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(Quinze heures dix-sept minutes)
Le Président (M. Desbiens): La commission élue
permanente des finances et des comptes publics est réunie pour
entreprendre et compléter l'étude des crédits
budgétaires 1982-1983 du Conseil du trésor et du ministère
des Finances.
Les membres de la commission sont: MM. Blais (Terrebonne), Bourbeau
(Laporte), de Belleval (Charlesbourg), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), French
(Westmount), Gagnon (Champlain), Grégoire (Frontenac),
Bérubé (Matane); M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplace M.
Lincoln (Nelligan); MM. Paquette (Rosemont) et Parizeau (L'Assomption).
Les intervenants sont: MM. Assad (Papineau), Fallu (Groulx), Lachance
(Bellechasse), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Lafrenière (Ungava),
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Pagé (Portneuf), Ryan
(Argenteuil) et Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
Il serait dans l'ordre de proposer un rapporteur à la
commission.
M. Blais: M. Paradis.
M. Bérubé: M. Blais pourrait certainement
rapporter, M. le Président.
M. Paradis: II va faire un rapport sérieux.
M. Blais: Oui, oui.
M. Paradis: Je vous remercie de l'honneur que vous me faites,
mais vous allez avoir droit à vos deux minutes pour présenter le
rapport.
M. Blais: Vous soignez votre image à la
télévision. Vu que vous êtes
télégénique, je vous avais suggéré.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! M.Blais est donc le rapporteur de la commission, de consentement.
M. Paradis: Est-ce qu'on pourrait avoir son curriculum?
M. Blais: Accepté...
M. Paradis: ... sur division.
Le Président (M. Desbiens): On a un programme à
étudier au Conseil du trésor et on va l'étudier
globalement, j'imagine. M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques
préliminaires?
Conseil du trésor Exposés
généraux M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, il est bien
certain qu'en cette période de ralentissement économique que nous
connaissons qui, forcément, a des retombées sur les finances
publiques tant par une diminution des revenus associée, en fait,
à la baisse générale des revenus de nos compatriotes, tant
également par l'augmentation des dépenses inévitables en
ce sens que le rôle primordial de l'État, finalement est de
permettre la redistribution des richesses. Par ces programmes de transfert le
gouvernement permet, finalement, à la société de traverser
une crise - je ne dis pas sans douleur, ce serait faux parce que nos
concitoyens aux prises avec la crise présentement la vivent très
durement dans leur vie quotidienne. Ce n'est pas parce qu'il existe des
programmes gouvernementaux d'aide sociale ou d'assistance-maladie ou autres qui
font que l'on peut traverser une période aussi difficile d'une
façon plus humaine, plus digne que ce qu'on a pu connaître au
moment de la grande dépression. Il reste que cette crise touche nos
concitoyens très durement.
Pour arriver à humaniser la vie de nos concitoyens aux prises
avec une telle crise, il s'ensuit que les programmes gouvernementaux de
transfert d'aide à nos compatriotes voient leur coût augmenter
très rapidement; je pense à l'aide sociale, je pense aux
prêts et bourses puisqu'un grand nombre de jeunes
préfèrent, sans doute, - et c'est normal - rester aux
études pour améliorer leurs chances de se trouver un emploi. La
conséquence, évidemment, de ce recours aux programmes
gouvernementaux qui sont ouverts est d'augmenter les dépenses
très substantielles de l'État au moment où ses revenus
baissent. C'est quasiment la quadrature du cercle puisqu'il est toujours un peu
gênant de voir ses dépenses croître au moment où les
revenus diminuent, et, forcément, le Conseil du trésor prend,
à ce moment-là, un rôle peut-être plus grand
qu'il
pourrait le prendre normalement dans la mesure où il s'agit, non
pas de gérer la décroissance, mais de tenter par tous les moyens
de gérer de façon plus efficace l'appareil de l'État, voir
dans quelle mesure on ne peut pas fournir des services avec moins de personnel
par exemple, voir dans quelle mesure on ne peut pas faire plus de travaux en
régie avec le personnel disponible, évaluer la pertinence d'un
certain nombre de programmes et voir comment on peut les resserrer tout en leur
permettant d'atteindre les objectifs. C'est une opération qui est
politiquement de première importance et qui met forcément en
valeur le rôle du Conseil du trésor qui, normalement, est un
organisme plus effacé de l'État.
C'est d'ailleurs ce qui amène le Conseil du trésor, d'une
part, - je ne dirais pas de changer son orientation puisque c'est une
orientation qu'il a toujours eue, - à mettre l'accent à des
endroits un peu différents, en ce sens que de plus en plus les
ministères dépensent dans le cadre de programmation
approuvée par le Conseil du trésor et dans le cadre de normes qui
font que l'administration des ministères est de plus en plus autonome,
ils n'ont pas à revenir au Conseil du trésor pour faire approuver
tel ou tel engagement, sauf dans les cas qui sont hors normes ou pour faire
approuver la programmation globale. Il s'ensuit que cet accroissement de
l'autonomie des ministères permet au Conseil du trésor de
réorienter un peu son action et de faire porter plus d'attention au
niveau de l'évaluation, au niveau des politiques administratives pour
voir dans quelle mesure en regardant un peu globalement l'administration de
l'État on ne peut pas arriver à en améliorer le
fonctionnement et en réduire les coûts. C'est donc un changement
auquel on assiste au niveau du Conseil du trésor depuis quelques
années qui fait du Conseil du trésor un organisme
d'évaluation de programmes et qui tend à conférer de plus
en plus d'autonomie dans la gestion courante des ministères.
C'est le changement important auquel on assiste qui amène
évidemment, au niveau des budgets, certaines modifications dans la
façon de dépenser. Je tenais comme remarque préliminaire
à indiquer cette évolution de l'action du Conseil du
trésor et je pense que dans la mesure où nous devons examiner
maintenant les crédits et que l'Opposition voudra faire porter son
attention sur un point plutôt que sur l'autre, je pense qu'il serait plus
approprié pour moi de terminer là mes propos et de
procéder davantage par des réponses aux questions que
l'Opposition voudra bien nous adresser ainsi que répondre aux questions
que le député de Terrebonne, par exemple, toujours fort à
propos, adresse au président du Conseil du trésor
régulièrement à la commission des engagements financiers.
C'est toujours rafraîchissant d'entendre le député de
Terrebonne intervenir dans les travaux de notre commission, avec beaucoup
d'humour, mais cet humour cache un sérieux et cache une analyse profonde
des dossiers, ce qui fait en sorte que c'est rafraîchissant à la
fois d'avoir du contenu et de l'humour, alors que, du côté de
l'Opposition, on attend et le contenu et l'humour. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vous remercie infiniment, M.
le Président. Je tiendrais d'abord à féliciter le ministre
de sa nomination, je n'avais pas eu l'occasion de le faire, c'est la
première occasion que nous avons tous deux de nous retrouver autour de
la même table depuis que le Conseil du trésor est occupé
à temps plein par un membre du gouvernement. On voit qu'il y a place et
pour l'humour et pour le contenu.
Je dirai au début qu'évidemment, ce n'est pas un gros
ministère, on le voit dans le livre des crédits, mais, dans la
conjoncture que le ministre a voulu décrire, il est évident que
son importance dépasse largement le montant des crédits qui est
affecté à son fonctionnement, d'autant plus qu'au moment
où on se rencontre, le président du Conseil du trésor se
retrouve au centre du débat sur les finances publiques. J'ai souvenance
d'avoir entendu le ministre lors du colloque à l'École des hautes
études commerciales, il y a plusieurs mois, alors qu'il décrivait
certains des éléments des finances publiques et qu'il avait
à l'époque déjà jeté les bases de la
stratégie du gouvernement dans la mesure où il en avait
profité pour décrire les éléments à
l'intérieur des postes de dépenses du gouvernement qui
étaient compressibles et ceux qui ne l'étaient pas. Ceux qui
étaient compressibles, à toutes fins utiles, l'étaient -
on le comprend aujourd'hui - parce que le gouvernement est disposé
à ne pas respecter la signature qu'il a apposée lui-même en
1979-1980 lors des négociations avec ses employés.
Dans ce sens, le président du Conseil du trésor est devenu
un présentateur absolument privilégié des résultats
du désastre financier auquel on assiste actuellement - je m'excuse de
l'interruption, qui n'émanait pas de ce côté-ci. Il occupe
un siège à l'avant, au milieu, dans le débat public sur un
redressement souhaité des finances publiques. Dans ce sens, on se serait
attendu, à travers toutes les démonstrations ou tous les discours
du président du Conseil du trésor, d'être à
même de constater qu'il y avait une chose qui s'appelait une politique de
rémunération, une politique salariale au gouvernement. On aurait
pu constater que le
Conseil du trésor était depuis un certain temps
équipé des instruments de mesure qui lui permettraient dans son
discours d'étayer certains des éléments qu'il jette
pêle-mêle sur la place publique. J'ai eu l'occasion, dans
différents débats devant les médias électroniques
surtout, de rencontrer certains des collègues du président du
Conseil du trésor qui ont jeté en vrac, pêle-mêle sur
la place publique de nouveaux éléments qui, d'habitude, font
partie de la négociation normale avec les employés de
l'État.
Je peux comprendre en lisant le cahier explicatif que le
ministère nous a soumis, que l'héritage était très
lourd à porter. C'est ainsi que la direction générale des
politiques administratives du ministère, je cite, "a déjà
démontré la vétusté du système
d'évaluation des emplois supérieurs dont elle a
hérité avec la responsabilité de l'appliquer". Je ne
trouve pas tellement étonnant finalement qu'on soit devant une situation
comme celle-là, dans la mesure où le rôle maintenant
occupé par le titulaire du ministère l'était à
temps beaucoup trop partiel, dans la conjoncture qui se dessinait, par son
collègue qui est maintenant exclusivement chargé de
l'administration - c'est un gros mot - des finances publiques au Québec.
Donc, nous aurons l'occasion, par certaines de nos questions, de demander des
détails additionnels au ministre sur l'implantation des nouveaux
systèmes dont il nous donne une certaine description bien sommaire dans
le cahier explicatif. (15 h 30)
On essaie de voir, à travers l'implantation de ces nouvelles
mesures, ces nouveaux systèmes, comment le Conseil du trésor
exerce son leadership à l'endroit des autres ministères. Le
ministre nous répète constamment que la gestion des ressources
dans chaque ministère est de plus en plus autonome. Quelle est la
véritable nature du travail auquel se livre maintenant le Conseil du
trésor? N'y a-t-il pas justement là, si on parle d'autonomie
à l'intérieur de chaque ministère, compte tenu des
objectifs qui sont différents d'un ministère à l'autre,
etc., des gestionnaires de ressources humaines qui ont eux aussi
implanté certains systèmes de mesure de l'efficacité de
leurs ressources humaines? Auquel cas, ce dont le président du Conseil
du trésor nous entretient, est-ce que cela ferait partie d'un
"chapeautage" des efforts qu'on trouve dans les ministères? Est-ce que
c'est simplement à l'état de projet pilote, afin de se doter d'un
bagage d'expériences dont pourraient bénéficier plus tard
les autres ministères? Est-ce qu'on est en train de faire double emploi?
Est-ce qu'il y a eu inventaire de ce qu'on retrouve dans les autres
ministères au point de vue de la gestion des ressources humaines? Ce
sont là autant de questions, à mon sens, qui appelleraient
quelques explications dans une perspective à moyen terme, parce que, si
je comprends bien, on commence à peine à se doter au
ministère... Il y a un tas de projets qui sont en marche et qui seront
en marche à l'automne qui vient. Il n'y a donc encore rien en place.
Est-on en train de voir un véritable effort de redressement dans la
gestion des fonds publics?
Le deuxième aspect - le ministre est très certainement
familier avec celui-là, étant donné qu'il a le plaisir de
rencontrer mon collègue de Brome-Missisquoi tous les mois - sur la
gestion des fonds publics...
M. Bérubé: Le plaisir, c'est un bien gros mot,
enfin!
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le privilège.
M. Paradis: Le plaisir va même jusqu'à se manifester
par des visites fréquentes du président du Conseil du
trésor dans mon comté.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vois que ces deux
députés ne peuvent pas se passer l'un de l'autre. D'une
façon ou d'une autre, ce que je retiens dans le cahier des
crédits, ce qui m'a frappé en tout cas, de même que mon
collègue de Brome-Missisquoi, c'est la longue énumération
des mandats sectoriels spécifiques, à l'élément 2,
il me semble, qui ont trait aux approvisionnements et services.
C'est-à-dire qu'on compte, pendant l'année 1982-1983, se livrer
à une révision de la réglementation relative aux
honoraires autorisés pour les contrats de services, à
l'engagement et aux honoraires des avocats et notaires dont les services sont
retenus par contrat, à l'engagement du personnel contractuel, à
l'octroi des contrats de construction, à l'aliénation des biens
immeubles publics excédentaires, de même qu'à l'analyse des
demandes d'autorisation des ministères et organismes en matière
contractuelle. On rencontre là un des éléments
extrêmement importants du fonctionnement de l'appareil de l'État.
C'est, entre autres, de façon un peu plus insistante - le ministre aura
l'occasion de le constater dans quelques instants - que nous passerons un peu
de temps sur cela à cette commission parlementaire.
Par ailleurs, j'aimerais évoquer en terminant quelques autres
questions que nous serions susceptibles de soulever, simplement à titre
d'avis au ministre, afin qu'il se prépare en conséquence, le cas
échéant, si nous avions le temps quant à la nature plus
précisément des programmes pilotes, que j'ai
évoqués, sur le système HAY pour l'évaluation des
emplois supérieurs et le système d'évaluation AIKEN, pour
les emplois du secteur public. J'ai déjà évoqué -
ce sera à titre de question - le rôle central, dans
toute la problématique de la rémunération dans le
secteur public, que doit jouer le président du Conseil du trésor.
Des questions spécifiques qui nous viennent à l'esprit à
ce moment-ci sont à savoir comment fonctionnera véritablement
l'équipe gouvernementale de négociation avec le front commun,
CSN, FTQ, Fédération des affaires sociales, et tout le monde.
Cela me fait penser d'ailleurs qu'il serait peut-être utile de savoir
quel sera le partage des coûts cette fois-ci entre les divers
intervenants, les divers acteurs et agents de cette vaste opération. On
peut également se demander comment on peut prétendre assister
à un déroulement normal du cycle budgétaire dans la mesure
où il nous apparaît que la politique salariale du gouvernement
à moyen terme est totalement inexistante ou à tout le moins n'a
pas été encore jetée dans le débat public.
C'est sur l'évocation de ces questions à venir que je
terminerai mes remarques, en passant - à moins que le ministre n'ait
déjà des commentaires à formuler - autrement la parole,
avec la permission de la présidence, à mon collègue de
Brome-Missisquoi qui s'attachera plus spécifiquement au deuxième
élément que j'ai mentionné, c'est-à-dire les
différents mandats spéciaux sur révision des
réglementations relatives à l'octroi des contrats par le
gouvernement.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, est-ce que
vous avez l'intention d'en prendre une partie immédiatement?
M. Bérubé: M. le Président, si je devais
relever les multiples pointes acérées du
député...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): De
Vaudreuil-Soulanges.
M. Bérubé: ... de Vaudreuil-Soulanges -je m'excuse,
on mélange toujours les deux; on a toujours ce problème - j'en
aurais pour trois heures et, si je ne m'abuse, il y a un temps illimité
de parole, mais évidemment je pourrais me permettre trois heures. Je
dois dire au député de Vaudreuil-Soulanges que j'ai
déjà eu, à deux reprises, sur l'amiante, à
traverser des "filibusters". Au début, j'étais toujours surpris,
étonné même, et je m'émerveillais devant la
capacité de mes collègues de l'Opposition à pouvoir parler
pendant des heures et des heures à ne rien dire. Après
avoir traversé un "filibuster", j'ai fini par découvrir que
justement cette plus grande menace qui planait au-dessus des parlementaires
après un certain nombre d'années, c'est qu'ils pouvaient parler
longtemps, longtemps, longtemps sans rien dire. Je ne ferai pas de commentaire
quant à l'intervention que vient juste de faire le député
de Vaudreuil-Soulanges. Comme c'est un jeune parlementaire, on ne peut pas l'en
accuser encore mais il apprend très vite. Je dois dire qu'il n'aura en
fait qu'à séjourner encore quelques semaines, sans doute au
rythme où je dois dire qu'il apprend rapidement son métier, de
telle sorte qu'il pourra effectivement d'ici peu arriver à parler
pendant des heures sans finalement contribuer beaucoup.
Je ne relèverai que trois choses qui sont carrément
erronées et c'est pour cela qu'il faut tout de même que je les
relève. Le reste étant des questions, je me contenterai
d'attendre la question plus précise pour y répondre.
D'une part, le gouvernement n'est pas disposé à respecter
sa signature dans le cas des conventions collectives. Je pense, non seulement
je pense mais ceci est de fait complètement erroné. Les
conventions collectives que le gouvernement a signées se terminent le 31
décembre 1982. Après le 31 décembre 1982, il n'y a plus de
convention collective. Pour combler le vide juridique, le Code du travail
prévoit l'extension des conventions en cours jusqu'au renouvellement de
celles-ci. Évidemment, le gouvernement peut légiférer de
nouvelles conventions collectives, comme cela s'est fait dans le passé.
Je pourrais citer un grand nombre de lois adoptées par l'ancien
gouvernement libéral décrétant des conventions collectives
qui ont remplacé des conventions collectives précédentes
et qui ne représentaient pas une violation de signature, qui
représentaient cependant évidemment, relativement au processus
habituel de négociations, une intervention du pouvoir législatif,
intervention qui peut se justifier en période de crise. Lorsque nos
concitoyens sont aux prises, par exemple, avec des pannes
d'électricité à la suite de grèves et que
l'Opposition et le gouvernement estiment important d'intervenir et d'adopter
une loi décrétant des conditions de travail de manière
à permettre de rétablir les services d'électricité
à nos concitoyens, et cela a été le cas lorsque
l'Opposition a voté avec le gouvernement cette loi particulière,
personne de l'Opposition n'a dit: Nous violons la signature qui nous aurait
forcés normalement à prolonger les conventions existantes, quitte
à ce que les gens gèlent l'hiver. Au contraire, l'Opposition a
jugé qu'une crise de nature telle qu'elle pénalisait nos
concitoyens justifiait le Parlement de décréter des conditions de
travail et l'Opposition libérale de l'époque, de concert avec le
gouvernement, a donc imposé de nouvelles conditions de travail. La crise
économique est là, elle est même d'ailleurs
soulignée à de nombreuses reprises par le député de
Vaudreuil-Soulanges qui se plaît à rappeler les taux
d'intérêt élevés, les taux de chômage
élevés et je dois évidemment lui rappeler
qu'effectivement, c'est une des plus
graves crises que traverse l'Occident dans le domaine économique,
de longue date, qui amène l'ensemble des gouvernements à
intervenir. À titre d'exemple, le gouvernement de la Belgique qui a une
loi qui introduit l'indexation automatique des salaires au coût de la vie
a décidé d'amender cette loi et de ne plus indexer les salaires,
en décidant cependant de protéger les plus bas salariés,
en introduisant une indexation partielle dans ces cas. Et, par
conséquent, on se rend bien compte que l'ensemble des pays occidentaux
doivent traverser la crise et prendre un certain nombre de moyens. Dans une
situation de crise, un gouvernement peut être amené à
décréter des conditions aux travailleurs, comme l'Opposition le
reconnaît elle-même puisque, à de nombreuses reprises,
lorsqu'elle était au pouvoir, elle a dû le faire. Je ne
prétends pas qu'elle l'a toujours fait judicieusement, mais je pense
qu'elle a jugé à un moment donné que la situation
était telle qu'elle devait, du fait qu'elle était à
l'époque au gouvernement et donc responsable de l'intérêt
public, imposer cela et elle a donc jugé bon de le faire à ce
moment.
De la même façon, l'Opposition a même accepté
avec un sens des responsabilités aigus de voter avec le gouvernement
dans des situations particulières, en imposant des conditions de
travail, en même temps en le faisant au nom de l'intérêt
public. Et je pense que l'Opposition va à nouveau reconnaître
qu'en temps de crise, lorsque beaucoup de nos concitoyens vivent des situations
difficiles, à ce moment, elle se doit de mettre de côté des
attitudes partisanes et de travailler dans l'intérêt de l'ensemble
de nos concitoyens. À cet égard, j'attends beaucoup de la
collaboration de l'Opposition sur cette question. Quant à la politique
salariale, évidemment, rappelons qu'une politique salariale se
dépose à une table des négociations. Elle ne se
débat pas publiquement et je n'ai pas l'intention, à cette
commission, d'élaborer sur la politique salariale qu'entend suivre le
gouvernement. Lorsque nous en aurons saisi nos partenaires, à ce moment,
il me fera plaisir de répondre à toutes les questions de
l'Opposition. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, pour en revenir à des
points plus précis, parce que le président du Conseil du
trésor ne semble pas apprécier les "filibusters" et il faisait
référence, entre autres, à celui que le Parti
libéral avait fait dans le cas de la Société nationale de
l'amiante. C'est un peu d'actualité et c'est pour cela que je me permets
un commentaire. Peut-être que si on avait écouté ce qui
s'est dit à ce "filibuster", on n'aurait pas appris ce matin que la
société Asbestos avait un déficit de 1 372 000 $. Mais,
comme ce n'est pas là l'objet de notre commission, je reviendrai
immédiatement au sujet à l'ordre du jour.
Dans un premier temps, on apprend à la lecture des
crédits, M. le président du Conseil du trésor, que les
crédits budgétaires de l'exercice financier 1982-1983 du
ministère dont vous êtes responsable ont augmenté de 2 405
500 $, soit 33,04% par rapport à ceux de 1981-1982. Est-ce que c'est
l'exemple que vous donnez aux autres ministères?
M. Bérubé: Oui. Je pense que le Conseil du
trésor fait preuve d'une gestion très serrée et que
chacune de ses dépenses peut facilement être justifiée.
Donc, dans la mesure où tous les ministères pourront justifier
avec autant d'à-propos leurs dépenses, ils n'auront pas de
problèmes.
M. Paradis: Est-ce que, à titre d'exemple, vous pouvez
nommer le ministère qui est le plus près du vôtre en termes
d'augmentation? (15 h 45)
M. Bérubé: Cela n'a aucune espèce
d'importance. D'ailleurs, là-dessus, le député de
Vaudreuil-Soulanges a fait preuve, tout à l'heure, dans son intervention
d'un sens de la mesure qui ne m'étonne pas parce qu'il a quand
même une plus longue expérience de la vie et il sait très
bien que sur un petit budget comme il l'a souligné tout à l'heure
-le Conseil du trésor a un tout petit budget -les moindres
variations...
M. Paradis: Sont importantes.
M. Bérubé: ... d'un montant brut se traduisent par
des pourcentages élevés et, évidemment, le
député de Vaudreuil-Soulanges a au moins appris une chose: c'est
à calculer des pourcentages, ce que le député de
Brome-Missisquoi ne sait toujours pas. Mais, enfin, je peux vous expliquer
comment cela se fait.
M. Paradis: C'est parce que je me fie strictement à ceux
qu'imprime le ministre dans son cahier.
Donc, si on en revient aux questions précises, vous avez dans le
paragraphe explicatif qui suit, M. le Président du Conseil du
trésor, la note suivante. Vous nous dites que cette...
M. Bérubé: Vous parlez de quelle page
présentement.
M. Paradis: Vous avez oublié de paginer, sans doute par
souci d'économie.
M. Bérubé: Sans doute.
M. Johnson: Pas d'économie de temps.
M. Bérubé: Voilà.
M. Paradis: Vous mentionnez que cette augmentation est
occasionnée par la croissance des traitements, soit 1 525 300 $ incluant
la masse salariale du personnel de cabinet...
M. Bérubé: Oui.
M. Paradis: ... pour un montant de 456 200 $, lequel a
été créé au mois de mai 1982. Est-ce que cela
inclut...
M. Bérubé: Lire 1981. M. Paradis: Pardon?
M. Bérubé: Lire 1981.
M. Paradis: D'accord. Si on lit 1981, cela veut dire qu'au niveau
de votre personnel de cabinet comme tel, vous avez des augmentations de
salaires de 456 200 $?
M. Bérubé: Non. Comme il n'y avait pas de ministre
responsable du Conseil du trésor, il n'y avait donc pas de cabinet
ministériel.
M. Paradis: Cela fait partie de l'ensemble des salaires et il n'y
a aucune augmentation au niveau du personnel du cabinet du Conseil du
trésor qui est contenu dans ce chiffre.
M. Bérubé: Exactement.
M. Paradis: Et par la création de la Direction de la
planification au mois d'octobre 1981, 289 200 $, est-ce que c'est la même
situation?
M. Bérubé: Oui.
M. Paradis: Cela veut dire qu'avant votre arrivée, il n'y
avait pas de Direction de la planification?
M. Bérubé: Exact, en ce sens que le Conseil du
trésor, même s'il était un organisme autonome du
gouvernement, relevait du ministre des Finances directement. Nous n'en avons
pas fait un ministère et je n'ai pas l'intention, non plus, de pousser
pour en faire un ministère proprement autonome, mais il jouit quand
même d'une très grande autonomie sur le plan administratif.
Or, il se produit que la préparation du budget devient une
opération de plus en plus complexe qui doit souvent reposer sur un
certain nombre d'hommes dont il faut louer la très grande mémoire
et la capacité à se retrouver dans un dédale de
dépenses de 23 000 000 000 $ qui leur permettent de mettre en forme, de
structurer une présentation budgétaire. Mais en même temps,
je pense que c'est beaucoup taxer ceux qui sont responsables de la
préparation du budget, et il nous apparaissait approprié de
pouvoir informatiser la préparation budgétaire, à la fois
pour faire en sorte que lorsque que, par exemple - et cela existe
déjà en ce moment au Conseil du trésor, mais je donne un
exemple d'application - on négocie en cours de convention collective, il
peut arriver que l'on veuille évaluer ce que coûterait, par
exemple, une demande syndicale et, évidemment, il est toujours possible
à la main à partir de statistiques...
M. Paradis: Une petite calculatrice.
M. Bérubé: ... de bien vouloir calculer, de
"pitonner" comme on dit en langage de comptables, mais il demeure qu'il
était également important de pouvoir informatiser une simulation
du comportement de la masse salariale à partir d'un certain nombre de
paramètres.
Donc, notre intention est éventuellement d'en arriver à
informatiser l'ensemble de la préparation du budget gouvernemental de
telle sorte que l'on puisse très rapidement, à partir de la
conjoncture économique, simuler quelle serait l'augmentation de la
clientèle à l'aide sociale et, donc, en prévoir les
coûts et les ajustements à y apporter en cours d'année.
L'importance d'en arriver à informatiser l'ensemble de la
préparation du budget, plutôt que de garder la
préparation... D'ailleurs, ce sera inévitable qu'on continuera
à garder, au niveau de chaque direction administrative, le travail de
préparation du budget et de négociation au niveau de chaque
article. L'ensemble des paramètres du budget doit consolider
éventuellement dans le calcul final et la présentation finale.
C'est ce genre d'opération que nous voulons effectuer. La raison pour
laquelle nous avons donc cette nouvelle direction de la planification, c'est
essentiellement afin de mettre sur pied l'instrument informatique qui nous
permettra d'informatiser la préparation du budget.
M. Paradis: Donc, avant que vous mettiez ce service sur pied,
vous convenez qu'il existait, du moins du point de vue technique, une lacune
importante. C'est pour cela que vous avez décidé d'y investir
cette année la somme qui est quand même importante dans le
contexte actuel, au niveau du budget du ministère qui, vous l'avez dit,
était quand même assez restreint, de 289 200 $. Est-ce que vous
pensez que
l'absence de telles données peut avoir fait en sorte qu'à
l'occasion des dernières négociations de conventions collectives
il ait pu y avoir des disproportions ou des dépassements?
M. Bérubé: Non, pas vraiment. Malheureusement, je
pensais avoir un document avec moi, mais je m'aperçois que je ne l'ai
pas.
M. Paradis: Allez-y de mémoire, on va vous croire.
M. Bérubé: Si vous abordez la question des
négocations... c'est le document? Ah! C'est fantastique.
M. Paradis: Le député de Vaudreuil-Soulanges me
soufflait à l'oreille: C'est quand il a un texte écrit qu'on n'y
croit pas, cela a l'air trop préparé.
M. Bérubé: Non, je pourrais vous le donner
verbalement. En pratique, il y a peut-être un programme qui a
coûté plus cher, si je ne m'abuse, que ce qui avait
été anticipé: les congés de maternité
où la fécondité des femmes travaillant dans le secteur
public...
M. Paradis: Est-ce que les congés de paternité sont
également inclus? C'est parce que je ne voudrais pas que vous soyez pris
à faire du sexisme devant cette commission.
M. Bérubé: Non, il s'agit des congés de
maternité, à ma connaissance. Donc, dans le cas des congés
de maternité, les projections avaient été faites sur la
base de taux de fécondité standardisés. Il s'est
avéré - c'est quelque chose que même un ordinateur ne
pourrait sans doute pas prévoir - qu'une telle politique a
peut-être eu des propriétés natalistes supérieures
à ce qui avait été anticipé; par conséquent,
il y a eu une augmentation des coûts au niveau de ce qu'on pourrait
appeler les droits parentaux. Ces avantages pourraient représenter ou
coûter simplement... Je vais vous faire le petit calcul rapidement. Cela
me fait plaisir, d'ailleurs; je vous le fais absolument gratuitement.
D'ailleurs, c'est l'utilisation continue d'une calculatrice de ma part qui a
amené les membres du Conseil du trésor à vouloir se doter
également d'un ordinateur.
M. Paradis: Est-ce que la courbe d'augmentation de
fécondité est parallèle à celle de l'augmentation
du déficit du gouvernement?
M. Bérubé: Non, il n'y a absolument aucun lien de
cause à effet, mais je dois vous avouer que si, effectivement, les
politiques gouvernementales, pour encourager nos familles au Québec qui
doivent affronter une crise économique extrêmement difficile et
des augmentations importantes des coûts, ont comme conséquence de
venir en aide à nos familles qui, à ce moment-là, verront
l'avenir avec plus d'optimisme et, par conséquent, n'hésiteront
pas également à élever des familles nombreuses, tant
mieux. Si, de fait, un certain nombre de nos politiques ont connu beaucoup de
succès, je pense qu'il faut en louanger le gouvernement plutôt que
s'en moquer. Évidemment, le député de
Brome-Missisquoi...
M. Paradis: On va continuer.
M. Bérubé: Si vous me le permettez, je vais vous
répondre rapidement.
M. Paradis: Vous calculez lentement, mais vous répondez
rapidement.
M. Bérubé: Cela ne fait même pas 0,005%. Le
pourcentage est tellement faible sur l'impact de l'ensemble du coût des
conventions collectives que ma calculatrice n'arrive même pas à le
calculer.
M. Paradis: Que votre réponse n'est pas bonne.
M. Bérubé: L'erreur est donc assez faible. Par
conséquent, je pense que ce qu'il faut surtout souligner lors des
dernières rondes de négociations, c'est ceci: Nous devons
constater - ce n'est pas un reproche que je fais au gouvernement qui nous a
précédés; je pense que ce gouvernement a été
à l'image des gouvernements antérieurs -que dans le secteur
public la rémunération, dans les années 1940-1945,
laissait énormément à désirer. Il s'ensuivit, au
cours des années soixante, un rattrapage inévitable et
graduellement on peut dire que, sur cette lancée, les employés du
secteur public ont pu même acquérir une certaine avance par
rapport au secteur privé. Par la convention de 1975 à 1979, le
député de Brome-Missisquoi sera intéressé de savoir
que les augmentations de salaires consenties par l'administration
libérale ont été de 4% supérieures à
l'inflation, année pour année. Année sur année, les
augmentations consenties ont été de 4% supérieures
à l'inflation. Ce qui a, évidemment...
