Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures seize minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente des affaires culturelles se
réunit aux fins d'entendre les personnes et les organismes en regard du
projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo.
Les membres de cette commission sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Blouin
(Rousseau) en remplacement de M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M.
Champagne (Mille-Îles), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Mme Harel
(Maisonneuve) en remplacement de M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M.
Dussault (Châteauguay) en remplacement de M. Dupré
(Saint-Hyacinthe), M. Hains (Saint-Henri), M. Proulx (Saint-Jean), M. Richard
(Montmorency), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) en remplacement de M. Ryan
(Argenteuil), M. Saintonge (Laprairie).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), Mme Lachapelle
(Dorion), M. Dauphin (Marquette), M. Lavigne
(Beauharnois) - Mme Lavoie-Roux est devenue membre - M. Leduc (Fabre) et
M. Vallières (Richmond).
Nous avons à l'ordre du jour, aujourd'hui, dix intervenants. Je
pense qu'il y a un accord entre les deux partis pour qu'on prenne un maximum
d'une heure par intervenant, sans cela, on ne pourra pas passer l'ensemble des
invités que nous avons aujourd'hui.
Le premier intervenant sera le Front commun contre la pornographie; le
deuxième, le Collectif masculin contre le sexisme; ensuite, le Conseil
du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs; la
Fédération nationale des communications; le Syndicat national du
cinéma; l'Association des réalisateurs et réalisatrices de
film du Québec; un groupe de propriétaires de salles de
cinéma; l'Association des consommateurs du Canada; les Productions et
réalisations indépendantes de Montréal et le Groupe
d'intervention vidéo.
J'appelle immédiatement notre premier invité,
c'est-à-dire le Front commun contre la pornographie. Êtes-vous Mme
Matte?
Front commun contre la pornographie Mme Matte (Monica): Oui.
Le Président (M. Gagnon): Comme je l'ai mentionné
tantôt, compte tenu de l'ordre du jour très chargé
d'aujourd'hui, on vous demande d'essayer de résumer votre mémoire
en 20 minutes, de façon à donner 20 minutes de questions aux deux
partis autour de cette table. Je vous laisse la parole
immédiatement.
Mme Matte: C'est très difficile, M. le Président,
mais je vais essayer. Le premier point que j'aimerais souligner, c'est que nous
ne représentons pas un groupe marginal...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce possible de nous
présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît!
Mme Matte: Mon nom est Monica Matte, coresponsable du dossier de
la lutte contre la pornographie à la Fédération des femmes
du Québec. Ginette.
Mme Busque (Ginette): Je suis Ginette Busque,
vice-présidente à la Fédération des femmes du
Québec et membre du Front commun.
M. Dufresne (Martin): Martin Dufresne, je suis membre du Front
commun contre la pornographie.
Mme Matte: Merci. Le premier point que j'aimerais souligner,
c'est celui que nous ne sommes pas ou ne représentons pas un groupe
marginal, à part les signataires de ce mémoire. Je vais les
nommer: la Fédération des femmes du Québec qui
représente 100 000 membres; l'Association des femmes
diplômées des universités; le Collectif masculin contre le
sexisme; le Comité de la protection de la jeunesse; la
Fédération des unions de familles qui représente 3000
familles; le Regroupement féministe contre la pornographie; le
Réseau d'action et d'information des femmes; le Conseil du civisme de
Montréal qui regroupe 56 associations, des groupes ethniques, des
associations québécoises et canadiennes. Nous avons
été appuyés par pratiquement tous les groupements et
associations féminines. Enfin, pratiquement tout ce qui est groupement
organisé nous a appuyés. Donc, nous ne représentons pas un
groupe marginal. Nous faisons partie, également, des 3 000 000 de
personnes, 3 000 000 d'hommes et femmes
qui ont appuyé les manifestations devant la colline parlementaire
au sujet du problème de la télévision à
péage.
Le deuxième point que j'aimerais souligner, c'est que, pour nous,
ce n'est pas ce mémoire qui représente un début de notre
lutte contre la pornographie. Cela fait déjà quelques
années que nous travaillons sur ce dossier et, en ce qui concerne la
Fédération des femmes du Québec tout spécialement,
nous avons déjà fait circuler, en 1980, une pétition dans
toute la province qui a recueilli 325 000 appuis, dont 12 000 signatures
individuelles. Tout ce gros dossier a été déposé
aux deux ministres de la Justice, du Québec et du Canada, et les
recommandations qu'on faisait à ce moment-là, c'était
l'interdiction de la vente du matériel pornographique aux mineurs, la
réglementation de l'étalage public, de la publicité et de
l'affichage.
Je veux passer outre tout ce que les autres groupements ont
déjà fait dans ce dossier. Ce que je voulais seulement souligner,
c'est que notre mémoire d'aujourd'hui - qui concerne le cinéma -
ne représente qu'un élément de tout un ensemble de
programmes que nous nous sommes tracés et que nous avons l'intention de
mener à bien.
Je vais finir la première partie de mon exposé avec la
dernière phrase: En nous attaquant à ce problème social
que sont devenus la violence et la pornographie, nous sommes parfaitement
conscients que nous abordons un sujet difficile qui sert les
intérêts d'une puissante industrie: nous devons donc faire face
à de nombreuses et fortes résistances. Nous savons aussi que
s'attaquer au phénomène de la pornographie et de la violence,
c'est d'abord vaincre un sentiment généralisé
d'impuissance, de cul-de-sac devant l'ampleur et la complexité du
phénomène, devant son escalade dans la vie quotidienne.
Cependant, nous croyons que le mépris, la haine, le goût de la
violence et de la perversion ne peuvent que conduire à une
dégradation des rapports humains, en passant pour de la normalité
aux yeux de jeunes générations. Pourrons-nous encore longtemps,
sous prétexte de liberté d'expression pour les "pornocrates", et
de liberté de consommer pour les "pornophiles", sous prétexte de
ne pas censurer, laisser monter le seuil de tolérance et accepter, si ce
n'est favoriser, une situation dégradante pour les hommes, les femmes et
les enfants eux-mêmes?
Le troisième point sur lequel j'aimerais attirer votre attention,
c'est que les femmes et les hommes qui s'opposent à la
prolifération du matériel pornographique voient aujourd'hui le
résultat d'une tolérance qui n'a jamais été
réévaluée. Elle a conduit à une escalade et
à une surenchère de la violence sous toutes ses formes, et
à une dénaturation dégradante de la sexualité
humaine dans les revues et dans les films.
Toute une génération d'intellectuels a cru pouvoir excuser
et justifier l'existence de la pornographie comme soupape d'échappement
aux instincts sexuels de l'être humain. Ils ont dû se rendre
à l'évidence que cet effet cathartique n'était qu'un
leurre. Elle a plutôt servi de modèle d'entraînement et
d'imitation qui explique le phénomène d'accoutumance à des
formes de plus en plus dures de pornographie et la multiplication des
comportements violents favorisés par la pornographie. La pornographie
dite douce n'a fait que préparer le terrain à la pornographie
dure qui exploite la haine et la violence.
Donc, en résumé, mon troisième point c'est qu'on ne
peut plus dire aujourd'hui que la pornographie n'est pas nocive. On ne l'a pas
encore démontré. Il y a beaucoup de recherches scientifiques qui
l'ont prouvé. On a prouvé aussi, au niveau de la violence
à la télévision, qu'on ne peut plus aujourd'hui fermer les
yeux sous prétexte qu'on n'est pas sûr que ce soit nocif ou que ce
ne soit pas nocif. Cela c'est un troisième point. Je regrette de devoir
aller aussi vite, j'aurais eu bien plus d'arguments, mais enfinl
L'effet cumulatif de la répétition d'un tel message de
violence et de sexisme que représente la pornographie ou le discours
pornographique, sous diverses formes pendant plusieurs années, ne peut
qu'aggraver la situation, comme le démontre un ensemble de recherches
déjà réalisées sur la violence à la
télévision.
La diffusion généralisée des images de la femme
objet sexuel au service de l'homme-étalon, qui jouit du privilège
de s'approprier le corps des femmes pour en user et en abuser, ne peut plus
être dissociée de la réalité qu'expriment les
statistiques suivantes. Je fais une citation de toutes les statistiques que
vous connaissez: une femme sur dix est battue, etc. Vous les connaissez. Le
viol, l'inceste, la prostitution, le harcèlement sexuel et la violence
faite aux femmes sont tous stimulés, entretenus et excusés par la
pornographie dont ils constituent le scénario habituel proposé
comme divertissement.
Nous faisons nôtres les paroles de l'écrivain Robin Morgan,
quand elle disait que la pornographie est la théorie, le viol -et
j'ajoute l'inceste et la pédophilie - la pratique. Pour toutes celles et
tous ceux qui refusent la pornographie, le seuil de ce qu'on peut
tolérer a été atteint et dépassé. Toute
hésitation de la part des gouvernements et organismes de
réglementation et de contrôle de la pornographie sera
considérée comme de l'irresponsabilité sociale.
Notre position sur la pornographie n'est pas basée sur un refus
de la sexualité. Je vous dispense de tout ce passage mais je veux que ce
soit très clair. Ce ne sont pas
les images des organes génitaux ou d'un acte sexuel, ce n'est pas
cela qui, en soi, est nocif. C'est plutôt l'idéologie sexiste, qui
est aussi forte que l'idéologie raciste. C'est tout ce que cette
idéologie véhicule. C'est contre cela qu'on s'insurge
surtout.
J'aimerais quand même lire la dernière partie de
l'introduction qui s'intitule: "Entre la censure et le contrôle
démocratique."
Toute une génération de Québécois ont
vécu en état de péché pendant des années
pour avoir lu Camus, Sartre ou Baudelaire. Ayant connu l'époque de
répression sexuelle et d'oppression sur le plan de la liberté
d'opinion, beaucoup sont devenus aujourd'hui des inconditionnels du droit
à la liberté d'expression. Leurs réactions, presque
maladives, face à la censure tiennent plus des mécanismes d'un
traumatisme qui les coupe de la réalité que de l'analyse
raisonnée d'une situation. Ils portent encore avec eux des peurs d'une
époque révolue qui les empêchent de voir la
réalité pornographique d'aujourd'hui.
Ce qui explique que, malgré l'aversion des femmes pour la
pornographie, il s'en trouve encore qui reculent dès que le mot
"censure" est prononcé. Ce qui n'est pas le cas des jeunes femmes qui,
n'ayant pas subi les mêmes traumatismes, vont jusqu'au bout dans
l'analyse d'une situation qu'elles considèrent comme menaçante
pour leur intégrité et "censurante" pour leur sexualité
parce que c'est cela qu'est aujourd'hui l'idéologie de la pornographie.
C'est une censure, une censure pour nous, pour notre droit à la
liberté, pour notre droit à l'expression, pour notre droit
d'exprimer notre sexualité.
Au temps de la période duplessiste, évidemment, hommes et
femmes ont subi la même répression. À ce moment-là,
en ce qui concerne les femmes, c'était l'Église qui imposait ses
diktats sur le corps des femmes. Maintenant le corps des femmes est
récupéré par la pornographie. Cette liberté
d'expression ne vaut que si elle ne s'acquiert pas au détriment d'un
individu ou d'un groupe d'individus. La recherche et le respect de cet
équilibre, n'est-ce pas l'essence de toute vie en société?
Dans le cas des droits conflictuels, c'est le droit du groupe ou de l'individu
le plus lésé par l'exercice du droit de l'autre qui doit primer.
C'est là un principe de droit général accepté
internationalement.
Est-ce l'exercice du droit des "pornophiles" d'accéder sans
contrainte à tout matériel pornographique et l'exercice du droit
des "pornocrates" d'exploiter librement le marché de la pornographie qui
doivent primer le droit des femmes de ne pas être
dégradées, avilies et menacées dans leur
intégrité physique, le droit des jeunes à un environnement
sain qui leur permet un développement sexuel respectueux de la
dignité humaine et le bien-être général, le droit de
ceux qui ne veulent pas être des consommateurs involontaires de
pornographie par l'affichage, l'étalage public et la publicité?
Quant à nous la réponse est claire. Un autre point très
important celui-là. Pourquoi les femmes n'ont-elles pas le droit que
soit prohibée la diffusion de la propagande haineuse à leur
égard que constitue cette idéologie pornographique tel que le
prévoit l'article 281 du Code criminel à l'égard d'une
race ou d'une religion? Car la définition du racisme est la suivante:
idéologie qui prône la supériorité d'un groupe sur
un autre. La définition du sexisme est exactement la même. (10 h
30)
Pourquoi peut-on défendre le racisme et ne pas décourager
toute manifestation et toute attitude sexistes par les lois? Notre pays s'est
doté de lois contre le racisme, la discrimination, le libelle
diffamatoire; il limite la liberté des pollueurs, des commerçants
de drogue, des automobilistes et de tant d'autres. L'Etat contrôle la
production, la distribution des aliments, des médicaments, des produits
chimiques, de la construction, des armes à feu. Malgré les
inconvénients parfois subis individuellement, personne ne ressent ces
limites comme des mesures répressives. Une fois que le bien-fondé
d'une restriction est prouvé, comme c'est le cas du racisme, celle-ci
est acceptée et devient un choix collectif.
Dans le domaine de la pornographie, comme dans tant d'autres, nous ne
pouvons pas nous en remettre aux mécanismes du marché. Ce
marché, dans sa quête de profits, ne tient pas compte du tort que
la production et la distribution peuvent causer aux tiers. Il ne tient pas
compte non plus du tort que peuvent subir les consommateurs eux-mêmes et,
finalement, la société tout entière. Finalement, les
coûts sont trop élevés. C'est pour cela que nous ne voulons
diminuer en rien le rôle de responsabilité sociale de l'actuel
Bureau de surveillance du cinéma, mais, au contraire, l'accroître
dans le mandat de contrôle démocratique que la nouvelle
régie du cinéma et de la vidéo devra exercer.
Enfin, mon dernier point. Dans tout ce dossier, il y a eu un total
mépris, un rejet de tous les mécanismes démocratiques.
Dans la composition des membres de la commission Fournier, il n'y avait que des
représentants de l'industrie du film. Il n'y a aucun mécanisme
d'appel au bureau de surveillance actuellement, ils sont juge et partie. On
n'en trouve pas non plus pour le public dans la loi 109.
En ce qui concerne l'application de l'article 159 - on nous renvoie
toujours à l'article 159 - on sait très bien qu'il est
pratiquement inopérant. Passons sur les difficultés de la
définition de la
pornographie, enfin, de l'obscénité dans l'article 159; il
y a d'autres difficultés également. Il y a la directive du
sous-ministre Tremblay de 1977 - nous demandons qu'elle soit retirée -
qui réellement empêche, par les définitions qu'elle donne,
les policiers et les procureurs de la couronne de vraiment appliquer cet
article 159. Il y a autre chose aussi, c'est que pour qu'un procureur puisse
ouvrir un dossier là-dessus, il faut que ce soit le procureur en chef
qui accorde sa permission. Or, malheureusement, dans les dernières trois
ou quatre années, à ma connaissance, il n'y a eu qu'une seule
demande qui a été acceptée, et c'était pour le film
"Les sensations hollandaises".
Alors, vous voyez que ce renvoi à l'article 159, en
réalité, c'est un leurre. Il ne marche pas, il ne travaille pas,
pour le moins actuellement. Cela a été la même chose pour
la télévision payante, ce mépris des mécanismes
démocratiques. Il en a été de même pour la
Régie des services publics. Je passe, parce que cela concerne la
télévision payante.
Pour finir, dans le Soleil d'aujourd'hui -je ne sais pas où, vous
avez la photocopie -le ministre Clément Richard souligne l'importance
justement de ce médium qu'est le cinéma et la vidéo. Il
affirmait justement qu'il y a près de 1 000 000 000 de spectateurs qui
sont rejoints chaque année au Québec par le cinéma. Le
cinéma et la vidéo ont donc un impact social et culturel profond
dans notre société et cet impact risque d'être encore
amplifié dans les années à venir, etc. Alors, le
cinéma n'est pas un monde en soi. Nous ne le prenons pas comme un monde
en soi. On le prend tout simplement comme un lieu de communication sociale qui
représente un des mécanismes très importants de
définition de notre société. Ce qui est important dans
cette défition de la société, c'est l'image de la femme
également. Si on veut une société juste, il faut que
l'image de la femme ne soit pas projetée, pour toutes les femmes du
Québec comme pour les nouvelles générations - ce qui est
encore plus important - comme une putain ou un objet sexuel, ce qu'elle est
actuellement par l'idéologie pornographique. Là-dessus, je
m'arrête et j'espère répondre à d'autres questions
qui viendront de votre part. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Richard: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
Mme Matte et ses collègues pour...
Mme Busque (Ginette): Je m'excuse M. Richard, mais je voudrais
bien m'approprier quelques minutes des 20 minutes, parce que Mme Matte...
M. Richard: Très bien, très bien.
Mme Busque: ...n'a pas présenté l'ensemble de nos
recommandations...
Le Président (M. Gagnon): Allez! D'ailleurs il vous reste
encore quelques minutes.
M. Richard: Pas de problème.
Mme Busque: Alors, vous me permettez d'intervenir.
M. Richard: Bien sûr!
Mme Busque: Mme Matte vous a présenté l'esprit de
nos recommandations. Je voudrais vous en présenter la lettre d'un peu
plus près. Nous nous sommes donc attachés à la partie de
la loi qui concerne la Régie du cinéma et parce que la
régie effectue un travail qui touche la population. C'est dans ce sens
qu'on intervient. Je parle ici du classement des films. Notre première
série de recommandations concerne précisément la
démocratisation de la Régie du cinéma. Étant
donné que la régie effectue le classement des films et que
celui-ci est fait en fonction de la population desservie, nous demandons que
cette population soit mieux représentée auprès de la
régie. À peu près comme l'industrie du cinéma est
largement représentée auprès de l'Institut
québécois du cinéma, nous demandons le parallèle
avec la régie c'est-à-dire une représentation du public.
Donc, notre première recommandation touche l'article 116. Nous demandons
que la régie, au lieu d'être composée de trois membres dont
le président, soit composée de huit membres et que six de ses
huit membres soient nommés à même des listes de noms
fournies au ministre par les organismes publics et privés de
défense des droits des personnes, défense des droits des femmes
et protection des enfants. Nous estimons que, de toute façon, c'est en
fonction de cette problématique que le classement des films est
effectué.
Les organismes publics que nous mentionnons comme
référence sont la Commission des droits et libertés de la
personne, le Conseil du statut de la femme et le Comité de la protection
de la jeunesse. Quant aux organismes privés, ils seraient invités
à soumettre leur liste par des avis publiés dans les journaux.
C'est la démocratisation au niveau de la structure même de la
régie. Nous avons aussi d'autres recommandations qui concernent la
durée du mandat. Nous considérons que les personnes qui
effectuent le classement des films sont certainement victimes, dans ce domaine
comme dans plusieurs autres, d'un phénomène d'accoutumance.
Donc, nous voudrions que le projet de
loi prévoie une rotation des personnes qui vont effectuer ce
classement et nous suggérons des mandats de trois ans.
Maintenant, vis-à-vis du pouvoir d'intervention de la population
au niveau du travail de la régie, nous aimerions voir introduire un
droit de révision et un droit d'appel. Actuellement, à part les
audiences publiques à tous les deux ou trois ans, je crois, il n'y a
aucun mécanisme prévu dans le projet de loi pour permettre
à la population d'intervenir quand elle est insatisfaite du classement
d'un film.
Donc, nous demandons l'introduction d'un droit de révision pour
la population et l'introduction aussi d'un droit d'appel dans les cas
extrêmes.
Notre deuxième série de recommandations est relative
à la transparence des critères de classement des films et
l'accès aux décisions de la régie. Quant aux
critères de rejet des films, l'article 77 a introduit la
possibilité de rejet d'un film quand il y a exploitation d'une violence
sexuelle. Nous avons considéré que ce critère de rejet,
bien qu'il semble un gain pour nous, était aussi, d'une certaine
façon, très restrictif, très limitatif.
Parce que, en fait, si on regarde la définition ou la tentative
de définition de l'obscénité qui est contenue au Code
criminel, il est déjà interdit, de toute façon, de
permettre la représentation de la violence avec une exploitation
sexuelle, c'est-à-dire d'exploiter violence et sexe en même
temps.
Donc, on s'est dit que l'introduction de ce critère de rejet ne
faisait que confirmer, de la part du gouvernement, un engagement à
respecter cette partie du Code criminel et ne tenait pas compte de toutes les
situations dégradantes ou avilissantes pour les femmes qu'on retrouve en
pornographie.
Donc, nous demandons que l'article 77 soit amendé pour introduire
comme critère de rejet ce qui porte atteinte à l'ordre public ou
aux bonnes moeurs ou encore le matériel qui exploite, encourage ou
soutient explicitement ou implicitement le racisme, le sexisme, la violence
sexuelle ou la violence gratuite ou excessive, ou encore représente des
mineurs ou des personnes apparemment mineures dans des actes sexuels
explicites.
Notre préoccupation envers les mineurs touche toute exploitation
qui est faite actuellement de la sexualité des mineurs en pornographie
et qui est vraiment grandissante. De plus en plus de revues exploitent les
mineurs et c'est fort possible que cette exploitation se transmette aussi au
cinéma. D'ailleurs, on sait actuellement qu'il y a plusieurs
vidéos qui transmettent cette prolifération d'exploitation
sexuelle des mineurs.
Ensuite, vis-à-vis des critères de classement, le projet
de loi no 109 ne prévoit pas qui aura la responsabilité de fixer
les critères de classement. Donc, nous voudrions que la régie ait
pour fonction de fixer les critères d'évaluation et de classement
des films et des films annonces. Nous voudrions, lorsque les critères de
classement seront établis, qu'il y ait dès ce moment des
audiences publiques, et non pas seulement deux ou trois ans après que la
régie aura commencé ses travaux.
Ensuite, nous voudrions que les membres de la régie effectuent
eux-mêmes le classement et ne délèguent pas cette
tâche à des membres du personnel, tel que le prévoit le
projet de loi no 109. Le projet de loi dit que le président administre
la régie et désigne les membres de son personnel qui effectueront
le classement. Nous voudrions que le classement des films soit effectué
par les personnes, à supposer que la régie soit
représentative des groupes qui ont mandat de représenter les
intérêts du public. Nous voudrions aussi que ces critères
soient rendus publics, c'est-à-dire que la population soit en mesure
d'en évaluer la pertinence. Le caractère public des
décisions est important aussi pour nous, parce que cela nous permettra
de voir comment les critères auront été
interprétés. Actuellement, le projet de loi no 109 prévoit
la possibilité d'établir un répertoire,
c'est-à-dire que c'est peu, c'est facultatif, nous voudrions que ce
répertoire soit obligatoire et qu'il soit accessible pour consultation
publique.
Je vais passer la parole à Martin Dufresne.
M. Dufresne (Martin): Je vais passer assez rapidement, pour
terminer, des dispositions qu'on recommande et qui ne sont qu'une demande de
maintien du statu quo. On trouve assez surprenant que le Bureau de surveillance
du cinéma disparaisse, mais qu'avec lui disparaissent
énormément de ses attributions et de ses responsabilités.
Les articles 10, 13 et 14 de la loi actuelle prévoient que tout film
utilisé au Québec doit être classé par le Bureau de
surveillance du cinéma. C'est une disposition que, malheureusement, M.
Guérin n'a pas cru bon d'appliquer, mais elle est clairement inscrite
dans la loi et c'est, entre autres, la raison pour laquelle les films
diffusés à la télévision font l'objet d'ententes
avec le BSC. C'est aussi la raison pour laquelle la province de Québec
n'est pas inondée, actuellement, de la publicité des clubs de
vidéo comme le sont d'autres provinces, parce que ces clubs de
vidéo, théoriquement, devraient voir leurs films classés
par le BSC.
Malheureusement, le projet de loi no 109 recule sur ce point. Il limite
la portée du classement des films aux films qui seraient
présentés en public, ce qui nous semble tout à fait
inacceptable, alors que toute l'industrie de la pornographie est en train de se
recycler vers des marchés qui
contournent ces formes de diffusion que sont les cinémas
traditionnels. On voudrait aussi qu'il soit clair que le classement s'applique
au matériel vidéo. La loi est un peu ambiguë sur un point,
alors on a préparé un article que vous retrouvez dans nos pages
de recommandations. (10 h 45)
Pour ce qui est des autres dispositions, d'abord, on a été
surpris de voir que le projet de loi no 109 ne tenait absolument pas compte des
intérêts de la population, même dans ses objectifs
fondamentaux. Quand on sait les raisons pour lesquelles le Bureau de
surveillance du cinéma a été institué, cela
n'était quand même pas pour être au service de l'industrie.
Or, les objectifs qui sont énumérés, sauf une très
brève mention de la surveillance des films, ne tiennent absolument pas
compte de l'intégrité des personnes, des effets, des coûts
sociaux du cinéma, alors que, malheureusement, de plus en plus de
recherches établissent qu'il y a effectivement un effet
d'entraînement. Il y a des effets nocifs qu'on constate dans les rues,
des viols qui se passent à la sortie des cinémas pornographiques,
comme peut le signaler la police de Gatineau, par exemple. On a pas mal de
recherches là-dessus. Je pense que le moins qu'on pourrait faire serait
de laisser au Bureau de surveillance du cinéma ce qui était sa
fonction fondamentale, c'est-à-dire de voir quand même à
une certaine protection des personnes et à l'intégrité des
personnes représentées au cinéma. Donc, on voudrait qu'un
objectif soit ajouté explicitant cela.
Un des aspects les plus frappants du projet de loi qui démontre
jusqu'à quel point il a été rédigé par les
personnes de l'industrie et en fonction de leurs intérêts, c'est
la suppression de la restriction de l'admission des moins de 14 ans aux films.
C'est vraiment stupéfiant de voir que, après tout le travail que
M. Guérin dit faire pour vérifier si un film peut ou non
être vu par un enfant, le projet de loi nous suggère que toute
personne pourrait voir les films classés 14 ans et plus. C'est
clairement inacceptable et on demande le maintien du statu quo
là-dessus.
Un autre aspect vraiment drastique -on nous parle de coût, mais
vraiment ici ce n'est pas du tout une histoire de coût, parce qu'on sait
que des services comme ceux du Bureau de surveillance du cinéma
s'autofinancent - c'est qu'on nous propose de supprimer tout contrôle sur
la publicité et sur l'affichage, alors que, déjà, il est
question que la Régie des permis d'alcool s'occupe de réglementer
l'affichage des bars "topless", par exemple. Donc, l'affichage extérieur
serait contrôlé par cette Régie des permis d'alcool. On
voit, d'une autre part, le cinéma qui a toujours eu le "lead" pour ce
qui était de la violence et de l'agression des femmes sur la rue,
là, il n'y aurait plus de contrôle du tout; que ce soit les
journaux, la télévision ou les affiches des cinémas, ce
contrôle tomberait, alors que, actuellement, toute publicité doit
être soumise au Bureau de surveillance du cinéma. On pense que ce
contrôle doit rester et on pense clairement que les critères qui
sont appliqués doivent être ceux qui sont appliqués pour la
classification "visa général".
Il y a deux dispositions, je n'entre pas dans les détails, des
restrictions sur les types de films annonces et de films
présentés dans les ciné-parcs. On considère que les
restrictions qui existent sont justifiées et qu'elles n'ont pas à
tomber. Encore là, ce sont des choses que l'industrie vous a
demandé et on dirait que vous n'avez tout simplement pas lu
l'avant-projet préparé par les personnes de l'industrie. Cela n'a
de justification que de leur ouvrir des marchés et lorsqu'on ouvre des
marchés aux gens dans le domaine du cinéma d'exploitation
sexuelle ou auprès des enfants, franchement, c'est un abus de pouvoir.
5. Autres recommandations destinées à faciliter l'application de
la loi. Il y a un article dans la loi que, vraiment, c'est la première
fois qu'on voit dans une loi: Toute omission faite de bonne foi - Dieu sait
comment cela peut se prouver - serait suffisante pour permettre à
quelqu'un d'éviter d'encourir les peines prévues par la loi. On
sait les justifications que les exploitants de salles utilisent pour laisser
entrer des enfants à des films. Il y a un cinéma, par exemple,
à Chénéville où on présente, tous les
dimanches après-midi, les films érotiques du samedi soir et ce
sont des enfants qui viennent. C'est le cinéma du dimanche
après-midi. L'omission de bonne foi, dans ces cas, c'est ajouter encore
des droits à des gens qui transgressent déjà la loi
impunément. On considère qu'une loi qui se tient n'a pas à
offrir une échappatoire aussi grossière que celle-là.
Un autre critère de la loi qui constitue la centralisation
abusive qui caractérise, finalement, tout le projet de loi, c'est le
fait que le pouvoir d'inspection de l'application de la loi serait restreint
à toute personne autorisée par la régie. Comme on sait
que, au sein de la régie, ce ne serait que le président ou le
directeur de la régie qui serait responsable de désigner les
personnes faisant le classement, donc, il n'y aurait qu'un personne, en fait,
au sein de la régie qui s'occuperait du classement. Cela revient
à concentrer entre les mains d'une seule personne le pouvoir de
décider de toute inspection sur le territoire québécois.
M. Guérin lui-même se plaint qu'il manque d'inspecteurs, alors que
la ioi actuelle prévoit qu'il y a toute une variété de
personnes qui sont habilitées à vérifier si un
film a été visé ou non par le BSC. Cela nous semble
tout à fait incohérent, encore là, de limiter le pouvoir
comme le fait le projet de loi no 109.
Enfin, au niveau des peines prévues, on considère qu'il y
avait une très bonne idée dans le projet de loi de 1978 disant
qu'une seconde récidive entraînait la perte du permis
d'exploitation. Lorsque les amendes sont aussi faibles que celles qui sont
prévues - on nous donne un maximum de 10 000 $ pour la deuxième
infraction, alors que, en Ontario, cela peut aller jusqu'à 25 000 $
dès la première infraction - on considère qu'il faut
vraiment ajouter des dents à la loi si on veut qu'elle soit
appliquée et on sait qu'actuellement elle ne l'est pas.
Enfin, on aimerait que les critères de rejet et de classement de
films soient rendus publics autant que possible, les communiquer aux gens qui
font les films de façon à éviter les genres de frictions
qui peuvent se produire lorsque des gens n'ont pas été
informés. Toute notre approche est une démocratisation du
fonctionnement du Bureau de surveillance de cinéma, qui devient la
régie, et un effort pour l'amener à une plus grande transparence
et une plus grande représentativité. Plus les critères
sont rendus publics, plus les gens le sauront et pourront en discuter, moins on
vivra le régime d'arbitrage qu'on a vécu depuis 18 ans et qu'on
vivait avant, aussi, sous des prétextes plus moraux. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Dufresne. M. le
ministre.
M. Richard: Merci de la présentation de ces
mémoires. J'aurais quelques questions à vous poser, en
particulier à Mme Matte.
À l'article 116, en ce qui a trait à la composition de la
régie, vous suggérez un mode de représentation ou un mode
de désignation des membres de la régie, qui, il me semble, ne
tienne pas compte des fonctions multiples de la nouvelle régie. Je me
demande comment vous pouvez concilier votre recommandation avec les fonctions
multiples qu'aura désormais cette régie.
Mme Busque: Le projet de loi prévoyait une régie
composée de trois membres. Nous, on demande huit membres, dont 6 qui
représentent le public. On a peut-être l'air de faire sauter une
personne, mais de toute façon, je pense que 6 des 8 membres peuvent
être d'une façon plus particulière impliqués dans le
classement des films. Il n'est pas exclu, je pense, que parmi ces
personnes-là, il s'en trouve une qui soit aussi capable d'administrer
d'une façon plus globale. Cela laisse encore deux personnes, le projet
de loi n'en prévoyait que trois, qui sont aptes à exercer les
fonctions qui étaient prévues par le projet de loi. Si, à
la limite, il faut trois personnes tel que prévu dans le projet de loi,
il y a peut-être un moyen de s'entendre là-dessus. Qu'il y ait ces
trois personnes qui s'occupent du mandat global de la régie et d'avoir
quand même un nombre suffisant de personnes qui représentent les
intérêts de la population.
M. Dufresne: II faut prévoir que la régie accomplit
des tâches qui sont quand même très techniques. S'il s'agit
d'administrer une billetterie, s'il s'agit de faire faire des études ce
n'est quand même pas des décisions appelant par exemple des
positions idéologiques ou des choses comme cela. Dans ce sens-là
ce sont effectivement des tâches qui sont habituellement
administrées par des sous-directeurs ou des membres du personnel.
M. Richard: À l'article 117, vous proposez qu'un membre de
la régie ne puisse être nommé pour plus de deux mandats.
Cela m'étonne un peu de voir ce que vous ajoutez, lesquels ne doivent
pas être consécutifs. Il m'apparaît difficile de demander
à quelqu'un de quitter son emploi pour trois ans, d'interrompre l'emploi
de quelqu'un durant trois ans en lui disant: ça ne peut pas être
consécutif. Vous allez quitter trois ans, vous reviendrez trois ans
après. Il me semble que cela m'apparaît un petit peu, à
première vue en tout cas, impraticable.
Mme Busque: Je pense que le "non consécutif" ça
été introduit pour tout simplement permettre qu'à un
moment donné si une personne serait disposée à faire un
deuxième mandat, elle puisse le faire. L'objectif poursuivi ici, ce
n'est pas tellement de pouvoir permettre à quelqu'un de revenir à
un moment donné que pour éviter que les personnes soient
là pour des mandats trop longs. Donc, trois ans nous semblent
suffisants. Après ce temps-là il y a un phénomène
d'accoutumance, de désensibilisation, qui certainement affecte la
qualité du travail effectué. La qualité du travail de
placement des films.
M. Richard: J'aurais une dernière observation, elle a
trait à l'article qui prévoit qu'une défense de bonne foi
pourrait être faite. Il me semble qu'à l'époque où
nous vivons, il devient très important qu'un pareil article se retrouve
dans presque tous les projets de loi. Vous savez il y avait le grand principe
à l'origine qui avait beaucoup de sens et qui en a de moins en moins,
c'est que nul n'est sensé ignorer la loi. Cela valait il me semble
à l'époque où il y avait une législation qui
n'était pas aussi abondante que celle d'aujourd'hui. Tous ceux qui se
préoccupent de la protection des citoyens, en particulier mon
collègue le ministre délégué
aux relations avec les citoyens, ont réclamé un pareil
article, qui a une portée générale.
Maintenant qu'on ne peut véritablement pas être en mesure
de plaider l'ignorance de la loi, encore faut-il ajouter cet article qui
protège les citoyens contre l'ensemble de la réglementation et de
la législation qui sont beaucoup trop abondantes de nos jours pour
être connues par tous les citoyens. Il me semble que cela protège
les citoyens et les citoyennes contre une interprétation trop rigoureuse
de la loi ou contre leur méconnaissance bien normale de l'ensemble de la
législation et de la réglementation.
M. Dufresne: Mais dans ce cas-ci, il ne s'agit pas des citoyens,
il s'agit plutôt des exploitants. Les exploitants sont très
cyniques par rapport à la loi. M. Jean Labonté, de Québec,
déclarait au Soleil, l'an dernier: "Nous avons bâti notre
industrie autour des trous de la loi". Alors, s'il y a quelqu'un qui
connaît la loi, c'est bien l'exploitant. Lorsqu'on parle d'omission de
bonne foi, je pense que cela concerne beaucoup plus le fait de vérifier
ou non l'âge des personnes qui entrent dans une salle de cinéma
que de connaître ou non la loi. En ce sens, je pense que toute personne
pourrait excuser la présence de mineurs dans une salle de cinéma
où on présente des films d'exploitation sexuelle par exemple, en
disant: J'ai oublié de vérifier. Donc, omission de bonne foi. Ou
encore: Je pensais que cette personne avait l'âge requis. Ou encore: J'ai
fait confiance à ma caissière. Enfin, ce sont toutes des raisons
qu'on utilise pour se prémunir contre une infraction. '
M. Richard: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Henri. Juste avant, afin de savoir le temps que nous devons allouer, je
pense que vous présentez ensemble les deux premiers mémoires?
Est-ce bien cela? M. Dufresne, vous êtes l'intervenant au...?
M. Dufresne: Oui, c'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Alors, ce qui veut dire qu'on
a...
M. Dufresne: Oui, je peux concéder un peu de temps sur ma
présentation, mais pas trop.
Mme Matte: M. le Président, parce qu'on a essayé de
faire tellement vite, je pense qu'on a sauté un article, celui de la
non-reconduction du mandat du président du Bureau de surveillance du
cinéma. Nous recommandons, en outre, que l'article 190 du projet de loi
no 109, qui fait du président actuel du Bureau de surveillance du
cinéma un membre de la Régie du cinéma et de la
vidéo, soit abrogé. On y tient. M. Guérin peut avoir toute
l'estime de l'industrie, peut-être, mais il a certainement perdu notre
appui. M. Guérin n'a plus à avoir affaire à la nouvelle
régie, d'après nous. Il peut être un très bon
administrateur. Je ne suis pas en mesure de le juger. Mais un homme qui a pu
dire, de nombreuses fois, que le Québec était prêt à
accepter les salles X, un homme qui annonce partout qu'il a des
mécanismes très sophistiqués pour mesurer le consensus
social et qui a pu se tromper à un tel point dans ses mécanismes
de mesure du consensus social, réellement, je ne pense pas qu'il
mérite encore notre confiance.
De plus, il nous semble qu'une des qualités primordiales de
quelqu'un qui va diriger la régie, à qui on veut donner toute
cette responsabilité sociale, celui à qui cela incombe, il nous
semble, doit avoir, lui-même, premièrement un sens très
développé de la responsabilité sociale. Or, comme M.
Guérin a fait tout ce qu'il a pu pour faire accepter l'introduction des
films classés "X", au Québec; je n'ai donc pas l'impression qu'il
a fait preuve de beaucoup de responsabilité sociale.
On ne l'a pas dit à la presse mais on vous le dit à vous,
parce que vous êtes nos élus. C'est vous qui avez le pouvoir
législatif pour faire que cette loi soit aussi parfaite que possible.
Vous avez aussi la responsabilité sociale d'intervenir. Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: J'aurais une dernière observation à
faire. C'est que le bureau de surveillance, contrairement à ce qui a
été affirmé tout à l'heure, ne s'autofinance plus.
Il y a même un déficit - si on peut parler de déficit -
assez important.
M. Dufresne: ...certaines des activités du bureau
étaient autofinancées. Entre autres, celles qui ont trait au
classement et au visionnement des films. Enfin, c'est ce que précise M.
Fournier, dans son rapport, à savoir que certaines des activités
de la régie ne coûteront pas cher parce que, effectivement, elles
s'autofinancent.
M. Richard: Je vous signale enfin qu'il y a plusieurs groupes,
jusqu'à maintenant, qui sont venus féliciter M. Guérin
pour la qualité de son travail.
Mme Matte: M. le ministre, il y a deux facettes à ce genre
de travail. (11 heures)
M. Richard: Même, comme il vient de me le signaler, le
député de D'Arcy McGee a félicité publiquement M.
Guérin pour la qualité de son travail.
Mme Matte: Je pense que M. Marx avait sûrement des raisons
qui étaient les siennes. En ce qui nous concerne, nous avons
également nos raisons et, comme nous l'avons dit au début, nous
ne sommes pas un groupe marginal. Nous représentons à peu
près toutes les femmes du Québec.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Comme responsable de l'Opposition à cette
commission, je me permets de vous dire quand même mon admiration pour vos
profondes convictions et le courage que vous avez eu de prendre en main cette
lutte contre la pornographie. J'admire surtout votre lutte pour les enfants,
pour les mineurs, pour nos adolescents qui sont vraiment victimes d'une
exploitation qu'on ne peut trop dénoncer. De notre côté,
soyez assurée de notre appui, de notre compréhension et de notre
aide la plus précieuse. Pour les questions supplémentaires, je
vous confie à Mme la députée de L'Acadie à qui j'ai
confié le dossier.
Le Président (M. Gagnon): Mme la député de
l'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
également vous féliciter. Je pense que ce mémoire se situe
dans la suite de la lutte qu'en particulier la Fédération des
femmes du Québec poursuit depuis plusieurs années en ce qui
touche la pornographie, que ce soit dans l'affichage, dans la publicité
ou, dans le cas qui nous occupe, dans les films et le cinéma.
Il y a des points que je mentionne tout de suite parce qu'ils peuvent
paraître mineurs par rapport aux autres, quoiqu'ils aient une grande
importance, et qui, lors de l'étude article par article, ne nous
auraient pas échappé. Je dois vous avouer que jusqu'à
maintenant ils m'avaient échappé. Le fait, par exemple, que vous
mentionnez à l'article touchant l'admission aux salles des moins de 14
ans qui sortaient par la porte d'à-côté sans que... Pour ma
part, je ne l'avais pas réalisé. Je pense que...
Mme Matte: ...maintenant.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il y a des balises qui ont
été mises de côté un peu trop allègrement,
peut-être sans mauvaise volonté ni mauvaise foi, mais je pense
qu'il est important que vous attiriez notre attention là-dessus. Vous
profitez de cette occasion, et c'est une bonne tribune parce que vous avez
peut-être oublié tout à l'heure que si vous n'avez pas - je
vous le dis en toute amitié - dénoncé M. Guérin
à la presse, vous le dénoncez maintenant devant la
télévision, parce que nous sommes devant la
télévision. C'est pour cela que je vous dis que c'est une bonne
tribune parce que dans le fond vous intégrez tout le problème ou
le débat qui a lieu présentement au sujet de la
télévision payante et auquel personne ne semble avoir
trouvé de réponse. On n'a pas trouvé de réponse
parce que ce n'est pas un débat facile. Vous le soulignez
vous-même dans une partie de votre mémoire qui touche la censure
et la démocratie.
Ceci m'amène à vous poser la question suivante. Vous
pariez de la précision des critères qui vont présider aux
décisions de la régie quant au classement des films. Je pense que
c'est une demande légitime. On a eu l'occasion d'en discuter ici au
moment où le Conseil du statut de la femme est venu présenter son
mémoire. Je pense que même le Conseil du statut de la femme, qui
insiste beaucoup pour que ces critères soient là, au moment
où nous lui parlions - peut-être que le conseil retournera au
travail, mais c'était ainsi au moment où nous lui parlions
n'avait pas de cadre de référence, même pas un cadre
très large pour situer ces critères. Je me demandais, à la
suite de la suggestion que vous faites qu'à la régie soient
représentées des personnes venant par exemple de la Commission
des droits de la personne, du Comité de la protection de la jeunesse et,
je pense, du Conseil du statut de la femme...
Mme Matte: Oui, exactement.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ces personnes ne pourraient pas,
d'une certaine façon, nous amener vers ce consensus social quand on juge
du caractère admissible ou non admissible, pornographique ou non
pornographique? À la rigueur ceci serait, peut-être une meilleure
façon d'arriver à combattre ce que vous voulez combattre, avec,
je pense, légitimité, que d'essayer d'établir des
critères. Mais vous avez peut-être réfléchi au type
de critères qui pourraient être utilisés, enfin, à
cette grille qui pourrait être utilisée si le ministre acceptait
que des gens du milieu soient représentés. Vous en avez
parlé vous-mêmes, on peut parler de la censure, mais il faut
qu'elle s'établisse à partir d'un consensus social. Je ne pense
pas qu'il y ait de critères très rigides. On en a eu une
démonstration, ici, assez amusante l'autre jour. Le député
de Notre-Dame-de-Grâce avait été heurté par un film
où, d'après lui, la violence était très grande,
alors que d'autres dans l'auditoire reconnaissaient que c'était
plutôt une oeuvre d'art. Je me demande si on ne pourrait pas substituer
à cette nécessité d'établir une grille de
critères, qui serait très difficile sauf pour des critères
très généraux - si on tue le monde, des choses comme cela
- une représentation à la régie de personnes
provenant de ces milieux. Je me demande si, d'une certaine façon,
ce ne serait pas une certaine expression du consensus social, quitte,
peut-être, à ne pas retenir les trois groupes que vous avez
mentionnés, mais peut-être un autre groupe ou d'autres groupes
aussi représentatifs de ce consensus social.
