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(Neuf heures cinq minutes)
Le Président (M. Bélanger): A l'ordre, s'il vous
plaît! Si vous me le permettez, nous allons commencer les travaux de la
commission. Ce matin il s'agit d'une interpellation, et je vais rappeler les
règles du jeu. Avant de donner ces règles, on va établir
d'abord les remplacements. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) sera remplacé par Mme Hovington
(Matane), M. Laporte (Sainte-Marie) par Mme Trépanier (Dorion), M.
Rochefort (Gouin) par Mme Harel (Maisonneuve).
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Les
règles sont les suivantes. Au début, la députée de
l'Opposition qui est l'interpellante aura dix minutes d'intervention, ensuite
Mme la ministre aura dix minutes. Les députés de l'Opposition
auront cinq minutes, Mme la ministre, cinq minutes de réplique. Pour les
députés ministériels, députés de
l'Opposition, ministre, députés ministériels, ce sera
toujours la même alternance à raison de cinq minutes à
chaque fois. À la fin, Mme la ministre aura dix minutes et Mme la
députée de l'Opposition qui est l'interpellante aura elle aussi
dix minutes pour la conclusion. Si vous êtes d'accord, je respecterai de
façon assez rigoureuse le minutage de telle sorte qu'on ne privera
personne de son temps d'intervention et qu'on pourra accomplir le tout dans les
meilleurs délais.
Pour commencer, je cède la parole à Mme la
députée de Maisonneuve, qui est l'interpellante.
Exposé du sujet Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il faut convenir que
l'exercice extrêmement salutaire que nous allons faire ce matin consiste
à mieux connaître les intentions et les objectifs qu'entend
réaliser la ministre déléguée à la Condition
féminine pour la présente année.
Il y a un vieux dicton populaire - et on dit que ce dicton fait partie
de la sagesse populaire - qui veut que l'on juge un arbre à ses fruits.
En politique, ce dicton se traduit par l'évaluation des intentions
toujours bonnes - on les présume toujours bonnes en politique, n'est-ce
pas? - par les réalisations qu'elles amènent.
De prime abord, il nous semble que ce soit une erreur de la ministre
déléguée à la Condition féminine d'avoir,
depuis quelques mois, systématiquement dénigré le
processus de consultation qu'a été Décisions 85. Une
erreur, parce que ce matin, lorsque sans doute la ministre fera son bilan des
réalisations depuis un an, elle nous permettra de constater que ces
réalisations n'ont été rendues possibles en grande partie
que dans le cadre des engagements et du suivi de Décisions 85. Le bilan
que la ministre va nous faire va systématiquement comprendre des
réalisations qui ont été rendues possibles dans le cadre
de Décisions 85. C'est dans une certaine mesure dans l'erre d'aller du
suivi du sommet. C'est dans l'erre d'aller des engagements qui ont
été pris au sommet de Décisions 85 que nous retrouvons par
exemple, maintenant, une augmentation de l'allocation pour les places en
garderie, que nous retrouvons un engagement qui a été pris au
sommet d'ajouter au total 12 000 places en services de qarde au Québec,
que nous retrouvons l'annonce faite en matière de programmes
d'accès à l'égalité dans le secteur public et dans
le secteur privé. Je rappelle que lors du sommet l'engagement avait
été pris de constituer un fonds d'aide pour mettre sur pied ces
programmes d'accès à l'égalité, l'engagement avait
été pris de créer un comité interministériel
et l'engagement avait été pris de transiger avec les entreprises
dans le cadre d'une obligation contractuelle. Il y a même eu un
engagement qui favorisait la réflexion sur les modalités de la
couverture de cette obligation contractuelle. Je demanderai d'ailleurs à
la ministre, ce matin, où en est rendu ce comité
interministériel qui siégeait sur cette question.
À Décisions 85, encore là, on a pris des
décisions en matière d'accès des femmes agricultrices au
programme de crédits, décisions qui ont par la suite
été rendues publiques par le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation et des décisions à
l'égard des femmes collaboratrices de créer un comité
examinant la possibilité d'une sorte de déclaration de statut
entre conjoints pour reconnaître le statut de femme collaboratrice.
Alors, donc,
que ce soit en matière de garderies ou en matière de
maisons d'hébergement, une politique d'ensemble a été
rendue publique lors de Décisions 85, laquelle politique prévoit,
ou plutôt prévoyait un mode de financement, puisque la politique a
été gelée depuis par la collègue à la
Santé et aux Services sociaux de la ministre
déléguée à la Condition féminine. C'est donc
dire qu'en matière de garderies, en matière d'hébergement,
en matière de programmes d'accès à
l'égalité, en ce qui concerne les femmes collaboratrices, en ce
qui concerne l'accès aux crédits pour les femmes agricultrices et
en matière également de recommandations pour l'accès
à des cours de français pour les femmes immigrantes ce sont
là des engagements, des décisions qui ont été
prises au sommet de mai 1985. Oui, ce matin, nous disons merci à la
ministre d'avoir réalisé ces engagements et nous applaudissons en
fait è tout ce qui contribue à la promotion de la cause de
l'égalité des femmes au Québec. Mais nous lui disons de
cesser de dénigrer Décisions 85, qu'elle cesse de
discréditer ce processus comme ayant été un spectacle,
nous a-t-elle dit en Chambre il y a peu de jours, qu'elle cesse donc de
dénigrer d'un côté pour en avoir profité de l'autre,
et qu'elle reconnaisse le travail exceptionnel qui a été
réalisé lors de Décisions 85 puisqu'elle en a
bénéficié dès son arrivée, puisque le bilan
qu'elle va pouvoir faire ce matin avait été déjà
tracé et élaboré en mai 1985.
Ce matin, nous lui disons: Cette année, l'heure de
vérité va sonner pour le gouvernement, cette heure de
vérité qui va consister è réaliser ses propres
engagements. Nous allons lui parler de ses engagements fermes, rendus publics
il y a un an: engagement en matière d'accès des travailleuses au
foyer à la Régie des rentes, engagement à l'égard
des travailleuses è temps partiel; engagement è l'égard de
la mise en place d'une obligation contractuelle des entreprises qui transigent
avec le gouvernement de mettre en place des programmes d'accès à
l'égalité; engagement à l'égard des femmes de 60
ans, célibataires ou divorcées, qui n'ont toujours pas
accès, contrairement aux veuves ou aux conjointes d'hommes qui ont plus
de 60 ans, à la pension; engagement de combler cette pension en
soustrayant l'aide sociale et en ajoutant le montant de différence pour
permettre aux divorcées et aux célibataires d'obtenir des
montants a 60 ans équivalents à ceux des veufs ou des veuves et
engagement, également, de continuer a développer le réseau
de services de garde.
Mme la ministre va nous parler, ce matin, des places nouvelles qui,
cette année, ont été créées. Je lui rappelle
que c'était là un engagement du précédent
gouvernement. Je lui rappelle que, lorsqu'elle est arrivée, les
décisions étaient déjà prises. Qui connaît le
processus gouvernemental sait que, déjà en janvier, les
décisions étaient prises en matière de services de garde
et, cette année, nous allons véritablement connaître
l'intention gouvernementale en matière de développement de
services de garde. Pourrons-nous compter cette année sur un
développement d'autant de places en garderie que l'an passé? On a
un total de 12 000 places annoncées; pouvons-nous compter sur cet
engagement ferme de la part de la ministre? Pouvons-nous compter sur la mise en
place de l'obligation contractuelle en matière de programmes
d'accès à l'égalité? Pouvons-nous compter sur
l'intégration, en la modifiant, à la Loi sur les normes du
travail des travailleuses à temps partiel afin de leur accorder des
avantages sociaux équivalents à ceux des travailleuses à
temps plein? On sait que 67 % des travailleurs à temps partiel sont des
femmes. Quand on parle de travailleurs à temps partiel, on devrait
parler de travailleuses. Encore maintenant, elles attendent l'accès
à des congés de maternité, à
l'assurance-chômage en proportion des heures qu'elles travaillent.
Nous allons ce matin, également, examiner attentivement, avec la
ministre le financement des groupes de femmes. On sait l'inquiétude que
les propos de la ministre ont pu développer dans l'ensemble des groupes
de femmes dans toutes les régions du Québec. Nous allons demander
à la ministre ce matin de nous faire connaître, de façon
claire, précise, quelles sont les recommandations qu'elle a faites
à son collègue, le président du Conseil du trésor,
en matière de financement des groupes de femmes. (9 h 15)
Particulièrement, et nous y reviendrons, l'inquiétude
existe actuellement dans les milieux de maisons d'hébergement pour
femmes violentées, inquiétude qui est venue du gel de la
politique de financement annoncée par le précédent
gouvernement à Décisions 85. Cette inquiétude, j'en ai la
preuve dans de nombreuses lettres. Et la ministre a certainement comme moi
reçu, de l'ensemble de toutes les régions du Québec et de
l'ensemble des groupes de femmes qui travaillent auprès des femmes
violentées, leur profonde inquiétude à l'égard des
coupures et des compressions en matière de subvention. Nous reviendrons
sur l'ensemble du financement des groupes de femmes en matière de
santé ou des centres de femmes qui, actuellement, sont acculés
à la fermeture si la ministre et le président du Conseil du
trésor ne consentent pas des subventions comme celles auxquelles les
femmes s'attendaient pour la présente année.
Merci, M. le Président.
Réponse de la ministre
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Je tiens d'abord à remercier la
députée de Maisonneuve de me fournir, pour une seconde fois en
moins d'un an, une occasion inespérée de mettre en relief les
réalisations gouvernementales en matière de condition
féminine. Je pense que le moment est bien choisi puisque cela
coïncide avec la mi-temps du plan d'action dévoilé le 29 mai
dernier et que les échanges sans doute constructifs que nous aurons
tantôt s'inscrivent bien dans le processus d'élaboration des
orientations triennales qui sera rendu public au cours de l'année
1987.
Comme j'aurai l'occasion de répondre à la
députée de Maisonneuve au cours de cette interpellation, je
profiterai, M. le Président, du temps mis à ma disposition pour
vous faire part du suivi de mon plan d'action et de la tournée du
Québec que j'ai entreprise à la fin du mois d'août
dernier.
La députée de Maisonneuve et tous les
Québécois et Québécoises qui nous écoutent
en ce moment se souviendront peut-être qu'à mon arrivée
à ce poste j'ai fait le pari qu'il me serait possible de travailler
à la mise en place d'une politique adaptée et renouvelée
en matière de condition féminine. Pour réaliser cet
objectif, j'ai fait valoir auprès de mes collègues ministres une
formule reposant essentiellement sur le rapprochement de l'appareil
gouvernemental et des groupes de femmes. J'ai préconisé comme
moyen la mise en place d'une série de mécanismes d'information,
de consultation et de concertation en vue de donner un caractère
officiel et permanent aux relations avec les groupes de femmes. La rencontre
gouvernement-groupes de femmes qui a eu lieu lundi dernier à
Montréal, qualifiée de véritable succès par de
nombreux observateurs et observatrices de la scène politique, s'inscrit
d'ailleurs au nombre de ces mécanismes.
Puis, j'ai misé sur la transparence des actions du gouvernement
en matière de condition féminine. C'est ainsi que pour la
première fois au Québec le gouvernement dévoilait en mai
dernier à l'ensemble de la population et tout particulièrement
aux femmes un outil de travail énumérant la totalité des
actions qu'il entendait prendre au cours d'une année en matière
de condition féminine. De façon générale, on peut
dire que l'état des réalisations des mesures prévues au
plan d'action s'avère satisfaisant et conforme avec les engagements pris
par les différents ministères et organismes au moyen du plan
d'action gouvernemental en matière de condition féminine pour
l'année 1986-1987. Le rapport d'étape dont j'ai saisi les
représentantes de 28 groupes de femmes il y a quelques jours à
peine indique en fait que les principaux écarts entre ce qui
était prévu et ce qui est effectivement réalisé ont
surtout trait au report de certaines échéances de
réalisation que les ministères s'étaient eux-même
données. Les groupes de femmes ont reçu toutes les explications
sollicitées à ce sujet dans le cadre de leurs échanges
avec les sous-ministres le 10 novembre dernier ainsi que lors de ma
tournée des régions du Québec que je compléterai
dès lundi prochain en Estrie.
Non seulement cette tournée provinciale m'aura-t-elle permis
d'échanger sur le plan d'action 1986-1987 mais elle m'aura
également fourni l'occasion de discuter abondamment des problèmes
soulevés par un grand nombre de Québécoises oeuvrant
à l'amélioration des conditions de vie des femmes et de mesurer
par là toute la vitalité du féminisme en régions.
Permettez-moi de faire brièvement état des constatations qui se
dégagent à ce jour de ce périple
transquébécois marqué au coin de l'écoute et du
dialogue. La plus qrande constante est sans nul doute l'inquiétude et
l'incertitude que vivent les femmes vis-à-vis du financement de leurs
groupes, particulièrement les groupes de services. S'il est vrai que les
problèmes posés ne sont pas simples et qu'ils n'ont pas surgi en
décembre 1985, il est aujourd'hui impérieux qu'on en fasse un
examen attentif de sorte que, finalement, nous soyons aptes à mesurer la
pertinence de nos actions et celle de notre partenaire fédéral
pour mieux répondre aux innombrables et urgents besoins des femmes.
