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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Friday, March 15, 1985 - Vol. 28 N° 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la relève, le financement et l'endettement agricoles au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend aujourd'hui ses travaux. Le mandat de la commission est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur les aspects de la relève, du financement et de l'endettement agricoles au Québec.

Les membres de la commission pour cette séance sont les suivants: M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier (Nicolet), M. Beauséjour (Iberville), M. Vaillancourt (Orford) qui remplace M. Dubois (Huntingdon), M. Paré (Shefford) qui remplace M. Dupré (5aint-Hyacinthe), Mme Juneau (Johnson) qui remplace M. Gagnon (Champlain), M. Houde (Berthier), M. Le Blanc (Montmagny-L'Islet) qui remplace M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Maltais (Saguenay), M. Mathieu (Beauce-5ud), M. Picotte (Maskinongé), M. Proulx (Saint-Jean), M. Vallières (Richmond).

M. Picotte: M. le Président...

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte:... est-ce qu'il serait possible de remplacer le député de Beauce-Sud par le député d'Orford, M. Vaillancourt.

Le Président (M. Vallières): J'avais indiqué qu'il remplaçait le député de Huntingdon.

M. Picotte: D'accord.

Le Président (M. Vallières): Pas de problème? Cela va?

M. Picotte: L'un ou l'autre.

Le Président (M. Vallières): Je voudrais, à ce moment-ci... Oui, M. le député de Saint-François.

M. Rancourt: M. le Président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, pour les fins du Journal des débats, bien sûr, je vais me présenter: Réal Rancourt, député de Saint-François, vice-président de l'Assemblée nationale. Je suis très heureux de votre présence en Estrie, pour ma part, et de votre mandat de procéder à l'audition de mémoires sur un sujet qui est d'importance, quant à moi.

Par suite de la réforme parlementaire qui a été effectuée au Québec, je veux vous demander l'autorisation de siéger. Comme vice-président de l'Assemblée nationale et député, je n'ai le droit de participer è aucune commission parlementaire. Donc, si vous voulez bien, je vais vous demander l'autorisation de siéger à celle-ci parce que c'est dans ma région; si vous refusez, c'est votre droit, je pourrai aller m'asseoir avec ceux qui sont derrière. Étant agriculteur moi-même, je me sentirais aussi à l'aise avec ces derniers qu'avec vous.

Pour être dans les règles, je vous demande cette autorisation.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Saint-François. Je pense qu'à voir la réaction de part et d'autre il n'y a aucun problème.

M. Picotte: Vous savez...

Le Président (M. Vallières): Au contraire, il nous fait plaisir de vous accueillir à la table des députés.

M. Rancourt: Merci beaucoup, M. le Président.

M. Picotte:... très bien, M. le Président, qu'on ne peut sûrement pas...

Une voix: II faudrait aller là-bas et vous enregistrerl

M. Vaillancourt: Même s'il veut s'asseoir du côté de l'Opposition, on n'a pas d'objection.

Mme Juneau: On va le garder de notre bord.

Une voix: On aime mieux l'avoir à la table.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Une voix: Pourvu qu'il soit à l'aise.

Remarques du président

Le Président (M. Vallières): Avant de procéder à l'audition des organismes, vous me permettrez de dresser rapidement le portrait de la commission que j'ai l'honneur de présider.

Le 13 mars 1984, il y a de cela un an et quelques jours, en fait, était créée la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. C'est, en effet, au début de ia session, l'an dernier, qu'étaient adoptées à l'Assemblée nationale, unanimement, les nouvelles règles de procédure issues de ce qu'il est convenu d'appeler la réforme parlementaire.

Les commissions parlementaires constituent un des éléments principaux de changement du nouveau règlement. Il en est résulté des modifications substantielles dans leur nombre, qui est passé de vingt-sept à neuf, leur dénomination, leur compétence et leur composition. Ces instances parlementaires ne correspondent plus, comme par le passé, au ministère de l'Exécutif. Elles sont regroupées par secteurs d'activité, avec des champs de compétence plus diversifiés.

Ainsi, notre commission assure, tout au long de l'année, une surveillance de tout ce qui concerne, à l'intérieur des travaux de l'Assemblée nationale, le secteur de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. La commission procède à l'étude des crédits du ministère concerné, à la vérification de ses engagements financiers, à l'étude détaillée des projets de loi et à la surveillance de la législation déléguée, c'est-à-dire des règlements.

En plus de ces obligations, les commissions bénéficient de plus d'autonomie et d'un pouvoir d'initiative qui n'existait pas auparavant. Ces nouvelles prérogatives, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation s'en est rapidement prévalu puisque, dès avril 1984, ses membres décidaient unanimement de se charger d'un mandat d'initiative afin d'étudier les questions de la relève agricole au Québec, auquel mandat venaient s'ajouter, en août, les aspects du financement et de l'endettement, sujets jugés on ne peut plus d'actualité et nécessairement liés à l'avenir et à la relève agricoles au Québec. Pour accomplir ce mandat, les membres ont décidé de procéder à une consultation générale dont les auditions que nous avons entreprises le 4 mars, à Montréal, sont le maillon principal.

Par ailleurs, durant l'automne, la commission a procédé, comme vous le savez, à l'étude des dossiers des sept agriculteurs qui avaient participé è la grève de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover. Nous avons déposé à l'Assemblée nationale, le 13 décembre dernier, le rapport de cette étude dans lequel nous recommandions, entre autres, la création d'un comité spécial pour aider les agriculteurs en difficulté financière et la mise sur pied d'une commission d'appel des décisions de l'Office du crédit agricole. Ce rapport fera d'ailleurs l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale au cours des travaux de la session qui a repris mardi dernier. Ce mandat sur les grévistes de la faim de Saint-Cyrille a causé un certain retard dans l'acheminement de nos travaux puisque nous escomptions tenir les présentes auditions en début d'année, mais il nous a permis d'autre part de toucher on ne peut plus concrètement au problème d'endettement des agriculteurs et de nous mieux préparer à recevoir les représentations qui nous ont été faites et qui se poursuivront aujourd'hui.

Concernant plus précisément notre mandat d'étude sur la relève, le financement et l'endettement agricoles, l'objectif que poursuit la commission est de rechercher, auprès des organismes et des individus du milieu agricole, tout l'éclairage nécessaire pour nous permettre d'acheminer à l'Assemblée nationale, d'abord, et aux ministères concernés, par la suite, des recommandations issues des besoins exprimés à travers les mémoires que nous avons déjà reçus et les représentations qui sont faites au cours des auditions.

Permettez-moi de souligner, dans un autre ordre d'idées, que notre commission, en se déplaçant à l'extérieur de l'Hôtel du Parlement pour procéder aux auditions publiques, est la première commission de l'Assemblée nationale à se prévaloir de cette possibilité dans le cadre des nouvelles règles de fonctionnement. Nous avons choisi les endroits où nous tenons nos auditions publiques en fonction des organismes qui ont demandé à être entendus. Ainsi, nous étions à Montréal les 5 et 6 mars, à Saint-Hyacinthe le 7 mars, à Québec hier et avant-hier et nous complétons aujourd'hui nos auditions à Sherbrooke.

Au terme de cette tournée, nous aurons procédé à 28 auditions à l'intérieur de ces six journées. Nous escomptons pouvoir produire, au cours du mois d'avril, notre rapport final ainsi que nos recommandations à l'Assemblée nationale. D'autre part, le 26 mars prochain, la commission procédera à l'examen des orientations, des activités et de la gestion de l'Office du crédit agricole du Québec. Nous considérons ce mandat comme étant une suite logique au travail que nous avons entrepris cette année. Ainsi, l'étude des dossiers des grévistes de la faim, la consultation générale sur la relève, le financement et l'endettement et l'examen des activités de l'Office du crédit agricole du Québec permettront aux membres de la commission d'être en mesure de parler en connaissance de cause - c'est là mon souhait - et d'améliorer les conditions dans lesquelles

les l'agriculteurs québécois doivent oeuvrer. En terminant, je voudrais remercier tous les organismes et les individus qui nous ont fait parvenir des mémoires. Je dois dire que la qualité de ces documents me semble une garantie de succès pour notre consultation.

Je voudrais, à ce moment-ci, vous faire part de notre ordre du jour d'aujourd'hui. Nous rencontrerons successivement la Fédération de l'UPA de Sherbrooke, l'Association des producteurs exploitants du Québec, le Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie et M. Jean-Pierre Patry.

Je veux par ailleurs vous indiquer que j'ai reçu des documents pour dépôt devant la commission. Je vais immédiatement indiquer à ces personnes qui ont présenté des documents pour dépôt que ces rapports seront transmis à tous les députés de la commission, qu'ils seront lus et résumés et que nous en tiendrons compte dans les recommandations que nous acheminerons à l'Assemblée nationale. J'ai, entre autres, M. Charles Bilodeau, de Bromptonville, qui m'a demandé de procéder au dépôt de son document. M. Bilodeau, votre document est considéré comme étant déposé devant cette commission. De même qu'un mémoire présenté par le Comité des femmes en agriculture de l'Estrie, soumis par ce comité dont font partie Mmes Diane Cochrane, Christiane Gagné et Manon Guimont. Ce document est considéré comme étant déposé. Il y a également une lettre de la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent, signée par M. Jean-Louis Lepage, nous demandant de bien vouloir déposer devant cette commission un mémoire portant sur la relève agricole du Bas-Saint-Laurent. Ce mémoire est considéré comme étant déposé devant la commission. Il y a également une lettre signée par M. Charles-Aimé Jacques, directeur régional de la Fédération de l'UPA d'Abitibi-Témiscamingue; cette lettre est considérée comme étant déposée. Elle vient appuyer le mémoire qui a déjà été déposé par la Confédération de l'UPA au plan provincial. Ce document est considéré comme étant déposé. Il y a également M. Michel Richard, de Melbourne, qui m'a demandé de déposer un document concernant un projet de biocénose. Je vais immédiatement indiquer à M. Richard que ce document ne me semble pas pertinent à l'objet de notre commission. Par conséquent, la lettre qu'il m'a remise ou ce document sera acheminé au ministre de l'Agriculture pour étude et attention. Donc, ce document n'est pas considéré comme déposé à cette commission.

J'inviterais maintenant les représentants de la Fédération de l'UPA de Sherbrooke à bien vouloir s'identifier et à procéder à la lecture de leur mémoire, en leur indiquant que nous disposons d'environ une heure. M. Blais.

Fédération de l'UPA de Sherbrooke

M. Blais (Jacques): Bonjour tout le monde. Y aurait-il possibilité que les gens qui vont venir ici s'asseoient tout de suite? Ils vont être prêts probablement à...

Le Président (M. Vallières): Absolument. Excellente idée.

M. Blais (Jacques): Pour commencer, j'aimerais souligner que ce mémoire n'a pas été préparé par les employés de la fédération. Il a été préparé par les dirigeants. Il a été vérifié pendant trois ou quatre réunions. Cela veut dire que, pour nous, c'est toute la fédération qui est derrière cela, les 24 membres de l'Union des producteurs agricoles, nos représentants. Pour continuer, Clément, le secrétaire, va lire le document.

Le Président (M. Vallières): M. Lanoue.

M. Lanoue (Clément): Honorables députés de l'Opposition et du parti ministériel, MM. les producteurs et productrices, MM. les journalistes, il me fait énormément plaisir de vous présenter le document de la Fédération de l'UPA de Sherbrooke. Je débute immédiatement à la page 1, avec l'introduction.

M. Picotte: M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Est-ce qu'il y a possibilité de connaître les gens qui vous accompagnent, le nom des personnes qui vous accompagnent? Est-ce qu'il y aurait possibilité de nous les présenter?

M. Lanoue: À ma gauche, c'est le président de ta Fédération de l'UPA, M. Jacques Blais, qui demeure à La Patrie; vous avez également son voisin, M. Adrien Girard, qui est le vice-président du Syndicat des producteurs de porcs, qui demeure à Cookshire, et M. Victor Blais, qui est membre du conseil d'administration du comité des finisseurs auprès du Syndicat des producteurs de porcs, qui demeure à Coaticook. Cela va?

M. Picotte: Cela va.

Le Président (M. Vallières): Très bien.

M. Lanoue: Introduction. Dans notre région, un très grand nombre de producteurs dans différentes productions font face à des problèmes financiers très sérieux. Leur situation est très précaire, ils sont sur la corde raide et pour plusieurs leur avenir en

agriculture dépend de quel côté le vent soufflera.

Il serait trop facile d'accuser ces producteurs d'être de mauvais gestionnaires et de se mettre la tête dans le sable en affirmant que ce secteur économique subit les mêmes problèmes que tous les autres secteurs de l'activité économique dans des périodes difficiles comme celle que nous traversons depuis quelques années.

La capitalisation excessivement élevée qu'exige l'agriculture moderne pose un problème non seulement pour la relève agricole, mais aussi pour les producteurs en place. De plus, lorsque l'on pense que les dépenses d'intérêt représentent la deuxième dépense en importance faite par les producteurs du Québec après l'alimentation des animaux, ceci prouve à quel point la dette, pour la majorité des agriculteurs, est élevée.

De plus, nous connaissons depuis quelques années un nombre sans précédent de faillites. Leur nombre était de 14 en 1979, de 125 en 1983 et de 162 en 1984. Ces statistiques ne tiennent pas compte de tous ceux qui ont vendu ou liquidé des actifs au lieu de faire faillite et qui sont certainement beaucoup plus nombreux.

Un secteur aussi primaire et important que l'agriculture a vu sa population active diminuer énormément jusqu'à tout récemment. Dans plusieurs régions, les terres abandonnées ou en friche sont sans cesse croissantes. Les politiques du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sont soit mal appliquées ou ne répondent pas aux besoins des producteurs et de toute l'agriculture au Québec. L'Office du crédit agricole doit jouer un rôle très important dans le financement de notre agriculture. Depuis quelques années, l'Office du crédit agricole s'est montré plus intransigeant que les milieux bancaires, ce qui est inacceptable pour une institution qui doit travailler avec et pour les agriculteurs.

Les faillites agricoles. Une mise en garde s'impose. Tous les exemples qui seront cités ne sont pas détaillés avec les preuves à l'appui. Cependant, ces exemples sont des cas vécus et, au besoin, ces personnes pourront venir expliquer en détail toute leur situation et ce qui s'est produit avec leur dossier, soit à l'office ou avec d'autres instances du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Depuis quelques années, les représentants de l'Office du crédit agricole posent des gestes plus sournois auprès de nos producteurs agricoles. Dans certains cas où le producteur a des difficultés financières, les représentants de l'office rencontrent le producteur, font des vérifications d'inventaire et, très souvent, accusent le producteur en disant qu'il y a de la production de disparue, qu'il est plus ou moins honnête et, par la suite, lui expliquent que: "Si tu veux être correct avec nous autres, tu vas nous aider à préparer l'encan, tu va par la suite signer les documents, nous transférerons la propriété et, de notre part, tu ne subiras pas de poursuite. " À la suite de cette entente avec l'office, malheureusement, le producteur reçoit des comptes des autres créanciers, et ainsi de suite, pour apprendre que, pour faire faillite il faut avoir de l'argent, parce qu'il faut qu'il paie les frais de la faillite qui s'élèvent entre 2000 $ et 5000 $.

Il y a, dans notre région, des jeunes producteurs qui sont bénéficiaires du bien-être social pour le reste de leurs jours étant donné qu'ils n'ont pas d'argent pour réaliser la faillite. Lorsque nous regroupons tous les cas isolés, nous devons nous rendre à l'évidence que c'est toute l'agriculture de la région qui en souffre et, par conséquent, toute la société qui doit indirectement en payer le prix.

Nous avons analysé quelques cas de producteurs qui ont fait faillite, principalement dans des porcheries, et où il y a eu reprise par l'office qui aurait revendu ladite porcherie et, selon nos données, elle aurait perdu au-delà de 200 000 $. S'il existait au Québec, au sein de l'Office du crédit agricole, un comité de redressement de ' situations financières, composé d'agriculteurs et de représentants de l'office, nous aurions pu faire des recommandations et maintenir ce producteur sans que l'office perde 200 000 $ et plus. Les conséquences de telles décisions sont très sérieuses. Le producteur qui a racheté la porcherie au tiers du prix de la construction pourra produire dans l'avenir à meilleur compte que les autres producteurs qui ont eu à payer des prix normaux d'investissement et pour qui l'équité qu'ils possèdent sur leurs actifs est automatiquement plus faible. On déséquilibre présentement la rentabilité de la production entre producteurs par des gestes comme celui-ci.

Le printemps dernier, on recommandait à un petit producteur, s'il avait des problèmes financiers, de vendre ses vaches, son quota et par la suite il pourrait vivre avec la vente de son foin et sa petite sucrerie. Alors, ce producteur n'a presque plus de dettes envers l'Office du crédit agricole, mais ne peut vivre avec le revenu de sa ferme. C'est un vrai scandale de la part de l'office que de faire de telles recommandations.

Un autre producteur dans le même cas: on lui a fait vendre ses vaches, son quota de lait et, après, il n'arrivait pas. Alors, il a dû offrir sa ferme en vente et l'Office du crédit agricole a recommandé à l'acheteur d'offrir au producteur le reste de l'hypothèque pour la ferme qui était d'environ 60 000 $. On fait un peu toutes sortes de choses pour détruire le producteur.

Dans l'assurance-stabilisation, on décide de réduire le nombre de truies assurées en appliquant une certaine recommandation qui dit ceci: Si la truie n'a pas cochonné, on ne la compte pas. À cette période, l'assurance-stabilisation était déficitaire.

Au printemps 19B4, on croyait que l'assurance-stabilisation pour les naisseurs ne serait pas dans l'obligation de payer les producteurs et, quand le représentant du gouvernement va compter les truies, le comptage terminé, il dit au producteur: Si tu n'as pas d'objection, on va ajouter 20 truies de plus pour ainsi augmenter les revenus de l'assurance-stabilisation. Malheureusement, en 1984, l'assurance va être dans l'obligation de payer. Alors, on s'est mis un doigt dans l'oeil, mais, quand même, pour un gouvernement qui se respecte, c'est incroyable qu'il agisse ainsi.

Il y a beaucoup d'autres exemples que l'on peut vous donner dans la production du boeuf ou les producteurs finisseurs dans le porc envers qui le gouvernement du Québec ne respecte point ses engagements. Le plus décourageant dans tout cela, c'est lorsqu'un producteur est dans l'obligation de quitter la production agricole. On nous dit que c'est un pas bon, pas efficace, qu'il ne voit pas à son affaire, mais je pense qu'il faudrait comprendre qu'un producteur qui est aux prises avec le financement de sa ferme au moins un an avant de déclarer faillite ne devient plus un bon producteur. C'est vrai en agriculture, c'est vrai dans l'industrie, c'est vrai dans le commerce. Le moral de ces personnes baisse et, par le fait même, elles sont beaucoup moins efficaces dans l'entreprise. Je pense que les producteurs ne sont pas durs quand ils réclament leur coût de production. Ils acceptent que les gouvernements utilisent les producteurs les plus efficaces au Québec pour déterminer le coût de production dans une production donnée. (10 h 30)

Dans notre région, il y a des producteurs de boeuf qui ont fait des faillites déguisées, ainsi que des producteurs de lait et des producteurs de porcs, et nous croyons que, si la situation ne change pas, sur 4000 producteurs en région, nous aurons certainement de 400 à 500 producteurs qui devront quitter l'agriculture faute de rentabilité. Il y a des malaises énormes et, l'automne dernier, un représentant de la Banque de Montréal, attaché au service du crédit, nous informait que, dans la région, 90% des prêts agricoles accusaient des retards dans les paiements. Nous pensons que ceci est très significatif.

Un autre problème est l'orientation prise par l'Office du crédit agricole. Que ce soit dans la production du porc, du boeuf ou du lait, il y a trois ou quatre ans, les représentants de l'office avaient l'approche suivante: par exemple, dans la production du porc, si un producteur possédait 40 000 $ comptant et voulait partir en production avec une porcherie de 100 truies, les représentants de l'office lui recommandaient d'augmenter à 200 truies, que ce serait plus payant. En plus, si la résidence était désuète, on lui offrait un prêt pour construire une belle résidence. Sur ce sujet, il y a un cas qui s'est produit dans notre région. Un producteur avait à l'époque construit une porcherie de 200 truies et il demeurait dans une roulotte. On lui a offert de se construire un bungalow et il a refusé. Aujourd'hui, il est encore en production, mais, s'il avait construit le bungalow, il aurait dû quitter la production depuis quelques années.

Le même phénomène s'est produit dans les prêts de l'office pour les parquets d'engraissement. Des producteurs qui avaient méticuleusement suivi les conseils des représentants de l'office se sont fait dire, quelques années plus tard, que leur entreprise n'était pas rentable par ces mêmes représentants qui, à l'époque, voulaient prêter davantage que ce dont le producteur avait besoin.

Si les faillites en agriculture continuent au rythme que nous avons connu depuis quelques années, qu'adviendra-t-il de l'agriculture au Québec? Nous nous éloignons rapidement de la politique du ministère de l'Agriculture qui est de "nourrir le Québec". Les compagnies multinationales prendront une large part du gâteau et nous risquons d'être de plus en plus dépendants des importations de produits divers. Il faut réagir et vite avec des politiques de financement qui permettront à nos producteurs d'être efficaces et rentables dans leur entreprise. 3. Les politiques du MAPAQ. Lorsque l'on parle de financement agricole, le MAPAQ, avec son aide directe ou indirecte, entre autres, différents programmes de développement et des subventions, a sa large part de responsabilité. Cependant, depuis surtout quelques années, la majorité des politiques du ministère ont été orientées vers le développement. On dirait qu'au ministère on a décidé de se servir de l'agriculture pour faire fonctionner les autres secteurs de l'économie et ceci, par l'utilisation des budgets qui étaient destinés à d'autres programmes. On a coupé dans les programmes par une réglementation qui a été modifiée. Donc, peu de producteurs peuvent être admissibles à beaucoup de programmes et ainsi profiter de certains avantages. Ces pertes de revenus indirects entraînent des dépenses supplémentaires dans la bonne marche d'une entreprise agricole, les déboursés sont de plus en plus élevés pour le producteur et la rentabilité de l'entreprise est souvent mise en jeu; par exemple, le pourcentage défrayé par le ministère pour les

travaux mécanisés, les subventions sur la chaux, les subventions pour les plaques d'immatriculation et bien d'autres.

II est aussi inconcevable que le ministère appuie des politiques environnementales en matière d'entreposage des fumiers sans avoir fait d'autres études ou vérifié dans d'autres provinces et pays les différentes réglementations. Les coûts engendrés par la nouvelle réglementation ne font qu'accentuer l'endettement des agriculteurs et la majorité des plus jeunes nous ont fait part qu'ils devraient vendre leur ferme s'ils devaient se conformer aux nouvelles normes de l'Environnement. Des subventions équitables, semblables à celles que reçoivent les municipalités et les industries, seraient nécessaires pour financer des projets qui peuvent coûter entre 5000 $ et 40 000 $.

Dans la production laitière, sous l'ancien gouvernement, une aide directe de 24 000 000 $ avait été donnée aux producteurs de lait industriel - on pourrait apporter ici une correction, c'est plutôt 22 000 000 $ au lieu de 24 000 000 $, mais quand même ce sont plusieurs millions - pour qu'il y ait une meilleure équité avec les producteurs de lait nature. Avec le gouvernement actuel, cette aide est complètement disparue et tous ceux qui connaissent le milieu savent très bien qu'encore aujourd'hui, malgré les efforts faits par les producteurs, on est encore loin de l'équité entre les producteurs, selon leur pool 1 et 2. Pourtant, les coûts de production sont les mêmes. Ce n'est pas pour rien que les statistiques montrent hors de tout doute que les producteurs les plus efficaces sont aussi les plus endettés.

La mauvaise planification dans plusieurs programmes du ministère a amené directement ou indirectement plusieurs producteurs à la faillite ou tout simplement à abandonner la production. Par exemple, dans la production du sirop d'érable, lorsque est apparu le système de tubulure Sys-vac, les conseillers agricoles ont orienté les producteurs à équiper leur érablière avec un tel système en leur expliquant noir sur blanc que la quantité d'eau par entaille doublait, et même plus, donc des revenus supplémentaires. Par contre, la rentabilité de ce système n'avait sûrement pas été vérifiée et pourquoi mettre plus de producteurs sur ce système que ce que le marché peut en supporter? Il aurait sans doute été préférable de limiter le nombre et de l'augmenter selon le développement du marché. Aujourd'hui, on peut se promener dans plusieurs érablières qui ne sont plus exploitées et où tout le système de tubulure est encore en place. Ce n'est qu'un exemple, mais dans à peu près toutes les productions le même phénomène s'est produit.

Lorsqu'on parle de développement de la production, nous y voyons un autre problème assez complexe. Le ministère a commencé il y a quelques années à ouvrir pleinement des budgets pour développer des productions dites nouvelles. Les résultats obtenus jusqu'à maintenant montrent plusieurs producteurs insatisfaits. Ce qui est le plus malheureux, c'est que le développement dans ces productions se fait sur le dos des producteurs déjà en place. Au début, le financement de ces productions (chèvres, lapins, serres, agneaux, moutons, pisciculteurs, et on peut en mettre encore) fut assuré par de bonnes subventions, mais, maintenant que les producteurs doivent se débrouiller davantage avec leurs propres revenus d'entreprises, plusieurs ont déjà perdu leur chemise et cela, après seulement quelques années.

Différentes politiques incitatives de capitalisation sont mises en place et servent davantage à faire marcher l'industrie qu'à aider les agriculteurs. L'apport économique d'une entreprise agricole est très élevé par rapport à un ouvrier (200 000 $ de chiffre d'affaires brut par rapport si vous voulez, à une moyenne de 16 000 $). Cette capitalisation élevée amène souvent un endettement très élevé chez le producteur qui, au moindre revirement du marché, se retrouve avec des problèmes financiers et doit faire une consolidation de dettes ou trouver d'autres solutions pour résoudre ses problèmes: marge de crédit, etc. Le ministre a toujours voulu développer la production bovine et nous avons là un bel exemple de capitalisation élevée avec des coûts de production élevés et un revenu net faible et même négatif. Il y a quelques années, un producteur de notre région avait eu son prêt et certaines subventions pour bâtir une maison et une bâtisse pour faire de l'élevage de veau de grain. Après un certain temps, ce n'était plus rentable. Alors, les officiers du crédit agricole lui ont prêté, après lui avoir suggéré de faire un parc d'engraissement. Il y avait à peine 40 acres de sol considéré comme pauvre et c'est un endroit où il est impossible de faire du maïs d'ensilage. Peu de temps après, le producteur a fait faillite. C'est ce que cela coûte de vouloir développer le boeuf à tout prix: une faillite de plus.

L'assurance-stabilisation est une béquille essentielle; sinon, les abandons et les faillites des producteurs seraient encore plus élevés. Cependant, l'ASRA fait croire aux producteurs qu'ils auront leur coût de production, tout en indiquant bien que la capitalisation du gouvernement est de 2 $ pour 1 $ investi par le producteur. Notre gouvernement a voulu réduire sa subvention, qui est de 2 $, en interprétant le règlement de façon à couper le pain directement au producteur et de sa famille. Par exemple, dans le porc, alors que l'assurance devait payer beaucoup, il y a du tripotage au

niveau de l'application des règlements. Dans une région, en ce qui concerne le bovin, il y a un recours collectif d'intenté contre l'ASRA. En plus, il y a des dossiers en cours de producteurs qui ont été lésés dans leurs droits. L'ASRA tient toujours les producteurs responsables de tout sans prendre ses responsabilités et cela, d'une façon malhonnête. Plusieurs autres exemples pourraient être cités, mais il faudrait mettre de l'ordre dans tout ce qui touche le financement en agriculture et les problèmes reliés à l'endettement des producteurs.

Recommandations de la fédération. Nous savons très bien que nous ne pouvons régler tous les problèmes en agriculture, mais nous croyons que nous pouvons en résoudre plusieurs pour autant que tous les intervenants impliqués en agriculture soient prêts à entreprendre des réformes et des discussions sérieuses.

Programmes de développement. Les programmes devraient être plus sélectifs envers les producteurs. Il faudrait tenir compte du point de vue financier et aussi de l'expérience dans le domaine. Le développement devra être réalisé par étapes et selon la capacité des producteurs. Les nouveaux programmes devraient tenir compte qu'un suivi spécial: agronome, technicien, vétérinaire, est très important parce que, trop souvent, les producteurs servent de boucs émissaires.

Il faut privilégier les producteurs déjà en place. Ils sont plus stables, ils peuvent développer leur production graduellement. Nous pensons que la superspécialisation des fermes modernes est à repenser. Le gouvernement doit absolument investir dans la mise en marché. Il ne faut pas attendre qu'il y ait surproduction. Il faut y aller à mesure que le marché se développe. Bref, il faut que les budgets de développement aient, comme priorité, le développement plutôt que ce qui est arrivé depuis quelques années, c'est-à-dire de faire fonctionner l'économie.

L'assurance-stabilisation. Dans plusieurs productions, les sommes versées par l'ASRA représentent une source de financement très importante pour les producteurs. Il ne faut pas oublier que la participation des producteurs à ce régime est considérable. Nous demandons à l'ASRA les changements suivants: pour aucune considération il ne devrait y avoir interprétation des lois et des règlements au bon gré des responsables de l'ASRA; que les règlements et le mode de fonctionnement ne soient pas modifiés sans l'appui d'une assemblée générale de la fédération concernée ainsi que des producteurs.

