To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Social Affairs

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Social Affairs

Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Tuesday, May 12, 1987 - Vol. 29 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais à chacun de prendre sa place. Nous allons commencer les travaux.

La commission des affaires sociales se réunit ce matin afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi 21, Loi concernant l'adoption et modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, le Code civil du Québec et le Code de procédure civile, et du projet de règlement sur l'adoption internationale tel qu'il a été publié à la Gazette officielle du Québec, le 11 mars 1987.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des changements ce matin, des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, M. Laporte (Sainte-Marie) sera remplacé par Mme Bleau (Groulx), M, Gauthier (Roberval) 3era remplacé par Mme Harel (Maisonneuve). Voilà, c'est tout pour ce matin.

Le Président (M. Bélanger): C'est tout pour ce matin. Nou3 avons quorum. Excellent!

À l'ordre du jour, ce matin, il y a l'audition des groupes suivants: le Barreau du Québec, l'Association Monde-Enfant. Par la suite, nous aurons un nouvel ordre de la Chambre pour les travaux.

Je vous rappelle que la durée de chacune des auditions est d'une heure répartie de la façon suivante: 20 minutes pour la présentation du mémoire, 40 minutes réparties comme suit: 20 minutes à chacun des partis... C'est une enveloppe globale de temps qui comprend les questions et les réponses: 20 minutes aux ministériels et 20 minutes aux représentants de l'Opposition.

Avant de débuter avec le groupe du Barreau du Québec, Me Serge Ménard, qui êtes le bâtonnier de la province, est-ce que vous pouvez vous identifier, s'il vous plaît?

Barreau du Québec

M. Ménard (Serge): Oui, c'est moi.

Le Président (M. Bélanger): Je vous prie d'excuser mon ignorance.

M. Ménard: Je comprends.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous pouvez nous présenter votre qroupe et, ensuite, procéder à la présentation de votre mémoire?

M. Ménard: Certainement. Je suis accompagné, à ma gauche, de Me Michel Jolin, qui est actuellement vice-président, mais qui va me remplacer comme bâtonnier du Québec à partir de samedi prochain. C'est d'ailleurs une première, c'est le premier avocat de la fonction publique qui devient bâtonnier du Québec. À ma droite, Me Claude Boulanger, qui était bâtonnier de la section de Québec cette année et qui a présidé les travaux de ce comité qui a préparé le présent mémoire; à la droite de Me Boulanger, Me Marie-Michèle Daiqneault, avocate au service de la recherche au Barreau du Québec, qui a participé à la rédaction du mémoire; enfin, à mon extrême droite, Me Orner Boudreau, avocat, directeur du contentieux au Centre des Services sociaux du Montréal métropolitain, qui est un des membres dont nous avions requis l'expertise pour préparer notre mémoire.

Je vais vous présenter ce mémoire.

M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs. Le Barreau du Québec est heureux de répondre à l'invitation de ta commission des affaires sociales et de présenter ses commentaires sur le projet de loi 21 de même que sur le projet de règlement concernant l'adoption internationale.

Un des rôles du Barreau, comme vous le savez, consiste à mettre à la disposition des élus et du public son expertise comme institution et les connaissances de ses membres en matière législative. En ce sens, la démarche du Barreau à l'égard des deux textes législatifs que nous sommes appelés à commenter aujourd'hui s'est effectuée en ayant à la fois en tête les insatisfactions des justiciables à l'égard du processus d'adoption internationale, mais aussi les principes fondamentaux qui doivent sous-tendre l'établissement d'un régime juridique en ce domaine et permettre d'atteindre un juste équilibre entre les droits des trois parties principales, l'adopté, l'adoptant et la parent biologique.

C'est pourquoi, bien que le Barreau soit conscient de toute la problématique entourant l'adoption internationale, il considère comme primordial que toute démarche en ce domaine soit effectuée dans

l'intérêt de l'enfant et dans le but d'assumer leur égalité devant la loi québécoise, une fois que cette nouvelle filiation est créée.

Le Barreau veut donc, dans sa présentation d'aujourd'hui, essayer de proposer des solutions afin que le nouveau régime en ce domaine soit établi d'une façon à assurer le plus juste équilibre entre le droit des personnes impliquées dans ce processus et aussi que le justiciable soit clairement informé des rôles et fonctions de chacun des intervenants en ce domaine.

Il me fait donc plaisir de vous présenter quelques représentants qui ont travaillé à l'élaboration du mémoire du Barreau et qui sont autour de moi.

Avant d'attaquer la présentation du mémoire qui sera faite par M. le bâtonnier Boulanger et Me Marie-Michèle Daigneault, je me permettrai quelques remarques personnelles après avoir consulté les membres de mon comité. Je suis un criminaliste et je suis arrivé très vert, n'est-ce pas, sur le sujet de l'adoption internationale, qui m'a beaucoup préoccupé cette année à la suite des nombreuses discussions que nous avons eues et de l'échange des correspondances que nous avons eu avec le ministère.

Je pense qu'il est difficile de distinguer, pour un juriste qui ne connaît pas le domaine, entre l'adoption simple et l'adoption plénière. Il y a une première constatation. L'adoption plénière, c'est-à-dire l'adoption qui rompt tout lien de filiation avec les parents biologiques, est une des caractéristiques des pays développés. C'est nouveau au Québec et cela n'existait pas à l'époque où nous avions beaucoup d'enfants à adopter. C'est donc la caractéristique des pays qui veulent adopter des enfants et non celle des pays qui veulent en donner, qui ont à en donner en adoption. C'est évident que cela pose certains problèmes de droit international privé, c'est-à-dire de droit international qui concerne les parties, mais si on en fait l'inventaire, est-ce que cela ne tourne pas autour de trois sujets: l'hérédité, l'obligation alimentaire et, finalement, le droit de réclamer l'enfant qui a été adopté?

Si on regarde l'hérédité, puisque nous donnons comme conséquence, parce que c'est ça, l'adoption plénière, les mêmes droits à l'hérédité d'un enfant adopté vis-à-vis de ses parents adoptants, au fond s'il y avait encore des droits d'hérédité dans l'autre pays, s'il pouvait hériter de ses parents biologiques, est-ce que c'est un grand mal? À supposer que ce soit ça, l'adoption simple. Je pense bien que non.

La plus importante est l'obligation alimentaire qui résume l'obligation des parents de pourvoir aux besoins de l'enfant adopté comme de tout enfant biologique. L'obligation en cas de divorce des parents adoptants de placer l'enfant exactement sur le même pied, et ainsi de suite. Encore là, le fait que nous accordions des conséquences dans notre loi à l'adoption plénière, même s'il y avait d'autres conséquences dans un ,-même pays, est-ce que ça fait une grande différence? Encore là, je pense que non.

Finalement, le seul droit qui nous préoccupe, et c'est le grand souci de vos fonctionnaires et nous le comprenons, c'est de donner la sécurité juridique, assurer les parents adoptants que personne ne pourra venir réclamer cet enfant dans lequel ils ont tant investi sur le pian psycholoqique et que la loi québécoise les incite, leur commande, de conserver comme s'il était leur enfant avec un lien biologique.

D'abord, quand on examine les principes de l'adoption simple, celle qui ne brise pas tout lien de filiation, il y a très peu de pays qui prévoient le droit de réclamer ces enfants. Mais y a-t-il même un seul exemple? Il faut quand même être réalistes. Les familles qui donnent des enfants à l'adoption internationale sont généralement des familles qui ne les réclameront jamais par la suite, Y a-t-il des exemples de cas où des enfants ont été réclamés, même venant d'un pays qui avait comme principe l'adoption simple?

L'une des critiques que nous vous avons faite au cours de l'année - remarquez que, dans ce cas-ci, nous considérons que notre rôle est de vous aider à exprimer le mieux possible votre volonté politique parce que c'est vous qui êtes élus, c'est vous qui devez prendre les décisions et qui devez en rendre compte au peuple - l'une de nos préoccupations durant l'année à été de bien réaliser que, si vous éliminez du monde les pays qui ont des principes d'adoption simple, vous risquez d'éliminer la majorité des pays qui ont des enfants à donner.

Deuxièmement, j'ai été frappé comme, j'en ai l'impression, tout profane, par la réglementation qui vise l'adoption et la quantité de règlements et d'intervenants. Il faut bien réaliser qu'au fond il y a deux raisons pour lesquelles les parents adoptent. La plupart du temps, c'est parce qu'ils ne sont pas capables d'avoir des enfants et qu'ils en désirent. Je pense que c'est l'immense majorité des cas.

Comment se ferait-il que moi, par exemple, qui ai 45 ans, et qui suis capable d'avoir des enfants, je ne pourrais pas en adopter? On a rédigé en matière d'adoption comme un code idéal du couple idéal qui peut avoir des enfants et les élever. J'ai comme l'impression que si l'État sonqeait a ne mettre que 5 % de la réglementation pour avoir le droit d'avoir des enfants, on considérerait que l'État entre dans un domaine où il ne doit pas entrer. Comment se fait-il que je ne sois pas réqlementé dans mon droit d'avoir des enfants parce que j'ai le pouvoir biologique d'en avoir, mais que les pauvres parents qui n'ont pas le droit, qui

n'ont pas la capacité physique et qui ont ce geste généreux de vouloir être sur le même pied et en même temps de remplir un rôle utile, doivent passer par tant d'intermédiaires, doivent être jugés par tant de personnes, doivent être évalués pendant tant de temps?

La deuxième raison pour laquelle les gens veulent adopter, c'est parce qu'ils vont réaliser qu'ayant eux-mêmes des enfants ils vont avoir ce désir de donner à un enfant malheureux dans le monde, quelque part, cette chance extraordinaire d'être dans un pays a l'aise et d'avoir une famille correcte. Ce sont des sentiments généreux que l'État doit encourager particulièrement quand ceux qui peuvent faire des enfants au Québec en font de moins en moins.

Dès lors, je pense que vous voudrez éviter que le gouvernement du Québec ait l'image de poser tant d'obstacles à des sentiments aussi généreux que ceux qui animent les parents qui veulent adopter. Comme je vous le dis, ce sont des remarques personnelles mais au-delà des détails techniques, pas seulement des détails techniques mais, des discussions juridiques que nous allons avoir avec vous, nous avons à l'esprit ces principes quand même, je dirais, pas juste fondamentaux mais émotifs et généreux qui sont ceux des parents qui veulent adopter. Je suis convaincu que, vous aussi, vous voulez leur assurer la sécurité. Mais en voulant leur assurer une sécurité, il ne faudrait pas placer l'État comme, hélasl dans le passé, sans le vouloir, il a été placé, un obstacle à ces sentiments généreux.

Cela dit, je vais laisser mes experts vous communiquer le fruit de notre réflexion pour tenter d'améliorer le projet de loi qu'il vous appartient de présenter et d'adopter comme vous l'entendez parce que vous êtes les représentants du peuple. Je vous remercie.

Mme Daigneault (Marie-Michèle): À la suite des propos de M. le bâtonnier, je résumerai aux membres de la commission les points principaux et les règles de droit qui nous sont apparus les plus importants justement afin, comme le disait M. le bâtonnier, de participer aujourd'hui à l'élaboration du choix du gouvernement en matière d'adoption internationale. Le contexte de l'adoption internationale, comme vous le savez, nous a amenés à deux constats. Tout d'abord, sur le plan procédural, que l'adoption d'un enfant peut se faire à l'étranger, ou peut-être effectuée au Québec. On peut aussi distinguer deux genres d'adoption au niveau international, soit l'adoption simple qui laisserait subsister, dans le temps, certains liens entre l'adopté et ses parents d'origine, et l'adoption plénière qui rompt tout lien avec la famille d'origine.

Le projet de loi 21 qu'on étudie aujourd'hui conserve les deux voies procédurales, mais, quant au qenre d'adoption, désire favoriser l'adoption plénière. Avant de vous exposer la réaction du Rarreau à l'égard de ce choix de favoriser l'adoption plénière, il est important de vous rappeler que le Barreau a considéré comme primordial que toute intervention en matière d'adoption internationale repose sur trois principes. Premièrement, l'intérêt de l'enfant qui est évidemment le principal intéressé dans ce processus. Deuxièmement, l'éqalité de tous les enfants québécois devant la loi, peu importe leur origine afin qu'ils bénéficient des mêmes droits et des mêmes effets de la loi. Troisièmement, quant aux parents qui désirent adopter, que le processus d'adoption soit clairement établi et respecte les principes de justice naturelle à leur égard.

Ces trois principes de base étant établis, attardons-nous maintenant sur les conditions que prévoit le législateur. La loi actuelle prévoit trois conditions principales, soit, évidemment, l'examen d'une demande par le directeur de la protection de la jeunesse, ce que conserve le projet de loi 21, la réalisation du projet par un intermédiaire, ce que conserve aussi le projet de loi 21, mais en modifiant les personnes qui peuvent être intermédiaires, et la création d'un lien de filiation, ce que conserve aussi le projet de loi 21, mais en le qualifiant. Et le projet de loi 21 ajoute l'examen préalable par le Tribunal de la jeunesse du projet d'adoption.

Dans cette analyse du Tribunal de la jeunesse entre, évidemment, notre qualification du lien de filiation, qui est que le jugement étranger rompe tout lien avec la famille d'origine ou à défaut que l'État consente - à ce moment, l'État du domicile de l'enfant - à l'adoption par un représentant autorisé. Notre première remarque discute de cette exigence de l'intervention de l'État lorsque la législation étrangère ne crée pas de lien plénier. La première réaction du Barreau à l'égard de cette exiqence d'intervention de l'État dans le processus d'adoption a été favorable, bien qu'elle soit mitigée parce qu'on a des réserves quand même assez importantes à cet égard.

Bien que cette intervention nous semble souhaitable afin d'assurer une garantie en ce qui a trait au lien qui va être créé, à ce moment-là, en regard du jugement étranqer qui ne créera qu'un lien d'adoption simple, et bien que cette intervention nous semble aussi souhaitable quant au contrôle des ressortissants de cet État, il y a deux remarques importantes sous deux aspects: premièrement, ta notion de consentement de l'État. Le terme "consentement de l'État" a provoqué des réactions assez vives chez les membres du comité parce que nos règles de droit civil édictent des règles précises en matière d'adoption internationale pour ce qui

est du consentement et des rèqles d'adoptabilité; à cet effet, il y a l'article 7 du Code civil du Bas-Canada qui reconnaît la validité des actes valablement faits selon les législations étrangères; s'ajoute à cela l'article 596 du Code civil du Québec qui nous indique que, quant aux adoptions étrangères, les règles relatives au consentement et à l'adoptabilité des enfants sont celles que prévoit le domicile de l'enfant. Donc, nous croyons que dès qu'un consentement è l'adoption est valablement donné par les parents d'un enfant dans son pays en vertu de la législation étrangère, on ne pourrait exiger un autre consentement sans contredire nos propres règles de droit civil et sans alors, jusqu'à un certain point, s'ingérer dans la législation étrangère. (10 h 30)

Ce qui nous amène à notre deuxième remarque, la notion de représentant autorisé, qui présuppose peut-être des ententes sur la désignation d'un tel représentant. Il convient tout d'abord de souligner que le projet de loi 21 parle du représentant autorisé, mais qu'il ne fournit aucune indication quant à cette personne; il laisse entrevoir qu'une entente devrait être signée ou, à tout le moins, qu'il devrait y avoir accord entre le Québec et les autres États afin de prévoir les modalités de cette autorisation.

Or, le contexte de l'adoption sur le plan international nous a amenés à exprimer des réserves quant à cette possibilité, puisque les pays d'où proviennent les enfants vivent souvent des situations socio-économiques difficiles; souvent, leur loi ne prévoira pas une telle exigence de consentement par un officier particulier et ces pays, ayant sûrement une certaine fierté, refuseront peut-être de signer des ententes officielles qui consacreront ouvertement leur incapacité à s'occuper de leurs enfants.

On peut donc constater que, si on peut trouver souhaitable l'exigence de l'intervention de l'État quant au contrôle, les modalités doivent donc en être bien définies à défaut de quoi il y aurait peut-être des risques que cette exigence devienne plus un obstacle à la réalisation d'un projet et que le gouvernement se ferme des portes volontairement avec ces pays.

Compte tenu de ces facteurs, le Barreau a envisagé des solutions sous deux aspects. Premièrement, dans les cas où il y aurait possibilité d'arriver à des accords avec les États étrangers. On a tout de même recommandé de s'inspirer du mécanisme qui est prévu dans la Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants, parce que ce mécanisme semble nous offrir de la souplesse dans les ententes qui peuvent être conclues et nous semble assurer le respect des lois étrangères, car ce serait l'État du domicile de l'enfant qui pourrait désigner son représentant selon sa propre législation.

De l'autre côté, on a les possibilités où il n'y aurait pas d'entente avec les États, où il serait impossible d'en arriver à des ententes ou d'en arriver à la désignation d'un officier avec un autre État. Dans ces cas-là, encore là afin de ne pas se fermer des portes, on a recommandé que le Tribunal de la jeunesse puisse alors, à sa discrétion, apprécier la condition de l'intervention de l'État parce que, évidemment, il est possible qu'on ait des problèmes à conclure des ententes comme cela et parce que, nos règles de droit civil reconnaissant, comme je l'ai dit précédemment, les actes valablement faits à l'étranger et reconnaissant les rèqles quant au consentement et aux critères à l'adoptabilité, on croit à ce moment-là que ce serait une juste reconnaissance et qu'on éviterait donc encore une fois de se fermer des portes parce qu'on aurait une exigence législative différente de celle d'un autre État et peut-être à ce moment-là qu'on s'attarderait moins aux intérêts de l'enfant qu'à l'exigence léqislative. Donc, on croit que c'est l'intérêt de l'enfant avant tout qui est important et on ne devrait pas, par une exigence législative différente, en arriver à une telle solution.

Pour les intervenants en adoption internationale, encore une fois, il est important de voir ce que la loi actuelle prévoit, ce que le projet de loi prévoit. La loi actuelle prévoit que le directeur de la protection de la jeunesse va examiner les demandes d'adoption et assurer l'intégration de l'enfant, et aussi que le directeur de la protection de la jeunesse peut agir comme intermédiaire. Comme intermédiaires, on a aussi, en vertu de la loi actuelle, le ministre et les organismes qui sont reconnus.

Le projet de loi conserve le rôle d'examen des demandes au DPJ, mais lui enlève son rôle d'intermédiaire et semble éliminer les organismes reconnus pour ne reconnaître que le ministre comme unique intermédiaire.

Évidemment, on a beaucoup de réticences à formuler à l'égard de cette proposition. Premièrement, sur le plan de la rédaction comme telle, au sujet du terme "entremise" utilisé à l'article 614.1, proposé par le projet de loi, quand on lit les modifications proposées à la Loi sur la protection de la jeunesse, on peut constater que le terme "entremise" peut être qualifié de deux façons, soit entremise dans le sens que le ministre pourrait aqir comme coordonnateur des activités des intervenants et, d'un autre côté, que le ministre pourrait agir comme unique intermédiaire.

Nous croyons que les rôles que jouent le ministre et le Secrétariat à l'adoption internationale devraient être des rôles de coordination des intervenants, d'administration de la loi, de néqociation des

accords dont on parlait tout à l'heure et de liens avec les autres ministères qui pourraient être intéressés par ce domaine dans le but de favoriser l'entrée d'enfants au Québec et non d'essayer de contrôler les adoptants.

Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi. Si vous vouliez conclure, le temps serait écoulé,

Mme Daigneault: Oui? Bon! Je vais conclure avec mes recommandations sur les intervenants, d'accord? En ce sens-là, ma dernière remarque est assez importante. C'est que le projet de loi fait disparaître les organismes ou semble donner un rôle moindre d'assistance aux organismes qui sont actuellement reconnus en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Est-ce que le Barreau s'est mal expliqué? II nous semble que ces organismes ont vraiment prouvé leur raison d'être et que du fait de canaliser toutes les interventions dans les mains du Secrétariat à l'adoption internationale, on a des craintes que peut-être le secrétariat ne pourrait pas suffire à la tache seul en ce qui concerne les implications dans le milieu et les implications directes.

C'est pourquoi on recommande le maintien de ces organismes et la réaffirmation du rôle de coordonnateur du ministre, et que, lorsqu'un organisme est désigné comme intermédiaire, à ce moment-là, il soit intermédiaire de façon plénière et qu'il ne dépende pas, en quelque sorte, des appréciations du secrétariat ou du ministre, qu'il ait vraiment un rôle défini. Et ce rôle-là serait défini comment? On le prévoit par règlement où le rôle, les fonctions, l'étendue des pouvoirs des organismes intermédiaires seraient précisément délimités.

Quant au rôle de coordonnateur du ministre, il pourrait être inscrit dans des directives qui seraient connues de tous. En ce sens, ma dernière remarque portera sur le règlement qu'on recommande de recommencer, parce qu'il ne concorde plus avec le projet de loi.

Si vous permettez une petite remarque... Quant au directeur de la protection de la jeunesse et au Tribunal de la jeunesse, nos remarques étaient quand même assez sommaires. Il y a des points importants, mais je vous réfère au mémoire. Sur les dispositions transitoires, de la façon dont on les a compris, Ies articles 12 et 13 ne nous semblent pas régler toutes les situations possibles. C'est pourquoi on recommande que le Tribunal de la jeunesse, à la suite d'une évaluation par le directeur de la protection de la jeunesse, ait une discrétion et puisse reconnaître ou prononcer une adoption à l'égard de tous les enfants en situation d'irrégularité actuellement.

On pense qu'il est dans l'intérêt de ces enfants que leur statut soit régularisé pour qu'ils ne soient pas pénalisés, si l'on peut dire, parce que leurs parents n'auraient pas respecté toutes les procédures prescrites.

Le Président (M. Bélanger): Me Daigneault, je vous remercie. Me Ménard ainsi que toute l'équipe, nous vous remercions également. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier les représentants du Barreau pour leur mémoire. Comme ils l'ont indiqué, c'est leur contribution, et une contribution significative, à l'amélioration du projet de loi 21 et du règlement, évidemment.

Je ne reviendrai pas tout de suite sur le règlement, sauf que nous sommes tout à fait d'accord avec vous sur le fait qu'ayant été publié avant la présentation du projet de loi et vu qu'il nous fallait procéder avec le projet de loi, pour ne pas entretenir la confusion qui existait, il a besoin évidemment d'être revu pour être en concordance avec le projet de loi 21 qui sera adopté éventuellement.

Pendant quelques instants, je voudrais simplement reprendre les remarques de Me Ménard. Je sais qu'il nous a indiqué que c'étaient des remarques personnelles. De fait, mais je ne voudrais pas vous mettre en opposition entre vous, ce n'est pas du tout l'objet, mais j'ai été étonnée, par exemple, de son argumentation qui voulait démontrer que l'adoption était un acte de droit privé, alors qu'il me semble que, dans votre mémoire, il est écrit en toutes lettres que c'est aussi un acte d'intérêt public et de droit public.

Je comprends, et vous l'avez d'ailleurs déjà dit, que c'est un sujet qui fait appel à beaucoup de sentiments humains, à des sentiments de générosité, et que le rôle de l'État doit dans cet encadrement de l'adoption internationale, être le plus généreux possible pour permettre justement que les désirs fort légitimes des parents, soit de devenir des parents adoptifs et également de trouver un foyer pour des enfants qui en ont besoin, puissent se réaliser dans les conditions les plus faciles.

J'ai l'impression que vous êtes allé tellement loin dans votre raisonnement que, finalement, il ne restait plus beaucoup de balises. Mais enfin, on va laisser cela de côté. Je pense que c'est sur le fond du mémoire qu'il est important de discuter.

M. Ménard: J'étais conscient, Mme la ministre, que mon raisonnement menait à dire que c'était un acte privé, mais je n'ai pas été jusqu'à le dire, parce que je suis conscient que vous devez intervenir, mais, quant à cela, le mariage aussi s un aspect

public. L'adoption, comme le mariage, provient d'abord de sentiments personnels et privés. Mais je n'ai pas été aussi loin que de dire que c'était strictement un acte de droit privé. J'en étais conscient, moi aussi.

Mme Lavoie-Roux: Ah! D'accord. Bon! En tout cas...

M. Ménard: C'est le même esprit qui nous anime, à savoir que l'État québécois ne doit pas être perçu comme mettant des obstacles à des sentiments généreux de ses citoyens. Ce n'est pas le genre de société dans laquelle personne d'entre nous ne veut vivre. C'est ce que je voulais dire.

Mme Lavoie-Roux: Oui. C'est cela. C'est parce que...

M. Ménard: Au contraire, vous devez créer une atmosphère de protection et d'accueil des parents contre les gens qui veulent les exploiter quand ils veulent l'adoption. J'ai l'impression que ces parents veulent d'abord adopter, plutôt que d'être jugés et d'essayer de correspondre à un modèle idéal.

Mme Lavoie-Roux: Je dois vous dire que l'exercice que nous faisons ici aujourd'hui, c'est un exercice de consultation auprès des principaux intéressés. Peut-être un exercice qui aurait dû être fait depuis longtemps. Vous l'avez mentionné vous-même, c'est un problème très complexe, c'est un problème difficile et c'est dans cet esprit que nous avons consulté tes principaux intéressés pour d'abord tenter d'adopter une loi et, deuxièmement, de mettre en place sur le plan administratif... Car il y a vraiment deux volets, vous le signalez bien, il y a le volet législatif et le volet administratif qui éventuellement devraient faciliter et non pas compliquer. Encore une fois, toute la problématique est une problématique difficile compte tenu des... Vous le savez mieux que moi. Vous êtes des juristes, alors je suis convaincue que vous le savez mieux que moi.

Je voudrais dire, au point de départ, qu'il y a plusieurs points sur lesquels on est d'accord avec vos recommandations et que nous les apprécions. Par exemple, quand vous suggérez d'enlever le mot "régularité" qui est normatif afin de laisser tout pouvoir d'appréciation au tribunal, et de ne pas le contraindre à une vérification de papier simplement, sans autres capacités d'appréciation.

Également pour les articles où - c'est peut-être plus pour la clarté - vous nous demandez des articles qui traiteraient respectivement d'ordonnance, de placement, de vérification par le tribunal, je pense que pour cela aussi, il n'y a pas de problème.

Approbation en lieu et place de vérification. Il y a d'autres questions sur lesquelles, avant de dire qu'on est d'accord, on voudrait peut-être un peu plus d'explications. Je vais reprendre, à ce moment-ci, quelques questions. En paqe 13, le parent qui entend adopter au Québec un enfant domicilié hors du Québec doit s'adresser au tribunal pour obtenir une ordonnance de placement. Est-ce que le Barreau serait favorable à la vérification par le tribunal, au moment de l'ordonnance avant l'entrée de l'enfant au Québec? (10 h 45)

M. Boulanger (Claude C.): Je vais laisser répondre Me Boudreau là-dessus.

M. Boudreau (Orner): Je pense, Mme la ministre, que les ordonnances de placement déjà signifient, par exemple, comme avec la Corée, une entente avec un pays. Dans l'ordonnance de placement, ce que le tribunal doit vérifier c'est si les procédures relatives, si je me fie à l'article 617.1, au consentement à l'adoption ou à l'adoptabilité de l'enfant dans son pays ont été suivies. À ce moment-là, ce n'est pas d'évaluer si la loi coréenne crée ou créerait éventuellement un lien de filiation.

Il y a donc déjà eu des ententes à propos des ordonnances de placement. Tous les cas qui passent en ordonnances de placement actuellement passent par l'intermédiaire du secrétariat à l'adoption. Dans ce contexte, je ne vois pas pourquoi on créerait ou ajouterait une troisième procédure pour les parents adoptifs qui passent par une ordonnance, étant donné que ce que nous vous recommandons c'est exactement l'article 617.1 actuel du Code civil qu'on a reformulé en vous proposant 614.2. On ne voit pas quelle serait la nécessité d'ajouter cette vérification puisque l'enfant n'est pas rendu ici et qu'il n'y a pas eu d'ordonnance ou de procédure quelconque dans l'État étranger, au moment où on se présente pour une ordonnance de placement. L'État étranger n'a fait que transmettre des documents, des documents de tutelle. Si je reprends encore une fois l'exemple de la Corée, tous les documents sont émis par la Corée, ils autorisent la sortie de l'enfant. Dans ce contexte, la Corée sait pertinemment que l'enfant sort avec un projet d'adoption au Québec; ils demandent d'ailleurs des évaluations au directeur de la protection de la jeunesse, à la suite de l'arrivée de l'enfant.

Je ne vois pas pourquoi on imposerait à ces parents adoptifs une troisième procédure puisque ces gens - il ne faut pas l'oublier -vont d'abord obtenir une ordonnance et, six mois plus tard, se représenteront à nouveau au tribunal pour une requête en adoption, dans un processus où ils auront déjà été évalués par le directeur de la protection de la jeunesse, où ils auront déjà obtenu une

autorisation du secrétariat à l'adoption, et c'est d'ailleurs le secrétariat qui leur aura identifié l'enfant,

M. Boulanger: Je compléterais, avec votre permission. Non seulement cela ajouterait une nouvelle procédure, mais cela augmenterait inutilement les délais, à mon sens. Je pense qu'on parle, dans le mémoire, d'un délai idéal de douze mois, en matière d'adoption internationale. C'est à la toute fin...

Mme Lavoie-Roux: Vous parlez de 12 à 18 mois pour l'ensemble du processus.

M. Boulanger: De 12 à 18 mois, selon qu'il y a ordonnance de placement ou non; c'est pour cela qu'on a mis ce délai de 12 à 18 mois.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous pourriez me dire, M. Boudreau, ce qui arriverait si l'ordonnance de placement était refusée alors que l'enfant est au Québec?

M. Boulanger: Je pense que l'enfant serait considéré comme abandonné. Rien n'empêche qu'une procédure d'adoption habituelle soit enclenchée à ce moment-là par une déclaration d'adoptabilité et par tout le processus qui va s'ensuivre.

Mme Lavoie-Roux: Comme pour un enfant au Québec.

M. Boulanger: Comme pour un enfant d'adoption interne.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Boudreau: L'autre possibilité serait la suivante: Si l'ordonnance de placement est refusée, le juge aura estimé que les adoptants n'ont pas les qualités voulues pour élever convenablement cet enfant. Cela ne peut être que pour ce motif, étant donné que toutes les autres formalités prévues dans la loi auraient été respectées. Encore une fois, je reprends l'exemple de la Corée. Vous savez que noua devons informer la Corée de tout ce qui arrive avec ses ressortissants jusqu'au jugement d'adoption final. Ils sont très exigeants et surveillent beaucoup leurs ressortissants qui arrivent au Québec.

Dans ce contexte, je présume que le Secrétariat à l'adoption internationale verrait à demander au directeur de la protection de la jeunesse d'identifier un autre couple d'adoptants pour leur confier cet enfant, en accord avec les représentants de la Corée.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez dit à quelques reprises, l'un et l'autre, je pense, que c'était ajouter une nouvelle procédure et, finalement, une autre complication. Est- ce qu'il s'agit vraiment d'une nouvelle procédure, puisque l'ordonnance de placement se fait avant l'entrée au lieu d'après? En fait, c'est la même procédure.

M. Boulanger: En fait, je vois cette nouvelle procédure, dont on n'a pas discuté au comité, comme un genre d'approbation du projet d'adoption par le tribunal. L'ordonnance de placement serait assimilée un peu à l'approbation du projet d'adoption. Strictement parlant, si on le voit ainsi, je pense que ce n'est pas dramatique, mais il ne faudrait pas ajouter de nouvelles procédures.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Je pense qu'on se comprend là-dessus.