En regard du gouvernement fédéral, j'ai déjà
saisi ma collègue Barbara McDougall de cette préoccupation afin
qu'elle fasse l'objet d'un point spécifique à l'ordre du jour
d'une prochaine rencontre fédérale-provinciale des ministres
responsables de la Condition féminine. Au cours de ma tournée,
j'ai eu l'occasion de dénoncer cette situation en faisant état du
fait que je trouvais regrettable que les femmes doivent sans cesse
éparpiller leurs énergies et en consacrer une bonne part à
trouver du financement. J'estime qu'il est du devoir des gouvernants, en
collaboration avec les principales intéressées, de chercher des
solutions.
Une autre constante est l'ampleur du problème de la violence
faite aux femmes. Dans plusieurs régions du Québec, les femmes
s'impliquent pour travailler à résoudre ces problèmes dans
le cadre d'organismes tels les maisons d'hébergement ou les CALACS. Bien
souvent, ces femmes ne disposent pas de ressources financières et
matérielles suffisantes pour répondre aux besoins des femmes
victimes de violence. Je suis d'avis qu'il est urgent que notre gouvernement se
penche sur le dossier de la violence faite aux femmes et trouve des
solutions novatrices pour éliminer cette plaie sociale.
Il y a également toute la question des services de garde qui
s'avère un élément clé de toute politique visant la
reconnaissance du droit des femmes à l'exercice d'un métier ou
d'une profession. À cet égard, j'ai déjà pris
toutes les dispositions nécessaires afin de permettre au gouvernement,
dans un premier temps, de revoir ce dossier majeur et, dans un second temps, de
déboucher sur une politique mieux adaptée à la
réalité des années quatre-vingt-dix.
Finalement, il y a la question des mesures nécessaires pour
permettre aux femmes de réintégrer ou d'intégrer le
marché du travail ou encore de sortir du ghetto des emplois
traditionnels. Je pense ici, entre autres, aux programmes de formation
professionnelle et à l'accès à l'égalité. Il
est fondamental qu'une attention toute particulière soit accordée
aux femmes dans le cadre de notre politique et de nos actions en matière
de main-d'oeuvre.
Bien d'autres besoins demeurent encore insatisfaits, comme mes
collègues ministres ont pu le constater lors de la rencontre groupes de
femmes-gouvernement. Mais mon souci de brièveté m'empêche
de les énumérer tous. II n'en demeure pas moins que je
m'efforcerai dans la mesure de mes responsabilités et de mes moyens de
les satisfaire le plus possible afin d'atteindre mon objectif fondamental, soit
l'autonomie financière des femmes.
J'ajouterai que je suis profondément convaincue que la
majorité des revendications portées par les femmes sont
légitimes et j'estime qu'elles ont parfois raison de manifester de
l'impatience. En contrepartie, il faut bien admettre que la multiplicité
des besoins, des demandes, fait ressortir avec acuité la
nécessité d'établir des priorités afin de
réaliser cette adéquation entre les besoins et les ressources qui
y sont consacrées.
Les groupes sont, par ailleurs, assurés que cette recherche d'une
efficacité plus grande ne se fera pas à leur insu et qu'elle ne
sera pas improvisée. Au contraire, le but des mécanismes
d'information, de consultation et de concertation mis en place ces derniers
mois est de les rendre formels et d'augmenter les échanges entre les
groupes de femmes et ceux et celles qui élaborent les politiques de
façon que les actions gouvernementales soient plus
appropriées.
La première année de mandat du présent gouvernement
nous aura permis de consentir un effort essentiel à la poursuite de
l'action entreprise depuis plus de treize ans pour favoriser
l'amélioration des conditions de vie des Québécoises. Le
gouvernement du Québec a en effet posé jusqu'ici des gestes qui
démontrent clairement sa volonté de respecter ses engagements
électoraux et même d'aller au-delà de ceux-ci. Qu'on pense
seulement à la mise en place d'une politique d'intervention en
matière de violence conjugale, à l'adoption d'un programme
triennal d'activités à l'intention des femmes en agriculture,
à l'amélioration de la situation des femmes itinérantes,
au démarrage des programmes d'accès à
l'égalité dans les réseaux de la santé, de
l'éducation ainsi que dans le monde municipal, à l'implantation
de ces mêmes programmes dans le secteur privé et à la
hausse du salaire minimum pour ne nommer que quelques-unes des
réalisations de notre gouvernement au chapitre de la condition
féminine depuis son arrivée au pouvoir.
Ces réalisations, jumelées aux nombreuses autres qui sont
contenues dans le plan d'action 1986-1987, constituent somme toute un bilan
positif et encourageant à l'orée de cette deuxième
année de mandat, et j'en suis très fière, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la ministre.
Je cède donc la parole à la députée de
l'Opposition, Mme la députée de Maisonneuve.
Argumentation Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je pense que pour la
suite de nos travaux nous pouvons espérer que la ministre puisse
répondre à nos questions. Nous sommes dans le cadre d'une
interpellation et notre règlement fait une très nette distinction
entre la procédure qui s'appelle la déclaration
ministérielle et celle qui consiste, dans une interpellation, à
répondre aux questions de l'Opposition.
J'aimerais immédiatement qu'on aborde la question du financement
des groupes de femmes. M. le Président, Mme la ministre a rappelé
la rencontre qui s'est tenue lundi passé entre elle-même, ses
collègues ministériels de même que les groupes de femmes au
Québec. Je veux simplement lui rappeler un communiqué de presse
dont elle a certainement pris connaissance et qui résultait de
l'entente, je pense, de 17 groupes provinciaux de femmes au Québec, 18
plus exactement, et qui considérait que cette rencontre avait permis aux
groupes de réitérer à nouveau -c'est textuel - les
demandes et revendications qu'elles ont maintes fois rendues publiques dans
d'innombrables commissions parlementaires, commissions consultatives,
comités ad hoc, et le reste. La position commune de ces 18 groupes
était que, tout en considérant qu'il s'agit de lieux de
sensibilisation, les femmes sont impatientes de voir enfin le gouvernement
prendre des décisions sur les dossiers les concernant.
Évidemment, l'ensemble de ces groupes de femmes a fait
écho à leur désapprobation du huis clos qui avait
été imposé par la ministre en disant que ce huis clos a
enlevé de la visibilité aux revendications des femmes
vis-à-vis du grand public. Je pense que l'occasion nous est
donnée, ce matin, de discuter publiquement parce que le gouvernement
doit gouverner publiquement et il est de l'intérêt de la cause des
femmes que leurs revendications soient connues de l'opinion publique et que
l'opinion publique soit sensibilisée à ces revendications qui
sont justes et légitimes et que tout le monde reconnaît comme
fondamentales sur le financement des groupes de femmes.
Je pense que oui il y a eu beaucoup d'inquiétude.
L'inquiétude s'est manifestée dans l'ensemble des groupes et dans
toutes les régions du Québec. Cette inquiétude porte sur
la propension de la ministre à remettre en question, beaucoup plus
à s'interroger sur la rentabilité des groupes de femmes
plutôt qu'à s'interroger sur le gel ou les compressions que font
subir ses collègues aux groupes de femmes. Je pense qu'au fond il y a
une inquiétude chez beaucoup de groupes de femmes sur la
solidarité de la ministre. Sa solidarité est-elle d'abord
à l'égard de ses collègues ou à l'égard des
groupes de femmes au Québec? Nous savons que ces groupes... Et le
Conseil du statut de la femme a rendu public un avis sur le financement des
groupes de femmes qui démontre bien, dans l'ensemble du Québec,
dans les maisons d'hébergement pour femmes violentées, les
centres de femmes, les centres de santé pour femmes, combien l'ensemble
des groupes alternatifs dans le domaine de l'emploi, dans le domaine de la
formation, combien ces groupes rendent des services alternatifs inestimables
à un coût extrêmement modeste comparativement,
évidemment, aux coûts engendrés quand l'État prend
en charge ces questions.
On sait que les maisons d'hébergement sont extrêmement
inquiètes du gel du cadre financier. Je me reporte aux propos de la
présidente, Mme Lacombe. Mme Lacombe est la présidente
provinciale du regroupement. Elle dit: Loin de respecter le cadre financier de
la politique d'aide aux femmes violentées du gouvernement
précédent, le gouvernement a décrété le gel
des subventions. Qu'entend faire la ministre à l'égard des
subventions aux maisons d'hébergement pour femmes violentées?
Qu'entend recommander la ministre à sa collègue du
ministère des Affaires sociales concernant la désassurance par la
régie d'actes médicaux? Pensons à l'anesthésie
locale et pensons à la psychothérapie qui actuellement rendent
les centres de santé pour femmes... On sait que le Centre de
santé de Joliette a dû fermer. Celui de Sherbrooke a
temporairement fermé et est rouvert.
Les centres de santé se disent acculés à la
fermeture, compte tenu du financement aléatoire qui leur vient de la
décision récente de la Régie de l'assurance-maladie,
entérinée par la ministre des Affaires sociales, de ne plus
rembourser les frais d'anesthésie locale et les frais de
psychothérapie. Que pense la ministre des difficultés et du gel
des subventions pour les maisons d'hébergement pour femmes
violentées et pour l'ensemble du réseau des centres de femmes? On
sait que 70 % des centres de femmes au Québec existent en dehors des
grands centres. Ce sont évidemment des piles de protestations que vous
avez dû recevoir, comme j'ai pu en recevoir copie. Qu'avez-vous
idée de faire? Vous avez parlé aux femmes de sélectionner
les groupes rentables de femmes. Quels sont les critères
d'évaluation que vous entendez utiliser? Qu'allez-vous recommander? (9 h
30)
Vous nous avez dit également que le Conseil du trésor
devait vous fournir une liste des groupes de femmes ainsi que leurs sources de
financement. Est-ce que le conseil vous l'a fournie?
Le Président (M. Bélanger): Votre temps est
écoulé.
Mme Harel: Très bien, M. le Président. Est-ce que
la ministre a l'intention de rendre publiques les sources de financement des
groupes de femmes au Québec et quelle est la politique qu'elle entend
mener à l'égard du financement?
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre,
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je veux bien que la
députée de Maisonneuve sache que j'ai le goût de
répondre à toutes ses questions, mais je vous avais bien
prévenu lorsque j'ai lu mon texte que je voulais avant tout, parce que
j'aurai l'occasion de répondre à ses questions au cours de
l'interpellation, faire le suivi du plan d'action et en même temps lui
faire part de la tournée que j'ai entreprise à la fin du mois
d'août.
Lorsqu'on parle de la rencontre de lundi dernier, on parle du huis clos;
la députée de Maisonneuve a par contre oublié de discuter
de la réussite de cette journée. On a parlé du huis clos
comme tel, mais on a oublié de dire quelle réussite
c'était et combien les groupes avaient aimé cette rencontre avec
mes collègues les ministres du gouvernement.
Je m'excuse, M. le Président. Il ne faut pas prétendre,
parce qu'il y a eu huis clos, que le gouvernement manque de transparence. La
preuve, c'est que six mois
après mon arrivée j'ai dévoilé un plan
d'action gouvernemental en matière de condition féminine, plan
qui comprenait toutes les activités gouvernementales qui se faisaient
à l'intérieur de chacun des ministères concernés
par la condition féminine. J'aimerais en plus qu'on me donne des
exemples de séances de travail qui sont publiques. Lorsqu'on fait des
ateliers de travail comme celui de lundi dernier avec les groupes de femmes et
les collègues, je me demande si on remarque dans ces lieux de travail,
lorsqu'on rencontre le président de l'UPA ou les chefs syndicaux, la
présence de la presse. D'autant plus que la presse a été
invitée à participer à une conférence de presse par
la suite, alors qu'on a pu faire le compte rendu de cette journée.
Quant au financement des groupes de femmes, j'ai mentionné dans
mon texte initial qu'il m'apparaissait inadmissible que les femmes doivent
dépenser des énergies incroyables à chercher du
financement. Lorsque, au cours de ma tournée, je parlais de
rentabilité, je parlais de rentabiliser l'action des femmes. Lorsque
j'ai commencé ma tournée, on me disait qu'on dépensait
jusqu'à 25 % des énergies à trouver du financement, par la
suite c'était 40 % et, lorsque je suis allée dans
l'avant-dernière région, il s'agissait de 60 %. Par chance, M. le
Président, que je suis à la fin de ma tournée parce que,
vraiment, on se serait probablement rendu à tout près de 100 %.
Je suis d'accord avec les femmes. C'est vrai qu'elles doivent chercher de
nombreux financements à tous les paliers de gouvernement et dans les
différents ministères. Je trouve cela inadmissible.
