc, si vous ne forcez pas la concentration dans le
plan d'aménagement que vous avez, dans la zone d'aménagement
différé
dont vous parlez, il peut y avoir du développement domiciliaire
pour autant que c'est conforme au plan, mais cela peut être très
parsemé, très éparpillé.
M. Rivest: Très rapidement, pour ne pas reprendre le texte
de 300 pages, ce qui est gris sur les planches couleur que vous avez, cela
s'appelle des zones d'aménagement différé. Ce sont des
zones qui devront un jour servir à du développement urbain, mais
qui ne peuvent pas aujourd'hui, et probablement pour les cinq, dix ou quinze
prochaines années, servir à du développement urbain.
La réglementation qui s'y applique présentement et
peut-être pour pas mal longtemps, c'est un gel absolu de tout
développement. Donc, j'ouvre ici une parenthèse: les sols qui
sont bons pour l'agriculture là-dedans, ils sont drôlement bien
protégés actuellement. Un jour, ils ne le seront plus si le
développement urbain doit y arriver. Mais, actuellement, ils sont
drôlement bien gelés.
M. Chevrette: Sauf que vous nous dites: Vous autres vous gelez en
vert, nous autres on gèle en gris.
M. Rivest: C'est cela, mais c'est toute la différence du
monde.
M. Chevrette: Si vous gelez en gris ou vous gelez en vert, si
vous avez l'occasion de dégeler en fonction du développement, en
quoi cela vous nuit?
M. Rivest: Parce qu'on dit que la rationalité... Je pense
que, quand on planifie un territoire, on doit annoncer ses couleurs, sans jeu
de mot. On doit savoir longtemps à l'avance quelle devra ou quelle
pourra être la vocation d'un territoire. Alors, en étant zone
grise d'aménagement différé, cela véhicule un
concept qui dit: Lorsque l'agglomération urbaine aura à
s'étendre, elle ne pourra pas s'étendre de n'importe quelle
façon. Elle devra s'étendre de façon concentrique alentour
de la zone urbaine actuelle. Cela, c'est une chose.
Deuxièmement, ceci étant statué, le schéma
d'aménagement de la CRO étant adopté à tous ses
niveaux, vous dites: Cela ne force pas la concentration. Jusqu'à un
certain point, c'est vrai. Cependant, la loi constituante de la CRO qui nous
obligeait à faire ce plan et de l'adopter oblige aussi chacune des
municipalités du territoire à produire dans les 18 mois et
cette séquence de 18 mois a commencé à courir le 9
août dernier oblige chacune des municipalités à
produire un plan directeur d'urbanisme avec un plan de zonage, et en illustrant
de façon très détaillée quelles seraient les phases
d'expansion urbaine, à quel rythme et selon quelles conditions elles
pourraient utiliser ces parties de territoire.
M. Chevrette: M. le Président, je vais me permettre un
commentaire qui va peut-être donner la chance au ministre de donner les
chiffres. Si j'étais un agriculteur chez vous, dans votre fameuse zone
grise, à toutes fins utiles je me dirais: Cela ne me donne pas
grand-chose d'investir parce qu'un jour, peut-être, on me permettra de
vendre ma terre pour fins de lotissement.
M. Rivest: Vous avez absolument raison.
M. Chevrette: M. le Président, si vous n'utilisez pas
cette zone, entre-temps, je peux végéter 25 à 30 ans,
selon votre concept à vous autres. Je peux végéter dans
l'agriculture pendant 25 ans, vous ne me permettrez pas de lotir mes lots, vous
ne me donnerez pas la chance du tout d'investir en agriculture et je
végète. Qu'est-ce que vous pensez qu'un gars fait?
M. Rivest: Vous avez absolument raison dans
l'interprétation de ce qui peut se passer. Cependant, à tout le
moins, c'est honnête. Encore là, on annonce nos couleurs. On dit
à l'agriculteur qui est là: Un jour, l'urbain pourra y aller.
Quand on me parle de 20, 25 ans, je pense que, d'une certaine façon, on
peut quand même investir pour faire de l'agriculture. Ce qui est plus
grave, c'est la possibilité que vous m'avez soulignée
tantôt. On les peinture en vert quand même, donc on laisse croire
à l'agriculteur qu'il est là ad vitam aeternam, pour toutes les
générations à venir. Et vous me dites qu'en allant me
présenter devant la commission, un jour, si je démontre qu'il est
absolument essentiel qu'on s'en serve pour fins urbaines, on pourra y aller. Je
trouve que là, c'est permettre à un bonhomme, à un
cultivateur d'investir sous de fausses représentations.
A mon sens tout ce qui va être vert devrait rester vert ad vitam
aeternam. Si on met cette zone agricole, si elle a un potentiel agricole
aujourd'hui, pourquoi n'en aurait-elle pas un dans cinq ans et dans dix ans? Si
on donne une affectation agricole à un territoire, il devra la garder,
sinon le risque que vous me soulignez dans le gris va se produire. En toute
bonne foi, le bonhomme va immobiliser sur son territoire et un jour, si on fait
une bonne présentation à la commission, si elle écoute nos
demandes et qu'elle permette que ce territoire devienne urbain, son risque il
va le prendre la même chose, avec le désavantage qu'il n'aura pas
connu les règles du jeu au départ.
M. Chevrette: Avec toutes les réserves, je vais permettre
aux autres, parce que...
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Garon: Combien cela a coûté et cela a pris
combien d'années pour faire votre plan d'aménagement dans votre
région?
M. Rivest: Début 1975 à mai, deux ans à peu
près.
M. Garon: Combien cela a coûté en tout?
M. Rivest: Avec les études préparatoires qui
avaient commencé quelques années avant, cela a coûté
entre $2 millions et $3 millions, incluant le personnel du service de la
planification et le personnel permanent, etc.
M. Garon: Cela comprend tous les niveaux: municipal,
provincial.
M. Rivest: Ce sont les sommes d'argent qui ont été
mises par la communauté régionale, incluant les subventions que
nous avons reçues du gouvernement du Québec pendant quelques
années pour nous aider à la préparation du plan.
M. Garon: Moi, j'ai votre document qui parle de la zone agricole.
Il n'est pas long, vous dites: Le zonage agricole établi par la
communauté et les dispositions qui s'y rattachent s'appliquent pour une
période maximale de deux ans pour jusqu'à l'entrée en
vigueur à l'intérieur du terrain d'une loi provinciale de zonage
agricole. Vous décrivez des usages permis dans la zone: Les usages
permis dans la zone agricole sont l'agriculture et ses usages connexes, la
sylviculture, éra-blières, pépinières, etc., de
même que les usages industriels, commerciaux, touristiques et
récréatifs compatibles avec l'agriculture. La construction de
résidences unifarniliales isolées est également
prévue. Puis vous prévoyez: Pour fins résidentielles
générales. Le détachement de lots pour fins
résidentielles peut être autorisé selon un système
de quota maximum d'une acre par 50 acres de propriété par
année jusqu'à lotissement total de 10% du terrain en question.
L'utilisation du quota peut être cumulative, lotissement total de 10% du
terrain en question. L'utilisation du quota peut être cumulative, etc.
Ces lots doivent avoir une superficie d'au moins 40 000 pieds et d'au plus 80
000 pieds, et vous continuez comme cela. Ce sont les zones agricoles. Vous en
avez pour combien d'années, vous pensez, des zones agricoles à ce
rythme?
M. Rivest: Hier, M. le ministre, j'ai bien souligné que
cela se situait dans un contexte historique assez particulier. A ce moment, il
n'existait pas sur la table de proposition de zonage agricole au niveau de
l'ensemble de la province de Québec. Nous prenions, jusqu'à un
certain point, l'initiative de nous lancer dans ce domaine, c'était
à peu près une première; je ne m'avancerai pas trop loin
là-dessus. Nous avons admis publiquement, et c'est écrit
probablement à la page 270, que cela a été un compromis
que d'avoir des normes aussi peu rigides. Et une de nos recommandations: Dans
le fond, on serait très disposés à faire un compromis. Au
niveau des zones vertes de votre plan, acceptez la superficie des nôtres,
leur délimitation et nous serons heureux d'abroger cette
réglementation qui est un peu beaucoup laxiste, je l'avoue, et nous
accepterions la réglementation plus sévère contenue au
projet de loi.
M. Garon: Maintenant, j'ai des chiffres. La superficie totale de
la CRO est de 240 300 hectares; la superficie de la région qu'on a
désignée à l'intérieur de la CRO, pas qu'on a
zonée, la région désignée, le total qu'elle couvre,
84 427 hectares, soit un peu plus que le tiers. La superficie de la zone
agricole là-dessus...
Une Voix: ...
M. Garon: Hectares. Un hectare c'est...
Une Voix: Trois acres.
M. Garon: Ce n'est pas à cause de nous autres, c'est le
fédéral qui change cela.
M. Gratton: II n'y a rien de pire que le fédéral
pour mêler les choses.
M. Garon: 84 427 pour la région désignée en
hectares. La superficie de la zone agricole, ce qu'on a réservé
pour l'agriculture, est de 36 681. L'aire qu'on n'a pas retenue est de 47 746
hectares et votre domaine bâti, à l'heure actuelle, est,
d'après nos calculs, de 6879 hectares. Ne trouvez-vous pas qu'il vous en
reste pas mal?
M. Rivest: Je ne contesterai pas vos chiffres,
premièrement, parce que je ne suis pas tellement à l'aise avec
les hectares.
M. Garon: On multiplie par 2,5 et cela fait des acres.
M. Rivest: Je sais que votre proposition de zone
désignée est de 88 000 acres sur le territoire de la CRO.
M. Garon: C'est cela.
M. Rivest: Tout ce qu'on lui reproche...
M. Giasson: Vous parlez d'hectares, là.
Entendons-nous.
M. Rivest:... ce n'est pas tellement sa superficie, c'est qu'elle
est toute en ville. Elle est toute en ville. On ne reproche pas tellement
l'ampleur de votre zone désignée, 88 000 acres, mais elle est
toute en ville. Le territoire global de la CRO a 900 milles carrés
je n'oserais pas le traduire en hectares, cela en ferait un paquet
dont environ un quart est qualifié d'urbain dans le schéma
d'aménagement, ou à potentiel urbain, en voie de devenir urbain.
Cela veut donc dire qu'à peu près les trois quarts de notre
territoire sur 900 milles carrés sont, dans le schéma,
zonés de façon rurale; ce qui ne veut pas dire pour fins
d'agriculture, nécessairement, mais pour des fins qui resteront toujours
rurales. Vos 88 000 acres se situent essentiellement et principalement dans le
quart qui est urbain ou appelé à s'urbaniser. C'est là que
cela vient mêler les cartes.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Si vous me le permettez, juste pour qu'il y ait une
meilleure compréhension, je pense qu'il faudrait s'entendre sur les
mesures qu'on utilise. Le mémoire déposé par la
communauté indique 88 000 acres.
M. Garon: Ou 36 000 hectares, si vous voulez.
M. Giasson: Tout à l'heure, vous avez cité des
chiffres en hectares, ce qui change toutes les règles de proportion.
M. Garon: J'ai donné tous mes chiffres en hectares.
M. Giasson: Oui, vous avez parlé de 80 000 hectares.
M. Garon: Ce que j'ai ici comme données, c'est votre
superficie bâtie de 6879; dans la superficie qu'on n'a pas
déclarée zone agricole, qui est un mauvais potentiel, il y a 36
730 hectares. Le problème est que vous voulez bâtir votre ville
sur des bons sols plutôt que sur les mauvais. Parce que 36 730 hectares
de mauvais potentiel, vous avez de la place à doubler votre population
là-dessus.
M. Rivest: Oui, mais faut-il arrêter là? Faut-il
arrêter de planifier à l'horizon qu'on peut voir? Qu'est-ce qui va
arriver dans trente ans, lorsqu'on aura doublé la population si
l'ensemble de la zone agricole vient étouffer cette zone urbaine?
Va-t-on faire comme Ottawa a été obligé de faire, sauter
par-dessus la ceinture agricole et aller développer des
collectivités nouvelles à des coûts faramineux? Là,
on investit $200 millions, ou pas tout à fait, de bon gré dans
des infrastructures. On voudrait bien qu'elles servent à tout jamais. On
voudrait bien ne pas être obligé, dans 25 ans, même si
chacun d'entre nous n'y sera plus, de repenser de nouvelles infrastructures
au-delà de la zone agricole, au-delà de la zone urbaine en milieu
qui serait très difficilement desservable parce que vous savez que notre
territoire, dès qu'il quitte les berges de l'Outaouais, devient pas mal
montagneux et accidenté.
Le constat que vous portez, savoir que nous voulons que notre ville soit
sur les bons sols agricoles, c'est malheureusement partiellement vrai.
Cependant, historiquement, il y a 150 ans ou 200 ans, toutes les
agglomérations urbaines se sont faites le long des cours d'eau où
se trouvaient les meilleures terres agricoles. Jusqu'à un certain point,
nous croyons qu'il faut composer avec cela. Il ne faut pas oublier que
malgré ce que nous voulons retenir pour fins urbaines je le
répète, c'est très important malgré tout
cela, on zone et on serait d'accord pour que ce soit permanent à
tout jamais 75 000 acres de bons sols agricoles. (21 heures)
M. Garon: Vous ne nourrirez pas grand monde avec cela!
M. Rivest: Pardon?
M. Garon: Ce n'est pas grand, 75 000 acres, vous savez! Supposons
que toute l'Amérique du Nord se comporte comme vous vous comportez dans
l'Outaouais, on va manger des produits qui viennent d'où?
M. Rivest: Ecoutez, quand même, M. le ministre! Vous en
proposez 88 000 et nous en proposons 75 000.
M. Garon: Ce n'est pas sur le même territoire.
M. Rivest: Pourquoi n'avez-vous pas pris le reste du territoire?
C'est ce qu'on vous a demandé aussi.
M. Garon: On va le faire avec le temps. M. Rivest: Nous
l'avons fait il y a deux ans!
M. Garon: Oui, mais vous allez voir que cela ne nous prendra pas
de temps. Cela ira peut-être plus vite que vous ne le pensez!
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Nous étions en
train de...
M. Garon: Je voudrais ajouter juste une dernière affaire,
si vous me le permettez, M. le député de Beauce-Sud. Pensez-vous
que les Français, quand ils sont venus ici, auraient dû se
bâtir en suivant les villages indiens, parce qu'ils étaient
déjà établis là? Ils se sont bâtis ailleurs,
en tenant compte de la situation. Actuellement, parce qu'il y a des bons sols,
pourquoi ne se bâtirait-on pas où il y a de mauvais sols?
M. Lavoie: Etes-vous assez fort pour répondre à une
question aussi intelligente?
M. Rivest: Je peux y répondre.
M. Garon: Parce qu'il y a eu développement à un
endroit, cela ne veut pas dire qu'il doit continuer à partir de ce
premier développement!
M. Rivest: Le développement de l'ensemble d'un territoire
comporte beaucoup plus d'éléments complexes que la simple
protection des territoires agricoles. On doit aménager un territoire
pour toute une société qui est partiellement urbaine,
partiellement agricole, qui a des fonctions résidentielles, des
fonctions de loisirs, etc. Cela me paraît vouloir trop simplifier la
question que de dire: Allons développer nos villes où le
territoire n'est pas bon. Nous sommes quand même tous des "payeurs de
taxes". Si on doit multiplier par cinq les prix des services d'aqueduc et
d'égout parce qu'on va les poser à flanc de
montagne, je pense qu'il faut essayer de rationaliser l'ensemble du
développement du territoire. Regardez notre territoire et dites-nous
où on pourrait continuer à faire un développement
rationnel sans, malheureusement je l'avoue avoir à gruger
une certaine partie des bonnes terres agricoles. Cependant, malgré tout
cela, on en conserve 75 000 acres.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. A la suite des discussions
et des remarques qui ont été faites, surtout par l'honorable
ministre, je suis en train de me demander s'il n'y aurait pas lieu de
réexaminer toute la question pour voir s'il n'y aurait pas lieu de
relocaliser tout le Québec et de relocaliser les villes. Il va quand
même falloir ête réaliste. On ne changera pas l'emplacement
de la ville de Saint-Hyacinthe, ni celui de Drummondville, ni celui de
Joliette, pas plus que celui de Nicolet ou de l'île de
Montréal.
M. Chevrette: Ni de Beauce-Sud! Alouette!
M. Roy: De Beauce-Sud, non plus. On ne veut pas, non plus. C'est
bien important! Dans votre mémoire et à la suite des discussions
qui ont eu lieu, j'ai cru comprendre qu'on n'a pas tenu compte les
cartes que vous nous avez distribuées sont d'ailleurs là pour en
témoigner de votre schéma d'aménagement, de votre
plan d'aménagement dans la loi qui est actuellement devant nous et selon
laquelle on a retenu un territoire dans votre région. J'aimerais savoir
si vous avez eu des contrats avec le ministre de l'Agriculture pendant la
tournée de consultation qu'il a faite avant de présenter sa loi.
Votre groupement, la Communauté régionale de l'Outaouais, a-t-il
eu des contrats avec le ministre de l'Agriculture, avec les officiers du
ministère et leur avez-vous fait des recommandations
particulières à ce sujet?
M. Rivest: J'ai un peu répondu hier à cette
question.
M. Roy: Hier, j'ai dû être ailleurs.
M. Rivest: D'accord. Je vais reprendre avec plaisir.
M. Chevrette: II n'a pas un caucus trop nombreux.
M. Roy: Quand même, c'est unanime! Le Président (M.
Boucher): S'il vous plaît!
M. Chevrette: J'espère que vous ne vous contredisez pas
vous-même!
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Joliette-Montcalm!
Allez-y, M. le le député de Beauce-Sud.
M. Rivest: M. le Président, lorsque M. le ministre de
l'Agriculture est venu faire sa tournée, nous n'avons pas cru opportun
d'aller nous présenter avec le schéma d'aménagement devant
lui parce que nous assumions que le contenu de notre schéma lui
était totalement connu, d'une part, et, d'autre part, parce qu'à
ce moment-là les cartes des plans provisoires de la région
désignée n'étaient pas disponibles. Donc, si nous avions
été le rencontrer, nous n'aurions pu que dire que nous
étions parfaitement d'accord avec la loi, parce qu'il y a deux ans nous
avions nous-mêmes zoné 75 000 acres de territoire agricole. Nous
ne connaissions pas l'aspect concret que cela prendrait sur le territoire.
M. Garon: Vous saviez ce que le monde agricole demandait lors du
schéma d'aménagement.
M. Rivest: Avec des contacts, oui, mais ce n'était pas au
niveau de votre tournée de consultation. Dans les mois et les
années qui ont précédé, nous avons eu de nombreux
contacts avec, entre autres, les gens de votre ministère en
région, à Buckingham. Nous savions, évidemment,
étant des gens avec des objectifs sectoriels, qu'ils auraient
souhaité que notre zone d'aménagement différé
devienne agricole. Nous nous en doutions fortement.
M. Roy: La deuxième question, M. le Président. Dans
le cas du territoire qui est désigné par le dépôt
des plans qui accompagnent la loi 90 jusqu'à maintenant, la
région agricole dans votre territoire, est-ce que vous êtes en
mesure de dire à la commission si toutes ces terres qui sont incluses
dans la zone de retenue, actuellement, sont exploitées pour des fins
agricoles? Ou, quel est le pourcentage actuellement qui est
exploité?
M. Rivest: Elles ne sont sûrement pas toutes
exploitées actuellement, loin de là. Malheureusement, je n'aurai
pas de pourcentage d exploitation à vous donner. Je n'ai pas ces
chiffres. Le ministère de l'Agriculture les aurait peut-être.
M. Roy: Dans la partie que vous n'avez pas retenue pour des fins
agricoles, mais qui a été retenue par le ministère, est-ce
que vous disposez de données, est-ce que vous avez un inventaire, est-ce
que vous avez une idée des terres actuellement, dans le différend
qui vous oppose entre le plan déposé actuel et le plan que vous
avez proposé? Il y a quand même une partie de territoire, comme on
vient de le dire, qui est retenue par la loi, qui est gelée. Le
territoire que vous avez retenu, que la Communauté régionale de
l'Outaouais a retenue est moindre, est plus petit. Alors, cette partie que vous
n'avez pas retenue, vous autres, est-ce qu'actuellement elle est occupée
pour des fins agricoles?
M. Rivest: Je n'ai pas de chiffres précis, cependant, je
peux sans aucune crainte de me
tromper affirmer que ce serait la très petite minorité ou
une très faible partie de ces terres qui serait actuellement en
exploitation agricole, parce que c'est le territoire qui est à la toute
périphérie de la zone urbaine actuelle.
M. Roy: Cela a déjà été
exploité pour des fins agricoles? C est en friche? C'est
abandonné?
M. Rivest: Cela a déjà été
exploité. Il y a de très nombreux lotissements qui
parsèment ce territoire. Il y a un nombre assez important de maisons
individuelles qui ont été construites au cours des années,
avant l'adoption du schéma d aménagement qui le défend
actuellement aussi. Il y a quand même des implantations assez nombreuses
et parsemées un petit peu partout à travers ce territoire.
M. Roy: Dernière question. Est-ce que vous avez une partie
de votre territoire qui n'est pas incluse dans la zone gelée par la loi,
mais qui pourrait être éventuellement développée
pour des fins agricoles?
M. Rivest: Effectivement, la proposition de zones provisoires, de
zones désignées ne retient pas ce que nous avions, nous,
zoné pour fins agricoles dans quatre municipalités,
c'est-à-dire que deux municipalités complètes de notre
territoire ne sont pas encore, à ce jour, touchées par la zone
désignée. Deux autres municipalités n ont
été retenues dans la zone désignée que
partiellement. Ce qui crée, comme je l'ai souligné hier soir, des
difficultés d'application majeures; à savoir qu'un agriculteur,
chez nous, s il est touché par la loi 90, devra suivre un certain nombre
de normes particulières, et son voisin, qui est à un demi-mille
de lui, qui serait zoné agricole par la CRO, lui, devrait obéir
à toute une autre série de normes. Cela crée des
incompatibilités assez sérieuses.
M. Roy: Je vous remercie des réponses que vous venez de
nous fournir. Cela m'amènerait, avec votre permission, M. le
Président, peut-être à faire un commentaire. Je pense que
toutes ces discussions nous démontrent que pour faire un zonage
agricole, un zonage de territoire, un plan d'aménagement de territoire
intelligent et responsable dans le Québec, il va falloir
évidemment compter énormémement sur la collaboration des
organismes du milieu. Cela ne fait que renforcer les propositions que j'ai
faites, qui, d'ailleurs, sont partagées par plusieurs de mes
collègues et qui ont été soutenues et appuyées par
de nombreux mémoires soumis en commission: la nécessité
d'avoir des commissions régionales. Devant les discussions que nous
avons eues, ici, autour de la table, je ne vois pas comment un seul organisme
provincial, disposant de normes uniques, pourrait, dans tout le Québec,
régler tous les problèmes et serait capable de tenir compte des
particularités régionales et des besoins des populations des
régions.
M. Garon: Je vais vous poser une question M. le
député de Beauce-Sud, si vous voulez.
M. Roy: Oui.
M. Garon: Dans l'Outaouais, sur le plan régional, quand on
a fait le schéma d'aménagement, les gens du monde agricole
régional demandaient de protéger 110 000 acres. Dans le
territoire, ils ont réservé 60 000 acres. Qui aurait dû
trancher là-dedans?
M. Roy: Vous allez avoir le même problème. Je vais
répondre, mais je vais donner une réponse globale. Vous allez
avoir le même problème dans toutes les régions du
Québec, dans tous les comtés du Québec et il faudra que
quelqu un tranche à un moment donné.
M. Garon: Qui?
M. Roy: Si c'est une instance gouvernementale pour laquelle il
n'y aura pas de droit d'appel...
M. Garon: Qui?
M. Roy: ... ce sera une application totalement arbitraire.
M. Garon: Qui?
M. Roy: Je reviens aux commissions régionales; elles
devraient être constituées d'une première instance
composée de gens du milieu, de gens ayant des responsabilités
auprès de leur population, des gens impliqués, des gens
motivés, des gens responsables pour être capables d organiser un
plan d'aménagement qui tienne compte des particularités de leur
territoire. La commission provinciale, à ce moment-là, jouerait
un rôle d'arbitre et de commission d'appel. C'est ma réponse, M.
le Président.
Le Président (M. Boucher): Ecoutez! On pourra
débattre ces questions à l'étude article par article du
projet de loi. M. le député de Gatineau, vous avez demandé
la parole.
M. Garon: C'est un peu comme dans les abattoirs. Vous vouliez
nous ramener au XIXe siècle et on est en train de moderniser toute la
province.
M. Roy: Ne touchez pas aux abattoirs, parce que je vais ouvrir la
porte. J'ai bien des choses à dire là-dessus. Je suis à la
veille de reprendre le débat, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! S il
vous plaît! M. le député de Beauce-Sud.
M. Roy: Je suis à la veille de le reprendre.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Alors, n'ouvrez pas la porte de grâce, M. le
ministre.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Gatineau, vous avez demandé la parole. Compte tenu que vous n'êtes
ni membre ni intervenant à la commission de l'agriculture, je dois
demander la consentement des membres...
M. Chevrette: Oui, consentement. C'est sa région.
Le Président (M. Boucher): ... pour votre
intervention.
M. Chevrette: Je trouve cela tout à fait décent et
normal.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Gatineau, vous pouvez y aller.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Merci aux membres de
la commission. Je n'ai sûrement pas l'intention de dire... M. le
Président; j'ai l'intention de poser des questions.
Il me semble qu'il serait peut-être important d'élaborer un
peu sur les coûts que comportera l'application du projet de loi 90 en
rapport avec les infrastructures dans certains secteurs de la Communauté
régionale de l'Outaouais. Dans Aylmer, par exemple, dans le secteur de
l'aménagement différé, il est évident que le plan
de l'usine d'épuration et des collecteurs pour l'épuration des
eaux usine régionale, l'alimentation en eaux, les
infrastructures, le réseau routier, etc. tout cela est fonction
du plan d'aménagement. Je dirai à l'intention du ministre que
c'est la question à savoir si c'est la poule qui vient avant l'oeuf ou
vice versa. Est-ce qu'on doit planifier en fonction d'un plan
d'aménagement ou partir de la protection du territoire agricole pour en
arriver à un plan d'aménagement? Il est évident...
Une Voix: ...
M. Gratton: Oui, je m'excuse d'ailleurs de ne pas avoir
été présent hier parce qu'on discutait en Chambre du
projet de loi 106 sur la ville de Sainte-Eustache. On s'est amusé
jusqu'à trois heures ce matin pour en arriver nulle part. C'est
d'ailleurs ce qui nous arrive très souvent ici à
l'Assemblée nationale avec ce gouvernement. Toujours est-il, M. le
Président, en revenant à la pertinence de ma question...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Gatineau, s'il vous plaît!
