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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Wednesday, May 4, 1988 - Vol. 30 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les projets de loi 106 - Loi sur les élections scolaires et 107 - Loi sur l'instruction publique


Journal des débats

 

Dix heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, fil vous plaît!

J'invite les membres de la commission à prendre place, ainsi que les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec. La commission permanente de l'éducation va entreprendre ses travaux.

M. le secrétaire, est que nous avons quorum?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a des remplacements du côté de l'Opposition officielle?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y en a du côté ministériel?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il n'y a pas de remplacement, je déclare donc ouverte cette séance de consultation qui se tient dans le cadre du mandat de la commission permanente de l'éducation, mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale, soit de tenir une consultation générale dans le but d'étudier les projets de loi 106 et 107.

Ce matin, la commission parlementaire va ecevoir deux groupes. Dans un premier temps, la Centrale de l'enseignement du Québec, suivie par 'Alliance des professeures et professeurs de Montréal. M. Charbonneau, président de la Centrale de l'enseignement du Québec, sera le porte-parole de ce premier groupe.

Alors, M. Charbonneau, la commission va tous entendre et est prête à consacrer une heure et demie à l'échange que vous aurez avec les membres de la commission. Je n'ai pas de directive à vous donner, peut-être une suggestion, soit de séparer ces 90 minutes à peu près en parts égales. Essayez de nous présenter votre mémoire en 30 minutes environ, et le reste du temps sera réparti de façon équitable entre les deux formations politiques. Étant donné l'importance et l'impact de la Centrale de l'enseignement du Québec, sentez-vous bien à l'aise, s'il fallait peut-être dépasser de quelques minutes.

Je veux aussi vous remercier d'avoir accepté l'invitation de la commission de l'éducation à venir apporter l'éclairage de votre centrale sur ses deux projets de loi.

Alors, M. Charbonneau, pour les besoins du Journal des débats, je vous inviterais à nous présenter les gens qui vous accompagnent et qui sont susceptibles d'intervenir dans les échanges que vous aurez avec les membres de la commission. Après cela, je vous invite à enchaîner immédiatement en nous présentant votre mémoire.

M. Charbonneau.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. Charbonneau (Yvon): Merci. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, la délégation qui m'accompagne aujourd'hui est composée, à mon extrême gauche, de Mme Rosette Côté, qui est la première vice-présidente de notre organisation, de M. Pierre Tellier, président de la Fédération des professionnelles et professionnels de commissions scolaires du Québec, de M. Raymond Johnston, qui est vice-président de la centrale, de M. Hervé Bergeron, qui est le président de la Commission des enseignantes et enseignants de commissions scolaires, de M. Daniel Lachance, qui est le président de notre Fédération du personnel de soutien, et de M. Henri Laberge, qui est conseiller à la centrale.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame et messieurs, bienvenue. M. le président.

M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, le projet de loi 107 vient, à la suite du projet de loi 40 d, il y a quelques années et de la loi 3, relancer le débat sur les structures scolaires dans les milieux de l'éducation et dans la société québécoise qui sont aux prises, certes, avec des structures vieillottes mais, plus gravement encore, avec un système d'enseignement public sous-financé et en voie de sous-développement. La CEQ a analysé le projet de loi 107 en regard des droits syndicaux et professionnels de ses membres, certes, de ses orientations quant à la confessionnalité, à l'accessibilité et à la qualité des services publics d'éducation, sous l'angle aussi du contrôle démocratique des politiques scolaires, mais aussi et surtout en regard du vécu scolaire que nous connaissons en 1988.

Le débat sur le projet de loi 107 ne doit pas nous faire oublier les vrais problèmes qui existent aujourd'hui en éducation, ni l'urgence d'intervenir pour corriger certaines situations, tels la lourdeur de la tâche des personnels, le manque d'autonomie professionnelle, la précarité croissante des emplois, l'instabilité dans certains secteurs, dont l'éducation des adultes pour n'en nommer qu'un, l'insuffisance des services en milieux pluriethniques, ni de façon générale nous faire oublier, servir de trompe-l'oeil ou d'écran de fumée face au manque de ressources qui sont affectées à l'enseignement public. Alors que les services éducatifs complémentaires et particuliers sont devenus aléatoires, dans plusieurs milieux que les services de soutien à l'enseignement et à

l'éducation publique ont rejoint un niveau qualifiable de sous-développement en raison des nombreuses compressions budgétaires successives dont les effets sont cumulatifs, voilà que le président du Conseil du trésor vient d'annoncer, malheureusement, une nouvelle réduction de 1, 5 % du personnel non enseignant de l'enseignement primaire et secondaire. Comme les personnels cadres et hors cadres réussissent généralement à éviter le couperet, ces nouvelles coupures viseront donc les personnels salariés professionnels et de soutien des commissions scolaires, aggravant encore la situation décrite depuis plusieurs années par notre organisation et plusieurs autres. Et que l'on ne vienne pas nous dire que le tout va se passer autrement, puisque je peux déjà vous illustrer deux exemples de l'effet de ces compressions ou de ces coupures additionnelles. On m'apprend qu'à la Commission des écoles catholiques de Montréal on s'apprête à se départir des services de 92 professionnels à temps régulier sur un total de 420, ce qui fait une réduction de 22 % des professionnels à l'emploi de la commission scolaire la plus importante du Québec. À titre d'illustration pour ce qui est du personnel de soutien, on m'apprend que la commission scolaire Outaouais-Huli annonce qu'elle va se départir de 10 % de son personnel de soutien à la suite de l'application de ces nouvelles rigueurs budgétaires.

M. le Président, M. le ministre, je crois que ce sont là des données extrêmement importantes qui expriment qu'on est en train de mettre en péril notre système public d'enseignement par ces mesures qui ne cessent de nous tomber sur la tête, budget après budget. Au moment même où le secteur de l'éducation aux adultes connaît des demandes de services accrus et diversifiés, au moment où il nous faut amorcer une vaste campagne contre l'analphabétisme, le gouvernement annonce une diminution de 23 000 000 $ de subventions à ce secteur. Pendant que l'on applique une politique de rigueur extrême envers l'école publique, l'école privée ne cesse de recevoir une proportion accrue et démesurée d'augmentations de subventions. Donc, c'est à la lumière de ce vécu scolaire et budgétaire que nous vous dirons notre point de vue sur le projet de loi 107, lequel représente un certain rafraîchissement extérieur de la Loi sur l'instruction publique, mais qui aurait besoin de plusieurs modifications profondes pour répondre de manière satisfaisante à nos aspirations et à celles, croyons-nous, d'une large couche de la population québécoise.

Parlons d'abord de la confessionnalité du sytème ou des structures scolaires. À partir du principe de la séparation de l'Église et de l'État, un acquis démocratique de la plupart des pays occidentaux, nous croyons qu'à la base du système il doit y avoir des écoles publiques vraiment communes, donc, non confessionnelles. C'est à cette condition que l'on peut parier vraiment de démocratie scolaire, à la condition que l'on trouve partout des écoles accessibles à toutes les catégories d'élèves, sans distinction de croyance, de religion ou autres. Nous croyons aussi, pour respecter le caractère spécifique du Québec, que dans de telles écoles un enseignement religieux diversifié de même que des services d'animation pastorale ou morale non confessionnels devraient trouver leur place. Nous estimons, certes, qu'un tel réseau d'écoles publiques communes devrait être administré par des commissions scolaires non confessionnelles, regroupées sur une base linguistique, francophone et anglophone, et encadrées par un ministère de l'Éducation et un Conseil supérieur de l'éducation desquels seraient disparues toutes traces de compartimentation ou de supervision de caractère confessionnel. Or, le projet de loi 107 est bien loin de cette vision. Certes, il propose la transformation des commissions scolaires sur une base linguistique, mais sauf à Montréal, sauf à Québec, sauf pour les commissions scolaires dissidentes et seulement si le changement est jugé acceptable par les plus hauts tribunaux du pays.

Nous constatons que, d'emblée, le gouvernement s'inscrit à la remorque de l'interprétation par la Cour suprême de l'article 93 de la constitution de 1867 ou de l'article 29 de la version de 1982. Nous constatons qu'il accepte les entraves à l'exercice de la compétence de l'Assemblée nationale en matière d'éducation. Pourquoi le ministre et le gouvernement ne nous annoncent-ils pas leur intention de faire lever cette entrave constitutionnelle plutôt que d'envisager de s'y soumettre? C'est une question sur laquelle nous aimerions entendre le ministre. Pourquoi ne pas nous annoncer son intention profonde, plutôt que de nous dire que, si le juge ou la cour en dispose autrement, nous concédons à l'avance la compétence du Québec en cette matière?

Pourquoi le ministre et le gouvernement nous proposent-ils un enchevêtrement sans précédent de commissions scolaires confessionnelles, linguistiques, superposées dans certains territoires? Pourquoi nous exposent-ils à l'émiettement du système public en toutes sortes de champs de juridiction fort complexes? Est-il donc si difficile d'affirmer clairement que la commission scolaire francophone non confessionnelle devrait, sauf exception prévue à la loi, être la règle commune au Québec? N'est-il pas devenu urgent de clarifier en particulier la situation qui prévaut à Montréal et dans l'agglomération montréalaise, là où se fait sentir, plus qu'ailleurs encore, le besoin d'un service public d'éducation francophone pluraliste, non confessionnel? Cette réalité, il faut la gérer de façon résolument moderne et non pas la contourner ou l'éviter en s'abritant derrière des dispositions datant d'il y a plus de 120 ans.

Plutôt que d'ouvrir au morcellement et à la ghettoïsation des clientèles scolaires, comme le fait le projet de loi 107, le ministre devrait, nous semble-t-il, dire haut et fort son intention

ferme de doter le Québec des années quatre-vingt-dix d'un système de commissions scolaires simplifié et permettant aux Québécoises et Québécois, jeunes ou adultes, de toute provenance ethnique ou confessionnelle, de se rencontrer, de se connaître, de fraterniser, de se comprendre, de faire cause commune grâce à une expérience heureuse et harmonieuse au sein d'écoles communes, publiques et pluralistes. Or, bien loin de nous rapprocher de cette vision, nous nous en éloignons avec le présent projet de loi qui consacre une soixantaine d'articles au maintien du caractère confessionnel de notre système d'éducation. Car ce n'est pas dans les bureaux des commissions scolaires que se dispensent les services d'enseignement, mais dans les écoles, et dans des écoles qui peuvent se faire octroyer le statut confessionnel par l'entremise de ce qu'on appelle le projet éducatif.

Il ne s'agit pas seulement de la possibilité d'enseigner la religion. Il s'agit de la possibilité de l'adoption d'un projet éducatif à caractère confessionnel, donc, d'écoles catholiques, protestantes ou d'autres dénominations. On sait, par ailleurs, qu'en vertu du règlement sur la reconnaissance comme catholique et sur le caractère confessionnel des écoles primaires et secondaires du système scolaire public l'école reconnue comme catholique doit, par exemple, intégrer les croyances et les valeurs de la religion catholique dans son projet éducatif. Malgré le vernis extérieur dont se revêt le projet de loi 107, notre interprétation, c'est que ce projet de loi intègre et consolide ces dispositions, assoyant le caractère confessionnel finalement, des lieux éducatifs, non pas des structures qui administrent ces lieux, mais bien des lieux mêmes, les établissements scolaires, les écoles.

Nous croyons que le projet de loi va bien au-delà du besoin légitime, que nous reconnaissons, de l'enseignement religieux qu'expriment certains secteurs de la population. Le projet de loi 107 doit nous inquiéter vivement, car il nous met sur la voie, M. le ministre, non pas d'écoles de quartier ouvertes à tous, mais d'écoles écartelées et ghettoïsées.

D'ailleurs, l'entorse à la Charte des droits et libertés de la personne est si flagrante que le ministre propose d'en contourner les articles 3 et 10 par l'article 577 du projet de loi 107 qui prévoit justement de déroger à ces articles de la charte. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le projet de loi 107 est loin de répondre aux attentes actuelles et aux besoins futurs de la société québécoise qui est prête, d'après ce que nous en savons, d'après nos rencontres avec les parents partout dans les écoles et avec les clientèles scolaires, à accueillir une école ouverte et pluraliste, pleinement respectueuse des droits et libertés, une école à la hauteur des défis qui guettent le Québec des années quatre-vingt-dix, soit le défi de la non-discrimination, le défi de l'intégration, le défi de l'harmonie sociale, scolaire et linguistique.

Parions maintenant de l'accessibilité, de la qualité du système public d'éducation et demandons-nous ce qu'apporte le projet de !oi 107. Nous croyons que le droit à l'éducation est un droit fondamental qui devrait être reconnu non seulement en principe, mais en pratique, à toute la population. Le plein exercice du droit à l'éducation doit être assuré à la fois par l'instruction publique et gratuite et par la mise en place de conditions qui assurent une éducation intégrale et de qualité, de même qu'une véritable égalité des chances, indépendamment de la condition socio-économique, du sexe, de l'origine ethnique, du handicap, du iieu de résidence, de l'âge, des croyances religieuses. Le système d'éducation doit permettre l'accès effectif de tous les élèves à des services de qualité, favorisant notamment l'appropriation des valeurs démocratiques et de la culture commune dans le respect des différences.

Ce qui est frappant dans le projet de loi 107, c'est qu'on n'y affirme nulle part le droit fondamental à l'éducation, ni le caractère public et commun de l'écoie. Contrairement au projet de loi 3, on n'y trouve à peu près aucune définition des services éducatifs ou des services complémentaires et particuliers que doit assurer le système public d'éducation. Le pouvoir de déterminer la nature et les objectifs des services éducatifs est laissé au gouvernement, qui établira par règlement un régime pédagogique.

Nous considérons qu'ii est essentiel que soit contenue dans la Loi sur l'instruction publique une définition de la nature des services éducatifs et des services complémentaires et particuliers auxquels ont droit les jeunes et les adultes du Québec. De même, considérons-nous essentiel d'y définir les objectifs de ces services, notamment quant à la promotion des valeurs démocratiques, non sexistes et non racistes.

Par ailleurs, M. le ministre, M. le Président, mesdames et messieurs, nous nous inquiétons, entre autres - notre mémoire est plus explicite que ce que je vais rappeler ici, mais tout de même - de ce qu'il ne soit pas fait mention d'une obligation d'offrir partout un service de maternelle à temps plein aux enfants âgés de 5 ans. Ce qui est une très grande demande actuellement. Il y a un très grand besoin de cela au Québec. Nous nous inquiétons des restrictions apportées à ia gratuité scolaire des élèves considérés comme adultes qui n'auront de services gratuits que dans la mesure, dit le projet de loi, des ressources des commissions scolaires, îesqueiies ressources sont sans cesse comprimées. Donc, ia gratuité est de plus en plus menacée. Nous nous inquiétons de îa non-interdiction faite aux commissions scolaires d'imposer des frais de scolarité dans le cadre du développement de certains projets scolaires dits particuliers. C'est une pratique qui, si elle se poursuit, viendra introduire dans le système public un principe de sélection sur la base des moyens financiers, ce qui est inacceptable en démocratie scolaire.

Nous nous étonnons et regrettons qu'au chapitre de l'éducation interculturelle on ne retrouve rien dans le projet de loi pour en reconnaître l'importance capitale dans la société québécoise qui sera celle des prochaines années. Nous déplorons particulièrement et nous regrettons qu'on ne prévoie nulle part l'obligation pour les commissions scolaires d'offrir des services d'éducation et d'animation interculturelles à l'intention des jeunes Néo-Québécois et aussi des jeunes Québécois et Québécoises de souche, des services d'accueil, ni l'obligation de soutien linguistique, ni l'obligation de créer des programmes, d'avoir du matériel, de mettre sur pied des services adaptés. Le besoin est criant à cet égard, à moins que l'on ne préfère la prolifération des écoles ethniques privées ou la multiplication des problèmes reliés à l'intégration scolaire, ce qui nous semble quant à nous, à éviter, totalement.

Nous déplorons aussi l'absence de référence aux services complémentaires, sauf pour ce qui est du transport et de l'animation pastorale. Pas un mot sur les services de garde, par exemple. Aucune obligation pour les commissions scolaires, contrairement à la loi 3, et par conséquent, aucune garantie de gratuité, ce qui nous situe aux antipodes des besoins nouveaux, des besoins sociaux actuels et aux antipodes aussi d'une politique intégrée de la petite enfance. Nous vous suggérons d'envisager de façon complémentaire - c'est une suggestion, une proposition que nous vous faisons, M. le ministre - le préscolaire et le primaire, incluant les services de garderie appropriés. Pas un mot sur la promotion des droits et responsabilités des élèves, sur la nécessité d'avoir des services allant dans ce sens-là, sur l'animation du milieu. Pas un mot sur les services d'orientation, de santé, de prévention, sur les services sociaux, les services de psychologie, de psychoéducation, ni même sur les services de bibliothèque. Est-ce que ces services, M. le ministre, ne sont pas essentiels à une éducation de qualité? Est-ce que ces services n'ont pas besoin d'être consolidés, garantis et raffermis, dirais-je, par la loi 107? Leur gratuité, leur accessibilité et leur qualité ne devraient-elles pas être assurées par cette loi?

Quant aux services aux élèves en difficulté, nous constatons que la commission scolaire doit offrir des services à ces clientèles, selon, cependant, une liste que le ministre peut établir, selon des normes d'organisation établies par !a commission scolaire et dans le cadre d'un plan d'intervention adapté à chaque élève par le directeur d'école. Nous demandons des clarifications sur le champ d'autonomie professionnel propre au personnel de l'enseignement - enseignants et professionnels que nous représentons - face à autant d'encadrement et à autant de "si": si la liste du ministre le prévoit, si les normes des commissions scolaires le prévoient et si cela fait partie du plan du directeur d'école. Que reste-t-il? Et nous exigeons que soient mis à notre disposition les moyens adéquats pour répondre aux besoins de ces clientèles - enfance handicapée, enfance en difficulté - ces clientèles qu'on devrait cesser d'intégrer, trop souvent sans précaution, dans les classes régulières.

Au chapitre de la formation professionnelle... D'ailleurs, j'invite les membres de la commission parlementaire à se rendre dans les écoles de leur comté, à aller vérifier sur place ce qui se passe au chapitre des services aux enfants en difficulté, aux enfants handicapés. Vous allez voir qu'on est parfois obligé de plier la chaise roulante pour la passer dans la porte, pour faire entrer l'élève et la chaise roulante dans la classe régulière, tellement ces intégrations se font de manière désordonnée et sans attention actuellement. Des choses qui n'ont pas de bon sens et qui se passent dans plusieurs écoles. Allez voir cela et informez le ministre de ces réalités, qu'il connaît passablement bien, d'ailleurs.

Au chapitre de la formation professionnelle, nous relevons le même genre d'ambiguïté et de chevauchement. La commission scolaire peut - à moins que le ministre, si le ministre, sous réserve du régime pédagogique - établir des programmes appropriés. Nous considérons, quant à nous, que le projet de loi 107 doit recon-nnaître l'existence de la formation professionnelle à l'école secondaire polyvalente et le droit des élèves à une formation professionnelle de qualité, appuyée sur une solide formation de base, et qu'il doit garantir l'accessibilité à un éventail suffisant d'options pour les clientèles de toutes les commissions scolaires dans l'ensemble des régions du Québec. (10 h 45)

Même ambiguïté pour ce qui est de l'éducation aux adultes qui est reconnue, certes - nous le mentionnons dans notre mémoire - mais inquiétude quant à la gratuité, nous l'avons dit, et inquiétude aussi quant à l'accessibilité aux services éducatifs partout sur l'ensemble du territoire. Même ambiguïté, encore, pour ce qui est de l'ouverture à la possibilité de recourir à de la sous-traitance pour la prestation, par exemple, de services particuliers aux élèves en difficulté d'apprentissage ou aux élèves handicapés. Ce n'est pas par la privatisation ou par le recours à la sous-traitance que nous allons assurer le fondement ou la valorisation de l'école publique. C'est plutôt en donnant à l'école publique les moyens de ces responsabilités.