Mme Busque: Je pense que dans votre question vous avez
déjà la réponse, parce que c'est la raison pour laquelle
on veut la démocratisation de la régie. On la veut justement pour
que toutes les couches de la société soient
représentées et, en conséquence, pour avoir une meilleure
garantie que le consensus social qu'elles vont réussir à
définir ait plus de chances de réellement représenter la
communauté que trois personnes. C'est à cause de cela, justement,
qu'on veut cette démocratisation de la structure de la régie.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela pourrait être,
jusqu'à un certain point, un substitut à l'établissement
d'une grille d'analyse des films?
Mme Matte: D'accord, je vais le demander.
Mme Busque: Quand on demande d'avoir des critères
écrits ou que ces critères soient connus, c'est qu'on a quand
même besoin d'outils de référence pour évaluer si ce
travail de classement correspond véritablement au consensus social.
Quand le CSF a convoqué l'industrie de la publicité et lui a
demandé d'établir, justement avec les groupes de femmes et les
groupements intéressés, les critères d'une
publicité non sexiste, au début de ce travail, je pense que la
réaction des publicitaires a été très
négative. Ils avaient très peur, justement, qu'on les
empêche de dire les choses qu'ils avaient à dire et ils ne
voyaient pas comment une grille pourrait constituer, à un moment
donné, un instrument qui à la fois serait souple et leur
permettrait de répondre aux demandes qu'on leur formulait. Je pense
qu'on a quand même réussi à créer cet instrument. La
difficulté de la tâche, on la reconnaît, mais cela vaut
aussi la peine d'essayer de l'aborder. On n'est pas les seuls, d'ailleurs,
à réclamer des critères écrits. Le Protecteur du
citoyen lui-même, dans un rapport de 1981, je pense...
Mme Matte: Qui est en annexe au mémoire.
Mme Busque: ...qui est en annexe, s'étonnait du fait que
le bureau de surveillance effectuait son travail à partir de quoi?
Justement, on ne le sait pas. Il s'étonnait qu'il n'y ait pas de
critères écrits.
M. Dufresne: II faut voir aussi que...
Mme Lavoie-Roux: Évidemment... Oui, allez, monsieur.
M. Dufresne: Excusez-moi. Si on veut ouvrir la possibilité
d'une révision des films qui ne se fasse pas de façon purement
arbitraire, on s'est posé la question: Est-ce qu'on veut que la nouvelle
régie soit assiégée par des personnes qui ne seraient pas
d'accord? On s'est dit: Ce n'est pas cela qui va se passer si les
critères sont rendus publics. Cela va être vraiment sur la base
de: Est-ce que le critère a été appliqué ou non?
Quand on parle de critères, on ne parle pas de telle image, de tel
organe en contact avec tel organe. On parle vraiment de quelque chose que la
société déciderait qui soit ou non adéquat pour un
enfant de 14 ou 18 ans, par exemple. Alors, cela laisse une place à la
décision, cela laisse une place à l'évaluation. C'est
selon un principe démocratique que l'on essaie de nommer les personnes
les plus représentatives et les plus compétentes, mais, en
même temps, qu'on ne leur laisse pas complètement la bride sur le
cou. On établit des règles qui seraient valides pour toute
personne qui pourrait occuper le poste en question, que ce soit un poste de
député, de ministre ou d'évaluateur. Il faut, quand
même, que la société, sans les couler dans le bronze,
établisse clairement certains principes, certains critères qui
peuvent être appliqués et modifiés
régulièrement. Encore là, le travail d'évaluation,
que le projet de loi propose avec l'audience à tous les deux ans,
pourrait difficilement se faire s'il n'y avait pas certains "guide-lines" qui
seraient rédigés dans la Gazette officielle, mais qui
laisseraient place à l'évaluation et à la transformation
à mesure que notre société évolue,
espérons-le, vers un mieux-être et de meilleurs rapports entre les
personnes.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous n'auriez pas en tête
certains de ces critères ou de ces grandes balises? Vous n'y avez pas
songé? Vous dites que c'est le travail de la régie.
Mme Matte: C'est le travail de...
Mme Lavoie-Roux: À votre connaissance, est-ce que quelque
part, que ce soit dans un autre pays ou ailleurs au Canada, on a
préparé une telle grille?
M. Dufresne: Pour préparer notre mémoire, on a
essayé d'avoir accès au centre de documentation du Bureau de
surveillance du cinéma, et nous avons été
très souvent frustrés du peu de documents qu'on a mis
à notre disposition là-bas. Ces critères existent partout.
Si des décisions sont prises, elles le sont à partir de balises
dont M. Guérin reconnaît lui-même l'existence, mais il est
rigoureusement impossible, dans notre démocratie, d'y avoir
accès. Je pense qu'on pourrait imaginer de tels critères. On
s'est plutôt attaché à la lettre de la loi et à la
façon dont on pourrait rendre possible un processus
d'amélioration et de diffusion de ces critères. On n'a pas
cherché à les déterminer nous-mêmes; nous ne sommes
pas les personnes qui feraient cela, mais on peut penser, par exemple, à
l'association de certaines images particulièrement violentes à
des situations qui pourraient toucher des jeunes.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez fait allusion à la question de
la publicité. Vous avez peut-être raison de dire que c'est parce
qu'en publicité on s'est donné la peine de tenter l'effort qu'on
est parvenu à certains résultats. Peut-être que, si on
faisait les mêmes efforts du côté du cinéma, on
arriverait aux mêmes résultats. Mais ce qui est sexiste et ce qui
ne l'est pas m'apparaît beaucoup plus "cernable" dans la
publicité, tandis que, quand vous arrivez dans le cinéma, vous
portez un jugement de valeur morale. Dans le fond, à la question de la
pornographie dans le cinéma s'ajoute une dimension de moralité
que chacun peut jauger différemment. Je me demande si cela ne rend pas
beaucoup plus difficile l'établissement de critères.
Mme Matte: Nous avons déjà le critère de la
discrimination qui peut être un critère là où il y a
une discrimination. Je ne sais pas, on n'a pas réfléchi
là-dessus. Remarquez qu'on a eu trois semaines pour faire tout ce
travail...
Mme Lavoie-Roux: Oui, je sais que ce n'est pas facile.
Mme Matte: ...et c'était un front commun; donc, il fallait
toujours retourner au groupe. Donc, on ne peut pas réellement vous
répondre d'une façon adéquate puisqu'on ne s'est pas
penché là-dessus. On ne considérait pas que c'était
réellement notre travail. Mais je vais vous donner mon opinion
personnelle. Je trouve que ce serait une très bonne façon de
juger si un film est sexiste ou non si on mettait, à la place d'une
femme, un Noir ou un Juif. Alors, on peut voir quelle serait notre
réaction. Nous avons déjà intégré dans nos
valeurs le rejet du racisme. Alors, on pourrait toujours se demander, si on
voit un chrétien qui bat un Juif ou si on voit un Blanc qui domine un
Noir, quelle serait notre réaction. Je ne sais pas. Je donne cela tout
simplement comme réaction personnelle. Mais je crois que
réellement le parallèle entre le racisme et le sexisme est une
chose qu'on devrait faire constamment; c'est une grille de mesure et de lecture
des films et de tout matériel pornographique.
Mme Lavoie-Roux: Un autre concept que vous faites entrer dans
votre mémoire, c'est celui de la normalité. D'ailleurs, c'est un
concept que le gouvernement actuel aime beaucoup, particulièrement le
ministre de l'Éducation, quand il parle de la normalité des
choses, mais c'est une digression tout à fait inappropriée
à la discussion que nous avons. Vous dites: "Cependant, nous croyons que
le mépris, la haine, le goût de la violence ou de la perversion ne
peuvent que conduire à une dégradation des rapports humains en
passant pour de la normalité aux yeux des jeunes
générations." (11 h 15)
Spontanément, je suis totalement d'accord avec vous
là-dessus, mais il y a aussi le fait que cela évolue, la
normalité, en fonction de l'évolution de la
société. C'est là que cela me crée un
problème. L'analogie n'est peut-être pas exacte, mais si on prend
la question de la famille, par exemple, autrefois, une famille normale,
c'était une famille avec deux parents, un enfant, etc. Au cours des ans,
la société a évolué et, aujourd'hui, il faut
reconsidérer des politiques, des décisions, des orientations en
fonction d'un nouveau type de famille qui nous aurait semblé anormal,
enfin, peu importe le nombre d'années, il a vingt ans ou quinze ans. Je
ne sais pas si vous pourriez développer cela.
Mme Busque: Je pense qu'on a abordé cette question en
faisant référence, particulièrement, à l'expertise
des intervenants auprès des jeunes qui travaillent avec nous. Certains
psychologues, par exemple, dans des cliniques d'adolescents nous disent que, de
plus en plus, les questions que garçons et filles leur posent sont:
Est-ce que je dois faire mal pour qu'elle aime cela? Et les filles: Est-ce que
je dois me faire faire mal pour aimer cela? On trouve que c'est très
grave.
Vous parlez du ministère de l'Éducation, je vais en parler
aussi. On a beaucoup de difficulté à obtenir l'éducation
sexuelle dans les écoles. Actuellement, l'éducation sexuelle se
fait, en grande partie, par l'accès au matériel pornographique et
c'est comme cela que les jeunes s'éduquent sexuellement. Ce sont les
questions qu'ils posent aujourd'hui: Est-ce que je dois faire mal? Est-ce que
je dois me faire faire mal? On trouve cela aberrant. S'ils posent ces
questions, c'est qu'ils cherchent justement une expression de leur
sexualité; ils sentent que ce n'est
probablement pas comme cela que cela devrait se passer et ils se posent
des questions à savoir, quand ils ont besoin d'une relation
égalitaire ou de tendresse ou d'affection, s'ils sont normaux. Notre
référence à la normalité, c'est dans ce sens qu'on
a voulu la faire.
Mme Lavoie-Roux: Je vais laisser la parole à certains de
mes collègues et, s'il reste du temps après, je reviendrai
peut-être. Encore une fois, je vous remercie. Quant à la lutte que
vous menez et qui a eu relativement peu de succès dans, par exemple,
l'étalage de la pornographie, etc., et pour laquelle vous vous battez
encore beaucoup, peut-être qu'il y a déjà un effort de fait
dans le projet de loi. Je vais être honnête avec vous
là-dessus, autant je pense qu'on devient très conscient de tous
les abus qui sont commis, autant cela demeure très difficile
d'établir la frontière entre ce qui est acceptable, ce qui ne
l'est pas et ce qui devient une norme générale de notre
société.
Je ne sais pas dans quelle mesure le projet de loi peut aller plus loin
que ce que vous dites. Dans une de vos recommandations relatives à la
transparence des critères de classement: "Porte atteinte à
l'ordre public ou aux bonnes moeurs, exploite, encourage ou soutient
explicitement ou implicitement le racisme, le sexisme, la violence sexuelle ou
la violence gratuite ou excessive." "Explicitement". Il y a peut-être un
certain consensus sur ce qui est très explicite, mais vous dites
"implicitement"; là, je vous assure qu'on tombe dans des nuances qui
peuvent devenir très subjectives. Même si, en soi, on pourrait
être d'accord avec ces recommandations, il reste que le rôle du
législateur est aussi de protéger l'intérêt
général et il doit toujours faire l'équilibre entre la
liberté et ce que requiert la démocratie et aussi les
représentations de groupes aussi importants que ceux que vous
représentez. Alors, je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Madame, avant de vous laisser la
parole pour répondre à Mme la députée de L'Acadie,
je vais la donner à M. Dufresne parce qu'il me l'avait demandée
tantôt.
M. Dufresne: Non, je voulais juste savoir à peu
près quand je pourrais faire la présentation spécifique
pour le Collectif masculin contre le sexisme, qui est quand même un
groupe différent.
Le Président (M. Gagnon): Ah bon! C'est la question que je
vous avais posée tout à l'heure, à savoir si vous
présentiez les deux mémoires en même temps.
M. Dufresne: Oui. Je fais une présentation.
Le Président (M. Gagnon): Parce que j'ai été
assez généreux dans le temps. Je voulais vous poser la question
parce que je considérais qu'on pouvait dépasser l'heure à
ce moment-là.
M. Dufresne: On a commencé à 10 h 18. Il est 11 h
19.
Le Président (M. Gagnon): Oui, je sais bien.
M. Dufresne: On peut peut-être déborder, mais
j'aimerais quand même...
Le Président (M. Gagnon): C'est qu'il y a encore des
questions de ce côté-ci et je sais que le député de
D'Arcy McGee a aussi des questions à poser. On va forcément
dépasser l'heure. Mme Busque.
Mme Busque: Je voudrais répondre à Mme Lavoie-Roux.
Je pense que cette intervention est capitale, parce qu'on parle d'exploiter,
encourager ou soutenir. Il faut tenir compte de ces mots-là "encourager
ou soutenir" parce que le point qu'on défend, ce n'est pas une
interdiction de montrer. Bon, il y a des phénomènes dans la
société qui existent bel et bien. L'objectif, ce n'est pas que le
cinéma devienne un instrument qui fausse, finalement, la
réalité sociale. Ce qu'on dit, c'est que le message ne doit pas
être de dire que c'est bien d'être raciste et que notre
société veut cela. Le message n'est pas de dire que c'est correct
d'être sexiste et de dire: Mais oui, soyez sexiste en encouragement au
sexisme. Cela ne signifie pas de ne pas montrer. Représenter et
encourager, ce sont deux concepts totalement différents. C'est à
ce niveau-là qu'on ne voit pas notre intervention comme une censure
parce qu'on ne la voit pas comme un empêchement de tourner en rond ou
comme une limite à la liberté d'expression. On dit que la
liberté d'expression s'arrête là où les droits d'un
groupe ou des individus sont brimés. Donc, on peut montrer, mais ne pas
encourager. Je pense que cette distinction est très fondamentale.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. M. le
député de D'Arcy McGee, vous m'avez dit que ce serait très
court.
M. Marx: J'aimerais féliciter les invités pour leur
plaidoirie. Même s'ils n'ont eu que trois semaines, je trouve que c'est
une plaidoirie assez substantielle, même si je ne suis pas d'accord avec
chacun des paragraphes. J'aimerais rappeler à nos invités que
l'Opposition a déjà appuyé votre demande pour qu'on
réglemente l'étalage de la pornographie durant la commission sur
les
amendements à la charte des droits québécoise. Je
n'ai pas d'objection à ce qu'on interdise la vente de la pornographie
aux mineurs. Il n'y a pas de problème. C'est comme il a
été dit, cela a des effets nocifs. On interdit la vente de tabac,
de cigarettes, de cigares aux enfants. On ne demande pas aux enfants ce qu'ils
veulent, mais on peut le leur imposer. On n'a pas d'hésitation à
imposer quoi que ce soit aux enfants si on pense que c'est pour leur bien. Je
suis tout à fait d'accord avec le député de Saint-Henri,
notre porte-parole, en ce qui concerne vos interventions vis-à-vis des
enfants. De plus, il n'y a pas de problème à ce qu'on interdise
les films aux enfants, sauf que le film "Tootsie" est interdit aux enfants en
bas de 16 ou 14 ans à Québec. Même si c'est interdit ici,
ils le verront à la télévision le soir même,
peut-être, ou dans trois mois. C'est difficile de faire la police
à la maison. On ne peut pas faire la police 24 heures par jour. Cela
sera encore plus difficile pour ceux qui s'abonneront à la
télévision à péage. On ne peut pas contrôler
cela. Voilà pour les enfants.
Mais, quand on arrive aux adultes, c'est une autre paire de manches.
Vous demandez qu'on légifère pour resserrer le contrôle sur
la moralité publique. C'est à la moralité publique de
légiférer sur la pornographie pour adultes: ce n'est pas à
d'autres. Je pense que c'est difficile de tirer la ligne entre la protection de
la société et la liberté d'expression. Vous avez
déjà parlé d'obscénité. Dans le Code
criminel, il y a un critère qui dit que, si quelqu'un publie un livre
obscène ou si on visionne un film obscène, c'est interdit. Aussi,
dans la Loi sur le cinéma, il y a des interdictions. Si cela va à
l'encontre de l'ordre public, le bureau de surveillance pourrait interdire le
visionnement d'un tel film. Si vous allez demander aux Québécois:
Est-ce que vous êtes contre la pornographie, tout le monde va dire: Oui,
je suis contre la pornographie. Tout le monde dans cette salle, j'imagine, est
contre la pornographie. Mais si vous allez poser la deuxième question
aux adultes: Est-ce que vous voulez qu'on censure "Not a love story", ils vont
dire: Non, on veut voir cela, même s'ils ont censuré cela en
Ontario. Ici, au Québec, on veut avoir le droit de voir "Not a love
story". Vous allez me dire peut-être que ce n'est pas de la pornographie.
Si vous allez demander aux gens s'ils sont contre la pornographie, ils vont
dire: Oui, mais on veut voir Dernier tango à Paris qui était
censuré en Nouvelle-Écosse. Vous comprenez. Je peux donner
d'autres exemples de films qui ont été censurés dans
d'autres provinces et qu'on visionne au Québec, parce que je pense que
les Québécois veulent vraiment cela.
Vous avez parlé de l'obscénité dans le Code
criminel, vous avez dit qu'il y a très peu de poursuites. Je pense qu'il
y a un consensus social au Québec, au Canada, qui dit qu'on ne poursuit
pas pour obscénité. Si le ministre de la Justice du Québec
reçoit 25 000 lettres, des appels téléphoniques et des
télégrammes pour qu'il intente une poursuite contre le
visionnement de tel et tel film parce que c'est obscène, j'imagine qu'il
va y penser deux fois. Mais je ne pense pas qu'il y ait vraiment une pression
au Québec pour censurer les films comme pour censurer les livres et
ainsi de suite, même avec la définition de
l'obscénité dans le Code criminel. Supposons qu'on intente une
action contre un distributeur pour un film obscène, on arrive devant les
tribunaux et le juge lui-même, comme les législateurs, dans un
autre forum, doit tenir compte des standards contemporains des
Québécois. Il ne peut pas imposer sa propre vision. Il doit tenir
compte d'un certain consensus qui existe au Québec. Je comprends ce que
vous demandez et je ne suis pas contre, parce que, moi aussi, je suis contre la
pornographie. Mais c'est une autre paire de manches de demander aux
législateurs d'intervenir en ce qui concerne la liberté
d'expression des adultes, la liberté d'opinion et ainsi de suite des
adultes. Pour les enfants, on peut le faire, il n'y a pas de problème.
Mais pour les adultes, c'est un autre problème. Je pense qu'il manque un
consensus au Québec pour faire ce que vous demandez qu'on fasse.
Le Président (M. Gagnon): Mme Busque. Mme Busque:
Oui, nous allons répondre.
Le Président (M. Gagnon): Je pense que M. Dufresne aussi
voulait répondre. J'ai aussi Mme la députée de Maisonneuve
qui a demandé la parole. Je voudrais vous dire qu'à 12 heures, 12
h 10, il faudrait avoir terminé avec le deuxième mémoire
aussi. Madame.
Mme Matte: Vous avez beaucoup de questions. Je vais
répondre à une partie et, pour l'autre, j'aimerais que Ginette
réponde. En ce qui concerne "Not a love story", il a été
interdit en Ontario. Mais avec, justement, ces deux mots, "encourage et
soutient", "Not a love story" passe. C'est parce que c'était trop rigide
en Ontario. Mais ici, au Québec, cela va passer, parce que "Not a love
story" n'encourage pas et ne soutient pas la pornographie; c'est une
dénonciation de la pornographie. Cela, c'est une première
question.
Deuxièmement, le consensus social. Il n'y a pas, actuellement, de
consensus social, il faut se rendre à l'évidence. Écoutez,
vous dites: S'il y avait je ne sais pas combien de lettres au ministre, mais il
y a eu 3 000 000 de personnes qui ont soutenu les
hommes et les femmes qui sont allés sur la colline parlementaire.
Qu'est-ce que cela a donné? Rien. Si on veut aujourd'hui être
encore 5 000 000 devant le CRTC, ils ont donné le permis et, pendant
cinq ans, on ne peut rien faire. On est pris, du moins, pour l'instant, c'est
cela la situation. Il ne faut pas oublier que les femmes n'ont pas eu voix au
chapitre pendant des centaines d'années. On commence à peine
à faire entendre notre voix. Alors, ce consensus social, il n'existe pas
actuellement dans ce domaine. Tout simplement, on a cru qu'on avait un
consensus social, mais ce consensus social c'était faux; c'était
tout simplement parce qu'il s'établissait sur un fond de silence de la
part des femmes. (11 h 30)
Ensuite, en ce qui concerne l'article 159, j'ai déjà dit
au début qu'il est absolument inopérant, que les procureurs ne
peuvent rien faire, même ceux qui voudraient faire quelque chose, parce
qu'il faut toujours que ce soit le ministre de la Justice qui permette
justement un recours. Le film Les sensations hollandaises, par exemple,
malgré le fait qu'il portait le visa du Bureau de surveillance du
cinéma, a été, finalement, interdit au Québec. Le
juge a dit qu'il accusait le procureur parce qu'il n'avait pas fait son travail
en prenant tout de suite une action contre ce film.
En conséquence, les choses évoluent. On a eu l'impression,
à un moment donné, que les choses évoluaient dans un sens
de totale liberté. Aujourd'hui, on est à même de constater
les méfaits de cette tolérance qui a été sans
limite. Vous savez, la tolérance, c'est vraiment une valeur très
positive, mais jusqu'à un certain point. Après un certain point,
elle devient tout simplement de l'inconscience ou de
l'irresponsabilité.
Maintenant je veux laisser la parole à Ginette pour
répondre au...
M. Marx: Juste un mot.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député.
M. Marx: Un mot pour répondre. C'est facile de mobiliser
tout le monde pour la vertu, trois millions de personnes qui sont contre la
pornographie. Mais quand on arrive à un film précis ou qu'on
arrive à un livre précis pour censurer ce film ou ce
livre-là, le problème est là cas par cas. La vertu, tout
le monde est pour ça. C'est ça, le problème
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme Busque.
Mme Busque: C'est précisément à cause de
cela qu'on demande la démocratisation de la régie. C'est pour
faciliter, justement, l'expression de ce consensus social. Si la base du
classement des films, c'est le consensus social, donnez-nous des instruments
qui vont permettre d'aller le chercher. Ce qu'on vient exprimer ce matin, c'est
une partie de ce consensus social. Quant à moi, si ça vous prend
25 000 signatures pour bouger, on n'a plus besoin de députés. Le
peuple va le prendre, ce pouvoir-là. Cela veut dire que vous demandez
à la population, massivement, tout le temps, de bouger. C'est exactement
pour jouer ce rôle-là qu'on élit du monde.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de D'Arcy McGee, non. Autrement, on va brimer M.
Dufresne.
Mme Matte: On a, quand même, déposé 325 000
appuis pour le contrôle de la pornographie, pour la protection des
mineurs et ça n'a absolument rien donné. C'était du
consensus social, cela.
M. Marx: Oui, là, on vous appuie.
Le Président (M. Gagnon): Madame, je vous invite à
demeurer à la table. On va demander à M. Dufresne de faire la
lecture de son mémoire et peut-être que, dans les questions qui
viendront par la suite, il y en aura qui s'adresseront à vous.
M. Dufresne: Nos ancêtres, les Amérindiens, avaient
une très belle coutume; lorsque les gens se rencontraient pour une
discussion, ils se donnaient des cadeaux. Je vous ai apporté un cadeau
et je vais vous donner cela pour mettre des bonnes "vibes" entre nous tous.
C'est gratuit.
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez, on va demander
à quelqu'un de le passer.
Mme Matte: En attendant que M. Dufresne distribue ses cadeaux, je
peux vous montrer un peu la liberté d'expression dont on parle: c'est la
liberté d'expression de ces femmes ligotées. Est-ce de cette
liberté d'expression que l'on parle? C'est pour permettre à cette
femme d'avoir une liberté d'expression qu'on s'insurge.
Le Président (M. Gagnon): M. Dufresne.
M. Dufresne: Bon, alors, c'est ça. Je vous donne à
chacun une copie de ce livre-là. Moi, j'ai appris plus de choses sur les
hommes avec ce livre qu'en 30 ans de conversation avec mes amis de gars. Plus
de choses aussi sur ce qu'est véritablement la pornographie.
Je fais partie du Collectif masculin
contre le sexisme. C'est un groupe qui circule; on va discuter avec des
hommes. On anime des discussions à la suite de films justement comme
"Not a love story". On essaie d'amener les bonshommes à se demander un
peu quelles sont leurs attitudes avec ies femmes et à vérifier si
effectivement il n'y a pas un grave problème dans leurs rapports avec
les femmes.
Je voudrais, avant de commencer, donner quelques minutes de mon temps
à Hélène Desrosiers, du Regroupement féministe
contre la pornographie qui a mené la lutte ces dernières
années contre la pornographie. Si on peut partager notre temps de
présentation, je préférerais cela.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Desrosiers.
Mme Desrosiers (Hélène): Je remercie M. Martin
Dufresne. Je voudrais spécifier, justement, que le regroupement compte
environ une trentaine de membres, mais que nous avons organisé plusieurs
manifestations contre le projet de salles X, manifestations qui ont
regroupé jusqu'à 500 personnes. C'est grâce à ces
pressions que le projet de salles X n'a pas été retenu.
Même si l'éventualité de la légalisation du
cinéma "hardcore" et des salles X a été rejetée, on
considère que le projet de loi no 109 sur le cinéma et la
vidéo n'a retenu aucune autre des recommandations des groupes de femmes
soumises à la Commission d'étude sur le cinéma et
l'audiovisuel.
Je serai assez brève. Je vais dire l'essentiel. En gros, on
appuie les recommandations qui sont soumises par le Front commun contre la
pornographie. On insiste davantage sur l'évaluation et l'application des
critères de classement des films, sur l'aspect des vidéos, parce
qu'on sait que c'est l'industrie pornographique qui connaît la plus
grande expansion à l'heure actuelle et que les profits
réalisés par les vidéos pornographiques sont de 50%
supérieurs aux profits réalisés par les autres types de
vidéos, et tout cela. On sait que l'industrie de la pornographie au
Québec rapporte 260 000 000 $ et que c'est assez important. Le
marché légal est aussi important. C'est peut-être pour cela
qu'on s'y attarde un peu.
Concernant les objectifs de la loi actuelle, on considère qu'il
est important de les définir au-delà d'objectifs corporatistes
fondés sur les intérêts de l'industrie
québécoise du cinéma. Nous soutenons la recommandation du
front commun, soit d'ajouter à l'article 3 la reconnaissance du respect
des droits des personnes, en particulier des femmes et des mineurs, face
à toute atteinte ou discrimination au moyen du cinéma ou de la
vidéo. C'est un peu la question de la moralité, et tout cela.
Nous ne sommes pas pour la moralité. Nous sommes pour le respect des
droits fondamentaux des femmes et pour la liberté d'expression des
femmes qui constituent quand même la moitié de la population du
Québec.
Notre définition de la pornographie n'est pas seulement une
représentation indue de choses sexuelles. On considère la
pornographie comme une exploitation du corps des femmes et de leur
sexualité, qu'elle soit explicite, verbale, écrite ou picturale.
La sexualité proposée dans la pornographie, pour nous, non
seulement se nourrit de l'oppression dont sont victimes les femmes dans notre
société, mais de plus elle tend à la promouvoir de
façon systématique et délibérée. C'est
pourquoi on s'insurge contre la pornographie parce qu'on sait que c'est un
instrument de propagande énorme, qui a aussi des impacts très
néfastes sur les femmes et sur les mineurs qui sont de plus en plus
exploités dans la pornographie. On en a déjà parlé
tout à l'heure.
Je m'excuse parce que je ne veux pas répéter ce qui a
déjà été dit. En gros, nous considérons que
le projet de loi no 109, en plus d'évincer les recommandations des
groupes de femmes, annonce un net recul par rapport à la loi
actuelle.
Concernant le contrôle de la publicité, nous exigeons que
les contrôles soient maintenus dans les médias et dans l'affichage
extérieur des cinémas qui constitue une véritable
pollution visuelle et brime notre droit de nous promener dans la rue sans
être agressées par ces images.
Concernant les films présentés dans les ciné-parcs,
nous exigeons aussi le maintien de la restriction actuelle. Quant à la
restriction "pour tous" sur les bandes-annonces, qui serait supprimée
par la loi actuelle, on exige encore là son maintien.
Malgré que la pornographie ait été
dénoncée par les femmes comme une atteinte directe à leurs
droits et à leur intégrité physique et morale, le projet
de loi nie ouvertement sa responsabilité face à la population en
faveur des intérêts de l'industrie pornographique et ainsi
facilite la normalisation d'images discriminatoires. J'insiste sur le terme
"normalisation". De même, il favorise la mise en marché d'une
vision étriquée du corps et de la sexualité des femmes au
nom d'une prétendue liberté d'expression qui ne
bénéficie qu'à ceux qui savent la rentabiliser en brimant
les droits fondamentaux des femmes. Nous voulons que la liberté de faire
entendre nos voix ait un impact aussi grand que celle dont disposent les
pornocrates dans une société qui se veut démocratique.
J'ai pris mon droit de parole.
Le Président. (M. Gagnon): M. Dufresne.
Collectif masculin contre le sexisme
M. Dufresne: Oui. Le Collectif masculin contre le sexisme
démontre d'où on est parti; il nous fallait un cadre de
référence, comme le disait Mme Lavoie-Roux. Face au
matériel d'exploitation sexuelle, finalement, il y a toujours eu deux
positions: celle de l'Église traditionnelle, qu'on a toujours connue ici
au Québec jusqu'à 1963, 1964 environ; celle du
député de D'Arcy McGee, qui est la position libéraliste
simple, du genre "tout est bon"; c'est bien dommage qu'on ait subi cette
répression, mais, maintenant, tout adulte devrait avoir droit à
toute forme de stimulation.
Nous pensons que c'est faux. On fait une exception pour les femmes. Il
est très clair que les discours racistes sont interdits pour les
adultes. Les discours diffamatoires sont interdits pour les adultes. La
publicité frauduleuse est interdite. Il y a toutes sortes de discours.
Lorsqu'on reconnaît qu'ils causent un tort à des personnes, ils
sont effectivement restreints sans que personne ne parle de liberté
d'expression. Pourquoi ferait-on une exception pour la violence faite aux
femmes, pour "l'objetification" des femmes dans la pornographie? En parlant
avec des hommes, on s'aperçoit que cela n'a pas de bon sens. On
s'aperçoit aussi, en en parlant, en plongeant un peu en profondeur, que
la pornographie nous a nui individuellement. Je vous ai donné un livre
et essayez de m'écouter au niveau où je vous parle. Cela nous a
vraiment nui.
Dans nos rapports avec les femmes, on est arrivé avec des
attentes incroyables. On s'attendait à des seins énormes,
à une disponibilité totale, à des orgasmes
immédiats, à tout ce que la pornographie charrie et vend
systématiquement aux hommes dans la pornographie la plus "douce". On
s'est aperçu que cela nous avait créé des problèmes
et que finalement, si on voulait changer, améliorer nos rapports avec
les femmes, qui sont drôlement tendus ces jours-ci - je ne sais pas ce
qu'il en est pour vous, messieurs, mais, avec nous, cela n'est pas du tout
facile - on aimerait bien un peu ne pas se faire tirer dans les pattes.
À ce niveau-là, vraiment, on est tombé sur le cul quand on
a vu le projet de loi no 109, parce qu'on n'arrive pas à comprendre
comment vous avez pu perdre de vue à ce point-là ce que M. le
député de D'Arcy McGee appelle le consensus social.
Regardez le champ politique, regardez ce qui s'y passe. Vous avez
l'industrie du cinéma qui vous propose dans ce rapport des dispositions
permettant de créer un office de surveillance du cinéma et un
conseil de surveillance du cinéma qui aurait pour effet de le
démocratiser. M. Richard ou son chef de cabinet - je ne sais pas - sape
ces deux articles tout simplement et nous laisse des fonctions
traditionnellement exercées par le Bureau de surveillance du
cinéma qui sont réduites à une simple sous-section des
activités d'une régie qui est essentiellement axée sur le
marketing de l'industrie. Alors que tout le monde parle de la
nécessité d'une démocratisation, on prend un groupe de six
personnes qui sont responsables, qui sont compétentes - M. Guérin
n'arrête pas de le dire - et on réduit leurs activités
à des activités qui seraient exercées par des membres du
personnel désignés par le président. Franchement, cela n'a
pas de bon sens.
On ne comprend pas ce qui se passe. On ne comprend pas qu'un
gouvernement qui doit quand même penser à son image publique
décrète soudainement que les enfants peuvent aller voir des films
pour 14 ans et plus et que tout contrôle doit tomber là-dessus. On
ne comprend pas que vous laissiez libre cours à la pornographie au
moment où tout le monde se mobilise au Canada, aux États-Unis et
même en Europe. Je ne sais pas si vous avez lu le rapport Dionne que des
représentants du ministère de la Justice ont rédigé
en 1977. Il y avait des choses très intéressantes sur les effets
de la libéralisation de la pornographie en Suède, la
délinquance juvénile, 1' angoisse qui existe de plus en plus chez
les enfants. Cela commence à se manifester au Québec à
mesure que les interdits sont levés et que des libéraux, comme M.
le député ici ou M. Guérin, se permettent, finalement, de
visionner et surtout de faire visionner à la population ce qu'ils
veulent bien.
Vous avez vu le débat sur la télévision payante. Il
me semble que cela démontre, comme le disait Mme Matte, qu'on est
allé trop loin. On ne comprend pas que vous supprimiez des
contrôles comme le contrôle sur la publicité. On ne comprend
pas ce qui se passe. On a l'impression que vous êtes mal informés.
Est-ce que vous savez qu'il y a à Sainte-Foy un industriel qui fait des
vidéos pornographiques annoncés dans le Globe and Mail, des
vidéos qui sont remplis de scènes d'inceste, de viol et de choses
comme celles-là? Ces vidéos ne sont pas encore diffusés au
Québec, mais, avec le projet de loi no 109, dans un mois ils seront sur
le marché. Déjà dans les autres provinces on reçoit
des photocopies que nous envoient des féministes de Vancouver nous
demandant ce qui se passe au Québec et nous disant qu'on fait des
vidéos particulièrement violents, particulièrement
agressifs.
Les industriels s'en expliquent: il n'y a pas de problème, ils
ont M. Guérin dans leur poche. C'est aussi simple que cela. M.
Guérin n'applique pas la loi. Comment pouvez-vous dire, M. le
député, qu'on demande que les députés
légifèrent? On ne vous demande pas de légiférer. On
vous
demande simplement de laisser dans la loi les articles qui y sont et de
les appliquer. Il me semble que, s'il faut créer un scandale, s'il faut
descendre à 25 000 dans la rue, on a autre chose à faire et que
vous devriez prendre vos responsabilités. Vous nuisez à notre
développement comme êtres humains. Vous nuisez à nos
rapports avec les femmes. Vous nuisez à l'évolution des jeunes et
aussi à l'évolution des adultes. Je ne comprends pas.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Je pense que vous
avez terminé votre mémoire.
M. Dufresne: Oui.
Le Président (M. Gagnon): On va donner la chance aux gens
autour de la table de réagir et de vous poser des questions. Vous
pourrez peut-être ajouter, selon les questions qu'on vous posera.
Mme Desrosiers.
Mme Desrosiers: Quand monsieur parlait de subjectivité
à propos des critères de rejet de films et qu'il parlait de la
violence implicite qui pouvait être contenue dans les films ou les
vidéos... à ce propos-là, est-ce que, dans
l'ex-définition, le critère de rejet qui était "nuit
à l'ordre public et aux bonnes moeurs" n'est pas plus subjectif encore
et plus vague? Tout ce qu'ajoute le projet de loi no 109 à ce
sujet-là, c'est "en ce qu'il encourage ou soutient la violence
sexuelle". Je ne pense pas que ce qu'on propose soit plus subjectif que ce qui
est déjà là, dans la loi actuelle. (11 h 45)
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Richard: Je vous remercie de la présentation de votre
mémoire. Je voudrais tout de même attirer votre attention sur une
chose. Cela m'étonne un peu que cela n'ait pas été
souligné parce qu'il me semble que cela répond, au moins dans une
certaine mesure, aux objectifs que vous poursuivez les uns et les autres. Il y
a quelque chose d'essentiellement nouveau à l'article 131, qui
m'apparaît majeur: "La régie rend ses décisions par
écrit et en transmet copie sans délai aux personnes
intéressées." Voici la nouveauté: "La régie doit
motiver ses décisions." Cela aura pour effet de constituer une
jurisprudence, une jurisprudence qui sera évolutive - je ne sais pas
dans quel sens - et sur laquelle la régie pourra s'appuyer. Les
tribunaux aussi, éventuellement, pourront s'appuyer sur cette
jurisprudence. Cela n'existait pas - vous en conviendrez tous et toutes - dans
l'ancienne loi. Cela m'apparaît être un changement majeur que vous
n'avez pas souligné, M. Dufresne.
Mme Busque: On a peut-être mal interprété
l'article.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Mme Busque:
Pardon?
Le Président (M. Gagnon): Si vous le permettez, madame, on
va laisser...
Mme Busque: Oui.
Le Président (M. Gagnon): ...M. le ministre terminer.
M. Richard: Cela m'apparaît être un changement
majeur...
Le Président (M. Gagnon): Je pense que cela s'adresse
d'abord à M. Dufresne.
M. Richard: ...qui, il me semble, aurait dû être
souligné. Vous savez, on a eu une longue discussion avant-hier - Mme
Lavoie-Roux l'a évoqué avec la présidente du Conseil du
statut de la femme - et on a demandé: Est-ce que vous pourriez
énumérer les critères? Je vous avoue, en toute modestie,
que je me sens absolument incapable d'énumérer ces
critères. En ce sens-là, je rejoins tout à fait les propos
du député de D'Arcy McGee; je suis incapable de les
énumérer. La présidente du Conseil du statut de la femme
nous a dit: Bon, écoutez, peut-être qu'on pourrait y
réfléchir éventuellement. Mais quant à moi, je n'ai
jamais vu ces critères nulle part, sauf que, en créant une
jurisprudence, on répond peut-être à la question que vous
posez parce que cette jurisprudence-là n'existe pas.
Le Président (M. Gagnon): M. Dufresne. M. Dufresne:
Oui, mais vous le faites...
Le Président (M. Gagnon): Avant de vous laisser la parole,
si vous le permettez, je vais vous demander d'être très bref dans
vos réponses parce que j'ai au moins quatre ou cinq intervenants encore
d'ici à midi.
M. Dufresne: Oui, d'accord. En fait, si vous êtes soucieux
des critères, comment se fait-il que dans le projet de loi vous confiez
la responsabilité du classement à du personnel
désigné par le président? Il me semble que, comme
irresponsabilité, on ne fait pas mieux. La régie va prendre ses
décisions. Elle va les communiquer aux personnes
intéressées, c'est-à-dire aux exploitants, aux
distributeurs qui auront remis des films. Le public n'aura pas accès
à cela et les décisions en question vont se faire à partir
de quoi? On ne le sait pas et les décisions subséquentes vont se
faire à partir des premières décisions qui, encore
là,
se seront faites à partir de quoi? On ne le sait pas. Ce sera un
processus qui sera purement interne, qui ne sera pas ouvert à la
population. La population n'aura pas accès, justement, à la
définition de ces critères. Nous, non plus - on vous l'a dit -
nous ne sommes pas capables de les créer, mais ce qu'on voudrait, c'est
que ce soit des personnes qui sont justement dans le champ de la défense
des droits et libertés des personnes. Ce sont ces personnes qui sont les
mieux à même de définir exactement ce qui est
discriminatoire et ce qui ne l'est pas. Ce n'est pas une question de vertu,
c'est vraiment une question de recherche.
Le Président (M. Gagnon): Mme Busque, vous vouliez ajouter
quelque chose?
Mme Busque: M. Richard, vous parliez de l'article 133 ou 134?
M. Richard: 131.
Mme Busque: 131. Si c'est le sens que vous avez voulu lui donner,
je vous félicite. C'est un pas en avant pour nous. Par contre, on ne l'a
pas interprété comme cela parce qu'on a interprété
"les personnes intéressées" comme signifiant, étant
donné que le classement, le droit de révision et le droit d'appel
n'étaient accordés qu'à l'industrie, que vous rendriez vos
décisions aux producteurs, aux cinéastes, par écrit, ce
qui, pour nous, ne les rendait pas nécessairement accessibles au public.
"Les personnes intéressées", pour nous, c'était
l'industrie. Si vous me dites qu'il peut être interprété
comme incluant le public en général, c'est autre chose. Mais,
est-ce que ce n'est pas l'industrie qui est visée là-dedans?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, avez-vous
terminé? Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: C'est très court. Je n'ai pas entendu la
réponse du ministre tout à l'heure à la suggestion du
Front commun contre la pornographie, à savoir s'il pourrait envisager la
possibilité d'ajouter à la régie des membres qui
viendraient des organismes qui ont été suggérés
là ou d'autres organismes. Je vois bien leurs fonctions; par exemple,
ils accordent des permis, ils délivrent des permis, ils tiennent un
répertoire des films produits, mais, strictement sur la question du
classement des films, est-ce que pour cette fonction, on ne pourrait pas
créer, je ne sais pas, une sous-régie, une sous-commission
où ces gens pourraient être introduits si vous pensez que ce ne
serait pas nécessaire de les impliquer dans toutes les autres
activités ou fonctions qui incombent à la régie?
J'aimerais avoir la réaction du ministre. Je pense qu'on pourrait
peut-être trouver là, au point de départ, un moyen
d'arriver à ce consensus ou de penser qu'on respecte mieux le consensus
social que de le limiter strictement à trois personnes qui
décideront, elles, de ce consensus social. Au moins, vous auriez un
éventail plus grand et vous permettriez, je pense, d'atteindre un peu
mieux ce consensus social.
M. Richard: Alors, Mme la députée de L'Acadie, vous
vous rappellerez qu'au début des séances de cette commission
parlementaire mon collègue, le critique de l'Opposition en
matière culturelle, le député de Saint-Henri, a
appuyé le projet de loi, mais en parlant aussi d'une possibilité
de ce qu'il a qualifié de "contrôlite". Je voulais, justement,
éviter l'abus des contrôles. Cela me paraît, en tout cas,
difficile au sein de la même régie, compte tenu de la
multiplicité de ses mandats, d'avoir des membres de la régie qui
ne seraient nommés que pour une partie des mandats confiés
à la régie. Cela me paraît assez difficile. Est-ce que
c'est soluble? Je ne le sais pas, on y réfléchira. Mais comment
le gouvernement pourrait-il nommer des personnes qui ne seraient nommées
que pour remplir une partie des mandats confiés à la
régie? Il y a une chose dont je peux vous donner la garantie, c'est que,
dans le choix des membres qui composeront la régie, nous serons
extrêmement prudents pour rejoindre ce que le député de
D'Arcy McGee appelle le consensus social.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas en faire la discussion ici; on en
discutera à l'étude article par article. Je voudrais simplement,
comme le ministre nous indique qu'il y réfléchira
profondément, lui indiquer qu'il y a, à l'intérieur du
Conseil des collèges, deux sous-commissions, si je peux les appeler
ainsi, qui s'occupent de questions particulières relatives au
fonctionnement des collèges. Alors, je pense que ce n'est pas une chose
absolument nouvelle. Ce ne serait pas ajouter des contrôles
supplémentaires; ce serait permettre que les contrôles s'exercent
avec un meilleur discernement, je pense. C'est simplement cela, on y
reviendra.
