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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Thursday, May 9, 1974 - Vol. 15 N° 38

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales

Séance du jeudi 9 mai 1974

(Dix heures dix-huit minutes)

M. LAFRANCE (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs !

Aide sociale (suite)

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, les semaines passent vite, vu que nous avions ajourné à mardi. Alors, nous recommençons tout de suite l'étude des crédits des Affaires sociales et nous revenons au programme 2. Il y avait deux questions en suspens, l'une par le député de Rouyn-Noranda et l'autre par le député de Saint-Jacques. Le député de Rouyn-Noranda avait la parole lors de l'ajournement d'hier. Alors, M. le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, nous en étions, à l'ajournement d'hier, à discuter des cas très pénibles qui se posent aux familles advenant une séparation de fait. La réglementation, si je m'en rapporte à la réponse que j'ai eue hier, exige que s'écoule un délai de trente jours avant que le ministère puisse venir en aide à la mère de famille dans ces cas de séparation.

Je disais, à l'appui de mon argumentation hier, dans ces cas de séparation de fait, l'époux abandonne simplement le foyer et la mère de famille se retrouve avec des enfants, sans aucun moyen de subsistance. A l'appui de cette argumentation, M. le Président, on peut citer certains exemples, tels que le fait que, dans des cas d'abandon du foyer par l'époux, il se sauve généralement avec tout l'argent disponible, ce qui fait que l'épouse se retrouve sans aucun moyen.

Le ministère exige qui s'écoule un délai de trente jours, suivant les explications qu'on nous a données à certains moments, parce que, si on ne laisse aucun délai s'écouler, il y a risque que ce soit un abandon de foyer plutôt théorique que de fait. Vu qu'il y a un délai de trente jours, évidemment, ça donne plus de temps aux agents du bien-être social pour faire les vérifications et pour s'assurer qu'il n'y a pas de versement d'allocations dans des cas qui ne seraient pas de réels cas de séparation.

Si on considère le sujet de cette façon, bien entendu, plus le délai est long, moins il y aura de risques. Par contre, j'aimerais que l'on considère ce sujet d'une autre façon, c'est-à-dire comme le ministre le laisse souvent entendre, d'une façon humaine. Il peut y avoir 10 p.c. de cas d'abus ou environ, je peux me tromper sur le pourcentage, si c'est 15 p.c, ça ne m'offusquera pas qu'on me le dise. Parce qu'il y a un risque d'abus, nous assistons au fait suivant: Non seulement on pénalise, mais on risque même que des enfants ne reçoivent pas trois repas par jour dans 85 p.c. ou 90 p.c. des cas, parce qu'il y a un risque dans 10 p.c. ou 15 p.c. des cas.

Je crois comprendre, suivant les réponses qu'on nous a données depuis le début de cette commission parlementaire, que la philosophie du ministère vise à aider les gens dans le besoin en sachant à l'avance qu'il y a des risques d'abus ou de fraude. Mais la loi n'est pas faite en fonction d'éviter les abus ou les fraudes, elle est faite en fonction d'aider ceux qui sont dans le besoin, si j'ai bien compris toutes les réponses qui ont été données.

Dans d'autres domaines, les réponses que nous avons eues ont été satisfaisantes parce que nous avons retrouvé cette philosophie. Le ministère, sachant qu'il y a certains risques d'abus, prend ces risques-là; il préfère prendre les risques plutôt que faire souffrir des gens qui ont besoin. Par contre, dans le domaine qui nous intéresse particulièrment, celui qui a été soulevé à la fin de la dernière séance, il ne semble pas que l'on retrouve cette même philosophie. Remarquez bien que je ne veux pas dire par là que le ministère s'acharne contre des personnes dans le besoin dans ces cas-là. Je veux dire que le délai, dont la raison d'être est probablement de tenter d'empêcher des abus, est un délai qui est trop long.

Puisque le ministre — il l'a si souvent déclaré — a le désir de voir s'améliorer l'administration de ses services, de voir améliorer sa loi, sa réglementation — il nous a semblé, à plusieurs occasions, prêt à toute amélioration possible — je crois que nous pouvons nous attendre, aujourd'hui que le ministre nous dise qu'il y aura modification dans ce délai. Je sais qu'à la fin de la dernière séance, il a été dans l'impossibilité de s'engager, mais, depuis hier, il a sûrement dû en discuter avec ses collaborateurs et je m'attends que ce matin il fasse un bout de chemin nous justifiant, quant à nous, de passer à d'autres sujets.

Je veux vous faire remarquer, M. le Président, que le but de refuser, hier, mon consentement à l'adoption du programme 2 n'était pas de bloquer les travaux inutilement. Je pense que cela a permis au ministre de faire certaines consultations, un certain temps s'étant écoulé, et si, au moins, on a un engagement qui nous paraît raisonnable... Je pense que nous aussi, nous avons eu à plusieurs occasions à faire notre effort dans le sens de la collaboration. Je ne sache pas que, du moins depuis le début de la présente commission, ni moi, ni le député de Saint-Jacques, n'ayons tenté de bloquer inutilement les travaux en nous acharnant spécifiquement sur certains sujets. Nous avons, je pense — en tout cas moi, en ce qui me concerne — tenté de discuter ces crédits de la façon la plus

positive possible et avec le désir d'apporter notre coopération à leur étude.

Ce matin, avant de discuter davantage, avant d'aller plus loin, je voudrais demander au ministre s'il n'aurait pas une nouvelle approche de ce sujet. Et, suite à ses commentaires, nous verrons ce qu'il y aura lieu de faire.

M. FORGET: M. le Président, lors de la discussion d'hier sur les mécanismes de dépannage qui sont prévus dans le fonctionnement du régime d'aide sociale, j'ai indiqué que les catégories, qui étaient prévues pour une aide ayant un caractère d'urgence, pouvaient être élargies et pouvaient conduire à un assouplissement de ces règles ou à leur élargissement, au moins de manière que d'autres cas, non anticipés lors de leur première formulation, puissent recevoir l'aide dans les cas où une urgence sociale se manifeste.

Il est donc dans l'esprit de ces remarques d'hier et tout à fait cohérent d'adopter, vis-à-vis de la question que soulève le député de Rouyn-Noranda, la même attitude qui indique en effet certains problèmes réels et non pas factices qui peuvent être provoqués par des séparations subites, de facto, et qu'il serait opportun de réviser les règles administratives qui existent, auxquelles a fait allusion le député, comme, par exemple, cette règle de 30 jours. C'est donc une orientation qu'il nous paraît non seulement possible, mais souhaitable de prendre.

Je remercie d'ailleurs le député de Rouyn-Noranda de nous avoir souligné cet aspect du fonctionnement ou de l'application des règles d'attribution de l'aide sociale. Il est possible, sur ce point, comme je l'indique, d'apporter un élargissement par une modalité qu'il reste à déterminer, mais qui peut prendre plusieurs formes et qui contribuera, de toute façon, à résoudre les problèmes qui viennent de nous être décrits.

Alors, c'est effectivement un engagement, si vous voulez, que l'on peut prendre d'ores et déjà. Je suppose que, devant cette réponse, le député de Rouyn-Noranda n'aura plus aucune hésitation à se joindre à nous dans l'approbation de ce deuxième programme.

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait une question? En attendant que vous ayez changé la réglementation, je prends la parole du ministre, je n'ai pas de raison de ne pas la prendre.

En tout cas, quand j'ai eu à discuter avec lui, dans le passé, et qu'il m'a donné sa parole, il l'a tenue.

Je la prends, mais je voudrais savoir si, d'ici à ce qu'une décision soit prise — parce que j'ai cru comprendre qu'elle ne sera pas prise aujourd'hui — le ministère peut autoriser les bureaux de bien-être social à utiliser la caisse de dépannage pour des cas semblables à celui que j'ai mentionné.

Je crois savoir qu'il y a une différence entre utiliser la caisse de dépannage et inscrire un bénéficiaire sur la liste de paie. M. le Président, je pense que le ministre va comprendre que mon but n'est pas d'obstruer la commission, mais d'en arriver à une solution pratique. Si on maintient le délai de 30 jours, on sait que ce délai de 30 jours permettait aux agents de faire les vérifications, permettait à tout le monde de savoir où on en était et de savoir aussi si la séparation était permanente. Mais, si le ministre acceptait d'autoriser les bureaux à utiliser cette caisse de dépannage, cela voudrait dire que le maximum d'aide possible, dans un cas comme ça, ne serait quand même que l'équivalent d'un mois soutiré de la caisse de dépannage. Si, durant cette période d'un mois, la preuve est faite que le bénéficiaire a abusé de la situation, le ministère serait évidemment justifié de ne pas continuer à verser ces prestations.

M. FORGET: M. le Président, pour répondre à cette question spécifique, il doit d'abord être établi que la décision est effectivement prise, puisque je l'annonce, et que le délai n'est pas considérable pour la rendre effective.

Il y a, cependant, un règlement qui prévoit spécifiquement ce délai et il sera nécessaire de modifier le règlement de manière à permettre un changement dans la façon dont les bénéfices sont accordés.

Cependant, un tel changement peut survenir, comme on le sait, rapidement. Malgré tout ce qu'on en dit maintenant et qui n'est pas dénué de fondement en totalité, c'est peut-être un avantage, malgré tout, de la réglementation que sa rapidité.

M. SAMSON: M. le Président, me serait-il permis d'interrompre le ministre très amicalement pour lui dire que, si c'était dans la loi plutôt que dans la réglementation et soumis à l'Opposition avant que ce soit accepté, peut-être que ça aurait été différent et qu'il n'aurait pas besoin de penser à changer sa réglementation?

M. FORGET: On peut seulement dire que peut-être ce serait différent puisque aucune loi n'est parfaite, comme aucun règlement n'est parfait. Evidemment, il y a le jugement de plusieurs personnes qui est appelé à être porté sur un projet de loi; même si ce ne sont pas les mêmes personnes, c'est également vrai des règlements. Il arrive que des règlements, comme des lois, doivent être modifiés.

Mais nous avons une illustration d'un cas au moins où cette facilité ou cette souplesse de la réglementation peut être avantageuse.

A tout événement, cette modification peut être introduite et ça ne peut prendre que quelques jours effectivement pour obtenir une telle modification. D'ici là, il n'est pas véritablement possible de donner des directives qui aillent à l'encontre des règlements puisque ce serait, comme on le sait, un acte irrégulier, qui

peut cependant être rendu régulier dans des délais très brefs.

M. SAMSON: M. le Président, je suis satisfait de la réponse du ministre.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, nous revenons sur la question du député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Laquelle était restée en suspens.

M. FORGET: Vous aviez exprimé un intérêt à entendre une description peut-être sommaire, puisque l'on pourrait passer plus ou moins de temps à la faire, des opérations de placement ou de revalorisation sociale des bénéficiaires de l'aide sociale.

Je demanderais, à ce sujet, à M. Houde et à ses collaborateurs de nous donner un aperçu des activités qui se sont déroulées dans ce secteur.

En 1973, un comité directeur de l'Opération placement, qui touchait le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre du Québec et le ministère des Affaires sociales, a été mis sur pied pour favoriser le retour au travail des bénéficiaires d'aide sociale.

Le comité directeur, dans son orientation, a préféré développer des liens permanents entre la main-d'oeuvre du Québec et l'aide sociale plutôt que de faire une opération comme telle, une opération assez rapide. Ce sont des mécanismes qui ont été développés entre les deux ministères pour avoir une notation particulière des bénéficiaires de l'aide sociale qui ont un problème d'emploi. On n'a jamais voulu, dans ces liens, toucher à des mesures coercitives, mais nous avons développé les possibilités de ceux qui étaient aptes au retrour au travail, et ceux qui désiraient et pouvaient occuper un emploi, de les orienter vers un travail correspondant à leurs capacités.

Opération placement

M. CHARRON: M. le Président, ma première question sur cette opération, que j'admets bien, comme vient de le signaler le ministre dans sa réponse, est une opération qui n'est pas isolée, mais qui doit faire partie d'une politique d'ensemble. Est-ce que le responsable, au conseil des ministres, est toujours le ministre du Travail ou si c'est le ministre des Affaires sociales?

M. FORGET: Le responsable de la reclassification?

M. CHARRON: En fait, de ce qui avait été annoncé à la fin de 1972, lorsque l'opération a été lancée. C'était, semble-t-il, au niveau des partages politiques, beaucoup plus la responsabilité du ministre du Travail, comme on vient de le signaler, que celle du ministre des Affaires sociales. Est-ce que c'est toujours le ministre du Travail qui est responsable au chapitre politique de cette opération? On avait dit que c'était M. Cournoyer, pour le nommer, qui était en charge du projet, et que M. Frigon, qui était le secrétaire général adjoint du Conseil exécutif, était son bras droit dans cette matière; est-ce que ce sont toujours les mêmes responsables?

M. FORGET: Oui, en effet.

M. CHARRON: Est-ce que le ministère a procédé à un autre — je pense que M. Houde y a fait allusion à une séance précédente — inventaire de la clientèle pour fins de cette opération? Le bilan que nous avions datait d'avril 1972, où on avait analysé en pourcentage qui, des assistés sociaux, étaient aptes au travail, qui n'étaient que légèrement handicapés. Est-ce qu'il y a des chiffres plus récents que ceux que nous avions à cette époque?

M. FORGET: Vous avez entendu, il y a une mise à jour continuelle de ces données.

C'est un inventaire permanent qui existe et nous avons des statistiques mensuelles qui rajustent le pourcentage de ceux qui sont aptes au travail.

L'inventaire est fait sous forme de cartes volantes dans les bureaux, de sorte qu'il est tenu à jour de façon permanente.

M. CHARRON: Sans demander un dépôt aussi exhaustif que le précédent, puisque la mise à jour permet une évaluation mensuelle de cette clientèle, est-ce que la proportion d'aptes au travail, d'employables immédiatement — pour reprendre les classifications sommaires qu'on avait faites en avril 1972 — et de légèrement handicapés, qui totalisaient quelque chose comme 73,000 ou 74,000, peut-être un peu plus, 75,000, allons jusque-là, soit 2.9 p.c. de la clientèle, 3 p.c. de la clientèle pouvant être directement concernée par l'Opération placement, est-ce que cette proportion, dis-je, a grossi ou diminué?

M. FORGET: Elle a diminué? M. CHARRON: Oui.

M. FORGET: La proportion a diminué. Nous avions, si vous permettez, M. le Président, au 1er juin 1973, comme employables grade 1, selon notre classification — nous avons sept degrés d'employabilité — 2.79 p.c...

M. CHARRON: Est-ce que je peux vous demander de reprendre cette statistique?

M. FORGET: Oui. Au 1er juin 1973, au premier grade d'employabilité, nous avions 5,037 bénéficiaires, donc 2.79 p.c. de toute la clientèle

apte au travail de classe 1 et, au 1er mars 1974, 4,394, pour un pourcentage de 2.54 p.c.

M. CHARRON: Un simple commentaire avant de poursuivre sur cette analyse. Je me souviens très bien de la réponse de M. Castonguay, à l'époque où le premier bilan était apparu au moment du lancement de l'opération, qui disait de cette affirmation gratuite et souvent malhonnête à l'égard des bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale les qualifiant de paresseux, de profiteurs ou de dépendants, que cette statistique qui avait alors été déposée, la première que nous ayons connue, mentait littéralement et faisait mentir ces gens, car on découvrait que, de toute la proportion de bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale, c'était à peine à l'époque 2.9 p.c, disons environ 3 p.c. de la clientèle qui, sans dire que c'était 3 p.c. de paresseux, auraient pu travailler si l'occasion leur en avait été donnée et qu'effectivement la grande majorité des bénéficiaires de l'aide sociale ne peuvent pas travailler et se trouvent dans des situations où ils ne le pourraient pas, physiquement ou pour toute autre raison.

Or, les nouveaux chiffres que nous avons ce matin sur la diminution de ce pourcentage ne font, à mon avis, que confirmer ce que le prédécesseur du ministre des Affaires sociales avait affirmé: c'est qu'on a encore moins raison de faire porter sur l'ensemble des bénéficiaires cette accusation puisque, effectivement, le nombre de gens aptes à travailler est encore moindre, en proportion, qu'il y a quelques mois et que ça ne veut pas dire, même si cette proportion est infime, que toute cette proportion est faite de gens qui s'accrochent au bien-être social ou vivent aux dépens du bien-être social. Peut-être que certaines de ces personnes n'attendent qu'une occasion de placement pour réintégrer le circuit économique du travail.

C'est une statistique importante qui nous permet de continuer avec quelques questions.

On avait fait mention des programmes de recyclage et on prévoyait, nous avait-on dit, je crois, l'année dernière, que de 5,000 à 10,000 personnes pourraient se prévaloir de ces programmes de recyclage. Quelle est la statistique actuelle? Combien de gens se sont prévalus des programmes de recyclage de l'opération placement?

M. FORGET: M. le Président, vous me permettrez ici de faire une correction sur les objectifs que nous avions. Nos objectifs étaient, dans une première année, de placer 5,000 bénéficiaires d'aide sociale et, en formation professionnelle ou en recyclage, d'en placer 1,000. Après neuf mois d'activité de l'opération placement, nous avons effectivement placé 5,126 bénéficiaires d'aide sociale sur un emploi permanent. En formation, malheureusement, nous n'avons pas atteint notre objectif de 1,000; nous en avons placé 461. C'est surtout à cause des périodes pour placer, en formation, les bénéficiaires; ce sont des périodes bien précises.

M. CHARRON: Qu'est-ce que vous appelez en formation?

M. FORGET: En formation professionnelle surtout et il y a aussi, pour les adultes, la formation de base, lorsque la scolarité est nécessaire.

M. CHARRON: C'est-à-dire que ces gens-là, effectivement, ne travaillent pas, ne sont pas réintégrés sur le circuit du travail. Ils sont en formation...

M. FORGET: C'est cela.

M. CHARRON: ... en vue d'avoir un travail par la suite.

M. FORGET: C'est cela.

M. CHARRON: Et du temps où ils sont sur cette formation ou ce recyclage, ils ne sont plus dépendants de la Loi de l'aide sociale, mais ils sont plutôt bénéficiaires des ententes sur la formation professionnelle; est-ce exact?

M. FORGET: C'est cela.

M. CHARRON: Ils sont 461, actuellement?

M. FORGET: Oui.

M. CHARRON: A propos de cette classification, justement, des aptes au travail et des inaptes au travail, est-ce qu'on peut avoir des statistiques? Parmi ces gens classifiés aptes au travail, dans combien de cas s'agit-il de familles monoparentales, comme on a l'habitude de les appeler? c'est-à-dire qu'une mère de famille, par exemple, une femme seule, comme les cas que mentionnait le député de Rouyn-Noranda dans la précédente question, pourrait être considérée comme apte au travail, mais, du fait qu'elle est seule et qu'elle a l'éducation d'enfants à assurer, on peut difficilement lui demander, même si physiquement elle est en parfaite santé et peut-être même techniquement préparée à occuper un certain emploi, d'abandonner l'éducation de ses enfants et de retourner au travail.

M. FORGET: Ces statistiques ne sont pas vraiment disponibles, M. le Président, pour une raison fondamentale, c'est que nous pensons que, si notre action doit se retourner vers des services à offrir à la clientèle, il nous faut une meilleure connaissance de la clientèle. J'ai demandé à mes gens, avec les gens de la planification, de développer un modèle d'analyse plus nuancé qui tiendra compte justement de ce genre de facteurs, dont les degrés d'aptitude

et d'inaptitude, de façon que, d'ici l'an prochain, nous ayons une meilleure orientation.

Il ne faut pas oublier, évidemment, que ce projet est quand même récent. Une deuxième dimension est qu'il faut aussi éviter l'écueil de voir, dans l'opération placement, un placement à tout prix. Cela n'aura de sens que si nous la voyons dans l'optique d'un service qu'on peut offrir aux clients, d'une meilleure gamme de choix auxquels ils peuvent accéder librement. C'est la philosophie que, jusqu'ici, nous avons suivie.

Pour raffiner le degré de choix ou le degré de services, il est évident que cela passe par une analyse de clientèle, que le ministre d'ailleurs m'avait demandée, dès son arrivée, et qui est en voie d'élaboration.

M. CHARRON: Maintenant, pour les mécanismes de liaison de cette opération, si le ministre me permet de poursuivre sur cette question, on nous avait dit, l'année dernière, que cinq régions sur les dix régions économiques connues du Québec étaient couvertes par l'opération. Est-ce que l'ensemble du Québec est maintenant couvert ou si ce sont toujours les mêmes régions?

