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Dix heures vingt et une minutes)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
fil vous plaît!
J'invite les membres de la commission à prendre place, ainsi que
les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec. La
commission permanente de l'éducation va entreprendre ses travaux.
M. le secrétaire, est que nous avons quorum?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a
des remplacements du côté de l'Opposition officielle?
Le Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y en
a du côté ministériel?
Le Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il n'y a pas de
remplacement, je déclare donc ouverte cette séance de
consultation qui se tient dans le cadre du mandat de la commission permanente
de l'éducation, mandat qui nous a été confié par
l'Assemblée nationale, soit de tenir une consultation
générale dans le but d'étudier les projets de loi 106 et
107.
Ce matin, la commission parlementaire va ecevoir deux groupes. Dans un
premier temps, la Centrale de l'enseignement du Québec, suivie par
'Alliance des professeures et professeurs de Montréal. M. Charbonneau,
président de la Centrale de l'enseignement du Québec, sera le
porte-parole de ce premier groupe.
Alors, M. Charbonneau, la commission va tous entendre et est prête
à consacrer une heure et demie à l'échange que vous aurez
avec les membres de la commission. Je n'ai pas de directive à vous
donner, peut-être une suggestion, soit de séparer ces 90 minutes
à peu près en parts égales. Essayez de nous
présenter votre mémoire en 30 minutes environ, et le reste du
temps sera réparti de façon équitable entre les deux
formations politiques. Étant donné l'importance et l'impact de la
Centrale de l'enseignement du Québec, sentez-vous bien à l'aise,
s'il fallait peut-être dépasser de quelques minutes.
Je veux aussi vous remercier d'avoir accepté l'invitation de la
commission de l'éducation à venir apporter l'éclairage de
votre centrale sur ses deux projets de loi.
Alors, M. Charbonneau, pour les besoins du Journal des débats,
je vous inviterais à nous présenter les gens qui vous
accompagnent et qui sont susceptibles d'intervenir dans les échanges que
vous aurez avec les membres de la commission. Après cela, je vous invite
à enchaîner immédiatement en nous présentant votre
mémoire.
M. Charbonneau.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Charbonneau (Yvon): Merci. M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs, la délégation qui m'accompagne
aujourd'hui est composée, à mon extrême gauche, de Mme
Rosette Côté, qui est la première vice-présidente de
notre organisation, de M. Pierre Tellier, président de la
Fédération des professionnelles et professionnels de commissions
scolaires du Québec, de M. Raymond Johnston, qui est
vice-président de la centrale, de M. Hervé Bergeron, qui est le
président de la Commission des enseignantes et enseignants de
commissions scolaires, de M. Daniel Lachance, qui est le président de
notre Fédération du personnel de soutien, et de M. Henri Laberge,
qui est conseiller à la centrale.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame et
messieurs, bienvenue. M. le président.
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, le projet de loi
107 vient, à la suite du projet de loi 40 d, il y a quelques
années et de la loi 3, relancer le débat sur les structures
scolaires dans les milieux de l'éducation et dans la
société québécoise qui sont aux prises, certes,
avec des structures vieillottes mais, plus gravement encore, avec un
système d'enseignement public sous-financé et en voie de
sous-développement. La CEQ a analysé le projet de loi 107 en
regard des droits syndicaux et professionnels de ses membres, certes, de ses
orientations quant à la confessionnalité, à
l'accessibilité et à la qualité des services publics
d'éducation, sous l'angle aussi du contrôle démocratique
des politiques scolaires, mais aussi et surtout en regard du vécu
scolaire que nous connaissons en 1988.
Le débat sur le projet de loi 107 ne doit pas nous faire oublier
les vrais problèmes qui existent aujourd'hui en éducation, ni
l'urgence d'intervenir pour corriger certaines situations, tels la lourdeur de
la tâche des personnels, le manque d'autonomie professionnelle, la
précarité croissante des emplois, l'instabilité dans
certains secteurs, dont l'éducation des adultes pour n'en nommer qu'un,
l'insuffisance des services en milieux pluriethniques, ni de façon
générale nous faire oublier, servir de trompe-l'oeil ou
d'écran de fumée face au manque de ressources qui sont
affectées à l'enseignement public. Alors que les services
éducatifs complémentaires et particuliers sont devenus
aléatoires, dans plusieurs milieux que les services de soutien à
l'enseignement et à
l'éducation publique ont rejoint un niveau qualifiable de
sous-développement en raison des nombreuses compressions
budgétaires successives dont les effets sont cumulatifs, voilà
que le président du Conseil du trésor vient d'annoncer,
malheureusement, une nouvelle réduction de 1, 5 % du personnel non
enseignant de l'enseignement primaire et secondaire. Comme les personnels
cadres et hors cadres réussissent généralement à
éviter le couperet, ces nouvelles coupures viseront donc les personnels
salariés professionnels et de soutien des commissions scolaires,
aggravant encore la situation décrite depuis plusieurs années par
notre organisation et plusieurs autres. Et que l'on ne vienne pas nous dire que
le tout va se passer autrement, puisque je peux déjà vous
illustrer deux exemples de l'effet de ces compressions ou de ces coupures
additionnelles. On m'apprend qu'à la Commission des écoles
catholiques de Montréal on s'apprête à se départir
des services de 92 professionnels à temps régulier sur un total
de 420, ce qui fait une réduction de 22 % des professionnels à
l'emploi de la commission scolaire la plus importante du Québec.
À titre d'illustration pour ce qui est du personnel de soutien, on
m'apprend que la commission scolaire Outaouais-Huli annonce qu'elle va se
départir de 10 % de son personnel de soutien à la suite de
l'application de ces nouvelles rigueurs budgétaires.
M. le Président, M. le ministre, je crois que ce sont là
des données extrêmement importantes qui expriment qu'on est en
train de mettre en péril notre système public d'enseignement par
ces mesures qui ne cessent de nous tomber sur la tête, budget
après budget. Au moment même où le secteur de
l'éducation aux adultes connaît des demandes de services accrus et
diversifiés, au moment où il nous faut amorcer une vaste campagne
contre l'analphabétisme, le gouvernement annonce une diminution de 23
000 000 $ de subventions à ce secteur. Pendant que l'on applique une
politique de rigueur extrême envers l'école publique,
l'école privée ne cesse de recevoir une proportion accrue et
démesurée d'augmentations de subventions. Donc, c'est à la
lumière de ce vécu scolaire et budgétaire que nous vous
dirons notre point de vue sur le projet de loi 107, lequel représente un
certain rafraîchissement extérieur de la Loi sur l'instruction
publique, mais qui aurait besoin de plusieurs modifications profondes pour
répondre de manière satisfaisante à nos aspirations et
à celles, croyons-nous, d'une large couche de la population
québécoise.
Parlons d'abord de la confessionnalité du sytème ou des
structures scolaires. À partir du principe de la séparation de
l'Église et de l'État, un acquis démocratique de la
plupart des pays occidentaux, nous croyons qu'à la base du
système il doit y avoir des écoles publiques vraiment communes,
donc, non confessionnelles. C'est à cette condition que l'on peut parier
vraiment de démocratie scolaire, à la condition que l'on trouve
partout des écoles accessibles à toutes les catégories
d'élèves, sans distinction de croyance, de religion ou autres.
Nous croyons aussi, pour respecter le caractère spécifique du
Québec, que dans de telles écoles un enseignement religieux
diversifié de même que des services d'animation pastorale ou
morale non confessionnels devraient trouver leur place. Nous estimons, certes,
qu'un tel réseau d'écoles publiques communes devrait être
administré par des commissions scolaires non confessionnelles,
regroupées sur une base linguistique, francophone et anglophone, et
encadrées par un ministère de l'Éducation et un Conseil
supérieur de l'éducation desquels seraient disparues toutes
traces de compartimentation ou de supervision de caractère
confessionnel. Or, le projet de loi 107 est bien loin de cette vision. Certes,
il propose la transformation des commissions scolaires sur une base
linguistique, mais sauf à Montréal, sauf à Québec,
sauf pour les commissions scolaires dissidentes et seulement si le changement
est jugé acceptable par les plus hauts tribunaux du pays.
Nous constatons que, d'emblée, le gouvernement s'inscrit à
la remorque de l'interprétation par la Cour suprême de l'article
93 de la constitution de 1867 ou de l'article 29 de la version de 1982. Nous
constatons qu'il accepte les entraves à l'exercice de la
compétence de l'Assemblée nationale en matière
d'éducation. Pourquoi le ministre et le gouvernement ne nous
annoncent-ils pas leur intention de faire lever cette entrave constitutionnelle
plutôt que d'envisager de s'y soumettre? C'est une question sur laquelle
nous aimerions entendre le ministre. Pourquoi ne pas nous annoncer son
intention profonde, plutôt que de nous dire que, si le juge ou la cour en
dispose autrement, nous concédons à l'avance la compétence
du Québec en cette matière?
Pourquoi le ministre et le gouvernement nous proposent-ils un
enchevêtrement sans précédent de commissions scolaires
confessionnelles, linguistiques, superposées dans certains territoires?
Pourquoi nous exposent-ils à l'émiettement du système
public en toutes sortes de champs de juridiction fort complexes? Est-il donc si
difficile d'affirmer clairement que la commission scolaire francophone non
confessionnelle devrait, sauf exception prévue à la loi,
être la règle commune au Québec? N'est-il pas devenu urgent
de clarifier en particulier la situation qui prévaut à
Montréal et dans l'agglomération montréalaise, là
où se fait sentir, plus qu'ailleurs encore, le besoin d'un service
public d'éducation francophone pluraliste, non confessionnel? Cette
réalité, il faut la gérer de façon
résolument moderne et non pas la contourner ou l'éviter en
s'abritant derrière des dispositions datant d'il y a plus de 120
ans.
Plutôt que d'ouvrir au morcellement et à la
ghettoïsation des clientèles scolaires, comme le fait le projet de
loi 107, le ministre devrait, nous semble-t-il, dire haut et fort son
intention
ferme de doter le Québec des années quatre-vingt-dix d'un
système de commissions scolaires simplifié et permettant aux
Québécoises et Québécois, jeunes ou adultes, de
toute provenance ethnique ou confessionnelle, de se rencontrer, de se
connaître, de fraterniser, de se comprendre, de faire cause commune
grâce à une expérience heureuse et harmonieuse au sein
d'écoles communes, publiques et pluralistes. Or, bien loin de nous
rapprocher de cette vision, nous nous en éloignons avec le
présent projet de loi qui consacre une soixantaine d'articles au
maintien du caractère confessionnel de notre système
d'éducation. Car ce n'est pas dans les bureaux des commissions scolaires
que se dispensent les services d'enseignement, mais dans les écoles, et
dans des écoles qui peuvent se faire octroyer le statut confessionnel
par l'entremise de ce qu'on appelle le projet éducatif.
Il ne s'agit pas seulement de la possibilité d'enseigner la
religion. Il s'agit de la possibilité de l'adoption d'un projet
éducatif à caractère confessionnel, donc, d'écoles
catholiques, protestantes ou d'autres dénominations. On sait, par
ailleurs, qu'en vertu du règlement sur la reconnaissance comme
catholique et sur le caractère confessionnel des écoles primaires
et secondaires du système scolaire public l'école reconnue comme
catholique doit, par exemple, intégrer les croyances et les valeurs de
la religion catholique dans son projet éducatif. Malgré le vernis
extérieur dont se revêt le projet de loi 107, notre
interprétation, c'est que ce projet de loi intègre et consolide
ces dispositions, assoyant le caractère confessionnel finalement, des
lieux éducatifs, non pas des structures qui administrent ces lieux, mais
bien des lieux mêmes, les établissements scolaires, les
écoles.
Nous croyons que le projet de loi va bien au-delà du besoin
légitime, que nous reconnaissons, de l'enseignement religieux
qu'expriment certains secteurs de la population. Le projet de loi 107 doit nous
inquiéter vivement, car il nous met sur la voie, M. le ministre, non pas
d'écoles de quartier ouvertes à tous, mais d'écoles
écartelées et ghettoïsées.
D'ailleurs, l'entorse à la Charte des droits et libertés
de la personne est si flagrante que le ministre propose d'en contourner les
articles 3 et 10 par l'article 577 du projet de loi 107 qui prévoit
justement de déroger à ces articles de la charte. Le moins que
l'on puisse dire, c'est que le projet de loi 107 est loin de répondre
aux attentes actuelles et aux besoins futurs de la société
québécoise qui est prête, d'après ce que nous en
savons, d'après nos rencontres avec les parents partout dans les
écoles et avec les clientèles scolaires, à accueillir une
école ouverte et pluraliste, pleinement respectueuse des droits et
libertés, une école à la hauteur des défis qui
guettent le Québec des années quatre-vingt-dix, soit le
défi de la non-discrimination, le défi de l'intégration,
le défi de l'harmonie sociale, scolaire et linguistique.
Parions maintenant de l'accessibilité, de la qualité du
système public d'éducation et demandons-nous ce qu'apporte le
projet de !oi 107. Nous croyons que le droit à l'éducation est un
droit fondamental qui devrait être reconnu non seulement en principe,
mais en pratique, à toute la population. Le plein exercice du droit
à l'éducation doit être assuré à la fois par
l'instruction publique et gratuite et par la mise en place de conditions qui
assurent une éducation intégrale et de qualité, de
même qu'une véritable égalité des chances,
indépendamment de la condition socio-économique, du sexe, de
l'origine ethnique, du handicap, du iieu de résidence, de l'âge,
des croyances religieuses. Le système d'éducation doit permettre
l'accès effectif de tous les élèves à des services
de qualité, favorisant notamment l'appropriation des valeurs
démocratiques et de la culture commune dans le respect des
différences.
Ce qui est frappant dans le projet de loi 107, c'est qu'on n'y affirme
nulle part le droit fondamental à l'éducation, ni le
caractère public et commun de l'écoie. Contrairement au projet de
loi 3, on n'y trouve à peu près aucune définition des
services éducatifs ou des services complémentaires et
particuliers que doit assurer le système public d'éducation. Le
pouvoir de déterminer la nature et les objectifs des services
éducatifs est laissé au gouvernement, qui établira par
règlement un régime pédagogique.
Nous considérons qu'ii est essentiel que soit contenue dans la
Loi sur l'instruction publique une définition de la nature des services
éducatifs et des services complémentaires et particuliers
auxquels ont droit les jeunes et les adultes du Québec. De même,
considérons-nous essentiel d'y définir les objectifs de ces
services, notamment quant à la promotion des valeurs
démocratiques, non sexistes et non racistes.
Par ailleurs, M. le ministre, M. le Président, mesdames et
messieurs, nous nous inquiétons, entre autres - notre mémoire est
plus explicite que ce que je vais rappeler ici, mais tout de même - de ce
qu'il ne soit pas fait mention d'une obligation d'offrir partout un service de
maternelle à temps plein aux enfants âgés de 5 ans. Ce qui
est une très grande demande actuellement. Il y a un très grand
besoin de cela au Québec. Nous nous inquiétons des restrictions
apportées à ia gratuité scolaire des élèves
considérés comme adultes qui n'auront de services gratuits que
dans la mesure, dit le projet de loi, des ressources des commissions scolaires,
îesqueiies ressources sont sans cesse comprimées. Donc, ia
gratuité est de plus en plus menacée. Nous nous inquiétons
de îa non-interdiction faite aux commissions scolaires d'imposer des
frais de scolarité dans le cadre du développement de certains
projets scolaires dits particuliers. C'est une pratique qui, si elle se
poursuit, viendra introduire dans le système public un principe de
sélection sur la base des moyens financiers, ce qui est inacceptable en
démocratie scolaire.
Nous nous étonnons et regrettons qu'au chapitre de
l'éducation interculturelle on ne retrouve rien dans le projet de loi
pour en reconnaître l'importance capitale dans la société
québécoise qui sera celle des prochaines années. Nous
déplorons particulièrement et nous regrettons qu'on ne
prévoie nulle part l'obligation pour les commissions scolaires d'offrir
des services d'éducation et d'animation interculturelles à
l'intention des jeunes Néo-Québécois et aussi des jeunes
Québécois et Québécoises de souche, des services
d'accueil, ni l'obligation de soutien linguistique, ni l'obligation de
créer des programmes, d'avoir du matériel, de mettre sur pied des
services adaptés. Le besoin est criant à cet égard,
à moins que l'on ne préfère la prolifération des
écoles ethniques privées ou la multiplication des
problèmes reliés à l'intégration scolaire, ce qui
nous semble quant à nous, à éviter, totalement.
Nous déplorons aussi l'absence de référence aux
services complémentaires, sauf pour ce qui est du transport et de
l'animation pastorale. Pas un mot sur les services de garde, par exemple.
Aucune obligation pour les commissions scolaires, contrairement à la loi
3, et par conséquent, aucune garantie de gratuité, ce qui nous
situe aux antipodes des besoins nouveaux, des besoins sociaux actuels et aux
antipodes aussi d'une politique intégrée de la petite enfance.
Nous vous suggérons d'envisager de façon complémentaire -
c'est une suggestion, une proposition que nous vous faisons, M. le ministre -
le préscolaire et le primaire, incluant les services de garderie
appropriés. Pas un mot sur la promotion des droits et
responsabilités des élèves, sur la nécessité
d'avoir des services allant dans ce sens-là, sur l'animation du milieu.
Pas un mot sur les services d'orientation, de santé, de
prévention, sur les services sociaux, les services de psychologie, de
psychoéducation, ni même sur les services de bibliothèque.
Est-ce que ces services, M. le ministre, ne sont pas essentiels à une
éducation de qualité? Est-ce que ces services n'ont pas besoin
d'être consolidés, garantis et raffermis, dirais-je, par la loi
107? Leur gratuité, leur accessibilité et leur qualité ne
devraient-elles pas être assurées par cette loi?
Quant aux services aux élèves en difficulté, nous
constatons que la commission scolaire doit offrir des services à ces
clientèles, selon, cependant, une liste que le ministre peut
établir, selon des normes d'organisation établies par !a
commission scolaire et dans le cadre d'un plan d'intervention adapté
à chaque élève par le directeur d'école. Nous
demandons des clarifications sur le champ d'autonomie professionnel propre au
personnel de l'enseignement - enseignants et professionnels que nous
représentons - face à autant d'encadrement et à autant de
"si": si la liste du ministre le prévoit, si les normes des commissions
scolaires le prévoient et si cela fait partie du plan du directeur
d'école. Que reste-t-il? Et nous exigeons que soient mis à notre
disposition les moyens adéquats pour répondre aux besoins de ces
clientèles - enfance handicapée, enfance en difficulté -
ces clientèles qu'on devrait cesser d'intégrer, trop souvent sans
précaution, dans les classes régulières.
Au chapitre de la formation professionnelle... D'ailleurs, j'invite les
membres de la commission parlementaire à se rendre dans les
écoles de leur comté, à aller vérifier sur place ce
qui se passe au chapitre des services aux enfants en difficulté, aux
enfants handicapés. Vous allez voir qu'on est parfois obligé de
plier la chaise roulante pour la passer dans la porte, pour faire entrer
l'élève et la chaise roulante dans la classe
régulière, tellement ces intégrations se font de
manière désordonnée et sans attention actuellement. Des
choses qui n'ont pas de bon sens et qui se passent dans plusieurs
écoles. Allez voir cela et informez le ministre de ces
réalités, qu'il connaît passablement bien, d'ailleurs.
Au chapitre de la formation professionnelle, nous relevons le même
genre d'ambiguïté et de chevauchement. La commission scolaire peut
- à moins que le ministre, si le ministre, sous réserve du
régime pédagogique - établir des programmes
appropriés. Nous considérons, quant à nous, que le projet
de loi 107 doit recon-nnaître l'existence de la formation professionnelle
à l'école secondaire polyvalente et le droit des
élèves à une formation professionnelle de qualité,
appuyée sur une solide formation de base, et qu'il doit garantir
l'accessibilité à un éventail suffisant d'options pour les
clientèles de toutes les commissions scolaires dans l'ensemble des
régions du Québec. (10 h 45)
Même ambiguïté pour ce qui est de l'éducation
aux adultes qui est reconnue, certes - nous le mentionnons dans notre
mémoire - mais inquiétude quant à la gratuité, nous
l'avons dit, et inquiétude aussi quant à l'accessibilité
aux services éducatifs partout sur l'ensemble du territoire. Même
ambiguïté, encore, pour ce qui est de l'ouverture à la
possibilité de recourir à de la sous-traitance pour la
prestation, par exemple, de services particuliers aux élèves en
difficulté d'apprentissage ou aux élèves
handicapés. Ce n'est pas par la privatisation ou par le recours à
la sous-traitance que nous allons assurer le fondement ou la valorisation de
l'école publique. C'est plutôt en donnant à l'école
publique les moyens de ces responsabilités.
