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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le jeudi 24 février 1983 - Vol. 26 N° 243

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes concernant le projet de loi no 109 - Loi sur le cinéma et la vidéo


Journal des débats

 

(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente des affaires culturelles se réunit aux fins d'entendre les personnes et les organismes en regard du projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo.

Les membres de cette commission sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Blouin (Rousseau) en remplacement de M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Champagne (Mille-Îles), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Mme Harel (Maisonneuve) en remplacement de M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay) en remplacement de M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Hains (Saint-Henri), M. Proulx (Saint-Jean), M. Richard (Montmorency), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) en remplacement de M. Ryan (Argenteuil), M. Saintonge (Laprairie).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), Mme Lachapelle (Dorion), M. Dauphin (Marquette), M. Lavigne

(Beauharnois) - Mme Lavoie-Roux est devenue membre - M. Leduc (Fabre) et M. Vallières (Richmond).

Nous avons à l'ordre du jour, aujourd'hui, dix intervenants. Je pense qu'il y a un accord entre les deux partis pour qu'on prenne un maximum d'une heure par intervenant, sans cela, on ne pourra pas passer l'ensemble des invités que nous avons aujourd'hui.

Le premier intervenant sera le Front commun contre la pornographie; le deuxième, le Collectif masculin contre le sexisme; ensuite, le Conseil du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs; la Fédération nationale des communications; le Syndicat national du cinéma; l'Association des réalisateurs et réalisatrices de film du Québec; un groupe de propriétaires de salles de cinéma; l'Association des consommateurs du Canada; les Productions et réalisations indépendantes de Montréal et le Groupe d'intervention vidéo.

J'appelle immédiatement notre premier invité, c'est-à-dire le Front commun contre la pornographie. Êtes-vous Mme Matte?

Front commun contre la pornographie Mme Matte (Monica): Oui.

Le Président (M. Gagnon): Comme je l'ai mentionné tantôt, compte tenu de l'ordre du jour très chargé d'aujourd'hui, on vous demande d'essayer de résumer votre mémoire en 20 minutes, de façon à donner 20 minutes de questions aux deux partis autour de cette table. Je vous laisse la parole immédiatement.

Mme Matte: C'est très difficile, M. le Président, mais je vais essayer. Le premier point que j'aimerais souligner, c'est que nous ne représentons pas un groupe marginal...

Le Président (M. Gagnon): Est-ce possible de nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Mme Matte: Mon nom est Monica Matte, coresponsable du dossier de la lutte contre la pornographie à la Fédération des femmes du Québec. Ginette.

Mme Busque (Ginette): Je suis Ginette Busque, vice-présidente à la Fédération des femmes du Québec et membre du Front commun.

M. Dufresne (Martin): Martin Dufresne, je suis membre du Front commun contre la pornographie.

Mme Matte: Merci. Le premier point que j'aimerais souligner, c'est celui que nous ne sommes pas ou ne représentons pas un groupe marginal, à part les signataires de ce mémoire. Je vais les nommer: la Fédération des femmes du Québec qui représente 100 000 membres; l'Association des femmes diplômées des universités; le Collectif masculin contre le sexisme; le Comité de la protection de la jeunesse; la Fédération des unions de familles qui représente 3000 familles; le Regroupement féministe contre la pornographie; le Réseau d'action et d'information des femmes; le Conseil du civisme de Montréal qui regroupe 56 associations, des groupes ethniques, des associations québécoises et canadiennes. Nous avons été appuyés par pratiquement tous les groupements et associations féminines. Enfin, pratiquement tout ce qui est groupement organisé nous a appuyés. Donc, nous ne représentons pas un groupe marginal. Nous faisons partie, également, des 3 000 000 de personnes, 3 000 000 d'hommes et femmes

qui ont appuyé les manifestations devant la colline parlementaire au sujet du problème de la télévision à péage.

Le deuxième point que j'aimerais souligner, c'est que, pour nous, ce n'est pas ce mémoire qui représente un début de notre lutte contre la pornographie. Cela fait déjà quelques années que nous travaillons sur ce dossier et, en ce qui concerne la Fédération des femmes du Québec tout spécialement, nous avons déjà fait circuler, en 1980, une pétition dans toute la province qui a recueilli 325 000 appuis, dont 12 000 signatures individuelles. Tout ce gros dossier a été déposé aux deux ministres de la Justice, du Québec et du Canada, et les recommandations qu'on faisait à ce moment-là, c'était l'interdiction de la vente du matériel pornographique aux mineurs, la réglementation de l'étalage public, de la publicité et de l'affichage.

Je veux passer outre tout ce que les autres groupements ont déjà fait dans ce dossier. Ce que je voulais seulement souligner, c'est que notre mémoire d'aujourd'hui - qui concerne le cinéma - ne représente qu'un élément de tout un ensemble de programmes que nous nous sommes tracés et que nous avons l'intention de mener à bien.

Je vais finir la première partie de mon exposé avec la dernière phrase: En nous attaquant à ce problème social que sont devenus la violence et la pornographie, nous sommes parfaitement conscients que nous abordons un sujet difficile qui sert les intérêts d'une puissante industrie: nous devons donc faire face à de nombreuses et fortes résistances. Nous savons aussi que s'attaquer au phénomène de la pornographie et de la violence, c'est d'abord vaincre un sentiment généralisé d'impuissance, de cul-de-sac devant l'ampleur et la complexité du phénomène, devant son escalade dans la vie quotidienne. Cependant, nous croyons que le mépris, la haine, le goût de la violence et de la perversion ne peuvent que conduire à une dégradation des rapports humains, en passant pour de la normalité aux yeux de jeunes générations. Pourrons-nous encore longtemps, sous prétexte de liberté d'expression pour les "pornocrates", et de liberté de consommer pour les "pornophiles", sous prétexte de ne pas censurer, laisser monter le seuil de tolérance et accepter, si ce n'est favoriser, une situation dégradante pour les hommes, les femmes et les enfants eux-mêmes?

Le troisième point sur lequel j'aimerais attirer votre attention, c'est que les femmes et les hommes qui s'opposent à la prolifération du matériel pornographique voient aujourd'hui le résultat d'une tolérance qui n'a jamais été réévaluée. Elle a conduit à une escalade et à une surenchère de la violence sous toutes ses formes, et à une dénaturation dégradante de la sexualité humaine dans les revues et dans les films.

Toute une génération d'intellectuels a cru pouvoir excuser et justifier l'existence de la pornographie comme soupape d'échappement aux instincts sexuels de l'être humain. Ils ont dû se rendre à l'évidence que cet effet cathartique n'était qu'un leurre. Elle a plutôt servi de modèle d'entraînement et d'imitation qui explique le phénomène d'accoutumance à des formes de plus en plus dures de pornographie et la multiplication des comportements violents favorisés par la pornographie. La pornographie dite douce n'a fait que préparer le terrain à la pornographie dure qui exploite la haine et la violence.

Donc, en résumé, mon troisième point c'est qu'on ne peut plus dire aujourd'hui que la pornographie n'est pas nocive. On ne l'a pas encore démontré. Il y a beaucoup de recherches scientifiques qui l'ont prouvé. On a prouvé aussi, au niveau de la violence à la télévision, qu'on ne peut plus aujourd'hui fermer les yeux sous prétexte qu'on n'est pas sûr que ce soit nocif ou que ce ne soit pas nocif. Cela c'est un troisième point. Je regrette de devoir aller aussi vite, j'aurais eu bien plus d'arguments, mais enfinl

L'effet cumulatif de la répétition d'un tel message de violence et de sexisme que représente la pornographie ou le discours pornographique, sous diverses formes pendant plusieurs années, ne peut qu'aggraver la situation, comme le démontre un ensemble de recherches déjà réalisées sur la violence à la télévision.

La diffusion généralisée des images de la femme objet sexuel au service de l'homme-étalon, qui jouit du privilège de s'approprier le corps des femmes pour en user et en abuser, ne peut plus être dissociée de la réalité qu'expriment les statistiques suivantes. Je fais une citation de toutes les statistiques que vous connaissez: une femme sur dix est battue, etc. Vous les connaissez. Le viol, l'inceste, la prostitution, le harcèlement sexuel et la violence faite aux femmes sont tous stimulés, entretenus et excusés par la pornographie dont ils constituent le scénario habituel proposé comme divertissement.

Nous faisons nôtres les paroles de l'écrivain Robin Morgan, quand elle disait que la pornographie est la théorie, le viol -et j'ajoute l'inceste et la pédophilie - la pratique. Pour toutes celles et tous ceux qui refusent la pornographie, le seuil de ce qu'on peut tolérer a été atteint et dépassé. Toute hésitation de la part des gouvernements et organismes de réglementation et de contrôle de la pornographie sera considérée comme de l'irresponsabilité sociale.

Notre position sur la pornographie n'est pas basée sur un refus de la sexualité. Je vous dispense de tout ce passage mais je veux que ce soit très clair. Ce ne sont pas

les images des organes génitaux ou d'un acte sexuel, ce n'est pas cela qui, en soi, est nocif. C'est plutôt l'idéologie sexiste, qui est aussi forte que l'idéologie raciste. C'est tout ce que cette idéologie véhicule. C'est contre cela qu'on s'insurge surtout.

J'aimerais quand même lire la dernière partie de l'introduction qui s'intitule: "Entre la censure et le contrôle démocratique."

Toute une génération de Québécois ont vécu en état de péché pendant des années pour avoir lu Camus, Sartre ou Baudelaire. Ayant connu l'époque de répression sexuelle et d'oppression sur le plan de la liberté d'opinion, beaucoup sont devenus aujourd'hui des inconditionnels du droit à la liberté d'expression. Leurs réactions, presque maladives, face à la censure tiennent plus des mécanismes d'un traumatisme qui les coupe de la réalité que de l'analyse raisonnée d'une situation. Ils portent encore avec eux des peurs d'une époque révolue qui les empêchent de voir la réalité pornographique d'aujourd'hui.

Ce qui explique que, malgré l'aversion des femmes pour la pornographie, il s'en trouve encore qui reculent dès que le mot "censure" est prononcé. Ce qui n'est pas le cas des jeunes femmes qui, n'ayant pas subi les mêmes traumatismes, vont jusqu'au bout dans l'analyse d'une situation qu'elles considèrent comme menaçante pour leur intégrité et "censurante" pour leur sexualité parce que c'est cela qu'est aujourd'hui l'idéologie de la pornographie. C'est une censure, une censure pour nous, pour notre droit à la liberté, pour notre droit à l'expression, pour notre droit d'exprimer notre sexualité.

Au temps de la période duplessiste, évidemment, hommes et femmes ont subi la même répression. À ce moment-là, en ce qui concerne les femmes, c'était l'Église qui imposait ses diktats sur le corps des femmes. Maintenant le corps des femmes est récupéré par la pornographie. Cette liberté d'expression ne vaut que si elle ne s'acquiert pas au détriment d'un individu ou d'un groupe d'individus. La recherche et le respect de cet équilibre, n'est-ce pas l'essence de toute vie en société? Dans le cas des droits conflictuels, c'est le droit du groupe ou de l'individu le plus lésé par l'exercice du droit de l'autre qui doit primer. C'est là un principe de droit général accepté internationalement.

Est-ce l'exercice du droit des "pornophiles" d'accéder sans contrainte à tout matériel pornographique et l'exercice du droit des "pornocrates" d'exploiter librement le marché de la pornographie qui doivent primer le droit des femmes de ne pas être dégradées, avilies et menacées dans leur intégrité physique, le droit des jeunes à un environnement sain qui leur permet un développement sexuel respectueux de la dignité humaine et le bien-être général, le droit de ceux qui ne veulent pas être des consommateurs involontaires de pornographie par l'affichage, l'étalage public et la publicité? Quant à nous la réponse est claire. Un autre point très important celui-là. Pourquoi les femmes n'ont-elles pas le droit que soit prohibée la diffusion de la propagande haineuse à leur égard que constitue cette idéologie pornographique tel que le prévoit l'article 281 du Code criminel à l'égard d'une race ou d'une religion? Car la définition du racisme est la suivante: idéologie qui prône la supériorité d'un groupe sur un autre. La définition du sexisme est exactement la même. (10 h 30)

Pourquoi peut-on défendre le racisme et ne pas décourager toute manifestation et toute attitude sexistes par les lois? Notre pays s'est doté de lois contre le racisme, la discrimination, le libelle diffamatoire; il limite la liberté des pollueurs, des commerçants de drogue, des automobilistes et de tant d'autres. L'Etat contrôle la production, la distribution des aliments, des médicaments, des produits chimiques, de la construction, des armes à feu. Malgré les inconvénients parfois subis individuellement, personne ne ressent ces limites comme des mesures répressives. Une fois que le bien-fondé d'une restriction est prouvé, comme c'est le cas du racisme, celle-ci est acceptée et devient un choix collectif.

Dans le domaine de la pornographie, comme dans tant d'autres, nous ne pouvons pas nous en remettre aux mécanismes du marché. Ce marché, dans sa quête de profits, ne tient pas compte du tort que la production et la distribution peuvent causer aux tiers. Il ne tient pas compte non plus du tort que peuvent subir les consommateurs eux-mêmes et, finalement, la société tout entière. Finalement, les coûts sont trop élevés. C'est pour cela que nous ne voulons diminuer en rien le rôle de responsabilité sociale de l'actuel Bureau de surveillance du cinéma, mais, au contraire, l'accroître dans le mandat de contrôle démocratique que la nouvelle régie du cinéma et de la vidéo devra exercer.

Enfin, mon dernier point. Dans tout ce dossier, il y a eu un total mépris, un rejet de tous les mécanismes démocratiques. Dans la composition des membres de la commission Fournier, il n'y avait que des représentants de l'industrie du film. Il n'y a aucun mécanisme d'appel au bureau de surveillance actuellement, ils sont juge et partie. On n'en trouve pas non plus pour le public dans la loi 109.

En ce qui concerne l'application de l'article 159 - on nous renvoie toujours à l'article 159 - on sait très bien qu'il est pratiquement inopérant. Passons sur les difficultés de la définition de la

pornographie, enfin, de l'obscénité dans l'article 159; il y a d'autres difficultés également. Il y a la directive du sous-ministre Tremblay de 1977 - nous demandons qu'elle soit retirée - qui réellement empêche, par les définitions qu'elle donne, les policiers et les procureurs de la couronne de vraiment appliquer cet article 159. Il y a autre chose aussi, c'est que pour qu'un procureur puisse ouvrir un dossier là-dessus, il faut que ce soit le procureur en chef qui accorde sa permission. Or, malheureusement, dans les dernières trois ou quatre années, à ma connaissance, il n'y a eu qu'une seule demande qui a été acceptée, et c'était pour le film "Les sensations hollandaises".

Alors, vous voyez que ce renvoi à l'article 159, en réalité, c'est un leurre. Il ne marche pas, il ne travaille pas, pour le moins actuellement. Cela a été la même chose pour la télévision payante, ce mépris des mécanismes démocratiques. Il en a été de même pour la Régie des services publics. Je passe, parce que cela concerne la télévision payante.

Pour finir, dans le Soleil d'aujourd'hui -je ne sais pas où, vous avez la photocopie -le ministre Clément Richard souligne l'importance justement de ce médium qu'est le cinéma et la vidéo. Il affirmait justement qu'il y a près de 1 000 000 000 de spectateurs qui sont rejoints chaque année au Québec par le cinéma. Le cinéma et la vidéo ont donc un impact social et culturel profond dans notre société et cet impact risque d'être encore amplifié dans les années à venir, etc. Alors, le cinéma n'est pas un monde en soi. Nous ne le prenons pas comme un monde en soi. On le prend tout simplement comme un lieu de communication sociale qui représente un des mécanismes très importants de définition de notre société. Ce qui est important dans cette défition de la société, c'est l'image de la femme également. Si on veut une société juste, il faut que l'image de la femme ne soit pas projetée, pour toutes les femmes du Québec comme pour les nouvelles générations - ce qui est encore plus important - comme une putain ou un objet sexuel, ce qu'elle est actuellement par l'idéologie pornographique. Là-dessus, je m'arrête et j'espère répondre à d'autres questions qui viendront de votre part. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le ministre.

M. Richard: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier Mme Matte et ses collègues pour...

Mme Busque (Ginette): Je m'excuse M. Richard, mais je voudrais bien m'approprier quelques minutes des 20 minutes, parce que Mme Matte...

M. Richard: Très bien, très bien.

Mme Busque: ...n'a pas présenté l'ensemble de nos recommandations...

Le Président (M. Gagnon): Allez! D'ailleurs il vous reste encore quelques minutes.

M. Richard: Pas de problème.

Mme Busque: Alors, vous me permettez d'intervenir.

M. Richard: Bien sûr!

Mme Busque: Mme Matte vous a présenté l'esprit de nos recommandations. Je voudrais vous en présenter la lettre d'un peu plus près. Nous nous sommes donc attachés à la partie de la loi qui concerne la Régie du cinéma et parce que la régie effectue un travail qui touche la population. C'est dans ce sens qu'on intervient. Je parle ici du classement des films. Notre première série de recommandations concerne précisément la démocratisation de la Régie du cinéma. Étant donné que la régie effectue le classement des films et que celui-ci est fait en fonction de la population desservie, nous demandons que cette population soit mieux représentée auprès de la régie. À peu près comme l'industrie du cinéma est largement représentée auprès de l'Institut québécois du cinéma, nous demandons le parallèle avec la régie c'est-à-dire une représentation du public. Donc, notre première recommandation touche l'article 116. Nous demandons que la régie, au lieu d'être composée de trois membres dont le président, soit composée de huit membres et que six de ses huit membres soient nommés à même des listes de noms fournies au ministre par les organismes publics et privés de défense des droits des personnes, défense des droits des femmes et protection des enfants. Nous estimons que, de toute façon, c'est en fonction de cette problématique que le classement des films est effectué.

Les organismes publics que nous mentionnons comme référence sont la Commission des droits et libertés de la personne, le Conseil du statut de la femme et le Comité de la protection de la jeunesse. Quant aux organismes privés, ils seraient invités à soumettre leur liste par des avis publiés dans les journaux. C'est la démocratisation au niveau de la structure même de la régie. Nous avons aussi d'autres recommandations qui concernent la durée du mandat. Nous considérons que les personnes qui effectuent le classement des films sont certainement victimes, dans ce domaine comme dans plusieurs autres, d'un phénomène d'accoutumance.

Donc, nous voudrions que le projet de

loi prévoie une rotation des personnes qui vont effectuer ce classement et nous suggérons des mandats de trois ans.

Maintenant, vis-à-vis du pouvoir d'intervention de la population au niveau du travail de la régie, nous aimerions voir introduire un droit de révision et un droit d'appel. Actuellement, à part les audiences publiques à tous les deux ou trois ans, je crois, il n'y a aucun mécanisme prévu dans le projet de loi pour permettre à la population d'intervenir quand elle est insatisfaite du classement d'un film.

Donc, nous demandons l'introduction d'un droit de révision pour la population et l'introduction aussi d'un droit d'appel dans les cas extrêmes.

Notre deuxième série de recommandations est relative à la transparence des critères de classement des films et l'accès aux décisions de la régie. Quant aux critères de rejet des films, l'article 77 a introduit la possibilité de rejet d'un film quand il y a exploitation d'une violence sexuelle. Nous avons considéré que ce critère de rejet, bien qu'il semble un gain pour nous, était aussi, d'une certaine façon, très restrictif, très limitatif.

Parce que, en fait, si on regarde la définition ou la tentative de définition de l'obscénité qui est contenue au Code criminel, il est déjà interdit, de toute façon, de permettre la représentation de la violence avec une exploitation sexuelle, c'est-à-dire d'exploiter violence et sexe en même temps.

Donc, on s'est dit que l'introduction de ce critère de rejet ne faisait que confirmer, de la part du gouvernement, un engagement à respecter cette partie du Code criminel et ne tenait pas compte de toutes les situations dégradantes ou avilissantes pour les femmes qu'on retrouve en pornographie.

Donc, nous demandons que l'article 77 soit amendé pour introduire comme critère de rejet ce qui porte atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs ou encore le matériel qui exploite, encourage ou soutient explicitement ou implicitement le racisme, le sexisme, la violence sexuelle ou la violence gratuite ou excessive, ou encore représente des mineurs ou des personnes apparemment mineures dans des actes sexuels explicites.

Notre préoccupation envers les mineurs touche toute exploitation qui est faite actuellement de la sexualité des mineurs en pornographie et qui est vraiment grandissante. De plus en plus de revues exploitent les mineurs et c'est fort possible que cette exploitation se transmette aussi au cinéma. D'ailleurs, on sait actuellement qu'il y a plusieurs vidéos qui transmettent cette prolifération d'exploitation sexuelle des mineurs.

Ensuite, vis-à-vis des critères de classement, le projet de loi no 109 ne prévoit pas qui aura la responsabilité de fixer les critères de classement. Donc, nous voudrions que la régie ait pour fonction de fixer les critères d'évaluation et de classement des films et des films annonces. Nous voudrions, lorsque les critères de classement seront établis, qu'il y ait dès ce moment des audiences publiques, et non pas seulement deux ou trois ans après que la régie aura commencé ses travaux.

Ensuite, nous voudrions que les membres de la régie effectuent eux-mêmes le classement et ne délèguent pas cette tâche à des membres du personnel, tel que le prévoit le projet de loi no 109. Le projet de loi dit que le président administre la régie et désigne les membres de son personnel qui effectueront le classement. Nous voudrions que le classement des films soit effectué par les personnes, à supposer que la régie soit représentative des groupes qui ont mandat de représenter les intérêts du public. Nous voudrions aussi que ces critères soient rendus publics, c'est-à-dire que la population soit en mesure d'en évaluer la pertinence. Le caractère public des décisions est important aussi pour nous, parce que cela nous permettra de voir comment les critères auront été interprétés. Actuellement, le projet de loi no 109 prévoit la possibilité d'établir un répertoire, c'est-à-dire que c'est peu, c'est facultatif, nous voudrions que ce répertoire soit obligatoire et qu'il soit accessible pour consultation publique.

Je vais passer la parole à Martin Dufresne.

M. Dufresne (Martin): Je vais passer assez rapidement, pour terminer, des dispositions qu'on recommande et qui ne sont qu'une demande de maintien du statu quo. On trouve assez surprenant que le Bureau de surveillance du cinéma disparaisse, mais qu'avec lui disparaissent énormément de ses attributions et de ses responsabilités. Les articles 10, 13 et 14 de la loi actuelle prévoient que tout film utilisé au Québec doit être classé par le Bureau de surveillance du cinéma. C'est une disposition que, malheureusement, M. Guérin n'a pas cru bon d'appliquer, mais elle est clairement inscrite dans la loi et c'est, entre autres, la raison pour laquelle les films diffusés à la télévision font l'objet d'ententes avec le BSC. C'est aussi la raison pour laquelle la province de Québec n'est pas inondée, actuellement, de la publicité des clubs de vidéo comme le sont d'autres provinces, parce que ces clubs de vidéo, théoriquement, devraient voir leurs films classés par le BSC.

Malheureusement, le projet de loi no 109 recule sur ce point. Il limite la portée du classement des films aux films qui seraient présentés en public, ce qui nous semble tout à fait inacceptable, alors que toute l'industrie de la pornographie est en train de se recycler vers des marchés qui

contournent ces formes de diffusion que sont les cinémas traditionnels. On voudrait aussi qu'il soit clair que le classement s'applique au matériel vidéo. La loi est un peu ambiguë sur un point, alors on a préparé un article que vous retrouvez dans nos pages de recommandations. (10 h 45)

Pour ce qui est des autres dispositions, d'abord, on a été surpris de voir que le projet de loi no 109 ne tenait absolument pas compte des intérêts de la population, même dans ses objectifs fondamentaux. Quand on sait les raisons pour lesquelles le Bureau de surveillance du cinéma a été institué, cela n'était quand même pas pour être au service de l'industrie. Or, les objectifs qui sont énumérés, sauf une très brève mention de la surveillance des films, ne tiennent absolument pas compte de l'intégrité des personnes, des effets, des coûts sociaux du cinéma, alors que, malheureusement, de plus en plus de recherches établissent qu'il y a effectivement un effet d'entraînement. Il y a des effets nocifs qu'on constate dans les rues, des viols qui se passent à la sortie des cinémas pornographiques, comme peut le signaler la police de Gatineau, par exemple. On a pas mal de recherches là-dessus. Je pense que le moins qu'on pourrait faire serait de laisser au Bureau de surveillance du cinéma ce qui était sa fonction fondamentale, c'est-à-dire de voir quand même à une certaine protection des personnes et à l'intégrité des personnes représentées au cinéma. Donc, on voudrait qu'un objectif soit ajouté explicitant cela.

Un des aspects les plus frappants du projet de loi qui démontre jusqu'à quel point il a été rédigé par les personnes de l'industrie et en fonction de leurs intérêts, c'est la suppression de la restriction de l'admission des moins de 14 ans aux films. C'est vraiment stupéfiant de voir que, après tout le travail que M. Guérin dit faire pour vérifier si un film peut ou non être vu par un enfant, le projet de loi nous suggère que toute personne pourrait voir les films classés 14 ans et plus. C'est clairement inacceptable et on demande le maintien du statu quo là-dessus.

Un autre aspect vraiment drastique -on nous parle de coût, mais vraiment ici ce n'est pas du tout une histoire de coût, parce qu'on sait que des services comme ceux du Bureau de surveillance du cinéma s'autofinancent - c'est qu'on nous propose de supprimer tout contrôle sur la publicité et sur l'affichage, alors que, déjà, il est question que la Régie des permis d'alcool s'occupe de réglementer l'affichage des bars "topless", par exemple. Donc, l'affichage extérieur serait contrôlé par cette Régie des permis d'alcool. On voit, d'une autre part, le cinéma qui a toujours eu le "lead" pour ce qui était de la violence et de l'agression des femmes sur la rue, là, il n'y aurait plus de contrôle du tout; que ce soit les journaux, la télévision ou les affiches des cinémas, ce contrôle tomberait, alors que, actuellement, toute publicité doit être soumise au Bureau de surveillance du cinéma. On pense que ce contrôle doit rester et on pense clairement que les critères qui sont appliqués doivent être ceux qui sont appliqués pour la classification "visa général".

Il y a deux dispositions, je n'entre pas dans les détails, des restrictions sur les types de films annonces et de films présentés dans les ciné-parcs. On considère que les restrictions qui existent sont justifiées et qu'elles n'ont pas à tomber. Encore là, ce sont des choses que l'industrie vous a demandé et on dirait que vous n'avez tout simplement pas lu l'avant-projet préparé par les personnes de l'industrie. Cela n'a de justification que de leur ouvrir des marchés et lorsqu'on ouvre des marchés aux gens dans le domaine du cinéma d'exploitation sexuelle ou auprès des enfants, franchement, c'est un abus de pouvoir. 5. Autres recommandations destinées à faciliter l'application de la loi. Il y a un article dans la loi que, vraiment, c'est la première fois qu'on voit dans une loi: Toute omission faite de bonne foi - Dieu sait comment cela peut se prouver - serait suffisante pour permettre à quelqu'un d'éviter d'encourir les peines prévues par la loi. On sait les justifications que les exploitants de salles utilisent pour laisser entrer des enfants à des films. Il y a un cinéma, par exemple, à Chénéville où on présente, tous les dimanches après-midi, les films érotiques du samedi soir et ce sont des enfants qui viennent. C'est le cinéma du dimanche après-midi. L'omission de bonne foi, dans ces cas, c'est ajouter encore des droits à des gens qui transgressent déjà la loi impunément. On considère qu'une loi qui se tient n'a pas à offrir une échappatoire aussi grossière que celle-là.

Un autre critère de la loi qui constitue la centralisation abusive qui caractérise, finalement, tout le projet de loi, c'est le fait que le pouvoir d'inspection de l'application de la loi serait restreint à toute personne autorisée par la régie. Comme on sait que, au sein de la régie, ce ne serait que le président ou le directeur de la régie qui serait responsable de désigner les personnes faisant le classement, donc, il n'y aurait qu'un personne, en fait, au sein de la régie qui s'occuperait du classement. Cela revient à concentrer entre les mains d'une seule personne le pouvoir de décider de toute inspection sur le territoire québécois. M. Guérin lui-même se plaint qu'il manque d'inspecteurs, alors que la ioi actuelle prévoit qu'il y a toute une variété de personnes qui sont habilitées à vérifier si un

film a été visé ou non par le BSC. Cela nous semble tout à fait incohérent, encore là, de limiter le pouvoir comme le fait le projet de loi no 109.

Enfin, au niveau des peines prévues, on considère qu'il y avait une très bonne idée dans le projet de loi de 1978 disant qu'une seconde récidive entraînait la perte du permis d'exploitation. Lorsque les amendes sont aussi faibles que celles qui sont prévues - on nous donne un maximum de 10 000 $ pour la deuxième infraction, alors que, en Ontario, cela peut aller jusqu'à 25 000 $ dès la première infraction - on considère qu'il faut vraiment ajouter des dents à la loi si on veut qu'elle soit appliquée et on sait qu'actuellement elle ne l'est pas.

Enfin, on aimerait que les critères de rejet et de classement de films soient rendus publics autant que possible, les communiquer aux gens qui font les films de façon à éviter les genres de frictions qui peuvent se produire lorsque des gens n'ont pas été informés. Toute notre approche est une démocratisation du fonctionnement du Bureau de surveillance de cinéma, qui devient la régie, et un effort pour l'amener à une plus grande transparence et une plus grande représentativité. Plus les critères sont rendus publics, plus les gens le sauront et pourront en discuter, moins on vivra le régime d'arbitrage qu'on a vécu depuis 18 ans et qu'on vivait avant, aussi, sous des prétextes plus moraux. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Dufresne. M. le ministre.

M. Richard: Merci de la présentation de ces mémoires. J'aurais quelques questions à vous poser, en particulier à Mme Matte.

À l'article 116, en ce qui a trait à la composition de la régie, vous suggérez un mode de représentation ou un mode de désignation des membres de la régie, qui, il me semble, ne tienne pas compte des fonctions multiples de la nouvelle régie. Je me demande comment vous pouvez concilier votre recommandation avec les fonctions multiples qu'aura désormais cette régie.

Mme Busque: Le projet de loi prévoyait une régie composée de trois membres. Nous, on demande huit membres, dont 6 qui représentent le public. On a peut-être l'air de faire sauter une personne, mais de toute façon, je pense que 6 des 8 membres peuvent être d'une façon plus particulière impliqués dans le classement des films. Il n'est pas exclu, je pense, que parmi ces personnes-là, il s'en trouve une qui soit aussi capable d'administrer d'une façon plus globale. Cela laisse encore deux personnes, le projet de loi n'en prévoyait que trois, qui sont aptes à exercer les fonctions qui étaient prévues par le projet de loi. Si, à la limite, il faut trois personnes tel que prévu dans le projet de loi, il y a peut-être un moyen de s'entendre là-dessus. Qu'il y ait ces trois personnes qui s'occupent du mandat global de la régie et d'avoir quand même un nombre suffisant de personnes qui représentent les intérêts de la population.

M. Dufresne: II faut prévoir que la régie accomplit des tâches qui sont quand même très techniques. S'il s'agit d'administrer une billetterie, s'il s'agit de faire faire des études ce n'est quand même pas des décisions appelant par exemple des positions idéologiques ou des choses comme cela. Dans ce sens-là ce sont effectivement des tâches qui sont habituellement administrées par des sous-directeurs ou des membres du personnel.

M. Richard: À l'article 117, vous proposez qu'un membre de la régie ne puisse être nommé pour plus de deux mandats. Cela m'étonne un peu de voir ce que vous ajoutez, lesquels ne doivent pas être consécutifs. Il m'apparaît difficile de demander à quelqu'un de quitter son emploi pour trois ans, d'interrompre l'emploi de quelqu'un durant trois ans en lui disant: ça ne peut pas être consécutif. Vous allez quitter trois ans, vous reviendrez trois ans après. Il me semble que cela m'apparaît un petit peu, à première vue en tout cas, impraticable.

Mme Busque: Je pense que le "non consécutif" ça été introduit pour tout simplement permettre qu'à un moment donné si une personne serait disposée à faire un deuxième mandat, elle puisse le faire. L'objectif poursuivi ici, ce n'est pas tellement de pouvoir permettre à quelqu'un de revenir à un moment donné que pour éviter que les personnes soient là pour des mandats trop longs. Donc, trois ans nous semblent suffisants. Après ce temps-là il y a un phénomène d'accoutumance, de désensibilisation, qui certainement affecte la qualité du travail effectué. La qualité du travail de placement des films.

M. Richard: J'aurais une dernière observation, elle a trait à l'article qui prévoit qu'une défense de bonne foi pourrait être faite. Il me semble qu'à l'époque où nous vivons, il devient très important qu'un pareil article se retrouve dans presque tous les projets de loi. Vous savez il y avait le grand principe à l'origine qui avait beaucoup de sens et qui en a de moins en moins, c'est que nul n'est sensé ignorer la loi. Cela valait il me semble à l'époque où il y avait une législation qui n'était pas aussi abondante que celle d'aujourd'hui. Tous ceux qui se préoccupent de la protection des citoyens, en particulier mon collègue le ministre délégué

aux relations avec les citoyens, ont réclamé un pareil article, qui a une portée générale.

Maintenant qu'on ne peut véritablement pas être en mesure de plaider l'ignorance de la loi, encore faut-il ajouter cet article qui protège les citoyens contre l'ensemble de la réglementation et de la législation qui sont beaucoup trop abondantes de nos jours pour être connues par tous les citoyens. Il me semble que cela protège les citoyens et les citoyennes contre une interprétation trop rigoureuse de la loi ou contre leur méconnaissance bien normale de l'ensemble de la législation et de la réglementation.

M. Dufresne: Mais dans ce cas-ci, il ne s'agit pas des citoyens, il s'agit plutôt des exploitants. Les exploitants sont très cyniques par rapport à la loi. M. Jean Labonté, de Québec, déclarait au Soleil, l'an dernier: "Nous avons bâti notre industrie autour des trous de la loi". Alors, s'il y a quelqu'un qui connaît la loi, c'est bien l'exploitant. Lorsqu'on parle d'omission de bonne foi, je pense que cela concerne beaucoup plus le fait de vérifier ou non l'âge des personnes qui entrent dans une salle de cinéma que de connaître ou non la loi. En ce sens, je pense que toute personne pourrait excuser la présence de mineurs dans une salle de cinéma où on présente des films d'exploitation sexuelle par exemple, en disant: J'ai oublié de vérifier. Donc, omission de bonne foi. Ou encore: Je pensais que cette personne avait l'âge requis. Ou encore: J'ai fait confiance à ma caissière. Enfin, ce sont toutes des raisons qu'on utilise pour se prémunir contre une infraction. '

M. Richard: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Henri. Juste avant, afin de savoir le temps que nous devons allouer, je pense que vous présentez ensemble les deux premiers mémoires? Est-ce bien cela? M. Dufresne, vous êtes l'intervenant au...?

M. Dufresne: Oui, c'est cela.

Le Président (M. Gagnon): Alors, ce qui veut dire qu'on a...

M. Dufresne: Oui, je peux concéder un peu de temps sur ma présentation, mais pas trop.

Mme Matte: M. le Président, parce qu'on a essayé de faire tellement vite, je pense qu'on a sauté un article, celui de la non-reconduction du mandat du président du Bureau de surveillance du cinéma. Nous recommandons, en outre, que l'article 190 du projet de loi no 109, qui fait du président actuel du Bureau de surveillance du cinéma un membre de la Régie du cinéma et de la vidéo, soit abrogé. On y tient. M. Guérin peut avoir toute l'estime de l'industrie, peut-être, mais il a certainement perdu notre appui. M. Guérin n'a plus à avoir affaire à la nouvelle régie, d'après nous. Il peut être un très bon administrateur. Je ne suis pas en mesure de le juger. Mais un homme qui a pu dire, de nombreuses fois, que le Québec était prêt à accepter les salles X, un homme qui annonce partout qu'il a des mécanismes très sophistiqués pour mesurer le consensus social et qui a pu se tromper à un tel point dans ses mécanismes de mesure du consensus social, réellement, je ne pense pas qu'il mérite encore notre confiance.

De plus, il nous semble qu'une des qualités primordiales de quelqu'un qui va diriger la régie, à qui on veut donner toute cette responsabilité sociale, celui à qui cela incombe, il nous semble, doit avoir, lui-même, premièrement un sens très développé de la responsabilité sociale. Or, comme M. Guérin a fait tout ce qu'il a pu pour faire accepter l'introduction des films classés "X", au Québec; je n'ai donc pas l'impression qu'il a fait preuve de beaucoup de responsabilité sociale.

On ne l'a pas dit à la presse mais on vous le dit à vous, parce que vous êtes nos élus. C'est vous qui avez le pouvoir législatif pour faire que cette loi soit aussi parfaite que possible. Vous avez aussi la responsabilité sociale d'intervenir. Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: J'aurais une dernière observation à faire. C'est que le bureau de surveillance, contrairement à ce qui a été affirmé tout à l'heure, ne s'autofinance plus. Il y a même un déficit - si on peut parler de déficit - assez important.

M. Dufresne: ...certaines des activités du bureau étaient autofinancées. Entre autres, celles qui ont trait au classement et au visionnement des films. Enfin, c'est ce que précise M. Fournier, dans son rapport, à savoir que certaines des activités de la régie ne coûteront pas cher parce que, effectivement, elles s'autofinancent.

M. Richard: Je vous signale enfin qu'il y a plusieurs groupes, jusqu'à maintenant, qui sont venus féliciter M. Guérin pour la qualité de son travail.

Mme Matte: M. le ministre, il y a deux facettes à ce genre de travail. (11 heures)

M. Richard: Même, comme il vient de me le signaler, le député de D'Arcy McGee a félicité publiquement M. Guérin pour la qualité de son travail.

Mme Matte: Je pense que M. Marx avait sûrement des raisons qui étaient les siennes. En ce qui nous concerne, nous avons également nos raisons et, comme nous l'avons dit au début, nous ne sommes pas un groupe marginal. Nous représentons à peu près toutes les femmes du Québec.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Comme responsable de l'Opposition à cette commission, je me permets de vous dire quand même mon admiration pour vos profondes convictions et le courage que vous avez eu de prendre en main cette lutte contre la pornographie. J'admire surtout votre lutte pour les enfants, pour les mineurs, pour nos adolescents qui sont vraiment victimes d'une exploitation qu'on ne peut trop dénoncer. De notre côté, soyez assurée de notre appui, de notre compréhension et de notre aide la plus précieuse. Pour les questions supplémentaires, je vous confie à Mme la députée de L'Acadie à qui j'ai confié le dossier.

Le Président (M. Gagnon): Mme la député de l'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais également vous féliciter. Je pense que ce mémoire se situe dans la suite de la lutte qu'en particulier la Fédération des femmes du Québec poursuit depuis plusieurs années en ce qui touche la pornographie, que ce soit dans l'affichage, dans la publicité ou, dans le cas qui nous occupe, dans les films et le cinéma.

Il y a des points que je mentionne tout de suite parce qu'ils peuvent paraître mineurs par rapport aux autres, quoiqu'ils aient une grande importance, et qui, lors de l'étude article par article, ne nous auraient pas échappé. Je dois vous avouer que jusqu'à maintenant ils m'avaient échappé. Le fait, par exemple, que vous mentionnez à l'article touchant l'admission aux salles des moins de 14 ans qui sortaient par la porte d'à-côté sans que... Pour ma part, je ne l'avais pas réalisé. Je pense que...

Mme Matte: ...maintenant.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il y a des balises qui ont été mises de côté un peu trop allègrement, peut-être sans mauvaise volonté ni mauvaise foi, mais je pense qu'il est important que vous attiriez notre attention là-dessus. Vous profitez de cette occasion, et c'est une bonne tribune parce que vous avez peut-être oublié tout à l'heure que si vous n'avez pas - je vous le dis en toute amitié - dénoncé M. Guérin à la presse, vous le dénoncez maintenant devant la télévision, parce que nous sommes devant la télévision. C'est pour cela que je vous dis que c'est une bonne tribune parce que dans le fond vous intégrez tout le problème ou le débat qui a lieu présentement au sujet de la télévision payante et auquel personne ne semble avoir trouvé de réponse. On n'a pas trouvé de réponse parce que ce n'est pas un débat facile. Vous le soulignez vous-même dans une partie de votre mémoire qui touche la censure et la démocratie.

Ceci m'amène à vous poser la question suivante. Vous pariez de la précision des critères qui vont présider aux décisions de la régie quant au classement des films. Je pense que c'est une demande légitime. On a eu l'occasion d'en discuter ici au moment où le Conseil du statut de la femme est venu présenter son mémoire. Je pense que même le Conseil du statut de la femme, qui insiste beaucoup pour que ces critères soient là, au moment où nous lui parlions - peut-être que le conseil retournera au travail, mais c'était ainsi au moment où nous lui parlions n'avait pas de cadre de référence, même pas un cadre très large pour situer ces critères. Je me demandais, à la suite de la suggestion que vous faites qu'à la régie soient représentées des personnes venant par exemple de la Commission des droits de la personne, du Comité de la protection de la jeunesse et, je pense, du Conseil du statut de la femme...

Mme Matte: Oui, exactement.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ces personnes ne pourraient pas, d'une certaine façon, nous amener vers ce consensus social quand on juge du caractère admissible ou non admissible, pornographique ou non pornographique? À la rigueur ceci serait, peut-être une meilleure façon d'arriver à combattre ce que vous voulez combattre, avec, je pense, légitimité, que d'essayer d'établir des critères. Mais vous avez peut-être réfléchi au type de critères qui pourraient être utilisés, enfin, à cette grille qui pourrait être utilisée si le ministre acceptait que des gens du milieu soient représentés. Vous en avez parlé vous-mêmes, on peut parler de la censure, mais il faut qu'elle s'établisse à partir d'un consensus social. Je ne pense pas qu'il y ait de critères très rigides. On en a eu une démonstration, ici, assez amusante l'autre jour. Le député de Notre-Dame-de-Grâce avait été heurté par un film où, d'après lui, la violence était très grande, alors que d'autres dans l'auditoire reconnaissaient que c'était plutôt une oeuvre d'art. Je me demande si on ne pourrait pas substituer à cette nécessité d'établir une grille de critères, qui serait très difficile sauf pour des critères très généraux - si on tue le monde, des choses comme cela - une représentation à la régie de personnes

provenant de ces milieux. Je me demande si, d'une certaine façon, ce ne serait pas une certaine expression du consensus social, quitte, peut-être, à ne pas retenir les trois groupes que vous avez mentionnés, mais peut-être un autre groupe ou d'autres groupes aussi représentatifs de ce consensus social.

