Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission se réunit, ce matin, afin de procéder
à des consultations particulières et de tenir des auditions
publiques dans le cadre du projet de loi 21, Loi concernant l'adoption et
modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, le Code civil du
Québec et le Code de procédure civile, et du projet. de
règlement sur l'adoption internationale tel qu'il a été
publié à la Gazette officielle du Québec le 11 mars
1987.
Ce matin, nous entendrons le groupe Enfants d'Orient, adoption et
parrainage du Québec Inc., qui est représenté par Mme Lise
Joanis Stuart, présidente, et par M. Robert Lapointe,
vice-président.
Est-ce qu'il y a, ce matin, des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) remplacé par M. Hétu
(Labelle) et M. Gauthier (Roberval) par Mme Harel (Maison-neuve).
Le Président (M. Bélanger): Bien. Il n'y a pas
d'autres remplacements?
La Secrétaire: Non.
Le Président (M. Bélanger): D'accord. Est-ce que ce
sont des remplacements pour aujourd'hui seulement?
Mme Vermette: Pour Mme Harel, je ne pourrais pas vous
l'assurer.
Le Président (M. Bélanger): D'accord, on le
précisera chaque fois.
Mme Vermette: Et voilà!
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.
Alors, en ce qui concerne les ententes intervenues quant à ta
durée des interventions, elles sont les suivantes: chaque groupe
bénéficie d'une heure pour être entendu; celle-ci se
répartit de la façon suivante: 20 minutes pour la
présentation du mémoire, 20 minutes pour des échanges avec
chacun des partis représentés ici, à savoir le parti
ministériel et le parti d'Opposition.
C'est une enveloppe globale qui comprend questions et réponses,
il va de soi. C'est une enveloppe totale d'une heure qui ne doit pas être
dépassée, si on veut respecter l'ordre établi pour
l'ensemble de nos travaux.
Donc, je demanderais à Mme Stuart de se présenter, ainsi
que son vice-président, et de nous livrer, par la suite, son
mémoire. Mme Stuart, la parole est à vous.
Enfants d'Orient, adoption et parrainage du
Québec inc.
Mme Joanis Stuart (Lise): Je suis Lise Stuart, la
présidente de l'organisme Enfants d'Orient. Je vous présente M.
Robert Lapointe, le vice-président. Je pense qu'on n'aura
peut-être pas 20 minutes complètes puisqu'on n'a peut-être
pas un dossier similaire à celui d'autres organismes. Il y a M. Lapointe
qui va expliquer la position d'Enfants d'Orient; après quoi, je vais
vous donner un peu l'historique d'Enfants d'Orient, vous dire ce qu'on y fait
et ce qu'est l'organisme.
Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous remercie.
Alors, si vous voulez bien procéder.
M. Lapointe (Robert): Bonjour. Une voix: Bonjour.
M. Lapointe: C'est impressionnant, je ne suis pas habitué.
La position d'Enfants d'Orient a été préparée par
les membres du conseil d'administration et entérinée
récemment, dimanche dernier, lors d'une assemblée spéciale
de tous nos membres.
En deux mots, Enfants d'Orient a un genre de statut particulier, pour
utiliser le langage à la mode. Notre organisme fonctionne avec le
ministère de la Santé et des Services sociaux via le
secrétariat à l'adoption. Nous avons une convention signée
avec le ministère qui détermine les responsabilités et les
rôles d'Enfants d'Orient et du ministère via le secrétariat
à l'adoption. Les rôles sont décrits un peu dans le
mémoire ou dans la lettre que je vous ai envoyée. Finalement,
c'est toujours le ministère de la Santé et des Services sociaux
qui, depuis les débuts d'Enfants d'Orient, vérifie
l'adoptabilité des enfants. Toutes les adoptions d'enfants venant de la
Corée sont
faites selon la formule de l'adoption plénière et, dans
tous les cas, les 180 enfants adoptés depuis les dernières
années l'ont tous été dans la complète
légalité, respectant les lois de la Corée et celles du
Québec.
C'est un peu notre position face à cet état de
fonctionnement, en accord avec le ministère de la Santé et des
Services sociaux et en collaboration avec le secrétariat à
l'adoption. Les adoptions de la Corée étant légales, notre
position face au projet de loi présenté, sans l'avoir
étudié comme un avocat le ferait, mais plutôt comme un
parent qui a vécu l'adoption, c'est que ça semble venir
dédoubler des démarches déjà existantes. Pourquoi
faire une loi qui met une nouvelle étape, celle du Tribunal de la
jeunesse, qui viendrait vérifier l'adoptabilité de l'enfant
quand, depuis huit ans, les 180 enfants qui ont été
adoptés l' ont été de façon très
légale? Dans le fond, on n'a pas besoin de cette nouvelle
procédure administrative de fonctionnarisme qui, pour nous, va
nécessairement rajouter des délais. Inutile de vous dire que les
délais à l'adoption sont déjà très longs et
que nous sommes contre toute procédure susceptible d'ajouter d'autres
délais. Très rapidement, en consultant le secrétariat,
cette procédure pourrait ajouter un autre délai de trois mais
avant l'arrivée des enfants.
Mme Stuart et moi-même sommes allés en Corée. Notre
organisme s'occupe des escortes; donc, nous avons fait nous-mêmes des
escortes en Corée. C'est un pays éloigné. Les
négociations, les lois, la culture sont très différentes
des nôtres. Déjà, ils nous disent que, pour les enfants qui
sont adoptés au Québec, le nombre réservé pour !e
Québec se trouve souvent limité parce qu'il y a trop de
procédures. Avec l'immigration fédérale et l'immigration
québécoise, il y a deux étapes à passer et
là on ajouterait des étapes. Ce n'est pas facile d'expliquer une
loi qui viendrait confirmer un état de fait, qui existe
déjà dans une entente de gouvernement à gouvernement avec
la Corée. Quand on va aller leur expliquer qu'il y a encore un
changement, une nouvelle étape, un nouveau tribunal, cela va provoquer
des délais.
Mme Stuart pourrait le confirmer, M. Chun, le directeur de la Social
Welfare Agency à Séoul nous a déjà dit que, s'il y
avait moins de délais, probablement qu'il y aurait plus d'enfants qui
pourraient venir de la Corée. Ce sont des adoptions, je le
répète, qui sont très légales, des adaptions
plénières.
Il est important de dire, comme on le souligne dans notre
mémoire, qu'actuellement les 180 enfants adoptés
québécois, donc nos enfants, ont tous les mêmes droits que
les enfants québécois, ils sont tous des citoyens à part
entière et on est d'accord avec l'Opposition que, en termes d'une
politique d'immigration, pour être arrivés si jeunes, nos enfants
sont très québécois.
Finalement, Enfants d'Orient, comme organisme - je pense que le
secrétariat et le ministère pourront en témoigner - a eu
d'excellentes relations avec le Secrétariat d'État et le
ministère de la Santé et des Services sociaux. Notre organisme
est crédible et, dans ce sens-là, on se présente devant
vous, même si on n'a pas eu la chance d'aller en détail dans
toutes les virgules d'un projet de loi et des règlements qui, pour des
laYques, sont un peu compliqués à suivre. On aimerait que notre
position soit bien entendue, bien écoutée, j'en suis
sûr.
Une politique, une loi qui ne tient pas compte des lois
étrangères ou des différences culturelles, moi j'ai
appelé cela un tapis mur à mur. C'est le danger d'avoir un tapis
mur à mur, c'est-à-dire la même loi pour tout le monde,
pour tous les pays. Peut-être qu'il faut effectivement tenir compte un
peu plus des lois étrangères. En Corée, c'est
légal. Alors, pourquoi arriver avec une loi qui... On est pour la
légalité des enfants. Les parents qui ont adopté en
Corée ont choisi la Corée parce qu'ils étaient certains de
l'adoption plénière et de la légalité de
l'adoption. Cela fait partie des décisions des parents qui ont
adopté en Corée. Donc, pourquoi compliquer encore les choses? En
résumé, c'est un peu notre position.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Bien non. Je ne sais pas. Avez-vous fini votre
présentation?
Le Président (M. Bélanger): II reste Mme Stuart.
Excusez-moi.
Mme Joanis Stuart: J'aurais à présenter
l'organisme. Enfants d'Orient est un organisme qui est né à
partir d'une cellule de parrainage. Il y avait six couples de parents qui
parrainaient un enfant handicapé en Corée en vue d'une adoption.
Les enfants handicapés ne peuvent pas entrer au Québec,
étant donné la sévérité de la loi de
l'immigration. Mais quand un enfant est légèrement
handicapé, Enfants d'Orient a diverses cellules de parrainage. On
parraine cet enfant-là qui reçoit des soins adéquats et,
quand il est disponible pour l'adoption, il est envoyé aux
États-Unis pour l'adoption, parce qu'au Canada il n'est pas question de
laisser entrer ces enfants-là.
Alors, Enfants d'Orient est né à partir d'une de ces
cellules, d'où le premier conseil d'administration de l'organisme
Enfants d'Orient. Enfants d'Orient ne traite pas les dossiers. C'est le
secrétariat à l'adoption qui s'occupe entièrement des
dossiers. Nous, on s'occupe de donner aux parents désireux d'adopter un
enfant en Corée tous les
renseignements pertinents, autant le laps de temps que le coût du
transport, etc.
On s'occupe aussi de faire des rencontres de parents en attente. Quand
les parents ont reçu leur proposition d'enfant, c'est-à-dire un
dossier sur l'enfant avec une photo, son histoire sociale, son dossier
médical, que l'adoptabilité a été
vérifiée et que les gens se sont rendus à l'Immigration
-aux deux paliers de l'Immigration - pour faire venir cet enfant-là,
à ce moment-là, on reçoit sur notre liste le nom de ce
couple-là avec le nom de l'enfant et tout ça. Et c'est là
qu'Enfants d'Orient entre en jeu.
À ce moment-là, on fait une réunion. On
réunit ces couples-là. Cela peut être dix couples;
ça peut être vingt couples. Cela dépend, il y a des
périodes où on en a plus et il y a des périodes où
on a moins. On donne toutes les informations pertinentes, c'est-à-dire
tout ce qu'il faut savoir et tout ce qui se passe en Corée
jusqu'à l'obtention du visa canadien.
On sait qu'il y a un examen médical qui est demandé. On
explique tout cela. Ensuite, on explique l'escorte, parce que ce qui est
peut-être un des comités les plus importants pour nous, c'est
l'escorte. Les parents n'ont pas à se rendre en Corée pour
chercher leur enfant. Les enfants arrivent toujours sous escorte à
Montréal.
On a deux types d'escorte. On utilise souvent la façon la plus
traditionnelle, disons. Les enfants arrivent à New York sous escorte
coréenne ou américaine. Ils arrivent avec des enfants pour
adoption qui vont dans des familles new-yorkaises. Ils les regroupent. Ils
peuvent mettre quatre enfants pour New York, deux pour le Québec ou
trois pour New York, un pour l'Ontario, deux pour le Québec. Ce sont
toujours six enfants accompagnés de deux escortes. Enfants d'Orient
s'occupe d'aller chercher les enfants à New York.
On a réalisé que souvent les parents ne parlaient pas
anglais ou qu'ils avaient peur d'aller à New York. Il y a un changement
d'aéroport. Les horaires pour revenir à Montréal sont
assez justes; quelqu'un qui n'aurait pas l'expérience pourrait
être coincé une nuit à New York avec un jeune
bébé qui vient de faire un voyage de 24 heures.
On a aussi un autre type d'escorte: on va nous-mêmes en
Corée chercher des enfants. On les amène à
Montréal. Cela nous permet de rencontrer les autorités de
l'agence coréenne là-bas. Cela nous permet de les aider,
premièrement, dans les cellules de parrainage. Cela nous permet de
rencontrer les enfants que l'on parraine, de voir s'il n'y a pas des besoins.
Actuellement, on a une demande pour des incubateurs; on va essayer de faire une
levée de fonds parmi nos parents adoptifs pour pouvoir aider cette
agence afin d'envoyer de l'argent pour payer des incubateurs en
Corée.
Ce qui est le point le plus difficile dans l'adoption d'un enfant
coréen, c'est l'attente. À partir du moment où les gens
font leur demande au CSS jusqu'au moment où l'enfant entre au pays dans
sa famille, en général, il s'écoule quatre ans et demi.
C'est très long. Il y a aussi une autre attente qui est très
longue. Entre le moment où les gens reçoivent leur proposition
d'enfant et le moment où l'enfant entre au pays, c'est de trois à
six mois et, dans certains cas, même si l'enfant n'est pas malade, pour
des questions d'immigration et de paperasserie administrative, cela peut
s'éterniser jusqu'à sept ou huit mois facilement. C'est vraiment
très long. C'est pourquoi, quand on parle de rajouter la visite au
Tribunal de la jeunesse, cela pourrait ajouter un délai. Quand M. Chun
est venu à Montréal, le président de la Social Welfare
Society, il avait dit que, si on venait à bout de réduire nos
délais, on aurait plus d'enfants. Plus d'enfants, cela réduirait
aussi l'attente de quatre ans et demi pour obtenir en adoption un enfant
coréen.
On sait qu'en Ontario ils n'ont qu'un palier d'immigration. Les enfants
arrivent en trois mois. À New York, quand on va chercher les enfants, on
voit les parents new-yorkais et, eux, après la proposition d'un enfant,
l'enfant arrive après trois à six semaines. Alors, c'est
très différent de nos trois à six mois.
L'an passé, nous avons reçu 52 enfants coréens.
C'est quand même bien. On a reçu 15 de ces enfants entre Noël
et le Jour de l'an en trois escortes. Cela faisait une ambiance extraordinaire;
les parents étaient fous de joie de recevoir leur enfant pour le temps
des fêtes.
Aussitôt que l'enfant est prêt à voyager,
c'est-à-dire qu'il a obtenu son visa canadien, l'agence fait la demande
d'un visa américain parce que les enfants voyagent toujours avec un
transit aux États-Unis, étant donné que la ioi canadienne
de l'aviation stipule qu'un adulte doit accompagner tout enfant de moins de
deux ans. À ce moment-là, il voyage via les États-Unis.
Cela permet à deux personnes de voyager avec six
bébés.
Aussitôt qu'ils ont obtenu les deux visas, canadien et
américain, l'agence organise le voyage pour l'enfant. C'est une agence
qui est habituée. Tous les enfants voyagent sous escorte partout aux
États-Unis, au Canada et en Suède. La Suède, entre autres,
reçoit beaucoup d'enfants parce qu'ils n'ont pas de visa. À ce
moment-là, c'est beaucoup moins de démarches. Ils gardent les
enfants peut-être un mois et tout de suite l'enfant est prêt
à voyager pour aller dans son pays.
Nous sommes d'accord avec la loi en ce sens que la loi, finalement, ne
touche pas à nos adoptions. Je veux dire que les adoptions de
Corée entrent dans ce moule de
façon automatique, cela a toujours été. Nous sommes
tous des parents adoptifs; mot, j'ai trois filles coréennes et mes
filles ont toutes été adoptées, comme tous les autres
enfants coréens, dans la première année de leur
arrivée au pays. Les enfants coréens sont des enfants vraiment
extraordinaires; tous les couples qui reçoivent des enfants
coréens sont enchantés et font une deuxième demande d'un
autre enfant coréen. Nous souhaitons que cela continue et nous aimerions
que tes délais entre la proposition de l'enfant et l'arrivée de
l'enfant, en ce qui concerne l'immigration, puissent être réduits
et les quotas augmentés. Je pense qu'à ce moment-là tout
le monde serait bien content.
Le Président (M. Bélanger): Alors, vous avez
terminé?
Mme Joanis Stuart: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Mme Stuart, M. Lapointe, je veux vous remercier
d'être venus faire des représentations au nom d'Enfants d'Orient.
Votre organisme m'est d'ailleurs un peu familier et je sais que vous faites du
bon travail.
Il y a deux points sur lesquels je voudrais revenir. D'abord, je pense
que je peux vous rassurer. En ce qui a trait à votre organisme, il n'y a
rien de changé quant à la présentation devant le Tribunal
de la jeunesse par rapport à ce qui existe présentement, compte
tenu qu'il y a un accord signé et que vous-même avez une entente
avec le gouvernement du Québec.
Il faudrait vous référer au 614.4 qui était
déjà dans le Code civil, si je ne m'abuse, et qui demeure le
même: "Lorsque le placement de l'enfant est fait en vertu d'un accord
conclu sous l'autorité des lois relatives à la protection de la
jeunesse, le tribunal ne vérifie que la conformité de la
procédure suivie avec celle que prévoit l'accord." Dans votre
cas, il y a un accord. En fait, c'est le seul pays où il y a un accord
en bonne et due forme.
Selon les informations que l'on m'a données, cette
démarche supplémentaire dont on parle dans la loi est strictement
une procédure qu'on a ajoutée pour enlever le pouvoir
discrétionnaire du ministre. Étant donné que certains
juges avaient mis en doute dans des jugements plus récents l'utilisation
du pouvoir discrétionnaire du ministre, que c'était dans un
processus d'interprétation des lois et qu'un ministre ne pouvait pas se
substituer aux juges, etc., alors, on a dit: Parfait, on va le donner au juge,
au Tribunal de la jeunesse. Alors, ce n'était pas dans le but d'ajouter
une démarche supplémentaire, mais vraiment de corriger ce qui
nous est apparu comme étant une faiblesse ou quelque chose devant
être corrigé. (10 h 30)
Évidemment, ici, c'est la deuxième journée.
C'était aussi dans un journal... Les élus, les parents, les
organismes, tout le monde souhaite que ce soit plus court.
Dans les difficultés que vous soulevez quant aux délais
qui apparaissent indus, si on les compare à d'autres, il semble qu'ils
soient surtout reliés à la question de l'immigration, que ce soit
Immigration-Québec ou Immigration Canada. Si vous avez un peu plus de
détails sur les difficultés dans ces deux domaines, j'aimerais
que vous nous les donniez.
De plus, si on fait abstraction de la procédure d'appel au
Tribunal de la jeunesse qui est une démarche supplémentaire -
mais je vous ai expliqué dans quel esprit cela avait été
fait - est-ce qu'il n'y a pas d'autres procédures... Parce qu'il n'y en
a pas d'autres qui ont été ajoutées dans le processus;
dans la loi, il n'y a pas d'autres procédures d'ajoutées. Nous,
on n'en voit pas. Si vous en voyez d'autres, j'aimerais que vous me les
indiquiez et, dans celles qui sont déjà existantes, quelles sont
celles qui, selon vous, pourraient être modifiées ou
annulées si cela pouvait se justifier? Je pense que ce
souhait-là, nous l'avons tous fait. Vous nous dites surtout: Nous, on va
chercher 52 ou une centaine d'enfants coréens par année, les
choses vont bien, on n'a pas de problème avec le secrétariat, on
n'a pas de problème avec le ministère mais vous souhaiteriez
quand même que le délai soit plus court. Je me demandais si vous
aviez des suggestions pratiques à nous faire.
Mme Joanis Stuart: Pour l'immigration, il semble y avoir un
manque de communication entre Immigration-Québec et Immigration Canada,
là-bas, en Asie. S'il manque, par exemple, un certificat de
sélection pour un enfant, alors l'enfant n'obtient pas son visa
canadien. Parfois, c'est perdu dans les papiers, il est là, il est
émis, mais il n'arrive pas à Séoul. Ce sont les deux
paliers d'immigration. Cela fait beaucoup de paperasse et les papiers semblent
se perdre. S'il n'y avait qu'un palier d'immigration, étant donné
que les enfants arrivent en bas âge... On a eu quelques exceptions
jusqu'à onze ans mais, en général, ce sont des
bébés ou jusqu'à six ans. À ce moment, on se
demande si c'est bien important qu'il y ait vraiment ce papier parce qu'il n'y
a pas d'enquête. Ces enfants arrivent et deviennent des citoyens
québécois à part entière. Ils parlent
français comme nous. À part des petits yeux bridés, ce
sont vraiment des enfants comme les autres. C'est au niveau de l'immigration
que cela retarde beaucoup.
Mme Lavoie-Roux: Pour vous, c'est le point le plus important.
Mme Joanis Stuart: Oui.
Mme Lavoie-Roux: De toute façon, on doit faire des
démarches supplémentaires auprès d'Immigration Canada - ce
sera fait par notre ministère de l'Immigration - pour essayer de
simplifier le processus ou pour qu'on s'enfarge le moins possible, comme on
dit, dans les dédales de paperasse. C'est le seul engagement, à
ce moment-ci, que je peux prendre.
Pour vous, cela vous semble un point important. Vous dites: Si on avait
moins de délais, on aurait plus d'enfants.
Mme Joanis Stuart: Oui. C'est que le...
Mme Lavoie-Roux: Vous, vous n'avez pas eu la complication du
plénier et du simple, vous étiez pléniers et il n'y avait
pas cette difficulté.
Mme Joanis Stuart: Oui, c'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Je me demande si vraiment cela donnerait plus
d'enfants ou si on les répartit entre les pays. Je n'ai pas
idée.
Mme Joanis Stuart: Le président de l'agence
coréenne, qui est venu à Montréal l'an passé, a dit
que, s'il ne devait pas garder les enfants en attente de trois à six
mois, mais que les enfants restaient seulement trois mois - cela prend environ
cela pour le visa canadien - à ce moment il augmenterait notre quota.
C'est une responsabilité. Ils ont la responsabilité de cet
enfant. Si l'enfant est malade, ils le font soigner. Le coût aux parents
reste toujours le même. Que l'enfant soit adopté en trois mois, en
six mois ou après huit mois, les parents paient toujours le même
tarif. L'enfant est placé dans une famille d'accueil en attendant son
arrivée ici. C'est sûr que garder un enfant trois mois ou six
mois, c'est une plus grande responsabilité, cela occasionne plus de
dépenses, beaucoup plus de responsabilité pour l'agence. Si
c'était réduit, il a dit qu'il augmenterait le quota pour le
Québec.
Le Président (M. Bélanger): M. Lapointe avait un
complément de réponse, je pense.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Lapointe: C'était plus au sujet du deuxième
point. Vous avez demandé ce qui pourrait réduire les
délais. Évidemment, comme parents, quand on parle des
délais d'évaluation par les CSS, on a déjà
vécu des situations où on est même allé s'asseoir
dans les bureaux du conseil d'administration d'un certain CSS sur la rive nord
afin qu'il permette l'évaluation. Celui-ci avait décidé,
à cause des nombreux problèmes, qu'il ne pouvait plus y avoir de
travailleurs sociaux de disponibles pour faire cette évaluation. Dans
une telle situation, évidemment, je pense que le ministère
pourrait, pour les cas d'adoption en tout cas, encourager, favoriser et
maintenir, dans les CSS, ce service d'adoption et voir à ce qu'il y ait
du personnel de disponible.
Je voulais juste dire que, comme parents adoptifs, il y a toujours le
délai de l'évaluation. C'est sûr qu'on attend deux ans ou
deux ans et demi parce qu'il n'y a pas d'enfants; c'est la réponse qu'on
a des CSS. Je pense qu'il y a moyen de réduire les délais.
Mme Lavoie-Roux: On a débattu cela, hier, à
quelques occasions. Le dilemme, même en nous mettant dans la meilleure
des perspectives, c'est que toute la démarche prendrait entre 18 et 24
mois, du moment où quelqu'un fait une demande jusqu'au moment où
un enfant... Comme je vous le dis, c'est dans une perspective optimiste, mais
cela rendrait quand même les gens passablement heureux.
Si cette fameuse évaluation était faite dans les trois
premiers mois et que les délais allaient au-delà de 15 à
18 mois, est-ce qu'on ne créerait pas peut-être plus de
frustrations chez les parents que de faire l'évaluation un peu plus
tard, alors qu'on sait qu'il y a des enfants en perspective pour l'adoption?
Quel est votre point de vue? Il y en a ici qui ont dit: Non, faites-la en trois
mois. D'abord, dans certains cas, il y en a qui sont rejetés, quoiqu'on
me dise que c'est un nombre infime; c'est à peu près entre 1 % et
2 % qui ne passent pas le stade de l'évaluation. J'aimerais avoir votre
réaction à cela.
M. Lapointe: Évidemment, combiné à notre
autre demande, si le délai entre la présentation et
l'arrivée est réduit, comme en Ontario, à un mois ou
quatre semaines par rapport à six mois et si les évaluations sont
faites - c'est comme un tout, il ne faudrait pas qu'on attende après les
évaluations si on règle l'autre problème - 18 mois, ce
serait l'idéal pour les parents. Ma première adoption a
été de neuf mois, le temps d'un accouchement. À la
deuxième, cela a été beaucoup plus long parce qu'il a
fallu se battre contre le CSS. Mais, aujourd'hui, on parle de cinq ans.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Vous avez
mentionné, à une couple de reprises, l'Ontario. Je pense que vous
le mentionnez en relation avec l'immigration. Évidemment, en Ontario, il
n'y a pas de
ministère de l'Immigration, tout passe par la filière
fédérale. J'essaie de comprendre pourquoi... Parce que là,
vous ne parlez pas de l'adoption privée vis-à-vis de l'adoption
publique, vous parlez strictement de cette phase où l'enfant doit entrer
au pays. Qu'ils puissent le faire en un mois en Ontario, est-ce qu'on devrait
en conclure que le délai de trois ou même, des fois, de six mois
au Québec serait dû au ministère de l'Immigration du
Québec?
M. Lapointe: Assurément, c'est ce que la Corée
pense.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Lapointe: Je pense que vos fonctionnaires devraient
étudier cette question, aller voir en Ontario et réduire le
temps. L'enfant est le même. Je ne sais pas pourquoi cela lui prend plus
de papier, de sélection, etc., au Québec. Nous, comme parents, on
ne comprend pas cette partie. Mais la Corée nous laisse savoir qu'il y a
un délai pour le Québec, ce qui fait que cela prend six mois.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci, M. Lapointe.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: II m'est agréable, au nom de ma formation
politique, de vous recevoir et de vous entendre. Vous dites que votre
mémoire n'est pas aussi dense que certains autres, mais j'ai compris
qu'il était fait d'une façon spontanée et que vous le
sentiez de l'intérieur, c'est ce qui est important. Vous connaissez
très bien ce que vous faites actuellement et vous le faites aussi dans
l'intérêt de l'enfant et des parents. C'est tout à votre
honneur et je suis convaincue que vos intentions sont vraiment très
louables.
Vous avez soulevé certains points qui vont dans le même
sens. Tout au cours des discussions, on a souvent laissé entendre ou
laissé croire, en tout cas, que, si les évaluations retardaient
ou prenaient du temps, c'est qu'il n'y avait pas d'enfants disponibles. Vous
venez, justement, de révéler le fait contraire en disant que, si
on arrivait à diminuer les délais, il serait probablement
possible d'avoir davantage d'enfants. Compte tenu de cette situation, avez-vous
eu parfois des cas où on vous aurait dit: Écoutez, un enfant est
disponible et on pourrait, si vous aviez un parent, enclencher une
procédure dans le pays d'origine, en Orient? Est-ce que certains
enfants, tout compte fait, n'ont pas pu trouver de famille, justement, à
cause des délais de procédure?
Mme Joanis Stuart: Non. On ne traite pas les dossiers. Alors,
l'agence ne peut pas nous offrir des enfants. Les dossiers sont envoyés
au secrétariat à l'adoption et, s'ils ont beaucoup d'enfants,
à ce moment-là, ils vont augmenter les quotas pour une agence
new-yorkaise, entre autres, la Spence and Shaper ou pour la Suède. Ils
vont, à ce moment-là, envoyer les enfants ailleurs. Ils ne
garderont pas les enfants; ils vont les placer ailleurs.
Mme Vermette: Cela fonctionne uniquement selon la demande que
vous formulez à cette association?
Mme Joanis Stuart: Oui. On sait que, si nos délais
étaient réduits, le Québec obtiendrait plus d'enfants.
Mme Vermette: Bon, parfait. Vous avez beaucoup parlé de
délais d'immigration et vous avez dit, en fin de compte, que vous ne
compreniez pas trop ce qui se passe au niveau de l'immigration, sauf qu'il y a
des délais et, finalement, que ça occasionne un problème.
Lorsque Mme la ministre vous a demandé: Est-ce qu'il se pourrait que
cela vienne du Québec? vous sembliez douter qu'il pouvait
peut-être y avoir quelque chose au niveau du Québec. On m'a dit
que, dans certains cas, l'enfant aurait très bien pu obtenir son visa
d'immigration québécoise, mais ce qui retardait, c'est le O.K. du
secrétariat à l'adoption. Est-ce arrivé quelquefois pour
votre organisme?
Mme Joanis Stuart: Non. L'adoptabilité de l'enfant est
vérifiée avant que le dossier n'aille au CSS pour être
remis aux parents. À ce moment-là, le délai provient
plutôt de l'immigration. Les parents prennent connaissance du dossier
après que l'adoptabilité a été
vérifiée.
Mme Vermette: Toute la procédure est bien conforme,
à ce moment-là. Il n'y a aucune faille. Il n'y a absolument rien
et tout est conforme selon notre procédure légale.
Mme Joanis Stuart: II semblerait.
Mme Vermette: D'accord. Si on revient aux délais, vous
semblez accabler énormément les CSS pour le temps qu'ils prennent
à faire l'évaluation. Très sauvent, c'est dû
à un manque de ressources. Est-ce que vous attribuez cela uniquement
à un manque de ressources ou encore à un manque de volonté
à envisager que l'adoption internationale est une voie
intéressante pour les parents? Dans certains cas, comme on l'a
laissé entendre hier, il y a tellement d'enfants québécois
qui sont mis en disponibilité ou qui peuvent aussi être
adoptés que, finalement, cela décourage
certains parents d'adopter sur le plan international.
M. Lapointe: C'est une longue question. Le mot "accabler" est
peut-être un peu fort. Je ne pense pas avoir accablé les CSS. J'ai
dit que l'adoption est un dossier à part. C'est un dossier particulier.
L'adoption internationale est un dossier particulier et les parents ont un
droit fondamental de recevoir les services d'évaluation et les services
du CSS reliés à l'adoption. Je ne pense pas qu'un CSS ait le
droit de décider de retirer ce service à des parents qui y ont
fondamentalement droit. Donc, si cela s'est fait dans certains CSS, je suis
contre cela.
Par ailleurs, étant moi-même du réseau des affaires
sociales et connaissant les autres problèmes sociaux que vous
mentionnez, quand il y a des priorités à établir, ce n'est
pas facile et je pense qu'il devrait toujours y avoir de la place,
c'est-à-dire qu'un enfant adoptable - pour faire allusion à votre
première question - et dont l'adoptabilité a été
vérifiée ne devrait pas subir de délais à cause
d'un manque de ressources au CSS et être laissé dans son pays. En
tout cas, si toute la procédure est faite, cela ne devrait pas
être le CSS qui bloque. Comme parents, on a de la difficulté
à comprendre cela. Nonobstant les priorités, il ne faut pas
comparer à ce moment-là. C'est un dossier à part, avec les
droits de ces citoyens et de ces parents et, il devrait être
traité comme tel. (10 h 45)
Le Président (M. Bélanger): D'autres questions?
Non. Mme Harel, je vous en prie. Y avait-il des...
Mme Harel: La députée de Maisonneu-ve.
Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi. Je
voudrais seulement vérifier avant: du côté
ministériel, y avait-il des questions? Non. Alors, Mme la
députée de Maisonneuve. Je m'excuse.
Mme Harel: Ce n'est rien, M. le Président. M. Lapointe,
des groupes qui sont venus hier, des organismes similaires à celui que
vous représentez, ont fait valoir qu'il devrait y avoir la
possibilité de faire appel à une évaluation de
travailleurs sociaux privés, membres de la corporation. Vous semblez,
avec illustration à l'appui, considérer que l'évaluation
des parents est une faille actuellement dans le système. Et pourtant,
vous ne préconisez pas, je pense, dans votre mémoire ou dans vos
propos, l'évaluation par la voie privée. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Lapointe: On appelle cela une colle. Enfants d'Orient, on l'a
dit tout à l'heure - vous étiez absente au début -...
Mme Harel: J'ai lu votre mémoire.
M. Lapointe: ...est pour la légalité totale de
l'adoption et c'est comme cela que nos enfants ont été
adoptés entièrement. Donc, s'il y a d'autres options que les CSS,
soit des intervenants privés, dans la légalité, je pense
que c'est un moyen à étudier, que c'est une hypothèse
à vérifier. Actuellement, seuls les CSS ont le droit de faire
cela; donc, nous sommes d'avis que ce devrait être les CSS parce qu'ils
ont, seuls, le droit. L'hypothèse d'aller en privé en fonction
d'une autre démarche légale, acceptable selon les lois
canadiennes, québécoises et étrangères, c'est une
hypothèse sur laquelle je ne mettrais pas un X tout de suite.
Mme Harel: Vous n'avez pas, finalement, un point de vue autre que
d'examiner cette hypothèse. Vous n'en avez jamais discuté au
niveau... Vous faisiez part, d'ailleurs, de la difficulté de rejoindre
tous vos membres pour avoir un point de vue en commission parlementaire...
M. Lapointe: Notre association a un statut particulier dans le
sens qu'on s'en occupe une fois que le dossier a été
réglé, une fois que l'enfant est présenté aux
parents. Donc, ces étapes sont passées et c'est le
secrétariat d'État qui gère ces dossiers; à ce
moment-là, nous sommes moins impliqués dans ces
délais-là. Il est sûr qu'on a l'attente de cinq ans. On
parle aux parents et on leur dit: C'est long, cinq ans, mais quand vous voyez
nos enfants, cela vaut la peine d'attendre, finalement. Mais c'est très
long. Est-ce que des solutions comme cela pourraient réduire l'attente?
Mais on n'est pas impliqué dans ce dossier; donc, on n'a pas de position
comme organisme là-dessus.
Mme Harel: Vous travaillez surtout à la préadoption
et à la postadoption. Vous ne gérez pas le processus comme
tel.
Une dernière question parce que cela revient dans votre
présentation écrite à la commission, la relation entre un
pays asiatique et un pays d'Amérique du Nord qui a un appareil
étatique développé. Vous semblez considérer qu'il
ne faut pas envisager, dans la relation qu'on entretient, par exemple, avec un
pays asiatique -j'imagine que vous faites le même jugement pour
l'ensemble des pays du tiers monde -que des interlocuteurs similaires,
corollaires, équivalents à ceux qu'on possède dans nos
appareils administratifs, dans nos appareils étatiques, puissent se
retrouver. Vous dites, entre autres: "La souplesse est nécessaire dans
toute législation touchant l'adoption internationale."
En même temps, vous dites: II nous
faut travailler et nous, Enfants d'Orient, tenons à ce que tout
se fasse dans la légalité la plus totale. Il y a comme une sorte
de balance d'inconvénients, d'une certaine façon, parce
qu'introduire la souplesse, est-ce que, justement, ce n'est pas introduire la
possibilité que ça se fasse en parallèle avec les
mécanismes étatiques en place?
M. Lapointe: On parlait un peu - ce que j'ai dit tout à
l'heure - de la formule du tapis mur à mur. Je ne pense pas qu'un pays
puisse faire la loi pour tous les pays étrangers qui ont leur propre
législation étrangère, qu'on doit respecter. Dans ce
sens-là je me dis que, dans certains cas, il y a sûrement des
ententes, des accords selon les législations de ce pays-là.
Le règlement, en tout cas, qui semblait être
proposé, c'est la loi du Québec. L'adoptabilité va
être jugée de cette façon-ci au Québec et tous les
pays devront s'y conformer. Mme la ministre a un peu répondu en disant:
L'article... Je ne me souviens plus lequel. Il peut y avoir des accords; il
peut avoir certains accords particuliers ou certaines ententes. Donc, il y a
une certaine souplesse que je reconnais ou que je n'avais pas lue. Je n'avais
pas interprété ce règlement dans ce sens-là. Donc,
on a déjà une réponse.
Mme Harel: Vous êtes satisfait de la souplesse.
Mme Lavoie-Roux: Je veux ajouter, pour l'information de la
députée de Maisonneuve, qu'hier, dans mes notes d'ouverture j'ai
dit - j'ai eu l'occasion de le répéter par la suite - en ce qui a
trait aux conventions qui doivent être signées entre les
organismes reconnus pour adoption internationale et le gouvernement, qu'il
pourrait y avoir, dans les conventions, des clauses particulières qui
pourraient permettre de tenir compte des particularités des pays
où ils agissent et des champs d'intervention de chacun.
Mais je pense qu'il y a le principe de base, l'égalité des
enfants et la reconnaissance par le pays qui laisse aller son enfant pour
adoption. Qu'il y ait une reconnaissance officielle que cet enfant-là
est adoptable, je pense que sur ça, on ne peut pas jouer. Cela, c'est le
principe. Pour le reste, je pense qu'on ne peut pas nécessairement
fonctionner exactement de la même façon en Corée, en
Bolivie ou à Haïti. Là-dessus, c'est au niveau des
conventions qu'il faut prévoir des clauses particulières qui sont
mieux adaptées aux gens avec qui on fait affaire là-bas.
Mme Vermette: Pour enchaîner sur ce que vient de dire Mme
la ministre, en fin de compte, en Corée, il n'y a pas eu de
problème en ce qui concerne les questions de filiation, parce qu'il y
avait une concordance de toute façon. Alors, une fois que tout le
processus était bien accompli et que tout était conforme selon
les lois, comment se faisait une reconnaissance d'adoptabilité? Est-ce
que c'était le pays qui vous donnait le consentement ou si
c'étaient les tribunaux?
Mme Joanis Stuart: C'est le secrétariat à
l'adoption qui s'occupe des dossiers et il vérifie l'adoptabilité
de l'enfant. Il y a des papiers du gouvernement coréen qui arrivent et
c'est vérifié au secrétariat à l'adoption. Nous, on
ne touche pas la partie dossiers comme telle.
Mme Vermette: D'accord. Vous n'avez jamais regardé, de
toute façon, qui, en fin de compte, donnait son accord de principe sur
l'adoptabilité de l'enfant?
Mme Joanis Stuart: L'agence coréenne a la tutelle
légale des enfants qu'elle a sous sa garde et c'est reconnu par le
gouvernement coréen. Alors, l'adoptabilité est reconnue par le
gouvernement coréen finalement.
Mme Vermette: Alors, ce n'est pas pareil partout, par contre.
Chaque pays fonctionne selon ses règles de procédure, j'imagine
bien. Pour revenir toujours à la même question en ce qui concerne
les délais actuellement pour l'évaluation des parents, comment
envisagez-vous les moyens qu'on devrait mettre de l'avant pour réduire
ces délais et pour favoriser qu'il y ait le plus de demandes possible
qui puissent s'acheminer?
M. Lapointe: Plus de travailleurs sociaux disponibles dans les
CSS, qui vont bien connaître le dossier de l'adoption internationale, qui
vont s'en occuper. Aussi, plus d'aide aux groupes bénévoles. On
reçoit déjà un peu d'aide du ministère comme
organisme bénévole. Évidemment, avec le réseau des
parents et le réseau d'entraide des parents, c'est une force en adoption
internationale qu'il faut encourager. Moins de délais administratifs,
entre guillemets, des "fonctionnaires", que ce soit le CSS. Je veux dire que je
n'ai pas d'autre réponse que cela.
Mme Vermette: Quand vous parlez d'avoir plus de soutien aux
organismes, qu'est-ce que vous entendez par là? Est-ce que vous pouvez
être plus explicite à ce chapitre-là?
