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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Friday, June 4, 1982 - Vol. 26 N° 134

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Conseil du trésor et ministère des Finances


Journal des débats

 

(Quinze heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Desbiens): La commission élue permanente des finances et des comptes publics est réunie pour entreprendre et compléter l'étude des crédits budgétaires 1982-1983 du Conseil du trésor et du ministère des Finances.

Les membres de la commission sont: MM. Blais (Terrebonne), Bourbeau (Laporte), de Belleval (Charlesbourg), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), French (Westmount), Gagnon (Champlain), Grégoire (Frontenac), Bérubé (Matane); M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplace M. Lincoln (Nelligan); MM. Paquette (Rosemont) et Parizeau (L'Assomption).

Les intervenants sont: MM. Assad (Papineau), Fallu (Groulx), Lachance (Bellechasse), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Lafrenière (Ungava), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Pagé (Portneuf), Ryan (Argenteuil) et Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Il serait dans l'ordre de proposer un rapporteur à la commission.

M. Blais: M. Paradis.

M. Bérubé: M. Blais pourrait certainement rapporter, M. le Président.

M. Paradis: II va faire un rapport sérieux.

M. Blais: Oui, oui.

M. Paradis: Je vous remercie de l'honneur que vous me faites, mais vous allez avoir droit à vos deux minutes pour présenter le rapport.

M. Blais: Vous soignez votre image à la télévision. Vu que vous êtes télégénique, je vous avais suggéré.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! M.Blais est donc le rapporteur de la commission, de consentement.

M. Paradis: Est-ce qu'on pourrait avoir son curriculum?

M. Blais: Accepté...

M. Paradis: ... sur division.

Le Président (M. Desbiens): On a un programme à étudier au Conseil du trésor et on va l'étudier globalement, j'imagine. M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques préliminaires?

Conseil du trésor Exposés généraux M. Yves Bérubé

M. Bérubé: M. le Président, il est bien certain qu'en cette période de ralentissement économique que nous connaissons qui, forcément, a des retombées sur les finances publiques tant par une diminution des revenus associée, en fait, à la baisse générale des revenus de nos compatriotes, tant également par l'augmentation des dépenses inévitables en ce sens que le rôle primordial de l'État, finalement est de permettre la redistribution des richesses. Par ces programmes de transfert le gouvernement permet, finalement, à la société de traverser une crise - je ne dis pas sans douleur, ce serait faux parce que nos concitoyens aux prises avec la crise présentement la vivent très durement dans leur vie quotidienne. Ce n'est pas parce qu'il existe des programmes gouvernementaux d'aide sociale ou d'assistance-maladie ou autres qui font que l'on peut traverser une période aussi difficile d'une façon plus humaine, plus digne que ce qu'on a pu connaître au moment de la grande dépression. Il reste que cette crise touche nos concitoyens très durement.

Pour arriver à humaniser la vie de nos concitoyens aux prises avec une telle crise, il s'ensuit que les programmes gouvernementaux de transfert d'aide à nos compatriotes voient leur coût augmenter très rapidement; je pense à l'aide sociale, je pense aux prêts et bourses puisqu'un grand nombre de jeunes préfèrent, sans doute, - et c'est normal - rester aux études pour améliorer leurs chances de se trouver un emploi. La conséquence, évidemment, de ce recours aux programmes gouvernementaux qui sont ouverts est d'augmenter les dépenses très substantielles de l'État au moment où ses revenus baissent. C'est quasiment la quadrature du cercle puisqu'il est toujours un peu gênant de voir ses dépenses croître au moment où les revenus diminuent, et, forcément, le Conseil du trésor prend, à ce moment-là, un rôle peut-être plus grand qu'il

pourrait le prendre normalement dans la mesure où il s'agit, non pas de gérer la décroissance, mais de tenter par tous les moyens de gérer de façon plus efficace l'appareil de l'État, voir dans quelle mesure on ne peut pas fournir des services avec moins de personnel par exemple, voir dans quelle mesure on ne peut pas faire plus de travaux en régie avec le personnel disponible, évaluer la pertinence d'un certain nombre de programmes et voir comment on peut les resserrer tout en leur permettant d'atteindre les objectifs. C'est une opération qui est politiquement de première importance et qui met forcément en valeur le rôle du Conseil du trésor qui, normalement, est un organisme plus effacé de l'État.

C'est d'ailleurs ce qui amène le Conseil du trésor, d'une part, - je ne dirais pas de changer son orientation puisque c'est une orientation qu'il a toujours eue, - à mettre l'accent à des endroits un peu différents, en ce sens que de plus en plus les ministères dépensent dans le cadre de programmation approuvée par le Conseil du trésor et dans le cadre de normes qui font que l'administration des ministères est de plus en plus autonome, ils n'ont pas à revenir au Conseil du trésor pour faire approuver tel ou tel engagement, sauf dans les cas qui sont hors normes ou pour faire approuver la programmation globale. Il s'ensuit que cet accroissement de l'autonomie des ministères permet au Conseil du trésor de réorienter un peu son action et de faire porter plus d'attention au niveau de l'évaluation, au niveau des politiques administratives pour voir dans quelle mesure en regardant un peu globalement l'administration de l'État on ne peut pas arriver à en améliorer le fonctionnement et en réduire les coûts. C'est donc un changement auquel on assiste au niveau du Conseil du trésor depuis quelques années qui fait du Conseil du trésor un organisme d'évaluation de programmes et qui tend à conférer de plus en plus d'autonomie dans la gestion courante des ministères.

C'est le changement important auquel on assiste qui amène évidemment, au niveau des budgets, certaines modifications dans la façon de dépenser. Je tenais comme remarque préliminaire à indiquer cette évolution de l'action du Conseil du trésor et je pense que dans la mesure où nous devons examiner maintenant les crédits et que l'Opposition voudra faire porter son attention sur un point plutôt que sur l'autre, je pense qu'il serait plus approprié pour moi de terminer là mes propos et de procéder davantage par des réponses aux questions que l'Opposition voudra bien nous adresser ainsi que répondre aux questions que le député de Terrebonne, par exemple, toujours fort à propos, adresse au président du Conseil du trésor régulièrement à la commission des engagements financiers. C'est toujours rafraîchissant d'entendre le député de Terrebonne intervenir dans les travaux de notre commission, avec beaucoup d'humour, mais cet humour cache un sérieux et cache une analyse profonde des dossiers, ce qui fait en sorte que c'est rafraîchissant à la fois d'avoir du contenu et de l'humour, alors que, du côté de l'Opposition, on attend et le contenu et l'humour. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vous remercie infiniment, M. le Président. Je tiendrais d'abord à féliciter le ministre de sa nomination, je n'avais pas eu l'occasion de le faire, c'est la première occasion que nous avons tous deux de nous retrouver autour de la même table depuis que le Conseil du trésor est occupé à temps plein par un membre du gouvernement. On voit qu'il y a place et pour l'humour et pour le contenu.

Je dirai au début qu'évidemment, ce n'est pas un gros ministère, on le voit dans le livre des crédits, mais, dans la conjoncture que le ministre a voulu décrire, il est évident que son importance dépasse largement le montant des crédits qui est affecté à son fonctionnement, d'autant plus qu'au moment où on se rencontre, le président du Conseil du trésor se retrouve au centre du débat sur les finances publiques. J'ai souvenance d'avoir entendu le ministre lors du colloque à l'École des hautes études commerciales, il y a plusieurs mois, alors qu'il décrivait certains des éléments des finances publiques et qu'il avait à l'époque déjà jeté les bases de la stratégie du gouvernement dans la mesure où il en avait profité pour décrire les éléments à l'intérieur des postes de dépenses du gouvernement qui étaient compressibles et ceux qui ne l'étaient pas. Ceux qui étaient compressibles, à toutes fins utiles, l'étaient - on le comprend aujourd'hui - parce que le gouvernement est disposé à ne pas respecter la signature qu'il a apposée lui-même en 1979-1980 lors des négociations avec ses employés.

Dans ce sens, le président du Conseil du trésor est devenu un présentateur absolument privilégié des résultats du désastre financier auquel on assiste actuellement - je m'excuse de l'interruption, qui n'émanait pas de ce côté-ci. Il occupe un siège à l'avant, au milieu, dans le débat public sur un redressement souhaité des finances publiques. Dans ce sens, on se serait attendu, à travers toutes les démonstrations ou tous les discours du président du Conseil du trésor, d'être à même de constater qu'il y avait une chose qui s'appelait une politique de rémunération, une politique salariale au gouvernement. On aurait pu constater que le

Conseil du trésor était depuis un certain temps équipé des instruments de mesure qui lui permettraient dans son discours d'étayer certains des éléments qu'il jette pêle-mêle sur la place publique. J'ai eu l'occasion, dans différents débats devant les médias électroniques surtout, de rencontrer certains des collègues du président du Conseil du trésor qui ont jeté en vrac, pêle-mêle sur la place publique de nouveaux éléments qui, d'habitude, font partie de la négociation normale avec les employés de l'État.

Je peux comprendre en lisant le cahier explicatif que le ministère nous a soumis, que l'héritage était très lourd à porter. C'est ainsi que la direction générale des politiques administratives du ministère, je cite, "a déjà démontré la vétusté du système d'évaluation des emplois supérieurs dont elle a hérité avec la responsabilité de l'appliquer". Je ne trouve pas tellement étonnant finalement qu'on soit devant une situation comme celle-là, dans la mesure où le rôle maintenant occupé par le titulaire du ministère l'était à temps beaucoup trop partiel, dans la conjoncture qui se dessinait, par son collègue qui est maintenant exclusivement chargé de l'administration - c'est un gros mot - des finances publiques au Québec. Donc, nous aurons l'occasion, par certaines de nos questions, de demander des détails additionnels au ministre sur l'implantation des nouveaux systèmes dont il nous donne une certaine description bien sommaire dans le cahier explicatif. (15 h 30)

On essaie de voir, à travers l'implantation de ces nouvelles mesures, ces nouveaux systèmes, comment le Conseil du trésor exerce son leadership à l'endroit des autres ministères. Le ministre nous répète constamment que la gestion des ressources dans chaque ministère est de plus en plus autonome. Quelle est la véritable nature du travail auquel se livre maintenant le Conseil du trésor? N'y a-t-il pas justement là, si on parle d'autonomie à l'intérieur de chaque ministère, compte tenu des objectifs qui sont différents d'un ministère à l'autre, etc., des gestionnaires de ressources humaines qui ont eux aussi implanté certains systèmes de mesure de l'efficacité de leurs ressources humaines? Auquel cas, ce dont le président du Conseil du trésor nous entretient, est-ce que cela ferait partie d'un "chapeautage" des efforts qu'on trouve dans les ministères? Est-ce que c'est simplement à l'état de projet pilote, afin de se doter d'un bagage d'expériences dont pourraient bénéficier plus tard les autres ministères? Est-ce qu'on est en train de faire double emploi? Est-ce qu'il y a eu inventaire de ce qu'on retrouve dans les autres ministères au point de vue de la gestion des ressources humaines? Ce sont là autant de questions, à mon sens, qui appelleraient quelques explications dans une perspective à moyen terme, parce que, si je comprends bien, on commence à peine à se doter au ministère... Il y a un tas de projets qui sont en marche et qui seront en marche à l'automne qui vient. Il n'y a donc encore rien en place. Est-on en train de voir un véritable effort de redressement dans la gestion des fonds publics?

Le deuxième aspect - le ministre est très certainement familier avec celui-là, étant donné qu'il a le plaisir de rencontrer mon collègue de Brome-Missisquoi tous les mois - sur la gestion des fonds publics...

M. Bérubé: Le plaisir, c'est un bien gros mot, enfin!

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le privilège.

M. Paradis: Le plaisir va même jusqu'à se manifester par des visites fréquentes du président du Conseil du trésor dans mon comté.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vois que ces deux députés ne peuvent pas se passer l'un de l'autre. D'une façon ou d'une autre, ce que je retiens dans le cahier des crédits, ce qui m'a frappé en tout cas, de même que mon collègue de Brome-Missisquoi, c'est la longue énumération des mandats sectoriels spécifiques, à l'élément 2, il me semble, qui ont trait aux approvisionnements et services. C'est-à-dire qu'on compte, pendant l'année 1982-1983, se livrer à une révision de la réglementation relative aux honoraires autorisés pour les contrats de services, à l'engagement et aux honoraires des avocats et notaires dont les services sont retenus par contrat, à l'engagement du personnel contractuel, à l'octroi des contrats de construction, à l'aliénation des biens immeubles publics excédentaires, de même qu'à l'analyse des demandes d'autorisation des ministères et organismes en matière contractuelle. On rencontre là un des éléments extrêmement importants du fonctionnement de l'appareil de l'État. C'est, entre autres, de façon un peu plus insistante - le ministre aura l'occasion de le constater dans quelques instants - que nous passerons un peu de temps sur cela à cette commission parlementaire.

Par ailleurs, j'aimerais évoquer en terminant quelques autres questions que nous serions susceptibles de soulever, simplement à titre d'avis au ministre, afin qu'il se prépare en conséquence, le cas échéant, si nous avions le temps quant à la nature plus précisément des programmes pilotes, que j'ai évoqués, sur le système HAY pour l'évaluation des emplois supérieurs et le système d'évaluation AIKEN, pour les emplois du secteur public. J'ai déjà évoqué - ce sera à titre de question - le rôle central, dans

toute la problématique de la rémunération dans le secteur public, que doit jouer le président du Conseil du trésor. Des questions spécifiques qui nous viennent à l'esprit à ce moment-ci sont à savoir comment fonctionnera véritablement l'équipe gouvernementale de négociation avec le front commun, CSN, FTQ, Fédération des affaires sociales, et tout le monde. Cela me fait penser d'ailleurs qu'il serait peut-être utile de savoir quel sera le partage des coûts cette fois-ci entre les divers intervenants, les divers acteurs et agents de cette vaste opération. On peut également se demander comment on peut prétendre assister à un déroulement normal du cycle budgétaire dans la mesure où il nous apparaît que la politique salariale du gouvernement à moyen terme est totalement inexistante ou à tout le moins n'a pas été encore jetée dans le débat public.

C'est sur l'évocation de ces questions à venir que je terminerai mes remarques, en passant - à moins que le ministre n'ait déjà des commentaires à formuler - autrement la parole, avec la permission de la présidence, à mon collègue de Brome-Missisquoi qui s'attachera plus spécifiquement au deuxième élément que j'ai mentionné, c'est-à-dire les différents mandats spéciaux sur révision des réglementations relatives à l'octroi des contrats par le gouvernement.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, est-ce que vous avez l'intention d'en prendre une partie immédiatement?

M. Bérubé: M. le Président, si je devais relever les multiples pointes acérées du député...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): De

Vaudreuil-Soulanges.

M. Bérubé: ... de Vaudreuil-Soulanges -je m'excuse, on mélange toujours les deux; on a toujours ce problème - j'en aurais pour trois heures et, si je ne m'abuse, il y a un temps illimité de parole, mais évidemment je pourrais me permettre trois heures. Je dois dire au député de Vaudreuil-Soulanges que j'ai déjà eu, à deux reprises, sur l'amiante, à traverser des "filibusters". Au début, j'étais toujours surpris, étonné même, et je m'émerveillais devant la capacité de mes collègues de l'Opposition à pouvoir parler pendant des heures et des heures à ne rien dire. Après avoir traversé un "filibuster", j'ai fini par découvrir que justement cette plus grande menace qui planait au-dessus des parlementaires après un certain nombre d'années, c'est qu'ils pouvaient parler longtemps, longtemps, longtemps sans rien dire. Je ne ferai pas de commentaire quant à l'intervention que vient juste de faire le député de Vaudreuil-Soulanges. Comme c'est un jeune parlementaire, on ne peut pas l'en accuser encore mais il apprend très vite. Je dois dire qu'il n'aura en fait qu'à séjourner encore quelques semaines, sans doute au rythme où je dois dire qu'il apprend rapidement son métier, de telle sorte qu'il pourra effectivement d'ici peu arriver à parler pendant des heures sans finalement contribuer beaucoup.

Je ne relèverai que trois choses qui sont carrément erronées et c'est pour cela qu'il faut tout de même que je les relève. Le reste étant des questions, je me contenterai d'attendre la question plus précise pour y répondre.

D'une part, le gouvernement n'est pas disposé à respecter sa signature dans le cas des conventions collectives. Je pense, non seulement je pense mais ceci est de fait complètement erroné. Les conventions collectives que le gouvernement a signées se terminent le 31 décembre 1982. Après le 31 décembre 1982, il n'y a plus de convention collective. Pour combler le vide juridique, le Code du travail prévoit l'extension des conventions en cours jusqu'au renouvellement de celles-ci. Évidemment, le gouvernement peut légiférer de nouvelles conventions collectives, comme cela s'est fait dans le passé. Je pourrais citer un grand nombre de lois adoptées par l'ancien gouvernement libéral décrétant des conventions collectives qui ont remplacé des conventions collectives précédentes et qui ne représentaient pas une violation de signature, qui représentaient cependant évidemment, relativement au processus habituel de négociations, une intervention du pouvoir législatif, intervention qui peut se justifier en période de crise. Lorsque nos concitoyens sont aux prises, par exemple, avec des pannes d'électricité à la suite de grèves et que l'Opposition et le gouvernement estiment important d'intervenir et d'adopter une loi décrétant des conditions de travail de manière à permettre de rétablir les services d'électricité à nos concitoyens, et cela a été le cas lorsque l'Opposition a voté avec le gouvernement cette loi particulière, personne de l'Opposition n'a dit: Nous violons la signature qui nous aurait forcés normalement à prolonger les conventions existantes, quitte à ce que les gens gèlent l'hiver. Au contraire, l'Opposition a jugé qu'une crise de nature telle qu'elle pénalisait nos concitoyens justifiait le Parlement de décréter des conditions de travail et l'Opposition libérale de l'époque, de concert avec le gouvernement, a donc imposé de nouvelles conditions de travail. La crise économique est là, elle est même d'ailleurs soulignée à de nombreuses reprises par le député de Vaudreuil-Soulanges qui se plaît à rappeler les taux d'intérêt élevés, les taux de chômage élevés et je dois évidemment lui rappeler qu'effectivement, c'est une des plus

graves crises que traverse l'Occident dans le domaine économique, de longue date, qui amène l'ensemble des gouvernements à intervenir. À titre d'exemple, le gouvernement de la Belgique qui a une loi qui introduit l'indexation automatique des salaires au coût de la vie a décidé d'amender cette loi et de ne plus indexer les salaires, en décidant cependant de protéger les plus bas salariés, en introduisant une indexation partielle dans ces cas. Et, par conséquent, on se rend bien compte que l'ensemble des pays occidentaux doivent traverser la crise et prendre un certain nombre de moyens. Dans une situation de crise, un gouvernement peut être amené à décréter des conditions aux travailleurs, comme l'Opposition le reconnaît elle-même puisque, à de nombreuses reprises, lorsqu'elle était au pouvoir, elle a dû le faire. Je ne prétends pas qu'elle l'a toujours fait judicieusement, mais je pense qu'elle a jugé à un moment donné que la situation était telle qu'elle devait, du fait qu'elle était à l'époque au gouvernement et donc responsable de l'intérêt public, imposer cela et elle a donc jugé bon de le faire à ce moment.

De la même façon, l'Opposition a même accepté avec un sens des responsabilités aigus de voter avec le gouvernement dans des situations particulières, en imposant des conditions de travail, en même temps en le faisant au nom de l'intérêt public. Et je pense que l'Opposition va à nouveau reconnaître qu'en temps de crise, lorsque beaucoup de nos concitoyens vivent des situations difficiles, à ce moment, elle se doit de mettre de côté des attitudes partisanes et de travailler dans l'intérêt de l'ensemble de nos concitoyens. À cet égard, j'attends beaucoup de la collaboration de l'Opposition sur cette question. Quant à la politique salariale, évidemment, rappelons qu'une politique salariale se dépose à une table des négociations. Elle ne se débat pas publiquement et je n'ai pas l'intention, à cette commission, d'élaborer sur la politique salariale qu'entend suivre le gouvernement. Lorsque nous en aurons saisi nos partenaires, à ce moment, il me fera plaisir de répondre à toutes les questions de l'Opposition. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, pour en revenir à des points plus précis, parce que le président du Conseil du trésor ne semble pas apprécier les "filibusters" et il faisait référence, entre autres, à celui que le Parti libéral avait fait dans le cas de la Société nationale de l'amiante. C'est un peu d'actualité et c'est pour cela que je me permets un commentaire. Peut-être que si on avait écouté ce qui s'est dit à ce "filibuster", on n'aurait pas appris ce matin que la société Asbestos avait un déficit de 1 372 000 $. Mais, comme ce n'est pas là l'objet de notre commission, je reviendrai immédiatement au sujet à l'ordre du jour.

Dans un premier temps, on apprend à la lecture des crédits, M. le président du Conseil du trésor, que les crédits budgétaires de l'exercice financier 1982-1983 du ministère dont vous êtes responsable ont augmenté de 2 405 500 $, soit 33,04% par rapport à ceux de 1981-1982. Est-ce que c'est l'exemple que vous donnez aux autres ministères?

M. Bérubé: Oui. Je pense que le Conseil du trésor fait preuve d'une gestion très serrée et que chacune de ses dépenses peut facilement être justifiée. Donc, dans la mesure où tous les ministères pourront justifier avec autant d'à-propos leurs dépenses, ils n'auront pas de problèmes.

M. Paradis: Est-ce que, à titre d'exemple, vous pouvez nommer le ministère qui est le plus près du vôtre en termes d'augmentation? (15 h 45)

M. Bérubé: Cela n'a aucune espèce d'importance. D'ailleurs, là-dessus, le député de Vaudreuil-Soulanges a fait preuve, tout à l'heure, dans son intervention d'un sens de la mesure qui ne m'étonne pas parce qu'il a quand même une plus longue expérience de la vie et il sait très bien que sur un petit budget comme il l'a souligné tout à l'heure -le Conseil du trésor a un tout petit budget -les moindres variations...

M. Paradis: Sont importantes.

M. Bérubé: ... d'un montant brut se traduisent par des pourcentages élevés et, évidemment, le député de Vaudreuil-Soulanges a au moins appris une chose: c'est à calculer des pourcentages, ce que le député de Brome-Missisquoi ne sait toujours pas. Mais, enfin, je peux vous expliquer comment cela se fait.

M. Paradis: C'est parce que je me fie strictement à ceux qu'imprime le ministre dans son cahier.

Donc, si on en revient aux questions précises, vous avez dans le paragraphe explicatif qui suit, M. le Président du Conseil du trésor, la note suivante. Vous nous dites que cette...

M. Bérubé: Vous parlez de quelle page présentement.

M. Paradis: Vous avez oublié de paginer, sans doute par souci d'économie.

M. Bérubé: Sans doute.

M. Johnson: Pas d'économie de temps.

M. Bérubé: Voilà.

M. Paradis: Vous mentionnez que cette augmentation est occasionnée par la croissance des traitements, soit 1 525 300 $ incluant la masse salariale du personnel de cabinet...

M. Bérubé: Oui.

M. Paradis: ... pour un montant de 456 200 $, lequel a été créé au mois de mai 1982. Est-ce que cela inclut...

M. Bérubé: Lire 1981. M. Paradis: Pardon? M. Bérubé: Lire 1981.

M. Paradis: D'accord. Si on lit 1981, cela veut dire qu'au niveau de votre personnel de cabinet comme tel, vous avez des augmentations de salaires de 456 200 $?

M. Bérubé: Non. Comme il n'y avait pas de ministre responsable du Conseil du trésor, il n'y avait donc pas de cabinet ministériel.

M. Paradis: Cela fait partie de l'ensemble des salaires et il n'y a aucune augmentation au niveau du personnel du cabinet du Conseil du trésor qui est contenu dans ce chiffre.

M. Bérubé: Exactement.

M. Paradis: Et par la création de la Direction de la planification au mois d'octobre 1981, 289 200 $, est-ce que c'est la même situation?

M. Bérubé: Oui.

M. Paradis: Cela veut dire qu'avant votre arrivée, il n'y avait pas de Direction de la planification?

M. Bérubé: Exact, en ce sens que le Conseil du trésor, même s'il était un organisme autonome du gouvernement, relevait du ministre des Finances directement. Nous n'en avons pas fait un ministère et je n'ai pas l'intention, non plus, de pousser pour en faire un ministère proprement autonome, mais il jouit quand même d'une très grande autonomie sur le plan administratif.

Or, il se produit que la préparation du budget devient une opération de plus en plus complexe qui doit souvent reposer sur un certain nombre d'hommes dont il faut louer la très grande mémoire et la capacité à se retrouver dans un dédale de dépenses de 23 000 000 000 $ qui leur permettent de mettre en forme, de structurer une présentation budgétaire. Mais en même temps, je pense que c'est beaucoup taxer ceux qui sont responsables de la préparation du budget, et il nous apparaissait approprié de pouvoir informatiser la préparation budgétaire, à la fois pour faire en sorte que lorsque que, par exemple - et cela existe déjà en ce moment au Conseil du trésor, mais je donne un exemple d'application - on négocie en cours de convention collective, il peut arriver que l'on veuille évaluer ce que coûterait, par exemple, une demande syndicale et, évidemment, il est toujours possible à la main à partir de statistiques...

M. Paradis: Une petite calculatrice.

M. Bérubé: ... de bien vouloir calculer, de "pitonner" comme on dit en langage de comptables, mais il demeure qu'il était également important de pouvoir informatiser une simulation du comportement de la masse salariale à partir d'un certain nombre de paramètres.

Donc, notre intention est éventuellement d'en arriver à informatiser l'ensemble de la préparation du budget gouvernemental de telle sorte que l'on puisse très rapidement, à partir de la conjoncture économique, simuler quelle serait l'augmentation de la clientèle à l'aide sociale et, donc, en prévoir les coûts et les ajustements à y apporter en cours d'année.

L'importance d'en arriver à informatiser l'ensemble de la préparation du budget, plutôt que de garder la préparation... D'ailleurs, ce sera inévitable qu'on continuera à garder, au niveau de chaque direction administrative, le travail de préparation du budget et de négociation au niveau de chaque article. L'ensemble des paramètres du budget doit consolider éventuellement dans le calcul final et la présentation finale. C'est ce genre d'opération que nous voulons effectuer. La raison pour laquelle nous avons donc cette nouvelle direction de la planification, c'est essentiellement afin de mettre sur pied l'instrument informatique qui nous permettra d'informatiser la préparation du budget.

M. Paradis: Donc, avant que vous mettiez ce service sur pied, vous convenez qu'il existait, du moins du point de vue technique, une lacune importante. C'est pour cela que vous avez décidé d'y investir cette année la somme qui est quand même importante dans le contexte actuel, au niveau du budget du ministère qui, vous l'avez dit, était quand même assez restreint, de 289 200 $. Est-ce que vous pensez que

l'absence de telles données peut avoir fait en sorte qu'à l'occasion des dernières négociations de conventions collectives il ait pu y avoir des disproportions ou des dépassements?

M. Bérubé: Non, pas vraiment. Malheureusement, je pensais avoir un document avec moi, mais je m'aperçois que je ne l'ai pas.

M. Paradis: Allez-y de mémoire, on va vous croire.

M. Bérubé: Si vous abordez la question des négocations... c'est le document? Ah! C'est fantastique.

M. Paradis: Le député de Vaudreuil-Soulanges me soufflait à l'oreille: C'est quand il a un texte écrit qu'on n'y croit pas, cela a l'air trop préparé.

M. Bérubé: Non, je pourrais vous le donner verbalement. En pratique, il y a peut-être un programme qui a coûté plus cher, si je ne m'abuse, que ce qui avait été anticipé: les congés de maternité où la fécondité des femmes travaillant dans le secteur public...

M. Paradis: Est-ce que les congés de paternité sont également inclus? C'est parce que je ne voudrais pas que vous soyez pris à faire du sexisme devant cette commission.

M. Bérubé: Non, il s'agit des congés de maternité, à ma connaissance. Donc, dans le cas des congés de maternité, les projections avaient été faites sur la base de taux de fécondité standardisés. Il s'est avéré - c'est quelque chose que même un ordinateur ne pourrait sans doute pas prévoir - qu'une telle politique a peut-être eu des propriétés natalistes supérieures à ce qui avait été anticipé; par conséquent, il y a eu une augmentation des coûts au niveau de ce qu'on pourrait appeler les droits parentaux. Ces avantages pourraient représenter ou coûter simplement... Je vais vous faire le petit calcul rapidement. Cela me fait plaisir, d'ailleurs; je vous le fais absolument gratuitement. D'ailleurs, c'est l'utilisation continue d'une calculatrice de ma part qui a amené les membres du Conseil du trésor à vouloir se doter également d'un ordinateur.

M. Paradis: Est-ce que la courbe d'augmentation de fécondité est parallèle à celle de l'augmentation du déficit du gouvernement?

M. Bérubé: Non, il n'y a absolument aucun lien de cause à effet, mais je dois vous avouer que si, effectivement, les politiques gouvernementales, pour encourager nos familles au Québec qui doivent affronter une crise économique extrêmement difficile et des augmentations importantes des coûts, ont comme conséquence de venir en aide à nos familles qui, à ce moment-là, verront l'avenir avec plus d'optimisme et, par conséquent, n'hésiteront pas également à élever des familles nombreuses, tant mieux. Si, de fait, un certain nombre de nos politiques ont connu beaucoup de succès, je pense qu'il faut en louanger le gouvernement plutôt que s'en moquer. Évidemment, le député de Brome-Missisquoi...

M. Paradis: On va continuer.

M. Bérubé: Si vous me le permettez, je vais vous répondre rapidement.

M. Paradis: Vous calculez lentement, mais vous répondez rapidement.

M. Bérubé: Cela ne fait même pas 0,005%. Le pourcentage est tellement faible sur l'impact de l'ensemble du coût des conventions collectives que ma calculatrice n'arrive même pas à le calculer.

M. Paradis: Que votre réponse n'est pas bonne.

M. Bérubé: L'erreur est donc assez faible. Par conséquent, je pense que ce qu'il faut surtout souligner lors des dernières rondes de négociations, c'est ceci: Nous devons constater - ce n'est pas un reproche que je fais au gouvernement qui nous a précédés; je pense que ce gouvernement a été à l'image des gouvernements antérieurs -que dans le secteur public la rémunération, dans les années 1940-1945, laissait énormément à désirer. Il s'ensuivit, au cours des années soixante, un rattrapage inévitable et graduellement on peut dire que, sur cette lancée, les employés du secteur public ont pu même acquérir une certaine avance par rapport au secteur privé. Par la convention de 1975 à 1979, le député de Brome-Missisquoi sera intéressé de savoir que les augmentations de salaires consenties par l'administration libérale ont été de 4% supérieures à l'inflation, année pour année. Année sur année, les augmentations consenties ont été de 4% supérieures à l'inflation. Ce qui a, évidemment...

M. Paradis: Et la croissance économique?

M. Bérubé: ... ce qui a amené à ce moment-là une avance des employés du secteur public par rapport au secteur privé de près de - ce doit être 0,7% par année...

M. Paradis: C'est ce que vous avez dénoncé comme étant un scandale à l'époque.

M. Bérubé: Par conséquent, on a amplifié cet écart avec le secteur privé. Je dois dire que, de toute façon, à la décharge du gouvernement antérieur, lorsque nous avons, en 1979, pris en main la première ronde de négociations, le secteur public était de 16% en avance sur le secteur privé, indéniablement. Je ne dis pas que le gouvernement, dans sa négociation de 1975, était responsable de l'ensemble de l'écart, non, mais peut-être 3%, 4% ou 5% de plus. Mais ces 3%, 4% ou 5% de plus s'ajoutaient à ce qui avait été consenti en 1972 et antérieurement, ce qui fait qu'en pratique il y avait une lancée qu'il fallait enrayer. Or, la dernière ronde de négocations, en 1979, a amené ce que j'appellerais une stabilisation en ce sens que l'accroissement des salaires n'a été que de 0,4% par année supérieur à l'indice des prix. Donc, nous avons véritablement enrayé cet accroissement de l'écart entre le secteur public et le secteur privé, chose qui n'avait pas été faite par les gouvernements antérieurs. De fait, si l'on avait simplement reconduit les paramètres de la convention collective négociée à l'époque du gouvernement libéral de M. Bourassa, il en aurait coûté 2 300 000 000 $ de plus au gouvernement. Indéniablement, je pense que le gouvernement a fait, à l'époque, un effort réel, de concert avec les syndicats, pour ne pas permettre à l'écart de s'accentuer.

Il serait intéressant de rappeler au député de Brome-Missisquoi que, par exemple, le rapport maître-élèves, qui était de 1 pour 21, est passé à 1 pour 16 par la convention de 1975. En d'autres termes, cette négociation s'est traduite par une augmentation très significative de l'effectif dans le réseau de l'éducation. L'une des bonnes raisons pour lesquelles, aujourd'hui, il peut en coûter jusqu'à 300 $ de plus pour éduquer un jeune, c'est essentiellement relié à un certain nombre de politiques désastreuses. Je ne dirais pas uniquement de l'administration libérale antérieure, mais je pense que l'administration libérale a été la principale cause de cet accroissement des coûts. Si le député de Brome-Missisquoi veut faire les gorges chaudes sur les dernières rondes de négociations, je pense qu'il devrait, pour être véritablement équitable, parler de la catastrophe de l'administration libérale précédente et, par rapport à cette catastrophe, il serait obligé de constater qu'au contraire les dernières rondes de négociations ont amené une stabilisation de l'écart entre le secteur privé et le secteur public, au lieu d'un accroissement continuel. Elles ont également amené une stabilisation de la croissance des effectifs. Peut-être que le député de Brome-Missisquoi voudrait que l'on discute de l'augmentation annuelle des effectifs sous l'administration libérale et de comparer avec ce qui s'est fait depuis que nous sommes là et, à ce moment-là, il aurait honte. Je ne voudrais pas d'ailleurs qu'il prenne cette couleur rouge qui le caractérise si bien et, par conséquent, je changerais de sujet, si j'étais à sa place.

M. Paradis: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Nous sommes habitués, dans l'Opposition, un peu comme la population du Québec s'y habitue, à avoir les réponses d'un gouvernement qui dit qu'il n'est pas responsable des conventions qu'il a signées en 1979. C'est un gouvernement qui met le blâme, même si cela fait six ans qu'ils sont en poste, sur les libéraux de 1970 à 1976, un gouvernement qui met le blâme sur le fédéral, un gouvernement qui met le blâme sur M. Reagan aux États-Unis, un gouvernement qui met le blâme sur la Communauté économique européenne, un gouvernement qui met le blâme présentement sur les syndiqués de la fonction publique et parapublique, un gouvernement qui, finalement, n'est responsable de rien de ce qui s'est passé dans les six dernières années. Le seul mot est toujours le même, le président du Conseil du trésor, à l'exemple de ses collègues du parti ministériel s'arrête juste avant de dire: On est complètement irresponsable. (16 heures)

Pour continuer dans le même chapitre, on va s'apercevoir qu'au niveau du personnel du cabinet, on l'a vu, les crédits sont de 456 200 $; la création de la direction de planification, au mois d'octobre 1981, c'est 289 900 $; les dépenses afférentes à la négociation des conventions collectives de travail, 435 000 $; l'ajustement des autres dépenses de fonctionnement, 145 200 $; la mise en place d'un nouveau mode d'évaluation des emplois supérieurs et d'évaluation des processus gouvernementaux, 300 000 $. On s'aperçoit que c'est tout du nouveau, ce sont des choses qu'on ajoute. On vient de se réveiller en pleine crise économique avec une convention qu'on a signée en 1979 et de laquelle on dit: II y a eu des écarts parce qu'on n'avait pas tous les instruments, on vient de se doter des instruments; on se réveille en pleine catastrophe, et là on dit, parce que la catastrophe est là, qu'on va prendre des mesures.

Mais est-ce que le président du Conseil du trésor a déjà considéré que gouverner, c'est prévoir, ce n'est pas mettre le blâme sur les autres; gouverner, c'est prévoir et c'est administrer sainement les finances publiques du Québec? Si ces intruments étaient d'une utilité quelconque, si on avait eu un gouvernement, et là je ne peux pas vous donner le blâme comme tel, M. le

président du Conseil du trésor, parce que ce n'est pas vous qui occupiez cette fonction en 1979, j'aimerais strictement que vous transmettiez à votre collègue, le ministre des Finances, avec qui vous entretenez des liens très étroits et une amitié qui est connue de la population québécoise, que vous lui transmettiez, dis-je, bien amicalement, et peut-être que, sous le couvert de l'amitié privilégiée qui vous unit tous les deux, le message de l'Opposition libérale qui vous dit qu'il y a quelqu'un qui a négligé des choses quelque part et parce que vous agissez en catastrophe, parce que vous n'avez pas su gouverner comme gouvernement, et là ça ne s'adresse pas à vous, parce que je ne vous fais pas d'attaque personnelle là-dessus M. le président du Conseil du trésor, aujourd'hui ceux qui sont pincés à se faire voler, comme ç'a été mentionné en Chambre ce matin, du salaire qui avait été signé et garanti par la signature du gouvernement du Québec, ce sont les employés de la fonction publique et du secteur parapublic.

Maintenant, il semble que vous amorcez une ronde de négociations muni des outils dont vous nous parlez, des outils d'analyse. On aimerait savoir du président du Conseil du trésor si l'utilisation de ces outils d'analyse vous a permis de compléter toutes les données, tous les dossiers techniques dont vous avez besoin avant d'entreprendre lesdites négociations.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, d'abord dans la mesure où le député de Brome-Missisquoi n'a pas de question précise portant sur le contenu et que...

M. Paradis: Elle était précise, je peux la répéter, M. le président du Conseil du trésor, je sais que vous étiez en train de discuter avec votre adjoint, qui semble aller chercher des documents, parce que vous auriez peut-être compris une question que vous aimeriez bien que je répète, si vous avez effectué la création de la direction de planification, si vous avez des dépenses afférantes à la négociation de conventions collectives de travail, aux ajustements des autres dépenses de fonctionnement, à la mise en place d'un nouveau mode d'évaluation des emplois supérieurs et d'évaluation des processus gouvernementaux, si vous avez utilisé tous ces mécanismes et ces outils qui sont à votre disposition, ma question très précise est la suivante: Est-ce que, présentement, à cause de l'utilisation de ces ressources, vous avez en main toutes les données techniques nécessaires, les dossiers complets pour vous présenter à la table de négociation?

M. Bérubé: Alors, la réponse à cela c'est oui.

M. Paradis: Question suivante.

M. Bérubé: Je qualifierai mon oui dans la mesure où le député de Brome-Missisquoi s'est permis une déclaration liminaire avant de poser sa question, et je ne saurais laisser passer....

M. Blais: ...

M. Bérubé: Je pense que je vois le député de Terrebonne qui s'apprêtait à intervenir. Tout d'abord, le député de Brome-Missisquoi, sans s'en apercevoir, s'est contredit lui-même.

M. Paradis: Je vous ai cité.

M. Bérubé: Ce n'est pas particulièrement étonnant, puisque dans la longueur de son intervention, il a fini par oublier ce qu'il avait dit au début. À un moment donné, il ne s'en est pas rendu compte, mais il s'est contredit.

M. Paradis: M. le Président, question de règlement. C'est le ministre qui avait oublié ce que j'avais dit, il m'a demandé de répéter la question. Qu'il ne m'impute pas sa compréhension ou son incompréhension.

M. Bérubé: M. le Président, le député de Brome-Missisquoi, dans un élan oratoire...

Une voix: Aratoire.

M. Bérubé: Oui, aratoire, parce que c'était assez lourd, effectivement.

M. Paradis: Cela partait de la terre, ce n'était pas dans les nuages.

M. Bérubé: Donc, le député de Brome-Missisquoi nous dit: Ce gouvernement a mal négocié, en 1979, pas l'actuel président du Conseil du trésor, puisqu'il n'était pas là, mais enfin, son collègue qui le précédait a mal négocié. Il est responsable, finalement, du contenu des conventions collectives. Analysons d'abord cette première partie de la question.

