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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 7 mai 1987 - Vol. 29 N° 32

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission se réunit, ce matin, afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre du projet de loi 21, Loi concernant l'adoption et modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, le Code civil du Québec et le Code de procédure civile, et du projet. de règlement sur l'adoption internationale tel qu'il a été publié à la Gazette officielle du Québec le 11 mars 1987.

Ce matin, nous entendrons le groupe Enfants d'Orient, adoption et parrainage du Québec Inc., qui est représenté par Mme Lise Joanis Stuart, présidente, et par M. Robert Lapointe, vice-président.

Est-ce qu'il y a, ce matin, des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) remplacé par M. Hétu (Labelle) et M. Gauthier (Roberval) par Mme Harel (Maison-neuve).

Le Président (M. Bélanger): Bien. Il n'y a pas d'autres remplacements?

La Secrétaire: Non.

Le Président (M. Bélanger): D'accord. Est-ce que ce sont des remplacements pour aujourd'hui seulement?

Mme Vermette: Pour Mme Harel, je ne pourrais pas vous l'assurer.

Le Président (M. Bélanger): D'accord, on le précisera chaque fois.

Mme Vermette: Et voilà!

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Alors, en ce qui concerne les ententes intervenues quant à ta durée des interventions, elles sont les suivantes: chaque groupe bénéficie d'une heure pour être entendu; celle-ci se répartit de la façon suivante: 20 minutes pour la présentation du mémoire, 20 minutes pour des échanges avec chacun des partis représentés ici, à savoir le parti ministériel et le parti d'Opposition.

C'est une enveloppe globale qui comprend questions et réponses, il va de soi. C'est une enveloppe totale d'une heure qui ne doit pas être dépassée, si on veut respecter l'ordre établi pour l'ensemble de nos travaux.

Donc, je demanderais à Mme Stuart de se présenter, ainsi que son vice-président, et de nous livrer, par la suite, son mémoire. Mme Stuart, la parole est à vous.

Enfants d'Orient, adoption et parrainage du Québec inc.

Mme Joanis Stuart (Lise): Je suis Lise Stuart, la présidente de l'organisme Enfants d'Orient. Je vous présente M. Robert Lapointe, le vice-président. Je pense qu'on n'aura peut-être pas 20 minutes complètes puisqu'on n'a peut-être pas un dossier similaire à celui d'autres organismes. Il y a M. Lapointe qui va expliquer la position d'Enfants d'Orient; après quoi, je vais vous donner un peu l'historique d'Enfants d'Orient, vous dire ce qu'on y fait et ce qu'est l'organisme.

Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous remercie. Alors, si vous voulez bien procéder.

M. Lapointe (Robert): Bonjour. Une voix: Bonjour.

M. Lapointe: C'est impressionnant, je ne suis pas habitué. La position d'Enfants d'Orient a été préparée par les membres du conseil d'administration et entérinée récemment, dimanche dernier, lors d'une assemblée spéciale de tous nos membres.

En deux mots, Enfants d'Orient a un genre de statut particulier, pour utiliser le langage à la mode. Notre organisme fonctionne avec le ministère de la Santé et des Services sociaux via le secrétariat à l'adoption. Nous avons une convention signée avec le ministère qui détermine les responsabilités et les rôles d'Enfants d'Orient et du ministère via le secrétariat à l'adoption. Les rôles sont décrits un peu dans le mémoire ou dans la lettre que je vous ai envoyée. Finalement, c'est toujours le ministère de la Santé et des Services sociaux qui, depuis les débuts d'Enfants d'Orient, vérifie l'adoptabilité des enfants. Toutes les adoptions d'enfants venant de la Corée sont

faites selon la formule de l'adoption plénière et, dans tous les cas, les 180 enfants adoptés depuis les dernières années l'ont tous été dans la complète légalité, respectant les lois de la Corée et celles du Québec.

C'est un peu notre position face à cet état de fonctionnement, en accord avec le ministère de la Santé et des Services sociaux et en collaboration avec le secrétariat à l'adoption. Les adoptions de la Corée étant légales, notre position face au projet de loi présenté, sans l'avoir étudié comme un avocat le ferait, mais plutôt comme un parent qui a vécu l'adoption, c'est que ça semble venir dédoubler des démarches déjà existantes. Pourquoi faire une loi qui met une nouvelle étape, celle du Tribunal de la jeunesse, qui viendrait vérifier l'adoptabilité de l'enfant quand, depuis huit ans, les 180 enfants qui ont été adoptés l' ont été de façon très légale? Dans le fond, on n'a pas besoin de cette nouvelle procédure administrative de fonctionnarisme qui, pour nous, va nécessairement rajouter des délais. Inutile de vous dire que les délais à l'adoption sont déjà très longs et que nous sommes contre toute procédure susceptible d'ajouter d'autres délais. Très rapidement, en consultant le secrétariat, cette procédure pourrait ajouter un autre délai de trois mais avant l'arrivée des enfants.

Mme Stuart et moi-même sommes allés en Corée. Notre organisme s'occupe des escortes; donc, nous avons fait nous-mêmes des escortes en Corée. C'est un pays éloigné. Les négociations, les lois, la culture sont très différentes des nôtres. Déjà, ils nous disent que, pour les enfants qui sont adoptés au Québec, le nombre réservé pour !e Québec se trouve souvent limité parce qu'il y a trop de procédures. Avec l'immigration fédérale et l'immigration québécoise, il y a deux étapes à passer et là on ajouterait des étapes. Ce n'est pas facile d'expliquer une loi qui viendrait confirmer un état de fait, qui existe déjà dans une entente de gouvernement à gouvernement avec la Corée. Quand on va aller leur expliquer qu'il y a encore un changement, une nouvelle étape, un nouveau tribunal, cela va provoquer des délais.

Mme Stuart pourrait le confirmer, M. Chun, le directeur de la Social Welfare Agency à Séoul nous a déjà dit que, s'il y avait moins de délais, probablement qu'il y aurait plus d'enfants qui pourraient venir de la Corée. Ce sont des adoptions, je le répète, qui sont très légales, des adaptions plénières.

Il est important de dire, comme on le souligne dans notre mémoire, qu'actuellement les 180 enfants adoptés québécois, donc nos enfants, ont tous les mêmes droits que les enfants québécois, ils sont tous des citoyens à part entière et on est d'accord avec l'Opposition que, en termes d'une politique d'immigration, pour être arrivés si jeunes, nos enfants sont très québécois.

Finalement, Enfants d'Orient, comme organisme - je pense que le secrétariat et le ministère pourront en témoigner - a eu d'excellentes relations avec le Secrétariat d'État et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Notre organisme est crédible et, dans ce sens-là, on se présente devant vous, même si on n'a pas eu la chance d'aller en détail dans toutes les virgules d'un projet de loi et des règlements qui, pour des laYques, sont un peu compliqués à suivre. On aimerait que notre position soit bien entendue, bien écoutée, j'en suis sûr.

Une politique, une loi qui ne tient pas compte des lois étrangères ou des différences culturelles, moi j'ai appelé cela un tapis mur à mur. C'est le danger d'avoir un tapis mur à mur, c'est-à-dire la même loi pour tout le monde, pour tous les pays. Peut-être qu'il faut effectivement tenir compte un peu plus des lois étrangères. En Corée, c'est légal. Alors, pourquoi arriver avec une loi qui... On est pour la légalité des enfants. Les parents qui ont adopté en Corée ont choisi la Corée parce qu'ils étaient certains de l'adoption plénière et de la légalité de l'adoption. Cela fait partie des décisions des parents qui ont adopté en Corée. Donc, pourquoi compliquer encore les choses? En résumé, c'est un peu notre position.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Bien non. Je ne sais pas. Avez-vous fini votre présentation?

Le Président (M. Bélanger): II reste Mme Stuart. Excusez-moi.

Mme Joanis Stuart: J'aurais à présenter l'organisme. Enfants d'Orient est un organisme qui est né à partir d'une cellule de parrainage. Il y avait six couples de parents qui parrainaient un enfant handicapé en Corée en vue d'une adoption. Les enfants handicapés ne peuvent pas entrer au Québec, étant donné la sévérité de la loi de l'immigration. Mais quand un enfant est légèrement handicapé, Enfants d'Orient a diverses cellules de parrainage. On parraine cet enfant-là qui reçoit des soins adéquats et, quand il est disponible pour l'adoption, il est envoyé aux États-Unis pour l'adoption, parce qu'au Canada il n'est pas question de laisser entrer ces enfants-là.

Alors, Enfants d'Orient est né à partir d'une de ces cellules, d'où le premier conseil d'administration de l'organisme Enfants d'Orient. Enfants d'Orient ne traite pas les dossiers. C'est le secrétariat à l'adoption qui s'occupe entièrement des dossiers. Nous, on s'occupe de donner aux parents désireux d'adopter un enfant en Corée tous les

renseignements pertinents, autant le laps de temps que le coût du transport, etc.

On s'occupe aussi de faire des rencontres de parents en attente. Quand les parents ont reçu leur proposition d'enfant, c'est-à-dire un dossier sur l'enfant avec une photo, son histoire sociale, son dossier médical, que l'adoptabilité a été vérifiée et que les gens se sont rendus à l'Immigration -aux deux paliers de l'Immigration - pour faire venir cet enfant-là, à ce moment-là, on reçoit sur notre liste le nom de ce couple-là avec le nom de l'enfant et tout ça. Et c'est là qu'Enfants d'Orient entre en jeu.

À ce moment-là, on fait une réunion. On réunit ces couples-là. Cela peut être dix couples; ça peut être vingt couples. Cela dépend, il y a des périodes où on en a plus et il y a des périodes où on a moins. On donne toutes les informations pertinentes, c'est-à-dire tout ce qu'il faut savoir et tout ce qui se passe en Corée jusqu'à l'obtention du visa canadien.

On sait qu'il y a un examen médical qui est demandé. On explique tout cela. Ensuite, on explique l'escorte, parce que ce qui est peut-être un des comités les plus importants pour nous, c'est l'escorte. Les parents n'ont pas à se rendre en Corée pour chercher leur enfant. Les enfants arrivent toujours sous escorte à Montréal.

On a deux types d'escorte. On utilise souvent la façon la plus traditionnelle, disons. Les enfants arrivent à New York sous escorte coréenne ou américaine. Ils arrivent avec des enfants pour adoption qui vont dans des familles new-yorkaises. Ils les regroupent. Ils peuvent mettre quatre enfants pour New York, deux pour le Québec ou trois pour New York, un pour l'Ontario, deux pour le Québec. Ce sont toujours six enfants accompagnés de deux escortes. Enfants d'Orient s'occupe d'aller chercher les enfants à New York.

On a réalisé que souvent les parents ne parlaient pas anglais ou qu'ils avaient peur d'aller à New York. Il y a un changement d'aéroport. Les horaires pour revenir à Montréal sont assez justes; quelqu'un qui n'aurait pas l'expérience pourrait être coincé une nuit à New York avec un jeune bébé qui vient de faire un voyage de 24 heures.

On a aussi un autre type d'escorte: on va nous-mêmes en Corée chercher des enfants. On les amène à Montréal. Cela nous permet de rencontrer les autorités de l'agence coréenne là-bas. Cela nous permet de les aider, premièrement, dans les cellules de parrainage. Cela nous permet de rencontrer les enfants que l'on parraine, de voir s'il n'y a pas des besoins. Actuellement, on a une demande pour des incubateurs; on va essayer de faire une levée de fonds parmi nos parents adoptifs pour pouvoir aider cette agence afin d'envoyer de l'argent pour payer des incubateurs en Corée.

Ce qui est le point le plus difficile dans l'adoption d'un enfant coréen, c'est l'attente. À partir du moment où les gens font leur demande au CSS jusqu'au moment où l'enfant entre au pays dans sa famille, en général, il s'écoule quatre ans et demi. C'est très long. Il y a aussi une autre attente qui est très longue. Entre le moment où les gens reçoivent leur proposition d'enfant et le moment où l'enfant entre au pays, c'est de trois à six mois et, dans certains cas, même si l'enfant n'est pas malade, pour des questions d'immigration et de paperasserie administrative, cela peut s'éterniser jusqu'à sept ou huit mois facilement. C'est vraiment très long. C'est pourquoi, quand on parle de rajouter la visite au Tribunal de la jeunesse, cela pourrait ajouter un délai. Quand M. Chun est venu à Montréal, le président de la Social Welfare Society, il avait dit que, si on venait à bout de réduire nos délais, on aurait plus d'enfants. Plus d'enfants, cela réduirait aussi l'attente de quatre ans et demi pour obtenir en adoption un enfant coréen.

On sait qu'en Ontario ils n'ont qu'un palier d'immigration. Les enfants arrivent en trois mois. À New York, quand on va chercher les enfants, on voit les parents new-yorkais et, eux, après la proposition d'un enfant, l'enfant arrive après trois à six semaines. Alors, c'est très différent de nos trois à six mois.

L'an passé, nous avons reçu 52 enfants coréens. C'est quand même bien. On a reçu 15 de ces enfants entre Noël et le Jour de l'an en trois escortes. Cela faisait une ambiance extraordinaire; les parents étaient fous de joie de recevoir leur enfant pour le temps des fêtes.

Aussitôt que l'enfant est prêt à voyager, c'est-à-dire qu'il a obtenu son visa canadien, l'agence fait la demande d'un visa américain parce que les enfants voyagent toujours avec un transit aux États-Unis, étant donné que la ioi canadienne de l'aviation stipule qu'un adulte doit accompagner tout enfant de moins de deux ans. À ce moment-là, il voyage via les États-Unis. Cela permet à deux personnes de voyager avec six bébés.

Aussitôt qu'ils ont obtenu les deux visas, canadien et américain, l'agence organise le voyage pour l'enfant. C'est une agence qui est habituée. Tous les enfants voyagent sous escorte partout aux États-Unis, au Canada et en Suède. La Suède, entre autres, reçoit beaucoup d'enfants parce qu'ils n'ont pas de visa. À ce moment-là, c'est beaucoup moins de démarches. Ils gardent les enfants peut-être un mois et tout de suite l'enfant est prêt à voyager pour aller dans son pays.

Nous sommes d'accord avec la loi en ce sens que la loi, finalement, ne touche pas à nos adoptions. Je veux dire que les adoptions de Corée entrent dans ce moule de

façon automatique, cela a toujours été. Nous sommes tous des parents adoptifs; mot, j'ai trois filles coréennes et mes filles ont toutes été adoptées, comme tous les autres enfants coréens, dans la première année de leur arrivée au pays. Les enfants coréens sont des enfants vraiment extraordinaires; tous les couples qui reçoivent des enfants coréens sont enchantés et font une deuxième demande d'un autre enfant coréen. Nous souhaitons que cela continue et nous aimerions que tes délais entre la proposition de l'enfant et l'arrivée de l'enfant, en ce qui concerne l'immigration, puissent être réduits et les quotas augmentés. Je pense qu'à ce moment-là tout le monde serait bien content.

Le Président (M. Bélanger): Alors, vous avez terminé?

Mme Joanis Stuart: Oui.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Mme Stuart, M. Lapointe, je veux vous remercier d'être venus faire des représentations au nom d'Enfants d'Orient. Votre organisme m'est d'ailleurs un peu familier et je sais que vous faites du bon travail.

Il y a deux points sur lesquels je voudrais revenir. D'abord, je pense que je peux vous rassurer. En ce qui a trait à votre organisme, il n'y a rien de changé quant à la présentation devant le Tribunal de la jeunesse par rapport à ce qui existe présentement, compte tenu qu'il y a un accord signé et que vous-même avez une entente avec le gouvernement du Québec.

Il faudrait vous référer au 614.4 qui était déjà dans le Code civil, si je ne m'abuse, et qui demeure le même: "Lorsque le placement de l'enfant est fait en vertu d'un accord conclu sous l'autorité des lois relatives à la protection de la jeunesse, le tribunal ne vérifie que la conformité de la procédure suivie avec celle que prévoit l'accord." Dans votre cas, il y a un accord. En fait, c'est le seul pays où il y a un accord en bonne et due forme.

Selon les informations que l'on m'a données, cette démarche supplémentaire dont on parle dans la loi est strictement une procédure qu'on a ajoutée pour enlever le pouvoir discrétionnaire du ministre. Étant donné que certains juges avaient mis en doute dans des jugements plus récents l'utilisation du pouvoir discrétionnaire du ministre, que c'était dans un processus d'interprétation des lois et qu'un ministre ne pouvait pas se substituer aux juges, etc., alors, on a dit: Parfait, on va le donner au juge, au Tribunal de la jeunesse. Alors, ce n'était pas dans le but d'ajouter une démarche supplémentaire, mais vraiment de corriger ce qui nous est apparu comme étant une faiblesse ou quelque chose devant être corrigé. (10 h 30)

Évidemment, ici, c'est la deuxième journée. C'était aussi dans un journal... Les élus, les parents, les organismes, tout le monde souhaite que ce soit plus court.

Dans les difficultés que vous soulevez quant aux délais qui apparaissent indus, si on les compare à d'autres, il semble qu'ils soient surtout reliés à la question de l'immigration, que ce soit Immigration-Québec ou Immigration Canada. Si vous avez un peu plus de détails sur les difficultés dans ces deux domaines, j'aimerais que vous nous les donniez.

De plus, si on fait abstraction de la procédure d'appel au Tribunal de la jeunesse qui est une démarche supplémentaire - mais je vous ai expliqué dans quel esprit cela avait été fait - est-ce qu'il n'y a pas d'autres procédures... Parce qu'il n'y en a pas d'autres qui ont été ajoutées dans le processus; dans la loi, il n'y a pas d'autres procédures d'ajoutées. Nous, on n'en voit pas. Si vous en voyez d'autres, j'aimerais que vous me les indiquiez et, dans celles qui sont déjà existantes, quelles sont celles qui, selon vous, pourraient être modifiées ou annulées si cela pouvait se justifier? Je pense que ce souhait-là, nous l'avons tous fait. Vous nous dites surtout: Nous, on va chercher 52 ou une centaine d'enfants coréens par année, les choses vont bien, on n'a pas de problème avec le secrétariat, on n'a pas de problème avec le ministère mais vous souhaiteriez quand même que le délai soit plus court. Je me demandais si vous aviez des suggestions pratiques à nous faire.

Mme Joanis Stuart: Pour l'immigration, il semble y avoir un manque de communication entre Immigration-Québec et Immigration Canada, là-bas, en Asie. S'il manque, par exemple, un certificat de sélection pour un enfant, alors l'enfant n'obtient pas son visa canadien. Parfois, c'est perdu dans les papiers, il est là, il est émis, mais il n'arrive pas à Séoul. Ce sont les deux paliers d'immigration. Cela fait beaucoup de paperasse et les papiers semblent se perdre. S'il n'y avait qu'un palier d'immigration, étant donné que les enfants arrivent en bas âge... On a eu quelques exceptions jusqu'à onze ans mais, en général, ce sont des bébés ou jusqu'à six ans. À ce moment, on se demande si c'est bien important qu'il y ait vraiment ce papier parce qu'il n'y a pas d'enquête. Ces enfants arrivent et deviennent des citoyens québécois à part entière. Ils parlent français comme nous. À part des petits yeux bridés, ce sont vraiment des enfants comme les autres. C'est au niveau de l'immigration que cela retarde beaucoup.

Mme Lavoie-Roux: Pour vous, c'est le point le plus important.

Mme Joanis Stuart: Oui.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, on doit faire des démarches supplémentaires auprès d'Immigration Canada - ce sera fait par notre ministère de l'Immigration - pour essayer de simplifier le processus ou pour qu'on s'enfarge le moins possible, comme on dit, dans les dédales de paperasse. C'est le seul engagement, à ce moment-ci, que je peux prendre.

Pour vous, cela vous semble un point important. Vous dites: Si on avait moins de délais, on aurait plus d'enfants.

Mme Joanis Stuart: Oui. C'est que le...

Mme Lavoie-Roux: Vous, vous n'avez pas eu la complication du plénier et du simple, vous étiez pléniers et il n'y avait pas cette difficulté.

Mme Joanis Stuart: Oui, c'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Je me demande si vraiment cela donnerait plus d'enfants ou si on les répartit entre les pays. Je n'ai pas idée.

Mme Joanis Stuart: Le président de l'agence coréenne, qui est venu à Montréal l'an passé, a dit que, s'il ne devait pas garder les enfants en attente de trois à six mois, mais que les enfants restaient seulement trois mois - cela prend environ cela pour le visa canadien - à ce moment il augmenterait notre quota. C'est une responsabilité. Ils ont la responsabilité de cet enfant. Si l'enfant est malade, ils le font soigner. Le coût aux parents reste toujours le même. Que l'enfant soit adopté en trois mois, en six mois ou après huit mois, les parents paient toujours le même tarif. L'enfant est placé dans une famille d'accueil en attendant son arrivée ici. C'est sûr que garder un enfant trois mois ou six mois, c'est une plus grande responsabilité, cela occasionne plus de dépenses, beaucoup plus de responsabilité pour l'agence. Si c'était réduit, il a dit qu'il augmenterait le quota pour le Québec.

Le Président (M. Bélanger): M. Lapointe avait un complément de réponse, je pense.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lapointe: C'était plus au sujet du deuxième point. Vous avez demandé ce qui pourrait réduire les délais. Évidemment, comme parents, quand on parle des délais d'évaluation par les CSS, on a déjà vécu des situations où on est même allé s'asseoir dans les bureaux du conseil d'administration d'un certain CSS sur la rive nord afin qu'il permette l'évaluation. Celui-ci avait décidé, à cause des nombreux problèmes, qu'il ne pouvait plus y avoir de travailleurs sociaux de disponibles pour faire cette évaluation. Dans une telle situation, évidemment, je pense que le ministère pourrait, pour les cas d'adoption en tout cas, encourager, favoriser et maintenir, dans les CSS, ce service d'adoption et voir à ce qu'il y ait du personnel de disponible.

Je voulais juste dire que, comme parents adoptifs, il y a toujours le délai de l'évaluation. C'est sûr qu'on attend deux ans ou deux ans et demi parce qu'il n'y a pas d'enfants; c'est la réponse qu'on a des CSS. Je pense qu'il y a moyen de réduire les délais.

Mme Lavoie-Roux: On a débattu cela, hier, à quelques occasions. Le dilemme, même en nous mettant dans la meilleure des perspectives, c'est que toute la démarche prendrait entre 18 et 24 mois, du moment où quelqu'un fait une demande jusqu'au moment où un enfant... Comme je vous le dis, c'est dans une perspective optimiste, mais cela rendrait quand même les gens passablement heureux.

Si cette fameuse évaluation était faite dans les trois premiers mois et que les délais allaient au-delà de 15 à 18 mois, est-ce qu'on ne créerait pas peut-être plus de frustrations chez les parents que de faire l'évaluation un peu plus tard, alors qu'on sait qu'il y a des enfants en perspective pour l'adoption? Quel est votre point de vue? Il y en a ici qui ont dit: Non, faites-la en trois mois. D'abord, dans certains cas, il y en a qui sont rejetés, quoiqu'on me dise que c'est un nombre infime; c'est à peu près entre 1 % et 2 % qui ne passent pas le stade de l'évaluation. J'aimerais avoir votre réaction à cela.

M. Lapointe: Évidemment, combiné à notre autre demande, si le délai entre la présentation et l'arrivée est réduit, comme en Ontario, à un mois ou quatre semaines par rapport à six mois et si les évaluations sont faites - c'est comme un tout, il ne faudrait pas qu'on attende après les évaluations si on règle l'autre problème - 18 mois, ce serait l'idéal pour les parents. Ma première adoption a été de neuf mois, le temps d'un accouchement. À la deuxième, cela a été beaucoup plus long parce qu'il a fallu se battre contre le CSS. Mais, aujourd'hui, on parle de cinq ans.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Vous avez mentionné, à une couple de reprises, l'Ontario. Je pense que vous le mentionnez en relation avec l'immigration. Évidemment, en Ontario, il n'y a pas de

ministère de l'Immigration, tout passe par la filière fédérale. J'essaie de comprendre pourquoi... Parce que là, vous ne parlez pas de l'adoption privée vis-à-vis de l'adoption publique, vous parlez strictement de cette phase où l'enfant doit entrer au pays. Qu'ils puissent le faire en un mois en Ontario, est-ce qu'on devrait en conclure que le délai de trois ou même, des fois, de six mois au Québec serait dû au ministère de l'Immigration du Québec?

M. Lapointe: Assurément, c'est ce que la Corée pense.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lapointe: Je pense que vos fonctionnaires devraient étudier cette question, aller voir en Ontario et réduire le temps. L'enfant est le même. Je ne sais pas pourquoi cela lui prend plus de papier, de sélection, etc., au Québec. Nous, comme parents, on ne comprend pas cette partie. Mais la Corée nous laisse savoir qu'il y a un délai pour le Québec, ce qui fait que cela prend six mois.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci, M. Lapointe.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: II m'est agréable, au nom de ma formation politique, de vous recevoir et de vous entendre. Vous dites que votre mémoire n'est pas aussi dense que certains autres, mais j'ai compris qu'il était fait d'une façon spontanée et que vous le sentiez de l'intérieur, c'est ce qui est important. Vous connaissez très bien ce que vous faites actuellement et vous le faites aussi dans l'intérêt de l'enfant et des parents. C'est tout à votre honneur et je suis convaincue que vos intentions sont vraiment très louables.

Vous avez soulevé certains points qui vont dans le même sens. Tout au cours des discussions, on a souvent laissé entendre ou laissé croire, en tout cas, que, si les évaluations retardaient ou prenaient du temps, c'est qu'il n'y avait pas d'enfants disponibles. Vous venez, justement, de révéler le fait contraire en disant que, si on arrivait à diminuer les délais, il serait probablement possible d'avoir davantage d'enfants. Compte tenu de cette situation, avez-vous eu parfois des cas où on vous aurait dit: Écoutez, un enfant est disponible et on pourrait, si vous aviez un parent, enclencher une procédure dans le pays d'origine, en Orient? Est-ce que certains enfants, tout compte fait, n'ont pas pu trouver de famille, justement, à cause des délais de procédure?

Mme Joanis Stuart: Non. On ne traite pas les dossiers. Alors, l'agence ne peut pas nous offrir des enfants. Les dossiers sont envoyés au secrétariat à l'adoption et, s'ils ont beaucoup d'enfants, à ce moment-là, ils vont augmenter les quotas pour une agence new-yorkaise, entre autres, la Spence and Shaper ou pour la Suède. Ils vont, à ce moment-là, envoyer les enfants ailleurs. Ils ne garderont pas les enfants; ils vont les placer ailleurs.

Mme Vermette: Cela fonctionne uniquement selon la demande que vous formulez à cette association?

Mme Joanis Stuart: Oui. On sait que, si nos délais étaient réduits, le Québec obtiendrait plus d'enfants.

Mme Vermette: Bon, parfait. Vous avez beaucoup parlé de délais d'immigration et vous avez dit, en fin de compte, que vous ne compreniez pas trop ce qui se passe au niveau de l'immigration, sauf qu'il y a des délais et, finalement, que ça occasionne un problème. Lorsque Mme la ministre vous a demandé: Est-ce qu'il se pourrait que cela vienne du Québec? vous sembliez douter qu'il pouvait peut-être y avoir quelque chose au niveau du Québec. On m'a dit que, dans certains cas, l'enfant aurait très bien pu obtenir son visa d'immigration québécoise, mais ce qui retardait, c'est le O.K. du secrétariat à l'adoption. Est-ce arrivé quelquefois pour votre organisme?

Mme Joanis Stuart: Non. L'adoptabilité de l'enfant est vérifiée avant que le dossier n'aille au CSS pour être remis aux parents. À ce moment-là, le délai provient plutôt de l'immigration. Les parents prennent connaissance du dossier après que l'adoptabilité a été vérifiée.

Mme Vermette: Toute la procédure est bien conforme, à ce moment-là. Il n'y a aucune faille. Il n'y a absolument rien et tout est conforme selon notre procédure légale.

Mme Joanis Stuart: II semblerait.

Mme Vermette: D'accord. Si on revient aux délais, vous semblez accabler énormément les CSS pour le temps qu'ils prennent à faire l'évaluation. Très sauvent, c'est dû à un manque de ressources. Est-ce que vous attribuez cela uniquement à un manque de ressources ou encore à un manque de volonté à envisager que l'adoption internationale est une voie intéressante pour les parents? Dans certains cas, comme on l'a laissé entendre hier, il y a tellement d'enfants québécois qui sont mis en disponibilité ou qui peuvent aussi être adoptés que, finalement, cela décourage

certains parents d'adopter sur le plan international.

M. Lapointe: C'est une longue question. Le mot "accabler" est peut-être un peu fort. Je ne pense pas avoir accablé les CSS. J'ai dit que l'adoption est un dossier à part. C'est un dossier particulier. L'adoption internationale est un dossier particulier et les parents ont un droit fondamental de recevoir les services d'évaluation et les services du CSS reliés à l'adoption. Je ne pense pas qu'un CSS ait le droit de décider de retirer ce service à des parents qui y ont fondamentalement droit. Donc, si cela s'est fait dans certains CSS, je suis contre cela.

Par ailleurs, étant moi-même du réseau des affaires sociales et connaissant les autres problèmes sociaux que vous mentionnez, quand il y a des priorités à établir, ce n'est pas facile et je pense qu'il devrait toujours y avoir de la place, c'est-à-dire qu'un enfant adoptable - pour faire allusion à votre première question - et dont l'adoptabilité a été vérifiée ne devrait pas subir de délais à cause d'un manque de ressources au CSS et être laissé dans son pays. En tout cas, si toute la procédure est faite, cela ne devrait pas être le CSS qui bloque. Comme parents, on a de la difficulté à comprendre cela. Nonobstant les priorités, il ne faut pas comparer à ce moment-là. C'est un dossier à part, avec les droits de ces citoyens et de ces parents et, il devrait être traité comme tel. (10 h 45)

Le Président (M. Bélanger): D'autres questions? Non. Mme Harel, je vous en prie. Y avait-il des...

Mme Harel: La députée de Maisonneu-ve.

Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi. Je voudrais seulement vérifier avant: du côté ministériel, y avait-il des questions? Non. Alors, Mme la députée de Maisonneuve. Je m'excuse.

Mme Harel: Ce n'est rien, M. le Président. M. Lapointe, des groupes qui sont venus hier, des organismes similaires à celui que vous représentez, ont fait valoir qu'il devrait y avoir la possibilité de faire appel à une évaluation de travailleurs sociaux privés, membres de la corporation. Vous semblez, avec illustration à l'appui, considérer que l'évaluation des parents est une faille actuellement dans le système. Et pourtant, vous ne préconisez pas, je pense, dans votre mémoire ou dans vos propos, l'évaluation par la voie privée. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lapointe: On appelle cela une colle. Enfants d'Orient, on l'a dit tout à l'heure - vous étiez absente au début -...

Mme Harel: J'ai lu votre mémoire.

M. Lapointe: ...est pour la légalité totale de l'adoption et c'est comme cela que nos enfants ont été adoptés entièrement. Donc, s'il y a d'autres options que les CSS, soit des intervenants privés, dans la légalité, je pense que c'est un moyen à étudier, que c'est une hypothèse à vérifier. Actuellement, seuls les CSS ont le droit de faire cela; donc, nous sommes d'avis que ce devrait être les CSS parce qu'ils ont, seuls, le droit. L'hypothèse d'aller en privé en fonction d'une autre démarche légale, acceptable selon les lois canadiennes, québécoises et étrangères, c'est une hypothèse sur laquelle je ne mettrais pas un X tout de suite.

Mme Harel: Vous n'avez pas, finalement, un point de vue autre que d'examiner cette hypothèse. Vous n'en avez jamais discuté au niveau... Vous faisiez part, d'ailleurs, de la difficulté de rejoindre tous vos membres pour avoir un point de vue en commission parlementaire...

M. Lapointe: Notre association a un statut particulier dans le sens qu'on s'en occupe une fois que le dossier a été réglé, une fois que l'enfant est présenté aux parents. Donc, ces étapes sont passées et c'est le secrétariat d'État qui gère ces dossiers; à ce moment-là, nous sommes moins impliqués dans ces délais-là. Il est sûr qu'on a l'attente de cinq ans. On parle aux parents et on leur dit: C'est long, cinq ans, mais quand vous voyez nos enfants, cela vaut la peine d'attendre, finalement. Mais c'est très long. Est-ce que des solutions comme cela pourraient réduire l'attente? Mais on n'est pas impliqué dans ce dossier; donc, on n'a pas de position comme organisme là-dessus.

Mme Harel: Vous travaillez surtout à la préadoption et à la postadoption. Vous ne gérez pas le processus comme tel.

Une dernière question parce que cela revient dans votre présentation écrite à la commission, la relation entre un pays asiatique et un pays d'Amérique du Nord qui a un appareil étatique développé. Vous semblez considérer qu'il ne faut pas envisager, dans la relation qu'on entretient, par exemple, avec un pays asiatique -j'imagine que vous faites le même jugement pour l'ensemble des pays du tiers monde -que des interlocuteurs similaires, corollaires, équivalents à ceux qu'on possède dans nos appareils administratifs, dans nos appareils étatiques, puissent se retrouver. Vous dites, entre autres: "La souplesse est nécessaire dans toute législation touchant l'adoption internationale."

En même temps, vous dites: II nous

faut travailler et nous, Enfants d'Orient, tenons à ce que tout se fasse dans la légalité la plus totale. Il y a comme une sorte de balance d'inconvénients, d'une certaine façon, parce qu'introduire la souplesse, est-ce que, justement, ce n'est pas introduire la possibilité que ça se fasse en parallèle avec les mécanismes étatiques en place?

M. Lapointe: On parlait un peu - ce que j'ai dit tout à l'heure - de la formule du tapis mur à mur. Je ne pense pas qu'un pays puisse faire la loi pour tous les pays étrangers qui ont leur propre législation étrangère, qu'on doit respecter. Dans ce sens-là je me dis que, dans certains cas, il y a sûrement des ententes, des accords selon les législations de ce pays-là.

Le règlement, en tout cas, qui semblait être proposé, c'est la loi du Québec. L'adoptabilité va être jugée de cette façon-ci au Québec et tous les pays devront s'y conformer. Mme la ministre a un peu répondu en disant: L'article... Je ne me souviens plus lequel. Il peut y avoir des accords; il peut avoir certains accords particuliers ou certaines ententes. Donc, il y a une certaine souplesse que je reconnais ou que je n'avais pas lue. Je n'avais pas interprété ce règlement dans ce sens-là. Donc, on a déjà une réponse.

Mme Harel: Vous êtes satisfait de la souplesse.

Mme Lavoie-Roux: Je veux ajouter, pour l'information de la députée de Maisonneuve, qu'hier, dans mes notes d'ouverture j'ai dit - j'ai eu l'occasion de le répéter par la suite - en ce qui a trait aux conventions qui doivent être signées entre les organismes reconnus pour adoption internationale et le gouvernement, qu'il pourrait y avoir, dans les conventions, des clauses particulières qui pourraient permettre de tenir compte des particularités des pays où ils agissent et des champs d'intervention de chacun.

Mais je pense qu'il y a le principe de base, l'égalité des enfants et la reconnaissance par le pays qui laisse aller son enfant pour adoption. Qu'il y ait une reconnaissance officielle que cet enfant-là est adoptable, je pense que sur ça, on ne peut pas jouer. Cela, c'est le principe. Pour le reste, je pense qu'on ne peut pas nécessairement fonctionner exactement de la même façon en Corée, en Bolivie ou à Haïti. Là-dessus, c'est au niveau des conventions qu'il faut prévoir des clauses particulières qui sont mieux adaptées aux gens avec qui on fait affaire là-bas.

Mme Vermette: Pour enchaîner sur ce que vient de dire Mme la ministre, en fin de compte, en Corée, il n'y a pas eu de problème en ce qui concerne les questions de filiation, parce qu'il y avait une concordance de toute façon. Alors, une fois que tout le processus était bien accompli et que tout était conforme selon les lois, comment se faisait une reconnaissance d'adoptabilité? Est-ce que c'était le pays qui vous donnait le consentement ou si c'étaient les tribunaux?

Mme Joanis Stuart: C'est le secrétariat à l'adoption qui s'occupe des dossiers et il vérifie l'adoptabilité de l'enfant. Il y a des papiers du gouvernement coréen qui arrivent et c'est vérifié au secrétariat à l'adoption. Nous, on ne touche pas la partie dossiers comme telle.

Mme Vermette: D'accord. Vous n'avez jamais regardé, de toute façon, qui, en fin de compte, donnait son accord de principe sur l'adoptabilité de l'enfant?

Mme Joanis Stuart: L'agence coréenne a la tutelle légale des enfants qu'elle a sous sa garde et c'est reconnu par le gouvernement coréen. Alors, l'adoptabilité est reconnue par le gouvernement coréen finalement.

Mme Vermette: Alors, ce n'est pas pareil partout, par contre. Chaque pays fonctionne selon ses règles de procédure, j'imagine bien. Pour revenir toujours à la même question en ce qui concerne les délais actuellement pour l'évaluation des parents, comment envisagez-vous les moyens qu'on devrait mettre de l'avant pour réduire ces délais et pour favoriser qu'il y ait le plus de demandes possible qui puissent s'acheminer?

M. Lapointe: Plus de travailleurs sociaux disponibles dans les CSS, qui vont bien connaître le dossier de l'adoption internationale, qui vont s'en occuper. Aussi, plus d'aide aux groupes bénévoles. On reçoit déjà un peu d'aide du ministère comme organisme bénévole. Évidemment, avec le réseau des parents et le réseau d'entraide des parents, c'est une force en adoption internationale qu'il faut encourager. Moins de délais administratifs, entre guillemets, des "fonctionnaires", que ce soit le CSS. Je veux dire que je n'ai pas d'autre réponse que cela.

Mme Vermette: Quand vous parlez d'avoir plus de soutien aux organismes, qu'est-ce que vous entendez par là? Est-ce que vous pouvez être plus explicite à ce chapitre-là?

