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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 12 janvier 1988 - Vol. 29 N° 57

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec énoncé dans le rapport Harnois


Journal des débats

Débats de la Commission permanente des affaires sociales, Le mardi 12 janvier 1988

 

Les travaux parlementaires
33e législature, 1re session
(du 16 décembre 1985 au 8 mars 1988 )

Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Le mardi 12 janvier 1988 - No 57

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de politique de santé mentale

pour le Québec énoncé dans le rapport Harnois (4)

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je souhaite la bienvenue à tous nos invités. Je tiens à vous rappeler que la commission des affaires sociales se réunit aux fins d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987. M. le secrétaire, avez-vous des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauthier (Roberval) est remplacé par M. Jolivet (Laviolette) et M. Laporte (Sainte-Marie) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert).

Le Président (M. Baril): Merci. Pour tenir les invités au courant, je dirais que nous avons des problèmes de climatisation ici, dans cette salle, et que cet après-midi, à 15 heures, et ce soir les travaux reprendront dans la salle Lafontaine. Nous reviendrons Ici demain matin. Je vois que nos Invités sont déjà assis. Je demanderais au porte-parole de s'identifier et de présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Auditions

M. Roy (Augustin): Merci, M, le Président. Mme la ministre, M. le chef de l'Opposition et MM. les membres de la commission parlementaire, il nous fait plaisir, comme Corporation professionnelle des médecins du Québec, de présenter notre mémoire sur le rapport Harnois. Je vais vous présenter les membres qui m'accompagnent: à ma droite, le Dr André Maufette, psychiatre à l'hôpital Jean-Talon à Montréal; le Dr Jacques Bernier, psychiatre à l'hôpital Sainte-Croix de Drumrnondville; le Dr Jacques Gagnon, psychiatre à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont de Montréal; en commençant par ma gauche immédiate, le Dr André Lapierre, secrétaire général adjoint de la corporation des médecins; le Dr Frédéric Grunberg, psychiatre à l'hôpital Louis-H.-Lafontalne de Montréal et le Dr Yvon Garneau, psychiatre à l'hôpital Robert-Giffard de Québec.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie. Avant de commencer, je tiens à vous faire remarquer que vous avez 20 minutes pour présenter votre rapport Nous avons, des deux côtés de la Chambre, 40 minutes pour dialoguer avec vous.

M. Roy: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril): Si vous voulez commencer, M. le docteur.

Corporation professionnelle des médecins du Québec

M. Roy: Le projet de politique de santé mentale pour le Québec, Pour un partenariat élargi, tout en constituant un canevas pour élaborer une politique de santé mentale, présente une lacune majeure: la scotomisation, à toutes fins utiles, des maladies mentales pour se perdre, hélas, trop souvent dans les méandres de ce que le rapport Hamois appelle le domaine de la santé mentale.

C'est bien pour pallier à cette grande lacune que la Corporation professionnelle des médecins du Québec a déposé son mémoire et se présente aujourd'hui en commission parlementaire pour l'éclairer: sur l'apport et la formation de psychiatres et de médecins généralistes face aux problématiques des maladies mentales; deuxièmement, sur notre perception des consommateurs de services de santé mentale tels que nous les percevons dans nos pratiques courantes; en troisième lieu, sur notre analyse des structures en place pour dispenser des services aux malades mentaux; quatrièmement, sur notre analyse de la désinstitutionnalisation des malades mentaux qui s'est amorcée au Québec il y a 25 ans, à la suite du rapport Bédard, Lazure et Roberts et, dernièrement, sur nos réflexions quant au cadre législatif affectant les malades mentaux au Québec.

La psychiatrie est la spécialité médicale axée sur les maladies mentales; elle a fait de grands progrès, tant sur te plan de l'explication et de la compréhension des maladies mentales que sur le plan de ses interventions.

Cependant, la psychiatrie, comme le reste de la médecine, s'inscrit de plus en plus dans une démarche scientifique, même si c'est la spécialité médicale la plus proche des sciences humaines, et s'éloigne des idéologies et des croyances, ce qui la rend plus rigoureuse, mais aussi moins triomphaliste, plus sceptique et surtout beaucoup plus prudente à se lancer dans des entreprises ou des réformes dont l'efficacité n'est pas prouvée, qu'il s'agisse de la prévention, du traitement, de la réadaptation et du soutien des personnes aux prises avec des problèmes mentaux.

Qu'il suffise de dire que le psychiatre, face à toute la complexité des maladies mentales, possède la formation ta plus longue avec les normes de formation et d'évaluation les plus rigoureuses et tes plus objectives en vue d'assurer au public une compétence clinique des plus complètes dans le diagnostic, le traitement, la réadaptation et le soutien des malades mentaux.

Il semble qu'il n'y aura jamais assez de psychiatres pour assurer tous les services

psychiatriques à la population et ils doivent composer avec d'autres professionnels, en particulier avec les médecins omnipraticiens qui, soit dit en passant, ont une bien meilleure formation en psychiatrie que par le passé. Cette formation s'améliorera davantage avec le nouveau programme de deux ans obligatoire de formation postdoctorale des omnlpraticlens. Ceux-ci dispensent déjà 48 % du nombre total des Interventions psychiatriques rémunérées à l'acte et constituent une des principales portes d'entrée dans le réseau psychiatrique.

Les psychiatres doivent aussi travailler en complémentarité avec des professionnels qui n'ont pas de formation médicale, mais qui ont des compétences spécifiques dans le cadre de l'équipe multidisciplinaire. Cependant, quelles que soient les modalités de service dans le cadre de l'approche biopsychosociale, approche d'ailleurs préconisée par le rapport Harnois, le psychiatre doit garder son rôle de leadership, car il est le seul - à un moindre degré, le médecin généraliste également - à pouvoir intégrer ces trois paramètres: le biologique, le psychologique et le social. Ce fait est incontestable et doit être souligné.

Ceci nous amène à la question vitale de l'effectif psychiatrique. Vu les besoins en services psychiatriques et les demandes pressantes de psychiatres, on doit constater que nulle part au Québec il n'y a pléthore de psychiatres pour faire face aux besoins de la population. Nous sommes aussi conscients que beaucoup de régions en sont presque complètement démunies, situation qui est évidemment inacceptable. Nous espérons que la table de concertation sur l'effectif médical pourra faire des recommandations appropriées, mais cette table siège depuis déjà assez longtemps et nous commençons peut-être à désespérer des résultats à venir.

Il est aussi évident que les plans d'organisation des services préconisés par le rapport Harnois devront s'adresser en priorité aux problèmes soulevés par la pénurie de psychiatres. Nous tenons à souligner que, sur le plan de la formation, les départements de psychiatrie dans les facultés de médecine québécoises ont la capacité de former beaucoup plus de psychiatres. Malheureusement, de nombreux candidats très valables sont exclus chaque année des programmes de formation, faute de places autorisées par le contingement imposé par le ministère de la Santé et des Services sociaux à la formation de médecins spécialistes, ce qui est tout à fait déplorable alors que nous avons besoin de ces spécialistes.

Il est important de noter que le problème de pénurie d'effectif ne se pose pour aucun des autres intervenants: psychologues, travailleurs sociaux, infirmiers, etc. On pourrait même parler de chômage dans certaines disciplines, Cette situation ne saurait nullement pallier à la pénurie de psychiatres, ce qui n'exclut pas une meilleure complémentarité des rôles.

Dans notre analyse, nous avons Identifié quatre groupes de personnes qui utilisent les services de santé mentale, dont nous présentons succinctement le profil. D'abord, les malades psychiatriques aigus qui entrent dans le système de soins très souvent via l'urgence des hôpitaux et leur prise en charge se fait généralement en milieu hospitalier. Il s'agit de malades souffrant de pathologies graves, telles que les psychoses, les complications aiguës de l'alcoolisme et de la toxicomanie et certaines des compensations aiguës dans des troubles graves de la personnalité.

Il y a aussi les malades psychiatriques chroniques qui nous viennent du bassin des malades psychiatriques aigus qui ont évolué vers la chronicité. Le dénominateur commun de tous ces malades se trouve dans leur susceptibilité et leur vulnérabilité aux stress et aux vicissitudes de la vie quotidienne. La plupart de ces malades nécessitent un suivi psychiatrique continu, associé à des mesures de soutien et de réadaptation auprès des familles touchant l'hébergement, l'emploi et les loisirs.

Il y a également les personnes en crise psychosociale, Ce sont des personnes qui vivent une détresse Intense face à des stress et des traumatismes émotionnels majeurs qui épuisent leurs mécanismes d'adaptation. Il faut souligner que la plupart de ces personnes obtiennent de l'aide dans leur propre réseau social naturel et que seule une minorité de personnes demandent de l'aide au réseau des services de santé et des services sociaux.

En dernier lieu, il y a les insatisfaits, les éternels insatisfaits. Ce sont des personnes en mal de vivre qui se sentent mal dans leur peau et qui consomment des services de santé mentale pour s'actualiser à la recherche du bonheur. Ces personnes se tournent de plus en plus vers l'industrie privée de la psychothérapie car H est évident que le réseau public a de moins en moins de capacités à répondre à leur demande, ce qui est d'ailleurs Justifié dans la conjoncture économique actuelle. Cependant, il est Important de souligner que les insatisfaits ne doivent pas être confondus avec les personnes aux prises avec des problèmes névrotiques graves qui font partie du noyau dur des troubles psychiatriques.

Les structures générales du réseau des services de santé mentale. Avant d'aborder le fond de la question, il nous apparaît essentiel de dissiper un malentendu sur une prétendue absence d'organisation dans le réseau des services de santé mentale. Nous sommes convaincus que depuis 25 ans, à la suite du rapport Bédard, Lazure et Roberts, le Québec s'est doté d'un réseau de services psychiatriques qui n'a rien à envier aux autres pays du monde. Ce réseau a été chapeauté par deux programmes de santé et de services sociaux, dont les objectifs majeurs étaient et demeurent l'accessibilité et l'universalité. Cependant, dans le processus, les services psychiatriques ont perdu leur spécificité pour

s'intégrer, sur le pian du financement et de l'administration, dans une organisation bicéphale qui a nui aux pratiques psychiatriques qui cherchent à fonctionner dans le modèle biopsychosocial.

Dans notre analyse des services, nous envisageons trois lignes: la première est surtout constituée par les bureaux d'omnipraticiens ainsi que des services émanant des CLSC et des CSS où se traitent tous les problèmes mineurs de la santé mentale. la deuxième dessert surtout les malades psychiatriques aigus, beaucoup de malades psychiatriques chroniques et quelques personnes aux prises avec des crises psychosociales qui ne se sont pas résolues dans le milieu naturel et au niveau de la première ligne. La structure pivot de la deuxième ligne est l'hôpital (les services psychiatriques de l'hôpital général et l'hôpital psychiatrique). À ce sujet, nous voulons souligner qu'actuellement les planificateurs de services de santé mentale au Québec semblent animés d'un préjugé particulièrement défavorable à tout ce qui touche aux hôpitaux en favorisant la création de nouvelles infrastructures démédicalisées et dépsychiatrisées. J'entends souvent ce mot "démédicalisation" ou "excès de la médicalisation". J'espère que j'aurai à réagir sur des questions qui seront tenues sur le sujet.

À notre avis, l'hôpital fait partie Intégrante de la communauté - je vois venir le chef de l'Opposition - comme l'école et d'autres structures de services et rien n'Indique qu'une psychiatrie à vocation communautaire et sociale ne puisse se développer à partir de l'hôpital. Le financement actuel des services hospitaliers dans un contexte de budget global, sans budget protégé pour ta psychiatrie, Inhibe le développement de programmes à vocation sociale et communautaire.

La troisième ligne, c'est l'élément le plus faible du réseau, fonction qui était assumée antérieurement par l'asile pour les malades psychiatriques chroniques. Il est impératif que la troisième ligne, tout en assurant le traitement, offre des services de réadaptation vers l'insertion sociale des malades psychiatriques chroniques lorsque cela est possible. Elle devrait aussi offrir des services de support dans un contexte de partenariat au réseau naturel, particulièrement la famille. Hélas, à cause de la faiblesse de la troisième ligne dans beaucoup d'instances, le malade psychiatrique chronique, par un phénomène de reflux en amont, envahit et pertube tout le système des services psychiatriques, sans compter le fardeau douloureux imposé à sa famille et au réseau de soutien naturel. C'est là le problème majeur que l'on éprouve.

En quatrième lieu, il y a les ressources alternatives qui émanent, en fait, d'un mouvement de contestation des structures en place. Quoique le mouvement prenne beaucoup de place sur le plan de la rhétorique, il est difficile d'évaluer son impact réel sur le sort du malade mental, particulièrement ie malade mental le plus démuni. Cependant, nous soulignons l'importance croissante des groupes d'entraide tels que l'Association québécoise des parents et amis du malade mental, sans en exclure d'autres également

La désinstitutionnalisation des malades mentaux. La désinstitutionnalisation des malades mentaux s'est amorcée au Québec, comme partout ailleurs en Occident, il y a trente ans. Ce processus n'a pas fait la réinsertion sociale de tous les pensionnaires de l'asile. Il serait erroné, par ailleurs, de voir dans la désinstitutionnalisation des malades mentaux durant ce dernier quart de siècle un échec. Mais, si nous vouions continuer ce processus, il faut en renforcer considérablement les ressources et les programmes de réadaptation qui s'adressent en priorité aux malades mentaux chroniques. Plus que partout ailleurs, les stratégies d'intervention biopsycho-sociale de ces programmes doivent être orchestrées par la psychiatrie.

Le cadre législatif de l'assistance psychiatrique. Il est évident que, sur le plan légal, les psychiatres, au Québec comme ailleurs, détiennent un pouvoir sur certains droits et libertés touchant une minorité des malades qui leur sont confiés, malades qui, du fait de leur maladie, ont perdu leur autonomie et la capacité de gérer leur vie. Il est aussi évident qu'à l'heure actuelle, où toute forme d'autorité est souvent contestée, la société devient de plus en plus vigilante à ce que les droits des citoyens ne soient pas violés et ce, parfois au détriment des besoins réels des malades mentaux.

En général, nous pouvons affirmer sans équivoque que la psychiatrie québécoise a utilisé son pouvoir coercitif avec beaucoup de circonspection, mais que la très grande majorité des services psychiatriques offerts à la population sont donnés sur une base volontaire. Néanmoins, nous sommes très conscients que des mécanismes doivent être mis en place pour s'assurer du respect des droits du malade, en plus de s'assurer que toute mesure coercitive (hospitalisation involontaire, traitement sans consentement, etc.) ne soit appliquée que lorsque aucune alternative n'est possible.

Actuellement, les mécanismes mis en place par la Commission des affaires sociales et la commission d'examen fonctionnent bien et le climat de confrontation entre le judiciaire et le psychiatrique a pu être évité au Québec, à rencontre du climat qui s'est développé surtout chez nos voisins américains et qui commence à voir le jour chez nos voisins ontariens.

En conclusion, finalement, toute politique de la santé mentale devra tenir compte du fait incontestable que les maladies mentales qui existent vraiment, qui affligent un si grand nombre de nos concitoyens demeurent un problème essentiellement médical. Toute politique de la santé mentale doit s'appuyer sur un savoir solide plutôt qu'idéologique, qui nous vient de la

recherche scientifique et qui doit se diffuser par l'enseignement à tous les intervenants.

Les médecins, surtout les psychiatres et les omnipraticiens en complémentarité, ont des fonctions irremplaçables dans le maintien de la santé mentale de la population, fonctions qu'ils assument d'ailleurs depuis fort longtemps en collaboration avec les autres professionnels de la santé qui oeuvrent dans le même domaine.

Merci, M. le Président. Nous sommes disposés à répondre aux questions des membres de la commission et à les transmettre aux experts qui siègent avec nous.

Le Président (M. Baril): Merci. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président

Je veux remercier ta Corporation professionnelle des médecins du Québec pour son mémoire sur la santé mentale. Comme vous le signalez à la dernière page de votre résumé, il est évident que les médecins, surtout les psychiatres et les omnipraticiens en complémentarité, ont des fonctions irremplaçables dans le maintien de la santé mentale de la population.

Nous sommes actuellement à discuter le rapport Hamois qui a choisi de ne pas s'attarder sur les fonctions respectives de chacune des catégories de professionnels dans le domaine de la santé mentale - en tout cas, c'est l'Interprétation que j'en fais - voulant dépasser ce cadre de discussion parfois très rigide qui, finalement, aboutit à une espèce d'autodéfense de la part des professionnels, quelle que soit leur profession. Je pense que le rôle que le médecin doit jouer en psychiatrie n'a jamais été mis en doute par quiconque Ici. Alors, Je voudrais vous indiquer qu'à cet égard, quand la politique finale sera adoptée, il y aura peut-être une définition plus stricte. Mais nous croyons que les psychiatres, les psychologues, tes ergothérapeutes, etc., savent, en général, quelles sont leurs responsabilités professionnelles. C'était vraiment pour situer le débat au-delà d'une querelle - entre guillemets - de responsabilités respectives des différentes professions.

J'aimerais vous poser une question, qui est la suivante. Vous dites, quelque part dans votre mémoire, que la formation du psychiatre couvre tous les aspects: l'aspect biophysique, l'aspect social, l'aspect psychologique et l'aspect de la réadaptation. La question que je vais vous poser est la suivante: Où voyez-vous les autres professionnels intervenir? Je laisse de côté, pour le moment, ce qu'on appelle les organismes communautaires ou les ressources alternatives. Est-ce que cela voudrait dire que, s'il y avait suffisamment de psychiatres, les autres professions ne seraient pas nécessaires, puisque vous avez toute cette préparation au cours de vos études ou de votre formation? (10 h 30)

M, Roy: Le Dr Grunberg va répondre à cette question-là. Je m'excuse de ne pas m'être présenté tout à l'heure. J'ai réalisé cela en lisant le mémoire. Pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats, je suis Augustin Roy, président de la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

M. Grunberg (Frédéric): II est certain, Mme la ministre, que depuis au moins une quarantaine d'années il y a toute une panoplie de professionnels qui oeuvrent surtout dans le domaine des interventions psychosociales, qui ont des compétences très spécifiques et dont on ne pourrait se passer dans une approche vraiment globale et biopsychosociale. Cependant, les psychiatres, par leur formation, sont peut-être tes seuls professionnels dans le domaine de la santé mentale qui peuvent, du moins, intégrer ces trois paramètres que sont le biologique, le psychologique et le social. Ce sont des médecins et ils ont eu une formation biopsychosociale. Donc, au fond, ce sont des généralistes qui peuvent intégrer ces trois paramètres, mais ceci n'enlève rien aux compétences très spécifiques des autres professionnels.

Par leur manque de formation médicale, les autres professionnels - cela est un fait incontestable, ce n'est pas un reproche, c'est une constatation - ne peuvent intégrer les trois paramètres. On ne pourra jamais Imaginer que les psychiatres, seuls, puissent dispenser des services de santé mentale à toute la population.

Mme Lavoie-Roux: SI...

M. Roy: Le Or Gagnon aimerait réagir aussi.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Gagnon (Jacques): Si vous me le permettez, pour avoir travaillé en équipe depuis assez longtemps, je peux souligner qu'on arrive des fois à travailler en harmonie avec d'autres professionnels. Cela amène parfois des conflits mais, évidemment, c'est comme dans n'importe quel réseau de distribution où, je pense, II y a des gens qui s'entendent plus ou moins. Il y a des problèmes de personnalité, mais il y a quand même une complémentarité des rôles. Par exemple, le psychiatre est confronté à un volume de soins assez considérable. Il ne pourrait Jouer tous les rôles à ce moment-là, c'est certain. Même si les psychiatres étaient nombreux, ils seraient quasiment obligés de se spécialiser s'ils voulaient jouer tous les rôles.

Par exemple, on connaît bien les travailleurs sociaux qui interviennent davantage auprès de la famille, des autres intervenants, des ressources.

Les psychologues, par exemple, ont un rôle bien défini quant à l'application de certaines psychothérapies et à l'application du processus d'investigation. Les orthopédagogues ont un rôle plus spécifique au niveau de l'apprentissage

auprès des enfants.

On pourrait dire la même chose d'à peu près tous les professionnels. Ils ont des rôles qui sont complémentaires lorsqu'on veut soft évaluer, soit préciser un peu plus notre diagnostic ou appliquer certaines formes de traitement

Le tout est de savoir qui a la responsabilité du patient, qui va cibler un peu plus le mode d'Intervention. À ce niveau, je pense que le psychiatre a une responsabilité à prendre. Ce n'est pas seulement un privilège, c'est aussi une responsabilité.

Le Président (M. Baril): Le Dr Lapierre, également, voudrait répondre à votre question.

M. Lapierre (André): En fait, si on regarde les rôles que chacun des professionnels peut jouer dans le cadre du réseau de la santé, il suffit de se rapporter au Code des professions, à l'article 37, où on définit le rôle ou le champ d'exercice de chacune des professions. En fait, ce ne sont pas les définitions qui donnent des difficultés, ce sont tes interprétations qu'on en fait. Certaines corporations peuvent interpréter ces définitions de façon à protéger les champs d'exercice. Elles interprètent ces définitions, souvent, en faisant déborder de leur rôle les professionnels de leur corporation.

Les médecins, en fait, n'ont jamais refusé de déléguer des actes à d'autres professionnels. Je dirais que ce sont les autres professionnels qui veulent plutôt leur autonomie. Ce n'est pas une question de délégation, c'est une question d'autonomie. Chaque professionnel veut conserver son autonomie. En réponse à des questions que M. Chevrette posait, II n'y a pas de doute qu'un omnipraticien, par exemple, peut référer à un psycholoque un malade qui présente un problème psychologique. En ce qui concerne la corporation, nous n'avons aucune réserve ou aucune difficulté à référer un malade à un autre professionnel qui est non-médecin si le problème présenté entre dans le cadre de la formation de ce professionnel.

Les travailleurs sociaux qui sont venus ici ne se plaignent pas de ne pouvoir remplir leur rôle. Ils se plaignent de devoir le déborder, faute de ressources au moment requis. Eux-mêmes ont demandé le respect de la spécificité de chacun des intervenants dont les définitions sont décrites dans le Code des professions.

Les psychologues ne se plaignent pas de ne pouvoir remplir leur rôle. Ils se plaignent de ne pouvoir le faire de façon autonome. À l'intérieur de leur définition, il n'y a pas de doute que les psychologues peuvent fonctionner de façon autonome, mais, lorsqu'il y a pathologie, le psychiatre doit intervenir. Les psychologues, en fait, si on regarde leur mémoire, ce qui est important pour eux, c'est de savoir, dit-on avec précision, ce que l'autre peut faire plutôt que d'essayer de le faire à sa place.

Nous sommes d'accord avec cette affirma- tion. Dans le Code des professions, on dit que les psychologues traitent les désordres émotionnels et les composantes émotives des problèmes de la santé mentale. Personne, et en particulier les médecins, ne les empêche de remplir ce rôle.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez porté certains jugements eu égard, par exemple, aux activités de ce qu'on appelle des ressources alternatives ou des ressources communautaires, quoiqu'elles ne soient pas les mêmes, comme vous le spécifiez très bien dans votre mémoire principal, d'ailleurs, relativement, par exemple, aux centres pour la prévention du suicide. En tout cas, J'imagine que vous avez dû faire une analyse un peu plus poussée à savoir que cela n'aurait pas d'effet positif significatif dans la prévention du suicide. Je me demandais si vous pouviez préciser davantage et si vous aviez des données, à la suite d'une recherche...

M. Roy: Certainement. Le Dr Grunberg va vous répondre.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Grunberg: Ce problème s'était déjà posé en 1984 lorsque le comité de santé mentale avait publié un avis sur le suicide et avait justement préconisé la création de ces centres démédicalisés de prévention du suicide. L'Association des psychiatres du Québec avait fait des commentaires, avait présenté un mémoire dont j'ai ici la copie que je pourrais vous transmettre. Le fait est que, si on fait un recensement de la littérature mondiale, ces centres de prévention du suicide se sont disséminés un peu partout dans le monde, particulièrement aux États-Unis et en Angleterre, il n'y a pas de doute qu'ils rendent des services à des personnes en détresse, mais il n'y a pas eu une seule étude qui ait pu démontrer que les centres de prévention du suicide aient modifié l'incidence des suicides réussis.

Les suicides demeurent et continuent à demeurer un problème très complexe associé, d'ailleurs, à certaines maladies mentales, en particulier, les maladies affectives. Les centres de prévention du suicide et l'écoute téléphonique rendent certainement des services, mais ils ne le préviennent pas. Si l'objectif est de prévenir ou de faire diminuer l'Incidence du suicide, nulle part il n'a été prouvé que cela s'est fait. Et cela ne s'est pas fait Ici au Québec non plus.

Mme Lavoie-Roux: Dans le milieu psychiatrique lui-même, médical psychiatrique, y a-t-il des études qui prouveraient que l'intervention psychiatrique, vu la complexité de la problématique du suicide, ait eu des effets positifs plus mesurables que les centres de crise qui sont évidemment de fondation beaucoup plus récente?

M. Grunberg: Non.

Mme Lavoie-Roux: Pas les centres de crise, les centres de prévention du suicide, pardon.

M. Grunberg: Par exemple, II y a eu des études Scandinaves qui ont démontré que l'établissement d'un service de psychiatrie dans une localité qui n'en avait pas a rendu certainement de grands services, mais il n'a pas prévenu, il n'a pas changé l'incidence du suicide. En psychiatrie, nous ne pouvons prétendre que l'implantation de services psychiatriques va prévenir l'incidence du suicide. Nous espérons, cependant - parce qu'on a établi scientifiquement qu'il y a une corrélation très nette entre le suicide et les maladies affectives, particulièrement, les dépressions graves et l'alcoolisme - qu'en dépistant et en détectant ces maladies on pourra peut-être réduire le taux de suicides. Par exemple, un autre fait que la recherche a établi, c'est que la plupart des suicides réussis - je ne parle pas des tentatives de suicide, ce sont deux choses différentes - la plupart des études sur les suicides faites par les autopsies psychologiques ont montré que ce sont des malades qui étaient sous les soins des médecins dans les semaines ou dans les mois qui ont précédé le suicide. Donc, il faut espérer qu'en sensibilisant davantage le corps médical nous pourrons peut-être prévenir. Mais, à l'heure actuelle, on ne peut pas affirmer que l'implantation de services psychiatriques prévient le suicide.

M. Roy: Le Dr Maufette voudrait compléter, s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.

M. Maufette (André): Actuellement, Mme la ministre, il y a une étude qui se fait, à partir du DSC Saint-Luc en collaboration avec l'hôpital Jean-Talon, sur une approche qui, espère-t-on, pourrait réduire le taux de suicides avec un groupe de contrôle. L'étude est en cours depuis deux ans. On s'attend à terminer l'étude dans environ un an. On espère pouvoir démontrer si, avec tel mode d'intervention bien spécifique par rapport à la pratique habituelle, si vous voulez, de notre système de distribution de soins, il y aurait une différence dans le taux de suicides. Peut-être que cela pourra éclairer un peu nos connaissances.

M. Roy: Le Dr Garneau voudrait aussi compléter.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Garneau (Yvon): II y a peut-être une réponse indirecte à votre question sur l'efficacité de l'intervention psychiatrique face à la prévention du suicide. Effectivement, je ne connais pas d'étude qui ait démontré une relation directe entre l'intervention psychiatrique et la diminution du taux de suicides. Cependant, il y a beaucoup d'études qui démontrent une bonne efficacité de l'intervention psychiatrique qui se traduit par une diminution de la morbidité des maladies affectives, de la gravité et de la durée de ces maladies affectives. Or, comme une bonne proportion des suicides sont reliés à une morbidité des maladies affectives, on peut penser qu'il y a là une certaine démonstration indirecte de l'efficacité d'une intervention psychiatrique sur le taux de prévention des suicides.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je voudrais juste faire une remarque. Je vais prendre les centres de crise comme exemple. Vous semblez vous Inquiéter du fait que les centres de crise aient été mis sur pied à l'extérieur des centres hospitaliers où il y a des départements de psychiatrie. Je voudrais simplement vous dire... Il y a une affirmation dans votre mémoire dans le sens que cela n'a eu aucun Impact sur les urgences. Je suis un peu étonnée de votre affirmation aussi absolue. Pas plus tard qu'hier j'étais à la Cité de ta santé à Laval, où justement on fait une bonne utilisation du centre de crise du nord de Montréal et où cela a eu un Impact significatif - c'est le seul, je n'ai pas fait le tour des autres. Par coïncidence, hier, on m'en parlait.

Maintenant, je peux vous dire qu'on n'a pas la réponse, à savoir. Est-ce que ce serait mieux rattaché à un hôpital? On a longtemps débattu là où lis devraient être rattachés et, évidemment, ces centres de crise, qui sont des ressources nouvelles, sont suivis de très près; Ils vont être analysés. S'il y a un virage ou des modifications à faire... C'est peut-être un peu gratuit de ma part, mais j'ai comme l'impression, que tout ce qui ne se situe pas dans - il me reste deux minutes - le sillage immédiat de l'hôpital, on devrait... Ce n'est pas ce que vous dites, mais on a l'impression qu'il faudrait remettre en question la validité ou l'efficience, si on veut, des services qu'ils rendent. Pourtant, quand on regarde la réalité, le psychiatre traite un patient en état de crise ou même en état de problème aigu de comportement, etc., mais un jour, tôt ou tard, il retourne dans la communauté. À ce moment-là, on a vraiment l'Impression que, pour un grand nombre de ces personnes, les seules ressources qu'elles retrouvent, ce n'est plus le psychiatre qui, lui, continue de fonctionner et de voir ou de traiter de nouveaux patients en milieu hospitalier, mais c'est vraiment tout ce que l'on retrouve dans la communauté qui lui permet de faire une adaptation plus ou moins bonne et, finalement, de fonctionner le mieux possible dans la communauté. (10 h 45)

J'ai l'impression, en lisant votre mémoire, que peut-être... D'une part, vous dites: "ce qui est alternatif s'oppose à nous', mais je ne suis pas convaincue que vous n'ayez pas les mêmes sentiments vis-à-vis d'eux. Ce sont deux remarques générales. La dernière question que je

voulais vous poser...

M. Roy: Est-ce qu'on pourrait réagir? Le Dr Grunberg et le Dr Bernler voudraient faire un commentaire sur ce que vous venez de dire.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais je n'aurai plus ma dernière question. Laissez-moi vous la poser et vous pourrez réagir quand même.

M. Roy: Sans mettre en cause votre temps que le président de la commission tient..

Mme Lavoie-Roux: Ah! ce n'est pas le mien qui sera mis en cause, mais celui de mes voisins! Peut-être qu'ils y reviendront..

M. Chevrette: ...répondu par anticipation à l'une des miennes, pour permettre la vôtre.

Mme Lavoie-Roux: Répondez et je reviendrai avec ta dernière, d'accord.

M. Grunberg: Vous avez parfaitement raison en disant que l'urgence de la Cité de la santé de Laval et le centre d'intervention sont très bien articulés. Au fond, ils ont créé un programme d'intervention de crise avec une composante médicale Importante et les médecins s'y impliquent..

Mme Lavoie-Roux: Je pense que ceta ne doit pas s'opposer, d'ailleurs.

M. Grunberg: ...considérablement Ailleurs, malheureusement, cette dichotomie entre le biologique et le psychosocial, si l'on peut dire, s'est maintenue. Vous me permettrez, Mme la ministre, de soutenir qu'il existe un préjugé à savoir que, parce qu'un service est rattaché à un service hospitalier, on ne peut développer un service communautaire. Cette dichotomie étanche, pour moi, n'a pas de bon sens. Si on regarde toute l'histoire de la psychiatrie communautaire au Québec comme ailleurs, elle est partie des hôpitaux. C'est à partir des hôpitaux que se sont développés énormément de services communautaires insuffisants.

Il me semble que ce sont quand même des ressources qui ont été utilisées et, si elles avaient été intégrées aux urgences psychiatriques, elles se seraient articulées beaucoup mieux qu'elles ne le sont actuellement.

M. Roy: Dr Bernier, s'il vous plaît.

M. Bernier (Jacques): En fait, Mme la ministre, c'est seulement pour souligner que les psychiatres ne veulent pas moins collaborer avec tous les autres gens qui travaillent en santé mentale, que ce soient les paramédicaux, les ressources alternatives et communautaires. Ce qu'on reproche, c'est qu'il y ait des organismes créés parallèlement et qu'en même temps on nous demande d'avoir une approche complète, globale et humaine. Mais, lorsque vient le temps justement, après la crise aiguë, de retourner le patient dans son milieu, on n'a pas les ressources ou les communications suffisantes ou les capacités de le faire parce qu'il y a d'autres organismes qui poussent à côté, qui sont autonomes et qui, parfois, nous disent de retourner dans notre cour.

Ce qu'on voudrait, puisque vous reconnaissez que nous sommes des spécialistes, que nous avons la formation et la compétence pour te faire, c'est d'avoir notre mot à dire là-dedans et être capables d'avoir un certain contrôle sur ce qui se passe dans l'élaboration de ces ressources. Sur ce point, on pense que ce n'est pas nécessairement la création de nouvelles ressources, mais plutôt l'analyse du système qui est en place, en vue de l'améliorer, d'apporter des ressources à celles qui existent déjà et favoriser aussi le travail avec les autres professionnels qui vont faire que les patients seront mieux suivis à tous les moments de leur évolution.

La dernière chose que j'ajouterais, c'est ceci: quand on parle de biopsychosocial, ce sont trois notions qui ne sont pas additives, mais plutôt Intégratives, c'est-à-dire que lorsqu'on les possède et qu'on est capable de les appliquer elles permettent à l'individu de faire une intégration d'un problème au niveau systémique. C'est à partir de cette intégration qu'on peut déterminer où le patient va bénéficier le plus d'une approche biologique, psychologique et sociale. C'est à ce moment-là que le psychiatre est le mieux placé pour référer son patient à un autre professionnel qui va pouvoir agir sur la partie qui lui semble la plus importante à ce moment-là. Je m'excuse d'intervenir à ce moment-ci, mais cela répond un peu plus à votre première question du début. Merci beaucoup.

Le Président (M. Baril): Dernière question, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: La dernière question... Je vais les laisser aux autres, je vais simplement les mentionner. Il y en avait une relativement à la distribution géographique en vous faisant remarquer que les universités ont aussi un rôle important à jouer. Oui, je vous la laisse, sur la question géographique.

Il y en avait une autre sur la formation psychiatrique des omnipraticiens. On a eu une petite discussion là-dessus l'autre jour avec l'association des psychiatres et la réponse n'a pas été très satisfaisante. On pourrait reparler longtemps de toute cette question.

M. Roy: Mais nous avons la réponse, Mme la ministre. Profitez-en pendant que vous nous avez autour de la table. Le Dr Grunberg est prêt à Intervenir si l'Opposition y consent.

Mme Lavoie-Roux: Oui, ouf, je lui laisse la

géographie et donnez-moi la formation.

M. Grunberg: Je suis éducateur quand même et, comme vous le savez, je suis coordinateur de l'enseignement. Il est vrai que la formation des omnipraticiens par le passé en psychiatrie laissait beaucoup à désirer mais, depuis dix ans, la psychiatrie a un rôle aussi important dans la formation des médecins que les autres spécialités médicales. La psychiatrie est une des spécialités majeures où les futurs médecins font des stages. Ceci va s'améliorer encore davantage avec la formule qui est maintenant en place de deux ans de médecine familiale, où la formation en psychiatrie est extrêmement importante. Je pense au Dr Gagnon qui enseigne. Vous pourriez peut-être faire quelques commentaires là-dessus.

M. Gagnon: Je peux dire qu'à tous les niveaux il y a des programmes d'enseignement à partir du début des études médicales. Un des programmes qui est intéressant, c'est au niveau de la médecine familiale où, à ce moment-là, on voit des patients et c'est ciblé sur les clientèles habituelles et non pas sur la clientèle de psychiatrie lourde. Alors, il y a des programmes de formation pour les omnipraticiens qui font avant tout de la psychiatrie, qui en font majoritairement je dirais, mais il y a d'autres programmes de formation qui sont beaucoup plus généraux et qui touchent l'omnipraticien qui va faire du bureau tout seul, qui va travailler plutôt avec une clientèle régulière. Alors, cela touche plutôt les réactions du patient à la maladie, cela touche tout le domaine des troubles d'adaptation, le dépistage des maladies affectives, entre autres. Évidemment, on n'essaie pas de lui faire voir des schizophrènes, mais plutôt de bien identifier, par exemple, jusqu'à quel point quelqu'un est malade et jusqu'à quel point il faut Intervenir plus avec de la psychothérapie qu'avec des médicaments. C'est ciblé plus sur la clientèle habituelle de l'omnipraticien. C'est déjà en application un peu partout dans nos universités.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie et je remercie l'Opposition de m'avoir donné le temps supplémentaire.

Le Président (M. Baril): M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, tout d'abord, en langage de hockey, on dit que la meilleure défensive est l'attaque. J'ai compris que vous vous étiez préparés en fonction de cela, si je me fie à la réponse par anticipation à une question que j'allais sûrement vous poser, c'est bien évident.

Je trouve Intéressante la manière dont vous avez abordé le dossier ce matin parce que je m'attendais à une autre approche plus traditionnelle, surtout de la corporation des médecins. Je pense que c'est franchement une amélioration déjà, dans le sens suivant C'est que vous acceptez la multidisciplinarité en expliquant que chaque corporation professionnelle est très autonome, c'est-à-dire que chacun défend son jardin, mais accepte de travailler avec les autres à l'intérieur de son propre jardin. C'est une façon de voir les choses, mais cela ne me convainc pas, d'autre part, de l'efficacité d'une multidisciplinarité quand on est d'abord et avant tout jaloux de son propre jardin.

Vous savez qu'il est vrai que les psychologues sont venus nous dire vous avez raison - qu'ils avaient un rôle à jouer, mais je n'ai pas l'impression qu'ils défendaient exclusivement leur jardin parce qu'ils ne sont même pas là. Ils ne sont même pas dans certains hôpitaux pour y jouer un rôle qu'ils pourraient jouer concrètement Sur cette partie, votre mémoire est très révélateur. Effectivement, il y a un manque à gagner de plusieurs professionnels qui pourraient jouer un rôle important

D'autre part, je pense aussi qu'il y a des ressources manquantes. Bien souvent, le médecin est obligé de faire plus parce que, précisément, il n'y a pas de travailleurs sociaux, il n'y a pas de ci, il n'y a pas de cela. On est porté, peut-être d'une façon injuste - c'est possible - à vous taxer de vouloir médicaliser à outrance le traitement de ta santé mentale. Je pense qu'on a peut-être des torts. Il faut savoir les prendre.

Mais je partirai quand même avec ma marotte: Comment voyez-vous, Dr Augustin Roy - ma question s'adresse spécifiquement à vous, et non pas aux autres - la répartition des psychiatres? On sait qu'il y en a beaucoup à Québec et à Montréal. Êtes-vous d'accord avec cela? Trouvez-vous, comme les autres qui sont venus nous dire qu'il en manquait à Montréal, que c'est vrai puisque vous nous dites dans votre mémoire qu'il y a une mauvaise répartition? J'aimerais que vous conciliez cela avec le fait que les autres disent qu'il en manque à Montréal. S'il y a une mauvaise répartition, faudrait-il qu'il en manque partout? Il faudrait qu'on corrige la situation. Je comprends que vous vous êtes couvert très bien en ajoutant qu'il faudrait en former plus, mais j'aimerais vous entendre quand même.

M. Roy: Merci. M. le chef de l'Opposition. Juste un mot, avant de parler de la répartition, sur le rôle multidisciplinaire de tous les intervenants. On dit qu'il y a de la place pour tout le monde, mais chacun doit être à sa place selon sa formation, selon le rôle qu'il a à jouer. C'est comme dans une équipe de hockey: s'il y avait seulement des ailiers, il y aurait peut-être beaucoup de buts "scores" d'un côté ou de l'autre, mais ce ne serait pas une partie de hockey. Il faut travailler en équipe, il faut que chacun joue bien son rôle.

En ce qui concerne le nombre de psychiatres, comme pour le nombre de médecins en général, il n'y a pas de chiffre magique. Évidemment, toutes sortes de ratios sont donnés selon

diverses études, mais force nous est de constater que tout le monde ne peut pas avoir tort quand à peu près tout le monde demande des psychiatres dans les régions excentriques, isolées. Tout le monde accepte cela, même dans les régions périphériques à Montréal, y compris la belle ville de Joliette, Saint-Jean, Saint-Jérôme, y compris même des hôpitaux à Montréal, Pinel, Rivière-des-Prairies, même de plus gros hôpitaux, Louis-H.-Lafontaine, Douglas, d'autres que je ne mentionne pas qui nous demandent des psychiatres et qui nous demandent de faire appel à des médecins étrangers pour les dépanner, des psychiatres étrangers, généralement d'origine française qui, entre parenthèses, ont très bien servi le Québec et nous sont d'un apport précieux.

Il me semble que les besoins sont immenses, que la population vieillit, que la psychiatrie a été démystifiée. La demande de soins psychiatriques est insatiable, les gens sont moins gênés de consulter des psychiatres, particulièrement dans les villes, les gens ont une plus grande attente de la vie, les gens savent qu'ils ont droit à la santé. Force nous est de constater que les gens, dans la société actuelle, ne veulent plus souffrir; ils veulent, je ne dirais pas le bonheur, mais presque, et s'attendent à la guérison, et même aux miracles. Je lisais dans Le Soleil - j'étais presque scandalisé - qu'au cours des mois de novembre et décembre les Québécois, surtout de la région de Québec, allaient se faire traiter aux États-Unis par des solutions soit disant miraculeuses, en -se faisant exploiter royalement. Cela n'a pas de bon sens, mais il semble que ce soit un fait avec lequel on est obligé de vivre. Il y a donc un besoin immense.

Compte tenu de ce besoin, on constate, par ailleurs, qu'il y a beaucoup de psychiatres à Montréal. C'est vrai, les trois quarts des psychiatres sont à Montréal. J'ai les dernières statistiques, d'ailleurs, je les ai reçues hier, faites par le Groupe interdisciplinaire de la santé, M. Contandriopoulos, à la fin de 1986. Il y avait 739 psychiatriques au Québec - à peu près 750 maintenant - dont 472, à peu près 500, étaient à Montréal et 100 à Québec. Donc, il n'en reste pas beaucoup pour les autres régions. Même à Montréal, on manque de psychiatres, c'est difficile d'avoir un rendez-vous. Comment expliquer cela? Je vous dis que ce n'est pas simple. Est-ce que c'est une question d'organisation? Est-ce que c'est une question de rémunération? Est-ce que c'est une question de productivité? Il y a beaucoup de raisons qui peuvent être invoquées.

En 1984, nous avions demandé au ministère de la santé, à l'époque, et au sous-ministre qui était là, M. Deschênes, la possibilité de faire, conjointement avec le ministère, une étude raffinée des besoins en psychiatres, pour avoir les réponses aux questions que l'on se pose, il y a des psychiatres. Que font-ils? Quelle est l'influence du mode de rémunération? Quelle est l'Influence de la gravité des cas, du phénomène de la porte tournante, des malades chroniques de plus en plus nombreux qui se présentent aux urgences, de la désinstitutionnalisation qui ramène constamment les mêmes malades dans les hôpitaux? Il semble qu'il manque de psychiatres partout, mais le phénomène est particulièrement aigu dans les régions périphériques et excentriques, et c'est Inacceptable dans une société comme la nôtre où les lois garantissent l'universalité des services de santé, l'accessibilité à tous tes citoyens. Je dis que les citoyens des régions métropolitaines de Québec, Montréal et Sherbrooke ont droit à des services de qualité sur le plan psychiatrique. À ce moment-là, il faudra leur donner ces services. (11 heures)

Comment les donner? La responsabilité incombe au gouvernement actuel, et je l'ai dit il y a longtemps au gouvernement actuel et aux gouvernements antérieurs. Je sais, évidemment, qu'il y a plusieurs méthodes qui peuvent être utilisées pour amener une répartition. Vous m'avez posé une question à titre personnel parce qu'il n'y a pas de politique officielle de la corporation des médecins sur cela. C'est très difficile, évidemment, comprenant la position que j'occupe et aussi te rôle, par ailleurs, d'une corporation professionnelle qui est de protéger le public. Je dois vous dire que, d'après moi, il y a cinq façons d'assurer au public une bonne répartition des médecins.

D'abord, il faut réaliser que l'on vit dans un régime étatique de soins de santé. On aurait donc la possibilité de garder le statu quo qui a donné des résultats décevants. Mais, comme on vit dans un régime étatique de santé où les lois du marché ne jouent plus ou pas, ou beaucoup moins qu'avant, je crois que l'État a l'obligation de participer davantage à la distribution des ressources et de les partager de façon à s'assurer que les principes de l'universalité, de l'accessibilité et de l'égalité des citoyens soient respectés parce que le système actuel, le statut actuel, ne peut durer indéfiniment. Donc, on pourrait faire le statu quo, mais je pense qu'il faut changer.

L'autre solution qu'on pourrait utiliser et qui est à la disposition de l'État, c'est le "billing number". C'est constitutionnel. Il n'y aurait pas de danger de se faire renverser devant le tribunal. Cela a été éprouvé en Colombie britannique. Les gouvernements le savent. Ils connaissent la suggestion, mais se répugnent à l'utiliser parce qu'ils voient là une certaine contrainte, une certaine coercition et on a crainte de déplaire à des gens.

La troisième solution, ce sont les leviers tarifaires. Par la modulation des tarifs selon les besoins des régions et les besoins des établissements, on pourrait certainement jouer sur la main-d'oeuvre. Par exemple, on pourrait dire à un endroit où il n'y a pas de psychiatre ou peu, disons Sept-îles, qu'on paie 150 % du tarif en ce

qui a trait à la vacation et à Montréal, où on dit qu'on en veut moins, on paie 50 %. On décourage les gens. Alors, on peut jouer éternellement avec les tarifs. Mais c'est une solution à la disposition des gouvernements, en collaboration, évidemment, avec les syndicats médicaux et les fédérations médicales. C'est certainement une solution qui pourrait aider à une distribution des médecins, sauf que ça pourrait chasser des médecins du Québec, ça pourrait les envoyer en Ontario; on le voit dans la région de Hull-Ottawa.

L'autre méthode, la quatrième méthode de distribution, c'est celle que le gouvernement actuel a choisie par la loi 75. C'est ce que J'appelle le "billing number" à l'envers. C'est la même chose. Les médecins ne l'ont pas réalisé encore, par ailleurs, et je pense que c'est la pire des méthodes que le gouvernement a choisie. Par le biais des plans de régionalisation des hôpitaux, des conseils régionaux, approuvés par le gouvernement, on peut finir par distribuer l'effectif médical, mais on va imposer là un système extrêmement bureaucratique et technocratique que tes médecins vont regretter et que la population va regretter également, avec le temps, parce que la population va se voir diminuée dans sa mobilité de consulter là où elle veut et qui elle veut dans le domaine de la psychiatrie. Comme cette loi 75, chapitre 57 je pense, ne tient pas compte des établissements privés, c'est peut-être aussi difficile à appliquer parce que les psychiatres pourraient choisir d'aller en cabinet privé et de ne plus fréquenter l'hôpital et, là, on va peut-être aggraver la situation et arriver à des incongruités. Supposons que la région de l'Abitibi soit remplie, à un moment donné, parce que rendue avec 30 psychiatres, un médecin originaire de l'Abitibi qui serait psychiatre et qui voudrait retourner chez lui ne pourrait même pas le faire à moins qu'un poste ne se libère en Abitibi.

Alors, je pense que c'est un système technocratique, bureaucratique que le gouvernement veut appliquer dans son cadre de référence qui, en adoptant une formule mathématique très rigide, va causer des problèmes.

La dernière solution, la cinquième que j'ai mentionnée à plusieurs reprises - des fois, on a interprété ça de différentes façons - j'appellerais ça l'engagement volontaire. La coercition, ça fait peur à tout le monde, y compris au gouvernement et même à l'Opposition, parce qu'on est souvent vertueux mais, quand il s'agit d'adopter des principes et de les mettre en application, on a des craintes.

Dans le contexte actuel, Je me dis, puisque je ne parle pas de coercition, mais d'engagement volontaire, que personne n'est obligé d'étudier la médecine. Personne n'est obligé d'être député, d'ailleurs. C'est volontaire. Alors, on n'est pas obligé d'étudier la médecine. On choisit de le faire parce qu'on aime être médecin. On n'est pas obligé de devenir psychiatre. On choisit de le faire parce qu'on aime faire de ta psychiatrie. Il serait simple, facile pour un gouvernement - facile, évidemment avec certains écueils, il faudrait être capable de résister à certaines pressions, certains lobbies - d'établir des règles du jeu claires, à savoir que lorsqu'un étudiant veut entrer en médecine ou dans une spécialité il accepte volontairement d'aller dans des endroits où on a besoin de lui. Cela ne veut pas dire nécessairement la brousse, cela peut vouloir dire, comme je le disais tout à l'heure, Joliette, Saint-Jérôme, Saint-Jean, Granby, Saint-Hyacinthe et Pinel, là où on a besoin de lui. C'est bien sûr que cela crée certaines entraves, mais les autres systèmes vont créer également des entraves.

Je me dis que les conditions actuelles d'entrée en médecine doivent être révisées et examinées attentivement et, là, le gouvernement a un rôle à jouer parce que cela ne peut pas venir des professionnels eux-mêmes, cela ne peut pas venir des universités, cela ne peut venir que du gouvernement II est devenu même inacceptable en ce qui me concerne, même si on tente de le temporiser un peu, de le modérer en médecine par le biais d'entrevues dans certains cas, que le critère principal d'admission en médecine soit tes notes d'études du cégep II est inacceptable qu'il faille être dans les sept ou huit premiers centiles pour pouvoir être admis en médecine, selon les notes du cégep. Cela n'a pas de bon sens. On ne tient pas compte des valeurs humaines des gens, on ne tient pas compte de l'empathie. Je sais et beaucoup de députés, de ministres, d'anciens députés, d'ex-ministres également me disent toujours la même chose, à savoir qu'ils sont d'accord avec ce que je dis sur le plan de l'obligation des notes extraordinaires pour pouvoir entrer en médecine, mais personne n'a jamais eu le courage d'affronter la situation et de dire qu'assez, c'est assez. On va tempérer ça en créant d'autres critères selon des cadres Juridiques, législatifs parce qu'il faudrait que ce soit fait par la loi; autrement, ce sera renversé par la Commission des droits de la personne et par les tribunaux. Il faut qu'il y ait d'autres critères que celui...

Le Président (M. Baril): Docteur, voulez-vous, s'il vous plaît...

M. Roy: ...des notes pour pouvoir être admis en médecine.

J'ai fait un tour d'horizon très large, mais je sais que le chef de l'Opposition a bien d'autres questions.

Le Président (M. Baril): II serait important de raccourcir vos réponses, Dr Roy, s'il vous plaît, parce qu'il y a d'autres...

M. Chevrette: D'ailleurs, je ne prendrai pas de chance. Je vais faire un commentaire avant de vous reposer des questions; sinon, je n'en

poserai pas une.

Dr Roy, j'ai hâte que votre opinion personnelle en vienne à être partagée par vos collègues. Vous semblez vivre ce que les enseignants ont déjà vécu dans le passé, c'est-à-dire le conflit du corporatisme versus le conflit du syndicalisme. Je partage plusieurs de vos Idées là-dessus et un des points de convergence qu'on a - aux yeux du public, on n'en a jamais eu trop, trop... Sur ce point précis, je demeure convaincu que c'est Inadmissible que l'État ait à payer des mesures Incitatives pour assurer une qualité de soins dans les régions éloignées. Personnellement, je partage ce principe, je trouve cela inconcevable. Il peut y avoir des primes d'éloignement parce que ça coûte plus cher pour se perfectionner, etc., mais qu'on soit obligé de mettre un sac complet de suçons pour venir à bout d'en avoir quelques-uns en région, je trouve ça épouvantable.

M. Roy: Et, pourtant, vous l'avez toléré pendant que vous étiez ministre.

M, Chevrette: Oui," oui, je l'ai toléré, mais vous vous rappellerez, par exemple, qu'on s'est assis ensemble et que j'ai dit: On s'en va vers autre chose, ça n'a plus d'allure.

M, Roy: Oui.

M. Chevrette: Cela avait été mis en place avant que je n'arrive et, justement, je trouvais ça tellement Inconcevable que je vous l'ai dit en commission parlementaire, Ici. Vous devez vous en souvenir. Je l'ai surtout dit à vos collègues, présidents de fédérations par exemple, spécialisés et omnipraticiens. Personnellement, je n'accepte pas qu'il n'y ait qu'une seule profession au Québec, c'est la Corporation professionnelle des médecins... Les médecins peuvent aller où ils veulent, quand Ils le veulent, créer une disparité épouvantable dans les services, une concentration à Montréal... S'ils veulent tous aller à Montréal, ils y vont tous alors que vous savez très bien, par exemple, que les enseignants, que je connais plus, sont engagés proportionnellement au nombre d'enfants. C'est bien dommage, même si la moyenne d'âge augmentait jusqu'à 50 ans, présentement, il n'entre pas de jeunes parce qu'il y a eu dénatalité et l'enseignant qui veut travailler s'en va en Abitibi, s'il y a une place, ou sur la Côte-Nord et, s'il ne le veut pas, il se réoriente dans une autre carrière.

Présentement, au Québec, dans les corps médicaux on peut se retrouver, par exemple, avec une concentration d'anesthésistes à Montréal et on n'en a pas à Sorel, comme vous le dites. On n'en a même pas à Saint-Hyacinthe. Je trouve cela inacceptable sur le plan des principes sociaux. Vous dites bien vous-même que c'est à l'État d'intervenir et je suis d'accord avec vous. C'est vrai que ce n'est pas facile. Cela met en contradiction les principes d'accessibilité libre et totale aux universités.

Bien sûr, si on décidait que sur 250 nouveaux étudiants par année il y a 75-76 places réservées à des jeunes qui veulent aller en région, pour en venir à rééquilibrer les services, je pense que cela pourrait se faire, indépendamment des notes, comme vous dites. Il ne faudrait pas verser dans l'excès contraire non plus. Il pourrait y avoir des balises à tout cela.

Ce sont des propositions qu'on a faites, soit dit en passant, aux groupes il y a deux ans et demi ou quelque chose du genre. Je vous rappellerai qu'on avait étalé une série d'hypothèses. J'allais jusqu'à parler aussi d'enveloppe budgétaire, si vous vous rappelez, par région. Parce que si les contribuables de l'Abitibi ou de la Basse-Côte-Nord sont taxés à 25 % ou 30 % sur leurs chèques de paie, Ils ont le droit d'avoir des services autant que les gens de Montréal qui ne sont pas plus taxés que les gens de l'Abitibi, de la Basse-Côte-Nord ou de la Gaspésie. Je partage cela à 100 milles à l'heure, sauf que cela reste au niveau des Individus. Chaque fois qu'on veut faire franchir un pas dans ce domaine, ce sont les mesures incitatives, point. Et cela, je vous jure que je vous appuierais comme président de corporation. Je vous trouverais encore meilleur si vous réussissiez à convaincre vos présidents de fédérations.

À ce moment, cela permettrait peut-être au gouvernement, si on arrivait avec des formules... Je souhaite que cela soit volontaire, que ce soit un consensus, car c'est de beaucoup supérieur, beaucoup plus valable comme société, mais si on n'est pas capable de le faire, il va falloir donner le coup de barre.

Est-ce qu'il y a beaucoup de pays qui ont un ratio illimité? Vous savez ce qui est arrivé en France avec le surplus de médecins concentrés. Cela a dévalorisé ta profession, d'une certaine façon. Il y a 14 000 médecins qui se sont retrouvés vous savez comment, à un moment donné. On ne pourra pas continuer sans contrôle budgétaire. C'est une question de sous au bout de la course. Si on n'est pas capable de répartir les médecins en fonction d'un ratio de population, je dis que l'État manque le bateau. Vous avez entièrement raison, quelle que soit la formation politique, à part cela. Je suis d'accord avec vous.

Deuxièmement, je pense que pour notre société comme telle, plus on retarde, plus on aggrave le problème. Je suis convaincu de cela. Sur cette partie, continuez à prêcher mais, si j'étais vous, je commencerais à faire de la conciliation, de la médiation à l'intérieur de vos fédérations, parce que le jour où les médecins vont ouvrir concrètement pour accepter une certaine répartition sur une base volontaire, on arrêtera peut-être de songer aux mesures coercitives. Je vous dis très honnêtement que je pense que ce serait la seule solution, la seule logique. Je maintiens, je répète, je maintiens que cela n'a pas de bon sens. Quand vous avez un ratio, à

Montréal, de 1 sur 700 dans certaines spécialités par rapport à 1 sur 2000 ou 1 sur 3000 en région avec des déplacements Immenses, cela n'a pas de maudit bon sens. Vous le savez très bien. Pourtant, votre ratio de 1 sur 600, est-ce que vos médecins font moins d'argent qu'avec un ratio de 1 sur 2000? Pas un cent de moins! Parce que c'est un paiement à l'acte.

Vous savez très bien, Dr Roy, comme président de corporation - je m'adresse non pas au syndicaliste, mais au responsable d'une corporation - que cela développe une disparité. La concentration de médecins provoque des vices du système. Quand il y a une trop forte concentration, il y en a qui se spécialisent. Vous en avez vu dernièrement, ils se spécialisent même dans l'émission de certificats médicaux. Il faut faire très attention parce que quand ton agenda est libre le mercredi...

M. Roy: Ne m'embarquez pas sur un autre sujet

M. Chevrette: Je ne vous embarque pas sur un autre sujet, je vous dis que c'est le danger quand il y a une trop forte concentration dans un milieu. Cela crée des besoins, le bobo est peut-être plus laid. C'est humain, pas plus pour un médecin. C'est la même chose dans toutes les catégories. Si on concentre trop, vous savez ce qui arrive. On se développe des champs, on est moins rigoureux. Et cela, à mon point de vue, on ne devrait pas l'accepter comme société.

Ma question, avant de vous donner la parole, parce que Je sais que vous voulez commenter mes commentaires...

Le Président (M. Baril): M. le chef de l'Opposition, je vous ferais remarquer qu'on n'a plus de temps depuis quelques minutes. J'aimerais que vous posiez votre question et, en même temps, que vous fassiez vos remarques finales.

M. Chevrette: II faut bien que je m'adapte au client

Le Président (M. Baril): Je suis d'accord mais...

M. Chevrette: J'ai posé une question et il a pris tout mon temps. Alors, je voulais dire des choses.

Le Président (M. Baril): Je vous comprends. Mais j'aimerais que vous fassiez vos commentaires en même temps, en terminant

M. Chevrette: Je n'ai pas d'objection, mais, M. le Président, comme vous êtes nouveau à cette commission, je voudrais vous dire que Mme la ministre et moi-même ne nous sommes jamais chicanés.

Le Président (M. Baril): Je ne le voudrais pas non plus. (11 h 15)

M. Chevrette: Cela ne me dérange pas. J'ai été gentil avec elle. Son temps était écoulé, je l'ai laissée parler. Je l'ai laissée poser les questions que je voulais poser sur mon temps.

Le Président (M. Baril): Si j'ai le consentement...

M. Chevrette: Voulez-vous me laisser en poser une?

Le Président (M. Baril): Bien oui.

M. Chevrette: Parfait!

Le Président (M. Baril): Cela me fait plaisir.

M. Chevrette: C'est un gars de l'Abitibl, il doit comprendre cela. Il est en région périphérique. Il y a un manque de médecins.

Le Président (M. Baril): C'est un sujet qui me touche. Allez-y, M. le chef de l'Opposition.

M. Roy: Une petite chose, avant que vous posiez votre question.

M. Chevrette: Oui. Allez-y.

M. Roy: Deux secondes. Il ne faut pas rêver en couleur. Il ne faut pas s'illusionner, évidemment, sur les pouvoirs de la corporation, sur les pouvoirs que j'ai. Je peux dire: Donnez-nous les pouvoirs de faire cette répartition et, moi, je vais la faire, cela ne prendra pas de temps. J'ai déjà voulu la faire, d'ailleurs, mais cela n'a pas réussi.

M. Chevrette: ...l'idée d'aller en politique?

M. Roy: Je dots dire que c'est facile de prêcher la vertu, mais c'est plus difficile de la pratiquer. Je me souviens très bien que dans le programme du Parti québécois, dans les premières années, alors que tout était vertueux et tout jeune, on avait dans le programme du Parti québécois un paragraphe sur la distribution des médecins dans les régions et le service social des médecins. Le Parti québécois a eu huit ans, si ma mémoire est bonne...

M. Chevrette: C'est pour cela que je n'ai pas compris pourquoi vous vous étiez présenté libéral.

M. Roy: ...au pouvoir, neuf ans pour le faire. Même te ministre de la santé, des Affaires sociales de l'époque, qui était favorable à cette mesure, n'a jamais pu la faire adopter parce qu'il y a une question de solidarité. On ne peut pas faire cela seul. Vous savez, évidemment, que ce n'est pas facile, il ne faudrait pas, par ailleurs,

être plus sévère pour les médecins qu'on ne l'est pour les autres et les traiter différemment Quand vous dites que les médecins peuvent chambarder tout le système, c'est vrai. Cela donne une idée du rôle important que le médecin joue et que souvent, évidemment, on n'apprécie pas à sa juste valeur. Le Dr Bernier aimerait faire juste un petit commentaire.

M. Bernier: M. le chef de l'Opposition, je pense que vous mélangez... Il y a des choses vraies, mais il y a des petits mélanges. Quand vous parlez de surnombre, il faut penser qu'il y a des omnipraticiens, qu'il y a des spécialistes et parmi les spécialistes, c'est bien connu que les psychiatres ne sont pas en surnombre. Vous dites vous-même que ça prend un ratio de professionnels par rapport à la population. C'est ça qu'on demande et il faudrait que vous sachiez qu'il y a des normes en Amérique du Nord, qui sont à peu près de 1 pour 8500, qui ne sont même pas atteintes à Montréal.

Ce que je veux dire, c'est qu'il y a une pénurie et, en plus, elle est mal distribuée. On a deux problèmes. La vraie solution à cela, c'est qu'il faut qu'en psychiatrie vous libériez des cartes pour qu'on puisse former de nouveaux psychiatres. Le principal problème qu'on a à envoyer des psychiatres en région... Moi, je suis allé en région. Drummondville, il y a cinq ans, c'était en région. C'était à 50 milles de Montréal, mais c'était loin. Ce qui m'a aidé à aller là, c'est que je n'étais pas seul. Un psychiatre qui est seul en "région éloignée ou dans une région ne peut pas tenir le coup. C'est sa santé mentale à lui qui est rapidement mise en cause. Il faut que le nombre augmente. À ce moment, vous n'avez pas besoin de mesures coercitives. Il va y en avoir assez à Montréal et, automatiquement, il va y en avoir qui vont aller dans d'autres régions. Ils ne se trouveront pas seuls à donner et à offrir tous les soins à une population.

En tout cas, c'est une partie de la solution. Ce n'est pas toute la solution, mais je voulais que vous teniez compte, au moins, de ces quelques remarques.

M. Chevrette: Mais ce n'est pas parce que je suis mélangé que je dis cela. Je peux vous dire que je suis au courant de l'évolution du ratio de médecins, y compris des comparaisons avec l'ensemble canadien et des comparaisons avec d'autres pays. Je ne dis pas qu'il ne manque pas certaines spécialités. Je suis entièrement au courant. J'ai eu des discussions extrêmement longues et intéressantes avec le Dr Roy là-dessus. Cela ne règle pas pour autant.

Quand vous me dites: Le psychiatre seul... Vous savez, sur la Basse-Côte-Nord, je n'en mettrai pas 40 pour la santé mentale du psychiatre. Je n'enverrai pas trois psychiatres parce que ça en prend un si le ratio est de 1 'sur 600 et qu'ils sont 600 âmes. Je m'excuse, on pourra peut-être lui permettre, par des conditions particulières, de sortir plus souvent, de venir se ressourcer, de venir se reposer, etc., mais il faut tenir compte de la réalité des milieux au Québec.

Même si on formait plus de psychiatres au Québec présentement, docteur, êtes-vous capable de me garantir que, demain matin, ils vont sortir à Montréal dans la conjoncture actuelle, s'il n'y a aucune mesure décidée, précisée d'avance autre qu'exclusivement les mesures des Incitatives? Vous ferez comme le Dr Augustin Roy. Vous vous tournerez vers Mme Lavoie-Roux et vous direz: Mme la ministre, intervenez, de grâce, c'est votre rôle. Allez-vous convaincre votre fédération de spécialistes d'accepter des mesures de répartition, par exemple, d'État? Allez-vous lutter sous une forme de menace de grève éventuelle, si jamais elle arrivait avec des mesures de répartition?

Là-dessus, comme Opposition, je l'appuierais. Je vous le dis tout de suite. Vous disiez qu'on était caché et qu'on avait peur. Ce n'est pas vrai. On n'a pas peur là-dessus. Je pense qu'on l'a déjà prouvé. Je n'ai pas peur de cela. Il va falloir en arriver là parce que, mol, je respecte autant le citoyen malade de l'Abitibi que le Montréalais. Il faut créer un équilibre dans les services. Si on n'est pas capable de s'en payer des corrects, on peut rendre parfaite la région de Montréal au point de vue des soins en psychiatrie parce qu'il en manque. À supposer que ce soit vrai, cela ne justifie pas l'absence totale de services psychiatriques dans certaines régions du Québec. C'est cela que je n'accepte pas; dans ma tête, cela ne clique pas. Ce ne sera peut-être jamais parfait à Montréal, mais cela va être au moins un petit peu mieux ailleurs. C'est cela que je dis. On n'a peut-être pas les ressources financières pour se payer un système parfait, mais on peut avoir les ressources et le souci, au moins à partir des ressources qu'on a, d'équilibrer les services et la qualité des services.

Ce sont mes propos, ce n'est pas une attaque aux corps médicaux, absolument pas, parce que je trouve que, là-dessus, la corporation est plus "parlable". Je vous félicite - ne m'en demandez pas trop - là-dessus d'avoir une vision au moins favorable à la répartition de l'effectif médical.

M. Roy: Nous sommes d'accord avec vous, M. le chef de l'Opposition. D'ailleurs, les derniers chiffres que j'ai - seulement pour rétablir les faits absolument correctement - font état qu'en 1986 le ratio population par rapport aux psychiatres était de 8840 personnes pour un psychiatre; les prévisions, pour 1990, sont de 8043 personnes pour un psychiatre. À Montréal, à l'heure actuelle, en 1986, c'est 4315...

M. Chevrette: C'est le double.

M. Roy: ...de population pour un psychiatre. C'est le double du ratio, alors que, dans cer-

taines régions, comme sur la Côte-Nord, c'est 34 000 de population pour un psychiatre. Alors, évidemment, à Montréal, on a atteint le ratio, mats, malgré tout cela, les gens disent qu'il manque de psychiatres. Là, II y a des faits bien importants.

