Débats de la Commission permanente des affaires sociales, Le mardi 12 janvier 1988
Â
Les travaux parlementaires
33e
législature, 1re session
(du 16
décembre 1985 au 8 mars 1988 )
Journal des débats
Â
Commission permanente des affaires sociales
Le mardi 12 janvier 1988 - No 57
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Ãtude du projet de politique de santé
mentale
pour le Québec énoncé dans le
rapport Harnois (4)
(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Baril): à l'ordre, s'il vous
plaît!
Je souhaite la bienvenue à tous nos invités. Je tiens
à vous rappeler que la commission des affaires sociales se réunit
aux fins d'étudier le projet de politique de santé mentale pour
le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité
présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre
1987. M. le secrétaire, avez-vous des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauthier
(Roberval) est remplacé par M. Jolivet (Laviolette) et M. Laporte
(Sainte-Marie) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert).
Le Président (M. Baril): Merci. Pour tenir les
invités au courant, je dirais que nous avons des problèmes de
climatisation ici, dans cette salle, et que cet après-midi, à 15
heures, et ce soir les travaux reprendront dans la salle Lafontaine. Nous
reviendrons Ici demain matin. Je vois que nos Invités sont
déjà assis. Je demanderais au porte-parole de s'identifier et de
présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Auditions
M. Roy (Augustin): Merci, M, le Président. Mme la
ministre, M. le chef de l'Opposition et MM. les membres de la commission
parlementaire, il nous fait plaisir, comme Corporation professionnelle des
médecins du Québec, de présenter notre mémoire sur
le rapport Harnois. Je vais vous présenter les membres qui
m'accompagnent: à ma droite, le Dr André Maufette, psychiatre
à l'hôpital Jean-Talon à Montréal; le Dr Jacques
Bernier, psychiatre à l'hôpital Sainte-Croix de Drumrnondville; le
Dr Jacques Gagnon, psychiatre à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont de
Montréal; en commençant par ma gauche immédiate, le Dr
André Lapierre, secrétaire général adjoint de la
corporation des médecins; le Dr Frédéric Grunberg,
psychiatre à l'hôpital Louis-H.-Lafontalne de Montréal et
le Dr Yvon Garneau, psychiatre à l'hôpital Robert-Giffard de
Québec.
Le Président (M. Baril): Je vous remercie. Avant de
commencer, je tiens à vous faire remarquer que vous avez 20 minutes pour
présenter votre rapport Nous avons, des deux côtés de la
Chambre, 40 minutes pour dialoguer avec vous.
M. Roy: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Baril): Si vous voulez commencer, M. le
docteur.
Corporation professionnelle des médecins du
Québec
M. Roy: Le projet de politique de santé mentale pour le
Québec, Pour un partenariat élargi, tout en constituant un
canevas pour élaborer une politique de santé mentale,
présente une lacune majeure: la scotomisation, à toutes fins
utiles, des maladies mentales pour se perdre, hélas, trop souvent dans
les méandres de ce que le rapport Hamois appelle le domaine de la
santé mentale.
C'est bien pour pallier à cette grande lacune que la Corporation
professionnelle des médecins du Québec a déposé son
mémoire et se présente aujourd'hui en commission parlementaire
pour l'éclairer: sur l'apport et la formation de psychiatres et de
médecins généralistes face aux problématiques des
maladies mentales; deuxièmement, sur notre perception des consommateurs
de services de santé mentale tels que nous les percevons dans nos
pratiques courantes; en troisième lieu, sur notre analyse des structures
en place pour dispenser des services aux malades mentaux; quatrièmement,
sur notre analyse de la désinstitutionnalisation des malades mentaux qui
s'est amorcée au Québec il y a 25 ans, à la suite du
rapport Bédard, Lazure et Roberts et, dernièrement, sur nos
réflexions quant au cadre législatif affectant les malades
mentaux au Québec.
La psychiatrie est la spécialité médicale
axée sur les maladies mentales; elle a fait de grands progrès,
tant sur te plan de l'explication et de la compréhension des maladies
mentales que sur le plan de ses interventions.
Cependant, la psychiatrie, comme le reste de la médecine,
s'inscrit de plus en plus dans une démarche scientifique, même si
c'est la spécialité médicale la plus proche des sciences
humaines, et s'éloigne des idéologies et des croyances, ce qui la
rend plus rigoureuse, mais aussi moins triomphaliste, plus sceptique et surtout
beaucoup plus prudente à se lancer dans des entreprises ou des
réformes dont l'efficacité n'est pas prouvée, qu'il
s'agisse de la prévention, du traitement, de la réadaptation et
du soutien des personnes aux prises avec des problèmes mentaux.
Qu'il suffise de dire que le psychiatre, face à toute la
complexité des maladies mentales, possède la formation ta plus
longue avec les normes de formation et d'évaluation les plus rigoureuses
et tes plus objectives en vue d'assurer au public une compétence
clinique des plus complètes dans le diagnostic, le traitement, la
réadaptation et le soutien des malades mentaux.
Il semble qu'il n'y aura jamais assez de psychiatres pour assurer tous
les services
psychiatriques à la population et ils doivent composer avec
d'autres professionnels, en particulier avec les médecins omnipraticiens
qui, soit dit en passant, ont une bien meilleure formation en psychiatrie que
par le passé. Cette formation s'améliorera davantage avec le
nouveau programme de deux ans obligatoire de formation postdoctorale des
omnlpraticlens. Ceux-ci dispensent déjà 48 % du nombre total des
Interventions psychiatriques rémunérées à l'acte et
constituent une des principales portes d'entrée dans le réseau
psychiatrique.
Les psychiatres doivent aussi travailler en
complémentarité avec des professionnels qui n'ont pas de
formation médicale, mais qui ont des compétences
spécifiques dans le cadre de l'équipe multidisciplinaire.
Cependant, quelles que soient les modalités de service dans le cadre de
l'approche biopsychosociale, approche d'ailleurs préconisée par
le rapport Harnois, le psychiatre doit garder son rôle de leadership, car
il est le seul - à un moindre degré, le médecin
généraliste également - à pouvoir intégrer
ces trois paramètres: le biologique, le psychologique et le social. Ce
fait est incontestable et doit être souligné.
Ceci nous amène à la question vitale de l'effectif
psychiatrique. Vu les besoins en services psychiatriques et les demandes
pressantes de psychiatres, on doit constater que nulle part au Québec il
n'y a pléthore de psychiatres pour faire face aux besoins de la
population. Nous sommes aussi conscients que beaucoup de régions en sont
presque complètement démunies, situation qui est
évidemment inacceptable. Nous espérons que la table de
concertation sur l'effectif médical pourra faire des recommandations
appropriées, mais cette table siège depuis déjÃ
assez longtemps et nous commençons peut-être Ã
désespérer des résultats à venir.
Il est aussi évident que les plans d'organisation des services
préconisés par le rapport Harnois devront s'adresser en
priorité aux problèmes soulevés par la pénurie de
psychiatres. Nous tenons à souligner que, sur le plan de la formation,
les départements de psychiatrie dans les facultés de
médecine québécoises ont la capacité de former
beaucoup plus de psychiatres. Malheureusement, de nombreux candidats
très valables sont exclus chaque année des programmes de
formation, faute de places autorisées par le contingement imposé
par le ministère de la Santé et des Services sociaux à la
formation de médecins spécialistes, ce qui est tout à fait
déplorable alors que nous avons besoin de ces spécialistes.
Il est important de noter que le problème de pénurie
d'effectif ne se pose pour aucun des autres intervenants: psychologues,
travailleurs sociaux, infirmiers, etc. On pourrait même parler de
chômage dans certaines disciplines, Cette situation ne saurait nullement
pallier à la pénurie de psychiatres, ce qui n'exclut pas une
meilleure complémentarité des rôles.
Dans notre analyse, nous avons Identifié quatre groupes de
personnes qui utilisent les services de santé mentale, dont nous
présentons succinctement le profil. D'abord, les malades psychiatriques
aigus qui entrent dans le système de soins très souvent via
l'urgence des hôpitaux et leur prise en charge se fait
généralement en milieu hospitalier. Il s'agit de malades
souffrant de pathologies graves, telles que les psychoses, les complications
aiguës de l'alcoolisme et de la toxicomanie et certaines des compensations
aiguës dans des troubles graves de la personnalité.
Il y a aussi les malades psychiatriques chroniques qui nous viennent du
bassin des malades psychiatriques aigus qui ont évolué vers la
chronicité. Le dénominateur commun de tous ces malades se trouve
dans leur susceptibilité et leur vulnérabilité aux stress
et aux vicissitudes de la vie quotidienne. La plupart de ces malades
nécessitent un suivi psychiatrique continu, associé à des
mesures de soutien et de réadaptation auprès des familles
touchant l'hébergement, l'emploi et les loisirs.
Il y a également les personnes en crise psychosociale, Ce sont
des personnes qui vivent une détresse Intense face à des stress
et des traumatismes émotionnels majeurs qui épuisent leurs
mécanismes d'adaptation. Il faut souligner que la plupart de ces
personnes obtiennent de l'aide dans leur propre réseau social naturel et
que seule une minorité de personnes demandent de l'aide au réseau
des services de santé et des services sociaux.
En dernier lieu, il y a les insatisfaits, les éternels
insatisfaits. Ce sont des personnes en mal de vivre qui se sentent mal dans
leur peau et qui consomment des services de santé mentale pour
s'actualiser à la recherche du bonheur. Ces personnes se tournent de
plus en plus vers l'industrie privée de la psychothérapie car H
est évident que le réseau public a de moins en moins de
capacités à répondre à leur demande, ce qui est
d'ailleurs Justifié dans la conjoncture économique actuelle.
Cependant, il est Important de souligner que les insatisfaits ne doivent pas
être confondus avec les personnes aux prises avec des problèmes
névrotiques graves qui font partie du noyau dur des troubles
psychiatriques.
Les structures générales du réseau des services de
santé mentale. Avant d'aborder le fond de la question, il nous
apparaît essentiel de dissiper un malentendu sur une prétendue
absence d'organisation dans le réseau des services de santé
mentale. Nous sommes convaincus que depuis 25 ans, Ã la suite du rapport
Bédard, Lazure et Roberts, le Québec s'est doté d'un
réseau de services psychiatriques qui n'a rien à envier aux
autres pays du monde. Ce réseau a été chapeauté par
deux programmes de santé et de services sociaux, dont les objectifs
majeurs étaient et demeurent l'accessibilité et
l'universalité. Cependant, dans le processus, les services
psychiatriques ont perdu leur spécificité pour
s'intégrer, sur le pian du financement et de l'administration,
dans une organisation bicéphale qui a nui aux pratiques psychiatriques
qui cherchent à fonctionner dans le modèle biopsychosocial.
Dans notre analyse des services, nous envisageons trois lignes: la
première est surtout constituée par les bureaux d'omnipraticiens
ainsi que des services émanant des CLSC et des CSS où se traitent
tous les problèmes mineurs de la santé mentale. la
deuxième dessert surtout les malades psychiatriques aigus, beaucoup de
malades psychiatriques chroniques et quelques personnes aux prises avec des
crises psychosociales qui ne se sont pas résolues dans le milieu naturel
et au niveau de la première ligne. La structure pivot de la
deuxième ligne est l'hôpital (les services psychiatriques de
l'hôpital général et l'hôpital psychiatrique).
à ce sujet, nous voulons souligner qu'actuellement les planificateurs de
services de santé mentale au Québec semblent animés d'un
préjugé particulièrement défavorable à tout
ce qui touche aux hôpitaux en favorisant la création de nouvelles
infrastructures démédicalisées et
dépsychiatrisées. J'entends souvent ce mot
"démédicalisation" ou "excès de la médicalisation".
J'espère que j'aurai à réagir sur des questions qui seront
tenues sur le sujet.
à notre avis, l'hôpital fait partie Intégrante de la
communauté - je vois venir le chef de l'Opposition - comme
l'école et d'autres structures de services et rien n'Indique qu'une
psychiatrie à vocation communautaire et sociale ne puisse se
développer à partir de l'hôpital. Le financement actuel des
services hospitaliers dans un contexte de budget global, sans budget
protégé pour ta psychiatrie, Inhibe le développement de
programmes à vocation sociale et communautaire.
La troisième ligne, c'est l'élément le plus faible
du réseau, fonction qui était assumée
antérieurement par l'asile pour les malades psychiatriques chroniques.
Il est impératif que la troisième ligne, tout en assurant le
traitement, offre des services de réadaptation vers l'insertion sociale
des malades psychiatriques chroniques lorsque cela est possible. Elle devrait
aussi offrir des services de support dans un contexte de partenariat au
réseau naturel, particulièrement la famille. Hélas,
à cause de la faiblesse de la troisième ligne dans beaucoup
d'instances, le malade psychiatrique chronique, par un phénomène
de reflux en amont, envahit et pertube tout le système des services
psychiatriques, sans compter le fardeau douloureux imposé à sa
famille et au réseau de soutien naturel. C'est là le
problème majeur que l'on éprouve.
En quatrième lieu, il y a les ressources alternatives qui
émanent, en fait, d'un mouvement de contestation des structures en
place. Quoique le mouvement prenne beaucoup de place sur le plan de la
rhétorique, il est difficile d'évaluer son impact réel sur
le sort du malade mental, particulièrement ie malade mental le plus
démuni. Cependant, nous soulignons l'importance croissante des groupes
d'entraide tels que l'Association québécoise des parents et amis
du malade mental, sans en exclure d'autres également
La désinstitutionnalisation des malades mentaux. La
désinstitutionnalisation des malades mentaux s'est amorcée au
Québec, comme partout ailleurs en Occident, il y a trente ans. Ce
processus n'a pas fait la réinsertion sociale de tous les pensionnaires
de l'asile. Il serait erroné, par ailleurs, de voir dans la
désinstitutionnalisation des malades mentaux durant ce dernier quart de
siècle un échec. Mais, si nous vouions continuer ce processus, il
faut en renforcer considérablement les ressources et les programmes de
réadaptation qui s'adressent en priorité aux malades mentaux
chroniques. Plus que partout ailleurs, les stratégies d'intervention
biopsycho-sociale de ces programmes doivent être orchestrées par
la psychiatrie.
Le cadre législatif de l'assistance psychiatrique. Il est
évident que, sur le plan légal, les psychiatres, au Québec
comme ailleurs, détiennent un pouvoir sur certains droits et
libertés touchant une minorité des malades qui leur sont
confiés, malades qui, du fait de leur maladie, ont perdu leur autonomie
et la capacité de gérer leur vie. Il est aussi évident
qu'à l'heure actuelle, où toute forme d'autorité est
souvent contestée, la société devient de plus en plus
vigilante à ce que les droits des citoyens ne soient pas violés
et ce, parfois au détriment des besoins réels des malades
mentaux.
En général, nous pouvons affirmer sans équivoque
que la psychiatrie québécoise a utilisé son pouvoir
coercitif avec beaucoup de circonspection, mais que la très grande
majorité des services psychiatriques offerts à la population sont
donnés sur une base volontaire. Néanmoins, nous sommes
très conscients que des mécanismes doivent être mis en
place pour s'assurer du respect des droits du malade, en plus de s'assurer que
toute mesure coercitive (hospitalisation involontaire, traitement sans
consentement, etc.) ne soit appliquée que lorsque aucune alternative
n'est possible.
Actuellement, les mécanismes mis en place par la Commission des
affaires sociales et la commission d'examen fonctionnent bien et le climat de
confrontation entre le judiciaire et le psychiatrique a pu être
évité au Québec, à rencontre du climat qui s'est
développé surtout chez nos voisins américains et qui
commence à voir le jour chez nos voisins ontariens.
En conclusion, finalement, toute politique de la santé mentale
devra tenir compte du fait incontestable que les maladies mentales qui existent
vraiment, qui affligent un si grand nombre de nos concitoyens demeurent un
problème essentiellement médical. Toute politique de la
santé mentale doit s'appuyer sur un savoir solide plutôt
qu'idéologique, qui nous vient de la
recherche scientifique et qui doit se diffuser par l'enseignement
à tous les intervenants.
Les médecins, surtout les psychiatres et les omnipraticiens en
complémentarité, ont des fonctions irremplaçables dans le
maintien de la santé mentale de la population, fonctions qu'ils assument
d'ailleurs depuis fort longtemps en collaboration avec les autres
professionnels de la santé qui oeuvrent dans le même domaine.
Merci, M. le Président. Nous sommes disposés Ã
répondre aux questions des membres de la commission et à les
transmettre aux experts qui siègent avec nous.
Le Président (M. Baril): Merci. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président
Je veux remercier ta Corporation professionnelle des médecins du
Québec pour son mémoire sur la santé mentale. Comme vous
le signalez à la dernière page de votre résumé, il
est évident que les médecins, surtout les psychiatres et les
omnipraticiens en complémentarité, ont des fonctions
irremplaçables dans le maintien de la santé mentale de la
population.
Nous sommes actuellement à discuter le rapport Hamois qui a
choisi de ne pas s'attarder sur les fonctions respectives de chacune des
catégories de professionnels dans le domaine de la santé mentale
- en tout cas, c'est l'Interprétation que j'en fais - voulant
dépasser ce cadre de discussion parfois très rigide qui,
finalement, aboutit à une espèce d'autodéfense de la part
des professionnels, quelle que soit leur profession. Je pense que le rôle
que le médecin doit jouer en psychiatrie n'a jamais été
mis en doute par quiconque Ici. Alors, Je voudrais vous indiquer qu'Ã
cet égard, quand la politique finale sera adoptée, il y aura
peut-être une définition plus stricte. Mais nous croyons que les
psychiatres, les psychologues, tes ergothérapeutes, etc., savent, en
général, quelles sont leurs responsabilités
professionnelles. C'était vraiment pour situer le débat
au-delà d'une querelle - entre guillemets - de responsabilités
respectives des différentes professions.
J'aimerais vous poser une question, qui est la suivante. Vous dites,
quelque part dans votre mémoire, que la formation du psychiatre couvre
tous les aspects: l'aspect biophysique, l'aspect social, l'aspect psychologique
et l'aspect de la réadaptation. La question que je vais vous poser est
la suivante: Où voyez-vous les autres professionnels intervenir? Je
laisse de côté, pour le moment, ce qu'on appelle les organismes
communautaires ou les ressources alternatives. Est-ce que cela voudrait dire
que, s'il y avait suffisamment de psychiatres, les autres professions ne
seraient pas nécessaires, puisque vous avez toute cette
préparation au cours de vos études ou de votre formation? (10 h
30)
M, Roy: Le Dr Grunberg va répondre à cette
question-là . Je m'excuse de ne pas m'être présenté
tout à l'heure. J'ai réalisé cela en lisant le
mémoire. Pour les fins de l'enregistrement du Journal des
débats, je suis Augustin Roy, président de la Corporation
professionnelle des médecins du Québec.
M. Grunberg (Frédéric): II est certain, Mme la
ministre, que depuis au moins une quarantaine d'années il y a toute une
panoplie de professionnels qui oeuvrent surtout dans le domaine des
interventions psychosociales, qui ont des compétences très
spécifiques et dont on ne pourrait se passer dans une approche vraiment
globale et biopsychosociale. Cependant, les psychiatres, par leur formation,
sont peut-être tes seuls professionnels dans le domaine de la
santé mentale qui peuvent, du moins, intégrer ces trois
paramètres que sont le biologique, le psychologique et le social. Ce
sont des médecins et ils ont eu une formation biopsychosociale. Donc, au
fond, ce sont des généralistes qui peuvent intégrer ces
trois paramètres, mais ceci n'enlève rien aux compétences
très spécifiques des autres professionnels.
Par leur manque de formation médicale, les autres professionnels
- cela est un fait incontestable, ce n'est pas un reproche, c'est une
constatation - ne peuvent intégrer les trois paramètres. On ne
pourra jamais Imaginer que les psychiatres, seuls, puissent dispenser des
services de santé mentale à toute la population.
Mme Lavoie-Roux: SI...
M. Roy: Le Or Gagnon aimerait réagir aussi.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Gagnon (Jacques): Si vous me le permettez, pour avoir
travaillé en équipe depuis assez longtemps, je peux souligner
qu'on arrive des fois à travailler en harmonie avec d'autres
professionnels. Cela amène parfois des conflits mais, évidemment,
c'est comme dans n'importe quel réseau de distribution où, je
pense, II y a des gens qui s'entendent plus ou moins. Il y a des
problèmes de personnalité, mais il y a quand même une
complémentarité des rôles. Par exemple, le psychiatre est
confronté à un volume de soins assez considérable. Il ne
pourrait Jouer tous les rôles à ce moment-là , c'est
certain. Même si les psychiatres étaient nombreux, ils seraient
quasiment obligés de se spécialiser s'ils voulaient jouer tous
les rôles.
Par exemple, on connaît bien les travailleurs sociaux qui
interviennent davantage auprès de la famille, des autres intervenants,
des ressources.
Les psychologues, par exemple, ont un rôle bien défini
quant à l'application de certaines psychothérapies et Ã
l'application du processus d'investigation. Les orthopédagogues ont un
rôle plus spécifique au niveau de l'apprentissage
auprès des enfants.
On pourrait dire la même chose d'à peu près tous les
professionnels. Ils ont des rôles qui sont complémentaires
lorsqu'on veut soft évaluer, soit préciser un peu plus notre
diagnostic ou appliquer certaines formes de traitement
Le tout est de savoir qui a la responsabilité du patient, qui va
cibler un peu plus le mode d'Intervention. Ã ce niveau, je pense que le
psychiatre a une responsabilité à prendre. Ce n'est pas seulement
un privilège, c'est aussi une responsabilité.
Le Président (M. Baril): Le Dr Lapierre, également,
voudrait répondre à votre question.
M. Lapierre (André): En fait, si on regarde les
rôles que chacun des professionnels peut jouer dans le cadre du
réseau de la santé, il suffit de se rapporter au Code des
professions, à l'article 37, où on définit le rôle
ou le champ d'exercice de chacune des professions. En fait, ce ne sont pas les
définitions qui donnent des difficultés, ce sont tes
interprétations qu'on en fait. Certaines corporations peuvent
interpréter ces définitions de façon Ã
protéger les champs d'exercice. Elles interprètent ces
définitions, souvent, en faisant déborder de leur rôle les
professionnels de leur corporation.
Les médecins, en fait, n'ont jamais refusé de
déléguer des actes à d'autres professionnels. Je dirais
que ce sont les autres professionnels qui veulent plutôt leur autonomie.
Ce n'est pas une question de délégation, c'est une question
d'autonomie. Chaque professionnel veut conserver son autonomie. En
réponse à des questions que M. Chevrette posait, II n'y a pas de
doute qu'un omnipraticien, par exemple, peut référer à un
psycholoque un malade qui présente un problème psychologique. En
ce qui concerne la corporation, nous n'avons aucune réserve ou aucune
difficulté à référer un malade à un autre
professionnel qui est non-médecin si le problème
présenté entre dans le cadre de la formation de ce
professionnel.
Les travailleurs sociaux qui sont venus ici ne se plaignent pas de ne
pouvoir remplir leur rôle. Ils se plaignent de devoir le déborder,
faute de ressources au moment requis. Eux-mêmes ont demandé le
respect de la spécificité de chacun des intervenants dont les
définitions sont décrites dans le Code des professions.
Les psychologues ne se plaignent pas de ne pouvoir remplir leur
rôle. Ils se plaignent de ne pouvoir le faire de façon autonome.
à l'intérieur de leur définition, il n'y a pas de doute
que les psychologues peuvent fonctionner de façon autonome, mais,
lorsqu'il y a pathologie, le psychiatre doit intervenir. Les psychologues, en
fait, si on regarde leur mémoire, ce qui est important pour eux, c'est
de savoir, dit-on avec précision, ce que l'autre peut faire plutôt
que d'essayer de le faire à sa place.
Nous sommes d'accord avec cette affirma- tion. Dans le Code des
professions, on dit que les psychologues traitent les désordres
émotionnels et les composantes émotives des problèmes de
la santé mentale. Personne, et en particulier les médecins, ne
les empêche de remplir ce rôle.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez porté certains jugements eu
égard, par exemple, aux activités de ce qu'on appelle des
ressources alternatives ou des ressources communautaires, quoiqu'elles ne
soient pas les mêmes, comme vous le spécifiez très bien
dans votre mémoire principal, d'ailleurs, relativement, par exemple, aux
centres pour la prévention du suicide. En tout cas, J'imagine que vous
avez dû faire une analyse un peu plus poussée à savoir que
cela n'aurait pas d'effet positif significatif dans la prévention du
suicide. Je me demandais si vous pouviez préciser davantage et si vous
aviez des données, à la suite d'une recherche...
M. Roy: Certainement. Le Dr Grunberg va vous répondre.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Grunberg: Ce problème s'était déjÃ
posé en 1984 lorsque le comité de santé mentale avait
publié un avis sur le suicide et avait justement préconisé
la création de ces centres démédicalisés de
prévention du suicide. L'Association des psychiatres du Québec
avait fait des commentaires, avait présenté un mémoire
dont j'ai ici la copie que je pourrais vous transmettre. Le fait est que, si on
fait un recensement de la littérature mondiale, ces centres de
prévention du suicide se sont disséminés un peu partout
dans le monde, particulièrement aux Ãtats-Unis et en Angleterre,
il n'y a pas de doute qu'ils rendent des services à des personnes en
détresse, mais il n'y a pas eu une seule étude qui ait pu
démontrer que les centres de prévention du suicide aient
modifié l'incidence des suicides réussis.
Les suicides demeurent et continuent à demeurer un
problème très complexe associé, d'ailleurs, Ã
certaines maladies mentales, en particulier, les maladies affectives. Les
centres de prévention du suicide et l'écoute
téléphonique rendent certainement des services, mais ils ne le
préviennent pas. Si l'objectif est de prévenir ou de faire
diminuer l'Incidence du suicide, nulle part il n'a été
prouvé que cela s'est fait. Et cela ne s'est pas fait Ici au
Québec non plus.
Mme Lavoie-Roux: Dans le milieu psychiatrique lui-même,
médical psychiatrique, y a-t-il des études qui prouveraient que
l'intervention psychiatrique, vu la complexité de la
problématique du suicide, ait eu des effets positifs plus mesurables que
les centres de crise qui sont évidemment de fondation beaucoup plus
récente?
M. Grunberg: Non.
Mme Lavoie-Roux: Pas les centres de crise, les centres de
prévention du suicide, pardon.
M. Grunberg: Par exemple, II y a eu des études Scandinaves
qui ont démontré que l'établissement d'un service de
psychiatrie dans une localité qui n'en avait pas a rendu certainement de
grands services, mais il n'a pas prévenu, il n'a pas changé
l'incidence du suicide. En psychiatrie, nous ne pouvons prétendre que
l'implantation de services psychiatriques va prévenir l'incidence du
suicide. Nous espérons, cependant - parce qu'on a établi
scientifiquement qu'il y a une corrélation très nette entre le
suicide et les maladies affectives, particulièrement, les
dépressions graves et l'alcoolisme - qu'en dépistant et en
détectant ces maladies on pourra peut-être réduire le taux
de suicides. Par exemple, un autre fait que la recherche a établi, c'est
que la plupart des suicides réussis - je ne parle pas des tentatives de
suicide, ce sont deux choses différentes - la plupart des études
sur les suicides faites par les autopsies psychologiques ont montré que
ce sont des malades qui étaient sous les soins des médecins dans
les semaines ou dans les mois qui ont précédé le suicide.
Donc, il faut espérer qu'en sensibilisant davantage le corps
médical nous pourrons peut-être prévenir. Mais, Ã
l'heure actuelle, on ne peut pas affirmer que l'implantation de services
psychiatriques prévient le suicide.
M. Roy: Le Dr Maufette voudrait compléter, s'il vous
plaît.
Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.
M. Maufette (André): Actuellement, Mme la ministre, il y a
une étude qui se fait, à partir du DSC Saint-Luc en collaboration
avec l'hôpital Jean-Talon, sur une approche qui, espère-t-on,
pourrait réduire le taux de suicides avec un groupe de contrôle.
L'étude est en cours depuis deux ans. On s'attend à terminer
l'étude dans environ un an. On espère pouvoir démontrer
si, avec tel mode d'intervention bien spécifique par rapport à la
pratique habituelle, si vous voulez, de notre système de distribution de
soins, il y aurait une différence dans le taux de suicides.
Peut-être que cela pourra éclairer un peu nos connaissances.
M. Roy: Le Dr Garneau voudrait aussi compléter.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Garneau (Yvon): II y a peut-être une réponse
indirecte à votre question sur l'efficacité de l'intervention
psychiatrique face à la prévention du suicide. Effectivement, je
ne connais pas d'étude qui ait démontré une relation
directe entre l'intervention psychiatrique et la diminution du taux de
suicides. Cependant, il y a beaucoup d'études qui démontrent une
bonne efficacité de l'intervention psychiatrique qui se traduit par une
diminution de la morbidité des maladies affectives, de la gravité
et de la durée de ces maladies affectives. Or, comme une bonne
proportion des suicides sont reliés à une morbidité des
maladies affectives, on peut penser qu'il y a là une certaine
démonstration indirecte de l'efficacité d'une intervention
psychiatrique sur le taux de prévention des suicides.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je voudrais juste faire une remarque.
Je vais prendre les centres de crise comme exemple. Vous semblez vous
Inquiéter du fait que les centres de crise aient été mis
sur pied à l'extérieur des centres hospitaliers où il y a
des départements de psychiatrie. Je voudrais simplement vous dire... Il
y a une affirmation dans votre mémoire dans le sens que cela n'a eu
aucun Impact sur les urgences. Je suis un peu étonnée de votre
affirmation aussi absolue. Pas plus tard qu'hier j'étais à la
Cité de ta santé à Laval, où justement on fait une
bonne utilisation du centre de crise du nord de Montréal et où
cela a eu un Impact significatif - c'est le seul, je n'ai pas fait le tour des
autres. Par coïncidence, hier, on m'en parlait.
Maintenant, je peux vous dire qu'on n'a pas la réponse, Ã
savoir. Est-ce que ce serait mieux rattaché à un hôpital?
On a longtemps débattu là où lis devraient être
rattachés et, évidemment, ces centres de crise, qui sont des
ressources nouvelles, sont suivis de très près; Ils vont
être analysés. S'il y a un virage ou des modifications Ã
faire... C'est peut-être un peu gratuit de ma part, mais j'ai comme
l'impression, que tout ce qui ne se situe pas dans - il me reste deux minutes -
le sillage immédiat de l'hôpital, on devrait... Ce n'est pas ce
que vous dites, mais on a l'impression qu'il faudrait remettre en question la
validité ou l'efficience, si on veut, des services qu'ils rendent.
Pourtant, quand on regarde la réalité, le psychiatre traite un
patient en état de crise ou même en état de problème
aigu de comportement, etc., mais un jour, tôt ou tard, il retourne dans
la communauté. à ce moment-là , on a vraiment l'Impression
que, pour un grand nombre de ces personnes, les seules ressources qu'elles
retrouvent, ce n'est plus le psychiatre qui, lui, continue de fonctionner et de
voir ou de traiter de nouveaux patients en milieu hospitalier, mais c'est
vraiment tout ce que l'on retrouve dans la communauté qui lui permet de
faire une adaptation plus ou moins bonne et, finalement, de fonctionner le
mieux possible dans la communauté. (10 h 45)
J'ai l'impression, en lisant votre mémoire, que
peut-être... D'une part, vous dites: "ce qui est alternatif s'oppose
à nous', mais je ne suis pas convaincue que vous n'ayez pas les
mêmes sentiments vis-à -vis d'eux. Ce sont deux remarques
générales. La dernière question que je
voulais vous poser...
M. Roy: Est-ce qu'on pourrait réagir? Le Dr Grunberg et le
Dr Bernler voudraient faire un commentaire sur ce que vous venez de dire.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais je n'aurai plus ma dernière
question. Laissez-moi vous la poser et vous pourrez réagir quand
même.
M. Roy: Sans mettre en cause votre temps que le président
de la commission tient..
Mme Lavoie-Roux: Ah! ce n'est pas le mien qui sera mis en cause,
mais celui de mes voisins! Peut-être qu'ils y reviendront..
M. Chevrette: ...répondu par anticipation à l'une
des miennes, pour permettre la vôtre.
Mme Lavoie-Roux: Répondez et je reviendrai avec ta
dernière, d'accord.
M. Grunberg: Vous avez parfaitement raison en disant que
l'urgence de la Cité de la santé de Laval et le centre
d'intervention sont très bien articulés. Au fond, ils ont
créé un programme d'intervention de crise avec une composante
médicale Importante et les médecins s'y impliquent..
Mme Lavoie-Roux: Je pense que ceta ne doit pas s'opposer,
d'ailleurs.
M. Grunberg: ...considérablement Ailleurs,
malheureusement, cette dichotomie entre le biologique et le psychosocial, si
l'on peut dire, s'est maintenue. Vous me permettrez, Mme la ministre, de
soutenir qu'il existe un préjugé à savoir que, parce qu'un
service est rattaché à un service hospitalier, on ne peut
développer un service communautaire. Cette dichotomie étanche,
pour moi, n'a pas de bon sens. Si on regarde toute l'histoire de la psychiatrie
communautaire au Québec comme ailleurs, elle est partie des
hôpitaux. C'est à partir des hôpitaux que se sont
développés énormément de services communautaires
insuffisants.
Il me semble que ce sont quand même des ressources qui ont
été utilisées et, si elles avaient été
intégrées aux urgences psychiatriques, elles se seraient
articulées beaucoup mieux qu'elles ne le sont actuellement.
M. Roy: Dr Bernier, s'il vous plaît.
M. Bernier (Jacques): En fait, Mme la ministre, c'est seulement
pour souligner que les psychiatres ne veulent pas moins collaborer avec tous
les autres gens qui travaillent en santé mentale, que ce soient les
paramédicaux, les ressources alternatives et communautaires. Ce qu'on
reproche, c'est qu'il y ait des organismes créés
parallèlement et qu'en même temps on nous demande d'avoir une
approche complète, globale et humaine. Mais, lorsque vient le temps
justement, après la crise aiguë, de retourner le patient dans son
milieu, on n'a pas les ressources ou les communications suffisantes ou les
capacités de le faire parce qu'il y a d'autres organismes qui poussent
à côté, qui sont autonomes et qui, parfois, nous disent de
retourner dans notre cour.
Ce qu'on voudrait, puisque vous reconnaissez que nous sommes des
spécialistes, que nous avons la formation et la compétence pour
te faire, c'est d'avoir notre mot à dire là -dedans et être
capables d'avoir un certain contrôle sur ce qui se passe dans
l'élaboration de ces ressources. Sur ce point, on pense que ce n'est pas
nécessairement la création de nouvelles ressources, mais
plutôt l'analyse du système qui est en place, en vue de
l'améliorer, d'apporter des ressources à celles qui existent
déjà et favoriser aussi le travail avec les autres professionnels
qui vont faire que les patients seront mieux suivis à tous les moments
de leur évolution.
La dernière chose que j'ajouterais, c'est ceci: quand on parle de
biopsychosocial, ce sont trois notions qui ne sont pas additives, mais
plutôt Intégratives, c'est-à -dire que lorsqu'on les
possède et qu'on est capable de les appliquer elles permettent Ã
l'individu de faire une intégration d'un problème au niveau
systémique. C'est à partir de cette intégration qu'on peut
déterminer où le patient va bénéficier le plus
d'une approche biologique, psychologique et sociale. C'est à ce
moment-là que le psychiatre est le mieux placé pour
référer son patient à un autre professionnel qui va
pouvoir agir sur la partie qui lui semble la plus importante à ce
moment-là . Je m'excuse d'intervenir à ce moment-ci, mais cela
répond un peu plus à votre première question du
début. Merci beaucoup.
Le Président (M. Baril): Dernière question, Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: La dernière question... Je vais les
laisser aux autres, je vais simplement les mentionner. Il y en avait une
relativement à la distribution géographique en vous faisant
remarquer que les universités ont aussi un rôle important Ã
jouer. Oui, je vous la laisse, sur la question géographique.
Il y en avait une autre sur la formation psychiatrique des
omnipraticiens. On a eu une petite discussion là -dessus l'autre jour
avec l'association des psychiatres et la réponse n'a pas
été très satisfaisante. On pourrait reparler longtemps de
toute cette question.
M. Roy: Mais nous avons la réponse, Mme la ministre.
Profitez-en pendant que vous nous avez autour de la table. Le Dr Grunberg est
prêt à Intervenir si l'Opposition y consent.
Mme Lavoie-Roux: Oui, ouf, je lui laisse la
géographie et donnez-moi la formation.
M. Grunberg: Je suis éducateur quand même et, comme
vous le savez, je suis coordinateur de l'enseignement. Il est vrai que la
formation des omnipraticiens par le passé en psychiatrie laissait
beaucoup à désirer mais, depuis dix ans, la psychiatrie a un
rôle aussi important dans la formation des médecins que les autres
spécialités médicales. La psychiatrie est une des
spécialités majeures où les futurs médecins font
des stages. Ceci va s'améliorer encore davantage avec la formule qui est
maintenant en place de deux ans de médecine familiale, où la
formation en psychiatrie est extrêmement importante. Je pense au Dr
Gagnon qui enseigne. Vous pourriez peut-être faire quelques commentaires
là -dessus.
M. Gagnon: Je peux dire qu'Ã tous les niveaux il y a des
programmes d'enseignement à partir du début des études
médicales. Un des programmes qui est intéressant, c'est au niveau
de la médecine familiale où, à ce moment-là , on
voit des patients et c'est ciblé sur les clientèles habituelles
et non pas sur la clientèle de psychiatrie lourde. Alors, il y a des
programmes de formation pour les omnipraticiens qui font avant tout de la
psychiatrie, qui en font majoritairement je dirais, mais il y a d'autres
programmes de formation qui sont beaucoup plus généraux et qui
touchent l'omnipraticien qui va faire du bureau tout seul, qui va travailler
plutôt avec une clientèle régulière. Alors, cela
touche plutôt les réactions du patient à la maladie, cela
touche tout le domaine des troubles d'adaptation, le dépistage des
maladies affectives, entre autres. Ãvidemment, on n'essaie pas de lui
faire voir des schizophrènes, mais plutôt de bien identifier, par
exemple, jusqu'Ã quel point quelqu'un est malade et jusqu'Ã quel
point il faut Intervenir plus avec de la psychothérapie qu'avec des
médicaments. C'est ciblé plus sur la clientèle habituelle
de l'omnipraticien. C'est déjà en application un peu partout dans
nos universités.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie et je remercie l'Opposition de
m'avoir donné le temps supplémentaire.
Le Président (M. Baril): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, tout d'abord, en langage de hockey, on dit que
la meilleure défensive est l'attaque. J'ai compris que vous vous
étiez préparés en fonction de cela, si je me fie Ã
la réponse par anticipation à une question que j'allais
sûrement vous poser, c'est bien évident.
Je trouve Intéressante la manière dont vous avez
abordé le dossier ce matin parce que je m'attendais à une autre
approche plus traditionnelle, surtout de la corporation des médecins. Je
pense que c'est franchement une amélioration déjà , dans le
sens suivant C'est que vous acceptez la multidisciplinarité en
expliquant que chaque corporation professionnelle est très autonome,
c'est-à -dire que chacun défend son jardin, mais accepte de
travailler avec les autres à l'intérieur de son propre jardin.
C'est une façon de voir les choses, mais cela ne me convainc pas,
d'autre part, de l'efficacité d'une multidisciplinarité quand on
est d'abord et avant tout jaloux de son propre jardin.
Vous savez qu'il est vrai que les psychologues sont venus nous dire vous
avez raison - qu'ils avaient un rôle à jouer, mais je n'ai pas
l'impression qu'ils défendaient exclusivement leur jardin parce qu'ils
ne sont même pas là . Ils ne sont même pas dans certains
hôpitaux pour y jouer un rôle qu'ils pourraient jouer
concrètement Sur cette partie, votre mémoire est très
révélateur. Effectivement, il y a un manque à gagner de
plusieurs professionnels qui pourraient jouer un rôle important
D'autre part, je pense aussi qu'il y a des ressources manquantes. Bien
souvent, le médecin est obligé de faire plus parce que,
précisément, il n'y a pas de travailleurs sociaux, il n'y a pas
de ci, il n'y a pas de cela. On est porté, peut-être d'une
façon injuste - c'est possible - à vous taxer de vouloir
médicaliser à outrance le traitement de ta santé mentale.
Je pense qu'on a peut-être des torts. Il faut savoir les prendre.
Mais je partirai quand même avec ma marotte: Comment voyez-vous,
Dr Augustin Roy - ma question s'adresse spécifiquement à vous, et
non pas aux autres - la répartition des psychiatres? On sait qu'il y en
a beaucoup à Québec et à Montréal. Ãtes-vous
d'accord avec cela? Trouvez-vous, comme les autres qui sont venus nous dire
qu'il en manquait à Montréal, que c'est vrai puisque vous nous
dites dans votre mémoire qu'il y a une mauvaise répartition?
J'aimerais que vous conciliez cela avec le fait que les autres disent qu'il en
manque à Montréal. S'il y a une mauvaise répartition,
faudrait-il qu'il en manque partout? Il faudrait qu'on corrige la situation. Je
comprends que vous vous êtes couvert très bien en ajoutant qu'il
faudrait en former plus, mais j'aimerais vous entendre quand même.
M. Roy: Merci. M. le chef de l'Opposition. Juste un mot, avant de
parler de la répartition, sur le rôle multidisciplinaire de tous
les intervenants. On dit qu'il y a de la place pour tout le monde, mais chacun
doit être à sa place selon sa formation, selon le rôle qu'il
a à jouer. C'est comme dans une équipe de hockey: s'il y avait
seulement des ailiers, il y aurait peut-être beaucoup de buts "scores"
d'un côté ou de l'autre, mais ce ne serait pas une partie de
hockey. Il faut travailler en équipe, il faut que chacun joue bien son
rôle.
En ce qui concerne le nombre de psychiatres, comme pour le nombre de
médecins en général, il n'y a pas de chiffre magique.
Ãvidemment, toutes sortes de ratios sont donnés selon
diverses études, mais force nous est de constater que tout le
monde ne peut pas avoir tort quand à peu près tout le monde
demande des psychiatres dans les régions excentriques, isolées.
Tout le monde accepte cela, même dans les régions
périphériques à Montréal, y compris la belle ville
de Joliette, Saint-Jean, Saint-Jérôme, y compris même des
hôpitaux à Montréal, Pinel, Rivière-des-Prairies,
même de plus gros hôpitaux, Louis-H.-Lafontaine, Douglas, d'autres
que je ne mentionne pas qui nous demandent des psychiatres et qui nous
demandent de faire appel à des médecins étrangers pour les
dépanner, des psychiatres étrangers, généralement
d'origine française qui, entre parenthèses, ont très bien
servi le Québec et nous sont d'un apport précieux.
Il me semble que les besoins sont immenses, que la population vieillit,
que la psychiatrie a été démystifiée. La demande de
soins psychiatriques est insatiable, les gens sont moins gênés de
consulter des psychiatres, particulièrement dans les villes, les gens
ont une plus grande attente de la vie, les gens savent qu'ils ont droit
à la santé. Force nous est de constater que les gens, dans la
société actuelle, ne veulent plus souffrir; ils veulent, je ne
dirais pas le bonheur, mais presque, et s'attendent à la
guérison, et même aux miracles. Je lisais dans Le Soleil -
j'étais presque scandalisé - qu'au cours des mois de novembre et
décembre les Québécois, surtout de la région de
Québec, allaient se faire traiter aux Ãtats-Unis par des
solutions soit disant miraculeuses, en -se faisant exploiter royalement. Cela
n'a pas de bon sens, mais il semble que ce soit un fait avec lequel on est
obligé de vivre. Il y a donc un besoin immense.
Compte tenu de ce besoin, on constate, par ailleurs, qu'il y a beaucoup
de psychiatres à Montréal. C'est vrai, les trois quarts des
psychiatres sont à Montréal. J'ai les dernières
statistiques, d'ailleurs, je les ai reçues hier, faites par le Groupe
interdisciplinaire de la santé, M. Contandriopoulos, à la fin de
1986. Il y avait 739 psychiatriques au Québec - à peu près
750 maintenant - dont 472, à peu près 500, étaient
à Montréal et 100 à Québec. Donc, il n'en reste pas
beaucoup pour les autres régions. Même à Montréal,
on manque de psychiatres, c'est difficile d'avoir un rendez-vous. Comment
expliquer cela? Je vous dis que ce n'est pas simple. Est-ce que c'est une
question d'organisation? Est-ce que c'est une question de
rémunération? Est-ce que c'est une question de
productivité? Il y a beaucoup de raisons qui peuvent être
invoquées.
En 1984, nous avions demandé au ministère de la
santé, à l'époque, et au sous-ministre qui était
là , M. Deschênes, la possibilité de faire, conjointement
avec le ministère, une étude raffinée des besoins en
psychiatres, pour avoir les réponses aux questions que l'on se pose, il
y a des psychiatres. Que font-ils? Quelle est l'influence du mode de
rémunération? Quelle est l'Influence de la gravité des
cas, du phénomène de la porte tournante, des malades chroniques
de plus en plus nombreux qui se présentent aux urgences, de la
désinstitutionnalisation qui ramène constamment les mêmes
malades dans les hôpitaux? Il semble qu'il manque de psychiatres partout,
mais le phénomène est particulièrement aigu dans les
régions périphériques et excentriques, et c'est
Inacceptable dans une société comme la nôtre où les
lois garantissent l'universalité des services de santé,
l'accessibilité à tous tes citoyens. Je dis que les citoyens des
régions métropolitaines de Québec, Montréal et
Sherbrooke ont droit à des services de qualité sur le plan
psychiatrique. à ce moment-là , il faudra leur donner ces
services. (11 heures)
Comment les donner? La responsabilité incombe au gouvernement
actuel, et je l'ai dit il y a longtemps au gouvernement actuel et aux
gouvernements antérieurs. Je sais, évidemment, qu'il y a
plusieurs méthodes qui peuvent être utilisées pour amener
une répartition. Vous m'avez posé une question à titre
personnel parce qu'il n'y a pas de politique officielle de la corporation des
médecins sur cela. C'est très difficile, évidemment,
comprenant la position que j'occupe et aussi te rôle, par ailleurs, d'une
corporation professionnelle qui est de protéger le public. Je dois vous
dire que, d'après moi, il y a cinq façons d'assurer au public une
bonne répartition des médecins.
D'abord, il faut réaliser que l'on vit dans un régime
étatique de soins de santé. On aurait donc la possibilité
de garder le statu quo qui a donné des résultats
décevants. Mais, comme on vit dans un régime étatique de
santé où les lois du marché ne jouent plus ou pas, ou
beaucoup moins qu'avant, je crois que l'Ãtat a l'obligation de
participer davantage à la distribution des ressources et de les partager
de façon à s'assurer que les principes de l'universalité,
de l'accessibilité et de l'égalité des citoyens soient
respectés parce que le système actuel, le statut actuel, ne peut
durer indéfiniment. Donc, on pourrait faire le statu quo, mais je pense
qu'il faut changer.
L'autre solution qu'on pourrait utiliser et qui est à la
disposition de l'Ãtat, c'est le "billing number". C'est constitutionnel.
Il n'y aurait pas de danger de se faire renverser devant le tribunal. Cela a
été éprouvé en Colombie britannique. Les
gouvernements le savent. Ils connaissent la suggestion, mais se
répugnent à l'utiliser parce qu'ils voient là une certaine
contrainte, une certaine coercition et on a crainte de déplaire Ã
des gens.
La troisième solution, ce sont les leviers tarifaires. Par la
modulation des tarifs selon les besoins des régions et les besoins des
établissements, on pourrait certainement jouer sur la main-d'oeuvre. Par
exemple, on pourrait dire à un endroit où il n'y a pas de
psychiatre ou peu, disons Sept-îles, qu'on paie 150 % du tarif en ce
qui a trait à la vacation et à Montréal, où
on dit qu'on en veut moins, on paie 50 %. On décourage les gens. Alors,
on peut jouer éternellement avec les tarifs. Mais c'est une solution
à la disposition des gouvernements, en collaboration, évidemment,
avec les syndicats médicaux et les fédérations
médicales. C'est certainement une solution qui pourrait aider Ã
une distribution des médecins, sauf que ça pourrait chasser des
médecins du Québec, ça pourrait les envoyer en Ontario; on
le voit dans la région de Hull-Ottawa.
L'autre méthode, la quatrième méthode de
distribution, c'est celle que le gouvernement actuel a choisie par la loi 75.
C'est ce que J'appelle le "billing number" Ã l'envers. C'est la
même chose. Les médecins ne l'ont pas réalisé
encore, par ailleurs, et je pense que c'est la pire des méthodes que le
gouvernement a choisie. Par le biais des plans de régionalisation des
hôpitaux, des conseils régionaux, approuvés par le
gouvernement, on peut finir par distribuer l'effectif médical, mais on
va imposer là un système extrêmement bureaucratique et
technocratique que tes médecins vont regretter et que la population va
regretter également, avec le temps, parce que la population va se voir
diminuée dans sa mobilité de consulter là où elle
veut et qui elle veut dans le domaine de la psychiatrie. Comme cette loi 75,
chapitre 57 je pense, ne tient pas compte des établissements
privés, c'est peut-être aussi difficile à appliquer parce
que les psychiatres pourraient choisir d'aller en cabinet privé et de ne
plus fréquenter l'hôpital et, là , on va peut-être
aggraver la situation et arriver à des incongruités. Supposons
que la région de l'Abitibi soit remplie, à un moment
donné, parce que rendue avec 30 psychiatres, un médecin
originaire de l'Abitibi qui serait psychiatre et qui voudrait retourner chez
lui ne pourrait même pas le faire à moins qu'un poste ne se
libère en Abitibi.
Alors, je pense que c'est un système technocratique,
bureaucratique que le gouvernement veut appliquer dans son cadre de
référence qui, en adoptant une formule mathématique
très rigide, va causer des problèmes.
La dernière solution, la cinquième que j'ai
mentionnée à plusieurs reprises - des fois, on a
interprété ça de différentes façons -
j'appellerais ça l'engagement volontaire. La coercition, ça fait
peur à tout le monde, y compris au gouvernement et même Ã
l'Opposition, parce qu'on est souvent vertueux mais, quand il s'agit d'adopter
des principes et de les mettre en application, on a des craintes.
Dans le contexte actuel, Je me dis, puisque je ne parle pas de
coercition, mais d'engagement volontaire, que personne n'est obligé
d'étudier la médecine. Personne n'est obligé d'être
député, d'ailleurs. C'est volontaire. Alors, on n'est pas
obligé d'étudier la médecine. On choisit de le faire parce
qu'on aime être médecin. On n'est pas obligé de devenir
psychiatre. On choisit de le faire parce qu'on aime faire de ta psychiatrie. Il
serait simple, facile pour un gouvernement - facile, évidemment avec
certains écueils, il faudrait être capable de résister
à certaines pressions, certains lobbies - d'établir des
règles du jeu claires, à savoir que lorsqu'un étudiant
veut entrer en médecine ou dans une spécialité il accepte
volontairement d'aller dans des endroits où on a besoin de lui. Cela ne
veut pas dire nécessairement la brousse, cela peut vouloir dire, comme
je le disais tout à l'heure, Joliette, Saint-Jérôme,
Saint-Jean, Granby, Saint-Hyacinthe et Pinel, là où on a besoin
de lui. C'est bien sûr que cela crée certaines entraves, mais les
autres systèmes vont créer également des entraves.
Je me dis que les conditions actuelles d'entrée en
médecine doivent être révisées et examinées
attentivement et, là , le gouvernement a un rôle à jouer
parce que cela ne peut pas venir des professionnels eux-mêmes, cela ne
peut pas venir des universités, cela ne peut venir que du gouvernement
II est devenu même inacceptable en ce qui me concerne, même si on
tente de le temporiser un peu, de le modérer en médecine par le
biais d'entrevues dans certains cas, que le critère principal
d'admission en médecine soit tes notes d'études du cégep
II est inacceptable qu'il faille être dans les sept ou huit premiers
centiles pour pouvoir être admis en médecine, selon les notes du
cégep. Cela n'a pas de bon sens. On ne tient pas compte des valeurs
humaines des gens, on ne tient pas compte de l'empathie. Je sais et beaucoup de
députés, de ministres, d'anciens députés,
d'ex-ministres également me disent toujours la même chose,
à savoir qu'ils sont d'accord avec ce que je dis sur le plan de
l'obligation des notes extraordinaires pour pouvoir entrer en médecine,
mais personne n'a jamais eu le courage d'affronter la situation et de dire
qu'assez, c'est assez. On va tempérer ça en créant
d'autres critères selon des cadres Juridiques, législatifs parce
qu'il faudrait que ce soit fait par la loi; autrement, ce sera renversé
par la Commission des droits de la personne et par les tribunaux. Il faut qu'il
y ait d'autres critères que celui...
Le Président (M. Baril): Docteur, voulez-vous, s'il vous
plaît...
M. Roy: ...des notes pour pouvoir être admis en
médecine.
J'ai fait un tour d'horizon très large, mais je sais que le chef
de l'Opposition a bien d'autres questions.
Le Président (M. Baril): II serait important de raccourcir
vos réponses, Dr Roy, s'il vous plaît, parce qu'il y a
d'autres...
M. Chevrette: D'ailleurs, je ne prendrai pas de chance. Je vais
faire un commentaire avant de vous reposer des questions; sinon, je n'en
poserai pas une.
Dr Roy, j'ai hâte que votre opinion personnelle en vienne Ã
être partagée par vos collègues. Vous semblez vivre ce que
les enseignants ont déjà vécu dans le passé,
c'est-Ã -dire le conflit du corporatisme versus le conflit du
syndicalisme. Je partage plusieurs de vos Idées là -dessus et un
des points de convergence qu'on a - aux yeux du public, on n'en a jamais eu
trop, trop... Sur ce point précis, je demeure convaincu que c'est
Inadmissible que l'Ãtat ait à payer des mesures Incitatives pour
assurer une qualité de soins dans les régions
éloignées. Personnellement, je partage ce principe, je trouve
cela inconcevable. Il peut y avoir des primes d'éloignement parce que
ça coûte plus cher pour se perfectionner, etc., mais qu'on soit
obligé de mettre un sac complet de suçons pour venir Ã
bout d'en avoir quelques-uns en région, je trouve ça
épouvantable.
M. Roy: Et, pourtant, vous l'avez toléré pendant
que vous étiez ministre.
M, Chevrette: Oui," oui, je l'ai toléré, mais vous
vous rappellerez, par exemple, qu'on s'est assis ensemble et que j'ai dit: On
s'en va vers autre chose, ça n'a plus d'allure.
M, Roy: Oui.
M. Chevrette: Cela avait été mis en place avant que
je n'arrive et, justement, je trouvais ça tellement Inconcevable que je
vous l'ai dit en commission parlementaire, Ici. Vous devez vous en souvenir. Je
l'ai surtout dit à vos collègues, présidents de
fédérations par exemple, spécialisés et
omnipraticiens. Personnellement, je n'accepte pas qu'il n'y ait qu'une seule
profession au Québec, c'est la Corporation professionnelle des
médecins... Les médecins peuvent aller où ils veulent,
quand Ils le veulent, créer une disparité épouvantable
dans les services, une concentration à Montréal... S'ils veulent
tous aller à Montréal, ils y vont tous alors que vous savez
très bien, par exemple, que les enseignants, que je connais plus, sont
engagés proportionnellement au nombre d'enfants. C'est bien dommage,
même si la moyenne d'âge augmentait jusqu'à 50 ans,
présentement, il n'entre pas de jeunes parce qu'il y a eu
dénatalité et l'enseignant qui veut travailler s'en va en
Abitibi, s'il y a une place, ou sur la Côte-Nord et, s'il ne le veut pas,
il se réoriente dans une autre carrière.
Présentement, au Québec, dans les corps médicaux on
peut se retrouver, par exemple, avec une concentration d'anesthésistes
à Montréal et on n'en a pas à Sorel, comme vous le dites.
On n'en a même pas à Saint-Hyacinthe. Je trouve cela inacceptable
sur le plan des principes sociaux. Vous dites bien vous-même que c'est
à l'Ãtat d'intervenir et je suis d'accord avec vous. C'est vrai
que ce n'est pas facile. Cela met en contradiction les principes
d'accessibilité libre et totale aux universités.
Bien sûr, si on décidait que sur 250 nouveaux
étudiants par année il y a 75-76 places réservées
à des jeunes qui veulent aller en région, pour en venir Ã
rééquilibrer les services, je pense que cela pourrait se faire,
indépendamment des notes, comme vous dites. Il ne faudrait pas verser
dans l'excès contraire non plus. Il pourrait y avoir des balises
à tout cela.
Ce sont des propositions qu'on a faites, soit dit en passant, aux
groupes il y a deux ans et demi ou quelque chose du genre. Je vous rappellerai
qu'on avait étalé une série d'hypothèses. J'allais
jusqu'à parler aussi d'enveloppe budgétaire, si vous vous
rappelez, par région. Parce que si les contribuables de l'Abitibi ou de
la Basse-Côte-Nord sont taxés à 25 % ou 30 % sur leurs
chèques de paie, Ils ont le droit d'avoir des services autant que les
gens de Montréal qui ne sont pas plus taxés que les gens de
l'Abitibi, de la Basse-Côte-Nord ou de la Gaspésie. Je partage
cela à 100 milles à l'heure, sauf que cela reste au niveau des
Individus. Chaque fois qu'on veut faire franchir un pas dans ce domaine, ce
sont les mesures incitatives, point. Et cela, je vous jure que je vous
appuierais comme président de corporation. Je vous trouverais encore
meilleur si vous réussissiez à convaincre vos présidents
de fédérations.
à ce moment, cela permettrait peut-être au gouvernement, si
on arrivait avec des formules... Je souhaite que cela soit volontaire, que ce
soit un consensus, car c'est de beaucoup supérieur, beaucoup plus
valable comme société, mais si on n'est pas capable de le faire,
il va falloir donner le coup de barre.
Est-ce qu'il y a beaucoup de pays qui ont un ratio illimité? Vous
savez ce qui est arrivé en France avec le surplus de médecins
concentrés. Cela a dévalorisé ta profession, d'une
certaine façon. Il y a 14 000 médecins qui se sont
retrouvés vous savez comment, à un moment donné. On ne
pourra pas continuer sans contrôle budgétaire. C'est une question
de sous au bout de la course. Si on n'est pas capable de répartir les
médecins en fonction d'un ratio de population, je dis que l'Ãtat
manque le bateau. Vous avez entièrement raison, quelle que soit la
formation politique, Ã part cela. Je suis d'accord avec vous.
Deuxièmement, je pense que pour notre société comme
telle, plus on retarde, plus on aggrave le problème. Je suis convaincu
de cela. Sur cette partie, continuez à prêcher mais, si
j'étais vous, je commencerais à faire de la conciliation, de la
médiation à l'intérieur de vos fédérations,
parce que le jour où les médecins vont ouvrir concrètement
pour accepter une certaine répartition sur une base volontaire, on
arrêtera peut-être de songer aux mesures coercitives. Je vous dis
très honnêtement que je pense que ce serait la seule solution, la
seule logique. Je maintiens, je répète, je maintiens que cela n'a
pas de bon sens. Quand vous avez un ratio, Ã
Montréal, de 1 sur 700 dans certaines spécialités
par rapport à 1 sur 2000 ou 1 sur 3000 en région avec des
déplacements Immenses, cela n'a pas de maudit bon sens. Vous le savez
très bien. Pourtant, votre ratio de 1 sur 600, est-ce que vos
médecins font moins d'argent qu'avec un ratio de 1 sur 2000? Pas un cent
de moins! Parce que c'est un paiement à l'acte.
Vous savez très bien, Dr Roy, comme président de
corporation - je m'adresse non pas au syndicaliste, mais au responsable d'une
corporation - que cela développe une disparité. La concentration
de médecins provoque des vices du système. Quand il y a une trop
forte concentration, il y en a qui se spécialisent. Vous en avez vu
dernièrement, ils se spécialisent même dans
l'émission de certificats médicaux. Il faut faire très
attention parce que quand ton agenda est libre le mercredi...
M. Roy: Ne m'embarquez pas sur un autre sujet
M. Chevrette: Je ne vous embarque pas sur un autre sujet, je vous
dis que c'est le danger quand il y a une trop forte concentration dans un
milieu. Cela crée des besoins, le bobo est peut-être plus laid.
C'est humain, pas plus pour un médecin. C'est la même chose dans
toutes les catégories. Si on concentre trop, vous savez ce qui arrive.
On se développe des champs, on est moins rigoureux. Et cela, Ã
mon point de vue, on ne devrait pas l'accepter comme société.
Ma question, avant de vous donner la parole, parce que Je sais que vous
voulez commenter mes commentaires...
Le Président (M. Baril): M. le chef de l'Opposition, je
vous ferais remarquer qu'on n'a plus de temps depuis quelques minutes.
J'aimerais que vous posiez votre question et, en même temps, que vous
fassiez vos remarques finales.
M. Chevrette: II faut bien que je m'adapte au client
Le Président (M. Baril): Je suis d'accord mais...
M. Chevrette: J'ai posé une question et il a pris tout mon
temps. Alors, je voulais dire des choses.
Le Président (M. Baril): Je vous comprends. Mais
j'aimerais que vous fassiez vos commentaires en même temps, en
terminant
M. Chevrette: Je n'ai pas d'objection, mais, M. le
Président, comme vous êtes nouveau à cette commission, je
voudrais vous dire que Mme la ministre et moi-même ne nous sommes jamais
chicanés.
Le Président (M. Baril): Je ne le voudrais pas non plus.
(11 h 15)
M. Chevrette: Cela ne me dérange pas. J'ai
été gentil avec elle. Son temps était
écoulé, je l'ai laissée parler. Je l'ai laissée
poser les questions que je voulais poser sur mon temps.
Le Président (M. Baril): Si j'ai le consentement...
M. Chevrette: Voulez-vous me laisser en poser une?
Le Président (M. Baril): Bien oui.
M. Chevrette: Parfait!
Le Président (M. Baril): Cela me fait plaisir.
M. Chevrette: C'est un gars de l'Abitibl, il doit comprendre
cela. Il est en région périphérique. Il y a un manque de
médecins.
Le Président (M. Baril): C'est un sujet qui me touche.
Allez-y, M. le chef de l'Opposition.
M. Roy: Une petite chose, avant que vous posiez votre
question.
M. Chevrette: Oui. Allez-y.
M. Roy: Deux secondes. Il ne faut pas rêver en couleur. Il
ne faut pas s'illusionner, évidemment, sur les pouvoirs de la
corporation, sur les pouvoirs que j'ai. Je peux dire: Donnez-nous les pouvoirs
de faire cette répartition et, moi, je vais la faire, cela ne prendra
pas de temps. J'ai déjà voulu la faire, d'ailleurs, mais cela n'a
pas réussi.
M. Chevrette: ...l'idée d'aller en politique?
M. Roy: Je dots dire que c'est facile de prêcher la vertu,
mais c'est plus difficile de la pratiquer. Je me souviens très bien que
dans le programme du Parti québécois, dans les premières
années, alors que tout était vertueux et tout jeune, on avait
dans le programme du Parti québécois un paragraphe sur la
distribution des médecins dans les régions et le service social
des médecins. Le Parti québécois a eu huit ans, si ma
mémoire est bonne...
M. Chevrette: C'est pour cela que je n'ai pas compris pourquoi
vous vous étiez présenté libéral.
M. Roy: ...au pouvoir, neuf ans pour le faire. Même te
ministre de la santé, des Affaires sociales de l'époque, qui
était favorable à cette mesure, n'a jamais pu la faire adopter
parce qu'il y a une question de solidarité. On ne peut pas faire cela
seul. Vous savez, évidemment, que ce n'est pas facile, il ne faudrait
pas, par ailleurs,
être plus sévère pour les médecins qu'on ne
l'est pour les autres et les traiter différemment Quand vous dites que
les médecins peuvent chambarder tout le système, c'est vrai. Cela
donne une idée du rôle important que le médecin joue et que
souvent, évidemment, on n'apprécie pas à sa juste valeur.
Le Dr Bernier aimerait faire juste un petit commentaire.
M. Bernier: M. le chef de l'Opposition, je pense que vous
mélangez... Il y a des choses vraies, mais il y a des petits
mélanges. Quand vous parlez de surnombre, il faut penser qu'il y a des
omnipraticiens, qu'il y a des spécialistes et parmi les
spécialistes, c'est bien connu que les psychiatres ne sont pas en
surnombre. Vous dites vous-même que ça prend un ratio de
professionnels par rapport à la population. C'est ça qu'on
demande et il faudrait que vous sachiez qu'il y a des normes en Amérique
du Nord, qui sont à peu près de 1 pour 8500, qui ne sont
même pas atteintes à Montréal.
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a une pénurie et, en plus,
elle est mal distribuée. On a deux problèmes. La vraie solution
à cela, c'est qu'il faut qu'en psychiatrie vous libériez des
cartes pour qu'on puisse former de nouveaux psychiatres. Le principal
problème qu'on a à envoyer des psychiatres en région...
Moi, je suis allé en région. Drummondville, il y a cinq ans,
c'était en région. C'était à 50 milles de
Montréal, mais c'était loin. Ce qui m'a aidé Ã
aller là , c'est que je n'étais pas seul. Un psychiatre qui est
seul en "région éloignée ou dans une région ne peut
pas tenir le coup. C'est sa santé mentale à lui qui est
rapidement mise en cause. Il faut que le nombre augmente. Ã ce moment,
vous n'avez pas besoin de mesures coercitives. Il va y en avoir assez Ã
Montréal et, automatiquement, il va y en avoir qui vont aller dans
d'autres régions. Ils ne se trouveront pas seuls à donner et
à offrir tous les soins à une population.
En tout cas, c'est une partie de la solution. Ce n'est pas toute la
solution, mais je voulais que vous teniez compte, au moins, de ces quelques
remarques.
M. Chevrette: Mais ce n'est pas parce que je suis
mélangé que je dis cela. Je peux vous dire que je suis au courant
de l'évolution du ratio de médecins, y compris des comparaisons
avec l'ensemble canadien et des comparaisons avec d'autres pays. Je ne dis pas
qu'il ne manque pas certaines spécialités. Je suis
entièrement au courant. J'ai eu des discussions extrêmement
longues et intéressantes avec le Dr Roy là -dessus. Cela ne
règle pas pour autant.
Quand vous me dites: Le psychiatre seul... Vous savez, sur la
Basse-Côte-Nord, je n'en mettrai pas 40 pour la santé mentale du
psychiatre. Je n'enverrai pas trois psychiatres parce que ça en prend un
si le ratio est de 1 'sur 600 et qu'ils sont 600 âmes. Je m'excuse, on
pourra peut-être lui permettre, par des conditions particulières,
de sortir plus souvent, de venir se ressourcer, de venir se reposer, etc., mais
il faut tenir compte de la réalité des milieux au
Québec.
Même si on formait plus de psychiatres au Québec
présentement, docteur, êtes-vous capable de me garantir que,
demain matin, ils vont sortir à Montréal dans la conjoncture
actuelle, s'il n'y a aucune mesure décidée,
précisée d'avance autre qu'exclusivement les mesures des
Incitatives? Vous ferez comme le Dr Augustin Roy. Vous vous tournerez vers Mme
Lavoie-Roux et vous direz: Mme la ministre, intervenez, de grâce, c'est
votre rôle. Allez-vous convaincre votre fédération de
spécialistes d'accepter des mesures de répartition, par exemple,
d'Ãtat? Allez-vous lutter sous une forme de menace de grève
éventuelle, si jamais elle arrivait avec des mesures de
répartition?
LÃ -dessus, comme Opposition, je l'appuierais. Je vous le dis tout
de suite. Vous disiez qu'on était caché et qu'on avait peur. Ce
n'est pas vrai. On n'a pas peur là -dessus. Je pense qu'on l'a
déjà prouvé. Je n'ai pas peur de cela. Il va falloir en
arriver là parce que, mol, je respecte autant le citoyen malade de
l'Abitibi que le Montréalais. Il faut créer un équilibre
dans les services. Si on n'est pas capable de s'en payer des corrects, on peut
rendre parfaite la région de Montréal au point de vue des soins
en psychiatrie parce qu'il en manque. Ã supposer que ce soit vrai, cela
ne justifie pas l'absence totale de services psychiatriques dans certaines
régions du Québec. C'est cela que je n'accepte pas; dans ma
tête, cela ne clique pas. Ce ne sera peut-être jamais parfait
à Montréal, mais cela va être au moins un petit peu mieux
ailleurs. C'est cela que je dis. On n'a peut-être pas les ressources
financières pour se payer un système parfait, mais on peut avoir
les ressources et le souci, au moins à partir des ressources qu'on a,
d'équilibrer les services et la qualité des services.
Ce sont mes propos, ce n'est pas une attaque aux corps médicaux,
absolument pas, parce que je trouve que, là -dessus, la corporation est
plus "parlable". Je vous félicite - ne m'en demandez pas trop -
là -dessus d'avoir une vision au moins favorable à la
répartition de l'effectif médical.
M. Roy: Nous sommes d'accord avec vous, M. le chef de
l'Opposition. D'ailleurs, les derniers chiffres que j'ai - seulement pour
rétablir les faits absolument correctement - font état qu'en 1986
le ratio population par rapport aux psychiatres était de 8840 personnes
pour un psychiatre; les prévisions, pour 1990, sont de 8043 personnes
pour un psychiatre. à Montréal, à l'heure actuelle, en
1986, c'est 4315...
M. Chevrette: C'est le double.
M. Roy: ...de population pour un psychiatre. C'est le double du
ratio, alors que, dans cer-
taines régions, comme sur la Côte-Nord, c'est 34 000 de
population pour un psychiatre. Alors, évidemment, Ã
Montréal, on a atteint le ratio, mats, malgré tout cela, les gens
disent qu'il manque de psychiatres. LÃ , II y a des faits bien
importants.