Une Voix: On était censé travailler. M. Garon:
Commencez à travailler.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Gatineau, me permettriez-vous de vous demander d'accélérer...
M. Gratton: Oui, je m'excuse de cette digression, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): ... votre question étant
donné que... Si nous voulons passer à travers ce soir.
M. Gratton: Ce sera très court. J'aimerais demander au
président de la Communauté régionale de l'Outaouais
quelles sont, à son avis, les implications pour les populations
concernées les contribuables d'Aylmer en particulier, de
Hull-Ouest, dans une certaine mesure, de Val-des-Monts et de Gatineau, en fait,
pour le secteur Cantley, Wilson's Corners si on devait appliquer le
projet de loi 90 avec le territoire zoné agricole. Quelles sont les
implications pour les contribuables qui devront défrayer les coûts
des infrastructures prévues on parle de $200 millions et
qui, à toutes fins utiles ne pourront servir si, effectivement, il n'y a
pas d'entente entre la Communauté régionale de l'Outaouais et la
commission de contrôle éventuellement dans quatre, cinq et dix
ans, sur le développement de ce territoire?
M. Rivest: Je ne peux malheureusement pas je pense que
c'est compréhensible avoir de chiffres précis. Par
exemple, au niveau du réseau d'épuration qu'on est en train de
construire et qui devrait être terminé d'ici environ deux ans et
dont les dernières estimations se chiffrent par environ $120 millions.
Ce projet prévoyait son design théorique, si vous voulez
devoir desservir de façon ultime la population qui serait
comprise. Je ne sais pas c'est quoi l'horizon est-ce que c'est dix ans,
quinze ans, vingt ans, trente ans? et la population comprise dans
l'actuelle zone urbaine et dans ce que nous appelons la zone
d'aménagement différé.
(21 h 15)
C'est donc dire que si elle devient à tout jamais agricole
et moi, je ne peux pas comprendre comment cela pourrait être agricole un
jour et ne plus l'être dans cinq ans si elle devient agricole,
selon moi, elle l'est ad vitam aeternam, et il est bien évident que tous
ces équipements deviennent "surdimensionnés" et que cela implique
nécessairement des coûts plus grands de remboursement
d'immobilisation et de fonctionnement à la population urbaine qui sera
en place.
M. Gratton: Lorsque vous dites qu'une zone qui est agricole va
l'être ad vitam aeternam, je pense que vous vous référez
aux dispositions de la loi 90 mais, si j'ai bien compris, selon la
définition des zones d'aménagement différées que
vous préconisez dans votre schéma d'aménagement,
effectivement, il y aurait possibilité, selon cette formule que vous
avez, de faire l'exploitation agricole dans ces zones différées
tout en prévoyant dès maintenant et en payant les coûts
afférents aux infrastructures de cela mais forcément en donnant
une vocation éventuelle, que ce soit dans 10 ans, dans 15 ans ou dans 20
ans, au développement dans ce secteur.
M. Rivest: Absolument. La zone d'aménagement
différée actuellement, dans notre schéma, au niveau de la
réglementation, comporte la permission et encore plus que la permission.
On encourage l'agriculture à prendre place dans cette zone tant et aussi
longtemps qu'elle ne sera pas nécessaire pour fins de
développement urbain. Au nord de cette zone, par exemple, on peut
difficilement penser que ce soit avant 20 ans. Alors, lorsqu'on me dit
qu'à cause du fait qu'il y a une épée de Damoclès
qui pendrait au-dessus de la tête de l'agriculteur, à savoir qu'il
n'investira pas parce qu'un jour cela deviendra urbain, lorsqu'on parle de 15,
20 ou 25 ans, je pense qu'on peut quand même faire de l'agriculture de
façon rentable pendant cette période de temps.
M. Gratton: Est-ce que je pourrais demander au
député de Laval de me permettre de voir mon interlocuteur?
D'ailleurs, M. Rivest, cette même logique qui pourrait, selon certains,
empêcher le producteur agricole de faire des investissements pour une
exploitation agricole qui ne serait pas de nature permanente dans le sens du
projet de loi 90 devrait prévaloir aussi pour la collectivité
qui, elle, doit investir des sommes encore plus grandes pour l'implantation des
infrastructures dont on parle, en particulier, par exemple, des usines
d'épuration.
Cela m'amène à dire je ne sais pas si on l'a
traité hier qu'il y a toujours un point très important du
témoignage de la communauté régionale, et c'est la
position de la communauté qui est résumée dans cette
résolution qui est contenue dans le mémoire de la
communauté. Je ne sais pas si le règlement me permet d'interroger
le ministre en ce sens, mais il me semble que... Je ne le fais pas, M. le
Président, mais si le ministre veut réagir, tant mieux, on pourra
voir un peu plus clair dans tout cela! Le conseil de la communauté
régionale, finalement, dit: Nous sommes la seule région à
avoir un schéma d'aménagement. Nous avons dépensé
entre $2 et $3 millions pour le préparer. Le gouvernement d'alors a mis
le processus en branle, le gouvernement actuel l'a approuvé en date du 9
août 1978. C'est un schéma d'aménagement. Ce n'est pas un
plan de protection du territoire agricole. On en convient. Le conseil de la
communauté, selon le principe de la décentralisation où on
veut que ce soit l'instance la plus près de la population qui ait droit
de regard sur les grandes orientations, en l'occurrence, la communauté
régionale, recommande, dans sa résolution, que le gouvernement
reconnaisse, dans son projet de loi 90, le statut particulier de la
Communauté régionale de l'Outaouais qui est la seule
région du Québec à avoir préparé et
adopté un schéma d'aménagement; que, compte tenu de son
caractère contraignant à l'égard des municipalités,
le schéma de la communauté approuvé par le ministre en
date du 9 août 1978 soit considéré comme l'instrument de
planification régionale privilégié et qu'il soit
respecté dans ses propositions concernant la délimitation des
zones agricoles.
Ce que je voudrais faire remarquer au ministre, c'est que tout cela n'a
pas été préparé en vase clos par un groupe d'amis
politiques libéraux, je vais aller jusqu'à ce point.
Une Voix: Vous n'étiez pas là?
M. Gratton: Oui, j'étais là. C'est bien sûr
que j'étais là. Moi, je suis là depuis 1972 et j'ai
l'impression que je vais être là longtemps aussi.
Je voudrais savoir du ministre, M. le Président, s'il serait
prêt ce soir à s'engager à considérer
sérieusement cette proposition de la communauté régionale
qui demande qu'on donne un statut particulier à la communauté
régionale, non pas parce qu'il s'agit des personnes qui sont là,
non pas parce qu'il s'agit, non plus, d'un territoire qui est limitrophe
à la province de l'Ontario, qui est partie de ce qui est
communément appelé la région de la capitale nationale,
mais strictement parce que c'est le seul secteur de la province de
Québec qui a déjà un plan d'aménagement, un
schéma d'aménagement conçu en consultation avec l'ensemble
de la population. Je ne reprendrai pas cela; le ministre, je pense, est au
courant que cela n'a pas été fait de façon
improvisée. On a mis deux ans, beaucoup d'efforts financiers autant que
d'efforts de consultation pour en arriver à quelque chose qui dans les
grandes lignes se tient énormément bien quant à
l'aménagement.
Forcément, il y a une dimension de l'aménagement
régional, de l'aménagement du territoire; c'est seulement une
dimension, cette protection du territoire agricole. Je ne sais pas si les gens
de la communauté régionale seraient satisfaits de cela; quant
à moi, je serais satisfait si le ministre nous disait ce soir: On va
considérer très sérieusement cette proposition que nous
fait la communauté régionale de donner un statut particulier
quelconque à la région de la communauté régionale.
Encore une fois, non pas pour toutes les autres raisons, mais strictement pour
la seule raison qu'ils ont un schéma d'aménagement, qu'il a
été fait en fonction des besoins de la population et qu'il y a
lieu de le respecter.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Garon: Nous allons respecter l'engagement que nous avons pris
lorsque nous avons rencontré les gens de la CRO à
l'été qui disait: Ou on attend le zonage pour accepter le
schéma d'aménagement, ou on l'accepte immédiatement, mais
le zonage va venir s'ajouter à cela. On a respecté notre
engagement. Cela a été appliqué le 9 août. Trois
mois plus tard, on dépose le zonage. On aurait pu attendre, ne pas
l'accepter le 9 août et déposer le zonage avant. C'est cela,
l'engagement qu'on a pris. Tout simplement, je pense qu'on respecte notre
parole.
M. Gratton: Je n'accuse pas le ministre de ne pas avoir
respecté sa parole, M. le Président. Je lui demande, ce soir,
s'il est prêt à faire un autre engagement, non pas de donner
raison à la
communauté régionale, simplement de le considérer,
au moins. S'il nous ferme la porte tout de suite, qu'est-ce qu'on fait ici? On
est aussi bien de s'en aller tous chez nous. La Communauté
régionale de l'Outaouais n'a pas dépensé $3 millions,
perdu deux ans de temps à préparer un schéma
d'aménagement strictement pour se faire dire ce soir: Vous reviendrez
dans quatre ou cinq ans ou vous discuterez cela avec la commission de
contrôle. Est-ce que le ministre veut au moins nous dire qu'il va le
considérer?
M. Garon: La commission...
M. Gratton: II peut bien nous le dire. D'habitude, il nous le dit
et il ne le fait pas. Qu'il fasse la même chose dans ce cas; au moins, on
aurait cette assurance qu'il va y penser.
M. Baril: C'est quoi qu'il n'a pas fait? Donnez-nous un cas?
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Gratton: Vous voulez un exemple de ce que vous dites et que
vous ne faites pas? Voulez-vous que je vous en donne quelques-uns, M. le
Président? Au point de vue décentralisation, par exemple.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Gatineau, il y a des invités qui attendent les questions.
J'espère qu'on va s'en occuper. Je demande au député de
Huntingdon de poser ses questions le plus rapidement possible, étant
donné que nous avons déjà deux heures et demie de
consacrées à la CRO.
M. Gratton: Est-ce qu'on pourrait au moins demander au ministre
de réagir? Qu'il me dise que je suis dans les patates, mais qu'il me
dise quelque chose. Qu'il ne reste pas là seulement à sourire, M.
le Président. Est-ce que le ministre veut considérer cette
possibilité?
M. Garon: La commission va la considérer, j'en suis
convaincu.
M. Gratton: Non, ce n'est pas cela que je demande, M. le
Président. La commission n'est même pas formée et, de la
manière qu'on s'en va là, elle ne sera peut-être même
pas formée en 1979. Je veux savoir du ministre qu'est-ce que lui va
considérer.
M. Garon: Vous êtes là depuis cinq minutes à
peu près; nous autres on est là depuis lundi soir. On sait
à quel rythme cela va. Comme le disait l'éditorial de la Gazette
ce matin vous n'êtes pas pour le principe. Vous êtes contre
d'après l'attitude que vous adoptez vis-à-vis de la protection
des terres agricoles. Même la Gazette l'a dit.
M. Gratton: D'ailleurs, M. le Président, ce n'est pas les
propos que tient le ministre qui vont nous convaincre d'être pour, non
plus.
M. Garon: Tous les éditorialistes des journaux
actuellement vous ont jugés.
M. Gratton: M. le Président, je répète ma
question au ministre. Est-ce que le ministre peut nous donner l'assurance qu'il
va considérer à sa valeur ce que je lui demande, c'est de
ne pas insulter la communauté régionale la position
qu'elle adopte par sa résolution qui est contenue dans son
mémoire, demandant un statut particulier pour le territoire de la
communauté régionale?
M. Garon: Je pense que je ne commencerai pas à faire du
"spot zoning" à la veille de l'adoption de la loi qui va former une
commission. Ce sera le travail de la commission.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Messieurs de la région de l'Outaouais,
j'aimerais, premièrement, vous féliciter pour la clairvoyance et
le courage que vous avez eus et pour tous les efforts que vous avez
déployés afin de présenter un plan global
d'aménagement et d'utilisation du territoire. Vous appelez cela un
schéma d'aménagement. Je pense que "aménagement", ou
"utilisation", cela se tient ensemble aussi. Je peux vous dire que nous avons
dénoncé fermement les mesures sectorielles inscrites dans le
projet de loi no 90, parce que nous croyons, nous, de l'Union Nationale, qu'un
zonage agricole ou un respect des terres fertiles s'inscrit dans un plan global
d'aménagement et d'utilisation. Cela a été notre remarque
principale au niveau du projet de loi no 90.
Ceci dit, dans votre mémoire, moi, je n'en vois pas beaucoup de
problèmes. Les problèmes majeurs entre vous et le ministre, je
pense qu'ils vont se régler bien vite; en tout cas, je l'espère.
Si le ministre n'a pas la tête trop dure. Il y a huit
municipalités chez vous, chacune des huit municipalités a
l'obligation de préparer elle-même un plan qu'elle
présentera à la commission. Moi, j'espérais qu'il y ait
douze commissions régionales, étant donné qu'il y a douze
régions agricoles au Québec. D'ailleurs, je n'ai pas fini de me
battre là-dessus, je vais aller jusqu'au bout. Mais de toute
façon, présentement, ce qu'on nous présente, c'est une
commission qui siège à Québec, qui est juge et partie, qui
est une régie d'Etat, nous nous donnons cela aussi.
De toute façon, chacune de vos municipalités a
l'obligation de préparer, chacune d'elles, un plan. Je vois qu'il y a
une différence de 13 000 acres entre ce que vous prévoyez comme
secteur agricole réservé strictement pour fins agricoles. Je ne
sais pas si votre chiffre de 75 000 acres est ferme ad vitam aeternam pour fins
agricoles.
M. Rivest: II ne l'était pas dans la proposition
originelle, mais nous nous engagerions volontiers à le rendre
permanent.
M. Dubois: Suite au gel du territoire et au dépôt
des cartes du ministère de l'Agriculture, dans certains de ces secteurs
réservés pour fins agricoles et les cartes
présentées par le ministère seront corrigées
une partie de ces acres seront enlevées pour d'autres fins que
l'agriculture. Enfin, cela va arriver partout je pense au Québec. Si je
regarde les municipalités où il n'y a pas de services
d'égout, où il n'y a pas de services d'aqueduc, où on a
gelé tout le territoire, où il n'y a même plus de place
pour bâtir une maison, à certains endroits, ces
municipalités vont présenter un plan d'aménagement local,
et certainement qu'elles vont garder une aire pour les résidences, pour
les édifices commerciaux et industriels, dans certains endroits quand
même. Quand chacune de vos huit municipalités aura son propre
plan, vous allez peut-être en revenir à peu près aux 75 000
acres qui sont prévues par le ministère de l'Agriculture. Je vois
une possibilité dans ce sens.
M. Rivest: Je dois avouer, M. le député, que moi,
je suis quand même plus pessimiste. Comme je le soulignais, hier, je ne
pense pas faire de procès d'intention, à savoir que la Commission
de la protection du territoire agricole va sûrement avoir un
préjugé favorable important pour cette activité
sectorielle qu'est l'agriculture, à tout le moins aussi important comme
préjugé que celui du ministère de l'Agriculture. Je me
dis: Si la commission était pour nous donner raison globalement, ou
presque globalement, d'ici X mois, lorsque chaque municipalité ira faire
son pèlerinage, je me demande pourquoi la proposition de zones
désignées, aujourd'hui à l'étude, ne pourrait pas
comporter tout de suite le même aménagement ou le même
changement et de façon globale.
Quand j'ai dit, un peu à la blague hier, qu'on s'était
servi de pinceaux de quatre pouces pour badigeonner en vert de larges secteurs,
je comprends, étant urbaniste, que dans certains cas, il est difficile
de prévoir le détail de ce qu'on veut proposer. Cependant, et
c'est là que nous considérons que nous accusons un recul par
rapport à la situation actuelle, cependant dans l'Outaouais, à la
Communauté régionale de l'Outaouais les propositions
étaient connues de façon très explicite et très
détaillée. Si on avait eu le préjugé favorable de
proposer quelque chose qui serait en adéquation avec le schéma
d'aménagement de la CRO, on aurait pu le faire immédiatement.
M. Dubois: Dans le territoire qui est réservé par
le ministère de l'Agriculture, il y a certainement des fermes qui ne
sont pas propres à être cultivées.
M. Rivest: Certainement un grand nombre. (21 h 30)
M. Dubois: A présent, vos 75 000 acres, est-ce que ce sont
les meilleurs sols de votre région?
M. Rivest: Comme je l'ai souligné, nous avons
utilisé les mêmes documents de base que le ministère de
l'Agriculture, à savoir les cartes de potentiel et en retenant les trois
meilleures catégories qu'on appelle, en jargon, les catégories A,
B, C. Nous avons épuré cela de ce qui était
déjà trop engagé en termes de développement
résidentiel, de ce qui était trop engagé en termes de
lotissements dûment approuvés, et c'est pour cela qu'on peut
expliquer une certaine... Et en tenant compte des besoins de
développement urbain. Je pense qu'on ne peut pas, globalement, en faire
fi de cette façon.
Si je peux me permettre d'ajouter un commentaire à ce que M. le
ministre a souligné tantôt, il est réel que lors de
l'examen du schéma d'aménagement on nous avait
sérieusement avertis que jusqu à un certain point l'acceptation
par le gouvernement comportait la condition qu'on devrait se conformer à
la loi 90 qui, à ce moment-là, était en
préparation, et on a donné notre accord de principe à ce
niveau. Cependant, comme je le soulignais et cela me paraît
très important à ce moment les cartes de régions
désignées n'étaient pas disponibles, ne nous
étaient pas connues et nous ne pouvions pas penser que cela pouvait
compromettre à tel point l'ensemble des propositions du schéma
d'aménagement.
En terminant, on a un peu l'impression que le ministre de l'Agriculture
considère qu'à peu près toutes les municipalités ou
les organismes municipaux ont évidemment, eux, un préjugé
favorable à l'urbanisation, contrairement au préjugé
favorable à la protection du territoire agricole. Je voudrais souligner
la majorité d'entre vous n'ont pas eu l'occasion de lire le
document en profondeur, le schéma d aménagement qu'il n'y
a certainement pas beaucoup de régions au Québec qui ont un souci
de conservation des ressources non renouvelables et des ressources naturelles
au point, par exemple, de mettre légalement en application des
propositions telles que du zonage concernant la faune sauvagine où il
n'y a à peu près aucune construction permise et aussi même
d'avoir des zones de protection de la faune ongulée. Il faut quand
même avoir un souci de respect de l'environnement naturel, de
l'environnement rural pour en venir à faire accepter à une
population de limiter ses droits de construction ou de développement
pour des choses de ce genre.
Le Président (M. Boucher): Merci.
M. Dubois: Si chacune de vos municipalités présente
son propre plan basé exactement sur votre schéma d
aménagement à la commission, je pense qu'à ce
moment-là vous auriez peut-être I appui du ministre
délégué à l'aménagement du territoire. Je
pense que ce serait une manière de présenter votre cas. Le
ministre va devoir entrer un peu dans le sujet parce qu'il est quand même
responsable de ce ministère. C'est malheureux que le ministre
délégué à l'aménagement du territoire ne
soit pas à cette commission, parce qu'il devrait être
l'interlocuteur premier. Quand on parle de respect, c'est facile; on parle
d'aménagement de territoire, premièrement. C'est le mot de la
fin. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Huntingdon. M. le député de Laval, comme
vous êtes le dernier intervenant et que déjà nous avons
consacré au-delà de deux heures à la CRO, je vous
demanderais d'être bref.
M. Lavoie: Je vais accéder à votre demande, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup de votre
collaboration, M. le député de Laval.
M. Lavoie: Je vais faire un exposé le plus concis possible
et je vais terminer, comme mon collègue le député de
Gatineau, par une demande peut-être plus atténuée au
ministre de l'Agriculture. J'aimerais bien avoir une réponse afin qu'on
aboutisse à quelque chose avec chacun des organismes et, en particulier,
la CRO qui vient nous voir ce soir.
Nous avons un cas évident comme nous en avons eu un hier de la
région de Saint-Eustache qui couvrait 32 municipalités un
peu à l'est de cette région-ci des comtés de
L'Assomption, Terrebonne, Deux-Montagnes, Argenteuil, Prévost un peu, et
là nous sommes un peu plus à l'ouest. Ce sont des gens du milieu,
des administrateurs municipaux qui ont pris la peine, en consultation avec la
population durant une période de deux ou trois ans, d'investir des
sommes importantes de $2 millions à $3 millions.
Ce n'est pas facile, je le sais, pour les administrateurs municipaux,
dans ce cas-ci huit municipalités, de préparer avec des experts,
en dépensant des fonds publics de l'ordre de $2 millions ou $3 millions,
de soumettre à la population on m'a dit combien il y a eu de
réunions ce n'est pas facile de faire accepter cela par tout le
monde. On a pris en considération l'aménagement du territoire,
fait des prévisions pour 5 ans, 10 ans, 50 ans à venir, avec les
réservoirs de population, avec les infrastructures, les collecteurs
d'égout, les conduites maîtresses d'aqueduc, les voies futures,
présentes, une planification, la question de la fiscalité, quand
on sait qu'une terre zonée en vert ou zonée en blanc ne sera pas
évaluée au même montant et ne rapportera pas la même
chose aux municipalités. En plus, cet organisme a pensé, avant
tous les autres, à protéger le territoire agricole dans leur
milieu.
Le ministère des Affaires municipales, qui est quand même
le patron de l'aménagement et l'autorité au-dessus des
municipalités, approuve, le 9 août 1978, ratifie le schéma
qui a été fait. Deux ou trois mois après, le
ministère de l'Agriculture, avec des fonctionnaires... On l'a
déjà dit, ce plan-là, ce projet de loi-là a
été fait en vitesse. Je dois le reconnaître, dans Laval,
dans Terrebonne, dans l'Assomption, là aussi cela a été
fait à la broche. Ils ont zoné en vert des places où il y
a 500 maisons. Ce plan a été bousculé. On met tout de
côté du revers de la main par un décret du 9 novembre,
enregistré dans tous les bureaux d'enregistrement du Québec, on
passe par-dessus toutes les municipalités et on dit que c'est la loi. Il
y a quand même une limite. Je ne voudrais pas être dans la peau,
actuellement, du ministre d'Etat à l'aménagement du territoire.
C'est la première fois qu'on en a un au Québec. C'est un
superministre. Le ministre des Affaires municipales, le ministre des Terres et
Forêts, le ministre des Richesses naturelles, le ministre des Transports
n'ont plus un mot à dire.
M. Mercier: Je soulève une question de règlement,
M. le Président. Nous sommes ici pour écouter les intervenants,
questionner les intervenants et tâcher de leur faire préciser les
différents aspects de leur rapport. Je pense que le discours du
député de Laval serait très approprié à
l'étude article par article, mais pas à ce moment-ci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Berthier.
Une Voix: Question de règlement.
M. Lavoie: On ne fera pas de question de règlement.
M. Gratton: Excusez-moi, M. le député de Laval. Sur
la question de règlement que vient de soulever le député
de je ne sais où, le fait demeure que nous avons effectivement des
invités qu'on voudrait bien écouter, mais les écouter et
ne pas entériner leurs suggestions, ce que semble vouloir faire le
ministre, ne donne absolument rien. Je ferai remarquer au député
que ce n'est pas nous hier qui, lorsque le député de
Deux-Montagnes a fait un procès d'intention à l'endroit du maire
de Saint-Eustache, avons débordé le cadre de nos discussions. Il
n'y a pas deux poids, deux mesures dans cette affaire-là.
M. Chevrette: Je fais appel au règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le
député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: On n'est pas en deuxième lecture. Les
discours en Chambre sont terminés et ce n'est pas un appel au
règlement que d'essayer d'atténuer la portée d'un discours
d'un autre.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval, vous m'avez offert votre collaboration tout à l'heure. Vous la
réitérez, alors je vous demande d'abréger le
préambule de votre question.
M. Lavoie: Nous sommes ici et nous devenons sociétaires,
collaborateurs des gens qui viennent ici pour essayer d'allumer les
lumières du ministre. Le ministre est quand même responsable. Il
impose cette loi. Avant qu'il n'aille jusqu'au bout, à la
troisième lecture, je pense que c'est la responsabilité des
députés ministériels comme des députés de
l'Opposition et de la population de dire au ministre: Essayez
d'améliorer votre loi. C'est le but de mon intervention. Comme ces
gens-là l'ont dit, comme les gens de Saint-Eustache lont dit...
M. Chevrette: C est à eux de le dire.
M. Lavoie: ... comme ces gens l'ont dit, comme les gens de
Saint-Eustache l'ont dit et comme d'autres vont le dire. Il y a quand
même une limite et je vais aller le plus rapidement possible. Savez-vous
où l'on retourne, M. le ministre? Il y a 25 ans, au Québec, il
n'y avait pas 28 ministres. Dans les années vingt, le savez-vous et
cela, c'est bon... Le ministre nous a ramenés dans le temps de
Jacques-Cartier, en nous demandant s'il aurait fallu habiter uniquement les
bourgades indiennes. Moi, je vais le ramener pas si loin, dans les
années trente.
M. Garon: Je pense qu'il y a un point d'ordre, M. le
Président. On ne discute pas sur les plans, on discute sur la loi.
Est-ce qu'on peut revenir à la pertinence du débat?
M. Lavoie: On discute sur la loi.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval, encore une fois, je vous demande votre collaboration pour poser les
questions aux gens qui sont invités ce soir. Vous pourrez faire ce
débat peut-être à l'étude article par article. Je
pense que cela sera le moment.
M. Lavoie: Non, je ne le crois pas. Le ministre nous a
ramenés dans le temps des bourgades indiennes. Je voudrais le ramener
dans les années vingt où, savez-vous, M. le ministre...
Amicalement on va se parler, amicalement. Je me demande...
Le Président (M. Boucher): II y a des invités et
vous leur tournez le dos actuellement. C'est à eux que doivent
s'adresser vos questions.
Une Voix: Ils ont nommé un péquiste, par
exemple.
M. Lavoie: D'accord, je veux m'adresser au ministre et aux gens
qui sont ici.
Le Président (M. Boucher): Je n'accepte pas qu'on pose des
questions au ministre actuellement si nous avons des invités devant
nous.
M. Beauséjour: II n'y a pas de télévision
ici. M. Lavoie: M. le ministre... Une Voix: II y a des
spectateurs.
M. Lavoie: Je pense que le ministre aime les anecdotes
historiques. Savez-vous que, dans les années vingt, il n'y avait pas de
ministre des Affaires municipales, il n'y avait pas de ministre des Terres et
Forêts, il n'y avait pas de ministre à l'aménagement du
territoire?