Deuxièmement, lorsqu'il y a des paiements dans une production donnée, ceci devrait être effectué selon le cycle de production. Par exemple, dans le veau lourd, si vous faites cinq ou sept élevages par année et que vous n'êtes payé qu'une fois par année, vous êtes presque certain d'avoir des problèmes financiers, marge de crédit dépassée, etc., avant la fin de l'année.

Troisièmement, il faut qu'il y ait au conseil d'administration de l'ASRA un nombre égal d'administrateurs, qui seraient des producteurs, au pourcentage de la participation des producteurs à l'assurance, et qu'ils soient nommés par l'UPA; on peut donner comme exemple la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Quatrièmement, que les ententes du comité MAPAQ-UPA sur les coûts de production soient respectées et que les données relatives à l'établissement des coûts de production soient publiées. (10 h 45)

Cinquièmement, qu'une commission d'appel soit constituée pour les producteurs qui se sentent lésés dans leurs droits. La composition d'une telle commission permettrait à des producteurs d'éviter des frais de cour qui, bien souvent, coûtent plus cher que ce qu'ils réclament à l'ASRA.

Sixièmement, que, lorsque le producteur signe un contrat de cinq ans, celui-ci soit assuré que l'ASRA respectera les engagements du contrat original et qu'aucun changement ne sera fait avant la fin du contrat sans l'approbation du producteur.

Office du crédit agricole. Depuis quelques années, le pourcentage de prêts aux agriculteurs a augmenté considérablement. L'office est maintenant le chef de file en ce domaine et en conséquence doit pouvoir fournir les services professionnels nécessaires et adaptés aux différentes situations financières. Actuellement, l'office ne remplit plus son rôle comme il le devrait. Certaines banques sont même plus attentives aux demandes des producteurs. C'est pourquoi les principales réformes que nous demandons à l'office sont les suivantes: que l'Office du crédit agricole et la Société du crédit agricole soient fusionnés en un seul organisme afin d'améliorer les services aux producteurs. Depuis trop longtemps, les producteurs qui désirent obtenir un crédit agricole sont presque dans l'obligation de prendre de l'information à l'office et à la Société du crédit agricole avant de prendre une décision; que chaque dossier de producteur soit reçu et étudié en toute équité. De plus en plus, de producteurs sont sur la liste noire pour des raisons politiques ou de conflits d'intérêts entre l'officier du crédit et le producteur, et plusieurs autres raisons. D'ailleurs, depuis au moins un an, les dossiers des producteurs sont classés par catégorie.

Qu'un comité de redressement de situation financière soit formé. Le rôle de ce comité pourrait être multiple. Les dossiers des producteurs qui commencent à être en difficulté financière seraient étudiés par ce

comité qui verrait à faire ses recommandations. Même si ce comité n'avait pas de pouvoir décisionnel, il pourrait orienter très sérieusement certaines décisions. Dans la composition d'un tel comité, il faudrait prévoir la présence d'un certain nombre de producteurs; sinon, l'office sera encore seul maître et juge.

Qu'une commission d'appel soit formée devant laquelle tous les producteurs pourraient contester les décisions de l'office. Cette commission devrait être formée en grande partie de producteurs nommés par l'UPA régionale. De plus, une telle commission devrait empêcher l'intervention des politiciens dans plusieurs dossiers de producteurs.

L'évaluation des actifs, en particulier les bâtissses, devrait être faite selon la valeur de la construction, moins une dépréciation en fonction du nombre d'années de construction. La dépréciation devrait être faite selon la méthode linéaire. Il faudrait tenir compte de la valeur productive des terres; par exemple, on pourrait trouver à Woburn de bonnes terres très productives pour lesquelles on refuse de prêter.

M. Blais (Jacques): II faut partir des objectifs fondamentaux de l'office qui sont d'aider les producteurs à temps plein et d'encourager la ferme familiale. Il ne faut donc pas ouvrir la porte plus grande au temps partiel parce que l'aide de l'office sert à combler un manque à gagner et donne une petite stabilisation de revenus. Il ne faut pas oublier que l'un des rôles de l'État est de sauver ceux qui sont en place et non de distribuer l'aide à ceux qui gagnent déjà un bon revenu.

Nous pensons déjà à un exemple très concret qu'est le crédit forestier. Les producteurs agricoles et forestiers n'ont pas été capables d'acheter les lots boisés et de faire compétition à des gens à revenus fixes et élevés (exemple: professeurs, comptables et avocats) qui donnaient de bonnes garanties à l'office. Par le fait même, ils n'ont pas pu former des fermes forestières ou, tout simplement, consolider et développer leur ferme agricole avec du boeuf, du sirop d'érable ou d'autres productions.

On devrait donner la possibilité aux producteurs de geler ou reporter le paiement de leur hypothèque quand l'assurance-stabilisation verse une prime pendant trois années consécutives. Considérant que les producteurs contribuent au tiers et qu'ils s'engouffrent d'une année à l'autre, ils ne voient pas comment ils pourraient rétablir leur situation financière.

On ne devrait jamais forcer ou inciter un producteur à emprunter pour développer l'agriculture. II est préférable d'avoir une petite entreprise et de la développer graduellement, selon son endettement, sa capacité de remboursement que d'avoir trop de dettes et d'aller vers la faillite.

Que l'on revienne vers les prêts à long terme sur une période d'au moins 39 ans et transférables. Actuellement, le maximum est de 29 ans, mais l'office force presque tous les producteurs à étaler leur prêt sur une période de 20 ans. Ceci est inacceptable dans un secteur où la capitalisation est aussi élevée et où, dans plusieurs productions, les marges de manoeuvre sont très faibles. Une telle politique, jumelée à des taux d'intérêt plus faibles, donnerait sûrement un second souffle à notre agriculture, amènerait une relance économique plus avantageuse pour tout le monde et donnerait enfin des possibilités d'amélioration et de développement.

Qu'il y ait des possibilités d'avoir des prêts à moyen terme, par exemple, des prêts pour l'amélioration des fermes. Ces prêts ne devraient pas avoir des taux d'intérêt dépassant 8%. Ce genre de prêt est celui qui a été jusqu'à aujourd'hui le plus utile pour améliorer et développer une entreprise agricole. Pour les PAF, il serait important que les rabais d'intérêt soient reportés sur des prêts allant jusqu'à 50 000 $, considérant que, depuis quelques années, les prix des intrants, de la machinerie, etc., ont augmenté substantiellement.

Que le crédit à la production soit majoré et que le montant disponible soit fixé selon le besoin de la production et des producteurs et leur capacité de remboursement. Ce type de crédit devrait fonctionner comme une marge de crédit. Que les taux d'intérêt sur hypothèque soient établis à un maximum de 8%, quel que soît le montant. Comme nous l'avons déjà mentionné antérieurement, les intérêts sur la dette représentent la deuxième dépense en importance dans une entreprise agricole. Un grand nombre de problèmes financiers sont dus aux intérêts. La capitalisation très élevée en agriculture nous amène à avoir des prêts beaucoup plus élevés qu'avant et, par conséquent, les montants d'intérêt sont devenus très lourds à assumer.

Au niveau de la vente de fermes, il faudrait laisser l'administration du crédit aux institutions financières, mais que les politiques du gouvernement prévoient des taux d'intérêt valables pour que les producteurs-acheteurs puissent fonctionner. Si l'office donne les mêmes avantages aux vendeurs qu'aux institutions financières, il faudrait qu'il y ait des abris fiscaux. Il faudrait considérer la perte de liberté du vendeur face aux autres membres de sa famille. Nous croyons que le vendeur a assez de sérieux et d'expérience pour administrer le fruit, souvent, de 25 années et plus de labeur. Pour aucune considération que le vendeur ne soit obligé de rester attaché à la terre, de quelque façon que ce soit.

Que l'office ne prenne en garantie que ce qui est nécessaire pour garantir le prêt. L'office prend toujours tout en garantie, même si le prêt est beaucoup plus petit que la garantie. Ceci est vraiment inacceptable, car, au moindre coup ou si le producteur a besoin d'un autre prêt, il n'a plus rien à offrir en garantie, car l'office a tout pris. C'est vraiment un contrôle presque parfait de l'entreprise agricole. Nous ne pouvons accepter qu'on demande 100 000 $ de garantie pour un prêt de 50 000 $. L'office devrait avoir la possibilité de prêter pour faire de la transformation et de la production de la ferme familiale, par exemple, le sirop d'érable.

En fait, plusieurs autres points pourraient être inclus, car c'est toute la politique et la réglementation de l'Office du crédit agricole qui doivent être révisées, mais les points mentionnés ci-haut sont majeurs dans le financement et la bonne marche de nos fermes.

Le MAPAQ en général. Un budget spécial, en plus du budget régulier du MAPAQ pour les productions en difficulté financière devrait être prévu. Lorsqu'on veut développer l'agriculture et mettre sur pied de nouvelles productions, il ne faut pas les laisser tomber après quelques années, lorsque surviennent des difficultés. Sinon, à quoi auront servi l'argent et les efforts mis dans un secteur donné? Les responsables des recommandations à faire pourraient être les membres du comité de redressement de la situation financière et l'Office du crédit agricole.

Que ceux dont l'agriculture est leur activité principale ne voient pas les budgets et/ou les crédits qui leur sont alloués diminuer pour les gens qui ne vivent qu'en partie de l'agriculture. Cette intervention n'est pas dans le but d'empêcher les jeunes ou ceux qui vivent en partie de l'agriculture de devenir agriculteurs à temps plein. C'est surtout pour bien comprendre que les gens à revenus importants, professionnels ou autres, veulent profiter de subventions de toutes sortes pour payer moins d'impôts. Ils nuisent ainsi à tous ceux dont l'agriculture est leur gagne-pain. Nous savons tous que, dans certaines productions, la situation est difficile. C'est pourquoi il faut aider au maximum nos producteurs en place avant d'en installer d'autres. Certains diront que de plus en plus il y a une tendance à travailler à l'extérieur de la ferme. Dans bien des cas, c'est par obligation que cela se fait. Par exemple, plusieurs épouses de producteurs travaillent à l'extérieur et injectent un pourcentage plus ou moins élevé de leurs revenus sur la ferme sinon ils seraient obligés de la vendre.

Production laitière. Malgré la complexité de ce secteur et sachant très bien que, selon les aspects à traiter, le niveau du gouvernement impliqué n'est pas le même, soit fédéral ou provincial, il n'y a pas de raisons pour que le producteur de lait de classe 1 et 2 ne reçoive pas le même traitement, en tenant compte de la régularité de production et de livraison et de la qualité du produit. Il y aurait lieu que les gouvernements s'impliquent davantage et qu'ils s'assoient ensemble pour qu'un jour il y ait une équité chez les producteurs de lait.

Relève agricole. Il est de plus en plus difficile pour un jeune de s'établir en agriculture. La capitalisation élevée qu'exige une entreprise moderne rentable fait en sorte que les besoins financiers sont trop élevés pour les jeunes. Nous sommes convaincus que les jeunes de la relève agricole feront eux-mêmes leurs représentations devant la commission parlementaire et les autres instances du gouvernement. Nous désirons quand même soulever quelques points que les jeunes de notre région nous ont fait valoir.

Les taux d'intérêt devraient être progressifs, augmentation graduelle d'une année à l'autre. Plusieurs mécaniques sont possibles. Il suffirait de regarder ce qui serait le plus avantageux pour un jeune acheteur.

Il faut absolument faciliter toutes les dispositions entourant une transaction. Les transferts parents-enfants ou vendeur-acheteur sont souvent des sources de problèmes et causent quelquefois des conflits qui auraient pu être évités. Il y aurait lieu de penser à un étalement d'impôt pour le vendeur, un achat progressif par le jeune sans qu'il soit bloqué ou pénalisé par l'Office du crédit agricole, abolir l'impôt sur les dons, etc.

La subvention de 8000 $ à l'établissement devrait être doublée et il pourrait être utilisé à tout usage pour la ferme, amélioration, baisse de la dette, etc.

L'aide financière aux jeunes est très importante les premières années de son établissement. Toutes les réformes devraient être orientées en ce sens. Le père ou le vendeur devrait être capable d'obtenir certains avantages qui lui permettront de continuer à bien vivre sans avoir été obligé de donner sa ferme pour qu'elle soit encore exploitée.

Conclusion. Nous n'avons pas la prétention d'avoir présenté et répondu à tous les problèmes de financement et d'endettement que vivent nos producteurs. Mais par la présentation de quelques problèmes particuliers et quelques recommandations, nous avons soulevé des points que nous considérons majeurs et qui doivent être résolus dans les plus brefs délais, si nous voulons toujours une agriculture saine, prospère et viable au Québec.

Le temps n'est plus à la discussion. Il faut passer à l'action. Tous les intervenants du milieu agricole sont bien conscients qu'il

faut faire quelque chose. Dans les régions rurales, l'agriculture est encore la source économique la plus importante et, lorsqu'il y a des problèmes, c'est toute la population qui s'en ressent.

L'agriculture au Québec est l'une des moins subventionnées au monde. Peut-être que les autres ont compris que le financement en agriculture doit être subventionné, sinon nous courons à notre perte.

Nous voulons tous que la ferme familiale continue d'être celle qu'on doit défendre, mais en retour il faut retenir que c'est elle qui est obligée de s'endetter le plus et qui souffre le plus des taux d'intérêt élevés. Les produits d'une ferme familiale sont beaucoup plus fixes que ceux des grosses entreprises monopolistes qui peuvent exiger des augmentations de prix aux consommateurs presque à leur gré. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Blais. Selon l'horaire qui est prévu il nous resterait environ dix minutes dans chaque formation politique pour procéder à des questions. Première demande d'intervention, M. le député de Shefford. (11 heures)

M. Paré: On a dix minutes seulement, M. le Président, si j'ai bien compris.

Je vais aller rapidement. Je vais commencer par remercier l'UPA de Sherbrooke de la présentation de son mémoire. C'est vraiment une contribution enrichissante pour les membres de la commission. Comme on a très peu de temps, je vais y aller rapidement. J'aurais plusieurs questions, mais je vais aller tout de suite à des points que j'ai retenus lors de la lecture de votre mémoire. On retrouve, à la page 8: "II y a du tripotage au niveau de l'application des règlements", lorsque l'on parle de l'ASRA. J'aimerais que vous me donniez des explications là-dessus, que vous me disiez ce que vous entendez par tripotage.

M. Blais (Jacques): C'est clair et net, ils jouent avec des règlements. On peut donner l'exemple dans le domaine du porc, ils l'ont fait aussi dans le secteur du bovin. Ils jouent et, quand c'est à leur avantage, ils baissent. Les coûts de production ne sont pas négociés, ils s'entendent avec les fédérations dans le domaine du porc, par exemple, et quand vient le temps de prendre la décision l'ASRA passe par-dessus tout ça et prend sa décision. C'est ça qu'on appelle du tripotage. Il y a du tripotage dans le comptage des truies. On connaît le problème qui a été relevé il y a quatre ou cinq ans. Cette affaire-là n'a jamais été réglée et, chaque fois que c'est pour coûter quelques cents, ils baissent leur coût de production et changent la manière de fonctionner dans les règlements.

M. Paré: J'ai bien compris que c'est après discussion et entente avec la fédération concernée?

M. Lanoue: Non, non, sans discussion, sans entente. On peut donner un exemple. Un bon jour, ils ont décidé que les truies qui n'étaient pas en gestation et qui n'avaient pas cochonné, ils ne les comptaient plus. À partir de ce moment-là, il y a eu une diminution du nombre de truies assurables au Québec. Parce que les producteurs étant en difficulté financière, on savait très bien que l'assurance-stabilisation aurait des paiements à effectuer dans l'année. À ce moment-là, on interprétait le règlement de façon différente, en réduisant le nombre de truies assurées chez le producteur sans aucun avis ni à la fédération ni à l'UPA. On l'a appris par les producteurs qui contestaient ce changement.

M. Paré: Une autre chose me frappe à la lecture de votre mémoire et j'aimerais avoir des explications, parce qu'on prend les recommandations pour en discuter, sauf qu'au niveau des explications, j'aimerais... Au bas de la page 10, vous dites; "Depuis moins d'un an, les dossiers des producteurs sont classés par catégorie", lorsqu'on parle de l'Office du crédit agricole. J'aimerais que vous me donniez des explications là-dessus.

M. Lanoue: Vous n'avez qu'à aller faire une enquête et vous allez le voir. Deuxièmement, je vous donne un exempte. L'Office du crédit agricole est censé prêter selon la valeur du produit vendu, selon la capitalisation et non pas selon la production. À un moment donné, le gouvernement du Québec a décidé qu'il ne prêtait plus aux producteurs de porcs. Il y a des gars qui ont eu des prêts "at large". Quand on dit dans notre mémoire qu'il faudrait être plus sélectif... Ensuite, il y a débordement de production et ceux qui ont fonctionné logiquement et avec un bon financement ne peuvent même plus avoir de crédit soit pour se transformer naisseurs, finisseurs, ou aller chercher de l'argent auprès de l'amélioration des fermes. Ils sont même bloqués auprès de l'amélioration des fermes. On peut dire que ce sont des groupes de producteurs, vous ne pouvez pas passer à côté.

La loi concerne tous les producteurs. Il n'est pas question de sorte de production. Quand le gars est admissible, il a son montant, il a une valeur de vente, il est rentable et il ne peut pas être refusé.

M. Paré: J'ai envie de relier ça un peu - c'est un retour et je ne voudrais pas prendre trop de temps parce qu'on n'en a pas beaucoup - aux productions dites nouvelles. Ne pensez-vous pas qu'il doit justement y avoir des catégories pour être

capable, là où il y a déjà saturation des ventes ou surproduction, pour amener des productions nouvelles, est-ce qu'il n'y aurait pas avantage au classement par catégorie?

M. Lanoue: Je pense à votre première question. Le producteur se voit classer avant d'arriver à l'office. On n'a pas de preuves, mais il y a assez de producteurs qui disent: Je le sais, je vais y aller, mais je suis refusé avant de partir. Je suis classé dans telle catégorie: bon, pas bon, moyen, etc. C'est une interprétation que le producteur donne dans le champ. On dit qu'il n'est pas acceptable. Si je classais mes producteurs avant qu'ils entrent chez nous à l'UPA, ça ferait longtemps que je serais sorti de la cabane. Ce n'est pas acceptable que le producteur pense et constate qu'il est classé avant d'arriver à l'office. C'est ça qu'on veut dire, que cette partie-là devrait être améliorée.

M. Paré: Étant donné que je vais laisser la chance aux autres membres de la commission, je vais aller à la conclusion parce que cela m'a frappé, je vais remettre à plus tard les autres questions et, si j'ai le temps, j'y reviendrai. Vous dites que l'agricuture au Québec est l'une des moins subventionnées au monde. Avez-vous des chiffres là-dessus?

M. Blais (Jacques): On peut avoir des chiffres qui ont été sortis par les Américains. Actuellement, il y a un tiers de plus que les revenus nets qui vient des subventions du gouvernement. Est-ce clair? C'est une statistique des Américains. Ils ont bien beau dire qu'ils ne sont pas subventionnés, mais un tiers de plus que leurs revenus nets, cela veut dire... Les chiffres, je ne les ai pas dans la tête, mais ce sont des milliards de dollars.

M. Paré: Vous vous comparez avec les Américains lorsque vous dites un tiers. Est-ce qu'on tient compte de l'ensemble de l'aide qui est apportée par les programmes?

M. Blais (Jacques): L'ensemble de l'aide, c'était au niveau des États-Unis. Cela veut dire qu'on est bien loin de là.

M. Lanoue: Quand même, je pense, si on peut ajouter quelque chose à ce sujet, c'est qu'il y a déjà quelques années, du côté américain, l'agriculture était subventionnée à environ 1100 $ per capita et au Canada, c'était environ 300 $. Je pense que c'est à peu près l'équilibre qui s'est maintenu jusqu'à aujourd'hui.

M. Paré: D'accord. Je vais laisser la chance aux autres membres de la commission.

Le Président (M. Vallières): Merci. J'ai une demande d'intervention du député de Maskinongé qui sera suivie de Mme ta députée de Johnson.

M. Picotte: Merci, M. le Président, merci aux gens de la fédération d'être venus nous présenter un mémoire fort intéressant. Compte tenu du temps, je pense que j'associerai, au nom de ma formation politique, mes collègues de Berthier et d'Orford, aux commentaires que je ferai puisque nous n'avons que dix minutes et il y aurait eu beaucoup plus de temps à consacrer à un tel mémoire et à une telle discussion. En ce qui concerne le président, je vais lui laisser la chance de se débattre lui-même; il est président, je ne l'associerai pas à notre formation politique. S'il a des commentaires à vous faire, il vous les fera personnellement.

Une chance, M. le Président, que j'ai un peu d'expérience en politique, une douzaine d'années, parce que je serais complètement renversé ce matin. Hier, j'ai eu l'occasion d'écouter un discours à l'Assemblée nationale dont les propos étaient fort différents de ceux que vous avez tenus. L'honorable ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a parlé de l'agriculture comme étant une chose des plus prospères au Québec et cela allait quand même passablement bien. D'ailleurs, je vous invite, si jamais le coeur vous en dit, à écouter ce discours, je pourrai vous sortir ce qu'il faut auprès de la télévision des débats pour vous faire écouter cela. Je pense que cela vaut la peine d'être entendu.

Je pourrais, évidemment, à l'intérieur aussi... J'espère que, dans la salle, il y a des gens de l'Office du crédit agricole qui peuvent prendre bonne note des revendications. Sûrement que M. Moreau, qui a un soin jaloux de sa personne, va faire en sorte d'essayer de savoir le plus possible ce qui se passe au niveau de cette commission. Nous devons les rencontrer dans un avenir rapproché.

J'aurais aimé, évidemment, vous parler de beaucoup de points. Entre autres, j'aurais aimé vous poser des questions sur les gestes sournois de l'Office du crédit agricole puisqu'il en est fait mention, les exigences de l'office, la pratique des encans, l'obligation qu'a l'office envers certains producteurs, le découragement. Cela, c'est un point humain que j'ai retrouvé dans votre mémoire. C'est vrai que, quand cela ne va pas trop bien et qu'au point de vue des finances cela ne va pas bien, dans une époque comme cela, l'encouragement des agriculteurs n'est pas bien fort, ni au niveau de l'agriculteur, ni à n'importe quel niveau de production: les politiques incitatives, l'environnement, la perte de crédit face aux programmes, le développement inconsidéré,

les faillites. Ce sont des points qui n'ont pas été touchés hier, dans le discours de l'honorable ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Malheureusement, sur tous ces points... Il y a aussi la garantie exigée par l'office.

Il y a surtout un point qui m'intéresse et que je voudrais d'explorer avec vous, même si j'ai peu de temps, c'est à la page 11. Vous recommandez "que chaque dossier de producteurs soit reçu et étudié en toute équité. De plus en plus, les producteurs sont sur la liste noire, soit pour des raisons politiques ou conflits d'intérêts entre ['officer de crédit et le producteur ou plusieurs autres raisons. D'ailleurs, depuis au moins un an, les dossiers des producteurs sont classés par catégorie".

Là-dessus, je ne doute pas que vous ayez apporté ce point avec sûrement des exemples parce que c'est trop important ce que vous dites et tellement révélateur, si c'est exact. Je ne veux pas mettre cela en doute, mais, comme vous me dites que votre rapport a été étudié à maintes et maintes reprises par l'ensemble de la fédération et que tout le monde était d'accord, j'imagine que cette remarque est collective.

J'aimerais que vous me donniez des exemples quand vous faites allusion à des raisons politiques et des conflits d'intérêts entre l'officier - il est au masculin, je ne sais pas si cela a trait à une seule personne ou si cela a trait à un ensemble - de crédit et le producteur. J'aimerais que vous en parliez un peu plus parce que je crois que cela est important. Cela ne devrait pas être une affirmation gratuite de votre part puisque vous y avez pensé et, pour nous, c'est important de savoir exactement ce que c'est. C'est inacceptable si c'est exact.

M. Lanoue: On peut vous citer un cas. On ne nommera pas les productions parce que...

M. Picotte: Pour protéger les producteurs.

M. Lanoue:... à ce moment on va savoir exactement qui et quoi. Il est présentement en difficulté financière. Mais supposons que le producteur a deux productions. À un moment donné, le bâtiment d'une production passe au feu. À ce moment, on lui a dit: Tu vas aller dans ton autre production, même si elle déficitaire, cela va devenir meilleur. Là, il y a un climat de confiance. On dit: Tu ne te construis pas, tu vas te reconstruire une autre bâtisse, tu vas agrandir et tu vas demeurer dans une seule production. Alors, le producteur nous en parle; on dit non. Cette production est déficitaire, c'est une nouvelle production; elle est déficitaire aujourd'hui, elle va l'être demain, elle va l'être après-demain. On n'est pas d'accord avec cela.

Mais il reste tout de même que l'officier du crédit agricole a une certaine approche auprès du producteur et le producteur, sur recommandation de l'officier du crédit agricole, agrandit. D'abord, cela ne s'améliore pas dans la mise en marché dans sa production. Et aujourd'hui, il est en conflit direct avec son conseiller parce qu'il dit: Écoute, tes conseils et tes recommandations, moi, je m'en vais à la faillite. Imaginez-vous si les relations sont bonnes à ce moment? Elles ne sont plus bonnes. Le producteur dit: Le conseiller n'est pas correct et le conseiller dit: Le producteur, ce n'est plus un bon, c'est un pas bon, il n'est pas efficace, il n'est pas ci, il n'est pas ça. Là, il est rendu non efficace; il n'a pas besoin de venir me le dire, je sais qu'il n'est pas efficace. Mais, au moment où il est parti, où il a grossi, il était efficace, il travaillait jour et nuit. Il ne pouvait pas faire de miracles dans sa production.

M. Picotte: Dans votre mémoire, vous faites allusion à des raisons politiques et à des conflits d'intérêts. Cela ne devrait pas exister à l'Office du crédit agricole, du moins à ce que je ne sache, mais y a-t-il des exemples plus précis ou si cela se vérifie à un cas dans toute une région? À ce moment, il me semble que c'est peut-être un cas d'espèce qu'on peut...

M. Lanoue: Allez voir, allez dans le champ et discutez avec les producteurs. Vous allez vous rendre compte qu'il y a des conflits d'intérêts. Il y en a plus que vous ne le pensez.

M. Picotte: Êtes-vous en train de me dire que c'est tout l'ensemble des gens qui travaillent à l'Office du crédit agricole dans votre région qui sont comme cela ou bien si cela vérifie...

M. Lanoue: Cela ne dépend de la personne elle-même, ce sont les politiques qui font qu'il y a conflit. C'est l'application des politiques qui fait qu'un bon matin il y a conflit, c'est cela.

M. Picotte: Quand vous dites pour des raisons..

M. Lanoue: Quand ils prêtaient à 90% ou 95% dans la production du porc et qu'ils disaient: C'est bon, tu t'en vas au Klondike, tu vas faire de l'argent après-demain, tu vas devenir riche... Pas 100 truies, 200 truies, une construction. Agrandis. Cela allait bien, dans ce temps, c'était ouvert.

M. Picotte: Est-ce que c'est relié un peu, est-ce que la même chose quand vous parlez des pratiques aux encans, où il y a des pratiques pour le moins... On peut

s'interroger sur...

M. Lanoue: Aux encans, c'est bien simple: quand M. Bonneau s'en va aux toilettes, l'encan arrête, c'est cela l'encan spécialisé. Cela fait des années que les producteurs endurent cela, ce n'est pas acceptable. Qu'on regarde la réglementation des encans. À un bon moment donné, dans la région - c'est un autre domaine - un producteur reçoit une lettre, une poursuite de M. Bonneau, l'animal n'était pas en bonne santé. Des fois, c'est une maladie; d'autres fois, c'est de la contusion et, à ce moment, les producteurs sont allés en cour et ils ont tout perdu parce que la loi dit que le producteur ne doit pas mettre en marché un animal qui pourrait être plus ou moins en santé.

M. Picotte: Quand vous parlez des raisons politiques, ce ne sont pas des raisons politiques partisanes, j'espère, qui font que les agriculteurs sont refusés?

M. Lanoue: Non, là-dessus, ils ont du raisonnement, les agriculteurs, et ils sont très intelligents. Ils font de la politique quand c'est le temps.

M. Picotte: Vous parlez de raisons politiques. Est-ce que cela veut dire que ce sont des raisons d'étiquetage? Est-ce qu'on fait de l'étiquetage au niveau de l'Office du crédit agricole?

M. Lanoue: Non, pas par rapport à la politique.

M. Picotte: Pas par rapport à la politique, à cause d'un ensemble de politiques.

M. Lanoue: Par rapport à un ensemble de problèmes. (il h 15)

M. Picotte: Un ensemble de problèmes, d'accord.

On a fait allusion justement aux encans tantôt. Vous ne faites pas mention dans votre rapport du choix, à moins que je n'aie eu un moment de distraction, du conseiller comme tel. Je suppose que cela a été une recommandation un peu partout. D'ailleurs, on a eu des doléances à propos de l'office partout dans nos rapports, ou à peu près.