M. Lapointe: Encore là, à Enfants d'Orient, on a reçu des subventions du ministère comme organisme bénévole qui nous permettent de fonctionner. Je ne suis

pas certain que tous les organismes, soient subventionnés, parce qu'il y en a plusieurs en adoption internationale. Je pense que vous en rencontrez plusieurs ces jours-ci. Je parle un petit peu aussi pour les autres organismes. Je pense que tout groupe d'entraide... Aujourd'hui, le ministère veut aider les parents qui s'entraident. Dans ce sens-là, un financement minimal de fonctionnement est très important pour les groupes bénévoles.

Mme Vermette: Compte tenu de la situation actuelle, compte tenu des listes d'attente qui n'arrêtent pas de s'allonger, est-ce que vous considérez qu'il serait important d'avoir ou qu'il y aurait place, en tout cas, pour d'autres intermédiaires dans d'autres pays, actuellement?

M. Lapointe: Là, c'est peut-être une opinion personnelle parce qu'on n'en a pas discuté. Même en Corée, on est au courant qu'il y a d'autres agences que la Social Welfare Society qui peuvent faire de l'adoption et qui font de l'adoption dans d'autres pays. Il n'y a pas qu'une seule agence. La structure est différente, je ne la connais pas. Il y a la Social Welfare Agency. Mais, d'autres agences font aussi des ententes avec certains pays. Peut-être même qu'en Corée on pourrait augmenter notre réseau de contacts ou d'agences avec lesquelles le gouvernement pourrait s'entendre, comme il a une entente avec la Social Welfare. Je ne sais pas si elle est exclusive, je n'en connais pas les détails. Il a été question des Philippines et il y a eu des missions exploratoires dans d'autres pays de l'Asie où, par l'expérience orientale ou asiatique de la Corée, peut-être qu'il y aurait d'autres ouvertures. Mais, encore là, c'est selon les gouvernements ou les régimes en place. Voilà ce que je pensais et que je voulais dire.

Mme Vermette: Comment êtes-vous perçus dans ces pays lorsque vous faites des demandes? Est-ce que vous êtes bien perçus comme étant des gens qui font tout simplement un travail ou si vous êtes perçus comme étant des gens qui, finalement, envers et contre tous, veulent absolument avoir des enfants? Est-ce que la mentalité là-bas, par rapport à l'adoption, disons, est fermée ou ouverte?

M. Lapointe: Là, ce sont des opinions personnelles. Vous le demanderez à Mme Stuart. Quand je suis allé en Corée, je crois que nous sommes perçus... Il y avait eu une émission de télévision. D'abord et avant tout, des liens d'amitié doivent être créés avec nos collègues de ces agences en Asie. Donc, la continuité est importante, la connaissance des personnes, les photos de nos enfants. On ne va pas en Corée sans les photos de nos enfants qui suivent et qu'ils regardent. On visite les orphelinats. Le lien de parrainage est aussi extrêmement important. On est vu comme des parents qui viennent adopter des enfants et qui veulent les aider. Il faut être très présents. Nous ne sommes pas des fonctionnaires. Nous sommes les parents. Par rapport à nos liens avec la Social Welfare, par rapport aux vrais fonctionnaires du secrétariat - ils doivent sourire, en arrière -il y a une différence importante qui fait que le lien de l'organisme bénévole est très important en Corée.

Le Président (M. Bélanger): Une dernière question. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté ministériel? Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Si vous me le permettez, M. le Président, je voudrais seulement donner une information. Ce sont les agences, me dit-on, qui se voient désigner des pays par le gouvernement coréen. Alors, comment l'appelle-t-on? La Social...

Une voix: ...Welfare Society.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Le Social Society s'est vu désigner le Canada. Alors, c'est vraiment de l'initiative du gouvernement coréen. J'ai l'impression que c'est beaucoup mieux structuré en Corée peut-être que dans d'autres pays, ce qui facilite les choses.

Je veux vous remercier de votre présentation. On va voir ce que la constitution va donner. Peut-être qu'avec l'entente du lac Meech on va pouvoir, au plan de l'immiqration, avoir des choses un peu plus facilement. Je le dis un peu à !a blague, mais on va certainement réexaminer cela pour voir quelles sont les principales entraves à une plus grande rapidité des démarches. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Alors, à mon tour de vous remercier. Je pense que vous nous avez vraiment éclairés par vos réponses. Encore là, c'est un autre aspect et un autre volet de l'adoption internationale que vous nous avez fait connaître à partir de votre vécu et de votre réalité. Ce que je trouve intéressant, c'est votre engagement et le rôle que vous êtes prêts à jouer quant à l'adoption internationale. Aussi, ce qui nous rassure, c'est qu'il y a des bébés disponibles pour les parents qui voudraient bien créer un foyer. C'est rassurant de savoir qu'il n'en manque pas et qu'au contraire, si on se donne les moyens nécessaires, nous pourrons avoir les enfants que les parents s'attendent

à recevoir. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense qu'il faut, quand même, faire attention à ne pas créer l'illusion qu'il y a des milliers de bébés qui attendent d'être adoptés dans les pays étrangers. Et j'aimerais avoir votre dernière réaction là-dessus. Même si on réussissait vraiment à aplanir ces difficultés objectives qui existent présentement - je pense que personne n'a intérêt à dire qu'elles n'existent pas - il reste que, selon les échos qu'on a, quand même, des contacts avec les pays étrangers, autant on veut collaborer pour l'adoption, autant aussi on veut de plus en plus encadrer ces règles de l'adoption des enfants des pays d'origine, des pays étrangers.

Alors, je pense que, même si toutes les difficultés étaient atténuées... On parlait de l'Allemagne; sur 20 000 demandes, il y en a 3000 auxquelles on est capable de répondre. Alors, je pense qu'il ne faut pas créer l'illusion que c'est juste une question de difficultés bureaucratiques; sans les minimiser, au contraire, je pense qu'il faut aussi voir la réalité des pays qui laissent aller leurs enfants pour l'adoption.

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme Stuart et M. Lapointe, je vous remercie infiniment de votre présentation et aussi de la qualité des échanges avec ta commission.

J'appellerais maintenant le prochain organisme: Soleil des nations. Alors, si vous voulez, nous allons suspendre les travaux pour quelques minutes, le temps que la nouvelle équipe prenne place, et nous revenons.

(Suspension de la séance à 11 h 3)

(Reprise à 11 h 6)

Le Président (M. Bélanger): Nous allons reprendre les travaux pour entendre maintenant le groupe Soleil des nations qui sera ici représenté par M. Roger Gagnon, président; M. Thouin, le vice-président; Mme Gagnon, directrice; M. Beausoleil, directeur, et par M. Richer, membre.

Alors, je demanderais à M. Gagnon, le président, de bien vouloir s'identifier et de nous présenter ses collègues pour que nous puissions commencer. Alors, M. Gagnon.

Soleil des nations

M. Gagnon (Roger): Merci, M. le Président. Mon nom est Roger Gagnon, je suis président de Soleil des nations et je l'ai été, il y a quelques années, au moment de l'arrivée du secrétariat à l'adoption. À ma droite, M. Jean-Charles Richer, président sortant, il est également couple ressource pour la Bolivie; à ma gauche, M. Paul Thouin, actuellement vice-président, a été dans le passé président de Soleil des nations et est également couple ressource pour la Colombie; à mon extrême gauche, M. Bernard Beausoleil, actuellement membre du conseil d'administration et qui a aussi été président.

L'intention du conseil d'administration, en mandatant ses quatre présidents pour venir vous rencontrer, c'est un peu d'essayer d'inscrire les propos de notre mémoire dans une continuité historique. On a fait une lourde tâche. J'ai essayé de résumer en 20 minutes dix ans d'histoire. Je vais essayer de vous livrer cela de la façon la plus agréable possible, pour ne pas vous assommer complètement; vous avez une longue journée, j'imagine. Nos propos sont peut-être plus incisifs que les précédents, mais ce n'est vraiment pas avec méchanceté.

En commençant, on aimerait rappeler ce que l'on a au préambule de notre mémoire, asseoir un peu les orientations de Soleil des nations. Vous trouverez dans le mémoire, aux pages 6 et 7, les postulats dont je vais brièvement parler.

À Soleil des nations, nous croyons que tous les enfants du monde, peu importent leur origine ou leurs conditions économiques et sociales, ont droit à une famille qui s'occupe pleinement d'eux. Nous croyons également que c'est auprès des parents de naissance que les enfants ont le plus de chance de se développer et de devenir des adultes responsables. Nous croyons que, si les parents de naissance doivent, pour une raison ou pour une autre, confier à d'autres leur enfant, ce dernier a droit à une famille dans les plus brefs délais permis par la loi d'origine du pays.

Il existe de nombreuses recherches scientifiques qui démontrent que les enfants ont besoin de continuité, de stabilité et, également, d'une relation affective personnalisée. Ce qui nous amène à croire qu'il faut éviter à tout prix que les enfants attendent trop longtemps dans des crèches, des orphelinats, ou établissent une relation significative à demeurer trop longtemps dans une famille d'accueil en attendant que le projet d'adoption puisse être finalisé. De là notre volonté que l'adoption se fasse sans précipitation, mais dans les délais les plus courts possible. Nous espérons que le législateur québécois aura la même préoccupation.

À Soleil des nations, nous croyons également qu'il faut garantir avec toute la rigueur possible que l'abandon de l'enfant par ses parents de naissance se fasse avec un consentement libre et éclairé, et que ces derniers ne subiront aucune forme de

contrainte, ou de promesse, ou de pression provenant du couple en attente, personnellement ou par des tiers. C'est cette croyance qui nous amène à offrir à des enfants adoptables des parents adoptants plutôt que de chercher des enfants pour des parents. Ainsi, Soleil des nations transige généralement avec des orphelinats, des religieux et religieuses qui reçoivent chez eux des enfants abandonnés.

Nous ne partageons pas la façon de faire de ceux qui confient à une personne à l'étranger le soin de partir à la recherche d'un enfant pour un couple ou pour un autre. C'est par ce choix que nous tentons de collaborer à garantir l'absence de pression à l'endroit des parents de naissance. Nous croyons également que, lorsque des enfants sont adoptables, s'ils ne peuvent trouver une famille dans leur pays d'origine, leur droit à une famille crée le droit aux couples québécois d'adopter ces enfants. Ces couples ont également le droit de recevoir toute l'assistance possible pour réaliser leur projet dans les plus brefs délais et, également, dans le respect de leur choix de recourir à l'adoption internationale.

Cet énoncé nous amène à souhaiter que tout enfant demeure dans son pays d'origine; à' défaut, dans une famille la plus semblable possible. Tout enfant devrait donc pouvoir rester dans son pays. Il faut, par contre, admettre que certaines réalités tiers-mondistes font en sorte que certains pays ne sont pas capables actuellement, pour différents motifs, d'assumer la totalité de leurs enfants et certains enfants sont laissés seuls.

Nous croyons que, dans un Québec véritablement préoccupé par l'intérêt de ces enfants et qui se dit d'ailleurs sensibilisé à la coopération internationale, il y a de la place pour accueillir ces enfants et leur donner une famille. Nous ne partageons pas, en toute déférence, l'opinion de ceux qui reconnaissent aux couples le droit à des enfants. Soleil des nations croit que le droit à l'adoption surgit uniquement et seulement lorsque des enfants légalement adoptables sont en attente d'une famille. Par contre, lorsque des enfants sont en manque de parents dans le pays d'origine et que le pays ne peut répondre à ce besoin, nous croyons fermement que le Québec devrait favoriser l'adoption de ces enfants par les couples québécois qui le désirent. Si telle était la volonté du législateur, nous souhaiterions qu'il l'exprime clairement. Nous croyons enfin que l'État québécois doit apporter à ces couples toute l'aide nécessaire pour réaliser ce projet dans les meilleurs conditions et délais possible.

À Soleil des nations, nous reconnaissons à l'État québécois un droit d'intervenir pour s'assurer que tout projet d'adoption se réalise dans le respect de l'intérêt et des droits de l'enfant, des parents de naissance, des parents adoptifs et dans l'observance des lois du pays d'origine et, enfin, des lois du Québec. Cependant, cette intervention doit se limiter au strict minimum requis, particulièrement lorsque l'adoption est réalisée par l'intermédiaire d'un organisme reconnu par la ministre.

En conséquence, nous soulignons notre désaccord avec l'adoption strictement privée, de même qu'avec les tracasseries administratives qui retardent indûment ce droit qu'a l'enfant de vivre dans une famille dans les meilleurs délais. Nous reviendrons plus loin sur le contrôle toujours grandissant de l'État québécois dans le domaine de l'adoption internationale. Ce contrôle crée chez nous certaines inquiétudes.

Enfin, à Soleil des nattons, nous considérons que le législateur québécois doit fonder son intervention sur une politique claire et favorable à l'adoption internationale qui se doit également d'être respectueuse de toutes les personnes impliquées.

Soleil des nations a vécu toutes les modifications législatives sur l'adoption internationale depuis que le législateur se préoccupe sérieusement de ce phénomène. Nous étions là lors de la création temporaire du Secrétariat à l'adoption internationale et nous sommes encore là aujourd'hui pour voir le secrétariat prendre encore plus d'importance. Malgré notre présence active de longue date, il nous est encore difficile de saisir pleinement la politique québécoise concernant l'adoption internationale.

Mme Lavoie-Roux elle-même, lors de la commission parlementaire sur la loi 55, demandait, le 15 décembre 1983, au gouvernement en place à ce moment-là: Quelle est la politique du gouvernement en matière d'adoption internationale? Qu'il nous soit ici permis de vous indiquer que nous apprécierions entendre une réponse claire et sans équivoque de la part de l'actuel gouvernement sur ce sujet.

Maintenant que nous avons identifié le fondement de notre action, qu'il me soit permis de vous entretenir des inquiétudes que suscite le projet de loi 21. Il y en a trois. Vous me permettrez sûrement de commencer par celle qui nous touche le plus immédiatement, à savoir le sort que le projet de loi réserve aux organismes comme le nôtre. Soleil des nations est reconnu comme intermédiaire depuis que cette disposition a été introduite dans le texte de loi lui-même. Malgré cette reconnaissance explicite, Soleil des nations a toujours été soumis à plusieurs contrôles, notamment ceux du secrétariat à l'adoption et ceux compris dans l'entente signée avec le ministre. Cette entente doit d'ailleurs être négociée annuellement, ce qui assure au ministre un certain contrôle sur nos activités. Une directive ou un décret était-il en vigueur que Soleil des nations

recevait un avis de s'y soumettre. Nous avons toujours eu une place de seconde zone dans l'adoption internationale depuis l'arrivée du secrétariat à l'adoption en 1982.

Aujourd'hui, le projet de loi 21 vient établir que, désormais, seul le ministre pourra servir d'intermédiaire en ce qui concerne l'adoption internationale. Nous devons admettre, cependant, que le projet de loi permet au ministre de reconnaître jusqu'à un certain point un organisme comme le nôtre. Le projet de loi parle de cette nouvelle orientation en utilisant les expressions suivantes, habilement choisies, il nous semble, par le législateur: "Le ministre peut être assisté par un organisme qu'il reconnaît dans ce but et qui a pour mission de défendre les droits de l'enfant, de promouvoir ses intérêts et d'améliorer ses conditions de vie." Nulle part il n'est fait mention que nous agirons comme intermédiaire dans la réalisation d'une adoption internationale. Cette place très timide faite aux organismes nous inquiète un peu. Comment ne pas s'inquiéter quand on constate que la ministre de la Santé et des Services sociaux, dans un document de treize pages, intitulé mémoire au comité ministériel permanent des affaires culturelles et sociales et portant sur l'adoption internationale, ne parle aucunement du rôle des organismes comme intermédiaires en adoption internationale? Doit-on voir là une quelconque intention d'ignorer complètement les organismes comme le nôtre?

Nous avons dit tantôt: La loi actuelle nous fait une place de choix, alors que dans les faits nous n'en avons que très peu. Que nous restera-t-il le jour où la loi ne nous fera plus de place? Nous apprécierions avoir une réponse là-dessus. Nous comprenons, par contre, l'inquiétude du législateur devant certaines positions prises par les tribunaux en ce sens que le couple adoptant a toute la liberté de choisir, parmi les intermédiaires reconnus, celui par l'entremise de qui il veut transiger. Nous avons aussi certaines inquiétudes devant les positions prises par le juge Simard, de Chicoutimi, lorsqu'il dit à propos des intermédiaires: "II m'apparaît évident que ceux-ci ne peuvent se soustraire à leur devoir d'agir comme intermédiaire lorsque les normes administratives, les prescriptions de la loi ou les règlements ont été remplis." (11 h 15)

Soleil des nations n'acceptera pas d'agir uniquement à titre de boîte aux lettres d'enfants sans aucune discrétion. Ce ne fut pas fréquent, mais il nous est arrivé dans le passé de refuser des couples qui avaient pourtant respecté les prescriptions de la loi. Ces décisions ont été prises parfois pour des motifs de racisme de la part du couple adoptant, parfois pour des motifs de difficultés apparentes au sein du couple.

Soleil des nations ne peut servir d'intermédiaire lorsqu'il croit, pour des motifs raisonnables, que l'intérêt de l'enfant ne sera pas adéquatement servi par le projet d'adoption.

Il nous est impossible, actuellement, de situer clairement notre rôle à partir du projet de loi 21. Nous avons besoin de plus d'éclaircissements et de garanties avant de donner un accord éclairé et librement consenti. Soleil des nations sera-t-il sous ta tutelle du ministre ou du secrétariat? Soleil des nations sera-t-il appelé à remplir les tâches que les autres partenaires du réseau ne peuvent ou ne veulent remplir? Soleil des nations sera-t-il un chercheur d'enfants uniquement? Soleil des nations sera-t-il relégué aux oubliettes dès lors qu'une divergence de points de vue surgira entre nous et le ministre ou le secrétariat? Soleil des nations recevra-t-il une délégation en bonne et due forme lui permettant de poursuivre le travail qu'il a toujours fait? Nous n'avons pas trouvé de réponses à ces questions dans le projet de loi 21.

Les règles de la démocratie font que les ministres passent, alors que les lois demeurent. On trouvera, aux pages 17 et 18, une formulation proposée par nous de l'article 72.3 de la Loi sur la protection de la jeunesse qui, sans être parfaite, nous semble meilleure, en toute déférence, que celle proposée dans le projet de loi.

En terminant sur ce point, nous voulons réagir à l'article 9 du projet de loi, réaction que l'on retrouvera à la page 17 du mémoire. Cet article du projet de loi établit que l'organisme devra signer une entente avec le ministre; nous sommes d'accord là-dessus. Nous divergeons d'opinions, cependant, lorsque nous constatons à la lecture de cet article que cette entente, appelée convention dans le projet de loi, devra être conforme à la convention type approuvée par décret du gouvernement. À Soleil des nations, nous considérons que, dans une société libre et démocratique, les ententes se néqocient de bonne foi par des discussions, des échanges de points de vue, des concessions de part et d'autre; cela ne s'impose pas par décret. Nous tenons, malgré tout, à qarder une certaine autonomie ou, à tout le moins, une apparence d'autonomie.

Notre deuxième préoccupation concerne la distinction faite par ce projet de loi entre l'adoption simple et l'adoption plénière. Vous retrouverez nos commentaires à ce sujet aux pages 10 et 11 du mémoire. Nous devons, à prime abord, constater que les tribunaux appelés à trancher ce litige, de même que te législateur au moment de l'adoption du projet de loi 55, n'ont pas cru nécessaire d'établir une telle distinction. On reconnaît généralement au législateur cette qualité de ne pas parler pour ne rien dire. S'il avait voulu introduire cette distinction, il l'aurait dit

clairement.

Les discours dont nous entendons parler actuellement dans les médias parlés et ceux que nous lisons dans les médias écrits, de même que les notes de présentation émises par le bureau de Mme la ministre et qui accompagnaient le projet de loi 21, sont que l'intention du législateur, en inscrivant cette distinction, est de protéger les droits de l'enfant et des parents, ainsi que permettre que chaque Québécois puisse adopter dans un plus grand nombre de pays. Pourtant, l'article 622.1 du Code civil ne fait pas une telle distinction. Il édicte plutôt que tous les enfants dûment adoptés dans un pays étranger se voient, par reconnaissance de jugement, reconnaître les mêmes droits et privilèges que tout enfant québécois. Pourquoi alors une telle distinction? Même en tenant pour acquis qu'il y a effectivement une difficulté réelle, nous ne parvenons pas du tout à comprendre en quoi la solution proposée par le projet de loi vient changer quoi que ce soit. Qu'un représentant autorisé, lequel n'est pas défini dans la loi, donne son accord ne changera pas cette réalité. Juridiquement, l'adoption demeurera simple, elle n'acquerra pas pour autant le statut d'adoption plénière. Pourquoi alors cette solution?

De plus, lorsqu'un juge d'un pays étranger reconnaît l'adoption d'un enfant donné comme étant conforme à la loi étrangère, n'est-ce pas là un représentant autorisé pour prendre une telle décision? Nous croyons que cette distinction est inutile et ajoutera des délais et des difficultés supplémentaires sans résoudre quoi que ce soit. Nous croyons qu'en compliquant encore plus l'adoption internationale, on incite les gens à adopter par des voies parallèles. Il faudra alors procéder, dans quatre ans, à une autre amnistie. En terminant, sur ce point, nous considérons qu'il ne faut pas établir une telle distinction et conserver l'article 622.1 du Code civil qui nous apparaît très clair.

Notre troisième et dernière préoccupation concerne le contrôle toujours grandissant de l'état dans ce que certains appellent un domaine de droit privé - nous sommes aux pages 8 et 9 du mémoire. Nous constatons que le législateur, depuis 1979, prend de plus en plus de place dans l'adoption internationale, sans pour autant régler les difficultés qu'il prétend vouloir régler. La plupart du temps, la place prise par le législateur vise à contrôler les abus potentiels, sans pour autant faciliter l'adoption internationale de ceux qui suivent les voies édictées par le législateur. Jusqu'où ira ce contrôle?

Comme nous l'avons exprimé tantôt, à Soleil des nations, nous sommes d'accord avec ce contrôle dans la mesure où il se résume au strict minimum requis. Le législateur doit, de plus, être vigilant pour éviter une bureaucratie déjà lourde et des tracasseries administratives inutiles. Nous croyons aussi que le législateur doit reconnaître l'autonomie essentielle à laisser au pays d'origine, qui est aussi en mesure d'imposer les contrôles qu'il juge appropriés. Comme le dit le juge Pierre Dorion, il ne nous appartient pas de refaire la loi dans les pays étrangers.

Lorsque nous disons que le contrôle du législateur doit se limiter au strict minimum, nous voulons dire que ce dernier doit se restreindre à: constater l'abandon d'un enfant par ses parents de naissance, l'"adéquacité" de la famille adoptante, le respect des lois étrangères et québécoises et, enfin, la présence d'un intermédiaire libre de tout intérêt personnel, financier ou autre. Exiger plus de contrôle nous semble un accaparement de pouvoir.

À cet égard, nous attirons votre attention sur l'article 1 du projet de loi. On retrouve ici une trouvaille supplémentaire: l'approbation au préalable par te tribunal du projet d'adoption. Cette approbation au terme de cet article signifie que le tribunal doit s'assurer que les règles relatives au consentement à l'adoption et à l'adoptabilité de l'enfant sont respectées, de même que l'assurance qu'un lien de filiation sera créé par le jugement d'adoption étranger. À Soleil des nations, nous dénonçons cette procédure comme inutile lorsque l'adoption se fait par l'entremise d'un organisme reconnu par le ministre. En effet, l'organisme reçoit les demandes d'adoption accompagnées de l'évaluation du directeur. La présence de cette évaluation a donc été constatée par le secrétariat et elle l'est à nouveau par l'organisme, et cela, sans parler des contrôles à l'intérieur des services sociaux. Il ne nous apparaît pas nécessaire que le tribunal en constate lui aussi la présence.

D'autre part, Soleil des nations ne propose pas d'enfants aux couples, à moins que le contact à l'étranger ne se soit assuré du consentement à l'adoption et de l'adoptabilité de l'enfant. Soleil des nations vérifie à nouveau lorsqu'il reçoit les papiers requis. Il ne nous apparaît pas nécessaire que le tribunal le fasse également. À cet effet, nous proposons dans notre mémoire, à la page 13, le libellé que nous souhaitons pour l'article 614.2 et qui tient compte de nos commentaires. Nous croyons qu'à trop alourdir la procédure nous contribuons au développement d'un réseau parallèle qui est malheureusement, à plusieurs égards, plus efficace que les voies édictées par le législateur.

Qu'il me soit permis maintenant de formuler quelques commentaires sur le projet de règlement 132, commentaires que l'on retrouvera aux pages 19 à 21 du mémoire. Mis à part quelques réajustements qui seront nécessaires si notre proposition d'abolir la

distinction entre l'adoption simple et l'adoption plénière était acceptée, il n'y a que les articles 4 et 5 qui posent vraiment litige dans ce projet de règlement. En effet, les articles 4 et 5 stipulent que c'est le Directeur de la protection de la jeunesse qui procède au jumelage de l'enfant avec sa famille adoptive. Nous sommes en désaccord avec cette façon de faire. Selon la situation actuelle, le jumelage se fait par le pays d'origine et il est validé par l'organisme reconnu. À cet égard, l'organisme s'est engagé, dans l'entente signée avec le ministre, à respecter les critères déterminés par le Directeur de la protection de la jeunesse dans son évaluation de la famille. Il a aussi été convenu que le directeur serait consulté au préalable si la proposition d'enfant n'était pas conforme aux critères élaborés par lui. Cette façon de faire actuelle est adéquate et nous demandons qu'elle se poursuive.

En terminant, je voudrais vous entretenir brièvement sur une recommandation complémentaire que nous avons faite et qui se retrouve à la page 22 de notre mémoire. Cette recommandation vise à assurer une meilleure collaboration en termes de partnership de toutes les personnes et organismes impliqués, ainsi qu'une meilleure coordination de l'adoption internationale que nous considérons actuellement comme déficiente. Nous croyons que la situation actuelle du secrétariat doit être changée et notre proposition vise à en faire un organisme parapublic qui sera sous la gouverne d'un conseil d'administration formé de représentants du ministre, des directeurs de la protection de la jeunesse, des organismes reconnus et des associations de parents adoptants. Ce serait là, à notre avis, rendre beaucoup plus fonctionnel le rôle du secrétariat, éviter un pouvoir discrétionnaire parfois abusif, permettre aux différents intervenants de se parler dans un contexte égalitaire, se faire mutuellement confiance et développer un plus grand respect les uns des autres. Voilà l'essentiel de nos propos au sujet de l'adoption internationale.

M. le Président, Mmes et MM. les députés membres de cette commission, acceptez nos remerciements chaleureux pour nous avoir permis d'exprimer notre point de vue. Nous espérons que les commentaires que nous avons formulés vous guideront dans les décisions que vous aurez à prendre dans un avenir prochain. Nous souhaitons d'ailleurs, M. le Président, que le gouvernement autorise les membres de l'Assemblée nationale à sanctionner ce projet de loi par un vote de conscience plutôt qu'un vote partisan. Nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions au meilleur de notre connaissance. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je remercie Soleil des nations pour son mémoire. Ce mémoire important a fait vraiment le tour des points les plus importants qui ont été soulevés le plus souvent ici, qu'il s'agisse de la loi ou du règlement.

Vous avez identifié, au point de départ, la question du sort réservé aux organismes. Cette question a été soulevée à au moins deux autres reprises depuis hier. II semble bien que, tel que rédigé dans la convention, par exemple, il y ait des ambiguïtés, à savoir, quel est le rôle exact qui sera réservé aux organismes. C'est pour cela que, dans les notes d'introduction que j'ai données hier, j'ai vraiment tenté de clarifier cette chose-là qui devra être clarifiée, je pense, dans le règlement également. Je ne crois pas que vous étiez ici hier, alors je vais me permettre de relire ce que j'ai lu hier: "L'organisme reconnu est, à toutes fins pratiques, un prolongement de la ministre dans le pays étranger. C'est pourquoi il est à l'avantage de tous que ses devoirs, pouvoirs et responsabilités soient balisés dans une convention type approuvée par le gouvernement." Je pense que là-dessus il n'y a pas... Ceux qui acceptent qu'on fonctionne dans ce contexte-là acceptent que les choses soient balisées par une convention. Vous en avez d'ailleurs déjà une actuellement. "Il est primordial que des liens de confiance s'établissent avec l'organisme reconnu qui a un rôle essentiel et important en matière d'adoption internationale. Cet organisme reconnu, cautionné par nous, pourra compter sur votre disponibilité et obtenir toute information utile. D'autre part, la convention peut aussi contenir des clauses particulières qui pourront tenir compte des particularités des pays où ils agissent et du champ d'intervention de chacun. "Conséquemment, interlocuteur privilégié de la ministre dans ses rapports avec l'étranger, il agira dans les limites du mandat défini à la convention. Si le projet de loi ou la convention laisse subsister des ambiguïtés quant au rôle de l'organisme reconnu, elles seront clarifiées. Il n'est aucunement question de lui enlever des responsabilités qu'il exerce actuellement." C'est dans le cas, évidemment, des organismes qui fonctionnent déjà avec nous ou ceux qui adhéreront à cette nouvelle convention.

Soit dit en passant, je reprends tout de suite une des remarques que vous avez faites. Vous dites que, dans le monde démocratique, une convention se négocie, cela ne s'impose pas par décret. Dans un sens, vous avez raison; mais dans un autre sens, je vais vous exprimer une réticence. La raison pour laquelle cette convention, dans

ses grandes lignes, devrait faire l'objet d'un décret, c'est pour, d'une certaine façon, l'officialiser, la publiciser, mais elle devra faire auparavant l'objet de discussions avec les personnes concernées. C'est un geste officiel que le gouvernement pose, mais on ne le fera pas d'une façon unilatérale à partir du Conseil des ministres en imposant un décret là-dessus. Cette convention, qui est une entente quand même entre deux personnes morales, si on veut, devra faire l'objet de discussions. D'autant plus que, quant aux particularités relatives à certains, compte tenu des pays où ils oeuvrent ou compte tenu peut-être de certaines responsabilités différentes que les organismes assument de l'un à l'autre, cela m'apparaît important que les gens ou les organismes reconnus soient impliqués dans la préparation de cette convention. Si cela peut vous rassurer là-dessus, je voudrais... C'est la réponse que je peux vous donner aux premières questions que vous posez, soit de clarifier là où cela s'impose, dans la loi ou encore dans le règlement, quelle est la place véritable qui devrait être tenue par les organismes reconnus. J'espère que ceci sera suffisant sinon pour faire disparaître toutes vos inquiétudes, au moins les alléger.

Je voudrais revenir sur certains points particuliers. D'abord, je voudrais dire au point de départ que je suis très heureuse de voir - et cela, je le savais - les principes qui servent de pierre d'assise à l'adoption internationale. Sur ces points-là, il m'apparaît qu'il n'y a pas de divergence -en tout cas, je ne les saisis pas à ce moment-ci - pour votre groupe qui dit: Nous autres, il faut que cela se fasse dans les règles, on ne cautionne pas l'adoption privée.

Ce que vous réclamez, c'est que les choses se fassent d'une façon plus claire, que les responsabilités soient mieux définies et, évidemment, ce dont tout le monde parle et va amener ici, la question des délais, de l'allégement des procédures bureaucratiques, si tel est le cas, ce qui empêche les choses de procéder plus rapidement. (11 h 30)

À 614.2, vous demandez, à toutes fins utiles, le pouvoir de vérifier la régularité du projet d'adoption. Je comprends que vous me le demandiez, parce que vous êtes tellement impliqués à toutes les étapes du processus. Mais on l'a justement enlevé à la ministre, et à dessein, parce que ceci soulevait des contestations, à savoir comment la ministre, qui n'a pas de pouvoirs judiciaires, peut s'insérer dans un processus où une décision de cet ordre doit être rendue.

Alors, vous comprendrez que ça m'apparaît très difficile, en tout cas, à moins que vous ne me donniez des explications supplémentaires, parce que je ne veux pas... Bien, je l'ai donné au Tribunal de la jeunesse, je pourrais bien vous le donner.

Mais, en fait, le but de l'enlever à la ministre, c'est justement pour éviter cette contestation qui a été exprimée par le tribunal, à savoir que la ministre s'arrogeait des pouvoirs extravagants ou extraordinaires, disons. C'est l'objet de la modification que nous apportons, d'aller devant le Tribunal de la jeunesse, parce qu'il s'agit là d'une instance judiciaire qui peut porter un jugement sans être soumise aux types de contestation ou de critiques auxquels le ministre peut être soumis.

Vous parlez, comme d'autres avant vous, de la lourdeur du processus, des lourdeurs bureaucratiques et du plus grand contrôle que, selon vous, de par la loi, le gouvernement, le ministre ou le ministère voudrait exercer à l'égard de l'adoption internationale. Je suis d'accord avec vous qu'il y a une démarche supplémentaire, qui est celle dont on vient de parler. Pour le reste, j'aimerais que vous m'indiquiez ou m'identifiez exactement ce qui vous apparaît comme des démarches supplémentaires dans le processus proposé, des démarches ou des alourdissements de la bureaucratie, si on veut.

M. Gagnon: J'aimerais, Mme la ministre, vous dire que... Si je comprends bien, quant à la convention, pour revenir un peu sur le préambule que vous avez fait tantôt, on s'entend sur un certain nombre de dispositions; après quoi, c'est voté par décret et ça devient officiel. C'est bien ce que vous avez dit? Ce n'est pas un décret au départ qui dit: La convention, ça doit être Ça-

Mme Lavoie-Roux: Non, absolument pas.

M. Gagnon: D'accord. Alors, on s'entend là-dessus et je suis content de l'entendre aujourd'hui. Quant aux organismes, je trouve fort intéressant que vous ayez l'intention de continuer à travailler avec nous. On l'a, nous, également. Mais je trouve que la façon dont vous en parlez dans le texte du projet de loi lui-même, c'est bien timide et on est toujours un peu inquiet devant des positions qui ne sont pas clairement affirmées dans un texte.

Finalement, quand vous parlez de ce qu'on suggérait - une clause nonobstant à 614.2 - à partir du moment où la vérification que le tribunal doit faire, c'est, premièrement, de constater l'évaluation du directeur, deuxièmement, de constater que ça remplit les règles d'adoptabilité de l'étranger, cela a déjà été fait par le secrétariat, cela a déjà été fait par nous. On ne comprend pas tellement l'utilité que ce soit fait une fois de plus par le tribunal. C'est un peu dans ce sens-là qu'on se disait que, quand une personne passe par l'entremise d'un organisme, peut-être que

cette étape pourrait être évitée, même si le délai n'était pas nécessairement long, mais, ce délai ajouté aux autres, ça finit par faire des délais absolument insurmontables.

Peut-être que Jean-Charles et Paul ont des choses à ajouter quant aux différentes situations qui causent des délais.

M. Thouin (Paul): Si vous permettez, par rapport au tribunal, ce qu'on trouve plus difficile, c'est que le délai s'ajoute après que le couple adoptant a eu l'offre d'un enfant. C'est trè3 difficile d'attendre quand, déjà, tu es en attente sans avoir de photo d'enfant. C'est une chose, mais, quand un enfant t'est désigné, quand tu as reçu la photo et tout ça... Là, on continue d'allonger le délai. On ne connaît pas tous à fait le délai au tribunal. On a peur que ce soit deux mois de plus ou, en tout cas, on se fait peut-être dire ça.

Nous, on se demandait si cela ne pourrait pas être comme quand il y a une entente avec un autre État, le tribunal ne ferait que vérifier. Il y a peut-être moyen dans la façon de se présenter au tribunal d'alléger la démarche, de façon qu'il y ait une distinction pour les adoptants lorsqu'ils passent par des organismes reconnus. Je pense qu'il faut faciliter cette démarche-là et, quand ils procèdent sans organismes reconnus, que ce soit un peu plus difficile et avec plusieurs contrôles, on le reconnaît aussi comme nécessaire, mais on fait une distinction.

Vous demandiez s'il y avait d'autres délais qu'on voyait. Oui, j'en verrais deux autres. Lorsque le DPJ dit qu'il voudrait faire le jumelage - je vais parler pour la Colombie - il est difficile de l'accepter parce que je sais que la directrice de l'orphelinat, Mme Pouga, souhaite faire elle-même le jumelage. Quand elle reçoit les dossiers des gens, c'est elle qui choisit l'enfant en fonction des dossiers qu'elle étudie. Je pense bien que Mme Pouga ne voudra tout simplement pas envoyer des noms d'enfants à des gens qu'elle ne connaît pas au Québec. Ils ont une très grande préoccupation de connaître les gens. Pour eux, l'étude du foyer, c'est très important. Ils sont très structurés. Il y a là-bas, à l'intérieur du ministère des Affaires sociales, l'Institut colombien de bien-être familial, qui supervise, un peu comme le secrétariat, l'ensemble des orphelinats et de l'adoption.

Donc, c'est difficile, et je pense qu'elle va tout simplement se retirer de l'entente avec nous en disant: Nous préférons faire le jumelage. Je parle de la Colombie actuellement, mais je pense que tous les pays souhaitent connaître les gens et les familles le mieux possible. Ils nous demandent des photos avant d'envoyer l'enfant.

De toute façon, il y a un autre délai. C'est qu'actuellement on reçoit l'offre de l'enfant et, concurremment, même si les démarches commencent, on reçoit par la suite le certificat d'abandon et le certificat de naissance. Or, si le DPJ demande de faire le jumelage, il va vouloir avoir ces documents avant. Or, le temps pour avoir le certificat d'abandon là-bas, c'est six semaines de plus, en plus de l'envoyer par la poste au DPJ. Le fait que le DPJ veut faire le jumelage, plutôt que le pays, pour moi, cela veut dire six semaines, plus deux semaines de poste, soit huit semaines de délai supplémentaire. Lorsqu'il aura reçu cela, il va vouloir rencontrer le couple, mais il ne fera pas cela... Par exemple, si je reçois l'appel à minuit chez nous, je n'attends pas au lendemain matin. Le soir même, je fais l'offre au couple. Dans le cas contraire, on a peur qu'il ne se passe encore une semaine et que, finalement, le couple reçoive l'information et l'accepte. Lorsque le couple l'aura accepté, il va envoyer son dossier dans le pays, ce qui n'est pas le cas actuellement. Le dossier est déjà dans le pays puisque le couple s'est présenté là-bas.