M. Lapointe: Encore là, à Enfants d'Orient, on a
reçu des subventions du ministère comme organisme
bénévole qui nous permettent de fonctionner. Je ne suis
pas certain que tous les organismes, soient subventionnés, parce
qu'il y en a plusieurs en adoption internationale. Je pense que vous en
rencontrez plusieurs ces jours-ci. Je parle un petit peu aussi pour les autres
organismes. Je pense que tout groupe d'entraide... Aujourd'hui, le
ministère veut aider les parents qui s'entraident. Dans ce
sens-là, un financement minimal de fonctionnement est très
important pour les groupes bénévoles.
Mme Vermette: Compte tenu de la situation actuelle, compte tenu
des listes d'attente qui n'arrêtent pas de s'allonger, est-ce que vous
considérez qu'il serait important d'avoir ou qu'il y aurait place, en
tout cas, pour d'autres intermédiaires dans d'autres pays,
actuellement?
M. Lapointe: Là, c'est peut-être une opinion
personnelle parce qu'on n'en a pas discuté. Même en Corée,
on est au courant qu'il y a d'autres agences que la Social Welfare Society qui
peuvent faire de l'adoption et qui font de l'adoption dans d'autres pays. Il
n'y a pas qu'une seule agence. La structure est différente, je ne la
connais pas. Il y a la Social Welfare Agency. Mais, d'autres agences font aussi
des ententes avec certains pays. Peut-être même qu'en Corée
on pourrait augmenter notre réseau de contacts ou d'agences avec
lesquelles le gouvernement pourrait s'entendre, comme il a une entente avec la
Social Welfare. Je ne sais pas si elle est exclusive, je n'en connais pas les
détails. Il a été question des Philippines et il y a eu
des missions exploratoires dans d'autres pays de l'Asie où, par
l'expérience orientale ou asiatique de la Corée, peut-être
qu'il y aurait d'autres ouvertures. Mais, encore là, c'est selon les
gouvernements ou les régimes en place. Voilà ce que je pensais et
que je voulais dire.
Mme Vermette: Comment êtes-vous perçus dans ces pays
lorsque vous faites des demandes? Est-ce que vous êtes bien perçus
comme étant des gens qui font tout simplement un travail ou si vous
êtes perçus comme étant des gens qui, finalement, envers et
contre tous, veulent absolument avoir des enfants? Est-ce que la
mentalité là-bas, par rapport à l'adoption, disons, est
fermée ou ouverte?
M. Lapointe: Là, ce sont des opinions personnelles. Vous
le demanderez à Mme Stuart. Quand je suis allé en Corée,
je crois que nous sommes perçus... Il y avait eu une émission de
télévision. D'abord et avant tout, des liens d'amitié
doivent être créés avec nos collègues de ces agences
en Asie. Donc, la continuité est importante, la connaissance des
personnes, les photos de nos enfants. On ne va pas en Corée sans les
photos de nos enfants qui suivent et qu'ils regardent. On visite les
orphelinats. Le lien de parrainage est aussi extrêmement important. On
est vu comme des parents qui viennent adopter des enfants et qui veulent les
aider. Il faut être très présents. Nous ne sommes pas des
fonctionnaires. Nous sommes les parents. Par rapport à nos liens avec la
Social Welfare, par rapport aux vrais fonctionnaires du secrétariat -
ils doivent sourire, en arrière -il y a une différence importante
qui fait que le lien de l'organisme bénévole est très
important en Corée.
Le Président (M. Bélanger): Une dernière
question. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté
ministériel? Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Si vous me le permettez, M. le Président,
je voudrais seulement donner une information. Ce sont les agences, me dit-on,
qui se voient désigner des pays par le gouvernement coréen.
Alors, comment l'appelle-t-on? La Social...
Une voix: ...Welfare Society.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Le Social Society s'est vu désigner
le Canada. Alors, c'est vraiment de l'initiative du gouvernement coréen.
J'ai l'impression que c'est beaucoup mieux structuré en Corée
peut-être que dans d'autres pays, ce qui facilite les choses.
Je veux vous remercier de votre présentation. On va voir ce que
la constitution va donner. Peut-être qu'avec l'entente du lac Meech on va
pouvoir, au plan de l'immiqration, avoir des choses un peu plus facilement. Je
le dis un peu à !a blague, mais on va certainement réexaminer
cela pour voir quelles sont les principales entraves à une plus grande
rapidité des démarches. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Alors, à mon tour de vous remercier. Je
pense que vous nous avez vraiment éclairés par vos
réponses. Encore là, c'est un autre aspect et un autre volet de
l'adoption internationale que vous nous avez fait connaître à
partir de votre vécu et de votre réalité. Ce que je trouve
intéressant, c'est votre engagement et le rôle que vous êtes
prêts à jouer quant à l'adoption internationale. Aussi, ce
qui nous rassure, c'est qu'il y a des bébés disponibles pour les
parents qui voudraient bien créer un foyer. C'est rassurant de savoir
qu'il n'en manque pas et qu'au contraire, si on se donne les moyens
nécessaires, nous pourrons avoir les enfants que les parents
s'attendent
à recevoir. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense qu'il faut,
quand même, faire attention à ne pas créer l'illusion qu'il
y a des milliers de bébés qui attendent d'être
adoptés dans les pays étrangers. Et j'aimerais avoir votre
dernière réaction là-dessus. Même si on
réussissait vraiment à aplanir ces difficultés objectives
qui existent présentement - je pense que personne n'a
intérêt à dire qu'elles n'existent pas - il reste que,
selon les échos qu'on a, quand même, des contacts avec les pays
étrangers, autant on veut collaborer pour l'adoption, autant aussi on
veut de plus en plus encadrer ces règles de l'adoption des enfants des
pays d'origine, des pays étrangers.
Alors, je pense que, même si toutes les difficultés
étaient atténuées... On parlait de l'Allemagne; sur 20 000
demandes, il y en a 3000 auxquelles on est capable de répondre. Alors,
je pense qu'il ne faut pas créer l'illusion que c'est juste une question
de difficultés bureaucratiques; sans les minimiser, au contraire, je
pense qu'il faut aussi voir la réalité des pays qui laissent
aller leurs enfants pour l'adoption.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme Stuart et M.
Lapointe, je vous remercie infiniment de votre présentation et aussi de
la qualité des échanges avec ta commission.
J'appellerais maintenant le prochain organisme: Soleil des nations.
Alors, si vous voulez, nous allons suspendre les travaux pour quelques minutes,
le temps que la nouvelle équipe prenne place, et nous revenons.
(Suspension de la séance à 11 h 3)
(Reprise à 11 h 6)
Le Président (M. Bélanger): Nous allons reprendre
les travaux pour entendre maintenant le groupe Soleil des nations qui sera ici
représenté par M. Roger Gagnon, président; M. Thouin, le
vice-président; Mme Gagnon, directrice; M. Beausoleil, directeur, et par
M. Richer, membre.
Alors, je demanderais à M. Gagnon, le président, de bien
vouloir s'identifier et de nous présenter ses collègues pour que
nous puissions commencer. Alors, M. Gagnon.
Soleil des nations
M. Gagnon (Roger): Merci, M. le Président. Mon nom est
Roger Gagnon, je suis président de Soleil des nations et je l'ai
été, il y a quelques années, au moment de l'arrivée
du secrétariat à l'adoption. À ma droite, M. Jean-Charles
Richer, président sortant, il est également couple ressource pour
la Bolivie; à ma gauche, M. Paul Thouin, actuellement
vice-président, a été dans le passé
président de Soleil des nations et est également couple ressource
pour la Colombie; à mon extrême gauche, M. Bernard Beausoleil,
actuellement membre du conseil d'administration et qui a aussi
été président.
L'intention du conseil d'administration, en mandatant ses quatre
présidents pour venir vous rencontrer, c'est un peu d'essayer d'inscrire
les propos de notre mémoire dans une continuité historique. On a
fait une lourde tâche. J'ai essayé de résumer en 20 minutes
dix ans d'histoire. Je vais essayer de vous livrer cela de la façon la
plus agréable possible, pour ne pas vous assommer complètement;
vous avez une longue journée, j'imagine. Nos propos sont peut-être
plus incisifs que les précédents, mais ce n'est vraiment pas avec
méchanceté.
En commençant, on aimerait rappeler ce que l'on a au
préambule de notre mémoire, asseoir un peu les orientations de
Soleil des nations. Vous trouverez dans le mémoire, aux pages 6 et 7,
les postulats dont je vais brièvement parler.
À Soleil des nations, nous croyons que tous les enfants du monde,
peu importent leur origine ou leurs conditions économiques et sociales,
ont droit à une famille qui s'occupe pleinement d'eux. Nous croyons
également que c'est auprès des parents de naissance que les
enfants ont le plus de chance de se développer et de devenir des adultes
responsables. Nous croyons que, si les parents de naissance doivent, pour une
raison ou pour une autre, confier à d'autres leur enfant, ce dernier a
droit à une famille dans les plus brefs délais permis par la loi
d'origine du pays.
Il existe de nombreuses recherches scientifiques qui démontrent
que les enfants ont besoin de continuité, de stabilité et,
également, d'une relation affective personnalisée. Ce qui nous
amène à croire qu'il faut éviter à tout prix que
les enfants attendent trop longtemps dans des crèches, des orphelinats,
ou établissent une relation significative à demeurer trop
longtemps dans une famille d'accueil en attendant que le projet d'adoption
puisse être finalisé. De là notre volonté que
l'adoption se fasse sans précipitation, mais dans les délais les
plus courts possible. Nous espérons que le législateur
québécois aura la même préoccupation.
À Soleil des nations, nous croyons également qu'il faut
garantir avec toute la rigueur possible que l'abandon de l'enfant par ses
parents de naissance se fasse avec un consentement libre et
éclairé, et que ces derniers ne subiront aucune forme de
contrainte, ou de promesse, ou de pression provenant du couple en
attente, personnellement ou par des tiers. C'est cette croyance qui nous
amène à offrir à des enfants adoptables des parents
adoptants plutôt que de chercher des enfants pour des parents. Ainsi,
Soleil des nations transige généralement avec des orphelinats,
des religieux et religieuses qui reçoivent chez eux des enfants
abandonnés.
Nous ne partageons pas la façon de faire de ceux qui confient
à une personne à l'étranger le soin de partir à la
recherche d'un enfant pour un couple ou pour un autre. C'est par ce choix que
nous tentons de collaborer à garantir l'absence de pression à
l'endroit des parents de naissance. Nous croyons également que, lorsque
des enfants sont adoptables, s'ils ne peuvent trouver une famille dans leur
pays d'origine, leur droit à une famille crée le droit aux
couples québécois d'adopter ces enfants. Ces couples ont
également le droit de recevoir toute l'assistance possible pour
réaliser leur projet dans les plus brefs délais et,
également, dans le respect de leur choix de recourir à l'adoption
internationale.
Cet énoncé nous amène à souhaiter que tout
enfant demeure dans son pays d'origine; à' défaut, dans une
famille la plus semblable possible. Tout enfant devrait donc pouvoir rester
dans son pays. Il faut, par contre, admettre que certaines
réalités tiers-mondistes font en sorte que certains pays ne sont
pas capables actuellement, pour différents motifs, d'assumer la
totalité de leurs enfants et certains enfants sont laissés
seuls.
Nous croyons que, dans un Québec véritablement
préoccupé par l'intérêt de ces enfants et qui se dit
d'ailleurs sensibilisé à la coopération internationale, il
y a de la place pour accueillir ces enfants et leur donner une famille. Nous ne
partageons pas, en toute déférence, l'opinion de ceux qui
reconnaissent aux couples le droit à des enfants. Soleil des nations
croit que le droit à l'adoption surgit uniquement et seulement lorsque
des enfants légalement adoptables sont en attente d'une famille. Par
contre, lorsque des enfants sont en manque de parents dans le pays d'origine et
que le pays ne peut répondre à ce besoin, nous croyons fermement
que le Québec devrait favoriser l'adoption de ces enfants par les
couples québécois qui le désirent. Si telle était
la volonté du législateur, nous souhaiterions qu'il l'exprime
clairement. Nous croyons enfin que l'État québécois doit
apporter à ces couples toute l'aide nécessaire pour
réaliser ce projet dans les meilleurs conditions et délais
possible.
À Soleil des nations, nous reconnaissons à l'État
québécois un droit d'intervenir pour s'assurer que tout projet
d'adoption se réalise dans le respect de l'intérêt et des
droits de l'enfant, des parents de naissance, des parents adoptifs et dans
l'observance des lois du pays d'origine et, enfin, des lois du Québec.
Cependant, cette intervention doit se limiter au strict minimum requis,
particulièrement lorsque l'adoption est réalisée par
l'intermédiaire d'un organisme reconnu par la ministre.
En conséquence, nous soulignons notre désaccord avec
l'adoption strictement privée, de même qu'avec les tracasseries
administratives qui retardent indûment ce droit qu'a l'enfant de vivre
dans une famille dans les meilleurs délais. Nous reviendrons plus loin
sur le contrôle toujours grandissant de l'État
québécois dans le domaine de l'adoption internationale. Ce
contrôle crée chez nous certaines inquiétudes.
Enfin, à Soleil des nattons, nous considérons que le
législateur québécois doit fonder son intervention sur une
politique claire et favorable à l'adoption internationale qui se doit
également d'être respectueuse de toutes les personnes
impliquées.
Soleil des nations a vécu toutes les modifications
législatives sur l'adoption internationale depuis que le
législateur se préoccupe sérieusement de ce
phénomène. Nous étions là lors de la
création temporaire du Secrétariat à l'adoption
internationale et nous sommes encore là aujourd'hui pour voir le
secrétariat prendre encore plus d'importance. Malgré notre
présence active de longue date, il nous est encore difficile de saisir
pleinement la politique québécoise concernant l'adoption
internationale.
Mme Lavoie-Roux elle-même, lors de la commission parlementaire sur
la loi 55, demandait, le 15 décembre 1983, au gouvernement en place
à ce moment-là: Quelle est la politique du gouvernement en
matière d'adoption internationale? Qu'il nous soit ici permis de vous
indiquer que nous apprécierions entendre une réponse claire et
sans équivoque de la part de l'actuel gouvernement sur ce sujet.
Maintenant que nous avons identifié le fondement de notre action,
qu'il me soit permis de vous entretenir des inquiétudes que suscite le
projet de loi 21. Il y en a trois. Vous me permettrez sûrement de
commencer par celle qui nous touche le plus immédiatement, à
savoir le sort que le projet de loi réserve aux organismes comme le
nôtre. Soleil des nations est reconnu comme intermédiaire depuis
que cette disposition a été introduite dans le texte de loi
lui-même. Malgré cette reconnaissance explicite, Soleil des
nations a toujours été soumis à plusieurs contrôles,
notamment ceux du secrétariat à l'adoption et ceux compris dans
l'entente signée avec le ministre. Cette entente doit d'ailleurs
être négociée annuellement, ce qui assure au ministre un
certain contrôle sur nos activités. Une directive ou un
décret était-il en vigueur que Soleil des nations
recevait un avis de s'y soumettre. Nous avons toujours eu une place de
seconde zone dans l'adoption internationale depuis l'arrivée du
secrétariat à l'adoption en 1982.
Aujourd'hui, le projet de loi 21 vient établir que,
désormais, seul le ministre pourra servir d'intermédiaire en ce
qui concerne l'adoption internationale. Nous devons admettre, cependant, que le
projet de loi permet au ministre de reconnaître jusqu'à un certain
point un organisme comme le nôtre. Le projet de loi parle de cette
nouvelle orientation en utilisant les expressions suivantes, habilement
choisies, il nous semble, par le législateur: "Le ministre peut
être assisté par un organisme qu'il reconnaît dans ce but et
qui a pour mission de défendre les droits de l'enfant, de promouvoir ses
intérêts et d'améliorer ses conditions de vie." Nulle part
il n'est fait mention que nous agirons comme intermédiaire dans la
réalisation d'une adoption internationale. Cette place très
timide faite aux organismes nous inquiète un peu. Comment ne pas
s'inquiéter quand on constate que la ministre de la Santé et des
Services sociaux, dans un document de treize pages, intitulé
mémoire au comité ministériel permanent des affaires
culturelles et sociales et portant sur l'adoption internationale, ne parle
aucunement du rôle des organismes comme intermédiaires en adoption
internationale? Doit-on voir là une quelconque intention d'ignorer
complètement les organismes comme le nôtre?
Nous avons dit tantôt: La loi actuelle nous fait une place de
choix, alors que dans les faits nous n'en avons que très peu. Que nous
restera-t-il le jour où la loi ne nous fera plus de place? Nous
apprécierions avoir une réponse là-dessus. Nous
comprenons, par contre, l'inquiétude du législateur devant
certaines positions prises par les tribunaux en ce sens que le couple adoptant
a toute la liberté de choisir, parmi les intermédiaires reconnus,
celui par l'entremise de qui il veut transiger. Nous avons aussi certaines
inquiétudes devant les positions prises par le juge Simard, de
Chicoutimi, lorsqu'il dit à propos des intermédiaires: "II
m'apparaît évident que ceux-ci ne peuvent se soustraire à
leur devoir d'agir comme intermédiaire lorsque les normes
administratives, les prescriptions de la loi ou les règlements ont
été remplis." (11 h 15)
Soleil des nations n'acceptera pas d'agir uniquement à titre de
boîte aux lettres d'enfants sans aucune discrétion. Ce ne fut pas
fréquent, mais il nous est arrivé dans le passé de refuser
des couples qui avaient pourtant respecté les prescriptions de la loi.
Ces décisions ont été prises parfois pour des motifs de
racisme de la part du couple adoptant, parfois pour des motifs de
difficultés apparentes au sein du couple.
Soleil des nations ne peut servir d'intermédiaire lorsqu'il
croit, pour des motifs raisonnables, que l'intérêt de l'enfant ne
sera pas adéquatement servi par le projet d'adoption.
Il nous est impossible, actuellement, de situer clairement notre
rôle à partir du projet de loi 21. Nous avons besoin de plus
d'éclaircissements et de garanties avant de donner un accord
éclairé et librement consenti. Soleil des nations sera-t-il sous
ta tutelle du ministre ou du secrétariat? Soleil des nations sera-t-il
appelé à remplir les tâches que les autres partenaires du
réseau ne peuvent ou ne veulent remplir? Soleil des nations sera-t-il un
chercheur d'enfants uniquement? Soleil des nations sera-t-il
relégué aux oubliettes dès lors qu'une divergence de
points de vue surgira entre nous et le ministre ou le secrétariat?
Soleil des nations recevra-t-il une délégation en bonne et due
forme lui permettant de poursuivre le travail qu'il a toujours fait? Nous
n'avons pas trouvé de réponses à ces questions dans le
projet de loi 21.
Les règles de la démocratie font que les ministres
passent, alors que les lois demeurent. On trouvera, aux pages 17 et 18, une
formulation proposée par nous de l'article 72.3 de la Loi sur la
protection de la jeunesse qui, sans être parfaite, nous semble meilleure,
en toute déférence, que celle proposée dans le projet de
loi.
En terminant sur ce point, nous voulons réagir à l'article
9 du projet de loi, réaction que l'on retrouvera à la page 17 du
mémoire. Cet article du projet de loi établit que l'organisme
devra signer une entente avec le ministre; nous sommes d'accord
là-dessus. Nous divergeons d'opinions, cependant, lorsque nous
constatons à la lecture de cet article que cette entente, appelée
convention dans le projet de loi, devra être conforme à la
convention type approuvée par décret du gouvernement. À
Soleil des nations, nous considérons que, dans une société
libre et démocratique, les ententes se néqocient de bonne foi par
des discussions, des échanges de points de vue, des concessions de part
et d'autre; cela ne s'impose pas par décret. Nous tenons, malgré
tout, à qarder une certaine autonomie ou, à tout le moins, une
apparence d'autonomie.
Notre deuxième préoccupation concerne la distinction faite
par ce projet de loi entre l'adoption simple et l'adoption
plénière. Vous retrouverez nos commentaires à ce sujet aux
pages 10 et 11 du mémoire. Nous devons, à prime abord, constater
que les tribunaux appelés à trancher ce litige, de même que
te législateur au moment de l'adoption du projet de loi 55, n'ont pas
cru nécessaire d'établir une telle distinction. On
reconnaît généralement au législateur cette
qualité de ne pas parler pour ne rien dire. S'il avait voulu introduire
cette distinction, il l'aurait dit
clairement.
Les discours dont nous entendons parler actuellement dans les
médias parlés et ceux que nous lisons dans les médias
écrits, de même que les notes de présentation émises
par le bureau de Mme la ministre et qui accompagnaient le projet de loi 21,
sont que l'intention du législateur, en inscrivant cette distinction,
est de protéger les droits de l'enfant et des parents, ainsi que
permettre que chaque Québécois puisse adopter dans un plus grand
nombre de pays. Pourtant, l'article 622.1 du Code civil ne fait pas une telle
distinction. Il édicte plutôt que tous les enfants dûment
adoptés dans un pays étranger se voient, par reconnaissance de
jugement, reconnaître les mêmes droits et privilèges que
tout enfant québécois. Pourquoi alors une telle distinction?
Même en tenant pour acquis qu'il y a effectivement une difficulté
réelle, nous ne parvenons pas du tout à comprendre en quoi la
solution proposée par le projet de loi vient changer quoi que ce soit.
Qu'un représentant autorisé, lequel n'est pas défini dans
la loi, donne son accord ne changera pas cette réalité.
Juridiquement, l'adoption demeurera simple, elle n'acquerra pas pour autant le
statut d'adoption plénière. Pourquoi alors cette solution?
De plus, lorsqu'un juge d'un pays étranger reconnaît
l'adoption d'un enfant donné comme étant conforme à la loi
étrangère, n'est-ce pas là un représentant
autorisé pour prendre une telle décision? Nous croyons que cette
distinction est inutile et ajoutera des délais et des difficultés
supplémentaires sans résoudre quoi que ce soit. Nous croyons
qu'en compliquant encore plus l'adoption internationale, on incite les gens
à adopter par des voies parallèles. Il faudra alors
procéder, dans quatre ans, à une autre amnistie. En terminant,
sur ce point, nous considérons qu'il ne faut pas établir une
telle distinction et conserver l'article 622.1 du Code civil qui nous
apparaît très clair.
Notre troisième et dernière préoccupation concerne
le contrôle toujours grandissant de l'état dans ce que certains
appellent un domaine de droit privé - nous sommes aux pages 8 et 9 du
mémoire. Nous constatons que le législateur, depuis 1979, prend
de plus en plus de place dans l'adoption internationale, sans pour autant
régler les difficultés qu'il prétend vouloir
régler. La plupart du temps, la place prise par le législateur
vise à contrôler les abus potentiels, sans pour autant faciliter
l'adoption internationale de ceux qui suivent les voies édictées
par le législateur. Jusqu'où ira ce contrôle?
Comme nous l'avons exprimé tantôt, à Soleil des
nations, nous sommes d'accord avec ce contrôle dans la mesure où
il se résume au strict minimum requis. Le législateur doit, de
plus, être vigilant pour éviter une bureaucratie
déjà lourde et des tracasseries administratives inutiles. Nous
croyons aussi que le législateur doit reconnaître l'autonomie
essentielle à laisser au pays d'origine, qui est aussi en mesure
d'imposer les contrôles qu'il juge appropriés. Comme le dit le
juge Pierre Dorion, il ne nous appartient pas de refaire la loi dans les pays
étrangers.
Lorsque nous disons que le contrôle du législateur doit se
limiter au strict minimum, nous voulons dire que ce dernier doit se restreindre
à: constater l'abandon d'un enfant par ses parents de naissance,
l'"adéquacité" de la famille adoptante, le respect des lois
étrangères et québécoises et, enfin, la
présence d'un intermédiaire libre de tout intérêt
personnel, financier ou autre. Exiger plus de contrôle nous semble un
accaparement de pouvoir.
À cet égard, nous attirons votre attention sur l'article 1
du projet de loi. On retrouve ici une trouvaille supplémentaire:
l'approbation au préalable par te tribunal du projet d'adoption. Cette
approbation au terme de cet article signifie que le tribunal doit s'assurer que
les règles relatives au consentement à l'adoption et à
l'adoptabilité de l'enfant sont respectées, de même que
l'assurance qu'un lien de filiation sera créé par le jugement
d'adoption étranger. À Soleil des nations, nous
dénonçons cette procédure comme inutile lorsque l'adoption
se fait par l'entremise d'un organisme reconnu par le ministre. En effet,
l'organisme reçoit les demandes d'adoption accompagnées de
l'évaluation du directeur. La présence de cette évaluation
a donc été constatée par le secrétariat et elle
l'est à nouveau par l'organisme, et cela, sans parler des
contrôles à l'intérieur des services sociaux. Il ne nous
apparaît pas nécessaire que le tribunal en constate lui aussi la
présence.
D'autre part, Soleil des nations ne propose pas d'enfants aux couples,
à moins que le contact à l'étranger ne se soit
assuré du consentement à l'adoption et de l'adoptabilité
de l'enfant. Soleil des nations vérifie à nouveau lorsqu'il
reçoit les papiers requis. Il ne nous apparaît pas
nécessaire que le tribunal le fasse également. À cet
effet, nous proposons dans notre mémoire, à la page 13, le
libellé que nous souhaitons pour l'article 614.2 et qui tient compte de
nos commentaires. Nous croyons qu'à trop alourdir la procédure
nous contribuons au développement d'un réseau parallèle
qui est malheureusement, à plusieurs égards, plus efficace que
les voies édictées par le législateur.
Qu'il me soit permis maintenant de formuler quelques commentaires sur le
projet de règlement 132, commentaires que l'on retrouvera aux pages 19
à 21 du mémoire. Mis à part quelques réajustements
qui seront nécessaires si notre proposition d'abolir la
distinction entre l'adoption simple et l'adoption plénière
était acceptée, il n'y a que les articles 4 et 5 qui posent
vraiment litige dans ce projet de règlement. En effet, les articles 4 et
5 stipulent que c'est le Directeur de la protection de la jeunesse qui
procède au jumelage de l'enfant avec sa famille adoptive. Nous sommes en
désaccord avec cette façon de faire. Selon la situation actuelle,
le jumelage se fait par le pays d'origine et il est validé par
l'organisme reconnu. À cet égard, l'organisme s'est
engagé, dans l'entente signée avec le ministre, à
respecter les critères déterminés par le Directeur de la
protection de la jeunesse dans son évaluation de la famille. Il a aussi
été convenu que le directeur serait consulté au
préalable si la proposition d'enfant n'était pas conforme aux
critères élaborés par lui. Cette façon de faire
actuelle est adéquate et nous demandons qu'elle se poursuive.
En terminant, je voudrais vous entretenir brièvement sur une
recommandation complémentaire que nous avons faite et qui se retrouve
à la page 22 de notre mémoire. Cette recommandation vise à
assurer une meilleure collaboration en termes de partnership de toutes les
personnes et organismes impliqués, ainsi qu'une meilleure coordination
de l'adoption internationale que nous considérons actuellement comme
déficiente. Nous croyons que la situation actuelle du secrétariat
doit être changée et notre proposition vise à en faire un
organisme parapublic qui sera sous la gouverne d'un conseil d'administration
formé de représentants du ministre, des directeurs de la
protection de la jeunesse, des organismes reconnus et des associations de
parents adoptants. Ce serait là, à notre avis, rendre beaucoup
plus fonctionnel le rôle du secrétariat, éviter un pouvoir
discrétionnaire parfois abusif, permettre aux différents
intervenants de se parler dans un contexte égalitaire, se faire
mutuellement confiance et développer un plus grand respect les uns des
autres. Voilà l'essentiel de nos propos au sujet de l'adoption
internationale.
M. le Président, Mmes et MM. les députés membres de
cette commission, acceptez nos remerciements chaleureux pour nous avoir permis
d'exprimer notre point de vue. Nous espérons que les commentaires que
nous avons formulés vous guideront dans les décisions que vous
aurez à prendre dans un avenir prochain. Nous souhaitons d'ailleurs, M.
le Président, que le gouvernement autorise les membres de
l'Assemblée nationale à sanctionner ce projet de loi par un vote
de conscience plutôt qu'un vote partisan. Nous sommes maintenant
disponibles pour répondre à vos questions au meilleur de notre
connaissance. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je remercie
Soleil des nations pour son mémoire. Ce mémoire important a fait
vraiment le tour des points les plus importants qui ont été
soulevés le plus souvent ici, qu'il s'agisse de la loi ou du
règlement.
Vous avez identifié, au point de départ, la question du
sort réservé aux organismes. Cette question a été
soulevée à au moins deux autres reprises depuis hier. II semble
bien que, tel que rédigé dans la convention, par exemple, il y
ait des ambiguïtés, à savoir, quel est le rôle exact
qui sera réservé aux organismes. C'est pour cela que, dans les
notes d'introduction que j'ai données hier, j'ai vraiment tenté
de clarifier cette chose-là qui devra être clarifiée, je
pense, dans le règlement également. Je ne crois pas que vous
étiez ici hier, alors je vais me permettre de relire ce que j'ai lu
hier: "L'organisme reconnu est, à toutes fins pratiques, un prolongement
de la ministre dans le pays étranger. C'est pourquoi il est à
l'avantage de tous que ses devoirs, pouvoirs et responsabilités soient
balisés dans une convention type approuvée par le gouvernement."
Je pense que là-dessus il n'y a pas... Ceux qui acceptent qu'on
fonctionne dans ce contexte-là acceptent que les choses soient
balisées par une convention. Vous en avez d'ailleurs déjà
une actuellement. "Il est primordial que des liens de confiance
s'établissent avec l'organisme reconnu qui a un rôle essentiel et
important en matière d'adoption internationale. Cet organisme reconnu,
cautionné par nous, pourra compter sur votre disponibilité et
obtenir toute information utile. D'autre part, la convention peut aussi
contenir des clauses particulières qui pourront tenir compte des
particularités des pays où ils agissent et du champ
d'intervention de chacun. "Conséquemment, interlocuteur
privilégié de la ministre dans ses rapports avec
l'étranger, il agira dans les limites du mandat défini à
la convention. Si le projet de loi ou la convention laisse subsister des
ambiguïtés quant au rôle de l'organisme reconnu, elles seront
clarifiées. Il n'est aucunement question de lui enlever des
responsabilités qu'il exerce actuellement." C'est dans le cas,
évidemment, des organismes qui fonctionnent déjà avec nous
ou ceux qui adhéreront à cette nouvelle convention.
Soit dit en passant, je reprends tout de suite une des remarques que
vous avez faites. Vous dites que, dans le monde démocratique, une
convention se négocie, cela ne s'impose pas par décret. Dans un
sens, vous avez raison; mais dans un autre sens, je vais vous exprimer une
réticence. La raison pour laquelle cette convention, dans
ses grandes lignes, devrait faire l'objet d'un décret, c'est
pour, d'une certaine façon, l'officialiser, la publiciser, mais elle
devra faire auparavant l'objet de discussions avec les personnes
concernées. C'est un geste officiel que le gouvernement pose, mais on ne
le fera pas d'une façon unilatérale à partir du Conseil
des ministres en imposant un décret là-dessus. Cette convention,
qui est une entente quand même entre deux personnes morales, si on veut,
devra faire l'objet de discussions. D'autant plus que, quant aux
particularités relatives à certains, compte tenu des pays
où ils oeuvrent ou compte tenu peut-être de certaines
responsabilités différentes que les organismes assument de l'un
à l'autre, cela m'apparaît important que les gens ou les
organismes reconnus soient impliqués dans la préparation de cette
convention. Si cela peut vous rassurer là-dessus, je voudrais... C'est
la réponse que je peux vous donner aux premières questions que
vous posez, soit de clarifier là où cela s'impose, dans la loi ou
encore dans le règlement, quelle est la place véritable qui
devrait être tenue par les organismes reconnus. J'espère que ceci
sera suffisant sinon pour faire disparaître toutes vos
inquiétudes, au moins les alléger.
Je voudrais revenir sur certains points particuliers. D'abord, je
voudrais dire au point de départ que je suis très heureuse de
voir - et cela, je le savais - les principes qui servent de pierre d'assise
à l'adoption internationale. Sur ces points-là, il
m'apparaît qu'il n'y a pas de divergence -en tout cas, je ne les saisis
pas à ce moment-ci - pour votre groupe qui dit: Nous autres, il faut que
cela se fasse dans les règles, on ne cautionne pas l'adoption
privée.
Ce que vous réclamez, c'est que les choses se fassent d'une
façon plus claire, que les responsabilités soient mieux
définies et, évidemment, ce dont tout le monde parle et va amener
ici, la question des délais, de l'allégement des
procédures bureaucratiques, si tel est le cas, ce qui empêche les
choses de procéder plus rapidement. (11 h 30)
À 614.2, vous demandez, à toutes fins utiles, le pouvoir
de vérifier la régularité du projet d'adoption. Je
comprends que vous me le demandiez, parce que vous êtes tellement
impliqués à toutes les étapes du processus. Mais on l'a
justement enlevé à la ministre, et à dessein, parce que
ceci soulevait des contestations, à savoir comment la ministre, qui n'a
pas de pouvoirs judiciaires, peut s'insérer dans un processus où
une décision de cet ordre doit être rendue.
Alors, vous comprendrez que ça m'apparaît très
difficile, en tout cas, à moins que vous ne me donniez des explications
supplémentaires, parce que je ne veux pas... Bien, je l'ai donné
au Tribunal de la jeunesse, je pourrais bien vous le donner.
Mais, en fait, le but de l'enlever à la ministre, c'est justement
pour éviter cette contestation qui a été exprimée
par le tribunal, à savoir que la ministre s'arrogeait des pouvoirs
extravagants ou extraordinaires, disons. C'est l'objet de la modification que
nous apportons, d'aller devant le Tribunal de la jeunesse, parce qu'il s'agit
là d'une instance judiciaire qui peut porter un jugement sans être
soumise aux types de contestation ou de critiques auxquels le ministre peut
être soumis.
Vous parlez, comme d'autres avant vous, de la lourdeur du processus, des
lourdeurs bureaucratiques et du plus grand contrôle que, selon vous, de
par la loi, le gouvernement, le ministre ou le ministère voudrait
exercer à l'égard de l'adoption internationale. Je suis d'accord
avec vous qu'il y a une démarche supplémentaire, qui est celle
dont on vient de parler. Pour le reste, j'aimerais que vous m'indiquiez ou
m'identifiez exactement ce qui vous apparaît comme des démarches
supplémentaires dans le processus proposé, des démarches
ou des alourdissements de la bureaucratie, si on veut.
M. Gagnon: J'aimerais, Mme la ministre, vous dire que... Si je
comprends bien, quant à la convention, pour revenir un peu sur le
préambule que vous avez fait tantôt, on s'entend sur un certain
nombre de dispositions; après quoi, c'est voté par décret
et ça devient officiel. C'est bien ce que vous avez dit? Ce n'est pas un
décret au départ qui dit: La convention, ça doit
être Ça-
Mme Lavoie-Roux: Non, absolument pas.
M. Gagnon: D'accord. Alors, on s'entend là-dessus et je
suis content de l'entendre aujourd'hui. Quant aux organismes, je trouve fort
intéressant que vous ayez l'intention de continuer à travailler
avec nous. On l'a, nous, également. Mais je trouve que la façon
dont vous en parlez dans le texte du projet de loi lui-même, c'est bien
timide et on est toujours un peu inquiet devant des positions qui ne sont pas
clairement affirmées dans un texte.
Finalement, quand vous parlez de ce qu'on suggérait - une clause
nonobstant à 614.2 - à partir du moment où la
vérification que le tribunal doit faire, c'est, premièrement, de
constater l'évaluation du directeur, deuxièmement, de constater
que ça remplit les règles d'adoptabilité de
l'étranger, cela a déjà été fait par le
secrétariat, cela a déjà été fait par nous.
On ne comprend pas tellement l'utilité que ce soit fait une fois de plus
par le tribunal. C'est un peu dans ce sens-là qu'on se disait que, quand
une personne passe par l'entremise d'un organisme, peut-être que
cette étape pourrait être évitée, même
si le délai n'était pas nécessairement long, mais, ce
délai ajouté aux autres, ça finit par faire des
délais absolument insurmontables.
Peut-être que Jean-Charles et Paul ont des choses à ajouter
quant aux différentes situations qui causent des délais.
M. Thouin (Paul): Si vous permettez, par rapport au tribunal, ce
qu'on trouve plus difficile, c'est que le délai s'ajoute après
que le couple adoptant a eu l'offre d'un enfant. C'est trè3 difficile
d'attendre quand, déjà, tu es en attente sans avoir de photo
d'enfant. C'est une chose, mais, quand un enfant t'est désigné,
quand tu as reçu la photo et tout ça... Là, on continue
d'allonger le délai. On ne connaît pas tous à fait le
délai au tribunal. On a peur que ce soit deux mois de plus ou, en tout
cas, on se fait peut-être dire ça.
Nous, on se demandait si cela ne pourrait pas être comme quand il
y a une entente avec un autre État, le tribunal ne ferait que
vérifier. Il y a peut-être moyen dans la façon de se
présenter au tribunal d'alléger la démarche, de
façon qu'il y ait une distinction pour les adoptants lorsqu'ils passent
par des organismes reconnus. Je pense qu'il faut faciliter cette
démarche-là et, quand ils procèdent sans organismes
reconnus, que ce soit un peu plus difficile et avec plusieurs contrôles,
on le reconnaît aussi comme nécessaire, mais on fait une
distinction.
Vous demandiez s'il y avait d'autres délais qu'on voyait. Oui,
j'en verrais deux autres. Lorsque le DPJ dit qu'il voudrait faire le jumelage -
je vais parler pour la Colombie - il est difficile de l'accepter parce que je
sais que la directrice de l'orphelinat, Mme Pouga, souhaite faire
elle-même le jumelage. Quand elle reçoit les dossiers des gens,
c'est elle qui choisit l'enfant en fonction des dossiers qu'elle étudie.
Je pense bien que Mme Pouga ne voudra tout simplement pas envoyer des noms
d'enfants à des gens qu'elle ne connaît pas au Québec. Ils
ont une très grande préoccupation de connaître les gens.
Pour eux, l'étude du foyer, c'est très important. Ils sont
très structurés. Il y a là-bas, à
l'intérieur du ministère des Affaires sociales, l'Institut
colombien de bien-être familial, qui supervise, un peu comme le
secrétariat, l'ensemble des orphelinats et de l'adoption.
Donc, c'est difficile, et je pense qu'elle va tout simplement se retirer
de l'entente avec nous en disant: Nous préférons faire le
jumelage. Je parle de la Colombie actuellement, mais je pense que tous les pays
souhaitent connaître les gens et les familles le mieux possible. Ils nous
demandent des photos avant d'envoyer l'enfant.
De toute façon, il y a un autre délai. C'est
qu'actuellement on reçoit l'offre de l'enfant et, concurremment,
même si les démarches commencent, on reçoit par la suite le
certificat d'abandon et le certificat de naissance. Or, si le DPJ demande de
faire le jumelage, il va vouloir avoir ces documents avant. Or, le temps pour
avoir le certificat d'abandon là-bas, c'est six semaines de plus, en
plus de l'envoyer par la poste au DPJ. Le fait que le DPJ veut faire le
jumelage, plutôt que le pays, pour moi, cela veut dire six semaines, plus
deux semaines de poste, soit huit semaines de délai
supplémentaire. Lorsqu'il aura reçu cela, il va vouloir
rencontrer le couple, mais il ne fera pas cela... Par exemple, si je
reçois l'appel à minuit chez nous, je n'attends pas au lendemain
matin. Le soir même, je fais l'offre au couple. Dans le cas contraire, on
a peur qu'il ne se passe encore une semaine et que, finalement, le couple
reçoive l'information et l'accepte. Lorsque le couple l'aura
accepté, il va envoyer son dossier dans le pays, ce qui n'est pas le cas
actuellement. Le dossier est déjà dans le pays puisque le couple
s'est présenté là-bas.