Je dois dire seulement une chose que J'ai oublié de dire tantôt et qui s'applique aux deux partis politiques. On a demandé, à plusieurs reprises en commission parlementaire - on commence à en avoir l'expérience - d'être capables de discuter avec le gouvernement à titre de conseillers quand il y a des négociations avec les fédérations et jamais on n'a été consultés avant ta signature d'une entente qui influence, dramatiquement souvent, la pratique médicale. Je dois dire également que, depuis 1972, on fait des études statistiques; les gouvernements ont eu tous les chiffres et ils savent exactement vers quoi on s'en va. Il y aurait possibilité d'agir à condition d'avoir une volonté d'agir et à condition, évidemment, de ne pas avoir peur de déranger.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie. Alors, Mme la ministre, en conclusion, s'il vous plaît

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier la corporation, mais je voudrais seulement dire au Dr Roy une observation que j'ai faite alors qu'il expliquait, selon lui, les moyens qui devraient être pris pour arriver à une meilleure distribution des médecins.

Vous en avez donné quatre, mais la première, je l'oublie. Vous avez dit le "billing number", c'est constitutionnel. Vous n'avez peut-être pas dit pourquoi le gouvernement a peur de cela, mais vous avez insinué que cela pourrait être une méthode. La troisième, cela a été de dire: II y a toute la question de la tarification. On connaît tout le chahut que l'ancien gouvernement a eu quand il a Instauré la rémunération différenciée de 30 %.

Il en reste une dernière. Vous nous arrivez et vous dites: C'est la plus mauvaise, parce que cela va causer - les plans d'effectif médical... Cela se discute quand même à la table de concertation et II y a bien des choses qui se discutent à la table de concertation pour arriver, finalement, à définir quels sont les besoins réels d'effectif parce qu'il y a des divergences là-dessus. Vous savez, on veut tous aller au ciel, mais on ne veut pas mourir. La seule que le gouvernement ait retenue par la loi 75, vous y trouvez toutes sortes de vices. Peut-être les a-t-elle, on verra à la pratique, mais je trouve que, là, vous avez une méthode qui, normalement, devrait, si on a la collaboration de tout le monde, non pas pénaliser qui que ce soit, mais nous permettre d'en arriver à une distribution un peu plus juste.

Vous dites: Les gens de l'Abitibi, il n'y aura plus de place en Abitibi parce que votre plan d'effectif médical est tel; alors la personne qui voudrait rester en Abitibi sera obligée - ou je ne sais de quelle région - d'aller sur la Basse-Côte-Nord Vous auriez le même effet avec le "billing number*. Une fois que les numéros vont être remplis quelque part. Ils ne pourront pas rester en Abitibi, il faudra qu'ils aillent là où il y a de la place si on procède avec des enveloppes budgétaires, ce qui peut aussi être une autre formule intéressante, par région.

Vous nous dites toujours "oui, on est d'accord pour la distribution", et c'est toujours te discours que vous avez tenu, Dr Roy, je dois le dire, mais quand on arrive à appliquer une méthode, qui ne peut pas être parfaite - là-dessus, il n'y a pas de méthode parfaite, ce serait trop simple et on n'aurait même pas besoin d'en développer - vous y trouvez déjà toutes sortes de vices, alors qu'à mon point de vue elle est supérieure au "billing number". Vous dites que c'est le "billing number" à l'envers. C'est votre façon de voir les choses, c'est correct, mais il ne faudrait pas que, lorsqu'on en trouve une, vous y trouviez toutes sortes de vices parce que, à ce moment-là, on va toujours être dans un cul-de-sac. C'est tout ce que je voulais ajouter.

Je pense qu'on est tous conscients que la question de la répartition géographique est importante et, lorsque vous dites qu'il en manque à Montréal, II en manque à certains endroits. C'est fort connu. C'est légitime aussi, que des psychiatres veuillent peut-être fonctionner dans un milieu qui est moins chronicisé que, par exemple, Robert-Giffard, à Québec, ou Louis-Hippolyte-Lafontaine à Montréal. Alors, finalement, vous allez les retrouver dans un endroit comme le Allen ou Prévost - je ne sais pas si je dis des choses gratuites, mais pas trop, je pense - ce que je peux comprendre sur le plan humain. Ce n'est pas le manque de psychiatres à Montréal, parce qu'on a le plus bas ratio dans la population de toute l'Amérique du Nord à Montréal. Vous avez dit d'ailleurs que c'était un ratio convenable. Mais il y a encore des désirs fort légitimes des psychiatres de pratiquer, même à l'intérieur d'une grande ville, dans un milieu plutôt que dans un autre.

Tout cela pour dire qu'on a encore beaucoup de discussions à avoir sur toute la question de la distribution Mais, à un moment donné, je pense qu'on ne peut plus.. Cela fait 20 ans qu'on parle de distribution d'effectif médical au Québec et on est toujours devant la même problématique. Tout le monde nous dit: Ah! La bonne volonté-Bien, on Investit 20 000 000 $ pour la bonne volonté par toutes sortes d'incitatifs, et on se retrouve encore avec des disparités qui, sans corriger d'une façon parfaite, sont inacceptables.

M. Roy: Vous me permettrez un bref commentaire, Mme la ministre?

Mme Lavoie-Roux: Merci. Oui.

M. Roy: Évidemment, les questions de ressources financières qui sont très Importantes, ce sont les gouvernements qui doivent faire l'arbitraire. Mais j'ai nommé cinq méthodes et, d'après moi, la meilleure, c'est la question de l'engagement volontaire. J'ai parlé du "billing...

Mme Lavoie-Roux: ...nous aussi. M. Roy: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Nous sommes aussi pour cela...

M. Roy: Ouf, mais vous ne l'avez pas fait.

Mme Lavoie-Roux: ...pour autant que cela fonctionne.

M. Roy: Vous êtes pour la vertu, mais c'est difficile de la pratiquer. Le "billing number", cela se fait, mais la loi 75, c'est le 'billing number" à l'envers. Quand la loi 75 a été adoptée en juin 1986, on avait demandé de pouvoir se faire entendre en commission parlementaire et d'expliquer les réticences qu'on avait face à la loi 75. À ce moment-tà, ce privilège de pouvoir donner tes inconvénients de cette toi 75 ne nous a pas été accordé. Je ne veux pas être le prophète de malheur, mais je vous dis que cela va causer des problèmes majeurs. Il est malheureux que même nos médecins, nos membres, ne comprennent pas l'implication grave que cette loi aura si jamais le gouvernement a le courage politique de l'appliquer jusqu'au bout, mais je doute que le gouvernement ait le courage politique de le faire quand je vois surtout sa réaction face à l'article 1 de la loi 97 où on a reculé pas mal, pas mal trop à mon goût. Même l'Opposition a prêché la vertu, mais elle ne l'a pas pratiquée en votant contre l'amendement où on a été obligé de faire des restrictions à 25 % du nombre de médecins pour les régions éloignées, alors qu'on sait qu'on en a besoin dans les régions éloignées. On a eu peur des pressions des étudiants.

Je doute fort que la loi 75 soit mise en application, j'en doute très fort L'avenir nous dira qui a raison, mais je pense que ce sera un carcan épouvantable, si on la met en application, pour les médecins et, éventuellement, pour le public, et c'est la même chose pour les budgets régionaux. C'est facile à dire. Je m'attends que la commission Rochon d'ailleurs - sans vous donner de recommandations - mon "feeling" est que cette commission va recommander cela. C'est plaisant comme concept, mais j'ai hâte de voir les gens dans le champ.

Le Président (M. Baril): D'accord, Dr Roy. En conclusion, M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Je voudrais remercier également la corporation. Je dois dire au Dr Roy qu'il ne profitera sûrement pas du dernier mot pour se rappeler que les discussions à la commission étaient précisément en fonction d'ouvrir un débat très large et non pas réservées exclusivement aux étudiants en médecine. C'est d'avoir à une même table, pour régler définitivement le problème, les universités, la corporation, les fédérations de médecins ainsi que l'ensemble concerné, les CRSSS, etc. Il faut faire attention quand vous sortez un phrase du contexte, vous pouvez nous faire dire n'Importe quoi, vous, mais nous sommes Ici pour rectifier.

M. Roy: Je lis le Journal des débats...

Le Président (M. Baril): Un instant, s'il vous plaît! La conclusion va demeurer ici, si vous le voulez.

M. Chevrette: Bon, merci. C'est fini, mais je vous rencontrerai.

Le Président (M. Baril): Merci, docteur. Je m'excuse. La conclusion va demeurer ici.

M. Roy: Je pourrais déposer les dernières statistiques...

Le Président (M. Baril): Cela nous fait plaisir.

M. Chevrette: Oui, consentement

Le Président (M. Baril): Consentement. Je remercie beaucoup la Corporation professionnelle des médecins du Québec. Pardon? Oui, pour distribution aux membres, c'est sûr.

M. Roy: Merci beaucoup.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. J'invite notre deuxième groupe, la Fédération québécoise des associations des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale, à se présenter s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 30)

(Reprise à 11 h 39)

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plait!

La commission des affaires sociales se réunit encore une fois pour continuer d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

Je demanderais à nos invités de se présenter, s'il vous plaît.

Fédération québécoise des

associations des families et amis de

la personne atteinte de maladie mentale

M. Poirier (Paul-Émile): Tous tes membres qui sont ici sont des officiers de la fédération et également des officiers des associations locales,

À ma droite, 0 y a Mme Pauline Préfontaine, présidente de l'AQPAMM, Association québécoise des parents et amis du malade mentale, et M. Gilles Dupont, secrétaire de la fédération et vice-président de La Boussole. À ma gauche, il y a M. Henri Jobin, trésorier de l'association du Saguenay-Lac-Saint-Jean; Mme Thérèse Scapellini, co-présidente de l'ALPABEM, association de Laval; Mme Monique Stevenson qui, je crois, est secrétaire attachée d'une façon permanente au secrétariat de l'association de Laval, et M. André Forest, coordonnateur de l'association de l'Estrle. Également, il y a deux autres personnes qui n'ont pas trouvé place ici. C'est M. Fernand Forget trésorier de l'AQPAMM et je suis Paul-Émile Poirier, président de la fédération.

Le Président (M. Baril): Je tiens à vous souhaiter la bienvenue, M. Poirier. Vous avez 20 minutes pour nous lire votre mémoire.

M, Poirier: Je vous remercie. Nous aurions des documents à distribuer.

M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, même si nous jugeons que tous les points de notre mémoire sont importants, puisque nous sommes ceux qui vivons avec le malade et que nous sommes les personnes les plus intéressées à son bien-être, nous vous soumettons quelques points sur lesquels nous voulons attirer votre attention d'une façon particulière ainsi que quelques commentaires additionnels.

 la page 8 de notre mémoire, nous disons: Toute politique doit être faite pour corriger la situation faite aux personnes dont iI est fait mention dans la première réalité, c'est-à-dire les personnes qui souffrent de maladie mentale sévère et/ou chronique. Nous insistons sur ce point car, à ce jour, nous ne connaissons que quelques programmes tant au Canada, aux Etats-Unis qu'en Europe qui aient été de quelque secours pour les personnes qui souffrent de maladie mentale sévère. Nous vous référons au volume Surviving Schizophrenia de Torrey, publié en 1983.

Depuis 1963, le gouvernement américain a mis sur pied 789 centres communautaires de santé mentale, dont le coût de fonctionnement s'élève à 3 000 000 000 $. Le problème avec ces centres, c'est qu'ils n'ont jamais voulu s'occuper des schizophrènes, alors que leur objectif premier était la schizophrénie, C'est, de leur part, un échec flagrant C'est comme si le gouvernement américain annonçait, quinze ans après avoir créé des centres de traitement du cancer, que ces centres ont trouvé le moyen de traiter peu de cas de cancer, mais qu'en revanche ils ont traité beaucoup de patients souffrant d'acné.

Nous vivons au Québec la même expérience. Les CLSC, les organismes communautaires ne répondent pas aux besoins des personnes qui souffrent de maladie mentale sévère hors l'hôpital, ni à ceux de leur famille. Fernand Séguin, dans son livre La bombe et l'orchidée, dit qu'il y a en médecine des maladies nobles et des maladies honteuses, il existe des maladies qui déclenchent des réactions émotives et des maladies qui se perdent dans l'indifférence.

Qu'en est-il des maladies mentales sévères, de la schizophrénie? Ces maladies sont parmi les plus dispendieuses pour la société. Ces maladies obligent des mères, des épouses à un dévouement surhumain et créent, chez celui qui en est atteint, des souffrances physiques et morales atroces. Le pire handicap, c'est celui de ne pouvoir manifester, de ne pouvoir s'exprimer. Le handicap physique a tout au moins ce privilège.

Toute maladie est triste, mais comment se fait-il que l'on attache tellement d'Importance au SIDA et tellement peu aux maladies mentales? Certains journalistes emploient le mot "schizophrénie" lorsqu'ils veulent dire qu'une situation est odieuse. Qu'est-ce qui est odieux? La maladie ou le silence de la médecine. le silence de la société? Les maladies mentales sévères doivent faire l'objet de programmes spécifiques qui décriront le rôle de chaque Intervenant à la lumière des besoins du malade et de sa famille.

Un autre point que nous voulons souligner est la situation faite à la famille du malade. Avec ta désinstitutionnatisation, la famille est devenue le seul asile du malade. On a désinstitutionnalisé les malades, mais non le personnel, ni les budgets. Pourtant plus que te malade, plus que ses proches, les membres de sa famille sont intéressés à ce que le malade ait une vie viable. La famille ne vit pas de la maladie, mais vit avec le malade.

Dans les Institutions, il y a souvent trois employés pour un malade. Les malades sont regroupés pour faciliter le travail. Dans la famille, la mère, l'épouse est souvent seule 24 heures par jour, sept jours par semaine avec le malade, sans aide, Ignorante de la maladie, ne sachant quoi faire pour aider le malade, ne sachant quoi faire pour donner au malade une lueur d'espoir, ne sachant quoi faire pour se guérir elle-même de l'angoisse et souvent de la peur.

Cette triste réalité n'a pas intéressé grand monde depuis 1961. Cette triste réalité risque de se perpétuer si on ne donne pas à la famille des pouvoirs correspondant à ses responsabilités Alors que les membres des syndicats ont réduit leur semaine à 30 ou 35 heures-semaine, la famille demeure à 168 heures. il est difficile d'avoir mieux.

Il y a des faits vécus. Je veux tout simplement vous en citer un qui a été reproduit dans le dernier numéro de notre journal. Mme X est

suivie depuis plusieurs années par un psychiatre dû au fait qu'elle souffre de schizophrénie. Dernièrement, Mme X est très nerveuse. Elle est très agitée. Elle a deux enfants en bas âge dont elle n'arrive plus à prendre soin. M. X veut amener sa femme à l'hôpital. Celle-ci refuse de se faire soigner. M. X fait appel au psychiatre de madame. Celui-ci dit de la faire soigner. M. X lui demande alors un papier lui prescrivant un examen clinique afin d'avoir une ordonnance de la cour. Le psychiatre refuse de signer un tel papier, disant qu'il deviendra juge et partie dans ce cas. Quelle solution reste-t-il à M. X pour faire soigner son épouse? D'ailleurs, nous retoucherons à ce point-là, pour ce qui concerne la Loi sur la protection du malade mental, un peu plus loin.

Le rapport Harnols reconnaît le rôle de la famille, fait du malade et de sa famille le centre de ses recommandations. Qu'adviendra-t-il dans les faits? Il y a deux lois que nous craignons beaucoup. La loi du moindre effort et la loi du plus fort. Nous avons beaucoup de respect pour les personnes qui militent dans le domaine médical et dans le domaine social. Elles aident les gens qui sont dans les institutions. Elles aident les gens qui frappent à leur porte, mais qu'ont-elles fait jusqu'à maintenant pour ie malade hors de l'Institution et pour sa famille?

Nous voulons bien croire à la vertu des psychiatres, des psychologues, des omnipraticiens, des travailleurs sociaux, mais nous apprécierions que cette .vertu soit soutenue par les pouvoirs donnés aux familles. Tous ceux qui militent auprès des malades dans des institutions sont regroupés en corporation, en syndicat et ces organismes défendent bien leurs droits et leurs privilèges. La famille est seule. Elle est la cellule la plus faible de la société et nous savons ce qui advient de la cellule la plus faible dans tout organisme. Pas besoin d'être biologiste pour connaître la réponse.

À ce jour, les corporations, les syndicats ne se sont pas faits les apôtres du partenariat Nous ne croyons pas que le rapport Harnois ait un pouvoir de mutation de la nature humaine. C'est pourquoi nous demandons que le gouvernement donne aux familles le pouvoir de se regrouper en association, de se regrouper en fédération pour pouvoir défendre nos droits, pour pouvoir parler d'égal à égal avec les autres intervenants. Par exemple, si nous n'avions pas été regroupés en fédération, nous n'aurions pas pu nous faire entendre auprès du comité sur la politique de santé mentale, qui ne recevait que les organismes à caractère national. Peut-être même ne serions-nous pas ici aujourd'hui?

En 1962, il y a 25 ans, Jean-Charles Pagé écrivait Les fous crient au secours. En 1988, les familles crient au secours avec les fous. Nous souhaitons qu'en l'an 2000 cette anomalie soit corrigée et nous répétons que les personnes les plus intéressées à ce changement sont les malades et leur famille.

Voici quelques droits nécessaires à la famille pour l'aider à remplir le rôle que lui assigne le rapport Harnols: droit à l'Information sur tous les aspects qui concernent la maladie et la personne malade; droit également à une certaine formation pour pouvoir aider le malade dans son cheminement; droit d'être protégée lorsque la personne malade refuse de se reconnaître malade; droit de représenter le malade, de parler en son nom lorsque la maladie de ce dernier l'exige. Ces droits doivent être confirmés dans une loi.

L'ombudsperson" est un autre point que nous jugeons très important, l'autorité de l'ombudsperson" et la description de son rôle. L'"ombudsperson" doit être libre de ses faits et gestes à l'intérieur de son rôle. l'ombudsperson" peut être rattachée au service du Protecteur du citoyen ou encore être directeur d'un organisme qui voudrait rendre compte à Mme la ministre. Il a pour mission de surveiller l'application du programme qui sera mis en vigueur dans le champ de la maladie mentale. Il a le pouvoir de faire enquête et de faire rapport à l'autorité concernée.

Il y a quelques autres points que nous désirerions ajouter. Il n'y a presque pas de livres en français qui traitent du problème des maniaco-dépressifs et de la schizophrénie. Il y a quelques brochures de l'Association canadienne de la santé mentale et des amis du schizophrène traduites de l'anglais et, parfois, elles sont mal traduites, d'ailleurs. Le seul volume valable est celui traduit sous les soins du Dr Yves Lamontagne, Vivre et travailler avec la schizophrénie. Ce volume est incomplet. Il nous semble qu'il serait temps de corriger cette grave lacune et que chaque famille puisse obtenir une documentation adéquate lorsque se déclare la maladie.

Un volume que nous aimerions avoir en français est Schizophrenia: Straight Talk for Families and Friends, écrit par Maryellen Walsh. Les modes actuelles de thérapie nous paraissent archaïques. Les médicaments ont remplacé l'huile de Saint-Joseph ou l'eau de Sainte-Anne qui avaient au moins le mérite de faire des miracles. Jamais tes médicaments n'ont fait de miracles. Ils endorment le mal. Ne serait-il pas possible que les médicaments contrôlent les symptômes sans contrôler les personnes?

Il est sûr que les médicaments ont leur importance, mais ne serait-il pas possible de tenter des expériences où l'on met à contribution les propres moyens, les propres capacités du malade à prendre le contrôle de sa maladie, à s'autoguérir? Ne serait-ce pas le rôle que devrait jouer la médecine que de nous dire comment nous guérir?

Serait-il possible qu'une équipe de spécialistes étudient la possibilité d'Impliquer le malade dans sa guérison? Les malades nous disent qu'ils ont appris à prévenir leurs crises. Pourquoi ne pas regarder dans cette voie, puisque l'on nous dit que nous n'employons pas 20 % de nos

possibilités? Il nous reste une bonne marge à employer.

Ce serait une voie qui ouvrirait bien des possibilités à une équipe thérapeutique. Il y a des expériences de ce genre qui se font avec des personnes qui souffrent du cancer et, souvent, avec succès. Pourquoi n'y aurait-il pas des expériences de ce genre dans le champ de la maladie mentale?

Un autre point qui se rattache au précédent est celui du diagnostic et de la recherche. Nous recommandons l'organisation de deux centres dans la province où serait référée la personne dès qu'il y a symptôme de maladie mentale. Ces centres auraient les spécialistes et les appareils nécessaires pour poser un diagnostic adéquat et, si possible, rapide.

A ces centres de diagnostic serait rattachée une équipe de chercheurs de plusieurs disciplines qui travailleraient en collaboration avec les préposés au diagnostic. D'ailleurs, sur le même sujet, nous rencontrons ce soir une équipe de Robert-Giffard qui vient nous exposer un programme de recherche.

Nous avons dit que nous ne connaissions que quelques expériences qui nous paraissent efficaces. Sur le plan communautaire, il y a une organisation aux États-Unis qui vaut d'être étudiée et adaptée. Il s'agit de Fountain House, dont le siège social est à New York. Ces centres sont des clubs dont les membres sont atteints de maladie mentale sévère. Ces clubs sont administrés et entretenus par les personnes malades, avec la collaboration d'intervenants. Le club de New York a 1200 membres qui sont, pour la plupart, des personnes qui souffrent de schizophrénie. Il est Impératif que nous étudiions ces expériences.

A Toronto, Progress Place a fait une adaptation du programme de Fountain House. L'étude de ces expériences vaut d'être prise au sérieux. Une de nos membres, Mme Vesta Jobidon, vous a déjà parlé plus longuement de cette ressource. Nous reconnaissons que c'est plus prosaïque d'aller se promener à Toronto qu'en Europe, mais c'est peut-être aussi efficace.

À l'hôpital Baie des Chaleurs à Maria, en Gaspésie, l'expérience en cours vaut d'être étudiée et évaluée et probablement qu'avec quelques réajustements il y aurait possibilité d'avoir un programme très Intéressant.

La remarque la plus fréquente que nous entendons au sujet du rapport Harnois, c'est son coût. Il nous semble qu'avec un budget au Québec de plus de 8 000 000 000 $ pour la maladie il est possible de faire quelques choix. Les opérations de plus de 200 000 $ pour une seule personne doivent-elles avoir la préférence sur la recherche pour améliorer la qualité de vie de milliers de personnes?

Lorsque, à l'intérieur d'une société, une seule profession ne souffre jamais de chômage, est la seule à avoir un système de contingentement, est la seule dont les revenus de tous les membres excèdent 100 000 $, il nous semble possible qu'il y ait des économies, sinon des ajustements à faire. J'ai l'impression que les taxes que je paie pour mon assurance-santé sont mes pires placements lorsque Je vois le sort qui est réservé aux personnes qui souffrent de maladie mentale.

Un autre point Important que nous ne pouvons juger - d'ailleurs, nous croyons qu'ils font un travail intéressant - concerne les organismes communautaires qui militent dans divers domaines de la santé mentale mais, à ce jour, rares sont les organismes communautaires qui ont prouvé leur compétence à aider la famille et le malade.

Pour conclure, il y a des dizaines d'autres points que nous aimerions discuter, tels les centres de crise de 48 heures, alors que la durée minimale d'une crise sévère est de deux semaines, la formation des Intervenants, la formation à donner aux familles, le profil des besoins de la personne malade, les établissements supervisés, la désinstitutionnalisation à l'intérieur de l'Institution, tes programmes de suivi de crise dans certains CLSC qui excluent toute crise à caractère psychotique, l'adaptation du travail au handicap de cette catégorie de malade tout comme pour un handicapé physique, la formation des préposés à l'urgence lorsqu'un malade se présente en situation de crise sérieuse pour éviter le genre de situation et de commentaires que nous avons vus et entendus récemment, le PSI sur lequel nous fondons de grands espoirs, les qualités de l'agent de réadaptation sociale, le parrainage des projets, les droits de protection du malade mental qui devraient probablement s'appeler la loi de protection des schizophrènes et du personnel de l'institution contre le malade mental, la loi sur la curatelle, la formation des conseillers.

Il y a également des points qu'on aimerait pouvoir éclaircir concernant ce qu'on entend par "case manager", etc., etc. Une petite heure pour parier de ce problème dont souffrent au minimum 50 000 Québécois et au minimum 15 000 familles, c'est bien peu. Nous n'avons fait que quelques suggestions dans le court temps qui nous est alloué, mais nous pouvons poser quelques prémisses sur un sujet qui afflige tellement de monde. Merci.

Le Président (M, Baril): Merci, M. Poirier. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Je voudrais remercier la Fédération québécoise des associations des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale. Au point de départ, je voudrais vous remercier pour le travail important que vous faites. On sait que vous avez été à l'origine, et peut-être seulement depuis un nombre d'années restreint, du mouvement pour sensibiliser la population en général aux problèmes que vivent les personnes atteintes

de maladie psychiatrique et, surtout, pour tenter de leur faire une place au soleil et de les sortir de l'obscurité dans laquelle elles étaient. Finalement, même s'il y avait eu des efforts de désinstitutionnalisation, etc., on n'était peut-être pas allé très très loin dans toute la réflexion qui aurait dû entourer cette désinstitutionnalisation. Alors, plus tard que les associations de parents pour la déficience intellectuelle, je pense néanmoins que c'est un mouvement important qui s'est développé, auquel vous contribuez et qui m'apparaît essentiel si on veut faire avancer toute la compréhension que la population doit avoir de la maladie mentale et aussi la cause de la personne qui, d'une façon chronique à un moment ou l'autre de sa vie, doit faire face à des problèmes de maladie mentale.

J'ai suivi votre résumé et je veux d'abord endosser les recommandations que vous faites quant à une plus grande disponibilité de littérature concernant les maladies mentales pour les familles. Je suis fort consciente qu'elle est assez restreinte et qu'on doit se reposer davantage sur certains textes américains que sur une certaine suffisance de textes français pour la population du Québec. Je pense qu'il est important d'examiner cette question d'un peu plus près.

Je voudrais aussi, sur quelques autres points que vous soulevez, mais qui sont des questions moins importantes, faire mes commentaires immédiatement. Vous parlez des centres de crise qui ne reçoivent les gens que durant 48 heures. La moyenne de séjour dans les centres de crise varie de 8- à 21 jours et n'a jamais eu comme objectif... Il se peut que des gens n'y demeurent que 48 heures parce qu'ils ne requièrent pas davantage de soins que pour 48 heures ou qu'ils veulent d'eux-mêmes quitter après 48 heures, mais, d'une façon générale, cela varie entre 8 et 21 jours, soit entre une et trois semaines. C'est la longueur des stages dans ces centres de crise. (12 heures)

Comme vous êtes des parents, dans le fond, ce que je retiens comme message principal de votre mémoire, c'est la situation des parents face à la désinstitutionnalisation. Je fais référence, à ce moment-ci, davantage à votre journal La Boussole où vous faites certains commentaires sur la politique de santé mentale. Vous concluez ou vous laissez vos lecteurs avec une réflexion et je la Us: La désinstitutionnalisation a fait de la famille l'asile du malade. Que sera le partenariat? Qui est plus intéressé que le malade et la famille à collaborer? Est-ce que les autorités compétentes lui en donneront les moyens?

Mais, à l'intérieur de votre mémoire comme de votre résumé, vous faites allusion à des problèmes aigus que vous vivez et que vous devez vivre, pour reprendre votre expression, 168 heures par semaine, alors que d'autres vont la vivre pour des périodes beaucoup plus courtes d'une heure à la fois ou de quelques heures à la fois. Au point de départ, j'aimerais vous deman- der: Êtes-vous pour la désinstitutionnalisation? On a l'impression que, comme la désinstitutionnalisation est là, vous essayez de vous y adapter et de répondre aux besoins des personnes qui sont désinstitutionnalisées ou qui ne sont pas institutionnalisées, qui de plus en plus constituent le nombre Important de malades psychiatriques qui, finalement, vivent dans la communauté.

Au point de départ, j'aimerais savoir si, dans un contexte de 1990 presque, vous favorisez la désinstitutionnalisation si elle est appuyée par des moyens appropriés dont vous avez fait mention? C'était était peut-être la formule la moins difficile à vivre par les parents, mais moins bonne pour les bénéficiaires eux-mêmes. Au point de départ, quel est votre point de vue là-dessus?

M. Poirier: Voici: on n'a jamais discuté, à la fédération, le problème de la désinstitutionnalisation comme telle. C'est qu'on l'a toujours tenu comme acquis. Alors, si le problème ne s'est jamais posé parmi les membres de la fédération, je crois qu'ils prennent l'acquis comme un fait et essaient de s'adapter, si vous voulez, à vivre avec ce problème. Maintenant, mon opinion personnelle, je crois qu'il y a une certaine catégorie de malades pour qui la désinstitutionnalisation va être très difficile. Par contre, je crois qu'une bonne proportion des malades ont avantage à retourner dans le milieu naturel, pour autant qu'ils aient l'aide nécessaire.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Alors, cela était à clarifier. Ce que je pense, c'est que tout le monde s'entend pour dire qu'il y a peut-être 10 % des malades psychiatriques, dans l'état actuel des connaissances, qui devraient de toute façon se retrouver dans une forme plus protégée, institutionnelle, ou un autre synonyme qu'on veut trouver pour "institutionnelle", enfin, dans un milieu plus protégé que de vivre dans la communauté. Je pense que, là-dessus, il n'y a pas de problème. Est-ce que c'est 10 %, est-ce que c'est 15 %, est-ce que c'est moins? Je ne le sais pas, mais je pense qu'à l'heure actuelle tout le monde reconnaît cela et même, quand on parle de désinstitutionnalisation, je ne crois pas qu'à ce moment-ci, en tout cas, quiconque puisse penser qu'on pourra sortir tous tes bénéficiaires qui sont dans nos grandes institutions psychiatriques.

Par contre, il faudra peut-être modifier des choses à l'intérieur de nos grandes institutions psychiatriques. Je pense que là-dessus... Ce que je crois comprendre, c'est que vous vous dites: C'est un mode de vie dans la communauté qui est un mode plus... Ce n'est pas juste une question de vous y adapter, mais c'est ce qui vous apparaît comme un mode de vie plus satisfaisant pour les personnes qui ont une maladie psychiatrique. C'est bien ça?

M. Poirier: C'est exact.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais vous demander ceci, également En ce qui a trait aux organismes communautaires, vous dites: Nous ne pouvons juger de la compétence des organismes communautaires qui militent dans divers domaines de la santé mentale mais, à ce Jour, rares sont les organismes communautaires qui ont prouvé leur compétence à aider la famille et le malade. Voici la perception que J'en avais. D'abord, peut-être qu'il n'y en avait pas suffisamment, qu'ils ne sont pas tous efficaces au même point, ils n'ont peut-être pas tous la même compétence, mais j'avais la perception, presque fa conviction que les organismes communautaires étaient essentiels justement pour appuyer la famille dans ses efforts.

M. Poirier: En principe, oui, on est d'accord que les organismes communautaires sont essentiels. Maintenant, Jusqu'à présent, vu les préjugés ou, si vous voulez, les définitions ou les objectifs de ces organismes, il n'y en a pas beaucoup qui sont Intéressés aux problèmes spécifiques du malade mental sévère et des familles.

Il y a l'association canadienne qui a donné naissance à quelques organismes, mais il a fallu se détacher de cette association Justement à cause des problèmes que cela créait vis-à-vis des objectifs poursuivis. En d'autres mots, certains organismes communautaires ne veulent pas faire de distinction entre les maladies légères et les maladies lourdes.

Également, je disais que la loi du moindre effort était une loi qu'on craignait énormément, dans le sens qu'actuellement beaucoup de personnes souffrent de dépression, de "burn out' ou de différents troubles affectifs - je n'ai pas de terme précis - de maladie mentale légère. Ces personnes ont encore tous leurs moyens de défense. Lorsqu'on peut se défendre, on peut également accaparer les ressources.

Alors, le tien, c'est ceci: celui qui est atteint d'une maladie mentale sévère - c'est justement ce que je soulignais dans le mémoire - n'a aucun moyen de se défendre. Même la Loi sur la protection du malade mental, en ce qui nous concerne, c'est, ni plus ni moins, une personne qui crie dans le désert qu'elle a soif. Alors, entre les droits et l'exécution des droits, il y a toute une marge.

Mme Lavoie-Roux: En relation avec la Loi sur la protection du malade mental et la Loi sur la Curatelle publique, je sais que vous faites certaines recommandations eu égard aux droits que les familles devraient se voir reconnaître dans la Loi sur la protection du malade mental. Est-ce que vous avez fait une étude plus prononcée de ces deux lois et est-ce que vous auriez des recommandations à nous laisser?

M. Poirier: Nous avons fait une étude de la Loi sur la protection du malade mental. Malheu- reusement, personnellement... Je ne sais pas s'il y a de mes confrères qui ont fait une étude de la Loi sur la Curatelle publique. La Loi sur la Curatelle publique, malheureusement, on ne l'a pas étudiée à fond quant à certains aspects ou à certains commentaires à faire.

En ce qui concerne la Loi sur la protection du malade mental, nous l'avons étudiée en collaboration avec des avocats et des Juges, surtout sur le point qui nous Intéresse. Lorsqu'on disait que cette loi devrait s'appeler plutôt la loi de protection des psychiatres et du personnel des institutions, c'est avec cause. En ce qui concerne, premièrement, le fait d'avoir des droits et le fait de pouvoir les exercer, ce sont deux choses bien différentes. Lorsque le malade est en situation de crise, même s'il avait de beaux droits, qu'est-ce que vous voulez, il ne peut pas s'en servir. Il n'y a personne qui va défendre ses droits.

Deuxièmement, lorsqu'il se crée une situation de crise ou, si vous voulez, lorsqu'un malade refuse le traitement... Le phénomène de la maladie mentale, je pense bien qu'on n'a pas à le répéter. Si j'ai un bras de coupé, je le vols, je le sens, mais en ce qui concerne les troubles mentaux, très souvent, c'est vous qui allez vous en rendre compte ou Je vais me rendre compte des vôtres, en tout cas, vice versai En d'autres mots, on n'est jamais propre juge en ce qui concerne les problèmes mentaux qu'on peut avoir.

Le malade mental, lorsqu'on lui dit "il me semble qu'il y a quelque chose qui ne marche pas avec toi", pense que c'est toi qui es malade. Il ne se sent pas malade, il se sent physiquement bien et, lorsqu'il arrive à l'hôpital et qu'il a ce comportement, il peut créer une situation de crise, et même de rage. Alors, l'institution peut obtenir une ordonnance de la cour pour avoir recours à ta cure fermée mais, lorsque ta crise se produit dans la famille, à ce moment-là, on appelle l'hôpital. L'hôpital dit: Amenez le malade. La pauvre petite mère qui mesure cinq pieds et trois pouces avec un malade de six pieds et quatre pouces, elle n'est toujours bien pas pour partir avec le malade sous le bras. Alors, en désespoir de cause, on va appeler la cour. La cour va nous dire: Obtenez un diagnostic. La loi du malade mental, en ce qui nous concerne, rime à cela. Elle peut servir, si vous voulez, à protéger le personnel de l'institution, le malade grave - l'exercice de ses droits, il n'est pas en mesure de les défendre - et la famille lorsqu'elle veut se servir de la loi dans les cas que je viens de vous citer. C'est à peu près la réponse qu'on reçoit.

Maintenant, remarquez bien que les juges nous disent qu'ils ont étudié le problème; il y a des juges qui ont une interprétation plus large de la loi. Par contre, jusqu'à récemment, l'ensemble des Juges avait tendance à resserrer l'interprétation de la loi pour en arriver à une modification de cette loi.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Poirier: D'ailleurs, on a soumis dernièrement un mémoire à ce sujet-là au ministère de la Justice qui nous a répondu de se référer au ministère de la Santé et des Services sociaux. On a envoyé une étude plus précise, plus directe et plus légate, si vous voulez, à M. Marx, ministre de la Justice, et on n'a pas eu de réponse encore en ce qui concerne les points précis qu'on aimerait voir modifier à l'intérieur de cette loi-là. Mais je crois que, si on reprend la loi, il faudrait, tout au moins à l'occasion, qu'on parle de la famille, parce qu'elle peut être un soutien intéressant auprès du malade qui n'est pas en mesure de se défendre et de faire respecter, si vous voulez, les points de la loi.

Mme Lavoie-Roux: En ce qui a trait à la Loi sur la protection du malade mental, il y a déjà eu des dispositions qui ont été modifiées au Code civil parce que c'est dans ce sens que cela relève à la fois de la Justice et de la Santé. C'est dans notre intention de ta modifier pour la rendre plus conforme aux besoins et aux exigences d'aujourd'hui. Nous prendrons en considération les recommandations que vous nous avez envoyées.

Je vais terminer ici mes questions parce que mes collègues veulent poser des questions, alors je vais leur laisser la place.

_M. Poirier: Excusez, Mme la ministre, je pense qu'une de mes consoeurs...

Mme Préfontaine (Pauline): Oui, pour ce qui est de la Curatelle publique, une étudiante en droit de l'Université de Montréal vient à notre association toutes les semaines pour répondre à des questions d'ordre juridique. Elle est aussi en train de mettre sur pied un comité avec Mme Lucienne Robillard, qui est de la Curatelle publique, pour étudier la nouvelle Loi sur la Curatelle publique.

J'aimerais aussi dire, pour ce qui est de la désinstitutionnalisation, que je suis tout à fait d'accord à condition que la communauté soit bien préparée à cela. Par exempte, il y a plusieurs malades, par leur comportement parfois bizarre, qu'on remarque sur la rue; ils sont souvent arrêtés par les policiers, questionnés et quelquefois brutalisés, ce qui n'est pas sans les traumatiser. Je propose que les policiers reçoivent, à l'intérieur de leur formation, quelques notions sur les maladies mentales, lis seraient alors plus tolérants et compréhensifs pour venir en aide à ces personnes.

Quant à la Loi sur la protection du malade mental qui dit qu'une personne doit être contrainte à l'hospitalisation et à la médication seulement si elle est en danger, si elle est un danger pour elle-même ou pour les autres, cela me semble déficient. Une personne qui a perdu contact avec la réalité n'est pas nécessairement dangereuse pour elle ou pour les autres et, pourtant, elle a grand besoin de soins. La retourner dans la rue, cela me semble un peu cruel.

Le Président (M. Baril): M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Vous me permettrez à moi aussi, dans un premier temps, de féliciter d'abord la fédération qui représente des associations. Je vous avoue que, quand on regarde les chiffres, 60 % des malades sont gardés en famille. On sait, à toutes fins utiles, que tout l'argent - ne nous leurrons pas - la grande partie de l'argent, c'est pour l'Institution. Cela nous ouvre les yeux, en tout cas comme homme public, comme politicien, parce que je vous avoue que les ressources sont maigres à la maison, effectivement.

C'est peut-être votre mémoire qui m'a fait le plus réfléchir là-dessus, en pensant à la question que Mme la ministre vous posait tantôt. Des Institutions, il y en aura toujours. Oui, il y aura toujours des Institutions, d'après moi, mais il y aura toujours des familles aussi qui, même si un malade était potentiellement assez malade pour être en institution, vont le garder quand même. C'est là tout le dilemme du partage des assiettes fiscales et des montants d'argent.

J'avais préparé une série de questions et cela a chambardé tout mon schème de pensée. Je vais vous en poser une seule pour te moment. Quand vous avez - vous connaissez des amis ou vous êtes vous-même impliqué - un malade assez profond, quelles sont les ressources sur lesquelles vous pouvez compter spontanément, actuellement?

M. Forget (Fernand): M. le Président, M. le ministre, M. le chef de l'Opposition...

Le Président (M. Baril): Oui, monsieur.

M. Forget (Femand): ...cela fait longtemps que ça me démange de parler. Excusez-moi. J'ai des papillons un peu. (12 h 15)

M. Chevrette: Oui, je vous regardais faire depuis tantôt. Je pensais qu'on avait un nouveau député, d'ailleurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Forget (Fernand): Merci. J'ai passé l'âge.

C'est vrai. Il y a des choses bouleversantes. Je vous apporte un exemple vivant d'aujourd'hui, d'il y a un mois. C'est émotionnel. Je vais essayer d'avoir le moins d'émotions possible pour vous le conter parce que je n'aime pas les émotions. On dirait que la maladie mentale est une question d'émotions. C'est difficile de parler froidement comme en médecine.

Mon propre fils a passé par un des centres de crise. C'est parfait. Je ne les ai pas encore visités. Il est retourné en institution, soit à

l'hôpital Maisonneuve-Rosemont parce que là, c'est gros en psychiatrie. Il a été traité. On a communiqué avec lui. Cela allait bien et tout cela. Mais, là, D fallait le sortir de là. Ah! là, c'est le problème! Je dis cela en commission parlementaire parce que je pense qu'on ne le dit pas assez souvent C'est ce dont les gens souffrent et ce dont les malades souffrent: ne pas être traités dans une continuité.

Alors, là, il est sorti de l'hôpital et il est actuellement placé à Fabreville avec 30 personnes, des personnes âgées. Il a 33 ans, il est assez intelligent Naturellement, II est dans une crise émotive. Il est corrigé et il est sous médicaments. On a dit que c'était une très bonne place parce qu'il y avait une personne en charge qui était formidable. Imaginez-vous! Une personne pour 34 malades. Ce sont des personnes âgées. Ma femme a communiqué avec le psychiatre de Maisonneuve-Rosemont. Je ne cite pas le nom, mats c'est un homme qui a été très compréhensif. On a eu plusieurs communications. Quand il a laissé le traitement, on Ta nécessairement référé à un travailleur ou travailleuse sociale. À ce moment-là, c'est la multidisciplinarité du système. Seulement c'est là qu'on manque de ressources. C'est là qu'on l'a envoyé vers cette ressource. Imaginez-vous! Qui va le sortir de là? Il n'y a aucun professionnel qui va le sortir de là parce qu'il n'y a pas de contact, il n'y a plus rien. Ce sont les parents, moi et mon épouse, et nous allons employer les services de professionnels parce que nous allons les forcer à donner du service à cet enfant qui doit avoir une continuité de soins.

La dernière fois, lorsqu'il était dans un logement dans l'ouest de la ville, il était seul, sans aucune communication. Je ne sais pas, mais toute personne qui reste trop longtemps seule, qu'elle soit malade ou pas mentalement, je pense que ce n'est pas bon. Alors, il a fait une fugue, il s'est ramassé à Winnipeg. II est capable de payer et tout cela. Nous avons dû payer les pots cassés dans l'ensemble, en fin de compte. C'est de cela que souffrent les malades à l'heure actuelle: un manque de continuité.

Je fais toujours une farce ou deux. Je dis: Est-ce qu'on laisse un malade sur une table d'opération au cours d'une Intervention chirurgicale, on ferme les lumières et on reviendra demain pour voir s'il est encore là? C'est cela qu'on fait en santé mentale. On les laisse et on n'a pas le choix en ce moment. On ne devrait pas laisser ces gens. C'est pour cela qu'ils reviennent dans les hôpitaux, c'est pour cela que ça coûte 300 $ par jour.

J'avais le goût de parler aux médecins, tout à l'heure. Non pas que je veuille les critiquer, je n'ai pas de critique à faire là-dessus, en ce sens que je pense qu'ils ne comprennent pas la totalité du problème. Si chacun d'eux avait un fils ou une fille schizophrène, je pense qu'ils ne parleraient pas de la même façon de la santé mentale. Comme je l'ai déjà dit à un ministre des

Transports avant que les routes soient plus sécuritaires au Québec: Si plusieurs ministres perdaient leur femme ou des enfants, ils s'empresseraient de changer la loi. Aujourd'hui, la loi est plus sévère; naturellement, le nombre d'accidents a diminué, mais, malheureusement, pas assez.

Je pense qu'on manque le bateau en médecine physique parce que - je l'ai dit à vos gestionnaires, l'année dernière, avec le GIFRIC - on n'a pas de médecine préventive. C'est pour cela que cela coûte cher, on n'a pas de médecine préventive en santé mentale. C'est plus difficile parce que les gens qui arrivent en santé mentale n'ont aucune responsabilité. Je dirais que c'est quasiment comme un don de la nature, il est dans le "package deal", il est là, tandis qu'en santé physique je dis que 50 % des gens ne devraient pas être dans les hôpitaux. Pourquoi? Parce que la médecine à elle seule ne peut pas arrêter cela, il faut de la médecine préventive, il faut aussi d'autres médecines douces, comme on dit, je pense, au Québec. L'Université de Paris a un cours sur la médecine douce, l'Université de Montréal n'en a pas. Qui s'oppose à cela? Oui, c'est entendu.

Je vais faire une comparaison. Si Je posais la question au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, à savoir pourquoi on n'a pas plus de constables ou de gens qui protègent ta vie, c'est parce qu'on n'est pas capable de les payer. Pourquoi ne va-ton pas plus loin en santé mentale? C'est parce qu'on n'est plus capable de payer parce qu'il y a des gens qui s'accaparent une trop grande partie du gâteau. Je pense que c'est seulement en économie et en sociologie qu'on peut apprécier cette chose. Je pense que les médecins ont un rôle à jouer, mais je pense qu'ils sont les enfants gâtés du système et qu'ils ne s'en aperçoivent pas.

Nous demandons plus de services, quel qu'en soit le prix, parce que te prix ne devrait pas être un arrêt dans la justice et dans l'application de la prévention ou de la santé mentale. C'est tout ce que j'ai à dire. Je l'ai dit du fond de mon coeur, c'est avec grande émotion que je vous l'ai dit. J'ai essayé d'éviter cette émotivité, c'est pour cela que M. Chevrette a reconnu en mol un politicien, mais il est trop tard. Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup.

M. Chevrette: Je vous avoue que je n'ai plus grand-chose à dire. Je pense que vos propos reflètent assez bien ce qu'on entend souvent. Je suis content que vous ayez présenté l'aspect traitement continu. Effectivement, je remarque que, dans plusieurs secteurs, qu'on regarde en toxicomanie ou en alcoolisme, par exemple, bien souvent, on paie des sommes astronomiques pour des cures de désintoxication, mais la seule porte ouverte par la suite ou le seul encadrement de porte qu'on peut voir, c'est la porte de la

taverne où on retourne deux jours après. Je pense que c'est très intéressant La façon dont vous l'avez présenté dénote des talents, en tout cas, sur le plan oratoire aussi. Vous étiez assis à ta place des députés, c'est pourquoi j'ai fait la boutade, mais je ne savais pas que vous aviez autant de talents sur le plan de la présentation.

Je voudrais poser une autre question à votre président. Vous m'avez répondu d'une façon bien personnelle sur la continuité des soins, mais ma question précise était la suivante: Vous l'avez décrit en parlant de quelqu'un qui est en état de crise, mais quelqu'un qui décide de garder un patient chez lui parce que c'est un ami ou un enfant, quels sont les besoins concrets et soutenus dont il aurait besoin à la maison? Oublions le temps de crise. Quels sont les besoins concrets ou de quelle nature de soins concrets avez-vous besoin à court terme?

M. Poirier: Un premier besoin, c'est le besoin d'information. Nécessairement, il n'y a pratiquement pas de contact entre l'institution et la famille et c'est assez difficile d'en avoir. Lorsque la crise commence, si vous voulez, lorsqu'on commence à déceler les symptômes d'une anomalie, quelque chose qui nous paraît anormal, à ce moment-là, avec les préjugés qui nous écrasent - on ne va pas parler dans tes salons qu'un de nos fils, un de nos enfants ou un membre de notre famille commence à détraquer - nécessairement, on vit avec le problème. Lorsque l'enfant est hospitalisé ou lorsque la personne est hospitalisée, que ce soit l'enfant, l'époux, l'épouse, le contact avec l'institution est très difficile. On va appeler et c'est une voix anonyme. Alors, ça va bien. Mais celle-ci ne nous précise pas les symptômes qu'on a décelés, le nom que ça porte. Est-ce une maladie? Est-ce curable? Est-ce que ça va prendre du temps, etc.? Alors, c'est un aspect très précis du problème.

Deuxièmement, comme je le disais tantôt, une fois qu'on sait de quoi il s'agit - on va donner un grand mot, cela m'a pris cinq ans à prononcer schizophrène - nécessairement, il faut en savoir la définition. Et les définitions sont assez variables et assez Imprécises, quoiqu'on en connaisse d'une façon assez précise les symptômes. Mais on cherche de la littérature. On cherche de la documentation. C'est assez difficile d'en trouver en ce qui nous concerne.

Maintenant, dans la recommandation no 5 du rapport Harnois, on parle également de "répit à la famille". Alors, il peut y avoir des situations, lorsqu'un fils de 35 ans ou de 33 ans doit vivre avec papa et maman, où il doit demander à papa et maman s'il peut amener sa blonde pour faire l'amour. C'est plate. Je n'aimerais pas ça. Alors, II y a des situations, des périodes où l'enfant aurait besoin d'avoir un endroit ou une habitation, appelez ça un appartement supervisé ou autre. La situation peut se présenter.

Également, la mère est prise. Très souvent, ce sont des commentaires qu'on reçoit: Je ne peux pas laisser mon enfant ou je ne peux pas partir de la maison. Alors, la période de répit se pose de cette façon-là. Également, à certains moments, on aimerait pouvoir passer des messages à l'enfant. Comme notre ami Fernand le disait tantôt, on a des problèmes d'émotivité et de communication à l'intérieur de la famille qui sont plus difficiles, parfois, et un message se passe plus facilement par l'extérieur.

J'en ai parlé à des psychiatres qui nous ont parlé d'un lien privilégié entre le médecin traitant et le malade. Lorsque la famille vit avec un malade pendant un, deux ou trois ans, il se crée également des liens privilégiés ou, tout au moins, on aimerait en créer. Cela m'a pris trois ans pour savoir si mon fils était prêt à dialoguer sur sa maladie. Lorsqu'on vit dans une situation de gêne, on ne sait pas ce que l'enfant connaît de son problème et, lorsque la famille n'en connaît pas grand-chose, le dialogue est assez difficile. Je peux vous dire que depuis qu'on peut discuter d'une façon ouverte à l'intérieur de la famille du problème du malade, cela a changé le climat complètement.

C'est ça qu'on demande aux professionnels: d'essayer de créer ce lien, puisque l'enfant doit vivre à l'intérieur de la famille. Lorsque ce n'est pas possible, il y a également des appartements supervisés. À Montréal, certaines ressources sont valables et il y en a au Lac-Saint-Jean. Ici, à Québec, il y a une ressource que nous aimons bien, celle de la Maisonnée. Il y a également la Croix blanche qui fait son possible dans ce sens-là. Ce sont des ressources qui valent d'être multipliées et peut-être même adaptées.

Je vois qu'André veut dire un mot sur cela.

M. Forest (André): C'est ça. Chez nous, on a fait une enquête justement auprès des membres pour savoir quels étaient les besoins de base quand un des membres souffre de maladie mentale. Le premier en est un d'information et le second de support de la part de gens qui vivent la même situation. On a créé des groupes d'entraide. Chacune de nos associations offre ce genre de rencontres.

Finalement, il est beaucoup plus facile de parler de ce qu'on vit lorsque son fils est schizophrène, lorsque son mari souffre de maladie mentale, à quelqu'un qui vit la situation que d'essayer d'expliquer ces sentiments-là à un professionnel qui n'est pas du tout dans cette situation et qui, très souvent, risque de diagnostiquer nos propres comportements quand on parie de comment on se sent, de ce qui se passe. Les deux besoins de base en sont un d'information, de démystification et, deuxièmement, d'entraide, de pouvoir en parier à quelqu'un sans se sentir jugé.

Jusqu'à maintenant - ce n'est pas propre au Québec - il y a eu beaucoup d'études et d'enquêtes qui révèlent ailleurs, aux États-Unis, que

le support le plus empatique quf puisse être offert à ces gens-là vient des gens entre eux, des gens qui, spontanément, empêcheront les autres de se culpabiliser à outrance, qui vont peut-être empêcher des personnes de se laisser envahir par la maladie de l'autre en les aidant à mettre des limites, en leur disant: Écoutez, j'ai vécu cela; à un moment donné, il faut passer à autre chose, il faut essayer d'apprendre à vivre avec la maladie et non pas se laisser envahir complètement.

Alors, dans les besoins de base, c'est, d'une part, l'information et, deuxièmement, la question d'entraide qui est actuellement apportée en particulier par les ressources communautaires destinées aux familles.

M. Chevrette: Est-ce les relations avec les groupes de professionnels... Comme structure fedérative, je suppose que vous avez des contacts avec les différentes catégories de professionnels oeuvrant en santé mentale?

M. Forest: L'histoire de la fédération, comme le disait Mme la ministre, est peut-être plus Jeune que celle de certaines associations existantes, mais, chez nous, en Estrie, on a d'excellentes relations avec les différents omnipraticiens. Par exemple, on a des rencontres mensuelles d'information, où ce sont des intervenants du réseau qui viennent donner de l'information à tous les mois. Alors, le psychiatre qui _se plaint continuellement de ne pas avoir le temps,, je -l'appelle et je lui dis: Au lieu de le dire 50 fois, tu vas le dire une fois à 50 personnes. Je vous jure que c'est un argument massue; II est tout content. Il vient donner l'Information et les parents peuvent à ce moment-là, premièrement, rencontrer le psychiatre, ce qui est une denrée très rare parce qu'ils sont toujours débordés, et, deuxièmement, réussir à se rendre compte que cette personne est aussi humaine, qu'elle n'est pas le dieu Impitoyable qu'on décrit souvent, quelqu'un qui a le pouvoir de vie ou de mort et qui, par un diagnostic, décide si l'enfant ou le conjoint sera hospitalisé ou non. (12 h 30)

Selon notre expérience au niveau régional, les relations entre la communauté et les groupes de professionnels sont relativement faciles, pour autant qu'on n'arrive pas avec des chevaux de bataille comme, par exemple, la question des médicaments ou la question de l'hospitalisation. C'est évident que si on disait qu'on est contre les médicaments à tout moment, je ne crois pas que les psychiatres viendraient donner des informations. D'un autre' côté, les psychiatres n'arrivent pas non plus en disant: La famille n'est absolument pas importante, puis on refuse toute intervention parce qu'on est pris par le secret professionnel, il y a eu des avancées d'un côté et de l'autre et on essaie d'y aller pour le mieux de la personne qui souffre de maladie mentale en premier.

M. Poirier: Chaque association a un peu sa formule. En ce qui concerne La Boussole, qui est l'association de Québec, nous avons des conférences et, pour ces conférences, à ce Jour, nous avons une très belle collaboration de toutes les professions: Infirmières, travailleurs sociaux, psychologues. Dans notre association, d'ailleurs, nous avons - l'association comprend les parents et amis - parmi les amis, un avocat, deux psychologues. Nous avons demandé à un psychiatre de siéger au conseil d'administration pour nous aider et collaborer à différents organismes.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier en terminant, mais vous dire ceci: Je me rends compte, dans le fond, quand vous venez témoigner, les régionalistes ou les gens qui viennent des régions, que vous admettez qu'il y a une participation des corps professionnels et que ça va bien en région, alors qu'à la lecture des mémoires on a souvent l'Impression qua les gens s'opposent diamétralement à chacune des catégories. Cela ne donne peut-être pas le vrai portrait de ce qui se fait sur le terrain, à entendre ce qu'on entend et à lire ce qu'on lit dans tous les mémoires. En tout cas, j'ai comme l'impression que chacun défend son jardin avec beaucoup d'emphase mais que, placé en situation, au-delà des structures - il faut peut-être faire un bémol à ce qu'on dit et à ce qu'on entend depuis le début - on se rend compte que dans le milieu, concrètement, il peut y avoir des formes de collaboration entre les professionnels.

Si la politique de la santé mentale n'était pas perçue comme précisément de l'empiétement sur le terrain des autres, mais plutôt, tout en respectant les champs de compétence, en admettant que tout le monde dans une complémentarité a un rôle à Jouer, cela pourrait peut-être être intéressant de l'aborder plutôt sous cet angle-là que sous l'angle du respect. Depuis le début de la commission, à toutes fins utiles, on se rend compte que c'est plutôt une forme de corporatisme, une défense du corporatisme à laquelle on assiste ici, alors que vous nous offrez l'occasion de bien démontrer - il y en a d'autres aussi - d'une façon très concrète que ce n'est pas dans le corporatisme qu'on va améliorer la santé mentale, c'est dans la collaboration de l'ensemble des intervenants. Je veux vous féliciter et vous dire surtout de ne pas lâcher. Merci.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M, Thuringer: Merci, M. le Président. À cause du temps, je vais poser Juste une question brève. La famille est très importante et je vous félicite pour le travail que vous faites. Vous êtes coincés avec des problèmes tout le temps. Les professionnels ont un rôle important à jouer mais, en fin de compte, c'est ta famille et cela prend des ressources d'appui.

La question que je veux vous poser est la suivante: En travaillant avec les Intervenants, les médecins, tes travailleurs sociaux, comment voyez-vous ou qu'est-ce que vous pensez qu'on peut faire pour améliorer la collaboration entre les associations comme la vôtre, la famille et les professionnels? Qu'est-ce que c'est, concrètement? Vous avez parlé d'information, mais quoi en plus? Est-ce que vous vous sentiez comme un partenaire vraiment dans cette affaire-là ou si vous êtes séparés du processus de traitement?

M. Poirier: Oui, Fernand. Vous avez quelque chose à dire.

M. Forget (Fernand): Votre question est bonne parce qu'elle touche au point de vue économique. Nous sommes satisfaits de ce que le gouvernement fait et Mme Lavoie-Roux le sait aussi parce qu'on en a discuté. Mme Lavoie-Roux a déjà dit à une travailleuse sociale à l'hôpital Notre-Dame, quand elle était dans l'Opposition: Je ne peux pas croire que les parents aient autant de patience. Les psychiatres n'en ont peut-être pas dit autant, ils sont surtout dans la recherche, ils s'occupent moins des émotions et, pourtant, ils devraient être dans le domaine.

Je vais vous citer un autre cas personnel. Je vous cite des cas parce que ça m'est arrivé. C'est le gouvernement qui a payé pour cela. On a eu une infirmière qui a visité le foyer chez nous, à mon épouse et à moi, à l'occasion; on a discuté d'organisation, mais elle est venue, autrement dit, enlever ou adoucir le climat, vous savez, qui existe. J'ai un fils, il est beau, il a les yeux bleus, il semble intelligent; s'il était ici, vous ne seriez pas capables de vous en apercevoir. Il a fait des études brillantes et, à un moment donné, floc! Pensez-y un peu, si cela vous arrivait, quelle sorte d'émotion... Même te plus froid d'entre nous ou la plus froide d'entre nous... Les femmes sont plus touchées aussi, parce qu'on a plus de femmes à l'association que d'hommes, mais peu importe.

Cette infirmière a été payée dans le cadre d'un projet qui a été à Hippolyte-Lafontaine - imaginez-vous, cela appartient à Maison-neuve-Rosemont - et on a accepté ce projet-là, un projet pilote qui a donné satisfaction, mais cela a coûté de l'argent. Moi, je suis allé la reconduire après parce que j'étais libre; elle passait une heure chez nous, une heure et demie, deux heures des fois. Cela fait énormément de bien pour le climat, mais d'autres personnes crient au secours, et on n'est pas capable de leur donner ce service. J'ai été choyé, moi.

J'ai porté la parole aux infirmières, il y a deux ans, à Saint-Hyacinthe lors de leur congrès. Elles ont été très touchées de la façon dont je leur ai parlé de ta santé mentale. Quand je vois cela dans les gros hôpitaux, à Robert-Giffard, à Hippolyte-Lafontaine où il y a tant d'infirmières - je vais en dire un mot - qui flânent malgré elles, parce qu'elles ont trop d'études pour être des distributrices de pillules et de choses comme celles-là.

Qu'est-ce qui arrive? Est-ce qu'il y a un pouvoir là-dedans qui empêche la libéralisation des soins? Est-ce qu'il y a quelque chose? J'ai lu Jean-Charles Harvey, Les Demi-civilisés, et j'ai changé d'idée. Je vais vous le dire, sur un autre plan, c'est le contrôle de la religion. Vous savez, dans la vie, il y a deux choses. On a peur de mourir, alors, on a des curés et on a des médecins. Je sais bien que moi, si j'ai une artérite, je vais aller voir un médecin; un bon chirurgien va m'opérer, écoutez, c'est un chirurgien. Mais c'est cela que je me demande: la qualité, la qualité des soins? Je n'en veux pas plus aux curés parce que j'ai participé, à un moment donné, non pas à les démolir, ce n'est pas vrai, parce qu'on ne construit rien en démolissant. Or, je trouve qu'actuellement, en médecine, il y a trop de contrôle médical. C'est cela que je veux dire, mais je ne veux rien leur enlever, on a besoin de ces gens-là. C'est cela qu'ils ne comprennent pas, ils ne sont pas prêts à partager. Ils se plaignent qu'ils ne sont pas assez payés, mais qu'ils aillent en Chine au lieu des États-Unis, ils vont savoir combien on paie un médecin en Chine.

On donne trop de valeur aux choses qui n'en ont pas. Pas plus que les ingénieurs, quand le pont de Trois-Rivières a tombé. De noble mémoire, M. Duplessis a blâmé les communistes. En fin de compte, toutes ces choses-là... Écoutez, même si notre système mental n'est pas bon encore, je ne dis pas que les professionnels ne sont pas bons, mais je veux qu'ils soient à l'écoute de la population et du vrai problème. Est-ce qu'ils sont capables de descendre dans la rue? C'est ce que j'ai dit à l'université, il y a deux ans: Descendez dans la rue maintenant, vous êtes dans les nuages, c'est beau, c'est rose ici, il n'y a rien, mais dans ta rue, c'est là que sont les problèmes. Descendez! Mme la ministre l'a fait et elle en a compris une bonne partie; M. Chevrette l'a fait quand il était au pouvoir.

Vous savez, on a des lueurs d'espoir de vous autres, mais on crie fort et on veut la justice. Ce n'est pas vrai qu'on demande des choses qui ne sont pas demandables. M. le député vient de le dire: Où prendre l'argent? On prendra l'argent dans le système; il y en a qui en ont trop, d'autres pas assez, c'est bien simple, mais je ne suis pas communiste pour cela.

Le Président (M. Baril): Merci! Alors, en conclusion, Mme la ministre. Nous n'avons malheureusement plus de temps, mais je pourrais peut-être accepter de courtes... Madame, s'il vous plaît

Mme Scapellini (Thérèse): Seulement deux minutes. Je parie au nom de l'ALPABEM. Je veux féliciter M. Forget, il a été bien chanceux d'avoir une infirmière qui est allée chez lui

parce que, moi, je n'en ai jamais eu à Laval. J'en aurais eu besoin des fois parce que, de l'aide, on n'en a pas. Je parle au nom de l'ALPABEM parce que nous avons cent familles que nous représentons aujourd'hui. J'avais un sujet particulier à vous mentionner nous avons une famille dont le fils est schizophrène et sourd. Nous ne trouvons aucune place pour te faire traiter. On se le "pitch" comme une balle de baseball, vous allez dire, d'un endroit à l'autre et l'enfant va de mal en pis et les parents sont au désespoir. Je vous dis, dans un cas comme celui-là, que feriez-vous? On n'a pas d'aide. C'est ce que j'avais à vous dire.

Le Président (M. Baril): Merci Madame.

M. Dupont (Gilles): Je pense que les associations de parents et la fédération seront des Interlocuteurs valables vis-à-vis des autres professionnels si on les aide à s'organiser financièrement. Il y a des associations qui vivent quasiment avec rien, elles n'ont pratiquement pas de budget Les gens doivent payer eux-mêmes leurs appels interurbains quand ils veulent téléphoner à Québec, etc. On demande une aide financière pour la fédération et pour les associations de parents. Je pense, à ce moment-là, qu'ils auront le pouvoir de se faire entendre et, face aux autres professions, lis pourront être un Interlocuteur valable. Merci.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. En conclusion, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux simplement vous remercier pour vos témoignages qui ont été très éloquents, il me reste toujours à l'esprit cette image. On a eu Les fous crient au secours et, aujourd'hui, c'est évident que les parents aussi crient au secours. Nous allons examiner, au moment de l'établissement d'un pian d'action, quelles sont les ressources que l'on pourra mettre à la disposition des parents et, évidemment, des associations qui les supportent. Je vous remercie.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup de votre présentation et je vous souhaite un bon voyage de retour.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Baril): Alors, j'invite le Conseil du statut de la femme.

À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit aux fins d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le Québec, tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

Alors, madame, si vous voulez vous présenter et nous présenter vos invitées, s'il vous plaît.

Conseil du statut de la femme

Mme McNicoll (Claire): Alors, je suis Claire McNicoll, vice-présidente du Conseil du statut de la femme, directrice de l'enseignement et de fa recherche à la Télé-Université.

Je vous présente les personnes qui m'accompagnent et qui font partie de la permanence du Conseil du statut de la femme: Mme Micheline Boivin, à ma droite, qui est directrice de la recherche au conseil; Mme Chantale Brouillet, à l'extrême droite, qui est agente de recherche à la direction de la recherche; à ma gauche, Mme Francine Gagnon, agente d'information au Conseil du statut de la femme.

Je dois signaler que les témoignages que nous avons entendus précédemment constituent une excellente introduction aux points que le conseil veut faire valoir dans son mémoire, compte tenu de l'isolement et du besoin de soutien qu'ont les femmes qui, très souvent, vous te savez, prennent le relais de la désinstitutionnalisation. Je pense que les témoignages qui ont été mentionnés s'appliquent parfaitement à beaucoup de nos consoeurs. (12 h 45)

Le Conseil du statut de la femme porte un grand intérêt au projet de politique de santé mentale pour le Québec. C'est pour cette raison qu'il a tenu à se présenter à cette commission parlementaire. Notre intervention portera, d'abord, sur le cadre général du projet de politique. Par la suite, la question des femmes interpellées en tant que dispensatrices de soins au sein de la famille ou dans la communauté sera traitée, de même que les ressources mises à la disposition des partenaires. Finalement, en troisième partie, nous aborderons le sujet des femmes en tant que consommatrices de soins et services de santé.

Tout d'abord, le cadre général du projet de politique. Les éléments de problématique à la base du projet de politique de santé mentale sont, dans l'ensemble, fort bien identifiés. L'accessibilité aux services, la qualité de ceux-ci, leur continuité, la nécessaire concertation ainsi que la répartition équitable des ressources humaines, matérielles et financières constituent les problèmes cruciaux à résoudre au sein du système de services en santé mentale. Face à ce constat, la décision du comité de resituer la personne aux prises avec des problèmes mentaux au coeur du projet de politique se révèle une avenue des plus prometteuses pour lui garantir respect et dignité dans les dédales du système. Dans cet esprit, le maintien et ta réinsertion de la personne dans son milieu de vie naturel, tel que préconisé par te comité, sont des principes partagés par le conseil.