Donc, imaginons que le dossier soit quand même complété et prêt. Le temps de le renvoyer là-bas représente deux autres semaines de délai. C'est très pratico-pratique, mais le tribunal va venir s'inscrire seulement après cela. Le DPJ va souhaiter avoir vérifié le certificat d'abandon avant d'autoriser le jumelage. Ce n'est qu'après cela qu'il pourra autoriser le tribunal à faire la démarche de vérification. C'est un autre délai qui s'ajoute, là. Finalement, quand tout aura été conforme et que le tribunal aura donné son accord, il pourra informer le couple de se présenter à l'immigration canadienne pour que le couple puisse faire la démarche auprès d'elle.

Il y a donc trois étapes qui s'ajoutent maintenant, alors qu'auparavant ces trois étapes étaient concurrentes ou exercées concurremment. C'est très important pour nous comme délai. J'ai fait un tableau comportant des dates pour un enfant né le 1er mai. Comme cela fonctionne actuellement, c'est un délai de trois mois. De l'autre façon, ce serait un délai de six è neuf mois, suivant l'immigration, qui noua demande de trois à six mois. Donc, le délai supplémentaire total en jours, pour nous -malheureusement, c'est de la mécanique -est de trois à six mois supplémentaires.

Mme Lavoie-Roux: Je vais revenir sur ce point et, dans quelques instants, je reviendrai sur la convention. Actuellement, vous faites des propositions d'enfants?

M. Thouin: On fait une proposition d'enfant, oui.

Mme Lavoie-Roux: Vous allez continuer, dans les pays où vous intervenez, d'avoir

cette possibilité de faire des propositions d'enfants. Il n'y aura rien de modifié à cela.

M. Thouin: Cela veut dire qu'on accepte que le pays fasse le jumelage parce que le pays offre l'enfant à un couple. Par exemple, il offre Maria au couple Fréchette.

Mme Lavoie-Roux: D'après ce qu'on me dit, apparemment, il y a une confusion entre la proposition d'enfant et le jumelage. Nous, ce que nous appelons "proposition d'enfant" c'est ce que, dans les pays - je ne sais pas si c'est dans tous les pays - les pays d'adoption, ou plutôt les pays qui laissent aller leurs enfants en adoption, on appelle "jumelage". Cette opération, telle qu'elle se fait présentement, va continuer de se faire de la même façon.

Tout à l'heure, quand vous disiez: Cela va faire bien du monde qui va intervenir pour décider ou pour rendre un jugement, le secrétariat à l'adoption... Le secrétariat à l'adoption n'interviendra pas là-dedans. C'est vraiment, quand toutes les démarches auront été faites, que le juge dira: Les démarches ont été respectées, il n'y a plus de problème, sauf, comme je l'expliquais hier, s'il arrive la deuxième fois un élément, si les parents ne se sont pas occupés des enfants ou s'il y a eu des abus. Mais, en ce qui a trait aux premières démarches auxquelles vous faites référence, sur la proposition d'enfant - proposition d'enfant dans nos termes à nous, apparemment, jumelage dans les termes du pays - cela ne change absolument pas.

M. Tnouin: S'il y a un jumelage, pour nous cela veut dire qu'un nom d'enfant est donné à un couple désigné. Est-ce cela?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Thouin: Donc, vous dites que le pays va continuer d'offrir l'enfant X pour le couple Y?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Thouin: D'accord. Eux appellent cela un jumelage, bien sûr. Par contre, les démarches qui ne sont plus concurrentes, c'est le fait de demander le certificat d'abandon. Il y a là-bas deux signatures nécessaires, préalables à la démarche pour établir un certificat d'abandon, et il doit s'écouler six semaines. Au même moment où on recevait l'offre, la démarche commençait, le couple pouvait rencontrer l'immigration ici et il se passait huit semaines nécessaires à l'avocat, à Bogota, à C.R.A.N., et huit semaines pour l'immigration. Grosso modo, au bout de trois mois, le processus était fini.

Malheureusement, si on demande maintenant, avant d'autoriser le couple à faire sa démarche en immigration, de voir le certificat d'abandon, là, il s'ajoute de six à huit semaines. On l'a vérifié, on a accédé à la demande de Mme Bisaillon récemment de faire venir le certificat d'abandon avant d'autoriser le couple à rencontrer l'immigration, et cela prend de huit à dix semaines. On l'a vérifié dans deux cas. Huit à dix semaines en soi, ce n'est qu'une chose. Bien sûr, on l'a dit, c'est une technicité. On a l'impression qu'après sept ou huit ans de fonctionnement clair avec un pays évolué et organisé en matière d'adoption, ce délai pourrait être sauté. Que ce soit concurrentiel, qu'on reçoive ce document, mais qu'en attendant on autorise le couple à aller à l'immigration, puisque du côté de l'immigration il y a, de toute façon, deux mois de travail à faire. Ce délai nous permettrait de sauver huit semaines.

Le Président (M. Bélanger): Oui. M. Jean-Charles Richer voudrait intervenir.

M. Richer (Jean-Charles): Alors, c'est peut-être un autre propos sur lequel il faudra revenir tantôt, sur le rôle du secrétariat, mais, quant à nous, il subsiste quand même deux ambiguïtés. Au niveau du jumelage, ce qu'il faut bien comprendre actuellement, c'est que, quand le dossier est envoyé, c'est un dossier d'environ trois pouces qui comporte une multitude d'évaluations. Je pense qu'il faut que ce soit clair que c'est le pays d'abord, en collaboration avec l'organisme, qui fait ce qu'on appelle communément le jumelage. On ne sait pas trop ce que sera le jumelage fait par le DPJ, c'est juste une reconnaissance de papiers...

Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi de vous interrompre M. Richer. Le seul jumelage que fera le DPJ, c'est quand vous aurez votre proposition d'enfant, le DPJ dira: Le couple X est un couple qui peut assumer des responsabilités de parents, c'est une famille adéquate pour l'enfant. Il ne s'ajoute pas de responsabilité, c'est la responsabilité que le DPJ remplissait aujourd'hui.

M. Richer: À partir de l'exemple que vous me donnez, cela pourrait devenir plus compliqué. Il faut bien comprendre que, lorsque le pays... Je vais prendre un exemple concret, le dossier de la Bolivie que je connais un peu mieux. Quand la Bolivie a reçu le dossier au complet, la travailleuse sociale de l'orphelinat a dit: Oui, monsieur et madame, on convient qu'ils sont en mesure d'adopter tel enfant, connaissant les caractéristiques de l'enfant de l'orphelinat. Cela me fait craindre encore plus la remarque que vous faites en disant: Si la Bolivie nous transmet le dossier au nom de M. et Mme X et qu'hypothétiquement le DPJ

disaitt Non, je trouve que ce n'est pas conforme, là, on a un double problème. Il faudrait bien que l'expression jumelage soit claire dès le départ, parce que, si c'est vraiment une évaluation qui dit: À la lumière de l'évaluation sociale, non, tel couple, à ma connaissance, ne devrait pas adopter tel enfant de tel âge, on défait, finalement, ce que le pays a fait comme première évaluation quand lui a fait le jumelage. En tout cas, il y a certainement une petite ambiguïté sur ce que l'on veut dire par jumelage.

Mme Lavoie-Roux: Cela me semble clair.

M. Gagnon: Mme la ministre, j'ai l'impression que l'on se comprend relativement mal, parce que, quand je regarde le projet de règlement, à l'article 2, on dit: Le DPJ fait l'évaluation; à l'article 3, on dit: II informe le couple si c'est accepté ou non, et, à l'article 4, il fait le jumelage. On ne se comprend pas. Je ne vois pas... C'est dans ce sens-là qu'on intervenait tantôt quand on disait: Le DPJ n'a pas à intervenir dans le jumelage. Pourtant, si on regarde chronologiquement, il fait l'évaluation, il informe le couple, puis il intervient pour le jumelage. C'est quoi? (11 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Non. Le DPJ entérine le jumelage du pays; c'est ce qui se fait actuellement.

M. Thouin: C'est ce qui se fait actuellement, mais ce n'est pas ce qui est inscrit à l'article à du règlement 132. Actuellement, on est d'accord, c'est ce qui se fait, puis on s'est entendu avec le DPJ dans le sens que, par exemple, dans la majorité des cas, en Colombie, les enfants sont naissants, un couple est évalué apte pour un enfant de 0 à 2 ans. Alors, si l'enfant qu'on aurait n'entrait pas dans le cadre de l'évaluation, on a déjà entendu qu'on aviserait d'abord le travailleur social, le DPJ, qu'on ne ferait jamais l'offre d'un enfant qui n'entre pas dans le cadre de l'évaluation. Alors, si le couple est évalué pour un enfant de 0 à 2 ans, si l'offre est de 0 à 2 ans, on informe le travailleur social, bien sûr, mais on croit que c'est jumelé. Si l'enfant a trois ans, on croit qu'il n'y a pas jumelage et on se réfère au DPJ. Actuellement, c'est la démarche.

Mme Lavoie-Roux: Mais ce que l'article 4 dit au règlement - c'est ce à quoi vous faites allusion: Le directeur intervient pour s'assurer qu'il est dans l'intérêt de l'enfant identifié d'être jumelé à l'adoptant. À cet effet, il tient compte des antécédents sociaux - en tout cas, peu importe - et médicaux de l'enfant, etc. Ce que l'on me dit, c'est qu'actuellement c'est la façon de procéder. Vous me dites que non. C'est la responsablité du Directeur de la protection de la jeunesse. Sans cela, il...

M. Thouin: Le bout non lu, c'est là qu'il y aurait un élément nouveau.

Mme Lavoie-Roux: Ah! bon, écoutez...

M. Thouin: "À cet effet, il tient compte..."

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas à dessein que je l'ai laissé de côté, je m'en excuse.

M. Thouin: Non, d'accord: "...ainsi que tous les documents qui lui ont été transmis par le ministre attestant de son adoptabilîté." Alors, les six semaines dont je parlais tantôt, c'est qu'actuellement, ce dont on tient compte, c'est que le couple est évalué...

Mme Lavoie-Roux: C'est qu'on n'attendait pas le certificat d'abandon. C'est ce que vous disiez tout à l'heure.

M. Thouin: En gros, c'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Cela aussi, c'est risqué, non?

M. Thouin: Actuellement, c'est que, même si cela se fait concurremment, le couple doit quand même se rendre à l'immigration et, là, on sait qu'il y a de deux à trois mots d'attente. C'est clair. Alors, il n'y aurait pas possibilité que le couple puisse partir avant qu'on ait le certificat d'abandon. Ce serait impossible.

Je me souviens qu'avant - disons il y a deux ans et toutes les années précédentes -lorsque nous arrivions à l'orphelinat, dans le cas de la Colombie, nous recevions le certificat de naissance, le certificat d'abandon, tout cela. Dans ce sens-là je me dis: On est déjà rendu un peu loin, on est dans le pays, et tout. Je suis d'accord qu'il faut être plus prudent que cela. Je crois qu'il faut obtenir le certificat avant que le couple ne parte, mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire de l'avoir avant que le couple rencontre l'immigration, puisqu'on sait que la démarche des services d'immigration, c'est de faire évaluer médicalement l'enfant là-bas, que cela prend trois mois et que c'est compliqué.

Mme Lavoie-Roux: Qu'arriverait-il dans le cas où - une hypothèse - vous n'obtiendriez pas ce certificat d'abandon...

M. Thouin: S'il n'y avait pas de certificat d'abandon...

Mme Lavoie-Roux: ...et que les parents auraient entrepris les démarches auprès de l'immigration dont vous parlez?

M. Thouin: D'accord. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la démarche qui est entreprise auprès de l'immigration, c'est la lettre du secrétariat; le couple se rend à l'immigration, il fait une déclaration, il s'engage à être garant à l'égard de cet enfant. Ce qui pourrait arriver, comme il peut arriver tout au long d'une démarche, c'est qu'un enfant, pour des raisons x, y et z, ne soit plus adoptable par décès ou autrement. Bien sûr, le couple vivrait une frustration, mais je ne crois pas que le risque de frustration, dans ce sens, soit nécessairement plus élevé que le risque de rajouter encore huit semaines. Mme la ministre, je suis au téléphone avec un couple qui attend depuis six mois, leur degré de frustration et de peine est élevé. On le vit chaque fois avec des couples. Actuellement, c'est encore lié à l'immigration dans ce cas.

Mme Lavoie-Roux: Du côté de l'immigration, je l'ai dit au groupe qui est venu avant vous et je vous le redis, on va examiner cette question parce que je ne suis pas sûre qu'on puisse, dans le contexte où on est... Vous apportez une donnée qu'il nous faut examiner de plus près parce que, s'il y a moyen de raccourcir les délais et surtout de ne pas les prolonger, je pense qu'on est d'accord avec vous.

Mon temps est écoulé, mais je voudrais juste revenir sur la convention. Il va s'agir d'une convention type pour laquelle tous les organismes vont être consultés - ce qui serait, je dirais, l'encadrement - et, après cela, pour chacun des organismes, compte tenu des particularités, il pourra y avoir d'inclus dans les conventions individuelles - si je peux m'exprimer ainsi - des clauses particulières qui tiennent compte des circonstances particulières des pays dans lesquels vous oeuvrez. Je pense que cela a peut-être clarifié cette partie. Je voulais apporter cette précision. Je vais laisser parler les autres et on verra le temps qu'il nous restera par la suite. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Avant de céder la parole à Mme la députée de Marie-Victorin, est-ce que j'aurais le consentement des deux côtés pour prolonger les travaux de la commission jusqu'à 12 h 10? Cela nous éviterait d'ajourner et de revenir cet après-midi, le groupe et tout le monde. Êtes-vous d'accord?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Bélanger): Nous avons le consentement, on peut continuer. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique, il me fait plaisir de vous accueillir ici en commission parlementaire. Je dois vous remercier pour la qualité de votre travail. Je pense que c'est un mémoire qui dénote un très grand professionnalisme. Il fait part de gens qui ont vraiment cerné l'ensemble de la question, qui ont une connaissance et une expertise à n'en pas douter. J'espère qu'on pourra prendre cela en considération au moment de l'étude article par article du projet de loi et qu'on pourra finalement s'en inspirer au moment de certains amendements.

Cela m'amène à abonder un peu dans le sens de la conclusion de votre mémoire. Il aurait peut-être été souhaitable que la commission parlementaire ait lieu avant la rédaction d'un second projet de loi sur le même sujet, soit l'adoption internationale. Probablement qu'on aurait pu faire la lumière et qu'on serait arrivé avec quelque chose de beaucoup plus "congruent" avec ce qui existe déjà et peut-être aussi avec une souplesse dans la procédure.

Maintenant, nous sommes pris et nous devons composer avec ce que nous avons. Tantôt, la ministre a terminé son intervention en parlant du projet de convention type. Elle vous a expliqué... Est-ce que vous avez été consulté sur l'éventualité d'une convention type et, sinon, est-ce que vous souhaiteriez être consulté à ce moment?

M. Gagnon: Je ne l'ai pas été depuis que je suis président, car cela ne fait pas tellement longtemps. On pourrait peut-être demander à Jean-Charles ou aux autres si cela a été fait au moment où ils étaient là.

Mme Vermette: Cela m'amène à vous poser une autre question. Éventuellement -parce que là convention type aura des conséquences importantes pour l'ensemble des organismes - est-ce que vous souhaitez être consultés? Est-ce que vous avez des points aussi intéressants ou des points vous préoccupent-ils, qui transpirent finalement dans ce genre de convention?

M. Gagnon: On souhaiterait, effectivement, être consultés et on présentera un travail de qualité.

Mme Vermette: Comme vous êtes capables d'en présenter. Cela dit, un des grands problèmes que je voulais soulever, c'était le jumelage. Je considère que cela a ressorti de la plupart des mémoires des différents organismes, à savoir quel sera le rôle du DPJ par rapport au jumelage.

Vous avez tenté d'expliquer un peu, finalement, vos préoccupations par rapport à cedit jumelage. Est-ce que vous souhaitez que, vraiment, il y ait des modifications ou,

en tout cas, qu'on en arrive à identifier plus clairement ce qu'il en est du jumelage?

M. Gagnon: Ce que l'on a suggéré, c'est le maintien du statu quo. Je vais expliquer un peu la façon dont cela se fait actuellement; les autres, Jean-Charles ou Paul, pourront me corriger s'il y a lieu.

Actuellement, la DPJ fait son évaluation. Quand elle la fait, elle doit considérer si la famille est apte à adopter un enfant et elle doit baliser l'adoption en disant: un enfant de 0 à 2 ans ou de 0 à 6 ans; j'imagine qu'il y a des critères pour établir cela. Une fois que c'est balisé et que le dossier est envoyé, par exemple, en Colombie, on reçoit, à un moment donné, un appel téléphonique ou un télégramme nous disant: On a un enfant de tel âge qui serait disponible pour M. ou Mme Unetelle. Si la proposition faite est conforme è l'évaluation de la DPJ, on dit oui et on procède. Actuellement, c'est comme cela. On ne va pas voir la DPJ, elle a déjà dit oui.

Si la DPJ a balisé et que l'enfant a six mois ou un an de plus, par exemple, on l'appelle et on le lui dit. On a reçu une proposition d'enfant pour tel couple, mais il n'est pas conforme aux critères que vous aviez établis. Qu'est-ce que vous faites? Là, on décide si oui ou non. Si je ne me trompe pas, c'est comme cela qu'actuellement cela se fait. Là, on dit: II faudrait envoyer l'ensemble du dossier à la DPJ, examens médicaux, antécédents de l'enfant, et mettez-en. À la DPJ, on va lire cela et on va dire: oui ou non. Vous vous imaginez le délai!

Mme Vermette: Est-ce que vous avez l'impression que la DPJ va un peu jouer le râle que vous jouez actuellement en ce qui concerne l'évaluation, une fois que vous aurez été informé du dossier?

M. Richer: Juste pour compléter, pour bien comprendre l'évaluation: quant à nous, le jumelage, c'est vraiment une partie ambiguë, parce qu'à ce que Roger vient d'ajouter, il faut comprendre qu'en plus de l'évaluation sociale faite par la travailleuse sociale, en règle générale, le pays avec lequel on transige demande une évaluation psychiatrique de chacun des conjoints, une évaluation psychologique, un certificat d'infertilité, d'infécondité... C'est un document qui, traduit, a à peu près six pouces d'épaisseur.

On se demande si c'est ajouter encore à tout cela qu'on veut faire. Si c'est cela, ça n'a pas de bon sens. J'admets qu'il y a un point d'interrogation quant à vos commentaires de tantôt. On ne comprend pas ce que veut dire le jumelage, partie DPJ.

Mme Lavoie-Roux: On va réexaminer cela. On a toujours parlé ici de proposition d'enfant. Il semble qu'il y ait confusion, comme je le disais tout à l'heure, sur le mot "jumelage". Est-ce qu'on l'utilise à bon escient ou, en tout cas, dans des termes sur lesquels on peut s'entendre de part et d'autre? Vous avez raison de souligner la difficulté, on va l'examiner.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: D'accord. Je pense qu'on devra regarder beaucoup de choses en profondeur dans le projet de loi, surtout en ce qui concerne la procédure. Si on lit les notes de présentation de la ministre relativement à la procédure, je pense que le tribunal intervient assez tard en ce qui la concerne et que son rôle est tout simplement de faire une vérification. Il n'a pas d'autre objectif que celui-là, actuellement. Si je comprends bien, lors de l'entrée en vigueur de la toi, les requérants feront une demande officielle, tel que cela se fait toujours au département de la protection. Une évaluation sera faite aussi. À partir des recommandations de la DPJ, la ministre transmettra encore la demande au pays concerné et ce pays identifiera l'enfant. À ce moment-là, la ministre obtient une proposition et informe le directeur général sur le jumelage. C'est toute cette partie-là qui demeure ambiguë. Le tribunal va finalement vérifier tout ce processus et dira: Oui, d'accord, vous pouvez partir et aller chercher l'enfant et, au retour, on recommence le processus.

Mme Lavoie-Roux: ...

Mme Vermette: Jusqu'à un certain point. Là, il y a les concordances des lois. Mais, en fin de compte, c'est un peu ce qui va se passer. Croyez-vous que, compte tenu de la procédure décrite, le projet de loi 21 améliorera la problématique que vivent les parents adoptants avec l'adoption internationale et que cela va améliorer la situation à l'heure actuelle?

M. Gagnon: Cela dépend à quelle problématique vous faites allusion. Si vous me demandez si le projet va réduire ou éliminer complètement ce qu'on appelle l'adoption strictement privée, je l'espère. À cet égard, cela a peut-être des dents intéressantes, dans la mesure où l'on se servira des dents quand ce sera le temps de le faire.

Je ne pense pas que cela va alléger et rendre plus adéquates, quant à nous, la procédure et les adoptions qu'on fait actuellement. Je ne connais pas la situation des autres organismes, je ne parlerai pas pour eux, mais, quant à nous, je ne vois pas là-dedans ce qui va nécessairement venir

améliorer la situation et rendre les choses plus faciles. Si on arrivait à définir un rapport avec le secrétariat un peu plus harmonieux et à se sentir un peu plus partie présente de l'adoption internationale, ce qui n'est pas toujours évident, peut-être que cela apporterait des améliorations. Mais les modifications faites, je ne penserais pas, quant à moi, que cela favorise l'État.

Mme Vermette: Est-ce que...

M. Richer: On partage le même point de vue et j'allais dire qu'il y a peut-être un élément qu'on ne retrouve pas à la fois dans le projet de loi et le projet de règlement. C'est certainement encore là... On pariait tantôt d'ambiguïté quant au jumelage. Je vous souligne que, à notre connaissance, actuellement, le jumelage même se fait en partie par le secrétariat qui exige un certificat d'abandon, un acte d'"adoptabilité". Évidemment, si on dit que c'est le DPJ, on peut se demander ce que va faire le secrétariat. Nulle part on ne retrouve dans le projet de loi ou dans la réglementation quel sera le rôle du secrétariat; cela aussi nous apparaît un rôle fondamental. Je voudrais seulement vous rappeler que, à ma connaissance, depuis décembre 1981, lors de l'arrestation des quatre Québécoises au Guatémala et lors de sa création en juin 1982 - vous avez tous les présidents qui se sont succédé - on n'a jamais su et on ne sait pas encore aujourd'hui quel est le rôle du secrétariat. Ce serait sûrement à examiner, quand on parle d'efficacité. En tout cas, si on comprenait ce que les différents intervenants font dans le dossier, il y aurait peut-être des chances qu'on soit plus efficaces à la longue. C'est clair. (12 heures)

Mme Vermette: Justement, dans votre mémoire, vous dites que vous aimeriez qu'on se penche sur une politique d'adoption internationale. Est-ce que cela touche tous les volets que vous expliquez ou y a-t-il d'autres volets qui devraient être inclus à l'intérieur d'une politique internationale claire et précise?

M. Richer: Non, je pense que c'est beaucoup plus global que ça. On ne l'a pas abordé dans le mémoire et il faudrait que ce le soit tôt ou tard. Dans la mesure où l'on croit à l'adoption internationale, à l'intérieur d'une politique d'aide à la natalité ou pour contrer la dénatalité ou autre, on n'a pas parlé des frais. Actuellement, on est obligé de vous dire qu'un couple qui veut adopter à l'étranger, il faut lui parler de 8000 $ ou 9000 $ au point de départ. Donc, l'adoption internationale n'est sûrement pas accessible à tous les gens du Québec. Il y a un problème d'accessibilité. À l'intérieur des coûts, on peut parler de coûts... Je vous ai parlé tantôt de rapports d'évaluation psychiatrique, psychologique, qui ne sont pas admissibles actuellement et que les couples doivent défrayer. À partir du moment où on y croit, il y aurait peut-être une foule de moyens à mettre en oeuvre pour faire en sorte que ce soit plus facile pour les couples, quelle que soit la région du Québec, d'avoir accès à l'adoption internationale, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Mme Vermette: Vous avez dit tantôt aussi que ce serait peut-être intéressant d'avoir une... Vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Thouin: Oui, je voulais ajouter quelque chose là-dessus, parce qu'en termes de réflexions, bien sûr, s'il y avait une politique, on pourrait élargir et englober d'autres points de vue. Par exemple, une politique, pour moi, -c'est de parler du droit qu'a l'enfant à une famille et tout le préambule que Soleil des nations a expliqué donne le droit à un couple au Québec d'adopter, et ce n'est pas l'inverse. Mais ces énoncés, il me semble... On souhaiterait qu'une politique dise oui à l'adoption. Est-ce qu'actuellement, au Québec, on tolère l'adoption? Est-ce qu'on en est gêné? Comment la société québécoise se place-telle face à l'adoption internationale? Est-ce qu'elle l'accepte? Comment la propose-t-elle? Comment la décrit-elle? On trouve que, là-dessus, ça aiderait.

Il y a d'autres éléments aussi dans la problématique. Par exemple, vous êtes consciente que le travailleur social qui nous évalue a un pouvoir très important. Il faut qu'on soit fin quand il vient à la maison. Il faut qu'on soit de bons parents et tout cela, parce que c'est lui qui va nous donner ou non le droit d'adopter un enfant. Si, moi, j'ai des problèmes et que je me dis... Tous les couples qui adoptent se posent des questions en se disant: Est-ce que je vais être capable de m'adapter à cet enfant-là? Est-ce que je vais l'aimer quand je vais le voir? Est-ce que ça va changer ma relation de couple? Ce sont toutes les questions que tous les couples normaux se posent quand ils attendent un enfant. Nous autres, on n'a pas tout à fait le droit de se les poser. En tout cas, pas devant ceux qui nous évaluent, parce qu'il y a deux niveaux: il y a une relation d'aide et une relation d'évaluation. On considère qu'il faut une relation d'évaluation. Mais, actuellement, malheureusement... On s'en aperçoit comme couples ressources, nous autres. On les reçoit au bout de la ligne et c'est beaucoup de ce travail-là d'appui qu'on fait en disant: Oui, bien sûr, vous avez ces inquiétudes-là, comme tous les autres parents. Oui, votre enfant, quand vous allez le voir la première fois, c'est un étranger. C'est comme les

mères qui accouchent, elles ne connaissent pas le visage de l'enfant avant de le voir. On apprend à les aimer et tout ça. Mais tout cet appui... Beaucoup de couples vivent des anxiétés et on dit souvent que les couples en attente sont anxieux. Il n'ont pas non plus l'appui de la personne qui... Je ne dis pas qu'elle ne pourrait pas le faire ou qu'elle ne voudrait pas le faire, mais elle est dans la situation d'être en train de les évaluer. Alors, eux autres, ils sont dans la situation de devoir faire attention à ce qu'ils disent.

M. Gagnon: J'ajouterai juste à cela qu'il faut aussi - je comprends qu'il y a des conventions collectives qui existent s'assurer que les gens qui font des évaluations d'adoption internationales, y croient. Personnellement, quand j'étais président - c'est vieillot un peu, cela fait trois ans - j'ai entendu une personne qui était responsable de l'adoption internationale dans un CSS me dire, au cours d'une rencontre: Moi, les enfants dans un orphelinat ailleurs, ça ne me fait pas vibrer tellement. Avec du monde comme ça, je pense qu'à l'intérieur d'une politique il faut que les gens qu'on engagera soient des gens qui y croient et qui soient au moins d'accord.

Mme Vermette: Vous êtes en train de nous dire qu'il faut un état d'esprit ouvert face à l'adoption internationale. Par rapport aux problèmes de l'évaluation, il a été soulevé par plusieurs organismes, et même par des parents d'adoptants aussi, qu'il serait souhaitable, compte tenu des délais, d'une part, et du manque de ressources des CSS de passer par le biais de cabinets privés pour faire des évaluations, soit par un travailleur social ou par une autre personne habilitée à le faire. On disait qu'il y avait un problème ou un danger à ce point de vue-là et on nous invitait a rechercher une source de financement qui soit comme les petites créances, l'aide juridique ou des trucs comme ça. Est-ce que vous seriez d'accord pour une telle éventualité ou une telle voie en ce qui concerne l'évaluation?

M. Gagnon: Moi, j'avoue que je ne suis pas sûr que le problème ait vraiment trait à l'évaluation. Je ne suis pas sûr que le problème soit vraiment un problème... C'est vrai que c'est long, mais il reste quand même... Mme la ministre a raison jusqu'à un certain point là-dessus. Si on avait des enfants qui nous étaient offerts... On l'a déjà vécu, il y a quelques années; on avait des enfants, mais on n'avait pas d'évaluation. Actuellement, cela ne semble pas être la réalité. Je vois un certain danger à des évaluations privées. La personne qui va faire l'évaluation a-t-elle toutes les compétences?

Est-ce qu'elle est en mesure de faire une évaluation pertinente? Par contre, on peut se poser les mêmes questions pour nos employés. Mais cette personne a-t-elle une supervision adéquate? Est-ce que ce sera le couple qui la paiera? Est-ce qu'elle sera payée plus cher ou moins cher si elle dit oui ou non? Je me pose des questions là-dessus.

Si jamais l'évaluation était véritablement un problème et si le législateur était d'accord avec l'adoption, on ajouterait des fonds et il y aurait plus de monde pour faire l'évaluation. Par ailleurs, si cela n'était pas possible comme solution, il me semble que les personnes qui ont à faire les évaluations ont à être engagées et supervisées par le Directeur de la protection de la jeunesse et non par le couple lui-même. Il faut garantir minimalement que l'évaluation est sincère et honnête. Ce sont les inquiétudes que j'ai. Je ne suis pas fermé, mais j'ai quand même certaines inquiétudes face à cela.

Mme Vermette: À l'intérieur de votre mémoire, parmi vos recommandations, vous avez demandé la création d'un conseil d'administration pour diriger le Secrétariat à l'adoption internationale, Ce conseil d'administration devrait être formé de représentants du ministre, du Directeur de la protection de la jeunesse, des organismes reconnus et, enfin, de représentants de parents adoptants. Il me semble que c'est un genre de concertation, finalement, que vous demandez. Pourquoi en arrivez-vous à cette conclusion alors qu'il y a plusieurs instances qui me semblent actuellement jouer ce rôle, notamment, le Secrétariat à l'adoption internationale?

M. Thouin: Je pense qu'il y a un souci de concertation évident. Il y a aussi un souci d'ajouter d'autres intervenants que ceux venant du ministère de la Santé et des Services sociaux. On pense, entre autres, à ceux de l'Immigration, etc. L'idée est que, par la concertation, un peu comme on le fait aujourd'hui, on aurait l'impression d'établir des fonctionnements dont l'objectif serait d'éviter que des adoptions se fassent par des voies auxquelles les parents naturels n'auraient pas pu librement consentir, donc, contrer ce qu'on appelle le marché d'enfants.

Si les solutions venaient d'un conseil d'administration, elles seraient plus valables et probablement plus harmonieuses, tenant plus compte des réalités quotidiennes et de l'administration du dossier. Un conseil d'administration, c'est comme pour une compagnie privée, c'est neuf têtes qui amènent des idées en tenant compte de la compétence de chacune. Cela nous paraît être une façon d'avoir des solutions au jour le jour et de garantir, entre autres, au chapitre, par exemple, des protocoles qui

sont signés d'année en année, de garantir, dis-je, qu'on ne refusera pas de signer le protocole une année parce que, soudain, Soleil des nations aurait dit là-dessus: C'est important, mais on s'y oppose. Nous autres, au secrétariat, on n'est pas d'accord et on ne signe plus votre protocole. Donc, on n'a plus le droit. Tandis qu'un conseil d'administration élargi amène des couleurs et des nuances. C'est ce qu'on vise: concertation et efficacité.

Mme Vermette: Mais vous semblez dire... Ahi Allez-y!

M. Richer: C'est peut-être au même titre, finalement, qu'un certain nombre d'organismes, tels les CSS ou même les hôpitaux, qui fonctionnent à partir d'un conseil d'administration. Je pense que la préoccupation fondamentale, c'est qu'on ne réglera pas, entre guillemets, le problème de l'adoption avec des projets de loi. Ce n'est pas vrai. Malheureusement, c'est ce qu'on fait depuis dix ans. On pense qu'il va falloir y réfléchir. C'est une nouvelle réalité. Il y a de plus en plus de pression de la part d'associations de parents, de groupes de parents. Il va falloir composer avec tout cela. Tantôt, j'ai parlé de frais et de coûts. On n'aborde pas du tout cette question mais c'est un handicap majeur au départ. Qui peut adopter un enfant quand on vous parle d'un coût de 9000 $ au point de départ? Ce n'est pas tout le monde. On pense que ce serait un endroit privilégié pour être capable d'en discuter et pour en arriver vraiment rapidement à une politique en matière d'adoption internationale.

Le deuxième élément, et on aurait pu vous poser la question... J'y reviens, mais, malheureusement, je n'ai pas les deux documents. Il faut relire l'arrêté en conseil qui a créé le secrétariat en juin 1982 et qui l'a prolongé jusqu'en 1986. On n'a pas le mandat du secrétariat. On l'a demandé à maintes reprises. On ne sait pas ce qu'est le rôle du secrétariat. Donc, à défaut de connaître le rôle, on suggère de créer un organisme où on pourra clarifier les rôles des divers intervenants.

Il y a deux valets. C'est une partie un petit peu négative en ce sens qu'on ne connaît pas actuellement le rôle d'un bon nombre d'intervenants.

Mme Vermette: En tout cas, je pense que ce qui est important, c'est que vous démontrez une volonté de collaborationr C'est ce qu'il faut qu'on retienne. Vous êtes prêts finalement à apporter toute votre expertise pour favoriser justement une politique cohérente sur l'adoption internationale. Vous dites tout simplement: Si on peut être invité, on est prêt à participer.

Une voix: On le voudrait bien.

Mme Vermette: Je voulais vraiment vous remercier et je vous garantis que nous allons prendre bonne note de tout ce que vous avez écrit. Je pense que nous devrions nous en inspirer grandement, étant donné la qualité de vos propos. En tout cas, quant à moi, cela ne fait aucun doute. J'espère que vous allez continuer à nous inspirer de cette façon. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Avant de vous remercier, je voudrais juste ajouter un mot, même si je n'ai pas vraiment le droit de commenter, sur de petites choses que vous avez dites.

Je pense que vous avez raison lorsque vous dites qu'on a fonctionné, depuis 1979 au moins, un peu au fur et à mesure des problèmes qui arrivaient. Je pense que le fait qu'aujourd'hui, pour la première fois -quand je dis aujourd'hui, cette fois-ci, c'est pour la première fois - on ait l'occasion d'entendre des gens qui vivent les problèmes d'un côté et de l'autre, est extrêmement intéressant.

Je suis d'accord avec vous pour qu'on en arrive à une politique. Je redis maintenant ce que j'ai dit hier. En ce qui a trait à l'intérêt du gouvernement pour l'adoption internationale, nous voulons la favoriser, mais à l'intérieur - je pense qu'on s'entend tous là-dessus - de limites qui soient acceptables. Je voudrais ajouter qu'évidemment, sur tout ce que vous avez apporté, il y a des choses qu'on n'a pas clarifiées ce matin, on va tenter de le faire, on a votre mémoire en main... L'objectif, c'est de clarifier les règles du jeu. Quand vous dites: On ne sait pas ce que sera le mandat du secrétariat, vous n'avez pas tort du tout. Il a été créé en 1982; j'avais demandé ce que c'était. On a dit: Bien, il y a des problèmes d'adoption internationale, cela va nous aider à les régler. Cela a été reconduit en 1984, parce que les problèmes n'étaient pas réglés, probablement, et ainsi de suite.

Évidemment, le premier objectif du règlement, qui, maintenant, doit être modifié parce qu'il n'est plus en concordance avec la loi qui a suivi, de toute façon, certains de ses aspects, était de clarifier les rôles de chacun. On était bien conscient que les rôles étaient flous; on avait parlé de secrétariat, d'organismes reconnus, de protection de la jeunesse. Alors, je pense qu'on devrait arriver à faire cette clarification le plus possible.

Écoutez, ce sont les seules remarques que je voulais faire en essayant de tirer une conclusion. Je vous remercie pour votre mémoire. Je pense que, s'il y a lieu, on vous

recontactera pour avoir des éclaircissements sur des points qui restent obscurs de part et d'autre, ce qu'on ne pouvait pas faire ce matin. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le président Gagnon, je vous remercie, ainsi que votre équipe, pour votre participation extrêmement intéressante aux travaux de la commission. Alors, à ce stade-ci, la commission ajourne ses travaux sine die. Les ordres de la Chambre, après la période des affaires courantes, nous diront à quelle heure reprendront nos travaux. Je peux vous le dire tout de suite: Immédiatement après la période de questions, en fait, on revient ici. Nous rencontrerons les groupes suivants: Les Enfants de l'arc-en-ciel Inc., l'Association des parents en adoption internationale du Sa-guenay—Lac-Saint-Jean, l'Adoption internationale démocratique pour enfant. Il y aura donc trois groupes dans le dernier bloc.

La commission ajourne donc ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 15 h 39)

Le Président (M. Joly): Merci. La commission des affaires sociales se réunit à nouveau pour la poursuite de ses travaux. Â l'intention de ceux qui n'étaient pas ici ce matin, j'aimerais rappeler les ententes intervenues concernant le déroulement des travaux. La durée de chaque audition sera d'une heure par organisme, répartie ainsi: 20 minutes pour la présentation du mémoire et 40 minutes pour les échanges avec la commission, soit 20 minutes pour le groupe ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition. Le temps de parole est nécessairement sous réserve de l'alternance. Chaque député peut parler aussi souvent qu'il le désire, sans excéder dix minutes consécutives.

Maintenant, j'aimerais appeler, aux fins d'audition, l'organisme désigné sous le nom de "Les Enfants de l'arc-en-ciel Inc." et la présidente, Mme Isabelle Cyr, va sûrement nous présenter la personne qui est avec elle. Bonjour.

Les Enfants de l'arc-en-ciel Inc.

Mme Cyr (Isabelle): Je vais vous présenter Mme Louise Kieffer. C'est elle qui va lire le mémoire cet après-midi.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Mme Kieffer.