S'agissant maintenant de l'organisation du pouvoir scolaire, nous considérons que la structure du système scolaire doit prévoir des niveaux décisionnels complémentaires qui permettent à la fois l'unité, la coordination, l'accessibilité et la gratuité, d'une part, et la nécessaire adaptation aux situations locales, d'autre part. J'en suis à la page 21, si vous voulez suivre le mémoire. Nous reconnaissons à l'État la responsabilité centrale du service public d'enseignement et la responsabilité d'assurer le financement et d'assurer des

services égaux et accessibles dans tout le Québec. Cependant, nous croyons que la collectivité elle-même, par le biais de certaines instances représentatives, doit aussi pouvoir intervenir de façon significative dans le processus éducatif et dans la mise en place de moyens, instruments et équipements nécessaires. Le rôle du gouvernement et du ministre doit être, après consultation, de légiférer et de réglementer de manière générale, non pas de tout contrôler. Les commissions scolaires doivent constituer un contrepoids essentiel face aux importants pouvoirs ministériels et doivent assurer l'égalité des services éducatifs à tous les élèves et à toutes les écoles sans se substituer aux responsabilités de celles-ci, et les commissions scolaires doivent avoir les moyens de ces responsabilités. L'école doit être le lieu privilégié de la réalisation de l'éducation et de la concertation entre les divers partenaires et intervenants. À tous les niveaux du pouvoir scolaire, les droits des élèves doivent être reconnus, l'essentielle place des parents doit être prise en compte, l'autonomie professionnelle indispensable des personnels doit être respectée et des mécanismes de consultation réelle doivent être prévus.

À la lumière de cet énoncé de principe, voyons ce qui en est de la place des élèves, des parents, du conseil d'orientation, ainsi que des mandats confiés aux directeurs d'école, aux commissions scolaires, au ministre et au gouvernement.

Pour ce qui est des élèves, nous croyons que le projet de loi doit reconnaître leur droit d'association, leur droit de participer aux consultations au niveau des commissions scolaires et ai niveau national, au niveau du ministre, et non seulement au niveau de l'école. Nous suggérons une meilleure reconnaissance de leur droit à une éducation complète, y incluant les services complémentaires, et ce dans le secteur public.

Pour ce qui est des parents, nous réaffirmons notre conviction de l'importance de leur place dans le système public et nous vous assurons de notre volonté d'établir avec eux une réelle collaboration et une véritable complémentarité dans le respect des rôles spécifiques de chacun. Aussi, nous croyons que le ministère de l'Éducation devrait accorder aux parents et à leurs organisations le droit d'être consultés au plan national sur les projets de règlements. Mais c'est surtout au niveau de l'école, au sein du conseil d'orientation que nos relations quotidiennes s'établiront avec les parents, selon l'esprit du projet de loi 107. À propos du conseil d'orientation, j'ai le plaisir de vous dire que nous accueillons l'idée d'un conseil d'orientation dans la mesure où il s'agit d'un lieu authentique de concertation et de collaboration entre les divers partenaires, sans hégémonie et sans recherche d'hégémonie d'aucun des groupes. Nous sommes prêts à concourir à cette formule si le ministre accepte la règle de la parité entre les représentants des parents et les représentants des personnels, et si le ministre accepte que toutes les catégories de personnels, enseignants et enseignantes, personnel de soutien, personnel professionnel, puissent être représentées au conseil d'orientation. Cela me semble être des demandes extrêmement raisonnables sur lesquelles nous aimerions vous entendre tout à l'heure, M. le ministre. De plus, nous croyons que le choix de la présidence du conseil d'orientation devrait relever du conseil. Nous avons aussi d'importantes réserves sur la règle de la délégation de pouvoir de la commission scolaire vers le conseil d'orientation. Nous souhaitons, à tout le moins, qu'en soit exclu tout caractère répétitif automatique à travers les années et qu'en soit exclu tout ce qui touche la gestion des personnels et tout ce qui pourrait porter atteinte à une saine autonomie professionnelle propre au personnel que nous représentons.

Quant aux directions d'école, nous comprenons qu'elles félicitent le ministre, tant leur pouvoir est confirmé dans l'école, particulièrement dans le champ pédagogigue. Nous nous questionnons, cependant, sur plusieurs aspects des pouvoirs reconnus par le projet de loi 107 aux directions d'école. Je vous renvoie aux pages 26 et 27 que je n'ai pas le temps de lire dans cette première présentation. Nous avons plusieurs questions, ici, qui sont posées. Nous croyons, de manière générale, que les pouvoirs reconnus aux directions d'école sont loin d'être compensés par un énoncé équivalent des devoirs et obligations de ces personnes.

Quant aux pouvoirs des commissions scolaires, nous constatons que, tout en étant de plus en plus encadrés et circonscrits, ces pouvoirs n'en demeurent pas moins fort limités et fort imprécis sous l'angle des obligations de services des commissions scolaires à l'égard des élèves et de la population en général. D'ailleurs, c'est le ministre qui s'attribue le gros lot, je crois, dans cette redistribution des pouvoirs. J'entends encore, j'ai encore en mémoire les propos de l'ancien président de la Fédération des commissions scolaires qui, dans des débats sur le projet de loi 3, ou sur le projet de loi 40, déchirait sa chemise en public face à des atteintes beaucoup moindres à l'endroit des commissions scolaires. Il s'est acheté d'autres chemises depuis, maintenant il est très bien. C'est le ministre qui s'attribue le gros lot dans cette redistribution et ce, de façon trop poussée, à notre avis, comme nous le démontrons aux pages 28 à 30 de notre mémoire, surtout en ce qui a trait à l'autorisation discrétionnaire de certains services fondamentaux tel que nous l'avons mentionné. Là aussi, nous trouvons que le ministre développe beaucoup plus ses attributions que ses obligations quant à l'accessibilité, quant à la qualité et quant à la gratuité en matière de services éducatifs. Nous faisons les mêmes constats généraux, d'ailleurs, pour ce qui est des pouvoirs du gouvernement que nous abordons aux pages 29 et 30. Bien peu de place dans tout cela, M. le ministre, à de la

consultation systématique et reconnue envers les organismes nationaux représentatifs, tant en ce qui nous concerne qu'en ce qui concerne les parents ou les élèves. Bien plus d'attributions de pouvoirs que de contributions et d'obligations de services.

Terminons en revenant sur la place des personnels. La CEQ considère que le projet de loi 107 doit être revu en profondeur dans le sens d'une reconnaissance explicite des droits professionnels et syndicaux des personnels et de leurs droits à une véritable participation. On ne vous demande pas le droit d'être absents, on vous demande le droit d'être présents, M. le ministre. Je crois que cela devrait être pris en considération. À cet égard, le projet de loi semble reposer sur une méconnaissance de la complexité et de la diversité des situations actuelles que vivent les personnels. Si le personne! professionnel et le personnel de soutien n'ont pas même accès à des mécanismes leur assurant une participation spécifique, tel n'est pas, il est vrai, le cas du personnel enseignant qui, lui, dispose de plusieurs mécanismes de participation; soit à travers la loi, soit dans les conventions collectives. Mais les attentes des enseignantes et des enseignants ne sauraient être satisfaites par la seule multiplicité ou multiplication des lieux de consultation sur les mêmes objets. Ces attentes se situent plutôt au niveau d'une prise en compte réelle de leur expertise et de leur recommandation dans les décisions qui touchent l'organisation pédagogique et scolaire. Le projet de loi ne répond pas à ce genre d'attente.

Pour ce qui est des enseignantes et des enseignants, je dirai, en résumé, que nous avons pris note des droits que l'on octroie à ces personnels touchant les modalités d'intervention pédagogique, touchant certains aspects des instruments d'évaluation, mais la iiste de leurs devoirs est beaucoup plus longue. Ces devoirs, certes, ils sont nobles et grandioses. Nous sommes venus à l'éducation en pensant pouvoir faire une contribution en ce sens-là, mais ces devoirs, ils sont également très lourds. Nous pensons être honnêtes avec vous, membres de la commission parlementaire, et vous, M. le ministre, en vous disant qu'il y a une vaste disproportion entre ces devoirs et les moyens et pouvoirs dont nous disposons, ces moyens et pouvoirs étant tous confiés aux directions d'école, aux commissions scolaires, au ministère ou au gouvernement.

Pour les enseignantes et les enseignants, le projet de loi n'apporte pas vraiment de solution au problème d'autonomie professionnelle, particulièrement en ce qui concerne la marge de manoeuvre individuelle de l'enseignante et de l'enseignant dans l'exercice de son métier. Ce n'est pas nécessairement en allant expliquer plus souvent et à plus de personnes leur travail que les enseignantes et les enseignants obtiendront plus d'autonomie professionnelle, mais plutôt par une reconnaissance d'un champ spécifique de pouvoirs et d'influence sur l'organisation scolaire et pédagogique, et la garantie d'une marge de manoeuvre dans l'exercice de leurs fonctions, d'où notre suggestion quant à la parité au conseil d'orientation, d'où notre suggestion quant à l'obligation de consultation de la part du ministre sur certains grands règlements ou certaines grandes politiques.

Nous ne croyons pas que le projet de loi 107, dans sa facture actuelle, reconnaisse suffisamment le droit à l'autonomie professionnelle des personnels enseignants. Et que dire encore des personnels professionnels qui, pourtant, interviennent directement auprès des clientèles et auprès des autres agents et agentes de l'éducation? Ces personnels dispensent des services jugés essentiels depuis 20 ans et plus, maintenant, au Québec, des services qui sont de plus en plus requis, en demande et qui, malheureusement, sont de plus en plus coupés, comme je l'ai mentionné tout à l'heure avec, par exemple, dans le cas de la CECM, une annonce de mise à pied de plus de 20 % du personnel professionnel actuellement à l'emploi de cette commission scolaire.

Le projet de loi 107 ne reconnaît pas leur contribution et leur rôle spécifique, ni ne leur reconnaît la généralisation de leur droit de participation aux consultations et aux décisions sur tout ce qui touche leur travail. Il serait beaucoup plus alarmant, M. le ministre, si on vous demandait le droit d'être dispensés de participer aux consultations. Ce serait moins de travail pour nous aussi. Mais c'est le contraire qui vous est demandé, ici, pour ces personnels. C'est le droit d'être impliqués dans l'organisation, dans la conception, dans l'élaboration et dans la mise en oeuvre de tout ce qui concerne les services des jeunes, les services éducatifs, les services complémentaires et les autres.

De même, réclamons-nous avec force une reconnaissance spécifique de la contribution du personnel de soutien qui est un personnel qui fait oeuvre de collaboration en éducation, des gens qui vivent l'école, des gens qui veulent l'améliorer. Nous réclamons leur droit d'être consultés, d'être représentés également de façon spécifique, par exemple, au conseil d'orientation ou, encore, au comité consultatif des services aux enfants en difficulté ou aux enfants handicapés.

Enfin, pour ce qui est des droits syndicaux, nous avons déjà mentionné certaines dispositions du projet de loi 107 qui viennent se confronter avec le champ du négociable, possiblement interférer dans certains contenus de conventions collectives. Nous demandons une discussion et une révision à ce propos. Nous avons aussi souligné que le projet de loi devrait reconnaître clairement que ce sont les organisations syndicales qui sont habilitées à déléguer les représentantes et les représentants des personnels aux divers comités consultatifs et au conseil d'orientation.

II nous faut, de plus, attirer l'attention sur une disposition qui stipule que la commission scolaire affecte le personnel dans les écoles en tenant compte des conventions collectives, comme le dit l'article 232. Nous pensons que cette expression devrait être renforcée, devrait être remplacée par une expression comme celle-ci: dans le respect des obligations prévues aux conventions collectives, parce que, parfois, on peut tenir compte de quelque chose, mais avec l'idée de l'éviter. (11 heures)

Par ailleurs, le projet de loi, aux articles 233 et 234, conduit à la transformation des fonctions de personnel professionnel syndiqué - en l'occurrence les conseillers et conseillères en éducation chrétienne - en fonctions de cadres, les soustrayant ainsi à leur organisation syndicale. À la CEQ, nous nous opposons à cette transformation.

Enfin, nous considérons que le projet de loi 107 devrait prévoir de manière explicite, ce qui ne nous semble pas être le cas, la négociation des règles et conditions dans les cas de transfert et d'intégration des personnels dans des délais utiles pour permettre l'application harmonieuse de toute restructuration scolaire. Nous savons que vous êtes particulièrement sensible à ce genre de difficulté ou de réalité. Nous vous proposons d'être plus précis dans la loi sur cet aspect.

En conclusion, M. le ministre, d'une manière générale, je crois que ce projet de loi, sur lequel vous avez sans doute travaillé pendant de nombreuses semaines et de nombreux mois en compagnie de vos conseillers, ce genre de loi, sur laquelle tant de vos prédécesseurs ont travaillé, se sont butés aussi, ce genre de difficulté qu'ils ont connue, je pense que votre proposition mériterait d'être améliorée sous plusieurs angles. D'abord, a l'ouverture du système, non seulement dans son enveloppe extérieure - et, encore là, à la remorque de la constitution canadienne - mais l'ouverture du système dans sa réalité éducative, afin d'essayer de doter le Québec d'une institution scolaire publique pour faire face au défi de l'intégration d'une population de plus en plus pluraliste et non confessionnelle. Vous devriez revenir là-dessus et essayer de proposer quelque chose de plus pertinent pour les besoins d'aujourd'hui et à venir. Vous devriez revenir aussi sur plusieurs aspects du projet de loi et rassurer la population québécoise quant à votre intention de préserver, d'une part, les conditions d'accessibilité qui prévalent et même les augmenter, quant à plusieurs services, et de préserver, d'une part, les conditions de gratuité lorsqu'elles existent, les améliorer là où c'est nécessaire, etc. D'une manière générale, rassurer la population de votre intention d'augmenter la qualité, la diversité des services disponibles dans les écoles publiques du Québec.

Quant à la question des pouvoirs, plusieurs intervenants viendront discuter avec vous là- dessus. Nous avons déjà dit, dans des débats antérieurs, que nous n'étions pas des maniaques de la querelle des pouvoirs en matière scolaire. Nous voulons tout de même que les choses soient assez claires. Nous ne voulons pas non plus constater un mouvement d'aspiration disproportionné vers le sommet. Nous savons que vous êtes sensible à la théorie des contrepoids en politique. Je crois qu'il serait assez important de revenir sur cet aspect en ce qui a trait aux commissions scolaires.

Quant à ce qui a trait au conseil d'orientation, nous vous avons assuré de notre bonne disposition à l'égard de cette institution, moyennant que vous en fassiez une institution où il n'y aura pas d'hégémonie ni des uns ni des autres, mais une institution paritaire et ouverte de ce côté-là.

Quant à la reconnaissance des personnels, vous avez maintes fois affirmé, depuis plusieurs années - et nous vous avons toujours pris au pied de la lettre. Nous vous avons toujours estimé être de bonne foi là-dessus - votre intention de contribuer à la valorisation, à la reconnaissance des personnels. Nous vous suggérons des moyens d'aller plus loin quant à la réalisation de votre intention relativement aux personnels enseignants, aux personnels professionnels et aux personnels de soutien. Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président de la CEQ. Il reste un peu moins de 50 minutes à être réparties entre les deux formations politiques. Tel qu'entendu, je vais reconnaître dans un premier temps, durant 20 minutes, le côté ministériel et dans un deuxième temps, durant 25 minutes, le côté de l'Opposition, parce qu'il fera en même temps sa conclusion, dans la période des 25 minutes. Je reviendrai pour une période de 5 minutes que j'accorderai au parti ministériel. M. le ministre de l'Éducation et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. îe Président, c'est bien peu de temps pour un sujet aussi important et un mémoire aussi substantiel que ceiui que nous venons d'entendre. Nous ferons notre possible pour nous conformer à vos exigences impériales.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, je vous ferai remarquer que la commission est reine et maltresse de son avenir. Vous pouvez décider, s'il y a consensus entre les deux formations politiques, de déborder. Je n'ai aucune objection.

M. Ryan: Merci. Non, cela va bien. Je voudrais d'abord remercier ia CEQ de cette présentation qu'elle nous a faite ce matin. Je pense que le mémoire, dont nous avons entendu un résumé, est un mémoire substantiel et important. J'apprécie l'esprit dans lequel la présenta-

tion a été farte. J'ai remarqué qu'on s'adressait exclusivement aux propositions et aux idées contenues dans le mémoire, qu'on n'attaquait pas du tout ni le gouvernement ni le ministre dans leurs intentions ou dans telle ou telle caractéristique qu'on voudrait leur prêter. Je pense que vous donnez un excellent exemple d'un débat qui peut être très vigoureux et qui, en même temps, ne descend pas dans des querelles de personnalités, et cela je l'apprécie au plus haut point, ni dans les querelles partisanes, d'ailleurs. Je crois que c'est à ce niveau que les rapports du gouvernement se sont situés avec la CEQ depuis le début de notre mandat. J'apprécie les réponses que nous avons reçues du côté de la CEQ à ce point de vue, et je pense que nous avons essayé de faire de même de notre côté. C'est dans le même esprit que j'accueille les critiques que vous adressez à notre projet de loi ce matin. Nous favorisons, du côté du gouvernement, un débat clair, vigoureux et nous entendons le maintenir au niveau dont vous nous avez donné une très bonne illustration ce matin.

Je voudrais aborder peut-être trois points majeurs qui ont retenu mon attention dans votre document. Tout d'abord, tout le thème de l'accessibilité. J'ai cru entendre, vers la fin de vos remarques, M. Charbonneau, une petite note relative à cet idéal d'accessibilité. Je crois qu'on ne peut pas le définir dans une loi en termes absolus, il faut le définir en termes atteignables. La loi est une réalité qui évolue et qui est susceptible de se rétrécir et, parfois, de s'élargir en d'autres temps. Le législateur doit viser essentiellement à inscrire dans !a loi des objectifs qui soient réalisables, selon son bon jugement, à l'époque où il légifère.

Je crois que, dans ce cas-ci, nous faisons des pas importants dans le projet de loi 107. Je pense que vous le reconnaîtrez comme moi. Il y a certains droits de base qui sont affirmés dans le projet de loi 107 et qui ne le sont point dans la Loi actuelle sur l'instruction publique. Je n'ai qu'à prendre l'article 1: 'Toute personne âgée de 5 ans et plus a droit aux services de formation et d'éveil à l'éducation préscolaire et aux services d'enseignement prévus par la présente loi et le régime pédagogique établi par le gouvernement, depuis le premier jour du calendrier scolaire de l'année scolaire où elle atteint l'âge d'admissibilité jusqu'à la fin du secondaire. Elle a aussi droit, dans le cadre des programmes offerts par la commission scolaire, aux autres services éducatifs, complémentaires et particuliers, prévus par la présente loi et le régime pédagogique. " Je pourrais continuer l'énumération. Il y a beaucoup de droits, par conséquent, qui sont reconnus explicitement dans le projet de loi et qui ne le sont pas dans la Loi actuelle sur l'instruction publique. Il y en a d'autres qui ne le sont point.