Mme Busque: Je pense que dans votre question vous avez déjà la réponse, parce que c'est la raison pour laquelle on veut la démocratisation de la régie. On la veut justement pour que toutes les couches de la société soient représentées et, en conséquence, pour avoir une meilleure garantie que le consensus social qu'elles vont réussir à définir ait plus de chances de réellement représenter la communauté que trois personnes. C'est à cause de cela, justement, qu'on veut cette démocratisation de la structure de la régie.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela pourrait être, jusqu'à un certain point, un substitut à l'établissement d'une grille d'analyse des films?

Mme Matte: D'accord, je vais le demander.

Mme Busque: Quand on demande d'avoir des critères écrits ou que ces critères soient connus, c'est qu'on a quand même besoin d'outils de référence pour évaluer si ce travail de classement correspond véritablement au consensus social. Quand le CSF a convoqué l'industrie de la publicité et lui a demandé d'établir, justement avec les groupes de femmes et les groupements intéressés, les critères d'une publicité non sexiste, au début de ce travail, je pense que la réaction des publicitaires a été très négative. Ils avaient très peur, justement, qu'on les empêche de dire les choses qu'ils avaient à dire et ils ne voyaient pas comment une grille pourrait constituer, à un moment donné, un instrument qui à la fois serait souple et leur permettrait de répondre aux demandes qu'on leur formulait. Je pense qu'on a quand même réussi à créer cet instrument. La difficulté de la tâche, on la reconnaît, mais cela vaut aussi la peine d'essayer de l'aborder. On n'est pas les seuls, d'ailleurs, à réclamer des critères écrits. Le Protecteur du citoyen lui-même, dans un rapport de 1981, je pense...

Mme Matte: Qui est en annexe au mémoire.

Mme Busque: ...qui est en annexe, s'étonnait du fait que le bureau de surveillance effectuait son travail à partir de quoi? Justement, on ne le sait pas. Il s'étonnait qu'il n'y ait pas de critères écrits.

M. Dufresne: II faut voir aussi que...

Mme Lavoie-Roux: Évidemment... Oui, allez, monsieur.

M. Dufresne: Excusez-moi. Si on veut ouvrir la possibilité d'une révision des films qui ne se fasse pas de façon purement arbitraire, on s'est posé la question: Est-ce qu'on veut que la nouvelle régie soit assiégée par des personnes qui ne seraient pas d'accord? On s'est dit: Ce n'est pas cela qui va se passer si les critères sont rendus publics. Cela va être vraiment sur la base de: Est-ce que le critère a été appliqué ou non? Quand on parle de critères, on ne parle pas de telle image, de tel organe en contact avec tel organe. On parle vraiment de quelque chose que la société déciderait qui soit ou non adéquat pour un enfant de 14 ou 18 ans, par exemple. Alors, cela laisse une place à la décision, cela laisse une place à l'évaluation. C'est selon un principe démocratique que l'on essaie de nommer les personnes les plus représentatives et les plus compétentes, mais, en même temps, qu'on ne leur laisse pas complètement la bride sur le cou. On établit des règles qui seraient valides pour toute personne qui pourrait occuper le poste en question, que ce soit un poste de député, de ministre ou d'évaluateur. Il faut, quand même, que la société, sans les couler dans le bronze, établisse clairement certains principes, certains critères qui peuvent être appliqués et modifiés régulièrement. Encore là, le travail d'évaluation, que le projet de loi propose avec l'audience à tous les deux ans, pourrait difficilement se faire s'il n'y avait pas certains "guide-lines" qui seraient rédigés dans la Gazette officielle, mais qui laisseraient place à l'évaluation et à la transformation à mesure que notre société évolue, espérons-le, vers un mieux-être et de meilleurs rapports entre les personnes.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous n'auriez pas en tête certains de ces critères ou de ces grandes balises? Vous n'y avez pas songé? Vous dites que c'est le travail de la régie.

Mme Matte: C'est le travail de...

Mme Lavoie-Roux: À votre connaissance, est-ce que quelque part, que ce soit dans un autre pays ou ailleurs au Canada, on a préparé une telle grille?

M. Dufresne: Pour préparer notre mémoire, on a essayé d'avoir accès au centre de documentation du Bureau de surveillance du cinéma, et nous avons été

très souvent frustrés du peu de documents qu'on a mis à notre disposition là-bas. Ces critères existent partout. Si des décisions sont prises, elles le sont à partir de balises dont M. Guérin reconnaît lui-même l'existence, mais il est rigoureusement impossible, dans notre démocratie, d'y avoir accès. Je pense qu'on pourrait imaginer de tels critères. On s'est plutôt attaché à la lettre de la loi et à la façon dont on pourrait rendre possible un processus d'amélioration et de diffusion de ces critères. On n'a pas cherché à les déterminer nous-mêmes; nous ne sommes pas les personnes qui feraient cela, mais on peut penser, par exemple, à l'association de certaines images particulièrement violentes à des situations qui pourraient toucher des jeunes.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez fait allusion à la question de la publicité. Vous avez peut-être raison de dire que c'est parce qu'en publicité on s'est donné la peine de tenter l'effort qu'on est parvenu à certains résultats. Peut-être que, si on faisait les mêmes efforts du côté du cinéma, on arriverait aux mêmes résultats. Mais ce qui est sexiste et ce qui ne l'est pas m'apparaît beaucoup plus "cernable" dans la publicité, tandis que, quand vous arrivez dans le cinéma, vous portez un jugement de valeur morale. Dans le fond, à la question de la pornographie dans le cinéma s'ajoute une dimension de moralité que chacun peut jauger différemment. Je me demande si cela ne rend pas beaucoup plus difficile l'établissement de critères.

Mme Matte: Nous avons déjà le critère de la discrimination qui peut être un critère là où il y a une discrimination. Je ne sais pas, on n'a pas réfléchi là-dessus. Remarquez qu'on a eu trois semaines pour faire tout ce travail...

Mme Lavoie-Roux: Oui, je sais que ce n'est pas facile.

Mme Matte: ...et c'était un front commun; donc, il fallait toujours retourner au groupe. Donc, on ne peut pas réellement vous répondre d'une façon adéquate puisqu'on ne s'est pas penché là-dessus. On ne considérait pas que c'était réellement notre travail. Mais je vais vous donner mon opinion personnelle. Je trouve que ce serait une très bonne façon de juger si un film est sexiste ou non si on mettait, à la place d'une femme, un Noir ou un Juif. Alors, on peut voir quelle serait notre réaction. Nous avons déjà intégré dans nos valeurs le rejet du racisme. Alors, on pourrait toujours se demander, si on voit un chrétien qui bat un Juif ou si on voit un Blanc qui domine un Noir, quelle serait notre réaction. Je ne sais pas. Je donne cela tout simplement comme réaction personnelle. Mais je crois que réellement le parallèle entre le racisme et le sexisme est une chose qu'on devrait faire constamment; c'est une grille de mesure et de lecture des films et de tout matériel pornographique.

Mme Lavoie-Roux: Un autre concept que vous faites entrer dans votre mémoire, c'est celui de la normalité. D'ailleurs, c'est un concept que le gouvernement actuel aime beaucoup, particulièrement le ministre de l'Éducation, quand il parle de la normalité des choses, mais c'est une digression tout à fait inappropriée à la discussion que nous avons. Vous dites: "Cependant, nous croyons que le mépris, la haine, le goût de la violence ou de la perversion ne peuvent que conduire à une dégradation des rapports humains en passant pour de la normalité aux yeux des jeunes générations." (11 h 15)

Spontanément, je suis totalement d'accord avec vous là-dessus, mais il y a aussi le fait que cela évolue, la normalité, en fonction de l'évolution de la société. C'est là que cela me crée un problème. L'analogie n'est peut-être pas exacte, mais si on prend la question de la famille, par exemple, autrefois, une famille normale, c'était une famille avec deux parents, un enfant, etc. Au cours des ans, la société a évolué et, aujourd'hui, il faut reconsidérer des politiques, des décisions, des orientations en fonction d'un nouveau type de famille qui nous aurait semblé anormal, enfin, peu importe le nombre d'années, il a vingt ans ou quinze ans. Je ne sais pas si vous pourriez développer cela.

Mme Busque: Je pense qu'on a abordé cette question en faisant référence, particulièrement, à l'expertise des intervenants auprès des jeunes qui travaillent avec nous. Certains psychologues, par exemple, dans des cliniques d'adolescents nous disent que, de plus en plus, les questions que garçons et filles leur posent sont: Est-ce que je dois faire mal pour qu'elle aime cela? Et les filles: Est-ce que je dois me faire faire mal pour aimer cela? On trouve que c'est très grave.

Vous parlez du ministère de l'Éducation, je vais en parler aussi. On a beaucoup de difficulté à obtenir l'éducation sexuelle dans les écoles. Actuellement, l'éducation sexuelle se fait, en grande partie, par l'accès au matériel pornographique et c'est comme cela que les jeunes s'éduquent sexuellement. Ce sont les questions qu'ils posent aujourd'hui: Est-ce que je dois faire mal? Est-ce que je dois me faire faire mal? On trouve cela aberrant. S'ils posent ces questions, c'est qu'ils cherchent justement une expression de leur sexualité; ils sentent que ce n'est

probablement pas comme cela que cela devrait se passer et ils se posent des questions à savoir, quand ils ont besoin d'une relation égalitaire ou de tendresse ou d'affection, s'ils sont normaux. Notre référence à la normalité, c'est dans ce sens qu'on a voulu la faire.

Mme Lavoie-Roux: Je vais laisser la parole à certains de mes collègues et, s'il reste du temps après, je reviendrai peut-être. Encore une fois, je vous remercie. Quant à la lutte que vous menez et qui a eu relativement peu de succès dans, par exemple, l'étalage de la pornographie, etc., et pour laquelle vous vous battez encore beaucoup, peut-être qu'il y a déjà un effort de fait dans le projet de loi. Je vais être honnête avec vous là-dessus, autant je pense qu'on devient très conscient de tous les abus qui sont commis, autant cela demeure très difficile d'établir la frontière entre ce qui est acceptable, ce qui ne l'est pas et ce qui devient une norme générale de notre société.

Je ne sais pas dans quelle mesure le projet de loi peut aller plus loin que ce que vous dites. Dans une de vos recommandations relatives à la transparence des critères de classement: "Porte atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, exploite, encourage ou soutient explicitement ou implicitement le racisme, le sexisme, la violence sexuelle ou la violence gratuite ou excessive." "Explicitement". Il y a peut-être un certain consensus sur ce qui est très explicite, mais vous dites "implicitement"; là, je vous assure qu'on tombe dans des nuances qui peuvent devenir très subjectives. Même si, en soi, on pourrait être d'accord avec ces recommandations, il reste que le rôle du législateur est aussi de protéger l'intérêt général et il doit toujours faire l'équilibre entre la liberté et ce que requiert la démocratie et aussi les représentations de groupes aussi importants que ceux que vous représentez. Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Madame, avant de vous laisser la parole pour répondre à Mme la députée de L'Acadie, je vais la donner à M. Dufresne parce qu'il me l'avait demandée tantôt.

M. Dufresne: Non, je voulais juste savoir à peu près quand je pourrais faire la présentation spécifique pour le Collectif masculin contre le sexisme, qui est quand même un groupe différent.

Le Président (M. Gagnon): Ah bon! C'est la question que je vous avais posée tout à l'heure, à savoir si vous présentiez les deux mémoires en même temps.

M. Dufresne: Oui. Je fais une présentation.

Le Président (M. Gagnon): Parce que j'ai été assez généreux dans le temps. Je voulais vous poser la question parce que je considérais qu'on pouvait dépasser l'heure à ce moment-là.

M. Dufresne: On a commencé à 10 h 18. Il est 11 h 19.

Le Président (M. Gagnon): Oui, je sais bien.

M. Dufresne: On peut peut-être déborder, mais j'aimerais quand même...

Le Président (M. Gagnon): C'est qu'il y a encore des questions de ce côté-ci et je sais que le député de D'Arcy McGee a aussi des questions à poser. On va forcément dépasser l'heure. Mme Busque.

Mme Busque: Je voudrais répondre à Mme Lavoie-Roux. Je pense que cette intervention est capitale, parce qu'on parle d'exploiter, encourager ou soutenir. Il faut tenir compte de ces mots-là "encourager ou soutenir" parce que le point qu'on défend, ce n'est pas une interdiction de montrer. Bon, il y a des phénomènes dans la société qui existent bel et bien. L'objectif, ce n'est pas que le cinéma devienne un instrument qui fausse, finalement, la réalité sociale. Ce qu'on dit, c'est que le message ne doit pas être de dire que c'est bien d'être raciste et que notre société veut cela. Le message n'est pas de dire que c'est correct d'être sexiste et de dire: Mais oui, soyez sexiste en encouragement au sexisme. Cela ne signifie pas de ne pas montrer. Représenter et encourager, ce sont deux concepts totalement différents. C'est à ce niveau-là qu'on ne voit pas notre intervention comme une censure parce qu'on ne la voit pas comme un empêchement de tourner en rond ou comme une limite à la liberté d'expression. On dit que la liberté d'expression s'arrête là où les droits d'un groupe ou des individus sont brimés. Donc, on peut montrer, mais ne pas encourager. Je pense que cette distinction est très fondamentale.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. M. le député de D'Arcy McGee, vous m'avez dit que ce serait très court.

M. Marx: J'aimerais féliciter les invités pour leur plaidoirie. Même s'ils n'ont eu que trois semaines, je trouve que c'est une plaidoirie assez substantielle, même si je ne suis pas d'accord avec chacun des paragraphes. J'aimerais rappeler à nos invités que l'Opposition a déjà appuyé votre demande pour qu'on réglemente l'étalage de la pornographie durant la commission sur les

amendements à la charte des droits québécoise. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on interdise la vente de la pornographie aux mineurs. Il n'y a pas de problème. C'est comme il a été dit, cela a des effets nocifs. On interdit la vente de tabac, de cigarettes, de cigares aux enfants. On ne demande pas aux enfants ce qu'ils veulent, mais on peut le leur imposer. On n'a pas d'hésitation à imposer quoi que ce soit aux enfants si on pense que c'est pour leur bien. Je suis tout à fait d'accord avec le député de Saint-Henri, notre porte-parole, en ce qui concerne vos interventions vis-à-vis des enfants. De plus, il n'y a pas de problème à ce qu'on interdise les films aux enfants, sauf que le film "Tootsie" est interdit aux enfants en bas de 16 ou 14 ans à Québec. Même si c'est interdit ici, ils le verront à la télévision le soir même, peut-être, ou dans trois mois. C'est difficile de faire la police à la maison. On ne peut pas faire la police 24 heures par jour. Cela sera encore plus difficile pour ceux qui s'abonneront à la télévision à péage. On ne peut pas contrôler cela. Voilà pour les enfants.

Mais, quand on arrive aux adultes, c'est une autre paire de manches. Vous demandez qu'on légifère pour resserrer le contrôle sur la moralité publique. C'est à la moralité publique de légiférer sur la pornographie pour adultes: ce n'est pas à d'autres. Je pense que c'est difficile de tirer la ligne entre la protection de la société et la liberté d'expression. Vous avez déjà parlé d'obscénité. Dans le Code criminel, il y a un critère qui dit que, si quelqu'un publie un livre obscène ou si on visionne un film obscène, c'est interdit. Aussi, dans la Loi sur le cinéma, il y a des interdictions. Si cela va à l'encontre de l'ordre public, le bureau de surveillance pourrait interdire le visionnement d'un tel film. Si vous allez demander aux Québécois: Est-ce que vous êtes contre la pornographie, tout le monde va dire: Oui, je suis contre la pornographie. Tout le monde dans cette salle, j'imagine, est contre la pornographie. Mais si vous allez poser la deuxième question aux adultes: Est-ce que vous voulez qu'on censure "Not a love story", ils vont dire: Non, on veut voir cela, même s'ils ont censuré cela en Ontario. Ici, au Québec, on veut avoir le droit de voir "Not a love story". Vous allez me dire peut-être que ce n'est pas de la pornographie. Si vous allez demander aux gens s'ils sont contre la pornographie, ils vont dire: Oui, mais on veut voir Dernier tango à Paris qui était censuré en Nouvelle-Écosse. Vous comprenez. Je peux donner d'autres exemples de films qui ont été censurés dans d'autres provinces et qu'on visionne au Québec, parce que je pense que les Québécois veulent vraiment cela.

Vous avez parlé de l'obscénité dans le Code criminel, vous avez dit qu'il y a très peu de poursuites. Je pense qu'il y a un consensus social au Québec, au Canada, qui dit qu'on ne poursuit pas pour obscénité. Si le ministre de la Justice du Québec reçoit 25 000 lettres, des appels téléphoniques et des télégrammes pour qu'il intente une poursuite contre le visionnement de tel et tel film parce que c'est obscène, j'imagine qu'il va y penser deux fois. Mais je ne pense pas qu'il y ait vraiment une pression au Québec pour censurer les films comme pour censurer les livres et ainsi de suite, même avec la définition de l'obscénité dans le Code criminel. Supposons qu'on intente une action contre un distributeur pour un film obscène, on arrive devant les tribunaux et le juge lui-même, comme les législateurs, dans un autre forum, doit tenir compte des standards contemporains des Québécois. Il ne peut pas imposer sa propre vision. Il doit tenir compte d'un certain consensus qui existe au Québec. Je comprends ce que vous demandez et je ne suis pas contre, parce que, moi aussi, je suis contre la pornographie. Mais c'est une autre paire de manches de demander aux législateurs d'intervenir en ce qui concerne la liberté d'expression des adultes, la liberté d'opinion et ainsi de suite des adultes. Pour les enfants, on peut le faire, il n'y a pas de problème. Mais pour les adultes, c'est un autre problème. Je pense qu'il manque un consensus au Québec pour faire ce que vous demandez qu'on fasse.

Le Président (M. Gagnon): Mme Busque. Mme Busque: Oui, nous allons répondre.

Le Président (M. Gagnon): Je pense que M. Dufresne aussi voulait répondre. J'ai aussi Mme la députée de Maisonneuve qui a demandé la parole. Je voudrais vous dire qu'à 12 heures, 12 h 10, il faudrait avoir terminé avec le deuxième mémoire aussi. Madame.

Mme Matte: Vous avez beaucoup de questions. Je vais répondre à une partie et, pour l'autre, j'aimerais que Ginette réponde. En ce qui concerne "Not a love story", il a été interdit en Ontario. Mais avec, justement, ces deux mots, "encourage et soutient", "Not a love story" passe. C'est parce que c'était trop rigide en Ontario. Mais ici, au Québec, cela va passer, parce que "Not a love story" n'encourage pas et ne soutient pas la pornographie; c'est une dénonciation de la pornographie. Cela, c'est une première question.

Deuxièmement, le consensus social. Il n'y a pas, actuellement, de consensus social, il faut se rendre à l'évidence. Écoutez, vous dites: S'il y avait je ne sais pas combien de lettres au ministre, mais il y a eu 3 000 000 de personnes qui ont soutenu les

hommes et les femmes qui sont allés sur la colline parlementaire. Qu'est-ce que cela a donné? Rien. Si on veut aujourd'hui être encore 5 000 000 devant le CRTC, ils ont donné le permis et, pendant cinq ans, on ne peut rien faire. On est pris, du moins, pour l'instant, c'est cela la situation. Il ne faut pas oublier que les femmes n'ont pas eu voix au chapitre pendant des centaines d'années. On commence à peine à faire entendre notre voix. Alors, ce consensus social, il n'existe pas actuellement dans ce domaine. Tout simplement, on a cru qu'on avait un consensus social, mais ce consensus social c'était faux; c'était tout simplement parce qu'il s'établissait sur un fond de silence de la part des femmes. (11 h 30)

Ensuite, en ce qui concerne l'article 159, j'ai déjà dit au début qu'il est absolument inopérant, que les procureurs ne peuvent rien faire, même ceux qui voudraient faire quelque chose, parce qu'il faut toujours que ce soit le ministre de la Justice qui permette justement un recours. Le film Les sensations hollandaises, par exemple, malgré le fait qu'il portait le visa du Bureau de surveillance du cinéma, a été, finalement, interdit au Québec. Le juge a dit qu'il accusait le procureur parce qu'il n'avait pas fait son travail en prenant tout de suite une action contre ce film.

En conséquence, les choses évoluent. On a eu l'impression, à un moment donné, que les choses évoluaient dans un sens de totale liberté. Aujourd'hui, on est à même de constater les méfaits de cette tolérance qui a été sans limite. Vous savez, la tolérance, c'est vraiment une valeur très positive, mais jusqu'à un certain point. Après un certain point, elle devient tout simplement de l'inconscience ou de l'irresponsabilité.

Maintenant je veux laisser la parole à Ginette pour répondre au...

M. Marx: Juste un mot.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député.

M. Marx: Un mot pour répondre. C'est facile de mobiliser tout le monde pour la vertu, trois millions de personnes qui sont contre la pornographie. Mais quand on arrive à un film précis ou qu'on arrive à un livre précis pour censurer ce film ou ce livre-là, le problème est là cas par cas. La vertu, tout le monde est pour ça. C'est ça, le problème

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme Busque.

Mme Busque: C'est précisément à cause de cela qu'on demande la démocratisation de la régie. C'est pour faciliter, justement, l'expression de ce consensus social. Si la base du classement des films, c'est le consensus social, donnez-nous des instruments qui vont permettre d'aller le chercher. Ce qu'on vient exprimer ce matin, c'est une partie de ce consensus social. Quant à moi, si ça vous prend 25 000 signatures pour bouger, on n'a plus besoin de députés. Le peuple va le prendre, ce pouvoir-là. Cela veut dire que vous demandez à la population, massivement, tout le temps, de bouger. C'est exactement pour jouer ce rôle-là qu'on élit du monde.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député de D'Arcy McGee, non. Autrement, on va brimer M. Dufresne.

Mme Matte: On a, quand même, déposé 325 000 appuis pour le contrôle de la pornographie, pour la protection des mineurs et ça n'a absolument rien donné. C'était du consensus social, cela.

M. Marx: Oui, là, on vous appuie.

Le Président (M. Gagnon): Madame, je vous invite à demeurer à la table. On va demander à M. Dufresne de faire la lecture de son mémoire et peut-être que, dans les questions qui viendront par la suite, il y en aura qui s'adresseront à vous.

M. Dufresne: Nos ancêtres, les Amérindiens, avaient une très belle coutume; lorsque les gens se rencontraient pour une discussion, ils se donnaient des cadeaux. Je vous ai apporté un cadeau et je vais vous donner cela pour mettre des bonnes "vibes" entre nous tous. C'est gratuit.

Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez, on va demander à quelqu'un de le passer.

Mme Matte: En attendant que M. Dufresne distribue ses cadeaux, je peux vous montrer un peu la liberté d'expression dont on parle: c'est la liberté d'expression de ces femmes ligotées. Est-ce de cette liberté d'expression que l'on parle? C'est pour permettre à cette femme d'avoir une liberté d'expression qu'on s'insurge.

Le Président (M. Gagnon): M. Dufresne.

M. Dufresne: Bon, alors, c'est ça. Je vous donne à chacun une copie de ce livre-là. Moi, j'ai appris plus de choses sur les hommes avec ce livre qu'en 30 ans de conversation avec mes amis de gars. Plus de choses aussi sur ce qu'est véritablement la pornographie.

Je fais partie du Collectif masculin

contre le sexisme. C'est un groupe qui circule; on va discuter avec des hommes. On anime des discussions à la suite de films justement comme "Not a love story". On essaie d'amener les bonshommes à se demander un peu quelles sont leurs attitudes avec ies femmes et à vérifier si effectivement il n'y a pas un grave problème dans leurs rapports avec les femmes.

Je voudrais, avant de commencer, donner quelques minutes de mon temps à Hélène Desrosiers, du Regroupement féministe contre la pornographie qui a mené la lutte ces dernières années contre la pornographie. Si on peut partager notre temps de présentation, je préférerais cela.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Desrosiers.

Mme Desrosiers (Hélène): Je remercie M. Martin Dufresne. Je voudrais spécifier, justement, que le regroupement compte environ une trentaine de membres, mais que nous avons organisé plusieurs manifestations contre le projet de salles X, manifestations qui ont regroupé jusqu'à 500 personnes. C'est grâce à ces pressions que le projet de salles X n'a pas été retenu. Même si l'éventualité de la légalisation du cinéma "hardcore" et des salles X a été rejetée, on considère que le projet de loi no 109 sur le cinéma et la vidéo n'a retenu aucune autre des recommandations des groupes de femmes soumises à la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel.

Je serai assez brève. Je vais dire l'essentiel. En gros, on appuie les recommandations qui sont soumises par le Front commun contre la pornographie. On insiste davantage sur l'évaluation et l'application des critères de classement des films, sur l'aspect des vidéos, parce qu'on sait que c'est l'industrie pornographique qui connaît la plus grande expansion à l'heure actuelle et que les profits réalisés par les vidéos pornographiques sont de 50% supérieurs aux profits réalisés par les autres types de vidéos, et tout cela. On sait que l'industrie de la pornographie au Québec rapporte 260 000 000 $ et que c'est assez important. Le marché légal est aussi important. C'est peut-être pour cela qu'on s'y attarde un peu.

Concernant les objectifs de la loi actuelle, on considère qu'il est important de les définir au-delà d'objectifs corporatistes fondés sur les intérêts de l'industrie québécoise du cinéma. Nous soutenons la recommandation du front commun, soit d'ajouter à l'article 3 la reconnaissance du respect des droits des personnes, en particulier des femmes et des mineurs, face à toute atteinte ou discrimination au moyen du cinéma ou de la vidéo. C'est un peu la question de la moralité, et tout cela. Nous ne sommes pas pour la moralité. Nous sommes pour le respect des droits fondamentaux des femmes et pour la liberté d'expression des femmes qui constituent quand même la moitié de la population du Québec.

Notre définition de la pornographie n'est pas seulement une représentation indue de choses sexuelles. On considère la pornographie comme une exploitation du corps des femmes et de leur sexualité, qu'elle soit explicite, verbale, écrite ou picturale. La sexualité proposée dans la pornographie, pour nous, non seulement se nourrit de l'oppression dont sont victimes les femmes dans notre société, mais de plus elle tend à la promouvoir de façon systématique et délibérée. C'est pourquoi on s'insurge contre la pornographie parce qu'on sait que c'est un instrument de propagande énorme, qui a aussi des impacts très néfastes sur les femmes et sur les mineurs qui sont de plus en plus exploités dans la pornographie. On en a déjà parlé tout à l'heure.

Je m'excuse parce que je ne veux pas répéter ce qui a déjà été dit. En gros, nous considérons que le projet de loi no 109, en plus d'évincer les recommandations des groupes de femmes, annonce un net recul par rapport à la loi actuelle.

Concernant le contrôle de la publicité, nous exigeons que les contrôles soient maintenus dans les médias et dans l'affichage extérieur des cinémas qui constitue une véritable pollution visuelle et brime notre droit de nous promener dans la rue sans être agressées par ces images.

Concernant les films présentés dans les ciné-parcs, nous exigeons aussi le maintien de la restriction actuelle. Quant à la restriction "pour tous" sur les bandes-annonces, qui serait supprimée par la loi actuelle, on exige encore là son maintien.

Malgré que la pornographie ait été dénoncée par les femmes comme une atteinte directe à leurs droits et à leur intégrité physique et morale, le projet de loi nie ouvertement sa responsabilité face à la population en faveur des intérêts de l'industrie pornographique et ainsi facilite la normalisation d'images discriminatoires. J'insiste sur le terme "normalisation". De même, il favorise la mise en marché d'une vision étriquée du corps et de la sexualité des femmes au nom d'une prétendue liberté d'expression qui ne bénéficie qu'à ceux qui savent la rentabiliser en brimant les droits fondamentaux des femmes. Nous voulons que la liberté de faire entendre nos voix ait un impact aussi grand que celle dont disposent les pornocrates dans une société qui se veut démocratique.

J'ai pris mon droit de parole.

Le Président. (M. Gagnon): M. Dufresne.

Collectif masculin contre le sexisme

M. Dufresne: Oui. Le Collectif masculin contre le sexisme démontre d'où on est parti; il nous fallait un cadre de référence, comme le disait Mme Lavoie-Roux. Face au matériel d'exploitation sexuelle, finalement, il y a toujours eu deux positions: celle de l'Église traditionnelle, qu'on a toujours connue ici au Québec jusqu'à 1963, 1964 environ; celle du député de D'Arcy McGee, qui est la position libéraliste simple, du genre "tout est bon"; c'est bien dommage qu'on ait subi cette répression, mais, maintenant, tout adulte devrait avoir droit à toute forme de stimulation.

Nous pensons que c'est faux. On fait une exception pour les femmes. Il est très clair que les discours racistes sont interdits pour les adultes. Les discours diffamatoires sont interdits pour les adultes. La publicité frauduleuse est interdite. Il y a toutes sortes de discours. Lorsqu'on reconnaît qu'ils causent un tort à des personnes, ils sont effectivement restreints sans que personne ne parle de liberté d'expression. Pourquoi ferait-on une exception pour la violence faite aux femmes, pour "l'objetification" des femmes dans la pornographie? En parlant avec des hommes, on s'aperçoit que cela n'a pas de bon sens. On s'aperçoit aussi, en en parlant, en plongeant un peu en profondeur, que la pornographie nous a nui individuellement. Je vous ai donné un livre et essayez de m'écouter au niveau où je vous parle. Cela nous a vraiment nui.

Dans nos rapports avec les femmes, on est arrivé avec des attentes incroyables. On s'attendait à des seins énormes, à une disponibilité totale, à des orgasmes immédiats, à tout ce que la pornographie charrie et vend systématiquement aux hommes dans la pornographie la plus "douce". On s'est aperçu que cela nous avait créé des problèmes et que finalement, si on voulait changer, améliorer nos rapports avec les femmes, qui sont drôlement tendus ces jours-ci - je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, messieurs, mais, avec nous, cela n'est pas du tout facile - on aimerait bien un peu ne pas se faire tirer dans les pattes. À ce niveau-là, vraiment, on est tombé sur le cul quand on a vu le projet de loi no 109, parce qu'on n'arrive pas à comprendre comment vous avez pu perdre de vue à ce point-là ce que M. le député de D'Arcy McGee appelle le consensus social.

Regardez le champ politique, regardez ce qui s'y passe. Vous avez l'industrie du cinéma qui vous propose dans ce rapport des dispositions permettant de créer un office de surveillance du cinéma et un conseil de surveillance du cinéma qui aurait pour effet de le démocratiser. M. Richard ou son chef de cabinet - je ne sais pas - sape ces deux articles tout simplement et nous laisse des fonctions traditionnellement exercées par le Bureau de surveillance du cinéma qui sont réduites à une simple sous-section des activités d'une régie qui est essentiellement axée sur le marketing de l'industrie. Alors que tout le monde parle de la nécessité d'une démocratisation, on prend un groupe de six personnes qui sont responsables, qui sont compétentes - M. Guérin n'arrête pas de le dire - et on réduit leurs activités à des activités qui seraient exercées par des membres du personnel désignés par le président. Franchement, cela n'a pas de bon sens.

On ne comprend pas ce qui se passe. On ne comprend pas qu'un gouvernement qui doit quand même penser à son image publique décrète soudainement que les enfants peuvent aller voir des films pour 14 ans et plus et que tout contrôle doit tomber là-dessus. On ne comprend pas que vous laissiez libre cours à la pornographie au moment où tout le monde se mobilise au Canada, aux États-Unis et même en Europe. Je ne sais pas si vous avez lu le rapport Dionne que des représentants du ministère de la Justice ont rédigé en 1977. Il y avait des choses très intéressantes sur les effets de la libéralisation de la pornographie en Suède, la délinquance juvénile, 1' angoisse qui existe de plus en plus chez les enfants. Cela commence à se manifester au Québec à mesure que les interdits sont levés et que des libéraux, comme M. le député ici ou M. Guérin, se permettent, finalement, de visionner et surtout de faire visionner à la population ce qu'ils veulent bien.

Vous avez vu le débat sur la télévision payante. Il me semble que cela démontre, comme le disait Mme Matte, qu'on est allé trop loin. On ne comprend pas que vous supprimiez des contrôles comme le contrôle sur la publicité. On ne comprend pas ce qui se passe. On a l'impression que vous êtes mal informés. Est-ce que vous savez qu'il y a à Sainte-Foy un industriel qui fait des vidéos pornographiques annoncés dans le Globe and Mail, des vidéos qui sont remplis de scènes d'inceste, de viol et de choses comme celles-là? Ces vidéos ne sont pas encore diffusés au Québec, mais, avec le projet de loi no 109, dans un mois ils seront sur le marché. Déjà dans les autres provinces on reçoit des photocopies que nous envoient des féministes de Vancouver nous demandant ce qui se passe au Québec et nous disant qu'on fait des vidéos particulièrement violents, particulièrement agressifs.

Les industriels s'en expliquent: il n'y a pas de problème, ils ont M. Guérin dans leur poche. C'est aussi simple que cela. M. Guérin n'applique pas la loi. Comment pouvez-vous dire, M. le député, qu'on demande que les députés légifèrent? On ne vous demande pas de légiférer. On vous

demande simplement de laisser dans la loi les articles qui y sont et de les appliquer. Il me semble que, s'il faut créer un scandale, s'il faut descendre à 25 000 dans la rue, on a autre chose à faire et que vous devriez prendre vos responsabilités. Vous nuisez à notre développement comme êtres humains. Vous nuisez à nos rapports avec les femmes. Vous nuisez à l'évolution des jeunes et aussi à l'évolution des adultes. Je ne comprends pas.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Je pense que vous avez terminé votre mémoire.

M. Dufresne: Oui.

Le Président (M. Gagnon): On va donner la chance aux gens autour de la table de réagir et de vous poser des questions. Vous pourrez peut-être ajouter, selon les questions qu'on vous posera.

Mme Desrosiers.

Mme Desrosiers: Quand monsieur parlait de subjectivité à propos des critères de rejet de films et qu'il parlait de la violence implicite qui pouvait être contenue dans les films ou les vidéos... à ce propos-là, est-ce que, dans l'ex-définition, le critère de rejet qui était "nuit à l'ordre public et aux bonnes moeurs" n'est pas plus subjectif encore et plus vague? Tout ce qu'ajoute le projet de loi no 109 à ce sujet-là, c'est "en ce qu'il encourage ou soutient la violence sexuelle". Je ne pense pas que ce qu'on propose soit plus subjectif que ce qui est déjà là, dans la loi actuelle. (11 h 45)

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Richard: Je vous remercie de la présentation de votre mémoire. Je voudrais tout de même attirer votre attention sur une chose. Cela m'étonne un peu que cela n'ait pas été souligné parce qu'il me semble que cela répond, au moins dans une certaine mesure, aux objectifs que vous poursuivez les uns et les autres. Il y a quelque chose d'essentiellement nouveau à l'article 131, qui m'apparaît majeur: "La régie rend ses décisions par écrit et en transmet copie sans délai aux personnes intéressées." Voici la nouveauté: "La régie doit motiver ses décisions." Cela aura pour effet de constituer une jurisprudence, une jurisprudence qui sera évolutive - je ne sais pas dans quel sens - et sur laquelle la régie pourra s'appuyer. Les tribunaux aussi, éventuellement, pourront s'appuyer sur cette jurisprudence. Cela n'existait pas - vous en conviendrez tous et toutes - dans l'ancienne loi. Cela m'apparaît être un changement majeur que vous n'avez pas souligné, M. Dufresne.

Mme Busque: On a peut-être mal interprété l'article.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Mme Busque: Pardon?

Le Président (M. Gagnon): Si vous le permettez, madame, on va laisser...

Mme Busque: Oui.

Le Président (M. Gagnon): ...M. le ministre terminer.

M. Richard: Cela m'apparaît être un changement majeur...

Le Président (M. Gagnon): Je pense que cela s'adresse d'abord à M. Dufresne.

M. Richard: ...qui, il me semble, aurait dû être souligné. Vous savez, on a eu une longue discussion avant-hier - Mme Lavoie-Roux l'a évoqué avec la présidente du Conseil du statut de la femme - et on a demandé: Est-ce que vous pourriez énumérer les critères? Je vous avoue, en toute modestie, que je me sens absolument incapable d'énumérer ces critères. En ce sens-là, je rejoins tout à fait les propos du député de D'Arcy McGee; je suis incapable de les énumérer. La présidente du Conseil du statut de la femme nous a dit: Bon, écoutez, peut-être qu'on pourrait y réfléchir éventuellement. Mais quant à moi, je n'ai jamais vu ces critères nulle part, sauf que, en créant une jurisprudence, on répond peut-être à la question que vous posez parce que cette jurisprudence-là n'existe pas.

Le Président (M. Gagnon): M. Dufresne. M. Dufresne: Oui, mais vous le faites...

Le Président (M. Gagnon): Avant de vous laisser la parole, si vous le permettez, je vais vous demander d'être très bref dans vos réponses parce que j'ai au moins quatre ou cinq intervenants encore d'ici à midi.

M. Dufresne: Oui, d'accord. En fait, si vous êtes soucieux des critères, comment se fait-il que dans le projet de loi vous confiez la responsabilité du classement à du personnel désigné par le président? Il me semble que, comme irresponsabilité, on ne fait pas mieux. La régie va prendre ses décisions. Elle va les communiquer aux personnes intéressées, c'est-à-dire aux exploitants, aux distributeurs qui auront remis des films. Le public n'aura pas accès à cela et les décisions en question vont se faire à partir de quoi? On ne le sait pas et les décisions subséquentes vont se faire à partir des premières décisions qui, encore là,

se seront faites à partir de quoi? On ne le sait pas. Ce sera un processus qui sera purement interne, qui ne sera pas ouvert à la population. La population n'aura pas accès, justement, à la définition de ces critères. Nous, non plus - on vous l'a dit - nous ne sommes pas capables de les créer, mais ce qu'on voudrait, c'est que ce soit des personnes qui sont justement dans le champ de la défense des droits et libertés des personnes. Ce sont ces personnes qui sont les mieux à même de définir exactement ce qui est discriminatoire et ce qui ne l'est pas. Ce n'est pas une question de vertu, c'est vraiment une question de recherche.

Le Président (M. Gagnon): Mme Busque, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Busque: M. Richard, vous parliez de l'article 133 ou 134?

M. Richard: 131.

Mme Busque: 131. Si c'est le sens que vous avez voulu lui donner, je vous félicite. C'est un pas en avant pour nous. Par contre, on ne l'a pas interprété comme cela parce qu'on a interprété "les personnes intéressées" comme signifiant, étant donné que le classement, le droit de révision et le droit d'appel n'étaient accordés qu'à l'industrie, que vous rendriez vos décisions aux producteurs, aux cinéastes, par écrit, ce qui, pour nous, ne les rendait pas nécessairement accessibles au public. "Les personnes intéressées", pour nous, c'était l'industrie. Si vous me dites qu'il peut être interprété comme incluant le public en général, c'est autre chose. Mais, est-ce que ce n'est pas l'industrie qui est visée là-dedans?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, avez-vous terminé? Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est très court. Je n'ai pas entendu la réponse du ministre tout à l'heure à la suggestion du Front commun contre la pornographie, à savoir s'il pourrait envisager la possibilité d'ajouter à la régie des membres qui viendraient des organismes qui ont été suggérés là ou d'autres organismes. Je vois bien leurs fonctions; par exemple, ils accordent des permis, ils délivrent des permis, ils tiennent un répertoire des films produits, mais, strictement sur la question du classement des films, est-ce que pour cette fonction, on ne pourrait pas créer, je ne sais pas, une sous-régie, une sous-commission où ces gens pourraient être introduits si vous pensez que ce ne serait pas nécessaire de les impliquer dans toutes les autres activités ou fonctions qui incombent à la régie? J'aimerais avoir la réaction du ministre. Je pense qu'on pourrait peut-être trouver là, au point de départ, un moyen d'arriver à ce consensus ou de penser qu'on respecte mieux le consensus social que de le limiter strictement à trois personnes qui décideront, elles, de ce consensus social. Au moins, vous auriez un éventail plus grand et vous permettriez, je pense, d'atteindre un peu mieux ce consensus social.

M. Richard: Alors, Mme la députée de L'Acadie, vous vous rappellerez qu'au début des séances de cette commission parlementaire mon collègue, le critique de l'Opposition en matière culturelle, le député de Saint-Henri, a appuyé le projet de loi, mais en parlant aussi d'une possibilité de ce qu'il a qualifié de "contrôlite". Je voulais, justement, éviter l'abus des contrôles. Cela me paraît, en tout cas, difficile au sein de la même régie, compte tenu de la multiplicité de ses mandats, d'avoir des membres de la régie qui ne seraient nommés que pour une partie des mandats confiés à la régie. Cela me paraît assez difficile. Est-ce que c'est soluble? Je ne le sais pas, on y réfléchira. Mais comment le gouvernement pourrait-il nommer des personnes qui ne seraient nommées que pour remplir une partie des mandats confiés à la régie? Il y a une chose dont je peux vous donner la garantie, c'est que, dans le choix des membres qui composeront la régie, nous serons extrêmement prudents pour rejoindre ce que le député de D'Arcy McGee appelle le consensus social.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas en faire la discussion ici; on en discutera à l'étude article par article. Je voudrais simplement, comme le ministre nous indique qu'il y réfléchira profondément, lui indiquer qu'il y a, à l'intérieur du Conseil des collèges, deux sous-commissions, si je peux les appeler ainsi, qui s'occupent de questions particulières relatives au fonctionnement des collèges. Alors, je pense que ce n'est pas une chose absolument nouvelle. Ce ne serait pas ajouter des contrôles supplémentaires; ce serait permettre que les contrôles s'exercent avec un meilleur discernement, je pense. C'est simplement cela, on y reviendra.