La complexité de la notion de santé mentale exige, certes, d'aborder cette problématique dans une perspective d'ensemble. Les catégories retenues, soit le champ et le domaine de la santé mentale, la cernent adéquatement.

La première catégorie concerne la personne souffrant de troubles mentaux et est davantage axée sur l'aspect curatif tandis que la seconde, orientée vers les groupes et la population dans son ensemble, se concentre sur l'aspect préventif de la santé mentale.

Tels que présentés, les orientations, principes et objectifs du projet de politique couvrent bien l'ensemble de la problématique, c'est-à-dire autant le champ que le domaine de la santé mentale. Cependant, les mises en garde à savoir que ces orientations font appel à des changements d'attitude et de mentalité et que l'importance accordée à ces orientations peut varier en intensité sont des indices quant aux intentions réelles poursuivies par ce projet de politique.

Par ailleurs, la nature restrictive du mandat confié au comité chargé de l'élaboration du projet de politique nous renseigne quant à l'objet véritable du projet. Ainsi, au dire du comité - je cite la page 38 - le mandat confié concerne spécifiquement le champ de la santé mentale et c'est là que la majorité des énergies ont été déployées." Ce faisant, toute la question du domaine de la santé mentale qui concerne principalement le développement, le maintien et la promotion de la santé mentale est, à toutes fins utiles, reportée à une politique subséquente. Ainsi, les orientations, principes et objectifs préconisés dans le projet actuel de politique ne pourront que partiellement être mis en application. En ce sens, le projet de politique est axé essentiellement sur la maladie mentale. Les moyens proposés et les recommandations retenues en témoignent.

Dans cette perspective, la question de la désinstitutionnalisation ou le maintien et la réinsertion dans le milieu de vie naturel n'est pas sans rendre le Conseil du statut de la femme perplexe.

Dans le projet de politique, la responsabilité de l'État est clairement définie en ce qui a trait au domaine de la santé mentale; elle est centrale. Par ailleurs, la responsabilité de l'État semble plus diffuse dans le champ de la santé mentale. Selon le comité, cette responsabilité ne peut plus être uniquement étatique et centralisée. Aussi, précise-t-il, les responsabilités dévolues à l'État dans le champ de la santé mentale sont à l'étape de réflexions préliminaires qui doivent être adaptées aux recommandations de la commission Rochon.

Dans l'expectative, le comité propose que l'État continue d'assumer les responsabilités suivantes: rendre disponibles les services requis, garantir le respect des droits de la personne aux prises avec des problèmes mentaux et assurer la protection des individus conséquente à des comportements dangereux reliés à des problèmes mentaux. En ce qui concerne la dispensation des soins et services, l'État doit être considéré comme "un des partenaires et, dès lors, loin de se charger de répondre directement dans tous les cas aux besoins, il favorise des réponses émanant d'initiatives du milieu". À cette fin, l'État doit reconnaître, supporter et même compléter de telles initiatives dans la réponse aux besoins des personnes aux prises avec des problèmes mentaux sévères sans toutefois qu'il y ait de sa part obligation automatique de financement.

Ainsi, dans le champ de la santé mentale, l'État tendrait à restreindre son action afin de laisser plus de place aux initiatives du milieu. Dans ce contexte, la famille et les communautés deviennent des partenaires privilégiés. Cependant, compte tenu des imprécisions quant aux responsabilités de l'État dans le champ de la santé mentale, que celui-ci concerne les personnes aux prises avec des problèmes mentaux sévères et chroniques et compte tenu du caractère aléatoire et de la précarité financière associée aux initiatives du milieu, le conseil s'interroge sur la façon d'Interpréter cette volonté de partenariat. S'agit-il d'un désengagement de l'État? Dans l'affirmative, dans quelles conditions le maintien et la réinsertion des personnes s'effectueront-ils? Les familles et les communautés auront-elles le soutien et les ressources, tant humaines, matérielles et financières en conséquence? Les garanties existent-elles pour que les malades bénéficient de la continuité des soins et de la sécurité que requiert leur état?

J'aborderai la question des partenaires privilégiés et des ressources disponibles. Les familles et les communautés, partenaires privilégiés dans le projet de politique, sauront-elles et pourront-elles assumer le mandat qui leur est confié? D'une part, il faut cerner qui sont ces familles et ces communautés et, d'autre part, il faut considérer les ressources dont elles disposent.

La participation de la famille à la prise en charge de l'un de ses membres souffrant de troubles mentaux signifie, à toutes fins utiles, que la responsabilité des soins incombent aux femmes. Réalité trop bien connue, les tâches domestiques telles que l'entretien, la préparation des repas, les soins, la garde et l'éducation des enfants sont encore l'apanage des femmes et ce, malgré l'intérêt accru porté par des hommes à ces tâches au cours des dernières années. Ainsi, qu'elles soient travailleuses ou non, qu'elles vivent en couple, en famille ou seules avec des enfants, les femmes assument la grande majorité des tâches domestiques,

Au sein de la famille, les soins à l'un de ses membres malades, handicapé ou âgé, font partie des tâches domestiques assumées gratuitement par les femmes. En 1986, le Conseil consultatif canadien de la situation de la femme publiait une étude sur le rôle de la femme en tant que protectrice de la santé. Bien que l'échantillon de l'étude soit restreint, il ressort que 75 % des femmes assument seules la responsabilité de la santé au foyer et ce, indépendamment de l'âge et de la situation familiale.

Accroître le fardeau des femmes en matière de travail domestique n'est pas sans conséquence

quant à leurs conditions de vie et leur état de santé: tension nerveuse, stress et le reste. La répartition du travail domestique est un facteur influençant la participation des femmes à la main-d'oeuvre. Ainsi, les femmes considèrent la charge de travail Imposée par la présence du conjoint et des enfants et leur contribution au travail dans le fait de rechercher ou non un emploi, le type et la localisation de. l'emploi, considérant les heures de transport. Le conseil craint que le maintien au sein de la famille de l'un de ses membres souffrant d'un problème mental sévère et chronique confine nombre de femmes à leur rôle de protectrice de la santé au foyer et exige d'elles des efforts surhumains.

Les mesures proposés pour venir en aide aux familles, soit le programme de répit - la recommandation 5 - et l'accroissement des ressources psychosociales en santé mentale - la recommandation 28 - sont certes les bienvenues. Toutefois, considérant la surchage qu'implique pour les familles et, notamment les femmes, le maintien au foyer de l'un de ses membres souffrant de trouble mental, ces mesures nous apparaissent vagues et Insuffisantes.

Quelles familles seront admissibles au programme de répit? Selon une estimation avancée par le comité et jugée même conservatrice, il y aurait au moins 15 000 familles dont l'Implication auprès d'un des leurs souffrant de trouble mental sévère et persistant n'est aucunement reconnue ni soutenue par un quelconque programme. Ces familles devront-elles faire la preuve qu'elles sont à bout de ressources? Quand une famille pourra-t-elle se prévaloir du programme de répit? Des listes d'attente seront-elles constituées? Quelle est la nature de ce programme et l'importance du budget qui y sera consacré? Qu'en est-Il de l'accroissement des ressources psychosociales? Quelle part sera consacrée à l'intervention auprès des familles? Quelles autres ressources entend-on consacrer à l'Intégration du malade mental au travail, aux études, aux loisirs? La famille devra-t-elle prendre en charge le malade mental 24 heures par jour tout au long de sa vie? Ne devrait-on pas plutôt maintenir des ressources Intermédiaires permettant une relative autonomie du malade mental adulte face à sa famille? Nous pensons Ici à des ateliers de travail protégés, des logements surveillés, des loisirs organisés. Ne risque-t-on pas, en l'absence de tels supports, de libérer le malade de l'Institution psychiatrique pour consacrer sa dépendance définitive face à sa famille ou, plus justement, à l'endroit de sa mère ou de sa conjointe? Encore une fois, les éléments avancés par nos prédécesseurs à cette table en sont des exemples éloquents.

Je parlerai maintenant de la femme aux prises avec un problème mental sévère. Il est reconnu que les femmes sont de plus grandes consommatrices de médicaments, soins et services de première ligne que tes hommes. Outre les motifs liés à l'appareil reproducteur, tes condi- tions de vie des femmes et leur rôle social n'y sont pas étrangers. Par ailleurs, les écarts observés entre hommes et femmes s'amenuisent à mesure que l'intensité des problèmes croît. Au dire du comité, les femmes ne reçoivent plus alors que 52 % des diagnostics d'hospitalisation. Puisque les femmes semblent être autant représentées que les hommes en ce qui a trait aux troubles mentaux sévères et chroniques, le conseil souhaite plutôt remettre en question le sort qui leur est réservé.

Le maintien ou la réinsertion dans le milieu de vie naturel d'une personne souffrant de troubles mentaux se conçoit malheureusement trop aisément lorsqu'il s'agit d'un enfant ou d'un père. Mais qu'advient-il à la mère ou à l'épouse elle-même aux prises avec un problème d'ordre mental sévère et persistant? Dans quelle mesure son conjoint ou ses enfants lui prodigueront-ils les attentions et tes soins requis? Est-il réaliste d'envisager que le mari puisse éventuellement délaisser son emploi pour assumer la prise en charge de son épouse et des travaux domestiques?

Faute de données à ce sujet, nous ne pouvons que tenter d'établir des liens. Ainsi, la propension à prescrire plus de médicaments aux femmes serait-elle un moyen de les tranquilliser et d'alléger le fardeau des autres membres de la famille? La commission Rochon, dans le cadre de ses travaux sur la santé mentale, rapporte que de 67 % à 72 % de toutes les prescriptions des psychotropes vont à des femmes. La prise en charge par la famille d'une mère ou d'une épouse souffrant de troubles mentaux a-t-elle des limites? Les femmes qui ont souffert de dépression mentale sont parmi celles susceptibles de devenir itinérantes, selon une étude sur les femmes effectuée pour le compte de la commission Rochon. Aussi, y souligne-t-on qu'une des caractéristiques Importantes du groupe des itinérantes est le nombre élevé d'ex-psychiatrisées.

La consultation des experts, effectuée pour la commission Rochon a permis de tracer deux portraits types des femmes itinérantes. L'un de ceux-ci décrit, et je cite: "La mère de famille de 40-50 ans qui craque parce qu'elle n'en peut plus". Ainsi la désinstitutionnalisation n'est pas sans conséquence, notamment pour les épouses et les mères de famille. Délaissées par les leurs, ces femmes vont grossir les rangs des itinérantes.

Comme on peut le constater, le maintien ou la réinsertion au sein de ta famille de l'un de ses membres souffrant de troubles mentaux a des limites. Le conseil déplore vivement que le projet de politique n'en fasse pas mention.

J'aborderai un second point, la famille idéalisée. La famille constitue pour toute personne un point d'ancrage social important. Il en est de même pour le malade mental pour qui le soutien et l'appui de sa famille constituent généralement un gage de mieux-être. La prise en charge par la famille d'un de ses membres

souffrant de troubles mentaux implique toutefois que la famille doit, dans l'état actuel des choses, appuyer émotivement, financièrement et matériellement les conséquences de la non-institutionnalisation, conséquences assumées auparavant par l'État. C'est du moins ce qui se dégage d'une étude effectuée pour la commission Rochon. Plusieurs familles - au moins 15 000 - le font déjà tant bien que mal, dans la mesure de leurs moyens, capacités et ressources. Toutefois, un projet de politique qui préconise un partenariat élargi, notamment avec les familles, devrait minimalement considérer la réalité vécue dans nombre de familles pour s'assurer que la personne souffrant de troubles mentaux ait une réponse effective à ses besoins.

Or, la réalité vécue dans nombre de families aujourd'hui reflète des problèmes que nous ne pouvons ignorer: 40 % des mariages au Canada se concluent par un divorce; dans 85 % des cas, ce sont les mères qui assument la garde des enfants. 81 726 familles monoparentales au Québec vivent des prestations de l'aide sociale, soit 60 % de l'ensemble de ces familles. Dans ce groupe, 95 % des bénéficiaires sont des femmes. Quand je parle de famille idéalisée, je parie d'une réalité qui n'est pas celle de la famille avec un couple et des enfants.

Une femme sur dix serait victime de violence conjugale. En sus, 94 % des enfants signalés au Comité de la protection de la jeunesse ont été maltraités (abus physique, négligence grave, inceste) au sein même de leur famille. (13 heures)

La famille, c'est l'entraide, le soutien réciproque de ses membres, mais c'est aussi parfois la violence, la pauvreté et la solitude. Dans des contextes familiaux si difficiles, on ne peut accroître la charge des familles. Dans ces circonstances, qui prodiguera les soins? Certes, parmi les familles sollicitées à dispenser des soins à l'un des leurs, toutes ne présentent pas un portrait aussi sombre. Toutefois, il faudrait reconnaître que ce ne sont pas toutes les familles qui peuvent supporter émotivement, financièrement et matériellement la prise en charge d'un malade psychiatrique. De même, le projet de politique aurait dû faire mention des conflits au sein des familles qui ont, entre autres résultantes, l'accroissement des jeunes dans les groupes des itinérants.

L'étude sur les femmes, effectuée dans le cadre des travaux de fa commission Rochon, révèle que les jeunes femmes de 18 à 34 ans constituent le deuxième portrait type des itinérantes. Le projet de politique est également silencieux au sujet des familles elles-mêmes génératrices de problèmes mentaux. Il est pourtant reconnu que certaines dynamiques familiales sont propices au développement de la maladie mentale.

Par ces omissions nombreuses, le projet de politique véhicule un portrait quelque peu idéalisé de la famille. Des données révèlent qu'entre 30 % et 50 % des malades psychiatriques sont, à la sortie de l'institution, réintégrés au sein des familles. "Les enquêtes menées auprès de ces familles indiquent que leur santé physique et mentale se détériore, que leur vie sociale est compromise et qu'il y a souvent de graves dissensions au sein des couples ou des familles à cause des tâches reliées à la présence d'une personne dépendante." La non-reconnaissance des limites des familles nous paraît une lacune grave du projet de politique.

Dans un tel contexte, comment pourra-t-on évaluer les ressources requises nécessaires aux familles pour qu'elles puissent assumer les responsabilités confiées?

Troisième partenaire: Les communautés. Un des objectifs du projet de politique est de réduire de plus de la moitié la capacité globale des grands établissements psychiatriques. Ainsi, le mouvement de retour des malades psychiatriques au sein de la communauté Ira en s'intentifiant. Les bénévoles et les ressources communautaires ou alternatives qui oeuvrent au sein des communautés sont les partenaires sollicités.

Qui sont les bénévoles qui oeuvrent en santé mentale? Une enquête sur le bénévolat, effectuée par Statistique Canada en 1980, révèle que les femmes sont davantage présentes dans les secteurs de l'éducation, de l'enseignement et de la santé physique et mentale et que les hommes sont plus actifs dans les groupes politiques et professionnels, les loisirs et les sports. A l'instar des autres secteurs de la société, le bénévolat reflète la division sexuelle des rôles.

Mentionnons, par ailleurs, qu'au Québec, en 1979, les hommes ont accompli plus d'heures de bénévolat que les femmes, soit respectivement 35 600 000 heures et 24 000 000 d'heures. Cette différence est attribuée au fait que les femmes doivent tenir compte également du temps à consacrer aux travaux domestiques et aux soins des enfants. Aussi, peu d'organismes dédommagent les bénévoles pour les coûts encourus par le transport et la garde des enfants.

Le Président (M. Leclerc): Excusez-moi. Mme McNicoll: Oui.

Le Président (M. Leclerc): Est-ce que vous pourriez conclure, s'il vous plaît?

Mme McNicoll: Je conclurai en mentionnant que si les bénévoles et les ressources communautaires sont entièrement dépendantes du soutien de l'État, les éléments de la politique qui nous est présentée ne nous permettent pas de savoir quelle sorte d'engagement l'État pourra prendre auprès de ces groupes.

Essentiellement, ce que le conseil voudrait faire ressortir en conclusion, c'est ceci. Si on veut faire passer des bénéficiaires de la dépendance complète en hôpital à l'autonomie et à

l'isolement complet en famille, compte tenu des éléments que j'ai mentionnés par rapport aux lacunes que peuvent présenter les familles dans le soutien et sans que nous soyons assurés du type de soutien financier qui sera donné aux ressources alternatives, dans ces conditions, nous pensons, concernant la situation des femmes en particulier, que ce sont encore les femmes qui vont devoir assumer le fardeau de la désinstitutionnalisation.

Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme McNIcoll. Comme on a dépassé 13 heures, j'aurais besoin du consentement pour qu'on puisse continuer.

Mme Vermette: Consentement

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Leclerc): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier le Conseil du statut de la femme pour le mémoire qu'il présente à la commission et sa participation à nos délibérations. Je voudrais simplement faire certains commentaires généraux. Je crois comprendre que le Conseil du statut de la femme est en accord avec le rapport d'une façon globale, avec l'Idée de restituer la personne au coeur du projet

Vous avez l'Impression que le rapport se concentre davantage sur le champ que sur le domaine, le- champ étant la pathologie et le domaine étant la prévention; l'un impliquant le curatif, l'autre la prévention. Vous en concluez qu'il est axé essentiellement sur la maladie mentale. C'est assez surprenant comme perception de votre part parce qu'on a eu, de la part d'un bon nombre d'autres intervenants, une perception tout à fait différente: qu'on semblait faire abstraction de la maladie mentale, que le rapport Harnois se défendait presque de mentionner ta maladie mentale pour s'en tenir trop strictement à ce qui était du domaine de la santé mentale. Je vois mal pourquoi vous avez eu cette perception parce que je pense qu'il y a eu de grands efforts développés dans le rapport justement pour permettre aux gens de vivre dans la communauté, de prévenir à partir des épiphénomènes qui peuvent se traduire, finalement, par des pathologies. En tout cas, je le mentionne en passant.

Vous semblez fort inquiètes du rôle que la famille serait appelée à jouer, de quelle façon cela Influencerait le statut - entre guillemets - de la femme à l'intérieur de la famille. Je me demande si le temps n'est pas venu... Ce ne serait peut-être pas à l'occasion de cette commission, mais il y a peut-être d'autres débats plus larges qui pourraient être faits avec le Conseil du statut de la femme. Vous êtes continuellement dans ce dilemme. D'une part, vos objectifs - je les donne d'une façon peut-être un peu grossière - sont vraiment de veiller à ce que les conditions qui sont faites aux femmes soient équivalentes à celles qui sont faites aux hommes, qu'elles ne soient pas pénalisées par des tâches qui sont présentement les leurs ou que, de nouveau, on voudrait leur Imposer. À partir de cela, vous ajoutez comme élément supplémentaire le fait que, la famille n'étant plus ce qu'elle est, ne serait-ce pas un peu utopique - je ne traduis peut-être pas exactement votre pensée - de se reposer sur la famille pour compenser la désinstitutionnalisation ou les effets de la désinstitutionnalisation?

À partir de cela, on pourrait déduire que, si on suit votre raisonnement jusqu'au bout, finalement, pour protéger les conditions de vie des femmes, pour protéger un partage des rôles à l'intérieur de la famille, on ne devrait pas prendre de risque et on devrait, finalement, conserver à l'État toute la responsabilité, ou à peu près toute la responsabilité dans le domaine de la santé mentale. C'est la perception que j'ai de votre mémoire.

Si la famille, c'est un ancrage Important de notre société, comme vous le mentionnez, la famille a quand même aussi des responsabilités. Évidemment, il y a des responsabilités qui peuvent être trop lourdes, qui peuvent devenir véritablement handicapantes pour une famille. Mais je me demande quel est le point d'équilibre qu'on doit atteindre parce qu'un jour, ça pourrait être l'homme qui est obligé de s'occuper de sa femme handicapée, et vice versa, le lendemain. Je pense qu'il y a quand même, justement à cause de la famille, des liens qui existent à l'intérieur d'une famille qui fonctionne relativement bien, ces échanges de services. SI on touche à ta politique familiale - on n'en parlera pas ce matin - on va tomber dans te même débat ou à peu près dans le même débat. Est-ce que c'est pour retourner les femmes au foyer et s'occuper des enfants? Je ne sais vraiment pas, comme société, comment on va se sortir de ce débat.

Mme McNicoll: Si vous me permettez, Mme la ministre, je pense qu'il faut qu'il soit clair que le Conseil du statut de la femme ne veut certainement pas dire que tes femmes ne veulent pas s'occuper, à l'intérieur des familles, des malades mentaux qui risquent de revenir à l'Intérieur de la famille à la suite de la désinstl-tutlonnalisation. Dans le cadre d'un mémoire comme celui-là, il est clair que nous ne pouvons pas apporter toute la nuance qu'il faudrait entre les deux pôles, si on veut, de la maladie mentale très profonde où les gens devront rester en institution et la prise en charge à ta maison de gens qui, temporairement peut-être, ont des problèmes de fonctionnement en santé mentale.

Entre ces deux pôles, le rapport ne peut pas entrer dans le détail du type de soutien que l'on peut vouloir apporter, mais une chose doit être très claire: le Conseil du statut de la femme ne pense pas que tes femmes vont se soustraire. D'ailleurs, je pense que la réalité est bien que

les femmes assument leurs responsabilités à l'Intérieur de la famille à cet égard. Les témoignages des parents, tout à l'heure, étaient aussi assez éloquents à cet égard. Nous disons, cependant, que le rapport n'est pas suffisamment explicite sur le type de soutien et le type de financement que l'on sera prêt à apporter à ces familles. Quand nous disons 'ces familles", nous disons que ce sont très souvent plus les femmes que les hommes qui vont devoir l'assumer. C'est sous cet angle-là que le Conseil du statut de la femme veut aborder la question.

Quant à la question de la forme de soutien et à la question du financement que l'on apportera, on veut essayer de voir quels seront les engagements de l'État et quels effets ils auront sur la vie des femmes et des familles, mais nous nous occupons plus spécifiquement, si on veut, des femmes qui sont très souvent celles qui sont aux prises avec ces questions dans la vie quotidienne. Nous pensons que le soutien aux familles devrait prendre ia forme d'une aide à l'intégration sociale et à la prise en charge temporaire, mais régulière des malades mentaux par des organismes ou par des services palliatifs, jusqu'à un certain point, qui permettraient aux familles et aux femmes d'avoir du répit. Nous appuyons la recommandation qui fait état des programmes de répit. Nous disons qu'il devrait y avoir une plus grande explication. On devrait avoir plus de détails sur le mode de financement, le mode d'engagement de l'État et les formes que celui-ci sera__prêt à financer dans l'aide aux familles, dans le soutien aux familles. Nous sommes pour la désinstitutionnalisation de manière globale, avec les nuances que j'ai mentionnées tout à l'heure.

Mme Lavoie-Roux: En ce qui a trait à ces mesures particulières, vous avez raison de dire qu'elles ne sont pas explicitées dans le projet de politique, mais c'est évidemment, je pense, dans le plan d'action qui suivra qu'on devrait retrouver certaines de ces mesures. On ne pourra peut-être pas les trouver d'une façon aussi complète qu'il serait souhaitable de les trouver, mais il faut bien réaliser qu'on désinstitutionnalise depuis 20 ans et que les mesures qui, normalement, auraient dû accompagner cette désinstitutionnalisation n'ont pas toujours été, en fait, ont peu souvent été mises en place.

Vous mentionnez d'ailleurs, à un moment donné, dans votre mémoire comment peut se faire cette compensation financière entre les ressources qui sont présentement en institution et celtes qui devraient accompagner les gens qui sortent des institutions. Je me demandais si vous aviez approfondi un peu plus ce point-là parce que ce serait assez simple de dire: On sort quinze personnes et quinze personnes coûtent, je ne sais pas, 50 000 $ par année. Vous faites la multiplication et cela est transposé dans la société. Je pense que, dans une certaine mesure, il faudra comme société, si on accepte d'aller de l'avant avec la désinstitutionnalisation, accepter qu'il y ait ce genre de transposition, mais peut-être pas dans les chiffres absolus de prorata.

Je pense que ceci doit demander une réflexion de la part des institutions parce que, si on maintient en institution exactement ce qu'on a comme octroi de ressources financières et si on veut faire parallèlement l'action de désinstitutlonnalisation. mais d'une façon la plus civilisée possible et la plus bénéfique possible pour les bénéficiaires, il faudra qu'il y ait un transfert de ressources. Avec le groupe qui vous a précédées, vous êtes les premières à parler de ce transfert de ressources. Ce ne sera pas non plus quelque chose de facile, ce qui n'exclut pas l'ajout de ressources non plus; sinon, on va continuer de faire une désinstitutlonnalisation qui va être un peu mieux, mais encore passablement à rabais. Je pense que ce n'est peut-être pas le choix de société que l'on veut faire. (13 h 15)

La dernière question que je veux vous poser, c'est sur la santé mentale chez tes femmes. Dans le rapport Égalité et indépendance, on en avait largement traité, en 1977-1978 J'oublie quand. Je me demandais si vous, parce que c'était une des préoccupations importantes dans le domaine de la santé... On note qu'il n'y a pas eu beaucoup de progrès, si on regarde les rapports de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Est-ce que du côté du Conseil du statut de la femme on a continué cette réflexion? Est-ce qu'on a essayé de mieux Identifier les causes de la plus grande utilisation de psychotropes par les femmes que par les hommes? Je pense que ça va aussi pour les traitements chirurgicaux, etc. Est-ce que vous avez fait des études supplémentaires là-dessus depuis 1978?

Mme McNicoll: Je voudrais passer la parole à Mme Boivin, qui est directrice de la recherche.

Mme Boivin (Micheline): Au cours des audiences de la commission Rochon, le Conseil du statut de la femme a été amené à présenter un mémoire et, pour les besoins de ce travail, on a, au conseil, rencontré des intervenants du milieu. On a malheureusement dû constater que ce qui avait été Identifié comme problèmes au moment de l'élaboration de la politique d'ensemble de même qu'au moment de la recherche faite au conseil au début des années quatre-vingt, qui s'appelait Essai sur la santé des femmes, dont un volet important portait sur la santé mentale, que les problèmes qui avaient été identifiés à ce moment-là étaient malheureusement encore d'actualité. On avait toujours cette surconsommation de psychotropes et les femmes étaient un peu sans ressource face à des problèmes de santé mentale. C'est-à-dire qu'elles frappent à la porte du médecin - le recours au psychologue encourt des frais - et on semble constater que le traitement qui leur est fait est toujours aussi

peu adéquat, selon l'analyse qu'on en fait du moins.

On souhaiterait, comme on le souhaitait au moment de la politique d'ensemble, qu'il y ait davantage de promotion qui soit faite d'un genre de thérapie qu'on qualifie de non sexiste et qu'on qualifierait de féministe, c'est-à-dire une thérapie qui est axée sur une autonomie plus grande des femmes et une distanciation face aux modèles sexuels qui sont pénalisants pour les femmes. Alors, il y a déjà des expériences qui se font dans le milieu et qui sont d'ailleurs, de façon embryonnaire, encore financées par votre ministère, mais on aimerait qu'une plus grande promotion de ce genre de thérapie se fasse. Souvent, ces expériences sont communautaires, c'est-à-dire que ces expériences sont de groupe. Ce sont souvent des thérapies de groupe, encore que parfois ce sont des thérapies individuelles, mais on a beaucoup d'espoir en ce genre de choses-là qui pourraient constituer une alternative à la prescription médicamenteuse qui, soit dit en passant ne règle pas réellement, à long terme, le problème des femmes,

Mme Lavoie-Roux: Vous dites une thérapie qui soit non sexiste. Est-ce que c'est véritablement, vous croyez, une thérapie qui est consciemment sexiste ou si c'est dû au fait que tes femmes consultent davantage pour des problèmes de nature névrotique - entre guillemets - tendance dépressive, etc. Est-ce que ça ne pourrait pas être ça plutôt qu'une thérapie sexiste...

Mme Boivin: En fait, ce qu'on constate...

Mme Lavoie-Roux: ...de la part des intervenants médicaux?

Mme Boivin: En fait, elles consultent effectivement plus que les hommes à ces étapes là, donc, à des étapes de maladie qui pourraient être qualifiées de moins graves et qui peuvent être des signaux d'alarme mais qui, souvent, peuvent les ancrer davantage dans leur malaise en ce sens que ce qu'on avait Identifié dans l'analyse, c'est que les femmes sont renforcées dans leur rôle de dépendance à l'Intérieur de la famille et, donc, sont moins armées pour affronter des problèmes encore plus graves, sont de plus en plus handicapées et peuvent éventuellement devoir recourir aux Institutions du système en raison de problèmes pius graves et plus chroniques.

Ce qu'on voudrait, lorsque les femmes manifestent leur malaise par un signal d'alarme comme ça, c'est qu'on profite de cette occasion-là pour leur donner une chance de prendre de l'autonomie et d'ouvrir leurs ailes, de faire en sorte qu'elles n'aient surtout pas à affronter des problèmes plus graves.

Mme Lavoie-Roux: Vous dites, finalement, que tes femmes consomment... Il n'y a pas eu véritablement de progrès, Je ne sais même pas s'il y en a eu, vous avez laissé entendre qu'il y en avait eu très peu, ou qu'il n'y en avait pas eu du tout, quant à ta consommation des psychotropes. Est-ce que, comme Conseil du statut de la femme, vous suivez... Ce n'est peut-être pas votre rôle d'évaluer cela, mais, par exemple, II y a des centres pour tes femmes, les centres...

Mme McNicoll: Les centres de santé des femmes.

Mme Lavoie-Roux: ...les centres de santé des femmes, il y a différentes ressources qui sont établies. Évidemment, ils vont peut-être argumenter qu'ils n'ont pas tes budgets pour fonctionner, mais il reste que, quand même, ils auraient dû toucher à suffisamment de femmes parce qu'une de leurs préoccupations est justement comment la femme se volt par rapport à sa propre santé, à sa dépendance face à des médicaments, à la profession médicale, ou autres. Comment expliquez-vous, alors qu'il y a quand même combien de centres pour femmes au Québec...

Mme Boivin: II y a trois centres de santé des femmes...

Mme Lavoie-Roux: Oui, il y a trots centres, mais il y a les centres pour femmes, aussi.

Mme Boivin: ...et deux qui sont en train d'être réimplantés. Par ailleurs, des centres de femmes, il y en a un nombre beaucoup plus grand, je pense qu'il y en a 90.

Mme Lavoie-Roux: Donc, une des préoccupations est justement la santé des femmes. Comment se fait-il que les résultats ne soient pas plus probants? Cela fait quand même sept ou huit ans que ces groupements fonctionnent, sinon davantage.

Mme McNicoll: Je dirais que les trois étages d'intervention des centres pour les femmes sont les suivants: d'abord, les maisons d'hébergement pour femmes violentées - je pense que c'est la première priorité - ensuite, les centres de santé des femmes, puis les centres de femmes. Or, dans les dernières années, les crédits qu'on a donnés aux centres de femmes ont grandement diminué et les centres de santé des femmes, il en reste trois qu'on est en train d'essayer de réorganiser. Je dirais que ces centres de santé se sont beaucoup intéressés directement à des questions plus physiques, de santé physique. Par ailleurs, ce sont les centres de santé des femmes qui ont pris en compte les problèmes d'avortement qui ne sont pas réglés, les centres de santé des femmes se sont beaucoup Intéressés à cela.

Par ailleurs, Je pense qu'il faut souligner les études qui ont été faites du côté de Mme Nadeau de l'Université de Montréal sur tes

questions de toxicomanie, de la dépendance plus grande des femmes face aux médicaments, face aux psychotropes. Il y a ce que les études permettent d'examiner et il y a la façon dont, notamment les omnipraticiens reçoivent très souvent tes femmes en leur prescrivant des médicaments pour les apaiser, pour les rendre fonctionnelles, mais sans les orienter vers des ressources autres en matière de santé mentale. C'est un des plus gros problèmes que confrontent les femmes en matière de santé mentale.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de Marie-victorin.

Mme Vermette: Je tenais à vous féliciter pour le mémoire que vous avez présenté. Je pense que vous avez le courage d'apporter la problématique que doivent vivre les femmes. Il y a un proverbe qui dit: Si tu ne t'occupes pas de toi, les autres vont s'occuper de toi. C'est toujours ce qui s'est produit dans te passé en ce qui concerne la santé mentale des femmes: plus souvent qu'autrement il y avait toujours des gens prêts à interpréter les différents symptômes ou manifestations de dépression ou de découragement des femmes. C'est ce que vous avez démontré tantôt, à la suite des questions que Mme la ministre vous a posées. On est toujours prêt à dire: On va régler le problème des femmes avec une__pilule _ et, finalement, tout va rentrer dans l'ordre, retournez chez vous, madame.

Vous avez eu le courage et le mérite de soulever que c'est bien beau de donner des médicaments à la femme, mais lorsqu'elle se retrouve seule chez elle avec sa famille et qu'elle est prise avec un conjoint ou un enfant souffrant de maladie mentale, elle est un peu la protectrice de la santé mentale dans sa famille et c'est elle qui se retrouve toujours seule et sans soutien pour arriver à cette harmonisation qu'on attend toujours dans la famille. Plus souvent qu'autrement, elle est prise au dépourvu et, très souvent, c'est elle qui doit faire les frais, à son tour, de la santé mentale.

Je pense que c'est ce qui ressort le plus et ce qui m'a le plus émue dans votre mémoire parce que ce que vous soulevez, c'est cette réalité des femmes, c'est leur quotidien, finalement, à toutes ces femmes qui ont vraiment à coeur le mieux-être de leur famille, mais qui, pour des raisons particulières, ont de la difficulté à maintenir cette harmonie. C'est cette quiétude qui est importante pour le développement psychique et intellectuel de tous les individus, Je pense que vos préoccupations sont justifiées. Vous n'êtes pas les seules à avoir soulevé le manque de clarté et de précision quant au rapport Harnois. Je pense que bon nombre de gens qui se sont présentés devant nous l'ont manifesté plus souvent qu'autrement.

Ce qui me frappe davantage, c'est que vous êtes les principales concernées, un peu comme le groupe avant vous qui disait: Nous devons vivre avec le malade. C'est bien beau, la maladie, c'est bien beau, les expertises, mais nous devons l'assumer dans le quotidien et nous souffrons autant qu'il peut souffrir, nous sommes très conscients de sa maladie. Il y a une Influence directe sur l'ensemble des différentes composantes de la famille, que ce soient les frères, les soeurs, les parents, c'est très vaste, finalement. Je pense que ce que vous avez signalé surtout, c'est le cri de détresse des femmes qui disent: Nous, on est bien prêtes à faire notre part, on l'a toujours faite, mais ne nous laissez pas tomber. Qu'est-ce que vous êtes prêts à nous donner pour qu'on puisse continuer à jouer notre rôle? Vous avez fait cette mise en garde en disant: Nous sommes essoufflées en tant que femmes. Il y a les centres de femmes qui, de plus en plus, dispensent une éducation aux femmes en disant: II y a des limites au seuil de tolérance. Vous pouvez manifester ces limites.

Dans ce contexte, quel est l'avenir des femmes à mesure que vous aurez une participation plus active dans cette prise de conscience du rôle des femmes à l'intérieur de la famille ou de la société, puisque cette famille et cette société ont leurs limites aussi en regard du rôle des femmes? Comment voyez-vous maintenant ce rôle qui sera dévolu à la femme, compte tenu de toute la nouvelle orientation qu'on subit dans nos sociétés?

Mme McNicoll: Je voudrais Insister sur le fait que, lorsque le Conseil du statut de la femme parle de la situation des femmes à l'intérieur de la famille qui héberge des malades mentaux, lorsqu'il s'agit de familles conventionnelles avec père et mère, la plupart du temps, les femmes en sont en effet le piller. Je pense que les différentes données que nous avons mentionnées sont éloquentes à cet égard, mais, en même temps, elles font partie d'une cellule qui a les besoins qu'ont mentionnés les personnes qui nous ont précédés: essentiellement, besoin d'information, besoin d'aide aux groupes d'entraide et j'ajouterais ce que j'ai appelé le support aux familles, c'est-à-dire une aide à l'intégration à l'intérieur des différents éléments de la vie que devrait être celle des malades mentaux qui sont retournés à leur famille, c'est-à-dire des gens qui puissent avoir accès à des logements protégés, à de l'aide en matière de réinsertion dans le monde du travail, par exemple, sous la forme d'ateliers protégés, accès à du soutien en matière d'intégration aux loisirs. Je pense qu'il faut éviter de rendre les femmes victimes. Le Conseil du statut de ta femme n'a jamais pris cette position. Les femmes sont, à l'Intérieur de la famille, les piliers de la protection de la santé mentale et, comme membres d'une cellule familiale, elles ont te gros rôle. Le type d'aide que l'État peut apporter, c'est celui dont nous avons parlé et dont ont parié fort

éloquemment les gens qui nous ont précédées, c'est-à-dire Information, aide à l'Intérieur de groupes d'entraide et support permettant l'établissement de programmes de répit qui permettent à des femmes de ne pas être 24 heures par jour aux prises avec les malades mentaux à l'intérieur de la maison.

Mme Boivin: Je voudrais compléter en disant que les motifs qui ont amené le conseil à une réflexion comme celle-là quant aux limites de la famille face à la maladie mentale, c'est, d'une part, les surcharges qui peuvent survenir pour les femmes mais, d'autre part, une préoccupation face au malade mental lui-même, c'est-à-dire pour ce qui est de la continuité des soins. Par exemple, une femme de 50 ans ou une femme vieillissante qui a un enfant adulte malade dans la maison, qu'adviendra-t-Il de cet enfant, s'il ne dépend que de sa mère, si sa mère elle-même devient malade, si elle décède? Quel va être te sort réservé à cette personne? On voudrait s'assurer qu'il y ait des ressources qui assurent une continuité de soins, indépendamment de ce qui pourra survenir au sein des familles, pour pallier l'Insuffisance des familles. (13 h 30)

Toutes les familles ne peuvent pas prendre en charge le malade mental. Comme on l'Indiquait tout à l'heure, II y a des familles qui, en raison même de leur fragilité ou parce qu'elles sont composées d'un seul parent, etc. ne sont pas en mesure de prendre le malade mental. Même celles qui sont en mesure de le faire, il nous apparaîtrait plus prudent, pour assurer la continuité des soins, qu'il y ait, par ailleurs, des ressources sur lesquelles on puisse compter pour que la mère de famille, par exemple, puisse être en toute sécurité et savoir que, quoi qu'il advienne, son enfant pourra avoir des ressources sur qui compter.

Mme Vermette: Quand on parle de ressources, on se demande toujours comment les gens peuvent être informés. On a parlé souvent de campagnes de sensibilisation. Alors, comment entrevoyez-vous une campagne de sensibilisation? L'accent devrait être porté sur quoi, selon vous, pour favoriser cet accès aux ressources?

Mme McNicoll: Je pense qu'il faut d'abord tes établir, ces ressources, et je pense que les campagnes de sensibilisation sont des éléments Importants. Je crois que la société québécoise, par exemple, a fait des progrès importants dans l'acceptation du malade mental dans la vie quotidienne, du fait que la maladie mentale est une chose qui touche un grand nombre de personnes. Je pense qu'un des éléments de ce progrès, ce sont précisément les campagnes d'information et les campagnes de sensibilisation qui l'ont apporté.

C'est du côté des associations des familles devant prendre en charge des handicapés, des malades mentaux, que les ressources d'information et d'aide devraient être dirigées.

Mme Vermette: Est-ce que c'est facile actuellement, surtout en région pour les gens qui ont des problèmes d'atteindre ces ressources? Actuellement, quelle serait la meilleure façon d'atteindre... On dit souvent qu'une campagne de sensibilisation, ça dure ce que ça dure, le temps de la campagne et, après, pouf! Les comportements tombent tout de suite et, alors, il faut quelque chose de soutenu.

Est-ce que vous avez déjà fait... En tout cas...

Mme Brouillet (Chantale): Dans le cadre d'une campagne de sensibilisation, un élément sur lequel il pourrait être Intéressant de porter l'attention, c'est sur l'information sur les ressources qui existent, informer les professionnels et les intervenants des ressources qui existent dans le milieu même de ta communauté. Cela pourrait être intéressant pour les familles, plutôt que les familles elles-mêmes aient à tes découvrir et à se mettre à la recherche de ces ressources. Plutôt que de partir avec une campagne sur le malade mental et sa situation, peut-être y aller tout de suite du côté du support.

Mme Vermette: Mais à l'Intérieur de ces campagnes de sensibilisation, J'Imagine que vous devez... Vous êtes-vous déjà penchées sur le rôle que vous pourriez jouer comme ressource du milieu, avec l'expertise que vous avez, la formation ou l'Information que vous pouvez donner aux femmes?

Mme McNicoll: Le Conseil du statut de la femme est un organisme qui conseille le gouvernement et qui donne des avis aux différents ministres concernés sur les différentes politiques en projet. Le Conseil du statut de la femme a également une antenne qui s'appelle Consult-Action, qui est présente en région. Elle ne s'est pas spécifiquement attachée à de l'Information sur la maladie mentale jusqu'à maintenant.

Cette antenne a comme mandat d'aider tes femmes à trouver les ressources qui sont présentes dans leur milieu et les bureaux de Consult-Action sont des centres d'Information et d'aide. Mais nous n'avons pas travaillé plus spécifiquement sur la maladie mentale jusqu'à maintenant. J'insiste sur le fait que c'est ta relation, à notre avis, entre les parents, les associations de parents qui sont aux prises avec ce type de problème et les professionnels qui sont au coeur de l'aide que l'on peut apporter aux femmes à l'intérieur des familles plus précisément responsables ou plus protectrices, encore une fois, de la santé.

Mme Vermette: Le rapport Harnois, dans ses recommandations, demandait que vous soyez

mandatées, en fin de compte, pour la formation des intervenants en ce qui concerne l'approche sur la condition des femmes. Ce que vous demandez dans votre mémoire - vous allez beaucoup plus loin - c'est d'émettre un avis sur l'influence des conditions de vie des femmes sur la santé mentale, afin de déterminer les paramètres pour l'élaboration d'un programme.

Mme Boivin: Oui. On constatait que le comité soumettait une recommandation comme celle-là pour ce qui est des personnes âgées et des jeunes. Il nous apparaissait pertinent de l'étendre également aux femmes, de considérer tes femmes comme un groupe particulier dans ce domaine-là.

Pour ce qui est de la participation du conseil à des campagnes de sensibilisation, dans le passé, le conseil était associé au ministère de la Santé et des Services sociaux pour des travaux de diffusion d'information. Au cours de l'année dernière, par exemple, nous avons eu des discussions avec le ministère pour ce qui est du tabagisme auprès des adolescents, pour de la contraception douce. Nous sommes intervenues auprès du ministère aussi pour ce qui est des maladies transmises sexuellement. Le conseil n'a pas d'objection à s'associer avec le ministère pour toute campagne d'information. Naturellement, il ne dispose pas des ressources dont dispose le ministère pour assumer entièrement à sa charge ce genre de campagne, mais je ne doute pas que le conseil puisse être heureux de participer à la conception d'instruments de cette nature en santé mentale.

Mme Vermette: Pour atteindre vos objectifs de favoriser les femmes dans le domaine de la santé mentale, est-ce qu'il y a suffisamment de centres de femmes, surtout pour les femmes violentées, les centres de crise? Est-ce que ces centres répondent adéquatement aux besoins des femmes, justement?

Finalement, est-ce que le financement de ces maisons est un problème résolu afin d'assurer une continuité des services aux femmes?

Mme McNicoll: Je pense que c'est une question qui pourrait, de toute façon, toujours recevoir la réponse suivante: Non, il n'y a pas suffisamment de ressources mises dans les centres d'hébergement ou dans les centres de santé des femmes ou dans les centres de femmes, ultimement. Cependant, il est clair qu'il faut faire des priorités et le conseil a émis un avis favorable à la suite de l'injection de 8 000 000 $ pour les maisons d'hébergement des femmes que la ministre de la Condition féminine a annoncée au cours de l'automne. Le conseil reconnaît l'effort du gouvernement. En même temps, le conseil dit que, bien sûr, si on peut en mettre plus, il appuiera ce type d'intervention.

Encore une fois, compte tenu des ressources dont nous disposons, nous pensons, par exemple, qu'en matière de santé mentale ou d'aide aux familles aux prises avec des individus qui ont des problèmes de santé mentale l'aide alternative, la ressource proche de la communauté est celle qui est la plus intéressante.

Mme Vermette: Est-ce que vous trouvez qu'en région, cela répond actuellement à la demande? C'est toujours le pendant, ce sont les femmes qui doivent subir certains contrecoups de la violence ou les conséquences des problèmes reliés à la santé mentale, dans certains cas. En région, là comme ailleurs, est-ce qu'il y a un manque de ressources ou si cela répond assez, actuellement, ou si le réseau communautaire est assez bien développé?

Mme McNicoll: Je pense, encore une fois, qu'on pourrait ajouter des ressources en matière d'hébergement et en matière de centres de santé des femmes, c'est clair. Encore une fois, te conseil a appuyé l'initiative de la ministre au cours de l'automne. Si vous voulez que je vous dise qu'il n'y a pas suffisamment de ressources mises dans les centres d'hébergement de manière générale ou dans des opérations permettant de contrer la violence faite aux femmes, c'est clair qu'on pourrait toujours en mettre ptus.

Mme Vermette: On dit toujours que tes gens qui oeuvrent à l'intérieur de la plupart des centres ont des difficultés surtout quant à la continuité du service, parce que la plupart de leurs activités vont beaucoup plus, d'une part... De plus en plus, la clientèle s'alourdit ou ta demande est en progression. Donc, il y a manque de ressources à l'intérieur des maisons d'hébergement, dans les centres de crise pour faire une intervention ou un suivi de sorte que, souvent, tes mêmes clientèles demandent les mêmes ressources parce qu'on ne peut pas donner le suivi qui est important.

Mme McNicoll: Une chose est certaine, les centres d'hébergement pour femmes sont pris en charge par des femmes qui ne sont pas entièrement des bénévoles, parce que les budgets permettent de leur verser des salaires. Or, si on fait des comparaisons entre le type de soutien que l'on donne dans les centres d'hébergement, qui sont des organisations volontaires mises sur pied par des personnes qui la plupart du temps ont déjà connu le problème, et les salaires payés à des fonctionnaires à l'intérieur du réseau de la santé et des services sociaux, c'est clair qu'il n'y a pas de commune mesure. Ces centres vivent toujours à la limite de leurs ressources, c'est clair. C'est un constat que toute personne qui regarde tes budgets de fonctionnement annuels de ces centres peut faire.

Mme Vermette: Si J'ai bien compris, vous avez fait certains souhaits. Vous estimez qu'il serait important qu'il y ait de plus en plus de

ressources ou, en tout cas, qu'on pourrait développer d'autres ressources qui répondraient plus adéquatement aux besoins. On pourrait, en tout cas, à la limite, développer d'autres ressources qui favoriseraient davantage... Il s'agirait de regarder un peu les différents aspects de la participation et de la représentation des femmes à l'Intérieur d'une politique ou d'un programme qu'on pourrait mettre de l'avant par une campagne de sensibilisation.

À mon avis, vous pourriez jouer un rôle important. Vous avez déjà une expertise du fait que vous soyez dans le milieu depuis bon nombre d'années. Plus souvent qu'autrement, le réflexe veut que les femmes aillent consulter ou fassent davantage confiance à des groupes de femmes qui les représentent qu'à d'autres groupes, tout compte fait. Je vous remercie.

Le Président (M. Leclerc): Merci. Mme la ministre, en conclusion.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier encore une fois le Conseil du statut de la femme. Dans votre mémoire, vous avez soulevé des questions sur lesquelles on devra se pencher davantage relativement à la famille et au rôle de la femme à l'intérieur de la famille. Pour moi, ce qui reste une préoccupation Importante du côté des femmes, c'est vraiment ta santé mentale chez les femmes et leur utilisation, je pense qu'on pourrait dire abusive de ressources médicales, souvent pour des symptômes qui ne sont pas nécessairement reliés à une pathologie importante, mais plutôt à des états dépressifs temporaires. Ce qui est peut-être un peu décourageant, c'est qu'on en parie depuis dix, douze ans - peut-être avant, je parle de la période que Je connais - et qu'on est peut-être encore relativement dans une espèce de statu quo par rapport à ce qui existait à ce moment-là. En tout cas, je vous remercie et on va essayer de continuer de trouver les solutions.

Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Marie-Victorin, en conclusion.

Mme Vermette: En conclusion, je veux remercier le Conseil du statut de la femme de s'être présenté devant nous. Nous espérons que les comportements des différents intervenants auprès des femmes auront tendance à changer et qu'ils prendront les femmes comme des personnes à part entière et d'égale à égale. Je vous remercie.

Le Président (M. Leclerc): Merci, madame. J'aimerais, au nom des membres de la commission, remercier les gens du Conseil du statut de la femme de leur présence.

Avant de suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures, j'aimerais rappeler que nous nous retrouverons à la salle Lafontaine à cause de problèmes de ventilation. Je suspends donc nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 44)

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je pense que le président a attendu quinze minutes. Par contre, nous devons commencer. Je tiens à vous faire remarquer que le président, ce matin, s'est fait faire quelques reproches de ne pas respecter les heures fixées.

À partir de maintenant, je dois vous dire qu'officiellement je devrai faire respecter le temps de chacun des groupes, soit une heure par groupe. Je ne voudrais pas être impoli si je dois vous couper la parole à un certain moment. Peut-être qu'il serait important, aussi, pour les députés, Mme la ministre, d'être court, bref, dans le but d'aller le plus loin possible dans nos discussions parce que nous devrons respecter l'heure qui est donnée à chacun des groupes.

Je tiens à vous souligner que ta commission des affaires sociales se réunit aux fins d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

Cet après-midi, nous avons l'honneur de recevoir la Curatrice publique du Québec. Madame, si vous voulez vous présenter et présenter votre groupe, s'il vous plaît.

Curatelle publique du Québec

Mme Robillard (Lucienne): Bonjour mesdames, messieurs. Je suis Lucienne Robillard, Curatrice publique du Québec. J'ai avec moi aujourd'hui, à ma droite, M. Gilles Marchildon, Curateur public adjoint; à ma gauche, Mme Louise Landry-Balas, coordonnatrice du service des droits de la personne au bureau du Curateur public, de même que M. André Allaire, travailleur social au sein de ce service des droits de la personne.

Le Président (M. Baril): Merci. Vous avez la parole pour 20 minutes.

Mme Robillard: Merci, M. le Président Laissez-moi d'abord vous dire l'honneur et le plaisir que nous avons au bureau du Curateur public de venir vous faire nos représentations au sujet du projet de politique car on trouve que notre gouvernement québécois a un grand courage de vouloir aborder ce sujet et, surtout, d'adopter une politique d'une telle envergure au Québec.

Comme vous le savez sans doute, le Curateur public du Québec, à l'heure actuelle, représente 14 000 personnes qui sont dites incapables.

Dans ce sens, nous nous Intéressons de façon très particulière au développement d'une telle politique et, surtout, à ses Implications puisque la majorité des personnes représentées par le Curateur public sont précisément les acteurs principaux dans le champ décrit dans le projet de politique de santé mentale.

Il est certain que, pour nous, les principes de base qui sont dans le projet de politique, à savoir la primauté de la personne et le respect de ses droits ainsi que l'équité dans les actions à poser, nous apparaissent des bases très solides. Ce sont là des valeurs que notre société a choisies et qu'elle choisit toujours en 1988, qu'elle veut accentuer, en somme, dans notre société. On ne peut que souscrire aux grands principes et aux orientations qui visent une approche globale de la personne et surtout - et je pourrais dire aussi - l'inclusion des membres de la famille, des proches et de la communauté comme membres essentiels des systèmes relationnels de ces individus.

Je dois vous dire que c'est cette même orientation qu'essaie de se donner le bureau du Curateur public présentement dans l'actualisation de sa mission. Ce sont aussi les mêmes orientations qui soutiennent le projet de loi 20, qui a déjà été sanctionné par l'Assemblée nationale, en regard du régime de protection des majeurs et ce sont sûrement les mêmes orientations qui vont soutenir la réforme de la Loi sur la curatelle publique, à savoir: la primauté de la personne et l'inclusion de, ses proches dans les systèmes de protection des majeurs au Québec.

Nous aimerions donc, dans un premier temps, clarifier un peu le type de clientèle que nous représentons au bureau du Curateur public pour essayer de vous montrer que cette clientèle est en relation directe avec le champ de la santé mentale et qu'elle est desservie à l'heure actuelle dans le réseau de la santé et des services sociaux. Vous savez, toute personne majeure au Québec a le plein exercice de ses droits civils. Ces droits sont définis tant dans notre Code civil que dans notre Charte des droits et libertés de la personne au Québec. Cela comporte plusieurs droits, dont celui à l'intégrité et à l'Inviolabilité de la personne, de même que celui d'avoir et de gérer un patrimoine.

Cependant, le législateur a décidé que dans certaines circonstances et à certaines conditions cette faculté d'exercer ses droits pourrait être retirée à un individu et confiée à un tiers. C'est ce qu'on appelle un système de curatelle. La curatelle est donc une mesure de protection juridique qui doit toujours être provoquée dans le meilleur intérêt de fa personne. Elle vise donc à protéger une personne dont les facultés mentales sont affaiblies ou perturbées et qui risque de porter atteinte elle-même à sa personne ou à son bien-être ou, encore, à la valeur de son patrimoine.

Au moment où je vous parle, nous avons deux régimes de protection pour les majeurs au

Québec. L'un est privé et se fait par le processus d'interdiction qui est provoqué par un membre de la famille qui demande qu'un de ses membres soit interdit parce que cette personne n'a plus les facultés mentales pour exercer ses droits civils. Le deuxième régime que nous avons, c'est le régime de la Curatelle publique, conforme à la Loi sur la Curatelle publique qui donne la responsabilité au Curateur public d'être le curateur de toutes les personnes qui n'ont pas de curateur privé et qui sont déclarées incapables d'administrer leurs biens.

À l'heure actuelle, au Québec, nous avons environ 3500 curateurs privés et le Curateur public représente environ 14 000 personnes, ce qui veut dire qu'on peut calculer environ 18 000 personnes au Québec sous régime de protection juridique. Il nous paraît évident qu'une très grande partie des personnes sous curatelle sont celles auxquelles on fait référence dans le champ de la santé mentale. Dans les faits, malgré les critères d'application des lois qui parlent de malades mentaux, nous nous apercevons que les clientèles desservies par un système de curatelle au Québec sont quand même diversifiées et on voudrait vous parler de quatre grandes catégories.

Les gens bénéficiant d'un régime de protection juridique sont les suivants: premièrement, les malades mentaux proprement dits ou les personnes souffrant de maladie psychiatrique. Ce groupe est constitué principalement de malades mentaux chroniques, mais aussi de personnes souffrant de psychose maniaco-dépressive ou d'autres maladies de type plus transitoire. La majorité de ces personnes est actuellement traitée dans le réseau de la psychiatrie et un bon nombre d'entre elles sont ou seront visées dans le processus de désinstitutionnalisation.

La deuxième catégorie référée au système de curatelle est le groupe de personnes souffrant d'un handicap intellectuel et ayant des difficultés ou une lenteur d'apprentissage. Même si elles ne souffrent pas de maladie mentale, le rapport nous mentionne - c'est exact - que plusieurs d'entre elles se retrouvent encore dans des institutions psychiatriques au Québec.

La troisième catégorie, ce sont les personnes qui souffrent de maladie dégénérative. Là-dedans, on retrouve beaucoup de nos personnes âgées. Les maladies dégénératives, en particulier la démence, sont parfois incluses dans le champ de la santé mentale, mais, de plus en plus, elles sont associées au domaine de la neurologie ou de la psychogériatrie.

La quatrième catégorie, ce sont les personnes qui souffrent de divers syndromes organiques ou de traumatisme crânien. Ce dernier groupe de personnes est sans doute le moins touché par une politique de santé mentale.

Donc, il appert qu'une grande partie des personnes bénéficiant d'un régime de protection au Québec sont des acteurs dans le champ de la santé mentale. Les intervenants du réseau de la

santé et des services sociaux ont, de près ou de loin, avec ou sans les proches de la personne, directement ou indirectement, à prendre conscience souvent de l'incapacité d'une personne à prendre soin d'elle-même et à administrer ses biens, proposent souvent eux-mêmes un régime de protection et participent à assurer la protection de la personne incapable et le respect de ses droits. Ces intervenants sont souvent confrontés à des problèmes d'éthique, ce qui rend les choix et les décisions extrêmement difficiles.

A cet égard - c'est le deuxième point que nous abordons aujourd'hui - nous aimerions énoncer le fait que le projet de politique de santé mentale ne nous semble pas accorder une place assez grande à toute la dimension de la protection des personnes. Il s'agit d'une notion beaucoup plus englobante que ce qu'on peut entrevoir dans le texte du projet de politique et qui dépasse de beaucoup la protection juridique.

A notre avis, parmi les personnes majeures au Québec, on peut distinguer trois types de personnes qui ont besoin d'une certaine protection. Premièrement, les personnes inaptes à prendre soin d'elles-mêmes ou à administrer leurs biens et en besoin d'être représentées dans l'exercice de leurs droits civils. Ce sont précisément ces personnes dont nous venons de parler. Les lois sur les régimes de protection, quoique vétustes et inadaptées aux réalités d'aujourd'hui, sont actuellement en voie d'être changées. D'ailleurs, on aimerait mentionner au passage que la .recommandation 4 du rapport du projet de politique aurait peut-être avantage à souligner le fait que le projet de loi 20 portant réforme au Code civil du Québec en regard justement du régime de protection des majeurs est déjà sanctionné par l'Assemblée nationale depuis le 15 avril 1987 et apporte des changements Importants. En plus, à l'heure actuelle, on est dans un processus de réflexion en regard de la Loi sur la Curatelle publique. Donc, présentement, tous les acteurs identifiés dans le projet de politique sont et seront appelés à se prononcer sur la révision de cette loi.

La deuxième catégorie de personnes ayant besoin d'un système de protection au Québec, ce sont les personnes dangereuses pour elles-mêmes ou pour autrui en besoin d'intervention non volontaire. Encore là, on s'aperçoit que l'aspect de ta dangerosité du malade mental n'est à peu près pas touché dans le rapport du comité. Pourtant, la Loi sur la protection du malade mental qui s'y adresse ne propose qu'une solution très temporaire et la réalité de certaines pratiques avec cette clientèle en est une de peur de part et d'autre, de non compréhension, de coercition, je dirais même de contention et d'Isolement. Ici, la notion de protection dépasse de beaucoup l'individu pour toucher son entourage.

Enfin, la troisième catégorie de personnes majeures au Québec qui ont besoin d'une certaine protection, ce sont les personnes aptes, consi- dérées comme lucides au plan cognitif, non dangereuses pour elles-mêmes, mais dans un état de vulnérabilité tel qu'elles ont besoin d'être assistées dans l'exercice de leurs droits civils. Un nombre croissant d'adultes au Québec se trouvent dans des situations vulnérables et ne paraissent pas motivés ou capables de se dégager par eux-mêmes de ces situations. Plusieurs exemples ont été apportés pour illustrer ces situations où les adultes concernés mettent directement ou Indirectement en péril leurs biens et parfois même leur personne. Le besoin de protection de ces personnes paraît alors de plus en plus nécessaire et reconnu.

On assiste - vous te savez tous - à l'éclatement de nos familles, à l'isolement de plusieurs adultes, ce qui ajoute à la vulnérabilité de certains d'entre eux. La désinstitutionnalisation et le maintien en milieu naturel de personnes ayant des problèmes de santé mentale, s'ils permettent leur réadaptation et leur fonctionnement en société, ne réussissent pas pour autant à donner à ces personnes toutes les capacités à se protéger et à se défendre dont elles peuvent avoir besoin dans notre société. La personne vulnérable est souvent dépendante d'autres personnes, ce qui peut l'exposer à l'abus, à la négligence ou à l'abandon. L'institutionnalisation peut même avoir créé cette vulnérabilité en diminuant les droits d'une personne à l'autonomie et à l'indépendance. La personne majeure vulnérable, même si elle est lucide, peut être Incapable de subvenir à ses propres besoins ou Incapable de se défendre ou de se soustraire à la personne qui l'exploite et de qui elle dépend. (15 h 30)

Une politique de santé mentale, pour nous, devrait alors toucher ces trois types de personnes en besoin de protection. Les familles, les proches et les Intervenants de toutes les professions sont confrontés quotidiennement à la problématique de la protection de la personne. Nous pensons donc que la question de la protection devrait être posée dans le projet de politique de santé mentale d'une façon directe, claire et ouverte, car son omission entraîne des problèmes interrelattonnets de tous genres où te protectionnisme remplace la protection adéquate et où les peurs pour l'autre ou de l'autre envahissent et étouffent les relations.

Nous recommandons donc de façon très spécifique que le concept du respect des droits de la personne qui est déjà présent - ce concept est déjà présent dans le projet de politique, dans le choix d'un cadre de référence - soit élargi pour englober la problématique de la protection de la personne.

Par ailleurs, on remarque, au chapitre des moyens proposés par le comité de politique de santé mentale, que la nomination d'une "ombudsperson" pourrait assurer le respect des droits des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Nous tenons à dire que nous sommes tout à fait

d'accord avec le principe de l"advocacy", mais notre vision du rôle diffère quelque peu de celle du comité en regard du moyen choisi.

Il nous paraît indiqué, à l'heure actuelle, que le Québec se dote d'un système d"advocacy* qui répondrait aux besoins de l'ensemble des adultes en besoin de protection des trois clientèles dont je viens de vous expliquer les caractéristiques. Les interventions d'un tel système pourraient couvrir différents volets et avoir la responsabilité et l'autorité de faire enquête, d'évaluer la situation de tout adulte présumé en besoin de protection et d'adopter à ce moment-là les mesures correctrices qui s'imposent. Selon nous, ce système devrait avoir une assise régionale, chercher à mobiliser le plus souvent la personne elle-même et ses proches dans la recherche et l'adoption de solutions, chercher à impliquer, y compris à maintenir l'Implication des instances usuelles susceptibles d'aider la personne. Nous pensons particulièrement au réseau de la santé et des services sociaux, à la justice et au bureau du Curateur public dans les cas qui le touchent.

Cependant, compte tenu du fait que les personnes à protéger reçoivent pour la plupart des services du réseau de la santé et des services sociaux, il est essentiel, selon nous, que le système d'"advocacy" soit totalement autonome. L'expérience des 'ombudspersons* dans les dernières années démontre bien l'Impossibilité de jouer, à l'intérieur du réseau, le rôle de défenseur de droits parfois brimés par ce réseau même. De plus, le système d'"advocacy" pourrait impliquer des citoyens dont l'engagement et les préoccupations à l'égard des adultes vulnérables sont avantageusement reconnus. Une telle instance pourrait même, selon nous, être chapeautée par des citoyens de la région.

Nos propositions, en remplacement du rôle de l'ombudsperson" tel que cité dans le projet, s'énonceraient comme suit:

Qu'un système d'"advocacy* soit mis sur pied couvrant toutes les régions du Québec pour assurer la promotion de la sécurité et des intérêts d'adultes vulnérables; la défense de leurs droits collectifs et Individuels et l'intervention rapide et efficace lorsque des droits sont brimés;

Que ce système utilise au maximum la collaboration de citoyens et qu'il soit complètement autonome.

Le Président (M. Baril): Je m'excuse, il vous reste deux minutes.

Mme Robillard: Le troisième point qu'on a voulu aborder dans notre rapport était le concept de la responsabilisation.

Selon nous, s'il est essentiel que les droits des individus soient connus, respectés et défendus, H n'en est pas moins Important de réintégrer la notion de responsabilité comme tout aussi essentielle. SI le rapport définit la responsabilité de l'État en matière de santé mentale, il ne définit pas la responsabilité des différents acteurs. À notre point de vue, la responsabilisation est une notion qui doit transparaître dans la politique de santé mentale et à tous les niveaux.

Donc, nous recommandons qu'on établisse des lignes claires; que la responsabilisation de l'individu lui-même soit soulignée; que tes Intervenants du réseau soient responsables - nous sommes tout à fait d'accord avec la recommandation 2 du rapport en regard des plans de services individualisés - et que les établissements eux-mêmes, et non seulement le ministère, soient responsables de l'évaluation de leurs programmes et, dans ce sens-là, qu'ils puissent rendre compte de façon publique des résultats; que la responsabilité de la planification donnée aux conseils régionaux dans le projet de politique, si elle est maintenue, soit aussi accompagnée d'une responsabilité de contrôle a posteriori - on ne peut donner une planification et la dissocier du contrôle - et que le ministère appuie à ce moment-là cette évaluation de façon systématique.

Enfin, le dernier point, M. le Président. Nous parlons de la formation des Intervenants qui, pour nous, constitue une pierre angulaire d'un projet de politique. Nous ne pouvons que souscrire aux orientations qui sont déjà dans le projet, mais, à cela, nous ajoutons que nous aimerions bien que les intervenants soient formés aussi à toute la dimension des droits et des lois qui protègent les personnes à l'heure actuelle au Québec et à tous les problèmes d'éthique soulevés par cette protection. Enfin...

Le Président (M. Baril): Madame...

Mme Robillard: ...une dernière recommandation. On aimerait bien que cette politique fasse l'objet d'une étude d'impact pour qu'on sache combien elle coûtera à l'ensemble de nos citoyens.

Le Président (M. Baril): Merci, madame. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier le Curateur public. On ne vous appelle pas la Curatrice publique?

Mme Robillard: Oui, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Ah bon!

Je veux remercier la Curatrice publique et l'équipe qui l'accompagne pour son mémoire. Je crois comprendre du mémoire que, dans l'ensemble, vous souscrivez au contenu du rapport Hamois, mais que vous venez aujourd'hui préciser certaines préoccupations, particulièrement en ce qui concerne la Curatelle publique et la protection des droits des malades mentaux.

Vous mentionnez dans votre rapport, entre autres, concernant ces deux lois... Je voudrais

revenir sur celte de la Curatelle publique parce que c'est une préoccupation que nous avons; pour ma part, ]e me suis réjouie qu'elle soit passée du ministre des Finances au ministre de la Justice, pensant que, du point de vue des droits des malades mentaux, la loi pourrait contenir une plus grande marge de manoeuvre pour le Curateur public.

En ce qui a trait à la Loi sur la protection du malade mental, il est vrai que la loi 20 sur la protection des personnes est déjà venue amender, corriger ou affirmer des principes fondamentaux concernant les droits des personnes, mais je pense que le travail doit être complété par une mise à jour de la Loi sur la protection du malade mental. On a eu quelques observations à ce sujet-là, quoique pas très détaillées jusqu'à maintenant

Du côté de la Curatelle publique, c'est évidemment une question qui, dans l'ensemble d'une politique, nous préoccupe énormément, à tort ou à raison, et je ne pense pas qu'il s'agisse ici de faire le procès de qui que ce soit En institution, un certain nombre, je dirais même un bon nombre de problèmes soulevés à l'endroit des malades étaient souvent reliés à la présence plus ou moins efficace du Curateur public ou de son représentant, ou peut-être davantage reliés au fait que ce rôle du Curateur public était mal défini ou pas très clair dans la loi et qu'il portait davantage ou qu'on l'avait davantage exercé à l'endroit des biens des malades plutôt que dans le respect de leurs droits comme personnes humaines.