Je dois dire seulement une chose que J'ai oublié de dire
tantôt et qui s'applique aux deux partis politiques. On a demandé,
à plusieurs reprises en commission parlementaire - on commence Ã
en avoir l'expérience - d'être capables de discuter avec le
gouvernement à titre de conseillers quand il y a des négociations
avec les fédérations et jamais on n'a été
consultés avant ta signature d'une entente qui influence, dramatiquement
souvent, la pratique médicale. Je dois dire également que, depuis
1972, on fait des études statistiques; les gouvernements ont eu tous les
chiffres et ils savent exactement vers quoi on s'en va. Il y aurait
possibilité d'agir à condition d'avoir une volonté d'agir
et à condition, évidemment, de ne pas avoir peur de
déranger.
Le Président (M. Baril): Je vous remercie. Alors, Mme la
ministre, en conclusion, s'il vous plaît
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier la corporation, mais je
voudrais seulement dire au Dr Roy une observation que j'ai faite alors qu'il
expliquait, selon lui, les moyens qui devraient être pris pour arriver
à une meilleure distribution des médecins.
Vous en avez donné quatre, mais la première, je l'oublie.
Vous avez dit le "billing number", c'est constitutionnel. Vous n'avez
peut-être pas dit pourquoi le gouvernement a peur de cela, mais vous avez
insinué que cela pourrait être une méthode. La
troisième, cela a été de dire: II y a toute la question de
la tarification. On connaît tout le chahut que l'ancien gouvernement a eu
quand il a Instauré la rémunération
différenciée de 30 %.
Il en reste une dernière. Vous nous arrivez et vous dites: C'est
la plus mauvaise, parce que cela va causer - les plans d'effectif
médical... Cela se discute quand même à la table de
concertation et II y a bien des choses qui se discutent à la table de
concertation pour arriver, finalement, à définir quels sont les
besoins réels d'effectif parce qu'il y a des divergences
là -dessus. Vous savez, on veut tous aller au ciel, mais on ne veut pas
mourir. La seule que le gouvernement ait retenue par la loi 75, vous y trouvez
toutes sortes de vices. Peut-être les a-t-elle, on verra à la
pratique, mais je trouve que, là , vous avez une méthode qui,
normalement, devrait, si on a la collaboration de tout le monde, non pas
pénaliser qui que ce soit, mais nous permettre d'en arriver à une
distribution un peu plus juste.
Vous dites: Les gens de l'Abitibi, il n'y aura plus de place en Abitibi
parce que votre plan d'effectif médical est tel; alors la personne qui
voudrait rester en Abitibi sera obligée - ou je ne sais de quelle
région - d'aller sur la Basse-Côte-Nord Vous auriez le même
effet avec le "billing number*. Une fois que les numéros vont être
remplis quelque part. Ils ne pourront pas rester en Abitibi, il faudra qu'ils
aillent là où il y a de la place si on procède avec des
enveloppes budgétaires, ce qui peut aussi être une autre formule
intéressante, par région.
Vous nous dites toujours "oui, on est d'accord pour la distribution", et
c'est toujours te discours que vous avez tenu, Dr Roy, je dois le dire, mais
quand on arrive à appliquer une méthode, qui ne peut pas
être parfaite - là -dessus, il n'y a pas de méthode
parfaite, ce serait trop simple et on n'aurait même pas besoin d'en
développer - vous y trouvez déjà toutes sortes de vices,
alors qu'à mon point de vue elle est supérieure au "billing
number". Vous dites que c'est le "billing number" Ã l'envers. C'est
votre façon de voir les choses, c'est correct, mais il ne faudrait pas
que, lorsqu'on en trouve une, vous y trouviez toutes sortes de vices parce que,
à ce moment-là , on va toujours être dans un cul-de-sac.
C'est tout ce que je voulais ajouter.
Je pense qu'on est tous conscients que la question de la
répartition géographique est importante et, lorsque vous dites
qu'il en manque à Montréal, II en manque à certains
endroits. C'est fort connu. C'est légitime aussi, que des psychiatres
veuillent peut-être fonctionner dans un milieu qui est moins
chronicisé que, par exemple, Robert-Giffard, à Québec, ou
Louis-Hippolyte-Lafontaine à Montréal. Alors, finalement, vous
allez les retrouver dans un endroit comme le Allen ou Prévost - je ne
sais pas si je dis des choses gratuites, mais pas trop, je pense - ce que je
peux comprendre sur le plan humain. Ce n'est pas le manque de psychiatres
à Montréal, parce qu'on a le plus bas ratio dans la population de
toute l'Amérique du Nord à Montréal. Vous avez dit
d'ailleurs que c'était un ratio convenable. Mais il y a encore des
désirs fort légitimes des psychiatres de pratiquer, même
à l'intérieur d'une grande ville, dans un milieu plutôt que
dans un autre.
Tout cela pour dire qu'on a encore beaucoup de discussions Ã
avoir sur toute la question de la distribution Mais, Ã un moment
donné, je pense qu'on ne peut plus.. Cela fait 20 ans qu'on parle de
distribution d'effectif médical au Québec et on est toujours
devant la même problématique. Tout le monde nous dit: Ah! La bonne
volonté-Bien, on Investit 20 000 000 $ pour la bonne volonté par
toutes sortes d'incitatifs, et on se retrouve encore avec des disparités
qui, sans corriger d'une façon parfaite, sont inacceptables.
M. Roy: Vous me permettrez un bref commentaire, Mme la
ministre?
Mme Lavoie-Roux: Merci. Oui.
M. Roy: Ãvidemment, les questions de ressources
financières qui sont très Importantes, ce sont les gouvernements
qui doivent faire l'arbitraire. Mais j'ai nommé cinq méthodes et,
d'après moi, la meilleure, c'est la question de l'engagement volontaire.
J'ai parlé du "billing...
Mme Lavoie-Roux: ...nous aussi. M. Roy: Pardon?
Mme Lavoie-Roux: Nous sommes aussi pour cela...
M. Roy: Ouf, mais vous ne l'avez pas fait.
Mme Lavoie-Roux: ...pour autant que cela fonctionne.
M. Roy: Vous êtes pour la vertu, mais c'est difficile de la
pratiquer. Le "billing number", cela se fait, mais la loi 75, c'est le 'billing
number" à l'envers. Quand la loi 75 a été adoptée
en juin 1986, on avait demandé de pouvoir se faire entendre en
commission parlementaire et d'expliquer les réticences qu'on avait face
à la loi 75. à ce moment-tà , ce privilège de
pouvoir donner tes inconvénients de cette toi 75 ne nous a pas
été accordé. Je ne veux pas être le prophète
de malheur, mais je vous dis que cela va causer des problèmes majeurs.
Il est malheureux que même nos médecins, nos membres, ne
comprennent pas l'implication grave que cette loi aura si jamais le
gouvernement a le courage politique de l'appliquer jusqu'au bout, mais je doute
que le gouvernement ait le courage politique de le faire quand je vois surtout
sa réaction face à l'article 1 de la loi 97 où on a
reculé pas mal, pas mal trop à mon goût. Même
l'Opposition a prêché la vertu, mais elle ne l'a pas
pratiquée en votant contre l'amendement où on a été
obligé de faire des restrictions à 25 % du nombre de
médecins pour les régions éloignées, alors qu'on
sait qu'on en a besoin dans les régions éloignées. On a eu
peur des pressions des étudiants.
Je doute fort que la loi 75 soit mise en application, j'en doute
très fort L'avenir nous dira qui a raison, mais je pense que ce sera un
carcan épouvantable, si on la met en application, pour les
médecins et, éventuellement, pour le public, et c'est la
même chose pour les budgets régionaux. C'est facile à dire.
Je m'attends que la commission Rochon d'ailleurs - sans vous donner de
recommandations - mon "feeling" est que cette commission va recommander cela.
C'est plaisant comme concept, mais j'ai hâte de voir les gens dans le
champ.
Le Président (M. Baril): D'accord, Dr Roy. En conclusion,
M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Je voudrais remercier également la
corporation. Je dois dire au Dr Roy qu'il ne profitera sûrement pas du
dernier mot pour se rappeler que les discussions à la commission
étaient précisément en fonction d'ouvrir un débat
très large et non pas réservées exclusivement aux
étudiants en médecine. C'est d'avoir à une même
table, pour régler définitivement le problème, les
universités, la corporation, les fédérations de
médecins ainsi que l'ensemble concerné, les CRSSS, etc. Il faut
faire attention quand vous sortez un phrase du contexte, vous pouvez nous faire
dire n'Importe quoi, vous, mais nous sommes Ici pour rectifier.
M. Roy: Je lis le Journal des débats...
Le Président (M. Baril): Un instant, s'il vous
plaît! La conclusion va demeurer ici, si vous le voulez.
M. Chevrette: Bon, merci. C'est fini, mais je vous
rencontrerai.
Le Président (M. Baril): Merci, docteur. Je m'excuse. La
conclusion va demeurer ici.
M. Roy: Je pourrais déposer les dernières
statistiques...
Le Président (M. Baril): Cela nous fait plaisir.
M. Chevrette: Oui, consentement
Le Président (M. Baril): Consentement. Je remercie
beaucoup la Corporation professionnelle des médecins du Québec.
Pardon? Oui, pour distribution aux membres, c'est sûr.
M. Roy: Merci beaucoup.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. J'invite notre
deuxième groupe, la Fédération québécoise
des associations des familles et amis de la personne atteinte de maladie
mentale, à se présenter s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 11 h 30)
(Reprise à 11 h 39)
Le Président (M. Baril): à l'ordre, s'il vous
plait!
La commission des affaires sociales se réunit encore une fois
pour continuer d'étudier le projet de politique de santé mentale
pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du
comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le
30 septembre 1987.
Je demanderais à nos invités de se présenter, s'il
vous plaît.
Fédération québécoise
des
associations des families et amis de
la personne atteinte de maladie mentale
M. Poirier (Paul-Ãmile): Tous tes membres qui sont ici
sont des officiers de la fédération et également des
officiers des associations locales,
à ma droite, 0 y a Mme Pauline Préfontaine,
présidente de l'AQPAMM, Association québécoise des parents
et amis du malade mentale, et M. Gilles Dupont, secrétaire de la
fédération et vice-président de La Boussole. à ma
gauche, il y a M. Henri Jobin, trésorier de l'association du
Saguenay-Lac-Saint-Jean; Mme Thérèse Scapellini,
co-présidente de l'ALPABEM, association de Laval; Mme Monique Stevenson
qui, je crois, est secrétaire attachée d'une façon
permanente au secrétariat de l'association de Laval, et M. André
Forest, coordonnateur de l'association de l'Estrle. Ãgalement, il y a
deux autres personnes qui n'ont pas trouvé place ici. C'est M. Fernand
Forget trésorier de l'AQPAMM et je suis Paul-Ãmile Poirier,
président de la fédération.
Le Président (M. Baril): Je tiens à vous souhaiter
la bienvenue, M. Poirier. Vous avez 20 minutes pour nous lire votre
mémoire.
M, Poirier: Je vous remercie. Nous aurions des documents Ã
distribuer.
M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs,
même si nous jugeons que tous les points de notre mémoire sont
importants, puisque nous sommes ceux qui vivons avec le malade et que nous
sommes les personnes les plus intéressées à son
bien-être, nous vous soumettons quelques points sur lesquels nous voulons
attirer votre attention d'une façon particulière ainsi que
quelques commentaires additionnels.
à la page 8 de notre mémoire, nous disons: Toute politique
doit être faite pour corriger la situation faite aux personnes dont iI
est fait mention dans la première réalité,
c'est-Ã -dire les personnes qui souffrent de maladie mentale
sévère et/ou chronique. Nous insistons sur ce point car, Ã
ce jour, nous ne connaissons que quelques programmes tant au Canada, aux
Etats-Unis qu'en Europe qui aient été de quelque secours pour les
personnes qui souffrent de maladie mentale sévère. Nous vous
référons au volume Surviving Schizophrenia de Torrey,
publié en 1983.
Depuis 1963, le gouvernement américain a mis sur pied 789 centres
communautaires de santé mentale, dont le coût de fonctionnement
s'élève à 3 000 000 000 $. Le problème avec ces
centres, c'est qu'ils n'ont jamais voulu s'occuper des schizophrènes,
alors que leur objectif premier était la schizophrénie, C'est, de
leur part, un échec flagrant C'est comme si le gouvernement
américain annonçait, quinze ans après avoir
créé des centres de traitement du cancer, que ces centres ont
trouvé le moyen de traiter peu de cas de cancer, mais qu'en revanche ils
ont traité beaucoup de patients souffrant d'acné.
Nous vivons au Québec la même expérience. Les CLSC,
les organismes communautaires ne répondent pas aux besoins des personnes
qui souffrent de maladie mentale sévère hors l'hôpital, ni
à ceux de leur famille. Fernand Séguin, dans son livre La
bombe et l'orchidée, dit qu'il y a en médecine des maladies
nobles et des maladies honteuses, il existe des maladies qui déclenchent
des réactions émotives et des maladies qui se perdent dans
l'indifférence.
Qu'en est-il des maladies mentales sévères, de la
schizophrénie? Ces maladies sont parmi les plus dispendieuses pour la
société. Ces maladies obligent des mères, des
épouses à un dévouement surhumain et créent, chez
celui qui en est atteint, des souffrances physiques et morales atroces. Le pire
handicap, c'est celui de ne pouvoir manifester, de ne pouvoir s'exprimer. Le
handicap physique a tout au moins ce privilège.
Toute maladie est triste, mais comment se fait-il que l'on attache
tellement d'Importance au SIDA et tellement peu aux maladies mentales? Certains
journalistes emploient le mot "schizophrénie" lorsqu'ils veulent dire
qu'une situation est odieuse. Qu'est-ce qui est odieux? La maladie ou le
silence de la médecine. le silence de la société? Les
maladies mentales sévères doivent faire l'objet de programmes
spécifiques qui décriront le rôle de chaque Intervenant
à la lumière des besoins du malade et de sa famille.
Un autre point que nous voulons souligner est la situation faite
à la famille du malade. Avec ta désinstitutionnatisation, la
famille est devenue le seul asile du malade. On a
désinstitutionnalisé les malades, mais non le personnel, ni les
budgets. Pourtant plus que te malade, plus que ses proches, les membres de sa
famille sont intéressés à ce que le malade ait une vie
viable. La famille ne vit pas de la maladie, mais vit avec le malade.
Dans les Institutions, il y a souvent trois employés pour un
malade. Les malades sont regroupés pour faciliter le travail. Dans la
famille, la mère, l'épouse est souvent seule 24 heures par jour,
sept jours par semaine avec le malade, sans aide, Ignorante de la maladie, ne
sachant quoi faire pour aider le malade, ne sachant quoi faire pour donner au
malade une lueur d'espoir, ne sachant quoi faire pour se guérir
elle-même de l'angoisse et souvent de la peur.
Cette triste réalité n'a pas intéressé grand
monde depuis 1961. Cette triste réalité risque de se
perpétuer si on ne donne pas à la famille des pouvoirs
correspondant à ses responsabilités Alors que les membres des
syndicats ont réduit leur semaine à 30 ou 35 heures-semaine, la
famille demeure à 168 heures. il est difficile d'avoir mieux.
Il y a des faits vécus. Je veux tout simplement vous en citer un
qui a été reproduit dans le dernier numéro de notre
journal. Mme X est
suivie depuis plusieurs années par un psychiatre dû au fait
qu'elle souffre de schizophrénie. Dernièrement, Mme X est
très nerveuse. Elle est très agitée. Elle a deux enfants
en bas âge dont elle n'arrive plus à prendre soin. M. X veut
amener sa femme à l'hôpital. Celle-ci refuse de se faire soigner.
M. X fait appel au psychiatre de madame. Celui-ci dit de la faire soigner. M. X
lui demande alors un papier lui prescrivant un examen clinique afin d'avoir une
ordonnance de la cour. Le psychiatre refuse de signer un tel papier, disant
qu'il deviendra juge et partie dans ce cas. Quelle solution reste-t-il Ã
M. X pour faire soigner son épouse? D'ailleurs, nous retoucherons
à ce point-là , pour ce qui concerne la Loi sur la protection du
malade mental, un peu plus loin.
Le rapport Harnols reconnaît le rôle de la famille, fait du
malade et de sa famille le centre de ses recommandations. Qu'adviendra-t-il
dans les faits? Il y a deux lois que nous craignons beaucoup. La loi du moindre
effort et la loi du plus fort. Nous avons beaucoup de respect pour les
personnes qui militent dans le domaine médical et dans le domaine
social. Elles aident les gens qui sont dans les institutions. Elles aident les
gens qui frappent à leur porte, mais qu'ont-elles fait jusqu'Ã
maintenant pour ie malade hors de l'Institution et pour sa famille?
Nous voulons bien croire à la vertu des psychiatres, des
psychologues, des omnipraticiens, des travailleurs sociaux, mais nous
apprécierions que cette .vertu soit soutenue par les pouvoirs
donnés aux familles. Tous ceux qui militent auprès des malades
dans des institutions sont regroupés en corporation, en syndicat et ces
organismes défendent bien leurs droits et leurs privilèges. La
famille est seule. Elle est la cellule la plus faible de la
société et nous savons ce qui advient de la cellule la plus
faible dans tout organisme. Pas besoin d'être biologiste pour
connaître la réponse.
à ce jour, les corporations, les syndicats ne se sont pas faits
les apôtres du partenariat Nous ne croyons pas que le rapport Harnois ait
un pouvoir de mutation de la nature humaine. C'est pourquoi nous demandons que
le gouvernement donne aux familles le pouvoir de se regrouper en association,
de se regrouper en fédération pour pouvoir défendre nos
droits, pour pouvoir parler d'égal à égal avec les autres
intervenants. Par exemple, si nous n'avions pas été
regroupés en fédération, nous n'aurions pas pu nous faire
entendre auprès du comité sur la politique de santé
mentale, qui ne recevait que les organismes à caractère national.
Peut-être même ne serions-nous pas ici aujourd'hui?
En 1962, il y a 25 ans, Jean-Charles Pagé écrivait Les
fous crient au secours. En 1988, les familles crient au secours avec les fous.
Nous souhaitons qu'en l'an 2000 cette anomalie soit corrigée et nous
répétons que les personnes les plus intéressées
à ce changement sont les malades et leur famille.
Voici quelques droits nécessaires à la famille pour
l'aider à remplir le rôle que lui assigne le rapport Harnols:
droit à l'Information sur tous les aspects qui concernent la maladie et
la personne malade; droit également à une certaine formation pour
pouvoir aider le malade dans son cheminement; droit d'être
protégée lorsque la personne malade refuse de se
reconnaître malade; droit de représenter le malade, de parler en
son nom lorsque la maladie de ce dernier l'exige. Ces droits doivent être
confirmés dans une loi.
L'ombudsperson" est un autre point que nous jugeons très
important, l'autorité de l'ombudsperson" et la description de son
rôle. L'"ombudsperson" doit être libre de ses faits et gestes
à l'intérieur de son rôle. l'ombudsperson" peut être
rattachée au service du Protecteur du citoyen ou encore être
directeur d'un organisme qui voudrait rendre compte à Mme la ministre.
Il a pour mission de surveiller l'application du programme qui sera mis en
vigueur dans le champ de la maladie mentale. Il a le pouvoir de faire
enquête et de faire rapport à l'autorité
concernée.
Il y a quelques autres points que nous désirerions ajouter. Il
n'y a presque pas de livres en français qui traitent du problème
des maniaco-dépressifs et de la schizophrénie. Il y a quelques
brochures de l'Association canadienne de la santé mentale et des amis du
schizophrène traduites de l'anglais et, parfois, elles sont mal
traduites, d'ailleurs. Le seul volume valable est celui traduit sous les soins
du Dr Yves Lamontagne, Vivre et travailler avec la schizophrénie. Ce
volume est incomplet. Il nous semble qu'il serait temps de corriger cette grave
lacune et que chaque famille puisse obtenir une documentation adéquate
lorsque se déclare la maladie.
Un volume que nous aimerions avoir en français est Schizophrenia:
Straight Talk for Families and Friends, écrit par Maryellen Walsh. Les
modes actuelles de thérapie nous paraissent archaïques. Les
médicaments ont remplacé l'huile de Saint-Joseph ou l'eau de
Sainte-Anne qui avaient au moins le mérite de faire des miracles. Jamais
tes médicaments n'ont fait de miracles. Ils endorment le mal. Ne
serait-il pas possible que les médicaments contrôlent les
symptômes sans contrôler les personnes?
Il est sûr que les médicaments ont leur importance, mais ne
serait-il pas possible de tenter des expériences où l'on met
à contribution les propres moyens, les propres capacités du
malade à prendre le contrôle de sa maladie, Ã
s'autoguérir? Ne serait-ce pas le rôle que devrait jouer la
médecine que de nous dire comment nous guérir?
Serait-il possible qu'une équipe de spécialistes
étudient la possibilité d'Impliquer le malade dans sa
guérison? Les malades nous disent qu'ils ont appris Ã
prévenir leurs crises. Pourquoi ne pas regarder dans cette voie, puisque
l'on nous dit que nous n'employons pas 20 % de nos
possibilités? Il nous reste une bonne marge Ã
employer.
Ce serait une voie qui ouvrirait bien des possibilités Ã
une équipe thérapeutique. Il y a des expériences de ce
genre qui se font avec des personnes qui souffrent du cancer et, souvent, avec
succès. Pourquoi n'y aurait-il pas des expériences de ce genre
dans le champ de la maladie mentale?
Un autre point qui se rattache au précédent est celui du
diagnostic et de la recherche. Nous recommandons l'organisation de deux centres
dans la province où serait référée la personne
dès qu'il y a symptôme de maladie mentale. Ces centres auraient
les spécialistes et les appareils nécessaires pour poser un
diagnostic adéquat et, si possible, rapide.
A ces centres de diagnostic serait rattachée une équipe de
chercheurs de plusieurs disciplines qui travailleraient en collaboration avec
les préposés au diagnostic. D'ailleurs, sur le même sujet,
nous rencontrons ce soir une équipe de Robert-Giffard qui vient nous
exposer un programme de recherche.
Nous avons dit que nous ne connaissions que quelques expériences
qui nous paraissent efficaces. Sur le plan communautaire, il y a une
organisation aux Ãtats-Unis qui vaut d'être étudiée
et adaptée. Il s'agit de Fountain House, dont le siège social est
à New York. Ces centres sont des clubs dont les membres sont atteints de
maladie mentale sévère. Ces clubs sont administrés et
entretenus par les personnes malades, avec la collaboration d'intervenants. Le
club de New York a 1200 membres qui sont, pour la plupart, des personnes qui
souffrent de schizophrénie. Il est Impératif que nous
étudiions ces expériences.
A Toronto, Progress Place a fait une adaptation du programme de Fountain
House. L'étude de ces expériences vaut d'être prise au
sérieux. Une de nos membres, Mme Vesta Jobidon, vous a
déjà parlé plus longuement de cette ressource. Nous
reconnaissons que c'est plus prosaïque d'aller se promener Ã
Toronto qu'en Europe, mais c'est peut-être aussi efficace.
à l'hôpital Baie des Chaleurs à Maria, en
Gaspésie, l'expérience en cours vaut d'être
étudiée et évaluée et probablement qu'avec quelques
réajustements il y aurait possibilité d'avoir un programme
très Intéressant.
La remarque la plus fréquente que nous entendons au sujet du
rapport Harnois, c'est son coût. Il nous semble qu'avec un budget au
Québec de plus de 8 000 000 000 $ pour la maladie il est possible de
faire quelques choix. Les opérations de plus de 200 000 $ pour une seule
personne doivent-elles avoir la préférence sur la recherche pour
améliorer la qualité de vie de milliers de personnes?
Lorsque, à l'intérieur d'une société, une
seule profession ne souffre jamais de chômage, est la seule Ã
avoir un système de contingentement, est la seule dont les revenus de
tous les membres excèdent 100 000 $, il nous semble possible qu'il y ait
des économies, sinon des ajustements à faire. J'ai l'impression
que les taxes que je paie pour mon assurance-santé sont mes pires
placements lorsque Je vois le sort qui est réservé aux personnes
qui souffrent de maladie mentale.
Un autre point Important que nous ne pouvons juger - d'ailleurs, nous
croyons qu'ils font un travail intéressant - concerne les organismes
communautaires qui militent dans divers domaines de la santé mentale
mais, Ã ce jour, rares sont les organismes communautaires qui ont
prouvé leur compétence à aider la famille et le
malade.
Pour conclure, il y a des dizaines d'autres points que nous aimerions
discuter, tels les centres de crise de 48 heures, alors que la durée
minimale d'une crise sévère est de deux semaines, la formation
des Intervenants, la formation à donner aux familles, le profil des
besoins de la personne malade, les établissements supervisés, la
désinstitutionnalisation à l'intérieur de l'Institution,
tes programmes de suivi de crise dans certains CLSC qui excluent toute crise
à caractère psychotique, l'adaptation du travail au handicap de
cette catégorie de malade tout comme pour un handicapé physique,
la formation des préposés à l'urgence lorsqu'un malade se
présente en situation de crise sérieuse pour éviter le
genre de situation et de commentaires que nous avons vus et entendus
récemment, le PSI sur lequel nous fondons de grands espoirs, les
qualités de l'agent de réadaptation sociale, le parrainage des
projets, les droits de protection du malade mental qui devraient probablement
s'appeler la loi de protection des schizophrènes et du personnel de
l'institution contre le malade mental, la loi sur la curatelle, la formation
des conseillers.
Il y a également des points qu'on aimerait pouvoir
éclaircir concernant ce qu'on entend par "case manager", etc., etc. Une
petite heure pour parier de ce problème dont souffrent au minimum 50 000
Québécois et au minimum 15 000 familles, c'est bien peu. Nous
n'avons fait que quelques suggestions dans le court temps qui nous est
alloué, mais nous pouvons poser quelques prémisses sur un sujet
qui afflige tellement de monde. Merci.
Le Président (M, Baril): Merci, M. Poirier. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.
Je voudrais remercier la Fédération
québécoise des associations des familles et amis de la personne
atteinte de maladie mentale. Au point de départ, je voudrais vous
remercier pour le travail important que vous faites. On sait que vous avez
été à l'origine, et peut-être seulement depuis un
nombre d'années restreint, du mouvement pour sensibiliser la population
en général aux problèmes que vivent les personnes
atteintes
de maladie psychiatrique et, surtout, pour tenter de leur faire une
place au soleil et de les sortir de l'obscurité dans laquelle elles
étaient. Finalement, même s'il y avait eu des efforts de
désinstitutionnalisation, etc., on n'était peut-être pas
allé très très loin dans toute la réflexion qui
aurait dû entourer cette désinstitutionnalisation. Alors, plus
tard que les associations de parents pour la déficience intellectuelle,
je pense néanmoins que c'est un mouvement important qui s'est
développé, auquel vous contribuez et qui m'apparaît
essentiel si on veut faire avancer toute la compréhension que la
population doit avoir de la maladie mentale et aussi la cause de la personne
qui, d'une façon chronique à un moment ou l'autre de sa vie, doit
faire face à des problèmes de maladie mentale.
J'ai suivi votre résumé et je veux d'abord endosser les
recommandations que vous faites quant à une plus grande
disponibilité de littérature concernant les maladies mentales
pour les familles. Je suis fort consciente qu'elle est assez restreinte et
qu'on doit se reposer davantage sur certains textes américains que sur
une certaine suffisance de textes français pour la population du
Québec. Je pense qu'il est important d'examiner cette question d'un peu
plus près.
Je voudrais aussi, sur quelques autres points que vous soulevez, mais
qui sont des questions moins importantes, faire mes commentaires
immédiatement. Vous parlez des centres de crise qui ne reçoivent
les gens que durant 48 heures. La moyenne de séjour dans les centres de
crise varie de 8- Ã 21 jours et n'a jamais eu comme objectif... Il se
peut que des gens n'y demeurent que 48 heures parce qu'ils ne requièrent
pas davantage de soins que pour 48 heures ou qu'ils veulent d'eux-mêmes
quitter après 48 heures, mais, d'une façon
générale, cela varie entre 8 et 21 jours, soit entre une et trois
semaines. C'est la longueur des stages dans ces centres de crise. (12
heures)
Comme vous êtes des parents, dans le fond, ce que je retiens comme
message principal de votre mémoire, c'est la situation des parents face
à la désinstitutionnalisation. Je fais référence,
à ce moment-ci, davantage à votre journal La Boussole
où vous faites certains commentaires sur la politique de
santé mentale. Vous concluez ou vous laissez vos lecteurs avec une
réflexion et je la Us: La désinstitutionnalisation a fait de la
famille l'asile du malade. Que sera le partenariat? Qui est plus
intéressé que le malade et la famille à collaborer? Est-ce
que les autorités compétentes lui en donneront les moyens?
Mais, à l'intérieur de votre mémoire comme de votre
résumé, vous faites allusion à des problèmes aigus
que vous vivez et que vous devez vivre, pour reprendre votre expression, 168
heures par semaine, alors que d'autres vont la vivre pour des périodes
beaucoup plus courtes d'une heure à la fois ou de quelques heures
à la fois. Au point de départ, j'aimerais vous deman- der:
Ãtes-vous pour la désinstitutionnalisation? On a l'impression que,
comme la désinstitutionnalisation est là , vous essayez de vous y
adapter et de répondre aux besoins des personnes qui sont
désinstitutionnalisées ou qui ne sont pas
institutionnalisées, qui de plus en plus constituent le nombre Important
de malades psychiatriques qui, finalement, vivent dans la
communauté.
Au point de départ, j'aimerais savoir si, dans un contexte de
1990 presque, vous favorisez la désinstitutionnalisation si elle est
appuyée par des moyens appropriés dont vous avez fait mention?
C'était était peut-être la formule la moins difficile
à vivre par les parents, mais moins bonne pour les
bénéficiaires eux-mêmes. Au point de départ, quel
est votre point de vue là -dessus?
M. Poirier: Voici: on n'a jamais discuté, à la
fédération, le problème de la
désinstitutionnalisation comme telle. C'est qu'on l'a toujours tenu
comme acquis. Alors, si le problème ne s'est jamais posé parmi
les membres de la fédération, je crois qu'ils prennent l'acquis
comme un fait et essaient de s'adapter, si vous voulez, Ã vivre avec ce
problème. Maintenant, mon opinion personnelle, je crois qu'il y a une
certaine catégorie de malades pour qui la
désinstitutionnalisation va être très difficile. Par
contre, je crois qu'une bonne proportion des malades ont avantage Ã
retourner dans le milieu naturel, pour autant qu'ils aient l'aide
nécessaire.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Alors, cela était
à clarifier. Ce que je pense, c'est que tout le monde s'entend pour dire
qu'il y a peut-être 10 % des malades psychiatriques, dans l'état
actuel des connaissances, qui devraient de toute façon se retrouver dans
une forme plus protégée, institutionnelle, ou un autre synonyme
qu'on veut trouver pour "institutionnelle", enfin, dans un milieu plus
protégé que de vivre dans la communauté. Je pense que,
là -dessus, il n'y a pas de problème. Est-ce que c'est 10 %,
est-ce que c'est 15 %, est-ce que c'est moins? Je ne le sais pas, mais je pense
qu'à l'heure actuelle tout le monde reconnaît cela et même,
quand on parle de désinstitutionnalisation, je ne crois pas qu'Ã
ce moment-ci, en tout cas, quiconque puisse penser qu'on pourra sortir tous tes
bénéficiaires qui sont dans nos grandes institutions
psychiatriques.
Par contre, il faudra peut-être modifier des choses Ã
l'intérieur de nos grandes institutions psychiatriques. Je pense que
là -dessus... Ce que je crois comprendre, c'est que vous vous dites:
C'est un mode de vie dans la communauté qui est un mode plus... Ce n'est
pas juste une question de vous y adapter, mais c'est ce qui vous apparaît
comme un mode de vie plus satisfaisant pour les personnes qui ont une maladie
psychiatrique. C'est bien ça?
M. Poirier: C'est exact.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais vous demander ceci, également
En ce qui a trait aux organismes communautaires, vous dites: Nous ne pouvons
juger de la compétence des organismes communautaires qui militent dans
divers domaines de la santé mentale mais, à ce Jour, rares sont
les organismes communautaires qui ont prouvé leur compétence
à aider la famille et le malade. Voici la perception que J'en avais.
D'abord, peut-être qu'il n'y en avait pas suffisamment, qu'ils ne sont
pas tous efficaces au même point, ils n'ont peut-être pas tous la
même compétence, mais j'avais la perception, presque fa conviction
que les organismes communautaires étaient essentiels justement pour
appuyer la famille dans ses efforts.
M. Poirier: En principe, oui, on est d'accord que les organismes
communautaires sont essentiels. Maintenant, Jusqu'à présent, vu
les préjugés ou, si vous voulez, les définitions ou les
objectifs de ces organismes, il n'y en a pas beaucoup qui sont
Intéressés aux problèmes spécifiques du malade
mental sévère et des familles.
Il y a l'association canadienne qui a donné naissance Ã
quelques organismes, mais il a fallu se détacher de cette association
Justement à cause des problèmes que cela créait
vis-Ã -vis des objectifs poursuivis. En d'autres mots, certains
organismes communautaires ne veulent pas faire de distinction entre les
maladies légères et les maladies lourdes.
Ãgalement, je disais que la loi du moindre effort était
une loi qu'on craignait énormément, dans le sens qu'actuellement
beaucoup de personnes souffrent de dépression, de "burn out' ou de
différents troubles affectifs - je n'ai pas de terme précis - de
maladie mentale légère. Ces personnes ont encore tous leurs
moyens de défense. Lorsqu'on peut se défendre, on peut
également accaparer les ressources.
Alors, le tien, c'est ceci: celui qui est atteint d'une maladie mentale
sévère - c'est justement ce que je soulignais dans le
mémoire - n'a aucun moyen de se défendre. Même la Loi sur
la protection du malade mental, en ce qui nous concerne, c'est, ni plus ni
moins, une personne qui crie dans le désert qu'elle a soif. Alors, entre
les droits et l'exécution des droits, il y a toute une marge.
Mme Lavoie-Roux: En relation avec la Loi sur la protection du
malade mental et la Loi sur la Curatelle publique, je sais que vous faites
certaines recommandations eu égard aux droits que les familles devraient
se voir reconnaître dans la Loi sur la protection du malade mental.
Est-ce que vous avez fait une étude plus prononcée de ces deux
lois et est-ce que vous auriez des recommandations à nous laisser?
M. Poirier: Nous avons fait une étude de la Loi sur la
protection du malade mental. Malheu- reusement, personnellement... Je ne sais
pas s'il y a de mes confrères qui ont fait une étude de la Loi
sur la Curatelle publique. La Loi sur la Curatelle publique, malheureusement,
on ne l'a pas étudiée à fond quant à certains
aspects ou à certains commentaires à faire.
En ce qui concerne la Loi sur la protection du malade mental, nous
l'avons étudiée en collaboration avec des avocats et des Juges,
surtout sur le point qui nous Intéresse. Lorsqu'on disait que cette loi
devrait s'appeler plutôt la loi de protection des psychiatres et du
personnel des institutions, c'est avec cause. En ce qui concerne,
premièrement, le fait d'avoir des droits et le fait de pouvoir les
exercer, ce sont deux choses bien différentes. Lorsque le malade est en
situation de crise, même s'il avait de beaux droits, qu'est-ce que vous
voulez, il ne peut pas s'en servir. Il n'y a personne qui va défendre
ses droits.
Deuxièmement, lorsqu'il se crée une situation de crise ou,
si vous voulez, lorsqu'un malade refuse le traitement... Le
phénomène de la maladie mentale, je pense bien qu'on n'a pas
à le répéter. Si j'ai un bras de coupé, je le vols,
je le sens, mais en ce qui concerne les troubles mentaux, très souvent,
c'est vous qui allez vous en rendre compte ou Je vais me rendre compte des
vôtres, en tout cas, vice versai En d'autres mots, on n'est jamais propre
juge en ce qui concerne les problèmes mentaux qu'on peut avoir.
Le malade mental, lorsqu'on lui dit "il me semble qu'il y a quelque
chose qui ne marche pas avec toi", pense que c'est toi qui es malade. Il ne se
sent pas malade, il se sent physiquement bien et, lorsqu'il arrive Ã
l'hôpital et qu'il a ce comportement, il peut créer une situation
de crise, et même de rage. Alors, l'institution peut obtenir une
ordonnance de la cour pour avoir recours à ta cure fermée mais,
lorsque ta crise se produit dans la famille, à ce moment-là , on
appelle l'hôpital. L'hôpital dit: Amenez le malade. La pauvre
petite mère qui mesure cinq pieds et trois pouces avec un malade de six
pieds et quatre pouces, elle n'est toujours bien pas pour partir avec le malade
sous le bras. Alors, en désespoir de cause, on va appeler la cour. La
cour va nous dire: Obtenez un diagnostic. La loi du malade mental, en ce qui
nous concerne, rime à cela. Elle peut servir, si vous voulez, Ã
protéger le personnel de l'institution, le malade grave - l'exercice de
ses droits, il n'est pas en mesure de les défendre - et la famille
lorsqu'elle veut se servir de la loi dans les cas que je viens de vous citer.
C'est à peu près la réponse qu'on reçoit.
Maintenant, remarquez bien que les juges nous disent qu'ils ont
étudié le problème; il y a des juges qui ont une
interprétation plus large de la loi. Par contre, jusqu'Ã
récemment, l'ensemble des Juges avait tendance à resserrer
l'interprétation de la loi pour en arriver à une modification de
cette loi.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Poirier: D'ailleurs, on a soumis dernièrement un
mémoire à ce sujet-là au ministère de la Justice
qui nous a répondu de se référer au ministère de la
Santé et des Services sociaux. On a envoyé une étude plus
précise, plus directe et plus légate, si vous voulez, à M.
Marx, ministre de la Justice, et on n'a pas eu de réponse encore en ce
qui concerne les points précis qu'on aimerait voir modifier Ã
l'intérieur de cette loi-là . Mais je crois que, si on reprend la
loi, il faudrait, tout au moins à l'occasion, qu'on parle de la famille,
parce qu'elle peut être un soutien intéressant auprès du
malade qui n'est pas en mesure de se défendre et de faire respecter, si
vous voulez, les points de la loi.
Mme Lavoie-Roux: En ce qui a trait à la Loi sur la
protection du malade mental, il y a déjà eu des dispositions qui
ont été modifiées au Code civil parce que c'est dans ce
sens que cela relève à la fois de la Justice et de la
Santé. C'est dans notre intention de ta modifier pour la rendre plus
conforme aux besoins et aux exigences d'aujourd'hui. Nous prendrons en
considération les recommandations que vous nous avez
envoyées.
Je vais terminer ici mes questions parce que mes collègues
veulent poser des questions, alors je vais leur laisser la place.
_M. Poirier: Excusez, Mme la ministre, je pense qu'une de mes
consoeurs...
Mme Préfontaine (Pauline): Oui, pour ce qui est de la
Curatelle publique, une étudiante en droit de l'Université de
Montréal vient à notre association toutes les semaines pour
répondre à des questions d'ordre juridique. Elle est aussi en
train de mettre sur pied un comité avec Mme Lucienne Robillard, qui est
de la Curatelle publique, pour étudier la nouvelle Loi sur la Curatelle
publique.
J'aimerais aussi dire, pour ce qui est de la
désinstitutionnalisation, que je suis tout à fait d'accord
à condition que la communauté soit bien préparée
à cela. Par exempte, il y a plusieurs malades, par leur comportement
parfois bizarre, qu'on remarque sur la rue; ils sont souvent
arrêtés par les policiers, questionnés et quelquefois
brutalisés, ce qui n'est pas sans les traumatiser. Je propose que les
policiers reçoivent, à l'intérieur de leur formation,
quelques notions sur les maladies mentales, lis seraient alors plus
tolérants et compréhensifs pour venir en aide à ces
personnes.
Quant à la Loi sur la protection du malade mental qui dit qu'une
personne doit être contrainte à l'hospitalisation et à la
médication seulement si elle est en danger, si elle est un danger pour
elle-même ou pour les autres, cela me semble déficient. Une
personne qui a perdu contact avec la réalité n'est pas
nécessairement dangereuse pour elle ou pour les autres et, pourtant,
elle a grand besoin de soins. La retourner dans la rue, cela me semble un peu
cruel.
Le Président (M. Baril): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Vous me permettrez à moi aussi, dans un
premier temps, de féliciter d'abord la fédération qui
représente des associations. Je vous avoue que, quand on regarde les
chiffres, 60 % des malades sont gardés en famille. On sait, Ã
toutes fins utiles, que tout l'argent - ne nous leurrons pas - la grande partie
de l'argent, c'est pour l'Institution. Cela nous ouvre les yeux, en tout cas
comme homme public, comme politicien, parce que je vous avoue que les
ressources sont maigres à la maison, effectivement.
C'est peut-être votre mémoire qui m'a fait le plus
réfléchir là -dessus, en pensant à la question que
Mme la ministre vous posait tantôt. Des Institutions, il y en aura
toujours. Oui, il y aura toujours des Institutions, d'après moi, mais il
y aura toujours des familles aussi qui, même si un malade était
potentiellement assez malade pour être en institution, vont le garder
quand même. C'est là tout le dilemme du partage des assiettes
fiscales et des montants d'argent.
J'avais préparé une série de questions et cela a
chambardé tout mon schème de pensée. Je vais vous en poser
une seule pour te moment. Quand vous avez - vous connaissez des amis ou vous
êtes vous-même impliqué - un malade assez profond, quelles
sont les ressources sur lesquelles vous pouvez compter spontanément,
actuellement?
M. Forget (Fernand): M. le Président, M. le ministre, M.
le chef de l'Opposition...
Le Président (M. Baril): Oui, monsieur.
M. Forget (Femand): ...cela fait longtemps que ça me
démange de parler. Excusez-moi. J'ai des papillons un peu. (12 h 15)
M. Chevrette: Oui, je vous regardais faire depuis tantôt.
Je pensais qu'on avait un nouveau député, d'ailleurs.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Forget (Fernand): Merci. J'ai passé l'âge.
C'est vrai. Il y a des choses bouleversantes. Je vous apporte un exemple
vivant d'aujourd'hui, d'il y a un mois. C'est émotionnel. Je vais
essayer d'avoir le moins d'émotions possible pour vous le conter parce
que je n'aime pas les émotions. On dirait que la maladie mentale est une
question d'émotions. C'est difficile de parler froidement comme en
médecine.
Mon propre fils a passé par un des centres de crise. C'est
parfait. Je ne les ai pas encore visités. Il est retourné en
institution, soit Ã
l'hôpital Maisonneuve-Rosemont parce que là , c'est gros en
psychiatrie. Il a été traité. On a communiqué avec
lui. Cela allait bien et tout cela. Mais, là , D fallait le sortir de
là . Ah! là , c'est le problème! Je dis cela en commission
parlementaire parce que je pense qu'on ne le dit pas assez souvent C'est ce
dont les gens souffrent et ce dont les malades souffrent: ne pas être
traités dans une continuité.
Alors, là , il est sorti de l'hôpital et il est actuellement
placé à Fabreville avec 30 personnes, des personnes
âgées. Il a 33 ans, il est assez intelligent Naturellement, II est
dans une crise émotive. Il est corrigé et il est sous
médicaments. On a dit que c'était une très bonne place
parce qu'il y avait une personne en charge qui était formidable.
Imaginez-vous! Une personne pour 34 malades. Ce sont des personnes
âgées. Ma femme a communiqué avec le psychiatre de
Maisonneuve-Rosemont. Je ne cite pas le nom, mats c'est un homme qui a
été très compréhensif. On a eu plusieurs
communications. Quand il a laissé le traitement, on Ta
nécessairement référé à un travailleur ou
travailleuse sociale. à ce moment-là , c'est la
multidisciplinarité du système. Seulement c'est là qu'on
manque de ressources. C'est là qu'on l'a envoyé vers cette
ressource. Imaginez-vous! Qui va le sortir de là ? Il n'y a aucun
professionnel qui va le sortir de là parce qu'il n'y a pas de contact,
il n'y a plus rien. Ce sont les parents, moi et mon épouse, et nous
allons employer les services de professionnels parce que nous allons les forcer
à donner du service à cet enfant qui doit avoir une
continuité de soins.
La dernière fois, lorsqu'il était dans un logement dans
l'ouest de la ville, il était seul, sans aucune communication. Je ne
sais pas, mais toute personne qui reste trop longtemps seule, qu'elle soit
malade ou pas mentalement, je pense que ce n'est pas bon. Alors, il a fait une
fugue, il s'est ramassé à Winnipeg. II est capable de payer et
tout cela. Nous avons dû payer les pots cassés dans l'ensemble, en
fin de compte. C'est de cela que souffrent les malades à l'heure
actuelle: un manque de continuité.
Je fais toujours une farce ou deux. Je dis: Est-ce qu'on laisse un
malade sur une table d'opération au cours d'une Intervention
chirurgicale, on ferme les lumières et on reviendra demain pour voir
s'il est encore là ? C'est cela qu'on fait en santé mentale. On
les laisse et on n'a pas le choix en ce moment. On ne devrait pas laisser ces
gens. C'est pour cela qu'ils reviennent dans les hôpitaux, c'est pour
cela que ça coûte 300 $ par jour.
J'avais le goût de parler aux médecins, tout Ã
l'heure. Non pas que je veuille les critiquer, je n'ai pas de critique Ã
faire là -dessus, en ce sens que je pense qu'ils ne comprennent pas la
totalité du problème. Si chacun d'eux avait un fils ou une fille
schizophrène, je pense qu'ils ne parleraient pas de la même
façon de la santé mentale. Comme je l'ai déjà dit
à un ministre des
Transports avant que les routes soient plus sécuritaires au
Québec: Si plusieurs ministres perdaient leur femme ou des enfants, ils
s'empresseraient de changer la loi. Aujourd'hui, la loi est plus
sévère; naturellement, le nombre d'accidents a diminué,
mais, malheureusement, pas assez.
Je pense qu'on manque le bateau en médecine physique parce que -
je l'ai dit à vos gestionnaires, l'année dernière, avec le
GIFRIC - on n'a pas de médecine préventive. C'est pour cela que
cela coûte cher, on n'a pas de médecine préventive en
santé mentale. C'est plus difficile parce que les gens qui arrivent en
santé mentale n'ont aucune responsabilité. Je dirais que c'est
quasiment comme un don de la nature, il est dans le "package deal", il est
là , tandis qu'en santé physique je dis que 50 % des gens ne
devraient pas être dans les hôpitaux. Pourquoi? Parce que la
médecine à elle seule ne peut pas arrêter cela, il faut de
la médecine préventive, il faut aussi d'autres médecines
douces, comme on dit, je pense, au Québec. L'Université de Paris
a un cours sur la médecine douce, l'Université de Montréal
n'en a pas. Qui s'oppose à cela? Oui, c'est entendu.
Je vais faire une comparaison. Si Je posais la question au ministre de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, à savoir
pourquoi on n'a pas plus de constables ou de gens qui protègent ta vie,
c'est parce qu'on n'est pas capable de les payer. Pourquoi ne va-ton pas plus
loin en santé mentale? C'est parce qu'on n'est plus capable de payer
parce qu'il y a des gens qui s'accaparent une trop grande partie du
gâteau. Je pense que c'est seulement en économie et en sociologie
qu'on peut apprécier cette chose. Je pense que les médecins ont
un rôle à jouer, mais je pense qu'ils sont les enfants
gâtés du système et qu'ils ne s'en aperçoivent
pas.
Nous demandons plus de services, quel qu'en soit le prix, parce que te
prix ne devrait pas être un arrêt dans la justice et dans
l'application de la prévention ou de la santé mentale. C'est tout
ce que j'ai à dire. Je l'ai dit du fond de mon coeur, c'est avec grande
émotion que je vous l'ai dit. J'ai essayé d'éviter cette
émotivité, c'est pour cela que M. Chevrette a reconnu en mol un
politicien, mais il est trop tard. Je vous remercie de m'avoir
écouté.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup.
M. Chevrette: Je vous avoue que je n'ai plus grand-chose Ã
dire. Je pense que vos propos reflètent assez bien ce qu'on entend
souvent. Je suis content que vous ayez présenté l'aspect
traitement continu. Effectivement, je remarque que, dans plusieurs secteurs,
qu'on regarde en toxicomanie ou en alcoolisme, par exemple, bien souvent, on
paie des sommes astronomiques pour des cures de désintoxication, mais la
seule porte ouverte par la suite ou le seul encadrement de porte qu'on peut
voir, c'est la porte de la
taverne où on retourne deux jours après. Je pense que
c'est très intéressant La façon dont vous l'avez
présenté dénote des talents, en tout cas, sur le plan
oratoire aussi. Vous étiez assis à ta place des
députés, c'est pourquoi j'ai fait la boutade, mais je ne savais
pas que vous aviez autant de talents sur le plan de la présentation.
Je voudrais poser une autre question à votre président.
Vous m'avez répondu d'une façon bien personnelle sur la
continuité des soins, mais ma question précise était la
suivante: Vous l'avez décrit en parlant de quelqu'un qui est en
état de crise, mais quelqu'un qui décide de garder un patient
chez lui parce que c'est un ami ou un enfant, quels sont les besoins concrets
et soutenus dont il aurait besoin à la maison? Oublions le temps de
crise. Quels sont les besoins concrets ou de quelle nature de soins concrets
avez-vous besoin à court terme?
M. Poirier: Un premier besoin, c'est le besoin d'information.
Nécessairement, il n'y a pratiquement pas de contact entre l'institution
et la famille et c'est assez difficile d'en avoir. Lorsque la crise commence,
si vous voulez, lorsqu'on commence à déceler les symptômes
d'une anomalie, quelque chose qui nous paraît anormal, à ce
moment-là , avec les préjugés qui nous écrasent - on
ne va pas parler dans tes salons qu'un de nos fils, un de nos enfants ou un
membre de notre famille commence à détraquer -
nécessairement, on vit avec le problème. Lorsque l'enfant est
hospitalisé ou lorsque la personne est hospitalisée, que ce soit
l'enfant, l'époux, l'épouse, le contact avec l'institution est
très difficile. On va appeler et c'est une voix anonyme. Alors,
ça va bien. Mais celle-ci ne nous précise pas les symptômes
qu'on a décelés, le nom que ça porte. Est-ce une maladie?
Est-ce curable? Est-ce que ça va prendre du temps, etc.? Alors, c'est un
aspect très précis du problème.
Deuxièmement, comme je le disais tantôt, une fois qu'on
sait de quoi il s'agit - on va donner un grand mot, cela m'a pris cinq ans
à prononcer schizophrène - nécessairement, il faut en
savoir la définition. Et les définitions sont assez variables et
assez Imprécises, quoiqu'on en connaisse d'une façon assez
précise les symptômes. Mais on cherche de la littérature.
On cherche de la documentation. C'est assez difficile d'en trouver en ce qui
nous concerne.
Maintenant, dans la recommandation no 5 du rapport Harnois, on parle
également de "répit à la famille". Alors, il peut y avoir
des situations, lorsqu'un fils de 35 ans ou de 33 ans doit vivre avec papa et
maman, où il doit demander à papa et maman s'il peut amener sa
blonde pour faire l'amour. C'est plate. Je n'aimerais pas ça. Alors, II
y a des situations, des périodes où l'enfant aurait besoin
d'avoir un endroit ou une habitation, appelez ça un appartement
supervisé ou autre. La situation peut se présenter.
Ãgalement, la mère est prise. Très souvent, ce sont
des commentaires qu'on reçoit: Je ne peux pas laisser mon enfant ou je
ne peux pas partir de la maison. Alors, la période de répit se
pose de cette façon-là . Ãgalement, à certains
moments, on aimerait pouvoir passer des messages à l'enfant. Comme notre
ami Fernand le disait tantôt, on a des problèmes
d'émotivité et de communication à l'intérieur de la
famille qui sont plus difficiles, parfois, et un message se passe plus
facilement par l'extérieur.
J'en ai parlé à des psychiatres qui nous ont parlé
d'un lien privilégié entre le médecin traitant et le
malade. Lorsque la famille vit avec un malade pendant un, deux ou trois ans, il
se crée également des liens privilégiés ou, tout au
moins, on aimerait en créer. Cela m'a pris trois ans pour savoir si mon
fils était prêt à dialoguer sur sa maladie. Lorsqu'on vit
dans une situation de gêne, on ne sait pas ce que l'enfant connaît
de son problème et, lorsque la famille n'en connaît pas
grand-chose, le dialogue est assez difficile. Je peux vous dire que depuis
qu'on peut discuter d'une façon ouverte à l'intérieur de
la famille du problème du malade, cela a changé le climat
complètement.
C'est ça qu'on demande aux professionnels: d'essayer de
créer ce lien, puisque l'enfant doit vivre à l'intérieur
de la famille. Lorsque ce n'est pas possible, il y a également des
appartements supervisés. à Montréal, certaines ressources
sont valables et il y en a au Lac-Saint-Jean. Ici, à Québec, il y
a une ressource que nous aimons bien, celle de la Maisonnée. Il y a
également la Croix blanche qui fait son possible dans ce sens-là .
Ce sont des ressources qui valent d'être multipliées et
peut-être même adaptées.
Je vois qu'André veut dire un mot sur cela.
M. Forest (André): C'est ça. Chez nous, on a fait
une enquête justement auprès des membres pour savoir quels
étaient les besoins de base quand un des membres souffre de maladie
mentale. Le premier en est un d'information et le second de support de la part
de gens qui vivent la même situation. On a créé des groupes
d'entraide. Chacune de nos associations offre ce genre de rencontres.
Finalement, il est beaucoup plus facile de parler de ce qu'on vit
lorsque son fils est schizophrène, lorsque son mari souffre de maladie
mentale, Ã quelqu'un qui vit la situation que d'essayer d'expliquer ces
sentiments-là à un professionnel qui n'est pas du tout dans cette
situation et qui, très souvent, risque de diagnostiquer nos propres
comportements quand on parie de comment on se sent, de ce qui se passe. Les
deux besoins de base en sont un d'information, de démystification et,
deuxièmement, d'entraide, de pouvoir en parier à quelqu'un sans
se sentir jugé.
Jusqu'à maintenant - ce n'est pas propre au Québec - il y
a eu beaucoup d'études et d'enquêtes qui révèlent
ailleurs, aux Ãtats-Unis, que
le support le plus empatique quf puisse être offert à ces
gens-là vient des gens entre eux, des gens qui, spontanément,
empêcheront les autres de se culpabiliser à outrance, qui vont
peut-être empêcher des personnes de se laisser envahir par la
maladie de l'autre en les aidant à mettre des limites, en leur disant:
Ãcoutez, j'ai vécu cela; à un moment donné, il faut
passer à autre chose, il faut essayer d'apprendre à vivre avec la
maladie et non pas se laisser envahir complètement.
Alors, dans les besoins de base, c'est, d'une part, l'information et,
deuxièmement, la question d'entraide qui est actuellement
apportée en particulier par les ressources communautaires
destinées aux familles.
M. Chevrette: Est-ce les relations avec les groupes de
professionnels... Comme structure fedérative, je suppose que vous avez
des contacts avec les différentes catégories de professionnels
oeuvrant en santé mentale?
M. Forest: L'histoire de la fédération, comme le
disait Mme la ministre, est peut-être plus Jeune que celle de certaines
associations existantes, mais, chez nous, en Estrie, on a d'excellentes
relations avec les différents omnipraticiens. Par exemple, on a des
rencontres mensuelles d'information, où ce sont des intervenants du
réseau qui viennent donner de l'information à tous les mois.
Alors, le psychiatre qui _se plaint continuellement de ne pas avoir le temps,,
je -l'appelle et je lui dis: Au lieu de le dire 50 fois, tu vas le dire une
fois à 50 personnes. Je vous jure que c'est un argument massue; II est
tout content. Il vient donner l'Information et les parents peuvent à ce
moment-là , premièrement, rencontrer le psychiatre, ce qui est une
denrée très rare parce qu'ils sont toujours
débordés, et, deuxièmement, réussir à se
rendre compte que cette personne est aussi humaine, qu'elle n'est pas le dieu
Impitoyable qu'on décrit souvent, quelqu'un qui a le pouvoir de vie ou
de mort et qui, par un diagnostic, décide si l'enfant ou le conjoint
sera hospitalisé ou non. (12 h 30)
Selon notre expérience au niveau régional, les relations
entre la communauté et les groupes de professionnels sont relativement
faciles, pour autant qu'on n'arrive pas avec des chevaux de bataille comme, par
exemple, la question des médicaments ou la question de
l'hospitalisation. C'est évident que si on disait qu'on est contre les
médicaments à tout moment, je ne crois pas que les psychiatres
viendraient donner des informations. D'un autre' côté, les
psychiatres n'arrivent pas non plus en disant: La famille n'est absolument pas
importante, puis on refuse toute intervention parce qu'on est pris par le
secret professionnel, il y a eu des avancées d'un côté et
de l'autre et on essaie d'y aller pour le mieux de la personne qui souffre de
maladie mentale en premier.
M. Poirier: Chaque association a un peu sa formule. En ce qui
concerne La Boussole, qui est l'association de Québec, nous avons des
conférences et, pour ces conférences, à ce Jour, nous
avons une très belle collaboration de toutes les professions:
Infirmières, travailleurs sociaux, psychologues. Dans notre association,
d'ailleurs, nous avons - l'association comprend les parents et amis - parmi les
amis, un avocat, deux psychologues. Nous avons demandé à un
psychiatre de siéger au conseil d'administration pour nous aider et
collaborer à différents organismes.
M. Chevrette: Je voudrais vous remercier en terminant, mais vous
dire ceci: Je me rends compte, dans le fond, quand vous venez témoigner,
les régionalistes ou les gens qui viennent des régions, que vous
admettez qu'il y a une participation des corps professionnels et que ça
va bien en région, alors qu'à la lecture des mémoires on a
souvent l'Impression qua les gens s'opposent diamétralement Ã
chacune des catégories. Cela ne donne peut-être pas le vrai
portrait de ce qui se fait sur le terrain, Ã entendre ce qu'on entend et
à lire ce qu'on lit dans tous les mémoires. En tout cas, j'ai
comme l'impression que chacun défend son jardin avec beaucoup d'emphase
mais que, placé en situation, au-delà des structures - il faut
peut-être faire un bémol à ce qu'on dit et à ce
qu'on entend depuis le début - on se rend compte que dans le milieu,
concrètement, il peut y avoir des formes de collaboration entre les
professionnels.
Si la politique de la santé mentale n'était pas
perçue comme précisément de l'empiétement sur le
terrain des autres, mais plutôt, tout en respectant les champs de
compétence, en admettant que tout le monde dans une
complémentarité a un rôle à Jouer, cela pourrait
peut-être être intéressant de l'aborder plutôt sous
cet angle-là que sous l'angle du respect. Depuis le début de la
commission, Ã toutes fins utiles, on se rend compte que c'est
plutôt une forme de corporatisme, une défense du corporatisme
à laquelle on assiste ici, alors que vous nous offrez l'occasion de bien
démontrer - il y en a d'autres aussi - d'une façon très
concrète que ce n'est pas dans le corporatisme qu'on va améliorer
la santé mentale, c'est dans la collaboration de l'ensemble des
intervenants. Je veux vous féliciter et vous dire surtout de ne pas
lâcher. Merci.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le chef de
l'Opposition. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M, Thuringer: Merci, M. le Président. à cause du
temps, je vais poser Juste une question brève. La famille est
très importante et je vous félicite pour le travail que vous
faites. Vous êtes coincés avec des problèmes tout le temps.
Les professionnels ont un rôle important à jouer mais, en fin de
compte, c'est ta famille et cela prend des ressources d'appui.
La question que je veux vous poser est la suivante: En travaillant avec
les Intervenants, les médecins, tes travailleurs sociaux, comment
voyez-vous ou qu'est-ce que vous pensez qu'on peut faire pour améliorer
la collaboration entre les associations comme la vôtre, la famille et les
professionnels? Qu'est-ce que c'est, concrètement? Vous avez
parlé d'information, mais quoi en plus? Est-ce que vous vous sentiez
comme un partenaire vraiment dans cette affaire-là ou si vous êtes
séparés du processus de traitement?
M. Poirier: Oui, Fernand. Vous avez quelque chose Ã
dire.
M. Forget (Fernand): Votre question est bonne parce qu'elle
touche au point de vue économique. Nous sommes satisfaits de ce que le
gouvernement fait et Mme Lavoie-Roux le sait aussi parce qu'on en a
discuté. Mme Lavoie-Roux a déjà dit à une
travailleuse sociale à l'hôpital Notre-Dame, quand elle
était dans l'Opposition: Je ne peux pas croire que les parents aient
autant de patience. Les psychiatres n'en ont peut-être pas dit autant,
ils sont surtout dans la recherche, ils s'occupent moins des émotions
et, pourtant, ils devraient être dans le domaine.
Je vais vous citer un autre cas personnel. Je vous cite des cas parce
que ça m'est arrivé. C'est le gouvernement qui a payé pour
cela. On a eu une infirmière qui a visité le foyer chez nous,
à mon épouse et à moi, à l'occasion; on a
discuté d'organisation, mais elle est venue, autrement dit, enlever ou
adoucir le climat, vous savez, qui existe. J'ai un fils, il est beau, il a les
yeux bleus, il semble intelligent; s'il était ici, vous ne seriez pas
capables de vous en apercevoir. Il a fait des études brillantes et,
à un moment donné, floc! Pensez-y un peu, si cela vous arrivait,
quelle sorte d'émotion... Même te plus froid d'entre nous ou la
plus froide d'entre nous... Les femmes sont plus touchées aussi, parce
qu'on a plus de femmes à l'association que d'hommes, mais peu
importe.
Cette infirmière a été payée dans le cadre
d'un projet qui a été à Hippolyte-Lafontaine -
imaginez-vous, cela appartient à Maison-neuve-Rosemont - et on a
accepté ce projet-là , un projet pilote qui a donné
satisfaction, mais cela a coûté de l'argent. Moi, je suis
allé la reconduire après parce que j'étais libre; elle
passait une heure chez nous, une heure et demie, deux heures des fois. Cela
fait énormément de bien pour le climat, mais d'autres personnes
crient au secours, et on n'est pas capable de leur donner ce service. J'ai
été choyé, moi.
J'ai porté la parole aux infirmières, il y a deux ans,
à Saint-Hyacinthe lors de leur congrès. Elles ont
été très touchées de la façon dont je leur
ai parlé de ta santé mentale. Quand je vois cela dans les gros
hôpitaux, à Robert-Giffard, à Hippolyte-Lafontaine
où il y a tant d'infirmières - je vais en dire un mot - qui
flânent malgré elles, parce qu'elles ont trop d'études pour
être des distributrices de pillules et de choses comme
celles-là .
Qu'est-ce qui arrive? Est-ce qu'il y a un pouvoir là -dedans qui
empêche la libéralisation des soins? Est-ce qu'il y a quelque
chose? J'ai lu Jean-Charles Harvey, Les Demi-civilisés, et j'ai
changé d'idée. Je vais vous le dire, sur un autre plan, c'est le
contrôle de la religion. Vous savez, dans la vie, il y a deux choses. On
a peur de mourir, alors, on a des curés et on a des médecins. Je
sais bien que moi, si j'ai une artérite, je vais aller voir un
médecin; un bon chirurgien va m'opérer, écoutez, c'est un
chirurgien. Mais c'est cela que je me demande: la qualité, la
qualité des soins? Je n'en veux pas plus aux curés parce que j'ai
participé, à un moment donné, non pas à les
démolir, ce n'est pas vrai, parce qu'on ne construit rien en
démolissant. Or, je trouve qu'actuellement, en médecine, il y a
trop de contrôle médical. C'est cela que je veux dire, mais je ne
veux rien leur enlever, on a besoin de ces gens-là . C'est cela qu'ils ne
comprennent pas, ils ne sont pas prêts à partager. Ils se
plaignent qu'ils ne sont pas assez payés, mais qu'ils aillent en Chine
au lieu des Ãtats-Unis, ils vont savoir combien on paie un
médecin en Chine.
On donne trop de valeur aux choses qui n'en ont pas. Pas plus que les
ingénieurs, quand le pont de Trois-Rivières a tombé. De
noble mémoire, M. Duplessis a blâmé les communistes. En fin
de compte, toutes ces choses-là ... Ãcoutez, même si notre
système mental n'est pas bon encore, je ne dis pas que les
professionnels ne sont pas bons, mais je veux qu'ils soient Ã
l'écoute de la population et du vrai problème. Est-ce qu'ils sont
capables de descendre dans la rue? C'est ce que j'ai dit Ã
l'université, il y a deux ans: Descendez dans la rue maintenant, vous
êtes dans les nuages, c'est beau, c'est rose ici, il n'y a rien, mais
dans ta rue, c'est là que sont les problèmes. Descendez! Mme la
ministre l'a fait et elle en a compris une bonne partie; M. Chevrette l'a fait
quand il était au pouvoir.
Vous savez, on a des lueurs d'espoir de vous autres, mais on crie fort
et on veut la justice. Ce n'est pas vrai qu'on demande des choses qui ne sont
pas demandables. M. le député vient de le dire: Où prendre
l'argent? On prendra l'argent dans le système; il y en a qui en ont
trop, d'autres pas assez, c'est bien simple, mais je ne suis pas communiste
pour cela.
Le Président (M. Baril): Merci! Alors, en conclusion, Mme
la ministre. Nous n'avons malheureusement plus de temps, mais je pourrais
peut-être accepter de courtes... Madame, s'il vous plaît
Mme Scapellini (Thérèse): Seulement deux minutes.
Je parie au nom de l'ALPABEM. Je veux féliciter M. Forget, il a
été bien chanceux d'avoir une infirmière qui est
allée chez lui
parce que, moi, je n'en ai jamais eu à Laval. J'en aurais eu
besoin des fois parce que, de l'aide, on n'en a pas. Je parle au nom de
l'ALPABEM parce que nous avons cent familles que nous représentons
aujourd'hui. J'avais un sujet particulier à vous mentionner nous avons
une famille dont le fils est schizophrène et sourd. Nous ne trouvons
aucune place pour te faire traiter. On se le "pitch" comme une balle de
baseball, vous allez dire, d'un endroit à l'autre et l'enfant va de mal
en pis et les parents sont au désespoir. Je vous dis, dans un cas comme
celui-là , que feriez-vous? On n'a pas d'aide. C'est ce que j'avais
à vous dire.
Le Président (M. Baril): Merci Madame.
M. Dupont (Gilles): Je pense que les associations de parents et
la fédération seront des Interlocuteurs valables vis-à -vis
des autres professionnels si on les aide à s'organiser
financièrement. Il y a des associations qui vivent quasiment avec rien,
elles n'ont pratiquement pas de budget Les gens doivent payer eux-mêmes
leurs appels interurbains quand ils veulent téléphoner Ã
Québec, etc. On demande une aide financière pour la
fédération et pour les associations de parents. Je pense,
à ce moment-là , qu'ils auront le pouvoir de se faire entendre et,
face aux autres professions, lis pourront être un Interlocuteur valable.
Merci.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. En conclusion,
Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux simplement vous remercier pour vos
témoignages qui ont été très éloquents, il
me reste toujours à l'esprit cette image. On a eu Les fous crient au
secours et, aujourd'hui, c'est évident que les parents aussi crient au
secours. Nous allons examiner, au moment de l'établissement d'un pian
d'action, quelles sont les ressources que l'on pourra mettre à la
disposition des parents et, évidemment, des associations qui les
supportent. Je vous remercie.
Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup de
votre présentation et je vous souhaite un bon voyage de retour.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Baril): Alors, j'invite le Conseil du
statut de la femme.
à l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires
sociales se réunit aux fins d'étudier le projet de politique de
santé mentale pour le Québec, tel qu'énoncé dans le
rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et
rendu public le 30 septembre 1987.
Alors, madame, si vous voulez vous présenter et nous
présenter vos invitées, s'il vous plaît.
Conseil du statut de la femme
Mme McNicoll (Claire): Alors, je suis Claire McNicoll,
vice-présidente du Conseil du statut de la femme, directrice de
l'enseignement et de fa recherche à la
Télé-Université.
Je vous présente les personnes qui m'accompagnent et qui font
partie de la permanence du Conseil du statut de la femme: Mme Micheline Boivin,
à ma droite, qui est directrice de la recherche au conseil; Mme Chantale
Brouillet, à l'extrême droite, qui est agente de recherche
à la direction de la recherche; à ma gauche, Mme Francine Gagnon,
agente d'information au Conseil du statut de la femme.
Je dois signaler que les témoignages que nous avons entendus
précédemment constituent une excellente introduction aux points
que le conseil veut faire valoir dans son mémoire, compte tenu de
l'isolement et du besoin de soutien qu'ont les femmes qui, très souvent,
vous te savez, prennent le relais de la désinstitutionnalisation. Je
pense que les témoignages qui ont été mentionnés
s'appliquent parfaitement à beaucoup de nos consoeurs. (12 h 45)
Le Conseil du statut de la femme porte un grand intérêt au
projet de politique de santé mentale pour le Québec. C'est pour
cette raison qu'il a tenu à se présenter à cette
commission parlementaire. Notre intervention portera, d'abord, sur le cadre
général du projet de politique. Par la suite, la question des
femmes interpellées en tant que dispensatrices de soins au sein de la
famille ou dans la communauté sera traitée, de même que les
ressources mises à la disposition des partenaires. Finalement, en
troisième partie, nous aborderons le sujet des femmes en tant que
consommatrices de soins et services de santé.
Tout d'abord, le cadre général du projet de politique. Les
éléments de problématique à la base du projet de
politique de santé mentale sont, dans l'ensemble, fort bien
identifiés. L'accessibilité aux services, la qualité de
ceux-ci, leur continuité, la nécessaire concertation ainsi que la
répartition équitable des ressources humaines, matérielles
et financières constituent les problèmes cruciaux Ã
résoudre au sein du système de services en santé mentale.