S'agissant maintenant de l'organisation du pouvoir scolaire, nous
considérons que la structure du système scolaire doit
prévoir des niveaux décisionnels complémentaires qui
permettent à la fois l'unité, la coordination,
l'accessibilité et la gratuité, d'une part, et la
nécessaire adaptation aux situations locales, d'autre part. J'en suis
à la page 21, si vous voulez suivre le mémoire. Nous
reconnaissons à l'État la responsabilité centrale du
service public d'enseignement et la responsabilité d'assurer le
financement et d'assurer des
services égaux et accessibles dans tout le Québec.
Cependant, nous croyons que la collectivité elle-même, par le
biais de certaines instances représentatives, doit aussi pouvoir
intervenir de façon significative dans le processus éducatif et
dans la mise en place de moyens, instruments et équipements
nécessaires. Le rôle du gouvernement et du ministre doit
être, après consultation, de légiférer et de
réglementer de manière générale, non pas de tout
contrôler. Les commissions scolaires doivent constituer un contrepoids
essentiel face aux importants pouvoirs ministériels et doivent assurer
l'égalité des services éducatifs à tous les
élèves et à toutes les écoles sans se substituer
aux responsabilités de celles-ci, et les commissions scolaires doivent
avoir les moyens de ces responsabilités. L'école doit être
le lieu privilégié de la réalisation de l'éducation
et de la concertation entre les divers partenaires et intervenants. À
tous les niveaux du pouvoir scolaire, les droits des élèves
doivent être reconnus, l'essentielle place des parents doit être
prise en compte, l'autonomie professionnelle indispensable des personnels doit
être respectée et des mécanismes de consultation
réelle doivent être prévus.
À la lumière de cet énoncé de principe,
voyons ce qui en est de la place des élèves, des parents, du
conseil d'orientation, ainsi que des mandats confiés aux directeurs
d'école, aux commissions scolaires, au ministre et au gouvernement.
Pour ce qui est des élèves, nous croyons que le projet de
loi doit reconnaître leur droit d'association, leur droit de participer
aux consultations au niveau des commissions scolaires et ai niveau national, au
niveau du ministre, et non seulement au niveau de l'école. Nous
suggérons une meilleure reconnaissance de leur droit à une
éducation complète, y incluant les services
complémentaires, et ce dans le secteur public.
Pour ce qui est des parents, nous réaffirmons notre conviction de
l'importance de leur place dans le système public et nous vous assurons
de notre volonté d'établir avec eux une réelle
collaboration et une véritable complémentarité dans le
respect des rôles spécifiques de chacun. Aussi, nous croyons que
le ministère de l'Éducation devrait accorder aux parents et
à leurs organisations le droit d'être consultés au plan
national sur les projets de règlements. Mais c'est surtout au niveau de
l'école, au sein du conseil d'orientation que nos relations quotidiennes
s'établiront avec les parents, selon l'esprit du projet de loi 107.
À propos du conseil d'orientation, j'ai le plaisir de vous dire que nous
accueillons l'idée d'un conseil d'orientation dans la mesure où
il s'agit d'un lieu authentique de concertation et de collaboration entre les
divers partenaires, sans hégémonie et sans recherche
d'hégémonie d'aucun des groupes. Nous sommes prêts à
concourir à cette formule si le ministre accepte la règle de la
parité entre les représentants des parents et les
représentants des personnels, et si le ministre accepte que toutes les
catégories de personnels, enseignants et enseignantes, personnel de
soutien, personnel professionnel, puissent être
représentées au conseil d'orientation. Cela me semble être
des demandes extrêmement raisonnables sur lesquelles nous aimerions vous
entendre tout à l'heure, M. le ministre. De plus, nous croyons que le
choix de la présidence du conseil d'orientation devrait relever du
conseil. Nous avons aussi d'importantes réserves sur la règle de
la délégation de pouvoir de la commission scolaire vers le
conseil d'orientation. Nous souhaitons, à tout le moins, qu'en soit
exclu tout caractère répétitif automatique à
travers les années et qu'en soit exclu tout ce qui touche la gestion des
personnels et tout ce qui pourrait porter atteinte à une saine autonomie
professionnelle propre au personnel que nous représentons.
Quant aux directions d'école, nous comprenons qu'elles
félicitent le ministre, tant leur pouvoir est confirmé dans
l'école, particulièrement dans le champ pédagogigue. Nous
nous questionnons, cependant, sur plusieurs aspects des pouvoirs reconnus par
le projet de loi 107 aux directions d'école. Je vous renvoie aux pages
26 et 27 que je n'ai pas le temps de lire dans cette première
présentation. Nous avons plusieurs questions, ici, qui sont
posées. Nous croyons, de manière générale, que les
pouvoirs reconnus aux directions d'école sont loin d'être
compensés par un énoncé équivalent des devoirs et
obligations de ces personnes.
Quant aux pouvoirs des commissions scolaires, nous constatons que, tout
en étant de plus en plus encadrés et circonscrits, ces pouvoirs
n'en demeurent pas moins fort limités et fort imprécis sous
l'angle des obligations de services des commissions scolaires à
l'égard des élèves et de la population en
général. D'ailleurs, c'est le ministre qui s'attribue le gros
lot, je crois, dans cette redistribution des pouvoirs. J'entends encore, j'ai
encore en mémoire les propos de l'ancien président de la
Fédération des commissions scolaires qui, dans des débats
sur le projet de loi 3, ou sur le projet de loi 40, déchirait sa chemise
en public face à des atteintes beaucoup moindres à l'endroit des
commissions scolaires. Il s'est acheté d'autres chemises depuis,
maintenant il est très bien. C'est le ministre qui s'attribue le gros
lot dans cette redistribution et ce, de façon trop poussée,
à notre avis, comme nous le démontrons aux pages 28 à 30
de notre mémoire, surtout en ce qui a trait à l'autorisation
discrétionnaire de certains services fondamentaux tel que nous l'avons
mentionné. Là aussi, nous trouvons que le ministre
développe beaucoup plus ses attributions que ses obligations quant
à l'accessibilité, quant à la qualité et quant
à la gratuité en matière de services éducatifs.
Nous faisons les mêmes constats généraux, d'ailleurs, pour
ce qui est des pouvoirs du gouvernement que nous abordons aux pages 29 et 30.
Bien peu de place dans tout cela, M. le ministre, à de la
consultation systématique et reconnue envers les organismes
nationaux représentatifs, tant en ce qui nous concerne qu'en ce qui
concerne les parents ou les élèves. Bien plus d'attributions de
pouvoirs que de contributions et d'obligations de services.
Terminons en revenant sur la place des personnels. La CEQ
considère que le projet de loi 107 doit être revu en profondeur
dans le sens d'une reconnaissance explicite des droits professionnels et
syndicaux des personnels et de leurs droits à une véritable
participation. On ne vous demande pas le droit d'être absents, on vous
demande le droit d'être présents, M. le ministre. Je crois que
cela devrait être pris en considération. À cet
égard, le projet de loi semble reposer sur une méconnaissance de
la complexité et de la diversité des situations actuelles que
vivent les personnels. Si le personne! professionnel et le personnel de soutien
n'ont pas même accès à des mécanismes leur assurant
une participation spécifique, tel n'est pas, il est vrai, le cas du
personnel enseignant qui, lui, dispose de plusieurs mécanismes de
participation; soit à travers la loi, soit dans les conventions
collectives. Mais les attentes des enseignantes et des enseignants ne sauraient
être satisfaites par la seule multiplicité ou multiplication des
lieux de consultation sur les mêmes objets. Ces attentes se situent
plutôt au niveau d'une prise en compte réelle de leur expertise et
de leur recommandation dans les décisions qui touchent l'organisation
pédagogique et scolaire. Le projet de loi ne répond pas à
ce genre d'attente.
Pour ce qui est des enseignantes et des enseignants, je dirai, en
résumé, que nous avons pris note des droits que l'on octroie
à ces personnels touchant les modalités d'intervention
pédagogique, touchant certains aspects des instruments
d'évaluation, mais la iiste de leurs devoirs est beaucoup plus longue.
Ces devoirs, certes, ils sont nobles et grandioses. Nous sommes venus à
l'éducation en pensant pouvoir faire une contribution en ce
sens-là, mais ces devoirs, ils sont également très lourds.
Nous pensons être honnêtes avec vous, membres de la commission
parlementaire, et vous, M. le ministre, en vous disant qu'il y a une vaste
disproportion entre ces devoirs et les moyens et pouvoirs dont nous disposons,
ces moyens et pouvoirs étant tous confiés aux directions
d'école, aux commissions scolaires, au ministère ou au
gouvernement.
Pour les enseignantes et les enseignants, le projet de loi n'apporte pas
vraiment de solution au problème d'autonomie professionnelle,
particulièrement en ce qui concerne la marge de manoeuvre individuelle
de l'enseignante et de l'enseignant dans l'exercice de son métier. Ce
n'est pas nécessairement en allant expliquer plus souvent et à
plus de personnes leur travail que les enseignantes et les enseignants
obtiendront plus d'autonomie professionnelle, mais plutôt par une
reconnaissance d'un champ spécifique de pouvoirs et d'influence sur
l'organisation scolaire et pédagogique, et la garantie d'une marge de
manoeuvre dans l'exercice de leurs fonctions, d'où notre suggestion
quant à la parité au conseil d'orientation, d'où notre
suggestion quant à l'obligation de consultation de la part du ministre
sur certains grands règlements ou certaines grandes politiques.
Nous ne croyons pas que le projet de loi 107, dans sa facture actuelle,
reconnaisse suffisamment le droit à l'autonomie professionnelle des
personnels enseignants. Et que dire encore des personnels professionnels qui,
pourtant, interviennent directement auprès des clientèles et
auprès des autres agents et agentes de l'éducation? Ces
personnels dispensent des services jugés essentiels depuis 20 ans et
plus, maintenant, au Québec, des services qui sont de plus en plus
requis, en demande et qui, malheureusement, sont de plus en plus coupés,
comme je l'ai mentionné tout à l'heure avec, par exemple, dans le
cas de la CECM, une annonce de mise à pied de plus de 20 % du personnel
professionnel actuellement à l'emploi de cette commission scolaire.
Le projet de loi 107 ne reconnaît pas leur contribution et leur
rôle spécifique, ni ne leur reconnaît la
généralisation de leur droit de participation aux consultations
et aux décisions sur tout ce qui touche leur travail. Il serait beaucoup
plus alarmant, M. le ministre, si on vous demandait le droit d'être
dispensés de participer aux consultations. Ce serait moins de travail
pour nous aussi. Mais c'est le contraire qui vous est demandé, ici, pour
ces personnels. C'est le droit d'être impliqués dans
l'organisation, dans la conception, dans l'élaboration et dans la mise
en oeuvre de tout ce qui concerne les services des jeunes, les services
éducatifs, les services complémentaires et les autres.
De même, réclamons-nous avec force une reconnaissance
spécifique de la contribution du personnel de soutien qui est un
personnel qui fait oeuvre de collaboration en éducation, des gens qui
vivent l'école, des gens qui veulent l'améliorer. Nous
réclamons leur droit d'être consultés, d'être
représentés également de façon spécifique,
par exemple, au conseil d'orientation ou, encore, au comité consultatif
des services aux enfants en difficulté ou aux enfants
handicapés.
Enfin, pour ce qui est des droits syndicaux, nous avons
déjà mentionné certaines dispositions du projet de loi 107
qui viennent se confronter avec le champ du négociable, possiblement
interférer dans certains contenus de conventions collectives. Nous
demandons une discussion et une révision à ce propos. Nous avons
aussi souligné que le projet de loi devrait reconnaître clairement
que ce sont les organisations syndicales qui sont habilitées à
déléguer les représentantes et les représentants
des personnels aux divers comités consultatifs et au conseil
d'orientation.
II nous faut, de plus, attirer l'attention sur une disposition qui
stipule que la commission scolaire affecte le personnel dans les écoles
en tenant compte des conventions collectives, comme le dit l'article 232. Nous
pensons que cette expression devrait être renforcée, devrait
être remplacée par une expression comme celle-ci: dans le respect
des obligations prévues aux conventions collectives, parce que, parfois,
on peut tenir compte de quelque chose, mais avec l'idée de
l'éviter. (11 heures)
Par ailleurs, le projet de loi, aux articles 233 et 234, conduit
à la transformation des fonctions de personnel professionnel
syndiqué - en l'occurrence les conseillers et conseillères en
éducation chrétienne - en fonctions de cadres, les soustrayant
ainsi à leur organisation syndicale. À la CEQ, nous nous opposons
à cette transformation.
Enfin, nous considérons que le projet de loi 107 devrait
prévoir de manière explicite, ce qui ne nous semble pas
être le cas, la négociation des règles et conditions dans
les cas de transfert et d'intégration des personnels dans des
délais utiles pour permettre l'application harmonieuse de toute
restructuration scolaire. Nous savons que vous êtes
particulièrement sensible à ce genre de difficulté ou de
réalité. Nous vous proposons d'être plus précis dans
la loi sur cet aspect.
En conclusion, M. le ministre, d'une manière
générale, je crois que ce projet de loi, sur lequel vous avez
sans doute travaillé pendant de nombreuses semaines et de nombreux mois
en compagnie de vos conseillers, ce genre de loi, sur laquelle tant de vos
prédécesseurs ont travaillé, se sont butés aussi,
ce genre de difficulté qu'ils ont connue, je pense que votre proposition
mériterait d'être améliorée sous plusieurs angles.
D'abord, a l'ouverture du système, non seulement dans son enveloppe
extérieure - et, encore là, à la remorque de la
constitution canadienne - mais l'ouverture du système dans sa
réalité éducative, afin d'essayer de doter le
Québec d'une institution scolaire publique pour faire face au
défi de l'intégration d'une population de plus en plus pluraliste
et non confessionnelle. Vous devriez revenir là-dessus et essayer de
proposer quelque chose de plus pertinent pour les besoins d'aujourd'hui et
à venir. Vous devriez revenir aussi sur plusieurs aspects du projet de
loi et rassurer la population québécoise quant à votre
intention de préserver, d'une part, les conditions
d'accessibilité qui prévalent et même les augmenter, quant
à plusieurs services, et de préserver, d'une part, les conditions
de gratuité lorsqu'elles existent, les améliorer là
où c'est nécessaire, etc. D'une manière
générale, rassurer la population de votre intention d'augmenter
la qualité, la diversité des services disponibles dans les
écoles publiques du Québec.
Quant à la question des pouvoirs, plusieurs intervenants
viendront discuter avec vous là- dessus. Nous avons déjà
dit, dans des débats antérieurs, que nous n'étions pas des
maniaques de la querelle des pouvoirs en matière scolaire. Nous voulons
tout de même que les choses soient assez claires. Nous ne voulons pas non
plus constater un mouvement d'aspiration disproportionné vers le sommet.
Nous savons que vous êtes sensible à la théorie des
contrepoids en politique. Je crois qu'il serait assez important de revenir sur
cet aspect en ce qui a trait aux commissions scolaires.
Quant à ce qui a trait au conseil d'orientation, nous vous avons
assuré de notre bonne disposition à l'égard de cette
institution, moyennant que vous en fassiez une institution où il n'y
aura pas d'hégémonie ni des uns ni des autres, mais une
institution paritaire et ouverte de ce côté-là.
Quant à la reconnaissance des personnels, vous avez maintes fois
affirmé, depuis plusieurs années - et nous vous avons toujours
pris au pied de la lettre. Nous vous avons toujours estimé être de
bonne foi là-dessus - votre intention de contribuer à la
valorisation, à la reconnaissance des personnels. Nous vous
suggérons des moyens d'aller plus loin quant à la
réalisation de votre intention relativement aux personnels enseignants,
aux personnels professionnels et aux personnels de soutien. Merci, M. le
Président. Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
président de la CEQ. Il reste un peu moins de 50 minutes à
être réparties entre les deux formations politiques. Tel
qu'entendu, je vais reconnaître dans un premier temps, durant 20 minutes,
le côté ministériel et dans un deuxième temps,
durant 25 minutes, le côté de l'Opposition, parce qu'il fera en
même temps sa conclusion, dans la période des 25 minutes. Je
reviendrai pour une période de 5 minutes que j'accorderai au parti
ministériel. M. le ministre de l'Éducation et ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: M. îe Président, c'est bien peu de temps
pour un sujet aussi important et un mémoire aussi substantiel que ceiui
que nous venons d'entendre. Nous ferons notre possible pour nous conformer
à vos exigences impériales.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, je
vous ferai remarquer que la commission est reine et maltresse de son avenir.
Vous pouvez décider, s'il y a consensus entre les deux formations
politiques, de déborder. Je n'ai aucune objection.
M. Ryan: Merci. Non, cela va bien. Je voudrais d'abord remercier
ia CEQ de cette présentation qu'elle nous a faite ce matin. Je pense que
le mémoire, dont nous avons entendu un résumé, est un
mémoire substantiel et important. J'apprécie l'esprit dans lequel
la présenta-
tion a été farte. J'ai remarqué qu'on s'adressait
exclusivement aux propositions et aux idées contenues dans le
mémoire, qu'on n'attaquait pas du tout ni le gouvernement ni le ministre
dans leurs intentions ou dans telle ou telle caractéristique qu'on
voudrait leur prêter. Je pense que vous donnez un excellent exemple d'un
débat qui peut être très vigoureux et qui, en même
temps, ne descend pas dans des querelles de personnalités, et cela je
l'apprécie au plus haut point, ni dans les querelles partisanes,
d'ailleurs. Je crois que c'est à ce niveau que les rapports du
gouvernement se sont situés avec la CEQ depuis le début de notre
mandat. J'apprécie les réponses que nous avons reçues du
côté de la CEQ à ce point de vue, et je pense que nous
avons essayé de faire de même de notre côté. C'est
dans le même esprit que j'accueille les critiques que vous adressez
à notre projet de loi ce matin. Nous favorisons, du côté du
gouvernement, un débat clair, vigoureux et nous entendons le maintenir
au niveau dont vous nous avez donné une très bonne illustration
ce matin.
Je voudrais aborder peut-être trois points majeurs qui ont retenu
mon attention dans votre document. Tout d'abord, tout le thème de
l'accessibilité. J'ai cru entendre, vers la fin de vos remarques, M.
Charbonneau, une petite note relative à cet idéal
d'accessibilité. Je crois qu'on ne peut pas le définir dans une
loi en termes absolus, il faut le définir en termes atteignables. La loi
est une réalité qui évolue et qui est susceptible de se
rétrécir et, parfois, de s'élargir en d'autres temps. Le
législateur doit viser essentiellement à inscrire dans !a loi des
objectifs qui soient réalisables, selon son bon jugement, à
l'époque où il légifère.
Je crois que, dans ce cas-ci, nous faisons des pas importants dans le
projet de loi 107. Je pense que vous le reconnaîtrez comme moi. Il y a
certains droits de base qui sont affirmés dans le projet de loi 107 et
qui ne le sont point dans la Loi actuelle sur l'instruction publique. Je n'ai
qu'à prendre l'article 1: 'Toute personne âgée de 5 ans et
plus a droit aux services de formation et d'éveil à
l'éducation préscolaire et aux services d'enseignement
prévus par la présente loi et le régime pédagogique
établi par le gouvernement, depuis le premier jour du calendrier
scolaire de l'année scolaire où elle atteint l'âge
d'admissibilité jusqu'à la fin du secondaire. Elle a aussi droit,
dans le cadre des programmes offerts par la commission scolaire, aux autres
services éducatifs, complémentaires et particuliers,
prévus par la présente loi et le régime
pédagogique. " Je pourrais continuer l'énumération. Il y a
beaucoup de droits, par conséquent, qui sont reconnus explicitement dans
le projet de loi et qui ne le sont pas dans la Loi actuelle sur l'instruction
publique. Il y en a d'autres qui ne le sont point.
Vous avez parlé, par exemple, des services
complémentaires, des services personnels. Il est vrai que, dans la loi
3, on donnait une définition qui ne se trouve point dans le projet de
loi 107. Il nous a semblé préférable que ces
définitions soient données dans le régime
pédagogique. Il me semble que c'est là que ça doit
être. Mais c'est une question sur laquelle nous allons écouter les
points de vue qui nous sont présentés. Si la preuve nous est
faite qu'il est préférable que ce soit dans la loi, nous allons
examiner cette possibilité, ce n'est pas une question qui est
fermée. Mais je vous préviens de deux difficultés dont
nous devons toujours être conscients quand nous légiférons.