Vous avez parlé, par exemple, des services complémentaires, des services personnels. Il est vrai que, dans la loi 3, on donnait une définition qui ne se trouve point dans le projet de loi 107. Il nous a semblé préférable que ces définitions soient données dans le régime pédagogique. Il me semble que c'est là que ça doit être. Mais c'est une question sur laquelle nous allons écouter les points de vue qui nous sont présentés. Si la preuve nous est faite qu'il est préférable que ce soit dans la loi, nous allons examiner cette possibilité, ce n'est pas une question qui est fermée. Mais je vous préviens de deux difficultés dont nous devons toujours être conscients quand nous légiférons. Il y a d'abord la question des coûts. Il est bien tentant d'inscrire certaines obligations, pour le gouvernement, dans la loi. Il faut nous être assurés au préalable que nous disposerons des ressources nécessaires pour satisfaire à ces obligations. Comme nous vivons ces années-ci une période de discipline budgétaire plus intense, nous devons faire montre d'une prudence, d'une circonspection plus poussée. C'est pour cela qu'il est évident qu'il n'est pas question de diminuer les services de garde, nous les augmentons, cette année, dans les crédits budgétaires. Nous investissons 2 000 000 $ de plus pour les services de garde scolaire, ce qui va permettre d'ouvrir un bon nombre de places supplémentaires. Je n'oserais pas risquer de chiffre actuellement, nous allons ouvrir un bon nombre de places. Mais si nous allions dire dans la loi: Nous reconnaissons le droit aux services de garde à toute la population, cela voudrait dire qu'il faudrait peut-être nous engager à remettre 15 000 000 $, et nous ne sommes pas capables actuellement. Il faudrait le faire en même temps pour les bibliothèques, les services de santé, les services de conseil, etc. Nous ne sommes pas capables de donner à la population, sur un plateau d'argent, tout un ensemble d'obligations que la société s'engagerait à respecter. Nous avons trop d'obligations dans beaucoup de secteurs parallèles; les universités ont des problèmes, les assités sociaux ont des problèmes, les producteurs agricoles en ont. Au bout de la ligne, il faut réaliser des arbitrages qui sont nécessairement limitatifs dans leurs conséquences pour chaque ministre quelle que soit la générosité de ses intentions. C'est pour cela qu'on nous demande - et le gouvernement précédent avait commencé à le faire aussi - d'arrimer les définitions de droit que nous mettons dans les lois avec les possibilités financières du gouvernement.

Le deuxième écueil, c'est celui de l'arbitrage par des tiers. Plus on met des obligations de caractère universel dans les lois, plus on crée la possibilité qu'au bout de la ligne les vraies décisions politiques soient prises par des tiers, des tribunaux ou des arbitres. Lorsqu'il s'agit d'engager les ressources de la communauté, nous voulons que le pouvoir d'intervention des tribunaux soit contenu dans des bornes raisonnables Tout comme doit l'être le pouvoir de décision du gouvernement en matière financière. Sur ce point, tout en étant en sympathie profonde avec

la position que définit la CEQ, je dois obligatoirement évoquer ces deux ordres de contrainte dont doit tenir compte le gouvernement de nos jours.

Deuxièmement, j'ai été retenu par les considérations que vous avez énoncées concernant le cadre général d'organisation des commissions scolaires et des écoles que nous proposons, en particulier la place faite aux facteurs linguistique et confessionnel dans l'organisation à venir des commissions scolaires. Nous disons très clairement, en ce qui concerne les commissions scolaires, que la position du gouvernement est de créer partout à travers le territoire des commissions scolaires linguistiques. Nous ne disons nulle part qu'il n'y aura pas de commission scolaire linguistique où que ce soit, mais nous respectons les commissions scolaires protégées qui existent actuellement ainsi que le territoire qui est le leur. Parce qu'ils vont le dire, étant donné que c'est une protection qui est garantie dans la constitution, maintes fois interprétée en ces matières par les tribunaux les plus élevés.

Nous proposons une formule qui, selon nous, peut s'appliquer sans difficulté dans la très grande majorité des territoires du Québec parce qu'elle procède d'un consensus. On a beau avoir les théories qu'on voudra, les lois doivent être le reflet des consensus des citoyens. Nous avons la conviction politique que, si nous créons des commissions scolaires linguistiques à travers le territoire dans tous les endroits sauf ceux qui sont protégés, nous allons avoir une réponse très favorable de la population, au point que nous n'encourrons pas le risque de cette prolifération de modèles différents de commissions scolaires dont on essaie d'évoquer le spectre beaucoup plus par l'effet d'un raisonnement purement logique que sous l'inspiration d'une analyse réaliste de la situation politique. De ce côté, c'est un immense progrès. Si nous réglons le cas partout dans cette direction que nous souhaitons, je pense que nous accomplissons un immense progrès. Nous allons faire une consultation auprès des tribunaux pour nous assurer qu'il n'arrivera pas à la loi 107 ce qui est arrivé à la loi 3. Ce serait désastreux. C'est mieux de vérifier nos affaires comme il faut pendant que c'est le temps.

Si une dynamique politique différente se développe à la faveur de tous ces événements que nous allons créer, je crois que même dans les territoires où il y a actuellement une protection constitutionnelle la dynamique politique peut changer aussi. Il y aura peut-être des choses qu'on pourra réexaminer, y compris jusqu'à l'éventualité de modifications constitutionnelles, que nous n'excluons point et qui devront venir, selon nous, quand il y aura un véritable consensus dans la population, en particulier en matière d'arrimage des droits linguistiques et des droits religieux.

Le gouvernement actuel n'est pas prêt à troquer les droits religieux pour les droits linguistiques. Ce n'est pas de la même nature. Il y a des droits religieux qui sont garantis dans la constitution. Nous ne sommes pas prêts à les annuler purement et simplement. Il faut négocier avec les parties concernées, il faut penser aux répercussions dans l'ensemble du pays, pas seulement au Québec, parce que ces clauses de la constitution regardent l'ensemble du pays. Mais nous avons l'esprit ouvert. Il y a un cheminement qui doit être fait pour arriver à des conclusions pratiques. Autrement, on peut avoir raison dans un débat théorique, il n'y a rien de plus facile. Mais, quand on est appelé à agir avec les tribunaux qui vous surveillent et les forces sociales organisées, il faut être très conscient de toutes ces considérations. (11 h 15)

En ce qui regarde les écoles, nous disons: Le caractère de l'école sera déterminé au plan local par la volonté des parents. Ici aussi, cela va créer une dynamique différente. On pourrait bien décider d'autorité, comme le demande votre mémoire, que cela va être partout des écoles laïques; il y aurait un peu de religion ici et un peu de religion là. Mais cela ne répond pas aux conceptions qui nous ont été présentées par nos concitoyens et nos concitoyennes, qui nous disent en grande majorité, selon les perceptions que nous en avons, qu'ils tiennent à ce qu'on ait des choses plus claires que cela et plus substantielles. Nous autres, nous voulons en tenir compte. Mais là où les citoyens consultés de manière appropriée suivant des mécanismes que nous définirons diront: Nous autres, nous voulons un autre type d'écoie ici et là, on va pouvoir l'avoir. De ce côté on va élargir considérablement les voies et, à mesure que les choses évolueront, toutes sortes de possibilités seront ouvertes pour l'avenir. L'objet du projet de loi c'est d'ouvrir des possibilités pour l'avenir, non pas de les fermer; non pas de fermer le passé, non plus sous prétexte de plaire à telle ou telle théorie. Nous voulons ouvrir l'avenir en étant conscients des richesses que nous tenons de notre passé qui est loin d'être un passé dont nous aurions lieu de ne pas être fiers en matière scolaire. Pour cette question-ci, je pense que cela résume la position du gouvernement. Il peut arriver qu'on diffère d'avis sur tel ou tel point. Fondamentalement, nous avons discuté de cette question en commission parlementaire à maintes reprises ces dernières années avec vous. Je pense que vous reconnaissez que c'est toujours la position que le Parti libéral du Québec vous a soumise à l'occasion de nos échanges.

En ce qui touche les clauses dérogatoires, si nous n'avions pas de clause dérogatoire, dans la mesure où nous gardons certains éléments de fidélité à notre tradition historique, c'est évident que nous sommes ouverts à des contestations devant les tribunaux à tout moment. J'ai dit souvent que le gouvernement ne veut pas passer, son temps à discuter de confessionnalité avec les juges. Il a d'autres responsabilités beaucoup plus

importantes et nous ne voulons pas consacrer autant d'énergies qu'on l'a fait ces dernières années dans cette direction. Il nous semble que la clause dérogatoire est ce qu'il y a de plus pratique pour le garantir et c'est tellement l'expression d'un consensus que même le gouvernement précédent avait cru devoir inclure une clause dérogatoire très expresse dans la loi 3. Alors, je n'ai aucune gêne de ce côté. Je pense que c'est la voie que nous devons emprunter et jusqu'à maintenant je défie qui que ce soit de nous faire la preuve que cela a violé quelque droit que ce soit.

En troisième lieu, on parle de la structure du pouvoir à l'intérieur du système scolaire. Là, je voudrais parler des commissions scolaires et du gouvernement, mais je ne veux pas être trop long non plus. En ce qui touche le ministre en particulier et le gouvernement, la plupart des pouvoirs soi-disant nouveaux qu'on trouve dans le projet de loi sont des dispositions qui visent à donner un fondement juridique plus solide à des modes d'intervention qui existent déjà, soit en vertu du régime pédagogique, soit en vertu de règlements ministériels ou gouvernementaux ou soit en vertu de la pratique. Nous avons voulu que ce soit clair pour ne pas, encore une fois, qu'on se réveille devant un tribunal qui nous dise en 1990: On a regardé cela et vous n'aviez pas le droit, vous comme ministre de faire des programmes. Là, on le dit clairement. Il aura le droit d'établir des programmes, ce n'est pas sorcier, cela! Cela en fait un de plus. Cela fait plaisir à l'Opposition quand c'est 27 au lieu de 26. Nous autres, si c'est bon, c'est bon. Puis, je défie qui que ce soit de mettre en doute la validité d'un pouvoir comme celui-ci défini dans la loi. Encore une fois, j'ai énuméré hier les pouvoirs vraiment nouveaux dont il est question et, si on peut les contester, nous sommes prêts à examiner les arguments qu'on nous apportera sur chaque point. Mais j'ai dit: Cela nous prendra une démonstration, non pas seulement une dénonciation. Les dénonciations, on ne va pas loin avec cela. Mais, s'il y a une démonstration claire, on est prêts à écouter et on est prêts à modifier ces dispositions du projet de loi.

J'en viens à l'école. J'ai bien apprécié les considérations que vous nous apportez sur l'école. Je pense que c'est là que nous devons tous nous retrouver pour la grande majorité de toute l'activité qui est consacrée à l'éducation. J'ai apprécié ce que vous avez dit à propos du conseil d'orientation. Vous avez demande à deux reprises que j'émette une opinion sur le principe de parité que vous avez énoncé. Nous en sommes très proches dans le projet de loi comme vous aurez pu le constater. Nous disons: Les parents devront constituer au moins la moitié des membres du conseil d'orientation. On va examiner ce point. Je suis prêt à l'examiner. Je pense que c'est une question qui est tout à fait valide. Je pense que nous sommes assez proches de nous entendre sur cela.

À propos de l'enseignant, vous dites: Son autonomie professionnelle n'est pas suffisamment garantie ici. On est prêt à regarder cette chose également à la lumière, évidemment, de tout ce que définissent les conventions collectives. Nous n'annulons rien de ce qui est dans les conventions collectives. Je pense que nous avons fait la preuve que, dans l'ensemble, nous les respectons convenablement. Mais, s'il y a des précisions à apporter, j'écouterai volontiers.

Je suis content de voir qu'on ne conteste pas non plus le principe suivant. Si on parle de droits et qu'on parle également d'obligations, il n'y a pas d'antinomie ni d'abus de quelque nature que ce soit là-dedans. Nous, on devrait faire la même chose pour le directeur d'école, peut-être, peut-être pour le directeur d'école.

Le ministre, ne vous en inquiétez pas, il y a bien d'autres lois qui l'encarcanent. Il y a la Loi sur l'exécutif; il y a toutes les lois qui s'appliquent au ministre, la Loi sur l'administration financière. Il y en a tellement qu'il en ignore les trois quarts et il ne sera pas capable d'apprendre tout cela à moins de suivre un cours de cinq ans. Il marche à travers un certain brouillard. Il y a des gens qui le surveillent. Il est rappelé à l'ordre de temps en temps, et personne ne meurt. Mais je ne voudrais pas en ajouter trop d'autres, parce que je passerais mon temps à étudier mes obligations pendant que les gens crieraient après moi dans la rue. Mais si on peut faire des choses pour ce qui est de l'école pour ajuster, dans le cas du directeur par exemple... Moi, j'ai compris que, dans les attributions qu'on donne au directeur, il y a beaucoup d'obligations. Si c'est compris comme étant uniquement des droits, on va le regarder de très proche et on va pouvoir le vérifier également.

Le mode de sélection des enseignants aux conseils d'orientation. Vous aurez noté dans le projet de loi qu'on dit que la sélection va se faire conformément aux procédures définies dans la convention collective. On reconnaît... Et, là où cela n'existe pas, on dit qu'on va procéder autrement. Ce sont des choses qui se négocient au plan local. Mais on est prêt à respecter cela. D'ailleurs, on le dit en toutes lettres dans le projet de loi. Je ne me rappelle pas quel article il s'agit; vous le connaissez sûrement.

Alors, dans l'ensemble, c'est un peu la manière dont je serais porté à réagir. Je pense que vous nous apportez une matière à réflexion qui est très importante. J'ai beaucoup de considération pour le document que vous nous présentez. Je vous demande, encore une fois, peut-être, sur les droits, est-ce que vous ne reconnaissez pas, M. Charbonneau, qu'on ne peut pas arriver avec des proclamations absolues dans un texte de loi, sans avoir l'assurance qu'on sera capable de répondre à toutes et à chacune des implications des choses qu'on y met? À ce moment-là, si cela devient une question de plus ou de moins, c'est négociable. On peut discuter tel ou tel point. Mais, si vous me proposez un

idéal absolu, je vais être obligé de vous répondre: Je ne pense pas être capable.

M. Charbonneau (Yvon): M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): J'aimerais faire deux ou trois observations à la suite de cet exposé du ministre. Je le remercie de ses propos et de son ouverture à plusieurs des suggestions que nous avons faites et j'ai compris que le ministre va les étudier et que nous en entendrons peut-être parier dans quelque temps.

J'aurais deux ou trois suggestions. Si on veut éviter de passer son temps à discuter de confessionnalité avec les juges, pourquoi est-ce que le ministre et le premier ministre ne diraient pas leur intention de faire lever l'article 93 de la constitution de 1867? Je suis d'accord avec vous qu'en principe les lois reflètent les consensus sociaux. Mais, dans ce cas-là, c'est le consensus de 1867. Alors, s'il y avait un énoncé qui disait: À la prochaine conférence, à la prochaine occasion de discussion avec le gouvernement fédéral et les autres provinces, nous, du Québec, société distincte, spécifique et tout le reste, on va exiger cela, parce qu'il nous faut cela pour le développement de notre collectivité... Comme il y a une bonne entente entre le Québec, le gouvernement fédéral et plusieurs autres provinces, cela devrait être regardable. lis ne peuvent pas éviter de donner du contenu au caractère de société distincte et je crois que le premier ministre du Québec est bien placé pour plaider cela face au gouvernement fédéral. Cela pourrait peut-être vous éviter de toujours être rendu devant les juges avec cela. C'est une suggestion que je voudrais vous faire. Si vous pouviez nous annoncer que c'est l'intention ferme du gouvernement de discuter de cela, ce serait intéressant, parce que, dans le rapport de forces politique, tel qu'on peut le voir, il y aurait peut-être des chances pour le Québec d'obtenir cela.

Pour ce qui est du plaidoyer sur la prudence qu'il faut avoir quand on annonce des responsabilités, des champs, des garderies, etc., d'accord. La prudence, je pense que c'est une bonne ligne de conduite en politique, mais il faudrait essayer de rassurer la population que vous êtes également en train de trouver les moyens pour répondre à ses besoins. On dit qu'il y a des besoins partout: les universités, les bénéficiaires d'aide sociale et tous les domaines. Cela va mal partout, il y a des besoins. Il y a un domaine où cela ne va pas si mal que ça, c'est dans le milieu des affaires. Toutes leurs publications regorgent de bilans positifs depuis cinq ou six ans que nous sommes dans une reprise. Quand la pluie va-t-elle retomber sur nous? Quand c'était la crise dans les affaires, on a dit: On coupe. Essayez de comprendre et, si vous ne comprenez pas, on coupe quand même. C'est la reprise dans les affaires, à quand la reprise dans les services sociaux et dans les services publics? C'est la reprise depuis cinq ou six ans dans les affaires et ce sont les coupures qui continuent dans les services publics. Ce sont les compressions. C'est la rigueur qui est appliquée. Quand va-t-on harmoniser la reprise dans les affaires et la reprise dans les services sociaux et publics? On aimerait vous entendre là-dessus. Essayez de nous faire comprendre cela et nous vous appuierons face à vos collègues du Conseil des ministres, s'il le faut, dans cette démonstration. Les témoignages sont partout. On peut trouver des preuves de ces besoins dans toutes les écoles du Québec, dans tous les établissements de santé du Québec. Je pense que c'est une bonne suggestion. Je vous donne notre appui si vous voulez faire ce plaidoyer ouvertement et vigoureusement.

On parle de la question des pouvoirs. De toute façon, on les avait à peu près... Ce n'est pas un problème si c'est 27 au lieu de 26, tant que c'est bon, c'est bon. Mais, M. le ministre, on ne légifère pas seulement en fonction d'un gouvernement donné, pas simplement en fonction d'un ministre donné. Quand le ministre changera, quand le gouvernement changera, quand le gouvernement actuel sera remplacé par un autre gouvernement dans quelques années, éventuellement, est-ce que vous pouvez nous garantir que le gouvernement va toujours être bon comme il est maintenant, que le ministre de l'Éducation sera bon comme il l'est maintenant? De là l'importance des contrepoids. De là l'importance de maintenir des gouvernements régionaux responsables au niveau scolaire, leur garder une strate de pouvoir, une zone de responsabilité valable qui passera à travers le temps et qui fera que, lorsqu'il y aura des ministres moins bons, le système restera valable. Il faut penser à cela, je crois.

Vous avez annoncé que vous examineriez nos questions eu égard au personnel enseignant. Je voudrais aussi que vous ayez une parole quant à nos demandes concernant les personnels non enseignants, les personnels professionnels et de soutien, sur lesquels je ne vous ai entendu faire aucun commentaire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je vais maintenant reconnaître le porte-parole de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: M. le Président, je pense que M. Charbonneau avait adressé quelques questions au ministre. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on laisse quelques minutes au ministre pour répondre à ces questions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): On peut le faire mais je vous ferai remarquer que les représentants de l'Alliance vont être ici à 11 h 30, qu'on a commencé 15 minutes en retard, qu'on ne siège pas cet après-midi et que le règlement nous oblige à arrêter à 13 heures. M.

le ministre.