Mme Kieffer (Louise): Bonjour, Mme la ministre, MM. et Mme les députés. Je vais vous faire, au début, la présentation de l'auteur, Me Marcel Després, qui devait être avec nous pour la présentation. Étant donné une circonstance atténuante, il n'a pas pu se présenter aujourd'hui. Me Marcel Després est membre du Barreau de la province de Québec depuis dix ans, oeuvrant dans plusieurs domaines. Depuis sept ans, il s'intéresse de très près à l'adoption internationale pour avoir adopté lui-même deux enfants de Macao. Il s'est aussi impliqué en tant que bénévole dans l'organisme Caritas Sherbrooke en y apportant ses conseils sur le plan juridique. Il y a deux ans, Marcel fut l'un des fondateurs de l'organisme Les Enfants de l'arc-en-ciel et il y apporte son aide précieuse comme directeur et avocat.

L'organisme d'adoption internationale Les Enfants de l'arc-en-ciel a vu le jour au mois de novembre 1985. Il a été formé sous la troisième partie de la Loi sur les compagnies afin de répondre à une demande croissante dans le domaine de l'adoption internationale.

Notre but est de fournir à des couples désireux de former ou de compléter une famille une solution possible: l'adoption internationale. Les objectifs sont d'informer et de conseiller les futurs parents tout au long du processus d'adoption. Nous désirons aussi conseiller et appuyer les nouveaux parents après l'arrivée de l'enfant.

Nos objectifs dépassent aussi les frontières du Québec. Nous désirons poursuivre l'intégration de l'oeuvre au Costa Rica, au Honduras et, éventuellement, à d'autres pays. Nous sommes un organisme où le nombre de personnes n'excède pas quatre membres au conseil d'administration, mais où la qualité du travail y excelle.

Chacun a une tâche bien définie. Mme Isabelle Cyr est présidente du conseil d'administration et permanente de l'organisme. Son intérêt pour la cause de l'adoption internationale est très marqué, ayant elle-même adopté deux enfants du Honduras. Son travail consiste à établir les relations avec les pays d'adoption, à compléter les dossiers qui sont acheminés par le secrétariat à l'adoption ainsi qu'à assurer les rencontres avec les parents adoptants. Elle voit à l'ensemble de chacun des dossiers dans les moindres détails. Mme Louise Kieffer est vice-présidente et secrétaire, ayant elle aussi adopté deux enfants de Macao. Elle apporte sa collaboration étroite à Mme Cyr et s'occupe plus particulièrement des relations extérieures en ce qui concerne l'information et les mass médias. M. Marcel Després est directeur et conseiller juridique pour l'organisme. M. Sabino Alas est traducteur et directeur pour l'organisme. Tous ensemble, nous essayons de travailler à un seul et même objectif, donner une qualité de travail et une qualité de présence pour les parents adoptants et une qualité de vie

meilleure pour nos enfants. Nous aimerions profiter de l'occasion qui nous est donnée par le biais de la commission parlementaire pour vous soumettre nos revendications qui vont dans un sens de consultation, apportant une critique constructive et positive toujours pour améliorer les conditions du dossier de l'adoption internationale.

Nos questions à l'étude actuellement portent sur cinq points: 1, l'avenir des organismes; 2, la situation actuelle du secrétariat à l'adoption et son avenir; 3, la situation actuelle en Estrie du centre des services sociaux; 4, la question du Tribunal de la jeunesse; 5, la subvention.

Le premier point: Organismes. Considérant que les parents adoptants manquent d'information en ce qui concerne l'adoption internationale; que les parents ont besoin de structures sûres; considérant que les organismes sont très impliqués au niveau des contacts personnalisés avec les parents; considérant que la confiance des parents est très importante; considérant que les pays avec qui nous faisons affaires semblent très intéressés à garder contact avec des personnes stables qui connaissent les dossiers; considérant qu'il est normal que les autorités gouvernementales du Québec aient un droit de regard sur le processus de l'adoption; considérant qu'il est important pour chaque organisme de rencontrer les intervenants dans les pays d'adoption ainsi que l'ouverture possible d'autres pays, nous recommandons: 1, Que les organismes soient autonomes au niveau des décisions internes, qu'ils se votent un conseil d'administration; 2, Que nous gardions le lien entre les parents adoptants et les pays concernés; 3, Que les enfants adoptables soient complètement abandonnés et pris en charge soit par le gouvernement du pays ou des orphelinats; 4, Que les organismes puissent continuer à se sentir responsables des dossiers du début à la fin tout en se conformant aux lois du Québec et aux exigences du ministère.

Deuxième point: le secrétariat à l'adoption. Considérant que, depuis quelques années, il y a des problèmes au sein de l'organisme qu'est le secrétariat à l'adoption; considérant que le secrétariat à l'adoption s'est donné des pouvoirs décisionnels et a débordé de son mandat qui était à l'origine de consultation et d'information; considérant que les démarches pour les parents, une fois que leur dossier est rendu au Secrétariat à l'adoption internationale prennent un temps énorme avant que ces mêmes dossiers ne puissent être acheminés vers des organismes dûment mandatés par le gouvernement du Québec; 1, nous recommandons que le Secrétariat à l'adoption internationale du Québec soit un service de consultation et d'information auprès des parents et auprès des organismes et qu'il ne se donne pas des pouvoirs décisionnels au niveau juridique; 2, nous recommandons que le Secrétariat à l'adoption internationale soit un organisme de collaboration et d'ouverture auprès des organismes; 3, que le service du Secrétariat à l'adoption internationale ait un esprit humanitaire, un esprit de compréhension, de confiance, de franchise et que le côté gestionnaire vienne compléter les démarches des parents et non pas que ce soit prioritaire.

Troisième point: Centre des services sociaux. Considérant que le poste de travailleur social dans le dossier de l'adoption internationale au CSS de Sherbrooke vient d'être fermé; considérant que si le poste est fermé les parents devront payer de 300 $ à 500 $ pour avoir une expertise de l'étude du dossier; considérant qu'il y a en Estrie plusieurs centaines de demandes d'adoption internationale, nous recommandons fortement la réouverture du poste de travailleur social afin de ne pas pénaliser les parents et une augmentation du personnel pour les études de cas ou une réorganisation du travail interne pour pouvoir faire débloquer les dossiers afin de réduire le temps de 5-7 ans à 1-2 ans d'attente. Nous recommandons aussi que ce service pour l'adoption internationale soit aussi prioritaire qu'un autre service à l'intérieur du CSS.

Quatrième point: Tribunal de la jeunesse. Nous désirons commenter le règlement sur l'adoption internationale pour ce qui est de la section I. "1. À la demande de l'adoptant qui désire adopter un enfant domicilié hors du Québec, le directeur de la protection de la jeunesse intervient en procédant à l'inscription de sa demande et en lui communiquant des informations concernant le processus de l'adoption internationale en vigueur au Québec." Nous sommes d'accord avec ce premier point. "2. À la demande écrite du ministre de la Santé et des Services sociaux, le directeur intervient en procédant à l'évaluation de l'adoptant." Nous sommes d'accord aussi avec ce point. "3. Le directeur intervient en avisant l'adoptant des résultats de son évaluation." Nous désirons avoir plus d'information sur la signification du terme "intervient". Est-ce que "intervient" veut dire accepter l'évaluation ou non? "4. Le directeur intervient pour s'assurer qu'il est dans l'intérêt de l'enfant identifié d'être jumelé à l'adoptant. "À cet effet, il tient compte des antécédents sociaux et médicaux de l'enfant, ainsi que de tous les documents qui lui ont été transmis par le ministre attestant de son adoptabilité." Nous aimerions plutôt que ceci revienne à l'organisme, car cela occasionnerait des procédures administratives

beaucoup trop longues. "5. S'il considère que l'adoption est dans l'intérêt de l'enfant, le directeur intervient pour le jumelage de l'enfant à l'adoptant." Nous aimerions savoir, sur ce cinquième point, sur quels critères le directeur de la protection de la jeunesse peut se baser pour connaître véritablement l'intérêt de l'enfant. "6. Le directeur intervient en s'assurant de l'intégration de l'enfant auprès de l'adoptant, dès qu'il est informé de la date de son arrivée au Québec." Nous croyons que cette responsabilité pourrait être plutôt partagée entre la travailleuse sociale et l'organisme. "7. Lorsque le directeur considère que l'adoption est la mesure la plus susceptible d'assurer le respect des droits de l'enfant et compte tenu de l'évolution de la situation de cet enfant, le directeur intervient en présentant au Tribunal de la jeunesse, conjointement avec l'adoptant, la demande de placement de cet enfant en vue de son adoption." Nous sommes d'accord et nous croyons que cette mesure pourra sécuriser les parents, mais nous nous posons la question: Est-ce que cela va prolonger le délai? Est-ce que le directeur de la protection de la jeunesse n'a pas trop de responsabilités à ce moment-ci? Une fois que le jumelage est fait, que le directeur de la protection de la jeunesse a jugé bon que le parent pouvait remplir ses responsabilités et qu'il a eu la permission de compléter les démarches pour l'adoption, nous croyons que cette mesure pourra rendre les démarches beaucoup plus sécurisantes pour les parents. "8. Lorsque l'ordonnance de placement a été prononcée, le directeur intervient pour s'assurer que l'enfant s'adapte à sa famille adoptive." Nous croyons que cette tâche pourrait très bien être assumée par les travailleurs sociaux. "9. Lorsque l'enfant ne s'est pas adapté à sa famille adoptive, le directeur intervient au moment de la demande d'adoption en présentant au tribunal un rapport à cet effet." Nous ne sommes pas d'accord. Nous faisons la recommandation suivante: que le suivi soit fait plutôt par la travailleuse sociale.

Pour la section III que vous avez entre les mains, nous aimerions, à cette étape-ci, réagir d'une façon beaucoup plus Interrogative que par des recommandations. Lorsque vous dites que l'organisme reconnu en vertu de l'article 72.2 de la Loi sur la protection de la jeunesse intervient en matière d'adoption internationale, que fait-il ce même organisme? Quel est son rôle et quel est le mandat de cet organisme? L'organisme dépend de qui? Nous sommes accrédités par qui? Quel est son rôle et que faisons-nous à cette étape-ci?

Cinquième point: La subvention.

Considérant que les parents déboursent suffisamment d'argent pour l'adoption d'un enfant; considérant qu'il est très important pour un organisme de pouvoir donner une qualité de travail et une continuité; considérant qu'il est aussi très important pour un organisme de garder des liens dans des pays d'adoption, nous recommandons qu'il y ait une subvention octroyée année par année à chaque organisme, premièrement, pour aller rencontrer nos contacts; deuxièmement, pour effectuer des ouvertures possibles dans d'autres pays où l'adoption est possible; troisièmement, afin d'assurer la permanence de deux personnes travaillant dans un organisme, étant donné que l'expérience du bénévolat à long terme démontre un désintéressement et un professionnalisme déficient. Étant donné que nous voulons apporter une qualité à notre travail, l'expérience a démontré dans d'autres organismes que, lorsqu'il n'y a pas de structure permanente et de ressources suffisantes, il se produit un désintéressement.

En résumé, la synthèse de l'exposé général et le rappel des principales recommandations. Pour ce qui est des organismes, nous aimerions que les organismes soient consultés pour tout changement de politique, afin qu'il ne leur soit pas imposé une entente avec le ministère de la Santé et des Services sociaux quant à leur rôle et aux moyens de contrôle que le ministre ou le Secrétariat à l'adoption intergouvernementale pourraient exercer.

Le deuxième point concerne le centre des services sociaux. La situation actuelle dans I'Estrie ne correspond pas du tout à la volonté du législateur contenue dans le projet de loi, qui est d'ouvrir un nombre plus grand de pays à l'adoption et de faciliter l'adoption et ceci par la fermeture du service de l'adoption en Estrie. Le ministre devrait intervenir pour qu'il n'y ait pas de coupures aussi drastiques dans le service de l'adoption internationale.

Nous considérons que c'est une injustice sociale eu égard du bassin de la population dans la région 05. Afin d'éviter qu'il y ait une surenchère, car les parents devront faire appel à des travailleuses sociales privées, ce qui occasionnerait des coûts additionnels, le gouvernement ayant décidé de s'impliquer dans le dossier de l'adoption internationale, pourquoi ce même gouvernement ne laisserait-il pas la chance à tous les contribuables de profiter de ce service? Les coûts de l'adoption sont déjà assez élevés, sans pour autant demander en plus aux parents un coût additionnel.

Le troisième point concerne le Tribunal de la jeunesse. La démarche proposée est souhaitable afin de s'assurer que les parents qui feront la demande d'adoption internationale le feront en toute légalité et sécurité, étant assurés que le jugement

étranger sera homologué par ce même tribunal, les conditions d'adoption ayant déjà été approuvées au préalable. Lorsque nous parlons du directeur de la protection de la jeunesse et l'adoptant, qui va décider du moment opportun pour présenter la requête à la cour? Les parents adoptants devront-ils attendre l'approbation préalable du directeur de la protection de la jeunesse une fois que le jumelage sera effectué? Si oui, dans quel délai? Quel sera le rôle du secrétariat à l'adoption avant que les parents puissent présenter leur requête?

Le rappel des principales recommandations. Les organismes: Nous retenons la recommandation suivante: que les organismes puissent continuer à se sentir responsables des dossiers du début à la fin, tout en étant très conformes aux lois du Québec et aux exigences du ministère.

Secrétariat à l'adoption. Nous recommandons que le Secrétariat à l'adoption internationale du Québec soit un service de consultation et d'information auprès des parents et auprès des organismes et qu'il ne se donne pas des pouvoirs décisionnels au niveau juridique.

Troisième point. Le centre des services sociaux. Nous recommandons fortement la réouverture du poste de travailleuse sociale afin de ne pas pénaliser les parents.

Quatrième point. Le Tribunal de la jeunesse. Que dans son intervention auprès du Tribunal de la jeunesse, le directeur de la protection de la jeunesse soit un collaborateur auprès des parents requérant d'être présentés devant le tribunal, qu'il le soit dans les meilleurs délais, c'est-à-dire dès que le jumelage de l'enfant aux parents adoptifs a été effectué.

Pour la subvention, nous recommandons que des budgets soient alloués aux organismes accrédités afin de leur permettre: premièrement, de rencontrer les contacts dans les pays, deuxièmement, l'ouverture d'autres pays éventuels, troisièmement, de s'assurer la permanence de deux personnes dans l'organisme accrédité.

Espérant que ces recommandations puissent porter fruit dans un esprit positif et humanitaire et rencontrer en même temps les objectifs visés dans le projet de loi par Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

En foi de quoi, nous avons signé, Isabelle Cyr, Louise Kieffer et Marcel Després.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Kieffer. Il vous reste encore quelques minutes. Vous aimerez peut-être ajouter des choses ou peut-être que Mme la présidente aimerait ajouter des choses.

Mme Cyr: Je pense que l'idée principale ici est que les organismes travaillent vraiment en collaboration avec le ministère et le secrétariat, mais aussi de garder notre valeur en tant qu'organisme face aux parents et face aux dossiers qu'on doit préparer et envoyer dans les pays d'Amérique centrale qui sont de notre bord. C'est un des points principaux. Il serait important pour les organismes, comme Les Enfants de l'arc-en-ciel Inc., de garder surtout le côté humanitaire, de garder notre position face aux parents, face aux pays d'Amérique centrale avec lesquels nous faisons affaires pour vraiment aider. Avoir un climat de confiance face aux parents, au secrétariat et au ministère, c'est notre point principal et que l'organisme continue de travailler comme on le faisait avant, dans le même sens.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire et de vous être déplacés et d'avoir montré toute votre préoccupation pour cette question. Je sais que c'est un sujet par lequel j'ai eu l'occasion de vous rencontrer et auquel vous vous intéressez beaucoup. Vous êtes un organisme relativement jeune, finalement.

Une voix: 1985.

Mme Lavoie-Roux: Depuis 1985. Je pense qu'au moment où nous nous parlons vous n'êtes peut-être pas encore reconnus...

Une voix: On n'a pas encore signé, non.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas encore signé. Vous m'en aviez parlé il y a un ou deux mois. J'aimerais d'abord savoir auprès de quel pays vous avez agi et quel est le nombre d'adoptions. Est-ce que vous avez vraiment fait, tel que d'autres organismes qui ont une plus longue expérience... On en a eu un hier qui avait quinze ans d'expérience. À combien d'adoptions avez-vous participé?

Mme Cyr: Présentement, nous avons une quarantaine de dossiers de constitués. Il y a à peu près douze enfants qui sont revenus du Costa Rica et du Honduras. C'est sûr que dans les pays comme le Costa Rica, on n'a pas tellement de problèmes en ce moment. C'est un pays qui est assez bien structuré. Le Honduras crée quand même beaucoup de lenteur, beaucoup d'attente face au gouvernement, face à la Junta qui est un organisme qui représente le Honduras. II y a toujours quelque chose qui manque dans le pays, soit avec l'avocat avec lequel nous travaillons là-bas ou par exemple, en ce moment, il y a une lenteur face au dossier parce qu'il manque un psychologue dans le

pays. Tant qu'un psychologue ne sera pas engagé au Honduras, pour une partie du pays qui est à Tegucigalpa, nos dossiers sont arrêtés en ce moment. Ils attendent qu'ils rengagent un psychologue. Le psychologue n'est pas engagé pour la simple raison que le pays est très pauvre en ce moment. C'est encore une période des plus difficiles et aussitôt qu'ils auront trouvé un psychologue capable de travailler au salaire qu'ils vont donner par le ministère des Relations extérieures, peut-être que cela va déboucher. Dans les semaines à venir, on aurait peut-être besoin de contacts avec un certain monsieur qui doit venir ici au Québec. Il va peut-être pouvoir nous aider à faire débloquer les dossiers concernant le Honduras. Je pense que ce qui est très important, c'est de pouvoir se présenter nous aussi dans les pays - c'est pourquoi on demande des subventions - et essayer de faire avancer certains dossiers.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais revenir à vos considérations principales, le désir que vous exprimiez, comme organisme, que les organismes puissent continuer à se sentir responsables des dossiers du début à la fin tout en étant très conformes aux lois du Québec et aux exigences du ministère. Je pense que vous exprimez la même inquiétude que plusieurs ont exprimée au cours des auditions, soit que les organismes reconnus seraient peut-être mis de côté de quelque façon ou ne pourraient plus jouer le rôle qu'ils ont joué jusqu'à maintenant. J'ai eu l'occasion ce matin... Je ne relirai pas la même phrase pour la quatrième fois mais j'avais, dans mes notes d'introduction, une partie qui indiquait justement qu'il n'était aucunement question de réduire les activités parce que tous ne fonctionnent pas de la même façon. (16 heures)

II y en a peut-être qui ont plus d'activités et d'autres moins. Il n'était pas question, à moins que des activités ne soient contraires au bien commun, de modifier ces activités et il y aurait d'abord une convention type qui donnerait le grand cadre et sur laquelle tous les organismes reconnus seraient consultés. On laisserait également de la place, dans les conventions qui seraient signées avec les différents organismes, pour des clauses particulières qui permettraient de s'adapter au rythme de travail de chaque organisme et pour tenir compte également des pays dans lesquels ils vont travailler, où ils feront de l'adoption, car cela diffère passablement d'un pays à l'autre.

Je ne sais pas si ça peut vous rassurer. Notre intention n'est pas de dire: On les met de côté. D'ailleurs, l'objet du fameux règlement dont on a tant parlé était aussi de préciser les responsabilités respectives du secrétariat, de la protection de la jeunesse et des organismes reconnus. On savait que différentes interprétations avaient été données, qu'il y avait eu du "flou" - entre guillemets - comme on le dit, et la fameuse loi 139 donnait justement au ministre un pouvoir de réglementer qui permettrait d'éclaircir ces points particuliers qui semblaient... pas juste semblaient, mais qui, dans les faits, créaient des difficultés et de l'incohérence. Je pense que, de ce côté-là, il n'y a peut-être pas trop de problèmes.

La deuxième demande que vous faites concerne le secrétariat à l'adoption: Nous recommandons que le Secrétariat à l'adoption internationale soit un service de consultation et d'information auprès des parents et des organismes. D'ailleurs, vous indiquez dans votre mémoire qu'au point de départ le secrétariat ne devait être qu'un organisme de consultation et d'information. Je dois vous dire que, dès le point de départ, comme je le disais ce matin, quand le secrétariat à l'adoption a été créé, c'était assez vague, du moins dans les écrits, à savoir quelle était sa responsabilité. On l'avait créé parce qu'il y avait des problèmes. Aux questions qu'on posait à ce moment-là, on nous répondait: II y a des problèmes dans l'adoption internationale, alors, il est nécessaire de mettre un secrétariat en place pour essayer de corriger ce qui ne va pas et de mieux encadrer l'adoption internationale. Cela a été vraiment l'objectif, j'y étais à ce moment-là et je me le rappelle, même si j'étais de l'autre côté de la table, comme on dit. J'ai eu depuis ce temps-là, c'est-à-dire, on m'a donné un CT général, une réponse a une demande au Conseil du trésor qui remonte -cela ne me fait rien de vous la lire - à 1982.

On y définissait comme suit les responsabilités du secrétariat à l'adoption, lesquelles allaient bien au-delà de l'information et de la consultation. Il devait d'abord faire une analyse de la situation de l'adoption au Québec, établir une politique générale, veiller a l'application, à la surveillance et au contrôle des lois et règlements relatifs à l'adoption. C'est simplement pour nuancer un peu quand vous dites: Ils se sont donné des pouvoirs de contrôle qu'ils n'avaient pas; ils sont peut-être allés au-delà de... Je comprends que vous ayez eu cette perception, si le rôle du secrétariat n'a jamais été clair pour le public. Mais, dans le fond, quand on se réfère à cette définition du Conseil du trésor: veiller à l'application, à la surveillance et au contrôle des lois et règlements relatifs à l'adoption, s'assurer de la coordination et de la cohérence des initiatives gouvernementales en matière d'adoption, négocier les ententes avec les pays étrangers, le gouvernement fédéral, les autres ministères québécois - affaires inter, immigration - agir comme conseiller sur toute matière relative à l'adoptEon, remplir

tout autre mandat qui lui sera confié par le sous-ministre, on prévoyait ce que cela demandait comme budget, etc. C'est vous dire que le rôle du secrétariat allait beaucoup plus loin que celui de l'information et de la consultation.

Au moment où nous nous parlons, il reste qu'on va devoir aussi, compte tenu de la rédaction finale du projet de loi, du travail qu'on devra faire sur le règlement et de ce qui sera convenu dans les conventions avec les organismes, réexaminer pour préciser quelles responsabilités resteront au secrétariat à l'adoption. Là-dessus, on est d'accord avec vous, mais je pense que cela ne peut pas être juste de l'information et de la consultation. À ce moment-là, je vous dirais: Donnons la responsabilité à chacun des centres de services sociaux pour la décentraliser. S'il y a une personne responsable de l'adoption internationale dans chacun des centres de services sociaux, cela pourrait être sa responsabilité de donner de l'information et de faire de la consultation. Alors, je pense qu'il va falloir certainement retenir d'autres fonctions que celle-là.

Vous faites des recommandations quant au personnel qui est au service de l'adoption internationale dans les centres de services sociaux, Cela nous a été également mentionné par plusieurs. C'est inégal d'une région à l'autre. Il reste quand même que ce sont les centres de services sociaux dans un, deux ou trais endroits où on a... J'en suis certaine pour un centre. C'est le cas dans l'Estrie où on a éliminé le poste lié à la responsabilité de l'adoption internationale. Il reste que ce sont quand même des responsabilités administratives que les centres de services sociaux ont prises à l'intérieur de leur budget. Maintenant, comment ont-ils établi leurs priorités? Quelles étaient les demandes qui affluaient vers eux? Je n'en ai aucune idée. Est-ce qu'on pourrait ajouter de l'argent? Mais en tout cas, je ne veux pas m'engager à ce moment-ci. On peut peut-être aussi demander, vu les responsabilités qu'ils ont, s'il y a des réaménagements possibles. Voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Cyr: Oui. Je pense qu'il est inconcevable de garder aux CSS, dans les Cantons de l'Est par exemple, la travailleuse sociale qui n'est pas du tout travailleuse sociale pour faire les études des foyers pour les parents qui attendent. On appelle régulièrement des membres des Enfants de l'arc-en-ciel Inc. pour leur dire: Écoutez, qu'est-ce qui arrive avec nous? Cela fait quatre ans qu'on attend, cela fait trois ans, cela fait cinq ans. Il n'y a plus personne pour faire une étude des dossiers, une étude des foyers. Je pense que c'est très urgent de voir à cette situation dans l'Estrie, de réparer ce qui existe en ce moment, parce que les parents sont devenus très inquiets. Je comprends quelqu'un qui a demandé depuis environ quatre ou cinq ans, par exemple... Il n'y a personne pour faire quelque chose, il n'y a pas de réponse nulle part. Je pense qu'il est nécessaire de régler cette situation le plus tôt possible.

Mme Lavoie-Roux: Qui s'occupait de vous avant cette année? Y avait-il quelqu'un avant cette année?

Mme Cyr: II y avait quelqu'un. Il y avait Mme Gertrude Morin qui était au service social et qui vient de terminer à la fin du mois d'avril. Maintenant, il n'y a absolument plus personne. Il n'y a plus personne pour répondre. Alors, les parents se réfèrent à nous régulièrement, ce qui nous occasionne énormément de travail, simplement de répondre au téléphone pour essayer de dire aux gens: Écoutez, on va faire notre possible. On va essayer d'en parler. Mais je pense que ce serait urgent dans l'Estrie...

Mme Lavoie-Roux: Avant que votre organisme ne soit créé en 1985, qui...

Mme Cyr: C'est nous qui travaillions à ce moment-là avec Caritas Sherbrooke. J'ai travaillé pour l'adoption internationale pendant...

Mme Lavoie-Roux: Oui, je me souviens.

Mme Cyr: ...huit ans à Caritas Sherbrooke.

Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, vous agissiez un peu comme coordinatrice.

Mme Cyr: Oui, c'est cela.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

La question du Tribunal de la jeunesse, je crois comprendre que vous n'avez pas d'objection de fond à ce qu'il y ait une reconnaissance par le Tribunal de la jeunesse de l'acceptation des conditions d'adoptabilité pour sécuriser les parents.

Mme Cyr: On n'a pas du tout d'objection là-dessus. Dans l'Estrie, cela ne sera peut-être pas compliqué, parce que Sherbrooke n'est pas une ville très grosse, ou les environs. Cela va peut-être prendre une semaine ou deux, mais il ne faut pas se mettre dans la peau de ceux qui habitent Montréal ou les environs où il y aura peut-être beaucoup plus de problèmes que chez nous. Nous parlons vraiment en fonction de notre petit coin. C'est sûr que ceux qui vont prendre un rendez-vous au Tribunal de la jeunesse, par exemple, pour faire étudier leur cas, cela ne sera sûrement pas très long. On croit que, quand les parents auront été au Tribunal de la jeunesse, cela donnera plus de

crédibilité aux organismes dans les autres pays. C'est peut-être un peu plus long au Québec en partant, par exemple, pour faire l'étude du parent, mais rendu dans l'autre pays, je pense que notre crédibilité va les faire peut-être agir beaucoup plus vite et que les enfants vont pouvoir sortir des autres pays quand même plus vite de cette façon.

Le Président (M. Joly): Mme la ministre, selon les ententes dont on a convenu...

Mme Lavoie-Roux: Je vais arrêter. Oui, d'accord.

Le Président (M. Joly): ...j'aimerais maintenant reconnaître la députée de Marie-Victorin, porte-parole officiel du dossier dans l'Opposition.

Mme Vermette: Au nom de ma formation politique, il me fait plaisir d'accueillir ici les membres des Enfants de l'are-en-ciel Inc. à cette commission. À la lecture de votre mémoire qui, en passant, est un bon mémoire et bien présenté, vous suscitez beaucoup de points d'interrogation et, par le fait, énormément de recommandations. Cela prouve que, finalement, il aurait peut-être été préférable d'avoir une consultation avant la rédaction du projet de loi. Finalement, on aurait pu faire la lumière avant et non pas après. Cela aurait peut-être permis aussi de perdre moins de temps.

Alors, on arrive tout de suite aux questions. Je voudrais vous demander ceci. Vous avez donné plusieurs recommandations, mais j'aimerais que vous m'éclairiez quand vous demandez, è la page 4 de vos recommandations, que les organismes soient autonomes au niveau des décisions internes et qu'ils se votent un conseil d'administration. Pourquoi, finalement? Vous avez peur de quoi? Pourquoi prendre ces mesures en ce qui concerne votre autonomie? Est-ce que vous vous sentez menacés dans votre autonomie?

Mme Cyr: Oui, à un moment donné, on se demandait... C'est peut-être un peu plus clarifié en ce moment, aujourd'hui, mais il y a X semaines, on se demandait vraiment ce que les organismes allaient faire, par exemple, rencontrer Ies pays, monter un dossier pour les parents adoptifs, monter le dossier au complet, l'acheminer vers le pays, garder les contacts avec le pays et communiquer à nouveau avec les parents, quand on a monté un dossier du début jusqu'à la fin et qu'on envoie le dossier dans un pays. Pour nous, ce serait un dû, peut-être, que d'annoncer la bonne nouvelle aux parents après qu'un enfant est jumelé à un parent et que le parent peut être prêt à partir pour le pays. Nous aimerions que ce soit l'organisme ou, peut-être, la travailleuse sociale, mais que ce ne soit pas, par exemple, le secrétariat qui annonce la bonne nouvelle, après qu'on a travaillé pendant des mois à un dossier. On aimerait garder, quand même, le contact avec le parent et pouvoir lui dire, enfin, le travail qu'on a fait: On va vous annoncer que vous avez un enfant de jumelé. Maintenant, c'est sûr qu'on va se conformer aux lois, mais ce serait notre désir comme organisme que l'organisme ait la possibilité aussi, par exemple, dans d'autres pays, si nous faisons des rencontres, de faire nos rencontres et que ce soit quand même accepté par le Québec, en passant par le ministère ou par le secrétariat, mais qu'on demeure autonome.

Mme Vermette: En ce qui concerne le jumelage, actuellement, c'est de votre juridiction, le jumelage avec les pays avec lesquels vous faites affaire par rapport è l'état du dossier. Dans le projet de loi, on dit que, dorénavant, le DPJ ferait le jumelage. Pour vous, est-ce que cela peut augmenter les délais ou considérez-vous qu'il n'y a pas de problème?

Mme Cyr: On se pose la question; c'est sûr que c'est un critère. On se pose la question vraiment. Si le DPJ arrive, je pense qu'il pourrait y avoir des délais. Je le crois.

Mme Vermette: Dans votre mémoire, vous avez fait aussi mention du secrétariat à l'adoption. Finalement, vous avez certains problèmes avec le secrétariat et vous demandez que cela prenne moins de temps avant d'acheminer le dossier, considérant que les démarches pour les parents une fois que le dossier est rendu au secrétariat à l'adoption prennent un temps énorme. Pouvez-vous nous démontrer, en tout cas, le temps énorme? C'est variable de combien de temps à peu près?

Mme Cyr: Ce qui arrive, c'est peut-être le fait, de toute façon, qu'on n'ait pas encore été accrédité, qu'on n'a pas de convention signée avec le secrétariat. C'est sûrement le poids qui fait qu'on a attendu. Souvent, on demandait un nombre de dossiers pour un certain pays et on attendait, quand même, assez longtemps avant d'avoir réponse aux demandes qu'on faisait. C'est sûr qu'on est peut-être mal placé comme organisme en ce moment avec aucune signature nulle part et je pense que c'est important de se créer un climat de confiance; peut-être, avec le temps, que cela va venir. Je crois qu'il y a des démarches, quand même, de faites et que c'est un peu mieux que c'était. C'est une chose qu'en ce moment présent, je crois, on ne peut pas définir comme on le voudrait, parce que notre entente n'est pas signée. On

se sent un peu comme un oiseau sur la branche, on ne sait jamais si la branche va casser ou si nous allons rester dans le coin ou si on va finir par arriver à faire quelque chose. C'est comme cela qu'on se sent en ce moment. Je pense que le jour où on sera vraiment accrédité, qu'on aura notre convention signée, qu'on sera à l'égalité des autres organismes, À ce moment-là, ce sera peut-être pour eux d'avoir un climat de confiance et pour nous aussi. On a hâte de se placer les pieds et de vraiment travailler à fond de train, parce que je pense qu'on a une équipe assez dynamique et qu'on aimerait travailler, mais ne pas avoir trop d'attente. On a déjà tellement d'attente face au pays, face aux enfants qui n'arrivent pas, face aux problèmes qu'on a à régler régulièrement dans le pays, face aux parents, cela nous crée d'autres problèmes, parce que c'est ce qui arrive avec nous. (16 h 15)

Maintenant, une nouvelle entente a été faite avec le secrétariat. Quand le dossier est monté, il est acheminé au secrétariat et c'est lui qui le poste pour nous dans le pays. De cela, les parents n'étaient pas au courant, parce qu'on ne l'était pas, nous non plus, avant de rencontrer ces parents. Maintenant, on procède de cette façon et les derniers dossiers que nous avons reçus du secrétariat ont été acheminés par le secrétariat. Ce sont eux qui les postent dans le pays. Maintenant, pour la suite, j'espère que cela va nous revenir. On n'a pas vraiment d'objection si les dossiers passent par le secrétariat pour être postés, mais on croit qu'on n'est pas égal avec les autres organismes, par exempte. Ils s'occupent vraiment de leurs dossiers du début jusqu'à la fin, dans le sens qu'ils postent leurs dossiers, qu'ils les acheminent au complet.

Mme Kieffer: Pourquoi pour notre organisme procède-t-on comme cela et que pour les autres organismes, on ne procède pas comme cel? Dans le fond, ce sont des questions qu'on se pose et à un moment donné, on se sent un peu assis entre deux chaises. On veut travailler dans la légalité, on veut tout faire et à un moment donné, on ne sait pas trop où se placer parce qu'il y a l'entente qui est là.

Mme Cyr: En fait, quand on a rien de signé, c'est peut-être plus difficile. Mais il reste qu'on a hâte que tout se règle, qu'on ait notre entente signée comme tout le monde et qu'on puisse avoir d'autres pays parce qu'on a fait des contacts et ceux-ci sont très importants, très sérieux. On a hâte d'avoir la permission, le pouvoir d'aller travailler dans d'autres pays et ne pas se limiter simplement à un pays ou deux d'Amérique centrale. Un pays, à un moment donné, fonctionne très bien et les mois suivants, ce peut être l'autre pays qui fonctionne bien et le premier a une lenteur à cause des problèmes du gouvernement dans chaque pays. Vous avez à travailler dans des pays qui sont très pauvres. Je pense qu'à ce moment-là cela crée un paquet de problèmes que les gens d'ici ont de la misère à comprendre. Ce que nous voudrions, c'est avoir encore deux ou trois autres pays avec lesquels on pourrait travailler. Quand un pays, à cause des parents... On peut quand même transférer les dossiers à un autre pays où cela irait un peu plus vite. L'important pour nous, c'est que les enfants trouvent un foyer. Je pense que c'est l'idée principale. Ce n'est pas une course à la quantité, c'est une course à la vie de l'enfant pour qu'il puisse enfin manger. Pendant qu'on attend, pendant que les dossiers attendent parce qu'ils n'arrivent pas assez vite du secrétariat, à ce moment-là, il y a des enfants qui crèvent de faim dans les autres pays et on va nous annoncer: "On regrette, madame, mais l'enfant que vous avez demandé il y a deux, quatre ou six mois passés, il n'est plus là, il est mort. Il faut donc recommencer avec le même dossier du parent et je pense que, pour le parent, cela devient cruel de vivre ces situations. On est obligé, par exemple, d'appeler le parent et de lui dire: On regrette mais pour celui-là, cela n'a pas marché, cela a pris trop de temps. À ce moment-là, c'est drôlement pénible à vivre pour nous aussi, pour les parents d'abord, et le principal, je pense, c'est pour les enfants.

Mme Vermette: Je pense que vous avez mentionné un problème qui est ressorti beaucoup ces derniers temps dans les manchettes des journaux. Si nous faisons une commission, c'est pour voir exactement où on en est rendu à ce moment-là. Vous avez aussi dit que vous pouviez avoir d'autres contacts avec d'autres pays. Est-ce que c'est facile d'avoir des contacts avec d'autres pays? J'avais l'impression que vous étiez un peu comme des trafiquants. Non?

Mme Cyr: Non, on les a, nos contacts avec les autres pays. Ils sont faits, ils sont dans nos dossiers. On attend seulement l'accord du ministère pour pouvoir travailler dans ces pays. Je pense qu'on s'est toujours conformé, comme organisme, aux lois, à ce que vous nous avez demandé. On a toujours travaillé dans des pays, on a toujours travaillé avec des orphelinats, on a toujours travaillé avec des enfants abandonnés. Je pense qu'on s'est toujours conformé à ce qu'on nous a demandé. Maintenant, il y a des possibilités dans d'autres pays que Mme Lavoie-Roux, je pense, a mentionnées quant au projet de loi 21. Dans certains pays, nos contacts sont déjà faits. On attend encore l'accord pour y aller. Les gens nous appellent

- encore il y a deux jours - pour nous dire: Écoutez, depuis un certain tremblement de terre, il y a des enfanta qui crèvent de faim dans les orphelinats. Il y a des centaines d'enfants qui attendent et qui crèvent de faim. Pour moi, il serait important qu'on puisse enfin travailler librement, travailler avec la loi, travailler avec la collaboration du ministère, du secrétariat. Mais qu'on nous laisse aller de l'avant parce qu'on devient brimé dans nos actes, si vous voulez. Il y a le fait qu'on ne puisse pas aller à la vitesse qu'on voudrait. Et, ensuite de cela, pour ces enfants... On nous appelle de ces pays-Ià pour nous dire: Qu'est-ce que vous faites? Vous nous avez appelés l'année dernière et il n'y a encore rien de fait. On a des enfants qui sont morts depuis ce temps-là. Les enfants crèvent de faim. On n'a plus d'argent pour les nourrir dans les orphelinats et vous, vous manquez d'enfants. Car ils savent que la population, au Québec n'est pas très forte du point de vue des enfants. Je pense que c'est 1,4. Alors qu'eux, ils ont énormément d'enfants. Ils disent: Qu'est-ce que vous faites? Pourquoi a-t-on tant de misère avec le Québec? Je suis allée à l'ambassade du Costa Roca et on m'a dit: On travaille avec le Canada, mais la province la plus compliquée, c'est le Québec. Quand on sait que vous arrivez avec le Québec, pour nous autres, c'est déjà un problème. Ils aiment beaucoup les Québécois, ils aiment la mentalité. Ils savent qu'ici, au moins, il n'y aura pas de marché noir d'enfants. Ils savent qu'ici c'est bien préparé, qu'on est quand même suivi, qu'on ne va pas là n'importe comment. Je pense que c'est important pour un organisme. Il ne s'agit plus, par exemple, comme cela existait avant, peut-être à l'époque où j'ai moi-même adopté mes enfants il y a très longtemps, d'y aller privément, ce qui amène à un moment donné un marché noir d'enfants. Peut-être pas au Québec, mais on a tellement d'autres difficultés au Québec. On dit: On sait que vous êtes bien, on sait que c'est le "fun", mais mon Dieu, que ce gouvernement est donc compliqué quand on fait affaire avec vous autres! Cela va sûrement s'adoucir, cela va sûrement arriver à autre chose. En ce moment, c'est ce qu'on désirerait le plus, parce que comme Québécois, comme Canadien, je pense qu'en Amérique centrale on est aimé. Quand on arrive du côté du gouvernement, on est toujours la province qui demande le plus, la province qui exige le plus. Il y a peut-être du bon, je suis tout à fait d'accord, mais à un moment donné il faudrait peut-être que ce soit un peu moins compliqué.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Cyr. Je vais maintenant reconnaître un député de la formation ministérielle, le député de Taschereau.