M. Baril: Y avait-il un gouvernement?
M. Lavoie: II n'y avait pas de ministre des Transports. Tous ce
ministères et cela, je le demanderais aux parlementaires qui sont
ici que je viens de mentionner émanaient du ministède de
l'Agriculture. Tous ont été des démembrements du
ministère de l'Agriculture dans les années vingt. Le
ministère des Transports n'existait pas. Le ministère pour
l'aménagement du territoire n'existait pas, les Richesses naturelles
n'existait pas. Je vous dis qu'on retourne 50 ans en arrière.
M. Chevrette: Question de règlement, s'il vous
plaît!
M. Lavoie: II ne reste plus qu'un ministre de l'Agriculture qui
met tous les autres en tutelle.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval. M. le député de Joliette-Montcalm, question de
règlement.
M. Chevrette: M. le Président, si vous permettez au
député de Laval de faire un discours de deuxième lecture,
je m'inscris. Est-ce clair? Vous n'êtes pas là pour faire
l'histoire du parlementarisme ou des régimes gouvernementaux qui ont
changé. Il y a des limites. Si on se met à se rappeler...
M. Lavoie: Je termine, M. le Président. Est-ce que j'ai la
parole?
Le Président (M. Boucher): Je vous dis: Si vous avez une
question à poser aux invités, posez-la, parce que je devrai vous
retirer le droit de parole.
M. Chevrette: M. le Président, je n'ai pas fini. Je n'ai
pas terminé.
Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député
de Joliette-Montcalm.
M. Lavoie: Je termine, M. le Président.
M. Chevrette: Si vous me le permettez, je vais vous demander une
directive.
M. Garon: Le Parti libéral fait vraiment un
"filibuster".
M. Chevrette: Si vous permettez au député de Laval
de continuer, je vous avise tout de suite que moi aussi, je vais faire le
relevé complet de ce qu'ils auraient dû faire en six ans et qu'ils
n'ont jamais fait.
M. Lavoie: M. le Président, je termine avec une question
au ministre. Je n'irai peut-être pas aussi loin. Le député
de Gatineau vous a demandé un statut particulier pour la CRO, je vais
faire une autre demande au ministre.
M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.
Ce n'est pas moi qui l'ai demandé; c'est la communauté
régionale.
M. Lavoie: Oui, d'accord.
M. Chevrette: Vous ne pourriez pas faire un caucus avant pour
vous entendre?
M. Lavoie: Non, il y a une certaine liberté qui existe
encore de ce côté-ci de la table.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
M. Gratton: Cela vous surprend peut-être.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre!
M. Gratton: Cela n'existe pas chez vous, cela.
M. Chevrette: Vous avez l'infaillibilité papale, vous
autres.
M. Lavoie: Suite à la demande de la CRO appuyée par
des députés, notamment par le député de Gatineau,
étant donné que cet organisme a préparé un plan qui
prévoit une protection de zonage agricole, ce que tout le monde
désire, de 75 000 acres, que certains fonctionnaires du ministère
de l'Agriculture je ne dis pas le ministre en prévoient 88
000, une différence de 17%, je vais vous demander, entre deux maux, de
choisir le moindre. Ne pourriez-vous pas...
M. Garon: Ce n'est pas le même territoire qui est
concerné.
M. Lavoie: J'ai plus confiance au territoire décidé
par les administrateurs municipaux et après une consultation de la
population...
M. Garon: Ne faites donc pas des mensonges.
M. Lavoie: ... que par les technocrates du ministère de
l'Agriculture.
M. Gratton: Moi aussi.
M. Lavoie: Bon. Il y a eu une consultation de ce
côté.
M. Garon: Ce n'est pas cela que je vous dis. Les 75 000 et les 88
000 ne couvrent pas le même territoire. Les 75 000 concernent le
territoire de la CRO au complet, alors que nous, on touche le tiers, un peu
plus que le tiers, 35% du territoire de la CRO. Vous ne pouvez pas comparer 75
000 et 88 000.
M. Lavoie: De toute façon, on va enlever les chiffres.
J'ai plus confiance au choix des administrateurs de huit conseils municipaux
quant aux plans, parce qu'ils ont pris deux ans à les préparer,
les ont soumis à la population et une décision vient de
Québec sans consultation. Je fais confiance de ce côté. Je
vous demanderais une chose. Votre dirigisme... (21 h 45)
M. Mercier: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Boucher): Est-ce une question, M. le
député de Laval? Posez-là.
M. Lavoie: Oui, c'est une question, si on peut me permettre de la
poser. Voulez-vous vous enlever, j'aimerais parler au ministre.
M. Chevrette: Vous avez nui à votre propre
confrère.
M. Lavoie: Oui, mais je me suis retiré. Retirez-vous!
M. Chevrette: Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous.
M. Lavoie: M. le ministre...
M. Chevrette: Vous n'êtes plus président de
l'Assemblée nationale; vous êtes député comme nous
autres.
M. Lavoie: Et vous, vous ne le serez jamais à part
cela.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Non, j'espère.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
M. Lavoie: C'est clair? M. le Président...
M. Chevrette: Parce que, avec l'exemple que vous donnez, avec
l'expérience...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Joliette-Montcalm, je vous demande...
M. Chevrette: ... que vous avez, on n'a rien à retirer de
vous.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Joliette-Montcalm, je vous demande...
M. Lavoie: M. le ministre, serait-il possible...
M. Chevrette: II n'est pas censé parler, lui, et je
demande immédiatement qu'il se retire de la table.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
Qu'est-ce qui se passe ce soir? Y a-t-il de l'orage dans l'air?
M. Lavoie: Je ne me retirerai pas de la table.
M. Chevrette: On a donné un consentement pour le laisser
parler, tantôt, parce que c'était sa région, mais on ne lui
a pas demandé de venir déblatérer continuellement ici.
M. Baril: On va se retrouver à trois heures, comme hier
soir.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Laval, encore une fois je vous demande votre
collaboration et je vous demande de poser votre question...
M. Gratton: Voulez-vous faire un caucus, vous autres?
Le Président (M. Boucher): ... parce que je vais
être obligé de vous retirer le droit de parole.
M. Gratton: Voudriez-vous en faire un qui...
Le Président (M. Boucher): Allez-y brièvement.
M. Lavoie: M. le ministre, les contraintes et la protection que
vous désirez appliquer dans les zones agricoles, suivant votre plan,
serait-il possible de les appliquer sur le territoire choisi par les
administrateurs municipaux et accepté par la population du CRO
les 75 000 acres et que les mêmes règles de protection du
territoire agricole soient appliquées au territoire agricole que ces
gens-là ont déterminé? Pour le reste, laissez-leur la
paix. Cela serait-il possible, M. le ministre? Que ce que ces gens-là
ont déterminé comme territoire agricole devienne votre zone
agricole, avec toute la projection qu'on accepte, du fait que cela a
été fait en consultation depuis deux ou trois ans, ce n'est pas
une demande exceptionnelle qu'on vous demande. Est-ce qu'on pourrait vous
demander cet engagement-là?
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, est-ce que vous
voulez répondre à cette question?
M. Garon: J'ai déjà répondu.
Le Président (M. Boucher): Bon! Alors, M. le
député de Laval, je dois reconnaître que le ministre vous a
déjà répondu.
M. Lavoie: J'ai terminé mon intervention.
Le Président (M. Boucher): Bon! Merci beaucoup. Alors, je
remercie, au nom de tous les membres de la commission, la Communauté
régionale de l'Outaouais d'avoir présenté son
mémoire, et je remercie M. Rivest, M. Lock, M. Burk.
M. Rivest: Merci, M. le Président.
M. Garon: Merci d'être venus nous présenter votre
mémoire. Je suis convaincu que la commission pourra vous entendre assez
tôt au cours du mois de janvier.
M. Rivest: Je l'espère aussi.
M. Lavoie: Bonne chance!
Association des propriétaires du Québec
Inc.
Le Président (M. Boucher): Maintenant, j'appellerais
l'Association des propriétaires du Québec Inc. Monsieur, si vous
voulez vous identifier et identifier ceux qui sont avec vous.
M. Tremblay (Marcel): Je suis le président de
l'Association des propriétaires du Québec et
vice-président de l'Union des ligues de propriétaires de la
province de Québec. Je demanderais à M. Lépine, qui est le
directeur général de l'Association des propriétaires du
Québec et de l'Union des ligues...
M. Lépine (Edouard): Mes respects et mes amitiés,
M. le Président, et les membres de la commission.
M. Tremblay (Marcel): M. Edouard Lépine, directeur
général. Vous avez ici à droite le président de
l'Union des ligues de propriétaires de la province de Québec
ainsi que le représentant de l'OLPPQ, section de la
propriété de la région de Montréal, le docteur
Loyola Perras. Vous avez notre secrétaire-trésorier, M. Laval
Tardif, agronome et également cultivateur et propriétaire
à Québec.
Le Président (M. Boucher): Merci. Allez-y de votre
mémoire.
M. Tremblay (Marcel): Oui. Je vais commencer par
I'avant-propos.
M. le Président, messieurs les membres de la commission
parlementaire, nous vous remercions de nous avoir convoqués et
invité à donner nos opinions. C'est humblement que nous nous
présentons ici.
Nous commençons. La relève doit se faire chez la gent
agricole comme dans les autres classes de la société ou
catégories de travailleurs. Pour ce faire, il faut que les
gouvernements, surtout celui du Québec, prennent des mesures dans ce
sens. Le jeune homme qui ambitionne de devenir exploitant agricole doit pouvoir
trouver les crédits et les conseils ad hoc indépendamment des
gouvernements et des partis politiques.
L'ULPPQ et l'APQ, pour leur part, demandent que l'équité
et l'efficacité se rejoignent dans la poursuite de cet objectif.
L'accès à la propriété agricole, même pour
les agriculteurs démunis, doit être facilité, car il est un
facteur de responsabilité individuelle, d'encouragement personnel et de
stabilité collective dans le milieu rural. Notre pays du Québec
est grand, vaste, beau et riche. Il n'y a aucune raison que s'y installe le
paupérisme agricole à force de gaspillage administratif ou la
pauvreté, à coups de collectivisme forcé. Pour les jeunes
agriculteurs, la propriété est la clé de l'avenir.
Enoncés de principe. L'action de l'ULPPQ et de l'APQ s'inspire
des principes suivants. Premiè-
rement, la propriété est le prolongement naturel de la
liberté et doit donc être encouragée et
protégée; deuxièmement, l'accès à la
propriété terrienne doit être facilité à tous
les fils de cultivateur qui veulent pratiquer l'agriculture;
troisièmement, la relève en matière d'agriculture doit se
faire tout naturellement par les descendants de la Nouvelle-France;
quatrièmement, l'avenir de notre agriculture et de la
propriété agricole dépend de l'intérêt que
doit y porter notre jeunesse; cinquièmement, nos associations ne restent
pas neutres devant les politiques municipales ou gouvernementales qui affectent
le droit à la propriété agricole et son usage, mais elles
ne sont jamais partisanes; sixièmement, nos associations sont
particulièrement sensibles à toute mesure visant à
améliorer, conserver et détruire le patrimoine agricole de notre
pays du Québec; septièmement, nos associations s'opposeraient
à toute politique favorisant la lutte des classes parmi la gent
agricole; huitièmement, en protégeant le droit de
propriété de nos cultivateurs propriétaires et de tous les
autres propriétaires terriens, nos associations participent au bien
commun de la société québécoise.
Limite des interventions de nos deux associations. Nous n'allons pas
nous substituer dans ce mémoire à des organismes
spécialisés comme l'Union des producteurs agricoles,
l'Association des marchands de machines aratoires, le Conseil de l'alimentation
du Québec In., les cercles de fermières, les corporations
municipales et autres organismes du genre en présentant nos
doléances. Ce serait présomptueux. Nous répéterons
que le problème de notre agriculture est d'ordre social autant que
technique, que la propriété terrienne n'est pas responsable de la
pauvreté de certaines couches de notre société rurale, que
la propriété privée est plus à même de
gérer notre fonds terrien que les institutions gouvernementales ou
paragouvernementales, que l'agriculture est de moins en moins un investissement
rentable, que bien des problèmes de rentabilité agricole sont
posés par des relations tendues entre le gouvernement
fédéral et celui du Québec et que les hauts technocrates,
agronomes ou autres, sont devenus une plaie pour les agriculteurs, qu'il
n'existe pas de politique globale en matière d'agriculture, que
l'évaluation foncière des propriétés agricoles est
exorbitante, que le loyer de l'argent dépasse de plus en plus les
possibilités du petit ou moyen agriculteur, que l'application
technocratique d'un zonage agricole, sans classification scientifique des sols,
serait la répétition d'expériences désastreuses
pratiquées dans d'autres pays, que l'article 22 du projet de loi 90 est
inacceptable pour tout cultivateur qui se considère comme le citoyen
d'un pays libre, que le projet de loi 90 est le prélude d'autres projets
du genre destinés à limiter dans son essence la liberté
démocratique si chèrement acquise par notre peuple à
travers les siècles.
Les bizarreries du projet 90. Le projet de loi 90 ne présente
qu'un aspect partiel, l'aménagement du territoire. Les entraves
apportées à l'accession à la propriété
agricole feront de l'agriculture une profession fermée où ne
pourront s'introduire que les grands possédants et les
intérêts financiers des multinationales.
Le projet de loi 90 présente à notre attention ni plus ni
moins que le spectacle de la confiscation légale de la plus-value entre
la valeur vénale d'un terrain et sa valeur productive agricole. Pour
compléter les choses, les cartes, au lieu d'être
préparées au 63 millième l'ont été au 50
millième, ce qui permet des possibilités d'erreurs
considérables. En Colombie-Britannique, une loi similaire au projet de
loi no 90 excluait du zonage les terrains de moins de deux acres.
L'indemnisation aux cultivateurs touchés par le zonage projeté
est tout simplement oubliée. Sous prétexte de protéger le
sol arable, on va priver le cultivateur descendant des premiers habitants de la
Nouvelle-France de rentes viagères et de possibilités de
capitalisation sur son bien ancestral.
Cette disproportion entre voisins classés de façon
disparate établira des différences d'évaluation qui
varieront du simple au quadruple, sextuple, etc. Une ville à vocation
urbaine comme Laval, deuxième ville du Québec en nombre
d'habitants, se retrouve première ville à vocation agricole de
notre province. Le projet de loi no 90 établit la discontinuité
entre les droits ancestraux de notre population agricole et les
désiderata de la ploutocratie technocratique du haut fonctionnarisme du
ministère de l'Agriculture.
L'administration technocratique ennemie de la classe agricole. Dans le
monde qui constitue notre quotidien, le fonctionnarisme remplit un rôle
clé. Tant que le fonctionnaire s'en tient à la stricte
administration publique, il remplit le rôle qu'on lui fait jouer. S'il en
arrive à influencer les législateurs au point de leur faire voter
des lois uniques par des astuces administratives ou idéologiques, il
outrepasse les limites de sa fonction. C'est malheureusement trop souvent le
cas au Québec où une caste de hauts fonctionnaires technocrates
réglemente par le truchement du lieutenant-gouverneur en conseil, se
mettant très souvent en conflit d'intérêts avec leurs
propres ambitions mercantiles allant à l'encontre du bien commun. Le
projet de loi no 90 met en évidence cet aspect malheureux de l'actuelle
situation de la fonction publique au ministère de l'Agriculture.
Là où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Le besoin de faire
surveiller cette nouvelle caste de hauts fonctionnaires trop puissante est
devenue impérieux, particulièrement au ministère du Revenu
ou le fardeau de la preuve incombe à l'accusé. Les
propriétaires terriens en savent quelque chose.
Nous suggérons qu'un comité permanent et cela est
très important pour nous, nous pensons sur cela, cela existe dans
plusieurs pays du monde nous suggérons, dis-je, qu'un
comité permanent composé de députés, c'est
là que les députés d'arrière-ban ont de
l'importance, en provenance de tous les partis reçoive les
doléances des citoyens et groupes de citoyens qui ont à se
plaindre des injustices administratives. En France, il a été
évalué que 80% des injustices faites aux
citoyens le sont du fait de l'administration publique. Ce comité
pourrait exiger qu'un dossier administratif nous soit remis dans un
délai maximum de trois jours sous peine de sanction. Voilà une
bonne occasion d'utiliser les députés de l'arrière-ban.
Nous remarquons également que les conseils municipaux et de comté
sont traités comme des porte-documents du ministère de
l'Agriculture. Cette façon de bafouer l'autonomie des corps
intermédiaires est intolérable en démocratie.
Il va de soi que les conflits qui s'élèvent entre les
corps intermédiaires et le gouvernement sont imputables, dans
l'état actuel des choses, au gouvernement qui légifère
sans tenir compte des moeurs, des coutumes et des libertés locales et
régionales.
La propriété, prolongement de la liberté. Nos
associations de propriétaires sont trop soucieuses du bien commun pour
laisser le projet de loi no 90, annonciateur des projets de loi nos 99 et 102,
passer sans une intervention vigoureuse de notre part. La raison est toujours
la même. Sans partisa-nerie politique, nous défendons la
propriété prolongement de la liberté. Or, dans ces trois
projets, la propriété et la liberté en prennent un coup.
Nous limitant au projet de loi no 90, il suffit que nous dénoncions
l'article 22 qui se lit comme suit: "Le gouvernement peut, par décret,
identifier dans une région agricole désignée toute partie
du territoire du Québec." (22 heures)
II est facile de s'imaginer l'effet désastreux d'un tel article
appliqué arbitrairement par un fonctionnaire zélé,
vindicatif ou simplement intéressé. Comme le dirait M. Samson,
chef parlementaire des Démocrates, un technocrate pourrait
déclarer terre agricole une terrasse gazonnée d'un édifice
de 20 étages. Nous tombons dans l'aberration.
La Commission de protection du territoire agricole du Québec que
veut former le gouvernement bafoue les pouvoirs municipaux. Les pouvoirs que le
gouvernement s'arroge à l'intérieur de ladite commission et ceux
de la commission elle-même sont excessifs. Une réunion de deux
membres de la commission, avec le vote prépondérant du
président, peut valider les options qui vont à l'encontre des
opinions de la majorité des membres de la commission, des
députés de l'Assemblée nationale, de la classe agricole et
de la population tout entière. Les droits les plus légitimes de
l'agriculteur propriétaire et du propriétaire terrien du type
"gentleman farmer" sont brimés de la façon la plus
antidémocratique même dans leur façon de tester, car, pour
pouvoir morceler leur terre de manière à favoriser chacun des
héritiers à qui ils veulent en léguer une partie, ils
devront, avant de rédiger leur testament, en obtenir la permission des
technocrates fonctionnaires du ministère de l'Agriculture.
M. Garon: Ce n'est pas exact. Je dois vous dire qu'il y a une
exception dans la loi.
M. Tremblay: Si vous voulez, je vais finir de lire, puis on
reviendra sur cela.
M. Lavoie: Est-ce que tout le reste était exact?
M. Tremblay: Le projet de loi no 90 va à l'en-contre du
bon sens et de la loi naturelle lorsqu'il s'agit de pouvoir disposer librement
de ses biens conformément au bien commun. Ce droit est plus fort que
tous les édits et les communistes de l'URSS l'ont amèrement
constaté dans leur constitution du 7 octobre 1977.
Le projet de loi no 90 est doté de toutes sortes d'autres mesures
contraignantes qui briment même le droit d'accès à la
propriété pour le gagne-petit, car les endroits accessibles et
viables tomberont sous la coupe d'une réglementation rigide qui ne
laisse guère de place à la ferme où une famille vit en
régime quasi autarcique. De plus, zonage signifie un jour ou l'autre
dézonage où le patronage pourra s'exercer sans que les tribunaux
y trouvent à redire, le projet de loi no 90 favorisant presque.
Nous pourrions continuer ainsi en apportant des arguments d'ordre
technique, mais nous nous contenterons de préciser que le zonage
agricole est sans objet si on considère que la rentabilité
financière conditionne toute action future en matière
d'agriculture de la part de l'Etat. Par ailleurs, qui doit payer pour le
zonage? Déjà, tout le mal a été fait à nos
agriculteurs de l'Ouest du Québec. Quelques-uns de nos meilleurs sols
arables ont été transformés en centres d'achat
contrôlés par des intérêts étrangers à
notre peuple. Qu'on laisse donc nos agriculteurs tranquilles, qu'on les aide au
besoin par des subventions et qu'on s'attaque plutôt aux trusts
agro-industriels qui spéculent sur le dos de nos paysans, au lieu de
prendre ces derniers comme boucs émissaires en essayant de leur faire
croire que c'est pour leur bien et celui du Québec.
L'agriculture québécoise ne mobilise, en somme, que 40 000
cultivateurs, dont certains à temps partiel, mais 4000 fonctionnaires
à temps plein qui ne produisent pas grand chose d'utile pour te
Québec. Au Québec, seulement 9 millions d'acres sont sous la
coupe de la classe agricole, ce qui constitue seulement 3% de tout notre
territoire, le Labrador excepté. Les deux tiers des terres
utilisées sont consacrées à la culture du foin dont le
revenu net est mince pour l'exploitant. D'autres terrains non cultivés
sont occupés par des élevages de porcs et de volailles qui
apportent un profit raisonnable à leurs propriétaires à
force de spécialisation et de rationalisation des coûts de
production.
A quand les mesures incitatives qui permettront au Québec de
devenir vraiment indépendant sur le plan alimentaire? L'alimentation des
animaux de la ferme est principalement composée de
céréales, à 70%. Presque toutes proviennent de
l'extérieur du Québec. L'arrière-pays serait excellent
pour l'élevage du mouton, mais nous ne produisons que 6% de notre propre
consomma-
tion. La viande de boucherie produite au Québec qui circule dans
les circuits agro-alimentaires l'est en proportion minime et nos
éleveurs ne peuvent concurrencer le boeuf de l'Ouest. Pourquoi? Que fait
le gouvernement pour changer cet état de choses? Les revenus de nos
éleveurs sur la vente de leurs bêtes sont de plus en plus
rognés par la spéculation des trusts agro-alimentaires qui en
font baisser les prix pour acheter la viande à vil prix, viande qu'ils
revendront au prix fort du marché, comme peuvent le constater tous les
consommateurs avertis.
L'agriculture est en peine d'un deuxième souffle. Ce qui importe
maintenant, ce n'est pas qu'on I'encastre dans un carcan, mais qu'on lui
insuffle suffisamment d'oxygène pour qu'elle redevienne une des
principales activités économiques du Québec et faire en
sorte que le cultivateur ne devienne pas de plus en plus un
Québécois dépendant dans un Québec en voie de
devenir indépendant.
Conséquences découlant de la mise en application du projet
de loi no 90: 1) Ce projet devenant loi tel qu'il est rédigé
favorisera la collusion entre la technologie technocratique des secteurs public
et privé et la technologie financière des trusts
agro-alimentaires. 2) Ce projet transformera en agriculture du type tiers monde
l'agriculture polyvalente de notre pays du Québec. 3) Ce projet
confirmera la dépossession des descendants de la Nouvelle-France des
terres qu'ils détiennent sous prétexte qu'ils n'ont pas les
moyens financiers de les faire fructifier. 4) Ce projet facilitera
l'installation progressive sur les meilleures terres de complexes
agroindustriels qui obtiendront des terres gratuitement du gouvernement pour
les exploiter à outrance au nom de la sacro-sainte efficacité et
du nom moins vénéré profit. Quand on sait que planter de
la luzerne ou du maïs durant quinze ans dans un sol fertilisé
à l'engrais chimique brûle le sol et le stérilise, il n'est
pas difficile de concevoir ce qui arrivera aux régions ainsi
exploitées. 5)Ce projet augmentera le taux du prolétariat au
Québec et abaissera celui des propriétaires agriculteurs
responsables. 6) Ce projet préconise la mise en servage
économique d'une population semi-rurale qui, jusqu'à maintenant,
avait réussi à maintenir une certaine indépendance
économique essentielle au développement de communautés
rurales et semi-urbaines. 7) Ce projet détruit les possibilités
à long terme du développement d'une agriculture de choix
où les produits atteindraient la qualité et la
variété de ceux des agricultures européennes.
Suggestions: 1)Inscrire dans la loi les attendus qui déterminent
et précisent les véritables intentions du gouvernement et les
principes qui le guident; 2) respecter le droit de propriété des
agriculteurs; 3) ne considérer le zonage agricole que comme un moyen
parmi d'autres pour relever notre agriculture québécoise de
l'ornière dans laquelle elle chemine péniblement; 4) faire en
sorte que ne se reproduise plus ce qui s'est produit en 1977 dans les encans
où les grands trusts agro-alimentaires s'approvisionnaient de viande au
Québec. Exemple: Du boeuf charolais qui avait coûté
à l'achat $0.83 la livre et qui coûtait à conserver et
à nourrir vivant $0.60 la livre était acheté en moyenne
à $0.16 la livre par des représentants déguisés de
trusts utilisant des astuces inadmissibles qui ruinaient nos éleveurs de
bovins; 5)prêter à 2 1/2%, comme l'avait fait Duplessis dans le
passé, aux agriculteurs propriétaires résidant sur leur
terre pour empêcher que les faillites se succèdent,
entraînant dans la pauvreté et le désespoir des centaines
de nos familles québécoises; 6) permettre le rachat par leurs
anciens propriétaires des terres saisies par l'Office du prêt
agricole, faire disparaître l'intérêt de 91/2% y
attaché en autant qu'ils continuent de pratiquer l'agriculture. Cette
mesure touche pratiquement un tiers des terres soumises au prêt agricole
de cet organisme fédéral; 7) admettre le principe et
l'application de la fertilisation des sols par des engrais traditionnels dont
les cycles carbonifères et azotiques naturels sont les meilleurs
regénérateurs de l'humus du sol; en étendre l'emploi dans
tout notre territoire agricole; 8) indemniser les propriétaires terriens
touchés par le zonage agricole au prix du marché en tenant compte
de la valeur vénale du terrain par rapport à celle de
l'exploitation du même terrain à des fins agricoles; 9)
procéder le plus rapidement possible à une évaluation
scientifique des sols sans laquelle un zonage agricole n'a aucun sens.
Proposition du Dr Loyola Perras, président de l'ULPQ. Une grande
partie des problèmes financiers posés aux cultivateurs
québécois repose sur le fait que le climat rend
particulièrement difficile la rentabilité d'une exploitation
agricole ou moyenne. Seules les grandes exploitations à haute
rentabilité et les exploitations familiales en réchappent. Sur
des terres trop petites pour la culture extensive à haut rendement, le
cultivateur n'arrive pas à trouver de main-d'oeuvre à bon
marché pour la rentabilité de son exploitation. Pourquoi le
gouvernement ne dirigerait-il pas nos jeunes qui accepteraient de travailler
à des conditions de salaire minimum garanti par le gouvernement,
logés et nourris, chez des cultivateurs ou des gentlemen farmers qui
requièrent, pour rentabiliser leur exploitation, une main-d'oeuvre
à bon marché.