Il y a d'abord la question des coûts. Il est bien tentant d'inscrire
certaines obligations, pour le gouvernement, dans la loi. Il faut nous
être assurés au préalable que nous disposerons des
ressources nécessaires pour satisfaire à ces obligations. Comme
nous vivons ces années-ci une période de discipline
budgétaire plus intense, nous devons faire montre d'une prudence, d'une
circonspection plus poussée. C'est pour cela qu'il est évident
qu'il n'est pas question de diminuer les services de garde, nous les
augmentons, cette année, dans les crédits budgétaires.
Nous investissons 2 000 000 $ de plus pour les services de garde scolaire, ce
qui va permettre d'ouvrir un bon nombre de places supplémentaires. Je
n'oserais pas risquer de chiffre actuellement, nous allons ouvrir un bon nombre
de places. Mais si nous allions dire dans la loi: Nous reconnaissons le droit
aux services de garde à toute la population, cela voudrait dire qu'il
faudrait peut-être nous engager à remettre 15 000 000 $, et nous
ne sommes pas capables actuellement. Il faudrait le faire en même temps
pour les bibliothèques, les services de santé, les services de
conseil, etc. Nous ne sommes pas capables de donner à la population, sur
un plateau d'argent, tout un ensemble d'obligations que la
société s'engagerait à respecter. Nous avons trop
d'obligations dans beaucoup de secteurs parallèles; les
universités ont des problèmes, les assités sociaux ont des
problèmes, les producteurs agricoles en ont. Au bout de la ligne, il
faut réaliser des arbitrages qui sont nécessairement limitatifs
dans leurs conséquences pour chaque ministre quelle que soit la
générosité de ses intentions. C'est pour cela qu'on nous
demande - et le gouvernement précédent avait commencé
à le faire aussi - d'arrimer les définitions de droit que nous
mettons dans les lois avec les possibilités financières du
gouvernement.
Le deuxième écueil, c'est celui de l'arbitrage par des
tiers. Plus on met des obligations de caractère universel dans les lois,
plus on crée la possibilité qu'au bout de la ligne les vraies
décisions politiques soient prises par des tiers, des tribunaux ou des
arbitres. Lorsqu'il s'agit d'engager les ressources de la communauté,
nous voulons que le pouvoir d'intervention des tribunaux soit contenu dans des
bornes raisonnables Tout comme doit l'être le pouvoir de décision
du gouvernement en matière financière. Sur ce point, tout en
étant en sympathie profonde avec
la position que définit la CEQ, je dois obligatoirement
évoquer ces deux ordres de contrainte dont doit tenir compte le
gouvernement de nos jours.
Deuxièmement, j'ai été retenu par les
considérations que vous avez énoncées concernant le cadre
général d'organisation des commissions scolaires et des
écoles que nous proposons, en particulier la place faite aux facteurs
linguistique et confessionnel dans l'organisation à venir des
commissions scolaires. Nous disons très clairement, en ce qui concerne
les commissions scolaires, que la position du gouvernement est de créer
partout à travers le territoire des commissions scolaires linguistiques.
Nous ne disons nulle part qu'il n'y aura pas de commission scolaire
linguistique où que ce soit, mais nous respectons les commissions
scolaires protégées qui existent actuellement ainsi que le
territoire qui est le leur. Parce qu'ils vont le dire, étant
donné que c'est une protection qui est garantie dans la constitution,
maintes fois interprétée en ces matières par les tribunaux
les plus élevés.
Nous proposons une formule qui, selon nous, peut s'appliquer sans
difficulté dans la très grande majorité des territoires du
Québec parce qu'elle procède d'un consensus. On a beau avoir les
théories qu'on voudra, les lois doivent être le reflet des
consensus des citoyens. Nous avons la conviction politique que, si nous
créons des commissions scolaires linguistiques à travers le
territoire dans tous les endroits sauf ceux qui sont protégés,
nous allons avoir une réponse très favorable de la population, au
point que nous n'encourrons pas le risque de cette prolifération de
modèles différents de commissions scolaires dont on essaie
d'évoquer le spectre beaucoup plus par l'effet d'un raisonnement
purement logique que sous l'inspiration d'une analyse réaliste de la
situation politique. De ce côté, c'est un immense progrès.
Si nous réglons le cas partout dans cette direction que nous souhaitons,
je pense que nous accomplissons un immense progrès. Nous allons faire
une consultation auprès des tribunaux pour nous assurer qu'il n'arrivera
pas à la loi 107 ce qui est arrivé à la loi 3. Ce serait
désastreux. C'est mieux de vérifier nos affaires comme il faut
pendant que c'est le temps.
Si une dynamique politique différente se développe
à la faveur de tous ces événements que nous allons
créer, je crois que même dans les territoires où il y a
actuellement une protection constitutionnelle la dynamique politique peut
changer aussi. Il y aura peut-être des choses qu'on pourra
réexaminer, y compris jusqu'à l'éventualité de
modifications constitutionnelles, que nous n'excluons point et qui devront
venir, selon nous, quand il y aura un véritable consensus dans la
population, en particulier en matière d'arrimage des droits
linguistiques et des droits religieux.
Le gouvernement actuel n'est pas prêt à troquer les droits
religieux pour les droits linguistiques. Ce n'est pas de la même nature.
Il y a des droits religieux qui sont garantis dans la constitution. Nous ne
sommes pas prêts à les annuler purement et simplement. Il faut
négocier avec les parties concernées, il faut penser aux
répercussions dans l'ensemble du pays, pas seulement au Québec,
parce que ces clauses de la constitution regardent l'ensemble du pays. Mais
nous avons l'esprit ouvert. Il y a un cheminement qui doit être fait pour
arriver à des conclusions pratiques. Autrement, on peut avoir raison
dans un débat théorique, il n'y a rien de plus facile. Mais,
quand on est appelé à agir avec les tribunaux qui vous
surveillent et les forces sociales organisées, il faut être
très conscient de toutes ces considérations. (11 h 15)
En ce qui regarde les écoles, nous disons: Le caractère de
l'école sera déterminé au plan local par la volonté
des parents. Ici aussi, cela va créer une dynamique différente.
On pourrait bien décider d'autorité, comme le demande votre
mémoire, que cela va être partout des écoles laïques;
il y aurait un peu de religion ici et un peu de religion là. Mais cela
ne répond pas aux conceptions qui nous ont été
présentées par nos concitoyens et nos concitoyennes, qui nous
disent en grande majorité, selon les perceptions que nous en avons,
qu'ils tiennent à ce qu'on ait des choses plus claires que cela et plus
substantielles. Nous autres, nous voulons en tenir compte. Mais là
où les citoyens consultés de manière appropriée
suivant des mécanismes que nous définirons diront: Nous autres,
nous voulons un autre type d'écoie ici et là, on va pouvoir
l'avoir. De ce côté on va élargir considérablement
les voies et, à mesure que les choses évolueront, toutes sortes
de possibilités seront ouvertes pour l'avenir. L'objet du projet de loi
c'est d'ouvrir des possibilités pour l'avenir, non pas de les fermer;
non pas de fermer le passé, non plus sous prétexte de plaire
à telle ou telle théorie. Nous voulons ouvrir l'avenir en
étant conscients des richesses que nous tenons de notre passé qui
est loin d'être un passé dont nous aurions lieu de ne pas
être fiers en matière scolaire. Pour cette question-ci, je pense
que cela résume la position du gouvernement. Il peut arriver qu'on
diffère d'avis sur tel ou tel point. Fondamentalement, nous avons
discuté de cette question en commission parlementaire à maintes
reprises ces dernières années avec vous. Je pense que vous
reconnaissez que c'est toujours la position que le Parti libéral du
Québec vous a soumise à l'occasion de nos échanges.
En ce qui touche les clauses dérogatoires, si nous n'avions pas
de clause dérogatoire, dans la mesure où nous gardons certains
éléments de fidélité à notre tradition
historique, c'est évident que nous sommes ouverts à des
contestations devant les tribunaux à tout moment. J'ai dit souvent que
le gouvernement ne veut pas passer, son temps à discuter de
confessionnalité avec les juges. Il a d'autres responsabilités
beaucoup plus
importantes et nous ne voulons pas consacrer autant d'énergies
qu'on l'a fait ces dernières années dans cette direction. Il nous
semble que la clause dérogatoire est ce qu'il y a de plus pratique pour
le garantir et c'est tellement l'expression d'un consensus que même le
gouvernement précédent avait cru devoir inclure une clause
dérogatoire très expresse dans la loi 3. Alors, je n'ai aucune
gêne de ce côté. Je pense que c'est la voie que nous devons
emprunter et jusqu'à maintenant je défie qui que ce soit de nous
faire la preuve que cela a violé quelque droit que ce soit.
En troisième lieu, on parle de la structure du pouvoir à
l'intérieur du système scolaire. Là, je voudrais parler
des commissions scolaires et du gouvernement, mais je ne veux pas être
trop long non plus. En ce qui touche le ministre en particulier et le
gouvernement, la plupart des pouvoirs soi-disant nouveaux qu'on trouve dans le
projet de loi sont des dispositions qui visent à donner un fondement
juridique plus solide à des modes d'intervention qui existent
déjà, soit en vertu du régime pédagogique, soit en
vertu de règlements ministériels ou gouvernementaux ou soit en
vertu de la pratique. Nous avons voulu que ce soit clair pour ne pas, encore
une fois, qu'on se réveille devant un tribunal qui nous dise en 1990: On
a regardé cela et vous n'aviez pas le droit, vous comme ministre de
faire des programmes. Là, on le dit clairement. Il aura le droit
d'établir des programmes, ce n'est pas sorcier, cela! Cela en fait un de
plus. Cela fait plaisir à l'Opposition quand c'est 27 au lieu de 26.
Nous autres, si c'est bon, c'est bon. Puis, je défie qui que ce soit de
mettre en doute la validité d'un pouvoir comme celui-ci défini
dans la loi. Encore une fois, j'ai énuméré hier les
pouvoirs vraiment nouveaux dont il est question et, si on peut les contester,
nous sommes prêts à examiner les arguments qu'on nous apportera
sur chaque point. Mais j'ai dit: Cela nous prendra une démonstration,
non pas seulement une dénonciation. Les dénonciations, on ne va
pas loin avec cela. Mais, s'il y a une démonstration claire, on est
prêts à écouter et on est prêts à modifier ces
dispositions du projet de loi.
J'en viens à l'école. J'ai bien apprécié les
considérations que vous nous apportez sur l'école. Je pense que
c'est là que nous devons tous nous retrouver pour la grande
majorité de toute l'activité qui est consacrée à
l'éducation. J'ai apprécié ce que vous avez dit à
propos du conseil d'orientation. Vous avez demande à deux reprises que
j'émette une opinion sur le principe de parité que vous avez
énoncé. Nous en sommes très proches dans le projet de loi
comme vous aurez pu le constater. Nous disons: Les parents devront constituer
au moins la moitié des membres du conseil d'orientation. On va examiner
ce point. Je suis prêt à l'examiner. Je pense que c'est une
question qui est tout à fait valide. Je pense que nous sommes assez
proches de nous entendre sur cela.
À propos de l'enseignant, vous dites: Son autonomie
professionnelle n'est pas suffisamment garantie ici. On est prêt à
regarder cette chose également à la lumière,
évidemment, de tout ce que définissent les conventions
collectives. Nous n'annulons rien de ce qui est dans les conventions
collectives. Je pense que nous avons fait la preuve que, dans l'ensemble, nous
les respectons convenablement. Mais, s'il y a des précisions à
apporter, j'écouterai volontiers.
Je suis content de voir qu'on ne conteste pas non plus le principe
suivant. Si on parle de droits et qu'on parle également d'obligations,
il n'y a pas d'antinomie ni d'abus de quelque nature que ce soit
là-dedans. Nous, on devrait faire la même chose pour le directeur
d'école, peut-être, peut-être pour le directeur
d'école.
Le ministre, ne vous en inquiétez pas, il y a bien d'autres lois
qui l'encarcanent. Il y a la Loi sur l'exécutif; il y a toutes les lois
qui s'appliquent au ministre, la Loi sur l'administration financière. Il
y en a tellement qu'il en ignore les trois quarts et il ne sera pas capable
d'apprendre tout cela à moins de suivre un cours de cinq ans. Il marche
à travers un certain brouillard. Il y a des gens qui le surveillent. Il
est rappelé à l'ordre de temps en temps, et personne ne meurt.
Mais je ne voudrais pas en ajouter trop d'autres, parce que je passerais mon
temps à étudier mes obligations pendant que les gens crieraient
après moi dans la rue. Mais si on peut faire des choses pour ce qui est
de l'école pour ajuster, dans le cas du directeur par exemple... Moi,
j'ai compris que, dans les attributions qu'on donne au directeur, il y a
beaucoup d'obligations. Si c'est compris comme étant uniquement des
droits, on va le regarder de très proche et on va pouvoir le
vérifier également.
Le mode de sélection des enseignants aux conseils d'orientation.
Vous aurez noté dans le projet de loi qu'on dit que la sélection
va se faire conformément aux procédures définies dans la
convention collective. On reconnaît... Et, là où cela
n'existe pas, on dit qu'on va procéder autrement. Ce sont des choses qui
se négocient au plan local. Mais on est prêt à respecter
cela. D'ailleurs, on le dit en toutes lettres dans le projet de loi. Je ne me
rappelle pas quel article il s'agit; vous le connaissez sûrement.
Alors, dans l'ensemble, c'est un peu la manière dont je serais
porté à réagir. Je pense que vous nous apportez une
matière à réflexion qui est très importante. J'ai
beaucoup de considération pour le document que vous nous
présentez. Je vous demande, encore une fois, peut-être, sur les
droits, est-ce que vous ne reconnaissez pas, M. Charbonneau, qu'on ne peut pas
arriver avec des proclamations absolues dans un texte de loi, sans avoir
l'assurance qu'on sera capable de répondre à toutes et à
chacune des implications des choses qu'on y met? À ce moment-là,
si cela devient une question de plus ou de moins, c'est négociable. On
peut discuter tel ou tel point. Mais, si vous me proposez un
idéal absolu, je vais être obligé de vous
répondre: Je ne pense pas être capable.
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): J'aimerais faire deux ou trois
observations à la suite de cet exposé du ministre. Je le remercie
de ses propos et de son ouverture à plusieurs des suggestions que nous
avons faites et j'ai compris que le ministre va les étudier et que nous
en entendrons peut-être parier dans quelque temps.
J'aurais deux ou trois suggestions. Si on veut éviter de passer
son temps à discuter de confessionnalité avec les juges, pourquoi
est-ce que le ministre et le premier ministre ne diraient pas leur intention de
faire lever l'article 93 de la constitution de 1867? Je suis d'accord avec vous
qu'en principe les lois reflètent les consensus sociaux. Mais, dans ce
cas-là, c'est le consensus de 1867. Alors, s'il y avait un
énoncé qui disait: À la prochaine conférence,
à la prochaine occasion de discussion avec le gouvernement
fédéral et les autres provinces, nous, du Québec,
société distincte, spécifique et tout le reste, on va
exiger cela, parce qu'il nous faut cela pour le développement de notre
collectivité... Comme il y a une bonne entente entre le Québec,
le gouvernement fédéral et plusieurs autres provinces, cela
devrait être regardable. lis ne peuvent pas éviter de donner du
contenu au caractère de société distincte et je crois que
le premier ministre du Québec est bien placé pour plaider cela
face au gouvernement fédéral. Cela pourrait peut-être vous
éviter de toujours être rendu devant les juges avec cela. C'est
une suggestion que je voudrais vous faire. Si vous pouviez nous annoncer que
c'est l'intention ferme du gouvernement de discuter de cela, ce serait
intéressant, parce que, dans le rapport de forces politique, tel qu'on
peut le voir, il y aurait peut-être des chances pour le Québec
d'obtenir cela.
Pour ce qui est du plaidoyer sur la prudence qu'il faut avoir quand on
annonce des responsabilités, des champs, des garderies, etc., d'accord.
La prudence, je pense que c'est une bonne ligne de conduite en politique, mais
il faudrait essayer de rassurer la population que vous êtes
également en train de trouver les moyens pour répondre à
ses besoins. On dit qu'il y a des besoins partout: les universités, les
bénéficiaires d'aide sociale et tous les domaines. Cela va mal
partout, il y a des besoins. Il y a un domaine où cela ne va pas si mal
que ça, c'est dans le milieu des affaires. Toutes leurs publications
regorgent de bilans positifs depuis cinq ou six ans que nous sommes dans une
reprise. Quand la pluie va-t-elle retomber sur nous? Quand c'était la
crise dans les affaires, on a dit: On coupe. Essayez de comprendre et, si vous
ne comprenez pas, on coupe quand même. C'est la reprise dans les
affaires, à quand la reprise dans les services sociaux et dans les
services publics? C'est la reprise depuis cinq ou six ans dans les affaires et
ce sont les coupures qui continuent dans les services publics. Ce sont les
compressions. C'est la rigueur qui est appliquée. Quand va-t-on
harmoniser la reprise dans les affaires et la reprise dans les services sociaux
et publics? On aimerait vous entendre là-dessus. Essayez de nous faire
comprendre cela et nous vous appuierons face à vos collègues du
Conseil des ministres, s'il le faut, dans cette démonstration. Les
témoignages sont partout. On peut trouver des preuves de ces besoins
dans toutes les écoles du Québec, dans tous les
établissements de santé du Québec. Je pense que c'est une
bonne suggestion. Je vous donne notre appui si vous voulez faire ce plaidoyer
ouvertement et vigoureusement.
On parle de la question des pouvoirs. De toute façon, on les
avait à peu près... Ce n'est pas un problème si c'est 27
au lieu de 26, tant que c'est bon, c'est bon. Mais, M. le ministre, on ne
légifère pas seulement en fonction d'un gouvernement
donné, pas simplement en fonction d'un ministre donné. Quand le
ministre changera, quand le gouvernement changera, quand le gouvernement actuel
sera remplacé par un autre gouvernement dans quelques années,
éventuellement, est-ce que vous pouvez nous garantir que le gouvernement
va toujours être bon comme il est maintenant, que le ministre de
l'Éducation sera bon comme il l'est maintenant? De là
l'importance des contrepoids. De là l'importance de maintenir des
gouvernements régionaux responsables au niveau scolaire, leur garder une
strate de pouvoir, une zone de responsabilité valable qui passera
à travers le temps et qui fera que, lorsqu'il y aura des ministres moins
bons, le système restera valable. Il faut penser à cela, je
crois.
Vous avez annoncé que vous examineriez nos questions eu
égard au personnel enseignant. Je voudrais aussi que vous ayez une
parole quant à nos demandes concernant les personnels non enseignants,
les personnels professionnels et de soutien, sur lesquels je ne vous ai entendu
faire aucun commentaire.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je vais
maintenant reconnaître le porte-parole de l'Opposition, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: M. le Président, je pense que M.
Charbonneau avait adressé quelques questions au ministre. Je n'ai pas
d'objection à ce qu'on laisse quelques minutes au ministre pour
répondre à ces questions.
Le Président (M. Parent, Sauvé): On peut le
faire mais je vous ferai remarquer que les représentants de l'Alliance
vont être ici à 11 h 30, qu'on a commencé 15 minutes en
retard, qu'on ne siège pas cet après-midi et que le
règlement nous oblige à arrêter à 13 heures. M.
le ministre.
M. Ryan: Je reprendrai ces questions dans mes propos de
conclusion tantôt.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la
députée.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. le président, M. Charbonneau, mesdames et messieurs. Il me
fait plaisir de vous accueillir au nom de l'Opposition à cette
commission parlementaire. J'ai lu avec beaucoup d'attention le mémoire
que vous avez présenté. Il fait, de façon assez
rigoureuse, le tour du projet de loi que nous avons sur la table. Je dois dire
que sur plusieurs aspects il rejoint profondément les
préoccupations qui sont les nôtres. Nous avons examiné les
projets de loi 106 et 107, mais plus particulièrement le projet de loi
107, sous les angles suivants: l'accessibilité, la responsabilisation,
la décentralisation et la modernisation des structures scolaires. Comme
vous, nous pensons que le projet de loi... Évidemment, je dois dire tout
de suite que notre point de référence a été la loi
3 qui nous avait semblé avoir fait un certain consensus dans le monde
scolaire. Lorsqu'on dénonce la diminution des services, par exemple, des
obligations faites au ministère, de même que la modification dans
le partage des responsabilités, c'est toujours en regard de la loi 3.