Face à ce constat, la décision du comité de resituer la
personne aux prises avec des problèmes mentaux au coeur du projet de
politique se révèle une avenue des plus prometteuses pour lui
garantir respect et dignité dans les dédales du système.
Dans cet esprit, le maintien et ta réinsertion de la personne dans son
milieu de vie naturel, tel que préconisé par te comité,
sont des principes partagés par le conseil.
La complexité de la notion de santé mentale exige, certes,
d'aborder cette problématique dans une perspective d'ensemble. Les
catégories retenues, soit le champ et le domaine de la santé
mentale, la cernent adéquatement.
La première catégorie concerne la personne souffrant de
troubles mentaux et est davantage axée sur l'aspect curatif tandis que
la seconde, orientée vers les groupes et la population dans son
ensemble, se concentre sur l'aspect préventif de la santé
mentale.
Tels que présentés, les orientations, principes et
objectifs du projet de politique couvrent bien l'ensemble de la
problématique, c'est-à -dire autant le champ que le domaine de la
santé mentale. Cependant, les mises en garde à savoir que ces
orientations font appel à des changements d'attitude et de
mentalité et que l'importance accordée à ces orientations
peut varier en intensité sont des indices quant aux intentions
réelles poursuivies par ce projet de politique.
Par ailleurs, la nature restrictive du mandat confié au
comité chargé de l'élaboration du projet de politique nous
renseigne quant à l'objet véritable du projet. Ainsi, au dire du
comité - je cite la page 38 - le mandat confié concerne
spécifiquement le champ de la santé mentale et c'est lÃ
que la majorité des énergies ont été
déployées." Ce faisant, toute la question du domaine de la
santé mentale qui concerne principalement le développement, le
maintien et la promotion de la santé mentale est, à toutes fins
utiles, reportée à une politique subséquente. Ainsi, les
orientations, principes et objectifs préconisés dans le projet
actuel de politique ne pourront que partiellement être mis en
application. En ce sens, le projet de politique est axé essentiellement
sur la maladie mentale. Les moyens proposés et les recommandations
retenues en témoignent.
Dans cette perspective, la question de la
désinstitutionnalisation ou le maintien et la réinsertion dans le
milieu de vie naturel n'est pas sans rendre le Conseil du statut de la femme
perplexe.
Dans le projet de politique, la responsabilité de l'Ãtat
est clairement définie en ce qui a trait au domaine de la santé
mentale; elle est centrale. Par ailleurs, la responsabilité de
l'Ãtat semble plus diffuse dans le champ de la santé mentale.
Selon le comité, cette responsabilité ne peut plus être
uniquement étatique et centralisée. Aussi, précise-t-il,
les responsabilités dévolues à l'Ãtat dans le champ
de la santé mentale sont à l'étape de réflexions
préliminaires qui doivent être adaptées aux recommandations
de la commission Rochon.
Dans l'expectative, le comité propose que l'Ãtat continue
d'assumer les responsabilités suivantes: rendre disponibles les services
requis, garantir le respect des droits de la personne aux prises avec des
problèmes mentaux et assurer la protection des individus
conséquente à des comportements dangereux reliés Ã
des problèmes mentaux. En ce qui concerne la dispensation des soins et
services, l'Ãtat doit être considéré comme "un des
partenaires et, dès lors, loin de se charger de répondre
directement dans tous les cas aux besoins, il favorise des réponses
émanant d'initiatives du milieu". à cette fin, l'Ãtat doit
reconnaître, supporter et même compléter de telles
initiatives dans la réponse aux besoins des personnes aux prises avec
des problèmes mentaux sévères sans toutefois qu'il y ait
de sa part obligation automatique de financement.
Ainsi, dans le champ de la santé mentale, l'Ãtat tendrait
à restreindre son action afin de laisser plus de place aux initiatives
du milieu. Dans ce contexte, la famille et les communautés deviennent
des partenaires privilégiés. Cependant, compte tenu des
imprécisions quant aux responsabilités de l'Ãtat dans le
champ de la santé mentale, que celui-ci concerne les personnes aux
prises avec des problèmes mentaux sévères et chroniques et
compte tenu du caractère aléatoire et de la
précarité financière associée aux initiatives du
milieu, le conseil s'interroge sur la façon d'Interpréter cette
volonté de partenariat. S'agit-il d'un désengagement de
l'Ãtat? Dans l'affirmative, dans quelles conditions le maintien et la
réinsertion des personnes s'effectueront-ils? Les familles et les
communautés auront-elles le soutien et les ressources, tant humaines,
matérielles et financières en conséquence? Les garanties
existent-elles pour que les malades bénéficient de la
continuité des soins et de la sécurité que requiert leur
état?
J'aborderai la question des partenaires privilégiés et des
ressources disponibles. Les familles et les communautés, partenaires
privilégiés dans le projet de politique, sauront-elles et
pourront-elles assumer le mandat qui leur est confié? D'une part, il
faut cerner qui sont ces familles et ces communautés et, d'autre part,
il faut considérer les ressources dont elles disposent.
La participation de la famille à la prise en charge de l'un de
ses membres souffrant de troubles mentaux signifie, Ã toutes fins
utiles, que la responsabilité des soins incombent aux femmes.
Réalité trop bien connue, les tâches domestiques telles que
l'entretien, la préparation des repas, les soins, la garde et
l'éducation des enfants sont encore l'apanage des femmes et ce,
malgré l'intérêt accru porté par des hommes Ã
ces tâches au cours des dernières années. Ainsi, qu'elles
soient travailleuses ou non, qu'elles vivent en couple, en famille ou seules
avec des enfants, les femmes assument la grande majorité des
tâches domestiques,
Au sein de la famille, les soins à l'un de ses membres malades,
handicapé ou âgé, font partie des tâches domestiques
assumées gratuitement par les femmes. En 1986, le Conseil consultatif
canadien de la situation de la femme publiait une étude sur le
rôle de la femme en tant que protectrice de la santé. Bien que
l'échantillon de l'étude soit restreint, il ressort que 75 % des
femmes assument seules la responsabilité de la santé au foyer et
ce, indépendamment de l'âge et de la situation familiale.
Accroître le fardeau des femmes en matière de travail
domestique n'est pas sans conséquence
quant à leurs conditions de vie et leur état de
santé: tension nerveuse, stress et le reste. La répartition du
travail domestique est un facteur influençant la participation des
femmes à la main-d'oeuvre. Ainsi, les femmes considèrent la
charge de travail Imposée par la présence du conjoint et des
enfants et leur contribution au travail dans le fait de rechercher ou non un
emploi, le type et la localisation de. l'emploi, considérant les heures
de transport. Le conseil craint que le maintien au sein de la famille de l'un
de ses membres souffrant d'un problème mental sévère et
chronique confine nombre de femmes à leur rôle de protectrice de
la santé au foyer et exige d'elles des efforts surhumains.
Les mesures proposés pour venir en aide aux familles, soit le
programme de répit - la recommandation 5 - et l'accroissement des
ressources psychosociales en santé mentale - la recommandation 28 - sont
certes les bienvenues. Toutefois, considérant la surchage qu'implique
pour les familles et, notamment les femmes, le maintien au foyer de l'un de ses
membres souffrant de trouble mental, ces mesures nous apparaissent vagues et
Insuffisantes.
Quelles familles seront admissibles au programme de répit? Selon
une estimation avancée par le comité et jugée même
conservatrice, il y aurait au moins 15 000 familles dont l'Implication
auprès d'un des leurs souffrant de trouble mental sévère
et persistant n'est aucunement reconnue ni soutenue par un quelconque
programme. Ces familles devront-elles faire la preuve qu'elles sont Ã
bout de ressources? Quand une famille pourra-t-elle se prévaloir du
programme de répit? Des listes d'attente seront-elles
constituées? Quelle est la nature de ce programme et l'importance du
budget qui y sera consacré? Qu'en est-Il de l'accroissement des
ressources psychosociales? Quelle part sera consacrée Ã
l'intervention auprès des familles? Quelles autres ressources entend-on
consacrer à l'Intégration du malade mental au travail, aux
études, aux loisirs? La famille devra-t-elle prendre en charge le malade
mental 24 heures par jour tout au long de sa vie? Ne devrait-on pas
plutôt maintenir des ressources Intermédiaires permettant une
relative autonomie du malade mental adulte face à sa famille? Nous
pensons Ici à des ateliers de travail protégés, des
logements surveillés, des loisirs organisés. Ne risque-t-on pas,
en l'absence de tels supports, de libérer le malade de l'Institution
psychiatrique pour consacrer sa dépendance définitive face
à sa famille ou, plus justement, à l'endroit de sa mère ou
de sa conjointe? Encore une fois, les éléments avancés par
nos prédécesseurs à cette table en sont des exemples
éloquents.
Je parlerai maintenant de la femme aux prises avec un problème
mental sévère. Il est reconnu que les femmes sont de plus grandes
consommatrices de médicaments, soins et services de première
ligne que tes hommes. Outre les motifs liés à l'appareil
reproducteur, tes condi- tions de vie des femmes et leur rôle social n'y
sont pas étrangers. Par ailleurs, les écarts observés
entre hommes et femmes s'amenuisent à mesure que l'intensité des
problèmes croît. Au dire du comité, les femmes ne
reçoivent plus alors que 52 % des diagnostics d'hospitalisation. Puisque
les femmes semblent être autant représentées que les hommes
en ce qui a trait aux troubles mentaux sévères et chroniques, le
conseil souhaite plutôt remettre en question le sort qui leur est
réservé.
Le maintien ou la réinsertion dans le milieu de vie naturel d'une
personne souffrant de troubles mentaux se conçoit malheureusement trop
aisément lorsqu'il s'agit d'un enfant ou d'un père. Mais
qu'advient-il à la mère ou à l'épouse
elle-même aux prises avec un problème d'ordre mental
sévère et persistant? Dans quelle mesure son conjoint ou ses
enfants lui prodigueront-ils les attentions et tes soins requis? Est-il
réaliste d'envisager que le mari puisse éventuellement
délaisser son emploi pour assumer la prise en charge de son
épouse et des travaux domestiques?
Faute de données à ce sujet, nous ne pouvons que tenter
d'établir des liens. Ainsi, la propension à prescrire plus de
médicaments aux femmes serait-elle un moyen de les tranquilliser et
d'alléger le fardeau des autres membres de la famille? La commission
Rochon, dans le cadre de ses travaux sur la santé mentale, rapporte que
de 67 % Ã 72 % de toutes les prescriptions des psychotropes vont
à des femmes. La prise en charge par la famille d'une mère ou
d'une épouse souffrant de troubles mentaux a-t-elle des limites? Les
femmes qui ont souffert de dépression mentale sont parmi celles
susceptibles de devenir itinérantes, selon une étude sur les
femmes effectuée pour le compte de la commission Rochon. Aussi, y
souligne-t-on qu'une des caractéristiques Importantes du groupe des
itinérantes est le nombre élevé
d'ex-psychiatrisées.
La consultation des experts, effectuée pour la commission Rochon
a permis de tracer deux portraits types des femmes itinérantes. L'un de
ceux-ci décrit, et je cite: "La mère de famille de 40-50 ans qui
craque parce qu'elle n'en peut plus". Ainsi la désinstitutionnalisation
n'est pas sans conséquence, notamment pour les épouses et les
mères de famille. Délaissées par les leurs, ces femmes
vont grossir les rangs des itinérantes.
Comme on peut le constater, le maintien ou la réinsertion au sein
de ta famille de l'un de ses membres souffrant de troubles mentaux a des
limites. Le conseil déplore vivement que le projet de politique n'en
fasse pas mention.
J'aborderai un second point, la famille idéalisée. La
famille constitue pour toute personne un point d'ancrage social important. Il
en est de même pour le malade mental pour qui le soutien et l'appui de sa
famille constituent généralement un gage de mieux-être. La
prise en charge par la famille d'un de ses membres
souffrant de troubles mentaux implique toutefois que la famille doit,
dans l'état actuel des choses, appuyer émotivement,
financièrement et matériellement les conséquences de la
non-institutionnalisation, conséquences assumées auparavant par
l'Ãtat. C'est du moins ce qui se dégage d'une étude
effectuée pour la commission Rochon. Plusieurs familles - au moins 15
000 - le font déjà tant bien que mal, dans la mesure de leurs
moyens, capacités et ressources. Toutefois, un projet de politique qui
préconise un partenariat élargi, notamment avec les familles,
devrait minimalement considérer la réalité vécue
dans nombre de familles pour s'assurer que la personne souffrant de troubles
mentaux ait une réponse effective à ses besoins.
Or, la réalité vécue dans nombre de families
aujourd'hui reflète des problèmes que nous ne pouvons ignorer: 40
% des mariages au Canada se concluent par un divorce; dans 85 % des cas, ce
sont les mères qui assument la garde des enfants. 81 726 familles
monoparentales au Québec vivent des prestations de l'aide sociale, soit
60 % de l'ensemble de ces familles. Dans ce groupe, 95 % des
bénéficiaires sont des femmes. Quand je parle de famille
idéalisée, je parie d'une réalité qui n'est pas
celle de la famille avec un couple et des enfants.
Une femme sur dix serait victime de violence conjugale. En sus, 94 % des
enfants signalés au Comité de la protection de la jeunesse ont
été maltraités (abus physique, négligence grave,
inceste) au sein même de leur famille. (13 heures)
La famille, c'est l'entraide, le soutien réciproque de ses
membres, mais c'est aussi parfois la violence, la pauvreté et la
solitude. Dans des contextes familiaux si difficiles, on ne peut
accroître la charge des familles. Dans ces circonstances, qui prodiguera
les soins? Certes, parmi les familles sollicitées à dispenser des
soins à l'un des leurs, toutes ne présentent pas un portrait
aussi sombre. Toutefois, il faudrait reconnaître que ce ne sont pas
toutes les familles qui peuvent supporter émotivement,
financièrement et matériellement la prise en charge d'un malade
psychiatrique. De même, le projet de politique aurait dû faire
mention des conflits au sein des familles qui ont, entre autres
résultantes, l'accroissement des jeunes dans les groupes des
itinérants.
L'étude sur les femmes, effectuée dans le cadre des
travaux de fa commission Rochon, révèle que les jeunes femmes de
18 à 34 ans constituent le deuxième portrait type des
itinérantes. Le projet de politique est également silencieux au
sujet des familles elles-mêmes génératrices de
problèmes mentaux. Il est pourtant reconnu que certaines dynamiques
familiales sont propices au développement de la maladie mentale.
Par ces omissions nombreuses, le projet de politique véhicule un
portrait quelque peu idéalisé de la famille. Des données
révèlent qu'entre 30 % et 50 % des malades psychiatriques sont,
à la sortie de l'institution, réintégrés au sein
des familles. "Les enquêtes menées auprès de ces familles
indiquent que leur santé physique et mentale se détériore,
que leur vie sociale est compromise et qu'il y a souvent de graves dissensions
au sein des couples ou des familles à cause des tâches
reliées à la présence d'une personne dépendante."
La non-reconnaissance des limites des familles nous paraît une lacune
grave du projet de politique.
Dans un tel contexte, comment pourra-t-on évaluer les ressources
requises nécessaires aux familles pour qu'elles puissent assumer les
responsabilités confiées?
Troisième partenaire: Les communautés. Un des objectifs du
projet de politique est de réduire de plus de la moitié la
capacité globale des grands établissements psychiatriques. Ainsi,
le mouvement de retour des malades psychiatriques au sein de la
communauté Ira en s'intentifiant. Les bénévoles et les
ressources communautaires ou alternatives qui oeuvrent au sein des
communautés sont les partenaires sollicités.
Qui sont les bénévoles qui oeuvrent en santé
mentale? Une enquête sur le bénévolat, effectuée par
Statistique Canada en 1980, révèle que les femmes sont davantage
présentes dans les secteurs de l'éducation, de l'enseignement et
de la santé physique et mentale et que les hommes sont plus actifs dans
les groupes politiques et professionnels, les loisirs et les sports. A l'instar
des autres secteurs de la société, le bénévolat
reflète la division sexuelle des rôles.
Mentionnons, par ailleurs, qu'au Québec, en 1979, les hommes ont
accompli plus d'heures de bénévolat que les femmes, soit
respectivement 35 600 000 heures et 24 000 000 d'heures. Cette
différence est attribuée au fait que les femmes doivent tenir
compte également du temps à consacrer aux travaux domestiques et
aux soins des enfants. Aussi, peu d'organismes dédommagent les
bénévoles pour les coûts encourus par le transport et la
garde des enfants.
Le Président (M. Leclerc): Excusez-moi. Mme McNicoll:
Oui.
Le Président (M. Leclerc): Est-ce que vous pourriez
conclure, s'il vous plaît?
Mme McNicoll: Je conclurai en mentionnant que si les
bénévoles et les ressources communautaires sont
entièrement dépendantes du soutien de l'Ãtat, les
éléments de la politique qui nous est présentée ne
nous permettent pas de savoir quelle sorte d'engagement l'Ãtat pourra
prendre auprès de ces groupes.
Essentiellement, ce que le conseil voudrait faire ressortir en
conclusion, c'est ceci. Si on veut faire passer des bénéficiaires
de la dépendance complète en hôpital à l'autonomie
et Ã
l'isolement complet en famille, compte tenu des éléments
que j'ai mentionnés par rapport aux lacunes que peuvent présenter
les familles dans le soutien et sans que nous soyons assurés du type de
soutien financier qui sera donné aux ressources alternatives, dans ces
conditions, nous pensons, concernant la situation des femmes en particulier,
que ce sont encore les femmes qui vont devoir assumer le fardeau de la
désinstitutionnalisation.
Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme McNIcoll. Comme on a
dépassé 13 heures, j'aurais besoin du consentement pour qu'on
puisse continuer.
Mme Vermette: Consentement
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Leclerc): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier le Conseil du statut de la
femme pour le mémoire qu'il présente à la commission et sa
participation à nos délibérations. Je voudrais simplement
faire certains commentaires généraux. Je crois comprendre que le
Conseil du statut de la femme est en accord avec le rapport d'une façon
globale, avec l'Idée de restituer la personne au coeur du projet
Vous avez l'Impression que le rapport se concentre davantage sur le
champ que sur le domaine, le- champ étant la pathologie et le domaine
étant la prévention; l'un impliquant le curatif, l'autre la
prévention. Vous en concluez qu'il est axé essentiellement sur la
maladie mentale. C'est assez surprenant comme perception de votre part parce
qu'on a eu, de la part d'un bon nombre d'autres intervenants, une perception
tout à fait différente: qu'on semblait faire abstraction de la
maladie mentale, que le rapport Harnois se défendait presque de
mentionner ta maladie mentale pour s'en tenir trop strictement à ce qui
était du domaine de la santé mentale. Je vois mal pourquoi vous
avez eu cette perception parce que je pense qu'il y a eu de grands efforts
développés dans le rapport justement pour permettre aux gens de
vivre dans la communauté, de prévenir à partir des
épiphénomènes qui peuvent se traduire, finalement, par des
pathologies. En tout cas, je le mentionne en passant.
Vous semblez fort inquiètes du rôle que la famille serait
appelée à jouer, de quelle façon cela Influencerait le
statut - entre guillemets - de la femme à l'intérieur de la
famille. Je me demande si le temps n'est pas venu... Ce ne serait
peut-être pas à l'occasion de cette commission, mais il y a
peut-être d'autres débats plus larges qui pourraient être
faits avec le Conseil du statut de la femme. Vous êtes continuellement
dans ce dilemme. D'une part, vos objectifs - je les donne d'une façon
peut-être un peu grossière - sont vraiment de veiller à ce
que les conditions qui sont faites aux femmes soient équivalentes
à celles qui sont faites aux hommes, qu'elles ne soient pas
pénalisées par des tâches qui sont présentement les
leurs ou que, de nouveau, on voudrait leur Imposer. Ã partir de cela,
vous ajoutez comme élément supplémentaire le fait que, la
famille n'étant plus ce qu'elle est, ne serait-ce pas un peu utopique -
je ne traduis peut-être pas exactement votre pensée - de se
reposer sur la famille pour compenser la désinstitutionnalisation ou les
effets de la désinstitutionnalisation?
à partir de cela, on pourrait déduire que, si on suit
votre raisonnement jusqu'au bout, finalement, pour protéger les
conditions de vie des femmes, pour protéger un partage des rôles
à l'intérieur de la famille, on ne devrait pas prendre de risque
et on devrait, finalement, conserver à l'Ãtat toute la
responsabilité, ou à peu près toute la
responsabilité dans le domaine de la santé mentale. C'est la
perception que j'ai de votre mémoire.
Si la famille, c'est un ancrage Important de notre
société, comme vous le mentionnez, la famille a quand même
aussi des responsabilités. Ãvidemment, il y a des
responsabilités qui peuvent être trop lourdes, qui peuvent devenir
véritablement handicapantes pour une famille. Mais je me demande quel
est le point d'équilibre qu'on doit atteindre parce qu'un jour,
ça pourrait être l'homme qui est obligé de s'occuper de sa
femme handicapée, et vice versa, le lendemain. Je pense qu'il y a quand
même, justement à cause de la famille, des liens qui existent
à l'intérieur d'une famille qui fonctionne relativement bien, ces
échanges de services. SI on touche à ta politique familiale - on
n'en parlera pas ce matin - on va tomber dans te même débat ou
à peu près dans le même débat. Est-ce que c'est pour
retourner les femmes au foyer et s'occuper des enfants? Je ne sais vraiment
pas, comme société, comment on va se sortir de ce
débat.
Mme McNicoll: Si vous me permettez, Mme la ministre, je pense
qu'il faut qu'il soit clair que le Conseil du statut de la femme ne veut
certainement pas dire que tes femmes ne veulent pas s'occuper, Ã
l'intérieur des familles, des malades mentaux qui risquent de revenir
à l'Intérieur de la famille à la suite de la
désinstl-tutlonnalisation. Dans le cadre d'un mémoire comme
celui-là , il est clair que nous ne pouvons pas apporter toute la nuance
qu'il faudrait entre les deux pôles, si on veut, de la maladie mentale
très profonde où les gens devront rester en institution et la
prise en charge à ta maison de gens qui, temporairement peut-être,
ont des problèmes de fonctionnement en santé mentale.
Entre ces deux pôles, le rapport ne peut pas entrer dans le
détail du type de soutien que l'on peut vouloir apporter, mais une chose
doit être très claire: le Conseil du statut de la femme ne pense
pas que tes femmes vont se soustraire. D'ailleurs, je pense que la
réalité est bien que
les femmes assument leurs responsabilités Ã
l'Intérieur de la famille à cet égard. Les
témoignages des parents, tout à l'heure, étaient aussi
assez éloquents à cet égard. Nous disons, cependant, que
le rapport n'est pas suffisamment explicite sur le type de soutien et le type
de financement que l'on sera prêt à apporter à ces
familles. Quand nous disons 'ces familles", nous disons que ce sont très
souvent plus les femmes que les hommes qui vont devoir l'assumer. C'est sous
cet angle-là que le Conseil du statut de la femme veut aborder la
question.
Quant à la question de la forme de soutien et à la
question du financement que l'on apportera, on veut essayer de voir quels
seront les engagements de l'Ãtat et quels effets ils auront sur la vie
des femmes et des familles, mais nous nous occupons plus spécifiquement,
si on veut, des femmes qui sont très souvent celles qui sont aux prises
avec ces questions dans la vie quotidienne. Nous pensons que le soutien aux
familles devrait prendre ia forme d'une aide à l'intégration
sociale et à la prise en charge temporaire, mais régulière
des malades mentaux par des organismes ou par des services palliatifs,
jusqu'Ã un certain point, qui permettraient aux familles et aux femmes
d'avoir du répit. Nous appuyons la recommandation qui fait état
des programmes de répit. Nous disons qu'il devrait y avoir une plus
grande explication. On devrait avoir plus de détails sur le mode de
financement, le mode d'engagement de l'Ãtat et les formes que celui-ci
sera__prêt à financer dans l'aide aux familles, dans le soutien
aux familles. Nous sommes pour la désinstitutionnalisation de
manière globale, avec les nuances que j'ai mentionnées tout
à l'heure.
Mme Lavoie-Roux: En ce qui a trait à ces mesures
particulières, vous avez raison de dire qu'elles ne sont pas
explicitées dans le projet de politique, mais c'est évidemment,
je pense, dans le plan d'action qui suivra qu'on devrait retrouver certaines de
ces mesures. On ne pourra peut-être pas les trouver d'une façon
aussi complète qu'il serait souhaitable de les trouver, mais il faut
bien réaliser qu'on désinstitutionnalise depuis 20 ans et que les
mesures qui, normalement, auraient dû accompagner cette
désinstitutionnalisation n'ont pas toujours été, en fait,
ont peu souvent été mises en place.
Vous mentionnez d'ailleurs, à un moment donné, dans votre
mémoire comment peut se faire cette compensation financière entre
les ressources qui sont présentement en institution et celtes qui
devraient accompagner les gens qui sortent des institutions. Je me demandais si
vous aviez approfondi un peu plus ce point-là parce que ce serait assez
simple de dire: On sort quinze personnes et quinze personnes coûtent, je
ne sais pas, 50 000 $ par année. Vous faites la multiplication et cela
est transposé dans la société. Je pense que, dans une
certaine mesure, il faudra comme société, si on accepte d'aller
de l'avant avec la désinstitutionnalisation, accepter qu'il y ait ce
genre de transposition, mais peut-être pas dans les chiffres absolus de
prorata.
Je pense que ceci doit demander une réflexion de la part des
institutions parce que, si on maintient en institution exactement ce qu'on a
comme octroi de ressources financières et si on veut faire
parallèlement l'action de désinstitutlonnalisation. mais d'une
façon la plus civilisée possible et la plus
bénéfique possible pour les bénéficiaires, il
faudra qu'il y ait un transfert de ressources. Avec le groupe qui vous a
précédées, vous êtes les premières Ã
parler de ce transfert de ressources. Ce ne sera pas non plus quelque chose de
facile, ce qui n'exclut pas l'ajout de ressources non plus; sinon, on va
continuer de faire une désinstitutlonnalisation qui va être un peu
mieux, mais encore passablement à rabais. Je pense que ce n'est
peut-être pas le choix de société que l'on veut faire. (13
h 15)
La dernière question que je veux vous poser, c'est sur la
santé mentale chez tes femmes. Dans le rapport Ãgalité et
indépendance, on en avait largement traité, en 1977-1978 J'oublie
quand. Je me demandais si vous, parce que c'était une des
préoccupations importantes dans le domaine de la santé... On note
qu'il n'y a pas eu beaucoup de progrès, si on regarde les rapports de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. Est-ce que du
côté du Conseil du statut de la femme on a continué cette
réflexion? Est-ce qu'on a essayé de mieux Identifier les causes
de la plus grande utilisation de psychotropes par les femmes que par les
hommes? Je pense que ça va aussi pour les traitements chirurgicaux, etc.
Est-ce que vous avez fait des études supplémentaires
là -dessus depuis 1978?
Mme McNicoll: Je voudrais passer la parole à Mme Boivin,
qui est directrice de la recherche.
Mme Boivin (Micheline): Au cours des audiences de la commission
Rochon, le Conseil du statut de la femme a été amené
à présenter un mémoire et, pour les besoins de ce travail,
on a, au conseil, rencontré des intervenants du milieu. On a
malheureusement dû constater que ce qui avait été
Identifié comme problèmes au moment de l'élaboration de la
politique d'ensemble de même qu'au moment de la recherche faite au
conseil au début des années quatre-vingt, qui s'appelait Essai
sur la santé des femmes, dont un volet important portait sur la
santé mentale, que les problèmes qui avaient été
identifiés à ce moment-là étaient malheureusement
encore d'actualité. On avait toujours cette surconsommation de
psychotropes et les femmes étaient un peu sans ressource face Ã
des problèmes de santé mentale. C'est-à -dire qu'elles
frappent à la porte du médecin - le recours au psychologue
encourt des frais - et on semble constater que le traitement qui leur est fait
est toujours aussi
peu adéquat, selon l'analyse qu'on en fait du moins.
On souhaiterait, comme on le souhaitait au moment de la politique
d'ensemble, qu'il y ait davantage de promotion qui soit faite d'un genre de
thérapie qu'on qualifie de non sexiste et qu'on qualifierait de
féministe, c'est-à -dire une thérapie qui est axée
sur une autonomie plus grande des femmes et une distanciation face aux
modèles sexuels qui sont pénalisants pour les femmes. Alors, il y
a déjà des expériences qui se font dans le milieu et qui
sont d'ailleurs, de façon embryonnaire, encore financées par
votre ministère, mais on aimerait qu'une plus grande promotion de ce
genre de thérapie se fasse. Souvent, ces expériences sont
communautaires, c'est-à -dire que ces expériences sont de groupe.
Ce sont souvent des thérapies de groupe, encore que parfois ce sont des
thérapies individuelles, mais on a beaucoup d'espoir en ce genre de
choses-là qui pourraient constituer une alternative à la
prescription médicamenteuse qui, soit dit en passant ne règle pas
réellement, à long terme, le problème des femmes,
Mme Lavoie-Roux: Vous dites une thérapie qui soit non
sexiste. Est-ce que c'est véritablement, vous croyez, une
thérapie qui est consciemment sexiste ou si c'est dû au fait que
tes femmes consultent davantage pour des problèmes de nature
névrotique - entre guillemets - tendance dépressive, etc. Est-ce
que ça ne pourrait pas être ça plutôt qu'une
thérapie sexiste...
Mme Boivin: En fait, ce qu'on constate...
Mme Lavoie-Roux: ...de la part des intervenants
médicaux?
Mme Boivin: En fait, elles consultent effectivement plus que les
hommes à ces étapes là , donc, à des étapes
de maladie qui pourraient être qualifiées de moins graves et qui
peuvent être des signaux d'alarme mais qui, souvent, peuvent les ancrer
davantage dans leur malaise en ce sens que ce qu'on avait Identifié dans
l'analyse, c'est que les femmes sont renforcées dans leur rôle de
dépendance à l'Intérieur de la famille et, donc, sont
moins armées pour affronter des problèmes encore plus graves,
sont de plus en plus handicapées et peuvent éventuellement devoir
recourir aux Institutions du système en raison de problèmes pius
graves et plus chroniques.
Ce qu'on voudrait, lorsque les femmes manifestent leur malaise par un
signal d'alarme comme ça, c'est qu'on profite de cette
occasion-là pour leur donner une chance de prendre de l'autonomie et
d'ouvrir leurs ailes, de faire en sorte qu'elles n'aient surtout pas Ã
affronter des problèmes plus graves.
Mme Lavoie-Roux: Vous dites, finalement, que tes femmes
consomment... Il n'y a pas eu véritablement de progrès, Je ne
sais même pas s'il y en a eu, vous avez laissé entendre qu'il y en
avait eu très peu, ou qu'il n'y en avait pas eu du tout, quant Ã
ta consommation des psychotropes. Est-ce que, comme Conseil du statut de la
femme, vous suivez... Ce n'est peut-être pas votre rôle
d'évaluer cela, mais, par exemple, II y a des centres pour tes femmes,
les centres...
Mme McNicoll: Les centres de santé des femmes.
Mme Lavoie-Roux: ...les centres de santé des femmes, il y
a différentes ressources qui sont établies. Ãvidemment,
ils vont peut-être argumenter qu'ils n'ont pas tes budgets pour
fonctionner, mais il reste que, quand même, ils auraient dû toucher
à suffisamment de femmes parce qu'une de leurs préoccupations est
justement comment la femme se volt par rapport à sa propre santé,
à sa dépendance face à des médicaments, à la
profession médicale, ou autres. Comment expliquez-vous, alors qu'il y a
quand même combien de centres pour femmes au Québec...
Mme Boivin: II y a trois centres de santé des
femmes...
Mme Lavoie-Roux: Oui, il y a trots centres, mais il y a les
centres pour femmes, aussi.
Mme Boivin: ...et deux qui sont en train d'être
réimplantés. Par ailleurs, des centres de femmes, il y en a un
nombre beaucoup plus grand, je pense qu'il y en a 90.
Mme Lavoie-Roux: Donc, une des préoccupations est
justement la santé des femmes. Comment se fait-il que les
résultats ne soient pas plus probants? Cela fait quand même sept
ou huit ans que ces groupements fonctionnent, sinon davantage.
Mme McNicoll: Je dirais que les trois étages
d'intervention des centres pour les femmes sont les suivants: d'abord, les
maisons d'hébergement pour femmes violentées - je pense que c'est
la première priorité - ensuite, les centres de santé des
femmes, puis les centres de femmes. Or, dans les dernières
années, les crédits qu'on a donnés aux centres de femmes
ont grandement diminué et les centres de santé des femmes, il en
reste trois qu'on est en train d'essayer de réorganiser. Je dirais que
ces centres de santé se sont beaucoup intéressés
directement à des questions plus physiques, de santé physique.
Par ailleurs, ce sont les centres de santé des femmes qui ont pris en
compte les problèmes d'avortement qui ne sont pas réglés,
les centres de santé des femmes se sont beaucoup
Intéressés à cela.
Par ailleurs, Je pense qu'il faut souligner les études qui ont
été faites du côté de Mme Nadeau de
l'Université de Montréal sur tes
questions de toxicomanie, de la dépendance plus grande des femmes
face aux médicaments, face aux psychotropes. Il y a ce que les
études permettent d'examiner et il y a la façon dont, notamment
les omnipraticiens reçoivent très souvent tes femmes en leur
prescrivant des médicaments pour les apaiser, pour les rendre
fonctionnelles, mais sans les orienter vers des ressources autres en
matière de santé mentale. C'est un des plus gros problèmes
que confrontent les femmes en matière de santé mentale.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de
Marie-victorin.
Mme Vermette: Je tenais à vous féliciter pour le
mémoire que vous avez présenté. Je pense que vous avez le
courage d'apporter la problématique que doivent vivre les femmes. Il y a
un proverbe qui dit: Si tu ne t'occupes pas de toi, les autres vont s'occuper
de toi. C'est toujours ce qui s'est produit dans te passé en ce qui
concerne la santé mentale des femmes: plus souvent qu'autrement il y
avait toujours des gens prêts à interpréter les
différents symptômes ou manifestations de dépression ou de
découragement des femmes. C'est ce que vous avez démontré
tantôt, à la suite des questions que Mme la ministre vous a
posées. On est toujours prêt à dire: On va régler le
problème des femmes avec une__pilule _ et, finalement, tout va rentrer
dans l'ordre, retournez chez vous, madame.
Vous avez eu le courage et le mérite de soulever que c'est bien
beau de donner des médicaments à la femme, mais lorsqu'elle se
retrouve seule chez elle avec sa famille et qu'elle est prise avec un conjoint
ou un enfant souffrant de maladie mentale, elle est un peu la protectrice de la
santé mentale dans sa famille et c'est elle qui se retrouve toujours
seule et sans soutien pour arriver à cette harmonisation qu'on attend
toujours dans la famille. Plus souvent qu'autrement, elle est prise au
dépourvu et, très souvent, c'est elle qui doit faire les frais,
à son tour, de la santé mentale.
Je pense que c'est ce qui ressort le plus et ce qui m'a le plus
émue dans votre mémoire parce que ce que vous soulevez, c'est
cette réalité des femmes, c'est leur quotidien, finalement,
à toutes ces femmes qui ont vraiment à coeur le mieux-être
de leur famille, mais qui, pour des raisons particulières, ont de la
difficulté à maintenir cette harmonie. C'est cette
quiétude qui est importante pour le développement psychique et
intellectuel de tous les individus, Je pense que vos préoccupations sont
justifiées. Vous n'êtes pas les seules à avoir
soulevé le manque de clarté et de précision quant au
rapport Harnois. Je pense que bon nombre de gens qui se sont
présentés devant nous l'ont manifesté plus souvent
qu'autrement.
Ce qui me frappe davantage, c'est que vous êtes les principales
concernées, un peu comme le groupe avant vous qui disait: Nous devons
vivre avec le malade. C'est bien beau, la maladie, c'est bien beau, les
expertises, mais nous devons l'assumer dans le quotidien et nous souffrons
autant qu'il peut souffrir, nous sommes très conscients de sa maladie.
Il y a une Influence directe sur l'ensemble des différentes composantes
de la famille, que ce soient les frères, les soeurs, les parents, c'est
très vaste, finalement. Je pense que ce que vous avez signalé
surtout, c'est le cri de détresse des femmes qui disent: Nous, on est
bien prêtes à faire notre part, on l'a toujours faite, mais ne
nous laissez pas tomber. Qu'est-ce que vous êtes prêts Ã
nous donner pour qu'on puisse continuer à jouer notre rôle? Vous
avez fait cette mise en garde en disant: Nous sommes essoufflées en tant
que femmes. Il y a les centres de femmes qui, de plus en plus, dispensent une
éducation aux femmes en disant: II y a des limites au seuil de
tolérance. Vous pouvez manifester ces limites.
Dans ce contexte, quel est l'avenir des femmes à mesure que vous
aurez une participation plus active dans cette prise de conscience du
rôle des femmes à l'intérieur de la famille ou de la
société, puisque cette famille et cette société ont
leurs limites aussi en regard du rôle des femmes? Comment voyez-vous
maintenant ce rôle qui sera dévolu à la femme, compte tenu
de toute la nouvelle orientation qu'on subit dans nos
sociétés?
Mme McNicoll: Je voudrais Insister sur le fait que, lorsque le
Conseil du statut de la femme parle de la situation des femmes Ã
l'intérieur de la famille qui héberge des malades mentaux,
lorsqu'il s'agit de familles conventionnelles avec père et mère,
la plupart du temps, les femmes en sont en effet le piller. Je pense que les
différentes données que nous avons mentionnées sont
éloquentes à cet égard, mais, en même temps, elles
font partie d'une cellule qui a les besoins qu'ont mentionnés les
personnes qui nous ont précédés: essentiellement, besoin
d'information, besoin d'aide aux groupes d'entraide et j'ajouterais ce que j'ai
appelé le support aux familles, c'est-à -dire une aide Ã
l'intégration à l'intérieur des différents
éléments de la vie que devrait être celle des malades
mentaux qui sont retournés à leur famille, c'est-à -dire
des gens qui puissent avoir accès à des logements
protégés, à de l'aide en matière de
réinsertion dans le monde du travail, par exemple, sous la forme
d'ateliers protégés, accès à du soutien en
matière d'intégration aux loisirs. Je pense qu'il faut
éviter de rendre les femmes victimes. Le Conseil du statut de ta femme
n'a jamais pris cette position. Les femmes sont, à l'Intérieur de
la famille, les piliers de la protection de la santé mentale et, comme
membres d'une cellule familiale, elles ont te gros rôle. Le type d'aide
que l'Ãtat peut apporter, c'est celui dont nous avons parlé et
dont ont parié fort
éloquemment les gens qui nous ont précédées,
c'est-à -dire Information, aide à l'Intérieur de groupes
d'entraide et support permettant l'établissement de programmes de
répit qui permettent à des femmes de ne pas être 24 heures
par jour aux prises avec les malades mentaux à l'intérieur de la
maison.
Mme Boivin: Je voudrais compléter en disant que les motifs
qui ont amené le conseil à une réflexion comme
celle-là quant aux limites de la famille face à la maladie
mentale, c'est, d'une part, les surcharges qui peuvent survenir pour les femmes
mais, d'autre part, une préoccupation face au malade mental
lui-même, c'est-à -dire pour ce qui est de la continuité des
soins. Par exemple, une femme de 50 ans ou une femme vieillissante qui a un
enfant adulte malade dans la maison, qu'adviendra-t-Il de cet enfant, s'il ne
dépend que de sa mère, si sa mère elle-même devient
malade, si elle décède? Quel va être te sort
réservé à cette personne? On voudrait s'assurer qu'il y
ait des ressources qui assurent une continuité de soins,
indépendamment de ce qui pourra survenir au sein des familles, pour
pallier l'Insuffisance des familles. (13 h 30)
Toutes les familles ne peuvent pas prendre en charge le malade mental.
Comme on l'Indiquait tout à l'heure, II y a des familles qui, en raison
même de leur fragilité ou parce qu'elles sont composées
d'un seul parent, etc. ne sont pas en mesure de prendre le malade mental.
Même celles qui sont en mesure de le faire, il nous apparaîtrait
plus prudent, pour assurer la continuité des soins, qu'il y ait, par
ailleurs, des ressources sur lesquelles on puisse compter pour que la
mère de famille, par exemple, puisse être en toute
sécurité et savoir que, quoi qu'il advienne, son enfant pourra
avoir des ressources sur qui compter.
Mme Vermette: Quand on parle de ressources, on se demande
toujours comment les gens peuvent être informés. On a parlé
souvent de campagnes de sensibilisation. Alors, comment entrevoyez-vous une
campagne de sensibilisation? L'accent devrait être porté sur quoi,
selon vous, pour favoriser cet accès aux ressources?
Mme McNicoll: Je pense qu'il faut d'abord tes établir, ces
ressources, et je pense que les campagnes de sensibilisation sont des
éléments Importants. Je crois que la société
québécoise, par exemple, a fait des progrès importants
dans l'acceptation du malade mental dans la vie quotidienne, du fait que la
maladie mentale est une chose qui touche un grand nombre de personnes. Je pense
qu'un des éléments de ce progrès, ce sont
précisément les campagnes d'information et les campagnes de
sensibilisation qui l'ont apporté.
C'est du côté des associations des familles devant prendre
en charge des handicapés, des malades mentaux, que les ressources
d'information et d'aide devraient être dirigées.
Mme Vermette: Est-ce que c'est facile actuellement, surtout en
région pour les gens qui ont des problèmes d'atteindre ces
ressources? Actuellement, quelle serait la meilleure façon
d'atteindre... On dit souvent qu'une campagne de sensibilisation, ça
dure ce que ça dure, le temps de la campagne et, après, pouf! Les
comportements tombent tout de suite et, alors, il faut quelque chose de
soutenu.
Est-ce que vous avez déjà fait... En tout cas...
Mme Brouillet (Chantale): Dans le cadre d'une campagne de
sensibilisation, un élément sur lequel il pourrait être
Intéressant de porter l'attention, c'est sur l'information sur les
ressources qui existent, informer les professionnels et les intervenants des
ressources qui existent dans le milieu même de ta communauté. Cela
pourrait être intéressant pour les familles, plutôt que les
familles elles-mêmes aient à tes découvrir et à se
mettre à la recherche de ces ressources. Plutôt que de partir avec
une campagne sur le malade mental et sa situation, peut-être y aller tout
de suite du côté du support.
Mme Vermette: Mais à l'Intérieur de ces campagnes
de sensibilisation, J'Imagine que vous devez... Vous êtes-vous
déjà penchées sur le rôle que vous pourriez jouer
comme ressource du milieu, avec l'expertise que vous avez, la formation ou
l'Information que vous pouvez donner aux femmes?
Mme McNicoll: Le Conseil du statut de la femme est un organisme
qui conseille le gouvernement et qui donne des avis aux différents
ministres concernés sur les différentes politiques en projet. Le
Conseil du statut de la femme a également une antenne qui s'appelle
Consult-Action, qui est présente en région. Elle ne s'est pas
spécifiquement attachée à de l'Information sur la maladie
mentale jusqu'Ã maintenant.
Cette antenne a comme mandat d'aider tes femmes à trouver les
ressources qui sont présentes dans leur milieu et les bureaux de
Consult-Action sont des centres d'Information et d'aide. Mais nous n'avons pas
travaillé plus spécifiquement sur la maladie mentale
jusqu'Ã maintenant. J'insiste sur le fait que c'est ta relation,
à notre avis, entre les parents, les associations de parents qui sont
aux prises avec ce type de problème et les professionnels qui sont au
coeur de l'aide que l'on peut apporter aux femmes à l'intérieur
des familles plus précisément responsables ou plus protectrices,
encore une fois, de la santé.
Mme Vermette: Le rapport Harnois, dans ses recommandations,
demandait que vous soyez
mandatées, en fin de compte, pour la formation des intervenants
en ce qui concerne l'approche sur la condition des femmes. Ce que vous demandez
dans votre mémoire - vous allez beaucoup plus loin - c'est
d'émettre un avis sur l'influence des conditions de vie des femmes sur
la santé mentale, afin de déterminer les paramètres pour
l'élaboration d'un programme.
Mme Boivin: Oui. On constatait que le comité soumettait
une recommandation comme celle-là pour ce qui est des personnes
âgées et des jeunes. Il nous apparaissait pertinent de
l'étendre également aux femmes, de considérer tes femmes
comme un groupe particulier dans ce domaine-là .
Pour ce qui est de la participation du conseil à des campagnes de
sensibilisation, dans le passé, le conseil était associé
au ministère de la Santé et des Services sociaux pour des travaux
de diffusion d'information. Au cours de l'année dernière, par
exemple, nous avons eu des discussions avec le ministère pour ce qui est
du tabagisme auprès des adolescents, pour de la contraception douce.
Nous sommes intervenues auprès du ministère aussi pour ce qui est
des maladies transmises sexuellement. Le conseil n'a pas d'objection Ã
s'associer avec le ministère pour toute campagne d'information.
Naturellement, il ne dispose pas des ressources dont dispose le
ministère pour assumer entièrement à sa charge ce genre de
campagne, mais je ne doute pas que le conseil puisse être heureux de
participer à la conception d'instruments de cette nature en santé
mentale.
Mme Vermette: Pour atteindre vos objectifs de favoriser les
femmes dans le domaine de la santé mentale, est-ce qu'il y a
suffisamment de centres de femmes, surtout pour les femmes violentées,
les centres de crise? Est-ce que ces centres répondent
adéquatement aux besoins des femmes, justement?
Finalement, est-ce que le financement de ces maisons est un
problème résolu afin d'assurer une continuité des services
aux femmes?
Mme McNicoll: Je pense que c'est une question qui pourrait, de
toute façon, toujours recevoir la réponse suivante: Non, il n'y a
pas suffisamment de ressources mises dans les centres d'hébergement ou
dans les centres de santé des femmes ou dans les centres de femmes,
ultimement. Cependant, il est clair qu'il faut faire des priorités et le
conseil a émis un avis favorable à la suite de l'injection de 8
000 000 $ pour les maisons d'hébergement des femmes que la ministre de
la Condition féminine a annoncée au cours de l'automne. Le
conseil reconnaît l'effort du gouvernement. En même temps, le
conseil dit que, bien sûr, si on peut en mettre plus, il appuiera ce type
d'intervention.
Encore une fois, compte tenu des ressources dont nous disposons, nous
pensons, par exemple, qu'en matière de santé mentale ou d'aide
aux familles aux prises avec des individus qui ont des problèmes de
santé mentale l'aide alternative, la ressource proche de la
communauté est celle qui est la plus intéressante.
Mme Vermette: Est-ce que vous trouvez qu'en région, cela
répond actuellement à la demande? C'est toujours le pendant, ce
sont les femmes qui doivent subir certains contrecoups de la violence ou les
conséquences des problèmes reliés à la santé
mentale, dans certains cas. En région, là comme ailleurs, est-ce
qu'il y a un manque de ressources ou si cela répond assez, actuellement,
ou si le réseau communautaire est assez bien
développé?
Mme McNicoll: Je pense, encore une fois, qu'on pourrait ajouter
des ressources en matière d'hébergement et en matière de
centres de santé des femmes, c'est clair. Encore une fois, te conseil a
appuyé l'initiative de la ministre au cours de l'automne. Si vous voulez
que je vous dise qu'il n'y a pas suffisamment de ressources mises dans les
centres d'hébergement de manière générale ou dans
des opérations permettant de contrer la violence faite aux femmes, c'est
clair qu'on pourrait toujours en mettre ptus.
Mme Vermette: On dit toujours que tes gens qui oeuvrent Ã
l'intérieur de la plupart des centres ont des difficultés surtout
quant à la continuité du service, parce que la plupart de leurs
activités vont beaucoup plus, d'une part... De plus en plus, la
clientèle s'alourdit ou ta demande est en progression. Donc, il y a
manque de ressources à l'intérieur des maisons
d'hébergement, dans les centres de crise pour faire une intervention ou
un suivi de sorte que, souvent, tes mêmes clientèles demandent les
mêmes ressources parce qu'on ne peut pas donner le suivi qui est
important.
Mme McNicoll: Une chose est certaine, les centres
d'hébergement pour femmes sont pris en charge par des femmes qui ne sont
pas entièrement des bénévoles, parce que les budgets
permettent de leur verser des salaires. Or, si on fait des comparaisons entre
le type de soutien que l'on donne dans les centres d'hébergement, qui
sont des organisations volontaires mises sur pied par des personnes qui la
plupart du temps ont déjà connu le problème, et les
salaires payés à des fonctionnaires à l'intérieur
du réseau de la santé et des services sociaux, c'est clair qu'il
n'y a pas de commune mesure. Ces centres vivent toujours à la limite de
leurs ressources, c'est clair. C'est un constat que toute personne qui regarde
tes budgets de fonctionnement annuels de ces centres peut faire.
Mme Vermette: Si J'ai bien compris, vous avez fait certains
souhaits. Vous estimez qu'il serait important qu'il y ait de plus en plus
de
ressources ou, en tout cas, qu'on pourrait développer d'autres
ressources qui répondraient plus adéquatement aux besoins. On
pourrait, en tout cas, à la limite, développer d'autres
ressources qui favoriseraient davantage... Il s'agirait de regarder un peu les
différents aspects de la participation et de la représentation
des femmes à l'Intérieur d'une politique ou d'un programme qu'on
pourrait mettre de l'avant par une campagne de sensibilisation.
à mon avis, vous pourriez jouer un rôle important. Vous
avez déjà une expertise du fait que vous soyez dans le milieu
depuis bon nombre d'années. Plus souvent qu'autrement, le réflexe
veut que les femmes aillent consulter ou fassent davantage confiance Ã
des groupes de femmes qui les représentent qu'à d'autres groupes,
tout compte fait. Je vous remercie.
Le Président (M. Leclerc): Merci. Mme la ministre, en
conclusion.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier encore une fois le Conseil du
statut de la femme. Dans votre mémoire, vous avez soulevé des
questions sur lesquelles on devra se pencher davantage relativement à la
famille et au rôle de la femme à l'intérieur de la famille.
Pour moi, ce qui reste une préoccupation Importante du côté
des femmes, c'est vraiment ta santé mentale chez les femmes et leur
utilisation, je pense qu'on pourrait dire abusive de ressources
médicales, souvent pour des symptômes qui ne sont pas
nécessairement reliés à une pathologie importante, mais
plutôt à des états dépressifs temporaires. Ce qui
est peut-être un peu décourageant, c'est qu'on en parie depuis
dix, douze ans - peut-être avant, je parle de la période que Je
connais - et qu'on est peut-être encore relativement dans une
espèce de statu quo par rapport à ce qui existait à ce
moment-là . En tout cas, je vous remercie et on va essayer de continuer
de trouver les solutions.
Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la ministre. Mme la
députée de Marie-Victorin, en conclusion.
Mme Vermette: En conclusion, je veux remercier le Conseil du
statut de la femme de s'être présenté devant nous. Nous
espérons que les comportements des différents intervenants
auprès des femmes auront tendance à changer et qu'ils prendront
les femmes comme des personnes à part entière et d'égale
à égale. Je vous remercie.
Le Président (M. Leclerc): Merci, madame. J'aimerais, au
nom des membres de la commission, remercier les gens du Conseil du statut de la
femme de leur présence.
Avant de suspendre nos travaux jusqu'Ã 15 heures, j'aimerais
rappeler que nous nous retrouverons à la salle Lafontaine à cause
de problèmes de ventilation. Je suspends donc nos travaux jusqu'Ã
15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 44)
(Reprise à 15 h 14)
Le Président (M. Baril): à l'ordre, s'il vous
plaît!
Je pense que le président a attendu quinze minutes. Par contre,
nous devons commencer. Je tiens à vous faire remarquer que le
président, ce matin, s'est fait faire quelques reproches de ne pas
respecter les heures fixées.
à partir de maintenant, je dois vous dire qu'officiellement je
devrai faire respecter le temps de chacun des groupes, soit une heure par
groupe. Je ne voudrais pas être impoli si je dois vous couper la parole
à un certain moment. Peut-être qu'il serait important, aussi, pour
les députés, Mme la ministre, d'être court, bref, dans le
but d'aller le plus loin possible dans nos discussions parce que nous devrons
respecter l'heure qui est donnée à chacun des groupes.
Je tiens à vous souligner que ta commission des affaires sociales
se réunit aux fins d'étudier le projet de politique de
santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le
rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et
rendu public le 30 septembre 1987.
Cet après-midi, nous avons l'honneur de recevoir la Curatrice
publique du Québec. Madame, si vous voulez vous présenter et
présenter votre groupe, s'il vous plaît.
Curatelle publique du Québec
Mme Robillard (Lucienne): Bonjour mesdames, messieurs. Je suis
Lucienne Robillard, Curatrice publique du Québec. J'ai avec moi
aujourd'hui, Ã ma droite, M. Gilles Marchildon, Curateur public adjoint;
à ma gauche, Mme Louise Landry-Balas, coordonnatrice du service des
droits de la personne au bureau du Curateur public, de même que M.
André Allaire, travailleur social au sein de ce service des droits de la
personne.
Le Président (M. Baril): Merci. Vous avez la parole pour
20 minutes.
Mme Robillard: Merci, M. le Président Laissez-moi d'abord
vous dire l'honneur et le plaisir que nous avons au bureau du Curateur public
de venir vous faire nos représentations au sujet du projet de politique
car on trouve que notre gouvernement québécois a un grand courage
de vouloir aborder ce sujet et, surtout, d'adopter une politique d'une telle
envergure au Québec.
Comme vous le savez sans doute, le Curateur public du Québec,
à l'heure actuelle, représente 14 000 personnes qui sont dites
incapables.
Dans ce sens, nous nous Intéressons de façon très
particulière au développement d'une telle politique et, surtout,
à ses Implications puisque la majorité des personnes
représentées par le Curateur public sont
précisément les acteurs principaux dans le champ décrit
dans le projet de politique de santé mentale.
Il est certain que, pour nous, les principes de base qui sont dans le
projet de politique, à savoir la primauté de la personne et le
respect de ses droits ainsi que l'équité dans les actions
à poser, nous apparaissent des bases très solides. Ce sont
là des valeurs que notre société a choisies et qu'elle
choisit toujours en 1988, qu'elle veut accentuer, en somme, dans notre
société. On ne peut que souscrire aux grands principes et aux
orientations qui visent une approche globale de la personne et surtout - et je
pourrais dire aussi - l'inclusion des membres de la famille, des proches et de
la communauté comme membres essentiels des systèmes relationnels
de ces individus.
Je dois vous dire que c'est cette même orientation qu'essaie de se
donner le bureau du Curateur public présentement dans l'actualisation de
sa mission. Ce sont aussi les mêmes orientations qui soutiennent le
projet de loi 20, qui a déjà été sanctionné
par l'Assemblée nationale, en regard du régime de protection des
majeurs et ce sont sûrement les mêmes orientations qui vont
soutenir la réforme de la Loi sur la curatelle publique, Ã
savoir: la primauté de la personne et l'inclusion de, ses proches dans
les systèmes de protection des majeurs au Québec.
Nous aimerions donc, dans un premier temps, clarifier un peu le type de
clientèle que nous représentons au bureau du Curateur public pour
essayer de vous montrer que cette clientèle est en relation directe avec
le champ de la santé mentale et qu'elle est desservie à l'heure
actuelle dans le réseau de la santé et des services sociaux. Vous
savez, toute personne majeure au Québec a le plein exercice de ses
droits civils. Ces droits sont définis tant dans notre Code civil que
dans notre Charte des droits et libertés de la personne au
Québec. Cela comporte plusieurs droits, dont celui Ã
l'intégrité et à l'Inviolabilité de la personne, de
même que celui d'avoir et de gérer un patrimoine.
Cependant, le législateur a décidé que dans
certaines circonstances et à certaines conditions cette faculté
d'exercer ses droits pourrait être retirée à un individu et
confiée à un tiers. C'est ce qu'on appelle un système de
curatelle. La curatelle est donc une mesure de protection juridique qui doit
toujours être provoquée dans le meilleur intérêt de
fa personne. Elle vise donc à protéger une personne dont les
facultés mentales sont affaiblies ou perturbées et qui risque de
porter atteinte elle-même à sa personne ou à son
bien-être ou, encore, à la valeur de son patrimoine.
Au moment où je vous parle, nous avons deux régimes de
protection pour les majeurs au
Québec. L'un est privé et se fait par le processus
d'interdiction qui est provoqué par un membre de la famille qui demande
qu'un de ses membres soit interdit parce que cette personne n'a plus les
facultés mentales pour exercer ses droits civils. Le deuxième
régime que nous avons, c'est le régime de la Curatelle publique,
conforme à la Loi sur la Curatelle publique qui donne la
responsabilité au Curateur public d'être le curateur de toutes les
personnes qui n'ont pas de curateur privé et qui sont
déclarées incapables d'administrer leurs biens.
à l'heure actuelle, au Québec, nous avons environ 3500
curateurs privés et le Curateur public représente environ 14 000
personnes, ce qui veut dire qu'on peut calculer environ 18 000 personnes au
Québec sous régime de protection juridique. Il nous paraît
évident qu'une très grande partie des personnes sous curatelle
sont celles auxquelles on fait référence dans le champ de la
santé mentale. Dans les faits, malgré les critères
d'application des lois qui parlent de malades mentaux, nous nous apercevons que
les clientèles desservies par un système de curatelle au
Québec sont quand même diversifiées et on voudrait vous
parler de quatre grandes catégories.
Les gens bénéficiant d'un régime de protection
juridique sont les suivants: premièrement, les malades mentaux
proprement dits ou les personnes souffrant de maladie psychiatrique. Ce groupe
est constitué principalement de malades mentaux chroniques, mais aussi
de personnes souffrant de psychose maniaco-dépressive ou d'autres
maladies de type plus transitoire. La majorité de ces personnes est
actuellement traitée dans le réseau de la psychiatrie et un bon
nombre d'entre elles sont ou seront visées dans le processus de
désinstitutionnalisation.
La deuxième catégorie référée au
système de curatelle est le groupe de personnes souffrant d'un handicap
intellectuel et ayant des difficultés ou une lenteur d'apprentissage.
Même si elles ne souffrent pas de maladie mentale, le rapport nous
mentionne - c'est exact - que plusieurs d'entre elles se retrouvent encore dans
des institutions psychiatriques au Québec.
La troisième catégorie, ce sont les personnes qui
souffrent de maladie dégénérative. Là -dedans, on
retrouve beaucoup de nos personnes âgées. Les maladies
dégénératives, en particulier la démence, sont
parfois incluses dans le champ de la santé mentale, mais, de plus en
plus, elles sont associées au domaine de la neurologie ou de la
psychogériatrie.
La quatrième catégorie, ce sont les personnes qui
souffrent de divers syndromes organiques ou de traumatisme crânien. Ce
dernier groupe de personnes est sans doute le moins touché par une
politique de santé mentale.
Donc, il appert qu'une grande partie des personnes
bénéficiant d'un régime de protection au Québec
sont des acteurs dans le champ de la santé mentale. Les intervenants du
réseau de la
santé et des services sociaux ont, de près ou de loin,
avec ou sans les proches de la personne, directement ou indirectement, Ã
prendre conscience souvent de l'incapacité d'une personne Ã
prendre soin d'elle-même et à administrer ses biens, proposent
souvent eux-mêmes un régime de protection et participent Ã
assurer la protection de la personne incapable et le respect de ses droits. Ces
intervenants sont souvent confrontés à des problèmes
d'éthique, ce qui rend les choix et les décisions
extrêmement difficiles.
A cet égard - c'est le deuxième point que nous abordons
aujourd'hui - nous aimerions énoncer le fait que le projet de politique
de santé mentale ne nous semble pas accorder une place assez grande
à toute la dimension de la protection des personnes. Il s'agit d'une
notion beaucoup plus englobante que ce qu'on peut entrevoir dans le texte du
projet de politique et qui dépasse de beaucoup la protection
juridique.
A notre avis, parmi les personnes majeures au Québec, on peut
distinguer trois types de personnes qui ont besoin d'une certaine protection.
Premièrement, les personnes inaptes à prendre soin
d'elles-mêmes ou à administrer leurs biens et en besoin
d'être représentées dans l'exercice de leurs droits civils.
Ce sont précisément ces personnes dont nous venons de parler. Les
lois sur les régimes de protection, quoique vétustes et
inadaptées aux réalités d'aujourd'hui, sont actuellement
en voie d'être changées. D'ailleurs, on aimerait mentionner au
passage que la .recommandation 4 du rapport du projet de politique aurait
peut-être avantage à souligner le fait que le projet de loi 20
portant réforme au Code civil du Québec en regard justement du
régime de protection des majeurs est déjÃ
sanctionné par l'Assemblée nationale depuis le 15 avril 1987 et
apporte des changements Importants. En plus, Ã l'heure actuelle, on est
dans un processus de réflexion en regard de la Loi sur la Curatelle
publique. Donc, présentement, tous les acteurs identifiés dans le
projet de politique sont et seront appelés à se prononcer sur la
révision de cette loi.
La deuxième catégorie de personnes ayant besoin d'un
système de protection au Québec, ce sont les personnes
dangereuses pour elles-mêmes ou pour autrui en besoin d'intervention non
volontaire. Encore là , on s'aperçoit que l'aspect de ta
dangerosité du malade mental n'est à peu près pas
touché dans le rapport du comité. Pourtant, la Loi sur la
protection du malade mental qui s'y adresse ne propose qu'une solution
très temporaire et la réalité de certaines pratiques avec
cette clientèle en est une de peur de part et d'autre, de non
compréhension, de coercition, je dirais même de contention et
d'Isolement. Ici, la notion de protection dépasse de beaucoup l'individu
pour toucher son entourage.
Enfin, la troisième catégorie de personnes majeures au
Québec qui ont besoin d'une certaine protection, ce sont les personnes
aptes, consi- dérées comme lucides au plan cognitif, non
dangereuses pour elles-mêmes, mais dans un état de
vulnérabilité tel qu'elles ont besoin d'être
assistées dans l'exercice de leurs droits civils. Un nombre croissant
d'adultes au Québec se trouvent dans des situations vulnérables
et ne paraissent pas motivés ou capables de se dégager par
eux-mêmes de ces situations. Plusieurs exemples ont été
apportés pour illustrer ces situations où les adultes
concernés mettent directement ou Indirectement en péril leurs
biens et parfois même leur personne. Le besoin de protection de ces
personnes paraît alors de plus en plus nécessaire et reconnu.
On assiste - vous te savez tous - à l'éclatement de nos
familles, à l'isolement de plusieurs adultes, ce qui ajoute à la
vulnérabilité de certains d'entre eux. La
désinstitutionnalisation et le maintien en milieu naturel de personnes
ayant des problèmes de santé mentale, s'ils permettent leur
réadaptation et leur fonctionnement en société, ne
réussissent pas pour autant à donner à ces personnes
toutes les capacités à se protéger et à se
défendre dont elles peuvent avoir besoin dans notre
société. La personne vulnérable est souvent
dépendante d'autres personnes, ce qui peut l'exposer à l'abus,
à la négligence ou à l'abandon. L'institutionnalisation
peut même avoir créé cette vulnérabilité en
diminuant les droits d'une personne à l'autonomie et Ã
l'indépendance. La personne majeure vulnérable, même si
elle est lucide, peut être Incapable de subvenir à ses propres
besoins ou Incapable de se défendre ou de se soustraire à la
personne qui l'exploite et de qui elle dépend. (15 h 30)
Une politique de santé mentale, pour nous, devrait alors toucher
ces trois types de personnes en besoin de protection. Les familles, les proches
et les Intervenants de toutes les professions sont confrontés
quotidiennement à la problématique de la protection de la
personne. Nous pensons donc que la question de la protection devrait être
posée dans le projet de politique de santé mentale d'une
façon directe, claire et ouverte, car son omission entraîne des
problèmes interrelattonnets de tous genres où te protectionnisme
remplace la protection adéquate et où les peurs pour l'autre ou
de l'autre envahissent et étouffent les relations.
Nous recommandons donc de façon très spécifique que
le concept du respect des droits de la personne qui est déjÃ
présent - ce concept est déjà présent dans le
projet de politique, dans le choix d'un cadre de référence - soit
élargi pour englober la problématique de la protection de la
personne.
Par ailleurs, on remarque, au chapitre des moyens proposés par le
comité de politique de santé mentale, que la nomination d'une
"ombudsperson" pourrait assurer le respect des droits des personnes ayant des
problèmes de santé mentale. Nous tenons à dire que nous
sommes tout à fait
d'accord avec le principe de l"advocacy", mais notre vision du
rôle diffère quelque peu de celle du comité en regard du
moyen choisi.
Il nous paraît indiqué, à l'heure actuelle, que le
Québec se dote d'un système d"advocacy* qui répondrait aux
besoins de l'ensemble des adultes en besoin de protection des trois
clientèles dont je viens de vous expliquer les caractéristiques.
Les interventions d'un tel système pourraient couvrir différents
volets et avoir la responsabilité et l'autorité de faire
enquête, d'évaluer la situation de tout adulte
présumé en besoin de protection et d'adopter à ce
moment-là les mesures correctrices qui s'imposent. Selon nous, ce
système devrait avoir une assise régionale, chercher Ã
mobiliser le plus souvent la personne elle-même et ses proches dans la
recherche et l'adoption de solutions, chercher à impliquer, y compris
à maintenir l'Implication des instances usuelles susceptibles d'aider la
personne. Nous pensons particulièrement au réseau de la
santé et des services sociaux, à la justice et au bureau du
Curateur public dans les cas qui le touchent.
Cependant, compte tenu du fait que les personnes Ã
protéger reçoivent pour la plupart des services du réseau
de la santé et des services sociaux, il est essentiel, selon nous, que
le système d'"advocacy" soit totalement autonome. L'expérience
des 'ombudspersons* dans les dernières années démontre
bien l'Impossibilité de jouer, à l'intérieur du
réseau, le rôle de défenseur de droits parfois
brimés par ce réseau même. De plus, le système
d'"advocacy" pourrait impliquer des citoyens dont l'engagement et les
préoccupations à l'égard des adultes vulnérables
sont avantageusement reconnus. Une telle instance pourrait même, selon
nous, être chapeautée par des citoyens de la région.
Nos propositions, en remplacement du rôle de l'ombudsperson" tel
que cité dans le projet, s'énonceraient comme suit:
Qu'un système d'"advocacy* soit mis sur pied couvrant toutes les
régions du Québec pour assurer la promotion de la
sécurité et des intérêts d'adultes
vulnérables; la défense de leurs droits collectifs et Individuels
et l'intervention rapide et efficace lorsque des droits sont brimés;
Que ce système utilise au maximum la collaboration de citoyens et
qu'il soit complètement autonome.
Le Président (M. Baril): Je m'excuse, il vous reste deux
minutes.
Mme Robillard: Le troisième point qu'on a voulu aborder
dans notre rapport était le concept de la responsabilisation.
Selon nous, s'il est essentiel que les droits des individus soient
connus, respectés et défendus, H n'en est pas moins Important de
réintégrer la notion de responsabilité comme tout aussi
essentielle. SI le rapport définit la responsabilité de
l'Ãtat en matière de santé mentale, il ne définit
pas la responsabilité des différents acteurs. à notre
point de vue, la responsabilisation est une notion qui doit transparaître
dans la politique de santé mentale et à tous les niveaux.
Donc, nous recommandons qu'on établisse des lignes claires; que
la responsabilisation de l'individu lui-même soit soulignée; que
tes Intervenants du réseau soient responsables - nous sommes tout
à fait d'accord avec la recommandation 2 du rapport en regard des plans
de services individualisés - et que les établissements
eux-mêmes, et non seulement le ministère, soient responsables de
l'évaluation de leurs programmes et, dans ce sens-là , qu'ils
puissent rendre compte de façon publique des résultats; que la
responsabilité de la planification donnée aux conseils
régionaux dans le projet de politique, si elle est maintenue, soit aussi
accompagnée d'une responsabilité de contrôle a posteriori -
on ne peut donner une planification et la dissocier du contrôle - et que
le ministère appuie à ce moment-là cette évaluation
de façon systématique.
Enfin, le dernier point, M. le Président. Nous parlons de la
formation des Intervenants qui, pour nous, constitue une pierre angulaire d'un
projet de politique. Nous ne pouvons que souscrire aux orientations qui sont
déjà dans le projet, mais, à cela, nous ajoutons que nous
aimerions bien que les intervenants soient formés aussi à toute
la dimension des droits et des lois qui protègent les personnes Ã
l'heure actuelle au Québec et à tous les problèmes
d'éthique soulevés par cette protection. Enfin...
Le Président (M. Baril): Madame...
Mme Robillard: ...une dernière recommandation. On aimerait
bien que cette politique fasse l'objet d'une étude d'impact pour qu'on
sache combien elle coûtera à l'ensemble de nos citoyens.
Le Président (M. Baril): Merci, madame. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
le Curateur public. On ne vous appelle pas la Curatrice publique?
Mme Robillard: Oui, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Ah bon!
Je veux remercier la Curatrice publique et l'équipe qui
l'accompagne pour son mémoire. Je crois comprendre du mémoire
que, dans l'ensemble, vous souscrivez au contenu du rapport Hamois, mais que
vous venez aujourd'hui préciser certaines préoccupations,
particulièrement en ce qui concerne la Curatelle publique et la
protection des droits des malades mentaux.
Vous mentionnez dans votre rapport, entre autres, concernant ces deux
lois... Je voudrais
revenir sur celte de la Curatelle publique parce que c'est une
préoccupation que nous avons; pour ma part, ]e me suis réjouie
qu'elle soit passée du ministre des Finances au ministre de la Justice,
pensant que, du point de vue des droits des malades mentaux, la loi pourrait
contenir une plus grande marge de manoeuvre pour le Curateur public.