Bien des tenants du bien-être social, surtout des
célibataires, pourraient également bénéficier d'un
tel programme s'il était mis en application judicieusement. Beaucoup
d'étudiants des régions excentriques du Québec
trouveraient là le moyen de se ramasser un petit pécule pour
l'hiver tout en travaillant dans leur région d'origine. Cette formule
que nous suggérons au gouvernement n'exige-
rait pas, dans son utilisation, de transfusion de fonds exorbitante en
comparaison des services qu'elle rendrait à notre
collectivité.
Et ma proposition est celle-ci. Nous croyons que l'occupation de nos
terres québécoises par des intérêts étrangers
d'ordre spéculatif est nuisible à notre agriculture à plus
d'un titre. Nous suggérons que le gouvernement, par un
arrêté en conseil et par une loi ad hoc, interdisse l'achat des
terres par des non-résidents québécois. Qu'il oblige les
non-résidents propriétaires de terres à les céder
au prix du marché à des résidents québécois.
Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, Dr
Tremblay.
M. le ministre.
M. Garon: Si j'ai bien compris, vous n'aimez pas trop notre
projet de loi!
M. Tremblay (Marcel): Je crois bien que le but du projet de loi
est louable. Protéger les sols arables, je pense qu'il n'y a pas un seul
Québécois qui a un peu de patriotisme au coeur qui puisse
s'opposer à ce principe. Mais nous avons pour principe de
protéger les droits de propriété. Nous n'avons
peut-être pas des gars du Barreau pour venir nous conseiller ici, c'est
certainement un instinct de conservation de ce droit de propriété
qui nous a été transmis par nos ancêtres. Je pense qu'il
est de notre devoir... L'orientation que nous avons constatée... L'autre
jour, nous avons assisté à la présentation du Conseil de
l'alimentation du Québec. M. le ministre, vous sembliez très
complaisant avec ce Conseil de l'alimentation qui représente des
associations membres qui sont très importantes, telles que le Conseil
des salaisons du Canada, division du Québec, l'Association des abattoirs
avicoles du Québec. Le Conseil des salaisons du Canada a ses acheteurs
aux enchères. Ce sont pratiquement les seuls gars qui viennent
renchérir sur nos bovins. L'an passé, ces gens-là payaient
du Charolais $0.16 la livre. Nous n'avions pas d'autres gars pour venir
renchérir! Nous ne voudrions pas que le cultivateur soit assis entre
deux sortes de technocratie, la technocratie du gouvernement et la technocratie
financière. On ne voudrait pas que le processus d'abandon des terres
soit le fait de ces organismes qui sont quasiment des multinationales, qu'ils
deviennent propriétaires pour, ensuite, déplacer des familles. A
l'article 7, le conseil, lorsqu'il vous a présenté cela, a dit:
Comme une telle loi n'aurait rien de commun avec les lois de l'expropriation,
les propriétaires ne devraient pas s'attendre à être
indemnisés par suite de l'application de ladite loi. S'il y a des gens
qui, réellement, devraient se taire, c'est surtout eux. Mais vous
sembliez très complaisant vis-à-vis de ces gens-là, M. le
ministre. Nous étions présents.
M. Garon: Une chose que je voudrais vous dire c'est que votre
mémoire est surtout au niveau des principes et, là, nous
regardons les modalités du projet de loi. Quand vous dites que le projet
de loi empêche un père de léguer sa terre à ses
enfants, même en la divisant, ce n'est pas exact. Dans l'article 1,
paragraphe 3, on définit l'aliénation comme tout acte translatif
de propriété, sauf la transmission pour cause de
décès, ce qui veut dire lors du décès du
père. Ce n'est pas exact que le père ne peut pas léguer sa
terre à ses enfants, comme il le veut.
M. Tremblay (Marcel): M. le Président, hier soir nous
assistions, comme M. le ministre, au congrès de l'UPA et nous avons
questionné, à toutes fins utiles, à peu près une
centaine de cultivateurs qui étaient là, qui sont des
représentants autorisés de l'UPA. Chacun nous a
démontré, en catimini, ce qu'il n'ose dire tout haut, que c'est
fort embêtant. Un propriétaire terrien, un cultivateur, à
un moment donné, a vieilli. Ses enfants ont choisi d'autres voies que
l'agriculture. A un moment donné, pour finir ses jours, il voudrait
avoir à côté de lui sa fille ou même son
garçon, qui ne travaille pas sur la terre, pour se construire une
maison, pour pouvoir les avoir très de lui, pour pouvoir les soigner,
etc., pour ne pas envoyer ces gens dans des foyers. Avez-vous prévu
quelque chose pour ces gens? (22 h 15)
Notez bien, il n'y aura plus de descendants qui vont pratiquer sur la
terre. Absolument pas. Vous avez les enfants qui veulent se construire une
maison. Les parents sont vieux, ils sont malades et ils veulent avoir une
maison pour leurs enfants, ce couple qui ne travaille pas du tout sur la terre,
mais malgré tout qui apporte des soins à ces gens. Hier soir,
cette question s'est posée. C'est eux-mêmes qui nous l'ont
posée. C'est eux-mêmes qui nous ont apporté cette
inquiétude.
M. Garon: C'est prévu à l'article 40.
M. Tremblay (Marcel): Par cet article 40, vous croyez
réellement que quelqu'un pourrait, sans pratiquer la culture ni quoi que
ce soit...
M. Garon: Non. L'article 40 s'adresse à une personne dont
la principale occupation est l'agriculture.
M. Tremblay (Marcel): Notez bien, c'est son fils, c'est sa
fille.
M. Garon: Je comprends.
M. Tremblay (Marcel): Ces gens ont besoin de leurs fils ou de
leurs filles avant de mourir, parce qu'ils sont des malades chroniques. Ils
sont boycottés. L'article 40 ne le prévoit pas. C'est eux qui
nous l'ont dit. C'est eux qui nous ont fait part de cette inquiétude.
C'est pour cela que c'est important.
M. Garon: Si c'étaient des gens de l'UPA, ce sont donc des
cultivateurs qui ont demandé cela.
M. Tremblay (Marcel): Oui, c'est cela.
M. Garon: Alors, l'article 40 s'appliquerait pour eux.
M. Tremblay (Marcel): Un instant. Le cultivateur s'en va. Il est
malade chronique. Il ne pratique plus. Notez bien cela.
M. Garon: Oui.
M. Tremblay (Marcel): II attend sa mort, peut-être durant
dix ans ou quinze ans et il veut avoir quelqu'un qui prendra soin de lui. De
toute façon, c'est une des inquiétudes.
M. Garon: Normalement, si ce n'est plus son occupation, il aurait
dû vendre sa terre.
M. Tremblay (Marcel): Je trouverais cela infiniment triste...
M. Garon: Je pense que quelqu'un qui a une terre et qui devient
malade...
M. Tremblay (Marcel): ... qu'un gars qui a cultivé sur sa
terre, une terre qui remonte à 200 ou 250 ans, soit obligé de la
vendre et de s'en aller ailleurs. Je ne suis pas d'accord.
M. Garon: Ce n'est pas cela. Habituellement, un homme qui est
malade, qui est quasiment rendu à l'article de la mort voudra vendre sa
ferme et garder sa maison. Il peut faire cela. S'il est malade autant que vous
le dites.
M. Tremblay (Marcel): De toute façon, M. le ministre, je
garde les opinions. Ces gens nous ont posé en même temps des
questions. Nous avons dialogué ensemble, tranquillement. Je vous donne
le reflet de ce que les gens nous disent.
M. Garon: Je ne connais pas beaucoup d'enfants, comme vous le
dites, dont le père est bien malade, il était cultivateur, il ne
travaille plus qui vont venir se construire une maison à
côté ou la fille pour prendre soin de leur
père.
M. Tremblay (Marcel): Enlevez le terme "bien malade ". Le gars a
le droit de finir ses jours sur sa propriété. C'est un droit de
jouir tel que le Code civil le décrit.
M. Garon: Oui, mais il n'y a rien d'interdit
là-dedans.
M. Tremblay (Marcel): D'après l'article 40, à un
moment donné, si un cultivateur veut avoir son fils ou sa fille qui veut
se bâtir, s'il ne travaille pas sur la terre, ce n'est pas
prévu.
M. Garon: Je n'ai plus d'autres questions, M. le
Président.
M. Roy: ... Avant qu'on procède, M. le Président,
si vous me permettez, pour le bon éclairage de la commission, ce n'est
pas la première fois que le ministre nous réfère à
l'article 40, lorsqu'on parle de ce droit pour un père de famille de
voir à l'établissement de ses enfants sur sa terre. Je voudrais
bien faire comprendre et je voudrais qu'on explique aux gens les
réserves qu'on retrouve dans l'article 40. On dit très bien dans
la loi, et c'est bien écrit en toute lettre, en noir sur blanc, comme on
dit: "La construction d'une résidence en vertu du présent article
n'a pas pour effet de soustraire le lot ou la partie de lot sur laquelle elle
est construite à l'application des articles 28 à 30." Que disent
les articles 28 à 30? Dès l'article 29: "Dans une région
agricole désignée, une personne ne peut, sans l'autorisation de
la commission, procéder à l'alinéation..." Si la personne
veut faire un emprunt hypothécaire pour pouvoir construire sa maison,
elle est obligée de l'aliéner. Elle sera obligée de la
donner en hypothèque en garantie. Pour faire une hypothèque, il
faut soustraire la partie de terrain sur laquelle la maison est construite,
pour pouvoir procéder à un acte hypothécaire. J'ai
travaillé assez longtemps dans le domaine, dans le milieu, pour savoir
cela. J'aimerais bien qu'on nous apporte un éclairage là-dessus.
Telle que la loi est rédigée et telle que je la comprends, c'est
exactement la restriction que nous retrouvons là-dessus. Quant à
l'institution prêteuse, comment pourra-t-elle, par la suite, exercer son
droit d'hypothèque si la personne désire vendre ou si elle
décède, à un moment donné?
M. Garon: J'espère que ce n'était pas vous qui
faisiez les contrats, M. Roy, parce que cela ne marche pas ainsi.
M. Roy: Ecoutez, ce n'est pas moi...
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, je pense
qu'on s'embarque dans une étude article par article.
M. Lavoie: Je vais appuyer le député de
Beauce-Sud.
Le Président (M. Boucher): Je pense qu'on s'embarque
article par article.
M. Lavoie: Non écoutez! C'est un point soulevé par
un des témoins ici. Je pense que le ministre n'a pas le droit de donner
des avis juridiques sur le bout du bras. Ce qui est clair, M. le ministre,
c'est ceci: Si un père de famille veut bâtir son fils sur sa
terre, il ne le peut pas. Si la maison coûte $35 000, il ne peut pas
aller à la caisse populaire pour emprunter $30 000 sur un lot
particulier de la terre, de 200 par 200. Il ne peut pas le faire en vertu de
votre loi. Il va être obligé d'aller négocier avec le
Crédit agricole, d'augmenter son gros prêt de crédit
agricole et mettre tout cela sur la terre. Vrai? Cela veut dire qu'il y a une
aliénation. Il ne peut pas bâtir un enfant ou deux enfants sur sa
terre parce que les cultivateurs n'ont pas tous l'argent comptant pour
bâtir deux ou trois maisons pour leurs enfants. Donnez donc ces
explica-
tions que nous, qui ne sommes pas ministres, donnons. Soyez donc
honnête avec la population.
M. Garon: Ecoutez donc, M. Lavoie! On étudie le projet de
loi article par article! Quand on va l'étudier article par
article...
M. Lavoie: Quand les témoins ne seront plus là.
Vous ne voulez pas dire la vérité aux gens.
M. Garon: Voyons donc!
M. Roy: M. le Président, sur un point de
règlement.
M. Garon: Je vous réfère à l'exemple qu'il
donne. Je ne vous raconte pas des romans.
M. Roy: M. le Président, sur le point de règlement.
Je ne recommande pas qu'on fasse immédiatement l'étude du projet
de loi article par article, mais je tiens à être bien clair.
M.Garon:
M. Roy: Celui qui s'est référé à
l'article 40, c'est le ministre de l'Agriculture. Ce n'est pas le
député de Beauce-Sud et ce n'est pas le député de
Laval, ce n'est pas le témoin non plus. Alors, puisque le ministre vient
encore de donner une explication concernant le prêt agricole, si la
personne qui veut résider sur la ferme paternelle n'est pas un
exploitant agricole et ne va pas chercher ses revenus de l'agriculture, elle
n'aura pas de prêt agricole. Le ministre devrait être le premier
à le savoir. Elle devra emprunter dans une autre institution
prêteuse et, en vertu de la loi, elle ne peut pas le faire. Alors, qu'on
dise quand même les choses telles qu'elles sont. Je suis bien prêt
à examiner la loi positivement, en toute objectivité...
M. Garon: D'abord...
M. Roy: ... mais qu'on ne charrie pas.
M. Garon: II faudrait que vous appreniez à lire
d'abord.
M. Roy: Non, je m'excuse, M. le Président. M. Garon:
Un instant.
M. Roy: Je n'ai pas de cours de lecture à prendre du
ministre. Je pense que j'ai appris à lire avant lui.
M. Garon: Oui, mais je vais vous dire une chose.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: Je ne veux pas être désagréable, mais
j'ai appris à lire avant lui.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
M. Garon: J'aurais pu vous donner des cours.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Garon: Ce qui est dit ici est dit à I article 40.
Citons-!e comme il faut quant à y être: ... une personne dont la
principale occupation est I agriculture peut, sans l'autorisation de la
commision, contrui-re sur son lot une résidence pour elle-même,
pour son enfant et son employé". Alors, c'est clair.
Une Voix: Pas ses enfants, son enfant.
M. Roy: Son enfant agriculteur.
Une Voix: C'est cela.
M. Garon: En droit, vous savez, le singulier est un pluriel, je
pense.
M. Tardif (Laval): Vous voulez ôter le droit de
propriété. Point final. C'est cela que vous faites. Je ne
tournerai pas autour; il n'en reste plus de droit de propriété
dans votre loi. Je suis agronome et je suis cultivateur. Baptême! Vous
les ruinez tous. Il y a toujour un baptême de bout!
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît,
monsieur! S'il vous plaît! Je ne pense pas qu'on vous ait donné la
parole immédiatement.
M. Tardif (Laval): Je l'ai prise.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! Y a-t-il
d'autres questions, M. le ministre?
M. Garon: Non, je n'en ai pas d'autres.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. J'ai remarqué
à la lecture de votre mémoire que vous aviez fait beaucoup
d'énoncés là-dedans. A la page d'avant-propos, vous
déclarez une chose que je ne saisis pas lorsque vous dites: "Le jeune
homme qui ambitionne de devenir exploitant agricole doit pouvoir trouver les
crédits et les conseils ad hoc, indépendamment des gouvernements
et des partis politiques". Qu'est-ce que vous entendez exactement par
là? Vous répétez à peu près la même
phrase dans les énoncés de principe.
M. Tremblay (Marcel): Voici. Actuellement, nous voulons faire
ressortir ici à la commission parlementaire que le pouvoir donné
à des technocrates est outrancier. Qu'à cette commission, comme
à beaucoup de commissions, malheureusement, les technocrates sont
surprotégés, surpermanents, surinformés,
électroniquement informés devant un citoyen propriétaire
agriculteur qui est sous-organisé, sous-informé, etc. Nous
voulons faire ressortir que dans tout cela il s'installe une dictature
technocratique, consciemment ou inconsciemment. Cette dictature technocratique
est
sans appel. Elle existe autant à l'impôt sur le revenu
où vous avez le fardeau de la preuve. Elle va exister avec les amendes
de $5000 et $10 000 dans ce domaine-là aussi. Or, on donne des pouvoirs
outranciers sans donner la contrepartie. Dans tout Etat démocratique,
nous croyons qu'il devrait y avoir un équilibre. C'est pour cela que
nous revenons ici en préconisant la fondation d'un comité
permanent. Nous sommes sérieux à ce propos. Il existe dans
plusieurs pays du monde actuellement un comité permanent de
députés non pas de ministres, où aucun ministre n'a
rien à voir des gars qui seront payés au même
salaire que les ministres, des députés "back-benchers ", des gars
représentant uniformément, proportionnellement chacun des
partis.
Il faut mettre un frein à cette technocratie qui est
envoûtante, qui est omniprésente, omnipotente. Il est temps
réellement qu'on arrête cela. Cette commission parlementaire,
selon ce qu'on voit, n'y changera rien du tout. Je viens ici, moi, depuis 26
ans. A l'époque de M. Duplessis, à l'époque de M. Lesage,
etc., on a fait amender des projets de loi, on a fait changer des choses. Les
associations de propriétaires ont fait changer énormément
de choses. C était une discussion qu'on avait.
Comme c'est là, on voit qu'il n'y a absolument rien de fait. Il y
a une chose que nous voudrions installer et que le public le sache, une fois
pour toutes. Cette technocratie que vous installez vous n'êtes pas
les seuls, d'autres gouvernements l'ont fait avant vous autres aussi il
est temps de mettre un frein à cela. La seule limite, c'est de sortir un
dossier en trois jours au maximum, comme cela se fait dans les autres pays.
Autant en Europe de lOuest que de l'Est, on ressort un dossier lorsqu un
organisme ou des citoyens le veulent. On n'a pas l'histoire de l'ombudsman. Ce
n est pas une histoire de salon qu'on veut. C'est qu'on ressorte un dossier et
qu'on le ressorte en trois jours au maximum au moyen d'une commission
permanente de députés. Ayez quinze députés
nommés pour surveiller cette omniprésence, cette omnipotence dans
laquelle vous êtes sans droit d'appel contre le commissaire, sans droit
d'appel contre d'autres sous-commissaires. Ce sont des technocrates
ultrapuissants. Alors, il faut réellement mettre un équilibre
à cela. Cela a même déjà été
présenté dans d'autres projets de loi qui ne sont pas tout
à fait directement comme cela.
M. Giasson: Même quand vous recommandez qu'il y ait un
changement profond, que ce soient des députés élus, ces
députés élus sont à l'intérieur d'un
appareil qu'on appelle le gouvernement. C est encore le gouvernement qui est
présent. Que ce soient des technocrates, fonctionnaires ou
députés, ce sont des gens qui oeuvrent à
I'intérieur d'un gouvernement. C'est pour cela que je ne comprenais pas
le sens de vos propos.
M. Tremblay (Marcel): Proportionnellement à chacun des
partis, le pouvoir est toujours conser- vé, d accord, mais nous voulons
que ces gars, qui sont élus et qui sont susceptibles d'être
réélus ou battus aux prochaines élections, soient
jugés selon leurs actions au comité permanent en question. Je
pense que c'est très important que nous mettions une technique
démocratique. Il n y a plus de conseil législatif où on
allait autrefois discuter d un projet de loi sur la question des droits acquis,
sur la question des droits qui régnaient depuis au-delà de deux
siècles ou de trois siècles. Cela n'existe plus aujourd'hui. La
commission parlementaire n'offre pas tellement de changements dans quoi que ce
soit. La loi est là, elle est présentée et on discute un
peu comme si on discutait sans espoir de changement. C est pour cela que nous
voulons y mettre ce que les uns ont appelé douze sections agricoles, les
autres les municipalités, d autres des gars de I'UPA, d'autres autre
chose mais, nous, nous présentons, au niveau même du technocrate,
un comité permanent de députés qui siégeraient d
une façon permanente sur cela pour qu'on puisse réellement faire
venir un dossier, par exemple, lorsqu'il y a abus de pouvoir de la part de
technocrates.
M. Giasson: J'aurais une autre question. L énoncé
no 7 dit que vos associations s opposent à toute politique favorisant la
lutte des classes parmi la gent agricole.
M. Tremblay (Marcel): Hier soir, nous étions à
l'UPA, au congrès, et le seul espoir que certaines gens de l'UPA
avaient, c'était de nous dire: Les gars de la ville, vous ne viendrez
pas nous acheter nos terres, etc., et il n'y aura plus d'histoire de
concurrence. Par contre, ils gardaient tous une espèce de restriction.
C'était comme un paquet de dynamite, cette affaire-là.
M. Giasson: C'étaient tous des agriculteurs qui
étaient là?
M. Tremblay (Marcel): Hier soir? Oui, c'étaient des
agriculteurs, c'était l'UPA.
M. Giasson: C'était la même classe. Ce
n'étaient pas des classes différentes.
M. Tremblay (Marcel): Ces gens sont conditionnés pour le
projet de loi, mais à une condition donnée, un petit peu ce qu'on
appelle la facette de la lutte des classes, que le gars de la ville ne vienne
pas nous emmerder ou quelque chose comme cela. Nous ne voulons pas entrer dans
cette chose comme telle. Ce que nous voulons, nous autres, c'est qu'il y ait
complémentarité des classes. Que ce soit le grand fermier
producteur, le "gentleman farmer" ou le petit propriétaire fermier, nous
voulons ce qu'on appelle la complémentarité des classes. Nous
sommes contre la lutte des classes. C'est un principe de base que nous avons
adopté.
M. Giasson: M. le Président, j'ai sans doute d'autres
collègues qui veulent intervenir. Je reviendrai, s'il y a lieu.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Montmagny-L'Islet. M. le député de
Huntingdon. (22 h 30)
M. Dubois: M. Tremblay, vous avez certainement beaucoup de
propositions très valables et très intéressantes. J'en ai
remarqué une juste à la fin quand vous dites c'est
celle-là que je voulais soulever parce qu'il y a plusieurs de mes
collègues qui vont vouloir parler sur le sujet, j'imagine a un
endroit: Nous suggérons que le gouvernement, par un arrêté
en conseil ou par une loi ad hoc interdise l'achat de terres par des
non-résidents québécois. A ce moment-ci, vous voulez
préciser que quelqu'un qui resterait en bordure du Québec, mais
en Ontario ou au Nouveau-Brunswick, ne devrait pas acheter une terre au
Québec.
M. Tremblay (Marcel): Voici, lorsqu'il est question de la
protection de nos sols arables... Je crois que le but est très bien de
protéger nos sols arables. Disons que dans cette région par
exemple de Témiscouata et de Lotbinière, il y a un grand nombre
de terres qui sont achetées, et on ne s'en cache pas, par des
Américains. Nous ne voulons pas que ce processus se continue sans qu'il
y ait ce qu'on appelle une réglementation comme cela s'est fait en
Saskatchewan et en Colombie canadienne. Vous avez tout simplement un
arrêté ministériel qui permet tout simplement
d'empêcher ou d'installer ce qu'on appelle des conditions. Vous allez par
exemple au Mexique; on vous oblige à avoir un Mexicain ou une Mexicaine
avec qui vous serez marié, 51% des parts.
M. Dubois: Je veux vous arrêter une minute. Ici on est au
Canada. Est-ce qu'on ne devrait pas mettre Canadien au lieu de
Québécois? Parce qu'on est au Canada quand même, vous me
parlez du Mexique.
M. Tremblay (Marcel): Disons que la loi est provinciale.
M. Dubois: Oui, mais je veux dire qu'on est au Canada quand
même.
M. Tremblay (Marcel): On se sert d'exemple de voisins.
M. Dubois: A moins qu'on dise que Québec est un pays. Je
l'entends de la façon que le Canada est un pays, le Québec est
une province. Comment verriez-vous un résident qui est à un quart
de mille des frontières Québec-Ontario, et qui n'aurait pas le
droit. Si sa maison est en Ontario, il n'aurait pas le droit d'acheter une
ferme au Québec même si c'est à un demi-mille de chez lui.
Est-ce que vous trouvez cela logique?
M. Tremblay (Marcel): Voici, je pense que la façon,
l'idée l'esprit dans lequel nous, nous vou- lons protéger les
sols québécois, c'est qu'il y ait enfin des lignes de
démarcation, je pense bien. Je ne suis pas assez
spécialisé pour pouvoir vous apporter beaucoup d'éclairage
ce soir. De toute façon, l'idée, c'est que nous sommes d'accord
pour que cesse justement la saignée de nos terres entre les mains
d'étrangers, etc., qui ne viendront jamais résider chez nous et
qui sont là simplement pour la spéculation.
M. Dubois: Je peux l'entendre de cette façon-ci. Quand on
dit: Non-résidents québécois, on peut dire dans un esprit
de séparation du Québec du restant du Canada. On peut dire dans
cet esprit.
Une Voix: Est-ce que c'est cela que vous voulez?
M. Dubois: Non. Je pose la question.
M. Tremblay(Marcel): II n'y a rien qui nous anime sur la
question, sur la séparation. On n'est pas animé ce soir pour
faire du nationalisme à outrance. D'ailleurs, même si je passe
pour un nationaliste, je suis pour une indépendance du citoyen d'abord.
C'est pour cela qu'actuellement on combat le système technocratique.
D'abord, l'indépendance du citoyen. La qualité du tout doit
représenter la qualité des parties et les parties, c'est le
citoyen, c'est le gars de chez nous, sa famille dans son village, c'est cela
qu'on vient ici protéger.
M. Dubois: Oui, mais vous avez des francophones sur les bordures
Québec-Ontario. Vous auriez objection à ce que l'Ontarien,
même s'il demeure dans les bordures Québec-Ontario, vienne acheter
une terre près de chez lui au Québec. Vous auriez objection
à cela?
M. Tremblay (Marcel): Je ne suis justement pas assez
spécialisé pour voir, mais je pense que toute exception peut
confirmer une règle, je suppose. Disons que je ne suis pas assez
spécialisé. L'esprit dans lequel je lance cette chose, c'est que
nous voulons aussi que s'arrête la saignée des terres, leur vente
autant aux Américains qu'aux étrangers non résidents. Que
Lotbinière se vende à vil prix à des Américains, et
Témiscouata, etc., comme cela se fait actuellement, comme cela s'est
fait, cela, d'accord, on est contre cela et il faut trouver un mode de
protection. On dit que le 90 n'est pas satisfaisant pour protéger cela,
qu'il y a des corrections à y apporter. C'est ce qu'on voudrait
apporter. C'est pour cela qu'on est ici dans le fond.
M. Dubois: Je suis d'accord avec vous qu'il y a... vice dans le
projet de loi no 90. Au moment de l'étude article par article, nous
allons proposer des amendements quand même et beaucoup.