M. Paradis: Et la croissance économique?
M. Bérubé: ... ce qui a amené à ce
moment-là une avance des employés du secteur public par rapport
au secteur privé de près de - ce doit être 0,7% par
année...
M. Paradis: C'est ce que vous avez dénoncé comme
étant un scandale à l'époque.
M. Bérubé: Par conséquent, on a
amplifié cet écart avec le secteur privé. Je dois dire
que, de toute façon, à la décharge du gouvernement
antérieur, lorsque nous avons, en 1979, pris en main la première
ronde de négociations, le secteur public était de 16% en avance
sur le secteur privé, indéniablement. Je ne dis pas que le
gouvernement, dans sa négociation de 1975, était responsable de
l'ensemble de l'écart, non, mais peut-être 3%, 4% ou 5% de plus.
Mais ces 3%, 4% ou 5% de plus s'ajoutaient à ce qui avait
été consenti en 1972 et antérieurement, ce qui fait qu'en
pratique il y avait une lancée qu'il fallait enrayer. Or, la
dernière ronde de négocations, en 1979, a amené ce que
j'appellerais une stabilisation en ce sens que l'accroissement des salaires n'a
été que de 0,4% par année supérieur à
l'indice des prix. Donc, nous avons véritablement enrayé cet
accroissement de l'écart entre le secteur public et le secteur
privé, chose qui n'avait pas été faite par les
gouvernements antérieurs. De fait, si l'on avait simplement reconduit
les paramètres de la convention collective négociée
à l'époque du gouvernement libéral de M. Bourassa, il en
aurait coûté 2 300 000 000 $ de plus au gouvernement.
Indéniablement, je pense que le gouvernement a fait, à
l'époque, un effort réel, de concert avec les syndicats, pour ne
pas permettre à l'écart de s'accentuer.
Il serait intéressant de rappeler au député de
Brome-Missisquoi que, par exemple, le rapport
maître-élèves, qui était de 1 pour 21, est
passé à 1 pour 16 par la convention de 1975. En d'autres termes,
cette négociation s'est traduite par une augmentation très
significative de l'effectif dans le réseau de l'éducation. L'une
des bonnes raisons pour lesquelles, aujourd'hui, il peut en coûter
jusqu'à 300 $ de plus pour éduquer un jeune, c'est
essentiellement relié à un certain nombre de politiques
désastreuses. Je ne dirais pas uniquement de l'administration
libérale antérieure, mais je pense que l'administration
libérale a été la principale cause de cet accroissement
des coûts. Si le député de Brome-Missisquoi veut faire les
gorges chaudes sur les dernières rondes de négociations, je pense
qu'il devrait, pour être véritablement équitable, parler de
la catastrophe de l'administration libérale précédente et,
par rapport à cette catastrophe, il serait obligé de constater
qu'au contraire les dernières rondes de négociations ont
amené une stabilisation de l'écart entre le secteur privé
et le secteur public, au lieu d'un accroissement continuel. Elles ont
également amené une stabilisation de la croissance des effectifs.
Peut-être que le député de Brome-Missisquoi voudrait que
l'on discute de l'augmentation annuelle des effectifs sous l'administration
libérale et de comparer avec ce qui s'est fait depuis que nous sommes
là et, à ce moment-là, il aurait honte. Je ne voudrais pas
d'ailleurs qu'il prenne cette couleur rouge qui le caractérise si bien
et, par conséquent, je changerais de sujet, si j'étais à
sa place.
M. Paradis: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Nous sommes habitués, dans l'Opposition, un
peu comme la population du Québec s'y habitue, à avoir les
réponses d'un gouvernement qui dit qu'il n'est pas responsable des
conventions qu'il a signées en 1979. C'est un gouvernement qui met le
blâme, même si cela fait six ans qu'ils sont en poste, sur les
libéraux de 1970 à 1976, un gouvernement qui met le blâme
sur le fédéral, un gouvernement qui met le blâme sur M.
Reagan aux États-Unis, un gouvernement qui met le blâme sur la
Communauté économique européenne, un gouvernement qui met
le blâme présentement sur les syndiqués de la fonction
publique et parapublique, un gouvernement qui, finalement, n'est responsable de
rien de ce qui s'est passé dans les six dernières années.
Le seul mot est toujours le même, le président du Conseil du
trésor, à l'exemple de ses collègues du parti
ministériel s'arrête juste avant de dire: On est
complètement irresponsable. (16 heures)
Pour continuer dans le même chapitre, on va s'apercevoir qu'au
niveau du personnel du cabinet, on l'a vu, les crédits sont de 456 200
$; la création de la direction de planification, au mois d'octobre 1981,
c'est 289 900 $; les dépenses afférentes à la
négociation des conventions collectives de travail, 435 000 $;
l'ajustement des autres dépenses de fonctionnement, 145 200 $; la mise
en place d'un nouveau mode d'évaluation des emplois supérieurs et
d'évaluation des processus gouvernementaux, 300 000 $. On
s'aperçoit que c'est tout du nouveau, ce sont des choses qu'on ajoute.
On vient de se réveiller en pleine crise économique avec une
convention qu'on a signée en 1979 et de laquelle on dit: II y a eu des
écarts parce qu'on n'avait pas tous les instruments, on vient de se
doter des instruments; on se réveille en pleine catastrophe, et
là on dit, parce que la catastrophe est là, qu'on va prendre des
mesures.
Mais est-ce que le président du Conseil du trésor a
déjà considéré que gouverner, c'est prévoir,
ce n'est pas mettre le blâme sur les autres; gouverner, c'est
prévoir et c'est administrer sainement les finances publiques du
Québec? Si ces intruments étaient d'une utilité
quelconque, si on avait eu un gouvernement, et là je ne peux pas vous
donner le blâme comme tel, M. le
président du Conseil du trésor, parce que ce n'est pas
vous qui occupiez cette fonction en 1979, j'aimerais strictement que vous
transmettiez à votre collègue, le ministre des Finances, avec qui
vous entretenez des liens très étroits et une amitié qui
est connue de la population québécoise, que vous lui
transmettiez, dis-je, bien amicalement, et peut-être que, sous le couvert
de l'amitié privilégiée qui vous unit tous les deux, le
message de l'Opposition libérale qui vous dit qu'il y a quelqu'un qui a
négligé des choses quelque part et parce que vous agissez en
catastrophe, parce que vous n'avez pas su gouverner comme gouvernement, et
là ça ne s'adresse pas à vous, parce que je ne vous fais
pas d'attaque personnelle là-dessus M. le président du Conseil du
trésor, aujourd'hui ceux qui sont pincés à se faire voler,
comme ç'a été mentionné en Chambre ce matin, du
salaire qui avait été signé et garanti par la signature du
gouvernement du Québec, ce sont les employés de la fonction
publique et du secteur parapublic.
Maintenant, il semble que vous amorcez une ronde de négociations
muni des outils dont vous nous parlez, des outils d'analyse. On aimerait savoir
du président du Conseil du trésor si l'utilisation de ces outils
d'analyse vous a permis de compléter toutes les données, tous les
dossiers techniques dont vous avez besoin avant d'entreprendre lesdites
négociations.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, d'abord dans la
mesure où le député de Brome-Missisquoi n'a pas de
question précise portant sur le contenu et que...
M. Paradis: Elle était précise, je peux la
répéter, M. le président du Conseil du trésor, je
sais que vous étiez en train de discuter avec votre adjoint, qui semble
aller chercher des documents, parce que vous auriez peut-être compris une
question que vous aimeriez bien que je répète, si vous avez
effectué la création de la direction de planification, si vous
avez des dépenses afférantes à la négociation de
conventions collectives de travail, aux ajustements des autres dépenses
de fonctionnement, à la mise en place d'un nouveau mode
d'évaluation des emplois supérieurs et d'évaluation des
processus gouvernementaux, si vous avez utilisé tous ces
mécanismes et ces outils qui sont à votre disposition, ma
question très précise est la suivante: Est-ce que,
présentement, à cause de l'utilisation de ces ressources, vous
avez en main toutes les données techniques nécessaires, les
dossiers complets pour vous présenter à la table de
négociation?
M. Bérubé: Alors, la réponse à cela
c'est oui.
M. Paradis: Question suivante.
M. Bérubé: Je qualifierai mon oui dans la mesure
où le député de Brome-Missisquoi s'est permis une
déclaration liminaire avant de poser sa question, et je ne saurais
laisser passer....
M. Blais: ...
M. Bérubé: Je pense que je vois le
député de Terrebonne qui s'apprêtait à intervenir.
Tout d'abord, le député de Brome-Missisquoi, sans s'en
apercevoir, s'est contredit lui-même.
M. Paradis: Je vous ai cité.
M. Bérubé: Ce n'est pas particulièrement
étonnant, puisque dans la longueur de son intervention, il a fini par
oublier ce qu'il avait dit au début. À un moment donné, il
ne s'en est pas rendu compte, mais il s'est contredit.
M. Paradis: M. le Président, question de règlement.
C'est le ministre qui avait oublié ce que j'avais dit, il m'a
demandé de répéter la question. Qu'il ne m'impute pas sa
compréhension ou son incompréhension.
M. Bérubé: M. le Président, le
député de Brome-Missisquoi, dans un élan oratoire...
Une voix: Aratoire.
M. Bérubé: Oui, aratoire, parce que c'était
assez lourd, effectivement.
M. Paradis: Cela partait de la terre, ce n'était pas dans
les nuages.
M. Bérubé: Donc, le député de
Brome-Missisquoi nous dit: Ce gouvernement a mal négocié, en
1979, pas l'actuel président du Conseil du trésor, puisqu'il
n'était pas là, mais enfin, son collègue qui le
précédait a mal négocié. Il est responsable,
finalement, du contenu des conventions collectives. Analysons d'abord cette
première partie de la question.
M. Paradis: Est-ce que vous êtes responsable du contenu des
conventions collectives?
M. Bérubé: Est-ce que le député de
Brome-Missisquoi aurait objection à ce que je réponde, et
subséquemment, je lui permettrai de s'exprimer tout au long?
M. Paradis: Je m'excuse, M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le député de
Brome-Missisquoi. Donc, partons de ce premier postulat. Lorsque nous prenons la
première ronde de négociations, il nous faut bien constater que
les employés du secteur public sont rémunérés 16%
en haut du marché. Comment découvrons-nous cela? D'abord, en
mettant sur pied un bureau de recherche sur la rémunération, si
je ne m'abuse, qui n'existait pas à l'époque libérale, et
qui a permis de savoir effectivement l'écart qui avait pu se
développer au cours des années. De fait, c'est mon
prédécesseur, M. Parizeau, qui est à l'origine de ce
nouvel instrument mis sur pied au Conseil du trésor et qui a permis
d'introduire un peu de rationnel dans cette évaluation du coût des
conventions collectives. Ceci n'existait pas avant. Faut-il blâmer mon
prédécesseur d'avoir eu suffisamment de vision pour bien
comprendre que les conventions collectives étaient une question avec des
retombées budgétaires de première importance et qu'il
fallait donc prendre la peine de s'attacher à ce problème de la
rémunération, d'en évaluer véritablement les
coûts et de comparer dans quelle mesure ce qui était offert
était comparable ailleurs? C'est donc mon prédécesseur qui
a eu cette vision, que n'a jamais eue d'ailleurs le gouvernement libéral
antérieur. Quand je pense aujourd'hui que ceux qui dirigeaient le
gouvernement aspirent maintenant à remplacer l'actuel chef, alors qu'ils
n'ont jamais été en mesure d'instaurer là le moindre
contrôle financier véritablement valable, je m'étonne.
Mon prédécesseur a donc mis sur pied ce bureau de
recherche sur la rémunération qui nous a permis de constater cet
écart entre le secteur public et le secteur privé. On me dit: Non
seulement le bureau de recherche, mais toute la direction
générale des négociations. On se rend bien compte qu'avec
l'ancienne administration, on négociait à la petite
semaine...
M. Paradis: ... 1981.
M. Bérubé: ... sans aucune expérience
technique. On faisait cela sur le coin de la table. Évidemment, il n'est
pas particulièrement surprenant que la société ait
écopé de cette période libérale de mauvaise
gestion. Donc, premier effort, lorsque nous arrivons au gouvernement, c'est:
Analysons et essayons d'évaluer, et déterminons ce que nous
coûtent les conventions collectives. Première observation: 16% de
plus que ce qu'il en coûterait pour donner une rémunération
à des travailleurs dans des entreprises de 500 employés et plus
effectuant le même travail. Ô surprise! Comme gouvernement, nous
devions, dans cette première ronde de négociations, faire un
effort pour réduire cet écart. De fait, l'écart est
passé de 16% jusqu'à 10% en deux ans. Donc, baisser
l'écart. Nous reconnaissons que nous avions prévu une croissance
économique supérieure à ce qu'elle est réellement
et que, pour la troisième année de la convention collective,
alors que nous avions anticipé une meilleure croissance
économique. De fait, elle ne s'est pas matérialisée et
nous constatons que l'écart est remonté à seize.
Donc, nous pouvons dire ceci: Nous avons maintenu l'écart entre
le secteur public et le secteur privé. Nous pouvons également
regarder comment le normatif a influencé les effectifs, par exemple,
à l'Éducation, dans la fonction publique, pour constater qu'alors
que les effectifs augmentaient à une vitesse exponentielle sous
l'administration libérale, nous avons non seulement stabilisé
cette croissance à l'Éducation, mais de plus contribué, au
cours des dernières années, à réduire de
façon significative les effectifs dans le secteur public.
Donc, l'action du gouvernement a été, premièrement,
d'enrayer cette croissance trop rapide de la rémunération globale
et, deuxièmement, de mettre un frein à la croissance des
effectifs dans le secteur public. Voilà l'action gouvernementale de la
dernière ronde de négociations.
Dans une période de croissance économique, faut-il le
rappeler, M. le Président - vous allez être
intéressé par ces chiffres - les chiffres publiés par le
gouvernement fédéral sur la croissance économique du
Québec nous montrent que le Québec a connu une croissance
réelle de son produit intérieur brut de 0,9% par année
supérieure à celle de l'Ontario, puisque l'Ontario a
reculé durant la même période, durant les cinq
années, de 1976 à 1980, de 0,7% par année. Pendant que
l'Ontario reculait de près de 1% par année, le Québec
progressait en termes de richesse de 1% par année. Les
États-Unis, durant la même période, croissaient de 0,3% par
année de PIB.
Donc, dans une période où nous connaissons une croissance
économique de beaucoup supérieure, par exemple, à celle de
l'Ontario et même à celle des États-Unis, certains
pourraient s'étonner que nous n'ayons pas retiré aux centrales
syndicales les acquis que les gouvernements antérieurs leur avaient
concédés. Ce que le député de Brome-Missisquoi
vient de dire, c'est: Vous auriez dû, en 1979, enlever aux travailleurs
du secteur public ce que nous leur avions consenti par erreur, alors que la
situation économique était celle de la croissance. Aujourd'hui,
que nous essayons de redresser en réduisant la
rémunération, il dit que nous volons les employés de
l'État. Où est la logique? D'un côté, il dit: On
aurait dû les voler quand cela allait bien et, quand cela
va mal, scandale! vous les volez. Qu'est-ce qu'il veut exactement? Il ne
le sait pas, il n'a pas la moindre idée de ce qu'il veut.
M. Paradis: C'est la différence entre voler un pauvre et
voler un riche.
M. Bérubé: S'il nous dit que nous aurions dû
retirer des acquis de nos travailleurs en période de croissance
économique, inévitablement il doit être d'accord avec nous
si, en période de crise, nous estimons que nous devons réduire la
rémunération. Cela m'apparaît complètement
évident.
M. Paradis: ... péquiste, je ne suis pas assez
"capoté" pour faire cela.
M. Bérubé: C'est tellement évident en
pratique que, M. le Président, je passerais la parole au
député de Terrebonne qui, je pense, pourrait d'une façon
différente tenter d'expliquer la même chose au
député de Brome-Missisquoi, mais je suis convaincu qu'à
force de répéter, le député de Brome-Missisquoi,
qui est quand même un homme intelligent - j'ai eu l'occasion de
travailler avec lui à de nombreuses reprises en commission parlementaire
- finira par comprendre. Je regrette cependant que -c'est ce que j'ai pu
constater en commission, d'ailleurs - il faille répéter de
nombreuses fois, mais le député de Terrebonne a une façon
d'expliquer, en utilisant l'humour qui souvent permet au député
de Brome-Missisquoi de progresser intellectuellement et je suis convaincu
qu'à force de nous fréquenter, lorsqu'il quittera
l'Assemblée nationale dans peu d'années, ce sera une personne
ayant une bonne maîtrise des dossiers économiques et je pense
même qu'à ce moment-là il ne sera pas loin de voter pour le
Parti québécois et de militer activement au sein de notre
formation.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, s'il y avait
possibilité de soulever des questions de privilège en commission
parlementaire, vous comprendrez que j'en soulèverais une. Vu qu'il n'y a
pas possibilité, je vais laisser la parole au député de
Terrebonne. Cela ne mérite même pas une réplique.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges avait demandé la parole auparavant.
M. Paradis: Au député de Vaudreuil-Soulanges,
excusez-moi. (16 h 15)
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, nous
venons d'entendre un discours politique typique, une cassette qu'on a
déjà entendue. Évidemment, cela doit être une
cassette, si le président du Conseil du trésor prétend
qu'il faut toujours répéter la même chose. Il est inutile
de dire des choses différentes et d'étayer de façon plus
sérieuse ses affirmations s'il se fixe comme objectif de toujours
répéter la même chose. Je relèverais simplement,
pour que la toile de fond soit la même pour tout le monde, certains
chiffres que le président du Conseil de trésor vient d'indiquer
quant à la croissance de l'économie du Québec et de
l'Ontario depuis quelques années, selon les sources disponibles pour
tout le monde, la série 13213 qu'on a simplement à aller voir. On
constate que de 1977 à 1980, par exemple, le Québec a connu une
augmentation de son produit intérieur brut de 10,0% et l'Ontario, de
10,1%; par année, c'est un taux annuel de croissance. Je ne vois pas en
quoi nous avons non seulement dépassé l'Ontario, mais nous
l'avons complètement écrabouillé, si j'écoute les
chiffres du député de Matane et président du Conseil du
trésor qui se vante par ailleurs...
M. Paradis: II prend cela dans les livres de Bernard Landry.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... de s'être finalement
doté des outils qui lui permettent de mesurer des écarts qui,
dit-il, étaient du domaine de l'ignorance publique avant que ce
gouvernement n'arrive au pouvoir alors que ses prédécesseurs
avaient déjà, lors des occasions qu'ils ont eues de dresser les
bilans... Notamment, en 1976, un de ses prédécesseurs,
libéral en l'occurrence, avait indiqué que l'écart entre
le secteur public et le secteur privé devait absolument faire l'objet
d'une action prioritaire du gouvernement afin qu'il soit réduit et que,
parallèlement à cela, si ce problème n'était pas
réglé, on s'en allait inévitablement vers une crise des
finances publiques en 1980 et 1981. C'est à peu près dans le
domaine du réel connu aujourd'hui, du réel historique.
J'aimerais par ailleurs relever une autre inexactitude, cette fois
à un niveau plus qualitatif, de la part du président du Conseil
du trésor qui tient aujourd'hui un discours que, peut-être, pas
lui mais certains de ses collègues qui sont encore en Chambre...
Notamment, le député de Sauvé et ministre -par les temps
qui courent, il court lui aussi un peu partout - des Affaires
intergouvernementales tenait un discours qui l'avait même appelé,
dans son comportement, à se joindre aux lignes de piquetage, à
monter sur les barricades et à réclamer encore plus devant les
portes du parlement au nom des employés du secteur public qu'on disait
être à l'époque les victimes d'un Parti libéral du
Québec qui tentait de voler, lui aussi, si je comprends bien, les
employés du
secteur public. Ces barricades ont été dressées
à l'intérieur du gouvernement plus tard et c'est du haut de ces
barricades qu'on nous a tenu des discours du budget année après
année qui faisaient état de l'assainissement grandiose des
finances publiques, de la mise en place - cela on l'apprend aujourd'hui - de
mécanismes formidables afin de mesurer véritablement l'impact des
politiques du gouvernement. Et on reconnaît dans tous les milieux, et le
président du Conseil du trésor le sait pertinemment, que les
méthodes de travail qui ont été retenues depuis quelques
années, depuis tout de même six ans que le gouvernement est au
pouvoir, les méthodes de mesure de la rémunération par
exemple dans le secteur public laissent grandement à désirer.
Plutôt que d'assister à des implantations de systèmes de
mesures qu'on dit vétustes, il y aurait peut-être lieu de
s'étendre un peu plus longuement sur les découvertes qu'a faites
le ministre et ses services, sur la qualité de l'échantillonnage,
par exemple, qui a été retenu pour évaluer les
écarts entre le privé et le public, sur l'absence de certaines
données dans l'évaluation des écarts, notamment certains
des bénéfices sociaux.
La trame, elle aussi qualitative, qu'on doit avoir à l'esprit,
c'est que l'écart que le ministre a indiqué est peut-être
encore un peu plus haut qu'il ne l'a dit, dans la mesure où il semble
être reconnu que le haut taux de rémunération qu'on
reconnaît universellement comme étant l'apanage du secteur public
a un effet d'entraînement par voie d'élasticité, si on
veut, sur le secteur public et donc, que l'écart véritable est
probablement un peu plus élevé qu'on ne le dit. D'ailleurs, le
ministre des Finances parle d'un écart de 13% et le président du
Conseil du trésor vient de parler d'un écart de 16%, sous son
administration. J'aimerais donc à ce moment avoir des explications sur
les nouveaux systèmes que le président du Conseil du
trésor prétend mettre en place et qui m'apparaissent être
des systèmes qui ne remplacent rien. On se plaint tellement de ce qui
existait depuis six ans que, dans le fond, c'est peut-être inexistant ou
inutile et, chose certaine, cela n'aurait pas servi, si on regarde comment ont
évolué les dépenses de rémunération depuis
trois ans, à prendre une décision éclairée lors de
la signature de la dernière convention collective.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, ce qui est de
nouveau dommage, c'est que je me rends compte d'une chose: c'est que
l'Oppostion n'a peut-être pas véritablement d'intérêt
pour les dossiers. Elle choisit d'en faire un simple déballage
politique. C'est son droit le plus strict auquel cas je me réserverai la
réponse, mais je suis accompagné de personnel qui pourrait
répondre à toutes les questions techniques qui permettraient au
député de Vaudreuil-Soulanges, plutôt que de se risquer
dans des affirmations erronées qui lui permettraient de poser des
questions sur la méthode suivie, sur la méthode
d'échantillonnage, de telle sorte qu'il pourrait avoir un certain nombre
d'informations objectives.
M. Paradis: Précisément.
M. Bérubé: Non, parce qu'il a posé sa
question essentiellement de la façon suivante: Le gouvernement ne fait
pas telle chose. Ce sont de mauvais échantillonnages. Vous ne tenez pas
compte des... Alors, il a essentiellement fait une critique, ce qui,
évidemment, m'oblige à avoir une réponse de type
politique. Le jour où le député de Vaudreuil-Soulanges
voudra poser la question simplement: Pourriez-vous nous dire quel est le
pourcentage d'entreprises que vous avez jointes? Je pense qu'on pourrait lui
répondre. Donc, je vais lui répondre sur le plan politique et, en
même temps, lui indiquer que s'il voulait véritablement s'informer
il me ferait plaisir de permettre à des gens qui m'accompagnent de lui
donner les réponses.
D'abord, ce qu'il a dit est totalement faux. Et je vais être
obligé de le corriger, de lui donner malheureusement une leçon.
Pourtant, ce sont des données qui sont publiques. D'abord, vouloir
procéder par échantillonnage aléatoire des entreprises est
impossible parce qu'il n'est pas possible de connaître la
répartition des emplois dans le secteur privé de telle sorte que
l'on soit certain qu'en prenant un échantillon, il sera
représentatif de l'ensemble que nous voulons comparer. Ce qui a
amené le Bureau de recherche sur la rémunération à
suivre une approche différente. C'est celle d'avoir un très gros
échantillonnage de manière à ne pas, justement, être
victime des erreurs statistiques. Donc, première affirmation
erronée: l'échantillonnage retenu pour l'étude regroupe,
si je ne m'abuse, 33% des entreprises de grande taille de 500 employés
et plus du marché, 33% de toutes les entreprises, 50% de tous les
emplois comparables.
Faut-il souligner également qu'au gouvernement même, si on
prenait les emplois gouvernementaux qui sont comparables avec le secteur
privé, il y a 70% de ces emplois qui font effectivement l'objet d'une
comparaison. Donc, l'échantillonnage est de première importance,
de première grandeur et minimise les risques d'erreur. Je pourrais
d'ailleurs continuer à élaborer sur le fait que contrairement
à ce que le député de Vaudreuil-Soulanges a affirmé
à propos du fait que l'on ne tient
pas compte des avantages sociaux, je pourrais continuer à
argumenter sur un certain nombre d'autres affirmations erronées qu'il a
faites. Je vais plutôt lui laisser la chance de ne pas entacher ses
questions de commentaires politiques, ce qui nous permettra, à ce
moment, au personnel technique qui m'entoure, de lui donner toutes les
réponses techniques qui lui permettraient de faire son éducation
et de suivre la voie marquée par le député de
Brome-Missisquoi qui apprend beaucoup de nos contacts quotidiens.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Terrebonne, vous aviez une question tantôt. Vous avez demandé la
parole sur le même sujet.
M. Blais: Merci, M. le Président. Ce ne sera pas
très long, juste un petit commentaire pour appuyer les phrases du
président du Conseil du trésor quand il disait, au tout
début, que dans la question entendue ou mal entendue par lui-même,
venant du député de Brome-Missisquoi, je tiens à dire que
son exposé même - sans s'être contredit, peut-être, ce
que je ne veux pas discuter - portait en soi les germes d'une contradiction
infantile et puérile. Il arrive ceci: on nous reproche de mettre la
faute sur les autres et comme on nous le reproche souvent, de mettre la faute
sur les autres! C'est dans votre exposé que vous disiez cela. Ensuite,
vous nous disiez ceci, pour être très bref: Gouverner, c'est
prévoir. Là-dessus, je suis complètement d'accord pour une
fois avec vous: gouverner, c'est prévoir.
M. Paradis: D'accord.
M. Blais: Sachez bien qu'il y a dans ces deux phrases que vous
avez dites une contradiction infantile. Vous nous reprochez de ne pas
prévoir parce qu'on nous gouverne mal et vous ne voulez pas qu'on mette
la faute sur les autres. Mais sachez que nous n'avons que 50% du pouvoir ici.
Nous n'avons, donc, au maximum, que 50% du pouvoir de prévoir. Ensuite,
sur les taux d'intérêt sur la monnaie, nous avons zéro
pouvoir. C'est très difficile pour nous de gouverner et de
prévoir dans ce domaine. Ensuite, l'un dans l'autre, si vous ne nous
aviez pas refusé par vos actes dans le passé ce que vous nous
demandez de faire aujourd'hui soit de gouverner, si le 20 mai vous n'aviez pas
dit aux gens de dire non, nous prendrions cette accusation. Mais vu que, le 20
mai, vous avez dit aux gens: On ne veut pas que ces gens-là gouvernent,
ne venez pas de façon contradictoire, dans un exposé, nous
reprocher aujourd'hui de ne pas prévoir. C'est vous qui avez
refusé que nous gouvernions. C'est tout ce que je voulais dire, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, c'est donc la faute des
Québécois qui ont voté non au référendum. On
cherchait une autre victime.
Si on peut revenir à nos chiffres, aux dépenses et aux
prévisions budgétaires qui sont l'objet essentiel de la
commission et non la question référendaire. Publicité:
sommes dépensées durant 1981-1982, aucune. Je tiens à vous
féliciter de la retenue dont vous avez fait montre comme
président du Conseil du trésor à cet article. On a
déjà eu l'occasion de discuter à la commission des
engagements financiers non pas de ce que vous qualifiez de publicité,
mais de ce qu'en général la population qualifie de propagande
gouvernementale. Mais, j'ai une crainte honnête à la suite du
texte que vous nous avez remis d'être dans l'obligation de ne pas
répéter ces félicitations à propos de la page 3 du
document, M. le président du Conseil du trésor, en annexe, qui
s'intitule: Étude des crédits 1982, demande de renseignements de
l'Opposition officielle. C'est à part, M. le Président.
M. Bérubé: Oui, oui, c'est une question que vous
avez posée à laquelle on a apporté réponse.
M. Paradis: C'est cela. Vous nous indiquez que, quant aux
dépenses de publicité - lire publicité, voir propagande -
prévues pour 1982-1983, elles sont au montant de 250 000 $ dans le cadre
des négociations des secteurs public et parapublic. Est-ce que cette
campagne de publicité qui est prévue là est
déjà prête sur le plan pratique?
M. Bérubé: Non. En fait, il y a un montant, qui
pourrait être même plus que cela, cela dépendra, qui sert
à diffuser de l'information. Je ne dis pas qu'il y a absolument
zéro. Par exemple, les graphiques, tableaux, la documentation que nous
avons fait parvenir au chef de l'Opposition lorsque nous avons
déposé notre proposition du mois de juillet sont des
dépenses dites de publicité, mais sont en fait de l'information
mise à la disposition des citoyens qui veulent connaître
exactement la position gouvernementale.
Donc, les 250 000 $ sont prévus ici comme des dépenses qui
pourraient être requises pour faire connaître les
dépôts, par exemple, en ce qui a trait aux politiques salariales
ou normatives du gouvernement, si la connaissance publique de ces informations
sur une grande échelle s'avérait nécessaire. Je ne vous
cache pas qu'il n'est pas du tout exclu que le gouvernement s'assure que cette
information est disponible.
(16 h 30)
M. Paradis: Est-ce que, lorsque vous avez budgétisé
dans vos crédits ces 250 000 $, vous contempliez la possibilité
d'avoir recours à une firme de communicateurs pour vous préparer
un programme de publicité gouvernementale qui tenterait de vendre le
point de vue gouvernemental à l'ensemble de la population
québécoise?
M. Bérubé: De vendre, je ne sais pas si vous
devriez appeler cela "vendre"?
M. Paradis: Exposer, je vais être poli, exposer.
M. Bérubé: Oui, effectivement.
M. Paradis: Est-ce que vous nous assurez que ce contrat qui sera
accordé...
M. Bérubé: Je pense qu'il est accordé, il va
venir aux engagements financiers; si l'Opposition procédait avec plus de
diligence à l'étude des engagements, elle l'aurait sans doute
vu.
M. Paradis: L'Opposition tente de procéder avec diligence
mais la longueur des réponses évasives du ministre fait avancer
l'horloge et on est obligé de se quitter sans avoir avancé trop
dans l'étude des crédits, ce que je tente d'éviter cet
après-midi. Vous me dites que ce contrat...
M. Bérubé: Mais, chaque fois que le
député de Sainte-Anne s'absente, ça va beaucoup plus
vite.
M. Paradis: Mais, lorsque le député de Terrebonne
arrive, ça ralentit. Vous me dites que ce contrat est déjà
octroyé; est-ce qu'il a été octroyé par contrat
négocié?
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: M. le Président, je fais des interventions
toujours...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Terrebonne, vous intervenez à quel titre?
