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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend aujourd'hui ses travaux. Le mandat de la commission est
de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la
consultation générale sur les aspects de la relève, du
financement et de l'endettement agricoles au Québec.
Les membres de la commission pour cette séance sont les suivants:
M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier (Nicolet), M. Beauséjour (Iberville),
M. Vaillancourt (Orford) qui remplace M. Dubois (Huntingdon), M. Paré
(Shefford) qui remplace M. Dupré (5aint-Hyacinthe), Mme Juneau (Johnson)
qui remplace M. Gagnon (Champlain), M. Houde (Berthier), M. Le Blanc
(Montmagny-L'Islet) qui remplace M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Maltais (Saguenay), M. Mathieu
(Beauce-5ud), M. Picotte (Maskinongé), M. Proulx (Saint-Jean), M.
Vallières (Richmond).
M. Picotte: M. le Président...
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte:... est-ce qu'il serait possible de remplacer le
député de Beauce-Sud par le député d'Orford, M.
Vaillancourt.
Le Président (M. Vallières): J'avais indiqué
qu'il remplaçait le député de Huntingdon.
M. Picotte: D'accord.
Le Président (M. Vallières): Pas de
problème? Cela va?
M. Picotte: L'un ou l'autre.
Le Président (M. Vallières): Je voudrais, à
ce moment-ci... Oui, M. le député de Saint-François.
M. Rancourt: M. le Président de la commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, pour les fins du
Journal des débats, bien sûr, je vais me présenter:
Réal Rancourt, député de Saint-François,
vice-président de l'Assemblée nationale. Je suis très
heureux de votre présence en Estrie, pour ma part, et de votre mandat de
procéder à l'audition de mémoires sur un sujet qui est
d'importance, quant à moi.
Par suite de la réforme parlementaire qui a été
effectuée au Québec, je veux vous demander l'autorisation de
siéger. Comme vice-président de l'Assemblée nationale et
député, je n'ai le droit de participer è aucune commission
parlementaire. Donc, si vous voulez bien, je vais vous demander l'autorisation
de siéger à celle-ci parce que c'est dans ma région; si
vous refusez, c'est votre droit, je pourrai aller m'asseoir avec ceux qui sont
derrière. Étant agriculteur moi-même, je me sentirais aussi
à l'aise avec ces derniers qu'avec vous.
Pour être dans les règles, je vous demande cette
autorisation.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
député de Saint-François. Je pense qu'à voir la
réaction de part et d'autre il n'y a aucun problème.
M. Picotte: Vous savez...
Le Président (M. Vallières): Au contraire, il nous
fait plaisir de vous accueillir à la table des
députés.
M. Rancourt: Merci beaucoup, M. le Président.
M. Picotte:... très bien, M. le Président, qu'on ne
peut sûrement pas...
Une voix: II faudrait aller là-bas et vous
enregistrerl
M. Vaillancourt: Même s'il veut s'asseoir du
côté de l'Opposition, on n'a pas d'objection.
Mme Juneau: On va le garder de notre bord.
Une voix: On aime mieux l'avoir à la table.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Une voix: Pourvu qu'il soit à l'aise.
Remarques du président
Le Président (M. Vallières): Avant de
procéder à l'audition des organismes, vous me permettrez de
dresser rapidement le portrait de la commission que j'ai l'honneur de
présider.
Le 13 mars 1984, il y a de cela un an et quelques jours, en fait,
était créée la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation. C'est, en effet, au début de ia
session, l'an dernier, qu'étaient adoptées à
l'Assemblée nationale, unanimement, les nouvelles règles de
procédure issues de ce qu'il est convenu d'appeler la réforme
parlementaire.
Les commissions parlementaires constituent un des éléments
principaux de changement du nouveau règlement. Il en est
résulté des modifications substantielles dans leur nombre, qui
est passé de vingt-sept à neuf, leur dénomination, leur
compétence et leur composition. Ces instances parlementaires ne
correspondent plus, comme par le passé, au ministère de
l'Exécutif. Elles sont regroupées par secteurs d'activité,
avec des champs de compétence plus diversifiés.
Ainsi, notre commission assure, tout au long de l'année, une
surveillance de tout ce qui concerne, à l'intérieur des travaux
de l'Assemblée nationale, le secteur de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation. La commission procède à
l'étude des crédits du ministère concerné, à
la vérification de ses engagements financiers, à l'étude
détaillée des projets de loi et à la surveillance de la
législation déléguée, c'est-à-dire des
règlements.
En plus de ces obligations, les commissions bénéficient de
plus d'autonomie et d'un pouvoir d'initiative qui n'existait pas auparavant.
Ces nouvelles prérogatives, la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation s'en est rapidement prévalu
puisque, dès avril 1984, ses membres décidaient unanimement de se
charger d'un mandat d'initiative afin d'étudier les questions de la
relève agricole au Québec, auquel mandat venaient s'ajouter, en
août, les aspects du financement et de l'endettement, sujets jugés
on ne peut plus d'actualité et nécessairement liés
à l'avenir et à la relève agricoles au Québec. Pour
accomplir ce mandat, les membres ont décidé de procéder
à une consultation générale dont les auditions que nous
avons entreprises le 4 mars, à Montréal, sont le maillon
principal.
Par ailleurs, durant l'automne, la commission a procédé,
comme vous le savez, à l'étude des dossiers des sept agriculteurs
qui avaient participé è la grève de la faim de
Saint-Cyrille-de-Wendover. Nous avons déposé à
l'Assemblée nationale, le 13 décembre dernier, le rapport de
cette étude dans lequel nous recommandions, entre autres, la
création d'un comité spécial pour aider les agriculteurs
en difficulté financière et la mise sur pied d'une commission
d'appel des décisions de l'Office du crédit agricole. Ce rapport
fera d'ailleurs l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale
au cours des travaux de la session qui a repris mardi dernier. Ce mandat sur
les grévistes de la faim de Saint-Cyrille a causé un certain
retard dans l'acheminement de nos travaux puisque nous escomptions tenir les
présentes auditions en début d'année, mais il nous a
permis d'autre part de toucher on ne peut plus concrètement au
problème d'endettement des agriculteurs et de nous mieux préparer
à recevoir les représentations qui nous ont été
faites et qui se poursuivront aujourd'hui.
Concernant plus précisément notre mandat d'étude
sur la relève, le financement et l'endettement agricoles, l'objectif que
poursuit la commission est de rechercher, auprès des organismes et des
individus du milieu agricole, tout l'éclairage nécessaire pour
nous permettre d'acheminer à l'Assemblée nationale, d'abord, et
aux ministères concernés, par la suite, des recommandations
issues des besoins exprimés à travers les mémoires que
nous avons déjà reçus et les représentations qui
sont faites au cours des auditions.
Permettez-moi de souligner, dans un autre ordre d'idées, que
notre commission, en se déplaçant à l'extérieur de
l'Hôtel du Parlement pour procéder aux auditions publiques, est la
première commission de l'Assemblée nationale à se
prévaloir de cette possibilité dans le cadre des nouvelles
règles de fonctionnement. Nous avons choisi les endroits où nous
tenons nos auditions publiques en fonction des organismes qui ont
demandé à être entendus. Ainsi, nous étions à
Montréal les 5 et 6 mars, à Saint-Hyacinthe le 7 mars, à
Québec hier et avant-hier et nous complétons aujourd'hui nos
auditions à Sherbrooke.
Au terme de cette tournée, nous aurons procédé
à 28 auditions à l'intérieur de ces six journées.
Nous escomptons pouvoir produire, au cours du mois d'avril, notre rapport final
ainsi que nos recommandations à l'Assemblée nationale. D'autre
part, le 26 mars prochain, la commission procédera à l'examen des
orientations, des activités et de la gestion de l'Office du
crédit agricole du Québec. Nous considérons ce mandat
comme étant une suite logique au travail que nous avons entrepris cette
année. Ainsi, l'étude des dossiers des grévistes de la
faim, la consultation générale sur la relève, le
financement et l'endettement et l'examen des activités de l'Office du
crédit agricole du Québec permettront aux membres de la
commission d'être en mesure de parler en connaissance de cause - c'est
là mon souhait - et d'améliorer les conditions dans
lesquelles
les l'agriculteurs québécois doivent oeuvrer. En
terminant, je voudrais remercier tous les organismes et les individus qui nous
ont fait parvenir des mémoires. Je dois dire que la qualité de
ces documents me semble une garantie de succès pour notre
consultation.
Je voudrais, à ce moment-ci, vous faire part de notre ordre du
jour d'aujourd'hui. Nous rencontrerons successivement la
Fédération de l'UPA de Sherbrooke, l'Association des producteurs
exploitants du Québec, le Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie
et M. Jean-Pierre Patry.
Je veux par ailleurs vous indiquer que j'ai reçu des documents
pour dépôt devant la commission. Je vais immédiatement
indiquer à ces personnes qui ont présenté des documents
pour dépôt que ces rapports seront transmis à tous les
députés de la commission, qu'ils seront lus et
résumés et que nous en tiendrons compte dans les recommandations
que nous acheminerons à l'Assemblée nationale. J'ai, entre
autres, M. Charles Bilodeau, de Bromptonville, qui m'a demandé de
procéder au dépôt de son document. M. Bilodeau, votre
document est considéré comme étant déposé
devant cette commission. De même qu'un mémoire
présenté par le Comité des femmes en agriculture de
l'Estrie, soumis par ce comité dont font partie Mmes Diane Cochrane,
Christiane Gagné et Manon Guimont. Ce document est
considéré comme étant déposé. Il y a
également une lettre de la Fédération de l'UPA du
Bas-Saint-Laurent, signée par M. Jean-Louis Lepage, nous demandant de
bien vouloir déposer devant cette commission un mémoire portant
sur la relève agricole du Bas-Saint-Laurent. Ce mémoire est
considéré comme étant déposé devant la
commission. Il y a également une lettre signée par M.
Charles-Aimé Jacques, directeur régional de la
Fédération de l'UPA d'Abitibi-Témiscamingue; cette lettre
est considérée comme étant déposée. Elle
vient appuyer le mémoire qui a déjà été
déposé par la Confédération de l'UPA au plan
provincial. Ce document est considéré comme étant
déposé. Il y a également M. Michel Richard, de Melbourne,
qui m'a demandé de déposer un document concernant un projet de
biocénose. Je vais immédiatement indiquer à M. Richard que
ce document ne me semble pas pertinent à l'objet de notre commission.
Par conséquent, la lettre qu'il m'a remise ou ce document sera
acheminé au ministre de l'Agriculture pour étude et attention.
Donc, ce document n'est pas considéré comme déposé
à cette commission.
J'inviterais maintenant les représentants de la
Fédération de l'UPA de Sherbrooke à bien vouloir
s'identifier et à procéder à la lecture de leur
mémoire, en leur indiquant que nous disposons d'environ une heure. M.
Blais.
Fédération de l'UPA de
Sherbrooke
M. Blais (Jacques): Bonjour tout le monde. Y aurait-il
possibilité que les gens qui vont venir ici s'asseoient tout de suite?
Ils vont être prêts probablement à...
Le Président (M. Vallières): Absolument. Excellente
idée.
M. Blais (Jacques): Pour commencer, j'aimerais souligner que ce
mémoire n'a pas été préparé par les
employés de la fédération. Il a été
préparé par les dirigeants. Il a été
vérifié pendant trois ou quatre réunions. Cela veut dire
que, pour nous, c'est toute la fédération qui est derrière
cela, les 24 membres de l'Union des producteurs agricoles, nos
représentants. Pour continuer, Clément, le secrétaire, va
lire le document.
Le Président (M. Vallières): M. Lanoue.
M. Lanoue (Clément): Honorables députés de
l'Opposition et du parti ministériel, MM. les producteurs et
productrices, MM. les journalistes, il me fait énormément plaisir
de vous présenter le document de la Fédération de l'UPA de
Sherbrooke. Je débute immédiatement à la page 1, avec
l'introduction.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Est-ce qu'il y a possibilité de
connaître les gens qui vous accompagnent, le nom des personnes qui vous
accompagnent? Est-ce qu'il y aurait possibilité de nous les
présenter?
M. Lanoue: À ma gauche, c'est le président de ta
Fédération de l'UPA, M. Jacques Blais, qui demeure à La
Patrie; vous avez également son voisin, M. Adrien Girard, qui est le
vice-président du Syndicat des producteurs de porcs, qui demeure
à Cookshire, et M. Victor Blais, qui est membre du conseil
d'administration du comité des finisseurs auprès du Syndicat des
producteurs de porcs, qui demeure à Coaticook. Cela va?
M. Picotte: Cela va.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
M. Lanoue: Introduction. Dans notre région, un très
grand nombre de producteurs dans différentes productions font face
à des problèmes financiers très sérieux. Leur
situation est très précaire, ils sont sur la corde raide et pour
plusieurs leur avenir en
agriculture dépend de quel côté le vent
soufflera.
Il serait trop facile d'accuser ces producteurs d'être de mauvais
gestionnaires et de se mettre la tête dans le sable en affirmant que ce
secteur économique subit les mêmes problèmes que tous les
autres secteurs de l'activité économique dans des périodes
difficiles comme celle que nous traversons depuis quelques années.
La capitalisation excessivement élevée qu'exige
l'agriculture moderne pose un problème non seulement pour la
relève agricole, mais aussi pour les producteurs en place. De plus,
lorsque l'on pense que les dépenses d'intérêt
représentent la deuxième dépense en importance faite par
les producteurs du Québec après l'alimentation des animaux, ceci
prouve à quel point la dette, pour la majorité des agriculteurs,
est élevée.
De plus, nous connaissons depuis quelques années un nombre sans
précédent de faillites. Leur nombre était de 14 en 1979,
de 125 en 1983 et de 162 en 1984. Ces statistiques ne tiennent pas compte de
tous ceux qui ont vendu ou liquidé des actifs au lieu de faire faillite
et qui sont certainement beaucoup plus nombreux.
Un secteur aussi primaire et important que l'agriculture a vu sa
population active diminuer énormément jusqu'à tout
récemment. Dans plusieurs régions, les terres abandonnées
ou en friche sont sans cesse croissantes. Les politiques du ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sont soit mal
appliquées ou ne répondent pas aux besoins des producteurs et de
toute l'agriculture au Québec. L'Office du crédit agricole doit
jouer un rôle très important dans le financement de notre
agriculture. Depuis quelques années, l'Office du crédit agricole
s'est montré plus intransigeant que les milieux bancaires, ce qui est
inacceptable pour une institution qui doit travailler avec et pour les
agriculteurs.
Les faillites agricoles. Une mise en garde s'impose. Tous les exemples
qui seront cités ne sont pas détaillés avec les preuves
à l'appui. Cependant, ces exemples sont des cas vécus et, au
besoin, ces personnes pourront venir expliquer en détail toute leur
situation et ce qui s'est produit avec leur dossier, soit à l'office ou
avec d'autres instances du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
Depuis quelques années, les représentants de l'Office du
crédit agricole posent des gestes plus sournois auprès de nos
producteurs agricoles. Dans certains cas où le producteur a des
difficultés financières, les représentants de l'office
rencontrent le producteur, font des vérifications d'inventaire et,
très souvent, accusent le producteur en disant qu'il y a de la
production de disparue, qu'il est plus ou moins honnête et, par la suite,
lui expliquent que: "Si tu veux être correct avec nous autres, tu vas
nous aider à préparer l'encan, tu va par la suite signer les
documents, nous transférerons la propriété et, de notre
part, tu ne subiras pas de poursuite. " À la suite de cette entente avec
l'office, malheureusement, le producteur reçoit des comptes des autres
créanciers, et ainsi de suite, pour apprendre que, pour faire faillite
il faut avoir de l'argent, parce qu'il faut qu'il paie les frais de la faillite
qui s'élèvent entre 2000 $ et 5000 $.
Il y a, dans notre région, des jeunes producteurs qui sont
bénéficiaires du bien-être social pour le reste de leurs
jours étant donné qu'ils n'ont pas d'argent pour réaliser
la faillite. Lorsque nous regroupons tous les cas isolés, nous devons
nous rendre à l'évidence que c'est toute l'agriculture de la
région qui en souffre et, par conséquent, toute la
société qui doit indirectement en payer le prix.
Nous avons analysé quelques cas de producteurs qui ont fait
faillite, principalement dans des porcheries, et où il y a eu reprise
par l'office qui aurait revendu ladite porcherie et, selon nos données,
elle aurait perdu au-delà de 200 000 $. S'il existait au Québec,
au sein de l'Office du crédit agricole, un comité de redressement
de ' situations financières, composé d'agriculteurs et de
représentants de l'office, nous aurions pu faire des recommandations et
maintenir ce producteur sans que l'office perde 200 000 $ et plus. Les
conséquences de telles décisions sont très
sérieuses. Le producteur qui a racheté la porcherie au tiers du
prix de la construction pourra produire dans l'avenir à meilleur compte
que les autres producteurs qui ont eu à payer des prix normaux
d'investissement et pour qui l'équité qu'ils possèdent sur
leurs actifs est automatiquement plus faible. On déséquilibre
présentement la rentabilité de la production entre producteurs
par des gestes comme celui-ci.
Le printemps dernier, on recommandait à un petit producteur, s'il
avait des problèmes financiers, de vendre ses vaches, son quota et par
la suite il pourrait vivre avec la vente de son foin et sa petite sucrerie.
Alors, ce producteur n'a presque plus de dettes envers l'Office du
crédit agricole, mais ne peut vivre avec le revenu de sa ferme. C'est un
vrai scandale de la part de l'office que de faire de telles
recommandations.
Un autre producteur dans le même cas: on lui a fait vendre ses
vaches, son quota de lait et, après, il n'arrivait pas. Alors, il a
dû offrir sa ferme en vente et l'Office du crédit agricole a
recommandé à l'acheteur d'offrir au producteur le reste de
l'hypothèque pour la ferme qui était d'environ 60 000 $. On fait
un peu toutes sortes de choses pour détruire le producteur.
Dans l'assurance-stabilisation, on décide de réduire le
nombre de truies assurées en appliquant une certaine recommandation qui
dit ceci: Si la truie n'a pas cochonné, on ne la compte pas. À
cette période, l'assurance-stabilisation était
déficitaire.
Au printemps 19B4, on croyait que l'assurance-stabilisation pour les
naisseurs ne serait pas dans l'obligation de payer les producteurs et, quand le
représentant du gouvernement va compter les truies, le comptage
terminé, il dit au producteur: Si tu n'as pas d'objection, on va ajouter
20 truies de plus pour ainsi augmenter les revenus de
l'assurance-stabilisation. Malheureusement, en 1984, l'assurance va être
dans l'obligation de payer. Alors, on s'est mis un doigt dans l'oeil, mais,
quand même, pour un gouvernement qui se respecte, c'est incroyable qu'il
agisse ainsi.
Il y a beaucoup d'autres exemples que l'on peut vous donner dans la
production du boeuf ou les producteurs finisseurs dans le porc envers qui le
gouvernement du Québec ne respecte point ses engagements. Le plus
décourageant dans tout cela, c'est lorsqu'un producteur est dans
l'obligation de quitter la production agricole. On nous dit que c'est un pas
bon, pas efficace, qu'il ne voit pas à son affaire, mais je pense qu'il
faudrait comprendre qu'un producteur qui est aux prises avec le financement de
sa ferme au moins un an avant de déclarer faillite ne devient plus un
bon producteur. C'est vrai en agriculture, c'est vrai dans l'industrie, c'est
vrai dans le commerce. Le moral de ces personnes baisse et, par le fait
même, elles sont beaucoup moins efficaces dans l'entreprise. Je pense que
les producteurs ne sont pas durs quand ils réclament leur coût de
production. Ils acceptent que les gouvernements utilisent les producteurs les
plus efficaces au Québec pour déterminer le coût de
production dans une production donnée. (10 h 30)
Dans notre région, il y a des producteurs de boeuf qui ont fait
des faillites déguisées, ainsi que des producteurs de lait et des
producteurs de porcs, et nous croyons que, si la situation ne change pas, sur
4000 producteurs en région, nous aurons certainement de 400 à 500
producteurs qui devront quitter l'agriculture faute de rentabilité. Il y
a des malaises énormes et, l'automne dernier, un représentant de
la Banque de Montréal, attaché au service du crédit, nous
informait que, dans la région, 90% des prêts agricoles accusaient
des retards dans les paiements. Nous pensons que ceci est très
significatif.
Un autre problème est l'orientation prise par l'Office du
crédit agricole. Que ce soit dans la production du porc, du boeuf ou du
lait, il y a trois ou quatre ans, les représentants de l'office avaient
l'approche suivante: par exemple, dans la production du porc, si un producteur
possédait 40 000 $ comptant et voulait partir en production avec une
porcherie de 100 truies, les représentants de l'office lui
recommandaient d'augmenter à 200 truies, que ce serait plus payant. En
plus, si la résidence était désuète, on lui offrait
un prêt pour construire une belle résidence. Sur ce sujet, il y a
un cas qui s'est produit dans notre région. Un producteur avait à
l'époque construit une porcherie de 200 truies et il demeurait dans une
roulotte. On lui a offert de se construire un bungalow et il a refusé.
Aujourd'hui, il est encore en production, mais, s'il avait construit le
bungalow, il aurait dû quitter la production depuis quelques
années.
Le même phénomène s'est produit dans les prêts
de l'office pour les parquets d'engraissement. Des producteurs qui avaient
méticuleusement suivi les conseils des représentants de l'office
se sont fait dire, quelques années plus tard, que leur entreprise
n'était pas rentable par ces mêmes représentants qui,
à l'époque, voulaient prêter davantage que ce dont le
producteur avait besoin.
Si les faillites en agriculture continuent au rythme que nous avons
connu depuis quelques années, qu'adviendra-t-il de l'agriculture au
Québec? Nous nous éloignons rapidement de la politique du
ministère de l'Agriculture qui est de "nourrir le Québec". Les
compagnies multinationales prendront une large part du gâteau et nous
risquons d'être de plus en plus dépendants des importations de
produits divers. Il faut réagir et vite avec des politiques de
financement qui permettront à nos producteurs d'être efficaces et
rentables dans leur entreprise. 3. Les politiques du MAPAQ. Lorsque l'on parle
de financement agricole, le MAPAQ, avec son aide directe ou indirecte, entre
autres, différents programmes de développement et des
subventions, a sa large part de responsabilité. Cependant, depuis
surtout quelques années, la majorité des politiques du
ministère ont été orientées vers le
développement. On dirait qu'au ministère on a
décidé de se servir de l'agriculture pour faire fonctionner les
autres secteurs de l'économie et ceci, par l'utilisation des budgets qui
étaient destinés à d'autres programmes. On a coupé
dans les programmes par une réglementation qui a été
modifiée. Donc, peu de producteurs peuvent être admissibles
à beaucoup de programmes et ainsi profiter de certains avantages. Ces
pertes de revenus indirects entraînent des dépenses
supplémentaires dans la bonne marche d'une entreprise agricole, les
déboursés sont de plus en plus élevés pour le
producteur et la rentabilité de l'entreprise est souvent mise en jeu;
par exemple, le pourcentage défrayé par le ministère pour
les
travaux mécanisés, les subventions sur la chaux, les
subventions pour les plaques d'immatriculation et bien d'autres.
II est aussi inconcevable que le ministère appuie des politiques
environnementales en matière d'entreposage des fumiers sans avoir fait
d'autres études ou vérifié dans d'autres provinces et pays
les différentes réglementations. Les coûts engendrés
par la nouvelle réglementation ne font qu'accentuer l'endettement des
agriculteurs et la majorité des plus jeunes nous ont fait part qu'ils
devraient vendre leur ferme s'ils devaient se conformer aux nouvelles normes de
l'Environnement. Des subventions équitables, semblables à celles
que reçoivent les municipalités et les industries, seraient
nécessaires pour financer des projets qui peuvent coûter entre
5000 $ et 40 000 $.
Dans la production laitière, sous l'ancien gouvernement, une aide
directe de 24 000 000 $ avait été donnée aux producteurs
de lait industriel - on pourrait apporter ici une correction, c'est
plutôt 22 000 000 $ au lieu de 24 000 000 $, mais quand même ce
sont plusieurs millions - pour qu'il y ait une meilleure équité
avec les producteurs de lait nature. Avec le gouvernement actuel, cette aide
est complètement disparue et tous ceux qui connaissent le milieu savent
très bien qu'encore aujourd'hui, malgré les efforts faits par les
producteurs, on est encore loin de l'équité entre les
producteurs, selon leur pool 1 et 2. Pourtant, les coûts de production
sont les mêmes. Ce n'est pas pour rien que les statistiques montrent hors
de tout doute que les producteurs les plus efficaces sont aussi les plus
endettés.
La mauvaise planification dans plusieurs programmes du ministère
a amené directement ou indirectement plusieurs producteurs à la
faillite ou tout simplement à abandonner la production. Par exemple,
dans la production du sirop d'érable, lorsque est apparu le
système de tubulure Sys-vac, les conseillers agricoles ont
orienté les producteurs à équiper leur
érablière avec un tel système en leur expliquant noir sur
blanc que la quantité d'eau par entaille doublait, et même plus,
donc des revenus supplémentaires. Par contre, la rentabilité de
ce système n'avait sûrement pas été
vérifiée et pourquoi mettre plus de producteurs sur ce
système que ce que le marché peut en supporter? Il aurait sans
doute été préférable de limiter le nombre et de
l'augmenter selon le développement du marché. Aujourd'hui, on
peut se promener dans plusieurs érablières qui ne sont plus
exploitées et où tout le système de tubulure est encore en
place. Ce n'est qu'un exemple, mais dans à peu près toutes les
productions le même phénomène s'est produit.
Lorsqu'on parle de développement de la production, nous y voyons
un autre problème assez complexe. Le ministère a commencé
il y a quelques années à ouvrir pleinement des budgets pour
développer des productions dites nouvelles. Les résultats obtenus
jusqu'à maintenant montrent plusieurs producteurs insatisfaits. Ce qui
est le plus malheureux, c'est que le développement dans ces productions
se fait sur le dos des producteurs déjà en place. Au
début, le financement de ces productions (chèvres, lapins,
serres, agneaux, moutons, pisciculteurs, et on peut en mettre encore) fut
assuré par de bonnes subventions, mais, maintenant que les producteurs
doivent se débrouiller davantage avec leurs propres revenus
d'entreprises, plusieurs ont déjà perdu leur chemise et cela,
après seulement quelques années.
Différentes politiques incitatives de capitalisation sont mises
en place et servent davantage à faire marcher l'industrie qu'à
aider les agriculteurs. L'apport économique d'une entreprise agricole
est très élevé par rapport à un ouvrier (200 000 $
de chiffre d'affaires brut par rapport si vous voulez, à une moyenne de
16 000 $). Cette capitalisation élevée amène souvent un
endettement très élevé chez le producteur qui, au moindre
revirement du marché, se retrouve avec des problèmes financiers
et doit faire une consolidation de dettes ou trouver d'autres solutions pour
résoudre ses problèmes: marge de crédit, etc. Le ministre
a toujours voulu développer la production bovine et nous avons là
un bel exemple de capitalisation élevée avec des coûts de
production élevés et un revenu net faible et même
négatif. Il y a quelques années, un producteur de notre
région avait eu son prêt et certaines subventions pour bâtir
une maison et une bâtisse pour faire de l'élevage de veau de
grain. Après un certain temps, ce n'était plus rentable. Alors,
les officiers du crédit agricole lui ont prêté,
après lui avoir suggéré de faire un parc d'engraissement.
Il y avait à peine 40 acres de sol considéré comme pauvre
et c'est un endroit où il est impossible de faire du maïs
d'ensilage. Peu de temps après, le producteur a fait faillite. C'est ce
que cela coûte de vouloir développer le boeuf à tout prix:
une faillite de plus.
L'assurance-stabilisation est une béquille essentielle; sinon,
les abandons et les faillites des producteurs seraient encore plus
élevés. Cependant, l'ASRA fait croire aux producteurs qu'ils
auront leur coût de production, tout en indiquant bien que la
capitalisation du gouvernement est de 2 $ pour 1 $ investi par le producteur.
Notre gouvernement a voulu réduire sa subvention, qui est de 2 $, en
interprétant le règlement de façon à couper le pain
directement au producteur et de sa famille. Par exemple, dans le porc, alors
que l'assurance devait payer beaucoup, il y a du tripotage au
niveau de l'application des règlements. Dans une région,
en ce qui concerne le bovin, il y a un recours collectif d'intenté
contre l'ASRA. En plus, il y a des dossiers en cours de producteurs qui ont
été lésés dans leurs droits. L'ASRA tient toujours
les producteurs responsables de tout sans prendre ses responsabilités et
cela, d'une façon malhonnête. Plusieurs autres exemples pourraient
être cités, mais il faudrait mettre de l'ordre dans tout ce qui
touche le financement en agriculture et les problèmes reliés
à l'endettement des producteurs.
Recommandations de la fédération. Nous savons très
bien que nous ne pouvons régler tous les problèmes en
agriculture, mais nous croyons que nous pouvons en résoudre plusieurs
pour autant que tous les intervenants impliqués en agriculture soient
prêts à entreprendre des réformes et des discussions
sérieuses.
Programmes de développement. Les programmes devraient être
plus sélectifs envers les producteurs. Il faudrait tenir compte du point
de vue financier et aussi de l'expérience dans le domaine. Le
développement devra être réalisé par étapes
et selon la capacité des producteurs. Les nouveaux programmes devraient
tenir compte qu'un suivi spécial: agronome, technicien,
vétérinaire, est très important parce que, trop souvent,
les producteurs servent de boucs émissaires.
Il faut privilégier les producteurs déjà en place.
Ils sont plus stables, ils peuvent développer leur production
graduellement. Nous pensons que la superspécialisation des fermes
modernes est à repenser. Le gouvernement doit absolument investir dans
la mise en marché. Il ne faut pas attendre qu'il y ait surproduction. Il
faut y aller à mesure que le marché se développe. Bref, il
faut que les budgets de développement aient, comme priorité, le
développement plutôt que ce qui est arrivé depuis quelques
années, c'est-à-dire de faire fonctionner l'économie.
L'assurance-stabilisation. Dans plusieurs productions, les sommes
versées par l'ASRA représentent une source de financement
très importante pour les producteurs. Il ne faut pas oublier que la
participation des producteurs à ce régime est
considérable. Nous demandons à l'ASRA les changements suivants:
pour aucune considération il ne devrait y avoir interprétation
des lois et des règlements au bon gré des responsables de l'ASRA;
que les règlements et le mode de fonctionnement ne soient pas
modifiés sans l'appui d'une assemblée générale de
la fédération concernée ainsi que des producteurs.