M. Paradis: Est-ce que vous êtes responsable du contenu des conventions collectives?

M. Bérubé: Est-ce que le député de Brome-Missisquoi aurait objection à ce que je réponde, et subséquemment, je lui permettrai de s'exprimer tout au long?

M. Paradis: Je m'excuse, M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le député de Brome-Missisquoi. Donc, partons de ce premier postulat. Lorsque nous prenons la première ronde de négociations, il nous faut bien constater que les employés du secteur public sont rémunérés 16% en haut du marché. Comment découvrons-nous cela? D'abord, en mettant sur pied un bureau de recherche sur la rémunération, si je ne m'abuse, qui n'existait pas à l'époque libérale, et qui a permis de savoir effectivement l'écart qui avait pu se développer au cours des années. De fait, c'est mon prédécesseur, M. Parizeau, qui est à l'origine de ce nouvel instrument mis sur pied au Conseil du trésor et qui a permis d'introduire un peu de rationnel dans cette évaluation du coût des conventions collectives. Ceci n'existait pas avant. Faut-il blâmer mon prédécesseur d'avoir eu suffisamment de vision pour bien comprendre que les conventions collectives étaient une question avec des retombées budgétaires de première importance et qu'il fallait donc prendre la peine de s'attacher à ce problème de la rémunération, d'en évaluer véritablement les coûts et de comparer dans quelle mesure ce qui était offert était comparable ailleurs? C'est donc mon prédécesseur qui a eu cette vision, que n'a jamais eue d'ailleurs le gouvernement libéral antérieur. Quand je pense aujourd'hui que ceux qui dirigeaient le gouvernement aspirent maintenant à remplacer l'actuel chef, alors qu'ils n'ont jamais été en mesure d'instaurer là le moindre contrôle financier véritablement valable, je m'étonne.

Mon prédécesseur a donc mis sur pied ce bureau de recherche sur la rémunération qui nous a permis de constater cet écart entre le secteur public et le secteur privé. On me dit: Non seulement le bureau de recherche, mais toute la direction générale des négociations. On se rend bien compte qu'avec l'ancienne administration, on négociait à la petite semaine...

M. Paradis: ... 1981.

M. Bérubé: ... sans aucune expérience technique. On faisait cela sur le coin de la table. Évidemment, il n'est pas particulièrement surprenant que la société ait écopé de cette période libérale de mauvaise gestion. Donc, premier effort, lorsque nous arrivons au gouvernement, c'est: Analysons et essayons d'évaluer, et déterminons ce que nous coûtent les conventions collectives. Première observation: 16% de plus que ce qu'il en coûterait pour donner une rémunération à des travailleurs dans des entreprises de 500 employés et plus effectuant le même travail. Ô surprise! Comme gouvernement, nous devions, dans cette première ronde de négociations, faire un effort pour réduire cet écart. De fait, l'écart est passé de 16% jusqu'à 10% en deux ans. Donc, baisser l'écart. Nous reconnaissons que nous avions prévu une croissance économique supérieure à ce qu'elle est réellement et que, pour la troisième année de la convention collective, alors que nous avions anticipé une meilleure croissance économique. De fait, elle ne s'est pas matérialisée et nous constatons que l'écart est remonté à seize.

Donc, nous pouvons dire ceci: Nous avons maintenu l'écart entre le secteur public et le secteur privé. Nous pouvons également regarder comment le normatif a influencé les effectifs, par exemple, à l'Éducation, dans la fonction publique, pour constater qu'alors que les effectifs augmentaient à une vitesse exponentielle sous l'administration libérale, nous avons non seulement stabilisé cette croissance à l'Éducation, mais de plus contribué, au cours des dernières années, à réduire de façon significative les effectifs dans le secteur public.

Donc, l'action du gouvernement a été, premièrement, d'enrayer cette croissance trop rapide de la rémunération globale et, deuxièmement, de mettre un frein à la croissance des effectifs dans le secteur public. Voilà l'action gouvernementale de la dernière ronde de négociations.

Dans une période de croissance économique, faut-il le rappeler, M. le Président - vous allez être intéressé par ces chiffres - les chiffres publiés par le gouvernement fédéral sur la croissance économique du Québec nous montrent que le Québec a connu une croissance réelle de son produit intérieur brut de 0,9% par année supérieure à celle de l'Ontario, puisque l'Ontario a reculé durant la même période, durant les cinq années, de 1976 à 1980, de 0,7% par année. Pendant que l'Ontario reculait de près de 1% par année, le Québec progressait en termes de richesse de 1% par année. Les États-Unis, durant la même période, croissaient de 0,3% par année de PIB.

Donc, dans une période où nous connaissons une croissance économique de beaucoup supérieure, par exemple, à celle de l'Ontario et même à celle des États-Unis, certains pourraient s'étonner que nous n'ayons pas retiré aux centrales syndicales les acquis que les gouvernements antérieurs leur avaient concédés. Ce que le député de Brome-Missisquoi vient de dire, c'est: Vous auriez dû, en 1979, enlever aux travailleurs du secteur public ce que nous leur avions consenti par erreur, alors que la situation économique était celle de la croissance. Aujourd'hui, que nous essayons de redresser en réduisant la rémunération, il dit que nous volons les employés de l'État. Où est la logique? D'un côté, il dit: On aurait dû les voler quand cela allait bien et, quand cela

va mal, scandale! vous les volez. Qu'est-ce qu'il veut exactement? Il ne le sait pas, il n'a pas la moindre idée de ce qu'il veut.

M. Paradis: C'est la différence entre voler un pauvre et voler un riche.

M. Bérubé: S'il nous dit que nous aurions dû retirer des acquis de nos travailleurs en période de croissance économique, inévitablement il doit être d'accord avec nous si, en période de crise, nous estimons que nous devons réduire la rémunération. Cela m'apparaît complètement évident.

M. Paradis: ... péquiste, je ne suis pas assez "capoté" pour faire cela.

M. Bérubé: C'est tellement évident en pratique que, M. le Président, je passerais la parole au député de Terrebonne qui, je pense, pourrait d'une façon différente tenter d'expliquer la même chose au député de Brome-Missisquoi, mais je suis convaincu qu'à force de répéter, le député de Brome-Missisquoi, qui est quand même un homme intelligent - j'ai eu l'occasion de travailler avec lui à de nombreuses reprises en commission parlementaire - finira par comprendre. Je regrette cependant que -c'est ce que j'ai pu constater en commission, d'ailleurs - il faille répéter de nombreuses fois, mais le député de Terrebonne a une façon d'expliquer, en utilisant l'humour qui souvent permet au député de Brome-Missisquoi de progresser intellectuellement et je suis convaincu qu'à force de nous fréquenter, lorsqu'il quittera l'Assemblée nationale dans peu d'années, ce sera une personne ayant une bonne maîtrise des dossiers économiques et je pense même qu'à ce moment-là il ne sera pas loin de voter pour le Parti québécois et de militer activement au sein de notre formation.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, s'il y avait possibilité de soulever des questions de privilège en commission parlementaire, vous comprendrez que j'en soulèverais une. Vu qu'il n'y a pas possibilité, je vais laisser la parole au député de Terrebonne. Cela ne mérite même pas une réplique.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vaudreuil-Soulanges avait demandé la parole auparavant.

M. Paradis: Au député de Vaudreuil-Soulanges, excusez-moi. (16 h 15)

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, nous venons d'entendre un discours politique typique, une cassette qu'on a déjà entendue. Évidemment, cela doit être une cassette, si le président du Conseil du trésor prétend qu'il faut toujours répéter la même chose. Il est inutile de dire des choses différentes et d'étayer de façon plus sérieuse ses affirmations s'il se fixe comme objectif de toujours répéter la même chose. Je relèverais simplement, pour que la toile de fond soit la même pour tout le monde, certains chiffres que le président du Conseil de trésor vient d'indiquer quant à la croissance de l'économie du Québec et de l'Ontario depuis quelques années, selon les sources disponibles pour tout le monde, la série 13213 qu'on a simplement à aller voir. On constate que de 1977 à 1980, par exemple, le Québec a connu une augmentation de son produit intérieur brut de 10,0% et l'Ontario, de 10,1%; par année, c'est un taux annuel de croissance. Je ne vois pas en quoi nous avons non seulement dépassé l'Ontario, mais nous l'avons complètement écrabouillé, si j'écoute les chiffres du député de Matane et président du Conseil du trésor qui se vante par ailleurs...

M. Paradis: II prend cela dans les livres de Bernard Landry.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... de s'être finalement doté des outils qui lui permettent de mesurer des écarts qui, dit-il, étaient du domaine de l'ignorance publique avant que ce gouvernement n'arrive au pouvoir alors que ses prédécesseurs avaient déjà, lors des occasions qu'ils ont eues de dresser les bilans... Notamment, en 1976, un de ses prédécesseurs, libéral en l'occurrence, avait indiqué que l'écart entre le secteur public et le secteur privé devait absolument faire l'objet d'une action prioritaire du gouvernement afin qu'il soit réduit et que, parallèlement à cela, si ce problème n'était pas réglé, on s'en allait inévitablement vers une crise des finances publiques en 1980 et 1981. C'est à peu près dans le domaine du réel connu aujourd'hui, du réel historique.

J'aimerais par ailleurs relever une autre inexactitude, cette fois à un niveau plus qualitatif, de la part du président du Conseil du trésor qui tient aujourd'hui un discours que, peut-être, pas lui mais certains de ses collègues qui sont encore en Chambre... Notamment, le député de Sauvé et ministre -par les temps qui courent, il court lui aussi un peu partout - des Affaires intergouvernementales tenait un discours qui l'avait même appelé, dans son comportement, à se joindre aux lignes de piquetage, à monter sur les barricades et à réclamer encore plus devant les portes du parlement au nom des employés du secteur public qu'on disait être à l'époque les victimes d'un Parti libéral du Québec qui tentait de voler, lui aussi, si je comprends bien, les employés du

secteur public. Ces barricades ont été dressées à l'intérieur du gouvernement plus tard et c'est du haut de ces barricades qu'on nous a tenu des discours du budget année après année qui faisaient état de l'assainissement grandiose des finances publiques, de la mise en place - cela on l'apprend aujourd'hui - de mécanismes formidables afin de mesurer véritablement l'impact des politiques du gouvernement. Et on reconnaît dans tous les milieux, et le président du Conseil du trésor le sait pertinemment, que les méthodes de travail qui ont été retenues depuis quelques années, depuis tout de même six ans que le gouvernement est au pouvoir, les méthodes de mesure de la rémunération par exemple dans le secteur public laissent grandement à désirer. Plutôt que d'assister à des implantations de systèmes de mesures qu'on dit vétustes, il y aurait peut-être lieu de s'étendre un peu plus longuement sur les découvertes qu'a faites le ministre et ses services, sur la qualité de l'échantillonnage, par exemple, qui a été retenu pour évaluer les écarts entre le privé et le public, sur l'absence de certaines données dans l'évaluation des écarts, notamment certains des bénéfices sociaux.

La trame, elle aussi qualitative, qu'on doit avoir à l'esprit, c'est que l'écart que le ministre a indiqué est peut-être encore un peu plus haut qu'il ne l'a dit, dans la mesure où il semble être reconnu que le haut taux de rémunération qu'on reconnaît universellement comme étant l'apanage du secteur public a un effet d'entraînement par voie d'élasticité, si on veut, sur le secteur public et donc, que l'écart véritable est probablement un peu plus élevé qu'on ne le dit. D'ailleurs, le ministre des Finances parle d'un écart de 13% et le président du Conseil du trésor vient de parler d'un écart de 16%, sous son administration. J'aimerais donc à ce moment avoir des explications sur les nouveaux systèmes que le président du Conseil du trésor prétend mettre en place et qui m'apparaissent être des systèmes qui ne remplacent rien. On se plaint tellement de ce qui existait depuis six ans que, dans le fond, c'est peut-être inexistant ou inutile et, chose certaine, cela n'aurait pas servi, si on regarde comment ont évolué les dépenses de rémunération depuis trois ans, à prendre une décision éclairée lors de la signature de la dernière convention collective.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, ce qui est de nouveau dommage, c'est que je me rends compte d'une chose: c'est que l'Oppostion n'a peut-être pas véritablement d'intérêt pour les dossiers. Elle choisit d'en faire un simple déballage politique. C'est son droit le plus strict auquel cas je me réserverai la réponse, mais je suis accompagné de personnel qui pourrait répondre à toutes les questions techniques qui permettraient au député de Vaudreuil-Soulanges, plutôt que de se risquer dans des affirmations erronées qui lui permettraient de poser des questions sur la méthode suivie, sur la méthode d'échantillonnage, de telle sorte qu'il pourrait avoir un certain nombre d'informations objectives.

M. Paradis: Précisément.

M. Bérubé: Non, parce qu'il a posé sa question essentiellement de la façon suivante: Le gouvernement ne fait pas telle chose. Ce sont de mauvais échantillonnages. Vous ne tenez pas compte des... Alors, il a essentiellement fait une critique, ce qui, évidemment, m'oblige à avoir une réponse de type politique. Le jour où le député de Vaudreuil-Soulanges voudra poser la question simplement: Pourriez-vous nous dire quel est le pourcentage d'entreprises que vous avez jointes? Je pense qu'on pourrait lui répondre. Donc, je vais lui répondre sur le plan politique et, en même temps, lui indiquer que s'il voulait véritablement s'informer il me ferait plaisir de permettre à des gens qui m'accompagnent de lui donner les réponses.

D'abord, ce qu'il a dit est totalement faux. Et je vais être obligé de le corriger, de lui donner malheureusement une leçon. Pourtant, ce sont des données qui sont publiques. D'abord, vouloir procéder par échantillonnage aléatoire des entreprises est impossible parce qu'il n'est pas possible de connaître la répartition des emplois dans le secteur privé de telle sorte que l'on soit certain qu'en prenant un échantillon, il sera représentatif de l'ensemble que nous voulons comparer. Ce qui a amené le Bureau de recherche sur la rémunération à suivre une approche différente. C'est celle d'avoir un très gros échantillonnage de manière à ne pas, justement, être victime des erreurs statistiques. Donc, première affirmation erronée: l'échantillonnage retenu pour l'étude regroupe, si je ne m'abuse, 33% des entreprises de grande taille de 500 employés et plus du marché, 33% de toutes les entreprises, 50% de tous les emplois comparables.

Faut-il souligner également qu'au gouvernement même, si on prenait les emplois gouvernementaux qui sont comparables avec le secteur privé, il y a 70% de ces emplois qui font effectivement l'objet d'une comparaison. Donc, l'échantillonnage est de première importance, de première grandeur et minimise les risques d'erreur. Je pourrais d'ailleurs continuer à élaborer sur le fait que contrairement à ce que le député de Vaudreuil-Soulanges a affirmé à propos du fait que l'on ne tient

pas compte des avantages sociaux, je pourrais continuer à argumenter sur un certain nombre d'autres affirmations erronées qu'il a faites. Je vais plutôt lui laisser la chance de ne pas entacher ses questions de commentaires politiques, ce qui nous permettra, à ce moment, au personnel technique qui m'entoure, de lui donner toutes les réponses techniques qui lui permettraient de faire son éducation et de suivre la voie marquée par le député de Brome-Missisquoi qui apprend beaucoup de nos contacts quotidiens.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Terrebonne, vous aviez une question tantôt. Vous avez demandé la parole sur le même sujet.

M. Blais: Merci, M. le Président. Ce ne sera pas très long, juste un petit commentaire pour appuyer les phrases du président du Conseil du trésor quand il disait, au tout début, que dans la question entendue ou mal entendue par lui-même, venant du député de Brome-Missisquoi, je tiens à dire que son exposé même - sans s'être contredit, peut-être, ce que je ne veux pas discuter - portait en soi les germes d'une contradiction infantile et puérile. Il arrive ceci: on nous reproche de mettre la faute sur les autres et comme on nous le reproche souvent, de mettre la faute sur les autres! C'est dans votre exposé que vous disiez cela. Ensuite, vous nous disiez ceci, pour être très bref: Gouverner, c'est prévoir. Là-dessus, je suis complètement d'accord pour une fois avec vous: gouverner, c'est prévoir.

M. Paradis: D'accord.

M. Blais: Sachez bien qu'il y a dans ces deux phrases que vous avez dites une contradiction infantile. Vous nous reprochez de ne pas prévoir parce qu'on nous gouverne mal et vous ne voulez pas qu'on mette la faute sur les autres. Mais sachez que nous n'avons que 50% du pouvoir ici. Nous n'avons, donc, au maximum, que 50% du pouvoir de prévoir. Ensuite, sur les taux d'intérêt sur la monnaie, nous avons zéro pouvoir. C'est très difficile pour nous de gouverner et de prévoir dans ce domaine. Ensuite, l'un dans l'autre, si vous ne nous aviez pas refusé par vos actes dans le passé ce que vous nous demandez de faire aujourd'hui soit de gouverner, si le 20 mai vous n'aviez pas dit aux gens de dire non, nous prendrions cette accusation. Mais vu que, le 20 mai, vous avez dit aux gens: On ne veut pas que ces gens-là gouvernent, ne venez pas de façon contradictoire, dans un exposé, nous reprocher aujourd'hui de ne pas prévoir. C'est vous qui avez refusé que nous gouvernions. C'est tout ce que je voulais dire, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, c'est donc la faute des Québécois qui ont voté non au référendum. On cherchait une autre victime.

Si on peut revenir à nos chiffres, aux dépenses et aux prévisions budgétaires qui sont l'objet essentiel de la commission et non la question référendaire. Publicité: sommes dépensées durant 1981-1982, aucune. Je tiens à vous féliciter de la retenue dont vous avez fait montre comme président du Conseil du trésor à cet article. On a déjà eu l'occasion de discuter à la commission des engagements financiers non pas de ce que vous qualifiez de publicité, mais de ce qu'en général la population qualifie de propagande gouvernementale. Mais, j'ai une crainte honnête à la suite du texte que vous nous avez remis d'être dans l'obligation de ne pas répéter ces félicitations à propos de la page 3 du document, M. le président du Conseil du trésor, en annexe, qui s'intitule: Étude des crédits 1982, demande de renseignements de l'Opposition officielle. C'est à part, M. le Président.

M. Bérubé: Oui, oui, c'est une question que vous avez posée à laquelle on a apporté réponse.

M. Paradis: C'est cela. Vous nous indiquez que, quant aux dépenses de publicité - lire publicité, voir propagande - prévues pour 1982-1983, elles sont au montant de 250 000 $ dans le cadre des négociations des secteurs public et parapublic. Est-ce que cette campagne de publicité qui est prévue là est déjà prête sur le plan pratique?

M. Bérubé: Non. En fait, il y a un montant, qui pourrait être même plus que cela, cela dépendra, qui sert à diffuser de l'information. Je ne dis pas qu'il y a absolument zéro. Par exemple, les graphiques, tableaux, la documentation que nous avons fait parvenir au chef de l'Opposition lorsque nous avons déposé notre proposition du mois de juillet sont des dépenses dites de publicité, mais sont en fait de l'information mise à la disposition des citoyens qui veulent connaître exactement la position gouvernementale.

Donc, les 250 000 $ sont prévus ici comme des dépenses qui pourraient être requises pour faire connaître les dépôts, par exemple, en ce qui a trait aux politiques salariales ou normatives du gouvernement, si la connaissance publique de ces informations sur une grande échelle s'avérait nécessaire. Je ne vous cache pas qu'il n'est pas du tout exclu que le gouvernement s'assure que cette information est disponible.

(16 h 30)

M. Paradis: Est-ce que, lorsque vous avez budgétisé dans vos crédits ces 250 000 $, vous contempliez la possibilité d'avoir recours à une firme de communicateurs pour vous préparer un programme de publicité gouvernementale qui tenterait de vendre le point de vue gouvernemental à l'ensemble de la population québécoise?

M. Bérubé: De vendre, je ne sais pas si vous devriez appeler cela "vendre"?

M. Paradis: Exposer, je vais être poli, exposer.

M. Bérubé: Oui, effectivement.

M. Paradis: Est-ce que vous nous assurez que ce contrat qui sera accordé...

M. Bérubé: Je pense qu'il est accordé, il va venir aux engagements financiers; si l'Opposition procédait avec plus de diligence à l'étude des engagements, elle l'aurait sans doute vu.

M. Paradis: L'Opposition tente de procéder avec diligence mais la longueur des réponses évasives du ministre fait avancer l'horloge et on est obligé de se quitter sans avoir avancé trop dans l'étude des crédits, ce que je tente d'éviter cet après-midi. Vous me dites que ce contrat...

M. Bérubé: Mais, chaque fois que le député de Sainte-Anne s'absente, ça va beaucoup plus vite.

M. Paradis: Mais, lorsque le député de Terrebonne arrive, ça ralentit. Vous me dites que ce contrat est déjà octroyé; est-ce qu'il a été octroyé par contrat négocié?

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: M. le Président, je fais des interventions toujours...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Terrebonne, vous intervenez à quel titre?

M. Blais: Question de règlement, de directive. Mes interventions sont toujours tellement courtes, M. le député de Brome-Missisquoi, que vous ne devriez pas me reprocher cela parce qu'elles mettent un peu de bon sens dans les conversations; vous nous emmenez toujours dans des canaux dans lesquels je n'aime pas me promener.

Une voix: C'est poli pour le ministre!

M. Paradis: J'endosse complètement les propos du député de Terrebonne. C'est le seul bon sens qu'on a dans les réponses à la commission des engagements financiers. Mais vous me dites...

M. Blais: Non, non pas dans les réponses.

M. Paradis: ... que ce contrat, M. le président du Conseil du trésor, est déjà accordé. Est-ce qu'il a été accordé par contrat négocié, par voie de soumissions publiques ou par utilisation du répertoire?

M. Bérubé: Par soumissions publiques, par un appel d'offres auprès de toutes les firmes en communication et jury-sélection.

M. Paradis: Est-ce qu'au niveau jury-sélection le contenu politique dans un domaine comme celui-ci était un des facteurs au niveau du pointage?

M. Bérubé: II faudrait faire attention au sens que vous donnez au mot "politique". Si vous me dites: Est-ce que vous avez demandé à une firme de vous suggérer ce qu'elle ferait advenant une situation qu'on pourrait qualifier de politique, une situation sociale donnée? la réponse est oui.

M. Paradis: Est-ce que vous pouvez dévoiler à cette commission des crédits quels sont les thèmes qui vous ont été présentés par la firme qui a été retenue?

M. Blais: ... non! Une autre fois!

M. Paradis: Est-ce qu'on peut savoir, sans dévoiler les thèmes - une question peut-être plus facile, M. le président du Conseil du trésor - quelle est la firme qui a été retenue?

M. Bérubé: Dialogue-Communications-Promédia, si je ne me trompe pas. C'est une espèce de fusion.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Pendant que nous sommes à l'attribution de contrats, j'ai reçu une communication d'une PME québécoise, du comté de Lévis, qui déjà le 3 mars dernier écrivait au premier ministre, sous la signature des dirigeants et de tous les employés, qui faisait valoir en haut de la pyramide des arguments qui n'ont pas semblé ébranler tous les autres paliers du gouvernement du Québec, particulièrement ceux qui sont chargés de voir, d'après le souvenir de mes conversations, à l'approbation pour inclusion dans la liste des fournisseurs du gouvernement de cette firme. Ce qui se dégage, c'est que cette PME manufacturière entièrement québécoise, qui bénéficie, pour certaines de ses ventes,

d'exportations importantes, semble incapable de se voir accorder de quelque façon que ce soit une approbation qui ferait en sorte qu'elle serait considérée au même titre que les autres lors de l'attribution de contrats.

Plus précisément, ce qui est en cause est la qualité des produits électriques qui entrent dans la composition du produit final. Il semblerait, à ce moment-ci, que pour une petite société comme celle-là, le recours constant à ce qui s'appelle le CSA, Association canadienne des normes, pour approbation au point de vue de la sécurité de ce qui est employé comme composants dans la fabrication du produit final représente un coût franchement prohibitif et que renseignements pris, cette société est néanmoins capable très facilement de vendre des produits au gouvernement de l'Ontario. Il est absolument incapable de soumissionner même pour des contrats au gouvernement du Québec pour une raison fort simple que je vous soumets immédiatement, c'est qu'en Ontario il y a à l'égard des PME, d'où qu'elles viennent, manifestement celle-ci est québécoise, un mécanisme d'approbation en matière de produits qui font appel à l'électricité pour leur fonctionnement qui vient d'Hydro-Ontario qui, à des frais tellement plus minimes que l'Association canadienne des normes, ouvre donc une porte à des soumissionnaires possibles pour des contrats gouvernementaux en Ontario. Il est absolument impossible, selon tous les renseignements que nous avons, pour cette même société du Québec de trouver la moindre petite ouverture dans le mur que le gouvernement aurait dressé à cause de sa réglementation afin d'être inclus éventuellement dans les prises en considération de soumissions publiques.

Je me demandais jusqu'à quel point le président du Conseil du trésor est prêt à regarder de façon très précise et constructive, des modifications au système d'approbation notamment dans la ligne de produits qui sont en cause afin d'ouvrir un peu plus la porte à des sociétés de chez nous qui ne semblent éprouver aucune difficulté à vendre les produits en Ontario ni d'ailleurs aux États-Unis, mais qui sont incapables de soumettre des propositions de vente à des organismes du gouvernement du Québec lorsqu'ils se retrouvent en concurrence avec de très grandes sociétés qui ont les moyens de faire approuver leur produit par l'Association canadienne des normes.

M. Bérubé: Question de règlement, M. le Président. Je voudrais éviter au député de Vaudreuil-Soulanges, peut-être, de s'étendre trop longtemps sur le sujet qui me paraît extrêmement intéressant, dans la mesure où un tel dossier ne relève pas du Conseil du trésor mais relève du Bureau de normalisation du Québec qui, lui, relève de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, ou encore, à ce qui a trait à la politique d'achat du Service général des achats qui, lui, relève du ministère des Travaux publics. Je pense que vous vous adressez peut-être à la mauvaise porte et faites en sorte qu'on ne pourra pas vraiment pousser très loin cette discussion.

M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le Président, si vous m'autorisez...

M. Bérubé: C'est l'article 142 d'ailleurs du règlement.

M. Paradis: Merci, M. le président du Conseil du trésor. Il demeure une chose, c'est que les dépenses gouvernementales sont soumises au contrôle du Conseil du trésor. On a souvent, lorsqu'on interroge le ministre responsable de ce ministère à la commission des engagements financiers, à lui poser des questions de cette nature et je suis surpris, aujourd'hui, que même s'il avoue qu'il trouve le cas amené par le député de Vaudreuil-Soulanges très intéressant, il ne fasse pas, comme c'était son excellente habitude, des commentaires sur le sujet et ne prenne pas les dispositions appropriées s'il faut qu'il convainque quelqu'un d'autre au niveau de l'appareil gouvernemental. Habituellement, il le fait de bon gré et corrige ces lacunes. Si le président du Conseil du trésor pouvait brièvement répondre au député de Vaudreuil-Soulanges et dire qu'au niveau de ces contrats il verra à aviser le ministre des Travaux publics, cela irait plus rapidement, on gagnerait du temps.

M. Bérubé: Je pense que, M. le Président, on fera comme nous faisons aux engagements financiers, on dira qu'il faudra poser la question au ministère et nous avons finalement un secrétaire qui, avec beaucoup de complaisance, adresse la demande au ministère. Je n'étais vraiment pas en mesure de vous répondre et, par conséquent, tout ce que je peux faire, c'est prendre les extraits du journal des Débats et de les expédier à mon collègue pour voir dans quelle mesure il y a quelque chose à faire, mais je pense que normalement cela devrait être fait par le biais d'une question à l'Assemblée nationale suivant les voies habituelles.

Ce qui, soit dit en passant, étant donné le sérieux et l'intérêt de la question, nous changerait des questions auxquelles nous avons droit habituellement à l'Assemblée nationale.

M. Paradis: Vous vous référez aux questions posées par les ministériels sans doute.

M. le Président...

M. Bérubé: Vous savez, on a tellement peu souvent l'occasion d'en poser que je me référais aux vôtres. Enfin, pas les vôtres spécifiquement, qui sont toujours...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le président du Conseil du trésor. Un peu dans la même veine, vous venez de répondre finalement au député de Vaudreuil-Soulanges que vous allez regarder le problème, mais que ce n'est pas de la juridiction de cette commission. On a, au niveau de l'Opposition, un problème, un cas que je me permets de vous résumer comme suit...

M. Bérubé: C'est un cas de comté?

M. Paradis: Non, ce n'est pas un cas de comté, c'est un cas qui ressort et qui découle de la juridiction de la Régie de l'assurance automobile du Québec.

M. Bérubé: Le ministère des Transports va se faire un plaisir de vous répondre.

M. Paradis: Le ministère des Transports, lorsqu'on lui a posé la question, son plaisir de répondre s'est traduit comme suit: Voyez donc, M. Marcoux, le ministre responsable des Travaux publics et de l'Approvisionnement. M. Marcoux nous dit, chaque fois, lors de l'étude des crédits: Voyez donc la régie, qui est un organisme autonome. Il s'agit quand même de fonds publics et je pense que c'est bénéfique pour l'ensemble des parlementaires, autant du côté ministériel que du côté de l'Opposition qui sont ici, autour de la table, si on peut trouver quelqu'un qui accepte de prendre la responsabilité et qui arrête de dire: Allez donc voir un autre. Dans le cas que je vais vous soumettre, je vous le dis, la question a déjà été posée au ministre des Transports qui lui, nous dit: Allez voir le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement nous dit: Allez voir la régie, c'est autonome. Cela devient un peu lourd comme appareil.

Je vais vous situer le problème et si vous choisissez d'y répondre - je vous le soumets bien respectueusement - vous y répondrez. Lors de l'étude des crédits du ministère des Transports, l'Opposition a demandé au ministre sur quels critères étaient choisis les architectes et gérants de construction dans le cadre des travaux de réaménagement des bureaux de l'assurance automobile. Le ministre nous a fourni quelques réponses et nous a référés, comme je vous l'ai mentionné précédemment, au ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement pour d'autres.

Nous aimerions donc savoir aujourd'hui sur quels critères étaient choisis les architectes, parce que - et je vous en préviens - le ministre des Transports nous a répondu qu'on n'utilisait pas le processus de sélection du fichier central. Y-a-il eu des estimations du ministère? On n'a pas eu de réponse, etc. Je pourrais faire une liste des questions que j'ai sorties du journal des Débats. On est, comme Opposition, sans réponse. Vous êtes le président du Conseil du trésor, vous êtes le gardien, finalement, face à chaque ministre, du contrôle des dépenses, des enveloppes budgétaires que vous allouez à chaque ministère. Vous n'êtes pas le gardien de cela?

M. Bérubé: Non, il y a une confusion. M. Paradis: Qui faut-il aller voir?

M. Bérubé: La Régie de l'assurance automobile est un organisme non budgétaire. Le Conseil du trésor, en vertu de la Loi sur l'administration financière, a juridiction sur les organismes de type budgétaire, mais non sur ceux de type non budgétaire. Par conséquent, la Régie de l'assurance automobile ne relève pas du ministère des Transports, elle a un conseil d'administration autonome et le ministre des Transports est le ministre chargé de répondre au nom de la régie à l'Assemblée nationale. Donc, toute question portant sur les politiques internes mises en oeuvre au sein d'une société, une société d'État minière, par exemple, devrait s'adresser au ministre de l'Énergie et des Ressources. Dans le cas de la Régie de l'assurance automobile, c'est véritablement au ministre des Transports que doit s'adresser la question, de telle sorte que lui, peut, à ce moment-là, répondre à l'Assemblée nationale au nom de la Régie de l'assurance automobile, qui pourra donner les informations concernant les politiques internes de la société.

M. Paradis: Je pourrais compléter le dossier en ajoutant: Le président du Conseil du trésor nous dit que le ministre responsable qui doit répondre est le ministre des Transports, et on recommencerait le cercle vicieux. (16 h 45)

M. Bérubé: Je ne sais pas si c'est un cercle vicieux, mais une chose est certaine, c'est que le ministère des Transports est véritablement la bonne porte, puisque c'est le ministre des Transports qui est le ministre nommé en vertu de la loi pour - comment dirais-je - c'est assez bizarre, nos lois, c'est le ministre qui administre la présente loi, donc, les pouvoirs définis par la loi et conférés au gouvernement sont pris en main par un ministre, généralement désigné par le gouvernement et parfois désigné directement

dans la loi. Dans le cas présent, c'est le ministre des Transports qui est responsable de l'application de la loi, mais attention, il est responsable de l'application de la loi. Si la loi dit que la Régie de l'assurance automobile n'est pas soumise au contrôle gouvernemental quant à ses dépenses de type contractuel pour l'achat de services, à titre d'exemple, évidemment, le gouvernement n'est pas responsable des décisions prises par la société et dans le cadre de la loi proprement dite. En d'autres termes, la loi prévoit quels sont les pouvoirs du gouvernement, elle les définit. D'ailleurs, depuis quelques temps, nous avons commencé à modifier les lois de nos sociétés d'État pour donner au gouvernement un pouvoir de directive non pas sur tout, mais sur les objectifs et orientations de la société. Il est donc très important de bien comprendre que le conseil d'administration est l'autorité, au sein d'une société d'État, et il répond de ses actes. Le ministre responsable de l'application de la loi, par tradition, répond en Chambre aux questions de l'Opposition portant sur des demandes d'information.

Le Président (M. Desbiens): On revient aux crédits du Conseil du trésor?

M. Paradis: Justement, j'étais en plein dedans, je vais indiquer au ministre maintenant exactement quel élément. Si vous prenez votre cahier, M. le ministre, la deuxième feuille jaune, élément 2 et si vous tournez - parce que vous avez oublié de paginer - six feuilles...

M. Bérubé: Au programme 1, élément 1.

M. Paradis: Élément 2.

M. Bérubé: Élément 2, pardon.

M. Paradis: La page s'intitule - pour être certain qu'on est sur la même -: "Conseil du trésor. Sommaire des principales activités de la Direction générale des politiques administratives pour l'exercice 1982-1983."

M. Bérubé: Oui.

M. Paradis: Sous-paragraphe 2: Mandat sectoriel spécifique. A) Approvisionnement et services.

M. Bérubé: Oui.

M. Paradis: On a différents articles, et si vous allez au quatrième sous-paragraphe, vous avez des crédits pour effectuer la révision de la réglementation relative à l'octroi de contrats de construction.

M. Bérubé: Au gouvernement.

M. Paradis: Vous ne réviserez pas, à ce que vous me dites, la réglementation relative à l'octroi de contrats de construction qui relèvent d'organismes.

M. Bérubé: C'est cela.

M. Paradis: Comme la Régie de l'assurance automobile du Québec.

M. Bérubé: C'est cela.

M. Paradis: Vous ne réviserez pas non plus, à même vos crédits, les politiques de réglementation relative à l'octroi de contrats de construction ou autres dans le secteur de l'éducation ou des affaires sociales.

M. Bérubé: Je crois que c'est cela.

M. Paradis: Comparativement - c'est peut-être une question, je voudrais juste avoir des chiffres par ordre de grandeur, vous ne les avez probablement pas précisément - à ce qui est visé par cette réglementation qui est contenue ici sous ce chapitre, si vous comparez cela à ce qui est dépensé par les régies ou les organismes qui dépendent du gouvernement et les ministères des Affaires sociales et de l'Éducation dans le domaine de la construction, cette réglementation que vous visez concerne quel volume de...

M. Bérubé: Le ministère responsable, lui, a des pouvoirs qui lui sont donnés en vertu de sa loi constitutive, ce qui fait que dans le cas des réseaux, le ministère responsable peut émettre des directives. Toutefois, je vous soulignerai que l'un des problèmes que nous rencontrons depuis un bon nombre d'années, c'est l'application de la politique d'achat dans les réseaux, politique d'achat qui s'applique au niveau du gouvernement, mais qui ne s'est pas appliquée jusqu'à maintenant au niveau des réseaux dans la mesure où il fallait procéder par une réglementation qui provenait directement des ministères.

M. Paradis: Lorsque vous titrez, dans vos crédits, sur cette page: Mandat sectoriel spécifique, approvisionnement et services, révision de la réglementation relative à l'octroi des contrats de construction, est-ce que ce sont strictement les contrats de construction qui vont être octroyés pour votre ministère?

M. Bérubé: Non. Les règlements et directives qui sont émis...

M. Paradis: Les cahiers rouges?

M. Bérubé: Oui, la liste des cahiers rouges, c'est cela. En vertu de la Loi sur l'administration financière, cette liste s'applique aux organismes dont les crédits sont votés par l'Assemblée nationale. Alors, le Conseil du trésor dans sa réglementation n'a pas juridiction sur tout ce qui est extrabudgétaire. Par ailleurs, dans le cas précis de l'éducation, ce sont des crédits de transfert qui seront donnés à des organismes autonomes.

M. Paradis: CLSC.

M. Bérubé: Cependant, les lois de l'Éducation et des Affaires sociales donnent des capacités réglementaires aux ministres concernés. En matière de construction, par exemple, les règlements édictés dans les deux secteurs sont à peu près en tout point conformes à ceux qui s'appliquent au gouvernement.

M. Paradis: Si on en vient strictement à l'essentiel de la réponse que vous me donnez, ça veut dire que pour prendre un exemple si le ministère des Affaires intergouvernementales a recours à une firme d'experts, vous pouvez réviser la réglementation, et même les crédits, qui concerne la façon de dénicher ou d'octroyer le contrat à cette firme. Est-ce que vous pourriez également prévoir dans cette révision de la réglementation, puisque ce sont des montants importants et qu'il s'agit d'un nombre de contrats important, que les individus qui ne sont pas fichés, les individus qui ont des services à offrir au gouvernement et qui ne sont pas fichés présentement soient également fichés dans l'ordinateur pour éviter qu'on procède par contrats négociés et qu'on procède alors par répertoire?

M. Bérubé: À cela, la réponse est non. Dans le cas de professionnels autonomes voulant offrir leurs services en génie civil dans le cadre d'une réforme qui est, d'ailleurs, présentement devant le Conseil du trésor concernant le fonctionnement du fichier central, effectivement, on va prendre les moyens pour inscrire ces professionnels autonomes parce qu'ils sont faciles à identifier, dans un cas. On ne peut pas s'improviser ingénieur-civil; par conséquent, il est relativement facile d'identifier les individus au Québec qui disposent des connaissances, des compétences et du droit de pratique leur permettant d'effectuer des contrats pour le gouvernement. Donc, dans ces cas-là, effectivement, on pourrait envisager d'y inclure des professionnels autonomes.

Toutefois, il faut bien se rendre compte que la somme des expertises auxquelles le gouvernement a recours en cours d'année est considérable et d'une très grande diversité. Il fait appel souvent à des expertises qui ne sont pas nécessairement garanties par des diplômes ou par un encadrement d'un ordre professionnel quelconque et, à cause de cela, il n'est dont pas possible de dresser un inventaire de toutes les connaissances dont dispose chaque citoyen du Québec.

Je vois le conseiller du député de Brome-Missisquoi hocher la tête à ses côtés; je sais que le conseiller du député a de grandes connaissances et qu'on pourrait évidemment dresser dans un fichier que M. Boisvert s'y connaît en organisation d'élection, possède une expertise, par exemple, dans le domaine du transport des boîtes de scrutin de tel endroit à tel endroit. On pourrait avoir une liste complète de toutes les connaissances dont dispose l'adjoint du député de Brome-Missisquoi et ainsi, lorsque le président des élections a besoin d'utiliser les services d'un individu pour un travail quelconque, se référer à l'ordinateur pour essayer, disons, de mettre la main sur les grandes connaissances de l'adjoint du député de Brome-Missisquoi.

Toutefois, ce serait s'immiscer un peu loin dans la vie du conseiller du député de Vaudreuil-Soulanges. Ce n'est pas que je veuille l'insulter, je ne le connais et je ne connais pas vraiment toutes ses connaissances, mais s'il voulait que nous fassions enquête pour savoir exactement...