M. Blais: Question de règlement, de directive. Mes
interventions sont toujours tellement courtes, M. le député de
Brome-Missisquoi, que vous ne devriez pas me reprocher cela parce qu'elles
mettent un peu de bon sens dans les conversations; vous nous emmenez toujours
dans des canaux dans lesquels je n'aime pas me promener.
Une voix: C'est poli pour le ministre!
M. Paradis: J'endosse complètement les propos du
député de Terrebonne. C'est le seul bon sens qu'on a dans les
réponses à la commission des engagements financiers. Mais vous me
dites...
M. Blais: Non, non pas dans les réponses.
M. Paradis: ... que ce contrat, M. le président du Conseil
du trésor, est déjà accordé. Est-ce qu'il a
été accordé par contrat négocié, par voie de
soumissions publiques ou par utilisation du répertoire?
M. Bérubé: Par soumissions publiques, par un appel
d'offres auprès de toutes les firmes en communication et
jury-sélection.
M. Paradis: Est-ce qu'au niveau jury-sélection le contenu
politique dans un domaine comme celui-ci était un des facteurs au niveau
du pointage?
M. Bérubé: II faudrait faire attention au sens que
vous donnez au mot "politique". Si vous me dites: Est-ce que vous avez
demandé à une firme de vous suggérer ce qu'elle ferait
advenant une situation qu'on pourrait qualifier de politique, une situation
sociale donnée? la réponse est oui.
M. Paradis: Est-ce que vous pouvez dévoiler à cette
commission des crédits quels sont les thèmes qui vous ont
été présentés par la firme qui a été
retenue?
M. Blais: ... non! Une autre fois!
M. Paradis: Est-ce qu'on peut savoir, sans dévoiler les
thèmes - une question peut-être plus facile, M. le
président du Conseil du trésor - quelle est la firme qui a
été retenue?
M. Bérubé: Dialogue-Communications-Promédia,
si je ne me trompe pas. C'est une espèce de fusion.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Pendant que nous sommes à l'attribution de contrats, j'ai
reçu une communication d'une PME québécoise, du
comté de Lévis, qui déjà le 3 mars dernier
écrivait au premier ministre, sous la signature des dirigeants et de
tous les employés, qui faisait valoir en haut de la pyramide des
arguments qui n'ont pas semblé ébranler tous les autres paliers
du gouvernement du Québec, particulièrement ceux qui sont
chargés de voir, d'après le souvenir de mes conversations,
à l'approbation pour inclusion dans la liste des fournisseurs du
gouvernement de cette firme. Ce qui se dégage, c'est que cette PME
manufacturière entièrement québécoise, qui
bénéficie, pour certaines de ses ventes,
d'exportations importantes, semble incapable de se voir accorder de
quelque façon que ce soit une approbation qui ferait en sorte qu'elle
serait considérée au même titre que les autres lors de
l'attribution de contrats.
Plus précisément, ce qui est en cause est la
qualité des produits électriques qui entrent dans la composition
du produit final. Il semblerait, à ce moment-ci, que pour une petite
société comme celle-là, le recours constant à ce
qui s'appelle le CSA, Association canadienne des normes, pour approbation au
point de vue de la sécurité de ce qui est employé comme
composants dans la fabrication du produit final représente un coût
franchement prohibitif et que renseignements pris, cette société
est néanmoins capable très facilement de vendre des produits au
gouvernement de l'Ontario. Il est absolument incapable de soumissionner
même pour des contrats au gouvernement du Québec pour une raison
fort simple que je vous soumets immédiatement, c'est qu'en Ontario il y
a à l'égard des PME, d'où qu'elles viennent, manifestement
celle-ci est québécoise, un mécanisme d'approbation en
matière de produits qui font appel à l'électricité
pour leur fonctionnement qui vient d'Hydro-Ontario qui, à des frais
tellement plus minimes que l'Association canadienne des normes, ouvre donc une
porte à des soumissionnaires possibles pour des contrats gouvernementaux
en Ontario. Il est absolument impossible, selon tous les renseignements que
nous avons, pour cette même société du Québec de
trouver la moindre petite ouverture dans le mur que le gouvernement aurait
dressé à cause de sa réglementation afin d'être
inclus éventuellement dans les prises en considération de
soumissions publiques.
Je me demandais jusqu'à quel point le président du Conseil
du trésor est prêt à regarder de façon très
précise et constructive, des modifications au système
d'approbation notamment dans la ligne de produits qui sont en cause afin
d'ouvrir un peu plus la porte à des sociétés de chez nous
qui ne semblent éprouver aucune difficulté à vendre les
produits en Ontario ni d'ailleurs aux États-Unis, mais qui sont
incapables de soumettre des propositions de vente à des organismes du
gouvernement du Québec lorsqu'ils se retrouvent en concurrence avec de
très grandes sociétés qui ont les moyens de faire
approuver leur produit par l'Association canadienne des normes.
M. Bérubé: Question de règlement, M. le
Président. Je voudrais éviter au député de
Vaudreuil-Soulanges, peut-être, de s'étendre trop longtemps sur le
sujet qui me paraît extrêmement intéressant, dans la mesure
où un tel dossier ne relève pas du Conseil du trésor mais
relève du Bureau de normalisation du Québec qui, lui,
relève de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, ou encore, à
ce qui a trait à la politique d'achat du Service général
des achats qui, lui, relève du ministère des Travaux publics. Je
pense que vous vous adressez peut-être à la mauvaise porte et
faites en sorte qu'on ne pourra pas vraiment pousser très loin cette
discussion.
M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le
Président, si vous m'autorisez...
M. Bérubé: C'est l'article 142 d'ailleurs du
règlement.
M. Paradis: Merci, M. le président du Conseil du
trésor. Il demeure une chose, c'est que les dépenses
gouvernementales sont soumises au contrôle du Conseil du trésor.
On a souvent, lorsqu'on interroge le ministre responsable de ce
ministère à la commission des engagements financiers, à
lui poser des questions de cette nature et je suis surpris, aujourd'hui, que
même s'il avoue qu'il trouve le cas amené par le
député de Vaudreuil-Soulanges très intéressant, il
ne fasse pas, comme c'était son excellente habitude, des commentaires
sur le sujet et ne prenne pas les dispositions appropriées s'il faut
qu'il convainque quelqu'un d'autre au niveau de l'appareil gouvernemental.
Habituellement, il le fait de bon gré et corrige ces lacunes. Si le
président du Conseil du trésor pouvait brièvement
répondre au député de Vaudreuil-Soulanges et dire qu'au
niveau de ces contrats il verra à aviser le ministre des Travaux
publics, cela irait plus rapidement, on gagnerait du temps.
M. Bérubé: Je pense que, M. le Président, on
fera comme nous faisons aux engagements financiers, on dira qu'il faudra poser
la question au ministère et nous avons finalement un secrétaire
qui, avec beaucoup de complaisance, adresse la demande au ministère. Je
n'étais vraiment pas en mesure de vous répondre et, par
conséquent, tout ce que je peux faire, c'est prendre les extraits du
journal des Débats et de les expédier à mon
collègue pour voir dans quelle mesure il y a quelque chose à
faire, mais je pense que normalement cela devrait être fait par le biais
d'une question à l'Assemblée nationale suivant les voies
habituelles.
Ce qui, soit dit en passant, étant donné le sérieux
et l'intérêt de la question, nous changerait des questions
auxquelles nous avons droit habituellement à l'Assemblée
nationale.
M. Paradis: Vous vous référez aux questions
posées par les ministériels sans doute.
M. le Président...
M. Bérubé: Vous savez, on a tellement peu souvent
l'occasion d'en poser que je me référais aux vôtres. Enfin,
pas les vôtres spécifiquement, qui sont toujours...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le président du Conseil du trésor.
Un peu dans la même veine, vous venez de répondre finalement au
député de Vaudreuil-Soulanges que vous allez regarder le
problème, mais que ce n'est pas de la juridiction de cette commission.
On a, au niveau de l'Opposition, un problème, un cas que je me permets
de vous résumer comme suit...
M. Bérubé: C'est un cas de comté?
M. Paradis: Non, ce n'est pas un cas de comté, c'est un
cas qui ressort et qui découle de la juridiction de la Régie de
l'assurance automobile du Québec.
M. Bérubé: Le ministère des Transports va se
faire un plaisir de vous répondre.
M. Paradis: Le ministère des Transports, lorsqu'on lui a
posé la question, son plaisir de répondre s'est traduit comme
suit: Voyez donc, M. Marcoux, le ministre responsable des Travaux publics et de
l'Approvisionnement. M. Marcoux nous dit, chaque fois, lors de l'étude
des crédits: Voyez donc la régie, qui est un organisme autonome.
Il s'agit quand même de fonds publics et je pense que c'est
bénéfique pour l'ensemble des parlementaires, autant du
côté ministériel que du côté de l'Opposition
qui sont ici, autour de la table, si on peut trouver quelqu'un qui accepte de
prendre la responsabilité et qui arrête de dire: Allez donc voir
un autre. Dans le cas que je vais vous soumettre, je vous le dis, la question a
déjà été posée au ministre des Transports
qui lui, nous dit: Allez voir le ministre des Travaux publics et de
l'Approvisionnement. Le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement
nous dit: Allez voir la régie, c'est autonome. Cela devient un peu lourd
comme appareil.
Je vais vous situer le problème et si vous choisissez d'y
répondre - je vous le soumets bien respectueusement - vous y
répondrez. Lors de l'étude des crédits du ministère
des Transports, l'Opposition a demandé au ministre sur quels
critères étaient choisis les architectes et gérants de
construction dans le cadre des travaux de réaménagement des
bureaux de l'assurance automobile. Le ministre nous a fourni quelques
réponses et nous a référés, comme je vous l'ai
mentionné précédemment, au ministre des Travaux publics et
de l'Approvisionnement pour d'autres.
Nous aimerions donc savoir aujourd'hui sur quels critères
étaient choisis les architectes, parce que - et je vous en
préviens - le ministre des Transports nous a répondu qu'on
n'utilisait pas le processus de sélection du fichier central. Y-a-il eu
des estimations du ministère? On n'a pas eu de réponse, etc. Je
pourrais faire une liste des questions que j'ai sorties du journal des
Débats. On est, comme Opposition, sans réponse. Vous êtes
le président du Conseil du trésor, vous êtes le gardien,
finalement, face à chaque ministre, du contrôle des
dépenses, des enveloppes budgétaires que vous allouez à
chaque ministère. Vous n'êtes pas le gardien de cela?
M. Bérubé: Non, il y a une confusion. M.
Paradis: Qui faut-il aller voir?
M. Bérubé: La Régie de l'assurance
automobile est un organisme non budgétaire. Le Conseil du trésor,
en vertu de la Loi sur l'administration financière, a juridiction sur
les organismes de type budgétaire, mais non sur ceux de type non
budgétaire. Par conséquent, la Régie de l'assurance
automobile ne relève pas du ministère des Transports, elle a un
conseil d'administration autonome et le ministre des Transports est le ministre
chargé de répondre au nom de la régie à
l'Assemblée nationale. Donc, toute question portant sur les politiques
internes mises en oeuvre au sein d'une société, une
société d'État minière, par exemple, devrait
s'adresser au ministre de l'Énergie et des Ressources. Dans le cas de la
Régie de l'assurance automobile, c'est véritablement au ministre
des Transports que doit s'adresser la question, de telle sorte que lui, peut,
à ce moment-là, répondre à l'Assemblée
nationale au nom de la Régie de l'assurance automobile, qui pourra
donner les informations concernant les politiques internes de la
société.
M. Paradis: Je pourrais compléter le dossier en ajoutant:
Le président du Conseil du trésor nous dit que le ministre
responsable qui doit répondre est le ministre des Transports, et on
recommencerait le cercle vicieux. (16 h 45)
M. Bérubé: Je ne sais pas si c'est un cercle
vicieux, mais une chose est certaine, c'est que le ministère des
Transports est véritablement la bonne porte, puisque c'est le ministre
des Transports qui est le ministre nommé en vertu de la loi pour -
comment dirais-je - c'est assez bizarre, nos lois, c'est le ministre qui
administre la présente loi, donc, les pouvoirs définis par la loi
et conférés au gouvernement sont pris en main par un ministre,
généralement désigné par le gouvernement et parfois
désigné directement
dans la loi. Dans le cas présent, c'est le ministre des
Transports qui est responsable de l'application de la loi, mais attention, il
est responsable de l'application de la loi. Si la loi dit que la Régie
de l'assurance automobile n'est pas soumise au contrôle gouvernemental
quant à ses dépenses de type contractuel pour l'achat de
services, à titre d'exemple, évidemment, le gouvernement n'est
pas responsable des décisions prises par la société et
dans le cadre de la loi proprement dite. En d'autres termes, la loi
prévoit quels sont les pouvoirs du gouvernement, elle les
définit. D'ailleurs, depuis quelques temps, nous avons commencé
à modifier les lois de nos sociétés d'État pour
donner au gouvernement un pouvoir de directive non pas sur tout, mais sur les
objectifs et orientations de la société. Il est donc très
important de bien comprendre que le conseil d'administration est
l'autorité, au sein d'une société d'État, et il
répond de ses actes. Le ministre responsable de l'application de la loi,
par tradition, répond en Chambre aux questions de l'Opposition portant
sur des demandes d'information.
Le Président (M. Desbiens): On revient aux crédits
du Conseil du trésor?
M. Paradis: Justement, j'étais en plein dedans, je vais
indiquer au ministre maintenant exactement quel élément. Si vous
prenez votre cahier, M. le ministre, la deuxième feuille jaune,
élément 2 et si vous tournez - parce que vous avez oublié
de paginer - six feuilles...
M. Bérubé: Au programme 1, élément
1.
M. Paradis: Élément 2.
M. Bérubé: Élément 2, pardon.
M. Paradis: La page s'intitule - pour être certain qu'on
est sur la même -: "Conseil du trésor. Sommaire des principales
activités de la Direction générale des politiques
administratives pour l'exercice 1982-1983."
M. Bérubé: Oui.
M. Paradis: Sous-paragraphe 2: Mandat sectoriel
spécifique. A) Approvisionnement et services.
M. Bérubé: Oui.
M. Paradis: On a différents articles, et si vous allez au
quatrième sous-paragraphe, vous avez des crédits pour effectuer
la révision de la réglementation relative à l'octroi de
contrats de construction.
M. Bérubé: Au gouvernement.
M. Paradis: Vous ne réviserez pas, à ce que vous me
dites, la réglementation relative à l'octroi de contrats de
construction qui relèvent d'organismes.
M. Bérubé: C'est cela.
M. Paradis: Comme la Régie de l'assurance automobile du
Québec.
M. Bérubé: C'est cela.
M. Paradis: Vous ne réviserez pas non plus, à
même vos crédits, les politiques de réglementation relative
à l'octroi de contrats de construction ou autres dans le secteur de
l'éducation ou des affaires sociales.
M. Bérubé: Je crois que c'est cela.
M. Paradis: Comparativement - c'est peut-être une question,
je voudrais juste avoir des chiffres par ordre de grandeur, vous ne les avez
probablement pas précisément - à ce qui est visé
par cette réglementation qui est contenue ici sous ce chapitre, si vous
comparez cela à ce qui est dépensé par les régies
ou les organismes qui dépendent du gouvernement et les ministères
des Affaires sociales et de l'Éducation dans le domaine de la
construction, cette réglementation que vous visez concerne quel volume
de...
M. Bérubé: Le ministère responsable, lui, a
des pouvoirs qui lui sont donnés en vertu de sa loi constitutive, ce qui
fait que dans le cas des réseaux, le ministère responsable peut
émettre des directives. Toutefois, je vous soulignerai que l'un des
problèmes que nous rencontrons depuis un bon nombre d'années,
c'est l'application de la politique d'achat dans les réseaux, politique
d'achat qui s'applique au niveau du gouvernement, mais qui ne s'est pas
appliquée jusqu'à maintenant au niveau des réseaux dans la
mesure où il fallait procéder par une réglementation qui
provenait directement des ministères.
M. Paradis: Lorsque vous titrez, dans vos crédits, sur
cette page: Mandat sectoriel spécifique, approvisionnement et services,
révision de la réglementation relative à l'octroi des
contrats de construction, est-ce que ce sont strictement les contrats de
construction qui vont être octroyés pour votre
ministère?
M. Bérubé: Non. Les règlements et directives
qui sont émis...
M. Paradis: Les cahiers rouges?
M. Bérubé: Oui, la liste des cahiers rouges, c'est
cela. En vertu de la Loi sur l'administration financière, cette liste
s'applique aux organismes dont les crédits sont votés par
l'Assemblée nationale. Alors, le Conseil du trésor dans sa
réglementation n'a pas juridiction sur tout ce qui est
extrabudgétaire. Par ailleurs, dans le cas précis de
l'éducation, ce sont des crédits de transfert qui seront
donnés à des organismes autonomes.
M. Paradis: CLSC.
M. Bérubé: Cependant, les lois de
l'Éducation et des Affaires sociales donnent des capacités
réglementaires aux ministres concernés. En matière de
construction, par exemple, les règlements édictés dans les
deux secteurs sont à peu près en tout point conformes à
ceux qui s'appliquent au gouvernement.
M. Paradis: Si on en vient strictement à l'essentiel de la
réponse que vous me donnez, ça veut dire que pour prendre un
exemple si le ministère des Affaires intergouvernementales a recours
à une firme d'experts, vous pouvez réviser la
réglementation, et même les crédits, qui concerne la
façon de dénicher ou d'octroyer le contrat à cette firme.
Est-ce que vous pourriez également prévoir dans cette
révision de la réglementation, puisque ce sont des montants
importants et qu'il s'agit d'un nombre de contrats important, que les individus
qui ne sont pas fichés, les individus qui ont des services à
offrir au gouvernement et qui ne sont pas fichés présentement
soient également fichés dans l'ordinateur pour éviter
qu'on procède par contrats négociés et qu'on
procède alors par répertoire?
M. Bérubé: À cela, la réponse est
non. Dans le cas de professionnels autonomes voulant offrir leurs services en
génie civil dans le cadre d'une réforme qui est, d'ailleurs,
présentement devant le Conseil du trésor concernant le
fonctionnement du fichier central, effectivement, on va prendre les moyens pour
inscrire ces professionnels autonomes parce qu'ils sont faciles à
identifier, dans un cas. On ne peut pas s'improviser ingénieur-civil;
par conséquent, il est relativement facile d'identifier les individus au
Québec qui disposent des connaissances, des compétences et du
droit de pratique leur permettant d'effectuer des contrats pour le
gouvernement. Donc, dans ces cas-là, effectivement, on pourrait
envisager d'y inclure des professionnels autonomes.
Toutefois, il faut bien se rendre compte que la somme des expertises
auxquelles le gouvernement a recours en cours d'année est
considérable et d'une très grande diversité. Il fait appel
souvent à des expertises qui ne sont pas nécessairement garanties
par des diplômes ou par un encadrement d'un ordre professionnel
quelconque et, à cause de cela, il n'est dont pas possible de dresser un
inventaire de toutes les connaissances dont dispose chaque citoyen du
Québec.
Je vois le conseiller du député de Brome-Missisquoi hocher
la tête à ses côtés; je sais que le conseiller du
député a de grandes connaissances et qu'on pourrait
évidemment dresser dans un fichier que M. Boisvert s'y connaît en
organisation d'élection, possède une expertise, par exemple, dans
le domaine du transport des boîtes de scrutin de tel endroit à tel
endroit. On pourrait avoir une liste complète de toutes les
connaissances dont dispose l'adjoint du député de
Brome-Missisquoi et ainsi, lorsque le président des élections a
besoin d'utiliser les services d'un individu pour un travail quelconque, se
référer à l'ordinateur pour essayer, disons, de mettre la
main sur les grandes connaissances de l'adjoint du député de
Brome-Missisquoi.
Toutefois, ce serait s'immiscer un peu loin dans la vie du conseiller du
député de Vaudreuil-Soulanges. Ce n'est pas que je veuille
l'insulter, je ne le connais et je ne connais pas vraiment toutes ses
connaissances, mais s'il voulait que nous fassions enquête pour savoir
exactement...
M. Paradis: ... vous n'êtes pas capable de les
assimiler.
M. Bérubé: À voir les questions du
député de Vaudreuil-Soulanges, il ne connaît pas
grand-chose, mais je voudrais savoir ce qu'il sait; à ce
moment-là, on pourrait dresser un inventaire. Cela fait tellement de
fois que le député de Brome-Missisquoi nous pose cette
question-là qu'il faudrait qu'il comprenne que sa question n'a pas de
sens, une fois pour toutes, et qu'il cesse de la poser.
M. Paradis: Ce que j'ai compris, après avoir passé
douze mois à la commission des engagements financiers, où vous
êtes le porte-parole du gouvernement, M. le ministre, c'est qu'il y avait
autant d'argent qui était dépensé par le gouvernement du
Québec sous forme de contrats négociés, sans recours au
répertoire, qu'il y en avait qui était dépensé par
le biais des soumissions publiques ou soumissions sur invitation. J'ai
également compris qu'en 1978, lorsque le Parti québécois a
instauré ce régime, il l'a fait en fonction des entrepreneurs,
des entreprises, etc. Je vous soumets mon inquiétude, M. le
président du Conseil du trésor; ce qui m'inquiète, c'est
que c'est connu, traditionnellement, que les gens qui avaient des entreprises,
les entrepreneurs,
pas ceux qui ont écrit le livre Bâtir le Québec,
mais ceux qui ont participé à force de talent et d'énergie
à vraiment bâtir ce Québec, étaient
traditionnellement des supporters du Parti libéral.
J'ai également réalisé - c'est une observation dont
je vous fais part bien candidement - que ceux qui écrivaient le livre
Bâtir le Québec, les écrivains et les gens qui avaient des
talents individuels à offrir au gouvernement, ce que j'appelle les
"logues", les psychologues, les policitologues, les communicateurs, les gens
comme cela décrochent - parce qu'ils s'aperçoivent du marasme
dans lequel vous les avez enfouis -du Parti québécois, mais ils
étaient traditionnellement des supporters du Parti
québécois. Ce qui m'inquiète, c'est ce refus
systématique du président du Conseil du trésor de traiter
de la même façon apolitique les entrepreneurs et ces individus qui
ont des services à offrir au gouvernement. Ces services ne sont pas plus
variés, pas plus complexes. La banque de données ne serait pas
plus énorme. Les montants dépensés par le gouvernement
sont d'une importance égale, mais on s'aperçoit que pour tout ce
qui était traditionnellement - comme je l'ai dit, ils décrochent
- une clientèle péquiste, on a voulu conserver, comme choix de
ces personnes, les bureaux de ministre. Cela m'inquiète. Lorsque vous me
dites: Non, il n'est pas question de mettre des individus qui ont des services
à offrir au gouvernement sur fichier central au même titre qu'on a
mis des entrepreneurs et des entreprises, cela m'inquiète, M. le
président du Conseil du trésor.
M. Bérubé: M. le Président, cela fait partie
d'un leitmotiv du député de Brome-Missisquoi. J'ai de la
difficulté d'abord à suivre son argumentation, dans la mesure
où il est assez évident que vouloir dresser une liste de tous les
citoyens du Québec en âge de fournir des services à
l'État...
M. Paradis: Ils s'inscrivent eux-mêmes, comme les
entrepreneurs.
M. Bérubé: ... avec leur expertise, leurs
connaissances qui évoluent dans le temps, donc qui nécessitent
une mise à jour continue... Par exemple, on peut espérer que
l'adjoint du député de Brome-Missisquoi pourrait un jour...
M. Paradis: Lâchez-le!
M. Bérubé: ... faire une carrière autre que
celle qu'il fait présentement comme souffre-douleur du
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: II ne veut pas tomber dans la misère. Il ne
veut pas s'en aller souffre- douleur du président du Conseil du
trésor!
M. Bérubé: À ce moment, il aurait
l'occasion, cet adjoint du député de Brome-Missisquoi,
peut-être d'élargir ses horizons et d'apprendre un métier
utile.
M. Paradis: Comment mettre le Québec en faillite!
M. Bérubé: II s'ensuivrait qu'il faudrait
évidemment qu'il se dépêche de nous aviser qu'il a fini de
porter les valises du député de Brome-Missisquoi et que
désormais il va s'occuper, je ne sais pas, dans un domaine
donné... j'ai de la difficulté à imaginer ce qu'il
pourrait faire, mais enfin! Imaginons qu'il réussisse à se
trouver quelque chose d'utile et qu'il apprenne quelque chose...
Une voix: Ce n'est pas fait.
M. Bérubé: Non, ce n'est pas fait. Imaginons! On
imagine alors sans peine qu'il faudrait mettre le fichier à jour.
M. Paradis: II n'est pas à jour? (17 heures)
M. Bérubé: C'est-à-dire
qu'antérieurement, on avait - puisqu'on ne peut pas mentionner votre nom
- adjoint du député de Brome-Missisquoi. Essentiellement, on a
"expertisé" en dessous: porte les valises, fournit des papiers, etc.,
avec quand même présente pour les engagements financiers des
questions souvent intéressantes. Je dois avouer d'ailleurs que les
seules bonnes questions que le député de Brome-Missisquoi nous
pose viennent souvent à la suite d'un petit billet que son adjoint lui
passe. J'imagine quand même que son...
M. Paradis: J'espère que ce n'est pas lui qui vous souffle
vos réponses, parce qu'il va "passer au cash".
M. Bérubé: J'imagine que son adjoint a une certaine
expertise que nous ne connaissons pas et qu'on pourrait effectivement
enquêter auprès de lui pour savoir ce qu'il sait. Il faudrait,
dans un registre, tenir toute l'information sur ce que connaît l'adjoint
du député de Brome-Missisquoi et chaque fois que cette
information doit être modifiée, évidemment, il faut qu'il
nous en avise. Il va falloir engager des milliers et des milliers de
fonctionnaires pour être bien certain qu'on a suivi à la trace
tous ceux qui ont une expertise donnée et qui voudraient l'offrir au
gouvernement.
Je veux bien croire que le député de Brome-Missisquoi se
cherche de l'ouvrage quelque part et qu'il aimerait peut-être faire
carrière dans ce genre d'inquisition moyenâgeuse et que, par
conséquent, il
voudrait qu'on instaure un tel système. C'est peine perdue, parce
que nous ne faisons pas référence suffisamment fréquemment
à un type donné d'expertise et il y a une telle
variété dans les commandes que quelqu'un que l'on engagerait une
fois, il y a des chances qu'on ne le réengage plus pendant dix ans,
quinze ans, vingt ans. Par conséquent, on tiendrait ce fichier à
jour pour absolument aucune raison.
Donc, la seule raison pour laquelle le député de
Brome-Missisquoi pose sa question, c'est qu'il dit: Dans la mesure où ce
gouvernement a véritablement fait la preuve qu'il pouvait mettre fin au
patronage, ce qu'il faut faire, c'est susciter dans l'esprit des gens qui
m'écoutent - fort heureusement, il y en a de moins en moins -
l'idée qu'il fait continuellement du patronage. Donc, on va essayer de
lui demander de mettre en place des procédures qui n'ont aucun sens dans
le but, en fait, de suggérer qu'il y a là un problème
réel que l'on va chercher à corriger.
M. le Président, je pense que le député de
Brome-Missisquoi erre. Il nous propose des choses impossibles.
Néanmoins, je ne suis pas fâché qu'il continue sur ce ton,
parce que cela ne fait que souligner en pratique qu'il n'a pas tellement de
questions à poser et que, par conséquent, il va se cantonner dans
des choses qu'il sait finalement assez peu utiles, mais qui permettent de semer
le doute chez certains esprits faibles qu'il retrouve d'ailleurs à 100%,
en général, chez les militants du Parti libéral.
M. Paradis: Je profite de l'occasion pour relever, dans les
propos du président du Conseil du trésor, les
félicitations qu'il a adressées à mon recherchiste
à l'égard des billets qu'il me passe, etc. Il m'a
préparé effectivement un document qui porte sur ces questions. Si
j'insiste, M. le président du Conseil du trésor, c'est que je
suis obligé de vous répéter les chiffres pour vous mettre
au courant de l'importance de ce problème. Des contrats
négociés, en 1981, il y en a eu pour 191 522 559 $; des
soumissions sur invitation et des soumissions publiques, il y en a eu pour 194
394 608 $. Il a eu 745 contrats négociés et 750 contrats par
soumissions sur invitation ou soumissions publiques. On voit donc que
l'importance des sommes qui sont dépensées se divise à peu
près moitié-moitié.
Vous refusez - je tente de relever vos arguments - de mettre les
individus sur cet ordinateur, sur ce qu'on appelle communément dans le
langage politique Rosalie, parce que vous dites que ce serait fastidieux pour
le gouvernement de dresser la liste de tous les citoyens qui auraient des
services à offrir au gouvernement. J'en conviens, M. le ministre. Mais
pourquoi ne procédez-vous pas comme vous le faites pour les entreprises?
Vous ne dressez pas la liste des entreprises qui ont des services à
offrir au gouvernement, vous demandez aux entreprises qui ont des services
à offrir au gouvernement de s'inscrire en spécifiant leurs
qualifications.
Deuxièmement, vous me dites: La mise à jour serait trop
compliquée et occasionnerait l'embauche de milliers de fonctionnaires.
La mise à jour du fichier des entreprises, M. le président du
Conseil du trésor, se fait actuellement sans l'embauche de milliers de
fonctionnaires et elle se fait très bien. On sait qu'autant un individu
peut changer dans ses qualifications, autant une entreprise peut changer dans
ses qualifications. Une entreprise qui est inscrite pour des contrats
jusqu'à 50 000 $ peut grossir, si le Parti québécois ne
reste pas au pouvoir trop longtemps, et devenir une entreprise qui est
intéressée à des contrats en haut de 500 000 $. Cela aussi
évolue, M. le président du Conseil du trésor, cela aussi
change. Mais, ce que j'ai compris à partir de chacun des exemples qu'on
a eu à passer pendant douze mois à la commission des engagements
financiers, ce que j'ai compris, c'est que vous n'êtes absolument pas
intéressé à "dépatroniser" le système de
patronage dans les contrats de négociations que vous avez au
ministère.
Je fais référence... et là, je vais
intéresser mon collègue, le député de Terrebonne.
Il se souvient certainement de ce cas-là, celui du Dr Robert Lussier;
à un moment donné, vous vous le rappelez, le député
de Terrebonne était intervenu sur cette question-là. J'y vais de
mémoire, mais il avait eu un contrat de négocié, le Dr
Robert Lussier, pour à peu près 120 jours pour une somme de 80
000 $, pour faire une étude dans le domaine municipal. Je vous ai
demandé si c'était la seule personne qualifiée; je vous ai
demandé si cette personne qui, comme vous le savez et comme le
député de Terrebonne se le rappelle et s'en souvient - je le vois
sourire à ce souvenir - était le candidat péquiste aux
élections, à la convention dans le comté de Terrebonne...
On se demande si ce ne sont pas ces critères, au niveau des contrats
personnels, qui priment sur les autres critères. Vous avez souvent, dans
le passé, accusé le Parti libéral du Québec de
procéder comme tel au niveau de l'octroi de ses contrats. Ce qu'on vous
reproche, c'est de ne pas avoir élargi votre système d'octroi de
contrats par ordinateur aux individus qui ont des services à offrir
à la société québécoise, de ne pas demander
à ces individus de s'inscrire sur des fiches et d'avoir le fardeau, eux
- non pas des milliers de fonctionnaires - de maintenir à jour leur
fiche personnelle s'ils ont des évolutions dans leur fiche personnelle,
comme vous le demandez aux entreprises. Vous n'avez pas dressé, M. le
président du Conseil du trésor,
la liste des entreprises au Québec. Vous avez fait de la
publicité autour du programme. Vous avez dit aux entrepreneurs: Venez
vous inscrire. Vous dites aux entrepreneurs: S'il y a des modifications, s'il
vous plaît, avertissez-nous. Cela vous prend très peu de personnes
au ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement pour tenir le
fichier à jour.