M. Boulanger: Autrement dit, on voudrait s'assurer, avant que l'enfant de Corée, par exemple, n'entre au pays, que l'ordonnance de placement ne cause pas de problèmes. Si c'est dans cet esprit, étant donné qu'on recherche l'approbation dans les autres cas, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas rechercher cette même approbation pour les pays de ce type.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais vous poser une question sur la référence que vous faites au représentant autorisé par rapport au représentant désigné. Vous favorisez le représentant désigné plutôt que le représentant autorisé. Quelle est exactement la différence que vous faites entre les deux? Nous n'acceptons ni ne rejetons... Je voudrais juste que vous nous éclairiez davantage là-dessus. C'est à la page 11 de votre mémoire.

M. Boulanger: On a essayé d'avoir une certaine cohérence. C'est l'appellation qu'on retrouve dans la loi sur les aspects civils de l'enlèvement de... Je n'ai pas le titre exact...

Une voix: De l'enlèvement national et international.

M. Boulanger: De l'enlèvement national et international. Alors, c'est un peu dans la même lignée. On se disait: Pourquoi utiliser de nouvelles notions, alors qu'on en a déjà dans des lois existantes? Retenons la même notion. Cela nous paraissait plus clair aussi. Je veux bien clarifier ce point. Lorsqu'on parlait d'ententes, dans notre esprit, ce n'étaient pas nécessairement des ententes écrites, officielles. Cela allait beaucoup plus loin que cela. Cela pouvait être que l'Etat désigne une personne spécifiquement, cela pouvait être quelque chose qui n'était pas encarcané dans un document.

M. Boudreau: Cela pouvait être aussi, Mme la ministre, que l'État pouvait désigner

une crèche dans son pays, pouvait désigner non seulement une personne physique, fonctionnaire de son État, mais également des organismes sociaux de son pays. Vous savez qu'il y a des crèches publiques au Mexique et l'État pourrait fort bien désigner le directeur d'une crèche ou la crèche comme telle.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vais laisser la parole à l'Opposition et je reviendrai. Il me reste sept minutes, je pense.

Le Président (M. Bélanger): Six minutes, Mme la ministre.

Mme la députée de Marie-Victorin.

M. Boulanger: Mme la ministre, sur la question...

Le Président (M. Bélanger): Vous aviez un commentaire auparavant? Excusez-moi.

M. Boulanger: Je vous en prie. Sur la question de l'adoption, à savoir si c'est un acte privé ou un acte public, je voudrais vous référer à une décision qui a déjà été rendue par le Tribunal de la jeunesse et qui ne paraît pas dans notre mémoire, décision du 29 avril 1985 dans le dossier 500-421-833. Dans cette décision, le tribunal nous dit: "Le législateur a prévu que le placement en vue de l'adoption d'un enfant peut cesser. Le soussigné - le juge - rappelant que l'adoption est d'ordre public - je pense que c'est clair - soumet qu'on ne peut renoncer aux effets d'une ordonnance de placement par simple convention ou même par désistement en y mettant toutes les formes qui sont prévues à l'article 476 du Code de procédure civile." Le tribunal continue dans ce sens. Je pense que c'est réellement, en tout cas dans notre esprit, quelque chose d'ordre public et non d'ordre privé, un peu comme les adoptions internes qu'on retrouve au Québec actuellement. Si vous avez un enfant et que vous voulez le donner en adoption, vous ne pouvez pas transiger directement avec une autre personne. Vous devez passer par un intermédiaire qui est la Direction de la protection de la jeunesse. Pour nous, dans notre esprit, c'est très clair que c'est d'ordre public.

Mme Lavoie-Roux: Je partage, ou nous partageons ce point de vue. C'est parce que cela a fait, à quelques reprises, l'objet de discussions ici, selon les intervenants qui se sont présentés.

M. Boulanger: Je ne voudrais pas être en conflit avec mon bâtonnier, mais je comprends quand même ses réticences quand il dit: On réglemente de façon excessive l'adoption internationale, alors qu'on est beaucoup plus souple vis-à-vis de l'adoption interne. Je pense que ses remarques signifiaient plutôt que si on mettait autant de balises à l'adoption interne, est-ce qu'on aurait autant d'adoptions internes qui se feraient, même aujourd'hui?

M. Ménardî J'irais même plus loin que cela en ce qui concerne l'adoption interne. C'est sûr, on reconnaît que c'est d'ordre public et qu'il vous appartient de déterminer les règles, mais dans la façon dont vous allez établir les rèqles, je pense que vous devez vous souvenir que cela procède de sentiments privés et n'intervenir que... Au fond, je pense qu'il faut rendre l'adoption le plus près possible de la filiation naturelle, en éliminant simplement les cas où on voudrait adopter des enfants pour des motifs qui, je ne sais pas, n'existent plus, des motifs complètement farfelus, en faisant une réglementation qui soit le plus près possible de ce que l'on exige pour la filiation naturelle. Autrement dit, c'est la philosophie selon laquelle vous devez exercer cette procédure d'ordre public.

Mme Lavoie-Roux: Écoutez! À plusieurs reprises - je vais arrêter après, M. le Président - vous avez parlé, et je veux y revenir tout de suite, d'une réglementation excessive. II faut peut-être faire une différence entre certains gestes qui ont pu être posés et qui, en tout cas, excédaient peut-être la réglementation, quoique je n'aie pas de geste précis en tête à vous donner, mais, entre cela et dire que c'est beaucoup plus complexe que l'adoption interne, je pense qu'il faudrait peut-être faire attention.

Pour l'adoption interne, on requiert l'adoption plénière. Il y a l'évaluation du DPJ. H y a le même processus, sauf qu'il y a, évidemment, une difficulté supplémentaire importante, non négligeable, c'est le fait que nous nous associons à des pays étrangers pour réaliser ces adoptions-là et qu'à ce moment-là, le contexte des pays étrangers ajoute des procédures supplémentaires qui nous apparaissent importantes aussi dans un contexte où nous traitons avec des pays étrangers. Vous avez parlé de réglementation excessive. Par rapport à l'adoption interne, vous avez dit que c'est beaucoup plus simple. Peut-être que l'adoption interne est aussi compliquée. Il faudrait peut-être se poser des questions, mais je pense que c'est peut-être un peu exagéré de dire que c'est une réglementation excessive.

Tout de suite, je voudrais revenir sur la question du rôle des organismes intermédiaires reconnus. Il y a, de toute évidence, une confusion quant aux intentions du législateur là-dessus. J'ai eu l'occasion de revenir à deux ou trois occasions ici pour dire justement que ces organismes reconnus continueraient de remplir les mêmes

fonctions et les mêmes responsabilités qu'ils ont présentement et qu'une fois qu'ils seraient reconnus à la suite d'une convention type qui serait discutée avec eux, etc., il ne serait pas question de restreindre leur champ d'activité par rapport aux responsabilités qu'ils remplissent aujourd'hui. Je voudrais que cela soit bien clair, mais j'admets avec vous que la loi et certainement le règlement ont besoin d'être clarifiés à ce sujet.

M. Boulanger: Pour parler de cette question des organismes, les organismes sont indispensables pour l'adoption internationale.

Mme Lavoie-Roux: Et on le sait.

M. Boulanger: Avant que le secrétariat n'existe, on fonctionnait par l'entremise d'organismes et il y avait une personne au ministère des Affaires sociales à cette époque qui travaillait, qui jouait le rôle, je dirais, entre guillemets, du secrétariat. Mais les organismes sont indispensables et il se fait, par les organismes, un travail bénévole qui coûterait une fortune si ce travail-là commençait à être fait par des fonctionnaires du secrétariat à l'adoption. Là-dessus, je dis que, si l'on restreint les pouvoirs que les organismes ont actuellement, on va tout simplement miner le travail que vont faire les organismes et on va les démotiver à travailler. C'est pour cela qu'il ne faudrait pas que les organismes viennent en conflit, avec le secrétariat ou avec vous directement, parce que s'il y a un conflit entre les deux, qui va le régler? C'est pour cela qu'ils ont une indépendance, non seulement qui est souhaitée, mais qui est indispensable. Et les organismes doivent continuer exactement comme ils sont présentement. D'ailleurs, il y en avait des contrats. Il y a actuellement des contrats avec certains organismes, et je pense que le ministère avait assez bien limité les pouvoirs qu'avaient les organismes dans ce sens-là. Mais éliminer les organismes ou vouloir restreindre leurs pouvoirs, c'est, à mon sens...

Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi de vous interrompre, mais on me dit que mon temps est terminé. Notre temps est conjoint dans ces commissions parlementaires. Je peux vous rassurer là-dessus et, comme je le di3 - j'ai eu l'occasion de le faire à plusieurs reprises - il n'est pas question de diminuer les responsabilités présentement assumées par ces organismes d'adoption internationale reconnus à partir d'une convention type qui va être révisée à l'occasion de la révision du règlement, etc. (11 heures)

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Au nom de ma formation politique, il me fait plaisir de vous accueillir ici et de pouvoir vous poser quelques questions en ce qui concerne l'adoption internationale pour faire la lumière et en arriver à une meilleure loi, qui corresponde aux attentes des parents quant aux projets d'adoption internationale. La plupart des parents ont demandé un projet de loi clair et précis. Il est essentiel qu'une loi soite claire et précise afin d'éviter la confusion.

Par contre, à la page 6 de votre mémoire, lorsque vous parlez de l'article 626.1 du Code civil du Québec, vous dites: "Tel que libellé actuellement, il cause en effet certains problèmes d'interprétation auxquels le projet de loi 21 n'apporte pas de solution, de telle sorte que la jurisprudence demeure incertaine sur ce point." J'aimerais que vous nous donniez plus d'explications sur ce sujet. Est-ce que l'article 626.1, tel que proposé, aurait pour effet de rompre des liens de filiation avec la famille d'origine?

M. Boudreau: Selon nous, le projet de loi 21 ne touchant pas à l'article 626.1, l'ambiquïté jurisprudentielle actuelle que nous connaissons... Vous avez vu que nous avions comme membre-conseil..., non, ça n'apparaît pas, mais nous avons consulté les deux juges qui ont rendu des décisions en ce sens. Mme la juge Louise Galipeault-Moisan nous dit: Je ne peux pa3 reconnaître un jugement d'adoption simple au sens de l'article 626.1. Je peux donner acte à certaines conséquences, mais je ne peux pas le reconnaître puisque si je le reconnaissais je romprais le lien de filiation avec l'enfant dans sort pays d'origine.

Dans une autre décision, l'honorable juge Dorion nou3 dit: Non, moi, je reconnais ce jugement puisque l'article 626.1 ne m'oblige qu'à considérer le fait qu'un lien de filiation a été créé et non pas s'il a été rompu.

Pour nous, cette ambiquïté va subsister du fait que le projet de loi 21 ne touche pas à l'article 626.1. On vous demande, à ce moment-là, en matière d'adoption internationale, de reculer dans le code à l'article 594 et de reprendre le libellé même de l'article 594 qui nous parle des effets de la filiation plutôt que des effets d'un jugement d'adoption rendu au Québec.

Mme Vermette: Si j'ai bien lu votre mémoire, c'est effectivement ce qu'on disait, au fond. Je ne me souviens pas trop à quelle page vous faites référence à l'article 594 du code où on dit que ce qui est important c'est que l'égalité des enfants devant nos tribunaux. Finalement, une fois que les autres pays ont reconnu l'adoptabilité de l'enfant, il faut convenir selon les us et coutumes du pays. On ne peut pas faire la

loi dans ces pays-là ou imposer nos lois à ces pays-là. C'est à peu près comme cela que vous avez interprété... En tout cas, j'ai interprété votre...

M. Boulanger: L'on croit aussi que la reconnaissance de jugement d'adoption simple devrait être l'exception. Dans notre esprit, ce devrait d'abord être des jugements d'adoption plénière. Lorsqu'il y a des abandons d'enfants, lorsqu'on a besoin du consentement de l'État, ça ne cause pas de problème, mais on ne voudrait pas que des pays soient fermés, par exemple du fait qu'il n'y a pas d'entente avec ces pays-là, qu'il n'y a pas de représentant qui soit désigné. On ne voudrait pas fermer ces pays-là. Comme je l'ai toujours demandé dans des discussions informelles, j'aimerais connaître la nomenclature des pays qui font de l'adoption plénière et la nomenclature des pays qui font de l'adoption simple. On ne s'est jamais prononcé sur cette question-là. Je me souviens du premier mémoire du Barreau en mai 1983 où c'était la même chose. On s'était dit que, si on faisait l'étude des pays qui permettent l'adoption plénière et l'adoption simple, on serait peut-être surpris de voir qu'il y a peut-être beaucoup plus de pays où il y a d'adoptions simples que d'adoptions plénières. Je pense qu'on y va beaucoup par suppositions parce qu'on ne les connaît pas. Il serait peut-être important une fois pour toutes que, soit par décret ou autrement, comme cela existe dans la Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants, qu'on retrouve en annexe les pays avec lesquels on peut travailler sans problème. Mais on ne voudrait pas que les portes soient fermées pour les autres pays. On devrait laisser à l'appréciation du tribunal le projet d'adoption dite simple, mais en donnant tous les effets comme on le recommande à l'article 626.1 dans le mémoire.

M. Boudreau: Si vous me permettez d'ajouter, madame, à ce que vient de dire mon collègue, Me Boulanger. Si l'adoption plénière est un concept juridique qui est en soi fermé, l'adoption simple n'est pas un concept juridique fermé dans le sens d'uniforme. Reprenez toutes les lois des pays sud-américains, vous allez constater que ces lois laissent subsister parfois des droits dans le temps, parfois des droits personnels, parfois des droits patrimoniaux, parfois les trois réalités. Donc, il ne faudrait pas voir le concept d'adoption simple comme étant le même concept juridique partout, dans tous les pays. C'est fort différent d'un pays à l'autre, pour les avoir revus. On laisse subsister des formes de droit dans le temps. Parfois, il n'y a aucun droit pendant la minorité et ils ne subsistent qu'à la majorité. On laisse parfois subsister des droits personnels, parfois des droits de nature strictement patrimoniale comme le droit d'hériter. Donc, c'est très varié comme concept. On a hésité beaucoup avant de utiliser à nouveau ce concept dans notre mémoire. D'ailleurs, vous relirez. On vous dit dans le mémoire que, quand on emploie "adoption simple", on veut dire telle chose.

Mme Vermette: Plus loin, vous faites référence à la Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants où cela fonctionne par décret et où c'est très clair finalement.

M. Boulanger; La nomenclature des pays en annexe, à tout moment...

Mme Vermette: Tout est là, tout est clair. Est-ce que vous en feriez une recommandation actuellement pour qu'on se penche là-desssus pour le projet de loi sur l'adoption internationale?

M. Boulanger: Dans notre esprit, cet élément devrait apparaître quelque part. Il est important que les parents qui veulent adopter demain matin, s'ils désirent adopter, par exemple, avec l'Ile Maurice, parce que leur contact est avec l'île Maurice, sachent au départ qu'ils s'embarquent dans un projet où il n'y aura pas, en principe, d'embûches, parce que c'est un pays qui est sans problème.

Si on a cette nomenclature, cela permettra peut-être aux parents aussi de choisir plus correctement les pays avec lesquels ils travaillent, veulent travailler ou veulent adopter.

Mme Vermette: Vous avez aussi mentionné aux pages 12, 16, 26 et 27... Dans la forme actuelle du projet de loi 21 vous avez souvent parlé du Tribunal de la jeunesse. Comment voyez-vous le rôle du Tribunal de la jeunesse compte tenu des remarques qui ont été faites à ces pages, à la page 12 où on parle surtout de la procédure de vérification, on fait référence aux articles 614.2 et 614.3? Là il me semble qu'on lui donne beaucoup plus un rôle administratif qu'un rôle discrétionnaire.

M. Boulanger: Absolument pas. Le tribunal va devoir apprécier des choses, des éléments tels que... Je vous donne un exemple. Supposons que l'évaluation du directeur de ta protection de la jeunesse est négative dans le projet d'adoption, il est possible aux parents d'apporter en preuve d'autres évaluations que je qualifierais de privées, pour que le juge apprécie si le projet peut être valable ou non. On ne veut pas que le Tribunal de la jeunesse soit considéré comme un "rubber stamp" et qu'il approuve sans regarder. On lui donne une

discrétion, que ce soit, par exemple, quant à l'évaluation du DPJ et aux autres éléments qu'on mentionnait dans le mémoire.

Mme Vermette: Tel que libellé actuellement, est-ce que le projet de loi 21 permettra aux tribunaux, parce que l'article 614.3 surtout dit, "vérifier la régularité du projet" et "s'assure que l'adoptant a satisfait aux obligations que lui crée la loi"...

M. Boulanger: On a justement recommandé de changer le vocabulaire. Au lieu de parler de "s'assure", qu'on parle d'"apprécie". Si j'ai compris, Mme la ministre dit qu'il y aurait accord sur ce point.

Mme Vermette: Est-ce que cela cela donnerait un droit de recours aux parents, parce que, très souvent, une fois que la DPJ a rendu sa décision, à savoir si les parents sont aptes ou non pour un projet d'adoption, il n'y a pas de recours à l'heure actuelle pour les parents?

M. Boulanger: Nous avons compris clairement que, lorsqu'il y aurait une obstruction qui pourrait se faire soit au secrétariat, è la DPJ ou ailleurs, la personne pourrait s'adresser au tribunal et dire: À partir des éléments que je vous apporte, est-ce que vous êtes capables d'approuver ce projet d'adoption-là? Alors, on ne laisse pas ça dans des voies administratives, mais on laisse le tribunal décider de la question. Cela nous apparaît important, car le problème qu'il y a actuellement, c'est que les décisions administratives, très souvent, traînent, traînent, traînent et les gens n'ont pas d'autre recours que d'y aller par voie de mandamus ou par des jugements déclaratoires, ce qui est, à mon sens, impensable.

Maintenant, cette procédure, telle qu'on la voit dans la loi, permet aux gens de s'adresser aux tribunaux lorsqu'il y aura des obstructions qui se feront à une étape quelconque.

Mme Vermette: Cela m'amène à une autre question. Il a été aussi souvent question de projet d'adoption privée; ainsi un parent connaît un missionnaire dans un autre pays, il réserve un enfant, il fait toute la démarche telle que demandée par les règlements et procédures de la loi québécoise et, finalement, dépose un projet chez vous. Est-ce qu'à ce moment vous pourriez, si tout a été conforme - cela ne passe pas par un intermédiaire reconnu, par exemple, de la ministre - prendre en considération un tel projet d'adoption?

M. Boulanger: Le tribunal appréciera. Ce n'est pas au secrétariat à décider de cela. Je pense que c'est à la voie judiciaire de décider si le projet est réalisable ou non.

M. Boudreau: J'ajoute, par exemple, qu'il est très clair pour le Barreau que les gens doivent respecter les conditions que le législateur y a mises, c'est-à-dire procéder par un intermédiaire. Dans la mesure où vous demandaez: Est-ce que vous êtes d'accord pour que, finalement, les qens se trouvent des connexions dans d'autres pays, entre procureurs ou entre notaires ou entre hommes ou femmes de loi? Là-dessus je pense qu'on a clairement dit: On vous donne, comme indicateurs, non, parce qu'on reconnaît au ministre et aux intermédiaires le soin d'agir comme intermédiaires. Là-dessus, je vous rappellerai que les tribunaux ont toujours dit qu'on ne peut pas agir comme intermédiaire de façon rétroactive, c'est-à-dire qu'un intermédiaire, c'est quelqu'un qui sert d"'entremise" entre un enfant qui a besoin de parents dans un pays et des parents qui veulent adopter un enfant et qui sont au Québec.

On ne peut pas servir d"'entremise" quand, finalement, on place un intermédiaire devant un état de fait et qu'on dit: C'est tel enfant, à tel endroit par tel missionnaire. Ce qu'on dit, nous, c'est que ce missionnaire donne son nom à un intermédiaire reconnu comme Soleil des nations, ou je ne sais pas lequel, et il pourra fournir des enfants à cet organisme intermédiaire qui, lui, pourra trouver des parents.

M. Boulanger: Parce que ça devient trop dangereux. H faut avoir travaillé un peu dans l'adoption internationale ou avoir vu comment... J'ai déjà vu, moi, des transactions d'enfants sans y participer, mais des transactions qui n'avaient aucun sens. Des personnes qui voulaient échanger des enfants contre, par exemple, simplement des boucles d'oreilles, alors qu'on était dans un restaurant. Il faut se protéger. Il faut que les gens soient protégés contre cela.

Mme Vermette: Quand je parlais d'un projet d'adoption privée, je ne pensais pas à ce genre d'adoption. Je pensais à des parents qui se font évaluer par la DPJ, qui ont un projet de jumelage avec un autre projet authentifié, dont l'adaptabilité est reconnue par le pays, selon la légalité, etc., et qui, à ce moment-là, plutôt que de passer par un intermédiaire reconnu, passent finalement par un intermédiaire, peut-être par quelqu'un d'un autre pays, cela ne lèse pas les parents du Québec, au contraire, cela fait un enfant de plus dans ce pays qui a la chance de trouver un foyer. Autrement, il aurait peut-être un sort plus malheureux.

M. Boulanger: À la condition que tout se soit régulièrement passé dans le pays en question. D'où l'importance du travail de

l'organisme. Quand l'organisme donne son accord pour l'entrée d'un enfant, je pense que l'organisme doit prendre ses responsabilités et doit être certain qu'il ne s'embarque pas dans un scandale qui va déclencher quelque chose de terrible. Il faut faire attention à cela. (11 h 15)

Mme Vermette: Ce qui est important -et j'aimerais souligner cette idée - c'est pour un projet où finalement tout est régulier; il a été approuvé par le sceau de l'Etat ou par un représentant de l'État ou par la personne désignée par l'État comme étant un projet où l'enfant est adoptable.

M. Boulanger: Je pense qu'il est impartant de passer par l'organisme parce que c'est la plus grande sécurité que vous avez sur le plan international.

Mme Vermette: À ce moment-ci, est-ce que vous pensez que les tribunaux, déjà engorgés par la complexité des causes, dont les délais ont toujours été le problème no 1, vont faire beaucoup plus diligence qu'actuellement et que l'on pourra avoir des délais de douze à dix-huit mois, comme on nous le demande?

M. Boulanger: La question des délais me paraît surprenante parce que, oeuvrant au Tribunal de la jeunesse, pour faire reconnaître actuellement des jugements étrangers, je vous dirais: Vous venez me voir aujourd'hui et, dans quinze jours, la reconnaissance de jugement devrait être concrétisée. Je ne pense pas qu'on ajoute des délais» On ajoute seulement des sûretés aux gens qui seront enclenchés dans un processus qui sera correct. Mais je ne crois pas qu'on ajoute des délais additionnels. Si on les ajoute, je vous dirais que c'est peut-être deux ou trois semaines au maximum.

M. Boudreau: Oeuvrant dans le plus grand district judiciaire du Québec qui est Montréal, je vous dirai que, si vous vous présentez dans la même situation que celle de mon collègue, au bout de quinze jours, vous allez avoir votre jugement d'adoption reconnu puisque c'est en chambre de pratique que sont inscrites ces causes. On peut les inscrire, c'est nous qui choisissons la date. Il s'agit d'avoir tous les éléments de preuve pour que cela puisse se réaliser. Donc, c'est très rapide.

Je voudrais, madame, ajouter à la réponse de tout à l'heure et vous lire tout simplement un passage de la partie VII de la loi d'adoption du Pérou. Ils ont intégré dans leur loi d'adoption une préoccupation qui rejoint celle qui a fait répondre à M. le bâtonnier de Québec qu'il faut passer par un organisme reconnu. Dans leur loi d'adoption, à cette partie VII, on lit ceci: "Le Pérou, tout pays en voie de développement qu'il soit, ne doit pas oublier qu'il doit une protection efficace è ses mineurs. Si nous ne sommes pas capables de concrétiser la protection dont nous venons de parler, nous devons renier notre propre existence, parce que celui qui ne voit pas dans tout enfant le présent de sa patrie avec des projections de grandeur est simplement en train de creuser la sépulture de ses propres enfants et la disparition de son propre pays." C'est dans le chapitre où l'on parle des adoptions par les étrangers. Le Pérou, pour sa part, est très préoccupé de pouvoir contrôler l'adoption par les étrangers. J'ajoute qu'il fait faire une enquête par sa police d'État sur tous les ressortissants québécois qui présentent une demande d'adoption au Pérou.

Mme Vermette: À l'article 825.0.1, que pensez-vous de la mise en cause du Procureur général? On nous a dit que cela pourrait avoir, à un moment donné, en ce qui concerne la demande de vérification d'un projet d'adoption...

M, Boulanger: Pour nous, ce n'est pas un problème. Si le Procureur général, par le secrétariat, veut intervenir dans un projet précis, il interviendra; s'il ne veut pas intervenir... Ce n'est pas un problème majeur.

Mme Vermette: Pour terminer, pour ce qui est du rôle du secrétariat, vous avez dit que son rôle essentiel, quant à vous, serait un rôle qui favorise davantage... si je peux trouver...

M. Boulanger: Un rôle de coordination...

Mme Vermette: ...de coordination, qui favorise l'entrée d'enfants au Québec. Est-ce que vous maintenez toujours cela? Â un moment donné, on disait qu'il faudrait peut-être spécifier davantage les rôles parce que ceux de la ministre peuvent devenir contradictoires, soit son rôle de recommandation et celui de coordination. Est-ce que vous pourriez expliquer davantage là-dessus?

M. Boulanger: D'où l'importance des organismes, justement. Pour nous, pour ce qui est du secrétariat, il devrait avoir un rôle - comme on le dit à la page 21 - "de négociateur d'ententes relatives à l'adoption avec les États étrangers. Il devrait aussi servir d'intermédiaire avec les autres ministères pouvant être intéressés en ce domaine et plus particulièrement ceux des Communautés culturelles et de l'Immigration, des Relations internationales et de la Justice." Et, exceptionnellement, lorsqu'il n'y a pas d'organismes qui travaillent avec un pays, jouer ce rôle d'intermédiaire. Mais ce

serait exceptionnellement.

M. Boudreau: Selon les mêmes règles que les autres intermédiaires.

Mme Vermette: Oui. En fait, de toute façon, on a dit qu'on pourrait faire un contrat type entre les organismes et les ministères et qu'il pourrait y avoir consultation quant aux organismes.

On a aussi demandé pour le meilleur fonctionnement possible, toujours dans cet esprit du mieux-être de l'enfant, que les parents puissent participer au secrétariat par un conseil d'administration. Croyez-vous qu'une telle procédure pourrait améliorer l'état des choses actuellement, les relations entre les différents intervenants?

M. Boulanger: Est-ce que... Si je...

Mme Vermette: Un conseil d'administration du secrétariat d'adoption pour favoriser justement les différents intérêts des intervenants concernés pour en arriver à un consensus quant au processus d'adoption?

M. Boulanger: Je vous réponds que, si on laisse aux organismes les pouvoirs qu'ils ont et l'indépendance qu'ils ont actuellement, le secrétariat jouera son rôle, les organismes joueront leur rôle et il n'y aura pas de conflits d'intérêts qui pourra exister de part et d'autre.

Mme Vermette: Sur cette note d'optimisme, j'espère que finalement on pourra régler les problèmes de l'adoption internationale et que, surtout, les parents pourront en bénéficier davantage, ils pourront plus rapidement...

M. Boulanger: Peut-être pas les parents, surtout les enfants.

Mme Vermette: Bien, en fait...

M. Boulanger: Parce qu'on doit le faire en fonction des enfants avant toute chose. C'est surtout pour les enfants qu'il faut regarder cela.

Mme Vermette: Je pense que c'est de trouver un foyer à un enfant.

M. Boulanger: Également, justement sur cette note-là, si vous me le permettez, M. le Président, nou3 avons ajouté dans les dispositions transitoires: Nous sommes conscients qu'actuellement, il y a des enfants au Québec qui sont entrés en toute illégalité, lesquels enfants n'ont aucun jugement d'adoption. À propos de cette amnistie qu'on veut donner actuellement, je voudrais faire deux commentaires, d'abord qu'on devrait établir une procédure transitoire pour pouvoir amnistier ces enfants qui n'ont pas de jugement d'adoption étranger et qui n'ont pas été adoptés ici au Québec. On devrait régulariser cette situation dans l'intérêt des enfants. Vous avez des enfants qui ont actuellement dix, onze, douze et treize ans et qui sont dans un statut d'illégalité, qui n'ont pas de carte d'assurance-maladie. Cela coûte des fortunes aux parents pour obtenir des soins médicaux. Je pense que les dispositions transitoires de 12 et 13 ne couvrent pas ces questions. On parle de reconnaître des jugements étrangers, mais dans les cas où les enfants n'ont pas de jugement, on devrait, je pense, tant qu'à faire, régulariser la situation de ces enfants.

Le dernier point que je vous mentionne... Le Président (M. Bélanger): Rapidement parce que nous avons débordé...

M. Boulanger: ...sur l'amnistie. Je suis d'accord avec des amnisties, mais c'est la deuxième aministie qu'on donne. Il faudrait dorénavant être ferme en ce qui concerne les amnisties pour ne pas donner, tous les deux ou trois ans, une bénédiction à des qens qui ont agi - entre guillemets - dans l'illégalité comparativement à des qens qui ont été patients, qui ont suivi le processus et qui ont été corrects. Pour l'amnistie, qu'on prenne garde!

Le Président (M. Bélanger): M. le président, mesdames et messieurs les maîtres... Pardon? Je vais d'abord laisser Mme la ministre vous remercier.

Mme Lavoie-Roux: D'abord, je regrette, M. le Président, mais ce sont les rèqles du jeu que nous n'ayons pas davantage de temps. Je veux remercier le Barreau pour son mémoire. Il a fait allusion tout à l'heure à des discussions informelles, je pense qu'elles pourront se continuer parce qu'il y a énormément de points qu'on n'a pas abordés, qu'il s'agisse de ce qui existe dans le cas de ce que vous appelez les enlèvements, etc.

Je voudrais simplement vous dire que votre suggestion d'une liste de pays est intéressante et qu'on examine la possibilité de rendre publique cette information. Elle servira mieux à tout le monde. Il y aura moins d'ambiguïté. Les gens partiront avec plus d'assurance et, à ce moment-là, je pense que, de toute façon, le tribunal en aura besoin pour apprécier, comme vous le dites, la valeur d'un projet.

En ce qui touche l'amnistie, je suis totalement d'accord avec vous, sauf ce qui m'embête - je vous le dis bien simplement -c'est là où il n'y a jamais eu d'examens, où il n'y a pas d'autorisation, où il n'y a pas de jugement. Vous me dites: II faut les

amnistier aussi... Mais j'ai peur que cela nous amène sur la pente glissante contre laquelle vous nous mettez vous-même en garde.

M. Boulanger: Sauf qu'on recommande cependant qu'il y ait une évaluation du DPJ et que ce soit le tribunal qui décide de la question à la toute fin.

Mme Lavoie-Roux: On va examiner la chose soigneusement. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Bien! On vous remercie infiniment. J'appelle le prochain groupe, l'Association Monde-Enfant. On suspend deux minutes avant de reprendre les travaux.

(Suspension de la séance à 11 h 25)

(Reprise à 11 h 30)

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, je demanderais à chacun de reprendre sa place. Nous reprenons les travaux dans quelques instants.

Je demanderais à chacun de reprendre sa place. Nous allons maintenant entendre le groupe Association Monde-Enfant, représentée par M. Yves Bécotte, le président, Mme Suzanne Plante, vice-présidente et Mme Danielle Marchand, directrice à l'adoption.

Je demanderais à M. le président de nous présenter son groupe et de bien vouloir procéder à la présentation de son mémoire. M. le président.