M. Paradis: ... vous n'êtes pas capable de les assimiler.

M. Bérubé: À voir les questions du député de Vaudreuil-Soulanges, il ne connaît pas grand-chose, mais je voudrais savoir ce qu'il sait; à ce moment-là, on pourrait dresser un inventaire. Cela fait tellement de fois que le député de Brome-Missisquoi nous pose cette question-là qu'il faudrait qu'il comprenne que sa question n'a pas de sens, une fois pour toutes, et qu'il cesse de la poser.

M. Paradis: Ce que j'ai compris, après avoir passé douze mois à la commission des engagements financiers, où vous êtes le porte-parole du gouvernement, M. le ministre, c'est qu'il y avait autant d'argent qui était dépensé par le gouvernement du Québec sous forme de contrats négociés, sans recours au répertoire, qu'il y en avait qui était dépensé par le biais des soumissions publiques ou soumissions sur invitation. J'ai également compris qu'en 1978, lorsque le Parti québécois a instauré ce régime, il l'a fait en fonction des entrepreneurs, des entreprises, etc. Je vous soumets mon inquiétude, M. le président du Conseil du trésor; ce qui m'inquiète, c'est que c'est connu, traditionnellement, que les gens qui avaient des entreprises, les entrepreneurs,

pas ceux qui ont écrit le livre Bâtir le Québec, mais ceux qui ont participé à force de talent et d'énergie à vraiment bâtir ce Québec, étaient traditionnellement des supporters du Parti libéral.

J'ai également réalisé - c'est une observation dont je vous fais part bien candidement - que ceux qui écrivaient le livre Bâtir le Québec, les écrivains et les gens qui avaient des talents individuels à offrir au gouvernement, ce que j'appelle les "logues", les psychologues, les policitologues, les communicateurs, les gens comme cela décrochent - parce qu'ils s'aperçoivent du marasme dans lequel vous les avez enfouis -du Parti québécois, mais ils étaient traditionnellement des supporters du Parti québécois. Ce qui m'inquiète, c'est ce refus systématique du président du Conseil du trésor de traiter de la même façon apolitique les entrepreneurs et ces individus qui ont des services à offrir au gouvernement. Ces services ne sont pas plus variés, pas plus complexes. La banque de données ne serait pas plus énorme. Les montants dépensés par le gouvernement sont d'une importance égale, mais on s'aperçoit que pour tout ce qui était traditionnellement - comme je l'ai dit, ils décrochent - une clientèle péquiste, on a voulu conserver, comme choix de ces personnes, les bureaux de ministre. Cela m'inquiète. Lorsque vous me dites: Non, il n'est pas question de mettre des individus qui ont des services à offrir au gouvernement sur fichier central au même titre qu'on a mis des entrepreneurs et des entreprises, cela m'inquiète, M. le président du Conseil du trésor.

M. Bérubé: M. le Président, cela fait partie d'un leitmotiv du député de Brome-Missisquoi. J'ai de la difficulté d'abord à suivre son argumentation, dans la mesure où il est assez évident que vouloir dresser une liste de tous les citoyens du Québec en âge de fournir des services à l'État...

M. Paradis: Ils s'inscrivent eux-mêmes, comme les entrepreneurs.

M. Bérubé: ... avec leur expertise, leurs connaissances qui évoluent dans le temps, donc qui nécessitent une mise à jour continue... Par exemple, on peut espérer que l'adjoint du député de Brome-Missisquoi pourrait un jour...

M. Paradis: Lâchez-le!

M. Bérubé: ... faire une carrière autre que celle qu'il fait présentement comme souffre-douleur du député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: II ne veut pas tomber dans la misère. Il ne veut pas s'en aller souffre- douleur du président du Conseil du trésor!

M. Bérubé: À ce moment, il aurait l'occasion, cet adjoint du député de Brome-Missisquoi, peut-être d'élargir ses horizons et d'apprendre un métier utile.

M. Paradis: Comment mettre le Québec en faillite!

M. Bérubé: II s'ensuivrait qu'il faudrait évidemment qu'il se dépêche de nous aviser qu'il a fini de porter les valises du député de Brome-Missisquoi et que désormais il va s'occuper, je ne sais pas, dans un domaine donné... j'ai de la difficulté à imaginer ce qu'il pourrait faire, mais enfin! Imaginons qu'il réussisse à se trouver quelque chose d'utile et qu'il apprenne quelque chose...

Une voix: Ce n'est pas fait.

M. Bérubé: Non, ce n'est pas fait. Imaginons! On imagine alors sans peine qu'il faudrait mettre le fichier à jour.

M. Paradis: II n'est pas à jour? (17 heures)

M. Bérubé: C'est-à-dire qu'antérieurement, on avait - puisqu'on ne peut pas mentionner votre nom - adjoint du député de Brome-Missisquoi. Essentiellement, on a "expertisé" en dessous: porte les valises, fournit des papiers, etc., avec quand même présente pour les engagements financiers des questions souvent intéressantes. Je dois avouer d'ailleurs que les seules bonnes questions que le député de Brome-Missisquoi nous pose viennent souvent à la suite d'un petit billet que son adjoint lui passe. J'imagine quand même que son...

M. Paradis: J'espère que ce n'est pas lui qui vous souffle vos réponses, parce qu'il va "passer au cash".

M. Bérubé: J'imagine que son adjoint a une certaine expertise que nous ne connaissons pas et qu'on pourrait effectivement enquêter auprès de lui pour savoir ce qu'il sait. Il faudrait, dans un registre, tenir toute l'information sur ce que connaît l'adjoint du député de Brome-Missisquoi et chaque fois que cette information doit être modifiée, évidemment, il faut qu'il nous en avise. Il va falloir engager des milliers et des milliers de fonctionnaires pour être bien certain qu'on a suivi à la trace tous ceux qui ont une expertise donnée et qui voudraient l'offrir au gouvernement.

Je veux bien croire que le député de Brome-Missisquoi se cherche de l'ouvrage quelque part et qu'il aimerait peut-être faire carrière dans ce genre d'inquisition moyenâgeuse et que, par conséquent, il

voudrait qu'on instaure un tel système. C'est peine perdue, parce que nous ne faisons pas référence suffisamment fréquemment à un type donné d'expertise et il y a une telle variété dans les commandes que quelqu'un que l'on engagerait une fois, il y a des chances qu'on ne le réengage plus pendant dix ans, quinze ans, vingt ans. Par conséquent, on tiendrait ce fichier à jour pour absolument aucune raison.

Donc, la seule raison pour laquelle le député de Brome-Missisquoi pose sa question, c'est qu'il dit: Dans la mesure où ce gouvernement a véritablement fait la preuve qu'il pouvait mettre fin au patronage, ce qu'il faut faire, c'est susciter dans l'esprit des gens qui m'écoutent - fort heureusement, il y en a de moins en moins - l'idée qu'il fait continuellement du patronage. Donc, on va essayer de lui demander de mettre en place des procédures qui n'ont aucun sens dans le but, en fait, de suggérer qu'il y a là un problème réel que l'on va chercher à corriger.

M. le Président, je pense que le député de Brome-Missisquoi erre. Il nous propose des choses impossibles. Néanmoins, je ne suis pas fâché qu'il continue sur ce ton, parce que cela ne fait que souligner en pratique qu'il n'a pas tellement de questions à poser et que, par conséquent, il va se cantonner dans des choses qu'il sait finalement assez peu utiles, mais qui permettent de semer le doute chez certains esprits faibles qu'il retrouve d'ailleurs à 100%, en général, chez les militants du Parti libéral.

M. Paradis: Je profite de l'occasion pour relever, dans les propos du président du Conseil du trésor, les félicitations qu'il a adressées à mon recherchiste à l'égard des billets qu'il me passe, etc. Il m'a préparé effectivement un document qui porte sur ces questions. Si j'insiste, M. le président du Conseil du trésor, c'est que je suis obligé de vous répéter les chiffres pour vous mettre au courant de l'importance de ce problème. Des contrats négociés, en 1981, il y en a eu pour 191 522 559 $; des soumissions sur invitation et des soumissions publiques, il y en a eu pour 194 394 608 $. Il a eu 745 contrats négociés et 750 contrats par soumissions sur invitation ou soumissions publiques. On voit donc que l'importance des sommes qui sont dépensées se divise à peu près moitié-moitié.

Vous refusez - je tente de relever vos arguments - de mettre les individus sur cet ordinateur, sur ce qu'on appelle communément dans le langage politique Rosalie, parce que vous dites que ce serait fastidieux pour le gouvernement de dresser la liste de tous les citoyens qui auraient des services à offrir au gouvernement. J'en conviens, M. le ministre. Mais pourquoi ne procédez-vous pas comme vous le faites pour les entreprises? Vous ne dressez pas la liste des entreprises qui ont des services à offrir au gouvernement, vous demandez aux entreprises qui ont des services à offrir au gouvernement de s'inscrire en spécifiant leurs qualifications.

Deuxièmement, vous me dites: La mise à jour serait trop compliquée et occasionnerait l'embauche de milliers de fonctionnaires. La mise à jour du fichier des entreprises, M. le président du Conseil du trésor, se fait actuellement sans l'embauche de milliers de fonctionnaires et elle se fait très bien. On sait qu'autant un individu peut changer dans ses qualifications, autant une entreprise peut changer dans ses qualifications. Une entreprise qui est inscrite pour des contrats jusqu'à 50 000 $ peut grossir, si le Parti québécois ne reste pas au pouvoir trop longtemps, et devenir une entreprise qui est intéressée à des contrats en haut de 500 000 $. Cela aussi évolue, M. le président du Conseil du trésor, cela aussi change. Mais, ce que j'ai compris à partir de chacun des exemples qu'on a eu à passer pendant douze mois à la commission des engagements financiers, ce que j'ai compris, c'est que vous n'êtes absolument pas intéressé à "dépatroniser" le système de patronage dans les contrats de négociations que vous avez au ministère.

Je fais référence... et là, je vais intéresser mon collègue, le député de Terrebonne. Il se souvient certainement de ce cas-là, celui du Dr Robert Lussier; à un moment donné, vous vous le rappelez, le député de Terrebonne était intervenu sur cette question-là. J'y vais de mémoire, mais il avait eu un contrat de négocié, le Dr Robert Lussier, pour à peu près 120 jours pour une somme de 80 000 $, pour faire une étude dans le domaine municipal. Je vous ai demandé si c'était la seule personne qualifiée; je vous ai demandé si cette personne qui, comme vous le savez et comme le député de Terrebonne se le rappelle et s'en souvient - je le vois sourire à ce souvenir - était le candidat péquiste aux élections, à la convention dans le comté de Terrebonne... On se demande si ce ne sont pas ces critères, au niveau des contrats personnels, qui priment sur les autres critères. Vous avez souvent, dans le passé, accusé le Parti libéral du Québec de procéder comme tel au niveau de l'octroi de ses contrats. Ce qu'on vous reproche, c'est de ne pas avoir élargi votre système d'octroi de contrats par ordinateur aux individus qui ont des services à offrir à la société québécoise, de ne pas demander à ces individus de s'inscrire sur des fiches et d'avoir le fardeau, eux - non pas des milliers de fonctionnaires - de maintenir à jour leur fiche personnelle s'ils ont des évolutions dans leur fiche personnelle, comme vous le demandez aux entreprises. Vous n'avez pas dressé, M. le président du Conseil du trésor,

la liste des entreprises au Québec. Vous avez fait de la publicité autour du programme. Vous avez dit aux entrepreneurs: Venez vous inscrire. Vous dites aux entrepreneurs: S'il y a des modifications, s'il vous plaît, avertissez-nous. Cela vous prend très peu de personnes au ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement pour tenir le fichier à jour.

Donc, les deux arguments que vous me donnez sont des arguments complètement irréalistes et complètement évasifs. Qu'est-ce que vous voulez que nous concluions, nous, comme Opposition? Qu'est-ce que vous voulez que la population du Québec conclue lorsqu'elle sait que la moitié de l'argent, 191 522 559 $ est distribuée par contrats négociés et qu'il y en a la moitié, 194 394 608 $, qui l'est par soumissions publiques et invitations? Qu'est-ce que vous voulez qu'on conclue, M. le président du Conseil du trésor, quand les excuses que vous nous amenez ne tiennent absolument pas et que vous vous refusez d'appliquer le même système? Si vous appliquiez le même système, les individus qui auraient des services à offrir s'inscriraient et maintiendraient à jour leur fiche s'il y avait de l'évolution et cela ne donnerait pas plus d'ouvrage et ne serait pas plus compliqué. Je comprends que vous préférez maintenir le système actuel, parce qu'à chaque fois qu'on pose la question, on s'aperçoit de la méthode par laquelle la personne a été contactée, par des connaissances du bureau du ministre. Au lieu d'aller, lui, à l'ordinateur, il va au bureau du ministre. Si c'est le système que vous voulez maintenir, la population vous jugera sur le maintien de ce système.

M. Bérubé: M. le Président, il faut être patient avec le député de Brome-Missisquoi, c'est un homme charmant, d'ailleurs.

M. Paradis: À présent, le pot s'en vient.

M. Bérubé: ... et à l'avantage... ce serait un peu moins varié qu'avec le député de Sainte-Anne. Le député de Sainte-Anne, c'est intéressant en fait, il a à peu près une demi-douzaine de questions et c'est tout classé dans des petits tiroirs; ce sont toujours les mêmes. Alors, quand il ouvre le tiroir numéro quatre, dès le premier mot, après trois mots, on sait immédiatement quelle va être la question et on peut lui répondre instantanément.

Quant au député de Brome-Missisquoi, c'est encore plus facile parce qu'il a à peu près une ou deux questions et c'est tout.

Oui, à peu près cela. Non, au contraire c'est d'une très grande simplicité et limpidité.

Le total, en gros, sur l'année 1980-1981, pour lequel nous avions fait un inventaire à la suite des questions du député de Brome-Missisquoi indiquait que, sur quelque chose comme 700 000 000 $ de contrats gouvernementaux, il y en avait 18 000 000 $ qui étaient accordés à ce que nous appelons des professionnels autonomes, c'est-à-dire des personnes, professeurs d'université ou autres, qui ont des connaissances qui, à un moment donné deviennent utiles au gouvernement. Il a tantôt parlé du cas de M. Robert Lussier.

M. Paradis: Je l'ai pris comme cela.

M. Bérubé: Le député de Brome-Missisquoi ne niera pas la longue expérience du Dr Lussier dans le domaine des affaires municipales.

M. Paradis: Est-ce qu'il est le seul?

M. Bérubé: II n'est évidemment pas le seul.

M. Paradis: Cela va.

M. Bérubé: Donc, lorsque vient le moment de choisir...

M. Paradis: ... a beaucoup d'expérience dans la construction.

M. Bérubé: ... en général, on va faire appel à quelqu'un qui connaît un secteur. À un moment donné, il nous avait posé la question, je ne me souviens plus sur quoi, enfin, il nous en pose régulièrement et on lui explique chaque fois, puisque chacun de ces cas vient au Conseil du trésor et vient à la commission des engagements financiers. On a l'occasion, à ce moment, de répondre. Il nous demande: Un professeur de McGill dans tel domaine. On regarde: Bien oui, dans le secteur de l'amiante, c'est un spécialiste et, effectivement, il est bien connu dans ce domaine. J'imagine que le gouvernement du Québec... D'ailleurs, il a été obligé de le faire à l'époque où le Parti libéral était là et mes allégeances au Parti québécois étaient bien connues. À un moment donné, on a besoin d'un spécialiste en automatisation dans le domaine du traitement des minerais. Que voulez-vous que je vous dise? Il y en a deux au Québec et les deux travaillent dans la même université. Évidemment, on m'engageait.

Si on veut un spécialiste en droit constitutionnel sur le droit et la pauvreté et on sait que M. Marx est un avocat bien connu dans le secteur, j'imagine qu'à un moment ou l'autre, le gouvernement a dû faire appel à ses services. Ce n'était pas une question de patronage, c'était simplement qu'il avait des connaissances dans le domaine. Vous allez me dire: Oui, mais il y en a sans doute d'autres dans le domaine du

droit et de la pauvreté qui connaissent le secteur. Oui, sans doute. Pourquoi a-t-on engagé, à ce moment, M. Marx s'il a été engagé? Sans doute parce que quelqu'un...

M. Paradis: Pour les fins du journal des Débats, c'est un cas hypothétique.

M. Bérubé: Oui, c'est un cas hypothétique. Parce qu'il est connu. Parce qu'il a écrit un livre dans le domaine. Parce qu'il fait effectivement un bon travail. À un moment donné, quelqu'un dit: Tiens, c'est un bon bonhomme. Il a déjà écrit des choses sur le sujet et on va faire appel à lui. Vous allez me dire: II y en a un autre qui n'a jamais rien écrit sur le sujet mais il connaît également... Oui, c'est vrai, possiblement, mais comme on le connaît un peu moins, on va peut-être faire appel à M. Marx qui est plus connu dans le domaine. En d'autres termes, il y a un ensemble de critères...

M. Paradis: M. le président du Conseil du trésor, est-ce que je peux vous interrompre?

M. Bérubé: Oui, vous pouvez m'interrompre sans aucun problème.

M. Paradis: Ce que vous me dites là s'applique exactement dans les cas des firmes d'architectes ou autres que vous engagez par l'entremise du système Rosalie. Vous les choisissez ou les sélectionnez par cet ordinateur et une fois sélectionnés, ils sont choisis, dans plusieurs cas, par un comité de sélection. Là, vous avez une grille d'évaluation comme vous l'appelez et si le gars a déjà écrit un livre, s'il a des publications, ça peut être un critère qui donne des points, etc.

Ce que vous m'expliquez revient exactement au même que ceux qui sont traités par le système de Rosalie, mais vous voulez garder votre petite "gang" à côté de vous pour votre patronage à vous.

M. Bérubé: À la différence près, M. le Président, que si je prends des firmes de construction où là il y a un assez gros volume, évidemment, oui..

M. Paradis: Architectes.

M. Bérubé: Oui, architectes. À ce moment, ils sont couverts, les architectes. À ce moment, dans le cas d'architectes, c'est relativement facile. Ils sont couverts, il y en a plusieurs, les contrats arrivent assez fréquemment. Donc, on est justifié d'avoir un fichier pour les architectes. Mais si je décide de demander un film sur le métier d'écrivain comme nous avons vu aux engagements financiers tout récemment. Le nombre de Québécois susceptibles de tourner un film sur le métier d'écrivain est considérable. Le nombre de Québécois qui ont fait du film à un moment où l'autre, il y en a beaucoup. Le nombre de Québécois qui connaissent le métier d'écrivain, il y en a également beaucoup, pas de problèmes.

Si je décide de rédiger une plaquette d'informationn sur le métier d'écrivain...

M. Paradis: ... la faillite du Québec.

M. Bérubé: ... Là, je pense qu'il y a un problème avec votre titre. C'est que nous ne pourrons trouver d'autres personnes que des partisans libéraux bornés qui sont évidemment incapables de rédiger quelque chose de valable. Donc, c'est un mauvais sujet, mais prenons un sujet valable: La déconfiture du Parti libéral aux dernières élections, tiens, c'est intéressant. Alors là, tous les commentateurs...

M. Paradis: Ou Le pouvoir? connais pas!, Lise Payette.

M. Bérubé: ... les journalistes au Québec pourront expliquer les causes de cette déconfiture. Écoutez, est-ce qu'on va garder un registre de tout ce qu'il y a de journalistes au Québec susceptibles d'écrire un article dans une revue gouvernementale? Ça n'a aucun bon sens.

M. Paradis: Question de règlement. C'est le même exemple et c'est parallèle à l'exemple du caméraman que vous avez donné, l'autre jour, en entrevue, lorsque j'étais derrière vous, je suivais pour donner l'entrevue. C'est la même chose. Vous avez dit aux journalistes qui vous interviewaient: Est-ce que je vais garder sur fichier tous les caméramen du Québec. Vous avez dit: Votre caméraman, demain, peut changer de métier, choisir autre chose. Ce n'est pas tenable, c'est impossible à tenir. Finalement, c'était un peu votre explication. Ce n'est pas cela que vous faites avec les entrepreneurs, ceux qui sont sur le fichier en ce moment. Vous ne maintenez pas à jour tous les entrepreneurs du Québec. Vous maintenez à jour tous les entrepreneurs et professionnels de divers secteurs qui veulent offrir des services au gouvernement. Même chose pour le cameraman. Si l'entrepreneur, comme cela arrive souvent, choisit de laisser les affaires parce qu'il n'y a plus rien qui se bâtit au Québec, bien il sort de la liste. Si votre cameraman choisit un autre métier, il vous avise et il sort de la liste ou, si vous l'invitez à soumissionner, il ne vient pas. (17 h 15)

Ce que je vous dis, M. le ministre, c'est que la pratique utilisée pour des entrepreneurs et des firmes d'ingénieurs pourrait - vous ne m'avez apporté aucun argument contre cela à l'heure actuelle -

aussi bien s'appliquer aux individus qui souhaitent offrir des services au gouvernement. Prenez le cas du Dr Robert Lussier, qui n'a pas eu le bonheur, lui, d'être élu parce que la population de Terrebonne a jugé que le député de Terrebonne, M. Yves Blais, qui est assis devant nous, était plus compétent, plus représentatif que le Dr Lussier, qu'est-ce que vous faites comme parti politique avec lui à titre d'exemple? Cela, on en retrouve à toutes les pages. Ce que vous dites, c'est que lui, pour 120 jours, il va avoir un petit contrat de 80 000 $ pour préparer une étude alors que la population a jugé que, pour 365 jours et un quart - c'est cela l'ouvrage d'un député - le député de Terrebonne va avoir 35 000 $. Ce sont ces portes que vous vous gardez ouvertes. Moi, je ne suis pas convaincu que le fait que ce gars-là n'ait pas été choisi à une convention péquiste n'a pas fait que vous l'avez retenu.

Vous m'avez avoué vous-même qu'il y a d'autres personnes au Québec qui sont compétentes dans ce domaine. Pourquoi n'avez-vous pas invité ces gens? Si vous aviez eu un fichier, tous les gens qui auraient été compétents dans ce domaine et qui étaient intéressés à offrir des services au gouvernement auraient été inscrits. Là, vous auriez pu sélectionner hors du patronage politique. Je suis certain que c'est choisi par les cabinets de ministre. À la dernière séance, M. le président du Conseil du trésor, vous m'avez même dit que, dans le cas de contrats négociés - j'ai mes notes dans mon bureau; s'il faut que j'aille les chercher, je vais aller les chercher - Oui, dans ce cas-là, c'était politique.

M. Bérubé: On va permettre au député de Vaudreuil-Soulanges de reprendre la poursuite des travaux et d'avoir des chances de poser des questions plus intelligentes.

M. Paradis: Je sais que vous ne voulez pas répondre à cette chose-là, mais vous répondiez: Oui, c'est politique dans ces cas-là. Vous n'avez aucune raison de ne pas ficher les individus qui ont des services à offrir au gouvernement et qui veulent s'inscrire.

M. Blais: M. le Président, s'il vous plaît.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: M. le Président, vu que dans son exposé M. le député de Brome-Missisquoi, encore une fois, a parlé du Dr Robert Lussier concernant une certaine convention... Oui, oui, je sais, mais je...

M. Paradis: C'est parce que vous étiez ici.

M. Blais: Oui, vous êtes gentil, d'ailleurs, c'est la deuxième fois, mais cette fois-ci je vais être un peu plus précis. Le gouvernement a choisi le Dr Robert Lussier pour un contrat pouvant aller jusqu'à 80 000 $ sur des études pour la confection au Québec des MRC; c'était cela, en fait. La preuve que c'est un homme d'une telle compétence, c'est qu'il n'a eu besoin de faire des heures que pour environ 6 000 $, si jamais vous vérifiez dans les comptes. Donc, cela prouve que, d'abord, l'homme était d'une grande compétence et le fait qu'il ait été déjà ministre des Affaires municipales prouvait qu'il connaissait ce métier-là, qu'il connaissait les municipalités et il n'a dépensé que 6 000 $ en heures sur les 80 000 $ qui auraient pu lui être alloués.

Deuxièmement, je me souviens, puisque vous appelez cela une question plantée, que j'en ai planté une moi-même en disant à M. le président du Conseil du trésor: Aujourd'hui, je sors des engagements financiers pour la septième fois et vous vous êtes fait poser sept fois la même question. Je vais vous la poser une huitième fois moi-même en Chambre afin d'éliminer ce que j'appelais à l'époque un canard qui vole. Le député de Brome-Missisquoi, qui est le comté des canards par excellence au Québec...

M. Paradis: Quel canard qui vole?

M. Blais: II y a un canard qui vole et j'aimerais beaucoup - je me parodie moi-même - que vous preniez votre fusil pour l'abattre, ce canard, afin que tous les gens qui nous écoutent à différentes reprises sachent que ce canard est enfin arrivé sur terre. Vous passez votre temps, monsieur... C'est de bonne guerre pour vous parce que, quand on joue dans la terre ou dans la boue longtemps, vient un temps où on en prend l'habitude et où on oublie de se nettoyer les ongles. Cela me fait plaisir que vous y reveniez pour vous redire - j'espère que ce sera la dernière fois - que dans les contrats...

M. Paradis: Cela va être la dernière fois.

M. Blais: ... de professionnels - ce dont vous parlez - nous passons par Rosalie. Il y a des dérogations, c'est de cela que vous voulez parler. Vous soufflez toujours les dérogations. Pour les gens que nous engageons comme spécialistes, nous n'allons dans aucun fichier. Nous n'avons pas, non plus, une carte pour chaque individu qui désirerait, comme vous le dites, entrer dans un fichier. On mettrait dans ce fichier les compétences, l'âge, les qualités, barbe, pas barbe, beau, pas beau, etc. On ne fait pas

cela, d'abord cela va un peu à l'encontre des droits de l'homme. Cependant, à travers tout cela, vous sortez toujours le chiffre mirobolant, mirifique de 191 000 000 $. Vous les avez sortis, encore tantôt, vos 191 000 000 $. Le total des dérogations touche, dans tous les contrats de l'année 1981, à peine 0,5% et, dans ce 0,5% de dérogation, il y a des cas exceptionnels comme l'achat de tuyaux, par exemple, qu'on a même achetés aux États-Unis, ne vous en déplaise. Lorsque le feu est pris, si c'est une bâtisse du gouvernement et qu'autour il n'y a rien, il n'y a personne d'engagé pour éteindre le feu, est-ce que nous allons aller au fichier central pour voir si nous devons engager M. Jean Latrémouille ou Prosper Bérubé pour voir lequel des deux aura le contrat pour éteindre le feu?

M. Bérubé: ... pas très approprié.

M. Blais: C'est vraiment impossible à suivre, ce raisonnement. Le suivre une fois cela peut aller, le suivre deux fois cela peut aller, mais à répétition, comme des litanies morbides comme celles que vous nous servez, j'ai tellement hâte que vous disiez amen.

M. Paradis: Juste pour répondre très brièvement pour corriger une inexactitude. Vous comprendrez peut-être un jour, M. le député de Terrebonne, que les cas par dérogation ne sont pas tous des cas de contrats négociés et qu'il y a une distinction très nette à faire. Il y a des cas de contrats négociés qui sont par dérogation et il y a des cas de contrats négociés qui ne sont pas par dérogation, parce que la procédure actuelle prévoit qu'on procède par négociation. Donc, ce n'est pas une dérogation, la procédure prévoit que cela passe par négociation. Lorsque vous aurez compris cela, vous viendrez en commission des engagements financiers ou aux crédits de l'année prochaine présenter vos excuses.

M. Bérubé: M. le Président, le député de Brome-Missisquoi a posé une question: Pourquoi ne dressez-vous pas un fichier de tous ceux qui voudraient offrir leurs services au gouvernement?

M. Paradis: À ceux qui veulent offrir leurs services au gouvernement.

M. Bérubé: C'est cela. J'étais finalement en train de, je ne dirais pas compter les mouches au plafond, mais de rêvasser en attendant que le député de Brome-Missisquoi finisse par accoucher.

M. Paradis: C'était le député de Terrebonne qui parlait.

M. Bérubé: J'examinais les nuages, parce que fort heureusement il fait beau dehors et j'examine les nuages. Il y en avait un particulièrement pommelé, assez beau, je l'examinais et subitement je me suis posé la question: Qu'arriverait-il si le ministère de l'Environnement décidait de publier une brochure sur les nuages par temps froid?

M. Paradis: ... dans le genre de chose que le PQ publie.

M. Bérubé: Alors, il faudrait que tous les "pelleteux" de nuages du Québec se soient inscrits au fichier de telle sorte que nous puissions, effectivement, en faisant appel au fichier, trouver la liste de tous les "pelleteux" de nuages. Qui aurait-on trouvé? Le député de Brome-Missisquoi, le député de Vaudreuil-Soulanqes, enfin un certain nombre de "pelleteux" de nuages.

M. Paradis: Regardez donc votre liste de membres du PQ.

M. Bérubé: Ce n'est pas ceux qu'on cherche. On cherche des "pelleteux" de nuages qui seraient capables de nous décrire la forme des nuages. Voyez-vous cela...

M. Paradis: J'ai compris, M. le président du Conseil...

M. Bérubé: ... tous les "pelleteux" de nuages s'inscrivant annuellement dans le fichier pour le cas où le gouvernement aurait, peut-être un jour, à publier une brochure sur les nuages. On risque d'attendre longtemps, parce que ce n'est pas certain qu'on va publier une brochure sur les nuages dans les 50 prochaines années.

M. Blais: Ce n'est pas sûr non plus qu'on ferait l'appel.

M. Bérubé: Non plus. Par conséquent, M. le Président, comment peut-on avoir un fichier qui tient le registre de tous ceux qui veulent offrir leurs services au gouvernement pour le cas où on aurait besoin de ce type particulier de service? C'est la raison pour laquelle nous tenons un fichier dans des services où il y a suffisamment de contrats, donc de possibilités d'être choisi pour que cela vaille la peine de tenir un fichier. On n'est pas pour tenir un fichier de tous les "pelleteux" de nuages qui pourraient, un jour, rédiger un livre sur les nuages au Québec, alors qu'on n'aura peut-être jamais l'occasion de faire appel à cette spécialité. Si le député de Brome-Missisquoi voulait cesser de pelleter, parce que présentement il roule dans quelque chose que je n'oserais pas décrire...

M. Paradis: J'ai compris.

M. Bérubé: Je voudrais qu'on passe la parole au député de Vaudreuil-Soulanges, qui m'a dit qu'il voulait qu'on consacre trois heures à étudier les crédits du Conseil du trésor, alors que pour l'instant, M. le Président, on a eu droit, je pense, à une démonstration ridicule du manque de sérieux de l'Opposition. C'est dommage, je vois le député de Vaudreuil-Soulanges qui ronge son frein depuis tantôt. Voulez-vous, s'il vous plaît, attacher votre collègue de Brome-Missisquoi une fois pour toutes? Je l'endure une fois par mois aux engagements financiers et cela suffit.

M. Paradis: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: J'ai compris à partir des excuses stupides qui nous ont été amenées par le président du Conseil du trésor qu'il ne veut pas instituer ce système. L'exemple de pelletage de nuages qu'il nous a amené, c'est un cas complètement farfelu. Il sait très bien qu'il n'a pas prévu dans son fichier au niveau des entreprises toutes les éventualités possibles. C'est là qu'on procède par dérogation lorsque toutes les éventualités possibles n'ont pas été prévues. Je prends à l'appui de cet exemple, le fait du tuyau acheté aux États-Unis. Justement, les fournisseurs de tuyaux n'étaient pas inscrits parce que le gouvernement n'avait jamais prévu cette catégorie et le feu était pris, comme on dit, c'était une question d'eau polluée à Farnham; on a procédé par dérogation. Si jamais vous aviez des nuages à faire pelleter au Parti québécois, vous ferez la même affaire, vous tomberez dans votre 0,5% et vous procéderez par dérogation. Par les réponses que vous donnez au député de Brome-Missisquoi, à la population qui vous demande d'éviter ou d'éliminer le plus possible le système de patronage qui demeure dans les contrats négociés avec des individus, tout ce que vous faites, c'est de tenter de vous en tirer avec des excuses qui ne résistent pas plus au fonctionnement d'un appareil, à l'analyse, que dans le cas des entrepreneurs et des entreprises qui sont déjà sur cela, M. le président du Conseil du trésor. Quand vous trouverez des exemples intelligents pourquoi vous refusez à part de vouloir conserver au PQ votre petit nid de patronage à partir des bureaux de ministres, vous nous en ferez part et on arrêtera de poser ces questions. Je vous invite, en attendant, à tenter d'améliorer le système et d'étendre le système d'octroi de contrats aux individus dans les domaines où vous les utilisez le plus souvent pour commencer et à améliorer le système comme vous l'avez fait dans le cas des entrepreneurs au fur et à mesure des années.

M. Bérubé: M. le Président, si l'on pouvait appeler le programme 1, élément...

M. Paradis: Allez-vous nous annoncer que vous le faites?

M. Bérubé: ... 1, pour qu'on puisse commencer notre travail.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est précisément l'objet de la question.

M. Bérubé: De la question, ah! Parfait.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Absolument. Dans mes remarques préliminaires, j'ai fait remarquer que je félicitais le ministre d'être devenu président du Conseil du trésor, un poste qui était occupé à temps partiel par l'un de ses collègues que j'avais eu l'occasion de rencontrer en commission parlementaire et dont on a l'habitude d'obtenir des réponses complètes et, je dois le dire, intéressantes. Lorsqu'il a été question que j'accompagne mon collègue ou qu'on vienne ensemble ici, le député de Brome-Missisquoi et moi-même, rencontrer le président du Conseil du trésor, on m'avait averti que ce n'était pas du tout le même genre de discours qui était tenu tant par le député de Matane que par le député de L'Assomption, j'ai mis cela en doute dès le départ étant donné qu'on pouvait connaître, d'après la complexité des dossiers qu'avait à traiter le président du Conseil du trésor, quand même un degré de professionnalisme dans les réponses, mais manifestement, la complexité des dossiers qui sont confiés au président du Conseil du trésor fait appel d'abord à ses grandes qualités de technicien et non à ses petites qualités de politicien dans la mesure où la partisanerie de certaines des réponses... quand elles sont dirigées vers des députés, elles sont acceptables dans la mesure où elles font partie du jeu politique, mais quand la mesquinerie s'étend à nos adjoints non élus qui essaient de faire un travail, je trouve cela pour le moins un petit peu répréhensible.

De toute façon, pour faire avancer les travaux, nous avons, comme je le disais au départ, tenté d'isoler le rôle central que devait jouer le président du Conseil du trésor dans la crise budgétaire actuelle. J'ai cru comprendre par les réponses, qui n'ont pas pris beaucoup de temps alors qu'elles en appelaient un peu plus, que le président du Conseil du trésor ne comptait pas faire état de certains éléments de la politique salariale sous prétexte que ces éléments devaient être amenés lors des négociations avec le front commun des employés. Je lui rappelle ce que je disais tout à l'heure. Certains de ses collègues, notamment l'adjoint parlementaire du ministre des Finances, ne se gênent pas

pour étaler à la radio, à la télévision et dans les journaux quels sont les éléments qui justement sont négociables, traitant les syndiqués de gens immobiles qui, évidemment, par leur immobilité, coûtaient quelque chose à l'État et les traitant de gens qui avaient beaucoup trop de vacances. Il l'a fait en ma présence et celle de centaines de milliers de téléspectateurs cette semaine. Il n'a pas réservé cela, quant à lui, pour la table des négociation. Donc, il n'y a pas beaucoup de chemin à faire avec ce sujet. (17 h 30)

Le deuxième aspect que j'avais relevé, c'était la gestion des fonds publics, l'octroi des contrats. On voit que le député de Brome-Missisquoi et le député de Matane et ministre sont tombés dans ce qui manifestement constitue une des habitudes du ministre de ne pas répondre aux questions du député de Brome-Missisquoi, à sa satisfaction à lui. Je pourrais peut-être assister sur une base régulière à la commission parlementaire des engagements financiers pour voir si je serais moi aussi insatisfait de mon collègue au fil de mois; je n'ai aucune raison de douter que j'aurais une opinion différente de celle de mon collègue de Brome-Missisquoi. Donc, élément 1, programme 1, ceci dit.

M. Bérubé: Voilà.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je retiendrais deux éléments au niveau de l'organisation, l'analyse et l'évaluation, ce qui le complète, c'est cela, l'organisation de ce programme, de cet élément.

À un des éléments, on indique que les services ont reçu les instructions spécifiques suivantes pour l'année en cours 1982-1983: documenter de façon détaillée la structure des dépenses de chacun des proqrammes et profiter de leur comportement au cours des trois prochaines années. Je vous laisse le temps de trouver cela. La question me vient tout naturellement à l'esprit, dans la mesure où c'est dans le discours du budget du 25 mai qu'on a vu pour la première fois des projections de trois ans, est-ce que c'est la première fois que les services d'analyse budgétaire ont le mandat de voir comment de façon détaillée la structure des dépenses évoluera au cours des trois prochaines années, parce qu'il me semble que c'est précisément là le noeud de tout le problème. Peut-être que je peux permettre au ministre de donner une autre version, mais si on dit que les services ont reçu les instructions spécifiques suivantes pour 1982-1983, c'est que c'est la première fois qu'on est obligé de le faire. Autrement, le langage est mal choisi et si ça fait partie d'année en année du genre d'instructions que ces services reçoivent, je ne vois pas pourquoi on insiste tant sur ce qui dans ce cas là est normal.

C'est peut-être la première question, si on pouvait y aller tout de suite.

M. Bérubé: C'est en fait, je pourrais dire, la troisième année, à ma connaissance, que nous nous adonnons à cet exercice prévisionnel de projection des dépenses sur trois ans; cependant, c'est évidemment un exercice qui n'est pas toujours facile à faire et le degré de précision varie très fortement dans la mesure où il est assez difficile de prévoir deux années à l'avance, par exemple, ce que sera le taux d'intérêt ou l'inflation. Par conséquent, beaucoup de nos programmes sont directement reliés soit au taux d'intérêt, soit à l'inflation, soit à la croissance économique comme telle, ce qui fait que, disons, la précision de la prévision est peut-être plus difficile. Nous essayons pour l'instant de raffiner nos modèles pour rendre cette prévision fixée à des paramètres comme l'inflation ou la croissance de l'économie de la façon la plus adéquate possible. C'est un processus continu très difficile, mais que nous devons nous imposer si, effectivement, on veut projeter dans le temps les demandes de dépenses publiques.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ne peux pas m'empêcher à ce moment-ci de poser la question, étant donné ce qu'on connaît de l'évolution de la rémunération des employés de la fonction publique et qu'on met en regard l'évaluation que le ministre des Finances faisait en 1980, c'est-à-dire que, selon lui, à l'époque, s'il avait reconduit les conventions collectives précédentes, il en aurait coûté au gouvernement 806 000 000 $ de plus et qu'en défénitive, on prétend maintenant que c'est 2 300 000 000 $ de toute façon qu'on a réussi à épargner; imaginez-vous où on s'en allait, s'il faut croire le ministre des Finances sur parole. Par ailleurs, nous avons fait certains calculs quand même pour voir comment s'établissaient les augmentations de taxes et les chiffres du budget pour constater que, selon nous, c'est éternel comme débat; les conventions collectives qui prennent fin au 31 décembre auront coûté effectivement 2 300 000 000 $ de plus que ce que le gouvernement n'octroyait, et ça fait un ensemble de chiffres assez gros et qui me laisse soupçonner qu'à l'époque - et on vient de le confirmer - si c'est simplement depuis trois ans que la budgétisation à moyen terme sur trois ans existe, à l'époque de la négociation de ce qui était majeur pour engager 52% des dépenses de l'État, on n'avait aucun moyen, après trois ans, je le rappelle, de présence au pouvoir du gouvernement actuel, qui s'en était fixé une priorité. On n'avait toujours pas, à l'époque, les moyens d'évaluer, sur le moyen terme, les effets des conventions collectives qu'on signait alors.