Donc, les deux arguments que vous me donnez sont des arguments
complètement irréalistes et complètement évasifs.
Qu'est-ce que vous voulez que nous concluions, nous, comme Opposition?
Qu'est-ce que vous voulez que la population du Québec conclue
lorsqu'elle sait que la moitié de l'argent, 191 522 559 $ est
distribuée par contrats négociés et qu'il y en a la
moitié, 194 394 608 $, qui l'est par soumissions publiques et
invitations? Qu'est-ce que vous voulez qu'on conclue, M. le président du
Conseil du trésor, quand les excuses que vous nous amenez ne tiennent
absolument pas et que vous vous refusez d'appliquer le même
système? Si vous appliquiez le même système, les individus
qui auraient des services à offrir s'inscriraient et maintiendraient
à jour leur fiche s'il y avait de l'évolution et cela ne
donnerait pas plus d'ouvrage et ne serait pas plus compliqué. Je
comprends que vous préférez maintenir le système actuel,
parce qu'à chaque fois qu'on pose la question, on s'aperçoit de
la méthode par laquelle la personne a été
contactée, par des connaissances du bureau du ministre. Au lieu d'aller,
lui, à l'ordinateur, il va au bureau du ministre. Si c'est le
système que vous voulez maintenir, la population vous jugera sur le
maintien de ce système.
M. Bérubé: M. le Président, il faut
être patient avec le député de Brome-Missisquoi, c'est un
homme charmant, d'ailleurs.
M. Paradis: À présent, le pot s'en vient.
M. Bérubé: ... et à l'avantage... ce serait
un peu moins varié qu'avec le député de Sainte-Anne. Le
député de Sainte-Anne, c'est intéressant en fait, il a
à peu près une demi-douzaine de questions et c'est tout
classé dans des petits tiroirs; ce sont toujours les mêmes. Alors,
quand il ouvre le tiroir numéro quatre, dès le premier mot,
après trois mots, on sait immédiatement quelle va être la
question et on peut lui répondre instantanément.
Quant au député de Brome-Missisquoi, c'est encore plus
facile parce qu'il a à peu près une ou deux questions et c'est
tout.
Oui, à peu près cela. Non, au contraire c'est d'une
très grande simplicité et limpidité.
Le total, en gros, sur l'année 1980-1981, pour lequel nous avions
fait un inventaire à la suite des questions du député de
Brome-Missisquoi indiquait que, sur quelque chose comme 700 000 000 $ de
contrats gouvernementaux, il y en avait 18 000 000 $ qui étaient
accordés à ce que nous appelons des professionnels autonomes,
c'est-à-dire des personnes, professeurs d'université ou autres,
qui ont des connaissances qui, à un moment donné deviennent
utiles au gouvernement. Il a tantôt parlé du cas de M. Robert
Lussier.
M. Paradis: Je l'ai pris comme cela.
M. Bérubé: Le député de
Brome-Missisquoi ne niera pas la longue expérience du Dr Lussier dans le
domaine des affaires municipales.
M. Paradis: Est-ce qu'il est le seul?
M. Bérubé: II n'est évidemment pas le
seul.
M. Paradis: Cela va.
M. Bérubé: Donc, lorsque vient le moment de
choisir...
M. Paradis: ... a beaucoup d'expérience dans la
construction.
M. Bérubé: ... en général, on va
faire appel à quelqu'un qui connaît un secteur. À un moment
donné, il nous avait posé la question, je ne me souviens plus sur
quoi, enfin, il nous en pose régulièrement et on lui explique
chaque fois, puisque chacun de ces cas vient au Conseil du trésor et
vient à la commission des engagements financiers. On a l'occasion,
à ce moment, de répondre. Il nous demande: Un professeur de
McGill dans tel domaine. On regarde: Bien oui, dans le secteur de l'amiante,
c'est un spécialiste et, effectivement, il est bien connu dans ce
domaine. J'imagine que le gouvernement du Québec... D'ailleurs, il a
été obligé de le faire à l'époque où
le Parti libéral était là et mes allégeances au
Parti québécois étaient bien connues. À un moment
donné, on a besoin d'un spécialiste en automatisation dans le
domaine du traitement des minerais. Que voulez-vous que je vous dise? Il y en a
deux au Québec et les deux travaillent dans la même
université. Évidemment, on m'engageait.
Si on veut un spécialiste en droit constitutionnel sur le droit
et la pauvreté et on sait que M. Marx est un avocat bien connu dans le
secteur, j'imagine qu'à un moment ou l'autre, le gouvernement a dû
faire appel à ses services. Ce n'était pas une question de
patronage, c'était simplement qu'il avait des connaissances dans le
domaine. Vous allez me dire: Oui, mais il y en a sans doute d'autres dans le
domaine du
droit et de la pauvreté qui connaissent le secteur. Oui, sans
doute. Pourquoi a-t-on engagé, à ce moment, M. Marx s'il a
été engagé? Sans doute parce que quelqu'un...
M. Paradis: Pour les fins du journal des Débats, c'est un
cas hypothétique.
M. Bérubé: Oui, c'est un cas hypothétique.
Parce qu'il est connu. Parce qu'il a écrit un livre dans le domaine.
Parce qu'il fait effectivement un bon travail. À un moment donné,
quelqu'un dit: Tiens, c'est un bon bonhomme. Il a déjà
écrit des choses sur le sujet et on va faire appel à lui. Vous
allez me dire: II y en a un autre qui n'a jamais rien écrit sur le sujet
mais il connaît également... Oui, c'est vrai, possiblement, mais
comme on le connaît un peu moins, on va peut-être faire appel
à M. Marx qui est plus connu dans le domaine. En d'autres termes, il y a
un ensemble de critères...
M. Paradis: M. le président du Conseil du trésor,
est-ce que je peux vous interrompre?
M. Bérubé: Oui, vous pouvez m'interrompre sans
aucun problème.
M. Paradis: Ce que vous me dites là s'applique exactement
dans les cas des firmes d'architectes ou autres que vous engagez par
l'entremise du système Rosalie. Vous les choisissez ou les
sélectionnez par cet ordinateur et une fois sélectionnés,
ils sont choisis, dans plusieurs cas, par un comité de sélection.
Là, vous avez une grille d'évaluation comme vous l'appelez et si
le gars a déjà écrit un livre, s'il a des publications,
ça peut être un critère qui donne des points, etc.
Ce que vous m'expliquez revient exactement au même que ceux qui
sont traités par le système de Rosalie, mais vous voulez garder
votre petite "gang" à côté de vous pour votre patronage
à vous.
M. Bérubé: À la différence
près, M. le Président, que si je prends des firmes de
construction où là il y a un assez gros volume,
évidemment, oui..
M. Paradis: Architectes.
M. Bérubé: Oui, architectes. À ce moment,
ils sont couverts, les architectes. À ce moment, dans le cas
d'architectes, c'est relativement facile. Ils sont couverts, il y en a
plusieurs, les contrats arrivent assez fréquemment. Donc, on est
justifié d'avoir un fichier pour les architectes. Mais si je
décide de demander un film sur le métier d'écrivain comme
nous avons vu aux engagements financiers tout récemment. Le nombre de
Québécois susceptibles de tourner un film sur le métier
d'écrivain est considérable. Le nombre de Québécois
qui ont fait du film à un moment où l'autre, il y en a beaucoup.
Le nombre de Québécois qui connaissent le métier
d'écrivain, il y en a également beaucoup, pas de
problèmes.
Si je décide de rédiger une plaquette d'informationn sur
le métier d'écrivain...
M. Paradis: ... la faillite du Québec.
M. Bérubé: ... Là, je pense qu'il y a un
problème avec votre titre. C'est que nous ne pourrons trouver d'autres
personnes que des partisans libéraux bornés qui sont
évidemment incapables de rédiger quelque chose de valable. Donc,
c'est un mauvais sujet, mais prenons un sujet valable: La déconfiture du
Parti libéral aux dernières élections, tiens, c'est
intéressant. Alors là, tous les commentateurs...
M. Paradis: Ou Le pouvoir? connais pas!, Lise Payette.
M. Bérubé: ... les journalistes au Québec
pourront expliquer les causes de cette déconfiture. Écoutez,
est-ce qu'on va garder un registre de tout ce qu'il y a de journalistes au
Québec susceptibles d'écrire un article dans une revue
gouvernementale? Ça n'a aucun bon sens.
M. Paradis: Question de règlement. C'est le même
exemple et c'est parallèle à l'exemple du caméraman que
vous avez donné, l'autre jour, en entrevue, lorsque j'étais
derrière vous, je suivais pour donner l'entrevue. C'est la même
chose. Vous avez dit aux journalistes qui vous interviewaient: Est-ce que je
vais garder sur fichier tous les caméramen du Québec. Vous avez
dit: Votre caméraman, demain, peut changer de métier, choisir
autre chose. Ce n'est pas tenable, c'est impossible à tenir. Finalement,
c'était un peu votre explication. Ce n'est pas cela que vous faites avec
les entrepreneurs, ceux qui sont sur le fichier en ce moment. Vous ne maintenez
pas à jour tous les entrepreneurs du Québec. Vous maintenez
à jour tous les entrepreneurs et professionnels de divers secteurs qui
veulent offrir des services au gouvernement. Même chose pour le
cameraman. Si l'entrepreneur, comme cela arrive souvent, choisit de laisser les
affaires parce qu'il n'y a plus rien qui se bâtit au Québec, bien
il sort de la liste. Si votre cameraman choisit un autre métier, il vous
avise et il sort de la liste ou, si vous l'invitez à soumissionner, il
ne vient pas. (17 h 15)
Ce que je vous dis, M. le ministre, c'est que la pratique
utilisée pour des entrepreneurs et des firmes d'ingénieurs
pourrait - vous ne m'avez apporté aucun argument contre cela à
l'heure actuelle -
aussi bien s'appliquer aux individus qui souhaitent offrir des services
au gouvernement. Prenez le cas du Dr Robert Lussier, qui n'a pas eu le bonheur,
lui, d'être élu parce que la population de Terrebonne a
jugé que le député de Terrebonne, M. Yves Blais, qui est
assis devant nous, était plus compétent, plus
représentatif que le Dr Lussier, qu'est-ce que vous faites comme parti
politique avec lui à titre d'exemple? Cela, on en retrouve à
toutes les pages. Ce que vous dites, c'est que lui, pour 120 jours, il va avoir
un petit contrat de 80 000 $ pour préparer une étude alors que la
population a jugé que, pour 365 jours et un quart - c'est cela l'ouvrage
d'un député - le député de Terrebonne va avoir 35
000 $. Ce sont ces portes que vous vous gardez ouvertes. Moi, je ne suis pas
convaincu que le fait que ce gars-là n'ait pas été choisi
à une convention péquiste n'a pas fait que vous l'avez
retenu.
Vous m'avez avoué vous-même qu'il y a d'autres personnes au
Québec qui sont compétentes dans ce domaine. Pourquoi n'avez-vous
pas invité ces gens? Si vous aviez eu un fichier, tous les gens qui
auraient été compétents dans ce domaine et qui
étaient intéressés à offrir des services au
gouvernement auraient été inscrits. Là, vous auriez pu
sélectionner hors du patronage politique. Je suis certain que c'est
choisi par les cabinets de ministre. À la dernière séance,
M. le président du Conseil du trésor, vous m'avez même dit
que, dans le cas de contrats négociés - j'ai mes notes dans mon
bureau; s'il faut que j'aille les chercher, je vais aller les chercher - Oui,
dans ce cas-là, c'était politique.
M. Bérubé: On va permettre au député
de Vaudreuil-Soulanges de reprendre la poursuite des travaux et d'avoir des
chances de poser des questions plus intelligentes.
M. Paradis: Je sais que vous ne voulez pas répondre
à cette chose-là, mais vous répondiez: Oui, c'est
politique dans ces cas-là. Vous n'avez aucune raison de ne pas ficher
les individus qui ont des services à offrir au gouvernement et qui
veulent s'inscrire.
M. Blais: M. le Président, s'il vous plaît.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: M. le Président, vu que dans son exposé
M. le député de Brome-Missisquoi, encore une fois, a parlé
du Dr Robert Lussier concernant une certaine convention... Oui, oui, je sais,
mais je...
M. Paradis: C'est parce que vous étiez ici.
M. Blais: Oui, vous êtes gentil, d'ailleurs, c'est la
deuxième fois, mais cette fois-ci je vais être un peu plus
précis. Le gouvernement a choisi le Dr Robert Lussier pour un contrat
pouvant aller jusqu'à 80 000 $ sur des études pour la confection
au Québec des MRC; c'était cela, en fait. La preuve que c'est un
homme d'une telle compétence, c'est qu'il n'a eu besoin de faire des
heures que pour environ 6 000 $, si jamais vous vérifiez dans les
comptes. Donc, cela prouve que, d'abord, l'homme était d'une grande
compétence et le fait qu'il ait été déjà
ministre des Affaires municipales prouvait qu'il connaissait ce
métier-là, qu'il connaissait les municipalités et il n'a
dépensé que 6 000 $ en heures sur les 80 000 $ qui auraient pu
lui être alloués.
Deuxièmement, je me souviens, puisque vous appelez cela une
question plantée, que j'en ai planté une moi-même en disant
à M. le président du Conseil du trésor: Aujourd'hui, je
sors des engagements financiers pour la septième fois et vous vous
êtes fait poser sept fois la même question. Je vais vous la poser
une huitième fois moi-même en Chambre afin d'éliminer ce
que j'appelais à l'époque un canard qui vole. Le
député de Brome-Missisquoi, qui est le comté des canards
par excellence au Québec...
M. Paradis: Quel canard qui vole?
M. Blais: II y a un canard qui vole et j'aimerais beaucoup - je
me parodie moi-même - que vous preniez votre fusil pour l'abattre, ce
canard, afin que tous les gens qui nous écoutent à
différentes reprises sachent que ce canard est enfin arrivé sur
terre. Vous passez votre temps, monsieur... C'est de bonne guerre pour vous
parce que, quand on joue dans la terre ou dans la boue longtemps, vient un
temps où on en prend l'habitude et où on oublie de se nettoyer
les ongles. Cela me fait plaisir que vous y reveniez pour vous redire -
j'espère que ce sera la dernière fois - que dans les
contrats...
M. Paradis: Cela va être la dernière fois.
M. Blais: ... de professionnels - ce dont vous parlez - nous
passons par Rosalie. Il y a des dérogations, c'est de cela que vous
voulez parler. Vous soufflez toujours les dérogations. Pour les gens que
nous engageons comme spécialistes, nous n'allons dans aucun fichier.
Nous n'avons pas, non plus, une carte pour chaque individu qui
désirerait, comme vous le dites, entrer dans un fichier. On mettrait
dans ce fichier les compétences, l'âge, les qualités,
barbe, pas barbe, beau, pas beau, etc. On ne fait pas
cela, d'abord cela va un peu à l'encontre des droits de l'homme.
Cependant, à travers tout cela, vous sortez toujours le chiffre
mirobolant, mirifique de 191 000 000 $. Vous les avez sortis, encore
tantôt, vos 191 000 000 $. Le total des dérogations touche, dans
tous les contrats de l'année 1981, à peine 0,5% et, dans ce 0,5%
de dérogation, il y a des cas exceptionnels comme l'achat de tuyaux, par
exemple, qu'on a même achetés aux États-Unis, ne vous en
déplaise. Lorsque le feu est pris, si c'est une bâtisse du
gouvernement et qu'autour il n'y a rien, il n'y a personne d'engagé pour
éteindre le feu, est-ce que nous allons aller au fichier central pour
voir si nous devons engager M. Jean Latrémouille ou Prosper
Bérubé pour voir lequel des deux aura le contrat pour
éteindre le feu?
M. Bérubé: ... pas très
approprié.
M. Blais: C'est vraiment impossible à suivre, ce
raisonnement. Le suivre une fois cela peut aller, le suivre deux fois cela peut
aller, mais à répétition, comme des litanies morbides
comme celles que vous nous servez, j'ai tellement hâte que vous disiez
amen.
M. Paradis: Juste pour répondre très
brièvement pour corriger une inexactitude. Vous comprendrez
peut-être un jour, M. le député de Terrebonne, que les cas
par dérogation ne sont pas tous des cas de contrats
négociés et qu'il y a une distinction très nette à
faire. Il y a des cas de contrats négociés qui sont par
dérogation et il y a des cas de contrats négociés qui ne
sont pas par dérogation, parce que la procédure actuelle
prévoit qu'on procède par négociation. Donc, ce n'est pas
une dérogation, la procédure prévoit que cela passe par
négociation. Lorsque vous aurez compris cela, vous viendrez en
commission des engagements financiers ou aux crédits de l'année
prochaine présenter vos excuses.
M. Bérubé: M. le Président, le
député de Brome-Missisquoi a posé une question: Pourquoi
ne dressez-vous pas un fichier de tous ceux qui voudraient offrir leurs
services au gouvernement?
M. Paradis: À ceux qui veulent offrir leurs services au
gouvernement.
M. Bérubé: C'est cela. J'étais finalement en
train de, je ne dirais pas compter les mouches au plafond, mais de
rêvasser en attendant que le député de Brome-Missisquoi
finisse par accoucher.
M. Paradis: C'était le député de Terrebonne
qui parlait.
M. Bérubé: J'examinais les nuages, parce que fort
heureusement il fait beau dehors et j'examine les nuages. Il y en avait un
particulièrement pommelé, assez beau, je l'examinais et
subitement je me suis posé la question: Qu'arriverait-il si le
ministère de l'Environnement décidait de publier une brochure sur
les nuages par temps froid?
M. Paradis: ... dans le genre de chose que le PQ publie.
M. Bérubé: Alors, il faudrait que tous les
"pelleteux" de nuages du Québec se soient inscrits au fichier de telle
sorte que nous puissions, effectivement, en faisant appel au fichier, trouver
la liste de tous les "pelleteux" de nuages. Qui aurait-on trouvé? Le
député de Brome-Missisquoi, le député de
Vaudreuil-Soulanqes, enfin un certain nombre de "pelleteux" de nuages.
M. Paradis: Regardez donc votre liste de membres du PQ.
M. Bérubé: Ce n'est pas ceux qu'on cherche. On
cherche des "pelleteux" de nuages qui seraient capables de nous décrire
la forme des nuages. Voyez-vous cela...
M. Paradis: J'ai compris, M. le président du
Conseil...
M. Bérubé: ... tous les "pelleteux" de nuages
s'inscrivant annuellement dans le fichier pour le cas où le gouvernement
aurait, peut-être un jour, à publier une brochure sur les nuages.
On risque d'attendre longtemps, parce que ce n'est pas certain qu'on va publier
une brochure sur les nuages dans les 50 prochaines années.
M. Blais: Ce n'est pas sûr non plus qu'on ferait
l'appel.
M. Bérubé: Non plus. Par conséquent, M. le
Président, comment peut-on avoir un fichier qui tient le registre de
tous ceux qui veulent offrir leurs services au gouvernement pour le cas
où on aurait besoin de ce type particulier de service? C'est la raison
pour laquelle nous tenons un fichier dans des services où il y a
suffisamment de contrats, donc de possibilités d'être choisi pour
que cela vaille la peine de tenir un fichier. On n'est pas pour tenir un
fichier de tous les "pelleteux" de nuages qui pourraient, un jour,
rédiger un livre sur les nuages au Québec, alors qu'on n'aura
peut-être jamais l'occasion de faire appel à cette
spécialité. Si le député de Brome-Missisquoi
voulait cesser de pelleter, parce que présentement il roule dans quelque
chose que je n'oserais pas décrire...
M. Paradis: J'ai compris.
M. Bérubé: Je voudrais qu'on passe la parole au
député de Vaudreuil-Soulanges, qui m'a dit qu'il voulait qu'on
consacre trois heures à étudier les crédits du Conseil du
trésor, alors que pour l'instant, M. le Président, on a eu droit,
je pense, à une démonstration ridicule du manque de
sérieux de l'Opposition. C'est dommage, je vois le député
de Vaudreuil-Soulanges qui ronge son frein depuis tantôt. Voulez-vous,
s'il vous plaît, attacher votre collègue de Brome-Missisquoi une
fois pour toutes? Je l'endure une fois par mois aux engagements financiers et
cela suffit.
M. Paradis: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: J'ai compris à partir des excuses stupides qui
nous ont été amenées par le président du Conseil du
trésor qu'il ne veut pas instituer ce système. L'exemple de
pelletage de nuages qu'il nous a amené, c'est un cas complètement
farfelu. Il sait très bien qu'il n'a pas prévu dans son fichier
au niveau des entreprises toutes les éventualités possibles.
C'est là qu'on procède par dérogation lorsque toutes les
éventualités possibles n'ont pas été
prévues. Je prends à l'appui de cet exemple, le fait du tuyau
acheté aux États-Unis. Justement, les fournisseurs de tuyaux
n'étaient pas inscrits parce que le gouvernement n'avait jamais
prévu cette catégorie et le feu était pris, comme on dit,
c'était une question d'eau polluée à Farnham; on a
procédé par dérogation. Si jamais vous aviez des nuages
à faire pelleter au Parti québécois, vous ferez la
même affaire, vous tomberez dans votre 0,5% et vous procéderez par
dérogation. Par les réponses que vous donnez au
député de Brome-Missisquoi, à la population qui vous
demande d'éviter ou d'éliminer le plus possible le système
de patronage qui demeure dans les contrats négociés avec des
individus, tout ce que vous faites, c'est de tenter de vous en tirer avec des
excuses qui ne résistent pas plus au fonctionnement d'un appareil,
à l'analyse, que dans le cas des entrepreneurs et des entreprises qui
sont déjà sur cela, M. le président du Conseil du
trésor. Quand vous trouverez des exemples intelligents pourquoi vous
refusez à part de vouloir conserver au PQ votre petit nid de patronage
à partir des bureaux de ministres, vous nous en ferez part et on
arrêtera de poser ces questions. Je vous invite, en attendant, à
tenter d'améliorer le système et d'étendre le
système d'octroi de contrats aux individus dans les domaines où
vous les utilisez le plus souvent pour commencer et à améliorer
le système comme vous l'avez fait dans le cas des entrepreneurs au fur
et à mesure des années.
M. Bérubé: M. le Président, si l'on pouvait
appeler le programme 1, élément...
M. Paradis: Allez-vous nous annoncer que vous le faites?
M. Bérubé: ... 1, pour qu'on puisse commencer notre
travail.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est précisément
l'objet de la question.
M. Bérubé: De la question, ah! Parfait.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Absolument. Dans mes remarques préliminaires, j'ai fait remarquer
que je félicitais le ministre d'être devenu président du
Conseil du trésor, un poste qui était occupé à
temps partiel par l'un de ses collègues que j'avais eu l'occasion de
rencontrer en commission parlementaire et dont on a l'habitude d'obtenir des
réponses complètes et, je dois le dire, intéressantes.
Lorsqu'il a été question que j'accompagne mon collègue ou
qu'on vienne ensemble ici, le député de Brome-Missisquoi et
moi-même, rencontrer le président du Conseil du trésor, on
m'avait averti que ce n'était pas du tout le même genre de
discours qui était tenu tant par le député de Matane que
par le député de L'Assomption, j'ai mis cela en doute dès
le départ étant donné qu'on pouvait connaître,
d'après la complexité des dossiers qu'avait à traiter le
président du Conseil du trésor, quand même un degré
de professionnalisme dans les réponses, mais manifestement, la
complexité des dossiers qui sont confiés au président du
Conseil du trésor fait appel d'abord à ses grandes
qualités de technicien et non à ses petites qualités de
politicien dans la mesure où la partisanerie de certaines des
réponses... quand elles sont dirigées vers des
députés, elles sont acceptables dans la mesure où elles
font partie du jeu politique, mais quand la mesquinerie s'étend à
nos adjoints non élus qui essaient de faire un travail, je trouve cela
pour le moins un petit peu répréhensible.
De toute façon, pour faire avancer les travaux, nous avons, comme
je le disais au départ, tenté d'isoler le rôle central que
devait jouer le président du Conseil du trésor dans la crise
budgétaire actuelle. J'ai cru comprendre par les réponses, qui
n'ont pas pris beaucoup de temps alors qu'elles en appelaient un peu plus, que
le président du Conseil du trésor ne comptait pas faire
état de certains éléments de la politique salariale sous
prétexte que ces éléments devaient être
amenés lors des négociations avec le front commun des
employés. Je lui rappelle ce que je disais tout à l'heure.
Certains de ses collègues, notamment l'adjoint parlementaire du ministre
des Finances, ne se gênent pas
pour étaler à la radio, à la
télévision et dans les journaux quels sont les
éléments qui justement sont négociables, traitant les
syndiqués de gens immobiles qui, évidemment, par leur
immobilité, coûtaient quelque chose à l'État et les
traitant de gens qui avaient beaucoup trop de vacances. Il l'a fait en ma
présence et celle de centaines de milliers de
téléspectateurs cette semaine. Il n'a pas réservé
cela, quant à lui, pour la table des négociation. Donc, il n'y a
pas beaucoup de chemin à faire avec ce sujet. (17 h 30)
Le deuxième aspect que j'avais relevé, c'était la
gestion des fonds publics, l'octroi des contrats. On voit que le
député de Brome-Missisquoi et le député de Matane
et ministre sont tombés dans ce qui manifestement constitue une des
habitudes du ministre de ne pas répondre aux questions du
député de Brome-Missisquoi, à sa satisfaction à
lui. Je pourrais peut-être assister sur une base régulière
à la commission parlementaire des engagements financiers pour voir si je
serais moi aussi insatisfait de mon collègue au fil de mois; je n'ai
aucune raison de douter que j'aurais une opinion différente de celle de
mon collègue de Brome-Missisquoi. Donc, élément 1,
programme 1, ceci dit.
M. Bérubé: Voilà.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je retiendrais deux
éléments au niveau de l'organisation, l'analyse et
l'évaluation, ce qui le complète, c'est cela, l'organisation de
ce programme, de cet élément.
À un des éléments, on indique que les services ont
reçu les instructions spécifiques suivantes pour l'année
en cours 1982-1983: documenter de façon détaillée la
structure des dépenses de chacun des proqrammes et profiter de leur
comportement au cours des trois prochaines années. Je vous laisse le
temps de trouver cela. La question me vient tout naturellement à
l'esprit, dans la mesure où c'est dans le discours du budget du 25 mai
qu'on a vu pour la première fois des projections de trois ans, est-ce
que c'est la première fois que les services d'analyse budgétaire
ont le mandat de voir comment de façon détaillée la
structure des dépenses évoluera au cours des trois prochaines
années, parce qu'il me semble que c'est précisément
là le noeud de tout le problème. Peut-être que je peux
permettre au ministre de donner une autre version, mais si on dit que les
services ont reçu les instructions spécifiques suivantes pour
1982-1983, c'est que c'est la première fois qu'on est obligé de
le faire. Autrement, le langage est mal choisi et si ça fait partie
d'année en année du genre d'instructions que ces services
reçoivent, je ne vois pas pourquoi on insiste tant sur ce qui dans ce
cas là est normal.
C'est peut-être la première question, si on pouvait y aller
tout de suite.
M. Bérubé: C'est en fait, je pourrais dire, la
troisième année, à ma connaissance, que nous nous adonnons
à cet exercice prévisionnel de projection des dépenses sur
trois ans; cependant, c'est évidemment un exercice qui n'est pas
toujours facile à faire et le degré de précision varie
très fortement dans la mesure où il est assez difficile de
prévoir deux années à l'avance, par exemple, ce que sera
le taux d'intérêt ou l'inflation. Par conséquent, beaucoup
de nos programmes sont directement reliés soit au taux
d'intérêt, soit à l'inflation, soit à la croissance
économique comme telle, ce qui fait que, disons, la précision de
la prévision est peut-être plus difficile. Nous essayons pour
l'instant de raffiner nos modèles pour rendre cette prévision
fixée à des paramètres comme l'inflation ou la croissance
de l'économie de la façon la plus adéquate possible. C'est
un processus continu très difficile, mais que nous devons nous imposer
si, effectivement, on veut projeter dans le temps les demandes de
dépenses publiques.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ne peux pas m'empêcher
à ce moment-ci de poser la question, étant donné ce qu'on
connaît de l'évolution de la rémunération des
employés de la fonction publique et qu'on met en regard
l'évaluation que le ministre des Finances faisait en 1980,
c'est-à-dire que, selon lui, à l'époque, s'il avait
reconduit les conventions collectives précédentes, il en aurait
coûté au gouvernement 806 000 000 $ de plus et qu'en
défénitive, on prétend maintenant que c'est 2 300 000 000
$ de toute façon qu'on a réussi à épargner;
imaginez-vous où on s'en allait, s'il faut croire le ministre des
Finances sur parole. Par ailleurs, nous avons fait certains calculs quand
même pour voir comment s'établissaient les augmentations de taxes
et les chiffres du budget pour constater que, selon nous, c'est éternel
comme débat; les conventions collectives qui prennent fin au 31
décembre auront coûté effectivement 2 300 000 000 $ de plus
que ce que le gouvernement n'octroyait, et ça fait un ensemble de
chiffres assez gros et qui me laisse soupçonner qu'à
l'époque - et on vient de le confirmer - si c'est simplement depuis
trois ans que la budgétisation à moyen terme sur trois ans
existe, à l'époque de la négociation de ce qui
était majeur pour engager 52% des dépenses de l'État, on
n'avait aucun moyen, après trois ans, je le rappelle, de présence
au pouvoir du gouvernement actuel, qui s'en était fixé une
priorité. On n'avait toujours pas, à l'époque, les moyens
d'évaluer, sur le moyen terme, les effets des conventions collectives
qu'on signait alors.
M. Bérubé: La réponse à votre
question est assez facile. Durant les deux premières années de la
convention, on a procédé essentiellement à une
stabilisation, à une normalisation, si on veut, des échelles.
Nous avons réduit en pratique de 2% la croissance sans donner non plus
d'enrichissement. Ce redressement, cette normalisation des échelles et
l'élimination du redressement de l'enrichissement ont fait en sorte que
l'écart par rapport au marché que je vous soulignais tantôt
a pu passer de 16,3% au-dessus du marché, et passer, en 1979-1980,
à 13,3%, puis à 10%, en 1980-1981. Là où
l'écart a commencé à se produire, c'est lorsque nous avons
commencé à ajouter 1,2% d'enrichissement pour la dernière
année, et 1,6% le 1er juillet de cette année, c'est-à-dire
en accordant une prime d'enrichissement, en présumant, en 1979, que,
pour la troisième année de la convention collective, après
avoir fait un redressement de l'ordre de 2%, on devait s'attendre à ce
que, dans l'économie même, on pourrait avoir une croissance
économique telle que la croissance des salaires dans le secteur
privé justifierait également dans le secteur public un certain
partage ou une certaine participation à cet enrichissement qui
était, à ce moment, estimé à 1,2% et à 1,6%
à peu près pour le 1er juillet 1982.
Donc, lorsque nous disons que les conventions collectives nous auraient
coûté plus cher, c'est que nous n'avons qu'à ne pas
appliquer le facteur de normalisation pour ramener les salaires du secteur
public plus en ligne avec le secteur privé, tel que cela se pratiquait
à l'époque des conventions collectives antérieures, et
automatiquement, on sait ce que ces 2% représentent. Il suffit de donner
des taux d'enrichissement comparables à ce qui était
accordé dans le passé, au lieu de les enlever, comme nous avons
fait dans les deux premières années, pour faire en sorte que l'on
puisse projeter dans l'avenir ce que cela aurait coûté.