M. Leclerc: Oui, merci, M. le Président. Quelques petites interrogations, si vous me le permettez. D'abord, vous venez de dire il y a à peu près deux ou trois minutes qu'il y avait des enfants qui mouraient pendant le temps que le gouvernement se décide, etc. Mais j'avais cru comprendre, quelques minutes auparavant, lorsque vous parliez des dossiers que vous aviez en attente, c'est-à-dire 30 au Honduras et 10 à 12 au Costa Rica, que c'étaient plutôt les enfants, dans ces pays, qui n'étaient pas encore disponibles.

Mme Cyr: Oui, les enfants sont disponibles. Ils sont d'ailleurs dans ce qu'on appelle des "ogarsitos". Des "ogarsitos", ce sont de petites maisons que l'on crée. Par exemple, je parie du Costa Rica. Costa Rica est un pays très bien structuré. Ils ont beaucoup étudié les enfants abandonnés, les enfants qui seront pour l'adoption. Ils sont préparés psychologiquement par les psychologues du pays, ils sont suivis. Ils mettent les enfants dans les "ogarsitos". Ce sont de petites maisons où il n'y a pas plus de dix enfants par petite maison. Cela leur crée un climat un peu plus familial que dans les "aldeas". Les "aldeas" sont pour les enfants qui n'ont pas réussi à être adoptés. Donc, quand ils arrivent à dix, onze ou douze ans, ils les transfèrent dans les "aldeas". Ce qui veut dire que, quand on est en attente pour des enfants pendant un ou deux ans et que ces enfants ne trouvent pas de foyer, ils vieillissent. Je ne parle pas des bébés qui ont un, deux, trois ou quatre ans. Mais quand vous avez par exemple des fratries, vous avez les frères et soeurs et qu'ils vieillissent un peu, ils sont envoyés après cela aux "aldeas". Quand ils sont rendus aux "aldeas", ce sont des enfants qui sont presque trop vieux pour être adoptés dans les pays, les gens ne les veulent plus. Cela veut dire qu'ils n'auront plus jamais de foyer de leur vie. Cela veut dire qu'ils vont leur donner à manger jusqu'à peut-être 16, 17 ou 18 ans et encore. Ils vont dans le milieu, ils vont voler, ils vont dans les rues, etc.

M. Leclerc: Tout à l'heure, lorsque vous disiez qu'il y en avait qui mouraient avant que les procédures aboutissent, on parlait de très jeunes enfants, de zéro à deux ans.

Mme Cyr: Oui, de zéro à deux ans. Pour les pays dont je vous parlais tout à l'heure, on n'a pas encore d'entente signée. On a fait les rencontres, on a fait les contacts et dans ces pays, ce sont des enfants qui sont dans des orphelinats en ce moment et les pays n'ont pas assez d'argent pour donner de la nourriture aux orphelinats.

M. Leclerc: Au Honduras et au Costa

Rica, tel n'est pas le problème puisque vous...

Mme Cyr: Au Honduras, on a un problème de lenteur. C'est cela, on a un problème de lenteur. Au Costa Rica, il nous manque des dossiers en ce moment pour le Costa Rica. Il nous manque drôlement des dossiers parce que le Costa Rica nous a demandé: Pouvez-vous nous envoyer un peu plus de dossiers? Ce qui fait que, pour les enfants du Costa Rica, quand ils jumellent des enfants à des parents, ils sont à peu près une quinzaine de travailleurs sociaux, psychologues, avocats autour d'une table une fois par semaine et ils lisent chaque dossier de chaque parent. Ils vont jumeler l'enfant par rapport à l'histoire de l'enfant, par rapport à l'histoire du parent. Quand ils ont seulement un, deux, trois, quatre ou cinq dossiers, cela ne leur suffit pas, parce qu'au nombre d'enfants qu'ils ont chaque enfant ne va pas nécessairement à chaque famille.

Mme Kieffer: Je voudrais juste ajouter quelque chose.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je pourrais avoir le consentement pour poser une question?

Une voix: Certainement, madame.

Mme Lavoie-Roux: Je vais demander à l'Opposition.

Une voix; Je ne savais pas que vous faisiez partie de l'Opposition. C'est nouveau?

Une voix: Normalement, c'est une question d'alternance.

Le Président (M. Joly): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est très très court. Ce que je voudrais que vous me disiez, c'est... D'une part, vous dites qu'au Honduras il y a des problèmes de lenteur qui expliquent que probablement il n'y a peut-être pas assez d'enfants, de propositions d'enfants. Vous nous dites qu'au Costa Rica, c'est bien organisé. Quand ils ont juste cinq dossiers, cela ne les satisfait pas. Ils voudraient avoir une vingtaine de dossiers. Vous n'avez pas dit 20, c'est moi qui dis le chiffre.

Une voix: Pour le jumelage.

Mme Lavoie-Roux: D'après ce que j'ai compris concernant ces dossiers, c'est que c'était vous au départ qui receviez les parents. Est-ce que vous travaillez à la préparation des dossiers? La différence entre 5 et 20, hypothétiquement, cela dépend de qui?

Mme Cyr: Cela dépend du secrétariat. Quand on demande des dossiers au secrétariat, on aimerait à un moment donné, quand on demande une banque de dossiers de 5, 10 ou 15 dossiers... C'est sûr que, pour des pays, on comprend que le secrétariat ne peut peut-être pas nous envoyer d'autres dossiers, parce que le pays est tellement lent à sortir les enfants qu'il y a des retards. Mais, par exemple, un pays comme Costa Rica, où on a besoin d'encore plus de dossiers, nous demande au moins une vingtaine de dossiers sur place pour pouvoir jumeler les enfants, choisir parmi ces 20 dossiers, ces 20 parents-là. C'est plus facile pour eux de jumeler les enfants, ils nous demandent toujours d'avoir en banque une vingtaine de dossiers et cela roule quand même assez bien au Costa Rica. Mais on attend des dossiers du secrétariat. Jusqu'à maintenant, on a attendu très longtemps des dossiers pour Costa Rica. On en a reçu quelques-uns, mais on attend encore les autres.

Le Président (M. Joly): Est-ce que...

M. Leclerc: Est-ce qu'on peut expliquer, alors... Je ne veux pas être trop technique, mais... Pardon?

Le Président (M. Joly): Excusez-moi. Respectant les ententes qui ont été conclues, je ne pense pas que le député de Taschereau ait commencé il y a dix minutes. Je ne le croîs pas. On me souligne qu'il lui reste deux minutes. Merci.

M. Leclerc: Pour ma bonne compréhension, par conséquent, si vous avez seulement dix ou douze dossiers actifs au Costa Rica et que vous dites qu'il semble y en avoir un minimum de quinze ou vingt, il est quasiment évident qu'il n'y a pas un nombre assez important de dossiers à traiter pour qu'ils puissent faire un choix. Est-ce que cela peut s'expliquer par le fait que les enfants disponibles au Costa Rica, étant assez âgés, présentent moins d'intérêt pour les adoptants potentiels du Québec?

Mme Cyr: Au Québec, il y a des parents qui sont prêts, il y a des dossiers prêts, en attente depuis des années. C'est sûr qu'au Costa Rica, si vous prenez un enfant seul, cela va être quatre ans ou plus, pour le moment. Cela doit être réglé d'ici quelques mois, ainsi que pour les nouveaux-nés. Maintenant, ceux qui prennent des fratries - parce qu'au Costa Rica on a beaucoup de fratries; à ce moment-là vous avez des enfants d'un, deux, trois ou cinq ans, il n'y a pas d'âge pour les fratries - je pense qu'il y a beaucoup de parents ici, au

Québec, qui désirent aussi adopter des fratries. S'ils sont capables d'avoir plus d'un enfant, d'après leur étude sociale, c'est sûr que pour eux, c'est important parce que le fait d'attendre quatre ou cinq ans - et il y a des coins comme l'Abitibi où j'ai eu des dossiers où cela faisait douze ans qu'ils attendaient d'avoir des enfants - je pense que c'est épouvantable! Ces gens-là préfèrent avoir une fratrie de deux enfants au moins, et parfois trois, en partant, plutôt que de recommencer sur la liste d'attente encore quatre ou cinq ans avant d'avoir un autre enfant.

Le Président (M. Joly): Madame, je vais maintenant reconnaître la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Comme vous le dites, ce n'est pas le manque d'enfants, finalement, dans les pays étrangers qui est le problème, je pense que les problèmes sont d'une autre source et la première question qu'on devrait se poser est: Est-ce qu'on a une politique sur l'adoption internationale qui est conforme aux voeux des parents qui sont capables d'adopter des enfants? Est-ce qu'on a une volonté déterminée pour cela? À partir de cela, on peut peut-être se pencher sur le problème que vous vivez en Estrie avec les travailleurs sociaux. Est-ce que cela a eu un impact considérable en ce qui concerne votre association, chez vous?

Mme Cyr: Pas à cause de notre association parce qu'on travaille pour le Québec. Mais ce qui arrive avec notre association, en ce moment, c'est que tous les parents adoptants de l'Estrie se posent drôlement des questions: Qu'est-ce qui va nous arriver? Parce qu'on sait que la travailleuse sociale fait l'étude sociale pour sa région. Quand il n'y a plus de travailleuse sociale pour faire l'étude du foyer, tous les gens qui sont en attente tombent avec rien, à moins d'arriver à payer une travailleuse sociale privée qui va leur coûter encore 300 $, 400 $, 500 $ ou peut-être 600 $ de plus. Et je pense que l'adoption internationale coûte déjà tellement cher; pourquoi, parce qu'ils sont en Estrie, seraient-ils obligés de payer 300 $, 400 $, 500 $ ou 600 $ tandis que dans d'autres coins de la province il y a automatiquement une travailleuse sociale payée par les CSS, par le gouvernement, qui fait l'étude sociale?

Mme Vermette: J'aimerais vous demander si vous croyez que le projet de loi 21 tel qu'il est fait présentement va régler les problèmes de l'adoption internationale ici, chez nous, au Québec?

Mme Cyr: Mon Dieu! C'est une bonne question! Je pense qu'il serait difficile pour nous de répondre, mais on l'espère. On l'espère beaucoup. Mais je pense que ce n'est presque pas possible de se prononcer tout de suite.

Mme Vermette; D'accord. Vous avez beaucoup parlé d'une reconnaissance des organismes, parce qu'on ne sait pas trop comment... Je ne sais pas si vous avez été consultés, notamment, pour une convention type.

Mme Cyr: Non.

Mme Vermette: Non. Vous n'avez pas été consultés. Ils sont toujours en attente, de toute façon. Ils doivent répondre à certaines exigences actuellement. Vous n'avez pas été consultés en ce qui concerne...

Mme Cyr: Non. (16 h 30)

Mme Vermette: D'autre part ce que je voulais aussi vous demander, c'est: Vous avez demandé du soutien pour vos organismes. Quelle forme prendrait le soutien que vous attendez du gouvernement?

Mme Cyr: Je pense que les organismes comme le nôtre auraient besoin d'une subvention pour nous aider à avoir deux personnes à temps plein. Il n'y a que moi en ce moment qui sois permanente pour l'organisme. On a travaillé pendant des années pour l'adoption internationale et je pense que le bénévolat, cela commence par 3 heures par semaine pour en arriver, comme on le faisait en dernier, à 30 ou 35 heures par semaine. À un moment donné, une semaine ayant tant d'heures, quand on travaille à l'extérieur, qu'on a sa famille etc., cela ne peut plus durer. C'est pour cela que nous avons décidé, d'un commun accord, d'avoir une permanence. Mais il y a quand même du bénévolat qui se fait par les autres membres de l'organisme. Avec le travail que cela demande je pense que deux personnes, au moins un temps et demi, seraient l'idéal, mais cela nous prendrait des subventions pour nous aider à avoir des permanents, nous aider aussi à nous déplacer dans les autres pays. Je pense que les contacts les plus importants se font en allant dans les autres pays au moins deux ou trois fois par année pour faire avancer les dossiers. Ces pays n'ont pas la même mentalité que nous. On respecte leur mentalité, mais on a beaucoup de difficulté à les faire bouger. Donc, c'est important qu'on continue nos contacts, c'est important qu'on voie aussi les enfants, que les enfants sachent où ils s'en vont, qu'ils sachent qu'on est des parents comme d'autres parents québécois. Chaque fois qu'on va dans les pays d'Amérique centrale, il est important d'expliquer aux enfants qu'on rencontre, par exemple, dans un orphelinat,

dans "l'ogarsita" ou parfois dans les "aldeas"... On leur dit: Écoute, on est des parents, on essaie de travailler pour te trouver un père, une mère. Ces enfanta s'accrochent après nous à fond de train. Ils nous disent: Qu'est-ce que tu attends? C'est important qu'ils nous voient, qu'ils nous touchent pour savoir qu'on va peut-être enfin leur apporter un foyer.

Mme Vermette: Est-ce que, étant donné la situation que vous devez vivre et qu'actuellement telles que les structures sont faites, vous devez travailler en collaboration avec le secrétariat...

Mme Cyr: Oui.

Mme Vermette: Est-ce que vous seriez d'accord... Verriez-vous d'un bon oeil qu'il y ait un genre de conseil d'administration qui favoriserait la concertation avec, d'une part, les représentants du gouvernement...

Mme Cyr: Je pense que cela serait très important. On en a discuté déjà. Eux peuvent assister à nos réunions et il serait important que nous aussi soyons au sein du secrétariat, qu'on ait une petite place quelque part pour savoir ce qui se passe, qu'on puisse donner notre mot.

Mme Vermette: Vous m'avez répondu que vous êtes favorable à un...

Mme Cyr: Conseil d'administration. Mme Vermette: Pas à votre organisme? Mme Cyr: Non, face au secrétariat.

Mme Vermette: Un genre de consultation qui permettrait la concertation sur les problèmes de l'adoption...

Mme Cyr: C'est cela.

Mme Vermette: Et qui permettrait d'envisager...

Mme Cyr: Je pense que cela serait déjà un pas énorme. Il se créerait un climat de confiance, de collaboration de notre part et de leur part. Je pense que c'est une façon plus adéquate de travailler.

Mme Vermette: Est-ce que vous avez déjà été consultés en ce qui concerne le rôle du secrétariat, le rôle des intermédiaires et la façon dont pourraient se faire tous ces échanges?

Mme Cyr: Cela n'a jamais été fait.

Mme Vermette: Les principaux volets sur lesquels on arrive souvent à se pencher, c'est l'évaluation des parents. On dit que c'est tout un problème, ce sont même des délais excessivement longs. Vous avez soulevé que c'est un problème particulier chez vous parce qu'il n'y a pas de travailleurs sociaux; donc, déjà, vous le faites, vous payez pour être évalués. Dans plusieurs mémoires on donnait comme élément de solution que, à cause des délais et parce qu'il n'y a pas de personnel ou de ressource à l'intérieur des CSS, il serait préférable de passer par les cabinets privés. Est-ce que vous souscrivez à cette idée ou avez-vous des réticences?

Mme Cyr: Pour le moment je pense que cela demanderait un peu de réflexion. Nous n'avons pas encore été consultés. Je pense qu'il serait important que les membres de l'organisme se réunissent. Une des solutions dont on a peut-être déjà parlé - ce n'est pas dans le mémoire - c'est que face au problème de l'Estrie en ce moment il y ait des travailleuses sociales qui travailleraient avec l'organisme. C'est sûr qu'elles seraient accréditées par le CSS qui leur donnerait la permission de travailler avec nous. Les parents pourraient faire leur étude sociale par l'entremise Les Enfants de l'arc-en-ciel. Par exemple, les travailleuses sociales travailleraient pour nous, mais c'est encore un problème, cela serait bien pour les Cantons de l'Est, mais on ne travaille pas seulement pour les Cantons de l'Est, on travaille avec toute la province. Mais ce serait urgent de faire quelque chose pour les Cantons de l'Est.

Mme Vermette: On m'annonce qu'il ne me reste que le temps de vous remercier pour votre présentation et de vous être si gentiment soumis à nos questions. Je vous remercie.

Mme Cyr: Merci.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant laisser la parole à Mme la ministre. En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux vous remercier de votre présentation et des réponses que vous nous avez données. Dans votre cas - je vais essayer de saisir le mieux possible - d'une part, vous dites qu'il y a des enfants qui seraient disponibles et qu'il manque de dossiers, etc. Il semble aussi qu'il y ait un problème relié au fait, si je ne m'abuse, que vous n'ayez pas signé de convention. Cela m'apparaît être le plus gros problème parce que... Il peut peut-être y avoir aussi la question des enfants qui sont disponibles et qui ne répondent pas nécessairement au dossier que le secrétariat peut avoir, soit en raison de l'âge des enfants, soit en raison du choix des pays que les parents font. Je pense

que le problème de fond m'apparaît être relié à la non-signature de la convention.

Mme Cyr: Et la liberté de l'organisme de travailler à sa guise, dans le sens que, tout en allant avec...

Mme Lavoie-Roux: II ne faut pas... Le Président (M. Joly): Je m'excuse.

Mme Lavoie-Roux: ...que je recommence, apparemment.

Le Président (M. Joly); On empiète sur le temps de l'autre organisme.

Mme Lavoie-Roux: Alors, en tout cas, je pense qu'on va l'examiner de plus près. Je pense qu'on a saisi au moins une partie de la situation. Merci beaucoup.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Joly): À mon tour, je voudrais aussi vous remercier Mme Cyr et Mme Kieffer. Vous représentez très bien l'organisme, Les Enfants de l'arc-en-ciel. Merci.

Il n'y aura aucune suspension. J'inviterais maintenant l'Association des parents en adoption internationale du Saguenay—Lac-Saint-Jean Inc. à prendre place, s'il vous plaît.

Association des parents en

adoption internationale du

Saguenay—Lac-Saint-Jean Inc.

Je ne rappellerai pas les règles du jeu. Je crois que les personnes devant moi ont entendu tantôt les ententes intervenues concernant la question de l'enveloppe du temps. Est-ce que vous aimeriez avoir plus de précisions concernant la façon dont le temps est partagé?

Mme Tremblay (Estelle): Non.

Le Président (M. Joly): Est-ce que vous êtes déjà assez familières avec la façon de procéder?

Mme Tremblay: Nous vous avons entendu tout à l'heure.

Le Président (M. Joly): Oui, parfait. Merci. On me mentionne qu'il y a Mme Marilouy Doré, présidente, et Mme Estelle Tremblay, avocate. Laquelle est laquelle, s'il vous plaît?

Mme Doré (Marilouy): Je suis Marilouy Doré.

Mme Tremblay: Et la seconde, Estelle

Tremblay.

Le Président (M. Joly): Je vous laisse aller avec la présentation de votre mémoire.

Mme Tremblay: Si vous me le permettez, je voudrais tout d'abord remercier Mme la ministre de nous entendre aujourd'hui.

Avant d'aborder le résumé sommaire de notre mémoire, j'aimerais vous présenter ce que nous sommes, Marilouy Doré et mol-même.

Pour ma part, je suis avocate depuis dix ans. Je pratique devant les tribunaux au moins 40 % de mon temps. J'ai également assumé cette année la fonction de bâtonnier du Saguenay--Lac-Saint-Jean et je suis donc particulièrement au courant des problèmes du Tribunal de la jeunesse dans notre région. Je suis un parent adoptif. Évidemment, j'ai représenté plusieurs citoyens du Saguenay— Lac-Saint-Jean dans des dossiers litigieux concernant l'adoption internationale dont le dernier et non le moindre, celui de l'affaire Brassard, qui a abouti à une décision de la Cour supérieure du district de Chicoutimi rendue par l'honorable Marcel Simard.

En ce qui concerne Mme Doré, elle est psychologue depuis maintenant onze ans. Elle travaille dans les cas d'enfance malheureuse, plus particulièrement d'enfants abusés sexuellement. Elle est très impliquée dans notre région, dans des organismes voués à la protection de l'enfance. Elle travaille au Centre de services sociaux du Saguenay—Lac-Saint-Jean depuis onze ans.

Notre organisme regroupe 150 familles. Je crois que c'est l'une des plus grosses associations de la province de Québec. Elle existe depuis 1985, bien qu'elle ait été incorporée en 1986. Cette association a été créée à cause des lacunes que nos membres subissaient journée après journée concernant l'adoption internationale.

L'un des premiers dossiers auxquels nous nous sommes attaqué était celui des délais très longs que nous vivions dans notre région du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Dans notre région, nous ne pouvions être évalués avant une période d'environ cinq à dix ans et, pour vous faire une moyenne la plus exacte possible, cela prenait sept ans, la plupart du temps, avant d'être évalué. Nous avons tenté de faire avancer les choses, ce que nous avons réussi substantiellement puisque le retard a été comblé, mais, d'un autre côté, l'ensemble des dossiers évalués se retrouve au Secrétariat à l'adoption internationale depuis septembre sans grand succès.

En réalité, seules dix adoptions ont été réalisées dans notre région l'année dernière, dont trois sont des projets d'adoption privée. Quand on fait le calcul des délais, même avec le temps gagné au CSS, actuellement

nous sommes incapables de réaliser une adoption internationale en deçà de dix ans dans notre région. C'est pour cette raison que notre association est très impliquée dans ce débat de l'adoption internationale. Je ne vous lirai pas notre mémoire qui comporte près de 100 pages et quelques annexes. J'ose espérer que vous l'aurez lu afin de comprendre le débat que nous entendons faire aujourd'hui et les questions que nous voulons vous poser.

Vous savez que le débat majeur actuellement en adoption internationale est le débat adoption simple, adoption plénière. Selon le secrétariat à l'adoption - et cette position est prise, je crois, dans son mémoire également - le Québec fait actuellement face à un manque de propositions d'enfants à cause du fait que l'adoption simple n'est pas autorisée dans notre système de droit. Voilà bien une affirmation que nous contestons des plus vigoureusement et ma qualité d'avocat pourra peut-être vous éclairer.

D'abord, le Secrétariat à l'adoption internationale vous dit que, depuis 1970, il a fait de l'adoption dans 69 pays. À partir du mois de septembre 1986, s'est concrétisée la directive que le secrétariat et les organismes n'agissaient plus dans les pays d'adoption simple. L'affaire Brassard a été portée immédiatement devant les tribunaux. Ce sont les premières personnes qui ont vécu ce marasme de l'adoption simple et de l'adoption plénière et qui ont porté leur cause devant la Cour supérieure. Il ne faut pas oublier qu'à partir du moment où cette directive du secrétariat a été lancée, entérinée d'ailleurs par le décret, il n'y a plus eu que quatre à six pays qui ont été acceptés par le Secrétariat à l'adoption internationale, alors que son mémoire dit qu'il a fait de l'adoption dans 69 pays. Vous pourrez donc comprendre que, s'il y a un manque de propositions, c'est à cause de la position du Secrétariat à l'adoption internationale telle qu'elle s'est concrétisée au mois de septembre 1986. Bien sûr, avant le débat de l'adoption simple, l'adoption plénière existait, surtout au Brésil, mais dans une proportion beaucoup moins grande, c'est-à-dire qu'il n'affectait qu'un ou deux pays. Le marasme a vraiment commencé à compter de septembre.

Comment se fait-il qu'il y ait un manque de propositions d'enfants? Eh bien, j'aimerais vous référer à un document qui s'appelle Le vécu en adoption internationale, que j'ai ici avec moi, et qui est une évaluation du programme d'adoption internationale. Ce document a été réalisé en 1984. J'ai cru comprendre du mémoire du secrétariat à l'adoption qu'il y avait eu 2000 adoptions. Or, vous savez, l'adoption internationale a commencé au Québec en 1970. Dans le document en question, on avait compilé 1429 autorisations en 1983. Voici que le secrétariat nous dit que 7000 adoptions ont été faites depuis le début. C'est donc dire que, dans les quatre dernières années, il s'est réalisé 571 adoptions internationales, si on se fie à ce document-là et aux chiffres du secrétariat, soit une moyenne de 142 autorisations par année et non pas 250. Au surplus, il est très important de noter que, dans ce document sur l'adoption internationale, je vous réfère à la proportion de projets d'adoption privée qui ont été autorisés. Vous vous rendrez compte que, de tout temps, il y a eu entre 25 % et 33,3 % de projets d'adoption privée qui ont été acceptés par le Secrétariat à l'adoption internationale. La moyenne se concrétise également dans notre région, 30 %, trois projets sur dix. (16 h 45)

L'efficacité réelle du Secrétariat à l'adoption internationale, depuis les quatre dernières années, est de 142 dossiers auxquels vous devrez enlever 30 % de projets d'adoption privée. Si vous mettez 1400 couples sur les listes d'attente et que vous arrivez à une moyenne d'environ une centaine d'adoptions par année, vous verrez tout de suite que les délais ne sont pas de trois à cinq ans, qu'ils sont au-delà de cinq ans, et ils sont bien plus près de dix ans, et que ce n'est pas le débat de l'adoption simple et de l'adoption plénière qui a enlevé des propositions, c'est l'inefficacité du système actuel.

J'aimerais également vous mentionner quelque chose qui m'apparaît faux dans le débat, c'est qu'on laisse croire que le législateur québécois, par sa loi de 1983, a favorisé l'adoption plénière. Eh bien, pour un avocat qui pratique comme moi devant les tribunaux, qui connaît un tant soit peu !a jurisprudence, je puis vous dire que bien au contraire, dans 99 % des cas le Tribunal de la jeunesse a reconnu les jugements d'adoption simple parce qu'ils créent un lien de filiation. Notre loi actuelle ne dit pas de rompre le lien de filiation, mais de créer le lien de filiation. J'aimerais vous mentionner également qu'il y a peut-être trois ou quatre jugements du Tribunal de la jeunesse qui ne reconnaissent pas le juqement d'adoption simple mais non pas parce qu'il ne crée pas un lien de filiation, mais parce que, dit-il, en le reconnaissant on lui donne un effet plus large et que les parents ne sont pas parties à la procédure d'adoption; c'est donc très différent.

Alors, pour conclure, avant la directive du Secrétariat à l'adoption internationale, tel qu'il a été interprété par les tribunaux, le Tribunal de la jeunesse, l'adoption simple est autorisée dans notre droit et la meilleure indication que je puisse vous donner de cela, c'est le Secrétariat à l'adoption internationale lui-même qui vous dit qu'il a fait de l'adoption dans 69 pays. Vous savez,

la très grande majorité des pays du tiers monde comportent des systèmes d'adoption simple et quand la règle a été mise en vigueur, au mois de septembre, on a passé de 69, selon les chiffres mêmes du secrétariat, à quatre, cinq ou six pays.

Alors, je ne crois pas et je pense que notre association ne croit pas que ce projet de loi 21 permette un avancement quelconque dans l'état actuel de notre droit. L'état actuel de notre droit, c'est que l'adoption simple est permise.

Un autre élément également qui m'apparaît faux dans le débat est le suivant: c'est que l'adoption simple n'apporte pas de sécurité juridique aux parents. Alors, qu'est-ce que l'adoption simple? Vous avez cela dans notre rapport. J'aimerais par exemple vous parler de la loi du Guatemala, qui est une adoption simple; pour avoir plaidé la cause devant la Cour supérieure et avoir entendu un témoin expert, je suis particulièrement au fait de cette loi. C'est aux pages 18 et suivantes de notre mémoire. On dit toujours que l'adoption simple maintient des liens avec la famille d'origine, c'est vrai. Vous savez, dans notre droit actuel au Québec, de même que dans l'ensemble des législations étrangères, qu'est-ce qui donne aux parents des droits et des devoirs sur l'enfant? C'est l'institution de l'autorité parentale. Qu'est-ce qui fait qu'on peut réclamer un enfant à une personne? C'est qu'on détient l'autorité parentale. Qu'est-ce qui fait qu'on n'a plus de droit sur un enfant? C'est qu'on nous enlève l'autorité parentale. Qu'est-ce que fait l'adoption simple au Guatemala? C'est qu'elle rend par exemple l'enfant adopté l'enfant de ses parents, donne toute l'autorité parentale aux parents adoptifs, empêche toute revendication de l'enfant par les parents naturels. Le régime de l'adoption simple est un régime sécure. C'est important que vous le sachiez, c'est un régime sécure, et il n'empêche pas la revendication de l'enfant. Alors, je ne vois pas comment le consentement de l'état étranger puisse apporter une sécurité additionnelle. C'est ce que le projet de loi 21 dit: Nous consacrons le principe de l'adoption plénière, nous acceptons l'adoption simple seulement lorsque l'État étranger consent. La sécurité elle est dans la loi. Alors si l'adoption simple n'est pas sécure, ce n'est pas le consentement de l'État étranger donné à l'intérieur de sa loi qui va faire en sorte que voua puissiez avoir une sécurité plus grande.

Un autre élément qui nous apparaît faux dans ce débat, c'est le suivant. C'est que l'enfant adopté, pour sa sécurité, doit avoir une seule filiation, sous-entendu que l'adoption simple maintient plus d'un lien de filiation. Alors, je vous réfère aux pages 24 et 25 de notre mémoire. D'abord il est vrai que dans notre droit québécois l'enfant adopté n'a qu'une filiation. Ce n'est pas nécessairement le cas en France où les régimes d'adoption simple et d'adoption plénière existent, également dans plusieurs pays européens où vous avez à ia fois le régime d'adoption simple et le régime d'adoption plénière. Comme les pays d'Amérique du Sud, principalement, sont des pays d'inspiration latine en termes de loi, ils ont aussi ces deux régimes.

Alors, aux pages 24 et 25, nous avons précisé les tendances nouvelles de notre droit. Vous n'êtes pas sans ignorer que le mouvement Retrouvailles réclame actuellement de ne pas avoir une seule filiation. À la suite de ces revendications, il y a eu un comité interministériel sur la recherche des antécédents sociobiologiques qui date du 6 mars 1986. C'est un rapport. La recommandation 9, "Ouverture à la continuité des liens avec le milieu d'origine", se lit comme suit, à la page 25: "Que le Code civil du Québec prévoie la possibilité d'une ouverture permettant le maintien des liens de continuité avec certains membres du milieu d'origine dans l'intérêt de l'enfant adopté, après entente entre les parties." Alors, nous vous disons que l'adoption simple maintient des liens avec la famille d'origine, mais à la majorité. Pas è la minorité, à la majorité. Et nous sommes actuellement, au Québec, en train de nous diriger vers une ouverture aux liens d'origine pendant la minorité. Nous considérons, à l'association, que votre politique en adoption doit être cohérente. Si on se dirige vers une ouverture à la famille d'origine pendant la minorité pour les adoptés québécois, il faut donc penser que l'adoption simple est un système plus qu'acceptable.

Il faut bien penser aussi que le projet de loi 21 consacre en tout premier lieu le principe de l'adoption plénière. On vous a sûrement dit que l'adoption plénière rompt tout lien de filiation, fait d'un enfant adapté l'enfant de la famille adoptive à tous égards. Il ne faut pas oublier - et nos membres l'ont vécu - que l'adoption plénière dans des pays comme le Honduras, Costa Rica, la République dominicaine, la Bolivie et la Colombie contiennent des exigences d'âge énormes. Il faut être marié depuis longtemps. Il ne faut pas être jeune. Il faut parfois ne jamais avoir eu d'enfants. Je vous donne l'exemple de la République dominicaine, être mariés depuis dix ans, avoir plus de 35 ans, n'avoir jamais eu d'enfants biologiques. Alors, Mme Doré qui est ici, qui est évaluée depuis l'été dernier, n'est pas capable de se qualifier à aucun régime d'adoption plénière parce qu'elle n'a pas l'âge, le nombre d'années de mariage et elle a déjà eu un enfant avec son mari. Alors, vous savez que l'adoption plénière dans ces pays n'est ouverte qu'aux gens mariés en plus. Vous savez que notre société québécoise actuelle comporte beaucoup de couples qui vivent

hors des liens du mariage. Alors, si on consacre le principe de l'adoption plénière, on s'enferme dans un carcan qui va répondre à très peu de couples. Très peu de couples parce que nos Québécois adoptent parfois quand ils sont célibataires, ou quand ils vivent hors des liens du mariage, et ils ne remplissent pas toujours les conditions de ces pays qui sont très exigeantes dans l'adoption plénière. Alors, il ne leur reste que l'adoption simple et l'adoption simple qui est acceptée actuellement par les tribunaux devient assujettie à une condition, qui est le consentement de l'État.

Ce que je vous ai mentionné est aux pages 27 à 33 de notre mémoire. Nous vous informons d'abord que c'est un recul par rapport à la situation actuelle puisque l'adoption simple a été acceptée par le Tribunal de la jeunesse. Nous vous disons également que certains pays actuellement acceptés par le secrétariat, comme la République dominicaine, devront être fermés parce que le projet de loi 21 exige qu'il y ait rupture du lien de filiation. Or, d'après la loi de la République dominicaine, même si elle parle d'adoption plénière, c'est une adoption qui est révocable. Je peux vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de nos membres qui peuvent se qualifier actuellement à l'adoption plénière des pays acceptés par le Secrétariat à l'adoption internationale.

Le consentement de l'État en adoption internationale, que va-t-il apporter de plus à la situation actuelle? Vous savez que la logique est que, si l'adoption simple est acceptable, elle est acceptable et, si eile n'est pas acceptable, elle n'est pas acceptable. Par exemple, si j'ai un enfant naturel, à l'intérieur d'un système qui est plénier comme le nôtre, croyez-vous que Mme Lavoie-Roux, si elle consent à l'adoption de mon enfant, pourra donner aux parents adoptifs d'autres droits que ceux que notre loi prévoit? C'est la même chose dans les pays étrangers. Le consentement de l'État étranger n'enlèvera pas de droits aux parents naturels, il n'en donnera pas non plus aux parents adoptifs. Il ne faut pas oublier que le consentement, l'État le donne à l'intérieur de sa loi. Si sa loi est simple, elle est simple, elle n'est pas plénière. Pour toutes ces raisons, nous croyons que le consentement de l'État est une formalité additionnelle qui ne donnera pas de sécurité juridique aux parents adoptifs.

En second lieu, j'ai ici avec moi chacune des lois étrangères que le secrétariat prétend couvrir. On a prétendu publiquement que le projet de loi permettrait Haïti - c'est un pays où on a toujours adapté - le Brésil, le Mexique, l'Uruguay, l'Équateur et Panama. Chacune de ces lois ne prévoit absolument pas le consentement de l'État. C'est une procédure qui n'est pas prévue elle-même dans la loi étrangère. On est en train de demander à l'État étranger de faire quelque chose qui n'est pas dans sa loi. Cela veut dire que cela va compliquer énormément l'adoption.

Nous avons également dit plusieurs mots sur ce qu'on pense des ententes intergouvernementales. Vous savez, comment mieux faire un trafic d'enfants que dans les ententes intergouvernementales? Qu'allons-nous donner à M. Pinochet pour les enfants qu'il nous enverra? Que devrons-nous lui offrir de plus que la France, la Suède, la Belgique? Nous croyons que la plus mauvaise stratégie qu'on puisse faire, ce sont les ententes intergouvemementales. Bien sûr, les États ne veulent pas exporter leurs enfants et, si on commence à discuter d'une façon officielle l'envoi d'enfants ici, c'est certain qu'on se dirige vers un échec. Il faut, je pense, comme cela s'est fait, travailler avec les organismes dans les milieux et travailler cas par cas. Il y a un enfant adoptable, bon, on lui trouve des parents.

Alors, nous croyons que c'est une mauvaise stratégie que de discuter État étranger et État québécois dans ce contexte. Nous ne sommes pas les seuls. Vous avez dans notre mémoire des extraits de gens très compétents en adoption qui disent que les ententes intergouvernementales sont vouées à l'échec. Je vous réfère à M. Guérin, dans le journal Le Soleil de 1982, qui était le premier directeur du Secrétariat à l'adoption internationale: "Les pays étrangers sont réticents à officialiser des ententes d'adoption avec l'extérieur. Sur le plan politique, ce n'est pas populaire et c'est même un constat d'échec." Depuis 1982, il n'y en a pas eu beaucoup.

Le Président (M. Joly): Complément, s'il vous plaît, madame!

Mme Vermette: Question de règlement. À cause de l'expertise de madame dans l'adoption internationale, qui me semble avoir des choses importantes à dire, et, comme nous sommes ici en commission parlementaire pour faire réellement le point, s'il y a consentement, je serais d'accord pour qu'on lui accorde quelques minutes encore.

Le Président (M. Joly): Je pense que madame va avoir la chance, par le biais des questions...