M. Bérubé: La réponse à votre question est assez facile. Durant les deux premières années de la convention, on a procédé essentiellement à une stabilisation, à une normalisation, si on veut, des échelles. Nous avons réduit en pratique de 2% la croissance sans donner non plus d'enrichissement. Ce redressement, cette normalisation des échelles et l'élimination du redressement de l'enrichissement ont fait en sorte que l'écart par rapport au marché que je vous soulignais tantôt a pu passer de 16,3% au-dessus du marché, et passer, en 1979-1980, à 13,3%, puis à 10%, en 1980-1981. Là où l'écart a commencé à se produire, c'est lorsque nous avons commencé à ajouter 1,2% d'enrichissement pour la dernière année, et 1,6% le 1er juillet de cette année, c'est-à-dire en accordant une prime d'enrichissement, en présumant, en 1979, que, pour la troisième année de la convention collective, après avoir fait un redressement de l'ordre de 2%, on devait s'attendre à ce que, dans l'économie même, on pourrait avoir une croissance économique telle que la croissance des salaires dans le secteur privé justifierait également dans le secteur public un certain partage ou une certaine participation à cet enrichissement qui était, à ce moment, estimé à 1,2% et à 1,6% à peu près pour le 1er juillet 1982.

Donc, lorsque nous disons que les conventions collectives nous auraient coûté plus cher, c'est que nous n'avons qu'à ne pas appliquer le facteur de normalisation pour ramener les salaires du secteur public plus en ligne avec le secteur privé, tel que cela se pratiquait à l'époque des conventions collectives antérieures, et automatiquement, on sait ce que ces 2% représentent. Il suffit de donner des taux d'enrichissement comparables à ce qui était accordé dans le passé, au lieu de les enlever, comme nous avons fait dans les deux premières années, pour faire en sorte que l'on puisse projeter dans l'avenir ce que cela aurait coûté.

Maintenant, indéniablement, dans la mesure où l'inflation a été beaucoup plus élevée, mais je ne voudrais pas déranger le député de Vaudreuil-Soulanges avec ma réponse...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, je vous...

M. Bérubé: Parfait. Dans la mesure où l'inflation a été plus élevée que ce qui était anticipé, il en résulte évidemment qu'à l'heure actuelle, sans doute les conventions collectives, à cause de l'indexation pour inflation plus élevée que prévue, peuvent coûter plus cher que ce qui était anticipé. Mais attention, avec une inflation qui affecte l'ensemble de l'économie, les revenus gouvernementaux croissent, et par conséquent, ces phénomènes s'annulent. Donc, une mauvaise prévison de l'inflation n'entraîne pas nécessairement une mauvaise prévision de l'équilibre budgétaire. Je souligne donc que ce qu'il est important de retenir, c'est d'une part, le redressement des salaires dans le secteur public par rapport à ceux du secteur privé, qui ont amené l'écart de 16% à 10%, quand on compare 1980 avec 1978-1979.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

J'accroche au passage les prévisions de ce que pouvait coûter une erreur quant au taux d'inflation qui était présumé, dans les formules. Je crois me souvenir - vous me rafraîchirez la mémoire, le cas échéant -qu'on avait prétendu, du côté gouvernemental, à l'époque, qu'une erreur de 1% dans le taux d'inflation pouvait coûter jusqu'à 60 000 000 $, et par recoupement des chiffres du budget de novembre dernier, on pouvait constater que l'erreur coûtait 100 000 000 $ du point d'inflation. Est-ce exact? Est-ce que cela vous dit quelque chose, autrement dit?

M. Bérubé: Je pourrais vous donner le chiffre. Un instant. La masse des syndiqués était de 6 000 000 000 $ à l'époque, elle est maintenant de 10 000 000 000 $. Le rendement d'un point sur une base différente donne le résultat que vous mentionnez.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le deuxième point, l'évaluation des programmes. Je remarque que vos services ont reçu également certains mandats ou ont comme tâche de s'adresser à cinq éléments qui sont décrits pour voir comment se comportent les programmes, pour en évaluer les mécanismes, etc. J'aimerais savoir comment les programmes cibles sont choisis. On parle de programmes cibles choisis, comment sont-ils choisis?

M. Bérubé: Essentiellement, nous faisons porter notre attention d'abord sur les programmes dont le taux de croissance des coûts dépasse sensiblement l'inflation. Je pense, par exemple, à l'aide sociale, aux équipements nordiques, au transport en commun, à certains programmes de santé, RAMQ, au crédit agricole, à l'aide juridique qui sont des programmes pour lesquels on a dû constater des taux de croissance, souvent reliés à des effets de clientèle, beaucoup plus rapides que l'inflation.

Nous choisissons les programmes essentiellement dans la mesure où un correctif pourrait avoir un effet structurel plutôt que simplement conjoncturel. C'est donc une préoccupation qui doit être au centre des préoccupations gouvernementales que de s'attacher à certains programmes dont les taux de croissance sont trop rapides. Le problème que nous vivons au Québec, il

ne faut pas se le cacher, c'est que nous avons des programmes dont les coûts croissent beaucoup plus rapidement que l'inflation.

Il n'y a pas eu de problème, pendant les quinze dernières années, à assumer ce type de croissance dans la mesure où le produit intérieur brut, en Occident, a souvent augmenté de 6%, 7%, 8% par année, en termes réels. Par conséquent, même si on devait hypothéquer un léger pourcentage de la croissance du PIB pour faire face à des programmes dont le coût croissait très rapidement, cela ne présentait pas de problème particulier. Mais il faut dire qu'aujourd'hui, avec une croissance réelle des économies dans le monde qui, en période de bonne conjoncture, peut atteindre 3% ou 4% et en période de mauvaise conjoncture, a plutôt tendance à être nulle, même négative ou de faible pourcentage, il faut porter une attention beaucoup plus grande à ces programmes dont le taux de croissance est trop rapide.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sauf que, de mémoire, on peut généralement identifier la brisure dans ce qui était prévisible comme taux de croissance de l'inflation à certaines décisions des pays de l'OPEP, à tort ou à raison pour l'entièreté de la brisure, mais on reporte en général à 1973-1974 ce facteur. Ce ne sont pas tous les programmes qui datent quand même d'avant 1973-1974 et qui sont donc sujets, du jour au lendemain, à des conjonctures. Je me demande donc comment on pourrait avoir un contrôle à l'intérieur, lorsqu'on prend la décision, pour voir si le programme qu'on est en train de créer va répondre de la façon dont vous venez de le décrire à la conjoncture.

M. Bérubé: Je ne suis pas certain de m'être bien expliqué. Je pense que vous n'avez pas compris le sens de mon intervention.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Au

Québec, les programmes ont tendance à croître...

(17 h 45)

M. Bérubé: Non, ce que j'ai dit, c'est que nous avons un certain nombre de programmes dont les tendances sont explosives. Qu'une telle croissance ait entraîné, par exemple, un rythme de croissance des dépenses publiques au Québec de 3% supérieur au PIB - je suis remonté jusqu'en 1970 et c'est assez systématique année après année - en soi, cela ne posait pas trop de problèmes, dans la mesure où nous avions une croissance du produit intérieur brut très élevée. Le problème, c'est que le jour où la croissance du produit intérieur brut a commencé à plafonner, à des taux peut-être auxquels il faudra s'habituer dans l'avenir, l'analyse et l'évaluation des programmes sont devenues plus importantes. Les programmes qui font l'objet d'une évaluation sont alors ceux dont le taux de croissance est beaucoup plus rapide que l'inflation, mais il n'y a pas de lien entre la croissance de ces programmes et, par exemple, l'inflation ou l'augmentation des prix du pétrole. Ce sont des programmes qui, en soi, ont une dynamique interne de croissance. À titre d'exemple, l'aide juridique, dont nous discutions à l'Assemblée nationale, puisque l'Opposition s'est opposée à l'imposition d'un frein modérateur. Que se passe-t-il à l'aide juridique? Essentiellement nous avons, d'une part, une augmentation normale des coûts par cas traité à l'aide juridique. Quand je dis "normale", la croissance a été de l'ordre de 7 1/2% par année au cours des cinq ou six dernières années. Donc, c'est une croissance très modeste. Cette croissance a été très modeste pourquoi? Parce qu'on constate que le nombre de cas traités par les avocats de l'aide juridique a eu tendance à augmenter; donc une productivité de plus en plus grande. On peut comparer. Je pense que le nombre passe de 550 à 735 au cours des deux dernières années, à titre d'exemple, et nous avons un coût moyen par dossier qui est nettement en bas de la moyenne canadienne, qui était d'à peu près 238 $, alors qu'elle est à peu près de 168 $ au Québec. Donc c'est un programme très performant, très efficace en termes de rationalisation, de réduction des coûts, mais il y a une croissance de clientèle de 13% par année. Le nombre de cas augmente de 13%. Là, c'est l'évaluation de ce programme qui nous a permis de constater, premièrement, qu'il était performant, efficace, avec une bonne productivité; toutefois, l'augmentation de clientèle était trop élevée. Donc, l'effort a porté sur les moyens de réduire cette croissance de clientèle. C'est ce genre d'évaluation que fait le Conseil du trésor.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Évidemment, une explosion dans des programmes comme ceux-là suit inévitablement l'augmentation du nombre de pauvres ou de gens qui se qualifient; c'est ce que vous disiez, qu'une des explications de l'explosion, est un facteur qui tient à la clientèle. Il est évident qu'on s'est enfermé à ce moment dans un système où, si l'économie va moins bien, il y a plus de gens pauvres qui ont plus besoin de ces services et on a encore de moins en moins de ressources économiques pour financer cela. C'est la nature des programmes dont on s'est nanti depuis quelques années, si je comprends bien.

M. Bérubé: Oui, je pense que ce

facteur joue. Cependant la croissance de la clientèle à l'aide sociale n'a pas été de 13% par année dans les années passées. On a donc des facteurs exogènes autres que le simple facteur clientèle à l'aide sociale, qui peuvent reposer sur le fait qu'il s'agissait d'un nouveau programme, qu'au fur et à mesure qu'il est connu, évidemment, il y a de plus en plus de gens qui peuvent y faire appel. Il y a plusieurs facteurs dont il faut tenir compte pour expliquer la croissance de clientèle.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'ai pris une note lorsque vous consultiez un document. Est-ce qu'il est public le document auquel vous vous référiez tout à l'heure...

M. Bérubé: Sur?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... qui avait trait aux conventions collectives?

M. Bérubé: Non, c'est un document interne.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un document interne qui ne peut être déposé en commission ou autrement?

M. Bérubé: Non, je ne pense pas. C'est un document que je préférerais examiner avant.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Avant de le citer comme vous l'avez fait?

M. Bérubé: Non. La raison étant très simple. C'est que je voudrais m'assurer que le document répond à une question que j'avais posée pour mon information personnelle. Il ne s'agit pas là d'un document officiel du gouvernement. Je voudrais être bien certain que, par exemple, mes collaborateurs qui ont pu y introduire des éléments les y ont introduits de manière qu'il n'y ait aucune connotation politique. Je veux bien que mes collaborateurs me fournissent une information à caractère politique; toutefois s'il s'agit d'un document public, évidemment, on devrait ne s'en tenir qu'à des faits. Sans être absolument certain du contenu détaillé du document, j'éviterais de le distribuer. Je n'ai pas d'objection à l'éplucher soigneusement pour être bien certain qu'on n'a là-dedans que des données factuelles et à ce moment il me fera plaisir de le fournir. Je n'ai aucune objection à vous fournir les données sur lesquelles ce document repose, les commentaires qui pourraient y exister, ceci étant peut-être de nature plus politique. Si c'est le cas, je voudrais m'en assurer, et à ce moment je préférerais que cela reste un document personnel.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

D'accord. Par ailleurs...

M. Bérubé: S'il est montrable, ça me fera plaisir de vous le donner.

Une voix: On ne fait jamais de politique.

M. Bérubé: Mon cabinet est intervenu dans votre texte de telle sorte qu'on l'a complété chez nous. Je ne suis pas certain que vous vouliez que ce document sorte.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Toujours à la rubrique de l'évaluation des programmes, je regarde le cinquième élément, examen du rendement coûts-bénéfices des programmes. C'est quelque chose qui m'a toujours intéressé et qui m'intéresse surtout quant à la divulgation que le gouvernement pourrait faire des résultats de son analyse coûts-bénéfices d'un programme. On pourrait déborder éventuellement sur l'analyse coûts-bénéfices de la réglementation et cela m'amène à vous poser la question, à savoir si à l'intérieur de votre ministère vous êtes chargés pour l'ensemble du gouvernement des programmes d'analyses coûts-bénéfices que le gouvernement s'est engagé à faire à l'égard de la réglementation à la suite des recommandations des divers intervenants économiques. Les chambres de commerce, entre autres, ont fait part de cela.

M. Bérubé: Non, c'est le comité...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

J'essaie d'évaluer l'équipement et les ressources. Êtes-vous une entreprise de services pour les autres ministères ou pas?

M. Bérubé: Non, nous ne sommes pas une entreprise de services pour les autres ministères. Une telle analyse existerait pour des règlements internes au gouvernement qui relèvent du Conseil du trésor au niveau de la gestion courante de l'administration gouvernementale. Mais vous faites allusion à un autre type de règlement qui sont les règlements édictés en vertu des lois adoptées par l'Assemblée nationale et qui s'appliquent donc à l'ensemble de la collectivité québécoise. Dans ce cas, c'est le comité ministériel permanent du développement économique qui a la responsabilité d'effectuer de telles études.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Quant à la publication des résultats d'une analyse coûts-bénéfices des programmes, l'accès qu'on peut y avoir, parce qu'il me semble que c'est absolument central de pouvoir juger si, dans une décision politique... de construire, élaborer un programme, y donner

suite, faire voter des crédits, etc. Si l'analyse coûts-bénéfices est absente, on a de la difficulté, il me semble, automatiquement à mesurer le véritable coût du programme dans la mesure où il relève à ce moment de la décision purement politique, s'alimentant de toutes sortes de considérations peut-être autres que le rapport coûts-bénéfices.

M. Bérubé: Dans la loi sur l'accès à l'information gouvernementale, toutes les études conduisant à une prise de décision doivent être rendues publiques. Toutefois, je crois que les documents soumis au Conseil exécutif ne sont pas nécessairement susceptibles d'être rendus publics, pas plus d'ailleurs que les documents du Conseil du trésor. Donc, je ne suis pas certain que de tels documents seraient couverts par la loi d'accès à l'information gouvernementale mais je ne peux pas vous dire non plus qu'ils ne le seraient pas.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous et moi partageons une ignorance partielle de cette nouvelle loi.

M. Bérubé: C'est exactement le cas. M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci.

M. Bérubé: Alors, on me dit qu'il y a peut-être une réponse technique. Les analyses du trésor ne seraient pas rendues publiques.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Si les analyses du Conseil du trésor ne sont pas rendues publiques, qu'en est-il des enquêtes? Et cela nous amène, on était au programme 1, 2; 2, on l'a vu longuement.

M. Bérubé: Elles ne sont pas publiques mais on les retrouve généralement entre les mains de l'Opposition.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous parlez des enquêtes ou des analyses? Les enquêtes du BRR?

M. Bérubé: Les enquêtes du BRR, c'est public.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Elles sont toutes publiques sauf que je vois, à l'élément 3, Bureau de recherche sur la rémunération, que le programme pour l'année 1982-1983 comporte des enquêtes sur les emplois repères principaux au Québec, 1er juillet 1982. Cela m'apparaît un peu tardif si on est en train de négocier pour la masse salariale de l'an prochain ou des deux prochaines années. Enfin, on verra vos commentaires. Enquêtes sur la rémunération des cadres, etc., il y en a cinq. Et on conclut en disant que les résultats de ces enquêtes sont communiqués aux responsables des relations de travail des secteurs public et parapublic qui pourront éventuellement les communiquer aux représentants des employés dans le cadre des échanges de renseignements reliés aux négociations et aux révisions de salaires. Est-ce qu'on vient présumer que cela tombe dans le domaine public automatiquement, malgré l'absence d'engagement...

M. Bérubé: Oui.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... d'une diffusion plus large?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On me fait remarquer quelque chose avec raison. Il me semble que deux des cinq enquêtes qui sont décrites très brièvement ici, soit la comparaison intersectorielle de la rémunération des cadres des secteurs public et parapublic à l'automne prochain et les enquêtes sur la rémunération des enseignants, infirmières et emplois spécifiques de la fonction publique dans les autres provinces canadiennes et au gouvernement fédéral, apparaissent pour la première fois dans la liste des tâches du BRR. En est-il ainsi? Si oui, qu'est-ce qui a déterminé cette décision d'élargir à ces deux éléments les activités d'enquête du Bureau de recherche sur la rémunération?

M. Bérubé: Dans la mesure où à la suite des rencontres des premiers ministres des provinces, l'accord s'est fait autour non pas d'une normalisation de la rémunération dans l'ensemble des provinces canadiennes, mais autour d'un partage de l'information... Je dois vous dire que c'est une opération qui n'est pas facile, dans la mesure où la hiérarchisation des postes et l'organisation du travail dans les diverses provinces font en sorte que les comparaisons ne sont pas immédiates et évidentes. Donc, il y a un effort entrepris à l'heure actuelle pour tenter de normaliser le type d'information disponible et faire en sorte qu'on puisse effectivement comparer la manière dont évolue la rémunération dans les diverses provinces. C'est une des activités du Bureau de recherche sur la rémunération.

M. Blais: N'en perdez pas trop, il n'en reste que trois.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le ministre, j'avais évoqué au début, peut-être, une curiosité parascientifique pour les systèmes HAY et les systèmes AIKEN. Étant donné, peut-être, l'heure que nous avions prévue pour l'ajournement de nos travaux, on pourra remettre cela non pas pour des questions en Chambre - je ne pense pas que cela puisse faire l'objet, honnêtement, de tout cela - mais pour d'autres occasions où

le gouvernement aura le loisir d'étaler au grand jour toutes les grandes choses qu'il prétend faire pour le Québec.

M. Bérubé: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Alors, élément...

M. Bérubé: Est-ce que, M. le Président, je pourrais témoigner d'abord du sérieux des questions du député de Vaudreuil-Soulanges et le remercier pour la dernière partie de notre séance de la commission qui, effectivement, en l'espace d'une demi-heure, nous a permis de toucher plusieurs dossiers intéressants? Je pense qu'effectivement il aurait été intéressant d'aborder tout le problème, en fait, de l'évaluation des postes de cadres par la méthode HAY et également, l'évaluation de la valeur des emplois dans la fonction publique par la méthode AIKEN pour, par exemple, examiner dans quelle mesure, justement, il ne pourrait pas exister une discrimination sexuelle dans la rémunération des postes au sein du gouvernement. Il faut donc faire l'évaluation la plus objective possible et la raison pour laquelle nous introduisons cette méthode AIKEN, c'est pour essayer de voir dans quelle mesure notre rémunération n'est pas entachée de telles déviations. Je pense que votre intérêt, M. le député de Vaudreuil-Soulanges, témoigne du débat passionnant que nous aurions pu avoir à cette commission, si vous n'aviez pas eu la gentillesse d'inviter le député de Brome-Missisquoi. Enfin, néanmoins...

M. Paradis: M. le Président.

M. Bérubé: ... je me serais ennuyé du député de Brome-Missisquoi que je n'avais pas vu depuis quelques semaines.

M. Paradis: On se revoit la semaine prochaine.

M. Bérubé: J'espère quand même que nous continuerons à avoir des relations suivies avec le député de Brome-Missisquoi, de telle sorte que nos relations continueront à être au beau fixe.

Le Président (M. Desbiens): L'élément 1 est adopté? M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, brièvement, pour répondre aux commentaires du ministre. Si on s'est attardé sur l'élément 2, c'est que l'octroi des contrats comme tel a fait tellement l'objet d'une publicité gouvernementale, d'une propagande selon laquelle tout était fait dans ce domaine-là, tout était nettoyé, il ne restait plus rien à faire. Lorsqu'on a l'avantage de siéger à la commission des enqaqements financiers en compagnie de l'agréable ministre, président du Conseil du trésor, on s'aperçoit qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire dans ce domaine-là. C'est tout simplement ce que j'ai voulu porter à l'attention du ministre à l'occasion de l'étude de ses crédits. Il a peut-être des préoccupations plus urgentes dans la tête présentement, mais c'est quand même un dossier, au cours de l'année qui va suivre, qu'on sera appelé à suivre de près ensemble, à l'occasion de chacune des séances des engagements financiers.

M. Bérubé: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): L'élément 1 est-il adopté?

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. L'élément 2 est-il adopté?

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. L'élément 3 est-il adopté?

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. L'élément 4 est-il adopté?

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. L'élément 5 est-il adopté?

M. Bérubé: Oui, M. le Président. (18 heures)

Le Président (M. Desbiens): Adopté.

Le programme dans son entier est adopté. La commission du Conseil du trésor...

M. Bérubé: M. le Président, on n'ajourne pas. Je pense que nous avons la Commission administrative des régimes de retraite dont nous devons approuver le budget.

Le Président (M. Desbiens): De toute façon...

M. Bérubé: Il est 18 heures.

Le Président (M. Desbiens):

Quel programme est-ce?

M. Bérubé: Ce serait tellement plus simple si nous pouvions continuer avec le consentement de l'Opposition. Il s'agit d'un budget et j'ai, avec moi, le président de la commission administrative. Si l'Opposition voulait lui adresser une ou deux questions.

Le Président (M. Desbiens): Article 7,1.

M. Bérubé: 7,1. En fait, il s'agit d'un programme... Le Président (M. Desbiens): ... finance?

M. Bérubé: ... sans aucune connotation politique dans la mesure où il s'agit purement d'administrer les régimes de retraite.

Le Président (M. Desbiens): Cela relève du Conseil du trésor?

M. Bérubé: Oui.

Le Président (M. Desbiens): Selon le mandat de l'Assemblée nationale, je veux savoir si c'est le Conseil du trésor ou finances...

M. Bérubé: Alors, on a oublié la Commission administrative des régimes de retraite dans le mandat de l'Assemblée nationale.

M. Paradis: Le mandat qui a été confié, à ce que le président a dit, à cette commission-ci, c'était pour les crédits du Conseil du trésor strictement. Je ne voudrais pas...

Le Président (M. Desbiens): Et des

Finances.

M. Bérubé: II faut qu'elle passe quelque part.

M. Paradis: Oui, mais il faut qu'elle soit appelée par l'Assemblée nationale. On ne peut pas siéger si on n'est appelé par l'Assemblée nationale à siéger. Remarquez que je n'ai aucune objection à donner le consentement, mais au point de vue technique ce sont des crédits...

M. Bérubé: Traditionnellement, l'année dernière...

M. Paradis: ... et c'est très rigoureux.

M. Bérubé: Antérieurement, comme cela relevait de la Fonction publique, c'était étudié avec la Fonction publique. Comme, maintenant, cela relève du président du Conseil du trésor, c'est resté entre deux chaises, ce qui fait que nos retraités ne pourront pas avoir de pension cette année.

M. Paradis: ... de crédits.

Le Président (M. Desbiens): II reste encore deux semaines de session.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que la loi 68 tombe automatiquement?

M. Bérubé: Non, mais la réforme risque d'être plus radicale.

Le Président (M. Desbiens): Je regrette, mais selon l'ordre reçu de la Chambre, les questions peuvent toujours être posées si vous désirez le faire, mais en dehors de la période, parce que je suspends les travaux.

M. Paradis: M. le président du Conseil du trésor, est-ce qu'on pourrait vérifier avec Denise Malouin si cela l'incluait? Elle est partie?

Le Président (M. Desbiens): On va suspendre deux minutes pour aller vérifier.

M. Bérubé: Je pense qu'il n'y a pas d'autre solution que de voir dans quelle mesure, peut-être, ce soir, lors de la reprise des travaux de cette commission, on ait l'information. Effectivement, s'il n'y a pas de mandat de la Chambre...

M. Paradis: On pourrait toujours le faire donner par la Chambre, ce soir, dès l'ouverture, à 20 heures.

Le Président (M. Desbiens): La commission des finances et des comptes publics suspend ses travaux à ce soir 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 03)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, messieurs! La commission élue permanente des finances et des comptes publics reprend ses travaux. Nous en sommes à l'étude des crédits du ministère des Finances. J'imagine qu'on va procéder par des remarques préliminaires, suivies de l'étude programme par programme.

M. Parizeau: M. le Président, j'aurais quelques remarques à faire au début de cet examen. D'ailleurs, ce ne sont pas vraiment des remarques, mais simplement une suggestion quant à la façon dont nous pourrions procéder. Étant donné que les dirigeants de la Caisse de dépôt, de Loto-Québec et de la Curatelle, qui sont tous localisés à Montréal, sont venus ici aujourd'hui pour l'examen des crédits du ministère des Finances, je suggérerais peut-être que l'on puisse les passer d'abord, de façon à leur permettre de rentrer à Montréal à une heure raisonnable. On pourrait ensuite examiner les crédits des Finances proprement dits.

Le Président (M. Desbiens): Consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Desbiens): Consentement.

M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

Caisse de dépôt et placement

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Par ailleurs, conformément à l'usage, je pense, que nous avons suivi dans d'autres cas, ce n'est pas nécessairement dans l'ordre du livre des crédits, si cela ne vous ennuie pas, qu'on va se parler. Dans la mesure où les gens de la Caisse de dépôt sont disponibles, on pourrait peut-être commencer tout de suite avec ce qui est, depuis longtemps déjà, un sujet d'actualité au Québec, depuis sa fondation, finalement. La Caisse de dépôt prend de plus en plus de place comme agent de développement économique. Elle a atteint une visibilité qui tient autant au volume de ses affaires qu'à la compétence des gens qu'on y a retrouvés et qu'on y retrouve encore depuis sa fondation.

Par ailleurs, pour peut-être nous éclairer, compte tenu de cette visibilité un peu plus grande qu'on lui connaît autant par son action que par les premières pages de journaux d'affaires à l'occasion, contrairement à de vieilles habitudes, j'aimerais peut-être aborder certains aspects de la politique d'investissement de la Caisse de dépôt et placement quant à la composition de son portefeuille, quant aux préoccupations apparentes de la caisse telles qu'on peut les déduire de son comportement.

Je commencerais tout de suite par une question à l'adresse du ministre. Compte tenu du nombre de déposants - il y en a un de moins, je crois, depuis que les professeurs de l'Université du Québec ont choisi de se diriger, disent-ils, vers un gestionnaire de fonds qui procurerait un meilleur rendement, selon eux - quel est le degré d'influence ou d'autonomie qu'ont les déposants à l'égard de la politique d'investissement qui touche les fonds qu'ils confient à la Caisse de dépôt? On peut tout de suite deviner qu'étant donné le nombre des déposants, plus d'une douzaine, il m'apparaît important de voir dans quelle mesure des objectifs si divers quant au nombre, des hypothèses actuarielles, dans beaucoup de cas, si diverses peuvent être conciliés à l'intérieur de la gérance quotidienne des sommes extrêmement importantes qui sont mises à la disposition des gestionnaires de la Caisse de dépôt pour et au nom des déposants. C'est l'objet de ma première question.

M. Parizeau: M. le Président, comme il s'agit, comme le dit le député de Vaudreuil-

Soulanges, justement, de rapports qu'il décrivait lui-même comme presque quotidiens, je pense qu'il serait peut-être approprié que ce soit le président de la Caisse de dépôt qui réponde à cette question. J'inviterais peut-être M. Campeau à commenter et à répondre à la question du député. (20 h 15)

En fait, les déposants ne choisissent pas les titres qui vont composer leur portefeuille, mais les déposants en général discutent avec la caisse des véhicules qui seront insérés dans leur portefeuille. Or, si on prend, par exemple, le fonds des fonctionnaires, le RREGOP, il y a des rencontres périodiques où on discute, où on nous indique, par exemple, le pourcentage d'équité que les déposants désirent avoir dans ce portefeuille, le pourcentage de dette, le pourcentage d'hypothèque et le pourcentage d'encaisse qu'ils décident de garder. Ils ont cette latitude de déterminer les pourcentages, surtout deux grands pourcentages importants, équité et dette, dans leur portefeuille. Quant aux titres qui forment les portefeuilles, les gestionnaires de la caisse ont pleine discrétion sur ce sujet.

Pour ce qui est de la Régie des rentes, cette dernière, comme telle, ne donne pas de directive à la caisse quant à la formation du portefeuille, quand c'est au pourcentage d'équité ou au pourcentage de dette ou d'hypothèque. Il en est de même pour la Régie de l'assurance automobile.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pour continuer, à l'égard des autres déposants, quelle est la nature des instructions générales qu'ils pourraient vous donner?

M. Parizeau: Ce ne sont que ces instructions, selon la loi, qu'ils sont habilités à nous donner. Évidemment, ils vont aussi regarder la performance et juger si on devrait aller, par exemple, dans des titres d'équité qui soient plus agressifs que d'autres. Par exemple, la CSST, à un moment donné, voulait former son portefeuille d'actions mais voulait des actions plutôt au rendement. Donc, elle ne pouvait pas, pendant un certain temps, accepter des titres d'actions à long terme, comme on dit, il fallait un titre à dividende élevé dans l'immédiat. C'est un peu ce genre de choses. Ce sont des choix qu'ils peuvent satisfaire.

Les gestionnaires de la caisse, en étudiant chacun des déposants, s'efforcent d'insérer dans ces portefeuilles les titres qu'ils doivent donner selon les besoins du déposant.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Les besoins du déposant sont formulés par le déposant lui-même. Autrement dit, les déposants ont-ils tous les services techniques

qui leur permettent de décider jusqu'à la limite souhaitable, si on veut gérer de façon convenable, le genre de mélange qu'ils souhaitent dans le portefeuille? La caisse ne fonctionne-t-elle pas plutôt, à l'occasion, pour certains d'entre eux, comme un conseiller en placement, compte tenu des objectifs et du profil des obligations qu'à long terme ces déposants doivent respecter?

M. Parizeau: Tout dépend des déposants, encore une fois. Quand il s'agit du fonds des fonctionnaires, il semble que les déposants soient très actifs. Ils ont engagé des conseillers de l'extérieur depuis quelques années pour essayer de les aider dans leurs discussions avec la Caisse de dépôt. À ce moment-là, comme je le disais tout à l'heure, il y a des rencontres périodiques avec les gestionnaires de la caisse; on a un comité des déposants qui les rencontre. Il y a échange de vues entre les économistes des deux parties quand il y a un économiste de l'autre côté et, par la suite, il y a un consensus où on va nous indiquer, par exemple, pour les trois prochains mois, qu'on désire 40% en équité des fonds disponibles, 50% en dette et 10% en encaisse. C'est après une discussion entre les deux parties que cela arrive.

Certains autres déposants sont moins actifs. Ils vont plus accepter sans discussion les recommandations de la caisse quant aux propositions du portefeuille. À l'occasion, les recommandations sont acceptées rapidement et, à l'occasion, il y a plus de discussions.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je me demandais si vous pouviez, pour le bénéfice de la commission, nous brosser un tableau à partir du déposant pour lequel vous pouvez manifester la plus grande discrétion quant au placement de ses fonds, en graduant jusqu'à celui qui semble le plus à même de décider quant à lui comment, à l'intérieur du mélange, il compte établir des rapports entre les différentes sortes d'équité, etc. Autrement dit, j'essaie de voir les degrés de détermination des politiques d'investissement des déposants, si c'est faisable.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Parizeau: II y a seulement une chose qui m'embête un peu dans l'orientation que nous prenons. Il faut faire quand même attention de ne pas, puisque nos propos sont enregistrés, donner l'impression qu'il y en a qui sont plus actifs parce qu'ils travaillent davantage entre eux et présentent davantage de propositions à la caisse, par opposition à d'autres qui diraient: La caisse a l'expertise et nous n'allons pas, de notre côté, en chercher. Cela ne rend pas le deuxième groupe - comment dire - plus paresseux ou moins intelligent que le premier. Je tiens simplement à préciser cela. Au fond, c'est une sorte de choix que chacun des déposants fait de s'appuyer davantage sur les ressources techniques de la caisse ou davantage sur des ressources techniques qu'ils embauchent eux-mêmes.

Cela dit, on peut poursuivre.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est entendu. Je partage les propos du ministre. Il n'est pas question de porter un jugement de valeur sur l'intelligence ou la compétence des différents déposants. Je veux parler du degré de sophistication qu'ils ont choisi de se donner. Dans ce sens-là, je ne...

M. Parizeau: ... de sophistication. Des voix: Ah!

M. Parizeau: J'allais ajouter, si vous me le permettez, qu'en fait chacun des déposants est sophistiqué et que ses interventions ne sont pas les mêmes périodiquement. Pendant une certaine période, un déposant peut être beaucoup plus actif et, par la suite, beaucoup plus... En tout cas, on va attendre quelque temps avant de réagir. Mais chacun des déposants est actif périodiquement.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sauf que je regarde jusqu'à quel point les décisions des déposants permettent une grande variété de mouvements à la caisse si on regarde comment c'est constitué, évidemment, divisé entre le fonds général et les fonds A, B, C, D ou A, G, O et H c'est-à-dire, et le fonds particulier, à l'intérieur desquels, si je comprends bien, il y a des achats d'unités de ces fonds. Jusqu'à quel point des instructions même relativement précises peuvent-elles signifier quelque chose si on a transformé des fonds en unités, si on a divisé les fonds, les actifs des fonds en unités?

M. Parizeau: Pour certains déposants, autres... vous avez, dans le fonds général, la Régie des rentes et la Régie de l'assurance automobile. Les autres principaux déposants en nombre, en valeur, sont insérés dans des fonds spécialisés. Dans les fonds spécialisés, vous avez un fonds d'action qui est un fonds spécialisé. Vous avez un fonds d'obligation qui est un fonds spécialisé. Vous avez aussi un fonds d'hypothèque. Or, selon les souhaits ou les directives des déposants, on va mettre un certain pourcentage, étant donné qu'ils sont dans les fonds spécialisés seulement, d'actions. Donc, ce sera le fonds A. Un certain pourcentage d'hypothèque, ce sera le

fonds H. Aussi, un certain pourcentage d'obligations, ce sera le fonds O. Ce sont tous des fonds spécialisés. Alors, leurs directives sont précises quant au véhicule et au genre de placement qu'ils veulent avoir. Alors, selon le cas, ils acquièrent du fonds O plus d'unités de fonds O que de fonds A, dans une certaine période.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

D'accord. Est-ce qu'à l'intérieur de chaque fonds ils peuvent émettre des directives, surtout le fonds A pour les actions?

M. Parizeau: Non.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Alors, c'est bien inutile, dans certains cas, pour eux, à moins que je vous aie mal compris tout à l'heure, de chercher, lorsqu'ils désirent plus d'actions, à influencer votre choix vers des titres à haut rendement plutôt qu'à moins de rendement, du "blue chip" plutôt que du spéculatif.

M. Parizeau: Oui, vous avez raison. Permettez-moi d'ajouter que, dans l'exemple que je vous avais donné, j'aurais dû être plus précis. C'est pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui a un fonds particulier. Alors, par fonds particulier, on entend que la Commission de la santé et de la sécurité du travail peut trouver exactement dans quel genre d'obligation nous avons investi et dans quel genre d'action nous avons aussi investi en son nom. Le fonds spécialisé n'existait pas dans son cas. C'est un fonds particulier qui est géré uniquement pour ces déposants, ce qui contraste avec nos autres genres de placements.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

D'accord. Quant aux autres, c'est essentiellement le "mix" entre les obligations, les hypothèques, les actions et l'encaisse qu'ils peuvent déterminer et non pas la composition à l'intérieur de ce véhicule, non pas la stratégie d'investissement à l'intérieur de ce véhicule.

M. Parizeau: Je vous dirai que même la CSST, à l'intérieur de son fonds particulier, n'intervient que pour le pourcentage en équité et le pourcentage en obligation et hypothèque. Mais elle n'intervient pas quant au choix des titres dans les pourcentages d'équité qu'elle détermine.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'ai cru, tout à l'heure, bien franchement entendre que même à l'intérieur de l'équité, le déposant pouvait donner des directives à la caisse d'investir de façon plus agressive dans des titres qui pourraient être plus spéculatifs dans certains cas.

M. Parizeau: Oui, mais pas dans le choix des titres plus précisément. Il peut émettre le souhait d'avoir des titres à dividende plus élevé. Dans ce cas-là, c'est au gestionnaire de la caisse à bien choisir la catégorie de titres qui lui fera rencontrer les objectifs de son déposant là-dessus mais il ne peut pas lui stipuler le titre lui-même.

C'est un fait qu'il peut aller un peu plus loin que ce que j'ai dit au début, vous avez raison. Je me suis peut-être mal exprimé sur le fonds particulier en disant qu'en plus de l'équité de l'action il peut déclarer qu'il veut l'équité plus "agressive".

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

D'accord. J'essayais de voir, pour le rendement total de la caisse, ce qui pouvait risquer de se produire si la somme des décisions des déposants créait un très gros fonds A et un petit fonds O à la longue, si une tendance, dans un sens ou dans l'autre, cherchait à se dégager, et j'essayais d'avoir vos commentaires là-dessus. Est-ce que la Caisse de dépôt se considère comme étant un gardien également du mixte total qu'elle administre sur les 14 000 000 000 $ d'actif ou est-ce que vous êtes prisonnier, dans le fond, de la somme des décisions de vos déposants?

M. Parizeau: Non. Il est évident que si les décisions prises par nos déposants venaient en contradiction flagrante avec les nôtres, nous devrions intervenir; je ne sais pas jusqu'où on pourrait aller, mais il y aurait lieu de faire un sérieux examen là-dessus.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce qui m'amène à vous demander quels sont vos objectifs d'investissements, votre politique d'investissements à moyen terme, si vous pouviez nous faire partager vos impressions ou les décisions collectives du conseil et des gestionnaires là-dessus.

M. Parizeau: Si on parle de l'ensemble du portefeuille de la caisse, il serait difficile pour moi, et ce ne serait peut-être pas souhaitable, d'énumérer les pourcentages dans chacun des déposants.

Si on regarde l'ensemble de la caisse, on voit qu'à la fin de l'année 1981 nous avions à la caisse disons 79% de titres de dettes. Nous avions des titres de propriétés pour 17% et nous avions en encaisse 4%. Dans les titres de dettes, on retrouve des obligations et aussi des hypothèques. On pourrait dire plus précisément qu'au 31 décembre 1981 nous avions 71% d'obligations et 8% d'hypothèques.

À la fin de l'année 1982, nous estimons que nous aurons, au lieu de 79% de titres de dettes, 75%. D'autre part, nos titres de propriétés, actions et immeubles, passeront

de 17% à 20% et enfin nous souhaitons que notre encaisse augmente un peu. On le trouve un peu bas à 4%. Ce sera 5% de tout notre portefeuille.

On se souviendra que l'ensemble des titres de propriétés ne doivent pas dépasser 30%. Nous sommes à 20%. Lors de l'établissement de notre prochain budget, nous devrons arriver à la décision de savoir vers quoi nous tendons pour la prochaine année, selon l'économie. Il est évident que cette année est une année où il est intéressant pour la caisse qui investit à long terme d'investir dans les actions alors que le marché est très déprécié.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): La situation de fin 1982, 75%, 20% 5%...

M. Parizeau: Oui.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... qui évolue on pourrait dire substantiellement sur une période d'un an de ce qu'elle est actuellement, comment se compare-t-elle avec ce qu'elle était l'an dernier, par exemple? Là où je veux en venir, c'est que je me souviens avoir lu que, de 88% - 12% en gros de dettes et équité où la caisse en était, on se dirige vers un autre ratio manifestement sur une période de temps, ratio qui serait souhaitable, compte tenu des conditions économiques, comme vous le dites, mais c'est le résultat d'un ensemble de décisions qui sont prises d'une année à l'autre ou à moyen terme?

Vous dites que vous étiez à la veille de décider vers quel ratio vous allez vous diriger une fois que 1982 sera fini?