Évidemment, le ministre nous dit, quant à la gratuité
à l'éducation des adultes, quant aux services de garde en milieu
scolaire, quant aux services complémentaires et particuliers, que c'est
mieux que cela ne l'est actuellement. C'est évident. Sa
référence est la Loi sur l'instruction publique. Nous
reconnaissons que le Loi sur l'instruction publique mérite un
sérieux coup de balai et méritait d'être effectivement
revue. (11 h 30)
Nous partons du principe que la loi 3 était une loi valide
n'eût été de la décision du juge Brossard, qui, en
même temps qu'il jugeait inconstitutionnels quelques articles de la loi,
a estimé que toute la loi devenait inapplicable, jugement qui n'a aucun
précédent dans l'histoire. Notre référence est donc
que les acquis du réseau scolaire du système d'éducation
public au Québec, ce sont ceux de la loi 3. Ils avaient fait consensus
parce que cette loi avait été votée
démocratiquement. Donc, les reculs que nous soulignons le sont en vertu
de cette loi et ils touchent les points que vous avez soulignés.
Le projet de loi de l'actuel ministre de l'Éducation est
constitué de sorte qu'il vient augmenter les pouvoirs du ministre de
contrôler, de réglementer les obligations faites aux commissions
scolaires de demander des autorisations en même temps qu'il vient
diminuer les devoirs du ministre d'offrir, par exemple, des moyens d'assurer
une éducation de qualité. L'éducation de qualité ne
repose pas exclusivement, on le sait tous, sur la prestation d'un cours dans
une salle de cours. C'est un ensemble de services mis à la disposition
des services, des enseignants et des écoles. C'est, à notre avis,
inacceptable. Cela constitue un recul réel si les services
complémentaires et particuliers ne se retrouvent pas inscrits dans la
loi et, au même titre également, les services de garde en milieu
scolaire.
En ce qui concerne les structures scolaires, le ministre nous dit: Avec
le projet de loi - et là j'ajoute une parenthèse, soit à
condition qu'il ait gain de cause devant les cours - cela va être un
progrès immense. J'aimerais que le ministre nous dise comment cela peut
représenter un progrès immense quand il ne touche pas au
territoire qui fait problème actuellement? Entre 80 % et 90 % des
allophones, des nouveaux Québécois se retrouvent sur l'île
de Montréal. C'est là que ça constitue les plus grands
problèmes.
Quand on exclut Québec et Montréal de l'application ou de
la réforme sur les structures scolaires, c'est plus du tiers des
clientèles qui est touché. Comment peut-on parler de
progrès considérable dans ces circonstances? C'est un discours
qui est inacceptable et qui ne passe plus. Il me semble que le ministre devrait
comprendre cela.
Quand le ministre nous accuse de vouloir faire jouer l'idée que
la superposition de structures scolaires pourrait brimer, empêcher ou
rendre inopérante cette volonté d'établir des commissions
scolaires linguistiques, du moment où il maintient le droit à la
dissidence, il pourrait s'établir quatre commissions scolaires sur tout
le territoire du Québec. Alors, ce n'est pas la solution et je pense que
le ministre aussi doit reconnaître que, même la question qu'il pose
quant au pouvoir du Québec d'établir des commissions scolaires
sur tout le territoire du Québec, c'est un écran de fumée,
je le maintiens. Il n'avait pas à attendre l'adoption du présent
projet de loi pour renvoyer la question à la Cour d'appel. Il pouvait le
faire dès qu'il a pris la responsabilité du ministère. Il
vient, de façon délibérée, de nous faire perdre
trois ans sur ce dossier. Alors qu'au moment où il va s'en aller en Cour
d'appel, on aurait été à même d'avoir le jugement de
la Cour d'appel en main. Je n'appelle pas cela une volonté de modifier
des structures scolaires.
J'aimerais cependant revenir un peu à votre mémoire et
aborder les questions qui touchent l'autonomie professionnelle tant à
l'égard des enseignants que des professionnels non enseignants. Sur ces
questions, vous avez insisté à quelques reprises sur les
contraintes qui s'opposaient à cet exercice d'autonomie professionnelle,
particulièrement au moment où vous parlez de la définition
des services qui devraient être offerts dans le cas des enfants
handicapés ou souffrant de troubles d'apprentissage et de comportement.
Vous l'avez également un peu abordé au moment où vous
recommandiez que le conseil d'orientation ne soit pas investi de pouvoirs qui
lui
seraient délégués par la commission scolaire. Je
pense que c'est en page 25 de votre mémoire. Vous dites que vous vous
opposez à la règle de la délégation de pouvoirs. Le
conseil d'orientation est consultatif. Aussi longtemps qu'il est consultatif,
dans ses fonctions d'organisme consultatif, il ne vient pas inférer dans
l'autonomie professionnelle des enseignants, à ce que je comprends. Mais
ma question est la suivante: La, évidemment, cela se retrouverait dans
la loi. Peut-on effectivement déléguer des pouvoirs à un
organisme qui est prévu être consultatif? Et peut-être
j'aimerais vous entendre préciser les conditions idéales
d'exercice de l'autonomie professionnelle pour les enseignants également
pour les professionnels non enseignants. Chez les professionnels non
enseignants, comme on ne définit pas leurs devoirs, on ne définit
pas non plus leurs droits.
M. Charbonneau (Yvon): Merci, Mme la députée. Nous
retenons avec vous le point de référence de la loi 3 qui avait
été largement discutée et qui a été
adoptée finalement et dont nous étions prêts à
faire, comme nous l'avions dit à l'époque, un essai loyal. Il y
avait beaucoup d'instruments importants dans cette loi. Malheureusement, elle
n'a pas pu être mise en vigueur et on a compris aussi que le gouvernement
actuel ne poussait pas tellement loin l'affaire en appel.
Pour ce qui est de plusieurs aspects de votre question en rapport avec
le conseil d'orientation et l'autonomie professionnelle, je vais demander
à mon collègue, Pierre Tellier, le président de notre
regroupement de professionnels dans le milieu scolaire, de vous dire son point
de vue sur cela.
M. Teliier (Pierre): Merci, M. le Président. Mme la
députée, pour répondre à votre question, il faut
d'abord insister à nouveau sur l'importance d'introduire dans ce projet
de loi 107 ce qui était dans le projet de loi 3 et dans la loi 3 au
sujet des services complémentaires, des services éducatifs. C'est
le premier élément qui permettra au personnel professionnel
d'assumer un peu d'autonomie. D'autre part, nous n'avons pas d'objection
à ce que, dans le projet de loi, soient inscrits les devoirs, certes,
mais aussi des droits pour le personnel professionnel et d'affirmer
carrément le droit a l'autonomie professionnelle. Il y a toutes sortes
de formulations juridiques qui peuvent être utilisées pour cela.
Nous laissons le soin de cela aux rédactrices et aux rédacteurs
des projets de loi mais nous croyons que ce doit être affirmé
puisque de plus en plus nous avons des exemples au quotidien d'interventions
dans le champ de l'autonomie professionnelle de psychologues, par exemple,
d'orthophonistes, de conseillères ou de conseillers d'orientation et
même du personnel professionnel qui agit à titre de conseil
auprès des enseignantes et des enseignants et aussi à titre de
conseil auprès du personnel de cadre, il est important que la nature et
les objectifs des services complémentaires se retrouvent dans cette loi
pour qu'on puisse bien asseoir cette autonomie professionnelle.
M. Charbonneau (Yvon): Dans toute la discussion relative au
conseil d'orientation on dit: C'est un conseil consultatif. C'est ce que j'ai
compris de votre question. C'est cela et c'est un peu plus que cela. Si on
regarde l'article 78, par exemple, il détermine le projet
éducatif. Il donne son avis au directeur d'école sur les mesures
pour le réaliser mais il détermine les orientations du projet
éducatif.
L'article 79: L'information. Il adopte les règles de conduite
pour les élèves et les autres usagers de l'école. Donc, il
y a des décisions. Au paragraphe 3°: II approuve le choix des
activités éducatives, etc.,
L'article 80: il donne son avis.
L'article 81 : II fait des recommandations.
On peut voir à l'article 83 qu'on peut déléguer au
conseil d'orientation, par règlement, avec son propre accord, une
certaine responsabilité. C'est là que nous avons fait notre
intervention. Nous avons dit: De quoi s'agit-il? Et jusqu'où peut-on
aller? Quels automatismes vont se créer autour de cette question de
délégation? Pouvoir déléguer pendant un an et, si
personne n'en reparie, déléguer deux ans, trois ans? Finalement,
où est le pouvoir de la commission scolaire? Où est le propre,
où est la responsabilité spécifique du conseil
d'orientation? L'équipe se renouvelle, mais les pouvoirs ont
été délégués. Finalement, cela glisse
à travers les années. C'est un premier cran d'arrêt.
Deuxièmement, quant à la gestion du personnel, nous pensons qu'il
devrait y avoir un autre cran d'arrêt de posé. Quant à la
dynamique interne au conseil d'orientation, là où peut s'exercer
une forme de responsabilité professionnelle de la part des membres que
nous représentons, je pense que mon collègue Hervé
Bergeron aurait des observation additionnelles.
M. Bergeron (Hervé): Mme la députée, quand
on parle d'autonomie professionnelle chez les enseignantes et les enseignants,
on touche un sujet qui leur tient beaucoup à coeur par les temps qui
courent. Ils ont le malheureux sentiment de n'être que des
exécutantes et des exécutants dans un système qui ne les
consulte pas beaucoup. L'autonomie professionnelle doit être reconnue
à la fois par une marge de manoeuvre dans l'exercice de la fonction et
par la reconnaissance d'un champ spécifique de pouvoir et d'influence en
ce qui concerne l'organisation scolaire et pédagogique des
écoles. C'est donc dire qu'il y a un aspect individuel à
l'autonomie professionnelle quand on parle de l'acte d'enseigner qui appartient
en propre à l'enseignante et à l'enseignant, quand ils
s'exécutent dans leur classe avec leurs élèves, et qu'il
y
a aussi une dimension collective à cette autonomie
professionneile qui vient colorer les déterminants de l'acte
d'enseigner. On peut parler des programmes, des instruments, des manuels, du
matériel pédagogique, des méthodes pédagogiques. Je
pense que c'est dans un ensemble comme cela qu'on doit définir
l'autonomie professionnelle. C'est à partir de ces
considérations-là que l'on constate que le projet de loi qu'on a
devant nous actuellement ne garantit pas une marge d'autonomie professionnelle
suffisante à l'enseignante et à l'enseignant. Pour nous, cela va
beaucoup plus loin que la capacité de définir des
modalités d'intervention. Quand on considère l'ensemble des
limitations qui sont données à cela, on peut même se
demander si les modalités ne résultent pas seulement d'un choix
de mots. Quand on constate aussi... Cela va beaucoup plus loin que le choix des
seuls instruments d'évaluation. On sait aussi qu'il y a des limitations
en termes d'épreuves au niveau de la commission scolaire ou au niveau du
ministre. Donc, il y a une marge importante à combler si on veut
vraiment parler d'autonomie professionnelle des enseignantes et des enseignants
en fonction du projet de loi 107.
M. Charbonneau (Yvon): II y a les professionnels, il y a les
enseignants et Ses enseignantes et il y a le personnel de soutien à
propos desquels nous avons fait des observations et qui n'auraient pas
nécessairement leur place au conseil d'orientation ou dans certains
comités où leur travail est concerné. Je crois que le
président de la Fédération du personnel de soutien, Daniel
Lachance, aurait aussi des observations.
M. Lachance (Daniel): Mme la députée, je retiens
deux choses de l'exposé que vous avez fait sur le mémoire
présenté par le président de la centrale. Vous avez
parlé des services complémentaires. Vous avez attaché une
importance particulière aux services complémentaires et
particuliers, et vous avez souligné, à maintes reprises, les
services de garde. Je voudrais vous dire que, dans le mémoire, nous nous
attachons, effectivement, à ce qu'il y avait dans la loi 3 en
matière d'énoncé de politique sur les services de garde en
milieu scolaire. Ce qu'on voudrait voir revenir dans le projet de loi qui nous
est présenté, c'est l'obligation, pour les commissions scolaires,
de mettre à la disposition des parents et des enfants des services de
garde en milieu scolaire. Il y a eu une espèce de glissement qui s'est
opéré de la loi 3 au projet de loi 107 sur deux mots. Dans la loi
3, on lisait "peut". Dans le projet de loi 107, on lit... C'est-à-dire
que c'est le contraire. Dans la loi 3, on lisait "doit", alors que dans le
projet de loi 107 on lit "peut". Nous pensons que pour répondre aux
besoins de la population, qui s'exprime de plus en plus clairement depuis dix
ans... Surtout cette année, quand on regarde l'ensemble des
médias, on peut voir que toute la question des services de garde, que ce
soit garderie, que ce soit service de garde en milieu scolaire, cela prend de
plus en plus d'importance. Il me semble que le projet de loi 107, s'il veut
être un projet qui est à l'heure des besoins de la population,
particulièrement en matière de services de garde, devrait revenir
au principe qu'on retrouvait dans la loi 3, c'est-à-dire à
l'obligation de mettre à la disposition des parents, à la suite
d'une demande du conseil d'orientation, de tels services. (11 h 45)
La deuxième question sur laquelle je voudrais intervenir, c'est
celle de la reconnaissance du personnel de soutien. Mon collègue, ici,
disait tantôt que les enseignants et les enseignantes se sentaient des
exécutants et des exécutantes; or, on ne peut nier quand
même que, dans le projet de loi 107 ou les autres qui l'ont
précédé, il est question des enseignants. Ce n'est pas le
cas pour le personnel professionnel, comme M. Tellier l'a mentionné
tantôt, et c'est encore moins le cas pour le personnel de soutien,
personnel de soutien qui a une contribution importante à donner à
l'école, qui est composé d'employés de bureau, d'ouvriers,
de techniciens et de techniciennes. On veut voir reconnaître, dans le
projet de loi, l'importance du travail que ce personnel fait dans les
écoles et la contribution qu'il peut apporter à
l'amélioration du service éducatif.
En plus de voir ce principe-là énoncé clairement,
c'est pratiquement qu'on veut voir son application. Et nous demandons qu'au
comité d'enfance en difficulté d'apprentissage les personnels que
nous représentons, par exemple les techniciennes en éducation
spécialisée qui sont, avec les enseignantes et les enseignants,
dans les classes, les personnes qui permettent l'intégration, la
possible intégration des enfants qui ont des difficultés
d'apprentissage ou qui sont handicapés, on veut que ces personnels
soient représentés au comité d'enfance en
difficulté d'apprentissage.
Et, au conseil d'orientation, nous pensons que nous avons notre place au
même titre que les professionnels et que le personnel enseignant au sein
de ce comité, pour y apporter notre expérience. Ce que le projet
de loi prévoit actuellement, c'est qu'il y ait un seul
représentant pour le personnel non enseignant. Ce que nous demandons
clairement, dans le mémoire présenté par M. Charbonneau,
c'est que les professionnels et le personnel de soutien, aux côtés
des enseignants et enseignantes, aient la place qu'ils méritent et la
considération qu'ils méritent dans ce lieu de discussion et de
consultation.
M. Charbonneau (Yvon): Et, si vous permettez, je voudrais
compléter tout cela. Si le ministre acceptait notre suggestion, cela
nous rapprocherait de la réalisation de la parité, principe qu'il
est prêt, peut-être, à envisager ou à examiner, en
tout cas. Je crois que cela serait
une suggestion très pratique pour nous rapprocher de cela.
À l'article 83, on s'aperçoit que le conseil d'orientation
peut exercer les fonctions que peut lui déléguer la commission
scolaire. Alors, les fonctions, c'est très large, c'est un terme
très large, et il est largement utilisé ici, dans le projet de
loi, tout particulièrement pour décrire les
responsabilités des commissions scolaires. À compter de la
section VI, l'article 187 et tous les autres, tout ce que vous voyez, c'est:
fonctions. C'est le terme générique utilisé. Alors, si la
commission peut déléguer des fonctions, où cela
s'arrête-t-il?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Oui, M. le Président.
Sur le conseil scolaire, le conseil d'orientation et la parité
que vous demandez, à quelle place logez-vous les étudiants du
second cycle? Je dois dire peut-être quelques mots, également, par
rapport à l'appréciation qu'on fait des demandes du personnel de
soutien. Je suis tout à fait d'accord pour que le personnel de soutien
soit associé aux orientations de l'école, je l'étais
déjà au Conseil des collèges, j'étais
déjà dans les collèges, cela a toujours été
ma position de fond, parce que le premier contact avec une école passe
par une secrétaire. Et je dirais que l'un des membres du personnel dont
parle très souvent un élève à l'école, c'est
le concierge. On est très conscient de cela, sauf que jamais on ne leur
donne de place réelle. Moi, je pense que vous avez tout à fait
raison d'exiger d'en avoir une concrète au sein des organismes de
l'école.
Une question par rapport aux devoirs et aux obligations de l'enseignant.
C'est généreux, je pense bien que c'est noble, cela ne vient pas
contredire ce que normalement on attend d'un enseignant, mais il y a au moins
deux points pour lesquels, moi, cela me pose une certaine difficulté. Le
troisième devoir qui dit que l'enseignant doit "prendre les moyens
appropriés pour développer chez ses élèves le
respect des droits de la personne". Comment peut-on exiger de l'enseignant
qu'il développe chez l'élève le respect des droits de la
personne alors qu'il est aux prises avec les contraintes d'un projet
éducatif confessionnel? L'autre point, c'est le septième,
"d'appliquer les décisions et les règlements du gouvernement et
du ministre, de la commission scolaire, du conseil d'orientation et du
directeur de l'école." Quand le ministre nous dit: Je ne suis même
pas capable de connaître toutes les obligations qui sont les miennes,
cela me prendrait cinq ans à les apprendre, je me demande comment un
enseignant pourrait avoir le temps de voir l'ensemble de ses...
M. Charbonneau (Yvon): II n'est pas nécessaire de les
comprendre pour les appliquer.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Pour ce qui est de vos questions en regard
de l'article 19, autant le paragraphe 3 que le paragraphe 7, je crois que vous
m'adressez cela à moi pour les faire rebondir vers le ministre. C'est
lui qui a écrit cela. S'il veut expliquer comment il peut concilier tout
cela, je crois qu'il en aura l'occasion. Pour ce qui est du conseil
d'orientation, quand il y a des représentants d'élèves,
pour les élèves du second cycle et du secondaire, ils s'ajoutent
aux représentants des parents et des personnels qui, eux, doivent
être paritaires.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la
députée, en conclusion.
Mme Blackburn: On aurait encore eu à discuter longuement
sur ce mémoire. Je dois rendre hommage à la CEQ pour - j'allais
dire - la fidélité qu'on constate quant aux orientations, aux
prises de position, à la rigueur, à la constance que l'organisme
a mis à défendre les droits et libertés, le droit à
l'éducation, à une éducation de qualité et les
conditions qui la favorisent. J'espère que le ministre saura prendre en
considération les différentes recommandations que vous lui avez
faites ce matin. Vous l'avez fait, comme l'a remarqué le ministre, sur
un ton tout à fait respectueux qui nous permet d'élever les
discussions dans ce débat, mais qui, il me semble, devrait faire
profondément réfléchir le ministre. Je souhaite avec vous
que le projet de loi qui nous sera présenté, lorsqu'on
étudiera article par article, contiendra des modifications majeures
quant aux points qui ont été soulevés par vous, autant du
côté des services à offrir que du côté de la
responsabilisation des différents partenaires. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée. Je reconnais maintenant, pour une dernière
intervention, le ministre de l'Éducation. M. le ministre.
M. Ryan: En conclusion, M. le Président, je voudrais
relever un certain nombre de points sur lesquels on m'a demandé de
fournir des précisions quant à notre ligne de conduite. Je vais
les prendre l'un après l'autre.