M. Richard: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Si on partage votre analyse - c'est mon cas - voulant
que le discours dominant soit un discours misogyne, que ce discours dominant
soit dans les productions culturelles ou dans les instances politiques,
économiques ou sociales, il y a un discours
dominant qui est misogyne. À partir du moment où l'on
pense que, sous le couvert de la pornographie, il y a effectivement une
propagande antiféminine, là où on s'interroge, c'est sur
les moyens et sur les recommandations qui peuvent renverser ces situations.
C'est ce qui m'amenait, par exemple, dans la discussion avec le Conseil du
statut de la femme, à m'interroger à savoir si parfois le mieux
n'était pas l'ennemi du bien. Je remarque, en fait, la recommandation
que vous faites; à savoir le front commun que vous représentez
demande qu'il y ait un droit de révision et un droit d'appel en Cour
provinciale pour des individus et des groupes d'individus au sujet de la
classification d'un film. Dans la mesure où il y a ce discours dominant
et où, comme groupe de pression, puisque vous représentez des
groupes de pression, dans la mesure où vous porteriez en appel ou en
révision une décision de classement... Il faut bien voir que,
dans des circonstances comme celle-là, la décision de classement
qui fait l'objet de l'appel, par exemple, est maintenue jusqu'à la
décision de la Cour provinciale. C'est donc dire que le film contre
lequel vous demanderiez une révision en Cour provinciale serait à
ce moment visionné. Je me demande: N'y aurait-il pas comme
conséquence de lui donner une publicité qui amènerait
finalement une plus grande audience au film? Alors, n'est-ce pas l'effet
inverse de celui qui est recherché? Je ne sais pas ce que vous pensez de
cela.
Le Président (M. Gagnon): Mme Busque.
Mme Busque: Je pense qu'il y a une mauvaise interprétation
de notre recommandation parce que notre recommandation ne vise pas une
révision en Cour provinciale. Le droit d'appel s'exercera en Cour
provinciale parce qu'on s'est dit: Quel mécanisme? À supposer que
ce soient les régisseurs ou commissaires ou membres de la régie -
peu importe comment on les appelle - qui effectuent le classement des films, ce
sont eux aussi qui devraient faire la révision.
La révision, c'est un mécanisme où on demande aux
personnes qui ont effectué une tâche de la
réévaluer. Donc, c'est à ce niveau d'abord que devrait se
passer la majeure partie de nos contestations sur le classement des films. Nous
avons demandé l'introduction d'un droit d'appel en Cour provinciale dans
des cas, probablement, tout à fait extrêmes, mais le
mécanisme qui devra être employé... La voie normale devrait
être le processus de révision auprès des personnes qui ont
effectué le classement la première fois.
Mme Harel: En termes pratiques, est-ce que le contrôle
judiciaire est plus adéquat? Si tant est qu'il s'agit de cas
extrêmes, comme vous le dites, il y a des injonctions qui peuvent
être prises en vertu des lois en vigueur.
Mme Busque: On a beaucoup réfléchi à cette
question du droit d'appel en Cour provinciale, sauf qu'on n'est pas des
spécialistes en droit administratif et on était très
embêtés, avec la structure qui est proposée, de
prévoir, à l'intérieur même du processus
administratif, un droit d'appel.
Donc, notre seule ressource était la Cour provinciale parce
qu'à l'intérieur même de la régie, il n'y avait pas
de structure nous permettant d'aller plus haut.
Le Président (M. Gagnon): M. Dufresne.
M. Dufresne: On a simplement étendu à la population
les droits que le projet de loi no 109 concédait à l'industrie
privée qui pouvait effectivement porter en Cour provinciale les
décisions ne portant pas sur le classement.
Il faut dire que, dans les recommandations du rapport Fournier, il y
avait effectivement le recours à une autre instance que celle qui avait
décidé du classement du film, mais, dans l'émondage qui a
été fait probablement au Conseil du trésor, il semble
qu'on ait perdu ce droit de porter en appel.
De toute façon, ce droit avait été encore là
limité aux intérêts de l'industrie et non à ceux de
la population. C'est un problème généralisé avec le
projet de loi.
Le Président (M. Gagnon): Mme Matte.
Mme Matte: Je pense, Mme la députée, qu'il faut
prendre le risque, à un moment donné, de se présenter
devant le public, que ce soit devant une cour ou... Parce que, regardez
maintenant tout ce qui s'est passé avec la télévision
payante. D'un côté, on nous a dit: Ah! toute cette protestation a
fait de la publicité gratuite au réseau Premier Choix.
Mais, du même souffle et sans se rendre compte du tout du ridicule
de la chose, on nous disait aussi: Mais il n'y a pas de protestations. Comment
se fait-il que personne n'a protesté contre les films qui passent depuis
tant d'années à Sherbrooke, etc.?
À un moment donné, il faut prendre le risque de protester,
de venir devant l'opinion publique et réellement de faire avancer cette
opinion publique par les discussions qui peuvent avoir lieu, même au
risque de faire éventuellement de la publicité à un film
ou à quelque chose comme cela.
D'ailleurs, nous avons distribué ou tout au moins j'avais
demandé qu'on distribue une série de photocopies des lettres de
M. Brault et ces lettres viennent à nous parce que les
gens ne savent pas où se plaindre. Cela vient tout le temps; des
gens qui se plaignent et ensuite on leur dit de se plaindre ailleurs et de se
plaindre ailleurs et de se plaindre ailleurs... Cela retourne. Il n'y a pas de
mécanismes démocratiques pour se plaindre en ce domaine. C'est
cela la vérité. Et, même s'il y en a, ils ne sont pas
appliqués. (12 heures)
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Dufresne.
M. Dufresne: Sur cette question, d'ailleurs, on pourrait
reprendre une recommandation des groupes de femmes qui se sont adressés
au CRTC et de quelques groupes d'hommes aussi, sur la question de la
télévision à péage. On pense que la Régie
des services publics a une responsabilité dans ce domaine. Vous lirez
justement, dans le dossier concernant la plainte qu'un citoyen avait
déposée contre un film présenté à la
télévision de Sherbrooke, qu'on se renvoie la balle de
façon incroyable. Le Bureau de surveillance du cinéma lui a dit
que c'était le CRTC qui était responsable; le CRTC lui a dit que
ce n'était pas lui le responsable, mais le poste de
télévision; et le poste de télévision a dit: Ah!
mon film est visé par le BSC, il n'y a pas de problème.
On pense que, si M. Bertrand ne retraite pas complètement sur la
question de la responsabilité du gouvernement québécois
sur les contenus télédiffusés sur le territoire
québécois, on pense que ce serait une très bonne
idée s'il n'y avait pas de films classés 18 ans et plus
diffusés à la télévision, tout simplement. Ce
serait d'abord une façon d'assurer le contrôle de la régie
sur les films utilisés au Québec, ce qui est la loi actuelle, et
de limiter ceux qui sont visibles à la télévision. Les
films classés 18 ans et plus, il ne faut pas se le cacher, sont des
films d'exploitation sexuelle. Ce sont ceux-là qui sont actuellement
classés 18 ans et plus au Québec. Alors, on pense
qu'effectivement, ils n'ont pas d'affaire à la télévision
parce que c'est un médium beaucoup plus efficace et incontrôlable,
comme nous le disait le député de D'Arcy McGee, et donc que la
norme, qui a été, sauf une très rare exception, jusqu'ici
que des films classés 18 ans et plus n'étaient pas
télédiffusés, devrait s'appliquer. Avec le nouveau
classement qu'on propose, et qui serait fondé beaucoup plus sur
l'identification des formes discriminatoires à partir de discours et non
pas sur la représentation explicite, il pourrait y avoir des films de
rapports sexuels, mais ce ne seraient pas les films sexistes qui passent
actuellement et qui suscitent justement la protestation de tant de femmes et de
quelques hommes.
Le Président (M, Gagnon): Merci. M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: M. le Président, pour répondre un peu
à ce que le ministre disait tout à l'heure et pour appuyer aussi
en même temps la demande de Mme la députée de L'Acadie, je
me permets d'ajouter que ce n'est pas en ajoutant une commission de
surveillance qu'on provoquera la crise aiguë de "contrôlite". Cela
sera peut-être plutôt un sédatif, parce que, enfin, surtout
si cela répond vraiment à un consensus public... Ce n'est qu'une
petite mise au point.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: Je ne voudrais pas recommencer toute la discussion,
mais, dans votre mémoire, vous avez fait état des années
précédentes et des régimes précédents en
retournant jusqu'au duplessisme. Mais je pense que mon âge me permet de
dire qu'on a quand même vécu certaines de ces années. Avec
toute cette société permissive, au fond, qu'on s'est
donnée et ce déblocage qu'on a voulu voir et qui était
pour nous, peut-être souvent, du rattrapage, on a encore l'impression,
à entendre M. Dufresne ce matin, que les relations hommes-femmes ne sont
pas encore réglées. Vous faites même état de ces
difficultés qu'ont les hommes et les femmes à se connaître
et à se comprendre. Arrivera-t-on un jour... On a l'impression que vous
demandez aux législateurs: Réglez notre problème. Je pense
que ce n'est pas dans une loi qu'on peut régler cela, mais c'est
peut-être en essayant de trouver ensemble ce consensus qu'on peut
atteindre dans la population et qui soit le même pour tout le monde. Je
pense que c'est un peu cela.
Trouvez-vous qu'il y aurait un article à ajouter au projet de loi
no 109, que vous n'avez pas mis dans vos recommandations, et qui ferait en
sorte que cette Loi sur le cinéma et la vidéo pourrait permettre
une meilleure compréhension?
M. Dufresne: Je vous répondrai en vous citant l'exemple de
Bonnie Klein qui a fait le film: "Ce n'est surtout pas de l'amour". Elle avait
commencé, avec les femmes de studio D, par faire un projet de film
érotique. Elle s'était dit: On va faire un beau film sur la
sexualité, on a envie d'en faire un. Elles ont travaillé pendant
un an et elles se sont aperçues qu'elles ne pouvaient pas faire le film
tant que la pornographie n'avait pas été dénoncée
et n'avait pas été contrée de toutes les façons
possibles et impossibles.
On lutte de toutes les façons possibles et impossibles. On se
décarcasse, on traduit des bouquins, on va voir des gens, on discute
avec des gens, on passe des tracts, on fait des manifestations, on écrit
des lettres, on multiplie les façons d'essayer de sensibililer
les gens, mais on ne peut rien faire contre une industrie de 8 000 000
000 $ qui détient de telles complicités dans l'industrie et
surtout au gouvernement, lorsqu'on voit que des lois qui existent ne sont pas
appliquées. Regardez les efforts d'éducation sexuelle, par
exemple, que fait le ministère de l'Éducation. Ce n'est qu'une
goutte d'eau face à l'océan de la pornographie. Cela sera encore
pire avec la télévision à péage et cela sera encore
pire avec le projet de loi no 109 qui nous annonce que bientôt on aura un
affichage incontrôlé et une publicité
incontrôlée, et que les enfants seront admis au cinéma. Que
voulez-vous faire face à une machine aussi grosse que cela? Je pense que
les citoyens sont en droit d'attendre du gouvernement une intervention, ne
serait-ce que faire appliquer ses lois. Ces lois, il est dommage que des gens
les lisent encore selon la grille dont vous nous parlez qui est la grille de la
grande noirceur, de la répression.
On dit, nous, que la répression a changé de camp.
Aujourd'hui, que font les groupes de droite? Les groupes de droite, aux
États-Unis, luttent contre toutes les mesures où l'État
interviendrait pour contrer la loi du plus fort. On voit la droite, par
exemple, lutter contre les régies des loyers, lutter contre les mesures
d'aide sociale, lutter contre la taxation des classes moyennes, lutter contre
le droit des femmes pauvres à un avortement. C'est cela, les champs
d'activité de la droite. Entre autres, ils défendent
forcément la liberté d'expression, la liberté d'expression
des pornocrates. Celle des femmes, on n'en parle pas. Celle de la
sexualité elle-même, on n'en parle pas. L'éducation
sexuelle, ils travaillent contre, mais la pornographie, ils la
défendent.
Il me semble que le PQ devrait être fidèle à son
mandat. Il devrait être fidèle à son approche qui a
toujours été celle de défendre le faible contre le fort,
d'être le faible contre le fort à Ottawa et ne pas simplement se
liguer avec le crime organisé qui fait la majorité des films
pornographiques aux État-Unis, des films qui sont "dumpés" ici
sur le marché, qui nuisent aux cinéastes québécois
qui voudraient faire des films différents.
Ces films sont écoulés à des prix ridicules,
évidemment, parce que les actrices ne sont presque pas payées,
parce que personne n'est payé. Il y a des vols, il y a toutes sortes de
passes qui se font: des vidéo cassettes qui sont copiées dans des
sous-sols, comme on a pu le voir dans le Journal de Montréal la semaine
dernière. C'est cela qui s'imposera de plus en plus si le
législateur n'intervient pas pour faire respecter sa loi.
Le projet de loi no 109 est un immense pas en arrière dans ce
domaine. C'est dommage. C'est un projet de loi qui a été
rédigé par l'industrie. On a 300 000 signatures ici pour
réclamer que les intérêts de la population soient
défendus. On a travaillé très attentivement à
chacune de ces recommandations. On pense que, si elles étaient
appliquées, cela changerait, et là pourrait émerger,
justement, cette transformation des rapports humains. Mais en attendant, on
fait face à un barrage de propagande haineuse, comme disait la
députée de Maisonneuve, et on ne peut rien faire face à
cela.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Dufresne. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais remercier M. Dufresne de son cadeau,
"L'envers de la nuit", publié au Québec. Je vais le lire
attentivement, j'ai vu déjà qu'il a des chapitres
intéressants.
J'aimerais passer d'une discussion générale à une
discussion sur des cas particuliers. J'imagine, M. Dufresne, que vous
êtes au courant des films qu'on visionne au Québec. J'aimerais
savoir si vous pouvez vous rappeler des films que le bureau de surveillance a
laissé passer pour visionnement au Québec et que vous auriez
interdits.
M. Dufresne: Oui, certainement, monsieur.
M. Marx: Je sais que "Not a love story" passerait ou "Bonnie and
Clyde". Quels sont les films que vous avez...
M. Dufresne: II y a un film qui a été
présenté au cinéma X il y a un an. Le scénario du
film était qu'une femme était ligotée dans une chaise
roulante, et un homme l'asphyxiait, lui mettait un masque à gaz sur le
visage et se masturbait pendant que cette femme mourait devant lui. Cela, c'est
un film que le Bureau de surveillance du cinéma a accepté,
classé 18 ans et plus.
M. Marx: Quel est le titre de ce film?
M. Dufresne: Je ne me souviens pas du titre...
M. Marx: Au cinéma X...
M. Dufresne: Cela a été présenté au
cinéma X, de M. Roland Smith, qu'on a réussi à faire
fermer et qui est maintenant devenu un cinéma de répertoire
où il y a des films très intéressants. Mais, justement, si
on n'était pas intervenu, ce serait encore des films comme cela qui
seraient présentés et il y aurait des salles X un peu partout
dans la province.
M. Marx: Est-ce qu'il y a d'autres films? Cela, c'en est un.
M. Dufresne: Le programme était constitué de films
comme cela. M. Smith faisait sa publicité en disant: Enfin, on va voir
un bon érotisme avec de la violence. C'étaient des
éléments de publicité qu'il diffusait partout à
Montréal. Les clubs vidéo commencent de plus en plus à
faire ce genre de publicité. Je peux vous parler d'un film comme "A Sex
Maniac's Guy to the USA", "Love Lost and Violence", "Slaves of Love", des films
qui commencent déjà à circuler.
M. Marx: Ces films étaient passés par notre bureau
de...
M. Dufresne: Non, déjà, ces films circulent et ne
sont pas classifiés par le Bureau de surveillance du cinéma.
M. Marx: Ils sont...
M. Dufresne: Ils circulent par le club vidéo, parce que M.
Guérin n'applique pas la loi actuelle au club vidéo, par son
libre choix, comme il s'est opposé à M. O'Neill.
M. Marx: Cela veut dire des vidéocassettes?
M. Dufresne: Oui.
M. Marx: Vous voulez interdire le visionnement...
M. Dufresne: Les films sexistes.
M. Marx: ...des vidéocassettes dans les vivoirs des gens,
c'est cela?
M. Dufresne: Non, non, pas du tout. M. Marx: Non?
M. Dufresne: Si vous lisez la proposition que vous avez sous les
yeux, il s'agit de ce qui est fait sur une base commerciale. On reste dans le
statu quo, dans les textes de la loi actuelle qui s'appliquent à tous
prêts, locations, échanges de films sur une base commerciale au
Québec. C'est simplement ce que la loi dit.
M. Marx: Oui, mais une vidéo...
M. Dufresne: On pense qu'elle devrait être
appliquée.
M. Marx: Est-ce que vous faites une distinction entre une
vidéocassette que quelqu'un regarde chez lui et un film qu'on voit dans
une salle ouverte au public?
M. Dufresne: Oui, je fais cette distinction, parce que,
justement, ce qui est visé, c'est l'échange commercial de telles
vidéocassettes, ce sont les gens qui font cela pour de l'argent.
Effectivement, si quelqu'un veut tourner une vidéocassette chez lui et
la visionner, ou inviter un ami à la voir sans le faire payer, il n'y a
pas de problème du tout. Ce qu'on vise, c'est le marché de la
pornographie. C'est une industrie de 8 000 000 000 $.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, Mme Matte avait
demandé la parole, je crois.
Mme Matte: M. Marx, je voulais vous demander ceci. Si vous avez
mangé de la viande avariée au restaurant, ou si vous avez
consommé cette même viande avariée chez vous à la
maison, est-ce que cela fait une différence en ce qui concerne votre mal
d'estomac? Non. Cela serait exactement la même chose.
C'est parce que cette viande doit être contrôlée pour
être consommable sans qu'on soit malade qu'on a établi des
contrôles au moment de la production et au moment de la vente de cette
viande. Cela n'a aucune espèce d'importance qu'on la consomme seul chez
soi ou qu'on la consomme ensemble avec d'autres dans un restaurant. C'est
là-dessus qu'il faut justement souligner notre recommandation. C'est au
niveau de la production et au niveau de la commercialisation du produit.
M. Marx: J'aimerais répondre à ce petit point. Il y
a une jurisprudence...
Le Président (M. Gagnon): M. le député,
est-ce qu'on peut dire "en terminant", parce qu'on a déjà
dépassé l'heure?
M. Marx: Oui, c'est en terminant. Il y a une jurisprudence aux
États-Unis où la Cour suprême des États-Unis a dit:
On ne peut pas interdire à quelqu'un de visionner ce qu'il veut chez
lui, à la maison. Même s'il veut manger de la viande
avariée et se faire mal à la maison, on va lui donner cette
possibilité. Il ne faut pas oublier qu'il y a interdiction de visionner
l'obscénité. Ça, c'est la viande avariée qu'on
interdit dans le Code criminel.
Mme Matte: ...l'applique pas et il n'y a pas moyen pour un
citoyen de la faire appliquer.
M. Marx: C'est un autre problème et peut-être qu'il
faudra, à un autre moment, lors d'une autre commission, discuter de ce
problème.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. Mme Busque avait demandé la
parole.
Mme Busque: Non, je n'ai pas demandé
la parole.
Le Président (M. Gagnon): Alors, M. le ministre.
M. Richard: M. le Président, encore une fois, je voudrais
remercier les intervenants d'avoir engagé le dialogue avec nous. Je
voudrais conclure sur deux observations.
La première, c'est que, quand il s'agit de vidéocassettes
pour utilisation en privé, comme on l'a invoqué tout à
l'heure, il est vrai que le bureau de surveillance n'a pas à intervenir
là-dessus puisque c'est pour consommation privée. Quand il s'agit
de vidéocassettes pour utilisation en public, là le bureau de
surveillance intervient.
Maintenant, pour vous montrer combien la question est complexe,
difficile, je voudrais vous rappeler que le Congrès juif est venu se
faire entendre hier. Le Congrès juif, qui représente une
communauté ethnique qui plus que n'importe quelle autre a subi des
traumatismes à travers son histoire, réclame l'abolition de toute
forme de censure. Ça fait réfléchir, en tout cas. Toute
forme de censure et même de surveillance, et c'est le Congrès juif
qui réclame ça. C'est ce qu'ils sont venus nous dire durant plus
d'une heure hier, même deux heures, je crois. Pour eux, toute forme de
censure est une entreprise périlleuse qui est finalement socialement
condamnable.
Mme Matte: Je n'ai pas lu leur mémoire pour être
capable de répondre. Je ne sais pas sur quoi ils se basaient. Mais, de
toute façon, ce n'est pas notre avis.
Le Président (M. Gagnon): Je dois, à ce moment-ci,
remercier le Front commun contre la pornographie ainsi que Collectif masculin
contre le sexisme pour leurs excellents mémoires. J'invite le Conseil du
Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs à
s'avancer. M. Michael Bergman.
M. Bergman (Michael): Bergman, oui. (12 h 15)
Le Président (M. Gagnon): Je vous cède la parole.
Je vous demande de présenter celui qui vous accompagne ainsi que votre
mémoire.
Conseil du Québec de la Guilde canadienne des
réalisateurs
M. Bergman: Merci. Je suis Me Michael Bergman, avocat du Conseil
du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs. À ma
droite, M. Larry Kent, président de notre conseil.
Je veux dire que notre conseil est un chapitre autonome, un syndicat
professionnel en association avec la guilde canadienne des réalisateurs,
association canadienne qui représente les réalisateurs ici au
Québec par voie d'un conseil, ainsi que dans tout le Canada.
Nous avons parmi nos membres des assistants-réalisateurs, des
directeurs artistiques et d'autres assistants dans le domaine du personnel
créatif de films de court et long métrages. Nous sommes
très intéressés au projet de loi à l'étude
devant cette commission, lequel a pour but de créer et maintenir une
industrie québécoise dans le domaine des films et du
cinéma. Nous avons une question à poser: Pourquoi la plupart des
réalisateurs, ici au Québec, sont-ils des chômeurs? La
réponse que je veux donner n'est pas simple. Malheureusement, on a une
pratique au Québec, avec les producteurs de films et les compagnies de
production, celle d'embaucher des réalisateurs étrangers,
c'est-à-dire des Américains d'Hollywood, des Français de
France et d'autres pays. Nous avons des réalisateurs, ici au
Québec, d'une très bonne qualité et avec une très
grande réputation internationale, qui ont gagné des concours
internationaux au festival de Cannes et à d'autres sortes de festival.
Nous avons toujours un sérieux problème quant au chômage
parmi les réalisateurs.
Nos producteurs pensent qu'on a besoin d'étrangers pour trouver
des fonds d'investissement. Chaque film est complété parce que
tous les films se font sur une base d'investissement privé, soit par des
prospecteurs, soit par des recherches d'investisseurs privés faites par
des courtiers. Selon les producteurs, ils ont besoin de réalisateurs qui
possèdent un nom connu à Hollywood, à Paris et
peut-être en d'autres pays. D'après les producteurs, il semble
qu'ils ont besoin de réaliseurs américains en tout temps.
Pourquoi? C'est parce qu'il y a une opinion - à mon avis très
fausse - que ce sont seulement les réalisateurs américains et
étrangers qui peuvent obtenir les fonds d'investissement.
On doit réfléchir sur le fait qu'avoir des compagnies de
production au Québec ne veut pas dire avoir une industrie nationale du
film. Ici, au Québec, on a des films, des locaux où on peut faire
des films en utilisant Montréal comme Toronto, comme New York, comme
Londres, comme Paris, n'importe quelle ville. Si on a un réalisateur
étranger, on a une image, une apparence d'un film étranger, par
exemple les films Porky's, Atlantic City et d'autres films anglais et
français. Il y a des films français, ici au Québec, qui
semblent être révisés en France. C'est le
réalisateur qui donne l'image, l'apparence, l'impression d'un autre
milieu québécois, d'une autre société, d'une autre
moralité, d'une autre perspective. C'est pourquoi nous avons besoin de
nos réalisateurs dans chacun de nos films québécois. S'il
était de la responsabilité de
nos réalisateurs québécois de créer une
industrie nationale, une perspective québécoise qui
représente notre milieu, notre société, on créerait
les moyens pour assurer que chacun de nos réalisateurs ait la chance de
gagner sa vie.
C'est le but de toute planification culturelle, de tout projet de loi
dans le domaine du cinéma, d'après le conseil, de s'assurer, par
des mesures législatives, que les producteurs de films embauchent des
réalisateurs de notre province. Il y a beaucoup de moyens de convaincre
les producteurs de films de faire cela. Comme le savent tous ceux qui ont
étudié ce projet de loi, il y a des méthodes, des
systèmes d'aide, de subvention et d'avantages gouvernementaux pour avoir
des organismes ou d'autres agences créées par la loi ou
déjà créées. Si la population
québécoise doit financer des films, elle a le droit d'utiliser le
plus possible, pour chaque film, notre personnel créateur, nos
techniciens et nos réalisateurs.
Le conseil demande que la loi dise, parmi ses dispositions, que chaque
producteur de films, chaque compagnie de production qui a le
bénéfice de l'aide gouvernementale, d'autres investissements
gouvernementaux et même des bénéfices fiscaux... Parce que,
si on connaît notre industrie, ici au Canada, depuis quelques
années, on a des avantages, des systèmes d'amortissement fiscal
jusqu'à 100%. On reconnaît que, dans le rapport Fournier, on fait
la recommandation qu'ici au Québec, on ait un amortissement de 150%.
Chaque producteur de films qui a ces avantages doit s'engager à
embaucher des réalisateurs de notre milieu, sans quoi il est impossible
d'avoir de tels avantages.
D'autres points. Si on a une industrie du film, c'est bien beau de dire:
Nous avons 200 compagnies de production; nous avons créé une
atmosphère comme celle de Hollywood à Montréal ou à
Québec. Ce n'est pas simplement par la création et la promotion
des compagnies de films qu'on va avoir une industrie stable pour l'avenir, on
doit avoir une certaine harmonie des relations entre les syndicats ou guildes
qui représentent les techniciens, le personnel créateur, les
réalisateurs et les producteurs de films.
Voici un autre problème très grave dans notre industrie.
Notre industrie n'a pas la même façon de négocier des
contrats collectifs que les autres firmes industrielles. Pourquoi? C'est parce
qu'il n'existe pas, même aux États-Unis, un seul groupement de
compagnies de production. Chaque film, même si on a le même
producteur physiquement, est tourné par l'entremise d'une compagnie
différente pour protéger le producteur. Il n'existe pas, par
exemple, même aux États-Unis, 100 films par année produits
par Universal Films. On connaît le nom Universal, mais, chaque fois qu'il
y a un film, Universal a incorporé une autre compagnie pour
protéger ses intérêts. Les avocats ici connaissent
très bien l'utilité d'avoir une compagnie chaque fois qu'on fait
quelque chose. C'est la même chose ici dans l'industrie du film.
C'est pourquoi il est très difficile de suivre les
formalités prévues dans notre Code du travail.
L'accréditation des locaux syndicaux est presque impossible parce que,
premièrement, chaque fois on a une autre compagnie; deuxièmement,
la compagnie existe en tout temps, mais elle existe pour la durée du
travail, pendant peut-être deux, trois ou quatre mois et, une fois le
tournage terminé la compagnie n'a rien comme actif.
Maintenant, les syndicats ou les conseils de syndicats ont essayé
de négocier des conventions collectives avec chacun des producteurs,
avec des fédérations de producteurs de films, mais il y a
beaucoup de producteurs qui veulent échapper aux dispositions
prévues dans nos conventions collectives et qui refusent de
négocier une telle convention. Pourquoi? Notre réponse est
très simple. Beaucoup de producteurs de films veulent échapper
aux honoraires minimaux prévus dans les conventions collectives, pour
épargner certaines sommes d'argent dans le budget. Cette pratique force
nos réalisateurs à travailler sur une base moins que normale,
moins que reconnue dans notre industrie en Amérique du Nord, pas
uniquement au Québec. Cette pratique interdit le développement
d'une base stable des réalisateurs au Québec avec de
l'expérience et avec une réputation. Cette pratique condamne nos
réalisateurs à un état non pas de pauvreté, mais
à un état de chômage de presque six mois chaque
année. Pour rectifier cette pratique, le conseil demande que chaque
producteur ou compagnie de production qui a obtenu des bénéfices,
des subventions ou d'autres bénéfices fiscaux, de l'aide ou de
l'investissement gouvernemental, doive auparavant signer tout contrat collectif
avec les syndicats responsables pour les techniciens, pour le personnel
créatif et surtout pour le réalisateur. (12 h 30)
Pour avoir ici une industrie, on doit maintenir la base du personnel
créatif. Ces gens sont, au fond, l'industrie. Les producteurs sont
simplement des organisateurs, des gens qui embauchent le personnel, qui
trouvent les fonds en argent, qui trouvent les scénarios, qui trouvent
les droits. Mais chaque film est tourné par une équipe. Ce qu'on
voit sur l'écran, ce n'est pas le résultat du producteur d'un
film, c'est le résultat d'une équipe de professionnels: les
réalisateurs et autre personnel créatif.
Le conseil pense qu'il y a beaucoup de chapitres dans nos projets de
loi, devant nos
commissions. Le projet de loi lance la balle dans l'industrie. Comment
peut-on avoir une industrie, ici au Québec, quand le projet de loi fait
la même erreur que d'autres projets de loi canadiens, en pensant que ce
sont uniquement les compagnies de production qui seront notre industrie, qui
assureront qu'il existe une industrie québécoise, canadienne,
n'importe laquelle, qu'on a des films qui démontrent notre
société?
Si on regarde des films canadiens ou québécois, la plupart
de ces films sont des photocopies des films américains; c'est
destiné au marché américain. C'est le résultat d'un
espoir que les Américains aiment notre image, notre apparence. C'est
complètement faux. Ce n'est pas la façon de créer une
vraie industrie ici au Québec. Une vraie industrie comprend une image
cinématographique qui reflète notre milieu, notre
expérience. On a fait cette expérience en Australie et,
maintenant, il y a beaucoup de films australiens qui ont un grand succès
sur le marché international.
Ces films ne sont pas des photocopies de la vie américaine, mais
montrent la société australienne. Le but de toute planification
culturelle doit être d'avoir une vraie industrie en utilisant notre
personnel, notre réalisateur.
Un dernier point, c'est un résumé de tout. Ce n'est pas
uniquement une question de convention collective, uniquement une question de
réalisateurs québécois ou canadiens, des images
québécoises ou canadiennes. On doit avoir une stratégie
industrielle qui permette à l'industrie de se développer, de
façon qu'on ait l'espoir à l'avenir, dans quelques années,
qu'elle n'aura pas besoin de subventions, d'aide fiscale ou d'autres aides.
Nous sommes d'accord qu'aujourd'hui elle a besoin d'aide, de subventions et
d'investissements, comme on dit, et d'autres formes de subventions.
Cette stratégie industrielle comporte qu'on a des
scénarios écrits au Québec, des compagnies de production
stables, avec une vie certaine, qu'on engage nos réalisateurs, qu'on a
un marché pour nos films. Même dans les parcs de cinéma,
dans les cinémas et à la télévision, on a le
marché pour nos films. Nous avons la possibilité, avec notre
technologie maintenant, de promouvoir sur le marché
québécois et canadien tous nos films avec le succès que
nous avons déjà. C'est pourquoi le conseil demande aussi que la
commission pense à l'application d'une vraie stratégie
industrielle, par laquelle tout membre de notre industrie sera
protégé. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Richard: M. le Président, je veux féliciter M.
Bergman pour la qualité de sa présentation. J'aurais deux
questions à lui soumettre. La première: combien de
réalisateurs proprement dits, regroupez-vous au Québec?
M. Bergman: Nous sommes 60 réalisateurs. Il y a un autre
groupe. On doit reconnaître une chose. Notre conseil représente la
plupart des réalisateurs dans le domaine des films de long ou court
métrage. Il y a d'autres réalisateurs non affiliés
à un syndicat ou guilde ou conseil, dans le domaine de la vidéo,
de la télévision, des documentaires gouvernementaux. Ici, au
Québec, nous avons, dans le domaine des films de long métrage,
c'est-à-dire les films que la plupart du public québécois
identifie comme des films, peut-être 100 ou 200 réalisateurs. La
plupart sont des chômeurs.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: J'aurais une dernière question à
formuler. Le problème que vous soulevez, à savoir l'emploi massif
de réalisateurs étrangers dans la réalisation de films au
Québec, est-ce qu'il se pose avec autant d'acuité pour les films
de langue anglaise que pour les films de langue française ou
inversement?
M. Bergman: À mon avis, la question des langues dans le
tournage n'a aucune importance. Par exemple, nous avons des coproductions avec
la France. Il y a des traités entre la France et le Canada ou le
Québec. Dans la plupart de ces coproductions, on a un réalisateur
français, de la République française. C'est la même
chose du côté anglais. Quand il y a une coproduction, on a un type
d'Hollywood ou d'Angleterre. C'est presque la même chose. À mon
avis, ce n'est pas une question de langue de travail ou de langue du
réalisateur. C'est une question, un problème qui implique toute
l'industrie.
M. Richard: Le problème se pose aussi bien pour les films
de langue française que pour les films de langue anglaise.
M. Bergman: Oui, certainement. M. Richard: Je vous
remercie.
M. Bergman: Par exemple, nos membres français doivent
combattre les réalisateurs de France, les membres anglais doivent
combattre les réalisateurs d'Hollywood.
M. Richard: Je vous remercie. Je cède la parole à
un autre de mes collègues.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Henri.
M. Mains: M. Bergman, je crois que la recommandation de fond de
votre mémoire consiste surtout à donner des obligations à
un producteur d'engager un personnel québécois. Est-ce que c'est
la grande idée de votre mémoire?
M. Bergman: Oui. Un autre réalisateur d'ici, que nous
avons ici au Québec ou au Canada. Mais on parle ici d'un projet de loi
québécois, on parle ici d'une industrie
québécoise.
M. Hains: Maintenant en bas de la première page de votre
document vous faites la déclaration suivante: "Une politique du film qui
permet, même à des producteurs locaux, d'utiliser des
réalisateurs étrangers et du personnel créatif n'est pas
une politique du film du tout - j'insiste sur ces mots-là -car le vrai
visage québécois ou canadien d'un film dépend de la
contribution de ceux ayant la fonction créative."
Est-ce que vous ne trouvez pas franchement que cette
déclaration... Moi je la trouvre très très
hermétique, puis même elle me surprend un peu, qu'est-ce que vous
en pensez? À la page 1.
M. Bergman: Je peux simplement dire que si vous êtes des
spectateurs de nos films québécois ou canadiens, on retrouve,
chaque fois qu'il y a un réalisateur étranger, l'image de
l'Amérique, des États-Unis ou de la France, l'image d'un autre
milieu. On a besoin de scénarios avec des tirages, avec des
moralités américaines ou françaises, où sont nos
perspectives.
Nous avons une identité ici au Québec et même au
Canada. Nous avons une autre façon de vivre. La violence n'est pas une
partie intégrante de notre milieu de la même façon qu'aux
États-Unis.
M. Hains: Merci. Maintenant pages 2 et 3. Vous revenez toujours,
là je n'ai pas de citation, sur cet ajustement, cette utilisation comme
vous le dites du personnel créatif indigène, au point de vue
syndical et au point de vue professionnel. Vous insistez beaucoup sur cette
protection du champ de travail. C'est très bien. Je vous demande
à ce propos-là ce que vous attendez du projet de loi 109 que nous
avons éventuellement devant nous.
M. Bergman: C'est très simple. Chaque producteur doit
signer une convention collective avec guilde syndicale des réalisateurs
ou d'autres techniciens. On doit comprendre que dans l'industrie du film chaque
seconde, chaque minute dans le tournage d'un film coûte 2000 $, 3000 $,
5000 $. On a un budget restrictif. Si on a 2 000 000 $ pour un film, ce n'est
pas comme dans d'autres industries où il leur est possible d'emprunter
d'autres sommes d'argent ou d'avoir plus de crédit. Nous avons 2 000 000
$ peut-être pour deux ou trois mois de tournage, mais c'est tout. Une
journée de plus, c'est impossible. C'est pourquoi chaque producteur veut
éviter les dispositions des contrats ou des conventions qui impliquent
de l'argent. Chaque producteur veut que les réalisateurs ...travaillent.
Ce n'est pas la question dans le domaine du film où on travaille huit
heures par jour. Parce que dans le domaine du film, on travaille
peut-être 11, 13, 14 heures et même jusque dans la nuit. On veut
que le personnel de création vois le travail à faire en tout
temps et le plus vite possible. (12 h 45)
C'est pourquoi, c'est la seule façon de protéger les
intérêts des réalisateurs et des autres personnes. C'est
par voie de contrat... Une autre chose que je voudrais ajouter. Une grande
partie des honoraires des réalisateurs est payée après le
tournage par un pourcentage des profits ou d'autres façons. On a un gros
problème en comptabilité pour la vérification des comptes.
Parce que même si c'est légal, on peut utiliser des
méthodes de comptabilité pour des personnes qui n'ont aucun
profit. Par cette manoeuvre, les réalisateurs perdent une partie de
leurs honoraires. C'est uniquement par la protection syndicale qu'on peut
protéger les garanties, après le tournage, quand le film arrive
sur les écrans, de la comptabilité des producteurs.
Dans notre mémoire, on a aussi dit que chaque producteur qui
reçoit des bénéfices, dans sa comptabilité qu'il
remet au gouvernement, donne les profits et les revenus de chaque film pour
garantir que chaque réalisateur et le personnel créatif
reçoit ses prestations et ses honoraires basés sur un
pourcentage.
M. Hains: ...en page 3, au premier paragraphe, vous dites ceci:
"L'importation de personnel étranger ne développera pas une vraie
industrie du film mais, plutôt, le Québec ne sera qu'un
emplacement utile, une place où peut-être l'argent sera plus
facilement trouvé à cause de l'assistance du gouvernement."
Dans mon discours d'entrée, j'ai parlé d'un article du
Devoir où on faisait état de près de 100 000 000 $ qui
avaient été investis ici, au Canada, par des producteurs
étrangers. L'auteur de l'article disait que nous n'en n'avions
reçu qu'une très infime partie parce que nous ne semblons pas
intéressés à voir que des étrangers viennent
tourner chez nous, ne serait-ce que pour avoir nos beaux paysages, nos beaux
sites. Vous dites que cela ne développera pas vraiment l'industrie. Ce
que je veux vous dire est ceci. Il est clair, comme on le dit parfois, que
l'argent ne fait pas le bonheur,
mais on ne peut pas dire que l'argent ne fait pas l'industrie. On a
besoin d'argent. Si ces sommes étaient investies dans le cinéma,
je pense que cela serait un bon départ. Je vous demande vos commentaires
à ce sujet. Je trouve un peu dur ce que vous dites à la page
3.
M. Bergman: Nous ne refusons pas les compagnies
étrangères. N'oubliez pas que nous parlons ici de l'industrie
québécoise et pas de l'industrie étrangère. Ce qui
se passe avec les étrangers, les compagnies étrangères,
c'est qu'elles viennent ici parce que notre dollar vaut présentement
moins que le dollar américain. Nous avons des sites ou des locaux
où on peut trouver des maisons, des rues comme à New York,
à Paris, à Londres. Qu'est-ce qui se passe après que le
tournage est complété? La compagnie étrangère
quitte le pays et on n'a rien. On a peut-être eu l'embauche de certains
techniciens, mais on n'a aucun réalisateur impliqué avec les
compagnies étrangères. Ce n'est pas une vraie industrie
québécoise ou canadienne. Ce n'est pas exactement la même
chose avec les filiales des compagnies américaines qui s'installaient
ici et travaillaient un certain temps ici, à Québec ou au Canada.
On a une compagnie ici pendant deux ou trois mois et, après ce temps,
c'est terminé et: "bye bye Québec, bye bye Canada et bonne
chance!"
M. Hains: En disant, peut-être, "bye, bye, Canada", s'ils
ont laissé quelques millions de dollars, disons que, au point de vue du
commerce - s'ils s'en vont dans les Laurentides - ils vont peut-être
faire vivre les restaurants, les hôtels, etc., pendant un bon bout de
temps. Deuxièmement, ils peuvent bien, avec l'apport de votre syndicat,
prendre des techniciens, n'importe qui, et cela peut créer beaucoup
d'emplois. Alors, même s'ils nous disent "bye, bye Canada", après
avoir fait un film, s'ils laissent un petit million ici, pour l'industrie du
Québec, pour l'industrie même du cinéma, je pense que c'est
quand même avantageux.
M. Bergman: Une partie de ce que vous avez dit est vraie mais, si
vous avez, par exemple, 50 000 000 $ ici au Québec, on peut avoir
beaucoup d'autres emplois, beaucoup d'autres utilisations des ressources et
richesses québécoises si on a une industrie ici au Québec.
N'oubliez pas que, quand un étranger vient ici, ce n'est pas pour
acheter les droits d'un scénario ou pour payer un réalisateur
québécois ou canadien. Ce n'est pas pour faire la production d'un
film canadien ou québécois, c'est simplement pour utiliser le
local et les bénéfices du dollar et d'autres
bénéfices économiques pour eux-mêmes.
Peut-être que les techniciens et quelques restaurants, hôtels et
autres endroits en bénéficient. Dans le même temps, si on a
une véritable industrie ici, on a beaucoup plus d'argent.
M. Hains: En tout cas, je comprends votre opinion, remarquez
bien. Je trouve aussi que ce serait une bonne chose dans un certain sens de
savoir accueillir ces gens-là pour profiter quand même un peu des
retombées économiques. Maintenant, une autre question. En bas de
la page 3 - et je vais vous citer dans quelques minutes - vous revenez encore
une fois sur une affirmation que je trouve dure, à mon sens, quand vous
refusez toute assistance financière - c'est ce que vous dites - de
quelque forme que ce soit, et je cite les trois dernières lignes:
"...à moins que tout le personnel créatif pour le projet,
incluant le réalisateur, soit engagé parmi le personnel
indigène." Je trouve cela encore, je ne sais pas... Autrement dit, si un
réalisateur étranger s'en vient ici, signe un contrat avec vous
et admettons qu'il engage des artistes, des techniciens et tout cela,
d'après vous, il ne mérite quand même aucune aide
financière parce que ce n'est pas complètement
indigène.
M. Bergman: N'oubliez pas que les voies de l'aide gouvernementale
ne sont pas uniquement la seule façon de détourner une...
D'après nous, si on veut une industrie, le but de ce projet de loi est
de créer une industrie ici. Ce n'est pas de financer des compagnies de
production ou d'utiliser d'autres moyens pour encourager une vraie industrie.
On doit encourager l'embauche d'un autre personnel. Si on veut utiliser un
autre type, des étrangers, nous n'avons aucune objection, mais trouver
une autre façon pour les fonds d'argent, les investissements, c'est
possible. Nous sommes dans une société capitaliste.
M. Hains: J'ai l'impression que ce n'est pas en chassant les
autres de notre parterre...
M. Bergman: Non.
M. Hains: ...qu'on réussira à faire quelque chose
de bien ici. En tout cas... J'ai une dernière question, toujours au
sujet de votre mémoire. La page 6 en plein milieu: Vous parlez des
petits producteurs avec des films à petit budget, d'accord?
M. Bergman: Oui.
M. Hains: Et en plein milieu vous dites ceci: "La loi devrait
prévoir une disposition spéciale ordonnant à la
société de donner une considération spéciale aux
petits producteurs avec les films de petit budget. Alors, qu'est-ce que vous
voudriez demander là-dessus puisque vous dites que la loi
devrait prévoir des dispositions là-dessus? Vous avez
affaire à M. le ministre, il est ici, c'est le temps de lui confier vos
projets.