La première question que je voudrais vous poser, même si la nouvelle loi n'est pas encore adoptée et donnera lieu, j'Imagine, à des consultations en temps et lieu, est la suivante: Est-ce que, dans le contexte de la loi actuelle, vous pouvez nous dire ce qui vous apparaît comme étant les principales déficiences, ce qui devient un obstacle pour vous dans l'exercice de votre mandat de protection des personnes qui vous sont confiées?

Mme Robillard: Comme vous le savez, la Loi sur la Curatelle publique remonte à 1945. Je dirais qu'elle a subi certains changements, mais n'a jamais été révisée en profondeur dans son droit substantif de sorte qu'à l'heure actuelle, quand on la regarde, elle paraît vétuste à certains égards, comme je le disais, et présente certaines lacunes fort importantes, surtout en regard du droit des personnes. Je me réfère particulièrement à tout le processus d'ouverture du régime de la Curatelle publique, lequel, vous le savez, se fait par certificat d'incapacité qui parfois inclut tes personnes, parfois ne les inclut pas, parfois inclut les proches, parfois ne les inclut pas.

Il est bien évident qu'on a une lacune importante à combler, de même qu'il y a une absence à l'heure actuelle au sein de cette loi de mécanismes de contestation ou d'appel de la décision qui vient d'être prise. Il faut aussi dire, comme autre lacune, que cette loi ne fait aucune distinction ou gradation dans les besoins des personnes à être protégées. C'est la même chose concernant la procédure d'interdiction: ou vous êtes capable ou vous êtes incapable. Donc, ou vous exercez tous vos droits ou vous ne tes exercez plus du tout.

Je pense bien que la nouvelle Loi sur la Curatelle publique va apporter des changements importants en regard de cela. Laissez-moi vous dire, Mme la ministre, que le projet de loi qui a été sanctionné a quand même un chapitre particulier sur le régime de protection des majeurs qui touche le système de la curatelle et qui, déjà, apporte beaucoup d'améliorations aux lacunes présentes de la Loi sur la Curatelle publique.

Comme vous l'avez mentionné, au bureau du Curateur public, pendant toutes ces années, on a surtout développé la dimension de l'administration des biens et moins la dimension de la protection de la personne. Cela devient aussi une difficulté Importante. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle on ne peut assumer cette responsabilité dans sa totalité quand on dit qu'on doit représenter, dans l'ensemble du Québec, 14 000 personnes pour tous les gestes Importants qu'elles ont à poser dans leur vie, alors que la toi actuelle ne permet pas au Curateur public de déléguer certaines de ses responsabilités. Voici une autre lacune: la difficulté d'assumer aussi cette mission.

J'ose espérer qu'on pourra apporter des changements au courant de l'année 1988. Déjà, nous avons commencé des consultations dans le réseau de la santé et des services sociaux en regard des difficultés et des solutions à apporter.

Mme Lavoie-Roux: Un des problèmes majeurs que vous sembliez avoir et qui s'est dégagé en particulier du rapport sur l'hôpital Rivière-des-Prairies, c'est toute la question des consentements. Évidemment, là où vous n'étiez curateur que pour l'administration des biens, Je pense que cela écartait la question du consentement pour des traitements et ainsi de suite, mais dans les cas où vous étiez curateur pour la personne également, pensez-vous qu'il y a en place les mécanismes qui vous permettent d'exercer ces responsabilités, particulièrement eu égard aux traitements, décider de la cure fermée, de la cure ouverte? Enfin, II semblerait que c'était le point qui était le plus en souffrance; strictement en fonction des droits de la personne, normalement, le curateur devait être informé, son consentement devait être recherché.

Il y avait une foule de modalités qui faisaient que, finalement, on pouvait s'excuser, en tout cas, ou on pouvait s'exempter de demander ce consentement au curateur en partant d'une continuité de traitement, etc. Ces difficultés peuvent-elles être aplanies dans le contexte

contexte actuel pour rendre le Curateur public plus efficace à l'égard du respect des droits de la personne impliquée dans un traitement?

Mme Robillard: Ce que je peux vous dire, c'est que les difficultés ont été aplanies, mais ne sont pas toutes résolues parce qu'il y a différentes dimensions de la vie d'un individu pour lesquelles il doit donner son consentement. Donc, cela devient très complexe. Pour aplanir les difficultés, ce qu'on a fait cette année, c'est développer tout le secteur des droits de la personne. Quant aux consentements médicaux, il y a maintenant au bureau du Curateur public deux conseillers médicaux, deux médecins, qui, régulièrement, conseillent la Curatrice publique en vue de donner des consentements. Il y a aussi des professionnels des sciences humaines qui ont été engagés pour regarder toutes les autres dimensions et, si vous parlez de Rivière-des-Prairies, je pense de façon particulière à tout le problème de la contention et de l'isolement, mais on va au-delà de cela. Je pense que la question du consentement a été mise sur la table cette année en regard de l'hébergement même des personnes, de notre système d'hébergement. (15 h 45)

Je dirais en regard aussi des plans d'intervention, que les établissements d'hébergement et de soins de longue durée se doivent de le faire pour chacun de leurs bénéficiaires et ils nous demandent de consentir à ces plans d'Intervention. Alors tout cela, graduellement, se développe au bureau du Curateur public, bien que ce ne soit pas encore parfait

Mme Lavoie-Roux: Les institutions, si je comprends bien, sont devenues plus conscientes de la présence du Curateur public et des responsabilités du Curateur public qu'elles ne l'étaient dans le passé.

Mme Robillard: Je pense que oui, je peux l'affirmer.

Mme Lavoie-Roux: Vous pariez aussi de votre conception de Pombudsperson". Je pense que cette question a été soulevée par plusieurs quant à son indépendance. Sous l'autorité de qui devrait-Il être, ou de qui devrait-il dépendre, etc.? C'est une question qu'il va falloir examiner de plus près, je pense. Tout le monde s'entend sur une forme de système d"advocacy" pour la protection des personnes malades. Là-dessus, on a besoin d'un peu plus de réflexion, mais je ne pense pas que, fondamentalement, il y ait d'objection majeure ou divergence majeure entre les différentes personnes qui sont venues ici, sauf quant au rattachement et à l'Indépendance de cette personne.

J'aimerais vous demander quelles sont vos relations avec les comités de bénéficiaires en tant que curateur? Est-ce que vos relations sont strictement avec les individus ou si vous avez des contacts avec les comités de bénéficiaires?

Mme Robillard: Quand on regarde strictement la loi, le Curateur public est le représentant d'une personne. A mon point de vue, il peut être en relation et en collaboration avec tous les gens qui gravitent autour de la personne même qu'on représente. À cet égard, autant nous sommes en contact avec la direction et les professionnels des établissements, autant nous essayons d'être en contact avec les comités de bénéficiaires, surtout dans les endroits où les comités de bénéficiaires sont très actifs. Je peux vous dire que, cette année, on vit un projet pilote avec un comité de bénéficiaires, celui de Louis-Hippolyte-Lafontaine, dans une collaboration très intensive entre le bureau du Curateur public et le comité pour faire en sorte qu'ils exercent leur rôle de façon plus complète au sein de rétablissement. Pour nous, ce sont des porte-parole, des Interlocuteurs privilégiés. Quand on entre dans un établissement, quand on est de plus en plus présent dans un établissement, autant les professionnels ont des choses à nous dire en regard des personnes qu'on représente, autant le comité des bénéficiaires est un interlocuteur très privilégié pour nous.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je reviendrai plus tard.

Le Président (M. Baril): M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Merci, M, le Président. Tout d'abord, votre mémoire est bien, mais il est très théorique, madame.

Mme Robillard: Oui?

M. Chevrette: Aussi bien dire ce que je pense. Je vais vous poser des questions sur le plan concret. J'ai connu l'ancienne Curatelle publique, cela semble avoir changé. Je vais savoir en vous interrogeant si cela a véritablement changé. Je voudrais savoir concrètement, au sujet du malade mental qui n'a pas de famille - la politique est axée sur la personne et la famille - quel est le rôle que joue la Curatelle vis-à-vis de ce malade en l'absence de la famille par rapport à la politique de santé mentale qui a été déposée?

Mme Robillard: Par rapport au projet de politique de santé mentale déposé, je peux vous dire que la Curatelle a exactement la même orientation que le projet de politique, donc, l'implication de la personne elle-même. Si elle n'a pas de famille autour d'elle, l'orientation qui va être donnée, c'est d'essayer de voir les proches qui sont autour de cette personne et non pas exclusivement des membres de la famille proprement dite. Cela peut être des gens d'organismes communautaires ou de groupes de défense

nismes communautaires ou de groupes de défense des droits ou même de comités de bénéficiaires avec qui on va essayer de collaborer pour être certain que le bien-être de cette personne est assuré dans son milieu de vie. Bien sûr, on ne peut faire cela sans la collaboration des professionnels du réseau de la santé et des services sociaux.

M. Chevrette: Une dame est malade, elle est déclarée atteinte de maladie mentale, elle a deux fils qui ne s'entendent pas au conseil de famille. Le médecin recommande la Curatelle publique et le fils, celui qui est le plus près d'elle, exige que sa mère sorte de l'institution. La Curatelle publique refuse, alors que c'est par moments que la maladie se manifeste, ce n'est même pas identifié comme une maladie mentale lourde. Quelle est la réaction de la directrice de la Curatelle publique vis-à-vis du fait qu'un jeune est désireux de reprendre sa mère chez lui? Est-ce que vous accéderiez à une telle demande?

Mme Robillard: Permettez-moi une question,

M. Chevrette: La personne dont vous parlez est-elle représentée par le Curateur public ou si elle a un curateur privé?

M. Chevrette: Par la Curatelle publique parce que le médecin, en l'occurrence, devant les divergences sur le plan familial, a décidé que ce serait la Curatelle publique qui s'en occuperait.

Mme Robillard: Oui.

M. Chevrette: Je peux vous donner un cas précis.

Mme Robillard: On veut la sortir de l'institution, et c'est le fils qui ne le veut pas.

M. Chevrette: Non, c'est la Curatelle qui refuse,

Mme Robillard: Nous refusons qu'elle sorte de l'institution. J'ai de la difficulté à voir. Je ne peux pas vous répondre à un cas précis...

M. Chevrette: Sous prétexte que vous administrez pour et au nom... Je vous donne un cas concret, je vais répéter ma question.

Mme Robillard: Oui.

M. Chevrette: II y a une divergence dans une famille et le médecin exige que ce soit la Curatelle publique qui s'occupe de ladite personne. Comme vous n'êtes pas là pour arbitrer entre deux fils, vous administrez, on vous a confié une responsabilité et vous administrez; je reconnais cela. Sauf qu'au moment où la personne est victime elle n'a plus aucune décision à prendre. Il y a un de ses fils qui veut avoir sa mère chez lui parce qu'elle souffre de pertes de mémoire sporadiques; elle peut être comme vous et moi pendant deux jours et devenir confuse pendant deux jours. À ce moment-là, il n'y a aucune possibilité pour l'individu sans la signature de son frère, sans un arbitrage ou une procédure juridique, d'en arriver à sortir la personne de l'institution.

Mme Robillard: Je peux vous dire que, dans un cas conflictuel semblable, un professionnel de la Curatelle devrait se rendre sur place, d'abord, pour essayer de voir ce que la personne elle-même veut. Vous savez, on a des gens qui sont sous Curatelle publique et qui ne sont pas encore 'Capables de prendre des décisions dans certaines sphères de leur vie.

M. Chevrette: Mais si le psychiatre ou le médecin traitant a déclaré qu'elle était Incapable d'administrer ses biens...

Mme Robillard: Oui, mais même si une personne sous Curatelle publique est capable d'administrer ses biens je peux l'associer aux décisions qui la concernent dans la mesure de ses capacités.

M. Chevrette: Ne me dites pas que vous allez résoudre un problème vieux d'un an et demi.

Mme Robillard: La première démarche sera de voir ce que la personne veut, si elle est en mesure d'exprimer ce qu'elle veut. Deuxièmement, il s'agira d'essayer de rencontrer les membres de sa famille et de demander l'opinion des professionnels qui l'entourent. Je peux vous dire que, dans des situations très complexes, rares sont les cas ou on n'arrive pas à des consensus.

M. Chevrette: Donc, on peut en appeler d'une décision d'un professionnel auprès de la Curatelle.

Mme Robillard: Sûrement, monsieur.

M. Chevrette: En s'adressant non pas à l'institution, mais directement à ta Curatelle.

Mme Robillard: En s'adressant au bureau de la Curatelle. Ces problèmes regardent justement mon secteur des droits de la personne où il y a des professionnels en sciences humaines qui sont là pour éviter cela.

M. Chevrette: C'est bon à savoir.

Deuxième question, quand vous dites que c'est axé sur les besoins de la personne, quel est le rôle de la Curatelle, concrètement, le jour où la personne est prise en charge, par exemple, dans un plan Individualisé de traitement? Quel est le rôle de la Curatelle?

Mme Robillard: Le Curateur public est le

représentant de la personne. Cela veut dire que lui-même n'est pas un distributeur de services à la personne. Il va aider la personne pour qu'elle ait les services nécessaires pour répondre à ses besoins, comme un curateur privé te ferait pour la personne qu'il représente.

M. Chevrette: Est-ce que, dans des cas précis, vous avez, dans un passé tout récent, tenté de provoquer la rencontre, la réunification - pas la réunification, ça serait un mauvais terme... Est-ce que vous avez, dans le passé ou dans un passé plutôt récent, tenté de redonner une curatelle privée à partir des proches et de la famille plutôt que de garder l'administration publique?

Mme Robillard: Vous tombez en plein dans les orientations du Curateur public pour 1988, M. Chevrette. Il y a des mesures qu'on essaie de rendre incitatives pour essayer de voir qui, auprès de chacune de nos 14 000 personnes, pourrait assumer cette responsabilité-là. C'est une des orientations de la boîte et cela a déjà commencé. Je peux vous dire qu'il y en a déjà 14 000 qui sont représentées par le Curateur public, mais, chaque mois, il y en a 200 nouvelles qui sont référées au bureau du Curateur public. Dans ce sens-là, on essaie aussi de sensibiliser davantage le personnel du réseau de la santé et des services sociaux. Avant même de se référer à la Curatelle publique, est-ce qu'on ne pourrait pas _essayer_ de voir avec les membres de la famille qu'un des leurs assume cette responsabilité?

M. Chevrette: Mais dans l'hypothèse où il y a mésentente au sein de la famille - je reviens à cette question-là parce que ça ne m'apparait pas... C'est clair sur le plan théorique mais, sur le plan pratique, je ne suis pas certain que ce soit ce qui se passe, sur le plan local; je ne dis pas à la Curatelle, mais pour ceux qui vous font la recommandation cela ne vous arrive pas comme par enchantement, cela vous est référé par quelqu'un. Il y a des signatures de professionnels qui vous recommandent de prendre en charge telle et telle personne. C'est ainsi que ça fonctionne. Est-ce que la Curatelle, avant de dire oui spontanément à la demande du DS - attendez, je ne me rappelle plus comment on l'appelle... Je ne me rappelle plus son nom.

Mme Robillard: Le DSP.

M. Chevrette: Le DSP. Non. En tout cas, c'est le responsable de la médecine, du conseil des médecins.

Mme Robillard: DSP.

M. Chevrette: C'est ça. Il signe et il vous envoie cela. Est-ce que vous prenez la précaution au préalable de vérifier si, dans la famille, il n'y aurait pas quelqu'un qui serait capable d'assumer une curatelle privée, quelqu'un qui a des liens très étroits, des liens filiaux entre la personne et la patiente?

Mme Robillard: Vous savez, M. Chevrette, il faut vivre avec les lacunes de notre loi actuelle. Quand je reçois un certificat d'incapacité qui est d'abord signé par un psychiatre et qui l'est aussi par le directeur des services professionnels, à partir du moment où ce certificat est à mon bureau, la personne est déjà sous la juridiction du Curateur public. C'est déjà fait. Et je ne peux pas remettre en cause te certificat, pas plus que la personne elle-même ou ses proches, à moins qu'elle ne se présente devant un tribunal pour aller le faire annuler.

Alors, ce qu'on fait... Parfois, dans certaines situations - ce n'est quand même pas dans toutes les situations - c'est fait de façon très brutale et brusque pour la personne et sa famille. La famille l'apprend même de notre propre voix, que la personne est sous curatelle. Alors, vous pouvez vous imaginez la frustration et l'agressivité de la famille, et avec raison. À partir du moment où on reçoit un certificat d'incapacité, on avise immédiatement la famille qu'elle est sous la juridiction du Curateur public et on l'invite à se faire nommer curateur privé en tout temps, en tout temps, un membre de la famille peut se faire nommer curateur privé même si la personne est sous juridiction du Curateur public. En tout temps, la famille peut commencer les démarches. Or, c'est ce qu'on essaie de faire.

Par ailleurs, il y a certains membres de la famille qui peuvent résister à assumer cette responsabilité qui est, entre parenthèses, très lourde; notre système actuel, sous l'ancien Code civil, n'incite peut-être pas à cette responsabilité-là. Heureusement, le projet de loi 20 va l'assouplir pour encourager davantage un proche à être curateur parce que, pour nous, c'est notre croyance très ferme: Qui est le mieux placé pour représenter l'autre? Quelqu'un qui vit près d'elle.

M. Chevrette: Si je vous pose la question, c'est parce qu'à l'intérieur d'une politique de la santé mentale, n'y aurait-il pas lieu, précisément, d'obliger par une procédure spécifique, précise, claire les institutions, y compris les professionnels de l'institution, à procéder différemment? Au lieu de placer la famille devant une situation de fait, au moins, qu'il y ait une démarche obligatoire parce que ce n'est pas toujours fait, vous avez raison de le dire. On a des cas très réguliers. Quand on fait du bureau de comté, iI y a des gens qui nous arrivent et qui disent: Ma mère est sous Curatelle publique. On ne peut plus rien faire. Là, la chicane prend, et à plus forte raison, à part cela, s'il y a une maison en vue. Vous savez toute l'histoire. Vous connaissez cela bien mieux que moi. On ne sent pas, dans certaines institutions, une volonté d'Impliquer d'abord la famille. On s'en remet trop facilement,

d'après moi, à votre structure.

(16 heures)

Mme Robillard: Vous avez raison, dans certaines institutions, comme vous dites. Par ailleurs, dans d'autres institutions, elles sont même d'avant-garde concernant tes changements à la Loi sur la Curatelle publique dans le sens suivant. Vous savez que, présentement, la loi ne prévoit aucune révision de ce certificat d'incapacité, de sorte que cela fait six ans, sept ans et huit ans que la personne est sous curatelle et on ne révise même pas sa condition. Il y a des établissements psychiatriques au Québec qui ont décidé eux-mêmes de mettre sur pied un système de révision systématique de leurs cas sous curatelle. Souvent, c'est dû à un manque d'information, je dirais, des conséquences aussi importantes d'une curatelle, qu'elle soit privée ou publique, sur la personne, ce qui fait que les professionnels n'agissent pas. De plus en plus, on les sensibilise et je peux vous dire qu'on a de plus en plus la collaboration des établissements et des professionnels à Inclure la famille dans la démarche, ce qui n'empêche pas qu'on ait des cas. Vous en connaissez et nous aussi.

M. Chevrette: Donc, dans le cadre d'une politique officielle gouvernementale, vous seriez d'accord qu'on oblige, par une procédure spécifique, les institutions et les professionnels à agir de la sorte.

Mme Robillard: Est-ce que c'est dans le cadre- d'une "obligation contenue dans une politique de santé mentale ou si ce n'est pas dans le cadre de la révision de la Loi sur la Curatelle publique qu'on pourrait songer à une obligation semblable?

M. Chevrette: Le premier réflexe doit être développé auprès de ceux qui traitent la personne...

Mme Robillard: Oui.

M. Chevrette: ...et non pas de celui qui peut en hériter un jour. Je vous pose la question, ce n'est pas pour rien. Si vous me dites que c'est dans le cadre de notre loi, pourquoi les professionnels de la santé sont-ils assujettis en fonction de la Loi sur la Curatelle publique au lieu d'avoir une politique axée sur la personne? Je ne comprends pas votre raisonnement.

Mme Robillard: Je vous dis qu'à l'heure actuelle la procédure d'ouverture d'un régime de curatelle n'inclut pas nécessairement obligatoirement les membres de la famille. Cela pourrait être dans une loi.

M. Chevrette: Oui, mais si on veut développer le réflexe, Mme Robillard?

Mme Robillard: Oui.

M. Chevrette: Si on veut développer le réflexe, au niveau des professionnels oeuvrant en santé mentale ou des catégories de professionnels oeuvrant en santé mentale, précisément d'appliquer intégralement l'esprit et la lettre de la politique éventuelle qui est axée sur la personne et la famille et ses proches, il me semble que la volonté politique doit se manifester clairement à l'Intérieur du cadre de la politique. Bien sûr, il faudra subordonner votre loi ou la loi-cadre que vous avez à cette politique. Mais si on subordonne le réflexe des professionnels à une lof, à celui qui le prend en charge par la suite, cela me paraît procéder à l'inverse.

Mme Robillard: Sûrement, mais, pour mol, c'était déjà présent dans le projet de politique. Cela peut être dit de façon plus spécifique, mais c'est déjà dit dans le projet de politique que la personne est centrale, est au centre de toutes les actions avec ses proches. Est-ce que vous voulez le redire ou le réaffirmer dans le contexte du respect des droits?

M. Chevrette: J'irais plus loin que cela. Mme Robillard: Peut-être.

M. Chevrette: J'irais même vers une obligation inverse. Ceux que vous avez déjà, qui ne vous appartiennent pas de droit, devraient être l'objet d'une procédure à l'Inverse, les deux à ta fois, pour tes professionnels d'avoir ce réflexe famille-proches et le réflexe, après, en amendant votre loi, de retourner vers la famille, vers les proches. Là, je pense qu'on aurait le portrait le plus complet, le plus global.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie, M. le chef de l'Opposition. Je dois laisser la parole à M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Vous nous dites qu'il y a actuellement environ 14 000 personnes qui sont soumises à la Curatelle publique. Pourriez-vous nous donner une idée du total des biens que vous devez administrer au nom de ces personnes, que la Curatelle a actuellement à gérer? Combien cela représente-t-fl?

Mme Robillard: Vous savez que le Curateur public a d'autres fonctions que celles-là mais, en regard de la fonction de curateur de personnes, c'est un portefeuille d'environ 120 000 000 $.

M. Doyon: Quant à l'administration, est-ce que ce sont des placements faits par la Curatelle soit dans des hypothèques, des certificats de dépôt dans les banques? Où vont ces 120 000 000 $ qui sont administrés par vous au nom de vos protégés?

Mme Robillard: Ici, il faudrait faire la

distinction par rapport au capital des personnes, si on parie bien des liquidités ou des biens en tant que tels parce que vous savez qu'on administre...

M. Doyon: Parlons des liquidités tout d'abord.

Mme Robillard: C'est sûr qu'actuellement, c'est un portefeuille collectif qui doit être géré selon les règles actuelles du Code civil, donc, avec beaucoup de prudence. Les placements ne sont faits que sur le marché obligataire au moment où je vous parle, donc, dans le domaine des obligations essentiellement.

M. Doyon: En ce qui concerne les propriétés immobilières, en fait, tout ce qui n'est pas liquidités, cette administration se fait aussi par vous, par des spécialistes. Vous confiez des contrats ou vous le faites vous-mêmes?

Mme Robillard: On a une section immeubles-assurances qui fait la gestion d'immeubles au bureau du Curateur public.

M. Doyon: Vous autres mêmes.

Mme Robillard: Ouf.

M. Doyon: Dans votre rapport, est-ce que vous publiez annuellement le rendement de... Parlons des_ immeubles d'abord, de ce que ça rapporte, des prises de valeurs, des ventes, etc.

Mme Robillard: De façon détaillée, pour les 14 000 personnes...

M. Doyon: Non, mais globalement.

Mme Robillard: De façon globale, oui, ce sera dans le rapport qui sera déposé sous peu à l'Assemblée nationale et même, au niveau du portefeuille collectif, les intérêts qui sont rapportés annuellement. Tout cela se fait en conformité... Je dois vous dire que la loi actuelle prévoit que le Curateur est conseillé par un comité de placements; trois membres nommés par le gouvernement me conseillent dans les placements à faire pour la gestion des biens. Actuellement, ce comité est en vigueur...

M. Doyon: II est en place.

Mme Robillard: Oui, il fonctionne.

M. Doyon: Qui sont les trois personnes à ce comité?

Mme Robillard: M. Guy Monfette qui est surintendant des assurances au bureau de l'Inspecteur général des institutions financières, M. Yvon Sauvageau qui est vice-président à l'Industrielle et M. Chaput qui est professeur de finances à l'École des Hautes études Commerciales.

M. Doyon: Ces personnes-là sont nommées pour une certaine période de temps.

Mme Robillard: Elles sont nommées pour trois ans et leur nomination est renouvelable par décret gouvernemental.

M. Doyon: Est-ce que ce comité existe depuis un certain temps?

Mme Robillard: Ce comité était déjà en fonction à mon arrivée en décembre 1986.

M. Doyon: Êtes-vous en mesure de nous dire le taux de rendement? Parlons d'abord des liquidités. Savez-vous ce que rapportent actuellement les liquidités des gens qui sont...

Mme Robillard: Je peux vous dire que pour la dernière année - si vous me parlez du dernier trimestre, on fait un rapport trimestriel - cela s'est situé autour de 13 %. On était au-dessus de l'indice McLeod et, pour le dernier trimestre, on a versé autour de 10 % aux gens, à ce qu'on me dit.

M. Doyon: Pour ce qui est des immeubles, est-ce que vous avez aussi un indice quelconque? Je comprends que c'est plus compliqué.

Mme Robillard: Non, on n'a pas d'indice quelconque à l'heure actuelle.

M. Doyon: Si je me souviens bien, il y a eu des difficultés, Mme Robillard, enfin, des critiques qui sont parues dans les journaux - cela date peut-être d'avant votre époque - sur la façon dont étaient administrés les biens des gens qui étaient entre les mains de la Curatelle publique. Est-ce que des changements ont été effectués pour corriger certaines situations ou si, à votre connaissance, la situation est telle qu'elle était à ce moment-là?

Mme Robillard: Je ne sais pas si vous vous référez exactement...

M. Doyon: Je me réfère à des difficultés qui ont eu lieu il y a quelques années, deux ou trois ans, je dirais.

Mme Robillard: D'accord. Je pense que ce qu'on reprochait au Curateur public à ce moment-là, c'était de ne pas faire de placements à partir de son compte d'opérations. Vous savez, c'est comme un particulier, II y a un compte d'opérations et un compte de placements à long terme. Le compte d'opérations a des variations très Importantes au bureau du Curateur public. La journée où nous recevons l'ensemble des pensions de vieillesse, par exemple, le compte

d'opérations peut monter à 2 000 000 $ et, trois jours plus tard, il sera descendu à 200 000 $. À l'époque, il ne se faisait pas de gestion d'encaisse à partir de ce compte. Comme dans plusieurs milieux aussi, il pouvait y avoir des lacunes. Tout ce que Je peux vous dire, c'est qu'en 1987 et 1988 une gestion d'encaisse se fait, donc, il y a des placements à court terme.

M. Doyon: Donc, des mesures correctives ont été apportées.

Mme Robillard: Oui.

M. Doyon: Merci, M. le Président

Le Président (M. Baril): Merci, M. le député de Louis-Hébert M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, M. le Président, Je voudrais revenir au système d"advocacy* proposé ici dans le mémoire de Mme la Curatrice publique. Dans un premier temps, je voudrais savoir comment vous réagissez à des préoccupations évoquées jusqu'à maintenant devant nous, à savoir qu'avant de mettre en place soit un système développé d'"ombudsperson". comme celui auquel il est fait allusion dans le rapport Harnois, ou un système d'"advocacy" comme celui que vous proposez avec un certain nombre de détails, It fallait peut-être finalement permettre aux comités de bénéficiaires de Jouer encore plus et mieux leur rôle, quitte peut-être même à réviser les droits et les pouvoirs qu'on pourrait leur confier. On a senti, à l'occasion en tout cas, une certaine réticence dans certains milieux à adopter encore une nouvelle formule avant, de ce que j'en comprends, que les comités de bénéficiaires aient vraiment été au bout de ce que cette formule pourrait permettre, quitte à y rajouter des moyens. Comment réagissez-vous, compte tenu du fait que vous ayez déjà eu des relations avec les comités de bénéficiaires dans le cadre de votre mandat général? Comment réagissez-vous, une fois sensibilisée à cette réaction que certains ont eue? Est-ce que vous maintenez le fait que vous souhaitez plutôt voir un système d'"advocacy" développé comme celui que vous proposez ou si, compte tenu de l'expérience que vos services possèdent et tout cela, vous seriez prête à envisager l'idée d'aller peut-être plus loin avec les comités de bénéficiaires avant de mettre en place toute une quincaillerie de procédures d'un système d'"advocacy"?

Mme Robillard: Si vous le permettez, je vais demander à Mme Landry d'expliciter davantage.

Mme Landry-Balas (Louise): Le système d"advocacy" tel qu'il existe aux États-Unis et tel qu'on le propose en Ontario, entre autres, est un système plus large qui va s'adresser d'ailleurs non seulement aux personnes dans les institu- tions, mais, quand on parle de désinstitutionnalisation, on sait très bien que les personnes les plus vulnérables à partir de l'Institution seront celles qui vont se retrouver en société parce qu'elles n'auront plus ces murs protecteurs. Le comité de bénéficiaires joue, je crois, un rôle Important; dans un processus de désinstitutionnalisation, je pense cependant que le système d"advocacy" auquel on pense est un système beaucoup plus large dans lequel les comités de bénéficiaires auraient possiblement, je pense, un rôle à jouer.

Cependant, je ne pense pas que la protection des droits des Individus doive contenir ou regrouper que des bénéficiaires. Je pense que la communauté, l'ensemble des individus qui forment une société, a un devoir de protection et le système d'"advocacy", c'est cela. On parle de ramener à la communauté les Individus, alors, II faut qu'on implique la communauté de différentes façons. L'une des façons qui nous a semblé plus importante, c'est celle de voir à leur protection première, celle d'être éveillé aux besoins qui peuvent être remarqués par un voisin, par un ami, par quelqu'un qui va dans le métro et qui voit qu'on y place un individu pour quêter ou quoi que ce soit, qu'on ait un système au Québec auquel on peut rapporter toutes ces choses-là. Je pense que c'est plus large que ce que vous venez de mentionner, mais cela ne l'exclut absolument pas.

M. Rochefort: D'autre part, vous ajoutez, dans les fonctions que vous souhaiteriez voir assumer par ce système: et d'adopter les mesures correctrices qui s'imposent Est-ce que je dois donc conclure que vous allez jusqu'à dire que ce système, ces comités régionaux pourraient avoir les pouvoirs d'Imposer des modifications, par exemple, quant aux services d'un bénéficiaire? Jusqu'où allez-vous donc dans ces pouvoirs de modification du plan de services? (16 h 15)

Mme Landry-Balas: Je dois vous dire qu'il s'agit d'abord de propositions qui, pour l'instant, sont encore assez globales. On a eu beaucoup de difficultés à traduire te mot "advocate". Dans un document qu'on a eu de l'Ontario, on a traduit cela par "intervenant", ce que nous avons choisi de ne pas adopter parce que "Intervenant" veut souvent dire "celui qui distribue les services." C'est très large.

Dans un certain document, on a employé le mot "défenseur". Je mentionne cela parce que, possiblement, c'est ce que la personne, les individus et le système auraient à faire. C'est de voir à des besoins qui ne sont pas nécessairement des services, qui peuvent aussi l'être, mais de voir aux besoins d'un individu, SI l'Individu est intéressé à être représenté, Je pense que le fait que l'individu veuille ou acquiesce de quelque façon à avoir quelqu'un qui puisse le défendre est important et que ce défenseur puisse aller aux différentes instances pour voir

que les actions correctives puissent être faites. C'est cependant non légal, c'est-à-dire que ce n'est pas un avocat, quelqu'un qui va aller défendre en cour ou quoi que ce soit. Pour nous, c'est distinct de la représentation par une curatelle comme telle, où il y a une représentation légale d'un individu incapable.

M. Rochefort: Oui mais...

Le Président (M. Baril): ...que vous poseriez une dernière petite question.

M. Rochefort: J'achève, M. le Président, il n'y a pas de problème.

Je comprends que vous nous répondiez peut-être en fonction des mandats qui sont les vôtres, de la loi qui est la vôtre et de l'évolution que vous voulez qu'elle connaisse. On comprend bien qu'une fois le système en place il n'existera pas simplement pour les fonctions qui sont celles de votre service. Je trouve que c'est une question très importante à laquelle il faut qu'on apporte, d'après moi en tout cas, à un moment donné une réponse claire.

Je pose ma question: Est-ce que vous allez jusqu'à dire que ce système... Par exemple, si c'était plutôt le droit d'une personne qui était retenu comme formule, est-ce que ce système devrait aller Jusqu'à imposer, à avoir un peu une forme de capacité d'exécution des jugements, des analyses, des évaluations?

Mme Landry-Balas: Je tendrais à dire qu'il ne peut pas Imposer, il peut demander.

M. Rochefort: D'accord. Pouvoir de recommandation, d'attirer l'attention.

Mme Landry-Balas: Défendre. Un aspect très important, je le répète, c'est que l'individu qui doit recevoir ces services, cette défense, soit d'accord avec les pas qui se font.

M. Rochefort: D'accord. Merci.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, si vous vouiez bien conclure en remerciant nos invités.

Mme Vermette: Oui, M. le Président. Je voudrais remercier Mme Robillard pour l'exposé qu'elle vient de nous faire en ce qui concerne la Curatelle publique. J'ose espérer que cette ouverture d'esprit dont vous commencez à faire preuve, en tout cas depuis un certain temps, se traduira concrètement dans la réalisation, d'autant plus pour la personne qui doit justement subir très souvent les préjudices, et que cette orientation vers la famille sera de plus en plus présente dans l'orientation de nos politiques. Je vous remercie.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup.

Mme la ministre, le mot de la fin.

Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je veux vous remercier. Je pense que c'est peut-être la première discussion un peu plus poussée qu'on ait eue des lois qui vont devoir être corrigées et accompagner la politique. Cela me paraît extrêmement Important, compte tenu que la protection des droits de la personne dans ce secteur est un élément fondamental de toute politique. Je vous remercie.

Le Président (M. Baril): À mon tour, Mme Robillard, je vous remercie ainsi que votre groupe de vous être présentés cet après-midi. Je vous souhaite un bon voyage de retour. Je vous remercie.

Mme Robillard: Merci beaucoup de nous avoir entendus.

Le Président (M. Baril): J'invite le Comité des bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard, s'il vous plaît, à se présenter.

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plaît!

Si on manque de place, vous pouvez vous asseoir dans les bouts. MM. les invités, si vous manquez de place, vous pouvez vous asseoir dans les bouts. Ne vous gênez pas. Prenez place. M. Perreault, j'Imagine.

M. Perreault (André): C'est moi.

Le Président (M. Baril): Je vous souhaite la bienvenue et si vous voulez vous présenter ainsi que vos invités, s'il vous plaît. Je tiens à vous faire remarquer que j'essaie d'être assez strict pour demeurer à l'heure. Vous avez 20 minutes pour nous parier de votre mémoire.

Comité des bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard

M. Perreault: J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à tous. Je veux me présenter: André Perreault. Je suis président du Comité des bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard et je suis aussi membre du conseil d'administration du centre hospitalier Robert-Giffard. Je veux tout d'abord remercier Mme la ministre, M. le Président de la commission parlementaire, M. le chef de l'Opposition, ainsi que tous les membres de la commission parlementaire d'avoir bien voulu nous accueillir pour présenter notre mémoire aujourd'hui.

J'aimerais aussi présenter les membres du Comité des bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard. J'ai ici, à ma droite, M. Charles Rice, secrétaire du comité et membre du conseil d'administration du centre hospitalier Robert-Giffard; M. Roger Grandmont, vice-président du comité; à ma gauche, M. André Vallière, bénévole

actuellement au comité; M. Mario Lortie, permanent au comité des bénéficiaires et M. Paul Boilard, conseiller au comité des bénéficiaires. Il a été dans le passé procureur de la couronne à Montréal. Il a été aussi journaliste au Soleil et attaché de presse de M. Daniel Johnson, ancien premier ministre, autrefois.

M. Chevrette: Daniel père.

M. Perreault: C'est ça. Après avoir lu le rapport avec beaucoup d'intérêt, nous constatons que M. Harnois a oublié de souligner la présence des comités de bénéficiaires qui sont les porte-parole des premiers Intéressés du système, c'est-à-dire ceux pour qui nous sommes réunis aujourd'hui. Le but de notre intervention est de souligner ces lacunes et de sensibiliser la commission à l'Importance d'un comité de bénéficiaires comme le nôtre à l'intérieur d'un système qui dit vouloir se faire plus près des usagers.

Notre mémoire se divise en trois volets: d'abord, les droits, les comités de bénéficiaires et la désinstitutionnalisation. J'aimerais laisser la parole à mon collègue, M. Charles Rice, qui va vous parler des droits.

M. Rice (Charles): Bon, c'est ça. Comme le disait mon collègue, quand on a lu le rapport Harnois, on a été un peu déçu de constater qu'il y avait très peu de lignes consacrées à la question des droits et à la qualité de vie en milieu, Institutionnel. Pourtant, il y a eu beaucoup" de choses qui se sont brassées à ce niveau depuis les cinq dernières années. On n'a qu'à penser à la mise sous tutelle de Louis-H.-Lafon-taine et aux événements qui ont conduit à cette tutelle. On n'a qu'à penser aussi à une enquête qui a été faite sur la violence et la sexualité au centre hospitalier Robert-Giffard et à une enquête que nous avons faite nous autres mêmes aussi. On n'a qu'à penser aussi à l'enquête à l'hôpital de Rivière-des-Prairies, le fameux rapport Shadley. On se demande si le comité Harnois l'a lu. On n'en fait même pas mention dans la bibliographie du rapport.

Enfin, it y a la lettre de démission de l'ombudsman de Rivière-des-Praires aussi. On se demande si le comité en a tenu compte. C'est ça. On a l'Impression, en gros, que te comité Harnois a fait l'autruche par rapport aux situations qui prévalent actuellement dans les hôpitaux psychiatriques. On trouve cela déplorable. Le but, c'était de sensibiliser un peu la commission sur ce qui se passe dans les hôpitaux. On aimerait proposer des choses concrètes pour améliorer la situation.

La situation qui prévaut actuellement dans nos hôpitaux n'est pourtant pas nouvelle. On ne peut d'ailleurs la dissocier du contexte historique dans lequel la psychiatrie a évolué au Québec depuis le début du siècle. Les dinosaures asilaires tels que Robert-Giffard font, en quelque sorte, partie de notre patrimoine. Non seulement avons-nous hérité de l'asile, mais aussi de certaines pratiques qui, aujourd'hui, ne sauraient être tolérées dans une société respectueuse des droits de la personne.

Il appert donc que les lacunes proviennent de l'exercice des droits et non des droits eux-mêmes. Le comité Hamols le reconnaît explicitement lorsqu'il affirme que les lois "sont généralement peu Indicatives de ta façon dont le respect des droits peut, en pratique, être raffermi, protégé et promu."

Le rapport propose la nomination d'une "ombudsperson" dans chaque conseil régional. Nous avons de fortes réserves quant à l'application de cette recommandation, non pas que nous soyons en désaccord avec le principe de l'"advocacy", mais notre vision de ce rôle diffère largement de celle du comité Harnois.

Ce système devrait avant tout être autonome par rapport au réseau de la santé et des services sociaux. Il devrait aussi posséder des pouvoirs suffisamment larges pour lui permettre d'exercer ses fonctions. A la recommandation 3 du rapport Harnois, on ne parte aucunement de pouvoirs par rapport à l'"ombudsperson". Je trouve que cela serait important qu'on précise cela. Parmi les pouvoirs qu'on pourrait lut reconnaître, on pourrait penser, par exemple, à un pouvoir d'enquête coercitif, au pouvoir d'agir de sa propre Initiative, à la possibilité d'avoir recours en justice et d'avoir accès aux dossiers médicaux. Enfin, un point important, ces pouvoirs devront être reconnus et protégés par une loi. On aimerait que vous légifériez sur cette question.

Par ailleurs, il faut éviter à tout prix de bureaucratiser ce système. Il devrait de préférence avoir une assise régionale et impliquer les usagers et les citoyens dans son organisation. Par exemple, en s'inspirant du modèle américain, une telle instance pourrait être administrative-ment chapeautée par un conseil d'administration formé majoritairement d'usagers, d'ex-usagers et de parents.

Nous recommandons donc la création d'un système national d'"advocacy" couvrant toutes les régions du Québec et indépendant du réseau de la santé et des services sociaux.

Nous recommandons qu'on légifère le cadre dans lequel ce système exercera ses fonctions et lui reconnaisse, notamment, un pouvoir d'enquête, le pouvoir d'agir de sa propre initiative et d'avoir la possibilité de consulter les dossiers médicaux et d'avoir recours à la justice.

Enfin, nous recommandons de régionaliser administrativement le système en impliquant les usagers et les parents dans l'organisation de cette structure.

Quant aux modalités précises par lesquelles un tel système pourrait être implanté, nous croyons que cet aspect devrait faire l'objet d'une réflexion plus poussée. Les comités de bénéficiaires et les organismes voués à la défense des droits devraient être associés à cette réflexion.

Nous recommandons donc la formation d'un

comité de travail chargé d'élaborer un tel système et que les représentants des comités de bénéficiaires et des organismes voués à la défense des droits soient invités à faire partie de ce comité.

J'ai remarqué tantôt que le député de Gouin a posé une question extrêmement pertinente, à savoir si ce système devrait avoir des pouvoirs pour contraindre les établissements à agir. Selon nous - on s'est quand même interrogé là-dessus - on pense que, dans un tel système, on serait peut-être mal placé pour le faire. On recommande, en revanche, d'élargir de façon Importante la juridiction de la Commission des affaires sociales. Ce n'est pas tout de prévoir des mécanismes qui aident les personnes à faire valoir leurs droits; encore faut-il qu'une Instance soit habilitée à trancher les litiges et à régler les différends entre les parties. Contrairement à d'autres secteurs, comme le travail ou l'habitation, il n'existe aucune instance dans le système de santé et des services sociaux habilitée à agir ainsi. En effet, le système actuel n'établit aucun mécanisme formel de révision qui garantirait une appréciation au mérite des plaintes par une Instance compétente. Les CRSSS ne sont pas tenus de procéder par audition formelle, ni d'entendre toutes les parties impliquées. D'ailleurs, le CRSSS a simplement un pouvoir de recommandation et ne possède aucun pouvoir correctif à l'égard des établissements.

La Commission des affaires sociales nous paraît l'instance tout indiquée pour remplir un tel rôle, ta commission a déjà juridiction sur certains droits spécifiques, notamment en ce qui concerne la révision d'une cure fermée ou l'accès au dossier médical. Elle peut aussi être saisie d'une plainte d'un usager si cette plainte a été acheminée au CRSSS et que ce dernier estime que les droits de l'usager sont mis en péril par l'attitude de l'établissement. De façon générale, cette procédure est très peu utilisée et l'usager ne peut lui-même s'adresser directement à la commission ou forcer le CRSSS à le faire.

Nous recommandons qu'on élargisse de façon importante la juridiction de la Commission des affaires sociales pour permettre aux usagers de s'adresser directement à elle lorsqu'un droit reconnu par la Loi sur les services de santé et les services sociaux n'est pas respecté.

Je cèderai la parole à mon collègue, André, pour vous expliquer la partie sur les comités de bénéficiaires.

M. Perreault: Au sujet des comités de bénéficiaires, cela va se faire en quatre parties. La première partie, c'est la reconnaissance et le rôle du comité. En 1985, lorsque nous avons déposé un mémoire sur les conditions de vie des résidents, on nous a coupé les vivres. D'un budget initial de 40 000 $, nous nous sommes retrouvés avec un budget non chiffré.

Cet incident illustre bien les limites dans lesquelles nous sommes appelés à fonctionner et relance tout le débat sur l'autonomie et la marge de manoeuvre que doit posséder un comité de bénéficiaires pour remplir ses fonctions. Nous aurions souhaité que le comité Harnois reconnaisse le rôle nécessaire que doit jouer un comité de bénéficiaires au sein d'un établissement et, dans un sens plus large, dans la réalisation d'une politique comme celle qui est proposée. (16 h 30)

Permettre aux usagers d'être représentés et de se prononcer de façon collective est sans aucun doute une des principales fonctions du comité. Dans ce contexte, le comité des bénéficiaires est plus qu'un simple acteur, il est un partenaire privilégié.

La recommandation qu'on voudrait faire, c'est que la politique de santé mentale reconnaisse formellement la place et le rôle des comités de bénéficiaires dans la réalisation de cette politique et qu'on donne une interprétation plus claire de la loi. La loi n'est vraiment pas claire à certains niveaux.

La deuxième partie, c'est l'Incorporation des comités de bénéficiaires. Même si les comités de bénéficiaires sont reconnus par la loi, la situation légale dans laquelle ils sont appelés à fonctionner n'est pas claire et porte à confusion. N'étant pas Incorporé, te statut juridique des comités s'apparente davantage à une instance administrative au sein même de l'établissement, dont le rôle est purement consultatif, plutôt qu'à une entité autonome ayant ses racines à la base.

Par exemple, n'étant pas Incorporé, le comité ne peut gérer son propre budget sans l'intermédiaire de l'établissement qui agit comme fiduciaire. Il ne peut non plus obtenir une subvention de l'extérieur de l'établissement parce que la plupart des bailleurs de fonds exigent que l'organisme soit incorporé. Enfin, il peut difficilement être reconnu comme entité autonome de rétablissement parce qu'il ne jouit d'aucune personnalité juridique.

Nous sommes d'avis que l'Incorporation des comités de bénéficiaires permettrait de clarifier la situation et confirmerait le rôle nécessaire qu'il doit jouer au sein du réseau de la santé et des services sociaux. Nous faisons donc cette recommandation: Que l'on ajoute à l'article 118.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux une disposition permettant aux comités de bénéficiaires de s'incorporer en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies.

Troisième partie, financement des comités. Les modalités de financement des comités de bénéficiaires posent aussi de sérieux problèmes. L'article 118.1 indique que le centre hospitalier doit prévoir les normes de financement du comité. Ces normes de financement sont actuellement l'un des plus Importants enjeux qui opposent les comités aux institutions.

Le financement est laissé à la discrétion

des hôpitaux qui, finalement, décident du montant qui sera accordé et du type d'activités qui seront financées. Par exemple, en 1984, quand le mémoire sur les conditions de vie a été publié - je pense que tout le monde en a entendu parler un peu - le budget du comité de bénéficiaires a été coupé et il a compris une chose: c'est qu'il ne devait pas trop parler et pas trop faire de bruit À ce moment-là, le budget était laissé à la discrétion de l'établissement. Notre comité compte seulement un permanent qui s'occupe surtout du secrétariat, alors qu'on aurait besoin d'au moins quatre employés pour remplir le rôle que nous confère la loi et pour défendre les Intérêts des usagers dans un établissement d'envergure comme te nôtre.

En ce qui a trait aux modalités par lesquelles un financement hors hôpital pourrait prendre forme, différentes hypothèses pourraient être envisagées. On pourrait, par exemple, fixer par décret un pourcentage du budget de l'établissement que ce dernier serait tenu de verser au comité. Le comité pourrait aussi obtenir son financement directement du ministère ou de l'Office des personnes handicapées qui finance déjà des organismes voués à la défense des droits des personnes handicapées. Même si elle implique une modification de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, nous privilégions cette dernière formule parce qu'elle respecte davantage le principe de l'autonomie des comités.

Comme je le disais tantôt, c'est surtout quand on a fait des choses, quand on a défendu les intérêts des bénéficiaires et présenté des mémoires que le budget a été coupé. Je tiens vraiment à préciser une chose, c'est qu'en ce qui a trait à l'ameublement des locaux, à tout ce qui regarde les loisirs, on peut exprimer vraiment notre entière satisfaction. On a un vidéo, un système de son, on a vraiment tout ce qu'il faut sur le plan de l'équipement À ce niveau, on n'a Jamais eu de problème, on est satisfait de ce que l'établissement nous accorde.

C'est pourquoi nous faisons cette recommandation pour le financement: Que les comités de bénéficiaires soient financés directement par le ministère de la Santé et des Services sociaux ou par l'Office des personnes handicapées du Québec.

Quatrième partie, la composition d'un comité de bénéficiaires. Le comité de bénéficiaires est formé de trois bénéficiaires Internes, selon la loi, ou, s'il y a lieu, de deux bénéficiaires externes, qui reçoivent des services externes, ou de deux bénévoles. Or, cette disposition de la loi ne convient pas à la réalité d'un centre hospitalier comme le nôtre. Au moins 1500 personnes reçoivent des services externes et la tendance risque de s'accentuer avec la venue de la désinstitutionnalisation. La loi limite la participation de ces personnes en assimilant cette catégorie d'usagers aux candidats bénévoles. Toutefois, les usagers externes devront être considérés au même titre que les internes dans la composition du comité.

Nous recommandons donc de modifier l'article 118.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux afin de permettre aux bénéficiaires qui reçoivent des services externes de faire partie du comité des bénéficiaires au même titre que les internes. Actuellement, aussi, on a mis sur pied une fédération. On a notre charte depuis un an. C'est une fédération de comités de bénéficiaires qui est reconnue par la loi au plan des comités de bénéficiaires oeuvrant dans les hôpitaux à vocation psychiatrique.

J'aimerais laisser la place à André Vallière ou à Mario Lottie, ensemble peut-être, qui vont nous parler du plan de désinstitutionnalisation.

Le Président (M. Leclerc): En vous rappelant qu'il vous reste cinq minutes.

M. Vallière (André): Membres de la commission, il me fait plaisir aujourd'hui de pouvoir exprimer, au nom du comité des bénéficiaires, les idées que nous avons retenues au sujet de ta désinstitutionnalisation.

Nous croyons fermement qu'un processus de désinstitutionnalisation doit s'établir selon deux étapes bien précises. Premièrement et Idéalement, un processus de désinstitutionnalisation devrait s'amorcer sans aucun doute à l'Intérieur des institutions. Il faut bien voir que cette assertion est, en partie, vraie parce que dans les institutions on prépare les bénéficiaires à leur sortie. Mais une lacune que nous avons remarquée - c'est là où ça cloche - c'est au chapitre de ta consultation des bénéficiaires. Je ne sais pas si on est resté avec une Image un peu archaïque de ce qu'une personne ayant des problèmes de santé mentale peut être, mais on ne fait pas toujours confiance et on ne laisse pas toujours la possibilité aux bénéficiaires de s'exprimer sur ce qu'ils pensent de la désinstitutionnalisation.

Nous, ce que nous pensons, c'est qu'il est urgent d'établir une vraie démocratie en ce qui concerne la désinstitutionnalisation parce qu'on pense que les bénéficiaires sont les premiers Intéressés dans cette cause-là. C'est une étape de vie qui est la leur. Donc, on est sûr qu'il faut vraiment consulter les bénéficiaires pour qu'ils puissent s'exprimer, donner leur opinion et amorcer une réflexion sur la désinstitutionnalisation.

Ce qui arrive, comme je le disais tantôt, c'est qu'on pense tout le temps que les bénéficiaires ne sont peut-être pas des interlocuteurs valables, capables d'avoir des opinions et d'être autonomes. C'est faux parce que ce sont des personnes capables d'avoir des pensées et d'avoir des idées. Par exemple, on a voulu organiser une journée forum sur la désinstitutionnalisation à Robert-Giffard et, tout de suite, la direction a posé ses conditions.

Ce que nous voulons, c'est que les bénéfl-

claires puissent vraiment s'organiser entre eux et venir ensemble s'organiser et parier de la désinstitutionnalisation sans nécessairement avoir ta direction à leur côté. Comme dans toute organisation, quand les syndicats font des représentations, les patrons ne sont peut-être pas tout le temps là. On pense que, pour les bénéficiaires, c'est la même chose. Ils peuvent être ensemble, discuter et réfléchir sur la désinstitutionnalisation sans que la direction Impose sa présence.

Dans ce sens-là, on recommande d'accorder au comité de bénéficiaires les sommes, les moyens et les ressources pour lancer un véritable débat dans les institutions afin que les usagers s'expriment sur ta question de la désinstitutionnalisation. Nous recommandons aussi que cette étape de consultation des usagers soit prérequise et achevée avant d'amorcer tout projet parce qu'on considère que les bénéficiaires ont leur mot à dire dans la désinstitutionnalisation.

M. Perreault: J'aimerais aussi laisser la parole à M. Grandmont pour le mot de conclusion.

M. Grandmont (Roger): Pour conclure, je veux faire part de mes commentaires à la commission parlementaire. J'ai assisté, ta semaine dernière, aux auditions et je suis content d'avoir vécu cette expérience. Comme vous le savez lorsque nous sommes pris avec ces sortes de maladies, personne ne nous invite à venir parier de nos conditions de vie. Dans ces lieux où les parents et les amis ne veulent plus venir, la raison qu'ils donnent, c'est qu'ils n'aiment pas les portes barrées. Lorsque j'ai assisté aux travaux, la semaine passée, j'ai senti que les membres de la commission travaillaient pour le bien du malade mental qui est considéré comme le plus oublié de toute la terre.

Si un pays est jugé selon les soins qu'il donne à ses minorités, on peut dire que la société québécoise a à se questionner sur le sort qu'elle réserve aux personnes prises avec des problèmes de santé mentale. Cela fait 37 ans que je dépends du milieu psychiatrique. J'en ai vu de toutes les couleurs: la violence physique, l'étranglement, l'étouffement, le harcèlement ou le chantage. Il est grand temps de bannir ces méthodes du Moyen Âge. Comme plusieurs autres bénéficiaires, je m'apprête à sortir bientôt. Après 37 ans d'hospitalisation, on ne dit pas à quelqu'un: Sors, tu es guéri. En plus des ressources extérieures, les personnes devront pouvoir compter sur un revenu minimal décent, ce que souhaitent les bénéficiaires en santé mentale. Merci.

Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants du comité des bénéficiaires de Robert-Giffard. Je me souviens que vous êtes venus nous rencontrer en 1985. D'ailleurs, vous y faites allusion, c'était en août 1985, à la suite du mandat d'initiative de la commission des affaires sociales à l'époque. Vous aviez à ce moment-là exprimé beaucoup de préoccupations quant au rôle du comité des bénéficiaires et quant à la façon dont vous voyiez les relations entre l'établissement et le comité des bénéficiaires lui-même. SI ma mémoire est bonne, il me semble qu'à ce moment-là les relations étaient assez orageuses. Je ne sais pas si je me trompe, mais j'ai l'impression qu'aujourd'hui, c'est un peu mieux, même s'il reste des difficultés. Est-ce que je me trompe ou si c'est cela?

M. Perreault: C'est vrai.

Mme Lavoie-Roux: Sur toute la question de radvocacy", j'aimerais vous demander comment vous voyez tout ce système-là, l'organisation de ce système-là. Vous voyez un système d'"advocacy" pour justement assurer l'indépendance des personnes à l'égard d'un établissement ou d'un réseau de services, mais est-ce que vous avez réfléchi un peu plus longuement sur l'organisation de ce service?

M. Rice: Je peux répondre à cette question, Mme la ministre. On n'a pas voulu vraiment entrer dans les détails. On a quand même fixé certaines balises, à savoir comment, nous, on le verrait. Une chose qui est importante, c'est la question de l'autonomie et de l'indépendance de ce système par rapport au réseau de la santé et des services sociaux. Un autre élément important, c'est que ce système ait des pouvoirs pour agir. Il faut retenir cela. On a pris connaissance de la loi fédérale américaine qui a été discutée en commission la semaine dernière. J'aimerais, si vous me le permettez, M. le Président, déposer la loi qui a été adoptée aux États-Unis. C'est une loi fédérale qui a été adoptée par le Congrès américain. Si vous me le permettez, j'aimerais la déposer pour que la commission puisse en prendre connaissance.

Le Président (M. Leclerc): Cela va. Pour distribution?

M. Rice: Oui, c'est cela. Je pourrais quand même vous dire les grandes lignes de cette loi et les membres de la commission pourraient en prendre connaissance par la suite. C'est une loi qui a été adoptée par le Congrès américain. C'est une loi fédérale. C'est une loi qui a été adoptée en 1986. C'est une loi relativement récente. Selon cette loi, on finance des organismes sans but lucratif dans chacun des États. Ces organismes sans but lucratif doivent quand même répondre à certaines conditions et, parmi ces conditions, on retrouve l'indépendance de l'organisme par rapport au système de santé et de

services sociaux. Il ne doit y avoir aucun lien entre l'organisme et le réseau qui offre des services en santé mentale. Je pense que c'est un critère très important et qu'on a retenu. Dans la loi, on reconnaît aussi certains pouvoirs aux organismes, entre autres, un pouvoir d'enquête, un pouvoir formel d'enquête, le pouvoir de consulter les dossiers médicaux, le pouvoir d'en référer à des conseillers juridiques pour intenter des poursuites devant les tribunaux. Je pense que ce sont des éléments extrêmement importants. Ce qu'on proposait dans notre mémoire, c'est la formation d'un comité de travail pour voir comment on pourrait adapter un système comme celui-là, parce qu'on est quand même conscient que c'est un système juridique complètement différent du nôtre. Donc, il s'agit de voir jusqu'à quel point on ne pourrait pas adapter un système similaire au Québec. Je ne sais pas si cela répond à votre question. (16 h 45)

Mme Lavoie-Roux: On va le regarder de plus près. Vous suggérez aussi de référer à la Commission des affaires sociales, enfin, les appels qui pourraient être faits par les comités de bénéficiaires. La réserve que j'ai à cet égard, c'est non pas sur la valeur du travail de la Commission des affaires sociales, mais sur le fait que, compte tenu des différentes charges qui ont été données à la Commission des affaires sociales dans le passé, elle a eu déjà de la difficulté à s'acquitter de ses mandats. Je ne sais pas s'il y a amélioration depuis que la CSST ne relève plus de la Commission des affaires sociales, mais je pense que c'est encore deux ans d'attente. Imaginez-vous si toutes les plaintes qui venaient des comités de bénéficiaires ou des individus, puisqu'il ne s'agirait pas uniquement des comités de bénéficiaires... Ce serait peut-être, je pense, ajouter à ta liste d'attente et à la lourdeur du fonctionnement de la Commission des affaires sociales. Évidemment, c'est le recours avec lequel on est le plus familier dans le réseau, mais ce serait peut-être davantage un comité indépendant ou une ressource indépendante qui aurait ses propres pouvoirs plutôt que de... J'irais peut-être davantage dans cette direction-là.

L'autre point de votre mémoire qui m'a beaucoup intéressée, c'est la question de la désinstitutionnalisation. Vous avez un petit peu raison quand vous dites: Tout le monde s'est prononcé sur la désinstitutionnalisation. Je vous dirais oui, à commencer par le ministre, les politiciens, les grands penseurs, les gens du réseau, etc., mais on n'a peut-être jamais demandé aux personnes concernées elles-mêmes. On a monsieur - j'oublie votre nom -...

Une voix: Grandmont.

Mme Lavoie-Roux: ...qui dit: Ça fait 37 ans que je suis en institution et je suis sur le point de quitter. Vous avez dit une chose, c'est qu'on ne dit pas à quelqu'un: Demain, tu t'en vas, c'est fini, tu pars. Comme représentant d'un comité de bénéficiaires, comment voyez-vous la désinstitutionnalisation? Voyez-vous ça comme un progrès, un pas en avant?

M, Grandmont: Oui, parce qu'un oiseau en cage ne vit pas bien vieux.

Mme Lavoie-Roux: C'est peut-être davantage sur les modalités ou la façon dont cela se fait que vous avez des réserves J'aimerais que vous nous disiez les obstacles auxquels vous avez eu à faire face dans ce projet de désinstitutionnalisation, si vous consentez à en parler, monsieur. Si vous ne vouiez pas, vous n'y êtes pas obligé, peut-être que le comité pourrait le faire.

M. Grandmont: Je pense que M. Perreault peut vous répondre.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Boilard (Paul): Je trouve que vous mettez encore la politique dans les nominations qui ont lieu dans les hôpitaux psychiatriques. Prenez l'ancien directeur général, M. Cantin, qui a été nommé au ministère; c'est un libéral.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je le savais que ça sortirait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M, Boilard: Vous avez...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas un obstacle ou un avantage, un élément pour ou contre la désinstitutionnalisation. Je vous demandais...

M, Boilard: Non, non, ça ne veut pas dire qu'il n'est pas compétent.

Mme Lavoie-Roux: Non. Sûrement pas. Sûrement pas.

M. Boilard: Prenez le protecteur...

M. Chevrette: N'essayez pas de vous reprendre.

M. Boilard: ...du bénéficiaire à Robert-Giffard.

Mme Lavoie-Roux: À Robert-Giffard?

M. Boilard: Oui, M. Banville.

Mme Lavoie-Roux: C'est un libéral lui aussi?

M. Boilard: C'est un autre libéral.

Des voix: Ma, ha, ha!

Mme Lavoie-Roux: II faut dire qu'il y a beaucoup de libéraux de ce temps-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: C'est parce qu'ils ont jeté des bons 'bleus" dehors, Je suppose?

M. Boilard: Je pourrais toujours rajouter qu'il y a Lise Gagnon qui est à la Maison du Québec à Boston. C'est une péquiste.

Mme Lavoie-Roux: Mais la ministre de la Santé, c'est une libérale.

M. Chevrette: Ne vous arrangez pas pour qu'il dise...

Mme Lavoie-Roux: Ha, ha, ha!

M. Boilard: On voudrait, autant que possible, que vous sortiez la politique des hôpitaux psychiatriques. Mettez des gens... Prenez la Commission de la fonction publique, par exemple, où, présumément, les gens qui sont là sont probablement indépendants du pouvoir politique parce que Jean Lesage a voulu enlever le patronage dans la fonction publique en créant la Commission de la fonction publique. Mais n'allez pas faire de politique avec les hôpitaux psychiatriques. N'allez pas nommer des personnes qui sont de telle tendance ou de telle autre. Je pense que les hôpitaux psychiatriques devraient garder une certaine distance vis-à-vis du pouvoir politique. C'est ce que j'avais à vous dire.

M. Perreault: Quant à la question de Mme la ministre concernant la désinstitutionnallsation que M. Grandmont a commencé à amorcer, j'aimerais dire que je suis vraiment pour la désinstitutionnalisation et que la désinstitutionnalisation doit vraiment commencer au moment même où le bénéficiaire entre à l'intérieur. Au moment même où il met les pieds à l'intérieur, on doit tout faire pour qu'il ne perde pas son autonomie. On doit lui donner les moyens de conserver ce qu'il a et peut-être les ressources dont il a besoin pour s'améliorer déjà.

Dernièrement, j'ai appris de gens qui sont allés à l'extérieur qu'il y a eu une Indexation du coût de la vie et ce qui m'a vraiment fait mal au coeur, c'est que certaines familles d'accueil sont tout de suite ailées récupérer l'argent voté pour l'indexation du coût de la vie. Cela fait mal quand je vois des gens qui ont de la difficulté à arriver en dehors et qu'on leur enlève déjà un montant d'argent indexé.

Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment de l'aide sociale que ces personnes reçoivent et qu'elles doivent...

M. Perreault: Oui, c'est vraiment le problème.

Mme Lavoie-Roux: ...verser comme...

M. Boilard: Dans le temps que le Parti québécois était au pouvoir, M. Claude Ryan, qui était dans l'Opposition, dénonçait justement cela en disant: Chaque fois que l'aide sociale augmente, l'hébergement augmente et il n'en reste pas plus dans les goussets des assistés sociaux. Prenez les 115 $ par mois que les bénéficiaires de Robert-Giffard reçoivent à l'heure actuelle, ils n'ont pas été indexés le 1er janvier. Depuis 1985, ces 115 $ par mois n'ont pas été indexés. Pourtant, depuis 1985, je pense bien que les cigarettes sont passées de 2 $ le paquet à 3,15 $. Dans les hôpitaux psychiatriques, j'ai des nouvelles pour vous autres, je vous garantis que ça fume.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boilard: Les médicaments, la cigarette et le café, il y a un docteur en psychologie au pavillon où je demeure qui a écrit un volume spécialement là-dessus et je pense qu'il a fait sa thèse de doctorat là-dessus.

M. Chevrette: Je pensais que vous étiez pour me dire qu'il ouvrirait un restaurant.

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, au moment où le projet de désinstitutionnalisation devient un projet à plus court terme pour le bénéficiaire, de quelle façon voyez-vous que l'établissement puisse impliquer le bénéficiaire ou, encore, à partir de votre expérience, à quel moment avez-vous vous-même été impliqué?

M. Rice: Dans le projet de désinstitutionnalisation?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Rice: Le comité de bénéficiaires a pris connaissance du projet que l'établissement veut mettre en marche. On voulait faire une consultation auprès des usagers pour savoir ce qu'ils pensent de la désinstitutionnalisation. Veulent-ils sortir? S'ils veulent sortir, où veulent-ils aller? Que veulent-ils comme ressources? On n'a pas pu faire cette consultation. Le comité de bénéficiaires a quand même sa propre idée de ce qu'il voit comme désinstitutionnalisation, mais on ne sait pas vraiment ce qu'en pensent les usagers. On sait qu'un certain nombre d'usagers sont réticents à sortir parce qu'ils ont déjà connu ce qu'était la vie à l'extérieur, aller vivre dans une chambre sans ressources; ils sont revenus au centre hospitalier et ils ne veulent pas en ressortir. D'autres attendent juste cela. Des gens viennent nous voir au comité et ils ne demandent qu'à sortir. Actuellement, il n'y a aucune ressource pour accueillir ces gens-là.

On peut vous dire qu'on a actuellement l'impression que les bénéficiaires ne sont pas

dans le coup, au même titre probablement que les employés, parce que ce qu'on a entendu du côté syndical, c'est qu'eux non plus ne se sentaient pas dans le coup quant à ce projet-là. Si on a l'intention d'Implanter un projet de cette envergure, malgré tes bonnes intentions de tout le monde, qu'on le fasse administrativement sans impliquer qui que ce soit, surtout ceux qui sont directement concernés, j'ai l'impression qu'on va avoir de la misère à l'Implanter. Je ne sais pas si André voudrait ajouter quelque chose.