M. Richard: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Si on partage votre analyse - c'est mon cas - voulant que le discours dominant soit un discours misogyne, que ce discours dominant soit dans les productions culturelles ou dans les instances politiques, économiques ou sociales, il y a un discours

dominant qui est misogyne. À partir du moment où l'on pense que, sous le couvert de la pornographie, il y a effectivement une propagande antiféminine, là où on s'interroge, c'est sur les moyens et sur les recommandations qui peuvent renverser ces situations. C'est ce qui m'amenait, par exemple, dans la discussion avec le Conseil du statut de la femme, à m'interroger à savoir si parfois le mieux n'était pas l'ennemi du bien. Je remarque, en fait, la recommandation que vous faites; à savoir le front commun que vous représentez demande qu'il y ait un droit de révision et un droit d'appel en Cour provinciale pour des individus et des groupes d'individus au sujet de la classification d'un film. Dans la mesure où il y a ce discours dominant et où, comme groupe de pression, puisque vous représentez des groupes de pression, dans la mesure où vous porteriez en appel ou en révision une décision de classement... Il faut bien voir que, dans des circonstances comme celle-là, la décision de classement qui fait l'objet de l'appel, par exemple, est maintenue jusqu'à la décision de la Cour provinciale. C'est donc dire que le film contre lequel vous demanderiez une révision en Cour provinciale serait à ce moment visionné. Je me demande: N'y aurait-il pas comme conséquence de lui donner une publicité qui amènerait finalement une plus grande audience au film? Alors, n'est-ce pas l'effet inverse de celui qui est recherché? Je ne sais pas ce que vous pensez de cela.

Le Président (M. Gagnon): Mme Busque.

Mme Busque: Je pense qu'il y a une mauvaise interprétation de notre recommandation parce que notre recommandation ne vise pas une révision en Cour provinciale. Le droit d'appel s'exercera en Cour provinciale parce qu'on s'est dit: Quel mécanisme? À supposer que ce soient les régisseurs ou commissaires ou membres de la régie - peu importe comment on les appelle - qui effectuent le classement des films, ce sont eux aussi qui devraient faire la révision.

La révision, c'est un mécanisme où on demande aux personnes qui ont effectué une tâche de la réévaluer. Donc, c'est à ce niveau d'abord que devrait se passer la majeure partie de nos contestations sur le classement des films. Nous avons demandé l'introduction d'un droit d'appel en Cour provinciale dans des cas, probablement, tout à fait extrêmes, mais le mécanisme qui devra être employé... La voie normale devrait être le processus de révision auprès des personnes qui ont effectué le classement la première fois.

Mme Harel: En termes pratiques, est-ce que le contrôle judiciaire est plus adéquat? Si tant est qu'il s'agit de cas extrêmes, comme vous le dites, il y a des injonctions qui peuvent être prises en vertu des lois en vigueur.

Mme Busque: On a beaucoup réfléchi à cette question du droit d'appel en Cour provinciale, sauf qu'on n'est pas des spécialistes en droit administratif et on était très embêtés, avec la structure qui est proposée, de prévoir, à l'intérieur même du processus administratif, un droit d'appel.

Donc, notre seule ressource était la Cour provinciale parce qu'à l'intérieur même de la régie, il n'y avait pas de structure nous permettant d'aller plus haut.

Le Président (M. Gagnon): M. Dufresne.

M. Dufresne: On a simplement étendu à la population les droits que le projet de loi no 109 concédait à l'industrie privée qui pouvait effectivement porter en Cour provinciale les décisions ne portant pas sur le classement.

Il faut dire que, dans les recommandations du rapport Fournier, il y avait effectivement le recours à une autre instance que celle qui avait décidé du classement du film, mais, dans l'émondage qui a été fait probablement au Conseil du trésor, il semble qu'on ait perdu ce droit de porter en appel.

De toute façon, ce droit avait été encore là limité aux intérêts de l'industrie et non à ceux de la population. C'est un problème généralisé avec le projet de loi.

Le Président (M. Gagnon): Mme Matte.

Mme Matte: Je pense, Mme la députée, qu'il faut prendre le risque, à un moment donné, de se présenter devant le public, que ce soit devant une cour ou... Parce que, regardez maintenant tout ce qui s'est passé avec la télévision payante. D'un côté, on nous a dit: Ah! toute cette protestation a fait de la publicité gratuite au réseau Premier Choix.

Mais, du même souffle et sans se rendre compte du tout du ridicule de la chose, on nous disait aussi: Mais il n'y a pas de protestations. Comment se fait-il que personne n'a protesté contre les films qui passent depuis tant d'années à Sherbrooke, etc.?

À un moment donné, il faut prendre le risque de protester, de venir devant l'opinion publique et réellement de faire avancer cette opinion publique par les discussions qui peuvent avoir lieu, même au risque de faire éventuellement de la publicité à un film ou à quelque chose comme cela.

D'ailleurs, nous avons distribué ou tout au moins j'avais demandé qu'on distribue une série de photocopies des lettres de M. Brault et ces lettres viennent à nous parce que les

gens ne savent pas où se plaindre. Cela vient tout le temps; des gens qui se plaignent et ensuite on leur dit de se plaindre ailleurs et de se plaindre ailleurs et de se plaindre ailleurs... Cela retourne. Il n'y a pas de mécanismes démocratiques pour se plaindre en ce domaine. C'est cela la vérité. Et, même s'il y en a, ils ne sont pas appliqués. (12 heures)

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Dufresne.

M. Dufresne: Sur cette question, d'ailleurs, on pourrait reprendre une recommandation des groupes de femmes qui se sont adressés au CRTC et de quelques groupes d'hommes aussi, sur la question de la télévision à péage. On pense que la Régie des services publics a une responsabilité dans ce domaine. Vous lirez justement, dans le dossier concernant la plainte qu'un citoyen avait déposée contre un film présenté à la télévision de Sherbrooke, qu'on se renvoie la balle de façon incroyable. Le Bureau de surveillance du cinéma lui a dit que c'était le CRTC qui était responsable; le CRTC lui a dit que ce n'était pas lui le responsable, mais le poste de télévision; et le poste de télévision a dit: Ah! mon film est visé par le BSC, il n'y a pas de problème.

On pense que, si M. Bertrand ne retraite pas complètement sur la question de la responsabilité du gouvernement québécois sur les contenus télédiffusés sur le territoire québécois, on pense que ce serait une très bonne idée s'il n'y avait pas de films classés 18 ans et plus diffusés à la télévision, tout simplement. Ce serait d'abord une façon d'assurer le contrôle de la régie sur les films utilisés au Québec, ce qui est la loi actuelle, et de limiter ceux qui sont visibles à la télévision. Les films classés 18 ans et plus, il ne faut pas se le cacher, sont des films d'exploitation sexuelle. Ce sont ceux-là qui sont actuellement classés 18 ans et plus au Québec. Alors, on pense qu'effectivement, ils n'ont pas d'affaire à la télévision parce que c'est un médium beaucoup plus efficace et incontrôlable, comme nous le disait le député de D'Arcy McGee, et donc que la norme, qui a été, sauf une très rare exception, jusqu'ici que des films classés 18 ans et plus n'étaient pas télédiffusés, devrait s'appliquer. Avec le nouveau classement qu'on propose, et qui serait fondé beaucoup plus sur l'identification des formes discriminatoires à partir de discours et non pas sur la représentation explicite, il pourrait y avoir des films de rapports sexuels, mais ce ne seraient pas les films sexistes qui passent actuellement et qui suscitent justement la protestation de tant de femmes et de quelques hommes.

Le Président (M, Gagnon): Merci. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: M. le Président, pour répondre un peu à ce que le ministre disait tout à l'heure et pour appuyer aussi en même temps la demande de Mme la députée de L'Acadie, je me permets d'ajouter que ce n'est pas en ajoutant une commission de surveillance qu'on provoquera la crise aiguë de "contrôlite". Cela sera peut-être plutôt un sédatif, parce que, enfin, surtout si cela répond vraiment à un consensus public... Ce n'est qu'une petite mise au point.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Je ne voudrais pas recommencer toute la discussion, mais, dans votre mémoire, vous avez fait état des années précédentes et des régimes précédents en retournant jusqu'au duplessisme. Mais je pense que mon âge me permet de dire qu'on a quand même vécu certaines de ces années. Avec toute cette société permissive, au fond, qu'on s'est donnée et ce déblocage qu'on a voulu voir et qui était pour nous, peut-être souvent, du rattrapage, on a encore l'impression, à entendre M. Dufresne ce matin, que les relations hommes-femmes ne sont pas encore réglées. Vous faites même état de ces difficultés qu'ont les hommes et les femmes à se connaître et à se comprendre. Arrivera-t-on un jour... On a l'impression que vous demandez aux législateurs: Réglez notre problème. Je pense que ce n'est pas dans une loi qu'on peut régler cela, mais c'est peut-être en essayant de trouver ensemble ce consensus qu'on peut atteindre dans la population et qui soit le même pour tout le monde. Je pense que c'est un peu cela.

Trouvez-vous qu'il y aurait un article à ajouter au projet de loi no 109, que vous n'avez pas mis dans vos recommandations, et qui ferait en sorte que cette Loi sur le cinéma et la vidéo pourrait permettre une meilleure compréhension?

M. Dufresne: Je vous répondrai en vous citant l'exemple de Bonnie Klein qui a fait le film: "Ce n'est surtout pas de l'amour". Elle avait commencé, avec les femmes de studio D, par faire un projet de film érotique. Elle s'était dit: On va faire un beau film sur la sexualité, on a envie d'en faire un. Elles ont travaillé pendant un an et elles se sont aperçues qu'elles ne pouvaient pas faire le film tant que la pornographie n'avait pas été dénoncée et n'avait pas été contrée de toutes les façons possibles et impossibles.

On lutte de toutes les façons possibles et impossibles. On se décarcasse, on traduit des bouquins, on va voir des gens, on discute avec des gens, on passe des tracts, on fait des manifestations, on écrit des lettres, on multiplie les façons d'essayer de sensibililer

les gens, mais on ne peut rien faire contre une industrie de 8 000 000 000 $ qui détient de telles complicités dans l'industrie et surtout au gouvernement, lorsqu'on voit que des lois qui existent ne sont pas appliquées. Regardez les efforts d'éducation sexuelle, par exemple, que fait le ministère de l'Éducation. Ce n'est qu'une goutte d'eau face à l'océan de la pornographie. Cela sera encore pire avec la télévision à péage et cela sera encore pire avec le projet de loi no 109 qui nous annonce que bientôt on aura un affichage incontrôlé et une publicité incontrôlée, et que les enfants seront admis au cinéma. Que voulez-vous faire face à une machine aussi grosse que cela? Je pense que les citoyens sont en droit d'attendre du gouvernement une intervention, ne serait-ce que faire appliquer ses lois. Ces lois, il est dommage que des gens les lisent encore selon la grille dont vous nous parlez qui est la grille de la grande noirceur, de la répression.

On dit, nous, que la répression a changé de camp. Aujourd'hui, que font les groupes de droite? Les groupes de droite, aux États-Unis, luttent contre toutes les mesures où l'État interviendrait pour contrer la loi du plus fort. On voit la droite, par exemple, lutter contre les régies des loyers, lutter contre les mesures d'aide sociale, lutter contre la taxation des classes moyennes, lutter contre le droit des femmes pauvres à un avortement. C'est cela, les champs d'activité de la droite. Entre autres, ils défendent forcément la liberté d'expression, la liberté d'expression des pornocrates. Celle des femmes, on n'en parle pas. Celle de la sexualité elle-même, on n'en parle pas. L'éducation sexuelle, ils travaillent contre, mais la pornographie, ils la défendent.

Il me semble que le PQ devrait être fidèle à son mandat. Il devrait être fidèle à son approche qui a toujours été celle de défendre le faible contre le fort, d'être le faible contre le fort à Ottawa et ne pas simplement se liguer avec le crime organisé qui fait la majorité des films pornographiques aux État-Unis, des films qui sont "dumpés" ici sur le marché, qui nuisent aux cinéastes québécois qui voudraient faire des films différents.

Ces films sont écoulés à des prix ridicules, évidemment, parce que les actrices ne sont presque pas payées, parce que personne n'est payé. Il y a des vols, il y a toutes sortes de passes qui se font: des vidéo cassettes qui sont copiées dans des sous-sols, comme on a pu le voir dans le Journal de Montréal la semaine dernière. C'est cela qui s'imposera de plus en plus si le législateur n'intervient pas pour faire respecter sa loi.

Le projet de loi no 109 est un immense pas en arrière dans ce domaine. C'est dommage. C'est un projet de loi qui a été rédigé par l'industrie. On a 300 000 signatures ici pour réclamer que les intérêts de la population soient défendus. On a travaillé très attentivement à chacune de ces recommandations. On pense que, si elles étaient appliquées, cela changerait, et là pourrait émerger, justement, cette transformation des rapports humains. Mais en attendant, on fait face à un barrage de propagande haineuse, comme disait la députée de Maisonneuve, et on ne peut rien faire face à cela.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Dufresne. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais remercier M. Dufresne de son cadeau, "L'envers de la nuit", publié au Québec. Je vais le lire attentivement, j'ai vu déjà qu'il a des chapitres intéressants.

J'aimerais passer d'une discussion générale à une discussion sur des cas particuliers. J'imagine, M. Dufresne, que vous êtes au courant des films qu'on visionne au Québec. J'aimerais savoir si vous pouvez vous rappeler des films que le bureau de surveillance a laissé passer pour visionnement au Québec et que vous auriez interdits.

M. Dufresne: Oui, certainement, monsieur.

M. Marx: Je sais que "Not a love story" passerait ou "Bonnie and Clyde". Quels sont les films que vous avez...

M. Dufresne: II y a un film qui a été présenté au cinéma X il y a un an. Le scénario du film était qu'une femme était ligotée dans une chaise roulante, et un homme l'asphyxiait, lui mettait un masque à gaz sur le visage et se masturbait pendant que cette femme mourait devant lui. Cela, c'est un film que le Bureau de surveillance du cinéma a accepté, classé 18 ans et plus.

M. Marx: Quel est le titre de ce film?

M. Dufresne: Je ne me souviens pas du titre...

M. Marx: Au cinéma X...

M. Dufresne: Cela a été présenté au cinéma X, de M. Roland Smith, qu'on a réussi à faire fermer et qui est maintenant devenu un cinéma de répertoire où il y a des films très intéressants. Mais, justement, si on n'était pas intervenu, ce serait encore des films comme cela qui seraient présentés et il y aurait des salles X un peu partout dans la province.

M. Marx: Est-ce qu'il y a d'autres films? Cela, c'en est un.

M. Dufresne: Le programme était constitué de films comme cela. M. Smith faisait sa publicité en disant: Enfin, on va voir un bon érotisme avec de la violence. C'étaient des éléments de publicité qu'il diffusait partout à Montréal. Les clubs vidéo commencent de plus en plus à faire ce genre de publicité. Je peux vous parler d'un film comme "A Sex Maniac's Guy to the USA", "Love Lost and Violence", "Slaves of Love", des films qui commencent déjà à circuler.

M. Marx: Ces films étaient passés par notre bureau de...

M. Dufresne: Non, déjà, ces films circulent et ne sont pas classifiés par le Bureau de surveillance du cinéma.

M. Marx: Ils sont...

M. Dufresne: Ils circulent par le club vidéo, parce que M. Guérin n'applique pas la loi actuelle au club vidéo, par son libre choix, comme il s'est opposé à M. O'Neill.

M. Marx: Cela veut dire des vidéocassettes?

M. Dufresne: Oui.

M. Marx: Vous voulez interdire le visionnement...

M. Dufresne: Les films sexistes.

M. Marx: ...des vidéocassettes dans les vivoirs des gens, c'est cela?

M. Dufresne: Non, non, pas du tout. M. Marx: Non?

M. Dufresne: Si vous lisez la proposition que vous avez sous les yeux, il s'agit de ce qui est fait sur une base commerciale. On reste dans le statu quo, dans les textes de la loi actuelle qui s'appliquent à tous prêts, locations, échanges de films sur une base commerciale au Québec. C'est simplement ce que la loi dit.

M. Marx: Oui, mais une vidéo...

M. Dufresne: On pense qu'elle devrait être appliquée.

M. Marx: Est-ce que vous faites une distinction entre une vidéocassette que quelqu'un regarde chez lui et un film qu'on voit dans une salle ouverte au public?

M. Dufresne: Oui, je fais cette distinction, parce que, justement, ce qui est visé, c'est l'échange commercial de telles vidéocassettes, ce sont les gens qui font cela pour de l'argent. Effectivement, si quelqu'un veut tourner une vidéocassette chez lui et la visionner, ou inviter un ami à la voir sans le faire payer, il n'y a pas de problème du tout. Ce qu'on vise, c'est le marché de la pornographie. C'est une industrie de 8 000 000 000 $.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, Mme Matte avait demandé la parole, je crois.

Mme Matte: M. Marx, je voulais vous demander ceci. Si vous avez mangé de la viande avariée au restaurant, ou si vous avez consommé cette même viande avariée chez vous à la maison, est-ce que cela fait une différence en ce qui concerne votre mal d'estomac? Non. Cela serait exactement la même chose.

C'est parce que cette viande doit être contrôlée pour être consommable sans qu'on soit malade qu'on a établi des contrôles au moment de la production et au moment de la vente de cette viande. Cela n'a aucune espèce d'importance qu'on la consomme seul chez soi ou qu'on la consomme ensemble avec d'autres dans un restaurant. C'est là-dessus qu'il faut justement souligner notre recommandation. C'est au niveau de la production et au niveau de la commercialisation du produit.

M. Marx: J'aimerais répondre à ce petit point. Il y a une jurisprudence...

Le Président (M. Gagnon): M. le député, est-ce qu'on peut dire "en terminant", parce qu'on a déjà dépassé l'heure?

M. Marx: Oui, c'est en terminant. Il y a une jurisprudence aux États-Unis où la Cour suprême des États-Unis a dit: On ne peut pas interdire à quelqu'un de visionner ce qu'il veut chez lui, à la maison. Même s'il veut manger de la viande avariée et se faire mal à la maison, on va lui donner cette possibilité. Il ne faut pas oublier qu'il y a interdiction de visionner l'obscénité. Ça, c'est la viande avariée qu'on interdit dans le Code criminel.

Mme Matte: ...l'applique pas et il n'y a pas moyen pour un citoyen de la faire appliquer.

M. Marx: C'est un autre problème et peut-être qu'il faudra, à un autre moment, lors d'une autre commission, discuter de ce problème.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. Mme Busque avait demandé la parole.

Mme Busque: Non, je n'ai pas demandé

la parole.

Le Président (M. Gagnon): Alors, M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, encore une fois, je voudrais remercier les intervenants d'avoir engagé le dialogue avec nous. Je voudrais conclure sur deux observations.

La première, c'est que, quand il s'agit de vidéocassettes pour utilisation en privé, comme on l'a invoqué tout à l'heure, il est vrai que le bureau de surveillance n'a pas à intervenir là-dessus puisque c'est pour consommation privée. Quand il s'agit de vidéocassettes pour utilisation en public, là le bureau de surveillance intervient.

Maintenant, pour vous montrer combien la question est complexe, difficile, je voudrais vous rappeler que le Congrès juif est venu se faire entendre hier. Le Congrès juif, qui représente une communauté ethnique qui plus que n'importe quelle autre a subi des traumatismes à travers son histoire, réclame l'abolition de toute forme de censure. Ça fait réfléchir, en tout cas. Toute forme de censure et même de surveillance, et c'est le Congrès juif qui réclame ça. C'est ce qu'ils sont venus nous dire durant plus d'une heure hier, même deux heures, je crois. Pour eux, toute forme de censure est une entreprise périlleuse qui est finalement socialement condamnable.

Mme Matte: Je n'ai pas lu leur mémoire pour être capable de répondre. Je ne sais pas sur quoi ils se basaient. Mais, de toute façon, ce n'est pas notre avis.

Le Président (M. Gagnon): Je dois, à ce moment-ci, remercier le Front commun contre la pornographie ainsi que Collectif masculin contre le sexisme pour leurs excellents mémoires. J'invite le Conseil du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs à s'avancer. M. Michael Bergman.

M. Bergman (Michael): Bergman, oui. (12 h 15)

Le Président (M. Gagnon): Je vous cède la parole. Je vous demande de présenter celui qui vous accompagne ainsi que votre mémoire.

Conseil du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs

M. Bergman: Merci. Je suis Me Michael Bergman, avocat du Conseil du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs. À ma droite, M. Larry Kent, président de notre conseil.

Je veux dire que notre conseil est un chapitre autonome, un syndicat professionnel en association avec la guilde canadienne des réalisateurs, association canadienne qui représente les réalisateurs ici au Québec par voie d'un conseil, ainsi que dans tout le Canada.

Nous avons parmi nos membres des assistants-réalisateurs, des directeurs artistiques et d'autres assistants dans le domaine du personnel créatif de films de court et long métrages. Nous sommes très intéressés au projet de loi à l'étude devant cette commission, lequel a pour but de créer et maintenir une industrie québécoise dans le domaine des films et du cinéma. Nous avons une question à poser: Pourquoi la plupart des réalisateurs, ici au Québec, sont-ils des chômeurs? La réponse que je veux donner n'est pas simple. Malheureusement, on a une pratique au Québec, avec les producteurs de films et les compagnies de production, celle d'embaucher des réalisateurs étrangers, c'est-à-dire des Américains d'Hollywood, des Français de France et d'autres pays. Nous avons des réalisateurs, ici au Québec, d'une très bonne qualité et avec une très grande réputation internationale, qui ont gagné des concours internationaux au festival de Cannes et à d'autres sortes de festival. Nous avons toujours un sérieux problème quant au chômage parmi les réalisateurs.

Nos producteurs pensent qu'on a besoin d'étrangers pour trouver des fonds d'investissement. Chaque film est complété parce que tous les films se font sur une base d'investissement privé, soit par des prospecteurs, soit par des recherches d'investisseurs privés faites par des courtiers. Selon les producteurs, ils ont besoin de réalisateurs qui possèdent un nom connu à Hollywood, à Paris et peut-être en d'autres pays. D'après les producteurs, il semble qu'ils ont besoin de réaliseurs américains en tout temps. Pourquoi? C'est parce qu'il y a une opinion - à mon avis très fausse - que ce sont seulement les réalisateurs américains et étrangers qui peuvent obtenir les fonds d'investissement.

On doit réfléchir sur le fait qu'avoir des compagnies de production au Québec ne veut pas dire avoir une industrie nationale du film. Ici, au Québec, on a des films, des locaux où on peut faire des films en utilisant Montréal comme Toronto, comme New York, comme Londres, comme Paris, n'importe quelle ville. Si on a un réalisateur étranger, on a une image, une apparence d'un film étranger, par exemple les films Porky's, Atlantic City et d'autres films anglais et français. Il y a des films français, ici au Québec, qui semblent être révisés en France. C'est le réalisateur qui donne l'image, l'apparence, l'impression d'un autre milieu québécois, d'une autre société, d'une autre moralité, d'une autre perspective. C'est pourquoi nous avons besoin de nos réalisateurs dans chacun de nos films québécois. S'il était de la responsabilité de

nos réalisateurs québécois de créer une industrie nationale, une perspective québécoise qui représente notre milieu, notre société, on créerait les moyens pour assurer que chacun de nos réalisateurs ait la chance de gagner sa vie.

C'est le but de toute planification culturelle, de tout projet de loi dans le domaine du cinéma, d'après le conseil, de s'assurer, par des mesures législatives, que les producteurs de films embauchent des réalisateurs de notre province. Il y a beaucoup de moyens de convaincre les producteurs de films de faire cela. Comme le savent tous ceux qui ont étudié ce projet de loi, il y a des méthodes, des systèmes d'aide, de subvention et d'avantages gouvernementaux pour avoir des organismes ou d'autres agences créées par la loi ou déjà créées. Si la population québécoise doit financer des films, elle a le droit d'utiliser le plus possible, pour chaque film, notre personnel créateur, nos techniciens et nos réalisateurs.

Le conseil demande que la loi dise, parmi ses dispositions, que chaque producteur de films, chaque compagnie de production qui a le bénéfice de l'aide gouvernementale, d'autres investissements gouvernementaux et même des bénéfices fiscaux... Parce que, si on connaît notre industrie, ici au Canada, depuis quelques années, on a des avantages, des systèmes d'amortissement fiscal jusqu'à 100%. On reconnaît que, dans le rapport Fournier, on fait la recommandation qu'ici au Québec, on ait un amortissement de 150%. Chaque producteur de films qui a ces avantages doit s'engager à embaucher des réalisateurs de notre milieu, sans quoi il est impossible d'avoir de tels avantages.

D'autres points. Si on a une industrie du film, c'est bien beau de dire: Nous avons 200 compagnies de production; nous avons créé une atmosphère comme celle de Hollywood à Montréal ou à Québec. Ce n'est pas simplement par la création et la promotion des compagnies de films qu'on va avoir une industrie stable pour l'avenir, on doit avoir une certaine harmonie des relations entre les syndicats ou guildes qui représentent les techniciens, le personnel créateur, les réalisateurs et les producteurs de films.

Voici un autre problème très grave dans notre industrie. Notre industrie n'a pas la même façon de négocier des contrats collectifs que les autres firmes industrielles. Pourquoi? C'est parce qu'il n'existe pas, même aux États-Unis, un seul groupement de compagnies de production. Chaque film, même si on a le même producteur physiquement, est tourné par l'entremise d'une compagnie différente pour protéger le producteur. Il n'existe pas, par exemple, même aux États-Unis, 100 films par année produits par Universal Films. On connaît le nom Universal, mais, chaque fois qu'il y a un film, Universal a incorporé une autre compagnie pour protéger ses intérêts. Les avocats ici connaissent très bien l'utilité d'avoir une compagnie chaque fois qu'on fait quelque chose. C'est la même chose ici dans l'industrie du film.

C'est pourquoi il est très difficile de suivre les formalités prévues dans notre Code du travail. L'accréditation des locaux syndicaux est presque impossible parce que, premièrement, chaque fois on a une autre compagnie; deuxièmement, la compagnie existe en tout temps, mais elle existe pour la durée du travail, pendant peut-être deux, trois ou quatre mois et, une fois le tournage terminé la compagnie n'a rien comme actif.

Maintenant, les syndicats ou les conseils de syndicats ont essayé de négocier des conventions collectives avec chacun des producteurs, avec des fédérations de producteurs de films, mais il y a beaucoup de producteurs qui veulent échapper aux dispositions prévues dans nos conventions collectives et qui refusent de négocier une telle convention. Pourquoi? Notre réponse est très simple. Beaucoup de producteurs de films veulent échapper aux honoraires minimaux prévus dans les conventions collectives, pour épargner certaines sommes d'argent dans le budget. Cette pratique force nos réalisateurs à travailler sur une base moins que normale, moins que reconnue dans notre industrie en Amérique du Nord, pas uniquement au Québec. Cette pratique interdit le développement d'une base stable des réalisateurs au Québec avec de l'expérience et avec une réputation. Cette pratique condamne nos réalisateurs à un état non pas de pauvreté, mais à un état de chômage de presque six mois chaque année. Pour rectifier cette pratique, le conseil demande que chaque producteur ou compagnie de production qui a obtenu des bénéfices, des subventions ou d'autres bénéfices fiscaux, de l'aide ou de l'investissement gouvernemental, doive auparavant signer tout contrat collectif avec les syndicats responsables pour les techniciens, pour le personnel créatif et surtout pour le réalisateur. (12 h 30)

Pour avoir ici une industrie, on doit maintenir la base du personnel créatif. Ces gens sont, au fond, l'industrie. Les producteurs sont simplement des organisateurs, des gens qui embauchent le personnel, qui trouvent les fonds en argent, qui trouvent les scénarios, qui trouvent les droits. Mais chaque film est tourné par une équipe. Ce qu'on voit sur l'écran, ce n'est pas le résultat du producteur d'un film, c'est le résultat d'une équipe de professionnels: les réalisateurs et autre personnel créatif.

Le conseil pense qu'il y a beaucoup de chapitres dans nos projets de loi, devant nos

commissions. Le projet de loi lance la balle dans l'industrie. Comment peut-on avoir une industrie, ici au Québec, quand le projet de loi fait la même erreur que d'autres projets de loi canadiens, en pensant que ce sont uniquement les compagnies de production qui seront notre industrie, qui assureront qu'il existe une industrie québécoise, canadienne, n'importe laquelle, qu'on a des films qui démontrent notre société?

Si on regarde des films canadiens ou québécois, la plupart de ces films sont des photocopies des films américains; c'est destiné au marché américain. C'est le résultat d'un espoir que les Américains aiment notre image, notre apparence. C'est complètement faux. Ce n'est pas la façon de créer une vraie industrie ici au Québec. Une vraie industrie comprend une image cinématographique qui reflète notre milieu, notre expérience. On a fait cette expérience en Australie et, maintenant, il y a beaucoup de films australiens qui ont un grand succès sur le marché international.

Ces films ne sont pas des photocopies de la vie américaine, mais montrent la société australienne. Le but de toute planification culturelle doit être d'avoir une vraie industrie en utilisant notre personnel, notre réalisateur.

Un dernier point, c'est un résumé de tout. Ce n'est pas uniquement une question de convention collective, uniquement une question de réalisateurs québécois ou canadiens, des images québécoises ou canadiennes. On doit avoir une stratégie industrielle qui permette à l'industrie de se développer, de façon qu'on ait l'espoir à l'avenir, dans quelques années, qu'elle n'aura pas besoin de subventions, d'aide fiscale ou d'autres aides. Nous sommes d'accord qu'aujourd'hui elle a besoin d'aide, de subventions et d'investissements, comme on dit, et d'autres formes de subventions.

Cette stratégie industrielle comporte qu'on a des scénarios écrits au Québec, des compagnies de production stables, avec une vie certaine, qu'on engage nos réalisateurs, qu'on a un marché pour nos films. Même dans les parcs de cinéma, dans les cinémas et à la télévision, on a le marché pour nos films. Nous avons la possibilité, avec notre technologie maintenant, de promouvoir sur le marché québécois et canadien tous nos films avec le succès que nous avons déjà. C'est pourquoi le conseil demande aussi que la commission pense à l'application d'une vraie stratégie industrielle, par laquelle tout membre de notre industrie sera protégé. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, je veux féliciter M. Bergman pour la qualité de sa présentation. J'aurais deux questions à lui soumettre. La première: combien de réalisateurs proprement dits, regroupez-vous au Québec?

M. Bergman: Nous sommes 60 réalisateurs. Il y a un autre groupe. On doit reconnaître une chose. Notre conseil représente la plupart des réalisateurs dans le domaine des films de long ou court métrage. Il y a d'autres réalisateurs non affiliés à un syndicat ou guilde ou conseil, dans le domaine de la vidéo, de la télévision, des documentaires gouvernementaux. Ici, au Québec, nous avons, dans le domaine des films de long métrage, c'est-à-dire les films que la plupart du public québécois identifie comme des films, peut-être 100 ou 200 réalisateurs. La plupart sont des chômeurs.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: J'aurais une dernière question à formuler. Le problème que vous soulevez, à savoir l'emploi massif de réalisateurs étrangers dans la réalisation de films au Québec, est-ce qu'il se pose avec autant d'acuité pour les films de langue anglaise que pour les films de langue française ou inversement?

M. Bergman: À mon avis, la question des langues dans le tournage n'a aucune importance. Par exemple, nous avons des coproductions avec la France. Il y a des traités entre la France et le Canada ou le Québec. Dans la plupart de ces coproductions, on a un réalisateur français, de la République française. C'est la même chose du côté anglais. Quand il y a une coproduction, on a un type d'Hollywood ou d'Angleterre. C'est presque la même chose. À mon avis, ce n'est pas une question de langue de travail ou de langue du réalisateur. C'est une question, un problème qui implique toute l'industrie.

M. Richard: Le problème se pose aussi bien pour les films de langue française que pour les films de langue anglaise.

M. Bergman: Oui, certainement. M. Richard: Je vous remercie.

M. Bergman: Par exemple, nos membres français doivent combattre les réalisateurs de France, les membres anglais doivent combattre les réalisateurs d'Hollywood.

M. Richard: Je vous remercie. Je cède la parole à un autre de mes collègues.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Henri.

M. Mains: M. Bergman, je crois que la recommandation de fond de votre mémoire consiste surtout à donner des obligations à un producteur d'engager un personnel québécois. Est-ce que c'est la grande idée de votre mémoire?

M. Bergman: Oui. Un autre réalisateur d'ici, que nous avons ici au Québec ou au Canada. Mais on parle ici d'un projet de loi québécois, on parle ici d'une industrie québécoise.

M. Hains: Maintenant en bas de la première page de votre document vous faites la déclaration suivante: "Une politique du film qui permet, même à des producteurs locaux, d'utiliser des réalisateurs étrangers et du personnel créatif n'est pas une politique du film du tout - j'insiste sur ces mots-là -car le vrai visage québécois ou canadien d'un film dépend de la contribution de ceux ayant la fonction créative."

Est-ce que vous ne trouvez pas franchement que cette déclaration... Moi je la trouvre très très hermétique, puis même elle me surprend un peu, qu'est-ce que vous en pensez? À la page 1.

M. Bergman: Je peux simplement dire que si vous êtes des spectateurs de nos films québécois ou canadiens, on retrouve, chaque fois qu'il y a un réalisateur étranger, l'image de l'Amérique, des États-Unis ou de la France, l'image d'un autre milieu. On a besoin de scénarios avec des tirages, avec des moralités américaines ou françaises, où sont nos perspectives.

Nous avons une identité ici au Québec et même au Canada. Nous avons une autre façon de vivre. La violence n'est pas une partie intégrante de notre milieu de la même façon qu'aux États-Unis.

M. Hains: Merci. Maintenant pages 2 et 3. Vous revenez toujours, là je n'ai pas de citation, sur cet ajustement, cette utilisation comme vous le dites du personnel créatif indigène, au point de vue syndical et au point de vue professionnel. Vous insistez beaucoup sur cette protection du champ de travail. C'est très bien. Je vous demande à ce propos-là ce que vous attendez du projet de loi 109 que nous avons éventuellement devant nous.

M. Bergman: C'est très simple. Chaque producteur doit signer une convention collective avec guilde syndicale des réalisateurs ou d'autres techniciens. On doit comprendre que dans l'industrie du film chaque seconde, chaque minute dans le tournage d'un film coûte 2000 $, 3000 $, 5000 $. On a un budget restrictif. Si on a 2 000 000 $ pour un film, ce n'est pas comme dans d'autres industries où il leur est possible d'emprunter d'autres sommes d'argent ou d'avoir plus de crédit. Nous avons 2 000 000 $ peut-être pour deux ou trois mois de tournage, mais c'est tout. Une journée de plus, c'est impossible. C'est pourquoi chaque producteur veut éviter les dispositions des contrats ou des conventions qui impliquent de l'argent. Chaque producteur veut que les réalisateurs ...travaillent. Ce n'est pas la question dans le domaine du film où on travaille huit heures par jour. Parce que dans le domaine du film, on travaille peut-être 11, 13, 14 heures et même jusque dans la nuit. On veut que le personnel de création vois le travail à faire en tout temps et le plus vite possible. (12 h 45)

C'est pourquoi, c'est la seule façon de protéger les intérêts des réalisateurs et des autres personnes. C'est par voie de contrat... Une autre chose que je voudrais ajouter. Une grande partie des honoraires des réalisateurs est payée après le tournage par un pourcentage des profits ou d'autres façons. On a un gros problème en comptabilité pour la vérification des comptes. Parce que même si c'est légal, on peut utiliser des méthodes de comptabilité pour des personnes qui n'ont aucun profit. Par cette manoeuvre, les réalisateurs perdent une partie de leurs honoraires. C'est uniquement par la protection syndicale qu'on peut protéger les garanties, après le tournage, quand le film arrive sur les écrans, de la comptabilité des producteurs.

Dans notre mémoire, on a aussi dit que chaque producteur qui reçoit des bénéfices, dans sa comptabilité qu'il remet au gouvernement, donne les profits et les revenus de chaque film pour garantir que chaque réalisateur et le personnel créatif reçoit ses prestations et ses honoraires basés sur un pourcentage.

M. Hains: ...en page 3, au premier paragraphe, vous dites ceci: "L'importation de personnel étranger ne développera pas une vraie industrie du film mais, plutôt, le Québec ne sera qu'un emplacement utile, une place où peut-être l'argent sera plus facilement trouvé à cause de l'assistance du gouvernement."

Dans mon discours d'entrée, j'ai parlé d'un article du Devoir où on faisait état de près de 100 000 000 $ qui avaient été investis ici, au Canada, par des producteurs étrangers. L'auteur de l'article disait que nous n'en n'avions reçu qu'une très infime partie parce que nous ne semblons pas intéressés à voir que des étrangers viennent tourner chez nous, ne serait-ce que pour avoir nos beaux paysages, nos beaux sites. Vous dites que cela ne développera pas vraiment l'industrie. Ce que je veux vous dire est ceci. Il est clair, comme on le dit parfois, que l'argent ne fait pas le bonheur,

mais on ne peut pas dire que l'argent ne fait pas l'industrie. On a besoin d'argent. Si ces sommes étaient investies dans le cinéma, je pense que cela serait un bon départ. Je vous demande vos commentaires à ce sujet. Je trouve un peu dur ce que vous dites à la page 3.

M. Bergman: Nous ne refusons pas les compagnies étrangères. N'oubliez pas que nous parlons ici de l'industrie québécoise et pas de l'industrie étrangère. Ce qui se passe avec les étrangers, les compagnies étrangères, c'est qu'elles viennent ici parce que notre dollar vaut présentement moins que le dollar américain. Nous avons des sites ou des locaux où on peut trouver des maisons, des rues comme à New York, à Paris, à Londres. Qu'est-ce qui se passe après que le tournage est complété? La compagnie étrangère quitte le pays et on n'a rien. On a peut-être eu l'embauche de certains techniciens, mais on n'a aucun réalisateur impliqué avec les compagnies étrangères. Ce n'est pas une vraie industrie québécoise ou canadienne. Ce n'est pas exactement la même chose avec les filiales des compagnies américaines qui s'installaient ici et travaillaient un certain temps ici, à Québec ou au Canada. On a une compagnie ici pendant deux ou trois mois et, après ce temps, c'est terminé et: "bye bye Québec, bye bye Canada et bonne chance!"

M. Hains: En disant, peut-être, "bye, bye, Canada", s'ils ont laissé quelques millions de dollars, disons que, au point de vue du commerce - s'ils s'en vont dans les Laurentides - ils vont peut-être faire vivre les restaurants, les hôtels, etc., pendant un bon bout de temps. Deuxièmement, ils peuvent bien, avec l'apport de votre syndicat, prendre des techniciens, n'importe qui, et cela peut créer beaucoup d'emplois. Alors, même s'ils nous disent "bye, bye Canada", après avoir fait un film, s'ils laissent un petit million ici, pour l'industrie du Québec, pour l'industrie même du cinéma, je pense que c'est quand même avantageux.

M. Bergman: Une partie de ce que vous avez dit est vraie mais, si vous avez, par exemple, 50 000 000 $ ici au Québec, on peut avoir beaucoup d'autres emplois, beaucoup d'autres utilisations des ressources et richesses québécoises si on a une industrie ici au Québec. N'oubliez pas que, quand un étranger vient ici, ce n'est pas pour acheter les droits d'un scénario ou pour payer un réalisateur québécois ou canadien. Ce n'est pas pour faire la production d'un film canadien ou québécois, c'est simplement pour utiliser le local et les bénéfices du dollar et d'autres bénéfices économiques pour eux-mêmes. Peut-être que les techniciens et quelques restaurants, hôtels et autres endroits en bénéficient. Dans le même temps, si on a une véritable industrie ici, on a beaucoup plus d'argent.

M. Hains: En tout cas, je comprends votre opinion, remarquez bien. Je trouve aussi que ce serait une bonne chose dans un certain sens de savoir accueillir ces gens-là pour profiter quand même un peu des retombées économiques. Maintenant, une autre question. En bas de la page 3 - et je vais vous citer dans quelques minutes - vous revenez encore une fois sur une affirmation que je trouve dure, à mon sens, quand vous refusez toute assistance financière - c'est ce que vous dites - de quelque forme que ce soit, et je cite les trois dernières lignes: "...à moins que tout le personnel créatif pour le projet, incluant le réalisateur, soit engagé parmi le personnel indigène." Je trouve cela encore, je ne sais pas... Autrement dit, si un réalisateur étranger s'en vient ici, signe un contrat avec vous et admettons qu'il engage des artistes, des techniciens et tout cela, d'après vous, il ne mérite quand même aucune aide financière parce que ce n'est pas complètement indigène.

M. Bergman: N'oubliez pas que les voies de l'aide gouvernementale ne sont pas uniquement la seule façon de détourner une... D'après nous, si on veut une industrie, le but de ce projet de loi est de créer une industrie ici. Ce n'est pas de financer des compagnies de production ou d'utiliser d'autres moyens pour encourager une vraie industrie. On doit encourager l'embauche d'un autre personnel. Si on veut utiliser un autre type, des étrangers, nous n'avons aucune objection, mais trouver une autre façon pour les fonds d'argent, les investissements, c'est possible. Nous sommes dans une société capitaliste.

M. Hains: J'ai l'impression que ce n'est pas en chassant les autres de notre parterre...

M. Bergman: Non.

M. Hains: ...qu'on réussira à faire quelque chose de bien ici. En tout cas... J'ai une dernière question, toujours au sujet de votre mémoire. La page 6 en plein milieu: Vous parlez des petits producteurs avec des films à petit budget, d'accord?

M. Bergman: Oui.

M. Hains: Et en plein milieu vous dites ceci: "La loi devrait prévoir une disposition spéciale ordonnant à la société de donner une considération spéciale aux petits producteurs avec les films de petit budget. Alors, qu'est-ce que vous voudriez demander là-dessus puisque vous dites que la loi

devrait prévoir des dispositions là-dessus? Vous avez affaire à M. le ministre, il est ici, c'est le temps de lui confier vos projets.