Deuxièmement, lorsqu'il y a des paiements dans une production
donnée, ceci devrait être effectué selon le cycle de
production. Par exemple, dans le veau lourd, si vous faites cinq ou sept
élevages par année et que vous n'êtes payé qu'une
fois par année, vous êtes presque certain d'avoir des
problèmes financiers, marge de crédit dépassée,
etc., avant la fin de l'année.
Troisièmement, il faut qu'il y ait au conseil d'administration de
l'ASRA un nombre égal d'administrateurs, qui seraient des producteurs,
au pourcentage de la participation des producteurs à l'assurance, et
qu'ils soient nommés par l'UPA; on peut donner comme exemple la
Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Quatrièmement, que les ententes du comité MAPAQ-UPA sur
les coûts de production soient respectées et que les
données relatives à l'établissement des coûts de
production soient publiées. (10 h 45)
Cinquièmement, qu'une commission d'appel soit constituée
pour les producteurs qui se sentent lésés dans leurs droits. La
composition d'une telle commission permettrait à des producteurs
d'éviter des frais de cour qui, bien souvent, coûtent plus cher
que ce qu'ils réclament à l'ASRA.
Sixièmement, que, lorsque le producteur signe un contrat de cinq
ans, celui-ci soit assuré que l'ASRA respectera les engagements du
contrat original et qu'aucun changement ne sera fait avant la fin du contrat
sans l'approbation du producteur.
Office du crédit agricole. Depuis quelques années, le
pourcentage de prêts aux agriculteurs a augmenté
considérablement. L'office est maintenant le chef de file en ce domaine
et en conséquence doit pouvoir fournir les services professionnels
nécessaires et adaptés aux différentes situations
financières. Actuellement, l'office ne remplit plus son rôle comme
il le devrait. Certaines banques sont même plus attentives aux demandes
des producteurs. C'est pourquoi les principales réformes que nous
demandons à l'office sont les suivantes: que l'Office du crédit
agricole et la Société du crédit agricole soient
fusionnés en un seul organisme afin d'améliorer les services aux
producteurs. Depuis trop longtemps, les producteurs qui désirent obtenir
un crédit agricole sont presque dans l'obligation de prendre de
l'information à l'office et à la Société du
crédit agricole avant de prendre une décision; que chaque dossier
de producteur soit reçu et étudié en toute
équité. De plus en plus, de producteurs sont sur la liste noire
pour des raisons politiques ou de conflits d'intérêts entre
l'officier du crédit et le producteur, et plusieurs autres raisons.
D'ailleurs, depuis au moins un an, les dossiers des producteurs sont
classés par catégorie.
Qu'un comité de redressement de situation financière soit
formé. Le rôle de ce comité pourrait être multiple.
Les dossiers des producteurs qui commencent à être en
difficulté financière seraient étudiés par ce
comité qui verrait à faire ses recommandations. Même
si ce comité n'avait pas de pouvoir décisionnel, il pourrait
orienter très sérieusement certaines décisions. Dans la
composition d'un tel comité, il faudrait prévoir la
présence d'un certain nombre de producteurs; sinon, l'office sera encore
seul maître et juge.
Qu'une commission d'appel soit formée devant laquelle tous les
producteurs pourraient contester les décisions de l'office. Cette
commission devrait être formée en grande partie de producteurs
nommés par l'UPA régionale. De plus, une telle commission devrait
empêcher l'intervention des politiciens dans plusieurs dossiers de
producteurs.
L'évaluation des actifs, en particulier les bâtissses,
devrait être faite selon la valeur de la construction, moins une
dépréciation en fonction du nombre d'années de
construction. La dépréciation devrait être faite selon la
méthode linéaire. Il faudrait tenir compte de la valeur
productive des terres; par exemple, on pourrait trouver à Woburn de
bonnes terres très productives pour lesquelles on refuse de
prêter.
M. Blais (Jacques): II faut partir des objectifs fondamentaux de
l'office qui sont d'aider les producteurs à temps plein et d'encourager
la ferme familiale. Il ne faut donc pas ouvrir la porte plus grande au temps
partiel parce que l'aide de l'office sert à combler un manque à
gagner et donne une petite stabilisation de revenus. Il ne faut pas oublier que
l'un des rôles de l'État est de sauver ceux qui sont en place et
non de distribuer l'aide à ceux qui gagnent déjà un bon
revenu.
Nous pensons déjà à un exemple très concret
qu'est le crédit forestier. Les producteurs agricoles et forestiers
n'ont pas été capables d'acheter les lots boisés et de
faire compétition à des gens à revenus fixes et
élevés (exemple: professeurs, comptables et avocats) qui
donnaient de bonnes garanties à l'office. Par le fait même, ils
n'ont pas pu former des fermes forestières ou, tout simplement,
consolider et développer leur ferme agricole avec du boeuf, du sirop
d'érable ou d'autres productions.
On devrait donner la possibilité aux producteurs de geler ou
reporter le paiement de leur hypothèque quand l'assurance-stabilisation
verse une prime pendant trois années consécutives.
Considérant que les producteurs contribuent au tiers et qu'ils
s'engouffrent d'une année à l'autre, ils ne voient pas comment
ils pourraient rétablir leur situation financière.
On ne devrait jamais forcer ou inciter un producteur à emprunter
pour développer l'agriculture. II est préférable d'avoir
une petite entreprise et de la développer graduellement, selon son
endettement, sa capacité de remboursement que d'avoir trop de dettes et
d'aller vers la faillite.
Que l'on revienne vers les prêts à long terme sur une
période d'au moins 39 ans et transférables. Actuellement, le
maximum est de 29 ans, mais l'office force presque tous les producteurs
à étaler leur prêt sur une période de 20 ans. Ceci
est inacceptable dans un secteur où la capitalisation est aussi
élevée et où, dans plusieurs productions, les marges de
manoeuvre sont très faibles. Une telle politique, jumelée
à des taux d'intérêt plus faibles, donnerait sûrement
un second souffle à notre agriculture, amènerait une relance
économique plus avantageuse pour tout le monde et donnerait enfin des
possibilités d'amélioration et de développement.
Qu'il y ait des possibilités d'avoir des prêts à
moyen terme, par exemple, des prêts pour l'amélioration des
fermes. Ces prêts ne devraient pas avoir des taux d'intérêt
dépassant 8%. Ce genre de prêt est celui qui a été
jusqu'à aujourd'hui le plus utile pour améliorer et
développer une entreprise agricole. Pour les PAF, il serait important
que les rabais d'intérêt soient reportés sur des
prêts allant jusqu'à 50 000 $, considérant que, depuis
quelques années, les prix des intrants, de la machinerie, etc., ont
augmenté substantiellement.
Que le crédit à la production soit majoré et que le
montant disponible soit fixé selon le besoin de la production et des
producteurs et leur capacité de remboursement. Ce type de crédit
devrait fonctionner comme une marge de crédit. Que les taux
d'intérêt sur hypothèque soient établis à un
maximum de 8%, quel que soît le montant. Comme nous l'avons
déjà mentionné antérieurement, les
intérêts sur la dette représentent la deuxième
dépense en importance dans une entreprise agricole. Un grand nombre de
problèmes financiers sont dus aux intérêts. La
capitalisation très élevée en agriculture nous
amène à avoir des prêts beaucoup plus élevés
qu'avant et, par conséquent, les montants d'intérêt sont
devenus très lourds à assumer.
Au niveau de la vente de fermes, il faudrait laisser l'administration du
crédit aux institutions financières, mais que les politiques du
gouvernement prévoient des taux d'intérêt valables pour que
les producteurs-acheteurs puissent fonctionner. Si l'office donne les
mêmes avantages aux vendeurs qu'aux institutions financières, il
faudrait qu'il y ait des abris fiscaux. Il faudrait considérer la perte
de liberté du vendeur face aux autres membres de sa famille. Nous
croyons que le vendeur a assez de sérieux et d'expérience pour
administrer le fruit, souvent, de 25 années et plus de labeur. Pour
aucune considération que le vendeur ne soit obligé de rester
attaché à la terre, de quelque façon que ce soit.
Que l'office ne prenne en garantie que ce qui est nécessaire pour
garantir le prêt. L'office prend toujours tout en garantie, même si
le prêt est beaucoup plus petit que la garantie. Ceci est vraiment
inacceptable, car, au moindre coup ou si le producteur a besoin d'un autre
prêt, il n'a plus rien à offrir en garantie, car l'office a tout
pris. C'est vraiment un contrôle presque parfait de l'entreprise
agricole. Nous ne pouvons accepter qu'on demande 100 000 $ de garantie pour un
prêt de 50 000 $. L'office devrait avoir la possibilité de
prêter pour faire de la transformation et de la production de la ferme
familiale, par exemple, le sirop d'érable.
En fait, plusieurs autres points pourraient être inclus, car c'est
toute la politique et la réglementation de l'Office du crédit
agricole qui doivent être révisées, mais les points
mentionnés ci-haut sont majeurs dans le financement et la bonne marche
de nos fermes.
Le MAPAQ en général. Un budget spécial, en plus du
budget régulier du MAPAQ pour les productions en difficulté
financière devrait être prévu. Lorsqu'on veut
développer l'agriculture et mettre sur pied de nouvelles productions, il
ne faut pas les laisser tomber après quelques années, lorsque
surviennent des difficultés. Sinon, à quoi auront servi l'argent
et les efforts mis dans un secteur donné? Les responsables des
recommandations à faire pourraient être les membres du
comité de redressement de la situation financière et l'Office du
crédit agricole.
Que ceux dont l'agriculture est leur activité principale ne
voient pas les budgets et/ou les crédits qui leur sont alloués
diminuer pour les gens qui ne vivent qu'en partie de l'agriculture. Cette
intervention n'est pas dans le but d'empêcher les jeunes ou ceux qui
vivent en partie de l'agriculture de devenir agriculteurs à temps plein.
C'est surtout pour bien comprendre que les gens à revenus importants,
professionnels ou autres, veulent profiter de subventions de toutes sortes pour
payer moins d'impôts. Ils nuisent ainsi à tous ceux dont
l'agriculture est leur gagne-pain. Nous savons tous que, dans certaines
productions, la situation est difficile. C'est pourquoi il faut aider au
maximum nos producteurs en place avant d'en installer d'autres. Certains diront
que de plus en plus il y a une tendance à travailler à
l'extérieur de la ferme. Dans bien des cas, c'est par obligation que
cela se fait. Par exemple, plusieurs épouses de producteurs travaillent
à l'extérieur et injectent un pourcentage plus ou moins
élevé de leurs revenus sur la ferme sinon ils seraient
obligés de la vendre.
Production laitière. Malgré la complexité de ce
secteur et sachant très bien que, selon les aspects à traiter, le
niveau du gouvernement impliqué n'est pas le même, soit
fédéral ou provincial, il n'y a pas de raisons pour que le
producteur de lait de classe 1 et 2 ne reçoive pas le même
traitement, en tenant compte de la régularité de production et de
livraison et de la qualité du produit. Il y aurait lieu que les
gouvernements s'impliquent davantage et qu'ils s'assoient ensemble pour qu'un
jour il y ait une équité chez les producteurs de lait.
Relève agricole. Il est de plus en plus difficile pour un jeune
de s'établir en agriculture. La capitalisation élevée
qu'exige une entreprise moderne rentable fait en sorte que les besoins
financiers sont trop élevés pour les jeunes. Nous sommes
convaincus que les jeunes de la relève agricole feront eux-mêmes
leurs représentations devant la commission parlementaire et les autres
instances du gouvernement. Nous désirons quand même soulever
quelques points que les jeunes de notre région nous ont fait valoir.
Les taux d'intérêt devraient être progressifs,
augmentation graduelle d'une année à l'autre. Plusieurs
mécaniques sont possibles. Il suffirait de regarder ce qui serait le
plus avantageux pour un jeune acheteur.
Il faut absolument faciliter toutes les dispositions entourant une
transaction. Les transferts parents-enfants ou vendeur-acheteur sont souvent
des sources de problèmes et causent quelquefois des conflits qui
auraient pu être évités. Il y aurait lieu de penser
à un étalement d'impôt pour le vendeur, un achat progressif
par le jeune sans qu'il soit bloqué ou pénalisé par
l'Office du crédit agricole, abolir l'impôt sur les dons, etc.
La subvention de 8000 $ à l'établissement devrait
être doublée et il pourrait être utilisé à
tout usage pour la ferme, amélioration, baisse de la dette, etc.
L'aide financière aux jeunes est très importante les
premières années de son établissement. Toutes les
réformes devraient être orientées en ce sens. Le
père ou le vendeur devrait être capable d'obtenir certains
avantages qui lui permettront de continuer à bien vivre sans avoir
été obligé de donner sa ferme pour qu'elle soit encore
exploitée.
Conclusion. Nous n'avons pas la prétention d'avoir
présenté et répondu à tous les problèmes de
financement et d'endettement que vivent nos producteurs. Mais par la
présentation de quelques problèmes particuliers et quelques
recommandations, nous avons soulevé des points que nous
considérons majeurs et qui doivent être résolus dans les
plus brefs délais, si nous voulons toujours une agriculture saine,
prospère et viable au Québec.
Le temps n'est plus à la discussion. Il faut passer à
l'action. Tous les intervenants du milieu agricole sont bien conscients
qu'il
faut faire quelque chose. Dans les régions rurales, l'agriculture
est encore la source économique la plus importante et, lorsqu'il y a des
problèmes, c'est toute la population qui s'en ressent.
L'agriculture au Québec est l'une des moins subventionnées
au monde. Peut-être que les autres ont compris que le financement en
agriculture doit être subventionné, sinon nous courons à
notre perte.
Nous voulons tous que la ferme familiale continue d'être celle
qu'on doit défendre, mais en retour il faut retenir que c'est elle qui
est obligée de s'endetter le plus et qui souffre le plus des taux
d'intérêt élevés. Les produits d'une ferme familiale
sont beaucoup plus fixes que ceux des grosses entreprises monopolistes qui
peuvent exiger des augmentations de prix aux consommateurs presque à
leur gré. Merci.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Blais. Selon
l'horaire qui est prévu il nous resterait environ dix minutes dans
chaque formation politique pour procéder à des questions.
Première demande d'intervention, M. le député de Shefford.
(11 heures)
M. Paré: On a dix minutes seulement, M. le
Président, si j'ai bien compris.
Je vais aller rapidement. Je vais commencer par remercier l'UPA de
Sherbrooke de la présentation de son mémoire. C'est vraiment une
contribution enrichissante pour les membres de la commission. Comme on a
très peu de temps, je vais y aller rapidement. J'aurais plusieurs
questions, mais je vais aller tout de suite à des points que j'ai
retenus lors de la lecture de votre mémoire. On retrouve, à la
page 8: "II y a du tripotage au niveau de l'application des règlements",
lorsque l'on parle de l'ASRA. J'aimerais que vous me donniez des explications
là-dessus, que vous me disiez ce que vous entendez par tripotage.
M. Blais (Jacques): C'est clair et net, ils jouent avec des
règlements. On peut donner l'exemple dans le domaine du porc, ils l'ont
fait aussi dans le secteur du bovin. Ils jouent et, quand c'est à leur
avantage, ils baissent. Les coûts de production ne sont pas
négociés, ils s'entendent avec les fédérations dans
le domaine du porc, par exemple, et quand vient le temps de prendre la
décision l'ASRA passe par-dessus tout ça et prend sa
décision. C'est ça qu'on appelle du tripotage. Il y a du
tripotage dans le comptage des truies. On connaît le problème qui
a été relevé il y a quatre ou cinq ans. Cette
affaire-là n'a jamais été réglée et, chaque
fois que c'est pour coûter quelques cents, ils baissent leur coût
de production et changent la manière de fonctionner dans les
règlements.
M. Paré: J'ai bien compris que c'est après
discussion et entente avec la fédération concernée?
M. Lanoue: Non, non, sans discussion, sans entente. On peut
donner un exemple. Un bon jour, ils ont décidé que les truies qui
n'étaient pas en gestation et qui n'avaient pas cochonné, ils ne
les comptaient plus. À partir de ce moment-là, il y a eu une
diminution du nombre de truies assurables au Québec. Parce que les
producteurs étant en difficulté financière, on savait
très bien que l'assurance-stabilisation aurait des paiements à
effectuer dans l'année. À ce moment-là, on
interprétait le règlement de façon différente, en
réduisant le nombre de truies assurées chez le producteur sans
aucun avis ni à la fédération ni à l'UPA. On l'a
appris par les producteurs qui contestaient ce changement.
M. Paré: Une autre chose me frappe à la lecture de
votre mémoire et j'aimerais avoir des explications, parce qu'on prend
les recommandations pour en discuter, sauf qu'au niveau des explications,
j'aimerais... Au bas de la page 10, vous dites; "Depuis moins d'un an, les
dossiers des producteurs sont classés par catégorie", lorsqu'on
parle de l'Office du crédit agricole. J'aimerais que vous me donniez des
explications là-dessus.
M. Lanoue: Vous n'avez qu'à aller faire une enquête
et vous allez le voir. Deuxièmement, je vous donne un exempte. L'Office
du crédit agricole est censé prêter selon la valeur du
produit vendu, selon la capitalisation et non pas selon la production. À
un moment donné, le gouvernement du Québec a décidé
qu'il ne prêtait plus aux producteurs de porcs. Il y a des gars qui ont
eu des prêts "at large". Quand on dit dans notre mémoire qu'il
faudrait être plus sélectif... Ensuite, il y a débordement
de production et ceux qui ont fonctionné logiquement et avec un bon
financement ne peuvent même plus avoir de crédit soit pour se
transformer naisseurs, finisseurs, ou aller chercher de l'argent auprès
de l'amélioration des fermes. Ils sont même bloqués
auprès de l'amélioration des fermes. On peut dire que ce sont des
groupes de producteurs, vous ne pouvez pas passer à
côté.
La loi concerne tous les producteurs. Il n'est pas question de sorte de
production. Quand le gars est admissible, il a son montant, il a une valeur de
vente, il est rentable et il ne peut pas être refusé.
M. Paré: J'ai envie de relier ça un peu - c'est un
retour et je ne voudrais pas prendre trop de temps parce qu'on n'en a pas
beaucoup - aux productions dites nouvelles. Ne pensez-vous pas qu'il doit
justement y avoir des catégories pour être
capable, là où il y a déjà saturation des
ventes ou surproduction, pour amener des productions nouvelles, est-ce qu'il
n'y aurait pas avantage au classement par catégorie?
M. Lanoue: Je pense à votre première question. Le
producteur se voit classer avant d'arriver à l'office. On n'a pas de
preuves, mais il y a assez de producteurs qui disent: Je le sais, je vais y
aller, mais je suis refusé avant de partir. Je suis classé dans
telle catégorie: bon, pas bon, moyen, etc. C'est une
interprétation que le producteur donne dans le champ. On dit qu'il n'est
pas acceptable. Si je classais mes producteurs avant qu'ils entrent chez nous
à l'UPA, ça ferait longtemps que je serais sorti de la cabane. Ce
n'est pas acceptable que le producteur pense et constate qu'il est
classé avant d'arriver à l'office. C'est ça qu'on veut
dire, que cette partie-là devrait être
améliorée.
M. Paré: Étant donné que je vais laisser la
chance aux autres membres de la commission, je vais aller à la
conclusion parce que cela m'a frappé, je vais remettre à plus
tard les autres questions et, si j'ai le temps, j'y reviendrai. Vous dites que
l'agricuture au Québec est l'une des moins subventionnées au
monde. Avez-vous des chiffres là-dessus?
M. Blais (Jacques): On peut avoir des chiffres qui ont
été sortis par les Américains. Actuellement, il y a un
tiers de plus que les revenus nets qui vient des subventions du gouvernement.
Est-ce clair? C'est une statistique des Américains. Ils ont bien beau
dire qu'ils ne sont pas subventionnés, mais un tiers de plus que leurs
revenus nets, cela veut dire... Les chiffres, je ne les ai pas dans la
tête, mais ce sont des milliards de dollars.
M. Paré: Vous vous comparez avec les Américains
lorsque vous dites un tiers. Est-ce qu'on tient compte de l'ensemble de l'aide
qui est apportée par les programmes?
M. Blais (Jacques): L'ensemble de l'aide, c'était au
niveau des États-Unis. Cela veut dire qu'on est bien loin de
là.
M. Lanoue: Quand même, je pense, si on peut ajouter quelque
chose à ce sujet, c'est qu'il y a déjà quelques
années, du côté américain, l'agriculture
était subventionnée à environ 1100 $ per capita et au
Canada, c'était environ 300 $. Je pense que c'est à peu
près l'équilibre qui s'est maintenu jusqu'à
aujourd'hui.
M. Paré: D'accord. Je vais laisser la chance aux autres
membres de la commission.
Le Président (M. Vallières): Merci. J'ai une
demande d'intervention du député de Maskinongé qui sera
suivie de Mme ta députée de Johnson.
M. Picotte: Merci, M. le Président, merci aux gens de la
fédération d'être venus nous présenter un
mémoire fort intéressant. Compte tenu du temps, je pense que
j'associerai, au nom de ma formation politique, mes collègues de
Berthier et d'Orford, aux commentaires que je ferai puisque nous n'avons que
dix minutes et il y aurait eu beaucoup plus de temps à consacrer
à un tel mémoire et à une telle discussion. En ce qui
concerne le président, je vais lui laisser la chance de se
débattre lui-même; il est président, je ne l'associerai pas
à notre formation politique. S'il a des commentaires à vous
faire, il vous les fera personnellement.
Une chance, M. le Président, que j'ai un peu d'expérience
en politique, une douzaine d'années, parce que je serais
complètement renversé ce matin. Hier, j'ai eu l'occasion
d'écouter un discours à l'Assemblée nationale dont les
propos étaient fort différents de ceux que vous avez tenus.
L'honorable ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
a parlé de l'agriculture comme étant une chose des plus
prospères au Québec et cela allait quand même passablement
bien. D'ailleurs, je vous invite, si jamais le coeur vous en dit, à
écouter ce discours, je pourrai vous sortir ce qu'il faut auprès
de la télévision des débats pour vous faire écouter
cela. Je pense que cela vaut la peine d'être entendu.
Je pourrais, évidemment, à l'intérieur aussi...
J'espère que, dans la salle, il y a des gens de l'Office du
crédit agricole qui peuvent prendre bonne note des revendications.
Sûrement que M. Moreau, qui a un soin jaloux de sa personne, va faire en
sorte d'essayer de savoir le plus possible ce qui se passe au niveau de cette
commission. Nous devons les rencontrer dans un avenir rapproché.
J'aurais aimé, évidemment, vous parler de beaucoup de
points. Entre autres, j'aurais aimé vous poser des questions sur les
gestes sournois de l'Office du crédit agricole puisqu'il en est fait
mention, les exigences de l'office, la pratique des encans, l'obligation qu'a
l'office envers certains producteurs, le découragement. Cela, c'est un
point humain que j'ai retrouvé dans votre mémoire. C'est vrai
que, quand cela ne va pas trop bien et qu'au point de vue des finances cela ne
va pas bien, dans une époque comme cela, l'encouragement des
agriculteurs n'est pas bien fort, ni au niveau de l'agriculteur, ni à
n'importe quel niveau de production: les politiques incitatives,
l'environnement, la perte de crédit face aux programmes, le
développement inconsidéré,
les faillites. Ce sont des points qui n'ont pas été
touchés hier, dans le discours de l'honorable ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation.
Malheureusement, sur tous ces points... Il y a aussi la garantie
exigée par l'office.
Il y a surtout un point qui m'intéresse et que je voudrais
d'explorer avec vous, même si j'ai peu de temps, c'est à la page
11. Vous recommandez "que chaque dossier de producteurs soit reçu et
étudié en toute équité. De plus en plus, les
producteurs sont sur la liste noire, soit pour des raisons politiques ou
conflits d'intérêts entre ['officer de crédit et le
producteur ou plusieurs autres raisons. D'ailleurs, depuis au moins un an, les
dossiers des producteurs sont classés par catégorie".
Là-dessus, je ne doute pas que vous ayez apporté ce point
avec sûrement des exemples parce que c'est trop important ce que vous
dites et tellement révélateur, si c'est exact. Je ne veux pas
mettre cela en doute, mais, comme vous me dites que votre rapport a
été étudié à maintes et maintes reprises par
l'ensemble de la fédération et que tout le monde était
d'accord, j'imagine que cette remarque est collective.
J'aimerais que vous me donniez des exemples quand vous faites allusion
à des raisons politiques et des conflits d'intérêts entre
l'officier - il est au masculin, je ne sais pas si cela a trait à une
seule personne ou si cela a trait à un ensemble - de crédit et le
producteur. J'aimerais que vous en parliez un peu plus parce que je crois que
cela est important. Cela ne devrait pas être une affirmation gratuite de
votre part puisque vous y avez pensé et, pour nous, c'est important de
savoir exactement ce que c'est. C'est inacceptable si c'est exact.
M. Lanoue: On peut vous citer un cas. On ne nommera pas les
productions parce que...
M. Picotte: Pour protéger les producteurs.
M. Lanoue:... à ce moment on va savoir exactement qui et
quoi. Il est présentement en difficulté financière. Mais
supposons que le producteur a deux productions. À un moment
donné, le bâtiment d'une production passe au feu. À ce
moment, on lui a dit: Tu vas aller dans ton autre production, même si
elle déficitaire, cela va devenir meilleur. Là, il y a un climat
de confiance. On dit: Tu ne te construis pas, tu vas te reconstruire une autre
bâtisse, tu vas agrandir et tu vas demeurer dans une seule production.
Alors, le producteur nous en parle; on dit non. Cette production est
déficitaire, c'est une nouvelle production; elle est déficitaire
aujourd'hui, elle va l'être demain, elle va l'être
après-demain. On n'est pas d'accord avec cela.
Mais il reste tout de même que l'officier du crédit
agricole a une certaine approche auprès du producteur et le producteur,
sur recommandation de l'officier du crédit agricole, agrandit. D'abord,
cela ne s'améliore pas dans la mise en marché dans sa production.
Et aujourd'hui, il est en conflit direct avec son conseiller parce qu'il dit:
Écoute, tes conseils et tes recommandations, moi, je m'en vais à
la faillite. Imaginez-vous si les relations sont bonnes à ce moment?
Elles ne sont plus bonnes. Le producteur dit: Le conseiller n'est pas correct
et le conseiller dit: Le producteur, ce n'est plus un bon, c'est un pas bon, il
n'est pas efficace, il n'est pas ci, il n'est pas ça. Là, il est
rendu non efficace; il n'a pas besoin de venir me le dire, je sais qu'il n'est
pas efficace. Mais, au moment où il est parti, où il a grossi, il
était efficace, il travaillait jour et nuit. Il ne pouvait pas faire de
miracles dans sa production.
M. Picotte: Dans votre mémoire, vous faites allusion
à des raisons politiques et à des conflits
d'intérêts. Cela ne devrait pas exister à l'Office du
crédit agricole, du moins à ce que je ne sache, mais y a-t-il des
exemples plus précis ou si cela se vérifie à un cas dans
toute une région? À ce moment, il me semble que c'est
peut-être un cas d'espèce qu'on peut...
M. Lanoue: Allez voir, allez dans le champ et discutez avec les
producteurs. Vous allez vous rendre compte qu'il y a des conflits
d'intérêts. Il y en a plus que vous ne le pensez.
M. Picotte: Êtes-vous en train de me dire que c'est tout
l'ensemble des gens qui travaillent à l'Office du crédit agricole
dans votre région qui sont comme cela ou bien si cela
vérifie...
M. Lanoue: Cela ne dépend de la personne elle-même,
ce sont les politiques qui font qu'il y a conflit. C'est l'application des
politiques qui fait qu'un bon matin il y a conflit, c'est cela.
M. Picotte: Quand vous dites pour des raisons..
M. Lanoue: Quand ils prêtaient à 90% ou 95% dans la
production du porc et qu'ils disaient: C'est bon, tu t'en vas au Klondike, tu
vas faire de l'argent après-demain, tu vas devenir riche... Pas 100
truies, 200 truies, une construction. Agrandis. Cela allait bien, dans ce
temps, c'était ouvert.
M. Picotte: Est-ce que c'est relié un peu, est-ce que la
même chose quand vous parlez des pratiques aux encans, où il y a
des pratiques pour le moins... On peut
s'interroger sur...
M. Lanoue: Aux encans, c'est bien simple: quand M. Bonneau s'en
va aux toilettes, l'encan arrête, c'est cela l'encan
spécialisé. Cela fait des années que les producteurs
endurent cela, ce n'est pas acceptable. Qu'on regarde la réglementation
des encans. À un bon moment donné, dans la région - c'est
un autre domaine - un producteur reçoit une lettre, une poursuite de M.
Bonneau, l'animal n'était pas en bonne santé. Des fois, c'est une
maladie; d'autres fois, c'est de la contusion et, à ce moment, les
producteurs sont allés en cour et ils ont tout perdu parce que la loi
dit que le producteur ne doit pas mettre en marché un animal qui
pourrait être plus ou moins en santé.
M. Picotte: Quand vous parlez des raisons politiques, ce ne sont
pas des raisons politiques partisanes, j'espère, qui font que les
agriculteurs sont refusés?
M. Lanoue: Non, là-dessus, ils ont du raisonnement, les
agriculteurs, et ils sont très intelligents. Ils font de la politique
quand c'est le temps.
M. Picotte: Vous parlez de raisons politiques. Est-ce que cela
veut dire que ce sont des raisons d'étiquetage? Est-ce qu'on fait de
l'étiquetage au niveau de l'Office du crédit agricole?
M. Lanoue: Non, pas par rapport à la politique.
M. Picotte: Pas par rapport à la politique, à cause
d'un ensemble de politiques.
M. Lanoue: Par rapport à un ensemble de problèmes.
(il h 15)
M. Picotte: Un ensemble de problèmes, d'accord.
On a fait allusion justement aux encans tantôt. Vous ne faites pas
mention dans votre rapport du choix, à moins que je n'aie eu un moment
de distraction, du conseiller comme tel. Je suppose que cela a
été une recommandation un peu partout. D'ailleurs, on a eu des
doléances à propos de l'office partout dans nos rapports, ou
à peu près.
M. Lanoue: Regardez!
Le producteur s'en va à l'office et ça va mal son affaire.