M. Bergman: Oui. Nous voulons éviter
l'établissement de petits groupes, des compagnies de production, des
producteurs au Québec. Vu qu'on a besoin de 1 000 000 $ pour un film, il
serait très difficile pour les très petits producteurs ou des
réalisateurs-producteurs - il y a des gens qui sont à la fois des
réalisateurs-producteurs - de créer un film avec un petit budget.
Il est très possible d'avoir une industrie avec cinq ou six compagnies.
Nous avons maintenant au Québec ce que d'aucuns appellent "les grands
neuf" les compagnies de production, c'est-à-dire les neuf compagnies de
production principales dans le domaine des longs métrages. On veut avoir
la possibilité d'ajouter d'autres cinéastes, d'autres producteurs
qui ont l'ingéniosité, le pouvoir de tourner un film sur une
autre base, sur une base expérimentale. Normalement, on a des films de
ce genre avec un budget de moins de 1 000 000 $ et on veut avoir une loi, des
dispositions dans un projet de loi et des règlements pour favoriser de
tels budgets, de tels films.
M. Hains: M. Bergman, c'est moi qui vous remercie et, en
même temps, je vous félicite de votre mémoire. Je vous
encourage à continuer à avoir ce souci de la protection de notre
industrie québécoise du cinéma.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: Je vais vous remercier encore une fois.
Le Président (M. Gagnon): Alors, merci au Conseil du
Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs, merci à
leurs porte-parole, MM. Bergman et Kent. Là-dessus, la commission des
affaires culturelles suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise de la séance à 15 h 16)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des affaires culturelles reprend ses travaux aux fins
d'entendre les personnes et les organismes en regard du projet de loi no 109,
Loi sur le cinéma et la vidéo. À la suspension de nos
travaux pour le dîner nous étions rendus au groupe de la
Fédération nationale des communications que je prierais de bien
vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît! Vous êtes
M. Laval Leborgne?
Fédération nationale des communications
M. Leborgne (Laval): Oui.
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez nous
présenter les gens qui vous accompagnent et nous faire la lecture de
votre mémoire, en étant le plus bref possible, de façon
qu'on puisse accélérer un peu le rythme de nos travaux.
M. Leborgne: À mes côtés, M. Maurice Leblanc,
président du Syndicat national du cinéma. M. François
Dupuis, de l'Association des réalisateurs et réalisatrices de
film du Québec, doit arriver d'un moment à l'autre.
J'espère que le président ne nous tiendra pas rigueur des
délais qui ont été encourus par cette commission avant
notre arrivée. Je vais procéder immédiatement à la
lecture de notre mémoire.
Dans le but de mieux vous faire comprendre les objectifs que nous
poursuivons, nous nous permettons à ce moment-ci d'expliquer ce qu'est
la FNC, Fédération nationale des communications, avant de tomber
dans le vif du sujet.
Fondée à l'automne 1972, la fédération est
d'abord une des fédérations constituantes de la CSN,
Confédération des syndicats nationaux. À ce titre, elle
adhère à la déclaration de principes de la CSN et
participe de plein droit à sa direction ainsi qu'à la
définition des objectifs déterminés par les quelque 220
000 travailleuses et travailleurs qui y adhèrent librement. Plus
spécifiquement, notre fédération regroupe environ 75
syndicats comptant plus de 4000 membres. Ces syndicats sont reconnus,
c'est-à-dire accrédités, soit par le Code du travail du
Québec, soit par les codes du travail de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick
ou du Canada.
L'Association des réalisateurs et réalisatrices de films
du Québec et le Syndicat national du cinéma, de même que
l'Union des artistes, affiliée à la Fédération des
travailleurs du Québec, sont des associations qui ne sont reconnues ou
accréditées par aucune de ces lois; nous reviendrons
là-dessus. Le champ d'action de la fédération est
l'écrit, c'est-à-dire les journaux, quotidiens et hebdomadaires,
les périodiques, le livre; le son, la radio, la musique, la
téléphonie; l'image, la photographie, la
télévision, le cinéma; enfin, les réseaux de
distribution qui les soutiennent.
En plus d'être touchés par le présent projet de loi,
les membres que nous représentons ici sont donc affectés par une
pléthore d'autres lois, d'autres organismes gouvernementaux. Qu'on
pense, à titre d'exemple, au Syndicat général des
employés de Radio-Québec, qui tombe notamment sous
la coupe du CRTC, de la Régie des services publics, du Code du
travail, de la Fonction publique, sans parler des effets que la présente
loi pourrait avoir sur ses membres.
Avant d'aborder directement le projet de loi no 109, nous voulons
souligner que pour la fédération, à tout le moins, la
frontière entre la culture et les communications est difficile à
trouver. À titre d'exemple: Comment se départagent les fonctions
de la future Régie du cinéma et de la vidéo et celles de
la Régie des services publics, deux régies relevant d'un
ministère différent. Pourtant, il nous semble que la production
et la diffusion de courts, moyens et longs métrages, tant sur supports
photographiques que magnétiques vont être le fondement même
de la télévision à péage. Sauf erreur, le projet de
loi no 109 n'aborde pas le partage des responsabilités de ces deux
régies en ces domaines. Pourtant, le mot vidéo comprend, entre
autres, toute la télédiffusion.
Qui plus est, le gouvernement du Québec, appuyé en cela
par toutes les provinces canadiennes, réclame depuis belle lurette la
juridiction exclusive sur la télévision et la radio.
Récemment, le ministre des Communications manifestait son intention de
réglementer la télévision à péage lors
d'auditions que tiendra la Régie des services publics relativement
à l'octroi d'un permis à Premier choix et TVEC. Il semble que
depuis que cela a été écrit, les choses ont changé
dans ce milieu.
Par le biais du CRTC, Ottawa a déjà établi un
certain nombre de règles de base, concernant le contenu canadien, que la
fédération et la CSN trouvent insatisfaisantes d'ailleurs; au
Québec, est-ce la Régie des services publics ou la Régie
du cinéma et de la vidéo qui réglementera les productions
et la diffusion "made in Québec".
Peut-être le gouvernement devrait-il unifier ces deux organismes
de réglementation? Nous posons la question.
Personne ne peut contester la dimension culturelle du cinéma et
de la vidéo. La FNC croit utile, cependant, de rappeler ici que le
cinéma et la vidéo sont aussi une industrie au même titre
que le sont la construction, les mines et les pêcheries.
La création culturelle en cinéma et en vidéo est
donc tributaire des investissements qui y sont consacrés.
Parallèlement à cela, plus la création culturelle en
cinéma et en vidéo est soutenue, plus les travailleurs que nous
représentons sont à même de quitter les rangs des
chômeurs et des assistés sociaux pour grossir ceux des
travailleurs qui travaillent.
Les objectif de la Fédération nationale des communications
sont de trois ordres: la "désaméricanisation" graduelle des
grands réseaux de télévision privés et publics;
l'aide financière de l'État au cinéma indépendant
et à la vidéo "made in Québec"; la reconnaissance par le
législateur des syndicats des travailleurs culturels du milieu qui n'ont
pas, présentement, accès au Code du travail.
Ce sont là les trois axes d'une politique de développement
de l'industrie québécoise du cinéma et de l'audiovisuel
proposée par notre fédération. Cette politique sectorielle
s'inscrit d'abord dans le cadre de la politique de la CSN visant notamment
à accorder une priorité absolue à la relance de
l'emploi.
Elle s'inscrit aussi, croyons-nous, dans la foulée de deux
rapports de commissions d'enquête, soit celui de la commission
d'enquête sur le cinéma et l'audiovisuel -mise sur pied par le
ministre des Affaires culturelles du Québec - et le rapport
fédéral Applebaum-Hébert sur la culture d'une mer à
l'autre. Bien entendu, cette politique adoptée par notre bureau
fédéral de novembre 1982 n'aborde pas tous les aspects de la
culture, loin de là. Elle ne traite que de cette partie de la vie
culturelle qui utilise comme support technique la pellicule et le ruban
magnétoscopique.
Comme l'ont déjà dit tous ceux et celles qui ont
traité de ces questions avant nous, la politique de la
fédération repose sur le postulat que les Québécois
et les Canadiens sont viscéralement intéressés à se
refléter sur les petits et sur les grands écrans. Si tel est le
cas, nos deux gouvernements doivent prendre les moyens législatifs et
économiques pour que le Canada et le Québec cessent d'être
une partie du "domestic market" américain.
Si l'on assiste présentement à une américanisation
effrénée de la télévision privée et
publique, cela est dû principalement aux différences de
coûts énormes qui existent entre l'achat d'une série
américaine ou même britannique, et la production d'une
série québécoise ou canadienne.
Liés à l'impératif des profits, les
télédiffuseurs privés et même Radio-Canada, dans la
mesure où une partie de son budget provient des revenus de la
publicité, se sont donc naturellement tournés vers les
productions les moins dispendieuses, les américaines, les japonaises,
etc. Pour changer cette situation de fait, il faut une intervention politique
du gouvernement fédéral auprès du CRTC pour forcer ce
dernier à exiger des télédiffuseurs un contenu canadien
plus élevé qu'il ne l'est présentement.
Cette intervention politique, la fédération souhaite la
faire conjointement avec les autres organismes québécois et
canadiens du milieu culturel, ainsi qu'avec l'appui du gouvernement du
Québec.
Dans le contexte d'une augmentation du contenu canadien, la
fédération propose de plus que les augmentations de volume de
productions originales soient partagées entre les producteurs
indépendants et les productions internes de Radio-Canada, de
Radio-Québec, de TVA, de CTV selon les règles qui restent
à définir.
Cette position de notre fédération va à l'encontre
d'une recommandation de la commission d'étude sur le cinéma et
l'audiovisuel proposant un gel de la production maison de Radio-Québec
et de la commission Applebaum-Hébert qui propose, elle,
l'élimination pure et simple de toute production maison à
Radio-Canada.
L'expansion, la relance du cinéma indépendant ne peut se
faire sur le dos, pour ne pas dire sur le cadavre, du travailleur culturel du
secteur public.
Le gouvernement du Québec, dans son rôle de mandataire
politique de la culture québécoise - celle des francophones de
l'Amérique du Nord donc - doit notamment encourager, maintenir, relancer
la production de courts, moyens et longs métrages et la production
audiovisuelle "made in Québec".
À l'instar de la CECAV, la FNC appuie donc la création du
fonds de soutien du cinéma, administré par l'Institut
québécois du cinéma et alimenté par diverses taxes
prélevées sur les ventes de billets de cinéma, de la
publicité à la télévision, de la
câblodistribution, des vidéocassettes et aussi par une
contribution du ministère des Affaires culturelles, établie
à 5% du budget annuel de ce dernier.
Ainsi nanti, l'institut pourrait administrer un programme d'aide
automatique aux producteurs, aux réalisateurs, aux scénaristes,
aux exploitants et aux distributeurs de films québécois, dans la
mesure où cette aide servira exclusivement à d'autres productions
québécoises. C'est une proposition de la Commission
d'enquête sur le cinéma et l'audiovisuel qu'appuie la
fédération.
Le cinéma indépendant, au Québec, se fait
naturellement par des artistes qui sont membres de l'UDA, affiliée
à la FTQ, des réalisateurs, membres de l'Association des
réalisateurs et réalisatrices de film du Québec, des
techniciens, membres du Syndicat national du cinéma, qui sont par
définition des pigistes ne bénéficiant pas des droits
reconnus aux autres travailleurs par le Code du travail.
La fédération propose donc que le gouvernement
réglemente le droit d'association dans l'industrie du cinéma
privé. De plus, elle demande que l'aide financière que l'institut
sera appelé à verser à un producteur le soit à la
condition expresse que le producteur embauche des réalisateurs, des
techniciens et des artistes membres d'associations syndicales reconnues et ce,
selon les conventions collectives en vigueur.
Nous arrivons maintenant au projet de loi no 109. Tel que
rédigé, ce projet nous paraît très faible quant
à son objectif fondamental, soit celui de la protection et de
l'épanouissement de la culture francophone en Amérique du Nord,
notamment par la production de courts, moyens et longs métrages sur film
et en vidéo.
La fédération souhaite donc qu'aux cinq objectifs inscrits
à l'article 3 il s'en ajoute un autre qui énonce très
explicitement que cette loi a pour objectif la promotion et la protection d'une
industrie francophone du cinéma et de la vidéo en Amérique
du Nord, au même titre, par exemple, que la loi 101 en ce qui a trait
à la langue française.
À ce principe, que nous demandons au législateur
d'énoncer, nous lui demandons aussi une définition des normes qui
serviraient à définir ce qui constitue une oeuvre "made in
Québec". Comme le font notamment nos affiliés, le SNC et l'ARRFQ,
nous ne pouvons que nous étonner du fait que le projet de loi ne propose
absolument rien à ce chapitre. Nous suggérons donc que l'article
37 du projet de loi soit remplacé par des normes déjà
définies dans le sens de celles proposées par l'Association des
réalisateurs et réalisatrices de film du Québec, dont on
aura le mémoire dans quelques minutes.
Quant à la diffusion, nous appuyons bien sûr l'article 97
du projet de loi. C'est un pas dans la bonne direction. Nous croyons,
cependant, que tel que rédigé l'article est trop facilement
contournable et qu'il ne prévoit pas de règles concernant la
propriété québécoise des maisons de distribution
francophones.
Enfin, comme projet de loi visant à défendre les oeuvres
francophones, nous aurions souhaité et nous souhaitons encore que le
délai accordé pour le doublage et le sous-titrage soit tout au
plus de 30 jours. L'ensemble de ces mesures, auxquelles nous souhaitons voir
s'ajouter des actions énergiques de l'Assemblée nationale en
faveur de l'augmentation du contenu canadien des émissions
diffusées par les différentes formes de télévision
qui foisonnent au Québec, constitue donc pour notre
fédération le premier volet que nous avons appelé la
"désaméricanisation des ondes".
Le projet que vous étudiez présentement est tout à
fait muet sur l'accès à la syndicalisation des travailleuses et
des travailleurs qui font le cinéma et la vidéo. Tout au plus
mentionne-t-il en passant l'existence d'associations pour les fins de
représentation à l'institut. Il ne fait d'ailleurs, à ce
chapitre, qu'accorder au ministre un pouvoir absolu de déterminer
à sa discrétion laquelle ou lesquelles il lui sied de
reconnaître. Cela place les associations, même à ce
niveau-là, à la merci non seulement du ministre actuel mais aussi
à la merci du premier changement de titulaire
venu.
De droit d'association, point. Le projet de loi 109 reconnaît bien
sûr le "respect des droits relatifs à la propriété
intellectuelle sur les films" mais ne dit mot de la reconnaissance et du
respect des droits relatifs au droit d'association des personnes, organismes et
sociétés oeuvrant dans l'industrie du cinéma et de la
vidéo, ni de l'établissement de mécanismes de surveillance
appropriés d'application de ces droits. Conformément à nos
objectifs et à ceux que défend la CSN en ces matières,
nous demandons au législateur d'ajouter à l'article 3 un autre
objectif qui pourrait s'exprimer dans les termes utilisés au paragraphe
précédent.
Pour ce qui est des mesures transitoires, d'ici à ce que lesdits
mécanismes appropriés soient mis en place, après
consultation des associations existantes, nous demandons que la présente
loi reconnaisse l'Association des réalisateurs et réalisatrices
de film du Québec et le Syndicat national du cinéma comme agents
négociateurs syndicaux exclusifs des réalisatrices et
réalisateurs et des techniciens respectivement. Nous demandons, comme
mesure transitoire aussi, que l'Association des producteurs de films du
Québec soit reconnue comme association patronale. (15 h 30)
Nous demandons que les conventions collectives entre l'ARRFQ et l'APFQ,
entre le SNC et l'APFQ déterminent les conditions de travail minimales
applicables à toute l'industrie du cinéma et de la vidéo
sur l'ensemble du territoire québécois. Les mêmes
dispositions transitoires devraient prévoir que, pendant l'existence
desdites conventions collectives, toute autre convention pouvant avoir
été conclue avec d'autres organismes est
décrétée nulle et non avenue sur le territoire du
Québec. Nous tenons à souligner ici que la FNC ne peut comprendre
l'idée que l'État subventionne et finance les exploitants de
salles de cinéma alors que la très vaste majorité de leurs
employés ne bénéficie d'aucune sécurité
d'emploi et est rémunérée au salaire minimum. Nous
demandons donc que la régie oblige les exploitants subventionnés
ou financés ainsi que ceux qui diffusent des oeuvres
subventionnées et/ou financées à accorder à leurs
employés, au minimum, les conditions de travail agréées
entre les syndicats affiliés à la CSN et certains exploitants.
Autrement dit, nous demandons l'extension juridique de ces conventions
collectives à l'ensemble des employés des salles de
cinéma. Il ne s'agit là pour nous que d'un objectif à
court terme.
À moyen et à long terme, nous demandons aux
législateurs que les employés des salles de cinéma et de
théâtre soient rémunérés au salaire minimum
prévu dans la fonction publique, coupé ou non coupé,
qu'ils soient syndiqués ou non.
Nous pensons que ces mesures transitoires vont finalement permettre
à des travailleurs du milieu, qui sont soit des pigistes, soit des
employés au salaire minimum, d'avoir véritablement accès
au droit d'association pour la première fois de leur histoire. Elles
auront aussi comme effet, dès que les conventions collectives seront
appliquées, d'assurer à l'institut et à la
société un climat serein de relations du travail à
l'occasion de son lancement sous la gouverne de la loi 109.
En ce sens, nous demandons donc aux législateurs d'accepter que
ces mesures transitoires demeurent en application le plus longtemps possible
soit, quant à la Fédération nationale des communications,
pendant une période de cinq ans à partir de l'adoption de la loi.
Pendant ce temps, toutes les associations seront en mesure de préparer
les dispositions permanentes qui devraient régir le droit d'association
dans l'industrie.
Nous croyons que les mécanismes qui serviront à la fin de
cette période transitoire à vérifier le caractère
représentatif d'une association, quelle soit syndicale ou patronale,
devraient faire l'objet d'une étude par le ministre et par les
associations, reconnues ou non par la présente loi, tant du
côté patronal que syndical, avant d'être incorporés
à la présente loi.
D'autres formes de mesures peuvent être envisagées
immédiatement dans le cadre des dispositions des articles 100 et
suivants. Les deux syndicats vont revenir à ces dispositions et je vais
les passer.
Quant au financement - je passe à la fin de la page 12 à
peu près - nous considérons que l'industrie du cinéma et
de la vidéo est précisément un secteur où le
moindre investissement est créateur d'emplois pour les membres que nous
représentons ici mais aussi qu'elle crée des emplois dans divers
milieux. L'arrivée d'une équipe de tournage est un apport
économique immédiat dans le milieu où elle s'implante. Le
cinéma est un secteur qui produit un effet multiplicateur de
l'emploi.
Il y a un certain nombre d'autres remarques plus techniques. À la
fin, nous commentons les articles 7, 8.3, 8.6, 9, 10, 11 et 12. Voici ce que
nous en pensons. Ces articles ne proposent, à notre avis, rien de moins
que la mise en tutelle du secteur dit privé, dit indépendant du
cinéma et de la vidéo. La question fondamentale que pose le
projet est la suivante: l'État, sous prétexte qu'il apporte une
contribution financière, a-t-il le droit et l'obligation de
contrôler lui-même des oeuvres et entreprises qu'il aidera? Le
projet répond oui à cette question, tel que nous le
comprenons.
À notre avis, ces dispositions importantes du projet poussent la
mise en tutelle du cinéma et de la vidéo plus loin que ne l'a
jamais fait aucun gouvernement dirigé par des libéraux,
fédéraux ou provinciaux, dans le domaine de la culture.
Les universités du Québec, financées par les fonds
publics, sont plus libres de choisir leurs programmes, leurs orientations que
ne le serait le secteur privé du cinéma et de la
vidéo.
Radio-Canada et l'ONF, deux organismes fédéraux
étatiques, ne sont pas aussi dominés par le gouvernement que ne
le seront le cinéma et la vidéo privés du Québec si
on suit le projet original du projet de loi no 109. Radio-Québec, un
télédiffuseur 100% "made in Québec" financé
à 100% ou presque par les fonds publics, ne nous apparaît pas
aussi étatisé que le propose le projet de loi no 109 par rapport
au cinéma privé.
Même si nous savons tous que la préoccupation
première de ce projet de loi est la production et la diffusion de films
"made in Québec", nous aimerions quand même que la production
culturelle vidéo soit traitée sur un pied d'égalité
avec le cinéma. Par exemple, au deuxième alinéa de
l'article 3, on ne traite que du cinéma québécois. Nous
invitons donc le législateur soit à modifier ce texte pour y
inclure la vidéo, soit à ajouter un alinéa plus
spécifiquement axé sur le développement et la diffusion de
la vidéo québécoise. Un tel changement au projet et les
autres changements qui pourraient en découler impliquent que le
législateur reconnaît dès maintenant que l'industrie
culturelle naissante qu'est la vidéo fait partie du virage technologique
en train de se réaliser et décide que le Québec sera
véritablement aux premières loges.
Nous souscrivons aux articles 4, 5 et 6 du projet concernant les
cinémathèques et vidéothèques.
Nous appuyons les articles 45 à 60. Nous tenons à
souligner ici que nous approuvons cette idée contenue dans le projet
voulant que la gestion quotidienne, le suivi et les suggestions pour l'avenir
soient confiés à une telle société et que
l'institut se voie ainsi confirmé dans son rôle de responsable
culturel, pour autant bien sûr qu'il ne soit pas confiné au
rôle de démarcheur où semble vouloir le cantonner le
ministre par son projet de loi.
Nous appuyons aussi l'article 61 qui détermine les pouvoirs et
fonctions de la société.
Cela termine pour le moment nos remarques, M. le ministre. Nous pourrons
répondre à des questions, des commentaires ou apporter certaines
précisions.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Leborgne. M. le
ministre.
M. Richard: Je vous remercie de votre présentation, M.
Leborgne. J'aurais une première question à vous poser. Vous
appuyez le principe de la création de deux sociétés: un
institut et une société de financement ou une
société d'aide. Vous me dites qu'il ne faudrait pas que
l'institut soit confiné au rôle de démarcheur.
Pourriez-vous préciser davantage votre pensée
là-dessus?
M. Leborgne: II est, selon nous, confiné au rôle de
démarcheur si on se réfère au texte qui le renvoie
constamment au ministre. Ce n'est pas un question de personnalité, cela
n'a rien à voir avec le titulaire actuel du poste.
Le principe est que dans toutes et chacune de ses moindres humeurs, le
projet de loi tel que rédigé, stipule que l'institut recommande,
suggère, et que c'est le ministre qui dispose, modifie. On a plusieurs
dispositions dans ce sens. On pourrait vous les noter l'une après
l'autre.
Pour corriger ce qui nous apparaît comme une carence à ce
niveau on souhaite qu'il y ait un fonds de financement qui fasse que l'institut
ne soit pas obligé, à chaque année, d'aller solliciter de
nouveau des fonds; qu'il y ait une règle un peu plus objective dans la
mesure où de telles règles puissent exister.
Un exemple m'est venu à l'esprit récemment. Dans le cas
des édifices publics, le présent gouvernement, si je ne m'abuse,
a adopté la politique du 1% qui fait qu'il y a une partie du budget qui
est dévolue à la culture, à son côté arts
plastiques; c'est une règle mathématique simple qui est
appliquée. On pensait et on pense encore que la commission
d'enquête sur le cinéma en a proposé une; sa forme de taxe
sur différents objets de consommation reliés au cinéma
n'est peut-être pas la seule formule qui puisse être retenue, mais
on trouve, encore là, que sur le plan financier le projet est trop vague
et ne dit rien. Il dit qu'il va mettre des sommes. On est bien conscient que
vous allez le faire. On aurait souhaité qu'il y ait des règles
établies, une politique qui serve à déterminer quelle est
la part du budget public qui est consacrée au cinéma.
M. Richard: Oui, mais vous reconnaissez que ce n'est pas dans un
projet de loi sur le cinéma, qui n'est pas d'une nature fiscale, qu'il
convient d'indiquer les sommes qui seront réservées par
l'État au développement de l'industrie
cinématographique.
M. Leborgne: J'aimerais en convenir mais je ne le peux pas.
N'étant pas un législateur, je pense que lorsqu'on nous parle
d'un projet de loi sur le cinéma et la vidéo... L'ensemble des
intervenants, depuis des années, insiste sur une chose -
là-dessus,
il y a un consensus très large - soit la nécessité
d'avoir une aide financière, étant donné sans doute le
bassin de population.
M. Richard: Oui, mais il faudrait le faire à ce
moment-là pour le théâtre et il...
M. Leborgne: Cela se fait sous plusieurs formes.
M. Richard: ...faudrait avoir dans la loi des montants
gelés et réservés aux musées. Il faudrait avoir une
loi sur le théâtre et avoir des montants gelés et
réservés au théâtre.
M. Leborgne: II y en a dans le cas des édifices
publics.
M. Richard: II faudrait l'avoir pour la danse. Il faudrait
l'avoir pour les orchestres symphoniques.
M. Leborgne: II y en a dans le cas de plusieurs services, M. le
ministre, je pense.
M. Richard: Très très peu. Vous ne trouverez pas
cela.
M. Leborgne: Radio-Québec, cela fonctionne comment?
M. Richard: À ma connaissance je ne connais qu'une seule
loi qui est comme cela. S'il y en a d'autres, je ne les connais pas. J'en
connais une. C'est l'Institut québécois de recherche sur la
culture qui a un budget gelé dans sa loi constitutive.
M. Leborgne: Mais il doit y avoir...
M. Richard: Cela s'applique au domaine culturel et vous
voyez...
M. Leborgne: II y a l'autre, le 1%. Vous avez peut-être un
règlement, mais au moins il y a une règle.
M. Richard: Non le 1% c'est essentiellement différent
parce que c'est l'État qui s'engage, au moment où il construit
des édifices, au moment où ses partenaires immobilisent, à
dépenser 1% pour l'intégration des arts à l'architecture.
C'est vraiment essentiellement différent de la formule que vous
proposez.
M. Leborgne: La formule que l'on met de l'avant est celle qui est
mise de l'avant par la Commission d'enquête sur le cinéma et
l'audiovisuel. Ce n'est pas une formule originale à la
fédération.
M. Richard: Oui, mais la question que je vous pose, M. Leborgne,
est: Si je devais, comme vous le suggérez, réserver 5% par loi du
budget du ministère des Affaires culturelles au cinéma, ne
devrais-je pas le faire aussi pour le théâtre?
M. Leborgne: Je pense que chaque secteur doit être
examiné selon sa situation concrète et objective. Je ne la
connais pas partout.
M. Richard: Au bout de la course, on aurait un budget gelé
à 100%.
M. Leborgne: Non, je ne pense pas, M. le ministre. Je pense que
vous m'amenez dans un cul-de-sac volontairement.
M. Richard: On n'aurait plus besoin d'un ministre des Affaires
culturelles.
M. Leborgne: Vous prônez une logique qu'on ne peut plus
rien faire. Pourrait-on dire que ce que vous recommandez dans votre projet de
loi no 109, cela reproduit à peu près le système actuel,
qui fait qu'on est resté à 4 000 000 $ dans le cinéma
depuis 1979? On est un peu partie de cela.
M. Richard: Oui, sauf que j'ai eu l'occasion de dire, M.
Leborgne, à plusieurs reprises d'ailleurs, même au début
des travaux de notre commission, comme je l'avais dit au congrès des
producteurs et des distributeurs à Grey Rocks, que la subvention
consacrée à l'industrie du cinéma, serait sensiblement
augmentée. Je vous répète ces propos.
M. Leborgne: Je ne peux qu'espérer que vous allez pouvoir
l'augmenter sensiblement. J'ose dire que notre inquiétude
là-dessus est que cette règle est sujette, plus que l'autre que
l'on propose à tout le moins, aux aléas des changements dans un
cabinet ou dans un gouvernement. C'est le problème qui nous fatigue
à moyen et à long terme.
M. Richard: Oui, mais je pense que c'est une inquiétude
qui n'est pas tout à fait justifiée, parce que je ne pense pas
qu'il soit souvent arrivé que des budgets consacrés à, je
ne sais pas moi, des groupes aussi importants que celui du cinéma ou du
théâtre, soient réduits de façon draconienne. Cela a
été gelé au même titre, parfois, que d'autres
budgets. La subvention accordée à l'Institut
québécois du cinéma - et je l'ai dit souvent - a
été bloquée à 4 000 000 $ depuis trois ans, c'est
vrai. Il faut dire que ces 4 000 000 $ ne constituent pas le budget total de
l'institut puisque le budget total de l'institut est de 5 700 000 $, je crois.
Il y a des retours à partir de ces 4 000 000 $, mais je vous
répète que cette subvention sera sensiblement augmentée.
Je pense dissiper vos inquiétudes en vous disant cela.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je remercie M. Leborgne, pour son mémoire qui
est très intéressant. Je veux lui poser des questions uniquement
sur un aspect du mémoire qui se situe à la page 13, je pense. Il
s'agit de la partie intitulée: Le secteur privé mis en tutelle.
J'aimerais que vous expliquiez davantage ce que vous voulez dire dans les
paragraphes de cette section, parce qu'il me semble, et vous dites:
L'État, sous prétexte qu'il apporte une contribution
financière, a-t-il le droit et l'obligation de contrôler
lui-même le choix des oeuvres et entreprises qu'il va aider? Le projet
répond oui à cette question. (15 h 45)
M. Leborgne: Je vais donner deux exemples, M. Scowen...
M. Scowen: Non, je veux seulement... M. Leborgne:
Excusez-moi.
M. Scowen: ...poser une question. Je pense qu'il va de soi que si
l'État décide de subventionner l'industrie du cinéma, il
faut que quelqu'un prenne une décision sur les projets qui sont
subventionnés, que ce soit le ministre ou une personne nommée par
lui. Tant pour le Conseil des arts d'Ottawa que pour toute organisation, dont
le but est de subventionner les arts, on est devant ce problème:
quelqu'un doit établir les priorités. Dans les articles que vous
mentionnez, 7, 8, 9, 10, 11 et 12, on parle d'un plan d'aide qui sera,
j'imagine, une espèce d'étape du schéma des
priorités. Je ne vois pas comment on peut éviter la
nécessité d'avoir quelqu'un qui va établir ces
priorités. Je ne comprends pas exactement comment vous pouvez
éviter ce que vous appelez la tutelle.
M. Leborgne: Peut-être que, philosophiquement, au bout du
compte, on ne peut pas l'éviter, mais on aimerait au moins qu'elle soit
établie par le projet de loi. À l'article 8.3 et 8.6 - page 7 -
j'aimerais qu'on nous explique pourquoi, dans ces deux cas, l'institut n'aurait
pas des règles déjà déterminées par le
projet de loi. Si c'est l'institut qui est chargé d'administrer un
budget pour les subventions, pour les prêts et toute autre forme d'aide
à l'industrie, on comprend mal pourquoi il se réserve un autre
droit par-dessus celui que vous évoquez de décider des
orientations générales.
En plus, dans le cas de l'article 8.3, on dit ceci: "de prêts ou
avances sans intérêt ou à un taux plus bas que celui qui a
cours sur le marché, dans les cas déterminés par
règlement du gouvernement". Alors, c'est enlevé des mains de
l'institut, dans ce cas. Les autres formes d'aide, c'est l'institut qui les
administre directement. Si le gouvernement ne veut pas en faire,
là-dessus, je trouve que vous avez parfaitement raison. Qu'il nous dise
qu'il ne veut pas en faire et on fera une croix sur ce chapitre des
subventions.
Au sixième point, c'est la même chose: "...les subventions
au déficit, dans les cas déterminés par règlement
du gouvernement". Dans certaines oeuvres bien spécifiques, il faut
retourner devant le gouvernement. C'est là qu'on a utilisé
l'expression tutelle, quant à nous. Parce que, à moins qu'on ne
lise mal le texte, il semble dire très clairement que dans certains cas
spécifiques, vous allez retourner devant le gouvernement pour obtenir
une subvention s'il s'agit d'un déficit pour une oeuvre
cinématographique.
M. Scowen: Je vous comprends, M. Leborgne, et, en
conséquence, je vais poser la question au ministre. Comment cette
attitude se justifie-t-elle?
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je vais répéter la question. M. Leborgne
et moi...
M. Proulx: C'est un front commun. M. Marx: C'est un front
commun... M. Proulx: Ah bon!
M. Marx: ...contre la loi 111. Il y a même des
députés péquistes qui sont d'accord avec moi.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez la parole.
M. Scowen: M. Leborgne et moi nous inquiétons de ce qu'il
appelle une mise en tutelle de l'aide financière, des articles par
lesquels vous obligez la société d'agir - au sujet de l'aide
qu'elle accorde - en fonction des règlements établis par le
gouvernement. Pourquoi ne pas laisser cette liberté à la
société?
M. Richard: Oui, c'est une règle habituelle qu'on
retrouve, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, dans la
presque totalité des projets de loi de cette nature, mais cela ne se
pose qu'une fois par année. Une fois par année, le gouvernement
est appelé, généralement, à endosser, à
entériner les règlements qui lui sont proposés par les
organismes, en l'occurrence, par l'Institut québécois du
cinéma ou la société d'aide. Mais c'est une fois par
année, pour tenir compte des variations dans le marché en ce qui
a trait aux taux d'intérêt, etc. Ce n'est
qu'une fois par année. Ce n'est pas - comme le laisse supposer le
mémoire de la Fédération nationale des communications -
à chaque fois. Cela intervient généralement une fois par
année.
M. Scowen: Je pense que, à moins que je ne comprenne mal
le problème à l'article 8, alinéa 6, c'est que vous
proposez que l'aide financière puisse prendre la forme d'une prime
à la qualité, cette qualité étant définie
par la société et non pas par réglementation du
gouvernement. À l'alinéa 6, on parle de subventions au
déficit d'une firme qui mérite cette subvention pour des raisons
autres que la qualité et on dit que cela doit se faire par le
gouvernement, par règlement. Pourquoi les distinctions? Pourquoi ce
critère de réglementation gouvernementale est-il ajouté
ici et là? Pourquoi ne pas laisser une fois par année les
sommes...
M. Richard: Cela est une fois par année compte tenu des
variations dans les taux d'intérêt. Compte tenu des prêts
qui sont faits une fois par année, l'institut -c'est comme cela pour
d'autres organismes -propose les règlements qui vont s'appliquer durant
une année au gouvernement, c'est tout.
M. Scowen: Mais le règlement...
M. Richard: Je pense que ça vise uniquement à
éviter les abus.
M. Scowen: Est-ce que ce règlement peut définir le
type, le genre de film qui...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, si vous le permettez, pour accélérer
un peu les travaux, j'aimerais qu'on pose plutôt les questions à
nos invités. Ce genre de débat, on aura sûrement l'occasion
de l'avoir entre les différents partis.
Mme Lavoie-Roux: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce a raison de s'inquiéter, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Je ne dis pas qu'il n'a pas
raison de s'inquiéter, mais je voudrais plutôt qu'on questionne
nos invités de façon qu'on puisse épuiser l'ordre du
jour.
Mme Lavoie-Roux: Nos invités veulent comprendre, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): C'est bien, allez-y. M. le
député.
M. Scowen: Donc, pour faire plaisir au président,
j'arrête ces questions et je n'ai pas d'autres questions à poser
à M. Leborgne. Si lui veut poser des questions dans ce sens au ministre,
il est libre.
M. Richard: Je voudrais encore une fois signaler que, quand on
parle de règlement du gouvernement, il s'agit simplement de
critères généraux. Cela ne s'applique jamais à des
cas particuliers. C'est l'établissement de critères
généraux et uniformes s'appliquant à l'ensemble. Il ne
s'agit donc pas de dire, par règlement, qu'on va accorder une subvention
à telle oeuvre et qu'on n'en accordera pas à d'autres. C'est
uniquement l'établissement de critères généraux.
Peut-être que ça mériterait toutefois d'être
clarifié en ce sens.
Le Président (M. Gagnon): M. Dupuis m'avait demandé
la parole.
M. Dupuis (François): En fait, pour préciser notre
inquiétude, cet article-là est quasiment intégralement
celui de la loi de 1975, à l'exception effectivement de la
discrétion gouvernementale qui vient s'ajouter. On ne comprend pas.
Est-ce qu'il y a eu des problèmes par rapport à ça dans le
concret? On aimerait savoir pourquoi le gouvernement a trouvé
approprié de serrer ou d'ajouter, par rapport à ces
questions-là, cette précision. On ne saisit pas, on n'a pas
compris. Il y a plusieurs autres articles, on y reviendra tantôt dans
notre mémoire. On ne saisit pas nécessairement pourquoi le
gouvernement effectivement pousse si loin son pouvoir, si on peut employer
cette expression-là.
M. Richard: On aura l'occasion, au cours du débat de
deuxième lecture et au cours de la commission parlementaire sur
l'étude article par article, de revenir sur l'alinéa 6. Encore
une fois, cet article se retrouve dans tous les projets de loi où il
s'agit de verser des subventions à des organismes, en tout cas, tous
ceux que j'ai vus qui ont été adoptés au cours des
dernières années. Il ne s'agit pas d'intervenir dans des cas
particuliers, mais de fixer certains critères généraux
s'appliquant à tout le monde pour interdire, par exemple, qu'on
subventionne éternellement les déficits d'un organisme. Je pense
qu'il est important, puisqu'il s'agit de fonds publics, que l'État dise:
II y a des limites à l'intérieur desquelles on pourra
subventionner des déficits. C'est uniquement pour fixer ces limites que
cet article-là existe.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Richard: Encore une fois, jamais pour intervenir dans les cas
particuliers.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. Leborgne aimerait que je vous pose une
dernière question très brève. Est-ce que vous êtes
capable de lui donner quelques exemples des critères
généraux qui peuvent apparaître dans un tel
règlement?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: Je suppose qu'on pourrait indiquer, par exemple,
qu'on ne peut pas subventionner un déficit sur une période de
plus de cinq ans.
M. Scowen: Ce sont les critères financiers.
M- Richard: Cela se pourrait. Vous me posez une question
hypothétique, alors je vous réponds de façon
hypothétique.
M. Scowen: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: Oui, M. le Président. M. Leborgne, à la
page 7 de votre mémoire, vous soulevez un problème important dont
on a discuté, hier, de façon très approfondie, notamment
avec l'Union des artistes. C'est celui des délais exigés pour le
doublage ou le sous-titrage des films. C'est ce qui apparaît à
l'article 79. Hier, on a fait une démonstration très
complète qui nous indiquait que le délai des 60 jours, compte
tenu des informations dont nous disposions en fin de journée, hier,
était peut-être un peu trop large et qu'on pourrait envisager que
ce délai soit réduit effectivement à 30 jours. Mais, au
delà des arguments qu'on a entendus hier, est-ce que vous avez des
motifs particuliers pour suggérer que ce délai soit
raccourci?
M. Leborgne: Pour certaines productions, leur vie est
terminée au bout de 60 jours.
M. Blouin: Ce qu'on nous a dit, hier, c'est que 75% des
productions faisaient leur...
M. Leborgne: Je n'ai pas de statistique, mais c'est bien le
problème. Cela touche des productions qui ont une très
très longue période de diffusion.
M. Blouin: Alors, c'est là-dessus que vous vous
basiez?
M. Leborgne: Principalement. M. Blouin: D'accord.
M. Leborgne: Dans l'action féminine, on parle d'action
positive quand il s'agit de redresser des discriminations faites aux femmes; on
a un problème semblable du côté du cinéma. Par
analogie à tout le moins. Alors, quant à redresser, redressons de
façon que cela paraisse.
M. Blouin: Juste une remarque. À la page 9, vous vous
êtes permis de sortir de votre texte pour dire que vous souhaitiez que
les employés des salles de cinéma et des salles de
théâtre soient rémunérés au salaire minimum
prévu dans la fonction publique, qu'il soit coupé ou non. Je vous
signale que les salaires les plus bas dans la fonction publique n'ont pas
été coupés.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Leborgne: Cela m'apprendra à sortir de mon texte.
M. Scowen: Pour faire suite à la question de mon
collègue de Rousseau, nous avons entendu, au cours de ces deux derniers
jours, les revendications suivantes. Très souvent, un francophone est
obligé d'aller d'abord voir un film qui paraît en anglais et par
la suite, quand la version française arrive, quelques semaines ou
quelques mois après, parce qu'il n'a pas complètement saisi
l'idée du film, parce qu'il est en anglais, il y va une deuxième
fois. En conséquence, les compagnies en profitent. C'est effectivement
une des raisons qui sont à la base du retard qu'on voit souvent dans la
distribution de la version française.
Je ne sais pas si c'est une opinion gratuite de la part de certaines
personnes ou s'il existe des études statistiques qui peuvent prouver que
c'est vraiment le cas. Parce que c'est un élément important,
quant à moi, dans le choix qu'on va faire dans le délai de 30 ou
de 60 ou de 90 jours. Est-ce qu'il existe une étude quelque part qui
ferait la démonstration objective qu'il y a vraiment un nombre important
de francophones qui vont voir les mêmes films deux fois, parce que la
version française est retardée? Ou est-ce simplement une opinion
exprimée par certaines personnes pour leur propre besoin?
Le Président (M. Gagnon): M. Leborgne.
M. Leborgne: Je ne sais pas si mes camarades peuvent
répondre. Je suis un peu ennuyé par la question. C'est un
phénomène que je connais mal.
M. Dupuis: Est-ce qu'on peut se poser la question à savoir
quel est le pourcentage de ceux qui sont uniquement unilingues francophones au
Québec et qui n'ont pas accès à ces produits? Mais ces
produits
existent en français en France.
M. Scowen: Non, mais c'est le phénomène des deux
visites que je voulais souligner. Cela n'existe pas?
M. Dupuis: Non, on n'a pas de... M. Scowen: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve. (16 heures)
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Leborgne, mes
questions portent sur l'exercice du droit d'association des gens que vous
représentez dans l'industrie. Dans votre mémoire vous faites
état que les réalisateurs, les réalisatrices et que les
travailleurs et travailleuses représentés par le Syndicat
national du cinéma ne sont pas reconnus ou accrédités par
le Code du travail.
M. Leborgne: Par aucun code.
Mme Harel: Par aucun code. Par la suite vous préconisez
des mesures transitoires, des mesures permanentes pour mettre un terme à
cette situation. Finalement, votre projet est la reconnaissance d'associations
représentatives. C'est un peu le modèle - je pense par analogie -
à l'industrie de la construction où par loi le législateur
a reconnu des associations représentatives patronales et syndicales.
Est-ce que c'est un peu ce modèle-là?
M. Leborgne: C'est la seule analogie qu'on ait pu trouver. Je
peux vous assurer qu'on en a cherché une autre parce que faire le
parallèle avec la construction n'est pas nécessairement toujours
heureux. Quant aux principes qui sont sous-tendus et du parallèle qui
existe entre les deux industries, c'est le seul qu'on puisse faire. Il existe
sans doute à quelque part dans l'univers d'autres modèles. Nous
ne les connaissons pas. C'est pour cela qu'on en arrive à des demandes
de ce genre-là qui ressemblent beaucoup à ce qu'il y a comme
réglementation dans la construction.
Mme Harel: Mais les problèmes que cela pose en termes
d'exercice concret du droit d'association, quels sont-ils?