M. Ryan: Je reprendrai ces questions dans mes propos de conclusion tantôt.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

M. le président, M. Charbonneau, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir de vous accueillir au nom de l'Opposition à cette commission parlementaire. J'ai lu avec beaucoup d'attention le mémoire que vous avez présenté. Il fait, de façon assez rigoureuse, le tour du projet de loi que nous avons sur la table. Je dois dire que sur plusieurs aspects il rejoint profondément les préoccupations qui sont les nôtres. Nous avons examiné les projets de loi 106 et 107, mais plus particulièrement le projet de loi 107, sous les angles suivants: l'accessibilité, la responsabilisation, la décentralisation et la modernisation des structures scolaires. Comme vous, nous pensons que le projet de loi... Évidemment, je dois dire tout de suite que notre point de référence a été la loi 3 qui nous avait semblé avoir fait un certain consensus dans le monde scolaire. Lorsqu'on dénonce la diminution des services, par exemple, des obligations faites au ministère, de même que la modification dans le partage des responsabilités, c'est toujours en regard de la loi 3. Évidemment, le ministre nous dit, quant à la gratuité à l'éducation des adultes, quant aux services de garde en milieu scolaire, quant aux services complémentaires et particuliers, que c'est mieux que cela ne l'est actuellement. C'est évident. Sa référence est la Loi sur l'instruction publique. Nous reconnaissons que le Loi sur l'instruction publique mérite un sérieux coup de balai et méritait d'être effectivement revue. (11 h 30)

Nous partons du principe que la loi 3 était une loi valide n'eût été de la décision du juge Brossard, qui, en même temps qu'il jugeait inconstitutionnels quelques articles de la loi, a estimé que toute la loi devenait inapplicable, jugement qui n'a aucun précédent dans l'histoire. Notre référence est donc que les acquis du réseau scolaire du système d'éducation public au Québec, ce sont ceux de la loi 3. Ils avaient fait consensus parce que cette loi avait été votée démocratiquement. Donc, les reculs que nous soulignons le sont en vertu de cette loi et ils touchent les points que vous avez soulignés.

Le projet de loi de l'actuel ministre de l'Éducation est constitué de sorte qu'il vient augmenter les pouvoirs du ministre de contrôler, de réglementer les obligations faites aux commissions scolaires de demander des autorisations en même temps qu'il vient diminuer les devoirs du ministre d'offrir, par exemple, des moyens d'assurer une éducation de qualité. L'éducation de qualité ne repose pas exclusivement, on le sait tous, sur la prestation d'un cours dans une salle de cours. C'est un ensemble de services mis à la disposition des services, des enseignants et des écoles. C'est, à notre avis, inacceptable. Cela constitue un recul réel si les services complémentaires et particuliers ne se retrouvent pas inscrits dans la loi et, au même titre également, les services de garde en milieu scolaire.

En ce qui concerne les structures scolaires, le ministre nous dit: Avec le projet de loi - et là j'ajoute une parenthèse, soit à condition qu'il ait gain de cause devant les cours - cela va être un progrès immense. J'aimerais que le ministre nous dise comment cela peut représenter un progrès immense quand il ne touche pas au territoire qui fait problème actuellement? Entre 80 % et 90 % des allophones, des nouveaux Québécois se retrouvent sur l'île de Montréal. C'est là que ça constitue les plus grands problèmes.

Quand on exclut Québec et Montréal de l'application ou de la réforme sur les structures scolaires, c'est plus du tiers des clientèles qui est touché. Comment peut-on parler de progrès considérable dans ces circonstances? C'est un discours qui est inacceptable et qui ne passe plus. Il me semble que le ministre devrait comprendre cela.

Quand le ministre nous accuse de vouloir faire jouer l'idée que la superposition de structures scolaires pourrait brimer, empêcher ou rendre inopérante cette volonté d'établir des commissions scolaires linguistiques, du moment où il maintient le droit à la dissidence, il pourrait s'établir quatre commissions scolaires sur tout le territoire du Québec. Alors, ce n'est pas la solution et je pense que le ministre aussi doit reconnaître que, même la question qu'il pose quant au pouvoir du Québec d'établir des commissions scolaires sur tout le territoire du Québec, c'est un écran de fumée, je le maintiens. Il n'avait pas à attendre l'adoption du présent projet de loi pour renvoyer la question à la Cour d'appel. Il pouvait le faire dès qu'il a pris la responsabilité du ministère. Il vient, de façon délibérée, de nous faire perdre trois ans sur ce dossier. Alors qu'au moment où il va s'en aller en Cour d'appel, on aurait été à même d'avoir le jugement de la Cour d'appel en main. Je n'appelle pas cela une volonté de modifier des structures scolaires.

J'aimerais cependant revenir un peu à votre mémoire et aborder les questions qui touchent l'autonomie professionnelle tant à l'égard des enseignants que des professionnels non enseignants. Sur ces questions, vous avez insisté à quelques reprises sur les contraintes qui s'opposaient à cet exercice d'autonomie professionnelle, particulièrement au moment où vous parlez de la définition des services qui devraient être offerts dans le cas des enfants handicapés ou souffrant de troubles d'apprentissage et de comportement. Vous l'avez également un peu abordé au moment où vous recommandiez que le conseil d'orientation ne soit pas investi de pouvoirs qui lui

seraient délégués par la commission scolaire. Je pense que c'est en page 25 de votre mémoire. Vous dites que vous vous opposez à la règle de la délégation de pouvoirs. Le conseil d'orientation est consultatif. Aussi longtemps qu'il est consultatif, dans ses fonctions d'organisme consultatif, il ne vient pas inférer dans l'autonomie professionnelle des enseignants, à ce que je comprends. Mais ma question est la suivante: La, évidemment, cela se retrouverait dans la loi. Peut-on effectivement déléguer des pouvoirs à un organisme qui est prévu être consultatif? Et peut-être j'aimerais vous entendre préciser les conditions idéales d'exercice de l'autonomie professionnelle pour les enseignants également pour les professionnels non enseignants. Chez les professionnels non enseignants, comme on ne définit pas leurs devoirs, on ne définit pas non plus leurs droits.

M. Charbonneau (Yvon): Merci, Mme la députée. Nous retenons avec vous le point de référence de la loi 3 qui avait été largement discutée et qui a été adoptée finalement et dont nous étions prêts à faire, comme nous l'avions dit à l'époque, un essai loyal. Il y avait beaucoup d'instruments importants dans cette loi. Malheureusement, elle n'a pas pu être mise en vigueur et on a compris aussi que le gouvernement actuel ne poussait pas tellement loin l'affaire en appel.

Pour ce qui est de plusieurs aspects de votre question en rapport avec le conseil d'orientation et l'autonomie professionnelle, je vais demander à mon collègue, Pierre Tellier, le président de notre regroupement de professionnels dans le milieu scolaire, de vous dire son point de vue sur cela.

M. Teliier (Pierre): Merci, M. le Président. Mme la députée, pour répondre à votre question, il faut d'abord insister à nouveau sur l'importance d'introduire dans ce projet de loi 107 ce qui était dans le projet de loi 3 et dans la loi 3 au sujet des services complémentaires, des services éducatifs. C'est le premier élément qui permettra au personnel professionnel d'assumer un peu d'autonomie. D'autre part, nous n'avons pas d'objection à ce que, dans le projet de loi, soient inscrits les devoirs, certes, mais aussi des droits pour le personnel professionnel et d'affirmer carrément le droit a l'autonomie professionnelle. Il y a toutes sortes de formulations juridiques qui peuvent être utilisées pour cela. Nous laissons le soin de cela aux rédactrices et aux rédacteurs des projets de loi mais nous croyons que ce doit être affirmé puisque de plus en plus nous avons des exemples au quotidien d'interventions dans le champ de l'autonomie professionnelle de psychologues, par exemple, d'orthophonistes, de conseillères ou de conseillers d'orientation et même du personnel professionnel qui agit à titre de conseil auprès des enseignantes et des enseignants et aussi à titre de conseil auprès du personnel de cadre, il est important que la nature et les objectifs des services complémentaires se retrouvent dans cette loi pour qu'on puisse bien asseoir cette autonomie professionnelle.

M. Charbonneau (Yvon): Dans toute la discussion relative au conseil d'orientation on dit: C'est un conseil consultatif. C'est ce que j'ai compris de votre question. C'est cela et c'est un peu plus que cela. Si on regarde l'article 78, par exemple, il détermine le projet éducatif. Il donne son avis au directeur d'école sur les mesures pour le réaliser mais il détermine les orientations du projet éducatif.

L'article 79: L'information. Il adopte les règles de conduite pour les élèves et les autres usagers de l'école. Donc, il y a des décisions. Au paragraphe 3°: II approuve le choix des activités éducatives, etc.,

L'article 80: il donne son avis.

L'article 81 : II fait des recommandations.

On peut voir à l'article 83 qu'on peut déléguer au conseil d'orientation, par règlement, avec son propre accord, une certaine responsabilité. C'est là que nous avons fait notre intervention. Nous avons dit: De quoi s'agit-il? Et jusqu'où peut-on aller? Quels automatismes vont se créer autour de cette question de délégation? Pouvoir déléguer pendant un an et, si personne n'en reparie, déléguer deux ans, trois ans? Finalement, où est le pouvoir de la commission scolaire? Où est le propre, où est la responsabilité spécifique du conseil d'orientation? L'équipe se renouvelle, mais les pouvoirs ont été délégués. Finalement, cela glisse à travers les années. C'est un premier cran d'arrêt. Deuxièmement, quant à la gestion du personnel, nous pensons qu'il devrait y avoir un autre cran d'arrêt de posé. Quant à la dynamique interne au conseil d'orientation, là où peut s'exercer une forme de responsabilité professionnelle de la part des membres que nous représentons, je pense que mon collègue Hervé Bergeron aurait des observation additionnelles.

M. Bergeron (Hervé): Mme la députée, quand on parle d'autonomie professionnelle chez les enseignantes et les enseignants, on touche un sujet qui leur tient beaucoup à coeur par les temps qui courent. Ils ont le malheureux sentiment de n'être que des exécutantes et des exécutants dans un système qui ne les consulte pas beaucoup. L'autonomie professionnelle doit être reconnue à la fois par une marge de manoeuvre dans l'exercice de la fonction et par la reconnaissance d'un champ spécifique de pouvoir et d'influence en ce qui concerne l'organisation scolaire et pédagogique des écoles. C'est donc dire qu'il y a un aspect individuel à l'autonomie professionnelle quand on parle de l'acte d'enseigner qui appartient en propre à l'enseignante et à l'enseignant, quand ils s'exécutent dans leur classe avec leurs élèves, et qu'il y

a aussi une dimension collective à cette autonomie professionneile qui vient colorer les déterminants de l'acte d'enseigner. On peut parler des programmes, des instruments, des manuels, du matériel pédagogique, des méthodes pédagogiques. Je pense que c'est dans un ensemble comme cela qu'on doit définir l'autonomie professionnelle. C'est à partir de ces considérations-là que l'on constate que le projet de loi qu'on a devant nous actuellement ne garantit pas une marge d'autonomie professionnelle suffisante à l'enseignante et à l'enseignant. Pour nous, cela va beaucoup plus loin que la capacité de définir des modalités d'intervention. Quand on considère l'ensemble des limitations qui sont données à cela, on peut même se demander si les modalités ne résultent pas seulement d'un choix de mots. Quand on constate aussi... Cela va beaucoup plus loin que le choix des seuls instruments d'évaluation. On sait aussi qu'il y a des limitations en termes d'épreuves au niveau de la commission scolaire ou au niveau du ministre. Donc, il y a une marge importante à combler si on veut vraiment parler d'autonomie professionnelle des enseignantes et des enseignants en fonction du projet de loi 107.

M. Charbonneau (Yvon): II y a les professionnels, il y a les enseignants et Ses enseignantes et il y a le personnel de soutien à propos desquels nous avons fait des observations et qui n'auraient pas nécessairement leur place au conseil d'orientation ou dans certains comités où leur travail est concerné. Je crois que le président de la Fédération du personnel de soutien, Daniel Lachance, aurait aussi des observations.

M. Lachance (Daniel): Mme la députée, je retiens deux choses de l'exposé que vous avez fait sur le mémoire présenté par le président de la centrale. Vous avez parlé des services complémentaires. Vous avez attaché une importance particulière aux services complémentaires et particuliers, et vous avez souligné, à maintes reprises, les services de garde. Je voudrais vous dire que, dans le mémoire, nous nous attachons, effectivement, à ce qu'il y avait dans la loi 3 en matière d'énoncé de politique sur les services de garde en milieu scolaire. Ce qu'on voudrait voir revenir dans le projet de loi qui nous est présenté, c'est l'obligation, pour les commissions scolaires, de mettre à la disposition des parents et des enfants des services de garde en milieu scolaire. Il y a eu une espèce de glissement qui s'est opéré de la loi 3 au projet de loi 107 sur deux mots. Dans la loi 3, on lisait "peut". Dans le projet de loi 107, on lit... C'est-à-dire que c'est le contraire. Dans la loi 3, on lisait "doit", alors que dans le projet de loi 107 on lit "peut". Nous pensons que pour répondre aux besoins de la population, qui s'exprime de plus en plus clairement depuis dix ans... Surtout cette année, quand on regarde l'ensemble des médias, on peut voir que toute la question des services de garde, que ce soit garderie, que ce soit service de garde en milieu scolaire, cela prend de plus en plus d'importance. Il me semble que le projet de loi 107, s'il veut être un projet qui est à l'heure des besoins de la population, particulièrement en matière de services de garde, devrait revenir au principe qu'on retrouvait dans la loi 3, c'est-à-dire à l'obligation de mettre à la disposition des parents, à la suite d'une demande du conseil d'orientation, de tels services. (11 h 45)

La deuxième question sur laquelle je voudrais intervenir, c'est celle de la reconnaissance du personnel de soutien. Mon collègue, ici, disait tantôt que les enseignants et les enseignantes se sentaient des exécutants et des exécutantes; or, on ne peut nier quand même que, dans le projet de loi 107 ou les autres qui l'ont précédé, il est question des enseignants. Ce n'est pas le cas pour le personnel professionnel, comme M. Tellier l'a mentionné tantôt, et c'est encore moins le cas pour le personnel de soutien, personnel de soutien qui a une contribution importante à donner à l'école, qui est composé d'employés de bureau, d'ouvriers, de techniciens et de techniciennes. On veut voir reconnaître, dans le projet de loi, l'importance du travail que ce personnel fait dans les écoles et la contribution qu'il peut apporter à l'amélioration du service éducatif.

En plus de voir ce principe-là énoncé clairement, c'est pratiquement qu'on veut voir son application. Et nous demandons qu'au comité d'enfance en difficulté d'apprentissage les personnels que nous représentons, par exemple les techniciennes en éducation spécialisée qui sont, avec les enseignantes et les enseignants, dans les classes, les personnes qui permettent l'intégration, la possible intégration des enfants qui ont des difficultés d'apprentissage ou qui sont handicapés, on veut que ces personnels soient représentés au comité d'enfance en difficulté d'apprentissage.

Et, au conseil d'orientation, nous pensons que nous avons notre place au même titre que les professionnels et que le personnel enseignant au sein de ce comité, pour y apporter notre expérience. Ce que le projet de loi prévoit actuellement, c'est qu'il y ait un seul représentant pour le personnel non enseignant. Ce que nous demandons clairement, dans le mémoire présenté par M. Charbonneau, c'est que les professionnels et le personnel de soutien, aux côtés des enseignants et enseignantes, aient la place qu'ils méritent et la considération qu'ils méritent dans ce lieu de discussion et de consultation.

M. Charbonneau (Yvon): Et, si vous permettez, je voudrais compléter tout cela. Si le ministre acceptait notre suggestion, cela nous rapprocherait de la réalisation de la parité, principe qu'il est prêt, peut-être, à envisager ou à examiner, en tout cas. Je crois que cela serait

une suggestion très pratique pour nous rapprocher de cela.

À l'article 83, on s'aperçoit que le conseil d'orientation peut exercer les fonctions que peut lui déléguer la commission scolaire. Alors, les fonctions, c'est très large, c'est un terme très large, et il est largement utilisé ici, dans le projet de loi, tout particulièrement pour décrire les responsabilités des commissions scolaires. À compter de la section VI, l'article 187 et tous les autres, tout ce que vous voyez, c'est: fonctions. C'est le terme générique utilisé. Alors, si la commission peut déléguer des fonctions, où cela s'arrête-t-il?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Oui, M. le Président.

Sur le conseil scolaire, le conseil d'orientation et la parité que vous demandez, à quelle place logez-vous les étudiants du second cycle? Je dois dire peut-être quelques mots, également, par rapport à l'appréciation qu'on fait des demandes du personnel de soutien. Je suis tout à fait d'accord pour que le personnel de soutien soit associé aux orientations de l'école, je l'étais déjà au Conseil des collèges, j'étais déjà dans les collèges, cela a toujours été ma position de fond, parce que le premier contact avec une école passe par une secrétaire. Et je dirais que l'un des membres du personnel dont parle très souvent un élève à l'école, c'est le concierge. On est très conscient de cela, sauf que jamais on ne leur donne de place réelle. Moi, je pense que vous avez tout à fait raison d'exiger d'en avoir une concrète au sein des organismes de l'école.

Une question par rapport aux devoirs et aux obligations de l'enseignant. C'est généreux, je pense bien que c'est noble, cela ne vient pas contredire ce que normalement on attend d'un enseignant, mais il y a au moins deux points pour lesquels, moi, cela me pose une certaine difficulté. Le troisième devoir qui dit que l'enseignant doit "prendre les moyens appropriés pour développer chez ses élèves le respect des droits de la personne". Comment peut-on exiger de l'enseignant qu'il développe chez l'élève le respect des droits de la personne alors qu'il est aux prises avec les contraintes d'un projet éducatif confessionnel? L'autre point, c'est le septième, "d'appliquer les décisions et les règlements du gouvernement et du ministre, de la commission scolaire, du conseil d'orientation et du directeur de l'école." Quand le ministre nous dit: Je ne suis même pas capable de connaître toutes les obligations qui sont les miennes, cela me prendrait cinq ans à les apprendre, je me demande comment un enseignant pourrait avoir le temps de voir l'ensemble de ses...

M. Charbonneau (Yvon): II n'est pas nécessaire de les comprendre pour les appliquer.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Pour ce qui est de vos questions en regard de l'article 19, autant le paragraphe 3 que le paragraphe 7, je crois que vous m'adressez cela à moi pour les faire rebondir vers le ministre. C'est lui qui a écrit cela. S'il veut expliquer comment il peut concilier tout cela, je crois qu'il en aura l'occasion. Pour ce qui est du conseil d'orientation, quand il y a des représentants d'élèves, pour les élèves du second cycle et du secondaire, ils s'ajoutent aux représentants des parents et des personnels qui, eux, doivent être paritaires.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée, en conclusion.

Mme Blackburn: On aurait encore eu à discuter longuement sur ce mémoire. Je dois rendre hommage à la CEQ pour - j'allais dire - la fidélité qu'on constate quant aux orientations, aux prises de position, à la rigueur, à la constance que l'organisme a mis à défendre les droits et libertés, le droit à l'éducation, à une éducation de qualité et les conditions qui la favorisent. J'espère que le ministre saura prendre en considération les différentes recommandations que vous lui avez faites ce matin. Vous l'avez fait, comme l'a remarqué le ministre, sur un ton tout à fait respectueux qui nous permet d'élever les discussions dans ce débat, mais qui, il me semble, devrait faire profondément réfléchir le ministre. Je souhaite avec vous que le projet de loi qui nous sera présenté, lorsqu'on étudiera article par article, contiendra des modifications majeures quant aux points qui ont été soulevés par vous, autant du côté des services à offrir que du côté de la responsabilisation des différents partenaires. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant, pour une dernière intervention, le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Ryan: En conclusion, M. le Président, je voudrais relever un certain nombre de points sur lesquels on m'a demandé de fournir des précisions quant à notre ligne de conduite. Je vais les prendre l'un après l'autre.