M. FORGET: L'ensemble du Québec est actuellement couvert. Cependant, il y a quelques endroits où les services d'un agent de main-d'oeuvre du Québec ne peuvent être assurés en permanence. Mais l'ensemble des régions est couvert par les services de valorisation et de retour au travail.

M. CHARRON: Dans la banque de projets, on avait prévu, je crois, la somme de $5 millions, c'est exact?

M. FORGET: Oui.

M. CHARRON: Actuellement, si je retrouve le chiffre du programme que nous sommes à discuter... Ce n'est pas ici qu'on va le retrouver, mais au ministère des Finances, je crois.

M. FORGET: Oui.

M. CHARRON: Est-ce que le même montant est encore prévu pour cette année?

M. FORGET: C'est le même montant qui est prévu, c'est $3 millions qui sont prévus pour cette année. Est-ce que cela ne figure pas comme élément distinct, ces $5 millions.

M. CHARRON: Au ministère des Finances.

M. FORGET: Le budget est à l'autre ministère.

Le budget n'est pas dans ça.

Je me demandais si cela figurait dans ça.

Ce n'est pas dans notre budget.

M. CHARRON: Si vous me permettez, je ne veux pas faire d'irrégularités administratives non plus, mais en jetant un coup d'oeil sur le budget du ministère des Finances, on voit que, pour 1974/75, tout crédit pour la réalisation de projets favorisant l'emploi de bénéficiaires d'aide sociale et d'étudiants pourra augmenter, avec l'approbation du Conseil du trésor. Je crois que c'est ce dont nous parlons actuellement. Il est de $5 millions pour 1974/75. Donc, il y aurait $3 millions de ces $5 millions au programme que nous sommes à discuter; l'opération placement et les autres $2 millions seraient pour l'emploi d'étudiants. Peut-être que je dois poser la question au ministère des Finances, bien sûr, mais j'essaie auparavant d'obtenir une information. Vous dites que, cette année, c'est $3 millions que le ministère des Finances aura à assurer pour ce programme?

M. FORGET: C'est l'information que j'ai eue.

M. CHARRON: L'année dernière, en 1973/74, si je regarde encore une fois le bilan du ministère des Finances, la somme effectivement dépensée avait été de $8,865,070 et encore une fois pour les deux programmes: placement de bénéficiaires d'aide sociale et placement d'étudiants. De cette somme de $8,865,070, combien effectivement ont été strictement pour les bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale?

M. FORGET: L'an dernier, $5 millions ont été engagés dans opération placement. Maintenant, les $5 millions n'ont pas été dépensés comme tels. Il y a eu un programme de $1 million pour le ministère de l'Agriculture qui a été plus ou moins touché, parce qu'il a été approuvé un peu tard dans l'année 1973, pour les récoltes et tout. Maintenant, le reste, $4 millions, a été effectivement engagé dans des programmes de projets.

M. CHARRON: De ces $4 millions, quelle proportion ou quel montant, si vous l'avez en tête, est allé au secteur des Terres et Forêts, ou une partie d'opérations dans certaines régions du Québec?

M. FORGET: $350,000 au projet MIDER. M. CHARRON: Trois cent...? M. FORGET: $350,000.

M. CHARRON: $350,000. Dans quelle région en particulier ces projets de Terres et Forêts?

M. FORGET: Sur la Côte-Nord. M. CHARRON: Côte-Nord. M. FORGET: Oui.

M. CHARRON: N'y avait-il pas en même temps des opérations de ce genre dans la région du bas du fleuve? Dans le cadre de l'Opération dignité, comme on la connaît maintenant, est-ce que la réponse gouvernementale n'avait pas été, à même les fonds là-dessus, un appui à certaines régions, la région de M. le président et d'autres du bas du fleuve?

M. FORGET: Le seul projet qui a été présenté par le ministère des Terres et Forêts a été le projet MIDER sur la Côte-Nord. C'est le seul projet qui a été accepté au niveau de l'opération placement, pour $350,000. Maintenant, cela était une composante de deux autres volets. Il y avait trois programmes. Les deux autres vont être soumis incessamment.

M. CHARRON: Alors, dans quel autre secteur en particulier a-t-on utilisé cet argent, si on le prend sur l'organigramme du gouvernement du Québec, c'est-à-dire $350,000 dans les Terres et Forêts pour recycler, dans le circuit du travail, des bénéficiaires de l'aide sociale? Les autres allaient dans quel domaine en particulier? L'industrie?

M. FORGET: II y en a eu surtout dans le domaine de l'agriculture et de la petite industrie, pas l'industrie comme telle, mais disons l'aspect artisanal, coopératif. Il y a eu aussi $2 millions aux Travaux publics.

M. CHARRON: Ah oui! Les Travaux publics, c'est exact.

Lorsque l'opération s'introduit dans le monde de la petite entreprise, par exemple, pour recycler les travailleurs de l'aide sociale, est-ce que cela s'accompagne d'une subvention ou d'un appui à la petite industrie en question pour employer ces gens, en plus?

M. FORGET: II n'y a pas eu de programme du genre de présenté.

D'ailleurs, cela n'a pas cette dimension encore. C'est vraiment de quelques projets qu'on parle, où c'est très expérimental et sur lesquels il faudra d'ailleurs se repencher, je pense, personnellement.

M. CHARRON: L'année dernière, on avait aussi abordé le fait que les coûts de cette opération placement étaient totalement assumés par le gouvernement du Québec et qu'ils n'étaient absolument pas partagés avec le gouvernement fédéral en vertu du régime canadien d'assistance publique.

Est-ce que c'est toujours le cas? Est-ce qu'on a essayé d'aller chercher de nos taxes et de nos impôts au gouvernement central pour obtenir une participation qui permettrait d'augmenter les crédits de cette opération et ainsi la faciliter? Ou est-ce encore totalement assumé par le Québec?

M. FORGET: L'opération placement, com- me telle, est totalement assumée par le Québec. Maintenant, au point de vue de l'emploi, il y a aussi beaucoup d'autres initiatives qui sont prises et qui ne sont pas reliées à l'opération placement. Il y a un certain nombre, par exemple, d'ateliers protégés qui ont été financés directement par les programmes fédéraux d'Initiatives locales, d'autres directement par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration du gouvernement fédéral, après entente avec le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre ici, à Québec.

J'ai eu, personnellement, l'occasion de rencontrer, la semaine dernière, les gens du ministère de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration au niveau du gouvernement fédéral. Il y a des projets. Le gouvernement fédéral veut collaborer avec les provinces pour tenter d'améliorer les occasions d'emploi pour les personnes...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Excusez-moi. Je demanderais à M. Houde, s'il a à parler à nouveau, de s'approcher du microphone.

M. CHARRON: Pour passer à l'histoire!

M. FORGET: ... pour tenter d'augmenter la disponibilité de travail pour les personnes défavorisées, que ce soit celles sur l'aide sociale ou encore les handicapés physiques et mentaux, et d'élaborer avec elles des programmes.

A ce moment-là, il y aura des discussions sur le partage des coûts. Cela ne relève pas du régime d'assistance publique. Cela relèverait directement du ministère de la Main-d'Oeuvre.

M. CHARRON: Fédéral.

M. FORGET: Fédéral. Les ententes doivent se faire avec l'accord du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre du Québec et nous sommes impliqués parce que cela touche des clientèles communes, si vous voulez.

M. CHARRON: M. le Président, le ministre vient de faire allusion à la participation indirecte, je dirais, qu'ont eue, dans ce genre d'opération placement ou dans la réintégration des bénéficiaires de l'aide sociale dans le circuit du travail, les initiatives fédérales, les Initiatives locales, par exemple. Il va sans dire que plusieurs des personnes qui s'inscrivaient à la création d'un Projet d'Initiatives locales —j'ai des exemples concrets du comté que je représente, où cela s'est produit — qui sollicitaient un projet et qui le voyaient approuvé pour une durée X, étaient effectivement, jusqu'alors ou des bénéficiaires de l'assurance-chômage, ou des bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale du Québec. Ils profitaient d'une initiative fédérale, si vous voulez, pour se réintégrer là-dedans.

Les critiques étaient vives, je pense, de la part des milieux québécois à ce genre de programmes, parce qu'ils n'avaient qu'une durée X et que, par la suite, sans que le Québec ait eu un contrôle et une possibilité de planifica-

tion, à l'expiration de ces Projets d'Initiatives locales, il se pouvait fort bien que toutes les personnes qui avaient "végété" dans ce genre de projets se retrouvent à nouveau, sans que le Québec ait pu faire quoi que ce soit pour les réintégrer de façon définitive dans le circuit du travail, par une formation professionnelle ou autre, sur la liste des bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale.

J'imagine que ce n'est pas sans causer de problèmes. J'aimerais peut-être obtenir, sur ce genre de difficultés de planification du fait que deux têtes gouvernementales s'ingèrent dans la planification, les commentaires du ministre sur ce qu'il entend faire avec cette situation et savoir comment le gouvernement du Québec s'en est tiré, en fin de compte.

M. FORGET: M. le Président, j'aimerais profiter de la question qui m'est posée pour revenir un peu en arrière, aussi, et relever les commentaires qu'a faits le député de Saint-Jacques. Ils méritent d'être soulignés, parce qu'ils vont tout à fait dans le sens de nos préoccupations et, je pense, des préoccupations de tous les membres de cette commission. Ce sont les remarques qu'il a faites relativement à la perception et aux opinions qui sont parfois exprimées sur le caractère de la clientèle de l'aide sociale. Il a parlé des préjugés qui existent relativement à cette clientèle, préjugés défavorables qu'il a condamnés et qu'il a reliés à des indications statistiques sur la clientèle qui montrent clairement que de tels préjugés ne sont rien d'autre que des préjugés et qu'ils doivent être combattus.

C'est aussi notre avis qu'il y a une perception des bénéficiaires de l'aide sociale qui leur est préjudiciable, qui est même préjudiciable, parfois, à leur possibilité de réintégration dans des milieux de vie plus normaux que l'aide sociale et qu'il est important de combattre. Nous sommes d'autant plus heureux, donc, de voir que les statistiques donnent raison à l'opinion que nous en avons nous-mêmes et que partage le député de Saint-Jacques. Dans le but de sensibiliser le public en général à ces données, à ces réalités, nous avons envisagé, pour cette année, un programme d'information, des activités d'information dont le but est de modifier — c'est un processus difficile que de modifier des perceptions qui sont répandues dans le public, mais nous voulons les modifier malgré tout, dans la mesure de nos moyens — de telles perceptions.

Il nous semble qu'il y ait à cela des avantages multiples. Il y a l'avantage immense que ces gens sont dans des situations parfois inextricables et qu'ils ont le droit de ne pas voir ces opinions répandues sur leur compte, alors qu'elles les frappent injustement.

Mais ils ont également le droit de compter que la société ne se ferme pas à leur égard et que, particulièrement eu égard à des possibilités d'emploi, il n'y ait pas de ces discriminations qui les visent plus ou moins ouvertement.

D'ailleurs, une statistique qui est complète — celle qui a été fournie — indique le même phénomène puisque si l'on va à l'autre extrême dans la classification de la clientèle, c'est-à-dire les dépendants, on remarque que les non aptes à un retour au travail, ceux qui sont à l'autre extrême, à titre de dépendants, mais pour lesquels aucune espèce de question ne se pose, ont vu leur proportion augmenter, du 1er juin 1973 au 1er mars 1974, de 57.8 p.c. à 62.1 p.c. Ce qui veut dire que, sur les quelque 400,000 bénéficiaires de l'aide sociale, il y a 62 p.c. de dépendants pour lesquels aucune espèce de question ne peut se poser. Il s'agit de personnes pour lesquelles, indépendamment de toute considération de revenu ou de motivation, il n'y a pas de...

M. CHARRON: C'est à peu près 50,000?

M. FORGET: Non, en chiffres exacts, étant donné la diminution du nombre des bénéficiaires aussi, durant la dernière année, il s'agit, en mars 1974, de 107,000 personnes, sur un total de 173,000, qui sont des dépendants.

Donc, c'est un spect qu'il est important de souligner. D'autres classifications établies selon d'autres barèmes montrent, par exemple, qu'environ 40,000 ménages, à l'exclusion des familles seules — dont 40,000 sur 80,000 environ — sont constitués par des ménages dont le chef de la famille est de sexe féminin, l'immense majorité de ces familles étant dans la situation où, par exemple, la femme est soit veuve, divorcée ou séparée, de fait ou légalement, et avec des enfants. Il y a 40,000 ménages avec un nombre évidemment plus considérables de dépendants, si l'on considère qu'il y a des enfants.

Donc, ces statistiques doivent être connues de manière à changer ces perceptions. C'est une des activités auxquelles nous nous livrerons sur le plan de l'information.

Maintenant, pour ce qui est de l'autre aspect de ce problème, celui de l'intégration dans un milieu de travail, par l'opération placement et par d'autres moyens, on a cité le chiffre de 5,126 personnes qui, cumulativement, durant l'année écoulée, ont été placées par différents efforts de ce genre et de 461 personnes qui ont bénéficié de mesures de formation professionnelle.

Ces chiffres sont intéressants à comparer aux annulations des dossiers de l'aide sociale, c'est-à-dire la sortie du réseau d'une certaine partie de sa clientèle durant l'année, qui se chiffrent à 10,834 ménages. Ces chiffres sont intéressants parce qu'en comparant le nombre de personnes placées au nombre d'annulations, on se rend compte que près de 50 p.c, ou peut-être un peu plus de 50 p.c. des annulations de dossiers, sont la suite d'une activité de placement ou de formation professionnelle.

Relativement au programme... Oui?

M. CHARRON: Je m'excuse, cela peut parfois être le résultat d'une démarche du bénéfi-

ciaire lui-même. L'annulation du dossier, parce qu'il y a retour au travail, ne veut pas dire que c'est simplement l'incitation gouvernementale de l'opération qui a fait que ces personnes sont retournées au travail. Certains bénéficiaires retournent au travail d'eux-mêmes.

M. FORGET: Ce sont des possibilités, il y en a encore d'autres à venir.

M. CHARRON: Je voulais simplement apporter cette... Je prie le ministre de continuer parce que c'est important.

M. FORGET: Pour laisser ces statistiques, sur lesquelles on pourrait parler longuement, le député de Saint-Jacques a aussi soulevé le problème des différents programmes qui, outre l'opération placement, peuvent permettre ou pourraient permettre théoriquement d'absorber une partie de la clientèle employable de l'aide sociale.

On vient d'expliquer que nous étions continuellement impliqués par des efforts avec tous les organismes, soit de ce gouvernement ou d'un autre gouvernement, pour multiplier les occasions d'emploi, les occasions de valorisation sociale de la clientèle de l'aide sociale. Il nous importe, quant à nous, de multiplier ces occasions, puisque l'objectif, c'est effectivement de favoriser un retour au travail permettant un revenu supérieur plus acceptable. C'est là la considération principale; tous les autres moyens sont donc d'une catégorie ou d'un ordre bien inférieur dans notre échelle de préoccupations. Si cela peut se faire par toutes sortes de programmes; qu'ils dépendent de notre ministère ou d'un autre, je pense que c'est bien secondaire, l'objectif étant d'aider ces personnes à découvrir des débouchés qui permettront d'augmenter leurs revenus.

Effectivement, cependant, selon l'information dont je dispose, il ne semble pas que les programmes PIL ont été un débouché important pour la clientèle de l'aide sociale. Donc, ces projets, qui manquent, en effet, de continuité, n'ont pas provoqué — étant donné qu'il y en avait peu d'inscrits parmi les assistés sociaux à ces programmes— des problèmes de retour à l'aide sociale, sous forme de reflux. Cependant, il ne faut pas oublier une chose, c'est qu'un emploi, même temporaire, joue un rôle préventif, si vous voulez, qui peut être important. Des études ont démontré que, plus était longue la durée de la période pendant laquelle une personne est bénéficiaire de quelque prestation sociale que ce soit, plus est difficile sa réintégration dans la main-d'oeuvre pour toutes sortes de raisons: des habitudes qui se perdent et des attitudes d'esprit, un manque de crédibilité, si l'on veut, de ces personnes vis-à-vis des employeurs éventuels, lorsque ça fait des années qu'elles n'ont pas assumé d'emploi. Cela fait qu'un emploi même temporaire, s'il maintient une personne dans une situation de productivi- té, d'activité sociale, empêche cette espèce de dégradation de l'employé habilité, si l'on veut, et permet de retrouver une situation, un an ou deux ans plus tard, qui n'est peut-être pas meilleure, mais, au moins, qui n'est pas détériorée à cet égard. Donc, cela peut jouer un rôle. Pour ce qui est d'autres difficultés de planification, on vient d'expliquer que, conscients précisément des difficultés de planification lorsque plusieurs agences gouvernementales sont impliquées, des initiatives ont été prises — l'opération placement en est une — de manière qu'il y ait la meilleure concertation possible. La solution n'est pas véritablement qu'un seul organisme ou un seul ministère s'occupe de tous les problèmes, parce qu'à vouloir essayer de résoudre tous les problèmes, on retrouve à l'intérieur d'un ministère forcément les mêmes difficultés de coordination. Le problème se reproduit, mais à une autre échelle. Les problèmes de coordination sont réels et il faut essayer de les surmonter, mais ils ne sont pas nécessairement pires si deux ministères plutôt qu'un seul se partagent la tâche. Au contraire, peut-être, des ressources différentes et parfois plus adaptées à la solution des problèmes peuvent être ainsi mises à contribution, souvent.

M. CHARRON: M. le Président, dans la réalisation... Oh! je crois que le député de Frontenac avait demandé la parole.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Frontenac.

M. LECOURS: M. le Président, j'aimerais ajouter quelque chose concernant les personnes qui demandent une prestation et qui vont se présenter au bureau local du bien-être social. Chaque fois, on leur remet un certificat médical et on les retourne chez le médecin pour faire remplir ce certificat médical, même s'ils ne sont pas malades. Il en résulte que 75 p.c. des certificats médicaux sont des certificats de complaisance. Cela rend la tâche doublement difficile, après ça, pour les agents, de recycler ces personnes. Je pense qu'il y aurait peut-être lieu, de la part du ministère, de faire part de la chose au Collège des médecins, pour avertir mes confrères — moi-même aussi, j'en suis responsable, je n'ai pas peur de le dire — et leur demander d'être plus sévères avant d'accorder un certificat médical d'incapacité au travail.

M. FORGET: M. le Président, on peut faire des purges.

Je vais demander à mes collaborateurs de faire des commentaires plus détaillés. Cependant il est important de souligner, je pense, qu'il n'y a pas une obligation générale, ni même majoritaire en pratique, d'obtenir des certificats médicaux pour bénéficier de l'aide sociale.

M. LECOURS: II y a des endroits qui à chaque fois...

M. FORGET: II peut y avoir dans certains cas, pas dans tous les cas, des demandes de certificat médical qui apparaissent au dossier pour des raisons de convenance et de commodité permettant ainsi, dans le cas, par exemple, où le dossier doit être traité par plus d'un agent de sécurité sociale ou s'il y a des changements de personnel, que toutes les données utiles à la compréhension du cas se retrouvent au dossier lorsque cette connaissance est indispensable, au moins très utile. Mais il n'y a pas de règle générale d'exiger des certificats d'incapacité de travail sur une base médicale.

M. LECOURS: On nous les envoie quand même.

M. FORGET: J'aimerais avoir les références précises parce que...

M. LECOURS: II s'agit de sortir les dossiers. Dans ma région en particulier, sortir les dossiers. Pour la plupart des gens, ça va être marqué, disons, anxiété, des diagnostics comme ça qui sont très vagues; ça ne veut rien dire en réalité au point de vue médical.

M. FORGET: Oui, nous sommes d'accord. J'aimerais examiner au mérite la situation.

M. LECOURS: Je connais plusieurs personnes en très bonne santé; quand elles se présentent au bureau du bien-être social à Thetford Mines, on les envoie voir leur médecin de famille avec un certificat médical, on leur demande de le faire remplir. C'est bien sûr que ces gens-là, lorsqu'ils arrivent avec un certificat médical, ils se trouvent une maladie quelconque. Ils disent: J'ai mal dans le dos.