M. Leborgne: II peut se produire, il s'est produit et il se
produira des scissions dans les associations patronales, des scissions dans les
associations syndicales. Il y aura des gens qui refuseront d'adhérer
à l'une ou à l'autre des nombreuses organisations patronales ou
syndicales, ce qui fait que les conditions de travail sont très
aléatoires selon la situation économique. Actuellement, les
techniciens, pour bon nombre, sont en chômage parce qu'il n'y a pas de
film produit, d'où notre insistance d'avoir un fonds inclus dans le
projet de loi no 109 -n'en déplaise au ministre cela ferait une
deuxième exception, s'il y en a déjà une, tant mieux -
parce que le problème réside dans le manque de production
d'oeuvres cinématographiques. Quand il s'agit de la syndicalisation, et
comme cela est bona fide, on se retrouve dans une situation assez
spéciale. Les lois du Québec ont été
amendées, il y a une vingtaine d'années - je ne suis pas
très fort en histoire - pour exclure les syndicats bona fide. Je pense
qu'ils ne sont peut-être pas exclus nommément mais dans les faits,
dans la pratique, ils ont été exclus de nos lois. Dans
l'industrie du cinéma la seule chose qui existe de facto ce sont des
associations bona fide de producteurs, de techniciens, d'artistes, de
réalisateurs et de réalisatrices. On pense que dans une industrie
- et à plus forte raison si elle est subventionnée aussi
généreusement que le laisse entendre le ministre - les relations
du travail et les conditions de travail de ceux et celles qui font ces oeuvres
cinématographiques devraient avoir une réglementation
minimale.
Mme Harel: Permettez-moi juste une sous-question. Est-ce que ce
n'est pas plus par une réforme du Code du travail que vous trouveriez
à réaliser l'objectif que vous poursuivez?
M. Leborgne: On pense que la meilleure place pour réaliser
cet objectif est le cadre de la présente loi qui s'adresse à
l'industrie du cinéma et de la vidéo et qui touche donc
l'ensemble des aspects. Si cela avait pu être réglé par le
Code du travail, je pense qu'on aurait pu faire cela il y a 25 ou 30 ans. Ils
sont exclus du Code du travail par la nature du travail. Ils ne sont pas
considérés comme des salariés comme les gens de la
construction. On revient toujours à cela. Pourquoi y a-t-il une loi
spéciale de la construction? Il y a bien des raisons, mais il y en a
une, entre autres, et c'est qu'ils ne cadrent pas dans les règles d'un
employeur avec ses employés dans son usine ou son service. Ce sont des
chantiers, nous on appelle cela des plateaux de tournage qui naissent un jour
et disparaissent trois semaines plus tard. Pour ces raisons-là le
parallèle se fait plus facilement avec la construction où les
travailleurs sont réglementés par une loi spécifique
à la construction. On pense que la meilleure place est le projet de loi
no 109. Si le gouvernement décidait de placer cette question sous le
chapitre d'une autre loi, on ne s'y opposerait pas. Ce n'est pas une question
de principe, c'est plutôt une question pratique. Pourquoi ne pas le
faire
avec le cinéma, étant donné que cela touche le
milieu et que cela touche les associations patronales et syndicales?
Le Président (M. Gagnon): Merci, monsieur. M. le
député de Saint-Jean et adjoint parlementaire.
M. Proulx: À la page 6, M. Leborgne, vous dites que le
projet de loi vous apparaît très faible quant à la
protection de la langue et de la culture québécoises. Je pense
que vous touchez vraiment le fond de la loi et le fond de la question.
Pourriez-vous expliquer un peu plus en quoi ce projet de loi ne protège
pas suffisamment, convenablement la culture et la langue? Jusqu'où
faudrait-il aller?
M. Leborgne: C'est peut-être parce que ce n'est pas
spécifié aussi clairement qu'on le souhaiterait. Peut-être
que vous le lisez autrement que nous. Nous pensons que ce devrait être
très spécifique. Mais si les intentions, avec les textes qui sont
là, sont les mêmes que celles que l'on souhaite par notre texte,
tant mieux si l'objectif est atteint. On n'a pas proposé d'amendement
spécifique. La seule chose qu'on dit c'est que cela devrait être
dans les objectifs et être déterminé comme quoi cela
concerne l'industrie cinématographique francophone, pas exclusivement,
mais à tout le moins c'est cela que cela vise comme objectif principal.
On peut prétendre, considérant le texte, que c'est ce que cela
vise et ne pas être dans l'erreur, mais nous trouvons que ce n'est pas
assez spécifique. C'est peut-être une question de teinte.
M. Proulx: De terminologie. M. Leborgne: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup à M.
Leborgne et à la Fédération nationale des
communications.
M. Leborgne: Je vous remercie de m'avoir
écouté.
M. Richard: Merci, M. Leborgne.
Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez demeurer à la
table parce que je crois que le prochain intervenant est à
côté de vous: le Syndicat national du cinéma. En fait, vous
aviez trois mémoires de suite à présenter. C'est M.
Maurice Leblanc, je crois?
M. Richard: M. le Président, je voudrais, à la
suite de la requête formulée par mon ami le député
de Notre-Dame-de-Grâce, remettre aux membres de la commission une
étude qui a été faite par la firme CEGIR concernant le
problème des délais de présentation des films en version
française. Je pense qu'il y a une copie pour chaque membre.
M. Marx: Est-ce que c'est l'étude que j'ai demandée
l'autre jour?
M. Richard: Oui.
M. Marx: C'est l'étude que j'ai demandée l'autre
jour?
M. Richard: C'est cela. Je l'ai eue hier en fin de
journée, je pense, et j'ai oublié de remettre le document.
Le Président (M. Gagnon): Alors, monsieur...
M. Richard: M. le Président, si vous me le permettez,
à la page 6, il y a une conclusion qui est tirée de
l'étude: "II apparaît, par conséquent, que 70% des films
américains doublés subissent des délais strictement
reliés à la distribution et aux considérations de
marché au Québec. Le délai moyen de distribution se situe
autour de trois mois."
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je remercie le ministre d'avoir déposé
cette étude que nous allons étudier nous-mêmes avec
beaucoup d'intérêt. Ce n'est pas exactement la question que j'ai
posée. J'ai demandé s'il existe une étude qui
démontre que ces délais ont pour effet de créer un double
marché pour un film parce que les francophones voient d'abord la version
anglaise et, par la suite, la version française. C'est une
revendication, une déclaration qui a été faite par
plusieurs personnes et je ne savais pas si c'était simplement leur
opinion à elles, basée sur l'expérience de leurs amis et
de leur famille, ou si c'était vraiment une déclaration
fondée sur une étude qui a été faite.
M. Richard: Ici, ce qui est indiqué, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est pour des
considérations de marché au Québec.
M. Scowen: Oui, je comprends. Il y a des délais.
L'étude semble indiquer clairement qu'il y a des délais qui ne
sont pas justifiés. J'ai demandé s'il existe une étude sur
les conséquences et surtout les conséquences que j'ai
mentionnées: que beaucoup de personnes vont aller au cinéma deux
fois, au bénéfice, bien sûr, de ceux qui diffusent les
films. Est-ce qu'il existe une étude de ce genre?
M. Richard: Pas à ma connaissance.
M. Scowen: Alors, c'est simplement une opinion personnelle des
gens qui font ces revendications. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, spécifiquement sur
cette question qu'a soulevée M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je pense que pour quiconque vit tous les jours dans
le milieu francophone, donc très, très majoritaire au
Québec, c'est d'une évidence la plus totale que plusieurs, des
dizaines et des dizaines et des dizaines de Québécois verront un
film en anglais, d'abord parce qu'il n'est pas disponible en français,
et qu'ils retourneront par la suite le voir en français plusieurs mois
après, tout simplement parce que beaucoup de Québécois qui
ne sont pas de parfaits bilingues -d'ailleurs, ils sont très rares -
aiment bien tout comprendre dans un film, saisir toutes les nuances des films
qu'ils vont voir. Donc ils y retournent. Cela m'est arrivé de vouloir
voir le film "Superman II", ici au Québec. J'ai attendu des mois, puis
je suis allé le voir en anglais en désespoir de cause. Je me suis
trouvé à Paris quelques semaines après et j'y ai vu
"Superman II". Je suis revenu au Québec quelques jours après et
j'ai attendu encore des semaines avant d'avoir la version française de
"Superman II" ici.
Mme Lavoie-Roux: Êtes-vous retourné le voir au
Québec?
M. Marx: Bien, allez chaque fois à Paris.
M. Dussault: J'ai donc vu le film deux fois parce qu'il y a des
nuances que je voulais saisir. Je suis un amateur de cinéma fantastique,
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Ah bon! Bravo!
M. Dussault: Et au Québec, présentement, il y a un
paquet de films de cinéma fantastique qui sont exclusivement en anglais.
Les enfants qui aiment beaucoup le cinéma fantastique - j'ai
peut-être un peu gardé l'âme d'un enfant, c'est
peut-être pour cela que j'aime le cinéma fantastique - sont
condamnés au Québec à aller voir les films de
cinéma fantastique en anglais présentement parce qu'ils
n'existent pas en français. Cela dure pendant des mois. Je dis que c'est
fini, ce temps-là et que la loi réglera cela. J'espère que
ce n'est pas 60 jours qu'on devra attendre, mais 30 jours, M. le ministre. Tout
ce qu'on nous a dit jusqu'à maintenant est déjà
très convaincant dans ce sens.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas la question du député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Dussault: Je me demande où vit le député
de Notre-Dame-de-Grâce pour nous poser des questions pareilles à
la commission. Je me demande où il vit.
Mme Lavoie-Roux: Un bon adjoint!
Le Président (M. Gagnon): Merci. Un instant! Un à
la fois. M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'espère que le député de
Châteauguay n'aime pas les "comic books" fantastiques parce qu'ils
ne sont pas tous traduits.
M. Dussault: C'est une autre question. Je n'ai pas parlé
de cela. On pourrait parler de cela aussi, mais une autre fois.
M. Marx: Ce sera à la prochaine commission. Je remercie le
ministre de nous avoir distribué ce rapport que j'ai demandé
mardi. Non, mais je pense que le ministre nous a fourni le rapport assez vite.
Il faut assister aux autres commissions; on demande des rapports qui ne
viennent jamais.
Mme Lavoie-Roux: C'est un compliment qu'il vous fait, M. le
ministre.
M. Richard: Je me méfie des compliments du
député de D'Arcy McGee...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Richard: ...Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes soupçonneux.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee, c'est vous qui avez la parole.
M. Marx: Je voulais juste redire que je félicite le
ministre pour sa célérité.
Mme Lavoie-Roux: On endosse les félicitations.
M. Marx: Bon, c'est unanime. Maintenant, à la page 6, je
trouve cela très sérieux qu'il y ait 70% des films qui existent
dans les deux versions, mais qu'on ne puisse pas voir la version
française en même temps que la version anglaise. On a dit hier
soir -M. le député de Notre-Dame-de-Grâce a dit cela aussi
- qu'on trouverait normal que la loi exige que les deux soient
présentées en même temps. Mais comme je l'ai dit hier,
je
ne suis pas sûr que l'article 79 garantira de présenter les
deux ensemble à cause du mot "disponible" au paragaphe 3.
Peut-être que ce sera nécessaire de reprendre cela quand on fera
l'étude article par article.
M. Richard: Voilà ce que j'allais vous dire, M. le
Président. Si on est d'accord sur les objectifs, il sera facile, je
pense, de s'entendre sur la rédaction d'un article au moment où
on fera l'étude article par article, après la deuxième
lecture. Ce sera très facile de s'entendre là-dessus. Je suis
heureux de savoir qu'on est d'accord sur les objectifs.
M. Marx: Sur quelques-uns.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. Richard: Je vous félicite d'être d'accord avec
moi, M. le député de D'Arcy McGee.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, si c'est une très courte question et si elle
s'adresse au ministre, parce que je voudrais qu'on entende nos
invités.
M. Scowen: Je comprends. J'adresse une très courte
question au ministre. Vous avez entendu le député de
Châteauguay exprimer son opinion sur le sujet exact que j'ai
abordé. Voici la question que je pose pour la dernière fois:
Est-ce qu'il existe une étude froide, objective, pour appuyer la
revendication du député et pour démontrer l'amplitude de
ce problème?
M. Richard: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce...
Mme Lavoie-Roux: Non, il n'y en a pas.
M. Richard: ...pas à ma connaissance, mais je veux dire
qu'il y a des évidences qui se dégagent. Pourquoi, quand la
version française existe, n'est-elle pas projetée?
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas cela, la question qu'il pose.
M. Richard: Alors, je saisis mal votre question, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
Une voix: Recommencez.
M. Scowen: Quel est le pourcentage...
Mme Lavoie-Roux: Ces gens l'ont saisie tantôt.
M. Scowen: ...des personnes qui vont deux fois voir le même
film? (16 h 15)
M. Richard: Ah! le pourcentage de personnes qui vont voir...
M. Scowen: Quelle est l'amplitude de ce problème? Est-ce
que c'est 1% de la population, dix mille personnes par année, cent mille
personnes? Combien? Quelqu'un a-t-il pris la peine d'étudier le
problème?
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Richard: M. le Président, comme il n'y avait pas
jusqu'à maintenant de billetterie, cela pose des problèmes pour
la compilation des statistiques. Il y aurait peut-être les chiffres de
l'Office des communications sociales qui nous éclaireraient
là-dessus. Je ne sais pas si cela porte spécifiquement
là-dessus, mais je pense qu'on pourrait dégager certaines
conclusions à partir des données de l'Office des communications
sociales.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Maintenant, je demande
à nouveau au Syndicat national du cinéma de se présenter
et de nous présenter son mémoire.
Syndicat national du cinéma
M. Leblanc (Maurice): Merci, monsieur. Maurice Leblanc,
président du Syndicat national du cinéma. J'ai à mes
côtés M. Michel Siry, membre de notre syndicat, et M.
François Dupuis, aussi membre de notre syndicat. Je vous fais distribuer
la dernière version du mémoire parce qu'on l'a fait adopter en
assemblée générale le 10 février dernier.
Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez nous résumer
votre mémoire.
M. Leblanc (Maurice): Nous aimerions, en guise de
préambule à notre intervention, souligner l'importance du groupe
que nous représentons aujourd'hui dans l'industrie du cinéma,
soit les techniciens. Notre syndicat est né il y a douze ans et il
regroupe actuellement 450 techniciens de tout le Québec, notamment de
l'Abitibi, de Montréal et de la ville de Québec, oeuvrant dans
plus de 50 métiers: du chef décorateur à l'assistant de
production, de l'électricien au caméraman, du maquilleur au
monteur, pour n'en nommer que quelques-uns. Ces travailleurs aux métiers
sans cesse raffinés par l'expérience ont participé, au
cours des années, de façon on ne peut plus importante à
l'édification de l'industrie du cinéma au Québec. C'est
beaucoup grâce à eux qu'on reconnaît aujourd'hui partout
dans le monde la grande qualité
technique de nos équipes québécoises.
Encore perçu il y a quelques années comme un art marginal,
le cinéma "made in Québec" est devenu une industrie. Des
cinéastes comme Altman, Chabrol ou Leone viennent tourner au
Québec avec nos techniciens. La présence de ces cinéastes
illustre bien l'ouverture internationale qu'a connue ces dernières
années l'industrie de la production, ainsi que la
notoriété acquise grâce à la qualité du
travail de nos techniciens.
Parallèlement à cette évolution, la production
nationale a connu des moments difficiles, étouffée par cet afflux
de productions étrangères, l'absence de réseaux de
distribution pour les oeuvres produites, la raréfaction des subsides
gouvernementaux. Malgré tout cela, le cinéma
québécois est encore vivant. Des courts et moyens métrages
remarquables sont produits tant bien que mal, souvent à salaires
différés et avec des moyens de fortune. Sans la
ténacité et l'acharnement de ces personnes qui, envers et contre
tous, s'entêtent à faire du cinéma original, notre
production véritablement nationale se limiterait à un ou deux
longs métrages de prestige par année.
Quelques réformes élémentaires éviteraient
à nos techniciens du cinéma d'être les premiers à
subir, plus durement que d'autres, les hauts et les bas de cette industrie qui
a connu des bourrées de croissance anarchique suivies de
désespérantes années de vaches maigres.
Un sondage récent effectué auprès de nos membres
nous donnait à ce sujet des chiffres assez éloquents. Au moins
58% des répondants avouaient n'avoir travaillé que 90 jours ou
moins en 1982, chiffre facile à comprendre lorsqu'on sait que les
productions des années 1981 et 1982 ont été toutes deux de
75% inférieures à celles de l'année 1980.
C'est pourquoi, M. le ministre, nous tenons à vous indiquer
l'impatience que nous vivons de voir apparaître une nouvelle loi sur le
cinéma, impatience justifiée par des signes qui nous laissent
croire à un nouvel essor de la production cinématographique dans
les prochains mois. La télévision à péage vient de
pénétrer le marché, la demande de matériel original
est en hausse, les producteurs et associations internationales
américaines sont de plus en plus présents dans les "lobbies"
gouvernementaux, entre autres, au ministère fédéral de
l'Immigration. Cette pression que nous percevons dans le milieu nous fait
d'autant plus sentir l'urgence d'un cadre légal nouveau et de
l'importance de soutenir et de renforcer nos institutions et nos acquis en
matière de cinéma.
Nous tenons à signaler tout de suite que la loi n'aura d'effet
immédiat que si elle contient des injections de capitaux sans
délai.
Pour conclure ce préambule, nous invitons les honorables membres
de cette commission à étudier avec une attention
particulière nos recommandations, en tenant compte, encore une fois, de
l'importance que les techniciens représentent pour notre cinéma.
Nous articulerons notre intervention autour de trois principes que nous jugeons
fondamentaux: premièrement, la relance de l'industrie;
deuxièmement, la reconnaissance syndicale et le respect des conventions
collectives; troisièmement, la représentation des techniciens au
sein des institutions décisionnelles.
Premièrement, la relance de l'industrie. La commission Fournier
a, dans le rapport qu'elle a présenté au ministre,
élaboré un mécanisme permettant la création d'un
fonds de soutien d'un montant de 25 000 000 $, somme qu'elle considérait
comme un minimum indispensable à l'établissement d'une
cinématographie nationale solide. Nous ne retrouvons dans la loi qui est
proposée aucun des mécanismes proposés pour la
création de ce fonds. On ne parie que de "sommes que le gouvernement
destine au secteur privé du cinéma" et d'un engagement du
ministre "à augmenter sensiblement" ces sommes au cours des
années à venir. Pourtant, lorsqu'on examine les montants que le
gouvernement a consenti à verser à notre industrie, force est de
constater qu'il n'a pas démontré une volonté politique
très nette d'y consacrer un effort substantiel puisqu'en termes
réels les fonds versés à l'institut ont diminué de
moitié depuis sa création.
La commission Fournier n'a pas hésité à parler de
"seuil critique" du niveau de la production indépendante
québécoise et elle concluait ainsi son analyse: "Si la situation
actuelle persiste, le Québec risque de prendre des retards
considérables, tant au plan des infrastructures que des porformances de
création, ce qui le handicapera dans sa volonté d'assurer son
développement et son autonomie culturels."
L'institut étant le principal agent de notre développement
cinématographique culturel, le ministre se doit immédiatement
d'indexer rétroactivement le budget de l'institut (environ 10 000 000 $)
et de lui assurer une indexation automatique annuelle. D'autre part, une autre
revendication de toute l'industrie, justement soulignée par le rapport
Fournier, concernait la commandite gouvernementale. Le projet de loi, lui, est
complètement silencieux à cet égard et nous avons attendu
en vain de nouvelles propositions. Nous aurions aimé entendre
l'expression d'une volonté de concertation entre les différents
ministères concernés pour accorder aux organismes
créés par la présente loi un certain droit de regard sur
l'attribution des contrats gouvernementaux. Des mesures concrètes
doivent être prises pour permettre une distribution équitable des
commandites gouvernementales et des fonds
qui s'y rattachent dans l'industrie publique et privée.
Parmi les différentes formes de financement du fonds de soutien,
signalons surtout le système de la billetterie nationale. Nous avons
revendiqué l'instauration de ce système depuis le début
des temps, croyons-nous. On ne peut qu'approuver cette initiative de la loi,
mais, tout comme pour l'émission des permis, il est essentiel que les
intervenants de l'industrie aient accès aux données recueillies
par la régie.
Nous nous devons de déplorer, par contre, que, malgré
ladite volonté du ministre de désaméricaniser l'industrie,
aucune mention n'est faite quant au réinvestissement au Québec
des profits tirés de la distribution. Pourtant, là encore, les
intervenants du milieu ont depuis des années sans cesse
réclamé une intervention auprès des différents
paliers de gouvernement. Aucune référence n'est faite à ce
sujet dans l'article 97 de la loi. Où sont donc les mesures d'ordre
fiscal, budgétaire ou réglementaire qui, croyions-nous, devaient
accompagner la loi?
Pour conclure sur cette question, nous ne pouvons que
réitérer l'extrême urgence d'adopter des mesures
concrètes pour relancer l'industrie du cinéma. Nous demandons
donc au ministre d'inclure dès maintenant dans le projet de loi les
mécanismes qui permettront au fonds de soutien non seulement d'exister,
mais aussi de générer ses propres revenus, de sorte que l'aide au
cinéma sorte de l'ornière des tergiversations politiques et
puisse compter sur un financement à long terme.
Deuxièmement, la reconnaissance syndicale et le respect des
conventions collectives. L'apparition d'un syndicat national et le regroupement
des producteurs à l'intérieur d'une association ont permis, au
cours des années soixante-dix, de mettre fin en partie à
l'anarchie qui prévalait au niveau des relations
patronales-ouvrières dans l'industrie. La négociation d'une
première convention collective a favorisé l'établissement
de conditions de travail décentes et a mis fin à la loi du plus
fort jusqu'alors en vigueur, facilitant ainsi la prévision des
coûts de production pour les producteurs et l'assurance d'une
continuité des règles du jeu. Or, malgré les bienfaits
reconnus par tous de la syndicalisation des professionnels du cinéma,
l'État n'a jamais reconnu ce fait malgré les demandes
répétées du milieu.
En 1975, le Conseil québécois pour la diffusion du
cinéma présentait au ministre Hardy son mémoire dans
lequel il demandait "que le texte de loi incorpore un article qui reconnaisse
officiellement la juridiction des associations professionnelles de l'industrie
cinématographique québécoise en matière de
relations du travail, qui affirme leur compétence et leur obligation
mutuelle à négocier les conditions de travail et le salaire
minimum des artisans du cinéma". Nous ne pouvons que
réitérer cette demande plus actuelle que jamais.
Vous avez, M. le ministre, justement soulevé cet aspect dans
votre conférence de presse introduisant le présent projet de loi
lorsque vous avez affirmé: "Dans le domaine des industries culturelles
et, notamment, de l'audiovisuel, la soumission tranquille aux sacro-saintes
lois du marché ne peut conduire, dans le contexte géopolitique,
qu'à l'asphyxie pure et simple des créateurs et artisans de notre
cinéma, qu'à l'attrition des infrastuctures de l'industrie,
qu'à la perte d'une expertise collective chèrement acquise et
souvent mondialement reconnue". Il va sans dire, M. le ministre, que nous
souscrivons entièrement à cette déclaration et c'est
pourquoi nous nous expliquons difficilement l'absence totale de la
reconnaissance de ces droits à l'intérieur du projet de loi.
Assez curieusement, la commission Fournier, qui avait pourtant
reçu clairement comme mandat d'étudier, entre autres sujets, le
statut des artisans - point 12 du mandat de la CECAV - a, elle aussi,
complètement négligé cet aspect. Pourtant, plus que
jamais, nous sommes menacés par les assauts constants et
répétés des unions pancana-diennes et surtout, ce qui est
plus grave, des unions internationales (IATSE) qui tentent de s'assurer
l'adhésion des travailleurs-techniciens du Québec. Si ces efforts
s'avéraient fructueux, l'avenir et la spécificité
culturelle de notre cinéma seraient gravement minés et ce, pour
des raisons qui sont faciles à deviner. Les frontières
n'étant plus protégées par les syndicats
québécois, on assisterait à un envahissement de
techniciens américains, membres d'un même syndicat
américain. Et surtout, l'industrie devra s'accommoder de conditions de
travail dictées par le "grand frère américain"
plutôt que négociées par les artisans locaux.
Comprenons bien que, sans une volonté politique exprimée
par un gouvernement soucieux de sauvegarder notre spécificité
culturelle - notion, d'ailleurs, curieusement disparue dans ce nouveau projet
de loi - nous pourrions difficilement continuer seuls cette lutte face à
la force d'une union toute-puissante en Amérique du Nord.
Nous aimerions voir une manifestation claire d'un désir de
protéger nos associations représentatives. L'émission du
permis de tournage, par exemple, pourrait être conditionnelle à un
engagement ferme de la part du producteur à respecter les ententes
existantes entre les associations et ce, autant pour les producteurs locaux
qu'étrangers. À cet égard, nous croyons savoir que
l'Association des producteurs n'y
voit pas d'objections. Ces émissions de permis permettraient aux
deux parties de plus facilement voir au respect des ententes collectives.
Nous voudrions nous assurer de l'interprétation véritable
des article 100, 101 et 102. Est-ce que le permis de tournage n'est exigible
que pour un producteur étranger ou si celui-ci l'est pour tous, y inclus
les producteurs canadiens et les producteurs québécois? Dans le
même esprit de sauvegarder les conditions de travail existantes ou
à venir, est-ce que l'aide accordée par l'institut ou sa filiale
ne pourrait pas, elle aussi, être soumise à une reconnaissance
d'engagement au respect des ententes collectives?
Nous suggérons donc au législateur d'inclure au projet un
sixième objectif qui pourrait se lire comme suit: "La reconnaissance et
le respect des droits relatifs au droit d'association des personnes, organismes
et sociétés oeuvrant dans l'industrie du cinéma et de la
vidéo et l'établissement de mécanismes de surveillance
appropriés d'application de ces droits". Note: Nous recommandons au
ministre de lire très attentivement le chapitre Les travailleurs et la
loi 109 contenu dans le mémoire de la Fédération nationale
des communications auquel nous avons participé.
Troisièmement, la représentation des techniciens au sein
des institutions décisionnelles. La création de l'Institut
québécois du cinéma, en 1976, a permis l'apparition d'un
nouveau mode de partage des pouvoirs au sein d'une institution gouvernementale,
d'une participation directe de tout un secteur d'activités
économiques et culturelles à son propre développement.
Audacieuse, cette structure répondait à un besoin réel de
concertation. Vouée à l'échec d'après les plus
pessimistes, elle a résisté aux tiraillements et
déchirements inévitables dans un milieu dont on connaît la
sensibilité et ce, malgré les budgets sans cesse
rétrécis par l'inflation.
Or, la structure qui nous est présentée risque, si elle
n'est pas modifiée, de retirer tout pouvoir d'intervention aux
organismes et associations qui y sont représentés, même si
le ministre réaffirme "la représentation majoritaire de la
profession au sein de l'organisme chargé de mettre en oeuvre la
politique du cinéma." (16 h 30)
On scinde donc en deux volets l'institut actuel afin de séparer
l'administration des politiques et l'élaboration de ces mêmes
politiques. Nous pourrions, en principe, souscrire à cette idée
si nous retrouvions des garanties suffisantes pour, d'une part, nous assurer
que notre représentativité au sein du nouvel institut demeure la
même et, d'autre part, que la nouvelle société soit
contrôlée par l'institut. Mais le projet de loi ne fournit pas ces
garanties. Notre représentativité, qui était d'un membre
sur sept, passe à un sur douze. Nous perdons le droit d'élire,
parmi nous, notre président qui sera désormais nommé par
le ministre. De plus, le choix du représentant, qui se faisait parmi les
candidats soumis par l'association "jugée la plus
représentative", se fera désormais à la discrétion
du ministre parmi n'importe quelle association dite reconnue, ce qui ouvre la
porte à la division et au fractionnement plutôt qu'à la
concertation recherchée.
Enfin, l'institut perd à peu près tout droit de regard sur
l'administration de la société, si ce n'est celui d'examiner
annuellement le plan d'aide et de conseiller le ministre sur des questions
générales plus ou moins floues. Or, le rapport Fournier, en
proposant la création de sociétés, parlait clairement de
filiales et non d'organismes complètement autonomes et
détachés de l'institut. Ce dernier continuait de fixer les
enveloppes budgétaires, approuvait les plans et programmes des
sociétés et recommandait au ministre les administrateurs et le
PDG. La loi qui est proposée retire ces pouvoirs à l'institut et,
de ce fait, trahit la volonté de concertation que tous les intervenants
recherchent. Nous approuvons la création d'une Société
générale du cinéma et de la vidéo, seulement dans
l'esprit d'une société gestionnaire, filiale de l'institut
plutôt que telle que définie dans le présent projet de
loi.
L'institut doit être confirmé dans son rôle de
responsable culturel. À l'intérieur du nouvel institut, nous
désirerions remplacer, dans la liste des représentants au no 3,
le mot "artisans" par "techniciens", afin toujours d'éviter toute
confusion. Nous soutenons aussi que les représentants devraient avoir
droit à un substitut. Enfin, nous estimons que les représentants
siégeant à l'institut sont tout à fait en mesure de
s'élire leur propre président.
Un dernier mot, M. le ministre, sur la vidéo. Le projet de loi
définit, au chapitre premier, le film comme toute oeuvre "ayant comme
résultat un effet cinématographique, quel qu'en soit le support."
Cette définition élargie veut, et nous l'avons compris, englober
la production vidéo et nous appuyons entièrement le ministre dans
cette voie. Cependant, nous demeurons, malgré tout, inquiets quant
à la limpidité de cet aspect de la loi. Est-ce que vraiment tous
les articles s'appliquant à la production de films sont tout aussi
valides pour toute la production vidéo? Comme le ministre le sait
déjà, l'apparition de la télévision payante et le
développement très rapide de la technique d'enregistrement
vidéo bouleversent l'industrie actuellement. Il est urgent qu'on y mette
de l'ordre avant que cette évolution technologique ne devienne une
révolution des structures de l'industrie.
Nous désirons donc qu'il soit clair pour tous que la production
d'un film, que ce soit sur support chimique ou magnétoscopique, est
soumise aux règles et conventions qui prévalent dans l'industrie
et ce, à travers les associations représentatives reconnues par
la loi.
M. le ministre, nous avons voulu, dans ce court exposé, vous
sensibiliser à des questions qui sont de première importance pour
les techniciens que nous représentons et aussi, nous en sommes
profondément convaincus, pour la survie du cinéma. La
réforme qui nous est proposée dans le présent projet de
loi ne répond malheureusement pas tout à fait à toutes ces
questions, même si, sur d'autres plans, il s'agit d'un progrès
indéniable.
Conséquemment, notre appui ne pourra être que conditionnel
à une réforme en profondeur dans le sens des points que nous vous
avons soulevés. Sans ces prérequis essentiels, toute nouvelle
structure, quelles que soient ses qualités, ne pourra apporter à
notre industrie une solution dont elle a désespérément
besoin et que nous souhaitons. Merci de votre attention.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Leblanc. M. le
ministre.
M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M.
Leblanc et faire immédiatement une remarque. Au paragraphe 10 de son
mémoire, il nous propose de remplacer le mot "artisans" par le mot
"techniciens". Je dois vous dire que cela a été formulé
par d'autres groupes, à ma connaissance, et que cela sera fait. Je pense
que c'est le voeu exprimé par tout le monde. Maintenant on parle de
techniciens plus que d'artisans.
J'aurais une question à vous poser, M. Leblanc. Évidemment
vous êtes d'accord avec le principe de la création de l'Institut
québécois du cinéma et d'une société
générale. Vous vous dites d'accord, en tout cas, avec la
création de ces deux organismes. Maintenant, vous souhaiteriez que la
société générale soit une filiale de l'Institut
québécois du cinéma. Je vais vous dire que la seule
raison, finalement, qui nous amène à proposer qu'il y ait deux
sociétés, c'est que, le milieu québécois
étant relativement restreint, il nous a paru important d'éviter
que les membres de l'institut ne soient en conflit d'intérêts ou
en apparence de conflit d'intérêts. Non seulement il faut
éviter le conflit d'intérêts, mais il faut également
éviter l'apparence de conflit d'intérêts. C'est pourquoi
nous souhaitons donner en quelque sorte une certaine autonomie à la
société générale. Si on en fait une filiale, le
même problème va se poser: le problème des conflits
d'intérêts et le problème de l'apparence parfois des
conflits d'intérêts pour les tiers. À ce moment-là,
on n'aurait peut-être plus besoin d'une deuxième
société. On pourrait se contenter uniquement de l'Institut
québécois du cinéma. Qu'en pensez-vous, M. Leblanc?
Le Président (M. Gagnon): M. Leblanc.
M. Leblanc (Maurice): Ce que nous voulons bien croire, c'est que
si, effectivement, la société pouvait être
créée pour gérer, pour être une
société de gestion, à ce moment-là, peut-être
que les gens de l'institut pourraient être libérés d'un
certain travail et que l'institut pourrait véritablement faire ce qu'il
a à faire. Mais, chose assez curieuse, M. le ministre, je n'ai jamais
entendu personne dans le milieu formuler quelque plainte que ce soit
auprès de l'institut jusqu'à maintenant.
M. Richard: Je dois vous dire, quant à moi, que j'en ai
reçu une multitude qui étaient souvent probablement non
justifiées, uniquement à cause de l'apparence. C'est pour cela
que maintenant les règles de l'administration gouvernementale sont de
plus en plus sévères à cet égard. Non seulement il
faut éviter de se retrouver en situation de conflit
d'intérêts, mais il faut éviter également de donner
l'apparence qu'on est en conflit d'intérêts. Ce n'est pas facile
à éviter, je le conçois facilement. C'est pourquoi il y a
deux sociétés. Autrement, on n'aurait pas besoin de la
deuxième. On pourrait se contenter de l'Institut québécois
du cinéma qui verrait à gérer les programmes et, donc,
à verser les subventions aux organismes.
Ce qu'on souhaite, c'est que l'institut soit là pour concevoir,
expliciter les programmes et être le premier conseiller du ministre en
matière de politique cinématographique, mais, quant à la
gestion et au versement des subventions, que cela soit fait par un organisme
qui soit autonome par rapport à l'Institut québécois du
cinéma. C'est là l'idée, en tout cas. Je ne suis pas
absolument certain que c'est la seule idée qui doive prévaloir,
mais je n'en vois pas d'autre. C'est l'esprit qui a présidé au
choix que nous avons fait.
Le Président (M. Gagnon): M. Leblanc.
M. Leblanc (Maurice): Si vous m'affirmez que c'est effectivement
l'esprit de la loi, je suis très prêt à vous croire, M. le
ministre. Seulement, à la lecture que nous en avons faite, nous
n'étions pas certains.
M. Richard: Alors, peut-être que, encore là...
M. Leblanc (Maurice): C'est plus une question, finalement.
M. Richard: ...votre intervention aura été
importante parce qu'elle nous permettra de clarifier la volonté que l'on
cherche à exprimer dans le projet de loi.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. Leblanc, à la page 2, vous parlez d'un
sondage effectué auprès de vos membres. Vous avez
découvert que 58% des répondants n'avaient travaillé que
90 jours ou moins en 1982. J'ai trouvé cela intéressant et je
voulais savoir si vous ou M. Leborgne êtes capables de dire combien de
personnes travaillent dans l'industrie du cinéma, dans la production de
films au Québec, aujourd'hui. Quel est le nombre d'emplois dans la
production?
M. Leblanc (Maurice): Nous représentons actuellement 410
membres professionnels. Il y a une autre association de techniciens qui, elle,
représente environ 200 techniciens. Je n'ai pas les chiffres
récents. Il y a, chez les professionnels, à peine 15 ou 20
personnes qui ne sont pas syndiquées et qui, lorsqu'elles travaillent,
signent des contrats de syndiquées permissionnaires.
M. Scowen: II s'agit d'environ 600 ou 700 personnes dans
l'industrie de la production de films au Québec.
M. Leblanc (Maurice): Lorsque la production est à son
niveau moyen. Il y a eu des années où on a eu, pour les deux
associations, jusqu'à 900 membres.
M. Scowen: De ces personnes, combien travaillent pour l'Office
national du film?
M. Leblanc (Maurice): Nous ne représentons que les
techniciens de l'industrie privée. Lorsque nos membres travaillent pour
l'Office national du film, ceux-ci sont régis par la convention
collective de l'Office national du film; la même chose existe pour
Radio-Québec.
M. Scowen: II y en a à peu près combien à
l'Office national du film à temps plein?
M. Leblanc (Maurice): On ne représente personne à
temps plein.
M. Scowen: Vous ne le savez pas?
M. Leblanc (Maurice): Pardon? Vous me demandez combien de
techniciens et d'employés permanents travaillent à l'Office
national du film?
M. Scowen: Je vous pose la question parce qu'on a des chiffres
sur le nombre d'emplois dans l'industrie du textile, dans l'industrie des
pâtes et papiers. La question que je posais était: II y a combien
de personnes qui travaillent dans l'industrie de la production de films au
Québec? J'ai cherché les chiffres dans le livre de M. Fournier et
je ne les trouve pas. De toute façon, en ce qui vous concerne, on n'a
pas les chiffres.
C'est intéressant, j'aime beaucoup la première partie de
votre mémoire parce que vous avez soulevé un point que nous avons
soulevé hier à plusieurs reprises, à savoir que, si le
gouvernement veut relancer l'industrie du film, ce ne sont pas une loi, des
permis, des régies, des associations qui vont créer de l'emploi -
exception faite de l'emploi des inspecteurs, des fonctionnaires qui
s'occuperont de la réglementation - ce sont les fonds. C'est avec de
l'argent que cela doit se faire. Je pense que c'est une illusion de croire que
vous pouvez relancer l'industrie du film au Québec et créer de
l'emploi avec une loi, des règlements, des associations et des permis.
Vous avez soulevé ce point-là très, très clairement
dans la première partie de votre mémoire et je veux vous donner
l'occasion de le répéter, si vous le voulez.
Le Président (M. Gagnon): M. Leblanc.
M. Leblanc (Maurice): M. Leborgne me fait des gestes depuis
tantôt.
Le Président (M. Gagnon): Alors, allez- y.
M. Leborgne: Très brièvement, la réponse
à la question de M. Scowen est difficile à trouver parce qu'il y
a une bonne partie du travail, dans l'industrie, qui se fait au noir, par
analogie à l'industrie du vêtement où il y a des femmes qui
travaillent à domicile. Il y a des travaux qui se font dans la
vidéoscopie. On le sait, on l'apprend, mais il y a beaucoup de choses
qu'on ne sait même pas. Cela se fait comme cela, à la bonne
franquette. Ce n'est pas comme dans des industries ou des usines. Il y a une
difficulté à ce niveau-là. Il y a les fluctuations du
marché qui sont assez phénoménales.
Le Président (M. Gagnon): Merci, monsieur. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: M. Leblanc, il y a combien de membres inscrits au
Syndicat national du cinéma?
M. Leblanc (Maurice): Comme je l'indiquais tantôt, il y en
a présentement 410.
M. Blouin: 410 membres. Est-ce que c'est déjà
arrivé qu'en période de pointe ces gens-là aient à
peu près tous été au travail? (16 h 45)
M. Leblanc (Maurice): C'est parce que c'est assez particulier
comme industrie. En période de pointe, je me souviens d'une année
précise, 1979, où, en fait, pendant une période d'environ
deux ou trois mois, 600 techniciens travaillaient.
M. Blouin: 600?
M. Leblanc (Maurice): Oui. C'était l'exception dans notre
industrie.
M. Blouin: Autrement dit, quand cela tourne bien, on peut
prévoir que, si les ressources étaient supérieures, il y
aurait plusieurs centaines de personnes...
M. Leblanc (Maurice): Qui pourraient travailler.
M. Blouin: ...qui seraient touchées dans ce secteur. Une
chose qui m'a un peu étonné - je reprends l'argument du
député de Notre-Dame-de-Grâce qui a bien raison de dire que
toutes les analyses et tous les efforts législatifs qui sont en train
d'être faits ne seront pas tellement utiles s'il n'y a pas d'argent au
bout - et que je voudrais vous entendre expliquer, c'est qu'au bas de la page 3
de votre mémoire vous dites que vous souhaiteriez, si j'ai bien compris,
que le budget de l'institut soit porté à 10 000 000 $, alors que
le rapport Fournier parle davantage d'un budget de 25 000 000 $. Sur quoi vous
basez-vous pour souhaiter que le budget soit porté à 10 000 000 $
alors que les analystes du rapport Fournier ont considéré que
cela devrait plutôt se rapprocher de 25 000 000 $ pour avoir une
influence plus significative?
M. Leblanc (Maurice): À la même page 3, nous
soutenons que nous approuvons les recommandations du rapport Fournier à
propos des 25 000 000 $.
M. Blouin: Ah oui!
M. Leblanc (Maurice): Ce qu'on a tenté de faire au bas de
la page, c'était seulement de signifier à M. le ministre qu'il
était urgent d'injecter au moins ces 10 000 000 $ immédiatement
à l'institut.
M. Blouin: Cela va. Excusez-moi.
M. Leblanc (Maurice): Est-ce que cela répond à
votre question?
M. Blouin: Cela va, oui. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. En haut de la
page 4, vous faites allusion aux commandites gouvernementales et vous exprimez
le souhait, au deuxième paragraphe, que des mesures concrètes
soient prises "pour permettre une distribution équitable des commandites
gouvernementales". Je me demandais si, de votre côté, vous avez
une idée de l'ampleur de ce que pourraient être ces commandites
gouvernementales et si vous savez comment elles se distribuent
présentement.
M. Leblanc (Maurice): C'est une partie de notre document qui est
basée sur des observations qui nous ont été faites, pour
la plupart, par l'Association des producteurs de films du Québec.
Lorsque vous les entendrez demain, je crois qu'ils feront des interventions sur
ce sujet spécifique aussi. Mais je sais pertinemment qu'il y a certains
ministères du gouvernement qui ont leur propre petite maison de
production, si on peut dire, avec quelques employés. Cela
représente environ 40 employés. Mais ces films, depuis les
dernières années, par moments c'est le ministère qui les
produit, par moments c'est par soumissions, par moments c'est
Radio-Québec qui les fait. Il n'y a jamais eu véritablement de
réglementation là-dessus. Évidemment, comme les gens que
je représente sont à la recherche d'emploi, on croit que si une
distribution équitable de ces commandites était faite dans le
privé et le public...
Mme Lavoie-Roux: Le ministre est sorti. Non, il est là.
Excusez-moi, M. le ministre.
M. Proulx: II est toujours là, le ministre.
Mme Lavoie-Roux: C'est vrai qu'il a un adjoint, je
l'oubliais.
M. Proulx: Oui, puis, il ne faut pas être discret
là-dessus, par exemple.
Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, je me demandais s'il
était possible - pas sur-le-champ, mais d'ici demain - de nous obtenir
une ventilation des commandites gouvernementales en matière de
films.
M. Richard: Ah, mon Dieu!
Mme Lavoie-Roux: On vient de nous dire qu'une partie est faite
à même les ressources gouvernementales; il y aurait même un
studio, je ne sais trop, où on réalise une partie de ces films;
d'autres sont faits par Radio-Québec et d'autres vont à
l'industrie privée ou sont faits à l'extérieur du
gouvernement, de toute façon. Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir la
ventilation de la somme que représentent ces commandites
gouvernementales et de savoir comment elles sont distribuées à
l'intérieur de Radio-Québec, entre le public et le privé?
Je pense que ce serait fort intéressant.
M. Richard: Mme la députée de L'Acadie, je vais
communiquer avec mon collègue, le ministre des Communications, et, si le
document existe, il me fera plaisir de vous le remettre avec la même
célérité que je vous ai remis l'autre.
Mme Lavoie-Roux: Mais on n'y sera pas samedi. Il faudrait que ce
soit une journée plus tôt.
M. Richard: Je ne sais pas si on pourra l'avoir demain.
Mme Lavoie-Roux: Non, non, mais si on pouvait l'avoir
éventuellement. Vous n'avez aucune idée d'un ordre de
grandeur?