Maintenant, indéniablement, dans la mesure où l'inflation
a été beaucoup plus élevée, mais je ne voudrais pas
déranger le député de Vaudreuil-Soulanges avec ma
réponse...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, je vous...
M. Bérubé: Parfait. Dans la mesure où
l'inflation a été plus élevée que ce qui
était anticipé, il en résulte évidemment
qu'à l'heure actuelle, sans doute les conventions collectives, à
cause de l'indexation pour inflation plus élevée que
prévue, peuvent coûter plus cher que ce qui était
anticipé. Mais attention, avec une inflation qui affecte l'ensemble de
l'économie, les revenus gouvernementaux croissent, et par
conséquent, ces phénomènes s'annulent. Donc, une mauvaise
prévison de l'inflation n'entraîne pas nécessairement une
mauvaise prévision de l'équilibre budgétaire. Je souligne
donc que ce qu'il est important de retenir, c'est d'une part, le redressement
des salaires dans le secteur public par rapport à ceux du secteur
privé, qui ont amené l'écart de 16% à 10%, quand on
compare 1980 avec 1978-1979.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
J'accroche au passage les prévisions de ce que pouvait
coûter une erreur quant au taux d'inflation qui était
présumé, dans les formules. Je crois me souvenir - vous me
rafraîchirez la mémoire, le cas échéant -qu'on avait
prétendu, du côté gouvernemental, à l'époque,
qu'une erreur de 1% dans le taux d'inflation pouvait coûter
jusqu'à 60 000 000 $, et par recoupement des chiffres du budget de
novembre dernier, on pouvait constater que l'erreur coûtait 100 000 000 $
du point d'inflation. Est-ce exact? Est-ce que cela vous dit quelque chose,
autrement dit?
M. Bérubé: Je pourrais vous donner le chiffre. Un
instant. La masse des syndiqués était de 6 000 000 000 $ à
l'époque, elle est maintenant de 10 000 000 000 $. Le rendement d'un
point sur une base différente donne le résultat que vous
mentionnez.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le deuxième point,
l'évaluation des programmes. Je remarque que vos services ont
reçu également certains mandats ou ont comme tâche de
s'adresser à cinq éléments qui sont décrits pour
voir comment se comportent les programmes, pour en évaluer les
mécanismes, etc. J'aimerais savoir comment les programmes cibles sont
choisis. On parle de programmes cibles choisis, comment sont-ils choisis?
M. Bérubé: Essentiellement, nous faisons porter
notre attention d'abord sur les programmes dont le taux de croissance des
coûts dépasse sensiblement l'inflation. Je pense, par exemple,
à l'aide sociale, aux équipements nordiques, au transport en
commun, à certains programmes de santé, RAMQ, au crédit
agricole, à l'aide juridique qui sont des programmes pour lesquels on a
dû constater des taux de croissance, souvent reliés à des
effets de clientèle, beaucoup plus rapides que l'inflation.
Nous choisissons les programmes essentiellement dans la mesure où
un correctif pourrait avoir un effet structurel plutôt que simplement
conjoncturel. C'est donc une préoccupation qui doit être au centre
des préoccupations gouvernementales que de s'attacher à certains
programmes dont les taux de croissance sont trop rapides. Le problème
que nous vivons au Québec, il
ne faut pas se le cacher, c'est que nous avons des programmes dont les
coûts croissent beaucoup plus rapidement que l'inflation.
Il n'y a pas eu de problème, pendant les quinze dernières
années, à assumer ce type de croissance dans la mesure où
le produit intérieur brut, en Occident, a souvent augmenté de 6%,
7%, 8% par année, en termes réels. Par conséquent,
même si on devait hypothéquer un léger pourcentage de la
croissance du PIB pour faire face à des programmes dont le coût
croissait très rapidement, cela ne présentait pas de
problème particulier. Mais il faut dire qu'aujourd'hui, avec une
croissance réelle des économies dans le monde qui, en
période de bonne conjoncture, peut atteindre 3% ou 4% et en
période de mauvaise conjoncture, a plutôt tendance à
être nulle, même négative ou de faible pourcentage, il faut
porter une attention beaucoup plus grande à ces programmes dont le taux
de croissance est trop rapide.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sauf que, de mémoire, on
peut généralement identifier la brisure dans ce qui était
prévisible comme taux de croissance de l'inflation à certaines
décisions des pays de l'OPEP, à tort ou à raison pour
l'entièreté de la brisure, mais on reporte en
général à 1973-1974 ce facteur. Ce ne sont pas tous les
programmes qui datent quand même d'avant 1973-1974 et qui sont donc
sujets, du jour au lendemain, à des conjonctures. Je me demande donc
comment on pourrait avoir un contrôle à l'intérieur,
lorsqu'on prend la décision, pour voir si le programme qu'on est en
train de créer va répondre de la façon dont vous venez de
le décrire à la conjoncture.
M. Bérubé: Je ne suis pas certain de m'être
bien expliqué. Je pense que vous n'avez pas compris le sens de mon
intervention.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Au
Québec, les programmes ont tendance à croître...
(17 h 45)
M. Bérubé: Non, ce que j'ai dit, c'est que nous
avons un certain nombre de programmes dont les tendances sont explosives.
Qu'une telle croissance ait entraîné, par exemple, un rythme de
croissance des dépenses publiques au Québec de 3%
supérieur au PIB - je suis remonté jusqu'en 1970 et c'est assez
systématique année après année - en soi, cela ne
posait pas trop de problèmes, dans la mesure où nous avions une
croissance du produit intérieur brut très élevée.
Le problème, c'est que le jour où la croissance du produit
intérieur brut a commencé à plafonner, à des taux
peut-être auxquels il faudra s'habituer dans l'avenir, l'analyse et
l'évaluation des programmes sont devenues plus importantes. Les
programmes qui font l'objet d'une évaluation sont alors ceux dont le
taux de croissance est beaucoup plus rapide que l'inflation, mais il n'y a pas
de lien entre la croissance de ces programmes et, par exemple, l'inflation ou
l'augmentation des prix du pétrole. Ce sont des programmes qui, en soi,
ont une dynamique interne de croissance. À titre d'exemple, l'aide
juridique, dont nous discutions à l'Assemblée nationale, puisque
l'Opposition s'est opposée à l'imposition d'un frein
modérateur. Que se passe-t-il à l'aide juridique? Essentiellement
nous avons, d'une part, une augmentation normale des coûts par cas
traité à l'aide juridique. Quand je dis "normale", la croissance
a été de l'ordre de 7 1/2% par année au cours des cinq ou
six dernières années. Donc, c'est une croissance très
modeste. Cette croissance a été très modeste pourquoi?
Parce qu'on constate que le nombre de cas traités par les avocats de
l'aide juridique a eu tendance à augmenter; donc une productivité
de plus en plus grande. On peut comparer. Je pense que le nombre passe de 550
à 735 au cours des deux dernières années, à titre
d'exemple, et nous avons un coût moyen par dossier qui est nettement en
bas de la moyenne canadienne, qui était d'à peu près 238
$, alors qu'elle est à peu près de 168 $ au Québec. Donc
c'est un programme très performant, très efficace en termes de
rationalisation, de réduction des coûts, mais il y a une
croissance de clientèle de 13% par année. Le nombre de cas
augmente de 13%. Là, c'est l'évaluation de ce programme qui nous
a permis de constater, premièrement, qu'il était performant,
efficace, avec une bonne productivité; toutefois, l'augmentation de
clientèle était trop élevée. Donc, l'effort a
porté sur les moyens de réduire cette croissance de
clientèle. C'est ce genre d'évaluation que fait le Conseil du
trésor.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Évidemment, une
explosion dans des programmes comme ceux-là suit inévitablement
l'augmentation du nombre de pauvres ou de gens qui se qualifient; c'est ce que
vous disiez, qu'une des explications de l'explosion, est un facteur qui tient
à la clientèle. Il est évident qu'on s'est enfermé
à ce moment dans un système où, si l'économie va
moins bien, il y a plus de gens pauvres qui ont plus besoin de ces services et
on a encore de moins en moins de ressources économiques pour financer
cela. C'est la nature des programmes dont on s'est nanti depuis quelques
années, si je comprends bien.
M. Bérubé: Oui, je pense que ce
facteur joue. Cependant la croissance de la clientèle à
l'aide sociale n'a pas été de 13% par année dans les
années passées. On a donc des facteurs exogènes autres que
le simple facteur clientèle à l'aide sociale, qui peuvent reposer
sur le fait qu'il s'agissait d'un nouveau programme, qu'au fur et à
mesure qu'il est connu, évidemment, il y a de plus en plus de gens qui
peuvent y faire appel. Il y a plusieurs facteurs dont il faut tenir compte pour
expliquer la croissance de clientèle.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'ai pris une note lorsque vous
consultiez un document. Est-ce qu'il est public le document auquel vous vous
référiez tout à l'heure...
M. Bérubé: Sur?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... qui avait trait aux
conventions collectives?
M. Bérubé: Non, c'est un document interne.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un document interne qui ne peut
être déposé en commission ou autrement?
M. Bérubé: Non, je ne pense pas. C'est un document
que je préférerais examiner avant.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Avant de le citer comme vous
l'avez fait?
M. Bérubé: Non. La raison étant très
simple. C'est que je voudrais m'assurer que le document répond à
une question que j'avais posée pour mon information personnelle. Il ne
s'agit pas là d'un document officiel du gouvernement. Je voudrais
être bien certain que, par exemple, mes collaborateurs qui ont pu y
introduire des éléments les y ont introduits de manière
qu'il n'y ait aucune connotation politique. Je veux bien que mes collaborateurs
me fournissent une information à caractère politique; toutefois
s'il s'agit d'un document public, évidemment, on devrait ne s'en tenir
qu'à des faits. Sans être absolument certain du contenu
détaillé du document, j'éviterais de le distribuer. Je
n'ai pas d'objection à l'éplucher soigneusement pour être
bien certain qu'on n'a là-dedans que des données factuelles et
à ce moment il me fera plaisir de le fournir. Je n'ai aucune objection
à vous fournir les données sur lesquelles ce document repose, les
commentaires qui pourraient y exister, ceci étant peut-être de
nature plus politique. Si c'est le cas, je voudrais m'en assurer, et à
ce moment je préférerais que cela reste un document
personnel.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
D'accord. Par ailleurs...
M. Bérubé: S'il est montrable, ça me fera
plaisir de vous le donner.
Une voix: On ne fait jamais de politique.
M. Bérubé: Mon cabinet est intervenu dans votre
texte de telle sorte qu'on l'a complété chez nous. Je ne suis pas
certain que vous vouliez que ce document sorte.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Toujours à la rubrique de l'évaluation des programmes, je
regarde le cinquième élément, examen du rendement
coûts-bénéfices des programmes. C'est quelque chose qui m'a
toujours intéressé et qui m'intéresse surtout quant
à la divulgation que le gouvernement pourrait faire des résultats
de son analyse coûts-bénéfices d'un programme. On pourrait
déborder éventuellement sur l'analyse
coûts-bénéfices de la réglementation et cela
m'amène à vous poser la question, à savoir si à
l'intérieur de votre ministère vous êtes chargés
pour l'ensemble du gouvernement des programmes d'analyses
coûts-bénéfices que le gouvernement s'est engagé
à faire à l'égard de la réglementation à la
suite des recommandations des divers intervenants économiques. Les
chambres de commerce, entre autres, ont fait part de cela.
M. Bérubé: Non, c'est le comité...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
J'essaie d'évaluer l'équipement et les ressources.
Êtes-vous une entreprise de services pour les autres ministères ou
pas?
M. Bérubé: Non, nous ne sommes pas une entreprise
de services pour les autres ministères. Une telle analyse existerait
pour des règlements internes au gouvernement qui relèvent du
Conseil du trésor au niveau de la gestion courante de l'administration
gouvernementale. Mais vous faites allusion à un autre type de
règlement qui sont les règlements édictés en vertu
des lois adoptées par l'Assemblée nationale et qui s'appliquent
donc à l'ensemble de la collectivité québécoise.
Dans ce cas, c'est le comité ministériel permanent du
développement économique qui a la responsabilité
d'effectuer de telles études.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Quant à la publication
des résultats d'une analyse coûts-bénéfices des
programmes, l'accès qu'on peut y avoir, parce qu'il me semble que c'est
absolument central de pouvoir juger si, dans une décision politique...
de construire, élaborer un programme, y donner
suite, faire voter des crédits, etc. Si l'analyse
coûts-bénéfices est absente, on a de la difficulté,
il me semble, automatiquement à mesurer le véritable coût
du programme dans la mesure où il relève à ce moment de la
décision purement politique, s'alimentant de toutes sortes de
considérations peut-être autres que le rapport
coûts-bénéfices.
M. Bérubé: Dans la loi sur l'accès à
l'information gouvernementale, toutes les études conduisant à une
prise de décision doivent être rendues publiques. Toutefois, je
crois que les documents soumis au Conseil exécutif ne sont pas
nécessairement susceptibles d'être rendus publics, pas plus
d'ailleurs que les documents du Conseil du trésor. Donc, je ne suis pas
certain que de tels documents seraient couverts par la loi d'accès
à l'information gouvernementale mais je ne peux pas vous dire non plus
qu'ils ne le seraient pas.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous et moi partageons une
ignorance partielle de cette nouvelle loi.
M. Bérubé: C'est exactement le cas. M. Johnson
(Vaudreuil-Soulanges): Merci.
M. Bérubé: Alors, on me dit qu'il y a
peut-être une réponse technique. Les analyses du trésor ne
seraient pas rendues publiques.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Si les analyses du Conseil du
trésor ne sont pas rendues publiques, qu'en est-il des enquêtes?
Et cela nous amène, on était au programme 1, 2; 2, on l'a vu
longuement.
M. Bérubé: Elles ne sont pas publiques mais on les
retrouve généralement entre les mains de l'Opposition.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous parlez des enquêtes
ou des analyses? Les enquêtes du BRR?
M. Bérubé: Les enquêtes du BRR, c'est
public.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Elles sont toutes publiques
sauf que je vois, à l'élément 3, Bureau de recherche sur
la rémunération, que le programme pour l'année 1982-1983
comporte des enquêtes sur les emplois repères principaux au
Québec, 1er juillet 1982. Cela m'apparaît un peu tardif si on est
en train de négocier pour la masse salariale de l'an prochain ou des
deux prochaines années. Enfin, on verra vos commentaires. Enquêtes
sur la rémunération des cadres, etc., il y en a cinq. Et on
conclut en disant que les résultats de ces enquêtes sont
communiqués aux responsables des relations de travail des secteurs
public et parapublic qui pourront éventuellement les communiquer aux
représentants des employés dans le cadre des échanges de
renseignements reliés aux négociations et aux révisions de
salaires. Est-ce qu'on vient présumer que cela tombe dans le domaine
public automatiquement, malgré l'absence d'engagement...
M. Bérubé: Oui.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... d'une diffusion plus
large?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On me fait remarquer quelque
chose avec raison. Il me semble que deux des cinq enquêtes qui sont
décrites très brièvement ici, soit la comparaison
intersectorielle de la rémunération des cadres des secteurs
public et parapublic à l'automne prochain et les enquêtes sur la
rémunération des enseignants, infirmières et emplois
spécifiques de la fonction publique dans les autres provinces
canadiennes et au gouvernement fédéral, apparaissent pour la
première fois dans la liste des tâches du BRR. En est-il ainsi? Si
oui, qu'est-ce qui a déterminé cette décision
d'élargir à ces deux éléments les activités
d'enquête du Bureau de recherche sur la rémunération?
M. Bérubé: Dans la mesure où à la
suite des rencontres des premiers ministres des provinces, l'accord s'est fait
autour non pas d'une normalisation de la rémunération dans
l'ensemble des provinces canadiennes, mais autour d'un partage de
l'information... Je dois vous dire que c'est une opération qui n'est pas
facile, dans la mesure où la hiérarchisation des postes et
l'organisation du travail dans les diverses provinces font en sorte que les
comparaisons ne sont pas immédiates et évidentes. Donc, il y a un
effort entrepris à l'heure actuelle pour tenter de normaliser le type
d'information disponible et faire en sorte qu'on puisse effectivement comparer
la manière dont évolue la rémunération dans les
diverses provinces. C'est une des activités du Bureau de recherche sur
la rémunération.
M. Blais: N'en perdez pas trop, il n'en reste que trois.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le ministre, j'avais
évoqué au début, peut-être, une curiosité
parascientifique pour les systèmes HAY et les systèmes AIKEN.
Étant donné, peut-être, l'heure que nous avions
prévue pour l'ajournement de nos travaux, on pourra remettre cela non
pas pour des questions en Chambre - je ne pense pas que cela puisse faire
l'objet, honnêtement, de tout cela - mais pour d'autres occasions
où
le gouvernement aura le loisir d'étaler au grand jour toutes les
grandes choses qu'il prétend faire pour le Québec.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Alors,
élément...
M. Bérubé: Est-ce que, M. le Président, je
pourrais témoigner d'abord du sérieux des questions du
député de Vaudreuil-Soulanges et le remercier pour la
dernière partie de notre séance de la commission qui,
effectivement, en l'espace d'une demi-heure, nous a permis de toucher plusieurs
dossiers intéressants? Je pense qu'effectivement il aurait
été intéressant d'aborder tout le problème, en
fait, de l'évaluation des postes de cadres par la méthode HAY et
également, l'évaluation de la valeur des emplois dans la fonction
publique par la méthode AIKEN pour, par exemple, examiner dans quelle
mesure, justement, il ne pourrait pas exister une discrimination sexuelle dans
la rémunération des postes au sein du gouvernement. Il faut donc
faire l'évaluation la plus objective possible et la raison pour laquelle
nous introduisons cette méthode AIKEN, c'est pour essayer de voir dans
quelle mesure notre rémunération n'est pas entachée de
telles déviations. Je pense que votre intérêt, M. le
député de Vaudreuil-Soulanges, témoigne du débat
passionnant que nous aurions pu avoir à cette commission, si vous
n'aviez pas eu la gentillesse d'inviter le député de
Brome-Missisquoi. Enfin, néanmoins...
M. Paradis: M. le Président.
M. Bérubé: ... je me serais ennuyé du
député de Brome-Missisquoi que je n'avais pas vu depuis quelques
semaines.
M. Paradis: On se revoit la semaine prochaine.
M. Bérubé: J'espère quand même que
nous continuerons à avoir des relations suivies avec le
député de Brome-Missisquoi, de telle sorte que nos relations
continueront à être au beau fixe.
Le Président (M. Desbiens): L'élément 1 est
adopté? M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, brièvement, pour
répondre aux commentaires du ministre. Si on s'est attardé sur
l'élément 2, c'est que l'octroi des contrats comme tel a fait
tellement l'objet d'une publicité gouvernementale, d'une propagande
selon laquelle tout était fait dans ce domaine-là, tout
était nettoyé, il ne restait plus rien à faire. Lorsqu'on
a l'avantage de siéger à la commission des enqaqements financiers
en compagnie de l'agréable ministre, président du Conseil du
trésor, on s'aperçoit qu'il y a encore beaucoup de chemin
à faire dans ce domaine-là. C'est tout simplement ce que j'ai
voulu porter à l'attention du ministre à l'occasion de
l'étude de ses crédits. Il a peut-être des
préoccupations plus urgentes dans la tête présentement,
mais c'est quand même un dossier, au cours de l'année qui va
suivre, qu'on sera appelé à suivre de près ensemble,
à l'occasion de chacune des séances des engagements
financiers.
M. Bérubé: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): L'élément 1
est-il adopté?
M. Bérubé: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
L'élément 2 est-il adopté?
M. Bérubé: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
L'élément 3 est-il adopté?
M. Bérubé: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
L'élément 4 est-il adopté?
M. Bérubé: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
L'élément 5 est-il adopté?
M. Bérubé: Oui, M. le Président. (18
heures)
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
Le programme dans son entier est adopté. La commission du Conseil
du trésor...
M. Bérubé: M. le Président, on n'ajourne
pas. Je pense que nous avons la Commission administrative des régimes de
retraite dont nous devons approuver le budget.
Le Président (M. Desbiens): De toute façon...
M. Bérubé: Il est 18 heures.
Le Président (M. Desbiens):
Quel programme est-ce?
M. Bérubé: Ce serait tellement plus simple si nous
pouvions continuer avec le consentement de l'Opposition. Il s'agit d'un budget
et j'ai, avec moi, le président de la commission administrative. Si
l'Opposition voulait lui adresser une ou deux questions.
Le Président (M. Desbiens): Article 7,1.
M. Bérubé: 7,1. En fait, il s'agit d'un
programme... Le Président (M. Desbiens): ... finance?
M. Bérubé: ... sans aucune connotation politique
dans la mesure où il s'agit purement d'administrer les régimes de
retraite.
Le Président (M. Desbiens): Cela relève du Conseil
du trésor?
M. Bérubé: Oui.
Le Président (M. Desbiens): Selon le mandat de
l'Assemblée nationale, je veux savoir si c'est le Conseil du
trésor ou finances...
M. Bérubé: Alors, on a oublié la Commission
administrative des régimes de retraite dans le mandat de
l'Assemblée nationale.
M. Paradis: Le mandat qui a été confié,
à ce que le président a dit, à cette commission-ci,
c'était pour les crédits du Conseil du trésor strictement.
Je ne voudrais pas...
Le Président (M. Desbiens): Et des
Finances.
M. Bérubé: II faut qu'elle passe quelque part.
M. Paradis: Oui, mais il faut qu'elle soit appelée par
l'Assemblée nationale. On ne peut pas siéger si on n'est
appelé par l'Assemblée nationale à siéger.
Remarquez que je n'ai aucune objection à donner le consentement, mais au
point de vue technique ce sont des crédits...
M. Bérubé: Traditionnellement, l'année
dernière...
M. Paradis: ... et c'est très rigoureux.
M. Bérubé: Antérieurement, comme cela
relevait de la Fonction publique, c'était étudié avec la
Fonction publique. Comme, maintenant, cela relève du président du
Conseil du trésor, c'est resté entre deux chaises, ce qui fait
que nos retraités ne pourront pas avoir de pension cette
année.
M. Paradis: ... de crédits.
Le Président (M. Desbiens): II reste encore deux semaines
de session.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que la loi 68 tombe
automatiquement?
M. Bérubé: Non, mais la réforme risque
d'être plus radicale.
Le Président (M. Desbiens): Je regrette, mais selon
l'ordre reçu de la Chambre, les questions peuvent toujours être
posées si vous désirez le faire, mais en dehors de la
période, parce que je suspends les travaux.
M. Paradis: M. le président du Conseil du trésor,
est-ce qu'on pourrait vérifier avec Denise Malouin si cela l'incluait?
Elle est partie?
Le Président (M. Desbiens): On va suspendre deux minutes
pour aller vérifier.
M. Bérubé: Je pense qu'il n'y a pas d'autre
solution que de voir dans quelle mesure, peut-être, ce soir, lors de la
reprise des travaux de cette commission, on ait l'information. Effectivement,
s'il n'y a pas de mandat de la Chambre...
M. Paradis: On pourrait toujours le faire donner par la Chambre,
ce soir, dès l'ouverture, à 20 heures.
Le Président (M. Desbiens): La commission des finances et
des comptes publics suspend ses travaux à ce soir 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 03)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, messieurs!
La commission élue permanente des finances et des comptes publics
reprend ses travaux. Nous en sommes à l'étude des crédits
du ministère des Finances. J'imagine qu'on va procéder par des
remarques préliminaires, suivies de l'étude programme par
programme.
M. Parizeau: M. le Président, j'aurais quelques remarques
à faire au début de cet examen. D'ailleurs, ce ne sont pas
vraiment des remarques, mais simplement une suggestion quant à la
façon dont nous pourrions procéder. Étant donné que
les dirigeants de la Caisse de dépôt, de Loto-Québec et de
la Curatelle, qui sont tous localisés à Montréal, sont
venus ici aujourd'hui pour l'examen des crédits du ministère des
Finances, je suggérerais peut-être que l'on puisse les passer
d'abord, de façon à leur permettre de rentrer à
Montréal à une heure raisonnable. On pourrait ensuite examiner
les crédits des Finances proprement dits.
Le Président (M. Desbiens): Consentement?
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Desbiens): Consentement.
M. le député de Vaudreuil-Soulanges.
Caisse de dépôt et placement
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Par ailleurs,
conformément à l'usage, je pense, que nous avons suivi dans
d'autres cas, ce n'est pas nécessairement dans l'ordre du livre des
crédits, si cela ne vous ennuie pas, qu'on va se parler. Dans la mesure
où les gens de la Caisse de dépôt sont disponibles, on
pourrait peut-être commencer tout de suite avec ce qui est, depuis
longtemps déjà, un sujet d'actualité au Québec,
depuis sa fondation, finalement. La Caisse de dépôt prend de plus
en plus de place comme agent de développement économique. Elle a
atteint une visibilité qui tient autant au volume de ses affaires
qu'à la compétence des gens qu'on y a retrouvés et qu'on y
retrouve encore depuis sa fondation.
Par ailleurs, pour peut-être nous éclairer, compte tenu de
cette visibilité un peu plus grande qu'on lui connaît autant par
son action que par les premières pages de journaux d'affaires à
l'occasion, contrairement à de vieilles habitudes, j'aimerais
peut-être aborder certains aspects de la politique d'investissement de la
Caisse de dépôt et placement quant à la composition de son
portefeuille, quant aux préoccupations apparentes de la caisse telles
qu'on peut les déduire de son comportement.
Je commencerais tout de suite par une question à l'adresse du
ministre. Compte tenu du nombre de déposants - il y en a un de moins, je
crois, depuis que les professeurs de l'Université du Québec ont
choisi de se diriger, disent-ils, vers un gestionnaire de fonds qui procurerait
un meilleur rendement, selon eux - quel est le degré d'influence ou
d'autonomie qu'ont les déposants à l'égard de la politique
d'investissement qui touche les fonds qu'ils confient à la Caisse de
dépôt? On peut tout de suite deviner qu'étant donné
le nombre des déposants, plus d'une douzaine, il m'apparaît
important de voir dans quelle mesure des objectifs si divers quant au nombre,
des hypothèses actuarielles, dans beaucoup de cas, si diverses peuvent
être conciliés à l'intérieur de la gérance
quotidienne des sommes extrêmement importantes qui sont mises à la
disposition des gestionnaires de la Caisse de dépôt pour et au nom
des déposants. C'est l'objet de ma première question.
M. Parizeau: M. le Président, comme il s'agit, comme le
dit le député de Vaudreuil-
Soulanges, justement, de rapports qu'il décrivait lui-même
comme presque quotidiens, je pense qu'il serait peut-être
approprié que ce soit le président de la Caisse de
dépôt qui réponde à cette question. J'inviterais
peut-être M. Campeau à commenter et à répondre
à la question du député. (20 h 15)
En fait, les déposants ne choisissent pas les titres qui vont
composer leur portefeuille, mais les déposants en général
discutent avec la caisse des véhicules qui seront insérés
dans leur portefeuille. Or, si on prend, par exemple, le fonds des
fonctionnaires, le RREGOP, il y a des rencontres périodiques où
on discute, où on nous indique, par exemple, le pourcentage
d'équité que les déposants désirent avoir dans ce
portefeuille, le pourcentage de dette, le pourcentage d'hypothèque et le
pourcentage d'encaisse qu'ils décident de garder. Ils ont cette latitude
de déterminer les pourcentages, surtout deux grands pourcentages
importants, équité et dette, dans leur portefeuille. Quant aux
titres qui forment les portefeuilles, les gestionnaires de la caisse ont pleine
discrétion sur ce sujet.
Pour ce qui est de la Régie des rentes, cette dernière,
comme telle, ne donne pas de directive à la caisse quant à la
formation du portefeuille, quand c'est au pourcentage d'équité ou
au pourcentage de dette ou d'hypothèque. Il en est de même pour la
Régie de l'assurance automobile.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pour continuer, à
l'égard des autres déposants, quelle est la nature des
instructions générales qu'ils pourraient vous donner?
M. Parizeau: Ce ne sont que ces instructions, selon la loi,
qu'ils sont habilités à nous donner. Évidemment, ils vont
aussi regarder la performance et juger si on devrait aller, par exemple, dans
des titres d'équité qui soient plus agressifs que d'autres. Par
exemple, la CSST, à un moment donné, voulait former son
portefeuille d'actions mais voulait des actions plutôt au rendement.
Donc, elle ne pouvait pas, pendant un certain temps, accepter des titres
d'actions à long terme, comme on dit, il fallait un titre à
dividende élevé dans l'immédiat. C'est un peu ce genre de
choses. Ce sont des choix qu'ils peuvent satisfaire.
Les gestionnaires de la caisse, en étudiant chacun des
déposants, s'efforcent d'insérer dans ces portefeuilles les
titres qu'ils doivent donner selon les besoins du déposant.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Les besoins du déposant
sont formulés par le déposant lui-même. Autrement dit, les
déposants ont-ils tous les services techniques
qui leur permettent de décider jusqu'à la limite
souhaitable, si on veut gérer de façon convenable, le genre de
mélange qu'ils souhaitent dans le portefeuille? La caisse ne
fonctionne-t-elle pas plutôt, à l'occasion, pour certains d'entre
eux, comme un conseiller en placement, compte tenu des objectifs et du profil
des obligations qu'à long terme ces déposants doivent
respecter?
M. Parizeau: Tout dépend des déposants, encore une
fois. Quand il s'agit du fonds des fonctionnaires, il semble que les
déposants soient très actifs. Ils ont engagé des
conseillers de l'extérieur depuis quelques années pour essayer de
les aider dans leurs discussions avec la Caisse de dépôt. À
ce moment-là, comme je le disais tout à l'heure, il y a des
rencontres périodiques avec les gestionnaires de la caisse; on a un
comité des déposants qui les rencontre. Il y a échange de
vues entre les économistes des deux parties quand il y a un
économiste de l'autre côté et, par la suite, il y a un
consensus où on va nous indiquer, par exemple, pour les trois prochains
mois, qu'on désire 40% en équité des fonds disponibles,
50% en dette et 10% en encaisse. C'est après une discussion entre les
deux parties que cela arrive.
Certains autres déposants sont moins actifs. Ils vont plus
accepter sans discussion les recommandations de la caisse quant aux
propositions du portefeuille. À l'occasion, les recommandations sont
acceptées rapidement et, à l'occasion, il y a plus de
discussions.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je me demandais si vous
pouviez, pour le bénéfice de la commission, nous brosser un
tableau à partir du déposant pour lequel vous pouvez manifester
la plus grande discrétion quant au placement de ses fonds, en graduant
jusqu'à celui qui semble le plus à même de décider
quant à lui comment, à l'intérieur du mélange, il
compte établir des rapports entre les différentes sortes
d'équité, etc. Autrement dit, j'essaie de voir les degrés
de détermination des politiques d'investissement des déposants,
si c'est faisable.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Parizeau: II y a seulement une chose qui m'embête un peu
dans l'orientation que nous prenons. Il faut faire quand même attention
de ne pas, puisque nos propos sont enregistrés, donner l'impression
qu'il y en a qui sont plus actifs parce qu'ils travaillent davantage entre eux
et présentent davantage de propositions à la caisse, par
opposition à d'autres qui diraient: La caisse a l'expertise et nous
n'allons pas, de notre côté, en chercher. Cela ne rend pas le
deuxième groupe - comment dire - plus paresseux ou moins intelligent que
le premier. Je tiens simplement à préciser cela. Au fond, c'est
une sorte de choix que chacun des déposants fait de s'appuyer davantage
sur les ressources techniques de la caisse ou davantage sur des ressources
techniques qu'ils embauchent eux-mêmes.