M. Bergman: Oui. Nous voulons éviter l'établissement de petits groupes, des compagnies de production, des producteurs au Québec. Vu qu'on a besoin de 1 000 000 $ pour un film, il serait très difficile pour les très petits producteurs ou des réalisateurs-producteurs - il y a des gens qui sont à la fois des réalisateurs-producteurs - de créer un film avec un petit budget. Il est très possible d'avoir une industrie avec cinq ou six compagnies. Nous avons maintenant au Québec ce que d'aucuns appellent "les grands neuf" les compagnies de production, c'est-à-dire les neuf compagnies de production principales dans le domaine des longs métrages. On veut avoir la possibilité d'ajouter d'autres cinéastes, d'autres producteurs qui ont l'ingéniosité, le pouvoir de tourner un film sur une autre base, sur une base expérimentale. Normalement, on a des films de ce genre avec un budget de moins de 1 000 000 $ et on veut avoir une loi, des dispositions dans un projet de loi et des règlements pour favoriser de tels budgets, de tels films.

M. Hains: M. Bergman, c'est moi qui vous remercie et, en même temps, je vous félicite de votre mémoire. Je vous encourage à continuer à avoir ce souci de la protection de notre industrie québécoise du cinéma.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: Je vais vous remercier encore une fois.

Le Président (M. Gagnon): Alors, merci au Conseil du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs, merci à leurs porte-parole, MM. Bergman et Kent. Là-dessus, la commission des affaires culturelles suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise de la séance à 15 h 16)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires culturelles reprend ses travaux aux fins d'entendre les personnes et les organismes en regard du projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo. À la suspension de nos travaux pour le dîner nous étions rendus au groupe de la Fédération nationale des communications que je prierais de bien vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît! Vous êtes M. Laval Leborgne?

Fédération nationale des communications

M. Leborgne (Laval): Oui.

Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent et nous faire la lecture de votre mémoire, en étant le plus bref possible, de façon qu'on puisse accélérer un peu le rythme de nos travaux.

M. Leborgne: À mes côtés, M. Maurice Leblanc, président du Syndicat national du cinéma. M. François Dupuis, de l'Association des réalisateurs et réalisatrices de film du Québec, doit arriver d'un moment à l'autre. J'espère que le président ne nous tiendra pas rigueur des délais qui ont été encourus par cette commission avant notre arrivée. Je vais procéder immédiatement à la lecture de notre mémoire.

Dans le but de mieux vous faire comprendre les objectifs que nous poursuivons, nous nous permettons à ce moment-ci d'expliquer ce qu'est la FNC, Fédération nationale des communications, avant de tomber dans le vif du sujet.

Fondée à l'automne 1972, la fédération est d'abord une des fédérations constituantes de la CSN, Confédération des syndicats nationaux. À ce titre, elle adhère à la déclaration de principes de la CSN et participe de plein droit à sa direction ainsi qu'à la définition des objectifs déterminés par les quelque 220 000 travailleuses et travailleurs qui y adhèrent librement. Plus spécifiquement, notre fédération regroupe environ 75 syndicats comptant plus de 4000 membres. Ces syndicats sont reconnus, c'est-à-dire accrédités, soit par le Code du travail du Québec, soit par les codes du travail de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick ou du Canada.

L'Association des réalisateurs et réalisatrices de films du Québec et le Syndicat national du cinéma, de même que l'Union des artistes, affiliée à la Fédération des travailleurs du Québec, sont des associations qui ne sont reconnues ou accréditées par aucune de ces lois; nous reviendrons là-dessus. Le champ d'action de la fédération est l'écrit, c'est-à-dire les journaux, quotidiens et hebdomadaires, les périodiques, le livre; le son, la radio, la musique, la téléphonie; l'image, la photographie, la télévision, le cinéma; enfin, les réseaux de distribution qui les soutiennent.

En plus d'être touchés par le présent projet de loi, les membres que nous représentons ici sont donc affectés par une pléthore d'autres lois, d'autres organismes gouvernementaux. Qu'on pense, à titre d'exemple, au Syndicat général des employés de Radio-Québec, qui tombe notamment sous

la coupe du CRTC, de la Régie des services publics, du Code du travail, de la Fonction publique, sans parler des effets que la présente loi pourrait avoir sur ses membres.

Avant d'aborder directement le projet de loi no 109, nous voulons souligner que pour la fédération, à tout le moins, la frontière entre la culture et les communications est difficile à trouver. À titre d'exemple: Comment se départagent les fonctions de la future Régie du cinéma et de la vidéo et celles de la Régie des services publics, deux régies relevant d'un ministère différent. Pourtant, il nous semble que la production et la diffusion de courts, moyens et longs métrages, tant sur supports photographiques que magnétiques vont être le fondement même de la télévision à péage. Sauf erreur, le projet de loi no 109 n'aborde pas le partage des responsabilités de ces deux régies en ces domaines. Pourtant, le mot vidéo comprend, entre autres, toute la télédiffusion.

Qui plus est, le gouvernement du Québec, appuyé en cela par toutes les provinces canadiennes, réclame depuis belle lurette la juridiction exclusive sur la télévision et la radio. Récemment, le ministre des Communications manifestait son intention de réglementer la télévision à péage lors d'auditions que tiendra la Régie des services publics relativement à l'octroi d'un permis à Premier choix et TVEC. Il semble que depuis que cela a été écrit, les choses ont changé dans ce milieu.

Par le biais du CRTC, Ottawa a déjà établi un certain nombre de règles de base, concernant le contenu canadien, que la fédération et la CSN trouvent insatisfaisantes d'ailleurs; au Québec, est-ce la Régie des services publics ou la Régie du cinéma et de la vidéo qui réglementera les productions et la diffusion "made in Québec".

Peut-être le gouvernement devrait-il unifier ces deux organismes de réglementation? Nous posons la question.

Personne ne peut contester la dimension culturelle du cinéma et de la vidéo. La FNC croit utile, cependant, de rappeler ici que le cinéma et la vidéo sont aussi une industrie au même titre que le sont la construction, les mines et les pêcheries.

La création culturelle en cinéma et en vidéo est donc tributaire des investissements qui y sont consacrés. Parallèlement à cela, plus la création culturelle en cinéma et en vidéo est soutenue, plus les travailleurs que nous représentons sont à même de quitter les rangs des chômeurs et des assistés sociaux pour grossir ceux des travailleurs qui travaillent.

Les objectif de la Fédération nationale des communications sont de trois ordres: la "désaméricanisation" graduelle des grands réseaux de télévision privés et publics; l'aide financière de l'État au cinéma indépendant et à la vidéo "made in Québec"; la reconnaissance par le législateur des syndicats des travailleurs culturels du milieu qui n'ont pas, présentement, accès au Code du travail.

Ce sont là les trois axes d'une politique de développement de l'industrie québécoise du cinéma et de l'audiovisuel proposée par notre fédération. Cette politique sectorielle s'inscrit d'abord dans le cadre de la politique de la CSN visant notamment à accorder une priorité absolue à la relance de l'emploi.

Elle s'inscrit aussi, croyons-nous, dans la foulée de deux rapports de commissions d'enquête, soit celui de la commission d'enquête sur le cinéma et l'audiovisuel -mise sur pied par le ministre des Affaires culturelles du Québec - et le rapport fédéral Applebaum-Hébert sur la culture d'une mer à l'autre. Bien entendu, cette politique adoptée par notre bureau fédéral de novembre 1982 n'aborde pas tous les aspects de la culture, loin de là. Elle ne traite que de cette partie de la vie culturelle qui utilise comme support technique la pellicule et le ruban magnétoscopique.

Comme l'ont déjà dit tous ceux et celles qui ont traité de ces questions avant nous, la politique de la fédération repose sur le postulat que les Québécois et les Canadiens sont viscéralement intéressés à se refléter sur les petits et sur les grands écrans. Si tel est le cas, nos deux gouvernements doivent prendre les moyens législatifs et économiques pour que le Canada et le Québec cessent d'être une partie du "domestic market" américain.

Si l'on assiste présentement à une américanisation effrénée de la télévision privée et publique, cela est dû principalement aux différences de coûts énormes qui existent entre l'achat d'une série américaine ou même britannique, et la production d'une série québécoise ou canadienne.

Liés à l'impératif des profits, les télédiffuseurs privés et même Radio-Canada, dans la mesure où une partie de son budget provient des revenus de la publicité, se sont donc naturellement tournés vers les productions les moins dispendieuses, les américaines, les japonaises, etc. Pour changer cette situation de fait, il faut une intervention politique du gouvernement fédéral auprès du CRTC pour forcer ce dernier à exiger des télédiffuseurs un contenu canadien plus élevé qu'il ne l'est présentement.

Cette intervention politique, la fédération souhaite la faire conjointement avec les autres organismes québécois et canadiens du milieu culturel, ainsi qu'avec l'appui du gouvernement du Québec.

Dans le contexte d'une augmentation du contenu canadien, la fédération propose de plus que les augmentations de volume de

productions originales soient partagées entre les producteurs indépendants et les productions internes de Radio-Canada, de Radio-Québec, de TVA, de CTV selon les règles qui restent à définir.

Cette position de notre fédération va à l'encontre d'une recommandation de la commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel proposant un gel de la production maison de Radio-Québec et de la commission Applebaum-Hébert qui propose, elle, l'élimination pure et simple de toute production maison à Radio-Canada.

L'expansion, la relance du cinéma indépendant ne peut se faire sur le dos, pour ne pas dire sur le cadavre, du travailleur culturel du secteur public.

Le gouvernement du Québec, dans son rôle de mandataire politique de la culture québécoise - celle des francophones de l'Amérique du Nord donc - doit notamment encourager, maintenir, relancer la production de courts, moyens et longs métrages et la production audiovisuelle "made in Québec".

À l'instar de la CECAV, la FNC appuie donc la création du fonds de soutien du cinéma, administré par l'Institut québécois du cinéma et alimenté par diverses taxes prélevées sur les ventes de billets de cinéma, de la publicité à la télévision, de la câblodistribution, des vidéocassettes et aussi par une contribution du ministère des Affaires culturelles, établie à 5% du budget annuel de ce dernier.

Ainsi nanti, l'institut pourrait administrer un programme d'aide automatique aux producteurs, aux réalisateurs, aux scénaristes, aux exploitants et aux distributeurs de films québécois, dans la mesure où cette aide servira exclusivement à d'autres productions québécoises. C'est une proposition de la Commission d'enquête sur le cinéma et l'audiovisuel qu'appuie la fédération.

Le cinéma indépendant, au Québec, se fait naturellement par des artistes qui sont membres de l'UDA, affiliée à la FTQ, des réalisateurs, membres de l'Association des réalisateurs et réalisatrices de film du Québec, des techniciens, membres du Syndicat national du cinéma, qui sont par définition des pigistes ne bénéficiant pas des droits reconnus aux autres travailleurs par le Code du travail.

La fédération propose donc que le gouvernement réglemente le droit d'association dans l'industrie du cinéma privé. De plus, elle demande que l'aide financière que l'institut sera appelé à verser à un producteur le soit à la condition expresse que le producteur embauche des réalisateurs, des techniciens et des artistes membres d'associations syndicales reconnues et ce, selon les conventions collectives en vigueur.

Nous arrivons maintenant au projet de loi no 109. Tel que rédigé, ce projet nous paraît très faible quant à son objectif fondamental, soit celui de la protection et de l'épanouissement de la culture francophone en Amérique du Nord, notamment par la production de courts, moyens et longs métrages sur film et en vidéo.

La fédération souhaite donc qu'aux cinq objectifs inscrits à l'article 3 il s'en ajoute un autre qui énonce très explicitement que cette loi a pour objectif la promotion et la protection d'une industrie francophone du cinéma et de la vidéo en Amérique du Nord, au même titre, par exemple, que la loi 101 en ce qui a trait à la langue française.

À ce principe, que nous demandons au législateur d'énoncer, nous lui demandons aussi une définition des normes qui serviraient à définir ce qui constitue une oeuvre "made in Québec". Comme le font notamment nos affiliés, le SNC et l'ARRFQ, nous ne pouvons que nous étonner du fait que le projet de loi ne propose absolument rien à ce chapitre. Nous suggérons donc que l'article 37 du projet de loi soit remplacé par des normes déjà définies dans le sens de celles proposées par l'Association des réalisateurs et réalisatrices de film du Québec, dont on aura le mémoire dans quelques minutes.

Quant à la diffusion, nous appuyons bien sûr l'article 97 du projet de loi. C'est un pas dans la bonne direction. Nous croyons, cependant, que tel que rédigé l'article est trop facilement contournable et qu'il ne prévoit pas de règles concernant la propriété québécoise des maisons de distribution francophones.

Enfin, comme projet de loi visant à défendre les oeuvres francophones, nous aurions souhaité et nous souhaitons encore que le délai accordé pour le doublage et le sous-titrage soit tout au plus de 30 jours. L'ensemble de ces mesures, auxquelles nous souhaitons voir s'ajouter des actions énergiques de l'Assemblée nationale en faveur de l'augmentation du contenu canadien des émissions diffusées par les différentes formes de télévision qui foisonnent au Québec, constitue donc pour notre fédération le premier volet que nous avons appelé la "désaméricanisation des ondes".

Le projet que vous étudiez présentement est tout à fait muet sur l'accès à la syndicalisation des travailleuses et des travailleurs qui font le cinéma et la vidéo. Tout au plus mentionne-t-il en passant l'existence d'associations pour les fins de représentation à l'institut. Il ne fait d'ailleurs, à ce chapitre, qu'accorder au ministre un pouvoir absolu de déterminer à sa discrétion laquelle ou lesquelles il lui sied de reconnaître. Cela place les associations, même à ce niveau-là, à la merci non seulement du ministre actuel mais aussi à la merci du premier changement de titulaire

venu.

De droit d'association, point. Le projet de loi 109 reconnaît bien sûr le "respect des droits relatifs à la propriété intellectuelle sur les films" mais ne dit mot de la reconnaissance et du respect des droits relatifs au droit d'association des personnes, organismes et sociétés oeuvrant dans l'industrie du cinéma et de la vidéo, ni de l'établissement de mécanismes de surveillance appropriés d'application de ces droits. Conformément à nos objectifs et à ceux que défend la CSN en ces matières, nous demandons au législateur d'ajouter à l'article 3 un autre objectif qui pourrait s'exprimer dans les termes utilisés au paragraphe précédent.

Pour ce qui est des mesures transitoires, d'ici à ce que lesdits mécanismes appropriés soient mis en place, après consultation des associations existantes, nous demandons que la présente loi reconnaisse l'Association des réalisateurs et réalisatrices de film du Québec et le Syndicat national du cinéma comme agents négociateurs syndicaux exclusifs des réalisatrices et réalisateurs et des techniciens respectivement. Nous demandons, comme mesure transitoire aussi, que l'Association des producteurs de films du Québec soit reconnue comme association patronale. (15 h 30)

Nous demandons que les conventions collectives entre l'ARRFQ et l'APFQ, entre le SNC et l'APFQ déterminent les conditions de travail minimales applicables à toute l'industrie du cinéma et de la vidéo sur l'ensemble du territoire québécois. Les mêmes dispositions transitoires devraient prévoir que, pendant l'existence desdites conventions collectives, toute autre convention pouvant avoir été conclue avec d'autres organismes est décrétée nulle et non avenue sur le territoire du Québec. Nous tenons à souligner ici que la FNC ne peut comprendre l'idée que l'État subventionne et finance les exploitants de salles de cinéma alors que la très vaste majorité de leurs employés ne bénéficie d'aucune sécurité d'emploi et est rémunérée au salaire minimum. Nous demandons donc que la régie oblige les exploitants subventionnés ou financés ainsi que ceux qui diffusent des oeuvres subventionnées et/ou financées à accorder à leurs employés, au minimum, les conditions de travail agréées entre les syndicats affiliés à la CSN et certains exploitants. Autrement dit, nous demandons l'extension juridique de ces conventions collectives à l'ensemble des employés des salles de cinéma. Il ne s'agit là pour nous que d'un objectif à court terme.

À moyen et à long terme, nous demandons aux législateurs que les employés des salles de cinéma et de théâtre soient rémunérés au salaire minimum prévu dans la fonction publique, coupé ou non coupé, qu'ils soient syndiqués ou non.

Nous pensons que ces mesures transitoires vont finalement permettre à des travailleurs du milieu, qui sont soit des pigistes, soit des employés au salaire minimum, d'avoir véritablement accès au droit d'association pour la première fois de leur histoire. Elles auront aussi comme effet, dès que les conventions collectives seront appliquées, d'assurer à l'institut et à la société un climat serein de relations du travail à l'occasion de son lancement sous la gouverne de la loi 109.

En ce sens, nous demandons donc aux législateurs d'accepter que ces mesures transitoires demeurent en application le plus longtemps possible soit, quant à la Fédération nationale des communications, pendant une période de cinq ans à partir de l'adoption de la loi. Pendant ce temps, toutes les associations seront en mesure de préparer les dispositions permanentes qui devraient régir le droit d'association dans l'industrie.

Nous croyons que les mécanismes qui serviront à la fin de cette période transitoire à vérifier le caractère représentatif d'une association, quelle soit syndicale ou patronale, devraient faire l'objet d'une étude par le ministre et par les associations, reconnues ou non par la présente loi, tant du côté patronal que syndical, avant d'être incorporés à la présente loi.

D'autres formes de mesures peuvent être envisagées immédiatement dans le cadre des dispositions des articles 100 et suivants. Les deux syndicats vont revenir à ces dispositions et je vais les passer.

Quant au financement - je passe à la fin de la page 12 à peu près - nous considérons que l'industrie du cinéma et de la vidéo est précisément un secteur où le moindre investissement est créateur d'emplois pour les membres que nous représentons ici mais aussi qu'elle crée des emplois dans divers milieux. L'arrivée d'une équipe de tournage est un apport économique immédiat dans le milieu où elle s'implante. Le cinéma est un secteur qui produit un effet multiplicateur de l'emploi.

Il y a un certain nombre d'autres remarques plus techniques. À la fin, nous commentons les articles 7, 8.3, 8.6, 9, 10, 11 et 12. Voici ce que nous en pensons. Ces articles ne proposent, à notre avis, rien de moins que la mise en tutelle du secteur dit privé, dit indépendant du cinéma et de la vidéo. La question fondamentale que pose le projet est la suivante: l'État, sous prétexte qu'il apporte une contribution financière, a-t-il le droit et l'obligation de contrôler lui-même des oeuvres et entreprises qu'il aidera? Le projet répond oui à cette question, tel que nous le comprenons.

À notre avis, ces dispositions importantes du projet poussent la mise en tutelle du cinéma et de la vidéo plus loin que ne l'a jamais fait aucun gouvernement dirigé par des libéraux, fédéraux ou provinciaux, dans le domaine de la culture.

Les universités du Québec, financées par les fonds publics, sont plus libres de choisir leurs programmes, leurs orientations que ne le serait le secteur privé du cinéma et de la vidéo.

Radio-Canada et l'ONF, deux organismes fédéraux étatiques, ne sont pas aussi dominés par le gouvernement que ne le seront le cinéma et la vidéo privés du Québec si on suit le projet original du projet de loi no 109. Radio-Québec, un télédiffuseur 100% "made in Québec" financé à 100% ou presque par les fonds publics, ne nous apparaît pas aussi étatisé que le propose le projet de loi no 109 par rapport au cinéma privé.

Même si nous savons tous que la préoccupation première de ce projet de loi est la production et la diffusion de films "made in Québec", nous aimerions quand même que la production culturelle vidéo soit traitée sur un pied d'égalité avec le cinéma. Par exemple, au deuxième alinéa de l'article 3, on ne traite que du cinéma québécois. Nous invitons donc le législateur soit à modifier ce texte pour y inclure la vidéo, soit à ajouter un alinéa plus spécifiquement axé sur le développement et la diffusion de la vidéo québécoise. Un tel changement au projet et les autres changements qui pourraient en découler impliquent que le législateur reconnaît dès maintenant que l'industrie culturelle naissante qu'est la vidéo fait partie du virage technologique en train de se réaliser et décide que le Québec sera véritablement aux premières loges.

Nous souscrivons aux articles 4, 5 et 6 du projet concernant les cinémathèques et vidéothèques.

Nous appuyons les articles 45 à 60. Nous tenons à souligner ici que nous approuvons cette idée contenue dans le projet voulant que la gestion quotidienne, le suivi et les suggestions pour l'avenir soient confiés à une telle société et que l'institut se voie ainsi confirmé dans son rôle de responsable culturel, pour autant bien sûr qu'il ne soit pas confiné au rôle de démarcheur où semble vouloir le cantonner le ministre par son projet de loi.

Nous appuyons aussi l'article 61 qui détermine les pouvoirs et fonctions de la société.

Cela termine pour le moment nos remarques, M. le ministre. Nous pourrons répondre à des questions, des commentaires ou apporter certaines précisions.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Leborgne. M. le ministre.

M. Richard: Je vous remercie de votre présentation, M. Leborgne. J'aurais une première question à vous poser. Vous appuyez le principe de la création de deux sociétés: un institut et une société de financement ou une société d'aide. Vous me dites qu'il ne faudrait pas que l'institut soit confiné au rôle de démarcheur. Pourriez-vous préciser davantage votre pensée là-dessus?

M. Leborgne: II est, selon nous, confiné au rôle de démarcheur si on se réfère au texte qui le renvoie constamment au ministre. Ce n'est pas un question de personnalité, cela n'a rien à voir avec le titulaire actuel du poste.

Le principe est que dans toutes et chacune de ses moindres humeurs, le projet de loi tel que rédigé, stipule que l'institut recommande, suggère, et que c'est le ministre qui dispose, modifie. On a plusieurs dispositions dans ce sens. On pourrait vous les noter l'une après l'autre.

Pour corriger ce qui nous apparaît comme une carence à ce niveau on souhaite qu'il y ait un fonds de financement qui fasse que l'institut ne soit pas obligé, à chaque année, d'aller solliciter de nouveau des fonds; qu'il y ait une règle un peu plus objective dans la mesure où de telles règles puissent exister.

Un exemple m'est venu à l'esprit récemment. Dans le cas des édifices publics, le présent gouvernement, si je ne m'abuse, a adopté la politique du 1% qui fait qu'il y a une partie du budget qui est dévolue à la culture, à son côté arts plastiques; c'est une règle mathématique simple qui est appliquée. On pensait et on pense encore que la commission d'enquête sur le cinéma en a proposé une; sa forme de taxe sur différents objets de consommation reliés au cinéma n'est peut-être pas la seule formule qui puisse être retenue, mais on trouve, encore là, que sur le plan financier le projet est trop vague et ne dit rien. Il dit qu'il va mettre des sommes. On est bien conscient que vous allez le faire. On aurait souhaité qu'il y ait des règles établies, une politique qui serve à déterminer quelle est la part du budget public qui est consacrée au cinéma.

M. Richard: Oui, mais vous reconnaissez que ce n'est pas dans un projet de loi sur le cinéma, qui n'est pas d'une nature fiscale, qu'il convient d'indiquer les sommes qui seront réservées par l'État au développement de l'industrie cinématographique.

M. Leborgne: J'aimerais en convenir mais je ne le peux pas. N'étant pas un législateur, je pense que lorsqu'on nous parle d'un projet de loi sur le cinéma et la vidéo... L'ensemble des intervenants, depuis des années, insiste sur une chose - là-dessus,

il y a un consensus très large - soit la nécessité d'avoir une aide financière, étant donné sans doute le bassin de population.

M. Richard: Oui, mais il faudrait le faire à ce moment-là pour le théâtre et il...

M. Leborgne: Cela se fait sous plusieurs formes.

M. Richard: ...faudrait avoir dans la loi des montants gelés et réservés aux musées. Il faudrait avoir une loi sur le théâtre et avoir des montants gelés et réservés au théâtre.

M. Leborgne: II y en a dans le cas des édifices publics.

M. Richard: II faudrait l'avoir pour la danse. Il faudrait l'avoir pour les orchestres symphoniques.

M. Leborgne: II y en a dans le cas de plusieurs services, M. le ministre, je pense.

M. Richard: Très très peu. Vous ne trouverez pas cela.

M. Leborgne: Radio-Québec, cela fonctionne comment?

M. Richard: À ma connaissance je ne connais qu'une seule loi qui est comme cela. S'il y en a d'autres, je ne les connais pas. J'en connais une. C'est l'Institut québécois de recherche sur la culture qui a un budget gelé dans sa loi constitutive.

M. Leborgne: Mais il doit y avoir...

M. Richard: Cela s'applique au domaine culturel et vous voyez...

M. Leborgne: II y a l'autre, le 1%. Vous avez peut-être un règlement, mais au moins il y a une règle.

M. Richard: Non le 1% c'est essentiellement différent parce que c'est l'État qui s'engage, au moment où il construit des édifices, au moment où ses partenaires immobilisent, à dépenser 1% pour l'intégration des arts à l'architecture. C'est vraiment essentiellement différent de la formule que vous proposez.

M. Leborgne: La formule que l'on met de l'avant est celle qui est mise de l'avant par la Commission d'enquête sur le cinéma et l'audiovisuel. Ce n'est pas une formule originale à la fédération.

M. Richard: Oui, mais la question que je vous pose, M. Leborgne, est: Si je devais, comme vous le suggérez, réserver 5% par loi du budget du ministère des Affaires culturelles au cinéma, ne devrais-je pas le faire aussi pour le théâtre?

M. Leborgne: Je pense que chaque secteur doit être examiné selon sa situation concrète et objective. Je ne la connais pas partout.

M. Richard: Au bout de la course, on aurait un budget gelé à 100%.

M. Leborgne: Non, je ne pense pas, M. le ministre. Je pense que vous m'amenez dans un cul-de-sac volontairement.

M. Richard: On n'aurait plus besoin d'un ministre des Affaires culturelles.

M. Leborgne: Vous prônez une logique qu'on ne peut plus rien faire. Pourrait-on dire que ce que vous recommandez dans votre projet de loi no 109, cela reproduit à peu près le système actuel, qui fait qu'on est resté à 4 000 000 $ dans le cinéma depuis 1979? On est un peu partie de cela.

M. Richard: Oui, sauf que j'ai eu l'occasion de dire, M. Leborgne, à plusieurs reprises d'ailleurs, même au début des travaux de notre commission, comme je l'avais dit au congrès des producteurs et des distributeurs à Grey Rocks, que la subvention consacrée à l'industrie du cinéma, serait sensiblement augmentée. Je vous répète ces propos.

M. Leborgne: Je ne peux qu'espérer que vous allez pouvoir l'augmenter sensiblement. J'ose dire que notre inquiétude là-dessus est que cette règle est sujette, plus que l'autre que l'on propose à tout le moins, aux aléas des changements dans un cabinet ou dans un gouvernement. C'est le problème qui nous fatigue à moyen et à long terme.

M. Richard: Oui, mais je pense que c'est une inquiétude qui n'est pas tout à fait justifiée, parce que je ne pense pas qu'il soit souvent arrivé que des budgets consacrés à, je ne sais pas moi, des groupes aussi importants que celui du cinéma ou du théâtre, soient réduits de façon draconienne. Cela a été gelé au même titre, parfois, que d'autres budgets. La subvention accordée à l'Institut québécois du cinéma - et je l'ai dit souvent - a été bloquée à 4 000 000 $ depuis trois ans, c'est vrai. Il faut dire que ces 4 000 000 $ ne constituent pas le budget total de l'institut puisque le budget total de l'institut est de 5 700 000 $, je crois. Il y a des retours à partir de ces 4 000 000 $, mais je vous répète que cette subvention sera sensiblement augmentée. Je pense dissiper vos inquiétudes en vous disant cela.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je remercie M. Leborgne, pour son mémoire qui est très intéressant. Je veux lui poser des questions uniquement sur un aspect du mémoire qui se situe à la page 13, je pense. Il s'agit de la partie intitulée: Le secteur privé mis en tutelle. J'aimerais que vous expliquiez davantage ce que vous voulez dire dans les paragraphes de cette section, parce qu'il me semble, et vous dites: L'État, sous prétexte qu'il apporte une contribution financière, a-t-il le droit et l'obligation de contrôler lui-même le choix des oeuvres et entreprises qu'il va aider? Le projet répond oui à cette question. (15 h 45)

M. Leborgne: Je vais donner deux exemples, M. Scowen...

M. Scowen: Non, je veux seulement... M. Leborgne: Excusez-moi.

M. Scowen: ...poser une question. Je pense qu'il va de soi que si l'État décide de subventionner l'industrie du cinéma, il faut que quelqu'un prenne une décision sur les projets qui sont subventionnés, que ce soit le ministre ou une personne nommée par lui. Tant pour le Conseil des arts d'Ottawa que pour toute organisation, dont le but est de subventionner les arts, on est devant ce problème: quelqu'un doit établir les priorités. Dans les articles que vous mentionnez, 7, 8, 9, 10, 11 et 12, on parle d'un plan d'aide qui sera, j'imagine, une espèce d'étape du schéma des priorités. Je ne vois pas comment on peut éviter la nécessité d'avoir quelqu'un qui va établir ces priorités. Je ne comprends pas exactement comment vous pouvez éviter ce que vous appelez la tutelle.

M. Leborgne: Peut-être que, philosophiquement, au bout du compte, on ne peut pas l'éviter, mais on aimerait au moins qu'elle soit établie par le projet de loi. À l'article 8.3 et 8.6 - page 7 - j'aimerais qu'on nous explique pourquoi, dans ces deux cas, l'institut n'aurait pas des règles déjà déterminées par le projet de loi. Si c'est l'institut qui est chargé d'administrer un budget pour les subventions, pour les prêts et toute autre forme d'aide à l'industrie, on comprend mal pourquoi il se réserve un autre droit par-dessus celui que vous évoquez de décider des orientations générales.

En plus, dans le cas de l'article 8.3, on dit ceci: "de prêts ou avances sans intérêt ou à un taux plus bas que celui qui a cours sur le marché, dans les cas déterminés par règlement du gouvernement". Alors, c'est enlevé des mains de l'institut, dans ce cas. Les autres formes d'aide, c'est l'institut qui les administre directement. Si le gouvernement ne veut pas en faire, là-dessus, je trouve que vous avez parfaitement raison. Qu'il nous dise qu'il ne veut pas en faire et on fera une croix sur ce chapitre des subventions.

Au sixième point, c'est la même chose: "...les subventions au déficit, dans les cas déterminés par règlement du gouvernement". Dans certaines oeuvres bien spécifiques, il faut retourner devant le gouvernement. C'est là qu'on a utilisé l'expression tutelle, quant à nous. Parce que, à moins qu'on ne lise mal le texte, il semble dire très clairement que dans certains cas spécifiques, vous allez retourner devant le gouvernement pour obtenir une subvention s'il s'agit d'un déficit pour une oeuvre cinématographique.

M. Scowen: Je vous comprends, M. Leborgne, et, en conséquence, je vais poser la question au ministre. Comment cette attitude se justifie-t-elle?

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je vais répéter la question. M. Leborgne et moi...

M. Proulx: C'est un front commun. M. Marx: C'est un front commun... M. Proulx: Ah bon!

M. Marx: ...contre la loi 111. Il y a même des députés péquistes qui sont d'accord avec moi.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez la parole.

M. Scowen: M. Leborgne et moi nous inquiétons de ce qu'il appelle une mise en tutelle de l'aide financière, des articles par lesquels vous obligez la société d'agir - au sujet de l'aide qu'elle accorde - en fonction des règlements établis par le gouvernement. Pourquoi ne pas laisser cette liberté à la société?

M. Richard: Oui, c'est une règle habituelle qu'on retrouve, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, dans la presque totalité des projets de loi de cette nature, mais cela ne se pose qu'une fois par année. Une fois par année, le gouvernement est appelé, généralement, à endosser, à entériner les règlements qui lui sont proposés par les organismes, en l'occurrence, par l'Institut québécois du cinéma ou la société d'aide. Mais c'est une fois par année, pour tenir compte des variations dans le marché en ce qui a trait aux taux d'intérêt, etc. Ce n'est

qu'une fois par année. Ce n'est pas - comme le laisse supposer le mémoire de la Fédération nationale des communications - à chaque fois. Cela intervient généralement une fois par année.

M. Scowen: Je pense que, à moins que je ne comprenne mal le problème à l'article 8, alinéa 6, c'est que vous proposez que l'aide financière puisse prendre la forme d'une prime à la qualité, cette qualité étant définie par la société et non pas par réglementation du gouvernement. À l'alinéa 6, on parle de subventions au déficit d'une firme qui mérite cette subvention pour des raisons autres que la qualité et on dit que cela doit se faire par le gouvernement, par règlement. Pourquoi les distinctions? Pourquoi ce critère de réglementation gouvernementale est-il ajouté ici et là? Pourquoi ne pas laisser une fois par année les sommes...

M. Richard: Cela est une fois par année compte tenu des variations dans les taux d'intérêt. Compte tenu des prêts qui sont faits une fois par année, l'institut -c'est comme cela pour d'autres organismes -propose les règlements qui vont s'appliquer durant une année au gouvernement, c'est tout.

M. Scowen: Mais le règlement...

M. Richard: Je pense que ça vise uniquement à éviter les abus.

M. Scowen: Est-ce que ce règlement peut définir le type, le genre de film qui...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, si vous le permettez, pour accélérer un peu les travaux, j'aimerais qu'on pose plutôt les questions à nos invités. Ce genre de débat, on aura sûrement l'occasion de l'avoir entre les différents partis.

Mme Lavoie-Roux: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce a raison de s'inquiéter, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Je ne dis pas qu'il n'a pas raison de s'inquiéter, mais je voudrais plutôt qu'on questionne nos invités de façon qu'on puisse épuiser l'ordre du jour.

Mme Lavoie-Roux: Nos invités veulent comprendre, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): C'est bien, allez-y. M. le député.

M. Scowen: Donc, pour faire plaisir au président, j'arrête ces questions et je n'ai pas d'autres questions à poser à M. Leborgne. Si lui veut poser des questions dans ce sens au ministre, il est libre.

M. Richard: Je voudrais encore une fois signaler que, quand on parle de règlement du gouvernement, il s'agit simplement de critères généraux. Cela ne s'applique jamais à des cas particuliers. C'est l'établissement de critères généraux et uniformes s'appliquant à l'ensemble. Il ne s'agit donc pas de dire, par règlement, qu'on va accorder une subvention à telle oeuvre et qu'on n'en accordera pas à d'autres. C'est uniquement l'établissement de critères généraux. Peut-être que ça mériterait toutefois d'être clarifié en ce sens.

Le Président (M. Gagnon): M. Dupuis m'avait demandé la parole.

M. Dupuis (François): En fait, pour préciser notre inquiétude, cet article-là est quasiment intégralement celui de la loi de 1975, à l'exception effectivement de la discrétion gouvernementale qui vient s'ajouter. On ne comprend pas. Est-ce qu'il y a eu des problèmes par rapport à ça dans le concret? On aimerait savoir pourquoi le gouvernement a trouvé approprié de serrer ou d'ajouter, par rapport à ces questions-là, cette précision. On ne saisit pas, on n'a pas compris. Il y a plusieurs autres articles, on y reviendra tantôt dans notre mémoire. On ne saisit pas nécessairement pourquoi le gouvernement effectivement pousse si loin son pouvoir, si on peut employer cette expression-là.

M. Richard: On aura l'occasion, au cours du débat de deuxième lecture et au cours de la commission parlementaire sur l'étude article par article, de revenir sur l'alinéa 6. Encore une fois, cet article se retrouve dans tous les projets de loi où il s'agit de verser des subventions à des organismes, en tout cas, tous ceux que j'ai vus qui ont été adoptés au cours des dernières années. Il ne s'agit pas d'intervenir dans des cas particuliers, mais de fixer certains critères généraux s'appliquant à tout le monde pour interdire, par exemple, qu'on subventionne éternellement les déficits d'un organisme. Je pense qu'il est important, puisqu'il s'agit de fonds publics, que l'État dise: II y a des limites à l'intérieur desquelles on pourra subventionner des déficits. C'est uniquement pour fixer ces limites que cet article-là existe.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Richard: Encore une fois, jamais pour intervenir dans les cas particuliers.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. Leborgne aimerait que je vous pose une dernière question très brève. Est-ce que vous êtes capable de lui donner quelques exemples des critères généraux qui peuvent apparaître dans un tel règlement?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: Je suppose qu'on pourrait indiquer, par exemple, qu'on ne peut pas subventionner un déficit sur une période de plus de cinq ans.

M. Scowen: Ce sont les critères financiers.

M- Richard: Cela se pourrait. Vous me posez une question hypothétique, alors je vous réponds de façon hypothétique.

M. Scowen: Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Oui, M. le Président. M. Leborgne, à la page 7 de votre mémoire, vous soulevez un problème important dont on a discuté, hier, de façon très approfondie, notamment avec l'Union des artistes. C'est celui des délais exigés pour le doublage ou le sous-titrage des films. C'est ce qui apparaît à l'article 79. Hier, on a fait une démonstration très complète qui nous indiquait que le délai des 60 jours, compte tenu des informations dont nous disposions en fin de journée, hier, était peut-être un peu trop large et qu'on pourrait envisager que ce délai soit réduit effectivement à 30 jours. Mais, au delà des arguments qu'on a entendus hier, est-ce que vous avez des motifs particuliers pour suggérer que ce délai soit raccourci?

M. Leborgne: Pour certaines productions, leur vie est terminée au bout de 60 jours.

M. Blouin: Ce qu'on nous a dit, hier, c'est que 75% des productions faisaient leur...

M. Leborgne: Je n'ai pas de statistique, mais c'est bien le problème. Cela touche des productions qui ont une très très longue période de diffusion.

M. Blouin: Alors, c'est là-dessus que vous vous basiez?

M. Leborgne: Principalement. M. Blouin: D'accord.

M. Leborgne: Dans l'action féminine, on parle d'action positive quand il s'agit de redresser des discriminations faites aux femmes; on a un problème semblable du côté du cinéma. Par analogie à tout le moins. Alors, quant à redresser, redressons de façon que cela paraisse.

M. Blouin: Juste une remarque. À la page 9, vous vous êtes permis de sortir de votre texte pour dire que vous souhaitiez que les employés des salles de cinéma et des salles de théâtre soient rémunérés au salaire minimum prévu dans la fonction publique, qu'il soit coupé ou non. Je vous signale que les salaires les plus bas dans la fonction publique n'ont pas été coupés.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Leborgne: Cela m'apprendra à sortir de mon texte.

M. Scowen: Pour faire suite à la question de mon collègue de Rousseau, nous avons entendu, au cours de ces deux derniers jours, les revendications suivantes. Très souvent, un francophone est obligé d'aller d'abord voir un film qui paraît en anglais et par la suite, quand la version française arrive, quelques semaines ou quelques mois après, parce qu'il n'a pas complètement saisi l'idée du film, parce qu'il est en anglais, il y va une deuxième fois. En conséquence, les compagnies en profitent. C'est effectivement une des raisons qui sont à la base du retard qu'on voit souvent dans la distribution de la version française.

Je ne sais pas si c'est une opinion gratuite de la part de certaines personnes ou s'il existe des études statistiques qui peuvent prouver que c'est vraiment le cas. Parce que c'est un élément important, quant à moi, dans le choix qu'on va faire dans le délai de 30 ou de 60 ou de 90 jours. Est-ce qu'il existe une étude quelque part qui ferait la démonstration objective qu'il y a vraiment un nombre important de francophones qui vont voir les mêmes films deux fois, parce que la version française est retardée? Ou est-ce simplement une opinion exprimée par certaines personnes pour leur propre besoin?

Le Président (M. Gagnon): M. Leborgne.

M. Leborgne: Je ne sais pas si mes camarades peuvent répondre. Je suis un peu ennuyé par la question. C'est un phénomène que je connais mal.

M. Dupuis: Est-ce qu'on peut se poser la question à savoir quel est le pourcentage de ceux qui sont uniquement unilingues francophones au Québec et qui n'ont pas accès à ces produits? Mais ces produits

existent en français en France.

M. Scowen: Non, mais c'est le phénomène des deux visites que je voulais souligner. Cela n'existe pas?

M. Dupuis: Non, on n'a pas de... M. Scowen: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve. (16 heures)

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Leborgne, mes questions portent sur l'exercice du droit d'association des gens que vous représentez dans l'industrie. Dans votre mémoire vous faites état que les réalisateurs, les réalisatrices et que les travailleurs et travailleuses représentés par le Syndicat national du cinéma ne sont pas reconnus ou accrédités par le Code du travail.

M. Leborgne: Par aucun code.

Mme Harel: Par aucun code. Par la suite vous préconisez des mesures transitoires, des mesures permanentes pour mettre un terme à cette situation. Finalement, votre projet est la reconnaissance d'associations représentatives. C'est un peu le modèle - je pense par analogie - à l'industrie de la construction où par loi le législateur a reconnu des associations représentatives patronales et syndicales. Est-ce que c'est un peu ce modèle-là?

M. Leborgne: C'est la seule analogie qu'on ait pu trouver. Je peux vous assurer qu'on en a cherché une autre parce que faire le parallèle avec la construction n'est pas nécessairement toujours heureux. Quant aux principes qui sont sous-tendus et du parallèle qui existe entre les deux industries, c'est le seul qu'on puisse faire. Il existe sans doute à quelque part dans l'univers d'autres modèles. Nous ne les connaissons pas. C'est pour cela qu'on en arrive à des demandes de ce genre-là qui ressemblent beaucoup à ce qu'il y a comme réglementation dans la construction.

Mme Harel: Mais les problèmes que cela pose en termes d'exercice concret du droit d'association, quels sont-ils?