M. Perreault: Comme je l'ai dit tantôt, quant à la désinstitutionnalisation, je pense qu'il est important, d'abord, que chacun dise ce qu'est la désinstltutlonnallsation pour lui et quelles ressources peuvent lui être fournies pour qu'ensuite le bénéficiaire puisse faire un libre choix à ce niveau. Je pense que c'est important.

Si tu envoies quelqu'un dans un endroit où il ne se sent pas à l'aise, où 0 n'y a pas les ressources dont & a besoin, je pense qu'il va retourner dans la porte tournante de l'établissement. Quand il retourne, je pense que cela fait plus mal que quand il en ressort. C'est un autre problème.

Mais il y a certaines gens qui sont à l'extérieur actuellement et qui sont heureux. J'en vois plusieurs qui sont sortis et qui sont heureux. J'en ai d'autres qui ont peut-être été placés dans des endroits qui ne correspondent pas... À ce moment-là, ils reviennent vraiment déboussolés et - comment dirait-on - il y a des gens.r. Surtout dans les familles d'accueil, c'est un gros danger. Le frigidaire est barré à telle heure; si vous n'arrivez pas pour l'heure, c'est bien dommage, vous passez en dessous de la table. Si vous êtes malade dans le jour et qu'il faut que vous retourniez à ta maison, la porte est barrée. Si on regarde les ateliers au centre-ville, il y a justement des bénéficiaires qui, s'ils sont malades, sont obligés d'attendre jusqu'à 16 heures parce que la dame qui les garde est partie, la porte est barrée et le bénéficiaire n'a même pas la dé pour entrer. Ce sont là des cas qui se présentent.

Je pense que c'est Important qu'on pense surtout à la famille d'accueil. Il y a des familles d'accueil qui sont très bonnes, mais il y en a d'autres qui vont exploiter les bénéficiaires. Il faut faire attention à cet aspect. C'est bien important de respecter ce que te bénéficiaire veut, lui apporter toutes les ressources et être vraiment à son écoute. C'est bien Important

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que dans les cas de désinstitutionnalisation - je ne parle pas de cas qui ont eu lieu au cours des ans mais, disons, les plus récents - it n'y a pas un lien qui est conservé entre le bénéficiaire et des représentants de l'établissement ou des intervenants de l'établissement...

M. Grandmont: Des travailleurs sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Oui, appelez-les comme vous le voudrez. Est-ce qu'il y a des liens qui sont conservés?

M. Perreault: Oui.

Une voix: Oui, il y a des liens qui sont conservés.

M. Perreault: Cela prend un suivi, à part cela.

M, Boilard: Cela prend un suivi. On ne peut pas envoyer un malade mental dans une famille d'accueil sans qu'il y ait quelqu'un de l'institution qui vienne le visiter. J'ai eu l'occasion de visiter au moins une personne malade mentale qui était en appartement. J'ai trouvé pénible de la voir. Cela boit du café toute la journée, cela fume comme une cheminée, cela a de la misère à se faire à manger, cela ne prend pas ses médicaments.

La principale cause de retour à l'hôpital pour un malade mental, c'est parce qu'ils ne prennent pas leurs médicaments, ils oublient de les prendre. Ils ne les prennent pas et retournent à l'hôpital. Je pense que c'est le plus gros problème que le psychiatre doit avoir quand il traite une personne. Que voulez-vous? Quelqu'un qui arrête de prendre ses médicaments peut mourir, parfois. C'est pour cela que, pour la désinstitutionnalisation, cela prend des personnes assez autonomes.

Apparemment, à Robert-Giffard, Ils veulent sortir 1100 personnes de là. Des personnes autonomes, à l'hôpital Robert-Giffard, il n'y en a pas beaucoup. Si vous voulez faire la désinstitutionnalisation, je vous souhaite bonne chance, mais je vous garantis que vous allez avoir de la misère avec certains patients, avec la plupart des patients. Vous risquez qu'ils reviennent à l'hôpital.

Mme Lavoie-Roux: Mais même s'il y a le risque qu'ils reviennent à l'hôpital - je ne parle pas des cas très lourds, mais des cas qui vont présenter des risques - pensez-vous qu'on ne devrait prendre aucun risque et les laisser en institution ou plutôt,.

M. Boilard: Ah! vous devez prendre des risques!

Mme Lavoie-Roux: Ils vont peut-être revenir. C'est possible qu'ils reviennent. Mais n'est-ce pas comme cela que, petit à petit peut-être, on peut rendre une personne un peu plus autonome?

M. Boilard: Je pense que vous devez prendre le risque. C'est entendu que le centre de toute la politique de santé mentale, c'est le patient lui-même. Je lisais hier un rapport de quelqu'un qui s'est prononcé ici sur le coût par patient que

la désinstitutionnalisation pouvait engendrer. Je pense- que vous avez avantage à les sortir. Je pense que cela va vous coûter moins cher que de les garder en Institution. En plus de cela, si vous êtes capable d'en dénombrer assez qui ont de l'autonomie à l'intérieur de Robert-Giffard ou à l'intérieur des hôpitaux psychiatriques, je pense que vous devez le faire. Il y a des risques que vous devez courir.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.

Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Comme principe cependant, pour enclencher sur ce qui vient de se dire, j'espère qu'on ne désinstitutionnalise pas pour sauver une piastre. Si cela devait être là un objectif, cela ferait passablement pitié parce que des programmes de réinsertion sociale, d'encadrement, d'aide à l'intégration, pour ceux qui le peuvent, sur le marché du travail, etc., on en prendrait pour notre rhume, n'est-ce pas? Je comprendrais que cela deviendrait une opération d'équilibre budgétaire avec les mesures restrictives dans les hôpitaux. En tout cas, je craindrais que ce ne soit cela.

D'autre part, j'ai 'entendu des gens nous dire ici: Au contraire, vous devriez aborder la désinstitutlonnalisation en ayant à l'esprit que cela ne coûtera pas moins cher et qu'à court terme, même, cela pourrait coûter plus cher. C'est-" ce que j'avais saisi de la part de certains groupes de professionnels. Cela étant dit, je voudrais vous poser des questions directes, M. Perreault. Depuis un an, y a-t-il eu un accroissement du nombre de travailleurs sociaux à Robert-Giffard? (17 heures)

M. Perreault: À Robert-Giffard? Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui attendent les travailleurs sociaux.

M. Chevrette: Y a-t-il eu amélioration dans l'embauche de psychologues?

M. Perreault: II en manque. Je trouve cela une grande lacune parce que la peur des psychologues n'est pas la même que celle des psychiatres. Les psychiatres, bien souvent... Je ne dirai jamais que les gens n'ont pas besoin de pilules. Je sais ce que c'est. Quand je suis arrivé là, parce que j'ai dit aux psychiatres à Robert-Giffard qu'on bourrait les gens de pilules - je regardais les gens marcher et ils ne savaient pas où s'enligner - ils m'ont accusé et ils ont dit qu'il y avait des bénéficiaires qui ne prenaient plus leurs pilules à cause de moi. On m'a même défendu de parler aux bénéficiaires et on leur défendait de me parler. Ce n'était plus vivable. Je leur ai demandé de me retourner à Orsainville, j'étais mieux à Orsainville qu'à Robert-Giffard. J'ai vécu cela.

Je ne suis pas contre les médicaments. Je ne suis pas contre la cellule. Je suis contre l'abus qu'on en fait Je pense que la peur des psychologues, c'est bien plus une affaire d'écoute, une approche, je pense que c'est une relation avec la personne qui y trouve sa place. À Robert-Giffard, les psychologues, je pense que tu peux les compter sur les doigts de la main, et d'une seule main. Il n'y en a pas beaucoup qui font de la thérapie, je pense.

M. Chevrette: Je reprends ma question. Y a-t-il eu amélioration à Robert-Giffard depuis quelques mois dans le domaine de la psychologie? Avez-vous appris qu'il y en avait plus?

M. Perreault: Des psychologues? Non, je n'ai pas entendu parier qu'il y avait de nouveaux psychologues.

M. Chevrette: Y a-t-il eu un programme, des services additionnels depuis quelques mois pour la personne, le bénéficiaire? Est-ce que vous avez vu arriver de nouveaux services concrets?

M. Boilard: On commence à avoir des appartements supervisés.

M. Chevrette: Pardon?

M. Boilard: On commence à avoir des appartements supervisés.

M. Perreault: Ce sont des ressources extérieures dont tu parles, que tu mentionnes.

M. Boilard: Pour vous dire jusqu'à quel point les malades mentaux ne sont pas délaissés, au département où je suis, il y a six personnes qui sont allées en appartement. Il y a deux éducateurs qui les suivent et qui sont payés à peu près 25 000 $ par année chacun. C'est 50 000 $ par année pour six personnes. En plus de cela, ces gens reçoivent des prestations du bien-être social. Écoutez, vous voulez faire un effort dans le domaine de la santé et les gens passent leur temps à crier contre les gouvernements pour avoir de l'argent. D'un autre côté, il faut penser que les contribuables dans la province de Québec sont peut-être les gens les plus taxés en Amérique du Nord.

M. Chevrette: Oui, oui. Je ne veux pas m'obstiner avec vous. Je vous demande si la...

M. Boilard: Non, non, mais...

M. Chevrette: Je vous demande si la santé mentale à Giffard s'est améliorée depuis sept ou huit mois.

M. Boilard: Je ne sais pas si c'est depuis sept ou huit mois, mais, depuis quelques années,

cela s'est considérablement amélioré. Il y a eu un gros effort de fait tant dans les lieux que dans les services.

M. Chevrette: C'est ça. Je me rappelle, en 1985, l'amélioration...

M. Boilard: Avant cela, monsieur.

M. Chevrette: Je le sais, depuis 1976.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ce que je veux savoir concrètement...

M. Boilard: Ouf.

M. Chevrette: Dans le personnel professionnel, dans le personnel de soutien, dans le personnel qui oeuvre auprès de la personne, avez-vous remarqué des changements notables depuis sept, huit mois?

M. Perreault: Sept, huit mois, c'est peut-être difficile à dire, mais je peux dire que, depuis trois ans que je suis à Robert-Giffard, il y a eu amélioration des conditions de vie.

M. Chevrette: A l'intérieur.

M. Perreault: Oui. Parce que quand je suis arrivé les gens... Je prenais un jeune qui a fait six mois de cellule. Faire de la cellule, ce n'est pas de la réhabilitation et ce n'est pas tellement thérapeutique. Actuellement, on peut peut-être passer une semaine, deux semaines, deux jours, trois jours, mais, au moins, il y a amélioration. Il y en a moins, mais cela devrait venir, à un moment donné, à disparaître. Quand je pense qu'ils ont suggéré qu'à la place des cellules, ce soient des chambres de repos où les gens seraient accompagnés d'un intervenant qui les aiderait à vivre ce qu'ils vivent au lieu de le refouler et de sortir de là plus agressif.

M. Chevrette: Je vais poser ma question à la ministre. Il y a 2 500 000 $ sur les 3 500 000 $ pour l'application de votre politique de santé mentale qui sont allés à Robert-Giffard. Pourriez-vous me dire concrètement ce qui s'est fait pour améliorer la santé mentale à Robert-Giffard?

Mme Lavoie-Roux: Ce projet est un projet de désinstitutionnallsation. Je n'ai pas les détails. Je ne peux pas vous répondre d'une façon...

M. Chevrette: Est-ce qu'on pourrait les avoir?

Mme Lavoie-Roux: Je pourrais essayer de vous donner les détails. Je ne les ai pas. Je pense qu'il y avait 1 000 000 $ à la recherche.

Cela a été donné au FRSQ et au fonds de recherche social du Québec...

M. Chevrette: Mais le 1 000 000 $ qui était.. Sur les 2 500 000 $?

Mme Lavoie-Roux: C'était 1 500 000 $, je pense, qui devait aller à Robert-Giffard.

M. Chevrette: C'est 2 500 000 $ à Robert-Giffard.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Chevrette: Ce que j'ai compris, c'est que sur les 3 500 000 $, à moins que je ne me trompe...

Mme Lavoie-Roux: Oui, il y en a 1 000 000 $, c'est cela, 3 500 000 $.

M. Chevrette: ...II y a 1 000 000 $ à la recherche...

Mme Lavoie-Roux: ...et 2 500 000 $ pour le projet de désinstitutionnalisation.

M. Chevrette: Je voulais voir ce que cela donnait concrètement au patient.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que, sur le plan de la désinstitutionnalisation, ils ont commencé à réaliser certaines choses. Pour le reste, c'est en marche, mais ce n'est pas complété. Pour le recyclage, il y a eu de l'argent d'utilisé, mais toute l'opération n'est pas complétée.

M. Chevrette: Je vais me contenter d'un commentaire. Je dois vous dire que c'est surprenant qu'on ait peu abordé, dans le rapport Harnois, toute la dimension du rôle des comités de bénéficiaires. J'aurais aimé qu'on l'aborde pour les motifs suivants, qu'on ne vous donne pas non plus l'impression... Si on l'avait défini clairement, on saurait quel rôle on vous volt jouer à l'intérieur d'une politique. S'il n'est pas défini de cette façon, sans aucune ligne directrice, il y en a qui peuvent s'Imaginer... Entre vous et moi, te danger qui guette te comité de bénéficiaires - j'en parlais avec le comité de Louis-H.-Lafontaine - c'est que son rôle n'est pas de se substituer au conseil d'administration en place, mais bien de représenter les intérêts immédiats ou de voir à l'application des politiques à l'intérieur du centre, etc. N'étant pas défini, il aura à l'être, je pense bien, dans la politique finale. Actuellement, on ne voit pas quel est ce rôle et, à partir de là, on a eu des difficultés...

Il y en a qui volent cela différemment d'un centre hospitalier à l'autre, le rôle d'un comité de bénéficiaires et. comme il n'y a pas de définition dans le rapport Harnois, c'est à préciser pour éviter qu'il y ait des écueils et des

conflits de juridiction. On se rend compte que tout ce qui est conflictuel n'est pas touché ou abordé par le rapport Hamois.

M. Bollard: À l'heure actuelle, le rôle du comité de bénéficiaires est de défendre les Intérêts des bénéficiaires. Quand une plainte est portée, il faut aller au protecteur des bénéficiaires. Le comité des bénéficiaires n'a pas accès aux dossiers, il n'a pas le droit d'aller dans les départements... Est-ce qu'on a le droit d'aller dans les départements?

M, Perreault: Comme visiteur et, quelquefois, je me sens considéré moins qu'un visiteur, aussitôt qu'on arrive dans un département - j'en ai déjà fait mention à la direction générale - c'est le parloir et ça presse. C'est quelque chose que je n'accepte pas en tant que membre du comité et représentant des bénéficiaires, quand je sais qu'il y a des bénéficiaires qui ne nous connaissent pas dans l'édifice et qui ont besoin d'aide. Tu as beau avoir un beau code d'éthique sur le mur encadré de toutes les couleurs, si tu n'es pas là pour défendre et faire connaître les droits, c'est de la foutaise, c'est de la poudre aux yeux pour la population. Cela, je ne peux pas le prendre.

Je pense que, dans les relations thérapeutiques, on s'en va bien plus vers le savoir et ia recherche de la maladie mentale, mais on ignore bien souvent et on néglige le savoir-être, ce qui n'est pas la même chose. Tu as beau tout savoir sur la maladie mentale, si tu ne sais pas être amour, accueil de l'autre, si tu ne sais pas donner à l'autre sa place, sa dignité, toute la place qui lui revient et lui dire: "J'ai confiance en toi, tu es capable de t'en sortir, tu es capable de réaliser quelque chose dans l'avenir et on va te donner les moyens qu'il faut", c'est de la foutaise. Je ne crois pas à la réhabilitation dans ce contexte. Je suis prêt à lutter et à donner ma vie pour les bénéficiaires. On m'a déclaré aliéné mental. Cela fait trois ans que je suis à Robert-Giffard comme aliéné mental. SI je suis un aliéné mental, aujourd'hui, je suis président du comité, je siège au conseil d'administration, je suis à la fédération des comités de bénéficiaires à vocation psychiatrique. Dans mon dossier psychiatrique, on a écrit toutes sortes de conneries. Il y a même un psychiatre qui a écrit que je l'avais traité de con.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Perreault: J'ai mon dossier avec moi. Je n'ai pas dit que je le traitais de con, j'ai dit: Si vous me prenez pour un con, vous êtes plus con que moi. Il a écrit dans mon dossier "André Perreault m'a traité de con". Ils ont même dit que je portais une croix. S'ils manquent de travail, qu'ils viennent au comité, je vais les faire travailler, moi. Je travaille 70 ou 75 heures par semaine depuis deux ans; Je suis sérieux quand je dis cela.

M. Bollard: Moi, je suis professionnel et je pense que j'ai une approche professionnelle des psychiatres. Je ne crois pas au groupe Auto-Psy. Je ne crois pas à cela parce que je crois aux médicaments et eux ne croient pas aux médicaments. Mol, je crois à la science. Auto-Psy ne croit pas à la science.

M. Perreauit: Je voudrais ajouter une chose...

M. Chevrette: Remarquez bien que je m'aperçois que la liberté de parole existe au sein de votre comité.

M. Perreault: Je crois aux médicaments, mais c'est l'abus qu'on peut en faire, et je pense que ce ne sont pas les médicaments qui vont amoindrir une peine d'amour.

M. Chevrette: Ce que je...

M. Perreault: J'ai déjà entendu un médecin...

M. Chevrette: J'ai passé par là et Je vous crois.

M. Perreauit: C'est cela. J'ai déjà entendu un médecin dire - et je n'ai pas peur de le dire, je suis fier de ce qu'il a dit devant d'autres psychiatres et d'autres personnes oeuvrant en santé mentale - que les déficients n'avaient pas nécessairement besoin de neuroleptique. Je lui lève mon chapeau puisqu'il a été capable de le dire devant ses confrères. Les déficients n'ont pas nécessairement besoin de neuroleptique.

M. Chevrette: Entre vous et moi, je ne veux pas défendre... Je ne connais pas les objectifs de chacun des mouvements et Je ne veux surtout pas que vous commenciez à en descendre un et à monter l'autre, je préfère les interroger quand ils se présentent devant nous. Une chose est certaine: si on avait une plus grande collaboration entre les paliers de professionnels, peut-être qu'on en arriverait à démédicaliser précisément les traitements en santé mentale. Il y a peut-être des cas particuliers où une médication est essentielle, dans certaines situations, mais ce n'est sûrement pas le remède à tous les maux ou encore le remède à la paresse pour éviter de faire des heures au moment précis où on doit les faire ou parce qu'on ne "feel" pas cette journée-là. Le delirium tremens, comme disent certains individus, le comprimé de Valium remplace l'entrevue ou quoi que ce soit. Là-dessus, Je suis entièrement d'accord avec vous. Mais on va y parvenir, d'après moi, en créant cette mentalité de collaboration, cette complémentarité dans les équipes de professionnels qui oeuvrent auprès de la personne. À mon point de vue, c'est

assez important d'avoir cette vision.

Quant au rôle que vous avez à jouer, d'autre part, je pense qu'il y a une nécessité de bien le définir pour ne pas que vous deveniez, à mon point de vue, l'organisme à l'Intérieur du centre hospitalier qui est vu comme le prétendant à se substituer au conseil d'administration, Je pense qu'il faut que ce soit clair, noir sur blanc, pour qu'on n'ait pas à se prêter des intentions les uns les autres.

Deuxièmement, là où je suis entièrement d'accord avec vous, c'est sur l'indépendance ou la connaissance de budgets précis. Cela n'a pas d'allure, à Louis-H., c'est quasiment un village, c'est plus gros que mon village natal, c'est quasiment deux fois mon village natal et le comité des bénéficiaires a 18 000 $ pour s'administrer. Cela n'a pas d'allure, je sais que cela n'a pas de sens. Cela engendre des chicanes que d'être dépendant de l'institution pour aller chercher les budgets. Je pense que cela se règle assez facilement, étant donné que c'est le ministère qui décide du budget final, c'est lui qui pale, il peut très bien décider que cela provient directement du ministère, à partir de normes précises, de critères ou de balises, ou bien par les CRSSS ou par n'importe qui, mais pas par l'institution, je suis bien d'accord là-dessus également

II y a autre chose que j'aimerais souligner, pour ce qui est de l'"ombudsperson" dont vous parliez, la neutralité de la personne est importante autant que pourrait l'être le rôle du comité de bénéficiaires. Si on dit que le comité de bénéficiaires ne doit pas dépendre de l'institution pour l'obtention de ses budgets, pourquoi la personne nommée pour répondre aux plaintes de l'institution devrait-elle dépendre de l'institution? Quand elle est payée par l'institution, cela crée des problèmes. J'ai toujours cru qu'on pourrait facilement régler cela dans le cadre d'une politique finale. Indépendamment du rôle qu'on lui donnera et du palier duquel elle relèvera, je pense qu'elle ne doit pas être un salarié dépendant de l'institution. Je pense qu'il n'y a pas eu beaucoup de remarques négatives de ce côté-là, ni d'un côté ni de l'autre de cette Chambre. C'est quand même un acquis de ce côté-là. (17 h 15)

Quant à la formule idéale, je m'aperçois que les perceptions sont plutôt partagées. Je me demande comment on va jouer, si on a un comité de bénéficiaires représentant directement les personnes... Avec le pouvoir que vous demandez de vous promener dans l'institution, sur te plan juridique, si on vous donne des droits entiers, vous devenez à la fois des enquêteurs, entre guillemets, pas dans le sens pégoratif. Vous avez le droit de vous promener d'un département à l'autre, de vérifier s'il y a beaucoup de contention, par exemple, dans le département X. Vous avez des pouvoirs de représenter l'individu. Je me demande jusqu'à quel point, à ce moment-là ça ne serait pas plutôt le service d'un arbitre qu'il faudrait chercher à avoir et non plus celui d'un enquêteur et arbitre. Parce qu'on multiplierait les paliers de responsabilité d'enquêteur.

Personnellement, si la ministre disait, demain matin, qu'elle est d'accord avec le fait que le comité des bénéficiaires joue le rôle de représentant direct dans l'Institution, à l'intérieur même de l'institution, de défenseur des droits du patient, du bénéficiaire, je ne suis pas certain que je ne lui suggérerais pas qu'on puisse recourir à un arbitre pour trancher contre l'administration, plutôt que de faire reprendre le processus d'enquête par une "ombudsperson" qui viendrait vérifier à la fois vos faits, vérifier encore la version de l'administration ou du chef de département. il me semble que ce serait de la duplication d'énergie. En tout cas, c'est la perception que j'en ai jusqu'à maintenant. On ne m'a pas démontré qu'il n'y avait pas duplication de ces rôles-là. Il faudra se pencher sur cet aspect bien précis.

Comme on me fait signe que je n'ai plus de temps, je voudrais vous féliciter du travail que vous faites et puis vous encourager à continuer. Tant et aussi longtemps qu'on pourra avoir des gens qui sont intéressés à la personne, plus vite se créera la mentalité d'incruster cette politique de santé mentale axée sur la personne elle-même. Je vous remercie.

Le Président (M. Baril): Mme la déptée de Deux-Montagnes.

M. Chevrette: II y a un monsieur qui voulait dire un mot.

Le Président (M. Baril): Oh! monsieur, excusez-moi!

M. Chevrette: Et, comme il me reste deux minutes, je les lui laisse.

Le Président (M. Baril): Excusez-moi! Oui, allez!

M, Grandmont: Les 50 000 000 $ que vous voulez débloquer, j'espère que ça ne sera pas pour avoir d'autres bureaux plus beaux que ceux que vous avez là et que le malade mental n'aura encore rien.

M. Chevrette: Ne vous en faites pas.

M. Grandmont: Cela ça va être du "défalsa-ge" dans la bâtisse, on va tout virer à l'envers et, des fois, on n'a rien pour déjeuner.

M. Chevrette: Je suis bien content que vous me disiez ça. Je transmets le message à la ministre qui a pris ma place de ne pas faire ce que je ne ferai pas.

M. Bollard: Tout à l'heure, vous parliez de Valium; les Valium, ce sont des pilules...

M. Chevrette: Oui, je connais ça.

M. Boilard: ...pour les hommes politiques et pour les hommes d'affaires.

M. Chevrette: Pour les anciens attachés de presse de ministres.

M. Boilard: C'est ça. De premier ministre. Mais...

M. Chevrette: II ne faut pas politiser le débat. Ici. Vous l'avez dit vous-même.

Mme Lavoie-Roux: On ne lui demandera pas de quelle couleur il est, lui.

M. Chevrette: Moi, je le sais. Mme Lavoie-Roux: On s'en doute.

M. Boilard: Ce qu'on donne à Robert-Giffard, ce n'est pas du Valium, rarement, c'est du Nozlnan, du Majeptil, du Largatil. Ce sont des médicaments qui sont très puissants. Quand II y en a qui disent qu'il y en a qui peuvent se passer de ces médicaments-là, moi, c'est bien de valeur, mais je dis non. Je me tourne vers le psychiatre et je lui fais confiance. Il y a certains malades qui ont tellement besoin de médicaments que s'ils arrêtaient d'en prendre, ils mourraient. Ils mourraient d'émotion ou ils mourraient, Je ne sais pas, d'une crise cardiaque. C'est aussi bien de continuer à...

M. Chevrette: Mais savez-vous... Vous me permettrez une petite expression.

M. Boilard: Oui.

M. Chevrette: Savez-vous que, moi, si je suis bien nerveux et bien fatigué, je dormirais sans doute mieux avec un comprimé de Valium, mais si je prends le temps d'aller à la pêche, d'aller taquiner la truite avec la mouche...

M. Boilard: De ce temps-ci?

M. Chevrette: Non, non mais quand c'est le temps.

M. Boilard: II y en a de la pêche.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: L'hiver, je peux faire autre chose.

Mme Lavoie-Roux: C'est quand vous étiez ministre du loisir et des sports.

M. Chevrette: Si je fais une heure et demie de patinage sur la rivière L'Assomption à Joliet-te...

Mme Lavoie-Roux: À l'île d'Anticosti.

M. Chevrette: ...je vais dormir aussi bien qu'avec du Valium.

M. Boilard: Ou avec du Valium.

M. Chevrette: Oui, mais je n'amène pas mes organisateurs politiques, moi, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux:...

M. Chevrette: N'ouvrez pas la porte. Quand on ne veut pas avoir de brique, on n'ouvre pas la porte.

Mme Lavoie-Roux: ...faire un débat délicat.

M. Chevrette: Ce que je veux vous expliquer, c'est que souvent de l'activité physique, de l'encadrement, du dialogue, ça peut remplacer la médication. C'est ça que je veux vous dire. Cela ne veut pas dire qu'on est contre la médication quand c'est essentiel, mais ce que je veux dire, c'est qu'on ne doit pas avoir comme réflexe-Dans notre société, on est malheureusement mal orienté; le seul réflexe qu'on a développé chez les individus c'est celui de l'institution et de la pilule. Pourrait-on penser à pas d'institution et le moins de pilules possible?

M. Boilard: II y a de la thérapie qui se donne à Robert-Giffard. Il y en a de la thérapie qui se donne.

M. Chevrette: Cela ne veut pas dire qu'on est contre les médicaments quand on veut qu'il s'en consomme moins. À raison de 32 par jour, ça pourrait être pas pire, 16? Il y a des patients qui ont 32 médicaments par jour. Pas besoin d'aller à Robert-Giffard, on va aller à Juliette.

M. Boilard: II paraît qu'Elvis Presley en prenait 70 par jour.

Le Président (M. Baril): Mme la députée de Deux-Montagnes, s'il vous plaît

Mme Legault: J'ai trois brèves questions à vous poser qui me chicotent depuis le passage des bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine. Je voudrais que vous me disiez si, oui ou non, vous êtes satisfaits des traitements que vous avez à l'hôpital Robert-Giffard et des professionnels qui sont là? Est-ce que vous êtes satisfaits ou pas satisfaits?

M. Perreault: Moi, je ne suis pas satisfait. Je trouve qu'il y a un manque de conscience professionnelle. Tantôt, j'ai simplement parlé du dossier. Je donne un exemple. Il y a des gens qui sont en Institution depuis 20 ans. S'ils arrivent à leur unité cinq ou dix minutes en retard, on leur enlève leur passe. Si la personne se fâche, c'est

la cellule, et cela se passe encore cette année, actuellement, au moment où je vous parte. Il y a aussi autre chose qui se passe.

Mme Legault: Monsieur, vous avez un peu devancé ma question. C'est justement ce que j'étais en train de me demander à la suite du témoignage d'un ex-bénéficiaire de Louis-Hippolyte-Lafontaine. Ce dernier avait eu un moment pour aller chercher un Pepsi, je pense bien que c'est inoffensif. Un Pepsi, je pense que c'est moins dangereux que des pilules. Il était allé chercher un Pepsi et il avait été condamné à être en Isolement et trois jours en jaquette et ce, la veille de Noël et la journée de Noël. Je trouve cela inconcevable, des traitements semblables. Je voulais vous demander - vous m'avez un peu devancée - si des choses comme celle-là se produisent encore en institution en 1988.

Une voix: Oui.

M. Perreault: Cela se passe encore.

Mme Legault: Et je trouve cela déplorable parce que je me dis que ce n'est pas en agissant de cette façon qu'on vient à bout d'enlever de l'agressivité. C'est en se servant de son jugement, en ayant beaucoup d'amour pour ces gens-là et de la compréhension.

M. Perreault: J'ai vu des gens être rétro-gradés à cause de toutes ces situations. Seulement-la question du pyjama pendant des mois. Y a-t-il quelque chose de plus dégradant que d'être en pyjama quand tu reçois ta visite? Tu es fier, tu es en pyjama et ton linge est dans le garde-robe. Tu n'as même pas le droit d'avoir ton linge. Ce n'est pas thérapeutique, ça. Cela se vit.

Mme Legault: Cela veut dire que nos psychiatres devraient peut-être avoir un peu plus à étudier.

M. Perreault: Vous savez, psychiatres ou personnel, il y a beaucoup de gens. En tout cas, je ne veux pas dire que tout le monde est mauvais. Ce n'est pas vrai.

Mme Legault: D'accord.

M. Perreault: II y a des gens qui sont vraiment de bonne volonté et qui font vraiment des efforts. Il y a vraiment des choses à changer.

Mme Legault: Je voulais vous demander une autre chose et je termine, M. le Président. Je veux savoir si, à votre établissement, il existe un comité de parents.

M. Perreault: Non, il n'y a pas de comité de parents.

Mme Legault: II n'y a pas de comité de parents. Est-ce que vous avez déjà fait ta demande à la direction générale pour avoir un comité de parents ou un organisme quelconque pour vous aider à faire vos représentations?

M. Perreault: II n'y a pas de comité de parents et même, au niveau du bénévolat, je trouve que c'est une lacune. Je n'ai pas peur de le dire. Des bénévoles, j'ai l'Impression que l'établissement n'en veut pas. Je l'ai même dit dernièrement.

Mme Legault: Cela les dérange.

M. Perreault: J'ai l'Impression que cela dérange de voir des bénévoles entrer dans rétablissement

Mme Legault: Cela les dérange. Est-ce que vous pourriez me donner un peu plus de précision? Pourquoi cela les dérange-t-il?

M. Perreault: Premièrement, nous autres, au comité des bénéficiaires, des bénévoles, on en a besoin parce qu'on a du travail. Je ne fais pas 70 ou 75 heures pour le "fun".

Mme Legault: Oui, je comprends.

M. Perreault: On en a besoin. On en avait à un moment donné et on avait vraiment un bon encadrement de bénévoles. Si un bénévole faisait cinq heures de bénévolat, on lui donnait un coupon pour manger. On trouvait cela normal. Quelqu'un qui va quelque part et qui fait cinq heures de bénévolat, je pense que son repas, il l'a mérité. Cela nous a été refusé. Il y a même des bénévoles qui ont fait jusqu'à 35 heures de bénévolat par semaine et on leur payait leurs billets d'autobus. Cela a été refusé. Parmi eux, il y avait des gens qui étalent bénéficiaires de l'aide sociale, qui avaient de la misère à arriver, qui attendaient leur chômage. Ils étaient contents qu'on leur donne un repas. Mais tout cela a été refusé. J'ai l'impression qu'on ne veut pas de bénévoles.

Mme Legault: Monsieur, je trouve cela déplorable. J'ai fait du bénévolat à l'hôpital Notre-Dame-de-la-Merci. J'en faisais deux heures et mon dîner était payé par l'établissement.

M. Perreault: Plus que cela, un bénévole est venu dernièrement et il a été obligé de payer son stationnement.

Une voix: ...social.

Mme Legault: Bien avant que je sois en politique, M. Chevrette.

M. Perreault: II est obligé de payer son stationnement comme bénévole.

Le Président (M. Baril): Le mot de la fin, Mme la ministre, s'il vous plaît

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier le comité des bénéficiaires. Je retiens les points particuliers sur lesquels il faudra apporter plus d'éclairage: le rôle du comité des bénéficiaires et à qui confie-t-on le rôle d'"ombudsperson* ou de personne de dernier recours dans le cas des plaintes ou dans le cas du non-respect des droits de la personne. Je retiens que vous favorisez la déslnstitutionnallsation, évidemment à l'intérieur de conditions qui permettent aux gens de... Dans ce sens-là, je pense que c'est bon. Ensuite, il y a d'autres bonnes nouvelles. Je sens que, depuis le début, le chef de l'Opposition travaille pour que les gens souscrivent aux services à la personne, qui est le point central de la politique, et qu'on développe également une mentalité de partenariat. Je pense que c'est évident que ces conditions sont nécessaires si on veut faire évoluer les choses, parce qu'on pourra refaire exactement le même débat dans trois ans si on ne modifie pas les mentalités. Je vous remercie.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier infiniment aussi. Je voudrais vous dire que je suis très content de voir que la ministre s'aperçoit aujourd'hui que ça fait longtemps que je suis axé sur la personne en santé mentale. Ça fait au moins quatre ou cinq ans qu'on parle de ça. Le rapport Harnois n'invente pas les boutons à quatre trous là-dessus, il ne fait que constater des choses-vieilles de 30 ans. Que la ministre se rende compte aujourd'hui que j'ai une sensibilité à ça, ça peut vouloir dire que dans trois ou quatre ans on aura une politique.

Une voix:...

M. Chevrette: C'est à elle de ne pas ouvrir les portes béantes si elle ne veut pas que j'y entre.

M. Boilard: Vous êtes dans l'Opposition pour sept ans, là.

M. Chevrette: ... prendre un Valium, vous, là. Blague à part, je voudrais vous féliciter du travail que vous faites. Je suis convaincu que ta ministre devra redéposer un livre blanc parce qu'il y a trop d'imprécisions dans la politique présentement. Il y a trop de choses contestables qui ne sont pas abordées par le rapport Harnois. Il y a trop de situations conflictuelles qui n'ont pas été touchées ni décrites et, à mon point de vue, la ministre devra, dans les prochains mois, exprimer dans un livre blanc la volonté gouvernementale, ce qui voudra dire qu'il y aura à la fois la définition des rôles, les budgets et l'ensemble des données qui nous permettront de voir véritablement la volonté politique du présent gouvernement.

Le Président (M. Baril): M. Perreault. je vous remercie beaucoup de vous être présenté ainsi que votre conseil d'administration. Cela a été très intéressant et on vous souhaite un bon voyage de retour chez vous.

Nous avons réussi à accumuler une demi-heure de retard. Je demande tout de suite au groupe L'R des centres de femmes du Québec de se présenter Immédiatement.

Je m'excuse. À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez vous déplacer pour que le groupe L'R des centres de femmes du Québec puisse prendre place.

Mme David, je vous souhaite la bienvenue. Si vous voulez vous présenter ainsi que votre groupe. Je tiens à vous rappeler que, comme les autres, on va essayer de respecter l'heure le plus possible. Vous avez 20 minutes pour votre exposé.

(17 h 30)

L'R des centres de femmes du Québec

Mme David (Françoise): Bonjour. J'aimerais d'abord vous remercier de nous avoir invitées à nous présenter devant cette commission. Je ne serai pas la seule porte-parole. Je suis, au fait, la coordonnatrice du Regroupement des centres de femmes du Québec et j'ai avec moi, à ma gauche, Lyne Dessureault, intervenante au Centre des femmes de Verdun, et, à ma droite, Francine Lemay, intervenante à la Maison des femmes des Bois-Francs à Victoriaville et aussi représentante de notre groupement dans la région Mauricie-Bois-Francs.

Au nom des 80 centres de femmes du Québec, je voudrais vous dire qu'on est heureuses d'être ici, même si on est très conscientes que notre contribution au débat qui a lieu actuellement sera plutôt modeste. D'ailleurs, je ne sais pas si notre mémoire a remporté le concours du plus court de tous ceux qui ont été présentés à cette commission. On est très conscientes que ce n'est pas un mémoire extrêmement approfondi; c'est la première fois qu'on intervient sur le terrain de la santé mentale et, d'autre part, le peu de moyens qu'on a, particulièrement en termes de ressources humaines, ne nous a pas permis d'aller plus loin pour l'instant.

Cependant, ce dont on voudrait parler avec vous ce soir, c'est, finalement, de l'intervention que nous faisons auprès de femmes en difficulté, une intervention qui se fait dans un contexte communautaire qui est celui des centres de femmes. Francine et Lyne vont vous en parler encore plus concrètement peut-être que dans notre trop court mémoire.

Par conséquent, nous ne nous prononcerons pas sur l'ensemble des points qui ont été touchés dans le rapport du comité Harnois. On voudrait simplement relever Ici, en premier lieu, les points avec lesquels nous sommes particulièrement en accord. Je vais en parler très rapidement parce que ce dont on veut vous parier plus spécifique-

ment, c'est de ce qu'on fait dans nos centres de femmes avec des femmes qui ont des problèmes de santé mentale.

En ce qui concerne le rapport du comité, il est évident qu'on est en accord avec la philosophie générale qui est celle d'une intervention centrée sur la personne; on est d'accord et heureuses de voir qu'on reconnaît les femmes comme groupe social important dans notre société, ce qu'on appelle dans le jargon un groupe à risque. On est surtout d'accord avec le fait que le comité Harnois croie qu'il y a un lien entre le fait que tes femmes vivent énormément de problèmes de santé mentale et leur situation sociale et les rôles sociaux qu'elles jouent encore aujourd'hui, en 1988. Cependant, je voudrais juste dire que, tout comme le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, on préférerait de beaucoup entendre parier de situations à risque que de groupes à risque. Les femmes n'ont pas des problèmes de santé mentale simplement parce qu'elles sont des femmes. Il y a une situation dans laquelle elles sont placées qui fait qu'elles ont ces problèmes-là.

Le rapport reconnaît ensuite l'apport du mouvement des femmes dans l'analyse des problèmes que les femmes vivent en santé mentale et dans la recherche de solutions appropriées. C'est intéressant de voir reconnaître cet apport On propose aussi au gouvernement d'appuyer les organismes communautaires, dans un objectif ou dans une optique de partenariat. Alors, évidemment, sans aller plus loin pour le moment sur cette question, il est bien entendu qu'on est d'accord avec une notion de partenariat, pour autant qu'il s'agisse d'un partenariat qui s'exerce dans le respect mutuel des rôles et fonctions de chacun des partenaires et pour autant qu'on se sente des égales dans le partenariat.

Enfin, quant au plan d'action, on propose de doubler le financement aux organismes communautaires s'occupant de personnes ayant des problèmes de santé mentale. Il est évident qu'on est d'accord avec cette recommandation; on irait beaucoup plus loin aussi. Nos moyens en tant que centres de femmes, vous l'avez lu dans notre mémoire, sont tellement précaires que n'importe quelle augmentation de nos moyens serait bienvenue et très justifiée.

Là-dessus, je laisse tout de suite la parole à mes compagnes qui vont vous expliquer très concrètement ce qui se passe dans un centre de femmes.

Mme Lemay (Francine): Je vais faire une brève présentation du travail qu'on effectue dans un centre de femmes à Victoriaville. La Maison des femmes existe depuis sept ans. C'est une Initiative locale pour répondre aux besoins des femmes. Nous faisons un travail d'éducation, de sensibilisation et - d'information, d'action et aussi de recherche qui vise à l'autonomie des femmes sur tous les plans, autant affectif, social qu'éco- nomique.

La santé mentale est devenue une priorité pour nous depuis quelques années à cause des demandes des femmes et des besoins manifestés par les femmes. On travaille davantage en prévention. On vise à l'élimination des causes des problèmes de santé et on désire développer un environnement social favorable à une saine santé mentale pour les femmes.

Nous avons une conception globale de la santé mentale, c'est-à-dire qui tient compte des conditions sociales, économiques, politiques, familiales et culturelles. On rejoint environ 2500 femmes par année par tous nos services et nos activités. Une majorité de femmes sont à faible revenu.

Je vais vous faire un bref aperçu des problèmes vécus par les femmes dans notre région. À la suite d'une rupture, par exemple, d'une séparation, de l'expérience de la violence ou du départ des enfants, des femmes vivent un isolement qui les coupe de leur environnement social et produit chez elles un sentiment d'échec et de culpabilité. Ce sentiment, s'il n'est pas transformé par une démarche d'autoaffirmation, peut facilement se détériorer et aller vers de la dépendance sous toutes sortes de formes, notamment celle des médicaments et de l'alcoolisme. Aussi, nous vivons une remise en question - on en parlait tantôt - du rôle traditionnel joué par les femmes, mais il n'y a pas vraiment d'alternative ou de moyen pour faire face aux nouvelles situations qu'elles vivent. Donc, nous essayons de répondre à ces nouveaux besoins d'autonomie, de réorienter sa vie et de s'ajuster à de nouvelles valeurs.

Il y a aussi comme problème la pauvreté des femmes. Il y a le manque de confiance et d'estime de soi. Il y a aussi qu'elles vivent un rapport de dépendance affective et économique face à leurs proches. Il y a le cumul des tâches domestiques et du travail à temps partiel ou à temps complet qui provoque souvent une grande fatigue physique et un stress psychologique. Il y a tes rapports difficiles avec le conjoint. Il y a la situation économique précaire des femmes chefs de famille, qui sont de plus en plus nombreuses, qui engendrent une série de problèmes socio-affectifs et de fortes tensions.

Donc, c'est un bref aperçu des problèmes qu'on éprouve. Afin d'apporter des solutions aux différents problèmes, on offre un service de référence et d'accueil pour les femmes. C'est un soutien individuel et une écoute active. Par cette écoute active, nous essayons, lors de ces rencontres individuelles, de favoriser une prise de conscience des stéréotypes et des rôles limitatifs dans lesquels la société nous enferme, de permettre aussi aux femmes de ne plus se sentir les seules responsables de leur situation, de consolider l'estime de soi et de développer l'affirmation de soi. Nous cherchons aussi, comme intervenantes, à établir un rapport égalitaire avec la personne qui est devant nous, à démystifier le

pouvoir professionnel et à expliquer le caractère et les objectifs du processus d'aide dans un langage le plus clair possible. Nous trouvons important aussi de nous impliquer personnellement dans le processus en partageant notre propre expérience comme femmes, nous, comme intervenantes. Donc, il s'agit d'établir un contrat clair et renégociable en tout temps avec les femmes.

Comme autre type d'activités aussi, nous offrons une série de rencontres sur la connaissance de sol et l'affirmation de sol et une série de rencontres sur la ménopause. Il y a aussi le groupe d'action en santé mentale qui, pour nous, est un groupe bénévole Important qui existe depuis trois ans et qui fait la promotion de la santé mentale dans la région par des conférences, des soirées thématiques, des chroniques et des topos promotionnels à la télévision communautaire. Cette année, c'est une nouvelle activité qui va être très importante.

Nous voulons aussi produire un radioroman sur la santé mentale des femmes avec un groupe de femmes et une animatrice. Cette activité permettra la création et on pense que c'est un excellent moyen d'expression de ses idées et de ses émotions. Elle permettra également t'échange de vues dans le groupe, le support mutuel, la valorisation et la confiance de ces femmes. Cela permettra aussi une diffusion à grande échelle dans la population pour aller rejoindre le plus de femmes possible. Suivi d'une ligne ouverte, ce radioroman permettra à des auditrices de s'exprimer sur l'épisode de la semaine qui traitera toujours de la santé mentale et, chaque semaine, il y aura un sujet nouveau avec une personne-ressource.

Il y a aussi un groupe d'entraide pour les femmes qui vivent des problèmes de solitude, de difficulté de communication et d'adaptation. La référence à un groupe permet de briser l'isolement, fournit aussi un support tangible et respecte les rythmes de chaque Individu. C'est une démarche à plus long terme avec un suivi. En ce moment, nous effectuons une étude sur l'état de santé des femmes et les besoins des femmes en santé mentale dans la région. Il y a 344 femmes qui ont répondu à un questionnaire de 64 questions assez étoffées et informatisées. Le rapport final sortira en février prochain.

Nous avons travaillé également à la mise sur pied de ressources spécifiques. Il s'agit de Liaison femmes-travail, qui est une ressource pour les femmes qui veulent retourner sur le marché du travail, et de L'Entre-Temps qui est une maison d'hébergement pour femmes victimes de violence.

En terminant, je voudrais dire que dans notre région il y a un manque flagrant de ressources alternatives en santé mentale. Une femme qui a des problèmes de santé mentale, les possibilités qui lui sont offertes à elle sont le service de psychiatrie de l'hôpital, le service limité du CLSC qui a seulement un psychologue et les services professionnels de psychologues ou de psychothérapeutes qui sont très coûteux et souvent Inaccessibles aux femmes.

Donc, nous visons à la mise sur pied d'une ressource alternative en santé mentale qui pourrait travailler spécifiquement là-dessus et permettre à des femmes de prévenir les problèmes qui pourraient devenir, à un moment donné, très difficiles. Alors, c'était un bref aperçu de la façon dont on Intervient en santé mentale. Merci.

Mme Dessureautt (Lyne): Alors, moi, je ne répéterai pas tous nos services et activités parce que ce sont sensiblement les mêmes qu'à la maison des Bois-Francs à Victoriaville.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes de quelle région?

Mme Dessureault: Je suis du Centre des femmes de Verdun.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Mme Dessureault: Notre centre, c'est un organisme communautaire qui intervient au niveau de la santé mentale des femmes, plus précisément. Je vais expliquer pourquoi on en a fait une priorité d'intervention et le rôle qu'on joue auprès des femmes face à cette problématique. Je vais vous énumérer quelques expériences concrètes. Si on travaille actuellement dans le domaine de la santé mentale des femmes, ce n'est pas le fruit du hasard. En sept années d'existence, le centre a eu d'autres priorités d'Intervention telles que la violence faite aux femmes et l'autonomie financière des femmes.

Cependant, on a remarqué qu'on ne pouvait pas intervenir quant à ces deux problématiques sans aborder la question de la santé mentale chez les femmes. En effet, une femme qui n'a aucune estime de sol, qui a de la difficulté à faire des choix et qui ne sait pas ce qu'elle veut faire de sa vie voit difficilement comment elle va sortir de son problème de violence, comment elle va pouvoir le résoudre. La même situation s'est reproduite lorsqu'on a travaillé dans te domaine de l'autonomie financière des femmes. Les femmes n'avaient jamais expérimenté une démarche d'autonomie dans d'autres sphères de leur vie et elles se sentaient dévalorisées, inutiles, Isolées. Parler de l'autonomie financière, c'était trop loin de la réalité immédiate et elles avaient davantage besoin de se prendre en main émotivement. C'est pourquoi, depuis trois ans, on travaille à l'amélioration de la santé mentale des femmes.

On constate, à ce sujet, que la demande des femmes est croissante et que les besoins sont présents. En une année, on a rejoint près de 3300 femmes et ce chiffre va en augmentant. Il y a plusieurs raisons à cela: entre autres, le centre est situé sur un territoire où il y a une forte

concentration de femmes ayant vécu ou vivant une hospitalisation psychiatrique car, à Verdun, iI y a un hôpital psychiatrique qui est l'hôpital Douglas. De plus, dans le contexte de la désinstitutionnalisation, cela nous a obligées à mettre en place des mécanismes permettant aux femmes de recevoir dans leur communauté du soutien. Alors, on a mis sur pied des activités spécifiques telles que des ateliers sur la consommation de médicaments, sur l'anorexie et la boulimie, entre autres. On a aussi établi des contacts privilégiés avec des médecins de la localité pour que notre approche soit plus connue, de même qu'avec certains intervenants de l'hôpital psychiatrique. (17 h 45)

Dans le rapport Harois, on met en lumière des problèmes qui connaissent une croissance importante au Québec. On parle de suicide, de toxicomanie, de violence et on remarque que les femmes sont particulièrement touchées par ces problématiques. Cela se vérifie par le vécu des femmes qui fréquentent le centre. Une majorité d'entre elles ont aussi des revenus très modestes. Elles vivent en couple, bien qu'une majorité jugent que leur relation avec leur conjoint est insatisfaisante. Les femmes vivent beaucoup de problèmes. Cependant, on constate qu'entre le moment où ces problèmes se révèlent et le moment où on peut apporter un soutien, il s'écoule beaucoup de temps. C'est pourquoi notre centre a relevé le défi de la prévention et de la prise en charge pour pouvoir répondre immédiatement à ces besoins. On peut intervenir auprès des femmes avant que se déclenchent les situations de crise. Les femmes sont alors capables de composer avec leur milieu.

Notre Intervention va permettre aux femmes de reconnaître, dans un premier temps, les facteurs à la source de leur état, puis de les réduire et de les éliminer. Les programmes d'intervention ont été expérimentés et créés à notre centre. On a mis en place des services et des activités favorisant l'action et la prise en charge par les femmes de leur santé.

À titre d'exemple, on a eu un groupe d'intervention et d'entraide sur la consommation de médicaments. Je peux faire un profil des participantes. Ces femmes avaient une histoire médicale assez longue, elles consommaient beaucoup de médicaments, elles avaient développé une dépendance à leur égard. La consommation était devenue routinière, les femmes ne comprenaient plus pourquoi elles en avaient besoin, mais ce qu'elles savaient, c'est qu'il était facile de se procurer des médicaments et qu'elles se sentaient moins stressées. Le groupe leur a permis de s'interroger sur les causes de leur surconsommation et de reprendre contact avec leur réalité, de prendre des décisions pour pouvoir changer des choses dans leur vie. Ce groupe fonctionnait sur la base d'échanges de vues et de partage du vécu; cela a permis à une majorité d'entre elles de diminuer et même d'arrêter toute médication. Les femmes ont témoigné de leur expérience dans un numéro spécial du journal du centre qui portait sur la santé mentale des femmes et, aujourd'hui, les résultats qu'on peut constater, c'est que quelques-unes d'entre elles sont des bénévoles actives au sein de notre organisme, plus particulièrement au sein de notre conseil d'administration.

Je vais vous parier du cas d'une des femmes de ce groupe qui était victime d'inceste et qui subissait de la violence conjugale quand elle est arrivée au centre. Elle consommait abusivement des médicaments et le groupe lui a permis d'arrêter toute médication et de s'impliquer au centre. Elle fait maintenant partie du conseil d'administration et elle travaille dans un autre organisme communautaire à Verdun. Cela a vraiment eu des résultats concrets avec elle

Bien qu'on accorde une importance particulière aux femmes qui ont besoin de soutien à cause de leur problème de santé mentale, on trouve également essentiel d'accorder de l'Importance à celles qui veulent conserver une bonne santé mentale. On essaie de rendre les femmes capables de poser des gestes pour conserver et améliorer leur santé mentale. Par exemple, chez nous, il y a beaucoup de femmes de 40 ans qui sont travailleuses au foyer et qui, parce que les enfants ne sont plus à la maison, commencent à se sentir inutiles, dévalorisées, de plus en plus isolées et déprimées. Alors, c'est possible pour ces femmes de s'intégrer à des comités de bénévoles, par exemple, où elles pourront réfléchir pour savoir comment elles devront prendre en main leur situation avant qu'elles-mêmes ne tombent dans la dépression. C'est vraiment un travail de prévention qu'on fait.

Les résultats obtenus par notre approche préventive sont assez concluants À court terme, les femmes sont amenées à faire face à leurs problèmes, à trouver des moyens pour tenter de les résoudre et, à plus long terme, elles s'engagent dans un processus d'autonomie, de prise en charge qui va les amener à faire des choix bénéfiques pour leur santé mentale, des choix tels le retour aux études, le retour sur te marché du travail, une rupture familiale lorsque c'est nécessaire. C'est d'autant plus important qu'il existe peu de ressources, dans le réseau Institutionnel, favorisant une telle démarche.

En terminant, j'aimerais dire que le gros problème des centres de femmes, c'est le manque de ressources financières et qu'on pourrait faire beaucoup plus encore si on avait plus d'argent. Nos travailleuses, nos bénévoles réussissent déjà beaucoup avec de très faibles moyens, elles pourraient réussir plus. Merci.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, madame. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que Mme David voulait ajouter un mot.

Le Président (M. Baril): Allez-y.

Mme David: C'est simplement pour vous rappeler les recommandations qui sont incluses dans notre mémoire, qui sont de deux ordres, finalement: d'une part, qu'on poursuive les recherches, particulièrement sur la question de la dépression des femmes, mais ce, en lien avec des organismes qui travaillent directement avec des femmes et non seulement, même si c'est nécessaire, avec des organismes qui prennent des positions sur la situation des femmes et des organismes qui font des recherches. C'est évident que ces organismes doivent être associés à toute recherche en santé mentale en ce qui concerne les femmes, mais ce serait très Important de consulter et d'Interroger les intervenantes qui, quotidiennement, travaillent avec ces femmes. Egalement, évidemment, on souhaite que le ministère de la Santé et des Services sociaux reconnaisse le travail fait par les centres de femmes dans le domaine - je ne veux pas rentrer dans le jargon - dans le secteur de la santé mentale et que, par conséquent, on puisse avoir davantage de moyens pour faire ce travail.

Le Président (M. Baril): Merci madame. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier le Regroupement des centres de femmes pour son mémoire. D'ailleurs, on a un peu parlé de vous, ce matin, très brièvement, à l'occasion de la présentation du rapport du Conseil du statut de la femme. J'écoutais le témoignage de la représentante de Victoriaville celui de la représentante de Verdun; on avait l'Impression que vous aviez des budgets de 200 000 $ chacune, à entendre la description des services que vous offrez. Au point de départ, je veux vous remercier pour les femmes que vous aidez.

Il y a 90 centres de femmes au Québec. C'est ceia?

Mme David: Malheureusement, II en reste 60. Il y en a déjà eu 100, mais on n'a pas beaucoup d'argent.

Mme Lavoie-Roux: II en reste 80, d'accord. Est-ce que tous ces centres sont intéressés à la santé mentale ou si les deux groupes qui vous accompagnent sont des centres particulièrement intéressés à cette dimension? Le centre de Verdun nous a expliqué de quelle façon on y était arrivé, parce qu'on réalisait que pour aider les femmes à sortir de d'autres problèmes on devait passer par la prévention en santé mentale. Ç'a été la même chose à Victoriaville, quoique vous ne l'y avez pas présenté de la même façon. Est-ce que les autres centres s'intéressent à fa santé mentale d'une façon aussi active que ces deux centres-là?

Mme David: C'est évident que les deux centres qui sont représentés ici ont peut-être, de façon plus spécifique, mis sur pied des projets précis dans le domaine de la santé mentale - quand je dis 'domaine", je ne me réfère pas au rapport Harnois - mais, dans l'ensemble des centres de femmes, il est évident que, sans avoir de projet aussi spécifique qu'un radioroman, par exemple, sur cette question-là, qui est un projet très novateur, tous les centres interviennent sur ce terrain-là étant donné que la clientèle des centres de femmes, de façon générale, a beaucoup de ressemblance. C'est une clientèle de femmes qui ont généralement entre 35 et 50 ans et qui ont pour caractéristiques d'être pauvres, d'êtres seules, et de vivre énormément isolées. Non seulement sont-elles seules sur le plan familial avec des enfants, mais elles sont souvent très seules en ce qui a trait à l'absence de contact et de relations sociales.

Donc, dans l'ensemble des centres, on reçoit des femmes qui ont des problèmes de dépression, qui ont des problèmes, par conséquent, d'abus de médicaments et d'alcool, des femmes qui ont fait des tentatives de suicide, des femmes qui ont recours, beaucoup trop souvent, aux services des médecins. Le magasinage d'un médecin à l'autre, c'est une réalité, sauf qu'on ne se demande pas assez souvent pourquoi. Ce n'est pas parce qu'on a envie d'aller courir trois ou quatre médecins. C'est parce que, souvent, c'est la ressource qui paraît peut-être la plus proche et la plus facile d'accès. Si on pense à des caractéristiques en termes de clientèle, en termes des usagères des centres de femmes, on peut dire que c'est passablement commun à tous les centres de femmes.

Maintenant, il est évident que ce qui fait d'ailleurs, à notre avis, la richesse de ce réseau de centres de femmes, c'est qu'ils ne sont pas tous Impliqués également dans des projets spécifiques ou qu'ils n'utilisent pas tous les mêmes approches. On a certains centres, par exemple, qui ont mis sur pied des projets de retour au travail pour les femmes en utilisant des programmes de retour à l'emploi fédéraux ou provinciaux. Les femmes qui s'intègrent dans ces projets-là sont très souvent des femmes seules, déprimées, avec des problèmes de pauvreté et tout ce qui s'ensuit et c'est par ce biais-là qu'on va tenter de solutionner leurs problèmes.

Ailleurs, certains centres de femmes, vous le savez peut-être, dans plusieurs endroits ont mis sur pied des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence qui, par la suite, sont devenues autonomes du centre de femmes. C'est aussi un des volets des problèmes des femmes, je pense, en rapport avec la santé mentale. Le rapport Harnois en parie. La violence conjugale, je pense que c'est maintenant évident pour tout le monde. Les approches peuvent être différentes, mais ta clientèle, elle, ne varie pas beaucoup. Cela se ressemble pas mal, évidemment avec la couleur locale. La clientèle de femmes d'une grande ville comme Montréal va vivre des

problèmes de solitude qui peuvent être différents d'une clientèle semi-rurale ou rurale. C'est Incroyable qu'à Montréal, dans une ville de 2 500 000 habitants, la solitude des femmes puisse se vivre de façon aussi aiguë. L'anonymat est tellement grand qu'à la limite une femme pourrait absorber une pleine bouteille de médicaments et personne ne s'en apercevrait durant plusieurs jours. Cela ne se passerait peut-être pas tout à fait comme cela dans une autre région. Ce que certains centres de femmes nous disent, c'est que l'Isolement va être vécu différemment. Par exemple, une femme qui vit une rupture, la rupture d'un lien conjugal, une femme victime de violence, une femme qui se retrouve seule avec des enfants, va vivre une espèce de rejet social qui va être plus grand ou qui va être différent de ce qu'on peut vivre à Montréal, où l'anonymat fait qu'au fond personne ne le sait Dans ce sens-là, il y a des différences.

Mme Lavoie-Roux: Je comprends que votre centre est situé à Victoriaville même.

Mme Lemay: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Combien de personnes rejoignez-vous, nominalement, parce qu'une même personne peut revenir plusieurs fois dans une année? Vous avez parlé de 3500 personnes que vous aviez rejointes, ou 3300.

Mme Dessureault: 3300.

Mme Lemay: On a évalué, l'année dernière, environ 2500 femmes.

Mme Lavoie-Roux: Pour quel pourcentage de ces 2500 personnes y a t-il un contact régulier, je dirais, au moins une fois par mois ou peut-être dix fois dans l'année, les choses étant au ralenti durant l'été? Quel est le rythme du contact pour la majorité de ces 2000 femmes?

Mme Lemay: C'est sûr que, quand on dit 2500 femmes, cela comprend tous les services et les activités. Il y a l'Information par téléphone, la référence. Il y a les cours, les ateliers. Donc. cela comprend les Inscriptions aux cours. Cela comprend les événements spécifiques qui sont organisés comme la journée internationale des femmes, la journée d'action contre la violence faite aux femmes, et il y a les différents comités qui font aussi partie de la maison des femmes comme telle. Donc, cela peut être aussi bien une femme qui vient une fois, deux fois ou trois fois pour un service particulier et qui va revenir deux ans ou trois ans plus tard. Il y a des femmes qui viennent et qui peuvent venir régulièrement Le nombre, ce serait difficile à dire, à évaluer.

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure vous exposiez, par exemple, les contacts qui me sont apparus comme étant Individuels ou peut-être de petits groupes, Je ne sais pas, où les femmes sont appelées à prendre conscience de certains problèmes ou d'un certain questionnement qu'elles ont. Dans ce type de groupes qui peuvent rejoindre peut-être davantage les personnes au plan de la santé mentale, comme vous mentionniez que certaines d'entre elles avaient arrêté une surconsommation de médicaments, il s'agirait de combien de femmes avec lesquelles vous travailleriez sur cette base plus individuelle même si c'est à l'Intérieur de petits groupes?

Mme Lemay: D'accord. On a évalué à une centaine le nombre de femmes par année avec lesquelles on a une relation d'aide individuelle avec suivi par ta suite.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez combien de personnes dans votre centre qui travaillent sur une base... Combien sont payées? Je sais que vos budgets sont à peu près de 20 000 $, 10 000 $, 5000 $. Apparemment, vous allez en chercher au fédéral et ça vous enrichit un petit peu.

Mme Lemay: C'est ça.

Mme Lavoie-Roux: II s'agit de combien de personnes sur une base bénévole qui participent assez régulièrement et sur une base plus permanente?

Mme Lemay: C'est une personne et demie ou deux personnes à temps plein et, quand ça va un peu mieux, ce sont deux permanentes à temps plein. Il y a une soixantaine de bénévoles qui participent de différentes façon; sinon, on ne pourrait pas donner les services qu'on offre à la population. Il y a aussi 180 membres à la maison des femmes.

Mme Lavoie-Roux: Qui paient une petite cotisation. (18 heures)

Mme Lemay: Une cotisation et qui participent à l'organisation de différentes activités. Sauf que le problème qui se pose, c'est que le bénévolat ou le travail volontaire, comme on l'appelle chez nous, a ses limites. Pour nous, l'implication des membres est Importante, de sentir un sentiment d'appartenance des membres à la maison des femmes, mais ça ne doit pas être la base d'un fonctionnement et d'une structure. On veut bien compléter et permettre l'implication des femmes, c'est Important et nécessaire, mais il faut quand même qu'il y ait une base permanente importante. Pour nous, deux personnes, ce n'est pas suffisant. C'est évident.

Le Président (M. Baril): Malheureusement, nos règlements nous disent que nous devons terminer à 18 heures. Pour continuer, nous avons besoin d'un consentement.

Une voix: il vous est acquis.

Le Président (M. Baril): Alors, poursuivez.

Mme Lavoie-Roux: II me reste combien de temps, parce qu'il y a peut-être de mes collègues qui veulent... Je vais juste continuer très rapidement. Alors, deux personnes, les autres sont bénévoles. Bien qu'avec des chiffres un peu différents, j'imagine que c'est de la même façon que vous fonctionnez à Verdun et, grosso modo, dans l'ensemble des centres de femmes. Je vais attendre et je reviendrai vers la fin, parce que j'ai d'autres questions à poser.

Le Président (M. Baril): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Je suis toujours heureuse lorsque j'entends des groupes de femmes se présenter et faire valoir leurs revendications. Il n'y a pas si longtemps, lorsqu'on parlait de santé mentale, on voyait une très grande complicité entre les hommes, les médecins traitants et même les psychiatres car, il n'y a pas si longtemps, certaines femmes se sont fait enfermer parce que certains maris avaient décidé de divorcer et qu'ils ne trouvaient pas d'autres solutions. Ils trouvaient que le fait que leur femme ait certaines sautes d'humeur devait faire l'objet d'une évaluation psychiatrique et, plus souvent qu'autrement, on y voyait une certaine complicité entre un médecin traitant et la personne" qui demandait cette évaluation. Souvent, la femme se trouvait sans recours et, à tort ou à raison, on a toujours été beaucoup plus vindicatif en ce qui concerne les comportements de la femme. On a toujours considéré qu'elle était déviante lorsqu'elle parfait trop fort et qu'elle avait des cris d'hystérie et surtout des comportements hystériques lorsqu'elle s'affirmait d'une façon trop agressive, ce qu'on dit rarement chez les hommes. On dit qu'un homme s'affirme avec conviction, mais une femme avec beaucoup d'agressivité.

Or, cela fait un peu partie de la maladie lorsqu'on parle de la maladie mentale, surtout en ce qui concerne l'approche faite aux femmes. Lorsqu'on regarde actuellement le traitement, il y a deux formes d'approche, finalement: celle des hommes et celle des femmes. Lorsqu'on regarde le haut taux d'hospitalisation en psychiatrie chez les femmes, le haut taux d'ingurgitation de médicaments chez les femmes et aussi toutes les tendances dépressives et toutes les tendances suicidaires chez les femmes, trêve de boutade, je me demande si c'est à supporter les hommes qu'elles deviennent aussi déviantes. Je me demande, finalement, s'il ne faudrait pas qu'on ait une profonde réflexion sur la maladie mentale, surtout quant au volet femmes, et surtout aussi sur l'approche et le traitement que l'on accorde très souvent aux femmes.

Le bonheur que j'ai eu de voir votre rapport, c'est que des femmes sont capables de se prendre en main, ces femmes que l'on taxe très souvent d'incapacité de complicité entre elles, qui sont toujours en train d'essayer de se détruire entre elles. On a la preuve ici... Vous êtes le seul groupe à ne pas avoir fait de revendication de statut ou de corporatisme de quelque nature que ce soit. Tout ce qu'on a pu ressentir, c'est votre intérêt à faire en sorte que des femmes soient de plus en plus informées, aient un traitement de plus en plus humain.

Vous avez surtout parlé de confiance et d'estime de soi. C'est peut-être la base du traitement. Surtout lorsqu'on parle de santé mentale chez les femmes, il faudrait peut-être commencer par ta confiance et l'estime. Des psychiatres sont venus et différents autres groupes; on a toujours parlé d'une approche biopsychosociale et on disait que seuls les psychiatres étaient appelés à avoir cette façon de voir les choses, qu'ils avaient été formés pour cette forme d'intervention. Or, si l'avenir pouvait être garant de ce qui a été fait dans la pratique passée, cette notion biopsychosociale a toujours été inhérente à la personne humaine. Ce n'est pas quelque chose de récent ou de nouveau. Si on y avait justement porté une attention plus particulière antérieurement, je pense que l'état de santé mentale des femmes s'en porterait beaucoup mieux.