En ce qui a trait à la Loi sur la protection du malade mental, il
est vrai que la loi 20 sur la protection des personnes est déjÃ
venue amender, corriger ou affirmer des principes fondamentaux concernant les
droits des personnes, mais je pense que le travail doit être
complété par une mise à jour de la Loi sur la protection
du malade mental. On a eu quelques observations à ce sujet-là ,
quoique pas très détaillées jusqu'à maintenant
Du côté de la Curatelle publique, c'est évidemment
une question qui, dans l'ensemble d'une politique, nous préoccupe
énormément, à tort ou à raison, et je ne pense pas
qu'il s'agisse ici de faire le procès de qui que ce soit En institution,
un certain nombre, je dirais même un bon nombre de problèmes
soulevés à l'endroit des malades étaient souvent
reliés à la présence plus ou moins efficace du Curateur
public ou de son représentant, ou peut-être davantage
reliés au fait que ce rôle du Curateur public était mal
défini ou pas très clair dans la loi et qu'il portait davantage
ou qu'on l'avait davantage exercé à l'endroit des biens des
malades plutôt que dans le respect de leurs droits comme personnes
humaines.
La première question que je voudrais vous poser, même si la
nouvelle loi n'est pas encore adoptée et donnera lieu, j'Imagine,
à des consultations en temps et lieu, est la suivante: Est-ce que, dans
le contexte de la loi actuelle, vous pouvez nous dire ce qui vous
apparaît comme étant les principales déficiences, ce qui
devient un obstacle pour vous dans l'exercice de votre mandat de protection des
personnes qui vous sont confiées?
Mme Robillard: Comme vous le savez, la Loi sur la Curatelle
publique remonte à 1945. Je dirais qu'elle a subi certains changements,
mais n'a jamais été révisée en profondeur dans son
droit substantif de sorte qu'Ã l'heure actuelle, quand on la regarde,
elle paraît vétuste à certains égards, comme je le
disais, et présente certaines lacunes fort importantes, surtout en
regard du droit des personnes. Je me réfère
particulièrement à tout le processus d'ouverture du régime
de la Curatelle publique, lequel, vous le savez, se fait par certificat
d'incapacité qui parfois inclut tes personnes, parfois ne les inclut
pas, parfois inclut les proches, parfois ne les inclut pas.
Il est bien évident qu'on a une lacune importante Ã
combler, de même qu'il y a une absence à l'heure actuelle au sein
de cette loi de mécanismes de contestation ou d'appel de la
décision qui vient d'être prise. Il faut aussi dire, comme autre
lacune, que cette loi ne fait aucune distinction ou gradation dans les besoins
des personnes à être protégées. C'est la même
chose concernant la procédure d'interdiction: ou vous êtes capable
ou vous êtes incapable. Donc, ou vous exercez tous vos droits ou vous ne
tes exercez plus du tout.
Je pense bien que la nouvelle Loi sur la Curatelle publique va apporter
des changements importants en regard de cela. Laissez-moi vous dire, Mme la
ministre, que le projet de loi qui a été sanctionné a
quand même un chapitre particulier sur le régime de protection des
majeurs qui touche le système de la curatelle et qui,
déjà , apporte beaucoup d'améliorations aux lacunes
présentes de la Loi sur la Curatelle publique.
Comme vous l'avez mentionné, au bureau du Curateur public,
pendant toutes ces années, on a surtout développé la
dimension de l'administration des biens et moins la dimension de la protection
de la personne. Cela devient aussi une difficulté Importante. Je peux
vous dire qu'Ã l'heure actuelle on ne peut assumer cette
responsabilité dans sa totalité quand on dit qu'on doit
représenter, dans l'ensemble du Québec, 14 000 personnes pour
tous les gestes Importants qu'elles ont à poser dans leur vie, alors que
la toi actuelle ne permet pas au Curateur public de déléguer
certaines de ses responsabilités. Voici une autre lacune: la
difficulté d'assumer aussi cette mission.
J'ose espérer qu'on pourra apporter des changements au courant de
l'année 1988. Déjà , nous avons commencé des
consultations dans le réseau de la santé et des services sociaux
en regard des difficultés et des solutions à apporter.
Mme Lavoie-Roux: Un des problèmes majeurs que vous
sembliez avoir et qui s'est dégagé en particulier du rapport sur
l'hôpital Rivière-des-Prairies, c'est toute la question des
consentements. Ãvidemment, là où vous n'étiez
curateur que pour l'administration des biens, Je pense que cela écartait
la question du consentement pour des traitements et ainsi de suite, mais dans
les cas où vous étiez curateur pour la personne également,
pensez-vous qu'il y a en place les mécanismes qui vous permettent
d'exercer ces responsabilités, particulièrement eu égard
aux traitements, décider de la cure fermée, de la cure ouverte?
Enfin, II semblerait que c'était le point qui était le plus en
souffrance; strictement en fonction des droits de la personne, normalement, le
curateur devait être informé, son consentement devait être
recherché.
Il y avait une foule de modalités qui faisaient que, finalement,
on pouvait s'excuser, en tout cas, ou on pouvait s'exempter de demander ce
consentement au curateur en partant d'une continuité de traitement, etc.
Ces difficultés peuvent-elles être aplanies dans le contexte
contexte actuel pour rendre le Curateur public plus efficace Ã
l'égard du respect des droits de la personne impliquée dans un
traitement?
Mme Robillard: Ce que je peux vous dire, c'est que les
difficultés ont été aplanies, mais ne sont pas toutes
résolues parce qu'il y a différentes dimensions de la vie d'un
individu pour lesquelles il doit donner son consentement. Donc, cela devient
très complexe. Pour aplanir les difficultés, ce qu'on a fait
cette année, c'est développer tout le secteur des droits de la
personne. Quant aux consentements médicaux, il y a maintenant au bureau
du Curateur public deux conseillers médicaux, deux médecins, qui,
régulièrement, conseillent la Curatrice publique en vue de donner
des consentements. Il y a aussi des professionnels des sciences humaines qui
ont été engagés pour regarder toutes les autres dimensions
et, si vous parlez de Rivière-des-Prairies, je pense de façon
particulière à tout le problème de la contention et de
l'isolement, mais on va au-delà de cela. Je pense que la question du
consentement a été mise sur la table cette année en regard
de l'hébergement même des personnes, de notre système
d'hébergement. (15 h 45)
Je dirais en regard aussi des plans d'intervention, que les
établissements d'hébergement et de soins de longue durée
se doivent de le faire pour chacun de leurs bénéficiaires et ils
nous demandent de consentir à ces plans d'Intervention. Alors tout cela,
graduellement, se développe au bureau du Curateur public, bien que ce ne
soit pas encore parfait
Mme Lavoie-Roux: Les institutions, si je comprends bien, sont
devenues plus conscientes de la présence du Curateur public et des
responsabilités du Curateur public qu'elles ne l'étaient dans le
passé.
Mme Robillard: Je pense que oui, je peux l'affirmer.
Mme Lavoie-Roux: Vous pariez aussi de votre conception de
Pombudsperson". Je pense que cette question a été soulevée
par plusieurs quant à son indépendance. Sous l'autorité de
qui devrait-Il être, ou de qui devrait-il dépendre, etc.? C'est
une question qu'il va falloir examiner de plus près, je pense. Tout le
monde s'entend sur une forme de système d"advocacy" pour la protection
des personnes malades. LÃ -dessus, on a besoin d'un peu plus de
réflexion, mais je ne pense pas que, fondamentalement, il y ait
d'objection majeure ou divergence majeure entre les différentes
personnes qui sont venues ici, sauf quant au rattachement et Ã
l'Indépendance de cette personne.
J'aimerais vous demander quelles sont vos relations avec les
comités de bénéficiaires en tant que curateur? Est-ce que
vos relations sont strictement avec les individus ou si vous avez des contacts
avec les comités de bénéficiaires?
Mme Robillard: Quand on regarde strictement la loi, le Curateur
public est le représentant d'une personne. A mon point de vue, il peut
être en relation et en collaboration avec tous les gens qui gravitent
autour de la personne même qu'on représente. à cet
égard, autant nous sommes en contact avec la direction et les
professionnels des établissements, autant nous essayons d'être en
contact avec les comités de bénéficiaires, surtout dans
les endroits où les comités de bénéficiaires sont
très actifs. Je peux vous dire que, cette année, on vit un projet
pilote avec un comité de bénéficiaires, celui de
Louis-Hippolyte-Lafontaine, dans une collaboration très intensive entre
le bureau du Curateur public et le comité pour faire en sorte qu'ils
exercent leur rôle de façon plus complète au sein de
rétablissement. Pour nous, ce sont des porte-parole, des Interlocuteurs
privilégiés. Quand on entre dans un établissement, quand
on est de plus en plus présent dans un établissement, autant les
professionnels ont des choses à nous dire en regard des personnes qu'on
représente, autant le comité des bénéficiaires est
un interlocuteur très privilégié pour nous.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je reviendrai plus tard.
Le Président (M. Baril): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Merci, M, le Président. Tout d'abord, votre
mémoire est bien, mais il est très théorique, madame.
Mme Robillard: Oui?
M. Chevrette: Aussi bien dire ce que je pense. Je vais vous poser
des questions sur le plan concret. J'ai connu l'ancienne Curatelle publique,
cela semble avoir changé. Je vais savoir en vous interrogeant si cela a
véritablement changé. Je voudrais savoir concrètement, au
sujet du malade mental qui n'a pas de famille - la politique est axée
sur la personne et la famille - quel est le rôle que joue la Curatelle
vis-Ã -vis de ce malade en l'absence de la famille par rapport Ã
la politique de santé mentale qui a été
déposée?
Mme Robillard: Par rapport au projet de politique de santé
mentale déposé, je peux vous dire que la Curatelle a exactement
la même orientation que le projet de politique, donc, l'implication de la
personne elle-même. Si elle n'a pas de famille autour d'elle,
l'orientation qui va être donnée, c'est d'essayer de voir les
proches qui sont autour de cette personne et non pas exclusivement des membres
de la famille proprement dite. Cela peut être des gens d'organismes
communautaires ou de groupes de défense
nismes communautaires ou de groupes de défense des droits ou
même de comités de bénéficiaires avec qui on va
essayer de collaborer pour être certain que le bien-être de cette
personne est assuré dans son milieu de vie. Bien sûr, on ne peut
faire cela sans la collaboration des professionnels du réseau de la
santé et des services sociaux.
M. Chevrette: Une dame est malade, elle est
déclarée atteinte de maladie mentale, elle a deux fils qui ne
s'entendent pas au conseil de famille. Le médecin recommande la
Curatelle publique et le fils, celui qui est le plus près d'elle, exige
que sa mère sorte de l'institution. La Curatelle publique refuse, alors
que c'est par moments que la maladie se manifeste, ce n'est même pas
identifié comme une maladie mentale lourde. Quelle est la
réaction de la directrice de la Curatelle publique vis-à -vis du
fait qu'un jeune est désireux de reprendre sa mère chez lui?
Est-ce que vous accéderiez à une telle demande?
Mme Robillard: Permettez-moi une question,
M. Chevrette: La personne dont vous parlez est-elle
représentée par le Curateur public ou si elle a un curateur
privé?
M. Chevrette: Par la Curatelle publique parce que le
médecin, en l'occurrence, devant les divergences sur le plan familial, a
décidé que ce serait la Curatelle publique qui s'en
occuperait.
Mme Robillard: Oui.
M. Chevrette: Je peux vous donner un cas précis.
Mme Robillard: On veut la sortir de l'institution, et c'est le
fils qui ne le veut pas.
M. Chevrette: Non, c'est la Curatelle qui refuse,
Mme Robillard: Nous refusons qu'elle sorte de l'institution. J'ai
de la difficulté à voir. Je ne peux pas vous répondre
à un cas précis...
M. Chevrette: Sous prétexte que vous administrez pour et
au nom... Je vous donne un cas concret, je vais répéter ma
question.
Mme Robillard: Oui.
M. Chevrette: II y a une divergence dans une famille et le
médecin exige que ce soit la Curatelle publique qui s'occupe de ladite
personne. Comme vous n'êtes pas là pour arbitrer entre deux fils,
vous administrez, on vous a confié une responsabilité et vous
administrez; je reconnais cela. Sauf qu'au moment où la personne est
victime elle n'a plus aucune décision à prendre. Il y a un de ses
fils qui veut avoir sa mère chez lui parce qu'elle souffre de pertes de
mémoire sporadiques; elle peut être comme vous et moi pendant deux
jours et devenir confuse pendant deux jours. à ce moment-là , il
n'y a aucune possibilité pour l'individu sans la signature de son
frère, sans un arbitrage ou une procédure juridique, d'en arriver
à sortir la personne de l'institution.
Mme Robillard: Je peux vous dire que, dans un cas conflictuel
semblable, un professionnel de la Curatelle devrait se rendre sur place,
d'abord, pour essayer de voir ce que la personne elle-même veut. Vous
savez, on a des gens qui sont sous Curatelle publique et qui ne sont pas encore
'Capables de prendre des décisions dans certaines sphères de leur
vie.
M. Chevrette: Mais si le psychiatre ou le médecin traitant
a déclaré qu'elle était Incapable d'administrer ses
biens...
Mme Robillard: Oui, mais même si une personne sous
Curatelle publique est capable d'administrer ses biens je peux l'associer aux
décisions qui la concernent dans la mesure de ses capacités.
M. Chevrette: Ne me dites pas que vous allez résoudre un
problème vieux d'un an et demi.
Mme Robillard: La première démarche sera de voir ce
que la personne veut, si elle est en mesure d'exprimer ce qu'elle veut.
Deuxièmement, il s'agira d'essayer de rencontrer les membres de sa
famille et de demander l'opinion des professionnels qui l'entourent. Je peux
vous dire que, dans des situations très complexes, rares sont les cas ou
on n'arrive pas à des consensus.
M. Chevrette: Donc, on peut en appeler d'une décision d'un
professionnel auprès de la Curatelle.
Mme Robillard: Sûrement, monsieur.
M. Chevrette: En s'adressant non pas à l'institution, mais
directement à ta Curatelle.
Mme Robillard: En s'adressant au bureau de la Curatelle. Ces
problèmes regardent justement mon secteur des droits de la personne
où il y a des professionnels en sciences humaines qui sont lÃ
pour éviter cela.
M. Chevrette: C'est bon à savoir.
Deuxième question, quand vous dites que c'est axé sur les
besoins de la personne, quel est le rôle de la Curatelle,
concrètement, le jour où la personne est prise en charge, par
exemple, dans un plan Individualisé de traitement? Quel est le
rôle de la Curatelle?
Mme Robillard: Le Curateur public est le
représentant de la personne. Cela veut dire que lui-même
n'est pas un distributeur de services à la personne. Il va aider la
personne pour qu'elle ait les services nécessaires pour répondre
à ses besoins, comme un curateur privé te ferait pour la personne
qu'il représente.
M. Chevrette: Est-ce que, dans des cas précis, vous avez,
dans un passé tout récent, tenté de provoquer la
rencontre, la réunification - pas la réunification, ça
serait un mauvais terme... Est-ce que vous avez, dans le passé ou dans
un passé plutôt récent, tenté de redonner une
curatelle privée à partir des proches et de la famille
plutôt que de garder l'administration publique?
Mme Robillard: Vous tombez en plein dans les orientations du
Curateur public pour 1988, M. Chevrette. Il y a des mesures qu'on essaie de
rendre incitatives pour essayer de voir qui, auprès de chacune de nos 14
000 personnes, pourrait assumer cette responsabilité-là . C'est
une des orientations de la boîte et cela a déjÃ
commencé. Je peux vous dire qu'il y en a déjà 14 000 qui
sont représentées par le Curateur public, mais, chaque mois, il y
en a 200 nouvelles qui sont référées au bureau du Curateur
public. Dans ce sens-là , on essaie aussi de sensibiliser davantage le
personnel du réseau de la santé et des services sociaux. Avant
même de se référer à la Curatelle publique, est-ce
qu'on ne pourrait pas _essayer_ de voir avec les membres de la famille qu'un
des leurs assume cette responsabilité?
M. Chevrette: Mais dans l'hypothèse où il y a
mésentente au sein de la famille - je reviens à cette
question-là parce que ça ne m'apparait pas... C'est clair sur le
plan théorique mais, sur le plan pratique, je ne suis pas certain que ce
soit ce qui se passe, sur le plan local; je ne dis pas à la Curatelle,
mais pour ceux qui vous font la recommandation cela ne vous arrive pas comme
par enchantement, cela vous est référé par quelqu'un. Il y
a des signatures de professionnels qui vous recommandent de prendre en charge
telle et telle personne. C'est ainsi que ça fonctionne. Est-ce que la
Curatelle, avant de dire oui spontanément à la demande du DS -
attendez, je ne me rappelle plus comment on l'appelle... Je ne me rappelle plus
son nom.
Mme Robillard: Le DSP.
M. Chevrette: Le DSP. Non. En tout cas, c'est le responsable de
la médecine, du conseil des médecins.
Mme Robillard: DSP.
M. Chevrette: C'est ça. Il signe et il vous envoie cela.
Est-ce que vous prenez la précaution au préalable de
vérifier si, dans la famille, il n'y aurait pas quelqu'un qui serait
capable d'assumer une curatelle privée, quelqu'un qui a des liens
très étroits, des liens filiaux entre la personne et la
patiente?
Mme Robillard: Vous savez, M. Chevrette, il faut vivre avec les
lacunes de notre loi actuelle. Quand je reçois un certificat
d'incapacité qui est d'abord signé par un psychiatre et qui l'est
aussi par le directeur des services professionnels, Ã partir du moment
où ce certificat est à mon bureau, la personne est
déjà sous la juridiction du Curateur public. C'est
déjà fait. Et je ne peux pas remettre en cause te certificat, pas
plus que la personne elle-même ou ses proches, à moins qu'elle ne
se présente devant un tribunal pour aller le faire annuler.
Alors, ce qu'on fait... Parfois, dans certaines situations - ce n'est
quand même pas dans toutes les situations - c'est fait de façon
très brutale et brusque pour la personne et sa famille. La famille
l'apprend même de notre propre voix, que la personne est sous curatelle.
Alors, vous pouvez vous imaginez la frustration et l'agressivité de la
famille, et avec raison. à partir du moment où on reçoit
un certificat d'incapacité, on avise immédiatement la famille
qu'elle est sous la juridiction du Curateur public et on l'invite à se
faire nommer curateur privé en tout temps, en tout temps, un membre de
la famille peut se faire nommer curateur privé même si la personne
est sous juridiction du Curateur public. En tout temps, la famille peut
commencer les démarches. Or, c'est ce qu'on essaie de faire.
Par ailleurs, il y a certains membres de la famille qui peuvent
résister à assumer cette responsabilité qui est, entre
parenthèses, très lourde; notre système actuel, sous
l'ancien Code civil, n'incite peut-être pas à cette
responsabilité-là . Heureusement, le projet de loi 20 va
l'assouplir pour encourager davantage un proche à être curateur
parce que, pour nous, c'est notre croyance très ferme: Qui est le mieux
placé pour représenter l'autre? Quelqu'un qui vit près
d'elle.
M. Chevrette: Si je vous pose la question, c'est parce
qu'à l'intérieur d'une politique de la santé mentale, n'y
aurait-il pas lieu, précisément, d'obliger par une
procédure spécifique, précise, claire les institutions, y
compris les professionnels de l'institution, à procéder
différemment? Au lieu de placer la famille devant une situation de fait,
au moins, qu'il y ait une démarche obligatoire parce que ce n'est pas
toujours fait, vous avez raison de le dire. On a des cas très
réguliers. Quand on fait du bureau de comté, iI y a des gens qui
nous arrivent et qui disent: Ma mère est sous Curatelle publique. On ne
peut plus rien faire. Là , la chicane prend, et à plus forte
raison, Ã part cela, s'il y a une maison en vue. Vous savez toute
l'histoire. Vous connaissez cela bien mieux que moi. On ne sent pas, dans
certaines institutions, une volonté d'Impliquer d'abord la famille. On
s'en remet trop facilement,
d'après moi, à votre structure.
(16 heures)
Mme Robillard: Vous avez raison, dans certaines institutions,
comme vous dites. Par ailleurs, dans d'autres institutions, elles sont
même d'avant-garde concernant tes changements à la Loi sur la
Curatelle publique dans le sens suivant. Vous savez que, présentement,
la loi ne prévoit aucune révision de ce certificat
d'incapacité, de sorte que cela fait six ans, sept ans et huit ans que
la personne est sous curatelle et on ne révise même pas sa
condition. Il y a des établissements psychiatriques au Québec qui
ont décidé eux-mêmes de mettre sur pied un système
de révision systématique de leurs cas sous curatelle. Souvent,
c'est dû à un manque d'information, je dirais, des
conséquences aussi importantes d'une curatelle, qu'elle soit
privée ou publique, sur la personne, ce qui fait que les professionnels
n'agissent pas. De plus en plus, on les sensibilise et je peux vous dire qu'on
a de plus en plus la collaboration des établissements et des
professionnels à Inclure la famille dans la démarche, ce qui
n'empêche pas qu'on ait des cas. Vous en connaissez et nous aussi.
M. Chevrette: Donc, dans le cadre d'une politique officielle
gouvernementale, vous seriez d'accord qu'on oblige, par une procédure
spécifique, les institutions et les professionnels à agir de la
sorte.
Mme Robillard: Est-ce que c'est dans le cadre- d'une "obligation
contenue dans une politique de santé mentale ou si ce n'est pas dans le
cadre de la révision de la Loi sur la Curatelle publique qu'on pourrait
songer à une obligation semblable?
M. Chevrette: Le premier réflexe doit être
développé auprès de ceux qui traitent la personne...
Mme Robillard: Oui.
M. Chevrette: ...et non pas de celui qui peut en hériter
un jour. Je vous pose la question, ce n'est pas pour rien. Si vous me dites que
c'est dans le cadre de notre loi, pourquoi les professionnels de la
santé sont-ils assujettis en fonction de la Loi sur la Curatelle
publique au lieu d'avoir une politique axée sur la personne? Je ne
comprends pas votre raisonnement.
Mme Robillard: Je vous dis qu'Ã l'heure actuelle la
procédure d'ouverture d'un régime de curatelle n'inclut pas
nécessairement obligatoirement les membres de la famille. Cela pourrait
être dans une loi.
M. Chevrette: Oui, mais si on veut développer le
réflexe, Mme Robillard?
Mme Robillard: Oui.
M. Chevrette: Si on veut développer le réflexe, au
niveau des professionnels oeuvrant en santé mentale ou des
catégories de professionnels oeuvrant en santé mentale,
précisément d'appliquer intégralement l'esprit et la
lettre de la politique éventuelle qui est axée sur la personne et
la famille et ses proches, il me semble que la volonté politique doit se
manifester clairement à l'Intérieur du cadre de la politique.
Bien sûr, il faudra subordonner votre loi ou la loi-cadre que vous avez
à cette politique. Mais si on subordonne le réflexe des
professionnels à une lof, à celui qui le prend en charge par la
suite, cela me paraît procéder à l'inverse.
Mme Robillard: Sûrement, mais, pour mol, c'était
déjà présent dans le projet de politique. Cela peut
être dit de façon plus spécifique, mais c'est
déjà dit dans le projet de politique que la personne est
centrale, est au centre de toutes les actions avec ses proches. Est-ce que vous
voulez le redire ou le réaffirmer dans le contexte du respect des
droits?
M. Chevrette: J'irais plus loin que cela. Mme Robillard:
Peut-être.
M. Chevrette: J'irais même vers une obligation inverse.
Ceux que vous avez déjà , qui ne vous appartiennent pas de droit,
devraient être l'objet d'une procédure à l'Inverse, les
deux à ta fois, pour tes professionnels d'avoir ce réflexe
famille-proches et le réflexe, après, en amendant votre loi, de
retourner vers la famille, vers les proches. LÃ , je pense qu'on aurait
le portrait le plus complet, le plus global.
Le Président (M. Baril): Je vous remercie, M. le chef de
l'Opposition. Je dois laisser la parole à M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Vous nous dites qu'il y
a actuellement environ 14 000 personnes qui sont soumises à la Curatelle
publique. Pourriez-vous nous donner une idée du total des biens que vous
devez administrer au nom de ces personnes, que la Curatelle a actuellement
à gérer? Combien cela représente-t-fl?
Mme Robillard: Vous savez que le Curateur public a d'autres
fonctions que celles-là mais, en regard de la fonction de curateur de
personnes, c'est un portefeuille d'environ 120 000 000 $.
M. Doyon: Quant à l'administration, est-ce que ce sont des
placements faits par la Curatelle soit dans des hypothèques, des
certificats de dépôt dans les banques? Où vont ces 120 000
000 $ qui sont administrés par vous au nom de vos
protégés?
Mme Robillard: Ici, il faudrait faire la
distinction par rapport au capital des personnes, si on parie bien des
liquidités ou des biens en tant que tels parce que vous savez qu'on
administre...
M. Doyon: Parlons des liquidités tout d'abord.
Mme Robillard: C'est sûr qu'actuellement, c'est un
portefeuille collectif qui doit être géré selon les
règles actuelles du Code civil, donc, avec beaucoup de prudence. Les
placements ne sont faits que sur le marché obligataire au moment
où je vous parle, donc, dans le domaine des obligations
essentiellement.
M. Doyon: En ce qui concerne les propriétés
immobilières, en fait, tout ce qui n'est pas liquidités, cette
administration se fait aussi par vous, par des spécialistes. Vous
confiez des contrats ou vous le faites vous-mêmes?
Mme Robillard: On a une section immeubles-assurances qui fait la
gestion d'immeubles au bureau du Curateur public.
M. Doyon: Vous autres mêmes.
Mme Robillard: Ouf.
M. Doyon: Dans votre rapport, est-ce que vous publiez
annuellement le rendement de... Parlons des_ immeubles d'abord, de ce que
ça rapporte, des prises de valeurs, des ventes, etc.
Mme Robillard: De façon détaillée, pour les
14 000 personnes...
M. Doyon: Non, mais globalement.
Mme Robillard: De façon globale, oui, ce sera dans le
rapport qui sera déposé sous peu à l'Assemblée
nationale et même, au niveau du portefeuille collectif, les
intérêts qui sont rapportés annuellement. Tout cela se fait
en conformité... Je dois vous dire que la loi actuelle prévoit
que le Curateur est conseillé par un comité de placements; trois
membres nommés par le gouvernement me conseillent dans les placements
à faire pour la gestion des biens. Actuellement, ce comité est en
vigueur...
M. Doyon: II est en place.
Mme Robillard: Oui, il fonctionne.
M. Doyon: Qui sont les trois personnes à ce
comité?
Mme Robillard: M. Guy Monfette qui est surintendant des
assurances au bureau de l'Inspecteur général des institutions
financières, M. Yvon Sauvageau qui est vice-président Ã
l'Industrielle et M. Chaput qui est professeur de finances Ã
l'Ãcole des Hautes études Commerciales.
M. Doyon: Ces personnes-là sont nommées pour une
certaine période de temps.
Mme Robillard: Elles sont nommées pour trois ans et leur
nomination est renouvelable par décret gouvernemental.
M. Doyon: Est-ce que ce comité existe depuis un certain
temps?
Mme Robillard: Ce comité était déjÃ
en fonction à mon arrivée en décembre 1986.
M. Doyon: Ãtes-vous en mesure de nous dire le taux de
rendement? Parlons d'abord des liquidités. Savez-vous ce que rapportent
actuellement les liquidités des gens qui sont...
Mme Robillard: Je peux vous dire que pour la dernière
année - si vous me parlez du dernier trimestre, on fait un rapport
trimestriel - cela s'est situé autour de 13 %. On était au-dessus
de l'indice McLeod et, pour le dernier trimestre, on a versé autour de
10 % aux gens, Ã ce qu'on me dit.
M. Doyon: Pour ce qui est des immeubles, est-ce que vous avez
aussi un indice quelconque? Je comprends que c'est plus compliqué.
Mme Robillard: Non, on n'a pas d'indice quelconque Ã
l'heure actuelle.
M. Doyon: Si je me souviens bien, il y a eu des
difficultés, Mme Robillard, enfin, des critiques qui sont parues dans
les journaux - cela date peut-être d'avant votre époque - sur la
façon dont étaient administrés les biens des gens qui
étaient entre les mains de la Curatelle publique. Est-ce que des
changements ont été effectués pour corriger certaines
situations ou si, Ã votre connaissance, la situation est telle qu'elle
était à ce moment-là ?
Mme Robillard: Je ne sais pas si vous vous référez
exactement...
M. Doyon: Je me réfère à des
difficultés qui ont eu lieu il y a quelques années, deux ou trois
ans, je dirais.
Mme Robillard: D'accord. Je pense que ce qu'on reprochait au
Curateur public à ce moment-là , c'était de ne pas faire de
placements à partir de son compte d'opérations. Vous savez, c'est
comme un particulier, II y a un compte d'opérations et un compte de
placements à long terme. Le compte d'opérations a des variations
très Importantes au bureau du Curateur public. La journée
où nous recevons l'ensemble des pensions de vieillesse, par exemple, le
compte
d'opérations peut monter à 2 000 000 $ et, trois jours
plus tard, il sera descendu à 200 000 $. à l'époque, il ne
se faisait pas de gestion d'encaisse à partir de ce compte. Comme dans
plusieurs milieux aussi, il pouvait y avoir des lacunes. Tout ce que Je peux
vous dire, c'est qu'en 1987 et 1988 une gestion d'encaisse se fait, donc, il y
a des placements à court terme.
M. Doyon: Donc, des mesures correctives ont été
apportées.
Mme Robillard: Oui.
M. Doyon: Merci, M. le Président
Le Président (M. Baril): Merci, M. le député
de Louis-Hébert M. le député de Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président, Je voudrais revenir
au système d"advocacy* proposé ici dans le mémoire de Mme
la Curatrice publique. Dans un premier temps, je voudrais savoir comment vous
réagissez à des préoccupations évoquées
jusqu'Ã maintenant devant nous, Ã savoir qu'avant de mettre en
place soit un système développé d'"ombudsperson". comme
celui auquel il est fait allusion dans le rapport Harnois, ou un système
d'"advocacy" comme celui que vous proposez avec un certain nombre de
détails, It fallait peut-être finalement permettre aux
comités de bénéficiaires de Jouer encore plus et mieux
leur rôle, quitte peut-être même à réviser les
droits et les pouvoirs qu'on pourrait leur confier. On a senti, Ã
l'occasion en tout cas, une certaine réticence dans certains milieux
à adopter encore une nouvelle formule avant, de ce que j'en comprends,
que les comités de bénéficiaires aient vraiment
été au bout de ce que cette formule pourrait permettre, quitte
à y rajouter des moyens. Comment réagissez-vous, compte tenu du
fait que vous ayez déjà eu des relations avec les comités
de bénéficiaires dans le cadre de votre mandat
général? Comment réagissez-vous, une fois
sensibilisée à cette réaction que certains ont eue? Est-ce
que vous maintenez le fait que vous souhaitez plutôt voir un
système d'"advocacy" développé comme celui que vous
proposez ou si, compte tenu de l'expérience que vos services
possèdent et tout cela, vous seriez prête à envisager
l'idée d'aller peut-être plus loin avec les comités de
bénéficiaires avant de mettre en place toute une quincaillerie de
procédures d'un système d'"advocacy"?
Mme Robillard: Si vous le permettez, je vais demander Ã
Mme Landry d'expliciter davantage.
Mme Landry-Balas (Louise): Le système d"advocacy" tel
qu'il existe aux Ãtats-Unis et tel qu'on le propose en Ontario, entre
autres, est un système plus large qui va s'adresser d'ailleurs non
seulement aux personnes dans les institu- tions, mais, quand on parle de
désinstitutionnalisation, on sait très bien que les personnes les
plus vulnérables à partir de l'Institution seront celles qui vont
se retrouver en société parce qu'elles n'auront plus ces murs
protecteurs. Le comité de bénéficiaires joue, je crois, un
rôle Important; dans un processus de désinstitutionnalisation, je
pense cependant que le système d"advocacy" auquel on pense est un
système beaucoup plus large dans lequel les comités de
bénéficiaires auraient possiblement, je pense, un rôle
à jouer.
Cependant, je ne pense pas que la protection des droits des Individus
doive contenir ou regrouper que des bénéficiaires. Je pense que
la communauté, l'ensemble des individus qui forment une
société, a un devoir de protection et le système
d'"advocacy", c'est cela. On parle de ramener à la communauté les
Individus, alors, II faut qu'on implique la communauté de
différentes façons. L'une des façons qui nous a
semblé plus importante, c'est celle de voir à leur protection
première, celle d'être éveillé aux besoins qui
peuvent être remarqués par un voisin, par un ami, par quelqu'un
qui va dans le métro et qui voit qu'on y place un individu pour
quêter ou quoi que ce soit, qu'on ait un système au Québec
auquel on peut rapporter toutes ces choses-là . Je pense que c'est plus
large que ce que vous venez de mentionner, mais cela ne l'exclut absolument
pas.
M. Rochefort: D'autre part, vous ajoutez, dans les fonctions que
vous souhaiteriez voir assumer par ce système: et d'adopter les mesures
correctrices qui s'imposent Est-ce que je dois donc conclure que vous allez
jusqu'à dire que ce système, ces comités régionaux
pourraient avoir les pouvoirs d'Imposer des modifications, par exemple, quant
aux services d'un bénéficiaire? Jusqu'où allez-vous donc
dans ces pouvoirs de modification du plan de services? (16 h 15)
Mme Landry-Balas: Je dois vous dire qu'il s'agit d'abord de
propositions qui, pour l'instant, sont encore assez globales. On a eu beaucoup
de difficultés à traduire te mot "advocate". Dans un document
qu'on a eu de l'Ontario, on a traduit cela par "intervenant", ce que nous avons
choisi de ne pas adopter parce que "Intervenant" veut souvent dire "celui qui
distribue les services." C'est très large.
Dans un certain document, on a employé le mot "défenseur".
Je mentionne cela parce que, possiblement, c'est ce que la personne, les
individus et le système auraient à faire. C'est de voir Ã
des besoins qui ne sont pas nécessairement des services, qui peuvent
aussi l'être, mais de voir aux besoins d'un individu, SI l'Individu est
intéressé à être représenté, Je pense
que le fait que l'individu veuille ou acquiesce de quelque façon
à avoir quelqu'un qui puisse le défendre est important et que ce
défenseur puisse aller aux différentes instances pour voir
que les actions correctives puissent être faites. C'est cependant
non légal, c'est-à -dire que ce n'est pas un avocat, quelqu'un qui
va aller défendre en cour ou quoi que ce soit. Pour nous, c'est distinct
de la représentation par une curatelle comme telle, où il y a une
représentation légale d'un individu incapable.
M. Rochefort: Oui mais...
Le Président (M. Baril): ...que vous poseriez une
dernière petite question.
M. Rochefort: J'achève, M. le Président, il n'y a
pas de problème.
Je comprends que vous nous répondiez peut-être en fonction
des mandats qui sont les vôtres, de la loi qui est la vôtre et de
l'évolution que vous voulez qu'elle connaisse. On comprend bien qu'une
fois le système en place il n'existera pas simplement pour les fonctions
qui sont celles de votre service. Je trouve que c'est une question très
importante à laquelle il faut qu'on apporte, d'après moi en tout
cas, à un moment donné une réponse claire.
Je pose ma question: Est-ce que vous allez jusqu'Ã dire que ce
système... Par exemple, si c'était plutôt le droit
d'une personne qui était retenu comme formule, est-ce que ce
système devrait aller Jusqu'à imposer, à avoir un peu une
forme de capacité d'exécution des jugements, des analyses, des
évaluations?
Mme Landry-Balas: Je tendrais à dire qu'il ne peut pas
Imposer, il peut demander.
M. Rochefort: D'accord. Pouvoir de recommandation, d'attirer
l'attention.
Mme Landry-Balas: Défendre. Un aspect très
important, je le répète, c'est que l'individu qui doit recevoir
ces services, cette défense, soit d'accord avec les pas qui se font.
M. Rochefort: D'accord. Merci.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. Mme la
députée de Marie-Victorin, si vous vouiez bien conclure en
remerciant nos invités.
Mme Vermette: Oui, M. le Président. Je voudrais remercier
Mme Robillard pour l'exposé qu'elle vient de nous faire en ce qui
concerne la Curatelle publique. J'ose espérer que cette ouverture
d'esprit dont vous commencez à faire preuve, en tout cas depuis un
certain temps, se traduira concrètement dans la réalisation,
d'autant plus pour la personne qui doit justement subir très souvent les
préjudices, et que cette orientation vers la famille sera de plus en
plus présente dans l'orientation de nos politiques. Je vous
remercie.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup.
Mme la ministre, le mot de la fin.
Mme Lavoie-Roux: Ã mon tour, je veux vous remercier. Je
pense que c'est peut-être la première discussion un peu plus
poussée qu'on ait eue des lois qui vont devoir être
corrigées et accompagner la politique. Cela me paraît
extrêmement Important, compte tenu que la protection des droits de la
personne dans ce secteur est un élément fondamental de toute
politique. Je vous remercie.
Le Président (M. Baril): à mon tour, Mme Robillard,
je vous remercie ainsi que votre groupe de vous être
présentés cet après-midi. Je vous souhaite un bon voyage
de retour. Je vous remercie.
Mme Robillard: Merci beaucoup de nous avoir entendus.
Le Président (M. Baril): J'invite le Comité des
bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard, s'il vous
plaît, à se présenter.
Le Président (M. Baril): à l'ordre, s'il vous
plaît!
Si on manque de place, vous pouvez vous asseoir dans les bouts. MM. les
invités, si vous manquez de place, vous pouvez vous asseoir dans les
bouts. Ne vous gênez pas. Prenez place. M. Perreault, j'Imagine.
M. Perreault (André): C'est moi.
Le Président (M. Baril): Je vous souhaite la bienvenue et
si vous voulez vous présenter ainsi que vos invités, s'il vous
plaît. Je tiens à vous faire remarquer que j'essaie d'être
assez strict pour demeurer à l'heure. Vous avez 20 minutes pour nous
parier de votre mémoire.
Comité des bénéficiaires du
centre hospitalier Robert-Giffard
M. Perreault: J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue Ã
tous. Je veux me présenter: André Perreault. Je suis
président du Comité des bénéficiaires du centre
hospitalier Robert-Giffard et je suis aussi membre du conseil d'administration
du centre hospitalier Robert-Giffard. Je veux tout d'abord remercier Mme la
ministre, M. le Président de la commission parlementaire, M. le chef de
l'Opposition, ainsi que tous les membres de la commission parlementaire d'avoir
bien voulu nous accueillir pour présenter notre mémoire
aujourd'hui.
J'aimerais aussi présenter les membres du Comité des
bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard. J'ai ici,
à ma droite, M. Charles Rice, secrétaire du comité et
membre du conseil d'administration du centre hospitalier Robert-Giffard; M.
Roger Grandmont, vice-président du comité; à ma gauche, M.
André Vallière, bénévole
actuellement au comité; M. Mario Lortie, permanent au
comité des bénéficiaires et M. Paul Boilard, conseiller au
comité des bénéficiaires. Il a été dans le
passé procureur de la couronne à Montréal. Il a
été aussi journaliste au Soleil et attaché de presse de M.
Daniel Johnson, ancien premier ministre, autrefois.
M. Chevrette: Daniel père.
M. Perreault: C'est ça. Après avoir lu le rapport
avec beaucoup d'intérêt, nous constatons que M. Harnois a
oublié de souligner la présence des comités de
bénéficiaires qui sont les porte-parole des premiers
Intéressés du système, c'est-à -dire ceux pour qui
nous sommes réunis aujourd'hui. Le but de notre intervention est de
souligner ces lacunes et de sensibiliser la commission à l'Importance
d'un comité de bénéficiaires comme le nôtre Ã
l'intérieur d'un système qui dit vouloir se faire plus
près des usagers.
Notre mémoire se divise en trois volets: d'abord, les droits, les
comités de bénéficiaires et la
désinstitutionnalisation. J'aimerais laisser la parole à mon
collègue, M. Charles Rice, qui va vous parler des droits.
M. Rice (Charles): Bon, c'est ça. Comme le disait mon
collègue, quand on a lu le rapport Harnois, on a été un
peu déçu de constater qu'il y avait très peu de lignes
consacrées à la question des droits et à la qualité
de vie en milieu, Institutionnel. Pourtant, il y a eu beaucoup" de choses qui
se sont brassées à ce niveau depuis les cinq dernières
années. On n'a qu'à penser à la mise sous tutelle de
Louis-H.-Lafon-taine et aux événements qui ont conduit Ã
cette tutelle. On n'a qu'à penser aussi à une enquête qui a
été faite sur la violence et la sexualité au centre
hospitalier Robert-Giffard et à une enquête que nous avons faite
nous autres mêmes aussi. On n'a qu'à penser aussi Ã
l'enquête à l'hôpital de Rivière-des-Prairies, le
fameux rapport Shadley. On se demande si le comité Harnois l'a lu. On
n'en fait même pas mention dans la bibliographie du rapport.
Enfin, it y a la lettre de démission de l'ombudsman de
Rivière-des-Praires aussi. On se demande si le comité en a tenu
compte. C'est ça. On a l'Impression, en gros, que te comité
Harnois a fait l'autruche par rapport aux situations qui prévalent
actuellement dans les hôpitaux psychiatriques. On trouve cela
déplorable. Le but, c'était de sensibiliser un peu la commission
sur ce qui se passe dans les hôpitaux. On aimerait proposer des choses
concrètes pour améliorer la situation.
La situation qui prévaut actuellement dans nos hôpitaux
n'est pourtant pas nouvelle. On ne peut d'ailleurs la dissocier du contexte
historique dans lequel la psychiatrie a évolué au Québec
depuis le début du siècle. Les dinosaures asilaires tels que
Robert-Giffard font, en quelque sorte, partie de notre patrimoine. Non
seulement avons-nous hérité de l'asile, mais aussi de certaines
pratiques qui, aujourd'hui, ne sauraient être tolérées dans
une société respectueuse des droits de la personne.
Il appert donc que les lacunes proviennent de l'exercice des droits et
non des droits eux-mêmes. Le comité Hamols le reconnaît
explicitement lorsqu'il affirme que les lois "sont généralement
peu Indicatives de ta façon dont le respect des droits peut, en
pratique, être raffermi, protégé et promu."
Le rapport propose la nomination d'une "ombudsperson" dans chaque
conseil régional. Nous avons de fortes réserves quant Ã
l'application de cette recommandation, non pas que nous soyons en
désaccord avec le principe de l'"advocacy", mais notre vision de ce
rôle diffère largement de celle du comité Harnois.
Ce système devrait avant tout être autonome par rapport au
réseau de la santé et des services sociaux. Il devrait aussi
posséder des pouvoirs suffisamment larges pour lui permettre d'exercer
ses fonctions. A la recommandation 3 du rapport Harnois, on ne parte aucunement
de pouvoirs par rapport à l'"ombudsperson". Je trouve que cela serait
important qu'on précise cela. Parmi les pouvoirs qu'on pourrait lut
reconnaître, on pourrait penser, par exemple, à un pouvoir
d'enquête coercitif, au pouvoir d'agir de sa propre Initiative, Ã
la possibilité d'avoir recours en justice et d'avoir accès aux
dossiers médicaux. Enfin, un point important, ces pouvoirs devront
être reconnus et protégés par une loi. On aimerait que vous
légifériez sur cette question.
Par ailleurs, il faut éviter à tout prix de bureaucratiser
ce système. Il devrait de préférence avoir une assise
régionale et impliquer les usagers et les citoyens dans son
organisation. Par exemple, en s'inspirant du modèle américain,
une telle instance pourrait être administrative-ment chapeautée
par un conseil d'administration formé majoritairement d'usagers,
d'ex-usagers et de parents.
Nous recommandons donc la création d'un système national
d'"advocacy" couvrant toutes les régions du Québec et
indépendant du réseau de la santé et des services
sociaux.
Nous recommandons qu'on légifère le cadre dans lequel ce
système exercera ses fonctions et lui reconnaisse, notamment, un pouvoir
d'enquête, le pouvoir d'agir de sa propre initiative et d'avoir la
possibilité de consulter les dossiers médicaux et d'avoir recours
à la justice.
Enfin, nous recommandons de régionaliser administrativement le
système en impliquant les usagers et les parents dans l'organisation de
cette structure.
Quant aux modalités précises par lesquelles un tel
système pourrait être implanté, nous croyons que cet aspect
devrait faire l'objet d'une réflexion plus poussée. Les
comités de bénéficiaires et les organismes voués
à la défense des droits devraient être associés
à cette réflexion.
Nous recommandons donc la formation d'un
comité de travail chargé d'élaborer un tel
système et que les représentants des comités de
bénéficiaires et des organismes voués à la
défense des droits soient invités à faire partie de ce
comité.
J'ai remarqué tantôt que le député de Gouin a
posé une question extrêmement pertinente, à savoir si ce
système devrait avoir des pouvoirs pour contraindre les
établissements à agir. Selon nous - on s'est quand même
interrogé là -dessus - on pense que, dans un tel système,
on serait peut-être mal placé pour le faire. On recommande, en
revanche, d'élargir de façon Importante la juridiction de la
Commission des affaires sociales. Ce n'est pas tout de prévoir des
mécanismes qui aident les personnes à faire valoir leurs droits;
encore faut-il qu'une Instance soit habilitée à trancher les
litiges et à régler les différends entre les parties.
Contrairement à d'autres secteurs, comme le travail ou l'habitation, il
n'existe aucune instance dans le système de santé et des services
sociaux habilitée à agir ainsi. En effet, le système
actuel n'établit aucun mécanisme formel de révision qui
garantirait une appréciation au mérite des plaintes par une
Instance compétente. Les CRSSS ne sont pas tenus de procéder par
audition formelle, ni d'entendre toutes les parties impliquées.
D'ailleurs, le CRSSS a simplement un pouvoir de recommandation et ne
possède aucun pouvoir correctif à l'égard des
établissements.
La Commission des affaires sociales nous paraît l'instance tout
indiquée pour remplir un tel rôle, ta commission a
déjà juridiction sur certains droits spécifiques,
notamment en ce qui concerne la révision d'une cure fermée ou
l'accès au dossier médical. Elle peut aussi être saisie
d'une plainte d'un usager si cette plainte a été acheminée
au CRSSS et que ce dernier estime que les droits de l'usager sont mis en
péril par l'attitude de l'établissement. De façon
générale, cette procédure est très peu
utilisée et l'usager ne peut lui-même s'adresser directement
à la commission ou forcer le CRSSS à le faire.
Nous recommandons qu'on élargisse de façon importante la
juridiction de la Commission des affaires sociales pour permettre aux usagers
de s'adresser directement à elle lorsqu'un droit reconnu par la Loi sur
les services de santé et les services sociaux n'est pas
respecté.
Je cèderai la parole à mon collègue, André,
pour vous expliquer la partie sur les comités de
bénéficiaires.
M. Perreault: Au sujet des comités de
bénéficiaires, cela va se faire en quatre parties. La
première partie, c'est la reconnaissance et le rôle du
comité. En 1985, lorsque nous avons déposé un
mémoire sur les conditions de vie des résidents, on nous a
coupé les vivres. D'un budget initial de 40 000 $, nous nous sommes
retrouvés avec un budget non chiffré.
Cet incident illustre bien les limites dans lesquelles nous sommes
appelés à fonctionner et relance tout le débat sur
l'autonomie et la marge de manoeuvre que doit posséder un comité
de bénéficiaires pour remplir ses fonctions. Nous aurions
souhaité que le comité Harnois reconnaisse le rôle
nécessaire que doit jouer un comité de
bénéficiaires au sein d'un établissement et, dans un sens
plus large, dans la réalisation d'une politique comme celle qui est
proposée. (16 h 30)
Permettre aux usagers d'être représentés et de se
prononcer de façon collective est sans aucun doute une des principales
fonctions du comité. Dans ce contexte, le comité des
bénéficiaires est plus qu'un simple acteur, il est un partenaire
privilégié.
La recommandation qu'on voudrait faire, c'est que la politique de
santé mentale reconnaisse formellement la place et le rôle des
comités de bénéficiaires dans la réalisation de
cette politique et qu'on donne une interprétation plus claire de la loi.
La loi n'est vraiment pas claire à certains niveaux.
La deuxième partie, c'est l'Incorporation des comités de
bénéficiaires. Même si les comités de
bénéficiaires sont reconnus par la loi, la situation
légale dans laquelle ils sont appelés à fonctionner n'est
pas claire et porte à confusion. N'étant pas Incorporé, te
statut juridique des comités s'apparente davantage à une instance
administrative au sein même de l'établissement, dont le rôle
est purement consultatif, plutôt qu'à une entité autonome
ayant ses racines à la base.
Par exemple, n'étant pas Incorporé, le comité ne
peut gérer son propre budget sans l'intermédiaire de
l'établissement qui agit comme fiduciaire. Il ne peut non plus obtenir
une subvention de l'extérieur de l'établissement parce que la
plupart des bailleurs de fonds exigent que l'organisme soit incorporé.
Enfin, il peut difficilement être reconnu comme entité autonome de
rétablissement parce qu'il ne jouit d'aucune personnalité
juridique.
Nous sommes d'avis que l'Incorporation des comités de
bénéficiaires permettrait de clarifier la situation et
confirmerait le rôle nécessaire qu'il doit jouer au sein du
réseau de la santé et des services sociaux. Nous faisons donc
cette recommandation: Que l'on ajoute à l'article 118.1 de la Loi sur
les services de santé et les services sociaux une disposition permettant
aux comités de bénéficiaires de s'incorporer en vertu de
la troisième partie de la Loi sur les compagnies.
Troisième partie, financement des comités. Les
modalités de financement des comités de
bénéficiaires posent aussi de sérieux problèmes.
L'article 118.1 indique que le centre hospitalier doit prévoir les
normes de financement du comité. Ces normes de financement sont
actuellement l'un des plus Importants enjeux qui opposent les comités
aux institutions.
Le financement est laissé à la discrétion
des hôpitaux qui, finalement, décident du montant qui sera
accordé et du type d'activités qui seront financées. Par
exemple, en 1984, quand le mémoire sur les conditions de vie a
été publié - je pense que tout le monde en a entendu
parler un peu - le budget du comité de bénéficiaires a
été coupé et il a compris une chose: c'est qu'il ne devait
pas trop parler et pas trop faire de bruit à ce moment-là , le
budget était laissé à la discrétion de
l'établissement. Notre comité compte seulement un permanent qui
s'occupe surtout du secrétariat, alors qu'on aurait besoin d'au moins
quatre employés pour remplir le rôle que nous confère la
loi et pour défendre les Intérêts des usagers dans un
établissement d'envergure comme te nôtre.
En ce qui a trait aux modalités par lesquelles un financement
hors hôpital pourrait prendre forme, différentes hypothèses
pourraient être envisagées. On pourrait, par exemple, fixer par
décret un pourcentage du budget de l'établissement que ce dernier
serait tenu de verser au comité. Le comité pourrait aussi obtenir
son financement directement du ministère ou de l'Office des personnes
handicapées qui finance déjà des organismes voués
à la défense des droits des personnes handicapées.
Même si elle implique une modification de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux, nous privilégions cette
dernière formule parce qu'elle respecte davantage le principe de
l'autonomie des comités.
Comme je le disais tantôt, c'est surtout quand on a fait des
choses, quand on a défendu les intérêts des
bénéficiaires et présenté des mémoires que
le budget a été coupé. Je tiens vraiment Ã
préciser une chose, c'est qu'en ce qui a trait à l'ameublement
des locaux, Ã tout ce qui regarde les loisirs, on peut exprimer vraiment
notre entière satisfaction. On a un vidéo, un système de
son, on a vraiment tout ce qu'il faut sur le plan de l'équipement
à ce niveau, on n'a Jamais eu de problème, on est satisfait de ce
que l'établissement nous accorde.
C'est pourquoi nous faisons cette recommandation pour le financement:
Que les comités de bénéficiaires soient financés
directement par le ministère de la Santé et des Services sociaux
ou par l'Office des personnes handicapées du Québec.
Quatrième partie, la composition d'un comité de
bénéficiaires. Le comité de bénéficiaires
est formé de trois bénéficiaires Internes, selon la loi,
ou, s'il y a lieu, de deux bénéficiaires externes, qui
reçoivent des services externes, ou de deux bénévoles. Or,
cette disposition de la loi ne convient pas à la réalité
d'un centre hospitalier comme le nôtre. Au moins 1500 personnes
reçoivent des services externes et la tendance risque de s'accentuer
avec la venue de la désinstitutionnalisation. La loi limite la
participation de ces personnes en assimilant cette catégorie d'usagers
aux candidats bénévoles. Toutefois, les usagers externes devront
être considérés au même titre que les internes dans
la composition du comité.
Nous recommandons donc de modifier l'article 118.1 de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux afin de permettre aux
bénéficiaires qui reçoivent des services externes de faire
partie du comité des bénéficiaires au même titre que
les internes. Actuellement, aussi, on a mis sur pied une
fédération. On a notre charte depuis un an. C'est une
fédération de comités de bénéficiaires qui
est reconnue par la loi au plan des comités de
bénéficiaires oeuvrant dans les hôpitaux à vocation
psychiatrique.
J'aimerais laisser la place à André Vallière ou
à Mario Lottie, ensemble peut-être, qui vont nous parler du plan
de désinstitutionnalisation.
Le Président (M. Leclerc): En vous rappelant qu'il vous
reste cinq minutes.
M. Vallière (André): Membres de la commission, il
me fait plaisir aujourd'hui de pouvoir exprimer, au nom du comité des
bénéficiaires, les idées que nous avons retenues au sujet
de ta désinstitutionnalisation.
Nous croyons fermement qu'un processus de
désinstitutionnalisation doit s'établir selon deux étapes
bien précises. Premièrement et Idéalement, un processus de
désinstitutionnalisation devrait s'amorcer sans aucun doute Ã
l'Intérieur des institutions. Il faut bien voir que cette assertion est,
en partie, vraie parce que dans les institutions on prépare les
bénéficiaires à leur sortie. Mais une lacune que nous
avons remarquée - c'est là où ça cloche - c'est au
chapitre de ta consultation des bénéficiaires. Je ne sais pas si
on est resté avec une Image un peu archaïque de ce qu'une personne
ayant des problèmes de santé mentale peut être, mais on ne
fait pas toujours confiance et on ne laisse pas toujours la possibilité
aux bénéficiaires de s'exprimer sur ce qu'ils pensent de la
désinstitutionnalisation.
Nous, ce que nous pensons, c'est qu'il est urgent d'établir une
vraie démocratie en ce qui concerne la désinstitutionnalisation
parce qu'on pense que les bénéficiaires sont les premiers
Intéressés dans cette cause-là . C'est une étape de
vie qui est la leur. Donc, on est sûr qu'il faut vraiment consulter les
bénéficiaires pour qu'ils puissent s'exprimer, donner leur
opinion et amorcer une réflexion sur la
désinstitutionnalisation.
Ce qui arrive, comme je le disais tantôt, c'est qu'on pense tout
le temps que les bénéficiaires ne sont peut-être pas des
interlocuteurs valables, capables d'avoir des opinions et d'être
autonomes. C'est faux parce que ce sont des personnes capables d'avoir des
pensées et d'avoir des idées. Par exemple, on a voulu organiser
une journée forum sur la désinstitutionnalisation Ã
Robert-Giffard et, tout de suite, la direction a posé ses
conditions.
Ce que nous voulons, c'est que les bénéfl-
claires puissent vraiment s'organiser entre eux et venir ensemble
s'organiser et parier de la désinstitutionnalisation sans
nécessairement avoir ta direction à leur côté. Comme
dans toute organisation, quand les syndicats font des représentations,
les patrons ne sont peut-être pas tout le temps là . On pense que,
pour les bénéficiaires, c'est la même chose. Ils peuvent
être ensemble, discuter et réfléchir sur la
désinstitutionnalisation sans que la direction Impose sa
présence.
Dans ce sens-là , on recommande d'accorder au comité de
bénéficiaires les sommes, les moyens et les ressources pour
lancer un véritable débat dans les institutions afin que les
usagers s'expriment sur ta question de la désinstitutionnalisation. Nous
recommandons aussi que cette étape de consultation des usagers soit
prérequise et achevée avant d'amorcer tout projet parce qu'on
considère que les bénéficiaires ont leur mot à dire
dans la désinstitutionnalisation.
M. Perreault: J'aimerais aussi laisser la parole à M.
Grandmont pour le mot de conclusion.
M. Grandmont (Roger): Pour conclure, je veux faire part de mes
commentaires à la commission parlementaire. J'ai assisté, ta
semaine dernière, aux auditions et je suis content d'avoir vécu
cette expérience. Comme vous le savez lorsque nous sommes pris avec ces
sortes de maladies, personne ne nous invite à venir parier de nos
conditions de vie. Dans ces lieux où les parents et les amis ne veulent
plus venir, la raison qu'ils donnent, c'est qu'ils n'aiment pas les portes
barrées. Lorsque j'ai assisté aux travaux, la semaine
passée, j'ai senti que les membres de la commission travaillaient pour
le bien du malade mental qui est considéré comme le plus
oublié de toute la terre.
Si un pays est jugé selon les soins qu'il donne à ses
minorités, on peut dire que la société
québécoise a à se questionner sur le sort qu'elle
réserve aux personnes prises avec des problèmes de santé
mentale. Cela fait 37 ans que je dépends du milieu psychiatrique. J'en
ai vu de toutes les couleurs: la violence physique, l'étranglement,
l'étouffement, le harcèlement ou le chantage. Il est grand temps
de bannir ces méthodes du Moyen Ãge. Comme plusieurs autres
bénéficiaires, je m'apprête à sortir bientôt.
Après 37 ans d'hospitalisation, on ne dit pas à quelqu'un: Sors,
tu es guéri. En plus des ressources extérieures, les personnes
devront pouvoir compter sur un revenu minimal décent, ce que souhaitent
les bénéficiaires en santé mentale. Merci.
Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les représentants du comité des bénéficiaires de
Robert-Giffard. Je me souviens que vous êtes venus nous rencontrer en
1985. D'ailleurs, vous y faites allusion, c'était en août 1985,
à la suite du mandat d'initiative de la commission des affaires sociales
à l'époque. Vous aviez à ce moment-lÃ
exprimé beaucoup de préoccupations quant au rôle du
comité des bénéficiaires et quant à la façon
dont vous voyiez les relations entre l'établissement et le comité
des bénéficiaires lui-même. SI ma mémoire est bonne,
il me semble qu'à ce moment-là les relations étaient assez
orageuses. Je ne sais pas si je me trompe, mais j'ai l'impression
qu'aujourd'hui, c'est un peu mieux, même s'il reste des
difficultés. Est-ce que je me trompe ou si c'est cela?
M. Perreault: C'est vrai.
Mme Lavoie-Roux: Sur toute la question de radvocacy", j'aimerais
vous demander comment vous voyez tout ce système-là ,
l'organisation de ce système-là . Vous voyez un système
d'"advocacy" pour justement assurer l'indépendance des personnes
à l'égard d'un établissement ou d'un réseau de
services, mais est-ce que vous avez réfléchi un peu plus
longuement sur l'organisation de ce service?
M. Rice: Je peux répondre à cette question, Mme la
ministre. On n'a pas voulu vraiment entrer dans les détails. On a quand
même fixé certaines balises, à savoir comment, nous, on le
verrait. Une chose qui est importante, c'est la question de l'autonomie et de
l'indépendance de ce système par rapport au réseau de la
santé et des services sociaux. Un autre élément important,
c'est que ce système ait des pouvoirs pour agir. Il faut retenir cela.
On a pris connaissance de la loi fédérale américaine qui a
été discutée en commission la semaine dernière.
J'aimerais, si vous me le permettez, M. le Président, déposer la
loi qui a été adoptée aux Ãtats-Unis. C'est une loi
fédérale qui a été adoptée par le
Congrès américain. Si vous me le permettez, j'aimerais la
déposer pour que la commission puisse en prendre connaissance.
Le Président (M. Leclerc): Cela va. Pour distribution?
M. Rice: Oui, c'est cela. Je pourrais quand même vous dire
les grandes lignes de cette loi et les membres de la commission pourraient en
prendre connaissance par la suite. C'est une loi qui a été
adoptée par le Congrès américain. C'est une loi
fédérale. C'est une loi qui a été adoptée en
1986. C'est une loi relativement récente. Selon cette loi, on finance
des organismes sans but lucratif dans chacun des Ãtats. Ces organismes
sans but lucratif doivent quand même répondre à certaines
conditions et, parmi ces conditions, on retrouve l'indépendance de
l'organisme par rapport au système de santé et de
services sociaux. Il ne doit y avoir aucun lien entre l'organisme et le
réseau qui offre des services en santé mentale. Je pense que
c'est un critère très important et qu'on a retenu. Dans la loi,
on reconnaît aussi certains pouvoirs aux organismes, entre autres, un
pouvoir d'enquête, un pouvoir formel d'enquête, le pouvoir de
consulter les dossiers médicaux, le pouvoir d'en référer
à des conseillers juridiques pour intenter des poursuites devant les
tribunaux. Je pense que ce sont des éléments extrêmement
importants. Ce qu'on proposait dans notre mémoire, c'est la formation
d'un comité de travail pour voir comment on pourrait adapter un
système comme celui-là , parce qu'on est quand même
conscient que c'est un système juridique complètement
différent du nôtre. Donc, il s'agit de voir jusqu'à quel
point on ne pourrait pas adapter un système similaire au Québec.
Je ne sais pas si cela répond à votre question. (16 h 45)
Mme Lavoie-Roux: On va le regarder de plus près. Vous
suggérez aussi de référer à la Commission des
affaires sociales, enfin, les appels qui pourraient être faits par les
comités de bénéficiaires. La réserve que j'ai
à cet égard, c'est non pas sur la valeur du travail de la
Commission des affaires sociales, mais sur le fait que, compte tenu des
différentes charges qui ont été données à la
Commission des affaires sociales dans le passé, elle a eu
déjà de la difficulté à s'acquitter de ses mandats.
Je ne sais pas s'il y a amélioration depuis que la CSST ne relève
plus de la Commission des affaires sociales, mais je pense que c'est encore
deux ans d'attente. Imaginez-vous si toutes les plaintes qui venaient des
comités de bénéficiaires ou des individus, puisqu'il ne
s'agirait pas uniquement des comités de bénéficiaires...
Ce serait peut-être, je pense, ajouter à ta liste d'attente et
à la lourdeur du fonctionnement de la Commission des affaires sociales.
Ãvidemment, c'est le recours avec lequel on est le plus familier dans le
réseau, mais ce serait peut-être davantage un comité
indépendant ou une ressource indépendante qui aurait ses propres
pouvoirs plutôt que de... J'irais peut-être davantage dans cette
direction-là .
L'autre point de votre mémoire qui m'a beaucoup
intéressée, c'est la question de la
désinstitutionnalisation. Vous avez un petit peu raison quand vous
dites: Tout le monde s'est prononcé sur la
désinstitutionnalisation. Je vous dirais oui, à commencer par le
ministre, les politiciens, les grands penseurs, les gens du réseau,
etc., mais on n'a peut-être jamais demandé aux personnes
concernées elles-mêmes. On a monsieur - j'oublie votre nom
-...
Une voix: Grandmont.
Mme Lavoie-Roux: ...qui dit: Ãa fait 37 ans que je suis en
institution et je suis sur le point de quitter. Vous avez dit une chose, c'est
qu'on ne dit pas à quelqu'un: Demain, tu t'en vas, c'est fini, tu pars.
Comme représentant d'un comité de bénéficiaires,
comment voyez-vous la désinstitutionnalisation? Voyez-vous ça
comme un progrès, un pas en avant?
M, Grandmont: Oui, parce qu'un oiseau en cage ne vit pas bien vieux.
Mme Lavoie-Roux: C'est peut-être davantage sur les
modalités ou la façon dont cela se fait que vous avez des
réserves J'aimerais que vous nous disiez les obstacles auxquels vous
avez eu à faire face dans ce projet de désinstitutionnalisation,
si vous consentez à en parler, monsieur. Si vous ne vouiez pas, vous n'y
êtes pas obligé, peut-être que le comité pourrait le
faire.
M. Grandmont: Je pense que M. Perreault peut vous
répondre.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Boilard (Paul): Je trouve que vous mettez encore la politique
dans les nominations qui ont lieu dans les hôpitaux psychiatriques.
Prenez l'ancien directeur général, M. Cantin, qui a
été nommé au ministère; c'est un
libéral.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Je le savais que ça sortirait.
Des voix: Ha, ha, ha!
M, Boilard: Vous avez...
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas un obstacle ou un avantage, un
élément pour ou contre la désinstitutionnalisation. Je
vous demandais...
M, Boilard: Non, non, ça ne veut pas dire qu'il n'est pas
compétent.
Mme Lavoie-Roux: Non. Sûrement pas. Sûrement pas.
M. Boilard: Prenez le protecteur...
M. Chevrette: N'essayez pas de vous reprendre.
M. Boilard: ...du bénéficiaire Ã
Robert-Giffard.
Mme Lavoie-Roux: Ã Robert-Giffard?
M. Boilard: Oui, M. Banville.
Mme Lavoie-Roux: C'est un libéral lui aussi?
M. Boilard: C'est un autre libéral.
Des voix: Ma, ha, ha!
Mme Lavoie-Roux: II faut dire qu'il y a beaucoup de
libéraux de ce temps-là .
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: C'est parce qu'ils ont jeté des bons 'bleus"
dehors, Je suppose?
M. Boilard: Je pourrais toujours rajouter qu'il y a Lise Gagnon
qui est à la Maison du Québec à Boston. C'est une
péquiste.
Mme Lavoie-Roux: Mais la ministre de la Santé, c'est une
libérale.
M. Chevrette: Ne vous arrangez pas pour qu'il dise...
Mme Lavoie-Roux: Ha, ha, ha!
M. Boilard: On voudrait, autant que possible, que vous sortiez la
politique des hôpitaux psychiatriques. Mettez des gens... Prenez la
Commission de la fonction publique, par exemple, où,
présumément, les gens qui sont là sont probablement
indépendants du pouvoir politique parce que Jean Lesage a voulu enlever
le patronage dans la fonction publique en créant la Commission de la
fonction publique. Mais n'allez pas faire de politique avec les hôpitaux
psychiatriques. N'allez pas nommer des personnes qui sont de telle tendance ou
de telle autre. Je pense que les hôpitaux psychiatriques devraient garder
une certaine distance vis-Ã -vis du pouvoir politique. C'est ce que
j'avais à vous dire.
M. Perreault: Quant à la question de Mme la ministre
concernant la désinstitutionnallsation que M. Grandmont a
commencé à amorcer, j'aimerais dire que je suis vraiment pour la
désinstitutionnalisation et que la désinstitutionnalisation doit
vraiment commencer au moment même où le bénéficiaire
entre à l'intérieur. Au moment même où il met les
pieds à l'intérieur, on doit tout faire pour qu'il ne perde pas
son autonomie. On doit lui donner les moyens de conserver ce qu'il a et
peut-être les ressources dont il a besoin pour s'améliorer
déjà .
Dernièrement, j'ai appris de gens qui sont allés Ã
l'extérieur qu'il y a eu une Indexation du coût de la vie et ce
qui m'a vraiment fait mal au coeur, c'est que certaines familles d'accueil sont
tout de suite ailées récupérer l'argent voté pour
l'indexation du coût de la vie. Cela fait mal quand je vois des gens qui
ont de la difficulté à arriver en dehors et qu'on leur
enlève déjà un montant d'argent indexé.
Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment de l'aide sociale que ces
personnes reçoivent et qu'elles doivent...
M. Perreault: Oui, c'est vraiment le problème.
Mme Lavoie-Roux: ...verser comme...
M. Boilard: Dans le temps que le Parti québécois
était au pouvoir, M. Claude Ryan, qui était dans l'Opposition,
dénonçait justement cela en disant: Chaque fois que l'aide
sociale augmente, l'hébergement augmente et il n'en reste pas plus dans
les goussets des assistés sociaux. Prenez les 115 $ par mois que les
bénéficiaires de Robert-Giffard reçoivent à l'heure
actuelle, ils n'ont pas été indexés le 1er janvier. Depuis
1985, ces 115 $ par mois n'ont pas été indexés. Pourtant,
depuis 1985, je pense bien que les cigarettes sont passées de 2 $ le
paquet à 3,15 $. Dans les hôpitaux psychiatriques, j'ai des
nouvelles pour vous autres, je vous garantis que ça fume.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boilard: Les médicaments, la cigarette et le café, il y
a un docteur en psychologie au pavillon où je demeure qui a écrit
un volume spécialement là -dessus et je pense qu'il a fait sa
thèse de doctorat là -dessus.
M. Chevrette: Je pensais que vous étiez pour me dire qu'il
ouvrirait un restaurant.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, au moment où le projet de
désinstitutionnalisation devient un projet à plus court terme
pour le bénéficiaire, de quelle façon voyez-vous que
l'établissement puisse impliquer le bénéficiaire ou,
encore, à partir de votre expérience, à quel moment
avez-vous vous-même été impliqué?
M. Rice: Dans le projet de désinstitutionnalisation?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Rice: Le comité de bénéficiaires a pris
connaissance du projet que l'établissement veut mettre en marche. On
voulait faire une consultation auprès des usagers pour savoir ce qu'ils
pensent de la désinstitutionnalisation. Veulent-ils sortir? S'ils
veulent sortir, où veulent-ils aller? Que veulent-ils comme ressources?
On n'a pas pu faire cette consultation. Le comité de
bénéficiaires a quand même sa propre idée de ce
qu'il voit comme désinstitutionnalisation, mais on ne sait pas vraiment
ce qu'en pensent les usagers. On sait qu'un certain nombre d'usagers sont
réticents à sortir parce qu'ils ont déjà connu ce
qu'était la vie à l'extérieur, aller vivre dans une
chambre sans ressources; ils sont revenus au centre hospitalier et ils ne
veulent pas en ressortir. D'autres attendent juste cela. Des gens viennent nous
voir au comité et ils ne demandent qu'à sortir. Actuellement, il
n'y a aucune ressource pour accueillir ces gens-là .