M. Parizeau: Oui.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Donc, il ne se dégage pas de tendance à moyen terme, parce que c'est le très court terme, à mon sens, de voir comment dans quelque temps vous verrez pour l'année qui suivra, jusqu'où vous désirez aller dans ces établissements de ratios. (20 h 30)

M. Parizeau: Bon. Si on se reporte au 31 décembre 1980, il est vrai que le ratio était 88-12: 88 dettes, incluant l'encaisse, et 12% l'équité. Nous sommes donc passés à 83-17, le 31 décembre 1981, et nous sommes passés à 80-20, le 31 décembre 1982. À l'heure actuelle, nos prévisions sont que nous maintiendrons le 80-20 à tout le moins au cours de la prochaine année, en 1983.

D'autre part, je pense que, d'année en année il faut se réserver la décision soit d'augmenter un peu, soit de diminuer, selon les conditions du marché. Si on devait rencontrer une reprise économique ou si le marché des actions augmentait rapidement, peut-être y aurait-il lieu de diminuer le pourcentage à 20% et de vendre certains titres de propriété. D'autre part, si les difficultés économiques que nous rencontrons devaient persister en 1983, peut-être qu'on décidera aussi de l'augmenter, tout dépend des événements. Il est très difficile de prendre une décision là-dessus un an ou deux ans à l'avance. On peut indiquer une tendance; à tout le moins, on sait qu'on ne peut pas dépasser les limites permises par la loi de la caisse, soit 70-30.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Votre commentaire, à l'effet que s'il y avait reprise, il serait tentant de vous défaire de certains titres de propriété, par opposition à en accumuler si la reprise ne se manifestait pas, laisse évidemment ouverte la question de savoir quel genre de titres de propriété vous vendriez ou achèteriez dans les deux cas. Votre commentaire me porte à croire que le fait que vous puissiez considérer vendre certains titres, s'il y avait reprise, laisse entendre que vous avez quand même un objectif de liquidité que vous tentez de maintenir. Vous considérez vendre des titres si la bourse reprend, donc, c'est un peu à la manière d'un commerçant en semblable matière que vous envisagez une partie de cette activité, auquel cas je me demande quel genre de liquidité vous voyez à des participations pratiquement majoritaires ou de contrôle effectif dans certaines sociétés cotées en bourse. Est-ce qu'elles sont automatiquement l'objet du même raisonnement quant à la disposition éventuelle, s'il y avait reprise, ou à l'achat additionnel s'il n'y avait pas reprise?

M. Parizeau: Je pense que, dans ce cas-là, on regarde, vous me permettrez de répondre, le portefeuille des obligations.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui.

M. Parizeau: II est évident que, notre portefeuille étant assez important en obligations, on ne peut pas, nous, décider de vendre des obligations du gouvernement du Québec, d'Hydro-Québec ou des municipalités du jour au lendemain. Notre négociabilité, là-dedans, peut se rencontrer plutôt par l'échéance, plutôt que de prétendre qu'on peut laisser aller sur le marché un lot d'obligations d'Hydro-Québec, par exemple, une bonne journée. Il nous faut organiser notre liquidité par nos échéances.

Dans le cas des actions, il est évident que les participations importantes, comme vous le mentionniez, sont moins liquides que d'autres participations que nous avons à la caisse. Si nous n'avions dans notre portefeuille, en actions, que des participations importantes qui, parfois, sont moins liquides, je pense que cela ne serait pas souhaitable. D'autre part, la caisse peut

se permettre d'avoir encore plusieurs participations importantes sans nuire à sa liquidité parce qu'elle garde quand même sa pondération dans les autres stocks et dans les autres secteurs de l'économie qu'elle peut liquider rapidement. La caisse, à long terme, ne doit pas avoir comme objectif d'acheter des actions et de les garder éternellement. Même dans les compagnies où elle a pris des participations importantes, il n'est pas impensable que, selon les occasions et dans des circonstances précises, selon les années, elle pourra s'en départir.

D'autre part, si on parle de liquidité, il est évident que la caisse pourrait avoir une liquidité plus basse, mais souhaite garder une liquidité, telle qu'on veut l'avoir à la fin de l'année, de 5%, qui couvre amplement nos besoins et peut-être les chances d'investissement qui pourraient se présenter.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II n'y a pas vraiment de titres de propriété là-dedans. Si oui, ce sont des choses extrêmement négociables. Il y a beaucoup de dépôts.

M. Parizeau: Oui, dans les 5% de liquidité. Je pense que l'échéance la plus longue serait de six mois, là-dedans, et, en moyenne, ce serait de 30 à 60 jours.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

D'accord.

M. Parizeau: On finirait l'année, selon nos pronostics, avec 756 000 000 $, par exemple, de titres à court terme.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): À l'intérieur du portefeuille des titres de propriété, est-ce que vous recherchez quand même là aussi une certaine forme de liquidités. Vous semblez dire que oui, dans la mesure où votre objectif n'est pas de conserver cela nécessairement pour une éternité, de chercher seulement un rendement de dividendes ou alors d'influencer des décisions, des choses comme ça. Où est le rapport idéal à l'intérieur du 20 ou du 17 ou du 12 qu'il était de participation de contrôle effectif dans certains titres? On peut voir dans les notes que, dans cinq sociétés seulement, il y a un investissement de quelque 900 000 000 $ et j'essayais... On voit qu'en moyenne, c'est 200 000 000 $; même si la rubrique dit que ce sont des placements de 100 000 000 $ et plus, la moyenne est plus proche de 200 000 000 $. Ce ne sont pas là, il me semble, des titres tellement liquides, étant donné que ce sont probablement des blocs considérables dans chaque cas. On en connaît quelques-uns, on ne connaît pas nécessairement les autres. Quel degré de liquidité voyez-vous sur presque 1 000 000 000 $ de titres que vous détenez?

M. Parizeau: Je vous ferai remarquer que les titres d'actions de la caisse, au 31 décembre 1981, ne comptent que pour 17% de l'actif total de la caisse. Il est évident que si nous étions à 50% on ne pourrait pas se permettre d'avoir 40% des 50% en titres plus ou moins liquides. Avec 17%, on peut donc se permettre un pourcentage beaucoup plus élevé. J'aimerais mieux répondre à votre question en disant: Vous calculez 900 000 000 $, les titres que vous avez mis...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui.

M. Parizeau: II faudrait peut-être prendre les 900 000 000 $ sur notre actif total de 13 000 000 $ et dire que nous avions, au 31 décembre 1981, peut-être 8% à 9% du portefeuille total de la caisse, ce que vous dites être non liquide.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non pas prendre la moitié.

M. Parizeau: Et non pas la moitié, c'est ça. La moitié de?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Du portefeuille des titres de propriété.

M. Parizeau: Je trouve que les titres de propriété, en pourcentage, sont très bas par rapport à ce qu'un portefeuille normal devrait avoir dans les circonstances. Il y en a même qui vont jusqu'à 45% en titres de propriété et 55% en dettes. Ayant seulement 17%, c'est un portefeuille très bas. Il n'est pas nécessaire d'avoir, à l'intérieur de ces 17%, la même liquidité, le même pourcentage à l'intérieur que si on avait 50% en actions. Quand on dit que ce portefeuille n'est pas liquide, c'est vrai et c'est faux en même temps. Je pense que le fait d'avoir une participation importante dans plusieurs compagnies peut parfois le rendre beaucoup plus liquide, parce que pour les compagnies que vous avez mentionnées, si nous désirions réaliser ces investissements dans l'avenir immédiat, on trouverait peut-être de nombreux acheteurs et à des prix fort avantageux.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

J'allais vous poser la question sur les prix justement, si vous me permettez de poursuivre, à moins que M. le ministre ne veuille intervenir avant que je pose ma question, s'il croit que c'est plus pertinent, mais vous m'interromprez. Justement, je regardais les prix au marché de certaines participations majoritaires que vous avez, c'est-à-dire la différence entre ce qu'on croit être les coûts que la caisse aurait eu à

débourser et le prix du marché actuellement. Le niveau des pertes non réalisées à la valeur du marché est, je pense, considérable par les temps qui courent, mais étant donné qu'on ne sait pas tout du coût d'achat à l'époque et qu'on ne sait pas non plus quelle est la composition exacte du portefeuille, c'est extrêmement difficile à dire. Est-ce que vous avez des commentaires à faire sur les pertes non réalisées?

M. Parizeau: Est-ce que je peux vous répondre par des ratios? Au 31 mai 1981, par rapport au 31 mai 1982, la bourse a descendu de quelque 36%. Les mines et métaux ont subi une baisse de 53%. Les papiers, de 51%. Cela répond peut-être en partie à votre question. Il est évident que les stocks sont à la baisse. Il est évident que pour un portefeuille comme celui de la Caisse de dépôt, ce n'est pas le temps de vendre les actions de ce côté.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je cherchais le prix avantageux que vous disiez pouvoir trouver pour certaines des participations assez importantes.

M. Parizeau: Aujourd'hui même, les prix seraient-ils aussi avantageux que notre coût pour ces actions importantes? Je pense que oui, mais il faudrait sûrement négocier. Je dois vous dire que notre portefeuille a été accumulé au cours de ces années, si vous prenez chacun de ces titres. Donc, les prix d'acquisition étaient quand même très avantageux. Les prix que nous avons eu à payer pour l'acquisition n'étaient pas aussi élevés que cela, vu qu'on avait déjà un départ dans ces actions.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Parizeau: Je voudrais faire certains commentaires dans le prolongement de certaines des questions du député de Vaudreuil-Soulanges. Le portefeuille d'actions de la caisse est maintenant assez largement supérieur à 2 000 000 000 $ et il augmente assez rapidement dans la mesure même - et pour les mêmes raisons, d'ailleurs - où des portefeuilles de fiduciaires de fonds de retraite augmentent leur part d'équité systématiquement depuis quelques années un peu partout, parce que c'est une protection, à long terme - pas au jour le jour, bien sûr, quand la bourse tombe comme elle est tombée - contre l'inflation qu'il est important d'avoir. Or, à la taille déjà atteinte du portefeuille d'actions de la Caisse de dépôt, c'est d'ores et déjà le plus gros portefeuille d'actions ordinaires qu'il y a au Canada. S'imaginer qu'à cette taille -cette taille qui est amenée à grossir rapidement dans les années qui viennent - cela ne peut se produire, apparaître et fonctionner que par des achats au jour le jour ou des modifications marginales au jour le jour à travers la bourse est tout à fait illusoire, parce que, vu la taille des transactions et la taille du portefeuille, l'intervention, une expansion rapide du portefeuille d'actions de la caisse voudrait dire que cela aurait à la bourse un impact considérable sur les cotes.

Donc, conformément à quelque chose qu'on voit venir depuis plusieurs années - ce n'est pas depuis un an, en fait, c'est depuis le début de la caisse - on sait qu'à un moment donné le portefeuille d'actions de la caisse prendra inévitablement la forme de certaines acquisitions d'assez gros blocs d'actions, simplement parce que cela ne peut pas se faire, à une certaine taille, au jour le jour sur la bourse. C'est trop gros. Dans ce sens, comme c'est vrai, d'ailleurs, d'autres portefeuilles de fiduciaires très considérables aux États-Unis, on va voir l'achat de blocs par la caisse devenir bien plus fréquent avant que cela devienne moins fréquent. C'est un développement, je pense, inévitable. Je répète que le portefeuille d'actions de la Caisse de dépôt est le plus gros au Canada à l'heure actuelle, mais si on regarde les expansions prévues et l'expansion constatée, d'année en année, il est clair que la caisse non seulement peut, mais doit augmenter son portefeuille d'actions de 500 000 000 $ par an. C'est énorme, 500 000 000 $ d'actions achetées chaque année. C'est considérable.

Ce qui est en train de se produire, c'est le développement normal d'une institution qui est devenue très considérable dans notre milieu et qui ne peut plus s'appuyer exclusivement - elle va encore s'y appuyer, j'imagine, mais enfin! - sur un "trading" quotidien à la bourse. Jamais cela ne produira 500 000 000 $ ou 600 000 000 $ d'augmentation du portefeuille chaque année. Ce n'est pas possible. Évidemment, le fait d'acheter des blocs, comme le disait M. Campeau tout à l'heure, cela rend les choses, en un certain sens, moins liquides, parce qu'on imaginerait mal qu'en l'espace de quelques jours on vende à la bourse 200 000 000 $ d'actions d'un seul titre. Cela ne nuit pas nécessairement à la liquidité en ce sens qu'un bloc de 100 000 000 $ ou de 200 000 000 $ d'actions dans une même compagnie, cela peut représenter un pourcentage suffisamment intéressant pour que cela puisse à son tour se vendre comme bloc à quelqu'un d'autre. Je ne suis pas certain que c'est vraiment la liquidité qui est en cause ici. De petites participations dans un grand nombre de compagnies, cela peut être liquide suivant l'état de la bourse, bien sûr. Un gros bloc peut être liquide en ce sens qu'il est intéressant et la caisse va avoir à acheter des blocs d'actions dans les

années qui viennent quand bien même cela ne serait qu'en raison de sa taille et de son rythme d'expansion. C'est le genre d'observation qui me paraissait important, compte tenu de certains commentaires qu'on entend depuis quelques mois. (20 h 45)

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sauf qu'à mon sens on doit quand même avoir à l'esprit les éléments de diversification du portefeuille à l'intérieur même des types de propriété; par diversification. Il n'y a pas simplement la diversification de ce qui est spéculatif, ce qui est à moyen terme et ce qui est une prise de participation à long terme d'un bloc de contrôle ou autrement, il y a également la diversification géographique des actifs dans la mesure où les titres détenus sont des investissements, des participations dans des sociétés, des entreprises qui sont situées un peu partout. J'essayais de voir quelle était la direction qu'entendait prendre la Caisse de dépât pour quand même, à mon sens, améliorer son degré de liquidité quant à la répartition géographique des sociétés dans lesquelles elle détient des participations. À l'oeil, je trouvais qu'il y avait énormément de gros investissements simplement sur le territoire du Québec. À un moment donné, on est tellement gros, on prend tellement de place qu'il faut aussi aller ailleurs.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, avant de laisser la parole à M. Campeau là-dessus, je voudrais faire un certain nombre d'observations de nature historique, si on veut. Je commence à me trouver mêlé à un titre ou à un autre aux opérations de la caisse depuis maintenant pas mal d'années. Il y a eu une constante depuis la création de la caisse, c'est qu'on n'achète pas d'actions en dehors du Canada, de compagnies qui ne sont pas des sociétés canadiennes. Je pense qu'il est très important de le souligner, et souvent. À ma connaisance, il n'y a jamais eu en quinze ou seize ans d'exception à cette règle. Cela a été, sauf erreur, discuté très souvent par plusieurs conseils d'administration successifs qui sont toujours arrivés à la même conclusion. La loi n'empêcherait pas la Caisse de dépôt de commencer à faire du "trading" à la bourse de New York.

M. de Belleval: D'acheter du IBM, par exemple.

M. Parizeau: Rien ne l'empêcherait dans sa loi. Cela a toujours été discuté au niveau du conseil d'administration et il est remarquable que les conseils d'administration successifs soient toujours arrivés à la même conclusion.

Donc, on dit pourquoi des actions canadiennes plutôt que des actions québécoises. Pour une raison très simple, c'est qu'un très grand nombre d'entreprises importantes qui opèrent au Canada opèrent au Québec, ont beaucoup d'importance au Québec. Donc, il n'y a pas vraiment sur ce plan d'opposition. C'est très difficile de dire si c'est plus intéressant d'acheter du Canadien Pacifique, compagnie canadienne, que d'acheter du Bombardier, compagnie québécoise. Bombardier a sur le plan de l'économie du Québec une importance considérable et le Canadien Pacifique aussi.

Je pense qu'on conviendra à cet égard qu'il n'y a jamais eu vraiment de concentration de billets dans le sens de dire à égalité d'intérêts, le titre québécois doit avoir préséance sur le titre canadien. Ce n'est pas vraiment comme cela que cela se fait.

Il est évident que des placements, si on prend, par exemple, le pétrole et le gaz, dans le Gaz Métropolitain semble être orienté très Québec, mais il y a eu des phases où il y a eu très forte concentration des titres de la Caisse de dépôt dans du pétrole de l'Ouest. Je pense à la grande époque de la Home Oil, une compagnie qui est disparue, mais je me souviens que la Caisse de dépôt à un moment donné a eu une concentration très considérable. Il entrait beaucoup d'argent chez elle.

Il est clair qu'on ne peut pas s'imaginer avoir une sorte de billets systématique et constant, compte tenu simplement de la structure des entreprises à la fois canadiennes et québécoises et du fait qu'il devient extraordinairement difficile, à un moment donné, de savoir si une compagnie est surtout canadienne ou si elle est surtout québécoise. Dans ce sens, avant qu'on passe la parole à M. Campeau, je tiens seulement à bien indiquer cette espèce de distinction fondamentale qu'il y a toujours eu entre le Canada et le Québec d'un côté, où les achats d'actions sont concentrés et, d'autre part, le refus très systématique de tous les conseils d'administration d'aller dans des actions de sociétés américaines ou européennes. Cela a été une constante depuis quinze ou seize ans.

Je pourrais laisser la parole à M. Campeau pour qu'il explique davantage.

On parlait d'investissements importants au Québec. On va donner trois titres, si vous voulez: Provigo, Noranda, Domtar. Noranda, c'est dans tout le Canada, c'est largement diversifié. La même chose s'applique à Domtar, qui est même aux États-Unis et qui n'est pas seulement limitée à des produits de pâtes et papiers comme, par exemple, Consolidated Bathurst. C'est beaucoup plus général, il y a une belle diversification à l'intérieur de Domtar. On regarde Noranda,

c'est un joyau de diversification. Si, pour Noranda tout allait bien, ce serait le Pérou. On sait que Provigo est dans tout le Canada, pas dans toutes les provinces, mais dans plusieurs provinces. On sait aussi que Provigo est au États-Unis et veut se diversifier. Ce sont trois titres importants qui ne sont pas du tout limités au Québec. Tel n'est pas le cas, par exemple, comme le ministre le disait, de Gaz Métropolitain qui est seulement au Québec, à l'heure actuelle.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre a laissé échapper qu'il était mêlé de près à l'administration de la caisse depuis maintenant plusieurs années.

M. Parizeau: Ah! non! je n'ai pas dit cela. J'ai dit que j'étais mêlé au fonctionnement de la caisse à divers titres. Ce n'est pas la même chose. Mes titres, à l'heure actuelle, ne sont pas ceux d'il y a dix ans.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... de l'administrateur.

M. Parizeau: Non, aujourd'hui je n'administre pas. J'ai déjà été administrateur de la caisse.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vais reformuler ma question, je m'excuse. Le ministre a indiqué qu'il était très près de la caisse depuis plusieurs années. Dans ce sens, je chercherais à voir quelle est la nature des relations entre la caisse et le ministère des Finances, pas - comment dirais-je? - dans des relations de rapport d'autorité à subalterne, de frère et soeur ou peu importe, mais dans des conformités, des cohérences apparentes de comportement, dans la mesure où des prises de contrôle récentes ou des prises de participation importantes ont eu lieu récemment. Et la caisse et les sociétés de la couronne du chef de la province de Québec, comme le veut l'appellation, du gouvernement du Québec, ont agi manifestement de concert, ensemble, à l'unisson.

J'allais donc demander au ministre, en réalité, ce qu'il entrevoyait comme politique d'action concertée du gouvernement du Québec et de la caisse dans des dossiers d'investissement, dans des sociétés qui sont actives ici et qui ont un siège social au Québec. On a beau lire et entendre que le ministère des Finances et le gouvernement du Québec n'ont rien à voir avec les décisions d'investissement de la caisse, on ne peut pas s'empêcher de penser que le gouvernement du Québec et la Caisse de dépôt sont coactionnaires, non hostiles et non par hasard, dans de nombreuses sociétés. J'aimerais appeler les commentaires du ministre sur ces observations de notoriété publique.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Parizeau: II serait, je pense, inconcevable que pendant une certaine période de temps, la Caisse de dépôt et le gouvernement se maintiennent sur une piste d'hostilité mutuelle. Je tiens à dire cela, c'est quand même important, parce que cela ne serait pas tenable dans la mesure où, évidemment, la Caisse de dépôt est le plus gros détenteur d'obligations du gouvernement du Québec et le plus gros acheteur. C'est moins important que dans les autres provinces canadiennes où la totalité de l'argent du régime des rentes va directement au financement gouvernemental. Il n'y a qu'au Québec qu'un organisme distinct du gouvernement ne place qu'une partie de ses fonds dans le financement gouvernemental. Dans la mesure même où la Caisse de dépôt occupe cette place tout à fait privilégiée et considérable dans le financement du gouvernement du Québec, il serait absolument inimaginable que, encore une fois, on soit dans un scénario d'hostilité ou d'opposition durable. Un peu dans le même sens qu'il serait absolument impensable que la Banque du Canada, sur un autre plan, et le ministère fédéral des Finances soient dans un cadre de scénario d'hostilité continuelle. C'est arrivé, au cours des trente dernières années, une fois à Ottawa, et on a bien vu quel genre de crise invraisemblable cela a créé.

Contrairement à ce qui arrive à Ottawa, où le ministère des Finances peut émettre des directives écrites à la banque centrale, nous n'avons pas cela, ici à Québec. On aura remarqué, par exemple, que le gouvernement du Québec se garde un droit de directive à l'égard de toute une série de sociétés d'État, et chaque fois que nous amendons, par exemple, un projet de loi qui a été déposé, il y a quelques jours, à l'égard de la raffinerie de sucre, on aura noté que le ministre de l'Agriculture se garde un droit de directive.

Pour toute une série de sociétés d'État, la loi a été amendée depuis quelques années. On a mis ce droit de directive du ministre du Conseil des ministres à l'égard d'une société d'État. Or, à l'égard de la Caisse de dépôt, pas du tout. Nous avons amendé, il n'y a pas tellement longtemps, la Loi sur la Caisse de dépôt, et on n'a pas mis le droit de directive.

Il est très important que la Caisse de dépôt ait, sur le plan de ses placements, une autonomie aussi grande que possible. Quand je parle d'une autonomie aussi grande que possible, comprenons-nous bien, c'est dans la lumière du premier principe que j'ai exquissé. C'est-à-dire que ce ne serait pas pensable

qu'on soit dans une atmosphère d'hostilité continuelle, mais dans la mesure où on n'est pas dans une atmosphère d'hostilité continuelle, on reconnaît un deuxième principe selon lequel il ne serait pas bon que le gouvernement ait un droit de directive à l'égard des placements de la caisse, en disant: Placez plutôt votre argent dans telle compagnie plutôt que dans telle autre compagnie.

Dans ces conditions, troisième idée, le ministère des Finances ou le ministre des Finances n'ont pas à chercher, non seulement au jour le jour, mais dans ses orientations importantes en termes de placement, à influencer la Caisse de dépôt. Il est même arrivé depuis quelque temps que le président de la Caisse de dépôt contredise allègrement une orientation que le ministre des Finances jugeait raisonnable quant à la Caisse de dépôt et le fasse publiquement et je trouve cela tout à fait normal. Je pense ici à certaines réactions quant à l'assujettissement de la Caisse de dépôt à un certain nombre de dispositions à la Loi sur les valeurs mobilières. Je pense que c'est très simple que la Caisse de dépôt, à cet égard, puisse avoir une position qui soit sur quelque chose comme celle-là distincte de celle du gouvernement. (21 heures)

Quatrième idée, il est clair cependant que le gouvernement peut avoir, sur le plan du développement économique, sur le plan du rôle de certaines entreprises dans le développement économique auquel on pense pour le Québec un certain nombre d'idées et qu'il en fasse état auprès de la Caisse de dépôt. C'est tout à fait normal puisqu'il en fait état auprès de bien d'autres gens et pas seulement dans le secteur public. Il est évident, par exemple, que, dans le domaine de la pâte et du papier, le gouvernement a eu à l'égard de l'ensemble des producteurs de pâtes et papiers toute une série de consultations, de discussions qui ont abouti finalement à un programme de subventions pour la modernisation des usines de pâtes et papiers où le ministre des Richesses naturelles du temps a eu l'occasion de discuter en pratique avec toutes les compagnies qui fonctionnaient au Québec. Il serait bien du diable que la Caisse de dépôt ne soit pas au courant et qu'on ne lui communique pas le genre d'orientations qu'on prend.

Mais là, il faut bien comprendre que la Caisse de dépôt, mise au courant des orientations que le gouvernement prend, peut fort bien choisir d'entrer dans ce type d'orientations avec d'autres, d'ailleurs, possiblement et très souvent du secteur privé ou bien, pour toute espèce de raisons, de constater que non, certaines de ces orientations traduites de façon concrète dans des participations dans telle ou telle entreprise ne l'intéressent pas.

Dans ce sens, la Caisse de dépôt est indiscutablement dans le secteur public du gouvernement. Son conseil d'administration est aussi indiscutablement tout à fait libre de s'orienter comme il l'entend. La loi est tout à fait formelle. Au fond, les pouvoirs du ministre des Finances sur la Caisse de dépôt se limitent à l'article 44 qui consiste à demander des renseignements.

Formellement, le ministre des Finances n'a aucun pouvoir sur la Caisse de dépôt.

Si, à un moment donné, le gouvernement jugeait aberrante ou mauvaise l'orientation de la Caisse de dépôt, comment pourrait-il rectifier la chose? Il le pourrait essentiellement par les nominations au conseil d'administration. Ce sont des nominations que le gouvernement fait quand les mandats viennent à échéance. En somme, sur le plan des hommes, il pourrait dire: Je n'aime pas le genre d'idées que ce groupe d'hommes ont et je les remplace par un autre groupe d'hommes dont je préfère les idées. Cela est tout à fait normal; il n'y a pas à s'en offusquer. Mais c'est par ce canal que des ajustements majeurs d'orientations peuvent se faire, certainement pas par des types de tractations au jour le jour. Si on s'imagine que le ministre des Finances peut donner, par exemple, des instructions à la Caisse de dépôt quant à l'achat de titres dans telle ou telle compagnie, on se goure; ce n'est pas comme ça, ce n'est pas vrai. Ça ne peut pas fonctionner comme ça.

C'est un équilibre qui est délicat, qui n'a pas fondamentalement changé depuis que la caisse a été établie. Je pourrais donner des exemples qui sont très intéressants à cet égard et qui, justement parce qu'ils sont anciens, seraient peut-être moins contentieux que certaines des choses dont on discute. Par exemple, M. Campeau parlait tout à l'heure de Provigo. Il fut un temps où, on s'en souviendra, le gouvernement de Québec, dans les années soixante, poussait très fortement dans le sens des fusions d'entreprises et participait activement à des fusions d'entreprises. La Caisse de dépôt est littéralement à l'origine de Provigo et des fusions qui l'ont précédée. C'est en achetant des actions de Couvrette et Provost, de Lamontagne et de Denault, en devenant un actionnaire relativement important de ces trois groupes de grocistes de produits alimentaires au Québec, que la Caisse de dépôt a été le catalyseur qui a fait apparaître Provigo.

Je ne me souviens pas - à ce moment-là, j'étais membre du conseil d'administration de la Caisse de dépôt - avoir jamais vu une intervention politique d'un ministre demandant que cela se fasse. Mais je me souviens fort bien, par exemple, d'un président de la Caisse de dépôt, qui était M. Prieur qui, comprenant fort bien le sens de

l'orientation que le gouvernement de l'époque cherchait à donner dans le sens de fusions pour créer de grands groupes, avait dit: Tiens, dans ce domaine, ça devrait être possible. C'est là où l'équilibre entre la caisse et le gouvernement, en un certain sens, est important. La caisse est d'abord gestionnaire et fiduciaire de fonds et, d'autre part, la caisse vit au Québec. Elle est donc dans un environnement où à certains moments des orientations générales sont données et elle décide si son action peut être orientée en fonction de ses orientations générales et comment, si elle le juge à propos, cela peut se traduire concrètement.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, sauf qu'évidemment, quand on remarque les actions concertées du gouvernement, par certaines sociétés d'État, d'une part, et de la Caisse de dépôt, on ne peut pas s'empêcher de penser que ce sont des impératifs de politiques de développement économique, de participation de l'appareil à même les fonds des Québécois, qu'il s'agisse des fonds propres du gouvernement, du fonds consolidé, ou alors des épargnes des Québécois, via les déposants. Ces fonds sont utilisés à des fins de prise de contrôle, dans certains cas. Â la lumière de cet impératif, que je croyais premier de la Caisse de dépôt, qui est d'assurer le maximum aux épargnants...

M. Parizeau: Le rôle de fiduciaire dont je parlais tout à l'heure.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le rôle de fiduciaire, oui, précisément... afin, entre autres, de réduire - on y reviendra peut-être - la participation à toutes les deux semaines, à tous les mois des épargnants par le biais de leurs cotisations. Il me semble que ce sont là deux objectifs qui ne coexistent pas nécessairement et que le premier risque fort d'entacher le deuxième. Dans ce sens, la question précise que j'aurais, c'est de savoir si depuis quelques années la Caisse de dépôt est en mesure de nous indiquer quel est son classement, au Canada, dans le groupe des gestionnaires de fonds qui lui sont comparables. Je sais à l'expérience qu'il existe au moins deux, peut-être trois maisons qui offrent ce service et je suis sûr que la sophistication de la Caisse de dépôt lui assure la connaissance de ces mesures de performance qu'on retrouve dans le marché dans des maisons spécialisées et qu'inévitablement la caisse est en mesure de nous dire - la question sera de savoir si elle veut nous le dire - quelle est sa performance relative lorsqu'elle se compare à d'autres institutions comme elle depuis quelques années. Quelle est la tendance de ce classement, sa performance est-elle à la hausse ou à la baisse?

M. Parizeau: Je vais laisser M. Campeau répondre à ça.

Si vous regardez la performance, tout dépend quels critères vous prenez, si vous voulez regarder pour une période de cinq ans, dix ans ou six mois. Or, il est évident que, si vous regardez pour une période de six mois ou un an, la performance, par exemple, du fonds d'obligations de la caisse n'a pas été des plus sensationnelles si on la compare à d'autres investisseurs. Son rendement courant, d'autre part, est parmi les meilleurs. Si on regarde la performance qui est calculée d'après la valeur de réalisation d'un titre, quand, pendant des années, vous avez investi sur des échéances, par exemple, avec le Québec de 20 ans et quand le taux d'intérêt était à 8%, si vous vous ramassez avec un taux d'intérêt de maintenant 16%, rapidement, votre valeur de réalisation est à peu près de 50, mais je ne dis pas que le chiffre est exact à 50. Or, dans une situation où on a vu les taux d'intérêt grimper rapidement, même doubler, avec un portefeuille d'obligations avec échéance très longue - il y a deux ans, nous avions, je pense, 17,5 ans d'échéance dans notre portefeuille d'obligations alors que nous atteindrons, à la fin de l'année, 12,5 d'échéance moyenne - il est évident qu'on se fait toucher lourdement.

L'objectif de la caisse, c'est bien évidemment de réduire maintenant son échéance moyenne de portefeuille d'obligations parce qu'elle croit qu'elle est plus en mesure de mieux réagir sur les marchés avec une échéance, disons, de huit ans à dix ans. On doit dire, d'autre part, que certains autres fonds comme aux États-Unis, certaines compagnies d'assurance ou fonds de retraite investissaient quand même dans Hydro-Québec avec des 30 ans et que leur performance a été grandement touchée. Tout cela pour m'amener à dire aussi qu'un fonds important comme la caisse et avec un tel volume qui est, par exemple, le fonds d'obligations le plus gros au Canada aussi, c'est plus lourd, parfois, à assortir d'une politique. Il faut penser à plus long terme quand on établit une politique. De diminuer l'échéance de sept ans et demi à douze ans et demi va nous prendre deux ans. Si on avait eu un portefeuille plus léger, cela aurait pu peut-être nous prendre un peu moins de temps, mais peut-être qu'on aurait eu aussi les mêmes problèmes, on aurait eu à subir les mêmes inconvénients.

Pour ce qui est du portefeuille des actions, si on se compare aux PSE, la performance, je pense, a été relative et peut-être dans la moyenne au cours des trois ou des six derniers mois. Il est évident qu'en

changement brusque de marché, la caisse ne peut pas ou ne veut agir rapidement là-dessus. Sur une courte période, il faut être prudent. Il n'y a rien qui dit que la performance va être des plus sensationnelles. Il faut la regarder sur des périodes plus longues comme trois, quatre ou cinq ans où, je pense, la Caisse de dépôt figure très bien.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre voulait compléter, je pense.

M. Parizeau: Je voulais seulement ajouter une chose, mais qui me paraît très importante ici. Quand la Caisse de dépôt a été créée, encore une fois, une partie des fonds devait systématiquement aller au financement du gouvernement, contrairement à toutes les autres provinces canadiennes où la totalité des fonds allait au financement gouvernemental. Il est évident que la caisse n'allait pas acheter des obligations à deux ou trois ans du gouvernement du Québec, alors que la totalité des fonds du Canada Pension Plan qui vont aux autres provinces est systématiquement à 20 ans. Donc, une bonne partie du portefeuille d'obligations de la Caisse de dépôt a été placée dans des titres à court terme de la même façon que tous les titres du Canada Pension Plan émis par les provinces canadiennes étaient de 20 ans pour la totalité de leur portefeuille. Si, aujourd'hui, on se demandait ce qu'est la valeur de réalisation des obligations émises par les autres provinces canadiennes dans le Canada Pension Plan à 20 ans, on trouverait une performance infiniment pire que celle de la Caisse de dépôt. La Caisse de dépôt a eu au moins la possibilité de s'ajuster en prenant du trois ans gouvernemental, du cinq ans, du trois ans extensibles, etc., alors que dans les autres provinces, cela reste encore 20 ans systématiquement. La valeur de réalisation des émissions d'obligations des autres provinces à cet égard est effrayante. Là, cela devient essentiellement une question de comparaison par rapport à une formule qui a été trouvée au Québec à ce moment-là qui aura permis d'aller du côté des actions, du côté des immeubles, dans toute espèce de directions qui étaient fermées pour le Canada Pension Plan en dépit de très fortes hausses de taux d'intérêt comme celles qu'on connaît, une valeur de réalisation infiniment supérieure à tout ce que le Canada Pension Plan aurait produit et produit ailleurs. Il ne faut jamais oublier le point de départ. Mais ce qu'il y a de remarquable, en réponse à une question que posait le député de Vaudreuil-Soulanges, c'est que ce qui aujourd'hui, avec les taux d'intérêt qu'on connaît, et compte tenu des taux d'intérêt qui ont été agréés sur des obligations sur cinq ou dix ans, donc, infiniment inférieurs, c'est le portefeuille d'obligations qui est bien plus responsable de l'abaissement de la valeur de réalisation tant que les taux d'intérêt seront hauts, de la valeur de réalisation du portefeuille de la Caisse de dépôt... Ce ne sont pas les achats d'actions qui créent un problème, si tant est que c'est un problème. Il n'y a pas de problème véritable. Il y a simplement les valeurs comptables de réalisation où on se dit: Si on vendait tout aujourd'hui, combien aurait-on? C'est le portefeuille d'obligations qui crée cela, non pas les actions.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, j'aurais seulement une remarque à faire. Cela fait deux ou trois fois que le ministre dit qu'ici au Québec la Caisse de dépôt ne prête que la moitié de ses actifs... dans le fond, ne contribue au financement du gouvernement que pour la moitié de ses actifs. Le Régime des rentes du Québec représente à peu près justement cela, la moitié. Les autres plans, régimes ou caisses au Canada, si on veut, ne bénéficient pas -je ne pense pas - des dépôts des douze ou treize autres organismes au même titre un peu que la Caisse de dépôt. À moins que... (21 h 15)

M. Parizeau: Si on peut me permettre juste une intervention, au contraire, ailleurs au Canada, c'est beaucoup plus diversifié comme formule, mais les fonds servent très souvent, dans un très grand nombre de cas, au financement gouvernemental et parfois au financement municipal, les deux ensemble. Par exemple, ce qu'on appelle le Labor Compensation, qui est l'équivalent de la Commission des accidents du travail, autrefois chez nous, qui s'appelle maintenant la CSST, est un organisme de financement gouvernemental dans beaucoup d'autres provinces. Ce qu'on appelle le RREGOP chez nous, c'est-à-dire les fonds de retraite, depuis 1973, des employés du secteur public, en Ontario, ça s'appellera le fonds de retraite des enseignants. Le fonds de retraite des enseignants, en Ontario, finance le gouvernement de l'Ontario et ses municipalités.

Je pense que ça reste vrai, à très peu d'exception près, que même si on envisage l'ensemble des déposants, au Québec, on a une structure qui utilise une partie de ses fonds pour le gouvernement et certains organismes publics comme les municipalités, mais, d'autre part, on utilise une très grande partie pour les obligations de compagnies, les actions de compagnies. C'est tout à fait étonnant comme phénomène au Canada. Il y a peut-être le Heritage Fund, une structure plus nouvelle en Alberta qui, au fond, commence d'ailleurs seulement à suivre le genre de cheminement de la Caisse de dépôt. À l'exception du Heritage Fund, la Caisse de

dépôt est un organisme tout à fait unique quant à ses politiques de placement, tout à fait original.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je n'en ai pas de doute, et c'est ce que nous prétendons d'ailleurs, quoique les questions que j'ai posées étaient beaucoup plus précises que les réponses ne le laissaient soupçonner. Ces questions étaient à savoir si la caisse est en mesure de dire comment elle se classe comparativement à d'autres institutions, quelles qu'elles soient, d'administration de fonds administrés en fiducie au Canada. Je me suis référé à l'existence, de façon plus précise - de mémoire, je me souviens de deux, sinon des trois organismes, A.G. Becker et Wood Gund, qui offrent leurs services aux gens qui veulent bien se procurer un service de mesure de la performance et de classement par quartile ou par centile, à l'intérieur d'un groupe donné, ce qui permet à l'abonné de savoir où il se classe cette année, où il se classait l'an dernier, il y a cinq ans, il y a dix ans quant au rendement et quant à la performance des fonds qu'il administre. Je ne demande pas de comparer le Canada Pension Plan avec la Caisse de dépôt, je demande à la Caisse de dépôt si elle est un abonné de ce service qui existe et qui lui permettrait de juger de sa performance relative.

M. Parizeau: Est-ce que vous aimeriez mieux savoir comment on se compare avec d'autres fonds du même genre? C'est assez difficile pour nous d'établir ces comparaisons, même avec les deux firmes que vous avez mentionnées et dont on connaît l'existence. On connaît les firmes aussi. C'est assez difficile, si on veut se comparer par rapport à la grosseur du fonds de dépôt et de ses déposants et aussi par rapport à la période mentionnée. Il est évident que si vous avez un fonds de 5 000 000 $ d'actions, selon vos objectifs, vous pouvez, en six mois, les tourner très vite. Si vous êtes à la caisse et avec les investissements qu'on a, soit au-dessus de 2 000 000 000 $ au 31 décembre 1981, tout dépend des objectifs. Pour nous, ce ne sera pas un objectif d'avoir la meilleure performance sur une période de trois mois. On va plutôt chercher une performance sur une période de deux ans ou trois ans. On va rouler moins vite et on va prendre peut-être moins de risques que certains administrateurs de fonds de retraite plus petits, qui peuvent se permettre une certaine latitude, mais ils peuvent se faire frapper aussi.