M. Lanoue: Regardez!

Le producteur s'en va à l'office et ça va mal son affaire. Lui, il essaie de se défendre. Si le producteur, disons, y va avec son comptable, le conflit augmente. Le seul gars qui connaît l'affaire, c'est le conseiller en crédit agricole. Alors, il ne peut pas se permettre d'aller là avec son comptable et de pousser trop sur le dossier. Par la suite, le producteur est tout seul. L'autre ne sait même pas ce qui se passe à l'office, le représentant de l'office au plan régional; il y a peut-être quelqu'un en haut qui dit non ou qui dit peut-être. Tout cela fait que le producteur se sent seul, lésé dans son droit et il dit: L'office est juge et partie. Cela ressemble un peu à l'assurance-chômage. On est déjà allé, nous autres, au tribunal de l'assurance-chômage et ils décident sur les lieux, ce sont les commissaires de l'assurance-chômage qui décident.

M. Picotte: Cela veut dire que, quand le gars y va avec un professionnel, un comptable ou qui que ce soit pour défendre ses intérêts, il tombe sur la liste noire.

M. Lanoue: Ils n'aiment pas cela.

M. Picotte: II tombe sur la liste noire.

M. Lanoue: Je peux vous le dire et vous le répéter, ils n'aiment pas cela et il n'y en a pas beaucoup qui y vont avec des professionnels parce qu'on ne le recommande même pas.

M. Picotte: Alors, il est laissé à lui-même, il va se défendre lui-même.

M. Lanoue: II est laissé à lui-même.

M. Picotte: C'est comme cela qu'on parle de liste noire.

M. Lanoue: Cela ne dépend pas du professionel, c'est tout le système qui a été fait comme cela. Ce n'est pas d'hier.

M. Vaillancourt: Lorsque vous parlez de l'office, est-ce que vous incluez la société aussi?

M. Lanoue: Disons, si on peut faire la part des choses - je ne sais pas ce que le président en pensera, il pourra donner son point de vue - qu'à la Société du crédit agricole, étant donné qu'il y a un comité de révision, les conflits nous apparaissent moins grand, beaucoup moins grands. Tu en entends moins parler parce qu'à un moment donné le producteur demande une révision, il y a des producteurs agricoles qui siègent au comité de révision. À ce moment-là, ils disent: Écoute, on connaît l'affaire, on te recommande telle ou telle chose. A ce moment-là, le producteur est obligé de s'ajuster plus car il n'a pas affaire seulement à un fonctionnaire. Il a affaire à des gars du milieu qui travaillent dans le milieu, ce ne sont pas des spécialistes, ce sont des gars du milieu. Je pense que le comité de révision de la Société du crédit agricole a rendu dans le passé d'énormes services aux producteurs et il y a des recommandations qui ont été

sages.

M. Picotte: Merci pour votre mémoire au nom de ma formation politique. Il y a deux sujets intéressants. La commission d'appel, évidemment, c'est recommandé depuis fort longtemps au ministre. Il reste au ministre à prendre la décision, Je ne sais pas quand elle sera prise, mais la commission dans son ensemble a fait cette recommandation.

L'autre chose importante et que j'ai trouvé intéressante, c'est le comité de redressement de situation financière. Je pense que c'est une suggestion fort importante qu'il va falloir évaluer et étudier ensemble.

M. Lanoue: Parce qu'à ce sujet-là, à ce jour, surtout dans la production porcine, quand le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ou l'office a perdu 200 000 $, s'il y avait eu des recommandations... On va voir le producteur parce qu'il est un an et demi en retard. Il y a un an, il avait deux paiements à l'office à faire; sa marge de crédit est rendue là, il est bien trop tard, cela ne se peut pas. On connaît la mise en marché des produits. Il ne faut pas attendre un an et demi avant d'aller le voir parce que, rendu là, le gars n'est plus bon, il n'est plus ci, il n'est plus ça.

S'il y avait un comité qui, dès le début, allait voir le producteur, pour l'orienter et s'occuper de lui, peut-être qu'avec seulement quelques milliers de dollars il pourrait le remettre sur pied. C'est ça qui est important. Je suis bien convaincu qu'avec 50 000 $ les producteurs qui ont fait faillite seraient encore en production et en bonne situation financière. Ce n'est pas grand-chose qui renverse le vase, vous savez. Le taux d'intérêt qui a monté à 23%, cela en a affecté plusieurs. Par la suite, parfois, ce n'est pas beaucoup d'argent.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. Lanoue, je suis obligé de vous arrêter, votre temps est dépassé. Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci, M. le Président. J'étais inquiète, étant donné que vous aviez dit qu'il avait dix minutes et qu'on s'est mis à faire de la politique sur le dos du ministre en commençant les questions. Je pensais que vous louperiez mon temps de parole parce que je pense que c'est important de venir écouter nos gens et de ne pas faire de la politique sur le dos du ministre. J'étais là moi aussi pour son discours.

Je voudrais vous demander une chose, messieurs de l'UPA. Quand vous affirmez qu'à l'Office du crédit agricole, depuis plusieurs années, le pourcentage de prêts a augmenté considérablement, est-ce que ce n'est pas en ce sens que l'intérêt que l'office exige est beaucoup moindre que celui de la société? C'est la raison pour laquelle les gens préfèrent venir à l'office qu'emprunter de la société, d'une part. Si vous me permettez, je vais continuer ma question. J'ai un double volet à cette question. Vous recommandez aussi que l'Office du crédit agricole et la Société du crédit agricole fusionnent. Comment, dans votre esprit, pouvez-vous formuler cette fusion, étant donné qu'il y a une partie, la société, qui est au fédéral et que l'autre est au provincial? Je ne comprends vraiment pas comment vous avez perçu de faire une fusion entre ces deux sociétés ou offices.

J'aurais une autre question après.

M. Blais (Jacques): Pour la question de la fusion, c'est bien simple. L'assurance-récolte est payée, si ma mémoire est bonne, au tiers par le fédéral. Alors, ça serait bien facile que l'Office du crédit agricole ait un montant d'argent, soit 3% ou 4% d'intérêt, qui viendrait du fédéral et l'administre pour ne pas avoir deux patentes à faire fonctionner. C'est aussi simple que ça.

Mme Juneau: En avez-vous parlé au député fédéral pour voir comment il voyait ça?

M. Blais (Jacques): On n'en a pas parlé au député, nous autres, on a une résolution de la région et cela a été discuté au niveau de l'UPA régional et au congrès régional. Alors, c'est sur le plancher. C'est la place où l'amener.

M. Lanoue: Regardez les deux, l'office et la société. À un moment donné, le ministre, Jean Garon, je pense, en 1976, a dit: Avant, l'office ne faisait pas de prêts agricoles. Là, il a ouvert les prêts. Tout ce qu'on veut éviter, c'est que le producteur ne se dirige à deux places et perde du temps, autant à un conseiller qu'à l'autre, parce qu'il ne peut pas se permettre de, dire: Moi, je m'en vais à l'office. Il faut qu'il aille prendre de l'information à l'office. Après ça, il faut qu'il aille à la société pour savoir s'il y aurait des avantages ou pas. Alors, c'est une perte de temps inutile, absolument inutile.

S'il y avait une organisation du crédit agricole au Québec, le producteur aurait un endroit et il aurait un dossier à préparer. C'est dans ce but-là, c'est pour éviter... Ils ne se font pas mal, à un moment donné.

Mme Juneau: Est-ce que vous souhaiteriez que le tout soit ramené au Québec?

M. Lanoue: Comme l'assurance-récolte.

Si, pour l'assurance-récolte, il fallait que le producteur aille faire une demande au fédéral et ensuite au provincial, et après ça voir lequel est le meilleur des deux...

M. Blais (Jacques): C'est ça qu'on fait au niveau du crédit agricole.

M. Lanoue: On fait ça depuis des années.

M. Blais (Jacques): Depuis huit ou dix ans, le crédit fédéral ne fait plus d'opposition; c'est clair, ça. Alors, maintenant qu'il ne fait plus d'opposition, il faut trouver des formules pour qu'une fonctionne comme il faut. S'il y en a deux qui fonctionnent à bric-à-brac, comme on dirait...

Un exemple du fait qu'il y a plus de prêts. Oui, c'est vrai qu'il y a plus de prêts à l'office, parce que je viens de vous le dire, le fédéral n'a pas fait d'opposition, parce qu'il a gardé ses taux élevés.

Mme Juneau: Mais c'est positif, au moins.

M. Blais (Jacques): Deuxièmement, il y a bien des prêts qui ont été faits à l'office, alors on a été obligé de lâcher le prêt fédéral et la province a perdu de l'argent.

M. Lanoue: Le producteur aussi. Il a payé des quittances absolument pour rien.

Mme Juneau: Quand le producteur s'en vient au Québec et que les taux d'intérêt sont moins chers, il ne perd pas d'argent. Au contraire, il en garde plus dans sa poche; il en paie moins.

M. Blais (Jacques): Il perd moins d'argent quand il a un crédit jusqu'à 150 000 $, Mais, quand il remonte et qu'il s'en va dans les 300 000 $ ou 400 000 $, il tombe de "bracket" et en perd. C'est pour ça qu'à un moment donné il faudrait avoir de quoi qui soit un peu plus palpable.

Mme Juneau: J'ai une autre question aussi, concernant la formation d'une commission d'appel. Vous dites, dans votre mémoire, à la page 11, au quatrième paragraphe: "... soit formée, devant laquelle tous les producteurs pourraient contester les décisions de l'office. Cette commission devrait être formée en grande partie de producteurs nommés par l'UPA régionale".

Ce qui m'inquiète dans cette proposition, c'est que les personnes peuvent être en conflit d'intérêts, étant donné que ça pourrait être les mêmes producteurs qui viennent devant la commission d'appel qui serait formée de ces mêmes gens. Vous savez, s'il fallait que ce soient ces mêmes gens, qu'on est très près des gens, la pesanteur sur les épaules de ces gens et la responsabilité qu'ils auraient de faire partie de cette commission d'appel, en fait, qui juge un frère, qui juge la personne près d'eux. Peut-être qu'en vous écoutant, je vais changer d'idée, mais, au moment où on se parle, je n'ai pas l'impression que cette proposition pourrait faire une bonne suggestion.

M. Blais (Jacques): C'est bien simple, c'est bien dit "nommés par l'UPA". Cela ne veut pas dire que ce serait un groupe qui serait formé de membres de la direction de l'UPA. Je pense que c'est clair. La Société du crédit agricole fonctionne ainsi. Elle demande des suggestions. Mais, nous autres, on dit "nommés", parce qu'elle connaît le milieu agricole. Si on remet encore des fonctionnaires qui ne connaissent pas te milieu agricole et qui n'ont pas le pouls des producteurs, on n'améliorera rien, ça va revenir au même. Il faut avoir les deux côtés de la médaille.

Si c'est une commission pour surveiller, ça prend une commission où il y a des gens qui voient l'autre côté de la médaille, parce que, si on a une commission avec seulement des producteurs agricoles ou seulement des fonctionnaires, on n'est pas plus avancé qu'on ne l'était, on retombe dans le même panneau.

Mme Juneau: Là-dessus, je...

Le Président (M. Vallières): II y a d'autres demandes d'intervention, le député de Saint-François entre autres. On a épuisé le temps de part et d'autre; alors, il faudrait que vous alliez à la conclusion, M. Lanoue.

M. Lanoue: Très rapidement. Disons qu'à la société il y aurait trois agriculteurs qui pourraient siéger au comité de révision, mais, quand c'est un producteur de la région, il y a un producteur de la région qui assiste et deux d'une autre région. N'ayez pas peur, les producteurs agricoles savent faire la part des choses. Ils ne feront pas un prêt pour faire plaisir à monsieur, je les connais assez. Je vous le garantis, si le gars n'est pas productif, ils vont le classer. Ils sont capables de se classer entre eux.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-François, je dois vous indiquer qu'on a débordé, de part et d'autre, d'environ trois minutes, mais je vous permets une courte question...

M. Rancourt: Ce sera très court, je peux vous l'assurer.

Le Président (M. Vallières):... et je vais demander la collaboration de l'UPA pour que

ce soit court comme réponse.

M. Picotte: M. le Président, vous allez offrir la même possibilité à un de nos collègues qui sentirait aussi le besoin de poser une question additionnelle?

Le Président (M. Vallières): Si c'est très court.

M. Picotte: Très bien.

M. Rancourt: Ce ne sera pas une question, je pense que ça n'exigera peut-être même pas de réponse, c'est plutôt une constatation. Je veux tout simplement vous dire qu'à la lecture de votre mémoire je suis très heureux que vous l'expliquiez, parce que, quand je vois votre mémoire et que vous expliquez "raisons politiques", "conflits d'intérêts", votre mémoire semble carrément politique, et quand vous en parlez, quand vous l'expliquez, vous détruisez ce que votre mémoire dit. La lecture du mémoire est plus dure que ce que vous dites en présentation, quand on voit "conflits d'intérêts", "raisons politiques".

La position de M. Picotte aussi. Quand il vous a posé la question, il croyait que c'étaient des politiques parce que nous sommes des gens du monde politique. Votre mémoire fait en sorte que la lecture est une présentation dure qui ne ressemble pas à ce que vous dites dans vos explications. Heureusement qu'on a pu vous interroger. Cela, je vous le dis au départ.

Maintenant, à la page 16, au niveau des conclusions, vous nous dites - évidemment, c'est tout à fait normal - que vous n'avez pas la prétention de répondre à tous (es problèmes de financement et d'endettement. J'aurais aimé vous entendre parler des choses qui sont vraiment importantes pour la classe agricole, à ce moment-ci. Qu'est-ce que vous pensez des modifications aux ententes du GATT sur l'abaissement des barrières tarifaires, qui font en sorte qu'on se fait accuser par les États-Unis ou par les pays de la Communauté économique européenne... Justement, vous avez mentionné un peu tantôt l'aide aux agriculteurs, l'aide à la production, l'aide aux producteurs de porcs, ainsi de suite. Je sais que vous en avez parlé tantôt, mais j'aurais aimé que vous parliez davantage là-dessus.

Autre chose, j'aurais aimé vous entendre parler aussi des cours d'agriculture, de gestion administrative donnés dans la région qui devraient être, quant à moi, de plus en plus accessibles. J'aurais aimé, en tant qu'UPA, vous entendre discuter là-dessus et faire en sorte qu'on sache ce que vous pensez pour, justement, avoir des administrateurs et des gérants d'entreprise de grande envergure pour les années qui viennent, les années deux mille. C'est tout, merci.

Le Président (M. Vallières): Rapidement.

M. Blais (Jacques): Au sujet des cogestionnaires, on n'est pas contre ça. Je pense que c'est une autre politique que le gouvernement en place nous a repassée parce qu'on avait avant ça des cogestionnaires par l'intermédiaire de nos agronomes, et là, ils ont passé cela aux syndicats de gestion. Et c'est le producteur qui paie. Cela, c'est un point.

L'autre point, pour les ententes du GATT, je pense qu'on est à la base, on est à la base des producteurs, ce sont les producteurs qui sont sur le plancher des vaches. S'il y a des problèmes avec le GATT, ce n'est pas à nous de régler cela. Je pense que les gouvernements sont mis en place pour ça, c'est un autre palier. Que le gouvernement aille faire des enquêtes dans d'autres pays, ce n'est pas à l'union des producteurs à aller faire des enquêtes dans d'autres pays pour savoir comment ils ont d'aide pour les agriculteurs. Je pense que le provincial devrait demander au fédéral d'aller vérifier ça et, après cela, on pourrait peut-être être sur la même longueur d'onde.

Le Président (M. Vallières): Très bien. J'ai une demande d'intervention du député d'Orford.

M. Vaillancourt: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Très rapidement.

M. Vaillancourt: Très rapidement, ça veut dire quoi, deux minutes?

Le Président (M. Vallières):... réponse. (11 h 30)

M. Vaillancourt: Pour ma part, - je trouve que c'est regrettable que la commission n'accorde pas plus de temps à la disposition des membres de l'UPA ou des autres organismes qui vont avoir à présenter des mémoires, étant donné que, dans la région de l'Estrie comme un peu partout dans la province, il y a des problèmes causés par des organismes gouvernementaux. Je pense que c'est pour cette raison que nous faisons le tour de la province pour essayer de connaître les problèmes et d'y remédier dans les plus brefs délais possible.

Pour ma part, je tiens à remercier et à féliciter l'UPA du mémoire qu'elle nous a présenté. C'est un mémoire très instructif qui parle beaucoup; et je vais le relire pour essayer de trouver les solutions qui s'imposent concernant le malaise qui peut exister ici, dans la région de l'Estrie. On dit qu'il y a un malaise à l'Office du crédit agricole, c'est malheureux. Il y a aussi un

malaise dans plusieurs productions. J'aimerais poser au président ou au secrétaire de l'UPA la question suivante: Est-ce que le ministère ou le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a consulté vos organismes avant d'établir de nouvelles politiques agricoles?

M. Blais (Jacques): Est-ce que vous voulez dire des subventions à différents paliers?

M. Vaillancourt: Est-ce que le ministère a accordé de nombreuses subventions dans différentes productions, soit celles du boeuf, du veau?

M. Blais (Jacques): Oui, mais on n'a jamais été consultés, que ce soit du côté régional ou provincial. Ils ont ôté le gâteau des producteurs en place pour pouvoir le donner pour faire du développement.

M. Vaillancourt: Quant à la production du lapin et toutes ces choses-là, il n'y a eu aucune consultation?

M. Blais (Jacques): II n'y a eu aucune consultation auprès de l'UPA.

M. Lanoue: Chaque printemps, on change de programme pour de nouveaux programmes. Les gens ici, au ministère de l'Agriculture, l'Alimentation l'apprennent en même temps que nous.

M. Vaillancourt: C'est une politique qui a été mise en place sans consultation et c'est pour cette raison que cela a plongé plusieurs agriculteurs dans des problèmes financiers.

M. Blais (Jacques): Oui, cela a été fait, mais ce n'est pas la seule raison. On n'est pas contre les politiques de développement, mais il reste que leur gros problème est qu'ils en ont embarqué un peu trop et, après cela, ils n'ont pas suivi avec la mise en marché. Ils auraient été mieux d'en partir 50% et de les suivre que d'en laisser une partie faire faillite. Les gars ne savent plus trop où se garrocher avec cela. Je donne toujours l'exemple qu'on ne jette pas un enfant au milieu d'un lac; on est mieux de commencer à lui montrer à nager au bord. C'est clair. Alors, c'est ce que le gouvernement a fait dans plusieurs politiques de développement.

M. Vaillancourt: Étant donné que je n'ai plus de temps è ma disposition, je vous remercie, cela m'a fait plaisir de vous rencontrer.

M. Picotte: M. le Président, j'ai un point de règlement. Est-ce que je pourrais faire savoir par votre intermédiaire que la Société du crédit agricole, dans un mémoire qu'elle a présenté cette semaine - ceux qui étaient présents peuvent le savoir - est d'accord avec le prêt tandem et qu'elle veut s'associer avec l'office? Votre recommandation est fort valable parce que la société est même d'accord avec cela.

Le Président (M. Vallières): Alors, je vous remercie. Je veux également vous indiquer que, concernant la commission d'appel à laquelle vous faites allusion dans votre mémoire, on a déjà recommandé qu'une telle commission puisse exister et qu'on a été informé récemment de ce genre de commission qui existe au niveau de la Société du crédit agricole, qui est formée de douze producteurs. Les deux tiers des refus soumis à cette commission sont révisés et acceptés par la suite.

Alors, sur cette information, je veux vous remercier de votre contribution à nos travaux. On s'excuse des délais. On s'aperçoit que ce n'est pas long, mais les parlementaires ont d'autres travaux cet après-midi; entre autres, à Windsor, il y a une autre commission qui siège cet après-midi et il y a des députés qui doivent y être. On s'excuse de ces délais auprès du député d'Orford, mais il faut fonctionner avec un horaire. On s'était fixé une heure, on l'a largement dépassée en ce qui concerne votre organisme.

Nous vous remercions et je demanderais maintenant à l'Association des producteurs exploitants du Québec de bien vouloir prendre place.

Association des producteurs exploitants du Québec

Très bien. Je demanderais au groupe de s'identifier, peut-être en commençant par M. le président qui pourrait identifier les gens qui l'accompagnent. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Je pense qu'il serait utile de mentionner aux gens qui viennent nous visiter, même si on a pu le constater, évidemment, que c'est toujours une heure qui est consacrée aux organismes, comprenant la présentation du mémoire et les questions. C'est sûr que, si la présentation du mémoire dure trois quarts d'heure, il reste un quart d'heure aux élus du peuple pour vous questionner. Je pense que c'est important que ce soit souligné, d'autant plus que je remarque qu'il y a une vingtaine de pages dans ce mémoire, ce qui veut dire que cela pourrait normalement, à moins qu'il n'y ait une lecture fort rapide, prendre toute l'heure.

Le Président (M. Vallières): Très bien.

Cette remarque est judicieuse. J'allais la faire, d'ailleurs. Plus votre exposé sera court et plus les échanges pourront être longs. M. Dicaire.

M. Richard (Jean): Mon nom est Jean Richard.

Le Président (M. Vallières): M. Richard?

M. Richard (Jean): À mon extrême gauche, Félix Destriker, producteur d'oeufs dans la Beauce; à ma gauche, Claude Dicaire, producteur d'oeufs, région des Laurentîdes; à ma droite, M. René Bernard, producteur d'oeufs dans la région de Thetford-Mines; ma femme Diane et la femme de M. Bernard, Denise. Je me présente: Jean Richard, producteur d'oeufs, région de Mont-Laurier.

Nous sommes bien conscients que la lecture d'un texte aussi volumineux peut demander beaucoup de temps. Nous étions déjà préparés à ne pas le lire. J'ai sur ma copie des phrases, des paragraphes qui sont soulignés. Je vais en faire la lecture en vous disant le numéro de la page et en essayant de vous orienter, paragraphe 1, 2, 3, etc. D'abord, le texte est structuré de la façon suivante: en première partie, des extraits de textes provenant de gens impliqués dans l'agriculture, de gens impliqués dans le journalisme, dans l'économie sont cités; en deuxième partie, vous avez la réglementation au sujet des transferts de quotas pour ce qui est de la production d'oeufs; en troisième partie, vous avez un mémoire que j'ai moi-même préparé il y a déjà trois ans et, ensuite, vous avez des recommandations que nous pensons être d'actualité.

Je vais commencer par la page 1 qui est titrée "Historique". Un extrait du Bulletin des agriculteurs, janvier 1985, section Nouvelles et statistiques, article intitulé "Réflexions sur les difficultés d'établissement des jeunes", par André Gauthier, agronome. "La première est de nature financière. " Les exploitations d'aujourd'hui, rentables et valables, valent des centaines de milliers de dollars. Il y a le prix du quota qui est intervenu grandement dans le prix des fermes. En effet, pendant que la valeur des choses tangibles était multipliée par trois, celle des quotas augmentait de cinq à trente fois. Dans la plupart de ces productions, la valeur du quota au prix actuel fait doubler la valeur de l'entreprise. Un peu plus bas: "II en résulte de sérieuses difficultés lors de la transmission des biens. "

D'autres extraits: la Terre de chez nous, 22 et 29 septembre, ainsi que 29 décembre 1983, par Michel Morisset, économiste, "L'organisation dans les oeufs". Nous allons aller à la page 2, environ aux trois quarts de la page: "En l'espace de 18 ans, le nombre de producteurs a chuté de 1800 à 234 -toujours dans la production des oeufs - soit une diminution de 85%. "

À la page 3, le paragraphe titré: "Le poids des rentiers". Comme toute chose, les contingentements ont amené de nouveaux problèmes, de nouvelles contradictions. D'éléments positifs permettant aux producteurs de résister à une forme d'exploitation par le capital en contrôlant l'offre, les contingents risquent 20 ans plus tard de se retourner contre ceux à qui ils devaient servir.

Le quota, un droit d'exister. Arrêtons-nous à définir un quota. Un quota, c'est d'abord et avant tout un permis, un droit d'exister et, pour ce faire, de produire sur un marché contingenté. C'est limité en quantité. Comme tout ce qui repose sur une volonté politique, ça existe aujourd'hui, mais rien n'oblige à ce que ça existe demain, sinon un rapport de forces politique. Si le vent tournait, il pourrait bien emporter les quotas; c'est tout à fait vraisemblable car les gouvernements ne sont pas des corps neutres. Ils subissent les pressions de ceux qui sont pour les quotas, les producteurs, tout comme celles des opposants. Et ils se font de plus en plus nombreux. Le quota, c'est aussi un droit au salaire et au profit même maigre.

Le prix des quotas, une rente. Durant dix ou quinze ans, le producteur contingenté aura donc amélioré son sort, allant chercher un revenu supérieur à ce qu'il obtenait antérieurement. Son entreprise sera devenue plus rentable pour lui et sa famille. C'est alors que se posera le problème de la transmission de son droit d'exister, de son droit à un salaire décent et à un maigre profit. S'il l'a payé de ses luttes, ce droit, il ne l'a que rarement payé au prix qu'il se vend actuellement. S'il l'a payé de son organisation syndicale forte et de ses pressions, ses successeurs le paieront de leur argent, de leur salaire indécent et de leur trop maigre profit.

Parce que notre syndicat est le plus vieux syndicat dans la production agricole -cette année, il fête son 21e anniversaire -nous entrons dans la deuxième génération.

En contrôlant l'offre par les quotas, les producteurs ont obtenu des prix en fonction des coûts de production. Cette notion de coût de production est subjective et éminemment politique sur deux points en particulier: le salaire et le profit. Ces charges sont calculées dans tous les modèles étant donné que le travail est familial et non comptabilisé, et que le manque de profit n'entraîne pas le départ du capital du producteur de l'agriculture. Si la première génération était justifiée d'exiger salaire et profit pour vivre, que fera la seconde? Justifiera-t-elle le salaire et le profit pour payer les rentrées car les frais de quotas ne sont pas inclus dans les coûts de production?

La question est posée et, soyons clairs, pas uniquement par les jeunes de la relève. C'est la question qui est soulevée par, le Conseil économique du Canada, par le ministère fédéral des Finances, par certaines associations de consommateurs et par tous ceux qui auraient intérêt ou qui croient avoir intérêt à ce que la nouvelle génération verse cette rente au marché à travers des prix agricoles plus bas. S'ils peuvent s'en passer ou s'ils veulent se passer de cette somme aussi bien que ce soit pour la collectivité. La collectivité sur laquelle on peut accoler des noms de groupes d'intérêts bien précis peut cogner aux mêmes portes gouvernementales que les producteurs.

Paragraphe suivant: La rente ou le salaire et le profit. Je descends aux trois quarts du premier paragraphe. L'Union prit une position ferme contre tout spéculateur ou rentier, fût-il un ancien producteur agricole. Ici, on parle de zonage agricole. L'UPA se prononçait pour la protection du territoire agricole contre la spéculation, pour les producteurs demeurant en production et non pour ceux qui s'en retiraient comptant obtenir une forte rente.

En passant, les producteurs d'oeufs au cours des ans se sont élevés contre toute forme de spéculation, sauf une, la valeur du quota.

Mme Juneau: La valeur de quoi, avez-vous dit?

M. Richard (Jean): La valeur du quota. On s'est élevé contre la spéculation foncière, on s'est élevé contre les grosses corporations pour éviter l'intégration, mais la seule chose à laquelle on ne s'est pas attaqué de plein fouet, pour une raison qui se traduit en signe de dollar, c'est la valeur des quotas.

À la page 5, vous avez un tableau qui vous précise la façon selon laquelle la valeur de quotas a augmenté au cours des onze dernières années. On est passé d'une valeur de 0, 40 $ à 0, 90 $, en 1973, à une valeur de 20 $ à 26 $ en 1984, à 27 $ de ce temps-ci. (11 h 45)

La réglementation, c'est là è titre d'information pour les gens qui ont à prendre des décisions à la commission. Plus loin, vous avez aussi une copie du texte du questionnaire qu'il était obligatoire de remplir en 1966, au moment de la formation du comité.

En page 6, il y a de gros intervenants, que ce soit au niveau économique ou des gouvernements étrangers, qui se posent des questions sur notre système de contingentement.

En page 7, vous avez l'ancien ministre de l'Agriculture, Eugene Whelan, qui dit: "J'aimerais également vous mettre en garde au sujet de la valeur des contingents. " Un peu plus bas: "L'idéal serait d'évoluer dans un système qui n'attribuerait aucune valeur monétaire aux contingents. "

En page 8, une phrase de M. Jacques Proulx, président de l'UPA: "Les agriculteurs doivent demeurer maîtres de leurs moyens de production. " Cela veut dire demeurer maîtres du quota. On sait que, dans les productions avicoles, pas nécessairement juste dans la production d'oeufs, il y a de plus en plus d'intégration au détriment des producteurs et en faveur des grosses compagnies ou des coopératives, etc.

En page 9, vous avez en bas, dans le texte anglais, trois provinces, le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta, qui n'attribuent pas de valeur au quota. Il y en a qui y ont pensé avant nous.

En page 10, ce que l'on a fait et ce que l'on fait à FEDCO pour protéger les producteurs exploitants. On a laissé une page blanche parce que c'est à peu près ce qui se fait.

Situation actuelle. On est rendu au mémoire que j'avais préparé en 1982 et que j'ai remis à la fédération en mars 1982, sur lequel rien de concret n'a été fait jusqu'à maintenant.