M. Leborgne: II peut se produire, il s'est produit et il se produira des scissions dans les associations patronales, des scissions dans les associations syndicales. Il y aura des gens qui refuseront d'adhérer à l'une ou à l'autre des nombreuses organisations patronales ou syndicales, ce qui fait que les conditions de travail sont très aléatoires selon la situation économique. Actuellement, les techniciens, pour bon nombre, sont en chômage parce qu'il n'y a pas de film produit, d'où notre insistance d'avoir un fonds inclus dans le projet de loi no 109 -n'en déplaise au ministre cela ferait une deuxième exception, s'il y en a déjà une, tant mieux - parce que le problème réside dans le manque de production d'oeuvres cinématographiques. Quand il s'agit de la syndicalisation, et comme cela est bona fide, on se retrouve dans une situation assez spéciale. Les lois du Québec ont été amendées, il y a une vingtaine d'années - je ne suis pas très fort en histoire - pour exclure les syndicats bona fide. Je pense qu'ils ne sont peut-être pas exclus nommément mais dans les faits, dans la pratique, ils ont été exclus de nos lois. Dans l'industrie du cinéma la seule chose qui existe de facto ce sont des associations bona fide de producteurs, de techniciens, d'artistes, de réalisateurs et de réalisatrices. On pense que dans une industrie - et à plus forte raison si elle est subventionnée aussi généreusement que le laisse entendre le ministre - les relations du travail et les conditions de travail de ceux et celles qui font ces oeuvres cinématographiques devraient avoir une réglementation minimale.

Mme Harel: Permettez-moi juste une sous-question. Est-ce que ce n'est pas plus par une réforme du Code du travail que vous trouveriez à réaliser l'objectif que vous poursuivez?

M. Leborgne: On pense que la meilleure place pour réaliser cet objectif est le cadre de la présente loi qui s'adresse à l'industrie du cinéma et de la vidéo et qui touche donc l'ensemble des aspects. Si cela avait pu être réglé par le Code du travail, je pense qu'on aurait pu faire cela il y a 25 ou 30 ans. Ils sont exclus du Code du travail par la nature du travail. Ils ne sont pas considérés comme des salariés comme les gens de la construction. On revient toujours à cela. Pourquoi y a-t-il une loi spéciale de la construction? Il y a bien des raisons, mais il y en a une, entre autres, et c'est qu'ils ne cadrent pas dans les règles d'un employeur avec ses employés dans son usine ou son service. Ce sont des chantiers, nous on appelle cela des plateaux de tournage qui naissent un jour et disparaissent trois semaines plus tard. Pour ces raisons-là le parallèle se fait plus facilement avec la construction où les travailleurs sont réglementés par une loi spécifique à la construction. On pense que la meilleure place est le projet de loi no 109. Si le gouvernement décidait de placer cette question sous le chapitre d'une autre loi, on ne s'y opposerait pas. Ce n'est pas une question de principe, c'est plutôt une question pratique. Pourquoi ne pas le faire

avec le cinéma, étant donné que cela touche le milieu et que cela touche les associations patronales et syndicales?

Le Président (M. Gagnon): Merci, monsieur. M. le député de Saint-Jean et adjoint parlementaire.

M. Proulx: À la page 6, M. Leborgne, vous dites que le projet de loi vous apparaît très faible quant à la protection de la langue et de la culture québécoises. Je pense que vous touchez vraiment le fond de la loi et le fond de la question. Pourriez-vous expliquer un peu plus en quoi ce projet de loi ne protège pas suffisamment, convenablement la culture et la langue? Jusqu'où faudrait-il aller?

M. Leborgne: C'est peut-être parce que ce n'est pas spécifié aussi clairement qu'on le souhaiterait. Peut-être que vous le lisez autrement que nous. Nous pensons que ce devrait être très spécifique. Mais si les intentions, avec les textes qui sont là, sont les mêmes que celles que l'on souhaite par notre texte, tant mieux si l'objectif est atteint. On n'a pas proposé d'amendement spécifique. La seule chose qu'on dit c'est que cela devrait être dans les objectifs et être déterminé comme quoi cela concerne l'industrie cinématographique francophone, pas exclusivement, mais à tout le moins c'est cela que cela vise comme objectif principal. On peut prétendre, considérant le texte, que c'est ce que cela vise et ne pas être dans l'erreur, mais nous trouvons que ce n'est pas assez spécifique. C'est peut-être une question de teinte.

M. Proulx: De terminologie. M. Leborgne: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup à M. Leborgne et à la Fédération nationale des communications.

M. Leborgne: Je vous remercie de m'avoir écouté.

M. Richard: Merci, M. Leborgne.

Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez demeurer à la table parce que je crois que le prochain intervenant est à côté de vous: le Syndicat national du cinéma. En fait, vous aviez trois mémoires de suite à présenter. C'est M. Maurice Leblanc, je crois?

M. Richard: M. le Président, je voudrais, à la suite de la requête formulée par mon ami le député de Notre-Dame-de-Grâce, remettre aux membres de la commission une étude qui a été faite par la firme CEGIR concernant le problème des délais de présentation des films en version française. Je pense qu'il y a une copie pour chaque membre.

M. Marx: Est-ce que c'est l'étude que j'ai demandée l'autre jour?

M. Richard: Oui.

M. Marx: C'est l'étude que j'ai demandée l'autre jour?

M. Richard: C'est cela. Je l'ai eue hier en fin de journée, je pense, et j'ai oublié de remettre le document.

Le Président (M. Gagnon): Alors, monsieur...

M. Richard: M. le Président, si vous me le permettez, à la page 6, il y a une conclusion qui est tirée de l'étude: "II apparaît, par conséquent, que 70% des films américains doublés subissent des délais strictement reliés à la distribution et aux considérations de marché au Québec. Le délai moyen de distribution se situe autour de trois mois."

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je remercie le ministre d'avoir déposé cette étude que nous allons étudier nous-mêmes avec beaucoup d'intérêt. Ce n'est pas exactement la question que j'ai posée. J'ai demandé s'il existe une étude qui démontre que ces délais ont pour effet de créer un double marché pour un film parce que les francophones voient d'abord la version anglaise et, par la suite, la version française. C'est une revendication, une déclaration qui a été faite par plusieurs personnes et je ne savais pas si c'était simplement leur opinion à elles, basée sur l'expérience de leurs amis et de leur famille, ou si c'était vraiment une déclaration fondée sur une étude qui a été faite.

M. Richard: Ici, ce qui est indiqué, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est pour des considérations de marché au Québec.

M. Scowen: Oui, je comprends. Il y a des délais. L'étude semble indiquer clairement qu'il y a des délais qui ne sont pas justifiés. J'ai demandé s'il existe une étude sur les conséquences et surtout les conséquences que j'ai mentionnées: que beaucoup de personnes vont aller au cinéma deux fois, au bénéfice, bien sûr, de ceux qui diffusent les films. Est-ce qu'il existe une étude de ce genre?

M. Richard: Pas à ma connaissance.

M. Scowen: Alors, c'est simplement une opinion personnelle des gens qui font ces revendications. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, spécifiquement sur cette question qu'a soulevée M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je pense que pour quiconque vit tous les jours dans le milieu francophone, donc très, très majoritaire au Québec, c'est d'une évidence la plus totale que plusieurs, des dizaines et des dizaines et des dizaines de Québécois verront un film en anglais, d'abord parce qu'il n'est pas disponible en français, et qu'ils retourneront par la suite le voir en français plusieurs mois après, tout simplement parce que beaucoup de Québécois qui ne sont pas de parfaits bilingues -d'ailleurs, ils sont très rares - aiment bien tout comprendre dans un film, saisir toutes les nuances des films qu'ils vont voir. Donc ils y retournent. Cela m'est arrivé de vouloir voir le film "Superman II", ici au Québec. J'ai attendu des mois, puis je suis allé le voir en anglais en désespoir de cause. Je me suis trouvé à Paris quelques semaines après et j'y ai vu "Superman II". Je suis revenu au Québec quelques jours après et j'ai attendu encore des semaines avant d'avoir la version française de "Superman II" ici.

Mme Lavoie-Roux: Êtes-vous retourné le voir au Québec?

M. Marx: Bien, allez chaque fois à Paris.

M. Dussault: J'ai donc vu le film deux fois parce qu'il y a des nuances que je voulais saisir. Je suis un amateur de cinéma fantastique, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Ah bon! Bravo!

M. Dussault: Et au Québec, présentement, il y a un paquet de films de cinéma fantastique qui sont exclusivement en anglais. Les enfants qui aiment beaucoup le cinéma fantastique - j'ai peut-être un peu gardé l'âme d'un enfant, c'est peut-être pour cela que j'aime le cinéma fantastique - sont condamnés au Québec à aller voir les films de cinéma fantastique en anglais présentement parce qu'ils n'existent pas en français. Cela dure pendant des mois. Je dis que c'est fini, ce temps-là et que la loi réglera cela. J'espère que ce n'est pas 60 jours qu'on devra attendre, mais 30 jours, M. le ministre. Tout ce qu'on nous a dit jusqu'à maintenant est déjà très convaincant dans ce sens.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas la question du député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Dussault: Je me demande où vit le député de Notre-Dame-de-Grâce pour nous poser des questions pareilles à la commission. Je me demande où il vit.

Mme Lavoie-Roux: Un bon adjoint!

Le Président (M. Gagnon): Merci. Un instant! Un à la fois. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'espère que le député de

Châteauguay n'aime pas les "comic books" fantastiques parce qu'ils ne sont pas tous traduits.

M. Dussault: C'est une autre question. Je n'ai pas parlé de cela. On pourrait parler de cela aussi, mais une autre fois.

M. Marx: Ce sera à la prochaine commission. Je remercie le ministre de nous avoir distribué ce rapport que j'ai demandé mardi. Non, mais je pense que le ministre nous a fourni le rapport assez vite. Il faut assister aux autres commissions; on demande des rapports qui ne viennent jamais.

Mme Lavoie-Roux: C'est un compliment qu'il vous fait, M. le ministre.

M. Richard: Je me méfie des compliments du député de D'Arcy McGee...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Richard: ...Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes soupçonneux.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee, c'est vous qui avez la parole.

M. Marx: Je voulais juste redire que je félicite le ministre pour sa célérité.

Mme Lavoie-Roux: On endosse les félicitations.

M. Marx: Bon, c'est unanime. Maintenant, à la page 6, je trouve cela très sérieux qu'il y ait 70% des films qui existent dans les deux versions, mais qu'on ne puisse pas voir la version française en même temps que la version anglaise. On a dit hier soir -M. le député de Notre-Dame-de-Grâce a dit cela aussi - qu'on trouverait normal que la loi exige que les deux soient présentées en même temps. Mais comme je l'ai dit hier, je

ne suis pas sûr que l'article 79 garantira de présenter les deux ensemble à cause du mot "disponible" au paragaphe 3. Peut-être que ce sera nécessaire de reprendre cela quand on fera l'étude article par article.

M. Richard: Voilà ce que j'allais vous dire, M. le Président. Si on est d'accord sur les objectifs, il sera facile, je pense, de s'entendre sur la rédaction d'un article au moment où on fera l'étude article par article, après la deuxième lecture. Ce sera très facile de s'entendre là-dessus. Je suis heureux de savoir qu'on est d'accord sur les objectifs.

M. Marx: Sur quelques-uns.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. Richard: Je vous félicite d'être d'accord avec moi, M. le député de D'Arcy McGee.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, si c'est une très courte question et si elle s'adresse au ministre, parce que je voudrais qu'on entende nos invités.

M. Scowen: Je comprends. J'adresse une très courte question au ministre. Vous avez entendu le député de Châteauguay exprimer son opinion sur le sujet exact que j'ai abordé. Voici la question que je pose pour la dernière fois: Est-ce qu'il existe une étude froide, objective, pour appuyer la revendication du député et pour démontrer l'amplitude de ce problème?

M. Richard: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce...

Mme Lavoie-Roux: Non, il n'y en a pas.

M. Richard: ...pas à ma connaissance, mais je veux dire qu'il y a des évidences qui se dégagent. Pourquoi, quand la version française existe, n'est-elle pas projetée?

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas cela, la question qu'il pose.

M. Richard: Alors, je saisis mal votre question, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Une voix: Recommencez.

M. Scowen: Quel est le pourcentage...

Mme Lavoie-Roux: Ces gens l'ont saisie tantôt.

M. Scowen: ...des personnes qui vont deux fois voir le même film? (16 h 15)

M. Richard: Ah! le pourcentage de personnes qui vont voir...

M. Scowen: Quelle est l'amplitude de ce problème? Est-ce que c'est 1% de la population, dix mille personnes par année, cent mille personnes? Combien? Quelqu'un a-t-il pris la peine d'étudier le problème?

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, comme il n'y avait pas jusqu'à maintenant de billetterie, cela pose des problèmes pour la compilation des statistiques. Il y aurait peut-être les chiffres de l'Office des communications sociales qui nous éclaireraient là-dessus. Je ne sais pas si cela porte spécifiquement là-dessus, mais je pense qu'on pourrait dégager certaines conclusions à partir des données de l'Office des communications sociales.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Maintenant, je demande à nouveau au Syndicat national du cinéma de se présenter et de nous présenter son mémoire.

Syndicat national du cinéma

M. Leblanc (Maurice): Merci, monsieur. Maurice Leblanc, président du Syndicat national du cinéma. J'ai à mes côtés M. Michel Siry, membre de notre syndicat, et M. François Dupuis, aussi membre de notre syndicat. Je vous fais distribuer la dernière version du mémoire parce qu'on l'a fait adopter en assemblée générale le 10 février dernier.

Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez nous résumer votre mémoire.

M. Leblanc (Maurice): Nous aimerions, en guise de préambule à notre intervention, souligner l'importance du groupe que nous représentons aujourd'hui dans l'industrie du cinéma, soit les techniciens. Notre syndicat est né il y a douze ans et il regroupe actuellement 450 techniciens de tout le Québec, notamment de l'Abitibi, de Montréal et de la ville de Québec, oeuvrant dans plus de 50 métiers: du chef décorateur à l'assistant de production, de l'électricien au caméraman, du maquilleur au monteur, pour n'en nommer que quelques-uns. Ces travailleurs aux métiers sans cesse raffinés par l'expérience ont participé, au cours des années, de façon on ne peut plus importante à l'édification de l'industrie du cinéma au Québec. C'est beaucoup grâce à eux qu'on reconnaît aujourd'hui partout dans le monde la grande qualité

technique de nos équipes québécoises.

Encore perçu il y a quelques années comme un art marginal, le cinéma "made in Québec" est devenu une industrie. Des cinéastes comme Altman, Chabrol ou Leone viennent tourner au Québec avec nos techniciens. La présence de ces cinéastes illustre bien l'ouverture internationale qu'a connue ces dernières années l'industrie de la production, ainsi que la notoriété acquise grâce à la qualité du travail de nos techniciens.

Parallèlement à cette évolution, la production nationale a connu des moments difficiles, étouffée par cet afflux de productions étrangères, l'absence de réseaux de distribution pour les oeuvres produites, la raréfaction des subsides gouvernementaux. Malgré tout cela, le cinéma québécois est encore vivant. Des courts et moyens métrages remarquables sont produits tant bien que mal, souvent à salaires différés et avec des moyens de fortune. Sans la ténacité et l'acharnement de ces personnes qui, envers et contre tous, s'entêtent à faire du cinéma original, notre production véritablement nationale se limiterait à un ou deux longs métrages de prestige par année.

Quelques réformes élémentaires éviteraient à nos techniciens du cinéma d'être les premiers à subir, plus durement que d'autres, les hauts et les bas de cette industrie qui a connu des bourrées de croissance anarchique suivies de désespérantes années de vaches maigres.

Un sondage récent effectué auprès de nos membres nous donnait à ce sujet des chiffres assez éloquents. Au moins 58% des répondants avouaient n'avoir travaillé que 90 jours ou moins en 1982, chiffre facile à comprendre lorsqu'on sait que les productions des années 1981 et 1982 ont été toutes deux de 75% inférieures à celles de l'année 1980.

C'est pourquoi, M. le ministre, nous tenons à vous indiquer l'impatience que nous vivons de voir apparaître une nouvelle loi sur le cinéma, impatience justifiée par des signes qui nous laissent croire à un nouvel essor de la production cinématographique dans les prochains mois. La télévision à péage vient de pénétrer le marché, la demande de matériel original est en hausse, les producteurs et associations internationales américaines sont de plus en plus présents dans les "lobbies" gouvernementaux, entre autres, au ministère fédéral de l'Immigration. Cette pression que nous percevons dans le milieu nous fait d'autant plus sentir l'urgence d'un cadre légal nouveau et de l'importance de soutenir et de renforcer nos institutions et nos acquis en matière de cinéma.

Nous tenons à signaler tout de suite que la loi n'aura d'effet immédiat que si elle contient des injections de capitaux sans délai.

Pour conclure ce préambule, nous invitons les honorables membres de cette commission à étudier avec une attention particulière nos recommandations, en tenant compte, encore une fois, de l'importance que les techniciens représentent pour notre cinéma. Nous articulerons notre intervention autour de trois principes que nous jugeons fondamentaux: premièrement, la relance de l'industrie; deuxièmement, la reconnaissance syndicale et le respect des conventions collectives; troisièmement, la représentation des techniciens au sein des institutions décisionnelles.

Premièrement, la relance de l'industrie. La commission Fournier a, dans le rapport qu'elle a présenté au ministre, élaboré un mécanisme permettant la création d'un fonds de soutien d'un montant de 25 000 000 $, somme qu'elle considérait comme un minimum indispensable à l'établissement d'une cinématographie nationale solide. Nous ne retrouvons dans la loi qui est proposée aucun des mécanismes proposés pour la création de ce fonds. On ne parie que de "sommes que le gouvernement destine au secteur privé du cinéma" et d'un engagement du ministre "à augmenter sensiblement" ces sommes au cours des années à venir. Pourtant, lorsqu'on examine les montants que le gouvernement a consenti à verser à notre industrie, force est de constater qu'il n'a pas démontré une volonté politique très nette d'y consacrer un effort substantiel puisqu'en termes réels les fonds versés à l'institut ont diminué de moitié depuis sa création.

La commission Fournier n'a pas hésité à parler de "seuil critique" du niveau de la production indépendante québécoise et elle concluait ainsi son analyse: "Si la situation actuelle persiste, le Québec risque de prendre des retards considérables, tant au plan des infrastructures que des porformances de création, ce qui le handicapera dans sa volonté d'assurer son développement et son autonomie culturels."

L'institut étant le principal agent de notre développement cinématographique culturel, le ministre se doit immédiatement d'indexer rétroactivement le budget de l'institut (environ 10 000 000 $) et de lui assurer une indexation automatique annuelle. D'autre part, une autre revendication de toute l'industrie, justement soulignée par le rapport Fournier, concernait la commandite gouvernementale. Le projet de loi, lui, est complètement silencieux à cet égard et nous avons attendu en vain de nouvelles propositions. Nous aurions aimé entendre l'expression d'une volonté de concertation entre les différents ministères concernés pour accorder aux organismes créés par la présente loi un certain droit de regard sur l'attribution des contrats gouvernementaux. Des mesures concrètes doivent être prises pour permettre une distribution équitable des commandites gouvernementales et des fonds

qui s'y rattachent dans l'industrie publique et privée.

Parmi les différentes formes de financement du fonds de soutien, signalons surtout le système de la billetterie nationale. Nous avons revendiqué l'instauration de ce système depuis le début des temps, croyons-nous. On ne peut qu'approuver cette initiative de la loi, mais, tout comme pour l'émission des permis, il est essentiel que les intervenants de l'industrie aient accès aux données recueillies par la régie.

Nous nous devons de déplorer, par contre, que, malgré ladite volonté du ministre de désaméricaniser l'industrie, aucune mention n'est faite quant au réinvestissement au Québec des profits tirés de la distribution. Pourtant, là encore, les intervenants du milieu ont depuis des années sans cesse réclamé une intervention auprès des différents paliers de gouvernement. Aucune référence n'est faite à ce sujet dans l'article 97 de la loi. Où sont donc les mesures d'ordre fiscal, budgétaire ou réglementaire qui, croyions-nous, devaient accompagner la loi?

Pour conclure sur cette question, nous ne pouvons que réitérer l'extrême urgence d'adopter des mesures concrètes pour relancer l'industrie du cinéma. Nous demandons donc au ministre d'inclure dès maintenant dans le projet de loi les mécanismes qui permettront au fonds de soutien non seulement d'exister, mais aussi de générer ses propres revenus, de sorte que l'aide au cinéma sorte de l'ornière des tergiversations politiques et puisse compter sur un financement à long terme.

Deuxièmement, la reconnaissance syndicale et le respect des conventions collectives. L'apparition d'un syndicat national et le regroupement des producteurs à l'intérieur d'une association ont permis, au cours des années soixante-dix, de mettre fin en partie à l'anarchie qui prévalait au niveau des relations patronales-ouvrières dans l'industrie. La négociation d'une première convention collective a favorisé l'établissement de conditions de travail décentes et a mis fin à la loi du plus fort jusqu'alors en vigueur, facilitant ainsi la prévision des coûts de production pour les producteurs et l'assurance d'une continuité des règles du jeu. Or, malgré les bienfaits reconnus par tous de la syndicalisation des professionnels du cinéma, l'État n'a jamais reconnu ce fait malgré les demandes répétées du milieu.

En 1975, le Conseil québécois pour la diffusion du cinéma présentait au ministre Hardy son mémoire dans lequel il demandait "que le texte de loi incorpore un article qui reconnaisse officiellement la juridiction des associations professionnelles de l'industrie cinématographique québécoise en matière de relations du travail, qui affirme leur compétence et leur obligation mutuelle à négocier les conditions de travail et le salaire minimum des artisans du cinéma". Nous ne pouvons que réitérer cette demande plus actuelle que jamais.

Vous avez, M. le ministre, justement soulevé cet aspect dans votre conférence de presse introduisant le présent projet de loi lorsque vous avez affirmé: "Dans le domaine des industries culturelles et, notamment, de l'audiovisuel, la soumission tranquille aux sacro-saintes lois du marché ne peut conduire, dans le contexte géopolitique, qu'à l'asphyxie pure et simple des créateurs et artisans de notre cinéma, qu'à l'attrition des infrastuctures de l'industrie, qu'à la perte d'une expertise collective chèrement acquise et souvent mondialement reconnue". Il va sans dire, M. le ministre, que nous souscrivons entièrement à cette déclaration et c'est pourquoi nous nous expliquons difficilement l'absence totale de la reconnaissance de ces droits à l'intérieur du projet de loi.

Assez curieusement, la commission Fournier, qui avait pourtant reçu clairement comme mandat d'étudier, entre autres sujets, le statut des artisans - point 12 du mandat de la CECAV - a, elle aussi, complètement négligé cet aspect. Pourtant, plus que jamais, nous sommes menacés par les assauts constants et répétés des unions pancana-diennes et surtout, ce qui est plus grave, des unions internationales (IATSE) qui tentent de s'assurer l'adhésion des travailleurs-techniciens du Québec. Si ces efforts s'avéraient fructueux, l'avenir et la spécificité culturelle de notre cinéma seraient gravement minés et ce, pour des raisons qui sont faciles à deviner. Les frontières n'étant plus protégées par les syndicats québécois, on assisterait à un envahissement de techniciens américains, membres d'un même syndicat américain. Et surtout, l'industrie devra s'accommoder de conditions de travail dictées par le "grand frère américain" plutôt que négociées par les artisans locaux.

Comprenons bien que, sans une volonté politique exprimée par un gouvernement soucieux de sauvegarder notre spécificité culturelle - notion, d'ailleurs, curieusement disparue dans ce nouveau projet de loi - nous pourrions difficilement continuer seuls cette lutte face à la force d'une union toute-puissante en Amérique du Nord.

Nous aimerions voir une manifestation claire d'un désir de protéger nos associations représentatives. L'émission du permis de tournage, par exemple, pourrait être conditionnelle à un engagement ferme de la part du producteur à respecter les ententes existantes entre les associations et ce, autant pour les producteurs locaux qu'étrangers. À cet égard, nous croyons savoir que l'Association des producteurs n'y

voit pas d'objections. Ces émissions de permis permettraient aux deux parties de plus facilement voir au respect des ententes collectives.

Nous voudrions nous assurer de l'interprétation véritable des article 100, 101 et 102. Est-ce que le permis de tournage n'est exigible que pour un producteur étranger ou si celui-ci l'est pour tous, y inclus les producteurs canadiens et les producteurs québécois? Dans le même esprit de sauvegarder les conditions de travail existantes ou à venir, est-ce que l'aide accordée par l'institut ou sa filiale ne pourrait pas, elle aussi, être soumise à une reconnaissance d'engagement au respect des ententes collectives?

Nous suggérons donc au législateur d'inclure au projet un sixième objectif qui pourrait se lire comme suit: "La reconnaissance et le respect des droits relatifs au droit d'association des personnes, organismes et sociétés oeuvrant dans l'industrie du cinéma et de la vidéo et l'établissement de mécanismes de surveillance appropriés d'application de ces droits". Note: Nous recommandons au ministre de lire très attentivement le chapitre Les travailleurs et la loi 109 contenu dans le mémoire de la Fédération nationale des communications auquel nous avons participé.

Troisièmement, la représentation des techniciens au sein des institutions décisionnelles. La création de l'Institut québécois du cinéma, en 1976, a permis l'apparition d'un nouveau mode de partage des pouvoirs au sein d'une institution gouvernementale, d'une participation directe de tout un secteur d'activités économiques et culturelles à son propre développement. Audacieuse, cette structure répondait à un besoin réel de concertation. Vouée à l'échec d'après les plus pessimistes, elle a résisté aux tiraillements et déchirements inévitables dans un milieu dont on connaît la sensibilité et ce, malgré les budgets sans cesse rétrécis par l'inflation.

Or, la structure qui nous est présentée risque, si elle n'est pas modifiée, de retirer tout pouvoir d'intervention aux organismes et associations qui y sont représentés, même si le ministre réaffirme "la représentation majoritaire de la profession au sein de l'organisme chargé de mettre en oeuvre la politique du cinéma." (16 h 30)

On scinde donc en deux volets l'institut actuel afin de séparer l'administration des politiques et l'élaboration de ces mêmes politiques. Nous pourrions, en principe, souscrire à cette idée si nous retrouvions des garanties suffisantes pour, d'une part, nous assurer que notre représentativité au sein du nouvel institut demeure la même et, d'autre part, que la nouvelle société soit contrôlée par l'institut. Mais le projet de loi ne fournit pas ces garanties. Notre représentativité, qui était d'un membre sur sept, passe à un sur douze. Nous perdons le droit d'élire, parmi nous, notre président qui sera désormais nommé par le ministre. De plus, le choix du représentant, qui se faisait parmi les candidats soumis par l'association "jugée la plus représentative", se fera désormais à la discrétion du ministre parmi n'importe quelle association dite reconnue, ce qui ouvre la porte à la division et au fractionnement plutôt qu'à la concertation recherchée.

Enfin, l'institut perd à peu près tout droit de regard sur l'administration de la société, si ce n'est celui d'examiner annuellement le plan d'aide et de conseiller le ministre sur des questions générales plus ou moins floues. Or, le rapport Fournier, en proposant la création de sociétés, parlait clairement de filiales et non d'organismes complètement autonomes et détachés de l'institut. Ce dernier continuait de fixer les enveloppes budgétaires, approuvait les plans et programmes des sociétés et recommandait au ministre les administrateurs et le PDG. La loi qui est proposée retire ces pouvoirs à l'institut et, de ce fait, trahit la volonté de concertation que tous les intervenants recherchent. Nous approuvons la création d'une Société générale du cinéma et de la vidéo, seulement dans l'esprit d'une société gestionnaire, filiale de l'institut plutôt que telle que définie dans le présent projet de loi.

L'institut doit être confirmé dans son rôle de responsable culturel. À l'intérieur du nouvel institut, nous désirerions remplacer, dans la liste des représentants au no 3, le mot "artisans" par "techniciens", afin toujours d'éviter toute confusion. Nous soutenons aussi que les représentants devraient avoir droit à un substitut. Enfin, nous estimons que les représentants siégeant à l'institut sont tout à fait en mesure de s'élire leur propre président.

Un dernier mot, M. le ministre, sur la vidéo. Le projet de loi définit, au chapitre premier, le film comme toute oeuvre "ayant comme résultat un effet cinématographique, quel qu'en soit le support." Cette définition élargie veut, et nous l'avons compris, englober la production vidéo et nous appuyons entièrement le ministre dans cette voie. Cependant, nous demeurons, malgré tout, inquiets quant à la limpidité de cet aspect de la loi. Est-ce que vraiment tous les articles s'appliquant à la production de films sont tout aussi valides pour toute la production vidéo? Comme le ministre le sait déjà, l'apparition de la télévision payante et le développement très rapide de la technique d'enregistrement vidéo bouleversent l'industrie actuellement. Il est urgent qu'on y mette de l'ordre avant que cette évolution technologique ne devienne une révolution des structures de l'industrie.

Nous désirons donc qu'il soit clair pour tous que la production d'un film, que ce soit sur support chimique ou magnétoscopique, est soumise aux règles et conventions qui prévalent dans l'industrie et ce, à travers les associations représentatives reconnues par la loi.

M. le ministre, nous avons voulu, dans ce court exposé, vous sensibiliser à des questions qui sont de première importance pour les techniciens que nous représentons et aussi, nous en sommes profondément convaincus, pour la survie du cinéma. La réforme qui nous est proposée dans le présent projet de loi ne répond malheureusement pas tout à fait à toutes ces questions, même si, sur d'autres plans, il s'agit d'un progrès indéniable.

Conséquemment, notre appui ne pourra être que conditionnel à une réforme en profondeur dans le sens des points que nous vous avons soulevés. Sans ces prérequis essentiels, toute nouvelle structure, quelles que soient ses qualités, ne pourra apporter à notre industrie une solution dont elle a désespérément besoin et que nous souhaitons. Merci de votre attention.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Leblanc. M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M. Leblanc et faire immédiatement une remarque. Au paragraphe 10 de son mémoire, il nous propose de remplacer le mot "artisans" par le mot "techniciens". Je dois vous dire que cela a été formulé par d'autres groupes, à ma connaissance, et que cela sera fait. Je pense que c'est le voeu exprimé par tout le monde. Maintenant on parle de techniciens plus que d'artisans.

J'aurais une question à vous poser, M. Leblanc. Évidemment vous êtes d'accord avec le principe de la création de l'Institut québécois du cinéma et d'une société générale. Vous vous dites d'accord, en tout cas, avec la création de ces deux organismes. Maintenant, vous souhaiteriez que la société générale soit une filiale de l'Institut québécois du cinéma. Je vais vous dire que la seule raison, finalement, qui nous amène à proposer qu'il y ait deux sociétés, c'est que, le milieu québécois étant relativement restreint, il nous a paru important d'éviter que les membres de l'institut ne soient en conflit d'intérêts ou en apparence de conflit d'intérêts. Non seulement il faut éviter le conflit d'intérêts, mais il faut également éviter l'apparence de conflit d'intérêts. C'est pourquoi nous souhaitons donner en quelque sorte une certaine autonomie à la société générale. Si on en fait une filiale, le même problème va se poser: le problème des conflits d'intérêts et le problème de l'apparence parfois des conflits d'intérêts pour les tiers. À ce moment-là, on n'aurait peut-être plus besoin d'une deuxième société. On pourrait se contenter uniquement de l'Institut québécois du cinéma. Qu'en pensez-vous, M. Leblanc?

Le Président (M. Gagnon): M. Leblanc.

M. Leblanc (Maurice): Ce que nous voulons bien croire, c'est que si, effectivement, la société pouvait être créée pour gérer, pour être une société de gestion, à ce moment-là, peut-être que les gens de l'institut pourraient être libérés d'un certain travail et que l'institut pourrait véritablement faire ce qu'il a à faire. Mais, chose assez curieuse, M. le ministre, je n'ai jamais entendu personne dans le milieu formuler quelque plainte que ce soit auprès de l'institut jusqu'à maintenant.

M. Richard: Je dois vous dire, quant à moi, que j'en ai reçu une multitude qui étaient souvent probablement non justifiées, uniquement à cause de l'apparence. C'est pour cela que maintenant les règles de l'administration gouvernementale sont de plus en plus sévères à cet égard. Non seulement il faut éviter de se retrouver en situation de conflit d'intérêts, mais il faut éviter également de donner l'apparence qu'on est en conflit d'intérêts. Ce n'est pas facile à éviter, je le conçois facilement. C'est pourquoi il y a deux sociétés. Autrement, on n'aurait pas besoin de la deuxième. On pourrait se contenter de l'Institut québécois du cinéma qui verrait à gérer les programmes et, donc, à verser les subventions aux organismes.

Ce qu'on souhaite, c'est que l'institut soit là pour concevoir, expliciter les programmes et être le premier conseiller du ministre en matière de politique cinématographique, mais, quant à la gestion et au versement des subventions, que cela soit fait par un organisme qui soit autonome par rapport à l'Institut québécois du cinéma. C'est là l'idée, en tout cas. Je ne suis pas absolument certain que c'est la seule idée qui doive prévaloir, mais je n'en vois pas d'autre. C'est l'esprit qui a présidé au choix que nous avons fait.

Le Président (M. Gagnon): M. Leblanc.

M. Leblanc (Maurice): Si vous m'affirmez que c'est effectivement l'esprit de la loi, je suis très prêt à vous croire, M. le ministre. Seulement, à la lecture que nous en avons faite, nous n'étions pas certains.

M. Richard: Alors, peut-être que, encore là...

M. Leblanc (Maurice): C'est plus une question, finalement.

M. Richard: ...votre intervention aura été importante parce qu'elle nous permettra de clarifier la volonté que l'on cherche à exprimer dans le projet de loi.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. Leblanc, à la page 2, vous parlez d'un sondage effectué auprès de vos membres. Vous avez découvert que 58% des répondants n'avaient travaillé que 90 jours ou moins en 1982. J'ai trouvé cela intéressant et je voulais savoir si vous ou M. Leborgne êtes capables de dire combien de personnes travaillent dans l'industrie du cinéma, dans la production de films au Québec, aujourd'hui. Quel est le nombre d'emplois dans la production?

M. Leblanc (Maurice): Nous représentons actuellement 410 membres professionnels. Il y a une autre association de techniciens qui, elle, représente environ 200 techniciens. Je n'ai pas les chiffres récents. Il y a, chez les professionnels, à peine 15 ou 20 personnes qui ne sont pas syndiquées et qui, lorsqu'elles travaillent, signent des contrats de syndiquées permissionnaires.

M. Scowen: II s'agit d'environ 600 ou 700 personnes dans l'industrie de la production de films au Québec.

M. Leblanc (Maurice): Lorsque la production est à son niveau moyen. Il y a eu des années où on a eu, pour les deux associations, jusqu'à 900 membres.

M. Scowen: De ces personnes, combien travaillent pour l'Office national du film?

M. Leblanc (Maurice): Nous ne représentons que les techniciens de l'industrie privée. Lorsque nos membres travaillent pour l'Office national du film, ceux-ci sont régis par la convention collective de l'Office national du film; la même chose existe pour Radio-Québec.

M. Scowen: II y en a à peu près combien à l'Office national du film à temps plein?

M. Leblanc (Maurice): On ne représente personne à temps plein.

M. Scowen: Vous ne le savez pas?

M. Leblanc (Maurice): Pardon? Vous me demandez combien de techniciens et d'employés permanents travaillent à l'Office national du film?

M. Scowen: Je vous pose la question parce qu'on a des chiffres sur le nombre d'emplois dans l'industrie du textile, dans l'industrie des pâtes et papiers. La question que je posais était: II y a combien de personnes qui travaillent dans l'industrie de la production de films au Québec? J'ai cherché les chiffres dans le livre de M. Fournier et je ne les trouve pas. De toute façon, en ce qui vous concerne, on n'a pas les chiffres.

C'est intéressant, j'aime beaucoup la première partie de votre mémoire parce que vous avez soulevé un point que nous avons soulevé hier à plusieurs reprises, à savoir que, si le gouvernement veut relancer l'industrie du film, ce ne sont pas une loi, des permis, des régies, des associations qui vont créer de l'emploi - exception faite de l'emploi des inspecteurs, des fonctionnaires qui s'occuperont de la réglementation - ce sont les fonds. C'est avec de l'argent que cela doit se faire. Je pense que c'est une illusion de croire que vous pouvez relancer l'industrie du film au Québec et créer de l'emploi avec une loi, des règlements, des associations et des permis. Vous avez soulevé ce point-là très, très clairement dans la première partie de votre mémoire et je veux vous donner l'occasion de le répéter, si vous le voulez.

Le Président (M. Gagnon): M. Leblanc.

M. Leblanc (Maurice): M. Leborgne me fait des gestes depuis tantôt.

Le Président (M. Gagnon): Alors, allez- y.

M. Leborgne: Très brièvement, la réponse à la question de M. Scowen est difficile à trouver parce qu'il y a une bonne partie du travail, dans l'industrie, qui se fait au noir, par analogie à l'industrie du vêtement où il y a des femmes qui travaillent à domicile. Il y a des travaux qui se font dans la vidéoscopie. On le sait, on l'apprend, mais il y a beaucoup de choses qu'on ne sait même pas. Cela se fait comme cela, à la bonne franquette. Ce n'est pas comme dans des industries ou des usines. Il y a une difficulté à ce niveau-là. Il y a les fluctuations du marché qui sont assez phénoménales.

Le Président (M. Gagnon): Merci, monsieur. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: M. Leblanc, il y a combien de membres inscrits au Syndicat national du cinéma?

M. Leblanc (Maurice): Comme je l'indiquais tantôt, il y en a présentement 410.

M. Blouin: 410 membres. Est-ce que c'est déjà arrivé qu'en période de pointe ces gens-là aient à peu près tous été au travail? (16 h 45)

M. Leblanc (Maurice): C'est parce que c'est assez particulier comme industrie. En période de pointe, je me souviens d'une année précise, 1979, où, en fait, pendant une période d'environ deux ou trois mois, 600 techniciens travaillaient.

M. Blouin: 600?

M. Leblanc (Maurice): Oui. C'était l'exception dans notre industrie.

M. Blouin: Autrement dit, quand cela tourne bien, on peut prévoir que, si les ressources étaient supérieures, il y aurait plusieurs centaines de personnes...

M. Leblanc (Maurice): Qui pourraient travailler.

M. Blouin: ...qui seraient touchées dans ce secteur. Une chose qui m'a un peu étonné - je reprends l'argument du député de Notre-Dame-de-Grâce qui a bien raison de dire que toutes les analyses et tous les efforts législatifs qui sont en train d'être faits ne seront pas tellement utiles s'il n'y a pas d'argent au bout - et que je voudrais vous entendre expliquer, c'est qu'au bas de la page 3 de votre mémoire vous dites que vous souhaiteriez, si j'ai bien compris, que le budget de l'institut soit porté à 10 000 000 $, alors que le rapport Fournier parle davantage d'un budget de 25 000 000 $. Sur quoi vous basez-vous pour souhaiter que le budget soit porté à 10 000 000 $ alors que les analystes du rapport Fournier ont considéré que cela devrait plutôt se rapprocher de 25 000 000 $ pour avoir une influence plus significative?

M. Leblanc (Maurice): À la même page 3, nous soutenons que nous approuvons les recommandations du rapport Fournier à propos des 25 000 000 $.

M. Blouin: Ah oui!

M. Leblanc (Maurice): Ce qu'on a tenté de faire au bas de la page, c'était seulement de signifier à M. le ministre qu'il était urgent d'injecter au moins ces 10 000 000 $ immédiatement à l'institut.

M. Blouin: Cela va. Excusez-moi.

M. Leblanc (Maurice): Est-ce que cela répond à votre question?

M. Blouin: Cela va, oui. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. En haut de la page 4, vous faites allusion aux commandites gouvernementales et vous exprimez le souhait, au deuxième paragraphe, que des mesures concrètes soient prises "pour permettre une distribution équitable des commandites gouvernementales". Je me demandais si, de votre côté, vous avez une idée de l'ampleur de ce que pourraient être ces commandites gouvernementales et si vous savez comment elles se distribuent présentement.

M. Leblanc (Maurice): C'est une partie de notre document qui est basée sur des observations qui nous ont été faites, pour la plupart, par l'Association des producteurs de films du Québec. Lorsque vous les entendrez demain, je crois qu'ils feront des interventions sur ce sujet spécifique aussi. Mais je sais pertinemment qu'il y a certains ministères du gouvernement qui ont leur propre petite maison de production, si on peut dire, avec quelques employés. Cela représente environ 40 employés. Mais ces films, depuis les dernières années, par moments c'est le ministère qui les produit, par moments c'est par soumissions, par moments c'est Radio-Québec qui les fait. Il n'y a jamais eu véritablement de réglementation là-dessus. Évidemment, comme les gens que je représente sont à la recherche d'emploi, on croit que si une distribution équitable de ces commandites était faite dans le privé et le public...

Mme Lavoie-Roux: Le ministre est sorti. Non, il est là. Excusez-moi, M. le ministre.

M. Proulx: II est toujours là, le ministre.

Mme Lavoie-Roux: C'est vrai qu'il a un adjoint, je l'oubliais.

M. Proulx: Oui, puis, il ne faut pas être discret là-dessus, par exemple.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, je me demandais s'il était possible - pas sur-le-champ, mais d'ici demain - de nous obtenir une ventilation des commandites gouvernementales en matière de films.

M. Richard: Ah, mon Dieu!

Mme Lavoie-Roux: On vient de nous dire qu'une partie est faite à même les ressources gouvernementales; il y aurait même un studio, je ne sais trop, où on réalise une partie de ces films; d'autres sont faits par Radio-Québec et d'autres vont à

l'industrie privée ou sont faits à l'extérieur du gouvernement, de toute façon. Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir la ventilation de la somme que représentent ces commandites gouvernementales et de savoir comment elles sont distribuées à l'intérieur de Radio-Québec, entre le public et le privé? Je pense que ce serait fort intéressant.

M. Richard: Mme la députée de L'Acadie, je vais communiquer avec mon collègue, le ministre des Communications, et, si le document existe, il me fera plaisir de vous le remettre avec la même célérité que je vous ai remis l'autre.

Mme Lavoie-Roux: Mais on n'y sera pas samedi. Il faudrait que ce soit une journée plus tôt.

M. Richard: Je ne sais pas si on pourra l'avoir demain.

Mme Lavoie-Roux: Non, non, mais si on pouvait l'avoir éventuellement. Vous n'avez aucune idée d'un ordre de grandeur?