M. Tremblay (Marcel): J'espère qu'il y aura des
changements dans cette loi. J'espère qu'on admettra... Même au
temps où M. Duplessis pas-
sait pour un dictateur, il nous accordait ici des changements à
la loi. M. Lesage nous accordait des changements. Franchement, j'ai
l'impression... j'espère qu'on ne vient pas tout simplement se
présenter en disant: Acceptez cela, vous êtes consultés et
bonjour. Ces consultations, on n'en veut pas. Ce qu'on veut, c'est justement
qu'il y ait un éclairage et après cet éclairage qu'on
puisse changer des choses, compléter des choses, parce que pour l'esprit
tout le monde est d'accord. Toute la province est d'accord sur l'esprit du
respect de nos sols arables. Je ne vois pas de véritables opposants.
M. Dubois: Merci, M. Tremblay.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire,
vous soulevez un point qui est fort pertinent je vais essayer de
retrouver la page vous soulevez la question de la classification des
sols. C'est à la page no 2, limites des interventions, au bas de
la page. Vous dites que l'application technocratique d'un zonage
agricole sans classification scientifique des sols serait la
répétition d'expériences désastreuses
pratiquées dans d'autres pays. En somme, ce que vous suggérez, ce
que vous demandez, c'est qu'on procède d'abord à une
classification des sols avant de procéder à un zonage pour savoir
quelle est la qualité des sols, le potentiel et la possibilité de
ces sols avant de les zoner comme tels.
M. Tremblay (Marcel): Vous savez, M. le Président, comme
il est important de faire une classification judicieuse des sols. Vous le
savez, les pays de l'Est ont donné des subventions de centaines de
millions aux pays du Tiers-Monde. L'URSS a fait des expériences en
Afrique du Nord, elle a perdu des centaines de millions de dollars parce
qu'elle a tout simplement fait une culture technologique, soi-disant
idéale, sur le plan des cycles carbonifères et azotiques. Elle a
connu un échec lamentable, elle en a pour 20 ans, et j'ai l'article dans
la revue Spoutnik. Elle a dit: Mieux vaut laisser ce qu'on appelle les cultures
traditionnelles et variantes, ce vers quoi l'on ne semble pas s'orienter dans
ce projet de loi. On ne semble pas s'orienter vers ce qu'on appelle la culture
réellement polyvalente, qui respecte la valeur du sol, sa composition,
sa production, sa "sécurisation "; elle apporte un élément
sécuritaire pour ne pas qu'on connaisse un jour
d'épidémie.
Actuellement, on est au "top" dans le domaine du lait. Dans le domaine
du bovin, on est à 20%. Il y en a la moitié qui disparaîtra
d'ici deux ans, si cela continue comme cela. Il faut absolument apporter ce
qu'on appelle de la variation, mais pas dans les grands secteurs de la culture.
Il faut bien faire attention à cela.
M. Roy: Je vous remercie, Dr Tremblay. Vous avez parlé
tout à l'heure d'une commission parlementaire composée de
représentants de partis politiques. Cette commission parlementaire
toucherait l'administration générale à laquelle est
astreint le citoyen du Québec, et non seulement les cas j'ai
peut-être mal compris qui pourraient être touchés par
la Loi du zonage agricole.
M. Tremblay (Marcel): Ce serait une loi-cadre. M. Roy: Ce
serait une loi-cadre.
M. Tremblay: Un comité permanent, plus fort encore qu'une
commission parlementaire, ayant une force égale à un conseil de
ministres, pratiquement, où le ministre n'aurait aucune affaire, aucun
droit de regard. Vous auriez quinze gars voués à cela, y
travaillant et le gars d'arrière-ban mettrait ce qu'on appelle un
équilibre entre le technocrate qui est surprotégé,
surpuissant, surinformé, etc., et le petit citoyen sous-informé,
sous-organisé. Je pense qu'il est temps de le faire. Cela existe dans la
plupart des pays et de l'Ouest et de l'Est de l'Europe.
M. Roy: En somme, cela ne se limiterait pas, si j'ai bien
compris, exclusivement aux personnes qui auraient des revendications ou des
objections à faire à la Loi du zonage agricole, ou qui la
contesteraient?
M. Tremblay (Marcel): Ce serait un comité permanent, au
niveau même de la législation, plus fort qu'une commission
parlementaire. Il aurait un droit de regard sur les commissions parlementaires,
les technocrates de la commission parlementaire et les technocrates en
général, mais, surtout les hauts technocrates qui ont des
dossiers importants. C'est très important.
Je vais vous dire, à Leningrad, on a liquidé 400 hauts
fonctionnaires qui faisaient de la corruption au plus haut point, dans les pays
de l'Est, pour les gens qui aiment les coins à saveur communiste. A
Kiev, 280 ont été obligés de liquider.
Alors, avec la commission parlementaire qu'on vient de former en URSS le
7 octobre, dans sa constitution nouvelle de 1977, pour les gens qui aiment la
saveur communiste, ces gens ont vu qu'ils ne pouvaient établir
l'équilibre sans créer cette loi. Chez nous, si réellement
on veut créer une saveur technocratique je ne dirais pas
communiste surprotégée, qu'on instaure une loi à
peu près identique. Qu'on joue le jeu jusqu'au bout, et comme il faut,
à part cela. On est en démocratie.
M. Roy: J'aurais une dernière question à poser pour
apporter un peu de précision à la question qui a
été posée par mon collègue de Huntingdon. Vous
dites: Nous suggérons que le gouvernement, par un arrêté en
conseil ou par une loi ad hoc, interdise l'achat des terres par les
non-résidents québécois. Si j'ai bien compris votre
réponse, en somme, c'est une question de principe que vous avez
posée beaucoup plus qu'une question d'application radicale, totale.
M. Tremblay (Marcel): C'est cela.
M. Roy: J'aurais quand même certaines réserves,
ayant un comté près de la frontière américaine,
là où des gens du milieu, de ces régions, vont habiter
pendant un certain temps aux Etats-Unis. Ils veulent quand même se porter
acquéreurs parfois d'une propriété au Québec pour y
revenir plus tard. Ce sont les nôtres qui sont à
l'extérieur qui pourraient revenir.
Si c'est au niveau des principes, je n'irai pas plus loin. Ce n'est pas
une question totalement arbitraire qui s'imposerait ou qui s'appliquerait de
façon intégrale.
M. Tremblay (Marcel): Je suis parfaitement d'accord.
M. Roy: Je vous remercie beaucoup, ainsi que tous vos
collaborateurs, de nous avoir présenté ce mémoire et de
vous être donné la peine de vous déranger pour venir
à la commission parlementaire nous apporter votre point de vue qui, sur
le plan des principes, devrait en faire réfléchir plusieurs.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Beauce-Sud.
M. le député d'Arthabaska.
M. Baril: Premièrement, j'aimerais vous remercier de nous
avoir fait une suggestion pour revaloriser le rôle du
député "d'arrière-ban"...
M. Lavoie: Les sans-culottes!
M. Baril: ... les sans-culottes comme on nous appelle depuis
quelque temps.
Deuxièmement, j'aimerais demander au monsieur qui est au bout de
la table, qui s'est fâché tout à l'heure, semble-t-il, si
j'ai bien compris. Je crois qu'il est agriculteur et agronome.
M. Tardif (Laval): Je suis agronome et je suis "gentleman farmer"
depuis quinze ans à Neuville.
M. Baril: Bon. Est-ce que...
M. Tardif (Laval): Je ne suis pas fonctionnaire de l'Etat, je vis
par mes propres moyens.
M. Baril: Avez-vous participé à la mise sur pied de
ce mémoire?
M. Tardif (Laval): Pas celui de l'UPA.
M. Baril: Non, mais de celui-ci?
M. Tardif (Laval): Oui, j'y ai participé.
M. Baril: Je vais simplement lire une phrase tirée de
votre texte et je laisserai la population en juger. On dit dans le texte:
"Quand on sait que planter je lis bien "planter" de la luzerne ou
du maïs durant quinze ans sur un sol fertilisé à l'engrais
chimique brûle le sol et le stérilise, il n'est pas difficile de
concevoir ce qui arrivera aux régions ainsi exploitées." Je
m'arrête là. Je laisse le soin aux gens de juger de la
qualité du sol. Pas du sol, mais...
M. Tardif (Laval): Est-ce que je peux répondre?
M. Baril: Oui, vous pouvez répondre.
M. Tardif (Laval): Dans la monoculture, seul le blé
d'Inde, selon les expériences américaines et les fermes
expérimentales, peut être cultivé, culture sur culture,
monoculture sur monoculture, avec amélioration et augmentation de
rendement. C'est pour cela qu'il y a le "corn belt" américain. Aussi
bien pour la luzerne que pour autre chose, si on pousse toujours davantage les
animaux, si on force encore et encore, il arrive nécessairement que
l'abus de toute chose est mauvais.
N'essayez pas de me déclasser comme agronome au sujet d'un point
particulier parce que cela fait trente ans que je suis agronome, je suis
gradué de Sainte-Anne-de-la-Pocatière avec magna cum laude en
1947, à 21 ans. Je connais cela.
M. Baril: Je ne suis pas agronome je respecte les
agronomes, c'est leur profession je suis agriculteur de profession, j'ai
encore ma ferme. Je peux vous dire que mon père, avant moi, cela faisait
longtemps qu'il semait de la luzerne; j'en sème encore, je sème
du blé d'Inde et ça pousse. Cela fait beaucoup plus que quinze
ans. J'ai terminé, M. le Président.
M. Tardif (Laval): II y a le blé dans l'Ouest, mais il y a
le blé aussi dans la province de Québec. On l'a
"monocultivé" et à un moment donné, au bout de quelques
années, il était ruiné. On ne parlera pas d'agriculture
technique pour montrer que je ne connais rien, parlons des principes de
propriété.
Le Président (M. Boucher): Merci. Comme il n'y a pas
d'autre intervenant, au nom de tous les membres de la commission, je
remercie... M. le député de Saint-François.
M. Rancourt: Au nom du ministre, je voulais remercier
l'Association des propriétaires du Québec d'avoir pris le temps
de venir nous rencontrer pour nous présenter ce mémoire ce soir.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Je voudrais également remercier les gens qui
sont avec nous ce soir de s'être donné la peine de faire une
recherche sur le contenu de la loi 90 et d'avoir exposé des dimensions
qui correspondent à une perception, à une vision des choses. On
vous remercie, messieurs.
M. Lépine: Au nom de l'association, j'aimerais vous
remercier de l'accueil. Je voudrais surtout féliciter le ministre de
l'Agriculture; au-delà de
toutes les autres considérations, il a posé un geste
éclatant dans les annales de l'administration du domaine public au
Québec en déposant sa loi sur le zonage. Il est animé de
bons sentiments. Attendez, M. Lavoie.
M. Lavoie: Je cherche le ministre. (22 h 45)
M. Lépine: II est véritablement animé de
bons sentiments et il a à coeur la solution du problème
agro-alimentaire. A plusieurs reprises, notre association a collaboré
avec lui en acceptant son défi invitation à l'Expo-Québec
ou j'étais membre du comité de planification. On parlait à
des murs autrefois et quand M. Garon est intervenu, ils ont compris quelque
chose. C'est pour cela que cette année, grâce à
l'initiative du ministère de l'Agriculture, on a eu une section
agro-alimentaire à l'Expo-Québec. Mais, attention! Cette
loi-là sera son monument ou son tombeau!
Si vous me donnez encore deux minutes, d'accord? Je voudrais remercier
les gens de l'Opposition pour le sérieux et le
désintéressement au-dessus des étiquettes politiques. J'ai
l'impression de ressentir en tout cas en ce qui les anime de
suggérer aux autorités les moyens de rendre cette loi-là
viable pour les agriculteurs de Québec. Et je termine par cela, comme le
disait le député de Beauce-Sud, l'indépendance n'est pas
possible pour un pays qui a le ventre vide!
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lépine, ainsi
que le Dr Tremblay et tous ceux qui vous accompagnent.
M. Tremblay (Marcel): Merci, M. le Président, ainsi que
tous les partis politiques en présence. Excusez certains de nos
emportements!
Le Président (M. Boucher): Très bien. Merci
beaucoup.
J'appellerais M. Julien Fortin, à titre personnel.
M. Fortin (Julien): M. le Président, je suis tout fin
seul.
Le Président (M. Boucher): Allez-y M. Fortin. Livrez-nous
votre mémoire.
M. Fortin: Je ne suis pas parlementaire, je ne suis pas
politicien, pas même avocat!
M. Baril: Vous êtes peut-être chanceux.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous
n'êtes pas notaire non plus!
M. Julien Fortin, à titre personnel
M. Fortin: S'il y a un peu de décorum, vous allez
être obligés de souffrir avec moi. Ayant décidé en
1977 de nous construire une plus petite maison, pour ainsi faire je devais donc
suivre les lois et directives de ma municipalité et de la CRO, la
Communauté régionale de l'Outaouais, comprenant ainsi les lois
provinciales pour fosse septi-que, faire alors arpenter, subdiviser mon terrain
pour qu'il y ait seulement une résidence sur un cadastre officiel. Comme
je désirais conserver avec ma nouvelle maison un semblant de petite
érablière que j'étais parvenu à
récupérer durant des années, j'ai subdivisé 30
acres qui devenaient le lot 17A2, 5e concession Onslow-Sud, qui fut reconnu et
cadastré par ma municipalité et la CRO ainsi qu'enregistré
à Campbells-Bay, dans le comté de Pontiac.
Comme tout ceci est maintenant fait et que nous allons demeurer, mon
épouse et moi-même, dans notre nouvelle maison sur ce nouveau lot
17A 2, je me fais dire que je ne peux pas vendre mon autre maison avec ses 65
acres qui sont maintenant libres, à cause de cette loi 90. Cette maison
je dois la vendre pour maintenir et assumer les obligations de ma nouvelle
demeure et survivre comme citoyen de Pontiac, nouvelle demeure que je n'aurais
jamais construite si les lois municipales en vigueur n'avaient pas
été valables et respectées. Avec la loi 90, tous les
achats possibles sont interdits, même au niveau agricole, pour survivre
sur cet emplacement de terre de vaches maigres que la CRO avait
désignée comme rural 2 après les mémoires
présentés à la commission du schéma
d'aménagement de l'Outaouais que le ministre Guy Tardif a
approuvé en août 1978 pour le ministère des Affaires
municipales. Comme simple citoyen de la municipalité de Pontiac dans la
province de Québec, je demande que nos lois soient respectées et
que soit reconnu le droit acquis à la propriété, et que le
coût d'un manque de planification du passé ne soit pas mis sur le
dos du petit contribuable qui se cherche une place pour vivre dans cette
société qui est la nôtre. Est-ce que les lois de la
municipalité et de la CRO de 1977-78 étaient légales ou
non? Si oui, il est inconcevable que les citoyens ne soient pas
protégés après avoir suivi ces lois et directives à
la lettre.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Fortin. M. le
député de Saint-François va répondre au nom du
ministre.
M. Rancourt: M. Fortin, à ce qu'il me semble, à ce
que je vois actuellement, il semble qu'il y a une mauvaise
interprétation de la loi actuelle, dans votre cas. Je vous remercie
d'être venu. Vous voulez défendre votre point de vue, vous
êtes venu nous rencontrer, mais je pense que, dans un cas semblable, vous
devriez voir votre notaire et avoir une interprétation. Nous ne pouvons
pas vous donner un point de vue juridique ici, ce soir. On entend des
mémoires tout simplement.
M. Fortin: Très bien, mais par contre, je suis ici
à mes propres dépens. Il n'y a aucun organisme qui a
défrayé mon avion ou qui défraie mon hôtel. Avant de
venir ici j'ai été à ma municipalité pour avoir de
l'information. J'ai été à la communauté
régionale de l'Outaouais pour en recevoir d'autres.
J'ai été voir l'agronome au département de
l'agriculture à Shawville, M. Macmillan, il m'a
référé au bureau du département de l'agriculture
à Buckingham. J'ai eu la même réponse partout. Nous ne
savons pas et c est Québec qui sait cela. Donc, je suis à
Québec dans le moment et je suis venu pour avoir ces
réponses.
M. Rancourt: D accord. Comme vous le savez, actuellement il y a
une période de gel, mais ultérieurement vous devrez vous
présenter à la commission pour avoir l'autorisation. Pour I
instant il y a une période de gel, bien sûr, mais de là
à ce que cela soit définitif, absolument pas. Vous êtes un
cas d'espèce et vous avez droit de recours à la commission qui
sera nommée aussitôt que la loi sera adoptée.
M. Fortin: Je comprends. Est-ce que c'est bien d attendre qu'une
loi soit mise en force pour obtenir quelque chose et après votre cheval
est en dehors de l'écurie et vous ne pouvez plus le rentrer dedans.
M. Lavoie: M. Fortin, pourriez-vous nous expliquer...
M. Rancourt: C'est la même chose que dans un cas de zonage
municipale. Vous ne pouvez pas transformer, si vous voulez, un logement ou deux
logements dans une section unifamiliale ou autres choses. Vous êtes dans
le même cas actuellement, temporairement, jusqu'à ce que cela soit
décidé à la commission. C'est un gel temporaire pour vous
et vous pourrez vous référer à cette commission en temps
et lieu, aussitôt que la loi sera votée.
M. Fortin: Mais, entre temps c'est moi qui va être
obligé de chauffer l'autre maison à 2000 pieds de la maison que
je viens de construire, de payer les taxes, l'entretien et ainsi de
suite...
M. Beauséjour: La maison est construite?
M. Fortin: La maison est construite et je suis prêt
à déménager dedans, dans le moment. J'ai une autre maison
à vendre avec ses 65 acres. C'est là qu'est la question. J'ai
deux maisons. J'ai une maison sur le 17A originel qui a 100 acres de terre.
J'ai subdivisé les 32 acres pour bâtir ma nouvelle maison. Donc,
j'ai été obligé d'aller à la communauté
régionale, à la municipalité pour avoir les règles
du jeu. J'ai suivi toutes les règles du jeu à la lettre. J'ai
bâti ma deuxième maison, je déménage dedans la
semaine prochaine. Je voudrais vendre mon autre maison.
M. Rancourt: Pour moi, cela me semble un droit acquis parce que
vous étiez là avant le 9 novembre.
M. Fortin: Définitivement.
M. Lavoie: Un instant s'il vous plaît. Il faut dire la
vérité à ce monsieur. Est-ce que votre notaire
actuellement ne se sent pas en mesure de passer le contrat à cause de la
loi actuelle?
M. Fortin: Pour commencer, ils m'ont dit qu aucune transaction ne
pouvait être enregistrée dans le moment.
M. Lavoie: C est sûr. Vous êtes sur une zone sous
contrôle actuellement.
M. Fortin: Oui. Je suis dans la nouvelle zone de contrôle.
Je suis à peu près à un demi-mille de votre ligne de
démarcation de votre pinceau de quatre pouces dont M. Rivest parlait
tout à l'heure sur les schémas d'aménagement.
M. Lavoie: M. le député de Saint-François,
je pense qu'il faut être honnête avec ce citoyen. Ce cas est
multiplié par 10 000 ou 25 000 au Québec actuellement avec la loi
qui est là. Dites lui.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): II y aura une
commission pour régler cela.
M. Lavoie: Ne lui racontez pas d histoires. C est cela les
implications de la loi. Les accrocs des droits de propriété.
Le Président (M. Boucher): M. le députe de
Saint-François.
M. Rancourt: A ce qu'il semble, il y a peut-être plusieurs
notaires qui n'ont pas suffisamment bien lu la loi non plus pour savoir
où sont les droits acquis et de quelle façon ils peuvent se
référer à la commission de contrôle après une
période de temps. C est sûr que, dans ce cas, pour moi, c
était un droit acquis qu'il possédait. Il a le droit de vendre sa
deuxième ferme pour fins agricoles actuellement.
M. Lavoie: En vertu de quel article? Dites-moi donc, si vous
êtes conseiller juridique.
M. Rancourt: II n'y a rien d interdit à ce niveau, pour
fins agricoles.
M. Lavoie: Voulez-vous, on va lire l'article 29. Ecoutez s'il y a
une place où il doit y avoir un peu la transparence d'une
vérité c'est bien...
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le
député de Lavai!
M. Lavoie: ... en commission parlementaire. Une Voix: Ce
n'est pas nous autres. M. Lavoie: L'article 29...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: Est-ce que je peux lire l'article 29? Le
Président (M. Boucher): Je m'excuse.
J'aurais quand même une précision à donner. La
commission parlementaire n'a pas le mandat de donner des avis juridiques. Je
crois que la demande de M. Fortin pourrait être étudiée au
niveau du ministère. Les fonctionnaires du contentieux pourraient lui
donner un avis juridique à ce sujet.
M. Lavoie: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): Je ne pense pas qu'on soit en
présence d'un cas relevant de la commission parlementaire comme on l'a
fait depuis le début.
M. Lavoie: M. le Président, ce sera très bref.
Encore un instant.
Le Président (M. Boucher): Si vous voulez donner un avis
juridique, M. le député de Laval, vous pouvez y aller.
M. Lavoie: Mais le ministre en a donné plusieurs depuis
que la commission siège. Mon interprétation et ce, sous toutes
réserves, c'est que l'article 29 dit: "Dans une région agricole
désignée ". Une région agricole désignée, ce
sont les 614 municipalités au complet, pas uniquement les zones
réservées aux fins agricoles, ce qui est en vert. "Dans les
régions agricoles désignées", ce sont les 614
municipalités du Québec. Dans le orojet de loi, on fait la
mention suivante: "... une personne ne peut, sans l'autorisation de la
commission, procéder à l'aliénation d'un droit réel
immobilier sur un lot si elle conserve un tel droit sur un lot contingu... " Je
pense que c'est votre cas: vous gardez un lot à côté.
M. Fortin: C'est cela.
M. Lavoie: Vous le séparez du premier par un chemin
public. M. le Président, je crois que ce monsieur devra attendre
je ne dis pas que c'est final que la loi soit adoptée, que la
commission soit formée, que les membres soient appointés, que ces
membres envoient l'avis aux 614 municipalités, que les
municipalités proposent et négocient avec la commission le plan
final de zonage agricole. Il se peut que votre terrain puisse rester dans la
zone. S'il reste dans la zone définitive, en vertu de l'article 29, vous
ne pourrez plus vendre. Si votre emplacement est éliminé de la
zone verte, à ce moment-là, quand cela sera réglé,
vous pourrez vendre.
M. Garon: Un instant, un instant!
M. Baril: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Arthabaska, question de règlement.
M. Baril: Est-ce que...
M. Lavoie: Sauf si la commission vous donne le droit.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval, je m'excuse. Question de règlement, M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril: Est-ce que I Opposition est en droit d'expliquer les
articles du projet de loi un par un ou est-on ici pour entendre les
mémoires des citoyens?
M. Lavoie: M. le Président, je consens que le... M.
Baril: J'aimerais que vous...
M. Lavoie: ... ministre donne son interprétation.
Le Président (M. Boucher): J'ai fait remarquer au
député de Laval tout à l'heure que nous étions en
commission parlementaire pour entendre les mémoires des organismes et
des personnes intéressés et non pour donner des avis juridiques
sur des cas d'espèce.
M. Baril: Mais il faudrait s'en tenir à cela.
Le Président (M. Boucher): Alors, si le
député de Laval y est allé de son interprétation,
je laisse à son entière responsabilité
l'interprétation qu'il peut en donner.
M. Lavoie: J'ai une question à poser au témoin.
Quelle est l'interprétation que votre notaire vous a donnée?
M. Fortin: Que dans le moment il n'y a aucune transaction qui
peut être faite. C'est tout.
M. Lavoie: Je n'ai plus de questions à poser.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: M. Fortin, je veux être bien certain de
comprendre ce qui fait l'objet de vos inquiétudes et de votre venue
à Québec. Est-ce que le problème se situe au niveau du lot
que vous avez distrait et sur lequel vous avez construit une nouvelle maison ou
est-ce l'autre partie de la ferme que vous voudriez vendre?
M. Fortin: Exactement. C'est l'autre partie de la ferme avec la
vieille maison de 90 ans et les 65 acres de terre que je veux vendre.
Maintenant, il ne faut pas oublier, que quand on dit que je peux vendre
à des fins agricoles, je verrais mal que quelqu un puisse survivre sur
65 acres de terre, j'étais classé avant par la CRO, quand j'ai
commencé ma construction, dans le rural 2 qui disait qu on pouvait
vendre et qu'on pouvait bâtir une nouvelle demeure et que je pouvais
avoir dix, quinze, vingt ou vingt-cinq différents candidats pour acheter
cette propriété. Maintenant, il n'y a plus que la moitié
des candidats car ils ne pourraient pas y survivre.
M. Giasson: D'accord, mais vous ne pouvez pas la vendre à
un autre agriculteur qui aurait be-
soin d agrandir sa ferme et obtenir la permission de la commission,
quand elle va exister, de soustraire la résidence en présumant
qu'un cultivateur qui veut agrandir sa terme achète la terre sans la
résidence s il n'en a pas besoin. S'il est prêt à acheter
les deux, il n'y a pas de problème.
M. Fortin: Vous voulez dire que ce serait permis pour moi de
vendre la maison seule et de garder... (23 heures)
M. Giasson: Selon moi, pas immédiatement, mais ce n'est
pas une cause désespérée. Si la commission vous donnait
l'autorisation de faire une vente en vertu de laquelle vous pourriez vendre la
ferme à un agriculteur qui veut s'agrandir et vendre la résidence
à une personne qui a besoin d'une résidence.
M. Fortin: M. le Président, pourrais-je répondre
à M. le député? J'ai déjà essayé
cela. Cet été j'ai eu une lettre du ministère sur la
banque des ressources en terres. Donc, je suis allé au ministère
de l'Agriculture à Shawville et j'ai offert la partie que je ne gardais
plus avec la vieille maison. Cela fait au moins quatre à cinq mois de
cela, je crois, et je n'ai jamais eu de réponse. J'ai offert de la
vendre au ministère de l'Agriculture. J'ai 65 acres avec la maison.
M. Giasson: Si je vous comprends bien, vous n'avez aucun acheteur
intéressé dans le moment?
M. Fortin: Je n'ai aucun acheteur agriculteur.
M. Giasson: Avez-vous d'autres types d'acheteurs?
M. Fortin: Oui, j'en avais.
M. Lavoie: Même un agriculteur ne peut pas l'acheter. En
vertu de l'article 29, il faut attendre que la commission soit
créée, que la municipalité, avec la commission, ait
tranché le dernier territoire agricole dans cette région.
Donnez-nous l'interprétation, M. le ministre.
M. Baril: Cela fait 25 fois qu'on le dit.
M. Garon: Je pense qu'il peut vendre tous ses lots et la maison
dans laquelle il veut demeurer avec un demi-hectare.
M. Lavoie: II a le droit de vendre quoi?
M. Fortin: J'aimerais comprendre, M. le ministre, s'il vous
plaît!