On peut vous dire qu'on a actuellement l'impression que les
bénéficiaires ne sont pas
dans le coup, au même titre probablement que les employés,
parce que ce qu'on a entendu du côté syndical, c'est qu'eux non
plus ne se sentaient pas dans le coup quant à ce projet-là . Si on
a l'intention d'Implanter un projet de cette envergure, malgré tes
bonnes intentions de tout le monde, qu'on le fasse administrativement sans
impliquer qui que ce soit, surtout ceux qui sont directement concernés,
j'ai l'impression qu'on va avoir de la misère à l'Implanter. Je
ne sais pas si André voudrait ajouter quelque chose.
M. Perreault: Comme je l'ai dit tantôt, quant à la
désinstitutionnalisation, je pense qu'il est important, d'abord, que
chacun dise ce qu'est la désinstltutlonnallsation pour lui et quelles
ressources peuvent lui être fournies pour qu'ensuite le
bénéficiaire puisse faire un libre choix à ce niveau. Je
pense que c'est important.
Si tu envoies quelqu'un dans un endroit où il ne se sent pas
à l'aise, où 0 n'y a pas les ressources dont & a besoin, je
pense qu'il va retourner dans la porte tournante de l'établissement.
Quand il retourne, je pense que cela fait plus mal que quand il en ressort.
C'est un autre problème.
Mais il y a certaines gens qui sont à l'extérieur
actuellement et qui sont heureux. J'en vois plusieurs qui sont sortis et qui
sont heureux. J'en ai d'autres qui ont peut-être été
placés dans des endroits qui ne correspondent pas... à ce
moment-là , ils reviennent vraiment déboussolés et -
comment dirait-on - il y a des gens.r. Surtout dans les familles d'accueil,
c'est un gros danger. Le frigidaire est barré à telle heure; si
vous n'arrivez pas pour l'heure, c'est bien dommage, vous passez en dessous de
la table. Si vous êtes malade dans le jour et qu'il faut que vous
retourniez à ta maison, la porte est barrée. Si on regarde les
ateliers au centre-ville, il y a justement des bénéficiaires qui,
s'ils sont malades, sont obligés d'attendre jusqu'à 16 heures
parce que la dame qui les garde est partie, la porte est barrée et le
bénéficiaire n'a même pas la dé pour entrer. Ce sont
là des cas qui se présentent.
Je pense que c'est Important qu'on pense surtout à la famille
d'accueil. Il y a des familles d'accueil qui sont très bonnes, mais il y
en a d'autres qui vont exploiter les bénéficiaires. Il faut faire
attention à cet aspect. C'est bien important de respecter ce que te
bénéficiaire veut, lui apporter toutes les ressources et
être vraiment à son écoute. C'est bien Important
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que dans les cas de
désinstitutionnalisation - je ne parle pas de cas qui ont eu lieu au
cours des ans mais, disons, les plus récents - it n'y a pas un lien qui
est conservé entre le bénéficiaire et des
représentants de l'établissement ou des intervenants de
l'établissement...
M. Grandmont: Des travailleurs sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Oui, appelez-les comme vous le voudrez. Est-ce
qu'il y a des liens qui sont conservés?
M. Perreault: Oui.
Une voix: Oui, il y a des liens qui sont conservés.
M. Perreault: Cela prend un suivi, Ã part cela.
M, Boilard: Cela prend un suivi. On ne peut pas envoyer un malade
mental dans une famille d'accueil sans qu'il y ait quelqu'un de l'institution
qui vienne le visiter. J'ai eu l'occasion de visiter au moins une personne
malade mentale qui était en appartement. J'ai trouvé
pénible de la voir. Cela boit du café toute la journée,
cela fume comme une cheminée, cela a de la misère à se
faire à manger, cela ne prend pas ses médicaments.
La principale cause de retour à l'hôpital pour un malade
mental, c'est parce qu'ils ne prennent pas leurs médicaments, ils
oublient de les prendre. Ils ne les prennent pas et retournent Ã
l'hôpital. Je pense que c'est le plus gros problème que le
psychiatre doit avoir quand il traite une personne. Que voulez-vous? Quelqu'un
qui arrête de prendre ses médicaments peut mourir, parfois. C'est
pour cela que, pour la désinstitutionnalisation, cela prend des
personnes assez autonomes.
Apparemment, Ã Robert-Giffard, Ils veulent sortir 1100 personnes
de là . Des personnes autonomes, à l'hôpital Robert-Giffard,
il n'y en a pas beaucoup. Si vous voulez faire la
désinstitutionnalisation, je vous souhaite bonne chance, mais je vous
garantis que vous allez avoir de la misère avec certains patients, avec
la plupart des patients. Vous risquez qu'ils reviennent Ã
l'hôpital.
Mme Lavoie-Roux: Mais même s'il y a le risque qu'ils
reviennent à l'hôpital - je ne parle pas des cas très
lourds, mais des cas qui vont présenter des risques - pensez-vous qu'on
ne devrait prendre aucun risque et les laisser en institution ou
plutôt,.
M. Boilard: Ah! vous devez prendre des risques!
Mme Lavoie-Roux: Ils vont peut-être revenir. C'est possible
qu'ils reviennent. Mais n'est-ce pas comme cela que, petit à petit
peut-être, on peut rendre une personne un peu plus autonome?
M. Boilard: Je pense que vous devez prendre le risque. C'est
entendu que le centre de toute la politique de santé mentale, c'est le
patient lui-même. Je lisais hier un rapport de quelqu'un qui s'est
prononcé ici sur le coût par patient que
la désinstitutionnalisation pouvait engendrer. Je pense- que vous
avez avantage à les sortir. Je pense que cela va vous coûter moins
cher que de les garder en Institution. En plus de cela, si vous êtes
capable d'en dénombrer assez qui ont de l'autonomie Ã
l'intérieur de Robert-Giffard ou à l'intérieur des
hôpitaux psychiatriques, je pense que vous devez le faire. Il y a des
risques que vous devez courir.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.
Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la ministre. M. le
chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Comme principe cependant, pour enclencher sur ce
qui vient de se dire, j'espère qu'on ne désinstitutionnalise pas
pour sauver une piastre. Si cela devait être là un objectif, cela
ferait passablement pitié parce que des programmes de réinsertion
sociale, d'encadrement, d'aide à l'intégration, pour ceux qui le
peuvent, sur le marché du travail, etc., on en prendrait pour notre
rhume, n'est-ce pas? Je comprendrais que cela deviendrait une opération
d'équilibre budgétaire avec les mesures restrictives dans les
hôpitaux. En tout cas, je craindrais que ce ne soit cela.
D'autre part, j'ai 'entendu des gens nous dire ici: Au contraire, vous
devriez aborder la désinstitutlonnalisation en ayant à l'esprit
que cela ne coûtera pas moins cher et qu'à court terme,
même, cela pourrait coûter plus cher. C'est-" ce que j'avais saisi
de la part de certains groupes de professionnels. Cela étant dit, je
voudrais vous poser des questions directes, M. Perreault. Depuis un an, y
a-t-il eu un accroissement du nombre de travailleurs sociaux Ã
Robert-Giffard? (17 heures)
M. Perreault: Ã Robert-Giffard? Je sais qu'il y a beaucoup
de gens qui attendent les travailleurs sociaux.
M. Chevrette: Y a-t-il eu amélioration dans l'embauche de
psychologues?
M. Perreault: II en manque. Je trouve cela une grande lacune
parce que la peur des psychologues n'est pas la même que celle des
psychiatres. Les psychiatres, bien souvent... Je ne dirai jamais que les gens
n'ont pas besoin de pilules. Je sais ce que c'est. Quand je suis arrivé
là , parce que j'ai dit aux psychiatres à Robert-Giffard qu'on
bourrait les gens de pilules - je regardais les gens marcher et ils ne savaient
pas où s'enligner - ils m'ont accusé et ils ont dit qu'il y avait
des bénéficiaires qui ne prenaient plus leurs pilules Ã
cause de moi. On m'a même défendu de parler aux
bénéficiaires et on leur défendait de me parler. Ce
n'était plus vivable. Je leur ai demandé de me retourner Ã
Orsainville, j'étais mieux à Orsainville qu'Ã
Robert-Giffard. J'ai vécu cela.
Je ne suis pas contre les médicaments. Je ne suis pas contre la
cellule. Je suis contre l'abus qu'on en fait Je pense que la peur des
psychologues, c'est bien plus une affaire d'écoute, une approche, je
pense que c'est une relation avec la personne qui y trouve sa place. Ã
Robert-Giffard, les psychologues, je pense que tu peux les compter sur les
doigts de la main, et d'une seule main. Il n'y en a pas beaucoup qui font de la
thérapie, je pense.
M. Chevrette: Je reprends ma question. Y a-t-il eu
amélioration à Robert-Giffard depuis quelques mois dans le
domaine de la psychologie? Avez-vous appris qu'il y en avait plus?
M. Perreault: Des psychologues? Non, je n'ai pas entendu parier
qu'il y avait de nouveaux psychologues.
M. Chevrette: Y a-t-il eu un programme, des services additionnels
depuis quelques mois pour la personne, le bénéficiaire? Est-ce
que vous avez vu arriver de nouveaux services concrets?
M. Boilard: On commence à avoir des appartements
supervisés.
M. Chevrette: Pardon?
M. Boilard: On commence à avoir des appartements
supervisés.
M. Perreault: Ce sont des ressources extérieures dont tu
parles, que tu mentionnes.
M. Boilard: Pour vous dire jusqu'Ã quel point les malades
mentaux ne sont pas délaissés, au département où je
suis, il y a six personnes qui sont allées en appartement. Il y a deux
éducateurs qui les suivent et qui sont payés à peu
près 25 000 $ par année chacun. C'est 50 000 $ par année
pour six personnes. En plus de cela, ces gens reçoivent des prestations
du bien-être social. Ãcoutez, vous voulez faire un effort dans le
domaine de la santé et les gens passent leur temps à crier contre
les gouvernements pour avoir de l'argent. D'un autre côté, il faut
penser que les contribuables dans la province de Québec sont
peut-être les gens les plus taxés en Amérique du Nord.
M. Chevrette: Oui, oui. Je ne veux pas m'obstiner avec vous. Je
vous demande si la...
M. Boilard: Non, non, mais...
M. Chevrette: Je vous demande si la santé mentale Ã
Giffard s'est améliorée depuis sept ou huit mois.
M. Boilard: Je ne sais pas si c'est depuis sept ou huit mois,
mais, depuis quelques années,
cela s'est considérablement amélioré. Il y a eu un
gros effort de fait tant dans les lieux que dans les services.
M. Chevrette: C'est ça. Je me rappelle, en 1985,
l'amélioration...
M. Boilard: Avant cela, monsieur.
M. Chevrette: Je le sais, depuis 1976.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Ce que je veux savoir concrètement...
M. Boilard: Ouf.
M. Chevrette: Dans le personnel professionnel, dans le personnel
de soutien, dans le personnel qui oeuvre auprès de la personne,
avez-vous remarqué des changements notables depuis sept, huit mois?
M. Perreault: Sept, huit mois, c'est peut-être difficile
à dire, mais je peux dire que, depuis trois ans que je suis Ã
Robert-Giffard, il y a eu amélioration des conditions de vie.
M. Chevrette: A l'intérieur.
M. Perreault: Oui. Parce que quand je suis arrivé les
gens... Je prenais un jeune qui a fait six mois de cellule. Faire de la
cellule, ce n'est pas de la réhabilitation et ce n'est pas tellement
thérapeutique. Actuellement, on peut peut-être passer une semaine,
deux semaines, deux jours, trois jours, mais, au moins, il y a
amélioration. Il y en a moins, mais cela devrait venir, à un
moment donné, à disparaître. Quand je pense qu'ils ont
suggéré qu'à la place des cellules, ce soient des chambres
de repos où les gens seraient accompagnés d'un intervenant qui
les aiderait à vivre ce qu'ils vivent au lieu de le refouler et de
sortir de là plus agressif.
M. Chevrette: Je vais poser ma question à la ministre. Il
y a 2 500 000 $ sur les 3 500 000 $ pour l'application de votre politique de
santé mentale qui sont allés à Robert-Giffard.
Pourriez-vous me dire concrètement ce qui s'est fait pour
améliorer la santé mentale à Robert-Giffard?
Mme Lavoie-Roux: Ce projet est un projet de
désinstitutionnallsation. Je n'ai pas les détails. Je ne peux pas
vous répondre d'une façon...
M. Chevrette: Est-ce qu'on pourrait les avoir?
Mme Lavoie-Roux: Je pourrais essayer de vous donner les
détails. Je ne les ai pas. Je pense qu'il y avait 1 000 000 $ Ã
la recherche.
Cela a été donné au FRSQ et au fonds de recherche
social du Québec...
M. Chevrette: Mais le 1 000 000 $ qui était.. Sur les 2
500 000 $?
Mme Lavoie-Roux: C'était 1 500 000 $, je pense, qui devait
aller à Robert-Giffard.
M. Chevrette: C'est 2 500 000 $ Ã Robert-Giffard.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Chevrette: Ce que j'ai compris, c'est que sur les 3 500 000 $,
à moins que je ne me trompe...
Mme Lavoie-Roux: Oui, il y en a 1 000 000 $, c'est cela, 3 500
000 $.
M. Chevrette: ...II y a 1 000 000 $ Ã la recherche...
Mme Lavoie-Roux: ...et 2 500 000 $ pour le projet de
désinstitutionnalisation.
M. Chevrette: Je voulais voir ce que cela donnait
concrètement au patient.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que, sur le plan de la
désinstitutionnalisation, ils ont commencé Ã
réaliser certaines choses. Pour le reste, c'est en marche, mais ce n'est
pas complété. Pour le recyclage, il y a eu de l'argent
d'utilisé, mais toute l'opération n'est pas
complétée.
M. Chevrette: Je vais me contenter d'un commentaire. Je dois vous
dire que c'est surprenant qu'on ait peu abordé, dans le rapport Harnois,
toute la dimension du rôle des comités de
bénéficiaires. J'aurais aimé qu'on l'aborde pour les
motifs suivants, qu'on ne vous donne pas non plus l'impression... Si on l'avait
défini clairement, on saurait quel rôle on vous volt jouer
à l'intérieur d'une politique. S'il n'est pas défini de
cette façon, sans aucune ligne directrice, il y en a qui peuvent
s'Imaginer... Entre vous et moi, te danger qui guette te comité de
bénéficiaires - j'en parlais avec le comité de
Louis-H.-Lafontaine - c'est que son rôle n'est pas de se substituer au
conseil d'administration en place, mais bien de représenter les
intérêts immédiats ou de voir à l'application des
politiques à l'intérieur du centre, etc. N'étant pas
défini, il aura à l'être, je pense bien, dans la politique
finale. Actuellement, on ne voit pas quel est ce rôle et, à partir
de là , on a eu des difficultés...
Il y en a qui volent cela différemment d'un centre hospitalier
à l'autre, le rôle d'un comité de
bénéficiaires et. comme il n'y a pas de définition dans le
rapport Harnois, c'est à préciser pour éviter qu'il y ait
des écueils et des
conflits de juridiction. On se rend compte que tout ce qui est
conflictuel n'est pas touché ou abordé par le rapport Hamois.
M. Bollard: à l'heure actuelle, le rôle du
comité de bénéficiaires est de défendre les
Intérêts des bénéficiaires. Quand une plainte est
portée, il faut aller au protecteur des bénéficiaires. Le
comité des bénéficiaires n'a pas accès aux
dossiers, il n'a pas le droit d'aller dans les départements... Est-ce
qu'on a le droit d'aller dans les départements?
M, Perreault: Comme visiteur et, quelquefois, je me sens
considéré moins qu'un visiteur, aussitôt qu'on arrive dans
un département - j'en ai déjà fait mention à la
direction générale - c'est le parloir et ça presse. C'est
quelque chose que je n'accepte pas en tant que membre du comité et
représentant des bénéficiaires, quand je sais qu'il y a
des bénéficiaires qui ne nous connaissent pas dans
l'édifice et qui ont besoin d'aide. Tu as beau avoir un beau code
d'éthique sur le mur encadré de toutes les couleurs, si tu n'es
pas là pour défendre et faire connaître les droits, c'est
de la foutaise, c'est de la poudre aux yeux pour la population. Cela, je ne
peux pas le prendre.
Je pense que, dans les relations thérapeutiques, on s'en va bien
plus vers le savoir et ia recherche de la maladie mentale, mais on ignore bien
souvent et on néglige le savoir-être, ce qui n'est pas la
même chose. Tu as beau tout savoir sur la maladie mentale, si tu ne sais
pas être amour, accueil de l'autre, si tu ne sais pas donner Ã
l'autre sa place, sa dignité, toute la place qui lui revient et lui
dire: "J'ai confiance en toi, tu es capable de t'en sortir, tu es capable de
réaliser quelque chose dans l'avenir et on va te donner les moyens qu'il
faut", c'est de la foutaise. Je ne crois pas à la réhabilitation
dans ce contexte. Je suis prêt à lutter et à donner ma vie
pour les bénéficiaires. On m'a déclaré
aliéné mental. Cela fait trois ans que je suis Ã
Robert-Giffard comme aliéné mental. SI je suis un
aliéné mental, aujourd'hui, je suis président du
comité, je siège au conseil d'administration, je suis à la
fédération des comités de bénéficiaires
à vocation psychiatrique. Dans mon dossier psychiatrique, on a
écrit toutes sortes de conneries. Il y a même un psychiatre qui a
écrit que je l'avais traité de con.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Perreault: J'ai mon dossier avec moi. Je n'ai pas dit que je
le traitais de con, j'ai dit: Si vous me prenez pour un con, vous êtes
plus con que moi. Il a écrit dans mon dossier "André Perreault
m'a traité de con". Ils ont même dit que je portais une croix.
S'ils manquent de travail, qu'ils viennent au comité, je vais les faire
travailler, moi. Je travaille 70 ou 75 heures par semaine depuis deux ans; Je
suis sérieux quand je dis cela.
M. Bollard: Moi, je suis professionnel et je pense que j'ai une
approche professionnelle des psychiatres. Je ne crois pas au groupe Auto-Psy.
Je ne crois pas à cela parce que je crois aux médicaments et eux
ne croient pas aux médicaments. Mol, je crois à la science.
Auto-Psy ne croit pas à la science.
M. Perreauit: Je voudrais ajouter une chose...
M. Chevrette: Remarquez bien que je m'aperçois que la
liberté de parole existe au sein de votre comité.
M. Perreault: Je crois aux médicaments, mais c'est l'abus
qu'on peut en faire, et je pense que ce ne sont pas les médicaments qui
vont amoindrir une peine d'amour.
M. Chevrette: Ce que je...
M. Perreault: J'ai déjà entendu un
médecin...
M. Chevrette: J'ai passé par là et Je vous
crois.
M. Perreauit: C'est cela. J'ai déjà entendu un
médecin dire - et je n'ai pas peur de le dire, je suis fier de ce qu'il
a dit devant d'autres psychiatres et d'autres personnes oeuvrant en
santé mentale - que les déficients n'avaient pas
nécessairement besoin de neuroleptique. Je lui lève mon chapeau
puisqu'il a été capable de le dire devant ses confrères.
Les déficients n'ont pas nécessairement besoin de
neuroleptique.
M. Chevrette: Entre vous et moi, je ne veux pas
défendre... Je ne connais pas les objectifs de chacun des mouvements et
Je ne veux surtout pas que vous commenciez à en descendre un et Ã
monter l'autre, je préfère les interroger quand ils se
présentent devant nous. Une chose est certaine: si on avait une plus
grande collaboration entre les paliers de professionnels, peut-être qu'on
en arriverait à démédicaliser précisément
les traitements en santé mentale. Il y a peut-être des cas
particuliers où une médication est essentielle, dans certaines
situations, mais ce n'est sûrement pas le remède à tous les
maux ou encore le remède à la paresse pour éviter de faire
des heures au moment précis où on doit les faire ou parce qu'on
ne "feel" pas cette journée-là . Le delirium tremens, comme disent
certains individus, le comprimé de Valium remplace l'entrevue ou quoi
que ce soit. Là -dessus, Je suis entièrement d'accord avec vous.
Mais on va y parvenir, d'après moi, en créant cette
mentalité de collaboration, cette complémentarité dans les
équipes de professionnels qui oeuvrent auprès de la personne.
à mon point de vue, c'est
assez important d'avoir cette vision.
Quant au rôle que vous avez à jouer, d'autre part, je pense
qu'il y a une nécessité de bien le définir pour ne pas que
vous deveniez, Ã mon point de vue, l'organisme Ã
l'Intérieur du centre hospitalier qui est vu comme le prétendant
à se substituer au conseil d'administration, Je pense qu'il faut que ce
soit clair, noir sur blanc, pour qu'on n'ait pas à se prêter des
intentions les uns les autres.
Deuxièmement, là où je suis entièrement
d'accord avec vous, c'est sur l'indépendance ou la connaissance de
budgets précis. Cela n'a pas d'allure, à Louis-H., c'est
quasiment un village, c'est plus gros que mon village natal, c'est quasiment
deux fois mon village natal et le comité des bénéficiaires
a 18 000 $ pour s'administrer. Cela n'a pas d'allure, je sais que cela n'a pas
de sens. Cela engendre des chicanes que d'être dépendant de
l'institution pour aller chercher les budgets. Je pense que cela se
règle assez facilement, étant donné que c'est le
ministère qui décide du budget final, c'est lui qui pale, il peut
très bien décider que cela provient directement du
ministère, à partir de normes précises, de critères
ou de balises, ou bien par les CRSSS ou par n'importe qui, mais pas par
l'institution, je suis bien d'accord là -dessus également
II y a autre chose que j'aimerais souligner, pour ce qui est de
l'"ombudsperson" dont vous parliez, la neutralité de la personne est
importante autant que pourrait l'être le rôle du comité de
bénéficiaires. Si on dit que le comité de
bénéficiaires ne doit pas dépendre de l'institution pour
l'obtention de ses budgets, pourquoi la personne nommée pour
répondre aux plaintes de l'institution devrait-elle dépendre de
l'institution? Quand elle est payée par l'institution, cela crée
des problèmes. J'ai toujours cru qu'on pourrait facilement régler
cela dans le cadre d'une politique finale. Indépendamment du rôle
qu'on lui donnera et du palier duquel elle relèvera, je pense qu'elle ne
doit pas être un salarié dépendant de l'institution. Je
pense qu'il n'y a pas eu beaucoup de remarques négatives de ce
côté-là , ni d'un côté ni de l'autre de cette
Chambre. C'est quand même un acquis de ce côté-là .
(17 h 15)
Quant à la formule idéale, je m'aperçois que les
perceptions sont plutôt partagées. Je me demande comment on va
jouer, si on a un comité de bénéficiaires
représentant directement les personnes... Avec le pouvoir que vous
demandez de vous promener dans l'institution, sur te plan juridique, si on vous
donne des droits entiers, vous devenez à la fois des enquêteurs,
entre guillemets, pas dans le sens pégoratif. Vous avez le droit de vous
promener d'un département à l'autre, de vérifier s'il y a
beaucoup de contention, par exemple, dans le département X. Vous avez
des pouvoirs de représenter l'individu. Je me demande jusqu'Ã
quel point, à ce moment-là ça ne serait pas plutôt
le service d'un arbitre qu'il faudrait chercher à avoir et non plus
celui d'un enquêteur et arbitre. Parce qu'on multiplierait les paliers de
responsabilité d'enquêteur.
Personnellement, si la ministre disait, demain matin, qu'elle est
d'accord avec le fait que le comité des bénéficiaires joue
le rôle de représentant direct dans l'Institution, Ã
l'intérieur même de l'institution, de défenseur des droits
du patient, du bénéficiaire, je ne suis pas certain que je ne lui
suggérerais pas qu'on puisse recourir à un arbitre pour trancher
contre l'administration, plutôt que de faire reprendre le processus
d'enquête par une "ombudsperson" qui viendrait vérifier Ã
la fois vos faits, vérifier encore la version de l'administration ou du
chef de département. il me semble que ce serait de la duplication
d'énergie. En tout cas, c'est la perception que j'en ai jusqu'Ã
maintenant. On ne m'a pas démontré qu'il n'y avait pas
duplication de ces rôles-là . Il faudra se pencher sur cet aspect
bien précis.
Comme on me fait signe que je n'ai plus de temps, je voudrais vous
féliciter du travail que vous faites et puis vous encourager Ã
continuer. Tant et aussi longtemps qu'on pourra avoir des gens qui sont
intéressés à la personne, plus vite se créera la
mentalité d'incruster cette politique de santé mentale
axée sur la personne elle-même. Je vous remercie.
Le Président (M. Baril): Mme la déptée de
Deux-Montagnes.
M. Chevrette: II y a un monsieur qui voulait dire un mot.
Le Président (M. Baril): Oh! monsieur, excusez-moi!
M. Chevrette: Et, comme il me reste deux minutes, je les lui
laisse.
Le Président (M. Baril): Excusez-moi! Oui, allez!
M, Grandmont: Les 50 000 000 $ que vous voulez débloquer,
j'espère que ça ne sera pas pour avoir d'autres bureaux plus
beaux que ceux que vous avez là et que le malade mental n'aura encore
rien.
M. Chevrette: Ne vous en faites pas.
M. Grandmont: Cela ça va être du "défalsa-ge"
dans la bâtisse, on va tout virer à l'envers et, des fois, on n'a
rien pour déjeuner.
M. Chevrette: Je suis bien content que vous me disiez ça.
Je transmets le message à la ministre qui a pris ma place de ne pas
faire ce que je ne ferai pas.
M. Bollard: Tout à l'heure, vous parliez de Valium; les
Valium, ce sont des pilules...
M. Chevrette: Oui, je connais ça.
M. Boilard: ...pour les hommes politiques et pour les hommes
d'affaires.
M. Chevrette: Pour les anciens attachés de presse de
ministres.
M. Boilard: C'est ça. De premier ministre. Mais...
M. Chevrette: II ne faut pas politiser le débat. Ici. Vous
l'avez dit vous-même.
Mme Lavoie-Roux: On ne lui demandera pas de quelle couleur il
est, lui.
M. Chevrette: Moi, je le sais. Mme Lavoie-Roux: On s'en
doute.
M. Boilard: Ce qu'on donne à Robert-Giffard, ce n'est pas
du Valium, rarement, c'est du Nozlnan, du Majeptil, du Largatil. Ce sont des
médicaments qui sont très puissants. Quand II y en a qui disent
qu'il y en a qui peuvent se passer de ces médicaments-là , moi,
c'est bien de valeur, mais je dis non. Je me tourne vers le psychiatre et je
lui fais confiance. Il y a certains malades qui ont tellement besoin de
médicaments que s'ils arrêtaient d'en prendre, ils mourraient. Ils
mourraient d'émotion ou ils mourraient, Je ne sais pas, d'une crise
cardiaque. C'est aussi bien de continuer à ...
M. Chevrette: Mais savez-vous... Vous me permettrez une petite
expression.
M. Boilard: Oui.
M. Chevrette: Savez-vous que, moi, si je suis bien nerveux et
bien fatigué, je dormirais sans doute mieux avec un comprimé de
Valium, mais si je prends le temps d'aller à la pêche, d'aller
taquiner la truite avec la mouche...
M. Boilard: De ce temps-ci?
M. Chevrette: Non, non mais quand c'est le temps.
M. Boilard: II y en a de la pêche.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: L'hiver, je peux faire autre chose.
Mme Lavoie-Roux: C'est quand vous étiez ministre du loisir
et des sports.
M. Chevrette: Si je fais une heure et demie de patinage sur la
rivière L'Assomption à Joliet-te...
Mme Lavoie-Roux: à l'île d'Anticosti.
M. Chevrette: ...je vais dormir aussi bien qu'avec du Valium.
M. Boilard: Ou avec du Valium.
M. Chevrette: Oui, mais je n'amène pas mes organisateurs
politiques, moi, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux:...
M. Chevrette: N'ouvrez pas la porte. Quand on ne veut pas avoir
de brique, on n'ouvre pas la porte.
Mme Lavoie-Roux: ...faire un débat délicat.
M. Chevrette: Ce que je veux vous expliquer, c'est que souvent de
l'activité physique, de l'encadrement, du dialogue, ça peut
remplacer la médication. C'est ça que je veux vous dire. Cela ne
veut pas dire qu'on est contre la médication quand c'est essentiel, mais
ce que je veux dire, c'est qu'on ne doit pas avoir comme réflexe-Dans
notre société, on est malheureusement mal orienté; le seul
réflexe qu'on a développé chez les individus c'est celui
de l'institution et de la pilule. Pourrait-on penser à pas d'institution
et le moins de pilules possible?
M. Boilard: II y a de la thérapie qui se donne Ã
Robert-Giffard. Il y en a de la thérapie qui se donne.
M. Chevrette: Cela ne veut pas dire qu'on est contre les
médicaments quand on veut qu'il s'en consomme moins. à raison de
32 par jour, ça pourrait être pas pire, 16? Il y a des patients
qui ont 32 médicaments par jour. Pas besoin d'aller Ã
Robert-Giffard, on va aller à Juliette.
M. Boilard: II paraît qu'Elvis Presley en prenait 70 par
jour.
Le Président (M. Baril): Mme la députée de
Deux-Montagnes, s'il vous plaît
Mme Legault: J'ai trois brèves questions à vous
poser qui me chicotent depuis le passage des bénéficiaires de
Louis-Hippolyte-Lafontaine. Je voudrais que vous me disiez si, oui ou non, vous
êtes satisfaits des traitements que vous avez à l'hôpital
Robert-Giffard et des professionnels qui sont là ? Est-ce que vous
êtes satisfaits ou pas satisfaits?
M. Perreault: Moi, je ne suis pas satisfait. Je trouve qu'il y a
un manque de conscience professionnelle. Tantôt, j'ai simplement
parlé du dossier. Je donne un exemple. Il y a des gens qui sont en
Institution depuis 20 ans. S'ils arrivent à leur unité cinq ou
dix minutes en retard, on leur enlève leur passe. Si la personne se
fâche, c'est
la cellule, et cela se passe encore cette année, actuellement, au
moment où je vous parte. Il y a aussi autre chose qui se passe.
Mme Legault: Monsieur, vous avez un peu devancé ma
question. C'est justement ce que j'étais en train de me demander
à la suite du témoignage d'un ex-bénéficiaire de
Louis-Hippolyte-Lafontaine. Ce dernier avait eu un moment pour aller chercher
un Pepsi, je pense bien que c'est inoffensif. Un Pepsi, je pense que c'est
moins dangereux que des pilules. Il était allé chercher un Pepsi
et il avait été condamné à être en Isolement
et trois jours en jaquette et ce, la veille de Noël et la journée
de Noël. Je trouve cela inconcevable, des traitements semblables. Je
voulais vous demander - vous m'avez un peu devancée - si des choses
comme celle-là se produisent encore en institution en 1988.
Une voix: Oui.
M. Perreault: Cela se passe encore.
Mme Legault: Et je trouve cela déplorable parce que je me
dis que ce n'est pas en agissant de cette façon qu'on vient Ã
bout d'enlever de l'agressivité. C'est en se servant de son jugement, en
ayant beaucoup d'amour pour ces gens-là et de la
compréhension.
M. Perreault: J'ai vu des gens être
rétro-gradés à cause de toutes ces situations.
Seulement-la question du pyjama pendant des mois. Y a-t-il quelque chose de
plus dégradant que d'être en pyjama quand tu reçois ta
visite? Tu es fier, tu es en pyjama et ton linge est dans le garde-robe. Tu
n'as même pas le droit d'avoir ton linge. Ce n'est pas
thérapeutique, ça. Cela se vit.
Mme Legault: Cela veut dire que nos psychiatres devraient
peut-être avoir un peu plus à étudier.
M. Perreault: Vous savez, psychiatres ou personnel, il y a
beaucoup de gens. En tout cas, je ne veux pas dire que tout le monde est
mauvais. Ce n'est pas vrai.
Mme Legault: D'accord.
M. Perreault: II y a des gens qui sont vraiment de bonne
volonté et qui font vraiment des efforts. Il y a vraiment des choses
à changer.
Mme Legault: Je voulais vous demander une autre chose et je
termine, M. le Président. Je veux savoir si, à votre
établissement, il existe un comité de parents.
M. Perreault: Non, il n'y a pas de comité de parents.
Mme Legault: II n'y a pas de comité de parents. Est-ce que
vous avez déjà fait ta demande à la direction
générale pour avoir un comité de parents ou un organisme
quelconque pour vous aider à faire vos représentations?
M. Perreault: II n'y a pas de comité de parents et
même, au niveau du bénévolat, je trouve que c'est une
lacune. Je n'ai pas peur de le dire. Des bénévoles, j'ai
l'Impression que l'établissement n'en veut pas. Je l'ai même dit
dernièrement.
Mme Legault: Cela les dérange.
M. Perreault: J'ai l'Impression que cela dérange de voir
des bénévoles entrer dans rétablissement
Mme Legault: Cela les dérange. Est-ce que vous pourriez me
donner un peu plus de précision? Pourquoi cela les
dérange-t-il?
M. Perreault: Premièrement, nous autres, au comité
des bénéficiaires, des bénévoles, on en a besoin
parce qu'on a du travail. Je ne fais pas 70 ou 75 heures pour le "fun".
Mme Legault: Oui, je comprends.
M. Perreault: On en a besoin. On en avait à un moment
donné et on avait vraiment un bon encadrement de
bénévoles. Si un bénévole faisait cinq heures de
bénévolat, on lui donnait un coupon pour manger. On trouvait cela
normal. Quelqu'un qui va quelque part et qui fait cinq heures de
bénévolat, je pense que son repas, il l'a mérité.
Cela nous a été refusé. Il y a même des
bénévoles qui ont fait jusqu'à 35 heures de
bénévolat par semaine et on leur payait leurs billets d'autobus.
Cela a été refusé. Parmi eux, il y avait des gens qui
étalent bénéficiaires de l'aide sociale, qui avaient de la
misère à arriver, qui attendaient leur chômage. Ils
étaient contents qu'on leur donne un repas. Mais tout cela a
été refusé. J'ai l'impression qu'on ne veut pas de
bénévoles.
Mme Legault: Monsieur, je trouve cela déplorable. J'ai
fait du bénévolat à l'hôpital
Notre-Dame-de-la-Merci. J'en faisais deux heures et mon dîner
était payé par l'établissement.
M. Perreault: Plus que cela, un bénévole est venu
dernièrement et il a été obligé de payer son
stationnement.
Une voix: ...social.
Mme Legault: Bien avant que je sois en politique, M.
Chevrette.
M. Perreault: II est obligé de payer son stationnement
comme bénévole.
Le Président (M. Baril): Le mot de la fin, Mme la
ministre, s'il vous plaît
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier le comité des
bénéficiaires. Je retiens les points particuliers sur lesquels il
faudra apporter plus d'éclairage: le rôle du comité des
bénéficiaires et à qui confie-t-on le rôle
d'"ombudsperson* ou de personne de dernier recours dans le cas des plaintes ou
dans le cas du non-respect des droits de la personne. Je retiens que vous
favorisez la déslnstitutionnallsation, évidemment Ã
l'intérieur de conditions qui permettent aux gens de... Dans ce
sens-là , je pense que c'est bon. Ensuite, il y a d'autres bonnes
nouvelles. Je sens que, depuis le début, le chef de l'Opposition
travaille pour que les gens souscrivent aux services à la personne, qui
est le point central de la politique, et qu'on développe
également une mentalité de partenariat. Je pense que c'est
évident que ces conditions sont nécessaires si on veut faire
évoluer les choses, parce qu'on pourra refaire exactement le même
débat dans trois ans si on ne modifie pas les mentalités. Je vous
remercie.
M. Chevrette: Je voudrais vous remercier infiniment aussi. Je
voudrais vous dire que je suis très content de voir que la ministre
s'aperçoit aujourd'hui que ça fait longtemps que je suis
axé sur la personne en santé mentale. Ãa fait au moins
quatre ou cinq ans qu'on parle de ça. Le rapport Harnois n'invente pas
les boutons à quatre trous là -dessus, il ne fait que constater
des choses-vieilles de 30 ans. Que la ministre se rende compte aujourd'hui que
j'ai une sensibilité à ça, ça peut vouloir dire que
dans trois ou quatre ans on aura une politique.
Une voix:...
M. Chevrette: C'est à elle de ne pas ouvrir les portes
béantes si elle ne veut pas que j'y entre.
M. Boilard: Vous êtes dans l'Opposition pour sept ans,
là .
M. Chevrette: ... prendre un Valium, vous, là . Blague
à part, je voudrais vous féliciter du travail que vous faites. Je
suis convaincu que ta ministre devra redéposer un livre blanc parce
qu'il y a trop d'imprécisions dans la politique présentement. Il
y a trop de choses contestables qui ne sont pas abordées par le rapport
Harnois. Il y a trop de situations conflictuelles qui n'ont pas
été touchées ni décrites et, à mon point de
vue, la ministre devra, dans les prochains mois, exprimer dans un livre blanc
la volonté gouvernementale, ce qui voudra dire qu'il y aura à la
fois la définition des rôles, les budgets et l'ensemble des
données qui nous permettront de voir véritablement la
volonté politique du présent gouvernement.
Le Président (M. Baril): M. Perreault. je vous remercie
beaucoup de vous être présenté ainsi que votre conseil
d'administration. Cela a été très intéressant et on
vous souhaite un bon voyage de retour chez vous.
Nous avons réussi à accumuler une demi-heure de retard. Je
demande tout de suite au groupe L'R des centres de femmes du Québec de
se présenter Immédiatement.
Je m'excuse. à l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez
vous déplacer pour que le groupe L'R des centres de femmes du
Québec puisse prendre place.
Mme David, je vous souhaite la bienvenue. Si vous voulez vous
présenter ainsi que votre groupe. Je tiens à vous rappeler que,
comme les autres, on va essayer de respecter l'heure le plus possible. Vous
avez 20 minutes pour votre exposé.
(17 h 30)
L'R des centres de femmes du Québec
Mme David (Françoise): Bonjour. J'aimerais d'abord vous
remercier de nous avoir invitées à nous présenter devant
cette commission. Je ne serai pas la seule porte-parole. Je suis, au fait, la
coordonnatrice du Regroupement des centres de femmes du Québec et j'ai
avec moi, Ã ma gauche, Lyne Dessureault, intervenante au Centre des
femmes de Verdun, et, Ã ma droite, Francine Lemay, intervenante Ã
la Maison des femmes des Bois-Francs à Victoriaville et aussi
représentante de notre groupement dans la région
Mauricie-Bois-Francs.
Au nom des 80 centres de femmes du Québec, je voudrais vous dire
qu'on est heureuses d'être ici, même si on est très
conscientes que notre contribution au débat qui a lieu actuellement sera
plutôt modeste. D'ailleurs, je ne sais pas si notre mémoire a
remporté le concours du plus court de tous ceux qui ont
été présentés à cette commission. On est
très conscientes que ce n'est pas un mémoire extrêmement
approfondi; c'est la première fois qu'on intervient sur le terrain de la
santé mentale et, d'autre part, le peu de moyens qu'on a,
particulièrement en termes de ressources humaines, ne nous a pas permis
d'aller plus loin pour l'instant.
Cependant, ce dont on voudrait parler avec vous ce soir, c'est,
finalement, de l'intervention que nous faisons auprès de femmes en
difficulté, une intervention qui se fait dans un contexte communautaire
qui est celui des centres de femmes. Francine et Lyne vont vous en parler
encore plus concrètement peut-être que dans notre trop court
mémoire.
Par conséquent, nous ne nous prononcerons pas sur l'ensemble des
points qui ont été touchés dans le rapport du
comité Harnois. On voudrait simplement relever Ici, en premier lieu, les
points avec lesquels nous sommes particulièrement en accord. Je vais en
parler très rapidement parce que ce dont on veut vous parier plus
spécifique-
ment, c'est de ce qu'on fait dans nos centres de femmes avec des femmes
qui ont des problèmes de santé mentale.
En ce qui concerne le rapport du comité, il est évident
qu'on est en accord avec la philosophie générale qui est celle
d'une intervention centrée sur la personne; on est d'accord et heureuses
de voir qu'on reconnaît les femmes comme groupe social important dans
notre société, ce qu'on appelle dans le jargon un groupe Ã
risque. On est surtout d'accord avec le fait que le comité Harnois croie
qu'il y a un lien entre le fait que tes femmes vivent énormément
de problèmes de santé mentale et leur situation sociale et les
rôles sociaux qu'elles jouent encore aujourd'hui, en 1988. Cependant, je
voudrais juste dire que, tout comme le Regroupement des ressources alternatives
en santé mentale, on préférerait de beaucoup entendre
parier de situations à risque que de groupes à risque. Les femmes
n'ont pas des problèmes de santé mentale simplement parce
qu'elles sont des femmes. Il y a une situation dans laquelle elles sont
placées qui fait qu'elles ont ces problèmes-là .
Le rapport reconnaît ensuite l'apport du mouvement des femmes dans
l'analyse des problèmes que les femmes vivent en santé mentale et
dans la recherche de solutions appropriées. C'est intéressant de
voir reconnaître cet apport On propose aussi au gouvernement d'appuyer
les organismes communautaires, dans un objectif ou dans une optique de
partenariat. Alors, évidemment, sans aller plus loin pour le moment sur
cette question, il est bien entendu qu'on est d'accord avec une notion de
partenariat, pour autant qu'il s'agisse d'un partenariat qui s'exerce dans le
respect mutuel des rôles et fonctions de chacun des partenaires et pour
autant qu'on se sente des égales dans le partenariat.
Enfin, quant au plan d'action, on propose de doubler le financement aux
organismes communautaires s'occupant de personnes ayant des problèmes de
santé mentale. Il est évident qu'on est d'accord avec cette
recommandation; on irait beaucoup plus loin aussi. Nos moyens en tant que
centres de femmes, vous l'avez lu dans notre mémoire, sont tellement
précaires que n'importe quelle augmentation de nos moyens serait
bienvenue et très justifiée.
Là -dessus, je laisse tout de suite la parole à mes
compagnes qui vont vous expliquer très concrètement ce qui se
passe dans un centre de femmes.
Mme Lemay (Francine): Je vais faire une brève
présentation du travail qu'on effectue dans un centre de femmes Ã
Victoriaville. La Maison des femmes existe depuis sept ans. C'est une
Initiative locale pour répondre aux besoins des femmes. Nous faisons un
travail d'éducation, de sensibilisation et - d'information, d'action et
aussi de recherche qui vise à l'autonomie des femmes sur tous les plans,
autant affectif, social qu'éco- nomique.
La santé mentale est devenue une priorité pour nous depuis
quelques années à cause des demandes des femmes et des besoins
manifestés par les femmes. On travaille davantage en prévention.
On vise à l'élimination des causes des problèmes de
santé et on désire développer un environnement social
favorable à une saine santé mentale pour les femmes.
Nous avons une conception globale de la santé mentale,
c'est-Ã -dire qui tient compte des conditions sociales,
économiques, politiques, familiales et culturelles. On rejoint environ
2500 femmes par année par tous nos services et nos activités. Une
majorité de femmes sont à faible revenu.
Je vais vous faire un bref aperçu des problèmes
vécus par les femmes dans notre région. à la suite d'une
rupture, par exemple, d'une séparation, de l'expérience de la
violence ou du départ des enfants, des femmes vivent un isolement qui
les coupe de leur environnement social et produit chez elles un sentiment
d'échec et de culpabilité. Ce sentiment, s'il n'est pas
transformé par une démarche d'autoaffirmation, peut facilement se
détériorer et aller vers de la dépendance sous toutes
sortes de formes, notamment celle des médicaments et de l'alcoolisme.
Aussi, nous vivons une remise en question - on en parlait tantôt - du
rôle traditionnel joué par les femmes, mais il n'y a pas vraiment
d'alternative ou de moyen pour faire face aux nouvelles situations qu'elles
vivent. Donc, nous essayons de répondre à ces nouveaux besoins
d'autonomie, de réorienter sa vie et de s'ajuster à de nouvelles
valeurs.
Il y a aussi comme problème la pauvreté des femmes. Il y a
le manque de confiance et d'estime de soi. Il y a aussi qu'elles vivent un
rapport de dépendance affective et économique face à leurs
proches. Il y a le cumul des tâches domestiques et du travail Ã
temps partiel ou à temps complet qui provoque souvent une grande fatigue
physique et un stress psychologique. Il y a tes rapports difficiles avec le
conjoint. Il y a la situation économique précaire des femmes
chefs de famille, qui sont de plus en plus nombreuses, qui engendrent une
série de problèmes socio-affectifs et de fortes tensions.
Donc, c'est un bref aperçu des problèmes qu'on
éprouve. Afin d'apporter des solutions aux différents
problèmes, on offre un service de référence et d'accueil
pour les femmes. C'est un soutien individuel et une écoute active. Par
cette écoute active, nous essayons, lors de ces rencontres
individuelles, de favoriser une prise de conscience des
stéréotypes et des rôles limitatifs dans lesquels la
société nous enferme, de permettre aussi aux femmes de ne plus se
sentir les seules responsables de leur situation, de consolider l'estime de soi
et de développer l'affirmation de soi. Nous cherchons aussi, comme
intervenantes, à établir un rapport égalitaire avec la
personne qui est devant nous, à démystifier le
pouvoir professionnel et à expliquer le caractère et les
objectifs du processus d'aide dans un langage le plus clair possible. Nous
trouvons important aussi de nous impliquer personnellement dans le processus en
partageant notre propre expérience comme femmes, nous, comme
intervenantes. Donc, il s'agit d'établir un contrat clair et
renégociable en tout temps avec les femmes.
Comme autre type d'activités aussi, nous offrons une série
de rencontres sur la connaissance de sol et l'affirmation de sol et une
série de rencontres sur la ménopause. Il y a aussi le groupe
d'action en santé mentale qui, pour nous, est un groupe
bénévole Important qui existe depuis trois ans et qui fait la
promotion de la santé mentale dans la région par des
conférences, des soirées thématiques, des chroniques et
des topos promotionnels à la télévision communautaire.
Cette année, c'est une nouvelle activité qui va être
très importante.
Nous voulons aussi produire un radioroman sur la santé mentale
des femmes avec un groupe de femmes et une animatrice. Cette activité
permettra la création et on pense que c'est un excellent moyen
d'expression de ses idées et de ses émotions. Elle permettra
également t'échange de vues dans le groupe, le support mutuel, la
valorisation et la confiance de ces femmes. Cela permettra aussi une diffusion
à grande échelle dans la population pour aller rejoindre le plus
de femmes possible. Suivi d'une ligne ouverte, ce radioroman permettra Ã
des auditrices de s'exprimer sur l'épisode de la semaine qui traitera
toujours de la santé mentale et, chaque semaine, il y aura un sujet
nouveau avec une personne-ressource.
Il y a aussi un groupe d'entraide pour les femmes qui vivent des
problèmes de solitude, de difficulté de communication et
d'adaptation. La référence à un groupe permet de briser
l'isolement, fournit aussi un support tangible et respecte les rythmes de
chaque Individu. C'est une démarche à plus long terme avec un
suivi. En ce moment, nous effectuons une étude sur l'état de
santé des femmes et les besoins des femmes en santé mentale dans
la région. Il y a 344 femmes qui ont répondu à un
questionnaire de 64 questions assez étoffées et
informatisées. Le rapport final sortira en février prochain.
Nous avons travaillé également à la mise sur pied
de ressources spécifiques. Il s'agit de Liaison femmes-travail, qui est
une ressource pour les femmes qui veulent retourner sur le marché du
travail, et de L'Entre-Temps qui est une maison d'hébergement pour
femmes victimes de violence.
En terminant, je voudrais dire que dans notre région il y a un
manque flagrant de ressources alternatives en santé mentale. Une femme
qui a des problèmes de santé mentale, les possibilités qui
lui sont offertes à elle sont le service de psychiatrie de
l'hôpital, le service limité du CLSC qui a seulement un
psychologue et les services professionnels de psychologues ou de
psychothérapeutes qui sont très coûteux et souvent
Inaccessibles aux femmes.
Donc, nous visons à la mise sur pied d'une ressource alternative
en santé mentale qui pourrait travailler spécifiquement
là -dessus et permettre à des femmes de prévenir les
problèmes qui pourraient devenir, à un moment donné,
très difficiles. Alors, c'était un bref aperçu de la
façon dont on Intervient en santé mentale. Merci.
Mme Dessureautt (Lyne): Alors, moi, je ne répéterai
pas tous nos services et activités parce que ce sont sensiblement les
mêmes qu'à la maison des Bois-Francs à Victoriaville.
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes de quelle région?
Mme Dessureault: Je suis du Centre des femmes de Verdun.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Mme Dessureault: Notre centre, c'est un organisme communautaire
qui intervient au niveau de la santé mentale des femmes, plus
précisément. Je vais expliquer pourquoi on en a fait une
priorité d'intervention et le rôle qu'on joue auprès des
femmes face à cette problématique. Je vais vous
énumérer quelques expériences concrètes. Si on
travaille actuellement dans le domaine de la santé mentale des femmes,
ce n'est pas le fruit du hasard. En sept années d'existence, le centre a
eu d'autres priorités d'Intervention telles que la violence faite aux
femmes et l'autonomie financière des femmes.
Cependant, on a remarqué qu'on ne pouvait pas intervenir quant
à ces deux problématiques sans aborder la question de la
santé mentale chez les femmes. En effet, une femme qui n'a aucune estime
de sol, qui a de la difficulté à faire des choix et qui ne sait
pas ce qu'elle veut faire de sa vie voit difficilement comment elle va sortir
de son problème de violence, comment elle va pouvoir le résoudre.
La même situation s'est reproduite lorsqu'on a travaillé dans te
domaine de l'autonomie financière des femmes. Les femmes n'avaient
jamais expérimenté une démarche d'autonomie dans d'autres
sphères de leur vie et elles se sentaient dévalorisées,
inutiles, Isolées. Parler de l'autonomie financière,
c'était trop loin de la réalité immédiate et elles
avaient davantage besoin de se prendre en main émotivement. C'est
pourquoi, depuis trois ans, on travaille à l'amélioration de la
santé mentale des femmes.
On constate, Ã ce sujet, que la demande des femmes est croissante
et que les besoins sont présents. En une année, on a rejoint
près de 3300 femmes et ce chiffre va en augmentant. Il y a plusieurs
raisons à cela: entre autres, le centre est situé sur un
territoire où il y a une forte
concentration de femmes ayant vécu ou vivant une hospitalisation
psychiatrique car, à Verdun, iI y a un hôpital psychiatrique qui
est l'hôpital Douglas. De plus, dans le contexte de la
désinstitutionnalisation, cela nous a obligées à mettre en
place des mécanismes permettant aux femmes de recevoir dans leur
communauté du soutien. Alors, on a mis sur pied des activités
spécifiques telles que des ateliers sur la consommation de
médicaments, sur l'anorexie et la boulimie, entre autres. On a aussi
établi des contacts privilégiés avec des médecins
de la localité pour que notre approche soit plus connue, de même
qu'avec certains intervenants de l'hôpital psychiatrique. (17 h 45)
Dans le rapport Harois, on met en lumière des problèmes
qui connaissent une croissance importante au Québec. On parle de
suicide, de toxicomanie, de violence et on remarque que les femmes sont
particulièrement touchées par ces problématiques. Cela se
vérifie par le vécu des femmes qui fréquentent le centre.
Une majorité d'entre elles ont aussi des revenus très modestes.
Elles vivent en couple, bien qu'une majorité jugent que leur relation
avec leur conjoint est insatisfaisante. Les femmes vivent beaucoup de
problèmes. Cependant, on constate qu'entre le moment où ces
problèmes se révèlent et le moment où on peut
apporter un soutien, il s'écoule beaucoup de temps. C'est pourquoi notre
centre a relevé le défi de la prévention et de la prise en
charge pour pouvoir répondre immédiatement à ces besoins.
On peut intervenir auprès des femmes avant que se déclenchent les
situations de crise. Les femmes sont alors capables de composer avec leur
milieu.
Notre Intervention va permettre aux femmes de reconnaître, dans un
premier temps, les facteurs à la source de leur état, puis de les
réduire et de les éliminer. Les programmes d'intervention ont
été expérimentés et créés Ã
notre centre. On a mis en place des services et des activités favorisant
l'action et la prise en charge par les femmes de leur santé.
à titre d'exemple, on a eu un groupe d'intervention et d'entraide
sur la consommation de médicaments. Je peux faire un profil des
participantes. Ces femmes avaient une histoire médicale assez longue,
elles consommaient beaucoup de médicaments, elles avaient
développé une dépendance à leur égard. La
consommation était devenue routinière, les femmes ne comprenaient
plus pourquoi elles en avaient besoin, mais ce qu'elles savaient, c'est qu'il
était facile de se procurer des médicaments et qu'elles se
sentaient moins stressées. Le groupe leur a permis de s'interroger sur
les causes de leur surconsommation et de reprendre contact avec leur
réalité, de prendre des décisions pour pouvoir changer des
choses dans leur vie. Ce groupe fonctionnait sur la base d'échanges de
vues et de partage du vécu; cela a permis à une majorité
d'entre elles de diminuer et même d'arrêter toute
médication. Les femmes ont témoigné de leur
expérience dans un numéro spécial du journal du centre qui
portait sur la santé mentale des femmes et, aujourd'hui, les
résultats qu'on peut constater, c'est que quelques-unes d'entre elles
sont des bénévoles actives au sein de notre organisme, plus
particulièrement au sein de notre conseil d'administration.
Je vais vous parier du cas d'une des femmes de ce groupe qui
était victime d'inceste et qui subissait de la violence conjugale quand
elle est arrivée au centre. Elle consommait abusivement des
médicaments et le groupe lui a permis d'arrêter toute
médication et de s'impliquer au centre. Elle fait maintenant partie du
conseil d'administration et elle travaille dans un autre organisme
communautaire à Verdun. Cela a vraiment eu des résultats concrets
avec elle
Bien qu'on accorde une importance particulière aux femmes qui ont
besoin de soutien à cause de leur problème de santé
mentale, on trouve également essentiel d'accorder de l'Importance
à celles qui veulent conserver une bonne santé mentale. On essaie
de rendre les femmes capables de poser des gestes pour conserver et
améliorer leur santé mentale. Par exemple, chez nous, il y a
beaucoup de femmes de 40 ans qui sont travailleuses au foyer et qui, parce que
les enfants ne sont plus à la maison, commencent à se sentir
inutiles, dévalorisées, de plus en plus isolées et
déprimées. Alors, c'est possible pour ces femmes de
s'intégrer à des comités de bénévoles, par
exemple, où elles pourront réfléchir pour savoir comment
elles devront prendre en main leur situation avant qu'elles-mêmes ne
tombent dans la dépression. C'est vraiment un travail de
prévention qu'on fait.
Les résultats obtenus par notre approche préventive sont
assez concluants à court terme, les femmes sont amenées Ã
faire face à leurs problèmes, à trouver des moyens pour
tenter de les résoudre et, à plus long terme, elles s'engagent
dans un processus d'autonomie, de prise en charge qui va les amener Ã
faire des choix bénéfiques pour leur santé mentale, des
choix tels le retour aux études, le retour sur te marché du
travail, une rupture familiale lorsque c'est nécessaire. C'est d'autant
plus important qu'il existe peu de ressources, dans le réseau
Institutionnel, favorisant une telle démarche.
En terminant, j'aimerais dire que le gros problème des centres de
femmes, c'est le manque de ressources financières et qu'on pourrait
faire beaucoup plus encore si on avait plus d'argent. Nos travailleuses, nos
bénévoles réussissent déjà beaucoup avec de
très faibles moyens, elles pourraient réussir plus. Merci.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, madame. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que Mme David voulait ajouter un
mot.
Le Président (M. Baril): Allez-y.
Mme David: C'est simplement pour vous rappeler les
recommandations qui sont incluses dans notre mémoire, qui sont de deux
ordres, finalement: d'une part, qu'on poursuive les recherches,
particulièrement sur la question de la dépression des femmes,
mais ce, en lien avec des organismes qui travaillent directement avec des
femmes et non seulement, même si c'est nécessaire, avec des
organismes qui prennent des positions sur la situation des femmes et des
organismes qui font des recherches. C'est évident que ces organismes
doivent être associés à toute recherche en santé
mentale en ce qui concerne les femmes, mais ce serait très Important de
consulter et d'Interroger les intervenantes qui, quotidiennement, travaillent
avec ces femmes. Egalement, évidemment, on souhaite que le
ministère de la Santé et des Services sociaux reconnaisse le
travail fait par les centres de femmes dans le domaine - je ne veux pas rentrer
dans le jargon - dans le secteur de la santé mentale et que, par
conséquent, on puisse avoir davantage de moyens pour faire ce
travail.
Le Président (M. Baril): Merci madame. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier le Regroupement des
centres de femmes pour son mémoire. D'ailleurs, on a un peu parlé
de vous, ce matin, très brièvement, à l'occasion de la
présentation du rapport du Conseil du statut de la femme.
J'écoutais le témoignage de la représentante de
Victoriaville celui de la représentante de Verdun; on avait l'Impression
que vous aviez des budgets de 200 000 $ chacune, Ã entendre la
description des services que vous offrez. Au point de départ, je veux
vous remercier pour les femmes que vous aidez.
Il y a 90 centres de femmes au Québec. C'est ceia?
Mme David: Malheureusement, II en reste 60. Il y en a
déjà eu 100, mais on n'a pas beaucoup d'argent.
Mme Lavoie-Roux: II en reste 80, d'accord. Est-ce que tous ces
centres sont intéressés à la santé mentale ou si
les deux groupes qui vous accompagnent sont des centres particulièrement
intéressés à cette dimension? Le centre de Verdun nous a
expliqué de quelle façon on y était arrivé, parce
qu'on réalisait que pour aider les femmes à sortir de d'autres
problèmes on devait passer par la prévention en santé
mentale. Ã'a été la même chose Ã
Victoriaville, quoique vous ne l'y avez pas présenté de la
même façon. Est-ce que les autres centres s'intéressent
à fa santé mentale d'une façon aussi active que ces deux
centres-là ?
Mme David: C'est évident que les deux centres qui sont
représentés ici ont peut-être, de façon plus
spécifique, mis sur pied des projets précis dans le domaine de la
santé mentale - quand je dis 'domaine", je ne me réfère
pas au rapport Harnois - mais, dans l'ensemble des centres de femmes, il est
évident que, sans avoir de projet aussi spécifique qu'un
radioroman, par exemple, sur cette question-là , qui est un projet
très novateur, tous les centres interviennent sur ce terrain-lÃ
étant donné que la clientèle des centres de femmes, de
façon générale, a beaucoup de ressemblance. C'est une
clientèle de femmes qui ont généralement entre 35 et 50
ans et qui ont pour caractéristiques d'être pauvres, d'êtres
seules, et de vivre énormément isolées. Non seulement
sont-elles seules sur le plan familial avec des enfants, mais elles sont
souvent très seules en ce qui a trait à l'absence de contact et
de relations sociales.
Donc, dans l'ensemble des centres, on reçoit des femmes qui ont
des problèmes de dépression, qui ont des problèmes, par
conséquent, d'abus de médicaments et d'alcool, des femmes qui ont
fait des tentatives de suicide, des femmes qui ont recours, beaucoup trop
souvent, aux services des médecins. Le magasinage d'un médecin
à l'autre, c'est une réalité, sauf qu'on ne se demande pas
assez souvent pourquoi. Ce n'est pas parce qu'on a envie d'aller courir trois
ou quatre médecins. C'est parce que, souvent, c'est la ressource qui
paraît peut-être la plus proche et la plus facile d'accès.
Si on pense à des caractéristiques en termes de clientèle,
en termes des usagères des centres de femmes, on peut dire que c'est
passablement commun à tous les centres de femmes.
Maintenant, il est évident que ce qui fait d'ailleurs, Ã
notre avis, la richesse de ce réseau de centres de femmes, c'est qu'ils
ne sont pas tous Impliqués également dans des projets
spécifiques ou qu'ils n'utilisent pas tous les mêmes approches. On
a certains centres, par exemple, qui ont mis sur pied des projets de retour au
travail pour les femmes en utilisant des programmes de retour à l'emploi
fédéraux ou provinciaux. Les femmes qui s'intègrent dans
ces projets-là sont très souvent des femmes seules,
déprimées, avec des problèmes de pauvreté et tout
ce qui s'ensuit et c'est par ce biais-là qu'on va tenter de solutionner
leurs problèmes.
Ailleurs, certains centres de femmes, vous le savez peut-être,
dans plusieurs endroits ont mis sur pied des maisons d'hébergement pour
femmes victimes de violence qui, par la suite, sont devenues autonomes du
centre de femmes. C'est aussi un des volets des problèmes des femmes, je
pense, en rapport avec la santé mentale. Le rapport Harnois en parie. La
violence conjugale, je pense que c'est maintenant évident pour tout le
monde. Les approches peuvent être différentes, mais ta
clientèle, elle, ne varie pas beaucoup. Cela se ressemble pas mal,
évidemment avec la couleur locale. La clientèle de femmes d'une
grande ville comme Montréal va vivre des
problèmes de solitude qui peuvent être différents
d'une clientèle semi-rurale ou rurale. C'est Incroyable qu'Ã
Montréal, dans une ville de 2 500 000 habitants, la solitude des femmes
puisse se vivre de façon aussi aiguë. L'anonymat est tellement
grand qu'Ã la limite une femme pourrait absorber une pleine bouteille de
médicaments et personne ne s'en apercevrait durant plusieurs jours. Cela
ne se passerait peut-être pas tout à fait comme cela dans une
autre région. Ce que certains centres de femmes nous disent, c'est que
l'Isolement va être vécu différemment. Par exemple, une
femme qui vit une rupture, la rupture d'un lien conjugal, une femme victime de
violence, une femme qui se retrouve seule avec des enfants, va vivre une
espèce de rejet social qui va être plus grand ou qui va être
différent de ce qu'on peut vivre à Montréal, où
l'anonymat fait qu'au fond personne ne le sait Dans ce sens-là , il y a
des différences.
Mme Lavoie-Roux: Je comprends que votre centre est situé
à Victoriaville même.
Mme Lemay: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Combien de personnes rejoignez-vous,
nominalement, parce qu'une même personne peut revenir plusieurs fois dans
une année? Vous avez parlé de 3500 personnes que vous aviez
rejointes, ou 3300.
Mme Dessureault: 3300.
Mme Lemay: On a évalué, l'année
dernière, environ 2500 femmes.
Mme Lavoie-Roux: Pour quel pourcentage de ces 2500 personnes y a
t-il un contact régulier, je dirais, au moins une fois par mois ou
peut-être dix fois dans l'année, les choses étant au
ralenti durant l'été? Quel est le rythme du contact pour la
majorité de ces 2000 femmes?
Mme Lemay: C'est sûr que, quand on dit 2500 femmes, cela
comprend tous les services et les activités. Il y a l'Information par
téléphone, la référence. Il y a les cours, les
ateliers. Donc. cela comprend les Inscriptions aux cours. Cela comprend les
événements spécifiques qui sont organisés comme la
journée internationale des femmes, la journée d'action contre la
violence faite aux femmes, et il y a les différents comités qui
font aussi partie de la maison des femmes comme telle. Donc, cela peut
être aussi bien une femme qui vient une fois, deux fois ou trois fois
pour un service particulier et qui va revenir deux ans ou trois ans plus tard.
Il y a des femmes qui viennent et qui peuvent venir régulièrement
Le nombre, ce serait difficile à dire, à évaluer.
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure vous exposiez, par
exemple, les contacts qui me sont apparus comme étant Individuels ou
peut-être de petits groupes, Je ne sais pas, où les femmes sont
appelées à prendre conscience de certains problèmes ou
d'un certain questionnement qu'elles ont. Dans ce type de groupes qui peuvent
rejoindre peut-être davantage les personnes au plan de la santé
mentale, comme vous mentionniez que certaines d'entre elles avaient
arrêté une surconsommation de médicaments, il s'agirait de
combien de femmes avec lesquelles vous travailleriez sur cette base plus
individuelle même si c'est à l'Intérieur de petits
groupes?
Mme Lemay: D'accord. On a évalué à une
centaine le nombre de femmes par année avec lesquelles on a une relation
d'aide individuelle avec suivi par ta suite.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez combien de personnes dans votre centre
qui travaillent sur une base... Combien sont payées? Je sais que vos
budgets sont à peu près de 20 000 $, 10 000 $, 5000 $.
Apparemment, vous allez en chercher au fédéral et ça vous
enrichit un petit peu.
Mme Lemay: C'est ça.
Mme Lavoie-Roux: II s'agit de combien de personnes sur une base
bénévole qui participent assez régulièrement et sur
une base plus permanente?
Mme Lemay: C'est une personne et demie ou deux personnes Ã
temps plein et, quand ça va un peu mieux, ce sont deux permanentes
à temps plein. Il y a une soixantaine de bénévoles qui
participent de différentes façon; sinon, on ne pourrait pas
donner les services qu'on offre à la population. Il y a aussi 180
membres à la maison des femmes.
Mme Lavoie-Roux: Qui paient une petite cotisation. (18
heures)
Mme Lemay: Une cotisation et qui participent Ã
l'organisation de différentes activités. Sauf que le
problème qui se pose, c'est que le bénévolat ou le travail
volontaire, comme on l'appelle chez nous, a ses limites. Pour nous,
l'implication des membres est Importante, de sentir un sentiment d'appartenance
des membres à la maison des femmes, mais ça ne doit pas
être la base d'un fonctionnement et d'une structure. On veut bien
compléter et permettre l'implication des femmes, c'est Important et
nécessaire, mais il faut quand même qu'il y ait une base
permanente importante. Pour nous, deux personnes, ce n'est pas suffisant. C'est
évident.
Le Président (M. Baril): Malheureusement, nos
règlements nous disent que nous devons terminer à 18 heures. Pour
continuer, nous avons besoin d'un consentement.
Une voix: il vous est acquis.
Le Président (M. Baril): Alors, poursuivez.
Mme Lavoie-Roux: II me reste combien de temps, parce qu'il y a
peut-être de mes collègues qui veulent... Je vais juste continuer
très rapidement. Alors, deux personnes, les autres sont
bénévoles. Bien qu'avec des chiffres un peu différents,
j'imagine que c'est de la même façon que vous fonctionnez Ã
Verdun et, grosso modo, dans l'ensemble des centres de femmes. Je vais attendre
et je reviendrai vers la fin, parce que j'ai d'autres questions Ã
poser.
Le Président (M. Baril): Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Je suis toujours
heureuse lorsque j'entends des groupes de femmes se présenter et faire
valoir leurs revendications. Il n'y a pas si longtemps, lorsqu'on parlait de
santé mentale, on voyait une très grande complicité entre
les hommes, les médecins traitants et même les psychiatres car, il
n'y a pas si longtemps, certaines femmes se sont fait enfermer parce que
certains maris avaient décidé de divorcer et qu'ils ne trouvaient
pas d'autres solutions. Ils trouvaient que le fait que leur femme ait certaines
sautes d'humeur devait faire l'objet d'une évaluation psychiatrique et,
plus souvent qu'autrement, on y voyait une certaine complicité entre un
médecin traitant et la personne" qui demandait cette évaluation.
Souvent, la femme se trouvait sans recours et, Ã tort ou Ã
raison, on a toujours été beaucoup plus vindicatif en ce qui
concerne les comportements de la femme. On a toujours considéré
qu'elle était déviante lorsqu'elle parfait trop fort et qu'elle
avait des cris d'hystérie et surtout des comportements
hystériques lorsqu'elle s'affirmait d'une façon trop agressive,
ce qu'on dit rarement chez les hommes. On dit qu'un homme s'affirme avec
conviction, mais une femme avec beaucoup d'agressivité.
Or, cela fait un peu partie de la maladie lorsqu'on parle de la maladie
mentale, surtout en ce qui concerne l'approche faite aux femmes. Lorsqu'on
regarde actuellement le traitement, il y a deux formes d'approche, finalement:
celle des hommes et celle des femmes. Lorsqu'on regarde le haut taux
d'hospitalisation en psychiatrie chez les femmes, le haut taux d'ingurgitation
de médicaments chez les femmes et aussi toutes les tendances
dépressives et toutes les tendances suicidaires chez les femmes,
trêve de boutade, je me demande si c'est à supporter les hommes
qu'elles deviennent aussi déviantes. Je me demande, finalement, s'il ne
faudrait pas qu'on ait une profonde réflexion sur la maladie mentale,
surtout quant au volet femmes, et surtout aussi sur l'approche et le traitement
que l'on accorde très souvent aux femmes.
Le bonheur que j'ai eu de voir votre rapport, c'est que des femmes sont
capables de se prendre en main, ces femmes que l'on taxe très souvent
d'incapacité de complicité entre elles, qui sont toujours en
train d'essayer de se détruire entre elles. On a la preuve ici... Vous
êtes le seul groupe à ne pas avoir fait de revendication de statut
ou de corporatisme de quelque nature que ce soit. Tout ce qu'on a pu ressentir,
c'est votre intérêt à faire en sorte que des femmes soient
de plus en plus informées, aient un traitement de plus en plus
humain.
Vous avez surtout parlé de confiance et d'estime de soi. C'est
peut-être la base du traitement. Surtout lorsqu'on parle de santé
mentale chez les femmes, il faudrait peut-être commencer par ta confiance
et l'estime. Des psychiatres sont venus et différents autres groupes; on
a toujours parlé d'une approche biopsychosociale et on disait que seuls
les psychiatres étaient appelés à avoir cette façon
de voir les choses, qu'ils avaient été formés pour cette
forme d'intervention. Or, si l'avenir pouvait être garant de ce qui a
été fait dans la pratique passée, cette notion
biopsychosociale a toujours été inhérente à la
personne humaine. Ce n'est pas quelque chose de récent ou de nouveau. Si
on y avait justement porté une attention plus particulière
antérieurement, je pense que l'état de santé mentale des
femmes s'en porterait beaucoup mieux.