Lui, il essaie de se défendre. Si le producteur, disons, y va avec son
comptable, le conflit augmente. Le seul gars qui connaît l'affaire, c'est
le conseiller en crédit agricole. Alors, il ne peut pas se permettre
d'aller là avec son comptable et de pousser trop sur le dossier. Par la
suite, le producteur est tout seul. L'autre ne sait même pas ce qui se
passe à l'office, le représentant de l'office au plan
régional; il y a peut-être quelqu'un en haut qui dit non ou qui
dit peut-être. Tout cela fait que le producteur se sent seul,
lésé dans son droit et il dit: L'office est juge et partie. Cela
ressemble un peu à l'assurance-chômage. On est déjà
allé, nous autres, au tribunal de l'assurance-chômage et ils
décident sur les lieux, ce sont les commissaires de
l'assurance-chômage qui décident.
M. Picotte: Cela veut dire que, quand le gars y va avec un
professionnel, un comptable ou qui que ce soit pour défendre ses
intérêts, il tombe sur la liste noire.
M. Lanoue: Ils n'aiment pas cela.
M. Picotte: II tombe sur la liste noire.
M. Lanoue: Je peux vous le dire et vous le répéter,
ils n'aiment pas cela et il n'y en a pas beaucoup qui y vont avec des
professionnels parce qu'on ne le recommande même pas.
M. Picotte: Alors, il est laissé à lui-même,
il va se défendre lui-même.
M. Lanoue: II est laissé à lui-même.
M. Picotte: C'est comme cela qu'on parle de liste noire.
M. Lanoue: Cela ne dépend pas du professionel, c'est tout
le système qui a été fait comme cela. Ce n'est pas
d'hier.
M. Vaillancourt: Lorsque vous parlez de l'office, est-ce que vous
incluez la société aussi?
M. Lanoue: Disons, si on peut faire la part des choses - je ne
sais pas ce que le président en pensera, il pourra donner son point de
vue - qu'à la Société du crédit agricole,
étant donné qu'il y a un comité de révision, les
conflits nous apparaissent moins grand, beaucoup moins grands. Tu en entends
moins parler parce qu'à un moment donné le producteur demande une
révision, il y a des producteurs agricoles qui siègent au
comité de révision. À ce moment-là, ils disent:
Écoute, on connaît l'affaire, on te recommande telle ou telle
chose. A ce moment-là, le producteur est obligé de s'ajuster plus
car il n'a pas affaire seulement à un fonctionnaire. Il a affaire
à des gars du milieu qui travaillent dans le milieu, ce ne sont pas des
spécialistes, ce sont des gars du milieu. Je pense que le comité
de révision de la Société du crédit agricole a
rendu dans le passé d'énormes services aux producteurs et il y a
des recommandations qui ont été
sages.
M. Picotte: Merci pour votre mémoire au nom de ma
formation politique. Il y a deux sujets intéressants. La commission
d'appel, évidemment, c'est recommandé depuis fort longtemps au
ministre. Il reste au ministre à prendre la décision, Je ne sais
pas quand elle sera prise, mais la commission dans son ensemble a fait cette
recommandation.
L'autre chose importante et que j'ai trouvé intéressante,
c'est le comité de redressement de situation financière. Je pense
que c'est une suggestion fort importante qu'il va falloir évaluer et
étudier ensemble.
M. Lanoue: Parce qu'à ce sujet-là, à ce
jour, surtout dans la production porcine, quand le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ou l'office a perdu 200
000 $, s'il y avait eu des recommandations... On va voir le producteur parce
qu'il est un an et demi en retard. Il y a un an, il avait deux paiements
à l'office à faire; sa marge de crédit est rendue
là, il est bien trop tard, cela ne se peut pas. On connaît la mise
en marché des produits. Il ne faut pas attendre un an et demi avant
d'aller le voir parce que, rendu là, le gars n'est plus bon, il n'est
plus ci, il n'est plus ça.
S'il y avait un comité qui, dès le début, allait
voir le producteur, pour l'orienter et s'occuper de lui, peut-être
qu'avec seulement quelques milliers de dollars il pourrait le remettre sur
pied. C'est ça qui est important. Je suis bien convaincu qu'avec 50 000
$ les producteurs qui ont fait faillite seraient encore en production et en
bonne situation financière. Ce n'est pas grand-chose qui renverse le
vase, vous savez. Le taux d'intérêt qui a monté à
23%, cela en a affecté plusieurs. Par la suite, parfois, ce n'est pas
beaucoup d'argent.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
Lanoue, je suis obligé de vous arrêter, votre temps est
dépassé. Mme la députée de Johnson.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. J'étais
inquiète, étant donné que vous aviez dit qu'il avait dix
minutes et qu'on s'est mis à faire de la politique sur le dos du
ministre en commençant les questions. Je pensais que vous louperiez mon
temps de parole parce que je pense que c'est important de venir écouter
nos gens et de ne pas faire de la politique sur le dos du ministre.
J'étais là moi aussi pour son discours.
Je voudrais vous demander une chose, messieurs de l'UPA. Quand vous
affirmez qu'à l'Office du crédit agricole, depuis plusieurs
années, le pourcentage de prêts a augmenté
considérablement, est-ce que ce n'est pas en ce sens que
l'intérêt que l'office exige est beaucoup moindre que celui de la
société? C'est la raison pour laquelle les gens
préfèrent venir à l'office qu'emprunter de la
société, d'une part. Si vous me permettez, je vais continuer ma
question. J'ai un double volet à cette question. Vous recommandez aussi
que l'Office du crédit agricole et la Société du
crédit agricole fusionnent. Comment, dans votre esprit, pouvez-vous
formuler cette fusion, étant donné qu'il y a une partie, la
société, qui est au fédéral et que l'autre est au
provincial? Je ne comprends vraiment pas comment vous avez perçu de
faire une fusion entre ces deux sociétés ou offices.
J'aurais une autre question après.
M. Blais (Jacques): Pour la question de la fusion, c'est bien
simple. L'assurance-récolte est payée, si ma mémoire est
bonne, au tiers par le fédéral. Alors, ça serait bien
facile que l'Office du crédit agricole ait un montant d'argent, soit 3%
ou 4% d'intérêt, qui viendrait du fédéral et
l'administre pour ne pas avoir deux patentes à faire fonctionner. C'est
aussi simple que ça.
Mme Juneau: En avez-vous parlé au député
fédéral pour voir comment il voyait ça?
M. Blais (Jacques): On n'en a pas parlé au
député, nous autres, on a une résolution de la
région et cela a été discuté au niveau de l'UPA
régional et au congrès régional. Alors, c'est sur le
plancher. C'est la place où l'amener.
M. Lanoue: Regardez les deux, l'office et la
société. À un moment donné, le ministre, Jean
Garon, je pense, en 1976, a dit: Avant, l'office ne faisait pas de prêts
agricoles. Là, il a ouvert les prêts. Tout ce qu'on veut
éviter, c'est que le producteur ne se dirige à deux places et
perde du temps, autant à un conseiller qu'à l'autre, parce qu'il
ne peut pas se permettre de, dire: Moi, je m'en vais à l'office. Il faut
qu'il aille prendre de l'information à l'office. Après ça,
il faut qu'il aille à la société pour savoir s'il y aurait
des avantages ou pas. Alors, c'est une perte de temps inutile, absolument
inutile.
S'il y avait une organisation du crédit agricole au
Québec, le producteur aurait un endroit et il aurait un dossier à
préparer. C'est dans ce but-là, c'est pour éviter... Ils
ne se font pas mal, à un moment donné.
Mme Juneau: Est-ce que vous souhaiteriez que le tout soit
ramené au Québec?
M. Lanoue: Comme l'assurance-récolte.
Si, pour l'assurance-récolte, il fallait que le producteur aille
faire une demande au fédéral et ensuite au provincial, et
après ça voir lequel est le meilleur des deux...
M. Blais (Jacques): C'est ça qu'on fait au niveau du
crédit agricole.
M. Lanoue: On fait ça depuis des années.
M. Blais (Jacques): Depuis huit ou dix ans, le crédit
fédéral ne fait plus d'opposition; c'est clair, ça. Alors,
maintenant qu'il ne fait plus d'opposition, il faut trouver des formules pour
qu'une fonctionne comme il faut. S'il y en a deux qui fonctionnent à
bric-à-brac, comme on dirait...
Un exemple du fait qu'il y a plus de prêts. Oui, c'est vrai qu'il
y a plus de prêts à l'office, parce que je viens de vous le dire,
le fédéral n'a pas fait d'opposition, parce qu'il a gardé
ses taux élevés.
Mme Juneau: Mais c'est positif, au moins.
M. Blais (Jacques): Deuxièmement, il y a bien des
prêts qui ont été faits à l'office, alors on a
été obligé de lâcher le prêt
fédéral et la province a perdu de l'argent.
M. Lanoue: Le producteur aussi. Il a payé des quittances
absolument pour rien.
Mme Juneau: Quand le producteur s'en vient au Québec et
que les taux d'intérêt sont moins chers, il ne perd pas d'argent.
Au contraire, il en garde plus dans sa poche; il en paie moins.
M. Blais (Jacques): Il perd moins d'argent quand il a un
crédit jusqu'à 150 000 $, Mais, quand il remonte et qu'il s'en va
dans les 300 000 $ ou 400 000 $, il tombe de "bracket" et en perd. C'est pour
ça qu'à un moment donné il faudrait avoir de quoi qui soit
un peu plus palpable.
Mme Juneau: J'ai une autre question aussi, concernant la
formation d'une commission d'appel. Vous dites, dans votre mémoire,
à la page 11, au quatrième paragraphe: "... soit formée,
devant laquelle tous les producteurs pourraient contester les décisions
de l'office. Cette commission devrait être formée en grande partie
de producteurs nommés par l'UPA régionale".
Ce qui m'inquiète dans cette proposition, c'est que les personnes
peuvent être en conflit d'intérêts, étant
donné que ça pourrait être les mêmes producteurs qui
viennent devant la commission d'appel qui serait formée de ces
mêmes gens. Vous savez, s'il fallait que ce soient ces mêmes gens,
qu'on est très près des gens, la pesanteur sur les épaules
de ces gens et la responsabilité qu'ils auraient de faire partie de
cette commission d'appel, en fait, qui juge un frère, qui juge la
personne près d'eux. Peut-être qu'en vous écoutant, je vais
changer d'idée, mais, au moment où on se parle, je n'ai pas
l'impression que cette proposition pourrait faire une bonne suggestion.
M. Blais (Jacques): C'est bien simple, c'est bien dit
"nommés par l'UPA". Cela ne veut pas dire que ce serait un groupe qui
serait formé de membres de la direction de l'UPA. Je pense que c'est
clair. La Société du crédit agricole fonctionne ainsi.
Elle demande des suggestions. Mais, nous autres, on dit "nommés", parce
qu'elle connaît le milieu agricole. Si on remet encore des fonctionnaires
qui ne connaissent pas te milieu agricole et qui n'ont pas le pouls des
producteurs, on n'améliorera rien, ça va revenir au même.
Il faut avoir les deux côtés de la médaille.
Si c'est une commission pour surveiller, ça prend une commission
où il y a des gens qui voient l'autre côté de la
médaille, parce que, si on a une commission avec seulement des
producteurs agricoles ou seulement des fonctionnaires, on n'est pas plus
avancé qu'on ne l'était, on retombe dans le même
panneau.
Mme Juneau: Là-dessus, je...
Le Président (M. Vallières): II y a d'autres
demandes d'intervention, le député de Saint-François entre
autres. On a épuisé le temps de part et d'autre; alors, il
faudrait que vous alliez à la conclusion, M. Lanoue.
M. Lanoue: Très rapidement. Disons qu'à la
société il y aurait trois agriculteurs qui pourraient
siéger au comité de révision, mais, quand c'est un
producteur de la région, il y a un producteur de la région qui
assiste et deux d'une autre région. N'ayez pas peur, les producteurs
agricoles savent faire la part des choses. Ils ne feront pas un prêt pour
faire plaisir à monsieur, je les connais assez. Je vous le garantis, si
le gars n'est pas productif, ils vont le classer. Ils sont capables de se
classer entre eux.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-François, je dois vous indiquer qu'on a
débordé, de part et d'autre, d'environ trois minutes, mais je
vous permets une courte question...
M. Rancourt: Ce sera très court, je peux vous
l'assurer.
Le Président (M. Vallières):... et je vais demander
la collaboration de l'UPA pour que
ce soit court comme réponse.
M. Picotte: M. le Président, vous allez offrir la
même possibilité à un de nos collègues qui sentirait
aussi le besoin de poser une question additionnelle?
Le Président (M. Vallières): Si c'est très
court.
M. Picotte: Très bien.
M. Rancourt: Ce ne sera pas une question, je pense que ça
n'exigera peut-être même pas de réponse, c'est plutôt
une constatation. Je veux tout simplement vous dire qu'à la lecture de
votre mémoire je suis très heureux que vous l'expliquiez, parce
que, quand je vois votre mémoire et que vous expliquez "raisons
politiques", "conflits d'intérêts", votre mémoire semble
carrément politique, et quand vous en parlez, quand vous l'expliquez,
vous détruisez ce que votre mémoire dit. La lecture du
mémoire est plus dure que ce que vous dites en présentation,
quand on voit "conflits d'intérêts", "raisons politiques".
La position de M. Picotte aussi. Quand il vous a posé la
question, il croyait que c'étaient des politiques parce que nous sommes
des gens du monde politique. Votre mémoire fait en sorte que la lecture
est une présentation dure qui ne ressemble pas à ce que vous
dites dans vos explications. Heureusement qu'on a pu vous interroger. Cela, je
vous le dis au départ.
Maintenant, à la page 16, au niveau des conclusions, vous nous
dites - évidemment, c'est tout à fait normal - que vous n'avez
pas la prétention de répondre à tous (es problèmes
de financement et d'endettement. J'aurais aimé vous entendre parler des
choses qui sont vraiment importantes pour la classe agricole, à ce
moment-ci. Qu'est-ce que vous pensez des modifications aux ententes du GATT sur
l'abaissement des barrières tarifaires, qui font en sorte qu'on se fait
accuser par les États-Unis ou par les pays de la Communauté
économique européenne... Justement, vous avez mentionné un
peu tantôt l'aide aux agriculteurs, l'aide à la production, l'aide
aux producteurs de porcs, ainsi de suite. Je sais que vous en avez parlé
tantôt, mais j'aurais aimé que vous parliez davantage
là-dessus.
Autre chose, j'aurais aimé vous entendre parler aussi des cours
d'agriculture, de gestion administrative donnés dans la région
qui devraient être, quant à moi, de plus en plus accessibles.
J'aurais aimé, en tant qu'UPA, vous entendre discuter là-dessus
et faire en sorte qu'on sache ce que vous pensez pour, justement, avoir des
administrateurs et des gérants d'entreprise de grande envergure pour les
années qui viennent, les années deux mille. C'est tout,
merci.
Le Président (M. Vallières): Rapidement.
M. Blais (Jacques): Au sujet des cogestionnaires, on n'est pas
contre ça. Je pense que c'est une autre politique que le gouvernement en
place nous a repassée parce qu'on avait avant ça des
cogestionnaires par l'intermédiaire de nos agronomes, et là, ils
ont passé cela aux syndicats de gestion. Et c'est le producteur qui
paie. Cela, c'est un point.
L'autre point, pour les ententes du GATT, je pense qu'on est à la
base, on est à la base des producteurs, ce sont les producteurs qui sont
sur le plancher des vaches. S'il y a des problèmes avec le GATT, ce
n'est pas à nous de régler cela. Je pense que les gouvernements
sont mis en place pour ça, c'est un autre palier. Que le gouvernement
aille faire des enquêtes dans d'autres pays, ce n'est pas à
l'union des producteurs à aller faire des enquêtes dans d'autres
pays pour savoir comment ils ont d'aide pour les agriculteurs. Je pense que le
provincial devrait demander au fédéral d'aller vérifier
ça et, après cela, on pourrait peut-être être sur la
même longueur d'onde.
Le Président (M. Vallières): Très bien. J'ai
une demande d'intervention du député d'Orford.
M. Vaillancourt: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Très
rapidement.
M. Vaillancourt: Très rapidement, ça veut dire
quoi, deux minutes?
Le Président (M. Vallières):... réponse.
(11 h 30)
M. Vaillancourt: Pour ma part, - je trouve que c'est regrettable
que la commission n'accorde pas plus de temps à la disposition des
membres de l'UPA ou des autres organismes qui vont avoir à
présenter des mémoires, étant donné que, dans la
région de l'Estrie comme un peu partout dans la province, il y a des
problèmes causés par des organismes gouvernementaux. Je pense que
c'est pour cette raison que nous faisons le tour de la province pour essayer de
connaître les problèmes et d'y remédier dans les plus brefs
délais possible.
Pour ma part, je tiens à remercier et à féliciter
l'UPA du mémoire qu'elle nous a présenté. C'est un
mémoire très instructif qui parle beaucoup; et je vais le relire
pour essayer de trouver les solutions qui s'imposent concernant le malaise qui
peut exister ici, dans la région de l'Estrie. On dit qu'il y a un
malaise à l'Office du crédit agricole, c'est malheureux. Il y a
aussi un
malaise dans plusieurs productions. J'aimerais poser au président
ou au secrétaire de l'UPA la question suivante: Est-ce que le
ministère ou le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation a consulté vos organismes avant d'établir de
nouvelles politiques agricoles?
M. Blais (Jacques): Est-ce que vous voulez dire des subventions
à différents paliers?
M. Vaillancourt: Est-ce que le ministère a accordé
de nombreuses subventions dans différentes productions, soit celles du
boeuf, du veau?
M. Blais (Jacques): Oui, mais on n'a jamais été
consultés, que ce soit du côté régional ou
provincial. Ils ont ôté le gâteau des producteurs en place
pour pouvoir le donner pour faire du développement.
M. Vaillancourt: Quant à la production du lapin et toutes
ces choses-là, il n'y a eu aucune consultation?
M. Blais (Jacques): II n'y a eu aucune consultation auprès
de l'UPA.
M. Lanoue: Chaque printemps, on change de programme pour de
nouveaux programmes. Les gens ici, au ministère de l'Agriculture,
l'Alimentation l'apprennent en même temps que nous.
M. Vaillancourt: C'est une politique qui a été mise
en place sans consultation et c'est pour cette raison que cela a plongé
plusieurs agriculteurs dans des problèmes financiers.
M. Blais (Jacques): Oui, cela a été fait, mais ce
n'est pas la seule raison. On n'est pas contre les politiques de
développement, mais il reste que leur gros problème est qu'ils en
ont embarqué un peu trop et, après cela, ils n'ont pas suivi avec
la mise en marché. Ils auraient été mieux d'en partir 50%
et de les suivre que d'en laisser une partie faire faillite. Les gars ne savent
plus trop où se garrocher avec cela. Je donne toujours l'exemple qu'on
ne jette pas un enfant au milieu d'un lac; on est mieux de commencer à
lui montrer à nager au bord. C'est clair. Alors, c'est ce que le
gouvernement a fait dans plusieurs politiques de développement.
M. Vaillancourt: Étant donné que je n'ai plus de
temps è ma disposition, je vous remercie, cela m'a fait plaisir de vous
rencontrer.
M. Picotte: M. le Président, j'ai un point de
règlement. Est-ce que je pourrais faire savoir par votre
intermédiaire que la Société du crédit agricole,
dans un mémoire qu'elle a présenté cette semaine - ceux
qui étaient présents peuvent le savoir - est d'accord avec le
prêt tandem et qu'elle veut s'associer avec l'office? Votre
recommandation est fort valable parce que la société est
même d'accord avec cela.
Le Président (M. Vallières): Alors, je vous
remercie. Je veux également vous indiquer que, concernant la commission
d'appel à laquelle vous faites allusion dans votre mémoire, on a
déjà recommandé qu'une telle commission puisse exister et
qu'on a été informé récemment de ce genre de
commission qui existe au niveau de la Société du crédit
agricole, qui est formée de douze producteurs. Les deux tiers des refus
soumis à cette commission sont révisés et acceptés
par la suite.
Alors, sur cette information, je veux vous remercier de votre
contribution à nos travaux. On s'excuse des délais. On
s'aperçoit que ce n'est pas long, mais les parlementaires ont d'autres
travaux cet après-midi; entre autres, à Windsor, il y a une autre
commission qui siège cet après-midi et il y a des
députés qui doivent y être. On s'excuse de ces
délais auprès du député d'Orford, mais il faut
fonctionner avec un horaire. On s'était fixé une heure, on l'a
largement dépassée en ce qui concerne votre organisme.
Nous vous remercions et je demanderais maintenant à l'Association
des producteurs exploitants du Québec de bien vouloir prendre place.
Association des producteurs exploitants du
Québec
Très bien. Je demanderais au groupe de s'identifier,
peut-être en commençant par M. le président qui pourrait
identifier les gens qui l'accompagnent. M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Je pense qu'il serait utile de mentionner aux gens
qui viennent nous visiter, même si on a pu le constater,
évidemment, que c'est toujours une heure qui est consacrée aux
organismes, comprenant la présentation du mémoire et les
questions. C'est sûr que, si la présentation du mémoire
dure trois quarts d'heure, il reste un quart d'heure aux élus du peuple
pour vous questionner. Je pense que c'est important que ce soit
souligné, d'autant plus que je remarque qu'il y a une vingtaine de pages
dans ce mémoire, ce qui veut dire que cela pourrait normalement,
à moins qu'il n'y ait une lecture fort rapide, prendre toute
l'heure.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Cette remarque est judicieuse. J'allais la faire, d'ailleurs. Plus votre
exposé sera court et plus les échanges pourront être longs.
M. Dicaire.
M. Richard (Jean): Mon nom est Jean Richard.
Le Président (M. Vallières): M. Richard?
M. Richard (Jean): À mon extrême gauche,
Félix Destriker, producteur d'oeufs dans la Beauce; à ma gauche,
Claude Dicaire, producteur d'oeufs, région des Laurentîdes;
à ma droite, M. René Bernard, producteur d'oeufs dans la
région de Thetford-Mines; ma femme Diane et la femme de M. Bernard,
Denise. Je me présente: Jean Richard, producteur d'oeufs, région
de Mont-Laurier.
Nous sommes bien conscients que la lecture d'un texte aussi volumineux
peut demander beaucoup de temps. Nous étions déjà
préparés à ne pas le lire. J'ai sur ma copie des phrases,
des paragraphes qui sont soulignés. Je vais en faire la lecture en vous
disant le numéro de la page et en essayant de vous orienter, paragraphe
1, 2, 3, etc. D'abord, le texte est structuré de la façon
suivante: en première partie, des extraits de textes provenant de gens
impliqués dans l'agriculture, de gens impliqués dans le
journalisme, dans l'économie sont cités; en deuxième
partie, vous avez la réglementation au sujet des transferts de quotas
pour ce qui est de la production d'oeufs; en troisième partie, vous avez
un mémoire que j'ai moi-même préparé il y a
déjà trois ans et, ensuite, vous avez des recommandations que
nous pensons être d'actualité.
Je vais commencer par la page 1 qui est titrée "Historique". Un
extrait du Bulletin des agriculteurs, janvier 1985, section Nouvelles et
statistiques, article intitulé "Réflexions sur les
difficultés d'établissement des jeunes", par André
Gauthier, agronome. "La première est de nature financière. " Les
exploitations d'aujourd'hui, rentables et valables, valent des centaines de
milliers de dollars. Il y a le prix du quota qui est intervenu grandement dans
le prix des fermes. En effet, pendant que la valeur des choses tangibles
était multipliée par trois, celle des quotas augmentait de cinq
à trente fois. Dans la plupart de ces productions, la valeur du quota au
prix actuel fait doubler la valeur de l'entreprise. Un peu plus bas: "II en
résulte de sérieuses difficultés lors de la transmission
des biens. "
D'autres extraits: la Terre de chez nous, 22 et 29 septembre, ainsi que
29 décembre 1983, par Michel Morisset, économiste,
"L'organisation dans les oeufs". Nous allons aller à la page 2, environ
aux trois quarts de la page: "En l'espace de 18 ans, le nombre de producteurs a
chuté de 1800 à 234 -toujours dans la production des oeufs - soit
une diminution de 85%. "
À la page 3, le paragraphe titré: "Le poids des rentiers".
Comme toute chose, les contingentements ont amené de nouveaux
problèmes, de nouvelles contradictions. D'éléments
positifs permettant aux producteurs de résister à une forme
d'exploitation par le capital en contrôlant l'offre, les contingents
risquent 20 ans plus tard de se retourner contre ceux à qui ils devaient
servir.
Le quota, un droit d'exister. Arrêtons-nous à
définir un quota. Un quota, c'est d'abord et avant tout un permis, un
droit d'exister et, pour ce faire, de produire sur un marché
contingenté. C'est limité en quantité. Comme tout ce qui
repose sur une volonté politique, ça existe aujourd'hui, mais
rien n'oblige à ce que ça existe demain, sinon un rapport de
forces politique. Si le vent tournait, il pourrait bien emporter les quotas;
c'est tout à fait vraisemblable car les gouvernements ne sont pas des
corps neutres. Ils subissent les pressions de ceux qui sont pour les quotas,
les producteurs, tout comme celles des opposants. Et ils se font de plus en
plus nombreux. Le quota, c'est aussi un droit au salaire et au profit
même maigre.
Le prix des quotas, une rente. Durant dix ou quinze ans, le producteur
contingenté aura donc amélioré son sort, allant chercher
un revenu supérieur à ce qu'il obtenait antérieurement.
Son entreprise sera devenue plus rentable pour lui et sa famille. C'est alors
que se posera le problème de la transmission de son droit d'exister, de
son droit à un salaire décent et à un maigre profit. S'il
l'a payé de ses luttes, ce droit, il ne l'a que rarement payé au
prix qu'il se vend actuellement. S'il l'a payé de son organisation
syndicale forte et de ses pressions, ses successeurs le paieront de leur
argent, de leur salaire indécent et de leur trop maigre profit.
Parce que notre syndicat est le plus vieux syndicat dans la production
agricole -cette année, il fête son 21e anniversaire -nous entrons
dans la deuxième génération.
En contrôlant l'offre par les quotas, les producteurs ont obtenu
des prix en fonction des coûts de production. Cette notion de coût
de production est subjective et éminemment politique sur deux points en
particulier: le salaire et le profit. Ces charges sont calculées dans
tous les modèles étant donné que le travail est familial
et non comptabilisé, et que le manque de profit n'entraîne pas le
départ du capital du producteur de l'agriculture. Si la première
génération était justifiée d'exiger salaire et
profit pour vivre, que fera la seconde? Justifiera-t-elle le salaire et le
profit pour payer les rentrées car les frais de quotas ne sont pas
inclus dans les coûts de production?
La question est posée et, soyons clairs, pas uniquement par les
jeunes de la relève. C'est la question qui est soulevée par, le
Conseil économique du Canada, par le ministère
fédéral des Finances, par certaines associations de consommateurs
et par tous ceux qui auraient intérêt ou qui croient avoir
intérêt à ce que la nouvelle génération verse
cette rente au marché à travers des prix agricoles plus bas.
S'ils peuvent s'en passer ou s'ils veulent se passer de cette somme aussi bien
que ce soit pour la collectivité. La collectivité sur laquelle on
peut accoler des noms de groupes d'intérêts bien précis
peut cogner aux mêmes portes gouvernementales que les producteurs.
Paragraphe suivant: La rente ou le salaire et le profit. Je descends aux
trois quarts du premier paragraphe. L'Union prit une position ferme contre tout
spéculateur ou rentier, fût-il un ancien producteur agricole. Ici,
on parle de zonage agricole. L'UPA se prononçait pour la protection du
territoire agricole contre la spéculation, pour les producteurs
demeurant en production et non pour ceux qui s'en retiraient comptant obtenir
une forte rente.
En passant, les producteurs d'oeufs au cours des ans se sont
élevés contre toute forme de spéculation, sauf une, la
valeur du quota.
Mme Juneau: La valeur de quoi, avez-vous dit?
M. Richard (Jean): La valeur du quota. On s'est
élevé contre la spéculation foncière, on s'est
élevé contre les grosses corporations pour éviter
l'intégration, mais la seule chose à laquelle on ne s'est pas
attaqué de plein fouet, pour une raison qui se traduit en signe de
dollar, c'est la valeur des quotas.
À la page 5, vous avez un tableau qui vous précise la
façon selon laquelle la valeur de quotas a augmenté au cours des
onze dernières années. On est passé d'une valeur de 0, 40
$ à 0, 90 $, en 1973, à une valeur de 20 $ à 26 $ en 1984,
à 27 $ de ce temps-ci. (11 h 45)
La réglementation, c'est là è titre d'information
pour les gens qui ont à prendre des décisions à la
commission. Plus loin, vous avez aussi une copie du texte du questionnaire
qu'il était obligatoire de remplir en 1966, au moment de la formation du
comité.
En page 6, il y a de gros intervenants, que ce soit au niveau
économique ou des gouvernements étrangers, qui se posent des
questions sur notre système de contingentement.
En page 7, vous avez l'ancien ministre de l'Agriculture, Eugene Whelan,
qui dit: "J'aimerais également vous mettre en garde au sujet de la
valeur des contingents. " Un peu plus bas: "L'idéal serait
d'évoluer dans un système qui n'attribuerait aucune valeur
monétaire aux contingents. "
En page 8, une phrase de M. Jacques Proulx, président de l'UPA:
"Les agriculteurs doivent demeurer maîtres de leurs moyens de production.
" Cela veut dire demeurer maîtres du quota. On sait que, dans les
productions avicoles, pas nécessairement juste dans la production
d'oeufs, il y a de plus en plus d'intégration au détriment des
producteurs et en faveur des grosses compagnies ou des coopératives,
etc.
En page 9, vous avez en bas, dans le texte anglais, trois provinces, le
Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta, qui n'attribuent pas de valeur au
quota. Il y en a qui y ont pensé avant nous.
En page 10, ce que l'on a fait et ce que l'on fait à FEDCO pour
protéger les producteurs exploitants. On a laissé une page
blanche parce que c'est à peu près ce qui se fait.
Situation actuelle. On est rendu au mémoire que j'avais
préparé en 1982 et que j'ai remis à la
fédération en mars 1982, sur lequel rien de concret n'a
été fait jusqu'à maintenant.