M. Laporte: Question de règlement, M. le Président. Loin de moi l'intention de restreindre le droit de parole de certains individus, mais je crois bien que l'ensemble des groupes qui sont intervenus... et je suis consentant avec vous. J'écoute très attentivement depuis tantôt les observations qui nous sont faites, mais chacun des groupes jouit effectivement d'une forme d'expertise. Je pense qu'à l'échange on sera en mesure

de répondre à certaines interrogations. On pourrait toujours permettre de façon très brève de conclure quant à la documentation, je crois que cela va de soi, mais, simplement, je veux souligner que chacun des groupes possède une expertise. Je n'en vise pas plus un qu'un autre. Je les mets tous au même chapitre.

Le Président (M. Joly): Je pense qu'il faut respecter les règles du jeu, tel que c'était convenu. Le fait de donner plus de temps à madame enlèverait du temps à l'échange. J'imagine qu'on va retrouver dans l'échange beaucoup d'information que madame voudrait nous apporter. Je veux maintenant laisser la parole à Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vais d'abord remercier l'association du Saguenay—Lac-Saint-Jean qui s'est déplacée. Je sais qu'elle a vécu des problèmes particulièrement difficiles. Vous les avez décrits, ne serait-ce que l'attente des parents. Cela s'est peut-être cristallisé à l'occasion du cas que vous avez défendu vous-même, Mme Tremblay. Je comprends que s'est créée une coalition ou une association de parents qui disent: Nous avons vécu des choses difficiles, nous voulons nous faire entendre. Je pense qu'à cet égard le mémoire d'une centaine de pages que vous présentez, que nous avons lu attentivement et que nous allons avoir l'occasion de relire aussi, nous sera certainement utile. (17 heures)

Maintenant, je me permettrais quand même de relever certaines affirmations que vous avez faites, par exemple, quand vous affirmez hors de tout doute que ce n'est pas l'adoption plénière qui est la seule adoption au Québec, que l'adoption simple est reconnue. Évidemment, je ne veux pas entrer dans des querelles d'avocats. Il y a eu quand même des jugements, que ce soit le jugement du juge Dorion, du juge Galipeault-Moisan ou du juge Sirois, qui indiquent fort bien qu'il n'y a pas unanimité sur l'interprétation qu'il faut donner à nos dispositions touchant l'adoption internationale, à savoir est-ce que ce sont strictement des jugements d'adoption plénière ou est-ce que ce sont aussi des jugements d'adoption simple qui sont reconnus par nos lois?

Mme Tremblay: ...

Mme Lavoie-Roux: Un instant, je vais finir, si vous voulezl

Mme Tremblay: D'accord.

Mme Lavoie-Roux: Par exemple, dans le jugement du juge Dorion - on va les lire tous les trois: Le législateur québécois n'exige pas que l'adoption soit plénière, il exige seulement la création d'un lien de filiation. Dans le cas du juge Galipeault-Moisan - l'interprétation du Code civil - il reconnaît que la reconnaissance d'un jugement d'adoption à l'étranger produit une rupture du lien de filiation de l'adopté avec sa famille d'origine et la création d'un lien de filiation entre l'adopté et sa nouvelle famille. Vous avez l'interprétation du juge Sirois qui dit: La reconnaissance d'un jugement étranger en matière d'adoption, comme le prononcé d'une adoption au Québec, comporte deux éléments importants en regard de la filiation: une rupture du lien de filiation de l'adopté avec sa famille d'origine et la création d'un lien de filiation entre l'adopté et sa nouvelle famille.

Je voudrais bien que ce soit clair pour tout le monde. Le projet de loi qui est devant nous n'est pas le projet de loi de la ministre de la Santé et des Services sociaux. C'est un travail de collaboration intense entre le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, le ministère des Relations internationales, le ministère de la Justice et le ministère de la Santé et des Services sociaux. L'interprétation qui nous a été donnée par le ministère de la Justice concernait la reconnaissance de l'adoption plénière strictement au Québec. C'est devant cette confusion ou, enfin, cette divergence d'opinions qu'on a jugé bon... Évidemment, il y a le jugement qui a été rendu dans le cas que vous avez défendu, soit le cas Brassard, mais, sur le fond du droit, je ne crois pas que le juge même se soit prononcé, mais il a invoqué surtout des motifs d'humanité ou d'humanisme, si on veut, auxquels nous souscrivions.

Mme Tremblay: Puis-je vous répondre, Mme la ministre?

Mme Lavoie-Roux: Un instant, s'il vous plaît! Vous avez eu vos 20 minutes.

Mme Tremblay: D'accord.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il faut quand même nuancer les choses. Je vous trouve bien chanceuse de pouvoir dire, d'une façon absolue, que le droit au Québec en adoption internationale reconnaît à la fois l'adoption plénière et l'adoption simple, alors qu'il y a une divergence profonde chez différents juges quant à cette interprétation.

Alors, ceci est un point. Si vous voulez répondre tout de suite mais pas trop longtemps parce que j'ai d'autres questions à vous poser.

Mme Tremblay: J'aimerais vous répondre. Alors, concernant votre intervention, le juge Dorion n'est pas un juge qui a décidé que l'adoption simple n'était pas

acceptable. Vous avez parlé tout d'abord du juge Dorion. Il n'y a que deux juges, le juge Galipeault-Moisan et le juge Sirois. Maintenant, il ne faut pas oublier que, sur les 1429 adoptions internationales qui ont été réalisées, il y en a un nombre impressionnant qui ont été réalisées dans des pays d'adoption simple. Il y a plusieurs jugements du Tribunal de la jeunesse. Alors, je vous parle, comme avocate, d'un état du droit. Ce ne sont pas deux jugements minoritaires qui font l'état du droit. Il ne faut pas oublier qu'il y a 43 juges au Tribunal de la jeunesse. Il y en a deux qui ont rendu cette opinion, mais les autres entérinent et reconnaissent les jugements d'adoption simple de la même façon que les jugements d'adoption plénière. Je vous parle de l'état du droit. Quand on est avocat, c'est très important de regarder l'état d'une jurisprudence. Ce n'est pas les minoritaires qui font l'état du droit. Maintenant aussi, on pourrait dire que ces jugements auraient pu être portés en appel si le secrétariat avait voulu éclaircir la loi, ce qu'il n'a pas fait. Il a préféré prendre ces jugements très minoritaires et en faire la position officielle.

Mme Lavoie-Roux: Je vous dirai que ce n'est pas le secrétariat mais le ministère de la Justice. Alors, je pense qu'il faudrait quand même aussi faire les différences. Dans les jugements d'adoption simple qui ont été rendus, il faudrait aussi tenir compte des cas d'enfants où il avait été établi que les parents étaient décédés et qu'il n'y avait plus de lien de filiation. Alors peut-être que cela aussi pourrait être interprété comme des jugements de reconnaissance de jugements pléniers.

Mme Tremblay: Pour terminer sur ce point, en fait, il n'y a qu'une décision que je connaisse sur la question des enfants orphelins. C'est la décision du juge Simard, de la Cour supérieure du district de Chicoutimi, qui a dit que le ministère ne pouvait pas faire ta distinction entre enfants orphelins et enfants qui n'étaient pas orphelins ou enfants dont les liens de filiation n'étaient pas connus.

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous avez parlé assez longuement de cette question des liens de filiation pour lesquels le comité Cadieux, je pense, dans son dossier sur les retrouvailles, a indiqué justement cette philosophie qu'il fallait que les gens retrouvent leurs liens de filiation. La rupture du lien de filiation et la connaissance des antécédents, je pense qu'il faut considérer ces deux choses de façon différente. La preuve, c'est qu'au Québec, l'adoption simple rompt le lien de filiation, l'adoption interne, j'entends, et, pourtant, cela n'empêche pas qu'on permette la... En tout cas, la dernière décision n'est pas encore prise, mais il y a tout ce mouvement qu'on trouve fort légitime, le mouvement Retrouvailles. Probablement qu'on va s'acheminer vers une décision qui va être un peu plus souple que ce qui existe présentement. De la même façon, je pense que rien dans le projet de loi 21 ou les règlements qui devront être adaptés en fonction de la loi qui sera adoptée ne veut s'opposer à ce que des liens... Si quelqu'un est né en Corée ou vient de la Bolivie et, éventuellement, veut que ses liens biologiques soient retracés, je pense qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui empêche cela. On doit faire la différence entre une rupture des liens de filiation et la volonté ou le désir de retrouver ses origines ou de retourner à ses origines. Il ne faudrait pas mêler les deux choses.

Mme Tremblay: Je voudrais bien échanger avec vous, c'est l'occasion unique pour moi de le faire et pour l'association; vous comprendrez donc mon intervention. Il ne faut pas oublier que la recommandation est le maintien des liens avec la famille d'origine. C'est la recommandation qui est sur la table. En tout cas, pour connaître le mouvement Retrouvailles d'un peu plus près, je pense qu'il a des exigences, quand même, qui vont plus loin que la recherche des antécédents.

Mme Lavoie-Roux; Maintenant, j'aimerais vous référer à la paqe 34 de votre mémoire. Vous dites: "Certes, l'État étranger a ses responsabilités en regard de la protection de ses ressortissants mineurs mais ce n'est pas à l'État québécois de les prendre aux lieu et place de l'État étranger." Et si on se réfère - en tout cas, j'ai de la difficulté à concilier les deux - à la page 35, vous ajoutez: "La plupart des États étrangers visés par l'adoption internationale sont des pays sous-développés sous le coup de dictatures militaires qui accordent très peu d'importance aux droits et libertés humaines, plus spécifiquement aux droits et libertés des enfants."

D'une part, ce que j'ai cru comprendre - et vous me corrigerez - c'est que ce n'e3t pas à l'État québécois à prendre ces responsabilités-là. Et, d'autre part, vous nous dites: qu'ils les assument mal; en tout cas, qu'ils ne sont pas très sensibilisés aux droits et libertés, et particulièrement aux droits et libertés des enfants, et j'essaie de concilier les deux.

Mme Tremblay: Je vais vous les concilier. Ce que je comprends de tout le mémoire du Secrétariat à l'adoption internationale, c'est qu'il m'apparaît clair qu'on cherche beaucoup à savoir si l'enfant est adoptable, s'il est légalement adopté, etc. Vous savez, lorsqu'on reçoit un jugement

d'un pays étranger, un jugement d'adoption d'un pays étranger et que l'ambassade, par exemple, du Guatemala ou du Honduras nous certifie qu'il s'agit bien d'un jugement d'un tribunal étranger, je croîs qu'on a contrôlé la légalité du processus. On ne peut pas aller jusqu'au point de savoir si le jugement a bel et bien été rendu. C'est très difficile. Maintenant, c'est certain qu'il y a des déficiences dans ces pays-là, mais, malgré ces déficiences, on ne pourra jamais aller au-delà de leurs institutions. Je pense que ce qu'il faut faire, c'est de s'assurer qu'il s'agit bien d'un jugement étranger et, d'un autre côté, que le couple est bien mature. Voilà la garantie que nous devons donner aux pays étrangers, que nos gens qui prennent leurs enfants sont des gens matures et capables de les prendre. C'est la principale garantie qu'on puisse leur donner.

La deuxième garantie qu'on puisse leur donner, c'est de s'assurer que les jugements étrangers sont bien des jugements étrangers, qu'il ne s'agit pas de faux, mais, passé l'apparence de légalité du jugement, je dois vous dire que c'est s'ingérer dans les affaires internes d'un autre pays qui, malheureusement, c'est vrai, ne prend pas toujours ses responsabilités. Avec le processus de l'intermédiaire, je pense que l'intermédiaire obtient le jugement d'adoption. Mais, quand on lit le mémoire du Secrétariat à l'adoption internationale, toute la question de l'adoptabilité de l'enfant, il est très difficile de juger cela de loin: que l'enfant est bel et bien adoptable, que la travailleuse sociale n'a pas reçu d'argent de quiconque. C'est très difficile d'ici de savoir cela.

Mme Lavoie-Roux: Je pense là-dessus que...

Le Président (M. Joly): On a dix minutes.

Mme Lavoie-Roux: Ah! dix minutes, oui.

Le Président (M. Joly): Vous allez avoir la chance de revenir encore.

Mme Lavoie-Roux: Je reviendrai dans dix minutes.

Le Président (M. Joly): Afin de respecter les règles, Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaîtï

Mme Vermette: Je voudrais souhaiter la bienvenue à votre organisme. Il me fait plaisir au nom de ma formation politique de vous entendre ici à cette commission parlementaire.

Effectivement, je pense que votre réputation n'est plus à faire dans le domaine de l'adoption internationale. Je pense que votre document fait preuve d'un professionnalisme et d'une expertise des plus importantes, à ce jour en tout cas. Ceci m'amène à vous poser une question qui va un peu dans la continuité de ce qu'on vous posait tantôt. Est-ce que vous seriez d'accord que ce soient les pays eux-mêmes qui proposent l'adoptabilité des enfants?

Mme Tremblay: D'abord, je n'aime pas le mot "pays", en ce sens qu'un enfant, d'abord, est toujours sous la juridiction, que ce soit ici ou dans d'autres pays, d'un tribunal pour mineurs. C'est le tribunal des mineurs qui décide de son adoption par des parents du pays ou par des parents étrangers. Alors, évidemment, l'adoptabilité de l'enfant doit s'apprécier selon la loi de son domicile et par les institutions de son domicile. On ne peut pas intervenir dans le processus judiciaire de ces pays. Cela m'apparaît évident. Peut-être l'intermédiaire peut-il jouer le rôle de mandataire et obtenir le jugement, mais je n'aime pas l'élément "état étranger". Ce n'est pas État étranger, c'est tribunaux étrangers. C'est très différent.

Mme Vermette: Vous avez inscrit dans votre mémoire, en page 32: "Très peu de lois étrangères prévoient le consentement de l'État à l'adoption simple ou plénière." J'aimerais que vous m'expliquiez cela davantage.

Mme Tremblay: C'est que les lois étrangères prévoient le consentement des parents à l'adoption, comme ici au Québec. Le jugement d'adoption est rendu par un tribunal pour mineurs, comme ici par le Tribunal de la jeunesse. Ces lois ne prévoient pas le consentement de l'État à l'adoption. D'accord? Ce n'est pas une procédure, sauf au Guatemala où là il y a vraiment un consentement de l'État à l'adoption d'un enfant.

Mme Vermette: Donc, actuellement, ce que vous demandez, dans le fond, c'est que tout se passe... Les intermédiaires pourraient finalement travailler à la reconnaissance de l'adoptabilité de l'enfant et il n'y aurait pas de problème à ce moment-là.

Mme Tremblay: C'est-à-dire que les intermédiaires obtiennent le jugement d'adoption.

Mme Vermette: Oui.

Mme Tremblay: Évidemment, si l'enfant n'est pas adoptable, le tribunal étranger ne rendra pas le jugement d'adoption. Pour ma part, j'ai adopté deux enfants et je dois vous dire qu'en premier lieu, mon fils a été offert, entre autres, à sept couples chiliens qui ont refusé. J'ai passé en dernier. Il y a des règles là-bas. Les tribunaux de là-bas

donnent la priorité aux gens de là-bas. Ils prononcent des adoptions en faveur des étrangers lorsqu'il n'y a pas possibilité soit de maintenir l'enfant dans son milieu naturel, soit de le faire adopter par des Chiliens, par exemple. Donc, ce sont les tribunaux de là-bas qui sont les instances décisionnelles au sujet de l'adoptabilité des enfants et sur l'adoption d'un enfant par un étranger. Ce n'est pas l'État comme tel.

Mme Vermette: D'accord. Vous dites aussi, à la page 34 de votre mémoire toujours: "La sécurité recherchée par l'État doit l'être au moment de l'émission du passeport ou du visa d'entrée." J'aimerais aussi que....

Mme Tremblay: Je dois vous dire que j'ai adopté et que j'ai obtenu deux jugements étrangers, d'ailleurs avec l'intermédiaire du secrétariat à l'adoption, au Chili. J'ai eu toutes les autorisations requises. Je suis allée chercher les deux enfants. Je peux vous dire que, pour obtenir le passeport de l'enfant, il y a eu un contrôle très sévère de la légalité du jugement que j'avais obtenu. Le contrôle s'est fait au Chili même. On a vérifié que j'avais bel et bien obtenu un jugement d'adoption d'un tribunal et on a émis le passeport. Après cela, je suis allée à l'ambassade du Canada et j'ai obtenu le visa d'entrée, en montrant le jugement étranger et le passeport qui comportait une permission spéciale de sortir l'enfant. Je ne crois pas me tromper en vous indiquant que la majorité des États étrangers contrôlent la sortie de l'enfant par le passeport.

Mme Vermette: Est-ce que vous avez eu connaissance qu'au cours des dernières années, en tout cas, au cours des quatre dernières années, il y ait eu des procès au Québec pour, finalement, un vol d'enfant ou quelque chose comme cela? Est-ce que cela s'est produit?

Mme Tremblay: II n'y a pas eu de procès pour trafic d'enfants, certainement pas.

Mme Vermette: De trafic, oui.

Mme Tremblay: Pas à ma connaissance. (17 h 15)

Mme Vermette: II n'y a rien eu de cela.

Je voulais vous demander ce que vous pensez maintenant de la nouvelle procédure qui est proposée par le projet de loi 21, de faire entériner le projet d'adoption par le tribunal.

Mme Tremblay: Je vais vous donner mon opinion d'avocat plaideur et de bâtonnier du Saguenay—Lac-Saint-Jean. D'abord, vous savez que, quand le ministre, par exemple - tel que c'est prévu - est le seul intermédiaire, c'est lui qui va proposer l'enfant au couple et le couple va se présenter devant le Tribunal de la jeunesse avec son projet. Le Tribunal de la jeunesse devra constater la régularité du projet. C'est ce que le projet de loi 21 dit. On devra signifier la demande au ministre qui propose l'enfant. Vous savez ce que cela veut dire. Les tribunaux n'exercent leur rôle vraiment que lorsqu'un procès est contesté. Il y aura impossibilité de faire une véritable contestation devant le Tribunal de la jeunesse parce que celui qui propose l'enfant est le ministre. Le couple, finalement, va devant le Tribunal de la jeunesse avec le projet du ministre, signifie au ministre... Je ne crois pas que le ministre va contester son propre projet. Je n'invente rien en vous disant qu'actuellement - et je l'ai prouvé devant le juge Simard - c'est cela aussi. Les gens contestés, c'était pour des projets d'adoption privée, non pas pour des projets d'adoption publique. L'adoption simple, c'était soulevé pour les projets d'adoption privée, non pas pour les projets d'adoption publique.

Pendant que M. et Mme Brassard se faisaient dire non pour un projet d'adoption simple, huit couples se faisaient dire oui pour des projets d'adoption simple au Guatemala. J'ai demandé à M. Laurin, chargé territorial pour l'Amérique latine, en cour: Est-ce que vous êtes allé contester le projet de ces huit couples en cour? II a répondu: Non, pas quand ce sont nos projets à nous. C'est cela qu'il a dit. Vous savez, je ne suis pas d'accord avec cette situation.

Deuxièmement, je dois vous dire que, dans notre région, il y a 2400 dossiers pour un juge. Ce n'est pas demain qu'on va avoir deux juges. L'enfant est déjà identifié. Donc, il va falloir - cela prend déjà deux mois pour un enfant abusé sexuellement - attendre pendant deux ou trois mois, l'enfant étant identifié et connu des parents, pour obtenir un aval du Tribunal de la jeunesse, dans les conditions que je vous décris. Pour cette raison, je ne suis pas d'accord.

Cependant, nous sommes d'accord avec l'intervention du Tribunal de la jeunesse parce qu'on considère qu'il y a trop de pouvoirs sans appel dans l'adoption internationale. La meilleure preuve qu'on en a, ce sont M. et Mme Brassard. Ils se font dire oui pour le Guatémala, en mars 1986. Lorsqu'ils veulent aller chercher l'enfant, l'enfant est mort. Ils ont attendu pendant onze mois qu'on leur dise oui. Ils ont présenté un autre projet absolument identique et on leur a dit: Non, c'est de l'adoption simple. Ils se sont trouvés devant une décision finale. Ils ont été obligés de prendre un mandamus, c'est une procédure extraordinaire et c'est coûteux, comme une injonction est coûteuse.

Si, dans la loi, il y avait un mécanisme de révision des décisions de tous les intervenants par le Tribunal de la jeunesse, cela aurait du bon sens. Donnons au Tribunal de la jeunesse son rôle de tribunal judiciaire, non pas un rôle de tribunal administratif. Cela a du bon sens quand il y a, par exemple, une évaluation de couple. Le fonctionnaire nous dit: Non, vous n'êtes pas matures. Il faut pouvoir faire réviser cela. C'est important. Egalement - je vais laisser Marilouy Doré en parler, c'est son idée -nous pensons qu'il devrait y avoir un conseil supérieur de l'adoption. Il y a trop de pouvoirs sans appel et sans révision dans l'adoption internationale, plaçant les couples devant une angoisse extraordinaire face à l'intervenant.

Mme Doré: Cette idée, c'est que je pense qu'il y a souvent eu des décisions qui, en tout cas, ont été jugées arbitraires par les parents, décisions prises par le secrétariat à l'adoption, avec toutes sortes de bonnes rationalisations. Mais tout cela est très loin de ce que les parents désirent. On pense qu'il serait important que le secrétariat soit chapeauté par des gens directement concernés par l'adoption internationale, c'est-à-dire soit des représentants d'organismes, des représentants d'associations, des gens qui sont près de l'adoption internationale et qui peuvent donner leur expertise sur le sujet, comme un Conseil supérieur de l'éducation, finalement.

Mme Vermette: C'est la première fois qu'on sort cette idée. À un moment donné, on a parlé d'un certain contrôle parce qu'on disait: II y a certaines difficultés pour un contrat type, dans l'évaluation et dans les recours qui peuvent rester, d'une part, aux parents et, d'autre part, aux différents intermédiaires. En tout cas, il semble que ce soit très difficile à ce niveau. On nous a donné comme suggestion un conseil d'administration qui permettrait une certaine représentation des différentes parties intéressées par l'adoption. Vous en demandez beaucoup plus.

Mme Doré: On pense qu'un conseil d'administration qui serait supérieur au secrétariat à l'adoption, qui aurait autorité sur le secrétariat à l'adoption, aurait une vue plus restreinte de l'adoption internationale que si c'était un conseil supérieur de l'adoption qui aurait une vue plus générale de l'adoption au Québec, et non pas seulement... D'ailleurs, on le voit, il y a des problèmes dans l'adoption présentement, et je pense que le gouvernement devrait se poser des questions sur sa philosophie d'intervention face à l'adoption. Je pense qu'il y a un gros fossé entre ce que les citoyens désirent et la situation réelle.

Le Président (M. Joly): Madame, merci. Mme la ministre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais seulement clarifier. Il semble que, d'un côté, Mme Tremblay, vous n'ayiez pas d'objection à ce que le Tribunal de la jeunesse remplisse un rôle judiciaire. Par contre, vous prétendez que l'article 114.3 confie un rôle en grande partie administratif au Tribunal de la jeunesse. En conclusion, vous dites, à la recommandation 9: "Que les intervenants en matière d'adoption internationale n'aient en aucune façon le droit d'apprécier la loi étrangère, aux lieux et place du Tribunal de la jeunesse." Dans le fond, dans le jugement du juge Simard, ce qu'on a reproché au ministre, c'est de rendre une décision à la place du tribunal qui était administrative. Alors, le but que nous poursuivons, c'est justement de retirer ce pouvoir discrétionnaire qu'on a reproché au ministre, aux ministres en général, et justement de le remettre au tribunal. C'était cela l'avantage d'enlever ce pouvoir discrétionnaire et de laisser moins cela à la merci de tous les gens, qui comme vous le dites, ne remplissent pas toujours leurs responsabilités avec la plus grande compétence. C'est, je pense, ce que vous avez dit un peu.

Mme Tremblay: J'aimerais discuter avec vous de cette question-là.

Mme Lavoie-Roux: Et le remettre justement au tribunal.

En plus, comme deuxième avantage, c'est d'assurer aux parents que dès te point de départ leur projet d'adoption soit un projet valable, un projet avec lequel ils peuvent aller de l'avant. Cela prendrait des circonstances extraordinaires si, par la suite, il y avait une négligence grave des parents adoptifs vis-à-vis de leur enfant qui pourrait faire changer la décision du juge. Je pense que ce serait simplement dans des circonstances extraordinaires. C'est vrai qu'aujourd'hui elles sont plus extraordinaires qu'autrefois, mais en tout cas. C'est vraiment l'esprit de l'article 114.3, justement pour corriger ce qu'on reprochait.

Mme Tremblay: Maintenant, ce qu'il est important que vous compreniez, et je pense qu'il faut avoir l'expérience devant les tribunaux pour vous dire cela, vous savez, un tribunal, en toute différence devant les tribunaux devant lesquels je pratique, si le ministre propose l'enfant et que c'est au ministre à qui on signifie la requête, le débat judiciaire ne sera pas long. Je peux vous dire cela par expérience depuis dix ans. Alors, finalement, on en arrive à un rôle de Tribunal de la jeunesse qui n'est pas

vraiment judiciaire, judiciaire dans le sens où il y a un débat contesté, et cela m'inquiète. C'est le ministre qui propose l'enfant, c'est le ministre qui contrôle la démarche -ministre entre guillemets - et c'est au ministre qu'on signifie la requête. Va-t-il contester son propre projet? Alors, comment allons-nous avoir une véritable jurisprudence sur, par exemple, l'adoption simple, le consentement de l'État à l'adoption? Je vous dis que non, on n'aura pas une vraie jurisprudence, et qu'aussi cela alourdit énormément le processus dans un contexte où l'enfant est déjà déterminé. Vous savez, quand l'enfant est déjà déterminé, on veut qu'il arrive dans les deux ou trois mois suivants. Dès qu'on le sait, c'est notre enfant, et, moi, j'ai adopté un enfant carencé et je peux vous dire que, plus vite il arrive chez nous, mieux c'est.

Cela, c'est inquiétant. C'est bon que le Tribunal de la jeunesse interprète les questions juridiques, mais il faut vraiment vérifier que dans toutes les régions il y ait assez de juges du Tribunal de la jeunesse pour faire cela. Vous savez, pqur en avoir discuté avec l'honorable juge Albert Gobeil, du Tribunal de la jeunesse, quand j'étais bâtonnier, c'est le tribunal auquel il manque le plus de juges, mis à part Québec et Montréal. Est-ce qu'on ne va pas encore nous inscrire sur une longue liste pour faire jouer, finalement, au tribunal le rôle de "rubber-stamper", si vous me permettez l'expression?

Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, il y en a d'autres qui ont soulevé la difficulté des attentes possibles. Dans le fond, c'est la même procédure que pour un placement d'enfant, dans le cas de l'adoption interne au Québec. On me dit que cela peut varier entre deux ou trois jours, pour s'assurer justement qu'il n'y a pas... Mais cela, c'est une préoccupation que nous on doit avoir et je pense que vous faites bien de la soulever, mais on l'a soulevée même avant tout cela.

Mme Doré: Par rapport au délai, parce que je travaille à la protection de la jeunesse, je peux vous parler d'un autre délai dans notre région. Quand on a un enfant à placer, à moins de le placer par mesure d'urgence, on ne réussit pas à avoir un juge. Tantôt, Me Tremblay a parlé de deux mois, mais moi je sais pertinemment qu'on ne réussit pas à avoir un juge avant six mois. Il faut le placer par mesure d'urgence ou le déplacer par mesure d'urgence pour avoir une efficacité dans ce domaine. Alors, je ne vois pas comment on pourrait arriver à quelque chose d'efficace concernant l'adoption internationale quand on sait que c'est considéré par les CSS et par les tribunaux de la jeunesse comme un luxe, l'adoption internationale. Donc, c'est très loin des priorités.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais juste revenir sur un autre point, c'est le dernier que je vais soulever pour laisser une chance à mon collègue. Vous dites: Bon, c'est la ministre qui fait la requête. Comment pourra-t-on contester la requête de la ministre? Écoutez, ce n'est pas la ministre qui vous fait tout. Je pense que c'est l'organisme qui va faire la proposition de jumelage au DPJ. C'est le DPJ qui va procéder auprès... D'ailleurs, cela ne dérange pas beaucoup les juges de contester la ministre; de toute façon, c'est leur droit, c'est leur rôle. Je pense que c'est cela la réalité et c'est bon qu'il y ait un pouvoir judiciaire à côté du pouvoir législatif. Mais, il ne faudrait pas donner une sorte - je ne sais pas - d'auréole ou de pouvoir extraordinaire à la ministre qui est, dans le fond, une personne qui agit par délégation de responsabilité. Ce n'est pas moi qui vais me présenter, non plus - moi ou l'autre ministre, peu importe - au Tribunal de la jeunesse. En tout cas, je ne suis pas sûre de cette objection que vous faites, elle n'est peut-être un petit peu amplifiée.

Mme Tremblay: Cela me ferait plaisir de vous transmettre une copie des notes sténographiques de l'affaire Brassard afin de mieux vous en convaincre.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, on n'était même pas supposé parler de l'affaire Brassard ici. Alors, je vais laisser la parole à mon collègue.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître, pour la règle de l'alternance, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Cela m'amène à vous poser une question tout à fait naïve. Mon doux! Est-ce que vous avez été consultés pour la rédaction du projet de loi 21? Je pense que vous auriez eu...

Mme Doré: Non, nous n'avons pas été consultés. C'est sûr que nous sommes contents qu'il y ait une commission parlementaire, mais elle porte sur le projet de loi et nous aurions aimé une consultation sur l'adoption internationale, globalement, pour toute la province.

Mme Vermette: Je me pose une autre question. Vous avez indiqué dans votre mémoire que les organismes reconnus doivent rester des intermédiaires avec des pouvoirs limités. Vous en faites même une recommandation. Est-ce que vous pensez que ce projet de loi va contrôler les adoptions privées? Est-ce qu'il va y avoir plus ou moins d'adoptions privées, ou peut-être plus du tout? Je voudrais que vous me donniez

quelques explications sur cela.

Mme Tremblay: D'abord, nous faisons la différence entre une adoption privée, c'est-à-dire qui se fait sans consulter ni le secrétariat ni le DPJ, et le projet d'adoption privée qu'on dépose au secrétariat. Cette technique du projet d'adoption privée, elle a été longtemps la seule façon d'adopter au Saguenay—Lac-Saint-Jean, à cause du CSS. En plus de cela, cela représente 30 % des autorisations du Secrétariat à l'adoption internationale en général. Je vous réfère au vécu en adoption internationale.

Tout cela pour vous dire que nous sommes en faveur du projet d'adoption privée et nous vous disons pourquoi. Cela fait plusieurs lois que l'Assemblée nationale adopte, il y a eu plusieurs amnisties, on n'a jamais réussi à enrayer le projet d'adoption privée. Actuellement, non seulement on ne l'enraie pas, mais on est en train de s'engager dans l'adoption privée, c'est-à-dire celle qui ne se préoccupe d'aucune règle. C'est là que cela devient dangereux. Nous vous disons quel le trafic d'enfants se fait quand un système est tellement répressif, tellement rigide, que c'est plus facile finalement de passer à côté et de donner de l'argent pour avoir un enfant que de rentrer dans le système. C'est ce qu'on vit actuellement. Il faut arrêter d'être répressif, il faut être attrayant. Il faut dire aux gens: Si vous avez un enfant à identifier, venez nous voir. Au moins, cela permet de contrôler la légalité. On sait qu'un intermédiaire peut finir l'adoption, donc cela permet de contrôler. On peut référer le dossier à un organisme qui, lui, obtient le jugement d'adoption. Egalement, on peut contrôler la maturité du couple. Quand les gens ne viennent même plus nous voir, là, c'est dangereux pour l'enfant. On vous a donné un article de journal dans notre mémoire. À chaque loi sur l'adoption internationale, on a eu des clauses d'amnistie, on a voulu enlever le projet d'adoption privée. Avec les délais actuels, on ne le peut pas. Il n'y en aura plus de projets d'adoption privée quand le système va être efficace. En attendant, parce que cela fait longtemps qu'on attend l'efficacité - longtemps - il vaut mieux attirer les gens avec leur projet. Il ne faut pas oublier que les gens qui ont leur projet d'adoption privée ne vont pas voir une mère naturelle en général pour obtenir l'enfant. (17 h 30)

Moi, j'ai fait un projet d'adoption privée. Qu'est-ce que j'ai fait? Je me suis inscrite sur une liste d'attente au Chili au lieu de m'inscrire sur la liste d'attente du Québec. J'ai eu une réponse en neuf mois au lieu d'avoir une réponse en sept ans. On ne fait pas des choses immorales; les listes d'attente dans les pays étrangers sont beaucoup plus rapides que la liste d'attente du gouvernement du Québec. C'est une réalité. Il y a plein de missionnaires aussi qu'on connaît. Par exemple, il y a quinze missionnaires de Chicoutimi au Chili. Vous allez trouver beaucoup d'enfants chiliens à Chicoutimi. Il faut attirer les gens et les contrôler plutôt que de les mettre è la porte tout de suite en partant et de ne jamais les recevoir.

Mme Doré: J'aimerais ajouter à cela que les parents qui veulent adopter ne sont pas des fraudeurs. Ce sont des gens qui veulent fonder une famille, qui ont souvent un problème d'infertilité dans leur couple. La raison pour laquelle ils veulent adapter, c'est qu'ils veulent avoir des enfants. Dans notre région, ce sont les parents qui veulent adopter. Je travaille en protection de l'enfance et je trouve que les parents abuseurs souvent sont mieux traités que les parents qui désirent adopter. Je trouve cela un peu inconfortable comme constatation. Ce que je voudrais dire par rapport eu projet d'adoption privée, c'est que c'est en voyant l'inefficacité d'un système que les gens essaient de se débrouiller pour trouver des enfants. C'est seulement cela, finalement. Leur référence est souvent un oncle qui est missionnaire dans un pays étranger depuis plusieurs années, qui a établi sa crédibilité dans le pays. Si le pays accepte de faire confiance à un missionnaire pour l'adoption, c'est parce qu'il a la confiance du pays. C'est cela les projets d'adoption privée, ce n'est pas du trafic d'enfants.

Mme Tremblay: Il y a eu 45 enfants, provenant du Pérou et du Chili qui ont été adoptés selon le projet d'adoption privée au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ce sont des missionnaires qui connaissaient les gens. Il y a deux religieuses au Pérou et il y avait également une missionnaire au Chili. Il n'y a rien d'immoral là-dedans. Ce qu'elles ont fait, c'est qu'elles ont inscrit nos gens sur une liste d'attente, qui est plus rapide que la liste d'attente du gouvernement du Québec. Donc, on vous dit; Soyez efficaces, mais, en attendant que l'efficacité arrive, et cela fait des années qu'on l'attend, attirez les gens. Il est bien plus grave de les rejeter.

Mme Vermette: Est-ce que vous croyez que le projet de loi 21, tel qu'il est stipulé actuellement, va apporter les corrections que l'on attendait, qu'il va réduire les délais, qu'il va faire en sorte que les parents vont être comblés? Qu'il y aura de moins en moins d'ouverture vers le projet privé et qu'on va plutôt passer par les intermédiaires?

Mme Tremblay: Pas du tout, parce que, d'abord, le projet de loi dit que la ministre va avoir un pouvoir plus grand. Non seulement elle va agir comme intermédiaire, mais

elle va coordonner toutes les démarches des adoptants. Ce qui veut dire qu'il n'y a pas un adoptant au Québec qui va pouvoir identifier un enfant. La ministre va dire: Moi, je dois coordonner toutes les démarches de l'adoption. Donc, je pense que c'est la mort du projet d'adoption privée, mais ce n'est pas la mort de l'adoption privée faite sans se soucier des règles. Je trouve cela dangereux pour les enfants, qu'ils arrivent chez nous, chez des parents qui ne sont pas évalués. Je trouve cela très dangereux et je me dis qu'il serait préférable, tant que le système ne sera pas capable d'absorber la demande, d'attirer ces gens et de les vérifier bien comme il faut. Il est préférable de faire cela. On ne règle pas cela. Au contraire, on va créer une frustration énorme chez les parents actuellement. Il ne faut pas oublier qu'au Saguenay--Lac-Saint-Jean, sur dix adoptions, il y en a trois de faites par la voie privée.

Mme Doré: J'aimerais ajouter à cela, en ce qui concerne votre question sur le projet de loi, que les parents pensent que la difficulté avec ce projet de loi, c'est que le système est encore alourdi par un processus supplémentaire, soit de passer devant le tribunal. Toutes les étapes vont être contrôlées de façon encore plus stricte qu'avant. Nous percevons cela comme un manque de confiance du gouvernement à l'endroit des parents. Nous sommes déçus d'un tel manque de confiance. Nous demandons le retrait du projet de loi, pur et simple, et nous demandons qu'il y ait à nouveau un questionnement profond. Je pense que vous posiez tout à l'heure la question que nos parents se posent: Le gouvernement veut-il défendre l'adoption internationale au Québec? Si c'est le cas, on aimerait le savoir.

Mme Vermette: Vous venez de faire la mention - je pense que tout le monde en a parlé beaucoup - d'élargir le débat davantage, parce que je pense que vous faites appel à une nouvelle orientation, à une ouverture d'esprit face à l'adoption internationale. On s'attaque à des mentalités par rapport à ce qu'on a vécu antérieurement, alors que ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'il y a des parents qui sont prêt3 a faire un projet d'ordre privé en tenant compte des règles et procédures du droit de notre pays, tout en étant respectueux des droits et règles de procédure des autres pays, c'est à peu près cela que vous êtes en train de nous expliquer?

Mme Tremblay: Quand j'ai voulu adopter un enfant, j'ai regardé tout le système et je me suis dit: Si je reste sur la liste, cela prendra dix ans, j'aurai 40 ans. Déjà, je dépassais les normes. Si le système avait été plus facile... Si le système est trop difficile, c'est plus facile d'aller dans un pays donner de l'argent et ramener l'enfant sans vous le dire, en transitant d'un pays à l'autre. Vous savez, la formule, on la connaît, ou encore déménager en Ontario ou au Nouveau-Brunswick. Il ne faut pas prendre les parents pour des gens pas trop intelligents, on les connaît. Mais ce n'est pas ce que les gens veulent. Ils veulent aller vous voir, vous donner la main et dire: Voici mon projet, êtes-vous d'accord? Avoir la chance, s'ils ne sont pas satisfaits de la décision, d'aller en appel. C'est ce qu'ils veulent. Tant que le gouvernement ne sera pas efficace là-dedans, il va falloir vivre avec cela et attirer les gens. Tout ce qu'on souhaite, dans le fond, c'est que vous ayez assez de propositions d'enfants pour qu'on n'ait pas besoin de chercher nous-mêmes l'enfant. Cela serait bien moins compliqué.