Pour nous, la performance de trois mois ou six mois n'a pas le même impact que celle de deux ans, trois ans ou cinq ans. Cela dépendrait de la question, si vous posez la question pour trois mois, six mois ou trois ans. C'est évident que si vous regardez la performance de deux ans, elle est très bonne. Si vous y regardez pour trois ans, c'est la même chose. Si vous la regardez à très court terme sur le département des obligations, comme je vous l'ai dit, à cause des échéances très élevées, c'est évident que, s'il fallait liquider aujourd'hui tout ce qu'on a acheté à 8% il y a cinq ou six ans pour des périodes de vingt ans, le prix qu'on obtiendrait serait beaucoup inférieur à la valeur payée, à la valeur inscrite, à la valeur de réalisation, ce qui ne serait pas tellement fameux pour la performance, si on calcule comme cela. Il faut se rappeler que ces titres sont gardés jusqu'à l'échéance, et à l'échéance, eh bien! une obligation, c'est une obligation, et vous avez toujours 100 $ dans votre 100 $.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Les services de mesure en question, que vous connaissez évidemment, permettraient, il me semble, de juger si, en fin d'année, depuis quatre ou cinq ans, avec des fonds comparables, certains de vos fonds que vous administrez comparés à des fonds semblables, qui ont des objectifs semblables dans d'autres institutions au Canada, que ce soit privé ou public, peu importe, permettraient de juger comment, en fin d'année, le 31 décembre, si vous sortiez vos dossiers, vous vous êtes classés pour cette année-là ou pour les derniers vingt-quatre mois.

Ce que j'essaie de voir, si vous avez en main, comme abonné ou autrement, si vous êtes doté de cet instrument pour voir comment vous avez "performé", vous excuserez le terme, depuis cinq ans, c'est si vous faites mieux depuis quelque temps que vous le faisiez alors ou si c'est l'inverse, ou si cela s'est maintenu. C'est la réponse que je cherche. Peut-être que la question ne permet pas d'y arriver pour le moment.

M. Parizeau: Je vous dirais qu'au cours des six derniers mois, si on regarde le fonds d'obligation, vous ne trouverez pas une performance fantastique, toujours à cause de notre échéance qui était très élevée, une échéance moyenne.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous laissez soupçonner que d'autres institutions auraient mieux fait que vous depuis six mois. C'est accidentel, à mon sens, et c'est une question qui ne nous apprend rien finalement, compte tenu de l'envergure, des politiques, du temps que cela peut prendre pour vous retourner, comme vous dites. Cela est parfaitement légitime.

Ce que j'essaie d'établir c'est si vous avez en main les outils, les renseignements, comme abonné ou autrement, d'un service qui ne fait que cela ou à peu près, avec des analystes qui ne font que mesurer la performance depuis quelques années sur une

base longue, qui permet donc des comparaisons, si vous avez en main ces renseignements, cela vous permet de voir si vous faites mieux que d'autres, ou moins bien que d'autres, cette année par rapport à il y a cinq ans.

M. Parizeau: II est évident que, comme outil de gestion, la caisse est pourvue, consulte plus d'un évaluateur là-dessus - si on peut utiliser le terme évaluateur de performance - et tâche, avec ces renseignements et avec ce jugement, d'améliorer, de voir les faiblesses s'il y a lieu, de voir les côtés ou les secteurs qui peuvent être améliorés ou si la performance pourrait être meilleure avec quelques petits changements mineurs, bien souvent.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Êtes-vous à même de nous dire si vous avez des outils de gestion qui vous permettent donc de voir si d'un rang, dans un groupe d'institutions comparables à un de vos fonds, dans le premier quart ou le premier tiers, vous êtes passé depuis quelques années au deuxième tiers, ou si c'est l'inverse, ou si vous avez maintenu, relativement à d'autres institutions comparables au plus grand nombre de points de vue possible, votre position.

M. Parizeau: II est évident que si vous regardez sur une période de trois ans et plus, notre position est au-dessus de la moyenne. Si vous regardez sur une période de six mois, on ne pourrait pas dire que la performance est tellement fantastique.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous pouvez soupçonner que six mois m'intéressent très peu. Si on prend une période pour mesurer, je ne voudrais pas en parler toute la soirée, cela prend des périodes un peu plus longues que cela. Si on recule dans le temps, et si on se réfère aux autres suggestions que vous avez, est-ce que vous avez constaté que la performance de la Caisse de dépôt, toutes choses étant égales, comparée à d'autres institutions, s'est améliorée, s'est maintenue ou s'est détériorée, relativement parlant, depuis cinq ans?

M. Parizeau: Depuis cinq ans?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ou quatre ans. Votre classement dans la ligue des administrateurs de régimes de retraite ou de fonds de placement, il y a cinq ans et aujourd'hui, a-t-il changé au palmarès?

M. Parizeau: Au palmarès, c'est sûrement maintenu.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est la réponse que j'attendais.

Cela nous amène manifestement à des problèmes de divulgation...

M. Parizeau: Ah!

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... - c'est ce à quoi le ministre se référait tout à l'heure, entre autres choses, particulièrement les opinions exprimées récemment par la direction de la Caisse de dépôt qui, en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, fait partie des obligations normales d'un investisseur si, d'aventure, il détenait plus de 10% des droits de vote d'une société. La direction a indiqué, probablement sur la foi d'une ordonnance de la Commission des valeurs mobilières, étant donné qu'elle est probablement bénéficiaire d'une ordonnance à cet effet, qu'elle n'a pas l'intention, de toute façon, de divulger, au-delà de ce qu'on en apprend d'une façon ou d'une autre, la nature de ses opérations.

Le ministre des Finances et des Institutions financières, quant à lui, a manifesté - je crois que c'est en janvier ou en février - qu'on devrait peut-être plutôt s'orienter vers une divulgation qui se rapprocherait de la norme à laquelle sont sujettes les autres sociétés de placement.

J'irai même plus loin dans cette voie et vous me permettrez de citer un extrait d'une revue qui date déjà de 1972 et qui résume assez bien, je pense, l'attitude de notre formation politique. Je cite un observateur: "On peut reprocher à la caisse de ne pas publier les répartitions de son portefeuille-actions par compagnie. Il faudrait aussi savoir quelle part du portefeuille-actions et obligations a été souscrite à l'occasion de la création ou l'expansion de sociétés au Québec. Il y a une différence fondamentale entre l'achat à la bourse d'actions de compagnies déjà établies et la souscription des émissions de nouvelles compagnies ou de compagnies qui augmentent la taille de leurs opérations. En raison même de sa dimension et de l'autorité qu'elle acquiert sur les marchés, la caisse joue un rôle décisif. À l'occasion du placement d'une nouvelle émission, on devrait pouvoir en être informé." La citation vient d'un article intitulé "La Caisse de dépôt, une grande inconnue", Québec-Presse, 1972. C'était signé: Jacques Parizeau.

M. Parizeau: Vous voyez que je n'ai pas changé d'idée, M. le Président.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Précisément. J'allais voir jusqu'où la direction de la Caisse de dépôt est prête à aller dans le sens d'une divulgation un peu plus complète que ce que son rapport annuel contient à l'égard des décisions extrêmement importantes qu'elle prend, impliquant des

centaines de millions de dollars de l'épargne des Québécois et de différents déposants. Cela me semblerait une des garantie que la performance de la Caisse de dépôt sera alors du domaine public, comme elle doit l'être à bien des égards.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Parizeau: Je vais commencer par répondre à ça et, ensuite, M. Campeau exprimera le point de vue de la direction de la caisse. Comme il s'agit d'une orientation qui touche essentiellement à de la législation qui n'est pas loin, il faudrait d'abord clairement indiquer l'orientation que je prends à ce sujet quant à de la nouvelle législation. Quant à la façon dont la direction de la caisse détermine comment elle se situe par rapport aux lois existantes, on pourra voir ça après.

Il me paraît normal qu'un certain nombre d'institutions financières de caractère gouvernemental soient astreintes à un certain nombre d'obligations juridiques quant à la divulgation. Je sais bien que cela n'a jamais été accepté au Canada par quelque gouvernement que ce soit, ça n'existe nulle part au Canada, j'en conviens.

Certaines sociétés de caractère gouvernemental s'astreignent volontairement à des formes de divulgation, d'autres non, mais il est exact que, jusqu'à maintenant, aucun gouvernement n'a décidé de par sa législation d'en faire une obligation. (21 h 30)

Nous nous trouvons placés dans la situation où une Loi sur les valeurs mobilières au Québec, qui est tout à fait désuète - non pas seulement à cet égard mais à toute espèce d'égard - doit être refondue, refaite complètement. Après beaucoup de consultations, qui ont peut-être duré trop longtemps, dans un certain sens, après un nombre considérable de versions, depuis quelques années, cette loi est maintenant prête à aller au Conseil des ministres, ensuite, à être déposée en Chambre et à être votée.

J'ai l'impression, compte tenu de l'échéancier que nous avons devant nous, qui nous semble raisonnable, que la fin de l'année 1982 verra cette loi adoptée. Tant que ça n'a pas été au Conseil des ministres, c'est un peu difficile de déterminer comment cela va cheminer mais, enfin, l'impression que j'ai, c'est qu'en 1982, cela sera fait. À l'occasion de ce nouveau projet de loi, il est clair que j'annonce mes couleurs. On pourrait imaginer qu'on garde une sorte de statu quo si la loi elle-même ne changeait pas, mais à l'occasion d'un changement dans la loi, il faut bien se décider. Donc, si le Conseil des ministres est d'accord et si l'Assemblée nationale vote le projet, nous allons vraisemblablement avoir, dans le courant de 1982, une loi qui astreindra un certain nombre d'institutions gouvernementales - dont la Caisse de dépôt - à une forme de divulgation. Je pense qu'il est temps. En tout cas, dans mon esprit, cela ne fait pas l'ombre d'un doute qu'il est temps de le faire.

Sauf erreur, et compte tenu de ce qu'on sait de ce qu'il va se produire dans les autres gouvernements canadiens, ce sera la première fois que cela va se faire. Il est évident que cela n'a pas nécessairement -une telle loi - à identifier les dispositions générales de divulgation et celles qui s'appliquent à un certain nombre de mandataires des gouvernements. D'abord, parce qu'il y a des problèmes d'ordre constitutionnel qui sont impliqués. Quand on dit les "mandataires du gouvernement", cela ne veut pas simplement dire les mandataires du gouvernement du Québec, il y a d'autres mandataires sur le plan financier, relevant d'autres gouvernements.

D'autre part, étant donné le rôle important de fiduciaire de la Caisse de dépôt, il y a un certain nombre d'exemples de divulgation propres à certains types de fiduciaires qui existent aux États-Unis. Je pense, en particulier, à certaines réglementations de la Securities and Exchange Commission qui peuvent être transposées ici. Donc, sans m'engager de quelque façon que ce soit, au contraire, dans une sorte d'identification du processus de divulgation, nous en sommes arrivés au point où, dans une loi, une forme de divulgation va exister. D'ici là, il relève, à mon sens, compte tenu de certaines choses qu'on a dites précédemment ce soir, essentiellement de la direction de la caisse de déterminer son attitude, sa position à l'égard de la divulgation par rapport aux lois existantes. Dans ce sens, je trouverais tout à fait incompatibles, dans les rapports entre le gouvernement et la Caisse de dépôt, que le gouvernement intervienne dans les décisions de la Caisse de dépôt quant à savoir comment elle s'adapte à la loi actuelle qui ne lui impose pas, qui ne lui crée pas d'obligation à cet égard.

J'espère que je suis assez clair quant à deux phases: la phase jusqu'à la nouvelle loi et, ensuite, la nouvelle loi. Là, je pourrais peut-être passer la parole à M. Campeau quant à l'attitude actuelle de la direction de la caisse dans le cadre juridique existant.

Il est évident que la caisse ne peut pas ou ne pouvait pas laisser aller quinze ans de traditions et dévoiler ou faire des rapports qu'elle n'était pas forcée de faire, que la loi ne requérait pas qu'elle fasse. Il est évident que cela prenait chez nous une étude approfondie. Il est évident qu'au cours de ces discussions le conseil d'administration - je pense que cela a été perçu clairement - a

été et est peut-être, encore, non pas nécessairement en accord avec le ministre des Institutions financières - il est évident que, pour nous, il ne s'agissait pas de prendre des décisions rapides là-dessus. Il s'agissait d'étudier à fond tout le problème. Il est possible que la réflexion aboutisse. Notre étude est presque terminée. Il reste au conseil d'administration de la caisse à prendre la décision à savoir s'il devrait faire des rapports comme ceux que vous mentionnez avant que la loi soit adoptée ou bien attendre la loi. Je pense que ça reste une décision du conseil. Est-ce que le conseil d'administration de la caisse prendra cette décision avant que la loi soit adoptée? Ce n'est pas impossible.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Pourriez-vous préciser une des raisons, je pense, que vous donniez à la chambre de commerce, cet hiver, à savoir qu'il n'était pas dans l'intérêt public, compte tenu du rôle de la caisse dans le développement économique du Québec et de sa participation à l'essor du Québec, de façon générale, de faire les divulgations auxquelles sont sujets d'autres investisseurs. Je ne vois pas là de corrélation évidente.

M. Parizeau: Je pense que vous avez raison. Disons que parfois on évolue, on change d'idée un peu.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je me sens presque forcé de venir à la rescousse de la direction de la caisse pour l'appuyer. La discussion sur la divulgation, depuis quelques mois, aura, je pense, eu quelque chose d'excellent comme effet. C'est qu'il faudrait faire attention, en voulant pousser, comment dire, la pureté des intentions, de ne pas aller dans l'excès inverse, qui serait possiblement le suivant: c'est qu'il soit plus facile d'acheter un gros bloc d'actions, a fortiori le contrôle d'une société, à partir de Toronto plutôt que de Montréal. Ce serait pas mal le bout du monde. Si on voulait astreindre non seulement les institutions financières privées du Québec, mais la Caisse de dépôt du Québec à un encadrement tel que dans une bataille entre, par exemple, la Caisse de dépôt, trois groupes privés et mettons une société d'État... Mettons qu'il y ait un groupe de cinq qui s'installe au Québec, qui dit: Nous sommes intéressés à prendre une position importante dans telle compagnie, et que le groupe Argus Corporation à Toronto trouve ça plus facile du point de vue réglementaire et juridique de prendre le contrôle de la même compagnie ici, ça serait vraiment le bout du monde.

Donc, il y a une sorte de dosage. C'est beaucoup plus délicat qu'on le pense et c'est là qu'entre en jeu l'intérêt public qu'évoquait le président de la Caisse de dépôt à l'occasion de cette conférence à la chambre de commerce. Moi, en tout cas, il m'a fait beaucoup réfléchir en me signalant simplement ce danger qu'il pourrait y avoir dans une nouvelle législation de vouloir être à ce point pur et dur ici qu'on gênerait les groupes québécois, qu'ils soient privés ou publics, par opposition à ceux qu'on peut trouver dans d'autres provinces, à plus forte raison aux États-Unis, etc. Il y a des gens qui se sont posé la question: Est-ce que c'était une bonne chose de voir la Caisse de dépôt entrer dans Domtar ou entrer avec Brascan dans Noranda? Il ne faudrait pas que ceux qui ont ces interrogations - qui ne m'effleurent pas d'ailleurs le moins du monde; je reste persuadé que ce sont des opérations tout à fait brillantes qui ont été faites là - ceux qui ont ce genre d'appréhensions en arrivent à la conclusion qu'il faut que notre législation soit plus restreignante, rendent les opérations plus difficiles ici qu'ailleurs.

C'est dans ce sens que l'intervention, du président de la Caisse de dépôt à la chambre de commerce m'a amené personnellement à rééquilibrer certains de mes points de vue.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans l'actualité récente d'il y a quelques semaines - je ne vous parle pas de quelques jours, pour qu'on se comprenne bien - on a fait état de l'acquisition par la Caisse de dépôt de la société qui contrôlait ou qui avait parmi ses actifs Place Dupuis. Cela me permet de demander quelle est la politique d'investissement de la Caisse de dépôt dans des titres de cette nature, quelle tendance elle entend épouser pour un avenir prévisible dans la constitution d'un des éléments de son portefeuille en immeubles de cette nature dans la région du grand Montréal notamment et jusqu'à quel point pourrait-on bénéficier de la divulgation que la caisse est prête à faire quant aux conditions d'acquisition de Place Dupuis ou de la société qui contrôlait Place Dupuis. Je pense que c'était... Peu importe ce que c'était, la société qui détenait cela.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Parizeau: Juste avant que nous passions la parole à M. Campeau, M. le Président, je pense que le député de Vaudreuil-Soulanges conviendra avec moi qu'elle peut être là - c'est le cas de le dire - dans l'intérêt public pour des transactions

très spécifiques. On ne demande pas au président de la Caisse de dépôt d'aller plus loin - comment dire? - que justement l'intérêt ne le demande. Je parle ici de transactions spécifiques présentes ou à venir.

Le Président (M. Jolivet): M. Campeau.

M. Parizeau: M. le Président, en réponse à cette question ou à cette remarque, je dirai que, sans parler d'un placement spécifique - ne parlons que des titres d'immeubles - la caisse ne possédait pas par le passé d'immeubles, sauf un ou deux, mais très peu d'investissements, peut-être 5 000 000 $ en tout, en tout cas, 5 000 000 $ à 10 000 000 $. La politique de la caisse est aussi de devenir propriétaire. À cause de l'inflation et de tout cela, on voit l'érosion du capital, il est souhaitable que la caisse ait aussi un portefeuille d'immeubles, évidemment, seulement au Québec pour le moment. Dans l'avenir, on verra. Par exemple, cette année, nous comptions investir quelque 100 000 000 $ dans des achats d'immeubles. Cela fera partie de notre portefeuille qu'on appelle d'équités. Ce sera donc considéré de la même façon qu'on considère les actions. Ce sont des titres de propriété et, au cours des années, la caisse a l'intention d'augmenter ce portefeuille selon les circonstances économiques. Vous conviendrez avec moi, d'autre part, qu'à l'heure actuelle, avec les taux d'intérêt élevés, il est évident qu'il y a de très bons achats à faire dans les immeubles pour ceux, évidemment, qui ont du comptant à investir. Pour la caisse, c'est un article qu'on verra, je pense, dans les prochaines années dans les budgets d'investissement, les immeubles.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je lisais dans le dernier rapport de gestion que la caisse comptait administrer elle-même sur une base quotidienne ces immeubles par le biais de quelques-unes de ses filiales qui se préoccupent de cela. Je ne peux pas ne pas mentionner mon inquiétude devant ce changement extrêmement substantiel de l'activité des gestionnaires de la caisse. La gestion d'immeubles de cette nature - encore une fois, je m'inspire de souvenirs de ma carrière antérieure - connaît des succès dans la mesure où on a affaire à des gestionnaires qui tiennent plus du vendeur, du promoteur, du courtier à commission, de ce que les Anglais appellent un "go-getter", finalement, ce qui ne m'apparaît être le profil qu'on associe facilement à des actionnaires du domaine public ou parapublic. Dans ce sens, l'intérêt extrêmement immédiat qu'ont en général des gestionnaires d'immeubles dans des sociétés privées qui se spécialisent dans ce genre de travail est un gage de succès et cet intérêt, à mon sens, est absent lorsqu'on regarde les gestionnaires que la Caisse de dépôt pourrait convier, inviter ou déléguer à l'administration de ces actifs immobiliers. C'est simplement pour faire partager mon inquiétude et voir comment la direction de la Caisse de dépôt envisage de gérer elle-même des immeubles substantiels dans un domaine, finalement, où elle n'a pas d'expérience démontrée.

Le Président (M. Jolivet): M. Campeau.

M. Parizeau: J'avoue - peut-être que je suis trop émotif ou prompt là-dessus - que votre remarque me choque profondément.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est la dernière des choses que je voulais faire.

M. Parizeau: Oui? Cela voudrait-il dire que l'esprit d'initiative n'existe pas à la caisse? Cela voudrait-il dire que l'esprit d'initiative, on le retrouve seulement dans le secteur privé? Si c'est ce que vous voulez dire, je pense que les gestionnaires de la caisse sont hautement qualifiés; qu'on les voie en actions ou en obligations, je vous dis que ce sont des gars qui y donnent vraiment. C'est la même chose dans les immeubles. Il est évident qu'on n'est pas allé dans les immeubles comme cela avec des gens qui ne connaissaient pas cela. On avait déjà à la caisse une personne à Québec qui s'occupait des hypothèques qui était un expert en immeubles et nous sommes allés en chercher d'autres. Je pense que ces gars sont de vrais entrepreneurs et que, pour eux, la notion de profit est là et demeure, et la gestion sera faite aussi bien qu'ailleurs. Je ne sais pas si c'était le sens de votre question. (21 h 45)

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): L'inquiétude que j'avais, c'est que, d'expérience - en tout cas, dans mon cas -j'avais observé de grands succès chez des développeurs, des administrateurs, des promoteurs, des gens engagés dans l'immobilier. Ils avaient ceci de commun -que c'était pour leur propre compte, à bien des égards, qu'ils le faisaient, et non pas dans l'exercice de fonctions fiduciaires, c'est exactement ça, alors que le rôle fiduciaire de la caisse était bien reconnu. Je ne nie pas que des gens ont le tempérament d'entrepreneurs, que certains des grands succès de la caisse sont dus à cela, à l'intérieur de la Caisse de dépôt. Mais je remarque que, presque universellement, les grands succès dans l'immobilier sont attribuables à des gens, des sociétés qui y trouvent leur intérêt très immédiat, des gens qui ont à prendre les décisions qui ne se prennent pas en comité ni en conseil d'administration, mais qui se prennent littéralement sur un coin de table, très rapidement. C'est simplement une observation

fondée sur mon expérience.

M. Parizeau: Je pense que l'administration la plus facile de la caisse, ce serait de garder les 14 000 000 000 $ qu'on avait le 31 décembre 1981 à court terme, et prêter uniquement en bons du trésor au Québec, à s'asseoir et à amener ça à trois gars et à un bon comptable. Je pense que tel n'est pas le choix. Il y a un deuxième choix, c'est que ce soit tout en obligations. C'est facile, on peut attendre l'échéance et ne pas négocier.

Il est évident que, quand on décide d'aller en équité, ça amène des problèmes, ça amène de plus grandes discussions. Il faut, pour investir quelques millions, étoffer nos études d'une façon beaucoup plus profonde qu'on le ferait pour investir dans la province de Québec. Cela va vite, faire un emprunt de 100 000 000 $; ça prend peut-être une journée ou deux, il faut évaluer les taux. Le conseil d'administration va vitement approuver cela parce que le crédit est reconnu et tout le reste. Quand il s'agit d'un immeuble, il est évident que ça prend une étude profonde, qu'il faut analyser à fond, mais il faut aussi que le rendement et le profit soient en conséquence.

Or, je suis un peu en désaccord avec vous en pensant qu'une transaction de 30 000 000 $ à 35 000 000 $ peut se faire sur le coin de la table par un entrepreneur. Si ça se fait, ça se peut. Il y en a qui ont du flair. Il y en a qui ont pu le faire dans le passé et qui ont pu faire des profits intéressants. J'aimerais mieux qu'il y ait une étude plus profonde et qu'on prenne le temps de réunir un conseil d'administration sur ce genre de transaction. Pour moi, il est évident qu'on ne doit pas mettre des actifs de la caisse, aller trop vite dans ce genre d'investissement. Il s'agit d'être prudent. C'est un domaine où la caisse n'a peut-être pas profondément investi, alors il ne s'agit pas d'y aller trop rapidement. Je pense que la caisse doit aller dans ce domaine, pourvu qu'elle y trouve son profit, évidemment, qui doit être supérieur à d'autres domaines qui occasionnent moins de tracas.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ne veux pas m'attarder là-dessus, c'est simplement pour terminer. C'est une activité qui est plus récente, de façon visible. Je ne parlais pas, évidemment, des décisions d'acquisition de cette envergure qui se font sur un coin de table, mais de l'administration quotidienne, de l'insertion dans un réseau de connaissances très large du marché immobilier, parce qu'il y a du roulement, ça va prendre un nouveau locataire, une nouvelle destination à l'immeuble, une nouvelle insertion dans un complexe qui est en train de se développer. Il faut tout savoir ça et ça prend des gens. Je présume que, dans ce cas-là, vous êtes à même de dire que les gens qui seront chargés de cette administration auront cette expérience dans le domaine, c'est évident. Mais ça me semble être une activité nouvelle, avec ce que ça cause de problèmes d'adaptation, de changement de mode de gestion, d'insertion, dans le groupe de gestionnaires, de gens qui sont un peu différents parce qu'ils ont une expérience différente. C'est très nouveau et c'est substantiel. Vous n'êtes pas en train d'acheter des duplex sur la rue Papineau. Ce sont de très grosses transactions avec, justement, le risque que ça comporte à court terme. C'est ce que j'entendais souligner, ce n'était certainement pas dans le but de vous choquer.

M. Parizeau: Peut-être juste deux commentaires, M. le Président. Nous étions d'abord affiliés à La Laurentienne, ici, dans l'immeuble La Laurentienne à Québec, où on était chargés de l'administration, tous les deux ensemble, nos gens avaient de l'expérience là-dedans. Deuxièmement, quand on fait un achat d'immeuble, on garde aussi une bonne partie du personnel en place qui est habilité à faire les locations, l'entretien et tout cela. Ce n'est pas du nouveau au jour le jour, le personnel est gardé et il est bien préparé. C'est un critère aussi d'achat. Est-ce qu'il existe une gérance dans cet immeuble qui puisse nous permettre de l'acheter. C'est un des critères lors de nos achats.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous voyez que vos réactions à mes questions sont surtout dues à l'absence de divulgation de certaines de vos activités, d'une part, et à la formulation de cette activité ou la description de cette activité dans le rapport de gestion que vous avez soumis à l'Assemblée nationale. D'autre part, quant à moi, je n'aurai plus d'autres questions à l'adresse du PDG de la Caisse de dépôt que je remercie beaucoup de s'être déplacé, comme son devoir malheureusement le lui impose, mais si c'est un plaisir en plus, c'est tant mieux.

M. Parizeau: M. le Président, justement, je suggère que nous remerciions le président de la Caisse de dépôt et que nous passions maintenant à Loto-Québec.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui.

Le Président (M. Jolivet): Loto-Québec. M. le Ministre.

Loto-Québec

M. Parizeau: Simplement, pour présenter à nos collègues M. Lafaille, le président de Loto-Québec, et l'exposer à nos

interrogatoires.

Le Président (M. Jolivet): Qui commence le premier? M. le député de Vaudreuil-Soulanges ou...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre passe son tour.

Le Président (M. Jolivet): ... ou encore M. Lafaille a peut-être quelque chose à dire avant de commencer.

M. Parizeau: Aucunement.

Le Président (M. Jolivet): Aucunement. Allez.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ma première question, on verra s'il y en aura d'autres après, s'inspire de certaines remarques - ce ne sont pas des remarques, c'est le contenu du discours sur le budget -du ministre des Finances du 25 mai, qui, à l'endroit d'une autre société de la couronne, une société gouvernementale, la Société des alcools du Québec, indiquait que le ministre des Finances peut à l'occasion, afin de se procurer des revenus, passer une commande auprès d'une société, d'un organisme du gouvernement; c'est ainsi qu'il y a eu une commande pour 25 000 000 $ additionnels passée à toutes fins utiles à la Société des alcools, qui se retrouve dans une situation assez étrange, qui ne semble pas la rendre inconfortable du tout, de monter ses prix parce que les ventes baissent. Je me demandais si à l'endroit de Loto-Québec, les mêmes genres de commandes peuvent être passées, si le processus budgétaire de Loto-Québec doit tenir compte de certains des voeux du ministre des Finances ou des exigences de revenu que le ministre envisage pour l'avenir. De façon plus générale, quel est donc le degré d'autonomie de Loto-Québec quant à sa gestion notamment sur le plan financier?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Parizeau: Je peux peut-être répondre de façon plus générale et M. Lafaille pourrait entrer dans les précisions ensuite, mais comme il s'agit là effectivement d'une sorte d'orientation générale, je préfère répondre à cela pour commencer.

Loto-Québec ne peut pas déterminer son niveau de profit et son dividende sans tenir compte d'abord et avant tout de la proportion des recettes brutes qui doivent être données en prix. Je sais, je n'utilise pas le jargon en vigueur dans ce milieu, mais fondamentalement, c'est cela.

Si les montants distribués en lots ou en prix étaient très inférieurs à ce qu'on trouve généralement dans ce genre de jeu, les ventes s'en ressentiraient. Il y a donc là une sorte de contrainte que le ministre responsable de Loto-Québec doit accepter. Il y a une deuxième dépense, si on peut dire, dont il faut tenir compte, qui a trait aux dépenses d'administration et de distribution. Finalement, il y a le dividende qui sera payé. Sur ce poste d'administration et de distribution, on peut agir. Par exemple, l'abolition, il y a quelques années déjà, quatre ou cinq ans, du système de distribution qui existait avant et le remplacement des concessionnaires par des distributeurs a permis de faire des économies considérables. Dès la première année, il y a eu une dizaine de millions de dollars, dès le départ, pour une année entière, d'économies faites à ce poste, ce qui gonfle donc le dividende.

Cette opération a été faite par M. Lafaille en consultation très étroite avec moi. Il est évident que, lorsque M. Lafaille est devenu président, une transformation profonde du fonctionnement de Loto-Québec s'est produite. Ah! bien sûr, je suis intervenu dans le sens qu'il fallait déterminer où on allait. On changeait complètement le mode de fonctionnement de Loto-Québec. Cela a permis de faire des économies et cela s'est répercuté sur le dividende.

Depuis ce temps, la réforme de l'administration ayant été faite, ayant dégagé des sommes qui sont entrées dans le dividende, compte tenu de la proportion qu'on doit affecter aux prix, le dividende depuis quelques années est largement déterminé de la façon suivante. La direction de Loto-Québec indique ce qu'elle pense avoir comme recettes brutes, elle détermine ce qu'elle pense devoir payer là-dessus au titre à la fois de son administration, de ses lots et de ses prix et indique ce qu'il serait raisonnable d'attendre comme dividende. Essentiellement, j'accepte ce montant-là, convaincu comme je le suis que, sur le plan du fonctionnement des jeux, on n'a pas tellement de latitude. L'idée de baisser le montant des prix tuerait la poule aux oeufs d'or.

D'autre part, sur le plan de l'administration, ce qu'il y avait à faire a été fait. Je pense qu'il est de notoriété générale en Amérique du Nord et qu'on reconnaît que Loto-Québec est gérée de façon exceptionnelle à l'heure actuelle, sur le plan du peu de dépenses administratives et de distribution que ça représente par rapport aux recettes totales. Dans ces conditions, on me dit: Raisonnablement, vous pouvez attendre tel montant l'année prochaine, et je le prends. Je ne sais pas si M. Lafaille veut entrer dans plus de détails, mais je pense qu'essentiellement, en termes d'orientations générales, c'est ça.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): La réponse est non. Le ministre des Finances ne passe pas de commandes ou n'est pas à même de le faire. Mais j'aurais une remarque à faire. Il est de notoriété publique, dans le fond, qu'une opération de loterie peut prendre de l'expansion presque à l'infini et que la limite des rentrées brutes n'est identifiable que compte tenu de l'imagination que peuvent déployer les concepteurs de jeux ou de lots, peu importe. Cela devient une tentation, ça peut être un objectif, en tout cas, que d'augmenter les rentrées pour l'État plutôt que simplement passer une commande.

Je me demandais quel est l'état des relations, jusqu'à quel point les dirigeants de Loto-Québec ont l'autonomie de décider, comme gestionnaires, comme gens qui ont une philosophie sociale eux aussi, pas seulement économique et financière, qu'il y a déjà trop de jeux ou qu'il pourrait y en avoir plus ou qu'on pourrait peut-être faire plus de profits ou moins.

J'allais demander, premièrement, au ministre quelle est son opinion sur une opération comme celle de Loto-Québec. Où s'imbrique-t-elle dans le tissu social que nous connaissons? Quel est l'intérêt qu'elle peut avoir pour le gouvernement du Québec? Ce n'est pas tout à fait étranger au fait qu'on est en train de se demander s'il va y avoir des casinos ici, au Québec, que les opinions sont partagées à ce sujet-là et que la loto est évidemment une des manifestations de l'esprit qui décidera si, oui ou non, on aura des casinos, par exemple. (22 heures)

M. Parizeau: Je pense qu'on peut développer ça assez longuement, mais, dans l'ensemble, commençons par la question: Pourquoi des lotos? Parce que c'est un remarquable substitut aux impôts. Sur le plan du ministre des Finances, je ne l'aborde que de cette façon. Il vaut beaucoup mieux avoir des recettes du jeu que de taxer les gens. Au moins, ceux qui ne veulent pas participer au financement du trésor public passé un certain point n'ont qu'à ne pas acheter de billet. Cela a un immense avantage: cela met une partie du financement gouvernemental sur la base du volontariat.

D'un autre côté, il n'est pas exact de dire qu'on peut aller chercher, par les jeux de hasard, une quantité indéfiniment croissante d'argent, en ce sens qu'on a l'impression, au Canada, dans la mesure où les jeux, ici, sont relativement récents - cela a augmenté très vite - qu'on peut en mettre autant qu'on veut et qu'il y aura toujours des montants indéfiniment croissants qui en proviendront. Cela ne correspond pas du tout à la réalité. En réalité, les jeux vieillissent. Les gens s'habituent à un jeu et on se rend compte que certains jeux cessent de rapporter. L'expansion des ventes s'atténue et même, à un moment donné, baisse. Il faut constamment remplacer les jeux dans le public. Si on veut simplement maintenir un dividende raisonnable, il faut constamment trouver de nouvelles façons de faire jouer, si bien qu'un jeu mûr, petit à petit, s'étiole et est remplacé par un autre qui, au contraire, fonctionne bien.

Pour cela, il faut faire des expériences parce qu'un nouveau jeu peut prendre très vite et un autre, au contraire, peut ne pas attirer beaucoup l'attention. Il faut donc expérimenter passablement, mais il n'y a pas de doute qu'il y a une forme de saturation globale qui apparaît quant au jeu. À cet égard, il n'y a pas d'autonomie véritable de Loto-Québec en ce sens que le gouvernement, par règlement, doit approuver les nouvelles formes de jeu qui sont introduites. Par arrêté en conseil, le gouvernement voit un nouveau jeu et dit: Tiens, cela, on l'accepte ou pas. Cela se comprend, d'ailleurs. À l'origine, non seulement notre gouvernement, mais la plupart des gouvernements font la même chose. Ils se disent: Bon, on voudrait quand même, pour toute espèce de raisons, même si ce n'est que pour examiner les répercussions publiques d'un jeu, en accepter, par règlement, les formes. Encore une fois, on n'a jamais cherché à créer même l'illusion qu'il puisse y avoir une autonomie de Loto-Québec de faire n'importe quel jeu quand ça lui plaît, de les faire disparaître, d'en créer d'autres, d'en lancer de nouveaux. Il faut que ce soit approuvé.

Dans ce sens, encore une fois, on se comprend bien. L'imagination, la mise au point des nouveaux jeux, leur conception viennent de Loto-Québec, mais le gouvernement regarde ces nouveaux jeux et dit: Je les prends ou je ne les prends pas. Donc, l'initiative est à Loto-Québec, mais l'approbation est au gouvernement. Cela a toujours été ainsi, d'ailleurs, et il me paraîtrait difficile d'imaginer une autre formule que celle-là.

Cela nous amène aux casinos. Les casinos, après beaucoup d'études faites par Loto-Québec, études, à mon sens, tout à fait remarquables, qui vont pas mal plus loin que la plupart des choses qu'on voit habituellement, qui ont établi beaucoup de comparaisons entre ce qu'on voit aux Etats-Unis, en Europe, dans les différentes formes de jeux, les casinos, dis-je, contrairement à ce qu'on pense, ne sont pas payants comme entreprise; ils ne sont pas très payants. Certains peuvent l'être davantage que d'autres, selon leur localisation, mais ce n'est pas la poule aux oeufs d'or dont bien des gens rêvent.

Si on tient compte de tous les coûts, là où cela peut devenir payant, c'est si c'est entre les mains d'intérêts privés et que tous les coûts de surveillance, de police, etc.,

sont portés par la société. Là, oui, dans certains cas, cela peut être très payant. Mais si on tient compte de tous les coûts véritables dans une hypothèse où le casino est sous la juridiction d'un gouvernement, appartient au gouvernement, si on prend l'ensemble des coûts sociaux et, d'autre part, les recettes attendues, ce n'est pas très payant. Là où ça peut devenir intéressant, cependant, c'est pour autre chose. C'est comme, par exemple, soutien d'une activité touristique déjà en place, expansion, consolidation d'activités touristiques simplement à cause de l'attrait que ça présente pour un certain type de clientèle. Sur ce plan, ça peut être intéressant. D'un autre côté, sur un autre plan, ça crée des problèmes, comment dire, d'attirance de certains types de clientèles qui ne sont pas particulièrement souhaitables et, donc, de contrôles policiers considérables.

Si bien que l'arbitrage, jamais très facile à faire pour un gouvernement, c'est de savoir s'il est plus important de donner certains soutiens à l'industrie touristique, d'une part, ou bien d'éviter des formes de criminalité, d'attrait pour la pègre ou d'autre chose comme ça. Lequel des deux est le plus important? Est-ce qu'il y a des moyens de limiter au minimum les inconvénients et de maximiser les avantages touristiques? Je parle personnellement; un des problèmes qui me préoccupent le plus et le plus longuement depuis le début de cette affaire, de ces discussions là-dessus, c'est que c'est terriblement difficile de trancher parce qu'on est entre deux possibilités. C'est déjà très difficile de connaître à l'avance l'impact sur le tourisme d'une forme de casino. C'est encore plus difficile de savoir quel genre de criminalité cela va entraîner. Il est évident que cela dépend des exemples qu'on prend. Il y a le casino à l'européenne, par exemple, où on a réussi quand même à limiter certaines formes de criminalité au minimum. Il y a encore certaines formes américaines; je pense, en particulier, à l'expansion extraordinaire de la criminalité à Atlantic City.

On se trouve à porter des espèces de jugements sur des structures sociales dix ans ou quinze ans avant qu'elles apparaissent et c'est un peu terrifiant comme choix. Une des raisons pour lesquelles le gouvernement ne s'est pas encore branché sur l'affaire des casinos, c'est qu'effectivement c'est un arbitrage extraordinairement compliqué à faire et qui fait appel, encore une fois, à des notions très difficilement comparables. Comment compare-t-on beaucoup d'activité touristique avec beaucoup de crimes? Ce n'est pas facile à trancher, ce genre de truc. Donc, au point où nous en sommes, on ne peut pas aller plus loin que de dire que le gouvernement, après que plusieurs de ses instances en ont discuté, n'a pas encore pris de décision.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le ministre. Je remercie M. Lafaille de s'être déplacé. Nous avons appris que le ministère des Finances ne passe pas de commandes à Loto-Québec, essentiellement. Ça nous permet donc d'avoir une mesure, à partir d'aujourd'hui, qui nous permettra de juger l'avenir. C'est à peu près tout ce qu'on pouvait accomplir dans les circonstances. Quant à moi, on peut passer à un autre élément du programme.

M. Parizeau: M. le Président, je suggérerais, sujet à ce que nous avons discuté avec le député de Vaudreuil-Soulanges, que nous passions maintenant à la curatelle.

Le Président (M. Desbiens): Le programme 6, alors, M. le ministre, ferez-vous des remarques préliminaires?

Curatelle publique

M. Parizeau: Essentiellement pour dire que nous sommes à préparer un projet de loi transformant assez profondément la Curatelle publique pour en faire un organisme distinct et non pas simplement une des sections du ministère des Finances. Ce projet de loi est devant le Conseil des ministres à l'heure actuelle. Donc, possiblement, on va être en mesure non pas de le voter avant le 23 juin, mais en tout cas, de le présenter en Chambre. Ceci va représenter, bien sûr, une modification assez radicale, à la fois de la structure de la Curatelle publique et de son fonctionnement à venir. Je dois dire que compte tenu de la nature des opérations de la Curatelle publique, c'est probablement une excellente chose qu'il en soit ainsi. Tout ce que je regrette un peu, c'est que cela vienne aussi tard. Cela aurait probablement dû être fait il y a déjà quelques années.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui. Les commentaires que j'aurais à faire s'inspirent exclusivement de mon expérience de député et mes questions peuvent avoir trait, dans le fond, au rapport que doivent soumettre différents agents qui sont pris avec la curatelle, pour une raison ou pour une autre, parce qu'il y a un mineur dans le portrait et des choses semblables. Je remarque - ce ne sont pas des cas tellement fréquents, mais je suis sûr qu'il y a un volume considérable qui est traité à la curatelle - la difficulté apparente qu'ont beaucoup de gens de remplir des documents relativement simples pour les gens ici autour de la table, la difficulté qu'ils ont de les

remplir à la satisfaction peut-être de l'administration de la curatelle de façon complète d'une année à l'autre, qu'il s'agisse de faire état des revenus d'intérêts sur un compte en banque, un dépôt en banque qui est absolument insignifiant, mais, évidemment, qui demandent trois copies, six pages, ou je ne sais trop, un rapport annuel de la part des parents, du curateur, ou peu importe, dans le cas d'un mineur. Je me demandais quels efforts de simplification à l'endroit des gens qui sont obligés de faire ces rapports, la Curatelle publique envisageait, ce que la direction envisageait. Y a-t-il un programme de simplification de paperasse, comme dans bien d'autres services gouvernementaux, qui est en marche ou en voie d'amélioration?