Vivons-nous une situation si enviable que cela? Les associations de
consommateurs s'en prennent à notre plan conjoint, s'en prennent
à notre réglementation, au prix élevé de nos
quotas. La jeunesse ne peut plus assurer la relève. Les producteurs ne
peuvent plus produire à pleine capacité, ne peuvent pas se
permettre d'acheter du quota à prix d'or. Certains producteurs sont
encore dissidents. Les cotisations sont rendues à 1, 85 $ -
c'était dans le contexte de 1981; aujourd'hui, c'est autour de 1, 30 $
ou 1, 40 $ par pondeuse annuellement. Notre fédération essaie de
nous aveugler en nous racontant la situation de la pondeuse dans le monde
à tous les mois et nous dit qu'ici nous sommes
privilégiés. II y a aussi des vendeurs de poulettes qui ne se
scandalisent pas de vendre à n'importe qui, sans se soucier du
bien-être général des producteurs.
Troisième paragraphe: Les associations de consommateurs ont-elles
toujours tort de se plaindre que notre contrôle de ta production et le
prix élevé de nos quotas leur coûtent des sous? Ont-elles
toujours tort de dire que notre système ne favorise pas toujours
l'efficacité ou la productivité? Avons-nous raison de
tolérer le prix du quota à un niveau tel que nous n'avons
même pas les moyens de nous en procurer? À qui profitent, en
réalité, ces prix exorbitants? Notre fédération
a-t-elle toujours appliqué nos règlements comme il se devait?
Avons-nous raison d'encourager ces vendeurs qui vendent à qui n'a pas le
droit de détenir des pondeuses et qui nous disent par la suite, pour se
déculpabiliser, que, si ce n'est pas eux, ce sera le compétiteur?
Et nous,
faisons-nous tout ce qui est possible pour améliorer notre
situation?
Page 12. En ce qui a trait aux questions que les consommateurs peuvent
se poser, directement, c'est vrai que le prix du quota, que le coût d'une
location de quota ne peut entrer dans le coût du produit fini. On n'a
qu'à penser qu'un fournisseur de moulée ou de poulettes peut
acheter du quota à n'importe quel prix - qui est-ce qui achète du
quota aujourd'hui? - et nous le refiler dans le prix de la moulée ou des
poulettes qui sont les deux principales constituantes du prix des oeufs.
Peut-on parler d'un maximum de productivité, lorsque nos poulaillers ne
sont pas remplis à pleine capacité depuis déjà
plusieurs années? Les frais fixes ne sont-ils pas les mêmes pour
un poulailler pouvant contenir 10 000 pondeuses et qui n'en contient que 9000?
Ces mêmes frais ne viendront-ils pas influencer, à long terme, les
coûts de production?
Vous avez, au tableau I - c'est peut-être difficile un peu
à comprendre pour quelqu'un qui le voit pour la première fois
-des statistiques sorties de trois listes: mai 1981, décembre 1981 et
décembre 1984. C'est le nombre de producteurs, en pourcentage, qui
louent des quotas dans la production des oeufs, 50%, 54%, 61%; le pourcentage
du quota produit qui est loué, 8%, 8, 17% et 15%; le quota produit par
ces producteurs; les quotas loués par les fournisseurs, 192 000, 216 000
et 430 000.
Le tableau II, c'était pour montrer que c'est, en
réalité, la production moyenne qui était le plus en train
de se faire intégrer par des locations de quotas. Les plus gros
producteurs louent 19% du quota loué et ils possèdent 36% du
quota. Les producteurs intermédiaires louent 74% du quota loué et
ils produisent 48% du quota. Les petits producteurs louent 6, 2% du quota et
ils produisent 5% du quota.
Page 14. Souvent, on s'est fait rappeler que la fédération
protégeait, plus que tout au monde, la ferme familiale. Peut-on parler
d'objectifs atteints? Sûrement pas. Quand on sait que les onze ou douze
plus grosses exploitations de la province contrôlent presque 40% de la
production et que les vendeurs d'utilités professionnelles en
contrôlent 15%, on se demande où est la ferme familiale.
Vous avez, à la page 16, le tableau IV. C'était pour
montrer à quel point, en fin de compte, les fournisseurs, en 1981,
avaient beaucoup de quotas en leur possession et ils n'en produisaient qu'une
faible partie. Ils se servaient du quota qu'ils louaient à des
producteurs pour vendre de la moulée et des pondeuses et ainsi attacher
le producteur. On sait qu'une fois qu'on est obligé d'acheter à
un endroit en particulier, éventuellement, les services vont diminuer,
le produit va diminuer. Quand on n'a pas le choix, on est obligé.
Page 17, au bas de la page. II y a plusieurs règlements qui sont
mis en doute quant à leur application à la
fédération. C'est assez technique, donc, on va sauter par-dessus.
Ce qui paraît le plus grave dans ces écarts au respect de nos
règlements, c'est que, très souvent, cela a servi à des
non-producteurs au détriment des producteurs.
En bref - page 18 - 60% des producteurs louent du quota dans leur
poulailler; 49% des pondeuses sont attachées par des locations de quota;
15% du quota est maintenant produit en location, comparativement è 8% il
y a deux ou trois ans; 90% des locations de quota ne proviennent pas des
producteurs eux-mêmes, mais des vendeurs d'utilités
professionnelles; 42% des producteurs louent déjà pour plus de
10% de la production qu'ils font; 21% des producteurs sont totalement à
la merci de leur locateur, louant plus de 20% et jusqu'à 100% du quota
qu'ils produisent. Il en coûte 1 500 000 $, en 1985, aux producteurs
exploitants pour leur location à des non-exploitants.
Page 19. L'impasse. C'est un peu un résumé de la situation
actuelle. Des frais de location de près de 1 500 000 $ par année
supportés par 112 producteurs exploitants locataires au profit d'une
vingtaine d'individus, sociétés ou compagnies.
Au coût de location de 2, 35 $ - cela va jusqu'à 3 $ - par
poule par année et face à un revenu de 3, 50 $ par poule par
année, plus ou moins, c'est une perte des deux tiers du profit
légitime pour le producteur exploitant locataire.
Situation de stress à cause du renouvellement annuel de la
location, qui place le producteur exploitant locataire en état
d'incertitude face à son avenir, empêchant toute planification
nécessaire au maintien de la rentabilité et au
développement de l'entreprise.
Danger constant d'une situation financière précaire par
une mise en profit marginal et même danger de faillite car la perte de
10% ou 20% de production - c'est marqué "de location", mais on devrait
lire "de production" - fait la différence.
Perte d'efficacité et de compétitivité par la perte
du choix et du contrôle sur son approvisionnement de moulée et de
poules. Détérioration de la qualité des services.
Lorsqu'on sait que 50% du succès financier dû au rendement d'un
troupeau dépend de la qualité de la poulette et de
l'alimentation, que peut-on dire?
Si le plan conjoint appartient aux producteurs, il appartient aussi
à la collectivité qui fait des sacrifices monétaires
importants pour le soutenir, en acceptant de fermer les frontières
américaines. Est-il normal que quelques-uns fassent des profits
en profitant du système? Est-il normal que les jeunes qui suivent
une formation agricole ne puissent entrer dans le système à cause
de la non-rentabilité que lui impose le prix actuel des quotas?
Alors qu'il serait possible, naturel et logique pour un jeune de
commencer en aviculture en acquérant une installation de 5000 pondeuses
pour ensuite passer à des étapes de 8000, 10 000 et 20 000, la
situation actuelle ayant éliminé les petites exploitations, c'est
l'inverse qui se passe.
La valeur artificielle des quotas crée une situation où
l'aviculteur voit venir sa retraite dans quelques années, néglige
ou refuse tout simplement d'investir dans l'entretien ou le renouveau de ses
équipements ou bâtiments, se disant qu'il retirera autant en
vendant ses quotas. En agissant ainsi, il enlève à un acheteur
éventuel les valeurs de base requises pour garantir des prêts
d'acquisition.
Trente ans de travail pour payer le remboursement du capital et des
intérêts de l'achat de quotas?
À la page 20, vous avez l'illustration d'un cercle vicieux. Si on
commence à gauche, en haut: l'aviculteur paie ses contributions; ceci
maintient le plan conjoint; il y a des réductions de quotas à
l'intérieur du plan conjoint; le prix d'achat et de location des quotas
monte; l'aviculteur peut de moins en moins acheter ou louer des quotas;
l'agro-alimentaire, qui ne paie pas les contributions, utilise ses profits pour
acheter nos quotas; l'aviculteur perd de plus en plus le droit de produire;
l'agro-alimentaire prend la place de l'aviculteur.
Peut-on blâmer l'aviculteur de se sentir exploité par
l'agro-alimentaire? Peut-on blâmer l'aviculteur de se sentir trahi par
ses dirigeants du plan conjoint, qu'il a élus pour le défendre,
lorsqu'ils ont laissé quiconque ou quelque organisme qui avait de
l'argent s'accaparer des quotas à son détriment?
Vous avez des recommandations à la page 22. "Attendu que le but
du plan conjoint est la protection de la ferme familiale rentable; attendu que
l'intégration s'accaparera de plus en plus du contrôle de la
production par le contrôle des quotas; "II est proposé: que les
quotas soient immédiatement repris en main par la
fédération qui en est le vrai propriétaire et gardien de
son engagement sur le plan national et réattribué là
où ils sont produits, avec entente et arrangement entre les parties,
avec compensation monétaire; que les quotas soient rattachés
à la ferme; que la valeur monétaire du quota soit comprise dans
l'achalandage normal de la ferme; qu'il n'y ait plus aucune valeur
monétaire rattachée au quota seul; que seuls les producteurs
agricoles exploitants soient les détenteurs de quotas et que ces
exploitants soient propriétaires des installations physiques requises
pour en réaliser la production; que le commerce de location de quotas ne
soit plus autorisé. "
J'ai noté, ce matin, quelques commentaires qu'on pourrait ajouter
en guise de conclusion. Il faudrait remettre les quotas sur les fermes,
là où ils sont produits; ne plus permettre la
"monnayabilité" du quota ainsi que les transferts qui ne servent pas la
production elle-même et la société en
général; faire en sorte que le quota ne soit pas dissociable de
l'exploitation elle-même. Les transferts de quota devraient favoriser
d'abord le plein emploi des exploitations existantes, la relève agricole
et les besoins régionaux d'une production donnée. Merci.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie. Il y
a une demande d'intervention de la part de Mme la députée de
Johnson. (12 heures)
Mme Juneau: Merci, M. le Président.
M. Bernard (René): M. le Président... Le
Président (M. Vallières): Oui.
M. Bernard:... je voudrais seulement faire une demande. On a
préparé un "statement" pour être lu à la fin. Est-ce
que vous nous accorderiez les quatre ou cinq minutes requises à ce
moment? Merci.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Vous m'excuserez si
parfois les questions que je vais poser... C'est que j'ai beaucoup à
apprendre. Mon expérience dans le domaine agricole est très
petite. Vous m'excuserez, en tout cas, si ce sont des choses qui, pour vous,
ont l'air bien simples.
Dans votre mémoire, vous avez dit que, depuis 18 ans, il y a eu
une chute du nombre de producteurs de 85%. C'est épouvantable. Je trouve
cela immense, une chute de 85%. Puis, vous parlez de transmission de quota et
vous dites: "Le quota, un droit d'exister. " Est-ce que cela veut dire que le
producteur qui a un quota est obligé de le transmettre dans sa famille,
comme ce qu'on a vécu pour les petits abattoirs ou quelque chose du
genre?
M. Richard (Jean): La situation actuelle?
Mme Juneau: Oui.
M. Richard (Jean): La situation actuelle quant au transfert des
quotas, c'est que les quotas sont vendus au plus offrant.
Mme Juneau: Au plus offrant.
M. Richard (Jean): Peu importent les intérêts
régionaux, peu importent les intérêts de la production et
peu importent les
intérêts de la population en général.
Mme Juneau: Mais il n'y a pas de prix fixe?
M. Richard (Jean): II n'y a aucun prix fixe.
Mme Juneau: C'est celui qui peut en acheter davantage qui va
avoir le quota.
M. Richard (Jean): C'est celui qui a le portefeuille le plus
épais qui a les meilleures chances.
Mme Juneau: Mais comment se fait-il qu'à un moment
donné vous parlez, pour 1984, de 20 $ à 26 $? Cela veut dire
que...
M. Richard (Jean): Aujourd'hui, le quota se transige entre 25 $
et 27 $ par pondeuse, ce qui fait qu'il n'y a aucun jeune qui est capable de se
lancer dans la production des oeufs. La plupart des producteurs ne peuvent pas
en acheter pour remplir leurs poulaillers qui ne sont pas pleins. Et si
quelqu'un ose essayer de mettre un prix sur un quota d'un autre producteur qui
délaisse la production, la plupart du temps il y a un intégrateur
qui va offrir 0, 50 $ ou 1 $ de plus.
Mme Juneau: Si je comprends...
M. Richard (Jean): J'ai vécu l'expérience deux fois
dans les trois ou quatre dernières années. J'offrais 15 $ pour un
quota, un intégrateur en a offert 16 $. Si j'avais offert 16, 50 $, il
aurait offert 17 $ parce qu'il n'y a aucun prix limite pour eux.
Mme Juneau: D'après ce que je comprends, cela ressemble
be. aucoup à l'intégration dans le porc. L'intégrateur
vient et c'est lui qui monopolise. En fait, c'est comme monopoliser un droit
qui serait censé vous revenir de droit, à vous qui êtes les
vrais producteurs. C'est cela, n'est-ce pas?
M. Richard (Jean): Oui. On ne met aucunement en doute la valeur
du geste posé il y a 20 ans ou 10 ans dans d'autres productions quant au
contingentement. On ne met pas en doute non plus le jugement des gouvernements
de ce moment. C'était un geste justifiable. Dans une production agricole
quelle qu'elle soit, nous pensons que c'est un outil indispensable parce qu'on
ne peut arrêter les pondeuses de produire même si les gens
arrêtent de consommer. On ne peut demander aux pondeuses de produire plus
même si Provigo sort un spécial dans les oeufs. D'accord? On n'a
aucun contrôle pour arrêter ou repartir notre chaîne de
fabrication. Ce n'est pas comme dans une industrie où on peut
arrêter ou ralentir selon les commandes qu'on a. Cela nous apparaît
indispensable d'avoir un système de contingentement. On s'en prend
surtout à la façon dont le quota a été
transféré depuis le jour où il a été mis en
application et à la façon aussi dont les gens l'ont
accaparé. C'est à cela qu'on s'en prend.
Je ne crois pas qu'il y ait aucun producteur dans une production
contingentée d'aujourd'hui qui serait pour l'abolition des quotas. C'est
un fait. Mais nous, les producteurs de la deuxième
génération, avons à subir les choses qu'on a citées
tout à l'heure. On est très peu de jeunes producteurs, il y en
aura de moins en moins et on ne parlera même pas de troisième
génération de producteurs avec des plans conjoints.
Mme Juneau: La situation est vraiment inquiétante dans ce
cas si cela revient à quelques industries.
M. Richard (Jean): En 1966, il y avait au-delà de 2000
producteurs d'oeufs et aujourd'hui, sur les listes officielles, il en reste
234. Mais la réalité n'est pas 234, c'est environ 134, parce
qu'il y a des gros producteurs qui ont trois ou quatre noms de quota. Sur la
liste officielle, cela apparaît comme quatre noms, quatre producteurs,
mais cela en est seulement un. Il y en a qui ont des quotas au nom de leur
femme ou de leurs enfants, question fiscale, question de toutes sortes de
choses. La réalité, c'est environ une centaine de producteurs qui
se présentent à tous les ans aux assemblées
générales et qui représentent environ 90% de la
production. C'est cela, la réalité.
Mme Juneau: Juste pour terminer, je voudrais vous dire que, dans
vos recommandations, la cinquième, je pense, réglerait beaucoup
la situation: "que seuls les producteurs agricoles exploitants soient les
détenteurs de quotas". À mon point de vue, ce serait d'importance
capitale pour redonner à la relève le goût de s'organiser
dans ce domaine.
M. Richard (Jean): Nous pensons que, si les règlements
avaient été appliqués à la lettre, on n'aurait
même pas besoin de parler de ce cinquième point. Ce sont des
évasions qui se sont produites au cours des ans pour un cas particulier
et un autre cas particulier et toutes sortes de raisons comme
celles-là.
Mme Juneau: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais
vous remercier bien sincèrement du mémoire que vous avez
présenté, qui était très bien
étoffé. D'ailleurs, je connais un peu l'agriculture depuis un bon
moment. Dans votre mémoire, lorsque vous parliez de solliciteurs, de
vendeurs d'équipement, de moulée, etc., cela me rappelait des
souvenirs. Tout cela pour vous dire que c'est vrai qu'il y a beaucoup de
failles, il y a encore beaucoup de choses à faire, parce qu'il y a
toujours de l'amélioration à apporter. Comme vous le disiez au
tout début, c'est un des premiers plans conjoints qui s'est
établi au Québec et c'est le premier plan conjoint, à ce
que je sache, qui a été national aussi. C'est le premier plan
conjoint qui a été rentable en même temps. Je comprends
que, dans certains cas, cela a été un peu plus difficile; par
contre, dans d'autre cela a été plus facile.
Est-ce que c'était une bonne chose que le nombre de producteurs
soit diminué au chiffre que vous avez donné tantôt? Par
contre, la production d'oeufs n'a jamais diminué, sauf quand ils
diminuaient le volume pour un certain temps, de 2%, 3% ou 4% et qu'ils
revenaient au même volume après un certain nombre de mois. Cela
est arrivé à plusieurs occasions. Le fait que le nombre de
producteurs ait diminué, est-ce que cela n'a pas été une
bonne chose - je ne parle pas d'intégrateurs, ne nous mélangeons
pas - pour avoir une rentabilité dans la production d'oeufs? Est-ce une
bonne chose pour être capable d'arriver à avoir un prix
compétitif et un produit qui peut est vendable sur la table, et de ne
pas faire payer au consommateur 1 $ la douzaine quand on pouvait la produire
à 0, 55 $ dans la moyenne des fermes?
M. Richard (Jean): C'est certain qu'une certaine concentration
était inévitable. On ne pourrait pas vivre dans un contexte de
1966 avec 2000 ou 2500 producteurs de 1000 poules. Mais nous pensons qu'il y
aurait lieu de favoriser un plus grand nombre de producteurs, évidemment
au détriment des intégrateurs. Parce qu'on n'a pas besoin d'avoir
200 000 pondeuses pour vivre, dans la production des oeufs. Quand on est une
coopérative ou un couvoir ou une meunerie, on n'a pas besoin d'avoir du
quota pour vendre de la moulée ou vendre des pondeuses. On n'a
qu'à vendre du service, de la qualité et des prix. Ce sont ces
choses qu'on veut voir abolir.
M. Houde: Si on va à votre mémoire à la page
10, on voit FEDCO. FEDCO, c'est la Fédération des producteurs
d'oeufs du Québec, pour ceux qui ne le savent pas. Selon vous, le
travail de FEDCO ne serait pas au service du producteur, mais au service
plutôt de l'intégrateur ou du consommateur. Est-ce cela? Vous
laissez une page blanche et, étant donné que j'ai
été plusieurs années près de la
Fédération des producteurs d'oeufs du Québec, j'aimerais
avoir...
M. Richard (Jean): Je vais vous donner un peu la raison pour
laquelle la page est blanche. Le rapport que j'ai soumis et dont je vous ai lu
quelques bribes tout à l'heure a été soumis à la
fédération en 1982. Cela donne trois ans pour le lire, le relire
et le relire. En 1982, au moment de la réunion générale,
en avril, il y a un comité qui a été formé pour
étudier le sujet. Tout ce qui en est sorti après un an, c'est un
paragraphe supplémentaire dans les règlements qui au bout de deux
mois ne servait plus à rien. En 1983, encore des pressions de la part
des plus jeunes producteurs pour que la fédération fasse quelque
chose. En 1984, encore la même chose, un autre comité est
formé; depuis onze mois, il n'y a aucun rapport de sorti, aucun geste
concret de posé; cela se limite à environ une page de nouveaux
règlements et le tour est joué. Pour quelles raisons cela
prend-il trois ans? Si au bout de trois ans ils avaient fait quelque chose, on
pourrait dire: Ils ont fait quelque chose, mais au bout de trois ans ils n'ont
rien fait. C'est pour cela que la page est blanche.
M. Houde: Très" bien, merci. Je vais me reporter à
la page 14. Je vais en lire seulement trois ou quatre lignes. "Parlons d'abord
de ses objectifs. Souvent, on s'est fait rappeler que la
fédération protégeait plus que tout au monde la ferme
familiale. Peut-on parler d'objectif atteint? Sûrement pas. "
D'après vous, est-ce que la fédération a aidé la
ferme familiale ou encore est-ce que - remarquez bien que j'étais
producteur dans le temps; je ne suis plus producteur depuis que je suis en
politique, depuis 1981 -la faute ne serait pas plutôt à des
producteurs qui n'étaient pas présents lors des assemblées
pour prendre leurs responsabilités ou encore est-ce parce qu'il y avait
des personnes trop influentes du côté peut-être de
l'intégration, qui, à partir de là, faisaient passer leurs
messages plutôt que celui des producteurs en général?
M. Richard (Jean): C'est certain que les membres de
l'administration de la fédération, ce sont des producteurs. C'est
certain que les producteurs peuvent faire quelque chose. Ce qui arrive dans le
contexte des quotas, c'est que les producteurs en général - il
faut l'avouer - ne sont pas tous comme nous ici. Ils ne sont pas plus
intéressés que cela à bouger, parce que c'est un gros
fonds de retraite qu'ils ont entre les mains avec leurs quotas. C'est une rente
qu'ils n'ont pas payée, eux, en général, qu'ils revendent
à la deuxième génération qui, elle, va la payer et
qui ne pourra probablement jamais la
revendre. C'est certain que les producteurs en général ne
se battront pas pour perdre 100 000 $, 200 000 $ ou 300 000 $. Mais nous
pensons que la société leur a donné des droits au moment
de la formation des plans conjoints et que les producteurs en abusent, au
détriment de la population et au détriment des plus jeunes
producteurs, au détriment des producteurs qui voudraient prendre la
relève un jour.
Ce n'est pas parce que le quota ne pourra plus être
détaché d'une ferme, ce n'est pas parce que le quota n'aura plus
de valeur officielle que la valeur d'une ferme va diminuer de façon
radicale. Le producteur qui aura su maintenir ses équipements, ses
bâtiments, sa ferme, son administration, son personnel de façon
logique au cours des années sera toujours capable de vendre un bon prix
en fonction de la rentabilité de la ferme. Celui qui n'aura jamais fait
de rénovation, qui aura laissé aller son entreprise, c'est
certain qu'il va se ramasser avec peu de chose si la valeur du quota est
abolie. Il y en a beaucoup, de ces gens. Ces gens ont vécu pendant 20
ans des contingentements; ils se sont occupés d'eux et c'est tout. Ils
ne laissent rien en héritage pour les générations futures
et ils ramassent le magot. J'ai personnellement acheté beaucoup de
quotas, probablement plus en dollars par poule que la moyenne des producteurs
parce que je suis un des plus jeunes, et j'accepterais que la valeur des quotas
tombe à zéro. Mais je sais une chose, j'ai investi sur une ferme,
j'ai réparé des équipements, j'ai changé des
équipements, j'ai réparé des bâtisses et je sais que
je serais capable de vendre ma ferme un bon prix. (12 h 15)
M. Houde: M. Bernard avait quelque chose à ajouter, je
pense. Est-ce que ça va?
M. Bernard: Je voudrais juste ajouter qu'il y a un aspect
technique très important. C'est que ceux qui ont créé le
plan conjoint ont mis dans les règlements qu'en ce qui concernait les
quotas les producteurs, même en assemblée générale,
n'avaient aucun pouvoir. Les règlements de quotas sont tels que seuls
les administrateurs du plan conjoint peuvent les changer.
M. Richard (Jean): Je voudrais apporter une nuance
là-dessus. Les administrateurs peuvent changer tous les
règlements eux-mêmes, mais l'assemblée
générale a le dernier recours.
M. Bernard: Non, elle n'a pas le droit. Je voudrais
rappeler...
M. Richard (Jean): Oui. Pour expliquer un petit peu plus, il
n'est pas nécessaire que la fédération ou ses
administrateurs fassent une assemblée générale ou
convoquent des assemblées pour changer les règlements des quotas,
mais s'ils le font et qu'à l'assemblée générale qui
va suivre les producteurs décident de changer les règlements, ce
sont les producteurs qui vont avoir le dernier droit.
M. Houde: Vous avez raison là-dessus, c'est vrai. J'ai une
autre question. Selon vous, les producteurs agricoles, combien de quotas leur
appartiennent encore, je veux dire qu'ils n'ont pas achetés,
actuellement? Est-ce que c'est 75%, 60%? En 1974, 1975, 1976, les producteurs
détenaient un certain nombre de quotas qui étaient à eux
autres, qui ne leur coûtaient rien. Aujourd'hui, combien est-ce qu'il y
en a qui ne leur coûtent rien et combien qui leur coûtent quelque
chose? Avez-vous des chiffres là-dessus?
M. Richard (Jean): C'est assez difficile à évaluer,
mais on pourrait faire la comparaison avec l'âge des producteurs. Il y a
quand même beaucoup de producteurs qui sont assez âgés. En
général, ces producteurs étaient en place au moment de la
formation du plan conjoint et, en général, ces producteurs n'ont
pas acheté. ou ont peu acheté de quotas.
M. Houde: Est-ce qu'on pourrait établir cela à 60%
encore?
M. Richard (Jean): D'après moi, sans que ce soit des
chiffres officiels, il y a plus de 60% des quotas qui n'ont pas encore
été achetés.
M. Houde: Qui leur appartiennent encore.
M. Richard (Jean): Ou qui ont été achetés
à des prix de 0, 50 $ ou 1 $, 2 $.
M. Houde: Oui, une bagatelle.
M. Richard (Jean): II y a les plus gros producteurs qui en ont
acheté, il y a les plus jeunes producteurs qui en ont acheté et
il y a les intégrateurs qui en ont acheté. C'est peut-être
réaliste, 60%, M. Houde.
M. Houde: Est-ce que vous pensez qu'à un certain moment la
valeur du quota devra être incluse dans le coût de production? Il
va falloir que cela soit prévu, à un moment donné, parce
que plus cela va aller, plus les producteurs vont avoir acheté de
quotas, plus cela va leur coûter de l'argent, sauf que pour celui qui
était dans la production avant, ils ne lui coûteraient rien. Le
jeune producteur qui est embarqué ne pourra plus arriver, comme toi,
comme M. Bernard. Vous êtes quatre jeunes dont je peux parler. Vous
vous êtes embarqués dans la production, vous avez
acheté votre quota. Est-ce que vous prévoyez des
mécanismes pour qu'à un moment donné, le coût du
quota soit inclus dans le coût de production?
M. Richard (Jean): Je pense que ce n'était pas le voeu des
gouvernements au moment où...
M. Houde: Non, je le sais.
M. Richard (Jean):... ils ont adhéré au
système de contingentement et je pense que ce serait déloyal
envers les consommateurs de leur faire payer le prix d'une location ou le
coût d'un achat de quota, ou ses intérêt.
M. Houde: Comment, d'abord, allez-vous pouvoir expliquer demain
matin - pas à moi, je suis à peu près comme vous autres
-qu'un type qui avait, en 1970, un quota de 25 000 $, il ne lui coûte
rien aujourd'hui? À l'un de vous qui vient de l'acheter, il y a à
peu près un ou deux ans, il coûte 100 000 $. Comment va-t-on
pouvoir établir un coût de production qui soit acceptable par la
population, par les consommateurs et qui va vous permettre de vivre aussi?
Celui à qui cela ne coûte rien, il va vivre à l'aise.
M. Richard (Jean): Ce qui arrive, c'est que souvent celui qui en
a eu pour peu de chose, il en achète et celui qui est rentré le
dernier, il ne peut plus en acheter. Il va toujours se faire, excusez le mot
anglais, "squeezer", le dernier rentré.
M. Houde: Bon, c'est ça. Je vais passer la parole à
mon collègue parce qu'on n'a pas tellement de temps, mais, encore une
fois, je voudrais vous remercier bien sincèrement. Cela m'a fait plaisir
de rencontrer des figures avec qui on avait travaillé pendant plusieurs
années. Merci beaucoup.
Le Président (M. Vallières): La parole est
maintenant au député de Montmagny-L'Islet, suivi du
député d'Orford.
M. Le Blanc: Merci, M. le Président. J'apprécie
beaucoup ce contact direct avec des producteurs agricoles. Cela me rappelle des
souvenirs - pas très pas lointains, tout de même, d'une dizaine
d'années - où j'ai eu l'occasion d'être chargé de
cours en gestion agricole auprès de gens comme vous et surtout
d'épouses, en deux sessions d'éducation aux adultes, deux
sessions avec des femmes d'agriculteur. J'ai apprécié
énormément cela et je regrette qu'il n'en ait pas plus dans la
salle ce matin.
J'ai un autre regret, toutefois, c'est d'avoir dû lire en
diagonale le volumineux mémoire que vous nous présentez et qui
semble très bien étoffé. Même si on le lit en
diagonale, ce n'est pas une raison pour le comprendre de travers. Ce que je
constate, ce qui saute aux yeux dans ces remarques prises très
rapidement, c'est que ce fameux marché de quotas est un marché
entièrement libre. C'est l'escalade continuelle jusqu'où? Je
pense que c'est votre inquiétude.
Ces fameux prix de quotas sont devenus hors de contrôle et les
seules qui peuvent réellement compétitionner dans le prix sont
les entreprises intégrées. Dans un marché libre,
habituellement, on peut établir une relation coûts -
bénéfices - directement dans le prix de l'objet mis en vente.
Mais je pense que, dans l'établissement du prix des quotas, on ne peut
pas faire cette équation, parce que c'est un prix qui est faussé
par rapport à la rentabilité qu'on peut obtenir en faisant
l'acquisition de ce bien. Je pense que vous l'avez démontré assez
clairement dans votre mémoire lui-même et aussi dans les
explications que vous avez déjà eu l'occasion de fournir.
Il me vient à l'esprit une première question. Comme vous
présentez ce mémoire au gouvernement, quelle intervention de
l'État réclamez-vous pour corriger cette situation, à part
les autres moyens qui sont peut-être à votre disposition et dont
vous avez fait état tantôt: une reprise du contrôle de votre
plan conjoint, une présence plus décisionnelle de tous les
exploitants, de tous les membres? J'en reviens à ma première
question: Quelle est l'intervention que vous réclamez de l'État
pour vous aider à corriger cette situation?
M. Richard (Jean): Claude Dicaire va vous répondre. J'ai
assez parlé.