Je pense qu'on a raison de croire que c'est entre elles que les femmes
pourront trouver les moyens de s'entraider. Nous devons, en tout cas, soutenir
l'effort et les moyens que ces femmes, entre elles, ont mis de l'avant. Ce que
je trouve dommage, c'est cette difficulté et cette connotation qu'on
essaie toujours d'accorder à ces groupes de femmes dites
féministes, entre parenthèses, parce qu'elles ont compris que si
elles faisaient trop confiance à un autre groupe de la
société, c'était bien de valeur, mais elles risquaient d'y
perdre leur peau, leur âme et leur moral. Je pense que c'est dommage
qu'on ait toujours cette connotation péjorative du mot
"féministe". Je crois que, quand on a intérêt à voir
à ce que notre santé mentale, physique et psychique soit dans son
intégrité, c'est tout à notre honneur et à notre
estime aussi. Cela mérite beaucoup de considération.
On sait que, très souvent, vous avez des problèmes
budgétaires qui ne sont pas à dédaigner non plus parce
que, dans la plupart des interventions, quoique vous aimiez avoir un suivi
beaucoup plus continu, c'est difficile parce que justement la plupart de vos
préoccupations sont toujours le financement. Est-ce que, demain matin,
vous allez pouvoir survivre? Est-ce que, demain matin, vous allez être
obligées de fermer vos portes. Est-ce que vous pourrez entreprendre un
programme qui permettrait d'aller plus loin dans votre recherche ou dans votre
support ou dans le soutien auprès de la personne concernée?
Est-ce que vous pourrez faire de l'accompagnement dans différentes
décisions que cette per-
sonne-là aura à prendre? Ce ne sont pas les intentions qui
vous manquent, ce sont tout simplement tes moyens nécessaires et,
surtout, de la considération de la part des gouvernements quels qu'ils
soient
Je parle beaucoup plus en tant que femme, je pense, qu'en tant que
représentante politique. Je crois que c'est Important qu'on donne une
place de choix à la femme. Nous représentons 52 % de la
population et Je trouve Inadmissible, dans une société dite
civilisée, dite moderne, où on est à la fine pointe de la
technologie, qu'on ait encore de la difficulté à accepter que la
femme est une personne à part entière et que, dans certaines
situations, on veuille toujours vivre une situation de dominant-dominé.
Je pense que c'est dans l'égalité des sexes que l'on trouvera
l'harmonie dans nos sociétés, compte tenu de tous les
désarrois que nous sommes en train de vivre au niveau de la famille et
compte tenu aussi des jeunes, des orientations et des modèles. Je pense
que ce n'est que dans le respect qu'on arrivera à trouver de
véritables solutions.
Effectivement, plusieurs ont parlé d'une politique de la
santé mentale; beaucoup ont parlé de structures ou de champ
d'application. Je pense que c'est à partir de ce qu'on a en soi, de
l'estime qu'on a de soi que l'on peut trouver de véritables
remèdes à tous ces maux.
Mes principales questions, compte tenu surtout de mon commentaire...
M, Chevrette: Avez-vous des questions? Est-ce que...
Mme Vermette: Pas nécessairement "est-ce que". Ma
principale question ou ma principale préoccupation est à savoir.
Combien de temps seriez-vous capables de tenir le coup sans qu'on vous donne un
support supplémentaire?
Mme Dessureault: Ce que je peux dire, c'est qu'actuellement on
tient le coup surtout grâce à l'Implication de
bénévoles, il va sans dire. On tient le coup grâce Ã
des programmes de développement de l'emploi aussi. En tout cas, chez
nous, on a tenu le coup comme cela.
Une voix: Fédéraux?
Mme Dessureault: Fédéraux, oui, c'est cela. Ce qui
a fait que le centre a survécu, ce sont les compromis que les
travailleuses ont voulu faire, c'est-Ã -dire; travailler
bénévolement elles aussi pour survivre. En tout cas, les services
qu'on a développés avec les femmes, nous, si on n'a pas de
financement supplémentaire, on ne pourra pas maintenir ce rythme de
croisière, il va falloir couper quelque part.. On va pouvoir maintenir
les services de base, mais on ne sera pas capable de maintenir toutes les
activités qu'on a mises de l'avant, qu'on a élaborées. Je
trouve cela dommage parce qu'on a fait beaucoup de recherche, avec les femmes,
on est très proche de leurs besoins, on sait à quel niveau il
faut Intervenir auprès des femmes, mais là , actuellement, on se
rend compte qu'on a un manque de ressources financières et je me rends
compte qu'on ne serait pas capable de maintenir le rythme, en tout cas Ã
Verdun, auquel on a réussi à parvenir si on n'a pas de
financement supplémentaire. C'est sûr.
Le Président (M, Baril): Mme Lemay a des commentaires
aussi.
Mme Lemay: Ce qui est embêtant, c'est que, finalement, on
est très tenace. Depuis sept ou huit ans, on dit: Là , ça
va fermer si ça continue comme ça. C'est toujours ouvert. C'est
un peu embêtant pour nous, d'ailleurs, parce qu'on se fie peut-être
que ça va être ouvert de toute façon. Le problème,
aussi, c'est qu'il y a un roulement des permanentes. Cela est malheureux. Mol,
je tiens le coup depuis un certain temps, je ne sais pas jusqu'Ã quand.
Pour une autre, c'est la même chose. à un moment donné,
ça ne se peut plus, il y a une autre personne qui arrive, c'est encore
à recommencer et le développement est moins présent. C'est
un problème qu'on a dans tous les centres de femmes.
Mme David: J'aimerais ajouter quelque chose, connaissant un peu
la situation d'ensemble dans tes centres. Je ne veux pas faire de
sensationnalisme et dire que si, dans trois mois, on n'a pas plus d'argent 50 %
ou 75 % de nos centres vont fermer, je connais maintenant assez bien les
centres pour savoir que ce n'est pas cela qui arriverait. Or, le
problème, c'est que non seulement il y a du roulement de personnel,
mais, au fond, il y a une perte de temps et d'énergie
considérable, d'une part, à remplir tes multiples demandes de
subvention qu'on fait pas seulement à Québec, mais Ã
Ottawa. On prend l'argent où il se trouve. C'est aussi simple que
cela.
D'autre part, le roulement de personnel occasionne très souvent
des espèces de creux où le centre, pendant un mois ou deux, est
réduit à sa plus simple expression. Tout à coup, arrive un
projet ou un programme de développement d'emploi, ça repart, mais
avec du nouveau personnel qu'on devra mettre à la porte possiblement 26
semaines plus tard pour, à un moment donné, en réengager
d'autres. C'est complètement non fonctionnel. Cela n'a pas de bon sens.
Cela peut tenir un certain temps. Ãa tient, bien sûr, grâce
à certaines femmes qui, à un moment donné, travaillent et
après retirent le chômage, sont au conseil d'administration,
reviennent un an plus tard. Il y en a qui essaient comme ça de faire des
transitions mais, franchement, je ne connais pas beaucoup d'organismes publics
qui fonctionneraient comme cela. Je pense que les directions ne seraient pas
complètement d'accord.
Dans les centres de femmes, ce n'est pas parce qu'on est d'accord qu'on
fonctionne comme cela. On n'a pas le choix, quelque part Je pense que non
seulement ça fait en sorte qu'à certains moments nos
activités sont réduites, ce qui est très dommage pour les
usagères, mais aussi ça ne nous permet pas de nous
développer, ça ne nous permet pas d'aller plus loin, par exemple,
de faire vraiment une systématisation de toutes les données qu'on
a portant sur nos clientèles, leurs problèmes et les pratiques
qu'on développe. Mon Dieu qu'on pourrait écrire si on avait le
temps, on pourrait compter, comptabiliser. Mais, même ça, c'est
difficile à faire compte tenu des ressources qu'on a.
LÃ , on ne parlera pas des ressources du regroupement provincial.
Il y a une coordonnatrice, moi-même, et une coordonnatrice administrative
et ça s'arrête là . Alors, quand II faut écrire trois
mémoires en même temps et tenter d'aider les centres, les
soutenir, essayer d'organiser de la formation, travailler de concert avec les
autres associations de femmes, vous pouvez imaginer un peu ce que cela donne.
à la limite, ça finit par être non fonctionnel. Je pense
qu'on devrait trouver des moyens pour que les choses soient
différentes.
Mme Vermette: Vous êtes en train de nous dire que ce que
vous êtes capables de faire à l'heure actuelle, c'est de
répondre uniquement à des cas d'extrême urgence parce que,
finalement, quant au reste, ce serait difficile pour vous de pouvoir
intervenir. C'est surtout sur les personnes qui sont le plus en manque que vous
allez faire porter votre intervention, plutôt que de faire un peu de
curatif, comme vous l'avez dit tantôt, ou de l'information ou de
l'éducation.
Mme Dessureault: Pas nécessairement. Je ne dirais pas
nécessairement cela, mais je dirais qu'on accueille les femmes. Ce ne
sont pas juste les cas limites qui viennent aux centres de femmes, sauf que,
parfois, on aimerait peut-être développer autre chose, quand on
parle de développement C'est ça qu'on n'a pas le temps de faire.
Là , quand les femmes viennent à nos activités et expriment
d'autres besoins, on est limité à ce moment-là . On ne peut
pas faire d'accompagnement, de suivi de cas comme on aimerait bien en faire,
mais ça demande une structure qu'on ne peut pas mettre en place. On n'a
pas les ressources nécessaires pour le faire. On essaie de faire tant
bien que mal un peu de suivi, mais cela a ses limites à ce
moment-là . Je ne peux pas dire que les centres de femmes accueillent les
cas extrêmes.
Mme Vermette: Travaillez-vous en collaboration avec les gens du
réseau? Ãtes-vous considérées aussi comme une
ressource alternative quelquefois? Vous arrive-t-il de répondre Ã
du dépannage pour certaines urgences ou des choses comme cela?
(18 h 15)
Mme Dessureault: Nous, en ce qui concerne le dépannage, on
a de la difficulté avec cela. On n'a pas les ressources non plus pour
faire du dépannage. On va essayer, à ce moment-là , de voir
avec les femmes où elles peuvent avoir du dépannage. On va faire
une certaine démarche avec elles. Nous essayons de développer la
collaboration avec les ressources, particulièrement les médecins
à qui on envoie chaque année un dépliant du centre et on
leur explique ce qu'on fait parce qu'on trouve cela important. La même
chose avec l'hôpital psychiatrique. On développe de plus en plus
des contacts avec les intervenants et avec les intervenantes pour qu'ils nous
connaissent comme ressource aussi pour les femmes.
Mme Vermette: On nous disait très souvent que la porte
d'entrée, c'était par les CLSC et que c'était le
médecin omnipraticien ou les psychiatres dans les urgences, qu'ils
étaient prêts et ouverts à la discussion et au dialogue,
mais cela ne se faisait pas dans les deux sens. Très souvent, vous
étiez jaloux de vos juridictions ou de votre approche qui était
tout à fait différente de l'approche institutionnelle et
finalement c'était très difficile d'avoir des échanges de
vues et cela pouvait même aller à rencontre de certains
traitements.
Mme Lemay: Je pourrais peut-être ajouter qu'on a, nous
aussi, une collaboration avec des professionnels de la santé, que ce
soit le CLSC ou, à l'hôpital, le psychiatre ou le psychologue,
mais je pense que ce qu'il est important de dire, c'est qu'on sait où
frapper aussi. Par exemple, on a déjà des contacts avec les
représentants ou les représentantes de ces différents
secteurs du réseau institutionnel et on les contacte quand on veut avoir
une collaboration. Je ne pourrais pas dire cela pour tous les médecins
ou pour tous les psychiatres ou psychologues, mais on a quand même
développé une crédibilité et on sent que, dans
différents milieux, la collaboration est possible.
Le Président (M. Baril): Merci. M. le député
de Sainte-Anne.
M. Polak: Très rapidement, parce que Mme la ministre a
peut-être d'autres questions à poser. La raison pour laquelle
j'interviens, c'est que Mme Dessureault, du Centre des femmes de Verdun, et
moi, nous nous connaissons bien. Comme député, j'ai toujours
tenté de vous aider le plus possible, et vous le savez, parce que je
connais votre travail et je suis allé chez vous. Je n'ai pas toujours le
temps d'y aller, mais le personnel de mon bureau y est allé parce que je
veux vraiment être au courant de ce qui se passe. D'ailleurs, pour le
bénéfice de la ministre, je dois vous dire que, dans te programme
de soutien aux organismes communautaires, vous
présentez toujours votre projet, et Je viens juste
d'écrire une lettre à Mme ta ministre pour appuyer fortement
votre demande cette année. Combien avez-vous reçu l'année
dernière là -dedans?
Mme Dessureault: 13 000 $.
M. Polak: Donc, vous avez eu, en vertu de ce programme, 13 000 $.
Je ne vais pas régler le montant que vous demandez maintenant, mais Je
peux vous assurer, Mme la ministre, que les 13 000 $ ont été
très bien investis. Quant à moi, je vous donne de mon enveloppe
des opérations de comté ce qu'on appelle le "coffee money", parce
qu'on n'a pas d'argent pour financer cela.
J'ai aussi été très Impressionné par
l'expérience de l'élément prévention et prise en
charge; Je considère que votre force est vraiment là . Quand on
fait le rapprochement avec la politique de santé mentale, on parle de
partenariat. D'ailleurs, Je suis très heureux de constater qu'il y a
autant de groupes comme le vôtre: des comités de
bénévoles, des hôpitaux Plusieurs ressources alternatives
sont venues la semaine dernière. Nos jeux sont grandement ouverts et,
surtout, le Dr Hamois, Je pense, a même, lui aussi, appris beaucoup. Je
suis tout à fait d'accord avec cela.
Je voudrais savoir quelle serait votre relation dans un partenariat
éventuel de coopération avec, par exemple, à Verdun, un
groupe comme le PAL, qui est venu ici; en fait, c'était la
fédération - Michel était son porte-parole - la semaine
dernière. Il y a la famille d'accueil que j'ai visitée Ã
plusieurs occasions, à Verdun aussi. Comment voyez-vous le rôle de
chacun de ces groupes pour qu'il n'y ait pas une sorte de "overlap"? Doit-il y
avoir une sorte de coordination? Je sais qu'il y a des femmes qui sont dans une
famille d'accueil qui visitent le PAL et qui viennent aussi chez vous, par
exemple.
Mme Dessureault: Ce que je peux dire, c'est que les femmes ont
souvent des besoins spécifiques. Je ne prétends pas que le Centre
des femmes de Verdun va répondre à tous les besoins des femmes.
Il y a des femmes - on a établi cela avec l'hôpital Douglas - qui
ont des besoins en santé mentale tellement grands que notre centre ne
peut y répondre. Alors, je suis pour qu'il y ait des ressources qui
s'occupent de problèmes spécifiques avec les femmes, parce que je
dis que le Centre des femmes de Verdun ne peut répondre à tous
les problèmes, sauf que Je pense que, oui, D pourrait y avoir davantage
de concertation entre les ressources, pour voir quelle est l'action
spécifique et pour qu'on puisse offrir aux femmes qui viennent chez nous
quelque chose qu'elles ne retrouveront pas ailleurs. Je pense que c'est ce
qu'on fait à l'heure actuelle.
M. Polak: Bon! J'aurais beaucoup d'autres questions à vous
poser, mais Je vais faire la même chose que la semaine dernière,
Je vais donner l'occasion à Mme la ministre, pour le temps qu'il nous
reste, de continuer car c'est elle qui en a un peu plus à dire
là -dedans, mais je vais continuer à pousser....
Le Président (M. Baril): En vertu de l'alternance, c'est
Mme la députée de Johnson qui..
M. Polak: Ah! excusez! Ãvidemment!
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Vous dites, Ã
la dernière page du mémoire qui nous a été
présenté aujourd'hui - je pense que c'est très juste - que
de croire que la désinstitutionnalisation veut dire que les malades
retournent dans les familles, cela veut dire que ce sont les femmes,
très précisément, qui auront ta charge de ces malades.
Vous préconisez, dans votre mémoire, qu'une aide
matérielle et professionnelle soit apportée à ces
personnes pour éviter que les femmes, qui sont surchargées,
fassent finalement des dépressions. J'aimerais cela que vous nous disiez
comment vous, qui vivez dans des milieux de femmes, vous souhaiteriez que cette
aide arrive. Est-ce que vous avez une idée très précise de
la façon dont l'aide matérielle, l'aide technique professionnelle
pourrait être apportée à ces femmes qui auront cette
surcharge?
Mme David: Je pense que la première chose qu'on veut dire,
c'est qu'en aucun cas il nous semble qu'une femme devrait se sentir
obligée de jouer ce rôle. Je trouve que ce n'est pas Inutile de le
dire en 1988, alors qu'il y a tout un courant social qui veut remettre aux
familles la responsabilité non seulement de personnes qui ont des
problèmes de santé mentale, mais aussi de personnes
handicapées, d'enfants handicapés, de personnes
âgées, etc., etc. Je pense qu'il y a un débat social
à faire sur cette question. On ne préconise pas le retour en
institution pour tout le monde, là n'est pas ta question. La question,
c'est de savoir s'il n'y a pas d'autres ressources possibles à imaginer
entre l'institution et la famille, qui veut dire, dans la plupart des cas, les
femmes. C'est la première chose.
Maintenant, dans la mesure où une femme veut, que c'est un
désir qui vient d'elle, s'occuper soit d'une personne qui a un
problème de maladie mentale ou de toute autre personne, on n'est pas -
je vous l'avoue franchement - allées extrêmement loin dans
l'étude de moyens très précis, très concrets. Je
suis certaine qu'il y a d'autres organismes qui ont dû en proposer. Le
comité Hamois proposait, à tout le moins, dans un premier temps,
qu'il y ait des mesures de répit qui soient prises pour ces familles.
C'est évident que cela est essentiel dans un premier temps. Je pense
qu'il doit y avoir aussi un soutien du milieu, un soutien professionnel, un
certain encadrement de ces familles, mais je ne
voudrais pas aller plus loin là -dessus parce qu'on ne peut pas
dire que, comme regroupement, on se soit penché très loin sur
cette question. On voulait simplement la soulever, comme on le dit dans notre
texte, pour qu'il y ait une prise de conscience et qu'il y ait un débat
sur cette question.
Mme Juneau: Oui. Puis... Le Président (M. Baril}:
Allez.
Mme Juneau: Je voulais simplement savoir... Je sais qu'au
début de votre mémoire vous mentionnez le fait que toutes les
subventions que vous pouvez recevoir, signifiant à peu près 25
000 $ en tout et partout pour vos centres... De combien est le budget total
annuel d'un centre comme celui de Victoriaville ou de Verdun?
Mme David: Je peux encore vous répondre pour l'ensemble
des centres. Les 25 000 $ dont on parle, c'est la moyenne budgétaire de
tous les centres de femmes. Le ministère de la Santé et des
Services sociaux, par le service de soutien aux organismes communautaires, a
subventionné, cette année, 43 centres de femmes sur 80, pour une
moyenne d'environ 12 500 $ par centre. Il y a quelques montants qui sont
versés par le programme OVEP, la DGE du ministère de
l'Ãducation; ce sont des montants qui varient entre__2000 et 25 000 $,
les 25 000 $ étant un sommet très- rare. Le Secrétariat
d'Ãtat a financé très précisément 42
centres, l'année dernière, pour une moyenne d'environ 10 500 $
par centre. Alors, ce n'est pas compliqué de faire la moyenne.
Ãvidemment, il peut s'ajouter à cela, dans certains cas,
Centraide, rarement; je pense qu'il y a cinq ou six centres Ã
Montréal qui reçoivent de l'argent de Centraide, des programmes
de développement de l'emploi avec tous les inconvénients que je
vous ai énumérés tout à l'heure; donc, c'est la
pauvreté, il ne faut pas se le cacher, c'est parmi les ressources
alternatives pour femmes en difficulté. Je pense qu'on n'aurait aucun
problème à affirmer qu'on est certainement la ressource la plus
pauvre et, pourtant, le réseau te plus gros et le plus nombreux. Cela
s'explique peut-être, en partie, par le fait qu'on n'est pas assez connu,
cela est un peu notre responsabilité, par le fait que notre regroupement
existe seulement depuis deux ans et demi. Je peux vous dire - je fais une
petite annonce en passant - que, cet hiver, je pense que le gouvernement du
Québec et l'ensemble de la population vont davantage entendre parier de
nous parce qu'il faut un peu briser ce mur du silence. Il faut qu'on nous
connaisse. Il faut qu'on sache ce qu'on fait. La population jugera au
mérite. On n'a pas peur d'aller lui montrer, lui expliquer ce qu'on
fait, et on espère qu'au ministère on pourra avoir des
discussions qui permettront non pas d'assurer la totalité des budgets
des centres de femmes, mais d'augmenter la part du ministère qui peut
être donnée aux centres de femmes de façon qu'on puisse au
moins avoir un budget de fonctionnement minimal, nous permettant d'avancer et
non pas de régresser, comme je. peux personnellement le constater dans
certains centres actuellement.
Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup,
madame. Notre temps est malheureusement terminé. Il reste quelques
minutes à Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'aujourd'hui vous avez fait un
excellent travail d'interpréter ce que les centres de femmes font.
J'étais évidemment déjà familière avec cela,
mais je trouve intéressant que vous preniez aussi des thèmes
particuliers qui correspondent aux besoins de votre milieu. On peut aussi, avec
les femmes, aller dans 70 directions. Compte tenu de vos limites de ressources,
qu'elles soient financières ou humaines, je pense que c'est
intéressant.
Ãvidemment, pour l'Opposition, c'est toujours facile de dire:
Mettez plus d'argent. Mais, demain matin, ils vont m'en demander pour
l'alourdissement, pour la protection de la jeunesse, pour des soins de courte
durée, pour les soins prolongés, pour les maisons de femmes
battues, etc.
Une voix: Centres de...
Mme Lavoie-Roux: J'en ai parié, l'alourdissement des
clientèles. On connaît la panoplie de besoins et la
nécessité de développement des services.
Je sais que ce que nous donnons aux centres de femmes, cela varie entre
5000 $ et 20 000 $. C'est pour cela que vous êtes arrivées
à une moyenne de 12 500 $. Les plus hauts ayant 20 000 $, je ne pense
pas qu'il y en ait en haut de 20 000 $, et les plus bas...
Mme David: ...il y en a deux, je pense, Ã 20 000 $ sur
80.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Cela varie entre 5000 $ et 20 000 $.
Ãvidemment, les efforts ont été du côté des
maisons d'hébergement pour femmes violentées et également
un certain effort a été fait cette année pour les CALAOS,
les centres d'aide et de lutte aux agressions à caractère sexuel.
Il n'y a pratiquement rien eu, sauf dans quelques cas, pour au moins atteindre
5000 $. Je ne sais pas s'il y a eu d'autres petites exceptions, mais, Ã
toutes fins utiles, cela a été gelé dans le cas des
centres de femmes, j'en suis bien consciente. Quand on a des budgets qui
varient entre 5000 $ et 20 000 $ et, comme vous dites, que la majorité
est à 12 000 $, strictement de rendre à 20 000 $ celles qui sont
à 12 000 $, supposons qu'on mettrait tout le monde Ã
12 000 $ et les rendre à 20 000 $, pour 80 maisons... Je crois
comprendre qu'il y en a une quarantaine qui ne sont pas du tout
financées.
Mme David: Du moins par votre ministère.
Mme Lavoie-Roux: Oui, par mon ministère. Celles-lÃ
même, les rendre à 12 000 $, vous multipliez par 80, cela fait
déjà 800 000 $. C'est très considérable quand on
fait la multiplication.
Je garde quand même en tête votre intérêt pour
la santé mentale et je me dis que, particulièrement dans certains
centres de femmes où on montre un Intérêt particulier pour
cette problématique, pas que les autres soient moins Importantes, mais
on ne peut pas prendre toutes les priorités dans toutes les
problématiques parce qu'on va manquer notre coup un peu partout... C'est
évident que le gouvernement, en tout cas les efforts que je vais
déployer, ce sera pour que le gouvernement retienne la santé
mentale comme priorité et voit dans quelle mesure... Je ne voudrais pas
non plus que 80 centres de femmes développent un projet de santé
mentale pour essayer d'aller chercher une subvention. Là où il y
a déjà une certaine expertise, un intérêt et une
motivation, peut-être pourrions-nous, dans le cadre des organismes
bénévoles, essayer d'appuyer davantage quelques initiatives.
Il y a une seule question que je veux vous poser en terminant. En
dépit des efforts que les centres de femmes font depuis sept ou huit
ans, le Conseil du statut de la femme nous disait ce matin je ne pense pas
strictement à la santé mentale; je pense à la santé
physique aussi - qu'il n'y avait pas eu de modifications dans le recours aux
ressources médicales. Pensons, par exemple, à l'utilisation des
médicaments ou même au nombre d'interventions chirurgicales que
les femmes subissent comparativement aux hommes. Avez-vous jamais essayé
de mesurer les résultats? Non pas, peut-être, maison par maison,
mais peut-être que votre regroupement est trop jeune aussi pour le faire.
Cela serait peut-être intéressant de voir quels sont, finalement,
les résultats obtenus. Je vous pose la question. On pourrait la poser
à tous les autres groupes qui viennent ici, qu'ils soient publics,
bénévoles ou semi-publics.
Mme David: La plupart des centres de femmes existent depuis 1980
et plus. Il y en a quelques-uns qui étaient présents avant. Je
pense que l'exposé de nos faibles moyens a été assez clair
pour vous dire qu'on ne rejoint pas autant de femmes qu'on le voudrait. On en
rejoint beaucoup pour faire de la référence. On en rejoint moins
sur une base très, très régulière. Ce qu'on sait -
c'est vrai que notre regroupement n'a pas de statistiques là -dessus pour
les mêmes raisons, toujours - c'est que, lorsqu'on rejoint des
usagères, quand on est capable de faire un travail avec les femmes qui
viennent dans les centres de femmes, on a des résultats concluants. On
pourrait parler de ça longtemps.
Maintenant, pourquoi, de façon globale, la situation n'a-t-elle
pas changé? D'une part, les centres de femmes ne prétendent pas
qu'Ã eux seuls ils vont pouvoir changer toute la situation des femmes au
Québec, même s'ils jouent un rôle important.
Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi de vous interrompre. Je ne pensais
pas juste aux...
Mme David: Ã l'ensemble des groupes.
Mme Lavoie-Roux: ...centres de femmes. Je pensais à la
globalité, si je peux dire, du mouvement féministe...
Mme David: D'accord.
Mme Lavoie-Roux: ...qui a travaillé quand même dans
cette direction-là depuis plusieurs années.
Mme David: D'accord. Mais je pense que, là , il y a
peut-être deux choses. Je les lance pour te débat. Peut-être
que ça serait effectivement à regarder.
D'une part, les problèmes des femmes n'ont pas diminué
depuis sept ou huit ans. Je pense à toute la génération
des femmes qui, actuellement, ont, par exemple, dans la quarantaine, qui sont
les femmes que nous rejoignons beaucoup. Ce que le mouvement féministe a
fait, c'est qu'il a dénoncé beaucoup de choses. Il a ouvert des
portes pour un certain nombre de femmes, mais il y en a encore pas mal pour qui
tes acquis du mouvement féministe ne sont pas encore tout à fait
rendus dans la cuisine, ni même dans la chambre à coucher. Je
dirais même, surtout pas là . Ce qui fait que ces femmes-lÃ
vivent énormément de problèmes, autant maintenant qu'il y
a dix ou quinze ans. Il ne faudrait pas, d'ailleurs, poser seulement la
question: Pourquoi les femmes, finalement, ne changent-elles pas plus vite? Il
y a aussi l'autre moitié de ta population à qui il faudrait poser
cette question-là .
Il y a aussi tout le processus de la médicalisation des soins aux
femmes. Pourquoi, encore aujourd'hui, les médecins prescrivent-ils
autant de tranquillisants aux femmes plutôt que, par exemple, comme
certains médecins le font à Verdun, les référer aux
centres de femmes? C'est une médication passablement plus
Intéressante et moins coûteuse, si J'ose dire. Je pense que
ça favorise plus l'autonomie des femmes.
Je pense qu'il y a beaucoup de questions à se poser sur
différents sujets. On ne fait peut-être pas tout ce qu'on pourrait
faire. On aimerait faire plus. On n'a pas de recette miracle non plus. Il y a
des questions à poser à la population. 11 y a des questions de
société à se poser. Tant qu'on continue, par exemple,
à faire de la publicité sur l'alcool, bien, je veux dire qu'il ne
faut peut-être pas s'étonner qu'il y ait
autant de consommation d'alcool et, entre autres, que ça augmente
chez les femmes. Il y a des questions à poser aux hommes. Il y a des
questions à poser aux médecins. C'est, je pense, un débat
intéressant et à poursuivre.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Baril): Mme Lemay aurait peut-être
eu un petit commentaire.
Mme Lemay: Oui. Ce serait peut-être une petite
remarque.
Vous disiez que, finalement, il y avait beaucoup de demandes - c'est
vrai, il y a beaucoup de demandes - au chapitre des services sociaux Ã
différents niveaux et que vous ne pouviez pas combler tout ça en
même temps. Je pense que c'est vrai, mais je pense qu'il y aurait
peut-être aussi quelque chose à voir là -dedans. Les
coûts qui sont élevés au chapitre de tout le secteur
curatif, tout ce qui est fait à titre curatif dans le domaine de la
santé mentale, ce sont quand même des coûts qui sont
très élevés. Je me dis qu'on aurait peut-être
avantage à ... Finalement, c'est une économie quand on travaille
à la prévention et tes coûts sont pas mai moins
élevés. On aurait avantage à financer la
prévention, ce qui ferait que ça coûterait probablement
moins cher au plan curatif. Je pense qu'il y aurait peut-être une
étude à faire par rapport, à ça qui ferait que
ça serait un transfert d'argent, finalement. Il n'y aurait
peut-être pas plus d'argent mis au plan curatif et préventif, mais
un transfert qui irait plus vers le préventif.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, madame.
Alors, pour le mot de la fin, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: J'ai fait mes remerciements sincères.
Le Président (M. Baril): D'accord. Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Je vais vous remercier. Je pense aux
dernières paroles que vous avez dites. Il faudrait peut-être qu'on
arrête un petit peu de penser en termes de curatif. Je pense qu'il y a
des choix de société à faire. En tant qu'Opposition,
c'est, bien sûr, assez facile pour nous de dénoncer certaines
attitudes, mais il y a des positions de gouvernement aussi. Lorsqu'on est un
gouvernement de business, je pense qu'on a moins intérêt Ã
voir, en fin de compte, à défendre les intérêts des
plus démunis.
Actuellement - nous l'avons effectivement dénoncé - nous
sommes en urgence sociale à bien des niveaux. Il faudrait
peut-être s'arrêter et investir davantage à ce
niveau-là . à mon avis, lorsqu'on parle des femmes, on est
toujours un peu plus modeste et on demande toujours d'avoir un esprit
d'attentisme envers les gouvernements. Je pense que c'est votre rôle de
faire en sorte, justement, qu'on porte un intérêt particulier
à l'évolution des femmes, parce que c'est tout le monde qui va en
bénéficier, parce que ce sont les femmes qui éduquent les
enfants, ce sont les femmes qui doivent supporter tes rapports entre hommes et
femmes actuellement et qui favorisent un équilibre dans notre
société. Tant et aussi longtemps qu'on n'arrivera pas Ã
une équité entre les hommes et les femmes, je pense qu'il faudra
apporter un support plus considérable au soutien, à l'aide et
à l'intervention en faveur des femmes. Plus tard, on pourrait arriver
à cet équilibre, mais nous ne sommes pas encore arrivés
à cet équilibre. Tant que nous n'aurons pas atteint cet
équilibre, il est inévitable que nous devrons faire un effort
plus que substantiel.
Le Président (M. Baril): Merci, madame.
Comme vous avez ouvert la porte à Mme la ministre, Mme la
ministre aura peut-être un dernier mot à dire.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que je devrais
peut-être même m'en abstenir, compte tenu de ce que j'appellerais
la grossièreté de l'affirmation de la députée de
Marie-Victorin, qui parlait du gouvernement business alors que son gouvernement
nous a laissé un réseau de Santé et de Services sociaux
dans un état tellement détérioré. On commence
à reprendre le dessus, après deux ans d'efforts. Nous avons
consenti au plan financier auquel jamais votre gouvernement n'a consenti. Au
contraire, il s'est exercé à le rapetisser de toutes les
façons. Vous avez peut-être oublié cela. Vous n'y
étiez pas quand le futur chef du Parti Québécois nous
disait: On se promène en Cadillac dans la Santé et les Services
sociaux, il est temps qu'on s'en aille en Volkswagen. On a eu tes mêmes
propos du chef qui a démissionné il y a quelques mois. On avait
les mêmes propos du président du Conseil du trésor, M.
Bérubé. Je pense qu'il faut quand même avoir... Je ne vous
dis pas de vous accuser mais, avant d'accuser les autres, je pense que vous
devriez regarder dans votre propre jardin.
Le Président (M. Baril): Alors, là -dessus... Non,
excusez. Le mot de fa fin est terminé, je m'excuse.
Mme Vermette: Simplement une dernière question à la
ministre.
Le Président (M. Baril): Je m'excuse, c'est
terminé. Après le souper, vous pourrez poser votre question,
à 20 heures. Alors, madame, je vous remercie beaucoup et je vous
souhaite un bon voyage de retour. Vous voyez, l'animation,
c'est le "fun",
(Suspension de la séance à 18 h 38)
(Reprise à 20 h 9)
Le Président (M. Baril): à l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des affaires sociales se réunit aux fins
d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le
Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité
présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre
1987.
J'Invite immédiatement l'Association québécoise des
Infirmières et infirmiers en psychiatrie à se présenter,
s'il vous plaît M. Fontaine, on vous souhaite la bienvenue. Voulez-vous
nous présenter vos invités, s'il vous plaît?
Association québécoise des
infirmières et infirmiers
en psychiatrie
M. Fontaine (Clément): Oui, M. le Président.
J'aimerais d'abord céder la parole à Mme la présidente,
Mme Christiane Saint-Jean-Timmins, de l'Association québécoise
des Infirmières et infirmiers en psychiatrie, dont je suis le
vice-président; la présidente a bien voulu m'accompagner
aujourd'hui, alors, je vais la laisser faire elle-même les
présentations, si vous le permettez.
"Le Président (M, Baril): Oui.
Mme Saint-Jean-Timmins (Christiane): Bonsoir. Je suis Christiane
Salnt-Jean-Timmins. Comme Clément vient de le préciser, je suis
la présidente de l'Association québécoise des
infirmières et infirmiers en psychiatrie. Je travaille en psychiatrie
à l'hôpital Juif de Montréal. Je suis également
chargée de cours à l'Université de Montréal.
A ma gauche, Andrée Taché, infirmière en clinique
externe à l'hôpital Notre-Dame de Montréal. Elle est aussi
infirmière au service de consultation liaison de cet hôpital,
conseillère à l'AQIIP et étudiante au niveau de la
maîtrise en counselling, actuellement M. Clément Fontaine, que
vous avez d'abord présenté, est co-auteur du mémoire que
vous avez reçu et infirmier psychiatrique en clinique externe Ã
l'Hôtel-Dieu de Lévis. Il est vice-président de l'AQIIP.
comme il vous l'a dit, et également membre du conseil des cliniclennes
et cliniciens en psychiatrie communautaire et en santé mentale, qui est
un regroupement à l'intérieur de I'AQIIP; il est
vice-président de I'AQIIP et également étudiant en
andragogie.
Nous sommes ici à titre de représentants de l'Association
québécoise des Infirmières et infirmiers en psychiatrie,
qui représente présentement 500 infirmières. Pour vous
résumer le but de notre association, c'est finalement de former un
réseau d'appartenance pour offrir un appui aux infirmières qui
Âuvrent en psychiatrie. Nous offrons cet appui sous forme de
journées de formation, d'un journal, de consultations et de
différents comités de travail.
à l'intérieur de l'AQIIP, existe le Conseil des cliniciens
et des cliniclennes en psychiatrie communautaire et en santé mentale,
qui avait été invité à présenter des
recommandations lorsque le comité sur la politique de santé
mentale avait commencé à travailler à son projet de
politique. C'est à la suite de ce travail que nous avons
été Invités à présenter un mémoire et
qu'on se retrouve ici ce soir.
Je voudrais simplement commencer mon allocution en vous disant qu'on est
très flattés d'être ici ce soir et que le piège de
tenir un discours corporatiste est tenu bien ouvert devant nous. Cependant,
nous tenterons d'y résister de notre mieux. Est-Il besoin de
préciser qu'il a toujours été central à notre
profession le patient qui est en face de nous, avec sa souffrance physique et
morale, et qui attend de nous toute l'aide qu'il est en droit de recevoir.
Plusieurs d'entre vous, j'en suis certaine, ont déjÃ
été hospitalisés pour différents problèmes.
Vous vous souviendrez sans doute que vous avez vécu beaucoup de
dépendance, de vulnérabilité dans la situation difficile
dans laquelle on se trouve quand on est un patient Vous vouliez, j'en suis
certaine, les meilleurs soins dans les meilleures conditions possible. C'est un
droit qu'a le patient et c'est un devoir pour l'infirmière et les autres
professionnels de la santé de lui fournir de tels soins.
Notre travail à nous tous, et à vous-mêmes
réunis en commission parlementaire, c'est de se concerter pour mettre de
l'avant une politique qui permettra de respecter ce droit du citoyen Ã
une qualité de services optimale. Notre présentation qui,
évidemment, doit se tenir à l'intérieur des limites
très précises que vous nous avez données, nous impose une
certaine restriction dans nos commentaires. On ne peut pas, évidemment,
vous faire part de toutes nos observations par rapport aux 42 recommandations.
Alors, on a divisé notre présentation en trois sections. D'abord,
on va parler de la famille et des proches, puis des intervenants. Andrée
Taché va vous en parler. Je vous parlerai, par la suite, de la formation
des intervenants et Clément Fontaine va terminer avec le partenariat Je
cède la parole à Andrée Taché.
Mme Taché (Andrée E.): Bonsoir. Mon intention, ce
soir, est d'endosser les recommandations que notre association a remises sur le
rapport Harnois. J'ai l'intention d'y arriver en vous faisant part de notre
vécu avec le patient, sa famille et ses proches, du système de
support qui existe et, finalement, de ta position de l'Infirmière dans
le champ de la santé mentale.
L'infirmière en psychiatrie est le professionnel qui est
appelé à donner des soins à la
entend par là les grands malades psychiatriques. De plus,
à l'urgence et en clinique externe, nous sommes les intervenants de
première ligne. Nous recevons toutes les demandes d'aide qui sont de
toutes provenances,
A cause de notre approche globale ou holistique, ainsi que de notre
polyvalence, nous détenons une position stratégique dans notre
système. Nos actions sont d'évaluer les besoins de santé
de l'individu, de déterminer les moyens susceptibles d'aider l'Individu
et de servir de lien entre les ressources et le bénéficiaire.
Nous supportons aussi l'individu dans sa démarche pour l'acquisition
d'un mieux-être.
Dans la complexité de notre système, le patient revient
toujours à l'infirmière, car elle est souvent la personne la plus
facile d'approche et celle qui sait prendre soin de tout. Souvent, ces
individus reviennent parce qu'ils n'ont pas été compris ou parce
qu'ils ont épuisé les intervenants auxquels ils avaient
été référés ou ils ne sont plus
tolérés nulle part. Nous avons tous eu des patients qui avaient
épuisé toutes les ressources ou qui ne correspondaient aux
critères d'admissibilité d'aucune ressource. Il n'y a pas de
limite d'établie quant au nombre et à la qualité des
patients qu'une infirmière peut avoir à sa charge, ce qui rend
notre tâche très lourde et parfois ingrate.
Pour faire suite à ces propos, j'en arrive à vous parier
des ressources existantes. J'ai vu, au cours de mes 17 années
d'expérience en psychiatrie, naître et disparaître des
ressources. J'en al vu déménager de quartier, d'autres changer de
vocation. J'ai vécu le deuil et le désespoir de mes patients qui
se retrouvaient ainsi abandonnés par des intervenants qui, plus
tôt, s'étaient montrés très enthousiastes et
engagés vis-à -vis d'eux. J'ai connu des ressources difficiles
d'accès, soit par leur éloignement géographique, soit par
leurs exigences d'admissibilité. Je me suis vue obligée de
défendre mon patient dans une entreprise de séduction pour qu'il
puisse être accepté par ces ressources.
Vu que nous connaissons les besoins de cette clientèle, notre
expertise devrait être reconnue et utilisée pour la mise sur pied
de ressources alternatives. Ceci épargnerait temps et argent en
évitant des projets inutiles et aussi en évitant que l'individu
malade vive des expériences de rejet. En plus, l'infirmière est
la première personne contactée par la famille de l'individu
lorsque celui-ci présente des problèmes de tout ordre, tant dans
son comportement que dans sa médication, et des problèmes d'ordre
physique. Elle est aussi celle qui visite la famille, qui intervient dans le
quotidien. Elle est le démystificateur de la maladie, elle explique la
maladie et les attitudes à avoir.
Or, pour ce faire, elle doit être très disponible. Mon
expérience m'a démontré qu'en y consacrant beaucoup de
temps et d'énergie, nous obtenions des résultats très
positifs. Malheureusement, Ã cause d'une surcharge de travail, nous
négligions ces familles qui finissent par s'épuiser et recourir
aux urgences ou au placement.
Notre contexte culturel fait de nous des professionnels non
menaçants pour ces familles. Notre place existe depuis longtemps dans la
collectivité et, là aussi, nous détenons une position
stratégique. Dans le cadre de notre travail, nous faisons
quotidiennement de la prévention à une clientèle
déjà atteinte. Ainsi, nous empêchons l'aggravation de la
maladie en dépistant les signes avant-coureurs d'une rechute, en
intervenant rapidement en situation de crise, en informant l'individu de
l'importance de son traitement.
Malheureusement, Ici aussi, la source de notre travail nous
empêche souvent d'offrir nos services à une population moins
atteinte, mais à risques. Nous croyons fermement que nous pourrions
intervenir dans le domaine de la santé mentale, de façon Ã
créer un impact important sur le devenir de la santé mentale des
individus.
Nous sommes aussi concernés par la
désinstitutionnalisation. Depuis plusieurs années on en parle,
mais tout ce que nous constatons n'est que le déplacement du
problème. Les patients sortant de l'institution se sont
recréés une institution qui est en dehors de nos murs. On la
retrouve dans nos rues, dans leur chambre et dans nos services. Il existe aussi
maintenant des pavitlons d'accueil, des familles d'accueil, des centres
d'accueil. Ceux-ci sont Inadéquats, sont mal situés et font en
sorte que l'individu est souvent déraciné de son quartier,
éloigné de sa famille, éloigné de ses amis, ainsi
que des intervenants qu'il connaît souvent depuis plusieurs
années.
Je crois qu'on devrait accorder plus de respect au continuum de tout
individu en respectant ses origines. Notre objectif n'est-il pas aussi
d'éviter l'aliénation?
Pour terminer, l'infirmière est peut-être le professionnel
qui fait le plus d'interventions auprès des bénéficiaires.
C'est elle qui est engagée le plus directement au bien-être de ces
individus mais, paradoxalement, elle reçoit te moins de support; c'est
ta personne la moins reconnue, la moins valorisée. De plus, notre
société devra bientôt affronter une importante
pénurie d'infirmières et cette situation en est peut-être
la cause.
Je souhaiterais que l'Ãtat s'engage et pose les actions
nécessaires à la promotion de notre profession. Nous sommes
nous-mêmes déjà engagés mais, sans votre support,
les résultats sont et seront ce qu'ils sont présentement. Le
système de soins risque, lui aussi, de continuer à être ce
qu'il est présentement. Merci.
Mme Saint-Jean-Timmins: En deuxième lieu, j'aimerais vous
parler brièvement de la formation des intervenants, évidemment
des infirmières. Il y a la formation de base, la formation plus
spécialisée et la formation continue. La formation de base, vous
le savez, se donne principalement dans les cégeps. Je ne sais pas si
vous êtes au
dans les cégeps. Je ne sais pas si vous êtes au courant,
mais dans le nouveau programme, il y a très peu de place pour la
psychiatrie. Même qu'on fait des stages en pédriatrie, en
obstréti-que, dans tous ces domaines-là , mais en psychiatrie, de
moins en moins on fait de stage parce que, paraît-Il, on nous a dit que
la psychiatrie pouvait se pratiquer dans les centres commerciaux. Alors,
l'infirmière qui va au cégep peut y passer trois années
sans jamais entrer en contact avec un patient psychiatrique; ce qui fait
qu'elle va sortir après trois ans avec les mêmes
préjugés, les mêmes anxiétés, les mêmes
craintes qu'elle a vis-à -vis de cette clientèle. Aussi, pour
nous, c'est très difficile de recruter de nouvelles infirmières
qui viendront travailler dans ce domaine parce qu'elles ne l'auront jamais
vu.
Ãvidemment, on recommande que dans la formation collégiale
il y aft un maintien des stages en psychiatrie, non seulement de psychiatrie,
mais de psychiatrie dans les centres de psychiatrie, pas la psychiatrie qui
peut se faire au coin de la rue.
Dans la formation de base, il y a aussi l'université. Il y a des
gens qui font leur baccalauréat comme formation de base. Mais, que ce
soit à l'université ou au cégep, on recommande fortement
que les cours soient davantage orientés vers le "care" et non le "cure",
qu'on oriente davantage nos cours vers la prévention de la maladie, la
promotion de la santé, que l'approche vise à aider l'Individu
malade à se prendre davantage en charge et à développer,
à maintenir son -autonomie. Il va sans dire, dans le même sens que
ce que l'OIIQ préconise, qu'on pense que la formation de base devrait se
faire à l'université et non plus dans les cégeps. Cela ne
devrait plus exister dans un avenir prochain, nous l'espérons.
La formation avancée. Il y a eu le postscolaire qui a
été durant bien des années la seule place où on
pouvait aller apprendre un peu plus la psychiatrie. Cela fait
déjà près de quinze ans que cela n'existe plus, mais il y
a certains cégeps qui tentent de le remettre sur pied, une tentative
à laquelle on s'oppose farouchement à l'AQIIP. Je pense qu'il n'y
a aucun autre professionnel qui va faire une quatrième année de
cégep. On sait ce que c'est, faire un postscolaire, c'est au niveau du
cégep, cela ne débouche sur rien. Les filles font cela pendant un
an et, ensuite, elles veulent aller à l'université et
l'université dit: C'est bien de valeur, tes cours de cégep, on ne
reconnaît pas cela, tu recommences à zéro. Les gens se
découragent et ne vont pas plus loin que ce postscolaire. On est
très ferme sur cette position et on espère que le
ministère va décourager toute tentative de la part des
cégeps de remettre ce cours sur pied.
Il y a la formation universitaire qui offre des cours plus
avancés. Il y a le baccalauréat sous forme de certificat Ã
l'Université de Montréal, il y a trois certificats, dont l'un
offre depuis plus d'un an une concentration en psychiatrie. Le programme
s'améliore constamment. Je suis moi-même chargée de cours
dans ce programme et je constate que, d'une session à l'autre, il y a de
nouveaux cours qui sont ajoutés et d'autres qui sont remis en
question.
Dans votre rapport, vous faites une recommandation à savoir que
ces cours soient mis sur pied. Je pense que le problème n'est pas qu'ils
soient mis sur pied parce qu'ils existent déjà , mais qu'on leur
donne une plus grande accessibilité. Les employeurs sont toujours
réticents à libérer les Infirmières pour aller
étudier, que ce soit par des congés sans solde, des
journées d'études - on ne parle même pas de financement, II
y a l'accessibilité par l'employeur, mais aussi en région. SI on
n'a pas te plaisir et le grand avantage d'habiter Montréal, on n'a pas
accès à ces cours. Même la ville de Québec n'offre
pas ces cours, l'Université Laval étant très... Je vais
être délicate dans mes interventions, on est Ã
Québec. Alors, l'Université Laval n'offre pas ces cours parce
qu'il y a des querelles de territoire avec l'Université de
Montréal qui est prête à venir l'offrir Ã
Québec, mais l'Université Laval veut protéger son
territoire et ferme la porte. Donc, les Infirmières de Québec ne
bénéficient pas de ces cours. Alors, elles viennent
étudier à Montréal et restent à Montréal
pour y travailler, ce qui est à notre bénéfice mais non
à celui de Québec.
M. Chevrette: Vous trouvez cela délicat, vous?
Mme Saint-Jean-Tlmmins: Bien, je suis à Québec,
alors, Je fais attention, Aussi, comme formation universitaire accessible
à Montréal, il y a la maîtrise en nursing psychiatrique qui
va permettre de former des cliniciennes qui pourront, elles, offrir des
services de supervision, de support clinique et de formation dans les
Institutions où elles seront employées. Ce sont deux programmes
qui devraient être fortement encouragés.
Il y a la formation continue. Dans le rapport Harnois, on
préconise beaucoup la formation en cours d'emploi. Vous semblez trouver
que c'est la solution à quasiment tous les problèmes en
recommandant que 30 % des budgets soient augmentés pour la formation en
cours d'emploi des intervenants, l'Infirmière étant
évidemment parmi ces intervenants. Je ne pense pas qu'il nous en reste
beaucoup dans ces 30 %. Nous pensons que de ces 30 %, une fois qu'on aura pris
ce qui va aux infirmières... Qu'on se paie une cliniclenne
spécialisée qui, elle, s'occupera du support clinique et de la
formation ponctuelle de chacune des infirmières sur les
départements.
Je travaille dans un grand centre, l'hôpital Juif de
Montréal, qui est très connu, et la psychiatrie représente
une petite portion de cet
hôpital et on ne tient pas beaucoup compte de nos besoins dans
toute la formation. La formation dont ont besoin les infirmières en
salle d'opération est beaucoup plus importante que ce dont les filles du
quatrième étage est ont besoin. Cela fait sept ans que je suis
là et on a très peu de formation, sauf celle qu'on se donne entre
nous et qu'on va chercher à l'extérieur. Le fait d'augmenter de
30 % les budgets, je ne suis pas certaine que pour nous, au département,
cela nous servira beaucoup. Cela nous servirait beaucoup plus d'avoir une
clinicienne spécialisée qui a une formation et qui répond
à nos besoins, à ce qu'on vit au département, tes
problèmes qu'on a avec les patients, pour qu'elle nous soutienne
à ce niveau. Ce serait de la formation continue, à notre
avis.
Juste un dernier point par rapport à la formation continue.
Souvent, des journées éducatives sont offertes soit par l'OIIQ,
nous, on en offre à l'AQIIP ou un autre hôpital va offrir des
journées éducatives; c'est difficilement accessible aux
infirmières. C'est très difficile, sur un département, de
se faire libérer pour participer à une journée, Ã
un colloque ou un à congrès en santé mentale, ou quoi que
ce soit. Je pense qu'il y a d'autres professionnels qui le font plus facilement
que nous, financièrement et en temps. C'est souvent reconnu que, pour
certaines professions, entre autres aux Ãtats-Unis, on donne des
crédits pour tant d'heures de colloque; cela se comptabilise en
crédits et on reconnaît une. certaine formation qu'on est
allé chercher durant ces journées, ce qui n'est pas du tout le
cas pour les infirmières. On aimerait beaucoup que ce soit
encouragé.
Je veux juste donner une petite statistique; je vais la faire courte
parce que c'est toujours difficile à absorber. Nous, à l'AQIIP,
on a fait une enquête il y a deux ans et je pense que cela a
démontré très fortement comment les infirmières qui
travaillent en psychiatrie sont sensibilisées - je pense que, parmi
toutes les infirmières, ce sont celles qui vont le plus chercher de la
formation - et sentent le besoin de s'outiller davantage. On avait
comparé nos statistiques à celles de l'OIIQ qui, en fait,
représente les 52 000 infirmières du Québec pour
s'apercevoir que les infirmières qui ne travaillent actuellement qu'avec
un cours de base - dans la province de Québec il y a 64 % des
Infirmières qui ne travaillent qu'avec leur cours de base -
c'est-à -dire cégep ou hôpital puisqu'il y en a encore de
l'ancien système, c'est 64 %. Tandis qu'en psychiatrie il n'y a que 34 %
des infirmières qui ne travaillent qu'avec leur cours de base. Cela veut
dire que tout le reste du pourcentage ce sont des gens qui sont allés
chercher un certificat, un baccalauréat, de la formation dans des
centres de médecine douce ou quoi que ce soit. Les gens sentent
beaucoup, beaucoup le besoin... Les infirmières en psychiatrie sont
très réceptives à aller chercher une formation
additionnelle. Alors, je pense que le terrain est très propice pour en
donner. Je limite mon intervention à ce plan-là et je vais
laisser Clément vous parler du partenariat.
M. Fontaine: Merci.
Lorsque j'ai montré le document de la politique
énoncée dans le rapport Harnois à une de mes consoeurs qui
est infirmière, elle me disait que ça prenait un bon
éclairage pour être capable de lire Pour un partenariat
élargi.
Tout cela m'a fait réfléchir. Je me suis rendu compte
aussi qu'en écrivant le mémoire, à deux reprises - et,
même encore, ça m'arrive de le faire - je me suis trompé en
l'écrivant. J'ai écrit "parthenariat". C'est là que j'ai
réalisé que j'écrivais partenariat comme Parthenais. J'ai
alors réalisé le danger que le partenariat pouvait devenir
emprisonnement, étau, contrôle, isolement, impuissance et combien
d'autres limites encore.
La santé mentale, je pense que tout le monde est d'accord pour
dire que, d'après le rapport, il y a une responsabilité
individuelle, collective et sociale. Dans ce sens-là , la santé
mentale, qu'elle soit individuelle, collective ou celle d'un peuple, ne peut se
maintenir ou se développer que par le partenariat.
Nous sommes de celles et de ceux qui ont parlé de partenariat.
Lorsque le conseil des cliniciennes et cliniciens de notre association a
présenté notre mémoire au comité Harnois, dans le
texte qu'on a présenté, on pariait de partenariat. Le mot
"partenariat" était Inscrit.
Ce qu'il est important de faire, je pense, avant de parier de
partenariat élargi, c'est de définir le mot "partenariat". Puis,
avec la définition qu'on en fera, il s'agira d'en arriver à un
consensus autour de cela, comme II était important, je pense, de faire
le consensus autour de la définition de la santé mentale qui a
été produite dans le document.
J'aimerais vous citer Saint-Arnaud. Saint-Arnaud, c'est un psychologue
qui travaille à l'Université de Sherbrooke et qui a
travaillé beaucoup avec les groupes. Lorsqu'on parle de partenariat, on
peut penser à un travail d'équipe, un travail élargi, un
travail en collaboration, un travail ensemble. (20 h 30)
Saint-Arnaud dit qu'un travail d'équipe, c'est "un champ
psychologique produit par l'interaction de trois personnes ou plus,
réunies en situation de face à face dans la recherche, la
définition ou la poursuite d'une même cible commune, et
interaction entre elles." En se basant sur ce qu'il a développé
et en utilisant les données du rapport Harnois, on se risque Ã
définir le partenariat comme étant un ensemble d'acteurs,
réunis sur un plan horizontal, c'est-à -dire avec les mêmes
responsabilités, le même pouvoir décisionnel face Ã
une cible commune...
Le Président (M. Baril): II vous reste une
minute pour conclure.
M. Fontaine: ...et en Interaction les unes avec les autres.
Une voix:...
Le Président (M. Baril): Mol aussi.
M. Fontaine: J'avoue que cela me limite un peu.
On dit que le partenariat est possible si tout le monde a le même
pouvoir autour de la même cible commune et qu'il faut parler sur un plan
horizontal et cesser de parler sur un plan hiérarchique parce que, tant
qu'on va être sur un plan hiérarchique, ce n'est pas possible
qu'il y ait un partenariat SI on donne davantage de pouvoirs à ceux qui
en ont déjà , en plus de retomber dans la situation actuelle, les
écarts vont être encore plus grands. Ce qui est important, c'est
qu'autour d'un même point commun, autour d'un même palier de
responsabilité, tout le monde ait le même pouvoir, que la
décision qui sera prise soit sa responsabilité. Sans cela,
qu'est-ce que cela donne de parler de partenariat? Même quand on est face
à notre client, par exemple, ou face à un patient, si on lui
demande ce qu'il en pense et qu'on ne lui donne pas le choix, qu'est-ce que
cela lui donne de le lui demander s'il n'a pas un mot à dire?
Des modifications doivent être apportées Ã
différents niveaux et on pense que tous les Intervenants doivent
être privilégiés de la même façon, bien
entendu avec une certaine réserve.
J'avoue que je suis un peu intimidé avec l'affaire d'une minute,
je me sens un peu bousculé.
M. Chevrette: Prenez-en donc cinq, cela va peut-être vous
permettre... Allez-y.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Baril): Prenez votre temps. On prendra
cela sur le temps du chef de l'Opposition, ce n'est pas grave.
M. Fontaine: Une dernière chose que Je voudrais mentionner
- je conclurai ainsi - c'est que le partenariat, si on veut qu'il existe, doit
nous conduire vers davantage d'autonomie, de liberté, de
tolérance, de respect, de souplesse, d'utilisation maximale de nos
capacités et ressources. Merci.
Le Président (M. Baril): Merci, M. Fontaine. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier les porte-parole de l'Association québécoise des
infirmiers et infirmières en psychiatrie, que j'ai d'ailleurs
déjà eu l'occasion de rencontrer alors que vous me faisiez valoir
certaines de vos revendications vis-Ã -vis de la reconnaissance
particulière de votre statut d'acteur, puisque le mot "acteur" semble
bien à la mode, dans te domaine de la psychiatrie.
La question que je veux vous poser est reliée à la
façon dont vous voyez votre rôle dans l'équipe. Appelons
cela l'équipe pour le moment. Il y en a peut-être d'autres qui
demanderont des précisions sur le partenariat Vous demandez que,
finalement, vous soyez reconnus - cela va au-delà de la rencontre qu'on
avait eue - comme professionnels autonomes. J'aimerais, Ã cet
égard, vous demander dans quelle mesure vos membres sont
déjà en pratique privée. Quel est le rôle ou la
responsabilité qui vous incombe dans le milieu hospitalier et quelles
sont les responsabilités qui vous incombent dans des ressources comme,
par exempte, les centres de jour? Quel appui recevez-vous à ce
moment-là du psychiatre ou est-ce que ta grande partie des
responsabilités à l'endroit des patients est la vôtre?
Mme Saint-Jean-Timmins: II y a plusieurs volets à votre
question.
Mme Lavoie-Roux: C'est le député de Joliette, pour
ne pas que vous pensiez que l'on complote, qui me rappelle un
député qui avait toujours une question à trois volets. Ha,
ha!
Mme Saint-Jean-Timmins: Si celle-là en avait juste trois,
je serais contente, mais elle en a plus que trois.
M. Fontaine: Quant à la pratique privée, Mme la
ministre, je peux dire que peu d'infirmières font de la pratique
privée. Première chose, chaque fois qu'on consulte une
Infirmière en pratique privée, j'irais même jusqu'Ã
dire d'autres professionnels en pratique privée, les gens doivent
défrayer cela eux-mêmes. Quand vient le temps de le
défrayer soi-même, cela s'adresse à une clientèle
assez spécifique, c'est-à -dire à une clientèle qui
a de l'argent. Les clientèles qui n'ont pas d'argent ne vont pas
à un bureau privé; elles vont à l'hôpital et elles
sont obligées de se contenter des services qu'il y a dans les
hôpitaux, même si cela ne fait pas leur affaire et même si
elles auraient le goût d'aller à un bureau privé, mais, si
elles n'en ont pas les moyens, elles ne peuvent pas y aller. Alors, nous...
Mme Lavoie-Roux: II y a quand même des Infirmiers et des
Infirmières, peut-être un nombre restreint, qui font de la
pratique privée.
M. Fontaine: Je suis un de ceux-là . Maintenant, c'est
difficile justement à cause de la
rémunération: les gens n'ont pas toujours l'argent
nécessaire pour venir à un bureau privé.
En ce qui concerne l'accessibilité à nos services en
clinique externe, par exemple, il est actuellement Impossible de nous consulter
sans se faire psychiatriser, c'est-Ã -dire qu'il est impossible de venir
à notre service sans passer d'abord par la visite chez le médecin
qui va juger st on peut aider ou non cette personne-là .
Maintenant, mesdames et messieurs, je vous ferai remarquer qu'on a
souvent été confinés à un rôle
d'exécutant, c'est-à -dire de donneur de pilules, de donneur
d'injections, de "faiseux" de pansements, sans trop charrier, de faire ce que .
bien d'autres professionnels n'aimaient pas faire, entre autres la
clientèle dite, entre guillemets, lourde, c'est-à -dire les grands
schrizophrènes, etc., ceux pour qui on dit qu'il n'y a pas grand-chose
à faire. C'est nous qui les avons. On n'a pas un mot à dire
là -dedans. Elle nous est imposée. Pourquoi? Parce qu'on a
toujours essayé de... Le mot m'échappe. C'est difficile pour nous
de prendre position dans une équipe parce que, sur le plan
hiérarchique, on se sent au bas de l'échelle, en bas de la
hiérarchie et, quand on arrive pour contester quelque chose, on se fait
blâmer et on se fait dire que c'est de la contestation de
l'autorité. Je pourrais vous donner des exemples de cela.
Mme Lavoie-Roux: Quand vous dites "On se sent au bas de
l'échelle', est-ce par rapport à l'ensemble des professionnels ou
est-ce strictement par rapport à la profession médicale?
M. Fontaine: C'est peut-être plus par rapport à ta
profession médicale, je l'avoue. C'est aussi par rapport aux autres
professionnels, mais beaucoup par rapport à la profession
médicale. Exemple: dans un centre, dernièrement, il y avait une
pénurie de bureaux et tes soins infirmiers ont recommencé
à travailler. Qui a dû céder son bureau au psychiatre? Ce
n'est pas la travailleuse sociale. Ce n'est pas le psychologue. C'est
l'infirmière ou l'infirmier qui était présent à qui
on a demandé de céder son bureau et qui n'avait pas le choix de
céder le bureau parce qu'il y avait une pénurie de bureaux. Lui,
il a fallu qu'il s'en aille pour rédiger ses choses sur la table
à café. Alors, on se sent toujours comme coincé et on n'a
pas de pouvoir là -dedans.
Mme Lavoie-Roux: A l'intérieur de l'hôpital, que ce
soit dans une salle ou que ce soit dans un centre de jour, vous donne-t-on des
responsabilités - je le dis dans un sens large, il y en a qui vont
appeler cela la relation d'aide, d'autres vont appeler cela de la
psychothérapie... Est-ce que vous assumez aussi ce genre de
responsabilités?
M. Fontaine: On peut assumer ce genre de responsabilités
mais, encore là , ça dépend beaucoup du psychiatre avec qui
on travaille. Si le psychiatre n'est pas trop anxieux, s'il a une certaine
expertise, s'il a une certaine expérience et qu'il n'a pas trop peur de
confier des responsabilités, on en a. Mais ce n'est pas le cas
partout
Je voudrais vous citer un exemple. En venant ici, cela m'a fait penser
à quelque chose. Dans un hôpital de la région de
Québec, il y avait une infirmière qui travaillait à temps
plein au service de la population; quand je dis à temps plein, c'est 36
h 15 par semaine. Elle était au service de l'urgence et de la clinique
externe et, lors de certaines situations problématiques dans les
départements, elle y allait, il y avait un psychiatre qui était
affilié à ce service, qui y allait, lui, une demi-journée
par semaine. Une demi-Journée, cela veut dire moins de cinq heures. La
journée où le psychiatre a dû s'en aller, quelle qu'en soit
la raison que je ne me rappelle pas, on a dit: Donc, il ne peut plus y avoir de
psychiatrie, il n'y a plus de psychiatre. Mais quand l'infirmière
était là et que le psychiatre n'y était pas, elle rendait
les services et la population pouvait bénéficier de ses services,
pouvait faire affaire avec elle. C'est difficile d'avoir accès Ã
nos services. C'est difficile de faire de la psychothérapie. C'est
difficile de faire la relation d'aide parce que c'est toujours en fonction du
médecin qui, lui, décide si on a le droit ou si on n'a pas le
droit.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, comment voyez-vous dans un
contexte... Je reviens à ce que vous disiez à la toute fin, tout
à l'heure: On pourra parler de partenariat dans la mesure où H
n'y aura plus de pouvoir hiérarchique et où tout le monde
fonctionnera d'une façon libre, autonome et tout cela. Où
voyez-vous quand même l'action du médecin, par exemple, dans les
cas où il faut médicaliser, où il faut donner des
médicaments, etc.? à ce moment, il reste que ça revient
quand même au médecin et c'est peut-être dans cette
perspective que le médecin ou le psychiatre voit son rôle comme
celui d'un leader et laisse d'autres tâches qui peuvent être
d'ordre psychothérapeutique ou d'un autre ordre à d'autres
intervenants. Ce que vous demandez, dans le fond, c'est d'abolir aussi ce qui
est quand même la spécificité qu'on peut appeler le pouvoir
médical, mais du médecin.
M. Fontaine: Plus ou moins parce que la place du psychiatre - je
dis bien du psychiatre et non de l'omnipraticien - dans une équipe est
importante. Le psychiatre est Important pour traiter la maladie. On ne conteste
pas cela; au contraire, on se réfère souvent à lui. Mais
tous les gens pour lesquels il se présente en clinique externe, par
exemple, ce n'est pas seulement pour des maladies mentales, ce sont des
situations de crise reliées aux étapes de la vie. Pour
résoudre un conflit, il n'est pas nécessaire que le
psychiatre soit toujours présent Par exemple, il y a des gens qui se
présentent chez nous pour une thérapie de couple. Or, il faut
toujours qu'ils soient vus par te psychiatre pour avoir un diagnostic. S'ils
vont au CLSC, ils n'ont pas besoin de diagnostic et Ils ont la même
thérapie de couple. Pourquoi, dans un cas, la personne doit-elle avoir
un diagnostic qu'elle traîne... Vous savez, lorsque les gens se
présentent à l'urgence, un peu partout dans les hôpitaux,
quand ils font venir le dossier antérieur, c'est marqué:
consultation en psychiatrie. Les préjugés des omnipratlciens, des
infirmières et infirmiers de l'urgence, tout le personnel qui est
à l'urgence, je vous dis que cela ressort parce qu'on développpe
une certaine méfiance; on a plein de réserves par rapport
à ces gens-là . Souvent - mol, je vous parle de ce que j'ai vu -
avant même que la personne explique pourquoi elle vient, pour des
problèmes physiques, c'est marqué: consultation en
psychiatrie.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Alors, j'arrête ici parce que je
pense que je vais prendre tout le temps, si je continue.
Le Président (M Baril): M. le député de
Joiiette.
M. Chevrette: Merci. Pour la formation, je trouve cela
intéressant que vous pensiez à un diplôme universitaire,
surtout qu'on peut facilement" remodeler ou pallier les lacunes de ces cours.
Je pense que c'est intéressant de voir qu'une corporation - pas
nécessairement une corporation mais un groupement - vise à aller
chercher une formation de base solide, sans vous prononcer contre la formation
continue puisque cela devient un supplément Ce n'est pas du rattrapage
parce que vous voulez que la formation de base soit solide. Cela
m'apparaît intéressant à souligner dans votre
mémoire comme étant très positif.
Il y a un autre point que je partage avec vous et c'est peut-être
pour cela que le Dr Harnois n'y a pas touché, dans te fond. Il n'a pas
touché du tout à ce qui pouvait être conflictuel entre les
corporations ou entre les groupes. Vous aurez remarqué que, dans son
rapport, le Dr Harnois est d'une prudence totale. Il ne dit pas qui fait quoi.
Il n'a pas osé définir le rôle du psychiatre, tout Ã
coup cela pourrait vous en donner un peu. Cela pourrait vous mettre en fusil ou
mette en fusil les psychiatres, peu importe à qui II en aurait
donné. {20 h 45)
II n'y a aucune définition précise dans le rapport Harnois
du rôle des intervenants. Personnellement, j'aime mieux le mot
"Intervenant" que le mot "acteur". Je vous dis cela parce que le mot "acteur" a
une connotation très vieille qui est plutôt comique. Tu actais
dans tes pièces, alors qu'un intervenant, il Intervient, II
travaille.
Personnellement, le mot "acteur* me répugne un petit peu,
à l'entendre d'abord et à ce qu'il rappelle.
Parlant d'intervenant, je trouve intéressante la notion
d'horizontalité dont vous parlez. C'est une façon de ne pas le
définir. SI on place obligatoirement dans une équipe une
Infirmière, un psychologue, un psychiatre, un médecin
omnipraticien, un travailleur social, s'il a un peu de décence, le
psychiatre va être gêné de dire au travailleur social quoi
faire. Je pense que cela peut être Intéressant, il peut se
développer une dynamique et il ne voudra peut-être pas
empiéter sur le terrain des autres.
Je trouve cela Intéressant comme dynamique, mais, entre vous et
moi, par exemple, si on ne le définit pas du tout, même s'il y a
une dynamique... Dans certains milieux, il peut y avoir une dynamique
intéressante. à preuve, lorsque les corporations ne sont pas
là , on remarque sur le terrain, en tout cas dans plusieurs
mémoires, que la collaboration est excellente entre les
différents Intervenants. C'est dès qu'on assoit les structures
qu'on se rend compte qu'il y a un souci de respect des structures, mais pour ce
qui est des Individus sur le terrain, c'est bien sûr que si vous frappez
un "crackpot" dans un milieu qui pense qu'il est le nombril du monde et qui ne
veut rien savoir... L'infirmière est là : Passe-moi la seringue
pour la piqûre; mets tel jus dedans, et c'est de même que cela
marche. Vous allez en avoir de cela dans plusieurs centres.