M. Richard: Malheureusement pas.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Une autre question, c'est la
dernière, M. le Président. Les personnes qui viennent de nous
présenter le mémoire, comme d'autres d'ailleurs, ont
soulevé la question de la création de la société
générale de gestion - comment est-ce qu'on l'appelle? - ou
d'administration des subventions. Le ministre a expliqué les objectifs
qui étaient poursuivis par le gouvernement, à savoir
d'éviter les conflits d'intérêts ou ce qui pourrait
être une apparence de conflit d'intérêts. Ce n'est pas le
seul organisme qui distribue des subventions. Est-ce que le ministre a
examiné s'il y avait d'autres formules qui étaient retenues dans
d'autres situations pour, justement, éviter ces conflits
d'intérêts? Je pense au Conseil des arts, mais je pense même
qu'à l'intérieur des ministères il y a d'autres organismes
qui distribuent des subventions. Est-ce qu'il n'y aurait pas là,
peut-être, un modèle à examiner? À moins qu'on ne
soit continuellement en conflit d'intérêts au Conseil des arts.
C'est possible, je ne le sais pas.
M. Richard: Non, Mme la députée de L'Acadie. J'ai
analysé cela moi-même d'une façon très attentive et
c'est très différent des problèmes qui se posent au
Conseil des arts. C'est que, dans le milieu du cinéma, on a affaire
à un milieu très restreint de gens actifs dans le milieu. Alors,
quand vous désignez au Conseil des arts un écrivain, il
n'écrit pas douze livres par année. Il n'est pas constamment, il
est très rarement en conflit d'intérêts. C'est la
même chose pour un artiste en arts visuels. Ici nous avons
véritablement affaire à une industrie, ce qui n'est pas le cas,
par exemple, au Conseil des arts. C'est véritablement une industrie et
celle-ci veut être présente lors de la préparation des
politiques et je trouve cela très sain. Mais de là à dire
que l'industrie gérera elle-même les programmes de subventions, il
y a un pas qu'il m'apparaît difficile de franchir. La différence
fondamentale, c'est qu'on a affaire à une industrie.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas, il y a peut-être des
mécanismes qui pourraient être examinés.
M. Richard: S'il y en a d'autres, Mme la députée de
L'Acadie, je suis vraiment réceptif.
Mme Lavoie-Roux: Par exemple, une déclaration de la part
des membres du conseil d'administration de toute possibilité de conflit
d'intérêts, de leurs intérêts dans tel ou tel type
d'industrie.
M. Richard: Oui, cela existe généralement, Mme la
députée de L'Acadie, dans les cas où le conflit
d'intérêts pourrait être tout à fait exceptionnel. Il
pourrait même survenir qu'au Conseil des ministres, un ministre se
retrouve occasionnellement en conflit d'intérêts ou à
l'intérieur d'autres sociétés; je pense à la SDI ou
à des sociétés du genre. Cela ne peut être
qu'exceptionnel. Mais là, ce n'est pas nécessairement
exceptionnel; le conflit d'intérêts peut être assez courant.
C'est pour cela qu'il faut l'éviter.
Mme Lavoie-Roux: Bon. Alors, on vous demandera des exemples
à l'étude article par article. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. Leblanc, vous avez insisté dans le
mémoire sur les difficultés de financement de l'industrie. Vous
notez, en fait, que ces difficultés sont allées en augmentant,
compte tenu de l'attrition des fonds gouvernementaux. On a fait ici, à
cette commission, lors d'une présentation de mémoire, un survol
très rapide des sources de financement. On notait que, lors du lancement
de la cinématographie, après la deuxième guerre, à
la fin des années quarante et durant les années cinquante,
c'étaient très souvent les propriétaires de salles ou les
distributeurs indépendants qui avaient été à
l'origine du financement de bien des films. Cela était allé en
s'amenuisant.
Parfois, il y a des interventions de l'autre côté disant
que le gouvernement devrait investir - je pense avec raison, vous le soulignez
aussi - des sommes beaucoup plus importantes. Vous en chiffrez l'ordre de
grandeur et j'ai l'impression que vous êtes suffisamment modestes puisque
la commission Fournier parlait de 25 000 000 $ rapidement. Vous signalez
également la nécessité, à la page 4 de votre
mémoire, de demander un réinvestissement au Québec des
profits tirés de la distribution. Cela, il n'en a pas été
question jusqu'à maintenant. Ce réinvestissement, de quel ordre,
selon vous, devrait-il être? Est-ce que vous avez fait une exploration de
cette question? Est-ce que vous concevez aussi, en d'autres termes, que
l'État seulement doit assurer le financement ou d'autres sources
sont-elles possibles?
M. Leblanc (Maurice): D'autres sources sont possibles. Le rapport
Fournier en signale quelques-unes. Pour ce qui est des profits de la
distribution qui doivent être réinvestis dans l'industrie, il est
possible de légiférer là-dessus, on en est sûr.
Depuis plusieurs années, on demande au gouvernement
fédéral de légiférer - à l'époque,
c'était un tout autre problème; maintenant, avec la loi 109,
peut-être arriverons-nous à régler le problème -
pour que les distributeurs américains réinvestissent au minimum
20% de leurs profits sur le territoire canadien. Parce que,
présentement, les distributeurs américains empochent de 200 000
000 $ à 225 000 000 $ de profits nets annuellement qui retournent aux
États-Unis sans jamais qu'un seul de ces sous soit réinvesti au
pays.
Lorsqu'on parle de réinvestissement de la part des distributeurs
locaux aussi, il est possible pour un distributeur d'utiliser ses profits
à d'autres fins qu'à des réinvestissements dans
l'industrie cinématographique, je ne sais pas. On veut être
certain que cela reste dans...
Mme Harel: Ces chiffres que vous venez de nous citer, ces taux de
profits, dans quelle étude pourrions-nous les retrouver?
M. Leblanc (Maurice): Madame, je pense que dans le rapport...
Mme Harel: C'est pour l'ensemble du Canada?
M. Leblanc (Maurice): ...Fournier, il est déjà
question de quelques-uns de ces chiffres.
Mme Harel: Dans celui-là notamment.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que vous avez
d'autres questions, Mme la députée?
Mme Harel: Une dernière, très rapide. À la
page 6, vous avez beaucoup insisté sur l'inquiétude. Vous parlez
même de menace; vous dites: "Nous sommes menacés par les assauts
constants et répétés." Vous semblez être inquiets
quant à l'envahissement de techniciens américains. C'est une
priorité de placement pour les techniciens québécois
à laquelle vous faites appel, une priorité de placement en termes
d'épuisement des listes avant de faire appel à des gens de
l'extérieur? C'est à peu près dans ces termes que vous
envisagez?
M. Leblanc (Maurice): C'est une forme qu'on peut envisager, sauf
que la mise en vigueur de cette application n'est pas possible à cause
de notre statut. Nous ne sommes pas reconnus légalement, nous ne sommes
qu'une association bona fide et tout peut se produire. L'envahissement d'un
syndicat américain est assez et même très facile à
prouver et s'il n'y a aucune législation au Québec pour
protéger nos droits d'association, il va nous arriver très
bientôt - c'est peut-être une question de semaines, au maximum une
question de mois la même chose qui se présente actuellement en
Ontario où le local IATSE obtient tous les contrats de films produits
par les producteurs américains venant de Los Angeles investissant leurs
sous ici. Ils parviennent à faire signer des contrats à IATSE
pour la simple raison que ces producteurs sont menacés par le local
IATSE de Los Angeles d'être boycottés pour leurs productions
à Los Angeles s'ils ne signent pas de contrat IATSE en Ontario. Si nous
ne demeurons que des associations bona fide, c'est un danger qui plane.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Leblanc (Maurice): Pardon?
Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi.
M. Leblanc (Maurice): De là l'insistance qu'on met sur la
reconnaissance syndicale.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Brièvement, M. le Président, pour
faire plaisir à Mme la députée de Chomedey. Cela va donner
en même temps l'occasion à un représentant du Syndicat
national du cinéma de prendre la parole. Je vois qu'il arbore un
macaron. C'est un gros "X". Je me demande s'il fait la promotion du
cinéma "X" ou si c'est une façon de croiser les doigts pour que
la loi fonctionne ou s'il y a autre chose. Je voudrais savoir. Cela a l'air
grave. (17 heures)
M. Siry (Michel): C'est un macaron qui avait été
distribué lors d'un festival de super-8. Le 8 est fait avec de la
pellicule.
M. Dussault: Ah bon, c'est celai On ne voit pas très bien
la pellicule d'ici, c'est quand même loin.
M. Siry: Je vais aller vous le montrer tantôt.
M. Dussault: Je vous remercie de l'explication et cela passe le
message pour le festival. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. J'invite l'Association
des réalisateurs et réalisatrices de film du Québec. Je
crois que vous êtes aussi déjà installés à la
table. M. Dupuis, c'est cela? M. Théberge.
M. Leblanc (Maurice): M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Leblanc.
M. Leblanc (Maurice): M. Dupuis m'accorde encore deux petites
minutes. J'aimerais que le ministre nous explique un peu la véritable
interprétation qu'il donne aux articles 100, 101 et 102, à propos
de la vidéoscopie, parce que nous le signalons à quelques
reprises.
M. Richard: Je voulais vous indiquer à ce sujet qu'il est
vrai qu'il y a des concordances qui n'ont pas été faites et elles
seront faites.
M. Leblanc (Maurice): Elles seront faites? Merci infiniment.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie beaucoup, M.
Leblanc, du Syndicat national du cinéma. L'Association des
réalisateurs et réalisatrices de film du Québec est-elle
prête? En attendant que vous preniez place, j'aimerais faire la lecture
d'un télégramme que le président de la commission a
reçu cet après-midi. On y dit: "M. le Président, nous
regrettons de ne pouvoir exprimer la position de la région sud aux
audiences publiques de votre commission par le biais d'un mémoire sur
votre projet de loi intitulé Loi sur le cinéma et la
vidéo. Nous avons constaté que, jusqu'ici, le projet de loi a
reçu un accueil très favorable tant chez les artisans du
cinéma que dans le public en général. Nous partageons ce
sentiment pour l'ensemble de ce projet de loi. Toutefois, nous nous devons de
vous signaler notre appui inconditionnel quant à l'adoption des
dispositions de l'article 97, considérant qu'elles concrétisent
votre volonté politique de prendre les moyens pour doter le
Québec d'une cinématographie nationale, viable et de
qualité. Vous pouvez compter sur notre collaboration habituelle pour
défendre les objectifs que vous poursuivez." C'est signé: Denis
Laliberté, avocat, secrétaire exécutif régional de
la région sud, Parti québécois.
Alors, messieurs, êtes-vous prêts à faire la lecture
du mémoire?
Association des réalisateurs et
réalisatrices de film du Québec
M. Théberge (André): Oui, M. le Président.
L'Association des réalisateurs et réalisatrices de film du
Québec (ARRFQ) est une association constituée selon la Loi sur
les syndicats professionnels et qui a pour objets l'étude, la
défense et le développement des intérêts
économiques, sociaux, culturels et moraux de ses membres. Sa juridiction
comprend le secteur de la réalisation d'oeuvres
cinématographiques sur support chimique, magnétique ou
électronique au Canada.
Depuis 1973, date de sa fondation, l'association s'est toujours
employée à défendre les intérêts de ses
membres et, plus largement, ceux du cinéma québécois dans
son ensemble. Elle a été de bien des dossiers, de bien des luttes
et de bien des combats. Elle a toujours eu à coeur le
développement du cinéma québécois, d'un
cinéma qui procède essentiellement des besoins de la
collectivité québécoise, qui reflète
essentiellement la spécificité culturelle et sociale du
Québec. Elle a fait certaines interventions et des revendications
fondamentales, sans compter qu'elle a participé à tant
d'enquêtes, d'études, de projets de loi et de lois, de
consultations et de sommets.
Il est toujours apparu nécessaire à l'ARRFQ qu'il y ait
une véritable industrie supposant un minimum de structures, de
protection, d'investissements, d'expansion de la cinématographie
québécoise. Permettons-nous de citer notre mémoire de
1978: "Nous affirmons donc, hors de tout doute, la nécessité
absolue d'une industrie cinématographique québécoise.
D'une vraie, intégrée aux possibilités économiques
du Québec autant qu'aux nécessités culturelles des
Québécois. Nous affirmons donc que l'État doit intervenir
à tous les niveaux d'une véritable industrie et harnacher le
commerce à outrance qui détruit et le travail réel ou
virtuel des travailleurs du cinéma québécois et le
patrimoine culturel des Québécois. Car, depuis une vingtaine
d'années, depuis les premières manifestations de notre
cinéma, nous avons assisté à la chose suivante:
premièrement, le capital humain investi -très souvent sans
rémunération financière -par les travailleurs du
cinéma québécois s'est vite transformé en capital
culturel; deuxièmement, ce capital culturel s'est, pour
sa part, transformé en capital politique; troisièmement,
le capital politique ainsi acquis a attiré le capital financier;
quatrièmement, le capital financier a neutralisé, ou en le
récupérant ou en le rejetant, le capital politique, culturel et
humain acquis grâce aux travailleurs du cinéma". Ce que nous
disions en 1978 demeure vrai. Les problèmes que nous identifiions
demeurent.
Nous voici à la veille de l'adoption d'un nouveau projet de loi
sur le cinéma. Nous y voyons poindre, encore une fois, la
récupération politique du travail de tous ceux qui oeuvrent dans
le cinéma ici. Cette fois, la récupération est totale. En
effet, nous croyons que le projet de loi augmente de façon
immodérée la discrétion ministérielle, en ce sens
qu'à la différence de l'ancienne loi, où c'était le
milieu, par le truchement de l'institut, qui conseillait le gouvernement en
matière de cinéma, c'est maintenant le ministre qui demande
conseil au futur institut, contrôle les nominations à la future
société, ainsi qu'à la future régie. Rien n'y
oblige le ministre ou le gouvernement à tenir compte de la
volonté démocratique du milieu qui s'exprime, bien imparfaitement
certes, par l'institut. Nous y reviendrons un peu plus loin. Qu'il nous suffise
pour le moment de dire notre profonde inquiétude devant cette
évolution.
Commentaires sur l'ensemble du projet de loi. Nous voici donc devant un
projet de loi sur le cinéma qui porte le no 109. L'ARRFQ souscrit au
principe de ce projet de loi qui veut l'élaboration et l'application
d'une politique du cinéma. L'ARRFQ souscrit à la volonté
du projet de loi de créer un Institut québécois du
cinéma et de la vidéo, une Société
générale du cinéma et de la vidéo et une
régie, pour des raisons que nous allons exposer plus loin.
Mais il nous apparaît tout de suite que, en ce qui concerne les
objectifs, le présent projet de loi marque un net recul par rapport aux
objectifs de la loi de 1975: nulle part on n'y trouve de
référence à la spécificité culturelle du
Québec. L'ARRFQ se pose aussi des questions sur le fait que la
volonté, que l'on trouvait dans le rapport de la CECAV, de consultation
et de concertation du milieu ne se retrouve pas dans le projet de loi; que le
gouvernement, par la voix de son ministre, nomme tout le monde, à toutes
fins utiles, sans qu'il soit obligé de s'en tenir au principe de la
consultation et de la concertation - on se demande comment, dans ces
conditions, le milieu pourra faire efficacement contrepoids (au sens
américain de l'expression "checks and balances") à une action
politisée d'un ministre - que cet arbitraire ministériel peut
à tout instant rompre l'équilibre entre le futur institut et la
future société; que l'on ne retrouve nulle part, dans les
structures de la future régie, le conseil de surveillance que le rapport
de la commission Fournier recommandait. Nous examinerons ces questions plus en
détail au fur et à mesure de l'examen du projet de loi chapitre
par chapitre et ferons à mesure nos commentaires et suggestions.
Le chapitre I. L'ARRFQ trouve le chapitre des définitions -
c'est-à-dire l'article 1 - un peu court. Il devrait inclure la
définition d'une production québécoise et d'une entreprise
québécoise, de sorte qu'on les soustraie tout de suite et
à l'arbitraire ministériel et à celui du futur institut,
de la future société et de la future régie. Ces
définitions supplémentaires pourront se lire comme suit...
À cause du temps, je ne prendrai pas la peine de les lire. Ce sont les
règlements qui existent actuellement à l'institut, dans les
formulaires d'aide à la production où on définit ce qu'est
une production québécoise, une entreprise
québécoise.
À propos du chapitre II, l'ARRFQ considère que l'article 3
du présent projet de loi manque de précision par rapport à
la loi de 1975. En effet, on n'y trouve nulle part de référence
à la spécificité culturelle du Québec, ce qui
constituait une garantie raisonnable que l'aide au cinéma aide le
cinéma québécois. Nous trouvons aussi que cet article
devrait être plus précis quant à la régionalisation,
c'est-à-dire l'étendue à toutes les régions du
Québec de l'accès à la production et à la diffusion
du cinéma québécois. L'ARRFQ est heureuse que soit reconnu
le principe du respect des droits relatifs à la propriété
intellectuelle et voudrait que l'article 127 soit modifié dans le sens
que nous allons déterminer plus loin. Nous sommes, de plus, d'avis que
devrait être reconnu le droit d'association.
Nous suggérons donc que l'article 3 se lise comme suit: 3. La
politique du cinéma et de la vidéo doit donner la priorité
aux objectifs suivants: 1° l'implantation et le développement de
l'infrastructure artistique, industrielle et commerciale du cinéma et de
la vidéo, qui reflète et développe la
spécificité culturelle des Québécois; 2° le
développement du cinéma et de la vidéo
québécois dans toutes les régions du Québec et la
diffusion du produit et de la culture cinématographiques dans toutes les
régions du Québec; 3° l'implantation et le
développement d'entreprises québécoises
indépendantes et financièrement autonomes dans le domaine du
cinéma et de la vidéo; 4° le développement de films de
tous genres, de toutes durées, de tous formats; 5° la liberté
de création et d'expression, et la liberté de choix du public;
6° la conservation et la mise en valeur du patrimoine
cinématographique et vidéo;
7° le respect des droits relatifs à la
propriété intellectuelle sur les films et l'établissement
de mécanismes de surveillance de la production, de l'exploitation et de
la circulation de ces oeuvres; 8° la reconnaissance et le respect des
droits relatifs au droit d'association des personnes, organismes et
sociétés oeuvrant dans le domaine du cinéma et de la
vidéo, et l'établissement de mécanismes de surveillance
appropriés d'application de ces droits.
L'article 7 pose la question du fonds de soutien, ou plutôt ne la
pose pas du tout. Il a sauté aux yeux de tout le milieu que nulle part
dans le projet de loi on ne parle d'argent. Le rapport de la CECAV
réclamait pourtant la création d'un fonds de soutien. Et le
ministre actuel, dans son allocution au congrès conjoint APFQ/AQDF
d'octobre dernier, disait que: "L'argent, c'est le nerf de la guerre." On ne
peut pas ne pas être d'accord avec lui. Il a aussi dit que la loi "doit
s'accompagner d'autres mesures, d'ordre fiscal, budgétaire ou
réglementaire". La commission Fournier parlait de 25 000 000 $. Elle en
est arrivée à ce chiffre après une longue recherche et
beaucoup de calculs. C'est sa proposition que nous avons retenue dans notre
version de l'article 7, qui suit. 7. Une aide financière peut être
accordée au secteur privé du cinéma et de la vidéo
par la Société générale du cinéma et de la
vidéo suivant le plan d'aide, les programmes et les normes
établis conformément à la présente loi. Est
constitué à cette fin un fonds de soutien du cinéma et de
la vidéo, administré par l'Institut québécois du
cinéma et de la vidéo et alimenté par diverses taxes
prélevées sur les ventes de billets de cinéma, de
publicité à la télévision, sur la
câblodistribution, sur le matériel vidéo, et aussi par une
contribution du ministère, établie à cinq pour cent du
budget annuel de ce dernier.
Le gouvernement peut, s'il le juge bon, trouver un autre moyen (il y en
a de très praticables) pour fournir une somme équivalente
à celle tirée des taxes et contributions, à même le
fonds consolidé. Il est impératif de le faire. Nous y
reviendrons.
L'ARRFQ croit que, comme par le passé, c'est-à-dire selon
l'article 50 de l'ancienne loi, la loi qui est encore en vigueur, les formes de
l'aide financière devraient être laissées
entièrement à la discrétion de l'organisme qui est
mandaté pour administrer les fonds. L'article 8 devrait donc se lire
comme suit: 8. L'aide financière peut prendre la forme: 1° d'un
investissement dans les productions en échange d'une participation aux
bénéfices; 2° de prêts ou d'avances, avec
intérêt à un taux au moins égal à celui qui a
cours sur le marché; 3° de prêts ou avances sans
intérêt ou à un taux plus bas que celui qui a cours sur le
marché; 4° de garanties aux prêteurs et aux investisseurs,
directement ou indirectement, notamment par l'entremise de compagnies de
placements; 5° de primes à la qualité et au succès;
6° de subventions, y compris les subventions au déficit; 7° de
subventions à des activités de promotion ou de
représentation du cinéma québécois; 8° d'une
participation financière à des festivals et autres manifestations
cinématographiques; 9° de réinvestissements par les
bénéficiaires d'aide financière des profits qu'ils tirent
des sommes avancées par la société; 10° de tout autre
moyen autorisé par le gouvernement.
Nous croyons, comme nous l'avons dit plus haut, que le ministre se donne
beaucoup trop de pouvoirs au détriment du principe de la consultation et
de la concertation du milieu, et que l'article 11 devrait se lire comme suit:
11. Le ministre, après consultation avec l'Institut
québécois du cinéma et de la vidéo, approuve un
plan d'aide.
Les articles 15, 16, 17, 18 et 23 sont intimement reliés.
Plusieurs questions se posent. La première est celle de notre
inquiétude à la perspective que les voix des "créateurs"
se trouvent encore plus diluées qu'elles ne le sont présentement,
surtout lorsque intervient l'article 18. La deuxième, très
importante, est celle du fait que le ministre, selon l'article 16, reconnaisse
au moins une association représentative, ce qui laisse supposer qu'il
reconnaisse plus d'une association de réalisateurs, de techniciens ou de
producteurs, etc. On voit d'ici les problèmes que cela pourra soulever.
La troisième est celle soulevée par l'article 17 où le
ministre choisit lui-même le président de l'institut au lieu de
laisser jouer le jeu démocratique de l'élection du
président par les membres du conseil, comme cela s'est fait
jusqu'à maintenant selon la loi de 1975. (17 h 15)
L'ARRFQ adhère au principe de la reconnaissance par le ministre
du caractère représentatif d'une association, mais nous nous
inquiétons sérieusement du pouvoir discrétionnaire que se
réserve le ministre au titre de l'article 23. Nous croyons plutôt
que le ministre devrait s'appuyer, pour la reconnaissance du caractère
représentatif d'une association, sur le principe que nous avons mis de
l'avant dans notre proposition quant à l'article 3, alinéa 8,
c'est-à-dire la reconnaissance du droit d'association.
Les représentants des réalisateurs ont souvent
été, dans le passé, défavorisés: ils n'ont
pu assurer l'assiduité de leur présence aux
délibérations du conseil. La majorité des
réalisateurs est composée de pigistes et, dans l'exercice de leur
métier, ils ne peuvent quitter le plateau de tournage pour aller
siéger. C'est pourquoi nous voulons que la loi prévoie que des
représentants à l'institut puissent avoir un substitut qui
assurera ainsi la présence constante de toutes les associations à
toutes les séances du conseil. Cette demande s'appuie en plus sur
l'esprit de ce qui est prévu aux articles 52 et 119.
Nous croyons donc que les articles 16, 17, 18 et 23 devraient se lire
comme suit: article 16: Le ministre reconnaît une association
représentative de chacun des groupes suivants du secteur privé du
cinéma: les réalisateurs, les producteurs, les techniciens, les
distributeurs, les exploitants, les interprètes, les
auteurs-compositeurs, les fournisseurs techniques. Il demande, par
écrit, à chacune des associations reconnues de lui soumettre,
dans un délai de 30 jours, les noms de trois candidats
représentatifs de son groupe.
Article 17: Le ministre choisit, parmi les personnes dont les noms lui
sont soumis et pour chaque groupe, celle dont il recommande la nomination au
gouvernement et celle dont il recommande la nomination comme substitut. Les
membres de l'institut élisent parmi eux le président de
l'institut. Si une association ne fournit pas dans le délai prévu
les noms des personnes qu'elle propose pour son groupe, le ministre choisit
lui-même la personne qu'il juge représentative du groupe en cause
et en recommande la nomination au gouvernement.
Article 18: Le ministre propose au gouvernement la nomination de quatre
autres membres, après consultation des membres déjà
nommés en vertu de l'article 16, parmi les principaux groupes,
associations et organismes intéressés par la défense des
intérêts culturels du Québec.
Article 23: Le ministre peut, en vue d'une nomination, vérifier
le caractère représentatif d'une association et tient compte dans
cette évaluation des alinéas 1 et 8 de l'article 3.
L'article 37 devrait se lire comme suit: L'institut est responsable, aux
fins de l'octroi de l'aide financière, de la reconnaissance d'oeuvres
comme des films québécois, tenant compte des définitions
de l'article 1.
L'article 47 devrait se lire comme suit: Les affaires de la
société sont administrées par un conseil d'administration
formé de cinq membres, dont un président nommé par le
gouvernement sur la recommandation du ministre, après consultation de
l'institut.
On retourne ainsi à l'esprit de l'article 40 de la proposition de
loi qui apparaissait dans le rapport Fournier. Il réinstalle le respect
du principe de la consultation et de la concertation.
Pour que l'article 61 soit en concordance avec ce que nous avons
suggéré plus haut, ses premier et troisième alinéas
devraient se lire comme suit. Article 61.1: De reconnaître les oeuvres
qu'elle indique comme films québécois, suivant les normes
établies par l'institut en vertu des articles 1 et 37.
Article 61.3: De promouvoir et d'aider financièrement le
cinéma québécois en favorisant sa représentation
dans les festivals et autres manifestations cinématographiques et de
promouvoir et d'aider financièrement la diffusion du produit et de la
culture cinématographiques dans toutes les régions du
Québec.
L'article 64 devrait se lire comme suit: La société peut,
aux fins de l'application des programmes, déterminer par
règlement; 1 la forme des demandes d'aide financière qui lui sont
adressées, les renseignements qu'elles doivent contenir et les documents
qui doivent les accompagner; 2 des règles de constitution des jurys et
de les charger, aux conditions déterminées à
l'alinéa 4 du présent article, de décerner les prix et
autres avantages que la société est autorisée à
accorder ou de faire des recommandations à leur sujet; 3° les
barèmes, les critères et les limites que doit respecter la
société, lorsqu'elle accorde son aide financière, tenant
compte des stipulations des articles 1 et 3; 4 qu'un membre du jury ne puisse
prendre part aux délibérations sur une question dans laquelle il
a, directement ou indirectement, un intérêt personnel. La
société décide si le membre a un intérêt
personnel dans la question. Le membre en cause ne peut participer à
pareille décision. Les jurés sont réputés avoir un
pareil intérêt s'ils sont administrateurs, représentants,
employés ou dirigeants d'une entreprise intéressée dans un
contrat avec la société ou s'ils participent dans une proportion
de plus de 15% dans le capital, les biens ou le financement de
l'entreprise.
À la suite de ce que nous avons dit sur l'article 8,
l'alinéa 2 de l'article 70 devrait disparaître.
Pour ce qui est du chapitre III, nous sommes d'accord avec l'article 77,
mais dans la mesure où on remplace le mot "notamment" par le mot
"surtout".
Dans le but d'assurer une certaine homogénéité au
libellé de l'article 79, nous suggérons qu'à
l'alinéa 2, au lieu de "doublage", il soit toujours fait mention de
"sous-titrage ou doublage". L'ARRFQ estime que le visa temporaire devrait
être de 30 jours. Cela renforcera d'autant plus la diligence dans le
respect du principe de la sortie simultanée français et autres
langues.
Toute référence au réinvestissement au
Québec des profits des distributeurs est
absente. En effet, rien dans l'article 97 ne demande aux distributeurs
de réinvestir effectivement leurs profits ici. De plus, on ne demande
même pas aux personnes d'être résidentes
québécoises, ni aux corporations d'être
québécoises. On peut déjà prévoir que
l'article 97, tel que libellé, sera inefficace pour la
réappropriation par les Québécois de la distribution des
films au Québec, comme le souhaitait la commission Fournier, et que les
"majors" continueront à faire régner la loi du lion qui rugit le
plus fort.
Pour protéger le principe de la liberté d'expression et
s'assurer qu'un producteur ne puisse se voir refuser un permis par la
régie parce que le droit exigé serait trop élevé,
surtout dans le cas de producteurs constitués en société
à but non lucratif ou en coopérative, nous voudrions que
l'article 104 se lise comme suit: 104. La régie délivre un permis
de producteur à la personne qui en fait la demande.
Le président de la régie devrait être tenu de
consulter le milieu quant au choix des membres du personnel chargé de
classer les films et il devrait à cette fin consulter le conseil de
surveillance. Ainsi, l'article 122 pourrait se lire comme suit: Le
président de la régie est responsable de l'administration de la
régie et en dirige le personnel. Il désigne notamment les membres
du personnel chargé d'évaluer et de classer les films et les
films-annonces conformément à la présente loi,
après consultation du conseil de surveillance.
Au chapitre des fonctions de la régie, nous croyons que le projet
de loi en oublie une importante, celle du dépôt ou du registre
public des contrats, comme le mentionnait le rapport de la CECAV. Pour assurer
l'efficacité de l'alinéa 7 de l'article 3 dans notre version,
entre autres raisons, et permettre enfin aux cinéastes d'avoir un
instrument efficace de vérification des ententes relatives aux droits
d'auteur, nous proposons que l'article 127 comprenne uq huitième
alinéa qui se lise comme suit: 8° de tenir un registre public des
contrats des auteurs et des réalisateurs, ou de toute autre entente qui
les lie à un producteur, ainsi que les contrats entre les producteurs et
les distributeurs.
Dans cet esprit, nous voudrions aussi que le projet de loi contienne
l'article suivant: La régie peut intervenir à l'encontre de
pratiques ayant cours dans le domaine du cinéma au Québec si ces
pratiques sont de nature à contrecarrer les besoins culturels de la
population, soit qu'elles restreignent la disponibilité ou le libre
choix des films, qu'elles retardent indûment leur présentation ou
qu'elles soient autrement contraires aux objectifs prévus à
l'article 3. Dans l'exercice de ce pouvoir, la régie peut interdire
toute pratique restrictive, annuler toute transaction impliquant la
propriété d'une entreprise oeuvrant dans le domaine du
cinéma et obtenir de la Cour supérieure ou de ses juges les
injonctions appropriées. Toute personne intéressée dans
une transaction projetée peut s'adresser à la régie pour
obtenir, dans les 30 jours, une déclaration écrite indiquant, aux
conditions que la régie détermine, si elle a ou non l'intention
d'utiliser à l'égard de cette transaction le pouvoir
d'intervention prévu au présent article.
L'article 128 est, à notre avis, à refondre pour y inclure
deux modifications importantes. D'abord, que la régie tienne des
audiences publiques avant la promulgation de ses règlements, notamment
ceux prévus aux articles 158 et 159, et ensuite à tous les deux
ans. Puis il devrait inclure la constitution d'un conseil de surveillance,
comme le voulait la proposition de loi Fournier. Nous croyons que c'est le
conseil de surveillance, constitué d'éléments
représentatifs du milieu, qui serait le mieux en mesure de
déterminer ce que sont l'ordre public et les bonnes moeurs, qui sont en
évolution constante. Il devrait donc conseiller le président sur
ces questions. L'article 128 devrait donc se lire comme suit: 128. La
régie doit, avant la promulgation des règlements qu'elle adopte
en vertu du présent chapitre, consulter le Conseil de surveillance du
cinéma et aussi tenir des audiences publiques à cette fin. Elle
doit, au minimum à toutes les deux années par la suite, tenir une
audience publique sur l'application et le fonctionnement du présent
chapitre si, après avoir donné un avis public qu'elle entend
tenir cette audience, elle reçoit, dans les trentes jours de la
publication de cet avis, une demande écrite et motivée
précisant l'objet des représentations qu'on veut lui faire.
L'avis est donné par les moyens que la régie juge
appropriés.
Cet article 128 devrait être suivi des articles 99 à 107 de
la proposition de loi Fournier. Je vous renvoie à la proposition de loi
Fournier, je ne la lirai pas au long. Ce sont les articles qui concernent la
constitution et les fonctions du Conseil de surveillance du cinéma.
Nous croyons que les amendes prévues à l'article 169 sont
trop légères pour ce qui concerne les contraventions à
l'article 100. Il y a de très bonnes chances que "la personne physique
qui ne réside pas au Canada ou la personne morale qui ne possède
pas d'établissement au Canada", ait déjà de forts moyens
si elles viennent tourner ici. Ces gens pourraient fort bien se contenter de
tourner et de payer l'amende, la faisant, au surplus, passer dans leurs
imprévus ou leurs frais généraux. Plus la sanction est
forte, plus l'article 100 a des chances d'être efficace.
En conclusion, ce mémoire procède surtout de la
nécessité de défendre et de
sauvegarder le principe de la consultation dans la politique du
cinéma. Nous y avons aussi insisté sur le droit
d'association.
L'ARRFQ est d'accord pour la création d'un nouvel institut, d'une
société et d'une régie. On peut espérer une
diminution des conflits et des tiraillements qui ont marqué la vie de
l'actuel institut, mais que le ministre, qui qu'il soit, profite de cette
division pour régner, pour consacrer l'arbitraire ministériel
nous inquiète fortement.
Non seulement ce projet de loi marque un net recul sur le principe de la
consultation et de la concertation, mais il est en régression tout aussi
nette sur la spécificité culturelle. Nous voulons que la
défense des intérêts culturels des Québécois
en matière de cinéma soit clairement inscrite au chapitre des
objectifs de la loi et que soient réinstaurés et garantis les
contrôles démocratiques des futures institutions. Des institutions
et des gouvernements qui oublient la nécessité de la consultation
démocratique ont vite fait de se couper du milieu où ils vivent
et qu'ils doivent soutenir. Il est essentiel de ne pas l'oublier.
Et que de l'argent aille immédiatement au fonds de soutien et que
ces sommes soient substantielles, quelle que soit la façon dont on juge
bon de doter le fonds et la formule qu'on adopte pour le faire. Sans argent, la
loi 109 sera inefficace, inopérante, aura été un
rêve de plus. Il faut la volonté politique de le faire. On
espère que ce gouvernement peut vraiment donner le coup de collier
nécessaire et que les gouvernements qui suivront auront aussi cette
volonté politique. Qu'il cesse de considérer l'industrie
cinématograpique comme toutes les autres, de la soumettre au crible de
la rentabilité économique.
Le rapport de la commission Fournier l'a dit lui aussi: c'est en termes
de rentabilité culturelle qu'il faut penser. Bien des pays, beaucoup
plus petits que le nôtre, moins bien nantis que le nôtre et moins
populeux se sont dotés des instruments dont ils avaient besoin pour la
survie et le développement de leur cinématographie, et pour cela
on les admire. Pourquoi pas le Québec aussi? Et c'est signé par
l'Association des réalisateurs et réalisatrices de film du
Québec.
Maintenant, M. le Président, je me suis aperçu au cours de
la lecture du mémoire que j'avais oublié de nommer les gens qui
m'accompagnent. À ma gauche, il y a François Dupuis, qui est
trésorier de l'association; Jean Beaudry et, à ma droite, il y a
Sophie Bissonnette.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Théberge. Avant
de laisser la parole au ministre, je voudrais faire une annonce
immédiatement par crainte qu'il y ait des groupes dans la salle, des
gens qui songent à sortir pour souper. Il y a eu une entente entre les
formations selon laquelle la commission n'arrêterait pas ses travaux pour
l'heure du souper, c'est-à-dire qu'on va continuer jusqu'à
expiration de l'ordre du jour. Alors, je rappelle les prochains groupes qui
seront entendus: Un groupe de propriétaires de salles de cinéma;
l'Association des consommateurs du Canada qui a dû quitter, je crois; les
Productions et réalisations indépendantes de Montréal et
le Groupe d'intervention vidéo.
M. le ministre. (17 h 30)
M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M.
Théberge de la présentation de ce mémoire qui,
manifestement, procède d'une analyse très rigoureuse du projet de
loi. Je veux lui donner l'assurance immédiatement que nous examinerons
avec soin toutes les recommandations qui sont faites dans ce
mémoire.
Je voudrais toutefois faire deux observations. La première
concerne l'article 7. J'ai déjà eu l'occasion, tout à
l'heure, d'exprimer pourquoi il ne m'apparaissait pas réaliste
d'indiquer dans un projet de loi qu'un pourcentage du budget du
ministère des Affaires culturelles devrait être bloqué pour
les fins de l'industrie cinématographique. Pour mieux vous en
convaincre, si je n'ai pas réussi lors de ma dernière
intervention, je vous donnerai un exemple. Supposons qu'un jour on
enlève, pour une raison ou pour une autre, au ministère des
Affaires culturelles la responsabilité de Place des Arts et du Grand
Théâtre de Québec, et qu'on la confie au ministère
des Travaux publics. Vous voyez que, du jour au lendemain, juste à cause
de cela, l'industrie du cinéma ou l'Institut québécois du
cinéma serait ou pourrait être privé de sommes
extrêmement importantes parce qu'on aurait bloqué le budget. Vous
me direz que cela pourrait jouer aussi dans l'autre sens, mais je ne connais
pas de cas où on a bloqué ainsi le budget d'un
ministère.
Cette observation étant faite, je voudrais vous dire qu'en ce qui
a trait à votre remarque concernant le deuxième alinéa de
l'article 79, j'aurais envie de vous donner raison tout de suite. Je dois vous
dire qu'il est bien possible - je me réserve tout simplement le droit
d'examiner davantage -que votre recommandation se trouve incluse à
l'alinéa 2 de l'article 79 en ce qui a trait au sous-titrage, d'ajouter
le sous-titrage au doublage. Oui, nous y avions déjà songé
et il est bien possible que cela se retrouve dans la loi.
L'autre observation, la dernière, parce que je ne voudrais pas
prendre tout le temps, je voudrais céder la parole à mes
collègues, concerne l'article 99.
M. Théberge: Article 99?
M. Richard: Article 99. L'idée d'instituer un conseil de
surveillance est très séduisante.
M. Théberge: ...de la proposition de loi Fournier.
M. Richard: Oui, c'est-à-dire que vous proposez que...
M. Théberge: De l'article 99 à l'article 107 de
l'ancienne proposition de loi.
M. Richard: Ils devraient être suivis des articles 99
à 107 de la proposition de loi Fournier. Je m'excuse. L'idée
d'instituer un conseil de surveillance peut être très
séduisante. Encore une fois, je vous rappelle qu'un des reproches que
certains groupes font à ce projet de loi, c'est de mettre sur pied trop
de structures. Remarquez que nous mettons sur pied, en fait, une seule
structure puisqu'il y en a déjà deux et nous en créons une
troisième qui sera finalement relativement légère, sauf
que nous additionnons beaucoup de choses à la responsabilité de
la régie qui englobera le Bureau de surveillance. Vous avez donc trois
structures plutôt que sept, comme le proposait le rapport Fournier. Mais
même avec ces trois structures qui apparaissent, je pense, à tout
le monde le strict minimum, certains nous font le reproche d'en créer
trop. Voilà qu'un conseil de surveillance serait une nouvelle structure
composée de dix membres dont un président. Vous avez tout compris
et je vous cède la parole.
Le Président (M. Dussault): M.
Théberge.
M. Théberge: M. le Président, en ce qui concerne
votre première observation, M. le ministre, la règle des 5% du
budget du ministère des Affaires culturelles pourrait aussi avoir un
rôle de - comment dire? -régulation. Admettons que, dans le cours
d'une année fiscale, pour une raison ou une autre, les revenus provenant
de taxation et de permis, etc., baissent, par exemple, s'il se vend moins de
vidéo-cassettes que l'année précédente. Si les
revenus de taxation baissent, par conséquent, les 5% du budget du
ministère des Affaires culturelles pourraient assurer un certain
balancement ou contrecarrer des manques à gagner, puisque les budgets
des ministères augmentent généralement au moins un peu
chaque année.
Or, ce qui se dégage de cela, la raison pour laquelle on insiste
là-dessus, c'est qu'on veut être assuré, au fond, de la
volonté réelle du gouvernement d'injecter tout de suite des
sommes suffisantes - je ne dis même pas considérables, mais
suffisantes - pour assurer non seulement la survie, mais le
développement du cinéma. On en a parlé suffisamment depuis
trois jours, je pense qu'on n'a pas à insister là-dessus. On
voudrait être assuré de façon formelle, si possible dans le
projet de loi, que cette volonté existe et que cela va se faire.
Quant au conseil de surveillance, bien sûr, c'est une structure de
plus, mais il faut bien se rendre compte que cette structure peut être
fort utile. J'ai mentionné que ce conseil de surveillance pourrait
être bien habilité ou mieux habilité qu'une seule personne
ou trois personnes à l'intérieur de la régie à
déterminer le consensus pour ce qui concerne l'ordre public et les
bonnes moeurs.
Je pense que les retombées politiques, si on peut employer ce
terme, pourraient être assez positives. On soustrairait la
détermination de l'ordre public et des bonnes moeurs à des gens
qui, finalement, relèvent du ministre, évidemment, mais qui ne
sont pas nécessairement en consultation constante avec le milieu. Ils le
sont, mais ils pourraient ne pas l'être et on voudrait que le conseil de
surveillance, par les fonctions, les droits et les mécanismes qui sont
prévus, soit en mesure de faire faire les études, d'aller sur le
terrain, pour ainsi dire, et de recueillir des opinions au Québec ou
ailleurs pour déterminer ce que sont l'ordre public et les bonnes
moeurs.
Je pense que c'est une façon de... Ce conseil serait un
instrument très raisonnable et très utile, d'autant plus qu'il
serait public et constitué de gens qui s'intéressent à la
surveillance du cinéma. Je pense que cela aiderait à calmer des
esprits, bien souvent, lorsque, apparaissent des conflits, que ce soit pour des
questions d'obscénité ou des questions politiques, par
exemple.
M. Richard: Seriez-vous disposés à sacrifier les
coûts engendrés par ce nouveau conseil de surveillance,
puisque...
M. Théberge: Vous voulez dire les prendre sur le budget de
l'institut?
M. Richard: Comme j'ai déjà eu l'occasion de le
rappeler à plusieurs reprises, si l'État intervient et
décide d'injecter davantage d'argent pour le développement d'une
cinématographie nationale, s'il y a trop de structures qui absorbent ces
montants, cela ne donnera pas beaucoup de chances à la création.
C'est pour cela que j'ai voulu éviter la multiplication des structures.
Et là, vous m'en proposez une qui m'apparaît quand même
assez lourde.
M. Théberge: C'est une structure de plus, mais nous ne
croyons pas que ce soit une structure de trop.
M. Richard: Merci, M. Théberge.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président, je voudrais mentionner moi
aussi la rigueur que vous avez mise à préparer ce mémoire.
Il y a quand même certains détails qui m'échappent.
À la page 3, par exemple, vous avez ajouté, en faisant la lecture
de votre mémoire, au niveau de la définition de "production
québécoise", que vous vous inspiriez d'un texte qui existe
déjà dans l'aide à la production des entreprises
québécoises, si j'ai bien saisi, ou...
M. Théberge: Oui. Ce sont les règlements qui ont
été faits par l'institut, selon le mandat de la loi de 1975, et
qui déterminent, aux fins de l'aide par l'institut, aux fins de
l'accès à l'investissement, aux subventions et ainsi de suite, ce
que sont des productions québécoises et des
sociétés québécoises. Je les ai citées ici.