M. Dicaire (Claude): Vous parliez tantôt de relation
coûts-bénéfices. On a vu en page 5 le tableau de la valeur
marchande des quotas. C'est sûr que, le quota étant limité
en quantité, la valeur réelle, la valeur marchande se trouve
à être faussée. Puisqu'il est limité, les gens
paient ce prix-là, bien souvent, pour acquérir des
quantités additionnelles. C'est-à-dire que pour maintenir un
poulailler à 100% de production, on est prêt à payer un
montant supplémentaire, pour utiliser pleinement ses capacités de
production. Mais c'est impossible pour un individu de rentrer en production en
ayant à payer 100% de ses quotas au prix du tableau de la page 5.
Évidemment, les producteurs plus gros peuvent
bénéficier du coût de la moyenne, dans le sens qu'ils ont
des quotas qu'ils ont achetés à 1 $ et des nouveaux quotas qu'ils
ont achetés à 25 $. À un moment donné, ils arrivent
à une moyenne de 4 $ ou 5 $. Qu'est-ce qu'on attend de l'État
à ce niveau? Jusqu'à présent, la fédération
a toujours essayé de contrôler et de minimiser l'aspect
négatif de la valeur des quotas
auprès des producteurs en contrôlant les associations de
personnes. Elle a limité le nombre de quotas qu'un producteur peut
détenir à 50 000 unités. Mais, à la suite de
ça, dans une réglementation, il y a toujours moyen de trouver des
trous. C'est d'ailleurs ce que font les avocats. On passe une partie de
l'exploitation au nom du fils, de la fille ou du frère.
Quant à nous, Mme Carmen Juneau soulignait tantôt que
l'application du point 5 de nos recommandations, selon elle, mettrait fin
è la situation actuelle. Il ne faut pas oublier qu'il a de grosses
entreprises agricoles qui sont quand même producteurs et exploitants.
Cela ne leur enlève pas le droit d'acheter les quotas. Pour les grosses
entreprises agricoles, via un taux d'imposition plus élevé que le
producteur moyen, évidemment, la récupération est plus
vite faite en récupérant l'amortissement et en
récupérant des pertes sur les impôts.
Une des solutions qu'on préconise, c'est que c'est difficile de
contrôler les associations de personnes, mais ce serait plus facile de
contrôler les quotas en les attachant à l'exploitation, au lieu
physique où ils sont produits. De cette façon, cela
empêcherait la concentration. Une organisation, qui a 200 000 poules,
achèterait difficilement 20 000 poules situées à 200 ou
300 milles de ses installations. En appliquant cette mesure de rattacher le
quota au lieu physique de l'exploitation, nous considérons que cela
mettrait un frein au phénomène de concentration des quotas vers
des lieux de plus en plus limités de production et, du même coup,
les quotas resteraient davantage en région. Je pense que le gouvernement
actuel, ainsi que la plupart des gouvernements croient quand même, en
partie, à une certaine économie régionale.
Également, le quota étant rattaché à
l'exploitation, cette dernière se vendrait à une valeur
réelle pouvant permettre à l'acquéreur, soit un jeune, une
personne de la relève ou une personne extérieure du milieu
agricole, de payer l'exploitation, incluant les quotas, à une valeur
marchande un peu réelle, étant donné que l'individu devra
assumer la rentabilité de son entreprise. Bien souvent, ce qui se passe,
c'est que les grosses corporations achètent du quota à 200 ou 300
milles de distance et elles rattachent cela à leur exploitation. En
attachant le quota au lieu physique, cela permettrait l'accessibilité de
la relève ou des gens extérieurs au milieu agricole pour acheter
des exploitations agricoles. Conséquemment, ces dernières seront
vendues à un prix ayant une valeur marchande plus réelle et
permettant à l'acquéreur de survivre et de vivre avec son
entreprise» Je pense qu'en l'attachant cela réglerait les trois ou
quatre principaux problèmes dont la concentration, la
régionalisation. Cela va diminuer automatiquement la valeur; en
même temps, cela va permettre à la relève d'entrer dans les
domaines de production contingentés.
Il ne faut pas oublier que, en général, les organismes
sont dirigés par des gens qui sont à la préretraite. Comme
Jean l'expliquait tantôt, ce sont des gens qui dorment un peu sur leur
fonds de retraite. Lorsqu'on devient président de l'UPA ou de la
fédération, c'est qu'on n'a plus tellement de choses à
faire sur la ferme! Bien souvent, ceux-ci, pour défendre leur fonds de
retraite ou pour défendre la valeur des quotas, comparent cela à
un achalandage. Ils font souvent le parallèle avec les permis de taxi
à la ville de Montréal. Mais un achalandage, il faut bien se
comprendre, en tant que professeur d'économie, si je ne me trompe pas,
vaut pour autant qu'il est relié à un commerce. Un individu, qui
vend une quincaillerie, s'il vend simplement son achalandage, cela ne vaut pas
grand-chose. S'il vend la quincaillerie, complétée par un bel
achalandage, là, l'entreprise a une certaine valeur. C'est ce qui
faisait dire tantôt à Jean que de rattacher le quota à
l'exploitation, cela ne diminuera pas nécessairement la valeur de la
ferme de façon radicale, mais cela va plutôt la ramener à
une valeur réelle pouvant permettre à un individu de
l'acquérir.
À la suite du phénomène d'achat des quotas par des
gens au prix tel que stipulé, ce sont juste les grosses corporations ou
les vendeurs d'utilités qui pouvaient en acheter. Le calcul était
bien facile à faire, c'est qu'ils le refilaient dans le prix de vente de
la moulée. La valeur de location des quotas suit directement la valeur
de vente de ces mêmes quotas. Ceci signifie que, en 1981, un producteur
pouvait louer un quota à 1 $ la poule; aujourd'hui, il doit
débourser de 2, 50 $ à 3 $ pour louer le droit de pouvoir faire
produire une poule. L'application de cette règle, c'est-à-dire
l'attachement du quota au lieu physique, selon nous, mettrait fin, en grande
partie, aux différentes circonstances négatives que nous avons
soulignées.
M. Le Blanc: J'ajoute un commentaire, M. le Président, si
vous me le permettez, c'est pour remercier les porte-parole de l'Association
des producteurs exploitants du Québec pour ces commentaires
supplémentaires qui nous permettront d'avoir une meilleure
compréhension de leur mémoire lorsqu'on aura le temps de le lire
complètement. Merci.
M. Richard (Jean): Une réponse toute courte à votre
question, monsieur. Ce que nous attendons du gouvernement ou des gouvernements,
c'est probablement d'imposer aux producteurs de se discipliner parce qu'ils ne
veulent pas le faire. La raison, ce sont
des signes de dollar.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député d'Orford, en trois minutes, incluant la réponse.
(12 h 30)
M. Vaillancourt: Merci, M. le Président. Je suis toujours
pris avec des trois minutes! II me fait plaisir que vous m'accordiez le droit
de parole. Premièrement, j'aimerais féliciter les personnes qui
sont devant nous, qui représentent l'Association des producteurs
exploitants du Québec.
J'aimerais savoir ceci: Vous qui présentez le mémoire,
est-ce que vous êtes des membres de l'Association des producteurs
exploitants du Québec ou si vous êtes des personnes élues
ou non élues?
M. Richard (Jean): Notre organisme, c'en est un qui est nouveau,
qui date d'environ neuf mois. Ce sont des producteurs qui sont aux prises avec
des locations de quotas qui l'ont mis en branle. Ce n'est pas un organisme
parallèle à la fédération. Nous sommes tous membres
de la fédération. Nous sommes prêts à appuyer la
fédération dans une certaine mesure, mais nous trouvons que la
fédération ne bouge pas, pour toutes les raisons dont on a
parlé tout à l'heure. Nous faisons partie du conseil
d'administration de cette association.
M. Vaillancourt: Parce qu'ici, ce qui me surprend un peu, c'est
que vous me dites que votre association existe depuis seulement neuf mois;
donc, ce n'est pas une association qui a connu des élections ou de la
compétition au niveau de votre fonction.
M. Dicaire: En réponse à votre question, c'est
qu'à la dernière assemblée générale de la
fédération M. Bernard, M. Richard et moi-même avons
été membres élus de la fédération pour nous
occuper de l'aspect de la commercialisation des oeufs du Québec.
M. Vailiancourt: Vous avez été mandatés?
M. Dicaire: Nous faisons partie d'un comité élu
officiel de la fédération. Pour pouvoir définir notre
représentativité, nous sommes trois membres élus d'un
comité officiel de la fédération.
M. Vaillancourt: Est-ce que vous faites partie de la
fédération?
M. Dicaire: Bien, pour être membre élu d'un des
comités de la fédération, il faut automatiquement faire
partie de la fédération.
M. Vaillancourt: Maintenant, j'aurais quelques questions à
vous poser. De combien de pondeuses un exploitant a-t-il besoin pour que ce
soit rentable?
M. Richard (Jean): Environ 10 000 à 15 000.
M. Vaillancourt: De 10 000 à 15 000. Cela veut dire 10 000
à 15 000 multiplié par 20 $ à 26 $ pour acheter un
quota?
Une voix: C'est 100 000 $.
M. Richard (Jean): Plus 26 $ que 20 $. Cela se transige entre 24
$ et 27 $, à l'heure actuelle.
M. Vaillancourt: Cela représente un joli montant pour un
jeune...
M. Richard (Jean): Environ 400 000 $.
M. Vaillancourt:... pour la relève dans ce domaine.
M. Richard (Jean): C'est irréalisable quand on pense que,
pour les infrastructures physiques, il faut compter un autre montant de 15 $
pour le poulailler, les équipements, le fonds de terre.
M. Vaillancourt: Ce qui représente environ 40 $...
M. Richard (Jean): Environ.
M. Vaillancaurt:... grosso modo par pondeuse.
M. Richard (Jean): La capacité maximale d'endettement
qu'une pondeuse peut supporter, c'est environ 20 $.
M. Vaillancourt: Cela représente environ 600 000 $ pour
commencer, pour avoir un commerce dans ce domaine et qu'il soit rentable.
M. Richard (Jean): Dans d'autres productions, qui sont le poulet,
la dinde ou le lait, c'est quand même assez similaire.
M. Dicaire: Je voudrais préciser qu'avec un tel
endettement, c'est difficilement rentable.
Le Président (M. Vallières): Je dois vous
arrêter là-dessus, notre temps est écoulé.
M. Bernard: J'aimerais...
Le Président (M. Vallières): II resterait une
question. C'est que, si l'on dépasse à chaque fois, on va se
ramasser avec des problèmes à la fin. J'ai prévu du temps
pour
vous, M. Bernard, pour terminer. Il y aurait le député de
Shefford, en lui demandant de se limiter à une question et à une
réponse courte de la part des intervenants.
M. Vaillancourt: M. le Président, j'aurais juste une
petite question très courte, qui serait bien importante.
M. Paré: À la condition qu'elle ne vole pas la
mienne.
M. Vaillancourt: La question que je voudrais poser aux messieurs
du panel: Est-ce que vous avez consulté les aviculteurs pour savoir
s'ils seraient d'accord pour remettre à la fédération les
quotas?
M. Richard (Jean): II y a présentement une pétition
qui circule à ce sujet, sur laquelle il y a une trentaine de noms. C'est
évident que la majorité des producteurs ne voudront pas dissocier
la valeur du quota du quota lui-même, parce que c'est un trop beau fonds
de retraite.
Mais nous, on se pose la question: Tout ce beau système valable
pour la survie de l'agriculture, est-ce qu'on l'a mis en place pour une seule
génération ou si on l'a mis en place pour les
générations qui s'en viennent? C'est exactement ce qui va se
passer. M. Houde, tout à l'heure, disait qu'on avait été
les premiers dans tout au niveau provincial, au niveau fédéral,
mais on va probablement aussi, à mon avis, être les premiers
à disparaître.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Très rapidement, juste une question
là-dessus. À la page 7- de votre mémoire, en haut, on
retrouve ceci: "À la mi-janvier, l'Ontario qui possédait
déjà le pouvoir de fixer les prix a élargi sa juridiction
au contrôle de la production. " J'aimerais savoir quels sont les
avantages et les inconvénients que vous y voyez, si vous avez eu le
temps de faire le tour de la nouvelle...
M. Richard (Jean): Les avantages du contingentement?
M. Paré: Du fait que le gouvernement de l'Ontario ait
décidé d'élargir sa juridiction au contrôle de la
production. Dans le premier paragraphe, on continue en disant: "Elle entend
faire en sorte que les quotas n'aient aucune valeur marchande. "
M. Richard (Jean): D'autres productions, qui tentent de
s'organiser de la même façon qu'on s'est organisé au cours
des vingt dernières années, voient et comprennent les
problèmes qu'aujourd'hui on a à subir. En général,
les nouveaux organismes qui sont mis en place, autant au Canada qu'à
l'étranger, ne prévoient en partant aucune valeur aux quotas.
Ici, c'était cité en exemple de la même façon que
les trois provinces des Prairies, la Saskatchewan, le Manitoba et l'Alberta;
elles, au départ, n'ont pas donné de valeur aux quotas.
C'était un exemple parmi d'autres.
M. Paré: Pour qu'on en tienne compte.
M. Richard (Jean): Pour que vous en teniez compte.
Le Président (M. Vallières): M. Bernard, en
conclusion.
M. Bernard: On veut vous remercier pour cette occasion que nous
avons eue de vous rencontrer. On sait que vous avez bien des chevaux à
fouetter; alors, que vous nous passiez un peu de temps, on l'apprécie.
Ce sera très court, on va vous laisser une copie de cela.
L'Association des producteurs exploitants du Québec a
présenté un mémoire à votre commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui fait une
consultation générale sur la relève, le financement et
l'endettement agricoles. Nous serons probablement les seuls à vous dire
que la valeur artificielle spéculative des quotas est un cancer, et
même le cancer le plus dangereux qui ronge présentement la ferme
familiale rentable. Ceci élimine presque automatiquement la
relève agricole.
À notre avis, il est faux et erroné de chercher et de
proposer des moyens pour favoriser un plus grand endettement. Cette approche
plus facile d'accès, a priori, est un noeud coulant plus réel qui
se referme sur l'exploitant agricole à chaque nouvelle crise. Nos
grands-pères étaient d'avis que le vieux bon sens disait qu'avant
de chercher à t'endetter plus, tu devrais peut-être chercher
à couper tes dépenses.
L'UPA, à notre avis, cache le problème des prix des quotas
et maquille ses présentations en l'escamotant tout simplement. Il faut
dire que c'est un sujet tabou que l'on ne discute pas en public. Les excuses
sont nombreuses dans la bouche de ceux-là mêmes qui envisagent de
faire fortune à leur retraite sur le dos de la relève ou du
voisin. Les dirigeants de la fédération
spécialisée, même la nôtre... On peut citer le cas de
notre ancien président fondateur qui a vendu ses quotas à des
commerces agro-alimentaires, non à ses voisins qui, eux, payaient et
continuent encore à payer le plan conjoint à 2 $ par poule par
année.
Ce faisant, il a favorisé l'intégration et
additionné une gangrène de plus qui s'appelle la location des
quotas. Les dirigeants anciens
et nouveaux, à notre avis, ont trahi les producteurs en
permettant à l'agro-alimentaire de contourner les règlements et
les ont même ajustés sans consulter la base, c'est-à-dire
les producteurs, afin de tolérer en silence le développement de
l'intégration privant ainsi le vrai producteur exploitant et sa famille
de son gagne-pain. Pour nous, dans les productions sans sol, il s'agit des
quotas.
Les gouvernements provinciaux successifs que voua représentez et
pour la gouverne desquels vous tenez cette commission parlementaire ont, en
signant l'entente nationale - parce que c'est vraiment le gouvernement du
Québec qui l'a signée - pris un engagement ferme de
protéger le producteur exploitant familial. En tolérant la
situation actuelle de la valeur "monétaire" des quotas de
surenchère en surenchère, la location de quotas par des
non-exploitants, nous croyons qu'il manque grandement à ses
engagements.
Nous espérons que vous recevrez favorablement notre
mémoire et que par la suite vous prendrez les mesures nécessaires
pour rectifier cette situation dans le plus court délai possible.
Nous sommes convaincus qu'il s'agira là d'un pas positif
important dans le but d'améliorer la situation financière des
producteurs exploitants présents et futurs, pour ne pas dire un pas
essentiel pour assurer la survie de la ferme familiale rentable au
Québec.
On a un post-scriptum dans le bas de notre page qui est un peu malin,
mais nous disons simplement ceci: Nous désirons attirer votre attention,
messieurs les commissaires, sur le fait que la Fédération des
producteurs d'oeufs de consommation du Québec a ignoré votre
commission.
Le Président (M. Vallières): Merci.
Là-dessus...
M. Richard (Jean): Est-ce que je peux avoir quinze secondes?
Le Président (M. Vallières): Vraiment quinze
secondes?
M. Richard (Jean): Ce sera huit secondes. Les quatre chevaux de
bataille des fédérations au début c'était
d'éviter l'intégration, favoriser la ferme rentable, favoriser la
ferme familiale et favoriser la relève agricole. C'est pour les
mêmes quatre grands principes qu'aujourd'hui on veut se battre, mais nos
prédécesseurs les ont oubliés sauf un: la ferme
rentable.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie
beaucoup de votre contribution à nos travaux. Je demanderais maintenant
à l'autre groupe, soit le Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie,
de bien vouloir s'approcher.
À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux
représentants du Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie de bien
vouloir s'identifier.
Syndicat des producteurs de porcs de l'Esrie
M. Girard (Adrien): Mon nom est Adrien Girard,
vice-président du Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie;
à ma gauche, Victor Blais, membre du Comité des producteurs
finisseurs de l'Estrie.
Le Président (M. Vallières): Vous pouvez
procéder à la lecture de votre mémoire en vous rappelant,
une fois de plus, que moins l'exposé est long plus les parlementaires
ont la chance de vous poser des questions.
M. Girard: On a combien de temps au total, M. le
Président?
Le Président (M. Vallières): Vous disposez d'une
heure au total et, dans la mesure du possible, vous limitez à une
quinzaine de minutes votre présentation.
M. Girard: Merci, M. le Président. À la suite des
quelques pages qu'on va vous lire, on les explicitera pendant trois ou quatre
minutes et ce sera fait par mon collègue.
Mémoire sur les politiques de financement des fermes porcines
pour la commission parlementaire. Ce mémoire représente l'opinion
du Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie sur les principales causes des
difficultés financières des producteurs de porcs de la
région. La spécialisation dans la production porcine a
débuté vers 1975 pour se terminer au début de 1981 avec un
surplus de production de 33% par rapport à la consommation provinciale.
(12 h 45)
Durant toutes ces années, l'OCA -l'Office du crédit
agricole - a investi beaucoup d'argent et d'espoir dans la production porcine
en aidant à financer plusieurs centaines d'entreprises mais, pour un
service financier gouvernemental, on n'a pas à être fiers, pas
nécessairement pour avoir trop prêté, mais pour avoir mal
prêté, mal orienté la production porcine, donc, finalement,
avoir mal conseillé les producteurs. Je m'explique.
Durant l'année 1972, la production porcine appartenait uniquement
au producteur, c'est-à-dire à la ferme familiale. À la
suite de pressions, vers 1976, par les fabricants vendeurs de moulée,
l'office, dans le souci de maintenir une compétition envers la
Société du crédit agricole fédérale, a
ouvert les prêts à l'intégration sous des formes
déguisées. On croyait que les
intégrateurs apporteraient la stabilité aux producteurs de
porcs. Au contraire, ces intervenants ont pris le meilleur et laissé
choir les producteurs. Si l'on avait consulté les producteurs, on aurait
établi un producteur naisseur-finisseur avec un peu de terrain pour
répandre les surplus, soit le fumier. Avec ce modèle de ferme, la
mise en marché serait déjà organisée et les
producteurs seraient dans une meilleure situation financière.
Il fut un temps, entre 1975 et 1961, où, si on voulait devenir
agriculteur, l'OCA nous orientait, nous conseillait fortement d'aller vers la
production porcine, même, nous recommandait souvent d'avoir un contrat
d'intégration pour avoir un prêt agricole. Les conseils des
officiers de l'OCA nous spécialisaient comme producteurs naisseurs ou
finisseurs, ce qui, selon nous, rendait les producteurs beaucoup plus
vulnérables face aux baisses de prix cycliques du porc, favorisait
l'introduction de spéculateurs entre les producteurs naisseurs et
finisseurs, installait l'intégration et allait à l'encontre de la
philosophie que nos gouvernements québécois ont toujours
favorisée, c'est-à-dire la ferme familiale.
L'expérience dans la production n'était pas un
critère de première importance, parce que beaucoup de producteurs
qui ne sont plus là n'avaient pas d'expérience, même
malgré leur désir de réussir. Lorsqu'on construit une
maternité, règle générale, les premières
années sont mauvaises car les maladies se chargent de baisser nos
rendements à des niveaux inférieurs à 17 porcelets, comme
le demande l'ASRA dans son programme. Cela nous prouve aujourd'hui que de
très bons producteurs qui ont construit en 1978, tout en étant
assurés, ont maintenant fait faillite ou abandonné.
Donc, serait-ce une mauvaise gestion de la part des officers de l'OCA
dans la planification des prêts aux producteurs? Il faut se mettre
à la place du producteur qui a travaillé d'une noirceur à
l'autre pour rejoindre les deux bouts et qui, après quelques
années, a atteint de bons standards de productivité et se voit
acculé à la faillite et devient dépressif,
découragé. Bien sûr, il ne faut pas se cacher qu'un
pourcentage minime a peut-être couru après, comme certains se
plaisent à le dire, mais il ne faut pas oublier que l'étude
approfondie et récente de la Société du crédit
agricole fédérale tirait cette conclusion: Ce sont les
producteurs les plus endettés et mal pris qui sont les plus
productifs.
Selon nous, ce qui a été très malheureux dans bien
des cas fut le manque d'encouragement de la part des officiers de l'OCA qui
visitent les producteurs et s'appliquent plus à compter leur
capacité de remboursement et leur équité plutôt que
de les aider à se donner des moyens pour se tirer d'affaire, soit par
des spécialistes en production, en gestion ou autre. Les producteurs
avaient probablement la bonne façon d'administrer et d'investir en 1976,
mais il ne faut pas oublier que l'on n'est plus dans le même contexte en
1985.
Les années ont permis de se rendre compte qu'il faut sans cesse
changer de façon d'administrer et d'investir, pour nous les producteurs.
On a beau nous demander de changer de comptabilité, de produire de plus
en plus, de baisser l'inventaire, d'être électricien, plombier,
ouvrier, très bon gestionnaire, etc., tout ceci pour travailler plus
d'heures et faire moins d'argent et même, parfois, se sentir très
mal à l'aise vis-à-vis de nos prêteurs...
En 1980-1981, le MAPAQ essayait, par des crédits spéciaux,
d'aider les producteurs en difficulté financière, ce qui avait
été demandé, à l'époque, par la
Fédération des producteurs de porcs du Québec, mais en
vain. Après quelques années, on s'aperçoit que, pour
rembourser des crédits spéciaux, il faut absolument faire plus
d'argent, et cela n'a pas été le cas pour les producteurs de
porcs dont ce fut la vraie dégringolade, en 1982-1983, pour plusieurs
qui n'arrivaient pas à rembourser leurs dus. Ce fut encore pire en 1984
parce qu'on vous oblige à faire des remboursements, sinon vous avez
droit à la guillotine. C'est toujours du "cas-par-cas". Bien sûr,
si vous ne payez pas, on le prend sur la marge de crédit ou ce qu'on
appelle le crédit à la production. Il ne reste plus d'argent pour
payer la moulée à la fin du mois. On perd notre escompte sur la
moulée. On nous oblige à des dépenses
supplémentaires, soit assurance-vie, assurance contre le feu, garantie
sur ceci, garantie sur cela, etc. Et c'est le début de la fin.
Nous ne pouvons directement blâmer le gouvernement d'avoir
encouragé la production porcine au Québec, mais nous le
blâmons parce qu'il ne l'a pas appuyée adéquatement dans
une baisse de prix sans précédent. Au printemps 1984, le Syndicat
des producteurs de porcs de l'Estrie donnait une conférence de presse
pour se rendre compte que, sur quinze faillites ou abandons, l'OCA et la
société perdaient en moyenne 200 000 $ par entreprise. En perdant
des sommes aussi considérables, il y avait lieu de la part de notre
gouvernement et du ministère d'injecter une somme minime par rapport aux
coûts que doivent assumer les contribuables québécois pour
ces faillites ou abandons. Serait-ce une mauvaise administration?
Au début des années difficiles dans le porc, la
Fédération des producteurs de porcs du Québec
présentait au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation et à l'OCA un document qui s'intitulait "Plan de
conversion de la production porcine". La philosophie de ce document permettait
au producteur qui était
seulement naisseur ou finisseur et intégré de devenir
naisseur-finisseur afin de lui permettre de devenir plus autonome et moins
vulnérable dans la baisse des prix. Ce document, prôné par
la fédération, semblait plaire énormément au
ministre et à l'OCA du Québec. Même si cela entrait
parfaitement dans la politique agricole du MAPAQ, jamais rien de concret n'a
été mis en pratique par l'OCA. Pourquoi?
Un autre point important à souligner est la baisse
d'évaluation des fermes porcines par l'OCA. On ne trouve pas normal que
les fermes porcines, dans une période de trois ans, aient
été dévaluées d'environ 30%. Donc, le producteur en
période critique perd de l'argent, rembourse un crédit
spécial ainsi que les paiements normaux de l'OCA du Québec, plus
le crédit à la production qui grimpe sans cesse, et, quand il se
voit mal pris financièrement, le gars va à l'Office du
crédit agricole pour refinancer son entreprise, mais là, c'est la
surprise, parce qu'on lui apprend que sa dette dépasse la valeur de sa
ferme et qu'il perd son remboursement d'intérêt. Le gouvernement
profite de la situation pour faire des économies sur le dos de nos
producteurs. Le capital que le producteur croyait posséder est
entièrement anéanti par les fameux 30% de dévaluation dans
une période de trois ans. Devant une telle situation, plusieurs de nos
producteurs se sont découragés.
L'assurance-stabilisation. Que de discussions infertiles la
fédération a eues avec cette équipe dirigée par M.
Brulotte. Durant toutes ces années, plusieurs changements ont
été faits sans l'accord des producteurs, sans l'approbation des
fédérations. On a l'impression qu'il y a un budget à
respecter au MAPAQ et que, l'année où une production est
financièrement en difficulté grave, on est un peu plus
généreux mais, si les prévisions pour la prochaine
année sont bonnes, on coupe dans le coût de production au maximum.
Lors du changement pour le comptage des truies, par exemple, certains
producteurs, se sentant brimés, ont manifesté leur
désaccord par un geste symbolique de contestation. Mais, comme il
était de bonne guerre dans ces années, les producteurs ont
été traduits devant la justice de façon abusive pour semer
ainsi la terreur et la division parmi les producteurs et, par ce fait
même, faire un cas type de soumission qui, pensait-on, servirait
d'exemple pour d'autres producteurs non satisfaits de ces nouvelles politiques
de l'ASRA. Mentionnons que cet organisme a fait des pressions chez les
enquêteurs de la Sûreté du Québec pour tenter de
faire traduire tous ces producteurs devant les tribunaux pour enlèvement
et séquestration. Nous croyons que ce n'est pas le rôle des
employés de la Régie des assurances agricoles du Québec et
des régisseurs de faire de telles confrontations avec les producteurs,
mais plutôt d'assurer un minimum vital tout en étant
équitables envers tous les producteurs.
Concernant l'assurance-stabilisation pour finisseurs, la Régie
des assurances agricoles recueille 80% des coûts de production et ces
mêmes coûts nous semblent biaisés au désavantage des
producteurs car, à notre connaissance, dans la méthode de calcul
utilisée, des coûts importants sont oubliés. Par exemple,
il n'y a pas de tracteur pour faire fonctionner la génératrice.
Il n'y a pas de ligne électrique qui va à la porcherie, pas de
chemin non plus pour s'y rendre.
Chose étonnante, les employés de l'ASRA excluent des
producteurs qui font la location de porcheries d'engraissement pour finir leurs
porcelets ou pour d'autres raisons. Ces producteurs sont des naisseurs à
qui l'Office du crédit agricole a refusé un prêt pour se
construire une porcherie d'engraissement. Ces mêmes producteurs louent
des facilités disponibles ou bien sont des producteurs qui ont une
bâtisse qu'ils ont louée du gouvernement du Québec dans le
cadre d'un réaménagement foncier.
Vous voyez dans quel dilemme ces producteurs se trouvent. L'ASRA
assuserait, s'il y avait un contrat emphytéotique de plus de neuf ans,
mais l'OCA refuse aux propriétaires le droit de donner ce genre de
contrat et l'Office du crédit agricole refuse des crédits
à la production car le producteur n'est pas assuré. Tout le monde
se lance la balle. Sont aussi exclus les producteurs finisseurs
intégrés qui partent à leur compte tant et aussi longtemps
qu'il leur reste un porc intégré dans la bâtisse. Par le
fait même, ceci empêche, dans bien des cas, des producteurs de
devenir autonomes.
Nous savons qu'un producteur qui était dans cette situation a
réussi à se faire assurer parce qu'il s'est fait défendre
pas un avocat du bureau de Paradis et Paradis. Beaucoup de pressions ont
dû être faites pour qu'il réussisse, mais combien d'autres
producteurs ont été pénalisés ou
oubliés?
Pour vous montrer comment les fonctionnaires peuvent avoir une attitude
abusive dans notre région, plusieurs producteurs sont aux prises avec ce
problème de location de bâtisse mais, pour l'un d'entre eux qui
n'avait pas fait de demande, un fonctionnaire l'a informé qu'il pouvait
s'assurer en lui disant: Faudrait que ça reste entre nous.
Vous, les législateurs, vous avez voulu exclure du programme
l'intégration, et non ces producteurs autonomes et vous l'avez
exprimé à l'article no 2, paragraphes C, D et 4.
Nous ne pouvons nous expliquer comment c'est si important, aux dires de
vos fonctionnaires, que les producteurs de porcs d'engraissement soient
propriétaires de leur
bâtisse quand, dans te cas des autres programmes, ce n'est pas
nécessaire d'être propriétaire de tous les actifs fonciers.
Exemple: celui qui est naisseur peut louer et cela ne dérange pas, celui
qui est dans la vache-veau c'est la même chose, celui qui est dans les
bouvillons, c'est la même affaire, dans les céréales, le
mouton, c'est la même chose. Sauf que dans le porc à
l'engraissement...
Nous pensons que c'est illogique que les producteurs soient
obligés de recourir à des moyens juridiques.