On m'a demandé, en ce qui touche les droits confessionnels, par exemple: Pourquoi on ne procéderait pas dès maintenant à des démarches en vue d'obtenir une modification constitutionnelle? Pour une raison que j'ai énoncée à maintes reprises, c'est que les droits religieux sont importants pour le gouvernement. Il y en a qui sont garantis dans la constitution. Je ne ne proposerai jamais au gouvernement que nous en disposions sans en avoir d'abord discuté avec les groupes intéressés. Il n'y a pas eu discussion à ce sujet, ni sous l'ancien gouvernement, ni sous

le gouvernement actuel. La première démarche qu'il faudrait envisager serait évidemment une démarche avec ces groupes, afin de savoir quels seraient les accommodements qui seraient de nature à être généralement acceptables. Nous n'en sommes point encore rendus là, et s'imaginer qu'on pourrait instituer une démarche comme celle-là par-dessus la tête des gens, des dépositaires de ces droits, je pense que c'est absolument contraire aux convictions et à l'approche du gouvernement. Cela n'exclut pas qu'éventuellement cela soit fait. Il faudrait des conversations préparatoires très importantes.

Deuxièmement, je voudrais clarifier une couple de points relatifs à la même question. La députée de Chicoutimi dit: Pourquoi on n'a pas posé des questions aux tribunaux avant de présenter un projet de loi? C'est pour une raison que nous avons longuement examinée avant d'arrêter cette ligne de conduite. Si nous posons une question générale, nous allons recevoir une réponse générale. Éventuellement, ce qui sera sujet à l'arbitrage des tribunaux sera un texte de loi. Nous nous sommes dit: En adoptant d'abord un texte législatif précis, en invitant le tribunal à se prononcer, nous aurons une réponse à nos vraies questions. Il y a peut-être des questions que le tribunal trouvera dans un texte de loi qu'il n'aurait pas trouvé dans une question purement abstraite. Nous avons fait l'expérience des questions abstraites aux tribunaux, à propos du droit de veto du Québec. Je me souviens très bien du genre de réponses auxquelles cela a conduit. J'aime mieux ne pas prendre de chance de ce côté-là et arriver avec des choses plus précises. Cela a été discuté longuement au gouvernement et c'est de propos délibéré que nous avons retenu cette approche.

Pourquoi exclure les territoires protégés? La question est fausse. Ce n'est pas cela qui est dans le projet de loi. Dans le projet de loi, les commissions scolaires linguistiques doivent normalement s'instituer partout. C'est ce qui est écrit dans le projet de loi. Jusqu'à nouvel ordre, c'est la ligne de conduite du gouvernement. C'est ce qu'il a mis dans son projet de loi. Mais il dit: On va respecter les droits des commissions scolaires confessionnelles dans les territoires protégés. Là, il y aura des problèmes d'arrimage, c'est évident, mais il n'y a personne qui peut agir autrement. S'il y a une autre formule, on peut nous la proposer. Nous n'en connaissons point d'autres et nous pensons que la démarche, encore une fois, est une démarche qui embrasse l'ensemble du territoire du Québec.

On m'a demandé: Quand est-ce que la prospérité actuelle dont se vantent les entreprises se traduira dans le secteur de l'éducation? Il y a déjà des fruits qui se manifestent. Dès cette année, dans le secteur des universités, nous avons accru les subventions aux universités par étudiant. Elles sont passées de 6900 $ à 7400 $ dans l'espace d'une année. C'est une augmentation qui est quand même très appréciable.

Dans le secteur des cégeps, cette année, nous faisons des améliorations sensibles. Dans le secteur de l'enseignement primaire et secondaire, on pourrait discuter longtemps. Nous avons démontré, en commission parlementaire, que nous faisons de légers progrès, insatisfaisants, à mon point de vue. J'espère qu'on pourra en faire davantage. Mais je dois toujours fonctionner dans la perspective d'une réalité de base. C'est que nos dépenses pour l'enseignement primaire et secondaire public, relativement à notre prospérité, par rapport au reste du Canada, sont encore supérieures d'environ 1 000 000 000 $ à la moyenne canadienne. On nous dit qu'il faut qu'on essaie de se rapprocher davantage de la moyenne canadienne. Par conséquent, il y a un facteur structurel sur lequel on ne peut pas avoir de maîtrise facile.

En matière des pouvoirs du ministre, M. Charbonneau, je pense que vous avez glissé un peu tantôt. Vous avez dit que peut-être, actuellement, il y a un ministre et tout cela, mais en cas d'un changement de ministre... J'espère que vous êtes encore plus sévère envers celui qui est là qu'envers celui qui pourrait être là éventuellement. S'il y a un pouvoir qu'on propose pour le ministre qui n'est pas bon en soi, qu'on nous en fasse la démonstration. Nous allons l'examiner indépendamment, de grâce, de la personne du ministre. Peut-être qu'à cause de celui qui est là, il faut se méfier encore plus. Cela fait partie du jeu. L'Opposition, c'est ce qu'elle pratique, en tout cas, et nous ne lui en voulons point. Elle accomplit le rôle qui est le sien.

Dernière question, à propos des personnels non enseignants et des employés de soutien. D'abord, en ce qui touche le projet de loi, relativement à la représentation au conseil d'orientation, il y a une disposition qui traite explicitement de ces deux personnels. On les fond ensemble dans une même représentation. Peut-être qu'il y a lieu de prévoir une représentation distincte, si c'est l'objet de l'intervention qui a été faite. Nous allons l'examiner avec toute l'attention nécessaire.

On me soulignait de manière plus générale les réductions de personnel qui interviennent dans le secteur des employés de soutien. J'ai pris note de cette remarque. J'ai cependant devant moi des statistiques sur l'évolution des dix dernières années et je constate que les clientèles ont diminué de 22 %, le nombre d'enseignants de 19 %, le nombre d'employés de soutien de 19 %, le nombre de professionnels de 17 %, le nombre de cadres d'école de 15 %, le nombre de cadres des services de commissions scolaires de 6 %.

Cela illustre, d'un côté, ce que disait M. Charbonneau tantôt, qu'on est porté à aller davantage là que du côté des cadres non syndiqués. Je pense que c'est un fait. Maintenant, on me fournit des explications. Je ne veux pas ouvrir tout ce débat-là ce matin, mais je suis attentif à cette représentation. Cependant, la

tendance générale depuis dix ans ne semble pas avoir défavorisé le secteur des professionnels non enseignants autant que l'indiqueraient certaines remarques que j'ai entendues tantôt. Mais cela n'exclut pas ce qui peut arriver pour la prochaine année. Vous m'avez souligné les faits. Je vais m'enquérir de ces faits et voir comment ils se présentent, à quoi on peut les attribuer et quels correctifs pourraient être envisagés, s'il y a lieu.

Je remercie infiniment la CEQ. J'ai essayé de répondre aux questions qui avaient été soulevées. Les autres suggestions qui ont été faites, nous les examinerons attentivement dans le cadre de l'examen que nous ferons et des modifications.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Mme la députée, je voulais commencer à entendre l'Alliance des professeures et professeurs de Montréal à midi, par exemple. (12 heures)

Mme Blackburn: Très brièvement, deux commentaires. Le premier, sur la comparaison qu'a faite le ministre entre ia diminution de différentes catégories de personnel en comparaison avec la diminution des clientèles. C'est évident qu'il est difficile d'abolir un poste de professionnel lorsqu'il y en a un pour une école de la commission scolaire, les cadres, la même chose. Donc, je ne pense pas que cette explication soit satisfaisante dans la mesure où, encore cette année, les personnels professionnels risquent d'écoper d'une partie des compressions qui affectent le réseau scolaire. En même temps que le ministre nous dit, et je pense qu'il est important de le dire, qu'on a soulagé un peu les universités cette année, il oublie de nous dire que ce soulagement est dû à une ponction qu'on a faite dans l'aide financière aux étudiants. C'est d'un montant de 29 000 000 $ par année que nos étudiants québécois, dans les collèges et dans les universités, se trouvent endettés. La première décision était pour un montant de 24 000 000 $. Finalement, on vous concède un montant de 4 000 000 $ de bonification. La deuxième décision cette année est d'environ 9 000 000 $, si cela ne l'excède pas. Cela veut dire que les étudiants québécois, depuis 1986, connaissent un accroissement annuel de leur endettement de 29 000 000 $. Essentiellement, on n'est pas ailé chercher le financement ou le redressement du financement des universités dans l'accroissement du produit intérieur brut, on est allé le chercher dans les poches des étudiants les plus démunis du Québec. Je pense que c'est le genre... Vous savez, quand on donne des réponses très générales, comme le fait le ministre, on oublie ce genre de détails qui sont majeurs. Cela vient porter l'attention exactement sur la volonté de ce gouvernement d'assurer une plus grande accessibilité à l'éducation. Je pense qu'il est important de faire cette mise au point. Je vous remercie, M. le Président. On devrait maintenant entendre la réponse.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. M. Charbonneau, je suis obligé de vous entendre dans un très court laps de temps. Étant donné que vous êtes notre invité, je suis plus permissif pour vous et je vous fais confiance.

M. Charbonneau (Yvon): Je vous remercie, M. le Président. Pour ce qui est du montant de 1 000 000 000 $ qu'invoque le ministre de temps à autre, puisque ceia fait quelques fois que j'entends cet argument massue du montant de 1 000 000 000 $ qu'on dépenserait en trop à l'éducation par rapport à une quelconque moyenne canadienne ou je ne sais trop, je voudrais vous relancer sur la base des données suivantes. En 1981, le gouvernement dépensait 25, 2 % de son budget dans le domaine de l'éducation. Pardon. Je fais mes comparaisons en rapport avec le PIB. Les dépenses en éducation étaient de 25, 2 % par rapport au PIB.

M. Ryan: Mais non. Cela ne se peut pas.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît.

M. Charbonneau (Yvon): Les dépenses totales gouvernementales par rapport au PIB.

M. Ryan: Bon. D'accord.

M. Charbonneau (Yvon): En 1988, elles sont à 22, 7 %. il y a donc eu compression de ia part des dépenses gouvernementales par rapport au PIB. Ce sont des compressions d'un certain ordre. On passe de 25 % à 22, 7 %, en huit ans. Pour ce qui est de l'enseignement primaire et secondaire pubiic, elles étaient de 4, 5 % en 1981 et on passe à 3, 5 % en 1988. Si on fait le rapport entre les deux formes de compressions, celles qu'a subies le secteur de l'enseignement primaire et secondaire public sont bien plus violentes que l'ensemble des compressions sur le total des dépenses du gouvernement. Bien plus violentes. De 2, 4 fois plus violentes. C'est ce qu'on veut vous faire remarquer. Alors, le montant de 1 000 000 000 $ dont vous parlez... Je ne sais pas, mais j'ai parlé avec mes collègues ici et il n'est pas dans !es poches de personne. Chez nous en tout cas. On avait la parité avec les enseignants de l'Ontario en 1981-1982. On est au 8e ou 9e rang au Canada, actuellement. Je ne sais pas où est le milliard, mais il n'est pas de notre côté.

L'autre point était la question de l'école laïque. Vous avez employé cette expression. Je ne vais pas laisser passer cela parce que ce n'est pas notre langage. C'est le langage d'autres organisations et c'est légitime, mais ce n'est pas le nôtre. Nous, nous parions d'une école ouverte, pluraliste, commune où il y aura possibilité d'un enseignement religieux, non pas en dehors des horaires ni des services, mais à l'intérieur. C'est

donc un autre concept. C'est celui, à notre avis, qui convient aux besoins d'aujourd'hui.

En conclusion, M. le Président, je vous remercie de nous avoir entendus. Je souhaite que le ministre et le gouvernement actuels donnent de l'horizon et de l'espoir de développement, que l'on sorte du sous-développement en matière d'enseignement primaire et secondaire public, sous-développement que je viens d'illustrer en invoquant la violence avec laquelle nous avons été frappés, ces dernières années, en termes de compressions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président. Je vous remercie encore une fols de l'apport que vous avez fourni à cette commission parlementaire.

Nous suspendons nos travaux quelques minutes et nous accueillerons immédiatement après l'Alliance des professeures et professeurs de Montréal.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprisée 12 h 11)

Le Président (M. Parent, Bertrand): S'il vous plaît, j'inviterais les membres de la commission à prendre place. J'invite aussi les représentants de l'Alliance des professeures et professeurs de Montréal à prendre place. Mme la porte-parole, M. le ministre, il me fait plaisir de vous accueillir à cette table. Je souhaiterais vous voir parmi nous.

Alliance des professeures et professeurs de Montréal

La commission de l'éducation reprend ses travaux. Nous accueillons l'Alliance des professeures et professeurs de Montréal, représentée par sa présidente, Mme Lorraine Pagé. Alors, Mme Pagé, nous vous souhaitons la bienvenue, à vous et à l'alliance. Nous vous remercions aussi de l'empressement que vous avez manifesté à répondre à l'invitation des membres de la commission afin de venir donner un éclairage nouveau, soit celui de l'alliance, sur le projet de loi 107, projet de loi qui traite de l'instruction publique.

La commission, d'un commun accord, a convenu de vous entendre durant une heure. Je vais vous donner une suggestion; vous l'utiliserez comme bon vous semblera. C'est de prendre environ le tiers de la période, du moins, pour la présentation du mémoire, que, j'espère, tous les membres de la commission ont lu avec attention. Après cela, le reste du temps sera séparé de façon égale entre les deux formations politiques et sera utilisé à un échange entre vous, les gens qui vous accompagnent et des membres de la commission.

Avant de débuter, pour les besoins du

Journal des débats, je vous inviterais à nous présenter les gens qui vous accompagnent. Pour éviter les quiproquos et les situations difficiles, j'invite les gens qui auront à prendre la parole à s'adresser au président. Mme la présidente, nous vous écoutons.

Mme Pagé (Lorraine): M. le Président, M. le ministre et Mme la critique officielle de l'Opposition, je suis accompagnée aujourd'hui de M. Denis Grenon, à ma droite, qui est premier vice-président de l'alliance, et de M. Henry Egretaud, qui est employé-conseil à l'alliance et qui a été le rédacteur du mémoire issu des positions élaborées par un comité de travail chez nous, mais qui a été également adopté par nos instances habilitées.

Je voudrais tout d'abord remercier la commission de nous entendre et vous dire immédiatement que je ne me livrerai pas à une lecture complète du mémoire. C'est très fastidieux. Comme enseignante, je sais qu'il faut garder l'intérêt des élèves sages. Donc, je ferai une présentation, je l'espère, assez intéressante pour garder votre intérêt. Je ne m'attarderai pas non plus à une lecture article par article du projet de loi. Nous n'avons pas présenté notre mémoire de cette façon et je ne ferai pas non plus la présentation de cette façon. Nous allons plutôt faire ressortir des grands thèmes, parce qu'il nous semble que c'est comme cela qu'on peut avoir une vue d'ensemble et qu'on peut mieux dégager les perspectives du projet de loi.

J'aborderai dans un premier temps le projet de loi 107 en m'attardant à trois aspects: les droits, les pouvoirs et les structures. Dans un deuxième temps, le vice-président, M. Grenon, donnera notre point de vue sur le projet de loi 106 qui, dans le fond, aborde la question de la participation aux élections scolaires. Je vous dirai aussi que nous aurons un point de vue carrément montréalais. Nous sommes une organisation syndicale montréalaise. Nous prenons résolument le parti d'une position qui serait garante de l'avenir du français et de la communauté francophone parce que cet avenir du français et de la communauté francophone se joue dans nos écoles à Montréal. Je n'ai pas besoin de m'attarder très longtemps sur l'explosion démographique que connaît le Québec et la transformation profonde du tissu social dans la région de Montréal.

Si vous prenez le mémoire en page 3, je vous disais que nous allions aborder cela par thème. Alors, la première partie, c'est d'aborder la question des droits. Le projet de loi 107 s'ouvre sur les droits des élèves. Si on examine plus particulièrement l'article 1, par exemple, on voit qu'on fait allusion au droit le plus fondamental, c'est-à-dire celui d'avoir droit à un service de formation et d'éveil à l'éducation préscolaire. Ce droit est rendu possible, bien sûr, par l'existence d'écoles accessibles, mais aussi par la gratuité des services éducatifs. Il faut

bien se rendre compte que, même si ce droit est affirmé dès l'introduction du projet du loi, dès l'article 1, il y a quand même des limites qui sont précisées. Par exemple, l'exercice du droit de choisir l'école est assujetti aux critères pour l'inscription des élèves dans l'école. Cette limite peut être très contraignante, et j'en donne pour exemple l'article 35 où on dit que l'école est destinée à assurer la formation de l'élève dans le respect des valeurs qui lui sont propres. Déjà, il y a une première ambiguïté. Est-ce que le "lui" sont les valeurs du système scolaire, de l'école, ou si le "lui" représente l'enfant que nous recevons? Si le "lui" égale l'élève, c'est rassurant, mais si le "lui" égale l'école, il nous semble que c'est inquiétant et nous pensons que, malheureusement c'est la deuxième interprétation qu'il faut accorder quand on s'attarde à l'article 222 qui annonce que l'adhésion au projet éducatif de l'école peut être l'un des critères d'inscription.

Vous vous demanderez sans doute pourquoi je m'attarde aussi longtemps à cet aspect. C'est parce que, justement, compte tenu de la transformation profonde du tissu montréalais, déjà, là, on peut avoir un problème majeur et c'est ce qu'on vous expliquait dans notre mémoire. Alors, imaginons à Montréal un quartier qui est peuplé de Québécoises et de Québécois de souche, pour prendre une expression consacrée, et d'un fort groupe d'immigrants d'origine musulmane - ce que je décris n'est pas une situation inventée, cela devient de plus en plus une réalité dans nos milieux. Alors, un groupe de parents obtient, en se basant sur l'article 222, que l'école de quartier soit dotée d'un projet éducatif chrétien. Dans les faits, ce que l'on fait, c'est que les parents d'origine, de confession musulmane n'auront plus droit à l'école de quartier parce que leurs enfants ne pourront pas nécessairement répondre à la norme fixée d'un projet éducatif chrétien. Donc, on s'aperçoit bien concrètement, même si on peut avoir de bonnes visées dans le projet de loi, que cela cause des problèmes sérieux et vient limiter un droit qui est, par ailleurs, exprimé dès le début du projet de loi. Je veux rappeler que nous avons déjà témoigné en commission parlementaire, au moment où le comité catholique avait apporté des modifications au règlement. On nous avait dit: On renforce le règlement parce que les gens auront maintenant le droit de choisir si leur école a un statut confessionnel ou pas quand ils feront le choix d'avoir une école avec un statut confessionnel, mais il faut leur garantir que ce sera un vrai statut confessionnel. La logique est implacable, sauf à Montréal où, malheureusement, les gens ne pourront pas véritablement choisir le caractère confessionnel de leur école.

Je vous signale en passant que l'article 7 donne des garanties de certains services complémentaires aux élèves catholiques ou protestants, mais on ignore superbement tous les autres. Je peux vous dire, pour revenir d'un court séjour en Belgique, que j'ai constaté là-bas, par exemple, que dans les écoles publiques, il y avait des garanties de services pour toutes ies confessions religieuses. J'ai vu moi-même une école où il y avait à peine une trentaine d'élèves de confession musulmane. Ils avaient droit à un service d'animation dans leur confessionnalité, ils avaient droit à une garantie de l'enseignement religieux. Le projet de loi nous parie des catholiques et des protestants. On semble oublier qu'il y en a de plus en plus de toutes sortes.

Sur les droits du personnel, parce qu'on est toujours dans le chapitre des droits - le président de la centrale vous en a parlé abondamment tantôt - je veux revenir dans le siilon pour vous dire que, vraiment, à notre avis, la section réservée aux droits de l'enseignant est très courte. C'est imprécis. Cela ne donne pas les garanties d'une autonomie professionnelle, individuelle et collective. C'est, à notre avis, une des parties du projet de loi qui est la plus insatisfaisante pour les personnels que nous représentons. C'est une négation de leur statut professionnel, de leur importance dans l'école, je dirais même de leur indispensabilité. Il y aura nécessairement des renforcements à apporter à ce chapitre pour qu'on puisse envisager qu'il soit satisfaisant.