M. FORGET: II faudrait s'assurer qu'il ne s'agit pas de l'assurance-chômage plutôt que de l'aide sociale.

M. LECOURS: L'aide sociale. Je parle de l'aide sociale.

M. FORGET: L'aide sociale exige des certificats médicaux pour les besoins d'ordre médical et ça ne doit pas jouer; la réponse qu'on vous a donnée était complète. D'ailleurs il resterait à examiner au mérite les dossiers dont vous faites part.

Je pense que, dans ce cas, comme on l'a dit hier, outre les directives, les normes et les règlements eux-mêmes, il peut y avoir des attitudes qui sont adoptées sur une base d'habitude locale. Ce que je peux suggérer c'est qu'essentiellement, de façon interne, on peut s'assurer que, dans les régions où un tel phénomène semble se produire, on indique au personnel que ce n'est pas une exigence générale, qu'elle n'est pas d'ailleurs utile pour déterminer le montant de la prestation, ni le statut du bénéficiaire, mais que, si on demande le rem- boursement d'un besoin spécial, là c'est différent. Par exemple, une prothèse doit être accompagnée de certaines preuves de nature médicale.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, je pense qu'il ne faudrait pas prendre trop à la légère les revendications du député de Frontenac. J'ai eu connaissance aussi de certains cas où il semble qu'on demande trop facilement des certificats médicaux.

UNE VOIX: On ne vous en a pas demandé.

M. SAMSON: M. le Président, à votre affirmation, à l'effet que, moi, on ne m'a pas demandé de certificat médical, c'est vrai. J'ai l'impression que si on continue à en demander autant que ça, puis si les médecins sont obligés de donner des certificats de complaisance autant qu'ils sont obligés de le faire, ce serait peut-être mieux de me les envoyer à moi, ça prendrait moins de temps.

M. LECOURS: Les employés du gouvernement en ont souvent...

M. SAMSON: De toute façon, donner un certificat de complaisance, M. le Président, on n'a pas besoin d'être médecin pour faire ça. Sérieusement, j'ai eu connaissance aussi qu'on demande facilement des certificats médicaux; peut-être qu'il y a des raisons qu'on ne connaît pas, qui militent en faveur de cette demande. Mais, dans la mesure où cela est possible de l'éviter, j'ai l'impression que le ministère aurait avantage à donner des directives pour qu'on n'abuse pas de cette formule. Je vous donne franchement mon impression.

Dans certains cas, l'impression que j'ai eue, c'est que c'était une tracasserie qu'on voulait imposer au bénéficiaire pour tenter de le décourager de faire certaines demandes. C'est une impression, je vous la livre aussi franchement que ça. J'espère que cette impression n'est pas fondée, mais je l'ai en tout cas. Tout ce qu'on pourrait faire pour me prouver que je n'ai pas raison de penser ça, ça me ferait bien plaisir, M. le Président.

M. FORGET: Ce vers quoi nous tendons effectivement, c'est d'associer le certificat médical à des cas de paiement où c'est dans l'intérêt même du bénéficiaire qu'il en ait un.

On a cité, par exemple, le cas des prothèses; il est évident qu'avant de payer une prothèse, il y va de l'intérêt même du bénéficiaire qu'il y ait un certificat médical. Il faut tendre à restreindre de plus en plus la demande de ce genre de certificats pour d'autres types de besoins. Maintenant, il ne faut pas oublier que les règlements ont évolué très rapidement. Il existait, par

exemple, une diète, il y a à peine un peu plus d'un an, qui faisait que les bénéficiaires tendaient à se rendre chez les médecins en grand nombre et cela a soulevé des difficultés. Cette dimension est disparue des règlements.

Au niveau du transport, nous venons, encore une fois, de demander aux réseaux de transport d'urgence pour fins médicales de se servir d'un jugement approprié. Evidemment, dans le cas où l'individu est hospitalisé à la suite d'un transport, c'est inutile de faire constater ensuite, après coup, qu'il avait effectivement besoin de transport et des choses semblables. Il doit subsister, à certains endroits, une tendance, encore une fois, un accent qui relève du passé. En nous soulignant ces situations d'espèces, vous nous aidez évidemment à accélérer la tendance que nous voulons imprimer au mouvement.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais poser une question. Est-ce que cette demande de certificats médicaux, telle que nous la constatons, ne serait pas reliée un peu au fait que les agents devraient effectuer une certaine classification des bénéficiaires? Par exemple, quels sont les bénéficiaires qui, de tel âge à tel âge et compte tenu du certificat médical au dossier, peuvent être aptes au travail? Est-ce que cela ne serait pas justement un moyen pour l'agent de mieux diriger son effort vers l'obtention d'un emploi pour des assistés sociaux ou non?

M. FORGET: Si c'est fait, ça n'a jamais été autorisé. Il n'y a qu'un seul endroit dans la loi où l'aide est encore reliée à l'aptitude ou l'inaptitude; c'est le cas des jeunes de moins de 30 ans qu'on dit aptes au travail et qui sont limités à $85. C'est le seul cas. Et, d'aucune façon, les demandes qui ont été faites, dans le cadre de l'administration du régime ou dans le cadre de l'opération placement, de même que les statistiques qui en sont tirées, de même que le détail des activités demandé aux agents, ne font état de ces distinctions qui deviendraient vite arbitraires dans un cadre comme celui que nous avons. Ce n'est pas du tout le cas, à notre connaissance.

Maintenant, encore une fois, que certains agents, par des attitudes qui sont encore quand même récentes, le fassent, c'est possible; mais je pense qu'encore là, nous gagnons du terrain. Ce serait contraire à la philosophie dont nous avons fait part. Si vous aviez des indications, encore une fois, ça nous aiderait.

M. SAMSON: Mais est-ce que cela ne se produirait pas, comme vient de le souligner M. Houde, dans les cas des moins de trente ans? Parce qu'on est apte à travailler ou considéré comme tel par le ministère étant âgé de moins de trente ans. Est-ce que cela ne serait pas un peu une incitation à aller chercher un certificat médical?

M. FORGET: Dans ces cas, c'est possible. J'avais souligné — je ne me souviens plus si c'est au député de Saint-Jacques ou au député de Rouyn-Noranda — en réponse à une question antérieure, que nous ressentions encore, de la part du réseau, des réactions à l'endroit des jeunes de moins de trente ans qui ne travaillent pas. C'est survenu dans plusieurs régions et il se peut, encore une fois, que malgré les attitudes que nous prenons, des agents substituent quand même les leurs au niveau de cas pratiques. Pour être franc, sur ce plan, j'ai eu et je continue d'avoir certaines inquiétudes. Il se peut qu'il y ait là certains éléments de réponse, mais maintenant il me semble qu'on ne pourrait pas en faire une liaison de l'ordre de celle que le député de Frontenac vient de souligner. La remarque que vous faites est pertinente et elle nous préoccupe, nous y veillons.

M. SAMSON: M. le Président, est-ce qu'il me serait possible de poser quelques autres questions sur des sujets qui ont été soulevés tantôt par le député de Saint-Jacques?

M. CHARRON: Moi, il me reste exactement trois petites questions sur l'opération placement et vous pourrez revenir aisément après.

M. SAMSON: D'accord.

M. CHARRON: Encore une fois, ce sont plus, je crois, des questions d'information. Dans les statistiques que vous nous avez données quant au nombre de gens placés à la suite de l'opération, au cours de la dernière année financière, quelle est la proportion d'emplois permanents et d'emplois occasionnels?

On nous avait dit, la dernière fois, 71 p.c. permanents et 29 p.c. occasionnels. Est-ce encore la même proportion?

M. FORGET: Je n'ai pas les statistiques exactes. Vous dites que c'est 71 p.c; je serais porté à croire que c'est plus que 71 p.c. aujourd'hui.

M. CHARRON: De permanents?

M. FORGET: De permanents. Les efforts portent sur un emploi permanent, une situation permanente. Ce qui me porte à croire cela, c'est le nombre de placements réels effectués et la diminution de notre inventaire, parce qu'on suit les bénéficiaires qui sont placés aussi. Après, ils sont suivis tant par l'agent de main-d'oeuvre que par l'agent d'aide sociale, et la diminution est permanente. Je crois qu'elle est exacte en chiffres absolus.

M. CHARRON: Le ministre du Travail, par arrêté en conseil, dois-je dire, parce que l'Assemblée nationale a rejeté notre proposition, a accepté de hausser le salaire minimum à $2.10 l'heure. Je voudrais savoir si cette modification

du salaire minimum, avec les effets d'entraînement que cela a, va inciter le ministre à modifier la table qui figure au règlement, à partir de laquelle se fait le partage entre le revenu assuré par le travail et l'allocation à laquelle a droit un bénéficiaire d'aide sociale qui retourne au travail, pour les premiers mois où il effectue son retour au travail. Est-ce que cela sera modifié en conséquence?

M. FORGET: Vous parlez de la comptabilisation...

M. CHARRON: Oui, revenu de travail et participation aux premier, deuxième, troisième mois et les mois suivants, de la part du ministère. C'est ce qui est à la page 45 du règlement, je crois.

M. FORGET: Le but de cette comptabilisation partielle des revenus durant les premiers mois de retour au travail est de diminuer la désincitation et joue un peu le rôle — d'ailleurs, c'est explicitement son rôle dans le cas du revenu inférieur à $25 pour une personne seule ou inférieur à $40 pour une famille — d'une exemption relativement à d'autres mesures. C'est une question qui peut toujours être réexaminée, cette question des exemptions, mais il n'y a pas de relation directe entre la hausse du niveau absolu du revenu provenant du salaire minimum et le niveau de l'exemption de base, puisque l'effet de l'une et de l'autre mesures se fait sentir à des bouts opposés, en quelque sorte, de l'échelle des revenus.

M. CHARRON: Mais le pourcentage du revenu qui est conservé pour fins de calcul de l'aide, est-ce qu'il sera modifié en fonction du fait que le revenu réel se trouve à être augmenté de $0.10 l'heure?

M. FORGET: Pour répondre très directement à votre question, aucune modification n'est envisagée actuellement, mais, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises et comme l'expérience passée le démontre, cette réglementation de l'aide sociale n'est jamais figée pour bien longtemps. Elle constitue une réglementation très vivante, au moins par les transformations qu'elle connaît continuellement, pour la raison précise que ce régime est encore nouveau, même si on en parle depuis plusieurs années. Nous sommes continuellement à le perfectionner, à le faire évoluer. Les changements qui interviennent, interviennent avec une fréquence, du moins dans le passé récent, malgré tout, assez grande. Donc, la question que vous posez, parmi d'autres, va sûrement faire l'objet d'un réexamen.

M. CHARRON: Une dernière question: Est-ce qu'on réexaminera également la modification qui a été apportée dans le calcul du revenu, qui figure à la page 47 du règlement où l'on dit: "Les revenus compris dans le calcul de l'aide sont réduits de $15, plus $5 par enfant pour toute autre famille".

Les $5 par enfant paraissent-ils encore suffisants ou, de l'avis du ministre — c'est une suggestion que je fais dont le ministre devra tenir compte dans les modifications éventuelles des tables — ne devraient-ils pas être augmentés? On me répondra facilement que les allocations familiales sont là pour compenser. Mais on a eu l'occasion, dans nos précédentes heures de discussion, de remarquer que l'allocation familiale n'est pas la seule façon d'aider les familles à assumer les charges. Il nous semble — enfin c'est l'opinion que j'exprime et j'espère qu'elle sera considérée par le ministre au moment où il se penchera sur les tables — que cette proportion de $5 par enfant n'est pas suffisante, qu'elle devrait être, à notre avis, augmentée. Donc, il s'agirait de réduire plus considérablement, comme effet d'entrafnement, le revenu mensuel réel à partir duquel les calculs se font. Je fais la remarque en espérant qu'elle sera retenue.

M. FORGET: Ce sont, évidemment, comme celle qui a été mentionnée précédemment, des questions qui peuvent être réévaluées périodiquement. Il ne faut pas oublier cependant ce que nous avons dit au début même des travaux de la commission des affaires sociales sur l'étude des crédits, relativement au processus d'examen du régime de sécurité de revenu, examen que nous avons décrit assez complètement, à ce moment-là, et qui a pour but précisément de faire évoluer le régime de façon assez substantielle vers un régime plus véritablement complet de garantie de revenu. Cette disposition du règlement qui est effectivement une disposition de cumul de revenus, est une préfiguration — peut-être modeste mais, malgré tout, une préfiguration — de ce que pourrait devenir le soutien du revenu si nous adoptons un régime minimum garanti avec certaines des caractéristiques que l'on prête souvent à ces régimes.

Comme ce processus est en cours, tel que je l'ai indiqué, nous avons à considérer si nous devons anticiper les conclusions, ou plutôt, puisque le processus est bien amorcé et se déroule favorablement, attendre pour prendre ces décisions que nous puissions faire quelque chose de plus substantiel. Donc, c'est dans ce contexte qu'il faut aussi voir la question précise posée par le député de Saint-Jacques.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Certificats médicaux

M. SAMSON: M. le Président, si vous me permettez, avant de revenir au placement, je voudrais poser une autre question au ministre

en ce qui concerne les certificats médicaux. Je pense que c'est mardi que j'ai eu l'occasion de citer le fait que certains médecins, pas tous évidemment, exigeaient un paiement des assistés sociaux qui allaient chercher un certificat médical. Compte tenu du fait que ces gens, qui ont besoin d'aller chercher un certificat médical, sont parmi ceux qui ont le moins la possibilité de payer pour un tel certificat, est-ce que le ministre n'a pas l'intention de considérer que, pour les cas où il y a demande de paiement, le ministère défraie ce coût, soit en remboursant directement le bénéficiaire, soit en remboursant directement le médecin qui aurait produit le certificat médical, tel que cela se fait au niveau des compagnies d'assurance privées? Lorsqu'elles requièrent un examen médical d'un postulant, celles-ci lui demandent de se présenter chez son médecin avec un formulaire qu'on lui donne. Le médecin, si je comprends bien, remplit ce formulaire et envoie le certificat médical à la compagnie d'assurance. Sur réception du formulaire, la compagnie d'assurance paie au médecin le prix de la visite. Maintenant, je dis cela sous toutes réserves parce que, depuis l'assurance-maladie, je ne sais pas si les médecins sont payés directement par les compagnies d'assurance ou par le régime d'assurance-maladie.

De toute façon, cela se faisait auparavant, mais c'est tout simplement pour imager le sujet que je veux expliquer. Lorsqu'on demande à des bénéficiaires du bien-être social de payer pour un certificat médical, à ceux-là qui, certainement, n'ont pas le moyen de le faire, je pense que c'est tout simplement injuste envers ces gens. Je ne peux pas non plus prétendre que le médecin n'a pas raison de demander un tel paiement parce que, suivant les informations que nous avons, il y a peut-être une surdemande de certificats médicaux. Si un médecin est obligé de délivrer 20 ou 25 certificats médicaux par semaine, c'est quand même autant de temps de pris sur son temps de pratique pour lequel il pourrait être normalement rémunéré.

Si le ministre pouvait nous donner certaines indications là-dessus, cela nous permettrait peut-être ou bien d'être satisfaits immédiatement, ou bien d'aller plus loin dans notre discussion.

M. FORGET: M. le Président, la question qui est posée est d'un intérêt certain. Cependant, je pense qu'il faut distinguer, à cet égard, ce que les textes disent et ce que la pratique, effectivement, comporte.

Nous avons le sentiment qu'il existe un très grand nombre de cas, en théorie au moins, où le régime de l'assurance-maladie ne couvre pas certains certificats, par exemple, dans les cas où de tels certificats ne sont pas exigés par des lois. Il peut y avoir très certainement, par exemple dans le cas d'examens médicaux exigés pour fins d'emploi, des charges qui sont faites au client.

Cependant, il existe une autre catégorie d'évaluations médicales ou de certificats qui sont, en théorie, non couverts mais qui, par une interprétation généreuse des règlements et de la couverture des régimes, sont effectivement fournis sans frais et remboursés par la régie.

Il me semble qu'effectivement, dans le cas des certificats et du petit nombre de certificats qui sont effectivement nécessaires pour l'administration de l'aide sociale, encore une fois — on a attiré tantôt l'attention sur la possibilité que des exigences, de fait, dépassent celles que le ministère entend imposer — c'est une question dont on va s'occuper autrement. Pour le petit nombre de certificats qui sont véritablement requis, cela ne pose peut-être pas un très grand problème, étant donné l'interprétation assez large de la couverture du régime.

Maintenant, encore une fois, c'est un point sur lequel, lorsque des cas particuliers nous sont soulignés, il nous devient plus facile d'évaluer l'importance du problème et de voir si, effectivement, on fait payer aux assistés sociaux des certificats qui leur sont essentiels. Mais je ne fais pas référence, par exemple, à des pratiques comme des bilans de santé qui, en théorie, ne sont pas couverts par le régime d'assurance-maladie ou le régime d'assurance-hospitalisation et que tout le monde obtient assez facilement sans avoir à défrayer quoi que ce soit.

Je pense que les mêmes avantages peuvent être donnés aux assistés sociaux sans bouleverser personne et c'est un peu l'hypothèse qu'on fait. S'il y a des cas particuliers, encore une fois, si on voit qu'ils sont assez nombreux pour vraiment nous alarmer, il faudrait bien sûr, si on nous les souligne, qu'on voie les mesures à prendre.

M. SAMSON: Disons, M. le Président, que je ne pourrais pas dire que c'est une question tellement alarmante. Il n'a pas été porté, en tout cas, à ma connaissance que tous les médecins l'exigent. Peut-être que quelques-uns le font. Est-ce que je peux conclure qu'advenant que des cas semblables soient portés à notre attention, on puisse dire à la personne concernée qu'elle peut s'adresser à son médecin, en lui soulignant que cela peut être couvert par le régime d'assurance-maladie?

M. FORGET: Non. Comme je l'ai dit, il faut distinguer les textes et les pratiques. Strictement, on ne peut pas affirmer que la couverture réglementaire ou légale de l'assurance-maladie permet de défrayer de tels bilans, de tels certificats médicaux. Le but de mes remarques était simplement de souligner que l'interprétation de fait de ces règlements et de la couverture des régimes est telle que, pour 99.9 p.c. des cas, je pense que le problème ne se pose pas ou ne devrait pas se poser relativement aux assistés sociaux parce qu'il ne se pose pas dans le cas d'un très grand nombre de personnes qui auraient certainement les moyens de payer ce

bilan et qui ne paient pas à cause de cette interprétation libérale de la couverture du régime.

Interprétation sur laquelle on peut être d'accord ou pas, mais effectivement les moyens de contrôle qu'il faudrait instituer pour faire observer à la lettre et avec rigueur des règlements de ce genre, qui sont des règlements sur lesquels on peut exprimer des jugements fort divergents dans des cas particuliers, n'en vaudraient pas la chandelle essentiellement. Donc, il y a cette interprétation libérale à laquelle on peut faire appel dans des cas particuliers.

Il y a aussi le problème de fond que, si des certificats médicaux étaient systématiquement demandés alors qu'ils ne sont pas nécessaires, le problème lui-même, indépendamment de la solution qu'on lui apporte, est un peu factice ou exagéré.

Donc, en nous soulignant ces cas particuliers, comme on l'a indiqué, on verra d'abord s'ils sont assez nombreux, s'ils ne peuvent pas être corrigés en indiquant au personnel d'inviter un moins grand nombre d'assistés sociaux à se munir d'un certificat médical. Quant au reste, s'il y a un problème qui demeure, encore une fois, j'ai l'impression que l'interprétation de la couverture du régime, dans les quelques cas où c'est nécessaire, peut-être que, sans que les règlements soient modifiés pour autant, des solutions peuvent effectivement être apportées.

M. SAMSON: Compte tenu de l'expérience et de la pratique, advenant qu'il y ait — il y en a, je pense — une trop forte demande de certificats médicaux, on le fait trop fréquemment, si le ministère des Affaires sociales avait à rembourser pour le paiement exigé par les médecins, d'abord s'il arrivait que les médecins se décident finalement, à force d'avoir trop de demandes, à demander paiement, si le ministère était appelé à les rembourser ou que la Régie de l'assurance-maladie était appelée à les rembourser, ce remboursement aurait un effet modérateur, je pense, sur certains agents qui ont peut-être tendance à trop souvent se défiler devant leurs responsabilités — je dis bien se défiler devant leurs responsabilités — en disant aux gens: Allez vous chercher un certificat médical.