L'environnement est un autre dossier important dont plusieurs
producteurs n'ont pu supporter l'investissement parce que les politiques
gouvernementales sur ce sujet reposent sur l'inexpérience ou la mauvaise
volonté de ceux-là mêmes qui les ont pondues. Un travail
énorme a été effectué par les producteurs pour des
règlements maintes fois changés, sans compter l'argent investi
pour satisfaire à tous ces règlements d'exigence environnementale
agricole parfois illogiques. L'agriculture a été un chef de file
en matière de dépollution des eaux, laissant les vrais pollueurs
loin derrière. Voici la principale question qu'il faut se poser
aujourd'hui: Combien de producteurs ont payé très cher ces
investissements de fosses en ciment par des faillites ou abandons de la
production? Bien sûr que le résultat économique provincial,
en taxes, se portait bien, même très bien, tandis que plusieurs
producteurs étaient en faillite ayant trop dépensé pour
ces monuments qui sont la risée des voisins, aujourd'hui, parce qu'eux,
l'Environnement et le MAPAQ leur permettent de construire des fosses en terre.
C'est révoltant. Un aspect qui a toujours été
négligé dans ce domaine fut la recherche et nous croyons que
c'était une obligation du MAPAQ pour protéger les producteurs et
leurs prêts agricoles. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait?
En conclusion, faut-il croire, ou peut-être en pleurer, que le
gouvernement, par le biais du MAPAQ, orienté par le ministre Garon, a
spéculé tant sur le capital investi durement gagné des
producteurs que sur les personnes elles-mêmes, leur famille, leur ardeur
au travail, sans compter les efforts que ces gens avaient mis avec confiance
dans la production porcine sur laquelle ils misaient tout leur avenir social,
familial pour en faire une entreprise viable selon les dires mêmes de
l'OCA qui prêtait à 90% de la valeur à ce moment-là?
Mais ensuite, par des changements de toutes sortes, sans analyse des
conséquences, on a jeté pardessus bord et dans le chemin
ceux-là mêmes qui avaient cru en sa politique, sans compter les
années d'effort de ces familles et leur avoir financier, cela sans
remords, en leur disant qu'ils étaient mauvais gestionnaires, non
productifs, sans trop regarder l'insuffisance constante des revenus qui
n'étaient tout simplement pas de leur faute, mais on les poursuit quand
même après leur abandon pour tenter de les maintenir, ainsi que
leur famille, à tout jamais sur le BES. (13 heures)
Par ces gestes pauvres d'esprit et sans réflexion, des
fonctionnaires impliqués ont jeté dans la face noble et
travaillante du producteur un sentiment de dédain face au gouvernement
qui a manqué d'écoute attentive et qui a appliqué
abusivement ses pouvoirs.
Nous sommes convaincus que cette commission peut faire des
recommandations et des recherches nécessaires pour que le gouvernement
respecte son devoir de bon père de famille et de bon gestionnaire des
fonds publics et ainsi retourne à nos producteurs la fierté et
l'espoir en corrigeant les erreurs et les abus de l'ASRA, en mettant les fonds
disponibles auprès de l'OCA pour annuler les crédits
spéciaux ou autres pour ainsi ramener l'endettement des producteurs les
plus touchés à des niveaux acceptables consolidés selon la
valeur de remplacement. Une dépréciation raisonnable peut
être mise de l'avant dans un tout de consolidation et on peut
arrêter de refuser des prêts sans raison valable et mettre en place
les mécanismes pour blanchir à tout jamais ces producteurs qui
ont tout perdu, leur capital, leurs ambitions, leur honneur et parfois
même leur famille. Le Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie.
Le Président (M. Vallières): Vous m'aviez
expliqué que M. Blais...
M. Girard:... aurait une note explicative.
Le Président (M. Vallières):... avait une note
explicative,
M. Blais (Victor): Est-ce qu'on pourrait déposer devant
cette commission les documents en annexe?
Le Président (M. Vallières): II faudrait d'abord me
les présenter pour que j'en connaisse la nature.
M. Blais (Victor): D'accord. Vous voulez dire au micro?
Le Président (M. Vallières): Non. Quelqu'un va
passer les chercher. Vous pouvez toujours passer aux notes de conclusion dont
vous parliez pendant que je prends connaissance de...
M. Blais (Victor): II faudrait presque que vous acceptiez le
document avant. A moins que vous me permettiez de commencer à en
parler.
M. Picotte: On pourrait au moins suspendre le temps pour nous
permettre de poser des questions aussi, n'est-ce pas?
Une voix: Oui. D'accord.
Le Président (M. Vallières): Le temps ne sera pas
retenu.
M. Picotte: Merci. C'est important pour ceux qui comptent en
arrière de moi. Je les ai toujours en arrière, d'ailleurs.
Le Président (M. Vallières): Je voudrais m'assurer
auprès de vous que les noms des individus qui apparaissent sur ces
documents, que toutes ces personnes sont consentantes à ce que leur nom
devienne, d'une façon très large, public. Il y a des noms
d'individus qui sont mentionnés dans ces dossiers. Il faudrait s'assurer
que ces gens sont en accord avec...
M. Blais (Victor): Vous faites allusion au dossier
présenté au Protecteur du citoyen?
Le Président (M. Vallières): Oui, c'est cela.
M. Blais (Victor): Disons que je ne peux vous donner la garantie
qu'ils ont accepté que leur nom soit cité ici aujourd'hui, mais,
quand on a présenté cela devant le Protecteur du citoyen, ils
étaient d'accord, puis ils l'ont présenté de façon
publique au Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie. Il pourrait
être détaché pour les fins du public et rester à
l'intérieur des membres de la commission parlementaire. On ne voit aucun
inconvénient.
Le Président (M. Vallières): Vous pouvez
également, de votre propre chef, le redistribuer pour information aux
gens sans qu'il soit considéré comme étant
déposé en commission comme tel.
M. Blais (Victor): D'accord. M. Lanoue va distribuer cela.
Le Président (M. Vallières): À ce moment
cela devient votre responsabilité et non pas celle de la commission.
M. Blais (Victor): D'accord, je vais commencer mon exposé.
Avant de commencer j'aimerais mettre la commission parlementaire bien au
courant et en garde que sur la question du comptage des truies et de l'ASRA on
n'a aucune intention de s'en prendre personnellement à M. Brulotte et
toute sa compagnie. Ce n'est pas une attaque personnelle contre lui. Notre but
c'est d'avoir justice dans ce dossier.
Dans le programme d'assurance-stabilisation, le MAPAQ a
déterminé qu'un pourcentage de 33 1/3 de remplacement faisait
partie ' du coût de production. Ce pourcentage est impossible pour les
producteurs qui ont un rendement de 17 porcelets par truie en inventaire. C'est
impossible, un rendement de 18, 68 par truie productive...
M. Rancourt: M. le Président, j'aimerais savoir si la
distribution aux journalistes et la distribution à d'autres personnes
que les parlementaires de cette commission, d'après ce que vous avez
dit, était dans les normes? Cette distribution, avec des noms inscrits,
a été faite par M. Lanoue à des journalistes et à
d'autres personnes que les membres de la commission. Est-ce que c'est cela que
vous avez dit tantôt?
Le Président (M. Vallières): Je pense bien que M.
Lanoue a la responsabilité des documents qu'il distribue. Il faut
très clairement établir que ce n'est pas la commission qui
distribue ces documents.
M. Rancourt: D'accord, je voulais le faire expliciter. Merci.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
M. Blais (Victor): Je recommence. Ce rendement n'est pas un
rendement qui est effectif pour des remplacements, avec les rendements
exigés. Présentement, au PATPQ, programme d'amélioration
des troupeaux porcins du Québec du MAPAQ, les producteurs remplacent 50%
des truies productives. Moi-même, j'ai présenté à la
Régie des assurances agricoles, pour la fédération des
producteurs, un dossier puisé des recommandations du MAPAQ où
vous verriez le ridicule du pourcentage de l'ASRA. Même à ce
moment-là, je tiens à avertir la commission que Mme Bourque, qui
est régisseur, était présente. Je l'ai mise en garde et je
lui ai dit que ce n'était pas son pourcentage à elle. Je le lui
ai mentionné. Le pire n'est pas que ce soit un pourcentage de 33 1/3
mais, à l'automne 1981, on a changé la méthode de compter
les truies. Avant, la Régie des assurances agricoles comptait toutes nos
truies dans la maternité, et voilà que l'on compte les truies
ayant mis bas une fois et qu'on y ajoute un pourcentage de 1, 1236. Alors, on
ne compte plus les truies qui attendent leur première gestation ainsi
que les jeunes truies saillies gestantes. Pour le producteur qui remplace selon
le modèle, on exclut les jeunes truies qui attendent leur
première gestation. Cela peut paraître assez technique, mais en
tout cas... Le pire, c'est que celui qui remplace selon les recommandations du
MAPAQ, de tous les spécialistes compétents et de la moyenne du
programme d'amélioration des troupeaux porcins du Québec, se voit
enlever
une partie des truies gestantes et productives, ainsi que les jeunes
truies prêtes pour leur première gestation. Si un producteur a des
difficultés qui l'obligent à augmenter sa sélection, il se
voit en partie désassuré. Pour quelles raisons? Car il continue
de produire au même rythme avec des jeunes truies plutôt que des
vieilles truies,
Pour produire selon le modèle démographique de l'ASRA,
vous vous retrouvez avec des truies de vingt portées ou tout
près. Alors, on a fait une petite manifestation - c'est écrit
dans notre texte -et le tout a continué par le salissage que M. Brulotte
- et ses compagnons - a effectué. Il ne nous a jamais
démontré la pertinence du changement mais, plutôt, il nous
a salis. Dans les annexes, vous allez en avoir des copies. Quand je dis nous
salir, cela comprend le Syndicat des producteurs de porcs de l'Estrie ainsi que
des personnes visées, dont moi. M. Brulotte et compagnie ne pourront
jamais trouver un spécialiste compétent qui appuiera leurs dires
sur l'âge démographique d'un troupeau modèle de cette
dimension. Vous entendez, aucun spécialiste compétent. Si cela
vous intéresse, je peux vous donner le comptage de truies que
l'employé de l'ASRA est venu faire hier.
Pourquoi nuire à des producteurs qui produisent normalement?
Pourquoi brimer les libertés individuelles? C'est notre choix, si on
décide de sélectionner les truies plus vite que d'autres. Le
gouvernement fédéral ne met pas un susbside sur la production du
lait en fonction du nombre de vaches; il met cela en fonction de la production.
Pourquoi brimer le producteur qui se retrouve avec un troupeau vieilli ou qui a
besoin d'une sélection plus intense? Pourquoi décourager les
producteurs? Pourquoi tant d'entêtement? Le but de l'assurance est
d'assurer le producteur dans les baisses pour devenir plus
équitable.
Vous avez pris connaissance des annexes. La première annexe, ce
sont les réflexions d'un producteur impliqué qui s'est fait
refuser un prêt, pense-t-il, sans raisons majeures, prêt qu'il
considère conforme aux normes de la loi. M. Rancourt a
déjà étudié ce dossier; il pourra dire à la
commission -j'espère qu'il va le dire - s'il a trouvé des points
d'après lesquels l'Office du crédit agricole pouvait refuser son
prêt. Ce producteur, je tiens à le noter, se met au blanc quand il
fait cela parce qu'il peut y avoir des récidives et son dossier n'est
pas encore refusé, on ne donne pas de réponse.
La lettre suivante du 19 novembre, c'est Mme Jarnuszkiewicsz, de la
Fédération des producteurs de porcs...
Une voix: Agnès.
M. Blais (Victor): Agnès, qui dit à M.
Brulotte, de I'ASRA, qu'ils ne sont pas d'accord avec le comptage des
truies et ils donnent des moyens pour essayer de s'entendre.
L'autre lettre, c'est M. Brulotte qui répond pour expliquer ses
points de vue. Il spécifie, à la page 5 du document: "Je
souhaiterais également que vous fassiez la part des choses entre les
intérêts de quelques individus qui ont posé des gestes
disgracieux à notre endroit et l'intérêt
général des producteurs de porcs du Québec". Il faisait
allusion à notre petite manifestation. Par la suite, ce qui suit, c'est
Me Yvon Daigle qui envoie un avis à la Régie des assurances
agricoles lui demandant de corriger la méthode de calcul. Me Daigle, au
premier paragraphe, en parlant des employés de l'ASRA, dit: "Ces
derniers ont pris sur eux-mêmes d'établir une politique
administrative que ni la loi, ni les règlements ne les autorisent
à adopter lors de cette opération", À la page 2: "En
effet, malgré le paragraphe o de l'article 1 du règlement
d'application du régime précité, on stipule "truie":
femelle d'espèce porcine qui est prête pour sa première
gestation". À ce moment, on s'est adressé au Protecteur du
citoyen. Avant de s'adresser au Protecteur du citoyen officiellement, on lui a
téléphoné et il nous a dit: Mon rôle - vous me
corrigerez si on m'a mal informé - c'est: Si un fonctionnaire n'applique
pas ta loi, tu es lésé, alors on le force, on se charge de faire
appliquer la justice.
Voici sa réponse: "Quand on disait qu'un producteur se sentait
lésé, ce n'est pas la moyenne des producteurs ou la moyenne des
individus, c'était un producteur". Il répond à la lettre
du 7 juin 1982, au cinquième paragraphe: "Considérant que ce
facteur de correction a pour effet de redresser l'inventaire comme si l'on
comptait le nombre des truies total assurables, je suis d'avis que les
producteurs affectés par cette modification ne subissent aucun
préjudice globalement". Globalement, le gars qui en a plus que moi parce
qu'une méthode le favorise, il ne vient pas faire les paiements chez
nous. Ce n'est pas ce qu'il nous avait dit la première fois;
c'était si j'étais lésé ou si un autre était
lésé. Par la suite: "Je vous informe qu'actuellement un projet de
règlement est à l'étude à ce sujet". Jamais il n'y
a eu de corrections ou changements car jamais vous, les députés,
les législateurs, auriez accepté de dire qu'une truie ce n'est
pas une truie.
Vous allez trouver a l'autre dossier un avis juridique - j'espère
que c'est le bon mot - demandé par la Fédération des
producteurs de porcs qui explique la question qui était posée
concernant le comptage des truies et concernant les... À la page 4 - je
ne lirai pas tout cela parce que cela ne finira pas -au quatrième
paragraphe, cela se lit comme
suit: "En résumé, nous croyons que la régie fait
erreur en exigeant des producteurs des titres de propriété sur
des biens fonciers". Ceci c'est concernant le comptage des porcs à
l'engrais. Ils finissent à ta dernière page, l'avant-dernier
paragraphe: "Nous croyons donc que la régie excède
carrément ses juridictions en agissant de la façon dont elle le
fait et c'est à bon droit que votre fédération, pour le
compte des producteurs, devrait contester cette interprétation
donnée par la régie". (13 h 15)
Dans notre document on a parlé d'un producteur qui s'était
fait remettre le papier en disant: II faudrait que cela reste entre nous. On
vous donne une copie du bail emphytéotique qu'il avait
présenté. Ici je vais vous donner ce qu'ils ont compté
chez moi hier - cela pourrait être n'importe qui, mais c'est mon cas - la
Régie des assurances agricoles a compté hier 124 truies qui
avaient mis bas une fois. Ils ont rajouté le pourcentage de 1, 1236, ce
qui me donne 139, 3 truies assurées. La réalité - il l'a
écrit sur cela; ce n'est pas moi qui vous le donne, c'est
l'employé de l'ASRA qui l'a écrit - j'ai 169 truies saillies
productives - il n'a pas écrit cela, mais il a décompté
les truies - il y a 18 jeunes truies qui sont non saillies, il y en a 8 que je
considère prêtes pour leur première gestation et qui
répondent à la loi; j'en ai 10 que je ne considère pas
prêtes. Combien même vous les enlèveriez, les 8, les 18, je
m'en fous comme de l'an quarante, pour le besoin de la commission, mais la loi
dit: Toute truie d'espèce porcine prête pour sa première
gestation. En bas, il a rajouté -il avait compté 124 truies comme
je vous l'ai dit auparavant - 63 jeunes truies non incluses dans le total, dont
18 sont non saillies. 63 plus 124, cela fait 187, j'en exclus 10 que je
considère qui ne sont pas prêtes. Donc, j'ai 177 truies qui sont
admissibles à l'assurance-stabilisation et il y en 139, 3
assurées. C'était pas mal tout pour le... On a tenu à
rajouter quelque chose sur le comptage des truies parce que cela n'était
pas assez clair dans notre document.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. Je vais aller par
ordre de présentation du mémoire. J'ai pris quelques notes et je
vais poser des questions. Entre autres, on parle aux pages 2 et 3 de faillites
et on dit qu'au printemps 1984 on parlait de quinze faillites en Estrie.
J'aimerais que vous nous disiez justement - vous êtes bien placé
pour faire des recommandations étant donné que vous êtes du
milieu - quelles mesures efficaces on aurait dû prendre, à votre
avis, pour éviter ces quinze faillites.
M. Blais (Victor): Ce sont les mesures qu'on vous a
proposées dans le temps. Comme on le dit à la fin dans les
conclusions, il y a des consolidations qui s'imposaient et qui s'imposent
encore. Les producteurs qui ont bénéficié d'un
crédit spécial ont eu un rabais d'intérêt, mais il
ne faut pas oublier que ce sont des pertes qu'ils ont eues, qu'ils n'ont pas
été capables de supporter. On leur a fait un crédit
spécial. Il ne faut pas blâmer le gouvernement d'avoir fait un
crédit spécial, on l'a fait le crédit spécial;
mais, à l'époque, on pensait que le prix de la production se
replacerait au niveau du gouvernement. En pratique ce n'est pas cela qui s'est
produit.
Juste pour vous donner des chiffres, j'ai la revue, si vous voulez
l'avoir. On dit souvent que nos producteurs ne sont pas productifs et un paquet
d'affaires, mais cela est dit par les fonctionnaires du gouvernement, qui sont
considérés comme les moins actifs, les moins productifs
comparés aux autres fonctionnaires canadiens. On dit dans le "Pig
American" de février 1985 -cela représente 50 États -
à la page 20: Les marges nettes de profit de 1975 à 1979; ils
font une moyenne de 20, 80 $ US par porc. De 1980 à 1984, ils font 0, 60
$ de marge de profit net par porc. Sans compter qu'on ne paie pas notre grain
et notre soya le même prix. C'est beaucoup plus cher, il faut le
transporter. Les solutions que nous avons apportées dans ce temps
c'étaient de faire des plans de conversion pour que les producteurs
soient plus autonomes et d'annuler le crédit spécial; et cela
était un bon "bargain" pour le gouvernement, c'était une
économie. Ces producteurs étaient à peu près tous
très productifs, c'est un acquis pour la société que
d'avoir des producteurs productifs. Ils avaient des problèmes d'argent
mais ce n'était pas des problèmes de production
nécessairement. Ce sont des producteurs qui avaient acquis de
l'expérience, ils auraient dû être protégés.
Cela demandait des refinancements et des injections directes comme cela s'est
fait dans d'autres productions, entre autres: le vison, le boeuf, dans
l'Abitibi, et le mouton, comme cela se fait dans l'industrie aussi.
M. Paré: Si je comprends bien, cela aurait
été, pas un programme général, un programme ad hoc
pour des producteurs spéciaux.
M. Blais (Victor): D'accord, oui. Il ne faut pas oublier que ces
producteurs, ils ont payé l'inflation. Ils ne l'ont pas eue, ils l'ont
payée.
M. Paré: D'accord, juste un instant. À la page 4 -
il en a été question après la présentation du
mémoire lorsqu'on l'a lu, mais je tiens à y revenir - on dit: Un
autre
point important à souligner c'est la baisse d'évaluation
des fermes porcines par l'office, et on trouve anormal qu'on dévalue...
C'est quoi les raisons que l'office vous donne pour vous dévaluer de 30%
quand vous le rencontrez? Expliquez-moi cela pour que je comprenne comme il
faut. C'est quoi les vraies raisons, en tout cas les raisons qu'il vous donne
et comment vous les jugez?
M. Blais (Victor): L'évaluation, cela a une valeur pour
quelqu'un qui veut vendre une propriété dans un temps
raisonnable. Avec la baisse des prix agricoles en général,
comparé au dollar de 1970, c'est vrai qu'il n'y a pas tellement
d'acheteurs pour les porcheries. En plus de cela, la Société du
crédit agricole et l'office se sont mis à donner des porcheries.
Cela ne redresse pas la valeur, non plus. Ils auraient pu tout simplement les
garder au pire aller et le marché aurait continué d'être
raisonnable. C'est un fait, il est vrai que tu ne peux pas vendre...
Par contre, il ne faut pas oublier que les exploitations qu'ils vendent
ce ne sont pas les exploitations qu'on a, parce que ce sont des exploitations
en faillite, et les nôtres ce sont des exploitations productives. Il
n'est pas tenu compte de cela du tout. Une porcherie, ou n'importe quoi, une
étable de production laitière, si elle produit, elle a plus de
valeur qu'une affaire qui n'a pas produit depuis deux ou trois ans. Celui qui
l'achète, il a du revenu le lendemain matin.
M. Paré: D'accord. Une dernière question pour vous,
pour laisser la chance aux autres. Toujours à la page 4, on dit: Durant
toutes ces années, plusieurs changements ont été faits
sans l'accord des producteurs, sans l'approbation des
fédérations. J'aimerais savoir, en plus du comptage des truies,
c'est quoi les autres changements qui auraient été faits sans
consultation ou sans approbation des fédérations?
M. Girard: À ce sujet-là, il y a le poids du
porcelet qui a aussi été changé. Ils sont partis d'un
poids et ils ont réduit, parce que cela coûtait trop cher à
l'ASRA. Ils ont joué aussi sur la quantité de moulée.
Cela, ils ne nous en ont pas parlé ni à la
fédération, ni à nous autres; ils ont dit que
c'était cela, que c'était final. Il y a des années
où c'était censé payer passablement; là, en
changeant les chiffres, cela paie un peu moins, cela coûte moins cher au
gouvernement mais cela ne maintient pas la ferme familiale.
M. Paré: Donc, c'est effectivement sans l'accord des
producteurs, sans l'approbation de la fédération et sans des
demandes non plus qui venaient du milieu.
M. Girard: Non, aucunement.
M. Paré: Moi, cela répond à ma question.
La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le
député. Je passe la parole maintenant au député de
Maskinongé.
M. Picotte: Merci, Mme la Présidente. Merci à ces
messieurs d'avoir présenté ce mémoire et d'avoir
donné pas mal d'explications, même si c'est un mémoire qui
n'a que six ou huit pages. En tout cas, avec l'autre que vous nous avez
présenté tantôt, il y a des questions pour un
après-midi là-dedans, mais quand même cela va nous
permettre de scruter davantage. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il y a
des problèmes de relations humaines, un peu, avec les différents
fonctionnaires de l'office ou de l'ASRA dans votre région. Ce seront des
choses, peut-être, sur lesquelles on pourra faire certaines
recommandations ou se pencher davantage en ce qui concerne les voeux de la
commission vers la fin de nos débats.
À la page 1, je vais m'empêcher de les paginer parce que
j'ai lu et relu votre ancien mémoire ou le premier mémoire qui a
été déposé. Les pages ne correspondent
peut-être pas nécessairement, mais vous allez vous retrouver
facilement dans les questions. Vous dites que vous ne reprochez pas
nécessairement aux différents intervenants, gouvernements ou
sociétés prêteuses, d'avoir trop prêté dans le
domaine du porc, mais vous dites que cela a été mal
prêté et mal orienté. J'aimerais avoir un petit peu plus de
précisions sur cette assertion.
M. Blais (Victor): C'est parce que vous n'avez pas le changement
qui a été fait. C'est beau faire de la production. Mettons, pour
le gouvernement, et le gouvernement précédent aussi, on a
toujours comme principe de conserver une ferme familiale. Si vous demandez
à un producteur de devenir producteur de porcelets et vendre ses
porcelets à une meunerie qui fait garder des porcs à contrat,
moi, je trouve que c'est mal prêté, parce que vous enlevez le
principe de la ferme familiale. Le producteur naisseur est en partie
contrôlé ou totalement contrôlé par
l'intégrateur et le producteur finisseur. Avec ça, pour des
conditions sanitaires, vous augmentez les coûts de production.
En plus de ça, on a beau salir les producteurs et dire que les
producteurs de porcs sont des cochons, qu'ils envoient leur purin dans le
ruisseau. On sait qu'il y en qui l'on fait. Mais, s'ils avaient eu du terrain,
c'est une mine d'or, le fumier de porc, pour engraisser ton terrain.
Alors, nous, on pense que c'est de la mauvaise planification. S'ils
avaient exigé... Ils
pouvaient l'exiger. Tu vas avoir une ferme modeste, tu vas te servir de
ton fumier et tu vas produire des céréales avec ou tu produiras
ce que tu voudras. Tu vendras ton foin. Je pense que ça aurait
été beaucoup plus écologique et on aurait beaucoup moins
de problèmes. Notre coût de production serait d'autant
réduit et ça serait des fermes capables d'être
gérées à la dimension d'un être humain.
M. Picotte: On s'est fait dire, à plusieurs reprises, dans
le passé, que l'office obligeait les producteurs à se munir de
contrats d'intégration pour obtenir du crédit. Moi, j'aimerais
savoir si ça s'est fait à quelques occasions ou si ça
s'est fait sur une grande échelle et si c'était une condition
sine qua non, parce qu'on se fait dire souvent, du point de vue politique, que
les contrats d'intégration ne sont pas souhaitables. Mais, par contre,
si on les exige du côté financement aussi, c'est quoi?Cela s'est fait occasionnellement ou ça s'est fait avec
insistance?
M. Blais (Victor): Tout ça, c'est sûr que ça
s'est fait sur une grande échelle. Dans bien des cas, c'était la
condition; c'était la seule condition exigée pour qu'on te
prête. Le phénomène a pris tellement d'ampleur qu'on a
déséquilibré la production du porc au Québec et, en
plus, on a presque anéanti la ferme familiale avec ça.
Aujourd'hui, on a des problèmes quant à la mise en marché,
parce que ces gens n'ont pas les mêmes intérêts que la ferme
familiale dans la mise en marché. Ils sont contrôlés
totalement soit par des coops, soit par des meuniers ou des choses de
même. Donc, ça éloigne complètement, le fait qu'il y
a une relation entre producteurs eux-mêmes, parce que le gars est
"poigné" avec l'autre; il ne peut pas décider. L'autre gars qui
est producteur à son compte, il ne peut pas communiquer avec ce
gars-là, parce que ce gars-là n'a pas les mêmes
intérêts et il est "poigné".
Donc, tu élimines la confiance qu'il devrait y avoir entre les
producteurs et lorsqu'on parle d'agences de vente, actuellement, là,
c'est bien difficile, parce que ces gens-là sont attachés. Le
ministère est fautif dans cette affaire-là, parce qu'il a mal
enligné le monde. Les gars sont "poignés" et plus capables de
s'en sortir avec ça.
M. Picotte: On nous dit souvent que les chèques que l'ASRA
vous versait, la plupart du temps, c'était tout simplement une
façon pour le producteur de voir passer le chèque le plus
rapidement possible, aussi rapidement que sa signature pouvait s'installer sur
l'endos du chèque, et que, forcément, le chèque s'en
allait directement à l'intégrateur. Que cette pratique se soit
faite, moi, je me dis: II y a eu des ententes qui se sont faites - je ne suis
pas nécessairement d'accord avec ça - au vu et au su des
dirigeants de l'ASRA et tout ça. Est-ce que c'est exact, ça?
M. Girard: C'est sûr qu'ils sont au courant, parce que la
preuve, c'est qu'ils les envoyaient là.
M. Picotte: Ah! même l'ASRA, à ce moment-là,
versait directement aux intégrateurs.
M. Girard: Comme ça se fait encore actuellement. Si le
gars est en posture financière un peu précaire, ça va
être sa banque qui va l'avoir. Il ne saura même pas que sa banque
va l'avoir et ça va être crédité à son
compte.
M. Picotte: Le producteur s'assure, mais il ne voit même
pas passer le chèque, finalement. Moi, je croyais qu'au moins il le
voyait passer.
M. Girard: Non. Même, il y avait deux producteurs qui se
lamentaient de ça dans la région et je leur avais demandé
de venir faire une déposition qu'on aurait pu vous remettre. Mais ces
producteurs étaient bien en "mosus", parce qu'ils n'avaient pas vu le
chèque et, à un moment donné, ils ont dit: On l'a
baissé sur ta marge de crédit. Le gars n'a même pas eu
à le signer. Sur son inventaire, il n'y a rien qui lui appartient; il
est entièrement financé par un autre. Alors, je ne vois pas le
jour où ce gars-là va s'en sortir. Mais, c'est ça, le
problème de l'intégration; c'est une plaie et c'est la ferme
familiale qui en mange un dur coup avec ça.
M. Picotte: Alors, le producteur signe uniquement des garanties;
ils ne signe pas les revenus.
M. Girard: Exactement. Puis, en plus de signer des garanties, il
gratte de la merde. (13 h 30)
M. Picotte: Cela, c'est au vu et au su de tout le monde. On nous
a dit, à certaines occasions - et ça m'a surpris - qu'en pleine
crise de la production porcine on avait même insisté à
l'Office du crédit agricole pour faire passer des gens qui voulaient
emprunter, par exemple, pour se lancer dans des productions. On a dit: Tu vas
vendre ton quota, tu vas vendre tes vaches et tu vas t'en venir dans la
production du porc, alors qu'on sait qu'il y avait une stabilité du
côté de la production laitière, un revenu assuré.
Cela, même en pleine crise, alors que les producteurs de porcs
faillissaient et avaient des difficultés.
À votre connaissance, est-ce que ça
s'est fait réellement, est-ce que ça s'est fait beaucoup?
Je ne peux pas concevoir que... Cela n'a pas été incitatif,
ça a été obligatoire, selon ce qu'on nous a dit. Est-ce
que c'est exact? Est-ce que vous pouvez relever ça souvent dans votre
région?
M. Girard: L'exactitude, vous la vérifiez par tous ceux
qui ont abandonné la production laitière ou autre et que vous
avez retrouvés dans le porc. Je ne sais de quelle façon ils se
sont arrangés, mais on les a retrouvés là, ces
gens-là. Tu avais un projet quelconque et on disait: Là, on te
prête à 90% dans le porc, vas-y donc! Même si tu avais un
grange à vaches, ils te la convertissaient à deux étages,
envoie par là!