Ce sont des définitions qui, je pense, sont justes dans le contexte
actuel.
Mme Bacon: D'accord. Qui étaient pour vous acceptables
pour en faire une proposition, en fait.
M. Théberge: C'est très acceptable pour nous.
Mme Bacon: C'est cela.
M. Théberge: C'est pour cela qu'on les intègre
à notre mémoire et qu'on voudrait qu'elles soient
intégrées à la loi.
Mme Bacon: D'accord. S'il y avait, par exemple, un projet
américain qui, selon les critères d'aide de l'institut, voulait
diffuser au Québec certains aspects culturels propres au Québec,
en feriez-vous une production québécoise, lui donneriez-vous le
qualificatif de production québécoise si c'était fait par
les Américains? On en revient évidemment à la notion
culturelle si on développait davantage.
M. Théberge: On revient à la définition.
Vous nous dites: Si des Américains ou une maison de production
américaine demandait de l'aide à l'institut.
Mme Bacon: Qui répond à des critères.
M. Théberge: L'ensemble des actionnaires d'une maison de
production américaine n'est certainement pas
québécois.
Mme Bacon: Non. À ce moment-là, l'institut ne
l'accepterait pas.
M. Théberge: Je ne pense pas qu'il pourrait l'accepter.
Cela ne s'est pas fait jusqu'à maintenant, d'ailleurs.
Mme Bacon: Parce qu'on revient toujours à la notion
culturelle quand on parle de production québécoise, d'industries
et d'entreprises québécoises. Cela revient à la notion
culturelle, ce qui est québécois. Comment pourrait-on inclure
cela dans la production québécoise? Y aurait-il une
possibilité d'en dire davantage ou devrait-on se limiter à ce qui
existe déjà que vous transposez ici dans votre mémoire?
Peut-on aller plus loin que ce que vous avez suggéré?
M. Théberge: Je ne pense pas qu'on puisse aller plus loin.
Il ne faut quand même pas être trop restrictif ou "encorseteur" et
créer des définitions de trop. J'espère que je
réponds un peu à votre question.
Mme Bacon: Oui. À la page 7, vous suggérez, au no
18: "Le ministre propose au gouvernement la nomination de quatre autres
membres, après consultation des membres déjà nommés
en vertu de l'article 16, parmi les principaux groupes, associations et
organismes intéressés par la défense des
intérêts culturels du Québec." Que faites-vous du public ou
des spectateurs, à ce moment-là?
M. Théberge: Justement.
Mme Bacon: Les incluez-vous automatiquement?
M. Théberge: Oui, oui. Un membre du public qui est
nommé à l'institut, on présume qu'il s'intéresse au
cinéma ou au développement culturel du Québec. Il me
semble que ...
Mme Bacon: Cela va de soi.
M. Théberge: ...la présomption est positive.
Mme Bacon: D'accord. À la page 9, on revient au chapitre
III, vous suggérez, au lieu de doublage, qu'il soit toujours fait
mention de sous-titrage ou doublage. Est-ce que vous pensez que cela
répond aux désirs de la population qu'il y ait toujours ce
sous-titrage ou doublage? (17 h 45)
M. Théberge: C'est une question à double tranchant.
On dit, avec justesse, je pense, que les gens préfèrent voir des
films doublés. On en a parlé, depuis quelques jours, ici à
la commission. Cette mention de sous-titrage ou doublage est
suggérée par nous un peu dans l'esprit de faciliter l'application
de cet article. Si un producteur ou un distributeur ne trouve pas le temps,
pour une
raison ou pour une autre, mais on présume de bonne foi, de nous
fournir une copie doublée, quoiqu'on ait eu tendance à prouver
qu'il pouvait très bien la fournir, qu'il puisse au moins
procéder à un sous-titrage, qui prend beaucoup moins de temps et
qui coûte beaucoup moins cher. On a cité le chiffre de 1500 $. Je
pense que c'est un peu plus que cela, mais c'est loin d'être
énorme, surtout si on considère que c'est un investissement qui
peut être récupéré très facilement, en
quelques jours, surtout si c'est un film populaire.
Mme Bacon: J'ai de la difficulté à voir un film
sous-titré, par exemple.
M. Théberge: Oui...
Mme Bacon: II y a beaucoup de gens comme moi.
M. Théberge: J'allais continuer là-dessus. Si on
donne la chance au distributeur de distribuer des films sous-titrés,
évidemment, cela va choquer au début, cela va déranger,
mais il faut bien considérer que cela risque fort bien de créer
des habitudes de consommation qui, à mon sens, comme réalisateur,
comme créateur, vont plus dans le respect de l'oeuvre originale ou
intégrale. On a parlé de couleur, de ton et de tout ce qu'on
voudra, hier, quand Mme Deschâtelets, de l'Union des artistes, est venue
faire ses observations, ses suggestions. Il existe des pays - comme je le dis
à la fin de notre mémoire - beaucoup plus petits que le
nôtre où il n'entre pas un seul film, que ce soit sur les
écrans, dans les salles ou à la télévision, qui
soit doublé. Ils sont tous, sans exception, sous-titrés quand ils
sont en langue étrangère. Les gens, dans ces petits pays,
l'acceptent et lisent les sous-titres. Ils comprennent très bien et ont
aussi accès à la couleur originale, à la saveur originale
ou à l'intention originale de l'auteur.
Mme Bacon: Vous voulez changer les habitudes?
M. Théberge: Mais cela se fait très bien dans
certains pays et même, dans un petit pays que je ne nommerai pas, il
m'est arrivé de regarder la télévision avec les
sous-titres, évidemment, dans cette langue étrangère, que
je comprenais plus ou moins, et on a tourné le bouton et on a
capté une émission qui venait d'Allemagne. C'était une
émission américaine, c'était "Roots", qui passait en
même temps à la télévision danoise. C'est le petit
pays en question. On voyait la version sous-titrée en danois sur un
canal et, sur l'autre canal, de l'autre côté de la
frontière, on voyait l'émission qui venait d'Allemagne, "Roots"
en allemand. Les gens se marraient, ils disaient: C'est impossible, cela n'a
aucun bon sens, même s'ils comprenaient l'allemand. Alors, ça se
crée, des habitudes de consommation dans ce sens-là. Je pense que
ça peut être une bonne façon de le faire.
Mme Bacon: II faudrait qu'on change nos habitudes.
M. Théberge: Oui, pourquoi pas?
Mme Bacon: II faudrait en prendre d'autres, quoi. À la
page 12, vous demandez évidemment au gouvernement d'avoir une
volonté politique d'investir les sommes nécessaires et de donner
le coup de collier nécessaire. Vous souhaitez que les gouvernements qui
suivront fassent la même chose. Je pense qu'avec mes collègues,
nous avons pris bonne note aussi de votre demande, à la page 12.
M. Richard: Vous savez ce que votre collègue, la
députée de L'Acadie m'a dit quand on disait qu'on prenait bonne
note...
Mme Bacon: ...mais ce sont mes anciennes habitudes de
ministre...
M. Richard: ...que ça ne menait à rien. Elle a dit
que ça ne menait à rien et que ça ne voulait rien
dire.
Mme Bacon: Je fais comme le ministre.
Le Président (M. Gagnon): M. Théberge, est-ce que
vous avez terminé? M. le député de Saint-Henri.
M. Hains: M. Théberge, au nom de l'Opposition et de mes
collègues ici, ça me fait plaisir de vous féliciter
vraiment pour, d'après moi, un des beaux dossiers que nous avons
reçus. C'est vraiment fouillé, c'est constructif, c'est rempli de
saines critiques et, en même temps, de suggestions des plus positives.
Vous avez tous nos remerciements pour votre beau travail.
M. Théberge: Nous l'avons fait dans cet esprit.
Le Président (M. Gagnon): Alors, merci, M.
Théberge. Il est déjà...
M. Théberge: Si vous le permettez, M. le Président,
pour terminer sur une note un peu plus légère, j'aimerais citer
une critique d'un film qui a été fait en 1947 à
Québec, au Québec, et dont le titre de travail,
c'est-à-dire le titre du scénario était "Rendez-vous au
Château Frontenac". C'est devenu "Forteresse", le fameux film qui est
sorti en 1947.
J'ai ici une critique qui a été faite de ce film, ce film
qui a été tourné à Québec
avec des acteurs américains pour une partie, et on doublait le
tournage pour le faire. Vous vous rappelez sans doute. Je vous cite ce
critique: "Trêve de charité chrétienne! Maintenant qu'il
s'agit d'exportation, de linge sale et de la famille, comme "Le Père
Chopin" de mélancolique mémoire, la "Forteresse" sera, pour de
nombreux Français, Belges, Suisses, la première image du Canada
qu'ils aient jamais vue. "Supposons que notre devoir soit de leur annoncer
l'événement. Ma foi, je ne vois pas qu'on puisse le faire, sauf
en leur tenant à peu près ce langage: c'est un film à la
Hollywood qu'on vous passe via le Canada, c'est-à-dire, pauvres amis, ce
qu'il y a de plus stéréotypé. Vous verrez des acteurs dont
les noms ont des résonance qui vous feront sûrement plaisir (je ne
citerai pas ces noms)." Et un peu plus loin on dit: "Vous pourrez voir aussi
des extérieurs qui sont magnifiques et qui, sur l'écran
international, sont à coup sûr inédits."
On termine cette lettre aux amis étrangers de Suisse, de Belgique
et de France: "Or, chers amis, ce n'est pas là, pas encore tout à
fait, le centre culturel du Canada. On vous permettra sans doute un jour
d'admirer de nous un portrait qui soit de meilleure main." Cela date de 1947,
c'était dans le journal Le Clairon, je présume celui de
Saint-Hyacinthe, et c'est signé René Lévesque.
M. Richard: Je dois vous dire, M. Théberge, qu'au moment
où j'ai présenté le projet de loi sur le cinéma au
Conseil des ministres, je l'avais accompagné d'une critique du film
"Ti-Coq", signée également par René Lévesque.
M. Théberge: J'espère que ça lui a fait
plaisir.
M. Richard: ...et j'en avais donné une copie à tous
les collègues du Conseil des ministres.
M. Théberge: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Théberge, et
merci aussi aux gens qui vous ont accompagné. Merci à
l'association que vous représentez. J'inviterais maintenant... On me
demande de suspendre la séance jusqu'à 18 heures, question de
relaxer un peu. Est-ce que vous êtes d'accord pour suspendre les travaux
de la commission jusqu'à 18 heures? Il ne faudrait pas dépasser
18 heures, n'est-ce pas?
Une voix: Je m'occupe de mon équipe.
Le Président (M. Gagnon): La commission permanente des
affaires culturelles suspend ses travaux pendant dix minutes, jusqu'à 18
heures.
(Suspension de la séance à 17 h 53)
(Reprise de la séance à 18 h 06)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît. Lors de la suspension, soi-disant pour dix minutes, nous en
étions à inviter un Groupe de propriétaires de salles de
cinéma. Je crois que c'est M. Gilbert?
M. Gilbert (André): Oui.
Le Président (M. Gagnon): Je vous invite à prendre
la parole, à nous présenter les gens qui vous accompagnent et
à nous faire lecture de votre mémoire.
Groupe de propriétaires de salles de
cinéma
M. Gilbert: Merci. À ma droite, se trouve M. Tom Farmanian
et, à ma gauche, M. Yvon Myner.
M. le Président, M. le ministre, messieurs de la commission,
premièrement, j'aimerais faire une correction à la
septième ligne de la page 1: au lieu de l'article 85, ce serait 79, s'il
vous plaît. À gauche. Ensuite, à la page 2, une addition
à la troisième ligne du bas où on dit: "salles de province
qui pourraient jouer les films...". Ajouter, s'il vous plaît, les mots
"après ou".
Représentations des propriétaires indépendants de
salles de cinéma présentant des films en version anglaise
auprès de la commission parlementaire chargée d'étudier le
projet de loi no 109 appelée: Loi sur le cinéma et la
vidéo. Les présentes ont pour but de mettre en lumière
l'article 79 lequel sera à notre égard d'une telle rigueur qu'il
nous forcera à fermer nos commerces dans lesquels nous avons investi nos
expériences et notre argent.
Nous croyons avoir le droit le plus strict de présenter à
notre clientèle de langue anglaise les films de leur choix et de ne pas
les pénaliser parce que la version française n'est pas
prête en même temps.
Nous approuvons le principe du projet qui veut favoriser la
présentation au public de la version française dans les
délais raisonnables. Cependant, il existe actuellement des salles qui
présentent, dans certaines villes à fort pourcentage
d'anglophones, des films en version anglaise.
Nous croyons que ces citoyens sont des Québécois à
part entière et que les délais ou restrictions avancés
dans le projet de loi brimeront leurs droits. Le délai de 60 jours pour
obtenir une version française ou l'annulation du visa de la version
anglaise fera que nous, des salles de province,
sommes voués à ne plus être en mesure d'obtenir de
produit, si ce ne sont les films de second ordre refusés par les grands
circuits. De plus, imaginez qu'après 60 jours, le film sera
obligatoirement retiré de l'affiche pour une période de 180
jours, soit six mois, après quoi un visa pour une seule copie sera
délivré.
Ce qui veut dire que les salles multiples de Montréal ou de
Québec accapareront cette copie pendant de longues périodes et
nous priveront ainsi du produit. Alors, pourquoi ne pas donner de permis, visas
spéciaux ou spécifiques, à cette demi-douzaine de salles
de province qui pourraient présenter les films après ou en
même temps que leur sortie à Montréal en version
anglaise?
C'est pour ces raisons que nous sommes ici aujourd'hui et afin de
fournir aux membres de la commission un complément d'explication.
Messieurs Jean Bessette et Jean Paiement avaient un voyage
organisé cette semaine - on était censés passer la semaine
dernière - et c'est la raison de leur absence.
Nous avons sûrement le mémoire le plus court, mais non le
moindre, puisque le projet de loi semble faire de nous des victimes. Nous
sommes devant vous pour essayer de trouver une façon, une solution
à ce qui nous semble un problème de survie. Je m'excuse, c'est
une addition que je fais aujourd'hui. Nous savons que nous touchons un aspect
très sensible du projet de loi. Malgré notre approche
peut-être maladroite, nous aimerions sortir de cette commission plus
sécurisés. Nous avons pensé vous suggérer que les
distributeurs soient amenés par loi à fournir à ces salles
dites de province des copies additionnelles qui nous permettraient de
présenter ces films dans nos salles en même temps ou du moins en
dedans des 60 jours.
L'article actuel nous pénalise et nous croyons qu'une
réglementation adéquate irait même jusqu'à nous
avantager sur la présente situation en nous assurant des copies dans de
plus brefs délais. Nous répondons à un besoin
spécifique pour une clientèle spécifique et nous croyons
que cette clientèle est en droit de voir les films récents. Nous
tenons à vous assurer que nos salles présentent des films en
version anglaise 52 semaines par année et non pas à l'occasion
d'un grand succès commercial.
En terminant, nous tenons à vous confirmer que nous avons l'appui
de l'Association des propriétaires de cinémas du Québec,
laquelle association aura le loisir de se faire entendre demain.
Un exemple qui peut survenir est la sortie - vous avez plusieurs films
qui sortent en anglais à l'occasion de Noël, de Pâques ou
à des saisons spécifiques - de six, sept ou huit films en version
anglaise à Montréal. Comment nous, les salles de province,
pourrons-nous avoir en 60 jours le temps de présenter ces films? C'est
mathématiquement impossible, parce que, si vous avez un écran
à Sherbrooke et qu'il y a huit films, deux mois, c'est assez difficile,
surtout si vous avez un film qui garde l'affiche pendant deux ou trois
semaines. Dans toute la province, on a dénombré onze salles
où passent des films en anglais en plus des cinq qui sont
représentées ici aujourd'hui.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Gilbert. M. le
ministre.
M. Richard: Je voudrais vous remercier, M. Gilbert, et en
même temps vous poser une question. Vous vous dites en accord avec les
objectifs poursuivis par le projet de loi, notamment les objectifs qui visent
la majorité de la clientèle cinématographique
québécoise. Mais vous exprimez des craintes, en ce sens que les
dispositions de l'article 79 pourraient en quelque sorte vous écarter
des films que vous appelez de premier ordre. Au moment où on se parle,
est-ce que vous avez accès aux films de premier ordre et dans quel
délai? Vous et vos membres.
M. Gilbert: Toujours en version anglaise?
M. Richard: Oui.
M. Gilbert: Nous les avons. Les films sortent à
Montréal. On peut les avoir en même temps. On peut les avoir trois
semaines après selon la disponibilité des copies. À
l'occasion, nous les avons en même temps.
M. Richard: À l'occasion? Mais,
généralement, dans quel délai avez-vous ces films dits de
premier ordre?
M. Gilbert: Trois semaines, quatre semaines, cinq semaines,
après la sortie à Montréal.
M. Richard: Cinq semaines après la sortie à
Montréal.
M. Gilbert: Oui.
M. Richard: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je tiens à vous
remercier pour la présentation de votre mémoire. Je comprends vos
inquiétudes. Dans un premier temps, vous faites mention, à la
page 3, qu'après le délai de 180 jours, il n'y a qu'une copie
disponible. Je comprends que vous fassiez la proposition afin qu'il y ait des
mesures d'exception pour
les cinémas de province, afin de pouvoir obtenir lesdits films en
question. C'est sûr que je ne peux pas vous répondre, étant
dans l'Opposition, mais vous auriez aimé savoir du ministre s'il
était réceptif à cette proposition. Je ne sais pas si je
peux me permettre, en votre nom, de demander au ministre de nous donner une
indication, à savoir s'il est possible de faire une étude pour
avoir une forme d'exception pour ce qui est de la seule copie disponible
après le délai de 180 jours. (18 h 15)
M. Richard: Oui, mais auparavant j'aimerais poser une autre
question à M. Gilbert, si vous me le permettez. Dans la mesure où
vous me dites que, normalement, en moyenne, vous avez les films de premier
ordre deux ou trois semaines après leur sortie à Montréal,
cela fait vingt et un jours. La loi parle de 60 jours. Comment expliquez-vous
qu'en même temps vous puissiez être pénalisés par les
60 jours? 11 reste une quarantaine de jours.
M. Gilbert: Si vous avez un écran qui projette un film en
anglais, par exemple, à Sherbrooke et que vous avez accès
à six, sept ou huit films, vous ne pouvez pas les passer tous en
même temps. Alors, la date de départ du premier film ou des sept
ou huit films est la même. Si les films sortent le 25 décembre,
tous les huit sortent le 25 décembre. Alors, que j'en aie un de
ceux-là le 25 décembre, il en reste tout de même six. Si je
le passe pendant trois ou quatre semaines, l'accumulation des semaines fait que
mes 60 jours sont écoulés et que je n'aurai même pas le
temps de les faire passer.
M. Richard: À la lumière de votre
expérience, quelle réponse apportez-vous à ceux qui
prétendent qu'en ne comptant que 280 salles commerciales de
cinéma il n'est pas toujours possible de présenter en même
temps plusieurs copies d'un même film?
M. Gilbert: C'est possible parce que cela reste tout de
même aussi un commerce. Je vois très mal le distributeur, qui est
obligé de faire venir 25 copies d'un film, avoir une recette moyenne
parce qu'en fin de compte il va travailler juste pour les laboratoires.
M. Richard: Mais ce n'est pas à cause de la
non-disponibilité des salles?
M. Gilbert: Non, les salles sont là, mais il reste que
c'est un commerce. C'est la loi de l'offre et de la demande.
M. Richard: Trouvez-vous...
M. Gilbert: Mais c'est à cause du délai; on pense
qu'on peut être pénalisés parce que, dans les 60 jours,
justement, on ne pourra pas faire passer tous ces films qui partent à
une même date. Et c'est courant. C'est très courant parce que les
sorties se font à des dates précises quatre ou cinq fois par
année, avec des lancements nationaux.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, est-ce que vous
aviez terminé?
M. Richard: Cela va.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Marquette, est-ce que vous aviez terminé?
M. Dauphin: Je pense que monsieur voulait ajouter quelque
chose.
M. Myner (Yvon): Je voudrais peut-être apporter un exemple.
Il pourrait y avoir un film sorti à Montréal, avec cinq copies,
par exemple, et que ces cinq copies soient accaparées par les circuits.
Devant un succès qui pourrait découler de cette exploitation, qui
pourrait durer quand même 60 jours, on n'a pas la disponibilité de
ces copies. Il est normal que, s'il y a cinq copies et que c'est un film
commercial à Montréal, ce soient les circuits qui les passent en
priorité. C'est tout simplement une question économique, on va
les passer là où on fait le plus d'argent pour commencer, mais
s'il n'y a plus de temps après que les 60 jours sont
écoulés, nos commerces sont bâtis sur la
présentation de films en anglais et on se trouve à être
pénalisés de ce fait, car on ne pourrait pas avoir le
délai nécessaire pour passer les films.
À ce moment-là, j'interpréterais la loi comme
favorisant le circuit et nous, qui sommes des commerçants de petites
entreprises pour qui il est vital d'avoir les films accessibles dans les
délais de 60 jours, sommes pénalisés. Présentement,
on n'est pas en mesure d'évaluer de quelle façon cela va nous
pénaliser mais, au lieu de subir la loi, on dépose ce
mémoire pour se faire entendre et essayer de se faire protéger.
Montréal est un grand centre, mais il reste qu'il y a des endroits dans
la province de Québec où il y a d'autres gens, comme nous, qui
présentent du cinéma en anglais. C'est quand même notre
commerce et, comme je vous le dis, on est de petites entreprises et on voudrait
se faire protéger. Encore là, ce n'est pas faire du cinéma
à l'occasion, nous présentons des films 52 semaines par
année et depuis longtemps; on ne voudrait pas se faire couper l'herbe
sous les pieds par la nouvelle loi.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: Je saisis bien le problème que vous exposez
mais, en même temps, il y a quelque chose que je n'arrive pas à
comprendre. Quand vous me parlez d'un film en cinq copies, cinq copies en
langue anglaise disponibles pour 60 jours chacune, cela fait un nombre
considérable de représentations. Cela signifie déjà
que le film est un succès et, s'il est un succès, vous touchez du
doigt le véritable problème, cela veut donc dire qu'il vaut la
peine d'être doublé. 300 jours de représentations à
deux, trois ou quatre représentations par jour, vous vous imaginez ce
que cela représente comme succès? C'est justement l'objectif de
la loi. Quand il y a un pareil succès, on veut imposer le doublage ou le
sous-titrage d'un tel film.
M. Gilbert: Si on prend un succès, je suis bien d'accord,
mais on doit prendre aussi des films à recettes moyennes dont vous ne
faites doubler que deux copies. On ne présente quand même pas des
films à grand succès 52 semaines par année, il n'y en a
pas. Les films moyens, on doit les présenter aussi et il y a des films
qui ont une valeur en version anglaise que les Québécois de
langue française n'apprécieront pas de la même façon
à cause du sujet du film. Si c'est un gros succès de Broadway,
cela touche peut-être moins la clientèle
canadienne-française que celui qui parle anglais. Si la compagnie ne
double que deux copies, on aura deux copies anglaises. Si on prend le circuit
de seize salles à une semaine chacune, cela fait déjà
quatre mois.
Le Président (M. Gagnon): M.
Farmanian.
M. Farmanian (Tom): Je vais vous donner un exemple et vous me
direz ce que vous en pensez. Supposons qu'on a un film qui sort à
Montréal en deux copies, le film a un succès moyen, très
moyen. Peut-être que cela va s'adresser à la population anglaise,
comme M. Gilbert le disait. Sur 60 jours, ils vont le garder - une copie ou
deux copies -peut-être 30 jours ou 40 jours à Montréal.
Ensuite, comme il reste 20 jours et deux copies pour seize salles, qui va
prendre le film? Ce sera la loi du plus fort et les autres, assoyez-vous
là et attendez. C'est un exemple. La disponibilité joue aussi
là-dedans. S'il ne reste que 20 jours pour présenter le film et
qu'on a déjà quelque chose de programmé, on perd
automatiquement ce film et peut-être qu'on n'aura rien à
présenter un peu plus tard. Je parle de films moyens. Je ne sais pas si
vous suivez mon idée.
M. Gilbert: Le problème ne se pose pas pour les gros
succès - il y a cinq ou dix films par année à grand
succès - ce sont les 42 autres semaines pendant lesquelles il faut
vivre. C'est pour les films moyens qu'on a de la difficulté à
s'approvisionner.
M. Farmanian: C'est la loi du marché aussi. Si on parle du
distributeur, c'est sûr qu'il va faire plus d'argent dans les grands
centres qu'à Sainte-Adèle, à Cowansville ou à
Grenville. C'est la loi du marché aussi. Avec un amendement comme
celui-là, 60 jours, ils vont aller où il y a de l'argent, les
distributeurs, et je ne les blâme pas.
M. Richard: Oui, je comprends, mais quand il n'y a que deux
copies d'un film anglais, vous êtes quand même obligés de
vous battre pour savoir lequel d'entre vous va avoir l'une ou l'autre de ces
copies.
M. Farmanian: Oui, mais, si on a un temps limité, lui va
le présenter, moi, je vais le présenter après, un autre va
le présenter aussi et cela va dépasser largement les 60
jours.
M. Gilbert: Ce qui arrive à l'occasion aussi c'est que
Toronto va nous prêter des copies pendant une période de trois
semaines juste pour libérer les situations anglaises et les copies
retournent.
Le Président (M. Gagnon): M. Myner, vous aviez
demandé la parole.
M. Myner: En somme, on ne parlera pas des films à gros
succès par exception parce qu'ils sont peut-être quatre ou cinq
par année. C'est assurer une continuité sur 52 semaines. Moi je
dis qu'on risque de ne pas avoir cette sécurité de pouvoir
présenter pendant 52 semaines les films en version anglaise, comme nous
l'avons fait dans le passé. En plus de cela, il faut se battre
continuellement contre la compétition qui devient de plus en plus grande
si on regarde la télévision payante, la vidéo.
Présentement, on attend les copies après les circuits dans les
grandes villes. Souvent cela dépasse le délai de 60 jours. Pour
l'instant, cela ne nous touche pas tellement parce qu'on peut présenter
quand même après 60 jours. Il reste que si la loi est
appliquée dans le délai de 60 jours, on va être
pénalisés.
Je reviens encore. Je me suis voué à mon commerce. J'ai
agrandi mon commerce. Je n'ai pas délaissé le cinéma
français parce que j'ai deux salles de cinéma. Je présente
dans une salle le français et dans l'autre salle l'anglais. Je ne
voudrais pas vraiment avoir dépensé mes énergies pour en
venir à recommencer à zéro par la force des choses, si
nous sommes obligés de fermer nos portes à cause d'une loi qui
jouerait contre nous.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Marquette. Est-ce que vous aviez
terminé?
M. Myner: Je veux bien préciser ici. On n'est pas contre
la loi elle-même. C'est qu'on veut, parce qu'on est des
indépendants, avoir un délai raisonnable pour pouvoir
présenter ces films du fait qu'on est obligé d'attendre
après une première présentation dans les gros
circuits.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Je n'ai pas d'autre question. Je pense qu'il y a
d'autres collègues qui veulent en poser. C'est qu'effectivement, vous le
dites vous-mêmes, vous êtes d'accord avec les objectifs de
francisation, de doublage en même temps. Évidemment, en
période de récession, ce n'est pas le temps de fermer des
commerces. Là-dessus je suis entièrement d'accord avec vous. Je
veux juste que le ministre en prenne vraiment bonne note. Je suis
entièrement d'accord avec vous là-dessus.
M. Richard: J'en prends bonne note, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Si je comprends bien votre problème, ce qui vous
fait le plus peur, ce qu'on appelle, entre nous, le tunnel de 180 jours
où le film disparaît de la circulation, c'est cela qui vous fait
peur.
M. Myner: 180 jours de délai avec la
télévision payante. Avec la télévision
conventionnelle, vous avez le vidéo, vous avez de nombreux
compétiteurs qui travaillent contre nous. Nous ne sommes pas capables de
nous protéger, de protéger notre commerce qu'on s'est
acharné à bâtir.
M. Hains: Je veux dire que c'est cela qui vous fait peur, ce sont
les 180 jours où toute version disparaît. Il n'y a pas eu de
version française de sortie.
M. Myner: C'est cela.
M. Gilbert: Oui parce que le film a perdu tout son impact. Vous
ressortez un film six mois après; il est passé autre chose.
M. Hains: II pourrait encore, même là, être
très bon. Le sortir à seulement une copie. Imaginez, ce n'est
qu'une copie à présenter. C'est encore un autre handicap qui va
vous brimer. Oui.
M. Farmanian: C'est comme on dit. Déjà
à Sainte-Adèle, on a le câble depuis quatorze ans, la
télévision à péage s'en vient à grands pas,
et il y a déjà quatre clubs vidéo. Cela ne nous facilite
pas les choses. Comme M. Myner dit, je ne délaisse pas le cinéma
français non plus. On a une deuxième salle qui en présente
en français.
M. Hains: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Châteauguay, après, ce sera Mme la députée de
Chomedey.
M. Dussault: Moi aussi, je trouve un peu curieuse la situation
qu'on nous présente. On nous répète du côté
de l'Opposition continuellement que les films anglais ne sont pas vus par les
francophones par le biais du doublage. Il semblerait, à les entendre,
que la version anglaise est utilisée par les anglophones. Quand nous
aurons droit enfin à des versions françaises en même temps
que l'original anglais, est-ce qu'on ne peut pas penser que le besoin de la
copie anglaise va être moins considérable, qu'on en aura besoin
moins longtemps à Montréal, la copie anglaise deviendra plus
rapidement disponible pour les régions.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Châteauguay, j'ai une question de règlement.
M. Dussault: II me semble que c'est cela la logique qu'on devrait
regarder.
Le Président (M. Gagnon): Question de règlement...
(18 h 30)
M. Dussault: On aura satisfait les deux, mais, le jour où
les francophones cesseront d'aller voir des films en anglais parce qu'ils
auront leur copie...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député.
M. Dussault: ...cela libérera pour ces gens-là la
copie en anglais.
Le Président (M. Gagnon): M. le député! M.
le député! Une question de règlement, M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: M. le député de Châteauguay,
avez-vous pensé que les gens à qui nous parlons actuellement
s'occupent de cinéma exclusivement en anglais? Est-ce que je me trompe?
Il n'est plus question ici de doublage, de sous-titrage ou de n'importe quoi.
On parle de ces gens, qui sont nos invités ce soir et qui ont des salles
où ils projettent des films en anglais. C'est pour cette raison qu'on
insiste là-dessus. C'est là, pour eux, qu'est le gros
handicap.
M. Dussault: J'ai compris tout cela, M.
le député de Saint-Henri. J'ai aussi compris...
Le Président (M. Gagnon): Bon! Je n'ai pas compris une
question de règlement. C'était une question de...
M. Hains: Je voulais souligner un point.
M. Dussault: Oui, c'est cela. J'aimerais pouvoir terminer.
Mme Bacon: Est-ce que je dois soulever, M. le Président,
une question de règlement?
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: II est peut-être tard; le député
de Châteauguay n'a pas compris l'Opposition. Ce qu'on a dit - et je pense
que c'est dans certaines statistiques - c'est qu'il n'y a pas que les
anglophones qui vont voir des films en anglais. Il y a les francophones aussi
qui vont voir des films en anglais...
M. Dussault: Oui, parce qu'ils ne les ont pas en français.
C'est ce qu'on dit.
Mme Bacon: ...parce qu'ils aiment cela. Ils les voient en anglais
parce qu'ils veulent y aller.
M. Dussault: C'est ce que vous pensez, mais ce n'est pas comme
cela, la réalité.
Mme Bacon: II ne faut quand même pas diriger les gens par
la main et ce n'est pas ce que l'Opposition a dit. Il y a même 70% des
francophones qui vont au cinéma anglophone. Je ne vois pas pourquoi vous
nous dites que nous sommes contre cela.
M. Dussault: M. le Président, puis-je continuer?
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, c'est clair que
présentement l'original anglais sert aux deux groupes, les francophones
et les anglophones, ce qui veut dire qu'on a besoin d'un certain nombre de
copies anglaises. Le jour où on aura l'original français, on
n'aura plus besoin, à Montréal, d'autant de copies anglaises.
Elles deviendront disponibles pour les salles qui veulent les projeter en
anglais. Elles les auront plus vite, en plus, parce que, comme on en aura
besoin moins longtemps à Montréal, elles seront plus rapidement
disponibles en région. Deuxièmement, j'ai l'impression qu'un de
ces jours les propriétaires de salles vont devoir tirer la conclusion
que le temps de présence de films en anglais chez eux devra diminuer.
Ils devront changer leur politique. Ils devront peut-être avoir des
salles qui vont faire de petits bouts en anglais et de grands bouts en
français. On ne me fera pas croire que, dans leur région à
eux, ce sont des populations très majoritairement anglophones. Cela
change au Québec, en plus. Ce n'est pas comme il y a 20 ans dans les
Cantons de l'Est. Les Cantons de l'Est se sont largement
"francophonisés". Je pense que c'est un problème d'adaptation et
je suis convaincu que ces gens ont toutes les facultés qu'il faut pour
s'adapter. Pendant ce temps, on aura largement satisfait les francophones.
C'est ce que veut le projet de loi. Tout le monde sera satisfait, M. le
Président.
Mme Bacon: On aura satisfait le Parti québécois,
voyons!
M. Mains: Peu importe qu'ils vident leurs cinémas.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Châteauguay, je pense qu'il y avait une
réponse de M. Gilbert.
M. Gilbert: C'est peut-être simplifier -je regrette - un
peu, parce que si vous prenez...
M. Dussault: C'est proche de la réalité.
M. Gilbert: ...une ville qui présente l'anglais, le
français ne se présente pas nécessairement au même
cinéma. Le français est présenté chez le
concurrent. À ce moment-là, si je n'ai pas l'anglais ou, comme M.
le député l'a dit, s'il faut s'adapter à présenter
du français, il faut qu'il soit disponible aussi et on n'en a pas.
M. Dussault: II va être disponible maintenant.
M. Gilbert: Oui, mais il va l'être pour les autres, pour le
compétiteur. Ce n'est pas comme cela que cela fonctionne du tout...
M. Dussault: Mais vous les avez...
M. Gilbert: ...parce que vous avez l'exclusivité.
Le Président (M. Gagnon): Non! Non! Non! À l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Dussault: Je voudrais continuer.
Le Président (M. Gagnon): Cela va très mal pour
ceux qui auront à enregistrer ces débats. Il ne faudrait tout de
même pas que tout le monde parle en même temps. Avez-vous fini, M.
Gilbert?
M. Dussault: Je voudrais continuer à poser des questions
à monsieur.
M. Gilbert: Non. Je veux dire que ce sont tout de même des
exclusivités. Le produit français est présenté
à telle salle, est présenté au Roxy et moi, je
présente au Capitol et je présente l'anglais. Je ne peux pas
avoir les deux à la même salle. Cela me prive du produit d'une
façon ou d'une autre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Monsieur a bien dit tout à l'heure qu'il y
avait une attente de cinq semaines pour avoir le film en anglais. C'est le seul
qui existe. Ils attendent cinq semaines. Ne peut-on pas penser, à un
moment donné, que parce que le film en français sera populaire
à Montréal ils auront à attendre aussi, mais, de toute
façon, attendre pour l'anglais ou attendre pour le français,
c'est attendre pareil? À un moment donné, vous allez avoir
à subir des délais. Dorénavant, vous allez les subir au
profit des francophones plutôt que de les subir au profit des
anglophones. Je trouve que c'est un juste retour des choses. Je ne vois pas
où est le problème.
Le Président (M. Gagnon): M. Gilbert, avez-vous...
Mme Bacon: Vengeance.
M. Dussault: II n'y a pas de vengeance là, Mme la
députée de Chomedey.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse!
M. Dussault: Vous voudriez qu'il y ait de la vengeance de notre
part, à nous. Ce que l'on cherche actuellement, Mme la
députée de Chomedey, c'est la normalité des choses, un
point, c'est tout.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse!
M. Dussault: Cela vous choque, la normalité...
Mme Bacon: Oh non! Cela m'amuse.
M. Dussault: ...je le sais, mais c'est cela, quand même, la
réalité qu'on veut. C'est la normalité des choses.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. À l'ordre,
s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. Gilbert,
aviez-vous fini?
M. Gilbert: Oui, parce que cela revient toujours au même
problème. Nous ne sommes pas contre. Nous sommes pour le fait que la
copie ou la version française arrive plus vite.
Cependant nous expliquons que notre problème, c'est qu'à
ce moment-là, nous n'avons pas de produit dans nos salles. Alors, est-ce
que, pour avoir une copie française, il faut que je ferme ou que les 16
salles ferment? C'est ce qu'on veut savoir.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: M. Gilbert vous avez dit tantôt - je voudrais
savoir si j'ai bien compris - qu'il vous arrive de recevoir quelques copies.
Est-ce que vous avez plusieurs copies d'avance dans votre cinéma, par
exemple, ou si vous recevez une copie de film à la fois, qui vous arrive
- on comparait avec Montréal - avec une différence de quelques
semaines? Vous n'en avez pas d'avance qui attendent d'être
présentées? Vous avez une copie à la fois pour le nombre
de jours où elle doit être présentée et ensuite,
vous recevez une copie d'un autre film. C'est cela?
M. Gilbert: C'est exact, c'est le processus normal.
Mme Bacon: Alors, ce ne sont pas des copies qui attendent.
M. Gilbert: Ce n'est pas une banque de films qui est
là.
Mme Bacon: Non, d'accord. Merci.
M. Farmanian: Si je peux vous éclairer, c'est que souvent
on doit attendre la disponibilité d'une copie qui vient d'en dehors de
la province, de Toronto, St. John ou Vancouver, et si les cinémas
importants des grandes villes en ont fini. S'ils n'en ont pas fini, on attend,
c'est aussi simple que cela, c'est une question d'argent.
Mme Bacon: Ce qui veut dire que vous ne pouvez pas faire une
planification stricte de votre présentation de films.
M. Farmanian: On ne sait jamais; c'est du lundi au lundi, selon
le succès obtenu dans d'autres villes au Canada, Montréal ou
d'autres grands centres. À part cela il n'y a rien. On ne peut pas dire:
La semaine prochaine, c'est cela; c'est lundi pour vendredi.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Myner.
M. Myner: Merci. J'ai pense clarifier davantage la question de la
traduction de l'anglais au français. Chez moi, j'ai une salle de 360
sièges qui présente la version française et une salle de
165 sièges qui présente la copie anglaise. Je veux m'assurer
la continuité du produit anglais, parce que j'ai un marché
pour mon produit anglais. Cela n'exclut pas le fait que, si la copie devient
disponible en français, je le fasse passer en français. Si je
peux faire passer les deux en même temps, ma clientèle aura le
choix d'aller le voir soit en français, soit en anglais.
Mais ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est qu'actuellement
j'ai un commerce que j'ai agrandi avec une clientèle anglaise et je
voudrais avoir le même privilège que les circuits de pouvoir
présenter le film chez nous dans un certain délai. Parce que le
film n'est pas disponible, du fait qu'il est retenu par le circuit dans les
grandes villes, je ne voudrais pas être pénalisé parce
qu'on ne peut pas présenter le film dans ce délai. C'est tout
simplement ce qu'on veut demander de prévoir dans la loi. Parce que,
à cause des circuits qui retiennent le film, on ne peut pas l'avoir et
on est pénalisé. Enfin, nous sommes de petites entreprises et on
voudrait rester dans le commerce.
C'est tout simplement cela et je crois que cette demande est très
légitime.
M. Richard: D'accord. Mais, si vous me le permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Richard: ...à partir du moment où les copies
sont disponibles en français, cela les rend disponibles pour tout le
monde. C'est ce qu'il faut comprendre.
M. Myner: Oui.
M. Richard: À partir du moment où elles sont
disponibles en français, cela les rend disponibles pour tout le monde.
Dans l'état actuel des choses, si j'exploitais un cinéma et que
je voulais l'exploiter uniquement en langue française, comme exploitant
de langue française, je serais pénalisé, parce qu'il
faudrait attendre ma copie. Mais dans la perspective où tout le monde
aura en même temps une copie, et en anglais et en français,
comment serez-vous alors pénalisés? Parce que l'objectif de la
loi, c'est permettre que tout le monde ait accès en même temps
à un film ou en langue anglaise ou en langue française.
M. Myner: Je suis d'accord avec le préambaule de la loi,
si vous voulez. Mais il reste qu'on a quand même un côté
anglais et un côté français. Nos expériences
passées nous laissent croire qu'on pourrait être
pénalisé par un délai de 60 jours pour la
présentation du film en anglais. Je n'ai aucune objection à le
présenter en français aussitôt qu'il sera disponible.
Même, s'il est disponible avant, je n'ai aucune objection, mais j'ai deux
commerces à faire fonctionner et je voudrais qu'on puisse les faire
fonctionner.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Je présenterai un autre cas, M. le ministre.
J'aimerais que vous m'écoutiez pour voir si j'ai tort ou raison. Si, par
exemple, on présente un film anglais pour avoir le visa et que le type
dit: Non, je n'ai pas de preuve comme quoi... Je veux avoir une version
française dans le moment. Vous lui donnez quand même, je crois, un
visa de 60 jours.
Une voix: Voilà.
M. Hains: Si durant ce temps, le producteur se dit que,
franchement, cela ne vaut pas la peine pour une raison ou pour une autre; il
n'a pas assez de succès, cela ne colle pas du côté des
Français; alors, il ne fera pas de version française. C'est
permis. Alors ce qui arrive, il prend le tunnel de 180 jours, pour revenir
après 180 jours, et il observe la loi. Il est en parfaite
légalité, mais avec une seule copie. C'est là, je crois,
qu'on pénalise ces gens pour des films, comme ils disent, dont souvent
les gens ne feront pas de version française. Alors, au moment où
le film serait presque disponible pour ces gens, vous l'envoyez dans le tunnel
de 180 jours et vous les privez complètement parce que, six mois
après, le film n'aura pas de valeur pour eux.
M. Richard: Non, non, mais...
M. Hains: Non, mais est-ce que je suis quand même dans le
droit chemin en vous disant cela.
M. Richard: Oui, mais avec une erreur importante quand
même, M. le député de Saint-Henri: c'est que,
présentement, ce que vivent les francophones du Québec, c'est
précisément cette situtation. Si vous avez raison, on pourrait
dire que c'est sans intérêt pour les francophones puisqu'ils
attendent trois, quatre, cinq ou six mois avant d'avoir droit à une
présentation en langue française, souvent davantage...
M. Hains: ...ou pas du tout, c'est cela.
M. Richard: ...ou pas du tout. C'est cela la situation qui est
vécue par l'ensemble de la clientèle cinématographique du
Québec, par la majorité. Alors on dit que désormais on
essaiera de voir à ce que les deux sortent en même temps, de telle
sorte qu'au bout de la course, et j'en suis persuadé, vous serez
avantagés parce que vous aurez la copie en version française et
celle en version anglaise
et vous pourrez choisir d'exploiter vos salles comme vous le souhaitez.
Autrement, c'est toute la communauté francophone du Québec qu'on
pénalise. Si vous me dites que, pour vous, d'avoir le film trois mois
plus tard, trois mois trop tard, c'est sans intérêt, que
dites-vous pour la communauté francophone du Québec qui, souvent,
doit attendre six mois, neuf mois, un an avant d'avoir droit à la
version française. Cela m'apparaît encore beaucoup plus
sérieux comme problème.