Evidemment, je ne veux peut-être pas trop les blâmer non plus parce qu'il arrive, avec la charge des responsabilités des agents, avec le nombre de "case load", que les agents n'ont pas toujours le temps d'aller faire les enquêtes sur place. Ils doivent prendre une décision en fonction des renseignements qu'ils ont à leur portée.

Evidemment, si on demande aux bénéficiaires d'aller chercher un certificat médical et qu'on peut verser le certificat médical au dossier, même s'il est de complaisance, cela permet à l'agent de prendre une décision et il est couvert. C'est ce qu'il nous semble. Ce n'est peut-être pas dans ce sens que c'est interprété, mais cela peut être une explication.

M. LECOURS: Certains agents le font, ce n'est pas le sens de la loi, mais certains agents le font, et ils le font d'une façon exagérée dans ma région.

M. SAMSON: C'est cela. Nous sommes ici pour vous dire ce qui se passe. Ce qui se passe, comme on nous le répète depuis quelques jours, ce n'est pas toujours selon les directives. Ce n'est pas toujours selon le sens de la loi. Notre impression est que si on est capable d'apporter un maximum ou un minimum d'exemples, si vous voulez, cela peut permettre au ministère d'apporter les correctifs qui s'imposent.

M. le Président, dans ce domaine, nous avons cru voir que ça se passe ainsi. Par exemple, on sait qu'il y a certains cas qui sont justifiables. Le cas d'aides ménagères, de prothèses ou de choses comme ça.

Mais, quand un bénéficiaire se présente et qu'il a besoin d'aide parce qu'il n'a pas d'emploi, parce qu'il n'a pas d'assurance-chômage, c'est un manque de revenu son affaire, ce n'est pas une maladie nécessairement. Mais, dans un cas comme ça, on peut dire: Allez vous chercher un certificat médical, tout à coup on — on ne le dit pas comme ça, mais ça veut dire à peu près ça — vous trouverait quelque chose, on mettrait ça dans le dossier et tout le monde aurait la paix. C'est peut-être la minorité, mais cela nécessite, je pense, une action.

M. FORGET: M. le Président, je voudrais réaffirmer aussi fermement que possible qu'un certificat médical, de façon générale, n'a rien à faire avec l'administration du programme d'aide sociale puisque c'est un programme de soutien du revenu qui est lié à une déficience entre les revenus et les besoins évalués par les barèmes établis par règlement. Il n'est pas nécessaire d'avoir ce certificat. Si des pratiques de ce genre qui divergent de la politique officielle du ministère, de la loi et des règlements tels que nous les interprétons, se sont produites, il y a des mécanismes internes de vérification et de directive au personnel qui peuvent corriger cette situation. Donc, il n'est pas question de dire qu'il faut des certificats médicaux et d'expliquer comment on peut les obtenir et de mettre sur pied un mécanisme de financement des certificats médicaux. Il s'agit, de manière interne, par une meilleure information, s'il en est besoin, du personnel ou des indications plus fermes, d'indiquer que de tels certificats, généralement, ne sont pas requis. Et, même s'ils sont au dossier, ils n'aident pas le bénéficiaire à avoir un cent de plus. C'est la même somme qui lui sera versée même si on dit qu'il est paraplégique; il aura la même somme que s'il est bien portant et a bon pied, bon oeil et est capable de travailler. Donc, ça n'influe en rien sur les sommes qu'il peut obtenir, sauf s'il a besoin, évidemment, d'un appareil orthopédique ou de diètes ou des choses dans ce genre. Mais il y a relativement peu de personnes impliquées et, à ce moment-là, ce n'est pas un certificat de

complaisance qu'il faut, c'est un véritable certificat qui fait suite à un examen médical véritable et orienté pour des fins thérapeutiques.

Donc, c'est une question dont on va se préoccuper, comme on l'a indiqué d'ailleurs; s'il y a des pratiques qui sont divergentes de nos politiques, nous allons voir à ce qu'elles se corrigent. Pour ce qui est de permettre un paiement de ces certificats, je pense que ça pourrait très bien avoir l'effet contraire, comme arrive souvent le fait que lorsqu'on paie on a plus plutôt que moins. Je pense que ce n'est pas véritablement la direction qu'on voudrait prendre que d'inaugurer un besoin spécial qui s'appellerait certificats médicaux. Cela aurait tendance, en effet, à se retrouver dans tous les dossiers et créer une difficulté de plus pour l'administration du programme.

Alors, on va essayer de régler le problème dans les faits plutôt qu'au niveau d'une expansion des besoins spéciaux et d'un nouveau régime de paiement.

M. SAMSON: Remarquez bien, M. le Président, que ce que je vise par mon intervention, ce n'est pas tellement que le ministère en arrive à payer le coût de ces certificats médicaux. Ce que je vise surtout, c'est d'en réduire les demandes, en réduire le nombre.

M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous dire aussi quelles sont les directives émises aux différents directeurs des bureaux de bien-être social dans le Québec, relativement aux relations avec les membres de l'Assemblée nationale? Est-ce qu'ils ont des directives de collaboration ou est-ce qu'ils ont des directives restrictives? J'aimerais savoir la politique du ministère dans ce sens.

M. FORGET: II est inscrit dans la loi et les règlements que toute personne a droit à obtenir une révision de son dossier et, éventuellement, peut aller en appel.

Il y a deux paliers de révision administrative. Il y a la possibilité d'un appel. Il est évident que, pour certaines personnes qui sont des bénéficiaires du régime, ces procédures et ces recours sont seulement en partie accessibles, parce qu'elles sont mal informées de ces possibilités ou ont besoin d'assistance pour effectuer ces recours.

Donc, il est normal qu'elles aient, à l'occasion, recours à une assistance extérieure qui peut très bien être le député de leur comté. Celui-ci, à défaut d'avoir reçu cette indication ou de l'avoir suffisamment bien comprise ailleurs, peut leur indiquer les recours qui sont disponibles, qui leur sont ouverts et il peut les orienter, les aider dans leurs efforts. C'est dans cet esprit que les députés, comme d'autres, sont invités évidemment, sont accueillis, sont censés être accueillis dans le réseau, pour aider les assistés sociaux à obtenir satisfaction, à obtenir la réalisation de leurs droits.

Il est bien évident que les députés par leurs fonctions sont plus que d'autres en mesure d'intervenir de cette façon, puisqu'on s'adresse à eux. L'indication générale que nous fournissons aux gestionnaires du réseau, c'est d'apporter leur collaboration à des demandes d'aide qui leur sont acheminées de cette manière.

M. SAMSON: M. le Président, le ministre a bien compris qu'évidemment ma préoccupation n'était pas tellement en ce qui concerne les révisions, parce que, d'après le genre de demandes ou de plaintes ou d'information que nous avons de la part des bénéficiaires qui viennent nous voir, ce ne sont pas tellement des cas qui auraient besoin d'une révision selon la formule habituelle, que des cas qui auraient besoin d'une compréhension humaine dans des brefs délais. La plupart du temps — je pense que tous les députés sont d'accord avec moi là-dessus — quand on vient nous voir, c'est parce qu'il y a urgence. Quand on fait référence au processus de révision, tout le monde va admettre qu'il ne faut pas être pressé, parce que le processus de révision prend un certain délai et, quand les gens ne sont pas pressés, ils ne viennent pas nous voir.

On n'est pas pris tellement avec des problèmes comme ça. Les problèmes qu'on nous soumet sont des problèmes d'urgence ou des cas spécifiques où il y a un manque de revenu et urgence, soit que le bénéficiaire ait mal compris ce qu'on lui a dit ou qu'il se soit mal exprimé et qu'on l'ait mal compris, d'autre part. Là, ils viennent nous voir et ils nous expliquent la situation. Parfois, nous, on la voit d'une façon différente et vous allez comprendre pourquoi.

C'est que beaucoup de bénéficiaires, en présence de fonctionnaires du bureau de bien-être social et devant l'appareil évidemment qui est impressionnant pour cette classe de gens, sont peut-être parfois mal à l'aise pour expliquer leur cas et peut-être réticents à l'expliquer aussi. Quand on vient au bureau du député, c'est un bureau qui est complètement différent. Vous savez que ce n'est pas impressionnant, un bureau de député, surtout avec les services que nous accorde l'Assemblée nationale. Une seule secrétaire, ça n'impressionne personne.

M. CHARRON: Vous avez raison.

UNE VOIX: Le bureau d'aide sociale non plus.

M. SAMSON: Le bureau d'aide sociale non plus. Ce n'est peut-être pas impressionnant dans le sens que ce n'est pas toujours efficace, mais c'est impressionnant dans un certains sens.

Quand on entre dans un bureau où il y a un paquet de gens qui travaillent et où on vous fait attendre — parce que cela se passe dans les bureaux de bien-être social — en avant...

M. CHARRON: On leur fait prendre un numéro.

M. SAMSON: On leur fait étaler leur pauvreté dans le hall d'entrée; ça c'est impressionnant et c'est gênant, à part cela. Je vous le dis, moi. Il y en a qui sont mal reçus, M. le ministre, et j'en ai eu connaissance personnellement. Je vais vous donner un cas type; après avoir communiqué avec le directeur, celui-ci accepte de recevoir une personne parce que c'est un cas réellement urgent. Cette personne se rend, elle donne son nom en entrant et elle attend: Quand ce sera ton tour, on te passera. Quand est venu le tour, l'agent qui avait une autre conception que celle de son directeur — peut-être que le directeur, ayant plus de responsabilités, comprend mieux que certains agents — en voyant la personne qu'il avait déjà vue, et pour laquelle il avait déjà un préjugé parce que, lui, avait pris une décision qui n'était pas correcte dans les circonstances, il a tout simplement engueulé la personne devant tout le monde. Cela ne m'a pas été rapporté par n'importe qui, c'est mon épouse qui était là; elle était là parce qu'elle était allée conduire une vieille dame qui n'avait pas de moyen de transport. Elle a pris connaissance de cela.

Ce n'est pas un cas généralisé, M. le ministre, je vous l'avoue, c'est un cas isolé; mais si on a un cas isolé dont nous sommes en mesure de prendre connaissance directement, il peut peut-être y avoir des cas isolés dont on n'a jamais connaissance. C'est dans ce sens que je veux vous dire que ça peut être impressionnant pour certaines gens et ça peut les mettre mal à l'aise. Peut-être que parfois ils n'expliquent pas leur affaire comme il faut et ils sont mal compris. Là, ils arrivent chez nous; chez nous, peut-être qu'on nous en raconte davantage et ça nous permet de voir la situation d'une autre façon. S'il y a une collaboration possible, par un simple coup de téléphone et en apportant des faits nouveaux dans le dossier, ça peut rendre des services à ces gens, alors que si on s'en tient strictement à la loi, c'est-à-dire en allant en révision, là, on ne leur rend pas service du tout parce qu'une révision qui prend un, deux et quelquefois trois mois, ça ne met pas du pain sur la table le jour où on en a besoin.

C'est dans ce sens-là que je trouve cela important. Pas des interventions partisanes, je pense qu'aucun député n'en fait de cette façon-là. Le mandat que nous recevons vient du public et quand on intervient au nom d'une personne, c'est un mandat que nous avons de cette personne. Je pense que personne ne conteste cela, d'ailleurs. C'est en fonction de cela que nous avons à intervenir. Quand on a une collaboration, c'est-à-dire quand on veut nous écouter, quand on veut nous parler, plusieurs cas se règlent sans qu'on brise de vitres. Mais quand on bloque systématiquement, et cela arrive dans certains bureaux du Québec... J'ai eu l'occasion de faire affaires avec tous les bureaux du Québec, comme vous le savez, et dans certains bureaux on a bloqué systématiquement. Il y a déjà eu, si je me rappelle bien, en 1971, une directive de M. Castonguay. Depuis 1970 que je siège en cette Chambre, nous avions des blocages systématiques dans presque tous les bureaux du Québec et, à partir du moment où il y a eu une directive interne, je pense, ça a commencé à être plus réceptif et les cas se sont discutés plus sur une base de gros bon sens et sans que personne n'aille à l'encontre de la loi. Avec cela, on peut collaborer avec les bureaux de bien-être social et on peut rendre des services à la population. Ce qu'on vise, quel que soit le député en cette Chambre, quelle que soit son étiquette politique, tout le monde vise la même chose: donner des services à une population qui en a besoin.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de Bourget.

M. BOUDREAULT: Je voudrais renchérir un peu sur ce que M. Samson, le député de Rouyn-Noranda, vient de dire. Le député n'est pas toujours l'interlocuteur qualifié dans certains secteurs, certains comtés, parce que je pense que les inspecteurs sont plus politisés que nous, alors on fait du tort même à nos bénéficiaires si on leur suggère de dire que c'est nous qui les envoyons là. C'est assez fort. Moi, j'ai vu des fonctionnaires municipaux, durant la campagne électorale, dont la voiture était plus décorée que mon char allégorique quand j'ai fait ma campagne. Imaginez-vous comment on peut servir d'interlocuteur quand on arrive au niveau des bénéficiaires. On leur dit: Ne dis pas un mot, fais cela, ne dis pas que je t'envoie. On camoufle notre affaire. Je me demande si notre rôle est réellement valable au niveau de ces gens. C'est l'argument que je voulais apporter.

M. FORGET: M. le Président, j'aimerais commenter ces deux interventions, parce qu'elles touchent un point essentiel qui a déjà été discuté d'ailleurs. On a dit quelles étaient les mesures que nous prenions pour améliorer les relations entre la clientèle d'aide sociale et les bureaux. Evidemment, ce dont on parle ce matin, ce sont les manifestations que la situation n'est pas encore parfaite. Il faut voir quelles sont les meilleures mesures que notre ministère peut adopter pour faire diminuer ces problèmes.

Nous considérons que certains efforts généraux sont essentiels. Je veux simplement en faire le rappel ici. Il y a d'abord ce souci du perfectionnement en informant et en sensibilisant les agents d'aide sociale aux dimensions humaines, aux relations humaines, à la qualité des relations humaines qu'ils doivent avoir avec leur clientèle. C'est un élément important de leur formation professionnelle, un élément que nous essayons de leur donner par un programme de perfectionnement. C'est un élément parmi d'autres. Il y en a d'autres de nature plus générale également qui sont importants et qui,

par exemple, affectent le niveau de la rémunération. Une fois établis ces stages de perfectionnement ou ces cours de perfectionnement qui portent à la fois sur l'aspect, encore une fois, des relations humaines et de l'aspect plus technique du travail, nous aurons des personnes mieux formées et plus qualifiées qui risquent d'être attirées dans d'autres réseaux et nous faire retomber dans une situation qui pourrait être équivalente à celle du départ. Donc, il est important que nous fassions des efforts, et nous avons l'intention de faire des efforts de manière que la rémunération de ces agents nous permette d'être concurrentiels pour garder les meilleurs éléments, une fois ces efforts de formation faits.

Mais ce sont là des politiques générales. Les problèmes que vous mentionnez nous affectent aussi comme employeur. Les attitudes que nous devons adopter à cet égard, relativement au rôle que le député ou d'autres groupes qui peuvent vouloir prendre, à très juste titre, la défense de cette clientèle, sont malgré tout commandées par la nécessité que, comme employeur, l'appui que nous pouvons accorder soit à l'intervention des députés soit à d'autres groupes ne soit pas perçu comme un élément de motivation du personnel. Il est important que, comme employeur, nous ne soyons pas perçus par les agents du réseau comme les alliés de ceux qui ont envers eux des critiques et qui sont vus un peu par eux comme des critiques, comme un peu dans une situation adverse, pour des raisons absolument valables.

Précisément notre but est de faire évoluer cette situation pour qu'il n'y ait pas de relation d'antagonisme entre la clientèle et les agents du réseau. Il est très important que le personnel soit hautement motivé, qu'il sente, dans les autorités du ministère, le désir de le voir se perfectionner, de voir se développer son attitude de manière positive. Et, progressivement, si cette attitude positive se maintient, si leur motivation est élevée, si leur formation se fait, ils vont de plus en plus percevoir l'intervention du député, l'intervention d'autres groupes qui agissent au niveau de la défense des assistés sociaux comme des interventions positives qui les aident et qui complètent leur travail.

Mais il faut pour nous — il est important que les députés le comprennent — éviter, en voulant trop rapidement changer des situations, de faire sentir à ces employés que le ministère se joint à leurs critiques — encore une fois, je ne nie pas la valeur des critiques — et qu'ils se sentent en quelque sorte persécutés par tout le monde, y compris leur employeur. Ils doivent comprendre qu'ils ont notre appui pour se développer, pour se perfectionner et que, lorsqu'ils se développeront et se perfectionneront, à ce moment-là le problème qu'on soulève sera, en grande partie, résolu. Ils verront très clairement qu'en effet la motivation de tous ceux qui soulignent des cas ou attirent l'attention des agents sur des cas particuliers qui ont été plus ou moins bien traités, c'est la même préoccupation que celle qu'ils doivent avoir eux-mêmes, donner de très bons services. De telles interventions ont pu, dans le passé, engendrer chez les agents d'aide sociale des anxiétés. Ils savaient que le réseau était à s'établir, il y avait beaucoup d'imprécisions encore dans la façon dont la loi était administrée. Evidemment, c'était une période difficile qui a engendré des antagonismes où il y a ce problème de perception des deux côtés qui laisse croire que l'on ne poursuit peut-être pas les mêmes objectifs. C'est illusoire, ce sont les mêmes objectifs.

Mais il est important, encore une fois, que ces agents soient persuadés que nous les appuyons. Nous les appuyons sur le plan d'une rémunération adéquate, sur le plan du perfectionnement et nous leur faisons confiance. Au fur et à mesure que ce processus se développera, ils verront justement ces interventions comme des interventions positives.

M. SAMSON: M. le Président, je suis absolument d'accord avec le ministre. Je ne voudrais, pour aucune considération, que ou les directeurs de bureaux de bien-être social, ou les agents se sentent persécutés de quelque façon que ce soit.

Si vous voulez une déclaration de principe, je vais vous dire tout simplement que je suis contre toute forme de persécution. C'est un peu pour ça, parce qu'on est d'accord avec le ministre, qu'on pose certaines questions. Autant on ne voudrait pas que ces employés se sentent persécutés, autant on n'accepte pas que les bénéficiaires se sentent persécutés.

C'est pourquoi on a un rôle à jouer. Nous devons jouer ce rôle. Mais peut-être, M. le Président, que, dans la recherche d'une meilleure compréhension de toutes parts, il faudrait expliquer à ces gens que les interventions faites par les députés peuvent autant aider le travail de l'agent parce qu'elles peuvent parfois, permettre d'éclaircir des situations. Il reste qu'il y a des bénéficiaires qui viennent nous voir, comme vous le savez, et qui ont, eux aussi, des préjugés contre les agents. Autant il y a peut-être des agents qui ont des préjugés, autant des bénéficiaires peuvent avoir des préjugés contre certains agents. Là, ils viennent nous voir et ils se sentent persécutés. Une fois qu'on est allé aux renseignements et que nous avons obtenu suffisamment de renseignements, on est en mesure de constater, dans certains cas, que l'agent avait bien fait son devoir. Là, si c'est nous qui l'expliquons au bénéficiaire, en lui donnant des explications qu'il avait peut-être déjà reçues, mais auxquelles il n'était pas réceptif, à ce moment-là, il devient plus réceptif parce que c'est dit par quelqu'un d'autre, quelqu'un en qui il a quand même une certaine confiance puisqu'il est allé le consulter.

Dans certains de ces cas, cela règle le problème. C'est une collaboration qui peut autant aider les agents qu'elle peut aider le

bénéficiaire, dans certains cas. On parlait hier, justement, à l'Assemblée nationale, de médiateurs. C'est un peu le rôle qui nous est dévolu, dans le fond, parce que, s'il n'y avait pas un conflit en puissance de quelque façon que ce soit, ces gens ne viendraient pas nous voir. S'il y a un conflit en puissance, nous avons toujours intérêt à donner satisfaction à toutes les parties intéressées pour arrêter le conflit en puissance.

Cela, c'est le genre de travail que nous faisons. En tout cas, c'est comme ça que je le vois et, en discutant avec mes autres collègues de l'Assemblée nationale, j'ai l'impression que tous, nous voyons notre rôle de la même façon.