Personnellement, je prétends que vous auriez avantage,
malgré que vous proposiez l'horizontalité, à exiger des
définitions quand même parce que, selon les milieux, on n'aura pas
une qualité assurée d'intervenants; selon le souci que peut avoir
chaque groupe, vous allez avoir des conflits continuellement. Par exemple, au
centre Notre-Dame de Montréal -- madame travaille Ã
Montréal, au centre Notre-Dame - si les Infirmiers et infirmières
veulent véritablement participer plus pleinement et considèrent
qu'il y a des lacunes parce que le psychiatre ne vient que deux jours par
semaine, que vous avez du travail à faire et que vous êtes
là trois jours et même cinq jours...
Mme Taché: On est là cinq jours, habituellement,
sinon...
M. Chevrette: Oui, je le sais.
Mme Taché: ...24 heures sur 24, 7 jours par semaine.
M. Chevrette: Exact à plus forte raison, vous allez
vouloir vous impliquer si vous voulez améliorer la qualité de
l'acte posé vis-à -vis du bénéficiaire. On
risque...
Mme Taché: Je m'excuse, la qualité de notre acte,
je la juge adéquate, c'est notre reconnais-
sance qui n'est pas adéquate.
M. Chevrette: Je ne partage pas le même raisonnement; ce
que je veux dire, c'est que vous pourriez, comme individus, vouloir
améliorer la qualité de l'acte posé vis-à -vis du
bénéficiaire. Si vous êtes contraints à ne pas le
poser et que vous savez que c'est au détriment du
bénéficiaire... Quand Je dis "améliorer la qualité
de l'acte", c'est d'avoir la possibilité légale de poser le geste
ou l'acte sans réprimande ou sans se faire taper sur tes doigts. Du
temps où j'étais ministre de la Santé et des Services
sociaux, cela me répugnait beaucoup, la délégation de
l'acte, parce que je me suis toujours dit: Une infirmière prise dans une
situation, sur la Basse-Cote-Nord, où un bonhomme vient de se rentrer un
hameçon dans le pouce n'appelle pas le médecin pour savoir s'il
faut l'enlever, elle fait la chirurgie mineure et elle met tes
désinfectants qu'il faut, le peroxyde, et elle fait la piqûre
contre le tétanos, puis il n'y a pas de problème. L'individu s'en
va chez lui, il ne vient même pas le remontrer, cela guérit tout
seul et bonjour Luc. Par contre...
Mme Lavoie-Roux: Les accouchements sur ta Côte-Nord.
M. Chevrette: Oui. Les sages-femmes, madame, qui nous demandent
une reconnaissance. Vous avez reçu le même
télégramme que moi. C'est écrit: copie conforme, Mme
Lavoie-
Roux.
Mme Lavoie-Roux: Elles ont commencé par l'Opposition.
M. Chevrette: Elles ont commencé par l'Opposition parce
qu'elles savaient que l'ex-ministre de la Santé les avait reconnues.
Mme Lavoie-Roux: S'il les avait reconnues, ça ne
paraît pas.
M. Chevrette: Je les avais reconnues en plein congrès
d'engagement officiel. Donnez donc suite aux engagements compris, cela sera
déjà pas mai, plutôt que de nous déranger chaque
fois qu'on Intervient. Quand vous avez la parole, ce serait le temps de faire
valoir ce que vous avez à dire; là , c'est moi qui l'ai.
Pardon? J'allais dire: Continuez donc à lire votre Journal.
Madame, ce que je veux dire, sur la qualité de l'acte que vous
posez, c'est qu'améliorer la qualité de l'acte,
légalement, cela suppose une définition des rôles. Comment
Interprétez-vous le rapport Harnois là -dessus?
Mme Taché: Au niveau des rôles?
M. Chevrette: Le trouvez-vous trop muet?
Mme Taché: Oui.
M. Chevrette: Trouvez-vous qu'il vous rassure?
Mme Taché: Non, je pense qu'il me laisse plutôt
indifférente. En lisant le rapport, je n'ai pas trouvé de
solution consistante pour mol.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez...
Mme Taché: Je ne l'ai pas tout lu, mais ce que j'ai lu, si
c'est comme cela tout le long, à moins que mes collègues ne
soient pas du même avis que moi, mais c'est mon avis...
M. Chevrette: Est-ce que vous considérez que votre
rôle est clarifié?
M. Fontaine: Je suis un peu hésitant Ã
répondre à vos questions, M. le député, parce que
je me sens un peu coincé et...
M. Chevrette: Pourquoi?
M. Fontaine: ...j'ai l'impression de m'avan-cer sur un terrain
glissant. Ce que je pense, tout en étant conforme avec ce que mes
consoeurs disent, c'est que, si on est d'accord pour le partenariat, il va
s'agir pour les acteurs de s'asseoir ensemble et de définir les
rôles: que le rôle de chacun des Intervenants soit reconnu et qu'il
y ait un consensus comme il y en a eu un autour de la définition de la
santé mentale. La définition que le rapport Harnois nous a
donnée, on ne peut faire autrement que de faire consensus
là -dessus, parce que les différents groupes ont soumis des
documents de référence, de réflexion, ils ont
étudié, ils ont réfléchi, ils ont pondu une
définition. Quand on mandate des gens, dans un groupe, pour
réfléchir sur un point, on se doit de faire consensus.
Par rapport au partenariat, c'est à peu près la même
chose, c'est-Ã -dire que si la politique est mise en application il
s'agira qu'on soit invité à s'asseoir autour d'une table pour
dire: Les rôles des intervenants, c'est cela, cela et cela. Le rôle
de chacune des professions, c'est cela et cela doit être comme cela.
à l'heure actuelle, dire que...
M. Chevrette: Est-ce que vous voyez cet arbitrage au niveau
national ou dans chacune des institutions? Je vais vous dire pourquoi je vous
pose la question: Vous avez beau vous sentir coincés ou non, l'objectif
est clair, si vous le laissez au niveau de l'institution, je suis sûr
qu'il y a des institutions qui vont arriver avec des définitions et que
les infirmiers et les infirmières de votre institution pourront
être très heureux parce qu'ils auront un corps médical plus
ouvert
à la délégation d'actes telle que prescrite dans
les lois. Mais si vous me dites que c'est un consensus national, je vais vous
demander à quand la politique de la santé mentale et le
partenariat en santé mentale? Les omnipraticiens vont-Ils laisser une
part du gâteau d'après vous? On regarde seulement les orientations
d'un livre qui avait fait réfléchir sur les sages-femmes et la
corporation a tout de suite grimpé dans les rideaux: Wo! les moteurs!
Non, non, non, cela fait partie de notre champ de juridiction. Est-ce que vous
êtes en train de me répondre que c'est un arbitrage national ou un
consensus national à dégager ou un consensus, quant au
partenariat toujours, au niveau des institutions?
M. Fontaine: Je...
M. Chevrette: Ne vous gênez pas. Je ne veux pas vous
coincer, je veux vous montrer que je n'ai pas lu cela dans le rapport Harnois.
J'ai plutôt senti un rapport très politique: Attention! ne
touchons pas à cela! Les docteurs peuvent être contre moi, je suis
docteur, je n'écris pas cela C'est plutôt l'esprit que j'y ai
vu.
Mme Saint-Jean-Timmins: Je pense qu'il n'appartient Ã
personne d'autre qu'aux infirmières de définir ce qu'une
Infirmière fait, de la même façon que ce n'est pas une
autre profession qui va définir ce qu'une ergothérapeute fait.
Notre corporation professionnelle a publié un document auquel elle-
s'est référée, que vous connaissez sûrement, sur le
nursing psychothérapeutique au Québec. On a une corporation
professionnelle qui se charge de définir notre rôle et je pense
que ce n'est ni au niveau national, ni par établissement, ni par une
autre profession qu'on va définir ce qu'on a à faire.
M. Chevrette: Quand vous parlez..
Mme Saint-Jean-Timmins: Je pense qu'on sait très bien ce
qu'on a à faire. Quand on travaille dans une institution où on a
80 patients c'est très difficile d'arriver à faire ce qu'on a
à faire, ce qu'on est capable de faire et de bien le faire,
M. Chevrette: Alors, pourquoi écrivez-vous dans votre
mémoire que le partenariat est difficilement applicable tel que
décrit dans le rapport Harnois parce que vous êtes soumis Ã
des actes délégués qu'on peut vous enlever n'importe
quand? Ce n'est pas moi qui ai écrit cela, c'est vous autres.
M. Fontaine: Je vais vous donner un exemple. Si vous me
permettez, j'aime beaucoup expliquer à partir d'exemples.
M. Chevrette: Je veux comprendre ce que vous avez écrit,
je n'essaie pas de vous mettre en boite.
M. Fontaine: D'accord. Il y a quelques années, quand j'ai
commencé en clinique externe, j'avais le droit de suivre des clients en
psychothérapie. à un moment donné, le psychiatre avec
lequel je travaillais a changé. Le psychiatre avec lequel je travaillais
dans le temps avait un rôle élargi, c'était un psychiatre
ouvert, comme vous le dites, qui laissait de la place aux autres intervenants.
Par la suite, je suis tombé sur un psychiatre qui était plus
anxieux, qui avait besoin de contrôler et, ce dont il avait besoin, ce
n'était pas nécessairement de pratiquer la psychiatrie, mais
d'exercer son pouvoir.
à ce moment-là , ce à quoi je suis revenu, c'est
à donner des injections parce quo ce droit à la
psychothérapie que J'avais acquis n'était plus reconnu,
c'était un acte délégué. Alors là , il a
fallu que je me batte encore. Je parle de moi, mais Je pourrais vous parler
d'autres infirmières qui sont exactement dans la même situation,
qui ont été obligées de toujours se définir
à chaque fois. Au lieu de procéder par acte
délégué, si on nous reconnaît un certain droit, si
on nous fait des références, au même titre que les autres
intervenants, pour nous, c'est Important parce qu'on ne pourra plus nous
l'enlever. Si ce droit nous est reconnu par l'Assemblée nationale, s'il
nous est reconnu légalement, ce sera quelque chose qui nous
appartiendra. Ce n'est plus quelque chose qu'on nous prête et qu'on peut
nous enlever n'Importe quand.
M. Chevrette: Donc, vous exigez une définition claire,
précise de votre rôle dans la politique de santé
mentale.
M. Fontaine: C'est-Ã -dire que ce qu'on demande, c'est que
la définition de notre rôle par l'ordre des infirmières et
infirmiers, par les Infirmières, soit connue. C'est différent,
c'est une définition qui nous est..
M. Chevrette: D'accord, c'est défini dans un bouquin et on
peut tous le lire. Comment se fait-il que vous veniez Ã
l'Assemblée nationale pour faire respecter ce que l'Office des
professions vous a donné? C'est votre ordre qui a défini votre
rôle?
Mme Saint-Jean-Timmins: Oui, l'ordre a fait un document sur la
médecine psychothérapeutique au Québec.
M. Chevrette: Vous l'avez présenté, je suppose,
dans le cadre de la reconnaissance que vous avez par l'Office des professions
de votre corporation? Il n'y a rien qui serait contraire au pouvoir qui vous
est donné en vertu de la corporation professionnelle, dans les gestes
que vous posez?' Un médecin a son champ de juridiction par quoi? Par sa
corporation professionnelle, par le rôle qui lui est dévolu dans
les léglsla-
lions. Vous, c'est l'Office des professions qui vous a reconnu comme
corporation, vous permettant de poser des gestes. D'accord?
Mme Sairrt-Jean-Tïmmins: Oui.
M. Chevrette: Comment se fait-il qu'en santé mentale vous
disiez: Voici, on sait ce qu'on a à faire, c'est cela. Comment se
fait-il que vous soyez obligés de venir dire à l'Assemblée
nationale que vous voulez faire respecter cela?
M. Fontaine: Parce que, dans la réalité, ce n'est
pas comme cela que cela fonctionne.
M. Chevrette: Je voulais vous entendre dire qu'il y a beaucoup de
pouvoirs que vous auriez à là condition que le médecin
qui, lui, a la mainmise sur l'acte délégué veuille bien le
déléguer. Cela pourrait varier d'une institution à une
autre. Vrai ou faux? Selon votre propre exemple, vous dites qu'il y a des
psychiatres qui, par force de contrôle, ont changé votre propre
travail, à partir de deux psychiatres différents. C'est pourquoi
Je vous demandais: Ãtes-vous sur un plan national dans la
délégation d'actes ou si vous l'êtes au niveau de
l'institution? C'est ce que je voudrais savoir.
Mme Taché: Je voudrais vous dire - je ne sais pas si vous
êtes au courant - que l'année passée, Ã
l'hôpital Notre-Dame, ou il y a deux ans,__on a eu des coupures. Les
infirmières sont déjà -débordées, c'est vrai
qu'on a des définitions et c'est vrai qu'on y croit, mais on n'a pas le
temps de le faire parce qu'on n'est pas assez nombreuses et on se retrouve avec
une clientèle lourde. On n'est pas assez nombreuses, il n'y a qu'une
infirmière pour un bassin de 300 malades et ce sont des patients qui
demandent beaucoup de soins, des familles qui demandent beaucoup de soins et
des voisins qui appellent pour avoir de l'information parce qu'ils ont peur.
Tout le monde appelle l'infirmière. Nous ne sommes pas suffisamment
nombreuses.
Quand il y a eu des coupures de budget, on a coupé un poste
d'infirmière sur un total de quatre. Nous sommes déjÃ
débordées, nous sommes déjà celles qui faisons tout
et on nous coupe. On a sauvé la gynéco, mais on a coupé en
psychiatrie. C'est là qu'on vous demande du soutien, aussi. Je ne sais
pas qui vote le budget, mais on demande que le budget pour les
infirmières soit amélioré et qu'on ait suffisamment
d'infirmières pour qu'on ait des conditions de travail qui ont de
l'allure. Comme c'est là , on est en train de perdre des
infirmières.
M. Fontaine: J'aimerais juste compléter en disant que
c'est vrai que les médecins ne nous reconnaissent pas beaucoup de
pouvoirs, c'est vrai qu'ils nous relèguent souvent des tâches
ingrates. Je n'ai pas le goût et l'association qu'on représente
n'a pas le goût d'engager des luttes de pouvoirs avec la corporation des
médecins ou avec les psychiatres, sauf qu'on est un peu pris
là -dedans et on essaie d'y nager du mieux qu'on peut. Mettre des
énergies dans une lutte de pouvoirs, c'est perdre ces énergies.
(21 heures)
Cela me fait penser au partenariat, encore une fois. Vous savez, si on
s'assoit autour d'une table et qu'on accepte de travailler ensemble sur un plan
horizontal, si les différents Intervenants dépensent trop
d'énergie à protéger leur corporation, Ã
protéger leur territoire qu'ils ont acquis et qu'on s'embarque dans ce
genre de lutte-là , les gens vont démissionner et ils vont
désinves-tir. Qui va être le plus pénalisé? Ce sont
ceux qui sont en bas dans la hiérarchie: le patient, la famille et les
proches qui vont se sentir comme une balle de ping-pong là -dedans et
nous autres, parce que nous, les infirmières et les infirmiers,
même si le Code des professions nous reconnaît certaines choses, je
peux vous dire que nous nous sentons à la même place que le
patient dans la hiérarchie. Nous nous sentons à la même
place que la famille et les proches parce que nous avons l'impression que nous
sommes tous les trois sur le même palier.
M. Chevrette: LÃ -dessus, je vous avoue que je ne vous
blâmerai jamais de vouloir faire respecter votre champ de juridiction.
Loin de moi cette idée-là . Au contraire, je pense que, du fait
que vous soyez en service de première ligne, il me semble qu'on ne doit
pas être obligé de quémander ou d'aller quêter un
pouvoir quand on peut l'exécuter auprès du
bénéficiaire et qu'on dit qu'on a une politique axée sur
ta personne, soit dit en passant.
Ce qui me surprend, d'autre part, parce qu'il faut quand même
être honnêtes dans l'analyse qu'on fait de vos mémoires,
c'est que vous disiez: Donnez-nous la possibilité d'être
rémunérés à l'acte. C'est à peu près
dit... Je ne sais pas si c'est dit tout à fait comme ça, mais je
vais vous le lire exactement comme je l'ai lu: Demande d'accessibilité
gratuite aux services des infirmiers et infirmières par le remboursement
des actes par la RAMQ."
C'est drôle, Je voyais le contraire. Si vous demeuriez au
salariat, comme vous êtes, et que certains corps professionnels soient
aussi... Par exemple, si les psychiatres étaient payés Ã
salaire dans les institutions, vous ne pensez pas qu'ils feraient meilleure
équipe avec vous et qu'ils voudraient en prendre moins à l'acte?
Ou bien ils en signeraient moins, de vos rapports, qu'ils entérinent par
la suite. Je sais comment ça marche un peu dans les hôpitaux. On
va signer le matin pour mol, c'est certain, pour avoir passé la nuit
chez lui et vous autres debout. Je sais comment ça fonctionne.
Ce que je veux savoir, c'est ceci: Ne pensez-vous pas que ça
devrait être l'effet inverse plutôt, si on ne veut pas se ramasser
dans un cul-de-sac de paiement à l'acte d'une
série de catégories de professionnels sans contrôle
de l'Ãtat sur le nombre d'actes? Je me demande comment un
ministère de la Santé et des Services sociaux pourrait être
capable de justifier un budget pour améliorer éventuellement les
services, si on augmentait le nombre de catégories de professionnels
payés à l'acte. C'est l'Inverse que je verrais.
Si on donnait peut-être un salaire Intéressant et qu'on
disait: Dorénavant, on ne paie plus à l'acte, ça n'a pas
de bon sens... On n'a pas le contrôle sur les actes. On n'a pas le
contrôle des répétitions d'actes. Où s'en-va-t-on?
Il y en a qui aiment ça, prendre des vacances aux trois mois. Cela
développe tous les vices du système. Vous le savez qu'il y a des
bobos qui sont bien plus laids quand il y a un trou dans l'agenda le lendemain.
Il me semble qu'il faut que vous alliez leur montrer, alors que ça ne
serait peut-être pas nécessaire. On sait comment ça marche.
On ne se contera pas fleurette.
Je vous dis très honnêtement que je suis surpris de votre
demande. Je comprends qu'il y a un dessous très important C'est
peut-être de dire: Bien, au lieu que ce soient seulement les riches qui
aient accès, on va au moins offrir à tout le monde la
possibilité d'avoir des services. Je pense que c'est là votre
objectif. C'est ainsi que je l'ai compris. Mais je trouve ça surprenant
que vous ne vous enligniez pas plutôt dans le sens inverse. Parce que je
suis convaincu qu'on aurait 11 000 000 000 $ si on mettait les professionnels
à l'acte et on serait probablement plus reculés en ce qui a trait
à la qualité des services parce qu'il y aurait moins de
contrôle. Je suis convaincu de ça, cela n'a pas... Qu'est-ce que
vous en pensez?
Le Président (M. Baril): Une réponse brève,
s'il vous plaît
M. Fontaine: Merci, M. le Président.
Quand on a proposé ça, ce n'est pas coulé dans le
ciment. On est ouverts à toutes sortes de choses. Ce que vous proposez,
pour nous, c'est discutable. On est ouverts à ça. SI de telles
choses pouvaient se faire, on serait ouverts pour en discuter et y
réfléchir et pour faire des propositions et voir comment on peut
s'entendre et discuter comme intervenants, voir comment on peut s'organiser
là -dedans. On est ouverts à ça. Je veux dire qu'on ne
serait pas contre ça non plus.
M. Chevrette: Avais-je bien compris que c'était en
fonction de rendre universel au lieu de le garder seulement? Ce n'est pas
ça?
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. Alors, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Thuringer: Merci, M. le Président.
En écoutant les discussions jusqu'à main- tenant et en
regardant le mémoire, il y a un certain élément qui sort
de là et qui est un élément décourageant de votre
part, il me semble. D'abord, vous êtes là en première
ligne, vous donnez des services valables, presque 365 jours par année,
et puis vous n'êtes pas valorisés. Cela rejoint les remarques du
chef de l'Opposition, ce n'est pas valorisé, mais surtout pas
valorisé par l'équipe. Je pense que cela va plus loin. Cela
comprend les directeurs généraux des hôpitaux, les autres
structures. Est-ce que cela touche aussi les comités de
bénéficiaires. Il me semble que c'est plus large que simplement
les psychologues, tes psychiatres, les travailleurs sociaux. Dans
l'équipe, vous n'êtes pas valorisés par d'autres personnes.
Est-ce que c'est vrai ou si j'ai tort?
M. Fontaine: Je peux répondre à votre intervention.
Aux yeux de la population en général, je pense qu'on a une belle
Image et qu'on est assez valorisés. Les gens sont contents de nous avoir
comme Intervenants quand ils nous connaissent, parce qu'ils savent qu'ils
peuvent se référer à nous. Par exemple, il y a les
patients maintenus à domicile. On fait des visites à domicile.
Les gens sont contents quand on y va parce qu'ils nous sentent accessibles, Ils
sentent qu'on est près d'eux.
La valorisation de la part de la population, on l'a et on y tient.
à vrai dire, c'est notre seule source de valorisation. Que ce soit par
les autres membres de l'équipe, que ce soit par les directions
d'hôpitaux, J'Irais même jusqu'à dire que ce soit par le
ministère, par le gouvernement, par les conventions collectives, entre
autres, ta reconnaissance, on ne l'a pas. On ne se sent pas valorisés.
J'ai quasiment le goût de vous donner un exemple, si vous me te
permettez. J'ai un client qui est sous mandat du lieutenant-gouverneur. Je le
suis régulièrement, aux quinze jours. On doit passer devant la
commission du lieutenant-gouverneur pour savoir si le patient doit sortir, doit
être maintenu ou doit être enlevé de la tutelle de la
commission. à qui se réfère-t-on? Ce n'est pas Ã
moi qu'on se réfère. Ce n'est pas au psychologue non plus, ni au
travailleur social. C'est au médecin, au psychiatre.
Je peux vous citer des exemptes où les gens ont été
vus une fois avant de passer devant la commission, et parfois deux. On
recommande qu'une personne soit maintenue sous tutelle de la commission et,
aujourd'hui, cette personne-là est en vacances en Floride. Je ne
comprends pas comment il se fait, quand une personne est vue une ou deux fois
par un psychiatre, que ce dernier dise qu'elle doit être maintenue parce
qu'elle est dangereuse pour la société alors qu'elle est capable
de prendre des vacances et de planifier des vacances en Floride. Pour moi, il y
a quelque chose d'aberrant là -dedans. Je suivais ce patient Ã
tous les quinze Jours; J'avais une certaine crédibilité. Je ne le
suivais pas depuis
quinze Jours ou trois semaines, je le suivais depuis des mois, parfois
même des années. Quelle valorisation ai-je par rapport Ã
mon rôle, si je ne suis même pas capable de faire en sorte qu'on me
reconnaisse cela?
M. Thuringer: Vous avez souligné quelques aspects que vous
n'avez pas vraiment discutés à fond. Cela touche les services
pour les minorités, par exemple. Est-ce que vous partez des groupes
culturels, des groupes d'autres cultures? Est-ce ce dont vous parliez?
M. Fontaine: Ce peuvent être les autres groupes culturels,
mais aussi tous les... Je pense aux minorités culturelles, aux
minorités dans l'orientation sexuelle, entre autres. J'entends aussi par
minorité, dans le sens un peu plus élargi, le droit des enfants.
J'entends aussi par là quelque chose qui est assez nouveau et
J'espère que tes différentes corporations et le ministère
commenceront à se pencher là -dessus: la santé des hommes.
On ne s'est jamais penché sur la santé des hommes et, pourtant,
on parle d'hommes violents. On parle d'hommes qui battent leur femme. On parle
de pères incestueux, d'ex-conjoints qui tuent leur ex-conjointe. Quand
va-t-on commencer à se soucier de la santé des hommes? Pour moi,
c'est une minorité.
M. Thuringer: J'aimerais aussi vous demander comment vous voyez
votre rôle vis-à -vis des centres communautaires ou des CLSC?
Avez-vous des "contacts qui fonctionnent bien? Est-ce qu'il y a cette
ressource?
Mme Taché: Jusqu'à maintenant, je travaillais
à l'hôpital Notre-Dame dans un secteur géographique qui est
le Plateau Mont-Royal. On a un CLSC qui existe depuis peut-être deux ans
maintenant. J'ai travaillé en clinique externe pendant plus de dix ans
sans CLSC. La clinique externe de psychiatrie a servi de CLSC auprès des
personnes âgées, auprès de tous les gens qui avaient des
problèmes de tous ordres. Quand le CLSC a été
créé, on ne l'a pas su, premièrement On ne nous a pas
consultés pour savoir quelle sorte de ressources seraient
nécessaires au Plateau Mont-Royal, alors qu'on te connaissait depuis
plus de dix ans.
Je pense qu'il y a là un manque évident de reconnaissance.
Il me semble qu'on aurait pu approcher les infirmières. On les
connaît. Je me promène sur la rue, au Plateau Mont-Royal, et je
suis connue comme Barrabas dans la Passion. Mais on ne vient pas me consulter
pour créer des ressources. Je pense qu'il y a un manque et que,
là , je ne suis pas reconnue. Je parie pour toutes les infirmières
avec lesquelles je travaille, pas juste pour mol.
Le Président (M. Baril): Merci. Un mot de la fin, M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Je voudrais vous remercier et vous dire que je vous
comprends un peu. S'il y a une corporation professionnelle que je comprends
passablement, c'est la vôtre qui a été passablement
dépossédée. Vous êtes la seule corporation, Ã
toutes fins utiles, dans le domaine de la santé qui ait
été dépossédée depuis des années. Je
voudrais vous dire que. quand on parle de politique de santé mentale et
de désinstitutionnalisation, donc de maintien à domicile, de
travail concret dans les maisons d'accueil et tout, j'ose espérer en
tout cas qu'on pensera à vous, car je suis persuadé que, si on se
fie... Il y a une barrière épouvantable à briser dans le
corps médical. On sait très bien que ce sont maintenant des
répondeurs automatiques. Si vous avez des problèmes, allez
à l'urgence, alors qu'il y a peut-être d'autres personnels qui
peuvent rendre des services extraordinaires dans les foyers et dans les maisons
d'accueil. Je voudrais vous dire qu'on sera sensible dans l'élaboration
de la.,. En tout cas, j'ai hâte de voir la politique finale de Mme la
ministre, mais je pense que vous avez effectivement un rôle très
important à jouer et qu'on le reconnaîtra.
Le Président (M. Baril): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Moi aussi, je veux vous remercier pour votre
mémoire. Je voudrais juste vous dire que, du côté de ma
formation, H y a des indications Intéressantes qui devront être
examinées davantage. En ce qui a trait à votre rôle et
à vos fonctions qui ne sont pas définis comme tels dans le projet
de politique, je pense que vous avez évalué justement en vous
disant que le rapport Harnois ne voulait pas entrer dans des définitions
que l'on connaît déjà par les corporations
professionnelles, mais que c'est dans la mesure où te partenariat pourra
être vraiment vécu, avec tout ce que cela peut signifier, et non
plus dans des rigidités ou dans les querelles qui immobilisent souvent
les énergies ou qui annulent les efforts qui sont faits, qu'il faudra
tenter de trouver une réponse. Est-ce que je me trompe en pensant que
cela a été votre perception du projet de politique sous ces
aspects?
M. Fontaine: Entre autres, Mme la ministre, et, s'il y a une
définition de ce que doit être une infirmière dans le
partenariat, des soins Infirmiers psychiatriques, j'ose espérer que nous
serons invités à donner notre point de vue, qu'on en tiendra
compte et qu'on nous accordera le pouvoir qu'il y a en fonction de cela.
Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.
Le Président (M. Baril): Mme Saint-Jean-Timmins, Mme
Taché et M. Fontaine, je vous remercie beaucoup de votre
présentation et je vous souhaite un bon voyage de retour.
J'invite Immédiatement la Corporation professionnelle des
travailleurs sociaux du Québec
à bien vouloir se présenter à la table, s'il vous
plaît.
(21 h 15)
Corporation professionnelle des travailleurs sociaux
du Québec
Le Président (M. Baril): à l'ordre, s'il vous
plaît!
Bonsoir, madame. J'aimerais que vous vous présentiez et que vous
présentiez vos invités, s'il vous plaît. Je tiens Ã
vous faire remarquer tout de suite que vous avez 20 minutes pour votre
présentation.
Mme Carey-Bélanger (Hélène): Merci,
monsieur. Je suis Hélène Carey-Bélanger et je suis
présidente de la Corporation des travailleurs sociaux de la province de
Québec. J'ai avec moi M. René Page, le directeur
générai de la corporation, et Mme Maude Mercier, la
vice-présidente de la corporation pour la région 03. Elle a
travaillé à votre projet, te rapport Harnois, en consultation
avec les gens du milieu. Nous avons constaté que chacun de nous, dans
notre carrière, à un moment ou à un autre, avons
travaillé dans le milieu psychiatrique. En plus de notre rôle
officiel pour lequel nous sommes Ici ce soir, nous avons de l'expérience
dans le domaine du travail social psychiatrique.
Notre mémoire ou notre rapport, c'est un premier jet, un premier
document Je veux mettre cela comme balise parce que nous avons envoyé ce
_document non seulement à vous, mais aussi aux "membres de notre
corporation. Les commentaires que nous allons apporter seront des commentaires
sur le document, mais on va y ajouter les consultations et les réponses
que nous avons eues de nos différents membres depuis. Nous allons
essayer brièvement de faire nos commentaires dans les 20 minutes pour
permettre les questions.
Cela étant dit, le premier commentaire que j'aimerais faire ce
soir, c'est de dire que nous avons pensé diviser nos commentaires en
trois parties. Dans la première partie, nous allons présenter des
avis sur les grands thèmes. Dans un deuxième temps, nous allons
situer le rôle du travailleur social et celui de la corporation et,
enfin, nous transmettrons nos avis sur diverses recommandations. Je vais
commencer. Les travailleurs sociaux de la province de Québec disent oui
à la politique de santé mentale et la raison en est que nous
trouvons que cela donne une direction claire. Enfin, nous avons une direction
claire qui est énoncée. Les grands principes, pour nous, sont
Indiscutables et il y a l'adhésion de nos membres à ces grands
principes.
Cependant, nous allons dire tout de suite que nous avons des questions
quant à la concrétisation de ces principes. Nous sommes, comme ,
travailleurs sociaux, particulièrement d'accord avec
l'énoncé de centrer les diverses formes d'intervention sur la
personne, la famille, ses proches et son environnement. Actuellement, cette
adhésion est fondamentale parce que c'est nettement relié
à la définition de notre acte professionnel.
Je vais juste citer une partie de cela: 'L'objet de l'acte professionnel
du travailleur social est la socialité, c'est-à -dire
l'équilibre dynamique dans tes rapports entre les personnes et leur
environnement immédiat et médiat, dans une perspective de
développement humain et social.' Cela étant dit, on peut dire
que, comme corporation, les énoncés de principe sont conformes
avec l'acte professionel qui nous est déjà attribué.
Nous constatons et nous sommes contents de constater, dans cette
politique de santé mentale, une reconnaissance non équivoque des
responsabilités assumées depuis toujours par tes conjoints, par
les familles et par les proches d'un membre souffrant de maladie mentale.
L'isolement dans lequel ils se retrouvent est dramatique et c'est pourquoi
plusieurs associations se sont formées regroupant les parents et les
amis du malade mental. Nous sommes convaincus que ces personnes et ces
organismes ont besoin de services de soutien, de ressources variées et
d'aide de tous les intervenants concernés. Cette lutte contre les
préjugés à l'égard des personnes atteintes de
maladie mentale est l'affaire de tous les partenaires, tel que
précisé dans la politique; ce n'est pas l'un ou D'autre des
partenaires, mais tout le monde ensemble.
On aurait aimé, cependant, avoir plus de discussions et qu'on
donne plus de place au rôle de partenaire privilégié
assumé par les bénéficiaires, les proches et tes familles.
Il est très nécessaire d'engager ces personnes. C'est un
Intérêt qui est présent non seulement Ici, mais ailleurs;
c'est un mouvement croissant d'écouter les clients, ce n'est pas juste
dans les airs, il faut les écouter. Nous sommes en train de passer
à travers et à côté d'une ressource très
précieuse. Je peux vous citer des exemples, d'ailleurs, où les
recherches et même tes congrès Internationaux sont tenus sur ce
facteur de participation des clients. Je dis, dans notre rapport, qu'il faut
vraiment en tenir compte. Ce n'est pas fait ici, il ne faut pas
prétendre que c'est fait, mais c'est une chose qu'il faut continuer
d'entretenir.
Le partenariat, deuxième point. C'est une notion Ã
laquelle les travailleurs sociaux adhèrent depuis longtemps. En tout
cas, c'est le point de vue de la corporation. Dans nos différents
dossiers comme la réforme de l'aide sociale, la politique familiale et
la commission Rochon, nous avons toujours demandé qu'il y ait une
cohérence et une complémentarité entre les
ministères, tes organismes publics et parapublics et les ressources
communautaires; une cohérence et une complémentarité sur
les facteurs sociaux, mais aussi sur les facteurs socio-économiques. Il
ne faut pas passer à côté des facteurs
socio-économiques. Entre la pauvreté et la santé mentale,
il y a un lien. Je ne développerai pas cela davantage, nous savons que
cela existe, mais
Il faut quand même le dire.
Aussi, dans la définition des rôles des partenaires -
plusieurs autres ont dit cela aussi - il faut reconnaître une valeur
égale à tous ces partenaires. Une valeur égale ne veut pas
dire égalitaire, cela veut dire que chacun de ces partenaires ont une
valeur égale dans un processus de vrai partenariat Cela dit, nous
pensons qu'il faudra que le rôle de ces partenaires constitués,
entre autres, d'intervenants soit défini pour éviter qu'une
certaine tendance actuelle ne se généralise, soit que chaque
intervenant puisse faire tout à tous les plans non pas parce qu'il le
veut, mais parce que les choses ne sont pas définies. Ils ont
l'obligation, des fois, de le faire. Il faut commencer à mettre de
l'ordre là -dedans.
Finalement, la désinstitutlonnatisation. C'est une partie majeure
de ce projet de politique de santé mentale. Nous parlons de cela depuis
longtemps. C'est majeur parce qu'Ã notre avis cela sous-tend deux
notions fondamentales, soit la réinsertion dans la communauté des
bénéficiaires vivant en institution et, en plus, le maintien dans
le milieu naturel des bénéficiaires qui, autrefois, auraient
été Institutionnalisés. Nous ne pouvons prétendre
faire cela sans avoir un investissement financier et aussi en termes de
ressources humaines, au moins dans un premier temps. Nous ne préconisons
pas que cela aille toujours en croissant, mais, dans un premier temps, pour
lancer un projet comme celui-ci, il faut être réaliste: D faut une
Injection quelconque de fonds.
Entre-temps et toujours travaillant dans le sens que le milieu naturel
et la communauté se prennent davantage en charge, nous sommes d'accord
avec cela, en complémentarité avec le réseau, mais il
faudra, pour y générer ces forces vives, pour travailler avec
celles-ci, pour changer les mentalités, faire un travail intense. Pour
faire ce travail intense, de longue haleine, il faut des ressources importantes
et diversifiées. Je ne parle pas d'Ici, je parle d'autres pays qui ont
essayé cela. Il y avait un investissement initial important. Par la
suite, quand les gens trouvent leur place, quand ils développent une
sorte d'apprentissage social, ces groupes sont capables de prendre cela en
charge. Mais, à un moment donné, il faut faire un
investissement.
Je laisse ceia et je cède la parole à René qui va
parler du rôle du travailleur social et de la CPTSQ. René.
M. Pagé (René): En premier, le rôle du
travailleur social, notre présidente l'a défini tout Ã
l'heure, en est un d'intervenant auprès des individus, leur famille, les
groupes, les communautés: un intervenant qui travaille dans une
dynamique. Il est sûr que, si on regarde le champ psychosocial tel que
défini dans la politique de santé mentale, c'est très
large, mais l'intervention sur une dynamique entre un individu et son
environnement est un champ d'intervention spécialisé qui demande
une formation et une expertise. C'est dans ce sens-là qu'on dit que ce
serait de desservir ta population que de poser des actes, des interventions
sans que les gens aient la formation prérequise à ce
niveau-là .
En ce qui concerne la reconnaissance des besoins des familles, des
conjoints, des proches d'un bénéficiaire, c'est évident,
pour les travailleurs sociaux qui ont toujours travaillé auprès
des familles, que cette reconnaissance officielle tes confirme dans ce qu'ils
ont toujours su, Ã savoir: les besoins qu'ont les familles qui
actuellement ne peuvent recevoir, bien souvent, ces services-là , entre
autres, avec un effectif parfois très réduit, sinon
Inexistant
Pour ce qui est du rôle de la corporation, son premier rôle
est d'assurer la protection du public. La corporation le fait de quelques
façons: par un code de déontologie, par l'évaluation de la
compétence de ses membres, par la formation continue de ses membres et
en collaboration avec les organismes et les établissements
concernés par le travail social. Quant à la formation continue
à la corporation, on pense qu'on a des membres qui sont dans les
premières lignes et dont le développement d'expertise n'a pas
été le domaine de la santé mentale ou de la psychiatrie,
pour dire les choses telles qu'elles sont, il y aurait un besoin urgent de
formation pour ces travailleurs sociaux.
Il y a également la question de la formation de base, Ã
laquelle on fait allusion, et la spécialisation. Il y a actuellement des
gens qui vont chercher des spécialisations à ce niveau et qui se
développent. Les gens ont beaucoup d'initiative dans te travail social
pour se former et se perfectionner. Ceci devrait être encouragé
encore plus fortement car, effectivement, une formation
spécialisée donne de meilleurs services.
Nous avons relevé également que les membres de la
commission dans leur rapport, lorsqu'ils identifient un professionnel, parlent
des travailleurs sociaux. C'est le terme utilisé. On n'y parle pas
d'agents de relations humaines; ici, on fait allusion aux doubles appellations
qui sont souvent utilisées dans les réseaux public et parapubllc,
car si on dit qu'on a besoin de travailleurs sociaux qu'on prenne des gens
formés en travail social, si on dit que le besoin est en travail
social.
Mme Carey-Bélanger: Merci, René. Maude va commenter
nos avis plus spécifiques sur les recommandations.
Mme Mercier (Maude): Dans l'ensemble, la Corporation
professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, comme l'a dit la
présidente, entérine les recommandations du rapport Harnois, mais
nous sommes quand même beaucoup préoccupés, à savoir
comment, dans le concret, les choses vont se faire. Du côté
opérationnel, on en vient vite à s'Interroger. La première
question
qui nous semble majeure pour la réalisation, c'est l'aspect
financier. C'est quand même un aspect Important. On a un
élément, mais il faut le reste aussi. Par contre, on a envie de
dire aussi qu'en ce qui concerne l'analyse faite par le comité des
problèmes dans le système de soins et de services, cela nous
semble très conforme avec la réalité
québécoise. On a trouvé que c'était très
bien. Entre autres, il y a le problème des disparités
régionales qui est majeur, qui est quand même très
évident et qui nécessite des solutions urgentes. Il y a un
rééquilibre nécessaire à faire selon un principe de
justice distributive, en fait, selon l'idée que chaque personne sur le
territoire du Québec a droit à des services, à des soins
de qualité et en quantité suffisante. (21 h 30)
La deuxième question: la corporation souhaite, pour le
bénéfice de tous, un certain éclairage,
c'est-à -dire une clarification des rôles et responsabilités
des différents partenaires. Je pense qu'il faudrait dire que c'est plus
au niveau des organismes, des intervenants habituels, de ceux qui
étaient là . La réalité est souvent floue, de telle
sorte qu'il y a des services qui ne sont pas là , on se fie sur l'un ou
l'autre et II y a des attentes.
Je pense que, dans la nouvelle organisation, si on regarde tes CLSC,
entre autres, ma réalité... Je travaille en milieu psychiatrique
dans un hôpital général depuis quinze ans et, Ã
l'heure actuelle, jai l'impression que les gens qui sont là pour donner
des services essaient de voir ce que l'autre à côté peut
faire. On a des attentes, mais on ne les a pas beaucoup partagées. C'est
ce qui fait qu'on est train de vivre des frustrations de part et d'autre. Je
pense qu'il faut passer à autre chose que des frustrations, on est
là pour autre chose que cela.
Quant aux disparités régionales, entre autres, les
rôles de chacun, on a l'Impression concernant les CLSC, que la
réalité peut être différente en milieu urbain qu'en
milieu rural dans le sens du rôle à jouer. Ce n'est pas la
même chose pour un CLSC en milieu rural; je pense qu'il doit donner une
gamme plus variée de services. Pour l'instant, je vais en rester
là . Pour ce qui est de notre étude et de nos recommandations,
nous allons alterner. Alors, je vais donner la parole Ã
Hélène.
Mme Carey-Bélanger: Je pense que c'est un carrefour. C'est
un problème dans lequel se situe ta complexité de cette
intervention globale. Tout ce que je veux dire, c'est que nul ne peut
prétendre pouvoir assumer seul... Si on veut agir en collaboration, dans
l'intérêt public, il ne faut pas prétendre pouvoir assumer
cela seul, sauf que nous pouvons dire qu'il y a nécessité de
spécifier les fonctions et de déterminer les différents
acteurs. Qui va faire quoi pour permettre à chacun, dans le
spécifique et dans les spécialités, de faire ce qu'il fait
le mieux? Cela a l'air simple, mais ce n'est pas si simple et nous savons
cela.
Il y a un autre point: l'évaluation des modèles
d'intervention. Vous parlez beaucoup de modèles d'Intervention, mais
nous disons qu'il faut d'abord conceptualiser. C'est tout un tournant, tout un
virage qui est proposé dans te rapport. Il faut conceptualiser un
modèle en fonction des objectifs et des résultats qu'on veut
atteindre. Par la suite, on met dans cela un phénomène de
recherche. Je pense que la conceptualisation d'un modèle, mettre cela en
action, faire la recherche, c'est très Important pour être
sûr qu'on ne fait pas l'évaluation d'un programme existant et
qu'on ne tourne pas en rond parce que, oui, on va avoir les bons
résultats, mais est-ce que c'est en fonction des nouveaux objectifs
qu'on doit définir si on a une politique avec les principes que vous
avez énoncés?
Aussi, cette intégration - c'est un point très important
pour nous, comme corporation, et pour plusieurs d'entre nous Ã
l'intérieur de la corporation - l'Intégration de cette
démarche de conceptualisation, d'évaluation et de formation doit
se réaliser, entre autres, par la recherche-action. Quelquefois, j'ai
l'air de Salnt-Jean-Baptiste quand je parle de recherche-action, parce que le
type de recherche privilégié dans les lieux de décision,
ce sont les recherches quantitatives, quantifiables et faites en vase clos.
Nous, comme corporation, on fait vraiment - je le fais comme présidente,
mais la corporation aussi le demande - de la recherche-action, parce que dans
la recherche-action vous Impliquez vos différents acteurs.
J'espère que vous réalisez que la recherche-action devrait
émerger des acteurs concernés d'abord et avant tout, soit les
Intervenants, mais surtout on revient aux bénéficiaires, aux
familles. Ãcoutez-les dans la recherche-action. Ensuite, les
résultats de cette recherche vont à ces personnes. Donc, le but
de l'information va être réalisé. C'est un point que nous
trouvons très crucial. Maude, les mesures de répit
Mme Mercier: Au sujet des mesures de répit, on trouve
Intéressant, urgent et nécessaire qu'il y ait effectivement des
mesures de répit pour les familles, mais on constate que beaucoup de nos
gens qui sont atteints de troubles mentaux ont perdu leur milieu familial, sont
dans d'autres milieux de vie, des ressources alternatives, entre autres. On
considère que ces milieux substituts ont aussi besoin de mesures de
répit et cela aussi de façon urgente pour pouvoir continuer
à jouer leur rôle. Je pense aux familles d'accueil psychiatriques,
aux pavillons psychiatriques qui, quand même, sont ni plus ni moins les
familles de beaucoup de nos clients. Il y a une autre de nos recommandations -
la première, je pense - qui concerne la campagne de sensibilisation. On
voudrait apporter des nuances dans le sens qu'il y a une campagne de
sensibilisation à faire sur le plan du champ de la santé
mentale
auprès des proches, des familles qui ont droit à de
l'Information concernant la maladie mentale, la pathologie, les comportements
qui vont avec, les attitudes à avoir pour essayer d'assainir tout cela.
Il y a aussi de l'information à faire au niveau du champ de la
santé mentale auprès des intervenants pour un partenariat plus
efficace et, à un autre niveau, bien sûr, il y a un travail de
sensibilisation "at large" Ã faire dans le domaine pour
éventuellement faire la réinsertion dans le cadre d'une
désinstitutionnalisation.
à ce niveau, Je suis bien préoccupée par cela parce
que je pense qu'il n'y a pas de baguette magique. Une campagne de
sensibilisation, je ne pense pas que cela puisse se faire à court terme,
en ayant des objectifs d'efficacité à court terme. .SI on
écoute simplement dans les médias actuels - j'avais cela en
mémoire - les trois exemples récents de résistance des
gens, il y a le centre pédagogique, tout récemment, qui voulait
simplement intégrer des enfants qui avaient des problèmes
d'adaptation scolaire, ce qui ne semble pas présenter une
problématique d'environnement, et il y a eu résistance, comme
aussi pour les sidatiques. Alors, il y a eu beaucoup de réactions, comme
à Lauzon, où on a voulu intégrer des jeunes avec certains
problèmes. Je me dis qu'il ne faut pas rêver en couleur, il y a du
travail, mais cela nous semble quand même le prérequis absolument
nécessaire. Il faudra que ce soit bien fait et, pour cela, penser
à toute la variété que cela implique, la manière
de_ faire. Pour plus de crédibilité, ce serait sûrement
important que des gens déjà en action soient les
éléments de diffusion de l'information.
Le Président (M. Baril): Est-ce que vous aimeriez
conclure, madame?
Mme Mercier: Ce ne sera pas long, juste autre chose, on pourra le
préciser après dans le cadre de la discussion.
Le Président (M. Baril): D'accord.
Mme Mercier: Une autre recommandation qui est quand même
Importante: te plan de services individualisés. Pour nous, c'est quand
même quelque chose d'intéressant, mais on a des réserves.
On s'interroge surtout sur le plan de la mise sur pied, quelle forme cela
pourrait prendre, et on désire que ce système demeure souple et
ne devienne surtout pas une démarche bureaucratique lourde. Je pense
qu'avant d'arriver à un partenariat élargi il faudra aller vers
un partenariat restreint avec les gens déjà en place.
Mme Carey-Bélanger: Le mot de la fin, c'est que ce PSI,
pour une fois, va faire l'objet d'un projet pilote avant d'être
généralisé, comme nous avons tendance à le faire
dans toute la province. On suggère des projets pilotes avant de
généraliser un modèle comme celui-là .
Mme Mercier: Qu'on l'expérimente à titre de projet
pilote, qu'on évalue son efficacité et ensuite, si on prouve que
cela peut être efficace, on pourra le diffuser et l'implanter.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier la
Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec pour son
mémoire. C'est un mémoire très bien fait qui suscite
beaucoup de questions. Je vais m'en tenir seulement à quelques-unes
parce que j'ai des collègues qui m'ont indiqué qu'ils voulaient
également vous en poser. Je les aborde Immédiatement.
Mme Bélanger, vous avez beaucoup insisté sur la question
d'impliquer la personne elle-même, ses proches, sa famille, en disant que
c'était une tendance qui, à l'heure actuelle, n'était pas
juste marginale, mais vraiment un mouvement qu'on sentait comme étant
très important dans le soutien ou l'aide à apporter à des
personnes qui ont des troubles mentaux. Je me demandais: Est-ce que vous
êtes capable de concrétiser un peu plus comment, selon votre
expérience professionnelle, quels sont les moyens que vous utilisez ou
qui ont pu être utilisés ailleurs pour justement inclure dans ce
partenariat les premiers concernés, soit les
bénéficiaires, la famille et tes proches?
Mme Carey-Bélanger: Comme je l'ai dit, Mme la ministre,
c'est une chose à ses débuts. Je veux d'abord dire cela. J'ai eu
la chance de voir cela lors d'une visite en Finlande où ils ont
effectué une sorte de désinstitutionnalisation, mais avec de
fortes carences sur le plan communautaires. C'est à des travailleurs,
auprès d'un groupe de femmes qui avaient des expériences
elles-mêmes en psychiatrie, qu'elles ont commencé à dire
comment on pourrait les aider à se sentir mieux. Ces femmes ont dit:
Nous n'avons pas besoin de nous sentir mieux. Nous avons besoin d'Information.
Nous sommes fâchées. Nous voulons dire ça Ã
quelqu'un. Nous n'aimons pas la façon dont les gens nous traitaient.
Cela peut aussi bien être les travailleuses sociales que d'autres. Alors,
essayons d'aider ces femmes-là à formuler leurs paroles. Ce
travailleur, qu'ils appelaient dans ce milieu un travailleur communautaire, les
aidait à aller auprès des Intervenants demander des Informations
et, en même temps, à partager ce qu'elles ont vécu d'une
manière plus structurée. Elles sont devenues un groupe
très fort qui a fait son chemin à travers différentes
instances et qui s'est même rendu au gouvernement pour informer les gens
de ce qu'elles avaient vécu. En même temps, elles ont appris
comment aller chercher les Informations adéquates.
Des fois, les gens sont très fâchés du
traitement qu'ils ont reçu parce qu'ils ne comprennent pas
certaines choses. Alors, c'est un exemple. Peut-être que Maude et
René peuvent donner d'autres exemples ici, mais cela m'avait beaucoup
impressionnée et, depuis, j'essaie de travailler dans ce sens-là .
J'avais plusieurs exemples présentés lors d'un congrès au
début de septembre et, entre autres, certains mouvements ont
commencé dans les ressources alternatives à Montréal.
René ou Maude, avez-vous d'autres...
Mme Lavoie-Roux: Qui amorce cette démarchera?
Mme Mercier: Je pense qu'en ce qui regarde . l'équipe
multidisciplinaire, depuis quelques années, les gens ont fait quand
même un virage. Peut-être que ce sont plus les professionnels non
médicaux qui, en premier, ont lancé cela, dans le sens qu'au lieu
de voir la personne comme un individu présentant des problèmes,
sous l'angle d'un petit tiroir, on a développé l'approche
systémique qui veut qu'on tienne compte du fait qu'un individu ne vit
pas seul et ne vit pas ses troubles seul. Cela affecte tout son entourage.
L'entourage peut rendre aussi, Jusqu'Ã un certain point quand
même, l'individu malade. Alors, quand même depuis des
années, je pense qu'on peut dire que les membres de l'équipe
multidisciplinaire, dans les milieux psychiatriques, ont fait des efforts pour
donner de l'information et Impliquer les familles, que ce soit Ã
domicile ou au stade du diagnostic quand une personne nous arrive.
Maintenant, je pense qu'il y a ta réalité aussi que les
gens crient plus fort pour avoir de l'information. Je trouve qu'ils sont
connectés à leurs droits et je pense que c'est ça, aussi,
qui va forcer à accentuer le travail. Il reste quand même que le
bénéficiaire, d'après moi, c'est sûr... Dans mon
milieu - je pense que ça doit être pas mal pareil ailleurs - si on
prend la clinique interne, tes gens qui sont hospitalisés, moi,
ça me surprend encore, mais je trouve qu'on a amélioré le
travail au chapitre de ta concertation quant aux intervenants. C'est qu'on est
assis à la même table, en équipe, une fois par semaine,
pour passer en révision les cas. Je me surprends encore à dire -
c'est-Ã -dire que je ne me surprends pas, mais je constate - que le
bénéficiaire n'est pas là . En tout cas, il n'est pas
à la table. Là où on a amélioré notre
procédure, c'est que, lorsqu'on a atteint un consensus dans
l'équipe concernant un plan pour ce bénéficiaire-lÃ
à partir d'un diagnostic, etc., cela arrive, pour plus
d'efficacité, je dirais, qu'on le fasse venir, qu'on lui fasse partager,
qu'on l'Informe. Mais il n'est pas là au premier stade.
Je pense que le partenariat, ça devrait au moins commencer par
ça: que la personne directement concernée soit assise à la
même table et ait tout au moins le droit de dire ce qu'elle ressent, son
idée à part égale, en tout cas.
Mme Lavoie-Roux: Une remarque nous a été faite ici
à plusieurs reprises et Je me souviens qu'elle nous avait
été faite aussi au cours de l'été 1985.
C'était une remarque provenant des familles, en particulier, comme quoi
elles n'étaient pas Informées, à partir de principes qui
pouvaient se défendre: confidentialité, respect des droits. Elles
n'étaient pas informées de l'état de la situation ou,
enfin, de la condition, si on veut, de leur enfant devenu adulte dans bien des
cas, des cas de schizophrénie; elles disaient comment elles se
sentaient. Cela nous a été répété Ã
plusieurs reprises depuis le début des audiences, comment elles se
sentent démunies.
Pourtant, ces personnes-là ont souvent déjà eu
affaire, ces parents-là ont déjà eu affaire Ã
plusieurs intervenants, qu'il s'agtsse du psychiatre, de l'infirmière,
de la travailleuse sociale, etc. Cette information leur manque et les
empêche d'assister ou d'aider ou d'être plus solidaires,
finalement, de ta personne qui est malade. (21 h 45)
Mme Mercier: Je pense que chaque professionnel d'une
équipe a sa responsabilité à partager l'information. Moi,
comme travailleuse sociale, je peux expliquer à une famille que) peut
être le comportement de quelqu'un qui a perdu contact avec ta
réalité. Quand je dis cela, Je parle d'un schizophrène,
mais le diagnostic de schizophrénie, cela ne m'appartient pas, Je suis
travailleuse sociale. Dans un premier temps, s'il y a un diagnostic
psychiatrique, l'Information doit être diffusée par celui qui a
fait l'évaluation psychiatrique.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, maintenant, on va au-delà de
ces principes de confidentialité pour précisément
permettre aux proches de participer au traitement de la personne? On est venu
nous dire que, pour une question de respect de la confidentialité - je
pense que ce n'est pas non plus un principe qui est mauvais en soi - on tait
cette information à ceux qui doivent vivre tous les jours avec la
personne. Est-ce que c'est encore cette attitude-là ou si c'est vu un
peu différemment?
Mme Mercier: Je pense qu'il y a une ouverture. Par contre, les
médecins, entre autres, ont la prudence - Je pense que cela vaut pour le
reste des gens... Si un tiers qui est proche (conjoint, père ou
mère de la personne) veut avoir de l'Information, il faut quand
même qu'on ait l'autorisation du bénéficiaire
lui-même pour transmettre l'Information. Je dirais que certains membres
de l'équipe multidisciplinaire jouent un rôle actif pour essayer
d'amener ce partage.
J'ai un cas très présent à l'esprit Ã
l'heure actuelle, celui d'un jeune qui fait une névrose
obsessionnelle II vit habituellement dans son milieu, mais il est
à l'hôpital depuis des mois et la famille a décidé
de l'Installer en appartement en dessous d'elle parce que le jeune a
refusé la proposition qui était la nôtre, soit un milieu de
transition, un pavillon où il y a des jeunes comme lui et où il
pourrait en profiter On travaille de très près avec cette
famille-là Je vois la famille avec le bénéficiaire J'ai
des contacts réguliers, le psychiatre aussi, et les Infirmiers On
travaille quand même tous ensemble pour vraiment faire un plan
concerté Quand il y a des congés, il doit faire des gains, il
n'est pas fonctionnel à l'heure actuelle, alors ce pro|et n'est pas
réaliste On a fait des compromis Eux voulaient l'avoir pour
décembre, parce que le logement était prêt, et nous avons
dit L'individu n'est pas prêt; je pense qu'il faut qu'il soit capable de
faire son épicerie, etc. On travaille avec l'ergothérapeute qui
fait faire des apprentissages. Cela ne va pas aussi vite que prévu.
Mme Carey-Bélanger: René veut ajouter quelque chose
Cela rejoint un point que je voulais souligner On peut donner le diagnostic et
dire les choses réalistes que les gens doivent savoir sur l'Implication
d'un comportement, sur l'impact d'une médication, sur ce qu'il y a
derrière le comportement d'une personne Les gens qui sont les proches
doivent le savoir pour comprendre la dynamique, pour être capables
d'agir, plutôt que d'avoir des réactions Inappropriées. Je
ne peux pas donner un avis, sur la moralité et la
confidentialité, mais sur le plan réaliste, ces gens-lÃ
ont besoin de plus d'information réaliste pour être capables
d'agir René, excuse-moi.
M. Pagé (René): Si on veut donner un statut et une
place précise aux proches et aux familles des
bénéficiaires quand c'est indiqué, il faudrait penser
à l'établissement de programmes bien spécifiques
d'information, de sensibilisation et de participation, ne serait-ce que d'avoir
un lieu pour aller dire la douleur que cela peut représenter Ã
des parents d'avoir un fils ou une fille dont on nous a dit qu'il ou elle avait
un diagnostic grave et pour qui on n'a pas de cure, quelqu'un qui est
condamné Les parents ont pour leurs enfants des objectifs et des
souhaits et tout cela s'écroule comme un château de cartes Ils
n'ont pas d'endroit pour le dire.
Je pense que les travailleurs sociaux peuvent travailler dans le sens de
ces programmes, de groupes de parents II y a eu des expériences de
faites de groupes d'intervention féministes, de femmes qui
étaient en dépression, du groupe d'âge 45 55-60 ans, en
pénode de ménopause II y a quand même d'autres types de
facteurs qui sont présents Les femmes se retrouvent en psychiatrie II y
a eu des groupes dont l'approche était une approche féministe,
c'est-à -dire de perception de soi, des rôles qu'on a joués
ou qu'on nous a fait jouer, par l'éduca- tion et autres La façon
d'impliquer le bénéficiaire, les modèles sont là ,
encore faut-il avoir le temps de le faire L'intervention auprès des
familles demande du temps parce qu'elles en ont beaucoup à dire et elles
en ont beaucoup à demander également
Mme Carey-Bélanger: Ici, on fait cela en projet pilote
plutôt que de tout renverser et on voit ce qui a fonctionné et ce
qui n'a pas fonctionné Nous partons des réussites et nous
décortiquons ces réussites Ainsi, on peut voir si c'est quelque
chose qu'on peut implanter ailleurs, mais il faut, Ã un moment
donné, prendre le temps et accepter de faire un investissement
financier, faire un arrêt Quand on aura décortiqué cela
Souvent, la deuxième ou la troisième fois, nous sommes capables
de faire cela plus vite, avec plus d'efficacité Nous avons les acquis
Mais, à mon avis et à notre avis, c'est un point vraiment
très Important de commencer à penser à faciliter le
pouvoir pour ces gens-là , parce qu'on parle de pouvoir Si on a
l'Information, si on a la maîtrise d'une situation, on a du pouvoir Ce
quon veut dire, c'est qu'il faut donner un pouvoir sur la vie à ces gens
là et aux familles et aux bénéficiaires
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie C'est fort Intéressant
et on pourrait continuer, mais je vais m'arrêter et, s'il me reste du
temps, je reviendrai
Le Président (M. Baril): M le député de
Joliette
M. Chevrette: Quelle proportion de votre membership travaille
dans le domaine de la santé mentale?
M. Page (René): Ce qu'on peut dire On n'a pas le nombre de
travailleurs sociaux parce que vous savez que le titre de travailleur social
est réservé, donc, il n'est pas obligatoire de faire partie de la
corporation Or, le nombre de gens qui ont une formation en service social, dans
les milieux hospitaliers, on pense que c'est autour de 300, mais on n'a pas le
nombre exact de membres
Mme Mercier: Psychiatriques? M. Pagé (René):
En psychiatrie adulte M. Chevrette: 300 en psychiatrie adulte M.
Pagé (René): Oui
M. Chevrette: C'est dans le réseau de la santé?
M. Pagé (René): Oui
M. Chevrette: Cela comprend donc des CSS,
des CLSC et des institutions?
M. Pagé (René): Milieu hospitalier. Quand vous
dites...
M. Chevrette: Ah! au complet!
M. Pagé (René): ...CSS. les ARH ou les travailleurs
sociaux sont à contrat dans les hôpitaux psychiatriques.
M. Chevrette: C'est 300.
M. Pagé (René): Selon les chiffres qu'on a pu
obtenir. Mais si on compare... Si on dit qu'il y a une pénurie de
psychiatres et que, selon les chiffres qu'on a pu obtenir, ils seraient environ
800, dans les rôles qu'on peut voir au niveau psychosocial, on pense
qu'il n'y aurait pas un besoin d'effectif à ce niveau-là , si on
dit qu'on veut donner une Importance à l'aspect psychosocial, Ã
l'aspect désinstitutionnaiisatlon ou, je dirais, à la
non-institutionnalisation, c'est-Ã -dire des gens qui auraient
été hospitalisés à long terme autrefois et qui ne
le sont plus maintenant, mais qui demandent un suivi dès le milieu
hospitalier pour que le séjour soit le plus court possible et qu'on
assure justement les conditions de vie à l'extérieur et le
maintien de ces conditions de vie les meilleures possible. Il s'agit du
maintien dans le milieu au point de vue logement et au point de vue revenus,
s'assurer que la personne ait son revenu, qu'elle ait le loisir ou la
possibilité" de travailler; ces ressources sont très importantes.
SI on parle de conditions de la désinstitutionnaiisatlon, il y en a
toute une liste.
On parlait de sensibilisation de la population. Cela pose
d'énormes problèmes à un moment donné. Je pense
qu'il y a là une question d'argent possible et nécessaire; il ne
faut pas se leurrer.
M, Chevrette: Votre corporation a-t-elle fait des projections,
par exemple, quant au nombre éventuel de travailleurs sociaux qu'il
faudrait pour rendre un service adéquat en santé mentale dans
tout le Québec?
Mme Carey-Bélanger: Non, nous n'avons pas entamé
cela en termes de projections.
M. Chevrette: Vous pensiez que Mme la ministre le mettrait dans
son projet?
Mme Carey-Bélanger: Bien, il serait intéressant de
le faire, si vous nous en donniez le mandat. Mais, non, il ne faut pas
prétendre que nous ayons fait cela. Nous pouvons dire qu'il y a un
danger, avec un chiffre approximatif de 300 personnes dans le milieu, que le
projet que nous discutons autour de la table ce soir ne soit pas
réaliste dans l'état actuel des choses. C'est ce que je voulais
suggérer: au moins qu'on arrête quelque part et qu'on prenne un
groupe de personnes ayant déjà une expérience dans le
domaine et qu'on fasse avec eux un projet pilote. LÃ , on pourrait
commencer à faire des projections réalistes.
Le problème, c'est que, si vous avez 300 personnes avec une
compétence reconnue, selon un acte reconnu, et que vous avez beaucoup de
travail à faire, elles risquent de passer le temps à faire des
choses bureaucratiques ou autres, pour lesquelles elles ne sont pas
nécessairement formées, et de ne pas faire les choses qu'elles
sont habilitées à faire. C'est l'inquiétude que nous
avons. Il faut poser les bonnes questions avant d'aller faire des projections.
On peut supposer que le nombre n'est pas adéquat, mais aussi comment
emploie-ton le monde qui est là ? C'est la deuxième question que
je pose.
M. Chevrette: Bon. Dans le rapport Harnois, on lit sur plusieurs
pages que des expériences se font, qu'il faut consolider lÃ
où il se fait quelque chose de positif et qu'il faut commencer Ã
Instaurer là où il n'y a rien. Vous savez que, dans certaines
régions du Québec, il n'y a à peu près rien qui se
fait. SI je suivais le raisonnement du début graduel que vous proposez,
il y a des... Je vais m'exprimer autrement. Il y a des choses qui sautent aux
yeux qui se font sans expérience pilote, qui peuvent se faire sans
expérience pilote. Non?
Mme Carey-Bélanger: Oui, mais la périphérie
peut aussi éclairer le centre. Je regrette, mais dans quelques-uns des
milieux on a besoin d'autres ressources, mais de l'autre côté on
pourrait aller voir ce qui se passe dans un petit village et le rôle...
En tout cas, on va parler du travailleur social...
M. Chevrette: Mais, si je vous dis cela, madame...
Mme Carey-Bélanger: On va parier du rôle qu'un
travailleur social peut avoir dans un petit village parce que les liens sont
plus faciles. Il faut étudier cela aussi. Mol, je ne dis pas qu'on a
besoin nécessairement de faire un projet pilote en vase dos, mais je
pense que si on a un objectif, si on veut dire qu'on veut écouter les
bénéficiaires, il faut arrêter quelque part, soit en milieu
rural ou en milieu urbain, et voir ce que ça prend et où sont les
réussites, s'il y a des réussites.
Il y a une chose évidente: il faut avoir quand même des
gens spécialisés dans le milieu rural. Nous le savons tous. Moi,
j'ai visité Gaspé en consultation pour une de nos
étudiantes qui était en stage et le sanatorium Ross faisait un
excellent travail, il faut le dire, vraiment. Les tiens étaient
là . Mais quand la personne est retournée aux
îles-de-la-Madeleine, c'était une tout autre histoire et elle
était pas mal seule avec les préjugés qui existent dans
une petite ville aussi bien que dans les grandes villes. Je ne
pense pas qu'il faille glisser vers une image ou une autre. Il faut voir
la réalité. C'est ça, je pense, que nous n'avons pas
fait.
Vous pouvez faire plusieurs projets pilotes à partir des gens
concernés qui sont les bénéficiaires et leurs familles. En
tout cas, c'est une Idée.
M. Chevrette: On a pu observer, dans tous les témoignages
qu'on a eus jusqu'à maintenant, qu'il y a une région qui
fonctionne sur une base expérimentale extraordinaire. C'est la
région de l'Outaouais québécois. Quand on gratte un peu,
on se rend compte que c'est la seule région qui a un budget
protégé par le ministère. Cela m'a frappé parce
qu'ils sont venus témoigner. Cela allait bien, ça fonctionnait
bien. Un budget protégé, alors que les autres n'en ont pas, dans
les autres régions du Québec. Donc, quand Mme Bélanger, je
pense, a dit au début...
Mme Mercier: Mercier.
Mme Carey-Bélanger: C'est Mme Mercier.
M. Chevrette: Mme Mercier, excusez. Vous avez dit que cela
prenait un budget en conséquence pour agir. Je pense que ouf.
Mme Carey-Bélanger: C'était moi. M. Chevrette:
C'était vous?
Mme Mercier: Je pense qu'on a dû te dire un peu tout le
monde.
Mme Carey-Bélanger: En tout cas, si je me décide
à le dire, c'est notre position.
M. Chevrette: C'est bien sûr.
Mme Mercier: Mais dans le cadre de la
désinstitutionnalisation aussi...
M. Chevrette: II me semblait que c'était vous.
Mme Mercier: ...concernant les aspects financiers, on se dit
qu'il faudra qu'il y ait des réallocations d'argent aussi. Je pense que
ce sont des choses qui doivent suivre. S'il y a des gens qui sortent d'un
milieu pour prévoir...
M. Chevrette: Je ne saisis pas. Voulez-vous
répéter, s'il vous plaît?
Mme Mercier: Je disais que dans le cadre de la
désinstitutionnalisation, si on tient compte du fait que dans les
grosses institutions il y a des gens qui vont sortir pour aller vivre autre
chose ailleurs en communauté, II faut prévoir que l'Institution
n'aura plus les mêmes services à rendre. Il devrait y avoir
réallocation ou réorien- tation des...
M. Chevrette: Je pense que cela va de soi. LÃ -dessus, on
peut peut-être vous... Je ne me souviens pas du groupe. Malheureusement,
c'est hier en particulier qu'on a abordé cette question. On nous dit
carrément qu'il n'est pas certain, si on veut faire de la
désinstitutionnalisation correcte et l'axer sur le
bénéficiaire, que cela coûtera moins cher. Moi, je suis
d'accord avec ceux qui ont cette perception. Si on veut avoir les programmes
d'encadrement, les programmes de soutien aux familles, les programmes de
réinsertion au marché du travail pour ceux qui le pourraient,
l'Intégration sociale complète, la plus complète possible,
soins Infirmiers, etc., je ne suis pas certain que cela ne coûtera pas
aussi cher. Le danger... D'abord, s'il fallait qu'on ne leur dise pas qu'il y a
réallocation, entre vous et moi, je connais un paquet d'administrateurs
d'hôpitaux dont le premier réflexe, vous savez ce que ce serait:
Foutons-en 300 Ã 400 dehors. On va boucler notre budget.
Moi, j'aurais bien trop peur là -dessus. Je vous garantis que si
on ne leur disait pas de... Il faudrait quasiment les forcer au départ
pour que l'argent suive la désinstitutionnalisation; sinon, ce serait un
truc pour équilibrer les budgets. Je suis convaincu de cela. Je vous
garantis qu'on n'aurait pas besoin de leur apprendre. Ils vont le
découvrir avant même qu'on ait eu le temps peut-être d'y
penser, au ministère, parce qu'eux pensent à cela d'une
façon constante et quotidienne. Il y a des expériences de
désinstitutionnalisation qui, à mon point de vue, sont
très négatives.
Je ne sais pas qui parlait cet après-midi, il en a passé
tellement que je ne me souviens plus d'un groupe à l'autre lequel a
parlé de quoi. Cet après-midi, quelqu'un nous disait: Oui, on
désinstitutionnalise pour réinstitutionnaliser dans un sous-sol,
par exemple, dans une chambre ou dans une maison d'accueil. Je ne donnerais pas
d'endroit où je l'ai vu, mais il y a des gens qui ne sont même pas
capables de... Vous savez, on veut réinsérer une personne dans la
société, on l'a sortie de l'institution et on ne lui donne
même pas le pouvoir de placer son thermostat à 72°. On met une
barrure dessus pour qu'il soit à 68°. On appelle cela de la
désinstitutionnalisation, la reprise en main de l'individu, le
développement de tout le potentiel de son autonomie. Bon Dieu! ce sont
des farces! On ne fait pas cela... (22 heures)
Dans ce sens-là , je ne pense pas que ce soit... C'est du
"parking", cela. C'est la mise en tutelle de l'Individu par des personnes, bien
souvent, qui n'ont aucune formation, d'aucun genre. Ils reçoivent le
chèque; les 4 % d'indexation, ils l'ont et le bénéficiaire
n'a pas un cent de plus, mais on veut qu'il soit autonome et qu'il se prenne en
main. Il est assez autonome pour observer que son propriétaire vient de
recevoir
4 % de plus et que lut, son chèque n'a pas changé depuis
deux ans. Quand on veut développer le potentiel de l'Individu, qu'il y a
un groupe qui travaille dans un sens et que les autres l'ignorent, on forme des
frustrés et c'est pire, à mon avis.