M. Parizeau: M. le Président, bien qu'il ne soit pas conforme à l'usage que des fonctionnaires répondent à des questions dans ces commissions, puisque le Curateur public va devenir, semble-t-il, assez rapidement, d'ici très peu de temps, un président d'organisme, je me demandais si on lui permettrait de répondre à la question.

Chaque tuteur ou curateur doit, en plus des charges qui lui sont imposées par le Code civil, faire deux rapports au Curateur public. Le premier, c'est de faire son inventaire, faire parvenir une copie de son inventaire notarié des biens qu'il va administrer. Par la suite, une fois par année, il doit faire un rapport qu'on appelle un rapport annuel de sa gestion. C'est un principe fondamental. De plus, il doit également donner une caution, une garantie de son administration pour protéger son pupille. La seule protection qui est prévue par le Code civil, c'est l'hypothèque légale. Vous avez les deux points où les gens se plaignent des rapports qu'on fait. Si on tient pour acquis que pour 10 000 tuteurs et curateurs sont actuellement en fonction et si nous vérifions, ces gens, ces tuteurs et curateurs administrent actuellement 200 000 000 $. Avant la Loi sur la Curatelle publique, en 1972, il n'y avait absolument aucun contrôle sur ces gens. Les tuteurs administraient et ne rendaient de comptes à personne, ce qui a amené certaines exagérations. Depuis 1972, nous avons tenté - la loi l'impose - d'amener les tuteurs et curateurs à soumettre leur gestion à la vérification du Curateur public. Tout principe a des difficultés d'application. Dans notre cas, quand nous arrivons avec des tutelles minimes, disons de 3000 $, où un accident d'intérêt minime est arrivé à un mineur, ou un curateur qui administre une pension de vieillesse, ceci amène beaucoup de difficultés. Nous avons convenu, avec l'expérience, que pour tout tuteur ou curateur qui administre moins de 5000 $, nous exigeons l'inventaire pour s'assurer, évidemment, que c'est la somme qu'il a administrée, et après cela, on ne l'ennuie plus, vu que la somme administrée est tellement minime. Pour éviter des frais inutiles, des questions inutiles, nous n'exigeons pas par la suite le rapport annuel. Dès le départ, lors de l'inventaire, il faut quand même qu'ils justifient leurs positions et nous leur envoyons un mot à cet égard. (22 h 15)

Quant à l'hypothèque légale, il faut dire que notre système de protection pour les malades mentaux et les mineurs a été établi lorsqu'on a créé le Code civil en 1865, en 1867 ou 1864. C'était le système du temps et, aujourd'hui, c'est complètement dépassé. L'Office de révision du Code civil s'est penché sur ce problème et a proposé certaines modifications qui seront étudiées bientôt, dans quelques années, lorsque le gouvernement décidera d'implanter ces nouvelles recommandations. L'hypothèque est ainsi actuellement, nous n'avons pas le choix, il faut imposer l'hypothèque légale, ce qui a pour effet de mettre l'immeuble du tuteur ou du curateur hors commerce pour une fonction qu'il est obligé de faire gratuitement, ce qui est tout à fait injuste.

La tendance, c'est tout simplement de faire nommer un tuteur ou curateur qui n'aura pas d'immeuble. À ce moment-là, vous n'avez aucune protection. Le prochain système du Code civil le prévoit et il faut évidemment attendre la législation.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que, dans la loi constitutive, il y a des améliorations quant à l'administration même que vous présidez? La qualité des rapports entre l'administration et les citoyens est-elle modifiées de façon générale?

M. Parizeau: D'une façon générale, non. C'est plus une reformulation des pouvoirs administratifs et du fonctionnement de la curatelle. C'était à toutes fins utiles assez baroque d'avoir la curatelle fonctionnant comme une sorte de direction générale du ministère des Finances alors que la loi reconnaissait au curateur certains pouvoirs qu'il devait exercer de son propre jugement. On l'avait intégré au ministère des Finances - on le voit d'ailleurs par les crédits que nous avons devant nous - comme une sorte de service. Il y a une sorte de contradiction dans les termes. C'est davantage une réorganisation de l'organisme lui-même que des transformations profondes, un genre de service qu'il peut rendre.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a des exemples qui me viennent à l'esprit à la lumière de mon expérience récente. Pour des gens, ça demeure une chose extrêmement mystérieuse, ça demeure quelque chose d'épeurant à cause des rapports, quelque

chose de mythique presque à certains égards. Est-ce que la curatelle s'est dotée de services d'aide pour les clients, les bénéficiaires, je ne sais trop comment vous les appelez, les gens sujets à votre juridiction? Avez-vous des services d'aide à la clientèle, autrement dit? Est-ce que vous envisagez de lui donner un peu d'expansion, toujours dans la même optique - c'est pour ça que je pose ces questions, c'est l'expérience que j'ai vécue - de rapprocher les gens de la curatelle pour que ça devienne facile d'accès, que ce ne soit pas une espèce de cauchemar bien injustifié la plupart du temps, mais qui est quand même là, pour eux, de transiger avec l'appareil de l'administration publique sous la forme de la curatelle?

M. Parizeau: La maladie mentale est en effet un monde très mystérieux. Tous les commentaires planent concernant la maladie mentale. Nous avons une drôle de situation. Il est vrai que la Curatelle publique, c'est un organisme qui n'est à peu près pas connu du public en général parce que nous faisons affaires avec des psychiatres, le personnel médical ou les travailleurs sociaux des centres hospitaliers, des centres d'accueil et tout cela. Lorsque nous arrivons devant la personne qui est malade, puisque le médecin ne doit pas s'occuper de la famille mais bien de son patient, s'il juge que la personne est incapable d'administrer ses biens, il doit faire un certificat d'incapacité établissant la juridiction du Curateur public. Ceci n'empêche pas la famille d'intervenir mais, dès l'instant de son entrée à l'hôpital, le Curateur public entre en fonction. Comme ce n'est pas connu et comme, souvent, le médecin ou les autorités médicales n'avisent pas la famille que le Curateur public s'occupe du cas vous voyez arriver un investigateur chez les parents du malade pour prendre l'inventaire et tout le monde tient pour acquis que le gouvernement vient saisir. Nous avons, évidemment, une très grosse côte à monter.

C'est un problème puisqu'on ne peut pas rejoindre la famille. Nous administrons les biens d'une personne. Nous administrons les droits d'une personne. C'est un problème difficile à régler. Vous savez, on a une tradition qui est la suivante: la Curatelle publique a été créée pour rendre un service, parce qu'il y avait un vacuum. Il y a des gens dont on ne voulait pas s'occuper, pour une raison ou pour une autre. Au début, lorsque le Curateur public est arrivé, la famille ne voulait pas s'occuper ou ne pouvait pas s'occuper, d'une personne et, avant que le conseil de famille se réunisse, il faut quand même qu'un membre de la famille prenne l'initiative de présenter une requête au protonotaire ou au juge.

Si nous avons 12 000 personnes, c'est qu'il y a 12 000 personnes dont les gens ne s'occupent pas pour une raison ou pour une autre. Nous avons tendance à ne pas trop nous occuper de la famille, mais plutôt de notre patient. Si la requête n'a pas été signée et présentée, c'est qu'on ne s'en occupe pas. Donc, nous sommes là pour nous occuper de ces personnes. Par déformation professionnelle, on a tendance à regarder un peu de travers les gens qui entourent la personne, ce qui n'aide pas à résoudre le problème.

Depuis quelques années, il y a eu une grosse évolution et on s'aperçoit aujourd'hui, lorsqu'on regarde les états financiers, que les biens que nous administrons augmentent considérablement d'année en année. Il y a eu quand même un rapprochement de fait, un gros rapprochement puisque, maintenant, nous n'avons pas seulement des gens pauvres, mais également des gens riches. Donc, il commence à y avoir un élément de confiance.

Le seul rapprochement qu'on a actuellement, c'est par des dépliants publicitaires que nous envoyons à la famille; lorsque nous avons juridiction, automatiquement, nous envoyons un dépliant publicitaire expliquant le rôle du Curateur public, lorsqu'il s'agit de l'administration des biens d'un malade mental et lorsqu'il s'agit des droits puisque, pour toucher à une personne à l'hôpital, il faut un consentement de la personne. Si la personne ne veut pas consentir, c'est le Curateur public qui doit le faire si celle-ci est sous sa juridiction. Nous envoyons un pamphlet à cet effet. Lorsqu'il s'agit d'un tuteur ou d'un curateur, nous avons un nouveau pamphlet et, dès l'instant de sa nomination comme tuteur, nous allons envoyer - parce que le pamphlet, nous ne l'avons reçu qu'il y a deux jours - à chaque tuteur lui expliquant ses obligations, ses charges et ses privilèges. Chaque année, chaque fois que nous enverrons un rapport annuel, nous allons également inclure cette chose et, graduellement, nous rapprocher par le pamphlet.

Je dois vous dire que notre souci premier est la personne. Si la personne qui tombe sous notre juridiction a une famille, et si elle était le pourvoyeur de la famille, nous tentons d'établir un budget pour la famille. S'il n'y a pas assez d'argent, nous intervenons auprès des lois sociales.

Le Curateur public, de par sa nouvelle constitution, va tenter de trouver les moyens à employer pour améliorer la chose. Je ne sais pas par quel moyen, autre que par les pamphlets publicitaires que nous avons actuellement. Il y a des rapports annuels que j'envoyais tous les ans aux médecins, aux avocats et aux notaires, mais je me suis aperçu que cela ne donnait absolument rien.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je

vous souhaite bonne chance dans nos nouvelles attributions. Vous avez manifestement du pain sur la planche de cette façon. Je m'en voudrais de ne pas vous féliciter d'avoir limité à à peine 8% l'augmentation de vos crédits par rapport à l'an dernier, si je calcule bien. C'est un exemple à suivre par plusieurs. Je ne peux pas non plus en terminant m'empêcher de commenter que ça fait drôle, c'est le moins qu'on puisse dire, de parler de ces choses-là à l'étude des crédits du ministère des Finances. Je ne sais pas si c'est plus drôle pour Me Lussier ou pour nous, mais, chose certaine, c'est inusité. Je vous remercie de votre présence.

M. Parizeau: On remercie M. Lussier, le Curateur public. Je suggérerais, M. le Président, puisque la CARR n'a pas été examinée à l'occasion des crédits du trésor, qu'on y passe maintenant.

Le ministre était ici il y a un instant, mais il semble qu'il soit sorti.

Est-ce qu'on pourrait suspendre nos travaux pour 30 secondes jusqu'à ce qu'on ait trouvé le ministre responsable de la CARR?

Le Président (M. Desbiens): On va suspendre nos travaux pour quelques secondes, le temps de se dégourdir.

(Suspension de la séance à 22 h 27)

(Reprise de la séance à 22 h 28)

Commission administrative des régimes de retraite

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! La commission des finances et des comptes publics reprend ses travaux pour procéder à l'étude des crédits de la Commission administrative du régime de retraite. Y a-t-il des commentaires préliminaires? M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Nous allons tout simplement demander au ministre de nous indiquer quel est le statut, aujourd'hui, des études d'évaluation actuarielle, etc., qui se font de façon assez courante à la CARR. Quelles sont les plus récentes, jusqu'à quel point sont-elles du domaine public et quand entend-il faire rapport sur l'état des régimes de retraite?

M. Bérubé: II y a eu une étude qui a été terminée en décembre dernier. L'objectif de cette étude était de réévaluer les taux de cotisation pour les différents régimes de retraite du gouvernement, RREGOP, RRE et RRF. Ces études devaient nous permettre de faire un ajustement des taux de cotisation pour le mois de juillet. D'une façon générale, ces études ne sont pas rendues publiques, mais elles sont véritablement d'ordre public. Vous n'êtes pas sans savoir que depuis maintenant quelques mois le conseil d'administration de la CARR est composé à la fois de représentants des travailleurs de l'État et, donc, de représentants des syndicats, et que toutes ces études sont désormais d'ordre public. Par conséquent, elles pourraient certainement être disponibles à l'Opposition si elle voulait consulter l'état des régimes de retraite.

Les états financiers de la CARR, qui vont paraître très bientôt, normalement, contiennent les éléments d'information concernant, par exemple, les déficits actuariels. Incessamment, dans la mesure où les états financiers seront déposés à l'Assemblée nationale, vous aurez des éléments de réponse aux questions qui pourraient vous venir à l'esprit. (22 h 30)

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je présume qu'il y aura un paragraphe ou deux, peu importe, pour nous situer dans le temps sur les études, les analyses qui sont faites. Est-ce qu'elles font état des dispositions possibles que la loi 68, adoptée telle que présentée, aurait comme effet?

M. Bérubé: Certaines études actuarielles prévisionnelles ont été faites par le Conseil du trésor pour mesurer, si on veut, l'impact de révision des cotisations, tel que le prévoit le nouveau régime. En effet, dans le mesure où, dans le cas des cotisations futures aux régimes de retraite, les prestations acquises ne seront plus indexées directement à l'inflation, mais bien à l'inflation moins 3%, il en résulte évidemment une différence importante, en termes de coûts du régime, et donc l'obligation de recalculer au complet le déficit actuariel ou encore l'équilibre actuariel du régime. Ces études n'ont pas encore été faites en détail, en ce sens qu'elles ont été faites approximativement pour situer le quantum des variations de cotisations résultant de l'application des mesures telles que l'indexation proportionnelle pour la première année et l'indexation à l'IPC moins 3%. Toutefois, dès que le projet de loi sera adopté, la Commission administrative du régime de retraite devrait effectuer une étude actuarielle complète qui devrait être, à ce moment, d'ordre public également.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pour revenir sur les commentaires sur le caractère public de l'étude dont on a les conclusions très générales dans le rapport annuel, nous revenons sur le voeu...

M. Bérubé: Nous n'avons pas d'objection. Écoutez, je considère qu'elles sont véritablement d'ordre public dans la

mesure où, maintenant, elles sont disponibles à la fois aux travailleurs qui cotisent. Elles sont disponibles finalement à plusieurs niveaux. Je ne vois pas de raison de m'y opposer, sans en faire véritablement une diffusion à grande échelle, en ce sens qu'il serait quand même assez coûteux de diffuser de telles études. Je pense que pour l'Opposition, vous n'aurez absolument aucune difficulté. Ce qui fait que, si vous vouliez véritablement ces études, il me fera plaisir, en m'adressant une demande à mon bureau, de vous les faire parvenir.

Le Président (M. Desbiens): Programme 1, élément 1, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. L'élément 2 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): L'élément 3 est-il adopté?

M. Bérubé: L'élément 1 porte sur RREGOP. L'élément 2, sur les enseignants.

Le Président (M. Desbiens): L'élément 3 est-il adopté? Élément 4, est-il adopté? L'élément 5 est-il adopté? Adopté. Le programme 1 est adopté. Programme 2, élément 1, est-il adopté? Adopté. Élément 2, adopté. Programme 2, adopté. Les crédits de la Commission administrative du régime de retraite, dans tous ses éléments et programmes, sont adoptés.

M. Bérubé: Je voudrais témoigner du service que me rend l'Opposition, dans la mesure où je n'ai pas eu à faire venir M. Moffet. Évidemment, nous n'étions peut-être pas équipés pour répondre à toutes les questions qu'on aurait voulu m'adresser, mais je tiens à remercier l'Opposition de sa collaboration.

Le Président (M. Desbiens): Merci. Nous revenons donc à l'étude des crédits du ministère des Finances. M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres commentaires?

M. Parizeau: Ce que je suggérerais, M. le Président, c'est que nous abordions les crédits du ministère des Finances programme par programme, selon la formule usuelle.

Le Président (M. Desbiens): D'accord. Programme 1, élément 1, politiques fiscales.

Ministère des Finances

Étude des politiques économiques et fiscales

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est la première adoption qu'on aurait. Nous avons eu, dans le discours sur le budget, le 25 mai, pour la première fois, une projection des revenus et dépenses sur trois ans de la part du ministre des Finances. On voit que les dépenses budgétaires n'augmenteront que de 0,8% et 9,7% respectivement dans les deux prochaines années par rapport à cette année. Si on met cela en regard des taux de croissance annuels depuis quelques années, on voit qu'il y a une nette amélioration dans ce sens au point de vue des compressions et des programmes de dépenses. Nous sommes évidemment curieux de savoir quelles sont toutes les hypothèses qui sous-tendent les chiffres comme ceux que le ministre a soumis de façon bien sommaire - il l'admet lui-même - et nous ne pouvons pas, quant à nous, nous empêcher de voir quels sont les différents éléments de croissance, notamment à l'endroit de la rémunération dans le secteur public qui sont incorporés dans les chiffres que le ministre a soumis à l'Assemblée.

M. Parizeau: M. le Président, l'amélioration de la situation que ces chiffres révèlent et qui, effectivement, est assez sensible - quand on arrive à la troisième année, en tout cas - vient d'une conjugaison de plusieurs facteurs. D'abord, bien sûr, on n'imagine pas que les taux d'intérêt vont se maintenir pendant trois ou quatre ans aux niveaux actuels. Si c'était le cas, on n'aurait plus grand-chose à projeter comme économie. Donc, on tient pour acquis qu'au fur et à mesure où le rythme d'inflation s'atténue, les taux d'intérêt ne demeurent pas au niveau que nous connaissons à l'heure actuelle. Deuxièmement, vous aurez noté que les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces révèlent qu'en 1982-1983, nous aurons un rythme d'expansion des paiements fédéraux relativement faible, l'année suivante, presque insignifiant, mais après cela, cependant, cela reprend une augmentation plus normale. Il n'est pas étonnant que la troisième année, au moment où les paiements fédéraux reprennent une hausse un peu plus normale, que cela ait son impact sur les équilibres généraux. Troisièmement, les décisions qui ont donné lieu au projet de loi quant au salaire dans les secteurs public et parapublic ont un effet cumulatif sur le rythme d'augmentation de la masse salariale. Quatrièmement - je ne donne pas cela, d'ailleurs, dans l'ordre d'importance, nécessairement, mais davantage dans le sens de ce qui me vient - nous avons au Québec une structure d'impôt sur le

revenu qui est très progressive et dont on suppose, puisqu'on fait ici des projections mécaniques, que cette structure d'impôt sur le revenu ne sera pas changée pendant trois ans, sauf une indexation de 7,5% qui est devenue coutumière dans les exemptions personnelles. Et c'est d'ailleurs cela qui se traduit dans l'examen du fardeau fiscal par cette espèce de redressement de l'écart entre le Québec et l'Ontario. À cet égard, je signale que l'amélioration - si tant est qu'on ne se trompe pas - de la troisième année doit nécessairement aboutir à une sorte de correction dans la structure d'impôt sur le revenu, par un allégement de l'impôt sur le revenu quelque part, à un moment donné, parce qu'encore une fois, notre structure d'impôt sur le revenu est très progressive, comparativement à celle qu'on trouve dans un certain nombre d'autres provinces. Il y a donc un faisceau de causes comme celles que je viens d'indiquer, qui ont un certain impact en 1983-1984. Enfin, on voit une amélioration qui est relativement légère, mais beaucoup plus substantielle l'année suivante. C'est un faisceau de causes dont je viens de donner quatre exemples évidemment, parmi les plus importants.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En regard des résultats préliminaires pour l'année qui vient de se terminer, évidemment, dans le discours sur le budget, on remarque du côté des revenus une augmentation substantielle des taxes à la consommation pour 1982-1983 par rapport à 1981-1982. Je me demande jusqu'où s'étend le rythme d'augmentation très substantielle de ce genre de revenus sur la période de trois ans que le ministre nous a divulguée, si l'on veut, dans le discours sur le budget.

M. Parizeau: Beaucoup moins que cela n'aurait été le cas il y a quelques mois, en ce sens qu'il est inévitable maintenant - et on en a tenu compte dans les projections -de se rendre compte qu'à cause du prix international du pétrole, dès l'automne 1983 - je pense que c'est septembre 1983 ou quelque chose comme cela - si l'on projette, le prix canadien du pétrole aura atteint 75% du prix international actuel. Cela implique que le produit de toutes les taxes sur l'essence - les nôtres ou n'importe quelle taxe ad valorem au Canada, c'est-à-dire en pourcentage d'un prix de base - va monter beaucoup moins rapidement dans l'avenir que ce qui avait été anticipé quand tout le monde s'attendait à des augmentations régulières annuelles et considérables dans le prix du pétrole.

En somme, certaines des projections que nous avions faites à l'interne il y a quelques mois, basées sur ce qui avait servi de prix projetés pour plusieurs années dans l'entente Canada-Alberta, ont été complètement révisées. Étant donné ce qui s'est produit concernant le prix international du pétrole, nos projections de revenus pour les trois prochaines années ont été rajustées à la baisse aussi. C'était la seule façon prudente de fonctionner. Maintenant, dans deux ans - c'est là qu'on voit que les projections sur trois ans sont toujours très aléatoires - quel sera le prix du pétrole? Est-ce qu'on assistera à une flambée du prix du pétrole à nouveau? On n'en sait rien mais, pour le moment, il vaut mieux être conservateur sur ce plan et tenir pour acquis qu'une ère d'augmentation rapide des prix du pétrole vient de se terminer.

Cela représente des ajustements assez substantiels dans nos premières projections. Cela a dû être fait, d'ailleurs, à la toute dernière minute parce qu'il est évident que, pendant un certain temps, on a pu se demander si, effectivement, le gouvernement canadien accepterait d'augmenter à plus de 75% du prix international le prix canadien interne. Comme aucun signal ne venait d'Ottawa à cet effet, on a préféré prendre la projection la plus conservatrice. Nos taxes indirectes sur l'essence, il faudrait les rajuster à la hausse si, à un moment donné, même avec un prix du pétrole relativement plus bas que prévu, le gouvernement fédéral s'entendait avec l'Alberta pour dire: Ce ne sera plus 75% du prix international, ce sera 85% ou 90%. Mais cela, c'est à venir. On ne le sait pas.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Par ailleurs, au-delà du 31 mars 1983, dans les projections que nous avons, est-ce que la taxe ascenseur a été fixée à 20%, 35%, 40% ou 50%?

M. Parizeau: Elle est maintenue aux fins de projection à 40%. Je veux dire que ce n'est pas un choix politique qui est fait là; il faut bien comprendre que, dans cet exercice de projection mécanique, on prend les structures d'impôt telles qu'elles existent actuellement, les structures de dépenses telles qu'elles sont apparues dans les crédits corrigés par le discours sur le budget et on projette mécaniquement en fonction des taux d'intérêt prévus, des taux de croissance, des taux d'inflation, etc. Donc, on ne porte pas de jugement de valeur. On ne dit pas, par exemple, que le gouvernement s'engage à maintenir sa structure fiscale pendant trois ans. En pratique, bien sûr, il va la changer. Le gouvernement ne se dit pas non plus: Pendant trois ans je n'ouvrirai aucun nouveau programme de dépenses. Simplement, la structure des impôts telle qu'elle est à l'heure actuelle, projetée pendant trois ans, c'est cela que ça donne. Le seul changement en somme qu'on a introduit, si on peut dire, ce sont ces 7 1/2% d'indexation des exemptions personnelles. Quant au programme

de dépenses, il faut bien comprendre qu'on prend les programmes de dépenses tels qu'ils existent aujourd'hui et puis mécaniquement on les projette; c'est cela que ça donne, ce n'est pas un jugement de valeur. Je serais étonné qu'un gouvernement, en trois ans, n'apporte aucun changement à ses impôts ni aucun changement à ses programmes de dépenses; je serais le plus étonné du monde. (22 h 45)

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Quant à la projection mécanique de la composante de la rémunération, elle est projetée selon le pourcentage qu'on retrouve actuellement.

M. Parizeau: Nous avons, sur la base d'une hypothèse de croissance de l'économie canadienne et d'une hypothèse d'inflation, déterminé une projection des rémunérations dans le secteur privé et nous avons posé comme hypothèse là-dedans que les salaires dans le secteur public avanceraient à peu près au même rythme que dans le secteur privé. Donc, ce n'est pas une proposition de négociation, c'est une base simplement rationnelle de projection. On se dit: Les salaires dans le secteur public normalement doivent augmenter à quelque chose qui n'est pas trop différent du secteur privé, voici ce que cela donne.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

L'expérience se rapproche plus du voeu que de l'observation ou...

M. Parizeau: Pas au début de 1983.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je suppose qu'à ce moment-là, comme base d'établissement des projections, la loi no 70 est présumée ayant été adoptée et appliquée.

M. Parizeau: C'est cela, et appliquée soit dans sa forme, soit dans la forme de la proposition qui avait été faite aux syndicats le 15 avril d'un gel modulé, parce que, au bout du compte, ça revient, au 1er avril 1983, à la même chose. Donc, que ce soit sous la forme d'une négociation autour de la formule du 15 avril, la proposition du 15 avril faite aux syndicats, ou de la loi no 70, en tout état de cause, ça ne change pas la nature des projections qui sont faites pour les années suivantes.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sur cette base-là.

M. Parizeau: Sur cette base-là.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est le plus gros élément d'incertitude quant à nous dans la mesure où je trouve extrêmement difficile d'accepter la réduction du déficit et des besoins financiers nets dans les années à venir lorsque l'élément central est projeté mécaniquement en se fondant sur un projet de loi qui est devant l'Assemblée nationale et dont on présume l'application. J'aimerais savoir jusqu'à quel point des modifications dans les aménagements définitifs de la masse salariale, suite à des négociations, - c'est ce que tout le monde souhaite - vont produire un impact sur les projections que nous avons devant nous.

M. Parizeau: Ce serait inévitable si, au lieu de récupérer 520 000 000 $ sous une forme ou sous une autre, proposition du 15 avril au projet de loi no 70, ce n'est pas 520 000 000 $ pour tous les syndiqués; si c'était moins, ça aurait un effet cumulatif pendant trois ans, c'est évident. Il faut bien comprendre le sens de projections comme celles-là. C'est que nous ne pouvons être certains, quand on comparera cela avec la réalité, que d'une seule chose: c'est qu'elles ne se réaliseront pas. Cela va de soi, parce que, encore une fois, les gouvernements, pendant trois ans, bougent, ouvrent de nouveaux programmes de dépenses ou bien en abolissent, baissent les impôts ou les augmentent. Je ne parle pas évidemment du fait que le taux d'inflation peut être différent de celui qui est projeté, le taux de croissance aussi.

Donc, il n'y a qu'une seule chose qui soit évidente: c'est que des projections comme celles-là se révéleront ne pas correspondre à la réalité. Alors, pourquoi on en fait dans ces conditions puisqu'on sait cela? C'est que comme guide pour ce qu'il y aurait à faire ou ce que le gouvernement devrait modifier, c'est sans prix. Une des plus grandes difficultés de n'importe quelle administration publique, de n'importe quelle grosse machine, publique ou privée, j'imagine, c'est ce qu'on appelle les queues de draqons. Vous commencez au cours d'une année un petit programme ou une petite mesure dont on dit qu'elle est petite parce qu'elle ne coûte pas grand-chose la première année. Une des raisons pour lesquelles elle ne coûte pas grand-chose, c'est qu'elle va peut-être vraiment fonctionner seulement dans les trois derniers mois de l'année ou bien parce que cela prend un certain temps pour la mettre en place. Une des plus grandes difficultés au niveau des gestionnaires du gouvernement, c'est de se dire: Ce geste qui est posé cette année et qui apparemment ne coûte pas cher, dans trois ans, combien coûte-t-il? Là, très souvent, en tirant sur la queue du dragon, on se rend compte que le dragon a des dimensions impressionnantes. Avoir une projection mécanique de trois ans a l'immense avantage de mettre tous les dragons en perspective et de dire: À supposer, au fur et à mesure qu'on s'engage dans cette période de trois ans, qu'on ait des gestes à poser, soit sur le plan des impôts, soit sur le plan des programmes, quel impact

cela a-t-il sur les équilibres que nous avons devant nous? En ce sens, c'est un instrument de gestion assez remarquable.

Deuxièmement, en ce qui a trait aux discours publics, c'est-à-dire en dehors des milieux gouvernementaux, je ne cacherai pas que les six derniers mois ont été pour moi l'objet d'un étonnement absolument remarquable. On a vu apparaître des projections, justement, à trois ans ou a quatre ans quant aux opérations gouvernementales, dont je continue à ne pas comprendre d'où, diable, elles pouvaient venir, mais qui ont largement et abondamment circulé, qui ne correspondaient d'aucune espèce de façon à rien de ce qu'on pouvait avoir devant nous. On aura vu certains de ces analystes chercher ex post à vérifier auprès du ministère des Finances leurs chiffres. Entre nous, s'ils les avaient vérifiés avant d'écrire, cela aurait peut-être pu aider.

Je me suis rendu compte d'une chose, en tout cas. Ces projections manquaient clairement d'une sorte d'assise statistique élémentaire sur le plan des opérations telles qu'on peut les projeter mécaniquement. Dans ce sens, je pense que ce qui a été fait cette année pour la première fois risque, en tout cas, d'améliorer le débat public sur les finances du Québec. Qu'on cesse de voir certaines approximations totalement saugrenues apparaître et qu'en tout cas, si quelqu'un est tenté de lancer des approximations monstrueuses, constatant qu'elles sont assez différentes de celles qui sont publiées par le ministère des Finances, il sera peut-être incité à une réconciliation rapide pour voir s'il y a quelque chose qui ne va pas, plutôt que de se trouver dans cette espèce d'atmosphère un peu frénétique que nous avons connue où n'importe quel chiffre était lancé et tenait au moins pendant quelques semaines. Dans ce sens, je pense que cela va améliorer le débat sur les finances publiques du Québec considérablement.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je me souviens des remarques du ministre lors d'une période des questions au même effet, à la suite d'une question du député de Taschereau à un moment donné. Ce que je retiens des projections qui étaient à l'automne du domaine public, c'est qu'elles précédaient le budget de novembre et celui-ci, celui que nous avons connu le 25 mai, qui, par l'imposition de nouveaux impôts, a considérablement réduit pour 1982-1983 les chiffres qui étaient baladés un peu partout dans le portrait. Dans ce sens, il me semble que le ministre pourrait commenter comment des projections de déficit de 4 500 000 000 $ pour 1982-1983, qui étaient baladées à l'époque...

M. Parizeau: 9 000 000 000 $.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, mais on parle de 1982-1983 pour commencer. 4 500 000 000 $, lorsque le ministre pense à 3 000 000 000 $ ou à peu près pour 1982-1983 et qu'on fait les ajustements qui sont quand même nécessités par l'augmentation de la taxe sur l'essence et d'autres impôts de cette nature en novembre et en mai, on arrive un peu dans le champ de vision qui était décrit à ce moment, il me semble.

M. Parizeau: Non, quand je parlais des six derniers mois, je pensais, justement, depuis novembre. Je comprends assez bien qu'on pouvait avoir avant novembre, sur la base des synthèses trimestrielles qu'on publiait au ministère des Finances, l'impression que quelque chose d'assez sérieux était en train de se produire. Effectivement, il y avait quelque chose d'assez sérieux. À partir du moment où les mesures correctrices ont été prises en novembre, je comprends beaucoup moins - de novembre à mai, ce sont les six mois dont je parlais - certains des chiffres qui ont été avancés.

J'aimerais, d'autre part, indiquer que la correction est moins massive qu'on pourrait l'imaginer, en tout état de cause, parce que, si les taxes indirectes ont été assez sensiblement augmentées, d'autre part, nous avons maintenant ce que nous n'avions pas du tout en novembre, c'est-à-dire une estimation très précise de la réduction, par rapport aux arrangements antérieurs, des nouveaux arrangements fiscaux du gouvernement fédéral. Il ne faut pas oublier que la première conférence des ministres des Finances qui s'est tenue à Halifax, c'était en décembre. L'effet de correction du budget de novembre a été considérablement atténué quand on s'est rendu compte, au départ -maintenant, les chiffres sont changés - qu'on risquait de perdre 725 000 000 $, pour 1982-1983, en provenance du fédéral. La somme est moins forte maintenant, mais c'est quand même 530 000 000 $. Mais, encore une fois, ce qui m'a le plus étonné, cela a été certaines de ces projections à l'égard des finances publiques du Québec, depuis six mois, depuis le mois de novembre. On est un peu estomaqué de cela, parce qu'il n'y a vraiment rien dans les chiffres qui indiquait des choses comme cela, sans compter qu'évidemment un gouvernement qui se taperait 4 500 000 000 $ de déficit, cette année, s'amuserait, si je peux utiliser le point d'ironie.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre vient d'évoquer qu'on connaît aujourd'hui un peu plus précisément certains des éléments des revenus et dépenses. Les revenus, manifestement, c'est cela qui est le

plus important. II a parlé des accords fiscaux. Un des gros éléments, évidemment, qui reviennent dans les renseignements supplémentaires, au poste des revenus, c'est la taxe sur le carburant. C'est évident. On se souvient que, lors de la publication des états trimestriels du 31 mars, on avait déjà assisté, à cause d'un ensemble de facteurs, y compris une sous-consommation, par rapport aux prévisions, à une diminution de 50 000 000 $, je crois, des attentes du ministère, au 31 décembre. Quelles sont les perspectives pour l'an prochain qui ont été budgétisées? Savons-nous aujourd'hui, mieux que le 31 décembre, la direction que commencent à emprunter les consommateurs de carburant, compte tenu du prix du carburant, ajusté à la hausse évidemment en novembre dernier par la taxe-ascenseur qui a été doublée?

M. Parizeau: Les projections que nous avons à cet égard et quant à la croissance de la demande, on peut les estimer au mieux pour le moment. La baisse de consommation va se poursuivre en 1982-1983 à peu près au même rythme qu'en 1981-1982 et cela va se stabiliser ensuite à partir de 1983-1984. C'est un phénomène qui n'est pas propre au Québec et c'est très curieux comme phénomène. Même si on a doublé la taxe sur l'essence au Québec, en novembre, on s'est rendu compte, au moment de la crise des pompistes, puisqu'on a été amené à comparer, on a constaté qu'il y avait une forte chute de la demande à comparer à ce qui se passait dans les autres provinces canadiennes, et que ce n'est pas au Québec que la chute de la demande avait été la plus forte. Elle avait été très forte au Québec, mais elle était, par exemple, beaucoup plus forte au Nouveau-Brunswick. Il y a des provinces où on ne pouvait d'aucune espèce de façon considérer que des changements dans la fiscalité avaient pu être responsables de la chute de la consommation d'essence. Il semble que, bien plus que la fiscalité, cela provienne d'une nette accélération de la transformation des grosses voitures en petites, peut-être parce que les gens ont pris conscience au Canada, et non pas depuis très longtemps, qu'il va y avoir des augmentations du prix de l'essence pendant des années à venir et que, plus ils passeront vite à des petites voitures, moins cela leur coûtera cher. Cela s'est considérablement accéléré et il y a, d'autre part, le plein impact des mesures de restriction dans la consommation de tous les modèles d'automobiles imposées par le gouvernement américains aux fabricants. Il ne faut pas oublier que cela s'est fait graduellement. Mais qu'on arrive, depuis un an, à des consommations sur à peu près tous les modèles considérablement augmentées en termes de milles au gallon, ce sont des facteurs comme ceux-là qui semblent expliquer des réductions très importantes dans la consommation d'essence qu'on projette au Québec comme étant... la chute en deux ans sera probablement de l'ordre de 15%, au bas mot. Et encore une fois, dans plusieurs provinces, c'est du même ordre ou ça va plus loin encore. Cela, on ne l'avait pas escompté aussi fort en novembre. Ce qu'on escomptait comme réduction de la demande, c'était à peu près de 7%. On avait prévu en somme une réduction de la demande, c'était à peu près de 7%. La réduction de la demande est donc deux fois plus importante que celle qu'on avait prévue, sur une période de deux ans. Après cela, elle se stabilise. (23 heures)

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est le même phénomène de manque à gagner comparé aux prévisions originales, surtout celles de novembre. Quant à certaines autres sources de revenus, je pense particulièrement aux projections que le ministre a faites sur les impôts des sociétés pour l'an prochain comparativement à cette année, je vois l'inscription de 875 000 000 $ de revenus pour 1982-1983 comparativement à 1 800 000 000 $ cette année, pour l'année terminée le 31 mars dernier.

M. Parizeau: II y a deux phénomènes qui jouent ici. D'abord, constatons qu'en 1981-1982 les recettes d'impôts sur les corporations ont augmenté beaucoup plus vite que prévu. Elles sont montées à un niveau qu'on ne pensait pas atteindre, à 1 000 000 000 $, on n'avait pas prévu cela au début de l'année. L'année en cours, là, c'est autre chose. D'abord, l'effondrement des profits des sociétés, c'est quelque chose d'absolument étonnant, même par rapport à ce qu'on pouvait penser en octobre. Je pense qu'en septembre, octobre, novembre, personne ne pensait que six mois plus tard, les profits des compagnies seraient massacrés dans des proportions pareilles. Cela a surpris tous les observateurs, les analystes de compagnies, alors, évidemment, cela se répercute dans les projections de revenus que nous avons.

D'autre part, il ne faut pas oublier que nous avons une réduction à 5 1/2% le 1er janvier 1983 du taux de profit applicable aux grandes sociétés. Les taux d'impôt sur les profits des petites sociétés au Québec ont été réduits à 3% déjà, tel qu'on avait annoncé et pour les autres, on est passé de 13%, à 8%, on passe à 5 1/2% tel que cela avait été annoncé. La raison pour laquelle on fait cela, c'est qu'évidemment ayant augmenté les contributions d'employeurs et la taxe sur le capital, il y avait eu une sorte d'échange. On allait chercher pas mal plus d'argent par les contributions d'employeurs et par la taxe sur le capital, mais on annonçait des réductions dans les taux d'impôt. Alors, la deuxième réduction à l'égard des grandes

compagnies va tomber pendant l'exercice dont on parle, de 8% à 5 1/2%. Alors, ça a aussi un impact assez important quand même. Ce sont vraiment ces deux facteurs, l'écrasement des profits dans un bon nombre de sociétés depuis quelques mois dont on doit tenir compte pour l'année en cours et puis, deuxièmement, la réduction du taux, qui affecte les trois derniers mois de l'année en cours.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Et cet écrasement des profits que le ministre décrit d'une façon bien vivante ne correspondrait, semble-t-il, qu'à une diminution de 12%, 13% ou 14% des revenus d'impôts sur les sociétés. Je trouve que le portrait qu'on dresse de la situation extrêmement critique des profits des sociétés n'est pas reflété ou alors est-ce que véritablement on pense que c'est substantiel? Évidemment, je me demandais quels sont les chiffres qui sous-tendent au point de vue des profits les résultats qu'on voit là parce qu'il faut tenir compte des remboursements que réclameront les sociétés qui feront des pertes cette année à l'égard des impôts qu'ils ont payés lors des années de vaches un peu plus grasses. J'essayais de voir comment ces deux facteurs se combinaient.