Je sais qu'après 1971 il y a eu une grande évolution dans ce sens. A partir d'octobre 1973, on a peut-être senti certaines réticences à un moment donné. Cela semble se corriger, mais je vous dis que ce n'est pas corrigé partout. Je ne vous donnerai pas de nom, M. le Président, immédiatement; je les donnerai au ministre en particulier. Je suis certain que le ministre verra à ce que ça s'arrange sans que personne ne subisse de préjudice.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Est-ce que les membres de la commission auraient des questions à poser sur le programme 2: Aide sociale?

M. SAMSON: Oui, M. le Président, j'aurais d'autres questions. Je m'excuse.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): II est midi. Nous y reviendrons. La commission suspend ses travaux jusqu'à quatre heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

Reprise de la séance à 16 h 20

M. LAFRANCE (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs! Nous reprenons l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales. Le député de Saint-Jacques aurait une intervention?

M. CHARRON: Oui, M. le Président, c'est pour corriger une affirmation que j'ai faite ce matin, juste avant la suspension. Avant de céder la parole au député de Rouyn-Noranda — ce que j'ai encore l'intention de faire, d'ailleurs, parce que c'est lui qui l'avait au moment de la suspension — j'avais péremptoirement affirmé que j'avais terminé mes questions en ce qui concernait le programme 2. Or, sont survenus quelques incidents depuis ce temps, M. le Président, et j'aimerais signaler tout de suite, à l'intention du ministre, que je n'ai pas terminé mes questions sur le programme 2, que j'ai l'intention de reprendre, à la lumière de quelques mathématiques nouvelles, le programme 2 Aide sociale.

M. FORGET: Je me trouve à avoir suppléé à la carence de l'inspiration du député de Saint-Jacques.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Pourriez-vous me permettre, s'il vous plaît, de signaler à la commission que M. Bonnier est remplacé par M. Lachance comme membre de la commission, pour cette séance?

Vous pouvez poursuivre.

M. CHARRON: Je pense que c'est le député de Rouyn-Noranda qui a la parole.

M. SAMSON: M. le Président, j'avais quelques petites questions qui ont été suscitées lorsqu'on a parlé de placement ce matin. Je voudrais demander au ministre si, dans les directives qui sont données aux responsables du placement, on leur demande de considérer — d'une façon je dirais peut-être pas humaine, car je pense qu'ils le font sur cette base autant que c'est possible — que le placement qu'ils veulent offrir aux assistés sociaux doit être conforme à leurs possibilités, à leurs capacités. Cela m'amène à vous donner, pour mieux expliciter ma pensée, un exemple. J'ai eu connaissance qu'un bon jour on a tout simplement coupé le chèque d'allocations sociales à quelqu'un à qui on avait offert, par l'entremise de ce service, un emploi.

Le type, c'est un travailleur habitué à faire du forage au diamant en forêt, un homme robuste, qui a les mains à peu près trois fois larges comme les miennes. Vous voyez le genre, quelqu'un qui est habitué à travailler durement. Je ne sais pas comment on en est arrivé à cette conclusion, mais on a trouvé un emploi pour ce type, une bonne fois.

M. CHARRON: Danseur de ballet?

M. SAMSON: Presque, presque. Imaginez-vous, aide-cuisinier, dont les principales fonctions étaient de laver la vaisselle ou de faire quelque chose dans ce genre-là. Immédiatement, la réaction a été la suivante: On a presque insulté ce gars-là qui était habitué à travailler dur et à faire des gros travaux. L'envoyer dans une cuisine, ce n'était pas le genre du tout. L'agent de placement n'est peut-être pas au courant qu'il y a des habitudes et qu'il y a des gens qui ont leur dignité; lui faire faire ce travail, c'est comme si on l'avait insulté. D'ailleurs, je l'aurais mal vu avec un essuie-verre, avec les mains qu'il a; il n'aurait sûrement pas été capable, à moins de casser le verre.

C'est peut-être partir d'un exemple rare, mais cela m'amène à vous demander quelles sont les mesures prises pour qu'au moins on s'assure que le placement ne devienne pas seulement un prétexte de coupure d'allocation, que ce soit réellement une forme permettant aux bénéficiaires de se réorienter dans le domaine du travail et ne pas revenir comme assisté social dans un mois ou deux. Si j'ai bien compris, en tout cas, ce qu'on vise, c'est de les réintégrer au travail, et non d'utiliser les moyens dont se sert actuellement l'assurance-chômage. C'est un autre palier du gouvernement auquel j'ai beaucoup de reproches à faire dans ce domaine, ils utilisent ce moyen. On est prêt à leur offrir n'importe quoi, mais du genre d'ouvrage que personne ne veut avoir pour tout simplement leur retirer leur chèque d'assurance-chômage; c'est ce qu'ils font au fédéral, et j'espère qu'au provincial on n'est en pas rendu là.

J'aimerais que le ministre nous rassure et nous dise quelles sont ses intentions.

M. FORGET: M. le Président, c'est sans hésitation que je peux rassurer le député de Rouyn-Noranda relativement à cette question puisque, comme je l'ai affirmé dans le passé, il n'est pas question d'envisager un régime qui comporte des éléments...

M. SAMSON: Punififs.

M. FORGET: ... punitifs, qui forcent l'assisté à s'intégrer ou à accepter un emploi, mais à élargir les possibilités qu'il a devant lui, le mieux possible.

Il est évident qu'on ne peut contrôler le milieu du travail, ce qui, par définition, n'est pas possible pour les agents de placement. Un placement qui serait inadapté, qui serait sans relation avec les ressources ou les capacités de la personne qui accepte un emploi serait de très courte durée et deviendrait rapidement un nouveau problème pour l'agent de placement. Donc, l'intérêt même de l'administration d'un programme de placement indique qu'il faut essayer d'ajuster le mieux possible les capacités individuelles et les offres d'emplois disponibles. Il demeure qu'il n'est peut-être pas toujours possible de trouver un emploi de foreur, un emploi dans le même champ d'activité. Une certaine mobilité est observée dans le cas d'un grand nombre de travailleurs, indépendamment de leur présence temporaire sur les listes de bénéficiaires de l'aide sociale. Sans vouloir s'attacher à des cas extrêmes, il demeure qu'il n'est pas anormal que l'on présume qu'il y a une certaine mobilité dans les emplois. Mais, malgré tout, on a indiqué d'ailleurs, ce matin, que l'on cherchait à élargir pour les assistés sociaux les possibilités de se valoriser par une participation à la main-d'oeuvre et aussi d'obtenir des revenus supérieurs, ce qui est évidemment... (Brève panne d'électricité) ... porter attention à ces caractéristiques de la main-d'oeuvre ou des personnes que l'on va chercher à placer.

Je ne sais pas s'il serait utile de décrire plus complètement le processus, mais c'est un processus de sens commun, d'essayer de faire cet ajustement le mieux possible, sous réserve évidemment de cas exceptionnels où on a pu, peut-être, porter un jugement déficient.

On me mentionne que le placement se fait par les agents de la main-d'oeuvre; au fond la question rejoint les politiques de main-d'oeuvre de façon ultime et non les nôtres.

M.SAMSON: M. le Président, peut-être me sera-t-il permis de dire au ministre que je comprends que ce n'est pas facile pour les agents de main-d'oeuvre d'en arriver à un placement adapté au bénéficiaire. Mais, puisque ce n'est pas facile pour eux d'y arriver — vous l'avez mentionné vous-même — cela rejoint un peu le grief que je voulait soulever. Si ce n'est pas facile pour eux, on le sait que ce n'est pas facile de trouver quelque chose d'adapté, il ne faut surtout pas pénaliser le bénéficiaire parce qu'on n'a pas réussi à trouver quelque chose d'adapté à ses capacités.

Maintenant, je voudrais souligner un autre point dans le même ordre d'idées. Je voudrais soulever le point suivant. Ma crainte, c'est que si on est bien rigide et si on oblige les assistés sociaux à accepter des emplois qui ne sont pas adaptés à leurs capacités, évidemment, en leur disant que s'ils n'acceptent pas on leur enlèvera tout simplement leur allocation sociale, nous risquons tout simplement de voir quelqu'un d'autre, qui est sur le marché du travail et qui n'est pas au bien-être social, manquer d'emploi, ne pas avoir d'emploi disponible alors qu'on offre à des assistés sociaux des emplois qui ne sont pas disponibles pour d'autres catégories de personnes. Ce qui aurait comme conséquence de sortir du réseau un bénéficiaire pour l'envoyer au travail et de prendre, en dehors du réseau, quelqu'un qui n'est pas au travail ou qui manque de travail temporairement pour l'envoyer dans le réseau parce qu'on ne lui permet pas... Cela est un peu ma crainte.

Maintenant, le ministre pourrait peut-être profiter de sa réponse pour nous faire part du

taux de conservation d'emploi des 5,126 personnes qu'on a mentionnées ce matin. Le taux de conservation est de combien?

M. FORGET: II y a eu une réponse, ce matin, là-dessus.

M. SAMSON: Je m'excuse, je n'y ai peut-être pas porté attention.

M. FORGET: 80 p.c.

M. SAMSON: 80 p.c. de conservation. Si le ministre peut...

M. FORGET: Maintenant, l'expérience est encore récente.

M. SAMSON: C'est récent, oui.

M. FORGET: II y a plusieurs placements qui sont récents.

M. SAMSON: Evidemment, on pourra avoir une meilleure idée quand cela aura duré au moins un an, parce que le taux de conservation peut être de 80 p.c. pour un mois ou deux, à court terme, mais sur une période d'un an, si le taux de conservation est très réduit, cela voudrait dire qu'il faudrait peut-être envisager une autre méthode.

M. FORGET: Pour ce qui est du problème que l'on vient de soulever, il est clair qu'une des meilleures réponses que l'on peut apporter à la sécurité du revenu est une politique de croissance économique qui provoque un accroissement des emplois. Il est clair — c'est un thème que je n'ai pas l'intention de développer ici — que c'est une autre facette de la sécurité du revenu, de façon très réelle cependant, qui est tout aussi importante et à laquelle le gouvernement a accordé tout autant d'importance qu'aux développements de prestations sociales. Il est évident qu'on n'accomplirait rien si, pour donner un emploi à un assisté social, on privait quelqu'un d'autre d'un emploi.

Mais, dans un climat général où le nombre d'emplois total s'accroît, il est possible de faire des gains sur les deux fronts, en accroissant les possibilités de travail de tout le monde, et des assistés sociaux en particulier.

Je pense que c'est à peu près tout ce que l'on peut dire sur ce sujet puisque, encore une fois, il n'est pas question d'adopter une approche punitive vis-à-vis de ces opérations, une approche punitive que, d'ailleurs, on serait impuissant à vraiment utiliser puisqu'il faudrait pour ça contrôler le milieu de travail et déboucher sur des mesures qui dépasseraient clairement la compétence de l'aide sociale.

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous dire s'il a été porté à son attention des cas où, par exemple, pour une fille-mère, les employés du bien-être social inciteraient cette personne à se trouver du travail, au risque de lui accorder une allocation pour les services d'une ménagère ou d'une bonne qui pourrait prendre soin de l'enfant quand la mère serait au travail? Est-ce que le ministre a pris connaissance de certains de ces cas?

M. FORGET: M. le Président, dans ces cas comme dans celui que le député de Rouyn-Noranda a soulevé tantôt, j'aimerais le référer à l'analyse des plaintes que nous recevons et à l'analyse des plaintes que le Protecteur du citoyen lui-même reçoit.

Il est évident que le député de Rouyn-Noranda fait allusion, non pas à des politiques ou à des règlements, mais à des pratiques...

M. SAMSON: Oui.

M. FORGET: ... qui dérogeraient, en quelque sorte, ou qui dépasseraient ou qui seraient en deça des lois et des règlements. C'est donc par les plaintes que l'on peut évaluer l'importance d'un tel phénomène. Je sais qu'il n'y en a pas. Je ne me souviens pas qu'il y ait de telles plaintes, de façon systématique, dans les rapports que j'ai consultés sur l'analyse des plaintes reçues au ministère et sur l'analyse des plaintes faite par le Protecteur du citoyen.

Il y a un certain nombre de cas dont on a discuté plus tôt qui sont effectivement mentionnés, mais un cas comme celui-là n'est pas contenu dans le rapport du Protecteur du citoyen cette année, et je ne crois pas non plus qu'on en ait fait état dans l'analyse des plaintes que j'ai vue pour cette année, telle qu'on la reçoit au ministère.

M. SAMSON: Disons, M. le Président, que je prends la parole du ministre, qui dit qu'il n'en a pas reçu.

C'est fort probable parce que celles dont j'ai eu connaissance, j'en ai discuté avec les directeurs concernés et il y a eu un changement, en tout cas, d'attitude qui a réglé le problème pour les cas dont j'ai pu prendre connaissance. Je suis satisfait que le ministre me dise que ça se fait dans la pratique et qu'aucune directive n'est donnée dans ce sens. Si c'est seulement dans la pratique que ça se fait, c'est plus facile à corriger. Evidemment, c'est inadmissible qu'on dise à une mère de famille: Va travailler et on va engager quelqu'un pour prendre ta place à la maison. Il vaut mieux, à ce moment-là, tout simplement laisser la mère à la maison et lui donner l'allocation qui serait peut-être l'équivalence dans presque tous les cas.

Je n'ai pas l'intention d'aller beaucoup plus loin là-dessus, car je sais que le député de Saint-Jacques a plusieurs questions qu'il semble vouloir poser dans un domaine que je crois déjà voir venir. La seule question que j'aurais à poser, en terminant — c'est dans le même domaine, d'ailleurs; je n'ai pas l'impression qu'il a l'intention de poser cette question, c'est

pourquoi je me risque à la poser — est celle-ci: Est-ce qu'il sera donné, dans l'avenir, aux députés de l'Assemblée nationale de prendre connaissance des barèmes avant les changements ou la proposition de changements pour que ce soit discuté à l'Assemblée nationale, comme ce fut le cas, par exemple, pour les allocations familiales: Evidemment, à ce moment-là, c'était une loi et non des règlements, mais le ministre peut-il nous dire s'il a l'intention d'étendre cette pratique même pour les règlements?

Nous avons des réponses à donner à la population, nous avons de l'information à donner. Si on avait la possibilité d'être consultés, nous pourrions faire les débats suivant les options que nous avons, mais cela serait sûrement utile pour toutes les parties intéressées et au moins — je dis au moins — la population n'aurait pas l'impression, qu'elle a présentement, que ces choses se font sans que les élus du peuple aient à dire un seul mot.

Je pense qu'il serait valable, en tout cas, que nous ayons à nous prononcer, soit à l'occasion d'une commission parlementaire qui pourrait être convoquée lors d'un changement de barème.

M. FORGET: C'est une réponse en deux parties.

En premier lieu — et je soupçonne que c'est ce qui inspire, en partie tout au moins, la question du député de Rouyn-Noranda — cette question des pouvoirs réglementaires est dans l'air ces jours-ci, et dans les journaux. On peut évidemment vouloir en débattre, mais il conviendra avec moi, je pense, que cette question dépasse largement le cadre de l'étude de ces crédits. Je ne voudrais certainement pas présumer de l'évolution de notre philosophie sur la séparation des pouvoirs législatif et exécutif à l'occasion d'une réponse fournie sur un point particulier. Sur cette question de l'utilisation du pouvoir réglementaire, qui n'est rien d'autre dans le fond que l'exercice par l'exécutif de ses responsabilités — un gouvernement, tout le monde le sait, est appelé à prendre des décisions; certaines de ces décisions sont incorporées dans de simples résolutions, certaines autres le sont dans des règlements qui donnent autorité d'effectuer des paiements, etc. —je pense que vouloir réduire le pouvoir de l'exécutif peut, encore une fois, se considérer et se discuter dans un plus large contexte, mais qu'il doit demeurer un instrument permettant au gouvernement de réagir dans des délais raisonnables à des problèmes qui lui paraissent mériter des solutions.

Le deuxième élément de ma réponse, c'est que ce pouvoir réglementaire dans le cas de l'aide sociale a toujours été utilisé — et je cite le passé récent à cet égard — dans l'intérêt des bénéficiaires de manière à majorer, en fonction des problèmes aussitôt qu'ils étaient perçus et bien définis, les taux de prestations, les condi- tions d'accès à ces prestations, ou corriger des difficultés d'application des règlements qui sont clairement de la responsabilité du pouvoir exécutif puisqu'il a la responsabilité de répondre devant l'Assemblée nationale de l'utilisation des deniers publics. Si l'on observe le déroulement des différentes modifications au régime d'aide sociale depuis plusieurs mois, on constate que chaque modification a contribué très fortement à augmenter le niveau moyen des prestations, beaucoup plus que ne l'auraient fait des règles établies législativement en fonction de barèmes forcément rigides et qu'il est impossible de modifier, parfois, si l'Assemblée ne siège pas, etc., ou si le calendrier législatif l'interdit pour toutes sortes de raisons.

Donc, je note la question qui est posée sur un plan théorique, je pense, sur un plan général, qui est encore une fois en quelque sorte dans l'actualité, étant donné les mémoires qui ont été présentés ici cette semaine par la chambre de commerce. Mais j'attire aussi l'attention sur les effets, bénéfiques dans l'ensemble, que l'utilisation du pouvoir réglementaire a apportés dans l'administration du régime d'aide sociale: Une meilleure administration, mais aussi des prestations moyennes qui se sont accrues à un rythme supérieur à celui que prévoient d'autres mesures qui sont plus rigidement imbriquées dans la législation.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais juste souligner que je ne suis pas satisfait de la réponse du ministre évidemment, mais je ne poursuivrai pas le débat compte tenu du temps que nous avons à notre disposition et des autres choses que nous avons à étudier. Mais, pour les fins du journal des Débats, pour que ce soit inscrit, je voudrais réitérer à cette commission ce que j'ai dit cet après-midi à l'Assemblée nationale en réponse à la déclaration ministérielle du ministre.

LE PRESIDENT (M. Ostiguy): Le député de Saint-Jacques.

Aide accrue

M. CHARRON: M. le Président, comme je vous le rappelais tout à l'heure, je croyais devoir terminer mes interventions sur le programme 2 et, comme l'a dit le ministre lui-même, il a suppléé à ma carence d'inspiration cet après-midi par une déclaration ministérielle. Si j'interviens, c'est que j'ai la conviction que c'est la seule carence à laquelle le ministre a suppléé cet après-midi, celle de mon inspiration. Mais ce n'est pas dans la déclaration ministérielle qu'on retrouve un acte de suppléance de la carence alimentaire que certaines familles connaissent, ou d'autres moyens essentiels également.

M. le Président, je veux faire ces quelques remarques de façon très positive, comme j'ai essayé de le faire dans l'ensemble du débat

depuis le début. Le cadre de la Chambre nous invite particulièrement à certaines réactions surtout lorsque, que ce soit par manque de courtoisie ou non, je l'ignore, on est pris par surprise par une déclaration ministérielle, contrairement aux habitudes que d'autres ministres entretiennent avec l'Opposition. On est obligé de mettre en évidence très rapidement certains points où l'Opposition et le gouvernement diffèrent d'opinion ou de conception. C'est ce que j'ai essayé de faire et je pense ne pas l'avoir fait dans des termes qui dépassaient la norme, disons-le, cet après-midi à l'Assemblée.

J'ai plutôt l'intention, dans le même cadre, de reprendre ici cette discussion pendant quelques minutes. Je me souviens du moment où nous avions cette discussion de l'ensemble des budgets de l'aide sociale, de sa réglementation. Je pense faire le consensus en disant qu'il est de notre habitude de travailler avec des millions et des milliards, dans le cas de budgets aussi vastes que ceux des Affaires sociales. Mais parfois nous sommes malhabiles, lorsque nous devons discuter de budgets qui, pour être minimes dans leur totalité, sont vitaux lorsqu'il s'agit d'assurer la subsistance de certains citoyens.

Par exemple, je considère que cet près-midi nous n'avons pas échappé à ce que j'avais signalé précédemment. Ce qui ressort et ce qu'on veut faire ressortir cet après-midi, c'est que le gouvernement du Québec vient de décider d'augmenter ses dépenses au chapitre de l'aide sociale de $16.6 millions. Pour l'année en cours, nous dit-on, le supplément sera de $13.9 millions. Voilà donc le geste positif, et politique en même temps, du gouvernement, $16 millions de plus à l'aide sociale. On n'a qu'à distribuer un seul million et pour tout le monde cela parait comme une somme astronomique.