M. Richard: Malheureusement pas.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Une autre question, c'est la dernière, M. le Président. Les personnes qui viennent de nous présenter le mémoire, comme d'autres d'ailleurs, ont soulevé la question de la création de la société générale de gestion - comment est-ce qu'on l'appelle? - ou d'administration des subventions. Le ministre a expliqué les objectifs qui étaient poursuivis par le gouvernement, à savoir d'éviter les conflits d'intérêts ou ce qui pourrait être une apparence de conflit d'intérêts. Ce n'est pas le seul organisme qui distribue des subventions. Est-ce que le ministre a examiné s'il y avait d'autres formules qui étaient retenues dans d'autres situations pour, justement, éviter ces conflits d'intérêts? Je pense au Conseil des arts, mais je pense même qu'à l'intérieur des ministères il y a d'autres organismes qui distribuent des subventions. Est-ce qu'il n'y aurait pas là, peut-être, un modèle à examiner? À moins qu'on ne soit continuellement en conflit d'intérêts au Conseil des arts. C'est possible, je ne le sais pas.

M. Richard: Non, Mme la députée de L'Acadie. J'ai analysé cela moi-même d'une façon très attentive et c'est très différent des problèmes qui se posent au Conseil des arts. C'est que, dans le milieu du cinéma, on a affaire à un milieu très restreint de gens actifs dans le milieu. Alors, quand vous désignez au Conseil des arts un écrivain, il n'écrit pas douze livres par année. Il n'est pas constamment, il est très rarement en conflit d'intérêts. C'est la même chose pour un artiste en arts visuels. Ici nous avons véritablement affaire à une industrie, ce qui n'est pas le cas, par exemple, au Conseil des arts. C'est véritablement une industrie et celle-ci veut être présente lors de la préparation des politiques et je trouve cela très sain. Mais de là à dire que l'industrie gérera elle-même les programmes de subventions, il y a un pas qu'il m'apparaît difficile de franchir. La différence fondamentale, c'est qu'on a affaire à une industrie.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas, il y a peut-être des mécanismes qui pourraient être examinés.

M. Richard: S'il y en a d'autres, Mme la députée de L'Acadie, je suis vraiment réceptif.

Mme Lavoie-Roux: Par exemple, une déclaration de la part des membres du conseil d'administration de toute possibilité de conflit d'intérêts, de leurs intérêts dans tel ou tel type d'industrie.

M. Richard: Oui, cela existe généralement, Mme la députée de L'Acadie, dans les cas où le conflit d'intérêts pourrait être tout à fait exceptionnel. Il pourrait même survenir qu'au Conseil des ministres, un ministre se retrouve occasionnellement en conflit d'intérêts ou à l'intérieur d'autres sociétés; je pense à la SDI ou à des sociétés du genre. Cela ne peut être qu'exceptionnel. Mais là, ce n'est pas nécessairement exceptionnel; le conflit d'intérêts peut être assez courant. C'est pour cela qu'il faut l'éviter.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Alors, on vous demandera des exemples à l'étude article par article. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. Leblanc, vous avez insisté dans le mémoire sur les difficultés de financement de l'industrie. Vous notez, en fait, que ces difficultés sont allées en augmentant, compte tenu de l'attrition des fonds gouvernementaux. On a fait ici, à cette commission, lors d'une présentation de mémoire, un survol très rapide des sources de financement. On notait que, lors du lancement de la cinématographie, après la deuxième guerre, à la fin des années quarante et durant les années cinquante, c'étaient très souvent les propriétaires de salles ou les distributeurs indépendants qui avaient été à l'origine du financement de bien des films. Cela était allé en s'amenuisant.

Parfois, il y a des interventions de l'autre côté disant que le gouvernement devrait investir - je pense avec raison, vous le soulignez aussi - des sommes beaucoup plus importantes. Vous en chiffrez l'ordre de grandeur et j'ai l'impression que vous êtes suffisamment modestes puisque la commission Fournier parlait de 25 000 000 $ rapidement. Vous signalez également la nécessité, à la page 4 de votre mémoire, de demander un réinvestissement au Québec des profits tirés de la distribution. Cela, il n'en a pas été question jusqu'à maintenant. Ce réinvestissement, de quel ordre, selon vous, devrait-il être? Est-ce que vous avez fait une exploration de cette question? Est-ce que vous concevez aussi, en d'autres termes, que l'État seulement doit assurer le financement ou d'autres sources sont-elles possibles?

M. Leblanc (Maurice): D'autres sources sont possibles. Le rapport Fournier en signale quelques-unes. Pour ce qui est des profits de la distribution qui doivent être réinvestis dans l'industrie, il est possible de légiférer là-dessus, on en est sûr. Depuis plusieurs années, on demande au gouvernement fédéral de légiférer - à l'époque, c'était un tout autre problème; maintenant, avec la loi 109, peut-être arriverons-nous à régler le problème - pour que les distributeurs américains réinvestissent au minimum 20% de leurs profits sur le territoire canadien. Parce que, présentement, les distributeurs américains empochent de 200 000 000 $ à 225 000 000 $ de profits nets annuellement qui retournent aux États-Unis sans jamais qu'un seul de ces sous soit réinvesti au pays.

Lorsqu'on parle de réinvestissement de la part des distributeurs locaux aussi, il est possible pour un distributeur d'utiliser ses profits à d'autres fins qu'à des réinvestissements dans l'industrie cinématographique, je ne sais pas. On veut être certain que cela reste dans...

Mme Harel: Ces chiffres que vous venez de nous citer, ces taux de profits, dans quelle étude pourrions-nous les retrouver?

M. Leblanc (Maurice): Madame, je pense que dans le rapport...

Mme Harel: C'est pour l'ensemble du Canada?

M. Leblanc (Maurice): ...Fournier, il est déjà question de quelques-uns de ces chiffres.

Mme Harel: Dans celui-là notamment.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que vous avez d'autres questions, Mme la députée?

Mme Harel: Une dernière, très rapide. À la page 6, vous avez beaucoup insisté sur l'inquiétude. Vous parlez même de menace; vous dites: "Nous sommes menacés par les assauts constants et répétés." Vous semblez être inquiets quant à l'envahissement de techniciens américains. C'est une priorité de placement pour les techniciens québécois à laquelle vous faites appel, une priorité de placement en termes d'épuisement des listes avant de faire appel à des gens de l'extérieur? C'est à peu près dans ces termes que vous envisagez?

M. Leblanc (Maurice): C'est une forme qu'on peut envisager, sauf que la mise en vigueur de cette application n'est pas possible à cause de notre statut. Nous ne sommes pas reconnus légalement, nous ne sommes qu'une association bona fide et tout peut se produire. L'envahissement d'un syndicat américain est assez et même très facile à prouver et s'il n'y a aucune législation au Québec pour protéger nos droits d'association, il va nous arriver très bientôt - c'est peut-être une question de semaines, au maximum une question de mois la même chose qui se présente actuellement en Ontario où le local IATSE obtient tous les contrats de films produits par les producteurs américains venant de Los Angeles investissant leurs sous ici. Ils parviennent à faire signer des contrats à IATSE pour la simple raison que ces producteurs sont menacés par le local IATSE de Los Angeles d'être boycottés pour leurs productions à Los Angeles s'ils ne signent pas de contrat IATSE en Ontario. Si nous ne demeurons que des associations bona fide, c'est un danger qui plane.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Leblanc (Maurice): Pardon?

Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi.

M. Leblanc (Maurice): De là l'insistance qu'on met sur la reconnaissance syndicale.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Brièvement, M. le Président, pour faire plaisir à Mme la députée de Chomedey. Cela va donner en même temps l'occasion à un représentant du Syndicat national du cinéma de prendre la parole. Je vois qu'il arbore un macaron. C'est un gros "X". Je me demande s'il fait la promotion du cinéma "X" ou si c'est une façon de croiser les doigts pour que la loi fonctionne ou s'il y a autre chose. Je voudrais savoir. Cela a l'air grave. (17 heures)

M. Siry (Michel): C'est un macaron qui avait été distribué lors d'un festival de super-8. Le 8 est fait avec de la pellicule.

M. Dussault: Ah bon, c'est celai On ne voit pas très bien la pellicule d'ici, c'est quand même loin.

M. Siry: Je vais aller vous le montrer tantôt.

M. Dussault: Je vous remercie de l'explication et cela passe le message pour le festival. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. J'invite l'Association des réalisateurs et réalisatrices de film du Québec. Je crois que vous êtes aussi déjà installés à la table. M. Dupuis, c'est cela? M. Théberge.

M. Leblanc (Maurice): M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Leblanc.

M. Leblanc (Maurice): M. Dupuis m'accorde encore deux petites minutes. J'aimerais que le ministre nous explique un peu la véritable interprétation qu'il donne aux articles 100, 101 et 102, à propos de la vidéoscopie, parce que nous le signalons à quelques reprises.

M. Richard: Je voulais vous indiquer à ce sujet qu'il est vrai qu'il y a des concordances qui n'ont pas été faites et elles seront faites.

M. Leblanc (Maurice): Elles seront faites? Merci infiniment.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie beaucoup, M. Leblanc, du Syndicat national du cinéma. L'Association des réalisateurs et réalisatrices de film du Québec est-elle prête? En attendant que vous preniez place, j'aimerais faire la lecture d'un télégramme que le président de la commission a reçu cet après-midi. On y dit: "M. le Président, nous regrettons de ne pouvoir exprimer la position de la région sud aux audiences publiques de votre commission par le biais d'un mémoire sur votre projet de loi intitulé Loi sur le cinéma et la vidéo. Nous avons constaté que, jusqu'ici, le projet de loi a reçu un accueil très favorable tant chez les artisans du cinéma que dans le public en général. Nous partageons ce sentiment pour l'ensemble de ce projet de loi. Toutefois, nous nous devons de vous signaler notre appui inconditionnel quant à l'adoption des dispositions de l'article 97, considérant qu'elles concrétisent votre volonté politique de prendre les moyens pour doter le Québec d'une cinématographie nationale, viable et de qualité. Vous pouvez compter sur notre collaboration habituelle pour défendre les objectifs que vous poursuivez." C'est signé: Denis Laliberté, avocat, secrétaire exécutif régional de la région sud, Parti québécois.

Alors, messieurs, êtes-vous prêts à faire la lecture du mémoire?

Association des réalisateurs et réalisatrices de film du Québec

M. Théberge (André): Oui, M. le Président. L'Association des réalisateurs et réalisatrices de film du Québec (ARRFQ) est une association constituée selon la Loi sur les syndicats professionnels et qui a pour objets l'étude, la défense et le développement des intérêts économiques, sociaux, culturels et moraux de ses membres. Sa juridiction comprend le secteur de la réalisation d'oeuvres cinématographiques sur support chimique, magnétique ou électronique au Canada.

Depuis 1973, date de sa fondation, l'association s'est toujours employée à défendre les intérêts de ses membres et, plus largement, ceux du cinéma québécois dans son ensemble. Elle a été de bien des dossiers, de bien des luttes et de bien des combats. Elle a toujours eu à coeur le développement du cinéma québécois, d'un cinéma qui procède essentiellement des besoins de la collectivité québécoise, qui reflète essentiellement la spécificité culturelle et sociale du Québec. Elle a fait certaines interventions et des revendications fondamentales, sans compter qu'elle a participé à tant d'enquêtes, d'études, de projets de loi et de lois, de consultations et de sommets.

Il est toujours apparu nécessaire à l'ARRFQ qu'il y ait une véritable industrie supposant un minimum de structures, de protection, d'investissements, d'expansion de la cinématographie québécoise. Permettons-nous de citer notre mémoire de 1978: "Nous affirmons donc, hors de tout doute, la nécessité absolue d'une industrie cinématographique québécoise. D'une vraie, intégrée aux possibilités économiques du Québec autant qu'aux nécessités culturelles des Québécois. Nous affirmons donc que l'État doit intervenir à tous les niveaux d'une véritable industrie et harnacher le commerce à outrance qui détruit et le travail réel ou virtuel des travailleurs du cinéma québécois et le patrimoine culturel des Québécois. Car, depuis une vingtaine d'années, depuis les premières manifestations de notre cinéma, nous avons assisté à la chose suivante: premièrement, le capital humain investi -très souvent sans rémunération financière -par les travailleurs du cinéma québécois s'est vite transformé en capital culturel; deuxièmement, ce capital culturel s'est, pour

sa part, transformé en capital politique; troisièmement, le capital politique ainsi acquis a attiré le capital financier; quatrièmement, le capital financier a neutralisé, ou en le récupérant ou en le rejetant, le capital politique, culturel et humain acquis grâce aux travailleurs du cinéma". Ce que nous disions en 1978 demeure vrai. Les problèmes que nous identifiions demeurent.

Nous voici à la veille de l'adoption d'un nouveau projet de loi sur le cinéma. Nous y voyons poindre, encore une fois, la récupération politique du travail de tous ceux qui oeuvrent dans le cinéma ici. Cette fois, la récupération est totale. En effet, nous croyons que le projet de loi augmente de façon immodérée la discrétion ministérielle, en ce sens qu'à la différence de l'ancienne loi, où c'était le milieu, par le truchement de l'institut, qui conseillait le gouvernement en matière de cinéma, c'est maintenant le ministre qui demande conseil au futur institut, contrôle les nominations à la future société, ainsi qu'à la future régie. Rien n'y oblige le ministre ou le gouvernement à tenir compte de la volonté démocratique du milieu qui s'exprime, bien imparfaitement certes, par l'institut. Nous y reviendrons un peu plus loin. Qu'il nous suffise pour le moment de dire notre profonde inquiétude devant cette évolution.

Commentaires sur l'ensemble du projet de loi. Nous voici donc devant un projet de loi sur le cinéma qui porte le no 109. L'ARRFQ souscrit au principe de ce projet de loi qui veut l'élaboration et l'application d'une politique du cinéma. L'ARRFQ souscrit à la volonté du projet de loi de créer un Institut québécois du cinéma et de la vidéo, une Société générale du cinéma et de la vidéo et une régie, pour des raisons que nous allons exposer plus loin.

Mais il nous apparaît tout de suite que, en ce qui concerne les objectifs, le présent projet de loi marque un net recul par rapport aux objectifs de la loi de 1975: nulle part on n'y trouve de référence à la spécificité culturelle du Québec. L'ARRFQ se pose aussi des questions sur le fait que la volonté, que l'on trouvait dans le rapport de la CECAV, de consultation et de concertation du milieu ne se retrouve pas dans le projet de loi; que le gouvernement, par la voix de son ministre, nomme tout le monde, à toutes fins utiles, sans qu'il soit obligé de s'en tenir au principe de la consultation et de la concertation - on se demande comment, dans ces conditions, le milieu pourra faire efficacement contrepoids (au sens américain de l'expression "checks and balances") à une action politisée d'un ministre - que cet arbitraire ministériel peut à tout instant rompre l'équilibre entre le futur institut et la future société; que l'on ne retrouve nulle part, dans les structures de la future régie, le conseil de surveillance que le rapport de la commission Fournier recommandait. Nous examinerons ces questions plus en détail au fur et à mesure de l'examen du projet de loi chapitre par chapitre et ferons à mesure nos commentaires et suggestions.

Le chapitre I. L'ARRFQ trouve le chapitre des définitions - c'est-à-dire l'article 1 - un peu court. Il devrait inclure la définition d'une production québécoise et d'une entreprise québécoise, de sorte qu'on les soustraie tout de suite et à l'arbitraire ministériel et à celui du futur institut, de la future société et de la future régie. Ces définitions supplémentaires pourront se lire comme suit... À cause du temps, je ne prendrai pas la peine de les lire. Ce sont les règlements qui existent actuellement à l'institut, dans les formulaires d'aide à la production où on définit ce qu'est une production québécoise, une entreprise québécoise.

À propos du chapitre II, l'ARRFQ considère que l'article 3 du présent projet de loi manque de précision par rapport à la loi de 1975. En effet, on n'y trouve nulle part de référence à la spécificité culturelle du Québec, ce qui constituait une garantie raisonnable que l'aide au cinéma aide le cinéma québécois. Nous trouvons aussi que cet article devrait être plus précis quant à la régionalisation, c'est-à-dire l'étendue à toutes les régions du Québec de l'accès à la production et à la diffusion du cinéma québécois. L'ARRFQ est heureuse que soit reconnu le principe du respect des droits relatifs à la propriété intellectuelle et voudrait que l'article 127 soit modifié dans le sens que nous allons déterminer plus loin. Nous sommes, de plus, d'avis que devrait être reconnu le droit d'association.

Nous suggérons donc que l'article 3 se lise comme suit: 3. La politique du cinéma et de la vidéo doit donner la priorité aux objectifs suivants: 1° l'implantation et le développement de l'infrastructure artistique, industrielle et commerciale du cinéma et de la vidéo, qui reflète et développe la spécificité culturelle des Québécois; 2° le développement du cinéma et de la vidéo québécois dans toutes les régions du Québec et la diffusion du produit et de la culture cinématographiques dans toutes les régions du Québec; 3° l'implantation et le développement d'entreprises québécoises indépendantes et financièrement autonomes dans le domaine du cinéma et de la vidéo; 4° le développement de films de tous genres, de toutes durées, de tous formats; 5° la liberté de création et d'expression, et la liberté de choix du public; 6° la conservation et la mise en valeur du patrimoine cinématographique et vidéo;

7° le respect des droits relatifs à la propriété intellectuelle sur les films et l'établissement de mécanismes de surveillance de la production, de l'exploitation et de la circulation de ces oeuvres; 8° la reconnaissance et le respect des droits relatifs au droit d'association des personnes, organismes et sociétés oeuvrant dans le domaine du cinéma et de la vidéo, et l'établissement de mécanismes de surveillance appropriés d'application de ces droits.

L'article 7 pose la question du fonds de soutien, ou plutôt ne la pose pas du tout. Il a sauté aux yeux de tout le milieu que nulle part dans le projet de loi on ne parle d'argent. Le rapport de la CECAV réclamait pourtant la création d'un fonds de soutien. Et le ministre actuel, dans son allocution au congrès conjoint APFQ/AQDF d'octobre dernier, disait que: "L'argent, c'est le nerf de la guerre." On ne peut pas ne pas être d'accord avec lui. Il a aussi dit que la loi "doit s'accompagner d'autres mesures, d'ordre fiscal, budgétaire ou réglementaire". La commission Fournier parlait de 25 000 000 $. Elle en est arrivée à ce chiffre après une longue recherche et beaucoup de calculs. C'est sa proposition que nous avons retenue dans notre version de l'article 7, qui suit. 7. Une aide financière peut être accordée au secteur privé du cinéma et de la vidéo par la Société générale du cinéma et de la vidéo suivant le plan d'aide, les programmes et les normes établis conformément à la présente loi. Est constitué à cette fin un fonds de soutien du cinéma et de la vidéo, administré par l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo et alimenté par diverses taxes prélevées sur les ventes de billets de cinéma, de publicité à la télévision, sur la câblodistribution, sur le matériel vidéo, et aussi par une contribution du ministère, établie à cinq pour cent du budget annuel de ce dernier.

Le gouvernement peut, s'il le juge bon, trouver un autre moyen (il y en a de très praticables) pour fournir une somme équivalente à celle tirée des taxes et contributions, à même le fonds consolidé. Il est impératif de le faire. Nous y reviendrons.

L'ARRFQ croit que, comme par le passé, c'est-à-dire selon l'article 50 de l'ancienne loi, la loi qui est encore en vigueur, les formes de l'aide financière devraient être laissées entièrement à la discrétion de l'organisme qui est mandaté pour administrer les fonds. L'article 8 devrait donc se lire comme suit: 8. L'aide financière peut prendre la forme: 1° d'un investissement dans les productions en échange d'une participation aux bénéfices; 2° de prêts ou d'avances, avec intérêt à un taux au moins égal à celui qui a cours sur le marché; 3° de prêts ou avances sans intérêt ou à un taux plus bas que celui qui a cours sur le marché; 4° de garanties aux prêteurs et aux investisseurs, directement ou indirectement, notamment par l'entremise de compagnies de placements; 5° de primes à la qualité et au succès; 6° de subventions, y compris les subventions au déficit; 7° de subventions à des activités de promotion ou de représentation du cinéma québécois; 8° d'une participation financière à des festivals et autres manifestations cinématographiques; 9° de réinvestissements par les bénéficiaires d'aide financière des profits qu'ils tirent des sommes avancées par la société; 10° de tout autre moyen autorisé par le gouvernement.

Nous croyons, comme nous l'avons dit plus haut, que le ministre se donne beaucoup trop de pouvoirs au détriment du principe de la consultation et de la concertation du milieu, et que l'article 11 devrait se lire comme suit: 11. Le ministre, après consultation avec l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo, approuve un plan d'aide.

Les articles 15, 16, 17, 18 et 23 sont intimement reliés. Plusieurs questions se posent. La première est celle de notre inquiétude à la perspective que les voix des "créateurs" se trouvent encore plus diluées qu'elles ne le sont présentement, surtout lorsque intervient l'article 18. La deuxième, très importante, est celle du fait que le ministre, selon l'article 16, reconnaisse au moins une association représentative, ce qui laisse supposer qu'il reconnaisse plus d'une association de réalisateurs, de techniciens ou de producteurs, etc. On voit d'ici les problèmes que cela pourra soulever. La troisième est celle soulevée par l'article 17 où le ministre choisit lui-même le président de l'institut au lieu de laisser jouer le jeu démocratique de l'élection du président par les membres du conseil, comme cela s'est fait jusqu'à maintenant selon la loi de 1975. (17 h 15)

L'ARRFQ adhère au principe de la reconnaissance par le ministre du caractère représentatif d'une association, mais nous nous inquiétons sérieusement du pouvoir discrétionnaire que se réserve le ministre au titre de l'article 23. Nous croyons plutôt que le ministre devrait s'appuyer, pour la reconnaissance du caractère représentatif d'une association, sur le principe que nous avons mis de l'avant dans notre proposition quant à l'article 3, alinéa 8, c'est-à-dire la reconnaissance du droit d'association.

Les représentants des réalisateurs ont souvent été, dans le passé, défavorisés: ils n'ont pu assurer l'assiduité de leur présence aux délibérations du conseil. La majorité des réalisateurs est composée de pigistes et, dans l'exercice de leur métier, ils ne peuvent quitter le plateau de tournage pour aller siéger. C'est pourquoi nous voulons que la loi prévoie que des représentants à l'institut puissent avoir un substitut qui assurera ainsi la présence constante de toutes les associations à toutes les séances du conseil. Cette demande s'appuie en plus sur l'esprit de ce qui est prévu aux articles 52 et 119.

Nous croyons donc que les articles 16, 17, 18 et 23 devraient se lire comme suit: article 16: Le ministre reconnaît une association représentative de chacun des groupes suivants du secteur privé du cinéma: les réalisateurs, les producteurs, les techniciens, les distributeurs, les exploitants, les interprètes, les auteurs-compositeurs, les fournisseurs techniques. Il demande, par écrit, à chacune des associations reconnues de lui soumettre, dans un délai de 30 jours, les noms de trois candidats représentatifs de son groupe.

Article 17: Le ministre choisit, parmi les personnes dont les noms lui sont soumis et pour chaque groupe, celle dont il recommande la nomination au gouvernement et celle dont il recommande la nomination comme substitut. Les membres de l'institut élisent parmi eux le président de l'institut. Si une association ne fournit pas dans le délai prévu les noms des personnes qu'elle propose pour son groupe, le ministre choisit lui-même la personne qu'il juge représentative du groupe en cause et en recommande la nomination au gouvernement.

Article 18: Le ministre propose au gouvernement la nomination de quatre autres membres, après consultation des membres déjà nommés en vertu de l'article 16, parmi les principaux groupes, associations et organismes intéressés par la défense des intérêts culturels du Québec.

Article 23: Le ministre peut, en vue d'une nomination, vérifier le caractère représentatif d'une association et tient compte dans cette évaluation des alinéas 1 et 8 de l'article 3.

L'article 37 devrait se lire comme suit: L'institut est responsable, aux fins de l'octroi de l'aide financière, de la reconnaissance d'oeuvres comme des films québécois, tenant compte des définitions de l'article 1.

L'article 47 devrait se lire comme suit: Les affaires de la société sont administrées par un conseil d'administration formé de cinq membres, dont un président nommé par le gouvernement sur la recommandation du ministre, après consultation de l'institut.

On retourne ainsi à l'esprit de l'article 40 de la proposition de loi qui apparaissait dans le rapport Fournier. Il réinstalle le respect du principe de la consultation et de la concertation.

Pour que l'article 61 soit en concordance avec ce que nous avons suggéré plus haut, ses premier et troisième alinéas devraient se lire comme suit. Article 61.1: De reconnaître les oeuvres qu'elle indique comme films québécois, suivant les normes établies par l'institut en vertu des articles 1 et 37.

Article 61.3: De promouvoir et d'aider financièrement le cinéma québécois en favorisant sa représentation dans les festivals et autres manifestations cinématographiques et de promouvoir et d'aider financièrement la diffusion du produit et de la culture cinématographiques dans toutes les régions du Québec.

L'article 64 devrait se lire comme suit: La société peut, aux fins de l'application des programmes, déterminer par règlement; 1 la forme des demandes d'aide financière qui lui sont adressées, les renseignements qu'elles doivent contenir et les documents qui doivent les accompagner; 2 des règles de constitution des jurys et de les charger, aux conditions déterminées à l'alinéa 4 du présent article, de décerner les prix et autres avantages que la société est autorisée à accorder ou de faire des recommandations à leur sujet; 3° les barèmes, les critères et les limites que doit respecter la société, lorsqu'elle accorde son aide financière, tenant compte des stipulations des articles 1 et 3; 4 qu'un membre du jury ne puisse prendre part aux délibérations sur une question dans laquelle il a, directement ou indirectement, un intérêt personnel. La société décide si le membre a un intérêt personnel dans la question. Le membre en cause ne peut participer à pareille décision. Les jurés sont réputés avoir un pareil intérêt s'ils sont administrateurs, représentants, employés ou dirigeants d'une entreprise intéressée dans un contrat avec la société ou s'ils participent dans une proportion de plus de 15% dans le capital, les biens ou le financement de l'entreprise.

À la suite de ce que nous avons dit sur l'article 8, l'alinéa 2 de l'article 70 devrait disparaître.

Pour ce qui est du chapitre III, nous sommes d'accord avec l'article 77, mais dans la mesure où on remplace le mot "notamment" par le mot "surtout".

Dans le but d'assurer une certaine homogénéité au libellé de l'article 79, nous suggérons qu'à l'alinéa 2, au lieu de "doublage", il soit toujours fait mention de "sous-titrage ou doublage". L'ARRFQ estime que le visa temporaire devrait être de 30 jours. Cela renforcera d'autant plus la diligence dans le respect du principe de la sortie simultanée français et autres langues.

Toute référence au réinvestissement au Québec des profits des distributeurs est

absente. En effet, rien dans l'article 97 ne demande aux distributeurs de réinvestir effectivement leurs profits ici. De plus, on ne demande même pas aux personnes d'être résidentes québécoises, ni aux corporations d'être québécoises. On peut déjà prévoir que l'article 97, tel que libellé, sera inefficace pour la réappropriation par les Québécois de la distribution des films au Québec, comme le souhaitait la commission Fournier, et que les "majors" continueront à faire régner la loi du lion qui rugit le plus fort.

Pour protéger le principe de la liberté d'expression et s'assurer qu'un producteur ne puisse se voir refuser un permis par la régie parce que le droit exigé serait trop élevé, surtout dans le cas de producteurs constitués en société à but non lucratif ou en coopérative, nous voudrions que l'article 104 se lise comme suit: 104. La régie délivre un permis de producteur à la personne qui en fait la demande.

Le président de la régie devrait être tenu de consulter le milieu quant au choix des membres du personnel chargé de classer les films et il devrait à cette fin consulter le conseil de surveillance. Ainsi, l'article 122 pourrait se lire comme suit: Le président de la régie est responsable de l'administration de la régie et en dirige le personnel. Il désigne notamment les membres du personnel chargé d'évaluer et de classer les films et les films-annonces conformément à la présente loi, après consultation du conseil de surveillance.

Au chapitre des fonctions de la régie, nous croyons que le projet de loi en oublie une importante, celle du dépôt ou du registre public des contrats, comme le mentionnait le rapport de la CECAV. Pour assurer l'efficacité de l'alinéa 7 de l'article 3 dans notre version, entre autres raisons, et permettre enfin aux cinéastes d'avoir un instrument efficace de vérification des ententes relatives aux droits d'auteur, nous proposons que l'article 127 comprenne uq huitième alinéa qui se lise comme suit: 8° de tenir un registre public des contrats des auteurs et des réalisateurs, ou de toute autre entente qui les lie à un producteur, ainsi que les contrats entre les producteurs et les distributeurs.

Dans cet esprit, nous voudrions aussi que le projet de loi contienne l'article suivant: La régie peut intervenir à l'encontre de pratiques ayant cours dans le domaine du cinéma au Québec si ces pratiques sont de nature à contrecarrer les besoins culturels de la population, soit qu'elles restreignent la disponibilité ou le libre choix des films, qu'elles retardent indûment leur présentation ou qu'elles soient autrement contraires aux objectifs prévus à l'article 3. Dans l'exercice de ce pouvoir, la régie peut interdire toute pratique restrictive, annuler toute transaction impliquant la propriété d'une entreprise oeuvrant dans le domaine du cinéma et obtenir de la Cour supérieure ou de ses juges les injonctions appropriées. Toute personne intéressée dans une transaction projetée peut s'adresser à la régie pour obtenir, dans les 30 jours, une déclaration écrite indiquant, aux conditions que la régie détermine, si elle a ou non l'intention d'utiliser à l'égard de cette transaction le pouvoir d'intervention prévu au présent article.

L'article 128 est, à notre avis, à refondre pour y inclure deux modifications importantes. D'abord, que la régie tienne des audiences publiques avant la promulgation de ses règlements, notamment ceux prévus aux articles 158 et 159, et ensuite à tous les deux ans. Puis il devrait inclure la constitution d'un conseil de surveillance, comme le voulait la proposition de loi Fournier. Nous croyons que c'est le conseil de surveillance, constitué d'éléments représentatifs du milieu, qui serait le mieux en mesure de déterminer ce que sont l'ordre public et les bonnes moeurs, qui sont en évolution constante. Il devrait donc conseiller le président sur ces questions. L'article 128 devrait donc se lire comme suit: 128. La régie doit, avant la promulgation des règlements qu'elle adopte en vertu du présent chapitre, consulter le Conseil de surveillance du cinéma et aussi tenir des audiences publiques à cette fin. Elle doit, au minimum à toutes les deux années par la suite, tenir une audience publique sur l'application et le fonctionnement du présent chapitre si, après avoir donné un avis public qu'elle entend tenir cette audience, elle reçoit, dans les trentes jours de la publication de cet avis, une demande écrite et motivée précisant l'objet des représentations qu'on veut lui faire. L'avis est donné par les moyens que la régie juge appropriés.

Cet article 128 devrait être suivi des articles 99 à 107 de la proposition de loi Fournier. Je vous renvoie à la proposition de loi Fournier, je ne la lirai pas au long. Ce sont les articles qui concernent la constitution et les fonctions du Conseil de surveillance du cinéma.

Nous croyons que les amendes prévues à l'article 169 sont trop légères pour ce qui concerne les contraventions à l'article 100. Il y a de très bonnes chances que "la personne physique qui ne réside pas au Canada ou la personne morale qui ne possède pas d'établissement au Canada", ait déjà de forts moyens si elles viennent tourner ici. Ces gens pourraient fort bien se contenter de tourner et de payer l'amende, la faisant, au surplus, passer dans leurs imprévus ou leurs frais généraux. Plus la sanction est forte, plus l'article 100 a des chances d'être efficace.

En conclusion, ce mémoire procède surtout de la nécessité de défendre et de

sauvegarder le principe de la consultation dans la politique du cinéma. Nous y avons aussi insisté sur le droit d'association.

L'ARRFQ est d'accord pour la création d'un nouvel institut, d'une société et d'une régie. On peut espérer une diminution des conflits et des tiraillements qui ont marqué la vie de l'actuel institut, mais que le ministre, qui qu'il soit, profite de cette division pour régner, pour consacrer l'arbitraire ministériel nous inquiète fortement.

Non seulement ce projet de loi marque un net recul sur le principe de la consultation et de la concertation, mais il est en régression tout aussi nette sur la spécificité culturelle. Nous voulons que la défense des intérêts culturels des Québécois en matière de cinéma soit clairement inscrite au chapitre des objectifs de la loi et que soient réinstaurés et garantis les contrôles démocratiques des futures institutions. Des institutions et des gouvernements qui oublient la nécessité de la consultation démocratique ont vite fait de se couper du milieu où ils vivent et qu'ils doivent soutenir. Il est essentiel de ne pas l'oublier.

Et que de l'argent aille immédiatement au fonds de soutien et que ces sommes soient substantielles, quelle que soit la façon dont on juge bon de doter le fonds et la formule qu'on adopte pour le faire. Sans argent, la loi 109 sera inefficace, inopérante, aura été un rêve de plus. Il faut la volonté politique de le faire. On espère que ce gouvernement peut vraiment donner le coup de collier nécessaire et que les gouvernements qui suivront auront aussi cette volonté politique. Qu'il cesse de considérer l'industrie cinématograpique comme toutes les autres, de la soumettre au crible de la rentabilité économique.

Le rapport de la commission Fournier l'a dit lui aussi: c'est en termes de rentabilité culturelle qu'il faut penser. Bien des pays, beaucoup plus petits que le nôtre, moins bien nantis que le nôtre et moins populeux se sont dotés des instruments dont ils avaient besoin pour la survie et le développement de leur cinématographie, et pour cela on les admire. Pourquoi pas le Québec aussi? Et c'est signé par l'Association des réalisateurs et réalisatrices de film du Québec.

Maintenant, M. le Président, je me suis aperçu au cours de la lecture du mémoire que j'avais oublié de nommer les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, il y a François Dupuis, qui est trésorier de l'association; Jean Beaudry et, à ma droite, il y a Sophie Bissonnette.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Théberge. Avant de laisser la parole au ministre, je voudrais faire une annonce immédiatement par crainte qu'il y ait des groupes dans la salle, des gens qui songent à sortir pour souper. Il y a eu une entente entre les formations selon laquelle la commission n'arrêterait pas ses travaux pour l'heure du souper, c'est-à-dire qu'on va continuer jusqu'à expiration de l'ordre du jour. Alors, je rappelle les prochains groupes qui seront entendus: Un groupe de propriétaires de salles de cinéma; l'Association des consommateurs du Canada qui a dû quitter, je crois; les Productions et réalisations indépendantes de Montréal et le Groupe d'intervention vidéo.

M. le ministre. (17 h 30)

M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M. Théberge de la présentation de ce mémoire qui, manifestement, procède d'une analyse très rigoureuse du projet de loi. Je veux lui donner l'assurance immédiatement que nous examinerons avec soin toutes les recommandations qui sont faites dans ce mémoire.

Je voudrais toutefois faire deux observations. La première concerne l'article 7. J'ai déjà eu l'occasion, tout à l'heure, d'exprimer pourquoi il ne m'apparaissait pas réaliste d'indiquer dans un projet de loi qu'un pourcentage du budget du ministère des Affaires culturelles devrait être bloqué pour les fins de l'industrie cinématographique. Pour mieux vous en convaincre, si je n'ai pas réussi lors de ma dernière intervention, je vous donnerai un exemple. Supposons qu'un jour on enlève, pour une raison ou pour une autre, au ministère des Affaires culturelles la responsabilité de Place des Arts et du Grand Théâtre de Québec, et qu'on la confie au ministère des Travaux publics. Vous voyez que, du jour au lendemain, juste à cause de cela, l'industrie du cinéma ou l'Institut québécois du cinéma serait ou pourrait être privé de sommes extrêmement importantes parce qu'on aurait bloqué le budget. Vous me direz que cela pourrait jouer aussi dans l'autre sens, mais je ne connais pas de cas où on a bloqué ainsi le budget d'un ministère.

Cette observation étant faite, je voudrais vous dire qu'en ce qui a trait à votre remarque concernant le deuxième alinéa de l'article 79, j'aurais envie de vous donner raison tout de suite. Je dois vous dire qu'il est bien possible - je me réserve tout simplement le droit d'examiner davantage -que votre recommandation se trouve incluse à l'alinéa 2 de l'article 79 en ce qui a trait au sous-titrage, d'ajouter le sous-titrage au doublage. Oui, nous y avions déjà songé et il est bien possible que cela se retrouve dans la loi.

L'autre observation, la dernière, parce que je ne voudrais pas prendre tout le temps, je voudrais céder la parole à mes collègues, concerne l'article 99.

M. Théberge: Article 99?

M. Richard: Article 99. L'idée d'instituer un conseil de surveillance est très séduisante.

M. Théberge: ...de la proposition de loi Fournier.

M. Richard: Oui, c'est-à-dire que vous proposez que...

M. Théberge: De l'article 99 à l'article 107 de l'ancienne proposition de loi.

M. Richard: Ils devraient être suivis des articles 99 à 107 de la proposition de loi Fournier. Je m'excuse. L'idée d'instituer un conseil de surveillance peut être très séduisante. Encore une fois, je vous rappelle qu'un des reproches que certains groupes font à ce projet de loi, c'est de mettre sur pied trop de structures. Remarquez que nous mettons sur pied, en fait, une seule structure puisqu'il y en a déjà deux et nous en créons une troisième qui sera finalement relativement légère, sauf que nous additionnons beaucoup de choses à la responsabilité de la régie qui englobera le Bureau de surveillance. Vous avez donc trois structures plutôt que sept, comme le proposait le rapport Fournier. Mais même avec ces trois structures qui apparaissent, je pense, à tout le monde le strict minimum, certains nous font le reproche d'en créer trop. Voilà qu'un conseil de surveillance serait une nouvelle structure composée de dix membres dont un président. Vous avez tout compris et je vous cède la parole.

Le Président (M. Dussault): M.

Théberge.

M. Théberge: M. le Président, en ce qui concerne votre première observation, M. le ministre, la règle des 5% du budget du ministère des Affaires culturelles pourrait aussi avoir un rôle de - comment dire? -régulation. Admettons que, dans le cours d'une année fiscale, pour une raison ou une autre, les revenus provenant de taxation et de permis, etc., baissent, par exemple, s'il se vend moins de vidéo-cassettes que l'année précédente. Si les revenus de taxation baissent, par conséquent, les 5% du budget du ministère des Affaires culturelles pourraient assurer un certain balancement ou contrecarrer des manques à gagner, puisque les budgets des ministères augmentent généralement au moins un peu chaque année.

Or, ce qui se dégage de cela, la raison pour laquelle on insiste là-dessus, c'est qu'on veut être assuré, au fond, de la volonté réelle du gouvernement d'injecter tout de suite des sommes suffisantes - je ne dis même pas considérables, mais suffisantes - pour assurer non seulement la survie, mais le développement du cinéma. On en a parlé suffisamment depuis trois jours, je pense qu'on n'a pas à insister là-dessus. On voudrait être assuré de façon formelle, si possible dans le projet de loi, que cette volonté existe et que cela va se faire.

Quant au conseil de surveillance, bien sûr, c'est une structure de plus, mais il faut bien se rendre compte que cette structure peut être fort utile. J'ai mentionné que ce conseil de surveillance pourrait être bien habilité ou mieux habilité qu'une seule personne ou trois personnes à l'intérieur de la régie à déterminer le consensus pour ce qui concerne l'ordre public et les bonnes moeurs.

Je pense que les retombées politiques, si on peut employer ce terme, pourraient être assez positives. On soustrairait la détermination de l'ordre public et des bonnes moeurs à des gens qui, finalement, relèvent du ministre, évidemment, mais qui ne sont pas nécessairement en consultation constante avec le milieu. Ils le sont, mais ils pourraient ne pas l'être et on voudrait que le conseil de surveillance, par les fonctions, les droits et les mécanismes qui sont prévus, soit en mesure de faire faire les études, d'aller sur le terrain, pour ainsi dire, et de recueillir des opinions au Québec ou ailleurs pour déterminer ce que sont l'ordre public et les bonnes moeurs.

Je pense que c'est une façon de... Ce conseil serait un instrument très raisonnable et très utile, d'autant plus qu'il serait public et constitué de gens qui s'intéressent à la surveillance du cinéma. Je pense que cela aiderait à calmer des esprits, bien souvent, lorsque, apparaissent des conflits, que ce soit pour des questions d'obscénité ou des questions politiques, par exemple.

M. Richard: Seriez-vous disposés à sacrifier les coûts engendrés par ce nouveau conseil de surveillance, puisque...

M. Théberge: Vous voulez dire les prendre sur le budget de l'institut?

M. Richard: Comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises, si l'État intervient et décide d'injecter davantage d'argent pour le développement d'une cinématographie nationale, s'il y a trop de structures qui absorbent ces montants, cela ne donnera pas beaucoup de chances à la création. C'est pour cela que j'ai voulu éviter la multiplication des structures. Et là, vous m'en proposez une qui m'apparaît quand même assez lourde.

M. Théberge: C'est une structure de plus, mais nous ne croyons pas que ce soit une structure de trop.

M. Richard: Merci, M. Théberge.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: M. le Président, je voudrais mentionner moi aussi la rigueur que vous avez mise à préparer ce mémoire. Il y a quand même certains détails qui m'échappent. À la page 3, par exemple, vous avez ajouté, en faisant la lecture de votre mémoire, au niveau de la définition de "production québécoise", que vous vous inspiriez d'un texte qui existe déjà dans l'aide à la production des entreprises québécoises, si j'ai bien saisi, ou...

M. Théberge: Oui. Ce sont les règlements qui ont été faits par l'institut, selon le mandat de la loi de 1975, et qui déterminent, aux fins de l'aide par l'institut, aux fins de l'accès à l'investissement, aux subventions et ainsi de suite, ce que sont des productions québécoises et des sociétés québécoises. Je les ai citées ici. Ce sont des définitions qui, je pense, sont justes dans le contexte actuel.

Mme Bacon: D'accord. Qui étaient pour vous acceptables pour en faire une proposition, en fait.