Association Monde-Enfant

M. Bécotte (Yves): Bonjour, messieurs les commissaires, M. le Président, Mme la ministre. J'aimerais tout d'abord vous dire que Mme Suzanne Plante ne nous accompagne pas ce matin, parce qu'elle est retenue pour maladie. J'aimerais aussi vous présenter les autres membres du conseil d'administration qui font en sorte que l'Association Monde-Enfant a une représentativité provinciale, parce que nos membres se retrouvent dans tous les coins du Québec.

Mme Suzanne Plante est de Charlesbourg. M. Jean-Guy Provençal, de Fleurimont, est secrétaire. M. Jean Racine, de Québec, est trésorier. Et il y a des directeurs qui sont M. Jean Fiset, de Carignan, Mme Lise Dionne-Bérard, de Rock-Forest, Mme Béatrix Montalvo, de Longueuil, et notre conseiller juridique, Me Mao Chambers de Montréal.

Mme Marchand va vous faire une présentation de l'organisme, et, par la suite, je ferai la présentation d'une problématique ainsi que de nos recommandations sur le projet de loi 21.

Mme Marchand (Danielle): Qui est

Monde-Enfant? Monde-Enfant, c'est un organisme sans but lucratif. Cette association regroupe 170 familles dont 500 membres dispersés dans toutes les régions du Québec. Un conseil d'administration de sept membres bénévoles gère l'organisme selon les statuts et règlements dûment adoptés.

Monde-Enfant est reconnu depuis 1983 par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour agir à titre d'intermédiaire en matière d'adoption en république Dominicaine. Monde-Enfant poursuit l'objectif d'aider des enfants démunis de la république Dominicaine en réalisant des projets de développement communautaire pour les enfants dominicains et dans les situations sans espoir, en trouvant des parents adoptifs pour des enfants déclarés adoptables par les autorités dominicaines compétentes.

Au cours des trois dernières années, Monde-Enfant a canalisé vers la république Dominicaine un investissement de 80 000 $ pour la réalisation de projets de développement communautaire, tel que l'alphabétisation de 150 enfants, un dispensaire médical, une poissonnerie gérée par les femmes dominicaines, un puits d'eau potable dans un "bataye" haïtien et une pisciculture.

Sur le plan de l'adoption internationale, Monde-Enfant a favorisé l'adoption de 200 enfants abandonnés d'origine dominicaine. Monde-Enfant a également signé, avec le représentant du Secrétariat d'État à la Santé publique et de l'Assistance sociale de la république Dominicaine un accord prévoyant l'établissement d'une procédure de garde légale d'enfants abandonnés dans le but d'une adoption au Québec par des parents québécois.

L'association maintient un service d'entraide avant et après l'adoption, grâce à un réseau de quinze personnes-ressources qui sont des parents qui ont fait l'expérience de plusieurs adoptions. Leur rôle consiste à informer et à appuyer les parents en cours d'adoption jusqu'à leur retour avec l'enfant au Québec.

Monde-Enfant compte également des bénévoles qui oeuvrent dans plusieurs comités, dont les projets d'aide, l'adoption, le financement, les statuts et règlements, la surveillance financière et la post-adoption.

Toutes les réalisations de Monde-Enfant ont exigé depuis quatre ans environ 28 000 heures de bénévolat, soit l'équivalent de plus de 120 000 $ au salaire minimum d'économies communautaires. Nous avons reçu en subventions du qouvernement du Québec depuis deux ans 6150 $. Nous tenons à vous rappeler que c'est avant tout le travail bénévole de nos membres qui a contribué à aider les enfants démunis de la

république Dominicaine et à soutenir les parents en cours d'adoption.

Je vais également vous parler de l'adoption ouverte. Depuis sa création, Monde-Enfant poursuit une philosophie d'adoption ouverte lorsque les parents naturels sont connus. L'adoption ouverte n'implique pas un rejet de l'enfant par les parents naturels, mais plutôt son passage dans une autre famille qui pourra subvenir non seulement aux besoins essentiels qui lui manquent, mais lui prodiguer aussi l'amour et l'affection filiale d'un enfant.

Concrètement, il s'agit d'une rencontre de courte durée qui met en présence la personne-ressource représentant Monde-Enfant en république Dominicaine, les parents adoptifs et naturels de l'enfant. Elle se poursuit par l'envoi annuel de photographies et d'informations sur l'évolution de l'enfant aux parents naturels et aux autorités dominicaines en matière d'adoption.

Monde-Enfant favorise également les retrouvailles entre les parents naturels et l'enfant. Quelques expériences ont déjà été réalisées où l'enfant rend visite à ses parents naturels en république Dominicaine en compagnie de ses parents adoptifs. Il semble que ces rencontres créent des événements fort heureux, à la fois pour la famille naturelle, l'enfant et les parents adoptifs.

M. Bécotte: Maintenant, je vais vous brosser un tableau de la problématique de l'adoption internationale, telle que nous la percevons. Traditionnellement, dans notre société, c'est la famille qui assure le bien de l'enfant et ce sont les tribunaux qui approuvent légalement tout acte d'adoption fait au Québec comme à l'étranger. Aujourd'hui, il y a un nouvel acteur qui s'impose au sein de la famille adoptive. 11 s'agit du technocrate ou du bureaucrate qui intervient pour appliquer un processus administratif complexe. Aussi, il est fait en sorte que ce n'est plus le parent qui est l'acteur de l'adoption, mais plutôt une structure administrative constituée de politiciens qui décident des objectifs sociaux concernant l'adoption et de fonctionnaires qui décident des procédures à imposer aux personnes voulant adopter.

Aujourd'hui, la dépendance des parents adoptants envers l'État et les centres de services sociaux est totale. L'adoption est devenue un produit qu'il faut standardiser, normaliser et contrôler. C'est ainsi que les procédures s'allongent, que le nombre d'intervenants s'accroît et que les parents adoptifs ont à faire face a toutes sortes d'attitudes négatives ou d'incompréhensions de la part de la majorité des intervenants qui ne comprennent pas très bien les fondements humains de l'adoption internationale.

Il n'y a malheureusement pas encore de politique gouvernementale cohérente qui favorise l'adoption internationale. II n'y a que des bribes de politique improvisées et engendrées par un courant d'incompréhension de l'État face à l'adoption internationale. Pourtant, l'opinion publique est aujourd'hui favorable à l'adoption internationale. Notre gouvernement a choisi de se retrancher derrière une théorie juridique controversée sur les liens de filiation pléniers. Il a choisi de mettre en place un système juridique et administratif très complexe en matière d'adoption internationale sans avoir fait le point sur les alternatives sociales et administratives qui permettraient plus de souplesse et une meilleure concertation entre les intervenants.

Monde-Enfant considère que le premier besoin d'un enfant est de vivre une existence décente dans une famille avec des parents. La politique gouvernementale vise à décourager les adaptants et les oraanismes d'adoption à poursuivre leurs actions en adoption internationale.

Le secrétariat à l'adoption engendre toute une gamme de problèmes parce qu'il agit en vertu d'un mandat mal défini. Ses décisions se prennent sur la base de principes obscurs et changeants. Le secrétariat à l'adoption n'a jamais donné de soutien concret à Monde-Enfant malgré le fait qu'il y ait une convention signée entre notre organisme et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Les relations que nous avons avec le secrétariat à l'adoption sont souvent tendues parce qu'il y a un manque de confiance qui se concrétise par l'ingérence toujours plus grande du secrétariat dans les activités de Monde-Enfant.

Lors d'un colloque sur l'adoption internationale, en février 1987, qui réunissait les orqanismes non qouvernementaux d'adoption internationale, il est clairement ressorti que le secrétariat était perçu comme une police d'adoption plutôt que comme un service de coordination, d'information et d'assistance technique auprès des organismes.

Dans la majorité des centres de services sociaux du Québec, il y a un manque de ressources humaines compétentes en adoption internationale. Les CSS ne donnent pas une information suffisamment objective quant aux démarches à entreprendre et aux aspects juridiques, encore moins sur les organismes intermédiaires et les pays ouverts à l'adoption internationale. Pourtant, le secrétariat à l'adoption avait pour rôle de transmettre cette information, car, par ses contacts avec Ies organismes, il connaissait tous les nouveaux développements en adoption internationale. Les communications et la collaboration sont difficiles entre le CSS et le secrétariat à l'adoption. Cela est causé par l'entremêlement des fonctions des

directeurs de la protection de la jeunesse et du secrétariat.

Les méthodes d'évaluation, quant à elles, sur le plan sociofamilial pour les adoptants varient d'un CSS à l'autre, tout comme les approches d'information. Les critères d'évaluation sont souvent sans fondement expérimental. Ils laissent place aux jugements de valeur personnels du praticien social. Les aspects psychologiques relatifs au racisme, à l'ouverture interculturelle et aux connaissances éducatives des adoptants sont souvent oubliés.

Enfin, les personnes qui désirent adopter des enfants étrangers sont la plupart du temps confrontées à la solitude dans leurs démarches d'adoption, de réflexion et de recherche de sources d'enfants abandonnés. Par le passé et encore maintenant, plusieurs se lancent dans l'aventure de l'adoption internationale sans information pertinente, courant ainsi les risques de se faire exploiter par des personnes recherchant un profit financier. Plusieurs agissent sur un coup de tête, en désespoir de cause, lorsque leurs démarches sont bloquées par le secrétariat à l'adoption.

Un des moyens les plus humanitaires d'éviter ces situations est de favoriser la mise sur pied d'organismes sans but lucratif qui serviront d'intermédiaires et de partenaires entre l'adoptant et les sources d'enfants adoptables dans les pays étrangers.

Malgré les difficultés que pose l'organisation d'une association gérée par des bénévoles, nous observons une continuité, une ténacité et un dynamisme constant au sein de ces organismes. Ceux-ci réalisent des activités aussi variées que des cliniques juridiques, des colloques sur les problèmes d'adoption, des projets d'aide aux enfants démunis, des rencontres sociales; ils mettent sur pied des réseaux de personnes-ressources qui accompagnent les parents adoptants dans les dédales de procédures et l'attente d'une proposition d'enfant.

Ces organismes ont démontré qu'ils sont capables de gagner la confiance des organismes publics et privés à l'étranger, et de maintenir des contacts avec les gouvernements étrangers. Le présent gouvernement du Québec a entrepris de restreindre les activités d'adoption internationale de ces organismes en pensant pouvoir les remplacer. Le ministère de la Santé et des Services sociaux s'est donné comme objectif de prendre totalement en main le contrôle des organismes et de les soumettre à l'autorité des fonctionnaires.

Quelles que soient les ressources qu'il entend mettre pour réaliser cet objectif, nous estimons qu'il fait fausse route. Les organismes non gouvernementaux sont nécessaires en matière d'adoption internationale parce qu'ils sont plus facile- ment reconnus comme interlocuteurs auprès des organismes privés et gouvernementaux à l'étranger.

Il est important que les organismes non gouvernementaux gardent, face au gouvernement, une relative autonomie ici même autant qu'à l'étranger. L'imposition d'une couverture gouvernementale officielle rendra leurs activités plus lourdes à accomplir. Nous estimons que le mécanisme d'accréditation est plus avantageux et plus souple que le mécanisme d'encadrement que le ministère de la Santé et des Services sociaux veut leur imposer.

Notre organisme est disposé à vivre avec des engagements plus serrés qu'il inscrira dans une convention avec le ministère de la Santé et des Services sociaux. Toutefois, il n'est pas disposé à se soumettre à l'autorité des fonctionnaires du ministère qui cherchent à appliquer des normes administratives plutôt qu'à être des collaborateurs facilitant le travail à notre organisme. Les organismes n'accepteront jamais, je crois, de devenir des sous-fonctionnaires bénévoles du Secrétariat à l'adoption internationale.

J'aimerais dire un mot sur les associations de parents. On comprend que, dans le contexte difficile et problématique de l'adoption internationale, il ne faut pas se surprendre de la naissance des associations de parents qui ont déjà adopté et des parents en attente d'une adoption internationale. La création de telles associations est nécessaire sur la base des régions, car elle permet aux parents adoptants de se donner des services d'information plus adéquats. Elle permet une entraide humanitaire entre des parents qui se retrouvent ainsi dans des familles qui vivent des situations particulières et inédites parce qu'il y a là un vécu culturel et psychologique qui n'est pas le même que celui des familles naturelles au Québec. Ces associations peuvent également apporter un appui essentiel aux organismes intermédiaires, en particulier dans la pré-adoption et la postadoption.

Les recommandations de Monde-Enfant. Après avoir étudié le projet de loi au conseil d'administration, la première recommandation qu'on fait, c'est de demander aux membres de la commission parlementaire de ne pas recommander l'acceptation du projet de loi 21 et du projet de règlement 132 sur l'adoption internationale tels qu'ils sont présentement formulés.

Ces projets doivent être reformulés afin de réduire le pouvoir d'intervention direct du ministre de la Santé et des Services sociaux. C'est un organisme parapublic autonome qui devrait coordonner les démarches des adoptants et les activités des organismes qui interviennent dans l'adoption des enfants domiciliés hors Québec.

II faut réduire aussi les procédures judiciaires préalables au projet d'adoption lorsque l'adoptant agit par l'intermédiaire d'un organisme ou par celui du ministre dans le cadre d'un accord international en matière d'adoption. La vérification préalable de la régularité d'un projet d'adoption devrait se faire uniquement pour les personnes qui font un projet d'adaptation par des contacts privés et il faut que ce soit dans des pays où les organismes ou le ministère n'a pas d'accord ou n'a pas de relations. Bien sûr, cette approbation devant le tribunal pourrait, à ce moment, faire l'objet d'une vérification, à savoir si on respecte les règles d'adoptabilité du pays et si l'état du domicile de l'enfant, par un représentant désigné, consent à l'adoption de cet enfant par l'adoptant.

Il faut permettre la reconnaissance d'organismes d'adoption internationale compétents comme intermédiaires directs dans les pays étrangers. Il faut permettre la reconnaissance d'un jugement d'adoption rendu hors Québec par un tribunal du Québec en s'assurant que ce jugement crée tout simplement un lien de filiation en vertu des lois étrangères.

Il faut réduire les pouvoirs d'intervention du directeur de la protection de la jeunesse dans le règlement 132 en spécifiant, particulièrement à l'article 4, que celui-ci intervient pour assister l'adoptant au moment du jumelage de l'enfant. Il peut se faire assister par l'organisme accrédité qui parraine le dossier de l'adoptant. La recommandation du directeur de la protection de la jeunesse ne devrait pas avoir d'effet obligatoire pour l'adoptant. L'adoptant doit signifier par écrit l'acceptation ou non du jumelage au directeur de la protection de la jeunesse et à l'organisme le cas échéant. L'acceptation ou le refus du jumelage doit être motivé par l'adoptant.

Il faut réduire également le pouvoir d'intervention du directeur de la protection de la jeunesse dans le règlement 132 à l'article 6, en spécifiant que celui-ci doit assister, peut assister les adoptants en s'assurant de l'intégration de l'enfant auprès des adoptants dès qu'il est informé de la date d'entrée de l'enfant au Québec, et il peut se faire assister par un organisme accrédité. L'adoptant informe le directeur de la protection de la jeunesse de la date d'arrivée de l'enfant au Québec et non pas l'organisme ou un autre intermédiaire.

Il faut également modifier la section III du règlement 132 afin d'y inscrire qu'un organisme reconnu peut intervenir en matière d'adoption internationale lorsqu'il est également accrédité par un organisme public à l'étranger et autorisé è intervenir auprès d'organismes privés et publics du pays en matière d'adoption internationale; qu'il ne peut transmettre une proposition d'adoption d'un enfant étranger que s'il y a consentement à l'adoption de cet enfant selon les règles relatives à la toi où est domicilié l'enfant. De plus, lorsque le ministre conclut un accord avec l'État où l'enfant est domicilié en vue d'un placement au Québec de cet enfant, l'organisme accrédité peut assister le ministre selon les conditions prévues dans cet accord. (11 h 45)

II faut ajouter une section IV au règlement 132, de façon à éviter qu'on ne se retrouve constamment avec des changements de décret pour la convention type. Il faudrait déterminer par règlement les critères qui permettront l'accréditation d'un organisme intermédiaire. Ces critères devraient être les suivants. L'organisme doit démontrer qu'il a une compétence ou une expérience en matière d'adoption internationale. Il doit identifier ses interlocuteurs. Il doit être dûment incorporé en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies du Québec, c'est-à-dire être sans but lucratif. Ces objectifs doivent correspondre à la mission de défendre les droits de l'enfant, de promouvoir ses intérêts et d'améliorer ses conditions de vie.

L'organisme doit fournir des qaranties quant au respect des réglementations étrangères et avoir un code d'éthique officiel quant à l'identification des enfants adoptables, en temps normal comme en temps de crise. L'organisme doit maintenir un compte un fidéicommis dans une institution financière et y déposer les sommes confiées par l'adoptant.

Deuxième recommandation, qui ne touche pas à ce projet de loi, mais qui demande au gouvernement de déposer à l'Assemblée nationale la politique d'adoption internationale. Le projet de loi 21 ne découle pas d'une politique d'adoption cohérente qui tienne compte de la réflexion concertée de plusieurs ministères et des organismes non gouvernementaux. Cette politique devrait être élaborée avec la collaboration de plusieurs ministères dont les Communautés culturelles et l'immigration, la Justice, les Relations internationales, la Santé et les Services sociaux, bien sûr, et, s'il y en a d'autres, ils pourraient s'ajouter. Cette politique devrait faire l'objet d'une consultation auprès des organismes d'adoption internationale et des associations de parents, ainsi qu'auprès du Barreau du Québec et de tout autre organisme intéressé.

Troisième recommandation: Monde-Enfant demande au gouvernement du Québec la création d'un organisme parapublic autonome qui veillera à coordonner les démarches des adoptants et les activités des organismes qui interviennent dans l'adoption des enfants domiciliés hors Québec. Un tel organisme peut être créé en vertu des lois du Québec et il serait administré par un

conseil d'administration où la représentation serait un équilibre entre les organismes accrédités en matière d'adoption internationale, les représentants des associations de parents et les représentants des divers ministères concernés par l'adoption internationale.

Dans notre résumé, on fait une liste de tous les mandats qui peuvent être consacrés à cet organisme parapublic et on dit que le gouvernement serait assuré, de cette façon, d'une coordination et d'une concertation cohérentes entre tous les intervenants de manière à favoriser l'adoption internationale dans le respect des droits de l'enfant.

Quatrième recommandation: Monde-Enfant demande au gouvernement du Québec d'accorder, dans la prochaine réforme fiscale, des crédits d'impôt aux parents adoptants équivalents au coût qu'ils ont à défrayer pour une adoption internationale.

En conclusion, Monde-Enfant réalise que les problèmes d'adoption internationale n'ont pas été réglés par la création du Secrétariat à l'adoption internationale. Il existe un article datant de 1982 qui parle de problèmes d'adoption internationale, qui fait référence à un colloque des centres de services sociaux qui s'est tenu en 1980, qui parlait des problèmes de coordination concernant l'adoption internationale, et on est ici devant vous, encore aujourd'hui, pour parler des problèmes de coordination et de la complexité des procédures en adoption internationale. Et on n'a qu'un projet de loi, on n'a pas encore de politique d'adoption internationale.

Au contraire, la situation se détériore de plus en plus avec la mise en place d'un système bureaucratique de plus en plus lourd qui engendre de la méfiance de part et d'autre. Monde-Enfant croit qu'il est urgent d'établir une structure de concertation et de décision qui réunisse les représentants de tous les intervenants en matière d'adoption internationale. Monde-Enfant croit qu'un domaine aussi humanitaire et diversifié que l'adoption internationale ne peut être limité à sa plus simple expression, mais doit être encadré par des règles souples et des procédures limitées au strict nécessaire. Or, nous estimons qu'il est possible au cours de l'année 1987 de mettre en place un système légal et administratif à la suite d'une réflexion impliquant l'apport de tous les intervenants. Encore une fois...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, s'il vous plaît!

M. Bécotte: Je termine, encore quelques lignes. Encore une fois, nous demandons à la ministre et au gouvernement de ne pas tout précipiter, de s'accorder le temps de prendre le recul nécessaire afin d'étudier toutes les recommandations qui seront exprimées à cette commission parlementaire. Nous encourageons, s'il le faut, cette commission à demander au gouvernement un mandat d'initiative pour étudier tous les aspects de l'adoption internationale et pour soumettre à l'Assemblée nationale une politique d'adoption internationale. Ce n'est qu'au prix d'un travail de réflexion qui nécessitera du temps et notre participation que le gouvernement pourra implanter un système légal et administratif qui favorisera l'adoption internationale pour le bien des enfants abandonnés dans les pays étrangers et aussi pour le bien des parents adoptifs qui désirent offrir un foyer à ces enfants. C'est tout pour notre présentation.

Le Président (M. Bélanqer): Bien, je vous remercie. Avant de passer aux questions des deux partis, j'aimerais avoir le consentement pour qu'on puisse continuer jusqu'à 12 h 30 de façon à pouvoir terminer avec l'Association Monde-Enfant et ne pas la faire revenir après l'ajournement de ce soir. J'ai le consentement unanime? Bien!

Vous faisiez une remarque tout à l'heure en vertu de l'article 173 du règlement prévoyant qu'on peut limiter les interventions à dix minutes consécutives. Est-ce que vous voulez toujours vous en prévaloir? Oui. Alors, je demanderais donc au parti ministériel tout comme à l'Opposition si on peut répartir en deux sections de dix minutes les interventions des groupes. Vous êtes d'accord?

Mme Lavoie-Roux: Je trouve que... Une voix: Dix, douze minutes...

Mme Lavoie-Roux: En tout cas, cela n'a pas d'importance.

Le Président (M. Bélanger): Cela n'a pas d'importance. Bien!

Je cède donc la parole à Mme la ministre de la Santé et des Service sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier l'Association Monde-Enfant pour son mémoire que j'ai lu en entier même s'il est assez volumineux. J'ai été intéressée, entre autres, par la lecture des procédures d'adoption en république Dominicaine. Quoique cela ne fasse pas l'objet d'étude de la part de la commission, actuellement, je pense que c'est intéressant.

Brièvement, j'ai réalisé que, comme un autre groupe qui est venu ici avant, au-delà de l'adoption internationale proprement dite, vous vous intéressez au problème du pays lui-même et vous avez pris des initiatives qui donnent à l'adoption internationale une perspective encore plus large et plus

humanitaire. Il faut reconnaître que c'est une très bonne initiative.

Je voudrais reprendre certaines de vos remarques. Évidemment, je ne pourrai pas toutes les reprendre. Vous avez beaucoup insisté sur le fait qu'actuellement il n'y a pas de politique sur l'adoption internationale. Il est exact qu'il n'y a pas de politique écrite sur l'adoption internationale, mais je dois vous dire que nous y travaillons et je peux au moins indiquer à ce moment-ci que nous voulons favoriser l'adoption internationale. Je pense qu'il y a dans le projet de loi 21 et dans le règlement qui en découlera des éléments qui devraient être modifiés. Vous faites des remarques à ce sujet, un peu dans le même sens que le Barreau. Ces éléments doivent être mis à jour en fonction du projet de loi 21 qui sera finalement adopté.

Vous recommandez de ne pas accepter le projet de loi 21 et le projet de règlement sur l'adoption internationale, tels qu'ils sont présentement formulés. Je vais reprendre vos recommandations les unes après les autres. Ce sera peut-être plus rapide de cette façon-là.

Il est évident que l'objectif de la commission, c'est précisément d'obtenir des suggestions, pour qu'on puisse apporter, s'il y a lieu, des clarifications au projet de loi qui est devant nous et au règlement. Je ne répète pas ce que je viens de dire.

Je voudrais revenir encore - je pense que vous étiez ici et que vous étiez ici la première année - sur le râle qui devrait être joué par Ies organismes reconnus d'adoption internationale. Evidemment, vous avez lu votre mémoire. Peut-être qu'à la suite de ce que j'ai dit, vous êtes au moins rassurés sur le fait que ce n'est pas l'intention du gouvernement de vous mettre de côté ou encore de vous utiliser, pour utiliser vos termes, comme des sous-fonctionnaires de l'État. Nous croyons que les organismes d'adoption internationale reconnus, qui acceptent de s'associer au gouvernementet d'être, au fond, le prolongement, je dirais, de la ministre dans les démarches qui doivent être faites sur le plan international dans des pays qui sont désignés et reconnus, vont continuer d'exister. En ce sens-là, ce n'est pas du tout le désir de la ministre, de se substituer par le secrétariat à l'adoption aux organismes qui ont accepté de s'associer, comme je le disais tout à l'heure, à cette convention type qui, à l'occasion de la commission parlementaire, lors de la révision du projet de loi et du règlement, devra également être aussi mise à jour.

Pour nous, les organismes d'adoption internationale reconnus demeurent des interlocuteurs privilégiés de la ministre dans ses rapports avec l'étranger. Je l'espère; en tout cas, même si je le répète dix fois, on pourra au moins me citer par la suite.

Comme je le disais, si le projet de loi ou la convention laisse des doutes - je suis d'accord avec vous qu'il y a des choses qui peuvent être ambiguës - nous nous proposons de les clarifier en conséquence.

J'aimerais vous poser une question. Vous dites, d'une façon qui m'apparaît assez absolue, que l'adoption internationale est un acte de droit privé. Qu'est-ce que vous entendez par "acte privé", vu que vous reconnaissez en même temps que l'adoption internationale doit être encadrée par une loi et des règlements, enfin avec lesquels vous pouvez être d'accord ou en désaccord? Je veux donc savoir quelle signification vous donnez au terme "droit privé" quand vous l'utilisez.

M. Bécotte: C'est-à-dire que le terme qu'on utilise, c'est un terme où il existe des lois dont nous devons rendre compte devant les tribunaux. Par conséquent, tout ce qui est d'ordre public et qui encadre l'adoption internationale, que ce soient des politiques ou de3 procédures administratives, ça vient finalement enrober de façon un peu complexe cet acte de droit qu'on fait de manière privée, mais devant les tribunaux.

Mme Lavoie-Roux: L'acte d'adoption lui-même n'est pas un acte de droit privé dans le sens que...

M. Bécotte: C'est-à-dire qu'on doit aller devant les tribunaux pour...

Mme Lavoie-Roux: Cela ne regarde personne, sauf les individus entre eux. Ce n'est pas ce que vous avez voulu dire.

M. Bécotte: Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Pour qu'un acte d'adoption puisse se faire entre des parents et un enfant, si les parents sont connus, il y a des procédures établies dans les lois. L'État intervient en légiférant et, par la suite, son intervention est laissée à l'interprétation des tribunaux. C'est ce que j'ai voulu dire par un acte de droit privé. En premier lieu, c'est un acte de droit privé dans le sens où c'est un acte qui se fait en vertu des lois d'un pays et qui se fait devant les tribunaux.

Mme Lavoie-Roux: En page 4 de vos recommandations, vous dîtes que la politique d'adoption internationale doit tenir compte de la réflexion concertée de plusieurs ministères. Vous énumérez l'immigration, les Relations internationales, la Santé et la Justice. J'aimerais vous dire que l'élaboration de ce projet de loi a été justement le résultat d'un effort concerté, prolonqé et intense de ces quatre ministères et que ce n'est pas uniquement le résultat du travail du ministère de la Santé et des Services

sociaux. Si ceci peut corriger peut-être l'impression que vous avez eue...

Mme Marchand (Danielle): Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose, Mme la ministre? Je pense qu'on ne faisait pas nécessairement référence au projet de loi, mais aussi à toutes les procédures administratives qui demandent, au fond, une concertation constante entre ces ministères. Ce qui fait problème présentement, c'est justement qu'il n'y a pas de concertation, ou, s'il y en a, je pense qu'on l'oublie. Alors, c'est dans le fonctionnement quotidien où on a à traiter avec les dossiers qu'on se rend compte que finalement ces intervenants ne sont pas assis à la même table et qu'il n'y a pas de concertation quotidienne en tout cas dans le fonctionnement du processus d'adoption. C'était pourquoi surtout on a mis cela.

Mme Lavoie-Roux: En tout cas, c'est comme cela que je vois le rôle du ministre. Ce rôle de coordination, entre autres, qui lui est dévolu, c'est justement d'assurer que cette concertation se fasse. Je vois mal comment on peut éviter d'en faire, par exemple, disons avec le ministère des Relations internationales et le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles qui, de toute façon, ont un rôle à jouer au moment de l'arrivée des enfants ou des ententes avec d'autres pays. Je pense que cela exige la présence de ces deux ministères d'une façon particulière. C'est bien notre intention qu'ils soient partie à ce que seront les règles administratives de fonctionnement, appelons-le quotidien, de l'application de cette loi.

Mme Marchand (Danielle): Madame la ministre, les intervenants en matière d'adoption internationale sont laissés totalement dans l'ignorance par rapport à toutes ces ententes ou cette façon de fonctionner, ce qui crée de graves problèmes quant au fonctionnement. Je tiens aussi à l'ajouter. Malheureusement, on n'est pas au courant de ce qui se passe ni des ententes qui peuvent se faire entre les autres ministères. (12 heures)

Mme Lavoie-Roux: J'ai lu dans votre rapport sur la république Dominicaine - vous en faites le reproche d'ailleurs; c'est peut-être bien justifié, je n'ai pas eu le temps d'en examiner le bien-fondé - que vous vous opposez à ce que le secrétariat à l'adoption puisse aller dans un pays pour préparer une entente, entre États ou encore sur le plan administratif, et que, dans le cas de la république Dominicaine, vous vous êtes sentis laissés de côté par la façon dont on a procédé. Je pense que c'est bien dans votre mémoire que j'ai vu cela.

M. Bécotte: On ne dit pas qu'on s'oppose à ce que le secrétariat ou un représentant de la ministre se rendent en république Dominicaine pour y négocier les termes d'un accord en adoption internationale. Ce qu'on déplore, c'est que ces interventions se sont faîtes en ne tenant pas compte du tout de la présence de notre organisme dans le pays de la république Dominicaine. Nous ne sommes pas, à l'heure actuelle, informés de la tendance que vont prendre les termes d'un tel accord et nous allons devoir discuter avec vous ou avec vos représentants dans quelques semaines - je sais que vous êtes presque rendus à un accord - sur la façon dont on va vous assister en ce qui concerne l'adoption internationale en république Dominicaine.

II nous semble qu'avec l'expérience que nous avions là-bas depuis trois ou quatre ans, on aurait pu, en cours de route, avoir des rencontres avec vos représentants pour voir si les termes de l'accord vont faciliter le travail d'un organisme ou le compliquer.

Mme Lavoïe-Roux: De toute façon, dans ce domaine d'entente entre États, qu'elle soit d'ordre administratif ou plus officielle, il va nous falloir examiner de quelle façon les organismes pourront être mis à contribution parce qu'on entre peut-être dans un autre domaine de fonctionnement. Quoi qu'il en soit j'ai pris note de votre remarque. Mes dix minutes sont écoulées. Oui.

M. Bécotte: Je voulais juste vous dire qu'on est au courant que vous avez avec vos fonctionnaires repris une démarche commencée par l'organisme Monde-Enfant et par le programme de garde légale fait en vertu de la loi 1406 de la république Dominicaine. Nous avions demandé et offert notre collaboration au Secrétariat à l'adoption internationale pour résoudre les problèmes de fonctionnement qu'il pouvait y avoir à ce sujet. Mais, finalement, on n'a eu, aucune information sur la continuité du programme de garde légale. Encore aujourd'hui, on conaît des difficultés quotidiennes d'application administrative concernant ce programme de garde légale.