Donc, imaginons que le dossier soit quand même
complété et prêt. Le temps de le renvoyer là-bas
représente deux autres semaines de délai. C'est très
pratico-pratique, mais le tribunal va venir s'inscrire seulement après
cela. Le DPJ va souhaiter avoir vérifié le certificat d'abandon
avant d'autoriser le jumelage. Ce n'est qu'après cela qu'il pourra
autoriser le tribunal à faire la démarche de vérification.
C'est un autre délai qui s'ajoute, là. Finalement, quand tout
aura été conforme et que le tribunal aura donné son
accord, il pourra informer le couple de se présenter à
l'immigration canadienne pour que le couple puisse faire la démarche
auprès d'elle.
Il y a donc trois étapes qui s'ajoutent maintenant, alors
qu'auparavant ces trois étapes étaient concurrentes ou
exercées concurremment. C'est très important pour nous comme
délai. J'ai fait un tableau comportant des dates pour un enfant
né le 1er mai. Comme cela fonctionne actuellement, c'est un délai
de trois mois. De l'autre façon, ce serait un délai de six
è neuf mois, suivant l'immigration, qui noua demande de trois à
six mois. Donc, le délai supplémentaire total en jours, pour nous
-malheureusement, c'est de la mécanique -est de trois à six mois
supplémentaires.
Mme Lavoie-Roux: Je vais revenir sur ce point et, dans quelques
instants, je reviendrai sur la convention. Actuellement, vous faites des
propositions d'enfants?
M. Thouin: On fait une proposition d'enfant, oui.
Mme Lavoie-Roux: Vous allez continuer, dans les pays où
vous intervenez, d'avoir
cette possibilité de faire des propositions d'enfants. Il n'y
aura rien de modifié à cela.
M. Thouin: Cela veut dire qu'on accepte que le pays fasse le
jumelage parce que le pays offre l'enfant à un couple. Par exemple, il
offre Maria au couple Fréchette.
Mme Lavoie-Roux: D'après ce qu'on me dit, apparemment, il
y a une confusion entre la proposition d'enfant et le jumelage. Nous, ce que
nous appelons "proposition d'enfant" c'est ce que, dans les pays - je ne sais
pas si c'est dans tous les pays - les pays d'adoption, ou plutôt les pays
qui laissent aller leurs enfants en adoption, on appelle "jumelage". Cette
opération, telle qu'elle se fait présentement, va continuer de se
faire de la même façon.
Tout à l'heure, quand vous disiez: Cela va faire bien du monde
qui va intervenir pour décider ou pour rendre un jugement, le
secrétariat à l'adoption... Le secrétariat à
l'adoption n'interviendra pas là-dedans. C'est vraiment, quand toutes
les démarches auront été faites, que le juge dira: Les
démarches ont été respectées, il n'y a plus de
problème, sauf, comme je l'expliquais hier, s'il arrive la
deuxième fois un élément, si les parents ne se sont pas
occupés des enfants ou s'il y a eu des abus. Mais, en ce qui a trait aux
premières démarches auxquelles vous faites
référence, sur la proposition d'enfant - proposition d'enfant
dans nos termes à nous, apparemment, jumelage dans les termes du pays -
cela ne change absolument pas.
M. Tnouin: S'il y a un jumelage, pour nous cela veut dire qu'un
nom d'enfant est donné à un couple désigné. Est-ce
cela?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Thouin: Donc, vous dites que le pays va continuer d'offrir
l'enfant X pour le couple Y?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Thouin: D'accord. Eux appellent cela un jumelage, bien
sûr. Par contre, les démarches qui ne sont plus concurrentes,
c'est le fait de demander le certificat d'abandon. Il y a là-bas deux
signatures nécessaires, préalables à la démarche
pour établir un certificat d'abandon, et il doit s'écouler six
semaines. Au même moment où on recevait l'offre, la
démarche commençait, le couple pouvait rencontrer l'immigration
ici et il se passait huit semaines nécessaires à l'avocat,
à Bogota, à C.R.A.N., et huit semaines pour l'immigration. Grosso
modo, au bout de trois mois, le processus était fini.
Malheureusement, si on demande maintenant, avant d'autoriser le couple
à faire sa démarche en immigration, de voir le certificat
d'abandon, là, il s'ajoute de six à huit semaines. On l'a
vérifié, on a accédé à la demande de Mme
Bisaillon récemment de faire venir le certificat d'abandon avant
d'autoriser le couple à rencontrer l'immigration, et cela prend de huit
à dix semaines. On l'a vérifié dans deux cas. Huit
à dix semaines en soi, ce n'est qu'une chose. Bien sûr, on l'a
dit, c'est une technicité. On a l'impression qu'après sept ou
huit ans de fonctionnement clair avec un pays évolué et
organisé en matière d'adoption, ce délai pourrait
être sauté. Que ce soit concurrentiel, qu'on reçoive ce
document, mais qu'en attendant on autorise le couple à aller à
l'immigration, puisque du côté de l'immigration il y a, de toute
façon, deux mois de travail à faire. Ce délai nous
permettrait de sauver huit semaines.
Le Président (M. Bélanger): Oui. M. Jean-Charles
Richer voudrait intervenir.
M. Richer (Jean-Charles): Alors, c'est peut-être un autre
propos sur lequel il faudra revenir tantôt, sur le rôle du
secrétariat, mais, quant à nous, il subsiste quand même
deux ambiguïtés. Au niveau du jumelage, ce qu'il faut bien
comprendre actuellement, c'est que, quand le dossier est envoyé, c'est
un dossier d'environ trois pouces qui comporte une multitude
d'évaluations. Je pense qu'il faut que ce soit clair que c'est le pays
d'abord, en collaboration avec l'organisme, qui fait ce qu'on appelle
communément le jumelage. On ne sait pas trop ce que sera le jumelage
fait par le DPJ, c'est juste une reconnaissance de papiers...
Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi de vous interrompre M. Richer. Le
seul jumelage que fera le DPJ, c'est quand vous aurez votre proposition
d'enfant, le DPJ dira: Le couple X est un couple qui peut assumer des
responsabilités de parents, c'est une famille adéquate pour
l'enfant. Il ne s'ajoute pas de responsabilité, c'est la
responsabilité que le DPJ remplissait aujourd'hui.
M. Richer: À partir de l'exemple que vous me donnez, cela
pourrait devenir plus compliqué. Il faut bien comprendre que, lorsque le
pays... Je vais prendre un exemple concret, le dossier de la Bolivie que je
connais un peu mieux. Quand la Bolivie a reçu le dossier au complet, la
travailleuse sociale de l'orphelinat a dit: Oui, monsieur et madame, on
convient qu'ils sont en mesure d'adopter tel enfant, connaissant les
caractéristiques de l'enfant de l'orphelinat. Cela me fait craindre
encore plus la remarque que vous faites en disant: Si la Bolivie nous transmet
le dossier au nom de M. et Mme X et qu'hypothétiquement le DPJ
disaitt Non, je trouve que ce n'est pas conforme, là, on a un
double problème. Il faudrait bien que l'expression jumelage soit claire
dès le départ, parce que, si c'est vraiment une évaluation
qui dit: À la lumière de l'évaluation sociale, non, tel
couple, à ma connaissance, ne devrait pas adopter tel enfant de tel
âge, on défait, finalement, ce que le pays a fait comme
première évaluation quand lui a fait le jumelage. En tout cas, il
y a certainement une petite ambiguïté sur ce que l'on veut dire par
jumelage.
Mme Lavoie-Roux: Cela me semble clair.
M. Gagnon: Mme la ministre, j'ai l'impression que l'on se
comprend relativement mal, parce que, quand je regarde le projet de
règlement, à l'article 2, on dit: Le DPJ fait
l'évaluation; à l'article 3, on dit: II informe le couple si
c'est accepté ou non, et, à l'article 4, il fait le jumelage. On
ne se comprend pas. Je ne vois pas... C'est dans ce sens-là qu'on
intervenait tantôt quand on disait: Le DPJ n'a pas à intervenir
dans le jumelage. Pourtant, si on regarde chronologiquement, il fait
l'évaluation, il informe le couple, puis il intervient pour le jumelage.
C'est quoi? (11 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Non. Le DPJ entérine le jumelage du pays;
c'est ce qui se fait actuellement.
M. Thouin: C'est ce qui se fait actuellement, mais ce n'est pas
ce qui est inscrit à l'article à du règlement 132.
Actuellement, on est d'accord, c'est ce qui se fait, puis on s'est entendu avec
le DPJ dans le sens que, par exemple, dans la majorité des cas, en
Colombie, les enfants sont naissants, un couple est évalué apte
pour un enfant de 0 à 2 ans. Alors, si l'enfant qu'on aurait n'entrait
pas dans le cadre de l'évaluation, on a déjà entendu qu'on
aviserait d'abord le travailleur social, le DPJ, qu'on ne ferait jamais l'offre
d'un enfant qui n'entre pas dans le cadre de l'évaluation. Alors, si le
couple est évalué pour un enfant de 0 à 2 ans, si l'offre
est de 0 à 2 ans, on informe le travailleur social, bien sûr, mais
on croit que c'est jumelé. Si l'enfant a trois ans, on croit qu'il n'y a
pas jumelage et on se réfère au DPJ. Actuellement, c'est la
démarche.
Mme Lavoie-Roux: Mais ce que l'article 4 dit au règlement
- c'est ce à quoi vous faites allusion: Le directeur intervient pour
s'assurer qu'il est dans l'intérêt de l'enfant identifié
d'être jumelé à l'adoptant. À cet effet, il tient
compte des antécédents sociaux - en tout cas, peu importe - et
médicaux de l'enfant, etc. Ce que l'on me dit, c'est qu'actuellement
c'est la façon de procéder. Vous me dites que non. C'est la
responsablité du Directeur de la protection de la jeunesse. Sans cela,
il...
M. Thouin: Le bout non lu, c'est là qu'il y aurait un
élément nouveau.
Mme Lavoie-Roux: Ah! bon, écoutez...
M. Thouin: "À cet effet, il tient compte..."
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas à dessein que je l'ai
laissé de côté, je m'en excuse.
M. Thouin: Non, d'accord: "...ainsi que tous les documents qui
lui ont été transmis par le ministre attestant de son
adoptabilîté." Alors, les six semaines dont je parlais
tantôt, c'est qu'actuellement, ce dont on tient compte, c'est que le
couple est évalué...
Mme Lavoie-Roux: C'est qu'on n'attendait pas le certificat
d'abandon. C'est ce que vous disiez tout à l'heure.
M. Thouin: En gros, c'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Cela aussi, c'est risqué, non?
M. Thouin: Actuellement, c'est que, même si cela se fait
concurremment, le couple doit quand même se rendre à l'immigration
et, là, on sait qu'il y a de deux à trois mots d'attente. C'est
clair. Alors, il n'y aurait pas possibilité que le couple puisse partir
avant qu'on ait le certificat d'abandon. Ce serait impossible.
Je me souviens qu'avant - disons il y a deux ans et toutes les
années précédentes -lorsque nous arrivions à
l'orphelinat, dans le cas de la Colombie, nous recevions le certificat de
naissance, le certificat d'abandon, tout cela. Dans ce sens-là je me
dis: On est déjà rendu un peu loin, on est dans le pays, et tout.
Je suis d'accord qu'il faut être plus prudent que cela. Je crois qu'il
faut obtenir le certificat avant que le couple ne parte, mais je ne crois pas
qu'il soit nécessaire de l'avoir avant que le couple rencontre
l'immigration, puisqu'on sait que la démarche des services
d'immigration, c'est de faire évaluer médicalement l'enfant
là-bas, que cela prend trois mois et que c'est compliqué.
Mme Lavoie-Roux: Qu'arriverait-il dans le cas où - une
hypothèse - vous n'obtiendriez pas ce certificat d'abandon...
M. Thouin: S'il n'y avait pas de certificat d'abandon...
Mme Lavoie-Roux: ...et que les parents auraient entrepris les
démarches auprès de l'immigration dont vous parlez?
M. Thouin: D'accord. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la
démarche qui est entreprise auprès de l'immigration, c'est la
lettre du secrétariat; le couple se rend à l'immigration, il fait
une déclaration, il s'engage à être garant à
l'égard de cet enfant. Ce qui pourrait arriver, comme il peut arriver
tout au long d'une démarche, c'est qu'un enfant, pour des raisons x, y
et z, ne soit plus adoptable par décès ou autrement. Bien
sûr, le couple vivrait une frustration, mais je ne crois pas que le
risque de frustration, dans ce sens, soit nécessairement plus
élevé que le risque de rajouter encore huit semaines. Mme la
ministre, je suis au téléphone avec un couple qui attend depuis
six mois, leur degré de frustration et de peine est élevé.
On le vit chaque fois avec des couples. Actuellement, c'est encore lié
à l'immigration dans ce cas.
Mme Lavoie-Roux: Du côté de l'immigration, je l'ai
dit au groupe qui est venu avant vous et je vous le redis, on va examiner cette
question parce que je ne suis pas sûre qu'on puisse, dans le contexte
où on est... Vous apportez une donnée qu'il nous faut examiner de
plus près parce que, s'il y a moyen de raccourcir les délais et
surtout de ne pas les prolonger, je pense qu'on est d'accord avec vous.
Mon temps est écoulé, mais je voudrais juste revenir sur
la convention. Il va s'agir d'une convention type pour laquelle tous les
organismes vont être consultés - ce qui serait, je dirais,
l'encadrement - et, après cela, pour chacun des organismes, compte tenu
des particularités, il pourra y avoir d'inclus dans les conventions
individuelles - si je peux m'exprimer ainsi - des clauses particulières
qui tiennent compte des circonstances particulières des pays dans
lesquels vous oeuvrez. Je pense que cela a peut-être clarifié
cette partie. Je voulais apporter cette précision. Je vais laisser
parler les autres et on verra le temps qu'il nous restera par la suite.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Avant de céder
la parole à Mme la députée de Marie-Victorin, est-ce que
j'aurais le consentement des deux côtés pour prolonger les travaux
de la commission jusqu'à 12 h 10? Cela nous éviterait d'ajourner
et de revenir cet après-midi, le groupe et tout le monde.
Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Nous avons le
consentement, on peut continuer. Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Au nom de ma
formation politique, il me fait plaisir de vous accueillir ici en commission
parlementaire. Je dois vous remercier pour la qualité de votre travail.
Je pense que c'est un mémoire qui dénote un très grand
professionnalisme. Il fait part de gens qui ont vraiment cerné
l'ensemble de la question, qui ont une connaissance et une expertise à
n'en pas douter. J'espère qu'on pourra prendre cela en
considération au moment de l'étude article par article du projet
de loi et qu'on pourra finalement s'en inspirer au moment de certains
amendements.
Cela m'amène à abonder un peu dans le sens de la
conclusion de votre mémoire. Il aurait peut-être été
souhaitable que la commission parlementaire ait lieu avant la rédaction
d'un second projet de loi sur le même sujet, soit l'adoption
internationale. Probablement qu'on aurait pu faire la lumière et qu'on
serait arrivé avec quelque chose de beaucoup plus "congruent" avec ce
qui existe déjà et peut-être aussi avec une souplesse dans
la procédure.
Maintenant, nous sommes pris et nous devons composer avec ce que nous
avons. Tantôt, la ministre a terminé son intervention en parlant
du projet de convention type. Elle vous a expliqué... Est-ce que vous
avez été consulté sur l'éventualité d'une
convention type et, sinon, est-ce que vous souhaiteriez être
consulté à ce moment?
M. Gagnon: Je ne l'ai pas été depuis que je suis
président, car cela ne fait pas tellement longtemps. On pourrait
peut-être demander à Jean-Charles ou aux autres si cela a
été fait au moment où ils étaient là.
Mme Vermette: Cela m'amène à vous poser une autre
question. Éventuellement -parce que là convention type aura des
conséquences importantes pour l'ensemble des organismes - est-ce que
vous souhaitez être consultés? Est-ce que vous avez des points
aussi intéressants ou des points vous préoccupent-ils, qui
transpirent finalement dans ce genre de convention?
M. Gagnon: On souhaiterait, effectivement, être
consultés et on présentera un travail de qualité.
Mme Vermette: Comme vous êtes capables d'en
présenter. Cela dit, un des grands problèmes que je voulais
soulever, c'était le jumelage. Je considère que cela a ressorti
de la plupart des mémoires des différents organismes, à
savoir quel sera le rôle du DPJ par rapport au jumelage.
Vous avez tenté d'expliquer un peu, finalement, vos
préoccupations par rapport à cedit jumelage. Est-ce que vous
souhaitez que, vraiment, il y ait des modifications ou,
en tout cas, qu'on en arrive à identifier plus clairement ce
qu'il en est du jumelage?
M. Gagnon: Ce que l'on a suggéré, c'est le maintien
du statu quo. Je vais expliquer un peu la façon dont cela se fait
actuellement; les autres, Jean-Charles ou Paul, pourront me corriger s'il y a
lieu.
Actuellement, la DPJ fait son évaluation. Quand elle la fait,
elle doit considérer si la famille est apte à adopter un enfant
et elle doit baliser l'adoption en disant: un enfant de 0 à 2 ans ou de
0 à 6 ans; j'imagine qu'il y a des critères pour établir
cela. Une fois que c'est balisé et que le dossier est envoyé, par
exemple, en Colombie, on reçoit, à un moment donné, un
appel téléphonique ou un télégramme nous disant: On
a un enfant de tel âge qui serait disponible pour M. ou Mme Unetelle. Si
la proposition faite est conforme è l'évaluation de la DPJ, on
dit oui et on procède. Actuellement, c'est comme cela. On ne va pas voir
la DPJ, elle a déjà dit oui.
Si la DPJ a balisé et que l'enfant a six mois ou un an de plus,
par exemple, on l'appelle et on le lui dit. On a reçu une proposition
d'enfant pour tel couple, mais il n'est pas conforme aux critères que
vous aviez établis. Qu'est-ce que vous faites? Là, on
décide si oui ou non. Si je ne me trompe pas, c'est comme cela
qu'actuellement cela se fait. Là, on dit: II faudrait envoyer l'ensemble
du dossier à la DPJ, examens médicaux, antécédents
de l'enfant, et mettez-en. À la DPJ, on va lire cela et on va dire: oui
ou non. Vous vous imaginez le délai!
Mme Vermette: Est-ce que vous avez l'impression que la DPJ va un
peu jouer le râle que vous jouez actuellement en ce qui concerne
l'évaluation, une fois que vous aurez été informé
du dossier?
M. Richer: Juste pour compléter, pour bien comprendre
l'évaluation: quant à nous, le jumelage, c'est vraiment une
partie ambiguë, parce qu'à ce que Roger vient d'ajouter, il faut
comprendre qu'en plus de l'évaluation sociale faite par la travailleuse
sociale, en règle générale, le pays avec lequel on
transige demande une évaluation psychiatrique de chacun des conjoints,
une évaluation psychologique, un certificat d'infertilité,
d'infécondité... C'est un document qui, traduit, a à peu
près six pouces d'épaisseur.
On se demande si c'est ajouter encore à tout cela qu'on veut
faire. Si c'est cela, ça n'a pas de bon sens. J'admets qu'il y a un
point d'interrogation quant à vos commentaires de tantôt. On ne
comprend pas ce que veut dire le jumelage, partie DPJ.
Mme Lavoie-Roux: On va réexaminer cela. On a toujours
parlé ici de proposition d'enfant. Il semble qu'il y ait confusion,
comme je le disais tout à l'heure, sur le mot "jumelage". Est-ce qu'on
l'utilise à bon escient ou, en tout cas, dans des termes sur lesquels on
peut s'entendre de part et d'autre? Vous avez raison de souligner la
difficulté, on va l'examiner.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: D'accord. Je pense qu'on devra regarder beaucoup de
choses en profondeur dans le projet de loi, surtout en ce qui concerne la
procédure. Si on lit les notes de présentation de la ministre
relativement à la procédure, je pense que le tribunal intervient
assez tard en ce qui la concerne et que son rôle est tout simplement de
faire une vérification. Il n'a pas d'autre objectif que celui-là,
actuellement. Si je comprends bien, lors de l'entrée en vigueur de la
toi, les requérants feront une demande officielle, tel que cela se fait
toujours au département de la protection. Une évaluation sera
faite aussi. À partir des recommandations de la DPJ, la ministre
transmettra encore la demande au pays concerné et ce pays identifiera
l'enfant. À ce moment-là, la ministre obtient une proposition et
informe le directeur général sur le jumelage. C'est toute cette
partie-là qui demeure ambiguë. Le tribunal va finalement
vérifier tout ce processus et dira: Oui, d'accord, vous pouvez partir et
aller chercher l'enfant et, au retour, on recommence le processus.
Mme Lavoie-Roux: ...
Mme Vermette: Jusqu'à un certain point. Là, il y a
les concordances des lois. Mais, en fin de compte, c'est un peu ce qui va se
passer. Croyez-vous que, compte tenu de la procédure décrite, le
projet de loi 21 améliorera la problématique que vivent les
parents adoptants avec l'adoption internationale et que cela va
améliorer la situation à l'heure actuelle?
M. Gagnon: Cela dépend à quelle
problématique vous faites allusion. Si vous me demandez si le projet va
réduire ou éliminer complètement ce qu'on appelle
l'adoption strictement privée, je l'espère. À cet
égard, cela a peut-être des dents intéressantes, dans la
mesure où l'on se servira des dents quand ce sera le temps de le
faire.
Je ne pense pas que cela va alléger et rendre plus
adéquates, quant à nous, la procédure et les adoptions
qu'on fait actuellement. Je ne connais pas la situation des autres organismes,
je ne parlerai pas pour eux, mais, quant à nous, je ne vois pas
là-dedans ce qui va nécessairement venir
améliorer la situation et rendre les choses plus faciles. Si on
arrivait à définir un rapport avec le secrétariat un peu
plus harmonieux et à se sentir un peu plus partie présente de
l'adoption internationale, ce qui n'est pas toujours évident,
peut-être que cela apporterait des améliorations. Mais les
modifications faites, je ne penserais pas, quant à moi, que cela
favorise l'État.
Mme Vermette: Est-ce que...
M. Richer: On partage le même point de vue et j'allais dire
qu'il y a peut-être un élément qu'on ne retrouve pas
à la fois dans le projet de loi et le projet de règlement. C'est
certainement encore là... On pariait tantôt
d'ambiguïté quant au jumelage. Je vous souligne que, à notre
connaissance, actuellement, le jumelage même se fait en partie par le
secrétariat qui exige un certificat d'abandon, un acte
d'"adoptabilité". Évidemment, si on dit que c'est le DPJ, on peut
se demander ce que va faire le secrétariat. Nulle part on ne retrouve
dans le projet de loi ou dans la réglementation quel sera le rôle
du secrétariat; cela aussi nous apparaît un rôle
fondamental. Je voudrais seulement vous rappeler que, à ma connaissance,
depuis décembre 1981, lors de l'arrestation des quatre
Québécoises au Guatémala et lors de sa création en
juin 1982 - vous avez tous les présidents qui se sont
succédé - on n'a jamais su et on ne sait pas encore aujourd'hui
quel est le rôle du secrétariat. Ce serait sûrement à
examiner, quand on parle d'efficacité. En tout cas, si on comprenait ce
que les différents intervenants font dans le dossier, il y aurait
peut-être des chances qu'on soit plus efficaces à la longue. C'est
clair. (12 heures)
Mme Vermette: Justement, dans votre mémoire, vous dites
que vous aimeriez qu'on se penche sur une politique d'adoption internationale.
Est-ce que cela touche tous les volets que vous expliquez ou y a-t-il d'autres
volets qui devraient être inclus à l'intérieur d'une
politique internationale claire et précise?
M. Richer: Non, je pense que c'est beaucoup plus global que
ça. On ne l'a pas abordé dans le mémoire et il faudrait
que ce le soit tôt ou tard. Dans la mesure où l'on croit à
l'adoption internationale, à l'intérieur d'une politique d'aide
à la natalité ou pour contrer la dénatalité ou
autre, on n'a pas parlé des frais. Actuellement, on est obligé de
vous dire qu'un couple qui veut adopter à l'étranger, il faut lui
parler de 8000 $ ou 9000 $ au point de départ. Donc, l'adoption
internationale n'est sûrement pas accessible à tous les gens du
Québec. Il y a un problème d'accessibilité. À
l'intérieur des coûts, on peut parler de coûts... Je vous ai
parlé tantôt de rapports d'évaluation psychiatrique,
psychologique, qui ne sont pas admissibles actuellement et que les couples
doivent défrayer. À partir du moment où on y croit, il y
aurait peut-être une foule de moyens à mettre en oeuvre pour faire
en sorte que ce soit plus facile pour les couples, quelle que soit la
région du Québec, d'avoir accès à l'adoption
internationale, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Mme Vermette: Vous avez dit tantôt aussi que ce serait
peut-être intéressant d'avoir une... Vous vouliez ajouter quelque
chose?
M. Thouin: Oui, je voulais ajouter quelque chose
là-dessus, parce qu'en termes de réflexions, bien sûr, s'il
y avait une politique, on pourrait élargir et englober d'autres points
de vue. Par exemple, une politique, pour moi, -c'est de parler du droit qu'a
l'enfant à une famille et tout le préambule que Soleil des
nations a expliqué donne le droit à un couple au Québec
d'adopter, et ce n'est pas l'inverse. Mais ces énoncés, il me
semble... On souhaiterait qu'une politique dise oui à l'adoption. Est-ce
qu'actuellement, au Québec, on tolère l'adoption? Est-ce qu'on en
est gêné? Comment la société
québécoise se place-telle face à l'adoption
internationale? Est-ce qu'elle l'accepte? Comment la propose-t-elle? Comment la
décrit-elle? On trouve que, là-dessus, ça aiderait.
Il y a d'autres éléments aussi dans la
problématique. Par exemple, vous êtes consciente que le
travailleur social qui nous évalue a un pouvoir très important.
Il faut qu'on soit fin quand il vient à la maison. Il faut qu'on soit de
bons parents et tout cela, parce que c'est lui qui va nous donner ou non le
droit d'adopter un enfant. Si, moi, j'ai des problèmes et que je me
dis... Tous les couples qui adoptent se posent des questions en se disant:
Est-ce que je vais être capable de m'adapter à cet
enfant-là? Est-ce que je vais l'aimer quand je vais le voir? Est-ce que
ça va changer ma relation de couple? Ce sont toutes les questions que
tous les couples normaux se posent quand ils attendent un enfant. Nous autres,
on n'a pas tout à fait le droit de se les poser. En tout cas, pas devant
ceux qui nous évaluent, parce qu'il y a deux niveaux: il y a une
relation d'aide et une relation d'évaluation. On considère qu'il
faut une relation d'évaluation. Mais, actuellement, malheureusement...
On s'en aperçoit comme couples ressources, nous autres. On les
reçoit au bout de la ligne et c'est beaucoup de ce travail-là
d'appui qu'on fait en disant: Oui, bien sûr, vous avez ces
inquiétudes-là, comme tous les autres parents. Oui, votre enfant,
quand vous allez le voir la première fois, c'est un étranger.
C'est comme les
mères qui accouchent, elles ne connaissent pas le visage de
l'enfant avant de le voir. On apprend à les aimer et tout ça.
Mais tout cet appui... Beaucoup de couples vivent des anxiétés et
on dit souvent que les couples en attente sont anxieux. Il n'ont pas non plus
l'appui de la personne qui... Je ne dis pas qu'elle ne pourrait pas le faire ou
qu'elle ne voudrait pas le faire, mais elle est dans la situation d'être
en train de les évaluer. Alors, eux autres, ils sont dans la situation
de devoir faire attention à ce qu'ils disent.
M. Gagnon: J'ajouterai juste à cela qu'il faut aussi - je
comprends qu'il y a des conventions collectives qui existent s'assurer que les
gens qui font des évaluations d'adoption internationales, y croient.
Personnellement, quand j'étais président - c'est vieillot un peu,
cela fait trois ans - j'ai entendu une personne qui était responsable de
l'adoption internationale dans un CSS me dire, au cours d'une rencontre: Moi,
les enfants dans un orphelinat ailleurs, ça ne me fait pas vibrer
tellement. Avec du monde comme ça, je pense qu'à
l'intérieur d'une politique il faut que les gens qu'on engagera soient
des gens qui y croient et qui soient au moins d'accord.
Mme Vermette: Vous êtes en train de nous dire qu'il faut un
état d'esprit ouvert face à l'adoption internationale. Par
rapport aux problèmes de l'évaluation, il a été
soulevé par plusieurs organismes, et même par des parents
d'adoptants aussi, qu'il serait souhaitable, compte tenu des délais,
d'une part, et du manque de ressources des CSS de passer par le biais de
cabinets privés pour faire des évaluations, soit par un
travailleur social ou par une autre personne habilitée à le
faire. On disait qu'il y avait un problème ou un danger à ce
point de vue-là et on nous invitait a rechercher une source de
financement qui soit comme les petites créances, l'aide juridique ou des
trucs comme ça. Est-ce que vous seriez d'accord pour une telle
éventualité ou une telle voie en ce qui concerne
l'évaluation?
M. Gagnon: Moi, j'avoue que je ne suis pas sûr que le
problème ait vraiment trait à l'évaluation. Je ne suis pas
sûr que le problème soit vraiment un problème... C'est vrai
que c'est long, mais il reste quand même... Mme la ministre a raison
jusqu'à un certain point là-dessus. Si on avait des enfants qui
nous étaient offerts... On l'a déjà vécu, il y a
quelques années; on avait des enfants, mais on n'avait pas
d'évaluation. Actuellement, cela ne semble pas être la
réalité. Je vois un certain danger à des
évaluations privées. La personne qui va faire l'évaluation
a-t-elle toutes les compétences?
Est-ce qu'elle est en mesure de faire une évaluation pertinente?
Par contre, on peut se poser les mêmes questions pour nos
employés. Mais cette personne a-t-elle une supervision adéquate?
Est-ce que ce sera le couple qui la paiera? Est-ce qu'elle sera payée
plus cher ou moins cher si elle dit oui ou non? Je me pose des questions
là-dessus.
Si jamais l'évaluation était véritablement un
problème et si le législateur était d'accord avec
l'adoption, on ajouterait des fonds et il y aurait plus de monde pour faire
l'évaluation. Par ailleurs, si cela n'était pas possible comme
solution, il me semble que les personnes qui ont à faire les
évaluations ont à être engagées et
supervisées par le Directeur de la protection de la jeunesse et non par
le couple lui-même. Il faut garantir minimalement que l'évaluation
est sincère et honnête. Ce sont les inquiétudes que j'ai.
Je ne suis pas fermé, mais j'ai quand même certaines
inquiétudes face à cela.
Mme Vermette: À l'intérieur de votre
mémoire, parmi vos recommandations, vous avez demandé la
création d'un conseil d'administration pour diriger le
Secrétariat à l'adoption internationale, Ce conseil
d'administration devrait être formé de représentants du
ministre, du Directeur de la protection de la jeunesse, des organismes reconnus
et, enfin, de représentants de parents adoptants. Il me semble que c'est
un genre de concertation, finalement, que vous demandez. Pourquoi en
arrivez-vous à cette conclusion alors qu'il y a plusieurs instances qui
me semblent actuellement jouer ce rôle, notamment, le Secrétariat
à l'adoption internationale?
M. Thouin: Je pense qu'il y a un souci de concertation
évident. Il y a aussi un souci d'ajouter d'autres intervenants que ceux
venant du ministère de la Santé et des Services sociaux. On
pense, entre autres, à ceux de l'Immigration, etc. L'idée est
que, par la concertation, un peu comme on le fait aujourd'hui, on aurait
l'impression d'établir des fonctionnements dont l'objectif serait
d'éviter que des adoptions se fassent par des voies auxquelles les
parents naturels n'auraient pas pu librement consentir, donc, contrer ce qu'on
appelle le marché d'enfants.
Si les solutions venaient d'un conseil d'administration, elles seraient
plus valables et probablement plus harmonieuses, tenant plus compte des
réalités quotidiennes et de l'administration du dossier. Un
conseil d'administration, c'est comme pour une compagnie privée, c'est
neuf têtes qui amènent des idées en tenant compte de la
compétence de chacune. Cela nous paraît être une
façon d'avoir des solutions au jour le jour et de garantir, entre
autres, au chapitre, par exemple, des protocoles qui
sont signés d'année en année, de garantir, dis-je,
qu'on ne refusera pas de signer le protocole une année parce que,
soudain, Soleil des nations aurait dit là-dessus: C'est important, mais
on s'y oppose. Nous autres, au secrétariat, on n'est pas d'accord et on
ne signe plus votre protocole. Donc, on n'a plus le droit. Tandis qu'un conseil
d'administration élargi amène des couleurs et des nuances. C'est
ce qu'on vise: concertation et efficacité.
Mme Vermette: Mais vous semblez dire... Ahi Allez-y!
M. Richer: C'est peut-être au même titre, finalement,
qu'un certain nombre d'organismes, tels les CSS ou même les
hôpitaux, qui fonctionnent à partir d'un conseil d'administration.
Je pense que la préoccupation fondamentale, c'est qu'on ne
réglera pas, entre guillemets, le problème de l'adoption avec des
projets de loi. Ce n'est pas vrai. Malheureusement, c'est ce qu'on fait depuis
dix ans. On pense qu'il va falloir y réfléchir. C'est une
nouvelle réalité. Il y a de plus en plus de pression de la part
d'associations de parents, de groupes de parents. Il va falloir composer avec
tout cela. Tantôt, j'ai parlé de frais et de coûts. On
n'aborde pas du tout cette question mais c'est un handicap majeur au
départ. Qui peut adopter un enfant quand on vous parle d'un coût
de 9000 $ au point de départ? Ce n'est pas tout le monde. On pense que
ce serait un endroit privilégié pour être capable d'en
discuter et pour en arriver vraiment rapidement à une politique en
matière d'adoption internationale.
Le deuxième élément, et on aurait pu vous poser la
question... J'y reviens, mais, malheureusement, je n'ai pas les deux documents.
Il faut relire l'arrêté en conseil qui a créé le
secrétariat en juin 1982 et qui l'a prolongé jusqu'en 1986. On
n'a pas le mandat du secrétariat. On l'a demandé à maintes
reprises. On ne sait pas ce qu'est le rôle du secrétariat. Donc,
à défaut de connaître le rôle, on suggère de
créer un organisme où on pourra clarifier les rôles des
divers intervenants.
Il y a deux valets. C'est une partie un petit peu négative en ce
sens qu'on ne connaît pas actuellement le rôle d'un bon nombre
d'intervenants.
Mme Vermette: En tout cas, je pense que ce qui est important,
c'est que vous démontrez une volonté de collaborationr C'est ce
qu'il faut qu'on retienne. Vous êtes prêts finalement à
apporter toute votre expertise pour favoriser justement une politique
cohérente sur l'adoption internationale. Vous dites tout simplement: Si
on peut être invité, on est prêt à participer.
Une voix: On le voudrait bien.
Mme Vermette: Je voulais vraiment vous remercier et je vous
garantis que nous allons prendre bonne note de tout ce que vous avez
écrit. Je pense que nous devrions nous en inspirer grandement,
étant donné la qualité de vos propos. En tout cas, quant
à moi, cela ne fait aucun doute. J'espère que vous allez
continuer à nous inspirer de cette façon. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Avant de vous remercier, je voudrais juste
ajouter un mot, même si je n'ai pas vraiment le droit de commenter, sur
de petites choses que vous avez dites.
Je pense que vous avez raison lorsque vous dites qu'on a
fonctionné, depuis 1979 au moins, un peu au fur et à mesure des
problèmes qui arrivaient. Je pense que le fait qu'aujourd'hui, pour la
première fois -quand je dis aujourd'hui, cette fois-ci, c'est pour la
première fois - on ait l'occasion d'entendre des gens qui vivent les
problèmes d'un côté et de l'autre, est extrêmement
intéressant.
Je suis d'accord avec vous pour qu'on en arrive à une politique.
Je redis maintenant ce que j'ai dit hier. En ce qui a trait à
l'intérêt du gouvernement pour l'adoption internationale, nous
voulons la favoriser, mais à l'intérieur - je pense qu'on
s'entend tous là-dessus - de limites qui soient acceptables. Je voudrais
ajouter qu'évidemment, sur tout ce que vous avez apporté, il y a
des choses qu'on n'a pas clarifiées ce matin, on va tenter de le faire,
on a votre mémoire en main... L'objectif, c'est de clarifier les
règles du jeu. Quand vous dites: On ne sait pas ce que sera le mandat du
secrétariat, vous n'avez pas tort du tout. Il a été
créé en 1982; j'avais demandé ce que c'était. On a
dit: Bien, il y a des problèmes d'adoption internationale, cela va nous
aider à les régler. Cela a été reconduit en 1984,
parce que les problèmes n'étaient pas réglés,
probablement, et ainsi de suite.
Évidemment, le premier objectif du règlement, qui,
maintenant, doit être modifié parce qu'il n'est plus en
concordance avec la loi qui a suivi, de toute façon, certains de ses
aspects, était de clarifier les rôles de chacun. On était
bien conscient que les rôles étaient flous; on avait parlé
de secrétariat, d'organismes reconnus, de protection de la jeunesse.
Alors, je pense qu'on devrait arriver à faire cette clarification le
plus possible.
Écoutez, ce sont les seules remarques que je voulais faire en
essayant de tirer une conclusion. Je vous remercie pour votre mémoire.
Je pense que, s'il y a lieu, on vous
recontactera pour avoir des éclaircissements sur des points qui
restent obscurs de part et d'autre, ce qu'on ne pouvait pas faire ce matin.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
président Gagnon, je vous remercie, ainsi que votre équipe, pour
votre participation extrêmement intéressante aux travaux de la
commission. Alors, à ce stade-ci, la commission ajourne ses travaux sine
die. Les ordres de la Chambre, après la période des affaires
courantes, nous diront à quelle heure reprendront nos travaux. Je peux
vous le dire tout de suite: Immédiatement après la période
de questions, en fait, on revient ici. Nous rencontrerons les groupes suivants:
Les Enfants de l'arc-en-ciel Inc., l'Association des parents en adoption
internationale du Sa-guenayLac-Saint-Jean, l'Adoption internationale
démocratique pour enfant. Il y aura donc trois groupes dans le dernier
bloc.
La commission ajourne donc ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
(Reprise à 15 h 39)
Le Président (M. Joly): Merci. La commission des affaires
sociales se réunit à nouveau pour la poursuite de ses travaux.
 l'intention de ceux qui n'étaient pas ici ce matin, j'aimerais
rappeler les ententes intervenues concernant le déroulement des travaux.
La durée de chaque audition sera d'une heure par organisme,
répartie ainsi: 20 minutes pour la présentation du mémoire
et 40 minutes pour les échanges avec la commission, soit 20 minutes pour
le groupe ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition. Le
temps de parole est nécessairement sous réserve de l'alternance.
Chaque député peut parler aussi souvent qu'il le désire,
sans excéder dix minutes consécutives.
Maintenant, j'aimerais appeler, aux fins d'audition, l'organisme
désigné sous le nom de "Les Enfants de l'arc-en-ciel Inc." et la
présidente, Mme Isabelle Cyr, va sûrement nous présenter la
personne qui est avec elle. Bonjour.
Les Enfants de l'arc-en-ciel Inc.
Mme Cyr (Isabelle): Je vais vous présenter Mme Louise
Kieffer. C'est elle qui va lire le mémoire cet après-midi.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Mme Kieffer.
Mme Kieffer (Louise): Bonjour, Mme la ministre, MM. et Mme les
députés. Je vais vous faire, au début, la
présentation de l'auteur, Me Marcel Després, qui devait
être avec nous pour la présentation. Étant donné une
circonstance atténuante, il n'a pas pu se présenter aujourd'hui.