M. Théberge: C'est très acceptable pour nous.

Mme Bacon: C'est cela.

M. Théberge: C'est pour cela qu'on les intègre à notre mémoire et qu'on voudrait qu'elles soient intégrées à la loi.

Mme Bacon: D'accord. S'il y avait, par exemple, un projet américain qui, selon les critères d'aide de l'institut, voulait diffuser au Québec certains aspects culturels propres au Québec, en feriez-vous une production québécoise, lui donneriez-vous le qualificatif de production québécoise si c'était fait par les Américains? On en revient évidemment à la notion culturelle si on développait davantage.

M. Théberge: On revient à la définition. Vous nous dites: Si des Américains ou une maison de production américaine demandait de l'aide à l'institut.

Mme Bacon: Qui répond à des critères.

M. Théberge: L'ensemble des actionnaires d'une maison de production américaine n'est certainement pas québécois.

Mme Bacon: Non. À ce moment-là, l'institut ne l'accepterait pas.

M. Théberge: Je ne pense pas qu'il pourrait l'accepter. Cela ne s'est pas fait jusqu'à maintenant, d'ailleurs.

Mme Bacon: Parce qu'on revient toujours à la notion culturelle quand on parle de production québécoise, d'industries et d'entreprises québécoises. Cela revient à la notion culturelle, ce qui est québécois. Comment pourrait-on inclure cela dans la production québécoise? Y aurait-il une possibilité d'en dire davantage ou devrait-on se limiter à ce qui existe déjà que vous transposez ici dans votre mémoire? Peut-on aller plus loin que ce que vous avez suggéré?

M. Théberge: Je ne pense pas qu'on puisse aller plus loin. Il ne faut quand même pas être trop restrictif ou "encorseteur" et créer des définitions de trop. J'espère que je réponds un peu à votre question.

Mme Bacon: Oui. À la page 7, vous suggérez, au no 18: "Le ministre propose au gouvernement la nomination de quatre autres membres, après consultation des membres déjà nommés en vertu de l'article 16, parmi les principaux groupes, associations et organismes intéressés par la défense des intérêts culturels du Québec." Que faites-vous du public ou des spectateurs, à ce moment-là?

M. Théberge: Justement.

Mme Bacon: Les incluez-vous automatiquement?

M. Théberge: Oui, oui. Un membre du public qui est nommé à l'institut, on présume qu'il s'intéresse au cinéma ou au développement culturel du Québec. Il me semble que ...

Mme Bacon: Cela va de soi.

M. Théberge: ...la présomption est positive.

Mme Bacon: D'accord. À la page 9, on revient au chapitre III, vous suggérez, au lieu de doublage, qu'il soit toujours fait mention de sous-titrage ou doublage. Est-ce que vous pensez que cela répond aux désirs de la population qu'il y ait toujours ce sous-titrage ou doublage? (17 h 45)

M. Théberge: C'est une question à double tranchant. On dit, avec justesse, je pense, que les gens préfèrent voir des films doublés. On en a parlé, depuis quelques jours, ici à la commission. Cette mention de sous-titrage ou doublage est suggérée par nous un peu dans l'esprit de faciliter l'application de cet article. Si un producteur ou un distributeur ne trouve pas le temps, pour une

raison ou pour une autre, mais on présume de bonne foi, de nous fournir une copie doublée, quoiqu'on ait eu tendance à prouver qu'il pouvait très bien la fournir, qu'il puisse au moins procéder à un sous-titrage, qui prend beaucoup moins de temps et qui coûte beaucoup moins cher. On a cité le chiffre de 1500 $. Je pense que c'est un peu plus que cela, mais c'est loin d'être énorme, surtout si on considère que c'est un investissement qui peut être récupéré très facilement, en quelques jours, surtout si c'est un film populaire.

Mme Bacon: J'ai de la difficulté à voir un film sous-titré, par exemple.

M. Théberge: Oui...

Mme Bacon: II y a beaucoup de gens comme moi.

M. Théberge: J'allais continuer là-dessus. Si on donne la chance au distributeur de distribuer des films sous-titrés, évidemment, cela va choquer au début, cela va déranger, mais il faut bien considérer que cela risque fort bien de créer des habitudes de consommation qui, à mon sens, comme réalisateur, comme créateur, vont plus dans le respect de l'oeuvre originale ou intégrale. On a parlé de couleur, de ton et de tout ce qu'on voudra, hier, quand Mme Deschâtelets, de l'Union des artistes, est venue faire ses observations, ses suggestions. Il existe des pays - comme je le dis à la fin de notre mémoire - beaucoup plus petits que le nôtre où il n'entre pas un seul film, que ce soit sur les écrans, dans les salles ou à la télévision, qui soit doublé. Ils sont tous, sans exception, sous-titrés quand ils sont en langue étrangère. Les gens, dans ces petits pays, l'acceptent et lisent les sous-titres. Ils comprennent très bien et ont aussi accès à la couleur originale, à la saveur originale ou à l'intention originale de l'auteur.

Mme Bacon: Vous voulez changer les habitudes?

M. Théberge: Mais cela se fait très bien dans certains pays et même, dans un petit pays que je ne nommerai pas, il m'est arrivé de regarder la télévision avec les sous-titres, évidemment, dans cette langue étrangère, que je comprenais plus ou moins, et on a tourné le bouton et on a capté une émission qui venait d'Allemagne. C'était une émission américaine, c'était "Roots", qui passait en même temps à la télévision danoise. C'est le petit pays en question. On voyait la version sous-titrée en danois sur un canal et, sur l'autre canal, de l'autre côté de la frontière, on voyait l'émission qui venait d'Allemagne, "Roots" en allemand. Les gens se marraient, ils disaient: C'est impossible, cela n'a aucun bon sens, même s'ils comprenaient l'allemand. Alors, ça se crée, des habitudes de consommation dans ce sens-là. Je pense que ça peut être une bonne façon de le faire.

Mme Bacon: II faudrait qu'on change nos habitudes.

M. Théberge: Oui, pourquoi pas?

Mme Bacon: II faudrait en prendre d'autres, quoi. À la page 12, vous demandez évidemment au gouvernement d'avoir une volonté politique d'investir les sommes nécessaires et de donner le coup de collier nécessaire. Vous souhaitez que les gouvernements qui suivront fassent la même chose. Je pense qu'avec mes collègues, nous avons pris bonne note aussi de votre demande, à la page 12.

M. Richard: Vous savez ce que votre collègue, la députée de L'Acadie m'a dit quand on disait qu'on prenait bonne note...

Mme Bacon: ...mais ce sont mes anciennes habitudes de ministre...

M. Richard: ...que ça ne menait à rien. Elle a dit que ça ne menait à rien et que ça ne voulait rien dire.

Mme Bacon: Je fais comme le ministre.

Le Président (M. Gagnon): M. Théberge, est-ce que vous avez terminé? M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: M. Théberge, au nom de l'Opposition et de mes collègues ici, ça me fait plaisir de vous féliciter vraiment pour, d'après moi, un des beaux dossiers que nous avons reçus. C'est vraiment fouillé, c'est constructif, c'est rempli de saines critiques et, en même temps, de suggestions des plus positives. Vous avez tous nos remerciements pour votre beau travail.

M. Théberge: Nous l'avons fait dans cet esprit.

Le Président (M. Gagnon): Alors, merci, M. Théberge. Il est déjà...

M. Théberge: Si vous le permettez, M. le Président, pour terminer sur une note un peu plus légère, j'aimerais citer une critique d'un film qui a été fait en 1947 à Québec, au Québec, et dont le titre de travail, c'est-à-dire le titre du scénario était "Rendez-vous au Château Frontenac". C'est devenu "Forteresse", le fameux film qui est sorti en 1947.

J'ai ici une critique qui a été faite de ce film, ce film qui a été tourné à Québec

avec des acteurs américains pour une partie, et on doublait le tournage pour le faire. Vous vous rappelez sans doute. Je vous cite ce critique: "Trêve de charité chrétienne! Maintenant qu'il s'agit d'exportation, de linge sale et de la famille, comme "Le Père Chopin" de mélancolique mémoire, la "Forteresse" sera, pour de nombreux Français, Belges, Suisses, la première image du Canada qu'ils aient jamais vue. "Supposons que notre devoir soit de leur annoncer l'événement. Ma foi, je ne vois pas qu'on puisse le faire, sauf en leur tenant à peu près ce langage: c'est un film à la Hollywood qu'on vous passe via le Canada, c'est-à-dire, pauvres amis, ce qu'il y a de plus stéréotypé. Vous verrez des acteurs dont les noms ont des résonance qui vous feront sûrement plaisir (je ne citerai pas ces noms)." Et un peu plus loin on dit: "Vous pourrez voir aussi des extérieurs qui sont magnifiques et qui, sur l'écran international, sont à coup sûr inédits."

On termine cette lettre aux amis étrangers de Suisse, de Belgique et de France: "Or, chers amis, ce n'est pas là, pas encore tout à fait, le centre culturel du Canada. On vous permettra sans doute un jour d'admirer de nous un portrait qui soit de meilleure main." Cela date de 1947, c'était dans le journal Le Clairon, je présume celui de Saint-Hyacinthe, et c'est signé René Lévesque.

M. Richard: Je dois vous dire, M. Théberge, qu'au moment où j'ai présenté le projet de loi sur le cinéma au Conseil des ministres, je l'avais accompagné d'une critique du film "Ti-Coq", signée également par René Lévesque.

M. Théberge: J'espère que ça lui a fait plaisir.

M. Richard: ...et j'en avais donné une copie à tous les collègues du Conseil des ministres.

M. Théberge: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Théberge, et merci aussi aux gens qui vous ont accompagné. Merci à l'association que vous représentez. J'inviterais maintenant... On me demande de suspendre la séance jusqu'à 18 heures, question de relaxer un peu. Est-ce que vous êtes d'accord pour suspendre les travaux de la commission jusqu'à 18 heures? Il ne faudrait pas dépasser 18 heures, n'est-ce pas?

Une voix: Je m'occupe de mon équipe.

Le Président (M. Gagnon): La commission permanente des affaires culturelles suspend ses travaux pendant dix minutes, jusqu'à 18 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 53)

(Reprise de la séance à 18 h 06)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît. Lors de la suspension, soi-disant pour dix minutes, nous en étions à inviter un Groupe de propriétaires de salles de cinéma. Je crois que c'est M. Gilbert?

M. Gilbert (André): Oui.

Le Président (M. Gagnon): Je vous invite à prendre la parole, à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à nous faire lecture de votre mémoire.

Groupe de propriétaires de salles de cinéma

M. Gilbert: Merci. À ma droite, se trouve M. Tom Farmanian et, à ma gauche, M. Yvon Myner.

M. le Président, M. le ministre, messieurs de la commission, premièrement, j'aimerais faire une correction à la septième ligne de la page 1: au lieu de l'article 85, ce serait 79, s'il vous plaît. À gauche. Ensuite, à la page 2, une addition à la troisième ligne du bas où on dit: "salles de province qui pourraient jouer les films...". Ajouter, s'il vous plaît, les mots "après ou".

Représentations des propriétaires indépendants de salles de cinéma présentant des films en version anglaise auprès de la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi no 109 appelée: Loi sur le cinéma et la vidéo. Les présentes ont pour but de mettre en lumière l'article 79 lequel sera à notre égard d'une telle rigueur qu'il nous forcera à fermer nos commerces dans lesquels nous avons investi nos expériences et notre argent.

Nous croyons avoir le droit le plus strict de présenter à notre clientèle de langue anglaise les films de leur choix et de ne pas les pénaliser parce que la version française n'est pas prête en même temps.

Nous approuvons le principe du projet qui veut favoriser la présentation au public de la version française dans les délais raisonnables. Cependant, il existe actuellement des salles qui présentent, dans certaines villes à fort pourcentage d'anglophones, des films en version anglaise.

Nous croyons que ces citoyens sont des Québécois à part entière et que les délais ou restrictions avancés dans le projet de loi brimeront leurs droits. Le délai de 60 jours pour obtenir une version française ou l'annulation du visa de la version anglaise fera que nous, des salles de province,

sommes voués à ne plus être en mesure d'obtenir de produit, si ce ne sont les films de second ordre refusés par les grands circuits. De plus, imaginez qu'après 60 jours, le film sera obligatoirement retiré de l'affiche pour une période de 180 jours, soit six mois, après quoi un visa pour une seule copie sera délivré.

Ce qui veut dire que les salles multiples de Montréal ou de Québec accapareront cette copie pendant de longues périodes et nous priveront ainsi du produit. Alors, pourquoi ne pas donner de permis, visas spéciaux ou spécifiques, à cette demi-douzaine de salles de province qui pourraient présenter les films après ou en même temps que leur sortie à Montréal en version anglaise?

C'est pour ces raisons que nous sommes ici aujourd'hui et afin de fournir aux membres de la commission un complément d'explication.

Messieurs Jean Bessette et Jean Paiement avaient un voyage organisé cette semaine - on était censés passer la semaine dernière - et c'est la raison de leur absence.

Nous avons sûrement le mémoire le plus court, mais non le moindre, puisque le projet de loi semble faire de nous des victimes. Nous sommes devant vous pour essayer de trouver une façon, une solution à ce qui nous semble un problème de survie. Je m'excuse, c'est une addition que je fais aujourd'hui. Nous savons que nous touchons un aspect très sensible du projet de loi. Malgré notre approche peut-être maladroite, nous aimerions sortir de cette commission plus sécurisés. Nous avons pensé vous suggérer que les distributeurs soient amenés par loi à fournir à ces salles dites de province des copies additionnelles qui nous permettraient de présenter ces films dans nos salles en même temps ou du moins en dedans des 60 jours.

L'article actuel nous pénalise et nous croyons qu'une réglementation adéquate irait même jusqu'à nous avantager sur la présente situation en nous assurant des copies dans de plus brefs délais. Nous répondons à un besoin spécifique pour une clientèle spécifique et nous croyons que cette clientèle est en droit de voir les films récents. Nous tenons à vous assurer que nos salles présentent des films en version anglaise 52 semaines par année et non pas à l'occasion d'un grand succès commercial.

En terminant, nous tenons à vous confirmer que nous avons l'appui de l'Association des propriétaires de cinémas du Québec, laquelle association aura le loisir de se faire entendre demain.

Un exemple qui peut survenir est la sortie - vous avez plusieurs films qui sortent en anglais à l'occasion de Noël, de Pâques ou à des saisons spécifiques - de six, sept ou huit films en version anglaise à Montréal. Comment nous, les salles de province, pourrons-nous avoir en 60 jours le temps de présenter ces films? C'est mathématiquement impossible, parce que, si vous avez un écran à Sherbrooke et qu'il y a huit films, deux mois, c'est assez difficile, surtout si vous avez un film qui garde l'affiche pendant deux ou trois semaines. Dans toute la province, on a dénombré onze salles où passent des films en anglais en plus des cinq qui sont représentées ici aujourd'hui.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Gilbert. M. le ministre.

M. Richard: Je voudrais vous remercier, M. Gilbert, et en même temps vous poser une question. Vous vous dites en accord avec les objectifs poursuivis par le projet de loi, notamment les objectifs qui visent la majorité de la clientèle cinématographique québécoise. Mais vous exprimez des craintes, en ce sens que les dispositions de l'article 79 pourraient en quelque sorte vous écarter des films que vous appelez de premier ordre. Au moment où on se parle, est-ce que vous avez accès aux films de premier ordre et dans quel délai? Vous et vos membres.

M. Gilbert: Toujours en version anglaise?

M. Richard: Oui.

M. Gilbert: Nous les avons. Les films sortent à Montréal. On peut les avoir en même temps. On peut les avoir trois semaines après selon la disponibilité des copies. À l'occasion, nous les avons en même temps.

M. Richard: À l'occasion? Mais, généralement, dans quel délai avez-vous ces films dits de premier ordre?

M. Gilbert: Trois semaines, quatre semaines, cinq semaines, après la sortie à Montréal.

M. Richard: Cinq semaines après la sortie à Montréal.

M. Gilbert: Oui.

M. Richard: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je tiens à vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Je comprends vos inquiétudes. Dans un premier temps, vous faites mention, à la page 3, qu'après le délai de 180 jours, il n'y a qu'une copie disponible. Je comprends que vous fassiez la proposition afin qu'il y ait des mesures d'exception pour

les cinémas de province, afin de pouvoir obtenir lesdits films en question. C'est sûr que je ne peux pas vous répondre, étant dans l'Opposition, mais vous auriez aimé savoir du ministre s'il était réceptif à cette proposition. Je ne sais pas si je peux me permettre, en votre nom, de demander au ministre de nous donner une indication, à savoir s'il est possible de faire une étude pour avoir une forme d'exception pour ce qui est de la seule copie disponible après le délai de 180 jours. (18 h 15)

M. Richard: Oui, mais auparavant j'aimerais poser une autre question à M. Gilbert, si vous me le permettez. Dans la mesure où vous me dites que, normalement, en moyenne, vous avez les films de premier ordre deux ou trois semaines après leur sortie à Montréal, cela fait vingt et un jours. La loi parle de 60 jours. Comment expliquez-vous qu'en même temps vous puissiez être pénalisés par les 60 jours? 11 reste une quarantaine de jours.

M. Gilbert: Si vous avez un écran qui projette un film en anglais, par exemple, à Sherbrooke et que vous avez accès à six, sept ou huit films, vous ne pouvez pas les passer tous en même temps. Alors, la date de départ du premier film ou des sept ou huit films est la même. Si les films sortent le 25 décembre, tous les huit sortent le 25 décembre. Alors, que j'en aie un de ceux-là le 25 décembre, il en reste tout de même six. Si je le passe pendant trois ou quatre semaines, l'accumulation des semaines fait que mes 60 jours sont écoulés et que je n'aurai même pas le temps de les faire passer.

M. Richard: À la lumière de votre expérience, quelle réponse apportez-vous à ceux qui prétendent qu'en ne comptant que 280 salles commerciales de cinéma il n'est pas toujours possible de présenter en même temps plusieurs copies d'un même film?

M. Gilbert: C'est possible parce que cela reste tout de même aussi un commerce. Je vois très mal le distributeur, qui est obligé de faire venir 25 copies d'un film, avoir une recette moyenne parce qu'en fin de compte il va travailler juste pour les laboratoires.

M. Richard: Mais ce n'est pas à cause de la non-disponibilité des salles?

M. Gilbert: Non, les salles sont là, mais il reste que c'est un commerce. C'est la loi de l'offre et de la demande.

M. Richard: Trouvez-vous...

M. Gilbert: Mais c'est à cause du délai; on pense qu'on peut être pénalisés parce que, dans les 60 jours, justement, on ne pourra pas faire passer tous ces films qui partent à une même date. Et c'est courant. C'est très courant parce que les sorties se font à des dates précises quatre ou cinq fois par année, avec des lancements nationaux.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, est-ce que vous aviez terminé?

M. Richard: Cela va.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le député de Marquette, est-ce que vous aviez terminé?

M. Dauphin: Je pense que monsieur voulait ajouter quelque chose.

M. Myner (Yvon): Je voudrais peut-être apporter un exemple. Il pourrait y avoir un film sorti à Montréal, avec cinq copies, par exemple, et que ces cinq copies soient accaparées par les circuits. Devant un succès qui pourrait découler de cette exploitation, qui pourrait durer quand même 60 jours, on n'a pas la disponibilité de ces copies. Il est normal que, s'il y a cinq copies et que c'est un film commercial à Montréal, ce soient les circuits qui les passent en priorité. C'est tout simplement une question économique, on va les passer là où on fait le plus d'argent pour commencer, mais s'il n'y a plus de temps après que les 60 jours sont écoulés, nos commerces sont bâtis sur la présentation de films en anglais et on se trouve à être pénalisés de ce fait, car on ne pourrait pas avoir le délai nécessaire pour passer les films.

À ce moment-là, j'interpréterais la loi comme favorisant le circuit et nous, qui sommes des commerçants de petites entreprises pour qui il est vital d'avoir les films accessibles dans les délais de 60 jours, sommes pénalisés. Présentement, on n'est pas en mesure d'évaluer de quelle façon cela va nous pénaliser mais, au lieu de subir la loi, on dépose ce mémoire pour se faire entendre et essayer de se faire protéger. Montréal est un grand centre, mais il reste qu'il y a des endroits dans la province de Québec où il y a d'autres gens, comme nous, qui présentent du cinéma en anglais. C'est quand même notre commerce et, comme je vous le dis, on est de petites entreprises et on voudrait se faire protéger. Encore là, ce n'est pas faire du cinéma à l'occasion, nous présentons des films 52 semaines par année et depuis longtemps; on ne voudrait pas se faire couper l'herbe sous les pieds par la nouvelle loi.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: Je saisis bien le problème que vous exposez mais, en même temps, il y a quelque chose que je n'arrive pas à comprendre. Quand vous me parlez d'un film en cinq copies, cinq copies en langue anglaise disponibles pour 60 jours chacune, cela fait un nombre considérable de représentations. Cela signifie déjà que le film est un succès et, s'il est un succès, vous touchez du doigt le véritable problème, cela veut donc dire qu'il vaut la peine d'être doublé. 300 jours de représentations à deux, trois ou quatre représentations par jour, vous vous imaginez ce que cela représente comme succès? C'est justement l'objectif de la loi. Quand il y a un pareil succès, on veut imposer le doublage ou le sous-titrage d'un tel film.

M. Gilbert: Si on prend un succès, je suis bien d'accord, mais on doit prendre aussi des films à recettes moyennes dont vous ne faites doubler que deux copies. On ne présente quand même pas des films à grand succès 52 semaines par année, il n'y en a pas. Les films moyens, on doit les présenter aussi et il y a des films qui ont une valeur en version anglaise que les Québécois de langue française n'apprécieront pas de la même façon à cause du sujet du film. Si c'est un gros succès de Broadway, cela touche peut-être moins la clientèle canadienne-française que celui qui parle anglais. Si la compagnie ne double que deux copies, on aura deux copies anglaises. Si on prend le circuit de seize salles à une semaine chacune, cela fait déjà quatre mois.

Le Président (M. Gagnon): M.

Farmanian.

M. Farmanian (Tom): Je vais vous donner un exemple et vous me direz ce que vous en pensez. Supposons qu'on a un film qui sort à Montréal en deux copies, le film a un succès moyen, très moyen. Peut-être que cela va s'adresser à la population anglaise, comme M. Gilbert le disait. Sur 60 jours, ils vont le garder - une copie ou deux copies -peut-être 30 jours ou 40 jours à Montréal. Ensuite, comme il reste 20 jours et deux copies pour seize salles, qui va prendre le film? Ce sera la loi du plus fort et les autres, assoyez-vous là et attendez. C'est un exemple. La disponibilité joue aussi là-dedans. S'il ne reste que 20 jours pour présenter le film et qu'on a déjà quelque chose de programmé, on perd automatiquement ce film et peut-être qu'on n'aura rien à présenter un peu plus tard. Je parle de films moyens. Je ne sais pas si vous suivez mon idée.

M. Gilbert: Le problème ne se pose pas pour les gros succès - il y a cinq ou dix films par année à grand succès - ce sont les 42 autres semaines pendant lesquelles il faut vivre. C'est pour les films moyens qu'on a de la difficulté à s'approvisionner.

M. Farmanian: C'est la loi du marché aussi. Si on parle du distributeur, c'est sûr qu'il va faire plus d'argent dans les grands centres qu'à Sainte-Adèle, à Cowansville ou à Grenville. C'est la loi du marché aussi. Avec un amendement comme celui-là, 60 jours, ils vont aller où il y a de l'argent, les distributeurs, et je ne les blâme pas.

M. Richard: Oui, je comprends, mais quand il n'y a que deux copies d'un film anglais, vous êtes quand même obligés de vous battre pour savoir lequel d'entre vous va avoir l'une ou l'autre de ces copies.

M. Farmanian: Oui, mais, si on a un temps limité, lui va le présenter, moi, je vais le présenter après, un autre va le présenter aussi et cela va dépasser largement les 60 jours.

M. Gilbert: Ce qui arrive à l'occasion aussi c'est que Toronto va nous prêter des copies pendant une période de trois semaines juste pour libérer les situations anglaises et les copies retournent.

Le Président (M. Gagnon): M. Myner, vous aviez demandé la parole.

M. Myner: En somme, on ne parlera pas des films à gros succès par exception parce qu'ils sont peut-être quatre ou cinq par année. C'est assurer une continuité sur 52 semaines. Moi je dis qu'on risque de ne pas avoir cette sécurité de pouvoir présenter pendant 52 semaines les films en version anglaise, comme nous l'avons fait dans le passé. En plus de cela, il faut se battre continuellement contre la compétition qui devient de plus en plus grande si on regarde la télévision payante, la vidéo. Présentement, on attend les copies après les circuits dans les grandes villes. Souvent cela dépasse le délai de 60 jours. Pour l'instant, cela ne nous touche pas tellement parce qu'on peut présenter quand même après 60 jours. Il reste que si la loi est appliquée dans le délai de 60 jours, on va être pénalisés.

Je reviens encore. Je me suis voué à mon commerce. J'ai agrandi mon commerce. Je n'ai pas délaissé le cinéma français parce que j'ai deux salles de cinéma. Je présente dans une salle le français et dans l'autre salle l'anglais. Je ne voudrais pas vraiment avoir dépensé mes énergies pour en venir à recommencer à zéro par la force des choses, si nous sommes obligés de fermer nos portes à cause d'une loi qui jouerait contre nous.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Marquette. Est-ce que vous aviez

terminé?

M. Myner: Je veux bien préciser ici. On n'est pas contre la loi elle-même. C'est qu'on veut, parce qu'on est des indépendants, avoir un délai raisonnable pour pouvoir présenter ces films du fait qu'on est obligé d'attendre après une première présentation dans les gros circuits.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Je n'ai pas d'autre question. Je pense qu'il y a d'autres collègues qui veulent en poser. C'est qu'effectivement, vous le dites vous-mêmes, vous êtes d'accord avec les objectifs de francisation, de doublage en même temps. Évidemment, en période de récession, ce n'est pas le temps de fermer des commerces. Là-dessus je suis entièrement d'accord avec vous. Je veux juste que le ministre en prenne vraiment bonne note. Je suis entièrement d'accord avec vous là-dessus.

M. Richard: J'en prends bonne note, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Si je comprends bien votre problème, ce qui vous fait le plus peur, ce qu'on appelle, entre nous, le tunnel de 180 jours où le film disparaît de la circulation, c'est cela qui vous fait peur.

M. Myner: 180 jours de délai avec la télévision payante. Avec la télévision conventionnelle, vous avez le vidéo, vous avez de nombreux compétiteurs qui travaillent contre nous. Nous ne sommes pas capables de nous protéger, de protéger notre commerce qu'on s'est acharné à bâtir.

M. Hains: Je veux dire que c'est cela qui vous fait peur, ce sont les 180 jours où toute version disparaît. Il n'y a pas eu de version française de sortie.

M. Myner: C'est cela.

M. Gilbert: Oui parce que le film a perdu tout son impact. Vous ressortez un film six mois après; il est passé autre chose.

M. Hains: II pourrait encore, même là, être très bon. Le sortir à seulement une copie. Imaginez, ce n'est qu'une copie à présenter. C'est encore un autre handicap qui va vous brimer. Oui.

M. Farmanian: C'est comme on dit. Déjà à Sainte-Adèle, on a le câble depuis quatorze ans, la télévision à péage s'en vient à grands pas, et il y a déjà quatre clubs vidéo. Cela ne nous facilite pas les choses. Comme M. Myner dit, je ne délaisse pas le cinéma français non plus. On a une deuxième salle qui en présente en français.

M. Hains: Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Châteauguay, après, ce sera Mme la députée de Chomedey.

M. Dussault: Moi aussi, je trouve un peu curieuse la situation qu'on nous présente. On nous répète du côté de l'Opposition continuellement que les films anglais ne sont pas vus par les francophones par le biais du doublage. Il semblerait, à les entendre, que la version anglaise est utilisée par les anglophones. Quand nous aurons droit enfin à des versions françaises en même temps que l'original anglais, est-ce qu'on ne peut pas penser que le besoin de la copie anglaise va être moins considérable, qu'on en aura besoin moins longtemps à Montréal, la copie anglaise deviendra plus rapidement disponible pour les régions.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Châteauguay, j'ai une question de règlement.

M. Dussault: II me semble que c'est cela la logique qu'on devrait regarder.

Le Président (M. Gagnon): Question de règlement... (18 h 30)

M. Dussault: On aura satisfait les deux, mais, le jour où les francophones cesseront d'aller voir des films en anglais parce qu'ils auront leur copie...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député.

M. Dussault: ...cela libérera pour ces gens-là la copie en anglais.

Le Président (M. Gagnon): M. le député! M. le député! Une question de règlement, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: M. le député de Châteauguay, avez-vous pensé que les gens à qui nous parlons actuellement s'occupent de cinéma exclusivement en anglais? Est-ce que je me trompe? Il n'est plus question ici de doublage, de sous-titrage ou de n'importe quoi. On parle de ces gens, qui sont nos invités ce soir et qui ont des salles où ils projettent des films en anglais. C'est pour cette raison qu'on insiste là-dessus. C'est là, pour eux, qu'est le gros handicap.

M. Dussault: J'ai compris tout cela, M.

le député de Saint-Henri. J'ai aussi compris...

Le Président (M. Gagnon): Bon! Je n'ai pas compris une question de règlement. C'était une question de...

M. Hains: Je voulais souligner un point.

M. Dussault: Oui, c'est cela. J'aimerais pouvoir terminer.

Mme Bacon: Est-ce que je dois soulever, M. le Président, une question de règlement?

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: II est peut-être tard; le député de Châteauguay n'a pas compris l'Opposition. Ce qu'on a dit - et je pense que c'est dans certaines statistiques - c'est qu'il n'y a pas que les anglophones qui vont voir des films en anglais. Il y a les francophones aussi qui vont voir des films en anglais...

M. Dussault: Oui, parce qu'ils ne les ont pas en français. C'est ce qu'on dit.

Mme Bacon: ...parce qu'ils aiment cela. Ils les voient en anglais parce qu'ils veulent y aller.

M. Dussault: C'est ce que vous pensez, mais ce n'est pas comme cela, la réalité.

Mme Bacon: II ne faut quand même pas diriger les gens par la main et ce n'est pas ce que l'Opposition a dit. Il y a même 70% des francophones qui vont au cinéma anglophone. Je ne vois pas pourquoi vous nous dites que nous sommes contre cela.

M. Dussault: M. le Président, puis-je continuer?

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, c'est clair que présentement l'original anglais sert aux deux groupes, les francophones et les anglophones, ce qui veut dire qu'on a besoin d'un certain nombre de copies anglaises. Le jour où on aura l'original français, on n'aura plus besoin, à Montréal, d'autant de copies anglaises. Elles deviendront disponibles pour les salles qui veulent les projeter en anglais. Elles les auront plus vite, en plus, parce que, comme on en aura besoin moins longtemps à Montréal, elles seront plus rapidement disponibles en région. Deuxièmement, j'ai l'impression qu'un de ces jours les propriétaires de salles vont devoir tirer la conclusion que le temps de présence de films en anglais chez eux devra diminuer. Ils devront changer leur politique. Ils devront peut-être avoir des salles qui vont faire de petits bouts en anglais et de grands bouts en français. On ne me fera pas croire que, dans leur région à eux, ce sont des populations très majoritairement anglophones. Cela change au Québec, en plus. Ce n'est pas comme il y a 20 ans dans les Cantons de l'Est. Les Cantons de l'Est se sont largement "francophonisés". Je pense que c'est un problème d'adaptation et je suis convaincu que ces gens ont toutes les facultés qu'il faut pour s'adapter. Pendant ce temps, on aura largement satisfait les francophones. C'est ce que veut le projet de loi. Tout le monde sera satisfait, M. le Président.

Mme Bacon: On aura satisfait le Parti québécois, voyons!

M. Mains: Peu importe qu'ils vident leurs cinémas.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Châteauguay, je pense qu'il y avait une réponse de M. Gilbert.

M. Gilbert: C'est peut-être simplifier -je regrette - un peu, parce que si vous prenez...

M. Dussault: C'est proche de la réalité.

M. Gilbert: ...une ville qui présente l'anglais, le français ne se présente pas nécessairement au même cinéma. Le français est présenté chez le concurrent. À ce moment-là, si je n'ai pas l'anglais ou, comme M. le député l'a dit, s'il faut s'adapter à présenter du français, il faut qu'il soit disponible aussi et on n'en a pas.

M. Dussault: II va être disponible maintenant.

M. Gilbert: Oui, mais il va l'être pour les autres, pour le compétiteur. Ce n'est pas comme cela que cela fonctionne du tout...

M. Dussault: Mais vous les avez...

M. Gilbert: ...parce que vous avez l'exclusivité.

Le Président (M. Gagnon): Non! Non! Non! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dussault: Je voudrais continuer.

Le Président (M. Gagnon): Cela va très mal pour ceux qui auront à enregistrer ces débats. Il ne faudrait tout de même pas que tout le monde parle en même temps. Avez-vous fini, M. Gilbert?

M. Dussault: Je voudrais continuer à poser des questions à monsieur.

M. Gilbert: Non. Je veux dire que ce sont tout de même des exclusivités. Le produit français est présenté à telle salle, est présenté au Roxy et moi, je présente au Capitol et je présente l'anglais. Je ne peux pas avoir les deux à la même salle. Cela me prive du produit d'une façon ou d'une autre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Monsieur a bien dit tout à l'heure qu'il y avait une attente de cinq semaines pour avoir le film en anglais. C'est le seul qui existe. Ils attendent cinq semaines. Ne peut-on pas penser, à un moment donné, que parce que le film en français sera populaire à Montréal ils auront à attendre aussi, mais, de toute façon, attendre pour l'anglais ou attendre pour le français, c'est attendre pareil? À un moment donné, vous allez avoir à subir des délais. Dorénavant, vous allez les subir au profit des francophones plutôt que de les subir au profit des anglophones. Je trouve que c'est un juste retour des choses. Je ne vois pas où est le problème.

Le Président (M. Gagnon): M. Gilbert, avez-vous...

Mme Bacon: Vengeance.

M. Dussault: II n'y a pas de vengeance là, Mme la députée de Chomedey.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse!

M. Dussault: Vous voudriez qu'il y ait de la vengeance de notre part, à nous. Ce que l'on cherche actuellement, Mme la députée de Chomedey, c'est la normalité des choses, un point, c'est tout.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse!

M. Dussault: Cela vous choque, la normalité...

Mme Bacon: Oh non! Cela m'amuse.

M. Dussault: ...je le sais, mais c'est cela, quand même, la réalité qu'on veut. C'est la normalité des choses.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. Gilbert, aviez-vous fini?

M. Gilbert: Oui, parce que cela revient toujours au même problème. Nous ne sommes pas contre. Nous sommes pour le fait que la copie ou la version française arrive plus vite.

Cependant nous expliquons que notre problème, c'est qu'à ce moment-là, nous n'avons pas de produit dans nos salles. Alors, est-ce que, pour avoir une copie française, il faut que je ferme ou que les 16 salles ferment? C'est ce qu'on veut savoir.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: M. Gilbert vous avez dit tantôt - je voudrais savoir si j'ai bien compris - qu'il vous arrive de recevoir quelques copies. Est-ce que vous avez plusieurs copies d'avance dans votre cinéma, par exemple, ou si vous recevez une copie de film à la fois, qui vous arrive - on comparait avec Montréal - avec une différence de quelques semaines? Vous n'en avez pas d'avance qui attendent d'être présentées? Vous avez une copie à la fois pour le nombre de jours où elle doit être présentée et ensuite, vous recevez une copie d'un autre film. C'est cela?

M. Gilbert: C'est exact, c'est le processus normal.

Mme Bacon: Alors, ce ne sont pas des copies qui attendent.

M. Gilbert: Ce n'est pas une banque de films qui est là.

Mme Bacon: Non, d'accord. Merci.

M. Farmanian: Si je peux vous éclairer, c'est que souvent on doit attendre la disponibilité d'une copie qui vient d'en dehors de la province, de Toronto, St. John ou Vancouver, et si les cinémas importants des grandes villes en ont fini. S'ils n'en ont pas fini, on attend, c'est aussi simple que cela, c'est une question d'argent.

Mme Bacon: Ce qui veut dire que vous ne pouvez pas faire une planification stricte de votre présentation de films.

M. Farmanian: On ne sait jamais; c'est du lundi au lundi, selon le succès obtenu dans d'autres villes au Canada, Montréal ou d'autres grands centres. À part cela il n'y a rien. On ne peut pas dire: La semaine prochaine, c'est cela; c'est lundi pour vendredi.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Myner.

M. Myner: Merci. J'ai pense clarifier davantage la question de la traduction de l'anglais au français. Chez moi, j'ai une salle de 360 sièges qui présente la version française et une salle de 165 sièges qui présente la copie anglaise. Je veux m'assurer

la continuité du produit anglais, parce que j'ai un marché pour mon produit anglais. Cela n'exclut pas le fait que, si la copie devient disponible en français, je le fasse passer en français. Si je peux faire passer les deux en même temps, ma clientèle aura le choix d'aller le voir soit en français, soit en anglais.

Mais ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est qu'actuellement j'ai un commerce que j'ai agrandi avec une clientèle anglaise et je voudrais avoir le même privilège que les circuits de pouvoir présenter le film chez nous dans un certain délai. Parce que le film n'est pas disponible, du fait qu'il est retenu par le circuit dans les grandes villes, je ne voudrais pas être pénalisé parce qu'on ne peut pas présenter le film dans ce délai. C'est tout simplement ce qu'on veut demander de prévoir dans la loi. Parce que, à cause des circuits qui retiennent le film, on ne peut pas l'avoir et on est pénalisé. Enfin, nous sommes de petites entreprises et on voudrait rester dans le commerce.

C'est tout simplement cela et je crois que cette demande est très légitime.

M. Richard: D'accord. Mais, si vous me le permettez, M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Richard: ...à partir du moment où les copies sont disponibles en français, cela les rend disponibles pour tout le monde. C'est ce qu'il faut comprendre.

M. Myner: Oui.

M. Richard: À partir du moment où elles sont disponibles en français, cela les rend disponibles pour tout le monde. Dans l'état actuel des choses, si j'exploitais un cinéma et que je voulais l'exploiter uniquement en langue française, comme exploitant de langue française, je serais pénalisé, parce qu'il faudrait attendre ma copie. Mais dans la perspective où tout le monde aura en même temps une copie, et en anglais et en français, comment serez-vous alors pénalisés? Parce que l'objectif de la loi, c'est permettre que tout le monde ait accès en même temps à un film ou en langue anglaise ou en langue française.

M. Myner: Je suis d'accord avec le préambaule de la loi, si vous voulez. Mais il reste qu'on a quand même un côté anglais et un côté français. Nos expériences passées nous laissent croire qu'on pourrait être pénalisé par un délai de 60 jours pour la présentation du film en anglais. Je n'ai aucune objection à le présenter en français aussitôt qu'il sera disponible. Même, s'il est disponible avant, je n'ai aucune objection, mais j'ai deux commerces à faire fonctionner et je voudrais qu'on puisse les faire fonctionner.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Je présenterai un autre cas, M. le ministre. J'aimerais que vous m'écoutiez pour voir si j'ai tort ou raison. Si, par exemple, on présente un film anglais pour avoir le visa et que le type dit: Non, je n'ai pas de preuve comme quoi... Je veux avoir une version française dans le moment. Vous lui donnez quand même, je crois, un visa de 60 jours.

Une voix: Voilà.

M. Hains: Si durant ce temps, le producteur se dit que, franchement, cela ne vaut pas la peine pour une raison ou pour une autre; il n'a pas assez de succès, cela ne colle pas du côté des Français; alors, il ne fera pas de version française. C'est permis. Alors ce qui arrive, il prend le tunnel de 180 jours, pour revenir après 180 jours, et il observe la loi. Il est en parfaite légalité, mais avec une seule copie. C'est là, je crois, qu'on pénalise ces gens pour des films, comme ils disent, dont souvent les gens ne feront pas de version française. Alors, au moment où le film serait presque disponible pour ces gens, vous l'envoyez dans le tunnel de 180 jours et vous les privez complètement parce que, six mois après, le film n'aura pas de valeur pour eux.

M. Richard: Non, non, mais...

M. Hains: Non, mais est-ce que je suis quand même dans le droit chemin en vous disant cela.

M. Richard: Oui, mais avec une erreur importante quand même, M. le député de Saint-Henri: c'est que, présentement, ce que vivent les francophones du Québec, c'est précisément cette situtation. Si vous avez raison, on pourrait dire que c'est sans intérêt pour les francophones puisqu'ils attendent trois, quatre, cinq ou six mois avant d'avoir droit à une présentation en langue française, souvent davantage...

M. Hains: ...ou pas du tout, c'est cela.

M. Richard: ...ou pas du tout. C'est cela la situation qui est vécue par l'ensemble de la clientèle cinématographique du Québec, par la majorité. Alors on dit que désormais on essaiera de voir à ce que les deux sortent en même temps, de telle sorte qu'au bout de la course, et j'en suis persuadé, vous serez avantagés parce que vous aurez la copie en version française et celle en version anglaise

et vous pourrez choisir d'exploiter vos salles comme vous le souhaitez. Autrement, c'est toute la communauté francophone du Québec qu'on pénalise. Si vous me dites que, pour vous, d'avoir le film trois mois plus tard, trois mois trop tard, c'est sans intérêt, que dites-vous pour la communauté francophone du Québec qui, souvent, doit attendre six mois, neuf mois, un an avant d'avoir droit à la version française. Cela m'apparaît encore beaucoup plus sérieux comme problème.

M. Myner: Je suis totalement d'accord avec vous.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Myner.

M. Myner: D'accord, merci. Je suis totalement d'accord avec vous. On n'est pas contre le principe de sortir, si vous voulez, ce qu'on appelle communément chez nous un "day and date". On est d'accord, si on pouvait arriver à faire cela. Présentement, ce que nous présentons devant vous, c'est que nous avons des commerces qui fonctionnent avec des films anglais. Nous voulons pouvoir continuer à avoir le privilège de présenter ces films. On a peur que le délai de 60 jours ne soit pas suffisant pour nous permettre d'avoir les films disponibles pour les présenter dans nos cinémas. Je ne suis pas contre le fait de les avoir en français avant ou après ou en même temps. 0e fais une représentation pour mon cinéma qui est présentement anglais. Je suis inquiet de ne pas pouvoir obtenir les films pour les présenter dans le délai de 60 jours. C'est tout simplement cela.