Je vous signale en passant un aspect très technique, mais qui a son importance. On reconnaît le droit de demander l'exemption de dispenser l'enseignement moral et religieux, mais le projet de loi prévoit la date du 1er avril pour ce faire. C'est tout à fait incompatible avec le vécu dans nos écoles. On ne sait pas encore, au 1er avril, ce que seront les tâches, le projet éducatif l'année suivante. Les enseignants vont être dans la situation de ne pas demander l'exemption et d'être pris avec un problème ou bien de la demander au cas où, ce qui n'est pas une solution. il faudrait vraiment évacuer cette date de référence parce que, quand on met une date de référence dans un projet de loi, cela ne se modifie pas aussi facilement que quand les dates sont prévues, par ailleurs, dans d'autres mécanismes comme les conventions collectives.

Je vous dirai que, de notre perception, les grands gagnants au chapitre des droits dans le projet de loi, ce sont ies directeurs d'école. Ils ont plus de droits, des pouvoirs certains quant à la gestion de leur école, quant au contrôle des enseignantes et des enseignants, surtout dans un contexte où la supervision pédagogique est à la mode. Nous pensons vraiment que, de tous les agents de l'éducation, les directeurs d'école sont les privilégiés du projet de ioi 107. Il nous semble que c'est une approche très hiérarchique de ce que doit être un système d'enseignement et d'éducation avec lequel nous ne pouvons être qu'en désaccord.

Sur la répartition des pouvoirs maintenant, l'économie du projet de loi montre bien un accroissement du pouvoir central par rapport aux pouvoirs régionaux des commissions scolaires et

une liberté surveillée aux écoles où le pouvoir de la direction de l'école est vraiment bien campé, ainsi que je l'indiquais tantôt.

Si je passe maintenant... Je ne m'attarderai pas sur cette partie parce que je pense que le mémoire de la centrale, tantôt, a été assez explicite. Je vous redirais exactement la même chose. Je suis rendue à la page 8. L'aspect sur lequel j'insisterai davantage, ce sont les structures scolaires. Tout d'abord, regardons l'école. Le projet de loi nous propose de créer dans les écoles un lieu où les parents et les porte-parole du personnel peuvent se rencontrer, partager leurs préoccupations, collaborer à la réalisation de projets communs. C'est en soi un objectif honorable. Mais nous pensons que nous n'avons pas atteint les objectifs de la défunte loi 3 où il y avait conseil d'école et comité pédagogique. Nous nous étions prononcés, à ce moment-là, en faveur de cette formule. Pour nous, la formule de conseil d'orientation qui nous est soumise est un recul par rapport à ce qu'il y avait dans la loi 3, avec un conseil d'école et un comité pédagogique qui, vraiment, pouvaient permettre d'assurer une zone d'influence au personnel enseignant. Il nous semble qu'il serait sain de réintroduire une structure participative au sein du conseil d'école. Nous ne pouvons que déplorer que les conseils d'orientation soient à la fois des organismes de participation et des organismes obligatoires. Il nous semble qu'il y a une contradiction entre les deux missions d'être à la fois des organismes de participation et des organismes obligatoires.

Sur les commissions scolaires, j'entendais tantôt M. le ministre, en réponse à certaines questions, souligner qu'il serait bien difficile d'inclure, dans des pourparlers constitutionnels, l'article 93 parce qu'on n'a pas vraiment débattu la question avec les organismes intéressés qui, disait-il, sont dépositaires de cette garantie constitutionnelle. M. le ministre connaît notre position, nous l'avons répétée à maintes reprises. Je l'ai redit en commission parlementaire chaque fois que j'y suis venue. J'ai l'impression d'être un peu radoteuse. Chaque fois que je viens en commission parlementaire, je parle de l'article 93 et je dis qu'il doit être dans les pourparlers constitutionnels. Chaque fois, je dois me répéter parce qu'on ne l'inclut pas. Je reste profondément convaincue que le débat a été fait sur l'article 93. Quand des organismes comme les grands partis politiques, l'Assemblée des évêques du Québec, les centrales syndicales, Alliance Québec, la Fédération québécoise des comités de parents, la Fédération des commissions scolaires catholiques, les associations d'administrateurs scolaires, pour ne nommer que ceux-là, et le Conseil supérieur de l'éducation disent qu'il faut changer l'article 93, je trouve que cela ressemble à un débat qui a été fait. Il y a des irréductibles que nous n'avons pas convaincus et, à mon avis, que nous ne convaincrons jamais.

Deuxièmement, je ne voudrais pas non plus que le ministre interprète que les dépositaires des garanties constitutionnelles sont le mouvement scolaire confessionnel. Les dépositaires des garanties constitutionnelles, c'est la population montréalaise et il y a plusieurs intervenants de premier plan au sein de la population montréalaise, dépositaires de ces garanties constitutionnelles, qui disent que ces dispositions constitutionnelles causent un problème.

Donc, pour nous, il aurait fallu entreprendre des pourparlers sur la base de l'article 93. Maintenant, si on veut s'inscrire dans la perspective que semble sous-tendre le projet de loi, nous le comprenons de la façon suivante, nous allons instaurer des commissions scolaires linguistiques partout au Québec, soit! L'alliance a, pendant longtemps, réclamé des commissions scolaires unifiées. Nous avons accepté, lors du débat sur le projet de loi 3, de modifier notre position et de nous rallier à des commissions scolaires linguistiques. Nous ne pouvons que constater que le projet de loi 107 va les mettre en place dans tout le Québec. Très bien! Mais Montréal? Qu'arrive-t-il à Montréal?

Alors, ce qu'on nous propose, c'est de préserver le caractère constitutionnel et confessionnel des territoires protégés - on a l'impression de parler de réserves indiennes - et de superposer à cela, après vérification des avis de la cour, la possibilité de mettre en place des commissions scolaires linguistiques à Montréal également. Lors des échanges que j'ai pu avoir avec des représentants du ministère de l'Éducation, on me disait qu'il y avait comme un pari pris sur l'avenir qu'au fil des ans les commissions scolaires linguistiques allaient s'instaurer et finalement prendre toute la place à cause de l'évolution même de notre société. C'est un pari que nous pouvons prendre avec le ministre de l'Éducation. Il faut avoir foi en l'avenir; on ne serait ni syndicaliste ni enseignante si on n'avait pas foi en l'avenir. Mais il nous semble que le ministre devrait vraiment repenser, dans le projet de loi, les pouvoirs qu'il réserve au Conseil scolaire de I'île de Montréal. Le Conseil scolaire de I'île de Montréal pourrait devenir un organisme favorisant vraiment la mise en place de commissions scolaires linguistiques. Or, là, on le vide de ses pouvoirs alors que, à notre avis, il aurait fallu les renforcer parce que nous avons là une structure en place efficace qui, par exemple, au niveau de la gestion des équipements scolaires, pour ne parler que de cela, pourrait jouer un rôle très important. Parce que, quand on parle de commissions scolaires, on parle d'écoles, puis, quand on parle d'écoles, on parle d'édifices scolaires et, quand on voudra donner des édifices scolaires à une commission scolaire linguistique, je n'ai pas l'impression, avec les problèmes budgétaires qu'on connaît dans le monde de l'éducation, qu'on débloquera des sommes pour en construire de nouvelles. Il faudra penser à la répartition des édifices scolaires et, à ce moment-là, je pense que, si on

veut prendre le pari que le ministre nous invite à prendre, il faut vraiment renforcer toute la partie portant sur le Conseil scolaire de l'île de Montréal. À la période des questions tantôt, nous pourrons élaborer davantage sur cela. M. Egretaud pourra vous faire part des réflexions du comité à cet égard.

En terminant mon exposé sur le projet de loi 107, je veux revenir à ce que j'ai dit au départ, que l'avenir de la communauté francophone et du français se jouait dans nos écoles à ce moment-ci. Je pense que les chiffres sont bien souvent plus éloquents que les propos, même si on les dit avec la plus grande conviction. Je vous invite à consulter, une fois de plus, le tableau qui est à la page 13 pour vraiment vous apercevoir que nous sommes en présence d'une situation, à cause du caractère confessionnel de nos écoles, de nos structures scolaires dans ia région de Montréal, qui favorise la mise en place de deux communautés francophones: une dans le secteur protestant et une autre dans le secteur catholique. Et il faut bien constater que le secteur protestant francophone est en accroissement de vitesse, alors qu'on assiste vraiment à une perte de vitesse du secteur francophone catholique. Le secteur francophone, à la CECM, n'a pas connu une croissance de 319 %, ce qui est le cas du secteur francophone du PSBGM. (12 h 30)

Donc, je pense que ces chiffres-là illustrent bien mieux que tous les propos que je pourrais vous tenir le phénomène que nous décrivons quand nous disons que l'avenir de notre société francophone se joue à Montréal présentement, à l'intérieur de nos structures scolaires, et qu'il est important de les adapter à la réalité du XXIe siècle. On ne parle plus du XXe siècle, on parle du XXIe siècle. On est à douze ans du troisième millénaire. Si nous voulons prendre le pari ou relever le défi que nous pose le ministre de l'Éducation avec son projet de transformation des structures, il faudra, à tout le moins, comme je vous le disais, qu'on apporte des modifications profondes à la section sur le Conseil scolaire de l'île de Montréal.

Pour terminer l'exposé, M. Grenon vous fera part de nos commentaires sur le projet de loi 106.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, Mme la présidente. M. Grenon.

M. Grenon (Denis): Merci, M. le Président. D'abord, nous voudrions dire à la commission que nous sommes fiers de voir que le projet de loi 106 corrige quelques-unes des lacunes constatées lors des élections scolaires. Permettez-moi de souligner que ce projet permet d'instaurer des partis scolaires et d'influencer les candidates et les candidats, selon leur parti. Il prévoit des règlements de remboursement des dépenses électorales, mais, pour nous, ce progrès nous semble insuffisant. J'attire votre attention sur quatre points: la transparence du financement, le président ou ia présidente d'élection, la refonte de la carte électorale et la date des élections.

Pour ce qui est du projet en ce qui concerne le financement des candidates et des candidats des partis, nous croyons que, comme c'est la règle dans d'autres élections, le montant de chaque contribution à une caisse électorale devrait être limité et que seuls des individus devraient avoir le droit de verser une contribution. Les états de dépenses et revenus d'une candidate ou d'un candidat devraient être publiés au moins dans les journaux couvrant !e quartier électoral concerné. Nous avons constaté, aux dernières élections, qu'un certain nombre de bulletins d'information de mouvements religieux disaient à la population: Si vous vouiez appuyer le parti et ies candidats à la confessionnaiité, envoyez de l'argent et vous recevrez non pas des bons de charité, mais tout simplement nous reconnaîtrons vos cotisations pour fins d'impôt. Je pense qu'une situation comme celle-là ne doit plus exister.

En ce qui concerne le président ou la présidente d'élection, on sait que dans le projet vous précisez que le directeur général de la commission scolaire est d'office président d'élection. Nous, on croit qu'on devrait mettre le président d'élection à l'abri de pressions politiques éprouvantes, particulièrement lors de la constitution des listes électorales, de leur révision et du choix des bureaux de scrutin. Aussi suggérons-nous que le président d'élection puisse relever, en dernier recours, du Directeur général des élections du Québec qui pourrait agir comme garant du bon déroulement de l'élection.

Troisièmement, la refonte de la carte scolaire à Montréal. La refonte doit être faite de façon à créer des quartiers électoraux mieux distribués - à Montréal, nous avons des quartiers de 60 000 électeurs et d'autres de 16 000 électeurs, je pense que c'est inacceptable - couvrant des populations comparables et, dans la mesure du possible, coïncidant avec ies limites naturelles ou politiques existantes. Une telle refonte pourrait avoir pour effet d'augmenter le nombre de quartiers scolaires. Il importerait que la future loi implante un mécanisme assurant l'adaptation de ia carte des quartiers électoraux scolaires à l'évolution du nombre d'électrices et d'électeurs.

Enfin, la date des élections. Nous ne comprenons pas pourquoi l'élection des commissaires n'a pas lieu la même date que l'élection municipale, comme cela se fait dans d'autres villes. Nous croyons que, si les élections scolaires avaient lieu le même jour que les élections municipales, tout en réduisant certains coûts, cela favoriserait une plus forte participation aux élections scolaires. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Grenon. Je vais maintenant reconnaître le porte-parole du parti ministériel, M. le député d'Ar-

thabaska.

M. Gardner: Merci pour le beau titre que vous venez de me donner, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.

M. Gardner: Merci. Les deux rapports que nous venons de lire sont très intéressants, mais je reviendrai sur celui de Mme Pagé. Étant un ex-ensetgnant, toujours en congé sans solde et, je l'espère, pour longtemps, je me suis attardé à ce que vous avez dit sur les enseignants. J'ai été un petit peu chatouillé par ce que vous avez dit à la page 4. Au bas de la page, vous dites: "le 7e paragraphe de l'article 19 est très clair, l'enseignante et l'enseignant ne sont que des exécutants, contrôlés par tout le monde ou presque et, particulièrement, par le "directeur de l'école"." J'ai bien vu l'article 16 de la loi où on donne les droits des enseignants. À l'article 19, j'ai bien vu les six premiers éléments, mais vous vous attardez surtout au septième élément où il est dit d'appliquer les décisions et les règlements du gouvernement et du ministre, de la commission scolaire, du conseil d'orientation et du directeur de l'école. À part le conseil d'orientation qui n'existe pas encore, est-ce que ce n'est pas actuellement ce qui existe dans nos écoles? Il doit quand même y avoir quelqu'un qui a autorité sur l'enseignant. Actuellement, est-ce que ce n'est pas le gouvernement, le ministre de l'Éducation, la commission scolaire et le directeur de l'école? Est-ce que ce n'est pas une situation de fait qu'on veut mettre dans le projet de loi, tout en n'oubliant pas les éléments 1 à 6 de l'article 19 et l'article 16 au complet? J'aimerais que vous me précisiez cela.

Mme Pagé: Est-ce que je réponds immédiatement?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si vous voulez.

Mme Pagé: Oui, cela va.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez terminé, M. le député?

M. Gardner: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, madame.

Mme Pagé: M. le député a très bien compris, c'est un très bon élève. Ce qui est dans l'article 19, c'est, à l'exclusion de la notion de conseil d'orientation qui n'existe pas, une affirmation de fait. Les enseignantes et les enseignants ne sont que des exécutants. C'est ce que nous déplorons, c'est ce qu'ifs ressentent. Le projet de loi ne vient pas leur garantir une autonomie professionnelle, individuelle et collec- tive. Pour nous, c'était un acquis important dans la loi 3; entre autres, la notion de conseil pédagogique, nous ne la retrouvons pas dans la loi 107. Tout ce que nous trouvons, c'est une réaffirmation de certains faits existants qui, à notre avis, causent problème. Nous espérons qu'une refonte, une réforme de la Loi sur l'instruction publique, cela ne sera pas simplement pour réaffirmer des faits, mais pour corriger des situations. Il y a une situation à corriger à l'égard du sentiment qu'ont les enseignantes et les enseignants que leur compétence professionnelle, leur autonomie professionnelle ne sont pas suffisamment reconnues et qu'il devrait être davantage affirmé dans un projet de loi sur l'instruction publique qu'ils ont une zone d'influence, un rayon d'influence important. C'est ce que nous déplorons. Je suis tout à fait d'accord avec vous que cela présente une situation de fait. Ce qu'on vous dit, c'est que la situation de fait cause problème et qu'il faut modifier cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le député d'Arthabaska.

M. Gardner: M. le Président, je ne pense pas avoir dit que j'approuvais votre idée que les enseignants étaient simplement des exécutants. Au contraire, dans ce que je vois à l'article 19, de 1° à 6°, je ne pense pas que ce soit l'ouvrage d'un exécutant. Vous ne trouvez pas?

Mme Pagé: Ce sont trois "devoirs". On dit l'enseignant "doit" faire cela, il doit contribuer. Ce sont ses devoirs.

M. Gardner: Oui.

Mme Pagé: Si vous regardez les droits - et là, c'est important - vous allez vous apercevoir que les droits qui sont reconnus... Il y en a un sur lequel on va passer rapidement, le droit d'être exempté de dispenser l'enseignement religieux, moral. Je veux bien que ce soit un droit, mais ne pas l'avoir, ce serait bien le restant. Les deux autres, ce sont des choses d'ordre très général: "prendre les modalités d'intervention pédagogique", j'espère, et "choisir des instruments d'évaluation". Là aussi, il faut bien savoir que les instruments d'évaluation, dans le cadre des politiques établies, et par le gouvernement, et par la commission scolaire, et par le directeur d'école qui, il faut le rappeler, va consulter sur un certain nombre de sujets, mais, en fin de compte, va décider... On s'aperçoit que la marge de manoeuvre des enseignantes et des enseignants, au fil des ans, s'est ratatinée comme une peau de chagrin. Justement, ce que nous voulons, c'est que le projet de loi 107 vienne réaffirmer le statut professionnel des enseignantes et des enseignants. La formule qui était mise de l'avant dans le projet de loi 3 était très avantageuse à cet égard.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Une intervention du député d'Arthabaska.

M. Gardner: Qu'est-ce que vous aimeriez qu'on ajoute à cela, à l'article 19, ou qu'on enlève à la section .7... Comment appelez-vous cela? Le septième paragraphe de l'article 19. Qu'est-ce que vous aimeriez voir dans la loi?

Mme Pagé: Ce qu'on veut voir dans la loi, c'est un renforcement des droits des enseignantes et des enseignants, une reconnaissance de leur autonomie professionnelle individuelle, une reconnaissance d'une zone d'influence des enseignantes et des enseignants sur des questions pédagogiques; ne pa.c faire que les enseignants fréquentent plus de comités consultatifs pour expliquer à plus de monde ce qu'ils font. On veut que, à un endroit, ce soit eux qui aient une expertise, qui exercent l'influence et qui soient capables de donner une orientation sur certaines questions. La seule façon qu'on a trouvée, c'est de nous envoyer nous promener à de plus en plus de comités pour expliquer à plus de monde ce qu'on fait. Ce n'est pas cela l'autonomie professionnelle. C'est reconnaître que, sur certaines questions, les maîtres d'oeuvre, ceux qui ont l'expertise et qui doivent avoir un poids relatif plus important, ce sont les enseignantes et les enseignants.

Donc, je ne m'attarderai pas à la partie des devoirs, encore que je pense qu'ils pourraient être parfois reformulés d'une façon moins moralisatrice. C'est surtout dans l'aspect des droits que je trouve qu'on devrait agir davantage et prévoir des dispositions nouvelles, par exemple, en mettant sur pied un conseil pédagogique où là, vraiment, on assoit que sur certaines questions ce sont les enseignantes et les enseignants qui ont un poids déterminant.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M. le député, avez-vous une autre remarque?

M. Gardner: Oui. Je vois qu'elle défend bien les enseignants et les enseignantes de Montréal.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est bien, d'ailleurs.

M. Gardner: Oui, je pense que c'est très bien. Je crois que mon collègue de Saint-Louis avait quelque chose.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député d'Arthabaska, le député de Saint-Louis avait mentionné son intérêt d'intervenir. Alors, je le reconnais immédiatement.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Pardon? Mme Pagé, vous suggérez, à la page 9 ou 10 de votre mémoire, que la date du 1er avril soit modifiée pour que le droit à l'exemption puisse fonctionner de façon relativement plus normale. Vous dites en même temps: Nous recommandons ceci, sinon nous serons peut-être obligés de recommander à nos membres de demander l'exemption et le droit à l'exemption. Si je fais un parallèle avec le conseil d'école... Vous allez me dire: II est où, le parallèle? Bien, il va être ici le parallèle. Si le conseil d'école demeurait ce qu'il est dans le projet de loi, feriez-vous aussi une recommandation à vos membres de ne pas participer au conseil d'école?