Lorsqu'on annonce $16 millions tout à coup de débloqués pour aider les pauvres et les indigents, la somme parait énorme. Tout le monde en conviendra, je ne pense pas qu'aucun député autour de la table dispose de cette somme pour ses revenus personnels. Quand on annonce $16 millions, cela paraît souvent de la poudre aux yeux. Dans la réalité, — oublions l'angle étatique et l'angle budgétaire de l'ensemble de la collectivité québécoise — $16 millions sur $6 milliards, lorsqu'on descend à l'échelle du bénéficiaire de l'aide sociale — prenons le premier cas, celui avec lequel nous avons travaillé souvent au cours de ce débat — que signifie l'augmentation de cet après-midi? $7 d'augmentation mensuelle pour un adulte seul. Cela veut dire $1.75 par semaine.

Si les $16 millions sont du tape-à-l'oeil, au moment où ils sont annoncés avec une série de zéros et comme un geste gouvernemental, nous avons, nous, l'obligation, comme commission parlementaire, de nous dire: Une fois répartis entre les bénéficiaires de l'aide sociale, qu'est-ce que ça signifie pour chacun de ces gens dont nous avons la responsabilité d'assurer une subsistance digne, normale, en 1974? Si je décorti- que les chiffres fournis par le ministre même, à la suite de sa déclaration ministérielle, pour un adulte, l'augmentation annoncée cet après-midi —qui n'est qu'un rajustement à une inflation qu'il subit, lui, depuis qu'elle est en cours, qu'il subit quotidiennement — représente $7, soit $1.75 par semaine de plus pour faire face à ses besoins de nourriture, de vêtements, ses dépenses personnelles, son logement, son chauffage —comme l'a signalé le député de Rouyn-Noranda dans son intervention à l'Assemblée nationale — son électricité, enfin, tous les besoins de toute personne normale.

C'est peut-être beau, $16 millions, quand c'est annoncé comme cela; cela parait peut-être un geste très social-démocrate, mais lorsqu'on regarde la vérité à l'autre bout, il y a quelqu'un qui donne, mais qu'est-ce que ça signifie pour quelqu'un qui reçoit? Ce quelqu'un reçoit $1.75. Vous connaissez le taux actuel de l'inflation. C'est d'ailleurs parce qu'il est énorme et parce qu'il est, comme le signale le ministre, devenu tel qu'il convient de rajuster les barèmes une nouvelle fois. C'est dans ce contexte que ce $1.75 par semaine se dépose dans les revenus de cette personne. Le prochain ajustement, les règlements du ministre des Affaires sociales en cette matière le prévoient, à l'article 3.07, est pour janvier 1975. Si le rythme de l'inflation de 1974, qui est actuellement de quelque 10 p.c, se poursuit — et il n'y a aucun indice, surtout pas dans le contexte fédéral actuel, montrent que des mesures précises interviendront d'ici quelques semaines ou quelques mois pour combattre le taux de cette inflation — ce $1.75, que nous rajouterons dans les poches de nos concitoyens les plus démunis, qui dépendent de la Loi de l'aide sociale, que vaudra-t-il d'ici le 1er janvier 1975 comme pouvoir d'achat réel?

Je prétends que ce $1.75 de plus par semaine qu'on accorde à cette personne sera complètement érodé comme pouvoir d'achat lorsqu'on arrivera à la nouvelle indexation. Ce qui me permet, entre parenthèses, de signaler cette demande, formulée à plusieurs reprises, que l'indexation, qui figure à l'article 3.07 du règlement de l'aide sociale, ne soit plus annuelle, mais bien trimestrielle. Ce $1.75 sera complètement disparu car on annonce 20 p.c. d'augmentation du prix du boeuf; on annonce une augmentation de $0.04 sur le prix du lait, très bientôt — c'était dans les journaux de cette semaine — on annonce éventuellement des rajustements sur différents taux inévitables à un citoyen, que ce soit dans les régions périphériques des grandes villes du Québec ou dans les grandes villes mêmes, inévitables.

Donc, quand le ministre interviendra, en vertu de l'article 3.07, le 1er janvier 1975, pour rajuster les taux selon les barèmes connus et dont on a discuté au moment du programme 1 sur les allocations familiales, il se retrouvera, en quelque sorte, à peu près au même endroit où il se retrouve aujourd'hui.

II devra à nouveau suppléer et plus encore, puisque tout ce qu'il accorde aujourd'hui aux bénéficiaires de l'aide sociale sera vraisemblablement disparu. Je ne crois pas faire de démagogie ni d'extrapolation pessimiste, je me base nettement sur une étude de la réalité, à partir de laquelle, d'ailleurs, le ministre a posé ce geste, je dois dire. Nous étudions tous les deux la même réalité. La position que j'énonce, cet après-midi, au nom de l'Opposition, est claire. Ces avantages que l'on annonce, aujourd'hui, d'ici quelques semaines, allons jusqu'à dire quelques mois, seront complètement disparus.

Allons à l'autre bout de l'échelle, les familles touchées. Je mentionnais une personne seule. Jusqu'à ce jour, deux adultes et trois enfants, c'est-à-dire une famille normale, à peu près moyenne au Québec, qui dépendaient de l'aide sociale recevaient au total, au chapitre de l'aide sociale — je n'inclus pas les allocations familiales pour cette fin— $313. Avec la nouvelle réglementation et la modification annoncée cet après-midi en faisant partie du groupe qui reçoit le maximum d'augmentation de son revenu, elle aura $11 de plus. Le ministre a eu raison et a été honnête de signaler que, pour les bénéficiaires, cela augmentait de $7 à $11, selon les cas. J'ai signalé le cas de $7, on passe de $170 à $177. Signalons le cas maximum. Voici un cas maximum de $11, cette famille de deux adultes et trois enfants; au lieu de recevoir $313 par mois, en vertu de l'annonce qui nous a été faite cet après-midi elle recevra maintenant $324. L'augmentation de $11 par mois divisée entre ces cinq personnes humaines, les deux adultes et les trois enfants, représente une augmentation, pour chacune de ces personnes humaines de $0.45 par semaine, pour faire face à l'inflation actuelle.

Oui, M. le Président, et encore une fois, je ne crois pas faire ce qu'on appelle de la petite politique partisane avec des chiffres, mais simplement revoir ce que ça veut dire dans le pouvoir d'achat réel. Le geste que le ministre pose, dit-il lui-même dans sa déclaration, c'est pour permettre à ces familles de faire face à l'inflation. $16 millions que le gouvernement du Québec débloque pour permettre à ces familles de faire face à une inflation que le gouvernement actuel, je le répète, est incapable dans le système actuel de combattre. Il doit attendre les gestes d'un autre gouvernement pour s'ajuster par la suite. Peu importe ceci. Quels sont donc ces outils nouveaux que donne le gouvernement québécois, cet après-midi, aux citoyens les plus démunis, par exemple deux enfants, trois adultes, à l'inflation? C'est $0.45 de plus pour chacune de ces personnes par semaine.

Que le ministre ne se surprenne pas. En même temps que nous disons qu'aucun d'entre nous ne peut blâmer le ministre pour un geste vers une augmentation dans ce genre, en même temps que nous appuyons la déclaration de cet après-midi, les partis d'Opposition ont jugé de leur devoir de réduire à sa réelle portée ce que ça veut dire. Ce que le gouvernement québécois annonce cet après-midi, c'est que, pour des familles de deux parents, trois enfants, chacune de ces personnes humaines aura maintenant $0.45 de plus par semaine pour faire face à la hausse du coût de la vie, qui n'est pas annoncée comme devant s'éteindre, qui est galopante actuellement, qui a même conduit le gouvernement fédéral à déclencher des élections prématurées, puisqu'on ne sait plus, ni d'un parti ni de l'autre, comment faire face à cette inflation. Si les partis politiques en sont à ne plus savoir comment faire face à cette inflation, comment croyez-vous que ces familles qui vivent sur l'aide sociale savent comment y faire face? Le gouvernement québécois leur apporte, aujourd'hui, $11 par mois à ces familles de trois enfants et deux adultes. Que nous qualifions cette augmentation de minime, d'insuffisante, je pense que c'est faire une analyse réelle du cas.

Maintenant, M. le Président, avant de terminer ces remarques, il y a un deuxième volet que je me dois de signaler. J'ai signalé en Chambre, tout à l'heure, que cela ne rétablissait même pas, à mon avis, l'injustice qui avait été faite à ces familles, au moment du vote que nous avons pris et de l'adoption que nous avons faite des nouveaux taux d'allocations familiales, en décembre dernier. Pas besoin de rappeler à tous les membres de la commission qui ont assisté à ce débat ce que nous soutenons dans cette thèse.

Tout le monde sait qu'à la suite des allocations familiales universelles, selon un principe que tous les sociaux-démocrates doivent soutenir; le principe de l'universalité des mesures sociales, à la suite, dis-je, de l'adoption d'allocations familiales universelles, le ministre a pris sur lui — pour des raisons qu'il a défendues et que, à mon avis, il a encore à défendre parce qu'elles n'ont pas fait le poids — pour maintenir une équité entre ceux qui travaillent au salaire minimum et ceux qui ne le font pas — il aura l'occasion de reprendre ces raisons — en décembre dernier, de rajuster, mais de façon défavorable, je crois, aux assistés sociaux, les barèmes en vigueur à ce moment-là. Nous avons soutenu, contrairement au ministre — il aura l'occasion de le reprendre — et je soutiens encore que ce geste était défavorable aux bénéficiaires de l'aide sociale. J'ai réaffirmé en Chambre, cet après-midi ce que nous avons déjà prétendu dans une motion de blâme présentée le 22 décembre dernier. Dans une fin de session où le gouvernement bousculait l'Opposition afin d'adopter une hausse du salaire des juges de $5,000 par année, ce débat avait été presque ignoré.

Mais pour les nouvelles allocations familiales, vous connaissez l'échelle: $15 au premier enfant, etc., selon le nombre. Cela voulait dire, pour une famille, je dirais, qui peut échapper à la dépendance de l'aide sociale et qui vit de ses propres revenus — professionnels ou ouvriers,

peu importe — par exemple une famille de trois enfants, qu'avec les nouvelles allocations familiales, on mettait dans ses goussets $576 francs, nets.

M. FORGET: M. le Président, vous permettez que j'interrompe brièvement...

M. CHARRON: Oui.

M. FORGET: ... le député de Saint-Jacques. Nous nous retrouvons ici dans la même situation que mardi de cette semaine, en débattant ce qui fait l'objet d'une motion qui est au feuilleton depuis plusieurs semaines également. Je me demande si le député de Saint-Jacques adopterait vis-à-vis de cette motion ou de ce débat, aujourd'hui, la même attitude coopérative qu'il a adoptée relativement à la première.

M. SAMSON: M. le Président, je soulève un point de règlement. Puisque l'on fait référence au feuilleton et que j'y ai, personnellement, une motion inscrite, qui concerne les barèmes du bien-être social et la rétroactivité dont j'ai parlé cet après-midi, je voudrais souligner, en fonction de cette question de règlement, que nous avions espéré pouvoir discuter bien avant aujourd'hui cette motion présentée. Il y a nettement un risque qu'elle ne soit jamais discutée, et j'explique pourquoi. En fonction de notre règlement, comme vous le savez, chacune de ces motions peut être appelée pour deux mercredis consécutifs. Donc, pour deux mercredis consécutifs, il y a actuellement une motion du Parti québécois qui est discutée et qui sera discutée un autre mercredi; il y a une autre de nos motions, qui était urgente et qui est annoncée pour deux autres mercredis, ce qui nous reporte à trois semaines. Là, il y aura deux autres motions du Parti québécois qui seront discutées, ce qui veut dire un mois de plus. Compte tenu du fait que, régulièrement, à chaque année vers la fin de mai, il y a la motion omnibus dont le ministre prendra sûrement connaissance... Non, l'automne passé aussi, nous avions dû subir cette motion omnibus. Le ministre comprend ce que je veux dire. On supprime tout simplement la journée des députés. Donc, il n'y a aucune possibilité que ces motions, ni la nôtre, ni celle de l'honorable député de Chicoutimi, qui, je pense, est reliée, à ces problèmes, ne soient discutées. D'autant plus que si elles pouvaient être discutées, ce serait en fonction du règlement qui nous régit à l'Assemblée nationale, ce qui veut dire que chacun fait son discours et le proposeur a un droit de réplique. Mais il ne peut pas y avoir une discussion de façon aussi intéressante, je pourrais dire, que celle que l'on peut avoir à l'occasion de la discussion des crédits parce qu'on peut alors poser des questions et avoir immédiatement les réponses, faire des déclarations et avoir aussi des répliques.

C'est pourquoi, quant à moi, je ne pose aucune espèce d'objection à ce que l'honorable député de Saint-Jacques puisse continuer à débattre son point de vue sur cette question. Je continue, cependant, à maintenir la position que j'ai prise. Ayant déjà fait connaître mon point de vue cet après-midi, je maintiens le même point de vue.

M. CHARRON: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Ostiguy): J'ai écouté le député de Saint-Jacques depuis quelques minutes et j'ai justement l'intention de le rappeler à l'étude des crédits. J'ai senti qu'il s'éloignait du sujet, qu'il était en train de faire un débat. Je voulais donc le rappeler à l'étude des crédits, au programme 2: Aide sociale.

M. CHARRON: M. le Président, je n'ai pas l'intention de m'éloigner du sujet. Je ne crois pas le faire. Je veux simplement signaler ceci sur la Loi de l'aide sociale, telle que modifiée, depuis cet après-midi, dans sa réglementation.

J'ai affirmé en Chambre que cela ne corrigeait pas ce que nous avons prétendu être une injustice faite à l'égard des bénéficiaires de l'aide sociale en décembre dernier. J'affirme maintenant — ce que je n'ai pas pu faire en Chambre — des chiffres à cet égard.

Une famille constituée de deux parents et de quatre enfants, lorsque nous avons voté le régime des allocations familiales, se trouvait à recevoir $912 de plus par année. Une famille de deux parents et de quatre enfants, mais qui, elle, est bénéficiaire de l'aide sociale, si elle reçoit le plein montant de ses chèques d'allocations familiales, ne reçoit plus ce qu'elle recevait auparavant de l'aide sociale et n'a vu son revenu augmenté, elle, que de $696. Cela fait que, pour une même famille — deux parents, quatre enfants — cela a été, d'un côté, comme on dit, un revenu net, clair, de $912 de plus et, actuellement, même modifié, cela ne signifie qu'un revenu net et clair de $696 de plus pour une personne qui est sur l'aide sociale, soit une différence de $240 avec une même famille, ayant le même nombre d'enfants, qui n'est pas dépendante de l'aide sociale.

Je ne donne que ces statistiques, M. le Président. Une famille de deux parents, cinq enfants, avec les nouvelles allocations familiales, a vu son revenu augmenter annuellement de $1,248 par le gouvernement. Une famille sur l'aide sociale, avec le même nombre d'enfants, verra maintenant son revenu, suite aux nouvelles dispositions annoncées cet après-midi, augmenter de $900. L'écart est toujours de $348. Nous avons soutenu que cela augmentait l'écart entre les riches et les pauvres et je continue à faire cette affirmation, même à la suite des modifications annoncées cet après-midi.

Je dis, toutefois, M. le Président, pour être honnête, que le précédent règlement de l'aide sociale défavorisait également les familles de deux adultes, trois enfants, de $24. Maintenant, deux parents, trois enfants, non bénéficiaires de

l'aide sociale, ont un revenu augmenté de $576 et ceux qui sont bénéficiaires de l'aide sociale ont maintenant un revenu augmenté de $684. L'écart négatif que subissait ce groupe de familles — deux parents, trois enfants — est maintenant rendu positif. Mais les familles nombreuses sur l'aide sociale sont défavorisées par rapport aux familles nombreuses qui ne sont pas sur l'aide sociale. C'est particulièrement celles-là que nous devrions aider avant toute autre chose, puisque ce sont probablement celles qui ont le plus de difficultés à faire face à la hausse du coût de la vie.

Dernière remarque, M. le Président, que je veux faire avant d'entendre les commentaires des autres députés, membres de la commission. Je ne cherche pas à retirer une gloire inutile de ce phénomène, mais, lorsque le nouveau taux d'indexation de 1974 avait été annoncé, nous avions signalé au ministre, par voie de communiqué dans les journaux, que nous estimions cette indexation inférieure de 3 p.c. à 4 p.c. à ce qu'elle devait être. Nous nous basions, à ce moment-là, sur le taux d'inflation de 1973. C'étaient les chiffres dont nous disposions et c'étaient ceux à partir desquels le ministre avait procédé à son indexation.

Nous affirmions, à cette époque, que le taux devait être supérieur de 3 p.c. à 4 p.c. Nous n'avions pas reçu de réponse, à ce moment-là. Une fin de non-recevoir avait été opposée. Cet après-midi, le ministre affirme: Nous estimons maintenant que la base sur laquelle nous avions établi les nouveaux taux de 1974 s'avère sous-évaluée de près de 4 p.c.

L'Opposition n'a pas l'intention de prendre gloire de ce genre de prévisions que nous avions faites et de dire: Nous vous l'avions dit il y a quatre mois. Il n'y a pas de gloire à prendre. Au contraire, c'est une hausse qui aurait dû arriver il y a quatre mois.

Il y a des gens qui ne l'ont pas eue et qui, depuis quatre mois, n'ont pas reçu l'appui gouvernemental qu'ils auraient dû avoir pour faire face à cette inflation. Je soutiens encore, en conclusion, que ce ne sont pas les $0.45 par semaine qu'on ajoute aux familles de deux adultes et trois enfants pour faire face à l'inflation qui constituent un outil vraiment efficace dans le cadre actuel.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Frontenac.

M. LECOURS: J'aimerais seulement faire remarquer au député de Saint-Jacques qu'il faut penser à ceux qui paient des taxes, aussi. Disons que moi-même, je trouve que cette indexation de 4 p.c. ne règlera pas complètement le problème des assistés sociaux, mais tout dernièrement, j'avais l'occasion de rencontrer les ouvriers de la terre dans mon comté, et j'ai discuté de leur problème. Je sais que les questions concernant les règlements 3.02 et 3.03 sont les plus importantes pour eux.

Maintenant, je dois les rencontrer encore dimanche qui vient et je vais pouvoir au moins leur annoncer que, même sur l'article 3.01, on a une augmentation. Je pense que c'est déjà important. Et moi, en tant que député de Frontenac et en tant que défenseur des assistés sociaux, au même titre peut-être que le député de Saint-Jacques ou des autres députés ici présents, je dois dire merci, mais merci à ceux qui paient des taxes parce que, tout de même, ce sont eux qui vont payer en fin de compte.

Je pense que nous devons nous réjouir au moins que ces personnes vont pouvoir vivre d'une façon plus convenable.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, programme 2, élément 1.

M. FORGET: J'aimerais faire quelques remarques.

M. SAMSON: Allez-y, M. le ministre.

M. FORGET: M. le Président, il y a encore quand même trop de choses qui ont été dites et sur lesquelles je ne puis pas être d'accord, même dans l'intérêt d'une accélération des travaux de cette commission, malgré que je serais enchanté d'offrir des possibilités à nos oppositions de poser des questions sur d'autres programmes. Il m'apparaït malgré tout important de rectifier certaines de ces remarques qui ont été faites et qui semblent témoigner de la même myopie que l'on caractérise souvent par une expression en vertu de laquelle on accuse certaines personnes de perdre de vue la forêt et de ne regarder que les arbres. Dans le cas du député de Saint-Jacques, je pense que cette expression pourrait être transformée et lui dire qu'il ne regarde que les heures et les minutes plutôt que de regarder l'horloge, parce que si on pousse son raisonnement à son point extrême, il est bien évident que les sommes en vertu desquelles nous augmentons l'aide sociale — qu'il s'est plu à considérer comme dérisoires en les calculant sur une base hebdomadaire — seraient décidément très minuscules si on les divisait en nombre d'heures et même en nombre de minutes et, pourquoi pas, à un taux par seconde. Il demeure que ce sont les mêmes augmentations dont il dit ne pas vouloir attribuer le mérite à la position de son parti en décembre mais auxquelles il attachait, dans ce contexte, énormément d'importance. Ces mêmes 4 p.c, qui ont même donné lieu à l'émission, apparemment, d'un communiqué de presse par son parti, deviennent maintenant une mesure dérisoire, alors qu'elles sont accordées au moment où elles doivent s'appliquer, c'est-à-dire au mois de juin qui est le mois qui sert d'objectif quant à la détermination d'un niveau moyen de prestation pour une année.