C'est la raison pour laquelle, d'une part, j'ai demandé à
Mme Barbara McDougall, qui est présentement ministre de la Condition
féminine du gouvernement fédéral, s'il n'y aurait pas
possibilité de mettre à l'ordre du jour d'une prochaine
conférence fédérale-provinciale ce thème du
financement des groupes de femmes. J'ai demandé également
qu'à l'intérieur de nos propres ministères, ici, on puisse
faire une évaluation de ce qui est donné parce que souvent nous
finançons des programmes - j'ai pu le constater au cours de ma
tournée - qui ne correspondent pas nécessairement aux besoins des
femmes. Mais, parce qu'on a tellement besoin de financement, on a recours
à ces programmes et on donne ces programmes. Là aussi, je trouve
cela inadmissible. Je pense que ces programmes doivent s'adapter aux besoins
des femmes, aussi bien des femmes des régions que de toutes les femmes
du Québec.
En ce qui concerne le financement, je comprends que ce n'est pas facile
pour l'ensemble des femmes. Je suis actuellement en train de chercher des
solutions - M. le Président, il me reste une minute - et je travaillerai
avec les groupes de femmes aussi pour voir de quelle façon on pourrait
éviter cette dépense d'énergie à tous les ans,
è tous les niveaux, c'est-à-dire qu'on soit obligé de
toujours recourir à tous les paliers de gouvernement et tous les
ministères.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la ministre.
Je cède la parole au député de Taschereau.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, M. le Président. C'est la seconde
interpellation à la ministre déléguée à la
Condition féminine et c'est la seconde fois que j'y participe. C'est
aussi la seconde fois que je dois déplorer le peu d'intérêt
des collègues masculins de la députée de Maisonneuve.
Encore une fois, aucun député masculin du Parti
québécois n'est ici ce matin. J'en déduis donc que la
députée de Maisonneuve a un travail de sensibilisation à
faire à l'intérieur de son propre parti. Lors de la
dernière interpellation sur les politiques libérales du
gouvernement, je me rappelle avoir félicité la ministre d'avoir
tenu son engagement de présenter aux femmes un plan d'action
gouvernemental en matière de condition féminine. Ce plan
d'action, évidemment critiqué par l'Opposition, s'est
avéré un outil essentiel. Les divers intervenants et
intervenantes comprennent mieux aujourd'hui la nécessité qu'il y
avait de faire le point afin de mieux se préparer pour l'avenir. Dans un
article de Marcel Adam, de La Presse, du 5 juin 1986 intitulé
"Une ministre qui comprend bien le sens de son mandat", on faisait une
comparaison entre la nouvelle politique de la ministre et celle de l'ancien
gouvernement et on disait: "Ce discours pragmatique repose de la
rhétorique racoleuse qui s'est avérée plus frustrante en
fin de compte que vraiment productive". La ministre
déléguée à la Condition féminine aura donc
choisi d'impliquer ses collègues dans ce processus important qu'est la
rencontre annuelle entre les groupes provinciaux de femmes et le gouvernement.
Cette rencontre, qui se veut un mécanisme permanent, sera la base des
actions du gouvernement pour les trois prochaines années. Voilà
enfin une action concertée et qui a déjà donné des
résultats. Douze ministres présents, dont le premier ministre du
Québec; quatorze sous-ministres et sous-ministres adjoints dont M.
Robert Normand du ministère des Finances et M. Roland Arpin du Conseil
du trésor; des répondantes de la Condition féminine, des
ministères et des cabinets ministériels. Bref, des personnes qui
sont et seront associées aux différentes décisions et
actions du gouvemement en matière de condition féminine.
J'imagine que Mme la députée de
Maisonneuve a suivi les différentes nouvelles le soir du 10
novembre et, au cas où elle ne l'aurait pas fait, je me permets de les
lui rappeler. D'abord, à TVA, M. Gérald Pau disait: "La rencontre
n'aura pas été inutile parce qu'elle aura permis aux ministres de
mieux connaître les dossiers touchant les femmes". À TVA, la
présidente du Conseil du statut de la femme, Mme Francine McKenzie, une
citoyenne de mon comté que j'admire beaucoup même si elle n'a pas
voté pour moi, disait: "Je pense que ce bilan d'aujourd'hui a
sûrement été que ces ministres - et je pense surtout aux
ministres hommes, si vous voulez, masculins - ont eu leur trois crédits
de formation en condition féminine". Et je poursuis. À
Radio-Canada on a qualifié la rencontre de succès, toujours selon
Mme McKenzie, et je cite: "Le ton a été excellent aujourd'hui.
C'est probablement dû à la formule retenue, notamment quant aux
minutes qu'on a réservées à chacun des groupes de femmes.
Les messages étaient clairs, les demandes étaient circonscrites,
beaucoup plus qu'à Décisions 85, où on avait un sentiment
de méli-mélo à un moment donné, tellement
c'était chargé". À Radio-Canada, Geneviève Guay
déclara: "Les féministes parmi les plus contestataires
étaient même enthousiasmées par la performance de la
ministre". Je citerai ici Marcelle Dolment, du Réseau d'action et
d'information pour les femmes: "Je suis très contente de la
réunion parce que j'ai eu l'impression que, pour la première fois
en treize ans, la ministre de la Condition féminine "means business".
Elle a l'air très déterminée à obtenir des
résultats". Vous conviendrez avec moi, M. le Président, et je
termine sur cela, que les commentaires sont beaucoup plus encourageants et
satisfaisants que ceux que l'on a retrouvés à la suite de
Décisions 85, alors que l'on avait des articles de journaux qui
disaient: Les femmes ignorées par le gouvernement. Les femmes sont
déçues du sommet. La déception est générale
chez les femmes et les syndiquées. Enfin: Des miettesl disent les
femmes, et j'en passe.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Taschereau, je dois vous interrompre, le temps est
écoulé.
M. Leclerc: Oui, je conclus en terminant pour féliciter la
ministre de son bon travail jusqu'à ce moment et l'assurer de mon appui.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Ce que je
voudrais discuter ce matin avec la ministre c'est le côté des
femmes travailleuses au foyer. Nécessairement, je m'y connais bien; j'ai
été, pendant de nombreuses années, travailleuse au foyer.
Je voudrais bien, ce matin, qu'on touche à ce volet qui est
drôlement important, puisqu'il concerne 800 000 femmes au
Québec.
J'aimerais cela, ce matin, faire une image par rapport à ce qu'on
vit lorsqu'on est femme et travailleuse au foyer. On a été et on
est toujours en attente, une sorte d'impatience justifiée, parce qu'on
pense que les personnes qui occupent un poste où elles peuvent accomplir
et obtenir des choses vont tout de suite nous donner cette clé qui ouvre
la porte vers une plus grande sécurité. On espère que cela
va se faire aussi vite qu'elles le disent. On est comme quelqu'un qui attend
dans le corridor que son tour arrive et on aimerait bien passer le plus vite
possible. Quand on nous fait des promesses et qu'on prend des engagements en
disant: Aussitôt qu'on sera là, on pourra vous donner des choses,
vous pourrez, entre autres - un point extrêmement important - faire
partie du Régime de rentes du Québec... Cela fait tellement
longtemps qu'on attend que quelqu'un nous dise cela qu'on y croit tout de
suite. J'ai continué de faire partie de ces groupes de femmes,
même si je suis ici. Je les vois chaque semaine; je représente un
comté qui a beaucoup de femmes au foyer. Elles me disent à quel
point elles ont hâte que cela se produise. Je pense que la ministre
était de bonne foi lorsqu'elle était candidate libérale
dans le comté de Sherbrooke; elle était de bonne foi, parce
qu'elle croyait que cela pouvait se faire aussi vite que cela. On lui avait dit
que cela serait possible; elle était de bonne foi puisqu'elle l'a
véhiculé; à l'époque où elle l'a fait,
c'était vraiment... Elle y croyait aussi fort que tout le monde.
Le premier ministre déclarait le 14 novembre, et c'était
clair et net: "Nous nous enqageons à amorcer dès le début
de notre mandat - cela fait déjà un an - une consultation
publique sur le sujet de façon que l'intégration des
travailleuses au foyer au Régime de rentes du Québec soit chose
faite d'ici trois ou quatre ans."
Au début, on parlait donc d'une commission parlementaire tout de
suite, dès le printemps 1986; après, comme elle ne s'est pas
tenue, les femmes ont commencé à s'inquiéter et elles ont
dit: Pourtant, on nous avait promis cela aussi. La ministre a continué
d'y croire pendant un certain temps, mais là elle commence à
être inquiète elle aussi puisque, le 2 septembre, elle
déclarait que la commission parlementaire se tiendrait dès
l'automne 1986. Dès le lendemain, on a eu une rectification. Je ne sais
pas si la ministre s'est fait dire qu'elle s'était trompée; on a
encore remis au printemps
1987 la commission parlementaire qui doit tout régler, trouver
des modalités pour que ces 800 000 femmes du Québec puissent
enfin participer au Régime de rentes du Québec et être,
elles aussi, protégées, avoir une certaine protection.
J'ai deux ou trois petites questions que je voudrais poser à la
ministre pour que ces femmes soient sécurisées. Je voudrais
savoir si la ministre peut s'engager tout de suite sur cette consultation
à la commission parlementaire dès le printemps. Je voudrais aussi
savoir s'il y a déjà eu rédaction de certains documents
pour qu'on puisse se baser sur quelque chose. Je voudrais dire aux femmes de
mon comté, quand je retournerai, et aux femmes de tout le Québec
que la ministre a pris l'engagement, ce matin, de ne pas continuer de reporter
à plus tard ou à demain ce qu'elle leur a promis durant la
campagne électorale, en compagnie des autres femmes de son parti et du
premier ministre.
Mme la ministre, j'espère que ce matin vous allez être
capable de nous dire que vous vous engagez formellement envers ces 800 000
femmes à mettre de l'avant ce qu'on leur a promis. (9 h 45)
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je voudrais rassurer
la députée de Johnson en ce sens que les travailleuses au foyer
n'auront pas à s'inquiéter; oui, nous respecterons notre
engagement électoral. Nous ferons en sorte qu'elles puissent participer
au Régime des rentes du Québec. Je comprends l'impatience des
travailleuses au foyer, je comprends ces femmes qui travaillent au foyer depuis
de nombreuses années et dont on ne reconnaît pas le travail qui a
été fait au foyer. Il n'y a pas uniquement la participation au
Régime des rentes du Québec; je pense aussi qu'il y a
d'énormes mesures sur lesquelles on doit réfléchir pour
permettre aux travailleuses au foyer d'assurer leur sécurité
économique.
Vous me parliez tout à l'heure d'une annonce, qui avait
été faite dans le journal, de la tenue d'une commission
parlementaire cet automne. J'ai dû l'expliquer è plusieurs
reprises lors de ma tournée du Québec; c'est tout simplement une
erreur des journalistes. On a tout simplement reproduit "à l'automne"
alors que j'ai toujours dit "au printemps 1987". Si je vous reporte à
mon plan d'action, a la page 37, il est mentionné qu'il s'agit du
printemps 1987 et non pas de l'automne. J'ai fait cette rectification à
plusieurs reprises lors de mes conférences, lorsque je rencontrais les
groupes de femmes au cours de ma tournée. Il est arrivé, je
pense, deux occasions où l'on a mentionné "à l'automne",
et j'ai fait la rectification en disant qu'il s'agissait bien du printemps
1987.
Actuellement, je peux vous dire que nous étudions
différents scénarios. Cette étude se fait avec le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
de même qu'avec celui de la Condition féminine et des Finances.
Nous devrions être en mesure d'annoncer une commission parlementaire au
printemps prochain.
Je dois aussi vous dire que le gouvernement du Québec travaille
avec le gouvernement fédéral, qui avait déjà fait
part d'une participation quelconque è un régime de rentes. Nous
sommes en train d'examiner s'il n'y aurait pas possibilité d'arrimer nos
actions et de faire en sorte que nos femmes, nos travailleuses au foyer,
puissent participer au Régime de rentes du Québec.
Je vous mentionnais tout à l'heure que ce n'est pas, je pense, la
seule action ou le seul geste que j'ai l'intention de poser pour les
travailleuses au foyer. II y a d'autres mécanismes auxquels il est
important de songer pour pouvoir assurer leur sécurité
économique. Qu'on pense à une quantité de femmes qui se
sont mariées en séparation de biens au cours des années
cinquante ou soixante et qui se retrouvent maintenant, lors d'une
séparation ou d'un divorce, sans le sou. Je songe aussi à ces
femmes qui sont actuellement aux prises avec ces difficultés.
D'ailleurs, plusieurs groupes m'en ont fait part lors de cette rencontre et ont
sensibilisé mes collègues à ce sujet.
Je compte pouvoir travailler, de concert avec le ministre de la Justice
et mes autres collègues, pour pouvoir trouver des solutions afin
d'assurer la participation de la travailleuse au foyer au Régime de
rentes du Québec, puisqu'on sait très bien que ce ne sont pas
toutes les femmes qui désirent intégrer ou
réintégrer le marché du travail ou qui sont en mesure de
le faire.