Vivons-nous une situation si enviable que cela? Les associations de consommateurs s'en prennent à notre plan conjoint, s'en prennent à notre réglementation, au prix élevé de nos quotas. La jeunesse ne peut plus assurer la relève. Les producteurs ne peuvent plus produire à pleine capacité, ne peuvent pas se permettre d'acheter du quota à prix d'or. Certains producteurs sont encore dissidents. Les cotisations sont rendues à 1, 85 $ - c'était dans le contexte de 1981; aujourd'hui, c'est autour de 1, 30 $ ou 1, 40 $ par pondeuse annuellement. Notre fédération essaie de nous aveugler en nous racontant la situation de la pondeuse dans le monde à tous les mois et nous dit qu'ici nous sommes privilégiés. II y a aussi des vendeurs de poulettes qui ne se scandalisent pas de vendre à n'importe qui, sans se soucier du bien-être général des producteurs.

Troisième paragraphe: Les associations de consommateurs ont-elles toujours tort de se plaindre que notre contrôle de ta production et le prix élevé de nos quotas leur coûtent des sous? Ont-elles toujours tort de dire que notre système ne favorise pas toujours l'efficacité ou la productivité? Avons-nous raison de tolérer le prix du quota à un niveau tel que nous n'avons même pas les moyens de nous en procurer? À qui profitent, en réalité, ces prix exorbitants? Notre fédération a-t-elle toujours appliqué nos règlements comme il se devait? Avons-nous raison d'encourager ces vendeurs qui vendent à qui n'a pas le droit de détenir des pondeuses et qui nous disent par la suite, pour se déculpabiliser, que, si ce n'est pas eux, ce sera le compétiteur? Et nous,

faisons-nous tout ce qui est possible pour améliorer notre situation?

Page 12. En ce qui a trait aux questions que les consommateurs peuvent se poser, directement, c'est vrai que le prix du quota, que le coût d'une location de quota ne peut entrer dans le coût du produit fini. On n'a qu'à penser qu'un fournisseur de moulée ou de poulettes peut acheter du quota à n'importe quel prix - qui est-ce qui achète du quota aujourd'hui? - et nous le refiler dans le prix de la moulée ou des poulettes qui sont les deux principales constituantes du prix des oeufs. Peut-on parler d'un maximum de productivité, lorsque nos poulaillers ne sont pas remplis à pleine capacité depuis déjà plusieurs années? Les frais fixes ne sont-ils pas les mêmes pour un poulailler pouvant contenir 10 000 pondeuses et qui n'en contient que 9000? Ces mêmes frais ne viendront-ils pas influencer, à long terme, les coûts de production?

Vous avez, au tableau I - c'est peut-être difficile un peu à comprendre pour quelqu'un qui le voit pour la première fois -des statistiques sorties de trois listes: mai 1981, décembre 1981 et décembre 1984. C'est le nombre de producteurs, en pourcentage, qui louent des quotas dans la production des oeufs, 50%, 54%, 61%; le pourcentage du quota produit qui est loué, 8%, 8, 17% et 15%; le quota produit par ces producteurs; les quotas loués par les fournisseurs, 192 000, 216 000 et 430 000.

Le tableau II, c'était pour montrer que c'est, en réalité, la production moyenne qui était le plus en train de se faire intégrer par des locations de quotas. Les plus gros producteurs louent 19% du quota loué et ils possèdent 36% du quota. Les producteurs intermédiaires louent 74% du quota loué et ils produisent 48% du quota. Les petits producteurs louent 6, 2% du quota et ils produisent 5% du quota.

Page 14. Souvent, on s'est fait rappeler que la fédération protégeait, plus que tout au monde, la ferme familiale. Peut-on parler d'objectifs atteints? Sûrement pas. Quand on sait que les onze ou douze plus grosses exploitations de la province contrôlent presque 40% de la production et que les vendeurs d'utilités professionnelles en contrôlent 15%, on se demande où est la ferme familiale.

Vous avez, à la page 16, le tableau IV. C'était pour montrer à quel point, en fin de compte, les fournisseurs, en 1981, avaient beaucoup de quotas en leur possession et ils n'en produisaient qu'une faible partie. Ils se servaient du quota qu'ils louaient à des producteurs pour vendre de la moulée et des pondeuses et ainsi attacher le producteur. On sait qu'une fois qu'on est obligé d'acheter à un endroit en particulier, éventuellement, les services vont diminuer, le produit va diminuer. Quand on n'a pas le choix, on est obligé.

Page 17, au bas de la page. II y a plusieurs règlements qui sont mis en doute quant à leur application à la fédération. C'est assez technique, donc, on va sauter par-dessus. Ce qui paraît le plus grave dans ces écarts au respect de nos règlements, c'est que, très souvent, cela a servi à des non-producteurs au détriment des producteurs.

En bref - page 18 - 60% des producteurs louent du quota dans leur poulailler; 49% des pondeuses sont attachées par des locations de quota; 15% du quota est maintenant produit en location, comparativement è 8% il y a deux ou trois ans; 90% des locations de quota ne proviennent pas des producteurs eux-mêmes, mais des vendeurs d'utilités professionnelles; 42% des producteurs louent déjà pour plus de 10% de la production qu'ils font; 21% des producteurs sont totalement à la merci de leur locateur, louant plus de 20% et jusqu'à 100% du quota qu'ils produisent. Il en coûte 1 500 000 $, en 1985, aux producteurs exploitants pour leur location à des non-exploitants.

Page 19. L'impasse. C'est un peu un résumé de la situation actuelle. Des frais de location de près de 1 500 000 $ par année supportés par 112 producteurs exploitants locataires au profit d'une vingtaine d'individus, sociétés ou compagnies.

Au coût de location de 2, 35 $ - cela va jusqu'à 3 $ - par poule par année et face à un revenu de 3, 50 $ par poule par année, plus ou moins, c'est une perte des deux tiers du profit légitime pour le producteur exploitant locataire.

Situation de stress à cause du renouvellement annuel de la location, qui place le producteur exploitant locataire en état d'incertitude face à son avenir, empêchant toute planification nécessaire au maintien de la rentabilité et au développement de l'entreprise.

Danger constant d'une situation financière précaire par une mise en profit marginal et même danger de faillite car la perte de 10% ou 20% de production - c'est marqué "de location", mais on devrait lire "de production" - fait la différence.

Perte d'efficacité et de compétitivité par la perte du choix et du contrôle sur son approvisionnement de moulée et de poules. Détérioration de la qualité des services. Lorsqu'on sait que 50% du succès financier dû au rendement d'un troupeau dépend de la qualité de la poulette et de l'alimentation, que peut-on dire?

Si le plan conjoint appartient aux producteurs, il appartient aussi à la collectivité qui fait des sacrifices monétaires importants pour le soutenir, en acceptant de fermer les frontières américaines. Est-il normal que quelques-uns fassent des profits

en profitant du système? Est-il normal que les jeunes qui suivent une formation agricole ne puissent entrer dans le système à cause de la non-rentabilité que lui impose le prix actuel des quotas?

Alors qu'il serait possible, naturel et logique pour un jeune de commencer en aviculture en acquérant une installation de 5000 pondeuses pour ensuite passer à des étapes de 8000, 10 000 et 20 000, la situation actuelle ayant éliminé les petites exploitations, c'est l'inverse qui se passe.

La valeur artificielle des quotas crée une situation où l'aviculteur voit venir sa retraite dans quelques années, néglige ou refuse tout simplement d'investir dans l'entretien ou le renouveau de ses équipements ou bâtiments, se disant qu'il retirera autant en vendant ses quotas. En agissant ainsi, il enlève à un acheteur éventuel les valeurs de base requises pour garantir des prêts d'acquisition.

Trente ans de travail pour payer le remboursement du capital et des intérêts de l'achat de quotas?

À la page 20, vous avez l'illustration d'un cercle vicieux. Si on commence à gauche, en haut: l'aviculteur paie ses contributions; ceci maintient le plan conjoint; il y a des réductions de quotas à l'intérieur du plan conjoint; le prix d'achat et de location des quotas monte; l'aviculteur peut de moins en moins acheter ou louer des quotas; l'agro-alimentaire, qui ne paie pas les contributions, utilise ses profits pour acheter nos quotas; l'aviculteur perd de plus en plus le droit de produire; l'agro-alimentaire prend la place de l'aviculteur.

Peut-on blâmer l'aviculteur de se sentir exploité par l'agro-alimentaire? Peut-on blâmer l'aviculteur de se sentir trahi par ses dirigeants du plan conjoint, qu'il a élus pour le défendre, lorsqu'ils ont laissé quiconque ou quelque organisme qui avait de l'argent s'accaparer des quotas à son détriment?

Vous avez des recommandations à la page 22. "Attendu que le but du plan conjoint est la protection de la ferme familiale rentable; attendu que l'intégration s'accaparera de plus en plus du contrôle de la production par le contrôle des quotas; "II est proposé: que les quotas soient immédiatement repris en main par la fédération qui en est le vrai propriétaire et gardien de son engagement sur le plan national et réattribué là où ils sont produits, avec entente et arrangement entre les parties, avec compensation monétaire; que les quotas soient rattachés à la ferme; que la valeur monétaire du quota soit comprise dans l'achalandage normal de la ferme; qu'il n'y ait plus aucune valeur monétaire rattachée au quota seul; que seuls les producteurs agricoles exploitants soient les détenteurs de quotas et que ces exploitants soient propriétaires des installations physiques requises pour en réaliser la production; que le commerce de location de quotas ne soit plus autorisé. "

J'ai noté, ce matin, quelques commentaires qu'on pourrait ajouter en guise de conclusion. Il faudrait remettre les quotas sur les fermes, là où ils sont produits; ne plus permettre la "monnayabilité" du quota ainsi que les transferts qui ne servent pas la production elle-même et la société en général; faire en sorte que le quota ne soit pas dissociable de l'exploitation elle-même. Les transferts de quota devraient favoriser d'abord le plein emploi des exploitations existantes, la relève agricole et les besoins régionaux d'une production donnée. Merci.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie. Il y a une demande d'intervention de la part de Mme la députée de Johnson. (12 heures)

Mme Juneau: Merci, M. le Président.

M. Bernard (René): M. le Président... Le Président (M. Vallières): Oui.

M. Bernard:... je voudrais seulement faire une demande. On a préparé un "statement" pour être lu à la fin. Est-ce que vous nous accorderiez les quatre ou cinq minutes requises à ce moment? Merci.

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Vous m'excuserez si parfois les questions que je vais poser... C'est que j'ai beaucoup à apprendre. Mon expérience dans le domaine agricole est très petite. Vous m'excuserez, en tout cas, si ce sont des choses qui, pour vous, ont l'air bien simples.

Dans votre mémoire, vous avez dit que, depuis 18 ans, il y a eu une chute du nombre de producteurs de 85%. C'est épouvantable. Je trouve cela immense, une chute de 85%. Puis, vous parlez de transmission de quota et vous dites: "Le quota, un droit d'exister. " Est-ce que cela veut dire que le producteur qui a un quota est obligé de le transmettre dans sa famille, comme ce qu'on a vécu pour les petits abattoirs ou quelque chose du genre?

M. Richard (Jean): La situation actuelle?

Mme Juneau: Oui.

M. Richard (Jean): La situation actuelle quant au transfert des quotas, c'est que les quotas sont vendus au plus offrant.

Mme Juneau: Au plus offrant.

M. Richard (Jean): Peu importent les intérêts régionaux, peu importent les intérêts de la production et peu importent les

intérêts de la population en général.

Mme Juneau: Mais il n'y a pas de prix fixe?

M. Richard (Jean): II n'y a aucun prix fixe.

Mme Juneau: C'est celui qui peut en acheter davantage qui va avoir le quota.

M. Richard (Jean): C'est celui qui a le portefeuille le plus épais qui a les meilleures chances.

Mme Juneau: Mais comment se fait-il qu'à un moment donné vous parlez, pour 1984, de 20 $ à 26 $? Cela veut dire que...

M. Richard (Jean): Aujourd'hui, le quota se transige entre 25 $ et 27 $ par pondeuse, ce qui fait qu'il n'y a aucun jeune qui est capable de se lancer dans la production des oeufs. La plupart des producteurs ne peuvent pas en acheter pour remplir leurs poulaillers qui ne sont pas pleins. Et si quelqu'un ose essayer de mettre un prix sur un quota d'un autre producteur qui délaisse la production, la plupart du temps il y a un intégrateur qui va offrir 0, 50 $ ou 1 $ de plus.

Mme Juneau: Si je comprends...

M. Richard (Jean): J'ai vécu l'expérience deux fois dans les trois ou quatre dernières années. J'offrais 15 $ pour un quota, un intégrateur en a offert 16 $. Si j'avais offert 16, 50 $, il aurait offert 17 $ parce qu'il n'y a aucun prix limite pour eux.

Mme Juneau: D'après ce que je comprends, cela ressemble be. aucoup à l'intégration dans le porc. L'intégrateur vient et c'est lui qui monopolise. En fait, c'est comme monopoliser un droit qui serait censé vous revenir de droit, à vous qui êtes les vrais producteurs. C'est cela, n'est-ce pas?

M. Richard (Jean): Oui. On ne met aucunement en doute la valeur du geste posé il y a 20 ans ou 10 ans dans d'autres productions quant au contingentement. On ne met pas en doute non plus le jugement des gouvernements de ce moment. C'était un geste justifiable. Dans une production agricole quelle qu'elle soit, nous pensons que c'est un outil indispensable parce qu'on ne peut arrêter les pondeuses de produire même si les gens arrêtent de consommer. On ne peut demander aux pondeuses de produire plus même si Provigo sort un spécial dans les oeufs. D'accord? On n'a aucun contrôle pour arrêter ou repartir notre chaîne de fabrication. Ce n'est pas comme dans une industrie où on peut arrêter ou ralentir selon les commandes qu'on a. Cela nous apparaît indispensable d'avoir un système de contingentement. On s'en prend surtout à la façon dont le quota a été transféré depuis le jour où il a été mis en application et à la façon aussi dont les gens l'ont accaparé. C'est à cela qu'on s'en prend.

Je ne crois pas qu'il y ait aucun producteur dans une production contingentée d'aujourd'hui qui serait pour l'abolition des quotas. C'est un fait. Mais nous, les producteurs de la deuxième génération, avons à subir les choses qu'on a citées tout à l'heure. On est très peu de jeunes producteurs, il y en aura de moins en moins et on ne parlera même pas de troisième génération de producteurs avec des plans conjoints.

Mme Juneau: La situation est vraiment inquiétante dans ce cas si cela revient à quelques industries.

M. Richard (Jean): En 1966, il y avait au-delà de 2000 producteurs d'oeufs et aujourd'hui, sur les listes officielles, il en reste 234. Mais la réalité n'est pas 234, c'est environ 134, parce qu'il y a des gros producteurs qui ont trois ou quatre noms de quota. Sur la liste officielle, cela apparaît comme quatre noms, quatre producteurs, mais cela en est seulement un. Il y en a qui ont des quotas au nom de leur femme ou de leurs enfants, question fiscale, question de toutes sortes de choses. La réalité, c'est environ une centaine de producteurs qui se présentent à tous les ans aux assemblées générales et qui représentent environ 90% de la production. C'est cela, la réalité.

Mme Juneau: Juste pour terminer, je voudrais vous dire que, dans vos recommandations, la cinquième, je pense, réglerait beaucoup la situation: "que seuls les producteurs agricoles exploitants soient les détenteurs de quotas". À mon point de vue, ce serait d'importance capitale pour redonner à la relève le goût de s'organiser dans ce domaine.

M. Richard (Jean): Nous pensons que, si les règlements avaient été appliqués à la lettre, on n'aurait même pas besoin de parler de ce cinquième point. Ce sont des évasions qui se sont produites au cours des ans pour un cas particulier et un autre cas particulier et toutes sortes de raisons comme celles-là.

Mme Juneau: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous remercier bien sincèrement du mémoire que vous avez

présenté, qui était très bien étoffé. D'ailleurs, je connais un peu l'agriculture depuis un bon moment. Dans votre mémoire, lorsque vous parliez de solliciteurs, de vendeurs d'équipement, de moulée, etc., cela me rappelait des souvenirs. Tout cela pour vous dire que c'est vrai qu'il y a beaucoup de failles, il y a encore beaucoup de choses à faire, parce qu'il y a toujours de l'amélioration à apporter. Comme vous le disiez au tout début, c'est un des premiers plans conjoints qui s'est établi au Québec et c'est le premier plan conjoint, à ce que je sache, qui a été national aussi. C'est le premier plan conjoint qui a été rentable en même temps. Je comprends que, dans certains cas, cela a été un peu plus difficile; par contre, dans d'autre cela a été plus facile.

Est-ce que c'était une bonne chose que le nombre de producteurs soit diminué au chiffre que vous avez donné tantôt? Par contre, la production d'oeufs n'a jamais diminué, sauf quand ils diminuaient le volume pour un certain temps, de 2%, 3% ou 4% et qu'ils revenaient au même volume après un certain nombre de mois. Cela est arrivé à plusieurs occasions. Le fait que le nombre de producteurs ait diminué, est-ce que cela n'a pas été une bonne chose - je ne parle pas d'intégrateurs, ne nous mélangeons pas - pour avoir une rentabilité dans la production d'oeufs? Est-ce une bonne chose pour être capable d'arriver à avoir un prix compétitif et un produit qui peut est vendable sur la table, et de ne pas faire payer au consommateur 1 $ la douzaine quand on pouvait la produire à 0, 55 $ dans la moyenne des fermes?

M. Richard (Jean): C'est certain qu'une certaine concentration était inévitable. On ne pourrait pas vivre dans un contexte de 1966 avec 2000 ou 2500 producteurs de 1000 poules. Mais nous pensons qu'il y aurait lieu de favoriser un plus grand nombre de producteurs, évidemment au détriment des intégrateurs. Parce qu'on n'a pas besoin d'avoir 200 000 pondeuses pour vivre, dans la production des oeufs. Quand on est une coopérative ou un couvoir ou une meunerie, on n'a pas besoin d'avoir du quota pour vendre de la moulée ou vendre des pondeuses. On n'a qu'à vendre du service, de la qualité et des prix. Ce sont ces choses qu'on veut voir abolir.

M. Houde: Si on va à votre mémoire à la page 10, on voit FEDCO. FEDCO, c'est la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec, pour ceux qui ne le savent pas. Selon vous, le travail de FEDCO ne serait pas au service du producteur, mais au service plutôt de l'intégrateur ou du consommateur. Est-ce cela? Vous laissez une page blanche et, étant donné que j'ai été plusieurs années près de la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec, j'aimerais avoir...

M. Richard (Jean): Je vais vous donner un peu la raison pour laquelle la page est blanche. Le rapport que j'ai soumis et dont je vous ai lu quelques bribes tout à l'heure a été soumis à la fédération en 1982. Cela donne trois ans pour le lire, le relire et le relire. En 1982, au moment de la réunion générale, en avril, il y a un comité qui a été formé pour étudier le sujet. Tout ce qui en est sorti après un an, c'est un paragraphe supplémentaire dans les règlements qui au bout de deux mois ne servait plus à rien. En 1983, encore des pressions de la part des plus jeunes producteurs pour que la fédération fasse quelque chose. En 1984, encore la même chose, un autre comité est formé; depuis onze mois, il n'y a aucun rapport de sorti, aucun geste concret de posé; cela se limite à environ une page de nouveaux règlements et le tour est joué. Pour quelles raisons cela prend-il trois ans? Si au bout de trois ans ils avaient fait quelque chose, on pourrait dire: Ils ont fait quelque chose, mais au bout de trois ans ils n'ont rien fait. C'est pour cela que la page est blanche.

M. Houde: Très" bien, merci. Je vais me reporter à la page 14. Je vais en lire seulement trois ou quatre lignes. "Parlons d'abord de ses objectifs. Souvent, on s'est fait rappeler que la fédération protégeait plus que tout au monde la ferme familiale. Peut-on parler d'objectif atteint? Sûrement pas. " D'après vous, est-ce que la fédération a aidé la ferme familiale ou encore est-ce que - remarquez bien que j'étais producteur dans le temps; je ne suis plus producteur depuis que je suis en politique, depuis 1981 -la faute ne serait pas plutôt à des producteurs qui n'étaient pas présents lors des assemblées pour prendre leurs responsabilités ou encore est-ce parce qu'il y avait des personnes trop influentes du côté peut-être de l'intégration, qui, à partir de là, faisaient passer leurs messages plutôt que celui des producteurs en général?

M. Richard (Jean): C'est certain que les membres de l'administration de la fédération, ce sont des producteurs. C'est certain que les producteurs peuvent faire quelque chose. Ce qui arrive dans le contexte des quotas, c'est que les producteurs en général - il faut l'avouer - ne sont pas tous comme nous ici. Ils ne sont pas plus intéressés que cela à bouger, parce que c'est un gros fonds de retraite qu'ils ont entre les mains avec leurs quotas. C'est une rente qu'ils n'ont pas payée, eux, en général, qu'ils revendent à la deuxième génération qui, elle, va la payer et qui ne pourra probablement jamais la

revendre. C'est certain que les producteurs en général ne se battront pas pour perdre 100 000 $, 200 000 $ ou 300 000 $. Mais nous pensons que la société leur a donné des droits au moment de la formation des plans conjoints et que les producteurs en abusent, au détriment de la population et au détriment des plus jeunes producteurs, au détriment des producteurs qui voudraient prendre la relève un jour.

Ce n'est pas parce que le quota ne pourra plus être détaché d'une ferme, ce n'est pas parce que le quota n'aura plus de valeur officielle que la valeur d'une ferme va diminuer de façon radicale. Le producteur qui aura su maintenir ses équipements, ses bâtiments, sa ferme, son administration, son personnel de façon logique au cours des années sera toujours capable de vendre un bon prix en fonction de la rentabilité de la ferme. Celui qui n'aura jamais fait de rénovation, qui aura laissé aller son entreprise, c'est certain qu'il va se ramasser avec peu de chose si la valeur du quota est abolie. Il y en a beaucoup, de ces gens. Ces gens ont vécu pendant 20 ans des contingentements; ils se sont occupés d'eux et c'est tout. Ils ne laissent rien en héritage pour les générations futures et ils ramassent le magot. J'ai personnellement acheté beaucoup de quotas, probablement plus en dollars par poule que la moyenne des producteurs parce que je suis un des plus jeunes, et j'accepterais que la valeur des quotas tombe à zéro. Mais je sais une chose, j'ai investi sur une ferme, j'ai réparé des équipements, j'ai changé des équipements, j'ai réparé des bâtisses et je sais que je serais capable de vendre ma ferme un bon prix. (12 h 15)

M. Houde: M. Bernard avait quelque chose à ajouter, je pense. Est-ce que ça va?

M. Bernard: Je voudrais juste ajouter qu'il y a un aspect technique très important. C'est que ceux qui ont créé le plan conjoint ont mis dans les règlements qu'en ce qui concernait les quotas les producteurs, même en assemblée générale, n'avaient aucun pouvoir. Les règlements de quotas sont tels que seuls les administrateurs du plan conjoint peuvent les changer.

M. Richard (Jean): Je voudrais apporter une nuance là-dessus. Les administrateurs peuvent changer tous les règlements eux-mêmes, mais l'assemblée générale a le dernier recours.

M. Bernard: Non, elle n'a pas le droit. Je voudrais rappeler...

M. Richard (Jean): Oui. Pour expliquer un petit peu plus, il n'est pas nécessaire que la fédération ou ses administrateurs fassent une assemblée générale ou convoquent des assemblées pour changer les règlements des quotas, mais s'ils le font et qu'à l'assemblée générale qui va suivre les producteurs décident de changer les règlements, ce sont les producteurs qui vont avoir le dernier droit.

M. Houde: Vous avez raison là-dessus, c'est vrai. J'ai une autre question. Selon vous, les producteurs agricoles, combien de quotas leur appartiennent encore, je veux dire qu'ils n'ont pas achetés, actuellement? Est-ce que c'est 75%, 60%? En 1974, 1975, 1976, les producteurs détenaient un certain nombre de quotas qui étaient à eux autres, qui ne leur coûtaient rien. Aujourd'hui, combien est-ce qu'il y en a qui ne leur coûtent rien et combien qui leur coûtent quelque chose? Avez-vous des chiffres là-dessus?

M. Richard (Jean): C'est assez difficile à évaluer, mais on pourrait faire la comparaison avec l'âge des producteurs. Il y a quand même beaucoup de producteurs qui sont assez âgés. En général, ces producteurs étaient en place au moment de la formation du plan conjoint et, en général, ces producteurs n'ont pas acheté. ou ont peu acheté de quotas.

M. Houde: Est-ce qu'on pourrait établir cela à 60% encore?

M. Richard (Jean): D'après moi, sans que ce soit des chiffres officiels, il y a plus de 60% des quotas qui n'ont pas encore été achetés.

M. Houde: Qui leur appartiennent encore.

M. Richard (Jean): Ou qui ont été achetés à des prix de 0, 50 $ ou 1 $, 2 $.

M. Houde: Oui, une bagatelle.

M. Richard (Jean): II y a les plus gros producteurs qui en ont acheté, il y a les plus jeunes producteurs qui en ont acheté et il y a les intégrateurs qui en ont acheté. C'est peut-être réaliste, 60%, M. Houde.

M. Houde: Est-ce que vous pensez qu'à un certain moment la valeur du quota devra être incluse dans le coût de production? Il va falloir que cela soit prévu, à un moment donné, parce que plus cela va aller, plus les producteurs vont avoir acheté de quotas, plus cela va leur coûter de l'argent, sauf que pour celui qui était dans la production avant, ils ne lui coûteraient rien. Le jeune producteur qui est embarqué ne pourra plus arriver, comme toi, comme M. Bernard. Vous êtes quatre jeunes dont je peux parler. Vous

vous êtes embarqués dans la production, vous avez acheté votre quota. Est-ce que vous prévoyez des mécanismes pour qu'à un moment donné, le coût du quota soit inclus dans le coût de production?

M. Richard (Jean): Je pense que ce n'était pas le voeu des gouvernements au moment où...

M. Houde: Non, je le sais.

M. Richard (Jean):... ils ont adhéré au système de contingentement et je pense que ce serait déloyal envers les consommateurs de leur faire payer le prix d'une location ou le coût d'un achat de quota, ou ses intérêt.

M. Houde: Comment, d'abord, allez-vous pouvoir expliquer demain matin - pas à moi, je suis à peu près comme vous autres -qu'un type qui avait, en 1970, un quota de 25 000 $, il ne lui coûte rien aujourd'hui? À l'un de vous qui vient de l'acheter, il y a à peu près un ou deux ans, il coûte 100 000 $. Comment va-t-on pouvoir établir un coût de production qui soit acceptable par la population, par les consommateurs et qui va vous permettre de vivre aussi? Celui à qui cela ne coûte rien, il va vivre à l'aise.

M. Richard (Jean): Ce qui arrive, c'est que souvent celui qui en a eu pour peu de chose, il en achète et celui qui est rentré le dernier, il ne peut plus en acheter. Il va toujours se faire, excusez le mot anglais, "squeezer", le dernier rentré.

M. Houde: Bon, c'est ça. Je vais passer la parole à mon collègue parce qu'on n'a pas tellement de temps, mais, encore une fois, je voudrais vous remercier bien sincèrement. Cela m'a fait plaisir de rencontrer des figures avec qui on avait travaillé pendant plusieurs années. Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): La parole est maintenant au député de Montmagny-L'Islet, suivi du député d'Orford.

M. Le Blanc: Merci, M. le Président. J'apprécie beaucoup ce contact direct avec des producteurs agricoles. Cela me rappelle des souvenirs - pas très pas lointains, tout de même, d'une dizaine d'années - où j'ai eu l'occasion d'être chargé de cours en gestion agricole auprès de gens comme vous et surtout d'épouses, en deux sessions d'éducation aux adultes, deux sessions avec des femmes d'agriculteur. J'ai apprécié énormément cela et je regrette qu'il n'en ait pas plus dans la salle ce matin.

J'ai un autre regret, toutefois, c'est d'avoir dû lire en diagonale le volumineux mémoire que vous nous présentez et qui semble très bien étoffé. Même si on le lit en diagonale, ce n'est pas une raison pour le comprendre de travers. Ce que je constate, ce qui saute aux yeux dans ces remarques prises très rapidement, c'est que ce fameux marché de quotas est un marché entièrement libre. C'est l'escalade continuelle jusqu'où? Je pense que c'est votre inquiétude.

Ces fameux prix de quotas sont devenus hors de contrôle et les seules qui peuvent réellement compétitionner dans le prix sont les entreprises intégrées. Dans un marché libre, habituellement, on peut établir une relation coûts - bénéfices - directement dans le prix de l'objet mis en vente. Mais je pense que, dans l'établissement du prix des quotas, on ne peut pas faire cette équation, parce que c'est un prix qui est faussé par rapport à la rentabilité qu'on peut obtenir en faisant l'acquisition de ce bien. Je pense que vous l'avez démontré assez clairement dans votre mémoire lui-même et aussi dans les explications que vous avez déjà eu l'occasion de fournir.

Il me vient à l'esprit une première question. Comme vous présentez ce mémoire au gouvernement, quelle intervention de l'État réclamez-vous pour corriger cette situation, à part les autres moyens qui sont peut-être à votre disposition et dont vous avez fait état tantôt: une reprise du contrôle de votre plan conjoint, une présence plus décisionnelle de tous les exploitants, de tous les membres? J'en reviens à ma première question: Quelle est l'intervention que vous réclamez de l'État pour vous aider à corriger cette situation?