Me Marcel Després est membre du Barreau de la province de Québec
depuis dix ans, oeuvrant dans plusieurs domaines. Depuis sept ans, il
s'intéresse de très près à l'adoption
internationale pour avoir adopté lui-même deux enfants de Macao.
Il s'est aussi impliqué en tant que bénévole dans
l'organisme Caritas Sherbrooke en y apportant ses conseils sur le plan
juridique. Il y a deux ans, Marcel fut l'un des fondateurs de l'organisme Les
Enfants de l'arc-en-ciel et il y apporte son aide précieuse comme
directeur et avocat.
L'organisme d'adoption internationale Les Enfants de l'arc-en-ciel a vu
le jour au mois de novembre 1985. Il a été formé sous la
troisième partie de la Loi sur les compagnies afin de répondre
à une demande croissante dans le domaine de l'adoption
internationale.
Notre but est de fournir à des couples désireux de former
ou de compléter une famille une solution possible: l'adoption
internationale. Les objectifs sont d'informer et de conseiller les futurs
parents tout au long du processus d'adoption. Nous désirons aussi
conseiller et appuyer les nouveaux parents après l'arrivée de
l'enfant.
Nos objectifs dépassent aussi les frontières du
Québec. Nous désirons poursuivre l'intégration de l'oeuvre
au Costa Rica, au Honduras et, éventuellement, à d'autres pays.
Nous sommes un organisme où le nombre de personnes n'excède pas
quatre membres au conseil d'administration, mais où la qualité du
travail y excelle.
Chacun a une tâche bien définie. Mme Isabelle Cyr est
présidente du conseil d'administration et permanente de l'organisme. Son
intérêt pour la cause de l'adoption internationale est très
marqué, ayant elle-même adopté deux enfants du Honduras.
Son travail consiste à établir les relations avec les pays
d'adoption, à compléter les dossiers qui sont acheminés
par le secrétariat à l'adoption ainsi qu'à assurer les
rencontres avec les parents adoptants. Elle voit à l'ensemble de chacun
des dossiers dans les moindres détails. Mme Louise Kieffer est
vice-présidente et secrétaire, ayant elle aussi adopté
deux enfants de Macao. Elle apporte sa collaboration étroite à
Mme Cyr et s'occupe plus particulièrement des relations
extérieures en ce qui concerne l'information et les mass médias.
M. Marcel Després est directeur et conseiller juridique pour
l'organisme. M. Sabino Alas est traducteur et directeur pour l'organisme. Tous
ensemble, nous essayons de travailler à un seul et même objectif,
donner une qualité de travail et une qualité de présence
pour les parents adoptants et une qualité de vie
meilleure pour nos enfants. Nous aimerions profiter de l'occasion qui
nous est donnée par le biais de la commission parlementaire pour vous
soumettre nos revendications qui vont dans un sens de consultation, apportant
une critique constructive et positive toujours pour améliorer les
conditions du dossier de l'adoption internationale.
Nos questions à l'étude actuellement portent sur cinq
points: 1, l'avenir des organismes; 2, la situation actuelle du
secrétariat à l'adoption et son avenir; 3, la situation actuelle
en Estrie du centre des services sociaux; 4, la question du Tribunal de la
jeunesse; 5, la subvention.
Le premier point: Organismes. Considérant que les parents
adoptants manquent d'information en ce qui concerne l'adoption internationale;
que les parents ont besoin de structures sûres; considérant que
les organismes sont très impliqués au niveau des contacts
personnalisés avec les parents; considérant que la confiance des
parents est très importante; considérant que les pays avec qui
nous faisons affaires semblent très intéressés à
garder contact avec des personnes stables qui connaissent les dossiers;
considérant qu'il est normal que les autorités gouvernementales
du Québec aient un droit de regard sur le processus de l'adoption;
considérant qu'il est important pour chaque organisme de rencontrer les
intervenants dans les pays d'adoption ainsi que l'ouverture possible d'autres
pays, nous recommandons: 1, Que les organismes soient autonomes au niveau des
décisions internes, qu'ils se votent un conseil d'administration; 2, Que
nous gardions le lien entre les parents adoptants et les pays concernés;
3, Que les enfants adoptables soient complètement abandonnés et
pris en charge soit par le gouvernement du pays ou des orphelinats; 4, Que les
organismes puissent continuer à se sentir responsables des dossiers du
début à la fin tout en se conformant aux lois du Québec et
aux exigences du ministère.
Deuxième point: le secrétariat à l'adoption.
Considérant que, depuis quelques années, il y a des
problèmes au sein de l'organisme qu'est le secrétariat à
l'adoption; considérant que le secrétariat à l'adoption
s'est donné des pouvoirs décisionnels et a débordé
de son mandat qui était à l'origine de consultation et
d'information; considérant que les démarches pour les parents,
une fois que leur dossier est rendu au Secrétariat à l'adoption
internationale prennent un temps énorme avant que ces mêmes
dossiers ne puissent être acheminés vers des organismes
dûment mandatés par le gouvernement du Québec; 1, nous
recommandons que le Secrétariat à l'adoption internationale du
Québec soit un service de consultation et d'information auprès
des parents et auprès des organismes et qu'il ne se donne pas des
pouvoirs décisionnels au niveau juridique; 2, nous recommandons que le
Secrétariat à l'adoption internationale soit un organisme de
collaboration et d'ouverture auprès des organismes; 3, que le service du
Secrétariat à l'adoption internationale ait un esprit
humanitaire, un esprit de compréhension, de confiance, de franchise et
que le côté gestionnaire vienne compléter les
démarches des parents et non pas que ce soit prioritaire.
Troisième point: Centre des services sociaux. Considérant
que le poste de travailleur social dans le dossier de l'adoption internationale
au CSS de Sherbrooke vient d'être fermé; considérant que si
le poste est fermé les parents devront payer de 300 $ à 500 $
pour avoir une expertise de l'étude du dossier; considérant qu'il
y a en Estrie plusieurs centaines de demandes d'adoption internationale, nous
recommandons fortement la réouverture du poste de travailleur social
afin de ne pas pénaliser les parents et une augmentation du personnel
pour les études de cas ou une réorganisation du travail interne
pour pouvoir faire débloquer les dossiers afin de réduire le
temps de 5-7 ans à 1-2 ans d'attente. Nous recommandons aussi que ce
service pour l'adoption internationale soit aussi prioritaire qu'un autre
service à l'intérieur du CSS.
Quatrième point: Tribunal de la jeunesse. Nous désirons
commenter le règlement sur l'adoption internationale pour ce qui est de
la section I. "1. À la demande de l'adoptant qui désire adopter
un enfant domicilié hors du Québec, le directeur de la protection
de la jeunesse intervient en procédant à l'inscription de sa
demande et en lui communiquant des informations concernant le processus de
l'adoption internationale en vigueur au Québec." Nous sommes d'accord
avec ce premier point. "2. À la demande écrite du ministre de la
Santé et des Services sociaux, le directeur intervient en
procédant à l'évaluation de l'adoptant." Nous sommes
d'accord aussi avec ce point. "3. Le directeur intervient en avisant l'adoptant
des résultats de son évaluation." Nous désirons avoir plus
d'information sur la signification du terme "intervient". Est-ce que
"intervient" veut dire accepter l'évaluation ou non? "4. Le directeur
intervient pour s'assurer qu'il est dans l'intérêt de l'enfant
identifié d'être jumelé à l'adoptant. "À cet
effet, il tient compte des antécédents sociaux et médicaux
de l'enfant, ainsi que de tous les documents qui lui ont été
transmis par le ministre attestant de son adoptabilité." Nous aimerions
plutôt que ceci revienne à l'organisme, car cela occasionnerait
des procédures administratives
beaucoup trop longues. "5. S'il considère que l'adoption est dans
l'intérêt de l'enfant, le directeur intervient pour le jumelage de
l'enfant à l'adoptant." Nous aimerions savoir, sur ce cinquième
point, sur quels critères le directeur de la protection de la jeunesse
peut se baser pour connaître véritablement l'intérêt
de l'enfant. "6. Le directeur intervient en s'assurant de l'intégration
de l'enfant auprès de l'adoptant, dès qu'il est informé de
la date de son arrivée au Québec." Nous croyons que cette
responsabilité pourrait être plutôt partagée entre la
travailleuse sociale et l'organisme. "7. Lorsque le directeur considère
que l'adoption est la mesure la plus susceptible d'assurer le respect des
droits de l'enfant et compte tenu de l'évolution de la situation de cet
enfant, le directeur intervient en présentant au Tribunal de la
jeunesse, conjointement avec l'adoptant, la demande de placement de cet enfant
en vue de son adoption." Nous sommes d'accord et nous croyons que cette mesure
pourra sécuriser les parents, mais nous nous posons la question: Est-ce
que cela va prolonger le délai? Est-ce que le directeur de la protection
de la jeunesse n'a pas trop de responsabilités à ce moment-ci?
Une fois que le jumelage est fait, que le directeur de la protection de la
jeunesse a jugé bon que le parent pouvait remplir ses
responsabilités et qu'il a eu la permission de compléter les
démarches pour l'adoption, nous croyons que cette mesure pourra rendre
les démarches beaucoup plus sécurisantes pour les parents. "8.
Lorsque l'ordonnance de placement a été prononcée, le
directeur intervient pour s'assurer que l'enfant s'adapte à sa famille
adoptive." Nous croyons que cette tâche pourrait très bien
être assumée par les travailleurs sociaux. "9. Lorsque l'enfant ne
s'est pas adapté à sa famille adoptive, le directeur intervient
au moment de la demande d'adoption en présentant au tribunal un rapport
à cet effet." Nous ne sommes pas d'accord. Nous faisons la
recommandation suivante: que le suivi soit fait plutôt par la
travailleuse sociale.
Pour la section III que vous avez entre les mains, nous aimerions,
à cette étape-ci, réagir d'une façon beaucoup plus
Interrogative que par des recommandations. Lorsque vous dites que l'organisme
reconnu en vertu de l'article 72.2 de la Loi sur la protection de la jeunesse
intervient en matière d'adoption internationale, que fait-il ce
même organisme? Quel est son rôle et quel est le mandat de cet
organisme? L'organisme dépend de qui? Nous sommes
accrédités par qui? Quel est son rôle et que faisons-nous
à cette étape-ci?
Cinquième point: La subvention.
Considérant que les parents déboursent suffisamment
d'argent pour l'adoption d'un enfant; considérant qu'il est très
important pour un organisme de pouvoir donner une qualité de travail et
une continuité; considérant qu'il est aussi très important
pour un organisme de garder des liens dans des pays d'adoption, nous
recommandons qu'il y ait une subvention octroyée année par
année à chaque organisme, premièrement, pour aller
rencontrer nos contacts; deuxièmement, pour effectuer des ouvertures
possibles dans d'autres pays où l'adoption est possible;
troisièmement, afin d'assurer la permanence de deux personnes
travaillant dans un organisme, étant donné que
l'expérience du bénévolat à long terme
démontre un désintéressement et un professionnalisme
déficient. Étant donné que nous voulons apporter une
qualité à notre travail, l'expérience a
démontré dans d'autres organismes que, lorsqu'il n'y a pas de
structure permanente et de ressources suffisantes, il se produit un
désintéressement.
En résumé, la synthèse de l'exposé
général et le rappel des principales recommandations. Pour ce qui
est des organismes, nous aimerions que les organismes soient consultés
pour tout changement de politique, afin qu'il ne leur soit pas imposé
une entente avec le ministère de la Santé et des Services sociaux
quant à leur rôle et aux moyens de contrôle que le ministre
ou le Secrétariat à l'adoption intergouvernementale pourraient
exercer.
Le deuxième point concerne le centre des services sociaux. La
situation actuelle dans I'Estrie ne correspond pas du tout à la
volonté du législateur contenue dans le projet de loi, qui est
d'ouvrir un nombre plus grand de pays à l'adoption et de faciliter
l'adoption et ceci par la fermeture du service de l'adoption en Estrie. Le
ministre devrait intervenir pour qu'il n'y ait pas de coupures aussi drastiques
dans le service de l'adoption internationale.
Nous considérons que c'est une injustice sociale eu égard
du bassin de la population dans la région 05. Afin d'éviter qu'il
y ait une surenchère, car les parents devront faire appel à des
travailleuses sociales privées, ce qui occasionnerait des coûts
additionnels, le gouvernement ayant décidé de s'impliquer dans le
dossier de l'adoption internationale, pourquoi ce même gouvernement ne
laisserait-il pas la chance à tous les contribuables de profiter de ce
service? Les coûts de l'adoption sont déjà assez
élevés, sans pour autant demander en plus aux parents un
coût additionnel.
Le troisième point concerne le Tribunal de la jeunesse. La
démarche proposée est souhaitable afin de s'assurer que les
parents qui feront la demande d'adoption internationale le feront en toute
légalité et sécurité, étant assurés
que le jugement
étranger sera homologué par ce même tribunal, les
conditions d'adoption ayant déjà été
approuvées au préalable. Lorsque nous parlons du directeur de la
protection de la jeunesse et l'adoptant, qui va décider du moment
opportun pour présenter la requête à la cour? Les parents
adoptants devront-ils attendre l'approbation préalable du directeur de
la protection de la jeunesse une fois que le jumelage sera effectué? Si
oui, dans quel délai? Quel sera le rôle du secrétariat
à l'adoption avant que les parents puissent présenter leur
requête?
Le rappel des principales recommandations. Les organismes: Nous retenons
la recommandation suivante: que les organismes puissent continuer à se
sentir responsables des dossiers du début à la fin, tout en
étant très conformes aux lois du Québec et aux exigences
du ministère.
Secrétariat à l'adoption. Nous recommandons que le
Secrétariat à l'adoption internationale du Québec soit un
service de consultation et d'information auprès des parents et
auprès des organismes et qu'il ne se donne pas des pouvoirs
décisionnels au niveau juridique.
Troisième point. Le centre des services sociaux. Nous
recommandons fortement la réouverture du poste de travailleuse sociale
afin de ne pas pénaliser les parents.
Quatrième point. Le Tribunal de la jeunesse. Que dans son
intervention auprès du Tribunal de la jeunesse, le directeur de la
protection de la jeunesse soit un collaborateur auprès des parents
requérant d'être présentés devant le tribunal, qu'il
le soit dans les meilleurs délais, c'est-à-dire dès que le
jumelage de l'enfant aux parents adoptifs a été
effectué.
Pour la subvention, nous recommandons que des budgets soient
alloués aux organismes accrédités afin de leur permettre:
premièrement, de rencontrer les contacts dans les pays,
deuxièmement, l'ouverture d'autres pays éventuels,
troisièmement, de s'assurer la permanence de deux personnes dans
l'organisme accrédité.
Espérant que ces recommandations puissent porter fruit dans un
esprit positif et humanitaire et rencontrer en même temps les objectifs
visés dans le projet de loi par Mme la ministre de la Santé et
des Services sociaux.
En foi de quoi, nous avons signé, Isabelle Cyr, Louise Kieffer et
Marcel Després.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Kieffer. Il vous reste
encore quelques minutes. Vous aimerez peut-être ajouter des choses ou
peut-être que Mme la présidente aimerait ajouter des choses.
Mme Cyr: Je pense que l'idée principale ici est que les
organismes travaillent vraiment en collaboration avec le ministère et le
secrétariat, mais aussi de garder notre valeur en tant qu'organisme face
aux parents et face aux dossiers qu'on doit préparer et envoyer dans les
pays d'Amérique centrale qui sont de notre bord. C'est un des points
principaux. Il serait important pour les organismes, comme Les Enfants de
l'arc-en-ciel Inc., de garder surtout le côté humanitaire, de
garder notre position face aux parents, face aux pays d'Amérique
centrale avec lesquels nous faisons affaires pour vraiment aider. Avoir un
climat de confiance face aux parents, au secrétariat et au
ministère, c'est notre point principal et que l'organisme continue de
travailler comme on le faisait avant, dans le même sens.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vous remercie
pour la présentation de votre mémoire et de vous être
déplacés et d'avoir montré toute votre
préoccupation pour cette question. Je sais que c'est un sujet par lequel
j'ai eu l'occasion de vous rencontrer et auquel vous vous intéressez
beaucoup. Vous êtes un organisme relativement jeune, finalement.
Une voix: 1985.
Mme Lavoie-Roux: Depuis 1985. Je pense qu'au moment où
nous nous parlons vous n'êtes peut-être pas encore reconnus...
Une voix: On n'a pas encore signé, non.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas encore signé. Vous m'en
aviez parlé il y a un ou deux mois. J'aimerais d'abord savoir
auprès de quel pays vous avez agi et quel est le nombre d'adoptions.
Est-ce que vous avez vraiment fait, tel que d'autres organismes qui ont une
plus longue expérience... On en a eu un hier qui avait quinze ans
d'expérience. À combien d'adoptions avez-vous
participé?
Mme Cyr: Présentement, nous avons une quarantaine de
dossiers de constitués. Il y a à peu près douze enfants
qui sont revenus du Costa Rica et du Honduras. C'est sûr que dans les
pays comme le Costa Rica, on n'a pas tellement de problèmes en ce
moment. C'est un pays qui est assez bien structuré. Le Honduras
crée quand même beaucoup de lenteur, beaucoup d'attente face au
gouvernement, face à la Junta qui est un organisme qui représente
le Honduras. II y a toujours quelque chose qui manque dans le pays, soit avec
l'avocat avec lequel nous travaillons là-bas ou par exemple, en ce
moment, il y a une lenteur face au dossier parce qu'il manque un psychologue
dans le
pays. Tant qu'un psychologue ne sera pas engagé au Honduras, pour
une partie du pays qui est à Tegucigalpa, nos dossiers sont
arrêtés en ce moment. Ils attendent qu'ils rengagent un
psychologue. Le psychologue n'est pas engagé pour la simple raison que
le pays est très pauvre en ce moment. C'est encore une période
des plus difficiles et aussitôt qu'ils auront trouvé un
psychologue capable de travailler au salaire qu'ils vont donner par le
ministère des Relations extérieures, peut-être que cela va
déboucher. Dans les semaines à venir, on aurait peut-être
besoin de contacts avec un certain monsieur qui doit venir ici au
Québec. Il va peut-être pouvoir nous aider à faire
débloquer les dossiers concernant le Honduras. Je pense que ce qui est
très important, c'est de pouvoir se présenter nous aussi dans les
pays - c'est pourquoi on demande des subventions - et essayer de faire avancer
certains dossiers.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais revenir à vos
considérations principales, le désir que vous exprimiez, comme
organisme, que les organismes puissent continuer à se sentir
responsables des dossiers du début à la fin tout en étant
très conformes aux lois du Québec et aux exigences du
ministère. Je pense que vous exprimez la même inquiétude
que plusieurs ont exprimée au cours des auditions, soit que les
organismes reconnus seraient peut-être mis de côté de
quelque façon ou ne pourraient plus jouer le rôle qu'ils ont
joué jusqu'à maintenant. J'ai eu l'occasion ce matin... Je ne
relirai pas la même phrase pour la quatrième fois mais j'avais,
dans mes notes d'introduction, une partie qui indiquait justement qu'il
n'était aucunement question de réduire les activités parce
que tous ne fonctionnent pas de la même façon. (16 heures)
II y en a peut-être qui ont plus d'activités et d'autres
moins. Il n'était pas question, à moins que des activités
ne soient contraires au bien commun, de modifier ces activités et il y
aurait d'abord une convention type qui donnerait le grand cadre et sur laquelle
tous les organismes reconnus seraient consultés. On laisserait
également de la place, dans les conventions qui seraient signées
avec les différents organismes, pour des clauses particulières
qui permettraient de s'adapter au rythme de travail de chaque organisme et pour
tenir compte également des pays dans lesquels ils vont travailler,
où ils feront de l'adoption, car cela diffère passablement d'un
pays à l'autre.
Je ne sais pas si ça peut vous rassurer. Notre intention n'est
pas de dire: On les met de côté. D'ailleurs, l'objet du fameux
règlement dont on a tant parlé était aussi de
préciser les responsabilités respectives du secrétariat,
de la protection de la jeunesse et des organismes reconnus. On savait que
différentes interprétations avaient été
données, qu'il y avait eu du "flou" - entre guillemets - comme on le
dit, et la fameuse loi 139 donnait justement au ministre un pouvoir de
réglementer qui permettrait d'éclaircir ces points particuliers
qui semblaient... pas juste semblaient, mais qui, dans les faits,
créaient des difficultés et de l'incohérence. Je pense
que, de ce côté-là, il n'y a peut-être pas trop de
problèmes.
La deuxième demande que vous faites concerne le
secrétariat à l'adoption: Nous recommandons que le
Secrétariat à l'adoption internationale soit un service de
consultation et d'information auprès des parents et des organismes.
D'ailleurs, vous indiquez dans votre mémoire qu'au point de
départ le secrétariat ne devait être qu'un organisme de
consultation et d'information. Je dois vous dire que, dès le point de
départ, comme je le disais ce matin, quand le secrétariat
à l'adoption a été créé, c'était
assez vague, du moins dans les écrits, à savoir quelle
était sa responsabilité. On l'avait créé parce
qu'il y avait des problèmes. Aux questions qu'on posait à ce
moment-là, on nous répondait: II y a des problèmes dans
l'adoption internationale, alors, il est nécessaire de mettre un
secrétariat en place pour essayer de corriger ce qui ne va pas et de
mieux encadrer l'adoption internationale. Cela a été vraiment
l'objectif, j'y étais à ce moment-là et je me le rappelle,
même si j'étais de l'autre côté de la table, comme on
dit. J'ai eu depuis ce temps-là, c'est-à-dire, on m'a
donné un CT général, une réponse a une demande au
Conseil du trésor qui remonte -cela ne me fait rien de vous la lire -
à 1982.
On y définissait comme suit les responsabilités du
secrétariat à l'adoption, lesquelles allaient bien au-delà
de l'information et de la consultation. Il devait d'abord faire une analyse de
la situation de l'adoption au Québec, établir une politique
générale, veiller a l'application, à la surveillance et au
contrôle des lois et règlements relatifs à l'adoption.
C'est simplement pour nuancer un peu quand vous dites: Ils se sont donné
des pouvoirs de contrôle qu'ils n'avaient pas; ils sont peut-être
allés au-delà de... Je comprends que vous ayez eu cette
perception, si le rôle du secrétariat n'a jamais été
clair pour le public. Mais, dans le fond, quand on se réfère
à cette définition du Conseil du trésor: veiller à
l'application, à la surveillance et au contrôle des lois et
règlements relatifs à l'adoption, s'assurer de la coordination et
de la cohérence des initiatives gouvernementales en matière
d'adoption, négocier les ententes avec les pays étrangers, le
gouvernement fédéral, les autres ministères
québécois - affaires inter, immigration - agir comme conseiller
sur toute matière relative à l'adoptEon, remplir
tout autre mandat qui lui sera confié par le sous-ministre, on
prévoyait ce que cela demandait comme budget, etc. C'est vous dire que
le rôle du secrétariat allait beaucoup plus loin que celui de
l'information et de la consultation.
Au moment où nous nous parlons, il reste qu'on va devoir aussi,
compte tenu de la rédaction finale du projet de loi, du travail qu'on
devra faire sur le règlement et de ce qui sera convenu dans les
conventions avec les organismes, réexaminer pour préciser quelles
responsabilités resteront au secrétariat à l'adoption.
Là-dessus, on est d'accord avec vous, mais je pense que cela ne peut pas
être juste de l'information et de la consultation. À ce
moment-là, je vous dirais: Donnons la responsabilité à
chacun des centres de services sociaux pour la décentraliser. S'il y a
une personne responsable de l'adoption internationale dans chacun des centres
de services sociaux, cela pourrait être sa responsabilité de
donner de l'information et de faire de la consultation. Alors, je pense qu'il
va falloir certainement retenir d'autres fonctions que celle-là.
Vous faites des recommandations quant au personnel qui est au service de
l'adoption internationale dans les centres de services sociaux, Cela nous a
été également mentionné par plusieurs. C'est
inégal d'une région à l'autre. Il reste quand même
que ce sont les centres de services sociaux dans un, deux ou trais endroits
où on a... J'en suis certaine pour un centre. C'est le cas dans l'Estrie
où on a éliminé le poste lié à la
responsabilité de l'adoption internationale. Il reste que ce sont quand
même des responsabilités administratives que les centres de
services sociaux ont prises à l'intérieur de leur budget.
Maintenant, comment ont-ils établi leurs priorités? Quelles
étaient les demandes qui affluaient vers eux? Je n'en ai aucune
idée. Est-ce qu'on pourrait ajouter de l'argent? Mais en tout cas, je ne
veux pas m'engager à ce moment-ci. On peut peut-être aussi
demander, vu les responsabilités qu'ils ont, s'il y a des
réaménagements possibles. Voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Cyr: Oui. Je pense qu'il est inconcevable de garder aux CSS,
dans les Cantons de l'Est par exemple, la travailleuse sociale qui n'est pas du
tout travailleuse sociale pour faire les études des foyers pour les
parents qui attendent. On appelle régulièrement des membres des
Enfants de l'arc-en-ciel Inc. pour leur dire: Écoutez, qu'est-ce qui
arrive avec nous? Cela fait quatre ans qu'on attend, cela fait trois ans, cela
fait cinq ans. Il n'y a plus personne pour faire une étude des dossiers,
une étude des foyers. Je pense que c'est très urgent de voir
à cette situation dans l'Estrie, de réparer ce qui existe en ce
moment, parce que les parents sont devenus très inquiets. Je comprends
quelqu'un qui a demandé depuis environ quatre ou cinq ans, par
exemple... Il n'y a personne pour faire quelque chose, il n'y a pas de
réponse nulle part. Je pense qu'il est nécessaire de
régler cette situation le plus tôt possible.
Mme Lavoie-Roux: Qui s'occupait de vous avant cette année?
Y avait-il quelqu'un avant cette année?
Mme Cyr: II y avait quelqu'un. Il y avait Mme Gertrude Morin qui
était au service social et qui vient de terminer à la fin du mois
d'avril. Maintenant, il n'y a absolument plus personne. Il n'y a plus personne
pour répondre. Alors, les parents se réfèrent à
nous régulièrement, ce qui nous occasionne
énormément de travail, simplement de répondre au
téléphone pour essayer de dire aux gens: Écoutez, on va
faire notre possible. On va essayer d'en parler. Mais je pense que ce serait
urgent dans l'Estrie...
Mme Lavoie-Roux: Avant que votre organisme ne soit
créé en 1985, qui...
Mme Cyr: C'est nous qui travaillions à ce moment-là
avec Caritas Sherbrooke. J'ai travaillé pour l'adoption internationale
pendant...
Mme Lavoie-Roux: Oui, je me souviens.
Mme Cyr: ...huit ans à Caritas Sherbrooke.
Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, vous agissiez un
peu comme coordinatrice.
Mme Cyr: Oui, c'est cela.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
La question du Tribunal de la jeunesse, je crois comprendre que vous
n'avez pas d'objection de fond à ce qu'il y ait une reconnaissance par
le Tribunal de la jeunesse de l'acceptation des conditions
d'adoptabilité pour sécuriser les parents.
Mme Cyr: On n'a pas du tout d'objection là-dessus. Dans
l'Estrie, cela ne sera peut-être pas compliqué, parce que
Sherbrooke n'est pas une ville très grosse, ou les environs. Cela va
peut-être prendre une semaine ou deux, mais il ne faut pas se mettre dans
la peau de ceux qui habitent Montréal ou les environs où il y
aura peut-être beaucoup plus de problèmes que chez nous. Nous
parlons vraiment en fonction de notre petit coin. C'est sûr que ceux qui
vont prendre un rendez-vous au Tribunal de la jeunesse, par exemple, pour faire
étudier leur cas, cela ne sera sûrement pas très long. On
croit que, quand les parents auront été au Tribunal de la
jeunesse, cela donnera plus de
crédibilité aux organismes dans les autres pays. C'est
peut-être un peu plus long au Québec en partant, par exemple, pour
faire l'étude du parent, mais rendu dans l'autre pays, je pense que
notre crédibilité va les faire peut-être agir beaucoup plus
vite et que les enfants vont pouvoir sortir des autres pays quand même
plus vite de cette façon.
Le Président (M. Joly): Mme la ministre, selon les
ententes dont on a convenu...
Mme Lavoie-Roux: Je vais arrêter. Oui, d'accord.
Le Président (M. Joly): ...j'aimerais maintenant
reconnaître la députée de Marie-Victorin, porte-parole
officiel du dossier dans l'Opposition.
Mme Vermette: Au nom de ma formation politique, il me fait
plaisir d'accueillir ici les membres des Enfants de l'are-en-ciel Inc. à
cette commission. À la lecture de votre mémoire qui, en passant,
est un bon mémoire et bien présenté, vous suscitez
beaucoup de points d'interrogation et, par le fait, énormément de
recommandations. Cela prouve que, finalement, il aurait peut-être
été préférable d'avoir une consultation avant la
rédaction du projet de loi. Finalement, on aurait pu faire la
lumière avant et non pas après. Cela aurait peut-être
permis aussi de perdre moins de temps.
Alors, on arrive tout de suite aux questions. Je voudrais vous demander
ceci. Vous avez donné plusieurs recommandations, mais j'aimerais que
vous m'éclairiez quand vous demandez, è la page 4 de vos
recommandations, que les organismes soient autonomes au niveau des
décisions internes et qu'ils se votent un conseil d'administration.
Pourquoi, finalement? Vous avez peur de quoi? Pourquoi prendre ces mesures en
ce qui concerne votre autonomie? Est-ce que vous vous sentez menacés
dans votre autonomie?
Mme Cyr: Oui, à un moment donné, on se demandait...
C'est peut-être un peu plus clarifié en ce moment, aujourd'hui,
mais il y a X semaines, on se demandait vraiment ce que les organismes allaient
faire, par exemple, rencontrer Ies pays, monter un dossier pour les parents
adoptifs, monter le dossier au complet, l'acheminer vers le pays, garder les
contacts avec le pays et communiquer à nouveau avec les parents, quand
on a monté un dossier du début jusqu'à la fin et qu'on
envoie le dossier dans un pays. Pour nous, ce serait un dû,
peut-être, que d'annoncer la bonne nouvelle aux parents après
qu'un enfant est jumelé à un parent et que le parent peut
être prêt à partir pour le pays. Nous aimerions que ce soit
l'organisme ou, peut-être, la travailleuse sociale, mais que ce ne soit
pas, par exemple, le secrétariat qui annonce la bonne nouvelle,
après qu'on a travaillé pendant des mois à un dossier. On
aimerait garder, quand même, le contact avec le parent et pouvoir lui
dire, enfin, le travail qu'on a fait: On va vous annoncer que vous avez un
enfant de jumelé. Maintenant, c'est sûr qu'on va se conformer aux
lois, mais ce serait notre désir comme organisme que l'organisme ait la
possibilité aussi, par exemple, dans d'autres pays, si nous faisons des
rencontres, de faire nos rencontres et que ce soit quand même
accepté par le Québec, en passant par le ministère ou par
le secrétariat, mais qu'on demeure autonome.
Mme Vermette: En ce qui concerne le jumelage, actuellement, c'est
de votre juridiction, le jumelage avec les pays avec lesquels vous faites
affaire par rapport è l'état du dossier. Dans le projet de loi,
on dit que, dorénavant, le DPJ ferait le jumelage. Pour vous, est-ce que
cela peut augmenter les délais ou considérez-vous qu'il n'y a pas
de problème?
Mme Cyr: On se pose la question; c'est sûr que c'est un
critère. On se pose la question vraiment. Si le DPJ arrive, je pense
qu'il pourrait y avoir des délais. Je le crois.
Mme Vermette: Dans votre mémoire, vous avez fait aussi
mention du secrétariat à l'adoption. Finalement, vous avez
certains problèmes avec le secrétariat et vous demandez que cela
prenne moins de temps avant d'acheminer le dossier, considérant que les
démarches pour les parents une fois que le dossier est rendu au
secrétariat à l'adoption prennent un temps énorme.
Pouvez-vous nous démontrer, en tout cas, le temps énorme? C'est
variable de combien de temps à peu près?
Mme Cyr: Ce qui arrive, c'est peut-être le fait, de toute
façon, qu'on n'ait pas encore été accrédité,
qu'on n'a pas de convention signée avec le secrétariat. C'est
sûrement le poids qui fait qu'on a attendu. Souvent, on demandait un
nombre de dossiers pour un certain pays et on attendait, quand même,
assez longtemps avant d'avoir réponse aux demandes qu'on faisait. C'est
sûr qu'on est peut-être mal placé comme organisme en ce
moment avec aucune signature nulle part et je pense que c'est important de se
créer un climat de confiance; peut-être, avec le temps, que cela
va venir. Je crois qu'il y a des démarches, quand même, de faites
et que c'est un peu mieux que c'était. C'est une chose qu'en ce moment
présent, je crois, on ne peut pas définir comme on le voudrait,
parce que notre entente n'est pas signée. On
se sent un peu comme un oiseau sur la branche, on ne sait jamais si la
branche va casser ou si nous allons rester dans le coin ou si on va finir par
arriver à faire quelque chose. C'est comme cela qu'on se sent en ce
moment. Je pense que le jour où on sera vraiment
accrédité, qu'on aura notre convention signée, qu'on sera
à l'égalité des autres organismes, À ce
moment-là, ce sera peut-être pour eux d'avoir un climat de
confiance et pour nous aussi. On a hâte de se placer les pieds et de
vraiment travailler à fond de train, parce que je pense qu'on a une
équipe assez dynamique et qu'on aimerait travailler, mais ne pas avoir
trop d'attente. On a déjà tellement d'attente face au pays, face
aux enfants qui n'arrivent pas, face aux problèmes qu'on a à
régler régulièrement dans le pays, face aux parents, cela
nous crée d'autres problèmes, parce que c'est ce qui arrive avec
nous. (16 h 15)
Maintenant, une nouvelle entente a été faite avec le
secrétariat. Quand le dossier est monté, il est acheminé
au secrétariat et c'est lui qui le poste pour nous dans le pays. De
cela, les parents n'étaient pas au courant, parce qu'on ne
l'était pas, nous non plus, avant de rencontrer ces parents. Maintenant,
on procède de cette façon et les derniers dossiers que nous avons
reçus du secrétariat ont été acheminés par
le secrétariat. Ce sont eux qui les postent dans le pays. Maintenant,
pour la suite, j'espère que cela va nous revenir. On n'a pas vraiment
d'objection si les dossiers passent par le secrétariat pour être
postés, mais on croit qu'on n'est pas égal avec les autres
organismes, par exempte. Ils s'occupent vraiment de leurs dossiers du
début jusqu'à la fin, dans le sens qu'ils postent leurs dossiers,
qu'ils les acheminent au complet.
Mme Kieffer: Pourquoi pour notre organisme procède-t-on
comme cela et que pour les autres organismes, on ne procède pas comme
cel? Dans le fond, ce sont des questions qu'on se pose et à un moment
donné, on se sent un peu assis entre deux chaises. On veut travailler
dans la légalité, on veut tout faire et à un moment
donné, on ne sait pas trop où se placer parce qu'il y a l'entente
qui est là.
Mme Cyr: En fait, quand on a rien de signé, c'est
peut-être plus difficile. Mais il reste qu'on a hâte que tout se
règle, qu'on ait notre entente signée comme tout le monde et
qu'on puisse avoir d'autres pays parce qu'on a fait des contacts et ceux-ci
sont très importants, très sérieux. On a hâte
d'avoir la permission, le pouvoir d'aller travailler dans d'autres pays et ne
pas se limiter simplement à un pays ou deux d'Amérique centrale.
Un pays, à un moment donné, fonctionne très bien et les
mois suivants, ce peut être l'autre pays qui fonctionne bien et le
premier a une lenteur à cause des problèmes du gouvernement dans
chaque pays. Vous avez à travailler dans des pays qui sont très
pauvres. Je pense qu'à ce moment-là cela crée un paquet de
problèmes que les gens d'ici ont de la misère à
comprendre. Ce que nous voudrions, c'est avoir encore deux ou trois autres pays
avec lesquels on pourrait travailler. Quand un pays, à cause des
parents... On peut quand même transférer les dossiers à un
autre pays où cela irait un peu plus vite. L'important pour nous, c'est
que les enfants trouvent un foyer. Je pense que c'est l'idée principale.
Ce n'est pas une course à la quantité, c'est une course à
la vie de l'enfant pour qu'il puisse enfin manger. Pendant qu'on attend,
pendant que les dossiers attendent parce qu'ils n'arrivent pas assez vite du
secrétariat, à ce moment-là, il y a des enfants qui
crèvent de faim dans les autres pays et on va nous annoncer: "On
regrette, madame, mais l'enfant que vous avez demandé il y a deux,
quatre ou six mois passés, il n'est plus là, il est mort. Il faut
donc recommencer avec le même dossier du parent et je pense que, pour le
parent, cela devient cruel de vivre ces situations. On est obligé, par
exemple, d'appeler le parent et de lui dire: On regrette mais pour
celui-là, cela n'a pas marché, cela a pris trop de temps.
À ce moment-là, c'est drôlement pénible à
vivre pour nous aussi, pour les parents d'abord, et le principal, je pense,
c'est pour les enfants.
Mme Vermette: Je pense que vous avez mentionné un
problème qui est ressorti beaucoup ces derniers temps dans les
manchettes des journaux. Si nous faisons une commission, c'est pour voir
exactement où on en est rendu à ce moment-là. Vous avez
aussi dit que vous pouviez avoir d'autres contacts avec d'autres pays. Est-ce
que c'est facile d'avoir des contacts avec d'autres pays? J'avais l'impression
que vous étiez un peu comme des trafiquants. Non?
Mme Cyr: Non, on les a, nos contacts avec les autres pays. Ils
sont faits, ils sont dans nos dossiers. On attend seulement l'accord du
ministère pour pouvoir travailler dans ces pays. Je pense qu'on s'est
toujours conformé, comme organisme, aux lois, à ce que vous nous
avez demandé. On a toujours travaillé dans des pays, on a
toujours travaillé avec des orphelinats, on a toujours travaillé
avec des enfants abandonnés. Je pense qu'on s'est toujours
conformé à ce qu'on nous a demandé. Maintenant, il y a des
possibilités dans d'autres pays que Mme Lavoie-Roux, je pense, a
mentionnées quant au projet de loi 21. Dans certains pays, nos contacts
sont déjà faits. On attend encore l'accord pour y aller. Les gens
nous appellent
- encore il y a deux jours - pour nous dire: Écoutez, depuis un
certain tremblement de terre, il y a des enfanta qui crèvent de faim
dans les orphelinats. Il y a des centaines d'enfants qui attendent et qui
crèvent de faim. Pour moi, il serait important qu'on puisse enfin
travailler librement, travailler avec la loi, travailler avec la collaboration
du ministère, du secrétariat. Mais qu'on nous laisse aller de
l'avant parce qu'on devient brimé dans nos actes, si vous voulez. Il y a
le fait qu'on ne puisse pas aller à la vitesse qu'on voudrait. Et,
ensuite de cela, pour ces enfants... On nous appelle de ces pays-Ià pour
nous dire: Qu'est-ce que vous faites? Vous nous avez appelés
l'année dernière et il n'y a encore rien de fait. On a des
enfants qui sont morts depuis ce temps-là. Les enfants crèvent de
faim. On n'a plus d'argent pour les nourrir dans les orphelinats et vous, vous
manquez d'enfants. Car ils savent que la population, au Québec n'est pas
très forte du point de vue des enfants. Je pense que c'est 1,4. Alors
qu'eux, ils ont énormément d'enfants. Ils disent: Qu'est-ce que
vous faites? Pourquoi a-t-on tant de misère avec le Québec? Je
suis allée à l'ambassade du Costa Roca et on m'a dit: On
travaille avec le Canada, mais la province la plus compliquée, c'est le
Québec. Quand on sait que vous arrivez avec le Québec, pour nous
autres, c'est déjà un problème. Ils aiment beaucoup les
Québécois, ils aiment la mentalité. Ils savent qu'ici, au
moins, il n'y aura pas de marché noir d'enfants. Ils savent qu'ici c'est
bien préparé, qu'on est quand même suivi, qu'on ne va pas
là n'importe comment. Je pense que c'est important pour un organisme. Il
ne s'agit plus, par exemple, comme cela existait avant, peut-être
à l'époque où j'ai moi-même adopté mes
enfants il y a très longtemps, d'y aller privément, ce qui
amène à un moment donné un marché noir d'enfants.