Je pense aussi aux femmes qui ont déjà atteint la
soixantaine; une participation au Régime de rentes du Québec ne
sera sûrement pas la meilleure solution pour leur assurer une
sécurité économique.
Ce que nous faisons actuellement, c'est d'essayer de trouver toutes les
pistes de solutions qui nous permettraient d'améliorer la condition de
ces travailleuses au foyer.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. D'abord, simplement une
remarque, je constate que le député de Taschereau, contrairement
à ce qu'il a fait, je pense, la fois précédente, est
resté plus longtemps que
son apparition de cinq minutes. Je veux lui dire que la réussite
de rencontres comme celle que Mme la ministre invoquait lundi dernier ne se
juge pas aux commentaires flatteurs, mais au résultat. Je le disais au
début de cette interpellation, c'est aux fruits qu'on mesure l'arbre et
c'est aux résultats et aux réalisations que l'on mesure les
bonnes intentions.
De ce côté-ci, vous savez, M. le Président, nous
présumons entièrement de la bonne foi de la ministre
déléguée à la Condition féminine, mais nous
attendons qu'elle livre la marchandise dans le secteur de sa
responsabilité. C'est plus encore qu'un certificat de bonne conduite
à l'égard de ses collègues en matière de condition
féminine, ce sont des réalisations concrètes. La ministre
a dit s'intéresser de très près, à la suite de sa
consultation en régions, a toute la question de la violence faite aux
femmes. Il n'est pas nécessaire de rechercher plus que ce qui existe
déjà dans le cadre d'une politique d'aide aux maisons
d'hébergement. Je veux savoir de la ministre si elle entend recommander
le dégel des subventions accordées aux maisons
d'hébergement, si les scénarios qui sont actuellement
examinés pour l'accès des femmes travailleuses au foyer à
la Régie des rentes ne concernent que les femmes mariées. Est-ce
que l'accès de l'ensemble des femmes travailleuses au foyer - on sait
qu'au-delà de 30 % des femmes de 25-44 ans sont chef de famille
monoparentale et au foyer - est prévu?
La ministre a dit vouloir examiner avec son collègue, le ministre
de la Justice, certaines recommandations pour améliorer la situation
économique des femmes. Je veux savoir de la ministre s'il est exact
qu'elle a opté, contrairement à l'ensemble des groupes de femmes
du Québec, en défaveur d'une réserve
héréditaire pour les femmes et s'il est exact qu'elle a fait
défaut d'appuyer le ministre de la Justice sur cette question.
Dans le domaine des garderies - je sais que la revue des programmes se
fait maintenant - qu'est-ce que la ministre entend recommander au
président du Conseil du trésor? Je rappellerai que l'ensemble des
groupes de femmes se sont interrogés è la suite de la rencontre
de lundi sur la brève apparition de dix minutes du président du
Conseil du trésor, en espérant que son intérêt soit
inversement proportionnel a sa présence, puisque c'est lui qui devra
aussi prendre les décisions. Qu'est-ce que la ministre entend
recommander dans le secteur des garderies? Avec la revue des programmes qui se
fait actuellement, è combien de places-garderie entend-elle engager son
gouvernement, autant dans le domaine scolaire que dans le domaine de nouvelles
places ou de la consolidation des places-garderie, sachant combien les femmes
en âge de procréer actuellement sont sur le marché du
travail? On évalue à au-delà de 70 % les femmes de moins
de 35 ans qui sont sur le marché du travail. La moyenne est de 50 %,
mais la réalité des femmes en âge de procréer est
au-delà de 70 %. Qu'est-ce que la ministre entend recommander
actuellement dans le domaine des garderies?
Le gouvernement fédéral rendra certainement ses
recommandations publiques à la fin du mois de novembre. On sait que tous
les comités qui devaient siéger Pont fait et que le dernier en
date, le comité parlementaire fédéral, devra faire des
recommandations. Dans le domaine de l'allocation de disponibilité,
est-ce que la ministre peut nous assurer ce matin qu'il y aura maintien, pour
l'ensemble des femmes du Québec, d'un montant de 131 000 000 $ qui est
alloué aux femmes ayant des enfants de moins de six ans? Son
gouvernement a annoncé une remise en question de l'allocation de
disponibilité et a annoncé, il y a six mois, qu'il
réfléchirait sur cette question. Où en est l'état
des travaux, Mme la ministre?
Le Président (M. Bélanger): Avant de céder
la parole à Mme la ministre, je dois corriger une erreur. Tout à
l'heure, c'est une députée ministérielle, Mme la
députée de Châteauguay, qui devait intervenir. C'est mon
erreur. Je vais donc lui céder la parole tout de suite et on reprendra
ensuite la séquence, comme prévu au départ. Je m'en
excuse, Mme la députée de Châteauguay.
Mme Pierrette Cardinal
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Permettez-moi tout
d'abord de féliciter à mon tour la ministre
déléguée à la Condition féminine pour le
succès de la première rencontre annuelle de lundi dernier. Cette
rencontre, on le sait, est l'un des mécanismes permanents
d'échange, d'information, de consultation et de concertation
annoncés dans le plan d'action gouvernemental 1986-1987 en
matière de condition féminine.
Au chapitre de ces mécanismes, il s'en trouve d'autres tout aussi
importants que j'aimerais présenter ici. Tout d'abord, en octobre
dernier, le Secrétariat à la condition féminine faisait
paraître le premier numéro du bulletin de liaison À la Une
au gouvernement. Destiné principalement aux quelque 1500 groupes de
femmes au Québec, ce bulletin vise à fournir à son lecteur
et à sa lectrice une information à jour sur les actions
ministérielles en matière de condition féminine. Aussi,
les autres ministères sont-ils invités à y collaborer,
invitation à laquelle on peut lire: "Ils ont répondu en grand
nombre". La diversité et la qualité des renseignements qu'on y
retrouve font de ce bulletin un outil d'information et de
référence sérieux et accessible. Je vous informe,
par la même occasion, que le numéro deux sera disponible vers le
10 décembre.
Un deuxième mécanisme d'échange et d'information
est l'inscription des groupes provinciaux de femmes sur les listes d'envoi des
ministères. Dans un premier temps, les ministères et organismes
ont été invités à faire connaître la liste de
leurs publications disponibles au grand public. Le Secrétariat à
la condition féminine en a fait un répertoire qui a
été envoyé à tous les groupes provinciaux de femmes
afin qu'ils puissent en prendre connaissance et fassent connaître leurs
besoins. Cette démarche très appréciée, faut-il le
dire, par les groupes concernés aura permis de créer un lien
direct entre les ministères qui recevront les demandes d'inscription et
les groupes de femmes qui liront les publications de ces ministères.
Le troisième mécanisme d'échange et d'information
consiste en la tenue de rencontres systématiques de la ministre
déléguée à la Condition féminine avec les
groupes de femmes. À la fin du mois d'août, Mme la ministre
Gagnon-Tremblay a entrepris une tournée provinciale afin d'aller
rencontrer, dans leur milieu respectif, les groupes de femmes, d'une part, et
les travailleuses et travailleurs en garderie, d'autre part. Vous me permettrez
de souligner, M. le Président, que c'est la première fois qu'une
ministre déléguée à la Condition féminine
entreprenait une telle tournée aux quatre coins du Québec.
J'ai personnellement eu le plaisir d'être associée à
cette tournée quand Mme la ministre est venue passer une journée
dans mon comté, à Châteauguay. Lors de sa participation
à une table ronde sur les ondes de la radio communautaire, elle a
manifesté une rare qualité d'écoute. Les groupes de femmes
qu'elle a rencontrés se sont dit très rassurés et
confiants quant à l'avenir de leur dossier respectif. Plus que jamais
les Québécoises connaissent la détermination de leur
ministre, et je suis persuadée qu'elle ne les décevra pas.
J'ajoute que c'est à partir du bilan de cette tournée que la
ministre sera en mesure de dresser les lignes maîtresses de son plan
d'action triennal 1987-1990.
D'autre part, le mois dernier, une lettre envoyée aux groupes
provinciaux de femmes les informait de la tenue prochaine de commissions
parlementaires. Systématiquement, le cabinet de Mme la ministre
Gagnon-Tremblay lancera l'invitation aux groupes afin qu'ils puissent
présenter, s'ils le désirent, des mémoires aux commissions
parlementaires. Encore une première de notre gouvernement, M. le
Président.
Un cinquième mécanisme prévoit l'invitation de
groupes de femmes à siéger au sein de groupes de travail ad hoc,
sur des questions intéressant les femmes. Cette proposition a
déjà été soumise au comité de coordination
sous-ministérielle, qui devrait vraisemblablement identifier très
bientôt différents scénarios pour concrétiser cet
engagement dans les plus brefs délais. La participation des
représentantes de groupes de femmes au mécanisme de concertation
entre le gouvernement et les partenaires du milieu fait aussi partie des
priorités de notre gouvernement en matière de mécanisme de
concertation pour les groupes de femmes.
Le dernier mécanisme, mais non le moindre, est la rencontre
annuelle entre les groupes provinciaux de femmes et le gouvernement. Je ne
m'attarderai pas è en vanter les mérites puisque mon
collègue, le député de Taschereau, y a consacré les
premières minutes.
Voici donc un rapide survol des mécanismes permanents
d'échange et d'information, de consultation et de concertation,
entrepris par notre gouvernement sous l'habile supervision de la ministre
déléguée à la Condition féminine.
Vous me permettrez de conclure en ajoutant qu'en tant que
députée-femme je suis particulièrement fière de
l'intérêt que mon gouvernement manifeste à l'égard
des nombreux dossiers des femmes.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée. .
Je cède la parole à Mme la ministre et, par la suite, nous
reprendrons la séquence, à savoir député
ministériel, député de l'Opposition et ministre.
Mme la ministre. (10 heures)
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Je voudrais
dire quelques mots sur l'absence ou la présence de dix minutes du
président du Conseil du trésor lors de cette rencontre qu'on a
eue lundi dernier avec les groupes de femmes et les ministres concernés
par la condition féminine.
Le président du Conseil du trésor avait confirmé sa
présence pour une période de deux heures tout au cours d'une
thématique, mais vous comprendrez que lundi dernier nous devions, en
toute hâte, voter une loi spéciale pour le retour des travailleurs
et des travailleuses dans les hôpitaux, ce qui a fait en sorte que le
président du Conseil du trésor a dû s'absenter et n'a pas
pu rester plus de dix minutes. C'est un contexte tout à fait
spécial, mais ne croyez pas, pour autant, que le président du
Conseil du trésor n'est pas sensibilisé aux problèmes des
femmes, il y a même délégué son sous-ministre pour
la journée tout entière.
On m'a parlé de la politique sur la violence faite aux femmes,
qui avait été
annoncée par les Affaires sociales. Je dois vous dire, M. le
Président, que tout au cours de ma tournée les femmes me disaient
qu'elles considéraient que cette politique était
déjà insuffisante. Je crois que, même au moment où
on l'a annoncée, elle n'était pas tout à fait
appropriée.
Actuellement, je travaille avec ma collègue, la ministre des
Affaires sociales, Mme Lavoie-Roux, dans le but de résoudre le
problème des centres d'hébergement pour femmes violentées.
Le tout n'apparaîtra probablement pas dans le prochain plan d'action,
mais ce sera quand même retenu dans les budgets du gouvernement au cours
de la prochaine année.
On m'a parlé également de la réserve
héréditaire. On m'a dit que les groupes étaient pour la
réserve héréditaire. J'aurais bien aimé que Mme la
députée de Maisonneuve soit à la rencontre de lundi
dernier, étant donné que quantité de groupes se sont
prononcés contre la réserve héréditaire,
n'étaient pas favorables à la réserve
héréditaire.
Voici, M. le Président, ce qui arrive concernant la
réserve héréditaire. C'est vrai que j'ai toujours eu
certaines réticences à changer notre droit des successions au
Québec, parce qu'il me semble que l'important, c'est de trouver le
maximum de solutions pour les femmes. La réserve
héréditaire a l'avantage d'apporter des solutions lors de la
dissolution du mariage. Vous comprenez que, lorsque cela va bien dans un couple
- et j'ai pu le constater au cours de mes douze années de pratique comme
notaire dans 95 % sinon 98 % des cas, la succession est dévolue au
conjoint survivant. Ce qui est important, c'est au moment où cela ne va
pas bien dans les couples, du vivant des conjoints. Là, la
réserve héréditaire ne règle rien; au moment de la
séparation ou du divorce on retrouve quantité de femmes sans le
sou et au seuil de la pauvreté.
Depuis mon arrivée, on m'a soumis un projet qu'on appelle projet
partage de biens. Je suis actuellement en train de faire l'étude de ce
projet. J'ai demandé également au Conseil du statut de la femme
de me donner un avis sur ce projet. Ce projet est appuyé par plusieurs
groupes de femmes actuellement. Dès que j'aurai reçu tous les
avis, je serai en mesure de voir ce qu'on peut faire, si on donne suite
à la réserve héréditaire ou si on essaie de
régler les problèmes du vivant des conjoints, et non pas
uniquement au décès.