Mme Lavoie-Roux: Si vous me le permettez, cela me fera une minute de moins, M. le Président. Du fond, je pense que vous reconnaissez ou que vous êtes peut-être prêts à reconnaître qu'en ce qui concerne la signature d'ententes, cela doit se faire d'État à État. Vous voulez, ce que je crois comprendre, savoir s'il y a une collaboration particulière que vous pouvez apporter afin que l'on puisse en tenir compte.

En tout cas, je pense que toute la question doit être examinée dans cette perspective.

M. Bécotte: C'est exactement cela, Mme la ministre. C'est cela, ne pas être un sous-fonctionnaire bénévole, participer et être pleinement reconnu, non seulement après coup, mais en cours de travail.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Alors, il me fait plaisir de vous accueillir au nom de ma formation politique. À la lecture de votre mémoire - il est assez volumineux - je pense que vous avez bien fait le tour de la question. On y sent une préoccupation réelle parce que vous avez une longue expertise. Vous avez à coeur de faire en sorte que les organismes intermédiaires jouent leur rôle dans l'avenir, comme ils l'ont bien assumé jusqu'à maintenant.

Il me semble que vos problèmes - vous me corrigerez s'il y a lieu - sont apparus à partir de novembre 1986. Vous avez eu certains problèmes au moment du décret de novembre 1986. En tout cas, l'adoption a commencé à être plus difficile dans certains pays. Est-ce que vous avez été touchés par ce décret?

M. Bécotte: Oui. On a été touchés par le décret puisque le programme de garde légale, sur lequel nous avions une entente avec les représentants de la république Dominicaine, n'était plus reconnu; on y disait qu'on ne pouvait faire entrer des enfants ici que s'il y avait un accord entre États. Par contre, d'un autre côté, nous pouvions continuer à oeuvrer dans le pays parce que la loi de la république Dominicaine permet d'accorder l'adoption pleine et entière aux parents qui en font la demande.

Alors, on fonctionnait dans les deux sens, c'est-à-dire sur deux voies: sur une voie, l'adoption plénière on pouvait fonctionner et, sur l'autre, qui était la garde légale, on ne pouvait plus fonctionner. On s'est fait dire, par les gens du Secrétariat à l'adoption internationale, que notre entente ne valait rien et ce, même avant le décret. Or, depuis 1985, le Secrétariat à l'adoption internationale nous donnait des dossiers dans le cadre de ce programme de garde légale. Donc, il y avait accord tacite sur ce programme de garde légale. Pourquoi est-ce que cela a pris deux ans avant qu'on nous dise qu'une telle entente n'était pas valable?

Mme Vermette: Est-ce que l'attitude du secrétariat, qui cherche à signer des ententes avec les pays étrangers pour l'adoption, peut nuire à l'autonomie des organismes? Est-ce que vous êtes en train d'essayer de nous dire? Est-ce que l'attitude du secrétariat de vouloir signer unilatéralement des ententes pourrait nuire à l'autonomie des organismes?

M. Bécotte: Je crois qu'un orqanisme qui sert d'intermédiaire ou qui peut intervenir directement dans un pays peut avoir des accords beaucoup plus souples que s'il s'agit d'un accords officiels entre États.

Les accords officiels entre États mettent en place des mécanismes relativement lourds. Ils mettent en place obligatoirement une procédure administrative et une procédure bureaucratique qui vont nécessairement allonger les délais et qui de plus vont rendre plus difficile le travail de l'organisme qui assistera le ministre.

Jusqu'à présent, on a démontré qu'on était capables de s'adapter et de discuter avec le secrétariat à l'adoption, sauf que lui, n'a pas démontré qu'il était capable de s'adapter et de discuter avec les organismes.

Mme Vermette: Est-ce que le secrétariat à l'adoption a conclu beaucoup d'ententes avec d'autres États à votre connaissance?

M. Bécotte: Le secrétariat s'apprête peut-être... est en cours de négociation pour favoriser la signature d'ententes avec différents pays. Jusqu'à maintenant, on sait qu'on a un accord administratif avec la Corée et que bientôt nous aurons, semble-t~ il, un accord avec la république Dominicaine.

Mme Marchand (Danielle): II faut dire que cela n'ouvre pas de nouveaux pays. Il se faisait déjà de l'adoption dans ces pays. Il y avait déjà une entente avec les orqanismes dans ces pays. Donc, on ne refait pas le travail, ce n'est pas du nouveau.

Mme Vermette: Ce qui veut dire que les démarches entreprises dernièrement par le secrétariat à l'adoption ce n'était pas dans le but d'ouvrir de nouveaux pays ou de favoriser l'adoption internationale dans différents pays où cela n'existait pas présentement.

M. Bécotte: II aurait pu commencer par des priorités et ouvrir certains pays qui ne sont pas clairement ouverts, par exemple, aller aux Indes. Au lieu d'aller en Amérique latine où c'est relativement facile pour des Québécois de se rendre pour les organismes que nous sommes, il aurait pu, par exemple, se diriqer vers l'Asie et approfondir un voyage là-bas. Or, il n'a pas fait cela au début. Au début il s'est dirigé vers l'Amérique latine et les Antilles pour prendre le contrôle de la situation, alors qu'il y avait des organismes qui oeuvraient dans ces différents pays.

Mme Vermette: Dans votre mémoire à la page 34, vous dites que "le projet de loi

21 abroge l'article 622.1 et le remplace par une autre orientation plus étroite qui demande au tribunal appelé à vérifier au préalable la régularité d'un projet de s'assurer qu'en vertu de la loi étrangère un lien de filiation sera créé entre l'enfant et l'adoptant, que ce lien se substituera au lien de filiation d'origine et que ce dernier sera en conséquence rompu, ou si la loi étrangère n'a pas pour effet de rompre le lien... par un représentant...1'

Vous avez l'air de considérer que le projet de loi va devenir beaucoup plus fastidieux en abrogeant l'article 622.1 tel que stipulé par la loi 21 maintenant. Est-ce que pour vous cela devient...

M. Bécotte: Par exemple, dans le cas d'une adoption simple, le fait de devoir obtenir l'accord d'un représentant autorisé d'un pays étranger, cela devient fastidieux. Pourquoi devrait-on avoir un tel accord lorsqu'on est déjà reconnu dans le pays auprès d'un organisme public ou privé qui nous a été désigné? Je pense que, lorsqu'il y a des reconnaissances d'organismes, on devrait pouvoir faciliter, la reconnaissance d'un jugement d'adoption, et dire: D'accord, cela passe par un organisme accrédité à la fois ici et dans le pays d'origine de l'enfant.

Le propos de notre recommandation, finalement, c'est de remettre l'article 622.1 qui dit que le tribunal devra apprécier si le jugement d'adoption crée un lien de filiation. On trouvait cela beaucoup plus universel et beaucoup plus appréciable avec un juge qu'une série de critères qui font en sorte que le juge voit réduire sa possibilité d'appréciation pour un jugement d'adoption.

J'entendais tout à l'heure les membres du Barreau dire qu'on devait plutôt faire en sorte d'améliorer le processus de reconnaissance d'un jugement d'adoption, non pas pour vérifier si le projet crée ou coupe les liens de filiation - il faut d'abord vérifier s'il en crée - mais plutôt pour donner les effets d'un jugement d'adoption plénier ici au Québec. Ce sont les effets qui sont importants. Nous croyons que le Code civil antérieurement tel qu'il est faisait en sorte d'accorder ces effets lorsqu'il y avait reconnaissance d'un jugement. Bien sûr, on sait qu'il y a des divergences dans la jurisprudence entre les juges. Est-ce que le jugement qu'on reconnaît a les mêmes effets qu'ici au Québec? Il y a une divergence là-dessus. Mais on sait qu'il y a un courant jurisprudentiel qui est majoritaire, visant à reconnaître les jugements d'adoption simple. C'est quand même important.

Mme Vermette: Par contre, un peu plus loin, vous demandez que la vérification par le tribunal ne soit exigée que pour les adoptants qui n'agissent pas par l'intermédiaire d'un organisme reconnu. Donc, à votre avis, cela voudrait dire qu'un projet d'adoption privé respectueux des règles et procédures du pays de l'adoptant et du pays de l'adopté pourrait faire l'objet, justement, d'une démarche d'adoption internationale.

M. Bécotte: Effectivement. À ce jour, vous avez au Québec environ six organismes reconnus. Heureusement, il y a d'autres organismes qui doivent être mis sur pied, et j'espère que la ministre favorisera la création de ces autres organismes. Mais nous travaillons dans quelques pays seulement. Or, il y a 69 pays au monde qui sont ouverts à l'adoption internationale. Pour les pays où nous ne travaillons pas, il se peut qu'il y ait des Québécois qui, à l'occasion d'un voyaqe ou par les connaissances qu'ils ont là-bas de missionnaires ou de fonctionnaires qui travaillent dans ces pays et qui connaissent des parents ici, aient des contacts pour pouvoir faire une adoption. Cela s'appellerait une adoption de type privé dans le sens où ils sont seuls à faire ces démarches. À ce moment-là, la vérification devrait être faite par un tribunal. Un mécanisme devrait être mis en place pour vérifier si le projet d'adoption est vraiment régulier et il devrait y avoir le consentement d'une personne désignée par l'État où l'enfant réside pour qu'il y ait adoption internationale. Cela permettrait un mécanisme de surveillance que les Etats désirent mettre en place. Mais lorsqu'il y a des organismes, il y a déjà ce mécanisme de surveillance, il y a déjà des accords qui sont conclus.

Mme Vermette! Parfait! Cela va.

Une dernière question. En fin de compte, vous mentionnez les pouvoirs abusifs et illusoires du DPJ, à la paqe 41 de votre mémoire. Vous dites considérer que, dorénavant, avec l'article 4 du règlement, les pouvoirs accordés au directeur de la protection de la jeunesse sont abusifs et illusoires. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails là-dessus.

M. Bécotte: Oui, écoutez, quand on s'occupe des enfants en république Dominicaine, on s'en occupe jusqu'au moment où se fait la proposition de l'enfant. Cette proposition de l'enfant est faite par l'organisme. Voici ce qu'on fait: on avertit le directeur de la protection de la jeunesse, c'est-à-dire sa représentante, la travailleuse sociale qui travaille dans le dossier, qu'on va faire une proposition et que celle-ci est en accord avec ce que les parents désirent. On attend de voir si la travailleuse sociale a une recommandation à faire, s'il ne devrait pas y avoir un changement au niveau du jumelage. Or, c'est nous qui prenons les devants. Dans le projet de rèqlement, on dit qu"'il intervient pour s'assurer qu'il est dans l'intérêt de l'enfant d'être jumelé à

l'adoptant". Finalement, si un DPJ désire intervenir avec ses pouvoirs pour savoir si c'est dans l'intérêt de l'enfant, comment va-t-il pouvoir le faire? Il va nous demander tout un "pedigree" sur l'enfant, il va recevoir cela sur papier, il n'aura pas vu l'enfant auparavant, il aura pris très peu de contacts avec les parents, parce qu'à partir du moment où l'évaluation est faite et où on va faire la proposition de l'enfant, c'est avec l'organisme que le parent chemine. Nous avons des personnes-ressources qui sont en contact avec eux et qui voient tout le mûrissement du projet d'adoption des parents. Donc, c'est finalement illusoire de dire que le DPJ pourrait intervenir et pourrait intervenir. Il pourrait, en fin de compte, décider s'il est dans l'intérêt de l'enfant d'être jumelé à ces adoptants. (12 h 15)

Le Président (M. Bélanger): M. ledéputé de Laurier.

M. Sirros: Oui, M. le Président. Vous dites quelque part dans votre mémoire, en parlant de l'adoption plénière et simple, que le consentement de l'État qu'on demande dans les cas d'adoption simple vient créer un embêtement supplémentaire, une complication inutile. Vous dites même à un moment donné; Si vous demandez le consentement de l'État dans les cas d'adoption simple, pourquoi ne le demandez-vous pas dans les cas d'adoption plénière si c'est dans le but d'éviter le trafic d'enfants, etc.? Est-ce que je pourrais vous demander si la question, vous l'avez examinée un peu sérieusement ou si c'était juste... La question que je me pose, c'est: Est-ce que vous jugez que ce serait utile dans ce cas-là, afin de contrer le trafic d'enfants, etc., d'exiger également le consentement de l'État dans les cas d'adoption plénière?

NI. Bécotte: Dans les pays où les organismes ne sont pas accrédités auprès des pays étrangers, où des organimes québécois ne sont pas accrédités, où des organismes ne sont pas intermédiaires, où le ministre n'est pas intermédiaire, je crois qu'il est essentiel qu'on puisse obtenir un consentement d'une personne désignée par l'État pour pouvoir faire une démarche d'adoption dans ce pays-là. Et cela sécurise les parents dans le sens où ils éviteront d'entrer dans un engrenage où il pourrait y avoir trafic d'enfants, où il pourrait y avoir doute sur des consentements légaux. D'accord? Dans les pays où il y a des organismes qui oeuvrent, avec qui le ministre a des ententes, eh bien! il y a déjà un mécanisme de contrôle qui est mis en place, il y a une éthique officielle, il y a des accords qui sont faits, il y a des procédures qui sont mises en place de façon à faire cette surveillance-là. On dit que, dans les pays où des organismes ou le ministre ne sont pas présents il pourrait y avoir des démarches par contacts privés, mais ces démarches, pour une adoption plénière ou simple, devraient faire l'objet du consentement de l'État par une personne désiqnée par cet État étranger, afin que ce pays puisse avoir un contrôle sur ce qui se passe chez lui au point de vue de l'adoption internationale.

M. Sirros: Uniquement dans la situation où des organismes comme le vôtre n'oeuvrent pas dans le pays.

M. Bécotte: Uniquement lorsque des organismes ou le ministre n'oeuvrent pas dans un pays.

M. Sirros: Vous jugez è ce moment-là que, dans la situation contraire, l'existence de l'organisme ou l'oeuvre que remplit l'organisme dans le pays suffit pour s'assurer qu'il n'y a pas ce genre de danger.

M. Bécotte: Oui, vous devrez voir: On présente des rapports devant les organismes étrangers et on est soumis à une certaine surveillance dans ces pays-là, alors qu'une personne qui agit seule n'est pas facilement retraçable dans le pays. D'accord?

M. Sirros: Merci, monsieur.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez des réserves quand même quant à l'appel devant le Tribunal de la jeunesse pour faire reconnaître un projet d'adoption comme possible. Vous admettez, par contre, que c'est mieux que le tribunal ait le pouvoir discrétionnaire plutôt que les fonctionnaires ou, en d'autres termes, que le tribunal ait le pouvoir discrétionnaire au lieu du ministre. Là-dessus, je suis d'accord avec vous. C'est justement dans le but d'éliminer ce pouvoir discrétionnaire que les tribunaux ont remis en question le fait que nous procédions de cette façon-là.

Vous voudriez que cela soit donné à l'organisme, que l'organisme puisse exercer ce pouvoir discrétionnaire. Est-ce que le reproche qu'on faisait au ministre d'exercer un pouvoir discrétionnaire ne serait pas maintenant dirigé vers les organismes internationaux reconnus? Au fond, ce serait la même chose. Pourquoi l'a-t-on donné au tribunal? C'est parce que c'est un pouvoir judiciaire qui est censé être trè3, très vertueux. Là, on se remet dans la même position les uns les autres si on vous le donne.

M. Bécotte: Écoutez! La vérification d'un projet se faisait auparavant par les gens

du Secrétariat à l'adoption internationale et avant le secrétariat cela se faisait par les organismes.

Mme Lavoie-Roux: Mais on nous l'a reproché aussi.

M. Bécotte: Oui, mais à partir du moment où le Secrétariat à l'adoption internationale s'est mis en place, on vous l'a reproché parce qu'il y avait une lenteur là-dedans et il y avait de multiples doutes sur les consentements à l'adoption. Il y a une variété de pays, il y a une variété de lois qui ont des mécanismes particuliers de consentement. Il y a toutes sortes de principes aussi ou de jugements de valeur qui se basaient sur ces consentements. Nous disons que l'organisme s'assure qu'on respecte, dans un projet d'adoption, les règles du pays où se fait l'adoption. Donc, que les parents puissent obtenir des consentements à l'adoption qui soient légaux, qui respectent les lois du pays. Après avoir travaillé par l'intermédiaire d'un organisme, lorsque la personne se présentera devant le tribunal, celui-ci pourra vérifier si les règles d'adoptabilité ont été suivies. Dans le cas où la vérification est toujours faite au préalable par un tribunal, cela va être encore un autre mécanisme judiciaire par lequel on va devoir passer. Je ne suis pas aussi optimiste que les gens du Barreau qui disent que cela peut être présenté très facilement. Bien sûr, eux travaillent pour leur clocher. Ce sont eux qui vont aider les parents; ils vont recevoir des honoraires pour présenter ces projets réguliers. Je ne suis pas aussi sûr qu'eux que ces projets vont être présentés aussi facilement, en trois, quatre ou cinq jours. Ce n'est pas partout en quatre ou cinq jours.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laurier.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si vous me le permettez, je voudrais juste ajouter que ce n'est pas juste une affirmation du Barreau. C'est l'expérience qu'on vit. Les ordonnances de placement prennent de deux à trois jours. Au début, quand on avait prévu ce mécanisme, cela avait été fortement critiqué parce qu'on disait: Cela va créer des retards indus et... Â l'expérience, cela ne crée pas ce type de retard. Je pense qu'on peut présumer que la même chose se produirait dans le cas d'un jugement touchant l'adoption.

Je voudrais juste remercier l'association encore une fois. Je pense que nous allons avoir à discuter à nouveau. Vous serez consultés davantage sur la convention type et au moment d'essayer d'éclaircir le plus possible les points qui demeurent obscurs. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Bien! Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Pour continuer. Â la page 43, vous remettez en cause l'article 7 du projet de loi. L'article 72.1 sera remplacé par 72.1.1 qui spécifie que "la ministre de la Santé et des Services sociaux doit, afin d'assurer le respect des droits de l'enfant, coordonner les démarches des adoptants et les activités des personnes qui interviennent à l'adoption des enfants domiciliés hors du Québec."

Vous mentionnez dans votre mémoire que, par le libellé de cet article, la ministre de la Santé et des Services sociaux se donne le pouvoir de coordonner par l'intermédiaire du secrétariat toutes les démarches des adoptants et les activités des personnes qui interviennent dans l'adoption des enfants domiciliés hors du Québec. Vous semblez faire des interrogations face à cette démarche. Si vous avez certaines suggestions, est-ce que vous pourriez expliciter davantage là-dessus?

M. Bécotte: Les interrogations qu'on a, écoutez, avec tout le respect que je dois à la ministre de la Santé et des Services sociaux, je pense qu'on doit faire face à la réalité qu'aujourd'hui, en 1987, on est encore devant un problème de coordination entre tous les intervenants en adoption internationale. Ce problème était mentionné en 1980 dans un colloque des centres de services sociaux. Il a été mentionné en 1982 par l'association Soleil des nations. Lors de notre participation à un colloque sur l'adoption internationale en février, nous avons relevé les mêmes problèmes. Alors, on se dit: De grâce, pourquoi ne pas mettre en place un mécanisme de coordination un peu plus bas que la ministre, qui permet de travailler sur le terrain à la petite semaine et de faire en sorte qu'on puisse avoir des mécanismes de communication faciles et rapides au sein d'un conseil d'administration d'un organisme parapublic qui, lui, serait mandaté par le gouvernement pour s'occuper de l'adoption internationale de façon à encadrer les démarches d'adoption internationale.

Avec tout le respect que je dois à la ministre, je ne crois pas que si elle garde la coordination de l'adoption internationale, elle va pouvoir résoudre les problèmes. Elle va parler beaucoup des problèmes, elle va en entendre parler beaucoup, mais de là à les résoudre et à trouver d'autres solutions que celles qui ont déjà été trouvées dans le passé et qui n'ont pas pu être appliquées, on va être encore devant les mêmes problèmes dans cinq ou six ans.

Mme Marchand (Danielle): Si le passé est garant de l'avenir, je pense qu'on peut se

permettre d'être pessimiste.

Mme Vermette: C'est pour cela que vous demandez qu'il y ait un organisme multidiscîplinaire qui soit mis sur pied, avec différents intervenants, des parents... et qui soit pluraliste, en fin de compte.

M. Bécotte: Exactement. Je pense que si on met en place un organisme avec un conseil d'administration représentatif de tous les intervenants dans le domaine de l'adoption internationale, vous venez de régler le problème de communications entre tous ces intervenants. D'accord? Chacun va devoir expliquer au sein du conseil d'administration les raisons des procédures et on va pouvoir, finalement, au jour le jour et de mois en mois, résoudre les problèmes et non pas en créer de nouveaux. Ce n'est qu'au prix d'un tel organisme que nous croyons pouvoir avoir un mécanisme de coordination valable pour l'adoption internationale.

Mme Marchand (Danielle): Là-dessus, je voudrais ajouter que le grave problème qu'il y a eu à venir jusqu'à maintenant en adoption internationale, c'est qu'il n'y a jamais eu de concertation et de consultation. Mot, je pense que, si on veut le régler une fois pour toutes, il est temps qu'on agisse et il est temps qu'on mette les mécanismes en place pour établir cette concertation. 11 n'y a pas une expertise en adoption internationale, il y en a plusieurs. Moi, je dis qu'il faut mettre tout ce monde ensemble -ce qui ne s'est jamais fait depuis le début -pour que ces gens puissent trouver des solutions aux problèmes quotidiens. Je ne voudrais pas qu'on revienne en 1990 ici devant une autre commission parlementaire pour essayer de trouver encore des solutions à des problèmes qui n'ont jamais été réglés.

Si l'État a vraiment la ferme intention d'agir, une fois pour toutes, pour apporter des solutions, je pense qu'il faut se donner les moyens et on pense que c'est le moyen à l'heure actuelle. Je m'excuse d'avoir pris votre temps.

Mme Vermette: Non, ce n'est pas notre temps. S'il y a une commission parlementaire, c'est pour vous laisser le temps de vous exprimer là-dessus et nous aider à faire la lumière sur ta problématique.

Il y aurait beaucoup d'autres questions à poser, ne serait-ce que sur l'évaluation. Vous dites que l'évaluation fait partie un peu de la concertation. On dit que l'évaluation a été interprétée, par les praticiens sociaux, assez arbitrairement et qu'il n'y avait pas de recours à l'égard de certaines décisions.

C'est pour cela que vous avez demandé un mandat d'initiative, ce qui pourrait faire l'objet d'un débat très étendu sur l'adoption internationale. N'avez-vous pas l'impression qu'actuellement, par le projet de loi et par cette commission parlementaire, on va arriver à trouver ta solution pour établir une politique de l'adoption internationale?

M. Bécotte: Mme la ministre disait, tout à l'heure, qu'ils sont en train de travailler très fort sur une politique d'adoption internationale. J'aimerais savoir qui travaille là-dessus, depuis quand et comment? Le projet de loi 21 est présenté ici pour étude devant la commission, strictement le projet de loi 21. Nous avons demandé, en compagnie d'autres organismes, d'élarqir le débat sur l'adoption internationale, afin que l'on puisse voir tous les aspects de la problématique. C'est pour cela qu'aujourd'hui j'ai présenté une problématique qui touchait à tous ces aspects. Ce n'est qu'au prix de faire un tour d'horizon sur tous les aspects de la problématique de l'adoption internationale qu'on va pouvoir créer un projet de loi qui permettra et favorisera l'adoption internationale de façon efficace. Il permettra aussi une coordination.

Je ne pense pas que juste s'attaquer, juste prendre d'abord le mécanisme du projet de loi et l'améliorer que cela va résoudre bien des problèmes dans le domaine de l'adoption internationale. Cela va peut-être en régler une partie, dans le sens qu'il va y avoir un mécanisme qui va être imposé pour l'adoption Internationale, mais cela va laisser place à une multitude d'autres problèmes qui stagnent encore à l'adoption internationale. C'est pour cela qu'on encourage la commission à demander un mandat d'initiative pour étendre la réflexion à tous les problèmes de l'adoption internationale et, également, pour que cette politique d'adoption internationale ne soit pas uniquement le fait d'un ministère, mais qu'il puisse aussi y avoir des députés qui participent à la préparation de ladite politique, des députés qui seront sensibles à ce que vous venez d'entendre des différents organismes sur l'adoption internationale.

Mme Lavoie-Roux: M. le président, si vous me le permettez, je pense que l'objet de cette commission parlementaire est justement de vous entendre. Vous venez de le dire vous-même. Évidemment, on pourrait toujours retarder cela mais déjà, on a eu suffisamment de protestations indiquant qu'il y avait des lacunes profondes qui devaient être corrigées et c'est l'exercice qu'on fait.

Est-ce qu'on arrivera à un projet parfait? Je ne pense pas qu'il y ait de projet de loi qui soit parfait, d'autant plus qu'on est devant une problématique très complexe-Mais je pense que les efforts sont fournis et cela n'est pas - je le répète - le projet de loi du ministère de la 5anté et des Services sociaux uniquement. J'insiste là-dessus mais

je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure.

Je ne voudrais vraiment pas qu'on parte avec cette idée, parce que les ministères de la Justice, des Communautés culturelles et des Relations internationales, d'une façon toute particulière, se sont impliqués dans l'élaboration de ce projet de loi.

M. Bécotte: Mme la ministre, est-ce que la politique d'adoption qu'on est en train d'élaborer est élaborée en concertation avec d'autres ministères également?

Mme Lavoie-Roux; Oui, il y a d'autres ministères, mais nous ne sommes pas aussi avancés que ce projet de loi là qui devait régler des problèmes qui ne pouvaient plus tarder. Je pense qu'avec une révision du règlement et avec une révision de la convention type... Encore une fois, personne ne peut prétendre que par un projet de loi, un règlement ou même par une politique, on peut tout corriger, parce qu'il y en a des tas de politiques qui ne sont pas appliquées non plus.

Alors, ce qui est important, c'est au moins de corriger ce qui demande d'être corrigé le plus rapidement possible. Et c'est l'exercice que nous faisons présentement,

Mme Vermette: II me fait plaisir de vous remercier et, en terminant, quant à ce que vous avez demandé, un mandat d'initiative, j'aurais trouvé fort heureux que la ministre démontre réellement sa volonté d'arriver à trouver des solutions par un mandat élargi, tel que nous le lui avons demandé à la commission parlementaire, à l'heure actuelle. Avant d'écrire ce projet de loi 21, il y aurait eu place pour une commission parlementaire entre la rédaction du projet de loi 139, les règlements, pour reprendre, encore une fois, tout ce qui a été fait, et ce, depuis le mois de novembre 1985.

Effectivement, il aurait été beaucoup plus cohérent d'entendre l'ensemble des intervenants avant de rédiger le projet de loi 21 et de refaire de nouveaux règlements qui devront être concordants avec le projet de loi.

Mme Lavoie-Roux: Et peut-être qu'on n'en serait pas là, Mme la députée de Marie-Victorin, si en 1979, 1980, 1981, 1982 et 1983, chaque fois qu'on a touché à l'adoption internationale, on avait tenu une commission du type de celle qu'on tient aujourd'hui.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie de votre participation. La commission ajourne ses travaux sine die. On sait que nous siégerons à nouveau à 20 heures ce soir, en principe. Mais en pratique, je dois ajourner sine die, puisque l'ordre de la Chambre ne nous donnait que jusqu'à ce midi.

S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Une voix: II y aura une demi-heure sur ce sujet ce soir au téléjournal Le Point. Je pense que cela peut être très intéressant pour les membres de l'Assemblée.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

(Reprise à 20 heures)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi 21, Loi concernant l'adoption et modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, le Code civil du Québec et le Code de procédure civile ainsi que le projet de règlement sur l'adoption internationale tel qu'il a été publié à la Gazette officielle du Québec le 11 mars 1987.

Ce soir, nous entendrons en premier lieu Me Jean-François Francoeur et comme deuxième groupe Adoption Estrie.

Me Francoeur, les règles de la commission sont les suivantes. Nous avons une enveloppe globale d'une heure pour l'audition de votre mémoire, dont 20 minutes vous sont consacrées pour la présentation même de votre mémoire et 20 minutes à chacune des formations, les ministériels et les représentants de l'Opposition, pour vous poser des questions. Il faut comprendre que ces 20 minutes comprennent les questions et les réponses. Alors, c'est une enveloppe globale qui ne doit pas excéder 20 minutes que nous diviserons, pour les besoins de la cause, en deux sections de dix minutes chacune. Dix minutes, dix minutes, dix minutes, en vertu de la règle de l'alternance des travaux de cette Chambre. Telle est notre procédure. Je ne vous invite pas à présenter votre équipe puisque vous faites cavalier seul. Me Francoeur, la parole est à vous.

M. Jean Francoeur

M. Francoeur (Jean): Mme la ministre, M. le Président, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs. Tout d'abord, je veux vous remercier de l'occasion que vous m'accordez de présenter un mémoire devant la commission parlementaire sur l'adoption internationale. Ce sujet me tient particulièrement à coeur depuis l'adoption de mes deux enfants au Guatemala en 1976. C'est d'ailleurs depuis cette époque que mon cabinet offre des services spécialisés à tous les parents québécois désirant adopter un enfant dans un pays

étranger.

Après au-delà de 100 adoptions internationales réalisées par l'entremise de plusieurs pays, soit le Guatemala, la Bolivie, la Colombie, le Brésil, le Pérou, les Indes, Taiwan et plusieurs autres, notre étude a eu l'occasion d'acquérir une certaine expérience dans ce domaine que nous sommes heureux de faire partager avec les parents adoptants. Notre rôle consiste principalement dans la préparation du dossier juridique d'adoption incluant les conseils juridiques dont auront besoin les parents adoptants pour réaliser l'adoption internationale dans les meilleures conditions, en respectant la loi et les règlements en vigueur, tant au Canada, au Québec et dans le pays étranger.

En effet, la complexité du droit international et l'application des dispositions législatives québécoises, comme on le voit d'ailleurs clairement avec le projet de loi 21, nécessitent un soutien juridique pour permettre aux couples québécois de réaliser leurs adoptions internationales en toute sécurité et légalité. Notre intervention a contribué à maintes reprises à accélérer le processus d'adoption. Le fait de soumettre aux tribunaux étrangers des dossiers d'adoption complets, respectant intégralement les normes requises suivant leurs lois et coutumes est fort apprécié des autorités concernées. Ayant vécu personnellement le chemin de croix d'une adoption internationale, je vous assure que j'ai éprouvé comme plusieurs parents le sentiment que les fonctionnaires québécois étaient contre l'adoption internationale et que l'on tentait de détruire les projets d'adoption des parents par des pratiques administratives parfois abusives et souvent même dégradantes. Encore aujourd'hui, en 1987, un grand nombre de parents adoptants doivent supplier les autorités compétentes et souvent c'est en pleurant et même à genoux qu'ils s'adressent aux fonctionnaires québécois pour quémander la permission d'adopter un enfant dans un pays étranger, enfant qui leur est déterminé et réservé.

Cette situation est inacceptable et ne devrait pas exister dans une société démocratique. La ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme Lavoie-Roux, sait maintenant que ce ne sont pas seulement quelques parents qui sont insatisfaits, mais un grand nombre dans tout le Québec, incluant même de nombreux organismes d'adoption, tel que votre commission l'a sans doute constaté à travers les nombreux mémoires qui lui ont été présentés.

Même la commission Rochon, dans le rapport qu'elle a publié récemment, mentionne à la page 26: "Les requérants en adoption internationale soulignent te manque de collaboration des différentes instances impliquées dans ce processus, dont plus particulièrement les CSS, le secrétariat à l'adoption et les services québécois et canadiens d'immigration. La lenteur observée dans l'évaluation des données, les tentatives de dissuasion de la part tant des travailleurs sociaux que des "fonctionnaires du secrétariat à l'adoption, l'imposition arbitraire de quotas et l'assujettissement des objectifs poursuivis en matière d'adoption aux impératifs de la politique internationale des gouvernements en place font en sorte que de nombreux parents doivent recourir à des mécanismes privés pour adopter des enfants. Là comme ailleurs, les couples et les familles semblent subir les contrecoups de l'insensibilité du système gouvernemental à l'endroit de leurs besoins propres aussi bien que du caractère inadéquat des services existants."