Peut-être pas au Québec, mais on a tellement d'autres
difficultés au Québec. On dit: On sait que vous êtes bien,
on sait que c'est le "fun", mais mon Dieu, que ce gouvernement est donc
compliqué quand on fait affaire avec vous autres! Cela va sûrement
s'adoucir, cela va sûrement arriver à autre chose. En ce moment,
c'est ce qu'on désirerait le plus, parce que comme
Québécois, comme Canadien, je pense qu'en Amérique
centrale on est aimé. Quand on arrive du côté du
gouvernement, on est toujours la province qui demande le plus, la province qui
exige le plus. Il y a peut-être du bon, je suis tout à fait
d'accord, mais à un moment donné il faudrait peut-être que
ce soit un peu moins compliqué.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Cyr. Je vais maintenant
reconnaître un député de la formation ministérielle,
le député de Taschereau.
M. Leclerc: Oui, merci, M. le Président. Quelques petites
interrogations, si vous me le permettez. D'abord, vous venez de dire il y a
à peu près deux ou trois minutes qu'il y avait des enfants qui
mouraient pendant le temps que le gouvernement se décide, etc. Mais
j'avais cru comprendre, quelques minutes auparavant, lorsque vous parliez des
dossiers que vous aviez en attente, c'est-à-dire 30 au Honduras et 10
à 12 au Costa Rica, que c'étaient plutôt les enfants, dans
ces pays, qui n'étaient pas encore disponibles.
Mme Cyr: Oui, les enfants sont disponibles. Ils sont d'ailleurs
dans ce qu'on appelle des "ogarsitos". Des "ogarsitos", ce sont de petites
maisons que l'on crée. Par exemple, je parie du Costa Rica. Costa Rica
est un pays très bien structuré. Ils ont beaucoup
étudié les enfants abandonnés, les enfants qui seront pour
l'adoption. Ils sont préparés psychologiquement par les
psychologues du pays, ils sont suivis. Ils mettent les enfants dans les
"ogarsitos". Ce sont de petites maisons où il n'y a pas plus de dix
enfants par petite maison. Cela leur crée un climat un peu plus familial
que dans les "aldeas". Les "aldeas" sont pour les enfants qui n'ont pas
réussi à être adoptés. Donc, quand ils arrivent
à dix, onze ou douze ans, ils les transfèrent dans les "aldeas".
Ce qui veut dire que, quand on est en attente pour des enfants pendant un ou
deux ans et que ces enfants ne trouvent pas de foyer, ils vieillissent. Je ne
parle pas des bébés qui ont un, deux, trois ou quatre ans. Mais
quand vous avez par exemple des fratries, vous avez les frères et soeurs
et qu'ils vieillissent un peu, ils sont envoyés après cela aux
"aldeas". Quand ils sont rendus aux "aldeas", ce sont des enfants qui sont
presque trop vieux pour être adoptés dans les pays, les gens ne
les veulent plus. Cela veut dire qu'ils n'auront plus jamais de foyer de leur
vie. Cela veut dire qu'ils vont leur donner à manger jusqu'à
peut-être 16, 17 ou 18 ans et encore. Ils vont dans le milieu, ils vont
voler, ils vont dans les rues, etc.
M. Leclerc: Tout à l'heure, lorsque vous disiez qu'il y en
avait qui mouraient avant que les procédures aboutissent, on parlait de
très jeunes enfants, de zéro à deux ans.
Mme Cyr: Oui, de zéro à deux ans. Pour les pays
dont je vous parlais tout à l'heure, on n'a pas encore d'entente
signée. On a fait les rencontres, on a fait les contacts et dans ces
pays, ce sont des enfants qui sont dans des orphelinats en ce moment et les
pays n'ont pas assez d'argent pour donner de la nourriture aux orphelinats.
M. Leclerc: Au Honduras et au Costa
Rica, tel n'est pas le problème puisque vous...
Mme Cyr: Au Honduras, on a un problème de lenteur. C'est
cela, on a un problème de lenteur. Au Costa Rica, il nous manque des
dossiers en ce moment pour le Costa Rica. Il nous manque drôlement des
dossiers parce que le Costa Rica nous a demandé: Pouvez-vous nous
envoyer un peu plus de dossiers? Ce qui fait que, pour les enfants du Costa
Rica, quand ils jumellent des enfants à des parents, ils sont à
peu près une quinzaine de travailleurs sociaux, psychologues, avocats
autour d'une table une fois par semaine et ils lisent chaque dossier de chaque
parent. Ils vont jumeler l'enfant par rapport à l'histoire de l'enfant,
par rapport à l'histoire du parent. Quand ils ont seulement un, deux,
trois, quatre ou cinq dossiers, cela ne leur suffit pas, parce qu'au nombre
d'enfants qu'ils ont chaque enfant ne va pas nécessairement à
chaque famille.
Mme Kieffer: Je voudrais juste ajouter quelque chose.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je pourrais avoir le consentement
pour poser une question?
Une voix: Certainement, madame.
Mme Lavoie-Roux: Je vais demander à l'Opposition.
Une voix; Je ne savais pas que vous faisiez partie de
l'Opposition. C'est nouveau?
Une voix: Normalement, c'est une question d'alternance.
Le Président (M. Joly): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: C'est très très court. Ce que je
voudrais que vous me disiez, c'est... D'une part, vous dites qu'au Honduras il
y a des problèmes de lenteur qui expliquent que probablement il n'y a
peut-être pas assez d'enfants, de propositions d'enfants. Vous nous dites
qu'au Costa Rica, c'est bien organisé. Quand ils ont juste cinq
dossiers, cela ne les satisfait pas. Ils voudraient avoir une vingtaine de
dossiers. Vous n'avez pas dit 20, c'est moi qui dis le chiffre.
Une voix: Pour le jumelage.
Mme Lavoie-Roux: D'après ce que j'ai compris concernant
ces dossiers, c'est que c'était vous au départ qui receviez les
parents. Est-ce que vous travaillez à la préparation des
dossiers? La différence entre 5 et 20, hypothétiquement, cela
dépend de qui?
Mme Cyr: Cela dépend du secrétariat. Quand on
demande des dossiers au secrétariat, on aimerait à un moment
donné, quand on demande une banque de dossiers de 5, 10 ou 15
dossiers... C'est sûr que, pour des pays, on comprend que le
secrétariat ne peut peut-être pas nous envoyer d'autres dossiers,
parce que le pays est tellement lent à sortir les enfants qu'il y a des
retards. Mais, par exemple, un pays comme Costa Rica, où on a besoin
d'encore plus de dossiers, nous demande au moins une vingtaine de dossiers sur
place pour pouvoir jumeler les enfants, choisir parmi ces 20 dossiers, ces 20
parents-là. C'est plus facile pour eux de jumeler les enfants, ils nous
demandent toujours d'avoir en banque une vingtaine de dossiers et cela roule
quand même assez bien au Costa Rica. Mais on attend des dossiers du
secrétariat. Jusqu'à maintenant, on a attendu très
longtemps des dossiers pour Costa Rica. On en a reçu quelques-uns, mais
on attend encore les autres.
Le Président (M. Joly): Est-ce que...
M. Leclerc: Est-ce qu'on peut expliquer, alors... Je ne veux pas
être trop technique, mais... Pardon?
Le Président (M. Joly): Excusez-moi. Respectant les
ententes qui ont été conclues, je ne pense pas que le
député de Taschereau ait commencé il y a dix minutes. Je
ne le croîs pas. On me souligne qu'il lui reste deux minutes. Merci.
M. Leclerc: Pour ma bonne compréhension, par
conséquent, si vous avez seulement dix ou douze dossiers actifs au Costa
Rica et que vous dites qu'il semble y en avoir un minimum de quinze ou vingt,
il est quasiment évident qu'il n'y a pas un nombre assez important de
dossiers à traiter pour qu'ils puissent faire un choix. Est-ce que cela
peut s'expliquer par le fait que les enfants disponibles au Costa Rica,
étant assez âgés, présentent moins
d'intérêt pour les adoptants potentiels du Québec?
Mme Cyr: Au Québec, il y a des parents qui sont
prêts, il y a des dossiers prêts, en attente depuis des
années. C'est sûr qu'au Costa Rica, si vous prenez un enfant seul,
cela va être quatre ans ou plus, pour le moment. Cela doit être
réglé d'ici quelques mois, ainsi que pour les
nouveaux-nés. Maintenant, ceux qui prennent des fratries - parce qu'au
Costa Rica on a beaucoup de fratries; à ce moment-là vous avez
des enfants d'un, deux, trois ou cinq ans, il n'y a pas d'âge pour les
fratries - je pense qu'il y a beaucoup de parents ici, au
Québec, qui désirent aussi adopter des fratries. S'ils
sont capables d'avoir plus d'un enfant, d'après leur étude
sociale, c'est sûr que pour eux, c'est important parce que le fait
d'attendre quatre ou cinq ans - et il y a des coins comme l'Abitibi où
j'ai eu des dossiers où cela faisait douze ans qu'ils attendaient
d'avoir des enfants - je pense que c'est épouvantable! Ces
gens-là préfèrent avoir une fratrie de deux enfants au
moins, et parfois trois, en partant, plutôt que de recommencer sur la
liste d'attente encore quatre ou cinq ans avant d'avoir un autre enfant.
Le Président (M. Joly): Madame, je vais maintenant
reconnaître la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Comme vous le dites, ce n'est pas le manque
d'enfants, finalement, dans les pays étrangers qui est le
problème, je pense que les problèmes sont d'une autre source et
la première question qu'on devrait se poser est: Est-ce qu'on a une
politique sur l'adoption internationale qui est conforme aux voeux des parents
qui sont capables d'adopter des enfants? Est-ce qu'on a une volonté
déterminée pour cela? À partir de cela, on peut
peut-être se pencher sur le problème que vous vivez en Estrie avec
les travailleurs sociaux. Est-ce que cela a eu un impact considérable en
ce qui concerne votre association, chez vous?
Mme Cyr: Pas à cause de notre association parce qu'on
travaille pour le Québec. Mais ce qui arrive avec notre association, en
ce moment, c'est que tous les parents adoptants de l'Estrie se posent
drôlement des questions: Qu'est-ce qui va nous arriver? Parce qu'on sait
que la travailleuse sociale fait l'étude sociale pour sa région.
Quand il n'y a plus de travailleuse sociale pour faire l'étude du foyer,
tous les gens qui sont en attente tombent avec rien, à moins d'arriver
à payer une travailleuse sociale privée qui va leur coûter
encore 300 $, 400 $, 500 $ ou peut-être 600 $ de plus. Et je pense que
l'adoption internationale coûte déjà tellement cher;
pourquoi, parce qu'ils sont en Estrie, seraient-ils obligés de payer 300
$, 400 $, 500 $ ou 600 $ tandis que dans d'autres coins de la province il y a
automatiquement une travailleuse sociale payée par les CSS, par le
gouvernement, qui fait l'étude sociale?
Mme Vermette: J'aimerais vous demander si vous croyez que le
projet de loi 21 tel qu'il est fait présentement va régler les
problèmes de l'adoption internationale ici, chez nous, au
Québec?
Mme Cyr: Mon Dieu! C'est une bonne question! Je pense qu'il
serait difficile pour nous de répondre, mais on l'espère. On
l'espère beaucoup. Mais je pense que ce n'est presque pas possible de se
prononcer tout de suite.
Mme Vermette; D'accord. Vous avez beaucoup parlé d'une
reconnaissance des organismes, parce qu'on ne sait pas trop comment... Je ne
sais pas si vous avez été consultés, notamment, pour une
convention type.
Mme Cyr: Non.
Mme Vermette: Non. Vous n'avez pas été
consultés. Ils sont toujours en attente, de toute façon. Ils
doivent répondre à certaines exigences actuellement. Vous n'avez
pas été consultés en ce qui concerne...
Mme Cyr: Non. (16 h 30)
Mme Vermette: D'autre part ce que je voulais aussi vous demander,
c'est: Vous avez demandé du soutien pour vos organismes. Quelle forme
prendrait le soutien que vous attendez du gouvernement?
Mme Cyr: Je pense que les organismes comme le nôtre
auraient besoin d'une subvention pour nous aider à avoir deux personnes
à temps plein. Il n'y a que moi en ce moment qui sois permanente pour
l'organisme. On a travaillé pendant des années pour l'adoption
internationale et je pense que le bénévolat, cela commence par 3
heures par semaine pour en arriver, comme on le faisait en dernier, à 30
ou 35 heures par semaine. À un moment donné, une semaine ayant
tant d'heures, quand on travaille à l'extérieur, qu'on a sa
famille etc., cela ne peut plus durer. C'est pour cela que nous avons
décidé, d'un commun accord, d'avoir une permanence. Mais il y a
quand même du bénévolat qui se fait par les autres membres
de l'organisme. Avec le travail que cela demande je pense que deux personnes,
au moins un temps et demi, seraient l'idéal, mais cela nous prendrait
des subventions pour nous aider à avoir des permanents, nous aider aussi
à nous déplacer dans les autres pays. Je pense que les contacts
les plus importants se font en allant dans les autres pays au moins deux ou
trois fois par année pour faire avancer les dossiers. Ces pays n'ont pas
la même mentalité que nous. On respecte leur mentalité,
mais on a beaucoup de difficulté à les faire bouger. Donc, c'est
important qu'on continue nos contacts, c'est important qu'on voie aussi les
enfants, que les enfants sachent où ils s'en vont, qu'ils sachent qu'on
est des parents comme d'autres parents québécois. Chaque fois
qu'on va dans les pays d'Amérique centrale, il est important d'expliquer
aux enfants qu'on rencontre, par exemple, dans un orphelinat,
dans "l'ogarsita" ou parfois dans les "aldeas"... On leur dit:
Écoute, on est des parents, on essaie de travailler pour te trouver un
père, une mère. Ces enfanta s'accrochent après nous
à fond de train. Ils nous disent: Qu'est-ce que tu attends? C'est
important qu'ils nous voient, qu'ils nous touchent pour savoir qu'on va
peut-être enfin leur apporter un foyer.
Mme Vermette: Est-ce que, étant donné la situation
que vous devez vivre et qu'actuellement telles que les structures sont faites,
vous devez travailler en collaboration avec le secrétariat...
Mme Cyr: Oui.
Mme Vermette: Est-ce que vous seriez d'accord... Verriez-vous
d'un bon oeil qu'il y ait un genre de conseil d'administration qui favoriserait
la concertation avec, d'une part, les représentants du
gouvernement...
Mme Cyr: Je pense que cela serait très important. On en a
discuté déjà. Eux peuvent assister à nos
réunions et il serait important que nous aussi soyons au sein du
secrétariat, qu'on ait une petite place quelque part pour savoir ce qui
se passe, qu'on puisse donner notre mot.
Mme Vermette: Vous m'avez répondu que vous êtes
favorable à un...
Mme Cyr: Conseil d'administration. Mme Vermette: Pas
à votre organisme? Mme Cyr: Non, face au secrétariat.
Mme Vermette: Un genre de consultation qui permettrait la
concertation sur les problèmes de l'adoption...
Mme Cyr: C'est cela.
Mme Vermette: Et qui permettrait d'envisager...
Mme Cyr: Je pense que cela serait déjà un pas
énorme. Il se créerait un climat de confiance, de collaboration
de notre part et de leur part. Je pense que c'est une façon plus
adéquate de travailler.
Mme Vermette: Est-ce que vous avez déjà
été consultés en ce qui concerne le rôle du
secrétariat, le rôle des intermédiaires et la façon
dont pourraient se faire tous ces échanges?
Mme Cyr: Cela n'a jamais été fait.
Mme Vermette: Les principaux volets sur lesquels on arrive
souvent à se pencher, c'est l'évaluation des parents. On dit que
c'est tout un problème, ce sont même des délais
excessivement longs. Vous avez soulevé que c'est un problème
particulier chez vous parce qu'il n'y a pas de travailleurs sociaux; donc,
déjà, vous le faites, vous payez pour être
évalués. Dans plusieurs mémoires on donnait comme
élément de solution que, à cause des délais et
parce qu'il n'y a pas de personnel ou de ressource à l'intérieur
des CSS, il serait préférable de passer par les cabinets
privés. Est-ce que vous souscrivez à cette idée ou
avez-vous des réticences?
Mme Cyr: Pour le moment je pense que cela demanderait un peu de
réflexion. Nous n'avons pas encore été consultés.
Je pense qu'il serait important que les membres de l'organisme se
réunissent. Une des solutions dont on a peut-être
déjà parlé - ce n'est pas dans le mémoire - c'est
que face au problème de l'Estrie en ce moment il y ait des travailleuses
sociales qui travailleraient avec l'organisme. C'est sûr qu'elles
seraient accréditées par le CSS qui leur donnerait la permission
de travailler avec nous. Les parents pourraient faire leur étude sociale
par l'entremise Les Enfants de l'arc-en-ciel. Par exemple, les travailleuses
sociales travailleraient pour nous, mais c'est encore un problème, cela
serait bien pour les Cantons de l'Est, mais on ne travaille pas seulement pour
les Cantons de l'Est, on travaille avec toute la province. Mais ce serait
urgent de faire quelque chose pour les Cantons de l'Est.
Mme Vermette: On m'annonce qu'il ne me reste que le temps de vous
remercier pour votre présentation et de vous être si gentiment
soumis à nos questions. Je vous remercie.
Mme Cyr: Merci.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant laisser la
parole à Mme la ministre. En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux vous
remercier de votre présentation et des réponses que vous nous
avez données. Dans votre cas - je vais essayer de saisir le mieux
possible - d'une part, vous dites qu'il y a des enfants qui seraient
disponibles et qu'il manque de dossiers, etc. Il semble aussi qu'il y ait un
problème relié au fait, si je ne m'abuse, que vous n'ayez pas
signé de convention. Cela m'apparaît être le plus gros
problème parce que... Il peut peut-être y avoir aussi la question
des enfants qui sont disponibles et qui ne répondent pas
nécessairement au dossier que le secrétariat peut avoir, soit en
raison de l'âge des enfants, soit en raison du choix des pays que les
parents font. Je pense
que le problème de fond m'apparaît être relié
à la non-signature de la convention.
Mme Cyr: Et la liberté de l'organisme de travailler
à sa guise, dans le sens que, tout en allant avec...
Mme Lavoie-Roux: II ne faut pas... Le Président (M.
Joly): Je m'excuse.
Mme Lavoie-Roux: ...que je recommence, apparemment.
Le Président (M. Joly); On empiète sur le temps de
l'autre organisme.
Mme Lavoie-Roux: Alors, en tout cas, je pense qu'on va l'examiner
de plus près. Je pense qu'on a saisi au moins une partie de la
situation. Merci beaucoup.
Des voix: Merci.
Le Président (M. Joly): À mon tour, je voudrais
aussi vous remercier Mme Cyr et Mme Kieffer. Vous représentez
très bien l'organisme, Les Enfants de l'arc-en-ciel. Merci.
Il n'y aura aucune suspension. J'inviterais maintenant l'Association des
parents en adoption internationale du SaguenayLac-Saint-Jean Inc.
à prendre place, s'il vous plaît.
Association des parents en
adoption internationale du
SaguenayLac-Saint-Jean Inc.
Je ne rappellerai pas les règles du jeu. Je crois que les
personnes devant moi ont entendu tantôt les ententes intervenues
concernant la question de l'enveloppe du temps. Est-ce que vous aimeriez avoir
plus de précisions concernant la façon dont le temps est
partagé?
Mme Tremblay (Estelle): Non.
Le Président (M. Joly): Est-ce que vous êtes
déjà assez familières avec la façon de
procéder?
Mme Tremblay: Nous vous avons entendu tout à l'heure.
Le Président (M. Joly): Oui, parfait. Merci. On me
mentionne qu'il y a Mme Marilouy Doré, présidente, et Mme Estelle
Tremblay, avocate. Laquelle est laquelle, s'il vous plaît?
Mme Doré (Marilouy): Je suis Marilouy Doré.
Mme Tremblay: Et la seconde, Estelle
Tremblay.
Le Président (M. Joly): Je vous laisse aller avec la
présentation de votre mémoire.
Mme Tremblay: Si vous me le permettez, je voudrais tout d'abord
remercier Mme la ministre de nous entendre aujourd'hui.
Avant d'aborder le résumé sommaire de notre
mémoire, j'aimerais vous présenter ce que nous sommes, Marilouy
Doré et mol-même.
Pour ma part, je suis avocate depuis dix ans. Je pratique devant les
tribunaux au moins 40 % de mon temps. J'ai également assumé cette
année la fonction de bâtonnier du Saguenay--Lac-Saint-Jean et je
suis donc particulièrement au courant des problèmes du Tribunal
de la jeunesse dans notre région. Je suis un parent adoptif.
Évidemment, j'ai représenté plusieurs citoyens du
Saguenay Lac-Saint-Jean dans des dossiers litigieux concernant l'adoption
internationale dont le dernier et non le moindre, celui de l'affaire Brassard,
qui a abouti à une décision de la Cour supérieure du
district de Chicoutimi rendue par l'honorable Marcel Simard.
En ce qui concerne Mme Doré, elle est psychologue depuis
maintenant onze ans. Elle travaille dans les cas d'enfance malheureuse, plus
particulièrement d'enfants abusés sexuellement. Elle est
très impliquée dans notre région, dans des organismes
voués à la protection de l'enfance. Elle travaille au Centre de
services sociaux du SaguenayLac-Saint-Jean depuis onze ans.
Notre organisme regroupe 150 familles. Je crois que c'est l'une des plus
grosses associations de la province de Québec. Elle existe depuis 1985,
bien qu'elle ait été incorporée en 1986. Cette association
a été créée à cause des lacunes que nos
membres subissaient journée après journée concernant
l'adoption internationale.
L'un des premiers dossiers auxquels nous nous sommes attaqué
était celui des délais très longs que nous vivions dans
notre région du SaguenayLac-Saint-Jean. Dans notre région,
nous ne pouvions être évalués avant une période
d'environ cinq à dix ans et, pour vous faire une moyenne la plus exacte
possible, cela prenait sept ans, la plupart du temps, avant d'être
évalué. Nous avons tenté de faire avancer les choses, ce
que nous avons réussi substantiellement puisque le retard a
été comblé, mais, d'un autre côté, l'ensemble
des dossiers évalués se retrouve au Secrétariat à
l'adoption internationale depuis septembre sans grand succès.
En réalité, seules dix adoptions ont été
réalisées dans notre région l'année
dernière, dont trois sont des projets d'adoption privée. Quand on
fait le calcul des délais, même avec le temps gagné au CSS,
actuellement
nous sommes incapables de réaliser une adoption internationale en
deçà de dix ans dans notre région. C'est pour cette raison
que notre association est très impliquée dans ce débat de
l'adoption internationale. Je ne vous lirai pas notre mémoire qui
comporte près de 100 pages et quelques annexes. J'ose espérer que
vous l'aurez lu afin de comprendre le débat que nous entendons faire
aujourd'hui et les questions que nous voulons vous poser.
Vous savez que le débat majeur actuellement en adoption
internationale est le débat adoption simple, adoption
plénière. Selon le secrétariat à l'adoption - et
cette position est prise, je crois, dans son mémoire également -
le Québec fait actuellement face à un manque de propositions
d'enfants à cause du fait que l'adoption simple n'est pas
autorisée dans notre système de droit. Voilà bien une
affirmation que nous contestons des plus vigoureusement et ma qualité
d'avocat pourra peut-être vous éclairer.
D'abord, le Secrétariat à l'adoption internationale vous
dit que, depuis 1970, il a fait de l'adoption dans 69 pays. À partir du
mois de septembre 1986, s'est concrétisée la directive que le
secrétariat et les organismes n'agissaient plus dans les pays d'adoption
simple. L'affaire Brassard a été portée
immédiatement devant les tribunaux. Ce sont les premières
personnes qui ont vécu ce marasme de l'adoption simple et de l'adoption
plénière et qui ont porté leur cause devant la Cour
supérieure. Il ne faut pas oublier qu'à partir du moment
où cette directive du secrétariat a été
lancée, entérinée d'ailleurs par le décret, il n'y
a plus eu que quatre à six pays qui ont été
acceptés par le Secrétariat à l'adoption internationale,
alors que son mémoire dit qu'il a fait de l'adoption dans 69 pays. Vous
pourrez donc comprendre que, s'il y a un manque de propositions, c'est à
cause de la position du Secrétariat à l'adoption internationale
telle qu'elle s'est concrétisée au mois de septembre 1986. Bien
sûr, avant le débat de l'adoption simple, l'adoption
plénière existait, surtout au Brésil, mais dans une
proportion beaucoup moins grande, c'est-à-dire qu'il n'affectait qu'un
ou deux pays. Le marasme a vraiment commencé à compter de
septembre.
Comment se fait-il qu'il y ait un manque de propositions d'enfants? Eh
bien, j'aimerais vous référer à un document qui s'appelle
Le vécu en adoption internationale, que j'ai ici avec moi, et qui
est une évaluation du programme d'adoption internationale. Ce document a
été réalisé en 1984. J'ai cru comprendre du
mémoire du secrétariat à l'adoption qu'il y avait eu 2000
adoptions. Or, vous savez, l'adoption internationale a commencé au
Québec en 1970. Dans le document en question, on avait compilé
1429 autorisations en 1983. Voici que le secrétariat nous dit que 7000
adoptions ont été faites depuis le début. C'est donc dire
que, dans les quatre dernières années, il s'est
réalisé 571 adoptions internationales, si on se fie à ce
document-là et aux chiffres du secrétariat, soit une moyenne de
142 autorisations par année et non pas 250. Au surplus, il est
très important de noter que, dans ce document sur l'adoption
internationale, je vous réfère à la proportion de projets
d'adoption privée qui ont été autorisés. Vous vous
rendrez compte que, de tout temps, il y a eu entre 25 % et 33,3 % de projets
d'adoption privée qui ont été acceptés par le
Secrétariat à l'adoption internationale. La moyenne se
concrétise également dans notre région, 30 %, trois
projets sur dix. (16 h 45)
L'efficacité réelle du Secrétariat à
l'adoption internationale, depuis les quatre dernières années,
est de 142 dossiers auxquels vous devrez enlever 30 % de projets d'adoption
privée. Si vous mettez 1400 couples sur les listes d'attente et que vous
arrivez à une moyenne d'environ une centaine d'adoptions par
année, vous verrez tout de suite que les délais ne sont pas de
trois à cinq ans, qu'ils sont au-delà de cinq ans, et ils sont
bien plus près de dix ans, et que ce n'est pas le débat de
l'adoption simple et de l'adoption plénière qui a enlevé
des propositions, c'est l'inefficacité du système actuel.
J'aimerais également vous mentionner quelque chose qui
m'apparaît faux dans le débat, c'est qu'on laisse croire que le
législateur québécois, par sa loi de 1983, a
favorisé l'adoption plénière. Eh bien, pour un avocat qui
pratique comme moi devant les tribunaux, qui connaît un tant soit peu !a
jurisprudence, je puis vous dire que bien au contraire, dans 99 % des cas le
Tribunal de la jeunesse a reconnu les jugements d'adoption simple parce qu'ils
créent un lien de filiation. Notre loi actuelle ne dit pas de rompre le
lien de filiation, mais de créer le lien de filiation. J'aimerais vous
mentionner également qu'il y a peut-être trois ou quatre jugements
du Tribunal de la jeunesse qui ne reconnaissent pas le juqement d'adoption
simple mais non pas parce qu'il ne crée pas un lien de filiation, mais
parce que, dit-il, en le reconnaissant on lui donne un effet plus large et que
les parents ne sont pas parties à la procédure d'adoption; c'est
donc très différent.
Alors, pour conclure, avant la directive du Secrétariat à
l'adoption internationale, tel qu'il a été
interprété par les tribunaux, le Tribunal de la jeunesse,
l'adoption simple est autorisée dans notre droit et la meilleure
indication que je puisse vous donner de cela, c'est le Secrétariat
à l'adoption internationale lui-même qui vous dit qu'il a fait de
l'adoption dans 69 pays. Vous savez,
la très grande majorité des pays du tiers monde comportent
des systèmes d'adoption simple et quand la règle a
été mise en vigueur, au mois de septembre, on a passé de
69, selon les chiffres mêmes du secrétariat, à quatre, cinq
ou six pays.
Alors, je ne crois pas et je pense que notre association ne croit pas
que ce projet de loi 21 permette un avancement quelconque dans l'état
actuel de notre droit. L'état actuel de notre droit, c'est que
l'adoption simple est permise.
Un autre élément également qui m'apparaît
faux dans le débat est le suivant: c'est que l'adoption simple n'apporte
pas de sécurité juridique aux parents. Alors, qu'est-ce que
l'adoption simple? Vous avez cela dans notre rapport. J'aimerais par exemple
vous parler de la loi du Guatemala, qui est une adoption simple; pour avoir
plaidé la cause devant la Cour supérieure et avoir entendu un
témoin expert, je suis particulièrement au fait de cette loi.
C'est aux pages 18 et suivantes de notre mémoire. On dit toujours que
l'adoption simple maintient des liens avec la famille d'origine, c'est vrai.
Vous savez, dans notre droit actuel au Québec, de même que dans
l'ensemble des législations étrangères, qu'est-ce qui
donne aux parents des droits et des devoirs sur l'enfant? C'est l'institution
de l'autorité parentale. Qu'est-ce qui fait qu'on peut réclamer
un enfant à une personne? C'est qu'on détient l'autorité
parentale. Qu'est-ce qui fait qu'on n'a plus de droit sur un enfant? C'est
qu'on nous enlève l'autorité parentale. Qu'est-ce que fait
l'adoption simple au Guatemala? C'est qu'elle rend par exemple l'enfant
adopté l'enfant de ses parents, donne toute l'autorité parentale
aux parents adoptifs, empêche toute revendication de l'enfant par les
parents naturels. Le régime de l'adoption simple est un régime
sécure. C'est important que vous le sachiez, c'est un régime
sécure, et il n'empêche pas la revendication de l'enfant. Alors,
je ne vois pas comment le consentement de l'état étranger puisse
apporter une sécurité additionnelle. C'est ce que le projet de
loi 21 dit: Nous consacrons le principe de l'adoption plénière,
nous acceptons l'adoption simple seulement lorsque l'État
étranger consent. La sécurité elle est dans la loi. Alors
si l'adoption simple n'est pas sécure, ce n'est pas le consentement de
l'État étranger donné à l'intérieur de sa
loi qui va faire en sorte que voua puissiez avoir une sécurité
plus grande.
Un autre élément qui nous apparaît faux dans ce
débat, c'est le suivant. C'est que l'enfant adopté, pour sa
sécurité, doit avoir une seule filiation, sous-entendu que
l'adoption simple maintient plus d'un lien de filiation. Alors, je vous
réfère aux pages 24 et 25 de notre mémoire. D'abord il est
vrai que dans notre droit québécois l'enfant adopté n'a
qu'une filiation. Ce n'est pas nécessairement le cas en France où
les régimes d'adoption simple et d'adoption plénière
existent, également dans plusieurs pays européens où vous
avez à ia fois le régime d'adoption simple et le régime
d'adoption plénière. Comme les pays d'Amérique du Sud,
principalement, sont des pays d'inspiration latine en termes de loi, ils ont
aussi ces deux régimes.
Alors, aux pages 24 et 25, nous avons précisé les
tendances nouvelles de notre droit. Vous n'êtes pas sans ignorer que le
mouvement Retrouvailles réclame actuellement de ne pas avoir une seule
filiation. À la suite de ces revendications, il y a eu un comité
interministériel sur la recherche des antécédents
sociobiologiques qui date du 6 mars 1986. C'est un rapport. La recommandation
9, "Ouverture à la continuité des liens avec le milieu
d'origine", se lit comme suit, à la page 25: "Que le Code civil du
Québec prévoie la possibilité d'une ouverture permettant
le maintien des liens de continuité avec certains membres du milieu
d'origine dans l'intérêt de l'enfant adopté, après
entente entre les parties." Alors, nous vous disons que l'adoption simple
maintient des liens avec la famille d'origine, mais à la
majorité. Pas è la minorité, à la majorité.
Et nous sommes actuellement, au Québec, en train de nous diriger vers
une ouverture aux liens d'origine pendant la minorité. Nous
considérons, à l'association, que votre politique en adoption
doit être cohérente. Si on se dirige vers une ouverture à
la famille d'origine pendant la minorité pour les adoptés
québécois, il faut donc penser que l'adoption simple est un
système plus qu'acceptable.
Il faut bien penser aussi que le projet de loi 21 consacre en tout
premier lieu le principe de l'adoption plénière. On vous a
sûrement dit que l'adoption plénière rompt tout lien de
filiation, fait d'un enfant adapté l'enfant de la famille adoptive
à tous égards. Il ne faut pas oublier - et nos membres l'ont
vécu - que l'adoption plénière dans des pays comme le
Honduras, Costa Rica, la République dominicaine, la Bolivie et la
Colombie contiennent des exigences d'âge énormes. Il faut
être marié depuis longtemps. Il ne faut pas être jeune. Il
faut parfois ne jamais avoir eu d'enfants. Je vous donne l'exemple de la
République dominicaine, être mariés depuis dix ans, avoir
plus de 35 ans, n'avoir jamais eu d'enfants biologiques. Alors, Mme Doré
qui est ici, qui est évaluée depuis l'été dernier,
n'est pas capable de se qualifier à aucun régime d'adoption
plénière parce qu'elle n'a pas l'âge, le nombre
d'années de mariage et elle a déjà eu un enfant avec son
mari. Alors, vous savez que l'adoption plénière dans ces pays
n'est ouverte qu'aux gens mariés en plus. Vous savez que notre
société québécoise actuelle comporte beaucoup de
couples qui vivent
hors des liens du mariage. Alors, si on consacre le principe de
l'adoption plénière, on s'enferme dans un carcan qui va
répondre à très peu de couples. Très peu de couples
parce que nos Québécois adoptent parfois quand ils sont
célibataires, ou quand ils vivent hors des liens du mariage, et ils ne
remplissent pas toujours les conditions de ces pays qui sont très
exigeantes dans l'adoption plénière. Alors, il ne leur reste que
l'adoption simple et l'adoption simple qui est acceptée actuellement par
les tribunaux devient assujettie à une condition, qui est le
consentement de l'État.
Ce que je vous ai mentionné est aux pages 27 à 33 de notre
mémoire. Nous vous informons d'abord que c'est un recul par rapport
à la situation actuelle puisque l'adoption simple a été
acceptée par le Tribunal de la jeunesse. Nous vous disons
également que certains pays actuellement acceptés par le
secrétariat, comme la République dominicaine, devront être
fermés parce que le projet de loi 21 exige qu'il y ait rupture du lien
de filiation. Or, d'après la loi de la République dominicaine,
même si elle parle d'adoption plénière, c'est une adoption
qui est révocable. Je peux vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de nos
membres qui peuvent se qualifier actuellement à l'adoption
plénière des pays acceptés par le Secrétariat
à l'adoption internationale.
Le consentement de l'État en adoption internationale, que va-t-il
apporter de plus à la situation actuelle? Vous savez que la logique est
que, si l'adoption simple est acceptable, elle est acceptable et, si eile n'est
pas acceptable, elle n'est pas acceptable. Par exemple, si j'ai un enfant
naturel, à l'intérieur d'un système qui est plénier
comme le nôtre, croyez-vous que Mme Lavoie-Roux, si elle consent à
l'adoption de mon enfant, pourra donner aux parents adoptifs d'autres droits
que ceux que notre loi prévoit? C'est la même chose dans les pays
étrangers. Le consentement de l'État étranger
n'enlèvera pas de droits aux parents naturels, il n'en donnera pas non
plus aux parents adoptifs. Il ne faut pas oublier que le consentement,
l'État le donne à l'intérieur de sa loi. Si sa loi est
simple, elle est simple, elle n'est pas plénière. Pour toutes ces
raisons, nous croyons que le consentement de l'État est une
formalité additionnelle qui ne donnera pas de sécurité
juridique aux parents adoptifs.
En second lieu, j'ai ici avec moi chacune des lois
étrangères que le secrétariat prétend couvrir. On a
prétendu publiquement que le projet de loi permettrait Haïti -
c'est un pays où on a toujours adapté - le Brésil, le
Mexique, l'Uruguay, l'Équateur et Panama. Chacune de ces lois ne
prévoit absolument pas le consentement de l'État. C'est une
procédure qui n'est pas prévue elle-même dans la loi
étrangère. On est en train de demander à l'État
étranger de faire quelque chose qui n'est pas dans sa loi. Cela veut
dire que cela va compliquer énormément l'adoption.
Nous avons également dit plusieurs mots sur ce qu'on pense des
ententes intergouvernementales. Vous savez, comment mieux faire un trafic
d'enfants que dans les ententes intergouvernementales? Qu'allons-nous donner
à M. Pinochet pour les enfants qu'il nous enverra? Que devrons-nous lui
offrir de plus que la France, la Suède, la Belgique? Nous croyons que la
plus mauvaise stratégie qu'on puisse faire, ce sont les ententes
intergouvemementales. Bien sûr, les États ne veulent pas exporter
leurs enfants et, si on commence à discuter d'une façon
officielle l'envoi d'enfants ici, c'est certain qu'on se dirige vers un
échec. Il faut, je pense, comme cela s'est fait, travailler avec les
organismes dans les milieux et travailler cas par cas. Il y a un enfant
adoptable, bon, on lui trouve des parents.
Alors, nous croyons que c'est une mauvaise stratégie que de
discuter État étranger et État québécois
dans ce contexte. Nous ne sommes pas les seuls. Vous avez dans notre
mémoire des extraits de gens très compétents en adoption
qui disent que les ententes intergouvernementales sont vouées à
l'échec. Je vous réfère à M. Guérin, dans le
journal Le Soleil de 1982, qui était le premier directeur du
Secrétariat à l'adoption internationale: "Les pays
étrangers sont réticents à officialiser des ententes
d'adoption avec l'extérieur. Sur le plan politique, ce n'est pas
populaire et c'est même un constat d'échec." Depuis 1982, il n'y
en a pas eu beaucoup.
Le Président (M. Joly): Complément, s'il vous
plaît, madame!
Mme Vermette: Question de règlement. À cause de
l'expertise de madame dans l'adoption internationale, qui me semble avoir des
choses importantes à dire, et, comme nous sommes ici en commission
parlementaire pour faire réellement le point, s'il y a consentement, je
serais d'accord pour qu'on lui accorde quelques minutes encore.
Le Président (M. Joly): Je pense que madame va avoir la
chance, par le biais des questions...