On m'a demandé, en ce qui touche les droits confessionnels, par
exemple: Pourquoi on ne procéderait pas dès maintenant à
des démarches en vue d'obtenir une modification constitutionnelle? Pour
une raison que j'ai énoncée à maintes reprises, c'est que
les droits religieux sont importants pour le gouvernement. Il y en a qui sont
garantis dans la constitution. Je ne ne proposerai jamais au gouvernement que
nous en disposions sans en avoir d'abord discuté avec les groupes
intéressés. Il n'y a pas eu discussion à ce sujet, ni sous
l'ancien gouvernement, ni sous
le gouvernement actuel. La première démarche qu'il
faudrait envisager serait évidemment une démarche avec ces
groupes, afin de savoir quels seraient les accommodements qui seraient de
nature à être généralement acceptables. Nous n'en
sommes point encore rendus là, et s'imaginer qu'on pourrait instituer
une démarche comme celle-là par-dessus la tête des gens,
des dépositaires de ces droits, je pense que c'est absolument contraire
aux convictions et à l'approche du gouvernement. Cela n'exclut pas
qu'éventuellement cela soit fait. Il faudrait des conversations
préparatoires très importantes.
Deuxièmement, je voudrais clarifier une couple de points relatifs
à la même question. La députée de Chicoutimi dit:
Pourquoi on n'a pas posé des questions aux tribunaux avant de
présenter un projet de loi? C'est pour une raison que nous avons
longuement examinée avant d'arrêter cette ligne de conduite. Si
nous posons une question générale, nous allons recevoir une
réponse générale. Éventuellement, ce qui sera sujet
à l'arbitrage des tribunaux sera un texte de loi. Nous nous sommes dit:
En adoptant d'abord un texte législatif précis, en invitant le
tribunal à se prononcer, nous aurons une réponse à nos
vraies questions. Il y a peut-être des questions que le tribunal trouvera
dans un texte de loi qu'il n'aurait pas trouvé dans une question
purement abstraite. Nous avons fait l'expérience des questions
abstraites aux tribunaux, à propos du droit de veto du Québec. Je
me souviens très bien du genre de réponses auxquelles cela a
conduit. J'aime mieux ne pas prendre de chance de ce
côté-là et arriver avec des choses plus précises.
Cela a été discuté longuement au gouvernement et c'est de
propos délibéré que nous avons retenu cette approche.
Pourquoi exclure les territoires protégés? La question est
fausse. Ce n'est pas cela qui est dans le projet de loi. Dans le projet de loi,
les commissions scolaires linguistiques doivent normalement s'instituer
partout. C'est ce qui est écrit dans le projet de loi. Jusqu'à
nouvel ordre, c'est la ligne de conduite du gouvernement. C'est ce qu'il a mis
dans son projet de loi. Mais il dit: On va respecter les droits des commissions
scolaires confessionnelles dans les territoires protégés.
Là, il y aura des problèmes d'arrimage, c'est évident,
mais il n'y a personne qui peut agir autrement. S'il y a une autre formule, on
peut nous la proposer. Nous n'en connaissons point d'autres et nous pensons que
la démarche, encore une fois, est une démarche qui embrasse
l'ensemble du territoire du Québec.
On m'a demandé: Quand est-ce que la prospérité
actuelle dont se vantent les entreprises se traduira dans le secteur de
l'éducation? Il y a déjà des fruits qui se manifestent.
Dès cette année, dans le secteur des universités, nous
avons accru les subventions aux universités par étudiant. Elles
sont passées de 6900 $ à 7400 $ dans l'espace d'une année.
C'est une augmentation qui est quand même très
appréciable.
Dans le secteur des cégeps, cette année, nous faisons des
améliorations sensibles. Dans le secteur de l'enseignement primaire et
secondaire, on pourrait discuter longtemps. Nous avons démontré,
en commission parlementaire, que nous faisons de légers progrès,
insatisfaisants, à mon point de vue. J'espère qu'on pourra en
faire davantage. Mais je dois toujours fonctionner dans la perspective d'une
réalité de base. C'est que nos dépenses pour
l'enseignement primaire et secondaire public, relativement à notre
prospérité, par rapport au reste du Canada, sont encore
supérieures d'environ 1 000 000 000 $ à la moyenne canadienne. On
nous dit qu'il faut qu'on essaie de se rapprocher davantage de la moyenne
canadienne. Par conséquent, il y a un facteur structurel sur lequel on
ne peut pas avoir de maîtrise facile.
En matière des pouvoirs du ministre, M. Charbonneau, je pense que
vous avez glissé un peu tantôt. Vous avez dit que peut-être,
actuellement, il y a un ministre et tout cela, mais en cas d'un changement de
ministre... J'espère que vous êtes encore plus
sévère envers celui qui est là qu'envers celui qui
pourrait être là éventuellement. S'il y a un pouvoir qu'on
propose pour le ministre qui n'est pas bon en soi, qu'on nous en fasse la
démonstration. Nous allons l'examiner indépendamment, de
grâce, de la personne du ministre. Peut-être qu'à cause de
celui qui est là, il faut se méfier encore plus. Cela fait partie
du jeu. L'Opposition, c'est ce qu'elle pratique, en tout cas, et nous ne lui en
voulons point. Elle accomplit le rôle qui est le sien.
Dernière question, à propos des personnels non enseignants
et des employés de soutien. D'abord, en ce qui touche le projet de loi,
relativement à la représentation au conseil d'orientation, il y a
une disposition qui traite explicitement de ces deux personnels. On les fond
ensemble dans une même représentation. Peut-être qu'il y a
lieu de prévoir une représentation distincte, si c'est l'objet de
l'intervention qui a été faite. Nous allons l'examiner avec toute
l'attention nécessaire.
On me soulignait de manière plus générale les
réductions de personnel qui interviennent dans le secteur des
employés de soutien. J'ai pris note de cette remarque. J'ai cependant
devant moi des statistiques sur l'évolution des dix dernières
années et je constate que les clientèles ont diminué de 22
%, le nombre d'enseignants de 19 %, le nombre d'employés de soutien de
19 %, le nombre de professionnels de 17 %, le nombre de cadres d'école
de 15 %, le nombre de cadres des services de commissions scolaires de 6 %.
Cela illustre, d'un côté, ce que disait M. Charbonneau
tantôt, qu'on est porté à aller davantage là que du
côté des cadres non syndiqués. Je pense que c'est un fait.
Maintenant, on me fournit des explications. Je ne veux pas ouvrir tout ce
débat-là ce matin, mais je suis attentif à cette
représentation. Cependant, la
tendance générale depuis dix ans ne semble pas avoir
défavorisé le secteur des professionnels non enseignants autant
que l'indiqueraient certaines remarques que j'ai entendues tantôt. Mais
cela n'exclut pas ce qui peut arriver pour la prochaine année. Vous
m'avez souligné les faits. Je vais m'enquérir de ces faits et
voir comment ils se présentent, à quoi on peut les attribuer et
quels correctifs pourraient être envisagés, s'il y a lieu.
Je remercie infiniment la CEQ. J'ai essayé de répondre aux
questions qui avaient été soulevées. Les autres
suggestions qui ont été faites, nous les examinerons
attentivement dans le cadre de l'examen que nous ferons et des
modifications.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre.
Mme la députée, je voulais commencer à entendre l'Alliance
des professeures et professeurs de Montréal à midi, par exemple.
(12 heures)
Mme Blackburn: Très brièvement, deux commentaires.
Le premier, sur la comparaison qu'a faite le ministre entre ia diminution de
différentes catégories de personnel en comparaison avec la
diminution des clientèles. C'est évident qu'il est difficile
d'abolir un poste de professionnel lorsqu'il y en a un pour une école de
la commission scolaire, les cadres, la même chose. Donc, je ne pense pas
que cette explication soit satisfaisante dans la mesure où, encore cette
année, les personnels professionnels risquent d'écoper d'une
partie des compressions qui affectent le réseau scolaire. En même
temps que le ministre nous dit, et je pense qu'il est important de le dire,
qu'on a soulagé un peu les universités cette année, il
oublie de nous dire que ce soulagement est dû à une ponction qu'on
a faite dans l'aide financière aux étudiants. C'est d'un montant
de 29 000 000 $ par année que nos étudiants
québécois, dans les collèges et dans les
universités, se trouvent endettés. La première
décision était pour un montant de 24 000 000 $. Finalement, on
vous concède un montant de 4 000 000 $ de bonification. La
deuxième décision cette année est d'environ 9 000 000 $,
si cela ne l'excède pas. Cela veut dire que les étudiants
québécois, depuis 1986, connaissent un accroissement annuel de
leur endettement de 29 000 000 $. Essentiellement, on n'est pas ailé
chercher le financement ou le redressement du financement des
universités dans l'accroissement du produit intérieur brut, on
est allé le chercher dans les poches des étudiants les plus
démunis du Québec. Je pense que c'est le genre... Vous savez,
quand on donne des réponses très générales, comme
le fait le ministre, on oublie ce genre de détails qui sont majeurs.
Cela vient porter l'attention exactement sur la volonté de ce
gouvernement d'assurer une plus grande accessibilité à
l'éducation. Je pense qu'il est important de faire cette mise au point.
Je vous remercie, M. le Président. On devrait maintenant entendre la
réponse.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. M. Charbonneau, je suis obligé de
vous entendre dans un très court laps de temps. Étant
donné que vous êtes notre invité, je suis plus permissif
pour vous et je vous fais confiance.
M. Charbonneau (Yvon): Je vous remercie, M. le Président.
Pour ce qui est du montant de 1 000 000 000 $ qu'invoque le ministre de temps
à autre, puisque ceia fait quelques fois que j'entends cet argument
massue du montant de 1 000 000 000 $ qu'on dépenserait en trop à
l'éducation par rapport à une quelconque moyenne canadienne ou je
ne sais trop, je voudrais vous relancer sur la base des données
suivantes. En 1981, le gouvernement dépensait 25, 2 % de son budget dans
le domaine de l'éducation. Pardon. Je fais mes comparaisons en rapport
avec le PIB. Les dépenses en éducation étaient de 25, 2 %
par rapport au PIB.
M. Ryan: Mais non. Cela ne se peut pas.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît.
M. Charbonneau (Yvon): Les dépenses totales
gouvernementales par rapport au PIB.
M. Ryan: Bon. D'accord.
M. Charbonneau (Yvon): En 1988, elles sont à 22, 7 %. il y
a donc eu compression de ia part des dépenses gouvernementales par
rapport au PIB. Ce sont des compressions d'un certain ordre. On passe de 25 %
à 22, 7 %, en huit ans. Pour ce qui est de l'enseignement primaire et
secondaire pubiic, elles étaient de 4, 5 % en 1981 et on passe à
3, 5 % en 1988. Si on fait le rapport entre les deux formes de compressions,
celles qu'a subies le secteur de l'enseignement primaire et secondaire public
sont bien plus violentes que l'ensemble des compressions sur le total des
dépenses du gouvernement. Bien plus violentes. De 2, 4 fois plus
violentes. C'est ce qu'on veut vous faire remarquer. Alors, le montant de 1 000
000 000 $ dont vous parlez... Je ne sais pas, mais j'ai parlé avec mes
collègues ici et il n'est pas dans !es poches de personne. Chez nous en
tout cas. On avait la parité avec les enseignants de l'Ontario en
1981-1982. On est au 8e ou 9e rang au Canada, actuellement. Je ne sais pas
où est le milliard, mais il n'est pas de notre côté.
L'autre point était la question de l'école laïque.
Vous avez employé cette expression. Je ne vais pas laisser passer cela
parce que ce n'est pas notre langage. C'est le langage d'autres organisations
et c'est légitime, mais ce n'est pas le nôtre. Nous, nous parions
d'une école ouverte, pluraliste, commune où il y aura
possibilité d'un enseignement religieux, non pas en dehors des horaires
ni des services, mais à l'intérieur. C'est
donc un autre concept. C'est celui, à notre avis, qui convient
aux besoins d'aujourd'hui.
En conclusion, M. le Président, je vous remercie de nous avoir
entendus. Je souhaite que le ministre et le gouvernement actuels donnent de
l'horizon et de l'espoir de développement, que l'on sorte du
sous-développement en matière d'enseignement primaire et
secondaire public, sous-développement que je viens d'illustrer en
invoquant la violence avec laquelle nous avons été
frappés, ces dernières années, en termes de
compressions.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
président. Je vous remercie encore une fols de l'apport que vous avez
fourni à cette commission parlementaire.
Nous suspendons nos travaux quelques minutes et nous accueillerons
immédiatement après l'Alliance des professeures et professeurs de
Montréal.
(Suspension de la séance à 12 h 5)
(Reprisée 12 h 11)
Le Président (M. Parent, Bertrand): S'il vous plaît,
j'inviterais les membres de la commission à prendre place. J'invite
aussi les représentants de l'Alliance des professeures et professeurs de
Montréal à prendre place. Mme la porte-parole, M. le ministre, il
me fait plaisir de vous accueillir à cette table. Je souhaiterais vous
voir parmi nous.
Alliance des professeures et professeurs de
Montréal
La commission de l'éducation reprend ses travaux. Nous
accueillons l'Alliance des professeures et professeurs de Montréal,
représentée par sa présidente, Mme Lorraine Pagé.
Alors, Mme Pagé, nous vous souhaitons la bienvenue, à vous et
à l'alliance. Nous vous remercions aussi de l'empressement que vous avez
manifesté à répondre à l'invitation des membres de
la commission afin de venir donner un éclairage nouveau, soit celui de
l'alliance, sur le projet de loi 107, projet de loi qui traite de l'instruction
publique.
La commission, d'un commun accord, a convenu de vous entendre durant une
heure. Je vais vous donner une suggestion; vous l'utiliserez comme bon vous
semblera. C'est de prendre environ le tiers de la période, du moins,
pour la présentation du mémoire, que, j'espère, tous les
membres de la commission ont lu avec attention. Après cela, le reste du
temps sera séparé de façon égale entre les deux
formations politiques et sera utilisé à un échange entre
vous, les gens qui vous accompagnent et des membres de la commission.
Avant de débuter, pour les besoins du
Journal des débats, je vous inviterais à nous
présenter les gens qui vous accompagnent. Pour éviter les
quiproquos et les situations difficiles, j'invite les gens qui auront à
prendre la parole à s'adresser au président. Mme la
présidente, nous vous écoutons.
Mme Pagé (Lorraine): M. le Président, M. le
ministre et Mme la critique officielle de l'Opposition, je suis
accompagnée aujourd'hui de M. Denis Grenon, à ma droite, qui est
premier vice-président de l'alliance, et de M. Henry Egretaud, qui est
employé-conseil à l'alliance et qui a été le
rédacteur du mémoire issu des positions élaborées
par un comité de travail chez nous, mais qui a été
également adopté par nos instances habilitées.
Je voudrais tout d'abord remercier la commission de nous entendre et
vous dire immédiatement que je ne me livrerai pas à une lecture
complète du mémoire. C'est très fastidieux. Comme
enseignante, je sais qu'il faut garder l'intérêt des
élèves sages. Donc, je ferai une présentation, je
l'espère, assez intéressante pour garder votre
intérêt. Je ne m'attarderai pas non plus à une lecture
article par article du projet de loi. Nous n'avons pas présenté
notre mémoire de cette façon et je ne ferai pas non plus la
présentation de cette façon. Nous allons plutôt faire
ressortir des grands thèmes, parce qu'il nous semble que c'est comme
cela qu'on peut avoir une vue d'ensemble et qu'on peut mieux dégager les
perspectives du projet de loi.
J'aborderai dans un premier temps le projet de loi 107 en m'attardant
à trois aspects: les droits, les pouvoirs et les structures. Dans un
deuxième temps, le vice-président, M. Grenon, donnera notre point
de vue sur le projet de loi 106 qui, dans le fond, aborde la question de la
participation aux élections scolaires. Je vous dirai aussi que nous
aurons un point de vue carrément montréalais. Nous sommes une
organisation syndicale montréalaise. Nous prenons résolument le
parti d'une position qui serait garante de l'avenir du français et de la
communauté francophone parce que cet avenir du français et de la
communauté francophone se joue dans nos écoles à
Montréal. Je n'ai pas besoin de m'attarder très longtemps sur
l'explosion démographique que connaît le Québec et la
transformation profonde du tissu social dans la région de
Montréal.
Si vous prenez le mémoire en page 3, je vous disais que nous
allions aborder cela par thème. Alors, la première partie, c'est
d'aborder la question des droits. Le projet de loi 107 s'ouvre sur les droits
des élèves. Si on examine plus particulièrement l'article
1, par exemple, on voit qu'on fait allusion au droit le plus fondamental,
c'est-à-dire celui d'avoir droit à un service de formation et
d'éveil à l'éducation préscolaire. Ce droit est
rendu possible, bien sûr, par l'existence d'écoles accessibles,
mais aussi par la gratuité des services éducatifs. Il faut
bien se rendre compte que, même si ce droit est affirmé
dès l'introduction du projet du loi, dès l'article 1, il y a
quand même des limites qui sont précisées. Par exemple,
l'exercice du droit de choisir l'école est assujetti aux critères
pour l'inscription des élèves dans l'école. Cette limite
peut être très contraignante, et j'en donne pour exemple l'article
35 où on dit que l'école est destinée à assurer la
formation de l'élève dans le respect des valeurs qui lui sont
propres. Déjà, il y a une première ambiguïté.
Est-ce que le "lui" sont les valeurs du système scolaire, de
l'école, ou si le "lui" représente l'enfant que nous recevons? Si
le "lui" égale l'élève, c'est rassurant, mais si le "lui"
égale l'école, il nous semble que c'est inquiétant et nous
pensons que, malheureusement c'est la deuxième interprétation
qu'il faut accorder quand on s'attarde à l'article 222 qui annonce que
l'adhésion au projet éducatif de l'école peut être
l'un des critères d'inscription.
Vous vous demanderez sans doute pourquoi je m'attarde aussi longtemps
à cet aspect. C'est parce que, justement, compte tenu de la
transformation profonde du tissu montréalais, déjà,
là, on peut avoir un problème majeur et c'est ce qu'on vous
expliquait dans notre mémoire. Alors, imaginons à Montréal
un quartier qui est peuplé de Québécoises et de
Québécois de souche, pour prendre une expression
consacrée, et d'un fort groupe d'immigrants d'origine musulmane - ce que
je décris n'est pas une situation inventée, cela devient de plus
en plus une réalité dans nos milieux. Alors, un groupe de parents
obtient, en se basant sur l'article 222, que l'école de quartier soit
dotée d'un projet éducatif chrétien. Dans les faits, ce
que l'on fait, c'est que les parents d'origine, de confession musulmane
n'auront plus droit à l'école de quartier parce que leurs enfants
ne pourront pas nécessairement répondre à la norme
fixée d'un projet éducatif chrétien. Donc, on
s'aperçoit bien concrètement, même si on peut avoir de
bonnes visées dans le projet de loi, que cela cause des problèmes
sérieux et vient limiter un droit qui est, par ailleurs, exprimé
dès le début du projet de loi. Je veux rappeler que nous avons
déjà témoigné en commission parlementaire, au
moment où le comité catholique avait apporté des
modifications au règlement. On nous avait dit: On renforce le
règlement parce que les gens auront maintenant le droit de choisir si
leur école a un statut confessionnel ou pas quand ils feront le choix
d'avoir une école avec un statut confessionnel, mais il faut leur
garantir que ce sera un vrai statut confessionnel. La logique est implacable,
sauf à Montréal où, malheureusement, les gens ne pourront
pas véritablement choisir le caractère confessionnel de leur
école.
Je vous signale en passant que l'article 7 donne des garanties de
certains services complémentaires aux élèves catholiques
ou protestants, mais on ignore superbement tous les autres. Je peux vous dire,
pour revenir d'un court séjour en Belgique, que j'ai constaté
là-bas, par exemple, que dans les écoles publiques, il y avait
des garanties de services pour toutes ies confessions religieuses. J'ai vu
moi-même une école où il y avait à peine une
trentaine d'élèves de confession musulmane. Ils avaient droit
à un service d'animation dans leur confessionnalité, ils avaient
droit à une garantie de l'enseignement religieux. Le projet de loi nous
parie des catholiques et des protestants. On semble oublier qu'il y en a de
plus en plus de toutes sortes.
Sur les droits du personnel, parce qu'on est toujours dans le chapitre
des droits - le président de la centrale vous en a parlé
abondamment tantôt - je veux revenir dans le siilon pour vous dire que,
vraiment, à notre avis, la section réservée aux droits de
l'enseignant est très courte. C'est imprécis. Cela ne donne pas
les garanties d'une autonomie professionnelle, individuelle et collective.
C'est, à notre avis, une des parties du projet de loi qui est la plus
insatisfaisante pour les personnels que nous représentons. C'est une
négation de leur statut professionnel, de leur importance dans
l'école, je dirais même de leur indispensabilité. Il y aura
nécessairement des renforcements à apporter à ce chapitre
pour qu'on puisse envisager qu'il soit satisfaisant.