Cela dit, on peut poursuivre.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est entendu. Je partage les
propos du ministre. Il n'est pas question de porter un jugement de valeur sur
l'intelligence ou la compétence des différents déposants.
Je veux parler du degré de sophistication qu'ils ont choisi de se
donner. Dans ce sens-là, je ne...
M. Parizeau: ... de sophistication. Des voix: Ah!
M. Parizeau: J'allais ajouter, si vous me le permettez, qu'en
fait chacun des déposants est sophistiqué et que ses
interventions ne sont pas les mêmes périodiquement. Pendant une
certaine période, un déposant peut être beaucoup plus actif
et, par la suite, beaucoup plus... En tout cas, on va attendre quelque temps
avant de réagir. Mais chacun des déposants est actif
périodiquement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sauf que je regarde
jusqu'à quel point les décisions des déposants permettent
une grande variété de mouvements à la caisse si on regarde
comment c'est constitué, évidemment, divisé entre le fonds
général et les fonds A, B, C, D ou A, G, O et H
c'est-à-dire, et le fonds particulier, à l'intérieur
desquels, si je comprends bien, il y a des achats d'unités de ces fonds.
Jusqu'à quel point des instructions même relativement
précises peuvent-elles signifier quelque chose si on a transformé
des fonds en unités, si on a divisé les fonds, les actifs des
fonds en unités?
M. Parizeau: Pour certains déposants, autres... vous avez,
dans le fonds général, la Régie des rentes et la
Régie de l'assurance automobile. Les autres principaux déposants
en nombre, en valeur, sont insérés dans des fonds
spécialisés. Dans les fonds spécialisés, vous avez
un fonds d'action qui est un fonds spécialisé. Vous avez un fonds
d'obligation qui est un fonds spécialisé. Vous avez aussi un
fonds d'hypothèque. Or, selon les souhaits ou les directives des
déposants, on va mettre un certain pourcentage, étant
donné qu'ils sont dans les fonds spécialisés seulement,
d'actions. Donc, ce sera le fonds A. Un certain pourcentage
d'hypothèque, ce sera le
fonds H. Aussi, un certain pourcentage d'obligations, ce sera le fonds
O. Ce sont tous des fonds spécialisés. Alors, leurs directives
sont précises quant au véhicule et au genre de placement qu'ils
veulent avoir. Alors, selon le cas, ils acquièrent du fonds O plus
d'unités de fonds O que de fonds A, dans une certaine
période.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
D'accord. Est-ce qu'à l'intérieur de chaque fonds ils
peuvent émettre des directives, surtout le fonds A pour les actions?
M. Parizeau: Non.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Alors, c'est bien inutile, dans
certains cas, pour eux, à moins que je vous aie mal compris tout
à l'heure, de chercher, lorsqu'ils désirent plus d'actions,
à influencer votre choix vers des titres à haut rendement
plutôt qu'à moins de rendement, du "blue chip" plutôt que du
spéculatif.
M. Parizeau: Oui, vous avez raison. Permettez-moi d'ajouter que,
dans l'exemple que je vous avais donné, j'aurais dû être
plus précis. C'est pour la Commission de la santé et de la
sécurité du travail qui a un fonds particulier. Alors, par fonds
particulier, on entend que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail peut trouver exactement dans quel genre
d'obligation nous avons investi et dans quel genre d'action nous avons aussi
investi en son nom. Le fonds spécialisé n'existait pas dans son
cas. C'est un fonds particulier qui est géré uniquement pour ces
déposants, ce qui contraste avec nos autres genres de placements.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
D'accord. Quant aux autres, c'est essentiellement le "mix" entre les
obligations, les hypothèques, les actions et l'encaisse qu'ils peuvent
déterminer et non pas la composition à l'intérieur de ce
véhicule, non pas la stratégie d'investissement à
l'intérieur de ce véhicule.
M. Parizeau: Je vous dirai que même la CSST, à
l'intérieur de son fonds particulier, n'intervient que pour le
pourcentage en équité et le pourcentage en obligation et
hypothèque. Mais elle n'intervient pas quant au choix des titres dans
les pourcentages d'équité qu'elle détermine.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'ai cru, tout à
l'heure, bien franchement entendre que même à l'intérieur
de l'équité, le déposant pouvait donner des directives
à la caisse d'investir de façon plus agressive dans des titres
qui pourraient être plus spéculatifs dans certains cas.
M. Parizeau: Oui, mais pas dans le choix des titres plus
précisément. Il peut émettre le souhait d'avoir des titres
à dividende plus élevé. Dans ce cas-là, c'est au
gestionnaire de la caisse à bien choisir la catégorie de titres
qui lui fera rencontrer les objectifs de son déposant là-dessus
mais il ne peut pas lui stipuler le titre lui-même.
C'est un fait qu'il peut aller un peu plus loin que ce que j'ai dit au
début, vous avez raison. Je me suis peut-être mal exprimé
sur le fonds particulier en disant qu'en plus de l'équité de
l'action il peut déclarer qu'il veut l'équité plus
"agressive".
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
D'accord. J'essayais de voir, pour le rendement total de la caisse, ce
qui pouvait risquer de se produire si la somme des décisions des
déposants créait un très gros fonds A et un petit fonds O
à la longue, si une tendance, dans un sens ou dans l'autre, cherchait
à se dégager, et j'essayais d'avoir vos commentaires
là-dessus. Est-ce que la Caisse de dépôt se
considère comme étant un gardien également du mixte total
qu'elle administre sur les 14 000 000 000 $ d'actif ou est-ce que vous
êtes prisonnier, dans le fond, de la somme des décisions de vos
déposants?
M. Parizeau: Non. Il est évident que si les
décisions prises par nos déposants venaient en contradiction
flagrante avec les nôtres, nous devrions intervenir; je ne sais pas
jusqu'où on pourrait aller, mais il y aurait lieu de faire un
sérieux examen là-dessus.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce qui m'amène à
vous demander quels sont vos objectifs d'investissements, votre politique
d'investissements à moyen terme, si vous pouviez nous faire partager vos
impressions ou les décisions collectives du conseil et des gestionnaires
là-dessus.
M. Parizeau: Si on parle de l'ensemble du portefeuille de la
caisse, il serait difficile pour moi, et ce ne serait peut-être pas
souhaitable, d'énumérer les pourcentages dans chacun des
déposants.
Si on regarde l'ensemble de la caisse, on voit qu'à la fin de
l'année 1981 nous avions à la caisse disons 79% de titres de
dettes. Nous avions des titres de propriétés pour 17% et nous
avions en encaisse 4%. Dans les titres de dettes, on retrouve des obligations
et aussi des hypothèques. On pourrait dire plus
précisément qu'au 31 décembre 1981 nous avions 71%
d'obligations et 8% d'hypothèques.
À la fin de l'année 1982, nous estimons que nous aurons,
au lieu de 79% de titres de dettes, 75%. D'autre part, nos titres de
propriétés, actions et immeubles, passeront
de 17% à 20% et enfin nous souhaitons que notre encaisse augmente
un peu. On le trouve un peu bas à 4%. Ce sera 5% de tout notre
portefeuille.
On se souviendra que l'ensemble des titres de propriétés
ne doivent pas dépasser 30%. Nous sommes à 20%. Lors de
l'établissement de notre prochain budget, nous devrons arriver à
la décision de savoir vers quoi nous tendons pour la prochaine
année, selon l'économie. Il est évident que cette
année est une année où il est intéressant pour la
caisse qui investit à long terme d'investir dans les actions alors que
le marché est très déprécié.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): La situation de fin 1982, 75%,
20% 5%...
M. Parizeau: Oui.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... qui évolue on
pourrait dire substantiellement sur une période d'un an de ce qu'elle
est actuellement, comment se compare-t-elle avec ce qu'elle était l'an
dernier, par exemple? Là où je veux en venir, c'est que je me
souviens avoir lu que, de 88% - 12% en gros de dettes et équité
où la caisse en était, on se dirige vers un autre ratio
manifestement sur une période de temps, ratio qui serait souhaitable,
compte tenu des conditions économiques, comme vous le dites, mais c'est
le résultat d'un ensemble de décisions qui sont prises d'une
année à l'autre ou à moyen terme?
Vous dites que vous étiez à la veille de décider
vers quel ratio vous allez vous diriger une fois que 1982 sera fini?
M. Parizeau: Oui.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Donc, il ne se dégage
pas de tendance à moyen terme, parce que c'est le très court
terme, à mon sens, de voir comment dans quelque temps vous verrez pour
l'année qui suivra, jusqu'où vous désirez aller dans ces
établissements de ratios. (20 h 30)
M. Parizeau: Bon. Si on se reporte au 31 décembre 1980, il
est vrai que le ratio était 88-12: 88 dettes, incluant l'encaisse, et
12% l'équité. Nous sommes donc passés à 83-17, le
31 décembre 1981, et nous sommes passés à 80-20, le 31
décembre 1982. À l'heure actuelle, nos prévisions sont que
nous maintiendrons le 80-20 à tout le moins au cours de la prochaine
année, en 1983.
D'autre part, je pense que, d'année en année il faut se
réserver la décision soit d'augmenter un peu, soit de diminuer,
selon les conditions du marché. Si on devait rencontrer une reprise
économique ou si le marché des actions augmentait rapidement,
peut-être y aurait-il lieu de diminuer le pourcentage à 20% et de
vendre certains titres de propriété. D'autre part, si les
difficultés économiques que nous rencontrons devaient persister
en 1983, peut-être qu'on décidera aussi de l'augmenter, tout
dépend des événements. Il est très difficile de
prendre une décision là-dessus un an ou deux ans à
l'avance. On peut indiquer une tendance; à tout le moins, on sait qu'on
ne peut pas dépasser les limites permises par la loi de la caisse, soit
70-30.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Votre commentaire, à
l'effet que s'il y avait reprise, il serait tentant de vous défaire de
certains titres de propriété, par opposition à en
accumuler si la reprise ne se manifestait pas, laisse évidemment ouverte
la question de savoir quel genre de titres de propriété vous
vendriez ou achèteriez dans les deux cas. Votre commentaire me porte
à croire que le fait que vous puissiez considérer vendre certains
titres, s'il y avait reprise, laisse entendre que vous avez quand même un
objectif de liquidité que vous tentez de maintenir. Vous
considérez vendre des titres si la bourse reprend, donc, c'est un peu
à la manière d'un commerçant en semblable matière
que vous envisagez une partie de cette activité, auquel cas je me
demande quel genre de liquidité vous voyez à des participations
pratiquement majoritaires ou de contrôle effectif dans certaines
sociétés cotées en bourse. Est-ce qu'elles sont
automatiquement l'objet du même raisonnement quant à la
disposition éventuelle, s'il y avait reprise, ou à l'achat
additionnel s'il n'y avait pas reprise?
M. Parizeau: Je pense que, dans ce cas-là, on regarde,
vous me permettrez de répondre, le portefeuille des obligations.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui.
M. Parizeau: II est évident que, notre portefeuille
étant assez important en obligations, on ne peut pas, nous,
décider de vendre des obligations du gouvernement du Québec,
d'Hydro-Québec ou des municipalités du jour au lendemain. Notre
négociabilité, là-dedans, peut se rencontrer plutôt
par l'échéance, plutôt que de prétendre qu'on peut
laisser aller sur le marché un lot d'obligations d'Hydro-Québec,
par exemple, une bonne journée. Il nous faut organiser notre
liquidité par nos échéances.
Dans le cas des actions, il est évident que les participations
importantes, comme vous le mentionniez, sont moins liquides que d'autres
participations que nous avons à la caisse. Si nous n'avions dans notre
portefeuille, en actions, que des participations importantes qui, parfois, sont
moins liquides, je pense que cela ne serait pas souhaitable. D'autre part, la
caisse peut
se permettre d'avoir encore plusieurs participations importantes sans
nuire à sa liquidité parce qu'elle garde quand même sa
pondération dans les autres stocks et dans les autres secteurs de
l'économie qu'elle peut liquider rapidement. La caisse, à long
terme, ne doit pas avoir comme objectif d'acheter des actions et de les garder
éternellement. Même dans les compagnies où elle a pris des
participations importantes, il n'est pas impensable que, selon les occasions et
dans des circonstances précises, selon les années, elle pourra
s'en départir.
D'autre part, si on parle de liquidité, il est évident que
la caisse pourrait avoir une liquidité plus basse, mais souhaite garder
une liquidité, telle qu'on veut l'avoir à la fin de
l'année, de 5%, qui couvre amplement nos besoins et peut-être les
chances d'investissement qui pourraient se présenter.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II n'y a pas vraiment de titres
de propriété là-dedans. Si oui, ce sont des choses
extrêmement négociables. Il y a beaucoup de
dépôts.
M. Parizeau: Oui, dans les 5% de liquidité. Je pense que
l'échéance la plus longue serait de six mois, là-dedans,
et, en moyenne, ce serait de 30 à 60 jours.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
D'accord.
M. Parizeau: On finirait l'année, selon nos pronostics,
avec 756 000 000 $, par exemple, de titres à court terme.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): À l'intérieur du
portefeuille des titres de propriété, est-ce que vous recherchez
quand même là aussi une certaine forme de liquidités. Vous
semblez dire que oui, dans la mesure où votre objectif n'est pas de
conserver cela nécessairement pour une éternité, de
chercher seulement un rendement de dividendes ou alors d'influencer des
décisions, des choses comme ça. Où est le rapport
idéal à l'intérieur du 20 ou du 17 ou du 12 qu'il
était de participation de contrôle effectif dans certains titres?
On peut voir dans les notes que, dans cinq sociétés seulement, il
y a un investissement de quelque 900 000 000 $ et j'essayais... On voit qu'en
moyenne, c'est 200 000 000 $; même si la rubrique dit que ce sont des
placements de 100 000 000 $ et plus, la moyenne est plus proche de 200 000 000
$. Ce ne sont pas là, il me semble, des titres tellement liquides,
étant donné que ce sont probablement des blocs
considérables dans chaque cas. On en connaît quelques-uns, on ne
connaît pas nécessairement les autres. Quel degré de
liquidité voyez-vous sur presque 1 000 000 000 $ de titres que vous
détenez?
M. Parizeau: Je vous ferai remarquer que les titres d'actions de
la caisse, au 31 décembre 1981, ne comptent que pour 17% de l'actif
total de la caisse. Il est évident que si nous étions à
50% on ne pourrait pas se permettre d'avoir 40% des 50% en titres plus ou moins
liquides. Avec 17%, on peut donc se permettre un pourcentage beaucoup plus
élevé. J'aimerais mieux répondre à votre question
en disant: Vous calculez 900 000 000 $, les titres que vous avez mis...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui.
M. Parizeau: II faudrait peut-être prendre les 900 000 000
$ sur notre actif total de 13 000 000 $ et dire que nous avions, au 31
décembre 1981, peut-être 8% à 9% du portefeuille total de
la caisse, ce que vous dites être non liquide.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non pas prendre la
moitié.
M. Parizeau: Et non pas la moitié, c'est ça. La
moitié de?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Du portefeuille des titres de
propriété.
M. Parizeau: Je trouve que les titres de propriété,
en pourcentage, sont très bas par rapport à ce qu'un portefeuille
normal devrait avoir dans les circonstances. Il y en a même qui vont
jusqu'à 45% en titres de propriété et 55% en dettes. Ayant
seulement 17%, c'est un portefeuille très bas. Il n'est pas
nécessaire d'avoir, à l'intérieur de ces 17%, la
même liquidité, le même pourcentage à
l'intérieur que si on avait 50% en actions. Quand on dit que ce
portefeuille n'est pas liquide, c'est vrai et c'est faux en même temps.
Je pense que le fait d'avoir une participation importante dans plusieurs
compagnies peut parfois le rendre beaucoup plus liquide, parce que pour les
compagnies que vous avez mentionnées, si nous désirions
réaliser ces investissements dans l'avenir immédiat, on
trouverait peut-être de nombreux acheteurs et à des prix fort
avantageux.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
J'allais vous poser la question sur les prix justement, si vous me
permettez de poursuivre, à moins que M. le ministre ne veuille
intervenir avant que je pose ma question, s'il croit que c'est plus pertinent,
mais vous m'interromprez. Justement, je regardais les prix au marché de
certaines participations majoritaires que vous avez, c'est-à-dire la
différence entre ce qu'on croit être les coûts que la caisse
aurait eu à
débourser et le prix du marché actuellement. Le niveau des
pertes non réalisées à la valeur du marché est, je
pense, considérable par les temps qui courent, mais étant
donné qu'on ne sait pas tout du coût d'achat à
l'époque et qu'on ne sait pas non plus quelle est la composition exacte
du portefeuille, c'est extrêmement difficile à dire. Est-ce que
vous avez des commentaires à faire sur les pertes non
réalisées?
M. Parizeau: Est-ce que je peux vous répondre par des
ratios? Au 31 mai 1981, par rapport au 31 mai 1982, la bourse a descendu de
quelque 36%. Les mines et métaux ont subi une baisse de 53%. Les
papiers, de 51%. Cela répond peut-être en partie à votre
question. Il est évident que les stocks sont à la baisse. Il est
évident que pour un portefeuille comme celui de la Caisse de
dépôt, ce n'est pas le temps de vendre les actions de ce
côté.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je cherchais le prix avantageux
que vous disiez pouvoir trouver pour certaines des participations assez
importantes.
M. Parizeau: Aujourd'hui même, les prix seraient-ils aussi
avantageux que notre coût pour ces actions importantes? Je pense que oui,
mais il faudrait sûrement négocier. Je dois vous dire que notre
portefeuille a été accumulé au cours de ces années,
si vous prenez chacun de ces titres. Donc, les prix d'acquisition
étaient quand même très avantageux. Les prix que nous avons
eu à payer pour l'acquisition n'étaient pas aussi
élevés que cela, vu qu'on avait déjà un
départ dans ces actions.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Parizeau: Je voudrais faire certains commentaires dans le
prolongement de certaines des questions du député de
Vaudreuil-Soulanges. Le portefeuille d'actions de la caisse est maintenant
assez largement supérieur à 2 000 000 000 $ et il augmente assez
rapidement dans la mesure même - et pour les mêmes raisons,
d'ailleurs - où des portefeuilles de fiduciaires de fonds de retraite
augmentent leur part d'équité systématiquement depuis
quelques années un peu partout, parce que c'est une protection, à
long terme - pas au jour le jour, bien sûr, quand la bourse tombe comme
elle est tombée - contre l'inflation qu'il est important d'avoir. Or,
à la taille déjà atteinte du portefeuille d'actions de la
Caisse de dépôt, c'est d'ores et déjà le plus gros
portefeuille d'actions ordinaires qu'il y a au Canada. S'imaginer qu'à
cette taille -cette taille qui est amenée à grossir rapidement
dans les années qui viennent - cela ne peut se produire,
apparaître et fonctionner que par des achats au jour le jour ou des
modifications marginales au jour le jour à travers la bourse est tout
à fait illusoire, parce que, vu la taille des transactions et la taille
du portefeuille, l'intervention, une expansion rapide du portefeuille d'actions
de la caisse voudrait dire que cela aurait à la bourse un impact
considérable sur les cotes.
Donc, conformément à quelque chose qu'on voit venir depuis
plusieurs années - ce n'est pas depuis un an, en fait, c'est depuis le
début de la caisse - on sait qu'à un moment donné le
portefeuille d'actions de la caisse prendra inévitablement la forme de
certaines acquisitions d'assez gros blocs d'actions, simplement parce que cela
ne peut pas se faire, à une certaine taille, au jour le jour sur la
bourse. C'est trop gros. Dans ce sens, comme c'est vrai, d'ailleurs, d'autres
portefeuilles de fiduciaires très considérables aux
États-Unis, on va voir l'achat de blocs par la caisse devenir bien plus
fréquent avant que cela devienne moins fréquent. C'est un
développement, je pense, inévitable. Je répète que
le portefeuille d'actions de la Caisse de dépôt est le plus gros
au Canada à l'heure actuelle, mais si on regarde les expansions
prévues et l'expansion constatée, d'année en année,
il est clair que la caisse non seulement peut, mais doit augmenter son
portefeuille d'actions de 500 000 000 $ par an. C'est énorme, 500 000
000 $ d'actions achetées chaque année. C'est
considérable.
Ce qui est en train de se produire, c'est le développement normal
d'une institution qui est devenue très considérable dans notre
milieu et qui ne peut plus s'appuyer exclusivement - elle va encore s'y
appuyer, j'imagine, mais enfin! - sur un "trading" quotidien à la
bourse. Jamais cela ne produira 500 000 000 $ ou 600 000 000 $ d'augmentation
du portefeuille chaque année. Ce n'est pas possible. Évidemment,
le fait d'acheter des blocs, comme le disait M. Campeau tout à l'heure,
cela rend les choses, en un certain sens, moins liquides, parce qu'on
imaginerait mal qu'en l'espace de quelques jours on vende à la bourse
200 000 000 $ d'actions d'un seul titre. Cela ne nuit pas nécessairement
à la liquidité en ce sens qu'un bloc de 100 000 000 $ ou de 200
000 000 $ d'actions dans une même compagnie, cela peut représenter
un pourcentage suffisamment intéressant pour que cela puisse à
son tour se vendre comme bloc à quelqu'un d'autre. Je ne suis pas
certain que c'est vraiment la liquidité qui est en cause ici. De petites
participations dans un grand nombre de compagnies, cela peut être liquide
suivant l'état de la bourse, bien sûr. Un gros bloc peut
être liquide en ce sens qu'il est intéressant et la caisse va
avoir à acheter des blocs d'actions dans les
années qui viennent quand bien même cela ne serait qu'en
raison de sa taille et de son rythme d'expansion. C'est le genre d'observation
qui me paraissait important, compte tenu de certains commentaires qu'on entend
depuis quelques mois. (20 h 45)
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sauf qu'à mon sens on
doit quand même avoir à l'esprit les éléments de
diversification du portefeuille à l'intérieur même des
types de propriété; par diversification. Il n'y a pas simplement
la diversification de ce qui est spéculatif, ce qui est à moyen
terme et ce qui est une prise de participation à long terme d'un bloc de
contrôle ou autrement, il y a également la diversification
géographique des actifs dans la mesure où les titres
détenus sont des investissements, des participations dans des
sociétés, des entreprises qui sont situées un peu partout.
J'essayais de voir quelle était la direction qu'entendait prendre la
Caisse de dépât pour quand même, à mon sens,
améliorer son degré de liquidité quant à la
répartition géographique des sociétés dans
lesquelles elle détient des participations. À l'oeil, je trouvais
qu'il y avait énormément de gros investissements simplement sur
le territoire du Québec. À un moment donné, on est
tellement gros, on prend tellement de place qu'il faut aussi aller
ailleurs.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, avant de laisser la parole
à M. Campeau là-dessus, je voudrais faire un certain nombre
d'observations de nature historique, si on veut. Je commence à me
trouver mêlé à un titre ou à un autre aux
opérations de la caisse depuis maintenant pas mal d'années. Il y
a eu une constante depuis la création de la caisse, c'est qu'on
n'achète pas d'actions en dehors du Canada, de compagnies qui ne sont
pas des sociétés canadiennes. Je pense qu'il est très
important de le souligner, et souvent. À ma connaisance, il n'y a jamais
eu en quinze ou seize ans d'exception à cette règle. Cela a
été, sauf erreur, discuté très souvent par
plusieurs conseils d'administration successifs qui sont toujours arrivés
à la même conclusion. La loi n'empêcherait pas la Caisse de
dépôt de commencer à faire du "trading" à la bourse
de New York.
M. de Belleval: D'acheter du IBM, par exemple.
M. Parizeau: Rien ne l'empêcherait dans sa loi. Cela a
toujours été discuté au niveau du conseil d'administration
et il est remarquable que les conseils d'administration successifs soient
toujours arrivés à la même conclusion.
Donc, on dit pourquoi des actions canadiennes plutôt que des
actions québécoises. Pour une raison très simple, c'est
qu'un très grand nombre d'entreprises importantes qui opèrent au
Canada opèrent au Québec, ont beaucoup d'importance au
Québec. Donc, il n'y a pas vraiment sur ce plan d'opposition. C'est
très difficile de dire si c'est plus intéressant d'acheter du
Canadien Pacifique, compagnie canadienne, que d'acheter du Bombardier,
compagnie québécoise. Bombardier a sur le plan de
l'économie du Québec une importance considérable et le
Canadien Pacifique aussi.
Je pense qu'on conviendra à cet égard qu'il n'y a jamais
eu vraiment de concentration de billets dans le sens de dire à
égalité d'intérêts, le titre québécois
doit avoir préséance sur le titre canadien. Ce n'est pas vraiment
comme cela que cela se fait.
Il est évident que des placements, si on prend, par exemple, le
pétrole et le gaz, dans le Gaz Métropolitain semble être
orienté très Québec, mais il y a eu des phases où
il y a eu très forte concentration des titres de la Caisse de
dépôt dans du pétrole de l'Ouest. Je pense à la
grande époque de la Home Oil, une compagnie qui est disparue, mais je me
souviens que la Caisse de dépôt à un moment donné a
eu une concentration très considérable. Il entrait beaucoup
d'argent chez elle.
Il est clair qu'on ne peut pas s'imaginer avoir une sorte de billets
systématique et constant, compte tenu simplement de la structure des
entreprises à la fois canadiennes et québécoises et du
fait qu'il devient extraordinairement difficile, à un moment
donné, de savoir si une compagnie est surtout canadienne ou si elle est
surtout québécoise. Dans ce sens, avant qu'on passe la parole
à M. Campeau, je tiens seulement à bien indiquer cette
espèce de distinction fondamentale qu'il y a toujours eu entre le Canada
et le Québec d'un côté, où les achats d'actions sont
concentrés et, d'autre part, le refus très systématique de
tous les conseils d'administration d'aller dans des actions de
sociétés américaines ou européennes. Cela a
été une constante depuis quinze ou seize ans.
Je pourrais laisser la parole à M. Campeau pour qu'il explique
davantage.
On parlait d'investissements importants au Québec. On va donner
trois titres, si vous voulez: Provigo, Noranda, Domtar. Noranda, c'est dans
tout le Canada, c'est largement diversifié. La même chose
s'applique à Domtar, qui est même aux États-Unis et qui
n'est pas seulement limitée à des produits de pâtes et
papiers comme, par exemple, Consolidated Bathurst. C'est beaucoup plus
général, il y a une belle diversification à
l'intérieur de Domtar. On regarde Noranda,
c'est un joyau de diversification. Si, pour Noranda tout allait bien, ce
serait le Pérou. On sait que Provigo est dans tout le Canada, pas dans
toutes les provinces, mais dans plusieurs provinces. On sait aussi que Provigo
est au États-Unis et veut se diversifier. Ce sont trois titres
importants qui ne sont pas du tout limités au Québec. Tel n'est
pas le cas, par exemple, comme le ministre le disait, de Gaz
Métropolitain qui est seulement au Québec, à l'heure
actuelle.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre a laissé
échapper qu'il était mêlé de près à
l'administration de la caisse depuis maintenant plusieurs années.
M. Parizeau: Ah! non! je n'ai pas dit cela. J'ai dit que
j'étais mêlé au fonctionnement de la caisse à divers
titres. Ce n'est pas la même chose. Mes titres, à l'heure
actuelle, ne sont pas ceux d'il y a dix ans.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... de l'administrateur.
M. Parizeau: Non, aujourd'hui je n'administre pas. J'ai
déjà été administrateur de la caisse.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vais reformuler ma question,
je m'excuse. Le ministre a indiqué qu'il était très
près de la caisse depuis plusieurs années. Dans ce sens, je
chercherais à voir quelle est la nature des relations entre la caisse et
le ministère des Finances, pas - comment dirais-je? - dans des relations
de rapport d'autorité à subalterne, de frère et soeur ou
peu importe, mais dans des conformités, des cohérences apparentes
de comportement, dans la mesure où des prises de contrôle
récentes ou des prises de participation importantes ont eu lieu
récemment. Et la caisse et les sociétés de la couronne du
chef de la province de Québec, comme le veut l'appellation, du
gouvernement du Québec, ont agi manifestement de concert, ensemble,
à l'unisson.
J'allais donc demander au ministre, en réalité, ce qu'il
entrevoyait comme politique d'action concertée du gouvernement du
Québec et de la caisse dans des dossiers d'investissement, dans des
sociétés qui sont actives ici et qui ont un siège social
au Québec. On a beau lire et entendre que le ministère des
Finances et le gouvernement du Québec n'ont rien à voir avec les
décisions d'investissement de la caisse, on ne peut pas s'empêcher
de penser que le gouvernement du Québec et la Caisse de
dépôt sont coactionnaires, non hostiles et non par hasard, dans de
nombreuses sociétés. J'aimerais appeler les commentaires du
ministre sur ces observations de notoriété publique.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Parizeau: II serait, je pense, inconcevable que pendant une
certaine période de temps, la Caisse de dépôt et le
gouvernement se maintiennent sur une piste d'hostilité mutuelle. Je
tiens à dire cela, c'est quand même important, parce que cela ne
serait pas tenable dans la mesure où, évidemment, la Caisse de
dépôt est le plus gros détenteur d'obligations du
gouvernement du Québec et le plus gros acheteur. C'est moins important
que dans les autres provinces canadiennes où la totalité de
l'argent du régime des rentes va directement au financement
gouvernemental. Il n'y a qu'au Québec qu'un organisme distinct du
gouvernement ne place qu'une partie de ses fonds dans le financement
gouvernemental. Dans la mesure même où la Caisse de
dépôt occupe cette place tout à fait
privilégiée et considérable dans le financement du
gouvernement du Québec, il serait absolument inimaginable que, encore
une fois, on soit dans un scénario d'hostilité ou d'opposition
durable. Un peu dans le même sens qu'il serait absolument impensable que
la Banque du Canada, sur un autre plan, et le ministère
fédéral des Finances soient dans un cadre de scénario
d'hostilité continuelle. C'est arrivé, au cours des trente
dernières années, une fois à Ottawa, et on a bien vu quel
genre de crise invraisemblable cela a créé.
Contrairement à ce qui arrive à Ottawa, où le
ministère des Finances peut émettre des directives écrites
à la banque centrale, nous n'avons pas cela, ici à Québec.
On aura remarqué, par exemple, que le gouvernement du Québec se
garde un droit de directive à l'égard de toute une série
de sociétés d'État, et chaque fois que nous amendons, par
exemple, un projet de loi qui a été déposé, il y a
quelques jours, à l'égard de la raffinerie de sucre, on aura
noté que le ministre de l'Agriculture se garde un droit de
directive.
Pour toute une série de sociétés d'État, la
loi a été amendée depuis quelques années. On a mis
ce droit de directive du ministre du Conseil des ministres à
l'égard d'une société d'État. Or, à
l'égard de la Caisse de dépôt, pas du tout. Nous avons
amendé, il n'y a pas tellement longtemps, la Loi sur la Caisse de
dépôt, et on n'a pas mis le droit de directive.
Il est très important que la Caisse de dépôt ait,
sur le plan de ses placements, une autonomie aussi grande que possible. Quand
je parle d'une autonomie aussi grande que possible, comprenons-nous bien, c'est
dans la lumière du premier principe que j'ai exquissé.