Quant à la question des garderies... M. le Président, vous
me dites qu'il ne me reste qu'une minute. Alors, j'aborderai peut-être
les garderies à un autre moment. On a parlé des scénarios
concernant le Régime de rentes, à savoir si toutes les femmes qui
sont au foyer pourraient y participer. On essaie d'élaborer
différents scénarios et si on s'entend sur des scénarios,
à ce moment, ces scénarios devront être soumis au Conseil
des ministres avant de les dévoiler au grand public.
Le Président (M. Bélanger): Je cède la
parole au député de Fabre, M. Joly.
M. Jean A. Joly
M. Joly: Merci, M. le Président. Tantôt, Mme la
députée de Maisonneuve soulignait que notre collègue de
Taschereau n'avait pas cru bon de rester à la dernière
interpellation. Elle faisait mention de cinq petites minutes, mais je dois
corriger: c'étaient 45 minutes. La personne qui avait souligné le
fait, soit la députée de Chicoutimi, n'est même pas ici
aujourd'hui. Je ne sais pas où est le manque d'intérêt.
Mme Juneau: Elle avait des engagements dans son comté.
M. Joly: Dans le cas du député de Taschereau,
c'était la même chose: il devait aller inaugurer un HLM dans son
comté. Je pense que, des fois, il y a de bonnes raisons et non pas de
bonnes excuses.
On écoutait Mme la députée de Maisonneuve ouvrir la
séance en disant: On reconnaît un arbre à "son" fruit. Je
suis heureux aujourd'hui de dire qu'on reconnaît un arbre à "ses"
fruits. C'est pour cela que j'aimerais vous entretenir un peu des
réalisations de notre gouvernement.
Depuis son arrivée au pouvoir, il y a moins d'un an, le
gouvernement libéral a posé des gestes en matière de
condition féminine qui démontrent clairement non seulement sa
volonté de respecter ses engagements, mais même d'aller
au-delà de ceux-ci. Il existe, en effet, une volonté
gouvernementale ferme de passer aux actes et d'agir davantage pour les femmes
à tous les niveaux. Ainsi, reconnaissant l'importance de la place des
femmes en agriculture, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation dévoilait dès janvier dernier le programme d'aide
et de soutien à l'intention des femmes en agriculture. Le budget alors
alloué de 125 000 $ a été haussé à 165 000
$, soit une augmentation de plus de 30 %. De plus, considérant la
nécessité d'une réelle implication des femmes dans
l'accès à la propriété agricole, le gouvernement a
non seulement maintenu la prime à l'établissement pour les
personnes en agriculture de moins de 40 ans, mais encore a augmenté
cette prime de 8000 $ à 15 000 $. Qu'on se rappelle la loi 71. Quant
à la clause discriminatoire, qui empêchait une personne d'avoir
accès à cette prime si son conjoint s'en était
déjà prévalu, je vous rappelle que c'est le gouvernement
actuel qui, dès le mois
d'août dernier, l'abolissait.
En ce qui touche le marché du travail, je ne pourrais passer sous
silence la hausse du salaire minimum décrétée le 1er
octobre dernier. Quand on pense au nombre des femmes travaillant au salaire
minimum, que ce soit, par exemple, dans l'industrie de la bonneterie ou de
l'hôtellerie, et quand on sait, après les années
d'inflation qu'on a connues, à quel point leur pouvoir d'achat
dépérissait, comment pouvait-on accepter et comprendre qu'aucune
mesure n'ait été prise en ce sens depuis 1981. En 1981, ce
n'était pas nous qui étions au pouvoir; c'était le parti
d'en face.
Par ailleurs, l'autonomie et l'égalité des femmes passent
nécessairement par le respect des droits à
l'intégrité et à la sécurité physique de la
personne. Comme vous le savez, dans cette perspective, j'aimerais quand
même vous souligner la politique d'intervention en matière de
violence conjugale mise sur pied par le ministre de la Justice et le
Solliciteur général en mars dernier. Cette politique introduit de
nombreux aspects positifs dans la lutte à la violence faite aux femmes.
Un des aspects les plus importants m'apparaît être cette
volonté d'affirmer le caractère criminel d'un acte trop longtemps
toléré socialement et de faire valoir la nécessité
d'une réprobation sociale par rapport à un tel acte.
De plus, cette politique demande une réelle préoccupation
de la victime. Elle vise à comprendre la femme violentée et
à lui donner l'attention et le support dont elle a besoin tout au long
du processus judiciaire. Cette politique répond aussi au souci
particulier de briser le cycle de la violence en proposant de traiter le
problème à sa source, par une intervention auprès des
agresseurs, objectif qui m'apparaît vraiment essentiel. Non seulement
faut-il prévenir la récidive auprès de la personne
violentée, mais il faut également prévenir l'agression des
autres femmes. L'adoption de cette politique marque donc une étape
fondamentale nous permettant de combattre la violence sous toutes ses
formes.
On m'indique que mon temps tire à sa fin. Je voudrais quand
même ajouter que beaucoup d'autres actions ont été
entreprises: que ce soit la mise en place de mécanismes permanents
d'information, de consultation et de concertation entre les groupes de femmes
et le gouvernement, les cours de français à temps partiel pour
les immigrantes et les allocations de frais de garde pour les enfants
d'âge préscolaire, l'ajout de places en services de garde et
l'augmentation de l'aide financière aux parents, le maintien de ia
position juridique quant aux poursuites pour avortements illégaux. Bref,
le dossier de la condition féminine n'a jamais été aussi
en effervescence et n'a jamais reçu autant d'écoute que sous
l'égide de Mme la ministre actuelle, Mme Gagnon-Tremblay. Vous avez
créé des attentes et nous avons créé de l'action.
C'est un peu de cela que j'aurais voulu débattre plus longuement.
Malheureusement, le temps est déjà terminé. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je reviens à
l'Opposition, Mme la députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup. Cette fois-ci, j'ai le goût de
vous parler de ia femme collaboratrice. Tout le monde s'entend très bien
sur l'importance du travail qu'effectuent ces femmes collaboratrices. Vous
savez, dans bien des cas, on retrouve des femmes qui font le service ô la
pompe dans le garage de leur mari; bien des fois, on retrouve des femmes
à l'arrière du comptoir des dépanneurs et, à bien
des égards, on les retrouve aussi faisant la comptabilité des
petites entreprises dont le seul employé est le propriétaire et,
bien des fois aussi, on les retrouve assises sur le tracteur en train de faire
le travail, à la campagne.
Tout le monde reconnaît que ces femmes sont indispensables pour
que le commerce, la petite industrie ou la ferme fonctionne bien parce qu'on
n'a pas les moyens de payer qui que ce soit pour de l'aide dans la petite
entreprise.
Vous savez, Décisions 85 avait mis sur pied un comité, un
groupe de travail pour trouver finalement le moyen de reconnaître le
statut de ces femmes. On avait, au sein de ce comité, un groupe
interministériel qui représentait des groupes
socio-économiques, qui représentait aussi les ministères
de la Justice, des Finances et celui de la Condition féminine. Ce groupe
interministériel avait été mis sur pied pour produire un
rapport afin d'essayer de trouver une façon de renconnaître le
travail de ces précieuses personnes à l'égard de l'autre
personne qui avait la petite industrie. On n'a pas encore reçu le
rapport de ce comité. J'imagine bien que la ministre doit
posséder certaines informations sur ce rapport qu'on doit produire et
qu'on attend aussi pour être capable de définir de quelle
façon ces femmes vont être capables d'avoir un statut particulier
qui leur revient.
J'aimerais demander à la ministre quand ce rapport sera rendu
public ou décidé. Au tout début, je voudrais bien savoir
aussi si elle en a pris connaissance, si le rapport est prêt et si, dans
très peu de temps, nous pourrons, nous aussi, annoncer à chacune
des personnes concernées que cela avance dans la recherche de moyens
afin de trouver un statut particulier pour elles. À la suite de ce
rapport, j'espère que la ministre trouvera le moyen de convaincre
ses
collègues de l'importance de trouver à ces femmes
indispensables un statut particulier et qu'elle va défendre ce dossier,
avec toutes les ardeurs qu'on lui connaît, pour que les femmes puissent
avoir enfin leur statut à elles.
Comme je le disais tout à l'heure, combien de femmes travaillent
et ne sont pas reconnues, n'ont pas de statut? Elles passent tout à fait
inaperçues et, il faut bien se le dire, il ne faut pas se le cacher, ce
sont ces femmes qui font que cela dure; ce sont ces femmes qui prennent une
place extrêmement importante au sein de toutes ces entreprises, de toutes
ces fermes familiales. C'est important qu'on ait une réponse.
J'espère que la ministre va être capable de trouver les
éléments persuasifs pour nous sortir ce rapport et pour prendre
position dans le cas de ces femmes collaboratrices.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je suis très
heureuse de discuter du dossier des femmes collaboratrices puisque c'est un
dossier que je connais très bien, ayant été une
personne-ressource lors du lancement du volume Femme collaboratrice dans une
entreprise à propriétaire unique en 1977 ou 1978, volume
qu'avait lancé l'AFEAS à ce moment. J'ai eu l'occasion aussi,
dans ma propre région, de travailler avec l'Association des femmes
collaboratrices et de les aider à trouver des solutions. Il est vrai
qu'on retrouve plusieurs femmes aidant leur conjoint et par la suite,
après plusieurs années sans salaire, sans aucune garantie de
travail... (10 h 15)
J'ai vu des expériences très malheureuses. Plusieurs
femmes ont travaillé dans le service hôtelier, entre autres,
pendant 15 et 20 ans et elles se retrouvent, avec un régime de
séparation de biens, sans le sou lors d'un divorce ou d'une
séparation. Il est tout à fait à point de discuter du
sujet et j'ai l'intention de donner suite au rapport qui a été
déposé. Le rapport du comité m'a été
déposé en même temps que j'ai dévoilé le plan
d'action gouvernemental en matière de condition féminine en mai
dernier. Il me fera d'ailleurs plaisir de vous en faire parvenir une copie.
Actuellement, j'ai envoyé une copie de ce rapport dans tous les
ministères concernés et, déjà, l'analyse est
terminée. Nous sommes en train de décider des revendications et
des recommandations faites dans ce rapport. Actuellement, il semble y avoir
consensus pour reconnaître au conjoint collaborateur les avantages des
salariés, c'est-à-dire tous les droits normalement consentis au
travail régi par la Loi sur les normes du travail.
Pour ce qui est du statut de collaborateur, diverses hypothèses
sont sur la table présentement et font l'objet de discussions entre les
ministères concernés.
J'ai avisé, au cours de ma rencontre de lundi dernier, les femmes
collaboratrices que je devrai les rencontrer le plus rapidement possible - je
songe à le faire en décembre -dans le but de discuter avec elles
des hypothèses qui pourraient être soumises pour leur
participation, c'est-à-dire pour reconnaître leur statut de femmes
collaboratrices. J'ai rencontré aussi les femmes en agriculture parce
qu'elles sont également de véritables femmes collaboratrices. Je
pense qu'on doit quand même prendre en compte leurs revendications.
Pour ces femmes aussi, il faut penser peut-être à leur
obtenir ou à essayer de faire en sorte qu'elles ne soient pas uniquement
collaboratrices, mais qu'elles aient accès à la
propriété; je pense que c'est ce qui est important aussi. Il faut
encourager toutes les femmes en agriculture à accéder à la
propriété. L'annonce qui a été faite par le
ministre Pagé concernant la prime à l'établissement pour
les agricultrices qui se qualifient et son augmentation à 15 000 $, en
abolissant la clause discriminatoire, est un incitatif qui permettra aux femmes
en agriculture d'accéder à la propriété. C'est un
incitatif très intéressant. J'ose espérer aussi que, pour
les femmes collaboratrices dans les différentes hypothèses qu'on
est en train d'étudier, on pourra peut-être aussi trouver des
incitatifs qui permettront à ces femmes de collaborer
entièrement, d'avoir non seulement des droits et des avantages, mais
aussi d'être protégées, c'est-à-dire qu'il faut
donner des protections à ces femmes qui travaillent pendant de
nombreuses années avec leur conjoint. Déjà, la situation
de la femme collaboratrice s'est beaucoup améliorée au cours des
dix dernières années. En leur permettant d'avoir un salaire et de
participer aux différents avantages, on a amélioré la
situation de la femme collaboratrice. Nous sommes toutefois conscients qu'il y
a d'autres femmes qui ne peuvent pas recevoir de salaires et qui ont aussi
droit à un statut. Je pense que c'est tout à fait normal. Ce sont
les hypothèses dont je vous parlais tout à l'heure, qu'on est en
train d'étudier présentement.
Le Président (M. Bélanger): Merci bien. Je
cède la parole à Mme la députée de Dorion.
Mme Violette Trépanier
Mme Trépanier: M. le Président, nos
collègues ont parlé des gestes posés par le
gouvernement actuel en matière de condition féminine
depuis notre arrivée au pouvoir.