Le Président (M. Boucher): Pourriez-vous
répéter, M. le ministre, pour l'information du témoin?
M. Garon: Je pense que la loi a été faite pour des
cas comme celui-là. Elle avait été conçue dans ce
sens. S'il y a deux résidences sur une terre, vous choisissez la
résidence que vous voulez avec un demi-hectare et vous vendez tout le
reste, à mon sens.
M. Fortin: Excusez-moi, M. le ministre. La nouvelle construction
que je viens de faire, j'ai subdivisé 30 acres dans l'espoir de garder
une petite érablière que j'ai conçue en l'espace de quinze
ans, de continuer à faire fonctionner cette érablière. Il
y a des secteurs, par exemple, des lignes de transmission et un boisé
qui ne sont pas rentables au point de vue de l'agriculture.
M. Garon: A ce moment-là, il faut que vous attendiez la
formation de la commission pour demander une exclusion parce que, là,
c'est différent de la loi.
M. Lavoie: C'est ce que j'ai dit tout à l'heure.
M. Garon: Elle le permet d'une façon automatique.
M. Giasson: Non, ce n'était pas une terre qui était
à une fin autre que l'agriculture. Au moment où il a voulu la
vendre.
M. Garon: Tout ce que vous pouvez faire, c'est qu'en vertu de 43,
aussitôt que la commission sera formée, vous pourrez faire une
demande.
M. Fortin: A la commission.
M. Garon: A la commission. Non pas attendre que la
municipalité ait reçu un avis. Dès que la commission sera
formée...
M. Giasson: Ce lot était utilisé ou faisait
déjà l'objet d'un permis d'utilisation à une fin autre que
l'agriculture.
M. Garon: Vous pourrez envoyez une demande à la
commission.
M. Fortin: M. le Président, j'aurais maintenant une autre
question à poser, si vous me le permettez.
M. Garon: Oui.
M. Fortin: C'est selon l'article 40 de nouveau. Quand j'ai
subdivisé les 102 acres, j'avais aussi subdivisé 2 acres pour mon
garçon qui voulait probablement se bâtir plus tard. Tout cela a
été fait, cadastré, déposé et
enregistré bien avant le 9 novembre. Est-ce que ce sont des droits
acquis, cela, ou non?
M. Garon: Je pense que le but de la commission, ce n'est pas de
régler les cas individuels un par un. On a pour cela, au
ministère de l'Agriculture, un numéro qui est 644-1000.
Appelez-là et on va vous donner tous les renseignements. Le but de la
commission, c'est de discuter du mémoire, des opinions des organismes
qui veulent discuter de la loi pour dire aux autres comment ils la voient. Ce
n'est pas pour régler des cas individuels.
M. Fortin: M. le ministre, je regrette, quand vous n'étiez
pas ici, tout à l'heure, j'ai dit que j'avais appelé à
Québec, à part de cela. J'ai mentionné que je
m'étais informé d'un bureau du ministère de l'Agriculture
à l'autre, à la municipalité où je réside et
à la Communauté régionale de l'Outaouais.
M. Garon: Qui avez-vous appelé à Québec?
M. Fortin: J'ai appelé à Québec, le
numéro zénith pour avoir 644-1000 et on m'a donné
exactement les mêmes renseignements qu'on avait sur les petits
dépliants; c'est-à-dire de l'information générale
qui ne touche pas un cas particulier. C'est pour cela que j'ai
dépensé $200 pour venir vous parler ce soir. Je n'ai pas les
moyens de le faire, mais je voulais essayer d'avoir une réponse
quelconque.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis un simple citoyen, je
ne représente pas un organisme.
M. Garon: Je comprends ce que vous dites là mais,
jusqu'à maintenant, il y a des centaines de simples citoyens qui
appellent au numéro et qui ont des renseignements, et...
M. Lavoie: Ils ont des renseignements, mais cela ne règle
pas leur problème.
M. Garon: Dans certains cas, cela les règle, dans certains
cas, cela ne les règle pas. Dans certains cas, ils sont
réglés par l'information, dans certains cas, il faut attendre la
formation de la commission.
M. Lavoie: II faut attendre. Il n'y a pas autre chose, il va
falloir attendre. Comme la loi est faite, il va falloir attendre.
M. Fortin: Est-ce que je ne pourrais pas faire un petit
commentaire?
Le Président (M. Boucher): Allez-y.
M. Fortin: Pourquoi n'y aurait-il pas une loi de recours? Dans le
moment, après avoir feuilleté la loi 90 d'un bout à
l'autre, je m'aperçois que c'est certainement pour la protection des
terres agricoles qu'elle a été conçue et je ne questionne
pas à ce niveau. Ce que je pense c'est qu'on protège les terres
agricoles, mais je n'ai vu nulle part dans cette loi qu'on protégeait le
petit propriétaire, le petit fermier qui a travaillé tout le
temps de sa vie sur ses terres et nulle part on le protège. Pour quelle
raison il n'y aurait-il pas une petite loi de recours pour venir en aide
à ce monde-là? C'est institué ailleurs...
Parce qu'on parle d'une commission administrative avec un
président et deux vice-présidents à travers la province,
peut-être que s'il y avait des petites commissions ou des petits
comités locaux en dehors de l'UPA, s'il vous plaît, des conseils
municipaux ou des comités régionaux, quelqu'un qui serait
complètement indépendant et qui pourrait donner justice à
tout le monde...
Parce que ce n'est pas avec les gens de l'UPA qu'on va avoir cela parce
qu'ils sont intéressés à acheter la terre du petit voisin
qui n'est pas trop gros, pour pas grand-chose.
M. Giasson: M. Fortin, lorsque vous nous dites que vous auriez
des acheteurs des 65 acres que vous séparez des autres 30 acres sur
lesquels vous êtes contruit, est-ce qu'il s'agit d'acheteur qui est
intéressé à l'ensemble, c'est-à-dire, au fond de
terre, 65 acres, et la résidence qu'il y a dessus?
M. Fortin: Oui.
M. Giasson: II ne veut pas uniquement la résidence.
M. Fortin: Non.
M. Giasson: II veut tout. Cela prend la décision de la
commission.
M. Fortin: Maintenant, si c'est juste une question de deux acres
seulement et la maison, est-ce que je pourrais vendre cela et garder 65
acres?
M. Giasson: Vous pourriez faire lotir un demi-hectare sur lequel
est située votre résidence.
M. Fortin: Parlons donc en acres plutôt que des hectares.
Les mètres, moi là...
M. Garon: Un acre et quart. M. Fortin: Pardon?
M. Garon: Un demi-hectare, c'est un acre et quart.
M. Lavoie: Un instant. Pourriez-vous m'indiquer en vertu de quel
article ce monsieur pourrait vendre un demi-hectare avec une maison.
M. Fortin: Je ne peux même pas faire cela, ma maison est
à 200 pieds du chemin.
M. Lavoie: Sans l'autorisation de la commission, il va falloir
qu'il attende la commission quand même... Je l'ai 101 ici: "Une personne
peut sans l'autorisation de la commission aliéner, lotir et utiliser
à une fin autre que l'agriculture un lot situé dans une
région agricole désignée, une aire retenue pour fins de
contrôle ou une zone agricole, dans la mesure où ce lot
était utilisé ou faisait déjà l'objet d'un permis
d'utilisation à une fin autre que l'agriculture lorsque les dispositions
de la présente loi visant à exiger une autorisation de la
commission ont été rendues applicables sur ce lot. Ce droit
n'existe qu'à l'égard de la superficie du lot qui était
utilisée à une fin autre que l'agriculture..."
Etait avant la loi, je crois, avant le dépôt de la loi. Il
ne peut plus lotir. Il aurait fallu qu'il soit loti avant.
M. Mercier: Nous ne sommes pas la commis-
sion chargée d'administrer la loi et nous ne sommes pas ici
à l'étape de la deuxième lecture où nous
étudierons article par article le projet de loi. Je pense que nous avons
entendu l'opposition de monsieur. Le cas est bien clair.
M. Giasson: Je comprends la préoccupation du
député de Mercier, mais cet homme est venu à même
ses ressources de la région de l'Outaouais et, si on peut lui apporter
des lumières avant qu'il quitte Québec, je ne pense pas qu'il y
ait de mal à cette chose.
M. Mercier: C'est un cas qui doit être soumis à la
commission.
M. Fortin: J'avais une question dans mon dossier tout à
l'heure.
M. Giasson: Ce n'est pas tout le monde qui s'entend. Il y a des
interprétations.
M. Fortin: J'avais une question dans mon dossier tout à
l'heure et je ne crois pas avoir eu la réponse. Est-ce que les lois de
notre municipalité de la Communauté régionale de
l'Outaouais étaient valables dans le temps ou ne sont-elles pas
respectées maintenant par le ministère? Pourquoi? Qu'est-ce qui
arrive?
M. Giasson: Elle était valable, mais cette nouvelle a
priorité sur l'autre.
M. Fortin: Même les droits acquis avant le 9 novembre.
M. Giasson: Oui. Pas tous les droits acquis.
M. Garon: II faudrait voir les articles concernés de la
loi.
M. Giasson: ... tel que défini dans la loi.
M. Garon: Vous êtes rendu à Québec, le mieux,
c'est d aller au ministère de lAgriculture demain matin, vous ne
partirez pas ce soir pour Pontiac.
M. Fortin: Je devais partir demain matin, mais je peux
attendre.
M. Garon: Allez faire un tour au ministère de lAgriculture
et voyez les gens du contentieux à 200 A, Chemin Sainte-Foy. Allez
demander des informations en expliquant votre affaire.
M. Fortin: J espère qu'on va me donner plus d information
qu'à Buckingham ou Shawville.
M. Garon: Pardon?
M. Fortin: J espère qu on va me donner plus d information
qu à Shawville ou qu'à Buckingham, parce qu on ne m'a
donné aucune information quand je suis allé au ministère
de l'Agriculture.
M. Garon: Non, mais...
M. Fortin: Quelle adresse encore, M. le ministre?
M. Garon: 200, Chemin Sainte-Foy.
M. Fortin: 200, Chemin Sainte-Foy.
M. Garon: Deuxième étage.
M. Fortin: Deuxième étage.
M. Garon: A Québec.
M. Fortin: Les bureaux ouvrent à neuf heures?
M. Garon: Oui, à neuf heures ils vont être
ouverts.
M. Fortin: Parce que je veux prendre r avion après
cela.
M. Garon: Pardon?
M. Fortin: Je veux prendre l'avion pour m'en aller chez nous
après.
M. Garon: D accord.
Le Président (M. Boucher): M. Fortin, je vous remercie et
j espère que vous aurez les informations que vous désirez.
Passons à M. Philippe Chartrand, entreprise de lotissement,
représenté par Me Yves Chartrand, avocat
Me Chartrand, vous pouvez y aller. Est-ce que vous pouvez
présenter ceux qui vous accompagnent?
Philippe Chartrand, entreprise de lotissement
M. Chartrand (Yves): M. le Président, M. le ministre, MM.
les commissaires de cette commission parlementaire, je vous présente
Philippe Chartrand, mon père; Gilles Chartrand, mon frère et ma
mère, Mme Marie-Paule Chartrand.
Je vais céder immédiatement la parole à Philippe
Chartrand qui a une petite introduction à lire avant que je vous donne
le contenu de notre mémoire.
M. Chartrand (Philippe): M. le ministre, j'ai laissé
à mon fils qui a une formation juridique le soin de faire une
présentation qui convient à I importance de la présente
commission parlementaire sur la loi du zonage agricole. Je voudrais me faire,
dans mes propres termes, le porte-parole de plus de 30 000 entrepreneurs de
toutes sortes, lotisseurs, constructeurs, excavateurs, arpenteurs, puisatiers,
paysagistes, entrepreneurs en travaux de voirie, etc., dont le gagne-pain est
vitalement affecté par le présent projet de loi, ainsi que des
centaines de milliers de Québécois qui rêvent
d avoir une demeure. Ils ont dans bien des cas affecté toutes
leurs économies, souvent aidés d un emprunt à leur caisse
populaire, à l'achat d'un terrain en plus d'avoir dépensé
des centaines d heures de travail personnel pour ébrancher, excaver,
niveler, faire une voie d accès. Ils ont ajouté une plus-value
à leur terrain de plus d un millier de dollars en dotant leur terrain
d'une fosse septique et d'un puits.
Au début de tout ce processus, il y a celui qui fait fonction de
lotisseur. Dans mon cas, qui est à quelques variantes près
l'histoire de tous les lotis-seurs, j'ai assemblé environ 600 arpents de
terrain, après avoir irrigué ces terrains et avoir
exécuté plusieurs centaines de milliers de dollars de travaux de
lotissement. Une agglomération nouvelle est née dans la
périphérie de Montréal donnant ainsi une vocation nouvelle
à du terrain qui était en régression en tant que terre
agricole.
J ai répété cette opération sept milles plus
loin, dans la municipalité voisine. Aujourd hui, il y a environ 5000
personnes dans ces deux agglomérations, tout ceci est inclus dans la
zone agricole temporaire. Cependant, comme ce n'est sûrement pas dans
l'esprit de la loi de causer un préjudice grave à des
Québécois en gelant leurs biens, j'espère que même
avant la promulgation de la loi ces situations seront corrigées. Ceci
sera d autant plus facile que dans les deux municipalités
concernées, 90% du territoire est déjà zoné
agricole et que dans les 10% où le développement est permis, 80%
sont déjà développés et que les autres 20%, en plus
d être enclavés dans le territoire développé, sont
absolument nécessaires à I'épanouissement de ces
agglomérations.
Je demande à M. le ministre de considérer avec sympathie,
dans la section des droits acquis, les milliers d entrepreneurs et les
centaines de milliers de Québécois qui, avant le 9 novembre 1978,
ont agi dans le respect des lois et je lui demande d harmoniser sa loi
présente avec les réalisations du passé. (23 h 15)
Dans toute agglomération de 200, 300 ou 400 lots, si on
considère le phénomène de transfert qui va accompagner
l'interdiction de se livrer à des utilisations autres qu'agricoles sur
les terrains avoisinants, les terrains qui sont enclavés, partiellement
développés, continus, juxtaposés ou qui sont
nécessaires à l'épanouissement de sa municipalité,
réunion de deux rues, parc industriel, récréatif, centre
commercial, etc., les autorités municipales, lorsqu'elles devront
dialoguer avec le commissaire agricole, auront un interlocuteur qui, lorsqu'il
aura à prendre une décision, aura la latitude voulue pour faire
la balance des avantages et des inconvénients et sera en mesure de
décider, dans le meilleur intérêt de la collectivité
québécoise à court et à long terme. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. Char-trand.
M. Chartrand (Jean-Yves): Je procède avec le
mémoire. J'aimerais souligner que le mémoire qui est devant vous
a été préparé avec un préavis de 24 heures
et sous le choc du texte du projet de loi no 90. Nous participons depuis trois
jours aux débats de cette commission et nous constatons qu'une approche
sereine est de beaucoup préférable aux déclarations
enflammées. Nous tenons à nous excuser de quelques passages qui
reflètent notre tempérament latin. Nous avons pris connaissance
du projet de loi no 90 et espérons sincèrement que cette
commission parlementaire sera un forum où le gouvernement portera une
oreille attentive aux représentations exprimées. Nous devons nous
contenter d'indiquer en annexe le débat de l'opportunité de
l'aménagement de la région montréalaise en
régions-ressources et des effets d'une telle option sur le
développement de ce même territoire en régions de
fabrication.
Nous tenons quand même à exprimer notre crainte à
cet égard devant l'inconsidération constaté dans le
mécanisme retenu par le projet de loi no 90 où le jour du
dépôt, le 9 novembre 1978, 614 municipalités ont vu, dans
la plupart des cas, la majeure partie de leur territoire gelée parce
qu'à I intérieur de la zone agricole. Nous désirons
également attirer l'attention de la commission sur une critique des
politiques du ministère de l'Agriculture présentée au
député du comté de l'Assomption le 30 octobre dernier et
dont le ministère de l'Agriculture a reçu copie, notamment la
proposition de calquer le plan de zonage agricole sur une carte
pédologique.
Avant de continuer, j'aimerais faire une requête pour que ces deux
annexes soient transcrites intégralement au journal des Débats,
(voir annexes)
Le Président (M. Boucher): D'accord, M. Chartrand.
M. Chartrand (Jean-Yves): D accord? Merci. Avant d'entreprendre
la critique spécifique du projet de loi no 90, il nous paraît
nécessaire d esquisser les règles du jeu du processus de
développement et d'en identifier les protagonistes. L'aménagement
du territoire implique la transformation du terrain afin qu'il puisse servir
aux différentes utilisations connues. Notons: l'agriculture, le
résidentiel, l'industriel, le récréatif, le transport,
etc. L'autorité privilégiée à ce jour en ce domaine
est incontestablement la corporation municipale. La municipalité a le
pouvoir de zonage sur son territoire, c est-à-dire la
responsabilité de déterminer les zones a l'intérieur
desquelles sont permises les utilisations possibles accompagnées de la
réglementation qui encadre sa mise en application. Une fois que la
municipalité a exercé son pouvoir de zonage, elle voit à
son application par le biais de permis.
Il y a d abord le permis de lotissement, c'est-a-dire une demande d
aménagement d'un territoire, qui, pour être accorde, doit se
conformer au règlement de zonage; à cette étape, plusieurs
corporations municipales exigent que la demande soit accompagnée d'un
plan d'aménagement d'ensemble, c'est-à-dire un plan qui donne une
vue
d ensemble a long terme a I intérieur duquel doit s harmoniser le
permis de lotissement. Le permis de lotissement prend souvent la forme d'une
résolution du conseil qui approuve le projet de lotissement soumis et
peut ou non faire l'objet de droits payables, taxes de lotissement.
Après l'émission de ce permis, l'entrepreneur ou le promoteur
fait exécuter les travaux nécessaires à I
aménagement proposé, c est-à-dire la construction de rues,
I arpentage, l'irrigation et parfois I installation d'autres services. Notons
ici que les infrastructures sont dans certains cas la responsabilité de
la corporation municipale qui, par entente avec des constructeurs, commande des
travaux d urbanisation et en répartit le coût sur les lots
bénéficiaires par le biais de taxes foncières.
Nous tenons à signaler que dans une partie appréciable, si
ce n est la majorité des municipalités, et
particulièrement dans le cas où I'approvisionnement en eau
potable et l'épuration des eaux usées se fait d'une façon
individuelle par un puits et une fosse septique, les travaux sont à la
charge de I entrepreneur en lotissement.
A titre de référence, nous pouvons avancer que le
coût des travaux de base, défrichement, enlèvement du sol
arable, fossé d'égouttement fluvial, empierrement et arpentage,
représentent pour les soussignés le double du prix d'achat de la
terre ou $15 le pied linéaire de rue. Il faut également noter ici
qu'il en coûterait trois fois plus cher pour rendre un terrain à
l'agriculture qu'il en a coûté pour le développer. Une fois
le permis de lotissement émis, l'entrepreneur en lotissement peut
commencer à vendre les lots approuvés. Même avant que les
travaux d'aménagement ne débutent ou ne soient
complétés, cette vente peut être notariée ou non,
enregistrée au bureau d'enregistrement ou non et, en ce qui nous
concerne 99% des ventes effectuées commencent par la signature d'une
promesse de vente avec un dépôt en argent, le paiement de la
balance sur une période de deux à cinq ans, l'acheteur demeurant
en promesse de vente tant et aussi longtemps qu'il n'acquitte pas le solde du
prix de vente agréé et c'est alors qu'il voit transférer
le titre de sa propriété au bureau d'enregistrement par acte de
vente notarié.
Dès la signature de la promesse de vente, le promettant
acquéreur prend possession de son lot et, dans le cas de maisons mobiles
pas d'hypothèques plus de 75% des lots sont occupés
sans que l'achat de ce consommateur n'apparaisse au bureau d'enregistrement.
Pour ce qui est du dépôt de cadastre, il n'est pas exigé
partout et pour un pourcentage appréciable de lots il ne l'est jamais.
Il peut s'effectuer à n'importe quel moment, et plus souvent
qu'autrement il est fait une fois que tout l'aménagement est
complété et que les lots sont vendus, parce qu'alors les taxes
municipales qui portent sur un lot original se multiplient par le nombre de
subdivisions.
Nous venons ici de dégager le rôle joué par
l'entrepreneur en lotissement. Cet entrepreneur peut être un constructeur
d'immeubles qui intègre les opérations de lotissement à
son entreprise de construction, un entrepreneur en travaux de voirie ou un
promoteur, qui loue les services d'un entrepreneur en excavation, ou la
municipalité elle-même.
Il est capital ici de distinguer l'entrepreneur en lotissement du
spéculateur. Le spéculateur est un agent de placement. On le
retrouve partout, tant dans l'achat de titres boursiers, de stocks de
commodités que de titres immobiliers. La notion de spéculateurs
implique un profit passif, c'est-à-dire l'achat d'un bien et sa revente
à profit sans valeur ajoutée.
A l'encontre de ceci, l'entrepreneur en lotissement voit à
acheter une terre où l'aménagement recherché est permis
avant toute autre démarche et, alors, voit à l'aménagement
de cette dernière selon les exigences municipales et son propre standard
de développement.
Il faut aussi distinguer l'entrepreneur en lotissement professionnel de
l'entrepreneur de fin de semaine, c'est-à-dire le degré de valeur
ajoutée par l'entrepreneur et l'importance de cette activité
comme source de revenu principal, secondaire ou simplement comme revenu
d'appoint.
L'entrepreneur en lotissement joue un rôle essentiel dans
l'approvisionnement du stock de terrains à toutes les fins. Afin
d'assurer une continuité du processus engagé et du nouveau cadre
découlant de votre projet de loi, vous devez reconnaître les
investissements en cours et indiquer les nouvelles règles du jeu avec
assez de souplesse pour que ces entrepreneurs aient le temps de se retourner et
d'aligner leurs efforts dans la voie indiquée.
Il est capital de reconnaître que toute entreprise responsable
voit à une planification dans le temps de ses activités,
financement à long terme, approvisionnement de stocks pour pouvoir
offrir sa marchandise d'une façon continue, inventaire
d'équipements dont le paiement est étalé sur cinq ans,
inventaire de terres dont le paiement est étalé sur cinq ans,
immobilisation dans les travaux de développement dont le revenu est
basé sur la vente des terrains.
Nous comprenons que le but recherché par le projet de loi est la
protection des terres agricoles et l'arrêt de l'empiétement
inutile et désordonné sur les bonnes terres des autres types
d'aménagement. Cette loi vise à empêcher la
spéculation et, pour y parvenir, a décrété le gel
de ce qu'on appelle la zone agricole provisoire. Dans cette zone, une personne
ne peut procéder à I'aliénation d'un lot sans
aliéner également tous les autes lots contigus ou
séparés par un chemin de ce lot. Ainsi, cette mesure paralyse
toutes les transactions courantes d'un entrepreneur en lotissement situé
dans la zone provisoire. Cette situation place l'entrepreneur conncerné
dans une position financière intenable, bien qu'il ait agi dans le
respect des lois. Cette situation favorisera à coup sûr le
spéculateur qui, voyant un entrepreneur acculé à la
faillite, lui offrira un prix dérisoire pour son investissement sachant
que dans trois, six ou douze mois, il sera possible de faire dégeler ce
projet par la commission de protection.
Dans les municipalités où l'utilisation du sol
est réglementée, le gel des terres non
aménagées aurait été une mesure draconienne. Le gel
des lotissements existant et en cours est, lui, injustifiable et cause un
préjudice inutile qui s'aggrave de jour en jour. Le fait que ces
lotissements ne soient pas exclus de la zone agricole provisoire ni reconnus
dans la section des droits acquis crée des situations d'un illogisme tel
qu'il devient une incitation à la désobéissance
civile.
Nous changeons de chapitre. Nous allons traiter de la Commission de
protection du territoire agricole. Le mécanisme retenu pour le
fonctionnement de la Commission de protection du territoire agricole ne
respecte pas le fonctionnement de nos institutions démocratiques qui
sont le fondement même de notre société. Le gouvernement
nomme sept mandarins qui seront juges et parties dans les décisions
qu'ils auront à rendre. Ces décisions devant être
basées sur la possibilité d'utilisation du lot à des fins
d'agriculture plutôt que la balance des inconvénients entre la
vocation agricole et les utilisations non agricoles.
Nous comprenons que le projet de loi à l'étude a pour but
la protection des terres agricoles et que la dialectique globale de
l'aménagement du territoire ne peut et ne doit pa y être
discutée. Nous sommes convaincus que le Québec doit avoir ses
Whitby, que Montréal doit être plus sélectif et laisser les
villes périphériques la concurrencer pour les emplois de
fabrication.
Nous espérons que cet énoncé réussira
à éveiller dans l'esprit des participants de cette commission
parlementaire le scepticisme nécessaire à la compréhension
d'opinions diversifiées, que vous admettrez qu'il n'est pas sûr
qu'à 12 milles de Montréal, à côté de
l'autoroute 640, dans des terres où le potentiel agricole est de
quatrième et cinquième ordre, la seule vocation est la
nomenclature de maïs grain ou la culture intensive de la pomme de
terre.
Déjà cette législation proposée sort des
sentiers battus avec une témérité déconcertante en
annonçant le gel, dès le dépôt du projet de loi,
d'un espace qui correspond facilement à 80% de la base économique
de Montréal, en n'y excluant que les parties où
l'aménagement est complété ou dans une phase terminale, et
en omettant tous les lotissements qui sont munis des services essentiels d'une
façon plus économique et écologiquement valable.
Mais quand on propose de soustraire cette législation du
contrôle judiciaire et de l'administration municipale, nous avons de
fortes réserves. Les municipalités sont les seules
équipées pour répondre à l'administration du
territoire et elles doivent respecter les lois.
La loi sur la protection du territoire devrait édicter les normes
de protection et la commission de protection en serait le chien de garde devant
les tribunaux qui sont l'institution chargée de l'application de la
loi.
Les décisions politiques du type plan d'aménagement ou de
réaménagement, n'entrent pas sous le conrôle judiciaire et
demandent une réflexion des élus qui sont les seuls qui ont
l'autorité morale d'en décider, après qu'ils auront, avec
l'aide des technocrates, défini les plans possibles. Nous voyons ici une
opportunité de revaloriser le rôle du député de
comté qui sera certainement très intéressé d'y
participer.
Nous croyons que le choc du 9 novembre 1978 peut encore être un
geste salutaire en forçant une prise de conscience régionale aux
niveaux des administrations municipales que canalisera la loi de
l'aménagement et de l'urbanisme annoncé par le ministre d'Etat
à l'aménagement, Jacques Léonard.