C'est-à-dire que ce ne serait pas pensable
qu'on soit dans une atmosphère d'hostilité continuelle,
mais dans la mesure où on n'est pas dans une atmosphère
d'hostilité continuelle, on reconnaît un deuxième principe
selon lequel il ne serait pas bon que le gouvernement ait un droit de directive
à l'égard des placements de la caisse, en disant: Placez
plutôt votre argent dans telle compagnie plutôt que dans telle
autre compagnie.
Dans ces conditions, troisième idée, le ministère
des Finances ou le ministre des Finances n'ont pas à chercher, non
seulement au jour le jour, mais dans ses orientations importantes en termes de
placement, à influencer la Caisse de dépôt. Il est
même arrivé depuis quelque temps que le président de la
Caisse de dépôt contredise allègrement une orientation que
le ministre des Finances jugeait raisonnable quant à la Caisse de
dépôt et le fasse publiquement et je trouve cela tout à
fait normal. Je pense ici à certaines réactions quant à
l'assujettissement de la Caisse de dépôt à un certain
nombre de dispositions à la Loi sur les valeurs mobilières. Je
pense que c'est très simple que la Caisse de dépôt,
à cet égard, puisse avoir une position qui soit sur quelque chose
comme celle-là distincte de celle du gouvernement. (21 heures)
Quatrième idée, il est clair cependant que le gouvernement
peut avoir, sur le plan du développement économique, sur le plan
du rôle de certaines entreprises dans le développement
économique auquel on pense pour le Québec un certain nombre
d'idées et qu'il en fasse état auprès de la Caisse de
dépôt. C'est tout à fait normal puisqu'il en fait
état auprès de bien d'autres gens et pas seulement dans le
secteur public. Il est évident, par exemple, que, dans le domaine de la
pâte et du papier, le gouvernement a eu à l'égard de
l'ensemble des producteurs de pâtes et papiers toute une série de
consultations, de discussions qui ont abouti finalement à un programme
de subventions pour la modernisation des usines de pâtes et papiers
où le ministre des Richesses naturelles du temps a eu l'occasion de
discuter en pratique avec toutes les compagnies qui fonctionnaient au
Québec. Il serait bien du diable que la Caisse de dépôt ne
soit pas au courant et qu'on ne lui communique pas le genre d'orientations
qu'on prend.
Mais là, il faut bien comprendre que la Caisse de
dépôt, mise au courant des orientations que le gouvernement prend,
peut fort bien choisir d'entrer dans ce type d'orientations avec d'autres,
d'ailleurs, possiblement et très souvent du secteur privé ou
bien, pour toute espèce de raisons, de constater que non, certaines de
ces orientations traduites de façon concrète dans des
participations dans telle ou telle entreprise ne l'intéressent pas.
Dans ce sens, la Caisse de dépôt est indiscutablement dans
le secteur public du gouvernement. Son conseil d'administration est aussi
indiscutablement tout à fait libre de s'orienter comme il l'entend. La
loi est tout à fait formelle. Au fond, les pouvoirs du ministre des
Finances sur la Caisse de dépôt se limitent à l'article 44
qui consiste à demander des renseignements.
Formellement, le ministre des Finances n'a aucun pouvoir sur la Caisse
de dépôt.
Si, à un moment donné, le gouvernement jugeait aberrante
ou mauvaise l'orientation de la Caisse de dépôt, comment
pourrait-il rectifier la chose? Il le pourrait essentiellement par les
nominations au conseil d'administration. Ce sont des nominations que le
gouvernement fait quand les mandats viennent à échéance.
En somme, sur le plan des hommes, il pourrait dire: Je n'aime pas le genre
d'idées que ce groupe d'hommes ont et je les remplace par un autre
groupe d'hommes dont je préfère les idées. Cela est tout
à fait normal; il n'y a pas à s'en offusquer. Mais c'est par ce
canal que des ajustements majeurs d'orientations peuvent se faire, certainement
pas par des types de tractations au jour le jour. Si on s'imagine que le
ministre des Finances peut donner, par exemple, des instructions à la
Caisse de dépôt quant à l'achat de titres dans telle ou
telle compagnie, on se goure; ce n'est pas comme ça, ce n'est pas vrai.
Ça ne peut pas fonctionner comme ça.
C'est un équilibre qui est délicat, qui n'a pas
fondamentalement changé depuis que la caisse a été
établie. Je pourrais donner des exemples qui sont très
intéressants à cet égard et qui, justement parce qu'ils
sont anciens, seraient peut-être moins contentieux que certaines des
choses dont on discute. Par exemple, M. Campeau parlait tout à l'heure
de Provigo. Il fut un temps où, on s'en souviendra, le gouvernement de
Québec, dans les années soixante, poussait très fortement
dans le sens des fusions d'entreprises et participait activement à des
fusions d'entreprises. La Caisse de dépôt est littéralement
à l'origine de Provigo et des fusions qui l'ont
précédée. C'est en achetant des actions de Couvrette et
Provost, de Lamontagne et de Denault, en devenant un actionnaire relativement
important de ces trois groupes de grocistes de produits alimentaires au
Québec, que la Caisse de dépôt a été le
catalyseur qui a fait apparaître Provigo.
Je ne me souviens pas - à ce moment-là, j'étais
membre du conseil d'administration de la Caisse de dépôt - avoir
jamais vu une intervention politique d'un ministre demandant que cela se fasse.
Mais je me souviens fort bien, par exemple, d'un président de la Caisse
de dépôt, qui était M. Prieur qui, comprenant fort bien le
sens de
l'orientation que le gouvernement de l'époque cherchait à
donner dans le sens de fusions pour créer de grands groupes, avait dit:
Tiens, dans ce domaine, ça devrait être possible. C'est là
où l'équilibre entre la caisse et le gouvernement, en un certain
sens, est important. La caisse est d'abord gestionnaire et fiduciaire de fonds
et, d'autre part, la caisse vit au Québec. Elle est donc dans un
environnement où à certains moments des orientations
générales sont données et elle décide si son action
peut être orientée en fonction de ses orientations
générales et comment, si elle le juge à propos, cela peut
se traduire concrètement.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, sauf qu'évidemment,
quand on remarque les actions concertées du gouvernement, par certaines
sociétés d'État, d'une part, et de la Caisse de
dépôt, on ne peut pas s'empêcher de penser que ce sont des
impératifs de politiques de développement économique, de
participation de l'appareil à même les fonds des
Québécois, qu'il s'agisse des fonds propres du gouvernement, du
fonds consolidé, ou alors des épargnes des
Québécois, via les déposants. Ces fonds sont
utilisés à des fins de prise de contrôle, dans certains
cas. Â la lumière de cet impératif, que je croyais premier
de la Caisse de dépôt, qui est d'assurer le maximum aux
épargnants...
M. Parizeau: Le rôle de fiduciaire dont je parlais tout
à l'heure.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le rôle de fiduciaire,
oui, précisément... afin, entre autres, de réduire - on y
reviendra peut-être - la participation à toutes les deux semaines,
à tous les mois des épargnants par le biais de leurs cotisations.
Il me semble que ce sont là deux objectifs qui ne coexistent pas
nécessairement et que le premier risque fort d'entacher le
deuxième. Dans ce sens, la question précise que j'aurais, c'est
de savoir si depuis quelques années la Caisse de dépôt est
en mesure de nous indiquer quel est son classement, au Canada, dans le groupe
des gestionnaires de fonds qui lui sont comparables. Je sais à
l'expérience qu'il existe au moins deux, peut-être trois maisons
qui offrent ce service et je suis sûr que la sophistication de la Caisse
de dépôt lui assure la connaissance de ces mesures de performance
qu'on retrouve dans le marché dans des maisons
spécialisées et qu'inévitablement la caisse est en mesure
de nous dire - la question sera de savoir si elle veut nous le dire - quelle
est sa performance relative lorsqu'elle se compare à d'autres
institutions comme elle depuis quelques années. Quelle est la tendance
de ce classement, sa performance est-elle à la hausse ou à la
baisse?
M. Parizeau: Je vais laisser M. Campeau répondre à
ça.
Si vous regardez la performance, tout dépend quels
critères vous prenez, si vous voulez regarder pour une période de
cinq ans, dix ans ou six mois. Or, il est évident que, si vous regardez
pour une période de six mois ou un an, la performance, par exemple, du
fonds d'obligations de la caisse n'a pas été des plus
sensationnelles si on la compare à d'autres investisseurs. Son rendement
courant, d'autre part, est parmi les meilleurs. Si on regarde la performance
qui est calculée d'après la valeur de réalisation d'un
titre, quand, pendant des années, vous avez investi sur des
échéances, par exemple, avec le Québec de 20 ans et quand
le taux d'intérêt était à 8%, si vous vous ramassez
avec un taux d'intérêt de maintenant 16%, rapidement, votre valeur
de réalisation est à peu près de 50, mais je ne dis pas
que le chiffre est exact à 50. Or, dans une situation où on a vu
les taux d'intérêt grimper rapidement, même doubler, avec un
portefeuille d'obligations avec échéance très longue - il
y a deux ans, nous avions, je pense, 17,5 ans d'échéance dans
notre portefeuille d'obligations alors que nous atteindrons, à la fin de
l'année, 12,5 d'échéance moyenne - il est évident
qu'on se fait toucher lourdement.
L'objectif de la caisse, c'est bien évidemment de réduire
maintenant son échéance moyenne de portefeuille d'obligations
parce qu'elle croit qu'elle est plus en mesure de mieux réagir sur les
marchés avec une échéance, disons, de huit ans à
dix ans. On doit dire, d'autre part, que certains autres fonds comme aux
États-Unis, certaines compagnies d'assurance ou fonds de retraite
investissaient quand même dans Hydro-Québec avec des 30 ans et que
leur performance a été grandement touchée. Tout cela pour
m'amener à dire aussi qu'un fonds important comme la caisse et avec un
tel volume qui est, par exemple, le fonds d'obligations le plus gros au Canada
aussi, c'est plus lourd, parfois, à assortir d'une politique. Il faut
penser à plus long terme quand on établit une politique. De
diminuer l'échéance de sept ans et demi à douze ans et
demi va nous prendre deux ans. Si on avait eu un portefeuille plus
léger, cela aurait pu peut-être nous prendre un peu moins de
temps, mais peut-être qu'on aurait eu aussi les mêmes
problèmes, on aurait eu à subir les mêmes
inconvénients.
Pour ce qui est du portefeuille des actions, si on se compare aux PSE,
la performance, je pense, a été relative et peut-être dans
la moyenne au cours des trois ou des six derniers mois. Il est évident
qu'en
changement brusque de marché, la caisse ne peut pas ou ne veut
agir rapidement là-dessus. Sur une courte période, il faut
être prudent. Il n'y a rien qui dit que la performance va être des
plus sensationnelles. Il faut la regarder sur des périodes plus longues
comme trois, quatre ou cinq ans où, je pense, la Caisse de
dépôt figure très bien.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre voulait
compléter, je pense.
M. Parizeau: Je voulais seulement ajouter une chose, mais qui me
paraît très importante ici. Quand la Caisse de dépôt
a été créée, encore une fois, une partie des fonds
devait systématiquement aller au financement du gouvernement,
contrairement à toutes les autres provinces canadiennes où la
totalité des fonds allait au financement gouvernemental. Il est
évident que la caisse n'allait pas acheter des obligations à deux
ou trois ans du gouvernement du Québec, alors que la totalité des
fonds du Canada Pension Plan qui vont aux autres provinces est
systématiquement à 20 ans. Donc, une bonne partie du portefeuille
d'obligations de la Caisse de dépôt a été
placée dans des titres à court terme de la même
façon que tous les titres du Canada Pension Plan émis par les
provinces canadiennes étaient de 20 ans pour la totalité de leur
portefeuille. Si, aujourd'hui, on se demandait ce qu'est la valeur de
réalisation des obligations émises par les autres provinces
canadiennes dans le Canada Pension Plan à 20 ans, on trouverait une
performance infiniment pire que celle de la Caisse de dépôt. La
Caisse de dépôt a eu au moins la possibilité de s'ajuster
en prenant du trois ans gouvernemental, du cinq ans, du trois ans extensibles,
etc., alors que dans les autres provinces, cela reste encore 20 ans
systématiquement. La valeur de réalisation des émissions
d'obligations des autres provinces à cet égard est effrayante.
Là, cela devient essentiellement une question de comparaison par rapport
à une formule qui a été trouvée au Québec
à ce moment-là qui aura permis d'aller du côté des
actions, du côté des immeubles, dans toute espèce de
directions qui étaient fermées pour le Canada Pension Plan en
dépit de très fortes hausses de taux d'intérêt comme
celles qu'on connaît, une valeur de réalisation infiniment
supérieure à tout ce que le Canada Pension Plan aurait produit et
produit ailleurs. Il ne faut jamais oublier le point de départ. Mais ce
qu'il y a de remarquable, en réponse à une question que posait le
député de Vaudreuil-Soulanges, c'est que ce qui aujourd'hui, avec
les taux d'intérêt qu'on connaît, et compte tenu des taux
d'intérêt qui ont été agréés sur des
obligations sur cinq ou dix ans, donc, infiniment inférieurs, c'est le
portefeuille d'obligations qui est bien plus responsable de l'abaissement de la
valeur de réalisation tant que les taux d'intérêt seront
hauts, de la valeur de réalisation du portefeuille de la Caisse de
dépôt... Ce ne sont pas les achats d'actions qui créent un
problème, si tant est que c'est un problème. Il n'y a pas de
problème véritable. Il y a simplement les valeurs comptables de
réalisation où on se dit: Si on vendait tout aujourd'hui, combien
aurait-on? C'est le portefeuille d'obligations qui crée cela, non pas
les actions.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, j'aurais seulement une
remarque à faire. Cela fait deux ou trois fois que le ministre dit
qu'ici au Québec la Caisse de dépôt ne prête que la
moitié de ses actifs... dans le fond, ne contribue au financement du
gouvernement que pour la moitié de ses actifs. Le Régime des
rentes du Québec représente à peu près justement
cela, la moitié. Les autres plans, régimes ou caisses au Canada,
si on veut, ne bénéficient pas -je ne pense pas - des
dépôts des douze ou treize autres organismes au même titre
un peu que la Caisse de dépôt. À moins que... (21 h 15)
M. Parizeau: Si on peut me permettre juste une intervention, au
contraire, ailleurs au Canada, c'est beaucoup plus diversifié comme
formule, mais les fonds servent très souvent, dans un très grand
nombre de cas, au financement gouvernemental et parfois au financement
municipal, les deux ensemble. Par exemple, ce qu'on appelle le Labor
Compensation, qui est l'équivalent de la Commission des accidents du
travail, autrefois chez nous, qui s'appelle maintenant la CSST, est un
organisme de financement gouvernemental dans beaucoup d'autres provinces. Ce
qu'on appelle le RREGOP chez nous, c'est-à-dire les fonds de retraite,
depuis 1973, des employés du secteur public, en Ontario, ça
s'appellera le fonds de retraite des enseignants. Le fonds de retraite des
enseignants, en Ontario, finance le gouvernement de l'Ontario et ses
municipalités.
Je pense que ça reste vrai, à très peu d'exception
près, que même si on envisage l'ensemble des déposants, au
Québec, on a une structure qui utilise une partie de ses fonds pour le
gouvernement et certains organismes publics comme les municipalités,
mais, d'autre part, on utilise une très grande partie pour les
obligations de compagnies, les actions de compagnies. C'est tout à fait
étonnant comme phénomène au Canada. Il y a peut-être
le Heritage Fund, une structure plus nouvelle en Alberta qui, au fond, commence
d'ailleurs seulement à suivre le genre de cheminement de la Caisse de
dépôt. À l'exception du Heritage Fund, la Caisse de
dépôt est un organisme tout à fait unique quant
à ses politiques de placement, tout à fait original.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je n'en ai pas de doute, et
c'est ce que nous prétendons d'ailleurs, quoique les questions que j'ai
posées étaient beaucoup plus précises que les
réponses ne le laissaient soupçonner. Ces questions
étaient à savoir si la caisse est en mesure de dire comment elle
se classe comparativement à d'autres institutions, quelles qu'elles
soient, d'administration de fonds administrés en fiducie au Canada. Je
me suis référé à l'existence, de façon plus
précise - de mémoire, je me souviens de deux, sinon des trois
organismes, A.G. Becker et Wood Gund, qui offrent leurs services aux gens qui
veulent bien se procurer un service de mesure de la performance et de
classement par quartile ou par centile, à l'intérieur d'un groupe
donné, ce qui permet à l'abonné de savoir où il se
classe cette année, où il se classait l'an dernier, il y a cinq
ans, il y a dix ans quant au rendement et quant à la performance des
fonds qu'il administre. Je ne demande pas de comparer le Canada Pension Plan
avec la Caisse de dépôt, je demande à la Caisse de
dépôt si elle est un abonné de ce service qui existe et qui
lui permettrait de juger de sa performance relative.
M. Parizeau: Est-ce que vous aimeriez mieux savoir comment on se
compare avec d'autres fonds du même genre? C'est assez difficile pour
nous d'établir ces comparaisons, même avec les deux firmes que
vous avez mentionnées et dont on connaît l'existence. On
connaît les firmes aussi. C'est assez difficile, si on veut se comparer
par rapport à la grosseur du fonds de dépôt et de ses
déposants et aussi par rapport à la période
mentionnée. Il est évident que si vous avez un fonds de 5 000 000
$ d'actions, selon vos objectifs, vous pouvez, en six mois, les tourner
très vite. Si vous êtes à la caisse et avec les
investissements qu'on a, soit au-dessus de 2 000 000 000 $ au 31
décembre 1981, tout dépend des objectifs. Pour nous, ce ne sera
pas un objectif d'avoir la meilleure performance sur une période de
trois mois. On va plutôt chercher une performance sur une période
de deux ans ou trois ans. On va rouler moins vite et on va prendre
peut-être moins de risques que certains administrateurs de fonds de
retraite plus petits, qui peuvent se permettre une certaine latitude, mais ils
peuvent se faire frapper aussi.
Pour nous, la performance de trois mois ou six mois n'a pas le
même impact que celle de deux ans, trois ans ou cinq ans. Cela
dépendrait de la question, si vous posez la question pour trois mois,
six mois ou trois ans. C'est évident que si vous regardez la performance
de deux ans, elle est très bonne. Si vous y regardez pour trois ans,
c'est la même chose. Si vous la regardez à très court terme
sur le département des obligations, comme je vous l'ai dit, à
cause des échéances très élevées, c'est
évident que, s'il fallait liquider aujourd'hui tout ce qu'on a
acheté à 8% il y a cinq ou six ans pour des périodes de
vingt ans, le prix qu'on obtiendrait serait beaucoup inférieur à
la valeur payée, à la valeur inscrite, à la valeur de
réalisation, ce qui ne serait pas tellement fameux pour la performance,
si on calcule comme cela. Il faut se rappeler que ces titres sont gardés
jusqu'à l'échéance, et à l'échéance,
eh bien! une obligation, c'est une obligation, et vous avez toujours 100 $ dans
votre 100 $.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Les services de mesure en
question, que vous connaissez évidemment, permettraient, il me semble,
de juger si, en fin d'année, depuis quatre ou cinq ans, avec des fonds
comparables, certains de vos fonds que vous administrez comparés
à des fonds semblables, qui ont des objectifs semblables dans d'autres
institutions au Canada, que ce soit privé ou public, peu importe,
permettraient de juger comment, en fin d'année, le 31 décembre,
si vous sortiez vos dossiers, vous vous êtes classés pour cette
année-là ou pour les derniers vingt-quatre mois.
Ce que j'essaie de voir, si vous avez en main, comme abonné ou
autrement, si vous êtes doté de cet instrument pour voir comment
vous avez "performé", vous excuserez le terme, depuis cinq ans, c'est si
vous faites mieux depuis quelque temps que vous le faisiez alors ou si c'est
l'inverse, ou si cela s'est maintenu. C'est la réponse que je cherche.
Peut-être que la question ne permet pas d'y arriver pour le moment.
M. Parizeau: Je vous dirais qu'au cours des six derniers mois, si
on regarde le fonds d'obligation, vous ne trouverez pas une performance
fantastique, toujours à cause de notre échéance qui
était très élevée, une échéance
moyenne.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous laissez soupçonner
que d'autres institutions auraient mieux fait que vous depuis six mois. C'est
accidentel, à mon sens, et c'est une question qui ne nous apprend rien
finalement, compte tenu de l'envergure, des politiques, du temps que cela peut
prendre pour vous retourner, comme vous dites. Cela est parfaitement
légitime.
Ce que j'essaie d'établir c'est si vous avez en main les outils,
les renseignements, comme abonné ou autrement, d'un service qui ne fait
que cela ou à peu près, avec des analystes qui ne font que
mesurer la performance depuis quelques années sur une
base longue, qui permet donc des comparaisons, si vous avez en main ces
renseignements, cela vous permet de voir si vous faites mieux que d'autres, ou
moins bien que d'autres, cette année par rapport à il y a cinq
ans.
M. Parizeau: II est évident que, comme outil de gestion,
la caisse est pourvue, consulte plus d'un évaluateur là-dessus -
si on peut utiliser le terme évaluateur de performance - et tâche,
avec ces renseignements et avec ce jugement, d'améliorer, de voir les
faiblesses s'il y a lieu, de voir les côtés ou les secteurs qui
peuvent être améliorés ou si la performance pourrait
être meilleure avec quelques petits changements mineurs, bien
souvent.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Êtes-vous à
même de nous dire si vous avez des outils de gestion qui vous permettent
donc de voir si d'un rang, dans un groupe d'institutions comparables à
un de vos fonds, dans le premier quart ou le premier tiers, vous êtes
passé depuis quelques années au deuxième tiers, ou si
c'est l'inverse, ou si vous avez maintenu, relativement à d'autres
institutions comparables au plus grand nombre de points de vue possible, votre
position.
M. Parizeau: II est évident que si vous regardez sur une
période de trois ans et plus, notre position est au-dessus de la
moyenne. Si vous regardez sur une période de six mois, on ne pourrait
pas dire que la performance est tellement fantastique.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous pouvez soupçonner
que six mois m'intéressent très peu. Si on prend une
période pour mesurer, je ne voudrais pas en parler toute la
soirée, cela prend des périodes un peu plus longues que cela. Si
on recule dans le temps, et si on se réfère aux autres
suggestions que vous avez, est-ce que vous avez constaté que la
performance de la Caisse de dépôt, toutes choses étant
égales, comparée à d'autres institutions, s'est
améliorée, s'est maintenue ou s'est
détériorée, relativement parlant, depuis cinq ans?
M. Parizeau: Depuis cinq ans?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ou quatre ans. Votre classement
dans la ligue des administrateurs de régimes de retraite ou de fonds de
placement, il y a cinq ans et aujourd'hui, a-t-il changé au
palmarès?
M. Parizeau: Au palmarès, c'est sûrement
maintenu.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est la réponse que
j'attendais.
Cela nous amène manifestement à des problèmes de
divulgation...
M. Parizeau: Ah!
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... - c'est ce à quoi le
ministre se référait tout à l'heure, entre autres choses,
particulièrement les opinions exprimées récemment par la
direction de la Caisse de dépôt qui, en vertu de la Loi sur les
valeurs mobilières, fait partie des obligations normales d'un
investisseur si, d'aventure, il détenait plus de 10% des droits de vote
d'une société. La direction a indiqué, probablement sur la
foi d'une ordonnance de la Commission des valeurs mobilières,
étant donné qu'elle est probablement bénéficiaire
d'une ordonnance à cet effet, qu'elle n'a pas l'intention, de toute
façon, de divulger, au-delà de ce qu'on en apprend d'une
façon ou d'une autre, la nature de ses opérations.
Le ministre des Finances et des Institutions financières, quant
à lui, a manifesté - je crois que c'est en janvier ou en
février - qu'on devrait peut-être plutôt s'orienter vers une
divulgation qui se rapprocherait de la norme à laquelle sont sujettes
les autres sociétés de placement.
J'irai même plus loin dans cette voie et vous me permettrez de
citer un extrait d'une revue qui date déjà de 1972 et qui
résume assez bien, je pense, l'attitude de notre formation politique. Je
cite un observateur: "On peut reprocher à la caisse de ne pas publier
les répartitions de son portefeuille-actions par compagnie. Il faudrait
aussi savoir quelle part du portefeuille-actions et obligations a
été souscrite à l'occasion de la création ou
l'expansion de sociétés au Québec. Il y a une
différence fondamentale entre l'achat à la bourse d'actions de
compagnies déjà établies et la souscription des
émissions de nouvelles compagnies ou de compagnies qui augmentent la
taille de leurs opérations. En raison même de sa dimension et de
l'autorité qu'elle acquiert sur les marchés, la caisse joue un
rôle décisif. À l'occasion du placement d'une nouvelle
émission, on devrait pouvoir en être informé." La citation
vient d'un article intitulé "La Caisse de dépôt, une grande
inconnue", Québec-Presse, 1972. C'était signé: Jacques
Parizeau.
M. Parizeau: Vous voyez que je n'ai pas changé
d'idée, M. le Président.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Précisément. J'allais voir jusqu'où la direction de
la Caisse de dépôt est prête à aller dans le sens
d'une divulgation un peu plus complète que ce que son rapport annuel
contient à l'égard des décisions extrêmement
importantes qu'elle prend, impliquant des
centaines de millions de dollars de l'épargne des
Québécois et de différents déposants. Cela me
semblerait une des garantie que la performance de la Caisse de
dépôt sera alors du domaine public, comme elle doit l'être
à bien des égards.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Parizeau: Je vais commencer par répondre à
ça et, ensuite, M. Campeau exprimera le point de vue de la direction de
la caisse. Comme il s'agit d'une orientation qui touche essentiellement
à de la législation qui n'est pas loin, il faudrait d'abord
clairement indiquer l'orientation que je prends à ce sujet quant
à de la nouvelle législation. Quant à la façon dont
la direction de la caisse détermine comment elle se situe par rapport
aux lois existantes, on pourra voir ça après.
Il me paraît normal qu'un certain nombre d'institutions
financières de caractère gouvernemental soient astreintes
à un certain nombre d'obligations juridiques quant à la
divulgation. Je sais bien que cela n'a jamais été accepté
au Canada par quelque gouvernement que ce soit, ça n'existe nulle part
au Canada, j'en conviens.
Certaines sociétés de caractère gouvernemental
s'astreignent volontairement à des formes de divulgation, d'autres non,
mais il est exact que, jusqu'à maintenant, aucun gouvernement n'a
décidé de par sa législation d'en faire une obligation.
(21 h 30)
Nous nous trouvons placés dans la situation où une Loi sur
les valeurs mobilières au Québec, qui est tout à fait
désuète - non pas seulement à cet égard mais
à toute espèce d'égard - doit être refondue, refaite
complètement. Après beaucoup de consultations, qui ont
peut-être duré trop longtemps, dans un certain sens, après
un nombre considérable de versions, depuis quelques années, cette
loi est maintenant prête à aller au Conseil des ministres,
ensuite, à être déposée en Chambre et à
être votée.
J'ai l'impression, compte tenu de l'échéancier que nous
avons devant nous, qui nous semble raisonnable, que la fin de l'année
1982 verra cette loi adoptée. Tant que ça n'a pas
été au Conseil des ministres, c'est un peu difficile de
déterminer comment cela va cheminer mais, enfin, l'impression que j'ai,
c'est qu'en 1982, cela sera fait. À l'occasion de ce nouveau projet de
loi, il est clair que j'annonce mes couleurs. On pourrait imaginer qu'on garde
une sorte de statu quo si la loi elle-même ne changeait pas, mais
à l'occasion d'un changement dans la loi, il faut bien se
décider. Donc, si le Conseil des ministres est d'accord et si
l'Assemblée nationale vote le projet, nous allons vraisemblablement
avoir, dans le courant de 1982, une loi qui astreindra un certain nombre
d'institutions gouvernementales - dont la Caisse de dépôt -
à une forme de divulgation. Je pense qu'il est temps. En tout cas, dans
mon esprit, cela ne fait pas l'ombre d'un doute qu'il est temps de le
faire.
Sauf erreur, et compte tenu de ce qu'on sait de ce qu'il va se produire
dans les autres gouvernements canadiens, ce sera la première fois que
cela va se faire. Il est évident que cela n'a pas nécessairement
-une telle loi - à identifier les dispositions générales
de divulgation et celles qui s'appliquent à un certain nombre de
mandataires des gouvernements. D'abord, parce qu'il y a des problèmes
d'ordre constitutionnel qui sont impliqués. Quand on dit les
"mandataires du gouvernement", cela ne veut pas simplement dire les mandataires
du gouvernement du Québec, il y a d'autres mandataires sur le plan
financier, relevant d'autres gouvernements.
D'autre part, étant donné le rôle important de
fiduciaire de la Caisse de dépôt, il y a un certain nombre
d'exemples de divulgation propres à certains types de fiduciaires qui
existent aux États-Unis. Je pense, en particulier, à certaines
réglementations de la Securities and Exchange Commission qui peuvent
être transposées ici. Donc, sans m'engager de quelque façon
que ce soit, au contraire, dans une sorte d'identification du processus de
divulgation, nous en sommes arrivés au point où, dans une loi,
une forme de divulgation va exister. D'ici là, il relève,
à mon sens, compte tenu de certaines choses qu'on a dites
précédemment ce soir, essentiellement de la direction de la
caisse de déterminer son attitude, sa position à l'égard
de la divulgation par rapport aux lois existantes. Dans ce sens, je trouverais
tout à fait incompatibles, dans les rapports entre le gouvernement et la
Caisse de dépôt, que le gouvernement intervienne dans les
décisions de la Caisse de dépôt quant à savoir
comment elle s'adapte à la loi actuelle qui ne lui impose pas, qui ne
lui crée pas d'obligation à cet égard.
J'espère que je suis assez clair quant à deux phases: la
phase jusqu'à la nouvelle loi et, ensuite, la nouvelle loi. Là,
je pourrais peut-être passer la parole à M. Campeau quant à
l'attitude actuelle de la direction de la caisse dans le cadre juridique
existant.
Il est évident que la caisse ne peut pas ou ne pouvait pas
laisser aller quinze ans de traditions et dévoiler ou faire des rapports
qu'elle n'était pas forcée de faire, que la loi ne
requérait pas qu'elle fasse. Il est évident que cela prenait chez
nous une étude approfondie. Il est évident qu'au cours de ces
discussions le conseil d'administration - je pense que cela a été
perçu clairement - a
été et est peut-être, encore, non pas
nécessairement en accord avec le ministre des Institutions
financières - il est évident que, pour nous, il ne s'agissait pas
de prendre des décisions rapides là-dessus. Il s'agissait
d'étudier à fond tout le problème. Il est possible que la
réflexion aboutisse. Notre étude est presque terminée. Il
reste au conseil d'administration de la caisse à prendre la
décision à savoir s'il devrait faire des rapports comme ceux que
vous mentionnez avant que la loi soit adoptée ou bien attendre la loi.
Je pense que ça reste une décision du conseil. Est-ce que le
conseil d'administration de la caisse prendra cette décision avant que
la loi soit adoptée? Ce n'est pas impossible.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Pourriez-vous préciser une des raisons, je pense, que vous
donniez à la chambre de commerce, cet hiver, à savoir qu'il
n'était pas dans l'intérêt public, compte tenu du
rôle de la caisse dans le développement économique du
Québec et de sa participation à l'essor du Québec, de
façon générale, de faire les divulgations auxquelles sont
sujets d'autres investisseurs. Je ne vois pas là de corrélation
évidente.