J'aimerais aborder l'accès à l'égalité pour
les femmes en matière d'emploi, puisque l'égalité passe
par l'autonomie financière et que nos actions doivent s'orienter en ce
sens. Peu d'actions concrètes avaient été
réalisées dans ce domaine par l'ancien gouvernement, sinon la
promulgation des articles de la charte québécoise
nécessaires à l'implantation des programmes d'accès
à l'égalité, mais seulement trois ans après leur
adoption par l'Assemblée nationale. Les Québécoises
accusaient un retard inacceptable sur le reste du continent
nord-américain dans ce domaine. II est heureux de voir que depuis un an
les programmes d'accès à l'égalité s'affirment de
plus en plus comme une réalité québécoise.
Ainsi, au printemps passé, la ministre
déléguée à la Condition féminine
dévoilait le plan d'action en matière de programmes
d'accès à l'égalité. Ce plan comporte deux volets
distincts, dont le premier, qui a été annoncé en mai
dernier, concerne les programmes d'accès à
l'égalité dans les réseaux de l'éducation, de la
santé, des services sociaux, ainsi que dans le monde municipal.
Dans ces réseaux, les analyses de personnel et de
disponibilité pour l'ensemble des institutions et établissements
seront terminées en décembre. Des actions de communication
articulées en fonction d'une stratégie d'ensemble seront
lancées en janvier 1987. Trois commissions scolaires ont accepté
d'amorcer une démarche, soit la Commission des écoles catholiques
de Québec, Robert-Baldwin et Eastern Quebec.
Le comité tripartite formé du ministère des
Affaires municipales, de l'Union des municipalités régionales de
comté et de l'Union des municipalités du Québec est en
voie d'amorcer une démarche dans un plan d'intervention. Enfin, un
budget de 4 600 000 $ répartis sur trois ans a été
engagé également pour la bonne marche de ces programmes.
Le deuxième volet du plan d'action de la ministre a
été annoncé par celle-ci le 22 octobre dernier et concerne
les programmes d'accès à l'égalité dans le secteur
privé. De façon à assurer l'implantation de ces programmes
et compte tenu des caractéristiques propres aux entreprises qui oeuvrent
dans le secteur privé, plusieurs outils ont été mis en
place, tels que la création d'un comité consultatif sur les
programmes d'accès à l'égalité pour les femmes en
emploi, dont le mandat est de conseiller la ministre et les divers milieux sur
les meilleures façons d'implanter ces programmes dans le secteur
privé.
Un autre mécanisme a également été mis en
place, soit un soutien financier et technique à une vingtaine
d'entreprises, pour lequel un budget de 1 000 000 $ a été
alloué de façon à les inciter à amorcer dès
maintenant le processus de changement qu'implique l'instauration de ces
projets. Ce budget servira à financer 75 % des frais encourus par les
entreprises pour le démarrage de leurs programmes et ce, jusqu'à
concurrence de 50 000 $ par entreprise. Un premier contact, m'a-t-on
informée, a déjà été établi avec une
quarantaine d'entreprises québécoises afin de les inviter
à participer à ces projets pilotes.
De plus, la ministre disait récemment que le Secrétariat
à la condition féminine travaille actuellement à
compléter le répertoire des entreprises québécoises
de 100 employés et plus par secteur d'activité et par
région géographique, termine également les critères
de sélection des entreprises participantes, prépare une pochette
d'information à l'intention des entreprises et définit enfin les
conditions et les modalités de financement.
Je conclurai, M. le Président, en disant que les programmes
d'accès à l'égalité représentent un
défi intéressant pour une société qui a fait de
l'égalité des hommes et des femmes un de ses fondements. Un
défi parce qu'ils obligent peut-être à changer nos
habitudes et à innover dans nos pratiques. Mais ce qui est le plus
important, c'est qu'ils représentent un pas de plus vers la disparition
des obstacles à une réelle égalité entre les hommes
et les femmes et, d'autre part, qu'ils sont des instruments efficaces de
planification et de gestion des ressources humaines se traduisant
fréquemment par une productivité accrue.
Je suis donc fière d'appartenir à une formation politique
qui est en train de réaliser le défi de l'égalité.
J'ai la conviction que les efforts consentis par notre gouvernement
s'avéreront profitables à toutes nos
Québécoises.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Je vous remercie, M. te Président. La
députée de Dorion vient de faire une démonstration
intéressante de ce que je disais à l'ouverture de cette
interpellation. Elle vient de nous décrire, à juste titre, les
modalités, la couverture, les aspects techniques du programme
d'accès è l'égalité, justement
décidés lors de Décisions 85. En vous écoutant, Mme
la députée de Dorion, je me disais: Décisions 85 n'a donc
pas été inutile. J'ai en main le compte rendu public de
Décisions 85, immédiatement à la clôture des
travaux, qui disait exactement ce que vous venez de nous décrire comme
projets: mettre sur pied des programmes autant pour le secteur privé que
public avec
soutien, incitation auprès des ministères des Affaires
sociales, de l'Éducation et des municipalités, avec un pairage
d'entreprises québécoises avec, notamment, des entreprises
françaises. Plus encore, le gouvernement s'engageait à rendre
obligatoires - c'est ce qu'on appelle l'obligation contractuelle - pour toute
entreprise de 100 employés et plus qui bénéficiait de
contrats gouvernementaux supérieurs à 200 000 $ ces programmes
d'accès à l'égalité pour pouvoir transiger avec le
gouvernement. C'est donc encore plus d'une certaine façon.
Mme la ministre, la question que je vous pose: Qu'en est-il de
l'obligation contractuelle? Qu'en est-il du comité
interministériel mis sur pied? Qu'en est-il de l'allocation de
disponibilité dont je vous parlais? J'aimerais avoir des réponses
là-dessus. De même, concernant les garderies, je voua
réitère la question: Combien de places avez-vous l'intention de
recommander au gouvernement pour la présente année?
Sur la question de la violence - j'y reviens parce que c'est trop
important - vous nous dites que c'est déjà dépassé,
le cadre financier auquel le gouvernement précédent
s'était engagé. Je vous rappelle ceci: En politique, le mieux est
l'ennemi du bien. Pour tout de suite, voici ce que dit la présidente du
Regroupement des maisons d'hébergement: "Les maisons
d'héberqement avaient obtenu un minimum d'engagement financier sous
l'ancien gouvernement, en ce sens que la politique d'aide offrait des
subventions maximum." C'est ce minimum qui a été gelé.
Mme la ministre, maintenant, pour tout de suite, la politique que vous
recommandez, est-ce un dégel de ce cadre financier, qui est quand
même un minimum, que tout le monde reconnaît comme un minimum? Pour
tout de suite, avant de nous proposer mieux, par rapport au pire, nous
proposez-vous au moins le minimum?
D'autre part, le député de Fabre nous citait la politique
sur la violence conjugale. Cette politique - je le rappelle encore - est
exactement la même; c'est, d'ailleurs, le même cahier que la
politique annoncée par le gouvernement précédent, et c'est
tant mieux. Parce que oui, la société québécoise
est maintenant sensibilisée et elle refuse de se fermer les yeux sur la
violence conjugale.
Je dirai au député de Fabre que cette politique rendue
publique par l'actuel gouvernement, è la suite de l'annonce du
précédent, est malheureusement mise en échec parce que les
procureurs de la couronne ne peuvent pas intenter les poursuites qui sont
prévues. C'est connu, c'est public, c'est là un fait qui est
relaté dans les journaux par les intervenants et intervenantes en
matière de violence conjugale. M. le Président, je pense que les
femmes du Québec ont besoin de plus que des déclarations
vertueuses. Les bonnes intentions ne suffisent pas.
J'aimerais immédiatement souligner que, si ce matin nous ne
parlons pas du dossier des femmes immigrantes, ce n'est pas parce que ce n'est
pas pour nous une préoccupation importante, c'est que nous allons avoir
l'occasion d'y revenir vendredi prochain, lors de l'interpellation qui nous
permettra d'interroger Mme la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration.
Je voudrais rappeler à Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine, qui avait
l'air de regretter que je n'aie pas pu assister lundi aux travaux pour entendre
les points de vue échangés sur la réserve
héréditaire, tout d'abord, elle ne m'y avait pas invitée.
Moi, je l'invite à lire, au Journal des débats, le compte rendu
de la consultation menée en commission parlementaire l'an passé
et au cours de laquelle les groupes de femmes du Québec sont venus
témoigner en faveur de la réserve héréditaire.
Mme la ministre, j'aimerais avoir réponse aux questions que l'on
vous pose, notamment la dernière: À quand la réforme que
vous vous êtes engagée à faire dans le domaine des
travailleuses à temps partiel pour les rendre admissibles aux normes
minimales de travail?
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je tiens à
souligner au départ que, lorsque nous avons parlé de
Décisions 85, nous n'avons jamais dit que les discussions n'avaient pas
été intéressantes. La formule avait été
désapprouvée, mais nous n'avons jamais parlé des
discussions.
Je suis toujours un peu surprise de voir que nous discutons encore de
Décisions 85, alors que nous sommes maintenant passé à
action 1986. Je comprends que l'ancien gouvernement, qui était au
pouvoir au moment de la décennie des femmes, a pu profiter aussi de ces
rencontres pour établir certaines priorités. Ici, il ne faut pas
croire que, parce qu'arrive un nouveau gouvernement, tous les dossiers des
femmes sont abandonnés pour autant et qu'il n'y a pas continuité.
Je comprends qu'ils ont promis, mais nous, nous avons réalisé.
Tout comme, d'ailleurs, le projet de la Baie James; c'était le projet de
M. Bourassa, qu'il avait promis et en bonne partie, réalisé, mais
finalement c'est M. Lévesque qui a coupé le ruban. Tout cela pour
vous dire que, lorsqu'il y a changement de gouvernement, M. le
Président, ces choses arrivent assez fréquemment. {10 h 30)
Quand on parle de la violence faite aux femmes, on me reproche de
mentionner qu'il y avait déjà une politique qui était
acceptée. Je voudrais aussi vous faire part que le cadre financier des
sommes qui avaient été mentionnées dans la politique n'a
jamais été entériné par le Conseil du trésor
en ce moment. Compte tenu de l'héritage que nous avait laissé
l'ancien gouvernement, nous ne pouvions donner plus cette année aux
maisons d'hébergement. C'est la raison pour laquelle ma collègue
a dû geler les subventions accordées aux maisons
d'hébergement.
Je mentionnais à la députée de Maisonneuve que je
travaille actuellement avec la ministre de la Santé et des Services
sociaux pour faire en sorte que l'on puisse donner suite à une certaine
politique concernant la violence parce que - je l'ai mentionné à
plusieurs reprises tout au cours de ma tournée dans le Québec -
c'est un dossier qui m'apparaît majeur. J'ai été
très surprise de l'ampleur de la violence faite aux femmes et je suis
prête à travailler à ce dossier et à faire en sorte
que l'on puisse accorder aux centres d'hébergement les sommes
nécessaires pour leur permettre de rendre les services.
Nous avons déjà fait beaucoup avec la politique du
ministère de la Justice qui a été annoncée en mai
dernier concernant la violence faite aux femmes. Les substituts du procureur
sont déjà au courant de cette politique. Plusieurs policiers et
policières ont été formés. Nous sommes à
organiser des tables de concertation dans les régions de façon
à ce que les différents intervenants puissent être
sensibilisés à la violence faite aux femmes et puissent
intervenir le plus rapidement pour enfin enrayer cette plaie sociale.
Le comité a remis le rapport sur l'obligation contractuelle dans
le cadre des programmes d'accès à l'égalité, et le
Secrétariat à la condition féminine est en train de
l'étudier. Lorsque le ministre de la Justice a rencontré les
groupes de femmes lundi dernier, il a été convenu qu'il donnerait
suite à ce rapport d'ici quelques mois.
Pour revenir aux garderies, je voudrais mentionner que j'ai l'intention,
cette année, compte tenu de la politique des services de garde dont je
veux doter le Québec et que j'ai mentionnée à plusieurs
reprises, de m1 efforcer de faire en sorte qu'on pourra faire du
développement. Je vais contacter mes collègues afin que nous
puissions faire du développement et un peu de consolidation. Je ne peux,
à ce moment-ci, dire à la députée de Maisonneuve
combien de places je pourrai développer. C'est vrai que Décisions
85 avait annoncé 12 000 places en garderie, mais je tiens à
souligner encore qu'aucune somme n'avait été votée pour
ces places. Encore là, compte tenu de l'héritage que nous a
laissé l'ancien gouvernement, il était impossible cette
année d'accorder ces 12 000 places. Malgré tout, nous sommes
allés chercher 4 500 000 $. Nous avons pu faire non seulement du
développement, mais un peu de consolidation en augmentant l'aide
financière des parents, qui est passée de 10 $ à 10,50
$.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, je vous
remercie. Je cède la parole à la députée de
Matane.