Le temps d'exécution de ce scénario est l'essence
même de sa réussite. Le gel prolongé de la région
désignée décale d'autant tout le processus de
développement qui débute par la volonté des entrepreneurs
d'aménager et celle des utilisateurs d'acheter. De plus, il nous
paraît essentiel de corriger les exclusions de la zone agricole
provisoire. La confection des premiers plans provisoires démontre
clairement l'impossibilité pratique de cerner tous les lotissements
existants.
Cette correction doit s'opérer par un élargissement de la
notion des droits acquis mis en application par les municipalités,
surveillé par la commission de protection et contrôlé par
les tribunaux de droit commun.
Nous entreprenons maintenant le chapitre des recommandations et nous
tenons à signaler que ces recommandations sont fondées sur le
droit au travail des employés, des entrepreneurs en lotissements et
doivent être considérées comme transitoires afin de
permettre la survie de ces entrepreneurs, le temps nécessaire à
une réorientation réfléchie de l'aménagement.
La déstructuration de ces entreprises ne serait ressentie
qu'après coup et handicaperait la capacité d'exécution du
projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme.
Nous laissons à la commission le soin de régler la
plomberie législative si elle veut modifier le rôle et les
pouvoirs de la commission de protection du territoire agricole.
Pour ce qui est des entrepreneurs en lotissement, nous formulons les
recommandations suivantes: Que I article 1 du projet de loi identifie
l'entrepreneur en lotissement et distingue les municipalités qui ont un
règlement de zonage. Nous suggérons les définitions
suivantes: "Entrepreneur en lotissement: une personne dont la principale source
de revenus est le lotissement et dont la somme des lots pour lesquels elle a
obtenu un permis de lotissement au cours des années 1976, 1977, 1978,
n'est pas inférieur à deux cents.'' "Territoire
réglementé: municipalité dont le territoire a fait l'objet
d'un règlement de zonage. "
Permis de lotissement: autorisation municipale d'aménager un lot
en le subdivisant sur présentation d'un projet de lotissement conforme
au règlement de zonage." (23 h 30)
Nous suggérons également que la section IX du projet de
loi, qui traite des droits acquis à l'ar-ticle 101, stipule: "Dans une
municipalité où le territoire est réglementé,
l'entrepreneur en lotisse-
ment peut, sans l'autorisation de la commission, aliéner, lotir
et utiliser à une fin autre que l'agriculture un lot situé dans
une région agricole désignée pourvu qu'il ait obtenu,
avant le dépôt du projet de loi, un permis de lotissement. De
plus, il peut obtenir un permis de lotissement pour un nombre de lots
égal à la moyenne annuelle du nombre de lots pour lesquels il a
obtenu un permis de lotissement, cette moyenne anuelle étant
calculée en faisant la somme du nombre de lots compris dans les permis
de lotissement obtenus pour les années 1976, 1977 et 1978. Les droits
acquis de l'entrepreneur en lotissement le sont également pour ses
ayants droit."
Vous priant de croire que ce mémoire et ces recommandations ont
été formulés avec lobjecti-vité que commande la
responsabilité que nous ressentons envers tous ceux qui seront
affectés par cette loi, nous vous prions d agréer I'expression de
notre très haute considération.
Le Président (M. Boucher): Merci, Me Char-trand. M. le
ministre.
M. Garon: Je veux remercier M. Chartrand d avoir
présenté son point de vue. Je pense que son mémoire est
clair. Je n'ai pas besoin de poser de question additionnelle puisque je
comprends exactement la portée et la signification de son
mémoire. Merci beaucoup.
M. Lavoie: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: ... si je comprends bien, M. Chartrand, combien de
projets de lotissement avez-vous, en ce qui vous concerne?
M. Chartrand (Jean-Yves): Nous autres, on a deux projets
distincts.
M. Lavoie: A quel endroit?
M. Chartrand (Jean-Yves): A La Plaine et à Saint-Lin dans
le comté de L'Assomption. Il y en a un à La Plaine qui doit
comprendre 2000 lots. Parmi ceux-là, il y en a peut-être 400 qui
sont en promesse de vente, donc ils sont gelés et on en a
peut-être quelques centaines d'autres qui sont à vendre et qu on
ne peut vendre qu à un seul. Dans lautre projet, on parle d environ 600
lots.
M. Lavoie: A Saint-Lin.
M. Chartrand (Jean-Yves): Ce sont à peu près les
mêmes chiffres qui ressortent.
M. Lavoie: Combien de lots à Saint-Lin?
M. Chartrand (Jean-Yves): 600 lots en tout. Parmi eux, on peut
parler d environ 300 disons, pas tant que cela 200
d'enregistrés au bureau d'enregistrement, 200 sous promesse de vente et
200 qu on ne peut vendre qu à un seul.
M. Lavoie: Dans le cas de La Plaine, votre projet de lots a-t-il
suivi tout le processus normal avec le conseil municipal, pour le plan d
aménagement, larpentage, le tracé de rues, des rues
construites?
M. Chartrand (Jean-Yves): II y a plusieurs lots... On peut
arriver dans une rue, les plus nouvelles, où on a 50 lots dans la rue,
25 maisons de bâties et des lots intermittents où il n y a pas de
maisons de bâties, qui sont en promesse de vente ou à vendre et
tout cela est gelé. Mais les rues sont faites, les services d
électricité et de téléphone sont là. Il y a
d autres lots où les rues sont faites, mais où
l'électricité n est pas encore installée.
M. Lavoie: Si je comprends, ces lots ont les services d aqueduc
ou quoi?
M. Chartrand (Jean-Yves): A Iheure actuele, il y a des fosses
septiques et puis...
M. Lavoie: Non, l'aqueduc?
M. Chartrand (Jean-Yves): Non, des puits artésiens.
M. Lavoie: Puits artésiens. M. Chartrand (Jean-Yves):
Oui. M. Lavoie: Et des fosses septiques. M. Chartrand
(Jean-Yves): C'est cela.
M. Lavoie: Et cela, c est reconnu par le ministère
de...
M. Chartrand (Jean-Yves): De I'environnement. Il y a des ententes
avec les municipalités à savoir que ce sont des lotissements qui
sont "desservables", c est-à-dire que premièrement, il y a dix
pieds de sable, donc les conditions filtrantes et d épuration des eaux
usées sont optimales. La dimension des lots a été
prévue pour I implantation d'un aqueduc quand la densité sera
acceptable. D ailleurs, à La Plaine, il en est peut-être question
pour le printemps. Mais même là, on na pas d égout et on
n'a pas prévu d'en avoir parce que...
M. Lavoie: Non, d'accord. Parce que si la superficie d un lot est
assez grande, il peut y avoir des fosses septiques avec des drains. Mais ce que
je vous demande, c'est si vous avez suivi toutes les formalités
exigées par les municipalités, par les ministères du
Québec, pas de lOntario, du Québec.
M. Chartrand (Jean-Yves): Oui.
M. Lavoie: D aménagement et tout. Et si je comprends bien,
actuellement, vos transactions sont toutes gelées.
M. Chartrand (Jean-Yves): Non seulement cela, mais notre marge de
crédit est gelée et nos fi-
nanciers ne veulent pas nous attendre, de leur côté.
M. Lavoie: En plus de cela, vous avez des gens, j'imagine, qui
ont des lots achetés sous promesse de vente et qui ont bâti.
M. Chartrand (Jean-Yves): Oui.
M. Lavoie: Qui ont donné une plus-value au terrain?
M. Chartrand (Jean-Yves): Effectivement.
M. Lavoie: Et eux, ils n'ont pas de titre de
propriété parce qu ils n ont pas fini de payer le terrain.
M. Chartrand (Jean-Yves): C'est cela.
M. Chartrand (Philippe): Je tiendrais à signaler que j'ai
reçu une lettre de la municipalité qui m'enjoint de payer $16 000
de taxes.
Une Voix: $32 000 de taxes.
M. Chartrand (Gilles): $32 000, mais il y en a $16 000
payés, sinon ils ont le droit de faire vendre les lots.
M. Lavoie: Ils ont le droit, oui, en vertu de la Loi des
cités et villes, de faire vendre les lots.
M. Chartrand (Philippe): C'est l'article 427.
M. Chartrand (Gilles): Une petite parenthèse, si vous me
permettez.
C'est un point de vue que j'aimerais souligner, à la suite de
l'intervention hier de l'Association des constructeurs du Québec. Il est
vrai que les plus gros d'entre eux ont leur propre stock de terrains, mais il
existe des constructeurs plus modestes qui se fient sur des entrepreneurs comme
nous pour leur fournir des stocks de terrains. C'est une petite
parenthèse que je voulais faire entrer. C'est sûr que les gros
constructeurs ont bien souvent leur propre stock de terrain mais les plus
petits se fient sur des gens comme nous qui sont spécialisés en
lotissement, et leur stock de terrains c'est nous qui leur fournissons.
M. Lavoie: Vos terrains, si je comprends bien, ont une superficie
plus grande que les terrains qu'on trouve dans les zones urbaines,
c'est-à-dire que vos terrains individuels ont de 10 000 à 15 000
pieds. Cela veut dire que les coûts d'infrastructure qui sont très
élevés dans les municipalités, vous n'avez pas cela, parce
qu'il y a une fosse septique qui élimine et vous avez un puits
artésien.
M. Garon: C'est pas mal plus que cela.
M. Lavoie: Tout dépend. Je n'étais pas
arrivé dans ces détails.
M. Chartrand (Gilles): Cela dépend beaucoup de la nature
du sol. Si la nappe phréatique est assez basse et nous, nous sommes dans
des terres de sable, à ce moment-là, l'épuration des eaux,
il n'y a aucun problème. Ce n'est pas comme quelqu'un qui construit sur
la glaise.
M. Lavoie: C'est sûr que cela peut permettre des lots plus
grands. Dans les milieux urbains, cela coûte $120 le pied linéaire
de coût de construction pour les services d'égout et tout cela.
Ces personnes qui achètent ces lots bâtissent des maisons ou font
bâtir; ce sont des maisons de quelle valeur environ?
M. Chartrand (Jean-Yves): Sur un des lotissements il n'y a que
des maisons mobiles et un autre, c'est une section homogène de bungalows
et une section homogène de maisons mobiles. Dans la section des
bungalows, cela varie entre $27 000 à $35 000, $40 000.
M. Lavoie: Votre projet de maisons mobiles est également
approuvé selon les règlements municipaux et tout. M. le ministre,
ce que je vous proposerais, je ne le sais pas. Il y a des gens qui peuvent
faire des faillites monumentales dans des cas comme cela. Ces gens ont investi
de bonne foi et ils n'ont pas volé personne. Ce sont des
commerçants en terrains, comme il y a des commerçants en grains
et en blé d'Inde et en animaux. Ils ont acheté des terres.
M. Garon: Ils sont venus me rencontrer dans ma tournée
à Joliette en septembre.
M. Lavoie: Je vais vous faire une suggestion. Ces gens ont
respecté toutes les lois.
M. Garon: Je vais faire la suggestion qu'on l'étudiera
article par article.
M. Lavoie: Non, je voudrais la faire; cela ne prendra pas de
temps, ma suggestion, et je pense qu'elle va être constructive. Il y en a
des cas comme cela. Ces gens peuvent subir...
M. Garon: J'y répondrai quand on en fera l'étude,
article par article.
M. Lavoie: Je vais vous en faire une quand même.
M. Garon: Ce n'est pas vrai!
M. Lavoie: Bon... Quand même, il n'y en a pas 100 000 au
Québec, de ces cas. Ce sont des gens de bonne foi qui ont investi
légalement, suivant toutes les formalités municipales, de tous
les ministères et tout. Vous avez un pouvoir, en vertu de la loi,
l'article 37. Ces gens ont fait accepter par les municipalités, par les
gens du milieu, par les autorités municipales, ce que vous n'avez pas
voulu consulter. Pourquoi, en vertu de l'article 37,
n'envoyez-vous pas un inspecteur de votre ministère. Vous en avez
des inspecteurs de votre ministère, des gens qui ont collaboré
à la loi pour des cas d'espèces comme cela. Si on leur prend une
journée ou deux ou trois pour aller rencontrer la municipalité,
vérifier si on a vu tous les permis municipaux, s'ils ont
respecté toutes les lois du ministère de l'environnement et tout;
vous avez droit, en vertu de l'article 37, de modifier votre plan. Je ne vous
demande pas 100 000 cas; il y a des cas dans Saint-Lin et dans La Plaine et
d'autres qui vous feront... et cela ne fera pas de tort aux terres agricoles
parce que ces terrains ne deviendront jamais terres agricoles.
M. Mercier: On revient sur cette question depuis
déjà quelques reprises au cours de la soirée. Nous ne
sommes pas ici...
M. Lavoie: II n'y a plus de liberté ici! Allez-vous nous
enlever... vous enlevez les biens à ces gens; vous ne m'enlèverez
pas le droit de parole!
M. Mercier: Ce n'est pas le but de cette commission, alors, je
demande qu'on en revienne à la pertinence.
M. Lavoie: M. le Président, est-ce que mes propos sont
pertinents, ou non?
Le Président (M. Boucher): M. le député,
avez-vous terminé votre intervention?
M. Lavoie: Je m'adresse à M. le ministre.
Le Président (M. Boucher): Je remarque, M. le
député de Laval, que M. le ministre a déjà
donné une réponse sur la première question que vous avez
posée. En avez-vous une autre?
M. Lavoie: C'est une suggestion que je fais... je termine, vous
répondrez après cela.
Je fais une suggestion positive. Vous envoyez un inspecteur d'ici
à une semaine, parce que la loi ne sera pas adoptée avant au
moins une semaine encore, ou dix jours; disons une semaine. Vous envoyez un
inspecteur pour des cas comme ceux-là. Vous vérifiez avec toures
les autorités, les ministères de l'environnement, des Affaires
municipales, les municipalités de la Plaine ou de Saint-Lin, que cela ne
deviendra jamais zone agricole. Ces gens, s'ils sont obligés d'attendre
un an ou deux avant que la commission se mette en marche et fasse le plan
final, peuvent être en faillite, et bien des fois. Il y a même des
gens, d'autres, pas seulement eux, des Québécois ordinaires, qui
ont acheté, qui ont bâti une maison et qui ne pourront pas avoir
d'hypothèque parce qu'ils n'ont pas de titres. Vous comprenez mon point
de vue?
M. Mercier: M. le Président, je voudrais poser des
questions aux intervenants. C'est le but de la commission, alors je demande
l'application du règlement. Si on est pour faire des commentaires de ce
genre...
M. Lavoie: Est-ce que je respecte le règlement ou non?
M. Mercier: ... au ministre, je demande le droit de poser des
questions.
Le Président (M. Boucher): Très bien, M. le
député de Berthier. M. le député de Laval, vous
avez fait votre suggestion deux fois, si j'ai bien remarqué. Est-ce que
vous voudriez terminer pour que le ministre vous réponde?
M. Lavoie: M. le ministre, vous envoyez des inspecteurs, s'ils
ont tout respecté en vertu de l'article 37... Vous amendez votre plan
avant la troisième lecture, vous éliminez ces lotissements de
votre zone, de votre territoire désigné zone agricole
même pas aire, c'est toute l'annexe; non, de l'aire.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Garon: Voulez-vous, je vais vous dire la meilleure
façon. Au lieu de faire traîner la commission en longueur
inutilement, qu'on entende tous les mémoires, qu'on fasse l'étude
article par article rationnellement, qu'on adopte la loi et la commission va
être formée. A ce moment, M. Philippe Chartrand Inc. pourra faire
une demande à la commission immédiatement après la
formation de la commission, en vertu de l'article 43, expliquer tout le
problème qu'il a exposé ici, demander une exclusion en vertu de
l'article 43 et indiquer la nouvelle utilisation qu'il veut faire du terrain. A
ce moment, la commission va pouvoir entendre sa demande.
M. Chartrand (Gilles): M. le ministre, est-ce que je peux faire
un petit commentaire? Je suis d'accord avec vous. Les constructeurs du
Québec vous ont expliqué le processus de lotissement qui est
très long. Il faut prévoir trois ans à l'avance, on a des
travaux en cours. Si vous pouvez me certifier ce n'est pas une question
de jours, j'en conviens que d'ici à un mois ou deux on peut
régler notre problème, il n'y a pas de problème. Mais si
cela traîne pendant six mois ou un an, à ce moment...
M. Garon: Au fond, cela va dépendre...
M. Chartrand: Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux
dire.
M. Garon: Cela va dépendre un peu de la rapidité de
l'Opposition à adopter le projet de loi.
M. Lavoie: Je ne répondrai même pas à des
stupidités de la sorte.
M. Baril: Non, il n'y a rien à dire.
M. Chartrand (Jean-Yves): M. le ministre...
M. Garon: Immédiatement, je puis vous dire
que la commission va être formée. Les gens, surtout dans
votre cas, M. Chartrand, qui êtes venu nous rencontrer à Joliette
lors de notre tournée de consultation... Vous revenez aujourd'hui, vous
avez l'air de vous occuper de votre affaire drôlement.
Mme Chartrand (Marie-Paule): On est concernés.
M. Garon: Je le sais. J'ai l'impression que la première
demande qui va entrer à la commission sera la vôtre et la
commission, qui traitera les demandes d'exclusion, va procéder assez
rapidement.
M. Chartrand (Jean-Yves): Est-ce que vous pourriez m'expliquer
pourquoi on aurait à attendre ce délai?
M. Garon: Parce qu'il n'y a pas de commission actuellement.
M. Lavoie: Vous ne pouvez pas vous servir de l'article 37 que
vous avez prévu dans le projet de loi?
M. Garon: M. le député de Laval, je ne peux pas
régler les cas un par un. Si on siège de 10 heures à
minuit, comment voulez-vous qu'on règle les cas?
M. Chartrand (Jean-Yves): Au niveau des droits acquis.
M. Garon: La section des droits acquis, quand cela s'applique,
quand il s'agit vraiment de droits acquis.
M. Chartrand (Jean-Yves): Non, mais une modification qui
permettrait aux entrepreneurs en lotissement qui avaient des projets
approuvés avant le dépôt du projet de loi
débloquerait tout. (22 h 45)
M. Garon: On n'est pas rendu là. Actuellement, on entend
les mémoires de ceux qui présentent des suggestions concernant la
loi. Une fois que les mémoires auront tous été entendus,
à ce moment, on va commencer l'étude de la loi article par
article. Quand on aura terminé, il va y avoir des amendements sans doute
de proposés. Il y en a qui vont être adoptés, il y en a
d'autres qui ne seront pas adoptés. Après cela, on va aller en
troisième lecture, puis la sanction par le lieutenant-gouverneur et
là, la loi va être en vigueur telle qu'amendée au cours de
l'étude article par article.
M. Chartrand (Jean-Yves): M. le ministre, nous sommes prêts
à vous donner notre entière confiance. J'ai parlé avec
votre avocat qui m'a rassuré un peu en disant qu'on n'attendrait pas un
ou deux ans avant...
Mais, je veux que vous compreniez que pour nous, c'est notre vie qui est
en jeu et le coefficient du temps est très important pour pouvoir
s'aligner ou se "réaligner".
M. Lavoie: Est-il exact, M. le ministre, que votre commission
devra également négocier autant avec ces gens qu'avec plusieurs
municipalités parmi les 614 qui ont des cas...?
M. Garon: Oui, mais normalement, une commission... Il va y avoir
des analystes qui vont commencer à travailler avec les gens. A ce
moment, les rapports vont arriver, la commission va commencer à
étudier les cas individuels. Il y a beaucoup de cas qui vont pouvoir
aller très rapidement dès la formation de la commission, tandis
que vis-à-vis des municipalités... La municipalité qui va
recevoir un avis, j'ai l'impression qu'elle n'arrivera pas en 24 heures pour
présenter son projet immédiatement. Il y en a un certain nombre,
mais je pense bien que le CRO est plus prêt qu'un autre. Je pense qu'il y
en a qui vont aller plus rapidement que d'autres, possiblement Laval.
M. Lavoie: Oui, les représentais de Laval vont venir
demain.
M. Garon: Alors, à ce moment, il y a des
municipalités qui vont être plus rapides. Les demandes des
individus vont être traitées, je pense, beaucoup plus
rapidement.
M. Lavoie: Une dernière question. Comment
prévoyez-vous d effectifs dans votre commission, vos analystes et tout
cela, pour aller visiter et régler tous ces cas assez urgents? Quels
sont les effectifs que vous avez soumis au Conseil du trésor?
M. Garon: On vous racontera cela plus tard.
M. Lavoie: Non, mais est-ce qu'on peut savoir combien il va y
avoir...
M. Garon: Là, on entend les mémoires et plus tard,
on étudiera cela.
Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: Je veux juste indiquer au ministre que nous avons
encore ce soir une preuve évidente et vivante du manque de vision que
vous avez eu, à savoir, de ne pas avoir institué une commission
provisoire pour prendre charge de ces cas.
M. Garon: On a vu tout cela, mais on ne vous a pas fait confiance
pour adopter la commission provisoire rapidement.
M. Dubois: C'est cela, vous ne faites confiance à
personne.
La question d'une commission aurait pu être discutée en une
soirée à l'Assemblée nationale et cela aurait
réglé tous ces problèmes.
M. Garon: Parfois, une proposition d'ajournement dure trois
heures; alors, il n'y a pas moyen.
M. Dubois: Quand ce sont des cas urgents et qu'on les
reconnaît, on est là pour faire notre travail.
M. Garon: Si, dans tous les cas où l'Opposition donne sa
parole, elle la respectait, on aurait pu faire une entente sur une commission
provisoire.
M. Dubois: Vous allez faire souffrir un paquet de compagnies au
Québec.
M. Lavoie: Ecoutez, vos petites attaques, là...
M. Baril: Vous étiez prêts à attendre deux
mois parce que cela ne dérangeait rien dans leurs affaires.
M. Lavoie: Est-ce que le député de Huntingdon me
permettrait une question?
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon, vous avez la parole.
M. Dubois: Je veux juste rajouter qu'il y aura seulement une
commission, tel que le ministre le prévoit. Pour une commission, il va
peut-être y avoir 10 000 cas à traiter dans le premier mois ou
elle va siéger. Je me demande comment elle va faire pour donner un
service rapide à des compagnies comme celles-là. Le ministre est
peut-être très optimiste, mais moi, je ne le vois pas d'une
façon optimiste en ayant une seule commission. Elle aura tellement de
cas à traiter que ces gens-là auront à attendre; veux ou
veux pas, ils auront à attendre.
M. Lavoie: Est-ce que le député de Huntingdon me
permettrait une question?
M. Dubois: J'ai fini.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Huntingdon.
M. Lavoie: Ne croyez-vous pas...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval.
M. Lavoie:... M. le député de Huntingdon, que
l'article 37, si le ministre voulait s'en servir...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval, vous devez poser votre question au président, s'il vous
plaît.
M. Lavoie: Par votre entremise.
Le Président (M. Boucher): Cela a l'air d'un dialogue
entre deux députés, là.
M. Lavoie: Elle s'adresse au député de Huntingdon
par votre entremise, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député.
M. Lavoie: Là, je ne sais plus vers qui me tourner.
Le Président (M. Boucher): Posez-la moi.
M. Lavoie: M. le député de Huntingdon, ne
croyez-vous pas que l'article 37 pourrait servir au ministre, s'il voulait s'en
servir de la commission provisoire dans ce cas-ci pour
dégeler certains cas spécifiques où il y aurait des
dommages sérieux subis?
M. Mercier: Question de règlement.
M. Lavoie: J'ai posé une question au député
par votre entremise, M. le Président.
M. Baril: Ce n'est pas le temps de discuter article par article.
Le député de Laval doit connaître le règlement plus
que n'importe qui.
M. Dubois: J'aimerais répondre à cette
question.
M. Garon: Envoyez-le donc témoigner!
Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres
intervenants?
M. Lavoie: J'aimerais avoir une réponse du
député de Huntingdon.
M. Dubois: Oui, j'ai une réponse à donner. J'ai
posé cette question à un autre ministre il y a quelques jours et
il m'a dit: "Ce n'était pas un problème, dans des cas majeurs et
très urgents, on verra à débloquer". Je ne nomme pas
personne, mais cela m'a été dit par un autre ministre.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: En tout cas, je vais revoir ce ministre pour qu'il
puisse parler au ministre de l'Agriculture.
M. Lavoie: ... le ministre Léonard.
Le Président (M. Boucher): Comme il n'y a pas d'autre
intervenant... S'il vous plaît!
M. Mercier: Un instant, s'il vous plaît. J'ai une question
à poser.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Berthier.
M. Mercier: Vous parlez, dans votre mémoire, de territoire
réglementé. Vous dites "la municipalité dont le territoire
a fait l'objet d'un règlement de zonage"; si je comprends bien, vous
excluriez les municipalités de l'application de la loi.
M. Chartrand (Jean-Yves): Non, non. Les municipalités qui
ont un règlement de zonage, dont certains entrepreneurs sont
engagés pour
travailler à l'intérieur de ce règlement de zonage
ont demandé des permis de lotissement, ont des lotissements en cours.
C'est cela que je voudrais qui soit exclu. Toutes ces choses se sont faites
selon ce que l'ancienne loi demandait. Ce sont des cas, d'après moi,
évidents de droits acquis. Il serait facile de dire...
Les municipalités qui ont des règlements de zonage et les
entrepreneurs qui ont demandé des permis de lotissement avant le
dépôt du projet de loi, qu'on leur reconnaisse un droit acquis.
J'exclus les municipalités qui n'ont pas de règlement de zonage
parce que, quand elles n'en ont pas, c'est là qu'on a de
l'éparpillement et tout ce que vous voulez. J'exclus même les
territoires zonés, mais non aménagés, où le
processus n'est pas engagé.
Mais je dis que là où il y a du zonage et où le
processus était engagé avant le dépôt du projet de
loi, pourquoi ne pas reconnaître les droits acquis? Pourquoi faut-il
attendre de comparaître devant la commission? Ce serait expéditif,
cela enlèverait tout ce travail aux commissaires qui vont certainement
avoir une charge incroyable à supporter, et je dirais que ce sont
probablement des cas qui vont tous faire reconnaître leurs droits acquis.
Pourquoi ne pas le faire en l'écrivant dans la loi et permettre à
la commission de protection de voir aux autres cas urgents?
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Berthier, au nom de tous les membres de la commission.
Au nom de tous les membres de la commission, je remercie Me Chartrand ainsi que
sa famille pour le mémoire qu'ils nous ont présenté..
M. Chartrand (Philippe): J'aurais une question additionnelle
à poser à M. le ministre.
Le Président (M. Boucher): Oui, M. Chartrand.
M. Chartrand (Philippe): Le type qui a dépensé $200
000 pour développer une terre, est-ce qu'il a $200 000 de droits
acquis?