Mme Vermette: Cela m'amène à ma dernière question, parce qu'il me reste deux minutes, et je vais vous la poser en deux volets. Est-ce que vous croyez que le projet de loi 21 va ouvrir plus de pays, finalement, à l'adoption? D'autre part, si, par rapport à certaines recommandations qui pourraient être retenues, notamment la réticence qu'on a à reconnaître le projet privé, une démarche privée, on me dit... Si on reconnaissait cette démarche-là, beaucoup de parents, tout le monde s'en irait vers l'adoption privée, ce serait beaucoup plus rentable. Est-ce que vous croyez que le projet de loi 21 va ouvrir des pays et, d'autre part, est-ce que vous pensez que...

Mme Tremblay: Non, il en ferme par rapport aux pays actuellement acceptés par le secrétariat. Ne croyez pas que pour les gens c'est la course aux bébés. Si vous pouviez leur offrir le bébé, ils ne se donneraient pas autant de peine pour en chercher un. Quand on apprend que c'est dix ans, on se dit: Vais-je attendre que le gouvernement du Québec décide quand je vais devenir parent? Non, cela ne marche pas. D'ailleurs, vous savez, quand on est trop vieux, à 37 ans, on nous raie des listes. On découvre l'infertilité à 30 ans, on a à peu près quelques années pour trouver un enfant. Si on s'installe sur le système public, on est certain de ne jamais y arriver. Alors, que fait-on? Finalement, les listes d'attente, je dois vous dire que c'est pour les gens qui ne veulent plus vraiment, là.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme la députée. M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: Merci, M. le Président, Mme Tremblay, je vous reconnais tant professionnellement qu'humainement une très bonne connaissance du dossier, c'est

indéniable. Cependant, je trouve que vous et votre organisme, en demandant le retrait du projet de loi, allez un peu trop loin. Vous nous donnez, depuis le tout début, un exemple que vous connaissez bien personnellement, qui est celui du Chili mais le cas du Chili m'apparaît, à tout le moins... Même si je ne suis pas un expert, vous comprenez que comme législateurs c'est notre devoir de nous poser des questions. L'exemple que vous nous donnez, le Chili, m'apparatt un bel exemple de pays où cela va bien, etc., sauf que je pense que comme législateur il faut voir le problème dans son ensemble et je pense qu'on a aussi le cas du Brésil. J'ai un article qui date de 1986, ce qui n'est pas vieux du tout, qui pose le cas du Brésil où il y a de faux passeports, de faux actes de naissance. Je pense aussi que beaucoup de gens ont vu une certaine émission, "Le Point", où il y avait des receleurs, enfin, des gens pas très recommandables dans certains pays d'Amérique du Sud qui, n'ayons pas peur des mots, faisaient du trafic d'enfants.

Par conséquent, la question que je vous pose, c'est: Est-ce que, en nous donnant comme exemple le Chili, ce n'est pas un peu ramener le problème à une expression un peu plus facile parce qu'on sait qu'il y a des pays où cela va beaucoup moins bien, où c'est beaucoup moins beau, beaucoup moins facile et, bref, beaucoup plus croche?

Mme Tremblay: Alors, d'abord, le Chili n'est pas un bel exemple parce qu'il vient très peu d'enfants du Chili au Québec, sauf par l'entremise des missionnaires de Chicoutimi qui sont au Chili. Je dois vous dire également que c'est vrai qu'il y a un contrôle au Chili. Il y en a un également au Pérou, en Colombie, en Bolivie et dans plusieurs pays. Je pense que le Brésil est vraiment un pays qui vit ce problème de trafic d'enfants à outrance.

C'est évident que les fonctionnaires du secrétariat ou qu'un organisme intermédiaire devra avoir beaucoup plus de contrôle vis-à-vis de certains pays. Il y a certains pays où il va falloir être plus vigilant concernant le dossier, mais, de là à dire qu'on va interdire et que les gens vont y aller quand même, je trouve qu'il y a une nuance. Je pense qu'il faudrait Être imaginatif pour développer des moyens de contrôle des projets d'adoption privés. Si on ne l'est pas, de toute façon, soyez certain que ce n'est pas d'hier cela. C'est de toujours, vous n'éliminerez jamais cela. Tout ce que vous pouvez arriver à faire, c'est que, finalement, les gens aillent chercher l'enfant sans vous le dire. C'est bien plus grave. C'est danqereux. Je vous dis: Oui, il y a des pays plus dangereux: le Brésil, Haïti. Je pense que ce sont des pays plus dangereux. Dans ce temps-là, on regarde plus, on cherche plus. On s'assure d'avoir plus de collaboration des ambassades. On est plus imaginatif pour contrôler. Si on n'est vraiment pas capable de contrôler, on dit au couple: Écoute, il y a toujours la procédure devant le Tribunal de la jeunesse, vas-y donc voir l'affaire si tu es capable de passer au travers. C'est cela, le projet de loi 21.

Le Président (M. Joly): En conclusion, s'il vous plaît, madame!

Mme Tremblay: Or, c'est cela. Je pense que ce que vous me dites du projet de loi en adoption privée ne me convainc pas. J'ai plus peur que les gens y aillent eux-mêmes sans se soucier de tout le monde.

Le Président (M. Joly): En respectant l'alternance, 30 secondes, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Je voudrais tout simplement vous remercier de vous être si bien prêtées à nos questions. ' J'ose espérer qu'on rédigera des amendements au projet de loi. On espère qu'on prendra en considération certaines de vos recommandations et qu'on pourra finalement avoir un véritable débat sur l'ensemble de la problématique de l'adoption internationale. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Mme la ministre, en conclusion.

Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier Mme Doré et Mme Tremblay pour leur présentation. Je veux vous dire qu'à certains égards on a les mêmes préoccupations, particulièrement d'ouvrir davantage. Je pense que, par le projet de loi 21 - vous pouvez différer d'opinion - en reconnaissant l'adoption simple, à condition qu'il y ait abandon des enfants reconnus par l'État, et qu'à ce moment-là tous nos enfants aient les mêmes droits, cela m'apparatt un pas en avant. Il reste du travail à faire pour assurer que le fonctionnement des organismes reconnus soit plus facile. ILs nous ont fait part de leurs difficultés. On va examiner également les fonctions du secrétariat à l'adoption. Mais une chose est certaine, il y a certains principes que le gouvernement ne pourra pas laisser. Je pense que ce sont des principes qui ont été adoptés à partir de 1979, d'ailleurs, en ce qui a trait... Je suis d'accord avec vous qu'il pourra encore y avoir... Ce ne sera pas absolument étanche, mais c'est d'enrayer le plus possible ce qu'on appelle le trafic d'enfants. On n'a pas à se le cacher, il faut aller dans des pays étrangers et voir ce qu'on se fait dire pour savoir que cela se fait sur une plus grande échelle qu'on l'a laissé soupçonner depuis le début de cette commission. Je ne dis pas que ce sont nécessairement des Québécois, mais ce qui se passe en Haïti, en Bolivie,

etc., c'est le résultat de difficultés avec d'autres pays. Les pays sont intéressés à ce que les règles du jeu soient très claires, qu'ils soient assurés de la protection de leurs enfants quand ils viennent ici. Je pense qu'en tant que Québécois on a à assurer la même protection aux enfanta qu'on reçoit en adoption qu'à nos propres enfants.

Écoutez, on va relire vos recommandations, il y en a plusieurs. Malgré tout, il y en a sur lesquelles on est sur la même longueur d'onde. Nous allons faire tous les efforts nécessaires pour améliorer le projet de loi 21. Je pense que d'avoir attendu plus longtemps avant d'agir... Parce que tous ces problèmes remontent déjà à une dizaine d'années, comme vous l'avez mentionné vous-même, et il est temps qu'on essaie de les clarifier. C'était le but de la commission parlementaire. On est fort heureux de la qualité des travaux des gens qui se sont présentés devant nous. Je pense que votre document est aussi extrêmement intéressant. Je vous remercie encore une fois.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît: À mon tour aussi, je voudrais remercier Mme Doré et Mme Tremblay de leur collaboration et de leur expérience apportées. Merci beaucoup.

Mme Tremblay: Merci. Mme Doré: Merci.

Le Président (M. Joly): Je vais demander maintenant au groupe Adoption internationale démocratique pour enfant de prendre place. Je demanderais aussi aux membres de cette commission... Avant de penser à ajourner, j'aimerais demander aux membres de la commission si on peut procéder au-delà de 18 heures. Je suspends la séance deux minutes tout au plus.

(Suspension de la séance à 17 h 45)

(Reprise à 17 h 52)

Adoption internationale démocratique pour enfant

Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous plaît! Si on veut terminer, il faut commencer. Il me fait plaisir d'accueillir maintenant l'organisme Adoption internationale démocratique pour enfant. Je demanderais à chacun de s'identifier, s'il vous plaîtl

M. Amborski (Edouard): Edouard Amborski.

M. Lortie (Jean): Jean Lortie.

Mme Malo (Pierrette): Bonjour. Pierrette Malo.

Le Président (M. Joly): Merci. Vous connaissez les règles. Je n'ai pas besoin de les relire de façon qu'on puisse gagner un peu de temps. Je vous laisse aller, M. Amborski, pour présenter votre mémoire.

M. Amborski: Merci. J'aimerais, tout d'abord, au nom des membres de notre association, remercier cette commission parlementaire de nous avoir donné l'occasion unique d'être entendus sur l'adoption internationale et de nous permettre d'apporter nos points de vue, nos critiques, ainsi que nos recommandations.

Une description rapide de notre association. On est un petit groupe de parents qui ont chacun une expérience de l'adoption internationale. Nous sommes des usagers, si je peux employer le mot familier, du système de l'adoption internationale. II y a, parmi notre groupe, soit des parents en attente, des parents qui ont déjà adopté, des parents qui ont suivi ou qui suivent encore le processus normal et des parents qui ont adopté par voie privée.

J'aimerais maintenant laisser M. Lortie faire le résumé du mémoire.

M, Lortie: Donc, sans lire tout le mémoire, j'aimerais strictement vous montrer l'articulation des quatre points qu'on veut vous présenter. D'une part, le contexte général donc; pour éviter de tomber dans le juridisme étriqué où on nous amène parfois, il y a peut-être la dimension totale de l'adoption qu'on veut situer. Il y a, bien sûr, les problèmes qu'on voit au Québec, on en dénombre cinq. Il y a un certain nombre de commentaires plus spécifiques sur la loi 21. Et j'ajoute, si c'est permis, qu'on pense que la loi 21 est une réforme globale. Je pense qu'il faut ajouter le décret et le projet de règlement du 11 mars, si vous le permettez. Cela permet de mieux saisir l'ensemble des démarches qui sont visées et, forcément, nos recommandations.

Je commence par le contexte. Sur le contexte mondial, il y a des vérités à dire toutes simples, un peu brutalement. Je me réfère à l'UNICEF qui nous dit qu'il meurt par année 15 000 000 d'enfants. Je me réfère ici à ce document de l'UNICEF qui s'appelle La situation des enfants dans le monde - 1987. Pour être plus spécifique, on dit qu'il y a 9 900 00.0 enfants de moins d'un an qui meurent chaque année et que vous en avez 5 100 000 qui meurent de un à quatre ans.

En fin de compte - et c'est souvent réitéré par tous ceux qui interviennent dans les débats - on parle du droit de l'enfant. Je vous rappelle que, pendant que nous allons pérorer tous ensemble, il y a environ 1600

enfants qui vont mourir au cours de l'heure qu'on va passer ensemble. C'est juste pour vous montrer que, lorsqu'on dit qu'il n'y a pas d'enfants ou qu'il y a des difficultés, nous, on pense que cela relève beaucoup plus d'une myopie bureaucratique ou alors carrément d'une méconnaissance de ce qui se passe à l'extérieur, ou d'une volonté de ne pas bien saisir ce qui se passe dans le tiers monde.

Parce que la réalité du tiers monde au fond, c'est qu'il y a nombre d'enfants, malgré la générosité de leurs parents, malgré les efforts faits par les pays où ils sont, qui, de toute façon, ont à souffrir. Au fond, les démarches de base sont des démarches de justice naturelle avant d'être des démarches de droit. Donc, les démarches de base qu'on veut faire, c'est précisément les aider un peu en reconnaissant leur droit à la vie. Grosso modo, c'est le contexte mondial, si vous voulez. On pourra y revenir si cela vous intéresse.

De façon plus particulière, cela nous amène, bien sûr, au contexte québécois lui-même. Première affirmation: le fait qu'on en soit rendu à la troisième amnistie me semble être la manifestation la plus évidente que l'adoption internationale est forcément une réalité mal intégrée. J'ose espérer avec vous tous que l'actuel projet de loi ne sera pas la source de la prochaine amnistie. Donc, en ce sens, je pense qu'il faut qu'on améliore un peu ensemble la situation de l'adoption internationale au Québec.

Parmi les causes qui rendent l'adoption internationale difficile, il y a l'absence d'une politique familiale qui nous permettrait de voir un peu plus où peut se situer l'adoption. D'autre part - ce n'est pas une cause, mais il faut le signaler également - il y a le contexte de dénatalité dans lequel nous sommes. À notre point de vue, l'adoption internationale doit être envisagée dans le cadre beaucoup plus vaste du développement social et familial du Québec. Or, cela nous semble plutôt de courte vue que de vouloir isoler uniquement le phénomène de l'adoption; il faudra le situer dans son ensemble.

C'est dans cette perspective que nous indiquons que l'adoption internationale, à notre avis - et cela malgré tout le respect que je dois à Mme la ministre - c'est un dossier gouvernemental. D'ailleurs, le législateur, par le passé, a déjà signalé la chose. C'est un dossier à la fois démographique et familial, pour prendre les deux principaux points selon lesquels on doit l'envisager. D'ailleurs, il est du devoir de la ministre de tenir compte des objectifs du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration pour déterminer les possibilités d'adoption. Or, jusqu'ici, et même à l'intérieur du projet de loi 21, on n'a pas très bien senti la filiation qu'il pouvait y avoir entre - et je le répète - le juridisme étriqué et, d'autre part, les affirmations d'une ministre - je parie de celle des Communautés culturelles et de l'Immigration - qui, au-delà de la blague de demander à chaque Québécoise de faire trois enfants, dit plus sérieusement: C'est un problème, celui de la démographie au Québec. J'aimerais atteindre un objectif de 30 000 immigrants par année. Récemment encore, on est en train d'enchâsser l'immigration et de permettre au Québec d'avoir un peu plus d'initiative dans le domaine. Il m'apparatt donc que le gouvernement, dans son ensemble, doit se prononcer sur la position exacte de l'adoption dans l'ensemble du processus d'immigration.

Quant à nous - et là, je vais un peu, vite - vouloir adopter 800 ou 1000 enfants sur les 30 000 immigrants que l'on souhaite pour le Québec, cela ne nous semble pas un effort désordonné, d'autant plus que les parents mettent du leur pour réaliser cela et que cela diminue, à l'occasion, les frais inhérents à l'État. J'y reviendrai un peu plus tard.

Donc, c'est fondamentalement un dossier gouvernemental. Jusqu'ici, malheureusement, on a trop mis le focus sur la dimension familiale, non pas qu'elle ne soit pas importante, mais il faut voir l'ensemble. Mme Lavoie-Roux disait, à une autre tribune: C'est un dossier complexe. Mais, précisément, il faut le gérer dans sa complexité, c'est-à-dire tenir compte des différents facteurs et ne pas les réduire qu'à un aspect si noble soit-il, celui de la famille, pour l'analyser. C'est dans cette perspective que nous vous présentons notre point de vue.

Au-delà de cela, il y a eu un certain nombre de blocages administratifs et politiques qui sont arrivés et je suis toujours dans l'exposé du contexte. Finalement, le problème des parents, des usagers et, a fortiori, des enfants, c'est qu'on est toujours face à des discours d'intention, qu'il s'agisse des discours d'intention de la part des organismes administratifs du gouvernement ou, parfois, des discours d'intention politique. Nous aimerions qu'il y ait un peu moins d'intentions et un peu plus de réalisme. Il y a, d'ailleurs, une partie du projet de loi 21 qui nous semble très réaliste, l'amnistie, et j'y reviendrai.

Au-delà de ces discours d'intention, il faut dire, à preuve que c'est une réalité mal intégrée, que le nombre d'adoptions internationales a diminué. Notamment, elles sont passées de 363, en 1982-1983, l'année de la création du Secrétariat à l'adoption internationale, à 191, en 1985-1986. On n'a pas atteint le niveau initial de 363. En 1984-1985, il y a eu, bien sûr, le creux de 117.

D'autre part, le secrétariat a réduit le nombre de pays où le ministre a accepté d'agir à titre d'intermédiaire aux fins

d'adoption. Au fond, la réalité, au Québec, c'est que cela a diminué par un effet administratif et bureaucratique déraisonnable, à notre avis. Ce qui nous amène à exprimer avec un peu d'irritation notre mécontentement, c'est qu'il nous semble ironique de voir maintenant le goût et la nécessité de revenir à des normes et à des règles. Je fais ici allusion à la conférence de presse donnée par le Secrétariat à l'adoption internationale il y a quelques mois, alors que, depuis quatre ou cinq ans, on n'a jamais eu de règles claires, d'énoncés très clairs sur les possibilités d'adoption, sur le cheminement à suivre.

Souvent, il y a eu des approches arbitraires et discriminatoires - dont un certain nombre de parents dans notre groupe ont été victimes - des moratoires qui n'ont jamais été annoncés, qui sont dans des lettres entre organismes. Autant de gestes administratifs qui ne respectaient pas les règles d'un organisme administratif, responsable de l'État.

Bien sûr, d'ailleurs, se pose la question de la volonté politique. J'espère que tantôt nous aurons l'occasion d'en connaître les véritables fondements.

Au fond, ce qui nous est arrivé - c'est le diagnostic fondamental - les difficultés administratives ont été l'équivalent de la suspension, au fond, de l'application des lois relatives à l'adoption au Québec. Que sera la nouvelle réforme? Nous y reviendrons tantôt. Parce qu'il nous semble que nous avons eu, jusqu'en novembre 1986, un cadre juridique explicite, clair et adapté aux exigences et aux valeurs de la société québécoise.

Quant à nous, nous sommes d'accord avec les quatre exigences qui sont fondées dans ce cadre législatif et je les répète pour qu'on soit sur la même longueur d'onde: 1° que les règles relatives au consentement à l'adoption et à l'adoptabilité de l'enfant soient celles que prévoit la loi du pays d'origine. Nous sommes tout à fait d'accord avec cela. 2° qu'il y ait un lien de filiation qui soit créé. Nous sommes également d'accord avec cela. On ne parie pas de rupture, on reviendra sur la technicité, ce que j'appelle le juridisme étriqué. La troisième règle: que l'adoptant agisse par l'entremise d'un des trois intermédiaires prévus à la loi. Oui, nous sommes d'accord à ce qu'il y ait des intermédiaires, nous voulons des intermédiaires responsables et qu'il y en ait plusieurs pour permettre l'efficacité du rôle des intermédiaires. Et, finalement, nous sommes d'accord avec le quatrième principe, soit que les parents puissent être évalués quant à leur capacité de remplir le rôle parental. Donc, fondamentalement, le cadre législatif, antérieur même au projet de loi 21 avec les quatre principes que je viens d'énoncer, nous semblait tout à fait réaliste et conforme. Le problème, quant à nous, c'est qu'il a été mal appliqué. Et pour cela, je l'annonce tout de suite, il nous semble qu'il est plus nécessaire d'avoir, actuellement, des correctifs administratifs qu'une réforme législative. Je me réfère encore à vos propos, madame, où vous disiez: Je fais la réforme législative et je ferai plus tard la réforme administrative. Quant à nous, nous sommes d'opinion que le cadre législatif est suffisant, mais que c'est plutôt la réforme administrative qui s'impose à cette étape-ci.

C'est globalement, donc, l'exposé du contexte. Cela nous amène aux problèmes que nous voyons en matière d'adoption internationale au Québec. Nous en voyons cinq. Le premier, c'est manifestement le manque de coordination gouvernementale. Je pense ici, en particulier, à la cohérence qu'il doit y avoir entre les politiques d'immigration, les problèmes démographiques et, d'autre part, les perspectives de développement familial que défend l'actuelle ministre de la Santé et des Services sociaux. Le deuxième problème, c'est, bien sûr, les abus de pouvoir du secrétariat à l'adoption. J'y reviendrai tantôt au cours des discussions s'il fallait prouver davantage ce qui a été dit par les autres intervenants. Le troisième problème, c'est, bien sûr, la faiblesse de l'implication des services sociaux en adoption internationale. Au fond - et je cite à nouveau les chiffres qui nous viennent des rapports du ministère de la Santé et des Services sociaux - il y a 114 personnes qui travaillent dans les centres de services sociaux sous la rubrique "adoption". Je reconnais, tout de suite, que la rubrique est mal faite. Je dis donc au gouvernement qu'il serait heureux d'avoir des indicateurs plus justes quant à la réalité. Au lieu de cela, donc, il y a 114 personnes dans les CSS qui travaillent sous l'étiquette "adoption". Malgré tout, cela a eu très peu de retombées au niveau de l'adoption internationale. Bien sûr, nous connaissons les problèmes des CSS qui vont dire: Bon, on a trop de problèmes, il nous est difficile d'accorder une priorité là-dessus. Nous aurons une solution à vous proposer, mais il demeure que c'est un problème.

Le quatrième problème, c'est une réglementation absente, déficiente ou secrète. Au fond, depuis 1982 en termes de réglementation, il y a tout le temps eu des ententes entre les organismes et le secrétariat, mais un cadre réglementaire prescrit normalement, selon les règles d'une gestion publique efficace, c'est-à-dire publié à La Gazette officielle, ou selon d'autres règles, selon le type de règlements dont il s'agit, il n'y en a pas eu. Cela a été du ouï-dire, cela a été verbal, cela a été des lettres sur des cas concrets et c'est une des lacunes administratives qu'il nous semble urgent de corriger.

Finalement, le dernier point qui nous semble devenir un problème, c'est que de plus en plus nous sentons, comme citoyens québécois, une tension entre l'autorité politique et l'autorité judiciaire. Faut-il interpréter cela comme une certaine démission du pouvoir politique devant ses responsabilités sociales? En bout de course, cela nous oblige à aller beaucoup plus devant les tribunaux pour obtenir justice, alors que normalement nous pensons qu'on pourrait faire appel â l'appareil de l'État qui devrait fonctionner dans le cadre de la justice et des droits prescrits par le législateur. C'est globalement les cinq problèmes que nous voyons.

J'aborde maintenant d'une façon plus spécifique les commentaires sur le projet de loi 21. J'ajoute la loi 131, le décret 1728, de décembre dernier, et, bien sûr, le projet de règlement du 11 mars. Brièvement, le projet de loi 21 nous semble ne rien ajouter au droit en matière d'adoption internationale. On dit qu'il le restreint. D'après moi et d'après notre groupe, le projet de loi 21 est beaucoup plus un aménagement réglementaire que vraiment une innovation législative et, encore là, je réfère aux quatre points qui me semblent être les concepts législatifs de base en adoption dont j'ai parlé tantôt.

Parmi les aspects les plus critiques qu'on voit au projet de loi - et j'irai, quand même, très rapidement - le premier, c'est la double démarche préalable. Cela reviendra peut-être à: êtes-vous d'accord pour aller au Tribunal de la jeunesse avant, etc? Ce qu'on trouve un peu onéreux, c'est, je dirais, l'épaississement de la démocratie ou de la bureaucratie où de plus en plus tes contrôles se multiplient. Or, il nous semble que ou bien il y a un contrôle a priori ou bien il y a un contrôle a posteriori. Ce que semble vouloir faire la loi 21, c'est un contrôle a priori et un contrôle a posteriori.

Les intervenants précédents disaient: II y a un manque de confiance dans les Québécois, il y a peut-être un manque de confiance dans l'administration publique et il y a peut-être même un manque de confiance dans le système judiciaire. Quant à nous, on fait appel à une confiance et nous serions plutôt partisans d'un contrôle a posteriori. Et pour remplacer les démarche préalables, c'est-à-dire aller devant le Tribunal de la jeunesse, etc., la solution qui nous semble s'imposer, qui nous semble aussi la plus simple, c'est qu'il y ait donc une information très claire. Ce bagaqe d'expertise dans les coffres gouvernementaux, ce bagage d'expertise chez les juges, qu'on en fasse donc une publication simple, claire qui nous permettrait de dire - et on vous en donne un exemple dans notre mémoire - Si vous allez dans tel pays, voici tel type de contraintes, tel type de délais, etc. Cela serait une économie générale.

De ce point de vue, si le projet de loi imposait ce que j'appelle un contrôle a priori, le contrôle a priori nous semble abusif et inefficace, dans la mesure où, bien sûr, ta recherche d'efficacité est un des objectifs de ce projet de loi.

Les délais, bien sûr, ne s'en trouvent pas raccourcis. C'est notre deuxième critique. Réaffirmer les responsabilités des DPJ en matière d'adoption, voilà une noble intention, sauf qu'ils les ont déjà, les responsabilités. D'après moi, ce n'est pas en disant dans une deuxième loi: Vous avez toujours ces responsabilités qu'on va améliorer la question. Les DPJ avaient déjà une responsabilité très claire dans le domaine des adoptions. Ils se sont récusés pour toutes sortes de raisons. Le réaffirmer par une loi -permettez-moi, si vous voulez, un peu d'humour - c'est un bégaiement juridique ou législatif qui ne change en rien la réalité.

Que les conditions de reconnaissance d'un jugement d'adoption hors Québec soient liées à des conditions acceptables dont on ne connaît plus les tenants et aboutissants, cela nous semble être une régression. Nous préférons, quant à nous, les quatre critères que j'ai énoncés tantôt et qui sont déjà inscrits dans la loi. En effet, où seront-elles, ces conditions applicables, où seront-elles déterminées, comment seront-elles appliquées?

Enfin - je suis à ta page 12 de notre mémoire - deux lacunes qui ont été également soulignées par des intervenants précédents. D'une part, ce projet de toi ne comporte aucun mécanisme de recours. Or, à travers tous les méandres et les problèmes que nous avons eus, ce qui a été te plus difficile comme expérience de parents qui ont réussi leurs adoptions ou qui les ont ratées selon le cas - on a des deux dans notre groupe - c'est qu'on ne savait pas où s'adresser pour avoir un recours clair. La deuxième, bien sûr, c'est qu'on n'y voit aucune manifestation de coordination entre les objectifs du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, donc entre les objectifs démographiques et les objectifs appelons-les familiaux si vous me le permettez.

Les critiques qu'on fait sur le décret. Bien sûr, le décret 1728, c'est l'interprétation juridique sur l'adoption simple et plénière. Mme Tremblay tantôt a fait une grande partie des raisonnements que nous faisons. Je ne fais que réitérer notre appui aux raisonnements déjà faits.

La loi 139 s'adressait donc à une interprétation que la ministre faisait pour encadrer le comportement des DPJ. Nous croyons que le pouvoir de réglementation existe déjà auprès du ministère et qu'elle n'était pas obligée de le remettre dans la loi.

Lorsque je regarde le projet de règle-

ment du 11 mars, c'est là qu'on voit la véritable dimension des "conditions applicables" qui sont prévues à la loi 21. Or, dans le cadre des conditions applicables, c'est la ministre qui autoriserait les évaluations de foyer. Nous croyons que l'évaluation de foyer est un service qui devrait être assuré sans discrimination, sans le filtrage des critères des différentes instances administratives. Au fond, l'évaluation de foyer devrait être faite le plus rapidement possible à tous ceux qui le demandent, que ce soit pour l'adoption internationale ou pour d'autres genres d'adoption.

Au fond, l'économie générale des réformes qui sont proposées ou qui ont été récemment édictées au Québec en matière d'adoption internationale ne résout en rien les problèmes qui sont vécus. La seule chose qu'on trouve bonne dans le projet de loi, c'est l'amnistie. Pourquoi? Parce que, dans tout le fatras juridique qu'on nous expose, l'amnistie nous semble être la solution réaliste, pragmatique; c'est la seule qui concerne le droit des enfants, du vrai monde qui vit. Au fond, cela concerne, à notre connaissance, une centaine d'enfants, et il y a peut-être aussi des enfants qui ne se déclarent pas et qui craignent l'impérialisme du système administratif. Mais, l'amnistie -on est obligé de gouverner par amnistie -c'est au moins un bon réalisme de la part du gouvernement, afin de régulariser la situation des enfants qui ont été adoptés régulièrement dans les pays étrangers.

Donc, nos recommandations. Considérant que la réforme n'ajoute rien aux questions de droits, considérant qu'elle n'entraîne pas un assouplissement des procédures administratives et qu'elle maintient, lorsqu'elle ne les alourdit pas, les démarches et les délais rencontrés, considérant que la réforme assujettit davantage au pouvoir ministériel et n'incite en rien les directeurs de la protection de la jeunesse à s'impliquer ou à accorder une plus grande importance à l'adoption internationale, considérant l'absence du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, nous recommandons l'adoption de l'amnistie pour tous les enfants adoptés légalement à l'étranger par des Québécois et qui sont actuellement sans statut au Québec, le retrait du projet de loi 21, le retrait du projet de règlement publié à La Gazette officielle du 11 mars 1987, l'abrogation du règlement 1728-86 et l'abrogation de la loi 139.

En termes de solutions, nous voulons une information complète - je me suis un peu exprimé là-dessus, tantôt - une réduction et une simplification des procédures imposées par le Québec en matière d'adoption internationale. Nous suggérons, pour pallier aux difficultés des CSS, l'utilisation de travailleurs sociaux privés qui seraient dûment accrédités pour répondre à l'ensemble des demandes et accélérer les évaluations de foyer. Nous sommes également d'accord pour trente secondes, M. le Président appelons-le une table de concertation, un conseil supérieur, un organisme doté d'un conseil d'administration qui aurait un pouvoir de surveillance et d'avis auprès de la ministre sur l'évolution du dossier de l'adoption internationale, et qui serait composé, à la fois, de représentants des parents, des différents ministères impliqués, des organismes pouvant servir d'intermédiaires.

Comme dernière remarque, nous osons espérer que, s'il doit y avoir un vote sur le projet de loi 21, celui-ci se prenne à partir de la conscience des députés et non des lignes partisanes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Lortie. Je vais reconnaître, maintenant, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de l'Adoption internationale démocratique pour enfant, d'être venus à la commission. Je trouve intéressants les points de vue qu'ils font valoir.

D'abord, je voudrais reprendre une de vos premières préoccupations, à savoir que cela devrait dépasser l'aspect familial, que c'est un projet gouvernemental. Moi, je dirais même que c'est presque, d'une certaine façon - quoique, parfois, je trouve qu'on charrie avec ce terme - un projet de société. Dans le fond, l'exercice que l'on fait aujourd'hui avec les gens qui se présentent à la commission parlementaire, on l'a déjà fait dans des consultations officieuses. Quand je dis "officieuses", on ne vous l'a pas caché, mais on n'a pas préparé ce projet de loi dans mon bureau, tout seul; il y a quand même eu des consultations, il y en aura sûrement d'autres afin d'essayer de tout mettre ensemble et de trouver les meilleures solutions possible. Je pense que vous m'avez entendu dire, tout à l'heure, que cela a été une collaboration très étroite et très ardue -je me demandais s'il y avait un "h", mais il n'y en a pas - du ministère des Communautés culturelles, de la Justice et des Relations internationales; parce que toutes ces dimensions sont comprises dans l'adoption internationale.

Cette préoccupation que vous avez de dire: Cela ne peut pas être juste l'affaire d'un ministère, nous l'avons constaté et on ne pourrait pas le faire tout seul, de toute façon. Je pense qu'il faut véritablement travailler avec l'Immigration. Il y en a qui sont venus avant vous et qui nous ont soulevé des problèmes reliés à l'immigration. Il y en a d'autres liés à toute la question de

la justice et il y. en a au plan international, également.

(18 h 15)

Alors, je voudrais juste revenir, compte tenu que le temps est limité... Il y a deux endroits où vous faites des recommandations très précises: a, b, c, d. À la page 9, vous dites: "qu'un lien de filiation soit créé que l'adoptant agisse par l'entremise d'un des trois intermédiaires; que la capacité d'adopter des parents adoptants soit évaluée; que les règles relatives au consentement à l'adoption soient celles que prévoit la loi de son domicile." On se rend compte qu'il n'y a pas trop de problèmes là.

Par contre, en conclusion - c'est, évidemment, comme quelqu'un se disait, sur les moyens; on s'entend sur les principes, mais on ne s'entend pas toujours sur les moyens - vous suggérez - je pense que c'est à la page 15 - dans vos recommandations "l'amnistie pour tous les enfants adoptés légalement à l'étranger par des Québécois et qui sont actuellement sans statut." Evidemment, ce n'est pas une chose que je souhaitais faire moi-même. J'aurais souhaité aux différentes étapes où on a modifié la loi, où on s'est penché sur l'adoption internationale, que les résultats aient été suffisamment bons pour qu'on ne soit pas obligé, pour une deuxième fois, de recourir à une amnistie. Mais les faits étant ceux-là, sur le plan humanitaire, je pense qu'on n'a pas beaucoup le choix.

Vous parlez du retrait du projet de loi 21 parce que vous pensez, et cela dépend de l'interprétation juridique que vous donnez, que cela n'apporte rien - enfin, ce n'est peut-être pas l'expression que vous avez utilisée - que ce sont des mesures administratives et non des mesures d'ordre juridique.

D'abord, il faut bien se rappeler qu'à partir de 1983 et même à partir de la révison du Code civil il y a eu différentes interprétations qui ont été données. L'intention du législateur à ce moment-là, en tout cas - parce que c'est l'interprétation que le ministère de la Justice a donné par la suite - était que seule l'adoption plénière avait droit de cité dans l'adoption internationale au Québec. C'est surtout depuis ces années que les problèmes d'interprétation sont survenus, que cela a été une cause importante et supplémentaire de difficultés. Nous croyons, nous, que le projet de loi 21 va justement clarifier ce que le législateur voulait vraiment. Et nous, on dit qu'on veut l'adoption plénière compte tenu du principe de l'égalité de tous les enfants au Québec. On y ajoute l'adoption simple là où le gouvernement autorise l'adoption des enfants soit parce qu'ils abandonnés, etc. Pour nous, c'est un élément important.

L'autre chose - et c'est revenu à plusieurs reprises dans le débat sous des formes différentes - ce serait que la Loi sur la protection de la jeunesse nous donne - et je pense que vous y faites allusion - des "pouvoirs", entre guillemets, qui sont déjà là. Pourquoi revenir avec cela?

Ce que la Loi sur la protection de la jeunesse, en particulier l'article 72.1 nous donne, c'est strictement relié à l'adoption interne au Québec. Évidemment, le ministre l'a utilisé pour baliser certaines choses, mais cela ne touchait pas l'adoption internationale. C'est l'autre chose. Je ne veux pas entrer dans tous les détails du projet de loi.

Au sujet du retrait du projet de règlement publié à la Gazette officielle le 11 mars 1987, je dois vous dire que, dans ce sens-là, je trouvais peut-être une certaine contradiction dans votre mémoire. D'une part, vous trouvez que certaines choses sont trop contrôlées, trop réglementées et, d'autre part, vous nous faites le reproche que les choses ont été aussi trop floues. C'est pour cela qu'il y avait un règlement dans le but de clarifier les responsabilités respectives de chacun, afin que chacun ne décide pas, si, comme vous le dites, cela a été le cas, d'imposer sa volonté. Même, à certains égards, on peut avoir été injuste, je le dis sans arrière-pensée. Le règlement avait pour but de clarifier ces responsabilités respectives. Il ne sera pas tel qu'il a été présenté à la Gazette officielle du 11 mars 1987 par la force des choses parce que, à ce moment-là, le projet de loi 21 n'était pas sur la table et il va falloir le modifier en fonction de ce que sera en fin de compte la loi 21.

L'abrogation du règlement - je pense que vous faites allusion au décret - 1728-86. Par la force des choses, il va disparaître, il va devenir caduc parce qu'il sera remplacé par la loi. À ce moment-là, je dois vous dire que, selon l'interprétation du ministère de la Justice, on ne créait pas de droit nouveau, c'était l'interprétation que l'on faisait des lois qui réglaient l'adoption internationale au Québec et c'était pour clarifier des ambiguïtés. Brièvement, car vous avez hâte de réagir...

Le Président (M. Joly): II ne vous restera plus de temps.

Mme Lavoie-Roux: II dit qu'il ne me restera plus de temps; il a bien raison. Je vais arrêter ici et je vais vous laisser réagir. S'il me reste trois minutes, je reviendrai.

M. Lortie: Juste sur un tout petit point.

Mme Lavoie-Roux: C'est juste mes 10 minutes, pas mes 20.

M. Lortie: Sur plénière et simple. Je vais vous expliquer. La loi 21, on pense que

ça n'apporte rien. C'est que nous sommes d'opinion que déjà, avec l'article 594 ou 596, l'enfant adopté à l'étranger a les mêmes droits et le même statut qu'un enfant né au Québec. Dans la mesure où on partage le même objectif, à savoir d'assurer à l'enfant des droits et un statut égal pour lui offrir, au fond, l'égalité, parce qu'il est adopté avec tous les autres Québécois, nous croyons que, déjà, cette disposition du Code civil lui donne les mêmes droits. Dans ce sens-là, nous ne croyons pas, donc, que la loi 21 ajoutait à la loi. Au fond, nous, on pense qu'une loi doit améliorer le cadre législatif. Les quatre principes que nous avons énoncés sont déjà dans la loi.

Je pensais que vous vouliez apporter une correction et cela, c'est tout le problème du débat juridique sur, au fond... L'objectif derrière cela - laissons les technicalités - c'est que les enfants adoptés aient un statut clair et des droits égaux à ceux des Québécois. Nous partageons cet objectif. Par contre, en vertu de cet article du Code civil qui confère à un enfant, même adopté à l'étranger, les mêmes droits dans la mesure où l'adoption est reconnue ici, nous ne croyons pas nécessaire, donc, d'exiger une adoption plénière, etc.