Je pense qu'on a raison de croire que c'est entre elles que les femmes pourront trouver les moyens de s'entraider. Nous devons, en tout cas, soutenir l'effort et les moyens que ces femmes, entre elles, ont mis de l'avant. Ce que je trouve dommage, c'est cette difficulté et cette connotation qu'on essaie toujours d'accorder à ces groupes de femmes dites féministes, entre parenthèses, parce qu'elles ont compris que si elles faisaient trop confiance à un autre groupe de la société, c'était bien de valeur, mais elles risquaient d'y perdre leur peau, leur âme et leur moral. Je pense que c'est dommage qu'on ait toujours cette connotation péjorative du mot "féministe". Je crois que, quand on a intérêt à voir à ce que notre santé mentale, physique et psychique soit dans son intégrité, c'est tout à notre honneur et à notre estime aussi. Cela mérite beaucoup de considération.

On sait que, très souvent, vous avez des problèmes budgétaires qui ne sont pas à dédaigner non plus parce que, dans la plupart des interventions, quoique vous aimiez avoir un suivi beaucoup plus continu, c'est difficile parce que justement la plupart de vos préoccupations sont toujours le financement. Est-ce que, demain matin, vous allez pouvoir survivre? Est-ce que, demain matin, vous allez être obligées de fermer vos portes. Est-ce que vous pourrez entreprendre un programme qui permettrait d'aller plus loin dans votre recherche ou dans votre support ou dans le soutien auprès de la personne concernée? Est-ce que vous pourrez faire de l'accompagnement dans différentes décisions que cette per-

sonne-là aura à prendre? Ce ne sont pas les intentions qui vous manquent, ce sont tout simplement tes moyens nécessaires et, surtout, de la considération de la part des gouvernements quels qu'ils soient

Je parle beaucoup plus en tant que femme, je pense, qu'en tant que représentante politique. Je crois que c'est Important qu'on donne une place de choix à la femme. Nous représentons 52 % de la population et Je trouve Inadmissible, dans une société dite civilisée, dite moderne, où on est à la fine pointe de la technologie, qu'on ait encore de la difficulté à accepter que la femme est une personne à part entière et que, dans certaines situations, on veuille toujours vivre une situation de dominant-dominé. Je pense que c'est dans l'égalité des sexes que l'on trouvera l'harmonie dans nos sociétés, compte tenu de tous les désarrois que nous sommes en train de vivre au niveau de la famille et compte tenu aussi des jeunes, des orientations et des modèles. Je pense que ce n'est que dans le respect qu'on arrivera à trouver de véritables solutions.

Effectivement, plusieurs ont parlé d'une politique de la santé mentale; beaucoup ont parlé de structures ou de champ d'application. Je pense que c'est à partir de ce qu'on a en soi, de l'estime qu'on a de soi que l'on peut trouver de véritables remèdes à tous ces maux.

Mes principales questions, compte tenu surtout de mon commentaire...

M, Chevrette: Avez-vous des questions? Est-ce que...

Mme Vermette: Pas nécessairement "est-ce que". Ma principale question ou ma principale préoccupation est à savoir. Combien de temps seriez-vous capables de tenir le coup sans qu'on vous donne un support supplémentaire?

Mme Dessureault: Ce que je peux dire, c'est qu'actuellement on tient le coup surtout grâce à l'Implication de bénévoles, il va sans dire. On tient le coup grâce à des programmes de développement de l'emploi aussi. En tout cas, chez nous, on a tenu le coup comme cela.

Une voix: Fédéraux?

Mme Dessureault: Fédéraux, oui, c'est cela. Ce qui a fait que le centre a survécu, ce sont les compromis que les travailleuses ont voulu faire, c'est-à-dire; travailler bénévolement elles aussi pour survivre. En tout cas, les services qu'on a développés avec les femmes, nous, si on n'a pas de financement supplémentaire, on ne pourra pas maintenir ce rythme de croisière, il va falloir couper quelque part.. On va pouvoir maintenir les services de base, mais on ne sera pas capable de maintenir toutes les activités qu'on a mises de l'avant, qu'on a élaborées. Je trouve cela dommage parce qu'on a fait beaucoup de recherche, avec les femmes, on est très proche de leurs besoins, on sait à quel niveau il faut Intervenir auprès des femmes, mais là, actuellement, on se rend compte qu'on a un manque de ressources financières et je me rends compte qu'on ne serait pas capable de maintenir le rythme, en tout cas à Verdun, auquel on a réussi à parvenir si on n'a pas de financement supplémentaire. C'est sûr.

Le Président (M, Baril): Mme Lemay a des commentaires aussi.

Mme Lemay: Ce qui est embêtant, c'est que, finalement, on est très tenace. Depuis sept ou huit ans, on dit: Là, ça va fermer si ça continue comme ça. C'est toujours ouvert. C'est un peu embêtant pour nous, d'ailleurs, parce qu'on se fie peut-être que ça va être ouvert de toute façon. Le problème, aussi, c'est qu'il y a un roulement des permanentes. Cela est malheureux. Mol, je tiens le coup depuis un certain temps, je ne sais pas jusqu'à quand. Pour une autre, c'est la même chose. À un moment donné, ça ne se peut plus, il y a une autre personne qui arrive, c'est encore à recommencer et le développement est moins présent. C'est un problème qu'on a dans tous les centres de femmes.

Mme David: J'aimerais ajouter quelque chose, connaissant un peu la situation d'ensemble dans tes centres. Je ne veux pas faire de sensationnalisme et dire que si, dans trois mois, on n'a pas plus d'argent 50 % ou 75 % de nos centres vont fermer, je connais maintenant assez bien les centres pour savoir que ce n'est pas cela qui arriverait. Or, le problème, c'est que non seulement il y a du roulement de personnel, mais, au fond, il y a une perte de temps et d'énergie considérable, d'une part, à remplir tes multiples demandes de subvention qu'on fait pas seulement à Québec, mais à Ottawa. On prend l'argent où il se trouve. C'est aussi simple que cela.

D'autre part, le roulement de personnel occasionne très souvent des espèces de creux où le centre, pendant un mois ou deux, est réduit à sa plus simple expression. Tout à coup, arrive un projet ou un programme de développement d'emploi, ça repart, mais avec du nouveau personnel qu'on devra mettre à la porte possiblement 26 semaines plus tard pour, à un moment donné, en réengager d'autres. C'est complètement non fonctionnel. Cela n'a pas de bon sens. Cela peut tenir un certain temps. Ça tient, bien sûr, grâce à certaines femmes qui, à un moment donné, travaillent et après retirent le chômage, sont au conseil d'administration, reviennent un an plus tard. Il y en a qui essaient comme ça de faire des transitions mais, franchement, je ne connais pas beaucoup d'organismes publics qui fonctionneraient comme cela. Je pense que les directions ne seraient pas complètement d'accord.

Dans les centres de femmes, ce n'est pas parce qu'on est d'accord qu'on fonctionne comme cela. On n'a pas le choix, quelque part Je pense que non seulement ça fait en sorte qu'à certains moments nos activités sont réduites, ce qui est très dommage pour les usagères, mais aussi ça ne nous permet pas de nous développer, ça ne nous permet pas d'aller plus loin, par exemple, de faire vraiment une systématisation de toutes les données qu'on a portant sur nos clientèles, leurs problèmes et les pratiques qu'on développe. Mon Dieu qu'on pourrait écrire si on avait le temps, on pourrait compter, comptabiliser. Mais, même ça, c'est difficile à faire compte tenu des ressources qu'on a.

Là, on ne parlera pas des ressources du regroupement provincial. Il y a une coordonnatrice, moi-même, et une coordonnatrice administrative et ça s'arrête là. Alors, quand II faut écrire trois mémoires en même temps et tenter d'aider les centres, les soutenir, essayer d'organiser de la formation, travailler de concert avec les autres associations de femmes, vous pouvez imaginer un peu ce que cela donne. À la limite, ça finit par être non fonctionnel. Je pense qu'on devrait trouver des moyens pour que les choses soient différentes.

Mme Vermette: Vous êtes en train de nous dire que ce que vous êtes capables de faire à l'heure actuelle, c'est de répondre uniquement à des cas d'extrême urgence parce que, finalement, quant au reste, ce serait difficile pour vous de pouvoir intervenir. C'est surtout sur les personnes qui sont le plus en manque que vous allez faire porter votre intervention, plutôt que de faire un peu de curatif, comme vous l'avez dit tantôt, ou de l'information ou de l'éducation.

Mme Dessureault: Pas nécessairement. Je ne dirais pas nécessairement cela, mais je dirais qu'on accueille les femmes. Ce ne sont pas juste les cas limites qui viennent aux centres de femmes, sauf que, parfois, on aimerait peut-être développer autre chose, quand on parle de développement C'est ça qu'on n'a pas le temps de faire. Là, quand les femmes viennent à nos activités et expriment d'autres besoins, on est limité à ce moment-là. On ne peut pas faire d'accompagnement, de suivi de cas comme on aimerait bien en faire, mais ça demande une structure qu'on ne peut pas mettre en place. On n'a pas les ressources nécessaires pour le faire. On essaie de faire tant bien que mal un peu de suivi, mais cela a ses limites à ce moment-là. Je ne peux pas dire que les centres de femmes accueillent les cas extrêmes.

Mme Vermette: Travaillez-vous en collaboration avec les gens du réseau? Êtes-vous considérées aussi comme une ressource alternative quelquefois? Vous arrive-t-il de répondre à du dépannage pour certaines urgences ou des choses comme cela?

(18 h 15)

Mme Dessureault: Nous, en ce qui concerne le dépannage, on a de la difficulté avec cela. On n'a pas les ressources non plus pour faire du dépannage. On va essayer, à ce moment-là, de voir avec les femmes où elles peuvent avoir du dépannage. On va faire une certaine démarche avec elles. Nous essayons de développer la collaboration avec les ressources, particulièrement les médecins à qui on envoie chaque année un dépliant du centre et on leur explique ce qu'on fait parce qu'on trouve cela important. La même chose avec l'hôpital psychiatrique. On développe de plus en plus des contacts avec les intervenants et avec les intervenantes pour qu'ils nous connaissent comme ressource aussi pour les femmes.

Mme Vermette: On nous disait très souvent que la porte d'entrée, c'était par les CLSC et que c'était le médecin omnipraticien ou les psychiatres dans les urgences, qu'ils étaient prêts et ouverts à la discussion et au dialogue, mais cela ne se faisait pas dans les deux sens. Très souvent, vous étiez jaloux de vos juridictions ou de votre approche qui était tout à fait différente de l'approche institutionnelle et finalement c'était très difficile d'avoir des échanges de vues et cela pouvait même aller à rencontre de certains traitements.

Mme Lemay: Je pourrais peut-être ajouter qu'on a, nous aussi, une collaboration avec des professionnels de la santé, que ce soit le CLSC ou, à l'hôpital, le psychiatre ou le psychologue, mais je pense que ce qu'il est important de dire, c'est qu'on sait où frapper aussi. Par exemple, on a déjà des contacts avec les représentants ou les représentantes de ces différents secteurs du réseau institutionnel et on les contacte quand on veut avoir une collaboration. Je ne pourrais pas dire cela pour tous les médecins ou pour tous les psychiatres ou psychologues, mais on a quand même développé une crédibilité et on sent que, dans différents milieux, la collaboration est possible.

Le Président (M. Baril): Merci. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Très rapidement, parce que Mme la ministre a peut-être d'autres questions à poser. La raison pour laquelle j'interviens, c'est que Mme Dessureault, du Centre des femmes de Verdun, et moi, nous nous connaissons bien. Comme député, j'ai toujours tenté de vous aider le plus possible, et vous le savez, parce que je connais votre travail et je suis allé chez vous. Je n'ai pas toujours le temps d'y aller, mais le personnel de mon bureau y est allé parce que je veux vraiment être au courant de ce qui se passe. D'ailleurs, pour le bénéfice de la ministre, je dois vous dire que, dans te programme de soutien aux organismes communautaires, vous

présentez toujours votre projet, et Je viens juste d'écrire une lettre à Mme ta ministre pour appuyer fortement votre demande cette année. Combien avez-vous reçu l'année dernière là-dedans?

Mme Dessureault: 13 000 $.

M. Polak: Donc, vous avez eu, en vertu de ce programme, 13 000 $. Je ne vais pas régler le montant que vous demandez maintenant, mais Je peux vous assurer, Mme la ministre, que les 13 000 $ ont été très bien investis. Quant à moi, je vous donne de mon enveloppe des opérations de comté ce qu'on appelle le "coffee money", parce qu'on n'a pas d'argent pour financer cela.

J'ai aussi été très Impressionné par l'expérience de l'élément prévention et prise en charge; Je considère que votre force est vraiment là. Quand on fait le rapprochement avec la politique de santé mentale, on parle de partenariat. D'ailleurs, Je suis très heureux de constater qu'il y a autant de groupes comme le vôtre: des comités de bénévoles, des hôpitaux Plusieurs ressources alternatives sont venues la semaine dernière. Nos jeux sont grandement ouverts et, surtout, le Dr Hamois, Je pense, a même, lui aussi, appris beaucoup. Je suis tout à fait d'accord avec cela.

Je voudrais savoir quelle serait votre relation dans un partenariat éventuel de coopération avec, par exemple, à Verdun, un groupe comme le PAL, qui est venu ici; en fait, c'était la fédération - Michel était son porte-parole - la semaine dernière. Il y a la famille d'accueil que j'ai visitée à plusieurs occasions, à Verdun aussi. Comment voyez-vous le rôle de chacun de ces groupes pour qu'il n'y ait pas une sorte de "overlap"? Doit-il y avoir une sorte de coordination? Je sais qu'il y a des femmes qui sont dans une famille d'accueil qui visitent le PAL et qui viennent aussi chez vous, par exemple.

Mme Dessureault: Ce que je peux dire, c'est que les femmes ont souvent des besoins spécifiques. Je ne prétends pas que le Centre des femmes de Verdun va répondre à tous les besoins des femmes. Il y a des femmes - on a établi cela avec l'hôpital Douglas - qui ont des besoins en santé mentale tellement grands que notre centre ne peut y répondre. Alors, je suis pour qu'il y ait des ressources qui s'occupent de problèmes spécifiques avec les femmes, parce que je dis que le Centre des femmes de Verdun ne peut répondre à tous les problèmes, sauf que Je pense que, oui, D pourrait y avoir davantage de concertation entre les ressources, pour voir quelle est l'action spécifique et pour qu'on puisse offrir aux femmes qui viennent chez nous quelque chose qu'elles ne retrouveront pas ailleurs. Je pense que c'est ce qu'on fait à l'heure actuelle.

M. Polak: Bon! J'aurais beaucoup d'autres questions à vous poser, mais Je vais faire la même chose que la semaine dernière, Je vais donner l'occasion à Mme la ministre, pour le temps qu'il nous reste, de continuer car c'est elle qui en a un peu plus à dire là-dedans, mais je vais continuer à pousser....

Le Président (M. Baril): En vertu de l'alternance, c'est Mme la députée de Johnson qui..

M. Polak: Ah! excusez! Évidemment!

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Vous dites, à la dernière page du mémoire qui nous a été présenté aujourd'hui - je pense que c'est très juste - que de croire que la désinstitutionnalisation veut dire que les malades retournent dans les familles, cela veut dire que ce sont les femmes, très précisément, qui auront ta charge de ces malades. Vous préconisez, dans votre mémoire, qu'une aide matérielle et professionnelle soit apportée à ces personnes pour éviter que les femmes, qui sont surchargées, fassent finalement des dépressions. J'aimerais cela que vous nous disiez comment vous, qui vivez dans des milieux de femmes, vous souhaiteriez que cette aide arrive. Est-ce que vous avez une idée très précise de la façon dont l'aide matérielle, l'aide technique professionnelle pourrait être apportée à ces femmes qui auront cette surcharge?

Mme David: Je pense que la première chose qu'on veut dire, c'est qu'en aucun cas il nous semble qu'une femme devrait se sentir obligée de jouer ce rôle. Je trouve que ce n'est pas Inutile de le dire en 1988, alors qu'il y a tout un courant social qui veut remettre aux familles la responsabilité non seulement de personnes qui ont des problèmes de santé mentale, mais aussi de personnes handicapées, d'enfants handicapés, de personnes âgées, etc., etc. Je pense qu'il y a un débat social à faire sur cette question. On ne préconise pas le retour en institution pour tout le monde, là n'est pas ta question. La question, c'est de savoir s'il n'y a pas d'autres ressources possibles à imaginer entre l'institution et la famille, qui veut dire, dans la plupart des cas, les femmes. C'est la première chose.

Maintenant, dans la mesure où une femme veut, que c'est un désir qui vient d'elle, s'occuper soit d'une personne qui a un problème de maladie mentale ou de toute autre personne, on n'est pas - je vous l'avoue franchement - allées extrêmement loin dans l'étude de moyens très précis, très concrets. Je suis certaine qu'il y a d'autres organismes qui ont dû en proposer. Le comité Hamois proposait, à tout le moins, dans un premier temps, qu'il y ait des mesures de répit qui soient prises pour ces familles. C'est évident que cela est essentiel dans un premier temps. Je pense qu'il doit y avoir aussi un soutien du milieu, un soutien professionnel, un certain encadrement de ces familles, mais je ne

voudrais pas aller plus loin là-dessus parce qu'on ne peut pas dire que, comme regroupement, on se soit penché très loin sur cette question. On voulait simplement la soulever, comme on le dit dans notre texte, pour qu'il y ait une prise de conscience et qu'il y ait un débat sur cette question.

Mme Juneau: Oui. Puis... Le Président (M. Baril}: Allez.

Mme Juneau: Je voulais simplement savoir... Je sais qu'au début de votre mémoire vous mentionnez le fait que toutes les subventions que vous pouvez recevoir, signifiant à peu près 25 000 $ en tout et partout pour vos centres... De combien est le budget total annuel d'un centre comme celui de Victoriaville ou de Verdun?

Mme David: Je peux encore vous répondre pour l'ensemble des centres. Les 25 000 $ dont on parle, c'est la moyenne budgétaire de tous les centres de femmes. Le ministère de la Santé et des Services sociaux, par le service de soutien aux organismes communautaires, a subventionné, cette année, 43 centres de femmes sur 80, pour une moyenne d'environ 12 500 $ par centre. Il y a quelques montants qui sont versés par le programme OVEP, la DGE du ministère de l'Éducation; ce sont des montants qui varient entre__2000 et 25 000 $, les 25 000 $ étant un sommet très- rare. Le Secrétariat d'État a financé très précisément 42 centres, l'année dernière, pour une moyenne d'environ 10 500 $ par centre. Alors, ce n'est pas compliqué de faire la moyenne.

Évidemment, il peut s'ajouter à cela, dans certains cas, Centraide, rarement; je pense qu'il y a cinq ou six centres à Montréal qui reçoivent de l'argent de Centraide, des programmes de développement de l'emploi avec tous les inconvénients que je vous ai énumérés tout à l'heure; donc, c'est la pauvreté, il ne faut pas se le cacher, c'est parmi les ressources alternatives pour femmes en difficulté. Je pense qu'on n'aurait aucun problème à affirmer qu'on est certainement la ressource la plus pauvre et, pourtant, le réseau te plus gros et le plus nombreux. Cela s'explique peut-être, en partie, par le fait qu'on n'est pas assez connu, cela est un peu notre responsabilité, par le fait que notre regroupement existe seulement depuis deux ans et demi. Je peux vous dire - je fais une petite annonce en passant - que, cet hiver, je pense que le gouvernement du Québec et l'ensemble de la population vont davantage entendre parier de nous parce qu'il faut un peu briser ce mur du silence. Il faut qu'on nous connaisse. Il faut qu'on sache ce qu'on fait. La population jugera au mérite. On n'a pas peur d'aller lui montrer, lui expliquer ce qu'on fait, et on espère qu'au ministère on pourra avoir des discussions qui permettront non pas d'assurer la totalité des budgets des centres de femmes, mais d'augmenter la part du ministère qui peut être donnée aux centres de femmes de façon qu'on puisse au moins avoir un budget de fonctionnement minimal, nous permettant d'avancer et non pas de régresser, comme je. peux personnellement le constater dans certains centres actuellement.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup, madame. Notre temps est malheureusement terminé. Il reste quelques minutes à Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'aujourd'hui vous avez fait un excellent travail d'interpréter ce que les centres de femmes font. J'étais évidemment déjà familière avec cela, mais je trouve intéressant que vous preniez aussi des thèmes particuliers qui correspondent aux besoins de votre milieu. On peut aussi, avec les femmes, aller dans 70 directions. Compte tenu de vos limites de ressources, qu'elles soient financières ou humaines, je pense que c'est intéressant.

Évidemment, pour l'Opposition, c'est toujours facile de dire: Mettez plus d'argent. Mais, demain matin, ils vont m'en demander pour l'alourdissement, pour la protection de la jeunesse, pour des soins de courte durée, pour les soins prolongés, pour les maisons de femmes battues, etc.

Une voix: Centres de...

Mme Lavoie-Roux: J'en ai parié, l'alourdissement des clientèles. On connaît la panoplie de besoins et la nécessité de développement des services.

Je sais que ce que nous donnons aux centres de femmes, cela varie entre 5000 $ et 20 000 $. C'est pour cela que vous êtes arrivées à une moyenne de 12 500 $. Les plus hauts ayant 20 000 $, je ne pense pas qu'il y en ait en haut de 20 000 $, et les plus bas...

Mme David: ...il y en a deux, je pense, à 20 000 $ sur 80.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Cela varie entre 5000 $ et 20 000 $. Évidemment, les efforts ont été du côté des maisons d'hébergement pour femmes violentées et également un certain effort a été fait cette année pour les CALAOS, les centres d'aide et de lutte aux agressions à caractère sexuel. Il n'y a pratiquement rien eu, sauf dans quelques cas, pour au moins atteindre 5000 $. Je ne sais pas s'il y a eu d'autres petites exceptions, mais, à toutes fins utiles, cela a été gelé dans le cas des centres de femmes, j'en suis bien consciente. Quand on a des budgets qui varient entre 5000 $ et 20 000 $ et, comme vous dites, que la majorité est à 12 000 $, strictement de rendre à 20 000 $ celles qui sont à 12 000 $, supposons qu'on mettrait tout le monde à

12 000 $ et les rendre à 20 000 $, pour 80 maisons... Je crois comprendre qu'il y en a une quarantaine qui ne sont pas du tout financées.

Mme David: Du moins par votre ministère.

Mme Lavoie-Roux: Oui, par mon ministère. Celles-là même, les rendre à 12 000 $, vous multipliez par 80, cela fait déjà 800 000 $. C'est très considérable quand on fait la multiplication.

Je garde quand même en tête votre intérêt pour la santé mentale et je me dis que, particulièrement dans certains centres de femmes où on montre un Intérêt particulier pour cette problématique, pas que les autres soient moins Importantes, mais on ne peut pas prendre toutes les priorités dans toutes les problématiques parce qu'on va manquer notre coup un peu partout... C'est évident que le gouvernement, en tout cas les efforts que je vais déployer, ce sera pour que le gouvernement retienne la santé mentale comme priorité et voit dans quelle mesure... Je ne voudrais pas non plus que 80 centres de femmes développent un projet de santé mentale pour essayer d'aller chercher une subvention. Là où il y a déjà une certaine expertise, un intérêt et une motivation, peut-être pourrions-nous, dans le cadre des organismes bénévoles, essayer d'appuyer davantage quelques initiatives.

Il y a une seule question que je veux vous poser en terminant. En dépit des efforts que les centres de femmes font depuis sept ou huit ans, le Conseil du statut de la femme nous disait ce matin je ne pense pas strictement à la santé mentale; je pense à la santé physique aussi - qu'il n'y avait pas eu de modifications dans le recours aux ressources médicales. Pensons, par exemple, à l'utilisation des médicaments ou même au nombre d'interventions chirurgicales que les femmes subissent comparativement aux hommes. Avez-vous jamais essayé de mesurer les résultats? Non pas, peut-être, maison par maison, mais peut-être que votre regroupement est trop jeune aussi pour le faire. Cela serait peut-être intéressant de voir quels sont, finalement, les résultats obtenus. Je vous pose la question. On pourrait la poser à tous les autres groupes qui viennent ici, qu'ils soient publics, bénévoles ou semi-publics.

Mme David: La plupart des centres de femmes existent depuis 1980 et plus. Il y en a quelques-uns qui étaient présents avant. Je pense que l'exposé de nos faibles moyens a été assez clair pour vous dire qu'on ne rejoint pas autant de femmes qu'on le voudrait. On en rejoint beaucoup pour faire de la référence. On en rejoint moins sur une base très, très régulière. Ce qu'on sait - c'est vrai que notre regroupement n'a pas de statistiques là-dessus pour les mêmes raisons, toujours - c'est que, lorsqu'on rejoint des usagères, quand on est capable de faire un travail avec les femmes qui viennent dans les centres de femmes, on a des résultats concluants. On pourrait parler de ça longtemps.

Maintenant, pourquoi, de façon globale, la situation n'a-t-elle pas changé? D'une part, les centres de femmes ne prétendent pas qu'à eux seuls ils vont pouvoir changer toute la situation des femmes au Québec, même s'ils jouent un rôle important.

Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi de vous interrompre. Je ne pensais pas juste aux...

Mme David: À l'ensemble des groupes.

Mme Lavoie-Roux: ...centres de femmes. Je pensais à la globalité, si je peux dire, du mouvement féministe...

Mme David: D'accord.

Mme Lavoie-Roux: ...qui a travaillé quand même dans cette direction-là depuis plusieurs années.

Mme David: D'accord. Mais je pense que, là, il y a peut-être deux choses. Je les lance pour te débat. Peut-être que ça serait effectivement à regarder.

D'une part, les problèmes des femmes n'ont pas diminué depuis sept ou huit ans. Je pense à toute la génération des femmes qui, actuellement, ont, par exemple, dans la quarantaine, qui sont les femmes que nous rejoignons beaucoup. Ce que le mouvement féministe a fait, c'est qu'il a dénoncé beaucoup de choses. Il a ouvert des portes pour un certain nombre de femmes, mais il y en a encore pas mal pour qui tes acquis du mouvement féministe ne sont pas encore tout à fait rendus dans la cuisine, ni même dans la chambre à coucher. Je dirais même, surtout pas là. Ce qui fait que ces femmes-là vivent énormément de problèmes, autant maintenant qu'il y a dix ou quinze ans. Il ne faudrait pas, d'ailleurs, poser seulement la question: Pourquoi les femmes, finalement, ne changent-elles pas plus vite? Il y a aussi l'autre moitié de ta population à qui il faudrait poser cette question-là.

Il y a aussi tout le processus de la médicalisation des soins aux femmes. Pourquoi, encore aujourd'hui, les médecins prescrivent-ils autant de tranquillisants aux femmes plutôt que, par exemple, comme certains médecins le font à Verdun, les référer aux centres de femmes? C'est une médication passablement plus Intéressante et moins coûteuse, si J'ose dire. Je pense que ça favorise plus l'autonomie des femmes.

Je pense qu'il y a beaucoup de questions à se poser sur différents sujets. On ne fait peut-être pas tout ce qu'on pourrait faire. On aimerait faire plus. On n'a pas de recette miracle non plus. Il y a des questions à poser à la population. 11 y a des questions de société à se poser. Tant qu'on continue, par exemple, à faire de la publicité sur l'alcool, bien, je veux dire qu'il ne faut peut-être pas s'étonner qu'il y ait

autant de consommation d'alcool et, entre autres, que ça augmente chez les femmes. Il y a des questions à poser aux hommes. Il y a des questions à poser aux médecins. C'est, je pense, un débat intéressant et à poursuivre.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Baril): Mme Lemay aurait peut-être eu un petit commentaire.

Mme Lemay: Oui. Ce serait peut-être une petite remarque.

Vous disiez que, finalement, il y avait beaucoup de demandes - c'est vrai, il y a beaucoup de demandes - au chapitre des services sociaux à différents niveaux et que vous ne pouviez pas combler tout ça en même temps. Je pense que c'est vrai, mais je pense qu'il y aurait peut-être aussi quelque chose à voir là-dedans. Les coûts qui sont élevés au chapitre de tout le secteur curatif, tout ce qui est fait à titre curatif dans le domaine de la santé mentale, ce sont quand même des coûts qui sont très élevés. Je me dis qu'on aurait peut-être avantage à... Finalement, c'est une économie quand on travaille à la prévention et tes coûts sont pas mai moins élevés. On aurait avantage à financer la prévention, ce qui ferait que ça coûterait probablement moins cher au plan curatif. Je pense qu'il y aurait peut-être une étude à faire par rapport, à ça qui ferait que ça serait un transfert d'argent, finalement. Il n'y aurait peut-être pas plus d'argent mis au plan curatif et préventif, mais un transfert qui irait plus vers le préventif.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, madame.

Alors, pour le mot de la fin, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: J'ai fait mes remerciements sincères.

Le Président (M. Baril): D'accord. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Je vais vous remercier. Je pense aux dernières paroles que vous avez dites. Il faudrait peut-être qu'on arrête un petit peu de penser en termes de curatif. Je pense qu'il y a des choix de société à faire. En tant qu'Opposition, c'est, bien sûr, assez facile pour nous de dénoncer certaines attitudes, mais il y a des positions de gouvernement aussi. Lorsqu'on est un gouvernement de business, je pense qu'on a moins intérêt à voir, en fin de compte, à défendre les intérêts des plus démunis.

Actuellement - nous l'avons effectivement dénoncé - nous sommes en urgence sociale à bien des niveaux. Il faudrait peut-être s'arrêter et investir davantage à ce niveau-là. À mon avis, lorsqu'on parle des femmes, on est toujours un peu plus modeste et on demande toujours d'avoir un esprit d'attentisme envers les gouvernements. Je pense que c'est votre rôle de faire en sorte, justement, qu'on porte un intérêt particulier à l'évolution des femmes, parce que c'est tout le monde qui va en bénéficier, parce que ce sont les femmes qui éduquent les enfants, ce sont les femmes qui doivent supporter tes rapports entre hommes et femmes actuellement et qui favorisent un équilibre dans notre société. Tant et aussi longtemps qu'on n'arrivera pas à une équité entre les hommes et les femmes, je pense qu'il faudra apporter un support plus considérable au soutien, à l'aide et à l'intervention en faveur des femmes. Plus tard, on pourrait arriver à cet équilibre, mais nous ne sommes pas encore arrivés à cet équilibre. Tant que nous n'aurons pas atteint cet équilibre, il est inévitable que nous devrons faire un effort plus que substantiel.

Le Président (M. Baril): Merci, madame.

Comme vous avez ouvert la porte à Mme la ministre, Mme la ministre aura peut-être un dernier mot à dire.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que je devrais peut-être même m'en abstenir, compte tenu de ce que j'appellerais la grossièreté de l'affirmation de la députée de Marie-Victorin, qui parlait du gouvernement business alors que son gouvernement nous a laissé un réseau de Santé et de Services sociaux dans un état tellement détérioré. On commence à reprendre le dessus, après deux ans d'efforts. Nous avons consenti au plan financier auquel jamais votre gouvernement n'a consenti. Au contraire, il s'est exercé à le rapetisser de toutes les façons. Vous avez peut-être oublié cela. Vous n'y étiez pas quand le futur chef du Parti Québécois nous disait: On se promène en Cadillac dans la Santé et les Services sociaux, il est temps qu'on s'en aille en Volkswagen. On a eu tes mêmes propos du chef qui a démissionné il y a quelques mois. On avait les mêmes propos du président du Conseil du trésor, M. Bérubé. Je pense qu'il faut quand même avoir... Je ne vous dis pas de vous accuser mais, avant d'accuser les autres, je pense que vous devriez regarder dans votre propre jardin.

Le Président (M. Baril): Alors, là-dessus... Non, excusez. Le mot de fa fin est terminé, je m'excuse.

Mme Vermette: Simplement une dernière question à la ministre.

Le Président (M. Baril): Je m'excuse, c'est terminé. Après le souper, vous pourrez poser votre question, à 20 heures. Alors, madame, je vous remercie beaucoup et je vous souhaite un bon voyage de retour. Vous voyez, l'animation,

c'est le "fun",

(Suspension de la séance à 18 h 38)

(Reprise à 20 h 9)

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales se réunit aux fins d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

J'Invite immédiatement l'Association québécoise des Infirmières et infirmiers en psychiatrie à se présenter, s'il vous plaît M. Fontaine, on vous souhaite la bienvenue. Voulez-vous nous présenter vos invités, s'il vous plaît?

Association québécoise des infirmières et infirmiers

en psychiatrie

M. Fontaine (Clément): Oui, M. le Président. J'aimerais d'abord céder la parole à Mme la présidente, Mme Christiane Saint-Jean-Timmins, de l'Association québécoise des Infirmières et infirmiers en psychiatrie, dont je suis le vice-président; la présidente a bien voulu m'accompagner aujourd'hui, alors, je vais la laisser faire elle-même les présentations, si vous le permettez.

"Le Président (M, Baril): Oui.

Mme Saint-Jean-Timmins (Christiane): Bonsoir. Je suis Christiane Salnt-Jean-Timmins. Comme Clément vient de le préciser, je suis la présidente de l'Association québécoise des infirmières et infirmiers en psychiatrie. Je travaille en psychiatrie à l'hôpital Juif de Montréal. Je suis également chargée de cours à l'Université de Montréal.

A ma gauche, Andrée Taché, infirmière en clinique externe à l'hôpital Notre-Dame de Montréal. Elle est aussi infirmière au service de consultation liaison de cet hôpital, conseillère à l'AQIIP et étudiante au niveau de la maîtrise en counselling, actuellement M. Clément Fontaine, que vous avez d'abord présenté, est co-auteur du mémoire que vous avez reçu et infirmier psychiatrique en clinique externe à l'Hôtel-Dieu de Lévis. Il est vice-président de l'AQIIP. comme il vous l'a dit, et également membre du conseil des cliniclennes et cliniciens en psychiatrie communautaire et en santé mentale, qui est un regroupement à l'intérieur de I'AQIIP; il est vice-président de I'AQIIP et également étudiant en andragogie.

Nous sommes ici à titre de représentants de l'Association québécoise des Infirmières et infirmiers en psychiatrie, qui représente présentement 500 infirmières. Pour vous résumer le but de notre association, c'est finalement de former un réseau d'appartenance pour offrir un appui aux infirmières qui œuvrent en psychiatrie. Nous offrons cet appui sous forme de journées de formation, d'un journal, de consultations et de différents comités de travail.

À l'intérieur de l'AQIIP, existe le Conseil des cliniciens et des cliniclennes en psychiatrie communautaire et en santé mentale, qui avait été invité à présenter des recommandations lorsque le comité sur la politique de santé mentale avait commencé à travailler à son projet de politique. C'est à la suite de ce travail que nous avons été Invités à présenter un mémoire et qu'on se retrouve ici ce soir.

Je voudrais simplement commencer mon allocution en vous disant qu'on est très flattés d'être ici ce soir et que le piège de tenir un discours corporatiste est tenu bien ouvert devant nous. Cependant, nous tenterons d'y résister de notre mieux. Est-Il besoin de préciser qu'il a toujours été central à notre profession le patient qui est en face de nous, avec sa souffrance physique et morale, et qui attend de nous toute l'aide qu'il est en droit de recevoir.

Plusieurs d'entre vous, j'en suis certaine, ont déjà été hospitalisés pour différents problèmes. Vous vous souviendrez sans doute que vous avez vécu beaucoup de dépendance, de vulnérabilité dans la situation difficile dans laquelle on se trouve quand on est un patient Vous vouliez, j'en suis certaine, les meilleurs soins dans les meilleures conditions possible. C'est un droit qu'a le patient et c'est un devoir pour l'infirmière et les autres professionnels de la santé de lui fournir de tels soins.

Notre travail à nous tous, et à vous-mêmes réunis en commission parlementaire, c'est de se concerter pour mettre de l'avant une politique qui permettra de respecter ce droit du citoyen à une qualité de services optimale. Notre présentation qui, évidemment, doit se tenir à l'intérieur des limites très précises que vous nous avez données, nous impose une certaine restriction dans nos commentaires. On ne peut pas, évidemment, vous faire part de toutes nos observations par rapport aux 42 recommandations. Alors, on a divisé notre présentation en trois sections. D'abord, on va parler de la famille et des proches, puis des intervenants. Andrée Taché va vous en parler. Je vous parlerai, par la suite, de la formation des intervenants et Clément Fontaine va terminer avec le partenariat Je cède la parole à Andrée Taché.

Mme Taché (Andrée E.): Bonsoir. Mon intention, ce soir, est d'endosser les recommandations que notre association a remises sur le rapport Harnois. J'ai l'intention d'y arriver en vous faisant part de notre vécu avec le patient, sa famille et ses proches, du système de support qui existe et, finalement, de ta position de l'Infirmière dans le champ de la santé mentale.

L'infirmière en psychiatrie est le professionnel qui est appelé à donner des soins à la

entend par là les grands malades psychiatriques. De plus, à l'urgence et en clinique externe, nous sommes les intervenants de première ligne. Nous recevons toutes les demandes d'aide qui sont de toutes provenances,

A cause de notre approche globale ou holistique, ainsi que de notre polyvalence, nous détenons une position stratégique dans notre système. Nos actions sont d'évaluer les besoins de santé de l'individu, de déterminer les moyens susceptibles d'aider l'Individu et de servir de lien entre les ressources et le bénéficiaire. Nous supportons aussi l'individu dans sa démarche pour l'acquisition d'un mieux-être.

Dans la complexité de notre système, le patient revient toujours à l'infirmière, car elle est souvent la personne la plus facile d'approche et celle qui sait prendre soin de tout. Souvent, ces individus reviennent parce qu'ils n'ont pas été compris ou parce qu'ils ont épuisé les intervenants auxquels ils avaient été référés ou ils ne sont plus tolérés nulle part. Nous avons tous eu des patients qui avaient épuisé toutes les ressources ou qui ne correspondaient aux critères d'admissibilité d'aucune ressource. Il n'y a pas de limite d'établie quant au nombre et à la qualité des patients qu'une infirmière peut avoir à sa charge, ce qui rend notre tâche très lourde et parfois ingrate.

Pour faire suite à ces propos, j'en arrive à vous parier des ressources existantes. J'ai vu, au cours de mes 17 années d'expérience en psychiatrie, naître et disparaître des ressources. J'en al vu déménager de quartier, d'autres changer de vocation. J'ai vécu le deuil et le désespoir de mes patients qui se retrouvaient ainsi abandonnés par des intervenants qui, plus tôt, s'étaient montrés très enthousiastes et engagés vis-à-vis d'eux. J'ai connu des ressources difficiles d'accès, soit par leur éloignement géographique, soit par leurs exigences d'admissibilité. Je me suis vue obligée de défendre mon patient dans une entreprise de séduction pour qu'il puisse être accepté par ces ressources.

Vu que nous connaissons les besoins de cette clientèle, notre expertise devrait être reconnue et utilisée pour la mise sur pied de ressources alternatives. Ceci épargnerait temps et argent en évitant des projets inutiles et aussi en évitant que l'individu malade vive des expériences de rejet. En plus, l'infirmière est la première personne contactée par la famille de l'individu lorsque celui-ci présente des problèmes de tout ordre, tant dans son comportement que dans sa médication, et des problèmes d'ordre physique. Elle est aussi celle qui visite la famille, qui intervient dans le quotidien. Elle est le démystificateur de la maladie, elle explique la maladie et les attitudes à avoir.

Or, pour ce faire, elle doit être très disponible. Mon expérience m'a démontré qu'en y consacrant beaucoup de temps et d'énergie, nous obtenions des résultats très positifs. Malheureusement, à cause d'une surcharge de travail, nous négligions ces familles qui finissent par s'épuiser et recourir aux urgences ou au placement.

Notre contexte culturel fait de nous des professionnels non menaçants pour ces familles. Notre place existe depuis longtemps dans la collectivité et, là aussi, nous détenons une position stratégique. Dans le cadre de notre travail, nous faisons quotidiennement de la prévention à une clientèle déjà atteinte. Ainsi, nous empêchons l'aggravation de la maladie en dépistant les signes avant-coureurs d'une rechute, en intervenant rapidement en situation de crise, en informant l'individu de l'importance de son traitement.

Malheureusement, Ici aussi, la source de notre travail nous empêche souvent d'offrir nos services à une population moins atteinte, mais à risques. Nous croyons fermement que nous pourrions intervenir dans le domaine de la santé mentale, de façon à créer un impact important sur le devenir de la santé mentale des individus.

Nous sommes aussi concernés par la désinstitutionnalisation. Depuis plusieurs années on en parle, mais tout ce que nous constatons n'est que le déplacement du problème. Les patients sortant de l'institution se sont recréés une institution qui est en dehors de nos murs. On la retrouve dans nos rues, dans leur chambre et dans nos services. Il existe aussi maintenant des pavitlons d'accueil, des familles d'accueil, des centres d'accueil. Ceux-ci sont Inadéquats, sont mal situés et font en sorte que l'individu est souvent déraciné de son quartier, éloigné de sa famille, éloigné de ses amis, ainsi que des intervenants qu'il connaît souvent depuis plusieurs années.

Je crois qu'on devrait accorder plus de respect au continuum de tout individu en respectant ses origines. Notre objectif n'est-il pas aussi d'éviter l'aliénation?

Pour terminer, l'infirmière est peut-être le professionnel qui fait le plus d'interventions auprès des bénéficiaires. C'est elle qui est engagée le plus directement au bien-être de ces individus mais, paradoxalement, elle reçoit te moins de support; c'est ta personne la moins reconnue, la moins valorisée. De plus, notre société devra bientôt affronter une importante pénurie d'infirmières et cette situation en est peut-être la cause.

Je souhaiterais que l'État s'engage et pose les actions nécessaires à la promotion de notre profession. Nous sommes nous-mêmes déjà engagés mais, sans votre support, les résultats sont et seront ce qu'ils sont présentement. Le système de soins risque, lui aussi, de continuer à être ce qu'il est présentement. Merci.

Mme Saint-Jean-Timmins: En deuxième lieu, j'aimerais vous parler brièvement de la formation des intervenants, évidemment des infirmières. Il y a la formation de base, la formation plus spécialisée et la formation continue. La formation de base, vous le savez, se donne principalement dans les cégeps. Je ne sais pas si vous êtes au

dans les cégeps. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais dans le nouveau programme, il y a très peu de place pour la psychiatrie. Même qu'on fait des stages en pédriatrie, en obstréti-que, dans tous ces domaines-là, mais en psychiatrie, de moins en moins on fait de stage parce que, paraît-Il, on nous a dit que la psychiatrie pouvait se pratiquer dans les centres commerciaux. Alors, l'infirmière qui va au cégep peut y passer trois années sans jamais entrer en contact avec un patient psychiatrique; ce qui fait qu'elle va sortir après trois ans avec les mêmes préjugés, les mêmes anxiétés, les mêmes craintes qu'elle a vis-à-vis de cette clientèle. Aussi, pour nous, c'est très difficile de recruter de nouvelles infirmières qui viendront travailler dans ce domaine parce qu'elles ne l'auront jamais vu.

Évidemment, on recommande que dans la formation collégiale il y aft un maintien des stages en psychiatrie, non seulement de psychiatrie, mais de psychiatrie dans les centres de psychiatrie, pas la psychiatrie qui peut se faire au coin de la rue.

Dans la formation de base, il y a aussi l'université. Il y a des gens qui font leur baccalauréat comme formation de base. Mais, que ce soit à l'université ou au cégep, on recommande fortement que les cours soient davantage orientés vers le "care" et non le "cure", qu'on oriente davantage nos cours vers la prévention de la maladie, la promotion de la santé, que l'approche vise à aider l'Individu malade à se prendre davantage en charge et à développer, à maintenir son -autonomie. Il va sans dire, dans le même sens que ce que l'OIIQ préconise, qu'on pense que la formation de base devrait se faire à l'université et non plus dans les cégeps. Cela ne devrait plus exister dans un avenir prochain, nous l'espérons.

La formation avancée. Il y a eu le postscolaire qui a été durant bien des années la seule place où on pouvait aller apprendre un peu plus la psychiatrie. Cela fait déjà près de quinze ans que cela n'existe plus, mais il y a certains cégeps qui tentent de le remettre sur pied, une tentative à laquelle on s'oppose farouchement à l'AQIIP. Je pense qu'il n'y a aucun autre professionnel qui va faire une quatrième année de cégep. On sait ce que c'est, faire un postscolaire, c'est au niveau du cégep, cela ne débouche sur rien. Les filles font cela pendant un an et, ensuite, elles veulent aller à l'université et l'université dit: C'est bien de valeur, tes cours de cégep, on ne reconnaît pas cela, tu recommences à zéro. Les gens se découragent et ne vont pas plus loin que ce postscolaire. On est très ferme sur cette position et on espère que le ministère va décourager toute tentative de la part des cégeps de remettre ce cours sur pied.

Il y a la formation universitaire qui offre des cours plus avancés. Il y a le baccalauréat sous forme de certificat à l'Université de Montréal, il y a trois certificats, dont l'un offre depuis plus d'un an une concentration en psychiatrie. Le programme s'améliore constamment. Je suis moi-même chargée de cours dans ce programme et je constate que, d'une session à l'autre, il y a de nouveaux cours qui sont ajoutés et d'autres qui sont remis en question.

Dans votre rapport, vous faites une recommandation à savoir que ces cours soient mis sur pied. Je pense que le problème n'est pas qu'ils soient mis sur pied parce qu'ils existent déjà, mais qu'on leur donne une plus grande accessibilité. Les employeurs sont toujours réticents à libérer les Infirmières pour aller étudier, que ce soit par des congés sans solde, des journées d'études - on ne parle même pas de financement, II y a l'accessibilité par l'employeur, mais aussi en région. SI on n'a pas te plaisir et le grand avantage d'habiter Montréal, on n'a pas accès à ces cours. Même la ville de Québec n'offre pas ces cours, l'Université Laval étant très... Je vais être délicate dans mes interventions, on est à Québec. Alors, l'Université Laval n'offre pas ces cours parce qu'il y a des querelles de territoire avec l'Université de Montréal qui est prête à venir l'offrir à Québec, mais l'Université Laval veut protéger son territoire et ferme la porte. Donc, les Infirmières de Québec ne bénéficient pas de ces cours. Alors, elles viennent étudier à Montréal et restent à Montréal pour y travailler, ce qui est à notre bénéfice mais non à celui de Québec.

M. Chevrette: Vous trouvez cela délicat, vous?

Mme Saint-Jean-Tlmmins: Bien, je suis à Québec, alors, Je fais attention, Aussi, comme formation universitaire accessible à Montréal, il y a la maîtrise en nursing psychiatrique qui va permettre de former des cliniciennes qui pourront, elles, offrir des services de supervision, de support clinique et de formation dans les Institutions où elles seront employées. Ce sont deux programmes qui devraient être fortement encouragés.

Il y a la formation continue. Dans le rapport Harnois, on préconise beaucoup la formation en cours d'emploi. Vous semblez trouver que c'est la solution à quasiment tous les problèmes en recommandant que 30 % des budgets soient augmentés pour la formation en cours d'emploi des intervenants, l'Infirmière étant évidemment parmi ces intervenants. Je ne pense pas qu'il nous en reste beaucoup dans ces 30 %. Nous pensons que de ces 30 %, une fois qu'on aura pris ce qui va aux infirmières... Qu'on se paie une cliniclenne spécialisée qui, elle, s'occupera du support clinique et de la formation ponctuelle de chacune des infirmières sur les départements.

Je travaille dans un grand centre, l'hôpital Juif de Montréal, qui est très connu, et la psychiatrie représente une petite portion de cet

hôpital et on ne tient pas beaucoup compte de nos besoins dans toute la formation. La formation dont ont besoin les infirmières en salle d'opération est beaucoup plus importante que ce dont les filles du quatrième étage est ont besoin. Cela fait sept ans que je suis là et on a très peu de formation, sauf celle qu'on se donne entre nous et qu'on va chercher à l'extérieur. Le fait d'augmenter de 30 % les budgets, je ne suis pas certaine que pour nous, au département, cela nous servira beaucoup. Cela nous servirait beaucoup plus d'avoir une clinicienne spécialisée qui a une formation et qui répond à nos besoins, à ce qu'on vit au département, tes problèmes qu'on a avec les patients, pour qu'elle nous soutienne à ce niveau. Ce serait de la formation continue, à notre avis.

Juste un dernier point par rapport à la formation continue. Souvent, des journées éducatives sont offertes soit par l'OIIQ, nous, on en offre à l'AQIIP ou un autre hôpital va offrir des journées éducatives; c'est difficilement accessible aux infirmières. C'est très difficile, sur un département, de se faire libérer pour participer à une journée, à un colloque ou un à congrès en santé mentale, ou quoi que ce soit. Je pense qu'il y a d'autres professionnels qui le font plus facilement que nous, financièrement et en temps. C'est souvent reconnu que, pour certaines professions, entre autres aux États-Unis, on donne des crédits pour tant d'heures de colloque; cela se comptabilise en crédits et on reconnaît une. certaine formation qu'on est allé chercher durant ces journées, ce qui n'est pas du tout le cas pour les infirmières. On aimerait beaucoup que ce soit encouragé.

Je veux juste donner une petite statistique; je vais la faire courte parce que c'est toujours difficile à absorber. Nous, à l'AQIIP, on a fait une enquête il y a deux ans et je pense que cela a démontré très fortement comment les infirmières qui travaillent en psychiatrie sont sensibilisées - je pense que, parmi toutes les infirmières, ce sont celles qui vont le plus chercher de la formation - et sentent le besoin de s'outiller davantage. On avait comparé nos statistiques à celles de l'OIIQ qui, en fait, représente les 52 000 infirmières du Québec pour s'apercevoir que les infirmières qui ne travaillent actuellement qu'avec un cours de base - dans la province de Québec il y a 64 % des Infirmières qui ne travaillent qu'avec leur cours de base - c'est-à-dire cégep ou hôpital puisqu'il y en a encore de l'ancien système, c'est 64 %. Tandis qu'en psychiatrie il n'y a que 34 % des infirmières qui ne travaillent qu'avec leur cours de base. Cela veut dire que tout le reste du pourcentage ce sont des gens qui sont allés chercher un certificat, un baccalauréat, de la formation dans des centres de médecine douce ou quoi que ce soit. Les gens sentent beaucoup, beaucoup le besoin... Les infirmières en psychiatrie sont très réceptives à aller chercher une formation additionnelle. Alors, je pense que le terrain est très propice pour en donner. Je limite mon intervention à ce plan-là et je vais laisser Clément vous parler du partenariat.

M. Fontaine: Merci.

Lorsque j'ai montré le document de la politique énoncée dans le rapport Harnois à une de mes consoeurs qui est infirmière, elle me disait que ça prenait un bon éclairage pour être capable de lire Pour un partenariat élargi.

Tout cela m'a fait réfléchir. Je me suis rendu compte aussi qu'en écrivant le mémoire, à deux reprises - et, même encore, ça m'arrive de le faire - je me suis trompé en l'écrivant. J'ai écrit "parthenariat". C'est là que j'ai réalisé que j'écrivais partenariat comme Parthenais. J'ai alors réalisé le danger que le partenariat pouvait devenir emprisonnement, étau, contrôle, isolement, impuissance et combien d'autres limites encore.

La santé mentale, je pense que tout le monde est d'accord pour dire que, d'après le rapport, il y a une responsabilité individuelle, collective et sociale. Dans ce sens-là, la santé mentale, qu'elle soit individuelle, collective ou celle d'un peuple, ne peut se maintenir ou se développer que par le partenariat.

Nous sommes de celles et de ceux qui ont parlé de partenariat. Lorsque le conseil des cliniciennes et cliniciens de notre association a présenté notre mémoire au comité Harnois, dans le texte qu'on a présenté, on pariait de partenariat. Le mot "partenariat" était Inscrit.

Ce qu'il est important de faire, je pense, avant de parier de partenariat élargi, c'est de définir le mot "partenariat". Puis, avec la définition qu'on en fera, il s'agira d'en arriver à un consensus autour de cela, comme II était important, je pense, de faire le consensus autour de la définition de la santé mentale qui a été produite dans le document.

J'aimerais vous citer Saint-Arnaud. Saint-Arnaud, c'est un psychologue qui travaille à l'Université de Sherbrooke et qui a travaillé beaucoup avec les groupes. Lorsqu'on parle de partenariat, on peut penser à un travail d'équipe, un travail élargi, un travail en collaboration, un travail ensemble. (20 h 30)

Saint-Arnaud dit qu'un travail d'équipe, c'est "un champ psychologique produit par l'interaction de trois personnes ou plus, réunies en situation de face à face dans la recherche, la définition ou la poursuite d'une même cible commune, et interaction entre elles." En se basant sur ce qu'il a développé et en utilisant les données du rapport Harnois, on se risque à définir le partenariat comme étant un ensemble d'acteurs, réunis sur un plan horizontal, c'est-à-dire avec les mêmes responsabilités, le même pouvoir décisionnel face à une cible commune...

Le Président (M. Baril): II vous reste une

minute pour conclure.

M. Fontaine: ...et en Interaction les unes avec les autres.

Une voix:...

Le Président (M. Baril): Mol aussi.

M. Fontaine: J'avoue que cela me limite un peu.

On dit que le partenariat est possible si tout le monde a le même pouvoir autour de la même cible commune et qu'il faut parler sur un plan horizontal et cesser de parler sur un plan hiérarchique parce que, tant qu'on va être sur un plan hiérarchique, ce n'est pas possible qu'il y ait un partenariat SI on donne davantage de pouvoirs à ceux qui en ont déjà, en plus de retomber dans la situation actuelle, les écarts vont être encore plus grands. Ce qui est important, c'est qu'autour d'un même point commun, autour d'un même palier de responsabilité, tout le monde ait le même pouvoir, que la décision qui sera prise soit sa responsabilité. Sans cela, qu'est-ce que cela donne de parler de partenariat? Même quand on est face à notre client, par exemple, ou face à un patient, si on lui demande ce qu'il en pense et qu'on ne lui donne pas le choix, qu'est-ce que cela lui donne de le lui demander s'il n'a pas un mot à dire?

Des modifications doivent être apportées à différents niveaux et on pense que tous les Intervenants doivent être privilégiés de la même façon, bien entendu avec une certaine réserve.

J'avoue que je suis un peu intimidé avec l'affaire d'une minute, je me sens un peu bousculé.

M. Chevrette: Prenez-en donc cinq, cela va peut-être vous permettre... Allez-y.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril): Prenez votre temps. On prendra cela sur le temps du chef de l'Opposition, ce n'est pas grave.

M. Fontaine: Une dernière chose que Je voudrais mentionner - je conclurai ainsi - c'est que le partenariat, si on veut qu'il existe, doit nous conduire vers davantage d'autonomie, de liberté, de tolérance, de respect, de souplesse, d'utilisation maximale de nos capacités et ressources. Merci.

Le Président (M. Baril): Merci, M. Fontaine. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les porte-parole de l'Association québécoise des infirmiers et infirmières en psychiatrie, que j'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de rencontrer alors que vous me faisiez valoir certaines de vos revendications vis-à-vis de la reconnaissance particulière de votre statut d'acteur, puisque le mot "acteur" semble bien à la mode, dans te domaine de la psychiatrie.

La question que je veux vous poser est reliée à la façon dont vous voyez votre rôle dans l'équipe. Appelons cela l'équipe pour le moment. Il y en a peut-être d'autres qui demanderont des précisions sur le partenariat Vous demandez que, finalement, vous soyez reconnus - cela va au-delà de la rencontre qu'on avait eue - comme professionnels autonomes. J'aimerais, à cet égard, vous demander dans quelle mesure vos membres sont déjà en pratique privée. Quel est le rôle ou la responsabilité qui vous incombe dans le milieu hospitalier et quelles sont les responsabilités qui vous incombent dans des ressources comme, par exempte, les centres de jour? Quel appui recevez-vous à ce moment-là du psychiatre ou est-ce que ta grande partie des responsabilités à l'endroit des patients est la vôtre?

Mme Saint-Jean-Timmins: II y a plusieurs volets à votre question.

Mme Lavoie-Roux: C'est le député de Joliette, pour ne pas que vous pensiez que l'on complote, qui me rappelle un député qui avait toujours une question à trois volets. Ha, ha!

Mme Saint-Jean-Timmins: Si celle-là en avait juste trois, je serais contente, mais elle en a plus que trois.

M. Fontaine: Quant à la pratique privée, Mme la ministre, je peux dire que peu d'infirmières font de la pratique privée. Première chose, chaque fois qu'on consulte une Infirmière en pratique privée, j'irais même jusqu'à dire d'autres professionnels en pratique privée, les gens doivent défrayer cela eux-mêmes. Quand vient le temps de le défrayer soi-même, cela s'adresse à une clientèle assez spécifique, c'est-à-dire à une clientèle qui a de l'argent. Les clientèles qui n'ont pas d'argent ne vont pas à un bureau privé; elles vont à l'hôpital et elles sont obligées de se contenter des services qu'il y a dans les hôpitaux, même si cela ne fait pas leur affaire et même si elles auraient le goût d'aller à un bureau privé, mais, si elles n'en ont pas les moyens, elles ne peuvent pas y aller. Alors, nous...

Mme Lavoie-Roux: II y a quand même des Infirmiers et des Infirmières, peut-être un nombre restreint, qui font de la pratique privée.

M. Fontaine: Je suis un de ceux-là. Maintenant, c'est difficile justement à cause de la

rémunération: les gens n'ont pas toujours l'argent nécessaire pour venir à un bureau privé.

En ce qui concerne l'accessibilité à nos services en clinique externe, par exemple, il est actuellement Impossible de nous consulter sans se faire psychiatriser, c'est-à-dire qu'il est impossible de venir à notre service sans passer d'abord par la visite chez le médecin qui va juger st on peut aider ou non cette personne-là.

Maintenant, mesdames et messieurs, je vous ferai remarquer qu'on a souvent été confinés à un rôle d'exécutant, c'est-à-dire de donneur de pilules, de donneur d'injections, de "faiseux" de pansements, sans trop charrier, de faire ce que . bien d'autres professionnels n'aimaient pas faire, entre autres la clientèle dite, entre guillemets, lourde, c'est-à-dire les grands schrizophrènes, etc., ceux pour qui on dit qu'il n'y a pas grand-chose à faire. C'est nous qui les avons. On n'a pas un mot à dire là-dedans. Elle nous est imposée. Pourquoi? Parce qu'on a toujours essayé de... Le mot m'échappe. C'est difficile pour nous de prendre position dans une équipe parce que, sur le plan hiérarchique, on se sent au bas de l'échelle, en bas de la hiérarchie et, quand on arrive pour contester quelque chose, on se fait blâmer et on se fait dire que c'est de la contestation de l'autorité. Je pourrais vous donner des exemples de cela.

Mme Lavoie-Roux: Quand vous dites "On se sent au bas de l'échelle', est-ce par rapport à l'ensemble des professionnels ou est-ce strictement par rapport à la profession médicale?

M. Fontaine: C'est peut-être plus par rapport à ta profession médicale, je l'avoue. C'est aussi par rapport aux autres professionnels, mais beaucoup par rapport à la profession médicale. Exemple: dans un centre, dernièrement, il y avait une pénurie de bureaux et tes soins infirmiers ont recommencé à travailler. Qui a dû céder son bureau au psychiatre? Ce n'est pas la travailleuse sociale. Ce n'est pas le psychologue. C'est l'infirmière ou l'infirmier qui était présent à qui on a demandé de céder son bureau et qui n'avait pas le choix de céder le bureau parce qu'il y avait une pénurie de bureaux. Lui, il a fallu qu'il s'en aille pour rédiger ses choses sur la table à café. Alors, on se sent toujours comme coincé et on n'a pas de pouvoir là-dedans.

Mme Lavoie-Roux: A l'intérieur de l'hôpital, que ce soit dans une salle ou que ce soit dans un centre de jour, vous donne-t-on des responsabilités - je le dis dans un sens large, il y en a qui vont appeler cela la relation d'aide, d'autres vont appeler cela de la psychothérapie... Est-ce que vous assumez aussi ce genre de responsabilités?

M. Fontaine: On peut assumer ce genre de responsabilités mais, encore là, ça dépend beaucoup du psychiatre avec qui on travaille. Si le psychiatre n'est pas trop anxieux, s'il a une certaine expertise, s'il a une certaine expérience et qu'il n'a pas trop peur de confier des responsabilités, on en a. Mais ce n'est pas le cas partout

Je voudrais vous citer un exemple. En venant ici, cela m'a fait penser à quelque chose. Dans un hôpital de la région de Québec, il y avait une infirmière qui travaillait à temps plein au service de la population; quand je dis à temps plein, c'est 36 h 15 par semaine. Elle était au service de l'urgence et de la clinique externe et, lors de certaines situations problématiques dans les départements, elle y allait, il y avait un psychiatre qui était affilié à ce service, qui y allait, lui, une demi-journée par semaine. Une demi-Journée, cela veut dire moins de cinq heures. La journée où le psychiatre a dû s'en aller, quelle qu'en soit la raison que je ne me rappelle pas, on a dit: Donc, il ne peut plus y avoir de psychiatrie, il n'y a plus de psychiatre. Mais quand l'infirmière était là et que le psychiatre n'y était pas, elle rendait les services et la population pouvait bénéficier de ses services, pouvait faire affaire avec elle. C'est difficile d'avoir accès à nos services. C'est difficile de faire de la psychothérapie. C'est difficile de faire la relation d'aide parce que c'est toujours en fonction du médecin qui, lui, décide si on a le droit ou si on n'a pas le droit.

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, comment voyez-vous dans un contexte... Je reviens à ce que vous disiez à la toute fin, tout à l'heure: On pourra parler de partenariat dans la mesure où H n'y aura plus de pouvoir hiérarchique et où tout le monde fonctionnera d'une façon libre, autonome et tout cela. Où voyez-vous quand même l'action du médecin, par exemple, dans les cas où il faut médicaliser, où il faut donner des médicaments, etc.? À ce moment, il reste que ça revient quand même au médecin et c'est peut-être dans cette perspective que le médecin ou le psychiatre voit son rôle comme celui d'un leader et laisse d'autres tâches qui peuvent être d'ordre psychothérapeutique ou d'un autre ordre à d'autres intervenants. Ce que vous demandez, dans le fond, c'est d'abolir aussi ce qui est quand même la spécificité qu'on peut appeler le pouvoir médical, mais du médecin.

M. Fontaine: Plus ou moins parce que la place du psychiatre - je dis bien du psychiatre et non de l'omnipraticien - dans une équipe est importante. Le psychiatre est Important pour traiter la maladie. On ne conteste pas cela; au contraire, on se réfère souvent à lui. Mais tous les gens pour lesquels il se présente en clinique externe, par exemple, ce n'est pas seulement pour des maladies mentales, ce sont des situations de crise reliées aux étapes de la vie. Pour

résoudre un conflit, il n'est pas nécessaire que le psychiatre soit toujours présent Par exemple, il y a des gens qui se présentent chez nous pour une thérapie de couple. Or, il faut toujours qu'ils soient vus par te psychiatre pour avoir un diagnostic. S'ils vont au CLSC, ils n'ont pas besoin de diagnostic et Ils ont la même thérapie de couple. Pourquoi, dans un cas, la personne doit-elle avoir un diagnostic qu'elle traîne... Vous savez, lorsque les gens se présentent à l'urgence, un peu partout dans les hôpitaux, quand ils font venir le dossier antérieur, c'est marqué: consultation en psychiatrie. Les préjugés des omnipratlciens, des infirmières et infirmiers de l'urgence, tout le personnel qui est à l'urgence, je vous dis que cela ressort parce qu'on développpe une certaine méfiance; on a plein de réserves par rapport à ces gens-là. Souvent - mol, je vous parle de ce que j'ai vu - avant même que la personne explique pourquoi elle vient, pour des problèmes physiques, c'est marqué: consultation en psychiatrie.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Alors, j'arrête ici parce que je pense que je vais prendre tout le temps, si je continue.

Le Président (M Baril): M. le député de Joiiette.

M. Chevrette: Merci. Pour la formation, je trouve cela intéressant que vous pensiez à un diplôme universitaire, surtout qu'on peut facilement" remodeler ou pallier les lacunes de ces cours. Je pense que c'est intéressant de voir qu'une corporation - pas nécessairement une corporation mais un groupement - vise à aller chercher une formation de base solide, sans vous prononcer contre la formation continue puisque cela devient un supplément Ce n'est pas du rattrapage parce que vous voulez que la formation de base soit solide. Cela m'apparaît intéressant à souligner dans votre mémoire comme étant très positif.

Il y a un autre point que je partage avec vous et c'est peut-être pour cela que le Dr Harnois n'y a pas touché, dans te fond. Il n'a pas touché du tout à ce qui pouvait être conflictuel entre les corporations ou entre les groupes. Vous aurez remarqué que, dans son rapport, le Dr Harnois est d'une prudence totale. Il ne dit pas qui fait quoi. Il n'a pas osé définir le rôle du psychiatre, tout à coup cela pourrait vous en donner un peu. Cela pourrait vous mettre en fusil ou mette en fusil les psychiatres, peu importe à qui II en aurait donné. {20 h 45)

II n'y a aucune définition précise dans le rapport Harnois du rôle des intervenants. Personnellement, j'aime mieux le mot "Intervenant" que le mot "acteur". Je vous dis cela parce que le mot "acteur" a une connotation très vieille qui est plutôt comique. Tu actais dans tes pièces, alors qu'un intervenant, il Intervient, II travaille.

Personnellement, le mot "acteur* me répugne un petit peu, à l'entendre d'abord et à ce qu'il rappelle.

Parlant d'intervenant, je trouve intéressante la notion d'horizontalité dont vous parlez. C'est une façon de ne pas le définir. SI on place obligatoirement dans une équipe une Infirmière, un psychologue, un psychiatre, un médecin omnipraticien, un travailleur social, s'il a un peu de décence, le psychiatre va être gêné de dire au travailleur social quoi faire. Je pense que cela peut être Intéressant, il peut se développer une dynamique et il ne voudra peut-être pas empiéter sur le terrain des autres.

Je trouve cela Intéressant comme dynamique, mais, entre vous et moi, par exemple, si on ne le définit pas du tout, même s'il y a une dynamique... Dans certains milieux, il peut y avoir une dynamique intéressante. À preuve, lorsque les corporations ne sont pas là, on remarque sur le terrain, en tout cas dans plusieurs mémoires, que la collaboration est excellente entre les différents Intervenants. C'est dès qu'on assoit les structures qu'on se rend compte qu'il y a un souci de respect des structures, mais pour ce qui est des Individus sur le terrain, c'est bien sûr que si vous frappez un "crackpot" dans un milieu qui pense qu'il est le nombril du monde et qui ne veut rien savoir... L'infirmière est là: Passe-moi la seringue pour la piqûre; mets tel jus dedans, et c'est de même que cela marche. Vous allez en avoir de cela dans plusieurs centres.

Personnellement, je prétends que vous auriez avantage, malgré que vous proposiez l'horizontalité, à exiger des définitions quand même parce que, selon les milieux, on n'aura pas une qualité assurée d'intervenants; selon le souci que peut avoir chaque groupe, vous allez avoir des conflits continuellement. Par exemple, au centre Notre-Dame de Montréal -- madame travaille à Montréal, au centre Notre-Dame - si les Infirmiers et infirmières veulent véritablement participer plus pleinement et considèrent qu'il y a des lacunes parce que le psychiatre ne vient que deux jours par semaine, que vous avez du travail à faire et que vous êtes là trois jours et même cinq jours...