M. Parizeau: C'est assez considérable. C'est une question d'appréciation. Sur la base des comptes nationaux, on prévoit pour l'année 1981 une baisse de 10% des profits et, pour 1982, une baisse additionnelle de 11%. Tout dépend du choix des adjectifs qu'on veut attribuer à cela, mais c'est quand même assez important. Il y a une chose aussi que je devrais signaler qui semble atténuer la dimension de la chute. Il ne faut pas oublier que, dans les chiffres dont le député de Vaudreuil-Soulanges dispose, il y a deux éléments: il y a l'impôt sur les profits et il y a la taxe sur le capital. Évidemment, la taxe sur le capital est absolument insensible au niveau des profits, elle.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est régressif.

M. Parizeau: Pardon?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est régressif.

M. Parizeau: Ce n'est pas régressif, c'est proportionnel.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est indépendant de la capacité de payer.

M. Parizeau: Non seulement c'est indépendant de la capacité de payer, mais c'est déterminé par le capital et c'est surtout déductible du revenu imposable à

Ottawa. Dans ce sens, pour nous, cela représente une très grande stabilité avec une progression non pas délirante, mais quand même appréciable d'une année à l'autre. Cela donne au poste "impôt payé par les sociétés" une plus grande stabilité que celle que justifierait l'évolution de leur profit. Si cela crée une instabilité, c'est plutôt du côté d'Ottawa puisque cette taxe sur le capital est déductible du revenu imposable au fédéral.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Quant à un autre poste de revenus, soit celui des droits de succession, évidemment, ils sont maintenus. Je présume que ce n'est pas un gros facteur, mais ils sont maintenus dans les projections pour les trois années. J'aimerais profiter de l'occasion pour demander au ministre comment il continue à entrevoir le fait qu'au Québec nous demeurons le seul endroit dans tout le Canada où des impôts sur les successions sont perçus. Est-ce que son appréciation de la valeur intrinsèque non seulement pour les finances publiques, mais pour toute l'économie du Québec continue à évoluer ou si elle n'a pas évolué depuis ses dernières déclarations dont on a bénéficié? Je les rappelle d'ailleurs de mémoire, c'était qu'il faudrait arrêter de se surprendre qu'un gouvernement social-démocrate épouse des théories fiscales de droite.

M. Parizeau: Sur un certain temps, c'est assez bien résumer la position, oui. Je n'ai jamais caché le fait qu'à partir du moment où on ne taxe pas, selon la formule Carter, le gain de capital comme un revenu complet - on le taxe, mais à demi-taux - on doit maintenir un impôt successoral. Il ne faut pas oublier une chose, la disparition de l'impôt sur les successions au Canada a été faite dans une optique où on se dirigeait graduellement vers le principe de la commission Carter, c'est-à-dire un dollar est un dollar; qu'il vienne du gain du capital ou qu'il vienne du revenu, c'est taxé pareil. Là, cela devenait une question de justice élémentaire, de supprimer l'impôt sur les successions.

Nous n'avons pas fait cela, sauf qu'on en a supprimé la majeure partie. Dans les autres provinces, cela a été supprimé au complet et, au Québec, il restait, au moment où nous sommes arrivés au pouvoir, un quart de l'impôt sur les successions. N'oubliez jamais cela. On a tendance, parfois, à considérer à notre époque que, comme le Québec est la seule province à avoir un impôt successoral, c'est quelque chose de monstrueux. Ce n'est pas quelque chose de monstrueux, c'est le quart de l'ancien taux qui existait partout au Canada. Maintenir le quart de l'ancien taux, quand le gain de capital est taxé beaucoup moins lourdement

que le rapport Carter le prévoyait, cela ne m'apparaît pas déraisonnable sur un plan d'équité sociale.

Chacun a une certaine vision des choses. Ce n'est évidemment pas en fonction de revenus de quasiment 20 000 000 000 $ qu'on va commencer à parler de la nécessité absolue, sur le plan de la caisse, d'aller chercher 40 000 000 $ ou 44 000 000 $ de rentrées en vertu de l'impôt sur les successions. La Loto-Québec, dont nous parlions tout à l'heure, rapporte quatre fois plus dans une année. Ce n'est donc pas nécessairement par le rendement fiscal qu'on va chercher cela, mais cela correspond à une certaine vision de l'équité sociale entre les groupes et entre les fortunes. Chaque gouvernement, à cet égard, a toujours une certaine philosophie fiscale. Cela appartient à la nôtre, sur le plan de la vision qu'on se fait de l'équité des choses. C'est pour cela que très souvent, d'une façon un peu badine peut-être, j'utilise la formule qu'utilisait tout à l'heure le député de Vaudreuil-Soulanges, à savoir qu'on ne demande pas à un gouvernement social-démocrate de suivre une politique fiscale de gouvernement de droite. C'est un paradoxe.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ne peux m'empêcher, par ailleurs, de soulever la question qu'on ne peut ignorer. On demeure le seul endroit en concurrence avec un voisin tout près, l'Ontario, où ce facteur, insignifiant pour les finances publiques, insignifiant à mon sens au point de vue de l'équité, même si le ministre l'a fait valoir de cette façon, compte tenu des taux d'imposition qui déjà ont cours ici, de la progressivité de l'impôt sur le revenu des particuliers... J'essaie de voir le rapport qu'il peut y avoir, l'intérêt qu'il y a à maintenir, sur tous les autres plans, cet impôt, compte tenu de la désincitation qu'il peut y avoir pour certains éléments de la société qu'on pourrait, je pense, d'une façon correcte appeler des éléments moteurs de certains secteurs de notre économie, qui contribuent largement au développement économique et qui, à la lumière de ce facteur entre plusieurs, décident que c'est un irritant additionnel à l'implantation au Québec, à l'attrait que le Québec peut exercer ou simplement à la faculté que le Québec peut avoir de retenir ici un ensemble de gens dont toute communauté a besoin, compte tenu de leurs talents particuliers. Au-delà de l'équité entre les groupes, entre les personnes, c'est plutôt une matière à réflexion sur l'intérêt qu'il y a pour toute communauté de voir ce que les gens qui ont comme trait en général commun - je pense qu'on peut dire cela aussi d'une façon correcte - la faculté de créer des emplois, de créer des entreprises, de les faire croître peuvent avoir comme retombées positives pour l'ensemble de toute la communauté. C'est évidemment ce qu'on appelle le "tradeoff", qu'on ne peut pas éviter et sur lequel le gouvernement a porté un jugement qui, à mon sens, n'est pas dans l'intérêt du plus grand nombre ici au Québec.

M. Parizeau: M. le Président, je discuterais cela assez fortement. S'imaginer que la croissance économique a une sorte de corrélation parfaite avec une seule forme de fiscalité, on ne peut pas dire cela. Ce n'est pas vrai. Cela ne se constate pas. La fiscalité doit chercher, d'une part, non seulement à ne pas gêner, mais à aider dans la mesure du possible le développement de l'activité économique. Il s'en faut de beaucoup pour qu'il y ait une seule structure fiscale, un seul modèle qui puisse faire cela, parce que la structure fiscale aussi traduit un certain nombre de préoccupations d'ordre social, inévitablement.

Quand on se compare à l'Ontario et qu'on dit que le Québec devrait le plus rapidement possible se rapprocher de la structure fiscale de l'Ontario, à mon sens, non! Qu'est-ce que cela veut dire la structure fiscale de l'Ontario? C'est la province au Canada qui taxe le plus, sur le plan de l'impôt sur le revenu, ses bas revenus, de toutes les provinces canadiennes, et qui taxe le moins ses hauts revenus, de toutes les provinces canadiennes. Je suis certain qu'on peut difficilement considérer que par rapport au rythme de croissance de l'Ouest, cette structure très favorable à ce qu'on pourrait appeler les entrepreneurs, ceux qui ont de l'argent, ceux qui ont des capitaux, aide actuellement l'Ontario par rapport à la croissance très rapide de provinces de l'Ouest qui ont des structures fiscales fort différentes. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas cette corrélation parfaite. (23 h 15)

Si on revient aux impôts successoraux, on pourrait imaginer un impôt successoral qui gêne, par exemple, la transmission des entreprises d'une génération à l'autre. Cela pourrait être fait comme cela, mais on a fait attention, justement, à ne pas faire cela. La transmission de ces petites ou moyennes entreprises à l'intérieur d'une famille se fait avec le taux qui est la moitié dans ce cas, étalement sur sept ans: enfin, il y a toute une série de dispositions comme celles-là qui ne sont pas vraiment gênantes pour la transmission d'entreprises. En tout cas, je n'ai pas vu de cas où cela a été dramatique. Je connais des gens qui sont allés habiter, non j'exagère peut-être, qui ont menacé d'aller habiter à l'extérieur du Québec ou du Canada même pour éviter, disaient-ils, de payer cet impôt sur les successions. C'est aberrant, c'est parce qu'ils n'ont pas lu la loi. Nous ne taxons pas la succession, nous taxons les bénéficiaires.

Alors, quand bien même le de cujus aurait choisi un domicile pour ses dernières années aussi loin qu'il voudra, cela n'a aucune espèce de conséquence. Ce sont ses enfants qui doivent décider, pas lui. Les enfants n'ont pas particulièrement le goût, j'imagine, d'aller passer dix ou quinze ans à l'étranger pour apprendre un beau jour que la succession sur laquelle ils comptaient a été transmise à quelqu'un d'autre. C'est vraiment un risque un peu grand. Il y a eu une certaine excitation à un moment donné par des gens qui ne lisaient pas la loi; ils ne se rendaient pas du tout compte de ce qu'on voulait faire.

On a ouvert un certain nombre d'exemptions qui paraissaient raisonnables. Par exemple, il n'y a absolument pas d'impôts successoraux entre mari et femme. Les exemptions pour les enfants sont très copieuses. On a essayé, à toutes fins utiles, d'une part, de ne pas gêner le développement économique, mais, d'autre part, de rétablir une sorte d'équilibre entre les très grosses fortunes - et il y en a encore passablement dans notre société - et le reste de la population, de façon, d'ailleurs, très modeste parce qu'encore une fois c'est le quart de l'ancien taux qui existait partout au Canada. Personnellement, après en avoir discuté tant et plus depuis quelques années, je reste persuadé qu'on a beaucoup exagéré les conséquences économiques, à proprement parler, d'une taxe comme celle-là.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je le mentionnais dans la perspective où je ne prétends pas effectivement - et ce serait aberrant, comme le dit le ministre - qu'il y a une parfaite corrélation entre cet impôt et le développement économique. C'est plutôt dans la perspective de mettre dans le jeu du Québec le plus de cartes ou d'atouts possibles. Il me semblait que, dans la mesure où on peut alléger les irritants qui se retrouvent chez certaines gens à l'endroit du Québec ou de la faculté de trouver un intérêt à demeurer ici ou à s'y implanter, c'était un bien petit coût fiscal à encourir pour améliorer la qualité du jeu ou de la main, comme on dit, que le Québec ou les Québécois peuvent avoir à offrir à des gens qui, autrement, pour toutes sortes de raisons, choisissent de s'accrocher à cet irritant pour se donner des excuses dont souvent, d'accord, ils n'ont pas besoin, mais qui les portent à prendre des décisions qui, à ce moment, se reflètent malheureusement sur le niveau d'activité économique qu'on peut connaître dans certains secteurs. Il est inutile d'en faire le tour. Je ne citerai même pas le cas récent de CD Howe, mais simplement je pense que d'expérience on peut voir que la qualité de l'émulation qu'on peut retrouver dans certains milieux scientifiques en souffre. Encore une fois, à tort ou à raison ça devient un irritant additionnel pour des familles qui ont décidé de travailler ici et qui, à un moment donné, décident de travailler ailleurs, entre autres, pour cette raison. Ce n'est pas tellement le risque de perdre des emplois, mais c'est un jugement sur des éléments extrêmement qualitatifs de la poursuite de l'excellence que certains éléments peuvent apporter lorsqu'ils demeurent chez nous. C'est à cette fin surtout que je le mentionnais.

M. Parizeau: J'aimerais ajouter peut-être un mot. C'est vrai que certains considèrent cela comme un irritant. D'autre part, notre structure fiscale comporte des choses qui sont l'inverse d'un irritant, qui n'existent pas ailleurs, nulle part ailleurs au Canada. L'épargne-actions est vraiment une mesure destinée à favoriser l'achat d'actions nouvelles dans des entreprises québécoises. Cela a eu un succès considérable. On dit très souvent que ça favorise des revenus assez importants. C'est vrai et c'était fait pour cela aussi. On ne s'en cachait pas du tout. Il faut habituer les Québécois à acheter des actions parce que leur péché mignon, dans le passé, a été justement que singulièrement les Québécois francophones n'avaient pas l'habitude d'acheter des actions. Et si on veut leur donner l'habitude d'acheter des actions, il faut leur donner des stimulants fiscaux comme ceux-là, mais ne pas leur offrir non plus seulement des titres de petites entreprises ou des affaires très risquées. Si on veut les habituer à acheter des actions, il faut qu'ils aient la possibilité de se constituer un portefeuille. Et dans ce sens, sur le plan du développement économique du Québec, c'est le contraire d'un irritant. C'est une mesure parfaitement originale, qui n'existe nulle part au Canada et dont on voit bien, il suffit d'en discuter avec les courtiers ou avec des gens qui sont un peu mêlés à ce milieu, à quel point ça a changé profondément les moeurs de placements d'un bon nombre de gens dans notre société qui, maintenant, achètent des actions au lieu d'acheter des billets de loto ou des obligations. Autrefois, ils achetaient pour 500 $ de stocks de mines, mais depuis Loto-Québec, ça se vend moins bien, pour ces raisons.

Ils commencent à mettre dans leur portefeuille beaucoup d'actions de divers types, des actions de très grandes corporations, des actions de plus petites corporations et à se constituer un portefeuille. C'est cela. Dans tout régime fiscal, il y a des irritants qu'on ne peut pas éviter en vertu de l'idée qu'on se fait de l'équité sociale. Au contraire, il y a des mesures incitatrices et là, on vient de parler de deux qui ont comme caractéristique, qu'elles sont uniques toutes les deux au Canada.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a deux points importants à soulever. Le premier sur une phrase relativement incomplète, je pense, les intentions encore en suspens du ministre à l'égard de la convergence avec le budget fédéral. Et je profiterais de cette occasion pour demander au ministre s'il pouvait nous parler un peu plus de ses intentions et des perspectives de convergence ou de non-convergence, et si oui, jusqu'à quel point on assistera à ces opérations.

M. Parizeau: M. le Président, je vais êtes forcé d'être vague avec le député de Vaudreuil-Soulanges, pas parce que je tiens à l'être, mais simplement parce que, passé un certain point, je ne sais plus jusqu'où je peux aller. Le budget de M. MacEachen aurait dû donner lieu, ici à Québec, à une démarche qui suit chaque budget fédéral. C'est-à-dire que lorsque le budget fédéral sort et que les projets de loi qui le traduisent sont déposés à la Chambre des communes, nous faisons rédiger ici à Québec une loi d'harmonisation, qui est sûrement le document le plus ennuyeux qu'on sort chaque année. Il est parfois complètement illisible et à la portée seulement d'un certain nombre d'experts fiscaux. Je dois dire que quand j'ai, en commission, à défendre certains de ces articles, j'ai besoin d'avoir de remarquables conseillers pour simplement m'expliquer de quoi il s'agit.

Dans l'ensemble, on s'harmonise pour à peu près tous les changements de la loi fédérale, à 95%, 98%, 99% des dispositions. Non pas parce que nous pensons qu'à Québec notre structure fiscale doit être la même qu'à Ottawa, mais parce qu'on ne veut pas trop tripoter les assiettes. On peut avoir des taux très différents d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les corporations, mais si on commence à jouer sur les définitions d'assiettes et avoir des assiettes qui ne sont pas, autant que possible, harmonisées, on s'en va vers une jungle. Les seuls qui en profiteront seront les comptables et les avocats, et cela créera non seulement un climat d'incertitude dans le public mais, d'autre part, une incompréhension totale de ce qui se passe sur le plan fiscal et des coûts additionnels. Je pense en particulier aux petites entreprises, qui ont des coûts additionnels qui peuvent devenir très lourds. Donc, on s'harmonise. Il arrive parfois que sur 100, 120, 130 mesures d'un budget fédéral, nous n'en reconnaissions pas trois ou quatre. C'est arrivé, parce que cela ne correspond pas à des questions. Cela nous paraît sur le plan de l'équité sociale particulièrement répugnant. Ou bien parce qu'on considère que, sur le plan économique, on ne devrait pas faire cela. Il m'arrive sur les 120 ou 130 de dire que l'on s'harmonise sur tout, sauf sur les mesures suivantes.

Cette année, le budget de M. MacEachen a été amendé six fois. Et surtout, les documents juridiques qui traduisent son budget amendé ne sont pas encore déposés. Et on n'est pas certain que les derniers amendements soient passés. Alors, je vous avouerai que rendu là, je donne ma langue au chat, j'attends les documents. Comme la loi d'harmonisation sort normalement beaucoup plus tôt, des tas de gens téléphonaient au ministère du Revenu et au ministère des Finances en disant: Cette année, allez-vous vous harmoniser? Dans le discours sur le budget, j'ai dit: Oui, bien sûr, comme chaque année. Dès qu'on aura les documents, on s'harmonisera pour l'essentiel. Bien sûr, comme je ne l'ai jamais fait, je ne m'engage pas à m'harmoniser sur tout. J'ai un paragraphe qui atténue un peu la portée de l'harmonisation en disant: On en jugera quand même le bien-fondé. Mais cela m'est très difficile d'aller plus loin tant que les documents ne sont pas sur la table à Ottawa. Et, aux dernières nouvelles, on n'avait toujours pas de date à laquelle il serait déposé. Et je crains beaucoup, je ne suis pas le seul, tout le monde est un peu comme cela au Canada à l'heure actuelle, on commence tous à avoir une certaine crainte du désordre que cela peut entraîner sur le plan de la fiscalité de tant tarder. À ma connaissance, un seul des mes collègues des finances au Canada a déjà annoncé des dérogations, une non-harmonisation. C'est M. Miller en Ontario, qui, sur trois dispositions applicables aux entreprises, non pas aux individus, a indiqué qu'il ne s'harmoniserait pas. C'est la seule précision qu'on a actuellement au Canada quant au vaste processus d'harmonisation ou de non-harmonisation, pour le reste, on attend. Je m'excuse de ne pouvoir être plus précis pour le député de Vaudreuil-Soulanges. Ce n'est pas parce que je ne veux pas, c'est que je ne peux pas.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sauf que, quant aux projections, j'allais voir dans le fonds si le projet de convergence ou ce qu'on en sait aujourd'hui, de la façon dont il modifierait la structure des revenus, le volume des revenus au Québec est compris ou non dans les projections en annexe au discours sur le budget. Parce que les projections de revenus qu'on a retrouvées jusqu'en 1985 sont... ou même pour 1982-1983...

M. Parizeau: Compte tenu du principe général que j'ai exprimé tout à l'heure, d'ores et déjà, on voit en gros ce que ce genre d'harmonisation est susceptible de fournir; nous avons incorporé dans les revenus projetés pour 1982-1983, 34 000 000 $ et pour 1983-1984, 200 000 000 $.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Combien?

M. Parizeau: 34 000 000 $. Bien, il faut dire que la plupart des mesures du budget MacEachen n'ont d'effets que dans l'année fiscale suivante du point de vue de la caisse puisque ça porte sur l'année d'imposition 1982. C'est seulement l'année suivante au moment des déclarations d'impôts que les ajustements se feront.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Et dans ce sens, c'est par un élargissement de l'assiette, c'est-à-dire un blocage d'échappatoire dont le budget fait largement état surtout que le ministère des Finances ici va récupérer ces sommes. Par ailleurs, il y a le deuxième élément dans le budget fédéral ou la façon dont il s'oriente ou qui a été annoncé, de toute façon. Il y avait une combinaison de modifications de l'assiette fiscale et des taux. Est-ce qu'il y a des modifications de taux à ce moment qui sont également prévus dans le projet de convergence qu'envisage le ministre?

M. Parizeau: Oui. C'est d'ailleurs en un certain sens rendu inévitable par certaines des formes d'harmonisation. Mais il est clair que le taux marginal maximum au Québec va tomber de presque 68 à environ 60.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela va être un emprunt? (23 h 30)

M. Parizeau: Comme je le disais tout à l'heure, l'harmonisation sur l'assiette est un phénomène très différent de l'harmonisation sur les taux. On a toujours eu des taux différents de ceux du fédéral et des autres provinces. Ce n'est pas calculé de la même façon. Ce que je disais sur l'harmonisation tout à l'heure, c'est bien plus dans la définition de l'assiette que quant aux taux. II est clair que la chute des taux ici n'est pas faite de la même façon que la chute des taux ailleurs, mais on passe de 68 à 60, en gros.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Peut-être le dernier élément que j'aurais à soulever a trait au programme d'emprunts du gouvernement du Québec pour les prochaines années. J'ai consulté le prospectus de janvier dernier d'Hydro-Québec, émis en regard des projections du ministère des Finances qui étaient au budget pour les années à venir, selon les besoins de refinancement qui apparaissent dans les états financiers, compte tenu des échéances de certains emprunts, et j'aimerais vérifier avec le ministre certains chiffres qui, à mon sens, s'imposent. On voit se dessiner dans les très prochaines années des besoins de recours aux marchés financiers pour les emprunts bruts, des nouveaux appels à ces marchés, de l'ordre d'environ 25 000 000 000 $ jusqu'en 1985-1986. J'y vois là un chiffre d'une ampleur peut-être pas inquiétante, mais certainement remarquable dans la mesure où, quant à Hydro-Québec, conformément aux renseignements qu'on retrouve dans un de ses derniers prospectus, on pourrait voir d'ici 1985-1986 des besoins d'emprunts nouveaux d'un peu plus de 9 000 000 000 $ et de 2 900 000 000 $ pour des programmes de refinancement de dettes qui viennent à échéance d'ici à 1986. Pour le gouvernement, les nouveaux emprunts pour la période d'environ 4 ans, 4 1/2 ans, d'ici à 1985-1986, sont d'environ 9 000 000 000 $, plus un refinancement de l'ordre de 3 000 000 000 $. Alors, au total, pour les prochaines années, on devra faire appel aux marchés financiers pour une vingtaine de milliards de dollars, qui s'additionnent...

M. Parizeau: Les deux ensemble...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, les deux ensemble, évidemment, dans la mesure où Hydro et Québec, pris individuellement, sont assimilés chez les prêteurs à un risque à peu près semblable. On sait pertinemment qu'il faut, en général, compter que le personnel du ministère des Finances et Hydro-Québec se déplacent à peu près en même temps, ont les mêmes marchés. Ils s'accompagnent les uns les autres très souvent lorsqu'ils doivent conclure leurs programmes d'emprunts, les dessiner avec les prêteurs. J'aurais aimé savoir ce que le ministre aurait à dire sur un chiffre de cet ordre. D'ici 1985-1986, le Québec doit faire appel aux marchés financiers pour un montant d'environ 20 000 000 000 $, peut-être plus, si on regarde les projections du ministre qui, à mes yeux, sont extrêmement optimistes, compte tenu de dossiers qu'on peut examiner concernant les quelques dernières années et dans la mesure où cela s'ajoute à d'autres programmes gouvernementaux ailleurs, sur le continent, qui ne semblent pas, eux non plus, être capables de juguler la croissance des déficits.

On peut voir qu'il y aura des pressions très certaines qui seront créées sur certains marchés et j'ai essayé de voir avec le ministre comment il envisageait la gestion de ce programme d'emprunts extrêmement important.

M. Parizeau: En fait, en poids relatif, il est moins lourd à porter que celui qu'on a connu il y a peu de temps. Je rappellerai à cet égard que, de 1975 à 1979-1980, on a connu, en termes de poids relatif, une augmentation considérable de la dette d'Hydro à cause des travaux de construction de la Baie-James. Et il fut un temps - je pense à 1978 par exemple - où on se

demandait vraiment si le marché pourrait prendre autant de titres d'Hydro d'une qualité, comment dire, suffisante. J'ai assisté à des réunions étonnantes à Hydro-Québec où on se disait: Compte tenu des marchés tels qu'ils sont à ce moment - ça fait quand même trois ou quatre ans - de la masse qu'on envisage devant nous, est-ce qu'on ne va pas être obligé de recourir à des modes d'emprunt à très court terme qui représentent pour Hydro-Québec presque une réduction de qualité de crédit quand on a besoin d'y recourir? D'autre part, en 1980 et 1981, nous avons eu des besoins financiers nets au gouvernement, je le rappelle, de 2 300 000 000 $. La combinaison de ces deux choses a fait que 1979, 1980, 1981 ont été des années qui n'étaient pas très faciles à passer, néanmoins qui ont bien passé, quand on pense, par exemple, qu'Hydro-Québec, qui avait ramassé une marge de crédit de 1 500 000 000 $, n'y a jamais touché, n'a jamais eu besoin d'y toucher.

Cela se comprend de la façon suivante. À cause de l'inflation très rapide qu'on a connus, le montant en dollars absolus, projeté 3 ans ou 4 ans devant nous, fait peur. Mais on oublie qu'à cause du même phénomène d'inflation, les marchés eux aussi gagnent en ressources. Je n'ai pas besoin de dire, à part cela, à quel point le développement considérable du marché de l'eurodollar a donné beaucoup plus d'aisance au marché qu'il pouvait en avoir il y a quelques années. Le résultat de tout cela, c'est que quand on pense aux quatre ou cinq années qui viennent... Commençons par l'année actuelle. Hydro-Québec va avoir à emprunter 2 300 000 000 $ et le gouvernement à peu près 2 700 000 000 $. Cela fait 5 000 000 000 $. Si on veut projeter pendant quatre ans, on va dire que ça fait 20 000 000 000 $. À ce rythme, il suffit d'ajouter des années et cela grossit le montant. Sauf que comment ça se place, une somme comme celle-là? En un certain sens, c'est moins onéreux que certaines des choses qu'on a connues. Les travaux de la Baie-James ont passablement ralenti, dans le sens que maintenant le gros oeuvre est terminé, c'est la machinerie qui entre là-dedans. Donc, les besoins financiers représentent un poids relatif qui tend à s'amenuiser.

Au gouvernement de Québec, je voudrais faire état d'un petit tableau sur les besoins financiers nets en pourcentage du PIB. Si on me donne trente secondes, je vais retrouver le tableau quelque part. On va voir à quel point cela illustre le principe que je viens d'énoncer.

Les besoins financiers nets qu'on fixe pour cette année, en 1982-1983, à 2 000 000 000 $, cela va représenter 2,4% du produit intérieur brut. Les besoins financiers nets l'an dernier, c'était 2,8%; en 1980-1981, 3,4%. Allons maintenant vers l'avant: en 1983-1984, 2%, là sur la projection mécanique; en 1984-1985, 1,6%, toujours sur la projection mécanique, avec tous les aléas que cela représente, j'en conviens. Il reste que et pour Hydro et pour nous, ce qu'on voit se dessiner déjà, au cours des deux dernières années, avec le budget de cette année et les projections mécaniques des deux années suivantes, c'est plutôt un allégement relatif.

Quant aux marchés financiers de leur côté...

Passons aux remboursements. Les remboursements, c'est vrai qu'on en a. Je parle du gouvernement de Québec seulement. Jusqu'en 1985-1986, donc pour les quatre années qui viennent, on en a pour 2 900 000 000 $ à peu près. Là-dessus, il y a 500 000 000 $ d'obligations d'épargne. Les obligations d'épargne, maintenant cela fait partie de nos moeurs. Alors, qu'est-ce qui va se produire? On va en émettre d'autres pour remplacer celles qui viennent à échéance ou celles qui sont encaissées. Des 2 400 000 000 $ qui restent, la majeure partie et de loin est en dollars canadiens. Et de cette très grande partie qui est en dollars canadiens, une très grande partie est à la Caisse de dépôt. Qu'est-ce qui arrive quand ces émissions viennent à échéance à la Caisse de dépôt? Elle en prend d'autres.

Il est évident que, vers 1984-1985, là on commence à avoir, cependant, d'assez gros remboursements d'obligations conventionnelles en dollars canadiens, dont certaines sont placées à la Caisse de dépôt, mais il y en a pas mal dans le public institutionnel. On peut trouver cela relativement anormal, simplement à regarder la colonne. Il est évident, par exemple, que de voir qu'en 1982-1983 on a 148 000 000 $ d'obligations conventionnelles à rembourser au Canada, en 1984, 522 000 000 $, en 1985, 709 000 000 $, on peut se poser la question: Pourquoi cette espèce de croissance très rapide? Cela se comprend pour la raison suivante. C'est que la situation des marchés depuis deux ou trois ans et l'augmentation extraordinaire des taux d'intérêt ont fait disparaître à peu près complètement le marché du long terme. Il n'y a pas de gouvernement à notre époque qui se finance en vendant des obligations de vingt ou de trente ans. Il n'y a plus de marché pour cela. Le marché s'est considérablement raccourci. Et le titre typique qui se vend sur le marché, c'est quoi? C'est du trois ans, du quatre ans, du cinq ans. C'est là que le marché est le plus important, le plus facilement accessible. Et cela se comprend. Ce n'est pas vrai seulement pour le Québec, c'est vrai pour tout le monde. Il y a eu un raccourcissement des échéances considérable. Donc, ce qu'on a émis en 1980-1981, en 1981-1982, ce qu'on va continuer d'émettre en 1982-1983 provoque des montants de

remboursements considérables trois ans, quatre ans, cinq ans plus tard, ce qu'on ne voyait pas autrefois, quand on émettait des obligations conventionnelles sur vingt ans.

Ce problème risque d'être accentué si on ne prend pas un certain nombre de décisions éventuellement avec la Caisse de dépôt. Comme la Régie des rentes n'est pas parfaitement capitalisée et qu'on va arriver dans quelques années à un point où, si rien n'est changé, les ressources de la Caisse de dépôt vont tomber, on ne peut plus demander, non plus, à la Caisse de dépôt de prendre des obligations de vingt ans. La Caisse de dépôt elle-même a tendance à raccourcir ses échéances, parce qu'elle dit: Si vraiment mes ressources se mettent à tomber dans cinq, six ans ou sept ans, je ne vais pas prendre du vingt ans ou du trente ans. Passez-moi quelque chose de plus court que cela. Évidemment, à l'égard de la Caisse de dépôt, on peut - à un moment donné, il va bien falloir le faire - capitaliser davantage le régime existant sans compter tout le reste qui peut être discuté. Mais il va falloir, à un moment donné, Canada et Québec ensemble, prendre la décision. Pour le marché lui-même conventionnel, en dehors de la Caisse de dépôt, quand est-ce qu'elles vont allonger, les échéances? Elles vont allonger quand le marché se sera rétabli, que les taux d'intérêt seront plus bas et que les perspectives d'inflation seront un peu moins fortes qu'elles l'ont été. Dans l'intervalle, il va bien falloir vivre avec des échéances relativement courtes.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Compte tenu de ce volume d'emprunt qu'on peut minimiser dans le sens où le ministre l'a fait, c'est-à-dire en répartissant véritablement les endroits où on peut aller chercher des sources de fonds, etc., en tenant compte de l'inflation, jusqu'à quel point le marché canadien, en dollars canadiens, peut-il absorber, selon les projections du ministère, ce volume, même ajusté pour les facteurs que le ministre, vient de décrire? (23 h 45)

M. Parizeau: Comme je le disais tout à l'heure, les perspectives sont plutôt un peu meilleures qu'un peu moins bonnes, si on prend les quatre prochaines années et les trois dernières. D'une part, parce que pour les raisons que j'ai indiquées, relativement, ce sera moins lourd pour nous, l'ensemble des besoins financiers qu'on a à satisfaire. D'autre part, parce qu'à partir du principe du yo-yo, quand quelque chose est très haut, ça a plutôt des chances de baisser et, quand c'est très bas, ça a plutôt des chances de monter, j'imagine que, sur une certaine période de temps - ne parlons pas des deux ou trois mois qui viennent - il y a peut-être des chances que les taux d'intérêt baissent au lieu de monter, si on parle de trois ou quatre ans. Ce n'est pas un objet de grave préoccupation. Il ne faut pas oublier que le marché financier lui-même se développe considérablement. Ces montants dont nous venons de parler sont l'expression de l'inflation. La taille du marché financier augmentera au moins au même rythme que l'inflation.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Et les mêmes prêteurs sont disposés à continuer à acheter des titres du gouvernement du Québec ou d'Hydro au même rythme qu'ils l'ont fait depuis quelques années? Il n'y a pas de modification de profil du détenteur typique de grosses tranches d'émissions du Québec ou d'Hydro?

M. Parizeau: Oui, peut-être, dans un sens, si on prend tous nos emprunts ensemble. Là, je ne fais pas de catégories. Il y a clairement une diffusion des titres du Québec et d'Hydro-Québec à l'étranger beaucoup plus grande qu'avant. Cela ne veut pas nécessairement dire en monnaies étrangères; c'est en dollars canadiens ou américains, mais il y a une diffusion internationale de ces obligations qui est plus grande. En un certain sens, cela se comprend. L'expansion du marché de l'eurodollar et l'apparition de "pools" financiers très considérables en Asie ont fait qu'on voit apparaître dans certains de nos emprunts syndicataires des banques de Hong Kong ou de Singapour qu'on ne voyait jamais avant.

Il est clair que, dans cette perspective, le marché canadien, en dollars canadiens, est probablement moins important qu'il y a quinze ans où, alors, le problème était dramatique à certaines époques de savoir si Toronto restait ouvert aux obligations du Québec. On se souvient des grandes histoires de 1966, 1967, 1968, 1969. Est-ce que Toronto en prenait suffisamment ou n'en prenait pas suffisamment? On étudiait la performance de Toronto par rapport à Montréal dans l'acquisition de ces titres et c'était une considération qui dominait toutes les discussions. L'espèce de diversification qui s'est faite à la fois des portefeuilles et dans toutes les directions a beaucoup atténué les espèces d'abcès de fixation qu'on avait autrefois. Cela ne veut pas dire que Toronto n'a pas d'importance. Mais ce n'est pas cette espèce de domination complète des esprits que ça avait il y a quinze ans. Dans ce sens, il y a eu des changements graduels, petit à petit, mais qui sont quand même significatifs. Sur une longue période de temps, c'est important.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que la tendance au déplacement géographique de la distribution des titres d'Hydro et du

Québec comporte également une tendance à la modification du libellé, du numéraire de l'émission? C'est-à-dire est-ce qu'il n'y a pas une tendance observable qu'on s'éloigne du numéraire canadien pour libeller ces émissions, avec le risque, évidemment, du taux de change que cela va comporter?

M. Parizeau: Non, pas vraiment. Une année, ça peut être le cas et, l'année suivante, ça se renverse. Il n'y a pas vraiment de tendance à augmenter systématiquement les emprunts exotiques ou en monnaies étrangères. Cela se comprend dans un certain sens. D'une part, le gouvernement de Québec ne va pas normalement sur le marché de New York. Il laisse Hydro y aller. Il y a une sorte de division du travail qui s'est faite. Le gouvernement de Québec, lui, prend l'habitude - et j'essaie de rendre cela, finalement, assez systématique - de faire en monnaies étrangères des emprunts petits dans chaque marché périodiquement. C'est-à-dire qu'on n'essaye pas de recourir à un marché étranger pour un grand coup fumant au moment où on pense que le marché est extraordinaire. En fait, ça a tellement varié les conditions du marché. Dans tous les marchés financiers, on s'est tellement tous trompé sur ce qui allait arriver aux taux d'intérêt dans trois mois, aussi sur le fait, aujourd'hui, que c'est un trou magnifique dans le marché. Il y a moyen de faire un coup fumant et ça ne se répétera pas avant plusieurs mois. Tout le monde s'est trompé. D'autre part, essayer de prévoir les taux de change est devenu un processus extraordinairement aléatoire. Ce qui peut se produire entre le dollar américain, le deutsche mark, le franc français ou des choses comme cela, personne ne le sait. On a vu des mouvements absolument incroyables auprès desquels le mouvement du dollar canadien par rapport au dollar américain faisait figure de pygmée. Il y a donc un avantage considérable encore à diversifier ses emprunts dans plusieurs monnaies, des petits montants systématiquement, en se disant que finalement, la moyenne va se faire, que les compensations vont se faire à la fois entre les monnaies et entre les taux.

Une attitude comme celle-là ne se prête pas beaucoup à une sorte de déplacement massif d'emprunts en dollars canadiens et en monnaies exotiques. Quand on commence à procéder de cette façon, on se dit simplement qu'on sera présent dans chaque marché, à peu près chaque année pour des montants pas trop gros et on ira systématiquement. Cela ne déplace pas beaucoup les proportions. Maintenant, je peux donner à cet égard une idée. On verra l'ampleur du phénomène des emprunts dits exotiques. Sur 14 000 000 000 $ de dettes du gouvernement du Québec, il y en a 10 300 000 000 $ en dollars canadiens, 2 800 000 000 $ en dollars américains et après cela, quand on tombe à ces emprunts qui très souvent font la vedette parce qu'on trouve cela exotique, on tombe sur des montants beaucoup plus faibles. Le deutsche mark, c'est 488 000 000 $, le franc français 16 000 000 $, la Suisse 63 000 000 $, le Japon, 376 000 000 $, l'Angleterre, 76 000 000 $ et l'unité de compte européenne 54 000 000 $. Quand on compare cela aux 2 800 000 000 $ américains et 10 300 000 000$ en monnaie canadienne, on voit bien qu'il n'y a pas de déplacement massif.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que le ministre nous dit qu'il n'entrevoit pas non plus de déplacements significatifs de ces proportions?

M. Parizeau: Non, rien de majeur. Seulement parce que la base est tellement petite.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, quant à moi, ça termine les questions que j'entendais soulever en souhaitant tout de suite avant l'adoption, le cas échéant, programme par programme, que les engagements du ministre ou sa présentation voulant que la projection mécanique, même si elle ne pouvait pas se réaliser, reflète d'une façon quelconque la réalité de l'assainissement des finances publiques, la diminution des déficits et des besoins financiers nets du gouvernement du Québec pour le plus grand intérêt des contribuables.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que je vous demande d'adopter les programmes élément par élément ou si vous adoptez l'ensemble des éléments de chacun des programmes et tous les programmes à la fois, les six programmes?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Par programme.

Le Président (M. Desbiens): Par programme. Est-ce que le programme 1 est adopté?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Le programme 1 est adopté et ses deux éléments. Est-ce que le programme 2 est adopté?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Le

programme 2 est adopté avec ses deux éléments. Le programme 3?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Le programme 3 est adopté avec ses trois éléments. Le programme 4?

Fonds de suppléance

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, avec une question qui me vient à l'esprit. Je m'excuse. Certains des montants prévus pour la relance économique se retrouvent toujours évidemment ici. Est-ce qu'on compte surtout, à la suite du discours sur le budget, y puiser? Est-ce qu'il y a certains des postes qu'on y retrouve qui auront trait justement à certains des éléments du programme de relance que le budget du 25 mai annonçait?

M. Parizeau: Sur les 25 000 000 $, il y a deux éléments qui sont déjà affectés. C'est le programme d'aide aux entreprises manufacturières, en termes de liquidité. On calcule qu'il va coûter à peu près 15 000 000 $ et puis, d'autre part, l'aide additionnelle à la publicité touristique pour cet été qui va entrer aussi là-dedans pour un montant de 3 000 000 $, je pense. Le reste du programme va être dévoilé incessamment et, évidemment, représente un montant qui est nettement plus considérable que cela.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que le programme 4 est adopté?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Le programme 4 qui comprend quatres éléments est adopté. Est-ce que le programme 5 est adopté?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. Est-ce que le programme 6 est adopté?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Le programme 6 est adopté avec ses deux éléments. Alors, les crédits budgétaires 1982-1983 du ministère des Finances sont adoptés et je demanderais au rapporteur de faire son rapport le plus tôt possible. Je veux remercier les participants, en terminant. Donc, les crédits budgétaires du ministère des Finances et du Conseil du trésor sont adoptés et la commission des finances et des comptes publics ajourne ses travaux sine die.

M. Parizeau: II nous reste à vous remercier, M. le Président.

(Fin de la séance à 23 h 56)

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