M. Myner: Je suis totalement d'accord avec vous.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Myner.
M. Myner: D'accord, merci. Je suis totalement d'accord avec vous.
On n'est pas contre le principe de sortir, si vous voulez, ce qu'on appelle
communément chez nous un "day and date". On est d'accord, si on pouvait
arriver à faire cela. Présentement, ce que nous présentons
devant vous, c'est que nous avons des commerces qui fonctionnent avec des films
anglais. Nous voulons pouvoir continuer à avoir le privilège de
présenter ces films. On a peur que le délai de 60 jours ne soit
pas suffisant pour nous permettre d'avoir les films disponibles pour les
présenter dans nos cinémas. Je ne suis pas contre le fait de les
avoir en français avant ou après ou en même temps. 0e fais
une représentation pour mon cinéma qui est présentement
anglais. Je suis inquiet de ne pas pouvoir obtenir les films pour les
présenter dans le délai de 60 jours. C'est tout simplement
cela.
Le Président (M. Gagnon): M. Gilbert.
M. Gilbert: En fin de compte, ce pourquoi nous sommes ici, c'est
surtout pour le délai. On ne discute pas sur la nécessité
de sortir des films dans les deux versions. Cela est acquis, cela doit se faire
et bravo! Mais on ne veut pas fermer pour cela. Le délai est trop court
pour nous.
Dans une situation où, M. le ministre, où les deux
écrans vous appartiennent et vous êtes le seul propriétaire
de cinéma du coin, il n'y a aucun problème. Mais aux endroits
où vous avez de la concurrence - il y en a sept ou huit où il y a
de la concurrence - alors, cela vous enlève le produit, parce que celui
qui présente l'anglais ne présente pas nécessairement le
français; il est présenté chez le compétiteur.
Alors cela lui enlève la possibilité. Si le délai
était plus long, on pourrait même le présenter, le
français pourrait même être présenté avant;
mais là, le français sera présenté et on n'aura
même pas l'occasion de le présenter en anglais. Parce que, encore
là, on s'entend tout le temps sur le nombre de copies.
M. Richard: Oui, mais si vous avez au départ la version
sous-titrée, cela ne pose déjà plus de
problème.
M. Gilbert: II s'agit du nombre de copies par rapport au nombre
de salles. S'il y avait trois salles au Québec qui présenteraient
en anglais, le problème ne se poserait pas, parce que le délai
serait raisonnable. Mais c'est le nombre de salles...
M. Richard: Dans le cas où il y a une version
sous-titrée qui existe en vertu de l'alinéa 1 du paragraphe 69,
le problème ne se pose plus puisqu'on peut les présenter dans les
deux langues.
M. Gilbert: Oui, mais encore là cela dépend du
nombre de copies. Est-ce qu'on n'est pas juste, comme on dit, si on le
pouvait..
M. Richard: Des copies sous-titrées, cela ne coûte
rien.
M. Gilbert: Cela ne coûte rien.
M. Richard: La première copie coûte 1500 $ mais la
deuxième ne coûte rien.
M. Gilbert: Ce sont les cotations d'aujourd'hui. Lorsque le
processus sera parti, ce sera plus cher. J'en suis assuré.
M. Richard: Les copies, non.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Je crois que j'ai blessé un peu tout à
l'heure ma collègue de Maisonneuve en disant que les versions
françaises ne viendront peut-être jamais. M. le ministre, est-ce
que vous avez des statistiques pour nous dire quel est le pourcentage des films
qui ne sont pas traduits en français?
M. Richard: Mon Dieu... M. Hains: Non mais en...
Le Président (M. Gagnon): Il y a un pourcentage
très élevé.
M. Hains: Très élevé. Pourtant nos salles...
Ce n'est pas parce que je veux... Ecoutez-moi bien. Je ne voudrais pas qu'on
nous accuse, comme on vient de le faire, de ne pas être en faveur de la
francisation des films le plus tôt possible. Nous sommes tous pour cela.
Seulement, de là à vouloir faire crever nos gens qui se
dévouent, qui travaillent ou qui oeuvrent aussi dans le Québec,
c'est là qu'est la distance et je n'aime pas la franchir. C'est pour
cela que
je parle pour ces messieurs.
M. Richard: Mais, M. le député de Saint-Henri, en
général, il ne s'agit pas de films qui font plus de 60 jours.
Alors là, le pourcentage devient très réduit.
M. Hains: C'est cela. C'est au moment où ces gens peuvent
avoir les films qu'encore une fois ils entrent dans le tunnel et ne pourront
pas les avoir ensuite avant six mois. Parce qu'ils n'ont pas ces films tout de
suite. C'est comme le disait monsieur, après cinq semaines, six
semaines, qu'ils peuvent avoir ces films. Parce que les producteurs n'ont pas
cru que c'était valable d'en faire une version française, le film
n'est pas assez bon à leurs yeux et peut-être aussi aux yeux du
public. Alors, c'est là qu'il prend le tunnel et qu'il ne reviendra
que...
M. Richard: Oui, je comprends. M. Hains: C'est cela
l'idée.
M. Richard: Mais il faut comprendre que le problème que
les personnes qui sont devant nous posent est beaucoup moins sérieux
encore - on aura l'occasion de le voir demain - que le problème qui se
pose aux exploitants de salles en province pour du cinéma francophone.
Parce que eux, c'est un an après, le plus souvent, qu'ils ont
accès au film en langue française. Ils sont obligés de
survivre dans ces conditions et souvent ils n'y ont pas accès du tout.
On aura l'occasion de le voir demain.
M. Hains: J'en suis, mais même la loi ne forcera pas les
producteurs à faire des versions françaises s'ils ne le peuvent
pas et ils auront droit à 60 jours de projection.
M. Richard: Oui, ils peuvent, en vertu de l'article 79, M. le
député de Saint-Henri, sous-titrer. Sous-titrer, ce n'est pas le
chiffre que je donne, c'est le chiffre qui est contenu dans le rapport
même des "majors" américains, cela coûte 1500 $.
Voilà le coût pour un sous-titrage. Imaginez que cela ne prend pas
un film à très grand succès pour sous-titrer.
Le Président (M. Gagnon): M. Gilbert.
M. Gilbert: Si vous permettez à un film moyen de faire une
carrière de 60 jours dans un grand centre, c'est une bagatelle, parce
que vous avez la population. Tandis que le film moyen que vous allez montrer en
province, vous allez faire une semaine. Alors, votre 60 jours est parti, parce
que vous pouvez avoir quatre copies sur un film moyen qui va faire encore ses
frais dans Montréal, parce que ce que vous avez dans le grand centre,
c'est cosmopolite, il y a du monde, ce qu'on ne retrouve pas en province.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Je voulais répéter. Le ministre l'a
dit après que j'eus demandé la parole. Il y a la copie
sous-titrée et je pense que c'est cela qui va régler leur
problème. Je voulais aussi ajouter que j'ai bien entendu tout à
l'heure qu'ils ont dit que les "majors" étaient tout à fait
d'accord avec leur mémoire ou vice versa et on va comprendre demain
pourquoi, parce que cela va devenir beaucoup plus clair demain.
M. Gilbert: Je n'avais pas parlé des "majors" mais de
l'Association des propriétaires de salles de cinéma.
M. Dussault: On va comprendre demain...
M. Gilbert: Ne pas confondre.
Le Président (M. Gagnon): Attention! Attention! On ne
recommencera pas à parler tous en même temps.
M. Dussault: On comprendra mieux demain pourquoi ils ont des
problèmes; lorsque les "majors" viendront ici et qu'on aura des
questions à poser sur leur façon de fonctionner, on comprendra
pourquoi ils ont beaucoup de difficulté à avoir des films.
Là, cela deviendra beaucoup plus clair. Ce n'est pas qu'une question de
langue, c'est aussi une question de distribution. La difficulté est
là aussi.
Le Président (M. Gagnon): Si vous me permettez, Mme la
députée de Maisonneuve aura probablement une question à
poser. Après, je vous céderai la parole. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Très courte question. Merci, M. le
Président. Je voudrais vous demander ceci: Dans la pratique, quand vous
acquérez une copie de film, est-il vraisemblable que, très
souvent, pour avoir tel film qui se vend bien, qui attire une bonne
clientèle, on vous force un peu la main pour en prendre un certain
nombre d'autres qui sont de moins bons vendeurs mais que vous êtes
amenés à prendre pour pouvoir avoir celui qui vous convient le
mieux?
M. Gilbert: Ces pratiques ont existé...
Mme Harel: Dans la pratique commerciale.
M. Gilbert: ...il y a longtemps. Elles n'existent plus, du
tout.
Mme Harel: Cela n'existe plus? M. Gilbert: Absolument
pas.
Mme Harel: Vous acquérez uniquement et
exclusivement...
M. Gilbert: Oui.
Mme Harel: ...les films que vous désirez projeter?
M. Gilbert: Absolument, absolument.
Mme Harel: N'y a-t-il pas de pratique commerciale afin de vous
inciter à projeter d'autres films?
M. Gilbert: Non. Mme Harel: Non.
M. Gilbert: Je n'achèterais pas, on n'a même pas de
contrat. Cela n'existe plus. C'est une entente. On travaille à longueur
d'année avec les compagnies. Les compagnies travaillent à
longueur d'année avec nous, alors on n'a pas du tout de contrainte.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Farmanian.
M. Farmanian: Farmanian, c'est cela. Tantôt, M. le ministre
a parlé d'une copie sous-titrée. C'est bien beau, mais si le film
ne vaut pas plus la peine que cela, disons qu'il est vraiment moyen, ils
diront: Les "peanuts" qu'on ira chercher à Sainte-Adèle, à
Cowansville et tout, on va s'en passer. Qu'est-ce que cela nous donne? Pas de
film. C'est aussi simple que cela, rien à présenter. Tout
dépend: Même si cela coûte 1500 $, pour une petite salle
comme la nôtre, c'est de l'argent.
M. Richard: Alors, une dernière...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: ...observation, avec votre permission, M. le
Président. En vertu de l'alinéa 3, la régie appose un visa
temporaire sur les copies présentées en version autre qu'en
français. Au fond, le problème que vous soulevez, c'est le
problème que vous avez comme clients avec vos fournisseurs. Si vos
fournisseurs vous fournissent plus de copies, le problème ne se pose
pas. Il vous revient donc d'exiger de vos fournisseurs plus de copies. Sont-ils
à ce point intraitables?
M. Gilbert: Non, non, sans être intraitables,
cependant.
M. Richard: Ils vous doivent bien cela.
Vous êtes de bons clients. Cela ne coûte rien, des copies.
Ce n'est pas le coût, vous le reconnaissez, une fois qu'une copie existe,
les autres ne sont pas un problème. Alors, ce que vous devez exiger pour
régler votre problème, c'est qu'au lieu d'avoir deux ou trois
copies en langue anglaise ils vous en fournissent cinq, six ou sept.
M. Gilbert: Une copie coûte tout de même 1800 $
à 2000 $, dépendant du métrage.
M. Richard: Oui, mais vous savez...
M. Gilbert: Si vous avez des petits endroits.
M. Richard: ...fort bien que vos fournisseurs possèdent
ces copies.
M. Gilbert: Un nombre, si on parle...
M. Richard: Et si vous êtes de bons clients, ils vous
fourniront ces copies. Si vous étiez mon client, un bon client, je
n'hésiterais pas à vous fournir les copies dont vous avez besoin,
si vous les utilisez.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M.
Gilbert.
M. Gilbert: Et nous apprécierions vous avoir de l'autre
côté.
J'avais une remarque à faire. Est-ce possible, pour activer
votre...
Le Président (M. Gagnon): Une dernière
remarque?
M. Gilbert: Oui. On sort d'ici et on n'en sait pas beaucoup plus
que lorsqu'on est arrivé. Cela nous déçoit un peu.
Cependant, il semblerait que M. le député aimerait attendre
d'avoir entendu l'Association des propriétaires et les autres, demain.
Est-ce possible pour nous de nous garder une possibilité, à la
fin de la journée demain ou à la fin de la commission, si
on...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, c'est bien
évident que s'il fallait enregistrer - on a une soixante de
mémoires à entendre à cette commission - deux fois ou
même trois fois un certain nombre de groupes on n'en finirait plus. Vous
avez eu l'accasion de vous exprimer et, même si on a supprimé le
souper pour finir le plus tôt possible ce soir, vous avez encore du temps
si vous voulez poser d'autres questions au ministre. En tant que
président de la commission, je ne pourrais pas vous dire que vous
pourrez revenir témoigner après un autre groupe.
M. Gilbert: Merci.
M. Farmanian: Si vous dites que nos fournisseurs ont des copies,
ils n'en ont peut-être pas au bureau de Montréal. Ce qui revient
à la question économique comme tantôt. S'ils ont une copie
à Vancouver ou ailleurs, dans une grosse ville, qui peut leur apporter
plus d'argent, ils vont dire: On oublie les petites salles en province. Cela
vient de finir là, si on est capable d'aller chercher le double de ce
qu'on peut aller chercher à Sainte-Adèle ou à Sherbrooke
ou dans n'importe quelle petite ville. C'est la loi...
M. Richard: Engagez-vous un bon avocat et il va aller vous
chercher des copies supplémentaires.
M. Farmanian: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Alors, je crois que cela
termine. Il n'y a plus d'autres questions. Je vous remercie de votre
présence à cette commission et surtout du mémoire. Je
pense qu'on a animé passablement la commission et je suis
persuadé qu'il va en rester beaucoup de choses.
M. Gilbert: Certainement.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. J'appellerais
maintenant le groupe Productions et réalisations indépendantes de
Montréal à prendre place à la table.
Alors, vous êtes monsieur...
Productions et réalisations
indépendantes de Montréal
M. Labbé (Martin): Mon nom est Martin Labbé. Ici,
Jean-Pierre Laurendeau, secrétaire de notre corporation.
Malheureusement, Tom Konyves, qui devait être avec nous, n'a pas
pu rester. Alors je lirai donc le mémoire à sa place...
Le Président (M. Gagnon): Vous êtes M.
Labbé?
M. Labbé: Martin Labbé.
Le Président (M. Gagnon): Martin Labbé. Alors, on
vous écoute.
M. Labbé: On vous distribue présentement des
propositions qui vont être lues par Jean-Pierre Laurendeau un peu plus
tard. Comme il est inscrit au mémoire à la première page,
ceci est un document préparé relativement rapidement qui se veut
très concis. On en a profité, par la suite, vu le délai,
pour préparer un commentaire que Jean-Pierre va nous lire tantôt.
Je vais faire une première lecture assez rapide de ce
mémoire.
Par le biais du mémoire que nous faisons parvenir à la
commission parlementaire, en corrélation avec le projet de loi no 109,
nous voulons nous assurer de l'éclaircissement de certains points qui,
tout au long du rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et
l'audiovisuel, font l'objet d'ambiguïtés, cela influençant
ainsi le projet de loi.
Mais, auparavant, expliquons que notre corporation est à but non
lucratif et réunit un groupe de producteurs indépendants, au
nombre de 65, qui oeuvrent tous depuis plus ou moins cinq ans dans le monde de
la vidéo. Ces producteurs sont des artistes ou appartiennent à
des groupes qui réalisent des documentaires à caractère
éducatif, social, etc. Or, étant donné notre utilisation
du format 3/4 de pouce, une ombre se dresse déjà: Aucune
structure n'a, jusqu'à présent, été mise en place
pour créer un véritable réseau de diffusion et de
distribution des ces bandes au Québec. Ni la loi ni le rapport de la
commission d'étude n'ont été clairs à ce sujet.
Jusqu'à ce jour, un certain nombre de ces bandes ont réussi
à passer sur les réseaux télévisés
grâce à un effort considérable de "lobbying" qui, comme on
le sait, est souvent empreint de conflits d'intérêts ou fait
preuve de favoritisme.
Subséquemment, nous souhaitons que le format 3/4 de pouce soit
déclaré "qualité broadcast" et ne subisse plus les effets
du protectionnisme qu'exercent les sociétés d'État ou
d'autres corporations similaires.
Ici, je dois réaffirmer que ce document a été
préparé de façon très hâtive.
Nous nous demandons également si l'aide apportée à
la vidéo - mention faite aux articles 7, 8, 9, 10, 11 et 12 de la loi
-est aussi valable pour les producteurs artistes et les producteurs
indépendants bénéficiaires du Conseil des arts et autres
sources de financement.
Nous désirons aussi nous enquérir du droit d'appartenance
aux associations professionnelles du secteur du cinéma tel, par exemple,
un réalisateur vidéo appartenant à l'Association des
réalisateurs de film du Québec, de manière à
être équitablement représenté à l'Institut
québécois du cinéma et de la vidéo, comme
mentionné à l'article 16 de la loi.
Même si le rapport de la commission d'étude fait
état du format 3/4 de pouce comme partie entière, nous aimerions
que la loi soit plus précise afin d'éviter, comme l'histoire le
prouve, d'être quelque peu mis à l'index au profit du format un
pouce utilisé dans les documents de commandite. (19 heures)
Puisque nous cherchons ici à développer non seulement le
côté économique, mais aussi culturel de notre industrie,
nous tenons à rappeler qu'une part importante de notre culture s'exprime
via le format 3/4 de pouce
par des individus de toutes les strates sociales ayant des buts et des
intérêts multiples. Ici, je pense qu'on fait
référence aux groupes communautaires, à la
câblodiffusion.
En revanche, la loi, dans un grand nombre d'articles, stipule des
règlements très précis quant aux permis de production, de
diffusion et d'exploitation de la vidéo. Nous sommes consentants
à nous plier à ces réglementations dans la mesure
où, comme à l'article 1 du projet de loi no 109, aucune
discrimination ne sera faite en fonction du support, conséquemment aux
avantages et aux contraintes de la présente loi - Ceci a
été préparé à la fin de janvier 1983 -
À la suite de ça nous avons formulé, lors du
dernier conseil d'administration de notre corporation, des commentaires, et une
série de propositions que je qualifierais de plus concrètes.
Alors, je cède la parole à Jean-Pierre Laurendeau.
M. Laurendeau (Jean-Pierre): Après la lecture du court
mémoire de PRIM, vous êtes à même de constater la
vigueur de la vidéo à Montréal. Ce mémoire, par son
existence même, démontre que les productions et
réalisations indépendantes de Montréal (PRIM), ont, outre
les défauts, aussi les qualités de la jeunesse
c'est-à-dire énergie, esprit critique, fougue,
créativité et tolérance.
PRIM, subventionné par le Conseil des arts du Canada et le
ministère des Affaires culturelles du Québec, est un centre
d'accès à de l'équipement de production audiovisuelle sur
support magnétique, autrement dit vidéo, pour les artistes, les
jeunes producteurs, les groupes communautaires et les organismes à but
non lucratif. Chez PRIM, des jeunes et des groupes souvent
défavorisés et ou marginaux, préparent
l'après-crise. Chacun, indépendamment de ses origines, s'y
retrouve pour produire soit ses premières oeuvres, soit un document sur
sa communauté, tout le monde y travaillant, produisant la vidéo
d'ici en dehors des circuits québécois traditionnels,
créant de toute pièce cet art qui deviendra la vidéo
québécoise.
Cette nouvelle génération sera celle qui constituera
l'industrie dans un proche avenir. Si aujourd'hui on ne leur donne pas la
possibilité de se développer normalement chez nous, ils iront
ailleurs. C'est notre communauté qui s'en trouvera appauvrie pour
l'avenir.
La vidéo, je ne vous l'apprends pas, est une technologie de
pointe, sujet bien à la mode. Je me suis laissé dire que le
gouvernement organisera, cet automne, un sommet économique sur le
développement de l'industrie des communications. On y proposerait une
informatisation massive de notre société. Je m'étonne. Je
croyais que depuis le Virage technologique cette politique allait
déjà bon train. Mais, j'aurais dû le prévoir.
À la façon dont la vidéo est traitée dans ce projet
de loi, je n'aurais pas dû espérer trop de la part du gouvernement
côté développement technologique de pointe. Encore une fois
on attendra que tout soit fait pour se rendre compte qu'on n'a pas réagi
à temps.
En effet, ce projet de loi donne un rôle accessoire à la
vidéo, et cela malgré les affirmations du ministre des Affaires
culturelles, M. Clément Richard, qui dans son allocution du 20
décembre 1982, à l'occasion de la conférence de presse sur
le projet de loi no 109 déclarait: Incidemment, comme on peut le deviner
à la simple mention du nom des différents organismes
institués, le présent projet de loi n'établit pas de
distinction entre les oeuvres audiovisuelles produites sur support
acétate, ou encodées sur bandes magnétiques. On l'entend
dans les discours, mais rien de concret pour la vidéo dans cette loi,
hormis qu'on la mentionne, c'est tout.
Il n'y a, dans cette loi, aucune reconnaissance explicite du fait
vidéo, de cet art contemporain, et pourtant la vidéo c'est la
technologie de pointe appliquée à l'audiovisuel. Elle permet de
diminuer les coûts de laboratoire, les temps de production, bref de
couper d'à peu près du tiers les coûts de production d'une
oeuvre audiovisuelle. Cette évaluation est d'ailleurs très
conservatrice. De fait, c'est le médium de l'avenir compatible avec les
réseaux de câble, de télévision et de transmission
par satellite existant, sans compter les développements spectaculaires
tels que la vidéo interactive, l'animation par ordinateur, les
décors synthétiques, la vidéo domestique.
Pendant ce temps l'institut québécois s'acharne à
produire du cinéma en 16mm quasi indistribuable en salle, en format
à gogo, demi-heure fiction pour la télévision. Cela joue
seulement à Radio-Québec, y engageant des sommes de 120 000 $
à 140 000 $ pièce. Pour des sommes équivalentes, on
pourrait produire deux, sinon trois oeuvres sur support vidéo de valeur
équivalente. De plus, s'attachant contre toute logique à produire
avec une telle technologie, on prive nos techniciens, nos créateurs d'un
contact nécessaire avec ce nouveau médium afin que, dans le
futur, ils puissent réaliser de façon adéquate le travail
qu'ils auront à accomplir sur ce support.
Sans augmenter d'un cent le budget de l'institut, on pourrait,
dès l'année prochaine, faire doubler le nombre des productions
qu'on y finance en utilisant la vidéo. Comme la plupart des films
produits à l'EQC ne passent qu'à Radio-Québec, il n'y
aurait pas de quoi fouetter un puriste.
La production des films en 35 mm pour les salles connaît une
grande difficulté en ce moment: les marchés ne sont pas assez
grands, les producteurs locaux se font damer le pion par les
étrangers. Pour tenter de contrôler son industrie, l'Association
des producteurs de films du Québec, l'APFQ, oblige déjà
les producteurs qui n'en sont pas membres à se procurer un permis
maison. C'est très bien. Cette courte enquête permet de
connaître le sérieux d'un producteur, de savoir à quelle
enseigne il loge. Cependant, l'APFQ n'a pas les dents pour faire respecter sa
juridiction. Aussi refile-t-elle ce contrat au gouvernement qui émettra
maintenant des permis de tournage et de producteur.
Nous voilà maintenant dans l'enfer de la bureaucratie.
Quantités de jeunes producteurs, que je qualifierais de
semi-professionnels, deviendront hors-la-loi. Bientôt, la bureaucratie
sera tellement lourde pour obtenir la permission de tourner qu'on se
retrouvera, sans l'avoir véritablement désiré, dans un
marais bureaucratique qui, utilisé à mauvais escient, pourrait
devenir la justification d'une politique de contrôle de la production
audiovisuelle au Québec. PRIM s'oppose à tout contrôle de
ce type.
Mais qu'ont donc ces entrepreneurs québécois en
audiovisuel à ne pas être capables de faire face à la
concurrence? Remontons aux années euphoriques de 1972, 1973, au moment
où l'industrie locale, à la suite des capitaux rendus disponibles
grâce à la SDICC, connaissait son âge d'or, produisant
beaucoup trop de croûtes pour ce que le public était en mesure de
consommer. Il y eut Tout feu tout femme, Après-ski, II n'y a pas de trou
à Percé, etc. Une élite produisait, d'autre part, des
films Arts et essais qui, dans l'esprit du public, étaient ennuyeux,
à tort ou à raison. Il s'installait dans le grand public
l'idée que le cinéma québécois était de
mauvais goût ou, tout simplement "plate". L'étiquette
québécoise se vendait mal. On se relève à peine,
avec des films comme Les Plouffe ou Les bons débarras, de cette
réputation qui a coûté tellement cher à notre
industrie.
Entre-temps, 1976 et les "tax shelter" venaient ranimer cette industrie
qui mourait. On devenait international, industriel, à grand
déploiement. Les titres sont là, aussi révélateurs:
Angela, Final Assignment, French Kiss.
Heureusement, quelques exceptions en profitèrent pour monter des
entreprises qui, aujourd'hui, nécessitent peu d'aide de l'État.
Mais, pour la majorité, la sauce s'est gâtée. Maintenant
que les "tax shelter" sont épuisés, que la SDICC et l'EQC ne
suffisent plus, il fallait trouver un nouveau poisson: le contribuable
québécois, évidemment! Ils ont, dans le cadre de la
commission Fournier, imaginé un plan qui leur permettrait d'aller
chercher 25 000 000 $ supplémentaires dans les poches du
contribuable.
Les producteurs devraient faire un examen de conscience, face à
leur incapacité à faire face à la concurrence. Pendant des
années, ils ont eu accès, grâce à leur fructueux
lobbying, à du financement public. Tout cela a donné lieu
à une industrie cinématographique, prétexte à
l'évasion fiscale plus qu'à la création artistique,
à un gaspillage des ressources humaines et financières d'une
industrie. La gestion des compagnies de film est souvent faite par des gens qui
relèvent plus du cow-boy que du gestionnaire. Leur donner un
chèque en blanc de 25 000 000 $, il faut y réfléchir.
Évidemment que tous les producteurs ne correspondent pas à
cette description. Heureusement! Cependant leur travail est constamment remis
en question par les "fly by night"! Cette expression est utilisée par
l'industrie pour désigner les producteurs pas sérieux. Cette
expression s'applique d'ailleurs, selon moi, à toutes les tendances.
D'un côté, il y a les rois de la subvention aux films Arts et
essais, qui ne réussissent même pas, souvent, sur le plan
technique, à produire du cinéma de qualité. De l'autre, on
a affaire aux rois de l'évasion fiscale et du maquillage culturel.
L'argent du contribuable doit être la semence qui permettra la
croissance industrielle. Si, là où on le distribue, on le
gaspille sans que cela soit remis en question, on voit une totale
irresponsabilité s'installer à tous les niveaux de la production.
Cette situation est très malsaine pour toute l'industrie.
L'industrie des communications au Québec doit être
hautement compétitive sur le plan de la technologie, de la
productivité, des reiations industrielles, de la recherche et du contenu
qu'elle véhicule. Elle ne doit pas être un sous-traitant d'une
culture étrangère pas plus que trop orientée vers une
vision "nombrilesque", "nationaleuse" de la culture.
Nous devons devenir une industrie moderne, foncer dans une affirmation
de nous-mêmes qui soit contemporaine, ouverte, complémentaire,
actuelle, décentralisée, instantanée, à haut
contenu informatif et culturel, technologiquement la pointe tournée vers
l'avenir. Il faut penser à cette industrie en ayant à l'esprit
une vision à long terme de ce que nous voulons, déterminant ainsi
les actions à court et moyen terme. Il faut maintenant tendre vers le
meilleur, le maximum, dans le respect des gens impliqués, avec
honnêteté et droiture. Cette ligne devrait s'appliquer autant au
choix du scénario, aux relations du travail avec les techniciens
spécialisés qu'à la technologie utilisée. Devenir
une industrie moderne n'est pas seulement matière de technologie, ni de
législation d'ailleurs. C'est surtout une question de
responsabilité de tous les intervenants face au rôle qu'ils ont
à jouer. Un gestionnaire doit être intègre et
compétent; un technicien, travailleur et qualifié; une maison de
services, fiable et
innovatrice; les producteurs, audacieux, intelligents, professionnels.
Toutes ces qualités pourraient s'échanger de l'un à
l'autre.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, j'ai beau regarder,
je n'ai pas la copie du mémoire que vous êtes en train de lire. On
avait le premier mémoire...
M. Laurendeau: Ce n'est pas le mémoire, c'est
l'allocution...
Le Président (M. Gagnon): ...mais le vôtre, on ne
l'a pas.
M. Laurendeau: En fait, c'est un texte improvisé.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Laurendeau: J'improvise, mais je me suis bien
préparé!
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous en avez encore
pour longtemps à improviser?
M. Laurendeau: On arrive aux propositions et à la
conclusion. Ce ne sera pas long, j'en ai pour deux minutes.
Le Président (M. Gagnon): Deux minutes?
M. Laurendeau: Oui.
Le Président (M. Gagnon): C'est bien.
M. Laurendeau: II faut donc que chacun soit assez responsable
pour que l'on n'ait pas à payer quelqu'un pour s'assurer que le travail
est bien fait. C'est ce que les Japonais appellent le "quality control". On
doit investir dans ce qu'on a de mieux à offrir: un contenu, une vision
des choses, des opinions différentes. L'industrie a actuellement ce
qu'elle mérite. Elle s'écroule sous le poids de sa lourdeur
centralisatrice et décadente, ne pouvant s'appuyer que sur le vide de
ses idées. L'avenir appartient à ceux qui ont des idées
nouvelles, qui savent sentir les choses. Arrêtons de pleurer sur le sort
d'une industrie qui subit la concurrence extérieure. Elle n'est pas la
seule, que je sache. Des textiles aux mines, en passant par les automobiles,
tous souffrent de ce mal économique, souvent pour les mêmes
raisons.
Aussi, les Productions et réalisations indépendantes de
Montréal soumettent à la commission parlementaire chargée
d'étudier la loi 109 les propositions suivantes: 1° que la politique
des permis soit abandonnée et que l'esprit d'entreprise des individus
puisse s'exprimer librement; 2° qu'un siège au conseil d'admi-
nistration de l'IQC soit ouvert aux groupes vidéos du Québec;
° 3 que, dans le cadre de la société d'aide au cinéma,
on établisse un programme d'aide à la production d'oeuvres sur
support vidéo; 4° que, dans le cadre de la société de
promotion du cinéma, on fasse transférer sur cassettes
vidéo d'un demi-pouce toutes les productions audio-visuelles
québécoises susceptibles d'être diffusées
commercialement sur ce support, à travers les clubs vidéo qui
bourgeonnent partout en province; 5 que, dans le cadre des
sociétés de promotion et d'aide, on mette sur pied un programme
de recyclage et de perfectionnement en vidéo pour les membres de la
communauté cinématographique; 6° que, dans le cadre de la
société de financement du cinéma, on implante un programme
d'amélioration et de modernisation des techniques gestionnaires de
l'industrie, et cela, c'est important; 7 qu'ayant à l'esprit le
développement futur de l'industrie audiovisuelle, on instaure un
institut de recherche des arts médiatiques (IRAM) qui aura pour mandat
de promouvoir la recherche, le développement, la documentation et
l'utilisation des technologies de pointe appliquées à
l'audiovisuel, que ce soit en production ou en diffusion.
J'arrive à la conclusion. Le développement de la
vidéo aujourd'hui a l'importance de celui du cinéma qu'on appela
"direct" en son temps. C'est là qu'oeuvrent les jeunes créateurs
contemporains. L'industrie audiovisuelle québécoise ne pourra
survivre que dans un contexte de libre entreprise et de libre concurrence.
Autrement, elle sera a la merci des politiques gouvernementales et de
l'affectation des crédits. Plus d'aide gouvernementale, plus
d'industriel Nous devons trouver le chemin de la rentabilité, autrement
nous sommes condamnés aux cataplasmes bureaucratiques. Investissons dans
la recherche et développons ici la technologie de pointe. Il n'y a pas
que la bureautique. La vidéo et l'art associé aux écrans
cathodiques, c'est aussi de la technologie de pointe. Il faut réunir les
artistes et les scientifiques pour créer ces nouvelles techniques, ces
nouvelles pensées. Du choc des idées, en créer de
nouvelles. Avec l'avènement des télécommunications, le
métissage culturel est devenu inévitable. J'ajouterais qu'il est
souhaitable et qu'on devrait le favoriser. Nous vivons tous les jours, à
PRIM, cet échange avec tous ces amis immigrants et
Québécois anglophones. Il faut cesser de craindre d'être
dans le "domestic market" américain et vite comprendre qu'il n'existe
qu'un marché, le "world market". Et si, d'ici peu, nous ne sommes pas
capables d'y avoir accès, nous
sommes condamnés à l'étouffement culturel.
L'industrie des médias a un bel avenir. Quarante-cinq millions
d'emplois disparaîtront aux États-Unis dans les vingt prochaines
années, dans les manufactures et les bureaux, remplacés par les
robots et les ordinateurs. Les médias de communication se
développent. Nous passons un creux de la vague qu'il faut utiliser pour
réfléchir à nos erreurs et planifier nos succès
futurs.
Enfin, je terminerai en citant le président François
Mitterand qui - voir le Devoir du 14 février 1983 - lors de son
allocution de clôture d'un colloque international sur le thème
"Culture et développement", définit le projet français
comme un investissement simultané dans les créations
technologiques, artistiques et intellectuelles: "Céder au mirage de la
technologie serait suicidaire si on ne favorise pas l'investissement dans les
industries de la culture qui sont celles de l'avenir", dit-il.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Laurendeau: Je pourrais peut-être ajouter que si la
commission le désire, nous pourrons remettre une copie de ce
commentaire. (19 h 15)
Le Président (M. Gagnon): Je voulais tout simplement vous
dire que normalement le mémoire doit parvenir à la commission
avant que celle-ci ne siège. Par respect pour les membres de la
commission, je pense qu'il est normal de les recevoir avant. M. le
ministre.
M. Richard: M. le Président. Je voudrais remercier M.
Laurendeau de cette improvisation dont le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle
a été vive. Je voudrais attirer votre attention sur un point qui
m'apparatt fondamental. Dans les conclusions de votre mémoire vous
faites un certain nombre de recommandations. Recommandations qui sont faites
comme si nous avions retenu la suggestion du rapport Fournier visant à
créer trois sociétés différentes. Vous parlez donc
d'une société d'aide au cinéma. Vous parlez d'une
société de promotion du cinéma et vous parlez
également d'une société de financement du cinéma.
Je voudrais vous rappeler que cette recommandation du rapport Fournier n'a pas
été retenue et que ces sociétés ne sont pas
proposées dans le projet de loi dont nous discutons.
M. Laurendeau: Nonobstant le fait que ce fait n'était pas
clairement compris par PRIM Vidéo, rien n'empêche que c'est
là l'essence des propositions qu'il faut retenir. Nécessairement
des programmes de perfectionnement, des programmes d'investissement dans
l'avenir sont de bon aloi, indépendamment des structures qui pourront
les réaliser. Quant à moi, je préférerais que ces
choses-là ne donnent pas lieu à trop de grossissement
bureaucratique.
M. Richard: C'est pour cette raison que nous n'avons pas retenu
la recommandation visant à créer trois sociétés.
Vous êtes donc d'accord avec cela.
M. Laurendeau: Je vous en félicite. Le Président
(M. Gagnon): C'est bien.
M. Richard: Je cède la parole à mon collègue
de l'Opposition.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: Je reviens à vos recommandations. Je vais
relire le texte que vous venez de nous livrer un peu plus tard, mais quand on
regarde vos recommandations vous accordez beaucoup d'importance à ce que
les individus puissent s'exprimer librement. Si j'ai bien compris, vous parlez
même d'élargir les vues de la population en parlant de "world
market" - cela va faire plaisir au député de Châteauguay.
J'aimerais quand même que vous m'expliquiez comment vous pouvez
décrire ce qu'est, dans le domaine de la vidéo, un produit
strictement québécois.
M. Laurendeau: C'est simple. C'est un produit qui a
été produit ici, fait par des gens d'ici, un peu comme on
pourrait définir ce qu'est un produit québécois pour un
film. Ce sont les mêmes critères qui, à mon avis, doivent
s'appliquer. À PRIM, il y a des vidéos qui sont faits par des
groupes communautaires et qui sont québécois dans le sens
où ils expriment une réalité qui se vit ici, au
Québec. Je pense aux groupes d'immigrants qui ont accès à
l'équipement chez nous et qui produisent des vidéos pour leur
propre communauté. Ces gens-là produisent nécessairement
de la vidéo québécoise même si la langue est le
pakistanais.
Mme Bacon: Je suis bien d'accord avec vous. Vous parlez beaucoup
d'aide. Je regarde les numéros 3 et 6 de votre mémoire. Est-ce
que vous iriez aussi loin que demander des primes à la qualité du
produit qui serait produit par votre groupe? Est-ce qu'on peut aller aussi loin
que cela que donner des primes à la qualité? Est-ce qu'il y
aurait certains critères de sélection qui devraient être
mis de l'avant?
M. Laurendeau: Les primes à la qualité, à
mon avis, s'expriment d'une façon évidente par le succès
d'une production vis-à-vis de son public. Si je pense aux vidéos
des grou-
pes communautaires ou aux vidéos des artistes qui sont
présentées dans les galeries à Montréal et à
l'extérieur de la province, ces vidéos touchent un public
restreint. La vidéo s'adresse souvent à des publics restreints,
comme par exemple l'Assemblée nationale vit à l'heure de la
vidéo avec les caméras qui sont ici et qui sont éminemment
vidéographiques et qui s'adressent à des microgroupes. Je ne
pense pas que les "ratings" de l'Assemblée nationale puissent se
comparer à ceux de la télévision normale.
M. Proulx: M. le Président, juste une question.
Mme Bacon: Les comédiens ne sont pas toujours de
qualité.
Le Président (M. Gagnon): Question de
règlement...
M. Laurendeau: Ils ne sont pas souvent aussi drôles.
Le Président (M. Gagnon): Question de règlement. M.
le député de Saint-Jean.
M. Proulx: Quel est le maximum de téléspectateurs
devant certains débats d'après vous?
M. Laurendeau: Pardon?
M. Proulx: Quel est le nombre minimum et maximum de
téléspectateurs qui regardent les débats
télévisés d'après vous?
M. Laurendeau: Je ne sais pas. Mais je puis vous dire que je ne
les regarde pas.
M. Proulx: Le minimum est 50 000 téléspectateurs et
cela peut aller jusqu'à 600 000 et 700 000. Alors, quand vous parlez de
microgroupes...
M. Laurendeau: C'est un microgroupe sur 5 000 000.
M. Proulx: Pardon?
M. Laurendeau: La proportion n'est pas tellement grande, je dois
vous dire.
M. Proulx: Bien, 600 000 personnes qui regardent cela,
c'est...
Mme Bacon: M. le Président...
M. Laurendeau: C'est une question d'opinion.
Le Président (M. Gagnon): Vous aviez la parole, Mme la
députée.
Mme Bacon: Si on continue, M. le Président, ça va
être le minimum au lieu du maximum.
J'aimerais continuer à avoir la liberté d'expression
jusqu'à la fin de cette commission parlementaire. Est-ce que vous
demanderiez aussi, dans le cadre de cette demande de financement - parce que,
en fait, le ministre l'a dit lui-même, c'est le nerf de la guerre, alors
vous aussi vous en avez besoin - des primes à cette qualité de
technique, parce que si on veut améliorer constamment - c'est quand
même un domaine de l'avenir - les techniques, est-ce qu'on pourrait
donner aussi des primes pour l'améliorer?
M. Laurendeau: Je pense que le cinéma ou la vidéo,
c'est un peu comme le hockey, c'est-à-dire que si on donne de la glace
aux joueurs, ils vont améliorer leur technique. À ce
niveau-là, tant que l'institut n'aura pas de programme pour financer la
vidéo en tant que telle, on n'aura pas de glace. En ce moment, notre
glace nous vient d'Ottawa.
Une voix: Oui.
M. Laurendeau: On a eu une subvention du ministère des
Affaires culturelles, que je remercie, mais qui est venue un peu à la
dernière minute, sans doute conseillée par les gens qui sont
concernés par la vidéo dans le milieu des arts.
Une voix: ...
M. Laurendeau: Pour le "Canadian Market", qui n'est pas un aussi
grand market que cela finalement.
Mme Bacon: Est-ce que dans les autres provinces - parce qu'on a
parlé d'un petit pays mais il y a quand même des provinces autour
de nous - il existe des lois qui régissent très strictement le
domaine de la vidéo et auxquelles vous vous opposez, par exemple? Que
vous n'accepteriez pas pour le Québec...
M. Laurendeau: Bon, entre autres... Mme Bacon: ...s'il en
existe?
M. Laurendeau: ...on n'accepterait pas le type de lois qui
existent en Ontario pour ce qui est de la censure. Les lois régissant la
censure en Ontario sont parfaitement inadmissibles et souvent appliquées
de façon que je ne qualifierai pas.
Mme Bacon: Arbitraire? M. Proulx: Puritaine.
M. Laurendeau: Puritaine, voilà. D'autre part, il faudrait
souligner que dans les autres
provinces toute l'espèce d'investissement qui a été
fait pendant les dix dernières années, ici, l'a été
pour beaucoup dans la vidéo. Par exemple, à Toronto, les groupes
vidéo sont très actifs depuis longtemps. Je tiendrais à
souligner aussi la part de la "Photoelectric Art Foundation" de Toronto qui
s'occupe des arts médiatiques et qui a développé
quantités de techniques nouvelles, d'idéologies nouvelles,
d'idées nouvelles sur les médias. À tel point que le
gouvernement français a acheté le concept de la "Computer
Culture" qui se tenait à Toronto depuis les trois dernières
années pour le monter à l'occasion du festival d'Avignon, cet
été. Alors, dans les autres provinces, en fait, le Canada se
trouve à être à la fine pointe de la technologie au niveau
des arts médiatiques et nous, au Québec, on traîne de la
patte. Finalement, la vidéo c'est l'art, l'expression artistique sur
écran cathodique. En ce moment, on pense à s'acheter un
ordinateur parce que nos membres le veulent, parce que nos membres veulent
faire des dessins animés par ordinateur. Il y a l'énergie pour le
faire et, finalement, je pense que c'est important pour l'avenir de favoriser
ces types d'interventions de la part des individus, parce que cela vient de la
base; la prévidéo, c'est la base.
Mme Bacon: Je reviens à votre numéro 5, s'il
existait un programme de recyclage et de perfectionnement en vidéo pour
les membres de la communauté cinématographique, est-ce que cela
sensibiliserait davantage les gens du milieu?
M. Laurendeau: En fait, les gens du milieu sont
sensibilisés. La preuve, c'est que le ministre, dans son allocution de
présentation de la loi 109, a bien exprimé que film voulait dire
vidéo. Tout le monde, en fait, a un peu peur de la vidéo, que ce
soit les exploitants de salles qui disent que les clubs vidéo
prolifèrent, c'est vrai, ou les techniciens de cinéma qui voient
l'industrie de la vidéo se développer de façon anarchique,
souvent, et qui voient la vidéo un peu comme un marché qui leur
échappe. Dans ce sens-là, je pense que la majorité des
techniciens de cinéma serait très intéressée
à avoir un programme de recyclage ou de formation en vidéo. Je ne
sais pas dans quel cadre cela pourrait se faire, mais rien n'empêche
qu'à PRIM on offre des ateliers bien modestes, mais qui permettent aux
techniciens d'entrer en contact avec la technologie vidéo.
Mme Bacon: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Nadeau et M.
Labbé, ainsi que les Productions et réalisations
indépendantes de Montréal.
J'appellerais maintenant le dernier groupe, le Groupe d'intervention
vidéo, représenté par Mme Albanie Morin. Est-ce que Mme
Morin est ici? Donc, nous allons simplement déposer le mémoire au
journal des Débats, comme on l'a fait aussi pour l'Association des
consommateurs du Canada.
Une voix: Ils viendront peut-être demain.
Le Président (M. Gagnon): Je ne sais pas ce qu'on a
à l'ordre du jour demain. Je crois qu'on doit entendre 13 ou 14 groupes
demain. J'appelle de nouveau le dernier groupe, le Groupe d'intervention
vidéo, représenté par Mme Albanie Morin. Il n'y a personne
de ce groupe ici? Bon.
La commission parlementaire des affaires culturelles ajourne ses travaux
à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 19 h 27)