Le Président (M. Parent, Sauvé): La question est posée.

M. Chagnon: Oui, je pense que c'est une question.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Avez-vous terminé?

Mme Pagé:...

M. Chagnon: Le conseil d'orientation de l'école, s'il demeurait ce qu'il est dans le projet de loi, est-ce que vous feriez aussi une recommandation à vos membres de ne pas participer au conseil d'orientation?

Mme Pagé: Tout d'abord, je vais partir de l'introduction que M. le député a utilisée sur l'exemption du droit à l'enseignement religieux en précisant bien que, dans le mémoire, nous avons dit: II nous reste deux solutions. Mais vous avez bien compris que celle que nous privilégions, ce n'est pas de commencer à faire l'hécatombe chaque 1er avril, tout le monde demandant l'exemption. Cela devient tout à fait ingérable. Nous pensons qu'il y a moyen de réaffirmer le droit à l'exemption en faisant des arrimages avec les conventions collectives quant au moment où ce droit doit s'exercer.

Sur le deuxième aspect, c'est celui qui, dans le fond, est vraiment important, je vous dirai que, si je savais que toutes nos représentations sont vouées à l'échec en partant, je me serais peut-être payée le luxe de tenir une assemblée générale pour dégager une position sur le boycott ou le non-boycott des conseils d'orientation. Ce n'est pas la voie que nous avons prise parce que nous pensons que les éléments que nous apportons au ministre ont assez de poids pour qu'il apporte des modifications au conseil d'orientation dans le sens de ce qui a pu être dit par d'autres intervenants qui nous ont précédés à cette table, ce matin, dans le sens de ce que nous apportons aussi, c'est-à-dire un conseil plus participatif qu'un conseil consultatif. (12 h 45)

C'était ce qui existait dans la loi 3 et nous avions donné notre accord à ce moment-là en réaffirmant, par contre, que de faire du conseil

d'école, du conseil d'orientation un conseil participatif comme on le trouvait dans la loi 3, cela devrait être couplé à un conseil pédagogique où l'autonomie et l'expertise des enseignants seraient affirmées. Si ce modèle se développait à fa suite de commissions parlementaires et à l'écoute que le ministre aura de nos représentations, nous n'envisagerons pas de boycotter cette formule-là. Si, malheureusement, nous étions en situation de constater que nous nous sommes déplacés pour rien, là, il faudra faire les évaluations en instances, avec les enseignantes et les enseignants, pour voir si on est intéressés à participer à un comité consultatif de plus où, en partant, nous ne sommes même pas paritaires, mais en statut de minoritaires. Il faudra faire des évaluations sérieuses à ce moment-là. Mais j'ose espérer qu'on ne se rendra pas là.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci. Changement de sujet, puisque vous avez fort bien répondu à la question. La seconde concerne la problématique de voir passer les commissions scolaires de me de Montréal d'un statut confessionnel à un statut linguistique. La proposition que le projet de loi fait, c'est de ramener à la Cour d'appel... Enfin, on nous dit parallèlement au projet de loi, une fois qu'il sera adopté, qu'on le soumettra à la Cour d'appel pour déterminer quelles sont les zones constitutionnelles qui font que nous pourrions déplacer le statut des commissions scolaires confessionnelles existantes en commissions scolaires linguistiques. Comment peut-on remettre cette approche en question étant donné le fait que, même au moment de l'étude de la loi 40 ou de la loi 3, cette suggestion avait été soulevée par beaucoup de monde? Le gouvernement de l'époque n'avait pas cru bon de le faire et s'était fait découdre par jugement déclaratoi-re. L'ensemble de la loi est tombé dans le tordeur du droit constitutionnel. Vous faites la suggestion d'entreprendre immédiatement des pourparlers avec le gouvernment du Canada. Personne ne s'y opposerait. Même, j'ai cru comprendre que le premier ministre et le ministre de l'Éducation avaient déjà dit que ce serait une des priorités constitutionnelles du gouvernement du Québec au cours d'une prochaine ronde après l'adoption de l'entente du lac Meech.

Comment peut-on remettre l'approche en question et dire: Je vais en Cour d'appel faire valider l'orientation juridique de mon projet de loi sur le plan constitutionnel? Je n'ai pas compris cela.

Mme Pagé: On peut faire la discussion à deux niveaux. On peut la faire en théorie et en pratique. En théorie, si les choses s'étalent passées comme nous pensons qu'elles auraient dû se passer, il y a bien longtemps que l'article 93 aurait été au coeur des discussions constitution- nelles. Je dois dire qu'à cet égard-là tous les gouvernements qui se sont succédé à la Législature du Québec, depuis qu'on parle de réforme scolaire, n'ont pas pris le problème par le bon bout, à notre avis, c'est-à-dire qu'on a toujours voulu fonctionner comme si l'article 93 n'existait pas. On n'a jamais entrepris de pourparlers constitutionnels et on est maintenant dans une situation de fait qui rend de plus en plus difficile le fait d'entreprendre ces pourparlers sur l'article 93. Vous comprendrez que, quand vous me dites qu'on a la garantie que cela va être prioritaire dans les prochains menus constitutionnels après l'entente du lac Meech, à voir comment se porte l'entente du lac Meech, je ne trouve pas cela très rassurant. Alors cela, c'est l'aspect théorique.

Pratiquement maintenant, le ministre nous dit: Comme nous ne pouvons pas entreprendre de pourparlers constitutionnels sur l'article 93 pour x raisons, nous allons faire des vérifications d'ordre légal ou juridique pour voir ce qu'il est possible de faire. Je veux juste signaler à cet égard qu'il aurait été intéressant de ne pas se désister des poursuites qui étaient en cours dans le cadre du dossier de la loi 3 et de Notre-Dame-des-Neiges. On aurait pu avoir déjà une réponse qui aurait pu nous guider dans la rédaction du projet de loi actuel, plutôt que de tout arrêter, de recommencer un projet de loi qu'on va aller, par ailleurs, faire tester de toute façon. Je sais que le ministre dit qu'il ne faut pas poser de questions générales au cours. Je suis d'accord avec cela, mais, sur la loi 3 et Notre-Dame-des-Neiges, ce n'était pas une question générale, c'était assez précis. Donc, on aurait eu des chances d'avoir des réponses précises. Ceci dit, c'est un délai. Voilà. On vient juste de le constater; en tout cas, nous le constatons.

Ce que nous disons maintenant, c'est qu'on ne peut pas s'opposer à un projet de loi qui met en place des commissions scolaires linguistiques dans tout le Québec. Cela fait longtemps qu'on dit qu'il devrait y en avoir. À Montréal, on nous dit: Faites le pari avec nous que l'évolution de notre société va faire que la commission scolaire linguistique qu'on pourra mettre en place, en cohabitation avec les commissions scolaires confessionnelles, va se développer et on aura d'ici 10, 20, 25 ou 30 ans, je ne sais trop, réglé le problème. Mais ce que nous disons, c'est que, si c'est le pari que le ministre veut faire, il faut qu'il y ait dans la loi les garanties pour que cela se réalise. À ce moment-là, à notre avis, c'est par le Conseil scolaire de l'île de Montréal. C'est ce que nous disons.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député.

M. Chagnon: Puisqu'on parle du Conseil scolaire de l'île de Montréal, et c'est ma dernière question, M. le Président, aux pages 15 et

16, vous parlez d'étendre la juridiction du Conseil scolaire de l'île de Montréal, entre autres, aux OVEP qui pourraient le désirer. Je ne suis pas en désaccord avec cette intervention, mais si, par lien de cohérence, on demande aux OVEP qui voudraient participer au Conseil scolaire de l'île de Montréal d'y participer et, éventuellement, de modifier certaines politiques du Conseil scolaire de l'île de Montréal, pourquoi ne pas faire exactement le même exercice pour ies membres du Conseil scolaire de l'île de Montréal que sont les commissions scolaires, puisqu'on veut faire un organisme qui soit une espèce de communauté urbaine scolaire de l'île? Certaines municipalités de la CUM, et Montréal en est une, reprochent à la CUM l'organisation de la modification de la structure de pouvoir entre ies municipalités et ia Communauté urbaine de Montréal, parce qu'elle a été décidée par Québec. C'est un peu ce que vous nous demandez de faire dans le cas du Conseil scolaire de l'île de Montréal, plutôt que de prendre un rapport de forces qui ramasse les commissions scolaires dans ce cas-ci pour qu'elles délèguent à un organisme "chapeauteur", le Conseil scolaire de l'île de Montréal, un ensemble de rôles et de fonctions qui puissent être décisionnels dans une planification de l'organisation de l'éducation sur le territoire de l'île de Montréal.

Mme Pagé: M. Egretaud va répondre sur la mission du Conseil scolaire de l'île de Montréal, dans un premier temps.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Egretaud.

M. Chagnon: En même temps, si vous pouviez parler des pouvoirs du Conseil scolaire de l'île de Montréal, s'il vous plaît!

M. Egretaud (Henry): II faut se reporter un petit peu en arrière. Quand le Conseil scolaire de l'île de Montréal a été créé, il y a une vingtaine d'années...

Une voix: En 1973...

M. Egretaud:... c'était, dans ia perspective de ceux qui l'ont créé une espèce de, je ne veux pas dire de gouvernement régional, mais c'était une structure scolaire nécessaire pour répondre à des réalités géographiques et sociales. Il y avait l'île de Montréal qui avait besoin de mieux répartir ies ressources et de mieux les gérer. C'était soit le gouvernement qui le faisait, soit une structure qui s'est appelée le Conseil scolaire de l'île de Montréal. C'était une espèce de vrai conseil scolaire.

Les commissions scolaires sont des organismes qui ont une histoire assez ancienne. Vous vous souvenez, par exemple, que les commissions scolaires de Montréal - je prends le PSBGM et la CECM - jusqu'à la fin du IXXe siècle, n'étaient guère pius que des commissions municipales dont les membres étaient nommés par les conseils de ville. C'est pourquoi elles s'appelaient des commissions, comme la commission des arts artistiques ou je ne sais quoi. Ce n'est rien de plus que cela. Les commissions scolaires, étant limitées territorialement, ne sont pas capables de gérer leurs clientèles et leurs personnels de façon satisfaisante. Cela a donc amené la création d'un conseil de l'île, une espèce de superstructure, une espèce de communauté urbaine scolaire, si vous voulez, qui n'a pas accaparé les pouvoirs qu'elle aurait pu accaparer, notamment, la propriété des édifices.

Vous avez des écoles du PSBGM, par exemple, qui peuvent être à moitié vides dans un endroit et, à côté, vous pouvez avoir des écoles de la CECM surpeuplées. Il est difficile, à moins de faire jouer les mécanismes d'extraterritoria-lité, etc. - on croirait des Turcs en déménagement d'un bout à l'autre - il n'y a pas de coordination qui soit facile. On a peut-être manqué notre coup, mais quand on ramène la question du conseil de l'île ici, c'est pour une raison très précise. À Montréal, nous avons le sentiment qu'il y a une urgence actuellement dans le sens que la clientèle scolaire francophone est en train d'éclater au moins en deux groupes et même en trois, si on pense au secteur privé. Elle est en train d'éclater et de diminuer. Cela a des répercussions culturelles importantes. Évidemment, je ne suis pas ici à la CECM et je n'ai pas à leur passer de la pommade et des onguents quelconques, mais c'est un fait que la CECM, comme structure francophone, comme structure éducative, a joué un rôle important historiquement et que, maintenant, elle ne joue plus ce rôle-là du tout. C'est un organisme vidé de toute sève, on a l'impression. C'est dommage; culturellement, c'est dommage. Je sais bien que le ministère de l'Éducation récupère tout cela ou essaie de le récupérer, mais ii manque quelque chose, j'ai l'impression qu'on a perdu quelque chose. Le conseil de l'île ne joue pas ce rôle; il a cru le jouer un bout de temps, mais il ne le joue pas. On va donc perdre notre clientèle et on va créer là-dessus, peut-être dans un an, deux ans ou cinq ans, des commissions scolaires linguistiques qui vont revenir par-dessus, on ne sait pas trop.

Étant donné que c'est urgent, étant donné qu'il y a un besoin - et je pense que tout le monde en convient - disons que le conseil de l'île pourrait avoir la responsabilité d'un certain nombre d'écoles qui seraient des écoles publiques non confessionnelles. Plutôt que d'inventer de nouvelles structures, servons-nous tout de suite de ce qui existe. Le conseil de l'île pourrait sans doute jouer ce rôle. On va peut-être créer des écoles autres qui seront non confessionnelles. De qui vont-elles relever? De la CECM? Ce n'est pas évident. Rappelons-nous Notre-Dame-des-Neiges, ce n'était pas possible. Il va falloir les confier à quelqu'un. À qui? Au ministère? Disons

le conseil de I'île, c'est un peu pour cela qu'on a ramené le conseil de l'île ici. Si on peut y associer d'autres organismes qui se préoccupent d'éducation... Le secteur de l'éducation des adultes, c'est le secteur de l'avenir, cela se développe. Il y a un tas d'organismes volontaires qui travaillent là-dedans et qui font du bon boulot. Mais, s'ils le désirent, on pourrait les associer aux travaux d'un conseil comme cela. Ce sont des partenaires de l'éducation eux aussi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le député, avez-vous terminé?

M. Chagnon: J'aurais encore beaucoup d'autres questions, mais le temps file, M. le Président, alors...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, mais votre temps est écoulé.

M. Chagnon:... je vous remercie beaucoup

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mme la présidente, messieurs, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue. Comme le temps... On a malheureusement, avec l'organisme qui vous a précédés, grugé un peu beaucoup de votre temps. Je vais y aller de quelques commentaires et, ensuite, des questions.

Je pense que vous avez mis le doigt... Vous faites une proposition que je trouve intéressante et pertinente quant aux services complémentaires qui pourraient être offerts pour d'autres dénominations religieuses. Dans une commission scolaire à Chicoutimi, et un peu partout au Québec également, on ouvre de nouvelles écoles avec d'autres confessions. Cela a comme effet un peu de ghettoïser une partie de cette clientèle qui est identifiée aux évangélistes, baptistes et, tantôt, vous allez retrouver les musulmans, etc. Cela n'a pas comme effet d'aider, de faciliter ou de favoriser l'intégration alors que, si on était en mesure d'assurer que toutes les dénominations religieuses obtiennent un minimum de services dans le cadre de leur école, de l'école du quartier, ce serait beaucoup plus souhaitable, je pense, que la multiplication des écoles de confessionnalités différentes. Le Québec va finir par être morcelé avec cette pratique qui tend à s'étendre à l'extérieur de Montréal pour les raisons que l'on sait.

Je pense que vous avez été assez clairs par rapport au consensus social qui a été fait concernant l'établissement de commissions scolaires linguistiques. Cela est clair. Mais ce qui n'est pas clair actuellement - et le ministre est plutôt discret là-dessus - l'engagement qui a été pris d'aller négocier l'article 93 dans la deuxième ronde de négociations a été pris par le premier ministre et je n'ai jamais entendu le ministre nous dire qu'il irait négocier. Tout à l'heure, même quand M. Charbonneau l'a interpellé là-dessus, il a dit: Oui, mais il faut être prudent, il y a d'autres droits à travers le Canada, il faut protéger les garanties confessionnelles incluses dans la constitution canadienne, etc. Il a tergiversé, il a patiné, mais il ne nous a jamais dit qu'il irait négocier, il n'a pas l'intention d'aller négocier, comme il n'avait pas l'intention non plus, lorsqu'il a retiré l'appel qui était logé à l'égard du jugement Brossard. (13 heures)

Ce que le ministre ne voulait pas, c'est que le projet de loi 3, dans les dispositions autres que celles touchant les structures scolaires - ce sont tous les pouvoirs, le partage des responsabilités, etc., - vienne s'appliquer. Il voulait son propre projet de loi parce que le jugement Brossard, et tout le monde le reconnaît, est exceptionnel en ce sens que, du moment qu'il y avait un article invalide, il invalidait tout le projet de loi et il estimait que toute la loi était inapplicable. Cela ne s'était jamais vu. En appel, on avait de bonnes chances de gagner là-dessus, à tout le moins sur les autres dispositions de la loi qui ne touchaient pas la constitution canadienne, sauf que le ministre ne voulait pas avoir ce jugement parce qu'il aurait été obligé de reprendre le projet de loi 3. Je pense que c'est ce qu'il faut savoir du ministre.

La deuxième chose qu'il faut savoir du ministre, et on ne le sait pas non plus, c'est qu'il ne nous dit pas clairement qu'il va vouloir établir des commissions scolaires linguistiques sur l'île de Montréal, les territoires protégés en vertu de la constitution. Il prétend même que c'est nous qui faisons jouer cet épouvantail qui verrait la superposition de commissions scolaires linguistiques et de commissions scolaires confessionnelles. S'il avait réellement l'intention de les établir sur l'île de Montréal, cela amènerait nécessairement une superposition des structures linguistiques.

J'apprécie beaucoup les informations que vous nous avez données quant au rôle que pourrait éventuellement jouer le Conseil scolaire de I'île de Montréal. Je pense pouvoir dire que si le ministre allait dans cette direction, nous pourrions être assez favorables. Cela demande peut-être une analyse un peu plus approfondie, mais je trouve que l'hypothèse est intéressante et permettrait probablement de briser un certain nombre de difficultés que poserait la superposition de quatre commissions scolaires sur l'île de Montréal.

Je voudrais revenir sur des questions qui vous touchent de plus près, à savoir l'autonomie professionnelle des enseignants. La remarque du député d'Arthabaska est déroutante quand il dit. Je suis un ex-enseignant en congé sans solde et j'espère le rester longtemps. On aurait souhaité qu'il garde la dernière partie de sa réflexion pour lui-même parce que cela n'est pas très valorisant par rapport à l'appréciation qu'il fait

de ce métier d'enseignant et du plaisir qu'il a eu à l'exercer. Pour un membre de la commission parlementaire de l'éducation, c'est un peu décevant.

M. Gardner: J'aime mieux être député.

Le Président (M. Parent, Sauvé):... demeurer là,

Mme Blackburn: À présent, concernant cette question... En fait, le projet de loi, on a eu l'occasion de le dire, dans les droits de l'enseignant, dit - je caricature à peine. L'enseignant enseigne. Comme s'il fallait le dire! Un peu plus loin, on dit: "Le directeur gère", et moi j'ajoute: Le ministre bat la mesure. Parce qu'il n'y a comme rien entre les deux. Effectivement, les droits qui sont reconnus aux enseignants, c'est le droit d'enseigner. Cela ressemble à cela. J'ai beaucoup de difficultés à voir autre chose que cela là-dedans. Par ailleurs, il n'est que consultatif sur plusieurs comités. Il a peu de pouvoirs.

Sur les obligations, je dis: C'est généreux, c'est noble et, pour certains, difficilement applicable. En tout cas, cela va poser un certain problème de conscience ou d'adaptation quand on pense aux règlements de la commission scolaire, du conseil d'orientation par rapport au statut confessionnel de l'école, par exemple. Je ne sais pas comment vous allez gérer ceia en même temps que vous allez devoir apprendre à l'enfant à respecter les droits de la personne. Je pense que cela cause des difficultés, sauf que je fais confiance à l'imagination et à la créativité des enseignants et enseignantes pour surmonter ces difficultés.