Il me semble donc qu'il ne faut pas perdre de vue l'ensemble de ce système qui, par une modification de taux, vient ajouter à des sommes qui, elles-mêmes, se sont rapidement

accrues. Ces rajouts ne prétendent pas combler le besoin de base, mais viennent s'ajouter pour compenser non pas l'ensemble de l'insuffisance de revenus mais celle qui découle d'une augmentation des prix. Elle est donc reliée à cette augmentation et du même ordre, ces quelques pour cent dont on parle, on parle, en somme, d'une inflation de 10 p.c. plutôt que d'une inflation de 5 p.c. ou 6 p.c, et c'est sur cette marge qu'il convient d'apprécier l'augmentation accordée et non pas sur l'ensemble des revenus qui doivent être garantis aux assistés sociaux.

Cette majoration qui est intervenue dans le passé — je me permets, encore une fois, d'insister sur son caractère — a fait hausser la prestation moyenne de pourcentage fort impressionnants; non seulement fort impressionnants, mais fort au-delà de l'augmentation du coût de la vie durant la même période. J'ai cité, à l'Assemblée nationale, ces pourcentages dans les prestations moyennes. Pour les personnes seules, 45 p.c. sur quatorze mois, en dépit des autres modifications qui ont pu en affecter quelques-unes à la baisse. Ceci vaut particulièrement pour les familles, car il s'agit de 20 p.c. dans leur cas, en dépit des mesures qui ont eu pour but de constituer un régime de sécurité du revenu qui soit cohérent, dans le sens suivant: il n'est pas suffisant — les propos que nous avons échangés cette semaine le montrent — d'accorder un appui aux assistés sociaux, sans se préoccuper de cette catégorie de personnes et de familles qui se trouvent tout juste sur la marge et tout juste au-dessus des revenus des assistés sociaux.

Nous avons discuté d'un processus de révision des programmes de sécurité du revenu, en vertu desquels il serait possible de compléter les régimes actuels, de diminuer le manque d'incitation au travail et de permettre précisément de faire ce que nous avons fait en janvier avec les allocations familiales — cette partie des programmes de soutien du revenu qui est dirigée spécifiquement vers la prise en charge des coûts découlant d'une famille — alors que nous avons adopté ces mesures qui bénéficient non seulement aux assistés sociaux, mais également aux travailleurs à revenu modeste. Il reste que ces majorations — c'est ce que l'on oublie de mentionner — des allocations familiales ont bénéficié de façon très substantielle aux travailleurs à revenu modeste en apportant un élément additionnel fort important à leur revenu. Il s'agit là d'une mesure essentielle si l'on veut déboucher sur un programme global de sécurité du revenu et non pas seulement sur une solution partielle qui attache toute l'attention à ce segment, inévitablement très important, des assistés sociaux. On doit déboucher sur une politique d'ensemble de sécurité du revenu, sur une politique de sécurité du revenu familial, un problème qui affecte tout autant les travailleurs qui sont rémunérés au taux du salaire minimum, que ceux qui le sont à des taux comparables, légèrement supérieurs.

Ces revenus d'emploi ne reflètent pas les charges familiales et il importe que, par un régime d'allocations familiales, un régime de sécurité du revenu familial — ces deux expressions largement équivalentes — nous apportions ce secours financier, cette aide financière qui s'est majorée, qui a triplé. Prétendre que cette majoration s'est faite aux dépens des assistés sociaux, alors que l'on observe que la prestation moyenne aux familles, durant la même période, s'est majorée de 20 p.c, c'est, je pense, ne voir qu'une partie du problème et comparer des choses qui ne sont pas comparables, c'est-à-dire ce qu'auraient reçu les assistés sociaux si, précisément, nous n'avions pas une vue globale du problème de la sécurité du revenu, mais plutôt une vue partielle, comme semble vouloir insister pour que nous la conservions le député de Saint-Jacques.

Il me semble qu'il est important de voir cet autre aspect de la sécurité du revenu, c'est-à-dire les avantages qu'elle a apportés pour les travailleurs à revenu modeste. Ce ne sont pas les assistés sociaux qui ont financé cette majoration, puisqu'ils ont eux-mêmes bénéficié — je parle des familles — d'une majoration de 20 p.c. dans leurs prestations moyennes. Pour ce qui est des cas individuels, on sait très bien qu'aucune famille, et ceci en vertu des règlements, n'a souffert de diminution dans le soutien du revenu qui lui était accordé, puisque ceci lui est garanti par le règlement. Ce règlement, d'ailleurs, ne s'est appliqué qu'à une infime minorité de familles, en janvier 1974, soit environ 3,000 familles, sur un total d'environ 85,000. C'est donc une infime minorité qui a bénéficié du seul statu quo; pour toutes les autres, il y a eu des majorations.

Majorations des allocations familiales; majorations en partie compensée par des diminutions d'aide sociale, mais majorations quand même, et majorations suffisamment nombreuses et suffisamment fortes pour que dans son ensemble la prestation moyenne versée aux familles soit accrue de 20 p.c.

Donc, elles n'ont pas été pénalisées; elles ont été au contraire avantagées par ces mesures. Encore une fois, il faut se reporter en arrière, peut-être élargir son horizon chronologique également, et pas seulement quant à l'envergure des programmes, mais quant à l'horizon chronologique, puisqu'une grande partie des comparaisons qui sont faites sont basées sur la situation en décembre par rapport à la situation en janvier, alors que l'on sait très bien que, précisément en 1973, en octobre 1973, pour anticiper les effets d'une majoration qui autrement ne serait venue en vigueur qu'en janvier, les prestations d'aide sociale avaient été majorées durant les trois derniers mois de l'année, de manière justement à ne pas différer plus qu'il ne fallait les majorations de l'aide sociale.

Si l'on fait donc une comparaison entre décembre et janvier, on obtient une image faussée de l'augmentation intervenue durant l'année, augmentation qui a déjà encore une

fois été anticipée en octobre, en partie, et qui a continué de se faire sentir, sans diminution, pour toutes les familles, en janvier, aucune d'elles n'ayant été pénalisée de façon globale, puisqu'il existe une clause de droits acquis en quelque sorte qui, malgré tout, n'a pas dû être invoquée très souvent, mais dans un très petit nombre de cas. Avec les modifications annoncées, même ces cas très peu nombreux le deviendront encore plus. C'est une majoration qui illustre, encore une fois, que ce régime d'aide sociale est susceptible d'être modifié en cours de route, au fur et à mesure que l'examen des conditions économiques au point de vue de l'évolution des prix, ou que l'examen que nous faisons de l'administration du régime nous révèle des possibilités d'apporter une amélioration.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, au programme 2, les éléments 1, 2, 3 et 4 sont adoptés. Programme 3: Assistance-maladie. Le député de Frontenac.

Assistance-maladie

M. LECOURS: M. le Président, il y a une situation qui prévaut dans cette province, que je me dois de dénoncer. Depuis le 1er février 1974, aucun médecin n'aura le droit de dispenser des médicaments à son patient. Encore une fois, ce sera le pauvre, le défavorisé et surtout les grosses familles qui vivent loin, à la campagne, qui devront défrayer le coût du transport pour aller faire remplir leurs ordonnances, parfois à 20 ou 30 milles de leur demeure, car, dans leur village, il n'y a pas de pharmacien.

Ici, je m'en voudrais de ne pas rendre hommage aux médecins de famille qui, depuis bon nombre d'années, ont distribué des médicaments dans leur localité respective, se souciant peu de savoir si le malade avait l'argent nécessaire pour défrayer le coût de ces médicaments. Trouvez-moi un pharmacien qui a fait crédit aux malades. Trouvez-moi un pharmacien qui a donné gratuitement des médicaments à un enfant malade dont le père ne pouvait payer, étant invalide, chômeur ou en grève.

Les médecins l'ont fait à tous les jours. En tant que médecin de campagne, je crois que cette nouvelle situation, où le médecin ne pourra distribuer les médicaments à son patient, se traduit encore une fois par une médecine moins humaine. Que dire de la liste des médicaments remboursés par l'assurance-maladie. Le prix remboursé pour le même médicament, de même dosage, de même qualité, peut varier d'une façon excessive. Qu'on consulte la liste des médicaments rédigée par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, où on voit un médicament comme Gravol qui peut coûter, auprès de certaines compagnies, $0.10 le comprimé, alors que d'autres compagnies vont le vendre $0.01 le comprimé. La tétracycline, un antibio- tique très employé peut coûter $15 le mille, alors que certains pharmaciens vont la vendre peut-être $0.25 le comprimé.

Je trouve ridicule, à l'heure actuelle, qu'il y ait une marge aussi importante. J'aimerais que la commission des affaires sociales se penche sur ce problème, pour trouver peut-être un prix moyen pour les médicaments employés. Prenez le valium, le librium, pour employer des noms connus; à l'heure actuelle, il peut y avoir une variation extraordinaire dans le prix des médicaments. Je ne sais pas si ce serait une politique possible à instituer, mais je dis une chose.

Présentement, dans plusieurs pharmacies, on fait de la substitution; on fait payer au gouvernement le prix du tétrex ou de la tétracycline et on passe une copie, en remplacement, qui va coûter environ $0.01 le comprimé ou la capsule. Je pense que c'est intolérable, et il devrait y avoir une enquête dans ce domaine-là pour voir si on peut améliorer la situation.

Aussi, il faudrait parler des médicaments combinés qui devraient être ajoutés à la liste des médicaments remboursables. Vous savez que, présentement, des produits comme librax, bentylol et phénobarbital, qui sont des produits combinés, ne sont pas remboursables par le gouvernement. Pourtant, s'ils étaient remboursables, le gouvernement pourrait épargner $2.10 au moins pour l'honoraire du pharmacien en plus du prix du médicament qui, souvent, revient au double du prix normal. C'est une autre chose que je trouve passablement anormale. Si on pouvait ajouter 25 produits combinés à la liste des médicaments qu'on possède déjà, on pourrait améliorer ce formulaire d'une façon extraordinaire. Plusieurs pharmaciens m'en on fait la remarque et il y aurait peut-être lieu de créer une commission pour voir à ajouter des médicaments combinés qui pourraient réellement faire économiser de l'argent à la province de Québec, aux contribuables, tout en améliorant le sort de ceux qui doivent payer ces médicaments.

Je ne peux pas laisser passer cette occasion sans demander à cette commission des suggestions. Si un patient souffre d'angine ou de claudication intermittente, l'assurance-maladie ne rembourse pas de médicament comme per-santine, peritrate, hydergine, vasodilan; c'est une chose inconcevable. A l'heure actuelle, dans les universités, nos jeunes médecins, qu'est-ce qu'ils apprennent? Dans les livres les plus récents, les plus grands spécialistes en médecine suggèrent encore comme traitement ces médicaments; comment expliquer que nos "finfins" du ministère trouvent, eux, que ça ne vaut rien? J'en suis très surpris. Si ça ne vaut rien, vous avez le devoir, messieurs...

M. DUFOUR: Vous renseigner.

M. LECOURS: ... pas seulement de vous renseigner, mais de prendre des procédures judiciaires contre des personnes qui trompent la

population. Il y a des médicaments, comme l'hydergine qui coûte $0.25 le comprimé, qui sont prescrits à des assistés sociaux qui doivent se servir de prestations d'assurance sociale pour les payer au lieu d'acheter de la nourriture à leurs enfants. Je pense que c'est inconcevable et c'est une chose qui devrait être étudiée de plus près.

Il y aurait aussi la question des médicaments gratuits aux bénéficiaires d'un supplément de revenu. Souvent, ces personnes, parce qu'elles ne reçoivent pas le maximum du supplément du revenu, n'ont pas droit aux médicaments gratuits; c'est une autre chose que je trouve un peu surprenante. Parfois, c'est seulement $10 qu'elles reçoivent de moins que le maximum prévu par la loi et, à cause de cela, elles n'ont pas le droit d'avoir leurs médicaments remboursés par le gouvernement. Je crois qu'on devrait faire quelque chose dans ce sens.

Il faudrait parler aussi des dentistes. Disons qu'une loi a été adoptée tout récemment pour le traitement gratuit des enfants jusqu'à 8 ans. C'est une loi qui est très louable à l'heure actuelle mais, dans ma région, on a une grave pénurie de dentistes. Cela prend environ douze mois pour avoir un rendez-vous chez un dentiste, présentement. Qu'est-ce qui va nous arriver? A quoi bon adopter des lois si on ne prévoit pas avoir au moins la personne la plus importante, le dentiste, parce que c'est lui qui donne le traitement? Que penser aussi, à l'heure actuelle, du fait qu'on rembourse $4 pour les obturations d'un assisté social, alors qu'avec la loi que vous venez d'adopter pour les enfants vous allez payer, je crois, de $7 à $8 la dent? Pourquoi cette différence entre l'assisté social et votre nouvelle loi? Ce sont seulement des remarques peut-être d'ordre général, mais pour moi, en tant que médecin de campagne, en tant que député qui défend les pauvres gens, les assistés sociaux, je vous demande de faire quelque chose.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. FORGET: Le député de Frontenac a fait allusion à un assez large éventail de questions dont quelques-unes, la dernière en particulier, dépassent évidemment le cadre strict des travaux de cette commission puisqu'elles relèvent de l'administration du régime de soins dentaires. Comme M. Martin, qui est président de la régie et qui est chargé de l'administration de ce régime, n'a pas d'autres occasions de se faire entendre ici ou de donner des explications sur l'administration du régime, je n'ai pas d'objection à ce qu'on touche aussi ces problèmes.

Nous y viendrons tantôt peut-être. Cependant, en réponse aux observations faites par le député de Frontenac, j'aimerais donner au moins quelques indications qui peuvent situer les choses dans leur perspective véritable.

Pour ce qui est de l'interdiction qu'il a mentionnée relativement à la distribution des médicaments par les médecins à compter du 1er février, il fait évidemment allusion à l'entrée en vigueur des lois régissant les professions et du code des professions, le 1er février, en vertu duquel cette nouvelle législation interdit à un médecin de distribuer des médicaments. C'est une règle qui sera sans doute appréciée à sa juste valeur dans le contexte actuel, puisqu'elle vise à diminuer des possibilités de conflit d'intérêts, mais qui, je pense, est tout à fait justifiée, qui a fait l'objet de discussions en commission parlementaire et qui a été retenue comme une règle raisonnable. Le médecin étant celui qui prescrit, il semblait dangereux en principe qu'il soit aussi celui qui vende le médicament. Cependant, étant donné la situation d'éloignement de certaines populations et l'absence de pharmacies, il est nécessaire de préciser que certains médecins peuvent demander de l'Association professionnelle des pharmaciens un permis pour la distribution et la vente des médicaments, lorsque les circonstances sont telles qu'il en va de la santé du public. Effectivement, on m'informe que 54 médecins ont un tel permis de distribution, qui est décerné lorsque les circonstances en font une solution appropriée.

On me dit que c'est en vertu de l'entente plutôt qu'en vertu de la loi. A tout événement, cette possibilité existe, elle est utilisée et elle permet de répondre aux difficultés qui sont soulevées par le député de Frontenac. Il est possible de l'utiliser plus largement peut-être, mais il faut aussi noter que l'introduction, il y a quelques années, en août 1972, du régime d'assistance-médicaments a suscité apparemment l'établissement d'un certain nombre de pharmacies dans des localités qui n'en avaient pas, parce qu'elle rendait rentable le fonctionnement d'une pharmacie. Cela a donc contribué à rendre plus accessibles à la population générale des services de cette catégorie de professionnels, les pharmaciens, et a donc diminué l'ampleur du problème, qui est réelle dans certains cas qu'a soulignés le député de Frontenac.

Pour ce qui est du prix des médicaments, il souligne l'éventail des prix, qui est observable en effet, par exemple en examinant la liste des médicaments. On pourrait discourir longuement sur le problème du prix des médicaments. Je m'empresse d'ajouter que c'est une question à laquelle j'attache personnellement une très grande importance et que j'étudie de près, de manière à voir quelles sont les mesures qu'il serait possible de prendre pour connaître d'abord la situation à fond, l'améliorer si c'est possible, non seulement à l'avantage du gouvernement qui paie les médicaments pour les assistés sociaux, mais également, si c'est possible, à l'égard de toute la population qui doit se procurer des médicaments. C'est une question à l'étude mais, avant même de pouvoir conclure de façon générale ou d'adopter des politiques nouvelles à cet égard, je voudrais attirer l'atten-

tion sur les corrections qui sont apportées, non seulement quant à la liste des médicaments elle-même, mais quant au prix auquel le gouvernement rembourse les pharmaciens pour certaines catégories de médicaments.

En janvier 1974, la liste qui a été publiée a introduit, pour la première fois, des prix qui ont été déterminés de manière légèrement différente que dans le passé, de manière à refléter davantage les prix effectivement payés par les pharmaciens pour certaines médications à consommation très grande. Certains des exemples qu'a fournis le député de Frontenac tombent dans cette catégorie, comme par exemple le valium et certains autres médicaments de cette nature.

Le prix de ces médicaments a été substantiellement réduit dans la liste, c'est-à-dire le prix auquel effectivement le gouvernement rembourse ces médicaments aux pharmaciens. Il y a donc déjà eu une action dans ce domaine. Ce n'est qu'au 1er février que s'est appliquée, comme je l'indiquais tantôt, la nouvelle législation professionnelle, y compris la nouvelle Loi de pharmacie qui permet effectivement la substitution. Donc, avant le 1er février, ce problème ne se posait pas. Il se pose maintenant. Nous avons une documentation sur les effets qu'a eus la substitution dans d'autres provinces où elle s'applique également.

Nous avons demandé que l'expérience soit suivie de près ici, subséquemment à ces changements de législation, de manière que les mesures appropriées puissent être prises. C'est une expérience ou une situation qui est trop récente au Québec pour que nous puissions tout de suite généraliser à partir de quelques exemples particuliers. Il est clair que cela crée une situation nouvelle, ce pouvoir de substitution qu'ont maintenant les pharmaciens. Cela peut avoir des implications quant aux prix qui sont inscrits sur la liste des médicaments et qui déterminent les sommes qui sont remboursées aux pharmaciens.

La question de l'inscription sur la liste des médicaments de produits combinés ou de médicaments combinés a été soulevée, comme certaines autres, dans le passé, relativement à cette liste. Ce qu'il faut comprendre, c'est que cette liste est l'objet d'une révision continuelle. Jusqu'à maintenant, nous en sommes à la quatrième ou cinquième édition; la quatrième, je crois, est celle que le député de Frontenac a dans les mains. Une cinquième édition paraîtra en juillet de cette année. Chaque édition s'est accompagnée de modifications importantes dans le nombre de médicaments qui sont portés sur la liste.

Cette liste est préparée sous l'autorité du ministre par le ministère, par le comité consultatif de pharmacologie dont l'existence et les rôles sont prévus dans les amendements à la Loi de l'assurance-maladie qui a été adoptée il y a quelques années. Ce comité est constitué de professionnels spécialisés dans ces questions. Ils consultent, dans la préparation de la liste, non seulement les répertoires de médicaments et les évaluations faites par la direction générale de la protection de la santé au ministère fédéral de la Santé, relativement au contrôle des aliments et drogues, mais également les normes établies par le ministère fédéral relativement à la bonne fabrication.

Mais la consultation ne s'arrête pas à ces listes, à ces évaluations; elle s'étend aussi aux groupes de professionnels, dont l'Association professionnelle des médecins et les fédérations médicales, de manière à s'assurer que la liste comprend bien tous les médicaments qu'il est essentiel de retrouver dans une telle liste. On a trouvé dans la presse, dans les journaux, plusieurs discussions sur le grand nombre de médicaments qui existent sur le marché, médicaments dont la valeur thérapeutique est parfois contestée, mais dont le nombre même pose un problème. Il y a beaucoup plus de médicaments que de maladies, comme on le sait. Il y a des choix qui doivent, sans aucun doute, être laissés aux praticiens. Mais le but de la liste est de fournir tous les moyens réputés valides sur un plan thérapeutique pour le traitement de toutes les maladies connues.

Ceci inclut même certains médicaments combinés, quoique, là-dessus, beaucoup de réserves soient exprimées sur un plan professionnel, ce qui a fait que les premières éditions de la liste en comprenaient fort peu; les éditions successives en ont admis un certain nombre.