M. Richard (Jean): Claude Dicaire va vous répondre. J'ai assez parlé.

M. Dicaire (Claude): Vous parliez tantôt de relation coûts-bénéfices. On a vu en page 5 le tableau de la valeur marchande des quotas. C'est sûr que, le quota étant limité en quantité, la valeur réelle, la valeur marchande se trouve à être faussée. Puisqu'il est limité, les gens paient ce prix-là, bien souvent, pour acquérir des quantités additionnelles. C'est-à-dire que pour maintenir un poulailler à 100% de production, on est prêt à payer un montant supplémentaire, pour utiliser pleinement ses capacités de production. Mais c'est impossible pour un individu de rentrer en production en ayant à payer 100% de ses quotas au prix du tableau de la page 5.

Évidemment, les producteurs plus gros peuvent bénéficier du coût de la moyenne, dans le sens qu'ils ont des quotas qu'ils ont achetés à 1 $ et des nouveaux quotas qu'ils ont achetés à 25 $. À un moment donné, ils arrivent à une moyenne de 4 $ ou 5 $. Qu'est-ce qu'on attend de l'État à ce niveau? Jusqu'à présent, la fédération a toujours essayé de contrôler et de minimiser l'aspect négatif de la valeur des quotas

auprès des producteurs en contrôlant les associations de personnes. Elle a limité le nombre de quotas qu'un producteur peut détenir à 50 000 unités. Mais, à la suite de ça, dans une réglementation, il y a toujours moyen de trouver des trous. C'est d'ailleurs ce que font les avocats. On passe une partie de l'exploitation au nom du fils, de la fille ou du frère.

Quant à nous, Mme Carmen Juneau soulignait tantôt que l'application du point 5 de nos recommandations, selon elle, mettrait fin è la situation actuelle. Il ne faut pas oublier qu'il a de grosses entreprises agricoles qui sont quand même producteurs et exploitants. Cela ne leur enlève pas le droit d'acheter les quotas. Pour les grosses entreprises agricoles, via un taux d'imposition plus élevé que le producteur moyen, évidemment, la récupération est plus vite faite en récupérant l'amortissement et en récupérant des pertes sur les impôts.

Une des solutions qu'on préconise, c'est que c'est difficile de contrôler les associations de personnes, mais ce serait plus facile de contrôler les quotas en les attachant à l'exploitation, au lieu physique où ils sont produits. De cette façon, cela empêcherait la concentration. Une organisation, qui a 200 000 poules, achèterait difficilement 20 000 poules situées à 200 ou 300 milles de ses installations. En appliquant cette mesure de rattacher le quota au lieu physique de l'exploitation, nous considérons que cela mettrait un frein au phénomène de concentration des quotas vers des lieux de plus en plus limités de production et, du même coup, les quotas resteraient davantage en région. Je pense que le gouvernement actuel, ainsi que la plupart des gouvernements croient quand même, en partie, à une certaine économie régionale.

Également, le quota étant rattaché à l'exploitation, cette dernière se vendrait à une valeur réelle pouvant permettre à l'acquéreur, soit un jeune, une personne de la relève ou une personne extérieure du milieu agricole, de payer l'exploitation, incluant les quotas, à une valeur marchande un peu réelle, étant donné que l'individu devra assumer la rentabilité de son entreprise. Bien souvent, ce qui se passe, c'est que les grosses corporations achètent du quota à 200 ou 300 milles de distance et elles rattachent cela à leur exploitation. En attachant le quota au lieu physique, cela permettrait l'accessibilité de la relève ou des gens extérieurs au milieu agricole pour acheter des exploitations agricoles. Conséquemment, ces dernières seront vendues à un prix ayant une valeur marchande plus réelle et permettant à l'acquéreur de survivre et de vivre avec son entreprise» Je pense qu'en l'attachant cela réglerait les trois ou quatre principaux problèmes dont la concentration, la régionalisation. Cela va diminuer automatiquement la valeur; en même temps, cela va permettre à la relève d'entrer dans les domaines de production contingentés.

Il ne faut pas oublier que, en général, les organismes sont dirigés par des gens qui sont à la préretraite. Comme Jean l'expliquait tantôt, ce sont des gens qui dorment un peu sur leur fonds de retraite. Lorsqu'on devient président de l'UPA ou de la fédération, c'est qu'on n'a plus tellement de choses à faire sur la ferme! Bien souvent, ceux-ci, pour défendre leur fonds de retraite ou pour défendre la valeur des quotas, comparent cela à un achalandage. Ils font souvent le parallèle avec les permis de taxi à la ville de Montréal. Mais un achalandage, il faut bien se comprendre, en tant que professeur d'économie, si je ne me trompe pas, vaut pour autant qu'il est relié à un commerce. Un individu, qui vend une quincaillerie, s'il vend simplement son achalandage, cela ne vaut pas grand-chose. S'il vend la quincaillerie, complétée par un bel achalandage, là, l'entreprise a une certaine valeur. C'est ce qui faisait dire tantôt à Jean que de rattacher le quota à l'exploitation, cela ne diminuera pas nécessairement la valeur de la ferme de façon radicale, mais cela va plutôt la ramener à une valeur réelle pouvant permettre à un individu de l'acquérir.

À la suite du phénomène d'achat des quotas par des gens au prix tel que stipulé, ce sont juste les grosses corporations ou les vendeurs d'utilités qui pouvaient en acheter. Le calcul était bien facile à faire, c'est qu'ils le refilaient dans le prix de vente de la moulée. La valeur de location des quotas suit directement la valeur de vente de ces mêmes quotas. Ceci signifie que, en 1981, un producteur pouvait louer un quota à 1 $ la poule; aujourd'hui, il doit débourser de 2, 50 $ à 3 $ pour louer le droit de pouvoir faire produire une poule. L'application de cette règle, c'est-à-dire l'attachement du quota au lieu physique, selon nous, mettrait fin, en grande partie, aux différentes circonstances négatives que nous avons soulignées.

M. Le Blanc: J'ajoute un commentaire, M. le Président, si vous me le permettez, c'est pour remercier les porte-parole de l'Association des producteurs exploitants du Québec pour ces commentaires supplémentaires qui nous permettront d'avoir une meilleure compréhension de leur mémoire lorsqu'on aura le temps de le lire complètement. Merci.

M. Richard (Jean): Une réponse toute courte à votre question, monsieur. Ce que nous attendons du gouvernement ou des gouvernements, c'est probablement d'imposer aux producteurs de se discipliner parce qu'ils ne veulent pas le faire. La raison, ce sont

des signes de dollar.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député d'Orford, en trois minutes, incluant la réponse. (12 h 30)

M. Vaillancourt: Merci, M. le Président. Je suis toujours pris avec des trois minutes! II me fait plaisir que vous m'accordiez le droit de parole. Premièrement, j'aimerais féliciter les personnes qui sont devant nous, qui représentent l'Association des producteurs exploitants du Québec.

J'aimerais savoir ceci: Vous qui présentez le mémoire, est-ce que vous êtes des membres de l'Association des producteurs exploitants du Québec ou si vous êtes des personnes élues ou non élues?

M. Richard (Jean): Notre organisme, c'en est un qui est nouveau, qui date d'environ neuf mois. Ce sont des producteurs qui sont aux prises avec des locations de quotas qui l'ont mis en branle. Ce n'est pas un organisme parallèle à la fédération. Nous sommes tous membres de la fédération. Nous sommes prêts à appuyer la fédération dans une certaine mesure, mais nous trouvons que la fédération ne bouge pas, pour toutes les raisons dont on a parlé tout à l'heure. Nous faisons partie du conseil d'administration de cette association.

M. Vaillancourt: Parce qu'ici, ce qui me surprend un peu, c'est que vous me dites que votre association existe depuis seulement neuf mois; donc, ce n'est pas une association qui a connu des élections ou de la compétition au niveau de votre fonction.

M. Dicaire: En réponse à votre question, c'est qu'à la dernière assemblée générale de la fédération M. Bernard, M. Richard et moi-même avons été membres élus de la fédération pour nous occuper de l'aspect de la commercialisation des oeufs du Québec.

M. Vailiancourt: Vous avez été mandatés?

M. Dicaire: Nous faisons partie d'un comité élu officiel de la fédération. Pour pouvoir définir notre représentativité, nous sommes trois membres élus d'un comité officiel de la fédération.

M. Vaillancourt: Est-ce que vous faites partie de la fédération?

M. Dicaire: Bien, pour être membre élu d'un des comités de la fédération, il faut automatiquement faire partie de la fédération.

M. Vaillancourt: Maintenant, j'aurais quelques questions à vous poser. De combien de pondeuses un exploitant a-t-il besoin pour que ce soit rentable?

M. Richard (Jean): Environ 10 000 à 15 000.

M. Vaillancourt: De 10 000 à 15 000. Cela veut dire 10 000 à 15 000 multiplié par 20 $ à 26 $ pour acheter un quota?

Une voix: C'est 100 000 $.

M. Richard (Jean): Plus 26 $ que 20 $. Cela se transige entre 24 $ et 27 $, à l'heure actuelle.

M. Vaillancourt: Cela représente un joli montant pour un jeune...

M. Richard (Jean): Environ 400 000 $.

M. Vaillancourt:... pour la relève dans ce domaine.

M. Richard (Jean): C'est irréalisable quand on pense que, pour les infrastructures physiques, il faut compter un autre montant de 15 $ pour le poulailler, les équipements, le fonds de terre.

M. Vaillancourt: Ce qui représente environ 40 $...

M. Richard (Jean): Environ.

M. Vaillancaurt:... grosso modo par pondeuse.

M. Richard (Jean): La capacité maximale d'endettement qu'une pondeuse peut supporter, c'est environ 20 $.

M. Vaillancourt: Cela représente environ 600 000 $ pour commencer, pour avoir un commerce dans ce domaine et qu'il soit rentable.

M. Richard (Jean): Dans d'autres productions, qui sont le poulet, la dinde ou le lait, c'est quand même assez similaire.

M. Dicaire: Je voudrais préciser qu'avec un tel endettement, c'est difficilement rentable.

Le Président (M. Vallières): Je dois vous arrêter là-dessus, notre temps est écoulé.

M. Bernard: J'aimerais...

Le Président (M. Vallières): II resterait une question. C'est que, si l'on dépasse à chaque fois, on va se ramasser avec des problèmes à la fin. J'ai prévu du temps pour

vous, M. Bernard, pour terminer. Il y aurait le député de Shefford, en lui demandant de se limiter à une question et à une réponse courte de la part des intervenants.

M. Vaillancourt: M. le Président, j'aurais juste une petite question très courte, qui serait bien importante.

M. Paré: À la condition qu'elle ne vole pas la mienne.

M. Vaillancourt: La question que je voudrais poser aux messieurs du panel: Est-ce que vous avez consulté les aviculteurs pour savoir s'ils seraient d'accord pour remettre à la fédération les quotas?

M. Richard (Jean): II y a présentement une pétition qui circule à ce sujet, sur laquelle il y a une trentaine de noms. C'est évident que la majorité des producteurs ne voudront pas dissocier la valeur du quota du quota lui-même, parce que c'est un trop beau fonds de retraite.

Mais nous, on se pose la question: Tout ce beau système valable pour la survie de l'agriculture, est-ce qu'on l'a mis en place pour une seule génération ou si on l'a mis en place pour les générations qui s'en viennent? C'est exactement ce qui va se passer. M. Houde, tout à l'heure, disait qu'on avait été les premiers dans tout au niveau provincial, au niveau fédéral, mais on va probablement aussi, à mon avis, être les premiers à disparaître.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Shefford.

M. Paré: Très rapidement, juste une question là-dessus. À la page 7- de votre mémoire, en haut, on retrouve ceci: "À la mi-janvier, l'Ontario qui possédait déjà le pouvoir de fixer les prix a élargi sa juridiction au contrôle de la production. " J'aimerais savoir quels sont les avantages et les inconvénients que vous y voyez, si vous avez eu le temps de faire le tour de la nouvelle...

M. Richard (Jean): Les avantages du contingentement?

M. Paré: Du fait que le gouvernement de l'Ontario ait décidé d'élargir sa juridiction au contrôle de la production. Dans le premier paragraphe, on continue en disant: "Elle entend faire en sorte que les quotas n'aient aucune valeur marchande. "

M. Richard (Jean): D'autres productions, qui tentent de s'organiser de la même façon qu'on s'est organisé au cours des vingt dernières années, voient et comprennent les problèmes qu'aujourd'hui on a à subir. En général, les nouveaux organismes qui sont mis en place, autant au Canada qu'à l'étranger, ne prévoient en partant aucune valeur aux quotas. Ici, c'était cité en exemple de la même façon que les trois provinces des Prairies, la Saskatchewan, le Manitoba et l'Alberta; elles, au départ, n'ont pas donné de valeur aux quotas. C'était un exemple parmi d'autres.

M. Paré: Pour qu'on en tienne compte.

M. Richard (Jean): Pour que vous en teniez compte.

Le Président (M. Vallières): M. Bernard, en conclusion.

M. Bernard: On veut vous remercier pour cette occasion que nous avons eue de vous rencontrer. On sait que vous avez bien des chevaux à fouetter; alors, que vous nous passiez un peu de temps, on l'apprécie. Ce sera très court, on va vous laisser une copie de cela.

L'Association des producteurs exploitants du Québec a présenté un mémoire à votre commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui fait une consultation générale sur la relève, le financement et l'endettement agricoles. Nous serons probablement les seuls à vous dire que la valeur artificielle spéculative des quotas est un cancer, et même le cancer le plus dangereux qui ronge présentement la ferme familiale rentable. Ceci élimine presque automatiquement la relève agricole.

À notre avis, il est faux et erroné de chercher et de proposer des moyens pour favoriser un plus grand endettement. Cette approche plus facile d'accès, a priori, est un noeud coulant plus réel qui se referme sur l'exploitant agricole à chaque nouvelle crise. Nos grands-pères étaient d'avis que le vieux bon sens disait qu'avant de chercher à t'endetter plus, tu devrais peut-être chercher à couper tes dépenses.

L'UPA, à notre avis, cache le problème des prix des quotas et maquille ses présentations en l'escamotant tout simplement. Il faut dire que c'est un sujet tabou que l'on ne discute pas en public. Les excuses sont nombreuses dans la bouche de ceux-là mêmes qui envisagent de faire fortune à leur retraite sur le dos de la relève ou du voisin. Les dirigeants de la fédération spécialisée, même la nôtre... On peut citer le cas de notre ancien président fondateur qui a vendu ses quotas à des commerces agro-alimentaires, non à ses voisins qui, eux, payaient et continuent encore à payer le plan conjoint à 2 $ par poule par année.

Ce faisant, il a favorisé l'intégration et additionné une gangrène de plus qui s'appelle la location des quotas. Les dirigeants anciens

et nouveaux, à notre avis, ont trahi les producteurs en permettant à l'agro-alimentaire de contourner les règlements et les ont même ajustés sans consulter la base, c'est-à-dire les producteurs, afin de tolérer en silence le développement de l'intégration privant ainsi le vrai producteur exploitant et sa famille de son gagne-pain. Pour nous, dans les productions sans sol, il s'agit des quotas.

Les gouvernements provinciaux successifs que voua représentez et pour la gouverne desquels vous tenez cette commission parlementaire ont, en signant l'entente nationale - parce que c'est vraiment le gouvernement du Québec qui l'a signée - pris un engagement ferme de protéger le producteur exploitant familial. En tolérant la situation actuelle de la valeur "monétaire" des quotas de surenchère en surenchère, la location de quotas par des non-exploitants, nous croyons qu'il manque grandement à ses engagements.

Nous espérons que vous recevrez favorablement notre mémoire et que par la suite vous prendrez les mesures nécessaires pour rectifier cette situation dans le plus court délai possible.

Nous sommes convaincus qu'il s'agira là d'un pas positif important dans le but d'améliorer la situation financière des producteurs exploitants présents et futurs, pour ne pas dire un pas essentiel pour assurer la survie de la ferme familiale rentable au Québec.

On a un post-scriptum dans le bas de notre page qui est un peu malin, mais nous disons simplement ceci: Nous désirons attirer votre attention, messieurs les commissaires, sur le fait que la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec a ignoré votre commission.

Le Président (M. Vallières): Merci. Là-dessus...

M. Richard (Jean): Est-ce que je peux avoir quinze secondes?

Le Président (M. Vallières): Vraiment quinze secondes?

M. Richard (Jean): Ce sera huit secondes. Les quatre chevaux de bataille des fédérations au début c'était d'éviter l'intégration, favoriser la ferme rentable, favoriser la ferme familiale et favoriser la relève agricole. C'est pour les mêmes quatre grands principes qu'aujourd'hui on veut se battre, mais nos prédécesseurs les ont oubliés sauf un: la ferme rentable.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie beaucoup de votre contribution à nos travaux. Je demanderais maintenant à l'autre groupe, soit le Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie, de bien vouloir s'approcher.

À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux représentants du Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie de bien vouloir s'identifier.

Syndicat des producteurs de porcs de l'Esrie

M. Girard (Adrien): Mon nom est Adrien Girard, vice-président du Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie; à ma gauche, Victor Blais, membre du Comité des producteurs finisseurs de l'Estrie.

Le Président (M. Vallières): Vous pouvez procéder à la lecture de votre mémoire en vous rappelant, une fois de plus, que moins l'exposé est long plus les parlementaires ont la chance de vous poser des questions.

M. Girard: On a combien de temps au total, M. le Président?

Le Président (M. Vallières): Vous disposez d'une heure au total et, dans la mesure du possible, vous limitez à une quinzaine de minutes votre présentation.

M. Girard: Merci, M. le Président. À la suite des quelques pages qu'on va vous lire, on les explicitera pendant trois ou quatre minutes et ce sera fait par mon collègue.

Mémoire sur les politiques de financement des fermes porcines pour la commission parlementaire. Ce mémoire représente l'opinion du Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie sur les principales causes des difficultés financières des producteurs de porcs de la région. La spécialisation dans la production porcine a débuté vers 1975 pour se terminer au début de 1981 avec un surplus de production de 33% par rapport à la consommation provinciale. (12 h 45)

Durant toutes ces années, l'OCA -l'Office du crédit agricole - a investi beaucoup d'argent et d'espoir dans la production porcine en aidant à financer plusieurs centaines d'entreprises mais, pour un service financier gouvernemental, on n'a pas à être fiers, pas nécessairement pour avoir trop prêté, mais pour avoir mal prêté, mal orienté la production porcine, donc, finalement, avoir mal conseillé les producteurs. Je m'explique.

Durant l'année 1972, la production porcine appartenait uniquement au producteur, c'est-à-dire à la ferme familiale. À la suite de pressions, vers 1976, par les fabricants vendeurs de moulée, l'office, dans le souci de maintenir une compétition envers la Société du crédit agricole fédérale, a ouvert les prêts à l'intégration sous des formes déguisées. On croyait que les

intégrateurs apporteraient la stabilité aux producteurs de porcs. Au contraire, ces intervenants ont pris le meilleur et laissé choir les producteurs. Si l'on avait consulté les producteurs, on aurait établi un producteur naisseur-finisseur avec un peu de terrain pour répandre les surplus, soit le fumier. Avec ce modèle de ferme, la mise en marché serait déjà organisée et les producteurs seraient dans une meilleure situation financière.

Il fut un temps, entre 1975 et 1961, où, si on voulait devenir agriculteur, l'OCA nous orientait, nous conseillait fortement d'aller vers la production porcine, même, nous recommandait souvent d'avoir un contrat d'intégration pour avoir un prêt agricole. Les conseils des officiers de l'OCA nous spécialisaient comme producteurs naisseurs ou finisseurs, ce qui, selon nous, rendait les producteurs beaucoup plus vulnérables face aux baisses de prix cycliques du porc, favorisait l'introduction de spéculateurs entre les producteurs naisseurs et finisseurs, installait l'intégration et allait à l'encontre de la philosophie que nos gouvernements québécois ont toujours favorisée, c'est-à-dire la ferme familiale.

L'expérience dans la production n'était pas un critère de première importance, parce que beaucoup de producteurs qui ne sont plus là n'avaient pas d'expérience, même malgré leur désir de réussir. Lorsqu'on construit une maternité, règle générale, les premières années sont mauvaises car les maladies se chargent de baisser nos rendements à des niveaux inférieurs à 17 porcelets, comme le demande l'ASRA dans son programme. Cela nous prouve aujourd'hui que de très bons producteurs qui ont construit en 1978, tout en étant assurés, ont maintenant fait faillite ou abandonné.

Donc, serait-ce une mauvaise gestion de la part des officers de l'OCA dans la planification des prêts aux producteurs? Il faut se mettre à la place du producteur qui a travaillé d'une noirceur à l'autre pour rejoindre les deux bouts et qui, après quelques années, a atteint de bons standards de productivité et se voit acculé à la faillite et devient dépressif, découragé. Bien sûr, il ne faut pas se cacher qu'un pourcentage minime a peut-être couru après, comme certains se plaisent à le dire, mais il ne faut pas oublier que l'étude approfondie et récente de la Société du crédit agricole fédérale tirait cette conclusion: Ce sont les producteurs les plus endettés et mal pris qui sont les plus productifs.

Selon nous, ce qui a été très malheureux dans bien des cas fut le manque d'encouragement de la part des officiers de l'OCA qui visitent les producteurs et s'appliquent plus à compter leur capacité de remboursement et leur équité plutôt que de les aider à se donner des moyens pour se tirer d'affaire, soit par des spécialistes en production, en gestion ou autre. Les producteurs avaient probablement la bonne façon d'administrer et d'investir en 1976, mais il ne faut pas oublier que l'on n'est plus dans le même contexte en 1985.

Les années ont permis de se rendre compte qu'il faut sans cesse changer de façon d'administrer et d'investir, pour nous les producteurs. On a beau nous demander de changer de comptabilité, de produire de plus en plus, de baisser l'inventaire, d'être électricien, plombier, ouvrier, très bon gestionnaire, etc., tout ceci pour travailler plus d'heures et faire moins d'argent et même, parfois, se sentir très mal à l'aise vis-à-vis de nos prêteurs...

En 1980-1981, le MAPAQ essayait, par des crédits spéciaux, d'aider les producteurs en difficulté financière, ce qui avait été demandé, à l'époque, par la Fédération des producteurs de porcs du Québec, mais en vain. Après quelques années, on s'aperçoit que, pour rembourser des crédits spéciaux, il faut absolument faire plus d'argent, et cela n'a pas été le cas pour les producteurs de porcs dont ce fut la vraie dégringolade, en 1982-1983, pour plusieurs qui n'arrivaient pas à rembourser leurs dus. Ce fut encore pire en 1984 parce qu'on vous oblige à faire des remboursements, sinon vous avez droit à la guillotine. C'est toujours du "cas-par-cas". Bien sûr, si vous ne payez pas, on le prend sur la marge de crédit ou ce qu'on appelle le crédit à la production. Il ne reste plus d'argent pour payer la moulée à la fin du mois. On perd notre escompte sur la moulée. On nous oblige à des dépenses supplémentaires, soit assurance-vie, assurance contre le feu, garantie sur ceci, garantie sur cela, etc. Et c'est le début de la fin.

Nous ne pouvons directement blâmer le gouvernement d'avoir encouragé la production porcine au Québec, mais nous le blâmons parce qu'il ne l'a pas appuyée adéquatement dans une baisse de prix sans précédent. Au printemps 1984, le Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie donnait une conférence de presse pour se rendre compte que, sur quinze faillites ou abandons, l'OCA et la société perdaient en moyenne 200 000 $ par entreprise. En perdant des sommes aussi considérables, il y avait lieu de la part de notre gouvernement et du ministère d'injecter une somme minime par rapport aux coûts que doivent assumer les contribuables québécois pour ces faillites ou abandons. Serait-ce une mauvaise administration?

Au début des années difficiles dans le porc, la Fédération des producteurs de porcs du Québec présentait au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et à l'OCA un document qui s'intitulait "Plan de conversion de la production porcine". La philosophie de ce document permettait au producteur qui était

seulement naisseur ou finisseur et intégré de devenir naisseur-finisseur afin de lui permettre de devenir plus autonome et moins vulnérable dans la baisse des prix. Ce document, prôné par la fédération, semblait plaire énormément au ministre et à l'OCA du Québec. Même si cela entrait parfaitement dans la politique agricole du MAPAQ, jamais rien de concret n'a été mis en pratique par l'OCA. Pourquoi?

Un autre point important à souligner est la baisse d'évaluation des fermes porcines par l'OCA. On ne trouve pas normal que les fermes porcines, dans une période de trois ans, aient été dévaluées d'environ 30%. Donc, le producteur en période critique perd de l'argent, rembourse un crédit spécial ainsi que les paiements normaux de l'OCA du Québec, plus le crédit à la production qui grimpe sans cesse, et, quand il se voit mal pris financièrement, le gars va à l'Office du crédit agricole pour refinancer son entreprise, mais là, c'est la surprise, parce qu'on lui apprend que sa dette dépasse la valeur de sa ferme et qu'il perd son remboursement d'intérêt. Le gouvernement profite de la situation pour faire des économies sur le dos de nos producteurs. Le capital que le producteur croyait posséder est entièrement anéanti par les fameux 30% de dévaluation dans une période de trois ans. Devant une telle situation, plusieurs de nos producteurs se sont découragés.

L'assurance-stabilisation. Que de discussions infertiles la fédération a eues avec cette équipe dirigée par M. Brulotte. Durant toutes ces années, plusieurs changements ont été faits sans l'accord des producteurs, sans l'approbation des fédérations. On a l'impression qu'il y a un budget à respecter au MAPAQ et que, l'année où une production est financièrement en difficulté grave, on est un peu plus généreux mais, si les prévisions pour la prochaine année sont bonnes, on coupe dans le coût de production au maximum. Lors du changement pour le comptage des truies, par exemple, certains producteurs, se sentant brimés, ont manifesté leur désaccord par un geste symbolique de contestation. Mais, comme il était de bonne guerre dans ces années, les producteurs ont été traduits devant la justice de façon abusive pour semer ainsi la terreur et la division parmi les producteurs et, par ce fait même, faire un cas type de soumission qui, pensait-on, servirait d'exemple pour d'autres producteurs non satisfaits de ces nouvelles politiques de l'ASRA. Mentionnons que cet organisme a fait des pressions chez les enquêteurs de la Sûreté du Québec pour tenter de faire traduire tous ces producteurs devant les tribunaux pour enlèvement et séquestration. Nous croyons que ce n'est pas le rôle des employés de la Régie des assurances agricoles du Québec et des régisseurs de faire de telles confrontations avec les producteurs, mais plutôt d'assurer un minimum vital tout en étant équitables envers tous les producteurs.

Concernant l'assurance-stabilisation pour finisseurs, la Régie des assurances agricoles recueille 80% des coûts de production et ces mêmes coûts nous semblent biaisés au désavantage des producteurs car, à notre connaissance, dans la méthode de calcul utilisée, des coûts importants sont oubliés. Par exemple, il n'y a pas de tracteur pour faire fonctionner la génératrice. Il n'y a pas de ligne électrique qui va à la porcherie, pas de chemin non plus pour s'y rendre.

Chose étonnante, les employés de l'ASRA excluent des producteurs qui font la location de porcheries d'engraissement pour finir leurs porcelets ou pour d'autres raisons. Ces producteurs sont des naisseurs à qui l'Office du crédit agricole a refusé un prêt pour se construire une porcherie d'engraissement. Ces mêmes producteurs louent des facilités disponibles ou bien sont des producteurs qui ont une bâtisse qu'ils ont louée du gouvernement du Québec dans le cadre d'un réaménagement foncier.

Vous voyez dans quel dilemme ces producteurs se trouvent. L'ASRA assuserait, s'il y avait un contrat emphytéotique de plus de neuf ans, mais l'OCA refuse aux propriétaires le droit de donner ce genre de contrat et l'Office du crédit agricole refuse des crédits à la production car le producteur n'est pas assuré. Tout le monde se lance la balle. Sont aussi exclus les producteurs finisseurs intégrés qui partent à leur compte tant et aussi longtemps qu'il leur reste un porc intégré dans la bâtisse. Par le fait même, ceci empêche, dans bien des cas, des producteurs de devenir autonomes.

Nous savons qu'un producteur qui était dans cette situation a réussi à se faire assurer parce qu'il s'est fait défendre pas un avocat du bureau de Paradis et Paradis. Beaucoup de pressions ont dû être faites pour qu'il réussisse, mais combien d'autres producteurs ont été pénalisés ou oubliés?

Pour vous montrer comment les fonctionnaires peuvent avoir une attitude abusive dans notre région, plusieurs producteurs sont aux prises avec ce problème de location de bâtisse mais, pour l'un d'entre eux qui n'avait pas fait de demande, un fonctionnaire l'a informé qu'il pouvait s'assurer en lui disant: Faudrait que ça reste entre nous.

Vous, les législateurs, vous avez voulu exclure du programme l'intégration, et non ces producteurs autonomes et vous l'avez exprimé à l'article no 2, paragraphes C, D et 4.

Nous ne pouvons nous expliquer comment c'est si important, aux dires de vos fonctionnaires, que les producteurs de porcs d'engraissement soient propriétaires de leur

bâtisse quand, dans te cas des autres programmes, ce n'est pas nécessaire d'être propriétaire de tous les actifs fonciers. Exemple: celui qui est naisseur peut louer et cela ne dérange pas, celui qui est dans la vache-veau c'est la même chose, celui qui est dans les bouvillons, c'est la même affaire, dans les céréales, le mouton, c'est la même chose. Sauf que dans le porc à l'engraissement...

Nous pensons que c'est illogique que les producteurs soient obligés de recourir à des moyens juridiques.