Je vous signale en passant un aspect très technique, mais qui a
son importance. On reconnaît le droit de demander l'exemption de
dispenser l'enseignement moral et religieux, mais le projet de loi
prévoit la date du 1er avril pour ce faire. C'est tout à fait
incompatible avec le vécu dans nos écoles. On ne sait pas encore,
au 1er avril, ce que seront les tâches, le projet éducatif
l'année suivante. Les enseignants vont être dans la situation de
ne pas demander l'exemption et d'être pris avec un problème ou
bien de la demander au cas où, ce qui n'est pas une solution. il
faudrait vraiment évacuer cette date de référence parce
que, quand on met une date de référence dans un projet de loi,
cela ne se modifie pas aussi facilement que quand les dates sont
prévues, par ailleurs, dans d'autres mécanismes comme les
conventions collectives.
Je vous dirai que, de notre perception, les grands gagnants au chapitre
des droits dans le projet de loi, ce sont ies directeurs d'école. Ils
ont plus de droits, des pouvoirs certains quant à la gestion de leur
école, quant au contrôle des enseignantes et des enseignants,
surtout dans un contexte où la supervision pédagogique est
à la mode. Nous pensons vraiment que, de tous les agents de
l'éducation, les directeurs d'école sont les
privilégiés du projet de ioi 107. Il nous semble que c'est une
approche très hiérarchique de ce que doit être un
système d'enseignement et d'éducation avec lequel nous ne pouvons
être qu'en désaccord.
Sur la répartition des pouvoirs maintenant, l'économie du
projet de loi montre bien un accroissement du pouvoir central par rapport aux
pouvoirs régionaux des commissions scolaires et
une liberté surveillée aux écoles où le
pouvoir de la direction de l'école est vraiment bien campé, ainsi
que je l'indiquais tantôt.
Si je passe maintenant... Je ne m'attarderai pas sur cette partie parce
que je pense que le mémoire de la centrale, tantôt, a
été assez explicite. Je vous redirais exactement la même
chose. Je suis rendue à la page 8. L'aspect sur lequel j'insisterai
davantage, ce sont les structures scolaires. Tout d'abord, regardons
l'école. Le projet de loi nous propose de créer dans les
écoles un lieu où les parents et les porte-parole du personnel
peuvent se rencontrer, partager leurs préoccupations, collaborer
à la réalisation de projets communs. C'est en soi un objectif
honorable. Mais nous pensons que nous n'avons pas atteint les objectifs de la
défunte loi 3 où il y avait conseil d'école et
comité pédagogique. Nous nous étions prononcés,
à ce moment-là, en faveur de cette formule. Pour nous, la formule
de conseil d'orientation qui nous est soumise est un recul par rapport à
ce qu'il y avait dans la loi 3, avec un conseil d'école et un
comité pédagogique qui, vraiment, pouvaient permettre d'assurer
une zone d'influence au personnel enseignant. Il nous semble qu'il serait sain
de réintroduire une structure participative au sein du conseil
d'école. Nous ne pouvons que déplorer que les conseils
d'orientation soient à la fois des organismes de participation et des
organismes obligatoires. Il nous semble qu'il y a une contradiction entre les
deux missions d'être à la fois des organismes de participation et
des organismes obligatoires.
Sur les commissions scolaires, j'entendais tantôt M. le ministre,
en réponse à certaines questions, souligner qu'il serait bien
difficile d'inclure, dans des pourparlers constitutionnels, l'article 93 parce
qu'on n'a pas vraiment débattu la question avec les organismes
intéressés qui, disait-il, sont dépositaires de cette
garantie constitutionnelle. M. le ministre connaît notre position, nous
l'avons répétée à maintes reprises. Je l'ai redit
en commission parlementaire chaque fois que j'y suis venue. J'ai l'impression
d'être un peu radoteuse. Chaque fois que je viens en commission
parlementaire, je parle de l'article 93 et je dis qu'il doit être dans
les pourparlers constitutionnels. Chaque fois, je dois me répéter
parce qu'on ne l'inclut pas. Je reste profondément convaincue que le
débat a été fait sur l'article 93. Quand des organismes
comme les grands partis politiques, l'Assemblée des évêques
du Québec, les centrales syndicales, Alliance Québec, la
Fédération québécoise des comités de
parents, la Fédération des commissions scolaires catholiques, les
associations d'administrateurs scolaires, pour ne nommer que ceux-là, et
le Conseil supérieur de l'éducation disent qu'il faut changer
l'article 93, je trouve que cela ressemble à un débat qui a
été fait. Il y a des irréductibles que nous n'avons pas
convaincus et, à mon avis, que nous ne convaincrons jamais.
Deuxièmement, je ne voudrais pas non plus que le ministre
interprète que les dépositaires des garanties constitutionnelles
sont le mouvement scolaire confessionnel. Les dépositaires des garanties
constitutionnelles, c'est la population montréalaise et il y a plusieurs
intervenants de premier plan au sein de la population montréalaise,
dépositaires de ces garanties constitutionnelles, qui disent que ces
dispositions constitutionnelles causent un problème.
Donc, pour nous, il aurait fallu entreprendre des pourparlers sur la
base de l'article 93. Maintenant, si on veut s'inscrire dans la perspective que
semble sous-tendre le projet de loi, nous le comprenons de la façon
suivante, nous allons instaurer des commissions scolaires linguistiques partout
au Québec, soit! L'alliance a, pendant longtemps, réclamé
des commissions scolaires unifiées. Nous avons accepté, lors du
débat sur le projet de loi 3, de modifier notre position et de nous
rallier à des commissions scolaires linguistiques. Nous ne pouvons que
constater que le projet de loi 107 va les mettre en place dans tout le
Québec. Très bien! Mais Montréal? Qu'arrive-t-il à
Montréal?
Alors, ce qu'on nous propose, c'est de préserver le
caractère constitutionnel et confessionnel des territoires
protégés - on a l'impression de parler de réserves
indiennes - et de superposer à cela, après vérification
des avis de la cour, la possibilité de mettre en place des commissions
scolaires linguistiques à Montréal également. Lors des
échanges que j'ai pu avoir avec des représentants du
ministère de l'Éducation, on me disait qu'il y avait comme un
pari pris sur l'avenir qu'au fil des ans les commissions scolaires
linguistiques allaient s'instaurer et finalement prendre toute la place
à cause de l'évolution même de notre société.
C'est un pari que nous pouvons prendre avec le ministre de l'Éducation.
Il faut avoir foi en l'avenir; on ne serait ni syndicaliste ni enseignante si
on n'avait pas foi en l'avenir. Mais il nous semble que le ministre devrait
vraiment repenser, dans le projet de loi, les pouvoirs qu'il réserve au
Conseil scolaire de I'île de Montréal. Le Conseil scolaire de
I'île de Montréal pourrait devenir un organisme favorisant
vraiment la mise en place de commissions scolaires linguistiques. Or,
là, on le vide de ses pouvoirs alors que, à notre avis, il aurait
fallu les renforcer parce que nous avons là une structure en place
efficace qui, par exemple, au niveau de la gestion des équipements
scolaires, pour ne parler que de cela, pourrait jouer un rôle très
important. Parce que, quand on parle de commissions scolaires, on parle
d'écoles, puis, quand on parle d'écoles, on parle
d'édifices scolaires et, quand on voudra donner des édifices
scolaires à une commission scolaire linguistique, je n'ai pas
l'impression, avec les problèmes budgétaires qu'on connaît
dans le monde de l'éducation, qu'on débloquera des sommes pour en
construire de nouvelles. Il faudra penser à la répartition des
édifices scolaires et, à ce moment-là, je pense que, si
on
veut prendre le pari que le ministre nous invite à prendre, il
faut vraiment renforcer toute la partie portant sur le Conseil scolaire de
l'île de Montréal. À la période des questions
tantôt, nous pourrons élaborer davantage sur cela. M. Egretaud
pourra vous faire part des réflexions du comité à cet
égard.
En terminant mon exposé sur le projet de loi 107, je veux revenir
à ce que j'ai dit au départ, que l'avenir de la communauté
francophone et du français se jouait dans nos écoles à ce
moment-ci. Je pense que les chiffres sont bien souvent plus éloquents
que les propos, même si on les dit avec la plus grande conviction. Je
vous invite à consulter, une fois de plus, le tableau qui est à
la page 13 pour vraiment vous apercevoir que nous sommes en présence
d'une situation, à cause du caractère confessionnel de nos
écoles, de nos structures scolaires dans ia région de
Montréal, qui favorise la mise en place de deux communautés
francophones: une dans le secteur protestant et une autre dans le secteur
catholique. Et il faut bien constater que le secteur protestant francophone est
en accroissement de vitesse, alors qu'on assiste vraiment à une perte de
vitesse du secteur francophone catholique. Le secteur francophone, à la
CECM, n'a pas connu une croissance de 319 %, ce qui est le cas du secteur
francophone du PSBGM. (12 h 30)
Donc, je pense que ces chiffres-là illustrent bien mieux que tous
les propos que je pourrais vous tenir le phénomène que nous
décrivons quand nous disons que l'avenir de notre société
francophone se joue à Montréal présentement, à
l'intérieur de nos structures scolaires, et qu'il est important de les
adapter à la réalité du XXIe siècle. On ne parle
plus du XXe siècle, on parle du XXIe siècle. On est à
douze ans du troisième millénaire. Si nous voulons prendre le
pari ou relever le défi que nous pose le ministre de l'Éducation
avec son projet de transformation des structures, il faudra, à tout le
moins, comme je vous le disais, qu'on apporte des modifications profondes
à la section sur le Conseil scolaire de l'île de
Montréal.
Pour terminer l'exposé, M. Grenon vous fera part de nos
commentaires sur le projet de loi 106.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
Mme la présidente. M. Grenon.
M. Grenon (Denis): Merci, M. le Président. D'abord, nous
voudrions dire à la commission que nous sommes fiers de voir que le
projet de loi 106 corrige quelques-unes des lacunes constatées lors des
élections scolaires. Permettez-moi de souligner que ce projet permet
d'instaurer des partis scolaires et d'influencer les candidates et les
candidats, selon leur parti. Il prévoit des règlements de
remboursement des dépenses électorales, mais, pour nous, ce
progrès nous semble insuffisant. J'attire votre attention sur quatre
points: la transparence du financement, le président ou ia
présidente d'élection, la refonte de la carte électorale
et la date des élections.
Pour ce qui est du projet en ce qui concerne le financement des
candidates et des candidats des partis, nous croyons que, comme c'est la
règle dans d'autres élections, le montant de chaque contribution
à une caisse électorale devrait être limité et que
seuls des individus devraient avoir le droit de verser une contribution. Les
états de dépenses et revenus d'une candidate ou d'un candidat
devraient être publiés au moins dans les journaux couvrant !e
quartier électoral concerné. Nous avons constaté, aux
dernières élections, qu'un certain nombre de bulletins
d'information de mouvements religieux disaient à la population: Si vous
vouiez appuyer le parti et ies candidats à la confessionnaiité,
envoyez de l'argent et vous recevrez non pas des bons de charité, mais
tout simplement nous reconnaîtrons vos cotisations pour fins
d'impôt. Je pense qu'une situation comme celle-là ne doit plus
exister.
En ce qui concerne le président ou la présidente
d'élection, on sait que dans le projet vous précisez que le
directeur général de la commission scolaire est d'office
président d'élection. Nous, on croit qu'on devrait mettre le
président d'élection à l'abri de pressions politiques
éprouvantes, particulièrement lors de la constitution des listes
électorales, de leur révision et du choix des bureaux de scrutin.
Aussi suggérons-nous que le président d'élection puisse
relever, en dernier recours, du Directeur général des
élections du Québec qui pourrait agir comme garant du bon
déroulement de l'élection.
Troisièmement, la refonte de la carte scolaire à
Montréal. La refonte doit être faite de façon à
créer des quartiers électoraux mieux distribués - à
Montréal, nous avons des quartiers de 60 000 électeurs et
d'autres de 16 000 électeurs, je pense que c'est inacceptable - couvrant
des populations comparables et, dans la mesure du possible, coïncidant
avec ies limites naturelles ou politiques existantes. Une telle refonte
pourrait avoir pour effet d'augmenter le nombre de quartiers scolaires. Il
importerait que la future loi implante un mécanisme assurant
l'adaptation de ia carte des quartiers électoraux scolaires à
l'évolution du nombre d'électrices et d'électeurs.
Enfin, la date des élections. Nous ne comprenons pas pourquoi
l'élection des commissaires n'a pas lieu la même date que
l'élection municipale, comme cela se fait dans d'autres villes. Nous
croyons que, si les élections scolaires avaient lieu le même jour
que les élections municipales, tout en réduisant certains
coûts, cela favoriserait une plus forte participation aux
élections scolaires. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Grenon.
Je vais maintenant reconnaître le porte-parole du parti
ministériel, M. le député d'Ar-
thabaska.
M. Gardner: Merci pour le beau titre que vous venez de me donner,
M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.
M. Gardner: Merci. Les deux rapports que nous venons de lire sont
très intéressants, mais je reviendrai sur celui de Mme
Pagé. Étant un ex-ensetgnant, toujours en congé sans solde
et, je l'espère, pour longtemps, je me suis attardé à ce
que vous avez dit sur les enseignants. J'ai été un petit peu
chatouillé par ce que vous avez dit à la page 4. Au bas de la
page, vous dites: "le 7e paragraphe de l'article 19 est très clair,
l'enseignante et l'enseignant ne sont que des exécutants,
contrôlés par tout le monde ou presque et,
particulièrement, par le "directeur de l'école"." J'ai bien vu
l'article 16 de la loi où on donne les droits des enseignants. À
l'article 19, j'ai bien vu les six premiers éléments, mais vous
vous attardez surtout au septième élément où il est
dit d'appliquer les décisions et les règlements du gouvernement
et du ministre, de la commission scolaire, du conseil d'orientation et du
directeur de l'école. À part le conseil d'orientation qui
n'existe pas encore, est-ce que ce n'est pas actuellement ce qui existe dans
nos écoles? Il doit quand même y avoir quelqu'un qui a
autorité sur l'enseignant. Actuellement, est-ce que ce n'est pas le
gouvernement, le ministre de l'Éducation, la commission scolaire et le
directeur de l'école? Est-ce que ce n'est pas une situation de fait
qu'on veut mettre dans le projet de loi, tout en n'oubliant pas les
éléments 1 à 6 de l'article 19 et l'article 16 au complet?
J'aimerais que vous me précisiez cela.
Mme Pagé: Est-ce que je réponds
immédiatement?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Si vous
voulez.
Mme Pagé: Oui, cela va.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez
terminé, M. le député?
M. Gardner: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, madame.
Mme Pagé: M. le député a très bien
compris, c'est un très bon élève. Ce qui est dans
l'article 19, c'est, à l'exclusion de la notion de conseil d'orientation
qui n'existe pas, une affirmation de fait. Les enseignantes et les enseignants
ne sont que des exécutants. C'est ce que nous déplorons, c'est ce
qu'ifs ressentent. Le projet de loi ne vient pas leur garantir une autonomie
professionnelle, individuelle et collec- tive. Pour nous, c'était un
acquis important dans la loi 3; entre autres, la notion de conseil
pédagogique, nous ne la retrouvons pas dans la loi 107. Tout ce que nous
trouvons, c'est une réaffirmation de certains faits existants qui,
à notre avis, causent problème. Nous espérons qu'une
refonte, une réforme de la Loi sur l'instruction publique, cela ne sera
pas simplement pour réaffirmer des faits, mais pour corriger des
situations. Il y a une situation à corriger à l'égard du
sentiment qu'ont les enseignantes et les enseignants que leur compétence
professionnelle, leur autonomie professionnelle ne sont pas suffisamment
reconnues et qu'il devrait être davantage affirmé dans un projet
de loi sur l'instruction publique qu'ils ont une zone d'influence, un rayon
d'influence important. C'est ce que nous déplorons. Je suis tout
à fait d'accord avec vous que cela présente une situation de
fait. Ce qu'on vous dit, c'est que la situation de fait cause problème
et qu'il faut modifier cela.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le
député d'Arthabaska.
M. Gardner: M. le Président, je ne pense pas avoir dit que
j'approuvais votre idée que les enseignants étaient simplement
des exécutants. Au contraire, dans ce que je vois à l'article 19,
de 1° à 6°, je ne pense pas que ce soit l'ouvrage d'un
exécutant. Vous ne trouvez pas?
Mme Pagé: Ce sont trois "devoirs". On dit l'enseignant
"doit" faire cela, il doit contribuer. Ce sont ses devoirs.
M. Gardner: Oui.
Mme Pagé: Si vous regardez les droits - et là,
c'est important - vous allez vous apercevoir que les droits qui sont
reconnus... Il y en a un sur lequel on va passer rapidement, le droit
d'être exempté de dispenser l'enseignement religieux, moral. Je
veux bien que ce soit un droit, mais ne pas l'avoir, ce serait bien le restant.
Les deux autres, ce sont des choses d'ordre très général:
"prendre les modalités d'intervention pédagogique",
j'espère, et "choisir des instruments d'évaluation". Là
aussi, il faut bien savoir que les instruments d'évaluation, dans le
cadre des politiques établies, et par le gouvernement, et par la
commission scolaire, et par le directeur d'école qui, il faut le
rappeler, va consulter sur un certain nombre de sujets, mais, en fin de compte,
va décider... On s'aperçoit que la marge de manoeuvre des
enseignantes et des enseignants, au fil des ans, s'est ratatinée comme
une peau de chagrin. Justement, ce que nous voulons, c'est que le projet de loi
107 vienne réaffirmer le statut professionnel des enseignantes et des
enseignants. La formule qui était mise de l'avant dans le projet de loi
3 était très avantageuse à cet égard.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Une intervention
du député d'Arthabaska.
M. Gardner: Qu'est-ce que vous aimeriez qu'on ajoute à
cela, à l'article 19, ou qu'on enlève à la section .7...
Comment appelez-vous cela? Le septième paragraphe de l'article 19.
Qu'est-ce que vous aimeriez voir dans la loi?
Mme Pagé: Ce qu'on veut voir dans la loi, c'est un
renforcement des droits des enseignantes et des enseignants, une reconnaissance
de leur autonomie professionnelle individuelle, une reconnaissance d'une zone
d'influence des enseignantes et des enseignants sur des questions
pédagogiques; ne pa.c faire que les enseignants
fréquentent plus de comités consultatifs pour expliquer à
plus de monde ce qu'ils font. On veut que, à un endroit, ce soit eux qui
aient une expertise, qui exercent l'influence et qui soient capables de donner
une orientation sur certaines questions. La seule façon qu'on a
trouvée, c'est de nous envoyer nous promener à de plus en plus de
comités pour expliquer à plus de monde ce qu'on fait. Ce n'est
pas cela l'autonomie professionnelle. C'est reconnaître que, sur
certaines questions, les maîtres d'oeuvre, ceux qui ont l'expertise et
qui doivent avoir un poids relatif plus important, ce sont les enseignantes et
les enseignants.
Donc, je ne m'attarderai pas à la partie des devoirs, encore que
je pense qu'ils pourraient être parfois reformulés d'une
façon moins moralisatrice. C'est surtout dans l'aspect des droits que je
trouve qu'on devrait agir davantage et prévoir des dispositions
nouvelles, par exemple, en mettant sur pied un conseil pédagogique
où là, vraiment, on assoit que sur certaines questions ce sont
les enseignantes et les enseignants qui ont un poids déterminant.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M.
le député, avez-vous une autre remarque?
M. Gardner: Oui. Je vois qu'elle défend bien les
enseignants et les enseignantes de Montréal.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est bien,
d'ailleurs.
M. Gardner: Oui, je pense que c'est très bien. Je crois
que mon collègue de Saint-Louis avait quelque chose.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député d'Arthabaska, le député de Saint-Louis avait
mentionné son intérêt d'intervenir. Alors, je le reconnais
immédiatement.
M. Chagnon: Merci, M. le Président. Pardon? Mme
Pagé, vous suggérez, à la page 9 ou 10 de votre
mémoire, que la date du 1er avril soit modifiée pour que le droit
à l'exemption puisse fonctionner de façon relativement plus
normale. Vous dites en même temps: Nous recommandons ceci, sinon nous
serons peut-être obligés de recommander à nos membres de
demander l'exemption et le droit à l'exemption. Si je fais un
parallèle avec le conseil d'école... Vous allez me dire: II est
où, le parallèle? Bien, il va être ici le parallèle.