Nous prétendons que ces commentaires de la commission Rochon sont cohérents avec le contenu du mémoire que nous avons soumis, dont le titre même résume la situation actuelle en matière d'adoption internationale. "Le contrôle québécois sème la panique et détruit les projets d'adoption".

C'est dans les années 1970 qu'ont commencé les premières adoptions internationales. À l'époque, tes CSS, regardaient d'un mauvais oeil la possibilité pour les parents québécois d'adopter des enfants de pays étrangers. À mesure que tes possibilités d'adopter au Québec diminuaient, les démarches pour des adoptions internationales augmentaient sans cesse. Un grand désarroi est survenu dans le secteur des adoptions où les fonctionnaires en place se sont interposés et, par différents moyens, ont tenté de diminuer les demandes d'adoption internationale. C'est alors qu'a commencé l'enfer des parents adoptifs québécois.

Tout d'abord, sous le prétexte que l'évaluation de foyer était une condition essentielle et prérequise à l'adoption d'un enfant, les centres de services sociaux se plaiqnaient ouvertement de leur manque de personnel, comme ils le font d'ailleurs aujourd'hui. Ils se plaignent de leur manque de personnel pour répondre aux demandes d'évaluation. Certains se sont servi des parents adoptants comme boucs émissaires pour justifier des budgets additionnels afin d'augmenter le nombre de leurs travailleurs sociaux. Le manque de ressources des CSS a toujours fait en sorte que les parents doivent attendre plusieurs années que leurs noms atteignent le premier rang sur les listes de l'État avant de pouvoir être évalués par un travailleur social gouvernemental. Les parents privilégiés qui avaient la chance d'être évalués par le centre de services sociaux devaient même s'adresser au tribunal pour obtenir une copie de leur évaluation de foyer. Il s'agissait d'un document secret touchant l'intimité conjugale de la famille, mais dont le couple ne pouvait recevoir copie.

(20 h 15)

Aujourd'hui, après des journées de bataille et de supplication, les parents adoptants peuvent enfin obtenir une copie de leur évaluation de foyer, mais doivent encore attendre plusieurs années avant de pouvoir être évalués par l'État. Pourtant, les citoyens désirant adopter un enfant à l'étranger ne demandent pas la charité au gouvernement du Québec. Il n'est pas nécessaire d'augmenter les budgets ou de donner des budgets additionnels pour procéder à l'évaluation des parents adoptifs. En effet, les parents qui s'engagent dans un projet d'adoption internationale sont des personnes solvables. Ils ne veulent pas quémander une évaluation aux frais de l'État. En ce qui concerne les évaluations de foyers, les parents suggèrent deux solutions. La première serait une évaluation par un professionnel de leur choix, membre de la Corporation des travailleurs sociaux du Québec ou encore de la Corporation des psychologues. Les professionnels du secteur privé possèdent des connaissances égales è ceux de l'État et sont en mesure d'évaluer la motivation, les capacités et les qualités des parents adoptants avec autant de compétence que les travailleurs sociaux des CS5. D'ailleurs, il est évident que les centres de services sociaux s'identifient davantage aux besoins des parents éprouvant de sérieuses difficultés familiales et, quand il s'agit de couples dits normaux, dont le seul désir est d'adopter un enfant, plusieurs intervenants sociaux dans les CSS considèrent anormale cette soif d'adoption qui les anime. Est-ce un péché ou une nouvelle maladie? Plusieurs parents adoptants ont souvent cru avoir attrapé une forme de SIDA de l'adoption dont on voulait les guérir en les décourageant dans leur projet.

Les personnes en place au Secrétariat à l'adoption internationale sont bien au courant de cette situation qui, de l'avis de nombreux parents, est toujours existante aujourd'hui. M. Clément Laurin, coordonnateur au Secrétariat à l'adoption internationale, déclarait publiquement il y a quelques années dans la rubrique "Feux sur l'actualité", qu'il lui a fallu contourner le système québécois d'adoption pour aller adopter un enfant en Colombie. Lorsqu'il a demandé l'autorisation d'adopter en Colombie, on lui aurait répondu bêtement: On ne vous évaluera pas, mais lorsque vous aurez trouvé un enfant, donnez-nous le nom de cet enfant et on le donnera à l'un des 1400 couples inscrits sur les listes gouvernementales, a expliqué M. Laurin, pour démontrer de quelle façon inhumaine son projet d'adoption a été accueilli par le centre de services sociaux. C'est alors que M. Laurin, comme plusieurs parents québécois, a pris la décision de contourner le système gouvernemental et selon l'article de journal il adopta son enfant en Colombie au bout de six ou sept mois, sans attendre plusieurs années. D'autres personnes, dans les centres de services sociaux et les organismes gouvernementaux ont fait de même.

La deuxième solution pour l'évaluation des foyers serait la suivante. Il s'agirait, tout simplement, si le qouvernement croit qu'il appartient exclusivement aux centres de services sociaux d'effectuer les évaluations de foyers, qu'il autorise les centres de services sociaux à donner un mandat au travailleur social de leur choix. Ce dernier pourrait, dans un délai d'une semaine à quinze jours, évaluer les parents adoptants et comme cela se fait déjà à Lonqueuil, à Sherbrooke et dans quelques centres de services sociaux, les parents assumeraient les frais et les honoraires de ce travailleur social privé qui ferait l'évaluation, mais suivant les critères des CSS.

Parlons maintenant du Secrétariat à l'adoption internationale. Le rôle que vous lui donnez nous apparaît excellent, et je le cite, en espérant que c'est bien celui-ci: Coordonner les démarches des adoptants et les activités des personnes qui interviennent dans l'adoption des enfants domiciliés hors du Québec. Nous croyons que le Secrétariat à l'adoption internationale devrait agir comme centre d'information sur l'adoption internationale, dans une première étape et ensuite comme coordonnateur des démarches des adoptants. Il a été démontré au cours des dernières années que, même si on envoie des qens en mission dans différents pays, les pays du monde ne sont pas intéressés à signer des ententes avec le Québec ou avec, d'ailleurs, tout autre pays concernant l'adoption de leurs enfants. D'ailleurs, dans un autre article de journal, le responsable de l'adoption au Québec, M. Roland Guérin, le mentionnait lui-même: "Selon le chargé de projet en adoption internationale au ministère des Affaires sociales, Roland Guérin, la difficulté de recruter des enfants d'origine étrangère pour adoption au Québec, tient en partie à la réticence des pays à officialiser des ententes d'adoption avec l'extérieur. Sur le plan politique - remarque-t-il - ce n'est populaire pour aucun gouvernement d'exporter ses enfants à l'étranqer." M. Guérin écrivait cela il y a quelques années, mais aujourd'hui en 1987, c'est encore la même chose, les pays étrangers ne sont pas intéressés. Par contre, si cet intérêt existait dans certains pays, nous ne voyons aucun problème à le faire pour autant que les citoyens, le Secrétariat à l'adoption internationale et les centres de services sociaux - tout le monde - se donnent la main pour appuyer les parents dans leur projet et les aider.

Il faudrait adopter ce que j'appelle une attitude positive. Encore ce matin, en présence d'une journaliste, un fonctionnaire du Secrétariat à l'adoption internationale nous mentionnait, en dehors des pourparlers

de ia commission, ceci: Je n'ai rien à foutre des parents québécois qui veulent adopter un enfant. L'adoption ne doit pas être un moyen de contrer le problème de natalité. À mon avis, avec une telle approche, la guerre et l'animosité des parents vont certainement se poursuivre à l'avenir.

Le Québec, malheureusement, a le plus bas taux de natalité au Canada et même on nous dit que c'est l'un des plus bas ou le plus bas taux au monde. Il évident que les parents québécois désirent trouver un moyen de combler leur famille. C'est entendu, les gens vont travailler jusqu'à 29 ou 30 ans. Souvent la femme va prendre la pilule. Ils rencontrent des problèmes d'infertilité et ils vont essayer parfois la méthode in vitro ou in vivo. Cela ne fonctionne pas. On essaie en même temps l'adoption au Québec, mais il est notoire que l'adoption, au Québec, cela ne fonctionne pas. Nous n'avons pas d'orphelinat, d'une part, et d'autre part, les enfants disponibles pour adoption sont pratiquement inexistants. Lorsqu'on parle de délais d'attente de douze à quatorze ans sans aucune possibilité de réussir une adoption, c'est aussi bien de dire que l'adoption au Québec est pratiquement inexistante. D'ailleurs, il n'y a certainement pas plusieurs couples ou plusieurs organismes qui sont venus devant vous vous démontrer que l'adoption au Québec était florissante. Cela ne fonctionne pas.

En matière internationale, on considère que l'essentiel, c'est l'enfant; mais pour qu'un enfant soit adopté, il faut des parents. Il faut que les parents aient le désir d'adopter un enfant. Comme le disait un intervenant du Barreau ce matin - et je pense également la même chose - l'adoption c'est un peu comme le mariage et le mariage, c'est une décision personnelle de la famille. On ne pourrait pas dire, par exemple: II n'y a pas assez d'enfants au Québec et il y a beaucoup de gens qui ne sont pas mariés, on va "matcher" les couples et on va faire plus d'enfants.

On ne pourrait pas dire non plus, à Chicoutimi - si je me fie au lapsus du ministre Bouchard, c'est une région qui n'est pas dérangée par l'immigration - que quelqu'un qui voudrait marier une Vietnamienne ne pourrait pas aller résider à Chicoutimi. Le mariage, justement, c'est un acte privé, mais par contre, à partir du moment où on veut poser cet acte privé, on doit s'adresser à un prêtre qui joue également le rôle d'officer d'État civil ou encore on va au palais de justice, on vérifie si les gens sont frère et soeur, on vérifie s'ils sont déjà mariés et l'État coordonne et contrôle les mariages.

En matière d'adoption, c'est la même chose. Il faut distinguer ici adoption publique et adoption privée. Moi, des adoptions privées, j'en ai vues dans le passé. Les gens viennent nous consulter, ils ont un enfant chez eux depuis six ou sept mois, un an, un enfant qui vient de l'Ontario avec un consentement signé par la mère: 3e donne mon enfant à M. Untel. Il n'y a pas de témoin, cela n'a pas été passé devant un avocat ou devant un notaire en Ontario ou encore c'est un enfant qu'ils ont sorti du Mexique par la frontière sous prétexte qu'ils allaient en vacances aux États-Unis, sans papier, avec un document en espagnol qu'eux-mêmes n'étaient pas capables de lire.

Ces gens viennent nous voir et nous disent; Présentez cela au tribunal; cet enfant, on l'a, voici le papier, il est è nous, il n'y a personne qui va venir le chercher. Il y a même des missionnaires dans le passé, à un moment donné, qui disaient aux personnes... J'ai vu un petit bébé d'un an et demi qui est arrivé au Québec pour étudier. Le bon missionnaire avait dit aux parents: II n'y a pas de problème, je connais le douanier, on peut sortir des enfants pour étude et quand il aura dix-huit ans, de toute façon, vous pourrez l'adopter. Une fois qu'il sera sorti du Pérou, arrangez-vous avec, il n'y aura plus de problème en ce qui concerne le Pérou, il est parti étudier.

Cela, ce sont des adoptions privées. Ce sont des gens qui ne demandent aucun contrôle, qui fonctionnent seuls, qui n'ont pas d'appui juridique, qui ne passent pas par des organismes reconnus, qui ne passent pas par l'entremise du ministère de ia Santé et des Services sociaux. Ce sont des qens qui risquent, malgré eux, de s'engager dans un trafic d'enfants.

Par contre, il y a d'autres sortes de couples. Il y a des gens qui font des démarches personnelles. Vous savez, en adoption, on peut dire: Le Québec favorise l'adoption internationale, c'est très intéressant, on a un bas taux de natalité, on va augmenter le nombre d'enfants au Québec, cela va être le "fun", tout le monde va être heureux. Mais, pour favoriser l'adoption internationale, il faut qu'il y ait des enfants. Où est-ce qu'on va les prendre? Ce n'est certainement pas en allant signer des ententes avec des gens, comme l'ex-président Marcos, qui enverraient 100 ou 200 enfants au Canada par année; j'aurais bien peur du trafic entre États, à ce moment-là. Si Marcos avait signé une entente de 200 enfants avec le Canada, de 500 avec les États-Unis et 300 avec la France, qui nous dit que les fonctionnaires responsables ne nous diraient pas, en échange d'armes, de marchandise et de services entre États, par exemple: Bon! vous autres, au Québec, votre taux de natalité est faible, eh bien! on va vous envoyer 5000 enfants et, en échange, vous nous donnerez des armes pour nos contras ou pour n'importe quoi d'autre.

On parle de trafic entre les parents. On peut aussi avoir du trafic entre États.

Par contre, lorsque les parents se présentent et acceptent le contrôle du Secrétariat à l'adoption internationale ou veulent agir par l'intermédiaire du secrétariat ou du ministère, je dis: II n'y a pas de problème. Ce n'est pas une adoption privée. Si c'était une adoption privée, ce serait un acte qui demeurerait privé. Lorsque vous achetez une automobile, vous décidez d'acheter un Chrysler ou un Pontiac, vous ne demandez pas la permission du gouvernement; c'est la même chose lorsque vous allez chez Steinberg. Ce sont des actes privés.

Sauf pour la démarche personnelle et privée, les couples sont entièrement d'accord pour passer par l'intermédiaire ou l'entremise du ministère de la Santé et des Services sociaux pour réaliser leur adoption. Si vous regardez à la dernière page de mon mémoire, vous avez remarqué qu'il y a un document en provenance du Guatemala où c'est écrit: "L'ambassade du Canada au Guatemala est en mesure d'authentifier les documents dans les pays étrangers," Tout le monde a peur du trafic. Lorsque les qens se présentent au secrétariat et que l'ambassade a mis son tampon, eh bien! tant que le Québec fera partie du Canada et que nous serons dans une fédération... L'honorable premier ministre Bourassa l'a mentionné, le Québec est très heureux de faire partie de la fédération. Maintenants le Québec doit reconnaître la compétence des consulats et des ambassades du Canada à l'étranger. On ne peut quand même pas ouvrir au Guatemala une maison du Québec ou encore faire le travail en double.

Lorsque les parents se présentent à l'ambassade du Canada pour faire authentifier les signatures de leurs documents, l'ambassade peut toujours, à tout instant, aviser le ministère de la famille ou le ministère public que tel avocat ou tel notaire au Guatemala est en train d'effectuer un processus d'adoption; on a le nom de la mère, son consentement et les adresses. Soyez asurés que, s'il y a un trafic de près ou de loin, cet enfant, qui n'est pas encore rendu au Québec au moment où les gens s'adressent au Secrétariat à l'adoption internationale, n'entrera jamais au Québec.

Par contre, si vous voulez contrôler le trafic et que des personnes arrivent ici avec un enfant sans, au préalable, s'adresser à l'ambassade ou au consulat du Canada... il suffirait de s'adresser à l'ambassade ou au consulat du pays concerné ici à Montréal et je vous assure qu'ils se feraient un plaisir, dans un délai de 48 heures, de vérifier la légalité de l'adoption dans leur pays.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, s'il vous plaît! Ah! vous terminiez.

M. Francoeur: Je peux conclure, est-ce que vous me donnez encore deux minutes?

Le Président (M. Bélanger): On vous donne deux minutes pour conclure.

M. Francoeur: En conclusion, il faut se rappeler que l'adoption internationale est un acte privé en tant que démarche, mais un acte public au point de vue du contrôle. Ce contrôle peut être effectué par le Tribunal de la jeunesse; à ce moment-là, celui-ci devra vérifier si les Québécois adoptants ont passé par l'intermédiaire de la ministre, ont été évalués par le DPJ et si on a créé un lien de filiation. Si on respecte les citoyens et qu'on accepte de leur venir en aide et d'appuyer leur projet d'adoption, ces trois critères seront complétés facilement et le Tribunal de la jeunesse sera heureux d'estampiller tous les projets d'adoption qui lui seront présentés. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. (20 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier M. Francoeur de son mémoire, même si, évidemment, il y a quelques petits points qui m'ont fait un peu sursauter, mais cela fait partie de la démarche qu'on fait présentement.

Je voudrais vous dire au point de départ que je vous trouve pour le moins pessimiste et sévère dans vos critiques. On a entendu jusqu'à maintenant dix à douze mémoires. Il faudrait que je vérifie. C'est à peu près cela. Il y a eu des critiques sévères particulièrement sur la partie administrative du fonctionnement, notamment du secrétariat. Mais là, j'ai l'impression, sans doute parce que vous avez eu beaucoup de clients en adoption que, finalement, tout le monde a tort, que le Secrétariat à l'adoption internationale est pourri, que les centres He services sociaux sont pourris. Je lisais quelque part, et cela m'a fait un peu sourire: "Au cours des dix dernières années, notre étude légale - j'aimerais bien avoir une démonstration concrète de cela - a eu connaissance d'au moins une cinquantaine de cas où les mères naturelles ont préféré se faire avorter plutôt que de confier leurs enfants au centre de services sociaux." Je trouve que ce sont des affirmations pour le moins un peu fortes, je ne sais pas si vous pouvez les étayer; si oui, je retirerai ce que je viens de dire. Que dans l'ensemble, les gens sont mal reçus au CSS - c'est rendu de douze à quatorze ans maintenant avant d'avoir une évaluation - cela me semble un peu exaqéré. Les qens ont parlé de trois à cinq ans. Quelques-uns ont parlé de sept ans. Mais là, vous êtes rendu entre douze et quatorze ans.

M. Francoeur: Où avez-vous vu cela pour l'évaluation?

Mme Lavoie-Roux: J'ai vu cela quelque part. Les couples québécois qui désirent adopter un enfant doivent maintenant attendre de douze à quatorze ans avant de réaliser leur projet d'adoption.

M. Francoeur: ...pas d'être évalués... Mme Lavoie-Roux: C'est à la page 34.

M. Francoeur: L'évaluation, c'est deux à trois ans environ; cela peut aller jusqu'à quatre ans.

Mme Lavoie-Roux: Mais quand vous dites, douze à quatorze ans, cela me semble aussi très long.

M. Francoeur: Pour une adoption au Québec?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Francoeur: Une adoption au Québec... Je l'ai constaté personnellement au cours des dernières années. Les adoptions qui se réalisent au Québec en trois ou quatre ans sont rares. Les normes sont de sept, huit, neuf, dix, onze, douze et quatorze ans.

Mme Lavoie-Roux: Vous parlez de l'adoption interne?

M. Francoeur: L'adoption québécoise. Mme Lavoie-Roux: Ah bon! D'accord.

M. Francoeur: L'adoption internationale, mettons six ou sept ans.

Mme Lavoie-Roux: Cela, au moins, c'est le chiffre que plusieurs ont avancé. Vous avez peut-être entendu dire ou lu dans les journaux, à la suite des premières auditions, qu'il y a quand même ici, au Québec, 1200 à 1400 enfants abandonnés qui pourraient aussi être adoptés et qui ne le sont pas, mais je ne veux pas ouvrir le débat là-dessus. Je pense que c'est une réalité.

Vous êtes intervenu à plusieurs reprises, M. Francoeur, sur le fait que l'adoption est un acte privé. Vous avez évoqué le fait que, ce matin, le bâtonnier avait tenu à peu près le même langage. Quand j'ai voulu le faire préciser au bâtonnier, il a dit: Écoutez, je ne suis pas allé jusqu'à dire cela. Le reste du Barreau s'est dissocié de l'opinion du bâtonnier là-dessus et a justement fait valoir que c'était un acte de droit public et non seulement cela, il nous a apporté comme témoignage - j'ai oublié les chiffres, si vous étiez là - le jugement du tribunal qui indiquait justement que c'était véritablement un acte de droit public.

En tout cas, j'aimerais savoir si vous êtes en désaccord avec le Barreau là-dessus.

M. Francoeur: Non. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les démarches, le désir des parents d'adopter un enfant est un acte privé. Je peux décider demain de m'acheter une automobile, je peux décider de me marier et je peux décider d'adopter un enfant. Ce n'est pas le gouvernement qui peut imposer à une famille: Toi, tu n'as pas d'enfants, tu vas adopter un enfant. C'est un acte privé. Maintenant, à mon avis, les parents peuvent toujours entreprendre des démarches personnelles pour qu'un enfant leur soit déterminé et réservé pour adoption dans un pays étranger. À partir du moment où cet enfant est réservé et déterminé, Mme la ministre, c'est exactement comme dans le mariaqe. Quand vous avez une fiancée, on ne peut pas dire: on va se marier, on va siqner un papier entre nous ou on va aller voir un notaire. On se présente, comme je le mentionnais tout à l'heure à un officier d'État civil et cet acte privé, cette intention de se marier, va devenir dans une deuxième étape un acte public. On se présente devant les fonctionnaires de l'État. Alors lorsque les parents désirent adopter un enfant, et qu'il n'y a pas d'enfants à adopter, à ce moment on ne fera pas d'adoption, ce ne sera jamais un acte public. Mais si on se présente au Secrétariat à l'adoption internationale et qu'on a la chance d'avoir un enfant qui nous est réservé et déterminé dans un pays étranger, parce qu'une religieuse, un missionnaire ou encore un orphelinat privé, n'importe qui, nous a déterminé ou réservé un enfant, eh bien, à ce moment-là, on se présente devant les fonctionnaires de l'État, on passe par leur entremise ou par leur intermédiaire pour diriger et coordonner le projet d'adoption.

Cet acte privé, comme dans le mariage, devient un acte public, parce que, si ce n'était pas un acte public, pourquoi les gens iraient-ils s'adresser au secrétariat à l'adoption? Pourquoi sont-ils d'accord pour passer par l'entremise du ministère? C'est justement pour ça. Ils n'ont pas d'objection à ce que l'acte d'adoption devienne public au moment de la coordination et au moment où il y a un jugement de la cour qui le légalise ou encore qui le reconnaît.

Mme Lavoie-Roux: Ce matin, on a encore entendu un représentant du Barreau -je pense que c'est Me Boulanger, si ma mémoire est bonne - nous dire que, pour lui, il ne s'agissait pas d'un acte privé et que les projets d'adoption devraient passer ou être transigés, si l'on veut, par l'intermédiaire d'un organisme d'adoption internationale reconnu ou, dans les pays où il n'y en a pas, par l'intermédiaire du ministre ou du délégué

du ministre. Alors, je pense que, sur ce point-là non plus, il ne favorisait pas cette possibilité que les parents aillent chercher des enfants et se situent en dehors des organismes officiellement reconnus pour ça.

Quand vous faites la comparaison entre le mariage et l'adoption, je pense bien qu'on ne fait pas passer une évaluation au marié et à la mariée pour savoir s'ils sont compatibles l'un avec l'autre. Je pense que c'est un acte privé. Mais quand il s'agit de l'adoption d'un enfant, je pense que nos lois au Québec, notre Loi sur la protection de la jeunesse, ont comme principe de base fondamental l'intérêt de l'enfant. Je pense que c'est ce même principe que le gouvernement, non seulement celui-ci mais aussi le gouvernement antérieur ont voulu maintenir pour tout le processus de l'adoption.

 ce que je sache - par exemple, parlons de l'adoption interne - les mesures prévues pour l'adoption interne qui sont très similaires, sauf évidemment la partie de la relation avec un État étranger, n'ont pas été remises en question. Qu'on puisse critiquer à l'occasion, que quelqu'un soit insatisfait, je pense que c'est une autre affaire. Mais je pense que, sur les principes mêmes qui doivent prévaloir en adoption, qu'elle soit interne ou internationale, c'est l'intérêt de l'enfant.

À ce moment-ci, vous semblez centrer ça... Il est évident que c'est la décision de deux adultes d'adopter un enfant ou même une personne seule peut décider d'adopter un enfant. Dans ce sens-là, elle est privée. Ce qui entoure le processus de l'adoption, en tout cas, vous semblez considérer ça comme privé, presque essentiellement privé, sauf qu'à un moment donné, il faut faire reconnaître un jugement d'adoption, etc. C'est simplement à ce titre-là que vous pensez qu'il y a un rôle d'intervention. C'est comme pour le mariage où on va chercher un acte soit civil soit religieux. Vous semblez dire: À un moment donné, pour l'adoption, on va chercher un jugement qui est un acte public.

J'arrête ici mes propos, mais je me pose de sérieuses questions, M. Francoeur, sur votre vision des choses en ce qui a trait à l'adoption internationale et sur la façon dont on doit procéder. Probablement, ce que vous favorisez, c'est davantage une adoption de type privé qu'une adoption de type public.

Ceci ne remet pas en cause le fait qu'on puisse critiquer la façon dont les choses ont fonctionné. Je l'ai dit au point de départ. Mais votre vision des choses m'apparaît assez à l'opposé de ce que, comme je le disais tout à l'heure, l'ancien gouvernement et le gouvernement actuel ont voulu faire dans le domaine de l'adoption internationale.

M. Francoeur: Le problème qu'on rencontre présentement, c'est justement ça. Au cours des deux dernières années, c'est ce qui a fait la manchette des journaux et c'est ce qui a créé le désarroi chez tous les parents. Les parents ne voulaient pa3 faire un acte privé et ne voulaient pas être coordonnés ni vérifiés, ni subir le contrôle gouvernemental.

Mais, par contre, lorsqu'ils s'adressaient aux organismes gouvernementaux, on leur refusait ce droit-là. L'organisme gouvernemental refusait d'agir comme intermédiaire. Certains ont pris des avocats et ont décidé d'aller devant les tribunaux. Ce que nous faisons à ce moment-là ou plutôt notre rôle comme avocats, dès qu'une personne nous informe de son projet d'adoption, c'est de vérifier d'abord si tout se fait légalement et de lui dire que, pour adopter son enfant, il devra passer par l'intermédiaire ou l'entremise du ministère de la Santé et des Services sociaux ou par l'entremise du Secrétariat à l'adoption internationale ou d'un organisme reconnu. Nous vous les référons, c'est notre rôle.

Maintenant, si vous les recevez excusez l'expression - comme des chiens dans un jeu de quilles - expression canadienne, québécoise - cela ne fonctionnera jamais. J'en ai discuté avec Mme Bisaillon. Mme Bisaillon de même que son conseiller juridique, Me Lucien Le Blanc, voient le rôle du Secrétariat à l'adoption internationale très positivement. Mme Bisaillon me disait: C'est très beau ici nous avons de beaux locaux. On reçoit les qens avec le sourire. On leur offre un café. On est prêts à leur apporter notre soutien. Dans le passé, les qens bloquaient au niveau du CSS. Les CSS étaient devenus des démons. Au cours des dernières années, le CSS s'est retiré du dossier et c'est devenu le Secrétariat à l'adoption internationale. Le Secrétariat à l'adoption internationale est devenu un véritable cauchemar sur la place publique. Ce ne sont pas seulement de nos clients ou enfin, il y a très peu de nos clients qui se sont présentés devant vous. On a procédé à l'incorporation de la Fédération des parents adoptants du Québec parce qu'on nous l'a demandé. On s'est complètement retirés du conseil d'administration et on a assisté seulement aux réunions de présentation. C'est un organisme qui fonctionne seul. D'autres organismes sont également venus devant vous. Non seulement les parents étaient insatisfaits mais également les organisations.

Si les gens vont au Secrétariat à l'adoption internationale après l'adoption du projet de loi 21, et que ceux-ci leur disent: On est heureux, vous voulez adopter un enfant. Cela nous fait plaisir. On est heureux. Vous n'en avez pas. On va vous faire évaluer par le centre de services sociaux. Cela ne prendra pas trois ans. On va donner le mandat à quelqu'un qui va faire

votre évaluation. On va vous aider dans votre projet. D'où viendra ce bébé? Est-ce que vous voulez envoyer votre dossier dans tel ou tel orphelinat? On va vou3 aider. Donnez-nous une copie de tous vos documents et on va fonctionner ensemble. Tout cela va être très beau, mais si le Secrétariat à l'adoption internationale les reçoit et leur dit: Bon, malheureusement, vous allez être obligés d'attendre trois ou quatre ans avant d'être évalués. Nous avons des ententes avec certains pays et comme vous avez une tante qui est reliqieuse ou encore parce que vous avez un contact au Brésil, il y a un enfant que vous pourriez adopter là-bas. C'est une petite fille d'un an qui vous est réservée, mais vous ne pouvez pas l'adopter. Vous allez devoir attendre sur les listes encore six ou sept ans pour que nous réussissions à conclure une entente avec le Brésil. Mais nous vous comprenons et nous trouvons cela très malheureux. On trouve que la politique d'adoption du Québec est vraiment très restrictive. Mais ce n'est pas nous, c'est la faute de la ministre ou du ministère. On va éprouver le même problème et le fardeau sera celui du ministère.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui. Je vous remercie. Il me fait plaisir de vous accueillir au nom de ma formation politique. Vous avez fait plus d'un écrit sur l'adoption internationale. C'est un problème que vous connaissez. Donc, vous avez probablement cerné les différentes facettes de l'adoption internationale.

Effectivement, plusieurs associations se sont présentées et des parents nous ont même démontré qu'ils auraient préféré s'attarder davantage sur la mécanique ou le fonctionnement du processus de l'adoption internationale que seulement sur le projet de loi comme tel, parce que depuis longtemps on réclame une politique sur l'adoption internationale. Peut-être qu'une fois pour toutes, indépendamment des anciens gouvernements, je pense qu'il aurait été justifié, dans un nouveau vent, dans un nouveau souffle, de faire le point une fois pour toutes, dis-je, sur ce qu'est l'adoption internationale.

Un mandat élargi aurait été préférable, effectivement, afin que tou3 ceux qui veulent se faire entendre puissent enfin se faire entendre. On a préféré faire autrement. On va donc vivre avec ce qu'on a choisi. (20 h 45)

Ceci m'amène à vous poser des questions sur ce dont vous avez parlé en page... Je sais que voua avez beaucoup parlé d'un projet d'adoption privé par rapport à un projet d'adoption qu'on dit public. Il semble que la nuance que vous faites, c'est, d'une part, donner plus de responsabilités aux parents dans la démarche et, d'autre part, impliquez davantage l'intermédiaire. Est-ce que je me fais bien comprendre? Est-ce cela, votre préoccupation?

M. Francoeur: C'est cela. Je crois que les parents peuvent s'adresser seuls à un pays étranger en étant supervisés, contrôlés et coordonnés par le gouvernement du Québec, qu'ils peuvent passer par un organisme et qu'ils peuvent également attendre que le secrétariat fasse des ententes avec certains pays. Qu'on contrôle et qu'on vérifie, mais qu'on ne bloque pas les projets d'adoption des parents québécois.

De toute façon, l'adoption internationale, ce n'est pas un gros problème. Avec les adoptions qu'on appelle privées -j'appelle cela toutes des adoptions publiques - il y en a à peu près 200 par année, puis il y a environ 1500 parents qui attendent. Si on laisse les parents libres de réaliser leurs adoptions dans les meilleures conditions et en toute légalité, c'est absolument impossible que demain matin, au lieu d'avoir 200 adoptions par année, il y en ait 3000 ou 4000 au Québec. C'est impossible. Peut-être que cela va monter à 250, 300 ou 350 pour environ les cinq ou six prochaines années; ensuite cela pourra peut-être monter à 500, mais ce ne sera jamais des nombres astronomiques. Et puis, c'est vraiment dommage...