L'environnement est un autre dossier important dont plusieurs producteurs n'ont pu supporter l'investissement parce que les politiques gouvernementales sur ce sujet reposent sur l'inexpérience ou la mauvaise volonté de ceux-là mêmes qui les ont pondues. Un travail énorme a été effectué par les producteurs pour des règlements maintes fois changés, sans compter l'argent investi pour satisfaire à tous ces règlements d'exigence environnementale agricole parfois illogiques. L'agriculture a été un chef de file en matière de dépollution des eaux, laissant les vrais pollueurs loin derrière. Voici la principale question qu'il faut se poser aujourd'hui: Combien de producteurs ont payé très cher ces investissements de fosses en ciment par des faillites ou abandons de la production? Bien sûr que le résultat économique provincial, en taxes, se portait bien, même très bien, tandis que plusieurs producteurs étaient en faillite ayant trop dépensé pour ces monuments qui sont la risée des voisins, aujourd'hui, parce qu'eux, l'Environnement et le MAPAQ leur permettent de construire des fosses en terre. C'est révoltant. Un aspect qui a toujours été négligé dans ce domaine fut la recherche et nous croyons que c'était une obligation du MAPAQ pour protéger les producteurs et leurs prêts agricoles. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait?

En conclusion, faut-il croire, ou peut-être en pleurer, que le gouvernement, par le biais du MAPAQ, orienté par le ministre Garon, a spéculé tant sur le capital investi durement gagné des producteurs que sur les personnes elles-mêmes, leur famille, leur ardeur au travail, sans compter les efforts que ces gens avaient mis avec confiance dans la production porcine sur laquelle ils misaient tout leur avenir social, familial pour en faire une entreprise viable selon les dires mêmes de l'OCA qui prêtait à 90% de la valeur à ce moment-là? Mais ensuite, par des changements de toutes sortes, sans analyse des conséquences, on a jeté pardessus bord et dans le chemin ceux-là mêmes qui avaient cru en sa politique, sans compter les années d'effort de ces familles et leur avoir financier, cela sans remords, en leur disant qu'ils étaient mauvais gestionnaires, non productifs, sans trop regarder l'insuffisance constante des revenus qui n'étaient tout simplement pas de leur faute, mais on les poursuit quand même après leur abandon pour tenter de les maintenir, ainsi que leur famille, à tout jamais sur le BES. (13 heures)

Par ces gestes pauvres d'esprit et sans réflexion, des fonctionnaires impliqués ont jeté dans la face noble et travaillante du producteur un sentiment de dédain face au gouvernement qui a manqué d'écoute attentive et qui a appliqué abusivement ses pouvoirs.

Nous sommes convaincus que cette commission peut faire des recommandations et des recherches nécessaires pour que le gouvernement respecte son devoir de bon père de famille et de bon gestionnaire des fonds publics et ainsi retourne à nos producteurs la fierté et l'espoir en corrigeant les erreurs et les abus de l'ASRA, en mettant les fonds disponibles auprès de l'OCA pour annuler les crédits spéciaux ou autres pour ainsi ramener l'endettement des producteurs les plus touchés à des niveaux acceptables consolidés selon la valeur de remplacement. Une dépréciation raisonnable peut être mise de l'avant dans un tout de consolidation et on peut arrêter de refuser des prêts sans raison valable et mettre en place les mécanismes pour blanchir à tout jamais ces producteurs qui ont tout perdu, leur capital, leurs ambitions, leur honneur et parfois même leur famille. Le Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie.

Le Président (M. Vallières): Vous m'aviez expliqué que M. Blais...

M. Girard:... aurait une note explicative.

Le Président (M. Vallières):... avait une note explicative,

M. Blais (Victor): Est-ce qu'on pourrait déposer devant cette commission les documents en annexe?

Le Président (M. Vallières): II faudrait d'abord me les présenter pour que j'en connaisse la nature.

M. Blais (Victor): D'accord. Vous voulez dire au micro?

Le Président (M. Vallières): Non. Quelqu'un va passer les chercher. Vous pouvez toujours passer aux notes de conclusion dont vous parliez pendant que je prends connaissance de...

M. Blais (Victor): II faudrait presque que vous acceptiez le document avant. A moins que vous me permettiez de commencer à en parler.

M. Picotte: On pourrait au moins suspendre le temps pour nous permettre de poser des questions aussi, n'est-ce pas?

Une voix: Oui. D'accord.

Le Président (M. Vallières): Le temps ne sera pas retenu.

M. Picotte: Merci. C'est important pour ceux qui comptent en arrière de moi. Je les ai toujours en arrière, d'ailleurs.

Le Président (M. Vallières): Je voudrais m'assurer auprès de vous que les noms des individus qui apparaissent sur ces documents, que toutes ces personnes sont consentantes à ce que leur nom devienne, d'une façon très large, public. Il y a des noms d'individus qui sont mentionnés dans ces dossiers. Il faudrait s'assurer que ces gens sont en accord avec...

M. Blais (Victor): Vous faites allusion au dossier présenté au Protecteur du citoyen?

Le Président (M. Vallières): Oui, c'est cela.

M. Blais (Victor): Disons que je ne peux vous donner la garantie qu'ils ont accepté que leur nom soit cité ici aujourd'hui, mais, quand on a présenté cela devant le Protecteur du citoyen, ils étaient d'accord, puis ils l'ont présenté de façon publique au Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie. Il pourrait être détaché pour les fins du public et rester à l'intérieur des membres de la commission parlementaire. On ne voit aucun inconvénient.

Le Président (M. Vallières): Vous pouvez également, de votre propre chef, le redistribuer pour information aux gens sans qu'il soit considéré comme étant déposé en commission comme tel.

M. Blais (Victor): D'accord. M. Lanoue va distribuer cela.

Le Président (M. Vallières): À ce moment cela devient votre responsabilité et non pas celle de la commission.

M. Blais (Victor): D'accord, je vais commencer mon exposé. Avant de commencer j'aimerais mettre la commission parlementaire bien au courant et en garde que sur la question du comptage des truies et de l'ASRA on n'a aucune intention de s'en prendre personnellement à M. Brulotte et toute sa compagnie. Ce n'est pas une attaque personnelle contre lui. Notre but c'est d'avoir justice dans ce dossier.

Dans le programme d'assurance-stabilisation, le MAPAQ a déterminé qu'un pourcentage de 33 1/3 de remplacement faisait partie ' du coût de production. Ce pourcentage est impossible pour les producteurs qui ont un rendement de 17 porcelets par truie en inventaire. C'est impossible, un rendement de 18, 68 par truie productive...

M. Rancourt: M. le Président, j'aimerais savoir si la distribution aux journalistes et la distribution à d'autres personnes que les parlementaires de cette commission, d'après ce que vous avez dit, était dans les normes? Cette distribution, avec des noms inscrits, a été faite par M. Lanoue à des journalistes et à d'autres personnes que les membres de la commission. Est-ce que c'est cela que vous avez dit tantôt?

Le Président (M. Vallières): Je pense bien que M. Lanoue a la responsabilité des documents qu'il distribue. Il faut très clairement établir que ce n'est pas la commission qui distribue ces documents.

M. Rancourt: D'accord, je voulais le faire expliciter. Merci.

Le Président (M. Vallières): Très bien.

M. Blais (Victor): Je recommence. Ce rendement n'est pas un rendement qui est effectif pour des remplacements, avec les rendements exigés. Présentement, au PATPQ, programme d'amélioration des troupeaux porcins du Québec du MAPAQ, les producteurs remplacent 50% des truies productives. Moi-même, j'ai présenté à la Régie des assurances agricoles, pour la fédération des producteurs, un dossier puisé des recommandations du MAPAQ où vous verriez le ridicule du pourcentage de l'ASRA. Même à ce moment-là, je tiens à avertir la commission que Mme Bourque, qui est régisseur, était présente. Je l'ai mise en garde et je lui ai dit que ce n'était pas son pourcentage à elle. Je le lui ai mentionné. Le pire n'est pas que ce soit un pourcentage de 33 1/3 mais, à l'automne 1981, on a changé la méthode de compter les truies. Avant, la Régie des assurances agricoles comptait toutes nos truies dans la maternité, et voilà que l'on compte les truies ayant mis bas une fois et qu'on y ajoute un pourcentage de 1, 1236. Alors, on ne compte plus les truies qui attendent leur première gestation ainsi que les jeunes truies saillies gestantes. Pour le producteur qui remplace selon le modèle, on exclut les jeunes truies qui attendent leur première gestation. Cela peut paraître assez technique, mais en tout cas... Le pire, c'est que celui qui remplace selon les recommandations du MAPAQ, de tous les spécialistes compétents et de la moyenne du programme d'amélioration des troupeaux porcins du Québec, se voit enlever

une partie des truies gestantes et productives, ainsi que les jeunes truies prêtes pour leur première gestation. Si un producteur a des difficultés qui l'obligent à augmenter sa sélection, il se voit en partie désassuré. Pour quelles raisons? Car il continue de produire au même rythme avec des jeunes truies plutôt que des vieilles truies,

Pour produire selon le modèle démographique de l'ASRA, vous vous retrouvez avec des truies de vingt portées ou tout près. Alors, on a fait une petite manifestation - c'est écrit dans notre texte -et le tout a continué par le salissage que M. Brulotte - et ses compagnons - a effectué. Il ne nous a jamais démontré la pertinence du changement mais, plutôt, il nous a salis. Dans les annexes, vous allez en avoir des copies. Quand je dis nous salir, cela comprend le Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie ainsi que des personnes visées, dont moi. M. Brulotte et compagnie ne pourront jamais trouver un spécialiste compétent qui appuiera leurs dires sur l'âge démographique d'un troupeau modèle de cette dimension. Vous entendez, aucun spécialiste compétent. Si cela vous intéresse, je peux vous donner le comptage de truies que l'employé de l'ASRA est venu faire hier.

Pourquoi nuire à des producteurs qui produisent normalement? Pourquoi brimer les libertés individuelles? C'est notre choix, si on décide de sélectionner les truies plus vite que d'autres. Le gouvernement fédéral ne met pas un susbside sur la production du lait en fonction du nombre de vaches; il met cela en fonction de la production. Pourquoi brimer le producteur qui se retrouve avec un troupeau vieilli ou qui a besoin d'une sélection plus intense? Pourquoi décourager les producteurs? Pourquoi tant d'entêtement? Le but de l'assurance est d'assurer le producteur dans les baisses pour devenir plus équitable.

Vous avez pris connaissance des annexes. La première annexe, ce sont les réflexions d'un producteur impliqué qui s'est fait refuser un prêt, pense-t-il, sans raisons majeures, prêt qu'il considère conforme aux normes de la loi. M. Rancourt a déjà étudié ce dossier; il pourra dire à la commission -j'espère qu'il va le dire - s'il a trouvé des points d'après lesquels l'Office du crédit agricole pouvait refuser son prêt. Ce producteur, je tiens à le noter, se met au blanc quand il fait cela parce qu'il peut y avoir des récidives et son dossier n'est pas encore refusé, on ne donne pas de réponse.

La lettre suivante du 19 novembre, c'est Mme Jarnuszkiewicsz, de la Fédération des producteurs de porcs...

Une voix: Agnès.

M. Blais (Victor): Agnès, qui dit à M.

Brulotte, de I'ASRA, qu'ils ne sont pas d'accord avec le comptage des truies et ils donnent des moyens pour essayer de s'entendre.

L'autre lettre, c'est M. Brulotte qui répond pour expliquer ses points de vue. Il spécifie, à la page 5 du document: "Je souhaiterais également que vous fassiez la part des choses entre les intérêts de quelques individus qui ont posé des gestes disgracieux à notre endroit et l'intérêt général des producteurs de porcs du Québec". Il faisait allusion à notre petite manifestation. Par la suite, ce qui suit, c'est Me Yvon Daigle qui envoie un avis à la Régie des assurances agricoles lui demandant de corriger la méthode de calcul. Me Daigle, au premier paragraphe, en parlant des employés de l'ASRA, dit: "Ces derniers ont pris sur eux-mêmes d'établir une politique administrative que ni la loi, ni les règlements ne les autorisent à adopter lors de cette opération", À la page 2: "En effet, malgré le paragraphe o de l'article 1 du règlement d'application du régime précité, on stipule "truie": femelle d'espèce porcine qui est prête pour sa première gestation". À ce moment, on s'est adressé au Protecteur du citoyen. Avant de s'adresser au Protecteur du citoyen officiellement, on lui a téléphoné et il nous a dit: Mon rôle - vous me corrigerez si on m'a mal informé - c'est: Si un fonctionnaire n'applique pas ta loi, tu es lésé, alors on le force, on se charge de faire appliquer la justice.

Voici sa réponse: "Quand on disait qu'un producteur se sentait lésé, ce n'est pas la moyenne des producteurs ou la moyenne des individus, c'était un producteur". Il répond à la lettre du 7 juin 1982, au cinquième paragraphe: "Considérant que ce facteur de correction a pour effet de redresser l'inventaire comme si l'on comptait le nombre des truies total assurables, je suis d'avis que les producteurs affectés par cette modification ne subissent aucun préjudice globalement". Globalement, le gars qui en a plus que moi parce qu'une méthode le favorise, il ne vient pas faire les paiements chez nous. Ce n'est pas ce qu'il nous avait dit la première fois; c'était si j'étais lésé ou si un autre était lésé. Par la suite: "Je vous informe qu'actuellement un projet de règlement est à l'étude à ce sujet". Jamais il n'y a eu de corrections ou changements car jamais vous, les députés, les législateurs, auriez accepté de dire qu'une truie ce n'est pas une truie.

Vous allez trouver a l'autre dossier un avis juridique - j'espère que c'est le bon mot - demandé par la Fédération des producteurs de porcs qui explique la question qui était posée concernant le comptage des truies et concernant les... À la page 4 - je ne lirai pas tout cela parce que cela ne finira pas -au quatrième paragraphe, cela se lit comme

suit: "En résumé, nous croyons que la régie fait erreur en exigeant des producteurs des titres de propriété sur des biens fonciers". Ceci c'est concernant le comptage des porcs à l'engrais. Ils finissent à ta dernière page, l'avant-dernier paragraphe: "Nous croyons donc que la régie excède carrément ses juridictions en agissant de la façon dont elle le fait et c'est à bon droit que votre fédération, pour le compte des producteurs, devrait contester cette interprétation donnée par la régie". (13 h 15)

Dans notre document on a parlé d'un producteur qui s'était fait remettre le papier en disant: II faudrait que cela reste entre nous. On vous donne une copie du bail emphytéotique qu'il avait présenté. Ici je vais vous donner ce qu'ils ont compté chez moi hier - cela pourrait être n'importe qui, mais c'est mon cas - la Régie des assurances agricoles a compté hier 124 truies qui avaient mis bas une fois. Ils ont rajouté le pourcentage de 1, 1236, ce qui me donne 139, 3 truies assurées. La réalité - il l'a écrit sur cela; ce n'est pas moi qui vous le donne, c'est l'employé de l'ASRA qui l'a écrit - j'ai 169 truies saillies productives - il n'a pas écrit cela, mais il a décompté les truies - il y a 18 jeunes truies qui sont non saillies, il y en a 8 que je considère prêtes pour leur première gestation et qui répondent à la loi; j'en ai 10 que je ne considère pas prêtes. Combien même vous les enlèveriez, les 8, les 18, je m'en fous comme de l'an quarante, pour le besoin de la commission, mais la loi dit: Toute truie d'espèce porcine prête pour sa première gestation. En bas, il a rajouté -il avait compté 124 truies comme je vous l'ai dit auparavant - 63 jeunes truies non incluses dans le total, dont 18 sont non saillies. 63 plus 124, cela fait 187, j'en exclus 10 que je considère qui ne sont pas prêtes. Donc, j'ai 177 truies qui sont admissibles à l'assurance-stabilisation et il y en 139, 3 assurées. C'était pas mal tout pour le... On a tenu à rajouter quelque chose sur le comptage des truies parce que cela n'était pas assez clair dans notre document.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Je vais aller par ordre de présentation du mémoire. J'ai pris quelques notes et je vais poser des questions. Entre autres, on parle aux pages 2 et 3 de faillites et on dit qu'au printemps 1984 on parlait de quinze faillites en Estrie. J'aimerais que vous nous disiez justement - vous êtes bien placé pour faire des recommandations étant donné que vous êtes du milieu - quelles mesures efficaces on aurait dû prendre, à votre avis, pour éviter ces quinze faillites.

M. Blais (Victor): Ce sont les mesures qu'on vous a proposées dans le temps. Comme on le dit à la fin dans les conclusions, il y a des consolidations qui s'imposaient et qui s'imposent encore. Les producteurs qui ont bénéficié d'un crédit spécial ont eu un rabais d'intérêt, mais il ne faut pas oublier que ce sont des pertes qu'ils ont eues, qu'ils n'ont pas été capables de supporter. On leur a fait un crédit spécial. Il ne faut pas blâmer le gouvernement d'avoir fait un crédit spécial, on l'a fait le crédit spécial; mais, à l'époque, on pensait que le prix de la production se replacerait au niveau du gouvernement. En pratique ce n'est pas cela qui s'est produit.

Juste pour vous donner des chiffres, j'ai la revue, si vous voulez l'avoir. On dit souvent que nos producteurs ne sont pas productifs et un paquet d'affaires, mais cela est dit par les fonctionnaires du gouvernement, qui sont considérés comme les moins actifs, les moins productifs comparés aux autres fonctionnaires canadiens. On dit dans le "Pig American" de février 1985 -cela représente 50 États - à la page 20: Les marges nettes de profit de 1975 à 1979; ils font une moyenne de 20, 80 $ US par porc. De 1980 à 1984, ils font 0, 60 $ de marge de profit net par porc. Sans compter qu'on ne paie pas notre grain et notre soya le même prix. C'est beaucoup plus cher, il faut le transporter. Les solutions que nous avons apportées dans ce temps c'étaient de faire des plans de conversion pour que les producteurs soient plus autonomes et d'annuler le crédit spécial; et cela était un bon "bargain" pour le gouvernement, c'était une économie. Ces producteurs étaient à peu près tous très productifs, c'est un acquis pour la société que d'avoir des producteurs productifs. Ils avaient des problèmes d'argent mais ce n'était pas des problèmes de production nécessairement. Ce sont des producteurs qui avaient acquis de l'expérience, ils auraient dû être protégés. Cela demandait des refinancements et des injections directes comme cela s'est fait dans d'autres productions, entre autres: le vison, le boeuf, dans l'Abitibi, et le mouton, comme cela se fait dans l'industrie aussi.

M. Paré: Si je comprends bien, cela aurait été, pas un programme général, un programme ad hoc pour des producteurs spéciaux.

M. Blais (Victor): D'accord, oui. Il ne faut pas oublier que ces producteurs, ils ont payé l'inflation. Ils ne l'ont pas eue, ils l'ont payée.

M. Paré: D'accord, juste un instant. À la page 4 - il en a été question après la présentation du mémoire lorsqu'on l'a lu, mais je tiens à y revenir - on dit: Un autre

point important à souligner c'est la baisse d'évaluation des fermes porcines par l'office, et on trouve anormal qu'on dévalue... C'est quoi les raisons que l'office vous donne pour vous dévaluer de 30% quand vous le rencontrez? Expliquez-moi cela pour que je comprenne comme il faut. C'est quoi les vraies raisons, en tout cas les raisons qu'il vous donne et comment vous les jugez?

M. Blais (Victor): L'évaluation, cela a une valeur pour quelqu'un qui veut vendre une propriété dans un temps raisonnable. Avec la baisse des prix agricoles en général, comparé au dollar de 1970, c'est vrai qu'il n'y a pas tellement d'acheteurs pour les porcheries. En plus de cela, la Société du crédit agricole et l'office se sont mis à donner des porcheries. Cela ne redresse pas la valeur, non plus. Ils auraient pu tout simplement les garder au pire aller et le marché aurait continué d'être raisonnable. C'est un fait, il est vrai que tu ne peux pas vendre...

Par contre, il ne faut pas oublier que les exploitations qu'ils vendent ce ne sont pas les exploitations qu'on a, parce que ce sont des exploitations en faillite, et les nôtres ce sont des exploitations productives. Il n'est pas tenu compte de cela du tout. Une porcherie, ou n'importe quoi, une étable de production laitière, si elle produit, elle a plus de valeur qu'une affaire qui n'a pas produit depuis deux ou trois ans. Celui qui l'achète, il a du revenu le lendemain matin.

M. Paré: D'accord. Une dernière question pour vous, pour laisser la chance aux autres. Toujours à la page 4, on dit: Durant toutes ces années, plusieurs changements ont été faits sans l'accord des producteurs, sans l'approbation des fédérations. J'aimerais savoir, en plus du comptage des truies, c'est quoi les autres changements qui auraient été faits sans consultation ou sans approbation des fédérations?

M. Girard: À ce sujet-là, il y a le poids du porcelet qui a aussi été changé. Ils sont partis d'un poids et ils ont réduit, parce que cela coûtait trop cher à l'ASRA. Ils ont joué aussi sur la quantité de moulée. Cela, ils ne nous en ont pas parlé ni à la fédération, ni à nous autres; ils ont dit que c'était cela, que c'était final. Il y a des années où c'était censé payer passablement; là, en changeant les chiffres, cela paie un peu moins, cela coûte moins cher au gouvernement mais cela ne maintient pas la ferme familiale.

M. Paré: Donc, c'est effectivement sans l'accord des producteurs, sans l'approbation de la fédération et sans des demandes non plus qui venaient du milieu.

M. Girard: Non, aucunement.

M. Paré: Moi, cela répond à ma question.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député. Je passe la parole maintenant au député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, Mme la Présidente. Merci à ces messieurs d'avoir présenté ce mémoire et d'avoir donné pas mal d'explications, même si c'est un mémoire qui n'a que six ou huit pages. En tout cas, avec l'autre que vous nous avez présenté tantôt, il y a des questions pour un après-midi là-dedans, mais quand même cela va nous permettre de scruter davantage. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il y a des problèmes de relations humaines, un peu, avec les différents fonctionnaires de l'office ou de l'ASRA dans votre région. Ce seront des choses, peut-être, sur lesquelles on pourra faire certaines recommandations ou se pencher davantage en ce qui concerne les voeux de la commission vers la fin de nos débats.

À la page 1, je vais m'empêcher de les paginer parce que j'ai lu et relu votre ancien mémoire ou le premier mémoire qui a été déposé. Les pages ne correspondent peut-être pas nécessairement, mais vous allez vous retrouver facilement dans les questions. Vous dites que vous ne reprochez pas nécessairement aux différents intervenants, gouvernements ou sociétés prêteuses, d'avoir trop prêté dans le domaine du porc, mais vous dites que cela a été mal prêté et mal orienté. J'aimerais avoir un petit peu plus de précisions sur cette assertion.

M. Blais (Victor): C'est parce que vous n'avez pas le changement qui a été fait. C'est beau faire de la production. Mettons, pour le gouvernement, et le gouvernement précédent aussi, on a toujours comme principe de conserver une ferme familiale. Si vous demandez à un producteur de devenir producteur de porcelets et vendre ses porcelets à une meunerie qui fait garder des porcs à contrat, moi, je trouve que c'est mal prêté, parce que vous enlevez le principe de la ferme familiale. Le producteur naisseur est en partie contrôlé ou totalement contrôlé par l'intégrateur et le producteur finisseur. Avec ça, pour des conditions sanitaires, vous augmentez les coûts de production.

En plus de ça, on a beau salir les producteurs et dire que les producteurs de porcs sont des cochons, qu'ils envoient leur purin dans le ruisseau. On sait qu'il y en qui l'on fait. Mais, s'ils avaient eu du terrain, c'est une mine d'or, le fumier de porc, pour engraisser ton terrain.

Alors, nous, on pense que c'est de la mauvaise planification. S'ils avaient exigé... Ils

pouvaient l'exiger. Tu vas avoir une ferme modeste, tu vas te servir de ton fumier et tu vas produire des céréales avec ou tu produiras ce que tu voudras. Tu vendras ton foin. Je pense que ça aurait été beaucoup plus écologique et on aurait beaucoup moins de problèmes. Notre coût de production serait d'autant réduit et ça serait des fermes capables d'être gérées à la dimension d'un être humain.

M. Picotte: On s'est fait dire, à plusieurs reprises, dans le passé, que l'office obligeait les producteurs à se munir de contrats d'intégration pour obtenir du crédit. Moi, j'aimerais savoir si ça s'est fait à quelques occasions ou si ça s'est fait sur une grande échelle et si c'était une condition sine qua non, parce qu'on se fait dire souvent, du point de vue politique, que les contrats d'intégration ne sont pas souhaitables. Mais, par contre, si on les exige du côté financement aussi, c'est quoi?Cela s'est fait occasionnellement ou ça s'est fait avec insistance?

M. Blais (Victor): Tout ça, c'est sûr que ça s'est fait sur une grande échelle. Dans bien des cas, c'était la condition; c'était la seule condition exigée pour qu'on te prête. Le phénomène a pris tellement d'ampleur qu'on a déséquilibré la production du porc au Québec et, en plus, on a presque anéanti la ferme familiale avec ça. Aujourd'hui, on a des problèmes quant à la mise en marché, parce que ces gens n'ont pas les mêmes intérêts que la ferme familiale dans la mise en marché. Ils sont contrôlés totalement soit par des coops, soit par des meuniers ou des choses de même. Donc, ça éloigne complètement, le fait qu'il y a une relation entre producteurs eux-mêmes, parce que le gars est "poigné" avec l'autre; il ne peut pas décider. L'autre gars qui est producteur à son compte, il ne peut pas communiquer avec ce gars-là, parce que ce gars-là n'a pas les mêmes intérêts et il est "poigné".

Donc, tu élimines la confiance qu'il devrait y avoir entre les producteurs et lorsqu'on parle d'agences de vente, actuellement, là, c'est bien difficile, parce que ces gens-là sont attachés. Le ministère est fautif dans cette affaire-là, parce qu'il a mal enligné le monde. Les gars sont "poignés" et plus capables de s'en sortir avec ça.

M. Picotte: On nous dit souvent que les chèques que l'ASRA vous versait, la plupart du temps, c'était tout simplement une façon pour le producteur de voir passer le chèque le plus rapidement possible, aussi rapidement que sa signature pouvait s'installer sur l'endos du chèque, et que, forcément, le chèque s'en allait directement à l'intégrateur. Que cette pratique se soit faite, moi, je me dis: II y a eu des ententes qui se sont faites - je ne suis pas nécessairement d'accord avec ça - au vu et au su des dirigeants de l'ASRA et tout ça. Est-ce que c'est exact, ça?

M. Girard: C'est sûr qu'ils sont au courant, parce que la preuve, c'est qu'ils les envoyaient là.

M. Picotte: Ah! même l'ASRA, à ce moment-là, versait directement aux intégrateurs.

M. Girard: Comme ça se fait encore actuellement. Si le gars est en posture financière un peu précaire, ça va être sa banque qui va l'avoir. Il ne saura même pas que sa banque va l'avoir et ça va être crédité à son compte.

M. Picotte: Le producteur s'assure, mais il ne voit même pas passer le chèque, finalement. Moi, je croyais qu'au moins il le voyait passer.

M. Girard: Non. Même, il y avait deux producteurs qui se lamentaient de ça dans la région et je leur avais demandé de venir faire une déposition qu'on aurait pu vous remettre. Mais ces producteurs étaient bien en "mosus", parce qu'ils n'avaient pas vu le chèque et, à un moment donné, ils ont dit: On l'a baissé sur ta marge de crédit. Le gars n'a même pas eu à le signer. Sur son inventaire, il n'y a rien qui lui appartient; il est entièrement financé par un autre. Alors, je ne vois pas le jour où ce gars-là va s'en sortir. Mais, c'est ça, le problème de l'intégration; c'est une plaie et c'est la ferme familiale qui en mange un dur coup avec ça.

M. Picotte: Alors, le producteur signe uniquement des garanties; ils ne signe pas les revenus.

M. Girard: Exactement. Puis, en plus de signer des garanties, il gratte de la merde. (13 h 30)

M. Picotte: Cela, c'est au vu et au su de tout le monde. On nous a dit, à certaines occasions - et ça m'a surpris - qu'en pleine crise de la production porcine on avait même insisté à l'Office du crédit agricole pour faire passer des gens qui voulaient emprunter, par exemple, pour se lancer dans des productions. On a dit: Tu vas vendre ton quota, tu vas vendre tes vaches et tu vas t'en venir dans la production du porc, alors qu'on sait qu'il y avait une stabilité du côté de la production laitière, un revenu assuré. Cela, même en pleine crise, alors que les producteurs de porcs faillissaient et avaient des difficultés.

À votre connaissance, est-ce que ça

s'est fait réellement, est-ce que ça s'est fait beaucoup? Je ne peux pas concevoir que... Cela n'a pas été incitatif, ça a été obligatoire, selon ce qu'on nous a dit. Est-ce que c'est exact? Est-ce que vous pouvez relever ça souvent dans votre région?

M. Girard: L'exactitude, vous la vérifiez par tous ceux qui ont abandonné la production laitière ou autre et que vous avez retrouvés dans le porc. Je ne sais de quelle façon ils se sont arrangés, mais on les a retrouvés là, ces gens-là. Tu avais un projet quelconque et on disait: Là, on te prête à 90% dans le porc, vas-y donc! Même si tu avais un grange à vaches, ils te la convertissaient à deux étages, envoie par là!