Mme Taché: On est là cinq jours, habituellement, sinon...

M. Chevrette: Oui, je le sais.

Mme Taché: ...24 heures sur 24, 7 jours par semaine.

M. Chevrette: Exact À plus forte raison, vous allez vouloir vous impliquer si vous voulez améliorer la qualité de l'acte posé vis-à-vis du bénéficiaire. On risque...

Mme Taché: Je m'excuse, la qualité de notre acte, je la juge adéquate, c'est notre reconnais-

sance qui n'est pas adéquate.

M. Chevrette: Je ne partage pas le même raisonnement; ce que je veux dire, c'est que vous pourriez, comme individus, vouloir améliorer la qualité de l'acte posé vis-à-vis du bénéficiaire. Si vous êtes contraints à ne pas le poser et que vous savez que c'est au détriment du bénéficiaire... Quand Je dis "améliorer la qualité de l'acte", c'est d'avoir la possibilité légale de poser le geste ou l'acte sans réprimande ou sans se faire taper sur tes doigts. Du temps où j'étais ministre de la Santé et des Services sociaux, cela me répugnait beaucoup, la délégation de l'acte, parce que je me suis toujours dit: Une infirmière prise dans une situation, sur la Basse-Cote-Nord, où un bonhomme vient de se rentrer un hameçon dans le pouce n'appelle pas le médecin pour savoir s'il faut l'enlever, elle fait la chirurgie mineure et elle met tes désinfectants qu'il faut, le peroxyde, et elle fait la piqûre contre le tétanos, puis il n'y a pas de problème. L'individu s'en va chez lui, il ne vient même pas le remontrer, cela guérit tout seul et bonjour Luc. Par contre...

Mme Lavoie-Roux: Les accouchements sur ta Côte-Nord.

M. Chevrette: Oui. Les sages-femmes, madame, qui nous demandent une reconnaissance. Vous avez reçu le même télégramme que moi. C'est écrit: copie conforme, Mme Lavoie-

Roux.

Mme Lavoie-Roux: Elles ont commencé par l'Opposition.

M. Chevrette: Elles ont commencé par l'Opposition parce qu'elles savaient que l'ex-ministre de la Santé les avait reconnues.

Mme Lavoie-Roux: S'il les avait reconnues, ça ne paraît pas.

M. Chevrette: Je les avais reconnues en plein congrès d'engagement officiel. Donnez donc suite aux engagements compris, cela sera déjà pas mai, plutôt que de nous déranger chaque fois qu'on Intervient. Quand vous avez la parole, ce serait le temps de faire valoir ce que vous avez à dire; là, c'est moi qui l'ai.

Pardon? J'allais dire: Continuez donc à lire votre Journal.

Madame, ce que je veux dire, sur la qualité de l'acte que vous posez, c'est qu'améliorer la qualité de l'acte, légalement, cela suppose une définition des rôles. Comment Interprétez-vous le rapport Harnois là-dessus?

Mme Taché: Au niveau des rôles?

M. Chevrette: Le trouvez-vous trop muet?

Mme Taché: Oui.

M. Chevrette: Trouvez-vous qu'il vous rassure?

Mme Taché: Non, je pense qu'il me laisse plutôt indifférente. En lisant le rapport, je n'ai pas trouvé de solution consistante pour mol.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez...

Mme Taché: Je ne l'ai pas tout lu, mais ce que j'ai lu, si c'est comme cela tout le long, à moins que mes collègues ne soient pas du même avis que moi, mais c'est mon avis...

M. Chevrette: Est-ce que vous considérez que votre rôle est clarifié?

M. Fontaine: Je suis un peu hésitant à répondre à vos questions, M. le député, parce que je me sens un peu coincé et...

M. Chevrette: Pourquoi?

M. Fontaine: ...j'ai l'impression de m'avan-cer sur un terrain glissant. Ce que je pense, tout en étant conforme avec ce que mes consoeurs disent, c'est que, si on est d'accord pour le partenariat, il va s'agir pour les acteurs de s'asseoir ensemble et de définir les rôles: que le rôle de chacun des Intervenants soit reconnu et qu'il y ait un consensus comme il y en a eu un autour de la définition de la santé mentale. La définition que le rapport Harnois nous a donnée, on ne peut faire autrement que de faire consensus là-dessus, parce que les différents groupes ont soumis des documents de référence, de réflexion, ils ont étudié, ils ont réfléchi, ils ont pondu une définition. Quand on mandate des gens, dans un groupe, pour réfléchir sur un point, on se doit de faire consensus.

Par rapport au partenariat, c'est à peu près la même chose, c'est-à-dire que si la politique est mise en application il s'agira qu'on soit invité à s'asseoir autour d'une table pour dire: Les rôles des intervenants, c'est cela, cela et cela. Le rôle de chacune des professions, c'est cela et cela doit être comme cela. À l'heure actuelle, dire que...

M. Chevrette: Est-ce que vous voyez cet arbitrage au niveau national ou dans chacune des institutions? Je vais vous dire pourquoi je vous pose la question: Vous avez beau vous sentir coincés ou non, l'objectif est clair, si vous le laissez au niveau de l'institution, je suis sûr qu'il y a des institutions qui vont arriver avec des définitions et que les infirmiers et les infirmières de votre institution pourront être très heureux parce qu'ils auront un corps médical plus ouvert

à la délégation d'actes telle que prescrite dans les lois. Mais si vous me dites que c'est un consensus national, je vais vous demander À quand la politique de la santé mentale et le partenariat en santé mentale? Les omnipraticiens vont-Ils laisser une part du gâteau d'après vous? On regarde seulement les orientations d'un livre qui avait fait réfléchir sur les sages-femmes et la corporation a tout de suite grimpé dans les rideaux: Wo! les moteurs! Non, non, non, cela fait partie de notre champ de juridiction. Est-ce que vous êtes en train de me répondre que c'est un arbitrage national ou un consensus national à dégager ou un consensus, quant au partenariat toujours, au niveau des institutions?

M. Fontaine: Je...

M. Chevrette: Ne vous gênez pas. Je ne veux pas vous coincer, je veux vous montrer que je n'ai pas lu cela dans le rapport Harnois. J'ai plutôt senti un rapport très politique: Attention! ne touchons pas à cela! Les docteurs peuvent être contre moi, je suis docteur, je n'écris pas cela C'est plutôt l'esprit que j'y ai vu.

Mme Saint-Jean-Timmins: Je pense qu'il n'appartient à personne d'autre qu'aux infirmières de définir ce qu'une Infirmière fait, de la même façon que ce n'est pas une autre profession qui va définir ce qu'une ergothérapeute fait. Notre corporation professionnelle a publié un document auquel elle- s'est référée, que vous connaissez sûrement, sur le nursing psychothérapeutique au Québec. On a une corporation professionnelle qui se charge de définir notre rôle et je pense que ce n'est ni au niveau national, ni par établissement, ni par une autre profession qu'on va définir ce qu'on a à faire.

M. Chevrette: Quand vous parlez..

Mme Saint-Jean-Timmins: Je pense qu'on sait très bien ce qu'on a à faire. Quand on travaille dans une institution où on a 80 patients c'est très difficile d'arriver à faire ce qu'on a à faire, ce qu'on est capable de faire et de bien le faire,

M. Chevrette: Alors, pourquoi écrivez-vous dans votre mémoire que le partenariat est difficilement applicable tel que décrit dans le rapport Harnois parce que vous êtes soumis à des actes délégués qu'on peut vous enlever n'importe quand? Ce n'est pas moi qui ai écrit cela, c'est vous autres.

M. Fontaine: Je vais vous donner un exemple. Si vous me permettez, j'aime beaucoup expliquer à partir d'exemples.

M. Chevrette: Je veux comprendre ce que vous avez écrit, je n'essaie pas de vous mettre en boite.

M. Fontaine: D'accord. Il y a quelques années, quand j'ai commencé en clinique externe, j'avais le droit de suivre des clients en psychothérapie. À un moment donné, le psychiatre avec lequel je travaillais a changé. Le psychiatre avec lequel je travaillais dans le temps avait un rôle élargi, c'était un psychiatre ouvert, comme vous le dites, qui laissait de la place aux autres intervenants. Par la suite, je suis tombé sur un psychiatre qui était plus anxieux, qui avait besoin de contrôler et, ce dont il avait besoin, ce n'était pas nécessairement de pratiquer la psychiatrie, mais d'exercer son pouvoir.

À ce moment-là, ce à quoi je suis revenu, c'est à donner des injections parce quo ce droit à la psychothérapie que J'avais acquis n'était plus reconnu, c'était un acte délégué. Alors là, il a fallu que je me batte encore. Je parle de moi, mais Je pourrais vous parler d'autres infirmières qui sont exactement dans la même situation, qui ont été obligées de toujours se définir à chaque fois. Au lieu de procéder par acte délégué, si on nous reconnaît un certain droit, si on nous fait des références, au même titre que les autres intervenants, pour nous, c'est Important parce qu'on ne pourra plus nous l'enlever. Si ce droit nous est reconnu par l'Assemblée nationale, s'il nous est reconnu légalement, ce sera quelque chose qui nous appartiendra. Ce n'est plus quelque chose qu'on nous prête et qu'on peut nous enlever n'Importe quand.

M. Chevrette: Donc, vous exigez une définition claire, précise de votre rôle dans la politique de santé mentale.

M. Fontaine: C'est-à-dire que ce qu'on demande, c'est que la définition de notre rôle par l'ordre des infirmières et infirmiers, par les Infirmières, soit connue. C'est différent, c'est une définition qui nous est..

M. Chevrette: D'accord, c'est défini dans un bouquin et on peut tous le lire. Comment se fait-il que vous veniez à l'Assemblée nationale pour faire respecter ce que l'Office des professions vous a donné? C'est votre ordre qui a défini votre rôle?

Mme Saint-Jean-Timmins: Oui, l'ordre a fait un document sur la médecine psychothérapeutique au Québec.

M. Chevrette: Vous l'avez présenté, je suppose, dans le cadre de la reconnaissance que vous avez par l'Office des professions de votre corporation? Il n'y a rien qui serait contraire au pouvoir qui vous est donné en vertu de la corporation professionnelle, dans les gestes que vous posez?' Un médecin a son champ de juridiction par quoi? Par sa corporation professionnelle, par le rôle qui lui est dévolu dans les léglsla-

lions. Vous, c'est l'Office des professions qui vous a reconnu comme corporation, vous permettant de poser des gestes. D'accord?

Mme Sairrt-Jean-Tïmmins: Oui.

M. Chevrette: Comment se fait-il qu'en santé mentale vous disiez: Voici, on sait ce qu'on a à faire, c'est cela. Comment se fait-il que vous soyez obligés de venir dire à l'Assemblée nationale que vous voulez faire respecter cela?

M. Fontaine: Parce que, dans la réalité, ce n'est pas comme cela que cela fonctionne.

M. Chevrette: Je voulais vous entendre dire qu'il y a beaucoup de pouvoirs que vous auriez à là condition que le médecin qui, lui, a la mainmise sur l'acte délégué veuille bien le déléguer. Cela pourrait varier d'une institution à une autre. Vrai ou faux? Selon votre propre exemple, vous dites qu'il y a des psychiatres qui, par force de contrôle, ont changé votre propre travail, à partir de deux psychiatres différents. C'est pourquoi Je vous demandais: Êtes-vous sur un plan national dans la délégation d'actes ou si vous l'êtes au niveau de l'institution? C'est ce que je voudrais savoir.

Mme Taché: Je voudrais vous dire - je ne sais pas si vous êtes au courant - que l'année passée, à l'hôpital Notre-Dame, ou il y a deux ans,__on a eu des coupures. Les infirmières sont déjà-débordées, c'est vrai qu'on a des définitions et c'est vrai qu'on y croit, mais on n'a pas le temps de le faire parce qu'on n'est pas assez nombreuses et on se retrouve avec une clientèle lourde. On n'est pas assez nombreuses, il n'y a qu'une infirmière pour un bassin de 300 malades et ce sont des patients qui demandent beaucoup de soins, des familles qui demandent beaucoup de soins et des voisins qui appellent pour avoir de l'information parce qu'ils ont peur. Tout le monde appelle l'infirmière. Nous ne sommes pas suffisamment nombreuses.

Quand il y a eu des coupures de budget, on a coupé un poste d'infirmière sur un total de quatre. Nous sommes déjà débordées, nous sommes déjà celles qui faisons tout et on nous coupe. On a sauvé la gynéco, mais on a coupé en psychiatrie. C'est là qu'on vous demande du soutien, aussi. Je ne sais pas qui vote le budget, mais on demande que le budget pour les infirmières soit amélioré et qu'on ait suffisamment d'infirmières pour qu'on ait des conditions de travail qui ont de l'allure. Comme c'est là, on est en train de perdre des infirmières.

M. Fontaine: J'aimerais juste compléter en disant que c'est vrai que les médecins ne nous reconnaissent pas beaucoup de pouvoirs, c'est vrai qu'ils nous relèguent souvent des tâches ingrates. Je n'ai pas le goût et l'association qu'on représente n'a pas le goût d'engager des luttes de pouvoirs avec la corporation des médecins ou avec les psychiatres, sauf qu'on est un peu pris là-dedans et on essaie d'y nager du mieux qu'on peut. Mettre des énergies dans une lutte de pouvoirs, c'est perdre ces énergies. (21 heures)

Cela me fait penser au partenariat, encore une fois. Vous savez, si on s'assoit autour d'une table et qu'on accepte de travailler ensemble sur un plan horizontal, si les différents Intervenants dépensent trop d'énergie à protéger leur corporation, à protéger leur territoire qu'ils ont acquis et qu'on s'embarque dans ce genre de lutte-là, les gens vont démissionner et ils vont désinves-tir. Qui va être le plus pénalisé? Ce sont ceux qui sont en bas dans la hiérarchie: le patient, la famille et les proches qui vont se sentir comme une balle de ping-pong là-dedans et nous autres, parce que nous, les infirmières et les infirmiers, même si le Code des professions nous reconnaît certaines choses, je peux vous dire que nous nous sentons à la même place que le patient dans la hiérarchie. Nous nous sentons à la même place que la famille et les proches parce que nous avons l'impression que nous sommes tous les trois sur le même palier.

M. Chevrette: Là-dessus, je vous avoue que je ne vous blâmerai jamais de vouloir faire respecter votre champ de juridiction. Loin de moi cette idée-là. Au contraire, je pense que, du fait que vous soyez en service de première ligne, il me semble qu'on ne doit pas être obligé de quémander ou d'aller quêter un pouvoir quand on peut l'exécuter auprès du bénéficiaire et qu'on dit qu'on a une politique axée sur ta personne, soit dit en passant.

Ce qui me surprend, d'autre part, parce qu'il faut quand même être honnêtes dans l'analyse qu'on fait de vos mémoires, c'est que vous disiez: Donnez-nous la possibilité d'être rémunérés à l'acte. C'est à peu près dit... Je ne sais pas si c'est dit tout à fait comme ça, mais je vais vous le lire exactement comme je l'ai lu: Demande d'accessibilité gratuite aux services des infirmiers et infirmières par le remboursement des actes par la RAMQ."

C'est drôle, Je voyais le contraire. Si vous demeuriez au salariat, comme vous êtes, et que certains corps professionnels soient aussi... Par exemple, si les psychiatres étaient payés à salaire dans les institutions, vous ne pensez pas qu'ils feraient meilleure équipe avec vous et qu'ils voudraient en prendre moins à l'acte? Ou bien ils en signeraient moins, de vos rapports, qu'ils entérinent par la suite. Je sais comment ça marche un peu dans les hôpitaux. On va signer le matin pour mol, c'est certain, pour avoir passé la nuit chez lui et vous autres debout. Je sais comment ça fonctionne.

Ce que je veux savoir, c'est ceci: Ne pensez-vous pas que ça devrait être l'effet inverse plutôt, si on ne veut pas se ramasser dans un cul-de-sac de paiement à l'acte d'une

série de catégories de professionnels sans contrôle de l'État sur le nombre d'actes? Je me demande comment un ministère de la Santé et des Services sociaux pourrait être capable de justifier un budget pour améliorer éventuellement les services, si on augmentait le nombre de catégories de professionnels payés à l'acte. C'est l'Inverse que je verrais.

Si on donnait peut-être un salaire Intéressant et qu'on disait: Dorénavant, on ne paie plus à l'acte, ça n'a pas de bon sens... On n'a pas le contrôle sur les actes. On n'a pas le contrôle des répétitions d'actes. Où s'en-va-t-on? Il y en a qui aiment ça, prendre des vacances aux trois mois. Cela développe tous les vices du système. Vous le savez qu'il y a des bobos qui sont bien plus laids quand il y a un trou dans l'agenda le lendemain. Il me semble qu'il faut que vous alliez leur montrer, alors que ça ne serait peut-être pas nécessaire. On sait comment ça marche. On ne se contera pas fleurette.

Je vous dis très honnêtement que je suis surpris de votre demande. Je comprends qu'il y a un dessous très important C'est peut-être de dire: Bien, au lieu que ce soient seulement les riches qui aient accès, on va au moins offrir à tout le monde la possibilité d'avoir des services. Je pense que c'est là votre objectif. C'est ainsi que je l'ai compris. Mais je trouve ça surprenant que vous ne vous enligniez pas plutôt dans le sens inverse. Parce que je suis convaincu qu'on aurait 11 000 000 000 $ si on mettait les professionnels à l'acte et on serait probablement plus reculés en ce qui a trait à la qualité des services parce qu'il y aurait moins de contrôle. Je suis convaincu de ça, cela n'a pas... Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Baril): Une réponse brève, s'il vous plaît

M. Fontaine: Merci, M. le Président.

Quand on a proposé ça, ce n'est pas coulé dans le ciment. On est ouverts à toutes sortes de choses. Ce que vous proposez, pour nous, c'est discutable. On est ouverts à ça. SI de telles choses pouvaient se faire, on serait ouverts pour en discuter et y réfléchir et pour faire des propositions et voir comment on peut s'entendre et discuter comme intervenants, voir comment on peut s'organiser là-dedans. On est ouverts à ça. Je veux dire qu'on ne serait pas contre ça non plus.

M. Chevrette: Avais-je bien compris que c'était en fonction de rendre universel au lieu de le garder seulement? Ce n'est pas ça?

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M. le Président.

En écoutant les discussions jusqu'à main- tenant et en regardant le mémoire, il y a un certain élément qui sort de là et qui est un élément décourageant de votre part, il me semble. D'abord, vous êtes là en première ligne, vous donnez des services valables, presque 365 jours par année, et puis vous n'êtes pas valorisés. Cela rejoint les remarques du chef de l'Opposition, ce n'est pas valorisé, mais surtout pas valorisé par l'équipe. Je pense que cela va plus loin. Cela comprend les directeurs généraux des hôpitaux, les autres structures. Est-ce que cela touche aussi les comités de bénéficiaires. Il me semble que c'est plus large que simplement les psychologues, tes psychiatres, les travailleurs sociaux. Dans l'équipe, vous n'êtes pas valorisés par d'autres personnes. Est-ce que c'est vrai ou si j'ai tort?

M. Fontaine: Je peux répondre à votre intervention. Aux yeux de la population en général, je pense qu'on a une belle Image et qu'on est assez valorisés. Les gens sont contents de nous avoir comme Intervenants quand ils nous connaissent, parce qu'ils savent qu'ils peuvent se référer à nous. Par exemple, il y a les patients maintenus à domicile. On fait des visites à domicile. Les gens sont contents quand on y va parce qu'ils nous sentent accessibles, Ils sentent qu'on est près d'eux.

La valorisation de la part de la population, on l'a et on y tient. À vrai dire, c'est notre seule source de valorisation. Que ce soit par les autres membres de l'équipe, que ce soit par les directions d'hôpitaux, J'Irais même jusqu'à dire que ce soit par le ministère, par le gouvernement, par les conventions collectives, entre autres, ta reconnaissance, on ne l'a pas. On ne se sent pas valorisés. J'ai quasiment le goût de vous donner un exemple, si vous me te permettez. J'ai un client qui est sous mandat du lieutenant-gouverneur. Je le suis régulièrement, aux quinze jours. On doit passer devant la commission du lieutenant-gouverneur pour savoir si le patient doit sortir, doit être maintenu ou doit être enlevé de la tutelle de la commission. À qui se réfère-t-on? Ce n'est pas à moi qu'on se réfère. Ce n'est pas au psychologue non plus, ni au travailleur social. C'est au médecin, au psychiatre.

Je peux vous citer des exemptes où les gens ont été vus une fois avant de passer devant la commission, et parfois deux. On recommande qu'une personne soit maintenue sous tutelle de la commission et, aujourd'hui, cette personne-là est en vacances en Floride. Je ne comprends pas comment il se fait, quand une personne est vue une ou deux fois par un psychiatre, que ce dernier dise qu'elle doit être maintenue parce qu'elle est dangereuse pour la société alors qu'elle est capable de prendre des vacances et de planifier des vacances en Floride. Pour moi, il y a quelque chose d'aberrant là-dedans. Je suivais ce patient à tous les quinze Jours; J'avais une certaine crédibilité. Je ne le suivais pas depuis

quinze Jours ou trois semaines, je le suivais depuis des mois, parfois même des années. Quelle valorisation ai-je par rapport à mon rôle, si je ne suis même pas capable de faire en sorte qu'on me reconnaisse cela?

M. Thuringer: Vous avez souligné quelques aspects que vous n'avez pas vraiment discutés à fond. Cela touche les services pour les minorités, par exemple. Est-ce que vous partez des groupes culturels, des groupes d'autres cultures? Est-ce ce dont vous parliez?

M. Fontaine: Ce peuvent être les autres groupes culturels, mais aussi tous les... Je pense aux minorités culturelles, aux minorités dans l'orientation sexuelle, entre autres. J'entends aussi par minorité, dans le sens un peu plus élargi, le droit des enfants. J'entends aussi par là quelque chose qui est assez nouveau et J'espère que tes différentes corporations et le ministère commenceront à se pencher là-dessus: la santé des hommes. On ne s'est jamais penché sur la santé des hommes et, pourtant, on parle d'hommes violents. On parle d'hommes qui battent leur femme. On parle de pères incestueux, d'ex-conjoints qui tuent leur ex-conjointe. Quand va-t-on commencer à se soucier de la santé des hommes? Pour moi, c'est une minorité.

M. Thuringer: J'aimerais aussi vous demander comment vous voyez votre rôle vis-à-vis des centres communautaires ou des CLSC? Avez-vous des "contacts qui fonctionnent bien? Est-ce qu'il y a cette ressource?

Mme Taché: Jusqu'à maintenant, je travaillais à l'hôpital Notre-Dame dans un secteur géographique qui est le Plateau Mont-Royal. On a un CLSC qui existe depuis peut-être deux ans maintenant. J'ai travaillé en clinique externe pendant plus de dix ans sans CLSC. La clinique externe de psychiatrie a servi de CLSC auprès des personnes âgées, auprès de tous les gens qui avaient des problèmes de tous ordres. Quand le CLSC a été créé, on ne l'a pas su, premièrement On ne nous a pas consultés pour savoir quelle sorte de ressources seraient nécessaires au Plateau Mont-Royal, alors qu'on te connaissait depuis plus de dix ans.

Je pense qu'il y a là un manque évident de reconnaissance. Il me semble qu'on aurait pu approcher les infirmières. On les connaît. Je me promène sur la rue, au Plateau Mont-Royal, et je suis connue comme Barrabas dans la Passion. Mais on ne vient pas me consulter pour créer des ressources. Je pense qu'il y a un manque et que, là, je ne suis pas reconnue. Je parie pour toutes les infirmières avec lesquelles je travaille, pas juste pour mol.

Le Président (M. Baril): Merci. Un mot de la fin, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier et vous dire que je vous comprends un peu. S'il y a une corporation professionnelle que je comprends passablement, c'est la vôtre qui a été passablement dépossédée. Vous êtes la seule corporation, à toutes fins utiles, dans le domaine de la santé qui ait été dépossédée depuis des années. Je voudrais vous dire que. quand on parle de politique de santé mentale et de désinstitutionnalisation, donc de maintien à domicile, de travail concret dans les maisons d'accueil et tout, j'ose espérer en tout cas qu'on pensera à vous, car je suis persuadé que, si on se fie... Il y a une barrière épouvantable à briser dans le corps médical. On sait très bien que ce sont maintenant des répondeurs automatiques. Si vous avez des problèmes, allez à l'urgence, alors qu'il y a peut-être d'autres personnels qui peuvent rendre des services extraordinaires dans les foyers et dans les maisons d'accueil. Je voudrais vous dire qu'on sera sensible dans l'élaboration de la.,. En tout cas, j'ai hâte de voir la politique finale de Mme la ministre, mais je pense que vous avez effectivement un rôle très important à jouer et qu'on le reconnaîtra.

Le Président (M. Baril): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Moi aussi, je veux vous remercier pour votre mémoire. Je voudrais juste vous dire que, du côté de ma formation, H y a des indications Intéressantes qui devront être examinées davantage. En ce qui a trait à votre rôle et à vos fonctions qui ne sont pas définis comme tels dans le projet de politique, je pense que vous avez évalué justement en vous disant que le rapport Harnois ne voulait pas entrer dans des définitions que l'on connaît déjà par les corporations professionnelles, mais que c'est dans la mesure où te partenariat pourra être vraiment vécu, avec tout ce que cela peut signifier, et non plus dans des rigidités ou dans les querelles qui immobilisent souvent les énergies ou qui annulent les efforts qui sont faits, qu'il faudra tenter de trouver une réponse. Est-ce que je me trompe en pensant que cela a été votre perception du projet de politique sous ces aspects?

M. Fontaine: Entre autres, Mme la ministre, et, s'il y a une définition de ce que doit être une infirmière dans le partenariat, des soins Infirmiers psychiatriques, j'ose espérer que nous serons invités à donner notre point de vue, qu'on en tiendra compte et qu'on nous accordera le pouvoir qu'il y a en fonction de cela.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.

Le Président (M. Baril): Mme Saint-Jean-Timmins, Mme Taché et M. Fontaine, je vous remercie beaucoup de votre présentation et je vous souhaite un bon voyage de retour.

J'invite Immédiatement la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec

à bien vouloir se présenter à la table, s'il vous plaît.

(21 h 15)

Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plaît!

Bonsoir, madame. J'aimerais que vous vous présentiez et que vous présentiez vos invités, s'il vous plaît. Je tiens à vous faire remarquer tout de suite que vous avez 20 minutes pour votre présentation.

Mme Carey-Bélanger (Hélène): Merci, monsieur. Je suis Hélène Carey-Bélanger et je suis présidente de la Corporation des travailleurs sociaux de la province de Québec. J'ai avec moi M. René Page, le directeur générai de la corporation, et Mme Maude Mercier, la vice-présidente de la corporation pour la région 03. Elle a travaillé à votre projet, te rapport Harnois, en consultation avec les gens du milieu. Nous avons constaté que chacun de nous, dans notre carrière, à un moment ou à un autre, avons travaillé dans le milieu psychiatrique. En plus de notre rôle officiel pour lequel nous sommes Ici ce soir, nous avons de l'expérience dans le domaine du travail social psychiatrique.

Notre mémoire ou notre rapport, c'est un premier jet, un premier document Je veux mettre cela comme balise parce que nous avons envoyé ce _document non seulement à vous, mais aussi aux "membres de notre corporation. Les commentaires que nous allons apporter seront des commentaires sur le document, mais on va y ajouter les consultations et les réponses que nous avons eues de nos différents membres depuis. Nous allons essayer brièvement de faire nos commentaires dans les 20 minutes pour permettre les questions.

Cela étant dit, le premier commentaire que j'aimerais faire ce soir, c'est de dire que nous avons pensé diviser nos commentaires en trois parties. Dans la première partie, nous allons présenter des avis sur les grands thèmes. Dans un deuxième temps, nous allons situer le rôle du travailleur social et celui de la corporation et, enfin, nous transmettrons nos avis sur diverses recommandations. Je vais commencer. Les travailleurs sociaux de la province de Québec disent oui à la politique de santé mentale et la raison en est que nous trouvons que cela donne une direction claire. Enfin, nous avons une direction claire qui est énoncée. Les grands principes, pour nous, sont Indiscutables et il y a l'adhésion de nos membres à ces grands principes.

Cependant, nous allons dire tout de suite que nous avons des questions quant à la concrétisation de ces principes. Nous sommes, comme , travailleurs sociaux, particulièrement d'accord avec l'énoncé de centrer les diverses formes d'intervention sur la personne, la famille, ses proches et son environnement. Actuellement, cette adhésion est fondamentale parce que c'est nettement relié à la définition de notre acte professionnel.

Je vais juste citer une partie de cela: 'L'objet de l'acte professionnel du travailleur social est la socialité, c'est-à-dire l'équilibre dynamique dans tes rapports entre les personnes et leur environnement immédiat et médiat, dans une perspective de développement humain et social.' Cela étant dit, on peut dire que, comme corporation, les énoncés de principe sont conformes avec l'acte professionel qui nous est déjà attribué.

Nous constatons et nous sommes contents de constater, dans cette politique de santé mentale, une reconnaissance non équivoque des responsabilités assumées depuis toujours par tes conjoints, par les familles et par les proches d'un membre souffrant de maladie mentale. L'isolement dans lequel ils se retrouvent est dramatique et c'est pourquoi plusieurs associations se sont formées regroupant les parents et les amis du malade mental. Nous sommes convaincus que ces personnes et ces organismes ont besoin de services de soutien, de ressources variées et d'aide de tous les intervenants concernés. Cette lutte contre les préjugés à l'égard des personnes atteintes de maladie mentale est l'affaire de tous les partenaires, tel que précisé dans la politique; ce n'est pas l'un ou D'autre des partenaires, mais tout le monde ensemble.

On aurait aimé, cependant, avoir plus de discussions et qu'on donne plus de place au rôle de partenaire privilégié assumé par les bénéficiaires, les proches et tes familles. Il est très nécessaire d'engager ces personnes. C'est un Intérêt qui est présent non seulement Ici, mais ailleurs; c'est un mouvement croissant d'écouter les clients, ce n'est pas juste dans les airs, il faut les écouter. Nous sommes en train de passer à travers et à côté d'une ressource très précieuse. Je peux vous citer des exemples, d'ailleurs, où les recherches et même tes congrès Internationaux sont tenus sur ce facteur de participation des clients. Je dis, dans notre rapport, qu'il faut vraiment en tenir compte. Ce n'est pas fait ici, il ne faut pas prétendre que c'est fait, mais c'est une chose qu'il faut continuer d'entretenir.

Le partenariat, deuxième point. C'est une notion à laquelle les travailleurs sociaux adhèrent depuis longtemps. En tout cas, c'est le point de vue de la corporation. Dans nos différents dossiers comme la réforme de l'aide sociale, la politique familiale et la commission Rochon, nous avons toujours demandé qu'il y ait une cohérence et une complémentarité entre les ministères, tes organismes publics et parapublics et les ressources communautaires; une cohérence et une complémentarité sur les facteurs sociaux, mais aussi sur les facteurs socio-économiques. Il ne faut pas passer à côté des facteurs socio-économiques. Entre la pauvreté et la santé mentale, il y a un lien. Je ne développerai pas cela davantage, nous savons que cela existe, mais

Il faut quand même le dire.

Aussi, dans la définition des rôles des partenaires - plusieurs autres ont dit cela aussi - il faut reconnaître une valeur égale à tous ces partenaires. Une valeur égale ne veut pas dire égalitaire, cela veut dire que chacun de ces partenaires ont une valeur égale dans un processus de vrai partenariat Cela dit, nous pensons qu'il faudra que le rôle de ces partenaires constitués, entre autres, d'intervenants soit défini pour éviter qu'une certaine tendance actuelle ne se généralise, soit que chaque intervenant puisse faire tout à tous les plans non pas parce qu'il le veut, mais parce que les choses ne sont pas définies. Ils ont l'obligation, des fois, de le faire. Il faut commencer à mettre de l'ordre là-dedans.

Finalement, la désinstitutlonnatisation. C'est une partie majeure de ce projet de politique de santé mentale. Nous parlons de cela depuis longtemps. C'est majeur parce qu'à notre avis cela sous-tend deux notions fondamentales, soit la réinsertion dans la communauté des bénéficiaires vivant en institution et, en plus, le maintien dans le milieu naturel des bénéficiaires qui, autrefois, auraient été Institutionnalisés. Nous ne pouvons prétendre faire cela sans avoir un investissement financier et aussi en termes de ressources humaines, au moins dans un premier temps. Nous ne préconisons pas que cela aille toujours en croissant, mais, dans un premier temps, pour lancer un projet comme celui-ci, il faut être réaliste: D faut une Injection quelconque de fonds.

Entre-temps et toujours travaillant dans le sens que le milieu naturel et la communauté se prennent davantage en charge, nous sommes d'accord avec cela, en complémentarité avec le réseau, mais il faudra, pour y générer ces forces vives, pour travailler avec celles-ci, pour changer les mentalités, faire un travail intense. Pour faire ce travail intense, de longue haleine, il faut des ressources importantes et diversifiées. Je ne parle pas d'Ici, je parle d'autres pays qui ont essayé cela. Il y avait un investissement initial important. Par la suite, quand les gens trouvent leur place, quand ils développent une sorte d'apprentissage social, ces groupes sont capables de prendre cela en charge. Mais, à un moment donné, il faut faire un investissement.

Je laisse ceia et je cède la parole à René qui va parler du rôle du travailleur social et de la CPTSQ. René.

M. Pagé (René): En premier, le rôle du travailleur social, notre présidente l'a défini tout à l'heure, en est un d'intervenant auprès des individus, leur famille, les groupes, les communautés: un intervenant qui travaille dans une dynamique. Il est sûr que, si on regarde le champ psychosocial tel que défini dans la politique de santé mentale, c'est très large, mais l'intervention sur une dynamique entre un individu et son environnement est un champ d'intervention spécialisé qui demande une formation et une expertise. C'est dans ce sens-là qu'on dit que ce serait de desservir ta population que de poser des actes, des interventions sans que les gens aient la formation prérequise à ce niveau-là.

En ce qui concerne la reconnaissance des besoins des familles, des conjoints, des proches d'un bénéficiaire, c'est évident, pour les travailleurs sociaux qui ont toujours travaillé auprès des familles, que cette reconnaissance officielle tes confirme dans ce qu'ils ont toujours su, à savoir: les besoins qu'ont les familles qui actuellement ne peuvent recevoir, bien souvent, ces services-là, entre autres, avec un effectif parfois très réduit, sinon Inexistant

Pour ce qui est du rôle de la corporation, son premier rôle est d'assurer la protection du public. La corporation le fait de quelques façons: par un code de déontologie, par l'évaluation de la compétence de ses membres, par la formation continue de ses membres et en collaboration avec les organismes et les établissements concernés par le travail social. Quant à la formation continue à la corporation, on pense qu'on a des membres qui sont dans les premières lignes et dont le développement d'expertise n'a pas été le domaine de la santé mentale ou de la psychiatrie, pour dire les choses telles qu'elles sont, il y aurait un besoin urgent de formation pour ces travailleurs sociaux.

Il y a également la question de la formation de base, à laquelle on fait allusion, et la spécialisation. Il y a actuellement des gens qui vont chercher des spécialisations à ce niveau et qui se développent. Les gens ont beaucoup d'initiative dans te travail social pour se former et se perfectionner. Ceci devrait être encouragé encore plus fortement car, effectivement, une formation spécialisée donne de meilleurs services.

Nous avons relevé également que les membres de la commission dans leur rapport, lorsqu'ils identifient un professionnel, parlent des travailleurs sociaux. C'est le terme utilisé. On n'y parle pas d'agents de relations humaines; ici, on fait allusion aux doubles appellations qui sont souvent utilisées dans les réseaux public et parapubllc, car si on dit qu'on a besoin de travailleurs sociaux qu'on prenne des gens formés en travail social, si on dit que le besoin est en travail social.

Mme Carey-Bélanger: Merci, René. Maude va commenter nos avis plus spécifiques sur les recommandations.

Mme Mercier (Maude): Dans l'ensemble, la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, comme l'a dit la présidente, entérine les recommandations du rapport Harnois, mais nous sommes quand même beaucoup préoccupés, à savoir comment, dans le concret, les choses vont se faire. Du côté opérationnel, on en vient vite à s'Interroger. La première question

qui nous semble majeure pour la réalisation, c'est l'aspect financier. C'est quand même un aspect Important. On a un élément, mais il faut le reste aussi. Par contre, on a envie de dire aussi qu'en ce qui concerne l'analyse faite par le comité des problèmes dans le système de soins et de services, cela nous semble très conforme avec la réalité québécoise. On a trouvé que c'était très bien. Entre autres, il y a le problème des disparités régionales qui est majeur, qui est quand même très évident et qui nécessite des solutions urgentes. Il y a un rééquilibre nécessaire à faire selon un principe de justice distributive, en fait, selon l'idée que chaque personne sur le territoire du Québec a droit à des services, à des soins de qualité et en quantité suffisante. (21 h 30)

La deuxième question: la corporation souhaite, pour le bénéfice de tous, un certain éclairage, c'est-à-dire une clarification des rôles et responsabilités des différents partenaires. Je pense qu'il faudrait dire que c'est plus au niveau des organismes, des intervenants habituels, de ceux qui étaient là. La réalité est souvent floue, de telle sorte qu'il y a des services qui ne sont pas là, on se fie sur l'un ou l'autre et II y a des attentes.

Je pense que, dans la nouvelle organisation, si on regarde tes CLSC, entre autres, ma réalité... Je travaille en milieu psychiatrique dans un hôpital général depuis quinze ans et, à l'heure actuelle, jai l'impression que les gens qui sont là pour donner des services essaient de voir ce que l'autre à côté peut faire. On a des attentes, mais on ne les a pas beaucoup partagées. C'est ce qui fait qu'on est train de vivre des frustrations de part et d'autre. Je pense qu'il faut passer à autre chose que des frustrations, on est là pour autre chose que cela.

Quant aux disparités régionales, entre autres, les rôles de chacun, on a l'Impression concernant les CLSC, que la réalité peut être différente en milieu urbain qu'en milieu rural dans le sens du rôle à jouer. Ce n'est pas la même chose pour un CLSC en milieu rural; je pense qu'il doit donner une gamme plus variée de services. Pour l'instant, je vais en rester là. Pour ce qui est de notre étude et de nos recommandations, nous allons alterner. Alors, je vais donner la parole à Hélène.

Mme Carey-Bélanger: Je pense que c'est un carrefour. C'est un problème dans lequel se situe ta complexité de cette intervention globale. Tout ce que je veux dire, c'est que nul ne peut prétendre pouvoir assumer seul... Si on veut agir en collaboration, dans l'intérêt public, il ne faut pas prétendre pouvoir assumer cela seul, sauf que nous pouvons dire qu'il y a nécessité de spécifier les fonctions et de déterminer les différents acteurs. Qui va faire quoi pour permettre à chacun, dans le spécifique et dans les spécialités, de faire ce qu'il fait le mieux? Cela a l'air simple, mais ce n'est pas si simple et nous savons cela.

Il y a un autre point: l'évaluation des modèles d'intervention. Vous parlez beaucoup de modèles d'Intervention, mais nous disons qu'il faut d'abord conceptualiser. C'est tout un tournant, tout un virage qui est proposé dans te rapport. Il faut conceptualiser un modèle en fonction des objectifs et des résultats qu'on veut atteindre. Par la suite, on met dans cela un phénomène de recherche. Je pense que la conceptualisation d'un modèle, mettre cela en action, faire la recherche, c'est très Important pour être sûr qu'on ne fait pas l'évaluation d'un programme existant et qu'on ne tourne pas en rond parce que, oui, on va avoir les bons résultats, mais est-ce que c'est en fonction des nouveaux objectifs qu'on doit définir si on a une politique avec les principes que vous avez énoncés?

Aussi, cette intégration - c'est un point très important pour nous, comme corporation, et pour plusieurs d'entre nous à l'intérieur de la corporation - l'Intégration de cette démarche de conceptualisation, d'évaluation et de formation doit se réaliser, entre autres, par la recherche-action. Quelquefois, j'ai l'air de Salnt-Jean-Baptiste quand je parle de recherche-action, parce que le type de recherche privilégié dans les lieux de décision, ce sont les recherches quantitatives, quantifiables et faites en vase clos. Nous, comme corporation, on fait vraiment - je le fais comme présidente, mais la corporation aussi le demande - de la recherche-action, parce que dans la recherche-action vous Impliquez vos différents acteurs. J'espère que vous réalisez que la recherche-action devrait émerger des acteurs concernés d'abord et avant tout, soit les Intervenants, mais surtout on revient aux bénéficiaires, aux familles. Écoutez-les dans la recherche-action. Ensuite, les résultats de cette recherche vont à ces personnes. Donc, le but de l'information va être réalisé. C'est un point que nous trouvons très crucial. Maude, les mesures de répit

Mme Mercier: Au sujet des mesures de répit, on trouve Intéressant, urgent et nécessaire qu'il y ait effectivement des mesures de répit pour les familles, mais on constate que beaucoup de nos gens qui sont atteints de troubles mentaux ont perdu leur milieu familial, sont dans d'autres milieux de vie, des ressources alternatives, entre autres. On considère que ces milieux substituts ont aussi besoin de mesures de répit et cela aussi de façon urgente pour pouvoir continuer à jouer leur rôle. Je pense aux familles d'accueil psychiatriques, aux pavillons psychiatriques qui, quand même, sont ni plus ni moins les familles de beaucoup de nos clients. Il y a une autre de nos recommandations - la première, je pense - qui concerne la campagne de sensibilisation. On voudrait apporter des nuances dans le sens qu'il y a une campagne de sensibilisation à faire sur le plan du champ de la santé mentale

auprès des proches, des familles qui ont droit à de l'Information concernant la maladie mentale, la pathologie, les comportements qui vont avec, les attitudes à avoir pour essayer d'assainir tout cela. Il y a aussi de l'information à faire au niveau du champ de la santé mentale auprès des intervenants pour un partenariat plus efficace et, à un autre niveau, bien sûr, il y a un travail de sensibilisation "at large" à faire dans le domaine pour éventuellement faire la réinsertion dans le cadre d'une désinstitutionnalisation.

À ce niveau, Je suis bien préoccupée par cela parce que je pense qu'il n'y a pas de baguette magique. Une campagne de sensibilisation, je ne pense pas que cela puisse se faire à court terme, en ayant des objectifs d'efficacité à court terme. .SI on écoute simplement dans les médias actuels - j'avais cela en mémoire - les trois exemples récents de résistance des gens, il y a le centre pédagogique, tout récemment, qui voulait simplement intégrer des enfants qui avaient des problèmes d'adaptation scolaire, ce qui ne semble pas présenter une problématique d'environnement, et il y a eu résistance, comme aussi pour les sidatiques. Alors, il y a eu beaucoup de réactions, comme à Lauzon, où on a voulu intégrer des jeunes avec certains problèmes. Je me dis qu'il ne faut pas rêver en couleur, il y a du travail, mais cela nous semble quand même le prérequis absolument nécessaire. Il faudra que ce soit bien fait et, pour cela, penser à toute la variété que cela implique, la manière de_ faire. Pour plus de crédibilité, ce serait sûrement important que des gens déjà en action soient les éléments de diffusion de l'information.

Le Président (M. Baril): Est-ce que vous aimeriez conclure, madame?

Mme Mercier: Ce ne sera pas long, juste autre chose, on pourra le préciser après dans le cadre de la discussion.

Le Président (M. Baril): D'accord.

Mme Mercier: Une autre recommandation qui est quand même Importante: te plan de services individualisés. Pour nous, c'est quand même quelque chose d'intéressant, mais on a des réserves. On s'interroge surtout sur le plan de la mise sur pied, quelle forme cela pourrait prendre, et on désire que ce système demeure souple et ne devienne surtout pas une démarche bureaucratique lourde. Je pense qu'avant d'arriver à un partenariat élargi il faudra aller vers un partenariat restreint avec les gens déjà en place.

Mme Carey-Bélanger: Le mot de la fin, c'est que ce PSI, pour une fois, va faire l'objet d'un projet pilote avant d'être généralisé, comme nous avons tendance à le faire dans toute la province. On suggère des projets pilotes avant de généraliser un modèle comme celui-là.

Mme Mercier: Qu'on l'expérimente à titre de projet pilote, qu'on évalue son efficacité et ensuite, si on prouve que cela peut être efficace, on pourra le diffuser et l'implanter.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec pour son mémoire. C'est un mémoire très bien fait qui suscite beaucoup de questions. Je vais m'en tenir seulement à quelques-unes parce que j'ai des collègues qui m'ont indiqué qu'ils voulaient également vous en poser. Je les aborde Immédiatement.

Mme Bélanger, vous avez beaucoup insisté sur la question d'impliquer la personne elle-même, ses proches, sa famille, en disant que c'était une tendance qui, à l'heure actuelle, n'était pas juste marginale, mais vraiment un mouvement qu'on sentait comme étant très important dans le soutien ou l'aide à apporter à des personnes qui ont des troubles mentaux. Je me demandais: Est-ce que vous êtes capable de concrétiser un peu plus comment, selon votre expérience professionnelle, quels sont les moyens que vous utilisez ou qui ont pu être utilisés ailleurs pour justement inclure dans ce partenariat les premiers concernés, soit les bénéficiaires, la famille et tes proches?

Mme Carey-Bélanger: Comme je l'ai dit, Mme la ministre, c'est une chose à ses débuts. Je veux d'abord dire cela. J'ai eu la chance de voir cela lors d'une visite en Finlande où ils ont effectué une sorte de désinstitutionnalisation, mais avec de fortes carences sur le plan communautaires. C'est à des travailleurs, auprès d'un groupe de femmes qui avaient des expériences elles-mêmes en psychiatrie, qu'elles ont commencé à dire comment on pourrait les aider à se sentir mieux. Ces femmes ont dit: Nous n'avons pas besoin de nous sentir mieux. Nous avons besoin d'Information. Nous sommes fâchées. Nous voulons dire ça à quelqu'un. Nous n'aimons pas la façon dont les gens nous traitaient. Cela peut aussi bien être les travailleuses sociales que d'autres. Alors, essayons d'aider ces femmes-là à formuler leurs paroles. Ce travailleur, qu'ils appelaient dans ce milieu un travailleur communautaire, les aidait à aller auprès des Intervenants demander des Informations et, en même temps, à partager ce qu'elles ont vécu d'une manière plus structurée. Elles sont devenues un groupe très fort qui a fait son chemin à travers différentes instances et qui s'est même rendu au gouvernement pour informer les gens de ce qu'elles avaient vécu. En même temps, elles ont appris comment aller chercher les Informations adéquates.

Des fois, les gens sont très fâchés du

traitement qu'ils ont reçu parce qu'ils ne comprennent pas certaines choses. Alors, c'est un exemple. Peut-être que Maude et René peuvent donner d'autres exemples ici, mais cela m'avait beaucoup impressionnée et, depuis, j'essaie de travailler dans ce sens-là. J'avais plusieurs exemples présentés lors d'un congrès au début de septembre et, entre autres, certains mouvements ont commencé dans les ressources alternatives à Montréal.

René ou Maude, avez-vous d'autres...

Mme Lavoie-Roux: Qui amorce cette démarchera?

Mme Mercier: Je pense qu'en ce qui regarde . l'équipe multidisciplinaire, depuis quelques années, les gens ont fait quand même un virage. Peut-être que ce sont plus les professionnels non médicaux qui, en premier, ont lancé cela, dans le sens qu'au lieu de voir la personne comme un individu présentant des problèmes, sous l'angle d'un petit tiroir, on a développé l'approche systémique qui veut qu'on tienne compte du fait qu'un individu ne vit pas seul et ne vit pas ses troubles seul. Cela affecte tout son entourage. L'entourage peut rendre aussi, Jusqu'à un certain point quand même, l'individu malade. Alors, quand même depuis des années, je pense qu'on peut dire que les membres de l'équipe multidisciplinaire, dans les milieux psychiatriques, ont fait des efforts pour donner de l'information et Impliquer les familles, que ce soit à domicile ou au stade du diagnostic quand une personne nous arrive.

Maintenant, je pense qu'il y a ta réalité aussi que les gens crient plus fort pour avoir de l'information. Je trouve qu'ils sont connectés à leurs droits et je pense que c'est ça, aussi, qui va forcer à accentuer le travail. Il reste quand même que le bénéficiaire, d'après moi, c'est sûr... Dans mon milieu - je pense que ça doit être pas mal pareil ailleurs - si on prend la clinique interne, tes gens qui sont hospitalisés, moi, ça me surprend encore, mais je trouve qu'on a amélioré le travail au chapitre de ta concertation quant aux intervenants. C'est qu'on est assis à la même table, en équipe, une fois par semaine, pour passer en révision les cas. Je me surprends encore à dire - c'est-à-dire que je ne me surprends pas, mais je constate - que le bénéficiaire n'est pas là. En tout cas, il n'est pas à la table. Là où on a amélioré notre procédure, c'est que, lorsqu'on a atteint un consensus dans l'équipe concernant un plan pour ce bénéficiaire-là à partir d'un diagnostic, etc., cela arrive, pour plus d'efficacité, je dirais, qu'on le fasse venir, qu'on lui fasse partager, qu'on l'Informe. Mais il n'est pas là au premier stade.

Je pense que le partenariat, ça devrait au moins commencer par ça: que la personne directement concernée soit assise à la même table et ait tout au moins le droit de dire ce qu'elle ressent, son idée à part égale, en tout cas.

Mme Lavoie-Roux: Une remarque nous a été faite ici à plusieurs reprises et Je me souviens qu'elle nous avait été faite aussi au cours de l'été 1985. C'était une remarque provenant des familles, en particulier, comme quoi elles n'étaient pas Informées, à partir de principes qui pouvaient se défendre: confidentialité, respect des droits. Elles n'étaient pas informées de l'état de la situation ou, enfin, de la condition, si on veut, de leur enfant devenu adulte dans bien des cas, des cas de schizophrénie; elles disaient comment elles se sentaient. Cela nous a été répété à plusieurs reprises depuis le début des audiences, comment elles se sentent démunies.

Pourtant, ces personnes-là ont souvent déjà eu affaire, ces parents-là ont déjà eu affaire à plusieurs intervenants, qu'il s'agtsse du psychiatre, de l'infirmière, de la travailleuse sociale, etc. Cette information leur manque et les empêche d'assister ou d'aider ou d'être plus solidaires, finalement, de ta personne qui est malade. (21 h 45)

Mme Mercier: Je pense que chaque professionnel d'une équipe a sa responsabilité à partager l'information. Moi, comme travailleuse sociale, je peux expliquer à une famille que) peut être le comportement de quelqu'un qui a perdu contact avec ta réalité. Quand je dis cela, Je parle d'un schizophrène, mais le diagnostic de schizophrénie, cela ne m'appartient pas, Je suis travailleuse sociale. Dans un premier temps, s'il y a un diagnostic psychiatrique, l'Information doit être diffusée par celui qui a fait l'évaluation psychiatrique.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, maintenant, on va au-delà de ces principes de confidentialité pour précisément permettre aux proches de participer au traitement de la personne? On est venu nous dire que, pour une question de respect de la confidentialité - je pense que ce n'est pas non plus un principe qui est mauvais en soi - on tait cette information à ceux qui doivent vivre tous les jours avec la personne. Est-ce que c'est encore cette attitude-là ou si c'est vu un peu différemment?

Mme Mercier: Je pense qu'il y a une ouverture. Par contre, les médecins, entre autres, ont la prudence - Je pense que cela vaut pour le reste des gens... Si un tiers qui est proche (conjoint, père ou mère de la personne) veut avoir de l'Information, il faut quand même qu'on ait l'autorisation du bénéficiaire lui-même pour transmettre l'Information. Je dirais que certains membres de l'équipe multidisciplinaire jouent un rôle actif pour essayer d'amener ce partage.

J'ai un cas très présent à l'esprit à l'heure actuelle, celui d'un jeune qui fait une névrose

obsessionnelle II vit habituellement dans son milieu, mais il est à l'hôpital depuis des mois et la famille a décidé de l'Installer en appartement en dessous d'elle parce que le jeune a refusé la proposition qui était la nôtre, soit un milieu de transition, un pavillon où il y a des jeunes comme lui et où il pourrait en profiter On travaille de très près avec cette famille-là Je vois la famille avec le bénéficiaire J'ai des contacts réguliers, le psychiatre aussi, et les Infirmiers On travaille quand même tous ensemble pour vraiment faire un plan concerté Quand il y a des congés, il doit faire des gains, il n'est pas fonctionnel à l'heure actuelle, alors ce pro|et n'est pas réaliste On a fait des compromis Eux voulaient l'avoir pour décembre, parce que le logement était prêt, et nous avons dit L'individu n'est pas prêt; je pense qu'il faut qu'il soit capable de faire son épicerie, etc. On travaille avec l'ergothérapeute qui fait faire des apprentissages. Cela ne va pas aussi vite que prévu.

Mme Carey-Bélanger: René veut ajouter quelque chose Cela rejoint un point que je voulais souligner On peut donner le diagnostic et dire les choses réalistes que les gens doivent savoir sur l'Implication d'un comportement, sur l'impact d'une médication, sur ce qu'il y a derrière le comportement d'une personne Les gens qui sont les proches doivent le savoir pour comprendre la dynamique, pour être capables d'agir, plutôt que d'avoir des réactions Inappropriées. Je ne peux pas donner un avis, sur la moralité et la confidentialité, mais sur le plan réaliste, ces gens-là ont besoin de plus d'information réaliste pour être capables d'agir René, excuse-moi.

M. Pagé (René): Si on veut donner un statut et une place précise aux proches et aux familles des bénéficiaires quand c'est indiqué, il faudrait penser à l'établissement de programmes bien spécifiques d'information, de sensibilisation et de participation, ne serait-ce que d'avoir un lieu pour aller dire la douleur que cela peut représenter à des parents d'avoir un fils ou une fille dont on nous a dit qu'il ou elle avait un diagnostic grave et pour qui on n'a pas de cure, quelqu'un qui est condamné Les parents ont pour leurs enfants des objectifs et des souhaits et tout cela s'écroule comme un château de cartes Ils n'ont pas d'endroit pour le dire.

Je pense que les travailleurs sociaux peuvent travailler dans le sens de ces programmes, de groupes de parents II y a eu des expériences de faites de groupes d'intervention féministes, de femmes qui étaient en dépression, du groupe d'âge 45 55-60 ans, en pénode de ménopause II y a quand même d'autres types de facteurs qui sont présents Les femmes se retrouvent en psychiatrie II y a eu des groupes dont l'approche était une approche féministe, c'est-à-dire de perception de soi, des rôles qu'on a joués ou qu'on nous a fait jouer, par l'éduca- tion et autres La façon d'impliquer le bénéficiaire, les modèles sont là, encore faut-il avoir le temps de le faire L'intervention auprès des familles demande du temps parce qu'elles en ont beaucoup à dire et elles en ont beaucoup à demander également

Mme Carey-Bélanger: Ici, on fait cela en projet pilote plutôt que de tout renverser et on voit ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné Nous partons des réussites et nous décortiquons ces réussites Ainsi, on peut voir si c'est quelque chose qu'on peut implanter ailleurs, mais il faut, à un moment donné, prendre le temps et accepter de faire un investissement financier, faire un arrêt Quand on aura décortiqué cela Souvent, la deuxième ou la troisième fois, nous sommes capables de faire cela plus vite, avec plus d'efficacité Nous avons les acquis Mais, à mon avis et à notre avis, c'est un point vraiment très Important de commencer à penser à faciliter le pouvoir pour ces gens-là, parce qu'on parle de pouvoir Si on a l'Information, si on a la maîtrise d'une situation, on a du pouvoir Ce quon veut dire, c'est qu'il faut donner un pouvoir sur la vie à ces gens là et aux familles et aux bénéficiaires

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie C'est fort Intéressant et on pourrait continuer, mais je vais m'arrêter et, s'il me reste du temps, je reviendrai

Le Président (M. Baril): M le député de Joliette

M. Chevrette: Quelle proportion de votre membership travaille dans le domaine de la santé mentale?

M. Page (René): Ce qu'on peut dire On n'a pas le nombre de travailleurs sociaux parce que vous savez que le titre de travailleur social est réservé, donc, il n'est pas obligatoire de faire partie de la corporation Or, le nombre de gens qui ont une formation en service social, dans les milieux hospitaliers, on pense que c'est autour de 300, mais on n'a pas le nombre exact de membres

Mme Mercier: Psychiatriques? M. Pagé (René): En psychiatrie adulte M. Chevrette: 300 en psychiatrie adulte M. Pagé (René): Oui

M. Chevrette: C'est dans le réseau de la santé?

M. Pagé (René): Oui

M. Chevrette: Cela comprend donc des CSS,

des CLSC et des institutions?

M. Pagé (René): Milieu hospitalier. Quand vous dites...

M. Chevrette: Ah! au complet!

M. Pagé (René): ...CSS. les ARH ou les travailleurs sociaux sont à contrat dans les hôpitaux psychiatriques.

M. Chevrette: C'est 300.

M. Pagé (René): Selon les chiffres qu'on a pu obtenir. Mais si on compare... Si on dit qu'il y a une pénurie de psychiatres et que, selon les chiffres qu'on a pu obtenir, ils seraient environ 800, dans les rôles qu'on peut voir au niveau psychosocial, on pense qu'il n'y aurait pas un besoin d'effectif à ce niveau-là, si on dit qu'on veut donner une Importance à l'aspect psychosocial, à l'aspect désinstitutionnaiisatlon ou, je dirais, à la non-institutionnalisation, c'est-à-dire des gens qui auraient été hospitalisés à long terme autrefois et qui ne le sont plus maintenant, mais qui demandent un suivi dès le milieu hospitalier pour que le séjour soit le plus court possible et qu'on assure justement les conditions de vie à l'extérieur et le maintien de ces conditions de vie les meilleures possible. Il s'agit du maintien dans le milieu au point de vue logement et au point de vue revenus, s'assurer que la personne ait son revenu, qu'elle ait le loisir ou la possibilité" de travailler; ces ressources sont très importantes. SI on parle de conditions de la désinstitutionnaiisatlon, il y en a toute une liste.

On parlait de sensibilisation de la population. Cela pose d'énormes problèmes à un moment donné. Je pense qu'il y a là une question d'argent possible et nécessaire; il ne faut pas se leurrer.

M, Chevrette: Votre corporation a-t-elle fait des projections, par exemple, quant au nombre éventuel de travailleurs sociaux qu'il faudrait pour rendre un service adéquat en santé mentale dans tout le Québec?

Mme Carey-Bélanger: Non, nous n'avons pas entamé cela en termes de projections.

M. Chevrette: Vous pensiez que Mme la ministre le mettrait dans son projet?

Mme Carey-Bélanger: Bien, il serait intéressant de le faire, si vous nous en donniez le mandat. Mais, non, il ne faut pas prétendre que nous ayons fait cela. Nous pouvons dire qu'il y a un danger, avec un chiffre approximatif de 300 personnes dans le milieu, que le projet que nous discutons autour de la table ce soir ne soit pas réaliste dans l'état actuel des choses. C'est ce que je voulais suggérer: au moins qu'on arrête quelque part et qu'on prenne un groupe de personnes ayant déjà une expérience dans le domaine et qu'on fasse avec eux un projet pilote. Là, on pourrait commencer à faire des projections réalistes.

Le problème, c'est que, si vous avez 300 personnes avec une compétence reconnue, selon un acte reconnu, et que vous avez beaucoup de travail à faire, elles risquent de passer le temps à faire des choses bureaucratiques ou autres, pour lesquelles elles ne sont pas nécessairement formées, et de ne pas faire les choses qu'elles sont habilitées à faire. C'est l'inquiétude que nous avons. Il faut poser les bonnes questions avant d'aller faire des projections. On peut supposer que le nombre n'est pas adéquat, mais aussi comment emploie-ton le monde qui est là? C'est la deuxième question que je pose.

M. Chevrette: Bon. Dans le rapport Harnois, on lit sur plusieurs pages que des expériences se font, qu'il faut consolider là où il se fait quelque chose de positif et qu'il faut commencer à Instaurer là où il n'y a rien. Vous savez que, dans certaines régions du Québec, il n'y a à peu près rien qui se fait. SI je suivais le raisonnement du début graduel que vous proposez, il y a des... Je vais m'exprimer autrement. Il y a des choses qui sautent aux yeux qui se font sans expérience pilote, qui peuvent se faire sans expérience pilote. Non?

Mme Carey-Bélanger: Oui, mais la périphérie peut aussi éclairer le centre. Je regrette, mais dans quelques-uns des milieux on a besoin d'autres ressources, mais de l'autre côté on pourrait aller voir ce qui se passe dans un petit village et le rôle... En tout cas, on va parler du travailleur social...

M. Chevrette: Mais, si je vous dis cela, madame...

Mme Carey-Bélanger: On va parier du rôle qu'un travailleur social peut avoir dans un petit village parce que les liens sont plus faciles. Il faut étudier cela aussi. Mol, je ne dis pas qu'on a besoin nécessairement de faire un projet pilote en vase dos, mais je pense que si on a un objectif, si on veut dire qu'on veut écouter les bénéficiaires, il faut arrêter quelque part, soit en milieu rural ou en milieu urbain, et voir ce que ça prend et où sont les réussites, s'il y a des réussites.

Il y a une chose évidente: il faut avoir quand même des gens spécialisés dans le milieu rural. Nous le savons tous. Moi, j'ai visité Gaspé en consultation pour une de nos étudiantes qui était en stage et le sanatorium Ross faisait un excellent travail, il faut le dire, vraiment. Les tiens étaient là. Mais quand la personne est retournée aux îles-de-la-Madeleine, c'était une tout autre histoire et elle était pas mal seule avec les préjugés qui existent dans une petite ville aussi bien que dans les grandes villes. Je ne

pense pas qu'il faille glisser vers une image ou une autre. Il faut voir la réalité. C'est ça, je pense, que nous n'avons pas fait.

Vous pouvez faire plusieurs projets pilotes à partir des gens concernés qui sont les bénéficiaires et leurs familles. En tout cas, c'est une Idée.

M. Chevrette: On a pu observer, dans tous les témoignages qu'on a eus jusqu'à maintenant, qu'il y a une région qui fonctionne sur une base expérimentale extraordinaire. C'est la région de l'Outaouais québécois. Quand on gratte un peu, on se rend compte que c'est la seule région qui a un budget protégé par le ministère. Cela m'a frappé parce qu'ils sont venus témoigner. Cela allait bien, ça fonctionnait bien. Un budget protégé, alors que les autres n'en ont pas, dans les autres régions du Québec. Donc, quand Mme Bélanger, je pense, a dit au début...

Mme Mercier: Mercier.

Mme Carey-Bélanger: C'est Mme Mercier.

M. Chevrette: Mme Mercier, excusez. Vous avez dit que cela prenait un budget en conséquence pour agir. Je pense que ouf.

Mme Carey-Bélanger: C'était moi. M. Chevrette: C'était vous?

Mme Mercier: Je pense qu'on a dû te dire un peu tout le monde.

Mme Carey-Bélanger: En tout cas, si je me décide à le dire, c'est notre position.

M. Chevrette: C'est bien sûr.

Mme Mercier: Mais dans le cadre de la désinstitutionnalisation aussi...

M. Chevrette: II me semblait que c'était vous.

Mme Mercier: ...concernant les aspects financiers, on se dit qu'il faudra qu'il y ait des réallocations d'argent aussi. Je pense que ce sont des choses qui doivent suivre. S'il y a des gens qui sortent d'un milieu pour prévoir...

M. Chevrette: Je ne saisis pas. Voulez-vous répéter, s'il vous plaît?

Mme Mercier: Je disais que dans le cadre de la désinstitutionnalisation, si on tient compte du fait que dans les grosses institutions il y a des gens qui vont sortir pour aller vivre autre chose ailleurs en communauté, II faut prévoir que l'Institution n'aura plus les mêmes services à rendre. Il devrait y avoir réallocation ou réorien- tation des...

M. Chevrette: Je pense que cela va de soi. Là-dessus, on peut peut-être vous... Je ne me souviens pas du groupe. Malheureusement, c'est hier en particulier qu'on a abordé cette question. On nous dit carrément qu'il n'est pas certain, si on veut faire de la désinstitutionnalisation correcte et l'axer sur le bénéficiaire, que cela coûtera moins cher. Moi, je suis d'accord avec ceux qui ont cette perception. Si on veut avoir les programmes d'encadrement, les programmes de soutien aux familles, les programmes de réinsertion au marché du travail pour ceux qui le pourraient, l'Intégration sociale complète, la plus complète possible, soins Infirmiers, etc., je ne suis pas certain que cela ne coûtera pas aussi cher. Le danger... D'abord, s'il fallait qu'on ne leur dise pas qu'il y a réallocation, entre vous et moi, je connais un paquet d'administrateurs d'hôpitaux dont le premier réflexe, vous savez ce que ce serait: Foutons-en 300 à 400 dehors. On va boucler notre budget.

Moi, j'aurais bien trop peur là-dessus. Je vous garantis que si on ne leur disait pas de... Il faudrait quasiment les forcer au départ pour que l'argent suive la désinstitutionnalisation; sinon, ce serait un truc pour équilibrer les budgets. Je suis convaincu de cela. Je vous garantis qu'on n'aurait pas besoin de leur apprendre. Ils vont le découvrir avant même qu'on ait eu le temps peut-être d'y penser, au ministère, parce qu'eux pensent à cela d'une façon constante et quotidienne. Il y a des expériences de désinstitutionnalisation qui, à mon point de vue, sont très négatives.

Je ne sais pas qui parlait cet après-midi, il en a passé tellement que je ne me souviens plus d'un groupe à l'autre lequel a parlé de quoi. Cet après-midi, quelqu'un nous disait: Oui, on désinstitutionnalise pour réinstitutionnaliser dans un sous-sol, par exemple, dans une chambre ou dans une maison d'accueil. Je ne donnerais pas d'endroit où je l'ai vu, mais il y a des gens qui ne sont même pas capables de... Vous savez, on veut réinsérer une personne dans la société, on l'a sortie de l'institution et on ne lui donne même pas le pouvoir de placer son thermostat à 72°. On met une barrure dessus pour qu'il soit à 68°. On appelle cela de la désinstitutionnalisation, la reprise en main de l'individu, le développement de tout le potentiel de son autonomie. Bon Dieu! ce sont des farces! On ne fait pas cela... (22 heures)

Dans ce sens-là, je ne pense pas que ce soit... C'est du "parking", cela. C'est la mise en tutelle de l'Individu par des personnes, bien souvent, qui n'ont aucune formation, d'aucun genre. Ils reçoivent le chèque; les 4 % d'indexation, ils l'ont et le bénéficiaire n'a pas un cent de plus, mais on veut qu'il soit autonome et qu'il se prenne en main. Il est assez autonome pour observer que son propriétaire vient de recevoir

4 % de plus et que lut, son chèque n'a pas changé depuis deux ans. Quand on veut développer le potentiel de l'Individu, qu'il y a un groupe qui travaille dans un sens et que les autres l'ignorent, on forme des frustrés et c'est pire, à mon avis.