J'entendais le Barreau, ce matin, dire: Si un missionnaire dans un pays étranqer veut faire de l'adoption, veut agir comme intermédiaire et veut aider un couple, il n'a qu'à donner son nom au gouvernement du Québec puis dire: Je deviens un intermédiaire de l'État pour faire de l'adoption, par exemple, en Bolivie pour le Québec. Mais il ne peut pas faire cela dans la réalité, parce que les missionnaires nous disent: On est en Bolivie depuis 75 ans et on ne comprend pas encore la mentalité. Il y a un missionnaire qui me disait: Si je siqnais une telle entente pour agir comme intermédiaire pour le Québec, je vous garantis que, deux semaines après, je me retrouverais en prison parce que le gouvernement de ce pays-là m'accuserait d'envoyer des enfants de Bolivie, de détruire la Bolivie, de les envoyer au Québec et d'être une espèce d'agence d'adoption. Ce n'est pas mon rôle. Je peux en fait le faire trois, quatre, cinq, six par année pour aider des parents quand il y a des dossiers qui me sont présentés, mais je ne peux pas devenir une agence d'adoption.

Alors,- c'est un privilège d'adopter un enfant, parce que dans les orphelinats publics à l'étranger, alors qu'ils ont 2000 demandes, il y a à peine une dizaine d'enfants disponibles pour adoption. Vous savez, vous avez des enfants maintenant de deux ans et demi à trois ans qui sont abandonnés dans

les rues et une mère ne peut pas dire: J'ai deux enfants qui sont chétifs, qui sont en train de mourir et là je suis enceinte d'un troisième. Qu'est-ce que je vais faire? Il va mourir, lui aussi, et ensuite je ne suis même pas capable de l'allaiter, parce que j'ai un problème, etc. Si elle se présente à l'orphelinat public, on va lut dire: C'est bien dommage, mais retourne chez vous, occupe-toi de ton enfant. Donne-le à quelqu'un de ta famille, parce que, si les pays étrangers décidaient demain matin de prendre tous les enfants qui meurent de faim chez eux et dont les parents sont incapables de s'occuper, on n'aurait pas de problème d'adoption internationale et le secrétariat à l'adoption ne parlerait pas de non-disponibilité. On voudrait en faire, mais il n'y en a pas d'enfants disponibles. C'est bien simple, il y en aurait 100 000 dans les orphelinats du Brésil demain matin, puis on pourrait faire des ententes et en envoyer 5000 au Québec. Il n'y aurait aucun problème. On en aurait seulement 1500, on nous en offrirait 5000, on manquerait de couples. Le problème, c'est qu'il n'y en a pas d'enfants dans les orphelinats publics.

Adopter un enfant, ce n'est pas une affaire d'État, c'est une entente, c'est un gouvernement étranger qui accorde le privilège à un couple québécois ou à un couple de France, ou à un couple des États-Unis d'adopter un enfant devant son tribunal, suivant ses normes et ses coutumes. Je vous assure qu'au Guatemala, en Colombie, on a des travailleurs sociaux. Ces gens-là sont compétents» On a des juges. Par exemple, quand les Brassard sont allés au Guatemala, excusez l'expression, ils avaient des journalistes aux fesses. Les gens qui s'en vont dans un pays étranger avec une équipe de télévision, qui vont interroger le juge et qui vont interroger les orphelinats, qui se promènent avec eux alors qu'ils ont le bébé dans les bras, ce ne sont pas des gens qui font du trafic d'enfants. C'est ce que l'on appelle une adoption publique. Je n'appelle pas cela une adoption privée, j'appelle cela une adoption publique. L'ambassade du Canada est au courant, le secrétariat à l'adoption est au courant, le tribunal québécois donne l'autorisation, le tribunal guatémaltèque donne l'autorisation: Qu'y a-t-il de privé là-dedans? Ils n'ont pas été chercher un enfant que Mme Unetelle leur a donné, ils l'ont chez eux dans leur cour. Ils sont passés par les organismes publics. Avec le projet de loi 21, on va le voir, ce sont les tribunaux. On avait le tribunal pour reconnaître le jugement d'un pays étranger, maintenant on va avoir au Québec... Pour nous, les avocats, faites des lois comme cela; cela fait notre affaire. On va encore retourner à la cour, on va travailler encore plus, mais cela ne nous fait rien de travailler, c'est notre travail. C'est comme si vous demandiez à un médecin d'aller voir si le foie est sain avant d'opérer pour l'appendicite. Il va opérer pour le foie pour voir s'il est sain, si le ministère de la santé lui demande cela. Il va être payé pour le foie et pour l'appendicite. Cela va lui faire deux opérations. Alors, nous allons nous rendre devant le tribunal pour vérifier la légalité du projet d'adoption et nous allons nous y rendre à nouveau pour faire reconnaître le projet d'adoption. Qu'y a-t-il de privé dans cela? Tout est public et les gens sont d'accord avec cela pour autant, par exemple, que le ministère accepte de collaborer. Si on se présente devant le ministère et que celui-ci dit: Non, vous ne pouvez pas adopter cet enfant, cela ne se peut pas, un peu comme on a dit à M. Laurin: Nous avons une liste de 1500, donnez votre enfant à celui qui est le premier sur la liste. Cela n'a pas d'allure. Vous ne pourrez jamais l'adopter. Malheureusement, nous les avocats, nous allons dire aux gens de respecter la loi. C'est notre devoir. Mais si les citoyens bafouent la loi et vont chercher des enfants à l'étranger, cela ne sera pas notre faute.

Je voudrais vous parler aussi des orphelins. Sur la question d'orphelins, j'ai un couple qui, il y a environ un mois, me disait: Nous avons un enfant de déterminé en Colombie. Ces gens nous ont consultés. Je leur ai dit: Voici, par le projet de loi 21, il faudrait vous présenter au secrétariat à l'adoption, les informer et leur dire que cet enfant ne provient pas d'un orphelinat public. Ce sont des religieuses qui s'occupent d'un petit... Ce n'est même pas un orphelinat. Dans leur maison mère, les religieuses avaient environ une dizaine d'enfants. Le couple a communiqué avec le secrétariat à l'adoption. On leur a dit: On met déjà en application le projet de loi 21. Ce sont les religieuses qui ont cet enfant. Ce n'est pas un orphelinat d'État reconnu par le gouvernement de Colombie. Par conséquent, vous ne pourrez pas l'adopter. J'ai rencontré le même couple la semaine dernière et le couple avait simplement résolu son problème. Quelqu'un pour eux là-bas - je présume que c'est la reliqieuse - s'est présenté à un orphelinat d'État et on leur a dits Voici au Québec, on veut que l'enfant passe par un orphelinat, il faut que ce soit un orphelin. L'orphelinat de là-bas leur a simplement répondu: Cela va coûter 500 $ US en donation et on va faire un "in-and-out". On va entrer l'enfant dans les livres de l'orphelinat et demain, on va le ressortir. Mais par contre, pour faire cela, on va détruire l'identification de la mère, son histoire médicale, on va détruire l'histoire médicale de la mère. On va détruire son adresse. On va considérer qu'on a trouvé cet enfant sur le trottoir et qu'il est à notre orphelinat. Cet enfant va être considéré comme étant de parents inconnus.

Alors, avec un procédé comme cela, si on détruit l'histoire médicale de la mère, si on détruit son "pedigree", on ne sait plus d'où elle vient et c'est l'orphelinat public qui décide de faire un "by-pass" pour satisfaire un projet de loi québécois. Ce n'est pas avec un système comme cela qu'on va agir de bonne foi et que les gens vont réussir des adoptions dans les meilleures conditions. On trouve cela malheureux.

Mme Vermette: Je pense que vous nous avez fait un exposé... Vous m'avez enlevé certaines questions que je voulais vous poser. Vous êtes allé en profondeur et je pense que c'est important. C'est un peu le fond du problème en ce qui concerne l'adoption internationale. D'une part, on nous a souvent dit qu'il manquait d'enfants. C'est un des problèmes. D'autre part, on a dit que c'était surtout un problème de filiation, d'adoption simple et d'adoption plénière. Dans votre mémoire, vous attestez que c'est un faux débat.

M. Francoeur: Je dis que c'est un faux débat. Vous avez vu que même les avocats y perdent leur latin. Je me dis que cela devient une "avocasserie", pour les juges aussi. Vous avez un juge de Québec qui dit une chose et un juge de Montréal, l'honorable juge Pierre-G. Dorion, qui est une compétence en matière d'adoption - c'est à lui d'ailleurs au Québec, dans la région de Montréal du moins, qu'on confie les causes les plus complexes en matière d'adoption - n'y voit pas de problème. Il dit: Même au Québec, autrefois, on avait l'adoption simple. Celle-ci est un concept juridique. C'est simplement un concept. Je me dis que, si j'étais à la place des pays étrangers, il n'y aurait pas d'adoption plénière.

Supposons que je suis le Brésil ou le Guatémala, si c'était seulement de moi et que j'étais une autorité dans ces pays, il y aurait seulement des adoptions simples. Par l'adoption simple, on maintient le lien de filiation avec les parents naturels et on crée un nouveau lien de filiation avec les parents adoptifs, ce qui veut dire que les pays étrangers, par ce moyen, respectent l'enfant. C'est l'intérêt de l'enfant que vous voulez, le respect de l'enfant. Avec l'adoption simple, c'est ce qui arrive. Le Brésil va dire tout simplement: Avec le petit bébé qu'on donne à des Québécois à l'âge de trois mois, on n'est pas pour faire une adoption plénière. Nous, les Brésiliens, cela nous répugne. Vous les Québécois, vous avez une mentalité. Nous, nous avons une autre mentalité. On se dit: À 18 ans, s'il veut revenir ici, il pourra demander que cette adoption au Québec soit révoquée. Il avait une peau basanée, il était dans la région de Rimouski, dans une région moins cosmopolite. Il n'était pas heureux et il va retourner au Brésil. À 18 ans, il pourra demander la révocation de l'adoption et on va lui redonner tous ses droits. Maintenant, on crée un nouveau lien de filiation et c'est ce qui compte. Dans les registres de l'état civil, tout ce qu'on a à vérifier - cela ne sert à rien de se fendre en quatre et de chercher le Messie partout - c'est de savoir si les parents adoptants sont les parents de l'enfant. On répond: Oui. C'est cela que les parents veulent savoir. Va-t-il pouvoir nous appeler papa et maman? Oui, c'est cela. Dans les registres du pays d'origine de l'enfant, est-ce que cet enfant va être à mon nom ou vais-je être seulement le tuteur? On répond: Oui, l'enfant va être à votre nom, il va porter votre nom dans les registres. C'est tout ce que les citoyens veulent savoir. Maintenant, dans certains pays, il y a simplement l'adoption plénière, il n'y a pas d'adoption simple; dans d'autres pays, il y a l'adoption simple et un autre lien de filiation créé au Québec.

Je vous assure, il y aura peut-être une nouvelle commission parlementaire d'ici à 10 ans, et c'est ce qui s'en vient au Québec parce qu'on s'en va dans cette voie-là où les cachettes qu'on a connues au cours des dernières 25 années sont finies. C'est pour cela qu'il n'y a plus d'adoption au Québec, c'est fini ces cachettes et on aura aussi l'adoption simple. Pourquoi le lien de filiation ne resterait pas au Québec avec la mère biologique? On ne peut pas l'exclure, elle existe la mère biologique. Pourquoi ne pourrait-elle éventuellement aussi dans un projet d'adoption ouverte conserver le droit de revoir son enfant? On n'aurait pas de problèmes très émotifs, des problèmes comme on en retrouve avec le mouvement Retrouvailles. On pourra avoir l'adoption ouverte à l'avenir. À mon avis, on aura également une l'adoption simple au Québec d'ici à quelques années.

Le Président (M. Bélanger): Nous revenons au côté ministériel. J'aurais peut-être une question, comme député de Laval-des-Rapides. Je vais enlever mon chapeau de président, car j'ai une question à vous poser. J'ai lu avec attention votre mémoire. J'ai suivi aussi un peu votre travail dans le passé et les différentes interactions que vous avez eues avec différents organismes - je pourrai vous dire à quel titre, si vous le voulez, à ce moment-là. Ce qui me frappe dans la lecture de votre mémoire, c'est que finalement vous êtes à peu près contre toute structure qui peut mettre un minimum de normes sur l'organisation des adoptions. Vous n'êtes pas sans savoir que certains pays actuellement refusent de laisser aller leurs enfants en adoption parce que beaucoup de gens n'adoptaient pas un enfant, ils achetaient un rein pour le greffer à un autre enfant. Il y a un trafic qui s'est fait dans

certains pays et qui était carrément inacceptable et inhumain. Ces pays-là exigent des autres pays à qui on veut donner des enfants en adoption un minimum de règles et de procédures qui donneront des garanties quant à la qualité de vie qu'on va donner à ces enfants» Comment pouvez-vous offrir ces garanties en n'ayant aucune structure sûre, sauf votre parole: "je suis Me Jean Francoeur, j'habite au Québec et moi, je vais vous faire cela". J'ai beaucoup de mal à vous suivre quand je lis votre document.

M. Francoeur: D'abord, il faut mentionner que les ventes d'organes ont fait la manchette au Honduras et au Guatemala. On a appris d'un côté par oui-dire que c'étaient des parents qui adoptaient des enfants pour vendre des reins. On a appris aussi par oui-dire que des fonctionnaires, en vertu d'un programme d'État, prenaient des enfants supposément pour adoption, mais que ce3 enfants n'étaient jamais confiés à l'adoption par les fonctionnaires et qu'ils étaient vendus à des hôpitaux américains, parce que les parents riches qui ne voulaient pas adopter, mais dont l'enfant avait un problème de rein ou de tympan, prenaient le rein ou le tympan de ces enfants. Par contre, quels sont les médecins qui ont été condamnés? Ce n'étaient pas des couples qui voulaient adopter des enfants. On n'a jamais vu de condamnation d'ailleurs au Québec depuis 20 ans. On n'a jamais vu de couples condamnés pour ces choses-là. C'est du oui-dire. C'est du oui-dire en ce qui concerne les adoptions par des parents. C'est peut-être aussi du ouï-dire en ce qui concerne les ventes d'enfants pour des organes par des fonctionnaires. (21 heures)

Maintenant, je vous le répète depuis une heure, je suis entièrement d'accord, à 150 %, sur la coordination, le contrôle, la vérification des projets d'adoption. Les citoyens du Québec sont d'accord. Ils veulent adopter des enfants de pays étrangers et ils sont d'accord pour soumettre leurs projets à la ministre, au secrétariat, au Procureur général, au Tribunal de la jeunesse, à Immigration Canada, à Immigration-Québec, aux tribunaux des pays étrangers. Ils ne sont pas d'accord pour faire des petites choses entre eux en cachette. Ils acceptent le contrôle. S'ils acceptent le contrôle, donc, il n'y a pas de problème. C'est la structure gouvernementale qui crée le problème en refusant d'exercer son rôle de contrôle. Maintenant, si les parents se présentent, que le secrétariat dit aux parents: Voici, dès que vous voulez adopter un enfant, présentez-vous chez nous et inscrivez-vous au secrétariat à l'adoption, et que celui-ci dit au couple: Boni nous avons une entente avec le Brésil, d'ici à un an, on va vous avoir une petite Brésilienne ou un petit Brésilien. Il n'y en a pas de problème. Le secrétariat va dire: Vous voulez adopter au Honduras. Il y a un orqanisme qui va vous aider, cela va prendre six mois. II n'y a pas de problème. Mais si le couple dit: Je veux adopter tel enfant en république Dominicaine, enfant qui m'est donné par le pays, enfant qui m'attend, je me dis que, dans ce cas également, accéder à sa demande, c'est la liberté. À mon avis, le gouvernement ne devrait pas agir comme chercheur d'enfants et envoyer des fonctionnaires en mission dans les pays chercher des enfants. Mais s'il veut le faire, qu'il le fasse et, s'il en trouve, tant mieux! Mais si le couple a un enfant qui lui est déterminé par un pays étranger, bien, qu'on respecte ce choix!

Le Président (M. Bélanger): Si je comprends bien, vous me dites que vous êtes d'accord pour les contrôles s'ils viennent de l'État. Le titre de votre mémoire ne dit pas cela du tout. Il dit: "Le contrôle québécois sème la panique et détruit les projets d'adoption." En tout cas, on ne s'arrêtera pas là. Si vous êtes d'accord sur toutes ces normes, le projet de loi présente ces normes. Après consultation avec une série de qens, après vérification, après des expériences vécues, on a bâti un projet de loi. Mais là, je ne fais pas la défense du projet de loi. J'essaie seulement de voir sur quels éléments en particulier vous avez des divergences. Plusieurs groupes nous ont dit: II n'y a pas de problème avec le projet de loi. Ce qui nous embête, ce sont les délais, et on n'a pas de garantie sur les délais. Je pense que Mme la ministre a été très réceptive là-dessus en disant: Oui, on va chercher les moyens de diminuer ou d'éliminer le plus possible les délais pour permettre que cela se fasse rapidement. Si vous aviez à résumer en une phrase ce que vous voudriez voir changer dans le projet pour atteindre les objectifs dont vous nous avez parlé, qu'est-ce que vous me diriez en une phrase?

M. Francoeur: Que tous les projets d'adoption soumis à la ministre par le secrétariat, soumis à la ministre par des organismes, soumis à la ministre par des parents eux-mêmes, que tous les projets d'adoption soient reçus positivement, dans un esprit de soutien aux parents et non pas dans un esprit négatif, et qu'on ne leur dise pas: Non, vous ne pourrez pa3 adopter. Que tout le monde collabore. Je pense que les organismes ont les mêmes problèmes que les parents adoptants. Les organismes vous disent: On a des enfants. Par contre, quand on se présente au secrétariat, on ne nous donne pas de dossier, on ne s'occupe pas de nous, on n'est pas bien reçus. Qu'on respecte, par exemple, l'organisme quand il arrive et qu'il dit: J'ai deux enfants au Honduras. Dans nos listes, on a deux couples.

On lui apporte notre appui, on l'aide. On vérifie le projet dans un délai raisonnable. Pour moi, un délai raisonnable pour une adoption internationale, ce n'est pas six ou sept ans quand les couples ont 30 ans et ce n'est pas huit ans non plus, ce n'est pas quatre ans. Une adoption, c'est comme un accouchement naturel et, à mon avis, cela doit prendre trois mois au Québec, six mois à l'étranger, soit neuf mois.

Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez une dernière question. Allez-y donc. Il nous reste le temps d'une question. Alors, allez-y.

M. Sirros: J'aurais deux courtes questions. Premièrement, est-ce que vous avez personnellement appris l'existence de quotas par les différents intervenants en ce qui concerne l'adoption internationale? II semble que cela circulait et que vous avez parlé de l'existence de quotas par rapport à l'adoption internationale. Est-ce que vous en avez eu personnellement connaissance?

M. Francoeur: Je ne suis pas le seul à en parler. Au moment où je vous ai parlé de quotas, cela a été mentionné publiquement. Au moment où j'en parlais dans mon exposé, au début, j'étais en train de vous citer la page 26 de la commission Rochon.

M. Sirros: Qui étaient des plaintes de parents. Mais est-ce que c'est quelque chose comme une situation de fait dont vous connaissez quelque chose?

M. Francoeur: À un moment donné, je crois que c'est l'an passé, on disait par exemple aux parents, au secrétariat à l'adoption et dans les centres de services sociaux: bon! maintenant il est entré assez d'enfants du Brésil. On a apporté la question d'adoption simple. Peu après, on disait que c'étaient des quotas, qu'on ne voulait plus d'enfants du Brésil.

M. Sirros: De façon officieuse. La deuxième, si je...

Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez, il nous resterait 30 secondes pour notre formation.

M. Sirros: D'accord, bon! De façon générale, si je comprends bien ce que vous avez dit: en résumant, vous seriez pour une libéralisation, en quelque sorte, de l'adoption, en disant: laissez les parents, entre autres, aller chercher les enfants et, ici, on va entériner l'adoption, ni plus ni moins. On va légaliser la procédure. Si je comprends bien, vous dites: Libéralisons ça. Les parents, qu'ils trouvent leur enfant dans un pays étranger et, ensuite, on va légaliser cela.

M. Francoeur: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Sirros: Ce n'est pas ça?

M. Francoeur: J'ai dit que les...

M. Sirros: Mais vous êtes pour ce que vous appelez l'adoption privée en ce sens qu'un parent qui désire adopter peut faire les démarches pour trouver son enfant et l'adopter...

Une voix: ...et le faire entériner.

M. Sirros: ...et le faire entériner. Ce n'est pas ça?

M. Francoeur: Non. Il est très important, au moment où un enfant est réservé, pour éviter tout trafic. Ce qu'on veut, c'est l'intérêt de l'enfant - au moment où l'enfant est réservé et déterminé à l'étranger, avant même que cet enfant-là arrive au Canada, avant même que le couple aille le chercher, dès que le couple commence des démarches, dès qu'il entreprend des démarches dès qu'il désire communiquer lui-même avec un orphelinat de pays étranqer, avec un ministère de la famille dans un pays étranger, avec des religieuses, il est important qu'il s'inscrive au secrétariat à l'adoption...

M. Sirros: Avec une famille directement?

M. Francoeur: Ce peut être avec une famille, ce peut être avec n'importe qui. Mais le secrétariat à l'adoption doit vérifier si l'adoption qui va avoir lieu à l'étranqer est léqale. Il peut le faire vérifier par l'ambassade du Canada sur place. Il peut faire vérifier par les ambassades et les consulats des pays étrangers ici au Québec si le processus d'adoption est légal.

Le Président (M. Bélanger): ...on arrête...

M. Sirros: Pardon? II faut que j'arrête?

M. Francoeur: ...et coordonner le processus et non pas...

M. Sirros: Je ne pourrais pas avoir le consentement, M. le Président, pour continuer cinq minutes? Finalement, je pense que ce à quoi je voulais en arriver... Est-ce que je l'ai, d'abord? Je ne sais pas.

Mme Vermette: M. le Président, je suis bien prête à lui donner cinq minutes, pour autant qu'on m'accorde cinq minutes.

Le Président (M. Bélanger): Absolument.

Vous êtes d'accord avec ça? Alors, allez-y. Mme Vermette: Voilà.

M. Sirros: D'accord, il n'y a pas de problème? Vous dites, finalement, que ce pourrait même être le parent qui trouve une famille, n'importe qui... Je pense que c'étaient les mots que vous avez utilisés.

Il y a deux choses qui m'inquiètent à ce sujet et j'aimerais savoir si cela vous inquiète aussi. Voua ne trouvez pas, d'une part, qu'on ouvre ainsi la porte à toutes sortes de possibilités d'abus, selon les moyens financiers du parent qui désire adopter? C'est-à-dire que celui qui a les moyens financiers va s'arranger, je suis certain, par l'entremise de personnes qui voudraient bien l'aider à trouver une façon de décrocher, si je peux utiliser ce mot-là, un enfant qui serait adoptable par n'importe qui, un intervenant dans le pays étranger.

Est-ce que, d'une part, cela ne vous inquiète pas, cette ouverture qui est faite par rapport à des possibilités d'abus qui dépendent des moyens financiers? Deuxièmement, dans le cas du parent qui n'a pas les mêmes moyens financiers, quelle est votre position sur l'équité sociale qu'un système comme cela pourrait avoir?

M. Francoeur: D'abord, je pense qu'en matière d'adoption internationale, ça prend des moyens financiers minimaux. Même si vous voulez adopter un enfant au Guatemala, Air Canada ou Pan American ne vous donneront pas un billet d'avion gratuit. Puis, si les gens passent par un organisme reconnu - vous allez entendre l'organisme Les Enfants de l'arc-en-ciel de Sherbrooke - ça coûte 6000 $ en partant.

Maintenant, ce que vous dites, c'est très bien. C'est justement pour cela que les gens ne doivent pas s'organiser une adoption entre eux-mêmes. D'abord, le gouvernement ne doit pas, a priori - il n'y a jamais eu de Québécois qui ont été condamnés pour des abus dans ce domaine - manquer de confiance dans les citoyens du Québec, premièrement.

Deuxièmement, c'est pour cela que les couples doivent produire une évaluation et que le gouvernement du Québec doit être au courant de leurs démarches dans le pays étranger, pour avertir le ministère de la famille du pays étranger qu'il va se produire une adoption dans son pays, pour exiger un juqement d'un tribunal et pour exiger certains documents. Dans les pays étrangers, ils ont des travailleurs sociaux. Ils ont un contrôle. Mais là, vous présumez que le parent va aller voir... Je sais ce que vous voulez dire. Vous dites: Le parent va aller voir Mme Unetelle dans la rue. Il va lui offrir 2000 $ pour son enfant.

M. Sirros: Est-ce inconcevable?

M. Francoeur: Là, à ce moment-là...

M. Sirros: Est-ce que cela ne se peut pas?

M. Francoeur: Bon! qu'est-ce que vous voulez?

M. Sirros: Est-ce que vous affirmez que cela ne se peut pas?

M. Francoeur: Mon enfant va s'en aller dans une polyvalente au mois de septembre. J'ai appris qu'il y avait de la drogue dans les polyvalentes. Est-ce que je vais l'empêcher d'aller à l'école publique? Est-ce qu'on va mettre un couvre-feu parce qu'il y a de la prostitution chez les adolescents? Cela ne veut pas dire que ces actes vont être commis. Je pense qu'il y a des centaines de milliers d'enfants abandonnés dans les rues; même maintenant, on en voit à partir de deux ans ou deux ans et demi. Lorsque les gens procèdent, vous savez... Écoutez, vous parlez de loi. Allez devant le tribunal avec le projet de loi 21. Avant l'adoption ou après l'adoption, vous n'avez qu'à exiger... Comme cela se fait actuellement, les gens fonctionnent par l'intermédiaire des hommes de loi. Vous avez des consentements; pas des petits consentements signés sur le coin de la table, mais des consentements notariés. Vous avez l'évaluation de la mère biologique par la travailleuse sociale du pays étranger. À ce moment-là, il n'y a pas de risque.

Mais ce qui a fonctionné pour l'adoption au Québec, parce que voyez-vous au Québec... J'ai justement eu un cas il n'y a pas tellement longtemps qui va vous intéresser. II s'agit d'un couple. Je ne vous donnerai pas la région. En fait, c'est une jeune fille de l'extérieur de Montréal qui voulait donner son enfant en adoption à un couple de la région de Longueuil. J'ai communiqué avec la jeune fille. Comme il n'y avait pas de lien de parenté entre la jeune fille de l'extérieur de Montréal et le couple de Lonqueuil, je lui ai dit: En fonction de la loi du Québec, vous ne pouvez pas donner votre enfant en adoption à ce couple-là parce que c'est interdit. Allez voir les centres de services sociaux et dites-leur que vous avez un enfant que vous voulez faire adopter. Elle est allée voir des gens au centre de services sociaux, selon ma recommandation. On lui a dit: Nous favorisons la mère biologique. Elle a dit: Où ira cet enfant? Est-ce que ce sont des professeurs qui l'auront? Est-ce que ce sont des techniciens? Dans quelle sorte de famille ira-t-il? On lui a répondu: Ce ne sont pas tes affaires. Nous avons des listes et on va s'en occuper. Elle a décidé qu'elle se faisait

avorter. Pourquoi? Les parents voulaient prendre l'enfant sans procéder par adoption. Je leur ai déconseillé de le faire. Je leur ai dit: Vous n'êtes pas protégés. Après un an, la mère naturelle peut revenir prendre son enfant et vous allez vivre un drame incroyable.

En adoption internationale, on ne vivra pas cela parce qu'il va y avoir un jugement d'adoption et qu'il va y avoir une évaluation de foyer par le centre de services sociaux du pays étranger, un jugement de la cour et la mère biologique ne pourra jamais reprendre son enfant. Alors, il n'y aura pas de problème.

Le Président (M. Bélanger); Si vous le permettez, on va passer à l'autre formation. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Si on continue un peu, on vous a posé des questions et vous étiez en train de dire que l'évaluation qu'on peut faire au moment d'une démarche des parents en adoption internationale, peut être quelquefois assez arbitraire ou, en tout cas, manquer de soutien envers les parents. Ceci peut faire que certains parents trouvent que le rôle du secrétariat ou le rôle des évaluateurs ou des travailleurs sociaux n'est pas tout à fait adéquat. Finalement, pour les règlements en tout cas, Mme la ministre nous assure qu'il y aura une révision de l'ensemble des règlements parce qu'ils n'auront plus de concordance avec la loi. Est-ce que vous croyez qu'il serait important que l'on révise d'une part la mentalité des travailleurs sociaux en ce qui concerne l'adoption internationale et qu'on aborde ce volet de la démarche des parents avec beaucoup plus de compréhension?

M. Francoeur: L'adoption d'un enfant relève de l'intimité conjugale de la famille. Comme elle relève de cette intimité, on doit respecter cette intimité conjugale. Vous savez maintenant que même les homosexuels ont droit à une vie privée. On ne leur pose pas de questions sur ce qu'ils font dans l'intimité. Pourtant, j'ai été fort troublé d'entendre une travailleuse sociale à la télévision lors de l'émission "Droit de parole", où j'étais présent, dire publiquement que, lorsque les couples désirent adopter un enfant, elle les questionnait sur leur vie sexuelle.

Je pense que les couples qui veulent adopter des enfants ont droit à autant de respect que les homosexuels. Si vraiment le gouvernement désire que leur vie sexuelle soit vérifiée pour leur donner le droit d'adopter un enfant, eh bienï à ce moment-là, qu'on la fasse vérifier par un professionnel du secteur privé, au choix des parents, et non pas par un professionnel de l'État. On ne l'accepterait même pas pour des homosexuels, alors qu'on le fait pour des parents adoptifs. (21 h 15)

Mme Vermette: Il y a eu des associations qui étaient justement pour l'évaluation par des professionnels privés et on a soulevé un danger parce qu'on disait justement que ce n'était pas tout le monde qui pouvait payer pour cette évaluation et c'est pourquoi on la remettait en question. Est-ce que vous auriez d'autres solutions, étant donné ce problème que les parents ont à débourser pour faire faire leur évaluation?

M. Francoeur: Je vous l'ai dit. Les gens qui décident d'adopter des enfants à l'étranger ne désirent pas quémander une évaluation de foyer. Si le gouvernement a des budgets - vous savez, à Montréal, je pense qu'il y a un ou deux travailleurs sociaux pour toute l'île de Montréal et il y en a un autre à Longueuil qui fait de Longueuil jusqu'à Granby - si le gouvernement veut donner un service gratuit, qu'il le fasse. Par contre, il y a des travailleurs sociaux dans le secteur privé qui sont capables de le faire et les parents n'ont aucune objection à payer pour ce service. Il y a quelques années, j'ai eu justement une discussion avec quelqu'un au secrétariat à l'adoption qui me disait ceci: Ce n'est pas juste, les gens qui bénéficient de l'aide sociale ne seront pas capables d'avoir le même service. Je vous réponds: Les qens qui bénéficient de l'aide sociale au Québec n'ont pas besoin d'adopter des enfants dans des pays étrangers. On a déjà une charge qui est assez lourde, au moins qu'on les bloque à ce niveau. Une adoption internationale coûte cher: qu'on passe par le secrétariat ou qu'on fasse des démarches personnelles, il y a des frais juridiques, il y a des frais d'avion, il y a quelquefois des frais d'accouchement, des frais d'orphelinat. À ce moment-là, qu'il y ait, en plus, des frais pour une évaluation de foyer, le couple va le comprendre. Le couple veut être évalué dans un délai raisonnable et, à mon avis, un délai raisonnable après que la demande a été faite, c'est un maximum de trente jours, si l'enfant n'est pas réservé et si l'enfant est déjà déterminé, quinze jours.