Mme Lavoie-Roux: Non, on ne reviendra pas là-dessus, parce que je pense que...

M. Lortie: Non, je fais juste vous donner le...

Mme Lavoie-Roux: ...il y a, de toute évidence, une divergence d'interprétation juridique sur ce point particulier. Je pense qu'on est comme les juges. Ils n'étaient pas tous du même avis. J'ai l'impression que nous non plus. Maintenant, dans les recommandations que vous... Pardon?

Le Président (M. Joly): Terminé.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui, je n'ai plus le droit de parler. C'est vrai.

Le Président (M. Joly): II vous reste une minute, mais si vous voulez échanger...

Mme Lavoie-Roux: Non. Aviez-vous d'autres commentaires? On va passer la parole à l'Opposition et je reviendrai.

Le Président (M. Joly): Je reconnais maintenant Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: II me fait plaisir, au nom de ma formation politique, de vous recevoir à cette commission parlementaire et je voulais aussi vous démontrer mon appréciation. Lors de la lecture que j'ai faite de votre mémoire, il m'a semblé, à certains égards, très sévère pour la situation à laquelle nous sommes confrontés actuellement. Vous apportez une analyse froide de la situation et, même si vous êtes des parents et que vous avez dû subir certains délais, je pense que vous avez tenté de montrer d'une façon objective, le plus possible, les carences qui pouvaient exister actuellement en ce qui concerne le processus de l'adoption internationale.

Vous avez formulé plusieurs recommandations. Je voudrais tout de suite commencer avec certaines choses. Au début de votre mémoire, à la page 10, vous avez parlé de vos cinq points. J'aimerais que vous m'expliquiez sur quoi vous vous êtes basés pour soulever ces cinq points-là, d'une part. J'aimerais que vous me donniez beaucoup plus de précisions là-dessus, s'il vous plaît!

M. Lortie: Sur les cinq?

Mme Vermette: Oui, si c'est possible ou s'il y en a... Attendez.

M. Lortie: On risque d'écouler vos dix minutes.

Mme Vermette: Finalement, vous êtes là pour expliquer une situation. Alors, je pense que je ne suis pas ici pour parler.

M. Lortie: Allons-y brièvement. Sur le manque de coordination gouvernementale, j'ai dit tantôt que le cadre général, c'est, bien sûr, l'Immigration et la Santé et les Services sociaux. Il y a plus aussi. Là où cela nous a le plus manqué, c'est à l'intérieur même du bloc des affaires sociales. Vous aviez des niveaux de responsabilité. Vous aviez l'instance ministérielle, vous aviez les organismes administratifs et vous aviez les organismes qui pouvaient agir à titre d'intermédiaires.

Or, ce qui nous semblait évident, c'est que le mandat de coordination, c'est-à-dire d'assurer la cohérence des gestes administratifs, n'a été exécuté nulle part, de telle sorte que, à notre avis et sans personnaliser à outrance, il y a eu un certain nombre de cas où le secrétariat a envoyé des lettres à des organismes en disant des choses qui n'étaient pas fondées en droit, dont on a été victime et on a dû aller en cour pour obtenir justice. Donc, je joins un peu les deux premiers éléments.

Quant à "la faiblesse de l'implication des services sociaux en adoption internationale", la raison est toute simple: c'est le manque d'évaluation de foyer. Le système était suffisamment étanche que, malgré notre bonne foi et malgré nos démarches, on nous disait: Nous ne faisons pas l'évaluation parce que le secrétariat nous a dit que votre projet n'était pas admissible; alors que nous étions d'opinion et nous avions

confiance jusqu'à ce qu'on s'y présente - que Ies différents organismes étaient responsables, autonomes et capables d'exercer leurs responsabilités, qu'il s'agisse du ministère, du secrétariat ou des CSS. Comble de l'ironie, à la dernière minute, des évaluations de foyer ont été faites après qu'on a eu des adoptions. Mais on n'a jamais eu les raisons invoquées pour l'absence d'évaluation, pas plus que de raisons qui militaient en sa faveur. Suprême ironie, -car, bien sûr, madame, vous avez raison, le ministère de la Justice est impliqué - on a même eu droit à des enquêteurs qui sont venus chez nous, sans savoir de quoi on était accusé. Je ne veux pas faire de drame inutile, mais c'est seulement pour montrer le caractère un peu fangeux, un peu marécageux, à travers lequel on a été obligé de passer. Ce sont des expériences concrètes.

On ne revendique pas des droits et on ne fait pas de la théorie. Ce sont des expériences vécues. Il y a ici quatre familles qui ont reçu quelqu'un du ministère de la Justice pour enquêter. Si on est coupable d'avoir voulu adopter, on voudrait qu'une fois pour toutes ce soit limité. Je ne vous en fais pas porter la responsabilité actuellement, c'est seulement pour montrer en quoi l'absence de réglementation claire a donné lieu aux abus dont on parle.

Quand on parle de "réglementation absente, déficiente ou secrète", au fond, c'est de la discrimination. Les intervenants précédents parlaient d'âge. Au fond, la question la plus simple qu'il faut se poser, c'est: Est-ce qu'il faudra aller en Cour suprême pour invoquer cette fameuse charte à laquelle le Québec vient d'adhérer il n'y a pas si longtemps pour connaître clairement quels sont les droits des enfants, bien sûr, nous en sommes, nous en avons parlé tantôt - mais aussi le droit des parents? Cela fait partie, Mme la ministre, de la complexité, mais nous estimons avoir des droits. L'adoption, c'est un droit et non un privilège, comme l'ont laissé croire et comme l'ont dit certains responsables du secrétariat à l'adoption. C'est le contexte global dans lequel on se situe.

Autorité politique, autorité judiciaire. Ce qui nous semble un peu malencontreux actuellement, c'est qu'on doive, de plus en plus, aller en cour pour connaître la justice et le droit, alors que nous aimerions que la responsabilité politique s'exerce de façon suffisamment claire, autonome et efficace, et que les instances politiques, et surtout d'administration publique, appliquent les lois d'une façon qui serve les enfants et les parents. Je vous laisse quatre minutes.

Mme Vermette: Non, mais je vous écoutais. J'étais tout oreilles à votre discours, car je trouve cette question importante. Vous semblez aussi, en ce qui concerne le râle du secrétariat, mettre en exergue certaines affirmations. Est-ce fondé ou si ce sont simplement des ou?-dire de votre part?

M. Lortie: Écoutez, là, je veux seulement faire un petit portrait. Tantôt, je parlais des discours d'intention... Soyons clairs, au mois de février, on annonce qu'on pouvait adopter peut-être dans quatre ou cinq pays. Au mois de mars, à une émission de télévision, on fait la liste et on est rendu à neuf pays. On dit qu'on veut agrandir le bassin. On a dit aussi, en février, lors de la conférence de presse du Secrétariat à l'adoption internationale, qu'au Québec on avait pu adopter dans 21 pays.

Fondamentalement, qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné c'était légal d'adopter dans 21 pays et que, tout d'un coup, ce n'est plus légal d'adopter dans 21 pays"' C'est ce à quoi je fais allusion. Lorsqu'on dit, au moment de la présentation du projet de loi 21, qu'on va agrandir le bassin, on comprend et on espère qu'on va au moins retrouver le bassin qui existait déjà et qui était déjà admissible au Québec. Ce n'est pas d'un agrandissement du bassin; il s'agit de revenir à ce qui avait déjà été la normalité au Québec. Nous aimerions savoir, si possible, lorsqu'on se parle, au 7 mai, dans combien de pays nous pouvons adopter.

Mme Vermette: Vous dites, un peu plus loin dans votre mémoire, à la page 13, que les excès de juridiction du secrétariat à l'adoption deviennent maintenant les règles du jeu. En quoi deviennent-ils les règles du jeu?

M. Lortie: On "intuitionne" qu'en regard du projet de loi 21 les responsabilités et les devoirs qui seront impartis au ministre seront déléqués au secrétariat. Or, on dit à ce moment-là: Ce que le secrétariat faisait déjà comme abus de pouvoir deviendrait probablement la règle du jeu à ce moment-là, c'est-à-dire que les comportements coercitifs qu'ils ont eus et qui n'ont pas du tout aidé à l'adoption, malgré les discours d'intention, se trouveraient confirmés à l'intérieur de la réglementation qui se dégage du projet de loi 21. C'est dans ce sens-là qu'on propose plutôt des intermédiaires, le maintien des trois types d'intermédiaires qui existent, c'est-à-dire te ministre et, par voie de conséquence, le secrétariat, les directeurs de la protection de la jeunesse et, finalement, les organismes dûment accrédités par le ministre de façon qu'il y ait trois types d'intermédiaires qui permettraient de répondre à la diversité des besoins et à la diversité des situations régionales qui existent dans la province.

Mme Vermette: Est-ce que vous seriez

en faveur d'un changement de structures au niveau du secrétariat - différentes formules ont été avancées - ou de la création d'un conseil supérieur à l'adoption?

M. Lortie: À ma connaissance, cela a été créé d'une façon temporaire pour deux ans en 1982. Cela a été renouvelé en 1984. Cela a permis de diminuer le nombre d'adoptions. Quant à nous, il n'y a plus besoin d'un secrétariat à l'adoption, mais d'un organisme-conseil, d'un organisme de surveillance composé des différents intervenants, c'est-à-dire des représentants des différents ministères, des organismes qui servent d'intermédiaires et des parents.

Mme Vermette: D'accord. Il y a différents aspects dans votre mémoire: l'humanisation, l'évaluation qui est faite. On dit que l'évaluation des parents est assez aléatoire et, dans certains cas, qu'il n'y a pas de recours aussi. À l'heure actuelle, est-ce qu'il existe des recours si la demande d'un parent n'est pas reconnue ou ne convient pas?

M. Lortie: II y a des comités de plaintes qui servent de tampon. Selon l'expérience qu'on a - certains d'entre nous ont commencé à les utiliser depuis deux ou trois mois - c'est vraiment un tampon, c'est-à-dire que ça se continue. Par ailleurs, ce qui est étonnant c'est qu'en matière d'évaluation les critères d'évaluation n'ont jamais été rendus publics et, pour ceux qui ont été parfois publicisés - j'ai eu l'occasion de le démontrer au CSSMM- à Montréal - ce sont des critères discriminants, des critères d'âge, par exemple. Cela nous semble complètement erroné. Il faudrait que ces critères-là - cela revient à notre revendication première, à savoir qu'il y ait de l'information sur l'ensemble - soient énoncés soit par l'instance ministérielle, soit par une instance administrative, qu'ils soient même débattus et qu'ils deviennent des règles du jeu clairement annoncées. Pas besoin d'aller au Tribunal de la jeunesse pour ça. Qu'une fois pour toutes, on annonce ces critères.

Mme Vermette: Une fois que ces critères seront clairs et bien énoncés, est-ce que vous voyez toujours l'utilité des CSS? Dans certains mémoires, on nous a fait la recommandation de passer par des cabinets privés pour l'évaluation, compte tenu des délais, parce qu'on manque de ressources dans les CSS.

M. Lortie: C'est une béquille de taxation. On ne sait pas. Nous disons que, finalement, derrière toutes ces arguties bureaucratiques, il y a souvent des cas qui exigent qu'on agisse rapidement. De ce point de vue là, même si c'est discriminant, nous sommes d'avis qu'il devrait y avoir possibilité d'utiliser des évaluations faites par des travailleurs sociaux dûment accrédités et rémunérés par les parents.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître le député de Taschereau du côté ministériel.

M. Leclerc: Vous semblez très connaisseur en la matière. Je vous ai, d'ailleurs, déjà écouté à quelques reprises à d'autres forums.

M. Lortie: C'est le défaut des citoyens, maintenant.

M. Leclerc: Non. Je pense que c'est bien que les citoyens se prennent en main. Vous êtes très très dur dans votre jugement sur l'appareil gouvernemental, les structures, etc.

M. Lortie: Oui, monsieur.

M. Leclerc: Ce qui est votre droit aussi.

M. Lortie: Parce que j'ai adopté et nous avons des enfants. Ce ne sont pas des intentions, c'est d'expérience que nous parlons. Je m'excuse, je vous ai pris 30 secondes.

M. Leclerc: Non, non, écoutez! Le temps est aussi bien pour vous que pour moi. Donc, vous portez un jugement extrêmement sévère sur les mécanismes actuellement en place, ce qui est votre droit, parce que je pense que certains d'entre vous, peut-être me direz-vous tout le monde, ont eu de mauvaises expériences. Il y a des raisons fondamentales pour que vous portiez de tels jugements. Je pense - je n'ai pas l'expérience que vous avez en adoption -que, compte tenu de la complexité de la démarche, il y aura toujours nécessité de mécanismes un tant soit peu complexes. Ce que j'ai du mal à cerner chez vous, c'est cette nuance-là. Vous semblez un petit peu, je dirais même, intransigeant face à ce qu'il y a actuellement comme mécanismes.

Évidemment, vous avez le point de vue du parent adoptant qui dit: S'il y avait moyen que cela se règle au plus vite. Je vous comprends, si j'étais dans votre peau, je penserais probablement la même chose que vous, sauf que, comme législateurs, je pense que c'est notre responsabilité que cette démarche, qui est importante et sérieuse, soit encadrée.

Ma question est bien précise: Est-ce que vous reconnaissez qu'au-delà de votre opinion de parents adoptants ayant eu des problèmes - je suis bien désolé que vous en

ayez eu - le législateur se doit d'avoir des mécanismes...

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, nous sommes appelés à accomplir un autre de nos devoirs. Nous devons retourner en Chambre.

Mme Lavoie-Roux: II nous reste combien de temps M. le Président?

Le Président (M. Joly): II nous reste quinze minutes, madame.

Mme Lavoie-Roux: II nous reste quinze minutes.

Le Président (M, Joly): J'imagine que vous aimeriez...

Mme Lavoie-Roux: Avez-vous des objections è attendre?

Le Président (M. Joly): Vous aimeriez terminer. Nous devons suspendre pour la durée du vote.

M. Lortie: Oui, qui peut prendre quoi?

Le Président (M. Joly): Et on peut vous revenir. Qui peut prendre une quinzaine de minutes.

M. Lortie: Écoutez, compte tenu de la rigueur qu'on exige de l'administration publique, on voudrait que la responsabilité politique s'exerce avec autant de rigueur. C'est avec plaisir qu'on vous permet d'exercer votre devoir, mais je répondrai à votre question.

Le Président (M. Joly): Tâchez de ne pas l'oublier.

M. Lortie: Oui, oui, et je vais y penser à part cela.

Le Président (M. Joly): Nous allons suspendre pour la durée du vote.

(Suspension de ta séance à 18 h 37)

(Reprise à 18 h 41)

Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales reprend ses travaux. La parole était à M. Lortie, je crois.

M. Lortie: Non, non. ...questions à compléter, j'en suis convaincu.

Le Président (M. Joly): La parole est au député de Taschereau.

M. Leclerc: J'ai pris bien garde de dire que j'en étais rendu à la conclusion de ma question. Vous me permettrez de faire juste un petit retour en arrière pour qu'on s'y retrouve tous.

D'abord, vous avez eu des paroles relativement dures à l'endroit de tous les mécanismes gouvernementaux et notamment vis-à-vis du secrétariat à l'adoption. Par conséquent, si vous ne voyez plus ou pas le secrétariat à l'adoption dans le décor, comment, comme législateurs, pourrions-nous à ce moment-là nous assurer, et par quels organismes, quelle façon et par quels moyens, pourrions-nous assurer que cette démarche importante se fasse pour le meilleur intérêt des enfants et des parents?

M. Lortie: Sur le point spécifique que vous soulevez, nous croyons que l'organisme qui pourrait remplacer le secrétariat devrait tenir compte de la complexité de l'adoption et il ne serait pas uniquement lié à la dimension familiale, mais il tiendrait compte aussi des facteurs démographiques, etc., en cause. Cela nous ramène donc à cette table de concertation au conseil supérieur, comme il se doit.

Par ailleurs, je partage avec vous le problème de la responsabilité du législateur. À mon avis - et je crois deviner les intentions du gouvernement dont vous faites partie - une certaine confiance se fait auprès des Québécois et les organismes qui seraient dûment mandatés par un contrat clair par la ministre auraient une reddition de comptes. Pour les administrateurs publics, on appelle cela de l'imputabilité, mais, pour des organismes bénévoles, il pourrait y avoir un mécanisme de reddition de comptes périodique qui vous permettrait d'être au courant de tout ce qui se passe. Pour que ce soit efficace, il est important que l'ensemble du système ait une souplesse telle qu'il retrouve sa crédibilité auprès des Québécois en premier et qu'ensuite on puisse nous-mêmes, car on y va dans les pays étrangers, dire: Oui, on passe par notre gouvernement, on passe par les instances officielles. C'est uniquement cela qui est en cause.

Vous percevez votre responsabilité comme devant faire des contrôles a priori, c'est-à-dire créer un cadre législatif et réglementaire a priori. Avec tout le respect que je vous dois, vous avez probablement fait l'expérience qu'on ne peut modifier aucun cadre législatif ayant la souplesse nécessaire pour tenir compte de la vitesse de l'évolution des sociétés dans lesquelles nous sommes. Or, il m'apparaît beaucoup plus normal de penser à définir des règles, à donner l'information sur ces règles et à faire ce que j'appelle les contrôles a posteriori. Ainsi, vous multipliez les organismes et ils vous rendent des comptes. Je ne doute pas de la rigueur avec laquelle le législateur

pourra demander cette reddition de comptes aux organismes qu'il aura accrédités.

Ce qui nous étonne un peu, c'est qu'on sent un certain dirigisme social, alors qu'au plan économique on sent qu'une certaine souplesse doit s'exercer et on laisse une certaine liberté d'initiative aux entrepreneurs, etc. Pourquoi n'auriez-vous pas une idée globale directrice, un peu saine, un peu ouverte, un peu libre, fondée sur la confiance dans les Québécois et leur capacité d'initiative?

Je vous donne un exemple très concret. Vous parliez du Brésil tantôt. J'ai moi-même adopté au Brésil. Je n'ai pas volé d'enfants.

Une voix: ...

M. Lortie: Pardon? Non, non. Je ne le vous dis pas à vous. Mais c'est parce qu'à cette image que vous donniez tantôt du haut du perchoir gouvernemental, j'ai opposé une autre image qui est celle d'une expérience.

M. Leelerc: Non, non. Ce n'est pas moi qui donnais une image. C'était un article d'une revue très sérieuse. Je n'ai pas d'image à donner à personne; d'accord? d'aucun pays.

M. Lortie: Très bien, monsieur. Ce n'est même pas vous. Des articles citent, on dit... Alors, évidemment, gérer par ouï-dire, c'est une façon. On serait mieux de gérer par une meilleure connaissance de la réalité. Si je prends le cas du Brésil, notamment, écoutez, tous ceux qui ont adopté au Brésil... C'est sûr qu'il y a eu des abus. Je ne veux pas nier les abus.

M. Leclerc: Quand vous dites "gérer par ouï-dire", je ne sais pas si vous avez vu la même émission que moi, "Le Point", mais...

M. Lortie: Oui, monsieur.

M. Leclerc: Excusez l'expression, mais cela m'a convaincu... Je ne me souviens plus de quel pays...

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître la députée de Marie-Victorin.

Une voix: Pardon?

Le Président (M. Joly): Mme la députée.

Mme Vermette: En fin de compte, c'est parce qu'on parlait beaucoup de la confiance. C'est une chose sur laquelle vous revenez beaucoup ici dans votre mémoire et, même tout au cours de votre exposé, vous l'avez marqué beaucoup. Il faudrait peut-être que les différents intermédiaires démontrent un peu plus de confiance mutuellement. De quelle façon cette notion de confiance pourrait-elle se traduire concrètement?

M. Lortie: Concrètement, c'est d'aérer le système, c'est-à-dire d'établir des structures plus larges, plus souples, qui fonctionnent mieux. Au-delà de ces grands propos, ce que cela signifie, c'est bien sûr créer cette table de concertation ou ce conseil supérieur; deuxièmement, développer cette idée qui a été présentée avant nous du projet d'adoption privée. En d'autres termes, dans la mesure où toutes les instances gouvernementales ne peuvent pas, a priori, créer les conditions qui satisfont l'ensemble des besoins d'adoption, qu'un projet d'adoption privée puisse être intégré à l'intérieur des mécanismes et reconnu.

Qu'est-ce qu'un projet d'adoption privée? Ce n'est pas une adoption privée ou un vol d'enfant. Ce sont précisément des démarches particulières faites individuellement qu'on veut intégrer à l'intérieur de la reconnaissance de l'adoption au Québec.

Mme Vermette: Vous êtes un des premiers groupes qu'on a entendus à part le groupe précédent à relever le volet de l'adoption privée. La plupart des parents ont toujours parlé seulement du rôle des intermédiaires qui devraient finalement oeuvrer ou être habilités à entreprendre les démarches pour une adoption. Actuellement, c'est un nouveau volet. Seriez-vous d'accord pour autant qu'il y ait des procédures de contrôle par rapport à ce geste?

M. Lortie: Quand on vous signale cela, c'est strictement notre expérience. Qu'est-ce qu'on a fait? Je prends encore l'exemple du Brésil. Il y a un autre document sérieux qui dit qu'il en est mort 3 500 000 de 1980 à 1985. Il y a une sécheresse dans le nord-est du Brésil. Fondamentalement, si on avait attendu les instances gouvernementales ou administratives, de part et d'autre, que le Brésil nous propose des enfants... Écoutez, soyons sérieux. Cela ne se passe pas comme cela. Ce sont des gens qui étaient là, qui voyaient des enfants mourir, qui les ont rapportés à des organismes et nous avons entrepris des démarches, nous avons essayé de nous légaliser, d'introduire ces démarches ici au Québec. Cela nous a été refusé. Aucun intermédiaire n'a rempli sa responsabilité d'intermédiaire.

Mme Vermette: Cela veut dire que, finalement, il y a autant de problèmes avec les intermédiaires qu'il peut y en avoir avec les...

M. Lortie: C'est peut-être conjoncturel. Tout ce que je souhaite, c'est que le gouvernement actuel reconnaisse de façon claire un

plus grand nombre d'intermédiaires, leur laisse la latitude voulue pour exercer des responsabilités dont ils rendront compte et que, nous, à l'intérieur de cela, lorsque toutes les grandes instances ne fonctionnent pas, on puisse introduire des projets d'adoption privée, c'est-à-dire que, lorsqu'il y a eu un repérage d'enfants, lorsqu'il y aura dans le pays où se fait l'adoption reconnaissance et jugement d'adoption, ce soit une adoption admissible au même titre qu'une adoption dûment prévue et patentée par des agences gouvernementales.

Mme Vermette: Est-ce que vous êtes très conscients que ce que vous venez d'affirmer est un changement de cap par rapport à l'adoption qui se pratique ici au Québec, en tout cas même s'il y a eu certains projets qui se sont faits par l'entreprise privée ou par un geste privé et que cela n'a jamais été reconnu d'une façon officielle même si la plupart des cas qui seront amnistiés seront ces cas-là?

M. Lortie: J'ose croire qu'une telle commission est là pour assurer l'évolution d'un tel dossier.

Mme Vermette; Ah! Vous souhaitez que, finalement, ce soit un des volets sur lesquels on puisse se pencher au cours des prochains jours.

M. Lortie: II me semble important, pour ce qu'on appelle le projet d'adoption privée, c'est-à-dire lorsque toutes les instances ne fonctionnent pas, que des démarches personnelles puissent être intégrées en respectant - je ne remets pas en cause ce que nous avons dit - les quatre exigences législatives déjà là et qui sont citées à la page 9 et qu'un organisme ou une agence, peu importe, puisse intégrer un tel type de projet. Fondamentalement, ce qui est en cause, c'est la vie même des enfants. Dans la mesure où des enfants ont besoin d'être aidés, mais qu'il n'y a pas, en contrepartie dans le pays où se fait l'adoption, d'agence gouvernementale... Je reprends encore un exemple que je citais tantôt: on part du nord-est du Brésil où il n'y a pas d'orphelinat, où il n'y a pas d'organisme comme ça. Je n'en fais pas grief au Brésil, ils ont leurs propres contraintes. Mais dans la mesure où on peut aider ces enfants-là, pourquoi ne pourrions-nous pas nous-mêmes signaler les cas et faire évoluer le dossier le plus possible à la lumière de l'information qui nous aurait été donnée au préalable par nos agences gouvernementales, qu'on l'introduise et qu'on fasse reconnaître le jugement d'adoption qu'on aura obtenu là-bas?

Mme Vermette: II y a un autre volet que vous avez...

Mme Malo: Je m'excuse, madame. Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

Mme Vermette: Oui, oui, allez-y!

Mme Malo: Je voudrais comprendre pourquoi c'est accepté partout dans le monde et ailleurs dans d'autres provinces, alors qu'ici ce n'est pas reconnu, ce que monsieur disait.

Mme Vermette: Est-ce que vous avez vraiment des statistiques à ce sujet-là? Est-ce que vous pouvez nous démontrer que, dans les autres pays ou ailleurs, il n'y a pas eu d'inconvénient à procéder de cette façon-là et qu'il n'y a pas eu de poursuites devant les tribunaux pour rapt d'enfants, etc., ou qu'il y aurait eu des prix éhontés aussi parce que, finalement, ça peut entrer en ligne de compte?

M. Lortie: II y a peut-être une mauvaise interprétation. Ce que j'appelle un projet d'adoption privée, c'est dans la mesure où, au lieu d'avoir des propositions sur des listes informatiques échangées entre gouvernements, c'est un cas particulier qu'un individu, qu'une famille québécoise peut apporter auprès de l'intermédiaire, auprès du DPJ pour avoir son évaluation de foyer pour accomplir les mêmes exigences qu'une adoption établie sur le marché gouvernemental des adoptions. C'est juste ça. Je voudrais quand même qu'il n'y ait pas maldonne sur l'interprétation. J'ai l'impression qu'il y a deux visions de l'adoption dite privée, c'est-à-dire ce geste personnel fait en marge de tout contrôle gouvernemental ou au Québec ou dans le pays d'adoption. Soyons clairs: Nous ne sommes pas d'accord avec ce type de processus. Par contre, ce qui s'appelle le projet d'adoption privée, c'est que le repérage des enfants, le repérage des besoins des enfants, ce n'est pas toujours de gouvernement en gouvernement que ça se fait.

Dans la mesure où il y a un dossier minimal où on a un certain nombre d'informations, ce projet devrait être déposé pour recevoir l'aval et le soutien d'un organisme qui agisse à titre d'intermédiaire et, deuxièmement, qui nous permette d'aller demander une évaluation de foyer. C'est le sens qu'il faut accorder au projet d'évaluation privé.

L'évaluation privée, au sens où je viens de l'expliquer, suppose qu'il y aura un jugement d'adoption rendu par le pays où on adopte, conformément aux lois de ce pays, et qui a été abandonné, etc. Bref, ça ne change rien aux exigences déjà dans la loi.

Mme Vermette: Je me suis laissé dire

quelquefois qu'il est arrivé que certains parents ont fait affaires directement avec des avocats là-bas ou avec différents organismes et que c'étaient des prix exorbitants par rapport au prix...

M. Lortie: Bien sûr. Il y a eu des abus, mais pourquoi cela se produit-il? C'est que souvent on n'a pas les services administratifs et les renseignements suffisants. Les gens procèdent d'eux-mêmes quand on ne leur offre pas les services nécessaires pour le faire. Les cas d'abus qu'on nous a signalés, c'est que souvent, précisément les gens qui ont des responsabilités, particulièrement dans les agences gouvernementales ou administratives de l'administration publique, n'exercent pas leur rôle. Qu'on donne l'information et les gens agiront en fonction de l'information.

Mme Vermette: Actuellement, vous trouvez qu'il manque d'information par rapport à tout ce qui peut exister...

M. Lortie: Sous prétexte d'éviter des abus, on commet un abus pire, qui est celui de laisser mourir des enfants.

Mme Vermette: Vous savez que c'est une affirmation assez considérable que vous êtes en train de faire. Je ne pense pas qu'on veuille laisser mourir des enfants, mais je pense qu'il y a...

M. Lortie: Alors, pour reprendre les termes de tantôt, disons qu'on a la mollesse nécessaire pour ne pas laisser des parents exercer des responsabilités qu'ils sont en mesure et qu'ils ont le droit d'exercer.

Mme Vermette: On vient de m'indiquer mon temps. Cela va. Dans votre exposé vous avez parlé aussi, à un moment donné, du manque de communication entre le secrétariat et le CSS en ce qui concerne l'évaluation ou au moment où un projet, après avoir été évalué, demeure en attente parce que ça bloque au niveau du secrétariat. Est-ce que beaucoup de parents chez vous ont dû souffrir de ces délais ou de ce manque de communication entre les deux niveaux?

M. Lortie: Au lieu de mettre ça au passé, je vais mettre ça au présent et demander à ma collaboratrice ici d'expliquer un peu.

Mme Vermette: Oui.

Mme Malo: Présentement, moi-même dans ma situation, j'ai des difficultés et c'est comme cela pour beaucoup de gens. Je trouve que les informations ne sont pas claires. On ne renseigne pas les gens, on ne soutient pas les gens. On a plutôt l'impression de déranger, d'être de trop. Personnellement, j'ai souvent téléphoné à certains organismes, au secrétariat ou au CSS et on me retournait, on me renvoyait... On me disait qu'il faudrait attendre et tout cela. On ne répond pas aux gens. Je n'ai pas senti qu'ils avaient le sens humain. J'ai senti qu'ils n'avaient pas à coeur l'intérêt des gens pour l'adoption internationale.

M. Lortie: J'aimerais faire deux remarques là-dessus. Au fond, le problème actuellement, c'est que vous avez trois intermédiaires de même niveau. Là-dessus, je sentais à tout le moins le désir, dans le projet du gouvernement, de mettre de l'ordre dans le problème des intermédiaires. Au moins, on partage votre diagnostic. Le fait qu'il y ait trois intermédiaires de même niveau, à savoir le secrétariat à l'adoption, la ministre, un organisme ou le DPJ, c'est devenu un problème dans la mesure où dans la perception - je ne dis pas dans le cadre réglementaire de celle-ci - il y a un intermédiaire qui était au-dessus des autres, à savoir le secrétariat à l'adoption. On a été victime d'un maraudage entre les groupes, c'est-à-dire que le CSS qui a beaucoup de travail était très heureux de dire: Vous voyez, le secrétariat nous dit qu'on ne peut pas le traiter. Il s'en lavait les mains.

Les organismes ont été désossés de temps à autre, etc. Cela a été un problème réel qui est encore là aujourd'hui au moment où on se parle. C'est dans ce sens, lorsqu'on parle d'un manque de communication, c'est que tout à coup il y a eu des "relations", entre guillemets, d'autorité entre le secrétariat et les CSS alors que, si je comprends bien le cadre réglementaire et législatif, ce sont trois intermédiaires de même niveau. Seul le ou la ministre est effectivement l'instance supérieure à ces trois types d'intermédiaires.

Dans ce sens, il y a eu un mauvais vécu, une mauvaise interprétation des lois, ce qui fait que les gens refusaient de faire des évaluations. Ils refusaient sans motif, ils les font sans motif. Alors, on est encore un peu dans le noir là-dessus. On sait que c'est parce qu'on fait du bruit, je dirais, d'une façon rigoureuse, M. le député. C'est peut-être à cause de notre rigueur et du bruit qu'on fait qu'on espère que cela va se clarifier.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Lortie, merci, Mme la députée. Maintenant, en conclusion, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais revenir brièvement sur la question de l'adoption privée. Oublions celle qui se fait dans des conditions que tout le monde condamne. Oublions celle-là. Je parle de l'autre où tous

les prérequis seraient respectés, évaluation, etc. Tout à l'heure, vous faisiez allusion à une situation où un enfant était repéré au Brésil, pour reprendre le même pays. Vous arrivez avec cet enfant mais, dans votre perspective, vous ne pourriez pas aller repérer des "enfants", entre guillemets, à moins que toutes ces étapes préalables n'aient été remplies. Est-ce cela que je dois comprendre?

M. Lortie: C'est simultané parce que dans le vécu on apprend qu'il y a un événement à un endroit donné, de quelqu'un qui fait des affaires là, soit des communautés religieuses, de tout intervenant qui peut être critique mais qui vient de repérer un enfant qui, dans le cas du... Je m'excuse, je parle d'une expérience concrète. Il y a des enfants qui, à un moment donné, sont carrément abandonnés. Alors, cela se décide en trois ou quatre jours et on court un risque. On saurait que l'enfant X ou Y est à tel endroit. Et on dirait: Gardez-le pendant une semaine ou deux. Nous, on irait à une agence, un intermédiaire pour dire: Voilà, il y a l'enfant X qui est là. Nous aimerions l'adopter. Est-ce qu'on peut avoir une évaluation de foyer? Est-ce que, deuxièmement, la loi de ce pays est compatible... Et on entreprendrait toutes les démarches. En fin de compte, dans un court délai, c'est-à-dire après trois semaines ou un mois, si cela semble admissible au Québec selon l'information qu'on aurait, on entreprendrait les démarches là-bas qui aboutiraient à un jugement d'adoption dans le pays où est l'enfant,

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais, dans l'hypothèse où cet enfant X aurait été identifié et que dans l'autre processus auquel il faudrait se soumettre, d'évaluation, de demande au tribunal, etc, il y avait un accroc, il y avait une négation, on vous disait non, est-ce qu'à ce moment vous ne créeriez pas des problèmes parce que... Vous faites ces démarches parce que vous savez que l'enfant X a été identifié pour vous dans le pays Y, mais entre-temps, alors que vous vous soumettez à ces choses selon les règles du jeu - quoiqu'on nous dise que c'était un pourcentage de 2 % qui ne sont pas retenus finalement comme parents adoptifs, en tout cas, c'est assez bas - vous avez finalement une réponse négative du processus ici et vous savez qu'un enfant X est retenu pour vous dans le pays Y. Il me semble que ce serait assez dur.

M. Lortie: Oui, madame, mais je pense que ce serait plutôt relié à la clarté de l'information préalable qui serait donnée non seulement sur les conditions d'adoption ou les règles générales, mais aussi sur les critères d'évaluation. Dans la mesure où les règles du jeu sont connues, comme à cette propre commission, je pense que tous les gens sont d'accord pour les respecter. C'est dans la mesure où les règles du jeu changent... Quand on commence une partie d'échecs, on n'en change pas les règles au milieu de la partie. Il en va de même pour l'adoption.

Mme Lavoie-Roux: Sans cela, on triche.

M. Lortie: Sans cela, on triche. Or, de ce point de vue, il y a actuellement une sorte d'encouragement à la tricherie car, précisément, il n'y en a pas, de règle. On a les principes et les objectifs du cadre législatif, mais la structure réglementaire qui doit soutenir le travail administratif n'est pas là. Nous manquons d'information et peut-être de discussions sur ces règles, car il faudrait qu'elles respectent la charte et tout le reste.

Mme Lavoie-Roux: On me dit qu'il ne reste qu'une minute; alors, je vais prendre ma minute pour conclure.

Première chose: sur la question de l'information, je pense que vous avez tout à fait raison de dire que notre responsabilité devrait être mieux assumée dans ce domaine. On fait de beaux petits dépliants pour un tas de choses, peut-être qu'on pourrait en faire un à partir d'une politique. Plusieurs ont suggéré, sur cette question, que le gouvernement ou le Québec ait une politique plus claire.

M. Lortie: Nous comptons sur votre rigueur.

Mme Lavoie-Roux: Les gens disent: En voulez-vous vraiment? Si vous n'en voulez pas vraiment, etc. Je pense qu'on en veut, mais on ne le dit peut-être pas assez. Donc, sur l'information, je vous suis.

Quant à savoir si on va récupérer les 69 pays où l'adoption se faisait, je vous dis qu'avec le projet de loi 21, théoriquement, dans tous les pays qui y consentent, on pourra adopter des enfants. Si je dis les pays qui y consentent, c'est que certains pays musulmans, par exemple - peut-être n'en ont-ils pas à donner en adoption - pour des règles religieuses, ne laissent pas aller des enfants en adoption. Il pourrait y avoir des exceptions comme cela. Mais je peux vous assurer que c'est justement un des buts - on n'entrera pas de nouveau dans le débat juridique du plénier au simple - d'élargir ce bassin et nous sommes convaincus que c'est utile.

Le décret parlait d'entente car, à ce moment-là, on ne parlait que d'adoption plénière. C'était à ce moment une entente de gouvernement à gouvernement. Là, on pense qu'on poursuivra nos efforts dans le

sens d'avoir des ententes administratives, par autorité déléguée de la part des pays où on ira, dans le but que les portes soient plus grandes ouvertes et non pas dans le même but que celui exprimé dans le décret.

En dépit des échanges assez vigoureuse que nous avons eus cet après-midi avec vous et avec d'autres, j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de points où les idées des gens convergent. L'exercice que l'on fait vise à essayer - je ne promets pas la solution - parfaite, car la solution idéale demeure complexe - de faire un bon pas vers quelque chose où les gens se comprennent mieux et où les résultats sont plus grands que ceux qu'on a connus. Je pense que cet exercice aura certainement valu la peine. Je vous remercie de vous être présentés. Merci bien.

Le Président (M. Joly): Conclusion de remerciement, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: A mon tour de vous remercier de vous être si gentiment prêtés à toutes nos questions. Vous nous avez apporté un éclairage supplémentaire. Ce que vous nous laissez comme message, c'est qu'il faudrait peut-être regarder la problématique de l'adoption internationale avec des yeux nouveaux et par le biais de la confiance. Probablement que, si on apprend à se faire confiance mutuellement, on arrivera à obtenir un projet de loi qui sera conforme aux intérêts de tous, surtout pour le mieux-être de l'enfant. Je vous remercie bien.

Le Président (M. Joly): Merci. À mon tour, je tiens à remercier tous les représentants du groupe Adoption internationale démocratique pour enfant.

La commission ajourne ses travaux jusqu'au mardi 12 mai 1987, de 10 heures à midi, dans cette salle.

(Fin de la séance à 19 h 5)

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