M. Blais (Victor): Vous avez posé la question; durant la
crise porcine, dans notre région, on ne peut pas dire qu'on a vu
ça. Cela s'est probablement fait ailleurs, mais dans notre région
on ne peut pas le dire.
M. Picotte: II n'y en a pas eu tant que ça,
finalement.
M. Blais (Victor): Dans notre région.
M. Girard: C'est parce que nous, nous sommes dans région
à part, un peu; pas à porc!
M. Picotte: C'est le cas de dire à porc! Une région
à porcl
M. Girard: Il reste peut-être plus, dans notre
région, de fermes familiales qu'il en reste ailleurs; c'est à
cause de ça.
M. Picotte: Heureusement, et j'espère qu'il va en rester
plus ailleurs aussi. Vous dites, dans une autre page: Selon nous, ce qui a
été très malheureux dans bien des cas, ce fut le manque
d'encouragement de la part des officiers de l'OCAQ qui visitent les
producteurs. Que voulez-vous dire par ce manque d'encouragement? Les gens ne
vous "boostaient" pas assez?
M. Blais (Victor): Je vais répondre. Personnellement, j'ai
piloté un dossier. Tout le monde disait que ce n'était pas bon,
que c'était fini, qu'il était bon à rien, ce
gars-là. Je l'ai piloté personnellement, j'ai rencontré la
banque, son meunier, la Société du crédit agricole, et le
producteur a fonctionné. Durant ce temps, l'office disait: II n'est pas
bon, on ne peut pas lui prêter, parce qu'il finissait ses porcs à
contrat. On ne voulait pas lui prêter pour avoir une marge de
crédit. Cela pourrait se produire à bien des places.
Quand ça va mal pour le producteur, il a besoin d'encouragement
et il a besoin de moyens techniques, c'est normal. Dans toutes les entreprises,
que ce soit dans la production du fil, n'importe quoi, quand ça va mal,
ils ont des moyens techniques à utiliser.
M. Picotte: J'aurais voulu que vous parliez aussi du plan de
conversion de la production porcine, mais je pense qu'en arrière
ça commence à grouiller pas mal fort. Quand je les entends
s'ameuter comme ça, c'est parce qu'on veut me faire signe que mon temps
achève.
Concernant le problème que vous avez eu avec l'ASRA, on a en a
fait mention tantôt, vous vous êtes rendus au Protecteur du
citoyen. Est-ce qu'il y a eu des démarches politiques qui ont
été faites pour mettre les dirigeants politiques au fait de ces
difficultés? Est-ce que, finalement, ça a apporté quelque
résultat ou si on vous a dit: Cela, on ne touche pas à ça,
ça va ailleurs, ou si, après vous être cogné le nez
à la porte de l'ASRA après avoir connu des difficultés,
vous avez dit: On s'en va à l'autre instance, qui est le Protecteur du
citoyen?
M. Blais (Victor): Notre demande, on a commencé par la
faire à la Fédération des producteurs de porcs; vous voyez
les lettres que j'y ai incluses. On en a déjà discuté,
aussi, avec les personnes politiques, mais je ne peux pas vous dire les noms;
je ne peux pas parce que je m'en souviens pas.
M. Picotte: Ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas moi, en
tout cas.
M. Blais (Victor): On s'est adressé au Protecteur du
citoyen, et on n'a pas fini. Présentement, on a engagé un avocat,
et c'est supposé être déposé en cour. On est
convaincu que les députés, quand ils ont voté cela, n'ont
jamais voulu nous exclure, jamais.
M. Picotte: Alors, finalement, cela va faire encore des frais
additionnels que vous allez avoir à débourser à cause des
frais d'avocats et de cours, peut-être pour avoir gain de cause, mais
pour aboutir en bout de piste au fait que vous n'êtes plus capables de
continuer vos exploitations même si vous avez gagné. Qui perd
gagne, n'est-ce pas? ou qui gagne perd.
M. Blais (Victor): Ce qui arrive c'est qu'il y a beaucoup de
producteurs qui, quand ils ont un problème comme, par exemple, la
rhinite, ils sont obligés de sélectionner leurs truies. Ils
sélectionnent et mettent une truie de remplacement qui est aussi bonne
et qui produit la même chose. Au lieu d'être assuré à
100%, le producteur se voit assuré à 60% et il devient
découragé. Soit que le producteur décide de s'assurer, de
ne pas sélectionner et ne pas régler son problème
ou il décide de le régler et s'assure à
moitié, et là il y a un manque à gagner.
M. Picotte: Une dernière courte question qui ne sera sans
doute pas longue à répondre non plus et, avant de le faire, au
nom de notre formation politique, nous vous remercions de votre collaboration.
On vous dit que même au nom de la commission c'est toujours possible de
nous acheminer des documents qui peuvent nous orienter sur les recommandations
que l'on doit faire.
Je me suis fait dire à plusieurs reprises, pas
nécessairement dans votre région mais dans d'autres
régions, que, lorsque vous receviez les chèques de l'ASRA, avant
de vous remettre le chèque, on le tenait comme il faut dans une main et
on disait: Avant que tu puisses en profiter, il va falloir que tu signes
à côté pour te réassurer, avec une insistance
très forte, conseillé fortement. Comme on dit, on vous
"conseillait fortement de"... pour bénéficier. Est-ce exact ou si
les gens nous racontent cela comme s'ils vivaient dans un autre monde?
L'assurance-récolte, aussi; en fait, ce dont vous
bénéficiez comme assurance.
M. Girard: Par exemple, dans le domaine du porc, le type, tant
que son contrat de cinq ans n'est pas terminé, c'est automatique que sa
cotisation est retenue sur son chèque avant de le lui donner. Quand
l'échance de son contrat de cinq ans arrive, c'est sa seule porte de
sortie; s'il veut se retirer, il le peut. Mais avant cela, pendant son contrat,
ils ramassent avant.
M. Picotte: Dans l'assurance-récolte c'est la même
chose, j'imagine.
M. Girard: Dans l'assurance-récolte, je ne pourrais pas
dire.
M. Picotte: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut me
répondre sur l'assurance-récolte?
M. Blais (Victor): C'est un fait qu'ils vont remettre souvent le
chèque en même temps qu'ils font signer la nouvelle prime. Je ne
suis pas assuré à l'assurance-récolte groupe parce que,
les producteurs de porcs, on n'est pas admissibles. Il faut être
producteurs d'espèces bovines.
M. Picotte: Mais monsieur a semblé me dire que cela se
fait...
M. Lanoue (Clément): Si vous me le permettez, M. le
Président, je pense que la meilleure réponse qu'on peut donner
c'est que, si dans une année donnée les producteurs ne sont pas
satisfaits de l'assurance-récolte, on voit l'année suivante que
le nombre de producteurs assurés augmente. C'est parce qu'il y a un
contrôle à quelque part de part et d'autre. Je n'irai pas plus
loin que cela, mais il y a un contrôle quelque part de part et
d'autre.
Le Président (M. Vailières): Aux fins du Journal
des débats, c'est M. Lanoue qui s'adressait à nous.
M. Picotte: M. le Président, merci.
Le Président (M. Vailières): M. le
député de Saint-François.
M. Blais (Victor): M. le Président. Je ne sais pas si les
questions vont concerner le financement, si M. Rancourt veut en parler, parce
que l'annexe qu'on a rajoutée ce matin, disons les mémoires ou
les pensées d'un producteur, on voudrait la lire devant la commission
parlementaire. Je ne sais pas si monsieur...
M. Rancourt: M. le Président, je n'ai aucune question
à poser sur le financement, mais j'en ai sur la déposition des
témoins aujourd'hui. Est-ce que je peux poser mes questions à ce
moment-ci?
Le Président (M. Vailières): M. le
député de Saint-François.
M. Rancourt: Je voudrais au départ faire une remarque en
particulier sur l'assurance-stabilisation ou l'assurance-production au niveau
de l'agriculture. Une chose qu'il faudrait toujours considérer c'est
que, lorsqu'il arrive des situations difficiles en agriculture, nous voyons
l'UPA et tous les agriculteurs, et de bon droit, s'adresser au gouvernement
pour faire en sorte que les difficultés soient moins dures à
passer et plus faciles à vivre. C'est un fait, Mais, d'un autre
côté, il y a aussi cette possibilité de vous assurer sur un
plan, moi comme vous. Donc, l'assurance est facultative, bien sûr, mais
il y a une incitation. S'il arrive un "Act of God" en productions
herbagères, céréalières ou quoi que ce soit,
là, on voit l'UPA surgir très rapidement au niveau gouvernemental
et dire: Vous devez nous compenser, mais je pense que la façon normale
pour un producteur, pour un industriel, en agriculture ou ailleurs, c'est de
prendre une première protection qui lui est propre. Je pense que les
agriculteurs du Québec l'ont compris et ils l'utilisent de plus en plus.
Il y a des cas spéciaux en plus. C'est un commentaire.
J'aimerais savoir à ce moment-ci -parce qu'on parle du porc, bien
sûr - pour ceux de la table et pour la commission parlementaire, si le
plan conjoint du porc fonctionne. Première question.
M. Blais (Victor): II a été voté - je ne
sais pas en quelle année, je pense que c'est en 1980 - et c'est
un organisme qui est là. Qu'est-ce que vous voulez savoir? je ne sais
pas s'il y a des questions spécifiques au point de vue du
fonctionnement. C'est là et cela nous représente.
M. Rancourt: Est-ce que cela veut dire qu'il n'y a pas de quota
de production?
M. Blais (Victor): Non.
M. Rancourt: Cela veut dire que vous n'avez pas voulu aller,
comme producteurs de porcs, à l'intérieur de votre plan,
jusqu'à un quota de production?
M. Blais (Victor): Pour avoir un quota de production qui soit
efficace, cela prend un quota de production national. Au niveau national, les
autres producteurs... La fédération nous demandait de faire
inscrire à la rencontre du Conseil canadien du porc des discussions sur
le contingentement, et cela était refusé. Mais, il y a quelques
mots, ils ont parlé que ce soit inscrit.
M. Rancourt: D'accord. Donc, nous verrons dans le temps. Quelle
est l'incidence de l'OPPQ dans la région?
M. Blais (Victor): Ah, c'est assez négligeable. Je ne peux
pas donner plus d'informations que cela.
M. Rancourt: Mais au niveau québécois, au niveau de
la capacité de production de l'OPPQ, des gens de l'OPPQ versus la
Fédération des producteurs de porcs du Québec, c'est assez
important.
M. Blais (Victor): Non, ce n'est pas si vrai que cela.
Première des choses, lorsque le vote a été pris, les
producteurs ont voté pour la fédération.
M. Rancourt: D'accord.
M. Blais (Victor): Les chiffres qu'ils présentaient
à l'époque, cela valait ce que cela valait, parce qu'on le voit
par l'assurance-stabilisation, il y a beaucoup plus de producteurs qui
s'assurent que ce qu'ils prétendaient, eux. L'OPPQ, il ne faut pas
oublier que cela s'est divisé et ce qu'il reste de l'OPPQ, ce n'est pas
ce que c'était.
M. Rancourt: D'accord. L'autre chose, est-ce que vous avez
récupéré les 13 000 000 $ qui vous étaient dus?
M. Blais (Victor): Monsieur, c'est une question qui est
très à propos. Pensez-vous, M. Rancourt, que moi, comme
producteur lésé par le régime d'assurance-stabilisation
provincial, je vais commencer à aller travailler pour aller chercher 4
000 000 $ pour les producteurs et 8 000 000 $ pour l'ASRA? Dans la vie, vous le
savez, tes chefs de file, on les compte sur nos doigts.
L'assurance-stabilisation, avec l'équipe de M. Brulotte, s'est
appliquée à me salir personnellement, ainsi que mon syndicat.
À ce moment-là, tous les dossiers qui ont été
défendus au niveau provincial ont été appuyés en
grande partie par le Syndicat des producteurs de porcs de l'Estne. Pensez-vous
qu'on va aller chercher 8 000 000 $ quand je suis assuré à 70%
sur mes truies au provincial ainsi que sur mes porcs à l'engrais?
Pouvez-vous répondre? Ce serait quoi, votre agissement, dans ce
cas-là? Si je ne suis pas satisfait, si Adrien n'est pas satisfait et
ainsi de suite, pensez-vous qu'on va se battre pour cela? Commencez par nous
donner justice et vous allez voir que, si vous ne rabattez pas les producteurs
qui sont dynamiques, agressifs, vous les aurez derrière vous pour aller
défendre le point de vue du gouvernement du Québec et les
producteurs du Québec.
M. Rancourt: D'accord. J'accepte votre opinion là-dessus.
Je veux dire, dans le sens de salir, je me permettrai de ne pas accepter cette
partie de votre argumentation quant à moi, à ce moment-ci, mais
c'est votre droit. Une chose est sûre, c'est qu'il semblerait qu'il y ait
de l'argent qui soit là, qui soit disponible et vous avez fait une
manifestation en fonction de recevoir et d'aller chercher un surplus. Je pense
qu'à ce niveau-là vous n'avez pas à refuser d'aller
chercher un surplus. Je sais que cela demande des efforts et ce n'est pas
facile.
M. Blais (Victor): Monsieur, on n'a pas refusé. On a
participé...
M. Rancourt: D'accord.
M. Blais (Victor):... à la manifestation. Elle s'est faite
dans l'Estne, à part cela.
M. Rancourt: Je sais.
M. Blais (Victor): Je voudrais vous demander ceci. Votre
gouvernement, qu'a-t-il fait, lui? II me semble que, depuis quelques mois, il y
a une lune de miel avec le fédéral. Qu'est-ce qu'il a fait avec
cela? Le ministre Garon, il a fait quoi, avec cela? Pourquoi nous demander tout
cela? II ne faut pas oublier, c'est 8 000 000 $ pour le gouvernement et 4 000
000 $ pour nous autres. (13 h 45)
M. Rancourt: C'est de l'argent qui vous est dû.
M. Blais (Victor): Tout comme nos primes
d'assurance-stabilisation. Qu'on nous
rende justice et vous n'avez pas besoin d'être inquiets, on va
être derrière la Régie des assurances agricoles. Mais qu'on
n'essaie plus de nous détruire.
M. Rancourt: Là-dessus, je vous dirai que l'argent qui
appartient au Québec lui appartient et appartient d'une façon
collective aux individus et à la collectivité. S'il y a 12 000
000 $ là, tant mieux si on peut aller les chercher d'une façon.
Chacun, ici, est d'accord pour que nous allions les chercher.
Maintenant, l'autre chose que je voulais vous demander, c'est tout
simplement au niveau environnemental. Curieusement, le mémoire de l'UPA
et le vôtre font mention qu'on aurait dû avoir une
législation qui fasse en sorte qu'il y ait un nombre d'acres
attaché à la production porcine pour faire en sorte que les
engrais soient utilisés sur le sol. Je sais fort bien que quand nous
sommes arrivés au gouvernement, il y a un certain temps, il y avait
déjà des grands producteurs de porcs, des productions porcines
sans sol, qui n'avaient pas de sol. Ce qui veut dire qu'en même temps que
vous nous dites cela vous nous dites: N'excluez personnel Le mémoire de
l'UPA dit à deux occasions: Contrôlez, mais ne contrôlez
pas! Non! Je m'excuse! Je veux le faire savoir.
Je suis d'accord avec vous que cela aurait été mieux, mais
on n'aurait pas eu de productions de 5000 et plus, on aurait eu des fermes
porcines comme en Europe de 300, 500 et 600 porcs avec l'étendue de sol
nécessaire à l'utilisation du purin. Je suis d'accord avec vous,
du point de vue écologique, on est tous d'accord; nous autres, on serait
prêt. Mais, en même temps, vous avez des productions porcines de
5000 et plus. Vous l'avez à l'OPPQ et un peu partout. Je veux dire
qu'actuellement on exige de vous un contrat avec un propriétaire pour
l'utilisation du sol. Évidemment, je sais fort bien qu'on utilise des
faux-fuyants pour déverser toutes sortes de choses. Quant à moi,
l'obligation d'avoir une fosse pour les productions porcines, c'est essentiel.
D'ailleurs, elle est incluse dans le crédit à la production
porcine, tandis que, pour les autres agriculteurs, ce n'est pas inclus, c'est
un prêt supplémentaire; s'ils le veulent, c'est inclus en ayant
d'autres modalités que celles pour la fosse, tel que c'est reconnu pour
la production porcine actuellement. Cela va. Je n'ai pas autre chose pour
l'instant,
Le Président (M. Vallières): Très bien.
M. Blais (Victor): Concernant la fosse, il n'a jamais
été question, dans aucune réglementation, qu'il y ait une
fosse attachée à une porcherie. C'est un réservoir
étanche.
Le Président (M. Vallières): Merci. À ce
moment-ci, je vais vous permettre, M. Blais, de conclure votre
présentation, ce qui mettra fin à cette partie de nos
travaux.
M. Blais (Victor): D'accord. Pour commencer, j'ai ici...
Le Président (M. Vallières): Vous avez de trois
à quatre minutes.
M. Blais (Victor): Nos gouvernements et nos fonctionnaires
placent les producteurs comme des incompétents qui font faillite. On
dit, dans le "Pig American" de février 1985, à la page 18 - c'est
disponible pour ceux qui sont intéressés: En 1970, aux
États-Unis, 50 États produisaient 9, 1 porcelets par truie en
inventaire par année; en 1979, 9, 3 et, en 1983, 10, 7. Je voudrais que
la commission sache bien que les producteurs de porcs québécois
qui sont en faillite ou qui sont en mauvaise situation sont de très bons
producteurs, comparativement aux autres producteurs de l'Amérique du
Nord. Peux-tu continuer, Adrien, pour cela?
M. Girard: Juste pour terminer quant au rôle de l'Office du
crédit agricole dans le cas d'un producteur lésé. Certains
prétendent que le Québec jouit du meilleur système de
financement agricole. Je crois que cette affirmation est vraie pour la
majorité des théoriciens qui n'ont pas les deux pieds dans la
merde. Certains grands écrivains de La terre de chez nous et même
notre cher président provincial de l'UPA ne se gênent pas pour
l'affirmer régulièrement. Mais - car il y a toujours un maïs
- les meilleurs systèmes, mal gérés, peuvent devenir des
instruments qui jouent mal leur rôle. Voici quelques exemples.
Dans les années 1978-1979, l'OCA participait activement au
développement de la production porcine du Québec. Il
forçait les nouveaux producteurs à signer un contrat avec des
intégrateurs avant d'accepter leur prêt. Pendant cette
période prospère, l'OCA exerçait bien peu de surveillance
sur le style de construction et de gestion que les producteurs choisissaient.
Puis, ce fut, et c'est toujours, la période de noirceur dans l'industrie
porcine. Depuis ce temps, l'OCA joue un rôle de pompier. D'abord, il
s'empresse de fermer plusieurs porcheries, souvent des faillites
déguisées; puis, il canalise ses efforts pour trouver des moyens
de revendre ces bâtisses vides. Mais qu'arrive-t-il, au juste, au
producteur qui réussit un peu mieux que les autres à passer
à travers la crise? On n'a guère le temps de s'occuper de lui, on
a tellement de problèmes à régler. Quand le producteur ose
déranger M. Daoust, on lui répond: "Toi, ton dossier est assez
bon; tu as une bonne gestion, on est content de toi, mais ne nous
dérange pas, n'essaie pas de faire des transformations dans ton
entreprise car, même si tu as un bon crédit et de bonnes garanties
à donner, on ne prête pas. "
Savez-vous pourquoi on ne lui prête pas? C'est que, lui, il va
augmenter la production. Est-ce que c'est le rôle de l'OCA de faire du
contingentement? Quand un naisseur veut devenir naisseur finisseur, on dit
qu'il augmente la production, même s'il réduit son nombre de
truies. Je pense qu'il est pertinent de se demander qui augmente la production
actuellement. Que fait l'OCA, quand il vend à rabais des bâtisses
qu'il a reprises? À qui les vend-il? N'est-ce pas que c'est un excellent
moyen d'augmenter la valeur marchande des installations des producteurs en
place? Je parie que les gens qui achètent ces bâtiments vont les
transformer pour en faire une autre production. Pourquoi pas de la culture en
serre, par exemple? Pensez-vous que cela va être logique? Comment l'OCA
est-il justifié de refuser un prêt quand il juge que le projet
présenté sera rentable et que les garanties offertes sont
suffisantes? Comment l'OCA est-il justifié de ne pas avoir rendu de
décision dans une demande de prêt qui date de l'automne 1983?
Avec ces quelques questions et plusieurs autres que nous pourrions
ajouter, il nous est honnêtement permis de se demander si le rôle
actuel de l'OCA est d'aider l'agriculteur. Comment, avec l'application de ses
politiques et règlements actuels, l'OCA aide-t-il à la survie de
la ferme familiale, prônée par notre gouvernement lorsqu'il est
arrivé au pouvoir, on le sait? Comment peut-on concilier les
intérêts de l'entreprise agricole et ceux de l'agriculture en
général? Comment peut-on concilier les intérêts
politiques d'un gouvernement et ceux des agriculteurs?
S'il n'est pas évident qu'il faille chambarder les lois qui
régissent l'OCA, il est urgent de réviser son style de gestion et
son style de leadership dans le milieu agricole. Il faut en changer la
philosophie, surtout en ce qui concerne l'ingérence politique. L'OCA
doit cesser d'être un organisme manipulé par un ministre qui est
plus intéressé à se faire du capital politique qu'à
se préoccuper vraiment de la situation des agriculteurs. Le meilleur
ministre d'un cabinet est celui qui ne demande jamais d'augmentation de budget,
ou si peu; il devient un bon administrateur, mais devine sur le dos de qui.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie de
votre participation à nos délibérations.
M. Blais (Victor): On voudrait vous remercier de nous avoir
écoutés.
Le Président (M. Vallières): Très bien!
M. Blais (Victor): On voudrait informer la commission que, si
elle peut lire les documents, nous sommes disponibles à l'avancement de
l'agriculture. Les propos peuvent vous sembler choquants, mais on commence
à être révoltés. Merci beaucoup!
M. Jean-Pierre Patry
Le Président (M. Vallières): Merci! Je demanderais
maintenant à M. Jean-Pierre Patry de bien vouloir s'approcher.
Très bien. M. Patry, je veux vous indiquer que la commission vous avait
réservé une demi-heure.
M. Patry (Jean-Pierre): Une demi-heure?
Le Président (M. Vallières): Oui.
M. Patry: Pourquoi les autres ont-ils eu une heure? Est-ce que je
pourrais vous demander une heure, s'il vous plaît?
Le Président (M. Vallières): Quand la commission a
décidé d'entendre les organismes, il y a des organismes qui ont
eu deux heures, des organismes qui ont eu une heure et, dans les cas
d'individus, on avait pensé prendre une demi-heure.
M. Patry: Avant de commencer la lecture de ce mémoire, je
pense que je vais vous le résumer ou je vais vous laisser me poser des
questions, étant donné que j'ai juste une demi-heure. Je veux
remercier la commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation de m'avoir donné la chance de me faire entendre
aujourd'hui. Je le dis aussi de la part d'une bonne partie des producteurs
agricoles.
Si, à première vue, ce dossier peut paraître
très personnel, vous verrez par la suite que mon cas ne fait que
concrétiser et prouver les plaintes de nombreux producteurs envers les
agissements de l'Office du crédit agricole du Québec. Dans cela,
j'aurais des annexes à ajouter à mon dossier. Étant
donné que je dois résumer, ce sont des preuves que
j'amènerais. Je veux vous les présenter et voir si vous les
accepteriez s'il vous plaît!
Le Président (M. Vallières): M. Patry, vous
pourriez peut-être commencer le résumé.
M. Patry: À la première page, vous voyez l'actif et
le passif de la ferme. Cela veut dire qu'il y a un actif qui est resté
sur la ferme de 162 656 $ et présentement, je suis en instance de
faillite, disons que l'office me force à faire faillite.
Je voudrais dire aussi que le tout a
commencé à l'automne 1983. J'avais une ferme bovine et par
des manigances de Viateur Daoust, j'en suis rendu à... C'est bien
difficile à résumer parce que j'ai seulement une demi-heure. Je
pense que je vais vous laisser, s'il vous plaît, accepter ce que j'ai
apporté comme annexe et je vais vous lire une annexe, cela va
résumer beaucoup mieux ce que je peux vous dire. Après, je
répondrai à vos questions.
Le Président (M. Vallières): M. Patry, les
documents que vous me remettez ne concerne finalement que vous. Il n'y a pas
là-dedans, des pièces, des documents, qui font allusion à
des personnes intermédiaires. Donc, je peux en accepter le
dépôt, il n'y a pas de problème.
M. Patry: Merci.
Le Président (M. Vallières): Maintenant, pour ce
qui est de la lecture que vous voulez faire...
M. Patry: Je pense qu'on n'aura pas le temps. En lisant une des
annexes que vous avez acceptées, je pense que cela va résumer pas
mal la situation.
Le Président (M. Vallières): Vous êtes ici
pour témoigner, vous pouvez rendre le témoignage que vous
vouiez.
M. Patry: D'accord, merci. Pour terminer, je disais cela tout
à l'heure parce que je pensais lire mon dossier, pour mieux faire
comprendre ce dossier... Je le dis sans prétention, j'ai fait partie ces
dernières années, à part les deux dernières bien
entendu, pendant cinq ans, comme administrateur, du Syndicat des producteurs de
boeuf de l'Estrie. La dernière année avant de quitter, j'en
étais le président. Si j'ai tout lâché d'un coup, ce
n'est pas parce que je m'étais fait mettre dehors, mais c'est qu'on
m'avait demandé à la Fédération des producteurs de
boeuf du Québec de me présenter à la présidence de
la fédération. Étant donné que ma ferme
était en pleine expansion, c'est faute de temps à consacrer aux
producteurs que j'ai tout lâché.
Peu après, on m'a demandé de faire partie du comité
des productions animales qui ne commandait que cinq ou six réunions par
année. J'en étais membre depuis environ un an et demi
jusqu'à ce fameux automne 1983 où quelqu'un a
décidé que je commençais à lui tomber sur les
nerfs. Car vous savez, lorsqu'on passe sa vie dans l'élevage et le
commerce du boeuf, on commence à savoir par quel bout se nourrit une
vache, même si je continuais à en apprendre sur la production
à tous les jours.
Je vaudrais aussi mentionner que dans mes démêlés
avec l'office, on m'a reproché d'avoir bâti mon parc
d'engraissement et d'avoir acheté la grosse partie de mes veaux
d'embouche avant d'avoir eu la réponse écrite de l'office. Je
répondrai là-dessus que cela faisait trois ans que je travaillais
intensément avec le même officier, soit M. Gilles Guilbeault.
D'après moi, la confiance entre les deux parties était totale et
réciproque. Je le considérais, cela peut paraître
drôle à dire dans les circonstances, presque un membre à
part entière de la compagnie.
Je peux ajouter aussi que durant les années antérieures
où j'avais besoin de l'endossement de l'office sur la marge de
crédit, sa réponse me suffisait. D'ailleurs quand la
réponse de Québec entrait, avec le temps qu'on prenait à
vérifier les dossiers, tous les animaux étaient
déjà achetés et entrés dans l'étable.
En ajoutant la réponse du ministre Garon qui nous avait
donné le feu vert sur le projet expérimental - et ce, vous l'avez
dans l'annexe, je viens de vous le donner -et cela devant témoin, nous
avions, comme à l'habitude, pleine confiance. Puis après tout,
c'est bien le premier ministre Lévesque qui dit dans ses relations avec
Ottawa, au mois de février dernier, que, pour obtenir quelque chose, il
devait y avoir 80% de confiance et 20% de vouloir. (14 heures)
Un autre point aussi à considérer. Si on avait attendu la
réponse de Québec pour construire et acheter les animaux et que
cette dernière avait été positive, on aurait
été foutu quand même, car on aurait été trois
semaines trop tard, puisque tous les encans spécialisés de veaux
d'embouche étaient terminés au Québec. Mais si Viateur
Daoust nous avait dit tout de suite que le dossier qui, d'après lui,
était négatif avant de le poster à Québec comme
tel, on aurait eu amplement le temps de se virer de bord et de s'arranger tout
fin seul. Si ce n'est pas là de l'abus de pouvoir de la part d'un
directeur régional qui se vante à tous les agronomes du MAPAQ, un
mois et demi à l'avance, que je ne passerai pas, c'est quoi? La
réponse de Gilles Guilbeault devant témoins comme quoi il avait
des ordres à suivre et que ce n'était pas lui le "boss" le
confirme assez clairement je pense. Tous les détails sont dans le
dossier que je ne peux pas lire faute de temps.
Un autre point aussi est que Viateur Daoust se plaît à dire
que la ferme n'était pas rentable. Dans le rapport de
comptabilité projeté pour 1983-1984 de Gilles Guilbeault
-dernière page du dossier - ce dernier a marqué dans le compte de
dépenses le coût d'assurance stabilisation pour 236 bouvillons.
Mais dans la colonne de revenus, il n'a inscrit que le montant à revenir
de l'ASRA, les 66 bêtes qui furent gardées en 1982-1983. C'est
avec cette différence de revenus par
tête venant de l'ASRA qu'on allait chercher la perte de 20 000 $
de l'année d'avant et même chercher un profit net entre 5000 $ et
10 000 $, C'est cela qu'on appelle une entreprise non rentable. Ce n'est pas de
ma faute si les chèques de l'ASRA entrent un an après la vente
des animaux. Le plus drôle de la farce pour les contribuables, c'est que
même si on a regardé cette perte projetée de 13 000 $,
figurée par l'office selon les dires de M. Camille Moreau, cela a
déjà coûté près de 25 000 $ en
bien-être social et sans compter les autres déboursés qui
restent à venir. Dans le dossier, c'est environ 500 000 $ que cela va
coûter au gouvernement.