J'aimerais vous entendre sur... Vous dites qu'il faudrait qu'on ramène le conseil d'école parce que le conseil d'école avait plus de pouvoirs dans la loi 3 que l'actuel conseil d'orientation qui est proposé. Est-ce que c'est juste?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Pagé: Dans la loi 3, le conseil d'école était vraiment un organisme participatif, c'est-à-dire qu'il pouvait établir un certain nombre de règles ou prendre un certain nombre de décisions. C'était vraiment une dynamique tout à fait différente de ce qui existe présentement dans le projet de loi 107 où le directeur consulte le conseil d'orientation pour, après cela... Vous savez, les enseignants et les enseignantes ont une longue habitude des mécanismes de consultation, mais on s'est aperçu, au fil des ans, qu'on est très souvent consulté sur la forme, très rarement sur le fond, sinon jamais, et que, de toute façon, nos avis sont ignorés la plupart du temps. Ce qui était l'intérêt de la loi 3, je le répète, c'était non seulement que le conseil d'école était un organisme participatif, mais qu'il était également couplé à ce qu'on appelait le conseil pédagogique, qui venait renforcer l'expertise des enseignantes et des enseignants.

Ce que je voudrais signaler à la commission, c'est que, pendant longtemps, on a reproché aux organisations syndicales de transformer les professionnels de l'enseignement, c'est-à-dire les enseignantes et les enseignants, en travailleurs de l'enseignement. Pendant longtemps, c'est un discours qu'on a entendu. Je pense que, justement, le modèle est en train de s'inverser. Comme organisation syndicale, nous venons revendiquer que les enseignantes et les enseignants soient considérés pour ce qu'ils sont, des professionnels de l'enseignement. Qu'on leur reconnaisse ce caractère professionnel et qu'on ne les transforme pas en exécutants. C'est pour cela que nous insistons énormément sur cet aspect du projet de loi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la députée.

Mme Blackburn: Tout à l'heure, le député de Saint-Louis vous demandait si vous accepteriez de participer, même si la loi demeurait libellée telle quelle. Vous, le retour à ia création d'un comité pédagogique vous en faites une condition importante. Je dois vous dire que cela m'avait étonnée de ne pas en entendre parler davantage. J'estimais que, comparativement à ce qui se passe même au niveau collégial, vous retrouviez dans ce comité pédagogique des pouvoirs qui ne sont même pas vraiment reconnus au niveau collégial. Je trouvais cela tout à fait... Je trouvais que cela introduisait une nouvelle fraîcheur dans le réseau de l'éducation en même temps qu'une certaine forme de dynamisme et de confiance. Je suis heureuse de vous entendre là-dessus.

Sur les services qui pourraient être... Concernant la représentation ou la présence de représentants des OVEP au Conseil scolaire de l'île de Montréal, c'est un tout autre sujet. Vous suggérez qu'il y ait des représentants des OVEP. Est-ce qu'on pourrait penser qu'éventuellement il y aura aussi des représentants, ou est-ce que ceia existe déjà, de l'éducation des adultes et une certaine coordination qui se fera par le biais du Conseil scolaire de l'île de Montréal? Peut-être que monsieur...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Egretaud, peut-être.

M. Egretaud: Bien, il existe des organismes de coordination au niveau des organismes d'éducation des adultes, c'est certain, cela existe, il y a des tables de concertation.

Mme Blackburn: Régionales, oui.

M. Egretaud: Des tables de concertation, ceia existe. Alors, il ne s'agit pas que chaque OVEP puisse être délégué, puisse être représenté

au conseil de l'île, parce qu'il va falloir louer le forum bientôt. Non, il existe déjà des mécanismes de concertation, de coordination.

Mme Blackburn: D'accord. Donc, il n'y aurait pas nécessité qu'un certain pouvoir soit confié au Conseil scolaire de IHe de Montréal?

M. Egretaud: Non, mais, si on veut reparler du Conseil scolaire de l'île de Montréal, on pourrait poser quelques questions aussi. Si je regarde la composition du Conseil scolaire de l'île de Montréal, tel qu'elle est suggérée par le projet de loi 107, on s'aperçoit que les fameuses commissions scolaires linguistiques, qui vont peut-être exister, vont être représentées par une personne, par un délégué seulement à ce conseil de l'île, alors que la CECM et le PSBGM vont être représentés par six. Comme parité, on peut faire mieux.

Mme Blackburn: Vous allez me permettre de revenir, parce que je vois une petite note ici, au moment où vous parliez de l'autonomie professionnelle des enseignants, de revenir un peu sur cette question. Est-ce que vous pouvez nous identifier dans le projet de loi les articles... Vous avez identifié ce qui est absent du projet de loi. Êtes-vous en mesure de nous identifier les articles qui viennent contraindre, exercer une contrainte inacceptable sur le droit à l'autonomie professionnelle?

Mme Pagé: II serait très intéressant de prendre l'article qui définit les devoirs des enseignantes et des enseignants et de les transformer en droits. Cela nous donnerait une bonne base de discussion pour illustrer ce que nous entendons par autonomie professionnelle, afin de réaffirmer que sur certaines questions ce sont les enseignantes et les enseignants qui ont le droit d'agir et de prendre les dispositions, qui s'imposent. C'est un peu l'exercice auquel on s'est livré avec le comité et on trouvait qu'il y avait là une piste intéressante. Nous n'avons pas l'intention, aujourd'hui, de vous suggérer des réécritures, c'est un aspect. On peut aussi faire référence à ce qui était prévu dans la loi 3. Nous avions donné notre accord, à ce moment-là, donc le canevas en demeure intéressant.

Mme Blackburn: Donc, votre base de référence à vous, si je comprends, c'est un peu comme celle de la CEQ, ce sont des éléments du projet de loi 3 que vous considériez comme des acquis.

Mme Pagé: Oui. Le projet de loi 3, à l'égard de l'autonomie professionnelle, de la reconnaissance du statut des enseignantes et des enseignants dans l'organisation scolaire, c'était pour nous un acquis et on devrait retrouver ces éléments-là dans un projet de réforme de l'instruction publique. Je dois vous dire que ce que j'ai vu, lors de mon récent séjour en Europe, de l'organisation scolaire dans les écoles, au Portugal, en France, en Belgique, sur la reconnaissance du statut professionnel des enseignantes et des enseignants, leur reconnaissance d'un lieu d'influence bien précis, cela vient renforcer ma conviction profonde que la réforme annoncée par le ministre devrait tenir compte de ces éléments-là. On se mettrait tout simplement à l'heure de ce qui se passe dans d'autres communautés francophones ou d'autres pays industrialisés.

Mme Blackburn: Écoutez, le temps coule. Généralement, le ministre nous dit, chaque fois qu'il y a des intervenants qui viennent à la table - et là, je dois dire que c'est certainement la deuxième ou plutôt la troisième commission parlementaire que je fais avec le ministre, où j'accompagne le ministre - il dit généralement: J'ai tendance à accorder une attention particulière aux propos de ceux et celles qui sont le plus près de l'action. En ce qui concerne l'Alliance des professeurs de Montréal, je dirais que vous êtes près de deux réalités: d'abord celle des enseignants, évidemment, mais aussi de la réalité plus particulière qui se pose par rapport aux structures confessionnelles sur l'île de Montréal. Vous aviez, à l'occasion du projet de loi touchant le règlement du comité catholique et comité protestant, dressé un tableau assez impressionnant de ce qu'était la situation linguistique à Montréal. Selon des informations qu'il nous a été possible d'obtenir, on prétend qu'en plus de connaître un glissement important des clientèles francophones dans le secteur français du PSBGM, que, dans ces écoles, il y aurait des directeurs d'école - parce qu'on n'a pas embauché de nouveaux directeurs d'école français parce que le secteur a grossi - qui. maîtriseraient peu ou pas la langue française, ce qui suppose que leurs rapports avec leur personnel, leurs rapports avec les élèves, se feraient en anglais. Ceci explique aussi en partie les difficultés qu'éprouvent ces écoles à avoir un climat minimal qui favorise l'intégration de ces élèves à la majorité francophone.

Cependant, en dépit des propos du ministre disant qu'il est ouvert et réceptif lorsque les personnes qui sont proches de l'action ou mieux à même de saisir une réalité viennent lui en rendre compte, je ne sens pas, dans ses propos ou dans sa décision, une volonté réelle d'apporter des solutions concrètes aux problèmes que vous avez soulevés et je maintiens que le renforcement du caractère confessionnel des écoles a des effets négatifs, à Montréal, en regard de l'attrait que représente la CECM - pour ne pas la nommer - à l'endroit des nouveaux arrivants. Le projet de loi ne règle en rien cette situation et j'ai peine à m'expliquer certaines réticences. Ce n'est pas lié exclusivement aux clientèles, parce que, si on regarde la clientèle du PSBGM et de la CECM, si le PSBGM

prenait toutes ies clientèles anglophones, il gagnerait quelque 4000 élèves. Donc, c'est comme un combat d'arrière-garde dont on ne comprend pas très bien la justification.

La CECM estime que le projet de loi ne touche pas le territoire de la CECM. C'est dans son mémoire. Quel est votre avis ià-dessus? Vous semblez faire une interprétation qui dirait: Oui, il pourrait y avoir des commissions scolaires linguistiques à Montréal. Mais la CECM dit: Non, cela ne nous concerne pas. Nous venons parce que nous sommes préoccupés de tout ce qui s'appelle l'établissement et l'avenir des commissions scolaires catholiques et protestantes au Québec. (13 h 15)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Pagé.

Mme Pagé: Je pense que ce dernier aspect est très important. J'ai l'impression que, même si le ministre va faire vérifier le fondement du projet de loi 107, avec la possibilité de mettre en place des commissions scolaires linguistiques à Montréal, quand viendra le temps de les mettre en place, comme je le disais tantôt, il faudra parler d'équipement scolaire, il faudra parler de répartition des écoles, il y aura, j'en suis convaincue, si c'est le même groupe qui est à la tête de la CECM, des contestations juridiques pour empêcher cela. Je suis convaincue de cela. Je pense que ce sont des irréductibles. Tout le monde était d'accord, excepté eux. On ne les changera pas. Je pense que, même si on a des vérifications juridiques de la part des cours disant que oui, c'est possible, quand viendra le temps de le faire concrètement, ils lanceront des poursuites pour empêcher cela en disant: Si vous voulez avoir de nouvelles écoles, construisez-en. Comme le ministre dira: On n'a pas d'argent pour en construire, le problème restera. C'est pour cela que, d'après nous, si on veut faire le pari que le ministre nous invite à faire, il faut qu'on prévoie dans la loi des mesures pour le conseil scolaire de I'île permettant de mettre en place rapidement une structure linguistique. Cela fera partie de la loi, les cours pourront donner un avis là-dessus et on ne se retrouvera pas avec une nouvelle bataille juridique, dans deux ans ou dans trois ans, sur un bout de loi qui n'a pas été testé et que la CECM va encore contester. Il faut clarifier cela.

Nous aurions pu choisir de venir en commission parlementaire et de répéter des dogmes. On aurait pu faire cela, retourner en 1972 et venir vous dire: Commissions scolaires unifiées. On aurait pu aussi revenir et dire: Commissions scolaires linguistiques, article 93, et, tant que cela ne sera pas fait, on ne parle de rien. Nous avons choisi de réaffirmer qu'on aurait dû passer par ies pourparlers constitutionnels de l'article 93. Mais, constatant que ce n'est pas fait et surtout constatant l'urgence d'agir, nous disons au ministre: Mettez dans la loi ce qu'il faut pour agir maintenant. Cela, c'est en passant par le biais du Conseil scolaire de l'île de Montréal. C'est là que nous serons capables de voir si, véritablement, il y a une volonté de tenir compte des problèmes que nous identifions, que nous vivons et que nous venons répéter ici à chaque commission parlementaire. Je pense qu'il y a là une voie qui est tracée et qu'il est facile de prendre. Les suggestions que nous apportons sont vraiment faites dans le but de contribuer au débat pour que la commission parlementaire ne soit pas un exercice de style, mais qu'elle soit vraiment une commission où on recherche des solutions, où on prend la mesure de certaines difficultés qu'on rencontre - on le sait, l'article 93 est là - mais en même temps de certaines possibilités qu'on a pour régler les problèmes. Il est urgent d'agir.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Pagé. J'inviterais maintenant la porte-parole de l'Opposition à conclure.

M. Gardner: M. le Président, j'aurais une question de règlement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord. Une question de règlement?

M. Gardner: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député d'Arthabaska.

M. Gardner: L'article 212, M. le Président, dit bien: 'Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé. "

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député d'Arthabaska, je vous souligne que, si vous jugez avoir été mal interprété ou mal cité, vous avez le droit, en vertu de l'article que vous avez cité, de rectifier les choses. Mais je vous rappelle que votre rectification ne doit entraîner aucun débat ni aucun commentaire.

M. Gardner: Oui, très brièvement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, je vous écoute brièvement.

M. Gardner: Merci, M. le Président. Mme la députée de Chicoutimi a mentionné tout à l'heure que, parce que j'aimerais avoir un très long congé sans solde très long, cela voulait dire que je n'aimais pas être enseignant. C'est tout le contraire. Après 19 ans d'enseignement, j'aimais cela, mais j'aime encore mieux être député le plus longtemps possible. C'est pourquoi j'ai mentionné que je voulais avoir un très long congé sans solde.

Le Président (M. Parent, Sauvé): La rectification étant faite, M. le député, je reconnais le bien-fondé de votre question de règlement. Mme la députée de Chicoutimi, si vous voulez conclure rapidement au nom de votre formation politique.

Mme Blackburn: Oui. Je pourrais conclure en disant que c'est ce qu'on avait compris.

M. le Président, je voudrais remercier la présidente, Mme Pagé, et ses collègues de leur participation aux travaux de cette commission. Je souhaite, comme vous, que cet exercice ne soit pas simplement un exercice visant à donner un peu plus de visibilité au ministre, pour la forme, et que cela soit vraiment dans le souci de rechercher des solutions réalistes et concrètes aux problèmes auxquels est confronté le système d'éducation actuel. Tout à l'heure, vous disiez: J'ai l'impression de toujours répéter et sans succès ce que j'ai dit antérieurement. Je me permets de vous en féliciter parce que c'est la marque à la fois d'une capacité d'évolution, parce que vous nous faites remarquer que vous êtes passés d'une commission scolaire unique, française, à des commissions scolaires linguistiques, et, en même temps, c'est la marque du souci que vous avez de l'avenir du Québec de façon générale. On pourrait être tenté de croire que les positions de l'Alliance des professeurs de Montréal ne sont que des positions d'intérêts propres, qui sont en train de viser à protéger leurs jobs. Je voulais illustrer tout à l'heure que ce n'était pas le cas. En établissant des commissions scolaires linguistiques, on sait très bien que cela a un effet sur le nombre de clientèles que la CECM pourrait avoir. Je pense que cela illustre, plus que des propos ne pourraient le faire, que ce n'est pas par intérêt partisan ou intérêt corporatiste que l'Alliance des professeurs insiste avec autant de constance, autant de conviction sur la nécessité d'établir des commissions scolaires linguistiques au Québec. J'espère que vous n'avez pas prêché dans le désert et que le ministre saura accorder toute l'attention que mérite votre avis au moment où il s'agira de rédiger le projet de loi final.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant le ministre de l'Éducation pour conclure. M. le ministre.

M. Ryan: J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce qui s'est dit à l'occasion de notre rencontre avec l'Alliance des professeurs de Montréal. La plupart des points de vue définis dans le mémoire de l'alliance nous étaient déjà familiers, étant donné les nombreuses occasions que nous avons eues d'en discuter, mais il est toujours intéressant d'entendre ces grandes positions que définit votre organisme. Il y a des points sur lesquels, je pense, vous êtes assez proches des intentions gouvernementales malgré tout. Il y en a d'autres sur lesquels on peut dire qu'on est en écoute. Je pense en particulier aux perspectives qu'ouvre le projet de loi sur l'organisation de commissions scolaires sur l'île de Montréal. C'est peut-être le point le plus important que vous avez soulevé dans votre mémoire ce matin. Ce n'est pas facile, évidemment. Le projet prévoit que le gouvernement établirait des commissions scolaires linguistiques partout, par conséquent y compris sur les territoires où existent actuellement les commissions scolaires protégées. Comment cela se ferait-il à Montréal? Vous nous dites qu'il faudrait recourir au Conseil scolaire de l'île de Montréal à cette fin. On va examiner cette possibilité. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure. Le conseil scolaire de l'île, c'est une fédération de commissions scolaires. Est-ce qu'en font ou en feront partie les commissions scolaires confessionnelles? Vous savez comme moi que c'est une matière à débat. Il y en a qui disent qu'elles en feront partie pour les choses auxquelles elles veulent participer. Il y en d'autres qui disent qu'elles en feront partie, sauf pour les choses auxquelles elles ne veulent pas participer. Cela entraîne d'immenses différences dans la pratique. Cela veut dire que, si elles se présentent à une réunion et que l'un ou l'autre courant l'emporte, elles vont être admises à voter ou non. On ne pourra pas leur demander de faire partie d'un organisme à titre régulier qui sera appelé à créer un réseau d'écoles qui leur serait concurrentiel. Cela veut dire que cela demanderait des changements dans la structure du Conseil scolaire de l'île de Montréal. Cela ne serait pas facile.

Dans le projet de loi, on a une procédure qui est prévue. On définit des territoires de commissions scolaires linguistiques. Sur chacun de ces territoires, il y aurait un conseil provisoire qui serait créé à partir de personnes faisant partie des commissions scolaires existantes. Ce conseil aurait tous les pouvoirs d'une commission scolaire, jusqu'à l'instauration d'une commission scolaire plénière. Il pourra, par conséquent, procéder a toutes les démarches devant conduire à l'implantation... Cela ne sera pas facilement conciliable avec vos propositions relatives au rôle du conseil scolaire de l'île - je vous dis cela à titre de remarque.

Je fais seulement une remarque en terminant. Nous sommes portés à changer certaines choses concernant le conseil scolaire de l'île, parce qu'une chose est arrivée très souvent au cours des dernières années. Il se formait une majorité au conseil scolaire de l'île, qui était majoritaire quant au vote donné là, mais qui était minoritaire quant aux populations représentées. Il arrivait que la logique structurelle du conseil permettait à une minorité de prendre des décisions qui pouvaient engager la majorité. En démocratie, c'est inacceptable, qu'on aime la CECM et la CEPGM ou qu'on ne les aime pas, on ne peut quand même pas accepter que trois votes comptent pour un. C'est cela qui était la racine du problème qu'on essaie d'éliminer avec les

changements qui sont proposés quant au conseil scolaire de l'île. Penser qu'on peut faire de grandes choses avec un conseil qui a fonctionné sur cette béquillle démocratique depuis quelques années, je pense que c'est faire une proposition qui est difficile à réaliser.

Quoi qu'il en soit, nous allons étudier cela dans le même esprit que cela nous a été présenté, c'est-à-dire dans un esprit de respect, dans un esprit constructif. On aura l'occasion d'en reparler. Je pense que cela ouvre un dialogue là-dessus, cela ne le ferme pas, cela le poursuit, plus exactement, parce qu'il existait déjà. Et, au besoin, on tiendra une rencontre spéciale avec vous pour aller plus au fond de certaines de vos propositions, sur ce point-ci et également sur d'autres. Encore une fois, je vous remercie, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les explications qu'on nous a données et lu avec non moins d'intérêt le mémoire. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, merci, M. le ministre, merci, Mme Pagé, ainsi que les représentants de l'alliance. La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux et reprendra ses travaux demain matin à dix heures, alors qu'elle accueillera la Commission des écoles catholiques de Montréal. Je profite de l'occasion pour souligner la présence parmi nous des gens du beau comté de Nicolet, représenté ici par mon collègue, le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

(Fin de la séance à 13 h 26)

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