Si le conseil d'école demeurait ce qu'il est dans le projet de loi,
feriez-vous aussi une recommandation à vos membres de ne pas participer
au conseil d'école?
Le Président (M. Parent, Sauvé): La question est
posée.
M. Chagnon: Oui, je pense que c'est une question.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Avez-vous
terminé?
Mme Pagé:...
M. Chagnon: Le conseil d'orientation de l'école, s'il
demeurait ce qu'il est dans le projet de loi, est-ce que vous feriez aussi une
recommandation à vos membres de ne pas participer au conseil
d'orientation?
Mme Pagé: Tout d'abord, je vais partir de l'introduction
que M. le député a utilisée sur l'exemption du droit
à l'enseignement religieux en précisant bien que, dans le
mémoire, nous avons dit: II nous reste deux solutions. Mais vous avez
bien compris que celle que nous privilégions, ce n'est pas de commencer
à faire l'hécatombe chaque 1er avril, tout le monde demandant
l'exemption. Cela devient tout à fait ingérable. Nous pensons
qu'il y a moyen de réaffirmer le droit à l'exemption en faisant
des arrimages avec les conventions collectives quant au moment où ce
droit doit s'exercer.
Sur le deuxième aspect, c'est celui qui, dans le fond, est
vraiment important, je vous dirai que, si je savais que toutes nos
représentations sont vouées à l'échec en partant,
je me serais peut-être payée le luxe de tenir une assemblée
générale pour dégager une position sur le boycott ou le
non-boycott des conseils d'orientation. Ce n'est pas la voie que nous avons
prise parce que nous pensons que les éléments que nous apportons
au ministre ont assez de poids pour qu'il apporte des modifications au conseil
d'orientation dans le sens de ce qui a pu être dit par d'autres
intervenants qui nous ont précédés à cette table,
ce matin, dans le sens de ce que nous apportons aussi, c'est-à-dire un
conseil plus participatif qu'un conseil consultatif. (12 h 45)
C'était ce qui existait dans la loi 3 et nous avions donné
notre accord à ce moment-là en réaffirmant, par contre,
que de faire du conseil
d'école, du conseil d'orientation un conseil participatif comme
on le trouvait dans la loi 3, cela devrait être couplé à un
conseil pédagogique où l'autonomie et l'expertise des enseignants
seraient affirmées. Si ce modèle se développait à
fa suite de commissions parlementaires et à l'écoute que le
ministre aura de nos représentations, nous n'envisagerons pas de
boycotter cette formule-là. Si, malheureusement, nous étions en
situation de constater que nous nous sommes déplacés pour rien,
là, il faudra faire les évaluations en instances, avec les
enseignantes et les enseignants, pour voir si on est intéressés
à participer à un comité consultatif de plus où, en
partant, nous ne sommes même pas paritaires, mais en statut de
minoritaires. Il faudra faire des évaluations sérieuses à
ce moment-là. Mais j'ose espérer qu'on ne se rendra pas
là.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M.
le député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Merci. Changement de sujet, puisque vous avez fort
bien répondu à la question. La seconde concerne la
problématique de voir passer les commissions scolaires de me de
Montréal d'un statut confessionnel à un statut linguistique. La
proposition que le projet de loi fait, c'est de ramener à la Cour
d'appel... Enfin, on nous dit parallèlement au projet de loi, une fois
qu'il sera adopté, qu'on le soumettra à la Cour d'appel pour
déterminer quelles sont les zones constitutionnelles qui font que nous
pourrions déplacer le statut des commissions scolaires confessionnelles
existantes en commissions scolaires linguistiques. Comment peut-on remettre
cette approche en question étant donné le fait que, même au
moment de l'étude de la loi 40 ou de la loi 3, cette suggestion avait
été soulevée par beaucoup de monde? Le gouvernement de
l'époque n'avait pas cru bon de le faire et s'était fait
découdre par jugement déclaratoi-re. L'ensemble de la loi est
tombé dans le tordeur du droit constitutionnel. Vous faites la
suggestion d'entreprendre immédiatement des pourparlers avec le
gouvernment du Canada. Personne ne s'y opposerait. Même, j'ai cru
comprendre que le premier ministre et le ministre de l'Éducation avaient
déjà dit que ce serait une des priorités
constitutionnelles du gouvernement du Québec au cours d'une prochaine
ronde après l'adoption de l'entente du lac Meech.
Comment peut-on remettre l'approche en question et dire: Je vais en Cour
d'appel faire valider l'orientation juridique de mon projet de loi sur le plan
constitutionnel? Je n'ai pas compris cela.
Mme Pagé: On peut faire la discussion à deux
niveaux. On peut la faire en théorie et en pratique. En théorie,
si les choses s'étalent passées comme nous pensons qu'elles
auraient dû se passer, il y a bien longtemps que l'article 93 aurait
été au coeur des discussions constitution- nelles. Je dois dire
qu'à cet égard-là tous les gouvernements qui se sont
succédé à la Législature du Québec, depuis
qu'on parle de réforme scolaire, n'ont pas pris le problème par
le bon bout, à notre avis, c'est-à-dire qu'on a toujours voulu
fonctionner comme si l'article 93 n'existait pas. On n'a jamais entrepris de
pourparlers constitutionnels et on est maintenant dans une situation de fait
qui rend de plus en plus difficile le fait d'entreprendre ces pourparlers sur
l'article 93. Vous comprendrez que, quand vous me dites qu'on a la garantie que
cela va être prioritaire dans les prochains menus constitutionnels
après l'entente du lac Meech, à voir comment se porte l'entente
du lac Meech, je ne trouve pas cela très rassurant. Alors cela, c'est
l'aspect théorique.
Pratiquement maintenant, le ministre nous dit: Comme nous ne pouvons pas
entreprendre de pourparlers constitutionnels sur l'article 93 pour x raisons,
nous allons faire des vérifications d'ordre légal ou juridique
pour voir ce qu'il est possible de faire. Je veux juste signaler à cet
égard qu'il aurait été intéressant de ne pas se
désister des poursuites qui étaient en cours dans le cadre du
dossier de la loi 3 et de Notre-Dame-des-Neiges. On aurait pu avoir
déjà une réponse qui aurait pu nous guider dans la
rédaction du projet de loi actuel, plutôt que de tout
arrêter, de recommencer un projet de loi qu'on va aller, par ailleurs,
faire tester de toute façon. Je sais que le ministre dit qu'il ne faut
pas poser de questions générales au cours. Je suis d'accord avec
cela, mais, sur la loi 3 et Notre-Dame-des-Neiges, ce n'était pas une
question générale, c'était assez précis. Donc, on
aurait eu des chances d'avoir des réponses précises. Ceci dit,
c'est un délai. Voilà. On vient juste de le constater; en tout
cas, nous le constatons.
Ce que nous disons maintenant, c'est qu'on ne peut pas s'opposer
à un projet de loi qui met en place des commissions scolaires
linguistiques dans tout le Québec. Cela fait longtemps qu'on dit qu'il
devrait y en avoir. À Montréal, on nous dit: Faites le pari avec
nous que l'évolution de notre société va faire que la
commission scolaire linguistique qu'on pourra mettre en place, en cohabitation
avec les commissions scolaires confessionnelles, va se développer et on
aura d'ici 10, 20, 25 ou 30 ans, je ne sais trop, réglé le
problème. Mais ce que nous disons, c'est que, si c'est le pari que le
ministre veut faire, il faut qu'il y ait dans la loi les garanties pour que
cela se réalise. À ce moment-là, à notre avis,
c'est par le Conseil scolaire de l'île de Montréal. C'est ce que
nous disons.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député.
M. Chagnon: Puisqu'on parle du Conseil scolaire de l'île de
Montréal, et c'est ma dernière question, M. le Président,
aux pages 15 et
16, vous parlez d'étendre la juridiction du Conseil scolaire de
l'île de Montréal, entre autres, aux OVEP qui pourraient le
désirer. Je ne suis pas en désaccord avec cette intervention,
mais si, par lien de cohérence, on demande aux OVEP qui voudraient
participer au Conseil scolaire de l'île de Montréal d'y participer
et, éventuellement, de modifier certaines politiques du Conseil scolaire
de l'île de Montréal, pourquoi ne pas faire exactement le
même exercice pour ies membres du Conseil scolaire de l'île de
Montréal que sont les commissions scolaires, puisqu'on veut faire un
organisme qui soit une espèce de communauté urbaine scolaire de
l'île? Certaines municipalités de la CUM, et Montréal en
est une, reprochent à la CUM l'organisation de la modification de la
structure de pouvoir entre ies municipalités et ia Communauté
urbaine de Montréal, parce qu'elle a été
décidée par Québec. C'est un peu ce que vous nous demandez
de faire dans le cas du Conseil scolaire de l'île de Montréal,
plutôt que de prendre un rapport de forces qui ramasse les commissions
scolaires dans ce cas-ci pour qu'elles délèguent à un
organisme "chapeauteur", le Conseil scolaire de l'île de Montréal,
un ensemble de rôles et de fonctions qui puissent être
décisionnels dans une planification de l'organisation de
l'éducation sur le territoire de l'île de Montréal.
Mme Pagé: M. Egretaud va répondre sur la mission du
Conseil scolaire de l'île de Montréal, dans un premier temps.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Egretaud.
M. Chagnon: En même temps, si vous pouviez parler des
pouvoirs du Conseil scolaire de l'île de Montréal, s'il vous
plaît!
M. Egretaud (Henry): II faut se reporter un petit peu en
arrière. Quand le Conseil scolaire de l'île de Montréal a
été créé, il y a une vingtaine
d'années...
Une voix: En 1973...
M. Egretaud:... c'était, dans ia perspective de ceux qui
l'ont créé une espèce de, je ne veux pas dire de
gouvernement régional, mais c'était une structure scolaire
nécessaire pour répondre à des réalités
géographiques et sociales. Il y avait l'île de Montréal qui
avait besoin de mieux répartir ies ressources et de mieux les
gérer. C'était soit le gouvernement qui le faisait, soit une
structure qui s'est appelée le Conseil scolaire de l'île de
Montréal. C'était une espèce de vrai conseil scolaire.
Les commissions scolaires sont des organismes qui ont une histoire assez
ancienne. Vous vous souvenez, par exemple, que les commissions scolaires de
Montréal - je prends le PSBGM et la CECM - jusqu'à la fin du IXXe
siècle, n'étaient guère pius que des commissions
municipales dont les membres étaient nommés par les conseils de
ville. C'est pourquoi elles s'appelaient des commissions, comme la commission
des arts artistiques ou je ne sais quoi. Ce n'est rien de plus que cela. Les
commissions scolaires, étant limitées territorialement, ne sont
pas capables de gérer leurs clientèles et leurs personnels de
façon satisfaisante. Cela a donc amené la création d'un
conseil de l'île, une espèce de superstructure, une espèce
de communauté urbaine scolaire, si vous voulez, qui n'a pas
accaparé les pouvoirs qu'elle aurait pu accaparer, notamment, la
propriété des édifices.
Vous avez des écoles du PSBGM, par exemple, qui peuvent
être à moitié vides dans un endroit et, à
côté, vous pouvez avoir des écoles de la CECM
surpeuplées. Il est difficile, à moins de faire jouer les
mécanismes d'extraterritoria-lité, etc. - on croirait des Turcs
en déménagement d'un bout à l'autre - il n'y a pas de
coordination qui soit facile. On a peut-être manqué notre coup,
mais quand on ramène la question du conseil de l'île ici, c'est
pour une raison très précise. À Montréal, nous
avons le sentiment qu'il y a une urgence actuellement dans le sens que la
clientèle scolaire francophone est en train d'éclater au moins en
deux groupes et même en trois, si on pense au secteur privé. Elle
est en train d'éclater et de diminuer. Cela a des répercussions
culturelles importantes. Évidemment, je ne suis pas ici à la CECM
et je n'ai pas à leur passer de la pommade et des onguents quelconques,
mais c'est un fait que la CECM, comme structure francophone, comme structure
éducative, a joué un rôle important historiquement et que,
maintenant, elle ne joue plus ce rôle-là du tout. C'est un
organisme vidé de toute sève, on a l'impression. C'est dommage;
culturellement, c'est dommage. Je sais bien que le ministère de
l'Éducation récupère tout cela ou essaie de le
récupérer, mais ii manque quelque chose, j'ai l'impression qu'on
a perdu quelque chose. Le conseil de l'île ne joue pas ce rôle; il
a cru le jouer un bout de temps, mais il ne le joue pas. On va donc perdre
notre clientèle et on va créer là-dessus, peut-être
dans un an, deux ans ou cinq ans, des commissions scolaires linguistiques qui
vont revenir par-dessus, on ne sait pas trop.
Étant donné que c'est urgent, étant donné
qu'il y a un besoin - et je pense que tout le monde en convient - disons que le
conseil de l'île pourrait avoir la responsabilité d'un certain
nombre d'écoles qui seraient des écoles publiques non
confessionnelles. Plutôt que d'inventer de nouvelles structures,
servons-nous tout de suite de ce qui existe. Le conseil de l'île pourrait
sans doute jouer ce rôle. On va peut-être créer des
écoles autres qui seront non confessionnelles. De qui vont-elles
relever? De la CECM? Ce n'est pas évident. Rappelons-nous
Notre-Dame-des-Neiges, ce n'était pas possible. Il va falloir les
confier à quelqu'un. À qui? Au ministère? Disons
le conseil de I'île, c'est un peu pour cela qu'on a ramené
le conseil de l'île ici. Si on peut y associer d'autres organismes qui se
préoccupent d'éducation... Le secteur de l'éducation des
adultes, c'est le secteur de l'avenir, cela se développe. Il y a un tas
d'organismes volontaires qui travaillent là-dedans et qui font du bon
boulot. Mais, s'ils le désirent, on pourrait les associer aux travaux
d'un conseil comme cela. Ce sont des partenaires de l'éducation eux
aussi.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le
député, avez-vous terminé?
M. Chagnon: J'aurais encore beaucoup d'autres questions, mais le
temps file, M. le Président, alors...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, mais votre
temps est écoulé.
M. Chagnon:... je vous remercie beaucoup
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mme la
présidente, messieurs, il me fait plaisir de vous souhaiter la
bienvenue. Comme le temps... On a malheureusement, avec l'organisme qui vous a
précédés, grugé un peu beaucoup de votre temps. Je
vais y aller de quelques commentaires et, ensuite, des questions.
Je pense que vous avez mis le doigt... Vous faites une proposition que
je trouve intéressante et pertinente quant aux services
complémentaires qui pourraient être offerts pour d'autres
dénominations religieuses. Dans une commission scolaire à
Chicoutimi, et un peu partout au Québec également, on ouvre de
nouvelles écoles avec d'autres confessions. Cela a comme effet un peu de
ghettoïser une partie de cette clientèle qui est identifiée
aux évangélistes, baptistes et, tantôt, vous allez
retrouver les musulmans, etc. Cela n'a pas comme effet d'aider, de faciliter ou
de favoriser l'intégration alors que, si on était en mesure
d'assurer que toutes les dénominations religieuses obtiennent un minimum
de services dans le cadre de leur école, de l'école du quartier,
ce serait beaucoup plus souhaitable, je pense, que la multiplication des
écoles de confessionnalités différentes. Le Québec
va finir par être morcelé avec cette pratique qui tend à
s'étendre à l'extérieur de Montréal pour les
raisons que l'on sait.
Je pense que vous avez été assez clairs par rapport au
consensus social qui a été fait concernant l'établissement
de commissions scolaires linguistiques. Cela est clair. Mais ce qui n'est pas
clair actuellement - et le ministre est plutôt discret là-dessus -
l'engagement qui a été pris d'aller négocier l'article 93
dans la deuxième ronde de négociations a été pris
par le premier ministre et je n'ai jamais entendu le ministre nous dire qu'il
irait négocier. Tout à l'heure, même quand M. Charbonneau
l'a interpellé là-dessus, il a dit: Oui, mais il faut être
prudent, il y a d'autres droits à travers le Canada, il faut
protéger les garanties confessionnelles incluses dans la constitution
canadienne, etc. Il a tergiversé, il a patiné, mais il ne nous a
jamais dit qu'il irait négocier, il n'a pas l'intention d'aller
négocier, comme il n'avait pas l'intention non plus, lorsqu'il a
retiré l'appel qui était logé à l'égard du
jugement Brossard. (13 heures)
Ce que le ministre ne voulait pas, c'est que le projet de loi 3, dans
les dispositions autres que celles touchant les structures scolaires - ce sont
tous les pouvoirs, le partage des responsabilités, etc., - vienne
s'appliquer. Il voulait son propre projet de loi parce que le jugement
Brossard, et tout le monde le reconnaît, est exceptionnel en ce sens que,
du moment qu'il y avait un article invalide, il invalidait tout le projet de
loi et il estimait que toute la loi était inapplicable. Cela ne
s'était jamais vu. En appel, on avait de bonnes chances de gagner
là-dessus, à tout le moins sur les autres dispositions de la loi
qui ne touchaient pas la constitution canadienne, sauf que le ministre ne
voulait pas avoir ce jugement parce qu'il aurait été
obligé de reprendre le projet de loi 3. Je pense que c'est ce qu'il faut
savoir du ministre.
La deuxième chose qu'il faut savoir du ministre, et on ne le sait
pas non plus, c'est qu'il ne nous dit pas clairement qu'il va vouloir
établir des commissions scolaires linguistiques sur l'île de
Montréal, les territoires protégés en vertu de la
constitution. Il prétend même que c'est nous qui faisons jouer cet
épouvantail qui verrait la superposition de commissions scolaires
linguistiques et de commissions scolaires confessionnelles. S'il avait
réellement l'intention de les établir sur l'île de
Montréal, cela amènerait nécessairement une superposition
des structures linguistiques.
J'apprécie beaucoup les informations que vous nous avez
données quant au rôle que pourrait éventuellement jouer le
Conseil scolaire de I'île de Montréal. Je pense pouvoir dire que
si le ministre allait dans cette direction, nous pourrions être assez
favorables. Cela demande peut-être une analyse un peu plus approfondie,
mais je trouve que l'hypothèse est intéressante et permettrait
probablement de briser un certain nombre de difficultés que poserait la
superposition de quatre commissions scolaires sur l'île de
Montréal.
Je voudrais revenir sur des questions qui vous touchent de plus
près, à savoir l'autonomie professionnelle des enseignants. La
remarque du député d'Arthabaska est déroutante quand il
dit. Je suis un ex-enseignant en congé sans solde et j'espère le
rester longtemps. On aurait souhaité qu'il garde la dernière
partie de sa réflexion pour lui-même parce que cela n'est pas
très valorisant par rapport à l'appréciation qu'il
fait
de ce métier d'enseignant et du plaisir qu'il a eu à
l'exercer. Pour un membre de la commission parlementaire de l'éducation,
c'est un peu décevant.
M. Gardner: J'aime mieux être député.
Le Président (M. Parent, Sauvé):... demeurer
là,
Mme Blackburn: À présent, concernant cette
question... En fait, le projet de loi, on a eu l'occasion de le dire, dans les
droits de l'enseignant, dit - je caricature à peine. L'enseignant
enseigne. Comme s'il fallait le dire! Un peu plus loin, on dit: "Le directeur
gère", et moi j'ajoute: Le ministre bat la mesure. Parce qu'il n'y a
comme rien entre les deux. Effectivement, les droits qui sont reconnus aux
enseignants, c'est le droit d'enseigner. Cela ressemble à cela. J'ai
beaucoup de difficultés à voir autre chose que cela
là-dedans. Par ailleurs, il n'est que consultatif sur plusieurs
comités. Il a peu de pouvoirs.
Sur les obligations, je dis: C'est généreux, c'est noble
et, pour certains, difficilement applicable. En tout cas, cela va poser un
certain problème de conscience ou d'adaptation quand on pense aux
règlements de la commission scolaire, du conseil d'orientation par
rapport au statut confessionnel de l'école, par exemple. Je ne sais pas
comment vous allez gérer ceia en même temps que vous allez devoir
apprendre à l'enfant à respecter les droits de la personne. Je
pense que cela cause des difficultés, sauf que je fais confiance
à l'imagination et à la créativité des enseignants
et enseignantes pour surmonter ces difficultés.
J'aimerais vous entendre sur... Vous dites qu'il faudrait qu'on
ramène le conseil d'école parce que le conseil d'école
avait plus de pouvoirs dans la loi 3 que l'actuel conseil d'orientation qui est
proposé. Est-ce que c'est juste?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.