M. Laporte: Question de règlement, M. le Président.
Loin de moi l'intention de restreindre le droit de parole de certains
individus, mais je crois bien que l'ensemble des groupes qui sont intervenus...
et je suis consentant avec vous. J'écoute très attentivement
depuis tantôt les observations qui nous sont faites, mais chacun des
groupes jouit effectivement d'une forme d'expertise. Je pense qu'à
l'échange on sera en mesure
de répondre à certaines interrogations. On pourrait
toujours permettre de façon très brève de conclure quant
à la documentation, je crois que cela va de soi, mais, simplement, je
veux souligner que chacun des groupes possède une expertise. Je n'en
vise pas plus un qu'un autre. Je les mets tous au même chapitre.
Le Président (M. Joly): Je pense qu'il faut respecter les
règles du jeu, tel que c'était convenu. Le fait de donner plus de
temps à madame enlèverait du temps à l'échange.
J'imagine qu'on va retrouver dans l'échange beaucoup d'information que
madame voudrait nous apporter. Je veux maintenant laisser la parole à
Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vais d'abord
remercier l'association du SaguenayLac-Saint-Jean qui s'est
déplacée. Je sais qu'elle a vécu des problèmes
particulièrement difficiles. Vous les avez décrits, ne serait-ce
que l'attente des parents. Cela s'est peut-être cristallisé
à l'occasion du cas que vous avez défendu vous-même, Mme
Tremblay. Je comprends que s'est créée une coalition ou une
association de parents qui disent: Nous avons vécu des choses
difficiles, nous voulons nous faire entendre. Je pense qu'à cet
égard le mémoire d'une centaine de pages que vous
présentez, que nous avons lu attentivement et que nous allons avoir
l'occasion de relire aussi, nous sera certainement utile. (17 heures)
Maintenant, je me permettrais quand même de relever certaines
affirmations que vous avez faites, par exemple, quand vous affirmez hors de
tout doute que ce n'est pas l'adoption plénière qui est la seule
adoption au Québec, que l'adoption simple est reconnue.
Évidemment, je ne veux pas entrer dans des querelles d'avocats. Il y a
eu quand même des jugements, que ce soit le jugement du juge Dorion, du
juge Galipeault-Moisan ou du juge Sirois, qui indiquent fort bien qu'il n'y a
pas unanimité sur l'interprétation qu'il faut donner à nos
dispositions touchant l'adoption internationale, à savoir est-ce que ce
sont strictement des jugements d'adoption plénière ou est-ce que
ce sont aussi des jugements d'adoption simple qui sont reconnus par nos
lois?
Mme Tremblay: ...
Mme Lavoie-Roux: Un instant, je vais finir, si vous voulezl
Mme Tremblay: D'accord.
Mme Lavoie-Roux: Par exemple, dans le jugement du juge Dorion -
on va les lire tous les trois: Le législateur québécois
n'exige pas que l'adoption soit plénière, il exige seulement la
création d'un lien de filiation. Dans le cas du juge Galipeault-Moisan -
l'interprétation du Code civil - il reconnaît que la
reconnaissance d'un jugement d'adoption à l'étranger produit une
rupture du lien de filiation de l'adopté avec sa famille d'origine et la
création d'un lien de filiation entre l'adopté et sa nouvelle
famille. Vous avez l'interprétation du juge Sirois qui dit: La
reconnaissance d'un jugement étranger en matière d'adoption,
comme le prononcé d'une adoption au Québec, comporte deux
éléments importants en regard de la filiation: une rupture du
lien de filiation de l'adopté avec sa famille d'origine et la
création d'un lien de filiation entre l'adopté et sa nouvelle
famille.
Je voudrais bien que ce soit clair pour tout le monde. Le projet de loi
qui est devant nous n'est pas le projet de loi de la ministre de la
Santé et des Services sociaux. C'est un travail de collaboration intense
entre le ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration, le ministère des Relations internationales, le
ministère de la Justice et le ministère de la Santé et des
Services sociaux. L'interprétation qui nous a été
donnée par le ministère de la Justice concernait la
reconnaissance de l'adoption plénière strictement au
Québec. C'est devant cette confusion ou, enfin, cette divergence
d'opinions qu'on a jugé bon... Évidemment, il y a le jugement qui
a été rendu dans le cas que vous avez défendu, soit le cas
Brassard, mais, sur le fond du droit, je ne crois pas que le juge même se
soit prononcé, mais il a invoqué surtout des motifs
d'humanité ou d'humanisme, si on veut, auxquels nous souscrivions.
Mme Tremblay: Puis-je vous répondre, Mme la ministre?
Mme Lavoie-Roux: Un instant, s'il vous plaît! Vous avez eu
vos 20 minutes.
Mme Tremblay: D'accord.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il faut quand même nuancer les
choses. Je vous trouve bien chanceuse de pouvoir dire, d'une façon
absolue, que le droit au Québec en adoption internationale
reconnaît à la fois l'adoption plénière et
l'adoption simple, alors qu'il y a une divergence profonde chez
différents juges quant à cette interprétation.
Alors, ceci est un point. Si vous voulez répondre tout de suite
mais pas trop longtemps parce que j'ai d'autres questions à vous
poser.
Mme Tremblay: J'aimerais vous répondre. Alors, concernant
votre intervention, le juge Dorion n'est pas un juge qui a décidé
que l'adoption simple n'était pas
acceptable. Vous avez parlé tout d'abord du juge Dorion. Il n'y a
que deux juges, le juge Galipeault-Moisan et le juge Sirois. Maintenant, il ne
faut pas oublier que, sur les 1429 adoptions internationales qui ont
été réalisées, il y en a un nombre impressionnant
qui ont été réalisées dans des pays d'adoption
simple. Il y a plusieurs jugements du Tribunal de la jeunesse. Alors, je vous
parle, comme avocate, d'un état du droit. Ce ne sont pas deux jugements
minoritaires qui font l'état du droit. Il ne faut pas oublier qu'il y a
43 juges au Tribunal de la jeunesse. Il y en a deux qui ont rendu cette
opinion, mais les autres entérinent et reconnaissent les jugements
d'adoption simple de la même façon que les jugements d'adoption
plénière. Je vous parle de l'état du droit. Quand on est
avocat, c'est très important de regarder l'état d'une
jurisprudence. Ce n'est pas les minoritaires qui font l'état du droit.
Maintenant aussi, on pourrait dire que ces jugements auraient pu être
portés en appel si le secrétariat avait voulu éclaircir la
loi, ce qu'il n'a pas fait. Il a préféré prendre ces
jugements très minoritaires et en faire la position officielle.
Mme Lavoie-Roux: Je vous dirai que ce n'est pas le
secrétariat mais le ministère de la Justice. Alors, je pense
qu'il faudrait quand même aussi faire les différences. Dans les
jugements d'adoption simple qui ont été rendus, il faudrait aussi
tenir compte des cas d'enfants où il avait été
établi que les parents étaient décédés et
qu'il n'y avait plus de lien de filiation. Alors peut-être que cela aussi
pourrait être interprété comme des jugements de
reconnaissance de jugements pléniers.
Mme Tremblay: Pour terminer sur ce point, en fait, il n'y a
qu'une décision que je connaisse sur la question des enfants orphelins.
C'est la décision du juge Simard, de la Cour supérieure du
district de Chicoutimi, qui a dit que le ministère ne pouvait pas faire
ta distinction entre enfants orphelins et enfants qui n'étaient pas
orphelins ou enfants dont les liens de filiation n'étaient pas
connus.
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous avez parlé
assez longuement de cette question des liens de filiation pour lesquels le
comité Cadieux, je pense, dans son dossier sur les retrouvailles, a
indiqué justement cette philosophie qu'il fallait que les gens
retrouvent leurs liens de filiation. La rupture du lien de filiation et la
connaissance des antécédents, je pense qu'il faut
considérer ces deux choses de façon différente. La preuve,
c'est qu'au Québec, l'adoption simple rompt le lien de filiation,
l'adoption interne, j'entends, et, pourtant, cela n'empêche pas qu'on
permette la... En tout cas, la dernière décision n'est pas encore
prise, mais il y a tout ce mouvement qu'on trouve fort légitime, le
mouvement Retrouvailles. Probablement qu'on va s'acheminer vers une
décision qui va être un peu plus souple que ce qui existe
présentement. De la même façon, je pense que rien dans le
projet de loi 21 ou les règlements qui devront être adaptés
en fonction de la loi qui sera adoptée ne veut s'opposer à ce que
des liens... Si quelqu'un est né en Corée ou vient de la Bolivie
et, éventuellement, veut que ses liens biologiques soient
retracés, je pense qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui
empêche cela. On doit faire la différence entre une rupture des
liens de filiation et la volonté ou le désir de retrouver ses
origines ou de retourner à ses origines. Il ne faudrait pas mêler
les deux choses.
Mme Tremblay: Je voudrais bien échanger avec vous, c'est
l'occasion unique pour moi de le faire et pour l'association; vous comprendrez
donc mon intervention. Il ne faut pas oublier que la recommandation est le
maintien des liens avec la famille d'origine. C'est la recommandation qui est
sur la table. En tout cas, pour connaître le mouvement Retrouvailles d'un
peu plus près, je pense qu'il a des exigences, quand même, qui
vont plus loin que la recherche des antécédents.
Mme Lavoie-Roux; Maintenant, j'aimerais vous référer
à la paqe 34 de votre mémoire. Vous dites: "Certes, l'État
étranger a ses responsabilités en regard de la protection de ses
ressortissants mineurs mais ce n'est pas à l'État
québécois de les prendre aux lieu et place de l'État
étranger." Et si on se réfère - en tout cas, j'ai de la
difficulté à concilier les deux - à la page 35, vous
ajoutez: "La plupart des États étrangers visés par
l'adoption internationale sont des pays sous-développés sous le
coup de dictatures militaires qui accordent très peu d'importance aux
droits et libertés humaines, plus spécifiquement aux droits et
libertés des enfants."
D'une part, ce que j'ai cru comprendre - et vous me corrigerez - c'est
que ce n'e3t pas à l'État québécois à
prendre ces responsabilités-là. Et, d'autre part, vous nous
dites: qu'ils les assument mal; en tout cas, qu'ils ne sont pas très
sensibilisés aux droits et libertés, et particulièrement
aux droits et libertés des enfants, et j'essaie de concilier les
deux.
Mme Tremblay: Je vais vous les concilier. Ce que je comprends de
tout le mémoire du Secrétariat à l'adoption
internationale, c'est qu'il m'apparaît clair qu'on cherche beaucoup
à savoir si l'enfant est adoptable, s'il est légalement
adopté, etc. Vous savez, lorsqu'on reçoit un jugement
d'un pays étranger, un jugement d'adoption d'un pays
étranger et que l'ambassade, par exemple, du Guatemala ou du Honduras
nous certifie qu'il s'agit bien d'un jugement d'un tribunal étranger, je
croîs qu'on a contrôlé la légalité du
processus. On ne peut pas aller jusqu'au point de savoir si le jugement a bel
et bien été rendu. C'est très difficile. Maintenant, c'est
certain qu'il y a des déficiences dans ces pays-là, mais,
malgré ces déficiences, on ne pourra jamais aller au-delà
de leurs institutions. Je pense que ce qu'il faut faire, c'est de s'assurer
qu'il s'agit bien d'un jugement étranger et, d'un autre
côté, que le couple est bien mature. Voilà la garantie que
nous devons donner aux pays étrangers, que nos gens qui prennent leurs
enfants sont des gens matures et capables de les prendre. C'est la principale
garantie qu'on puisse leur donner.
La deuxième garantie qu'on puisse leur donner, c'est de s'assurer
que les jugements étrangers sont bien des jugements étrangers,
qu'il ne s'agit pas de faux, mais, passé l'apparence de
légalité du jugement, je dois vous dire que c'est
s'ingérer dans les affaires internes d'un autre pays qui,
malheureusement, c'est vrai, ne prend pas toujours ses responsabilités.
Avec le processus de l'intermédiaire, je pense que
l'intermédiaire obtient le jugement d'adoption. Mais, quand on lit le
mémoire du Secrétariat à l'adoption internationale, toute
la question de l'adoptabilité de l'enfant, il est très difficile
de juger cela de loin: que l'enfant est bel et bien adoptable, que la
travailleuse sociale n'a pas reçu d'argent de quiconque. C'est
très difficile d'ici de savoir cela.
Mme Lavoie-Roux: Je pense là-dessus que...
Le Président (M. Joly): On a dix minutes.
Mme Lavoie-Roux: Ah! dix minutes, oui.
Le Président (M. Joly): Vous allez avoir la chance de
revenir encore.
Mme Lavoie-Roux: Je reviendrai dans dix minutes.
Le Président (M. Joly): Afin de respecter les
règles, Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous
plaîtï
Mme Vermette: Je voudrais souhaiter la bienvenue à votre
organisme. Il me fait plaisir au nom de ma formation politique de vous entendre
ici à cette commission parlementaire.
Effectivement, je pense que votre réputation n'est plus à
faire dans le domaine de l'adoption internationale. Je pense que votre document
fait preuve d'un professionnalisme et d'une expertise des plus importantes,
à ce jour en tout cas. Ceci m'amène à vous poser une
question qui va un peu dans la continuité de ce qu'on vous posait
tantôt. Est-ce que vous seriez d'accord que ce soient les pays
eux-mêmes qui proposent l'adoptabilité des enfants?
Mme Tremblay: D'abord, je n'aime pas le mot "pays", en ce sens
qu'un enfant, d'abord, est toujours sous la juridiction, que ce soit ici ou
dans d'autres pays, d'un tribunal pour mineurs. C'est le tribunal des mineurs
qui décide de son adoption par des parents du pays ou par des parents
étrangers. Alors, évidemment, l'adoptabilité de l'enfant
doit s'apprécier selon la loi de son domicile et par les institutions de
son domicile. On ne peut pas intervenir dans le processus judiciaire de ces
pays. Cela m'apparaît évident. Peut-être
l'intermédiaire peut-il jouer le rôle de mandataire et obtenir le
jugement, mais je n'aime pas l'élément "état
étranger". Ce n'est pas État étranger, c'est tribunaux
étrangers. C'est très différent.
Mme Vermette: Vous avez inscrit dans votre mémoire, en
page 32: "Très peu de lois étrangères prévoient le
consentement de l'État à l'adoption simple ou
plénière." J'aimerais que vous m'expliquiez cela davantage.
Mme Tremblay: C'est que les lois étrangères
prévoient le consentement des parents à l'adoption, comme ici au
Québec. Le jugement d'adoption est rendu par un tribunal pour mineurs,
comme ici par le Tribunal de la jeunesse. Ces lois ne prévoient pas le
consentement de l'État à l'adoption. D'accord? Ce n'est pas une
procédure, sauf au Guatemala où là il y a vraiment un
consentement de l'État à l'adoption d'un enfant.
Mme Vermette: Donc, actuellement, ce que vous demandez, dans le
fond, c'est que tout se passe... Les intermédiaires pourraient
finalement travailler à la reconnaissance de l'adoptabilité de
l'enfant et il n'y aurait pas de problème à ce
moment-là.
Mme Tremblay: C'est-à-dire que les intermédiaires
obtiennent le jugement d'adoption.
Mme Vermette: Oui.
Mme Tremblay: Évidemment, si l'enfant n'est pas adoptable,
le tribunal étranger ne rendra pas le jugement d'adoption. Pour ma part,
j'ai adopté deux enfants et je dois vous dire qu'en premier lieu, mon
fils a été offert, entre autres, à sept couples chiliens
qui ont refusé. J'ai passé en dernier. Il y a des règles
là-bas. Les tribunaux de là-bas
donnent la priorité aux gens de là-bas. Ils prononcent des
adoptions en faveur des étrangers lorsqu'il n'y a pas possibilité
soit de maintenir l'enfant dans son milieu naturel, soit de le faire adopter
par des Chiliens, par exemple. Donc, ce sont les tribunaux de là-bas qui
sont les instances décisionnelles au sujet de l'adoptabilité des
enfants et sur l'adoption d'un enfant par un étranger. Ce n'est pas
l'État comme tel.
Mme Vermette: D'accord. Vous dites aussi, à la page 34 de
votre mémoire toujours: "La sécurité recherchée par
l'État doit l'être au moment de l'émission du passeport ou
du visa d'entrée." J'aimerais aussi que....
Mme Tremblay: Je dois vous dire que j'ai adopté et que
j'ai obtenu deux jugements étrangers, d'ailleurs avec
l'intermédiaire du secrétariat à l'adoption, au Chili.
J'ai eu toutes les autorisations requises. Je suis allée chercher les
deux enfants. Je peux vous dire que, pour obtenir le passeport de l'enfant, il
y a eu un contrôle très sévère de la
légalité du jugement que j'avais obtenu. Le contrôle s'est
fait au Chili même. On a vérifié que j'avais bel et bien
obtenu un jugement d'adoption d'un tribunal et on a émis le passeport.
Après cela, je suis allée à l'ambassade du Canada et j'ai
obtenu le visa d'entrée, en montrant le jugement étranger et le
passeport qui comportait une permission spéciale de sortir l'enfant. Je
ne crois pas me tromper en vous indiquant que la majorité des
États étrangers contrôlent la sortie de l'enfant par le
passeport.
Mme Vermette: Est-ce que vous avez eu connaissance qu'au cours
des dernières années, en tout cas, au cours des quatre
dernières années, il y ait eu des procès au Québec
pour, finalement, un vol d'enfant ou quelque chose comme cela? Est-ce que cela
s'est produit?
Mme Tremblay: II n'y a pas eu de procès pour trafic
d'enfants, certainement pas.
Mme Vermette: De trafic, oui.
Mme Tremblay: Pas à ma connaissance. (17 h 15)
Mme Vermette: II n'y a rien eu de cela.
Je voulais vous demander ce que vous pensez maintenant de la nouvelle
procédure qui est proposée par le projet de loi 21, de faire
entériner le projet d'adoption par le tribunal.
Mme Tremblay: Je vais vous donner mon opinion d'avocat plaideur
et de bâtonnier du SaguenayLac-Saint-Jean. D'abord, vous savez que,
quand le ministre, par exemple - tel que c'est prévu - est le seul
intermédiaire, c'est lui qui va proposer l'enfant au couple et le couple
va se présenter devant le Tribunal de la jeunesse avec son projet. Le
Tribunal de la jeunesse devra constater la régularité du projet.
C'est ce que le projet de loi 21 dit. On devra signifier la demande au ministre
qui propose l'enfant. Vous savez ce que cela veut dire. Les tribunaux
n'exercent leur rôle vraiment que lorsqu'un procès est
contesté. Il y aura impossibilité de faire une véritable
contestation devant le Tribunal de la jeunesse parce que celui qui propose
l'enfant est le ministre. Le couple, finalement, va devant le Tribunal de la
jeunesse avec le projet du ministre, signifie au ministre... Je ne crois pas
que le ministre va contester son propre projet. Je n'invente rien en vous
disant qu'actuellement - et je l'ai prouvé devant le juge Simard - c'est
cela aussi. Les gens contestés, c'était pour des projets
d'adoption privée, non pas pour des projets d'adoption publique.
L'adoption simple, c'était soulevé pour les projets d'adoption
privée, non pas pour les projets d'adoption publique.
Pendant que M. et Mme Brassard se faisaient dire non pour un projet
d'adoption simple, huit couples se faisaient dire oui pour des projets
d'adoption simple au Guatemala. J'ai demandé à M. Laurin,
chargé territorial pour l'Amérique latine, en cour: Est-ce que
vous êtes allé contester le projet de ces huit couples en cour? II
a répondu: Non, pas quand ce sont nos projets à nous. C'est cela
qu'il a dit. Vous savez, je ne suis pas d'accord avec cette situation.
Deuxièmement, je dois vous dire que, dans notre région, il
y a 2400 dossiers pour un juge. Ce n'est pas demain qu'on va avoir deux juges.
L'enfant est déjà identifié. Donc, il va falloir - cela
prend déjà deux mois pour un enfant abusé sexuellement -
attendre pendant deux ou trois mois, l'enfant étant identifié et
connu des parents, pour obtenir un aval du Tribunal de la jeunesse, dans les
conditions que je vous décris. Pour cette raison, je ne suis pas
d'accord.
Cependant, nous sommes d'accord avec l'intervention du Tribunal de la
jeunesse parce qu'on considère qu'il y a trop de pouvoirs sans appel
dans l'adoption internationale. La meilleure preuve qu'on en a, ce sont M. et
Mme Brassard. Ils se font dire oui pour le Guatémala, en mars 1986.
Lorsqu'ils veulent aller chercher l'enfant, l'enfant est mort. Ils ont attendu
pendant onze mois qu'on leur dise oui. Ils ont présenté un autre
projet absolument identique et on leur a dit: Non, c'est de l'adoption simple.
Ils se sont trouvés devant une décision finale. Ils ont
été obligés de prendre un mandamus, c'est une
procédure extraordinaire et c'est coûteux, comme une injonction
est coûteuse.
Si, dans la loi, il y avait un mécanisme de révision des
décisions de tous les intervenants par le Tribunal de la jeunesse, cela
aurait du bon sens. Donnons au Tribunal de la jeunesse son rôle de
tribunal judiciaire, non pas un rôle de tribunal administratif. Cela a du
bon sens quand il y a, par exemple, une évaluation de couple. Le
fonctionnaire nous dit: Non, vous n'êtes pas matures. Il faut pouvoir
faire réviser cela. C'est important. Egalement - je vais laisser
Marilouy Doré en parler, c'est son idée -nous pensons qu'il
devrait y avoir un conseil supérieur de l'adoption. Il y a trop de
pouvoirs sans appel et sans révision dans l'adoption internationale,
plaçant les couples devant une angoisse extraordinaire face à
l'intervenant.
Mme Doré: Cette idée, c'est que je pense qu'il y a
souvent eu des décisions qui, en tout cas, ont été
jugées arbitraires par les parents, décisions prises par le
secrétariat à l'adoption, avec toutes sortes de bonnes
rationalisations. Mais tout cela est très loin de ce que les parents
désirent. On pense qu'il serait important que le secrétariat soit
chapeauté par des gens directement concernés par l'adoption
internationale, c'est-à-dire soit des représentants d'organismes,
des représentants d'associations, des gens qui sont près de
l'adoption internationale et qui peuvent donner leur expertise sur le sujet,
comme un Conseil supérieur de l'éducation, finalement.
Mme Vermette: C'est la première fois qu'on sort cette
idée. À un moment donné, on a parlé d'un certain
contrôle parce qu'on disait: II y a certaines difficultés pour un
contrat type, dans l'évaluation et dans les recours qui peuvent rester,
d'une part, aux parents et, d'autre part, aux différents
intermédiaires. En tout cas, il semble que ce soit très difficile
à ce niveau. On nous a donné comme suggestion un conseil
d'administration qui permettrait une certaine représentation des
différentes parties intéressées par l'adoption. Vous en
demandez beaucoup plus.
Mme Doré: On pense qu'un conseil d'administration qui
serait supérieur au secrétariat à l'adoption, qui aurait
autorité sur le secrétariat à l'adoption, aurait une vue
plus restreinte de l'adoption internationale que si c'était un conseil
supérieur de l'adoption qui aurait une vue plus générale
de l'adoption au Québec, et non pas seulement... D'ailleurs, on le voit,
il y a des problèmes dans l'adoption présentement, et je pense
que le gouvernement devrait se poser des questions sur sa philosophie
d'intervention face à l'adoption. Je pense qu'il y a un gros
fossé entre ce que les citoyens désirent et la situation
réelle.
Le Président (M. Joly): Madame, merci. Mme la ministre,
s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais seulement clarifier. Il semble que,
d'un côté, Mme Tremblay, vous n'ayiez pas d'objection à ce
que le Tribunal de la jeunesse remplisse un rôle judiciaire. Par contre,
vous prétendez que l'article 114.3 confie un rôle en grande partie
administratif au Tribunal de la jeunesse. En conclusion, vous dites, à
la recommandation 9: "Que les intervenants en matière d'adoption
internationale n'aient en aucune façon le droit d'apprécier la
loi étrangère, aux lieux et place du Tribunal de la jeunesse."
Dans le fond, dans le jugement du juge Simard, ce qu'on a reproché au
ministre, c'est de rendre une décision à la place du tribunal qui
était administrative. Alors, le but que nous poursuivons, c'est
justement de retirer ce pouvoir discrétionnaire qu'on a reproché
au ministre, aux ministres en général, et justement de le
remettre au tribunal. C'était cela l'avantage d'enlever ce pouvoir
discrétionnaire et de laisser moins cela à la merci de tous les
gens, qui comme vous le dites, ne remplissent pas toujours leurs
responsabilités avec la plus grande compétence. C'est, je pense,
ce que vous avez dit un peu.
Mme Tremblay: J'aimerais discuter avec vous de cette
question-là.
Mme Lavoie-Roux: Et le remettre justement au tribunal.
En plus, comme deuxième avantage, c'est d'assurer aux parents que
dès te point de départ leur projet d'adoption soit un projet
valable, un projet avec lequel ils peuvent aller de l'avant. Cela prendrait des
circonstances extraordinaires si, par la suite, il y avait une
négligence grave des parents adoptifs vis-à-vis de leur enfant
qui pourrait faire changer la décision du juge. Je pense que ce serait
simplement dans des circonstances extraordinaires. C'est vrai qu'aujourd'hui
elles sont plus extraordinaires qu'autrefois, mais en tout cas. C'est vraiment
l'esprit de l'article 114.3, justement pour corriger ce qu'on reprochait.
Mme Tremblay: Maintenant, ce qu'il est important que vous
compreniez, et je pense qu'il faut avoir l'expérience devant les
tribunaux pour vous dire cela, vous savez, un tribunal, en toute
différence devant les tribunaux devant lesquels je pratique, si le
ministre propose l'enfant et que c'est au ministre à qui on signifie la
requête, le débat judiciaire ne sera pas long. Je peux vous dire
cela par expérience depuis dix ans. Alors, finalement, on en arrive
à un rôle de Tribunal de la jeunesse qui n'est pas
vraiment judiciaire, judiciaire dans le sens où il y a un
débat contesté, et cela m'inquiète. C'est le ministre qui
propose l'enfant, c'est le ministre qui contrôle la démarche
-ministre entre guillemets - et c'est au ministre qu'on signifie la
requête. Va-t-il contester son propre projet? Alors, comment allons-nous
avoir une véritable jurisprudence sur, par exemple, l'adoption simple,
le consentement de l'État à l'adoption? Je vous dis que non, on
n'aura pas une vraie jurisprudence, et qu'aussi cela alourdit
énormément le processus dans un contexte où l'enfant est
déjà déterminé. Vous savez, quand l'enfant est
déjà déterminé, on veut qu'il arrive dans les deux
ou trois mois suivants. Dès qu'on le sait, c'est notre enfant, et, moi,
j'ai adopté un enfant carencé et je peux vous dire que, plus vite
il arrive chez nous, mieux c'est.
Cela, c'est inquiétant. C'est bon que le Tribunal de la jeunesse
interprète les questions juridiques, mais il faut vraiment
vérifier que dans toutes les régions il y ait assez de juges du
Tribunal de la jeunesse pour faire cela. Vous savez, pqur en avoir
discuté avec l'honorable juge Albert Gobeil, du Tribunal de la jeunesse,
quand j'étais bâtonnier, c'est le tribunal auquel il manque le
plus de juges, mis à part Québec et Montréal. Est-ce qu'on
ne va pas encore nous inscrire sur une longue liste pour faire jouer,
finalement, au tribunal le rôle de "rubber-stamper", si vous me permettez
l'expression?
Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, il y en a d'autres qui ont
soulevé la difficulté des attentes possibles. Dans le fond, c'est
la même procédure que pour un placement d'enfant, dans le cas de
l'adoption interne au Québec. On me dit que cela peut varier entre deux
ou trois jours, pour s'assurer justement qu'il n'y a pas... Mais cela, c'est
une préoccupation que nous on doit avoir et je pense que vous faites
bien de la soulever, mais on l'a soulevée même avant tout
cela.
Mme Doré: Par rapport au délai, parce que je
travaille à la protection de la jeunesse, je peux vous parler d'un autre
délai dans notre région. Quand on a un enfant à placer,
à moins de le placer par mesure d'urgence, on ne réussit pas
à avoir un juge. Tantôt, Me Tremblay a parlé de deux mois,
mais moi je sais pertinemment qu'on ne réussit pas à avoir un
juge avant six mois. Il faut le placer par mesure d'urgence ou le
déplacer par mesure d'urgence pour avoir une efficacité dans ce
domaine. Alors, je ne vois pas comment on pourrait arriver à quelque
chose d'efficace concernant l'adoption internationale quand on sait que c'est
considéré par les CSS et par les tribunaux de la jeunesse comme
un luxe, l'adoption internationale. Donc, c'est très loin des
priorités.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais juste revenir sur un autre point,
c'est le dernier que je vais soulever pour laisser une chance à mon
collègue. Vous dites: Bon, c'est la ministre qui fait la requête.
Comment pourra-t-on contester la requête de la ministre? Écoutez,
ce n'est pas la ministre qui vous fait tout. Je pense que c'est l'organisme qui
va faire la proposition de jumelage au DPJ. C'est le DPJ qui va procéder
auprès... D'ailleurs, cela ne dérange pas beaucoup les juges de
contester la ministre; de toute façon, c'est leur droit, c'est leur
rôle. Je pense que c'est cela la réalité et c'est bon qu'il
y ait un pouvoir judiciaire à côté du pouvoir
législatif. Mais, il ne faudrait pas donner une sorte - je ne sais pas -
d'auréole ou de pouvoir extraordinaire à la ministre qui est,
dans le fond, une personne qui agit par délégation de
responsabilité. Ce n'est pas moi qui vais me présenter, non plus
- moi ou l'autre ministre, peu importe - au Tribunal de la jeunesse. En tout
cas, je ne suis pas sûre de cette objection que vous faites, elle n'est
peut-être un petit peu amplifiée.
Mme Tremblay: Cela me ferait plaisir de vous transmettre une
copie des notes sténographiques de l'affaire Brassard afin de mieux vous
en convaincre.
Mme Lavoie-Roux: De toute façon, on n'était
même pas supposé parler de l'affaire Brassard ici. Alors, je vais
laisser la parole à mon collègue.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître, pour la règle de l'alternance, Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Cela m'amène à vous poser une
question tout à fait naïve. Mon doux! Est-ce que vous avez
été consultés pour la rédaction du projet de loi
21? Je pense que vous auriez eu...
Mme Doré: Non, nous n'avons pas été
consultés. C'est sûr que nous sommes contents qu'il y ait une
commission parlementaire, mais elle porte sur le projet de loi et nous aurions
aimé une consultation sur l'adoption internationale, globalement, pour
toute la province.
Mme Vermette: Je me pose une autre question. Vous avez
indiqué dans votre mémoire que les organismes reconnus doivent
rester des intermédiaires avec des pouvoirs limités. Vous en
faites même une recommandation. Est-ce que vous pensez que ce projet de
loi va contrôler les adoptions privées? Est-ce qu'il va y avoir
plus ou moins d'adoptions privées, ou peut-être plus du tout? Je
voudrais que vous me donniez
quelques explications sur cela.
Mme Tremblay: D'abord, nous faisons la différence entre
une adoption privée, c'est-à-dire qui se fait sans consulter ni
le secrétariat ni le DPJ, et le projet d'adoption privée qu'on
dépose au secrétariat. Cette technique du projet d'adoption
privée, elle a été longtemps la seule façon
d'adopter au SaguenayLac-Saint-Jean, à cause du CSS. En plus de
cela, cela représente 30 % des autorisations du Secrétariat
à l'adoption internationale en général. Je vous
réfère au vécu en adoption internationale.
Tout cela pour vous dire que nous sommes en faveur du projet d'adoption
privée et nous vous disons pourquoi. Cela fait plusieurs lois que
l'Assemblée nationale adopte, il y a eu plusieurs amnisties, on n'a
jamais réussi à enrayer le projet d'adoption privée.
Actuellement, non seulement on ne l'enraie pas, mais on est en train de
s'engager dans l'adoption privée, c'est-à-dire celle qui ne se
préoccupe d'aucune règle. C'est là que cela devient
dangereux. Nous vous disons quel le trafic d'enfants se fait quand un
système est tellement répressif, tellement rigide, que c'est plus
facile finalement de passer à côté et de donner de l'argent
pour avoir un enfant que de rentrer dans le système. C'est ce qu'on vit
actuellement. Il faut arrêter d'être répressif, il faut
être attrayant. Il faut dire aux gens: Si vous avez un enfant à
identifier, venez nous voir. Au moins, cela permet de contrôler la
légalité. On sait qu'un intermédiaire peut finir
l'adoption, donc cela permet de contrôler. On peut référer
le dossier à un organisme qui, lui, obtient le jugement d'adoption.
Egalement, on peut contrôler la maturité du couple. Quand les gens
ne viennent même plus nous voir, là, c'est dangereux pour
l'enfant. On vous a donné un article de journal dans notre
mémoire. À chaque loi sur l'adoption internationale, on a eu des
clauses d'amnistie, on a voulu enlever le projet d'adoption privée. Avec
les délais actuels, on ne le peut pas. Il n'y en aura plus de projets
d'adoption privée quand le système va être efficace. En
attendant, parce que cela fait longtemps qu'on attend l'efficacité -
longtemps - il vaut mieux attirer les gens avec leur projet. Il ne faut pas
oublier que les gens qui ont leur projet d'adoption privée ne vont pas
voir une mère naturelle en général pour obtenir l'enfant.
(17 h 30)
Moi, j'ai fait un projet d'adoption privée. Qu'est-ce que j'ai
fait? Je me suis inscrite sur une liste d'attente au Chili au lieu de
m'inscrire sur la liste d'attente du Québec. J'ai eu une réponse
en neuf mois au lieu d'avoir une réponse en sept ans. On ne fait pas des
choses immorales; les listes d'attente dans les pays étrangers sont
beaucoup plus rapides que la liste d'attente du gouvernement du Québec.
C'est une réalité. Il y a plein de missionnaires aussi qu'on
connaît. Par exemple, il y a quinze missionnaires de Chicoutimi au Chili.
Vous allez trouver beaucoup d'enfants chiliens à Chicoutimi. Il faut
attirer les gens et les contrôler plutôt que de les mettre è
la porte tout de suite en partant et de ne jamais les recevoir.
Mme Doré: J'aimerais ajouter à cela que les parents
qui veulent adopter ne sont pas des fraudeurs. Ce sont des gens qui veulent
fonder une famille, qui ont souvent un problème d'infertilité
dans leur couple. La raison pour laquelle ils veulent adapter, c'est qu'ils
veulent avoir des enfants. Dans notre région, ce sont les parents qui
veulent adopter. Je travaille en protection de l'enfance et je trouve que les
parents abuseurs souvent sont mieux traités que les parents qui
désirent adopter. Je trouve cela un peu inconfortable comme
constatation. Ce que je voudrais dire par rapport eu projet d'adoption
privée, c'est que c'est en voyant l'inefficacité d'un
système que les gens essaient de se débrouiller pour trouver des
enfants. C'est seulement cela, finalement. Leur référence est
souvent un oncle qui est missionnaire dans un pays étranger depuis
plusieurs années, qui a établi sa crédibilité dans
le pays. Si le pays accepte de faire confiance à un missionnaire pour
l'adoption, c'est parce qu'il a la confiance du pays. C'est cela les projets
d'adoption privée, ce n'est pas du trafic d'enfants.
Mme Tremblay: Il y a eu 45 enfants, provenant du Pérou et
du Chili qui ont été adoptés selon le projet d'adoption
privée au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ce sont des missionnaires qui
connaissaient les gens. Il y a deux religieuses au Pérou et il y avait
également une missionnaire au Chili. Il n'y a rien d'immoral
là-dedans. Ce qu'elles ont fait, c'est qu'elles ont inscrit nos gens sur
une liste d'attente, qui est plus rapide que la liste d'attente du gouvernement
du Québec. Donc, on vous dit; Soyez efficaces, mais, en attendant que
l'efficacité arrive, et cela fait des années qu'on l'attend,
attirez les gens. Il est bien plus grave de les rejeter.
Mme Vermette: Est-ce que vous croyez que le projet de loi 21, tel
qu'il est stipulé actuellement, va apporter les corrections que l'on
attendait, qu'il va réduire les délais, qu'il va faire en sorte
que les parents vont être comblés? Qu'il y aura de moins en moins
d'ouverture vers le projet privé et qu'on va plutôt passer par les
intermédiaires?
Mme Tremblay: Pas du tout, parce que, d'abord, le projet de loi
dit que la ministre va avoir un pouvoir plus grand. Non seulement elle va agir
comme intermédiaire, mais
elle va coordonner toutes les démarches des adoptants. Ce qui
veut dire qu'il n'y a pas un adoptant au Québec qui va pouvoir
identifier un enfant. La ministre va dire: Moi, je dois coordonner toutes les
démarches de l'adoption. Donc, je pense que c'est la mort du projet
d'adoption privée, mais ce n'est pas la mort de l'adoption privée
faite sans se soucier des règles. Je trouve cela dangereux pour les
enfants, qu'ils arrivent chez nous, chez des parents qui ne sont pas
évalués. Je trouve cela très dangereux et je me dis qu'il
serait préférable, tant que le système ne sera pas capable
d'absorber la demande, d'attirer ces gens et de les vérifier bien comme
il faut. Il est préférable de faire cela. On ne règle pas
cela. Au contraire, on va créer une frustration énorme chez les
parents actuellement. Il ne faut pas oublier qu'au Saguenay--Lac-Saint-Jean,
sur dix adoptions, il y en a trois de faites par la voie privée.
Mme Doré: J'aimerais ajouter à cela, en ce qui
concerne votre question sur le projet de loi, que les parents pensent que la
difficulté avec ce projet de loi, c'est que le système est encore
alourdi par un processus supplémentaire, soit de passer devant le
tribunal. Toutes les étapes vont être contrôlées de
façon encore plus stricte qu'avant. Nous percevons cela comme un manque
de confiance du gouvernement à l'endroit des parents. Nous sommes
déçus d'un tel manque de confiance. Nous demandons le retrait du
projet de loi, pur et simple, et nous demandons qu'il y ait à nouveau un
questionnement profond. Je pense que vous posiez tout à l'heure la
question que nos parents se posent: Le gouvernement veut-il défendre
l'adoption internationale au Québec? Si c'est le cas, on aimerait le
savoir.
Mme Vermette: Vous venez de faire la mention - je pense que tout
le monde en a parlé beaucoup - d'élargir le débat
davantage, parce que je pense que vous faites appel à une nouvelle
orientation, à une ouverture d'esprit face à l'adoption
internationale. On s'attaque à des mentalités par rapport
à ce qu'on a vécu antérieurement, alors que ce que vous
êtes en train de nous dire, c'est qu'il y a des parents qui sont
prêt3 a faire un projet d'ordre privé en tenant compte des
règles et procédures du droit de notre pays, tout en étant
respectueux des droits et règles de procédure des autres pays,
c'est à peu près cela que vous êtes en train de nous
expliquer?
Mme Tremblay: Quand j'ai voulu adopter un enfant, j'ai
regardé tout le système et je me suis dit: Si je reste sur la
liste, cela prendra dix ans, j'aurai 40 ans. Déjà, je
dépassais les normes. Si le système avait été plus
facile... Si le système est trop difficile, c'est plus facile d'aller
dans un pays donner de l'argent et ramener l'enfant sans vous le dire, en
transitant d'un pays à l'autre. Vous savez, la formule, on la
connaît, ou encore déménager en Ontario ou au
Nouveau-Brunswick. Il ne faut pas prendre les parents pour des gens pas trop
intelligents, on les connaît. Mais ce n'est pas ce que les gens veulent.