Mme Carey-Bélanger: Là, M. Chevrette, je pense qu'il faut se demander. Quand développons-nous le mieux le potentiel d'un individu? C'est quand il est en sécurité relative avec une chance de réaliser les choses qu'il veut. Ce n'est pas la même chose pour tout le monde. Je pense qu'il faut reconnaître - J'ai dit cela quelque part, dans mes premières remarques - qu'il y a la maladie mentale, il y a des gens très malades, il y a des gens moins malades et des gens qui pourraient peut-être, dès demain, s'ils avaient le soutien, s'en aller dans la communauté. Je ne pense pas que nous soyons au point de pouvoir dire avec sûreté quel est le potentiel de chacun, mais on est peut-être dans une position d'assurer assez de bases de sécurité pour l'aider à développer cette estime de sol. D'accord? C'est cela, le problème.

SI vous mettez quelqu'un dans un sous-sol ou dans un appartement dans ladite autonomie, sans vous Interroger sur l'interdépendance, parce que sa chère autonomie, s'il est seul dans son appartement, il n'est pas mieux, même s'il a une garde-malade: II faut penser à tous ces différents paliers. C'est ce que nous pensons, c'est ce que je pense. Pour certains, les foyers sont très bien, mais d'autres ont besoin de la sécurité de l'institution, certainement moins grande que celle qu'on a. Là aussi, quand les parents savent que la personne est en sécurité, ils sont plus motivés à entrer dans une relation et d'être un vrai soutien pour ta personne.

Tout cela, c'est à penser, à mon avis. Nous ne pouvons pas prétendre l'avoir fait, mais, au moins, d'avoir, comme groupe de travailleurs sociaux, posé la question. Je pense que vous avez raison, la désinstitutionnalisation dans de pires conditions de vie et surtout dans de pires conditions de sécurité, ce n'est pas une façon de développer le potentiel de qui que ce soit, ni vous, ni moi, si on était dans la même situation, parce que cela peut nous arriver aussi.

M. Chevrette: Il y a un dernier point. Ce qui m'a bien surpris, c'est de découvrir - c'est la première fois que je l'entendais; pourtant, j'avais lu passablement sur le dossier... C'est la première fois qu'on me donne des chiffres aussi imposants que: 60 % des malades mentaux restent dans leur famille.

Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas sûre que la donnée soit...

M. Chevrette: En tout cas, cela a été dit ici.

Mme Lavoie-Roux: Oui, oui, c'est cela.

M. Chevrette: Je te tiens pour acquis parce que cela n'a pas été contesté, mais si...

Mme Lavoie-Roux: Non, j'ai entendu cela déjà et je ne pense pas...

M. Chevrette: Moi non plus, je n'avais pas entendu ces proportions-là.

Mme Lavoie-Roux: Peut-être que c'est possible, mais ce n'est pas encore établi de façon absolue.

M. Chevrette: Mais si cela devait être vrai, mettez-le...

Une voix: Moi, je ne le pense pas.

M. Chevrette: ...50-50, peu Importe, cela ne changera pas le fond de mon argumentation.

Une voix: Non.

M. Chevrette: Quand on sait qu'il y a 50 % de ceux-ci qui sont gardés chez eux en plus, bien souvent sans aucun service de quelque nature et, dans certains milieux, ils ont peut-être le transport adapté et encore, c'est grave en mosus! Quand on voit cela comme situation dans une collectivité: 50 % des bénéficiaires potentiels n'ont aucun recours de quelque nature que ce soit

Un journaliste anglophone m'a posé une question, cet après-midi: Pensez-vous que l'argent doit aller à l'Institution ou à la prévention? Ce n'est pas de même non plus que cela se tranche. Si on commence, dans des milieux, à identifier des structures de base qui ouvrent la porte à l'individu, en tout cas, que ce soit un CLSC, cela ne me dérange pas. je ne me battrai pas pour la structure qui devrait faire la promotion de soutien à ces familles, mais il me semble qu'on doit prendre les structures les plus près de l'individu pour commencer à lui démontrer qu'il y a un accès possible. Il y a des parents qui ne sortiront pas leur malade de chez eux pour leur permettre d'aller s'intégrer à une société. Vous Irez à Victoriaville ou à Arthabaska, il y a des Individus qui ne sont jamais sortis de chez eux avant l'âge de 30 ans. Ils ne sont pas allés en institution, Ils sont sortis de chez eux à l'âge de 30 ans pour ta première fois pour aller dans un milieu de travail et ç'a été grâce à des travailleurs sociaux qu'on a réussi à les convaincre de les amener là. Que pensez-vous du rôle d'un travailleur social vis-à-vis de la population qui n'a aucun service présentement? Est-ce que cela relève d'un travailleur social, le soin d'aller convaincre des parents, par exempte, de faire bénéficier la personne, si on veut développer son potentiel, des ressources du milieu?

Mme Carey-Bélanger: Est-ce que ce n'est pas le rôle d'un travailleur social d'aller voir de quoi la famille a peur, si elle ne laisse pas la personne sortir? N'est-ce pas relié à un des points que nous avons fait ressortir dans notre mémoire, le manque d'Information, le manque de compréhension, le manque de pouvoir que ces familles ressentent vis-à-vis du bénéficiaire? Je peux être présidente d'une corporation et avoir un autre travail qui semble loin de la population, mais on m'appelle de temps en temps parce qu'on voit un potentiel d'aide. Il y a beaucoup de réalité dans ce que je dis. Ces gens ont peur, ils n'ont pas d'information et ils n'ont pas une idée de ce que la personne qui avait une maladie mentale - dites-le franchement - peut faire ou ne pas faire.

Il y a beaucoup de travail à faire dans la dynamique familiale, en donnant de l'information à la famille. Pourquoi donner de l'information? Pour redonner le pouvoir à la famille. Alors, oui aux services, mais n'oubliez pas - c'est ce que je voulais dire depuis le début - que les premiers concernés sont les bénéficiaires et qu'on doit leur donner un peu de pouvoir sur leur vie et de compréhension de ce qui se passe, comme René l'a dit, dans un château de cartes qui souvent tombe quand vous avez un jeune adulte qui a un diagnostic, entre guillemets, de schizophrénie.

M. Chevrette: Dans le sens de ce que vous dites, vous devez être surprise de lire te rapport Harnais et de constater que dans l'établissement du PSI on ne parle ni de la famille ni du bénéficiaire.

Mme Carey-Bélanger: Ce sont quelques-unes des questions qu'on met sur la table ce soir.

M, Chevrette: Merci.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Legault: Madame, je sais que votre rôle de première ligne, en tant que travailleurs sociaux, est efficace aussi. Je veux vous demander ceci: Vous parliez de la famille, de la reconnaissance et du rôle de la famille; à votre avis, serait-il important que des comités de parents ou des groupes communautaires soient implantés dans des institutions justement pour que les proches puissent participer et s'impliquer dans les décisions du pouvoir? Quand je dis "pouvoir", je parie de l'établissement. À votre avis, serait-il important que des comités soient implantés dans des Institutions?

Mme Carey-Bélanger: On les aide à s'Implanter. J'ai eu un appel ce matin, dans mon rôle de directrice d'une école, d'un groupe qui me demandait de l'aide pour faire une étude et pour être plus efficace. Bien sûr, les groupes de parents, quand les parents sont ensemble devant un problème comme celui-là... On parle de la famille individuellement dans votre question, mais Je suis très convaincue que c'est un mouvement à entretenir et à aider. Mais II ne faut pas penser que cela prendra la place de. Je ne suis pas sûre que ces gens-là veuillent prendre ta place de, ils veulent être une force de plus. C'est de cela que je parlais, quand j'ai dit "une injection", au début; ils ont besoin d'être guidés, de savoir comment s'y prendre. C'est tout nouveau pour eux. Et comment être écoutés? Il faut absolument les former pour les écouter après. C'est peut-être projeter et c'est peut-être Hélène Bélanger, en plus de ta corporation. Je ne dis pas que c'est toute l'Idée de la corporation, mais il faut voir loin. Je trouve que c'est très Important.

Mme Legault: Je vais peut-être aller un peu loin, mais vous, en tant que travailleurs sociaux, est-ce que vous en feriez une recommandation prioritaire à ta commission sur la santé mentale?

Mme Carey-Bélanger: Oui, mais attendez une minute, madame! Quelle sorte de recommandation prioritaire? Qu'on établisse les...

Mme Legault: De former des comités de parents dans les institutions.

Mme Carey-Bélanger: Sur les comités de parents?

Mme Legault: Oui, je reviens toujours aux comités de parents.

Mme Carey-Bélanger: Oui, de grâce, faites-les et aidez-les à se réunir entre eux, parce que c'est dans le sens de leur donner une place et de leur donner le pouvoir. Alors, oui, parce que famille, pas famille, ils sont isolés face à un gros problème. Ensemble, its ont un pouvoir.

J'ai vu des expériences. Je ne parle pas en l'air. Malheureusement, ce que j'ai vu n'était pas Ici, c'était en Finlande, mais ces gens-là me décrivaient ce qu'ils étalent avant et je les ai vus en action. Cela les aide, d'avoir la parole, et nous serons mieux s'ils ont la parole. On sera une meilleure société parce qu'il y aura plus de gens qui parlent et qui ont des idées. À mon avis, ouf, je dirais certainement.

M. Pagé (René): Pour ajouter à ce sujet, l'Association des parents et amis du malade mental qui a vu le jour à l'hôpital Notre-Dame, c'est une travailleuse sociale qui était chef du service et qui a été, avec d'autres collègues, l'initiatrice pour supporter les parents à ce niveau. Ce n'est pas nouveau pour les travailleurs sociaux, quand on dit qu'il y a du travail avec les familles. Ensuite, cela a été à Laval, qui a vu l'expérience de Montréal, et cela a fleuri un peu partout. Ce n'est pas nouveau, mais il faut

l'implanter

M. Chevrette: ...très bon.

Mme Carey-Bélanger: Mais il ne faut pas oublier les bénéficiaires, madame, c'est ce dont j'ai peur, parce que Maude m'avait dit: Écoute les bénéficiaires...

Mme Legault: Mais toujours dans l'intérêt...

Mme Carey-Bélanger: Les associations de bénéficiaires, c'est une autre chose que je trouve très importante. Pas seulement les bénéficiaires actuels, mais est-ce qu'on a assez aidé les gens qui sont d'ex-bénéficiaires, qui ont réussi à sortir de leur problème, à se réunir et à aider les gens qui sont encore sans espoir? Si vous et moi, on était en Institution, on serait sans espoir. Une chose qu'il faut redonner, c'est l'espoir. Alors, moi, je dis: Les ressources, oui aux familles, mais il faut équilibrer. Je pense que les gens qui ont réussi à s'en sortir seront les gens peut-être les plus écoutés par les gens qui sont présentement dans la situation de maladie mentale parce qu'ils sont près d'eux. Je voulais juste ajouter cela. Maude, est-ce que...

Mme Mercier: Moi, j'aimerais dire que peut-être a-t-on eu tendance à avoir peur des familles. Concrètement, en regardant le travail qu'on essaie de modifier en impliquant plus les familles, je pense qu'ils n'interfèrent pas. Au contraire, phis on va aller les chercher, plus on va leur donner de l'Information, plus Ils vont comprendre et collaborer.

Mme Legault: Je pense que c'est un moyen de sécuriser ces gens-là qui sont en institution parce ces gens-là ont besoin de compréhension et de l'amour de la famille.

Mme Mercier: Plutôt que de les disqualifier, je pense qu'ils ont besoin qu'on les requalifie, plutôt que d'avoir le sentiment d'être disqualifiés et mis de côté.

Mme Legault: Je pense qu'on pense la même chose.

Mme Carey-Bélanger: II y aura des récriminations au début. Ne vous attendez pas que ce soit une lune de miel, qu'on va leur donner..et que les familles vont venir... Il y aura des récriminations et il faut être capable, si c'est nous qui sommes responsables, d'accepter cela et de dire: Oui, c'est vrai qu'on ne s'est pas assez occupé de vous dans le passé...

Mme LegauK: Mais déjà d'en parler...

Mme Carey-Bélanger: ...reconnaître où on est. On veut, à partir d'aujourd'hui, faire quelque chose.

Mme Legault: D'en parier ce soir, c'est déjà un grand pas de fait

Mme Mercier: Une communication claire et directe.

Le Président (M. Baril): Merci. M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: Une brève question.

Le Président (M. Baril): Une brève question.

M. Leclerc: On m'indique qu'il reste peu de temps. Évidemment, le succès d'une politique de santé mentale passe par le rôle important que vous jouez, mais à au moins deux reprises dans votre mémoire... Une voix: On n'a pas compris.

M. Leclerc: À au moins deux reprises dans votre mémoire, j'ai senti que vous vouliez nous dire que des gens jouaient dans vos plates-bandes, ou à tout le moins, vous dites: Pour éviter qu'une certaine tendance actuelle ne se généralise, soit que chaque Intervenant puisse faire tout sur tous les plans... À un autre moment, vous dites qu'un des professionnels Identifié dans le projet de politique de santé mentale était un travailleur social et non un agent de relations humaines. Pourriez-vous, en une minute ou deux, m'expliquer un peu ce que vous voulez dire par là?

M. Page (René): La question de tout à l'heure, j'en ai parié brièvement, le titre de travailleur social est un titre réservé; donc, ce sont des gens formés en service social qui sont membres de la corporation. Le titre ARM est une fonction d'affichage de postes dans la fonction parapublique, notamment dans les centres de services sociaux, mais cela ne se réfère à aucun type de formation précis. Ce peuvent être des gens qui sont formés en travail social; ce peut être autre chose. Ce qu'on posait comme question, c'est que si la commission et le gouvernement acceptent les recommandations de la commission, ce sont des travailleurs sociaux qui devront faire un type de travail ou s'il y a des besoins, que ce sont les travailleurs sociaux qui ont les compétences pour le faire, qu'on engage des travailleurs sociaux et non des ARH. C'est toute la question des doubles appellations. Le gouvernement met sur pied un code des professions et, d'autre part, utilise des appellations pour passer à côté de ses propres lois.

Mme Carey-Bélanger. Écoutez bien, parce que je vols des gens qui disent non. Notre position est que nous sommes dans une corporation, nous ne pouvons pas être redevables à d'autres que les membres de cette corporation.

J'espère que les gens réalisent cela.

Une voix: Au niveau des services rendus.

Mme Carey-Bélanger: Quelquefois, on veut vraiment protéger le public. On le veut bien, nous avons la fonction de protéger le public, mais nous avons le droit de faire une inspection et il y a même des mesures disciplinaires s'il y a un problème vis-à-vis des membres de notre corporation. Nos problèmes de formation peuvent être donnés aux membres de la corporation, mais cela fait partie de notre fonction de protéger le public. Alors, je fais cette limite dans cette discussion. Si on veut assumer la vôtre, nous disons... SI vous voulez une travailleuse sociale...

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, madame. M. le député de Joiiette, pour le mot de la fin.

Mme Carey-Bélanger: Nous allons faire parvenir les précisions que nous avons apportées ce soir à votre commission sous forme de lettre. Nous avons dit au tout début que c'est un premier document II y a plusieurs questions et clarifications que nous n'avons pas faites. Nous allons poursuivre, sous forme de lettre, pour entériner les choses que nous avons dites.

Le Président (M. Baril): Merci, madame.

Mme Carey-Bélanger: Parce qu'il y a beaucoup d'autres réflexions. Merci.

M. Chevrette: Je vous remercie Infiniment, et je suis sûr que les membres de votre corporation ont un rôle très important à jouer, en particulier dans une politique acceptant d'emblée la désinstitutionnalisation comme principe et dans le rôle auprès des familles d'accueil et des familles qui décident de garder leur propre fils ou leur propre fille ou leur conjoint. Je suis convaincu que vous avez un rôle important à jouer. Je vous remercie.

Mme Carey-Bélanger: Nous sommes des partenaires. Je voulais juste dire cela comme mot de la fin.

M. Chevrette: Merci.

Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je voudrais vous remercier de votre mémoire. Comme vous aurez l'amabilité de nous envoyer une lettre pour préciser les points qui ont été discutés ce soir, j'aimerais peut-être ajouter une question, si vous avez le temps d'y réfléchir, je ne veux pas de réponse maintenant.

Une voix:...

Mme Lavoie-Roux: Sur les plans individualisés de services, vous dites: On ne peut pas partir partout, il y a peut-être des expériences qu'on devrait faire. J'aimerais vous demander s'il y a un modèle que vous favoriseriez. Si oui, quel est-il?

Le Président (M. Baril): Merci. Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.

Le Président (M. Baril): Alors Mme Carey-Bélanger, Mme Mercier et M. Pagé, je vous remercie beaucoup pour votre présentation. La commission va suspendre deux minutes.

Mme Lavoie-Roux: Non, non, non, c'est une mauvaise habitude!

(Suspension de la séance à 22 h 18)

(Reprise à 22 h 21)

Projet d'intervention auprès des mineurs(es) prostitués(es) Inc.

Le Président (M. Baril): La commission reprend ses travaux et je remarque que les représentants du Projet d'intervention auprès des mineurs(es) prostitués(es) inc. sont assis à la table. J'aimerais que le responsable se présente et présente ses invités, s'il vous plait.

M. Pector (Jacques): Oui, bonsoir. Mon nom est Jacques Pector. Je suis coordonnateur du Projet d'intervention auprès des mineurs(es) prostitué(es) Inc. Alors, il y a Robert Paris, Louise Bélanger et, à ma gauche, M. Jacques Moïse.

Le Président (M. Baril): M. Pector, je pense qu'on est d'accord que vous avez été convoqués pour une demi-heure.

M. Pector: Exact.

Le Président (M. Baril): Ce que nous allons faire, c'est que nous allons prendre dix minutes pour vous écouter et on aura dix minutes de questions de la part de la ministre et du chef de l'Opposition.

Merci.

M. Pector: Merci. Bonsoir.

Mais oui, nous avons beaucoup hésité avant de présenter un petit mémoire modeste au chapitre de la santé mentale parce qu'on en a déjà remis un à la commission Rochon. Vous savez qu'on a peu de moyens. Donc, le temps est précieux pour nous. Nous avons décidé quand même de nous présenter non pas pour faire du lobbying corporatiste, ni pour présenter d'autres demandes de fonds - les fonds, c'est une question de transfert, à notre avis; on t'a déjà répété plusieurs fois - mais bien pour être les haut-

parleurs d'un certain type de jeunesse auquel on est confrontés depuis presque neuf ans, parce que ça fait neuf ans que nous existons à titre expérimental, faut-il le souligner.

Alors, nous expérimentons des avenues concrètes d'Intervention et de support à Montréal, auprès des jeunes itinérants de la rue, des jeunes qui se désinstitutionnalisent d'eux-mêmes en général, donc, ce qu'on appelle communément les fugueurs.

Un peu pour présenter très rapidement te PIAMP, le Projet d'intervention auprès des mineurs(es) prostitué(es) inc., je voudrais souligner que notre méthode d'intervention principale, c'est le travail de rue. Donc, c'est une approche globale auprès du jeune sur une base uniquement volontaire. Notre mandat social en est un de fonction de médiation sociale auprès du jeune et avec le jeune auprès des différents institués sociaux: la famille, tes travailleurs sociaux et tous les spécialistes qui s'occupent des jeunes.

Il faut dire aussi qu'on s'adresse à des populations qui viennent de toutes les origines sociales et qui vivent des réalités extrêmement dures. Nous travaillons dans la misère affective, sexuelle, économique et sociale des jeunes qui sont déracinés par différents types d'Intervention professionnelle et qui sont eux-mêmes ostracisés par les différents professionnels. Donc, ils sont en rupture avec la société globale. Alors, on met en place des stratégies d'Intervention de support concret auprès des jeunes individuellement, mais aussi par les.groupes de pairs, la "gang" et aussi tout le milieu familial quand il existe et le milieu dans lequel ils vivent.

Concrètement, on donne un support matériel quand c'est possible, mais on élabore aussi des stratégies qui permettent au jeune de se réapproprier un pouvoir de penser et de réfléchir sur sa vie et aussi un pouvoir de se réapproprier minimalement en apprentissage social. Il faut dire aussi que, lorsqu'on parle d'un certain nombre de choses qui sont le tissu social qui fait référence à la loi de protection, etc., il faut bien constater que le tissu social, il y en a de moins en moins. Donc, notre place n'est pas ici.

Au fait, nous ne faisons pas du travail social et on ne devrait pas le faire. Nous, on est un groupe communautaire. On devrait développer des ressources communautaires comme on le fait au niveau de l'hébergement et d'autres aspects de la vie, mais on est confronté depuis 1982 à une dégradation de la situation de beaucoup de jeunes, ce qui fait que ces jeunes refusent globalement l'intervention de professionnels. Nous essayons donc de faire le pont entre un monde avec ses modes, avec ses cultures, avec ses différents schèmes de référence culturelle, et un monde des adultes qui nous reconnaissent peu de place.

Traditionnellement, ie travail social a comme objectif de permettre aux individus qui sont exclus du système de se trouver une place. Actuellement, nous sommes confrontés à une situation où le travail social traditionnel confirme cette exclusion. Vous vous rendez compte qu'on travaille dans des conditions extrêmement difficiles - je ne parlerai pas des moyens - parce que l'ensemble de la société refuse, quelque part, un certain débat sur la marginalisation croissante des jeunes dans tes sociétés occidentales. Ce n'est pas qu'au Québec que cela se passe; c'est un peu partout.

Nous demandons depuis déjà plusieurs années d'avoir une place où les organismes communautaires de jeunesse pourraient exprimer un certain nombre de points de vue à partir des perceptions et de la compréhension qu'ils ont des réalités. Donc, on expérimente à petite échelle, modestement, mais dans la vie de tous les jours, par des appuis concrets en apprentissage social; c'est ce qu'on appelle en France des éducateurs de rue. On est des travailleurs de rue, donc, on confronte les jeunes à différents types de modèles, à différents types de trajectoires, mais dans le respect et dans la confiance. C'est fondamental parce que, dans le cas de jeunes qui souffrent, comme on dit, de troubles de comportement, de jeunes qui sont de plus en plus psychiatrisés dans les hôpitaux, parce qu'on parle de désinstitutionnallsation, on se pose la question: Est-ce qu'il sera encore possible d'institutionnaliser? À l'heure actuelle, à Montréal, par exemple, il n'existe aucune ressource pour des jeunes mineurs qui voudraient suivre des cures de désintoxication. On sait très bien que c'est un ensemble, c'est une globalité et que cela prend un minimum de moyens pour sortir une jeune ou un jeune d'un certain milieu et lui permettre de se ressourcer, de réfléchir, de penser en sécurité et aussi dans le respect de ce qu'il est et de ses choix de vie.

Désinstitutionnalisation aussi parce que, comme je le disais tout à l'heure, beaucoup de jeunes se désinstitutionnalisent d'eux-mêmes. Ils sont en fugue des centres d'accueil. Ils ont quitté l'école très tôt, à douze, treize ou quatorze ans. Près de 40 % des jeunes à Montréal ne terminent pas leur école polyvalente. Donc, ils sont confrontés à un marché du travail qui est très rétréci, pratiquement impossible, avec de moins en moins de possibilités de programmes de réinsertion socioprofessionnelle. Il y a cinq ou six ans, on pouvait encore compter sur des programmes des CEMO, des centres externes de main-d'oeuvre, gérés par des organismes communautaires. Étant donné que tous ces programmes ne visent qu'à l'efficacité du placement du jeune dans le marché du travail qu'il refuse parce qu'il n'accepte pas de travailler, forcément, dans n'importe quelle condition, cela veut dire qu'on est de plus en plus confronté à une impuissance que l'on partage très fortement avec l'ensemble des jeunes avec qui on travaille.

L'ensemble de notre intervention est très globale. Elle prend en considération les différents aspects, la sécurité psychologique et économique. Nous avons des systèmes de référence pour les

aider concrètement, pour leur trouver un hébergement On ne parlera pas d'hébergement; on parlera d'habitat. C'est doté d'une capacité de réapproprier en espace de logement pour permettre une certaine sécurisation affective de la personne et d'égaux. Nous travaillons aussi par des suivis individuels, mais aussi une partie de notre stratégie se fait par la négociation de groupe en groupe, à partir de la vie associative, c'est-à-dire à partir de l'implication de bénévoles et de jeunes, afin de permettre à des jeunes de se constituer en groupe et de négocier avec des adultes un certain nombre de droits. Et l'hébergement, l'habitat, est un droit qui nous paraît fondamental. Donc, c'est pour essayer de réapprendre au jeune à prendre ce qui est bon pour lui dans tes différents espaces de vie qui sont les siens. C'est un peu de tout cela qu'on essaie globalement de traiter dans notre mémoire, en Insistant aussi sur les différents aspects culturels. Quand on parle de travailleur social, on évacue fortement les aspects culturels qui jouent un rôle fondamental chez les jeunes; c'est ce qui leur permet de se trouver une identité et un cheminement. Bien souvent, le travailleur social traditionnel essaiera de nier cette volonté de s'identifier à des images qui ne sont pas forcément dominantes dans la société, mais qui sont fondamentales dans une société dite de masse à un individu qui désire retrouver un sentiment d'être quelque part.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup.

Mmeia ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux vous remercier d'abord pour votre mémoire. Je pense que vous travaillez dans un milieu particulièrement difficile en tentant d'atteindre des jeunes à la recherche de leur propre équilibre et qui vivent des situations tellement difficiles que les moyens traditionnels qu'on peut leur offrir ou les moyens plus habituels ne réussissent pas.

La question que je voudrais vous poser touche votre définition de la santé mentale. Vous n'êtes pas d'accord avec la définition de la santé mentale telle qu'elle est mentionnée dans le mémoire et vous voudriez davantage une définition de la santé mentale qui fasse allusion non pas à ce que vous appelez l'utilisation du jeune par la société, mais au réel épanouissement - ce ne sont pas vos termes - du jeune.

Je pense qu'en soi, le fait que vous visiez l'épanouissement du jeune, c'est que vous le voyez dans le contexte que la société telle qu'elle existe ou telle qu'elle est organisée ne permet pas au jeune de s'épanouir. En contrepartie, vous dites: II faudrait peut-être oublier cette deuxième partie, du moins momentanément, et se concentrer sur la première. Est-ce qu'on peut arriver à une définition de la santé mentale? Je pense que vous y apportez une variable importante supplémentaire, mais je ne pense pas qu'on puisse faire abstraction de la deuxième parce que l'équilibre, en somme, c'est aussi d'être capable de fonctionner dans la société. Je suis prête à admettre avec vous qu'il y a des rigidités, des modèles traditionnels auxquels les gens doivent se conformer, mais quelle sorte de cheminement un jeune à qui on donnerait cette conception de la santé mentale ferait-il éventuellement pour pouvoir s'adapter à la société telle que vécue par l'ensemble ou la majorité des gens?

M. Pector: En termes de trajectoire, il fait te choix d'une rupture quelque part. Je n'en préciserai pas les causes et tout cela, mais quelque part il y a un choix qui peut être d'ordre social, culturel ou les deux. Vivre en marge de ta société, c'est prendre des risques. Beaucoup de jeunes sont conscients de ces risques. Quand je disais qu'on avait un rôle de médiation sociale, dans la fonction de médiation sociale, il y a aussi un rôle de protection. Alors, un de nos travaux est de prévenir les risques et d'apporter un certain appui par rapport à ces risques. Mais ces risques sont d'ordre psychologique, bien souvent, parce que rompre avec sa famille, c'est aussi culpabilisant pour le jeune que pour la famille.

Au cours des neuf ans d'expérience, nous avons eu l'occasion de rencontrer pas mal de jeunes qui avaient décroché à 14 ou à 15 ans et qui se retrouvaient psychiatrisés à 20 ans parce qu'il n'y avait pas eu un déblayage fait au niveau des rapports avec ta famille, par exemple, dans le cas de situations d'orientation homosexuelle. Oonc, quand on parte de santé, une Intervention globale permet de prévenir toute une série de crispations psychologiques qui amènent l'individu à prendre des risques supplémentaires qui ne sont pas forcément les risques qu'il avait calculés au départ. Je ne sais pas si...

Mme Lavoie-Roux: Ce qui amène à un moment donné...

M. Pector: ...la psychiatrisation, l'institutionnalisation ou le décrochage total, je veux dire. Ce qu'on perçoit, c'est qu'en respectant le choix de la rupture il y a aussi le désir de la non-rupture.

Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, quel cheminement... Vous dites que ça fait à peu près neuf ans que vous fonctionnez et, comme vous travaillez avec des jeunes, j'imagine, grosso modo, 12 à 18 ans - cela peut aller jusqu'à 20...

M. Pector: À 25 parce qu'on travaille avec de plus en plus d'adultes.

Mme Lavoie-Roux: Je suis bien d'accord qu'il faut accepter cette rupture et que c'est ce que le jeune veut vivre. Il faut le prendre avec ce qui est pour lui le cheminement qu'il désire. De là, comment le faites-vous cheminer vers une

réintégration dans la société?

M. Pector: Par un support très concret. Par une reprise de confiance en lui-même et en nous-mêmes avec lui, quoi. C'est dans la relation de confiance que tout s'établit. À partir de là, on travaille beaucoup en référence. Si, par exemple, comme on ne peut pas être tout en même temps, on doit référer un jeune à un spécialiste, on le fera avec lui et ça peut prendre beaucoup de temps parce qu'il y a le refus de tout ce qui est "psy" car on considère qu'il n'est pas fou. Je veux dire, sa folie ou sa révolte, c'est peut-être quelque part l'expression de quelque chose qui est de l'ordre de la folie, mais c'est aussi la recherche d'une soupape, d'une boule d'oxygène quelque part.

C'est parce qu'on travaille avec des gens qui ont été incestés à six ans ou qui ont été violés. Parfois, ce sont des situations dramatiques. Mais, en général, ils ne sont pas ostracisés au point de faire à 12 ans, 14 ans ou 16 ans une rupture totale avec le système social. Ce que l'on fait, dans le quotidien, c'est de rétablir une confiance en lui pour qu'il puisse récupérer un pouvoir de réfléchir et de penser sur sa propre vie et être capable de faire d'autres choix quelque part, à un moment donné.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M, Baril): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Concrètement, prenons l'exemple d'un jeune de 13 ans que vous rencontrez dans le quotidien de votre travail, sur la rue. Vous l'amenez où? D'abord, avez-vous des ressources d'habitat, comme vous dites, ou si vous négociez? C'est quoi qui existe présentement?

M. Pector: On négocie. C'est même une entente pour nous permettre de fonctionner en légalité avec ta Loi sur la protection de la jeunesse, pour prendre le temps, avec le jeune, de le mettre dans un espace sécuritaire et de faire tout un ensemble de démarches avec les différents acteurs auxquels il est confronté. Cela peut être la justice, cela peut être le travailleur social, cela peut être la famille; il s'agit de mettre en place un plan de travail de plusieurs mois ou de plusieurs années. On concerte le monde du partenariat, mais sur le terrain.

M. Chevrette: En fait, vous représentez le jeune parce qu'il vous fait confiance.

M. Pector: On représente le jeune absolument Que l'on parle de responsabiliser le jeune, on ne peut pas être responsable des droits qu'on n'a pas. Donc, il faut qu'il puisse connaître ses droits, qu'il puisse les reconnaître lui-même pour se sentir responsable de son avenir à lui.

M. Chevrette: Je comprends que vous êtes une ressource communautaire. Vous vous décrivez ainsi par rapport à une ressource de réseau. D'autre part, vous demandez un droit de parole bien Identifié et un droit d'être financé. Je ne comprends pas que vous vouliez - je n'ai pas saisi, en tout cas - dans votre mémoire être intégrés dans le réseau. Est-ce que je me trompe?

M. Pector: Être intégrés au réseau? Quel réseau?

M. Chevrette: Le réseau des affaires sociales, les services sociaux.

M. Pector: Non. On croit qu'il est Important qu'il y ait une diversité des ressources.

M. Chevrette: Bon. Vous parlez de diversité des ressources, vous parlez de multidisciplinarité. Vous définissez le rapport Harnois de la façon suivante: ce n'est pas une politique de santé mentale. Vous dites que c'est une politique de services. J'aimerais vous entendre, d'abord, me définir concrètement pour vous, un groupe communautaire, quelle est véritablement une politique de santé mentale. Deuxièmement, j'aimerais vous entendre dire quel rôle concret les groupes... Il peut y en avoir 1001 groupes communautaires dans te domaine de la santé mentale. Comment voyez-vous le rôle d'un groupe communautaire sur un aspect spécifique? Vous autres, c'est auprès des jeunes prostitués; un autre groupe, cela peut être pour un autre secteur. Comment s'impliquent-ils dans une véritable politique de santé mentale?

M. Pector: Je pourrais prendre l'exemple des contacts que l'on a à Montréal avec certains groupes communautaires qui font de la psychiatrisation ou de la psychiatrie communautaire. Ils sont confrontés, par exemple, depuis deux ans, à une diminution de l'âge des bénéficiaires, Alors, ce sont des ressources dans lesquelles le jeune est placé pendant un certain temps. Nous, comme groupe communautaire, on élabore à plus long terme, quand il sort de ces ressources, d'autres types de réponses à ses besoins qui sont forcément différents qu'au moment où il entrait dans une ressource comme la Maison Saint-Jacques, notamment. Alors, notre rôle, c'est de pouvoir faire appel à ce type de ressources, institutionnelles ou non, quand le besoin s'en fait sentir et d'être toujours là quand le jeune ressort de cette ressource.

M. Chevrette: Pourquoi insistez-vous sur le fait que votre perception du rapport Harnois n'en est pas une de politique de santé mentale?

Qu'est-ce qui vous amène à porter ce jugement? C'est un jugement...

M. Pector: II porte sur les symptômes, il ne porte pas sur... Je veux dire qu'il y a un lien entre la santé mentale et les conditions de vie matérielles dans lesquelles les gens vivent. Je veux dire que si on ne prend la santé mentale que par une lorgnette, on va cacher tout le reste. Alors, on essaie de dire qu'il faudrait peut-être mettre en place d'autres alternatives, d'autres types de ressources qui ne travaillent pas uniquement au niveau du symptôme.

M. Chevrette: Vous donnez des chiffres: 200 jeunes par année, uniquement par votre organisme. Quelles sont vos évaluations sur l'ensemble de la région métropolitaine? Vous ne touchez pas à l'ensemble de la rive sud. Est-ce qu'il y a des groupes comparables au vôtre, par exempte, sur la rive sud de Montréal? Est-ce qu'il y a des groupes... Je sais que, par exemple, à Repentigny, H y a un groupe qui travaille également sur la prostitution chez les jeunes; il y a un groupe pour les parents incestueux; il y a une série de groupes qui y travaillent. Est-ce que vous avez des évaluations de faites lorsque vous vous rencontrez?

M. Paris (Robert): Je pourrais répondre peut-être à cela. Il y a seulement deux groupes au Québec qui font du travail de rue communautaire, c'est le PIAMP à Montréal et le PIPÛ à Québec. En fin de compte, nous-mêmes, à Montréal, on va couvrir seulement le centre-ville et les régions avoislnantes, c'est-à-dire tes quartiers Hochelaga et le Plateau Mont-Royal; cela peut aller jusque dans le sud-ouest, étant donné que, de toute façon, on ne peut pas couvrir tous les gens, on est seulement cinq travailleurs au PIAMP. C'est sûr qu'il y a d'autres groupes qui vont essayer de travailler à ta problématique prostitution des mineurs, mais pas au niveau du travail de rue et pas nécessairement dans le réseau communautaire non plus. Il va y avoir quand même... Les questions vont être posées peut-être par des groupes d'entraide, soit par Anonyme ou d'autres. Souvent, ces groupes vont nous Inviter, d'ailleurs, à des séances d'information. Que je sache, II n'y a que cinq personnes qui travaillent dans la rue à cette problématique-là à Montréal.

M. Chevrette: Est-ce que vous vous considérez comme une ressource alternative?

M. Paris: Parallèle?

M. Chevrette: Par rapport au traitement habituel, la médicalisation de la santé mentale, etc.

M. Pector: Ce sont plutôt eux qui sont alternatifs.

M, Chevrette: II y a des groupes qui se sont définis... Pardon?

M. Pector: Ce sont plutôt eux qui sont alternatifs, on travaille dans le milieu de vie, on n'est pas alternatifs.

M. Chevrette: C'est une question de point de vue, vous avez raison.

M. Pector: Hé bien voilà!

M. Chevrette: C'est une question de point de vue, effectivement.

M. Pector: Il faut aussi comprendre que le PAMP est géré par des bénévoles et par des ex-jeunes. Donc, ce sont eux qui déterminent les orientations, la manière de travailler. Ce sont eux qui apprennent notre métier. C'est très important parce que cela leur donne une place sociale où ils peuvent exprimer quelque chose qui est fondamental dans le respect de ce qu'ils sont, mais aussi cela ne veut pas dire qu'on se laisse manipuler. C'est la possibilité pour eux d'avoir une place, un espace social où les différents groupes peuvent se confronter en fonction de leurs différences de valeurs. À mon avis, c'est extrêmement important dans des perspectives d'éducation. (22 h 45)

M. Chevrette: Je veux vous remercier d'avoir présenté votre mémoire et vous dire qu'il y a assurément une grande sensibilité aux mouvements communautaires, les rôles que jouent certains types de jeunes comme vous auprès de la jeunesse. Malheureusement, par le passé, on n'a pas pu Injecter les sommes qu'on aurait dû Injecter dans le domaine communautaire, en particulier en fonction de la prévention. On a beaucoup mis dans le curatif, effectivement.

M. Pector: Parlant de prévention, on a fait tes premiers dépliants sur le SIDA il y a deux ans, par exemple. C'est nous qui distribuons les dépliants, si je puis dire. On est dans le milieu, on a collaboré avec ces hommes pour faire cela.

M. Chevrette: Je vous remercie.

Le Président (M. Baril): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je rejoins une question du chef de l'Opposition. Quelles sont vos sources de financement, si vous en avez?

M. Paris: Je pourrais répondre qu'elles sont multiples, les sources de financement, en fin de compte.

Une voix: Le chômage.

M. Paris: Non. Bien sûr, il y a un budget qui provient du ministère des Affaires sociales, par le service de soutien aux organismes communautaires. Il y a aussi une part de financement

qui vient des organismes religieux. Il y a une petite part d'autofinancement. Il y a aussi tous les programmes dépanneurs du gouvernement fédéral en ce qui concerne les programmes d'emplois, puis les dons. Voilà. C'est..

M. Pector ...fondations que vous communiquez.

Mme Lavoie-Roux: ...les fondations aussi.

M. Chevrette: On permettrait sans doute au d.g. d'occuper les deux fonctions.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup. C'est un travail Important pour ce qui est de la prévention dans le domaine de la psychiatrie et je dois vous avouer bien simplement que c'était un aspect que je n'avais jamais envisagé dans ce domaine-là. Je vous remercie.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup de vous être présentés devant nous et je suis certain que vous faites un très bon travail dans le milieu. Mesdames, messieurs, Je vous remercie beaucoup.

J'invite maintenant le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal inc., s'il vous plaît, à se présenter à la table.

Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal inc.

Le Président (M. Baril): Bonsoir mesdames, bienvenue à la commission. J'aimerais que la responsable se présente et présente l'autre Intervenante, s'il vous plaît. La parole est à vous. Je vous ferai remarquer que vous avez dix minutes, malheureusement pas assez de temps peut-être, mais...

Mme Demers-Godley (Claudette): À cette heure-ci, c'est assez. Mon nom est Claudette Demers-Godtey. Je suis la directrice du centre de crise SOUDAV de Montréal, dans la région centre-est. Mme Carmen Beaudoin, qui travaille au centre d'accueil Préfontaine, m'accompagne. J'étais également présidente du réseau d'aide depuis un an et demi. Heureusement, je ne le suis plus, parce que j'étais très fatiguée.

On a cru important de venir quelques minutes présenter quelques commentaires à ta suite de la lecture du rapport Harnois, considérant surtout la population avec laquelle on travaille le plus concrètement, soit les itinérants. Le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes est un organisme sans but lucratif qui regroupe 90 organismes membres et individus.

Dans la population itinérante, nous retrouvons plusieurs problématiques: pauvreté, alcoolisme, toxicomanie, criminalité et, plus spécifiquement, problèmes de santé mentale. À Montréal, nous identifions actuellement entre 10 000 et 15 000 personnes sans abri permanent pour tes 60 prochains |ours et 30 % ou 40 % de cette population a des problèmes de santé mentale avec ou sans antécédent psychiatrique.

Les valeurs et les préjugés de la société contribuent fortement à la stigmatisation et à l'aliénation des itinérants et itinérantes. C'est entendu que de hurler sur la rue Sainte-Catherine n'est pas un comportement social acceptable, mais cherche-t-on à comprendre d'où provient ce besoin de hurler? L'augmentation du taux de criminalité chez les itinérants et itinérantes à comportement difficile est un indice Important qui identifie bien notre faible degré de tolérance et qui fait également état du manque de ressources et de services appropriés à la suite de la désinstitutionnallsation.

Dans la population itinérante, on retrouve plusieurs individus à problèmes multiples qui se font refuser des traitements à cause de la multiplicité de leurs symptômes et, par conséquent, traînent dans la rue et/ou se font "judiciariser". Ils sont les exemples flagrants de nos mauvaises interventions, de nos suivis médicaux inappropriés et, finalement, l'expression la plus éloquente d'un système médical centré sur lui-même et non sur les besoins individuels de chaque malade.

Le partenariat proposé dans votre projet de politique de santé mentale est intéressant; son application, par contre, nous semble être reléguée à la science-fiction. Lorsque les organismes communautaires en santé mentale et les sans-abri tentent de négocier des ententes de services avec les divers centres hospitaliers, le pouvoir de l'institution versus celui du petit organisme est omniprésent. Nous sommes réduits à, négocier avec quelques Indidivus sensibilisés, mais pour l'ensemble des divers intervenants la sectorisation, l'agressivité exprimée et une hygiène malsaine sont de bonnes raisons pour de très longues heures d'attente dans les salles d'urgence et, dans certains cas, d'ignorer la présence même de certains individus.

Il est donc essentiel d'Identifier clairement, dans une nouvelle politique de santé mentale, un partenariat clair et fonctionnel entre tes institutions et les organismes communautaires. Une politique de santé mentale ne peut être isolée d'une politique sur l'aide sociale, d'une politique familiale ou d'une politique sur la réforme fiscale canadienne. Le manque d'argent, la difficulté de se loger convenablement et à prix abordable et le manque de ressources contribuent fortement à une faible Intégration des malades mentaux dans nos communautés et assurent même l'usage chronique de médicaments et de salles d'urgence.

Une politique d'aide sociale qui sous-entend qu'une partie Importante de la population peut survivre avec 476 $ - maintenant 487 $ - par mois et être saine de corps et d'esprit ainsi qu'une politique familiale qui impose de plus en plus aux familles le soin des enfants, des aînés et des malades sans leur offrir le soutien approprié et, finalement, la réforme fédérale de la

fiscalité qui n'enrichira pas les plus démunis sont toutes des politiques isolées qui pourront Influencer directement ou indirectement la santé mentale de plusieurs.

Une politique de santé mentale, dans le cadre d'une prochaine phase importante de désinstitutionnalisation à venir ainsi que de nombreux malades mentaux ne recevant déjà pas les services requis pour leur assurer un standard de vie minimal, devra encourager fortement le soutien et le développement de ressources communautaires. Ces réseaux communautaires devront être orientés vers le maintien actif des malades mentaux dans les communautés en offrant, d'une part, du soutien aux individus malades et à leur famille, mais également diverses formes de logements supervisés à prix abordable, salubres et sécuritaires.

Des services axés sur la survie quotidienne, l'évaluation personnelle et l'estime de soi sont essentiels pour une population qui a longtemps cherché refuge dans la folie. Si nous croyons, en tant que société, que la santé est un droit et non un privilège, nous nous devons donc d'outiller tous les citoyens et citoyennes afin que l'on puisse tous vivre nos moments de fragilité et de vulnérabilité en dignité et avec respect. C'est tout.

Le Président (M. Baril): Merci, madame. Une voix: Trois heures d'autobus pour cela.

"Mme Demers-Godley: C'est vrai, c'est parce que je trouvais cela important Cela fait longtemps que je traîne les rues avec les itinérants et les itinérantes et je trouvais cela important de faire le point sur les difficultés d'accès aux services Institutionnels. Je peux être sympathique à l'Ordre des infirmières et infirmiers, je peux être sympathique aux travailleurs sociaux, aux psychiatres et aux médecins, mais en même temps, comme je vis de l'autre côté de la clôture quotidiennement, avec une population économiquement défavorisée et avec de gros besoins... Et aussi, depuis quelques mois, je travaille dans un centre de crise, je comprends plus de choses que Je ne comprenais peut-être pas nécessairement, ou que je ne voulais peut-être pas comprendre parce que la santé mentale, c'est quand même un gouffre sans issue et sans fin. Je trouve important qu'on puisse connaître les difficultés de chaque secteur d'activité, si on peut parler ainsi, mais, pour moi, c'est évident que la pire chose qu'on puisse souhaiter à son pire ennemi, c'est de tomber malade et d'avoir un problème de santé mentale. C'est évident quotidiennement, et c'est encore plus évident pour les itinérants et les itinérantes.

Maintenant, ce qui arrive et ce qui n'arrivait pas nécessairement il y a un an - comme vous le savez, c'était l'année des sans-abris - la situation est rendue assez grave que les policiers, quand ils ramassent les itinérants qu'ils identifient comme fous, ne prennent même plus le temps de les amener à l'urgence, ils les amènent directement au centre de détention et ils sont "judiciarisés" pour quinze jours, trois semaines ou un mois. Leur seul crime, c'est d'être fous. C'est ça leur crime.

Alors, on commence à avoir des difficultés avec ça à Montréal. Avant, on avait des difficultés avec les alcooliques et les toxicomanes qui étaient "judiciarisés" sans raison et, maintenant, on a une nouvelle "gang* de gens qui sont "judiciarisés" sans raison, ce sont tes malades mentaux. Et ce sont de sérieuses préoccupations que nous avons.

Le Président (M. Baril): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie du témoignage que vous venez nous porter. Je voudrais immédiatement vous demander quels sont, d'après vous, les obstacles concrets qui empêchent les itinérants de recevoir les services psychiatriques qui existent dans les établissements. Dans le fond, votre demande, dans la première lettre que nous avions reçue, c'était vraiment que nous pensions à l'accessibilité et aux services reconnus pour la population Itinérante. Quels sont les obstacles concrets actuellement qui empêchent les itinérants dont vous venez de nous parler de se prévaloir des services?

Mme Beaudoin (Carmen): Au chapitre des services psychiatriques, quant à l'accès aux urgences ou aux services psychiatriques dans les centres hospitaliers, le problème majeur, c'est d'être sans adresse parce qu'au plan de la sectorisation, c'est selon l'adresse de la personne qui se présente. Alors, c'est effectivement un facteur Important quand vous n'avez pas d'adresse et que vous devez circuler dans trois, quatre centres hospitaliers pour réussir, pour qu'à un moment donné quelqu'un d'aimable dise: Oui, d'accord, je vais recevoir cette personne-là, je vais essayer d'évaluer ce dont elle a besoin. Au chapitre des services psychiatriques, c'est le problème majeur.

Si on parie de la santé mentale au sens plus large, on peut parier du manque d'accessibilité à des logements salubres, comme on le disait tantôt, ou au peu de fois où on réussit à avoir des logements salubres pour ces personnes-là. Il n'y a personne pour aller les visiter, les aider à administrer leurs chèques, les aider à faire l'épicerie. les aider à se débrouiller avec un propriétaire qui peut essayer de leur faire payer deux fois le loyer du mois parce qu'il s'aperçoit que la personne a des problèmes de santé mentale et qu'elle oublie, etc. Ce sont deux des difficultés majeures.

Le Président (M. Baril): Madame, je m'excuse, pour les fins du Journal des débats, pourriez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

Mme Beaudoîn: Je suis Carmen Beaudoin. Je travaille au centre de réadaptation Préfontaine.

Le Président (M. Baril): Merci, madame.

Mme Lavoie-Roux: Le projet de politique de santé mentale propose de travailler avec des organismes comme le vôtre qui se préoccupent des itinérants. Est-ce que cela vous semble réaliste? Il semble y avoir, de la façon dont vous avez décrit les choses, un tel fossé entre ce qu'on appelle le réseau plus officiel, entre guillemets, et des organismes communautaires comme le vôtre qu'on se demande, même si le projet de politique souhaite ou propose, si cela vous semble réaliste qu'on puisse coordonner des efforts d'une meilleure façon de telle sorte que - dans le moment, II ne semble pas y avoir de services disponibles - on puisse les rendre disponibles à ces personnes,

Mme Beaudoin: Concernant la politique qui est proposée, on peut difficilement être contre la vertu. Tout le monde est pour le partenariat dans le sens de l'objectif visé, mais, concrètement, comme je vous le disais tantôt... Quand vous devez attendre des heures dans une salle d'urgence avec une personne Itinérante, que vous avez calculé qu'il y a cinq personnes avant vous, que vous êtes censée être la sixième et que vous vous apercevez que vous êtes la quinzième - même, parfois, cela va jusqu'à vingt - avant qu'on vous fasse passer parce que la personne que vous accompagnez n'est pas, je dirais, présentable - tantôt, on parlait des soins d'hygiène - qu'elle crie ou qu'elle est en état d'ébriété, quand on vit concrètement cette situation, quand on la vit quotidiennement et qu'on parcourt, qu'on lit, qu'on prend connaissance du rapport Harnois, du projet de politique de santé mentale, on ne peut s'empêcher, comme on le disait tantôt, de considérer cela comme de la science - fiction. (23 heures)

Mme Lavoie-Roux: Au centre Préfontaine, vous avez ouvert pour les femmes itinérantes, au cours de la dernière année, un certain nombre de lits pour les accueillir directement, pour s'occuper de leur problème d'alcoolisme et aussi de toxicomanie. Est-ce que c'est ce genre de ressources très spécialisées... On n'est quand même pas pour commencer à faire des ressources en santé mentale pour tes itinérants ou est-ce qu'on le devrait? Est-ce que l'expérience que vous avez présentement avec l'alcoolisme et la toxicomanie vous semble être une formule mieux adaptée aux itinérants et qui pourrait aussi être une formule mieux adaptée aux itinérants dans le domaine de la santé mentale?

Mme Beaudoin: D'accord. Pour ce qui est du centre Préfontaine, je veux préciser que ce n'est pas un organisme communautaire, c'est entière- ment subventionné par le ministère de la Santé et des Services sociaux. La mise sur pied de services en alcoolisme et toxicomanie pour les femmes itinérantes répond aux besoins dans le sens que, chez nous, on accepte ces femmes telles qu'elles sont, alors qu'ailleurs, souvent, parce qu'elles ne s'insèrent pas dans le milieu où elles vont solliciter de l'aide, parce qu'elles crient, pour toute une série de facteurs, cela fait en sorte qu'elles sont refusées.

Cela fait un peu plus d'un an qu'on fonctionne et, d'ici à trois semaines, on va pouvoir recevoir 18 femmes simultanément. L'expérience nous démontre que ce genre de services répond à une partie des besoins de la population itinérante, sauf qu'il y a d'autres types de services qu'on n'est pas en mesure de leur offrir et que les ressources dites privées, les autres ressources du réseau d'aide ne peuvent pas présentement leur offrir. On parle, entre autres, de toute la question des appartements supervisés et des logements salubres. Une femme ou un homme qui vient au centre Préfontaine, qui fait un dégrisement, un sevrage et qu'on essaie de réorienter par la suite, lorsque cette personne retourne, comme on dit, soit dans le milieu de l'itinérance ou dans un autre milieu, elle se retrouve dans une chambre où ses seules compagnes, finalement, ce sont les coquerelles. Cela fait en sorte que c'est très fragile et la personne a vraiment tendance à se décourager et à redevenir aussi démoralisée qu'elle l'était auparavant.

Alors, ce soutien, cet accès à des logements salubres, le soutien communautaire dont ces personnes ont besoin par la suite, c'est quelque chose qui manque énormément, présentement, à Montréal.

Mme Lavoie-Roux: Les centres de crise n'ont pas été ouverts pour les itinérants en particulier, ils ont été ouverts pour...

Mme Demers-Godley: La population en général.

Mme Lavoie-Roux: ...le désengorgement des urgences.

Mme Demers-Godley: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Mais j'Imagine qu'il doit y avoir un certain nombre d'itinérants qu'on vous amène ou qui s'y adressent. Est-ce que cela semble être une meilleure réponse pour eux?

Mme Demers-Godley: Le centre de crise que je dirige, c'est le centre de crise SOUDAV, qui couvre la région centre-est et qui a les hôpitaux Hôtel-Dieu, Saint-Luc, Notre-Dame et Sacré-Coeur; ce sont les spécialistes pour recevoir la population Itinérante. Jusqu'à présent, la population qu'on reçoit, c'est 50-50. On a les itinérants qui ont été psychlatrisés en situation de crise, amenés à l'urgence et référés au centre de crise.

Une des frustrations que l'on a, c'est qu'on offre huit lits d'hébergement temporaire et douze places en appartement ou en chambre supervisée dans la communauté, avec des agents de quartier, pour une période de temps parce que l'Intervention de crise, cela se situe dans un laps de temps. Alors, on donne un laps de temps de trois mois et trois semaines. Mais notre conflit ou notre crise existentielle, c'est: Qu'est-ce qui arrive après les trois mois et trois semaines? C'est entendu que notre travail, concrètement, c'est de référer ces gens-là, de trouver le soutien approprié dans la communauté par les CLSC, les cliniques externes ou les programmes communautaires existants. Il y a beaucoup de demandes et très peu de ressources.

Une des populations les plus difficiles... La petite madame qui est desservie par l'hôpital Jean-Talon et qui vient au centre de crise, on n'a pas de difficulté à lui trouver des services dans la communauté après, parce que l'équipe de l'hôpital Jean-Talon, les travailleurs sociaux, la clinique externe, ils vont la reprendre. Mais pour l'itinérant bien connu, bien étiqueté des urgences et des cliniques externes, qui vient faire un séjour au centre de crise, c'est très difficile. Ce sont de longues négociations: Qui va reprendre cette personne une fois qu'elle est au centre de crise?

Maintenant, notre réflexe, c'est de dire à l'Infirmière, au psychiatre, au médecin ou à qui que ce soit qui nous appelle: "D'accord, on va la prendre, mais quelles sont vos attentes à vous, du centre hospitalier? Qu'est-ce qui va arriver pendant que cette personne est au centre de crise, en termes de suivi? Et après le centre de crise? C'est comme une police... C'est une garantie. Tu achètes un "muffler", tu demandes ta garantie pour cinq ans. On est quasiment rendu à demander des garanties. Sinon, on sait fort bien qu'après te centre de crise, cela devient un autre maillon dans la porte tournante et, idéologiquement, je ne peux pas blairer cela. Alors, pour nous, il est important de savoir: Oui, on prend la personne, on travaille, on fait un bout de chemin avec elle, mais qu'est-ce qui lui arrive et, à long terme, qui peut empêcher qu'elle soit hospitalisée Inutilement et qu'elle continue à se faire embarquer par la police ou ramener à l'urgence?

Mme Lavoie-Roux: Si je comprends bien, le centre de crise est un commencement de réponse mais pas la réponse totale.

Mme Demers-Godley: Ce n'est pas la réponse totale parce que les gens ont besoin d'être supervisés à long terme. Les schizophrènes qui traînent à La Maison du père pendant cinq ans. ce n'est pas la ressource appropriée, n'est-ce pas?

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Baril): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Voulez-vous m'expliquer concrètement le type de négociation - j'ai mal saisi la réponse que vous avez donnée à Mme la ministre - que vous devez faire avec le centre de crise au moment où vous arrivez avec un itinérant?

Mme Lavoie-Roux: C'est avec l'hôpital qu'ils font la négociation.

M. Chevrette: C'est avec l'hôpital même. C'est parce qu'ils ne veulent pas en hériter.

Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire...

M. Chevrette: Ou pour un laps de temps fixe?

Mme Demers-Godley: C'est cela. L'hôpital nous appelle, d'ailleurs. J'ai trouvé cela... Lès gens de l'urgence psychiatrique ou de la clinique externe nous appellent pour nous dire: Nous avons une personne en situation de crise. Est-ce que vous voulez la prendre? Là, selon la situation de la personne, c'est oui ou non. SI nous prenons la personne - en général, nous acceptons presque toutes les personnes qui nous sont référées - ce que nous voulons savoir, c'est comment la personne va être suivie dans la communauté.

L'intervention en situation de crise, c'est dans une période de temps limitée, ce n'est pas à vie. Ce n'est pas une maison de convalescence ou un centre d'accueil, c'est un centre de crise. Dans le cas du milieu de l'itinérance, les fameux exemples de "dumping"... Finalement, on nous reproche d'avoir une formule exhaustive. On nous reproche de demander de l'information. Je dis: On voudrait bien avoir le nom de la personne et son âge, quel est son problème, son diagnostic, son traitement. Est-ce que vous la connaissez ou si vous ne la connaissez pas? Est-ce qu'elle a eu des antécédents psychiatriques ou si elle n'en a pas eu? Nous sommes très occupés. Cela prend du temps, répondre à des questions. Je dis: Oui, mais écoutez là, vous nous demandez de prendre en charge une personne. Cette personne est supposée nous faire confiance à nous, de purs étrangers. Voyons donc! Il faut au moins savoir certaines choses sur cette personne.

Lorsqu'on parle du rapport de forces entre les organismes communautaires et les institutions, l'hôpital, l'urgence psychiatre, la clinique externe et une nouvelle ressource communautaire ou des ressources communautaires avec des moyens limités, il ne faut pas être naif: on sait tout ce que cela veut dire en termes d'énergie, de temps et aussi de crédibilité. On se l'est fait dire. Les centres de crise et les organismes communautaires peuvent survivre dans la mesure où les hôpitaux daignent s'y référer et utiliser ces

ressources.

Mme Beaudoin: Pour apporter une précision, nos contacts avec, entre autres, certains centres hospitaliers, cela devient des contacts d'individu à Individu, Vous souhaitez que, le jour où vous aurez à référer quelqu'un, ce soit telle Infirmière ou tel travailleur social ou que ce soit tel psychiatre; sinon, vous savez que, si certaines personnes sont moins réceptives aux personnes itinérantes, vous risquez de ne pas pouvoir avoir de services. Dans ce sens, cela devient des contacts personnels qu'on privilégie. On n'ose pratiquement pas se dire les noms entre nous, de peur de se tes faire voler et qu'ils ne puissent accepter les gens qu'on leur réfère. C'est un peu le contexte.

Mme Demers-Godley: On ne veut pas les brûler non plus. Combien de cas d'itinérants, de schizophrènes ou de paranoïaques un psychiatre ou un travailleur social peut-il prendre? C'est une autre réalité. Nous sommes très conscients que... C'est cela que, finalement, nous trouvons déplorable. Nous essayons de négocier des ententes de services pour gagner du temps, c'est vrai, et en même temps pour donner un bon service à notre clientèle. Nous sommes toujours réduits à des contacts personnels.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez une idée du nombre d'itinérants atteints de maladie mentale? Le nombre d'itinérants, pour Montréal, on semble en avoir plusieurs milliers mais, en ce qui concerne la santé mentale, est-ce que. vous avez des chiffres?

Mme Demers-Godley: Nous Identifions tes personnes itinérantes ou sans abri, les personnes qui n'ont pas de logement permanent pour les 60 prochains jours. Ce peuvent être des personnes qui sont dans des logements dont les conditions sont tellement insalubres, inacceptables qu'on sait qu'elles vont être dehors la semaine prochaine. Il y a les personnes qui utilisent les ressources actuellement et il y a les personnes qui sont dans la rue aussi actuellement. Nous identifions 10 000 personnes. Il n'y a pas 10 000 personnes qui se promènent avec des sacs verts, mais il y a 10 000 personnes qui vivent dans un état tellement détérioré et qui utilisent régulièrement les services. Nous parlions de 3000 à 4000 femmes.

Personnellement, quand je travaillais à la maison Chez Doris, pendant quatre ans, j'en ai connu personnellement 2000. Alors, quand je marchais sur la rue Sainte-Catherine, de la rue Atwater jusqu'à Papineau, c'était facile pour moi de passer deux jours sur la rue parce que je pouvais m'arrêter à tous les coins de rues et identifier une "gang" de femmes que je connaissais. Il est facile de les identifier quand on le veut. Mais cela, c'est le monde qu'on connaît... Je dis toujours que ce ne sont pas les gens que je connais qui m'Inquiètent, mais tous ceux et toutes celtes que je ne connais pas qui sont enfermé entre quatre murs, comme d'ailleurs vous le disiez tout à l'heure, dans les sous-sols, avec les tuyaux qui leur coulent sur la tête, qut vident leur caisse de 24 et qui prennent leurs douze boites de pilules avec des cocktails absolument incroyables et qu'on retrouve, après cela, dans toutes sortes de conditions de fou. C'est ce genre de situations qu'on trouve: des personnes âgées qui ont des gros problèmes de santé mentale, qui sont mal nourries et qui se retrouvent en institution du jour au lendemain, mais qui ont vécu pendant des années sans soins et sans attention.

On a repéré une femme de 64 ans, l'autre jour, qui vivait dans un logement dans l'est de Montréal depuis huit ans et le plancher était de terre. D'accord? Le propriétaire m'a dit: Madame, j'ai honte d'être propriétaire de cela. J'ai dit: Ne me parlez pas comme cela, vous, cela fait huit ans que vous en êtes propriétaire, ne venez pas rire de moi! Vous savez ce que je veux dire. Ce sont des niaiseries de même que tu fais! Et le CLSC du secteur l'avait trouvée autonome. Alors, "checkez" ce que cela veut dire, le fait d'être autonome. Peut-être qu'elle était autonome parce qu'elle n'était pas obligée de passer le balai sur son plancher de terre, je ne le sais pas, mais Je n'ai pas trouvé cela drôle! Quand on l'a reçue au centre de crise, il nous a fallu un mois pour trouver la ressource appropriée pour lui donner son injection afin que la méchante femme n'essaie pas de ta détruire. Un mois! À cause de la sectorisation! Il m'a fallu un moisi

II est très difficile pour moi d'être sympathique à ce que j'appelle des institutions qui viennent se plaindre, finalement. Carmen me disait: Ne te choque pas! J'ai dit: Oui, je vais être polie, gentille et sympathique, mais, en même temps, je suis très consciente de ce qui se passe quotidiennement pour des gens.

Je me suis déjà assise dans une salle d'urgence un vendredi, de 16 heures à minuit, et l'infirmière m'a dit: SI vous n'arrêtez pas, Mme Godley, c'est vous qu'on va interner, ce n'est pas votre cliente! Là, je n'en pouvais plus; moi aussi, j'étais en train de devenir folle! J'ai dit: Écoutez, vous allez la traiter. Elle m'a dit: Non, on ne la traite pas! Alors, finalement, pour me faire taire, elle a dit: D'accord, on va la prendre, vous pouvez vous en aller. Je suis partie, je suis arrivée chez nous à 0 h 45, la fille m'a appelée pour me dire qu'on lui avait donné un billet d'autobus et qu'on lui avait dit: D'accord, va-t-en chez vous. À l'urgence! Et je peux vous nommer l'hôpital!

Ce sont des choses comme celle-là qui nous arrivent et qu'on trouve inacceptables, d'accord? Malgré tout, les itinérants et les itinérantes fument tous, pour la plupart, alors cela veut dire qu'ils paient tous des taxes. En principe, Ils ont droit aux services sociaux et ils ont le droit d'être hospitalisés. Moi, c'est cela que je leur

dis: Vous payez des taxes, vous avez le droit d'avoir des services.

Mme Beaudoin: Je voudrais aussi apporter une précision en regard de la sectorisation. Au début de décembre, l'assemblée des chefs de département de psychiatrie de l'île de Montréal a essayé, lors d'une réunion, de faire consensus sur le fait que, pour une personne qui n'a pas d'adresse fixe, le centre hospitalier qui la reçoit le premier accepte de lui donner un suivi, accepte de l'évaluer. Quand le réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes a reçu cette lettre, je ne vous dirai pas qu'on a fêté pendant une semaine, mais on n'en croyait pas nos yeux.

Mme Demers-Godley: ...on l'a photocopiée. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Beaudoin: Depuis ce temps-là, tout le monde se promène avec sa lettre; je suis même venue à Québec avec ma lettre. On essaie de l'utiliser quand on réfère des gens à des centres hospitaliers. Je peux vous dire qu'on est très content qu'au moins on en soit arrivé à cela, mais je ne peux pas vous dire que cela fonctionne dans la réalité. On arrive à la salle d'urgence et on présente notre lettre. Quelqu'un nous dit: Cela ne me fait rien, mais moi, c'est la sectorisation et cette personne... Quel est son code postal? Elle n'en a pas et, là, vous avez la grosse tentation de lui trouver une adresse, et vite. Là, on me dit: Elle n'a pas d'adresse, je ne peux pas la prendre. C'est cela.

M. Chevrette: Je pense que votre message est assez éloquent pour qu'on...

Mme Demers-Godley: On a passé notre message, merci.

M. Chevrette: En tout cas, en ce qui me concerne, c'est très clair.

Mme Demers-Godley: On a notre commanditaire.

M. Chevrette: Je trouve que vous êtes bien méritoires de travailler dans la conjoncture où les groupes communautaires, les groupes bénévoles, les groupes avec des ressources minimales oeuvrent auprès... Quand vous m'avez parié des Itinérants, tantôt - j'ai lu votre très bref mémoire - je pensais au pouvoir qu'avait ta SPCA...

Mme Demers-Godley: Bien, oui.

M. Chevrette: Je regardais un témoignage qu'il y a eu ici. Si par rapport à un prisonnier, à un criminel, on regarde l'humain qui a le malheur d'être malade, qui est traité, ce n'est quasiment pas acceptable en 1987. Je n'en reviens pas, c'était l'année des sans-abri, à part cela.

Le Président (M. Baril): On vous remercie beaucoup.

Mme Demers-Godley: Oui. Ce n'est rien. C'est moi qui vous remercie.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup, madame.

Le Président (M. Baril): La commission ajourne ses travaux au mercredi 13 janvier, à 10 heures, dans cette salle. On me dit que la ventilation fait défaut encore. Je vous souhaite une bonne journée! Moi, je serai à Rouyn.

(Fin de la séance à 23 h 16)

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