Mme Claire-Hélène Hovington
Mme Hovington: M. le Président, je faisais remarquer tout
à l'heure à mes collègues, en regardant le Charles Huot
qui est au-dessus du salon bleu, qu'il n'y avait quand même pas beaucoup
de femmes représentées à l'Assemblée
législative à ce moment-là. Les femmes se tenaient surtout
sur la galerie tout à fait en haut. Ceci m'amène à dire
qu'il y a quand même en progression dans le dossier des femmes et surtout
depuis une dizaine d'années. Grâce à des
événements comme l'Année internationale des femmes en 1975
et la Décennie des femmes aussi décrétée par l'ONU,
le dossier des femmes a quand même progressé de façon
significative, et les gouvernements ont dû lui accorder une attention
toute particulière.
Depuis le 12 décembre 1985, le gouvernement dont je fais partie a
démontré sa volonté de maintenir cet élan de la
progression du dossier des femmes. Cette volonté gouvernementale s'est
particulièrement manifestée par une stabilité au poste de
ministre déléguée à la Condition
féminine.
Il y avait quand même eu passage de quatre ministres
délégués à la Condition féminine en l'espace
de douze mois. Si vous voulez que je vous les nomme, il y a eu M. René
Lévesque pendant deux mais, Mme Francine Lalonde pendant cinq mois, Mme
Pauline Marois pendant quatre mois, Mme Lise Denis pendant deux mois; tout cela
en l'espace d'un an, M. le Président.
La présence de la même titulaire, Mme Monique
Gagnon-Tremblay, à ce poste depuis bientôt un an a assuré
cette stabilité tant souhaitée et surtout a permis
d'établir de solides liens de collaboration avec tous les ministres du
présent gouvernement. Comme le soulignait la ministre
déléguée à la Condition féminine lors de son
discours d'ouverture de la rencontre des groupes de femmes et du gouvernement
qui se tenait lundi dernier, les actions concertées et
coordonnées du présent gouvernement n'ont peut-être pas
toujours été spectaculaires, mais ces réalisations sont
solides et assurent aux femmes des gains incontestables. Elle ajoutait, par
ailleurs, que nombre de mesures contenues au plan d'action gouvernemental en
matière de condition féminine pour l'année 1986-1987
préparent des modifications législatives importantes pour
les femmes, leur permettant ainsi d'envisager i'avenir avec confiance.
Depuis sa nomination à ce poste, Mme Gagnon-Tremblay a
réanimé d'une façon importante le réseau des
répondants surtout à l'intérieur des ministères et
elle a créé un réseau de répondants au sein des
cabinets de ses collègues. À ces deux niveaux, une étroite
collaboration s'est instaurée et c'est important.
La rencontre du 10 novembre a fait la preuve aussi que le présent
gouvernement était à l'écoute des femmes et de leurs
besoins. Il n'y a pas eu d'engagement lors de cette rencontre, c'est vrai, mais
chaque ministre présent a pris bonne note des priorités
exprimées par les 28 représentantes des groupes provinciaux de
femmes, et Mme Gagnon-Tremblay a clairement affirmé que, maintenant, la
balle était dans le camp du gouvernement. Les résultats
apparaîtront lors du dévoilement du prochain plan d'action
gouvernemental en matière de condition féminine.
J'aimerais, cependant, M. le Président, souligner la
tournée des régions qu'a entreprise la ministre
déléguée à la Condition féminine avant cette
rencontre groupes de femmes-gouvernement. Elle a pu ainsi tâter le
dynamisme du féminisme dans toutes les régions du Québec
et ce en tout début de mandat. Cette tournée aura permis non
seulement de voir les femmes en action dans leur milieu, mais aussi de mieux
cerner et comprendre les nombreux problèmes spécifiques qui
s'ajoutent à la problématique de la condition féminine. Je
tiens ici à souligner le fait qu'elle a associé à cette
tournée tous les députés ministériels des
régions qu'elle visitait. Elle nous a donné ainsi la chance de
constater avec elle l'inquiétude et l'incertitude que vivent les femmes
vis-à-vis du financement de leurs organismes, particulièrement
les groupes de services. Cette association de ses collègues a fait de
nous ses alliés dans les dossiers qu'elle défend.
L'instabilité qu'ont connue les femmes au poste de ministre
déléguée à la Condition féminine sous le
précédent gouvernement a fait récemment resurgir avec une
acuité plus prononcée tous les problèmes qui existaient
bien avant le 2 décembre 1985. L'actuelle ministre a bien l'intention de
s'attaquer à cette problématique particulière du
financement des groupes de femmes. Il est d'ores et déjà
assuré que sa démarche s'inscrit sous le signe du réalisme
et de l'efficacité pour les groupes de femmes. Ses démarches
auprès de sa collègue fédérale, Mme McDougalI, pour
un examen attentif de la pertinence des actions provinciales et
fédérales en regard des besoins des femmes le démontrent.
Elle déclarait précisément lundi dernier que cette
situation des groupes de femmes était inacceptable et qu'elle estimait
qu'il était du devoir des gouvernements de chercher des solutions.
Comme vous le voyez, M. le Président, l'actuelle ministre
déléguée à la Condition féminine ne va pas
sur la place publique pour se plaindre des difficultés qu'elle a avec
ses collègues. Au contraire, elle travaille avec eux, elle rencontre des
groupes de femmes avec eux et elle est à faire la preuve que l'on peut
faire des gains importants sans affrontements, mais plutôt dans la
concertation et la collaboration.
Le Président (M. Bélanger); Je vous
remercie, Mme la députée.
Je cède la parole à Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Louise Hare!
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je pense que nous le
reconnaissons et je crois que les sondaqes auprès de la population en
témoignent, la population est sensibilisée au fait qu'il y a eu
progression dans la cause de l'égalité des femmes et cette
progression est considérée comme assez spectaculaire et
exceptionnelle depuis 20 ans. J'aimerais que la ministre reconnaisse que les
médias d'information ont été un élément
majeur dans la progression et la promotion de l'égalité des
femmes. Cependant, je crois que la ministre a tort quand elle associe
revendications publiques des femmes, revendications à l'égard des
décideurs, qu'ils soient du gouvernement ou qu'ils soient de la
société, et spectacle douteux, de mauvais goût. Je crois
que ces revendications publiques, ces débats publics, la présence
des médias dans l'ensemble des interpellations qui se font de la part
des groupes de femmes auprès des décideurs sont un
élément moteur, un élément positif dans
l'avancement de l'égalité et de la promotion des droits des
femmes.
M. le Président, j'attends encore une réponse sur
l'allocation de disponibilité. De même, j'aimerais aborder assez
rapidement avec la ministre deux questions qui concernent l'état de
santé des Québécoises. On sait que présentement il
y a, au dire des spécialistes, une sorte d'épidémie de
maladies transmises sexuellement. On parle, entre autres, d'une maladie, la
chlamydia. Chez les Européens, on considère que cette maladie
est, d'une certaine façon, le SIDA des femmes. Je veux savoir de la
ministre si elle a fait des représentations auprès de ses
collègues, compte tenu de la fermeture des cliniques, en particulier
à Montréal, la clinique Laënec, qui est située sur la
rue Sainte-Catherine et, ici à Québec, la clinique de
l'Hôtel-Dieu. On sait qu'il y a eu un tollé de protestation, qu'il
y a eu des pétitions
nombreuses qui ont été signées puisque la chlamydia
peut rendre inféconde. Les études les plus récentes
démontrent qu'en l'an 2000 - c'est finalement plus vite que l'on pense,
l'an 2000, n'est-ce pas, c'est dans une dizaine d'années tout au plus -
on pense qu'une femme sur cinq pourrait être inféconde à
cause de maladies transmises sexuellement, en particulier la chlamydia.
Maintenant, la Régie de l'assurance-maladie du Québec a
décidé de ne plus couvrir le dépistage dans les cliniques.
Alors, il n'y a que les hôpitaux et les CLSC, mais il y a encore des
coins du Québec où il n'y a pas de CLSC et on sait que les
hôpitaux sont débordés. Alors, quel est le point de vue de
le ministre sur cette question, de même que sur la cessation des
subventions dans le cas du dépistage du cancer?
On sait qu'une pétition de 3500 noms a été
signée par des femmes de toutes les régions du Québec pour
protester contre la cessation de l'ensemble des recherches qui étaient
faites dans le cas du dépistage du cancer. Ce n'était pourtant
pas un montant imposant. Il s'agissait d'à peine 150 000 $, à ce
que je sache. Il s'avère que ce montant a été
coupé, sous prétexte qu'il fallait attendre dans quatre ans, en
1990, l'étude qui doit en résulter. Est-ce que la ministre entend
faire des représentations afin que soit rétablie cette campagne
populaire qui avait permis, au dire des personnes concernées, de
dépister au moins 250 cas de cancer?
Je ne veux pas qu'on termine cette interpellation sans demander à
la ministre si elle a pris connaissance de la décision ontarienne
d'abolir, en matière d'aide sociale, le règlement qui interdit
aux mères monoparentales de recevoir des prestations tout en ayant des
relations intimes ou en partageant leur lit avec un partenaire. Vous savez
qu'encore au Québec, présentement, il y a une présomption
de vie commune lorsqu'une femme monoparentale... J'en veux à preuve les
enquêtes qui se font et qui ont été abondamment
citées dans les journaux pour vérifier s'il n'y avait pas de
crème à barbe, de pantoufles, de pantalons qui pouvaient
traîner dans les maisons des bénéficaires et des chefs de
famille monoparentale, ce qui a amené le ministère à
ordonner la cessation des paiements.
À la suite d'une décision des tribunaux, qui a jugé
ces façons de procéder discriminatoires en vertu de la charte des
droits, l'Ontario a décidé de procéder à
l'abolition de ce règlement qui interdit aux bénéficiaires
de l'aide sociale - règlement qui existe au Québec - de recevoir
une aide financière à l'occasion ou de recevoir, en fait, de la
visite. J'aimerais savoir, puisque c'est là une protestation et une
entrave certainement à la vie privée de bien des personnes,
quelles sont les recommandations faites par la ministre
déléguée à la Condi- tion féminine et
quelles sont les représentations qu'elle a faites dans ce domaine.
Le Président (M. Bélanqer): À ce stade-ci,
je dois vous préciser qu'il nous reste deux interventions, soit dix
minutes pour Mme la ministre qui devra aussi conclure pour l'ensemble de
l'interpellation et dix minutes pour les conclusions qui appartiendront aux
députés de l'Opposition ou à l'interpellante, Mme la
députée de Maisonneuve. Mme la ministre. (10 h 45)
Conclusions Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Pour répondre à la
députée de Maisonneuve, je dois vous dire que je n'ai rien
à ajouter actuellement concernant les allocations de
disponibilité étant donné qu'aucune décision n'a
été prise. Jamais il n'a été question de remettre
en question quoi que ce soit. Nous devons attendre l'étude sur la
politique familiale. On en discute. Je sais qu'il en est question dans le
rapport sur la politique familiale. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas
discuté de cette politique, je n'ai absolument rien à ajouter
concernant les allocations de disponibilité.
Oui, nous sommes très préoccupés par tout ce qui
touche la santé des femmes. Les groupes de femmes ont eu l'occasion,
justement, lundi dernier de faire valoir leurs préoccupations. Mme
Lavoie-Roux a précisé qu'elle envisage la création d'un
volet ressources alternatives. Elle a indiqué, par ailleurs, qu'un
formalisme plus grand que pour les organismes bénévoles comporte
un danger de récupération par les réseaux. II est donc
nécessaire de poursuivre la réflexion en vue d'en arriver
à une formule adéquate.
Quant à ce qui concerne l'aide sociale, c'est une question qui a
été soulevée par les femmes lors de la rencontre du 10
également. À ce moment, je leur ai mentionné que j'avais
déjà contacté mon collègue, Pierre Paradis pour
qu'il prenne en considération ce volet, c'est-à-dire faire en
sorte que les femmes qui vivent de l'aide sociale ne soient pas
pénalisées, mais puissent bien vivre pleinement leur vie
sexuelle.
Pour clore peut-être cette interpellation, j'aimerais apporter
certaines précisions ou mentionner que, depuis ma nomination, ce qui a
été important, c'est justement, la stabilité dont on a
parlé tout à l'heure, la stabilité d'une ministre
déléguée à la Condition féminine. Il est
vrai qu'avec le gouvernement antérieur on en a eu quatre en un an. Je
comprends que les femmes soient impatientes de voir leurs dossiers se
régler
le plus rapidement possible, mais, avant de débuter, il fallait,
justement, avoir cette stabilité et, par la suite, se donner des outils
de travail. C'est la raison pour laquelle j'ai commencé par le plan
d'action gouvernemental six mois après ma venue, c'est-à-dire le
plan d'action qui a été dévoilé en mai dernier.
Au départ, ce plan d'action a été perçu et a
été reçu de façon un peu tiède.