Le Président (M. Gagnon): M. Gilbert.

M. Gilbert: En fin de compte, ce pourquoi nous sommes ici, c'est surtout pour le délai. On ne discute pas sur la nécessité de sortir des films dans les deux versions. Cela est acquis, cela doit se faire et bravo! Mais on ne veut pas fermer pour cela. Le délai est trop court pour nous.

Dans une situation où, M. le ministre, où les deux écrans vous appartiennent et vous êtes le seul propriétaire de cinéma du coin, il n'y a aucun problème. Mais aux endroits où vous avez de la concurrence - il y en a sept ou huit où il y a de la concurrence - alors, cela vous enlève le produit, parce que celui qui présente l'anglais ne présente pas nécessairement le français; il est présenté chez le compétiteur. Alors cela lui enlève la possibilité. Si le délai était plus long, on pourrait même le présenter, le français pourrait même être présenté avant; mais là, le français sera présenté et on n'aura même pas l'occasion de le présenter en anglais. Parce que, encore là, on s'entend tout le temps sur le nombre de copies.

M. Richard: Oui, mais si vous avez au départ la version sous-titrée, cela ne pose déjà plus de problème.

M. Gilbert: II s'agit du nombre de copies par rapport au nombre de salles. S'il y avait trois salles au Québec qui présenteraient en anglais, le problème ne se poserait pas, parce que le délai serait raisonnable. Mais c'est le nombre de salles...

M. Richard: Dans le cas où il y a une version sous-titrée qui existe en vertu de l'alinéa 1 du paragraphe 69, le problème ne se pose plus puisqu'on peut les présenter dans les deux langues.

M. Gilbert: Oui, mais encore là cela dépend du nombre de copies. Est-ce qu'on n'est pas juste, comme on dit, si on le pouvait..

M. Richard: Des copies sous-titrées, cela ne coûte rien.

M. Gilbert: Cela ne coûte rien.

M. Richard: La première copie coûte 1500 $ mais la deuxième ne coûte rien.

M. Gilbert: Ce sont les cotations d'aujourd'hui. Lorsque le processus sera parti, ce sera plus cher. J'en suis assuré.

M. Richard: Les copies, non.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Je crois que j'ai blessé un peu tout à l'heure ma collègue de Maisonneuve en disant que les versions françaises ne viendront peut-être jamais. M. le ministre, est-ce que vous avez des statistiques pour nous dire quel est le pourcentage des films qui ne sont pas traduits en français?

M. Richard: Mon Dieu... M. Hains: Non mais en...

Le Président (M. Gagnon): Il y a un pourcentage très élevé.

M. Hains: Très élevé. Pourtant nos salles... Ce n'est pas parce que je veux... Ecoutez-moi bien. Je ne voudrais pas qu'on nous accuse, comme on vient de le faire, de ne pas être en faveur de la francisation des films le plus tôt possible. Nous sommes tous pour cela. Seulement, de là à vouloir faire crever nos gens qui se dévouent, qui travaillent ou qui oeuvrent aussi dans le Québec, c'est là qu'est la distance et je n'aime pas la franchir. C'est pour cela que

je parle pour ces messieurs.

M. Richard: Mais, M. le député de Saint-Henri, en général, il ne s'agit pas de films qui font plus de 60 jours. Alors là, le pourcentage devient très réduit.

M. Hains: C'est cela. C'est au moment où ces gens peuvent avoir les films qu'encore une fois ils entrent dans le tunnel et ne pourront pas les avoir ensuite avant six mois. Parce qu'ils n'ont pas ces films tout de suite. C'est comme le disait monsieur, après cinq semaines, six semaines, qu'ils peuvent avoir ces films. Parce que les producteurs n'ont pas cru que c'était valable d'en faire une version française, le film n'est pas assez bon à leurs yeux et peut-être aussi aux yeux du public. Alors, c'est là qu'il prend le tunnel et qu'il ne reviendra que...

M. Richard: Oui, je comprends. M. Hains: C'est cela l'idée.

M. Richard: Mais il faut comprendre que le problème que les personnes qui sont devant nous posent est beaucoup moins sérieux encore - on aura l'occasion de le voir demain - que le problème qui se pose aux exploitants de salles en province pour du cinéma francophone. Parce que eux, c'est un an après, le plus souvent, qu'ils ont accès au film en langue française. Ils sont obligés de survivre dans ces conditions et souvent ils n'y ont pas accès du tout. On aura l'occasion de le voir demain.

M. Hains: J'en suis, mais même la loi ne forcera pas les producteurs à faire des versions françaises s'ils ne le peuvent pas et ils auront droit à 60 jours de projection.

M. Richard: Oui, ils peuvent, en vertu de l'article 79, M. le député de Saint-Henri, sous-titrer. Sous-titrer, ce n'est pas le chiffre que je donne, c'est le chiffre qui est contenu dans le rapport même des "majors" américains, cela coûte 1500 $. Voilà le coût pour un sous-titrage. Imaginez que cela ne prend pas un film à très grand succès pour sous-titrer.

Le Président (M. Gagnon): M. Gilbert.

M. Gilbert: Si vous permettez à un film moyen de faire une carrière de 60 jours dans un grand centre, c'est une bagatelle, parce que vous avez la population. Tandis que le film moyen que vous allez montrer en province, vous allez faire une semaine. Alors, votre 60 jours est parti, parce que vous pouvez avoir quatre copies sur un film moyen qui va faire encore ses frais dans Montréal, parce que ce que vous avez dans le grand centre, c'est cosmopolite, il y a du monde, ce qu'on ne retrouve pas en province.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Je voulais répéter. Le ministre l'a dit après que j'eus demandé la parole. Il y a la copie sous-titrée et je pense que c'est cela qui va régler leur problème. Je voulais aussi ajouter que j'ai bien entendu tout à l'heure qu'ils ont dit que les "majors" étaient tout à fait d'accord avec leur mémoire ou vice versa et on va comprendre demain pourquoi, parce que cela va devenir beaucoup plus clair demain.

M. Gilbert: Je n'avais pas parlé des "majors" mais de l'Association des propriétaires de salles de cinéma.

M. Dussault: On va comprendre demain...

M. Gilbert: Ne pas confondre.

Le Président (M. Gagnon): Attention! Attention! On ne recommencera pas à parler tous en même temps.

M. Dussault: On comprendra mieux demain pourquoi ils ont des problèmes; lorsque les "majors" viendront ici et qu'on aura des questions à poser sur leur façon de fonctionner, on comprendra pourquoi ils ont beaucoup de difficulté à avoir des films. Là, cela deviendra beaucoup plus clair. Ce n'est pas qu'une question de langue, c'est aussi une question de distribution. La difficulté est là aussi.

Le Président (M. Gagnon): Si vous me permettez, Mme la députée de Maisonneuve aura probablement une question à poser. Après, je vous céderai la parole. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Très courte question. Merci, M. le Président. Je voudrais vous demander ceci: Dans la pratique, quand vous acquérez une copie de film, est-il vraisemblable que, très souvent, pour avoir tel film qui se vend bien, qui attire une bonne clientèle, on vous force un peu la main pour en prendre un certain nombre d'autres qui sont de moins bons vendeurs mais que vous êtes amenés à prendre pour pouvoir avoir celui qui vous convient le mieux?

M. Gilbert: Ces pratiques ont existé...

Mme Harel: Dans la pratique commerciale.

M. Gilbert: ...il y a longtemps. Elles n'existent plus, du tout.

Mme Harel: Cela n'existe plus? M. Gilbert: Absolument pas.

Mme Harel: Vous acquérez uniquement et exclusivement...

M. Gilbert: Oui.

Mme Harel: ...les films que vous désirez projeter?

M. Gilbert: Absolument, absolument.

Mme Harel: N'y a-t-il pas de pratique commerciale afin de vous inciter à projeter d'autres films?

M. Gilbert: Non. Mme Harel: Non.

M. Gilbert: Je n'achèterais pas, on n'a même pas de contrat. Cela n'existe plus. C'est une entente. On travaille à longueur d'année avec les compagnies. Les compagnies travaillent à longueur d'année avec nous, alors on n'a pas du tout de contrainte.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Farmanian.

M. Farmanian: Farmanian, c'est cela. Tantôt, M. le ministre a parlé d'une copie sous-titrée. C'est bien beau, mais si le film ne vaut pas plus la peine que cela, disons qu'il est vraiment moyen, ils diront: Les "peanuts" qu'on ira chercher à Sainte-Adèle, à Cowansville et tout, on va s'en passer. Qu'est-ce que cela nous donne? Pas de film. C'est aussi simple que cela, rien à présenter. Tout dépend: Même si cela coûte 1500 $, pour une petite salle comme la nôtre, c'est de l'argent.

M. Richard: Alors, une dernière...

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: ...observation, avec votre permission, M. le Président. En vertu de l'alinéa 3, la régie appose un visa temporaire sur les copies présentées en version autre qu'en français. Au fond, le problème que vous soulevez, c'est le problème que vous avez comme clients avec vos fournisseurs. Si vos fournisseurs vous fournissent plus de copies, le problème ne se pose pas. Il vous revient donc d'exiger de vos fournisseurs plus de copies. Sont-ils à ce point intraitables?

M. Gilbert: Non, non, sans être intraitables, cependant.

M. Richard: Ils vous doivent bien cela.

Vous êtes de bons clients. Cela ne coûte rien, des copies. Ce n'est pas le coût, vous le reconnaissez, une fois qu'une copie existe, les autres ne sont pas un problème. Alors, ce que vous devez exiger pour régler votre problème, c'est qu'au lieu d'avoir deux ou trois copies en langue anglaise ils vous en fournissent cinq, six ou sept.

M. Gilbert: Une copie coûte tout de même 1800 $ à 2000 $, dépendant du métrage.

M. Richard: Oui, mais vous savez...

M. Gilbert: Si vous avez des petits endroits.

M. Richard: ...fort bien que vos fournisseurs possèdent ces copies.

M. Gilbert: Un nombre, si on parle...

M. Richard: Et si vous êtes de bons clients, ils vous fourniront ces copies. Si vous étiez mon client, un bon client, je n'hésiterais pas à vous fournir les copies dont vous avez besoin, si vous les utilisez.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. Gilbert.

M. Gilbert: Et nous apprécierions vous avoir de l'autre côté.

J'avais une remarque à faire. Est-ce possible, pour activer votre...

Le Président (M. Gagnon): Une dernière remarque?

M. Gilbert: Oui. On sort d'ici et on n'en sait pas beaucoup plus que lorsqu'on est arrivé. Cela nous déçoit un peu. Cependant, il semblerait que M. le député aimerait attendre d'avoir entendu l'Association des propriétaires et les autres, demain. Est-ce possible pour nous de nous garder une possibilité, à la fin de la journée demain ou à la fin de la commission, si on...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, c'est bien évident que s'il fallait enregistrer - on a une soixante de mémoires à entendre à cette commission - deux fois ou même trois fois un certain nombre de groupes on n'en finirait plus. Vous avez eu l'accasion de vous exprimer et, même si on a supprimé le souper pour finir le plus tôt possible ce soir, vous avez encore du temps si vous voulez poser d'autres questions au ministre. En tant que président de la commission, je ne pourrais pas vous dire que vous pourrez revenir témoigner après un autre groupe.

M. Gilbert: Merci.

M. Farmanian: Si vous dites que nos fournisseurs ont des copies, ils n'en ont peut-être pas au bureau de Montréal. Ce qui revient à la question économique comme tantôt. S'ils ont une copie à Vancouver ou ailleurs, dans une grosse ville, qui peut leur apporter plus d'argent, ils vont dire: On oublie les petites salles en province. Cela vient de finir là, si on est capable d'aller chercher le double de ce qu'on peut aller chercher à Sainte-Adèle ou à Sherbrooke ou dans n'importe quelle petite ville. C'est la loi...

M. Richard: Engagez-vous un bon avocat et il va aller vous chercher des copies supplémentaires.

M. Farmanian: C'est cela.

Le Président (M. Gagnon): Alors, je crois que cela termine. Il n'y a plus d'autres questions. Je vous remercie de votre présence à cette commission et surtout du mémoire. Je pense qu'on a animé passablement la commission et je suis persuadé qu'il va en rester beaucoup de choses.

M. Gilbert: Certainement.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. J'appellerais maintenant le groupe Productions et réalisations indépendantes de Montréal à prendre place à la table.

Alors, vous êtes monsieur...

Productions et réalisations indépendantes de Montréal

M. Labbé (Martin): Mon nom est Martin Labbé. Ici, Jean-Pierre Laurendeau, secrétaire de notre corporation.

Malheureusement, Tom Konyves, qui devait être avec nous, n'a pas pu rester. Alors je lirai donc le mémoire à sa place...

Le Président (M. Gagnon): Vous êtes M. Labbé?

M. Labbé: Martin Labbé.

Le Président (M. Gagnon): Martin Labbé. Alors, on vous écoute.

M. Labbé: On vous distribue présentement des propositions qui vont être lues par Jean-Pierre Laurendeau un peu plus tard. Comme il est inscrit au mémoire à la première page, ceci est un document préparé relativement rapidement qui se veut très concis. On en a profité, par la suite, vu le délai, pour préparer un commentaire que Jean-Pierre va nous lire tantôt. Je vais faire une première lecture assez rapide de ce mémoire.

Par le biais du mémoire que nous faisons parvenir à la commission parlementaire, en corrélation avec le projet de loi no 109, nous voulons nous assurer de l'éclaircissement de certains points qui, tout au long du rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, font l'objet d'ambiguïtés, cela influençant ainsi le projet de loi.

Mais, auparavant, expliquons que notre corporation est à but non lucratif et réunit un groupe de producteurs indépendants, au nombre de 65, qui oeuvrent tous depuis plus ou moins cinq ans dans le monde de la vidéo. Ces producteurs sont des artistes ou appartiennent à des groupes qui réalisent des documentaires à caractère éducatif, social, etc. Or, étant donné notre utilisation du format 3/4 de pouce, une ombre se dresse déjà: Aucune structure n'a, jusqu'à présent, été mise en place pour créer un véritable réseau de diffusion et de distribution des ces bandes au Québec. Ni la loi ni le rapport de la commission d'étude n'ont été clairs à ce sujet. Jusqu'à ce jour, un certain nombre de ces bandes ont réussi à passer sur les réseaux télévisés grâce à un effort considérable de "lobbying" qui, comme on le sait, est souvent empreint de conflits d'intérêts ou fait preuve de favoritisme.

Subséquemment, nous souhaitons que le format 3/4 de pouce soit déclaré "qualité broadcast" et ne subisse plus les effets du protectionnisme qu'exercent les sociétés d'État ou d'autres corporations similaires.

Ici, je dois réaffirmer que ce document a été préparé de façon très hâtive.

Nous nous demandons également si l'aide apportée à la vidéo - mention faite aux articles 7, 8, 9, 10, 11 et 12 de la loi -est aussi valable pour les producteurs artistes et les producteurs indépendants bénéficiaires du Conseil des arts et autres sources de financement.

Nous désirons aussi nous enquérir du droit d'appartenance aux associations professionnelles du secteur du cinéma tel, par exemple, un réalisateur vidéo appartenant à l'Association des réalisateurs de film du Québec, de manière à être équitablement représenté à l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo, comme mentionné à l'article 16 de la loi.

Même si le rapport de la commission d'étude fait état du format 3/4 de pouce comme partie entière, nous aimerions que la loi soit plus précise afin d'éviter, comme l'histoire le prouve, d'être quelque peu mis à l'index au profit du format un pouce utilisé dans les documents de commandite. (19 heures)

Puisque nous cherchons ici à développer non seulement le côté économique, mais aussi culturel de notre industrie, nous tenons à rappeler qu'une part importante de notre culture s'exprime via le format 3/4 de pouce

par des individus de toutes les strates sociales ayant des buts et des intérêts multiples. Ici, je pense qu'on fait référence aux groupes communautaires, à la câblodiffusion.

En revanche, la loi, dans un grand nombre d'articles, stipule des règlements très précis quant aux permis de production, de diffusion et d'exploitation de la vidéo. Nous sommes consentants à nous plier à ces réglementations dans la mesure où, comme à l'article 1 du projet de loi no 109, aucune discrimination ne sera faite en fonction du support, conséquemment aux avantages et aux contraintes de la présente loi - Ceci a été préparé à la fin de janvier 1983 -

À la suite de ça nous avons formulé, lors du dernier conseil d'administration de notre corporation, des commentaires, et une série de propositions que je qualifierais de plus concrètes. Alors, je cède la parole à Jean-Pierre Laurendeau.

M. Laurendeau (Jean-Pierre): Après la lecture du court mémoire de PRIM, vous êtes à même de constater la vigueur de la vidéo à Montréal. Ce mémoire, par son existence même, démontre que les productions et réalisations indépendantes de Montréal (PRIM), ont, outre les défauts, aussi les qualités de la jeunesse c'est-à-dire énergie, esprit critique, fougue, créativité et tolérance.

PRIM, subventionné par le Conseil des arts du Canada et le ministère des Affaires culturelles du Québec, est un centre d'accès à de l'équipement de production audiovisuelle sur support magnétique, autrement dit vidéo, pour les artistes, les jeunes producteurs, les groupes communautaires et les organismes à but non lucratif. Chez PRIM, des jeunes et des groupes souvent défavorisés et ou marginaux, préparent l'après-crise. Chacun, indépendamment de ses origines, s'y retrouve pour produire soit ses premières oeuvres, soit un document sur sa communauté, tout le monde y travaillant, produisant la vidéo d'ici en dehors des circuits québécois traditionnels, créant de toute pièce cet art qui deviendra la vidéo québécoise.

Cette nouvelle génération sera celle qui constituera l'industrie dans un proche avenir. Si aujourd'hui on ne leur donne pas la possibilité de se développer normalement chez nous, ils iront ailleurs. C'est notre communauté qui s'en trouvera appauvrie pour l'avenir.

La vidéo, je ne vous l'apprends pas, est une technologie de pointe, sujet bien à la mode. Je me suis laissé dire que le gouvernement organisera, cet automne, un sommet économique sur le développement de l'industrie des communications. On y proposerait une informatisation massive de notre société. Je m'étonne. Je croyais que depuis le Virage technologique cette politique allait déjà bon train. Mais, j'aurais dû le prévoir. À la façon dont la vidéo est traitée dans ce projet de loi, je n'aurais pas dû espérer trop de la part du gouvernement côté développement technologique de pointe. Encore une fois on attendra que tout soit fait pour se rendre compte qu'on n'a pas réagi à temps.

En effet, ce projet de loi donne un rôle accessoire à la vidéo, et cela malgré les affirmations du ministre des Affaires culturelles, M. Clément Richard, qui dans son allocution du 20 décembre 1982, à l'occasion de la conférence de presse sur le projet de loi no 109 déclarait: Incidemment, comme on peut le deviner à la simple mention du nom des différents organismes institués, le présent projet de loi n'établit pas de distinction entre les oeuvres audiovisuelles produites sur support acétate, ou encodées sur bandes magnétiques. On l'entend dans les discours, mais rien de concret pour la vidéo dans cette loi, hormis qu'on la mentionne, c'est tout.

Il n'y a, dans cette loi, aucune reconnaissance explicite du fait vidéo, de cet art contemporain, et pourtant la vidéo c'est la technologie de pointe appliquée à l'audiovisuel. Elle permet de diminuer les coûts de laboratoire, les temps de production, bref de couper d'à peu près du tiers les coûts de production d'une oeuvre audiovisuelle. Cette évaluation est d'ailleurs très conservatrice. De fait, c'est le médium de l'avenir compatible avec les réseaux de câble, de télévision et de transmission par satellite existant, sans compter les développements spectaculaires tels que la vidéo interactive, l'animation par ordinateur, les décors synthétiques, la vidéo domestique.

Pendant ce temps l'institut québécois s'acharne à produire du cinéma en 16mm quasi indistribuable en salle, en format à gogo, demi-heure fiction pour la télévision. Cela joue seulement à Radio-Québec, y engageant des sommes de 120 000 $ à 140 000 $ pièce. Pour des sommes équivalentes, on pourrait produire deux, sinon trois oeuvres sur support vidéo de valeur équivalente. De plus, s'attachant contre toute logique à produire avec une telle technologie, on prive nos techniciens, nos créateurs d'un contact nécessaire avec ce nouveau médium afin que, dans le futur, ils puissent réaliser de façon adéquate le travail qu'ils auront à accomplir sur ce support.

Sans augmenter d'un cent le budget de l'institut, on pourrait, dès l'année prochaine, faire doubler le nombre des productions qu'on y finance en utilisant la vidéo. Comme la plupart des films produits à l'EQC ne passent qu'à Radio-Québec, il n'y aurait pas de quoi fouetter un puriste.

La production des films en 35 mm pour les salles connaît une grande difficulté en ce moment: les marchés ne sont pas assez

grands, les producteurs locaux se font damer le pion par les étrangers. Pour tenter de contrôler son industrie, l'Association des producteurs de films du Québec, l'APFQ, oblige déjà les producteurs qui n'en sont pas membres à se procurer un permis maison. C'est très bien. Cette courte enquête permet de connaître le sérieux d'un producteur, de savoir à quelle enseigne il loge. Cependant, l'APFQ n'a pas les dents pour faire respecter sa juridiction. Aussi refile-t-elle ce contrat au gouvernement qui émettra maintenant des permis de tournage et de producteur.

Nous voilà maintenant dans l'enfer de la bureaucratie. Quantités de jeunes producteurs, que je qualifierais de semi-professionnels, deviendront hors-la-loi. Bientôt, la bureaucratie sera tellement lourde pour obtenir la permission de tourner qu'on se retrouvera, sans l'avoir véritablement désiré, dans un marais bureaucratique qui, utilisé à mauvais escient, pourrait devenir la justification d'une politique de contrôle de la production audiovisuelle au Québec. PRIM s'oppose à tout contrôle de ce type.

Mais qu'ont donc ces entrepreneurs québécois en audiovisuel à ne pas être capables de faire face à la concurrence? Remontons aux années euphoriques de 1972, 1973, au moment où l'industrie locale, à la suite des capitaux rendus disponibles grâce à la SDICC, connaissait son âge d'or, produisant beaucoup trop de croûtes pour ce que le public était en mesure de consommer. Il y eut Tout feu tout femme, Après-ski, II n'y a pas de trou à Percé, etc. Une élite produisait, d'autre part, des films Arts et essais qui, dans l'esprit du public, étaient ennuyeux, à tort ou à raison. Il s'installait dans le grand public l'idée que le cinéma québécois était de mauvais goût ou, tout simplement "plate". L'étiquette québécoise se vendait mal. On se relève à peine, avec des films comme Les Plouffe ou Les bons débarras, de cette réputation qui a coûté tellement cher à notre industrie.

Entre-temps, 1976 et les "tax shelter" venaient ranimer cette industrie qui mourait. On devenait international, industriel, à grand déploiement. Les titres sont là, aussi révélateurs: Angela, Final Assignment, French Kiss.

Heureusement, quelques exceptions en profitèrent pour monter des entreprises qui, aujourd'hui, nécessitent peu d'aide de l'État. Mais, pour la majorité, la sauce s'est gâtée. Maintenant que les "tax shelter" sont épuisés, que la SDICC et l'EQC ne suffisent plus, il fallait trouver un nouveau poisson: le contribuable québécois, évidemment! Ils ont, dans le cadre de la commission Fournier, imaginé un plan qui leur permettrait d'aller chercher 25 000 000 $ supplémentaires dans les poches du contribuable.

Les producteurs devraient faire un examen de conscience, face à leur incapacité à faire face à la concurrence. Pendant des années, ils ont eu accès, grâce à leur fructueux lobbying, à du financement public. Tout cela a donné lieu à une industrie cinématographique, prétexte à l'évasion fiscale plus qu'à la création artistique, à un gaspillage des ressources humaines et financières d'une industrie. La gestion des compagnies de film est souvent faite par des gens qui relèvent plus du cow-boy que du gestionnaire. Leur donner un chèque en blanc de 25 000 000 $, il faut y réfléchir.

Évidemment que tous les producteurs ne correspondent pas à cette description. Heureusement! Cependant leur travail est constamment remis en question par les "fly by night"! Cette expression est utilisée par l'industrie pour désigner les producteurs pas sérieux. Cette expression s'applique d'ailleurs, selon moi, à toutes les tendances. D'un côté, il y a les rois de la subvention aux films Arts et essais, qui ne réussissent même pas, souvent, sur le plan technique, à produire du cinéma de qualité. De l'autre, on a affaire aux rois de l'évasion fiscale et du maquillage culturel.

L'argent du contribuable doit être la semence qui permettra la croissance industrielle. Si, là où on le distribue, on le gaspille sans que cela soit remis en question, on voit une totale irresponsabilité s'installer à tous les niveaux de la production. Cette situation est très malsaine pour toute l'industrie.

L'industrie des communications au Québec doit être hautement compétitive sur le plan de la technologie, de la productivité, des reiations industrielles, de la recherche et du contenu qu'elle véhicule. Elle ne doit pas être un sous-traitant d'une culture étrangère pas plus que trop orientée vers une vision "nombrilesque", "nationaleuse" de la culture.

Nous devons devenir une industrie moderne, foncer dans une affirmation de nous-mêmes qui soit contemporaine, ouverte, complémentaire, actuelle, décentralisée, instantanée, à haut contenu informatif et culturel, technologiquement la pointe tournée vers l'avenir. Il faut penser à cette industrie en ayant à l'esprit une vision à long terme de ce que nous voulons, déterminant ainsi les actions à court et moyen terme. Il faut maintenant tendre vers le meilleur, le maximum, dans le respect des gens impliqués, avec honnêteté et droiture. Cette ligne devrait s'appliquer autant au choix du scénario, aux relations du travail avec les techniciens spécialisés qu'à la technologie utilisée. Devenir une industrie moderne n'est pas seulement matière de technologie, ni de législation d'ailleurs. C'est surtout une question de responsabilité de tous les intervenants face au rôle qu'ils ont à jouer. Un gestionnaire doit être intègre et compétent; un technicien, travailleur et qualifié; une maison de services, fiable et

innovatrice; les producteurs, audacieux, intelligents, professionnels. Toutes ces qualités pourraient s'échanger de l'un à l'autre.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, j'ai beau regarder, je n'ai pas la copie du mémoire que vous êtes en train de lire. On avait le premier mémoire...

M. Laurendeau: Ce n'est pas le mémoire, c'est l'allocution...

Le Président (M. Gagnon): ...mais le vôtre, on ne l'a pas.

M. Laurendeau: En fait, c'est un texte improvisé.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Laurendeau: J'improvise, mais je me suis bien préparé!

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous en avez encore pour longtemps à improviser?

M. Laurendeau: On arrive aux propositions et à la conclusion. Ce ne sera pas long, j'en ai pour deux minutes.

Le Président (M. Gagnon): Deux minutes?

M. Laurendeau: Oui.

Le Président (M. Gagnon): C'est bien.

M. Laurendeau: II faut donc que chacun soit assez responsable pour que l'on n'ait pas à payer quelqu'un pour s'assurer que le travail est bien fait. C'est ce que les Japonais appellent le "quality control". On doit investir dans ce qu'on a de mieux à offrir: un contenu, une vision des choses, des opinions différentes. L'industrie a actuellement ce qu'elle mérite. Elle s'écroule sous le poids de sa lourdeur centralisatrice et décadente, ne pouvant s'appuyer que sur le vide de ses idées. L'avenir appartient à ceux qui ont des idées nouvelles, qui savent sentir les choses. Arrêtons de pleurer sur le sort d'une industrie qui subit la concurrence extérieure. Elle n'est pas la seule, que je sache. Des textiles aux mines, en passant par les automobiles, tous souffrent de ce mal économique, souvent pour les mêmes raisons.

Aussi, les Productions et réalisations indépendantes de Montréal soumettent à la commission parlementaire chargée d'étudier la loi 109 les propositions suivantes: 1° que la politique des permis soit abandonnée et que l'esprit d'entreprise des individus puisse s'exprimer librement; 2° qu'un siège au conseil d'admi- nistration de l'IQC soit ouvert aux groupes vidéos du Québec; ° 3 que, dans le cadre de la société d'aide au cinéma, on établisse un programme d'aide à la production d'oeuvres sur support vidéo; 4° que, dans le cadre de la société de promotion du cinéma, on fasse transférer sur cassettes vidéo d'un demi-pouce toutes les productions audio-visuelles québécoises susceptibles d'être diffusées commercialement sur ce support, à travers les clubs vidéo qui bourgeonnent partout en province; 5 que, dans le cadre des sociétés de promotion et d'aide, on mette sur pied un programme de recyclage et de perfectionnement en vidéo pour les membres de la communauté cinématographique; 6° que, dans le cadre de la société de financement du cinéma, on implante un programme d'amélioration et de modernisation des techniques gestionnaires de l'industrie, et cela, c'est important; 7 qu'ayant à l'esprit le développement futur de l'industrie audiovisuelle, on instaure un institut de recherche des arts médiatiques (IRAM) qui aura pour mandat de promouvoir la recherche, le développement, la documentation et l'utilisation des technologies de pointe appliquées à l'audiovisuel, que ce soit en production ou en diffusion.

J'arrive à la conclusion. Le développement de la vidéo aujourd'hui a l'importance de celui du cinéma qu'on appela "direct" en son temps. C'est là qu'oeuvrent les jeunes créateurs contemporains. L'industrie audiovisuelle québécoise ne pourra survivre que dans un contexte de libre entreprise et de libre concurrence. Autrement, elle sera a la merci des politiques gouvernementales et de l'affectation des crédits. Plus d'aide gouvernementale, plus d'industriel Nous devons trouver le chemin de la rentabilité, autrement nous sommes condamnés aux cataplasmes bureaucratiques. Investissons dans la recherche et développons ici la technologie de pointe. Il n'y a pas que la bureautique. La vidéo et l'art associé aux écrans cathodiques, c'est aussi de la technologie de pointe. Il faut réunir les artistes et les scientifiques pour créer ces nouvelles techniques, ces nouvelles pensées. Du choc des idées, en créer de nouvelles. Avec l'avènement des télécommunications, le métissage culturel est devenu inévitable. J'ajouterais qu'il est souhaitable et qu'on devrait le favoriser. Nous vivons tous les jours, à PRIM, cet échange avec tous ces amis immigrants et Québécois anglophones. Il faut cesser de craindre d'être dans le "domestic market" américain et vite comprendre qu'il n'existe qu'un marché, le "world market". Et si, d'ici peu, nous ne sommes pas capables d'y avoir accès, nous

sommes condamnés à l'étouffement culturel.

L'industrie des médias a un bel avenir. Quarante-cinq millions d'emplois disparaîtront aux États-Unis dans les vingt prochaines années, dans les manufactures et les bureaux, remplacés par les robots et les ordinateurs. Les médias de communication se développent. Nous passons un creux de la vague qu'il faut utiliser pour réfléchir à nos erreurs et planifier nos succès futurs.

Enfin, je terminerai en citant le président François Mitterand qui - voir le Devoir du 14 février 1983 - lors de son allocution de clôture d'un colloque international sur le thème "Culture et développement", définit le projet français comme un investissement simultané dans les créations technologiques, artistiques et intellectuelles: "Céder au mirage de la technologie serait suicidaire si on ne favorise pas l'investissement dans les industries de la culture qui sont celles de l'avenir", dit-il.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Laurendeau: Je pourrais peut-être ajouter que si la commission le désire, nous pourrons remettre une copie de ce commentaire. (19 h 15)

Le Président (M. Gagnon): Je voulais tout simplement vous dire que normalement le mémoire doit parvenir à la commission avant que celle-ci ne siège. Par respect pour les membres de la commission, je pense qu'il est normal de les recevoir avant. M. le ministre.

M. Richard: M. le Président. Je voudrais remercier M. Laurendeau de cette improvisation dont le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle a été vive. Je voudrais attirer votre attention sur un point qui m'apparatt fondamental. Dans les conclusions de votre mémoire vous faites un certain nombre de recommandations. Recommandations qui sont faites comme si nous avions retenu la suggestion du rapport Fournier visant à créer trois sociétés différentes. Vous parlez donc d'une société d'aide au cinéma. Vous parlez d'une société de promotion du cinéma et vous parlez également d'une société de financement du cinéma. Je voudrais vous rappeler que cette recommandation du rapport Fournier n'a pas été retenue et que ces sociétés ne sont pas proposées dans le projet de loi dont nous discutons.

M. Laurendeau: Nonobstant le fait que ce fait n'était pas clairement compris par PRIM Vidéo, rien n'empêche que c'est là l'essence des propositions qu'il faut retenir. Nécessairement des programmes de perfectionnement, des programmes d'investissement dans l'avenir sont de bon aloi, indépendamment des structures qui pourront les réaliser. Quant à moi, je préférerais que ces choses-là ne donnent pas lieu à trop de grossissement bureaucratique.

M. Richard: C'est pour cette raison que nous n'avons pas retenu la recommandation visant à créer trois sociétés. Vous êtes donc d'accord avec cela.

M. Laurendeau: Je vous en félicite. Le Président (M. Gagnon): C'est bien.

M. Richard: Je cède la parole à mon collègue de l'Opposition.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Je reviens à vos recommandations. Je vais relire le texte que vous venez de nous livrer un peu plus tard, mais quand on regarde vos recommandations vous accordez beaucoup d'importance à ce que les individus puissent s'exprimer librement. Si j'ai bien compris, vous parlez même d'élargir les vues de la population en parlant de "world market" - cela va faire plaisir au député de Châteauguay. J'aimerais quand même que vous m'expliquiez comment vous pouvez décrire ce qu'est, dans le domaine de la vidéo, un produit strictement québécois.

M. Laurendeau: C'est simple. C'est un produit qui a été produit ici, fait par des gens d'ici, un peu comme on pourrait définir ce qu'est un produit québécois pour un film. Ce sont les mêmes critères qui, à mon avis, doivent s'appliquer. À PRIM, il y a des vidéos qui sont faits par des groupes communautaires et qui sont québécois dans le sens où ils expriment une réalité qui se vit ici, au Québec. Je pense aux groupes d'immigrants qui ont accès à l'équipement chez nous et qui produisent des vidéos pour leur propre communauté. Ces gens-là produisent nécessairement de la vidéo québécoise même si la langue est le pakistanais.

Mme Bacon: Je suis bien d'accord avec vous. Vous parlez beaucoup d'aide. Je regarde les numéros 3 et 6 de votre mémoire. Est-ce que vous iriez aussi loin que demander des primes à la qualité du produit qui serait produit par votre groupe? Est-ce qu'on peut aller aussi loin que cela que donner des primes à la qualité? Est-ce qu'il y aurait certains critères de sélection qui devraient être mis de l'avant?

M. Laurendeau: Les primes à la qualité, à mon avis, s'expriment d'une façon évidente par le succès d'une production vis-à-vis de son public. Si je pense aux vidéos des grou-

pes communautaires ou aux vidéos des artistes qui sont présentées dans les galeries à Montréal et à l'extérieur de la province, ces vidéos touchent un public restreint. La vidéo s'adresse souvent à des publics restreints, comme par exemple l'Assemblée nationale vit à l'heure de la vidéo avec les caméras qui sont ici et qui sont éminemment vidéographiques et qui s'adressent à des microgroupes. Je ne pense pas que les "ratings" de l'Assemblée nationale puissent se comparer à ceux de la télévision normale.

M. Proulx: M. le Président, juste une question.

Mme Bacon: Les comédiens ne sont pas toujours de qualité.

Le Président (M. Gagnon): Question de règlement...

M. Laurendeau: Ils ne sont pas souvent aussi drôles.

Le Président (M. Gagnon): Question de règlement. M. le député de Saint-Jean.

M. Proulx: Quel est le maximum de téléspectateurs devant certains débats d'après vous?

M. Laurendeau: Pardon?

M. Proulx: Quel est le nombre minimum et maximum de téléspectateurs qui regardent les débats télévisés d'après vous?

M. Laurendeau: Je ne sais pas. Mais je puis vous dire que je ne les regarde pas.

M. Proulx: Le minimum est 50 000 téléspectateurs et cela peut aller jusqu'à 600 000 et 700 000. Alors, quand vous parlez de microgroupes...

M. Laurendeau: C'est un microgroupe sur 5 000 000.

M. Proulx: Pardon?

M. Laurendeau: La proportion n'est pas tellement grande, je dois vous dire.

M. Proulx: Bien, 600 000 personnes qui regardent cela, c'est...

Mme Bacon: M. le Président...

M. Laurendeau: C'est une question d'opinion.

Le Président (M. Gagnon): Vous aviez la parole, Mme la députée.

Mme Bacon: Si on continue, M. le Président, ça va être le minimum au lieu du maximum.

J'aimerais continuer à avoir la liberté d'expression jusqu'à la fin de cette commission parlementaire. Est-ce que vous demanderiez aussi, dans le cadre de cette demande de financement - parce que, en fait, le ministre l'a dit lui-même, c'est le nerf de la guerre, alors vous aussi vous en avez besoin - des primes à cette qualité de technique, parce que si on veut améliorer constamment - c'est quand même un domaine de l'avenir - les techniques, est-ce qu'on pourrait donner aussi des primes pour l'améliorer?

M. Laurendeau: Je pense que le cinéma ou la vidéo, c'est un peu comme le hockey, c'est-à-dire que si on donne de la glace aux joueurs, ils vont améliorer leur technique. À ce niveau-là, tant que l'institut n'aura pas de programme pour financer la vidéo en tant que telle, on n'aura pas de glace. En ce moment, notre glace nous vient d'Ottawa.

Une voix: Oui.

M. Laurendeau: On a eu une subvention du ministère des Affaires culturelles, que je remercie, mais qui est venue un peu à la dernière minute, sans doute conseillée par les gens qui sont concernés par la vidéo dans le milieu des arts.

Une voix: ...

M. Laurendeau: Pour le "Canadian Market", qui n'est pas un aussi grand market que cela finalement.

Mme Bacon: Est-ce que dans les autres provinces - parce qu'on a parlé d'un petit pays mais il y a quand même des provinces autour de nous - il existe des lois qui régissent très strictement le domaine de la vidéo et auxquelles vous vous opposez, par exemple? Que vous n'accepteriez pas pour le Québec...

M. Laurendeau: Bon, entre autres... Mme Bacon: ...s'il en existe?

M. Laurendeau: ...on n'accepterait pas le type de lois qui existent en Ontario pour ce qui est de la censure. Les lois régissant la censure en Ontario sont parfaitement inadmissibles et souvent appliquées de façon que je ne qualifierai pas.

Mme Bacon: Arbitraire? M. Proulx: Puritaine.

M. Laurendeau: Puritaine, voilà. D'autre part, il faudrait souligner que dans les autres

provinces toute l'espèce d'investissement qui a été fait pendant les dix dernières années, ici, l'a été pour beaucoup dans la vidéo. Par exemple, à Toronto, les groupes vidéo sont très actifs depuis longtemps. Je tiendrais à souligner aussi la part de la "Photoelectric Art Foundation" de Toronto qui s'occupe des arts médiatiques et qui a développé quantités de techniques nouvelles, d'idéologies nouvelles, d'idées nouvelles sur les médias. À tel point que le gouvernement français a acheté le concept de la "Computer Culture" qui se tenait à Toronto depuis les trois dernières années pour le monter à l'occasion du festival d'Avignon, cet été. Alors, dans les autres provinces, en fait, le Canada se trouve à être à la fine pointe de la technologie au niveau des arts médiatiques et nous, au Québec, on traîne de la patte. Finalement, la vidéo c'est l'art, l'expression artistique sur écran cathodique. En ce moment, on pense à s'acheter un ordinateur parce que nos membres le veulent, parce que nos membres veulent faire des dessins animés par ordinateur. Il y a l'énergie pour le faire et, finalement, je pense que c'est important pour l'avenir de favoriser ces types d'interventions de la part des individus, parce que cela vient de la base; la prévidéo, c'est la base.

Mme Bacon: Je reviens à votre numéro 5, s'il existait un programme de recyclage et de perfectionnement en vidéo pour les membres de la communauté cinématographique, est-ce que cela sensibiliserait davantage les gens du milieu?

M. Laurendeau: En fait, les gens du milieu sont sensibilisés. La preuve, c'est que le ministre, dans son allocution de présentation de la loi 109, a bien exprimé que film voulait dire vidéo. Tout le monde, en fait, a un peu peur de la vidéo, que ce soit les exploitants de salles qui disent que les clubs vidéo prolifèrent, c'est vrai, ou les techniciens de cinéma qui voient l'industrie de la vidéo se développer de façon anarchique, souvent, et qui voient la vidéo un peu comme un marché qui leur échappe. Dans ce sens-là, je pense que la majorité des techniciens de cinéma serait très intéressée à avoir un programme de recyclage ou de formation en vidéo. Je ne sais pas dans quel cadre cela pourrait se faire, mais rien n'empêche qu'à PRIM on offre des ateliers bien modestes, mais qui permettent aux techniciens d'entrer en contact avec la technologie vidéo.

Mme Bacon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Nadeau et M. Labbé, ainsi que les Productions et réalisations indépendantes de Montréal.

J'appellerais maintenant le dernier groupe, le Groupe d'intervention vidéo, représenté par Mme Albanie Morin. Est-ce que Mme Morin est ici? Donc, nous allons simplement déposer le mémoire au journal des Débats, comme on l'a fait aussi pour l'Association des consommateurs du Canada.

Une voix: Ils viendront peut-être demain.

Le Président (M. Gagnon): Je ne sais pas ce qu'on a à l'ordre du jour demain. Je crois qu'on doit entendre 13 ou 14 groupes demain. J'appelle de nouveau le dernier groupe, le Groupe d'intervention vidéo, représenté par Mme Albanie Morin. Il n'y a personne de ce groupe ici? Bon.

La commission parlementaire des affaires culturelles ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 19 h 27)

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