Mme Carey-Bélanger: Là , M. Chevrette, je
pense qu'il faut se demander. Quand développons-nous le mieux le
potentiel d'un individu? C'est quand il est en sécurité relative
avec une chance de réaliser les choses qu'il veut. Ce n'est pas la
même chose pour tout le monde. Je pense qu'il faut reconnaître -
J'ai dit cela quelque part, dans mes premières remarques - qu'il y a la
maladie mentale, il y a des gens très malades, il y a des gens moins
malades et des gens qui pourraient peut-être, dès demain, s'ils
avaient le soutien, s'en aller dans la communauté. Je ne pense pas que
nous soyons au point de pouvoir dire avec sûreté quel est le
potentiel de chacun, mais on est peut-être dans une position d'assurer
assez de bases de sécurité pour l'aider Ã
développer cette estime de sol. D'accord? C'est cela, le
problème.
SI vous mettez quelqu'un dans un sous-sol ou dans un appartement dans
ladite autonomie, sans vous Interroger sur l'interdépendance, parce que
sa chère autonomie, s'il est seul dans son appartement, il n'est pas
mieux, même s'il a une garde-malade: II faut penser à tous ces
différents paliers. C'est ce que nous pensons, c'est ce que je pense.
Pour certains, les foyers sont très bien, mais d'autres ont besoin de la
sécurité de l'institution, certainement moins grande que celle
qu'on a. LÃ aussi, quand les parents savent que la personne est en
sécurité, ils sont plus motivés à entrer dans une
relation et d'être un vrai soutien pour ta personne.
Tout cela, c'est à penser, à mon avis. Nous ne pouvons pas
prétendre l'avoir fait, mais, au moins, d'avoir, comme groupe de
travailleurs sociaux, posé la question. Je pense que vous avez raison,
la désinstitutionnalisation dans de pires conditions de vie et surtout
dans de pires conditions de sécurité, ce n'est pas une
façon de développer le potentiel de qui que ce soit, ni vous, ni
moi, si on était dans la même situation, parce que cela peut nous
arriver aussi.
M. Chevrette: Il y a un dernier point. Ce qui m'a bien surpris,
c'est de découvrir - c'est la première fois que je l'entendais;
pourtant, j'avais lu passablement sur le dossier... C'est la première
fois qu'on me donne des chiffres aussi imposants que: 60 % des malades mentaux
restent dans leur famille.
Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas sûre que la donnée
soit...
M. Chevrette: En tout cas, cela a été dit ici.
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui, c'est cela.
M. Chevrette: Je te tiens pour acquis parce que cela n'a pas
été contesté, mais si...
Mme Lavoie-Roux: Non, j'ai entendu cela déjà et je
ne pense pas...
M. Chevrette: Moi non plus, je n'avais pas entendu ces
proportions-là .
Mme Lavoie-Roux: Peut-être que c'est possible, mais ce
n'est pas encore établi de façon absolue.
M. Chevrette: Mais si cela devait être vrai,
mettez-le...
Une voix: Moi, je ne le pense pas.
M. Chevrette: ...50-50, peu Importe, cela ne changera pas le fond
de mon argumentation.
Une voix: Non.
M. Chevrette: Quand on sait qu'il y a 50 % de ceux-ci qui sont
gardés chez eux en plus, bien souvent sans aucun service de quelque
nature et, dans certains milieux, ils ont peut-être le transport
adapté et encore, c'est grave en mosus! Quand on voit cela comme
situation dans une collectivité: 50 % des bénéficiaires
potentiels n'ont aucun recours de quelque nature que ce soit
Un journaliste anglophone m'a posé une question, cet
après-midi: Pensez-vous que l'argent doit aller à l'Institution
ou à la prévention? Ce n'est pas de même non plus que cela
se tranche. Si on commence, dans des milieux, Ã identifier des
structures de base qui ouvrent la porte à l'individu, en tout cas, que
ce soit un CLSC, cela ne me dérange pas. je ne me battrai pas pour la
structure qui devrait faire la promotion de soutien à ces familles, mais
il me semble qu'on doit prendre les structures les plus près de
l'individu pour commencer à lui démontrer qu'il y a un
accès possible. Il y a des parents qui ne sortiront pas leur malade de
chez eux pour leur permettre d'aller s'intégrer à une
société. Vous Irez à Victoriaville ou à Arthabaska,
il y a des Individus qui ne sont jamais sortis de chez eux avant l'âge de
30 ans. Ils ne sont pas allés en institution, Ils sont sortis de chez
eux à l'âge de 30 ans pour ta première fois pour aller dans
un milieu de travail et ç'a été grâce à des
travailleurs sociaux qu'on a réussi à les convaincre de les
amener là . Que pensez-vous du rôle d'un travailleur social
vis-à -vis de la population qui n'a aucun service présentement?
Est-ce que cela relève d'un travailleur social, le soin d'aller
convaincre des parents, par exempte, de faire bénéficier la
personne, si on veut développer son potentiel, des ressources du
milieu?
Mme Carey-Bélanger: Est-ce que ce n'est pas le rôle
d'un travailleur social d'aller voir de quoi la famille a peur, si elle ne
laisse pas la personne sortir? N'est-ce pas relié à un des points
que nous avons fait ressortir dans notre mémoire, le manque
d'Information, le manque de compréhension, le manque de pouvoir que ces
familles ressentent vis-à -vis du bénéficiaire? Je peux
être présidente d'une corporation et avoir un autre travail qui
semble loin de la population, mais on m'appelle de temps en temps parce qu'on
voit un potentiel d'aide. Il y a beaucoup de réalité dans ce que
je dis. Ces gens ont peur, ils n'ont pas d'information et ils n'ont pas une
idée de ce que la personne qui avait une maladie mentale - dites-le
franchement - peut faire ou ne pas faire.
Il y a beaucoup de travail à faire dans la dynamique familiale,
en donnant de l'information à la famille. Pourquoi donner de
l'information? Pour redonner le pouvoir à la famille. Alors, oui aux
services, mais n'oubliez pas - c'est ce que je voulais dire depuis le
début - que les premiers concernés sont les
bénéficiaires et qu'on doit leur donner un peu de pouvoir sur
leur vie et de compréhension de ce qui se passe, comme René l'a
dit, dans un château de cartes qui souvent tombe quand vous avez un jeune
adulte qui a un diagnostic, entre guillemets, de schizophrénie.
M. Chevrette: Dans le sens de ce que vous dites, vous devez
être surprise de lire te rapport Harnais et de constater que dans
l'établissement du PSI on ne parle ni de la famille ni du
bénéficiaire.
Mme Carey-Bélanger: Ce sont quelques-unes des questions
qu'on met sur la table ce soir.
M, Chevrette: Merci.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. Mme la
députée de Deux-Montagnes.
Mme Legault: Madame, je sais que votre rôle de
première ligne, en tant que travailleurs sociaux, est efficace aussi. Je
veux vous demander ceci: Vous parliez de la famille, de la reconnaissance et du
rôle de la famille; à votre avis, serait-il important que des
comités de parents ou des groupes communautaires soient implantés
dans des institutions justement pour que les proches puissent participer et
s'impliquer dans les décisions du pouvoir? Quand je dis "pouvoir", je
parie de l'établissement. à votre avis, serait-il important que
des comités soient implantés dans des Institutions?
Mme Carey-Bélanger: On les aide à s'Implanter. J'ai
eu un appel ce matin, dans mon rôle de directrice d'une école,
d'un groupe qui me demandait de l'aide pour faire une étude et pour
être plus efficace. Bien sûr, les groupes de parents, quand les
parents sont ensemble devant un problème comme celui-là ... On
parle de la famille individuellement dans votre question, mais Je suis
très convaincue que c'est un mouvement à entretenir et Ã
aider. Mais II ne faut pas penser que cela prendra la place de. Je ne suis pas
sûre que ces gens-là veuillent prendre ta place de, ils veulent
être une force de plus. C'est de cela que je parlais, quand j'ai dit "une
injection", au début; ils ont besoin d'être guidés, de
savoir comment s'y prendre. C'est tout nouveau pour eux. Et comment être
écoutés? Il faut absolument les former pour les écouter
après. C'est peut-être projeter et c'est peut-être
Hélène Bélanger, en plus de ta corporation. Je ne dis pas
que c'est toute l'Idée de la corporation, mais il faut voir loin. Je
trouve que c'est très Important.
Mme Legault: Je vais peut-être aller un peu loin, mais
vous, en tant que travailleurs sociaux, est-ce que vous en feriez une
recommandation prioritaire à ta commission sur la santé
mentale?
Mme Carey-Bélanger: Oui, mais attendez une minute, madame!
Quelle sorte de recommandation prioritaire? Qu'on établisse les...
Mme Legault: De former des comités de parents dans les
institutions.
Mme Carey-Bélanger: Sur les comités de parents?
Mme Legault: Oui, je reviens toujours aux comités de
parents.
Mme Carey-Bélanger: Oui, de grâce, faites-les et
aidez-les à se réunir entre eux, parce que c'est dans le sens de
leur donner une place et de leur donner le pouvoir. Alors, oui, parce que
famille, pas famille, ils sont isolés face à un gros
problème. Ensemble, its ont un pouvoir.
J'ai vu des expériences. Je ne parle pas en l'air.
Malheureusement, ce que j'ai vu n'était pas Ici, c'était en
Finlande, mais ces gens-là me décrivaient ce qu'ils
étalent avant et je les ai vus en action. Cela les aide, d'avoir la
parole, et nous serons mieux s'ils ont la parole. On sera une meilleure
société parce qu'il y aura plus de gens qui parlent et qui ont
des idées. à mon avis, ouf, je dirais certainement.
M. Pagé (René): Pour ajouter à ce sujet,
l'Association des parents et amis du malade mental qui a vu le jour Ã
l'hôpital Notre-Dame, c'est une travailleuse sociale qui était
chef du service et qui a été, avec d'autres collègues,
l'initiatrice pour supporter les parents à ce niveau. Ce n'est pas
nouveau pour les travailleurs sociaux, quand on dit qu'il y a du travail avec
les familles. Ensuite, cela a été à Laval, qui a vu
l'expérience de Montréal, et cela a fleuri un peu partout. Ce
n'est pas nouveau, mais il faut
l'implanter
M. Chevrette: ...très bon.
Mme Carey-Bélanger: Mais il ne faut pas oublier les
bénéficiaires, madame, c'est ce dont j'ai peur, parce que Maude
m'avait dit: Ãcoute les bénéficiaires...
Mme Legault: Mais toujours dans l'intérêt...
Mme Carey-Bélanger: Les associations de
bénéficiaires, c'est une autre chose que je trouve très
importante. Pas seulement les bénéficiaires actuels, mais est-ce
qu'on a assez aidé les gens qui sont d'ex-bénéficiaires,
qui ont réussi à sortir de leur problème, à se
réunir et à aider les gens qui sont encore sans espoir? Si vous
et moi, on était en Institution, on serait sans espoir. Une chose qu'il
faut redonner, c'est l'espoir. Alors, moi, je dis: Les ressources, oui aux
familles, mais il faut équilibrer. Je pense que les gens qui ont
réussi à s'en sortir seront les gens peut-être les plus
écoutés par les gens qui sont présentement dans la
situation de maladie mentale parce qu'ils sont près d'eux. Je voulais
juste ajouter cela. Maude, est-ce que...
Mme Mercier: Moi, j'aimerais dire que peut-être a-t-on eu
tendance à avoir peur des familles. Concrètement, en regardant le
travail qu'on essaie de modifier en impliquant plus les familles, je pense
qu'ils n'interfèrent pas. Au contraire, phis on va aller les chercher,
plus on va leur donner de l'Information, plus Ils vont comprendre et
collaborer.
Mme Legault: Je pense que c'est un moyen de sécuriser ces
gens-là qui sont en institution parce ces gens-là ont besoin de
compréhension et de l'amour de la famille.
Mme Mercier: Plutôt que de les disqualifier, je pense
qu'ils ont besoin qu'on les requalifie, plutôt que d'avoir le sentiment
d'être disqualifiés et mis de côté.
Mme Legault: Je pense qu'on pense la même chose.
Mme Carey-Bélanger: II y aura des récriminations au
début. Ne vous attendez pas que ce soit une lune de miel, qu'on va leur
donner..et que les familles vont venir... Il y aura des récriminations
et il faut être capable, si c'est nous qui sommes responsables,
d'accepter cela et de dire: Oui, c'est vrai qu'on ne s'est pas assez
occupé de vous dans le passé...
Mme LegauK: Mais déjà d'en parler...
Mme Carey-Bélanger: ...reconnaître où on est.
On veut, Ã partir d'aujourd'hui, faire quelque chose.
Mme Legault: D'en parier ce soir, c'est déjà un
grand pas de fait
Mme Mercier: Une communication claire et directe.
Le Président (M. Baril): Merci. M. le député
de Taschereau.
M. Leclerc: Une brève question.
Le Président (M. Baril): Une brève question.
M. Leclerc: On m'indique qu'il reste peu de temps.
Ãvidemment, le succès d'une politique de santé mentale
passe par le rôle important que vous jouez, mais à au moins deux
reprises dans votre mémoire... Une voix: On n'a pas compris.
M. Leclerc: Ã au moins deux reprises dans votre
mémoire, j'ai senti que vous vouliez nous dire que des gens jouaient
dans vos plates-bandes, ou à tout le moins, vous dites: Pour
éviter qu'une certaine tendance actuelle ne se généralise,
soit que chaque Intervenant puisse faire tout sur tous les plans... Ã un
autre moment, vous dites qu'un des professionnels Identifié dans le
projet de politique de santé mentale était un travailleur social
et non un agent de relations humaines. Pourriez-vous, en une minute ou deux,
m'expliquer un peu ce que vous voulez dire par là ?
M. Page (René): La question de tout à l'heure, j'en
ai parié brièvement, le titre de travailleur social est un titre
réservé; donc, ce sont des gens formés en service social
qui sont membres de la corporation. Le titre ARM est une fonction d'affichage
de postes dans la fonction parapublique, notamment dans les centres de services
sociaux, mais cela ne se réfère à aucun type de formation
précis. Ce peuvent être des gens qui sont formés en travail
social; ce peut être autre chose. Ce qu'on posait comme question, c'est
que si la commission et le gouvernement acceptent les recommandations de la
commission, ce sont des travailleurs sociaux qui devront faire un type de
travail ou s'il y a des besoins, que ce sont les travailleurs sociaux qui ont
les compétences pour le faire, qu'on engage des travailleurs sociaux et
non des ARH. C'est toute la question des doubles appellations. Le gouvernement
met sur pied un code des professions et, d'autre part, utilise des appellations
pour passer à côté de ses propres lois.
Mme Carey-Bélanger. Ãcoutez bien, parce que je vols
des gens qui disent non. Notre position est que nous sommes dans une
corporation, nous ne pouvons pas être redevables à d'autres que
les membres de cette corporation.
J'espère que les gens réalisent cela.
Une voix: Au niveau des services rendus.
Mme Carey-Bélanger: Quelquefois, on veut vraiment
protéger le public. On le veut bien, nous avons la fonction de
protéger le public, mais nous avons le droit de faire une inspection et
il y a même des mesures disciplinaires s'il y a un problème
vis-à -vis des membres de notre corporation. Nos problèmes de
formation peuvent être donnés aux membres de la corporation, mais
cela fait partie de notre fonction de protéger le public. Alors, je fais
cette limite dans cette discussion. Si on veut assumer la vôtre, nous
disons... SI vous voulez une travailleuse sociale...
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, madame. M. le
député de Joiiette, pour le mot de la fin.
Mme Carey-Bélanger: Nous allons faire parvenir les
précisions que nous avons apportées ce soir à votre
commission sous forme de lettre. Nous avons dit au tout début que c'est
un premier document II y a plusieurs questions et clarifications que nous
n'avons pas faites. Nous allons poursuivre, sous forme de lettre, pour
entériner les choses que nous avons dites.
Le Président (M. Baril): Merci, madame.
Mme Carey-Bélanger: Parce qu'il y a beaucoup d'autres
réflexions. Merci.
M. Chevrette: Je vous remercie Infiniment, et je suis sûr
que les membres de votre corporation ont un rôle très important
à jouer, en particulier dans une politique acceptant d'emblée la
désinstitutionnalisation comme principe et dans le rôle
auprès des familles d'accueil et des familles qui décident de
garder leur propre fils ou leur propre fille ou leur conjoint. Je suis
convaincu que vous avez un rôle important à jouer. Je vous
remercie.
Mme Carey-Bélanger: Nous sommes des partenaires. Je
voulais juste dire cela comme mot de la fin.
M. Chevrette: Merci.
Mme Lavoie-Roux: Ã mon tour, je voudrais vous remercier de
votre mémoire. Comme vous aurez l'amabilité de nous envoyer une
lettre pour préciser les points qui ont été
discutés ce soir, j'aimerais peut-être ajouter une question, si
vous avez le temps d'y réfléchir, je ne veux pas de
réponse maintenant.
Une voix:...
Mme Lavoie-Roux: Sur les plans individualisés de services,
vous dites: On ne peut pas partir partout, il y a peut-être des
expériences qu'on devrait faire. J'aimerais vous demander s'il y a un
modèle que vous favoriseriez. Si oui, quel est-il?
Le Président (M. Baril): Merci. Mme Lavoie-Roux:
Merci beaucoup.
Le Président (M. Baril): Alors Mme Carey-Bélanger,
Mme Mercier et M. Pagé, je vous remercie beaucoup pour votre
présentation. La commission va suspendre deux minutes.
Mme Lavoie-Roux: Non, non, non, c'est une mauvaise habitude!
(Suspension de la séance à 22 h 18)
(Reprise à 22 h 21)
Projet d'intervention auprès des mineurs(es)
prostitués(es) Inc.
Le Président (M. Baril): La commission reprend ses travaux
et je remarque que les représentants du Projet d'intervention
auprès des mineurs(es) prostitués(es) inc. sont assis à la
table. J'aimerais que le responsable se présente et présente ses
invités, s'il vous plait.
M. Pector (Jacques): Oui, bonsoir. Mon nom est Jacques Pector. Je
suis coordonnateur du Projet d'intervention auprès des mineurs(es)
prostitué(es) Inc. Alors, il y a Robert Paris, Louise Bélanger
et, à ma gauche, M. Jacques Moïse.
Le Président (M. Baril): M. Pector, je pense qu'on est
d'accord que vous avez été convoqués pour une
demi-heure.
M. Pector: Exact.
Le Président (M. Baril): Ce que nous allons faire, c'est
que nous allons prendre dix minutes pour vous écouter et on aura dix
minutes de questions de la part de la ministre et du chef de l'Opposition.
Merci.
M. Pector: Merci. Bonsoir.
Mais oui, nous avons beaucoup hésité avant de
présenter un petit mémoire modeste au chapitre de la santé
mentale parce qu'on en a déjà remis un à la commission
Rochon. Vous savez qu'on a peu de moyens. Donc, le temps est précieux
pour nous. Nous avons décidé quand même de nous
présenter non pas pour faire du lobbying corporatiste, ni pour
présenter d'autres demandes de fonds - les fonds, c'est une question de
transfert, à notre avis; on t'a déjÃ
répété plusieurs fois - mais bien pour être les
haut-
parleurs d'un certain type de jeunesse auquel on est confrontés
depuis presque neuf ans, parce que ça fait neuf ans que nous existons
à titre expérimental, faut-il le souligner.
Alors, nous expérimentons des avenues concrètes
d'Intervention et de support à Montréal, auprès des jeunes
itinérants de la rue, des jeunes qui se désinstitutionnalisent
d'eux-mêmes en général, donc, ce qu'on appelle
communément les fugueurs.
Un peu pour présenter très rapidement te PIAMP, le Projet
d'intervention auprès des mineurs(es) prostitué(es) inc., je
voudrais souligner que notre méthode d'intervention principale, c'est le
travail de rue. Donc, c'est une approche globale auprès du jeune sur une
base uniquement volontaire. Notre mandat social en est un de fonction de
médiation sociale auprès du jeune et avec le jeune auprès
des différents institués sociaux: la famille, tes travailleurs
sociaux et tous les spécialistes qui s'occupent des jeunes.
Il faut dire aussi qu'on s'adresse à des populations qui viennent
de toutes les origines sociales et qui vivent des réalités
extrêmement dures. Nous travaillons dans la misère affective,
sexuelle, économique et sociale des jeunes qui sont
déracinés par différents types d'Intervention
professionnelle et qui sont eux-mêmes ostracisés par les
différents professionnels. Donc, ils sont en rupture avec la
société globale. Alors, on met en place des stratégies
d'Intervention de support concret auprès des jeunes individuellement,
mais aussi par les.groupes de pairs, la "gang" et aussi tout le milieu familial
quand il existe et le milieu dans lequel ils vivent.
Concrètement, on donne un support matériel quand c'est
possible, mais on élabore aussi des stratégies qui permettent au
jeune de se réapproprier un pouvoir de penser et de
réfléchir sur sa vie et aussi un pouvoir de se
réapproprier minimalement en apprentissage social. Il faut dire aussi
que, lorsqu'on parle d'un certain nombre de choses qui sont le tissu social qui
fait référence à la loi de protection, etc., il faut bien
constater que le tissu social, il y en a de moins en moins. Donc, notre place
n'est pas ici.
Au fait, nous ne faisons pas du travail social et on ne devrait pas le
faire. Nous, on est un groupe communautaire. On devrait développer des
ressources communautaires comme on le fait au niveau de l'hébergement et
d'autres aspects de la vie, mais on est confronté depuis 1982 Ã
une dégradation de la situation de beaucoup de jeunes, ce qui fait que
ces jeunes refusent globalement l'intervention de professionnels. Nous essayons
donc de faire le pont entre un monde avec ses modes, avec ses cultures, avec
ses différents schèmes de référence culturelle, et
un monde des adultes qui nous reconnaissent peu de place.
Traditionnellement, ie travail social a comme objectif de permettre aux
individus qui sont exclus du système de se trouver une place.
Actuellement, nous sommes confrontés à une situation où le
travail social traditionnel confirme cette exclusion. Vous vous rendez compte
qu'on travaille dans des conditions extrêmement difficiles - je ne
parlerai pas des moyens - parce que l'ensemble de la société
refuse, quelque part, un certain débat sur la marginalisation croissante
des jeunes dans tes sociétés occidentales. Ce n'est pas qu'au
Québec que cela se passe; c'est un peu partout.
Nous demandons depuis déjà plusieurs années d'avoir
une place où les organismes communautaires de jeunesse pourraient
exprimer un certain nombre de points de vue à partir des perceptions et
de la compréhension qu'ils ont des réalités. Donc, on
expérimente à petite échelle, modestement, mais dans la
vie de tous les jours, par des appuis concrets en apprentissage social; c'est
ce qu'on appelle en France des éducateurs de rue. On est des
travailleurs de rue, donc, on confronte les jeunes à différents
types de modèles, à différents types de trajectoires, mais
dans le respect et dans la confiance. C'est fondamental parce que, dans le cas
de jeunes qui souffrent, comme on dit, de troubles de comportement, de jeunes
qui sont de plus en plus psychiatrisés dans les hôpitaux, parce
qu'on parle de désinstitutionnallsation, on se pose la question: Est-ce
qu'il sera encore possible d'institutionnaliser? Ã l'heure actuelle,
à Montréal, par exemple, il n'existe aucune ressource pour des
jeunes mineurs qui voudraient suivre des cures de désintoxication. On
sait très bien que c'est un ensemble, c'est une globalité et que
cela prend un minimum de moyens pour sortir une jeune ou un jeune d'un certain
milieu et lui permettre de se ressourcer, de réfléchir, de penser
en sécurité et aussi dans le respect de ce qu'il est et de ses
choix de vie.
Désinstitutionnalisation aussi parce que, comme je le disais tout
à l'heure, beaucoup de jeunes se désinstitutionnalisent
d'eux-mêmes. Ils sont en fugue des centres d'accueil. Ils ont
quitté l'école très tôt, à douze, treize ou
quatorze ans. Près de 40 % des jeunes à Montréal ne
terminent pas leur école polyvalente. Donc, ils sont confrontés
à un marché du travail qui est très rétréci,
pratiquement impossible, avec de moins en moins de possibilités de
programmes de réinsertion socioprofessionnelle. Il y a cinq ou six ans,
on pouvait encore compter sur des programmes des CEMO, des centres externes de
main-d'oeuvre, gérés par des organismes communautaires.
Ãtant donné que tous ces programmes ne visent qu'Ã
l'efficacité du placement du jeune dans le marché du travail
qu'il refuse parce qu'il n'accepte pas de travailler, forcément, dans
n'importe quelle condition, cela veut dire qu'on est de plus en plus
confronté à une impuissance que l'on partage très
fortement avec l'ensemble des jeunes avec qui on travaille.
L'ensemble de notre intervention est très globale. Elle prend en
considération les différents aspects, la sécurité
psychologique et économique. Nous avons des systèmes de
référence pour les
aider concrètement, pour leur trouver un hébergement On ne
parlera pas d'hébergement; on parlera d'habitat. C'est doté d'une
capacité de réapproprier en espace de logement pour permettre une
certaine sécurisation affective de la personne et d'égaux. Nous
travaillons aussi par des suivis individuels, mais aussi une partie de notre
stratégie se fait par la négociation de groupe en groupe,
à partir de la vie associative, c'est-à -dire à partir de
l'implication de bénévoles et de jeunes, afin de permettre
à des jeunes de se constituer en groupe et de négocier avec des
adultes un certain nombre de droits. Et l'hébergement, l'habitat, est un
droit qui nous paraît fondamental. Donc, c'est pour essayer de
réapprendre au jeune à prendre ce qui est bon pour lui dans tes
différents espaces de vie qui sont les siens. C'est un peu de tout cela
qu'on essaie globalement de traiter dans notre mémoire, en Insistant
aussi sur les différents aspects culturels. Quand on parle de
travailleur social, on évacue fortement les aspects culturels qui jouent
un rôle fondamental chez les jeunes; c'est ce qui leur permet de se
trouver une identité et un cheminement. Bien souvent, le travailleur
social traditionnel essaiera de nier cette volonté de s'identifier
à des images qui ne sont pas forcément dominantes dans la
société, mais qui sont fondamentales dans une
société dite de masse à un individu qui désire
retrouver un sentiment d'être quelque part.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup.
Mmeia ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux vous remercier d'abord pour votre
mémoire. Je pense que vous travaillez dans un milieu
particulièrement difficile en tentant d'atteindre des jeunes à la
recherche de leur propre équilibre et qui vivent des situations
tellement difficiles que les moyens traditionnels qu'on peut leur offrir ou les
moyens plus habituels ne réussissent pas.
La question que je voudrais vous poser touche votre définition de
la santé mentale. Vous n'êtes pas d'accord avec la
définition de la santé mentale telle qu'elle est
mentionnée dans le mémoire et vous voudriez davantage une
définition de la santé mentale qui fasse allusion non pas
à ce que vous appelez l'utilisation du jeune par la
société, mais au réel épanouissement - ce ne sont
pas vos termes - du jeune.
Je pense qu'en soi, le fait que vous visiez l'épanouissement du
jeune, c'est que vous le voyez dans le contexte que la société
telle qu'elle existe ou telle qu'elle est organisée ne permet pas au
jeune de s'épanouir. En contrepartie, vous dites: II faudrait
peut-être oublier cette deuxième partie, du moins
momentanément, et se concentrer sur la première. Est-ce qu'on
peut arriver à une définition de la santé mentale? Je
pense que vous y apportez une variable importante supplémentaire, mais
je ne pense pas qu'on puisse faire abstraction de la deuxième parce que
l'équilibre, en somme, c'est aussi d'être capable de fonctionner
dans la société. Je suis prête à admettre avec vous
qu'il y a des rigidités, des modèles traditionnels auxquels les
gens doivent se conformer, mais quelle sorte de cheminement un jeune Ã
qui on donnerait cette conception de la santé mentale ferait-il
éventuellement pour pouvoir s'adapter à la société
telle que vécue par l'ensemble ou la majorité des gens?
M. Pector: En termes de trajectoire, il fait te choix d'une
rupture quelque part. Je n'en préciserai pas les causes et tout cela,
mais quelque part il y a un choix qui peut être d'ordre social, culturel
ou les deux. Vivre en marge de ta société, c'est prendre des
risques. Beaucoup de jeunes sont conscients de ces risques. Quand je disais
qu'on avait un rôle de médiation sociale, dans la fonction de
médiation sociale, il y a aussi un rôle de protection. Alors, un
de nos travaux est de prévenir les risques et d'apporter un certain
appui par rapport à ces risques. Mais ces risques sont d'ordre
psychologique, bien souvent, parce que rompre avec sa famille, c'est aussi
culpabilisant pour le jeune que pour la famille.
Au cours des neuf ans d'expérience, nous avons eu l'occasion de
rencontrer pas mal de jeunes qui avaient décroché à 14 ou
à 15 ans et qui se retrouvaient psychiatrisés à 20 ans
parce qu'il n'y avait pas eu un déblayage fait au niveau des rapports
avec ta famille, par exemple, dans le cas de situations d'orientation
homosexuelle. Oonc, quand on parte de santé, une Intervention globale
permet de prévenir toute une série de crispations psychologiques
qui amènent l'individu à prendre des risques
supplémentaires qui ne sont pas forcément les risques qu'il avait
calculés au départ. Je ne sais pas si...
Mme Lavoie-Roux: Ce qui amène à un moment
donné...
M. Pector: ...la psychiatrisation, l'institutionnalisation ou le
décrochage total, je veux dire. Ce qu'on perçoit, c'est qu'en
respectant le choix de la rupture il y a aussi le désir de la
non-rupture.
Mme Lavoie-Roux: à ce moment-là , quel
cheminement... Vous dites que ça fait à peu près neuf ans
que vous fonctionnez et, comme vous travaillez avec des jeunes, j'imagine,
grosso modo, 12 Ã 18 ans - cela peut aller jusqu'Ã 20...
M. Pector: Ã 25 parce qu'on travaille avec de plus en plus
d'adultes.
Mme Lavoie-Roux: Je suis bien d'accord qu'il faut accepter cette
rupture et que c'est ce que le jeune veut vivre. Il faut le prendre avec ce qui
est pour lui le cheminement qu'il désire. De là , comment le
faites-vous cheminer vers une
réintégration dans la société?
M. Pector: Par un support très concret. Par une reprise de
confiance en lui-même et en nous-mêmes avec lui, quoi. C'est dans
la relation de confiance que tout s'établit. à partir de
là , on travaille beaucoup en référence. Si, par exemple,
comme on ne peut pas être tout en même temps, on doit
référer un jeune à un spécialiste, on le fera avec
lui et ça peut prendre beaucoup de temps parce qu'il y a le refus de
tout ce qui est "psy" car on considère qu'il n'est pas fou. Je veux
dire, sa folie ou sa révolte, c'est peut-être quelque part
l'expression de quelque chose qui est de l'ordre de la folie, mais c'est aussi
la recherche d'une soupape, d'une boule d'oxygène quelque part.
C'est parce qu'on travaille avec des gens qui ont été
incestés à six ans ou qui ont été violés.
Parfois, ce sont des situations dramatiques. Mais, en général,
ils ne sont pas ostracisés au point de faire à 12 ans, 14 ans ou
16 ans une rupture totale avec le système social. Ce que l'on fait, dans
le quotidien, c'est de rétablir une confiance en lui pour qu'il puisse
récupérer un pouvoir de réfléchir et de penser sur
sa propre vie et être capable de faire d'autres choix quelque part,
à un moment donné.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M, Baril): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: Concrètement, prenons l'exemple d'un jeune
de 13 ans que vous rencontrez dans le quotidien de votre travail, sur la rue.
Vous l'amenez où? D'abord, avez-vous des ressources d'habitat, comme
vous dites, ou si vous négociez? C'est quoi qui existe
présentement?
M. Pector: On négocie. C'est même une entente pour
nous permettre de fonctionner en légalité avec ta Loi sur la
protection de la jeunesse, pour prendre le temps, avec le jeune, de le mettre
dans un espace sécuritaire et de faire tout un ensemble de
démarches avec les différents acteurs auxquels il est
confronté. Cela peut être la justice, cela peut être le
travailleur social, cela peut être la famille; il s'agit de mettre en
place un plan de travail de plusieurs mois ou de plusieurs années. On
concerte le monde du partenariat, mais sur le terrain.
M. Chevrette: En fait, vous représentez le jeune parce
qu'il vous fait confiance.
M. Pector: On représente le jeune absolument Que l'on
parle de responsabiliser le jeune, on ne peut pas être responsable des
droits qu'on n'a pas. Donc, il faut qu'il puisse connaître ses droits,
qu'il puisse les reconnaître lui-même pour se sentir responsable de
son avenir à lui.
M. Chevrette: Je comprends que vous êtes une ressource
communautaire. Vous vous décrivez ainsi par rapport à une
ressource de réseau. D'autre part, vous demandez un droit de parole bien
Identifié et un droit d'être financé. Je ne comprends pas
que vous vouliez - je n'ai pas saisi, en tout cas - dans votre mémoire
être intégrés dans le réseau. Est-ce que je me
trompe?
M. Pector: Ãtre intégrés au réseau?
Quel réseau?
M. Chevrette: Le réseau des affaires sociales, les
services sociaux.
M. Pector: Non. On croit qu'il est Important qu'il y ait une
diversité des ressources.
M. Chevrette: Bon. Vous parlez de diversité des
ressources, vous parlez de multidisciplinarité. Vous définissez
le rapport Harnois de la façon suivante: ce n'est pas une politique de
santé mentale. Vous dites que c'est une politique de services.
J'aimerais vous entendre, d'abord, me définir concrètement pour
vous, un groupe communautaire, quelle est véritablement une politique de
santé mentale. Deuxièmement, j'aimerais vous entendre dire quel
rôle concret les groupes... Il peut y en avoir 1001 groupes
communautaires dans te domaine de la santé mentale. Comment voyez-vous
le rôle d'un groupe communautaire sur un aspect spécifique? Vous
autres, c'est auprès des jeunes prostitués; un autre groupe, cela
peut être pour un autre secteur. Comment s'impliquent-ils dans une
véritable politique de santé mentale?
M. Pector: Je pourrais prendre l'exemple des contacts que l'on a
à Montréal avec certains groupes communautaires qui font de la
psychiatrisation ou de la psychiatrie communautaire. Ils sont
confrontés, par exemple, depuis deux ans, à une diminution de
l'âge des bénéficiaires, Alors, ce sont des ressources dans
lesquelles le jeune est placé pendant un certain temps. Nous, comme
groupe communautaire, on élabore à plus long terme, quand il sort
de ces ressources, d'autres types de réponses à ses besoins qui
sont forcément différents qu'au moment où il entrait dans
une ressource comme la Maison Saint-Jacques, notamment. Alors, notre
rôle, c'est de pouvoir faire appel à ce type de ressources,
institutionnelles ou non, quand le besoin s'en fait sentir et d'être
toujours là quand le jeune ressort de cette ressource.
M. Chevrette: Pourquoi insistez-vous sur le fait que votre
perception du rapport Harnois n'en est pas une de politique de santé
mentale?
Qu'est-ce qui vous amène à porter ce jugement? C'est un
jugement...
M. Pector: II porte sur les symptômes, il ne porte pas
sur... Je veux dire qu'il y a un lien entre la santé mentale et les
conditions de vie matérielles dans lesquelles les gens vivent. Je veux
dire que si on ne prend la santé mentale que par une lorgnette, on va
cacher tout le reste. Alors, on essaie de dire qu'il faudrait peut-être
mettre en place d'autres alternatives, d'autres types de ressources qui ne
travaillent pas uniquement au niveau du symptôme.
M. Chevrette: Vous donnez des chiffres: 200 jeunes par
année, uniquement par votre organisme. Quelles sont vos
évaluations sur l'ensemble de la région métropolitaine?
Vous ne touchez pas à l'ensemble de la rive sud. Est-ce qu'il y a des
groupes comparables au vôtre, par exempte, sur la rive sud de
Montréal? Est-ce qu'il y a des groupes... Je sais que, par exemple,
à Repentigny, H y a un groupe qui travaille également sur la
prostitution chez les jeunes; il y a un groupe pour les parents incestueux; il
y a une série de groupes qui y travaillent. Est-ce que vous avez des
évaluations de faites lorsque vous vous rencontrez?
M. Paris (Robert): Je pourrais répondre peut-être
à cela. Il y a seulement deux groupes au Québec qui font du
travail de rue communautaire, c'est le PIAMP à Montréal et le
PIPà à Québec. En fin de compte, nous-mêmes, Ã
Montréal, on va couvrir seulement le centre-ville et les régions
avoislnantes, c'est-Ã -dire tes quartiers Hochelaga et le Plateau
Mont-Royal; cela peut aller jusque dans le sud-ouest, étant donné
que, de toute façon, on ne peut pas couvrir tous les gens, on est
seulement cinq travailleurs au PIAMP. C'est sûr qu'il y a d'autres
groupes qui vont essayer de travailler à ta problématique
prostitution des mineurs, mais pas au niveau du travail de rue et pas
nécessairement dans le réseau communautaire non plus. Il va y
avoir quand même... Les questions vont être posées
peut-être par des groupes d'entraide, soit par Anonyme ou d'autres.
Souvent, ces groupes vont nous Inviter, d'ailleurs, à des séances
d'information. Que je sache, II n'y a que cinq personnes qui travaillent dans
la rue à cette problématique-là Ã
Montréal.
M. Chevrette: Est-ce que vous vous considérez comme une
ressource alternative?
M. Paris: Parallèle?
M. Chevrette: Par rapport au traitement habituel, la
médicalisation de la santé mentale, etc.
M. Pector: Ce sont plutôt eux qui sont alternatifs.
M,
Chevrette: II y a des groupes qui se sont
définis... Pardon?
M. Pector: Ce sont plutôt eux qui sont alternatifs, on
travaille dans le milieu de vie, on n'est pas alternatifs.
M. Chevrette: C'est une question de point de vue, vous avez
raison.
M. Pector: Hé bien voilà !
M. Chevrette: C'est une question de point de vue,
effectivement.
M. Pector: Il faut aussi comprendre que le PAMP est
géré par des bénévoles et par des ex-jeunes. Donc,
ce sont eux qui déterminent les orientations, la manière de
travailler. Ce sont eux qui apprennent notre métier. C'est très
important parce que cela leur donne une place sociale où ils peuvent
exprimer quelque chose qui est fondamental dans le respect de ce qu'ils sont,
mais aussi cela ne veut pas dire qu'on se laisse manipuler. C'est la
possibilité pour eux d'avoir une place, un espace social où les
différents groupes peuvent se confronter en fonction de leurs
différences de valeurs. à mon avis, c'est extrêmement
important dans des perspectives d'éducation. (22 h 45)
M. Chevrette: Je veux vous remercier d'avoir
présenté votre mémoire et vous dire qu'il y a
assurément une grande sensibilité aux mouvements communautaires,
les rôles que jouent certains types de jeunes comme vous auprès de
la jeunesse. Malheureusement, par le passé, on n'a pas pu Injecter les
sommes qu'on aurait dû Injecter dans le domaine communautaire, en
particulier en fonction de la prévention. On a beaucoup mis dans le
curatif, effectivement.
M. Pector: Parlant de prévention, on a fait tes premiers
dépliants sur le SIDA il y a deux ans, par exemple. C'est nous qui
distribuons les dépliants, si je puis dire. On est dans le milieu, on a
collaboré avec ces hommes pour faire cela.
M. Chevrette: Je vous remercie.
Le Président (M. Baril): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je rejoins une question du chef de l'Opposition.
Quelles sont vos sources de financement, si vous en avez?
M. Paris: Je pourrais répondre qu'elles sont multiples,
les sources de financement, en fin de compte.
Une voix: Le chômage.
M. Paris: Non. Bien sûr, il y a un budget qui provient du
ministère des Affaires sociales, par le service de soutien aux
organismes communautaires. Il y a aussi une part de financement
qui vient des organismes religieux. Il y a une petite part
d'autofinancement. Il y a aussi tous les programmes dépanneurs du
gouvernement fédéral en ce qui concerne les programmes d'emplois,
puis les dons. Voilà . C'est..
M. Pector ...fondations que vous communiquez.
Mme Lavoie-Roux: ...les fondations aussi.
M. Chevrette: On permettrait sans doute au d.g. d'occuper les
deux fonctions.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup. C'est un travail
Important pour ce qui est de la prévention dans le domaine de la
psychiatrie et je dois vous avouer bien simplement que c'était un aspect
que je n'avais jamais envisagé dans ce domaine-là . Je vous
remercie.
Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup de vous
être présentés devant nous et je suis certain que vous
faites un très bon travail dans le milieu. Mesdames, messieurs, Je vous
remercie beaucoup.
J'invite maintenant le Réseau d'aide aux personnes seules et
itinérantes de Montréal inc., s'il vous plaît, à se
présenter à la table.
Réseau d'aide aux personnes seules et
itinérantes de Montréal inc.
Le Président (M. Baril): Bonsoir mesdames, bienvenue
à la commission. J'aimerais que la responsable se présente et
présente l'autre Intervenante, s'il vous plaît. La parole est
à vous. Je vous ferai remarquer que vous avez dix minutes,
malheureusement pas assez de temps peut-être, mais...
Mme Demers-Godley (Claudette): Ã cette heure-ci, c'est
assez. Mon nom est Claudette Demers-Godtey. Je suis la directrice du centre de
crise SOUDAV de Montréal, dans la région centre-est. Mme Carmen
Beaudoin, qui travaille au centre d'accueil Préfontaine, m'accompagne.
J'étais également présidente du réseau d'aide
depuis un an et demi. Heureusement, je ne le suis plus, parce que
j'étais très fatiguée.
On a cru important de venir quelques minutes présenter quelques
commentaires à ta suite de la lecture du rapport Harnois,
considérant surtout la population avec laquelle on travaille le plus
concrètement, soit les itinérants. Le Réseau d'aide aux
personnes seules et itinérantes est un organisme sans but lucratif qui
regroupe 90 organismes membres et individus.
Dans la population itinérante, nous retrouvons plusieurs
problématiques: pauvreté, alcoolisme, toxicomanie,
criminalité et, plus spécifiquement, problèmes de
santé mentale. à Montréal, nous identifions actuellement
entre 10 000 et 15 000 personnes sans abri permanent pour tes 60 prochains
|ours et 30 % ou 40 % de cette population a des problèmes de
santé mentale avec ou sans antécédent psychiatrique.
Les valeurs et les préjugés de la société
contribuent fortement à la stigmatisation et Ã
l'aliénation des itinérants et itinérantes. C'est entendu
que de hurler sur la rue Sainte-Catherine n'est pas un comportement social
acceptable, mais cherche-t-on à comprendre d'où provient ce
besoin de hurler? L'augmentation du taux de criminalité chez les
itinérants et itinérantes à comportement difficile est un
indice Important qui identifie bien notre faible degré de
tolérance et qui fait également état du manque de
ressources et de services appropriés à la suite de la
désinstitutionnallsation.
Dans la population itinérante, on retrouve plusieurs individus
à problèmes multiples qui se font refuser des traitements
à cause de la multiplicité de leurs symptômes et, par
conséquent, traînent dans la rue et/ou se font "judiciariser". Ils
sont les exemples flagrants de nos mauvaises interventions, de nos suivis
médicaux inappropriés et, finalement, l'expression la plus
éloquente d'un système médical centré sur
lui-même et non sur les besoins individuels de chaque malade.
Le partenariat proposé dans votre projet de politique de
santé mentale est intéressant; son application, par contre, nous
semble être reléguée à la science-fiction. Lorsque
les organismes communautaires en santé mentale et les sans-abri tentent
de négocier des ententes de services avec les divers centres
hospitaliers, le pouvoir de l'institution versus celui du petit organisme est
omniprésent. Nous sommes réduits à , négocier avec
quelques Indidivus sensibilisés, mais pour l'ensemble des divers
intervenants la sectorisation, l'agressivité exprimée et une
hygiène malsaine sont de bonnes raisons pour de très longues
heures d'attente dans les salles d'urgence et, dans certains cas, d'ignorer la
présence même de certains individus.
Il est donc essentiel d'Identifier clairement, dans une nouvelle
politique de santé mentale, un partenariat clair et fonctionnel entre
tes institutions et les organismes communautaires. Une politique de
santé mentale ne peut être isolée d'une politique sur
l'aide sociale, d'une politique familiale ou d'une politique sur la
réforme fiscale canadienne. Le manque d'argent, la difficulté de
se loger convenablement et à prix abordable et le manque de ressources
contribuent fortement à une faible Intégration des malades
mentaux dans nos communautés et assurent même l'usage chronique de
médicaments et de salles d'urgence.
Une politique d'aide sociale qui sous-entend qu'une partie Importante de
la population peut survivre avec 476 $ - maintenant 487 $ - par mois et
être saine de corps et d'esprit ainsi qu'une politique familiale qui
impose de plus en plus aux familles le soin des enfants, des aînés
et des malades sans leur offrir le soutien approprié et, finalement, la
réforme fédérale de la
fiscalité qui n'enrichira pas les plus démunis sont toutes
des politiques isolées qui pourront Influencer directement ou
indirectement la santé mentale de plusieurs.
Une politique de santé mentale, dans le cadre d'une prochaine
phase importante de désinstitutionnalisation à venir ainsi que de
nombreux malades mentaux ne recevant déjà pas les services requis
pour leur assurer un standard de vie minimal, devra encourager fortement le
soutien et le développement de ressources communautaires. Ces
réseaux communautaires devront être orientés vers le
maintien actif des malades mentaux dans les communautés en offrant,
d'une part, du soutien aux individus malades et à leur famille, mais
également diverses formes de logements supervisés à prix
abordable, salubres et sécuritaires.
Des services axés sur la survie quotidienne, l'évaluation
personnelle et l'estime de soi sont essentiels pour une population qui a
longtemps cherché refuge dans la folie. Si nous croyons, en tant que
société, que la santé est un droit et non un
privilège, nous nous devons donc d'outiller tous les citoyens et
citoyennes afin que l'on puisse tous vivre nos moments de fragilité et
de vulnérabilité en dignité et avec respect. C'est
tout.
Le Président (M. Baril): Merci, madame. Une voix:
Trois heures d'autobus pour cela.
"Mme Demers-Godley: C'est vrai, c'est parce que je trouvais cela
important Cela fait longtemps que je traîne les rues avec les
itinérants et les itinérantes et je trouvais cela important de
faire le point sur les difficultés d'accès aux services
Institutionnels. Je peux être sympathique à l'Ordre des
infirmières et infirmiers, je peux être sympathique aux
travailleurs sociaux, aux psychiatres et aux médecins, mais en
même temps, comme je vis de l'autre côté de la clôture
quotidiennement, avec une population économiquement
défavorisée et avec de gros besoins... Et aussi, depuis quelques
mois, je travaille dans un centre de crise, je comprends plus de choses que Je
ne comprenais peut-être pas nécessairement, ou que je ne voulais
peut-être pas comprendre parce que la santé mentale, c'est quand
même un gouffre sans issue et sans fin. Je trouve important qu'on puisse
connaître les difficultés de chaque secteur d'activité, si
on peut parler ainsi, mais, pour moi, c'est évident que la pire chose
qu'on puisse souhaiter à son pire ennemi, c'est de tomber malade et
d'avoir un problème de santé mentale. C'est évident
quotidiennement, et c'est encore plus évident pour les itinérants
et les itinérantes.
Maintenant, ce qui arrive et ce qui n'arrivait pas nécessairement
il y a un an - comme vous le savez, c'était l'année des
sans-abris - la situation est rendue assez grave que les policiers, quand ils
ramassent les itinérants qu'ils identifient comme fous, ne prennent
même plus le temps de les amener à l'urgence, ils les
amènent directement au centre de détention et ils sont
"judiciarisés" pour quinze jours, trois semaines ou un mois. Leur seul
crime, c'est d'être fous. C'est ça leur crime.
Alors, on commence à avoir des difficultés avec ça
à Montréal. Avant, on avait des difficultés avec les
alcooliques et les toxicomanes qui étaient "judiciarisés" sans
raison et, maintenant, on a une nouvelle "gang* de gens qui sont
"judiciarisés" sans raison, ce sont tes malades mentaux. Et ce sont de
sérieuses préoccupations que nous avons.
Le Président (M. Baril): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie du témoignage que vous
venez nous porter. Je voudrais immédiatement vous demander quels sont,
d'après vous, les obstacles concrets qui empêchent les
itinérants de recevoir les services psychiatriques qui existent dans les
établissements. Dans le fond, votre demande, dans la première
lettre que nous avions reçue, c'était vraiment que nous pensions
à l'accessibilité et aux services reconnus pour la population
Itinérante. Quels sont les obstacles concrets actuellement qui
empêchent les itinérants dont vous venez de nous parler de se
prévaloir des services?
Mme Beaudoin (Carmen): Au chapitre des services psychiatriques,
quant à l'accès aux urgences ou aux services psychiatriques dans
les centres hospitaliers, le problème majeur, c'est d'être sans
adresse parce qu'au plan de la sectorisation, c'est selon l'adresse de la
personne qui se présente. Alors, c'est effectivement un facteur
Important quand vous n'avez pas d'adresse et que vous devez circuler dans
trois, quatre centres hospitaliers pour réussir, pour qu'à un
moment donné quelqu'un d'aimable dise: Oui, d'accord, je vais recevoir
cette personne-là , je vais essayer d'évaluer ce dont elle a
besoin. Au chapitre des services psychiatriques, c'est le problème
majeur.
Si on parie de la santé mentale au sens plus large, on peut
parier du manque d'accessibilité à des logements salubres, comme
on le disait tantôt, ou au peu de fois où on réussit
à avoir des logements salubres pour ces personnes-là . Il n'y a
personne pour aller les visiter, les aider à administrer leurs
chèques, les aider à faire l'épicerie. les aider Ã
se débrouiller avec un propriétaire qui peut essayer de leur
faire payer deux fois le loyer du mois parce qu'il s'aperçoit que la
personne a des problèmes de santé mentale et qu'elle oublie, etc.
Ce sont deux des difficultés majeures.
Le Président (M. Baril): Madame, je m'excuse, pour les
fins du Journal des débats, pourriez-vous vous identifier, s'il
vous plaît?
Mme Beaudoîn: Je suis Carmen Beaudoin. Je travaille au
centre de réadaptation Préfontaine.
Le Président (M. Baril): Merci, madame.
Mme Lavoie-Roux: Le projet de politique de santé mentale
propose de travailler avec des organismes comme le vôtre qui se
préoccupent des itinérants. Est-ce que cela vous semble
réaliste? Il semble y avoir, de la façon dont vous avez
décrit les choses, un tel fossé entre ce qu'on appelle le
réseau plus officiel, entre guillemets, et des organismes communautaires
comme le vôtre qu'on se demande, même si le projet de politique
souhaite ou propose, si cela vous semble réaliste qu'on puisse
coordonner des efforts d'une meilleure façon de telle sorte que - dans
le moment, II ne semble pas y avoir de services disponibles - on puisse les
rendre disponibles à ces personnes,
Mme Beaudoin: Concernant la politique qui est proposée, on
peut difficilement être contre la vertu. Tout le monde est pour le
partenariat dans le sens de l'objectif visé, mais, concrètement,
comme je vous le disais tantôt... Quand vous devez attendre des heures
dans une salle d'urgence avec une personne Itinérante, que vous avez
calculé qu'il y a cinq personnes avant vous, que vous êtes
censée être la sixième et que vous vous apercevez que vous
êtes la quinzième - même, parfois, cela va jusqu'Ã
vingt - avant qu'on vous fasse passer parce que la personne que vous
accompagnez n'est pas, je dirais, présentable - tantôt, on parlait
des soins d'hygiène - qu'elle crie ou qu'elle est en état
d'ébriété, quand on vit concrètement cette
situation, quand on la vit quotidiennement et qu'on parcourt, qu'on lit, qu'on
prend connaissance du rapport Harnois, du projet de politique de santé
mentale, on ne peut s'empêcher, comme on le disait tantôt, de
considérer cela comme de la science - fiction. (23 heures)
Mme Lavoie-Roux: Au centre Préfontaine, vous avez ouvert
pour les femmes itinérantes, au cours de la dernière
année, un certain nombre de lits pour les accueillir directement, pour
s'occuper de leur problème d'alcoolisme et aussi de toxicomanie. Est-ce
que c'est ce genre de ressources très spécialisées... On
n'est quand même pas pour commencer à faire des ressources en
santé mentale pour tes itinérants ou est-ce qu'on le devrait?
Est-ce que l'expérience que vous avez présentement avec
l'alcoolisme et la toxicomanie vous semble être une formule mieux
adaptée aux itinérants et qui pourrait aussi être une
formule mieux adaptée aux itinérants dans le domaine de la
santé mentale?
Mme Beaudoin: D'accord. Pour ce qui est du centre
Préfontaine, je veux préciser que ce n'est pas un organisme
communautaire, c'est entière- ment subventionné par le
ministère de la Santé et des Services sociaux. La mise sur pied
de services en alcoolisme et toxicomanie pour les femmes itinérantes
répond aux besoins dans le sens que, chez nous, on accepte ces femmes
telles qu'elles sont, alors qu'ailleurs, souvent, parce qu'elles ne
s'insèrent pas dans le milieu où elles vont solliciter de l'aide,
parce qu'elles crient, pour toute une série de facteurs, cela fait en
sorte qu'elles sont refusées.
Cela fait un peu plus d'un an qu'on fonctionne et, d'ici à trois
semaines, on va pouvoir recevoir 18 femmes simultanément.
L'expérience nous démontre que ce genre de services répond
à une partie des besoins de la population itinérante, sauf qu'il
y a d'autres types de services qu'on n'est pas en mesure de leur offrir et que
les ressources dites privées, les autres ressources du réseau
d'aide ne peuvent pas présentement leur offrir. On parle, entre autres,
de toute la question des appartements supervisés et des logements
salubres. Une femme ou un homme qui vient au centre Préfontaine, qui
fait un dégrisement, un sevrage et qu'on essaie de réorienter par
la suite, lorsque cette personne retourne, comme on dit, soit dans le milieu de
l'itinérance ou dans un autre milieu, elle se retrouve dans une chambre
où ses seules compagnes, finalement, ce sont les coquerelles. Cela fait
en sorte que c'est très fragile et la personne a vraiment tendance
à se décourager et à redevenir aussi
démoralisée qu'elle l'était auparavant.
Alors, ce soutien, cet accès à des logements salubres, le
soutien communautaire dont ces personnes ont besoin par la suite, c'est quelque
chose qui manque énormément, présentement, Ã
Montréal.
Mme Lavoie-Roux: Les centres de crise n'ont pas été
ouverts pour les itinérants en particulier, ils ont été
ouverts pour...
Mme Demers-Godley: La population en général.
Mme Lavoie-Roux: ...le désengorgement des urgences.
Mme Demers-Godley: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Mais j'Imagine qu'il doit y avoir un certain
nombre d'itinérants qu'on vous amène ou qui s'y adressent. Est-ce
que cela semble être une meilleure réponse pour eux?
Mme Demers-Godley: Le centre de crise que je dirige, c'est le
centre de crise SOUDAV, qui couvre la région centre-est et qui a les
hôpitaux Hôtel-Dieu, Saint-Luc, Notre-Dame et Sacré-Coeur;
ce sont les spécialistes pour recevoir la population Itinérante.
Jusqu'à présent, la population qu'on reçoit, c'est 50-50.
On a les itinérants qui ont été psychlatrisés en
situation de crise, amenés à l'urgence et
référés au centre de crise.
Une des frustrations que l'on a, c'est qu'on offre huit lits
d'hébergement temporaire et douze places en appartement ou en chambre
supervisée dans la communauté, avec des agents de quartier, pour
une période de temps parce que l'Intervention de crise, cela se situe
dans un laps de temps. Alors, on donne un laps de temps de trois mois et trois
semaines. Mais notre conflit ou notre crise existentielle, c'est: Qu'est-ce qui
arrive après les trois mois et trois semaines? C'est entendu que notre
travail, concrètement, c'est de référer ces
gens-là , de trouver le soutien approprié dans la
communauté par les CLSC, les cliniques externes ou les programmes
communautaires existants. Il y a beaucoup de demandes et très peu de
ressources.
Une des populations les plus difficiles... La petite madame qui est
desservie par l'hôpital Jean-Talon et qui vient au centre de crise, on
n'a pas de difficulté à lui trouver des services dans la
communauté après, parce que l'équipe de l'hôpital
Jean-Talon, les travailleurs sociaux, la clinique externe, ils vont la
reprendre. Mais pour l'itinérant bien connu, bien étiqueté
des urgences et des cliniques externes, qui vient faire un séjour au
centre de crise, c'est très difficile. Ce sont de longues
négociations: Qui va reprendre cette personne une fois qu'elle est au
centre de crise?
Maintenant, notre réflexe, c'est de dire Ã
l'Infirmière, au psychiatre, au médecin ou à qui que ce
soit qui nous appelle: "D'accord, on va la prendre, mais quelles sont vos
attentes à vous, du centre hospitalier? Qu'est-ce qui va arriver pendant
que cette personne est au centre de crise, en termes de suivi? Et après
le centre de crise? C'est comme une police... C'est une garantie. Tu
achètes un "muffler", tu demandes ta garantie pour cinq ans. On est
quasiment rendu à demander des garanties. Sinon, on sait fort bien
qu'après te centre de crise, cela devient un autre maillon dans la porte
tournante et, idéologiquement, je ne peux pas blairer cela. Alors, pour
nous, il est important de savoir: Oui, on prend la personne, on travaille, on
fait un bout de chemin avec elle, mais qu'est-ce qui lui arrive et, Ã
long terme, qui peut empêcher qu'elle soit hospitalisée
Inutilement et qu'elle continue à se faire embarquer par la police ou
ramener à l'urgence?
Mme Lavoie-Roux: Si je comprends bien, le centre de crise est un
commencement de réponse mais pas la réponse totale.
Mme Demers-Godley: Ce n'est pas la réponse totale parce
que les gens ont besoin d'être supervisés à long terme. Les
schizophrènes qui traînent à La Maison du père
pendant cinq ans. ce n'est pas la ressource appropriée, n'est-ce
pas?
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Baril): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: Voulez-vous m'expliquer concrètement le type
de négociation - j'ai mal saisi la réponse que vous avez
donnée à Mme la ministre - que vous devez faire avec le centre de
crise au moment où vous arrivez avec un itinérant?
Mme Lavoie-Roux: C'est avec l'hôpital qu'ils font la
négociation.
M. Chevrette: C'est avec l'hôpital même. C'est parce
qu'ils ne veulent pas en hériter.
Mme Lavoie-Roux: C'est-Ã -dire...
M. Chevrette: Ou pour un laps de temps fixe?
Mme Demers-Godley: C'est cela. L'hôpital nous appelle,
d'ailleurs. J'ai trouvé cela... Lès gens de l'urgence
psychiatrique ou de la clinique externe nous appellent pour nous dire: Nous
avons une personne en situation de crise. Est-ce que vous voulez la prendre?
LÃ , selon la situation de la personne, c'est oui ou non. SI nous prenons
la personne - en général, nous acceptons presque toutes les
personnes qui nous sont référées - ce que nous voulons
savoir, c'est comment la personne va être suivie dans la
communauté.
L'intervention en situation de crise, c'est dans une période de
temps limitée, ce n'est pas à vie. Ce n'est pas une maison de
convalescence ou un centre d'accueil, c'est un centre de crise. Dans le cas du
milieu de l'itinérance, les fameux exemples de "dumping"... Finalement,
on nous reproche d'avoir une formule exhaustive. On nous reproche de demander
de l'information. Je dis: On voudrait bien avoir le nom de la personne et son
âge, quel est son problème, son diagnostic, son traitement. Est-ce
que vous la connaissez ou si vous ne la connaissez pas? Est-ce qu'elle a eu des
antécédents psychiatriques ou si elle n'en a pas eu? Nous sommes
très occupés. Cela prend du temps, répondre à des
questions. Je dis: Oui, mais écoutez là , vous nous demandez de
prendre en charge une personne. Cette personne est supposée nous faire
confiance à nous, de purs étrangers. Voyons donc! Il faut au
moins savoir certaines choses sur cette personne.
Lorsqu'on parle du rapport de forces entre les organismes communautaires
et les institutions, l'hôpital, l'urgence psychiatre, la clinique externe
et une nouvelle ressource communautaire ou des ressources communautaires avec
des moyens limités, il ne faut pas être naif: on sait tout ce que
cela veut dire en termes d'énergie, de temps et aussi de
crédibilité. On se l'est fait dire. Les centres de crise et les
organismes communautaires peuvent survivre dans la mesure où les
hôpitaux daignent s'y référer et utiliser ces
ressources.
Mme Beaudoin: Pour apporter une précision, nos contacts
avec, entre autres, certains centres hospitaliers, cela devient des contacts
d'individu à Individu, Vous souhaitez que, le jour où vous aurez
à référer quelqu'un, ce soit telle Infirmière ou
tel travailleur social ou que ce soit tel psychiatre; sinon, vous savez que, si
certaines personnes sont moins réceptives aux personnes
itinérantes, vous risquez de ne pas pouvoir avoir de services. Dans ce
sens, cela devient des contacts personnels qu'on privilégie. On n'ose
pratiquement pas se dire les noms entre nous, de peur de se tes faire voler et
qu'ils ne puissent accepter les gens qu'on leur réfère. C'est un
peu le contexte.
Mme Demers-Godley: On ne veut pas les brûler non plus.
Combien de cas d'itinérants, de schizophrènes ou de
paranoïaques un psychiatre ou un travailleur social peut-il prendre? C'est
une autre réalité. Nous sommes très conscients que...
C'est cela que, finalement, nous trouvons déplorable. Nous essayons de
négocier des ententes de services pour gagner du temps, c'est vrai, et
en même temps pour donner un bon service à notre clientèle.
Nous sommes toujours réduits à des contacts personnels.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez une idée du nombre
d'itinérants atteints de maladie mentale? Le nombre d'itinérants,
pour Montréal, on semble en avoir plusieurs milliers mais, en ce qui
concerne la santé mentale, est-ce que. vous avez des chiffres?
Mme Demers-Godley: Nous Identifions tes personnes
itinérantes ou sans abri, les personnes qui n'ont pas de logement
permanent pour les 60 prochains jours. Ce peuvent être des personnes qui
sont dans des logements dont les conditions sont tellement insalubres,
inacceptables qu'on sait qu'elles vont être dehors la semaine prochaine.
Il y a les personnes qui utilisent les ressources actuellement et il y a les
personnes qui sont dans la rue aussi actuellement. Nous identifions 10 000
personnes. Il n'y a pas 10 000 personnes qui se promènent avec des sacs
verts, mais il y a 10 000 personnes qui vivent dans un état tellement
détérioré et qui utilisent régulièrement les
services. Nous parlions de 3000 Ã 4000 femmes.
Personnellement, quand je travaillais à la maison Chez Doris,
pendant quatre ans, j'en ai connu personnellement 2000. Alors, quand je
marchais sur la rue Sainte-Catherine, de la rue Atwater jusqu'Ã
Papineau, c'était facile pour moi de passer deux jours sur la rue parce
que je pouvais m'arrêter à tous les coins de rues et identifier
une "gang" de femmes que je connaissais. Il est facile de les identifier quand
on le veut. Mais cela, c'est le monde qu'on connaît... Je dis toujours
que ce ne sont pas les gens que je connais qui m'Inquiètent, mais tous
ceux et toutes celtes que je ne connais pas qui sont enfermé entre
quatre murs, comme d'ailleurs vous le disiez tout à l'heure, dans les
sous-sols, avec les tuyaux qui leur coulent sur la tête, qut vident leur
caisse de 24 et qui prennent leurs douze boites de pilules avec des cocktails
absolument incroyables et qu'on retrouve, après cela, dans toutes sortes
de conditions de fou. C'est ce genre de situations qu'on trouve: des personnes
âgées qui ont des gros problèmes de santé mentale,
qui sont mal nourries et qui se retrouvent en institution du jour au lendemain,
mais qui ont vécu pendant des années sans soins et sans
attention.
On a repéré une femme de 64 ans, l'autre jour, qui vivait
dans un logement dans l'est de Montréal depuis huit ans et le plancher
était de terre. D'accord? Le propriétaire m'a dit: Madame, j'ai
honte d'être propriétaire de cela. J'ai dit: Ne me parlez pas
comme cela, vous, cela fait huit ans que vous en êtes
propriétaire, ne venez pas rire de moi! Vous savez ce que je veux dire.
Ce sont des niaiseries de même que tu fais! Et le CLSC du secteur l'avait
trouvée autonome. Alors, "checkez" ce que cela veut dire, le fait
d'être autonome. Peut-être qu'elle était autonome parce
qu'elle n'était pas obligée de passer le balai sur son plancher
de terre, je ne le sais pas, mais Je n'ai pas trouvé cela drôle!
Quand on l'a reçue au centre de crise, il nous a fallu un mois pour
trouver la ressource appropriée pour lui donner son injection afin que
la méchante femme n'essaie pas de ta détruire. Un mois! Ã
cause de la sectorisation! Il m'a fallu un moisi
II est très difficile pour moi d'être sympathique Ã
ce que j'appelle des institutions qui viennent se plaindre, finalement. Carmen
me disait: Ne te choque pas! J'ai dit: Oui, je vais être polie, gentille
et sympathique, mais, en même temps, je suis très consciente de ce
qui se passe quotidiennement pour des gens.
Je me suis déjà assise dans une salle d'urgence un
vendredi, de 16 heures à minuit, et l'infirmière m'a dit: SI vous
n'arrêtez pas, Mme Godley, c'est vous qu'on va interner, ce n'est pas
votre cliente! Là , je n'en pouvais plus; moi aussi, j'étais en
train de devenir folle! J'ai dit: Ãcoutez, vous allez la traiter. Elle
m'a dit: Non, on ne la traite pas! Alors, finalement, pour me faire taire, elle
a dit: D'accord, on va la prendre, vous pouvez vous en aller. Je suis partie,
je suis arrivée chez nous à 0 h 45, la fille m'a appelée
pour me dire qu'on lui avait donné un billet d'autobus et qu'on lui
avait dit: D'accord, va-t-en chez vous. Ã l'urgence! Et je peux vous
nommer l'hôpital!
Ce sont des choses comme celle-là qui nous arrivent et qu'on
trouve inacceptables, d'accord? Malgré tout, les itinérants et
les itinérantes fument tous, pour la plupart, alors cela veut dire
qu'ils paient tous des taxes. En principe, Ils ont droit aux services sociaux
et ils ont le droit d'être hospitalisés. Moi, c'est cela que je
leur
dis: Vous payez des taxes, vous avez le droit d'avoir des services.
Mme Beaudoin: Je voudrais aussi apporter une précision en
regard de la sectorisation. Au début de décembre,
l'assemblée des chefs de département de psychiatrie de
l'île de Montréal a essayé, lors d'une réunion, de
faire consensus sur le fait que, pour une personne qui n'a pas d'adresse fixe,
le centre hospitalier qui la reçoit le premier accepte de lui donner un
suivi, accepte de l'évaluer. Quand le réseau d'aide aux personnes
seules et itinérantes a reçu cette lettre, je ne vous dirai pas
qu'on a fêté pendant une semaine, mais on n'en croyait pas nos
yeux.
Mme Demers-Godley: ...on l'a photocopiée. Des voix: Ha,
ha, ha!
Mme Beaudoin: Depuis ce temps-là , tout le monde se
promène avec sa lettre; je suis même venue à Québec
avec ma lettre. On essaie de l'utiliser quand on réfère des gens
à des centres hospitaliers. Je peux vous dire qu'on est très
content qu'au moins on en soit arrivé à cela, mais je ne peux pas
vous dire que cela fonctionne dans la réalité. On arrive Ã
la salle d'urgence et on présente notre lettre. Quelqu'un nous dit: Cela
ne me fait rien, mais moi, c'est la sectorisation et cette personne... Quel est
son code postal? Elle n'en a pas et, là , vous avez la grosse tentation
de lui trouver une adresse, et vite. LÃ , on me dit: Elle n'a pas
d'adresse, je ne peux pas la prendre. C'est cela.
M. Chevrette: Je pense que votre message est assez
éloquent pour qu'on...
Mme Demers-Godley: On a passé notre message, merci.
M. Chevrette: En tout cas, en ce qui me concerne, c'est
très clair.
Mme Demers-Godley: On a notre commanditaire.
M. Chevrette: Je trouve que vous êtes bien
méritoires de travailler dans la conjoncture où les groupes
communautaires, les groupes bénévoles, les groupes avec des
ressources minimales oeuvrent auprès... Quand vous m'avez parié
des Itinérants, tantôt - j'ai lu votre très bref
mémoire - je pensais au pouvoir qu'avait ta SPCA...
Mme Demers-Godley: Bien, oui.
M. Chevrette: Je regardais un témoignage qu'il y a eu ici.
Si par rapport à un prisonnier, à un criminel, on regarde
l'humain qui a le malheur d'être malade, qui est traité, ce n'est
quasiment pas acceptable en 1987. Je n'en reviens pas, c'était
l'année des sans-abri, à part cela.
Le Président (M. Baril): On vous remercie beaucoup.
Mme Demers-Godley: Oui. Ce n'est rien. C'est moi qui vous
remercie.
Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup, madame.
Le Président (M. Baril): La commission ajourne ses travaux
au mercredi 13 janvier, Ã 10 heures, dans cette salle. On me dit que la
ventilation fait défaut encore. Je vous souhaite une bonne
journée! Moi, je serai à Rouyn.
(Fin de la séance à 23 h 16)