Je pense que nous avons, actuellement, entre 70 et 80 médicaments combinés. D'autres peuvent venir s'y ajouter et les 25 auxquels a fait allusion le député de Frontenac pourront l'être également si le comité consultatif, par ses consultations, établit qu'ils sont véritablement nécessaires.

Ce que l'on dit au sujet de ces médicaments combinés, c'est qu'ils engendrent des risques d'interaction et d'effets secondaires qui sont plus difficiles à contrôler et plus difficiles à connaître pour le praticien, étant donné le très grand nombre de médicaments et la très grande pression qui existe chez les fabricants pour introduire des combinaisons nouvelles pour des raisons de marketing beaucoup plus que pour des raisons strictement thérapeutiques.

Mais ces questions font l'objet d'une évaluation continue et d'une consultation continue du comité de pharmacologie avec les groupes professionnels. On m'informe qu'à la suite de ces consultations il y a un accord qui est réalisé, à chaque moment dans le temps, bien sûr, puisqu'il y a toujours de nouveaux médicaments qui s'ajoutent. Quand la liste est publiée, elle reflète un assez large consensus avec les milieux professionnels impliqués.

On n'a qu'à se reporter à quelques listes en arrière, de six mois en six mois, pour voir l'importance des additions faites à chaque moment et des éliminations qui interviennent également lorsque, par exemple, un médicament est retiré par un fabricant — c'est un cas

simple — ou qu'un médicament, tout à coup, se révèle insatisfaisant au point de vue du respect de certaines normes.

Nous avons des discussions avec les responsables du programme fédéral sur l'examen de la qualité des médicaments. Ces discussions ont pour but de permettre aux provinces d'établir, avec le ministère fédéral chargé de l'application de ce programme de la qualité des médicaments, le programme d'évaluation, la liste des produits qui feront l'objet d'une évaluation, de manière que ce nouveau critère s'ajoute à ceux qui sont présentement utilisés et qui sont décrits dans la préface de cette liste.

Cette évaluation, comme on le sait, porte sur les caractéristiques qui ne sont pas actuellement disponibles, telles que la biodisponibilité, c'est-à-dire la capacité de ces médicaments à être absorbés par l'organisme et à faire effectivement la tâche pour laquelle ils sont destinés. Les discussions que nous avons, par le Conseil consultatif de pharmacologie, à ce sujet avec d'autres provinces nous indiquent qu'effectivement la liste des évaluations pourra être établie conjointement par cet organisme et les provinces, de manière que les médicaments de plus grande consommation fassent en priorité l'objet de ces évaluations. Nous contribuerons ainsi à améliorer la liste comme un instrument non seulement de sécurité sociale dans un sens large mais aussi comme un instrument pour aider le médecin à apporter des réponses effectives aux problèmes qui lui sont soumis.

Pour ce qui est de la pénurie de dentistes dans certaines régions, c'est un phénomène auquel nous sommes évidemment sensibles. C'est un phénomène, d'ailleurs, auquel j'ai fait allusion lorsque j'ai annoncé le programme. Il est évident que le programme de gratuité des soins dentaires, tout comme le programme de gratuité des soins médicaux, ne résoud pas à lui seul les disparités régionales dans la disponibilité ou la présence de médecins ou de dentistes.

Il ne faut pas oublier les efforts qui sont faits, d'autre part, pour stimuler la production, en quelque sorte, de ce personnel spécialisé par les différentes facultés, ce qui vaut à la fois pour les facultés de médecine, dans un autre contexte, mais également pour les facultés de chirurgie dentaire, qui, durant les dernières années, ont effectivement accru leurs effectifs étudiants.

Mais cette disparité régionale dans l'accessibilité physique aux services ne diminue en rien l'intérêt de développer des mesures d'accessibilité financière pour ces dentistes qui existent.

Il est important d'assurer au moins un accès égal, indépendamment du revenu des familles. C'est ce que le programme prétend faire, il ne prétend pas régler tous les problèmes de santé dentaire d'un coup. Nous aurons l'occasion, lors d'études d'autres mesures, d'y contribuer, j'espère.

M. LECOURS: Les $4 d'obturation.

M. FORGET: Pour ce qui est de ce taux, j'ai demandé, lorsque les ententes ont été signées avec l'Association des chirurgiens dentistes, de corriger les barèmes selon lesquels sont remboursés les dentistes pour les services qu'ils donnent aux assistés sociaux.

Cet amendement est en voie de préparation, il interviendra dans un très bref délai et il viendra, à ce moment-là, harmoniser les tarifs dans les deux régimes.

M. LECOURS: II y a une autre question que j'aimerais poser. J'aimerais savoir qui a fixé le prix de la tétracyne, de la compagnie Pfizer, à seize capsules pour $1.68, alors qu'on peut en acheter tant qu'on veut pour $12 le mille? Qui fixe ces prix? Je veux le connaître, cet expert, moi. Je veux le connaître parce qu'il y a plusieurs produits comme ça sur lesquels on se pose des questions étranges.

M. FORGET: Comme je vous ai expliqué, le mécanisme...

M. LECOURS: Je vous en vendrais, moi, à bien meilleur marché que ça.

M. FORGET: Nous allons vous prendre au mot, si vous ne faites pas attention.

M. CHARRON: Conflit d'intérêts.

M. FORGET: Pour des quantités limitées...

M. LECOURS: Vous ferez ça quand je ne serai pas là.

M. SAMSON: A condition que vous ne preniez pas un trop gros profit.

M. FORGET: Pour ce qui est de la détermination du prix des médicaments, essentiellement, cette détermination s'est faite jusqu'à maintenant, en demandant aux fabricants d'établir des listes de prix auxquels ils peuvent fournir ces produits et en s'assurant que ces prix représentent, autant que faire se peut — puisque nous ne pouvons pas inspecter les livres de tous les pharmaciens du Québec — les prix qui sont effectivement demandés.

J'ai également signalé que, dans le cas d'un certain nombre de produits, effectivement, tous les produits, je préfère omettre cette complication, ça nous entraînerait assez loin, étant donné l'heure, mais dans le cas d'un certain nombre de produits, je pense que c'est 25 ou 30, qui sont de très haute consommation, la liste du mois de janvier a établi des prix qui sont réalistes, étant donné les pratiques effectivement suivies au niveau du fabricant, du grossiste et du détaillant.

Il se peut que ce processus doive se continuer mais, encore une fois, tout le mécanisme d'établissement des prix dans le domaine des médicaments fait l'objet d'une étude, et nous ne sommes pas encore arrivés à des conclusions.

M. LECOURS: Par là, je veux prouver la faiblesse du gouvernement en face d'une compagnie pharmaceutique qui décide de vendre ses produits à $12 le mille aux pharmaciens, mais qui réussit à faire accepter à $1.68 pour seize capsules le remboursement par le gouvernement. Lui, il pousse la vente dans les pharmacies tant qu'il veut parce que le pharmacien est sûr qu'il achète ça pour $12 le mille et qu'il les revend $1.68 pour seize capsules, en plus de ses $2.10 de frais pour honoraires professionnels.

Je pense que si le gouvernement n'est pas conscient de ce genre de trafic qui se produit présentement, on n'aboutira jamais à régler le problème des médicaments qui est le problème majeur à l'heure actuelle, je pense, au niveau des coûts qui s'en viennent.

M. CHARRON: Est-ce que le député de Frontenac dirait que l'exemple qu'il donne peut se retrouver dans une série d'autres médicaments, par exemple...

M. LECOURS: Sûrement...

M. CHARRON: ... entre le prix de détail au pharmacien et celui que paie l'Etat québécois?

M. LECOURS: Sûrement, on peut le retrouver avec le valium, on peut le retrouver avec le vivol, on peut le retrouver avec le librium et toutes ces marques; on peut le retrouver dans plusieurs médicaments.

M. FORGET: Nous sommes tellement conscients de ce problème que nous avons effectivement changé le mode de détermination de certains prix dans la liste du mois de janvier, et nous avons réalisé, grâce à ce changement...

M. LECOURS: C'est votre liste du mois de janvier que j'ai là.

M. FORGET: Nous avons effectivement réalisé une économie de $500,000 dans l'administration du régime à cause de ces modifications. Maintenant, il se peut — et nous en sommes conscients, c'est pourquoi nous continuons ce travail — que d'autres économies puissent être réalisées, mais tout ce problème de négociation de prix des médicaments est un problème plus complexe, je pense, que le député de Frontenac ne semble le croire. Avant de pouvoir présenter une politique entièrement nouvelle à cet égard, d'autres études sont nécessaires que de simplement citer des cas d'espèce.

M. SAMSON: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si vous permettez...

M. SAMSON: ... sur le même sujet...

M. LECOURS: D'accord.

M. SAMSON: ... je considère les déclarations faites par le député de Frontenac comme extrêmement sérieuses. A l'appui de ses déclarations, on nous mentionne qu'une multitude de produits peuvent se vendre à des taux semblables, en tout cas au prix de gros, et à des taux semblables, exorbitants, au prix de détail. Est-ce que, dans la recherche d'une solution à ce problème, M. le Président, le ministre n'a pas l'intention — pas immédiatement, disons, parce que nous sommes à l'étude des crédits et il y a d'autres commissions aussi qui doivent siéger — à l'occasion d'une intersession, par exemple, de convoquer une commission parlementaire spéciale au cours de laquelle il nous serait possible d'étudier ce sujet et où il devrait être possible aux membres de l'Assemblée nationale d'entendre les parties intéressées à cette question, autant le fabricant que le fournisseur au gros ou au détail, ou le pharmacien, si vous voulez, ou l'association des pharmaciens? Je pense que quand le ministre dit que c'est un problème complexe, il a raison. Il a raison. Mais ce problème est probablement complexe aujourd'hui parce que le public n'est pas suffisamment informé de cette situation, et la façon d'en arriver à ce que le public soit mieux informé, c'est qu'il y ait une discussion publique à ce sujet. Je pense qu'il est humain, M. le Président, de rechercher des profits, mais il est aussi humain de rechercher que ces profits soient raisonnables, qu'il n'y ait pas abus, qu'il n'y ait pas non plus exploitation.

Et la meilleure façon d'en arriver à un régulateur, dans ce domaine comme dans certains autres, c'est de susciter un débat public, car les gens qui abusent d'une situation sont un peu plus gênés quand le débat devient public et, par cette pression, par ce moyen de pression en tout cas, sont peut-être davantage incités à être plus raisonnables. C'est la suggestion que je fais au ministre, qu'il y ait commission parlementaire, à l'occasion de l'intersession sur ce sujet. Qu'on prenne le temps qu'il faut pour convoquer les parties intéressées; qu'on donne aux membres de l'Assemblée nationale les informations qui sont déjà au ministère afin que nous puissions avoir sur ce sujet un débat des plus intéressants et qui permettrait peut-être d'en arriver à de meilleures solutions.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): On pourra passer le fluor en même temps.

M. SAMSON: Est-ce que je dois considérer, par cette invitation de la présidence, que vous demandez de convoquer aussi une commission parlementaire spéciale sur ce sujet?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Cela viendra peut-être.

M. SAMSON: M. le Président, on pourra peut-être aussi demander aux dentistes de venir devant cette commission et de nous expliquer certaines prises de position qu'ils avaient l'an

dernier à l'encontre des denturologistes. On sentait, dans ce débat, que les dentistes ne voulaient pas perdre un certain revenu en le laissant aller aux denturologistes. Aujourd'hui, certains dentistes, en tout cas, sous prétexte que cela peut protéger les dents, sont pour la fluoration, alors qu'il y a quelques mois on était contre le fait de permettre à d'autres personnes de produire et de vendre des dentiers à un meilleur prix. Là, il y a une contradiction flagrante que je ne m'explique pas et que le président probablement pourrait nous expliquer lorsqu'il viendrait à une commission parlementaire, non pas en tant que président parce qu'il n'a pas droit de parler en tant que président. J'ai peut-être cet avantage sur lui aujourd'hui.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Vous avez posé la question au président.

M. SAMSON: Je sais que ce n'est pas raisonnable; j'ai l'avantage sur lui aujourd'hui et je ne veux pas abuser du fait qu'il est président et qu'il n'a pas le droit de parole. C'est pourquoi, M. le Président, je pense que nous devrions demander au ministre de convoquer cette commission parlementaire et de vous permettre de venir nous expliquer tout ça, à ce moment-là.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Vous avez présumé de mes intentions et elles sont exactes. J'ai hâte.

M. SAMSON: M. le Président, vous n'avez pas le droit de parole, mais je vous jure, moi, que je suis fier de ce que vous venez de dire là.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Rosemont.

M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai quatre questions à poser au ministre.

M. SAMSON: M. le Président, je m'excuse, mais j'invoque le règlement; j'ai posé une question au ministre. Je ne veux pas empiéter sur le droit de parole du député de Rosemont, mais je pense que si on ne demande pas au ministre de nous donner immédiatement une réponse, on peut peut-être oublier ça. Je ne voudrais pas qu'on l'oublie.

M. FORGET: II me fait plaisir de répondre au député de Rouyn-Noranda que je prends note de sa question.

M. SAMSON: Je suis assis à cette commission parlementaire avec les meilleures intentions du monde, ne voulant pas retarder les débats, mais cette provocation du ministre m'amène à vouloir aller plus loin. Le ministre,...

M. BELLEMARE: M. le Président, ai-je la parole?

M. SAMSON: ... en plus de me dire qu'il prend ma question en note, est-ce qu'il peut nous dire s'il considère que cette suggestion pourrait apporter un élément intéressant dans ce débat, concernant les questions que vient de soulever l'honorable député de Frontenac?

M. FORGET: Je suis d'accord que c'est une question intéressante et importante, c'est une suggestion dont je prends note avec plaisir.

M. SAMSON: Ah! merci, M. le Président, ça, c'est une réponse.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de Rosemont.

M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai quelques questions, lesquelles seront très brèves, quatre, peut-être cinq. La première, si les pharmaciens empêchent certains médecins de vendre des médicaments sauf s'il y a entente entre le Collège des médecins et le Collège des pharmaciens, pourquoi certains pharmaciens font-ils des consultations? 2) Est-ce dans le livre ou le feuillet du député de Frontenac? Je ne crois pas avoir entendu dire que, sur la liste de produits pharmaceutiques, les cartes de Noël, les bas nylon, les cartes mortuaires, les cartes de fête existent comme remèdes; c'est la première fois que j'entends ça et je ne crois pas que ce soit sur la liste.

Autre question: Quelles sont les catégories de personnes sujettes à.ce programme? Quelles sont les modalités d'attention et de contrôle des prestations de médicaments? Pourquoi les prestataires de la Régie des rentes du Québec ne sont-ils pas admissibles à ce programme? Le seront-ils bientôt? Sinon, pourquoi?

M. FORGET: Relativement à la première question, je renvoie le député de Rosemont aux corporations professionnelles impliquées. Effectivement, je ne crois pas qu'il est de mon ressort de chercher à expliquer pourquoi, si tel est le cas, les pharmaciens donneraient des consultations. Il est exact qu'ils ne peuvent donner des consultations médicales, sans aucun doute. Pour ce qui est des bénéficiaires du régime, ces bénéfices ne sont pas couverts; il s'agit d'un programme d'assistance-médicaments dont bénéficient les assistés sociaux.

Ce qui parait aux crédits du ministère, c'est cette partie du régime d'assistance-médicaments dont bénéficient les assistés sociaux. Il y a un autre régime, auquel le député de Rosemont fait allusion, qui favorise les personnes âgées qui reçoivent le maximum du supplément du revenu garanti au titre de la sécurité de la vieillesse. Cet autre budget, qui se chiffre par environ $8 millions ou $9 millions pour une année complète, est assumé à même le budget de l'assistance-maladie. Donc, il ne parait pas dans ces crédits-ci.

Les motifs qui font que cette autre mesure, qui est financée à même le budget de l'assurance-maladie, ne s'applique qu'à ceux qui ont le maximum du supplément du revenu garanti, tiennent simplement au fait que la loi qui a étendu le régime ne couvre que cette catégorie de bénéficiaires. On a voulu, de cette manière, aider les personnes âgées dont la seule ressource est constituée par leur pension de sécurité de vieillesse. Autrement dit, les plus démunies des personnes âgées bénéficient d'un régime d'assistance-médicaments analogue â celui dont bénéficient les assistés sociaux. C'était l'objectif initial poursuivi et qui est incorporé dans un projet de loi et qui ne peut être étendu par un règlement, mais qui demanderait une modification à la loi qu'il est plus difficile d'apporter que dans le cas d'un règlement. On a une illustration d'une rigidité qui fait que pour envisager une extension au régime, il faut envisager un processus législatif.

Maintenant, il faut comprendre, puisque c'est sous-jacent dans la question qui a été posée, que tout régime qui n'est pas universel va comporter une ligne de démarcation, qui va toujours paraître arbitraire, entre la dernière personne, en quelque sorte, qui a droit au régime, et la première qui n'y a pas droit ou qui devrait y avoir droit, selon une autre conception de ce que le régime doit être, mais qui se reproduirait plus tard, lorsque avec cet amendement, nous déplacerions la frontière.

Donc, des problèmes réels existent de coordination de différentes mesures de sécurité pour les personnes âgées, sécurité de revenu pour les personnes âgées. Ce sont des problèmes sur lesquels nous nous penchons mais qui ne sont pas faciles à résoudre puisque, à la fois sur le plan du régime de rentes, sur le plan de la sécurité de la vieillesse et sur le plan du régime lui-même d'assistance-médicaments, il y a des modifications à apporter dont les implications, cependant, sont parfois nombreuses et fort insoupçonnées et qu'il faut poursuivre jusqu'au bout de manière à s'assurer qu'on ne produise pas des effets contraires à ceux que l'on recherche.

Cette étude se poursuit pour empêcher, par exemple, que des personnes qui reçoivent une rente de retraite très faible soient, en quelque sorte, pénalisées. Mais il s'agit là d'un problème difficile à résoudre, qui pourra, éventuellement, déboucher sur un amendement à la loi. Nous n'en sommes pas là dans nos travaux, dans le moment.

M. CHARRON: M. le Président, j'aurais des questions à poser.

M. BELLEMARE: M. le Président, juste une question supplémentaire, que j'ai omise. Je voulais la poser mais je l'ai omise dans mes questions. On annonce que la cigarette peut être dommageable à la santé. La façon la plus facile de se procurer des cigarettes au meilleur marché, c'est dans les ventes de pharmacies. Elles font des ventes de cigarettes. Est-ce que le ministère est au courant de ça?

M. FORGET: Ecoutez, les pratiques que peuvent avoir les pharmaciens échappent complètement, dans la situation actuelle, à la juridiction du ministère des Affaires sociales. Si ces pratiques vous troublent, comme elles peuvent en effet troubler quiconque s'intéresse à l'état de santé, puisqu'il a été prouvé que la consommation des cigarettes n'est pas favorable au maintien d'un bon état de santé, il faut faire des représentations auprès des corporations professionnelles qui existent pour ça. Peut-être conseilleront-elles dans leur code de déontologie qu'elles ne devraient plus vendre de cigarettes. Mais c'est un problème qui doit se résoudre à cet endroit, pas au ministère des Affaires sociales.

M. SAMSON: M. le Président, il est dit que la cigarette tue lentement. Cela ne fait rien, on n'est pas pressé !

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Fumez! Fumez ! Vous n'êtes que deux.

L'honorable député de Shefford m'avait mentionné qu'il avait une très courte question. Si la commission veut la lui permettre.

M. VERREAULT: M. le Président, j'aimerais connaître les commentaires du ministre des Affaires sociales relativement aux personnes qui reçoivent le revenu supplémentaire fédéral, les gens qui sont à leur pension de 65 ans et qui ont droit à la carte-médicaments. Dans un cas semblable, il arrive — j'ai plusieurs problèmes — que les gens qui reçoivent une toute petite pension, qui ne reçoivent pas le surplus ne peuvent pas l'avoir, cette carte-médicaments.

M. FORGET: C'est le problème auquel j'ai justement fait allusion.

M. CHARRON: On va embarquer dedans demain.

M. FORGET: J'ai dit que nous examinions toutes ces questions, qu'il y avait plusieurs implications à examiner. Nous pourrons en discuter plus complètement à la prochaine séance.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): La commission suspend ses travaux jusqu'à un ordre nouveau de la Chambre.

(Fin de la séance à 18 h 1)

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