M. Garon: Le droit acquis est une notion bien connue en droit,
mais le lotissement ne confère pas un droit acquis. C'est l'utilisation
de la terre qui donne un droit acquis.
M. Chartrand (Jean-Yves): Mais l'entrepreneur en lotissement
utilise sa terre en la développant et le fondement même du droit
acquis est une question d'équilibre des inconvénients. J'ai fait
des recherches sur les droits acquis et c'est l'équilibre des
inconvénients qui doit jouer.
M. Lavoie: Je ne ferai pas d'interprétation
légaliste, mais je vous dis que tout le monde a droit à une
certaine justice. Le ministre n'a pas le droit de causer des dommages comme il
va en causer!
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M.
Chartrand.
M. Chartrand (Jean-Yves): Nous vous remercions et nous
espérons être considérés avec sympathie.
Le Président (M. Boucher): J'appellerais maintenant la
Chambre des notaires du Québec, représentée par M.
Jean-Marie Tétreault, notaire.
Chambre des notaires du Québec
M. Kimmel (Earl): M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de la commission, malheureusement, Me Jean-Marie Tétreault n'est
pas ici ce soir, mais nous avons une délégation de notaires
composée de Me Gaston Paradis, notaire de Québec et conseiller
juridique à l'Office du crédit agricole; Me Gisèle
Archambault, recherchiste au service de recherche de la Chambre des notaires;
Me Henri Cossette, notaire de Québec, membre du comité de
législation de la chambre; M. Jean-Marc Audet, notaire et membre d'un
comité ad hoc du comité de législation chargé
d'étudier le projet de loi no 90 et moi-même, le notaire Earl
Kimmel, président du comité de législation de la Chambre
des notaires
Nous désirons féliciter la commission parlementaire de
nous avoir reçus ce soir malgré l'heure tardive. Nous
désirons également féliciter le gouvernement du principe
du projet de loi no 90, avec lequel nous sommes entièrement
d'accord.
Lors d'une tournée du ministre Garon à Montréal,
nous avons parlé de certains principes au sujet de ce projet de loi sur
lesquels nous ne voulons pas revenir, mais nous voudrions maintenant parler de
certains points d'ordre très technique et très précis.
Malheureusement, le temps ne nous a pas permis de préparer un
mémoire écrit à ce sujet, mais, avec votre permission, je
voudrais demander au notaire Jean-Marc Audet d'exposer notre point de vue.
M. Audet (Jean-Marc): Nous allons procéder par deux
étapes distinctes, en commençant par un préambule. Ensuite
nous pourrons regarder ensemble quelques articles de la loi.
Vous savez que le fondement de notre droit civil est basé sur le
droit de propriété et, historiquement, ce droit de
propriété était un droit immobilier. En gros, le droit de
propriété était illimité, absolu, total et se
définissait dans deux articles différents: l'article 406 du Code
civil qui dit que la propriété est le droit de jouir et de
disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en
fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements; et
l'article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne qui dit
que toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre
disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.
Il est certain que, dans le cas présent, la Loi sur la protection
du territoire agricole constitue une exception qui, à notre avis est
historiquement fondamentale. Je pense que depuis la promulgation du Code civil
en 1866, on a rarement eu l'occasion
de discuter d'une loi à portée immobilière d'une
façon aussi étendue et aussi profonde.
D'autre part, ce droit immobilier a été appliqué
quotidiennement par les notaires qui sont, comme vous le savez, des hommes de
loi qui ont une formation juridique et qui font des contrats. Ils ont à
donner des opinions juridiques et ce soir nous nous sommes rendu compte que des
intervenants sont venus ici vous demander des avis à portée
légale et vous avez tous réalisé qu'il est
extrêmement difficile de donner des avis d ordre juridique.
Vous comprendrez que tous les notaires qui exercent, dans la
région zonée agricole, auront chaque jour à
répondre à énormément de questions; à savoir
à qui peut-on aliéner un bien immobilier? Quand pourra-t-on
l'aliéner? Qu'est-ce qui sera aliéné? Comment pourra-t-on
l'aliéner? Par qui ce bien pourra-t-il être aliéné,
etc.? Autant de questions qui suscitent autant d'interrogations et non pas
autant de réponses.
Si le notaire est un spécialiste en droit immobilier, il a pour
principale fonction de vérifier les titres de propriété;
il a comme mandat l'obligation de certifier la validité des titres de
propriété, surtout en droit immobilier. Le but de I'examen des
titres qu'il fait est de retrouver la certitude juridique.
Lorsque nous en venons à la lecture de cette Loi sur la
protection du territoire agricole, nous nous rendons compte qu'il y a beaucoup
d'exceptions au droit normal de propriété immobilière. Il
y aura nécessité d'obtenir, très souvent, soit des
approbations, soit des confirmations, soit des autorisations de la part d'une
commission qui sera formée incessamment.
Nous voulons formuler le voeu qu'au sein de cette commission il y ait au
moins un notaire, ne serait-ce que pour établir une jurisprudence en
droit immobilier, que pour uniformiser les opinions juridiques, que pour guider
davantage les notaires de la pratique privée. Nous soutenons aussi qu'il
serait infiniment souhaitable que dans le personnel de votre contentieux, on
retrouve un ou plusieurs notaires qui s'y comprennent en droit immobilier et
qui vont réussir à renseigner d'une façon pertinente les
praticiens du droit qui auront à subir bien souvent les foudres de leurs
clients à cause, justement, de la nouveauté de la loi.
M. Garon: Cela dépend. On a un notaire, avec nous autres,
à longueur de journée...
M. Lavoie: Je voudrais dire au ministre que je ne suis pas
candidat à la commission parce que je suis déjà pas mal
occupé à vous surveiller.
M. Garon: Si tous les notaires ont de la misère à
comprendre la loi comme lui en a, je ne sais pas si on va prendre un notaire,
pour moi on va prendre un avocat.
M. Lavoie: Mes confrères, là-bas, ont-ils le droit
de soulever une question de privilège pour me défendre?
(Minuit)
Le Président (M. Boucher): Nous sommes à Iheure de
l'ajournement.
M. Garon: Sans malice.
M. Lavoie: Vous avez de ' humour.
Le Président (M. Boucher): Excusez-moi, M. le
député de Laval. Nous sommes à Iheure de l'ajournement et,
suivant le règlement sessionnel, nous devons ajourner à minuit.
Est-ce que vous êtes disposés à revenir demain?
M. Kimmel: Nous sommes deux de Montréal et un de
Sherbrooke. Ce serait bien difficile pour nous de revenir demain. Vu que nous
n'avons pas de mémoire à lire, y aurait-il moyen de prendre une
demi-heure de votre temps seulement pour présenter nos points
très précis et très techniques?
M. Garon: Je suis bien prêt.
M. Lavoie: Je voudrais bien être agréable. Je
m'excuse mais nous siégions actuellement de dix heures du matin jusqu
à minuit et, hier soir, nous avons siégé à
l'Assemblée nationale jusqu à trois heures du matin.
M. Baril: C est votre faute.
M. Lavoie: Je dois vous dire que nous ne réussissons pas
tout le temps à améliorer les lois même jusqu'à
trois heures le matin avec tous les efforts qu'on peut y apporter. J aurais
plusieurs questions à poser sur les implications de ce projet de loi sur
le droit de propriété aux représentants de la Chambre des
notaires. Je ne pense pas que dans une demi-heure, on pourrait vider la
question. Je pense que ce projet de loi a trop d'implications. Il ne faudrait
pas qu on en brusque l'étude et je voudrais apprécier davantage
la contribution de la Chambre des notaires.
M. Garon: Pour être agréable aux notaires, je serais
prêt à faire durer la séance le temps qu'il faudrait.
Le Président (M. Boucher): Je vois qu'il n y a pas
consentement et je me vois forcé...
M. Baril: Pas de consentement.
M. Lavoie: Ce n'est pas une question entre notaires; il s
agit...
Le Président (M. Boucher): ... d'ajourner les travaux de
la commission sine die. Est-ce qu il y aurait possibilité tout de
même demain que vous puissiez avoir un ou deux représentants?
M. Kimmel: A quelle heure?
Le Président (M. Boucher): Après la période
des questions, vers onze heures.
M. Kimmel: La période des questions à
l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Boucher): Pardon?
M. Kimmel: La période des questions à
l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Boucher): Après la période
des questions à l'Assemblée nationale, il y aura convocation des
commissions parlementaires.
M. Kimmel: C est vers onze heures demain matin?
Le Président (M. Boucher): Vers onze heures.
M. Garon: Vous allez voir toutes les drôles de questions
qu'on se fait poser.
M. Kimmel: Est-ce qu'on sera les premiers?
Le Président (M. Boucher): Certainement, on continuera ce
que vous avez commencé ce soir.
M. Kimmel: D'accord.
Le Président (M. Boucher): Alors, merci. La commission
ajourne ses travaux sine die.
Fin de la séance à 0 h 5
ANNEXES
Philippe Chartrand Inc. 325 Boul. Laurier, La Plaine, Co. L Assomption.
P.Q. JON IB0
Le 30 octobre 1978
Prospective d'aménagement pour la rive nord de
Montréal dans le cadre des
politiques du ministère des Affaires
municipales, du ministère de l'agriculture et du
ministère d'Etat à l'aménagement
du territoire
M. Jacques Parizeau
Député Ministre du Comté de l'Assomption 555,
Notre-Dame suite 218
St-Paul l'Ermite, Québec
J5Z 3B5
Politique du ministère des Affaires municipales
M. Guy Tardif, ministre
Le conseil exécutif du gouvernement du Québec en date du
19 mai 1976 confiait au ministère des Affaires municipales le mandat de
présenter les éléments clefs d'une politique
générale d'aménagement urbain pour la région de
Montréal. La direction générale de l'urbanisme et de
l'aménagement du territoire du MAM a conséquemment soumis le
rapport sur l'urbanisation dans la conurbation montréalaise au mois d
avril de l'an 1977. Cette étude porte sur les agglomérations de
la région de Montréal dont le découpage apparaît en
annexe à la carte 1.
Les recherches de la D.G.U. font ressortir les tendances des
dernières années et la situation actuelle de la conurbation de
Montréal. Elles dégagent les perspectives de développement
en 1986 selon les tendances constatées et proposent une orientation de
concentration et de consolidation dans la partie centrale de la conurbation
soit l'Ile de Montréal, le sud de Laval ainsi que Longueuil.
Le rapport propose également de restreindre le
développement dans les agglomérations périphériques
et l'arrêt de l'urbanisation en dehors des agglomérations.
Une des tendances lourdes que dégage l'étude est la
régression de la population dans la partie centre de l'Ile de
Montréal depuis 10 ans, l'augmentation de la population dans les autres
parties de l'Ile à un rythme plus lent que celui des années 60,
un fléchissement du taux de croissance dans les secteurs de Laval et
dans la partie ouest de l'Ile de Montréal et finalement dans les
secteurs nord et sud, un rythme de croissance qui est le triple de celui de la
conurbation.
Ces tendances du taux de croissance de la population dans les
différentes parties de la conurbation montréalaise
reflètent le désir de la population pour un développement
à faible densité. Le concept: un terrain, une maison,
étant un rêve chéri par la très grande
majorité des familles québécoises.
Cette tendance témoigne également à notre avis,
d'une réaction au coût imposé aux propriétaires
fonciers de la communauté urbaine de Montréal engendré par
les normes de viabilisation des terrains de même que les coûts
commandés par les 5000 policiers, les 8000 cols bleus et autant de
fonctionnaires jugés nécessaires pour desservir la
population.
Au niveau du transport, le réseau routier est jugé
adéquat dans sa forme actuelle à quelques exceptions près.
Toute extension du réseau des autoroutes étant
déconseillée parce que favorisant l'étalement de
l'urbanisation.
Ce rapport fait état des difficultés énormes
à rentabiliser les systèmes de transport en commun. On estime que
les équipements de transport collectif sont rentables dans les bassins
de desserte ayant une densité d'au moins 50 personnes à l'acre.
Un des moyens suggéré afin d'éviter l'avance inexorable de
la congestion sans faire des investissements massifs dans les transports en
commun ou dans l'extension du réseau autoroutier serait de créer
des conditions favorables à la décentralisation de l'emploi. Non
seulement éviterait-on d'avoir à construire les ponts ou les
tunnels très coûteux que l'automobile ou le métro doit
emprunter pour atteindre les concentrations d'emplois actuels, mais il s'en
suivrait sans doute une meilleure utilisation de l'ensemble du réseau
routier.
L orientation retenue par le rapport sur l'urbanisation dans la
conurbation montréalaise est la concentration et la consolidation
à Laval, Longueuil et Montréal (la ville en ville). Cette
orientation bien que souhaitée par les technocrates ne tient pas compte
de la réalité montréalaise en tant que métropole
d'une région de fabrication. Nous référons ici à
l'étude du Docteur Boisvert publiée dernièrement par le
conseil économique du Canada:
"La correspondance entre le système urbain et
la base économique
des régions canadiennes"
Docteur Michel Boisvert, Ph.D.
Professeur à l'institut d'urbanisme de
l'Université de Montréal
Nous reprenons ici quelques passages de cette étude touchant la
planification de la conurbation montréalaise.
Tout plan d'aménagement concernant la métropole
montréalaise doit comprendre et encourager le rayonnement de la
métropole. Au mieux, les politiques gouvernementales peuvent influer sur
la direction actuelle du développement mais jamais elles ne
réussiront à la renverser. Au pire, elles peuvent
accélérer la régression économique.
Les activités de fabrication sont attirées par
l'accessibilité au marché. La réduction des coûts de
transport représentent un élément beaucoup plus important
du coût total de production pour les industries de transformations que
pour les industries de fabrications. Pour ces dernières, le transport
représente aussi un facteur de localisation important mais cette fois,
en raison du nombre élevé de fournisseurs (pour le processus
d'assemblage) et des clients (pour un produit fini), ce sera sous la forme de
moyens de transports et de communications à la fois rapides et
diversifiés, deux caractéristiques qui exigent un fort volume
d'utilisation métropolitaine.
On note que I aménagement du territoire peut faciliter ou nuire
au développement de la région de fabrication.
Il est primordial: Que la métropole régionale
accentue encore sa domination dans le secteur quaternaire. Cette concentration
bien qu'elle corresponde à un processus naturel requiert toutefois le
support des divers niveaux du gouvernement. Permettre aux régions
de fabrications de rivaliser entre elles de manière équitable.
Encourager la diversification et un accroissement de la qualité
des services dans les villes de taille intermédiaire situées dans
l'Hinterland de cette métropole.
La présence d'un tertiaire supérieur de qualité
impliquant en outre la mise en place d'une infrastructure de transport et de
communication moins hiérarchisée devrait permettre la
polynucléation grâce à une déconcentration
orientée de la base économique, car même si les
activités de fabrications exigent l'accès à un pôle
de développement métropolitain et à un marché
important, accessibilité ne signifie pas juxtaposition; d'autres
facteurs de localisation propres à chaque catégorie
d'activité de fabrication en effet vont dans le sens d'une
déconcentration. La déconcentration des activités basiques
de la région, comprenant à la fois les industries de
transformations et celle de fabrications peuvent provenir d'une relocalisation
d'un certain nombre d'usines actuellement situées dans la
métropole mais plus encore de la sélection d'un site non
métropolitain pour les nouvelles usines.
Dans une région de fabrication, il est important de disposer d'un
centre métropolitain qui à la fois représente le
marché important et remplisse les fonctions attendues d'un pôle de
développement. Il n'est pas du tout impossible que la région de
Montréal ne voit les activités de fabrication se déplacer
encore davantage vers la région de Toronto et prendre prochainement un
certain essor dans la région de Vancouver. De nombreux signes touchant
la localisation du secteur quaternaire et la qualité relative des
réseaux de transports disponibles en chaque cas sont venus alimenter ces
dernières années un tel scénario.
I! apparaît indiscutable que l'expansion de la base
manufacturière d'une région s'accompagne d'une plus grande
concentration de la population dans les centres urbains. La métropole
régionale joue un rôle intégrateur en région de
fabrication. En région de fabrication, le rôle intégrateur
joué par la métropole régionale lui impose une croissance
beaucoup plus sélective qui permet aux centres urbains de son Hinterland
de lui faire concurrence au niveau de la localisation des industries de
fabrications. Il est donc important que l'avantage de localisation de chaque
agglomération urbaine soit mise en évidence. Par exemple, comme
la disponibilité de main-d'oeuvre à bas salaire représente
un de ces
facteurs de localisations, il serait incohérent de
considérer l'ensemble de la région de fabrication comme une
entité homogène au niveau des conditions de travail. De
même, s'il est nécessaire que la métropole régionale
joue un rôle intermodal dans le domaine des transports, les terminus
n'ont pas tous à se localiser dans cette métropole. Enfin, s'il
est naturel que le secteur quaternaire lorsqu'il choisit de s'installer dans ce
type de région, privilégie la métropole régionale
et ce faisant, permet à toute la région une restructuration
industrielle par l'augmentation de la part des activités de fabrications
dans la base économique, il n'est pas sûr que la concentration du
secteur quaternaire soit la mesure la plus importante dans la stratégie
d'aménagement.
L'intensité des échanges intrarégionaux augmentent
lorsque l'on passe de la région ressource à la région de
transformation et à la région de fabrication; il est donc
nécessaire de prévoir et de planifier cette expansion. La
direction de ces échanges se modifie également puisqu'à un
réseau composé d'un grand nombre de points de sorties et de
tracés plus ou moins parallèles se substitue normalement un
réseau beaucoup plus hiérarchisé centré sur la
métropole régionale et que, rendu à l'étape de
fabrication, les liaisons interurbaines manquantes, notamment celles qui
n'impliquent pas la métropole régionale, doivent être mises
en place.
Nous considérons à cet égard que le réseau
autoroutier, de même que les tracés empruntés par le
transport en commun dans la région de Montréal n'ont pas su
s'adapter à cette réalité. Il n'existe pas de taille
urbaine idéale, indépendante de l'environnement, mais il existe
plutôt une correspondance entre les caractéristiques d'un
système urbain et les conditions économiques d'une région,
en particulier la base industrielle.
Le développement économique n'est possiblement que dans
l'hypothèse d'une polarisation par une région de fabrication et
n'est véritablement assuré que si cette dernière compte
sur un pôle de développement dynamique. L'agglomération
montréalaise a connu dans le passé une croissance remarquable et
la part de la production provinciale qui s'y trouve localisée s'est
accrue avec les années. Il est vrai aussi que malgré une
croissance encore plus rapide de l'agglomération torontoise, le
même phénomène de concentration à l'échelle
de la province de l'Ontario ne s'est pas réalisé. Montréal
et sa région doivent être comparés non pas au reste du
Québec mais à Toronto et à sa région puisque c'est
à une autre région de fabrication qu'il faut se
référer pour en évaluer les performances.
Avec l'extension de la base manufacturière du Canada et la
tertiarisation à laquelle nous avons assisté ces dernières
années, il est normal que les premières régions à
en bénéficier soient les régions de fabrications
liées au bien fini et dotées de pôle de
développement. Il est important dans une perspective de long terme de
reconnaître que l'essor des régions ressources et celui des
régions de transformations dépendent en grande partie du
dynamisme du marché représenté par l'activité
économique de la région de fabrication et surtout de
l'efficacité avec laquelle la métropole de cette région
remplie son rôle de pôle de développement. Il est
indiscutable que Montréal continue de concentrer l'activité
économique de manière excessive, eu égard à la
déconcentration de l'activité économique à laquelle
on doit s'attendre en région de fabrication. Ainsi, afin de favoriser
l'essor économique du Québec, il est essentiel d'étudier
la correspondance entre le système urbain et sa base économique
et partant de favoriser l'essor des satellites
péri-métropolitains en région de fabrication.
Dans cette optique, il nous paraît que le pôle de
développement qui favorisera le plus le Québec est franc nord. Un
pôle de développement sud étant limité par la
proximité des frontières.
Enfin, cette prospective d'aménagement à l'immense
avantage de valoriser les centaines de millions investis dans la
dernière de nos supers voies de transports, l'autoroute 640 de
même que la super aérogare de Mirabel. La jonction de la 640 et de
la Transcanadienne (autoroute 40) devrait recevoir une attention prioritaire,
de même que le prolongement de l'autoroute 19 vers le nord afin de
favoriser un pôle de développement dynamique vers le nord.
Le prolongement du réseau de distribution du gaz de
Montréal vers l'est du Québec proposé par la
société TransCanada Pipelines à l'Office National de
l'Energie le 4 avril dernier serait un atout majeur pour promouvoir le
développement de cette stratégie.
L'implantation de l'usine de moteurs de General Motors à une
importance cruciale. General Motors étant incontestablement le chef de
file des multinationales. Cette implantation aura une influence
déterminante sur les décisions non seulement des industries
connexes mais sur toutes les industries de fabrications qui se fixeront sur ce
choix.
Le développement de la base économique montréalaise
en région de fabrication se fixera naturellement sur les voies de
transports disponibles. Nous trouvons qu'il serait très dommageable de
succomber aux propositions de technocrates qui ne manqueront pas de cerner
d'avance d'une façon rigide les superficies à être
urbanisées dans le futur. La délimitation rigide de ces aires
viendront annuler l'avantage comparatif majeur du prix des terrains dans les
régions montréalaises par la concentration de la
spéculation dans un cadre restreint. Les premières victimes d'une
telle politique seraient les entrepreneurs autochtones pour qui le prix du
terrain est un facteur déterminant. Sans parler de toutes les
agglomérations ainsi que des propriétaires qu'on empêche
d'avoir un espoir d'avenir prometteur, ce qui est fondamentalement sain dans
toute société.
Confiants que notre gouvernement adoptera des mesures qui tiennent
compte de toute la réalité québécoise, nous vous
prions d'agréer, M. le ministre, l'expression de notre très haute
considération.
LES ENTREPRISES CHARTRAND Jean-Yves Chartrand
Le 30 octobre 1978
Prospective d'aménagement pour la rive nord de
Montréal dans le cadre des politiques
du ministère des Affaires municipales, du
ministère de l'Agriculture
et du ministère d'Etat à
l'aménagement du territoire
M. Jacques Parizeau
Député Ministre du Comté de l'Assomption 555,
Notre-Dame
Suite 218
St-Paul l'Ermite, Québec
J5Z 3B5
Politique du ministère de l'Agriculture M. Jean
Garon, ministre
Le gouvernement du Québec annonce avec insistance le
dépôt éminent d'un projet de loi sur la protection du
territore agricole. Nous avions déjà présenté un
mémoire dans le cadre de la consultation sur la protection du territoire
agricole à Joliette, le 26 septembre 1978, nous vous remettons une copie
du mémoire alors présenté avec la présente. Depuis
la présentation de ce mémoire, nous avons continué nos
recherches afin de bien comprendre les données avancées par le
Ministère de l'Agriculture et croyons être en mesure de formuler
une critique constructive à l'élaboration des politiques
gouvernementales en gestation à ce niveau en ce moment.
Les données avancées par le Ministère de
l'Agriculture estiment le territoire agricole de la province à l'heure
actuelle à 9 000 000 d'acres. Par contre, le même Ministère
de l'Agriculture en 1961 estimait le territoire agricole à 14 000 000
d'acres. Il va s'en dire que le 5 000 000 d'acres perdus est dû à
98% à l'abandon pur et simple de l'exploitation à des fins
agricoles de ces sols. Notons à titre de l'exploitation que de 1964
à 1975 dans la conurbation de Montréal, la consommation de
terrains pour fin d'urbanisation a été de 57 500 acres soit 1.14%
du territoire soustrait du patrimoine agricole par le Ministère de
l'Agriculture depuis 1961.
Il est important de souligner également que le chiffre de 9 000
000 d'acres de sol arable au Québec avancé par le
Ministère de l'Agriculture ne tient pas compte des sols qui ont un
potentiel agricole mais dont la mise en valeur implique des travaux
mécaniques (défrichement). Ainsi le Ministère de
l'Agriculture selon la carte consultée lors de la présentation de
notre mémoire à M. Jean Garon, semble avoir calqué le
patrimoine agricole de la province sur son périmètre
défriché.
Nous comprenons que la proximité d'un marché est un
avantage appréciable pour une production agricole. Mais à notre
avis, il faudrait considérer l'impact régressif du zonage
agricole sur la base économique de la région de Michel Boisvert
présentée par le conseil économique du Canada: "La
correspondance entre le système urbain et la base économique des
régions canadiennes" que nous avons abondamment commentée dans
notre critique des politiques du Ministère des Affaires Municipales.
Ce que nous tenons à souligner primordialement est que tout plan
de zonage agricole doit nécessairement être basé sur une
étude pédologique. Nous retrouvons en annexe à la carte 3
un classement des milieux agricoles pour la conurbation montréalaise.
Nous y constatons que tous les sols de catégorie A à croissance
accélérée se retrouvent sur la rive sud de la conurbation
soit Vaudreuil, Ile Perrot, Châteauguay, St-Rémi et Laprairie.
Ensuite les sols à croissance normale composent 80% des sols restant
dans la partie sud de la conurbation montréalaise et une partie des sols
de la rive nord notamment à Laval, Repentigny et l'Assomption. On y
constate également une forte concentration des sols pauvres,
catégories D et E dans la région de St-Eustache,
Ste-Thérèse, Terrebonne et La Plaine.
Cette étude pédologique vient donc renforcir notre
prospective d'aménagement pour la rive nord en tant que pôle de
développement de la base économique de la région de
fabrication de Montréal.
Une étude approfondie devrait être faite de l'impact
qu'aura le zonage agricole sur la base économique de Montréal en
tant que métropole d'une région de fabrication.
Nous craignons que par le biais du zonage agricole, le gouvernement
tente de mettre en application l'orientation retenue par le Ministère
des Affaires Municipales qui vise à consolider et concentrer
l'urbanisation à Montréal, Laval et Longueuil. Cette voie
susciterait une réaction justifiée des détenteurs des sols
pauvres qui menaceraient l'ensemble des mesures nécessaires pour
préserver le patrimoine agricole.
Il faut considérer que l'agriculture bien qu'elle soit une
préoccupation fondamentale de notre société avec
l'avancement technologique n'emploi que 5% de la population du Québec,
qu'elle est déjà subventionnée à 50% et qu'insister
sur l'aménagement des banlieues de Montréal en une région
ressource est fondamentalement en contradiction avec le développement de
la métropole montréalaise en tant que région de
fabrication, cette dernière option étant la vraie solution aux
problèmes économiques aigus que traverse le Québec en ce
moment.
Confiants que vous saurez apprécier ces quelques points dans la
mise en oeuvre de ces politiques délicates, nous vous prions
d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de notre très haute
considération.
Les Entreprises Chartrand Jean-Yves Chartrand