Mme Vermette: Vous venez de dire, je vous le mentionne, parce que j'ai vu plusieurs réactions des gens en arrière de vous et aussi parmi les gens autour de la table: Les bénéficiaires de l'aide sociale, quant à eux, qu'on leur enlève ce privilège, ce pouvoir d'adopter un enfant sur le plan international. Pourquoi affirmez-vous une telle...

M. Francoeur: Pourquoi? Disons, si dans une famille vous avez déjà monsieur et madame et un enfant qui sont à la charge

de l'État, je ne vois pas pourquoi on aurait monsieur, madame et deux enfants. Cela fait quand même trois personnes à la charge de l'État. Pourquoi en aurait-on quatre?

Mme Vermette: À la page 2 de votre mémoire...

M. Francoeur: On peut tout se payer. Si notre société est prête à se payer des adoptions internationales pour ses bénéficiaires de l'aide sociale et est prête à favoriser celles-ci, à ce moment-là, cela va peut-être grossir notre taux de natalité. Allons-y! Qu'on ouvre des budgets additionnels pour que les assistés sociaux adoptent à l'étranger. Je suis bien content pour eux.

Mme Vermette: Vous dites en page 2 de votre mémoire que la loi devrait être adaptée au contexte social actuel. Le contexte social actuel, cela veut dire quoi? Quand vous parlez du projet de loi 21, est-ce que vous faites référence au taux de natalité ou au problème démographique?

M. Francoeun Dans le contexte social actuel, on ne peut pas se permettre de faire les difficiles. On a un taux de natalité très bas au Québec. Le secrétariat à l'adoption, les organismes nous disent: Le nombre d'enfants disponibles pour adoption dans les pays étrangers est très bas. Donc, en tenant compte de ces prémisses, je me dis: Si un couple québécois a la chance d'adopter un enfant à l'étranger parce qu'il y en a un qui lui est réservé ou déterminé, qu'on l'aide. Par contre, si un organisme veut entreprendre des démarches et négocier des ententes avec des orphelinats, qu'on l'aide également, mais qu'on ne lui mette pas de bâtons dans les roues. Plus on va rattacher l'organisme au ministère, plus on va rattacher l'organisme au secrétariat à l'adoption, moins l'organisme va avoir de pouvoir dans un pays étranger pour obtenir des enfants disponibles.

Croyez-le ou non, les pays étrangers ne semblent pas du tout intéressés à faire des ententes entre États pour envoyer des enfanta au Québec comme on le ferait pour des automobiles ou des régimes de bananes. Ils ont trop peur de se voir accuser par leur population de vendre leurs enfants au Québec ou à d'autres pays, en échange d'armes ou de marchandises. Dans ces pays, les gouvernements n'ont pas ta confiance de leur population. Ce sont des régimes militaires qui n'ont pas la confiance de leur population. Ils savent que ces populations sont opprimées, qu'elles sont très pauvres, qu'elles vont accepter les adoptions internationales au compte-goutte. Dans des cas déterminés, lorsqu'un couple est envoyé par le secrétariat, lorsqu'un couple y va seul, lorsqu'un couple a été envoyé par un organisme ou encore lorsqu'un orqanisme privé qui n'est pas trop gouvernemental y va, on va accepter de donner des enfants comme cela, mais par contre on a trop peur, dans ces pays-là, que leur population croie qu'il y a eu des ententes entre États pour des échanges d'enfants et on ne veut pas rendre un grand nombre d'enfants disponibles pour le Québec ou pour d'autres pays. Alors, c'est pour cela qu'il faut laisser les démarches personnelles, tout en faisant des adoptions publiques. Pour moi, une adoption publique, ce n'est pas une démarche personnelle. Le secrétariat en fait, les organismes en font, les couples en font et l'adoption est publique au moment où on effectue la coordination et le contrôle.

Les gens sont d'accord pour qu'il y ait coordination et contrôle. La preuve, vous avez justement un document à la fin de mon mémoire qui porte l'estampille de l'ambassade du Canada. Quand les gens font du trafic, ils ne veulent pas être contrôlés. Eh bien! ils passent la frontière et ils ne se présentent pas à l'ambassade du Canada. C'est déjà commencé d'ailleurs. On a dit à un couple, il y a à peine deux semaines: Cela va bien au Secrétariat à l'adoption internationale présentement. Présentez-vous, allez faire votre demande. On va vous donner les autorisations. Il y a le couple Baillargeon et le couple Sanfaçon qui devaient passer devant la cour et on leur a donné l'autorisation. Il semblerait qu'avec la commission parlementaire, tout le monde est beau, tout le monde est qentil et vous allez être bien reçus. Ils ont téléphoné au secrétariat et on leur a dits Vous n'avez pas été à la cour? vous n'avez pas fait de procédure contre nous, donc, on ne peut pas vous aider tout de suite. Venez nous voir dans trois mois. On leur a conseillé d'attendre trois mois, mais ils sont partis chercher leur enfant quand même. Que se passe-t-il alors? Ils n'ont pas le visa de l'ambassade du Canada. Ce qu'ils font? Les parents ont un jugement d'adoption qui est valide pour tous les pays du monde. Ils ont un passeport de leur enfant: ils s'en vont au Costa Rica ou au Mexique et ils prennent un autre avion et on les retrouve à Dorval avec un enfant. Je demandais à ces parents: Que s'est-il passé quand vous êtes arrivés à Dorval avec votre enfant? Ils ont dit: On arrivait des États-Unis. On était en vacances aux États-Unis. Je leur ai dit: Vous auriez dû déclarer cet enfant. Ils ont répondu: Cela aurait pris deux heures, mais on va aller les voir dans quelques mois.

Que va-t-il arriver dans un an ou deux? On aura combien d'amnisties? Je me dis: Si les citoyens veulent se présenter au secrétariat et veulent être reçus, à ce moment-là, qu'on ne les retourne pas au téléphone et qu'on les accueille positivement.

Alors, il n'y aura plus de problèmes d'adoption au Québec. Tout le monde sera heureux: les organismes seront heureux, les parents seront heureux et on aura un contrôle parfait parce que les gens s'inscriront au gouvernement et adopteront des enfants è l'étranger par l'entremise ou l'intermédiaire du gouvernement qui pourra effectuer le contrôle légal de l'adoption simple et de l'adoption plénière, le contrôle des consentements et surtout le contrôle des origines de l'enfant: D'où vient-il cet enfant? Qui vous l'a donné? Est-ce que le gouvernement étranger est au courant qu'il y a un petit Mexicain qui vient d'arriver ici? Où l'avez-vous pris cet enfant-là? Est-ce une madame qui vous l'a donné 9ur le bord de la rue?

Ce contrôle ne doit pas se faire a priori lorsque l'enfant est arrivé au Québec. C'est pour cela que je dis: Si tout le monde collabore avant même que les gens aillent chercher leur enfant à l'étranger, ils vont se présenter au secrétariat puis ils vont offrir toutes les coordonnées et il n'y en aura pas de problèmes parce que cela se fera publiquement. Ce seront des adoptions publiques qui seront connues et si jamais il y a du trafic, eh bien! ce sera facile pour le secrétariat de le dénoncer au pays étranger concerné, parce qu'il sera au courant du projet d'adoption. Pour ma part, c'est ce que je favorise et non pas des adoptions secrètes et privées.

Le Président (M. Bélanger): Le temps est écoulé. Si vous voulez de part et d'autre procéder. Mme la ministre, si vous désirez remercier...

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier M. Francoeur. On aurait peut-être pu profiter même d'une discussion plus longue sur le fond. Je dois vous dire, M. Francoeur, qu'il y a certaines de vos affirmations qui m'inquiètent un peu en ce qui a trait d'abord à l'adoption privée. Les gens vont là-bas, reviennent ici, se font entérinés et par la suite, vous avez dit: Non, il va y avoir les consentements, etc. Je ne suis pas sûre qu'il n'y ait pas eu à certains moments certaines contradictions dans ce que vous avez avancé. Mais, quoi qu'il en soit, je retiens de votre message - et c'est un message que d'autres nous ont donné - qu'il y a des difficultés administratives et même d'interprétation juridique en ce qui concerne l'adoption internationale au Québec à ce moment-ci. C'est le but de la commission - nous l'espérons - de pouvoir remédier à ces problèmes qui nous ont aussi été signalés par d'autres. Je vous remercie.

M. Francoeur: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): M.

Francoeur, je retiens particulièrement un message de votre intervention. Ce n'est peut-être pas sur la loi, comme telle, qu'il faut s'interroger, mais sur l'attitude des gens qui l'appliquent. En tout cas, cela semble davantage un problème d'attitude envers les gens. Cela me semble généralisé et cela m'inquiète parce qu'il me semble que beaucoup de gens seraient déviants. Il faudrait peut-être que, dans l'application de la prochaine loi, on arrive à corriger cela. Mme la députée de Marie-Victorin, vous voulez...

Mme Vermettet Je voulais vous remercier. Je pense que vous avez fait ressortir ce soir par vos déclarations, qu'il faut s'adapter au contexte actuel du Québec. Il faut élargir notre vision. Ce qui est important, tout le monde s'entend pour le dire, c'est l'intérêt de l'enfant. Il faudrait peut-être arriver à faire concorder nos perceptions par rapport à l'intérêt de l'enfant et faire en sorte que plus d'enfants soient heureux et aient une famille. Je vous remercie bien, monsieur.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants, histoire de permettre au prochain groupe, qui est Adoption Estrie Inc., de se préparer.

(Suspension de la séance à 21 h 27)

(Reprise à 21 h 29)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demande à chacun de reprendre sa place. La commission va reprendre ses travaux dans quelques instants.

Nous recevons le groupe Adoption Estrie inc. représenté par Mme Nicole Marchand, qui en est la présidente. Est-ce que Mme Marchand veut bien s'identifier? C'est vous, avec le beau sourire?

Adoption Estrie inc. Mme Marchand (Nicole): Exactement.

Le Président (M. Bélanger): Mme

Marchand - pourrait-on fermer la porte, s'il vous plaît - auriez-vous l'obligeance de nous présenter les gens qui vous accompagnent? Vous connaissez nos règles de procédure ou est-ce que vous voulez que je vous les explique?

Mme Marchand (Nicole): Si cela ne vous prend pas trop de temps, j'aimerais cela...

Le Président (M. Bélanger): Deux minutes.

Mme Marchand (Nicole): ...parce que c'est ma première expérience.

Le Président (M. Bélanger): Bon! Voici. Nous avons une enveloppe globale de temps d'une heure. Cette enveloppe est divisée en trois périodes de 20 minutes. Les premières 20 minutes vous sont accordées pour faire le résumé ou pour présenter votre mémoire. Ensuite, le parti ministériel et le parti de l'Opposition ont une période de 20 minutes d'intervention chacun, normalement divisée en deux sections de dix minutes en vertu de la règle de l'alternance.

Mme Vermette: M. le Président, j'ai l'impression que si on commence... Cela fait une demi-heure. Il est déjà 21 h 30. Est-ce qu'on peut demander de prolonger jusqu'à ce qu'ils fassent leur heure ou...

Le Président (M. Bélanger): On va filer et, à 22 heures, techniquement, on va en faire la demande à ce moment-là. C'est à l'heure précise qu'il faut le faire.

Mme Vermette: Parfait!

Une voix: II ne faut pas voir disparaître le temps.

Le Président (M. Bélanger): Au cas où on aurait fini avant. Donc, grosso modo, ce sont les règles de procédure. C'est aussi simple que cela. Les gens de votre équipe peuvent intervenir pour répondre, s'ils le jugent à propos ou, si vous le jugez à propos, vous pouvez le leur demander. Sentez-vous très à l'aise. Mme Marchand, je vous prie...

Mme Marchand (Nicole): J'aimerais vous présenter Mme Sylvie Hallé, qui est vice-présidente de l'association, M. Guy Achim, à ma gauche, qui est également vice-président et Mme Jocelyne Laçasse, qui est aussi vice-présidente. Moi-même, je suis la présidente de l'association.

M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je dois vous signaler que nous sommes heureux de participer à la commission parlementaire concernant l'adoption internationale. Nous vous remercions d'avoir porté une attention particulière à notre mémoire.

Le Président (M. Bélanger): Pouvez-vous vous approcher davantage du micro? On vous entend très mal. Est-ce que vous pouvez monter le volume? Non? II reste une solution, approchez-vous.

Mme Marchand (Nicole): Oui, parce que le micro est fixe. Si ce n'est pas adéquat, vous me le dites et je me reprends. Je signalais que nous étions heureux de participer à la commission parlementaire concernant l'adoption internationale et que nous vous remercions d'avoir porté une attention particulière au mémoire que nous avons déposé.

Dans un premier temps, je vais faire une brève lecture de certains points de notre résumé du mémoire. Par la suite, nous allons parler de deux points plus précis: le projet de loi 21 et la situation particulière que nous vivons en Estrie. Nous conclurons par la suite.

Adoption Estrie inc. est un organisme sans but lucratif qui regroupe l'ensemble des parents adoptants de l'Estrie. C'est un organisme qui a pour but de reqrouper les parents adoptants, de les informer et de défendre également leurs intérêts auprès des différentes instances politiques et gouvernementales afin d'accélérer le processus de l'adoption internationale.

Les parents adoptants voulant un enfant sont conscients d'un temps d'attente inexplicablement long. Un manque de ressources dans les centres de services sociaux est à signaler. Après quelques années d'attente, leurs dossiers parviennent au Secrétariat à l'adoption internationale. Nous avons, en moyenne, trois à quatre ans de délai d'attente dans la réqion de l'Estrie.

Depuis novembre 1986, le dépôt du projet de loi 139 modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et concernant l'adoption internationale limitait et limite toujours l'accès aux pays ayant l'adoption plénière seulement. La ministre de la Santé et des Services sociaux doit légalement permettre la reconnaissance des juqements d'adoption simple au même titre que ceux He l'adoption plénîère quand, pendant ce temps, les parents adoptants attendent toujours qu'un enfant leur soit désiqné. Les parents devront attendre longtemps, car actuellement il y a peu de pays répondant aux exiqences du Secrétariat à l'adoption internationale. Pendant ce temps, les enfants disponibles pour l'adoption sont dirigés vers d'autres provinces ou vers d'autres pays qui ont une volonté politique ouverte à l'adoption internationale. Nous devons être conscients que l'adoption internationale est une solution au problème de la dénatalité sans cesse croissant au Québec, et qui fait quand même la manchette des journaux depuis quelques mois. Cette solution est aussi valable que l'arrivée, souhaitée par le gouvernement, d'immigrants adultes.

Nous tenons aussi à souligner que l'association Adoption Estrie inc. pense avant tout au bien-être des enfants qui vivent en Amérique centrale, en Amérique du Sud ou dans d'autres pays. Quand nous pensons au bien-être de l'enfant, nous y pensons en termes de bien-être physique, psychique et pour tout l'ensemble du volet affectif. Nous voulons leur donner une stabilité familiale et

résidentielle afin de leur permettre un développement à tous les niveaux, au maximum de ce que les parents, qui ont toute l'affection et l'amour voulus, peuvent leur donner. Pour nous, c'est très important de le souligner.

J'aurais le goût de passer tout de suite au projet de loi 21. Mon confrère, Guy, va vous faire une brève présentation de notre compréhension et aussi des interrogations que nous avons à ce sujet.

M. Achim (Guy): Dans un premier temps, le projet de loi 21 nous semble une amélioration importante de la situation actuelle. L'article 614.3, de la façon dont nous le comprenons, va permettre la reconnaissance, au Québec, de jugements étrangers qui seraient normalement d'adoption dite simple, si l'État étranger donne son consentement par l'entremise d'un représentant. Ce qui nous inquiète, c'est de savoir s'il existe déjà dans plusieurs pays des organismes ou des représentants autorisés qui pourraient remplir ce rôle; ce n'est pas évident.

Actuellement, la situation que nous vivons est la suivante: II y a environ quatre ou cinq pays qui sont accessibles, si on parle d'adoption simple. Si le projet de loi 21 a pour seule conséquence d'en augmenter le nombre à six, sept ou huit - parce que cela n'existe à peu près pas, des pays où il y a un représentant ou un organisme autorisé permettant que l'État étranger donne son consentement par son entremise - nous ne serons guère plus avancés. C'est une interrogation importante pour nous.

Si, par ailleurs - comme cela a été dit dans certains milieux il y a des représentants autorisés ou des organismes pouvant agir comme représentants autorisés dans plusieurs pays, dont le Brésil, par exemple, la situation serait évidemment différente, quant à nous. C'est une première interrogation. Cela semble ouvrir la porte à une amélioration importante de la situation actuelle.

Cependant, nous soulevons une interrogation très importante également en vertu de l'article 72.3 de la Loi sur la protection de la jeunesse, tel qu'il apparaît dans le projet de loi. Dans cet article, on parle d'organisme reconnu. On se pose la question suivante: Est-ce que par "organisme reconnu" on entend substituer le secrétariat et lui donner, à ce moment-là, encore plus de pouvoirs? Si c'est le cas, nous croyons que ce n'est absolument pas la solution, et qu'au contraire, cela va à l'encontre de tous les espoirs des parents quant à l'adoption internationale. Si ce n'est pas le cas et que c'est bien la reconnaissance officielle et plus organisée, si l'on veut, d'organismes qui existent déjà, d'organismes efficaces, à ce moment-là, pour nous, c'est vraiment une amélioration. Le projet de loi apportera également sur ce point-là une amélioration. Finalement, la question fondamentale que l'on se pose à la lecture du projet de loi est de savoir si l'on renforce les pouvoirs du secrétariat et si l'on complique davantage une situation qui est de plus en plus difficile et de plus en plus inextricable? Cela, on ne peut pas le dire. On ne connaît pas la réglementation qui accompagnera le projet de loi et on pense que c'est dans la réglementation que cela va vraiment se jouer. Les principes en soi nous apparaissent acceptables, nous apparaissent être une amélioration. Mais c'est l'application qui nous laisse vraiment incertains, et totalement. D'une part, notre position en ce qui concerne les organismes est que ces organismes se sont révélés et se révèlent certainement beaucoup plus efficaces que le secrétariat peut l'être. Ils ont des contacts sur le terrain. Cela peut varier évidemment d'un organisme à l'autre, mais les orqanismes qui fonctionnent déjà et qui sont efficaces sont des organismes qui mériteraient d'avoir un meilleur sort quant à la collaboration qui leur est réservée au secrétariat. Ce point-là ayant déjà été traité par d'autres, je ne veux pas m'y attarder davantage.

Ce que l'on reconnaît d'abord et avant tout, et cela a été mentionné par l'intervenant qui nous précédait, c'est la question du contrôle. Nous reconnaissons totalement le bien-fondé, la nécessité d'une forme de contrôle très efficace par l'État. Tous les gens que nous avons rencontrés sont d'accord avec cela. Là où nous ne sommes pas d'accord, c'est vraiment sur l'application quotidienne au point de vue administratif qui a été vécue dans les dernières années. Nous sommes en désaccord profond sur ce point. Nous croyons que cela doit changer et que cela doit se refléter dans la réqlementation. Â ce point de vue, le Secrétariat à l'adoption internationale doit avoir un rôle diminué du côté de ses pouvoirs, et ce doit être vraiment un rôle de coordination. Que l'on donne des règles du jeu claires et précises à des organismes, que l'on reconnaisse ces orqanismes, qu'on exige d'eux des performances de qualité et des standards de qualité, et nous croyons qu'à ce moment-là nous allons régler une partie importante, et très rapidement, du problème de l'adoption internationale en ce qui concerne, par exemple, ce qu'on appelle, entre guillemets, le manque d'enfants.

Simplement, et je redonnerai la parole à Mme Marchand après cela, je vous rappelle que le Secrétariat à l'adoption internationale, en ce qui concerne son mandat initial, ne s'est malheureusement pas révélé à la hauteur du mandat qu'il lui avait été confié. Entre autres, quand on parlait de négocier des ententes avec des pays étrangers ou de s'assurer de la coordination et de la

cohérence des initiatives gouvernementales en matière d'adoption. Je ne veux pas non plus m1 attarder davantage là-dessus. Nous croyons que le rôle du secrétariat n'est pas de décourager les organismes ou les parents et de faire obstacle, mais, bien au contraire, de coordonner et de faciliter, ce qui, je le répète, n'est pas le cas.

Nous croyons que les gens du secrétariat devraient d'abord et avant tout croire eux-mêmes à l'adoption internationale. Et nous prétendons que ce n'est pas non plus le cas actuellement. En terminant sur le projet de loi, quant à son contenu, la formalité qui s'ajoute, celle du Tribunal de la jeunesse, sera efficace dans la mesure où les ressources nécessaires seront disponibles pour qu'on ne se retrouve pas devant une procédure additionnelle qui va, elle, engendrer des délais additionnels. C'est finalement notre principale réserve ou commentaire pour l'ensemble du projet de loi. Nous croyons qu'il y a ce qu'il faut dans ce projet de loi pour trouver les solutions, mais que la réglementation et son application seront déterminantes. Il faut d'abord et avant tout éliminer le goulot d'étranglement que constitue te Secrétariat à l'adoption internationale., Mme Marchand? Merci.

Mme Marchand (Nicole): Merci. Donc, ce qu'il faut retenir, c'est que nous sommes des parents qui avons de l'affection et de l'amour à donner à des enfants. On aimerait finalement que le système mis en place facilite les principes d'adoption et diminue les délais d'adoption. Actuellement, lors de nos réunions de parents adoptants, ce qui ressort" beaucoup, c'est que c'est lonG à attendre. On ne sait pas trop comment cela se passe, pourquoi c'est si compliqué. Au fond, tout ce qu'on veut, c'est avoir un enfant, l'aimer, pourvoir à ses besoins vitaux, etc., et on ne comprend pas pourquoi cela prend du temps.

Il y a aussi une situation problématique en Estrie. Depuis le 1er mai 1987, le Service d'adoption internationale du Centre de services sociaux de l'Estrie, de la région 05 donc, n'existe plus. Actuellement, un couple qui veut faire une demande d'adoption internationale ne sait pas où s'adresser. Les dossiers des couples qui ont déjà adressé leur demande d'adoption internationale sont? en suspens. On ne sait pas ce qui va arriver à la suite de cela. On ne sait pas non plus qui va nous donner de l'information sur les démarches à entreprendre, sur les pays qui sont ouverts, sur les pays qui ne le sont plus; qui va assumer le suivi du dossier psychosocial d'un enfant qui est accueilli au Québec pour répondre aux exigences du pays et, surtout, qui va faire les évaluations psychosociales des parents qui font des demandes d'adoption internationale.

Ce sont quelques questions, il y en a d'autres également, ce qui fait qu'actuellement on considère que notre situation est tragique. Nous avons été surpris que Mme la ministre ait accepté la disparition du Service d'adoption internationale pour la région 05. Nous croyons qu'elle n'a pas reçu toute l'information requise concernant l'implication de la fermeture de postes afin de combler le déficit budgétaire du centre de services sociaux et qui, dans les faits, signifiait la disparition totale du service. II est sûr que, quand on parle de fermeture de postes ou de coupure de postes, si on parle d'un poste, on peut croire qu'il reste peut-être un ou deux postes. Mais dans les faits, il n'y avait qu'une seule et unique personne pour couvrir toutes les demandes et la même personne, malgré un bon travail, n'arrivait pas à rencontrer les parents, autant en ce qui concerne les évaluations psychosociales qu'en ce qui concerne le suivi des enfants.

Nous espérons que les informations que je viens de transmettre à Mme la ministre permettront une révision de la situation afin que nous obtenions une équité interrégionale. Nous sommes convaincus que l'étude globale actuellement menée par le ministère de la Santé et des Services sociaux et portant sur l'évaluation de la richesse relative des régions confirmera que la région 05 est un parent pauvre par rapport à l'ensemble du Québec. Ce qui est plus dangereux, c'est qu'on peut créer un précédent en ce qui concerne la province de Québec pour l'adoption internationale. Nous espérons que cette position pourra être corrigée lors de la distribution des budgets pour l'année 1987-1988. Nous soulignons qu'il y a d'autres réqions qui sont beaucoup plus avancées au chapitre des études psychosociales, en ce sens qu'elles en sont rendues au début de l'année 1985. Nous, quand le service a été fermé, nous en étions au début de l'année 1984, je crois. (21 h 45)

Nous voudrions également suggérer à la ministre de l'Immigration et également à la ministre de la Santé et des Services sociaux de mettre en place un mécanisme de concertation dans la mesure où l'adoption internationale et l'immiqration ont des liens très étroits.

Cette concertation pourrait amener plus d'adoptions internationales en réponse aux besoins d'immigration pour combler la dénatalité québécoise. 3e pense qu'il n'est pas nécessaire de souligner que le fait d'inclure l'adoption internationale à l'intérieur de l'immigration permet de rajeunir une population, de lui fournir une culture qui est la nôtre et une meilleure intégration dans la société.

Nous irions jusqu'à recommander que des sommes provenant du ministère de l'Immigration soient partagées avec le ministère de la Santé et des Services sociaux

uniquement dans le cadre de l'adoption internationale afin de permettre une mise à jour permanente des demandes d'adoption internationale autant dans les centres de services sociaux qu'à l'organisme reconnu par le ministère de la Santé et des Services sociaux qui est actuellement le Secrétariat à l'adoption internationale.

Nous avions un poste, nous n'en avons plus. Le poste que nous avions était à peine suffisant pour répondre aux demandes et nous avions, de façon permanente, des retards de trois ou quatre ans. C'est ce type de retard que nous aimerions voir combler par une concertation entre les deux ministères.

Nous sommes également très inquiets quant à l'avenir des parents adoptants qui ont déjà fait leur inscription au centre de services sociaux advenant l'adoption du projet de loi 21. Nous aimerions savoir où les parents s'insèrent dans ce processus et quel type de processus également nous aurons dans le cadre du projet de loi 21.

C'est l'ensemble de notre problématique dans la région 05. Je tiens à vous souligner que plusieurs, sinon la totalité des parents sont très inquiets et très malheureux de la situation. Il y a également des nouveaux couples qui ont décidé de faire une demande d'adoption internationale et qui ne savent plus très bien où ils doivent s'adresser.

Je dois dire, au risque de répéter ce que vous avez peut-être déjà entendu, que les mécanismes d'adoption internationale, c'est compliqué, c'est long. Il y a plusieurs procédures. Pour monsieur et madame Tout-le-Monde qui n'ont jamais pataugé à l'intérieur de cela, ce n'est pas facile de comprendre tout ce qui se passe. Quand on perd sa seule personne-ressource en région, c'est encore plus compliqué de savoir ce qui se passe parce qu'on n'a plus personne pour répondre à nos questions.

Il y a un autre aspect aussi que j'aimerais vous souligner: notre inquiétude et notre désapprobation quant au temps d'attente et à la lourdeur administrative du système. Nous doutons qu'une structure, quelle qu'elle soit, puisse fonctionner adéquatement sans que des ressources humaines et financières y soient ajoutées. Nous souhaiterions que des sommes additionnelles permettent un mode de fonctionnement adéquat et réceptif à l'adoption internationale.

Il ne faut pas oublier que les parents adoptants investissent de l'énergie, de l'amour et des sommes importantes pour permettre à un enfant de s'épanouir dans notre contexte, de recevoir de l'affection et aussi permettre que nous ayons l'occasion de répandre à ses besoins en ce qui concerne l'affection, l'instruction, etc. Ce qui, dans les faits, est une prise en charge globale.

Je crois que les parents, peut-être, répondent à un besoin personnel aussi d'avoir un enfant et je pense que personne ne peut contredire ce besoin. Je pense qu'en même temps ils veulent faire leur part dans la société québécoise dans différents domaines. Nous aimerions vivre l'adoption internationale non pas comme une course à obstacles dont on ne connaît jamais la fin, mais comme un acte simple et humanitaire qui, en plus, je pense, peut servir autant des enfants en besoin d'affection que des parents qui ont la disponibilité pour le faire. Pas juste la disponibilité...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme Marchand.

Mme Marchand (NicoIe): En conclusion -si je peux retrouver ma petite feuille - on demande une clarification du rôle, des fonctions, des responsabilités du secrétariat à l'adoption ou de tout organisme reconnu par la ministre.

Nous proposons qu'un représentant des organismes et un représentant des associations de parents siègent à un conseil d'administration qui serait formé afin de faire valoir nos opinions dans cet orqanisme reconnu et que - pour nous, c'est un point majeur - nous n'ayons pas à attendre plus d'une moyenne de dix-huit mois entre la date où nous faisons notre inscription à un centre de services sociaux, si toutefois nous pouvons récupérer la personne que nous avions en région, et l'arrivée de l'enfant.

Il ne faut pas oublier que nous avons vécu plusieurs années en ce qui a trait à l'investigation médicale; je pense qu'à un moment donné on a également envie de vivre une vie familiale. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Bien madame, je vous remercie.

Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier les représentants d'Adoption Estrie pour leur mémoire. Vous avez fait état de plusieurs préoccupations. Je vais peut-être prendre celle sur laquelle vous êtes revenue le plus souvent, en disant qu'il n'y avait plus au CSS dans les Cantons de l'Est de personne particulièrement affectée, comme ceci avait été le cas dans le passé, à l'adoption internationale et à l'évaluation des parents qui demandent une adoption internationale. Ceci est présentement examiné. Évidemment, il faudrait peut-être rappeler que les centres de services sociaux avaient reçu l'an dernier, je pense que cela s'appliquait également au CSS de l'Estrie, un certain montant pour le redressement de leur base budgétaire. Évidemment, ils font des choix administratifs, mais il semble bien que le choix qui a été fait - c'était un demi-poste qui restait pour l'adoption

internationale, si ma mémoire est bonne -soit d'éliminer le poste, a été présenté au ministère et accepté comme tel. Dans ce sens-là, vous avez raison, mais on me dit que, présentement, on est en pourparlers avec le centre de services sociaux pour voir comment on peut remédier à cette situation qui pénalise certainement les parents de votre région.

Je voudrais que vous me disiez la différence entre votre organisme et l'organisme connu sous le nom Les Enfants de l'arc-en-ciel. Est-il de la même région? Mais enfin, c'est peut-être moins important dans tout le débat.

Vous avez soulevé une question relative à la disponibilité de travailleurs sociaux pour faire les évaluations, mais aussi au manque d'information concernant l'adoption internationale. Je pense que vous la situiez même en dehors de la question du personnel. C'est une remarque qui nous a été faite par plusieurs intervenants qui nous ont dit que l'information n'était pas suffisante et qu'elle était peut-être donnée au compte-goutte et cela, depuis longtemps. Il semble bien que, si finalement on adopte un projet de loi qui est satisfaisant, des règlements, etc., il faudra faire une plus grande publicité ou enfin mieux les faire connaître et trouver des moyens et des canaux d'information plus adéquats que ceux qu'on connaît actuellement et qui semblent peut-être trop réservés aux gens qui sont un peu plus initiés, ou aux parents qui se sont eux-mêmes impliqués dans des organismes comme le vôtre.

Je voudrais vous parler d'une autre de vos inquiétudes, c'est le fait que le dépôt de la loi 139 a limité l'accès aux pays ayant l'adoption plénière. Je voudrais vous faire remarquer qu'il n'y a pas eu de modification par rapport à ce qui existait antérieurement. Cette disposition d'adoption plénière était dans le Code civil du Québec, mais avait été interprétée un peu différemment selon certaines pressions, selon certaines considérations quelquefois. En ce sens-la, la loi 139 visait davantage à faire connaître au public quel était vraiment le fond de la loi sur l'adoption internationale au Québec. Deuxièmement, cela visait éqalement l'adoption d'un règlement qui viendrait clarifier les responsabilités respectives du secrétariat à l'adoption, du directeur de la protection de la jeunesse et également des organismes en adoption internationale reconnus. À l'heure actuelle, ce projet de règlement va devoir connaître d'autres modifications de toute façon, parce qu'il a été publié avant le projet de loi 21 et on ne voulait pas retarder indûment, vu les attentes de la population et des parents en particulier, pour clarifier la situation sur le plan juridique.