M. Blais (Victor): Vous avez posé la question; durant la crise porcine, dans notre région, on ne peut pas dire qu'on a vu ça. Cela s'est probablement fait ailleurs, mais dans notre région on ne peut pas le dire.

M. Picotte: II n'y en a pas eu tant que ça, finalement.

M. Blais (Victor): Dans notre région.

M. Girard: C'est parce que nous, nous sommes dans région à part, un peu; pas à porc!

M. Picotte: C'est le cas de dire à porc! Une région à porcl

M. Girard: Il reste peut-être plus, dans notre région, de fermes familiales qu'il en reste ailleurs; c'est à cause de ça.

M. Picotte: Heureusement, et j'espère qu'il va en rester plus ailleurs aussi. Vous dites, dans une autre page: Selon nous, ce qui a été très malheureux dans bien des cas, ce fut le manque d'encouragement de la part des officiers de l'OCAQ qui visitent les producteurs. Que voulez-vous dire par ce manque d'encouragement? Les gens ne vous "boostaient" pas assez?

M. Blais (Victor): Je vais répondre. Personnellement, j'ai piloté un dossier. Tout le monde disait que ce n'était pas bon, que c'était fini, qu'il était bon à rien, ce gars-là. Je l'ai piloté personnellement, j'ai rencontré la banque, son meunier, la Société du crédit agricole, et le producteur a fonctionné. Durant ce temps, l'office disait: II n'est pas bon, on ne peut pas lui prêter, parce qu'il finissait ses porcs à contrat. On ne voulait pas lui prêter pour avoir une marge de crédit. Cela pourrait se produire à bien des places.

Quand ça va mal pour le producteur, il a besoin d'encouragement et il a besoin de moyens techniques, c'est normal. Dans toutes les entreprises, que ce soit dans la production du fil, n'importe quoi, quand ça va mal, ils ont des moyens techniques à utiliser.

M. Picotte: J'aurais voulu que vous parliez aussi du plan de conversion de la production porcine, mais je pense qu'en arrière ça commence à grouiller pas mal fort. Quand je les entends s'ameuter comme ça, c'est parce qu'on veut me faire signe que mon temps achève.

Concernant le problème que vous avez eu avec l'ASRA, on a en a fait mention tantôt, vous vous êtes rendus au Protecteur du citoyen. Est-ce qu'il y a eu des démarches politiques qui ont été faites pour mettre les dirigeants politiques au fait de ces difficultés? Est-ce que, finalement, ça a apporté quelque résultat ou si on vous a dit: Cela, on ne touche pas à ça, ça va ailleurs, ou si, après vous être cogné le nez à la porte de l'ASRA après avoir connu des difficultés, vous avez dit: On s'en va à l'autre instance, qui est le Protecteur du citoyen?

M. Blais (Victor): Notre demande, on a commencé par la faire à la Fédération des producteurs de porcs; vous voyez les lettres que j'y ai incluses. On en a déjà discuté, aussi, avec les personnes politiques, mais je ne peux pas vous dire les noms; je ne peux pas parce que je m'en souviens pas.

M. Picotte: Ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas moi, en tout cas.

M. Blais (Victor): On s'est adressé au Protecteur du citoyen, et on n'a pas fini. Présentement, on a engagé un avocat, et c'est supposé être déposé en cour. On est convaincu que les députés, quand ils ont voté cela, n'ont jamais voulu nous exclure, jamais.

M. Picotte: Alors, finalement, cela va faire encore des frais additionnels que vous allez avoir à débourser à cause des frais d'avocats et de cours, peut-être pour avoir gain de cause, mais pour aboutir en bout de piste au fait que vous n'êtes plus capables de continuer vos exploitations même si vous avez gagné. Qui perd gagne, n'est-ce pas? ou qui gagne perd.

M. Blais (Victor): Ce qui arrive c'est qu'il y a beaucoup de producteurs qui, quand ils ont un problème comme, par exemple, la rhinite, ils sont obligés de sélectionner leurs truies. Ils sélectionnent et mettent une truie de remplacement qui est aussi bonne et qui produit la même chose. Au lieu d'être assuré à 100%, le producteur se voit assuré à 60% et il devient découragé. Soit que le producteur décide de s'assurer, de ne pas sélectionner et ne pas régler son problème

ou il décide de le régler et s'assure à moitié, et là il y a un manque à gagner.

M. Picotte: Une dernière courte question qui ne sera sans doute pas longue à répondre non plus et, avant de le faire, au nom de notre formation politique, nous vous remercions de votre collaboration. On vous dit que même au nom de la commission c'est toujours possible de nous acheminer des documents qui peuvent nous orienter sur les recommandations que l'on doit faire.

Je me suis fait dire à plusieurs reprises, pas nécessairement dans votre région mais dans d'autres régions, que, lorsque vous receviez les chèques de l'ASRA, avant de vous remettre le chèque, on le tenait comme il faut dans une main et on disait: Avant que tu puisses en profiter, il va falloir que tu signes à côté pour te réassurer, avec une insistance très forte, conseillé fortement. Comme on dit, on vous "conseillait fortement de"... pour bénéficier. Est-ce exact ou si les gens nous racontent cela comme s'ils vivaient dans un autre monde?

L'assurance-récolte, aussi; en fait, ce dont vous bénéficiez comme assurance.

M. Girard: Par exemple, dans le domaine du porc, le type, tant que son contrat de cinq ans n'est pas terminé, c'est automatique que sa cotisation est retenue sur son chèque avant de le lui donner. Quand l'échance de son contrat de cinq ans arrive, c'est sa seule porte de sortie; s'il veut se retirer, il le peut. Mais avant cela, pendant son contrat, ils ramassent avant.

M. Picotte: Dans l'assurance-récolte c'est la même chose, j'imagine.

M. Girard: Dans l'assurance-récolte, je ne pourrais pas dire.

M. Picotte: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut me répondre sur l'assurance-récolte?

M. Blais (Victor): C'est un fait qu'ils vont remettre souvent le chèque en même temps qu'ils font signer la nouvelle prime. Je ne suis pas assuré à l'assurance-récolte groupe parce que, les producteurs de porcs, on n'est pas admissibles. Il faut être producteurs d'espèces bovines.

M. Picotte: Mais monsieur a semblé me dire que cela se fait...

M. Lanoue (Clément): Si vous me le permettez, M. le Président, je pense que la meilleure réponse qu'on peut donner c'est que, si dans une année donnée les producteurs ne sont pas satisfaits de l'assurance-récolte, on voit l'année suivante que le nombre de producteurs assurés augmente. C'est parce qu'il y a un contrôle à quelque part de part et d'autre. Je n'irai pas plus loin que cela, mais il y a un contrôle quelque part de part et d'autre.

Le Président (M. Vailières): Aux fins du Journal des débats, c'est M. Lanoue qui s'adressait à nous.

M. Picotte: M. le Président, merci.

Le Président (M. Vailières): M. le député de Saint-François.

M. Blais (Victor): M. le Président. Je ne sais pas si les questions vont concerner le financement, si M. Rancourt veut en parler, parce que l'annexe qu'on a rajoutée ce matin, disons les mémoires ou les pensées d'un producteur, on voudrait la lire devant la commission parlementaire. Je ne sais pas si monsieur...

M. Rancourt: M. le Président, je n'ai aucune question à poser sur le financement, mais j'en ai sur la déposition des témoins aujourd'hui. Est-ce que je peux poser mes questions à ce moment-ci?

Le Président (M. Vailières): M. le député de Saint-François.

M. Rancourt: Je voudrais au départ faire une remarque en particulier sur l'assurance-stabilisation ou l'assurance-production au niveau de l'agriculture. Une chose qu'il faudrait toujours considérer c'est que, lorsqu'il arrive des situations difficiles en agriculture, nous voyons l'UPA et tous les agriculteurs, et de bon droit, s'adresser au gouvernement pour faire en sorte que les difficultés soient moins dures à passer et plus faciles à vivre. C'est un fait, Mais, d'un autre côté, il y a aussi cette possibilité de vous assurer sur un plan, moi comme vous. Donc, l'assurance est facultative, bien sûr, mais il y a une incitation. S'il arrive un "Act of God" en productions herbagères, céréalières ou quoi que ce soit, là, on voit l'UPA surgir très rapidement au niveau gouvernemental et dire: Vous devez nous compenser, mais je pense que la façon normale pour un producteur, pour un industriel, en agriculture ou ailleurs, c'est de prendre une première protection qui lui est propre. Je pense que les agriculteurs du Québec l'ont compris et ils l'utilisent de plus en plus. Il y a des cas spéciaux en plus. C'est un commentaire.

J'aimerais savoir à ce moment-ci -parce qu'on parle du porc, bien sûr - pour ceux de la table et pour la commission parlementaire, si le plan conjoint du porc fonctionne. Première question.

M. Blais (Victor): II a été voté - je ne

sais pas en quelle année, je pense que c'est en 1980 - et c'est un organisme qui est là. Qu'est-ce que vous voulez savoir? je ne sais pas s'il y a des questions spécifiques au point de vue du fonctionnement. C'est là et cela nous représente.

M. Rancourt: Est-ce que cela veut dire qu'il n'y a pas de quota de production?

M. Blais (Victor): Non.

M. Rancourt: Cela veut dire que vous n'avez pas voulu aller, comme producteurs de porcs, à l'intérieur de votre plan, jusqu'à un quota de production?

M. Blais (Victor): Pour avoir un quota de production qui soit efficace, cela prend un quota de production national. Au niveau national, les autres producteurs... La fédération nous demandait de faire inscrire à la rencontre du Conseil canadien du porc des discussions sur le contingentement, et cela était refusé. Mais, il y a quelques mots, ils ont parlé que ce soit inscrit.

M. Rancourt: D'accord. Donc, nous verrons dans le temps. Quelle est l'incidence de l'OPPQ dans la région?

M. Blais (Victor): Ah, c'est assez négligeable. Je ne peux pas donner plus d'informations que cela.

M. Rancourt: Mais au niveau québécois, au niveau de la capacité de production de l'OPPQ, des gens de l'OPPQ versus la Fédération des producteurs de porcs du Québec, c'est assez important.

M. Blais (Victor): Non, ce n'est pas si vrai que cela. Première des choses, lorsque le vote a été pris, les producteurs ont voté pour la fédération.

M. Rancourt: D'accord.

M. Blais (Victor): Les chiffres qu'ils présentaient à l'époque, cela valait ce que cela valait, parce qu'on le voit par l'assurance-stabilisation, il y a beaucoup plus de producteurs qui s'assurent que ce qu'ils prétendaient, eux. L'OPPQ, il ne faut pas oublier que cela s'est divisé et ce qu'il reste de l'OPPQ, ce n'est pas ce que c'était.

M. Rancourt: D'accord. L'autre chose, est-ce que vous avez récupéré les 13 000 000 $ qui vous étaient dus?

M. Blais (Victor): Monsieur, c'est une question qui est très à propos. Pensez-vous, M. Rancourt, que moi, comme producteur lésé par le régime d'assurance-stabilisation provincial, je vais commencer à aller travailler pour aller chercher 4 000 000 $ pour les producteurs et 8 000 000 $ pour l'ASRA? Dans la vie, vous le savez, tes chefs de file, on les compte sur nos doigts. L'assurance-stabilisation, avec l'équipe de M. Brulotte, s'est appliquée à me salir personnellement, ainsi que mon syndicat. À ce moment-là, tous les dossiers qui ont été défendus au niveau provincial ont été appuyés en grande partie par le Syndicat des producteurs de porcs de l'Estne. Pensez-vous qu'on va aller chercher 8 000 000 $ quand je suis assuré à 70% sur mes truies au provincial ainsi que sur mes porcs à l'engrais? Pouvez-vous répondre? Ce serait quoi, votre agissement, dans ce cas-là? Si je ne suis pas satisfait, si Adrien n'est pas satisfait et ainsi de suite, pensez-vous qu'on va se battre pour cela? Commencez par nous donner justice et vous allez voir que, si vous ne rabattez pas les producteurs qui sont dynamiques, agressifs, vous les aurez derrière vous pour aller défendre le point de vue du gouvernement du Québec et les producteurs du Québec.

M. Rancourt: D'accord. J'accepte votre opinion là-dessus. Je veux dire, dans le sens de salir, je me permettrai de ne pas accepter cette partie de votre argumentation quant à moi, à ce moment-ci, mais c'est votre droit. Une chose est sûre, c'est qu'il semblerait qu'il y ait de l'argent qui soit là, qui soit disponible et vous avez fait une manifestation en fonction de recevoir et d'aller chercher un surplus. Je pense qu'à ce niveau-là vous n'avez pas à refuser d'aller chercher un surplus. Je sais que cela demande des efforts et ce n'est pas facile.

M. Blais (Victor): Monsieur, on n'a pas refusé. On a participé...

M. Rancourt: D'accord.

M. Blais (Victor):... à la manifestation. Elle s'est faite dans l'Estne, à part cela.

M. Rancourt: Je sais.

M. Blais (Victor): Je voudrais vous demander ceci. Votre gouvernement, qu'a-t-il fait, lui? II me semble que, depuis quelques mois, il y a une lune de miel avec le fédéral. Qu'est-ce qu'il a fait avec cela? Le ministre Garon, il a fait quoi, avec cela? Pourquoi nous demander tout cela? II ne faut pas oublier, c'est 8 000 000 $ pour le gouvernement et 4 000 000 $ pour nous autres. (13 h 45)

M. Rancourt: C'est de l'argent qui vous est dû.

M. Blais (Victor): Tout comme nos primes d'assurance-stabilisation. Qu'on nous

rende justice et vous n'avez pas besoin d'être inquiets, on va être derrière la Régie des assurances agricoles. Mais qu'on n'essaie plus de nous détruire.

M. Rancourt: Là-dessus, je vous dirai que l'argent qui appartient au Québec lui appartient et appartient d'une façon collective aux individus et à la collectivité. S'il y a 12 000 000 $ là, tant mieux si on peut aller les chercher d'une façon. Chacun, ici, est d'accord pour que nous allions les chercher.

Maintenant, l'autre chose que je voulais vous demander, c'est tout simplement au niveau environnemental. Curieusement, le mémoire de l'UPA et le vôtre font mention qu'on aurait dû avoir une législation qui fasse en sorte qu'il y ait un nombre d'acres attaché à la production porcine pour faire en sorte que les engrais soient utilisés sur le sol. Je sais fort bien que quand nous sommes arrivés au gouvernement, il y a un certain temps, il y avait déjà des grands producteurs de porcs, des productions porcines sans sol, qui n'avaient pas de sol. Ce qui veut dire qu'en même temps que vous nous dites cela vous nous dites: N'excluez personnel Le mémoire de l'UPA dit à deux occasions: Contrôlez, mais ne contrôlez pas! Non! Je m'excuse! Je veux le faire savoir.

Je suis d'accord avec vous que cela aurait été mieux, mais on n'aurait pas eu de productions de 5000 et plus, on aurait eu des fermes porcines comme en Europe de 300, 500 et 600 porcs avec l'étendue de sol nécessaire à l'utilisation du purin. Je suis d'accord avec vous, du point de vue écologique, on est tous d'accord; nous autres, on serait prêt. Mais, en même temps, vous avez des productions porcines de 5000 et plus. Vous l'avez à l'OPPQ et un peu partout. Je veux dire qu'actuellement on exige de vous un contrat avec un propriétaire pour l'utilisation du sol. Évidemment, je sais fort bien qu'on utilise des faux-fuyants pour déverser toutes sortes de choses. Quant à moi, l'obligation d'avoir une fosse pour les productions porcines, c'est essentiel. D'ailleurs, elle est incluse dans le crédit à la production porcine, tandis que, pour les autres agriculteurs, ce n'est pas inclus, c'est un prêt supplémentaire; s'ils le veulent, c'est inclus en ayant d'autres modalités que celles pour la fosse, tel que c'est reconnu pour la production porcine actuellement. Cela va. Je n'ai pas autre chose pour l'instant,

Le Président (M. Vallières): Très bien.

M. Blais (Victor): Concernant la fosse, il n'a jamais été question, dans aucune réglementation, qu'il y ait une fosse attachée à une porcherie. C'est un réservoir étanche.

Le Président (M. Vallières): Merci. À ce moment-ci, je vais vous permettre, M. Blais, de conclure votre présentation, ce qui mettra fin à cette partie de nos travaux.

M. Blais (Victor): D'accord. Pour commencer, j'ai ici...

Le Président (M. Vallières): Vous avez de trois à quatre minutes.

M. Blais (Victor): Nos gouvernements et nos fonctionnaires placent les producteurs comme des incompétents qui font faillite. On dit, dans le "Pig American" de février 1985, à la page 18 - c'est disponible pour ceux qui sont intéressés: En 1970, aux États-Unis, 50 États produisaient 9, 1 porcelets par truie en inventaire par année; en 1979, 9, 3 et, en 1983, 10, 7. Je voudrais que la commission sache bien que les producteurs de porcs québécois qui sont en faillite ou qui sont en mauvaise situation sont de très bons producteurs, comparativement aux autres producteurs de l'Amérique du Nord. Peux-tu continuer, Adrien, pour cela?

M. Girard: Juste pour terminer quant au rôle de l'Office du crédit agricole dans le cas d'un producteur lésé. Certains prétendent que le Québec jouit du meilleur système de financement agricole. Je crois que cette affirmation est vraie pour la majorité des théoriciens qui n'ont pas les deux pieds dans la merde. Certains grands écrivains de La terre de chez nous et même notre cher président provincial de l'UPA ne se gênent pas pour l'affirmer régulièrement. Mais - car il y a toujours un maïs - les meilleurs systèmes, mal gérés, peuvent devenir des instruments qui jouent mal leur rôle. Voici quelques exemples.

Dans les années 1978-1979, l'OCA participait activement au développement de la production porcine du Québec. Il forçait les nouveaux producteurs à signer un contrat avec des intégrateurs avant d'accepter leur prêt. Pendant cette période prospère, l'OCA exerçait bien peu de surveillance sur le style de construction et de gestion que les producteurs choisissaient. Puis, ce fut, et c'est toujours, la période de noirceur dans l'industrie porcine. Depuis ce temps, l'OCA joue un rôle de pompier. D'abord, il s'empresse de fermer plusieurs porcheries, souvent des faillites déguisées; puis, il canalise ses efforts pour trouver des moyens de revendre ces bâtisses vides. Mais qu'arrive-t-il, au juste, au producteur qui réussit un peu mieux que les autres à passer à travers la crise? On n'a guère le temps de s'occuper de lui, on a tellement de problèmes à régler. Quand le producteur ose déranger M. Daoust, on lui répond: "Toi, ton dossier est assez bon; tu as une bonne gestion, on est content de toi, mais ne nous

dérange pas, n'essaie pas de faire des transformations dans ton entreprise car, même si tu as un bon crédit et de bonnes garanties à donner, on ne prête pas. "

Savez-vous pourquoi on ne lui prête pas? C'est que, lui, il va augmenter la production. Est-ce que c'est le rôle de l'OCA de faire du contingentement? Quand un naisseur veut devenir naisseur finisseur, on dit qu'il augmente la production, même s'il réduit son nombre de truies. Je pense qu'il est pertinent de se demander qui augmente la production actuellement. Que fait l'OCA, quand il vend à rabais des bâtisses qu'il a reprises? À qui les vend-il? N'est-ce pas que c'est un excellent moyen d'augmenter la valeur marchande des installations des producteurs en place? Je parie que les gens qui achètent ces bâtiments vont les transformer pour en faire une autre production. Pourquoi pas de la culture en serre, par exemple? Pensez-vous que cela va être logique? Comment l'OCA est-il justifié de refuser un prêt quand il juge que le projet présenté sera rentable et que les garanties offertes sont suffisantes? Comment l'OCA est-il justifié de ne pas avoir rendu de décision dans une demande de prêt qui date de l'automne 1983?

Avec ces quelques questions et plusieurs autres que nous pourrions ajouter, il nous est honnêtement permis de se demander si le rôle actuel de l'OCA est d'aider l'agriculteur. Comment, avec l'application de ses politiques et règlements actuels, l'OCA aide-t-il à la survie de la ferme familiale, prônée par notre gouvernement lorsqu'il est arrivé au pouvoir, on le sait? Comment peut-on concilier les intérêts de l'entreprise agricole et ceux de l'agriculture en général? Comment peut-on concilier les intérêts politiques d'un gouvernement et ceux des agriculteurs?

S'il n'est pas évident qu'il faille chambarder les lois qui régissent l'OCA, il est urgent de réviser son style de gestion et son style de leadership dans le milieu agricole. Il faut en changer la philosophie, surtout en ce qui concerne l'ingérence politique. L'OCA doit cesser d'être un organisme manipulé par un ministre qui est plus intéressé à se faire du capital politique qu'à se préoccuper vraiment de la situation des agriculteurs. Le meilleur ministre d'un cabinet est celui qui ne demande jamais d'augmentation de budget, ou si peu; il devient un bon administrateur, mais devine sur le dos de qui.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie de votre participation à nos délibérations.

M. Blais (Victor): On voudrait vous remercier de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Vallières): Très bien!

M. Blais (Victor): On voudrait informer la commission que, si elle peut lire les documents, nous sommes disponibles à l'avancement de l'agriculture. Les propos peuvent vous sembler choquants, mais on commence à être révoltés. Merci beaucoup!

M. Jean-Pierre Patry

Le Président (M. Vallières): Merci! Je demanderais maintenant à M. Jean-Pierre Patry de bien vouloir s'approcher. Très bien. M. Patry, je veux vous indiquer que la commission vous avait réservé une demi-heure.

M. Patry (Jean-Pierre): Une demi-heure?

Le Président (M. Vallières): Oui.

M. Patry: Pourquoi les autres ont-ils eu une heure? Est-ce que je pourrais vous demander une heure, s'il vous plaît?

Le Président (M. Vallières): Quand la commission a décidé d'entendre les organismes, il y a des organismes qui ont eu deux heures, des organismes qui ont eu une heure et, dans les cas d'individus, on avait pensé prendre une demi-heure.

M. Patry: Avant de commencer la lecture de ce mémoire, je pense que je vais vous le résumer ou je vais vous laisser me poser des questions, étant donné que j'ai juste une demi-heure. Je veux remercier la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation de m'avoir donné la chance de me faire entendre aujourd'hui. Je le dis aussi de la part d'une bonne partie des producteurs agricoles.

Si, à première vue, ce dossier peut paraître très personnel, vous verrez par la suite que mon cas ne fait que concrétiser et prouver les plaintes de nombreux producteurs envers les agissements de l'Office du crédit agricole du Québec. Dans cela, j'aurais des annexes à ajouter à mon dossier. Étant donné que je dois résumer, ce sont des preuves que j'amènerais. Je veux vous les présenter et voir si vous les accepteriez s'il vous plaît!

Le Président (M. Vallières): M. Patry, vous pourriez peut-être commencer le résumé.

M. Patry: À la première page, vous voyez l'actif et le passif de la ferme. Cela veut dire qu'il y a un actif qui est resté sur la ferme de 162 656 $ et présentement, je suis en instance de faillite, disons que l'office me force à faire faillite.

Je voudrais dire aussi que le tout a

commencé à l'automne 1983. J'avais une ferme bovine et par des manigances de Viateur Daoust, j'en suis rendu à... C'est bien difficile à résumer parce que j'ai seulement une demi-heure. Je pense que je vais vous laisser, s'il vous plaît, accepter ce que j'ai apporté comme annexe et je vais vous lire une annexe, cela va résumer beaucoup mieux ce que je peux vous dire. Après, je répondrai à vos questions.

Le Président (M. Vallières): M. Patry, les documents que vous me remettez ne concerne finalement que vous. Il n'y a pas là-dedans, des pièces, des documents, qui font allusion à des personnes intermédiaires. Donc, je peux en accepter le dépôt, il n'y a pas de problème.

M. Patry: Merci.

Le Président (M. Vallières): Maintenant, pour ce qui est de la lecture que vous voulez faire...

M. Patry: Je pense qu'on n'aura pas le temps. En lisant une des annexes que vous avez acceptées, je pense que cela va résumer pas mal la situation.

Le Président (M. Vallières): Vous êtes ici pour témoigner, vous pouvez rendre le témoignage que vous vouiez.

M. Patry: D'accord, merci. Pour terminer, je disais cela tout à l'heure parce que je pensais lire mon dossier, pour mieux faire comprendre ce dossier... Je le dis sans prétention, j'ai fait partie ces dernières années, à part les deux dernières bien entendu, pendant cinq ans, comme administrateur, du Syndicat des producteurs de boeuf de l'Estrie. La dernière année avant de quitter, j'en étais le président. Si j'ai tout lâché d'un coup, ce n'est pas parce que je m'étais fait mettre dehors, mais c'est qu'on m'avait demandé à la Fédération des producteurs de boeuf du Québec de me présenter à la présidence de la fédération. Étant donné que ma ferme était en pleine expansion, c'est faute de temps à consacrer aux producteurs que j'ai tout lâché.

Peu après, on m'a demandé de faire partie du comité des productions animales qui ne commandait que cinq ou six réunions par année. J'en étais membre depuis environ un an et demi jusqu'à ce fameux automne 1983 où quelqu'un a décidé que je commençais à lui tomber sur les nerfs. Car vous savez, lorsqu'on passe sa vie dans l'élevage et le commerce du boeuf, on commence à savoir par quel bout se nourrit une vache, même si je continuais à en apprendre sur la production à tous les jours.

Je vaudrais aussi mentionner que dans mes démêlés avec l'office, on m'a reproché d'avoir bâti mon parc d'engraissement et d'avoir acheté la grosse partie de mes veaux d'embouche avant d'avoir eu la réponse écrite de l'office. Je répondrai là-dessus que cela faisait trois ans que je travaillais intensément avec le même officier, soit M. Gilles Guilbeault. D'après moi, la confiance entre les deux parties était totale et réciproque. Je le considérais, cela peut paraître drôle à dire dans les circonstances, presque un membre à part entière de la compagnie.

Je peux ajouter aussi que durant les années antérieures où j'avais besoin de l'endossement de l'office sur la marge de crédit, sa réponse me suffisait. D'ailleurs quand la réponse de Québec entrait, avec le temps qu'on prenait à vérifier les dossiers, tous les animaux étaient déjà achetés et entrés dans l'étable.

En ajoutant la réponse du ministre Garon qui nous avait donné le feu vert sur le projet expérimental - et ce, vous l'avez dans l'annexe, je viens de vous le donner -et cela devant témoin, nous avions, comme à l'habitude, pleine confiance. Puis après tout, c'est bien le premier ministre Lévesque qui dit dans ses relations avec Ottawa, au mois de février dernier, que, pour obtenir quelque chose, il devait y avoir 80% de confiance et 20% de vouloir. (14 heures)

Un autre point aussi à considérer. Si on avait attendu la réponse de Québec pour construire et acheter les animaux et que cette dernière avait été positive, on aurait été foutu quand même, car on aurait été trois semaines trop tard, puisque tous les encans spécialisés de veaux d'embouche étaient terminés au Québec. Mais si Viateur Daoust nous avait dit tout de suite que le dossier qui, d'après lui, était négatif avant de le poster à Québec comme tel, on aurait eu amplement le temps de se virer de bord et de s'arranger tout fin seul. Si ce n'est pas là de l'abus de pouvoir de la part d'un directeur régional qui se vante à tous les agronomes du MAPAQ, un mois et demi à l'avance, que je ne passerai pas, c'est quoi? La réponse de Gilles Guilbeault devant témoins comme quoi il avait des ordres à suivre et que ce n'était pas lui le "boss" le confirme assez clairement je pense. Tous les détails sont dans le dossier que je ne peux pas lire faute de temps.

Un autre point aussi est que Viateur Daoust se plaît à dire que la ferme n'était pas rentable. Dans le rapport de comptabilité projeté pour 1983-1984 de Gilles Guilbeault -dernière page du dossier - ce dernier a marqué dans le compte de dépenses le coût d'assurance stabilisation pour 236 bouvillons. Mais dans la colonne de revenus, il n'a inscrit que le montant à revenir de l'ASRA, les 66 bêtes qui furent gardées en 1982-1983. C'est avec cette différence de revenus par

tête venant de l'ASRA qu'on allait chercher la perte de 20 000 $ de l'année d'avant et même chercher un profit net entre 5000 $ et 10 000 $, C'est cela qu'on appelle une entreprise non rentable. Ce n'est pas de ma faute si les chèques de l'ASRA entrent un an après la vente des animaux. Le plus drôle de la farce pour les contribuables, c'est que même si on a regardé cette perte projetée de 13 000 $, figurée par l'office selon les dires de M. Camille Moreau, cela a déjà coûté près de 25 000 $ en bien-être social et sans compter les autres déboursés qui restent à venir. Dans le dossier, c'est environ 500 000 $ que cela va coûter au gouvernement.