Peut-être qu'on ignorait, qu'on ne savait pas tout à fait dans
quel contexte il avait été préparé. Il
m'apparsissait très important de donner cet outil de travail aux femmes
avant de faire quoi que ce soit, avant de poser des gestes, de passer aux
actions et je me suis rendu compte au cours de ma tournée en
régions combien il avait été utile. Cela a
également permis à l'ensemble des ministères et à
tous les fonctionnaires, que ce soit les sous-ministres ou les
répondantes è la condition féminine, d'être
sensibilisés; cela leur a permis de connaître toutes les actions
qui se faisaient au gouvernement en matière de condition féminine
et d'en faire le suivi. Jamais on n'avait pu avoir cet outil pour nous
permettre de faire un suivi de toutes les actions gouvernementales et aussi de
voir par contre qu'il y a peut-être certains programmes qui sont plus ou
moins adéquats et qui pourraient être remplacés par
d'autres.
La rencontre de lundi dernier a été une rencontre,
à mon avis, tout à fait exceptionnelle pour la poursuite des
activités à la condition féminine. Je tiens à
souligner, M. le Président, la qualité des mémoires soumis
par les intervenantes lors de cette rencontre. Je pense que les femmes, lors de
cette rencontre du 10 novembre, ont permis d'établir une
véritable crédibilité entre les ministres concernés
par la condition féminine et également tous les fonctionnaires du
gouvernement. Cela s'est répandu un peu comme, je dirais, une
traînée de poudre en ce qui concerne l'appareil gouvernemental et
c'est incroyable de s'apercevoir combien une rencontre comme celle-là a
pu débloquer quantité de dossiers. Déjà, le
lendemain, on communiquait à mon bureau pour avoir le nom de femmes qui
pourraient siéger à des postes de commande, des postes de haut
lieu. À ce moment-là, l'association, le FRAP, avait
présenté aux différents ministres un peu un inventaire des
nominations qui avaient été faites depuis quelques années,
depuis quelque temps. Ce fut une excellente prise de conscience de tous les
ministres présents à cette rencontre pour leur permettre de
constater que naturellement il y a encore place aux femmes à ces hauts
niveaux. Aussi, je pense que cela a sensibilisé... Le fait d'avoir des
sous-ministres à cette rencontre et d'avoir aussi des répondantes
à la condition féminine, cela m'apparaissait très
important parce que, lorsqu'on a à traiter d'un dossier, on a besoin de
la collaboration de l'ensemble de ces personnes.
Il est certain que c'est toujours un peu lent dans l'appareil
gouvernemental et je suis la première à le déplorer.
J'avais l'habitude d'ouvrir un dossier et de le fermer le plus rapidement
possible, mais je me suis rendu compte combien cela prenait de temps parfois,
dans cet appareil gouvernemental, pour faire débloquer ou fermer un
dossier. Mais il m'apparaît qu'avec la collaboration de tous ces
intervenants qui étaient présents lundi dernier et qui ont
été vraiment sensibilisés aux demandes des femmes, qu'ils
ont trouvées d'ailleurs tout à fait raisonnables et tout à
fait pertinentes, nous allons pouvoir maintenant faire débloquer
plusieurs dossiers.
Je mentionnais qu'il y a des dossiers qu'on peut mener ou qu'on peut
faire débloquer à court terme, d'autres à moyen terme et
d'autres à long terme, mais cela ne signifie pas pour autant que nous ne
pouvons pas non plus les travailler de façon parallèle
étant donné qu'on les retrouve dans tous les ministères.
Comme vous savez aussi que la ministre déléguée à
la Condition féminine doit coordonner l'ensemble des politiques en
matière de condition féminine, pour moi, c'était une
occasion privilégiée de sensibiliser mes collègues et
aussi de leur permettre de collaborer davantage avec moi dans le but de faire
débloquer des dossiers.
Cette rencontre, c'est le début, je pense. Cela ne veut pas dire
pour autant que, d'ici là ou d'ici l'an prochain, nous n'aurons pas
à rencontrer des groupes. Nous devons nous mettre au travail
immédiatement, c'est ce que je mentionnerai aux groupes de femmes lundi
prochain. Je rencontrerai ces groupes le plus rapidement possible. Je dois
rencontrer également tous les partenaires socio-économiques et
les syndicats, entre autres. Des rencontres sont déjà
prévues avec les syndicats. Je dois rencontrer également le
patronat et d'autres intervenants du milieu. Ces rencontres me permettront de
préparer un plan d'action sur une période de trois ans, afin
qu'on puisse avoir une perspective à plus longue échéance
de toute la condition féminine ou des solutions a apporter à la
condition féminine.
J'ai constaté, au cours de ma tournée, plusieurs
éléments importants dont je faisais mention au cours de mon
préambule, que l'on pense au financement des groupes, à la
violence faite aux femmes, aux services de garde. Je voudrais revenir sur les
services de garde, étant donné que je n'ai pas eu le temps de
répondre aux questions de la députée de Maisonneuve.
Lorsque je suis arrivée, j'ai constaté les nombreux
problèmes qui existaient en ce qui concerne les services de garde et
j'ai eu l'occasion de les constater davantage lors de ma tournée du
Québec. II existe beaucoup de problèmes, que ce soit en ce
qui concerne les buts lucratifs, les sans buts lucratifs, que ce soit en ce qui
a trait aux travailleurs et aux travailleuses qui sont sous-payés, que
ce soit au sujet du fonds de roulement et, en ce qui a trait au financement des
parents. On sait que quantité de parents n'ont plus les moyens d'envoyer
leurs enfants en garderie. Compte tenu de tous ces problèmes, il
réapparaissait impartant de faire un peu ce que j'ai fait au tout
début avec la condition féminine, soit de doter le Québec
d'une véritable politique des services de garde. Actuellement, nous
sommes à étudier le cadre d'étude; je serai en mesure de
dévoiler les mécanismes de ce cadre d'étude d'ici quelque
temps, ce qui nous permettra par la suite de déboucher sur un
énoncé de politiques et de revoir les orientations et les modes
de financement des services de garde. Alors, possiblement qu'au début de
l'année ou le plus rapidement possible nous serons en mesure de
dévoiler les mécanismes qui nous permettraient d'en arriver
à une élaboration d'un énoncé de politiques.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la ministre. Mme la députée de Maisonneuve, vous avez dix
minutes.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Des intervenants
ministériels l'ont noté durant cette interpellation, c'est
effectivement la deuxième interpellation depuis l'ouverture de cette
session, donc depuis le printemps dernier. Je pense que cela manifeste le
l'intérêt de l'Opposition. Vous savez qu'il y a un nombre
limité d'interpellations à chacune des sessions. Souvent en
Chambre, d'ailleurs, on évalue au volume de questions posées
l'intérêt sur un dossier. Je me rappelle, il y a à peine
trois ans, avoir fait le décompte des questions qui étaient
posées, à l'époque, à Mme Marois, qui était
ministre déléguée à la Condition féminine,
et je me rappelle qu'une année aucune question ne lui avait
été posée à l'Assemblée et qu'aucune
procédure de débat parlementaire n'avait été
engagée sur le dossier de la condition féminine. Autant il est
intéressant que les rencontres, à mon point de vue, aient lieu en
public pour que les revendications des femmes soient publiquement et
légitimement reconnues, autant je pense qu'il est de
l'intérêt de toute ministre déléguée à
la Condition féminine de faire comprendre à ses collègues
que l'Opposition s'intéresse aussi à ce dossier. C'est un
élément important dans la façon qu'elle peut avoir de
convaincre ses collèges de faire avancer ses propres dossiers.
Si elle me le permet, j'ai un souhait, qui est à la fois une
sorte de recommandation et de conseil, à faire à l'égard
de la ministre déléguée à la Condition
féminine qui est celui de toujours poursuivre l'objectif de soutenir la
solidarité des femmes dans les actions qu'elle mène. Les 20
dernières années, on le reconnaît, ont permis des
progrès spectaculaires et remarquables chaque fois que les femmes ont pu
établir ensemble des priorités communes, qu'elles soient
travailleuses au foyer ou qu'elles soient sur le marché du travail,
qu'elles soient dans les régions ou dans les grands centres urbains,
qu'elles se retrouvent dans des groupes de revendications, dans des groupes de
services ou tout simplement dans des groupes féminins. C'est en ce sens
que je trouve inacceptable l'absence de représentantes des 300 000
syndiquées du Québec lors de la rencontre de lundi dernier. Je ne
pense pas qu'il puisse être possible d'envisager des programmes
d'accès à l'égalité dans le secteur privé...
Qu'on pense que le comité de la condition féminine de la FTQ
représente 125 000 femmes du secteur privé. Comment est-il
possible à la ministre de discuter de programmes d'accès a
l'égalité dans le secteur privé sans penser qu'ils ne
pourront jamais être imposés par le gouvernement s'ils ne sont pas
d'abord promus dans le milieu de travail par les femmes syndiquées
elles-mêmes?
Au-delà des différences, il faut toujours
reconnaître la spécificité des femmes, que l'on soit
ministre ou agricultrice ou "waitress" ou enseignante, que l'on soit
syndiquée ou non. C'est ce que je souhaite dans l'action que la ministre
entend poursuivre pour la présente année. Dans le plan triennal,
je souhaite qu'elle associe l'ensemble des femmes du Québec à
l'élaboration des priorités de façon que l'ensemble des
femmes du Québec les partagent et en fassent la promotion.
M. le Président, il y a un certain nombre de questions. Je
rappellerai à la ministre que le ministre des Finances lui-même,
dans son discours sur le budget, a rouvert toute la question de l'allocation de
disponibilité et entend, disait-it, reprendre ou réexaminer cette
question. Je souhaite que la ministre déléguée à la
Condition féminine soit associée à cette
réflexion.
A propos des modifications à la loi des normes minimales
concernant les travailleuses à temps partiel, je ne sais pas si on a pu
avoir une quelconque indication d'un calendrier de travail de la part de la
ministre. Quant au statut marital des travailleuses au foyer qui auront
accès au Régime de rentes, on ne sait toujours pas si les
scénarios ne concernent que les femmes mariées avec l'exemption
pour personnes à charge ou s'ils couvrent également l'ensemble
des femmes qui, chefs de famille monoparentale ou divorcées, sont au
foyer.
Il en va de même pour les
engagements. Je sais qu'il faut toujours être vigilant. J'imagine
que la ministre qui siège au Comité de législation a
dû elle-même avoir la réaction que l'ensemble des groupes du
Québec ont eue à propos de la disposition qui était
contenue dans le projet de loi 92 et qui a été discutée
ici-même à l'Assemblée concernant la possibilité de
verser les allocations familiales au conjoint et non plus à la
mère, comme cela a été traditionnellement le cas au
Québec. Je pense qu'il faut toujours être vigilant pour toutes les
lois.
Au-delà de cela, je pense que ce qu'il faut rechercher, c'est une
cohésion de l'ensemble des groupes de femmes qui travaillent activement,
de façon systématique et énergique à la promotion
de l'égalité des femmes afin de ne pas introduire de discorde ou
d'opposition, ce qui ne peut que nuire à l'avancement du dossier de
l'égalité des femmes.
Malheureusement, le temps nous a manqué, M. le Président,
pour interroger la ministre sur ses représentations dans le cadre des
présentes négociations à l'endroit des femmes
syndiquées qui ont du rattrapage à réaliser.
Dans le gouvernement précédent, les ministres
déléguées à la Condition féminine
participaient au comité ministériel patronal de
négociation avec leurs collègues des Affaires sociales, de
l'Éducation et du Conseil du trésor. Je ne sache pas que, cette
fois-ci, la ministre déléguée à la Condition
féminine fasse partie de ce comité ministériel, mais elle
peut faire des représentations. On connaît la situation des
ghettos d'emploi, notamment dans le réseau de l'éducation et dans
le réseau de la santé; quand on pense que présentement 61
% des préposées aux malades sont à temps partiel,
occasionnelles ou sur appel, qu'au-delà de 60 % des infirmières
auxiliaires sont à temps partiel, occasionnelles ou sur appel,
qu'au-delà de 50 % des infirmières sont à temps partiel,
occasionnelles ou sur appel, il y a certainement lieu, pour la ministre
déléguée à la Condition féminine, de faire
des représentations pour qu'un rattrapage se fasse dans ce dossier. Je
comprends la ministre déléguée à la Condition
féminine quand elle dit qu'il y a des situations historiques, d'une
certaine façon. Nous devons, ensemble, progresser mais encore faut-il
prendre les moyens parce que la stabilité, ce n'est pas suffisant. Une
ministre qui est stable, mais qui n'a pas de réalisations... On juge un
arbre aux fruits qu'il porte et on mesure toujours les bonnes intentions aux
réalisations qu'elles produisent.
Je souhaite entendre ou lire des déclarations que la ministre
déléguée à la Condition féminine entend
faire dans les présentes négociations, comme cela a
été le cas pour ses prédécesseures, sur ce dossier
des femmes syndiquées, qui ont toujours des conditions de travail
difficiles. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée de Maisonneuve.
Je tiens à remercier tous les participants à cet
exposé de ce matin. La commission ayant rempli son mandat, j'ajourne
donc les travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 11 h 3)