Mme Pagé: Dans la loi 3, le conseil d'école
était vraiment un organisme participatif, c'est-à-dire qu'il
pouvait établir un certain nombre de règles ou prendre un certain
nombre de décisions. C'était vraiment une dynamique tout à
fait différente de ce qui existe présentement dans le projet de
loi 107 où le directeur consulte le conseil d'orientation pour,
après cela... Vous savez, les enseignants et les enseignantes ont une
longue habitude des mécanismes de consultation, mais on s'est
aperçu, au fil des ans, qu'on est très souvent consulté
sur la forme, très rarement sur le fond, sinon jamais, et que, de toute
façon, nos avis sont ignorés la plupart du temps. Ce qui
était l'intérêt de la loi 3, je le répète,
c'était non seulement que le conseil d'école était un
organisme participatif, mais qu'il était également couplé
à ce qu'on appelait le conseil pédagogique, qui venait renforcer
l'expertise des enseignantes et des enseignants.
Ce que je voudrais signaler à la commission, c'est que, pendant
longtemps, on a reproché aux organisations syndicales de transformer les
professionnels de l'enseignement, c'est-à-dire les enseignantes et les
enseignants, en travailleurs de l'enseignement. Pendant longtemps, c'est un
discours qu'on a entendu. Je pense que, justement, le modèle est en
train de s'inverser. Comme organisation syndicale, nous venons revendiquer que
les enseignantes et les enseignants soient considérés pour ce
qu'ils sont, des professionnels de l'enseignement. Qu'on leur reconnaisse ce
caractère professionnel et qu'on ne les transforme pas en
exécutants. C'est pour cela que nous insistons énormément
sur cet aspect du projet de loi.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la
députée.
Mme Blackburn: Tout à l'heure, le député de
Saint-Louis vous demandait si vous accepteriez de participer, même si la
loi demeurait libellée telle quelle. Vous, le retour à ia
création d'un comité pédagogique vous en faites une
condition importante. Je dois vous dire que cela m'avait étonnée
de ne pas en entendre parler davantage. J'estimais que, comparativement
à ce qui se passe même au niveau collégial, vous retrouviez
dans ce comité pédagogique des pouvoirs qui ne sont même
pas vraiment reconnus au niveau collégial. Je trouvais cela tout
à fait... Je trouvais que cela introduisait une nouvelle fraîcheur
dans le réseau de l'éducation en même temps qu'une certaine
forme de dynamisme et de confiance. Je suis heureuse de vous entendre
là-dessus.
Sur les services qui pourraient être... Concernant la
représentation ou la présence de représentants des OVEP au
Conseil scolaire de l'île de Montréal, c'est un tout autre sujet.
Vous suggérez qu'il y ait des représentants des OVEP. Est-ce
qu'on pourrait penser qu'éventuellement il y aura aussi des
représentants, ou est-ce que ceia existe déjà, de
l'éducation des adultes et une certaine coordination qui se fera par le
biais du Conseil scolaire de l'île de Montréal? Peut-être
que monsieur...
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Egretaud, peut-être.
M. Egretaud: Bien, il existe des organismes de coordination au
niveau des organismes d'éducation des adultes, c'est certain, cela
existe, il y a des tables de concertation.
Mme Blackburn: Régionales, oui.
M. Egretaud: Des tables de concertation, ceia existe. Alors, il
ne s'agit pas que chaque OVEP puisse être délégué,
puisse être représenté
au conseil de l'île, parce qu'il va falloir louer le forum
bientôt. Non, il existe déjà des mécanismes de
concertation, de coordination.
Mme Blackburn: D'accord. Donc, il n'y aurait pas
nécessité qu'un certain pouvoir soit confié au Conseil
scolaire de IHe de Montréal?
M. Egretaud: Non, mais, si on veut reparler du Conseil scolaire
de l'île de Montréal, on pourrait poser quelques questions aussi.
Si je regarde la composition du Conseil scolaire de l'île de
Montréal, tel qu'elle est suggérée par le projet de loi
107, on s'aperçoit que les fameuses commissions scolaires linguistiques,
qui vont peut-être exister, vont être représentées
par une personne, par un délégué seulement à ce
conseil de l'île, alors que la CECM et le PSBGM vont être
représentés par six. Comme parité, on peut faire
mieux.
Mme Blackburn: Vous allez me permettre de revenir, parce que je
vois une petite note ici, au moment où vous parliez de l'autonomie
professionnelle des enseignants, de revenir un peu sur cette question. Est-ce
que vous pouvez nous identifier dans le projet de loi les articles... Vous avez
identifié ce qui est absent du projet de loi. Êtes-vous en mesure
de nous identifier les articles qui viennent contraindre, exercer une
contrainte inacceptable sur le droit à l'autonomie professionnelle?
Mme Pagé: II serait très intéressant de
prendre l'article qui définit les devoirs des enseignantes et des
enseignants et de les transformer en droits. Cela nous donnerait une bonne base
de discussion pour illustrer ce que nous entendons par autonomie
professionnelle, afin de réaffirmer que sur certaines questions ce sont
les enseignantes et les enseignants qui ont le droit d'agir et de prendre les
dispositions, qui s'imposent. C'est un peu l'exercice auquel on s'est
livré avec le comité et on trouvait qu'il y avait là une
piste intéressante. Nous n'avons pas l'intention, aujourd'hui, de vous
suggérer des réécritures, c'est un aspect. On peut aussi
faire référence à ce qui était prévu dans la
loi 3. Nous avions donné notre accord, à ce moment-là,
donc le canevas en demeure intéressant.
Mme Blackburn: Donc, votre base de référence
à vous, si je comprends, c'est un peu comme celle de la CEQ, ce sont des
éléments du projet de loi 3 que vous considériez comme des
acquis.
Mme Pagé: Oui. Le projet de loi 3, à l'égard
de l'autonomie professionnelle, de la reconnaissance du statut des enseignantes
et des enseignants dans l'organisation scolaire, c'était pour nous un
acquis et on devrait retrouver ces éléments-là dans un
projet de réforme de l'instruction publique. Je dois vous dire que ce
que j'ai vu, lors de mon récent séjour en Europe, de
l'organisation scolaire dans les écoles, au Portugal, en France, en
Belgique, sur la reconnaissance du statut professionnel des enseignantes et des
enseignants, leur reconnaissance d'un lieu d'influence bien précis, cela
vient renforcer ma conviction profonde que la réforme annoncée
par le ministre devrait tenir compte de ces éléments-là.
On se mettrait tout simplement à l'heure de ce qui se passe dans
d'autres communautés francophones ou d'autres pays
industrialisés.
Mme Blackburn: Écoutez, le temps coule.
Généralement, le ministre nous dit, chaque fois qu'il y a des
intervenants qui viennent à la table - et là, je dois dire que
c'est certainement la deuxième ou plutôt la troisième
commission parlementaire que je fais avec le ministre, où j'accompagne
le ministre - il dit généralement: J'ai tendance à
accorder une attention particulière aux propos de ceux et celles qui
sont le plus près de l'action. En ce qui concerne l'Alliance des
professeurs de Montréal, je dirais que vous êtes près de
deux réalités: d'abord celle des enseignants, évidemment,
mais aussi de la réalité plus particulière qui se pose par
rapport aux structures confessionnelles sur l'île de Montréal.
Vous aviez, à l'occasion du projet de loi touchant le règlement
du comité catholique et comité protestant, dressé un
tableau assez impressionnant de ce qu'était la situation linguistique
à Montréal. Selon des informations qu'il nous a été
possible d'obtenir, on prétend qu'en plus de connaître un
glissement important des clientèles francophones dans le secteur
français du PSBGM, que, dans ces écoles, il y aurait des
directeurs d'école - parce qu'on n'a pas embauché de nouveaux
directeurs d'école français parce que le secteur a grossi - qui.
maîtriseraient peu ou pas la langue française, ce qui suppose que
leurs rapports avec leur personnel, leurs rapports avec les
élèves, se feraient en anglais. Ceci explique aussi en partie les
difficultés qu'éprouvent ces écoles à avoir un
climat minimal qui favorise l'intégration de ces élèves
à la majorité francophone.
Cependant, en dépit des propos du ministre disant qu'il est
ouvert et réceptif lorsque les personnes qui sont proches de l'action ou
mieux à même de saisir une réalité viennent lui en
rendre compte, je ne sens pas, dans ses propos ou dans sa décision, une
volonté réelle d'apporter des solutions concrètes aux
problèmes que vous avez soulevés et je maintiens que le
renforcement du caractère confessionnel des écoles a des effets
négatifs, à Montréal, en regard de l'attrait que
représente la CECM - pour ne pas la nommer - à l'endroit des
nouveaux arrivants. Le projet de loi ne règle en rien cette situation et
j'ai peine à m'expliquer certaines réticences. Ce n'est pas
lié exclusivement aux clientèles, parce que, si on regarde la
clientèle du PSBGM et de la CECM, si le PSBGM
prenait toutes ies clientèles anglophones, il gagnerait quelque
4000 élèves. Donc, c'est comme un combat d'arrière-garde
dont on ne comprend pas très bien la justification.
La CECM estime que le projet de loi ne touche pas le territoire de la
CECM. C'est dans son mémoire. Quel est votre avis ià-dessus? Vous
semblez faire une interprétation qui dirait: Oui, il pourrait y avoir
des commissions scolaires linguistiques à Montréal. Mais la CECM
dit: Non, cela ne nous concerne pas. Nous venons parce que nous sommes
préoccupés de tout ce qui s'appelle l'établissement et
l'avenir des commissions scolaires catholiques et protestantes au
Québec. (13 h 15)
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme
Pagé.
Mme Pagé: Je pense que ce dernier aspect est très
important. J'ai l'impression que, même si le ministre va faire
vérifier le fondement du projet de loi 107, avec la possibilité
de mettre en place des commissions scolaires linguistiques à
Montréal, quand viendra le temps de les mettre en place, comme je le
disais tantôt, il faudra parler d'équipement scolaire, il faudra
parler de répartition des écoles, il y aura, j'en suis
convaincue, si c'est le même groupe qui est à la tête de la
CECM, des contestations juridiques pour empêcher cela. Je suis convaincue
de cela. Je pense que ce sont des irréductibles. Tout le monde
était d'accord, excepté eux. On ne les changera pas. Je pense
que, même si on a des vérifications juridiques de la part des
cours disant que oui, c'est possible, quand viendra le temps de le faire
concrètement, ils lanceront des poursuites pour empêcher cela en
disant: Si vous voulez avoir de nouvelles écoles, construisez-en. Comme
le ministre dira: On n'a pas d'argent pour en construire, le problème
restera. C'est pour cela que, d'après nous, si on veut faire le pari que
le ministre nous invite à faire, il faut qu'on prévoie dans la
loi des mesures pour le conseil scolaire de I'île permettant de mettre en
place rapidement une structure linguistique. Cela fera partie de la loi, les
cours pourront donner un avis là-dessus et on ne se retrouvera pas avec
une nouvelle bataille juridique, dans deux ans ou dans trois ans, sur un bout
de loi qui n'a pas été testé et que la CECM va encore
contester. Il faut clarifier cela.
Nous aurions pu choisir de venir en commission parlementaire et de
répéter des dogmes. On aurait pu faire cela, retourner en 1972 et
venir vous dire: Commissions scolaires unifiées. On aurait pu aussi
revenir et dire: Commissions scolaires linguistiques, article 93, et, tant que
cela ne sera pas fait, on ne parle de rien. Nous avons choisi de
réaffirmer qu'on aurait dû passer par ies pourparlers
constitutionnels de l'article 93. Mais, constatant que ce n'est pas fait et
surtout constatant l'urgence d'agir, nous disons au ministre: Mettez dans la
loi ce qu'il faut pour agir maintenant. Cela, c'est en passant par le biais du
Conseil scolaire de l'île de Montréal. C'est là que nous
serons capables de voir si, véritablement, il y a une volonté de
tenir compte des problèmes que nous identifions, que nous vivons et que
nous venons répéter ici à chaque commission parlementaire.
Je pense qu'il y a là une voie qui est tracée et qu'il est facile
de prendre. Les suggestions que nous apportons sont vraiment faites dans le but
de contribuer au débat pour que la commission parlementaire ne soit pas
un exercice de style, mais qu'elle soit vraiment une commission où on
recherche des solutions, où on prend la mesure de certaines
difficultés qu'on rencontre - on le sait, l'article 93 est là -
mais en même temps de certaines possibilités qu'on a pour
régler les problèmes. Il est urgent d'agir.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme
Pagé. J'inviterais maintenant la porte-parole de l'Opposition à
conclure.
M. Gardner: M. le Président, j'aurais une question de
règlement.
Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord. Une
question de règlement?
M. Gardner: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député d'Arthabaska.
M. Gardner: L'article 212, M. le Président, dit bien:
'Tout député estimant que ses propos ont été mal
compris ou déformés peut donner de très brèves
explications sur le discours qu'il a prononcé. "
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député d'Arthabaska, je vous souligne que, si vous jugez avoir
été mal interprété ou mal cité, vous avez le
droit, en vertu de l'article que vous avez cité, de rectifier les
choses. Mais je vous rappelle que votre rectification ne doit entraîner
aucun débat ni aucun commentaire.
M. Gardner: Oui, très brièvement. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, je vous
écoute brièvement.
M. Gardner: Merci, M. le Président. Mme la
députée de Chicoutimi a mentionné tout à l'heure
que, parce que j'aimerais avoir un très long congé sans solde
très long, cela voulait dire que je n'aimais pas être enseignant.
C'est tout le contraire. Après 19 ans d'enseignement, j'aimais cela,
mais j'aime encore mieux être député le plus longtemps
possible. C'est pourquoi j'ai mentionné que je voulais avoir un
très long congé sans solde.
Le Président (M. Parent, Sauvé): La rectification
étant faite, M. le député, je reconnais le
bien-fondé de votre question de règlement. Mme la
députée de Chicoutimi, si vous voulez conclure rapidement au nom
de votre formation politique.
Mme Blackburn: Oui. Je pourrais conclure en disant que c'est ce
qu'on avait compris.
M. le Président, je voudrais remercier la présidente, Mme
Pagé, et ses collègues de leur participation aux travaux de cette
commission. Je souhaite, comme vous, que cet exercice ne soit pas simplement un
exercice visant à donner un peu plus de visibilité au ministre,
pour la forme, et que cela soit vraiment dans le souci de rechercher des
solutions réalistes et concrètes aux problèmes auxquels
est confronté le système d'éducation actuel. Tout à
l'heure, vous disiez: J'ai l'impression de toujours répéter et
sans succès ce que j'ai dit antérieurement. Je me permets de vous
en féliciter parce que c'est la marque à la fois d'une
capacité d'évolution, parce que vous nous faites remarquer que
vous êtes passés d'une commission scolaire unique,
française, à des commissions scolaires linguistiques, et, en
même temps, c'est la marque du souci que vous avez de l'avenir du
Québec de façon générale. On pourrait être
tenté de croire que les positions de l'Alliance des professeurs de
Montréal ne sont que des positions d'intérêts propres, qui
sont en train de viser à protéger leurs jobs. Je voulais
illustrer tout à l'heure que ce n'était pas le cas. En
établissant des commissions scolaires linguistiques, on sait très
bien que cela a un effet sur le nombre de clientèles que la CECM
pourrait avoir. Je pense que cela illustre, plus que des propos ne pourraient
le faire, que ce n'est pas par intérêt partisan ou
intérêt corporatiste que l'Alliance des professeurs insiste avec
autant de constance, autant de conviction sur la nécessité
d'établir des commissions scolaires linguistiques au Québec.
J'espère que vous n'avez pas prêché dans le désert
et que le ministre saura accorder toute l'attention que mérite votre
avis au moment où il s'agira de rédiger le projet de loi
final.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant le ministre de
l'Éducation pour conclure. M. le ministre.
M. Ryan: J'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt ce qui s'est dit à l'occasion de notre rencontre
avec l'Alliance des professeurs de Montréal. La plupart des points de
vue définis dans le mémoire de l'alliance nous étaient
déjà familiers, étant donné les nombreuses
occasions que nous avons eues d'en discuter, mais il est toujours
intéressant d'entendre ces grandes positions que définit votre
organisme. Il y a des points sur lesquels, je pense, vous êtes assez
proches des intentions gouvernementales malgré tout. Il y en a d'autres
sur lesquels on peut dire qu'on est en écoute. Je pense en particulier
aux perspectives qu'ouvre le projet de loi sur l'organisation de commissions
scolaires sur l'île de Montréal. C'est peut-être le point le
plus important que vous avez soulevé dans votre mémoire ce matin.
Ce n'est pas facile, évidemment. Le projet prévoit que le
gouvernement établirait des commissions scolaires linguistiques partout,
par conséquent y compris sur les territoires où existent
actuellement les commissions scolaires protégées. Comment cela se
ferait-il à Montréal? Vous nous dites qu'il faudrait recourir au
Conseil scolaire de l'île de Montréal à cette fin. On va
examiner cette possibilité. Je ne suis pas sûr que ce soit la
meilleure. Le conseil scolaire de l'île, c'est une
fédération de commissions scolaires. Est-ce qu'en font ou en
feront partie les commissions scolaires confessionnelles? Vous savez comme moi
que c'est une matière à débat. Il y en a qui disent
qu'elles en feront partie pour les choses auxquelles elles veulent participer.
Il y en d'autres qui disent qu'elles en feront partie, sauf pour les choses
auxquelles elles ne veulent pas participer. Cela entraîne d'immenses
différences dans la pratique. Cela veut dire que, si elles se
présentent à une réunion et que l'un ou l'autre courant
l'emporte, elles vont être admises à voter ou non. On ne pourra
pas leur demander de faire partie d'un organisme à titre régulier
qui sera appelé à créer un réseau d'écoles
qui leur serait concurrentiel. Cela veut dire que cela demanderait des
changements dans la structure du Conseil scolaire de l'île de
Montréal. Cela ne serait pas facile.
Dans le projet de loi, on a une procédure qui est prévue.
On définit des territoires de commissions scolaires linguistiques. Sur
chacun de ces territoires, il y aurait un conseil provisoire qui serait
créé à partir de personnes faisant partie des commissions
scolaires existantes. Ce conseil aurait tous les pouvoirs d'une commission
scolaire, jusqu'à l'instauration d'une commission scolaire
plénière. Il pourra, par conséquent, procéder a
toutes les démarches devant conduire à l'implantation... Cela ne
sera pas facilement conciliable avec vos propositions relatives au rôle
du conseil scolaire de l'île - je vous dis cela à titre de
remarque.
Je fais seulement une remarque en terminant. Nous sommes portés
à changer certaines choses concernant le conseil scolaire de
l'île, parce qu'une chose est arrivée très souvent au cours
des dernières années. Il se formait une majorité au
conseil scolaire de l'île, qui était majoritaire quant au vote
donné là, mais qui était minoritaire quant aux populations
représentées. Il arrivait que la logique structurelle du conseil
permettait à une minorité de prendre des décisions qui
pouvaient engager la majorité. En démocratie, c'est inacceptable,
qu'on aime la CECM et la CEPGM ou qu'on ne les aime pas, on ne peut quand
même pas accepter que trois votes comptent pour un. C'est cela qui
était la racine du problème qu'on essaie d'éliminer avec
les
changements qui sont proposés quant au conseil scolaire de
l'île. Penser qu'on peut faire de grandes choses avec un conseil qui a
fonctionné sur cette béquillle démocratique depuis
quelques années, je pense que c'est faire une proposition qui est
difficile à réaliser.
Quoi qu'il en soit, nous allons étudier cela dans le même
esprit que cela nous a été présenté,
c'est-à-dire dans un esprit de respect, dans un esprit constructif. On
aura l'occasion d'en reparler. Je pense que cela ouvre un dialogue
là-dessus, cela ne le ferme pas, cela le poursuit, plus exactement,
parce qu'il existait déjà. Et, au besoin, on tiendra une
rencontre spéciale avec vous pour aller plus au fond de certaines de vos
propositions, sur ce point-ci et également sur d'autres. Encore une
fois, je vous remercie, j'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt les explications qu'on nous a données et lu avec
non moins d'intérêt le mémoire. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, merci, M.
le ministre, merci, Mme Pagé, ainsi que les représentants de
l'alliance. La commission parlementaire de l'éducation suspend ses
travaux et reprendra ses travaux demain matin à dix heures, alors
qu'elle accueillera la Commission des écoles catholiques de
Montréal. Je profite de l'occasion pour souligner la présence
parmi nous des gens du beau comté de Nicolet, représenté
ici par mon collègue, le président de la commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.
(Fin de la séance à 13 h 26)