Ils veulent aller vous voir, vous donner la main et dire: Voici mon projet,
êtes-vous d'accord? Avoir la chance, s'ils ne sont pas satisfaits de la
décision, d'aller en appel. C'est ce qu'ils veulent. Tant que le
gouvernement ne sera pas efficace là-dedans, il va falloir vivre avec
cela et attirer les gens. Tout ce qu'on souhaite, dans le fond, c'est que vous
ayez assez de propositions d'enfants pour qu'on n'ait pas besoin de chercher
nous-mêmes l'enfant. Cela serait bien moins compliqué.
Mme Vermette: Cela m'amène à ma dernière
question, parce qu'il me reste deux minutes, et je vais vous la poser en deux
volets. Est-ce que vous croyez que le projet de loi 21 va ouvrir plus de pays,
finalement, à l'adoption? D'autre part, si, par rapport à
certaines recommandations qui pourraient être retenues, notamment la
réticence qu'on a à reconnaître le projet privé, une
démarche privée, on me dit... Si on reconnaissait cette
démarche-là, beaucoup de parents, tout le monde s'en irait vers
l'adoption privée, ce serait beaucoup plus rentable. Est-ce que vous
croyez que le projet de loi 21 va ouvrir des pays et, d'autre part, est-ce que
vous pensez que...
Mme Tremblay: Non, il en ferme par rapport aux pays actuellement
acceptés par le secrétariat. Ne croyez pas que pour les gens
c'est la course aux bébés. Si vous pouviez leur offrir le
bébé, ils ne se donneraient pas autant de peine pour en chercher
un. Quand on apprend que c'est dix ans, on se dit: Vais-je attendre que le
gouvernement du Québec décide quand je vais devenir parent? Non,
cela ne marche pas. D'ailleurs, vous savez, quand on est trop vieux, à
37 ans, on nous raie des listes. On découvre l'infertilité
à 30 ans, on a à peu près quelques années pour
trouver un enfant. Si on s'installe sur le système public, on est
certain de ne jamais y arriver. Alors, que fait-on? Finalement, les listes
d'attente, je dois vous dire que c'est pour les gens qui ne veulent plus
vraiment, là.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la
députée. M. le député de Taschereau.
M. Leclerc: Merci, M. le Président, Mme Tremblay, je vous
reconnais tant professionnellement qu'humainement une très bonne
connaissance du dossier, c'est
indéniable. Cependant, je trouve que vous et votre organisme, en
demandant le retrait du projet de loi, allez un peu trop loin. Vous nous
donnez, depuis le tout début, un exemple que vous connaissez bien
personnellement, qui est celui du Chili mais le cas du Chili m'apparaît,
à tout le moins... Même si je ne suis pas un expert, vous
comprenez que comme législateurs c'est notre devoir de nous poser des
questions. L'exemple que vous nous donnez, le Chili, m'apparatt un bel exemple
de pays où cela va bien, etc., sauf que je pense que comme
législateur il faut voir le problème dans son ensemble et je
pense qu'on a aussi le cas du Brésil. J'ai un article qui date de 1986,
ce qui n'est pas vieux du tout, qui pose le cas du Brésil où il y
a de faux passeports, de faux actes de naissance. Je pense aussi que beaucoup
de gens ont vu une certaine émission, "Le Point", où il y avait
des receleurs, enfin, des gens pas très recommandables dans certains
pays d'Amérique du Sud qui, n'ayons pas peur des mots, faisaient du
trafic d'enfants.
Par conséquent, la question que je vous pose, c'est: Est-ce que,
en nous donnant comme exemple le Chili, ce n'est pas un peu ramener le
problème à une expression un peu plus facile parce qu'on sait
qu'il y a des pays où cela va beaucoup moins bien, où c'est
beaucoup moins beau, beaucoup moins facile et, bref, beaucoup plus croche?
Mme Tremblay: Alors, d'abord, le Chili n'est pas un bel exemple
parce qu'il vient très peu d'enfants du Chili au Québec, sauf par
l'entremise des missionnaires de Chicoutimi qui sont au Chili. Je dois vous
dire également que c'est vrai qu'il y a un contrôle au Chili. Il y
en a un également au Pérou, en Colombie, en Bolivie et dans
plusieurs pays. Je pense que le Brésil est vraiment un pays qui vit ce
problème de trafic d'enfants à outrance.
C'est évident que les fonctionnaires du secrétariat ou
qu'un organisme intermédiaire devra avoir beaucoup plus de
contrôle vis-à-vis de certains pays. Il y a certains pays
où il va falloir être plus vigilant concernant le dossier, mais,
de là à dire qu'on va interdire et que les gens vont y aller
quand même, je trouve qu'il y a une nuance. Je pense qu'il faudrait
Être imaginatif pour développer des moyens de contrôle des
projets d'adoption privés. Si on ne l'est pas, de toute façon,
soyez certain que ce n'est pas d'hier cela. C'est de toujours, vous
n'éliminerez jamais cela. Tout ce que vous pouvez arriver à
faire, c'est que, finalement, les gens aillent chercher l'enfant sans vous le
dire. C'est bien plus grave. C'est danqereux. Je vous dis: Oui, il y a des pays
plus dangereux: le Brésil, Haïti. Je pense que ce sont des pays
plus dangereux. Dans ce temps-là, on regarde plus, on cherche plus. On
s'assure d'avoir plus de collaboration des ambassades. On est plus imaginatif
pour contrôler. Si on n'est vraiment pas capable de contrôler, on
dit au couple: Écoute, il y a toujours la procédure devant le
Tribunal de la jeunesse, vas-y donc voir l'affaire si tu es capable de passer
au travers. C'est cela, le projet de loi 21.
Le Président (M. Joly): En conclusion, s'il vous
plaît, madame!
Mme Tremblay: Or, c'est cela. Je pense que ce que vous me dites
du projet de loi en adoption privée ne me convainc pas. J'ai plus peur
que les gens y aillent eux-mêmes sans se soucier de tout le monde.
Le Président (M. Joly): En respectant l'alternance, 30
secondes, Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Je voudrais tout simplement vous remercier de vous
être si bien prêtées à nos questions. ' J'ose
espérer qu'on rédigera des amendements au projet de loi. On
espère qu'on prendra en considération certaines de vos
recommandations et qu'on pourra finalement avoir un véritable
débat sur l'ensemble de la problématique de l'adoption
internationale. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Mme la ministre, en
conclusion.
Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier Mme
Doré et Mme Tremblay pour leur présentation. Je veux vous dire
qu'à certains égards on a les mêmes préoccupations,
particulièrement d'ouvrir davantage. Je pense que, par le projet de loi
21 - vous pouvez différer d'opinion - en reconnaissant l'adoption
simple, à condition qu'il y ait abandon des enfants reconnus par
l'État, et qu'à ce moment-là tous nos enfants aient les
mêmes droits, cela m'apparatt un pas en avant. Il reste du travail
à faire pour assurer que le fonctionnement des organismes reconnus soit
plus facile. ILs nous ont fait part de leurs difficultés. On va examiner
également les fonctions du secrétariat à l'adoption. Mais
une chose est certaine, il y a certains principes que le gouvernement ne pourra
pas laisser. Je pense que ce sont des principes qui ont été
adoptés à partir de 1979, d'ailleurs, en ce qui a trait... Je
suis d'accord avec vous qu'il pourra encore y avoir... Ce ne sera pas
absolument étanche, mais c'est d'enrayer le plus possible ce qu'on
appelle le trafic d'enfants. On n'a pas à se le cacher, il faut aller
dans des pays étrangers et voir ce qu'on se fait dire pour savoir que
cela se fait sur une plus grande échelle qu'on l'a laissé
soupçonner depuis le début de cette commission. Je ne dis pas que
ce sont nécessairement des Québécois, mais ce qui se passe
en Haïti, en Bolivie,
etc., c'est le résultat de difficultés avec d'autres pays.
Les pays sont intéressés à ce que les règles du jeu
soient très claires, qu'ils soient assurés de la protection de
leurs enfants quand ils viennent ici. Je pense qu'en tant que
Québécois on a à assurer la même protection aux
enfanta qu'on reçoit en adoption qu'à nos propres enfants.
Écoutez, on va relire vos recommandations, il y en a plusieurs.
Malgré tout, il y en a sur lesquelles on est sur la même longueur
d'onde. Nous allons faire tous les efforts nécessaires pour
améliorer le projet de loi 21. Je pense que d'avoir attendu plus
longtemps avant d'agir... Parce que tous ces problèmes remontent
déjà à une dizaine d'années, comme vous l'avez
mentionné vous-même, et il est temps qu'on essaie de les
clarifier. C'était le but de la commission parlementaire. On est fort
heureux de la qualité des travaux des gens qui se sont
présentés devant nous. Je pense que votre document est aussi
extrêmement intéressant. Je vous remercie encore une fois.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît: À
mon tour aussi, je voudrais remercier Mme Doré et Mme Tremblay de leur
collaboration et de leur expérience apportées. Merci
beaucoup.
Mme Tremblay: Merci. Mme Doré: Merci.
Le Président (M. Joly): Je vais demander maintenant au
groupe Adoption internationale démocratique pour enfant de prendre
place. Je demanderais aussi aux membres de cette commission... Avant de penser
à ajourner, j'aimerais demander aux membres de la commission si on peut
procéder au-delà de 18 heures. Je suspends la séance deux
minutes tout au plus.
(Suspension de la séance à 17 h 45)
(Reprise à 17 h 52)
Adoption internationale démocratique pour
enfant
Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous
plaît! Si on veut terminer, il faut commencer. Il me fait plaisir
d'accueillir maintenant l'organisme Adoption internationale démocratique
pour enfant. Je demanderais à chacun de s'identifier, s'il vous
plaîtl
M. Amborski (Edouard): Edouard Amborski.
M. Lortie (Jean): Jean Lortie.
Mme Malo (Pierrette): Bonjour. Pierrette Malo.
Le Président (M. Joly): Merci. Vous connaissez les
règles. Je n'ai pas besoin de les relire de façon qu'on puisse
gagner un peu de temps. Je vous laisse aller, M. Amborski, pour
présenter votre mémoire.
M. Amborski: Merci. J'aimerais, tout d'abord, au nom des membres
de notre association, remercier cette commission parlementaire de nous avoir
donné l'occasion unique d'être entendus sur l'adoption
internationale et de nous permettre d'apporter nos points de vue, nos
critiques, ainsi que nos recommandations.
Une description rapide de notre association. On est un petit groupe de
parents qui ont chacun une expérience de l'adoption internationale. Nous
sommes des usagers, si je peux employer le mot familier, du système de
l'adoption internationale. II y a, parmi notre groupe, soit des parents en
attente, des parents qui ont déjà adopté, des parents qui
ont suivi ou qui suivent encore le processus normal et des parents qui ont
adopté par voie privée.
J'aimerais maintenant laisser M. Lortie faire le résumé du
mémoire.
M, Lortie: Donc, sans lire tout le mémoire, j'aimerais
strictement vous montrer l'articulation des quatre points qu'on veut vous
présenter. D'une part, le contexte général donc; pour
éviter de tomber dans le juridisme étriqué où on
nous amène parfois, il y a peut-être la dimension totale de
l'adoption qu'on veut situer. Il y a, bien sûr, les problèmes
qu'on voit au Québec, on en dénombre cinq. Il y a un certain
nombre de commentaires plus spécifiques sur la loi 21. Et j'ajoute, si
c'est permis, qu'on pense que la loi 21 est une réforme globale. Je
pense qu'il faut ajouter le décret et le projet de règlement du
11 mars, si vous le permettez. Cela permet de mieux saisir l'ensemble des
démarches qui sont visées et, forcément, nos
recommandations.
Je commence par le contexte. Sur le contexte mondial, il y a des
vérités à dire toutes simples, un peu brutalement. Je me
réfère à l'UNICEF qui nous dit qu'il meurt par
année 15 000 000 d'enfants. Je me réfère ici à ce
document de l'UNICEF qui s'appelle La situation des enfants dans le monde -
1987. Pour être plus spécifique, on dit qu'il y a 9 900 00.0
enfants de moins d'un an qui meurent chaque année et que vous en avez 5
100 000 qui meurent de un à quatre ans.
En fin de compte - et c'est souvent réitéré par
tous ceux qui interviennent dans les débats - on parle du droit de
l'enfant. Je vous rappelle que, pendant que nous allons pérorer tous
ensemble, il y a environ 1600
enfants qui vont mourir au cours de l'heure qu'on va passer ensemble.
C'est juste pour vous montrer que, lorsqu'on dit qu'il n'y a pas d'enfants ou
qu'il y a des difficultés, nous, on pense que cela relève
beaucoup plus d'une myopie bureaucratique ou alors carrément d'une
méconnaissance de ce qui se passe à l'extérieur, ou d'une
volonté de ne pas bien saisir ce qui se passe dans le tiers monde.
Parce que la réalité du tiers monde au fond, c'est qu'il y
a nombre d'enfants, malgré la générosité de leurs
parents, malgré les efforts faits par les pays où ils sont, qui,
de toute façon, ont à souffrir. Au fond, les démarches de
base sont des démarches de justice naturelle avant d'être des
démarches de droit. Donc, les démarches de base qu'on veut faire,
c'est précisément les aider un peu en reconnaissant leur droit
à la vie. Grosso modo, c'est le contexte mondial, si vous voulez. On
pourra y revenir si cela vous intéresse.
De façon plus particulière, cela nous amène, bien
sûr, au contexte québécois lui-même. Première
affirmation: le fait qu'on en soit rendu à la troisième amnistie
me semble être la manifestation la plus évidente que l'adoption
internationale est forcément une réalité mal
intégrée. J'ose espérer avec vous tous que l'actuel projet
de loi ne sera pas la source de la prochaine amnistie. Donc, en ce sens, je
pense qu'il faut qu'on améliore un peu ensemble la situation de
l'adoption internationale au Québec.
Parmi les causes qui rendent l'adoption internationale difficile, il y a
l'absence d'une politique familiale qui nous permettrait de voir un peu plus
où peut se situer l'adoption. D'autre part - ce n'est pas une cause,
mais il faut le signaler également - il y a le contexte de
dénatalité dans lequel nous sommes. À notre point de vue,
l'adoption internationale doit être envisagée dans le cadre
beaucoup plus vaste du développement social et familial du
Québec. Or, cela nous semble plutôt de courte vue que de vouloir
isoler uniquement le phénomène de l'adoption; il faudra le situer
dans son ensemble.
C'est dans cette perspective que nous indiquons que l'adoption
internationale, à notre avis - et cela malgré tout le respect que
je dois à Mme la ministre - c'est un dossier gouvernemental. D'ailleurs,
le législateur, par le passé, a déjà signalé
la chose. C'est un dossier à la fois démographique et familial,
pour prendre les deux principaux points selon lesquels on doit l'envisager.
D'ailleurs, il est du devoir de la ministre de tenir compte des objectifs du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration pour
déterminer les possibilités d'adoption. Or, jusqu'ici, et
même à l'intérieur du projet de loi 21, on n'a pas
très bien senti la filiation qu'il pouvait y avoir entre - et je le
répète - le juridisme étriqué et, d'autre part, les
affirmations d'une ministre - je parie de celle des Communautés
culturelles et de l'Immigration - qui, au-delà de la blague de demander
à chaque Québécoise de faire trois enfants, dit plus
sérieusement: C'est un problème, celui de la démographie
au Québec. J'aimerais atteindre un objectif de 30 000 immigrants par
année. Récemment encore, on est en train d'enchâsser
l'immigration et de permettre au Québec d'avoir un peu plus d'initiative
dans le domaine. Il m'apparatt donc que le gouvernement, dans son ensemble,
doit se prononcer sur la position exacte de l'adoption dans l'ensemble du
processus d'immigration.
Quant à nous - et là, je vais un peu, vite - vouloir
adopter 800 ou 1000 enfants sur les 30 000 immigrants que l'on souhaite pour le
Québec, cela ne nous semble pas un effort désordonné,
d'autant plus que les parents mettent du leur pour réaliser cela et que
cela diminue, à l'occasion, les frais inhérents à
l'État. J'y reviendrai un peu plus tard.
Donc, c'est fondamentalement un dossier gouvernemental. Jusqu'ici,
malheureusement, on a trop mis le focus sur la dimension familiale, non pas
qu'elle ne soit pas importante, mais il faut voir l'ensemble. Mme Lavoie-Roux
disait, à une autre tribune: C'est un dossier complexe. Mais,
précisément, il faut le gérer dans sa complexité,
c'est-à-dire tenir compte des différents facteurs et ne pas les
réduire qu'à un aspect si noble soit-il, celui de la famille,
pour l'analyser. C'est dans cette perspective que nous vous présentons
notre point de vue.
Au-delà de cela, il y a eu un certain nombre de blocages
administratifs et politiques qui sont arrivés et je suis toujours dans
l'exposé du contexte. Finalement, le problème des parents, des
usagers et, a fortiori, des enfants, c'est qu'on est toujours face à des
discours d'intention, qu'il s'agisse des discours d'intention de la part des
organismes administratifs du gouvernement ou, parfois, des discours d'intention
politique. Nous aimerions qu'il y ait un peu moins d'intentions et un peu plus
de réalisme. Il y a, d'ailleurs, une partie du projet de loi 21 qui nous
semble très réaliste, l'amnistie, et j'y reviendrai.
Au-delà de ces discours d'intention, il faut dire, à
preuve que c'est une réalité mal intégrée, que le
nombre d'adoptions internationales a diminué. Notamment, elles sont
passées de 363, en 1982-1983, l'année de la création du
Secrétariat à l'adoption internationale, à 191, en
1985-1986. On n'a pas atteint le niveau initial de 363. En 1984-1985, il y a
eu, bien sûr, le creux de 117.
D'autre part, le secrétariat a réduit le nombre de pays
où le ministre a accepté d'agir à titre
d'intermédiaire aux fins
d'adoption. Au fond, la réalité, au Québec, c'est
que cela a diminué par un effet administratif et bureaucratique
déraisonnable, à notre avis. Ce qui nous amène à
exprimer avec un peu d'irritation notre mécontentement, c'est qu'il nous
semble ironique de voir maintenant le goût et la nécessité
de revenir à des normes et à des règles. Je fais ici
allusion à la conférence de presse donnée par le
Secrétariat à l'adoption internationale il y a quelques mois,
alors que, depuis quatre ou cinq ans, on n'a jamais eu de règles
claires, d'énoncés très clairs sur les possibilités
d'adoption, sur le cheminement à suivre.
Souvent, il y a eu des approches arbitraires et discriminatoires - dont
un certain nombre de parents dans notre groupe ont été victimes -
des moratoires qui n'ont jamais été annoncés, qui sont
dans des lettres entre organismes. Autant de gestes administratifs qui ne
respectaient pas les règles d'un organisme administratif, responsable de
l'État.
Bien sûr, d'ailleurs, se pose la question de la volonté
politique. J'espère que tantôt nous aurons l'occasion d'en
connaître les véritables fondements.
Au fond, ce qui nous est arrivé - c'est le diagnostic fondamental
- les difficultés administratives ont été
l'équivalent de la suspension, au fond, de l'application des lois
relatives à l'adoption au Québec. Que sera la nouvelle
réforme? Nous y reviendrons tantôt. Parce qu'il nous semble que
nous avons eu, jusqu'en novembre 1986, un cadre juridique explicite, clair et
adapté aux exigences et aux valeurs de la société
québécoise.
Quant à nous, nous sommes d'accord avec les quatre exigences qui
sont fondées dans ce cadre législatif et je les
répète pour qu'on soit sur la même longueur d'onde: 1°
que les règles relatives au consentement à l'adoption et à
l'adoptabilité de l'enfant soient celles que prévoit la loi du
pays d'origine. Nous sommes tout à fait d'accord avec cela. 2° qu'il
y ait un lien de filiation qui soit créé. Nous sommes
également d'accord avec cela. On ne parie pas de rupture, on reviendra
sur la technicité, ce que j'appelle le juridisme étriqué.
La troisième règle: que l'adoptant agisse par l'entremise d'un
des trois intermédiaires prévus à la loi. Oui, nous sommes
d'accord à ce qu'il y ait des intermédiaires, nous voulons des
intermédiaires responsables et qu'il y en ait plusieurs pour permettre
l'efficacité du rôle des intermédiaires. Et, finalement,
nous sommes d'accord avec le quatrième principe, soit que les parents
puissent être évalués quant à leur capacité
de remplir le rôle parental. Donc, fondamentalement, le cadre
législatif, antérieur même au projet de loi 21 avec les
quatre principes que je viens d'énoncer, nous semblait tout à
fait réaliste et conforme. Le problème, quant à nous,
c'est qu'il a été mal appliqué. Et pour cela, je l'annonce
tout de suite, il nous semble qu'il est plus nécessaire d'avoir,
actuellement, des correctifs administratifs qu'une réforme
législative. Je me réfère encore à vos propos,
madame, où vous disiez: Je fais la réforme législative et
je ferai plus tard la réforme administrative. Quant à nous, nous
sommes d'opinion que le cadre législatif est suffisant, mais que c'est
plutôt la réforme administrative qui s'impose à cette
étape-ci.
C'est globalement, donc, l'exposé du contexte. Cela nous
amène aux problèmes que nous voyons en matière d'adoption
internationale au Québec. Nous en voyons cinq. Le premier, c'est
manifestement le manque de coordination gouvernementale. Je pense ici, en
particulier, à la cohérence qu'il doit y avoir entre les
politiques d'immigration, les problèmes démographiques et,
d'autre part, les perspectives de développement familial que
défend l'actuelle ministre de la Santé et des Services sociaux.
Le deuxième problème, c'est, bien sûr, les abus de pouvoir
du secrétariat à l'adoption. J'y reviendrai tantôt au cours
des discussions s'il fallait prouver davantage ce qui a été dit
par les autres intervenants. Le troisième problème, c'est, bien
sûr, la faiblesse de l'implication des services sociaux en adoption
internationale. Au fond - et je cite à nouveau les chiffres qui nous
viennent des rapports du ministère de la Santé et des Services
sociaux - il y a 114 personnes qui travaillent dans les centres de services
sociaux sous la rubrique "adoption". Je reconnais, tout de suite, que la
rubrique est mal faite. Je dis donc au gouvernement qu'il serait heureux
d'avoir des indicateurs plus justes quant à la réalité. Au
lieu de cela, donc, il y a 114 personnes dans les CSS qui travaillent sous
l'étiquette "adoption". Malgré tout, cela a eu très peu de
retombées au niveau de l'adoption internationale. Bien sûr, nous
connaissons les problèmes des CSS qui vont dire: Bon, on a trop de
problèmes, il nous est difficile d'accorder une priorité
là-dessus. Nous aurons une solution à vous proposer, mais il
demeure que c'est un problème.
Le quatrième problème, c'est une réglementation
absente, déficiente ou secrète. Au fond, depuis 1982 en termes de
réglementation, il y a tout le temps eu des ententes entre les
organismes et le secrétariat, mais un cadre réglementaire
prescrit normalement, selon les règles d'une gestion publique efficace,
c'est-à-dire publié à La Gazette officielle, ou selon
d'autres règles, selon le type de règlements dont il s'agit, il
n'y en a pas eu. Cela a été du ouï-dire, cela a
été verbal, cela a été des lettres sur des cas
concrets et c'est une des lacunes administratives qu'il nous semble urgent de
corriger.
Finalement, le dernier point qui nous semble devenir un problème,
c'est que de plus en plus nous sentons, comme citoyens québécois,
une tension entre l'autorité politique et l'autorité judiciaire.
Faut-il interpréter cela comme une certaine démission du pouvoir
politique devant ses responsabilités sociales? En bout de course, cela
nous oblige à aller beaucoup plus devant les tribunaux pour obtenir
justice, alors que normalement nous pensons qu'on pourrait faire appel â
l'appareil de l'État qui devrait fonctionner dans le cadre de la justice
et des droits prescrits par le législateur. C'est globalement les cinq
problèmes que nous voyons.
J'aborde maintenant d'une façon plus spécifique les
commentaires sur le projet de loi 21. J'ajoute la loi 131, le décret
1728, de décembre dernier, et, bien sûr, le projet de
règlement du 11 mars. Brièvement, le projet de loi 21 nous semble
ne rien ajouter au droit en matière d'adoption internationale. On dit
qu'il le restreint. D'après moi et d'après notre groupe, le
projet de loi 21 est beaucoup plus un aménagement réglementaire
que vraiment une innovation législative et, encore là, je
réfère aux quatre points qui me semblent être les concepts
législatifs de base en adoption dont j'ai parlé tantôt.
Parmi les aspects les plus critiques qu'on voit au projet de loi - et
j'irai, quand même, très rapidement - le premier, c'est la double
démarche préalable. Cela reviendra peut-être à:
êtes-vous d'accord pour aller au Tribunal de la jeunesse avant, etc? Ce
qu'on trouve un peu onéreux, c'est, je dirais, l'épaississement
de la démocratie ou de la bureaucratie où de plus en plus tes
contrôles se multiplient. Or, il nous semble que ou bien il y a un
contrôle a priori ou bien il y a un contrôle a posteriori. Ce que
semble vouloir faire la loi 21, c'est un contrôle a priori et un
contrôle a posteriori.
Les intervenants précédents disaient: II y a un manque de
confiance dans les Québécois, il y a peut-être un manque de
confiance dans l'administration publique et il y a peut-être même
un manque de confiance dans le système judiciaire. Quant à nous,
on fait appel à une confiance et nous serions plutôt partisans
d'un contrôle a posteriori. Et pour remplacer les démarche
préalables, c'est-à-dire aller devant le Tribunal de la jeunesse,
etc., la solution qui nous semble s'imposer, qui nous semble aussi la plus
simple, c'est qu'il y ait donc une information très claire. Ce bagaqe
d'expertise dans les coffres gouvernementaux, ce bagage d'expertise chez les
juges, qu'on en fasse donc une publication simple, claire qui nous permettrait
de dire - et on vous en donne un exemple dans notre mémoire - Si vous
allez dans tel pays, voici tel type de contraintes, tel type de délais,
etc. Cela serait une économie générale.
De ce point de vue, si le projet de loi imposait ce que j'appelle un
contrôle a priori, le contrôle a priori nous semble abusif et
inefficace, dans la mesure où, bien sûr, ta recherche
d'efficacité est un des objectifs de ce projet de loi.
Les délais, bien sûr, ne s'en trouvent pas raccourcis.
C'est notre deuxième critique. Réaffirmer les
responsabilités des DPJ en matière d'adoption, voilà une
noble intention, sauf qu'ils les ont déjà, les
responsabilités. D'après moi, ce n'est pas en disant dans une
deuxième loi: Vous avez toujours ces responsabilités qu'on va
améliorer la question. Les DPJ avaient déjà une
responsabilité très claire dans le domaine des adoptions. Ils se
sont récusés pour toutes sortes de raisons. Le réaffirmer
par une loi -permettez-moi, si vous voulez, un peu d'humour - c'est un
bégaiement juridique ou législatif qui ne change en rien la
réalité.
Que les conditions de reconnaissance d'un jugement d'adoption hors
Québec soient liées à des conditions acceptables dont on
ne connaît plus les tenants et aboutissants, cela nous semble être
une régression. Nous préférons, quant à nous, les
quatre critères que j'ai énoncés tantôt et qui sont
déjà inscrits dans la loi. En effet, où seront-elles, ces
conditions applicables, où seront-elles déterminées,
comment seront-elles appliquées?
Enfin - je suis à ta page 12 de notre mémoire - deux
lacunes qui ont été également soulignées par des
intervenants précédents. D'une part, ce projet de toi ne comporte
aucun mécanisme de recours. Or, à travers tous les
méandres et les problèmes que nous avons eus, ce qui a
été te plus difficile comme expérience de parents qui ont
réussi leurs adoptions ou qui les ont ratées selon le cas - on a
des deux dans notre groupe - c'est qu'on ne savait pas où s'adresser
pour avoir un recours clair. La deuxième, bien sûr, c'est qu'on
n'y voit aucune manifestation de coordination entre les objectifs du
ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, donc
entre les objectifs démographiques et les objectifs appelons-les
familiaux si vous me le permettez.
Les critiques qu'on fait sur le décret. Bien sûr, le
décret 1728, c'est l'interprétation juridique sur l'adoption
simple et plénière. Mme Tremblay tantôt a fait une grande
partie des raisonnements que nous faisons. Je ne fais que
réitérer notre appui aux raisonnements déjà
faits.
La loi 139 s'adressait donc à une interprétation que la
ministre faisait pour encadrer le comportement des DPJ. Nous croyons que le
pouvoir de réglementation existe déjà auprès du
ministère et qu'elle n'était pas obligée de le remettre
dans la loi.
Lorsque je regarde le projet de règle-
ment du 11 mars, c'est là qu'on voit la véritable
dimension des "conditions applicables" qui sont prévues à la loi
21. Or, dans le cadre des conditions applicables, c'est la ministre qui
autoriserait les évaluations de foyer. Nous croyons que
l'évaluation de foyer est un service qui devrait être
assuré sans discrimination, sans le filtrage des critères des
différentes instances administratives. Au fond, l'évaluation de
foyer devrait être faite le plus rapidement possible à tous ceux
qui le demandent, que ce soit pour l'adoption internationale ou pour d'autres
genres d'adoption.
Au fond, l'économie générale des réformes
qui sont proposées ou qui ont été récemment
édictées au Québec en matière d'adoption
internationale ne résout en rien les problèmes qui sont
vécus. La seule chose qu'on trouve bonne dans le projet de loi, c'est
l'amnistie. Pourquoi? Parce que, dans tout le fatras juridique qu'on nous
expose, l'amnistie nous semble être la solution réaliste,
pragmatique; c'est la seule qui concerne le droit des enfants, du vrai monde
qui vit. Au fond, cela concerne, à notre connaissance, une centaine
d'enfants, et il y a peut-être aussi des enfants qui ne se
déclarent pas et qui craignent l'impérialisme du système
administratif. Mais, l'amnistie -on est obligé de gouverner par amnistie
-c'est au moins un bon réalisme de la part du gouvernement, afin de
régulariser la situation des enfants qui ont été
adoptés régulièrement dans les pays étrangers.
Donc, nos recommandations. Considérant que la réforme
n'ajoute rien aux questions de droits, considérant qu'elle
n'entraîne pas un assouplissement des procédures administratives
et qu'elle maintient, lorsqu'elle ne les alourdit pas, les démarches et
les délais rencontrés, considérant que la réforme
assujettit davantage au pouvoir ministériel et n'incite en rien les
directeurs de la protection de la jeunesse à s'impliquer ou à
accorder une plus grande importance à l'adoption internationale,
considérant l'absence du ministre des Communautés culturelles et
de l'Immigration, nous recommandons l'adoption de l'amnistie pour tous les
enfants adoptés légalement à l'étranger par des
Québécois et qui sont actuellement sans statut au Québec,
le retrait du projet de loi 21, le retrait du projet de règlement
publié à La Gazette officielle du 11 mars 1987, l'abrogation du
règlement 1728-86 et l'abrogation de la loi 139.
En termes de solutions, nous voulons une information complète -
je me suis un peu exprimé là-dessus, tantôt - une
réduction et une simplification des procédures imposées
par le Québec en matière d'adoption internationale. Nous
suggérons, pour pallier aux difficultés des CSS, l'utilisation de
travailleurs sociaux privés qui seraient dûment
accrédités pour répondre à l'ensemble des demandes
et accélérer les évaluations de foyer. Nous sommes
également d'accord pour trente secondes, M. le Président
appelons-le une table de concertation, un conseil supérieur, un
organisme doté d'un conseil d'administration qui aurait un pouvoir de
surveillance et d'avis auprès de la ministre sur l'évolution du
dossier de l'adoption internationale, et qui serait composé, à la
fois, de représentants des parents, des différents
ministères impliqués, des organismes pouvant servir
d'intermédiaires.
Comme dernière remarque, nous osons espérer que, s'il doit
y avoir un vote sur le projet de loi 21, celui-ci se prenne à partir de
la conscience des députés et non des lignes partisanes. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Lortie. Je vais
reconnaître, maintenant, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les représentants de l'Adoption internationale démocratique pour
enfant, d'être venus à la commission. Je trouve
intéressants les points de vue qu'ils font valoir.
D'abord, je voudrais reprendre une de vos premières
préoccupations, à savoir que cela devrait dépasser
l'aspect familial, que c'est un projet gouvernemental. Moi, je dirais
même que c'est presque, d'une certaine façon - quoique, parfois,
je trouve qu'on charrie avec ce terme - un projet de société.
Dans le fond, l'exercice que l'on fait aujourd'hui avec les gens qui se
présentent à la commission parlementaire, on l'a
déjà fait dans des consultations officieuses. Quand je dis
"officieuses", on ne vous l'a pas caché, mais on n'a pas
préparé ce projet de loi dans mon bureau, tout seul; il y a quand
même eu des consultations, il y en aura sûrement d'autres afin
d'essayer de tout mettre ensemble et de trouver les meilleures solutions
possible. Je pense que vous m'avez entendu dire, tout à l'heure, que
cela a été une collaboration très étroite et
très ardue -je me demandais s'il y avait un "h", mais il n'y en a pas -
du ministère des Communautés culturelles, de la Justice et des
Relations internationales; parce que toutes ces dimensions sont comprises dans
l'adoption internationale.
Cette préoccupation que vous avez de dire: Cela ne peut pas
être juste l'affaire d'un ministère, nous l'avons constaté
et on ne pourrait pas le faire tout seul, de toute façon. Je pense qu'il
faut véritablement travailler avec l'Immigration. Il y en a qui sont
venus avant vous et qui nous ont soulevé des problèmes
reliés à l'immigration. Il y en a d'autres liés à
toute la question de
la justice et il y. en a au plan international, également.
(18 h 15)
Alors, je voudrais juste revenir, compte tenu que le temps est
limité... Il y a deux endroits où vous faites des recommandations
très précises: a, b, c, d. À la page 9, vous dites: "qu'un
lien de filiation soit créé que l'adoptant agisse par l'entremise
d'un des trois intermédiaires; que la capacité d'adopter des
parents adoptants soit évaluée; que les règles relatives
au consentement à l'adoption soient celles que prévoit la loi de
son domicile." On se rend compte qu'il n'y a pas trop de problèmes
là.
Par contre, en conclusion - c'est, évidemment, comme quelqu'un se
disait, sur les moyens; on s'entend sur les principes, mais on ne s'entend pas
toujours sur les moyens - vous suggérez - je pense que c'est à la
page 15 - dans vos recommandations "l'amnistie pour tous les enfants
adoptés légalement à l'étranger par des
Québécois et qui sont actuellement sans statut." Evidemment, ce
n'est pas une chose que je souhaitais faire moi-même. J'aurais
souhaité aux différentes étapes où on a
modifié la loi, où on s'est penché sur l'adoption
internationale, que les résultats aient été suffisamment
bons pour qu'on ne soit pas obligé, pour une deuxième fois, de
recourir à une amnistie. Mais les faits étant ceux-là, sur
le plan humanitaire, je pense qu'on n'a pas beaucoup le choix.
Vous parlez du retrait du projet de loi 21 parce que vous pensez, et
cela dépend de l'interprétation juridique que vous donnez, que
cela n'apporte rien - enfin, ce n'est peut-être pas l'expression que vous
avez utilisée - que ce sont des mesures administratives et non des
mesures d'ordre juridique.
D'abord, il faut bien se rappeler qu'à partir de 1983 et
même à partir de la révison du Code civil il y a eu
différentes interprétations qui ont été
données. L'intention du législateur à ce moment-là,
en tout cas - parce que c'est l'interprétation que le ministère
de la Justice a donné par la suite - était que seule l'adoption
plénière avait droit de cité dans l'adoption
internationale au Québec. C'est surtout depuis ces années que les
problèmes d'interprétation sont survenus, que cela a
été une cause importante et supplémentaire de
difficultés. Nous croyons, nous, que le projet de loi 21 va justement
clarifier ce que le législateur voulait vraiment. Et nous, on dit qu'on
veut l'adoption plénière compte tenu du principe de
l'égalité de tous les enfants au Québec. On y ajoute
l'adoption simple là où le gouvernement autorise l'adoption des
enfants soit parce qu'ils abandonnés, etc. Pour nous, c'est un
élément important.
L'autre chose - et c'est revenu à plusieurs reprises dans le
débat sous des formes différentes - ce serait que la Loi sur la
protection de la jeunesse nous donne - et je pense que vous y faites allusion -
des "pouvoirs", entre guillemets, qui sont déjà là.
Pourquoi revenir avec cela?
Ce que la Loi sur la protection de la jeunesse, en particulier l'article
72.1 nous donne, c'est strictement relié à l'adoption interne au
Québec. Évidemment, le ministre l'a utilisé pour baliser
certaines choses, mais cela ne touchait pas l'adoption internationale. C'est
l'autre chose. Je ne veux pas entrer dans tous les détails du projet de
loi.
Au sujet du retrait du projet de règlement publié à
la Gazette officielle le 11 mars 1987, je dois vous dire que, dans ce
sens-là, je trouvais peut-être une certaine contradiction dans
votre mémoire. D'une part, vous trouvez que certaines choses sont trop
contrôlées, trop réglementées et, d'autre part, vous
nous faites le reproche que les choses ont été aussi trop floues.
C'est pour cela qu'il y avait un règlement dans le but de clarifier les
responsabilités respectives de chacun, afin que chacun ne décide
pas, si, comme vous le dites, cela a été le cas, d'imposer sa
volonté. Même, à certains égards, on peut avoir
été injuste, je le dis sans arrière-pensée. Le
règlement avait pour but de clarifier ces responsabilités
respectives. Il ne sera pas tel qu'il a été
présenté à la Gazette officielle du 11 mars 1987
par la force des choses parce que, à ce moment-là, le projet de
loi 21 n'était pas sur la table et il va falloir le modifier en fonction
de ce que sera en fin de compte la loi 21.
L'abrogation du règlement - je pense que vous faites allusion au
décret - 1728-86. Par la force des choses, il va disparaître, il
va devenir caduc parce qu'il sera remplacé par la loi. À ce
moment-là, je dois vous dire que, selon l'interprétation du
ministère de la Justice, on ne créait pas de droit nouveau,
c'était l'interprétation que l'on faisait des lois qui
réglaient l'adoption internationale au Québec et c'était
pour clarifier des ambiguïtés. Brièvement, car vous avez
hâte de réagir...
Le Président (M. Joly): II ne vous restera plus de
temps.
Mme Lavoie-Roux: II dit qu'il ne me restera plus de temps; il a
bien raison. Je vais arrêter ici et je vais vous laisser réagir.
S'il me reste trois minutes, je reviendrai.
M. Lortie: Juste sur un tout petit point.
Mme Lavoie-Roux: C'est juste mes 10 minutes, pas mes 20.
M. Lortie: Sur plénière et simple. Je vais vous
expliquer. La loi 21, on pense que
ça n'apporte rien. C'est que nous sommes d'opinion que
déjà, avec l'article 594 ou 596, l'enfant adopté à
l'étranger a les mêmes droits et le même statut qu'un enfant
né au Québec. Dans la mesure où on partage le même
objectif, à savoir d'assurer à l'enfant des droits et un statut
égal pour lui offrir, au fond, l'égalité, parce qu'il est
adopté avec tous les autres Québécois, nous croyons que,
déjà, cette disposition du Code civil lui donne les mêmes
droits. Dans ce sens-là, nous ne croyons pas, donc, que la loi 21
ajoutait à la loi. Au fond, nous, on pense qu'une loi doit
améliorer le cadre législatif. Les quatre principes que nous
avons énoncés sont déjà dans la loi.
Je pensais que vous vouliez apporter une correction et cela, c'est tout
le problème du débat juridique sur, au fond... L'objectif
derrière cela - laissons les technicalités - c'est que les
enfants adoptés aient un statut clair et des droits égaux
à ceux des Québécois. Nous partageons cet objectif. Par
contre, en vertu de cet article du Code civil qui confère à un
enfant, même adopté à l'étranger, les mêmes
droits dans la mesure où l'adoption est reconnue ici, nous ne croyons
pas nécessaire, donc, d'exiger une adoption plénière,
etc.