À la suite de cela, il serait peut-être intéressant
de demander è notre cher M. Daoust ce qu'est l'Office du crédit
agricole du Québec et quels en sont les buts. Pour ceux qui croient que
diplôme égale compétence, vous n'aurez qu'à jeter un
petit coup d'oeil sur les placements personnels de notre M. Daoust ainsi que
sur ses relations d'affaires avec un certain notaire du nom de François
Carignan qui a déjà fait faillite. Vous aurez peut-être
là quelques surprises de ce côté. A la suite de ces dires,
on m'accusera ainsi qu'on a accusé l'automne dernier les producteurs
d'essayer de nuire ou de salir la réputation de certaines têtes
d'affiche. Mais entre nous, n'y a-t-il pas de moyens plus sournois, plus
efficaces, plus meurtriers pour noircir quelqu'un que de le forcer par tous les
moyens à lui faire déclarer faillite? Je vous le demande,
messieurs. Car vous savez, messieurs de la commission et tous ceux qui
m'écoutez, même si le ministre Garon dans la Tribune du 29
août, en farceur ou en menteur, vient nous dire que les faillites
agricoles ne sont la suite que de mauvaises décisions des producteurs,
je puis vous affirmer - et ce, pour l'avoir vécu et le vivre encore -
que des individus qui se font voler 5, 10, 15, 20 ans de leur vie à
s'arracher le coeur à l'ouvrage pour bâtir une certaine
sécurité pour toute une famille et que pour des raisons de
vengeance politique ou autres on leur enlève tout du jour au lendemain
sans avertissement, ce n'est plus là qu'un simple vol. Lorsque vous
enlevez à un homme tous ses espoirs passés et futurs, qu'on lui
enlève sa raison de vivre et qu'on tue en lui la confiance qu'il avait
en lui-même et que les autres avaient en lui en le garrochant sur le
bien-être social, c'est un meurtre. Car certains membres du gouvernement
avec leur politique suicidaire et certains parasites de l'office, qui ont beau
avoir des diplômes longs comme le bras, s'ils n'ont pas conscience de ce
qu'ils engendrent comme drames familiaux, ces drames qui séparent des
couples, des familles et qui vont même jusqu'au suicide dans bien des
cas, c'est qu'ils n'ont pas su encore apprendre le pourquoi de leur salaire de
ministre. On se demande aussi pourquoi l'UPA n'est pas plus agressive que
d'autres syndicats dans leurs revendications? La raison en est bien simple. La
majeure partie des membres qui la composent sont des producteurs à temps
plein, des producteurs pas mieux, pas pire que les autres et qui ont tous le
même défaut, c'est d'être trop pauvres pour faire une
grève ou quoi que ce soit du genre, et aussi de trop aimer ce qu'ils
font jusqu'à en crever sans oser se révolter de peur de tout
perdre. Cela, le ministre Garon le sait très bien. Ce n'est pas pour
rien que de temps en temps la matraque de l'office s'abat sur quelques-uns
d'entrés nous, histoire de faire peur aux autres. Les appels
téléphoniques que j'ai reçus des producteurs qui
m'imploraient presque afin que je laisse tout tomber en me disant qu'ils
avaient peur que la même chose leur arrive, me le prouvent. Que dire,
l'automne dernier, de ce que l'office réclamait à pleine page de
journaux, un an d'emprisonnement à M. Marcel Talbot, en guise de
sentence exemplaire!
Encore, pour confirmer ce que j'avance, j'ai amené avec moi une
lettre qu'on pourrait appeler de menace ou de harcèlement envers un
producteur agricole. Je ne nommerai pas le nom, car il est encore en
production. Pour une valeur de 170 000 $ et une dette à l'office de tout
près de 15 000 $, soit 14 931, 27 $ on lui a posté cette lettre
que je vous lis. C'était marqué: "Sous toute réserve".
C'est une lettre recommandée. "Vous devez actuellement à l'Office
du crédit agricole du Québec une somme de 552, 15 $ à
titre d'arrérages sur votre prêt de nantissement. " Il a eu une
copie exactement semblable pour son prêt hypothécaire, c'est aux
alentours de 400 $ le montant. "En conséquence, veuillez faire parvenir
à nos bureaux, un chèque certifié ou mandat postal pour
lesdites sommes, et ce, dans les trente jours à compter de la
présente. "À défaut de recevoir votre paiement dans les
délais prescrits, nous prendrons contre vous des procédures
légales visant à saisir et à faire vendre votre
propriété en justice conformément aux dispositions de la
Loi sur le crédit agricole. "Veuillez vous gouverner en
conséquence. " C'est signé par les avocats de l'office.
À remarquer qu'il n'était en retard que d'un mois et demi
dans son paiement. Je vous gagerais que si une enquête était
faite, il n'est sûrement pas le seul à avoir reçu ce genre
de menace l'automne dernier. Ce producteur en question attendait la vente de
ces veaux d'embouche pour les payer et c'est ce qu'il fait à chaque
automne.
Cela vous prouve avec quelles considérations on traite les
producteurs
agricoles, c'est-à-dire - excusez l'expression - les petits trous
de cul qui ne comprennent quelque chose qu'en leur maudissant une bonne peur et
en les menaçant de tout leur enlever.
Encore plus, j'ai ici un jugement de la Cour d'appel, ce qui n'est pas
peu dire, où la cour, sur la requête de l'intimé, soit
l'Office du crédit agricole, pour rejet de l'appel en raison de son
caractère abusif ou dilatoire... Ce qui prouve qu'envers certains
producteurs, l'office n'est même pas dans la légalité et
que, encore une fois, elle abuse de ses pouvoirs.
Si je vous ai exposé tous ces faits, ce n'est pas pour montrer
que le producteur agricole est un plaignard ou qu'il se lamente le ventre
plein, comme le laisse entendre trop souvent le ministre Garon, mais bel et
bien pour démontrer que certains producteurs de qui on abuse sont
traités comme des chiens que l'on caresse à coups de pied. Et si
une commission d'enquête royale avait lieu, on démontrerait que
l'office est si politisé qu'on se croirait au temps du Far West,
où on jouait du revolver pour s'emparer des terres que certains
convoitaient. Aujourd'hui, c'est avec le crédit qu'on fait la loi. C'est
plus discret, un peu moins rapide, mais tout aussi efficace.
Voici une dernière chose que je voudrais mentionner, car rien ne
va. Certains hauts placés ont le don de faire rejaillir la faute sur les
fonctionnaires du MAPAQ ou de l'assurance-stabilisation. C'est vrai que dans
n'importe quelle autre fonction, certains d'entrés eux prétendent
détenir toute la vérité, rien que la vérité;
mais je puis vous dire que la majorité, pour avoir travaillé
longtemps avec elle, va vendre le champ à coups de millions ou
expérimente des programmes comme la production du veau de grain ou les
piscicultures, sur le dos des producteurs, sur des ordres bien précis et
pour lesquels ils sont payés pour les exécuter. Qui donne ces
recommandations? Encore, le ministère de l'Agriculture ou
peut-être un de ses adjoints qui ne peut faire la différence entre
le rêve et la réalité en matière agricole.
En passant aussi, on reproche aux producteurs de manquer de
qualifications. En plus de sa base en mécanique, en plus d'être un
peu agronome, un peu nutritionniste, un peu vétérinaire, en plus
d'être un expert-comptable, bientôt on va lui demander d'avoir fait
son cours de notaire et d'avocat pour ne pas se faire - excusez encore
l'expression - fourrer par des spécialistes sans aucun scrupule.
Même si un gars a les poches remplies de diplômes et de vouloir
à plein bras, il est impossible de faire des miracles avec des
productions qui sont contrôlées par le gouvernement et qui ne sont
pas rentables avant même de commencer.
Quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse et aussi longtemps que le ministre
Garon n'aura de respect que pour sa propre image politique, en se fichant
autant du producteur que du consommateur, ce dernier continuera de payer les
frais pour une agriculture qui s'en va directement à la faillite. Bien
entendu, à part les productions hors de son contrôle, soit les
productions avec quota.
Pour terminer, je voudrais dire à notre cher ministre Garon que
je suis prêt à le rencontrer en n'importe quel temps dans un
débat télévisé pour parler de ses chères
politiques agricoles. On pourrait peut-être voir là qu'il est un
expert dans les constructions de béton et les porcheries qui
s'étendent à perte de vue et les parcs d'engraissement en forme
d'aréna tout aussi vides que le porte-feuille du ministre le prouve de
belle façon.
Mais il est facile d'avoir le ton, quand ce sont les taxes de M.
Tout-le-monde qui paient et paieront la facture et qu'à chaque faillite
agricole, c'est indirectement quatre autres emplois qui s'en vont chez le
diable.
Notre cher ministre a beau, avec des farces plates, essayer de cacher la
vérité, mais toutes ces faillites que l'agriculture vit
présentement sont là comme preuves de son manque
d'honnêteté et de son incapacité de bien gérer les
impôts de tous et chacun.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Patry. Les
demandes d'intervention.
Mme Juneau:... M. le Président, si vous me permettez.
Le Président (M. Vallières): Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: Étant donné qu'on n'a pas eu le temps
de lire tout le gros mémoire, quand vous dites dans votre
résumé que vous avez acheté, si j'ai bien compris, le
nombre de têtes avant que vous ayez eu l'accord de l'office, c'est cela
qui aurait causé tout l'imbroglio qu'on...
M. Patry: II y a eu un accord à l'office. Disons que
j'amenais une méthode d'alimentation nouvelle qui abaissait le
coût de production pour les bouvillons d'engraissement d'environ 125 $
par tête.
Mme Juneau: 125 $?
M. Patry: Oui et, là-dessus, j'ai rencontré le
ministre Garon à Warwick au mois de septembre 1983. Devant
témoins, devant Maurice Tremblay, son épouse et un de mes
frères, il nous a donné le feu vert pour y aller dans le projet
expérimental, un projet de 50 000 $, avec la garantie verbale de
l'office, parce qu'on s'adonnait très bien avec l'office. Disons qu'on
n'avait jamais eu
de problème à venir jusqu'à ce moment. On a
commencé les travaux, parce que le temps pressait. Comme je l'ai
expliqué plus loin, si on avait attendu, on aurait été
foutu. On avait la réponse du ministre. C'est pour ça que je dis
que le ministre n'est pas honnête. Quand un ministre donne sa parole,
d'habitude, surtout devant témoins, c'est quoi la réponse d'un
ministre? Alors, on a bâti là-dessus. Là, après
ça, Viateur Daoust a manigancé pour nous claquer, pour nous
dompter et sortir de l'agriculture, parce qu'il s'est vanté aux
agronomes du MAPAQ que je ne passerais pas, mais il nous faisait dire par
Gilles Guilbeault qu'il n'y avait aucun problème.
En dernier ressort, ils ont coupé la marge de crédit. Mais
le projet expérimental avait été monté par les
agronomes sur ordre du ministère de l'Agriculture.
Mme Juneau: Verbalement?
M. Patry: Verbalement, par téléphone. Ils ont
monté le projet et, là, ils ont coupé la marge de
crédit. Après ça, ils ont bloqué le projet. J'ai
essayé, avec des téléphones, des lettres d'avocat - en
tout cas, vous avez tout ça comme annexe - de rencontrer le ministre
Garon. Cela fait un an et demi que je cours après et je n'ai jamais pu
le rencontrer.
Mme Juneau: L'expérience que vous deviez mettre de
l'avant, c'était votre propre idée, conçue par vous?
M. Patry: Cela faisait deux ans qu'on l'expérimentait.
Vous avez l'annexe là avec les profits. La méthode n'y est pas et
je ne me prépare pas à vous la donner aujourd'hui non plus.
Mme Juneau: Je comprends très bien. C'est à ce
moment-là qu'il y a eu un blocage. Vous vous êtes fié sur
la parole du ministre, si j'ai compris?
M. Patry: Exactement.
Mme Juneau: Il y a eu un blocage, par après, et les
investissements étaient déjà faits?
M. Patry: Ils avaient été commencés; ils
achevaient. On a fait ça dans deux semaines.
Mme Juneau: Je parle en termes monétaires.
M. Patry: Oui, exactement, parce que le temps nous pressait. On a
attendu à la dernière minute. Il y a eu à peu près
quinze téléphones, même une rencontre avec Gilles
Guilbeault. J'ai été le voir, parce qu'on communiquait souvent
ensemble. Il m'a dit: Cela passe juste, ton dossier, pour cette année,
parce qu'on avait eu une perte l'année dernière, mais il a dit:
II n'y aucun problème. Mais, avant que le dossier ne soit adressé
à Québec, Viateur Daoust qui m'en voulait, il s'est vanté
à tous les agronomes du MAPAQ qu'il me dompterait. Je lui ai
demandé la raison.
Plus que ça. Il a dit à d'autres que ce n'était pas
sous ses ordres. Il avait eu des ordres de Québec pour me dompter. Quand
on parlait, tout à l'heure, des dossirs politiques, vous en avez le plus
bel exemple, Mme Juneau.
Mme Juneau: Je regrette qu'on n'ait pas eu assez de temps pour...
parce que je ne connais pas votre dossier.
M. Patry: Savez-vous ce que j'aurais désiré le plus
aujourd'hui? Que M. Garon soit présent.
Mme Juneau: Mais, ça se comprend qu'il ne puisse pas
être là tout le temps.
M. Patry: Cela fait un an et demi que je cours après et il
y a un article de la Tribune ici...
Mme Juneau: Mon collègue me dit qu'il a travaillé
sur votre dossier pour essayer de vous aider à... (14 h 15)
M. Patry: Mais qui a donné la réponse finale au
dossier? C'est le ministre Garon qui a dit: Non, je le connais, ce dossier, il
n'y a rien à faire. Ici, dans une page de journal, on dit: "Où il
y a des cas où on pense qu'il y a eu des abus de l'office, qu'on me les
mentionne et je ferai enquête. " Quand il a eu des lettres d'avocat pour
demander une rencontre, après je ne sais pas combien d'appels
téléphoniques, il ne répond pas. Quand plus rien ne se
faisait, on a adressé le dossier à tous les ministres
québécois. Vous en avez une copie dans l'annexe. Voulez-vous que
je vous dise ceux qui ont bien répondu ou ceux qui ont mal
répondu? M. Garon n'a pas - répondu, premièrement. Il y en
a huit qui n'ont pas répondu et il y en a sept qui ont bien
répondu, qui ont appelé le député Rancourt; ce
dernier a très bien répondu. Là-dessus, il y en a la
moitié qui ne font plus partie du cabinet.
Mme Juneau: Si je comprends bien, vos revendications se situent
au niveau régional au tout début.
M. Patty: Oui, d'accord, et après ça au niveau
politique. Je vous le dis, c'est M. Garon que j'aurais aimé rencontrer
ici, aujourd'hui. Cette faillite va coûter
500 000 $ aux contribuables. De plus, ça va empêcher une
méthode qui aurait aidé tous les producteurs de la région
à essayer de se sauver. Vous demanderez au ministre Garon pourquoi il ne
veut pas mettre sur le marché cette méthode-là. Lui, il la
connaît la réponse.
Mme Juneau: Je vais suivre votre conseil, je vais lui demander
pourquoi. Je vous remercie.
Le Président (M. Vallières): Y a-t-il d'autres
demandes d'intervention? M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Comme il s'agit
là d'un cas personnel, je suis bien sensible à la
déposition de M. Patry. Nous avons l'occasion, nonobstant les faits
purement personnels qui sont rattachés au dossier, de pouvoir - le 26
mars prochain - poser des questions au président de l'Office du
crédit agricole sur certains passages de votre mémoire, je pense
bien que vous me permettrez... Il y a un nom qui me revient, j'ai
déjà entendu parler de M. Daoust - il faut que je l'appelle par
son nom puisqu'il est dans votre mémoire - dans une autre commission
parlementaire.
J'hésite un peu à croire - je ne veux pas mettre en doute
votre parole - qu'un homme ait autant de force dans une région. Je me
demande si, effectivement, c'est exactement le bobo sur lequel on peut mettre
le doigt. À moins que vous puissiez élaborer un peu plus
là-dessus, ça m'apparaît un peu...
M. Patry: Dans mon cas, ce que je peux vous dire, c'est que quand
je faisais partie de la Fédération des syndicats des producteurs
de boeuf, on avait envoyé une lettre au ministre Garon et à
Camille Moreau disant que M. Daoust ne faisait pas son travail. J'ai la lettre
ici, si on avait plus de temps, je pourrais vous lire cela.
M. Picotte: Parlez-vous juste de votre cas, d'un seul cas
ou...
M. Patry: Non. À cette époque, la lettre
n'était pas signée en mon nom personnel, elle était
envoyée au nom du Syndicat des producteurs de boeuf de l'Estrie, disant
qu'on avait eu des plaintes, que les producteurs de boeuf allaient le voir, que
ce n'était jamais rentable, ce n'était jamais rentable. Il n'y
avait pas de boeuf qui était supposé se faire en Estrie,
d'après lui.
On a envoyé ces lettres et on a eu une rencontre. Puisque
plusieurs disent que j'ai le crayon facile, M. Daoust n'avait pas trop
aimé ça et c'est moi qui ai écopé. À cette
époque, on a dit: Nous, on a fait ça parce qu'à chaque
fois qu'on te demande quelque chose, ça ne marche pas.
Après ça, il y a autre chose. Quand j'allais voir M.
Viateur Daoust, on avait toujours des rapports de comptable. Je veux bien
croire qu'un producteur ne peut pas être qualifié en tout. On
avait deux comptables qui travaillaient pour nous, et ils ont 15 ans
d'expérience. On arrivait avec ça sur le bureau de Viateur
Daoust, et on disait: C'est comme ça qu'il faut marcher parce que de tel
côté, ce ne sera pas rentable, et de tel côté,
ça va être rentable.
Pour quelle raison a-t-il été se vanter à tous les
agronomes du MAPAQ qu'il me dompterait? Je ne le sais pas. Ce serait à
lui de répondre à la question, et je serais bien content s'il
était ici, lui aussi, aujourd'hui, et je serais bien content si les
agronomes venaient témoigner aussi.
Après ça, il a dit à d'autres qu'il avait eu des
ordres d'en haut et que, dans le dossier, il n'avait rien à se
reprocher. Cela, il ne me l'a pas dit clairement, il ne me l'a pas dit à
mot directement. Je prétends qu'avant d'envoyer un dossier à
Québec, c'est M. Daoust qui dit si le dossier va être positif ou
négatif; c'est lui qui a le dernier mot. Le premier entretien que j'ai
eu avec M. Camille Moreau, à Québec, alors que ça prenait
tant de temps à régler mon dossier, il dit: On n'a pas eu encore
le temps d'étudier ton dossier, mais on n'a jamais eu de problème
avec toi et on ne voit pas pourquoi on en aurait.
M. Picotte: Qui a dit ça?
M. Patry: Camille Moreau. Deuxième réponse de
Camille Moreau...
M. Pieotte: Avez-vous eu des discussions avec M. Moreau?
M. Patry: Je n'ai jamais pu le rencontrer en personne lui non
plus.
M. Picotte: Mais de quelle façon vous a-t-on dit cela?
M. Patry: Au téléphone.
M. Picotte: Au téléphone?
M. Patry: Oui.
M. Picotte: À vous personnellement?
M. Patry: J'en ai fait des appels téléphoniques
à Québec. Je pense que c'est un tous les deux jours parce qu'il
était toujours supposé me donner la réponse demain, puis
il ne me la donnait jamais. Je rappelais et il ne la donnait pas; il
n'était jamais prêt. La dernière réponse est dans
mon dossier, quand il a dit que mon dossier n'était pas rentable, point
final, et qu'il ne
voulait pas en discuter. Pas plus que cela. Quand je lui ai dit toutes
les pertes que cela entraînait autant pour la région que pour
l'économie, il a dit: Cela ne me regarde pas. Fin de l'entretien. C'est
le dernier entretien que j'ai eu avec M. Moreau et il était
enragé bien noir. Pour quelle raison était-il enragé? Je
ne lui ai jamais chanté de bêtises à Camille Moreau. Je ne
le connaissais même pas. Je ne lui ai même pas parlé raide.
Je me suis dit: Il se passe quelque chose dans ce dossier, cela n'a pas
d'allure. C'est là que j'ai essayé de communiquer avec le
ministre et il était toujours disparu dans la brume. Je ne sais pas
où il était passé, mais j'ai essayé de communiquer
avec Maurice Tremblay, son adjoint parlementaire, parce qu'il était
très au courant du dossier. Lui non plus, je n'ai jamais pu le rejoindre
après. Personne n'a voulu donner les raisons, puis il n'y a jamais
personne qu'on a pu retrouver après cela.
M. Picotte: Mais vous, puisque vous êtes ici pour nous dire
ce que vous pensez, et j'ai l'impression que vous n'avez pas du tout de
misère, mais en tout cas, pourquoi, d'après vous, votre projet
expérimental n'a-t-il pas été accepté? Y a-t-il une
question de rentabilité?
M. Patry: Je vais vous dire une chose que M. Maurice Tremblay
m'avait dite: Il a dit: Ce projet-là, on y tient bien gros parce que, si
on peut faire abaisser le coût de production dans
l'assurance-stabilisation, on sera bien content. II a dit: Cela coûte
trop cher d'assurance-stabilisation.
M. Picotte: C'est lui, du bureau du ministre, qui vous a dit que
cela coûtait trop cher.
M. Patry: Oui, exactement, après que l'on sait qu'un
monsieur comme Orance Mainville, qui a un très gros parc
d'engraissement, qui siège à la Fédération des
producteurs de boeuf et qui est la matière grise du gouvernement dans le
domaine du boeuf aussi, il travaille à beaucoup de dossiers et ce sont
des fonctionnaires qui me l'ont dit. J'ai parlé avec d'autres parcs
d'engraissement qui avaient bien peur que la méthode devienne publique
parce qu'on avait peur que cela fassse abaisser le coût de
l'assurance-stabilisation. J'ai l'impression, et c'est M. Garon qui pourrait le
dire, qu'il y a eu des pressions politiques pour que rien ne sorte et que le
meilleur moyen, c'était de me sortir de l'agriculture.
M. Picotte: Mais, puisque vous faites allusion à d'autres
personnages - de toute façon, je ne les connais pas - je veux tout
simplement vous demander: Dans la production du boeuf, êtes-vous capable
de m'expliquer pourquoi cela ne marche pas? Cela doit marcher quelque part. Il
doit y en avoir pour qui cela marche. Êtes-vous en train de me dire que
cela ne marche pour personne?
M. Patry: Je vais vous dire mieux que cela: si on
considère que l'assurance-stabilisation établit le coût
moyen d'un coût de production, on va prendre le meilleur exemple qui se
calcule le plus vite, ce sont les parcs d'engraissement; on considère
qu'un parc de 400 têtes fait vivre son homme. On va prendre l'exemple
que, pour l'année 1981-1982, dans le coût de production, il y
avait un salaire pour le producteur qui était considéré
à 18 000 $; par contre, les 18 000 $ que cela coûte pour assurer
une tête - en 1981-1982, cela coûtait 45 $; 400 têtes cela
coûte 18 000 $ aussi et il faut que le gars les sorte de sa poche parce
que ces 18 000 $ ne sont pas considérés dans le coût de
production - cela veut dire qu'à la fin le gars, pour vivre, il lui
restait zéro, parce que cela coûtait 18 000 $ pour les assurer et
il avait 18 000 $ pour se payer un salaire. Cela fait qu'il était
obligé d'emprunter ces 18 000 $ sur sa marge de crédit. Au bout
de cinq ans, il doit 90 000 $ à sa marge de crédit et il a pris
cela pour vivre; la sixième année, il fait faillite. C'est aussi
clair que cela parce que cela ne peut pas être rentable.
M. Picotte: Pourquoi? Parce que le modèle est trop gros,
trop fort, mal planifié ou que les politiques sont mal... C'est
quoi?
M. Patry: Non, c'est l'assurance-stabilisation. Dans le
coût de production, aujourd'hui cela coûte 50 $ par tête.
J'ai déjà eu une rencontre avec le ministre et je lui ai dit: II
faudrait que ce soit inclus dans le coût de production. C'est impossible,
un gars ne peut pas arriver. Il a dit: Jamais. C'est la réponse qu'il
m'a faite, mais j'ai dit: Un gars va faire faillite. Vous faites bâtir
des parcs d'engraissement, cela n'a pas d'allure. Il m'a envoyé
promener, c'est ce qu'il a fait.
M. Picotte: Mais c'est quoi le pourcentage de ceux qui
réussissent et de ceux qui ne réussissent pas. Il doit y en avoir
qui réussissent. Quelle sorte de méthode peuvent avoir ceux qui
réussissent comparativement à vous ou à d'autres qui ne
réussissent pas? C'est une question de gestion ou quoi?
M. Patry: Je vous arrête tout de suite: dire que je ne
réussissais pas, avant que vous lisiez tout mon dossier, ma ferme
était rentable, mais...
M. Picotte: Cela n'a pas marché. Quand je vous dis que
vous ne réussissiez pas...
M. Patry: D'accord, cela n'a pas marché, je suis
arrêté.
M. Picotte: Il y a une raison pour laquelle cela n'a pas
marché. J'imagine que...
M. Patry: D'accord. On voit de belles fermes modèles qui
servent d'exemples au ministre Garon. Vous n'avez qu'à regarder dans le
domaine du boeuf, cela fonctionne, on fait de l'argent. Dans cela, il y en a
qui font le commerce des veaux d'embouche. Cela les aide parce qu'ils importent
au Québec - je ne sais pas - 10 000 têtes à 10 $ la
tête, ils vont chercher 100 000 $ là.
Il n'y a rien de mauvais dans cela, c'est leur droit. S'ils veulent
faire le commerce dans un domaine à côté de leur parc
d'engraissement. Par contre, il y en a d'autres qui achètent des veaux
l'automne, quand le gars de l'assurance-stabilisation est passé, ils les
revendent et font venir du boeuf fini de l'Ontario. Cela se fait sur une grande
échelle au Québec depuis quelques années et il y en a qui
sont devenus spécialistes. Si un gars fait cela avec 4000 têtes,
il "claire" 500 000 $ par année sans avoir engraissé les
têtes. Le ministre Garon est très au courant de cela.
M. Picotte: Répétez-moi donc cela. C'est un bout
qui est passé vite un peu.
M. Patry: C'est un bout qui n'est pas connu publiquement non
plus. Disons qu'il y a des producteurs - je ne donnerai pas de noms, je vais
demander à M. Garon de les nommer parce qu'il les connaît - qui
achètent des veaux l'automne; d'habitude, le gars de
l'assurance-stabilisation vient compter le nombre de têtes vers les
fêtes. Quand il est passé, le gars revend ses veaux - il les avait
gardés à peu près un mois, un mois et demi; seulement au
foin, cela n'a pas coûté cher - il les revend et il fait venir du
boeuf fini de l'Ontario, de 800 à 900 livres de viande - nous, à
l'assurance-stabilisation, dans l'élevage du boeuf, on est payé
sur la facture d'abattage, le certificat d'abattage. Le gars envoie ses animaux
directement à l'abattoir. Il peut retirer, je ne sais pas, 200 $
à 250 $ d'assurance-stabilisation et il n'a pas gardé les
animaux. Cela veut dire qu'avec l'assurance-stabilisation il y en a qui
crèvent de faim et d'autres subventionnent l'Ontario et certains gros
parcs qui servent de modèles pour la réussite du boeuf au
Québec.
M. Picotte: Est-ce que les autorités compétentes en
la matière sont au fait de cela? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a
dénoncé cette façon de procéder? Est-ce que c'est
au vu et au su de...
M. Patry: II y en a plusieurs avec qui je parle et cela se fait
dans tout le Québec. Cela a commencé par des spécialistes,
mais maintenant cela se fait dans tout le Québec. Il y en a qui font
cela à petite échelle seulement pour ne pas perdre leur ferme,
mais il y en a d'autres pour qui c'est le gagne-pain. Dans le fond, ce n'est
pas à moi à faire l'enquête. Ce n'est pas avec mon
chèque d'aide sociale que je peux aller virer bien loin dans une
enquête. Ce serait à vous ou à quelqu'un d'autre à
faire l'enquête.
M. Picotte: Vous êtes en train de me dire que c'est la
façon de réussir.
M. Patry: C'est la seule façon. À moins de cela...
Les chiffres sur la table, cela ne peut pas arriver, ce n'est pas rentable. Ce
serait payant, faire du boeuf au Québec, si on organisait des moyens
pour cela. Je suis bien mal placé pour donner des solutions à M.
Garon quand il me tape sur la tête.
M. Picotte: Une dernière question. Est-ce que vous avez
été obligé de faire encan?
M. Patry: Non, j'ai vendu mes vaches directement...
M. Picotte: D'accord.
M. Patry:... et j'ai donné le montant d'argent à
l'Office du crédit agricole.
M. Picotte: Je voulais revenir sur la pratique des encans. C'est
un autre sujet qu'on n'a jamais réussi à éclaircir.
M. Patry: II y en a qui m'avaient mis la puce à l'oreille
et j'avais peur que Daoust se graisse la patte; j'ai eu peur et j'ai vendu mes
vaches directement.
M. Picotte: Je n'ai plus de questions, M. le
Président.
Le Président (M. Vallières): Je veux
immédiatement, M. Patry, vous indiquer que je regrette beaucoup qu'on
n'ait pas pu vous entendre plus en détail. Cela a dû vous demander
une somme considérable de travail de préparer la première
partie du mémoire.
M. Patry: Disons que j'étais prêt à vous
rencontrer, comme je suis prêt à rencontrer M. Garon aussi,
n'importe où, n'importe quand, n'importe comment.
Le Président (M. Vallières): Je veux vous indiquer
cependant que votre mémoire est entre les mains de tous les membres de
la commission et que, dans la mesure du possible, il en sera tenu compte quand
on
fera notre rapport final à l'Assemblée nationale. Donc, ce
n'est pas du travail qui demeure sans suite, soyez-en assuré. Je vous
remercie pour votre participation.
M. Houde: Je peux dire quelque chose? Trente secondes.
Le Président (M. Vallières): Trente secondes.
M. Houde: Ce n'est pas pour poser des questions. J'aimerais, pour
le bien de la population et des gens qui sont ici et qui sont de la
région de l'Estrie, tout le travail qui a été fait en
agriculture depuis quelques mois, à la suite des visites qu'on a faites
partout, avec des gens comme vous pour entendre des mémoires, remercier
et féliciter le président et toute son équipe - ceux qui
sont en arrière comme ceux qui sont en avant - pour le magnifique
travail qu'ils ont fait pour le bien de l'agriculture du Québec. Je
pense qu'avec cela on va finir par réussir à amener quelque chose
qui va coller à la réalité, qui va être pour vous et
pour nous aussi.
M. Patry: Je suis complètement d'accord avec vous. Si le
travail peut continuer et que toute la vérité sorte une fois pour
toutes sur tout ce qui se passe.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie et je
remercie tous les organismes qui ont présenté des mémoires
à la commission. Je veux vous indiquer que cela fait déjà
quelque 37 heures que nous procédons à des auditions. Je suis
persuadé qu'on pourra, avec cette somme de travail qui nous a
été fournie, proposer des solutions aux divers problèmes
qui ont été soulevés dans toutes les régions
où nous avons circulé. Là-dessus, je vous remercie
beaucoup et nous ajournons nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 14 h 30)