Je veux vous dire à ce moment-ci qu'il y a une préoccupation quelque part en ce qui a trait à l'adoption plénière et à l'adoption simple. Le projet de loi 21 élargit dans le sens d'une reconnaissance des adoptions simples dans les pays où il y a eu consentement de l'État par une personne autorisée ou un organisme autorisé. Déjà, dans un certain nombre de pays, il existe de tels organismes qui ont une reconnaissance de l'État et qui peuvent remplir des responsabilités sur le plan de l'adoption internationale avec des pays étrangers.

Votre question était: Est-ce que cela élargit ou rétrécit? Je pense que vous pensiez que ça élargissait, mais, théoriquement, ça ne limite pas le nombre de pays dans lesquels il pourrait se faire des adoptions, même s'il s'agit de pays à adoption simple. Évidemment, il s'agira quand même, dans ces pays-là, d'établir certaines règles qui vont permettre d'élargir le cadre de l'adoption et de ne pas le limiter strictement à des pays d'adoption plénière, là où le nombre est le plus restreint, selon l'interprétation que l'on fait du Code civil.

Vous parlez également d'une plus grande concertation entre le ministère des Communautés culturelles et celui de la Santé et des Services sociaux. Je dois vous dire qu'il est impossible de fonctionner en adoption internationale pour le ministère de la Santé et des Services sociaux, à moins que ne s'établisse une concertation, étant donné que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles a des responsabilités, forcément, dans le domaine de l'immigration.

D'ailleurs, je l'ai indiqué ce matin -vous n'y étiez peut-être pas - ce projet de loi a été élaboré en étroite concertation avec la Justice, l'Immigration - il m'en manque un - les Relations internationales et le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Un dernier mot sur le rôle qui devrait être joué ou l'inquiétude, je dirais, qui a été manifestée par la totalité des cinq ou six groupes d'adoption internationale reconnus, à savoir ce que seraient leurs responsabilités à l'avenir. Est-ce que le projet de loi ou de règlement vient limiter leurs responsabilités ou si, au contraire, ils sont appelés à continuer de remplir les responsabilités qu'ils remplissent présentement?

J'ai eu l'occasion de l'affirmer à plusieurs reprises. Il y a des ambiquïtés, dans la loi ou dans le règlement, qui devront être éclaircies avant la présentation finale. Je voudrais simplement vous rassurer en disant que, là où ces organismes sont reconnus et fonctionnent dans des pays désignés, il y a une convention signée avec le gouvernement.

De toute évidence, ils sont le prolongement du ministre quant aux interventions qu'ils peuvent faire dans ce pays à titre d'organismes reconnus. Alors, il n'est aucune-

ment question de diminuer leurs responsabilités.

Je pense que votre organisme n'est peut-être pas encore reconnu. Je pense que...

Mme Marchand (Nicole): Noua sommes une association de parents adoptants et nous n'avons pas de contact avec des pays. Nous n'avons...

Mme Lavoie-Roux: Ahi vous n'avez pas de contact avec des pays, vous?

Mme Marchand (Nicole): Non.

Mme Lavoie-Roux: Mais vous avez soulevé la question des organismes reconnus tout à l'heure.

Mme Marchand (Nicole): Exactement.

Mme Lavoie-Roux: Alors, là où ils fonctionnent comme étant le prolongement du ministre, ce sont eux qui interviendront dans les pays désignés où ils oeuvrent présentement et le ministre ou son délégué intervient dans les pays où il n'y a pas d'organismes d'adoption internationale reconnus qui y oeuvrent. Alors, j'espère que cela peut clarifier certaines choses.

Le Président (M. Bélanger): Si vous me le permettez, Mme la ministre, compte tenu de l'heure, je dois demander le consentement des membres si nous voulons continuer nos travaux au-delà de 22 heures. Alors, nous pourrions continuer jusqu'à 22 h 20 ou 22 h 25 environ. Est-ce que j'ai le consentement des deux côtés?

Mme Lavoie-Roux: D' accord.

Le Président (M. Bélanger): Oui? Bien. Alors, je présume que j'ai aussi le vôtre, mais nos règlements ne prévoient pas que je vous le demande. Mme la ministre. (22 heures)

Mme Lavoie-Roux: Je retiens vos représentations en ce qui a trait à la lourdeur, aux difficultés ou à votre course à obstacles, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, dans vos démarches d'adoption internationale. J'ose croire que le travail que nous faisons ensemble ici permettra, en tout cas, d'en corriger une bonne partie. On vise évidemment à tout corriger, mais peut-être qu'aussi la perfection n'est pas de ce bas monde. C'est certainement avec cet objectif d'aplanir les difficultés que les parents éprouvent dans tout ce domaine de l'adoption internationale.

Le Président (M. Bélanger): Très bien! Vous vouliez répondre, madame?

Mme Marchand (Nicole): Oui, j'aimerais préciser certains points.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Marchand (Nicole): Comme je le disais tout à l'heure, nous ne sommes pas un organisme...

Mme Lavoie-Roux: J'avais pris l'exemple sur Les Enfants de l'arc-en-ciel. Je m'excuse.

Mme Marchand (Nicole): C'est cela. Eux, c'est un organisme. Nous, nous représentons...

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Mme Marchand (Nicole): ...une centaine de parents de la réqion de l'Estrie.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

Mme Marchand (Nicole): Nous nous sommes formés en association justement pour mieux comprendre les mécanismes de l'adoption et faire valoir nos délais d'attente que tout le monde trouvait incroyables et inhumains, entre guillemets.

Vous parliez de manque d'information. Quand on avait notre praticienne sociale en Estrie, nous avions quand même des rencontres mensuelles où elle pouvait nous fournir de l'information. On pouvait s'en sortir. Mais je pense que c'est davantage du côté des délais. Quand on dit qu'on fait une demande en 1983 et qu'on est rendu en 1987... Ce sont les trois ou quatre ans d'attente que cela nous prend avant même d'avoir un petit signe de quelqu'un, un petit appel téléphonique pour nous dire: On aimerait vous rencontrer pour savoir quelles sont vos incitations à devenir parents. C'est ce que nous trouvons incroyable et impensable.

Ensuite, que notre dossier soit acheminé au secrétariat et qu'on n'ait seulement pas d'accusé réception pour nous dire: Oui, votre dossier est arrivé... Je pense qu'on vit tout le temps un phénomène d'insécurité et on ne sait pas trop ce qui se passe avec notre dossier. Est-il perdu dans le courrier? Est-il bien rendu ou pas? Qu'il y ait des délais d'attente dans un pays, je pense qu'il faut s'y attendre. Il y a des mécanismes avec les notaires, les avocats. On peut comprendre cela. Mais avoir à attendre trois ou quatre ans pour une évaluation psychosociale... Ensuite, attendre que notre dossier arrive sur le bureau de la bonne personne, qu'elle voit que notre évaluation est valable et qu'un enfant est disponible, nous trouvons impensable d'avoir à attendre tout ce temps-là, quand on sait qu'à l'extérieur du Québec, cela prend 18 mois en moyenne. Je l'ai

vérifié à l'extérieur du Québec. On l'a vérifié avec des personnes des États-Unis. Effectivement, c'est un délai qui nous paraîtrait beaucoup plus raisonnable.

Mme Lavoie-Roux: Voua avez soulevé ce point dans votre mémoire et il est vrai que dans les autres provinces et probablement aux États-Unis, ils n'ont pas les mêmes règles concernant l'adoption internationale. Le Québec a décidé d'agir en matière d'adoption internationale en s1 inspirant des principes ou des fondements de notre Loi sur la protection de la jeunesse. Il y a quelqu'un qui a mentionné tout à l'heure - c'est peut-être vous, dans votre mémoire - que j'avais dit à un moment donné que c'était plus rigoureux au Québec que dans d'autres provinces. C'est exact. Mais nous pensons que la question du respect du droit de l'enfant ou l'intérêt de l'enfant est un principe fondamental. On aurait pu faire le même raisonnement dans le cas de la Loi sur la protection de la jeunesse, où on a aussi été à l'avant-garde, eu égard aux autres lois canadiennes.

Mme Marchand (Nicole): Nous sommes entièrement d'accord sur le respect des droits de l'enfant.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

Mme Marchand (Nicole): Je pense que personne ne peut nier cela, mais, parallèlement à cela, nous savons également qu'il y a des enfants qui sont dans des orphelinats, dans des grands dortoirs, dans des grandes cafétérias où ils n'ont aucune nourriture affective. C'est à peine s'ils ont une nourriture substantielle chaque jour. Là-dessus, j'ai des faits véridiques de parents qui sont allés dans des pays pour chercher leurs enfants. Il y avait peut-être 100 ou 110 enfants entre zéro et six ans qui ne demandaient qu'à être adoptés. C'est dans un contexte comme celui-là, quand on pense au bien-être de l'enfant, qu'on est entièrement d'accord là-dessus. On voudrait que cela soit aussi accordé à des enfants qui n'ont personne finalement pour les représenter dans d'autres pays, sauf peut-être nous, finalement, qui sommes prêts à collaborer à ce niveau.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): Je vais reconnaître Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir au nom de ma formation politique de vous accueillir ici ce soir. Je sais que vous passez un petit peu plus tard, à des heures indues, mais je pense que le sujet demeure toujours aussi intéressant. Je pense que vous apportez réellement un vécu personnel puisque vous êtes des parents adoptants. Cela se sentait lorsque vous avez fait votre exposé, en tout cas, lors de la présentation de votre mémoire. On voyait que c'était vraiment d'une grande sincérité. C'est tout à votre avantage» C'est pourquoi il est important qu'on prenne vos recommandations au sérieux et qu'on leur accorde toute l'attention qu'elles méritent parce que tout ceci est fait en fonction du mieux-être de l'enfant. Au cours de cette commission on s'aperçoit que ce n'est pas tout le monde qui a les mêmes perceptions quant au mieux-être de l'enfant. Il faudra qu'on tente d'avoir plus d'homogénéité, quant à la conception du mieux-être de l'enfant et à partir cela peut-être qu'on pourra élaborer des règles de procédure qui correspondront davantage et qui seront beaucoup plus conformes aux attentes et au respect de l'enfant, des parents et des pays étrangers avec lesquels nous devons faire affaire pour l'adoption internationale.

D'autre part, on sait qu'avec le projet de loi tel que libellé, des associations ont montré certaines réticences. Il reste certains points à éclaircir parce que ce n'est pas tout à fait clair. Le projet de loi pourrait limiter les droits de certains organismes. 11 pourrait aussi causer une accumulation de délais avec la nouvelle procédure de faire vérifier le projet par le tribunal. Il y aura aussi le jumelage du projet qui sera fait maintenant par les DPJ et non plus par les différents organismes intermédiaires qui le faisaient antérieurement. On espère que la révision ne causera pas de délais indus. Vous avez aussi mentionné dans votre mémoire un élément assez substantiel, en tout cas à mon avis: ce sont les ressources financières. On aura beau parler du problème judiciaire, si on n'a pas la volonté ferme d'accroître certains budgets, je ne pense pas qu'on pourra répondre aux besoins et qu'on apportera les véritables solutions aux problèmes que vivent actuellement l'ensemble des parents adoptants du Québec. M. le Président, maintenant, ma collègue de Johnson voudrait poser quelques questions parce qu'elle semble directement concernée par la problématique de l'Estrie.

Le Président (M. Bélanger): Alors Mme la députée de Johnson, je vous en prie.

Mme Juneau: Est-ce que vous n'allez pas...

Le Président (M. Bélanger): Aucun problème, je vous en prie.

Mme Lavoie-Roux: On a une très bonne commission.

Mme Juneau: Je remercie beaucoup ma collègue. Étant donné qu'il s'agit des gens de l'Estrie, il me fait plaisir d'avoir la chance d'intervenir. Je pense qu'on a enlevé l'adoption internationale aux services sociaux, mais on a conservé quand même le maintien du planning familial. Je trouve spécial qu'on ait maintenu le planning familial qui, en fait, comporte aussi l'avortement. On a tant besoin d'enfants au Québec. Je me pose de sérieuses questions. Pourquoi n'avons-nous pas enlevé le planning familial dans le cas de la région de l'Estrie? On est la seule région qui n'a pas ce service d'adoption internationale...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous permettez, Mme Juneau, juste une petite seconde?

Mme Juneau: Oui, je voudrais bien savoir...

Mme Lavoie-Roux: Ces choix sont faits localement. Je ne sais pas si toute la question de planning familial était au CSS, souvent c'est rattaché à un hôpital, au DSC et au CLSC. À ce moment-là ce sont des choix qui sont faits localement.

Mme Juneau: On a rapporté dans le journal à ce sujet, Mme la ministre, qu'on leur a demandé de couper dans leurs dépenses et de proposer certaines choses et il semblerait qu'ils ont eu la directive de couper justement l'adoption.

Mme Lavoie-Roux: On a dû leur proposer différents choix.

Mme Juneau: Oui. Quatre choix. Il semblerait qu'on leur a dit que c'était là qu'on devait couper. Je connais les besoins des gens de l'Estrie; il ya 111 couples qui attendaient d'être évalués à Sherbrooke au centre de services sociaux et qui n'ont pas pu l'être à cause de cela. Tel que madame le disait dans son exposé tout à l'heure: Où allons-nous? Qu'est-ce qu'ils vont faire? À qui vont-ils s'adresser. On est vraiment les enfants pauvres en Estrie concernant l'adoption internationale. Si j'ai bien saisi les propos de M. Achim tout à l'heure, vous avez parlé de goulot d'étranglement concernant le secrétariat international, à ce moment-là vers qui les parents adoptants de chez-nous vont-ils se retourner?

Mme Lavoie-Roux: J'ai répondu à cela tantôt, Mme Juneau.

Mme Juneau: Oui, mais je trouve cela un peu spécial.

Mme Lavoie-Roux: Mme la députée de Johnson, je m'excuse.

Mme Juneau: Ce n'est pas grave. Je voulais aussi vous demander quelque chose par rapport à cela. Vous avez dit tout à l'heure que vous souhaitiez qu'il y ait au conseil d'administration du secrétariat un membre des associations reconnues au Québec. Est-ce que vous voulez dire par région ou quoi?

Mme Marchand (Nicole): Au même titre que dans les CRSSS, dans les CSS ou dans les CLSC, il y a toujours des représentants des organismes communautaires comme on peut avoir des représentants de centres hospitaliers ou d'autres orqanismes. Nous aimerions également qu'à l'intérieur du Secrétariat à l'adoption internationale, nous ayons la possibilité d'avoir un représentant des orqanismes et un représentant de associations des parents du Québec pour y siéger et faire valoir finalement nos intérêts et nos droits aussi.

Mme Juneau: Cela vous donnerait à ce moment-là une personne-ressource auprès de qui vous pourriez aller chercher de l'information, tel que vous l'avez mentionné tout à l'heure. J'imagine que c'est dans ce sens-là que...

Mme Marchand (Nicole): C'est un droit acquis aux CRSSS, aux CSS, aux CLSC, et aux centres hospitaliers. Pourquoi cela ne le serait-il pas également au Secrétariat à l'adoption Internationale, qui est quand même un organisme relevant du ministère de la Santé et des Services sociaux?

Mme Juneau: Mme la ministre, vous avez dit tout à l'heure que la loi a été préparée en étroite collaboration avec le ministère de l'Immigration et le ministère des Relations internationales. Est-ce que cela veut dire, aussi pour le bénéfice des gens qui viennent nous présenter des mémoires, qu'ayant participé à l'élaboration du projet de loi, ces deux ministères vont être étroitement reliés dans les coûts que pourrait occasionner la mise sur pied de certains services pour les parents et pour les associations? Est-ce que cette étroite collaboration va aller jusque-là?

Mme Lavoie-Roux: Cela dépend à quel service vous faites allusion. Par exemple, il y a des services sur tout ce qui touche les dispositions relatives à la protection de la jeunesse: évaluation, etc., qui relèvent de la responsabilité du ministère de la Santé et des Services sociaux. À quelle responsabilité faites-vous allusion exactement? À ce moment-là, si eux assument des responsabilités - mais je ne vois pas dans l'immédiat quelles responsabilités sont strictement reliées à ces ministères - il serait concevable qu'on leur demande d'assumer les

coûts reliés à leurs propres fonctions. Mais, quand j'ai parlé de l'étroite collaboration, c'est sur le plan d'une cohérence juridique entre les responsabilités de chacun et les opinions juridiques de chaque ministère.

Mme Juneau: Mais il me semble que tous les organismes en général qui se sont présentés ici ont tous été unanimes à dire: On manque de ressources. Il n'y a personne pour répondre à nos attentes. C'est une lenteur qui est quasi...

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, Mme la députée de Johnson.

J'aimerais qu'on s'en tienne à l'analyse du mémoire du groupe...

Mme Juneau: Oui, mais justement, ils ont parlé de lenteur.

Le Président (M. Bélanger): ...et que l'on puisse par la suite faire un débat parlementaire entre nous, si vous le permettez.

Mme Juneau: Je m'excuse, M. le Président. Je comprends bien, mais en demandant des réponses à la ministre, cela donne aussi des réponses à ces gens-là qui s'interrogent.

Mme Marchand (Nicole): J'ai deux personnes à côté de moi qui auraient peut-être des réflexions à faire sur les derniers propos de Mme la députée.

Le Président (M. Bélanger): Très bien, monsieur. (22 h 15)

M. Achim: Avec votre permission, dans un premier temps, ce que Mme la députée de Johnson mentionne c'est un fait. On a besoin de ressources, c'est clair, mais ce qui nous importe davantage c'est vraiment un allégement du carcan administratif devant lequel on se trouve aujourd'hui. C'est la chose primordiale. On a besoin d'un cadre clair, fonctionnel et qui permette de réaliser les projets d'adoption. On a besoin d'un minimum de ressources, mais on a d'abord besoin surtout et avant tout d'une volonté politique d'adoption internationale au Québec. C'est ce que nous prétendons et ce qu'on ne retrouve pas actuellement. C'est même à l'encontre. Nous croyons que le secrétariat à l'adoption, à toutes fins utiles, dans les faits, pose des gestes qui vont à l'encontre de cela. Je vous le mentionnais tout à l'heure et je vous le répète, je laisserai la parole à d'autres ensuite. À titre d'exemple, il y a, non pas des associations, mais des organismes comme Les Enfants de l'arc-en-eiel, etc., qui fonctionnent très bien, qui n'ont pas la collaboration requise du secrétariat. Il y a même dans certains cas - je ne parle pas de cet organisme en particulier, je dis dans certains cas - presque de l'intimidation, en ce sens que, si on ne se plie pas ou si on ne fait pas certaines choses, il y a un durcissement des positions. Je crois qu'on doit alléger la structure administrative des organismes et permettre à ceux qui sont efficaces et qui fonctionnent bien de le faire pleinement. C'est pour cela que je vous dis que l'encadrement administratif est tout aussi important que les ressources financières qui peuvent être accordées. Merci.

Mme Juneau: Je ne sais pas si c'était tout à l'heure, mais vous avez parlé des standards de qualité pour les orqanismes existants. Quels sont, pour vous, les standards de qualité requis pour que ce soit vraiment un organisme représentatif des besoins?

M. Achim: Pour nous, actuellement, c'est impossible de le dire. D'une part, on n'a pas vraiment la compétence. Ce n'est pas parce qu'on est des parents adaptants qu'on devient aptes à dire; C'est un organisme correct et efficace. Mais on souhaite que les règles du jeu, pour les organismes, justement ce qu'on appelle les standards de qualité, soient établies. Il y en a des organismes privés et ils sont efficaces. Dans la mesure où ils respectent les critères établis dans les règlements, qu'on laisse ces organismes fonctionner. Ce n'est pas à nous d'établir ces critères, mais nous demandons qu'ils soient établis clairement. Une fois qu'ils seront établis et une fois que ces organismes auront fait la preuve qu'ils les respectent, qu'on les laisse fonctionner.

Sans endosser les positions de M. Francoeur - et cela, vraiment sur plusieurs points - je pense qu'une chose est vraie. Le contact de ces organismes et des parents désireux d'adapter est souvent beaucoup plus efficace qu'une structure administrative, à moins que cette structure soit vraiment dotée d'un budget très important, ce qui, manifestement, ne sera pas le cas demain matin. L'adoption internationale ne deviendra jamais à ce point une priorité que l'on mettra toutes les ressources financières à sa disposition. Je dis, à ce moment-là, qu'il y a des gens qui sont prêts à faire le travail, qu'il y a des organismes compétents pour le faire. Donnons-leur la possibilité de le faire et soulageons au maximum le fardeau administratif. C'est un point essentiel si on veut que la réglementation réponde aux demandes des parents dans le respect des droits des enfants. On insiste là-dessus, et je pense que vous le comprenez, cela doit refléter cela.

Mme Juneau: Est-ce que la fermeture du poste au centre de services sociaux de l'Estrie va provoquer, chez les parents qui étaient en attente pour une évaluation, une

dépense nouvelle? Pour être évalués» est-ce qu'il va falloir qu'ils aillent dans le secteur privé? Qu'est-ce qui va arriver?

Mme Hallé (Sylvie): Actuellement, puisqu'il n'y a pas d'argent au CSS de i'Estrie pour rétablir le service à l'adoption internationale, la solution qui nous est proposée est de faire affaire avec des travailleurs sociaux privés, moyennant des sommes tournant facilement autour de 300 $ et 400 $, ce qui est très réaliste, simplement pour faire la démarche de l'étape de l'évaluation sociale. À partir de ce moment, la coordination du dossier, semble-t-il, va se compléter au secrétariat du CSS pour être acheminé au Secrétariat à l'adoption internationale à Montréal. Déjà, à cette étape, on nous demande un déboursé additionnel de 300 $ à 400 $ pour pallier le manque de budgets que le centre de services sociaux a actuellement.

Mme Juneau: Et l'évaluation qui... Pardon, je vous en prie.

Mme Marchand (Nicole): Je voulais juste ajouter ceci. Quand les parents font une demande d'adoption internationale, que nous ayons des coûts supplémentaires de 300 $ à 400 $ en cours de route, quand on investit quelques milliers de dollars, ce n'est pas cela, le point majeur. Le point majeur, c'est qu'on n'aura plus de coordination, en Estrie, de la liste d'attente. Je me dis: Qu'on puisse aller dans le privé et faire faire nos évaluations psychosociales, répondre aux critères gouvernementaux et que le dossier soit acheminé à Montréal, tant mieux. Mais, notre liste d'attente, qui va la coordonner? Qui va s'assurer qu'il y a finalement un suivi en ce qui concerne les enfants? Qui va vérifier avec le secrétariat à Montréal que les dossiers sont bien complets, que tous les papiers sont en règle, etc., et qui va transmettre l'information entre Montréal et le parent? C'est là le point majeur. Qu'on ait à débourser, cela peut arriver.

M. Achim: Si vous me le permettez, Mme la députée. Si, en dépensant 200 $ ou 300 $, on peut accélérer le processus d'un an, je ne connais pas un seul parent dans notre association qui va dire non. Déjà la personne qui tentait de faire son travail là-bas était nettement débordée. Cependant, son poste, comme Mme Marchand te disait, dans la coordination et le suivi, etc., était un élément essentiel.

Mme Juneau: Est-ce que, si vous allez en situation privée, ce sera officiellement accepté par le secrétariat? L'évaluation qui sera faite de ces parents par des gens du secteur privé, est-ce que le secrétariat va accepter cette évaluation ou est-ce qu'il faudra des personnes reconnues par...

Mme Marchand (Nicole): Actuellement, le conseil d'administration du centre de services sociaux a reconnu trois intervenants psychosociaux aptes à faire des évaluations psychosociales. Il va peut-être y avoir des intervenants dans le secteur privé aussi qui vont se proposer pour faire des évaluations, mais il y a au moins trois personnes reconnues qui peuvent faire des évaluations psychosociales et les acheminer à Montréal.

Même si on a le droit d'avoir des évaluations psychosociales dans le secteur privé, cela ne change rien à notre liste d'attente. Quand on défraie des coûts, on s'attend à avoir des services et à ne pas attendre quatre ans. Si je vais voir un avocat, je n'ai pas envie d'attendre quatre ans.

Mme Laçasse-Fontaine (Jocelyne): L'autre...

Mme Juneau: Oui, je vous en prie, madame.

Mme Laçasse-Fontaine: J'ajouterais peut-être ceci à ce que Mme Marchand vient de dire: Sur une base d'équité par rapport aux autres régions, l'Estrie se trouve défavorisée non seulement en ce qui concerne la perte de service, mais également du côté du manque d'information. Où les parents vont-ils se rendre avec leur évaluation? La question que vous posez reste entière. On sait qu'il y a des gens reconnus, mais on ne sait pas si ce processus va être accepté par la suite par le secrétariat. On est devant un mur, on ne sait pas.

Mme Marchand (Nicole): On est en attente de réponse.

Mme Juneau: Est-ce que c'est de là que part votre suggestion d'avoir un membre du conseil d'administration qui représenterait les parents et un autre, les organismes qui ferait le lien ou...

Mme Marchand (Nicole): Nous avions déjà la suggestion d'avoir un représentant de parents adoptants au Secrétariat à l'adoption internationale avant même que la fermeture du service ne soit formulée en Estrie.

Mme Hallé: Si je peux me permettre...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Hallé: ...une remarque additionnelle. Mme la députée de Johnson tout à l'heure mentionnait le travail de concertation qui pourrait se faire entre le ministère des

Communautés culturelles et de l'Immigration et celui de la Santé et des Services sociaux. Pour ce qui est du CSS, il est évident qu'il relève directement de la juridiction du ministère de la Santé et des Services sociaux. Par ailleurs, on pourrait peut-être penser qu'à un autre niveau, c'est-à-dire au niveau du Secrétariat à l'adoption internationale, il y a également un grand besoin de ressources financières et humaines. À ce niveau-là, peut-être qu'un budget commun, venant du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et du ministère de la Santé et des Services sociaux, pourrait augmenter l'efficacité de ces gens qui travaillent au secrétariat, tant au point de vue budgétaire qu'au point de vue du personnel. Dans ce domaine, je pense que ce terrain pourrait être envisagé.

Mme Juneau: Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger); Je vous en prie, madame. En conclusion, vous pourriez peut-être les remercier.

Mme Vermette: Ah bon!. Je pensais à une alternance. Mme la ministre, vous voulez le faire ou...

Le Président (M. Bélanger): Ah bon! Mme la ministre, d'accord.

Mme Lavoie-Roux: II ne me reste que quelques minutes. Je voudrais quand même nuancer, pas ce que vous avez dit - peut-être dans une certaine mesure - mais aussi l'impression que j'ai pu créer. J'ai dit qu'il y avait plusieurs organismes d'adoption internationale reconnus qui avaient aussi exprimé des réserves et parlé des difficultés d'ordre administratif dans leur relation avec le Secrétariat à l'adoption internationale.

De fait, cinq organismes d'adoption internationale reconnus sont venus ici. Je dois vous dire - cela, on peut le retrouver dans le Journal des débats - que dans deux cas, soit le groupe Accueillons un enfant, qui travaille en Haïti en particulier, et le groupe Enfants d'Orient, nous ont dit que le rapport avec le Secrétariat à l'adoption internationale était très bon. Je pense que, en toute justice aussi pour le Secrétariat à l'adoption inernationale, il est important de faire cette mise au point.

Des trois autres qui restaient, il y en a deux qui ont exprimé le genre de réserves qu'on a entendues à plusieurs reprises. Le dernier, évidemment, était Les Enfants de l'arc-en-ciel qui, n'étant pas encore un organisme officiellement reconnu se trouve aussi dans une situation probablement difficile parce que de toute façon c'est difficile pour le secrétariat de le reconnaître comme un organisme officiel. Alors je pense qu'il faut le traiter à part, celui-là.

Finalement dans le cas des quatre autres, cela s'est dit à demi, il y a beaucoup d'autres personnes ou groupes qui sont aussi venus nous dire leurs réserves. Je voulais simplement faire cette mise au point, M. le Président, parce qu'il faut quand même faire la part des choses dans ces questions. Encore une fois, je veux vous remercier. Pour le bénéfice de notre collègue du comté de Johnson, je vais lui dire - et il nous fait plaisir de l'accueillir d'ailleurs - que nous nous penchons présentement sur le problème du Centre de services sociaux de l'Estrie. En ce qui a trait aux choix qui ont été faits, pour mon propre bénéfice, je vais m'informer de quelle façon ces choix ont été faits. Généralement, ce sont des recommandations qui viennent des centres de services sociaux ou des différents établissements eux-mêmes. Je vous donnerai la réponse d'une façon plus positive. Encore une fois, je vous remercie d'être venus nous faire part de vos préoccupations.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Très brièvement.

Le Président (M. Bélanger): II reste quatre minutes.

M. Hamek Évidemment, je suis très-heureux aussi d'avoir participé et de vous avoir entendus. Je vous avais d'ailleurs rencontrés. J'avais aussi signalé ce très sérieux problème du CSS de l'Estrie au bureau de Mme la ministre Lavoie-Roux et comme elle vous l'a mentionné, c'est en train d'être évalué pour voir s'il n'y aurait pas moyen de rendre justice à l'Estrie de façon équitable. Merci, votre mémoire est tout à fait pertinent.

M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Je vous remercie de vous être si bien prêtés à nos questions. D'une part, vous avez soulevé des faits qui s'avèrent fondés dans bien des cas. Cela a été relevé par différents autres organismes. On n'est pas ici pour protéqer un organisme, quel qu'il soit, mais pour essayer de faire la lumière pour trouver les véritables solutions, pour faire en sorte qu'on puisse vivre plus harmonieusement et plus humainement l'adoption internationale. D'autre part, vous avez ausi démontré que l'attitude du secrétariat - parce qu'on manquait de ressources dans les CSS - était favorable jusqu'à un certain point à une évaluation dont vous devrez défrayer les frais. Je pense qu'on vient de créer un précédent. Par

contre, c'est la reconnaissance du précédent par le même secrétariat, parce que le manque de fonds vous a orientés vers une solution et qu'il faudra se pencher là-dessus pour vérifier maintenant ce qu'on va faire avec ce précédent qu'on a évidemment établi à l'heure actuelle et dont vous faites les frais. Il y a aussi le problème fort important que vous avez soulevé: le manque de ressources du C5S concernant le volet de l'adoption internationale, ce qui fait qu'indépendamment de l'évaluation des parents, il n'en demeure pas moins qu'il n'y a personne qui coordonne actuellement les démarches des parents. Il n'y a personne qui peut entrer en interrelation avec le secrétariat ou finalement faire en sorte que le projet que vous voulez entreprendre en ce qui concerne l'adoption puisse avoir une fin à un moment donné et même enclencher le processus normal pour une démarche d'adoption. Quand on connaît les délais, actuellement, je pense que vous pouvez être très anxieux face à ce manque de ressources.

Le Président (M. Bélanger): Conclusion, s'il vous plaît!

Mme Vermette: En conclusion, je pense qu'il faut plus qu'évaluer la possibilité de trouver une solution à votre problème. Si on le veut vraiment et si on croit réellement à l'adoption internationale, on va trouver les sommes d'argent nécessaires pour combler cette lacune. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme

Lacasse-Fontaine, M. Achim, Mme Hallé et Mme la présidente Marchand, on vous remercie de votre participation à nos travaux et sur ce, la commission ajourne ses travaux au mercredi 13 mai 1987, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 30)

Document(s) related to the sitting