À la suite de cela, il serait peut-être intéressant de demander è notre cher M. Daoust ce qu'est l'Office du crédit agricole du Québec et quels en sont les buts. Pour ceux qui croient que diplôme égale compétence, vous n'aurez qu'à jeter un petit coup d'oeil sur les placements personnels de notre M. Daoust ainsi que sur ses relations d'affaires avec un certain notaire du nom de François Carignan qui a déjà fait faillite. Vous aurez peut-être là quelques surprises de ce côté. A la suite de ces dires, on m'accusera ainsi qu'on a accusé l'automne dernier les producteurs d'essayer de nuire ou de salir la réputation de certaines têtes d'affiche. Mais entre nous, n'y a-t-il pas de moyens plus sournois, plus efficaces, plus meurtriers pour noircir quelqu'un que de le forcer par tous les moyens à lui faire déclarer faillite? Je vous le demande, messieurs. Car vous savez, messieurs de la commission et tous ceux qui m'écoutez, même si le ministre Garon dans la Tribune du 29 août, en farceur ou en menteur, vient nous dire que les faillites agricoles ne sont la suite que de mauvaises décisions des producteurs, je puis vous affirmer - et ce, pour l'avoir vécu et le vivre encore - que des individus qui se font voler 5, 10, 15, 20 ans de leur vie à s'arracher le coeur à l'ouvrage pour bâtir une certaine sécurité pour toute une famille et que pour des raisons de vengeance politique ou autres on leur enlève tout du jour au lendemain sans avertissement, ce n'est plus là qu'un simple vol. Lorsque vous enlevez à un homme tous ses espoirs passés et futurs, qu'on lui enlève sa raison de vivre et qu'on tue en lui la confiance qu'il avait en lui-même et que les autres avaient en lui en le garrochant sur le bien-être social, c'est un meurtre. Car certains membres du gouvernement avec leur politique suicidaire et certains parasites de l'office, qui ont beau avoir des diplômes longs comme le bras, s'ils n'ont pas conscience de ce qu'ils engendrent comme drames familiaux, ces drames qui séparent des couples, des familles et qui vont même jusqu'au suicide dans bien des cas, c'est qu'ils n'ont pas su encore apprendre le pourquoi de leur salaire de ministre. On se demande aussi pourquoi l'UPA n'est pas plus agressive que d'autres syndicats dans leurs revendications? La raison en est bien simple. La majeure partie des membres qui la composent sont des producteurs à temps plein, des producteurs pas mieux, pas pire que les autres et qui ont tous le même défaut, c'est d'être trop pauvres pour faire une grève ou quoi que ce soit du genre, et aussi de trop aimer ce qu'ils font jusqu'à en crever sans oser se révolter de peur de tout perdre. Cela, le ministre Garon le sait très bien. Ce n'est pas pour rien que de temps en temps la matraque de l'office s'abat sur quelques-uns d'entrés nous, histoire de faire peur aux autres. Les appels téléphoniques que j'ai reçus des producteurs qui m'imploraient presque afin que je laisse tout tomber en me disant qu'ils avaient peur que la même chose leur arrive, me le prouvent. Que dire, l'automne dernier, de ce que l'office réclamait à pleine page de journaux, un an d'emprisonnement à M. Marcel Talbot, en guise de sentence exemplaire!

Encore, pour confirmer ce que j'avance, j'ai amené avec moi une lettre qu'on pourrait appeler de menace ou de harcèlement envers un producteur agricole. Je ne nommerai pas le nom, car il est encore en production. Pour une valeur de 170 000 $ et une dette à l'office de tout près de 15 000 $, soit 14 931, 27 $ on lui a posté cette lettre que je vous lis. C'était marqué: "Sous toute réserve". C'est une lettre recommandée. "Vous devez actuellement à l'Office du crédit agricole du Québec une somme de 552, 15 $ à titre d'arrérages sur votre prêt de nantissement. " Il a eu une copie exactement semblable pour son prêt hypothécaire, c'est aux alentours de 400 $ le montant. "En conséquence, veuillez faire parvenir à nos bureaux, un chèque certifié ou mandat postal pour lesdites sommes, et ce, dans les trente jours à compter de la présente. "À défaut de recevoir votre paiement dans les délais prescrits, nous prendrons contre vous des procédures légales visant à saisir et à faire vendre votre propriété en justice conformément aux dispositions de la Loi sur le crédit agricole. "Veuillez vous gouverner en conséquence. " C'est signé par les avocats de l'office.

À remarquer qu'il n'était en retard que d'un mois et demi dans son paiement. Je vous gagerais que si une enquête était faite, il n'est sûrement pas le seul à avoir reçu ce genre de menace l'automne dernier. Ce producteur en question attendait la vente de ces veaux d'embouche pour les payer et c'est ce qu'il fait à chaque automne.

Cela vous prouve avec quelles considérations on traite les producteurs

agricoles, c'est-à-dire - excusez l'expression - les petits trous de cul qui ne comprennent quelque chose qu'en leur maudissant une bonne peur et en les menaçant de tout leur enlever.

Encore plus, j'ai ici un jugement de la Cour d'appel, ce qui n'est pas peu dire, où la cour, sur la requête de l'intimé, soit l'Office du crédit agricole, pour rejet de l'appel en raison de son caractère abusif ou dilatoire... Ce qui prouve qu'envers certains producteurs, l'office n'est même pas dans la légalité et que, encore une fois, elle abuse de ses pouvoirs.

Si je vous ai exposé tous ces faits, ce n'est pas pour montrer que le producteur agricole est un plaignard ou qu'il se lamente le ventre plein, comme le laisse entendre trop souvent le ministre Garon, mais bel et bien pour démontrer que certains producteurs de qui on abuse sont traités comme des chiens que l'on caresse à coups de pied. Et si une commission d'enquête royale avait lieu, on démontrerait que l'office est si politisé qu'on se croirait au temps du Far West, où on jouait du revolver pour s'emparer des terres que certains convoitaient. Aujourd'hui, c'est avec le crédit qu'on fait la loi. C'est plus discret, un peu moins rapide, mais tout aussi efficace.

Voici une dernière chose que je voudrais mentionner, car rien ne va. Certains hauts placés ont le don de faire rejaillir la faute sur les fonctionnaires du MAPAQ ou de l'assurance-stabilisation. C'est vrai que dans n'importe quelle autre fonction, certains d'entrés eux prétendent détenir toute la vérité, rien que la vérité; mais je puis vous dire que la majorité, pour avoir travaillé longtemps avec elle, va vendre le champ à coups de millions ou expérimente des programmes comme la production du veau de grain ou les piscicultures, sur le dos des producteurs, sur des ordres bien précis et pour lesquels ils sont payés pour les exécuter. Qui donne ces recommandations? Encore, le ministère de l'Agriculture ou peut-être un de ses adjoints qui ne peut faire la différence entre le rêve et la réalité en matière agricole.

En passant aussi, on reproche aux producteurs de manquer de qualifications. En plus de sa base en mécanique, en plus d'être un peu agronome, un peu nutritionniste, un peu vétérinaire, en plus d'être un expert-comptable, bientôt on va lui demander d'avoir fait son cours de notaire et d'avocat pour ne pas se faire - excusez encore l'expression - fourrer par des spécialistes sans aucun scrupule. Même si un gars a les poches remplies de diplômes et de vouloir à plein bras, il est impossible de faire des miracles avec des productions qui sont contrôlées par le gouvernement et qui ne sont pas rentables avant même de commencer.

Quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse et aussi longtemps que le ministre Garon n'aura de respect que pour sa propre image politique, en se fichant autant du producteur que du consommateur, ce dernier continuera de payer les frais pour une agriculture qui s'en va directement à la faillite. Bien entendu, à part les productions hors de son contrôle, soit les productions avec quota.

Pour terminer, je voudrais dire à notre cher ministre Garon que je suis prêt à le rencontrer en n'importe quel temps dans un débat télévisé pour parler de ses chères politiques agricoles. On pourrait peut-être voir là qu'il est un expert dans les constructions de béton et les porcheries qui s'étendent à perte de vue et les parcs d'engraissement en forme d'aréna tout aussi vides que le porte-feuille du ministre le prouve de belle façon.

Mais il est facile d'avoir le ton, quand ce sont les taxes de M. Tout-le-monde qui paient et paieront la facture et qu'à chaque faillite agricole, c'est indirectement quatre autres emplois qui s'en vont chez le diable.

Notre cher ministre a beau, avec des farces plates, essayer de cacher la vérité, mais toutes ces faillites que l'agriculture vit présentement sont là comme preuves de son manque d'honnêteté et de son incapacité de bien gérer les impôts de tous et chacun.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Patry. Les demandes d'intervention.

Mme Juneau:... M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Vallières): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Étant donné qu'on n'a pas eu le temps de lire tout le gros mémoire, quand vous dites dans votre résumé que vous avez acheté, si j'ai bien compris, le nombre de têtes avant que vous ayez eu l'accord de l'office, c'est cela qui aurait causé tout l'imbroglio qu'on...

M. Patry: II y a eu un accord à l'office. Disons que j'amenais une méthode d'alimentation nouvelle qui abaissait le coût de production pour les bouvillons d'engraissement d'environ 125 $ par tête.

Mme Juneau: 125 $?

M. Patry: Oui et, là-dessus, j'ai rencontré le ministre Garon à Warwick au mois de septembre 1983. Devant témoins, devant Maurice Tremblay, son épouse et un de mes frères, il nous a donné le feu vert pour y aller dans le projet expérimental, un projet de 50 000 $, avec la garantie verbale de l'office, parce qu'on s'adonnait très bien avec l'office. Disons qu'on n'avait jamais eu

de problème à venir jusqu'à ce moment. On a commencé les travaux, parce que le temps pressait. Comme je l'ai expliqué plus loin, si on avait attendu, on aurait été foutu. On avait la réponse du ministre. C'est pour ça que je dis que le ministre n'est pas honnête. Quand un ministre donne sa parole, d'habitude, surtout devant témoins, c'est quoi la réponse d'un ministre? Alors, on a bâti là-dessus. Là, après ça, Viateur Daoust a manigancé pour nous claquer, pour nous dompter et sortir de l'agriculture, parce qu'il s'est vanté aux agronomes du MAPAQ que je ne passerais pas, mais il nous faisait dire par Gilles Guilbeault qu'il n'y avait aucun problème.

En dernier ressort, ils ont coupé la marge de crédit. Mais le projet expérimental avait été monté par les agronomes sur ordre du ministère de l'Agriculture.

Mme Juneau: Verbalement?

M. Patry: Verbalement, par téléphone. Ils ont monté le projet et, là, ils ont coupé la marge de crédit. Après ça, ils ont bloqué le projet. J'ai essayé, avec des téléphones, des lettres d'avocat - en tout cas, vous avez tout ça comme annexe - de rencontrer le ministre Garon. Cela fait un an et demi que je cours après et je n'ai jamais pu le rencontrer.

Mme Juneau: L'expérience que vous deviez mettre de l'avant, c'était votre propre idée, conçue par vous?

M. Patry: Cela faisait deux ans qu'on l'expérimentait. Vous avez l'annexe là avec les profits. La méthode n'y est pas et je ne me prépare pas à vous la donner aujourd'hui non plus.

Mme Juneau: Je comprends très bien. C'est à ce moment-là qu'il y a eu un blocage. Vous vous êtes fié sur la parole du ministre, si j'ai compris?

M. Patry: Exactement.

Mme Juneau: Il y a eu un blocage, par après, et les investissements étaient déjà faits?

M. Patry: Ils avaient été commencés; ils achevaient. On a fait ça dans deux semaines.

Mme Juneau: Je parle en termes monétaires.

M. Patry: Oui, exactement, parce que le temps nous pressait. On a attendu à la dernière minute. Il y a eu à peu près quinze téléphones, même une rencontre avec Gilles Guilbeault. J'ai été le voir, parce qu'on communiquait souvent ensemble. Il m'a dit: Cela passe juste, ton dossier, pour cette année, parce qu'on avait eu une perte l'année dernière, mais il a dit: II n'y aucun problème. Mais, avant que le dossier ne soit adressé à Québec, Viateur Daoust qui m'en voulait, il s'est vanté à tous les agronomes du MAPAQ qu'il me dompterait. Je lui ai demandé la raison.

Plus que ça. Il a dit à d'autres que ce n'était pas sous ses ordres. Il avait eu des ordres de Québec pour me dompter. Quand on parlait, tout à l'heure, des dossirs politiques, vous en avez le plus bel exemple, Mme Juneau.

Mme Juneau: Je regrette qu'on n'ait pas eu assez de temps pour... parce que je ne connais pas votre dossier.

M. Patry: Savez-vous ce que j'aurais désiré le plus aujourd'hui? Que M. Garon soit présent.

Mme Juneau: Mais, ça se comprend qu'il ne puisse pas être là tout le temps.

M. Patry: Cela fait un an et demi que je cours après et il y a un article de la Tribune ici...

Mme Juneau: Mon collègue me dit qu'il a travaillé sur votre dossier pour essayer de vous aider à... (14 h 15)

M. Patry: Mais qui a donné la réponse finale au dossier? C'est le ministre Garon qui a dit: Non, je le connais, ce dossier, il n'y a rien à faire. Ici, dans une page de journal, on dit: "Où il y a des cas où on pense qu'il y a eu des abus de l'office, qu'on me les mentionne et je ferai enquête. " Quand il a eu des lettres d'avocat pour demander une rencontre, après je ne sais pas combien d'appels téléphoniques, il ne répond pas. Quand plus rien ne se faisait, on a adressé le dossier à tous les ministres québécois. Vous en avez une copie dans l'annexe. Voulez-vous que je vous dise ceux qui ont bien répondu ou ceux qui ont mal répondu? M. Garon n'a pas - répondu, premièrement. Il y en a huit qui n'ont pas répondu et il y en a sept qui ont bien répondu, qui ont appelé le député Rancourt; ce dernier a très bien répondu. Là-dessus, il y en a la moitié qui ne font plus partie du cabinet.

Mme Juneau: Si je comprends bien, vos revendications se situent au niveau régional au tout début.

M. Patty: Oui, d'accord, et après ça au niveau politique. Je vous le dis, c'est M. Garon que j'aurais aimé rencontrer ici, aujourd'hui. Cette faillite va coûter

500 000 $ aux contribuables. De plus, ça va empêcher une méthode qui aurait aidé tous les producteurs de la région à essayer de se sauver. Vous demanderez au ministre Garon pourquoi il ne veut pas mettre sur le marché cette méthode-là. Lui, il la connaît la réponse.

Mme Juneau: Je vais suivre votre conseil, je vais lui demander pourquoi. Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Y a-t-il d'autres demandes d'intervention? M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Comme il s'agit là d'un cas personnel, je suis bien sensible à la déposition de M. Patry. Nous avons l'occasion, nonobstant les faits purement personnels qui sont rattachés au dossier, de pouvoir - le 26 mars prochain - poser des questions au président de l'Office du crédit agricole sur certains passages de votre mémoire, je pense bien que vous me permettrez... Il y a un nom qui me revient, j'ai déjà entendu parler de M. Daoust - il faut que je l'appelle par son nom puisqu'il est dans votre mémoire - dans une autre commission parlementaire.

J'hésite un peu à croire - je ne veux pas mettre en doute votre parole - qu'un homme ait autant de force dans une région. Je me demande si, effectivement, c'est exactement le bobo sur lequel on peut mettre le doigt. À moins que vous puissiez élaborer un peu plus là-dessus, ça m'apparaît un peu...

M. Patry: Dans mon cas, ce que je peux vous dire, c'est que quand je faisais partie de la Fédération des syndicats des producteurs de boeuf, on avait envoyé une lettre au ministre Garon et à Camille Moreau disant que M. Daoust ne faisait pas son travail. J'ai la lettre ici, si on avait plus de temps, je pourrais vous lire cela.

M. Picotte: Parlez-vous juste de votre cas, d'un seul cas ou...

M. Patry: Non. À cette époque, la lettre n'était pas signée en mon nom personnel, elle était envoyée au nom du Syndicat des producteurs de boeuf de l'Estrie, disant qu'on avait eu des plaintes, que les producteurs de boeuf allaient le voir, que ce n'était jamais rentable, ce n'était jamais rentable. Il n'y avait pas de boeuf qui était supposé se faire en Estrie, d'après lui.

On a envoyé ces lettres et on a eu une rencontre. Puisque plusieurs disent que j'ai le crayon facile, M. Daoust n'avait pas trop aimé ça et c'est moi qui ai écopé. À cette époque, on a dit: Nous, on a fait ça parce qu'à chaque fois qu'on te demande quelque chose, ça ne marche pas.

Après ça, il y a autre chose. Quand j'allais voir M. Viateur Daoust, on avait toujours des rapports de comptable. Je veux bien croire qu'un producteur ne peut pas être qualifié en tout. On avait deux comptables qui travaillaient pour nous, et ils ont 15 ans d'expérience. On arrivait avec ça sur le bureau de Viateur Daoust, et on disait: C'est comme ça qu'il faut marcher parce que de tel côté, ce ne sera pas rentable, et de tel côté, ça va être rentable.

Pour quelle raison a-t-il été se vanter à tous les agronomes du MAPAQ qu'il me dompterait? Je ne le sais pas. Ce serait à lui de répondre à la question, et je serais bien content s'il était ici, lui aussi, aujourd'hui, et je serais bien content si les agronomes venaient témoigner aussi.

Après ça, il a dit à d'autres qu'il avait eu des ordres d'en haut et que, dans le dossier, il n'avait rien à se reprocher. Cela, il ne me l'a pas dit clairement, il ne me l'a pas dit à mot directement. Je prétends qu'avant d'envoyer un dossier à Québec, c'est M. Daoust qui dit si le dossier va être positif ou négatif; c'est lui qui a le dernier mot. Le premier entretien que j'ai eu avec M. Camille Moreau, à Québec, alors que ça prenait tant de temps à régler mon dossier, il dit: On n'a pas eu encore le temps d'étudier ton dossier, mais on n'a jamais eu de problème avec toi et on ne voit pas pourquoi on en aurait.

M. Picotte: Qui a dit ça?

M. Patry: Camille Moreau. Deuxième réponse de Camille Moreau...

M. Pieotte: Avez-vous eu des discussions avec M. Moreau?

M. Patry: Je n'ai jamais pu le rencontrer en personne lui non plus.

M. Picotte: Mais de quelle façon vous a-t-on dit cela?

M. Patry: Au téléphone.

M. Picotte: Au téléphone?

M. Patry: Oui.

M. Picotte: À vous personnellement?

M. Patry: J'en ai fait des appels téléphoniques à Québec. Je pense que c'est un tous les deux jours parce qu'il était toujours supposé me donner la réponse demain, puis il ne me la donnait jamais. Je rappelais et il ne la donnait pas; il n'était jamais prêt. La dernière réponse est dans mon dossier, quand il a dit que mon dossier n'était pas rentable, point final, et qu'il ne

voulait pas en discuter. Pas plus que cela. Quand je lui ai dit toutes les pertes que cela entraînait autant pour la région que pour l'économie, il a dit: Cela ne me regarde pas. Fin de l'entretien. C'est le dernier entretien que j'ai eu avec M. Moreau et il était enragé bien noir. Pour quelle raison était-il enragé? Je ne lui ai jamais chanté de bêtises à Camille Moreau. Je ne le connaissais même pas. Je ne lui ai même pas parlé raide. Je me suis dit: Il se passe quelque chose dans ce dossier, cela n'a pas d'allure. C'est là que j'ai essayé de communiquer avec le ministre et il était toujours disparu dans la brume. Je ne sais pas où il était passé, mais j'ai essayé de communiquer avec Maurice Tremblay, son adjoint parlementaire, parce qu'il était très au courant du dossier. Lui non plus, je n'ai jamais pu le rejoindre après. Personne n'a voulu donner les raisons, puis il n'y a jamais personne qu'on a pu retrouver après cela.

M. Picotte: Mais vous, puisque vous êtes ici pour nous dire ce que vous pensez, et j'ai l'impression que vous n'avez pas du tout de misère, mais en tout cas, pourquoi, d'après vous, votre projet expérimental n'a-t-il pas été accepté? Y a-t-il une question de rentabilité?

M. Patry: Je vais vous dire une chose que M. Maurice Tremblay m'avait dite: Il a dit: Ce projet-là, on y tient bien gros parce que, si on peut faire abaisser le coût de production dans l'assurance-stabilisation, on sera bien content. II a dit: Cela coûte trop cher d'assurance-stabilisation.

M. Picotte: C'est lui, du bureau du ministre, qui vous a dit que cela coûtait trop cher.

M. Patry: Oui, exactement, après que l'on sait qu'un monsieur comme Orance Mainville, qui a un très gros parc d'engraissement, qui siège à la Fédération des producteurs de boeuf et qui est la matière grise du gouvernement dans le domaine du boeuf aussi, il travaille à beaucoup de dossiers et ce sont des fonctionnaires qui me l'ont dit. J'ai parlé avec d'autres parcs d'engraissement qui avaient bien peur que la méthode devienne publique parce qu'on avait peur que cela fassse abaisser le coût de l'assurance-stabilisation. J'ai l'impression, et c'est M. Garon qui pourrait le dire, qu'il y a eu des pressions politiques pour que rien ne sorte et que le meilleur moyen, c'était de me sortir de l'agriculture.

M. Picotte: Mais, puisque vous faites allusion à d'autres personnages - de toute façon, je ne les connais pas - je veux tout simplement vous demander: Dans la production du boeuf, êtes-vous capable de m'expliquer pourquoi cela ne marche pas? Cela doit marcher quelque part. Il doit y en avoir pour qui cela marche. Êtes-vous en train de me dire que cela ne marche pour personne?

M. Patry: Je vais vous dire mieux que cela: si on considère que l'assurance-stabilisation établit le coût moyen d'un coût de production, on va prendre le meilleur exemple qui se calcule le plus vite, ce sont les parcs d'engraissement; on considère qu'un parc de 400 têtes fait vivre son homme. On va prendre l'exemple que, pour l'année 1981-1982, dans le coût de production, il y avait un salaire pour le producteur qui était considéré à 18 000 $; par contre, les 18 000 $ que cela coûte pour assurer une tête - en 1981-1982, cela coûtait 45 $; 400 têtes cela coûte 18 000 $ aussi et il faut que le gars les sorte de sa poche parce que ces 18 000 $ ne sont pas considérés dans le coût de production - cela veut dire qu'à la fin le gars, pour vivre, il lui restait zéro, parce que cela coûtait 18 000 $ pour les assurer et il avait 18 000 $ pour se payer un salaire. Cela fait qu'il était obligé d'emprunter ces 18 000 $ sur sa marge de crédit. Au bout de cinq ans, il doit 90 000 $ à sa marge de crédit et il a pris cela pour vivre; la sixième année, il fait faillite. C'est aussi clair que cela parce que cela ne peut pas être rentable.

M. Picotte: Pourquoi? Parce que le modèle est trop gros, trop fort, mal planifié ou que les politiques sont mal... C'est quoi?

M. Patry: Non, c'est l'assurance-stabilisation. Dans le coût de production, aujourd'hui cela coûte 50 $ par tête. J'ai déjà eu une rencontre avec le ministre et je lui ai dit: II faudrait que ce soit inclus dans le coût de production. C'est impossible, un gars ne peut pas arriver. Il a dit: Jamais. C'est la réponse qu'il m'a faite, mais j'ai dit: Un gars va faire faillite. Vous faites bâtir des parcs d'engraissement, cela n'a pas d'allure. Il m'a envoyé promener, c'est ce qu'il a fait.

M. Picotte: Mais c'est quoi le pourcentage de ceux qui réussissent et de ceux qui ne réussissent pas. Il doit y en avoir qui réussissent. Quelle sorte de méthode peuvent avoir ceux qui réussissent comparativement à vous ou à d'autres qui ne réussissent pas? C'est une question de gestion ou quoi?

M. Patry: Je vous arrête tout de suite: dire que je ne réussissais pas, avant que vous lisiez tout mon dossier, ma ferme était rentable, mais...

M. Picotte: Cela n'a pas marché. Quand je vous dis que vous ne réussissiez pas...

M. Patry: D'accord, cela n'a pas marché, je suis arrêté.

M. Picotte: Il y a une raison pour laquelle cela n'a pas marché. J'imagine que...

M. Patry: D'accord. On voit de belles fermes modèles qui servent d'exemples au ministre Garon. Vous n'avez qu'à regarder dans le domaine du boeuf, cela fonctionne, on fait de l'argent. Dans cela, il y en a qui font le commerce des veaux d'embouche. Cela les aide parce qu'ils importent au Québec - je ne sais pas - 10 000 têtes à 10 $ la tête, ils vont chercher 100 000 $ là.

Il n'y a rien de mauvais dans cela, c'est leur droit. S'ils veulent faire le commerce dans un domaine à côté de leur parc d'engraissement. Par contre, il y en a d'autres qui achètent des veaux l'automne, quand le gars de l'assurance-stabilisation est passé, ils les revendent et font venir du boeuf fini de l'Ontario. Cela se fait sur une grande échelle au Québec depuis quelques années et il y en a qui sont devenus spécialistes. Si un gars fait cela avec 4000 têtes, il "claire" 500 000 $ par année sans avoir engraissé les têtes. Le ministre Garon est très au courant de cela.

M. Picotte: Répétez-moi donc cela. C'est un bout qui est passé vite un peu.

M. Patry: C'est un bout qui n'est pas connu publiquement non plus. Disons qu'il y a des producteurs - je ne donnerai pas de noms, je vais demander à M. Garon de les nommer parce qu'il les connaît - qui achètent des veaux l'automne; d'habitude, le gars de l'assurance-stabilisation vient compter le nombre de têtes vers les fêtes. Quand il est passé, le gars revend ses veaux - il les avait gardés à peu près un mois, un mois et demi; seulement au foin, cela n'a pas coûté cher - il les revend et il fait venir du boeuf fini de l'Ontario, de 800 à 900 livres de viande - nous, à l'assurance-stabilisation, dans l'élevage du boeuf, on est payé sur la facture d'abattage, le certificat d'abattage. Le gars envoie ses animaux directement à l'abattoir. Il peut retirer, je ne sais pas, 200 $ à 250 $ d'assurance-stabilisation et il n'a pas gardé les animaux. Cela veut dire qu'avec l'assurance-stabilisation il y en a qui crèvent de faim et d'autres subventionnent l'Ontario et certains gros parcs qui servent de modèles pour la réussite du boeuf au Québec.

M. Picotte: Est-ce que les autorités compétentes en la matière sont au fait de cela? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a dénoncé cette façon de procéder? Est-ce que c'est au vu et au su de...

M. Patry: II y en a plusieurs avec qui je parle et cela se fait dans tout le Québec. Cela a commencé par des spécialistes, mais maintenant cela se fait dans tout le Québec. Il y en a qui font cela à petite échelle seulement pour ne pas perdre leur ferme, mais il y en a d'autres pour qui c'est le gagne-pain. Dans le fond, ce n'est pas à moi à faire l'enquête. Ce n'est pas avec mon chèque d'aide sociale que je peux aller virer bien loin dans une enquête. Ce serait à vous ou à quelqu'un d'autre à faire l'enquête.

M. Picotte: Vous êtes en train de me dire que c'est la façon de réussir.

M. Patry: C'est la seule façon. À moins de cela... Les chiffres sur la table, cela ne peut pas arriver, ce n'est pas rentable. Ce serait payant, faire du boeuf au Québec, si on organisait des moyens pour cela. Je suis bien mal placé pour donner des solutions à M. Garon quand il me tape sur la tête.

M. Picotte: Une dernière question. Est-ce que vous avez été obligé de faire encan?

M. Patry: Non, j'ai vendu mes vaches directement...

M. Picotte: D'accord.

M. Patry:... et j'ai donné le montant d'argent à l'Office du crédit agricole.

M. Picotte: Je voulais revenir sur la pratique des encans. C'est un autre sujet qu'on n'a jamais réussi à éclaircir.

M. Patry: II y en a qui m'avaient mis la puce à l'oreille et j'avais peur que Daoust se graisse la patte; j'ai eu peur et j'ai vendu mes vaches directement.

M. Picotte: Je n'ai plus de questions, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Je veux immédiatement, M. Patry, vous indiquer que je regrette beaucoup qu'on n'ait pas pu vous entendre plus en détail. Cela a dû vous demander une somme considérable de travail de préparer la première partie du mémoire.

M. Patry: Disons que j'étais prêt à vous rencontrer, comme je suis prêt à rencontrer M. Garon aussi, n'importe où, n'importe quand, n'importe comment.

Le Président (M. Vallières): Je veux vous indiquer cependant que votre mémoire est entre les mains de tous les membres de la commission et que, dans la mesure du possible, il en sera tenu compte quand on

fera notre rapport final à l'Assemblée nationale. Donc, ce n'est pas du travail qui demeure sans suite, soyez-en assuré. Je vous remercie pour votre participation.

M. Houde: Je peux dire quelque chose? Trente secondes.

Le Président (M. Vallières): Trente secondes.

M. Houde: Ce n'est pas pour poser des questions. J'aimerais, pour le bien de la population et des gens qui sont ici et qui sont de la région de l'Estrie, tout le travail qui a été fait en agriculture depuis quelques mois, à la suite des visites qu'on a faites partout, avec des gens comme vous pour entendre des mémoires, remercier et féliciter le président et toute son équipe - ceux qui sont en arrière comme ceux qui sont en avant - pour le magnifique travail qu'ils ont fait pour le bien de l'agriculture du Québec. Je pense qu'avec cela on va finir par réussir à amener quelque chose qui va coller à la réalité, qui va être pour vous et pour nous aussi.

M. Patry: Je suis complètement d'accord avec vous. Si le travail peut continuer et que toute la vérité sorte une fois pour toutes sur tout ce qui se passe.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie et je remercie tous les organismes qui ont présenté des mémoires à la commission. Je veux vous indiquer que cela fait déjà quelque 37 heures que nous procédons à des auditions. Je suis persuadé qu'on pourra, avec cette somme de travail qui nous a été fournie, proposer des solutions aux divers problèmes qui ont été soulevés dans toutes les régions où nous avons circulé. Là-dessus, je vous remercie beaucoup et nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 14 h 30)

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