Mme Lavoie-Roux: Non, on ne reviendra pas là-dessus, parce
que je pense que...
M. Lortie: Non, je fais juste vous donner le...
Mme Lavoie-Roux: ...il y a, de toute évidence, une
divergence d'interprétation juridique sur ce point particulier. Je pense
qu'on est comme les juges. Ils n'étaient pas tous du même avis.
J'ai l'impression que nous non plus. Maintenant, dans les recommandations que
vous... Pardon?
Le Président (M. Joly): Terminé.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui, je n'ai plus le droit de parler. C'est
vrai.
Le Président (M. Joly): II vous reste une minute, mais si
vous voulez échanger...
Mme Lavoie-Roux: Non. Aviez-vous d'autres commentaires? On va
passer la parole à l'Opposition et je reviendrai.
Le Président (M. Joly): Je reconnais maintenant Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: II me fait plaisir, au nom de ma formation
politique, de vous recevoir à cette commission parlementaire et je
voulais aussi vous démontrer mon appréciation. Lors de la lecture
que j'ai faite de votre mémoire, il m'a semblé, à certains
égards, très sévère pour la situation à
laquelle nous sommes confrontés actuellement. Vous apportez une analyse
froide de la situation et, même si vous êtes des parents et que
vous avez dû subir certains délais, je pense que vous avez
tenté de montrer d'une façon objective, le plus possible, les
carences qui pouvaient exister actuellement en ce qui concerne le processus de
l'adoption internationale.
Vous avez formulé plusieurs recommandations. Je voudrais tout de
suite commencer avec certaines choses. Au début de votre mémoire,
à la page 10, vous avez parlé de vos cinq points. J'aimerais que
vous m'expliquiez sur quoi vous vous êtes basés pour soulever ces
cinq points-là, d'une part. J'aimerais que vous me donniez beaucoup plus
de précisions là-dessus, s'il vous plaît!
M. Lortie: Sur les cinq?
Mme Vermette: Oui, si c'est possible ou s'il y en a...
Attendez.
M. Lortie: On risque d'écouler vos dix minutes.
Mme Vermette: Finalement, vous êtes là pour
expliquer une situation. Alors, je pense que je ne suis pas ici pour
parler.
M. Lortie: Allons-y brièvement. Sur le manque de
coordination gouvernementale, j'ai dit tantôt que le cadre
général, c'est, bien sûr, l'Immigration et la Santé
et les Services sociaux. Il y a plus aussi. Là où cela nous a le
plus manqué, c'est à l'intérieur même du bloc des
affaires sociales. Vous aviez des niveaux de responsabilité. Vous aviez
l'instance ministérielle, vous aviez les organismes administratifs et
vous aviez les organismes qui pouvaient agir à titre
d'intermédiaires.
Or, ce qui nous semblait évident, c'est que le mandat de
coordination, c'est-à-dire d'assurer la cohérence des gestes
administratifs, n'a été exécuté nulle part, de
telle sorte que, à notre avis et sans personnaliser à outrance,
il y a eu un certain nombre de cas où le secrétariat a
envoyé des lettres à des organismes en disant des choses qui
n'étaient pas fondées en droit, dont on a été
victime et on a dû aller en cour pour obtenir justice. Donc, je joins un
peu les deux premiers éléments.
Quant à "la faiblesse de l'implication des services sociaux en
adoption internationale", la raison est toute simple: c'est le manque
d'évaluation de foyer. Le système était suffisamment
étanche que, malgré notre bonne foi et malgré nos
démarches, on nous disait: Nous ne faisons pas l'évaluation parce
que le secrétariat nous a dit que votre projet n'était pas
admissible; alors que nous étions d'opinion et nous avions
confiance jusqu'à ce qu'on s'y présente - que Ies
différents organismes étaient responsables, autonomes et capables
d'exercer leurs responsabilités, qu'il s'agisse du ministère, du
secrétariat ou des CSS. Comble de l'ironie, à la dernière
minute, des évaluations de foyer ont été faites
après qu'on a eu des adoptions. Mais on n'a jamais eu les raisons
invoquées pour l'absence d'évaluation, pas plus que de raisons
qui militaient en sa faveur. Suprême ironie, -car, bien sûr,
madame, vous avez raison, le ministère de la Justice est impliqué
- on a même eu droit à des enquêteurs qui sont venus chez
nous, sans savoir de quoi on était accusé. Je ne veux pas faire
de drame inutile, mais c'est seulement pour montrer le caractère un peu
fangeux, un peu marécageux, à travers lequel on a
été obligé de passer. Ce sont des expériences
concrètes.
On ne revendique pas des droits et on ne fait pas de la théorie.
Ce sont des expériences vécues. Il y a ici quatre familles qui
ont reçu quelqu'un du ministère de la Justice pour
enquêter. Si on est coupable d'avoir voulu adopter, on voudrait qu'une
fois pour toutes ce soit limité. Je ne vous en fais pas porter la
responsabilité actuellement, c'est seulement pour montrer en quoi
l'absence de réglementation claire a donné lieu aux abus dont on
parle.
Quand on parle de "réglementation absente, déficiente ou
secrète", au fond, c'est de la discrimination. Les intervenants
précédents parlaient d'âge. Au fond, la question la plus
simple qu'il faut se poser, c'est: Est-ce qu'il faudra aller en Cour
suprême pour invoquer cette fameuse charte à laquelle le
Québec vient d'adhérer il n'y a pas si longtemps pour
connaître clairement quels sont les droits des enfants, bien sûr,
nous en sommes, nous en avons parlé tantôt - mais aussi le droit
des parents? Cela fait partie, Mme la ministre, de la complexité, mais
nous estimons avoir des droits. L'adoption, c'est un droit et non un
privilège, comme l'ont laissé croire et comme l'ont dit certains
responsables du secrétariat à l'adoption. C'est le contexte
global dans lequel on se situe.
Autorité politique, autorité judiciaire. Ce qui nous
semble un peu malencontreux actuellement, c'est qu'on doive, de plus en plus,
aller en cour pour connaître la justice et le droit, alors que nous
aimerions que la responsabilité politique s'exerce de façon
suffisamment claire, autonome et efficace, et que les instances politiques, et
surtout d'administration publique, appliquent les lois d'une façon qui
serve les enfants et les parents. Je vous laisse quatre minutes.
Mme Vermette: Non, mais je vous écoutais. J'étais
tout oreilles à votre discours, car je trouve cette question importante.
Vous semblez aussi, en ce qui concerne le râle du secrétariat,
mettre en exergue certaines affirmations. Est-ce fondé ou si ce sont
simplement des ou?-dire de votre part?
M. Lortie: Écoutez, là, je veux seulement faire un
petit portrait. Tantôt, je parlais des discours d'intention... Soyons
clairs, au mois de février, on annonce qu'on pouvait adopter
peut-être dans quatre ou cinq pays. Au mois de mars, à une
émission de télévision, on fait la liste et on est rendu
à neuf pays. On dit qu'on veut agrandir le bassin. On a dit aussi, en
février, lors de la conférence de presse du Secrétariat
à l'adoption internationale, qu'au Québec on avait pu adopter
dans 21 pays.
Fondamentalement, qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné
c'était légal d'adopter dans 21 pays et que, tout d'un coup, ce
n'est plus légal d'adopter dans 21 pays"' C'est ce à quoi je fais
allusion. Lorsqu'on dit, au moment de la présentation du projet de loi
21, qu'on va agrandir le bassin, on comprend et on espère qu'on va au
moins retrouver le bassin qui existait déjà et qui était
déjà admissible au Québec. Ce n'est pas d'un
agrandissement du bassin; il s'agit de revenir à ce qui avait
déjà été la normalité au Québec. Nous
aimerions savoir, si possible, lorsqu'on se parle, au 7 mai, dans combien de
pays nous pouvons adopter.
Mme Vermette: Vous dites, un peu plus loin dans votre
mémoire, à la page 13, que les excès de juridiction du
secrétariat à l'adoption deviennent maintenant les règles
du jeu. En quoi deviennent-ils les règles du jeu?
M. Lortie: On "intuitionne" qu'en regard du projet de loi 21 les
responsabilités et les devoirs qui seront impartis au ministre seront
déléqués au secrétariat. Or, on dit à ce
moment-là: Ce que le secrétariat faisait déjà comme
abus de pouvoir deviendrait probablement la règle du jeu à ce
moment-là, c'est-à-dire que les comportements coercitifs qu'ils
ont eus et qui n'ont pas du tout aidé à l'adoption, malgré
les discours d'intention, se trouveraient confirmés à
l'intérieur de la réglementation qui se dégage du projet
de loi 21. C'est dans ce sens-là qu'on propose plutôt des
intermédiaires, le maintien des trois types d'intermédiaires qui
existent, c'est-à-dire te ministre et, par voie de conséquence,
le secrétariat, les directeurs de la protection de la jeunesse et,
finalement, les organismes dûment accrédités par le
ministre de façon qu'il y ait trois types d'intermédiaires qui
permettraient de répondre à la diversité des besoins et
à la diversité des situations régionales qui existent dans
la province.
Mme Vermette: Est-ce que vous seriez
en faveur d'un changement de structures au niveau du secrétariat
- différentes formules ont été avancées - ou de la
création d'un conseil supérieur à l'adoption?
M. Lortie: À ma connaissance, cela a été
créé d'une façon temporaire pour deux ans en 1982. Cela a
été renouvelé en 1984. Cela a permis de diminuer le nombre
d'adoptions. Quant à nous, il n'y a plus besoin d'un secrétariat
à l'adoption, mais d'un organisme-conseil, d'un organisme de
surveillance composé des différents intervenants,
c'est-à-dire des représentants des différents
ministères, des organismes qui servent d'intermédiaires et des
parents.
Mme Vermette: D'accord. Il y a différents aspects dans
votre mémoire: l'humanisation, l'évaluation qui est faite. On dit
que l'évaluation des parents est assez aléatoire et, dans
certains cas, qu'il n'y a pas de recours aussi. À l'heure actuelle,
est-ce qu'il existe des recours si la demande d'un parent n'est pas reconnue ou
ne convient pas?
M. Lortie: II y a des comités de plaintes qui servent de
tampon. Selon l'expérience qu'on a - certains d'entre nous ont
commencé à les utiliser depuis deux ou trois mois - c'est
vraiment un tampon, c'est-à-dire que ça se continue. Par
ailleurs, ce qui est étonnant c'est qu'en matière
d'évaluation les critères d'évaluation n'ont jamais
été rendus publics et, pour ceux qui ont été
parfois publicisés - j'ai eu l'occasion de le démontrer au CSSMM-
à Montréal - ce sont des critères discriminants, des
critères d'âge, par exemple. Cela nous semble complètement
erroné. Il faudrait que ces critères-là - cela revient
à notre revendication première, à savoir qu'il y ait de
l'information sur l'ensemble - soient énoncés soit par l'instance
ministérielle, soit par une instance administrative, qu'ils soient
même débattus et qu'ils deviennent des règles du jeu
clairement annoncées. Pas besoin d'aller au Tribunal de la jeunesse pour
ça. Qu'une fois pour toutes, on annonce ces critères.
Mme Vermette: Une fois que ces critères seront clairs et
bien énoncés, est-ce que vous voyez toujours l'utilité des
CSS? Dans certains mémoires, on nous a fait la recommandation de passer
par des cabinets privés pour l'évaluation, compte tenu des
délais, parce qu'on manque de ressources dans les CSS.
M. Lortie: C'est une béquille de taxation. On ne sait pas.
Nous disons que, finalement, derrière toutes ces arguties
bureaucratiques, il y a souvent des cas qui exigent qu'on agisse rapidement. De
ce point de vue là, même si c'est discriminant, nous sommes d'avis
qu'il devrait y avoir possibilité d'utiliser des évaluations
faites par des travailleurs sociaux dûment accrédités et
rémunérés par les parents.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître le député de Taschereau du côté
ministériel.
M. Leclerc: Vous semblez très connaisseur en la
matière. Je vous ai, d'ailleurs, déjà écouté
à quelques reprises à d'autres forums.
M. Lortie: C'est le défaut des citoyens, maintenant.
M. Leclerc: Non. Je pense que c'est bien que les citoyens se
prennent en main. Vous êtes très très dur dans votre
jugement sur l'appareil gouvernemental, les structures, etc.
M. Lortie: Oui, monsieur.
M. Leclerc: Ce qui est votre droit aussi.
M. Lortie: Parce que j'ai adopté et nous avons des
enfants. Ce ne sont pas des intentions, c'est d'expérience que nous
parlons. Je m'excuse, je vous ai pris 30 secondes.
M. Leclerc: Non, non, écoutez! Le temps est aussi bien
pour vous que pour moi. Donc, vous portez un jugement extrêmement
sévère sur les mécanismes actuellement en place, ce qui
est votre droit, parce que je pense que certains d'entre vous, peut-être
me direz-vous tout le monde, ont eu de mauvaises expériences. Il y a des
raisons fondamentales pour que vous portiez de tels jugements. Je pense - je
n'ai pas l'expérience que vous avez en adoption -que, compte tenu de la
complexité de la démarche, il y aura toujours
nécessité de mécanismes un tant soit peu complexes. Ce que
j'ai du mal à cerner chez vous, c'est cette nuance-là. Vous
semblez un petit peu, je dirais même, intransigeant face à ce
qu'il y a actuellement comme mécanismes.
Évidemment, vous avez le point de vue du parent adoptant qui dit:
S'il y avait moyen que cela se règle au plus vite. Je vous comprends, si
j'étais dans votre peau, je penserais probablement la même chose
que vous, sauf que, comme législateurs, je pense que c'est notre
responsabilité que cette démarche, qui est importante et
sérieuse, soit encadrée.
Ma question est bien précise: Est-ce que vous reconnaissez
qu'au-delà de votre opinion de parents adoptants ayant eu des
problèmes - je suis bien désolé que vous en
ayez eu - le législateur se doit d'avoir des
mécanismes...
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, nous sommes
appelés à accomplir un autre de nos devoirs. Nous devons
retourner en Chambre.
Mme Lavoie-Roux: II nous reste combien de temps M. le
Président?
Le Président (M. Joly): II nous reste quinze minutes,
madame.
Mme Lavoie-Roux: II nous reste quinze minutes.
Le Président (M, Joly): J'imagine que vous aimeriez...
Mme Lavoie-Roux: Avez-vous des objections è attendre?
Le Président (M. Joly): Vous aimeriez terminer. Nous
devons suspendre pour la durée du vote.
M. Lortie: Oui, qui peut prendre quoi?
Le Président (M. Joly): Et on peut vous revenir. Qui peut
prendre une quinzaine de minutes.
M. Lortie: Écoutez, compte tenu de la rigueur qu'on exige
de l'administration publique, on voudrait que la responsabilité
politique s'exerce avec autant de rigueur. C'est avec plaisir qu'on vous permet
d'exercer votre devoir, mais je répondrai à votre question.
Le Président (M. Joly): Tâchez de ne pas
l'oublier.
M. Lortie: Oui, oui, et je vais y penser à part cela.
Le Président (M. Joly): Nous allons suspendre pour la
durée du vote.
(Suspension de ta séance à 18 h 37)
(Reprise à 18 h 41)
Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des affaires sociales reprend ses travaux. La parole
était à M. Lortie, je crois.
M. Lortie: Non, non. ...questions à compléter, j'en
suis convaincu.
Le Président (M. Joly): La parole est au
député de Taschereau.
M. Leclerc: J'ai pris bien garde de dire que j'en étais
rendu à la conclusion de ma question. Vous me permettrez de faire juste
un petit retour en arrière pour qu'on s'y retrouve tous.
D'abord, vous avez eu des paroles relativement dures à l'endroit
de tous les mécanismes gouvernementaux et notamment vis-à-vis du
secrétariat à l'adoption. Par conséquent, si vous ne voyez
plus ou pas le secrétariat à l'adoption dans le décor,
comment, comme législateurs, pourrions-nous à ce moment-là
nous assurer, et par quels organismes, quelle façon et par quels moyens,
pourrions-nous assurer que cette démarche importante se fasse pour le
meilleur intérêt des enfants et des parents?
M. Lortie: Sur le point spécifique que vous soulevez, nous
croyons que l'organisme qui pourrait remplacer le secrétariat devrait
tenir compte de la complexité de l'adoption et il ne serait pas
uniquement lié à la dimension familiale, mais il tiendrait compte
aussi des facteurs démographiques, etc., en cause. Cela nous
ramène donc à cette table de concertation au conseil
supérieur, comme il se doit.
Par ailleurs, je partage avec vous le problème de la
responsabilité du législateur. À mon avis - et je crois
deviner les intentions du gouvernement dont vous faites partie - une certaine
confiance se fait auprès des Québécois et les organismes
qui seraient dûment mandatés par un contrat clair par la ministre
auraient une reddition de comptes. Pour les administrateurs publics, on appelle
cela de l'imputabilité, mais, pour des organismes
bénévoles, il pourrait y avoir un mécanisme de reddition
de comptes périodique qui vous permettrait d'être au courant de
tout ce qui se passe. Pour que ce soit efficace, il est important que
l'ensemble du système ait une souplesse telle qu'il retrouve sa
crédibilité auprès des Québécois en premier
et qu'ensuite on puisse nous-mêmes, car on y va dans les pays
étrangers, dire: Oui, on passe par notre gouvernement, on passe par les
instances officielles. C'est uniquement cela qui est en cause.
Vous percevez votre responsabilité comme devant faire des
contrôles a priori, c'est-à-dire créer un cadre
législatif et réglementaire a priori. Avec tout le respect que je
vous dois, vous avez probablement fait l'expérience qu'on ne peut
modifier aucun cadre législatif ayant la souplesse nécessaire
pour tenir compte de la vitesse de l'évolution des
sociétés dans lesquelles nous sommes. Or, il m'apparaît
beaucoup plus normal de penser à définir des règles,
à donner l'information sur ces règles et à faire ce que
j'appelle les contrôles a posteriori. Ainsi, vous multipliez les
organismes et ils vous rendent des comptes. Je ne doute pas de la rigueur avec
laquelle le législateur
pourra demander cette reddition de comptes aux organismes qu'il aura
accrédités.
Ce qui nous étonne un peu, c'est qu'on sent un certain dirigisme
social, alors qu'au plan économique on sent qu'une certaine souplesse
doit s'exercer et on laisse une certaine liberté d'initiative aux
entrepreneurs, etc. Pourquoi n'auriez-vous pas une idée globale
directrice, un peu saine, un peu ouverte, un peu libre, fondée sur la
confiance dans les Québécois et leur capacité
d'initiative?
Je vous donne un exemple très concret. Vous parliez du
Brésil tantôt. J'ai moi-même adopté au Brésil.
Je n'ai pas volé d'enfants.
Une voix: ...
M. Lortie: Pardon? Non, non. Je ne le vous dis pas à vous.
Mais c'est parce qu'à cette image que vous donniez tantôt du haut
du perchoir gouvernemental, j'ai opposé une autre image qui est celle
d'une expérience.
M. Leelerc: Non, non. Ce n'est pas moi qui donnais une image.
C'était un article d'une revue très sérieuse. Je n'ai pas
d'image à donner à personne; d'accord? d'aucun pays.
M. Lortie: Très bien, monsieur. Ce n'est même pas
vous. Des articles citent, on dit... Alors, évidemment, gérer par
ouï-dire, c'est une façon. On serait mieux de gérer par une
meilleure connaissance de la réalité. Si je prends le cas du
Brésil, notamment, écoutez, tous ceux qui ont adopté au
Brésil... C'est sûr qu'il y a eu des abus. Je ne veux pas nier les
abus.
M. Leclerc: Quand vous dites "gérer par ouï-dire", je
ne sais pas si vous avez vu la même émission que moi, "Le Point",
mais...
M. Lortie: Oui, monsieur.
M. Leclerc: Excusez l'expression, mais cela m'a convaincu... Je
ne me souviens plus de quel pays...
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître la députée de Marie-Victorin.
Une voix: Pardon?
Le Président (M. Joly): Mme la députée.
Mme Vermette: En fin de compte, c'est parce qu'on parlait
beaucoup de la confiance. C'est une chose sur laquelle vous revenez beaucoup
ici dans votre mémoire et, même tout au cours de votre
exposé, vous l'avez marqué beaucoup. Il faudrait peut-être
que les différents intermédiaires démontrent un peu plus
de confiance mutuellement. De quelle façon cette notion de confiance
pourrait-elle se traduire concrètement?
M. Lortie: Concrètement, c'est d'aérer le
système, c'est-à-dire d'établir des structures plus
larges, plus souples, qui fonctionnent mieux. Au-delà de ces grands
propos, ce que cela signifie, c'est bien sûr créer cette table de
concertation ou ce conseil supérieur; deuxièmement,
développer cette idée qui a été
présentée avant nous du projet d'adoption privée. En
d'autres termes, dans la mesure où toutes les instances gouvernementales
ne peuvent pas, a priori, créer les conditions qui satisfont l'ensemble
des besoins d'adoption, qu'un projet d'adoption privée puisse être
intégré à l'intérieur des mécanismes et
reconnu.
Qu'est-ce qu'un projet d'adoption privée? Ce n'est pas une
adoption privée ou un vol d'enfant. Ce sont précisément
des démarches particulières faites individuellement qu'on veut
intégrer à l'intérieur de la reconnaissance de l'adoption
au Québec.
Mme Vermette: Vous êtes un des premiers groupes qu'on a
entendus à part le groupe précédent à relever le
volet de l'adoption privée. La plupart des parents ont toujours
parlé seulement du rôle des intermédiaires qui devraient
finalement oeuvrer ou être habilités à entreprendre les
démarches pour une adoption. Actuellement, c'est un nouveau volet.
Seriez-vous d'accord pour autant qu'il y ait des procédures de
contrôle par rapport à ce geste?
M. Lortie: Quand on vous signale cela, c'est strictement notre
expérience. Qu'est-ce qu'on a fait? Je prends encore l'exemple du
Brésil. Il y a un autre document sérieux qui dit qu'il en est
mort 3 500 000 de 1980 à 1985. Il y a une sécheresse dans le
nord-est du Brésil. Fondamentalement, si on avait attendu les instances
gouvernementales ou administratives, de part et d'autre, que le Brésil
nous propose des enfants... Écoutez, soyons sérieux. Cela ne se
passe pas comme cela. Ce sont des gens qui étaient là, qui
voyaient des enfants mourir, qui les ont rapportés à des
organismes et nous avons entrepris des démarches, nous avons
essayé de nous légaliser, d'introduire ces démarches ici
au Québec. Cela nous a été refusé. Aucun
intermédiaire n'a rempli sa responsabilité
d'intermédiaire.
Mme Vermette: Cela veut dire que, finalement, il y a autant de
problèmes avec les intermédiaires qu'il peut y en avoir avec
les...
M. Lortie: C'est peut-être conjoncturel. Tout ce que je
souhaite, c'est que le gouvernement actuel reconnaisse de façon claire
un
plus grand nombre d'intermédiaires, leur laisse la latitude
voulue pour exercer des responsabilités dont ils rendront compte et que,
nous, à l'intérieur de cela, lorsque toutes les grandes instances
ne fonctionnent pas, on puisse introduire des projets d'adoption privée,
c'est-à-dire que, lorsqu'il y a eu un repérage d'enfants,
lorsqu'il y aura dans le pays où se fait l'adoption reconnaissance et
jugement d'adoption, ce soit une adoption admissible au même titre qu'une
adoption dûment prévue et patentée par des agences
gouvernementales.
Mme Vermette: Est-ce que vous êtes très conscients
que ce que vous venez d'affirmer est un changement de cap par rapport à
l'adoption qui se pratique ici au Québec, en tout cas même s'il y
a eu certains projets qui se sont faits par l'entreprise privée ou par
un geste privé et que cela n'a jamais été reconnu d'une
façon officielle même si la plupart des cas qui seront
amnistiés seront ces cas-là?
M. Lortie: J'ose croire qu'une telle commission est là
pour assurer l'évolution d'un tel dossier.
Mme Vermette; Ah! Vous souhaitez que, finalement, ce soit un des
volets sur lesquels on puisse se pencher au cours des prochains jours.
M. Lortie: II me semble important, pour ce qu'on appelle le
projet d'adoption privée, c'est-à-dire lorsque toutes les
instances ne fonctionnent pas, que des démarches personnelles puissent
être intégrées en respectant - je ne remets pas en cause ce
que nous avons dit - les quatre exigences législatives
déjà là et qui sont citées à la page 9 et
qu'un organisme ou une agence, peu importe, puisse intégrer un tel type
de projet. Fondamentalement, ce qui est en cause, c'est la vie même des
enfants. Dans la mesure où des enfants ont besoin d'être
aidés, mais qu'il n'y a pas, en contrepartie dans le pays où se
fait l'adoption, d'agence gouvernementale... Je reprends encore un exemple que
je citais tantôt: on part du nord-est du Brésil où il n'y a
pas d'orphelinat, où il n'y a pas d'organisme comme ça. Je n'en
fais pas grief au Brésil, ils ont leurs propres contraintes. Mais dans
la mesure où on peut aider ces enfants-là, pourquoi ne
pourrions-nous pas nous-mêmes signaler les cas et faire évoluer le
dossier le plus possible à la lumière de l'information qui nous
aurait été donnée au préalable par nos agences
gouvernementales, qu'on l'introduise et qu'on fasse reconnaître le
jugement d'adoption qu'on aura obtenu là-bas?
Mme Vermette: II y a un autre volet que vous avez...
Mme Malo: Je m'excuse, madame. Est-ce que je peux ajouter quelque
chose?
Mme Vermette: Oui, oui, allez-y!
Mme Malo: Je voudrais comprendre pourquoi c'est accepté
partout dans le monde et ailleurs dans d'autres provinces, alors qu'ici ce
n'est pas reconnu, ce que monsieur disait.
Mme Vermette: Est-ce que vous avez vraiment des statistiques
à ce sujet-là? Est-ce que vous pouvez nous démontrer que,
dans les autres pays ou ailleurs, il n'y a pas eu d'inconvénient
à procéder de cette façon-là et qu'il n'y a pas eu
de poursuites devant les tribunaux pour rapt d'enfants, etc., ou qu'il y aurait
eu des prix éhontés aussi parce que, finalement, ça peut
entrer en ligne de compte?
M. Lortie: II y a peut-être une mauvaise
interprétation. Ce que j'appelle un projet d'adoption privée,
c'est dans la mesure où, au lieu d'avoir des propositions sur des listes
informatiques échangées entre gouvernements, c'est un cas
particulier qu'un individu, qu'une famille québécoise peut
apporter auprès de l'intermédiaire, auprès du DPJ pour
avoir son évaluation de foyer pour accomplir les mêmes exigences
qu'une adoption établie sur le marché gouvernemental des
adoptions. C'est juste ça. Je voudrais quand même qu'il n'y ait
pas maldonne sur l'interprétation. J'ai l'impression qu'il y a deux
visions de l'adoption dite privée, c'est-à-dire ce geste
personnel fait en marge de tout contrôle gouvernemental ou au
Québec ou dans le pays d'adoption. Soyons clairs: Nous ne sommes pas
d'accord avec ce type de processus. Par contre, ce qui s'appelle le projet
d'adoption privée, c'est que le repérage des enfants, le
repérage des besoins des enfants, ce n'est pas toujours de gouvernement
en gouvernement que ça se fait.
Dans la mesure où il y a un dossier minimal où on a un
certain nombre d'informations, ce projet devrait être
déposé pour recevoir l'aval et le soutien d'un organisme qui
agisse à titre d'intermédiaire et, deuxièmement, qui nous
permette d'aller demander une évaluation de foyer. C'est le sens qu'il
faut accorder au projet d'évaluation privé.
L'évaluation privée, au sens où je viens de
l'expliquer, suppose qu'il y aura un jugement d'adoption rendu par le pays
où on adopte, conformément aux lois de ce pays, et qui a
été abandonné, etc. Bref, ça ne change rien aux
exigences déjà dans la loi.
Mme Vermette: Je me suis laissé dire
quelquefois qu'il est arrivé que certains parents ont fait
affaires directement avec des avocats là-bas ou avec différents
organismes et que c'étaient des prix exorbitants par rapport au
prix...
M. Lortie: Bien sûr. Il y a eu des abus, mais pourquoi cela
se produit-il? C'est que souvent on n'a pas les services administratifs et les
renseignements suffisants. Les gens procèdent d'eux-mêmes quand on
ne leur offre pas les services nécessaires pour le faire. Les cas d'abus
qu'on nous a signalés, c'est que souvent, précisément les
gens qui ont des responsabilités, particulièrement dans les
agences gouvernementales ou administratives de l'administration publique,
n'exercent pas leur rôle. Qu'on donne l'information et les gens agiront
en fonction de l'information.
Mme Vermette: Actuellement, vous trouvez qu'il manque
d'information par rapport à tout ce qui peut exister...
M. Lortie: Sous prétexte d'éviter des abus, on
commet un abus pire, qui est celui de laisser mourir des enfants.
Mme Vermette: Vous savez que c'est une affirmation assez
considérable que vous êtes en train de faire. Je ne pense pas
qu'on veuille laisser mourir des enfants, mais je pense qu'il y a...
M. Lortie: Alors, pour reprendre les termes de tantôt,
disons qu'on a la mollesse nécessaire pour ne pas laisser des parents
exercer des responsabilités qu'ils sont en mesure et qu'ils ont le droit
d'exercer.
Mme Vermette: On vient de m'indiquer mon temps. Cela va. Dans
votre exposé vous avez parlé aussi, à un moment
donné, du manque de communication entre le secrétariat et le CSS
en ce qui concerne l'évaluation ou au moment où un projet,
après avoir été évalué, demeure en attente
parce que ça bloque au niveau du secrétariat. Est-ce que beaucoup
de parents chez vous ont dû souffrir de ces délais ou de ce manque
de communication entre les deux niveaux?
M. Lortie: Au lieu de mettre ça au passé, je vais
mettre ça au présent et demander à ma collaboratrice ici
d'expliquer un peu.
Mme Vermette: Oui.
Mme Malo: Présentement, moi-même dans ma situation,
j'ai des difficultés et c'est comme cela pour beaucoup de gens. Je
trouve que les informations ne sont pas claires. On ne renseigne pas les gens,
on ne soutient pas les gens. On a plutôt l'impression de déranger,
d'être de trop. Personnellement, j'ai souvent
téléphoné à certains organismes, au
secrétariat ou au CSS et on me retournait, on me renvoyait... On me
disait qu'il faudrait attendre et tout cela. On ne répond pas aux gens.
Je n'ai pas senti qu'ils avaient le sens humain. J'ai senti qu'ils n'avaient
pas à coeur l'intérêt des gens pour l'adoption
internationale.
M. Lortie: J'aimerais faire deux remarques là-dessus. Au
fond, le problème actuellement, c'est que vous avez trois
intermédiaires de même niveau. Là-dessus, je sentais
à tout le moins le désir, dans le projet du gouvernement, de
mettre de l'ordre dans le problème des intermédiaires. Au moins,
on partage votre diagnostic. Le fait qu'il y ait trois intermédiaires de
même niveau, à savoir le secrétariat à l'adoption,
la ministre, un organisme ou le DPJ, c'est devenu un problème dans la
mesure où dans la perception - je ne dis pas dans le cadre
réglementaire de celle-ci - il y a un intermédiaire qui
était au-dessus des autres, à savoir le secrétariat
à l'adoption. On a été victime d'un maraudage entre les
groupes, c'est-à-dire que le CSS qui a beaucoup de travail était
très heureux de dire: Vous voyez, le secrétariat nous dit qu'on
ne peut pas le traiter. Il s'en lavait les mains.
Les organismes ont été désossés de temps
à autre, etc. Cela a été un problème réel
qui est encore là aujourd'hui au moment où on se parle. C'est
dans ce sens, lorsqu'on parle d'un manque de communication, c'est que tout
à coup il y a eu des "relations", entre guillemets, d'autorité
entre le secrétariat et les CSS alors que, si je comprends bien le cadre
réglementaire et législatif, ce sont trois intermédiaires
de même niveau. Seul le ou la ministre est effectivement l'instance
supérieure à ces trois types d'intermédiaires.
Dans ce sens, il y a eu un mauvais vécu, une mauvaise
interprétation des lois, ce qui fait que les gens refusaient de faire
des évaluations. Ils refusaient sans motif, ils les font sans motif.
Alors, on est encore un peu dans le noir là-dessus. On sait que c'est
parce qu'on fait du bruit, je dirais, d'une façon rigoureuse, M. le
député. C'est peut-être à cause de notre rigueur et
du bruit qu'on fait qu'on espère que cela va se clarifier.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Lortie, merci, Mme la
députée. Maintenant, en conclusion, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais revenir brièvement sur la
question de l'adoption privée. Oublions celle qui se fait dans des
conditions que tout le monde condamne. Oublions celle-là. Je parle de
l'autre où tous
les prérequis seraient respectés, évaluation, etc.
Tout à l'heure, vous faisiez allusion à une situation où
un enfant était repéré au Brésil, pour reprendre le
même pays. Vous arrivez avec cet enfant mais, dans votre perspective,
vous ne pourriez pas aller repérer des "enfants", entre guillemets,
à moins que toutes ces étapes préalables n'aient
été remplies. Est-ce cela que je dois comprendre?
M. Lortie: C'est simultané parce que dans le vécu
on apprend qu'il y a un événement à un endroit
donné, de quelqu'un qui fait des affaires là, soit des
communautés religieuses, de tout intervenant qui peut être
critique mais qui vient de repérer un enfant qui, dans le cas du... Je
m'excuse, je parle d'une expérience concrète. Il y a des enfants
qui, à un moment donné, sont carrément abandonnés.
Alors, cela se décide en trois ou quatre jours et on court un risque. On
saurait que l'enfant X ou Y est à tel endroit. Et on dirait: Gardez-le
pendant une semaine ou deux. Nous, on irait à une agence, un
intermédiaire pour dire: Voilà, il y a l'enfant X qui est
là. Nous aimerions l'adopter. Est-ce qu'on peut avoir une
évaluation de foyer? Est-ce que, deuxièmement, la loi de ce pays
est compatible... Et on entreprendrait toutes les démarches. En fin de
compte, dans un court délai, c'est-à-dire après trois
semaines ou un mois, si cela semble admissible au Québec selon
l'information qu'on aurait, on entreprendrait les démarches
là-bas qui aboutiraient à un jugement d'adoption dans le pays
où est l'enfant,
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais, dans l'hypothèse où cet
enfant X aurait été identifié et que dans l'autre
processus auquel il faudrait se soumettre, d'évaluation, de demande au
tribunal, etc, il y avait un accroc, il y avait une négation, on vous
disait non, est-ce qu'à ce moment vous ne créeriez pas des
problèmes parce que... Vous faites ces démarches parce que vous
savez que l'enfant X a été identifié pour vous dans le
pays Y, mais entre-temps, alors que vous vous soumettez à ces choses
selon les règles du jeu - quoiqu'on nous dise que c'était un
pourcentage de 2 % qui ne sont pas retenus finalement comme parents adoptifs,
en tout cas, c'est assez bas - vous avez finalement une réponse
négative du processus ici et vous savez qu'un enfant X est retenu pour
vous dans le pays Y. Il me semble que ce serait assez dur.
M. Lortie: Oui, madame, mais je pense que ce serait plutôt
relié à la clarté de l'information préalable qui
serait donnée non seulement sur les conditions d'adoption ou les
règles générales, mais aussi sur les critères
d'évaluation. Dans la mesure où les règles du jeu sont
connues, comme à cette propre commission, je pense que tous les gens
sont d'accord pour les respecter. C'est dans la mesure où les
règles du jeu changent... Quand on commence une partie d'échecs,
on n'en change pas les règles au milieu de la partie. Il en va de
même pour l'adoption.
Mme Lavoie-Roux: Sans cela, on triche.
M. Lortie: Sans cela, on triche. Or, de ce point de vue, il y a
actuellement une sorte d'encouragement à la tricherie car,
précisément, il n'y en a pas, de règle. On a les principes
et les objectifs du cadre législatif, mais la structure
réglementaire qui doit soutenir le travail administratif n'est pas
là. Nous manquons d'information et peut-être de discussions sur
ces règles, car il faudrait qu'elles respectent la charte et tout le
reste.
Mme Lavoie-Roux: On me dit qu'il ne reste qu'une minute; alors,
je vais prendre ma minute pour conclure.
Première chose: sur la question de l'information, je pense que
vous avez tout à fait raison de dire que notre responsabilité
devrait être mieux assumée dans ce domaine. On fait de beaux
petits dépliants pour un tas de choses, peut-être qu'on pourrait
en faire un à partir d'une politique. Plusieurs ont
suggéré, sur cette question, que le gouvernement ou le
Québec ait une politique plus claire.
M. Lortie: Nous comptons sur votre rigueur.
Mme Lavoie-Roux: Les gens disent: En voulez-vous vraiment? Si
vous n'en voulez pas vraiment, etc. Je pense qu'on en veut, mais on ne le dit
peut-être pas assez. Donc, sur l'information, je vous suis.
Quant à savoir si on va récupérer les 69 pays
où l'adoption se faisait, je vous dis qu'avec le projet de loi 21,
théoriquement, dans tous les pays qui y consentent, on pourra adopter
des enfants. Si je dis les pays qui y consentent, c'est que certains pays
musulmans, par exemple - peut-être n'en ont-ils pas à donner en
adoption - pour des règles religieuses, ne laissent pas aller des
enfants en adoption. Il pourrait y avoir des exceptions comme cela. Mais je
peux vous assurer que c'est justement un des buts - on n'entrera pas de nouveau
dans le débat juridique du plénier au simple - d'élargir
ce bassin et nous sommes convaincus que c'est utile.
Le décret parlait d'entente car, à ce moment-là, on
ne parlait que d'adoption plénière. C'était à ce
moment une entente de gouvernement à gouvernement. Là, on pense
qu'on poursuivra nos efforts dans le
sens d'avoir des ententes administratives, par autorité
déléguée de la part des pays où on ira, dans le but
que les portes soient plus grandes ouvertes et non pas dans le même but
que celui exprimé dans le décret.
En dépit des échanges assez vigoureuse que nous avons eus
cet après-midi avec vous et avec d'autres, j'ai l'impression qu'il y a
beaucoup de points où les idées des gens convergent. L'exercice
que l'on fait vise à essayer - je ne promets pas la solution - parfaite,
car la solution idéale demeure complexe - de faire un bon pas vers
quelque chose où les gens se comprennent mieux et où les
résultats sont plus grands que ceux qu'on a connus. Je pense que cet
exercice aura certainement valu la peine. Je vous remercie de vous être
présentés. Merci bien.
Le Président (M. Joly): Conclusion de remerciement, Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: A mon tour de vous remercier de vous être si
gentiment prêtés à toutes nos questions. Vous nous avez
apporté un éclairage supplémentaire. Ce que vous nous
laissez comme message, c'est qu'il faudrait peut-être regarder la
problématique de l'adoption internationale avec des yeux nouveaux et par
le biais de la confiance. Probablement que, si on apprend à se faire
confiance mutuellement, on arrivera à obtenir un projet de loi qui sera
conforme aux intérêts de tous, surtout pour le mieux-être de
l'enfant. Je vous remercie bien.
Le Président (M. Joly): Merci. À mon tour, je tiens
à remercier tous les représentants du groupe Adoption
internationale démocratique pour enfant.
La commission ajourne ses travaux jusqu'au mardi 12 mai 1987, de 10
heures à midi, dans cette salle.
(Fin de la séance à 19 h 5)