M. Parizeau: Je pense que vous avez raison. Disons que parfois on
évolue, on change d'idée un peu.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, je me sens presque
forcé de venir à la rescousse de la direction de la caisse pour
l'appuyer. La discussion sur la divulgation, depuis quelques mois, aura, je
pense, eu quelque chose d'excellent comme effet. C'est qu'il faudrait faire
attention, en voulant pousser, comment dire, la pureté des intentions,
de ne pas aller dans l'excès inverse, qui serait possiblement le
suivant: c'est qu'il soit plus facile d'acheter un gros bloc d'actions, a
fortiori le contrôle d'une société, à partir de
Toronto plutôt que de Montréal. Ce serait pas mal le bout du
monde. Si on voulait astreindre non seulement les institutions
financières privées du Québec, mais la Caisse de
dépôt du Québec à un encadrement tel que dans une
bataille entre, par exemple, la Caisse de dépôt, trois groupes
privés et mettons une société d'État... Mettons
qu'il y ait un groupe de cinq qui s'installe au Québec, qui dit: Nous
sommes intéressés à prendre une position importante dans
telle compagnie, et que le groupe Argus Corporation à Toronto trouve
ça plus facile du point de vue réglementaire et juridique de
prendre le contrôle de la même compagnie ici, ça serait
vraiment le bout du monde.
Donc, il y a une sorte de dosage. C'est beaucoup plus délicat
qu'on le pense et c'est là qu'entre en jeu l'intérêt public
qu'évoquait le président de la Caisse de dépôt
à l'occasion de cette conférence à la chambre de commerce.
Moi, en tout cas, il m'a fait beaucoup réfléchir en me signalant
simplement ce danger qu'il pourrait y avoir dans une nouvelle
législation de vouloir être à ce point pur et dur ici qu'on
gênerait les groupes québécois, qu'ils soient privés
ou publics, par opposition à ceux qu'on peut trouver dans d'autres
provinces, à plus forte raison aux États-Unis, etc. Il y a des
gens qui se sont posé la question: Est-ce que c'était une bonne
chose de voir la Caisse de dépôt entrer dans Domtar ou entrer avec
Brascan dans Noranda? Il ne faudrait pas que ceux qui ont ces interrogations -
qui ne m'effleurent pas d'ailleurs le moins du monde; je reste persuadé
que ce sont des opérations tout à fait brillantes qui ont
été faites là - ceux qui ont ce genre
d'appréhensions en arrivent à la conclusion qu'il faut que notre
législation soit plus restreignante, rendent les opérations plus
difficiles ici qu'ailleurs.
C'est dans ce sens que l'intervention, du président de la Caisse
de dépôt à la chambre de commerce m'a amené
personnellement à rééquilibrer certains de mes points de
vue.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans l'actualité
récente d'il y a quelques semaines - je ne vous parle pas de quelques
jours, pour qu'on se comprenne bien - on a fait état de l'acquisition
par la Caisse de dépôt de la société qui
contrôlait ou qui avait parmi ses actifs Place Dupuis. Cela me permet de
demander quelle est la politique d'investissement de la Caisse de
dépôt dans des titres de cette nature, quelle tendance elle entend
épouser pour un avenir prévisible dans la constitution d'un des
éléments de son portefeuille en immeubles de cette nature dans la
région du grand Montréal notamment et jusqu'à quel point
pourrait-on bénéficier de la divulgation que la caisse est
prête à faire quant aux conditions d'acquisition de Place Dupuis
ou de la société qui contrôlait Place Dupuis. Je pense que
c'était... Peu importe ce que c'était, la société
qui détenait cela.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Parizeau: Juste avant que nous passions la parole à M.
Campeau, M. le Président, je pense que le député de
Vaudreuil-Soulanges conviendra avec moi qu'elle peut être là -
c'est le cas de le dire - dans l'intérêt public pour des
transactions
très spécifiques. On ne demande pas au président de
la Caisse de dépôt d'aller plus loin - comment dire? - que
justement l'intérêt ne le demande. Je parle ici de transactions
spécifiques présentes ou à venir.
Le Président (M. Jolivet): M. Campeau.
M. Parizeau: M. le Président, en réponse à
cette question ou à cette remarque, je dirai que, sans parler d'un
placement spécifique - ne parlons que des titres d'immeubles - la caisse
ne possédait pas par le passé d'immeubles, sauf un ou deux, mais
très peu d'investissements, peut-être 5 000 000 $ en tout, en tout
cas, 5 000 000 $ à 10 000 000 $. La politique de la caisse est aussi de
devenir propriétaire. À cause de l'inflation et de tout cela, on
voit l'érosion du capital, il est souhaitable que la caisse ait aussi un
portefeuille d'immeubles, évidemment, seulement au Québec pour le
moment. Dans l'avenir, on verra. Par exemple, cette année, nous
comptions investir quelque 100 000 000 $ dans des achats d'immeubles. Cela fera
partie de notre portefeuille qu'on appelle d'équités. Ce sera
donc considéré de la même façon qu'on
considère les actions. Ce sont des titres de propriété et,
au cours des années, la caisse a l'intention d'augmenter ce portefeuille
selon les circonstances économiques. Vous conviendrez avec moi, d'autre
part, qu'à l'heure actuelle, avec les taux d'intérêt
élevés, il est évident qu'il y a de très bons
achats à faire dans les immeubles pour ceux, évidemment, qui ont
du comptant à investir. Pour la caisse, c'est un article qu'on verra, je
pense, dans les prochaines années dans les budgets d'investissement, les
immeubles.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je lisais dans le dernier
rapport de gestion que la caisse comptait administrer elle-même sur une
base quotidienne ces immeubles par le biais de quelques-unes de ses filiales
qui se préoccupent de cela. Je ne peux pas ne pas mentionner mon
inquiétude devant ce changement extrêmement substantiel de
l'activité des gestionnaires de la caisse. La gestion d'immeubles de
cette nature - encore une fois, je m'inspire de souvenirs de ma carrière
antérieure - connaît des succès dans la mesure où on
a affaire à des gestionnaires qui tiennent plus du vendeur, du
promoteur, du courtier à commission, de ce que les Anglais appellent un
"go-getter", finalement, ce qui ne m'apparaît être le profil qu'on
associe facilement à des actionnaires du domaine public ou parapublic.
Dans ce sens, l'intérêt extrêmement immédiat qu'ont
en général des gestionnaires d'immeubles dans des
sociétés privées qui se spécialisent dans ce genre
de travail est un gage de succès et cet intérêt, à
mon sens, est absent lorsqu'on regarde les gestionnaires que la Caisse de
dépôt pourrait convier, inviter ou déléguer à
l'administration de ces actifs immobiliers. C'est simplement pour faire
partager mon inquiétude et voir comment la direction de la Caisse de
dépôt envisage de gérer elle-même des immeubles
substantiels dans un domaine, finalement, où elle n'a pas
d'expérience démontrée.
Le Président (M. Jolivet): M. Campeau.
M. Parizeau: J'avoue - peut-être que je suis trop
émotif ou prompt là-dessus - que votre remarque me choque
profondément.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est la dernière des
choses que je voulais faire.
M. Parizeau: Oui? Cela voudrait-il dire que l'esprit d'initiative
n'existe pas à la caisse? Cela voudrait-il dire que l'esprit
d'initiative, on le retrouve seulement dans le secteur privé? Si c'est
ce que vous voulez dire, je pense que les gestionnaires de la caisse sont
hautement qualifiés; qu'on les voie en actions ou en obligations, je
vous dis que ce sont des gars qui y donnent vraiment. C'est la même chose
dans les immeubles. Il est évident qu'on n'est pas allé dans les
immeubles comme cela avec des gens qui ne connaissaient pas cela. On avait
déjà à la caisse une personne à Québec qui
s'occupait des hypothèques qui était un expert en immeubles et
nous sommes allés en chercher d'autres. Je pense que ces gars sont de
vrais entrepreneurs et que, pour eux, la notion de profit est là et
demeure, et la gestion sera faite aussi bien qu'ailleurs. Je ne sais pas si
c'était le sens de votre question. (21 h 45)
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): L'inquiétude que
j'avais, c'est que, d'expérience - en tout cas, dans mon cas -j'avais
observé de grands succès chez des développeurs, des
administrateurs, des promoteurs, des gens engagés dans l'immobilier. Ils
avaient ceci de commun -que c'était pour leur propre compte, à
bien des égards, qu'ils le faisaient, et non pas dans l'exercice de
fonctions fiduciaires, c'est exactement ça, alors que le rôle
fiduciaire de la caisse était bien reconnu. Je ne nie pas que des gens
ont le tempérament d'entrepreneurs, que certains des grands
succès de la caisse sont dus à cela, à l'intérieur
de la Caisse de dépôt. Mais je remarque que, presque
universellement, les grands succès dans l'immobilier sont attribuables
à des gens, des sociétés qui y trouvent leur
intérêt très immédiat, des gens qui ont à
prendre les décisions qui ne se prennent pas en comité ni en
conseil d'administration, mais qui se prennent littéralement sur un coin
de table, très rapidement. C'est simplement une observation
fondée sur mon expérience.
M. Parizeau: Je pense que l'administration la plus facile de la
caisse, ce serait de garder les 14 000 000 000 $ qu'on avait le 31
décembre 1981 à court terme, et prêter uniquement en bons
du trésor au Québec, à s'asseoir et à amener
ça à trois gars et à un bon comptable. Je pense que tel
n'est pas le choix. Il y a un deuxième choix, c'est que ce soit tout en
obligations. C'est facile, on peut attendre l'échéance et ne pas
négocier.
Il est évident que, quand on décide d'aller en
équité, ça amène des problèmes, ça
amène de plus grandes discussions. Il faut, pour investir quelques
millions, étoffer nos études d'une façon beaucoup plus
profonde qu'on le ferait pour investir dans la province de Québec. Cela
va vite, faire un emprunt de 100 000 000 $; ça prend peut-être une
journée ou deux, il faut évaluer les taux. Le conseil
d'administration va vitement approuver cela parce que le crédit est
reconnu et tout le reste. Quand il s'agit d'un immeuble, il est évident
que ça prend une étude profonde, qu'il faut analyser à
fond, mais il faut aussi que le rendement et le profit soient en
conséquence.
Or, je suis un peu en désaccord avec vous en pensant qu'une
transaction de 30 000 000 $ à 35 000 000 $ peut se faire sur le coin de
la table par un entrepreneur. Si ça se fait, ça se peut. Il y en
a qui ont du flair. Il y en a qui ont pu le faire dans le passé et qui
ont pu faire des profits intéressants. J'aimerais mieux qu'il y ait une
étude plus profonde et qu'on prenne le temps de réunir un conseil
d'administration sur ce genre de transaction. Pour moi, il est évident
qu'on ne doit pas mettre des actifs de la caisse, aller trop vite dans ce genre
d'investissement. Il s'agit d'être prudent. C'est un domaine où la
caisse n'a peut-être pas profondément investi, alors il ne s'agit
pas d'y aller trop rapidement. Je pense que la caisse doit aller dans ce
domaine, pourvu qu'elle y trouve son profit, évidemment, qui doit
être supérieur à d'autres domaines qui occasionnent moins
de tracas.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ne veux pas m'attarder
là-dessus, c'est simplement pour terminer. C'est une activité qui
est plus récente, de façon visible. Je ne parlais pas,
évidemment, des décisions d'acquisition de cette envergure qui se
font sur un coin de table, mais de l'administration quotidienne, de l'insertion
dans un réseau de connaissances très large du marché
immobilier, parce qu'il y a du roulement, ça va prendre un nouveau
locataire, une nouvelle destination à l'immeuble, une nouvelle insertion
dans un complexe qui est en train de se développer. Il faut tout savoir
ça et ça prend des gens. Je présume que, dans ce
cas-là, vous êtes à même de dire que les gens qui
seront chargés de cette administration auront cette expérience
dans le domaine, c'est évident. Mais ça me semble être une
activité nouvelle, avec ce que ça cause de problèmes
d'adaptation, de changement de mode de gestion, d'insertion, dans le groupe de
gestionnaires, de gens qui sont un peu différents parce qu'ils ont une
expérience différente. C'est très nouveau et c'est
substantiel. Vous n'êtes pas en train d'acheter des duplex sur la rue
Papineau. Ce sont de très grosses transactions avec, justement, le
risque que ça comporte à court terme. C'est ce que j'entendais
souligner, ce n'était certainement pas dans le but de vous choquer.
M. Parizeau: Peut-être juste deux commentaires, M. le
Président. Nous étions d'abord affiliés à La
Laurentienne, ici, dans l'immeuble La Laurentienne à Québec,
où on était chargés de l'administration, tous les deux
ensemble, nos gens avaient de l'expérience là-dedans.
Deuxièmement, quand on fait un achat d'immeuble, on garde aussi une
bonne partie du personnel en place qui est habilité à faire les
locations, l'entretien et tout cela. Ce n'est pas du nouveau au jour le jour,
le personnel est gardé et il est bien préparé. C'est un
critère aussi d'achat. Est-ce qu'il existe une gérance dans cet
immeuble qui puisse nous permettre de l'acheter. C'est un des critères
lors de nos achats.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous voyez que vos
réactions à mes questions sont surtout dues à l'absence de
divulgation de certaines de vos activités, d'une part, et à la
formulation de cette activité ou la description de cette activité
dans le rapport de gestion que vous avez soumis à l'Assemblée
nationale. D'autre part, quant à moi, je n'aurai plus d'autres questions
à l'adresse du PDG de la Caisse de dépôt que je remercie
beaucoup de s'être déplacé, comme son devoir
malheureusement le lui impose, mais si c'est un plaisir en plus, c'est tant
mieux.
M. Parizeau: M. le Président, justement, je suggère
que nous remerciions le président de la Caisse de dépôt et
que nous passions maintenant à Loto-Québec.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui.
Le Président (M. Jolivet): Loto-Québec. M. le
Ministre.
Loto-Québec
M. Parizeau: Simplement, pour présenter à nos
collègues M. Lafaille, le président de Loto-Québec, et
l'exposer à nos
interrogatoires.
Le Président (M. Jolivet): Qui commence le premier? M. le
député de Vaudreuil-Soulanges ou...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre passe son tour.
Le Président (M. Jolivet): ... ou encore M. Lafaille a
peut-être quelque chose à dire avant de commencer.
M. Parizeau: Aucunement.
Le Président (M. Jolivet): Aucunement. Allez.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ma première question, on
verra s'il y en aura d'autres après, s'inspire de certaines remarques -
ce ne sont pas des remarques, c'est le contenu du discours sur le budget -du
ministre des Finances du 25 mai, qui, à l'endroit d'une autre
société de la couronne, une société
gouvernementale, la Société des alcools du Québec,
indiquait que le ministre des Finances peut à l'occasion, afin de se
procurer des revenus, passer une commande auprès d'une
société, d'un organisme du gouvernement; c'est ainsi qu'il y a eu
une commande pour 25 000 000 $ additionnels passée à toutes fins
utiles à la Société des alcools, qui se retrouve dans une
situation assez étrange, qui ne semble pas la rendre inconfortable du
tout, de monter ses prix parce que les ventes baissent. Je me demandais si
à l'endroit de Loto-Québec, les mêmes genres de commandes
peuvent être passées, si le processus budgétaire de
Loto-Québec doit tenir compte de certains des voeux du ministre des
Finances ou des exigences de revenu que le ministre envisage pour l'avenir. De
façon plus générale, quel est donc le degré
d'autonomie de Loto-Québec quant à sa gestion notamment sur le
plan financier?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Parizeau: Je peux peut-être répondre de
façon plus générale et M. Lafaille pourrait entrer dans
les précisions ensuite, mais comme il s'agit là effectivement
d'une sorte d'orientation générale, je préfère
répondre à cela pour commencer.
Loto-Québec ne peut pas déterminer son niveau de profit et
son dividende sans tenir compte d'abord et avant tout de la proportion des
recettes brutes qui doivent être données en prix. Je sais, je
n'utilise pas le jargon en vigueur dans ce milieu, mais fondamentalement, c'est
cela.
Si les montants distribués en lots ou en prix étaient
très inférieurs à ce qu'on trouve
généralement dans ce genre de jeu, les ventes s'en
ressentiraient. Il y a donc là une sorte de contrainte que le ministre
responsable de Loto-Québec doit accepter. Il y a une deuxième
dépense, si on peut dire, dont il faut tenir compte, qui a trait aux
dépenses d'administration et de distribution. Finalement, il y a le
dividende qui sera payé. Sur ce poste d'administration et de
distribution, on peut agir. Par exemple, l'abolition, il y a quelques
années déjà, quatre ou cinq ans, du système de
distribution qui existait avant et le remplacement des concessionnaires par des
distributeurs a permis de faire des économies considérables.
Dès la première année, il y a eu une dizaine de millions
de dollars, dès le départ, pour une année entière,
d'économies faites à ce poste, ce qui gonfle donc le
dividende.
Cette opération a été faite par M. Lafaille en
consultation très étroite avec moi. Il est évident que,
lorsque M. Lafaille est devenu président, une transformation profonde du
fonctionnement de Loto-Québec s'est produite. Ah! bien sûr, je
suis intervenu dans le sens qu'il fallait déterminer où on
allait. On changeait complètement le mode de fonctionnement de
Loto-Québec. Cela a permis de faire des économies et cela s'est
répercuté sur le dividende.
Depuis ce temps, la réforme de l'administration ayant
été faite, ayant dégagé des sommes qui sont
entrées dans le dividende, compte tenu de la proportion qu'on doit
affecter aux prix, le dividende depuis quelques années est largement
déterminé de la façon suivante. La direction de
Loto-Québec indique ce qu'elle pense avoir comme recettes brutes, elle
détermine ce qu'elle pense devoir payer là-dessus au titre
à la fois de son administration, de ses lots et de ses prix et indique
ce qu'il serait raisonnable d'attendre comme dividende. Essentiellement,
j'accepte ce montant-là, convaincu comme je le suis que, sur le plan du
fonctionnement des jeux, on n'a pas tellement de latitude. L'idée de
baisser le montant des prix tuerait la poule aux oeufs d'or.
D'autre part, sur le plan de l'administration, ce qu'il y avait à
faire a été fait. Je pense qu'il est de notoriété
générale en Amérique du Nord et qu'on reconnaît que
Loto-Québec est gérée de façon exceptionnelle
à l'heure actuelle, sur le plan du peu de dépenses
administratives et de distribution que ça représente par rapport
aux recettes totales. Dans ces conditions, on me dit: Raisonnablement, vous
pouvez attendre tel montant l'année prochaine, et je le prends. Je ne
sais pas si M. Lafaille veut entrer dans plus de détails, mais je pense
qu'essentiellement, en termes d'orientations générales, c'est
ça.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): La réponse est non. Le
ministre des Finances ne passe pas de commandes ou n'est pas à
même de le faire. Mais j'aurais une remarque à faire. Il est de
notoriété publique, dans le fond, qu'une opération de
loterie peut prendre de l'expansion presque à l'infini et que la limite
des rentrées brutes n'est identifiable que compte tenu de l'imagination
que peuvent déployer les concepteurs de jeux ou de lots, peu importe.
Cela devient une tentation, ça peut être un objectif, en tout cas,
que d'augmenter les rentrées pour l'État plutôt que
simplement passer une commande.
Je me demandais quel est l'état des relations, jusqu'à
quel point les dirigeants de Loto-Québec ont l'autonomie de
décider, comme gestionnaires, comme gens qui ont une philosophie sociale
eux aussi, pas seulement économique et financière, qu'il y a
déjà trop de jeux ou qu'il pourrait y en avoir plus ou qu'on
pourrait peut-être faire plus de profits ou moins.
J'allais demander, premièrement, au ministre quelle est son
opinion sur une opération comme celle de Loto-Québec. Où
s'imbrique-t-elle dans le tissu social que nous connaissons? Quel est
l'intérêt qu'elle peut avoir pour le gouvernement du
Québec? Ce n'est pas tout à fait étranger au fait qu'on
est en train de se demander s'il va y avoir des casinos ici, au Québec,
que les opinions sont partagées à ce sujet-là et que la
loto est évidemment une des manifestations de l'esprit qui
décidera si, oui ou non, on aura des casinos, par exemple. (22
heures)
M. Parizeau: Je pense qu'on peut développer ça
assez longuement, mais, dans l'ensemble, commençons par la question:
Pourquoi des lotos? Parce que c'est un remarquable substitut aux impôts.
Sur le plan du ministre des Finances, je ne l'aborde que de cette façon.
Il vaut beaucoup mieux avoir des recettes du jeu que de taxer les gens. Au
moins, ceux qui ne veulent pas participer au financement du trésor
public passé un certain point n'ont qu'à ne pas acheter de
billet. Cela a un immense avantage: cela met une partie du financement
gouvernemental sur la base du volontariat.
D'un autre côté, il n'est pas exact de dire qu'on peut
aller chercher, par les jeux de hasard, une quantité indéfiniment
croissante d'argent, en ce sens qu'on a l'impression, au Canada, dans la mesure
où les jeux, ici, sont relativement récents - cela a
augmenté très vite - qu'on peut en mettre autant qu'on veut et
qu'il y aura toujours des montants indéfiniment croissants qui en
proviendront. Cela ne correspond pas du tout à la réalité.
En réalité, les jeux vieillissent. Les gens s'habituent à
un jeu et on se rend compte que certains jeux cessent de rapporter. L'expansion
des ventes s'atténue et même, à un moment donné,
baisse. Il faut constamment remplacer les jeux dans le public. Si on veut
simplement maintenir un dividende raisonnable, il faut constamment trouver de
nouvelles façons de faire jouer, si bien qu'un jeu mûr, petit
à petit, s'étiole et est remplacé par un autre qui, au
contraire, fonctionne bien.
Pour cela, il faut faire des expériences parce qu'un nouveau jeu
peut prendre très vite et un autre, au contraire, peut ne pas attirer
beaucoup l'attention. Il faut donc expérimenter passablement, mais il
n'y a pas de doute qu'il y a une forme de saturation globale qui apparaît
quant au jeu. À cet égard, il n'y a pas d'autonomie
véritable de Loto-Québec en ce sens que le gouvernement, par
règlement, doit approuver les nouvelles formes de jeu qui sont
introduites. Par arrêté en conseil, le gouvernement voit un
nouveau jeu et dit: Tiens, cela, on l'accepte ou pas. Cela se comprend,
d'ailleurs. À l'origine, non seulement notre gouvernement, mais la
plupart des gouvernements font la même chose. Ils se disent: Bon, on
voudrait quand même, pour toute espèce de raisons, même si
ce n'est que pour examiner les répercussions publiques d'un jeu, en
accepter, par règlement, les formes. Encore une fois, on n'a jamais
cherché à créer même l'illusion qu'il puisse y avoir
une autonomie de Loto-Québec de faire n'importe quel jeu quand ça
lui plaît, de les faire disparaître, d'en créer d'autres,
d'en lancer de nouveaux. Il faut que ce soit approuvé.
Dans ce sens, encore une fois, on se comprend bien. L'imagination, la
mise au point des nouveaux jeux, leur conception viennent de
Loto-Québec, mais le gouvernement regarde ces nouveaux jeux et dit: Je
les prends ou je ne les prends pas. Donc, l'initiative est à
Loto-Québec, mais l'approbation est au gouvernement. Cela a toujours
été ainsi, d'ailleurs, et il me paraîtrait difficile
d'imaginer une autre formule que celle-là.
Cela nous amène aux casinos. Les casinos, après beaucoup
d'études faites par Loto-Québec, études, à mon
sens, tout à fait remarquables, qui vont pas mal plus loin que la
plupart des choses qu'on voit habituellement, qui ont établi beaucoup de
comparaisons entre ce qu'on voit aux Etats-Unis, en Europe, dans les
différentes formes de jeux, les casinos, dis-je, contrairement à
ce qu'on pense, ne sont pas payants comme entreprise; ils ne sont pas
très payants. Certains peuvent l'être davantage que d'autres,
selon leur localisation, mais ce n'est pas la poule aux oeufs d'or dont bien
des gens rêvent.
Si on tient compte de tous les coûts, là où cela
peut devenir payant, c'est si c'est entre les mains d'intérêts
privés et que tous les coûts de surveillance, de police, etc.,
sont portés par la société. Là, oui, dans
certains cas, cela peut être très payant. Mais si on tient compte
de tous les coûts véritables dans une hypothèse où
le casino est sous la juridiction d'un gouvernement, appartient au
gouvernement, si on prend l'ensemble des coûts sociaux et, d'autre part,
les recettes attendues, ce n'est pas très payant. Là où
ça peut devenir intéressant, cependant, c'est pour autre chose.
C'est comme, par exemple, soutien d'une activité touristique
déjà en place, expansion, consolidation d'activités
touristiques simplement à cause de l'attrait que ça
présente pour un certain type de clientèle. Sur ce plan,
ça peut être intéressant. D'un autre côté, sur
un autre plan, ça crée des problèmes, comment dire,
d'attirance de certains types de clientèles qui ne sont pas
particulièrement souhaitables et, donc, de contrôles policiers
considérables.
Si bien que l'arbitrage, jamais très facile à faire pour
un gouvernement, c'est de savoir s'il est plus important de donner certains
soutiens à l'industrie touristique, d'une part, ou bien d'éviter
des formes de criminalité, d'attrait pour la pègre ou d'autre
chose comme ça. Lequel des deux est le plus important? Est-ce qu'il y a
des moyens de limiter au minimum les inconvénients et de maximiser les
avantages touristiques? Je parle personnellement; un des problèmes qui
me préoccupent le plus et le plus longuement depuis le début de
cette affaire, de ces discussions là-dessus, c'est que c'est
terriblement difficile de trancher parce qu'on est entre deux
possibilités. C'est déjà très difficile de
connaître à l'avance l'impact sur le tourisme d'une forme de
casino. C'est encore plus difficile de savoir quel genre de criminalité
cela va entraîner. Il est évident que cela dépend des
exemples qu'on prend. Il y a le casino à l'européenne, par
exemple, où on a réussi quand même à limiter
certaines formes de criminalité au minimum. Il y a encore certaines
formes américaines; je pense, en particulier, à l'expansion
extraordinaire de la criminalité à Atlantic City.
On se trouve à porter des espèces de jugements sur des
structures sociales dix ans ou quinze ans avant qu'elles apparaissent et c'est
un peu terrifiant comme choix. Une des raisons pour lesquelles le gouvernement
ne s'est pas encore branché sur l'affaire des casinos, c'est
qu'effectivement c'est un arbitrage extraordinairement compliqué
à faire et qui fait appel, encore une fois, à des notions
très difficilement comparables. Comment compare-t-on beaucoup
d'activité touristique avec beaucoup de crimes? Ce n'est pas facile
à trancher, ce genre de truc. Donc, au point où nous en sommes,
on ne peut pas aller plus loin que de dire que le gouvernement, après
que plusieurs de ses instances en ont discuté, n'a pas encore pris de
décision.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le ministre. Je
remercie M. Lafaille de s'être déplacé. Nous avons appris
que le ministère des Finances ne passe pas de commandes à
Loto-Québec, essentiellement. Ça nous permet donc d'avoir une
mesure, à partir d'aujourd'hui, qui nous permettra de juger l'avenir.
C'est à peu près tout ce qu'on pouvait accomplir dans les
circonstances. Quant à moi, on peut passer à un autre
élément du programme.
M. Parizeau: M. le Président, je suggérerais, sujet
à ce que nous avons discuté avec le député de
Vaudreuil-Soulanges, que nous passions maintenant à la curatelle.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 6, alors, M. le
ministre, ferez-vous des remarques préliminaires?
Curatelle publique
M. Parizeau: Essentiellement pour dire que nous sommes à
préparer un projet de loi transformant assez profondément la
Curatelle publique pour en faire un organisme distinct et non pas simplement
une des sections du ministère des Finances. Ce projet de loi est devant
le Conseil des ministres à l'heure actuelle. Donc, possiblement, on va
être en mesure non pas de le voter avant le 23 juin, mais en tout cas, de
le présenter en Chambre. Ceci va représenter, bien sûr, une
modification assez radicale, à la fois de la structure de la Curatelle
publique et de son fonctionnement à venir. Je dois dire que compte tenu
de la nature des opérations de la Curatelle publique, c'est probablement
une excellente chose qu'il en soit ainsi. Tout ce que je regrette un peu, c'est
que cela vienne aussi tard. Cela aurait probablement dû être fait
il y a déjà quelques années.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui. Les commentaires que
j'aurais à faire s'inspirent exclusivement de mon expérience de
député et mes questions peuvent avoir trait, dans le fond, au
rapport que doivent soumettre différents agents qui sont pris avec la
curatelle, pour une raison ou pour une autre, parce qu'il y a un mineur dans le
portrait et des choses semblables. Je remarque - ce ne sont pas des cas
tellement fréquents, mais je suis sûr qu'il y a un volume
considérable qui est traité à la curatelle - la
difficulté apparente qu'ont beaucoup de gens de remplir des documents
relativement simples pour les gens ici autour de la table, la difficulté
qu'ils ont de les
remplir à la satisfaction peut-être de l'administration de
la curatelle de façon complète d'une année à
l'autre, qu'il s'agisse de faire état des revenus
d'intérêts sur un compte en banque, un dépôt en
banque qui est absolument insignifiant, mais, évidemment, qui demandent
trois copies, six pages, ou je ne sais trop, un rapport annuel de la part des
parents, du curateur, ou peu importe, dans le cas d'un mineur. Je me demandais
quels efforts de simplification à l'endroit des gens qui sont
obligés de faire ces rapports, la Curatelle publique envisageait, ce que
la direction envisageait. Y a-t-il un programme de simplification de paperasse,
comme dans bien d'autres services gouvernementaux, qui est en marche ou en voie
d'amélioration?
M. Parizeau: M. le Président, bien qu'il ne soit pas
conforme à l'usage que des fonctionnaires répondent à des
questions dans ces commissions, puisque le Curateur public va devenir,
semble-t-il, assez rapidement, d'ici très peu de temps, un
président d'organisme, je me demandais si on lui permettrait de
répondre à la question.
Chaque tuteur ou curateur doit, en plus des charges qui lui sont
imposées par le Code civil, faire deux rapports au Curateur public. Le
premier, c'est de faire son inventaire, faire parvenir une copie de son
inventaire notarié des biens qu'il va administrer. Par la suite, une
fois par année, il doit faire un rapport qu'on appelle un rapport annuel
de sa gestion. C'est un principe fondamental. De plus, il doit également
donner une caution, une garantie de son administration pour protéger son
pupille. La seule protection qui est prévue par le Code civil, c'est
l'hypothèque légale. Vous avez les deux points où les gens
se plaignent des rapports qu'on fait. Si on tient pour acquis que pour 10 000
tuteurs et curateurs sont actuellement en fonction et si nous vérifions,
ces gens, ces tuteurs et curateurs administrent actuellement 200 000 000 $.
Avant la Loi sur la Curatelle publique, en 1972, il n'y avait absolument aucun
contrôle sur ces gens. Les tuteurs administraient et ne rendaient de
comptes à personne, ce qui a amené certaines exagérations.
Depuis 1972, nous avons tenté - la loi l'impose - d'amener les tuteurs
et curateurs à soumettre leur gestion à la vérification du
Curateur public. Tout principe a des difficultés d'application. Dans
notre cas, quand nous arrivons avec des tutelles minimes, disons de 3000 $,
où un accident d'intérêt minime est arrivé à
un mineur, ou un curateur qui administre une pension de vieillesse, ceci
amène beaucoup de difficultés. Nous avons convenu, avec
l'expérience, que pour tout tuteur ou curateur qui administre moins de
5000 $, nous exigeons l'inventaire pour s'assurer, évidemment, que c'est
la somme qu'il a administrée, et après cela, on ne l'ennuie plus,
vu que la somme administrée est tellement minime. Pour éviter des
frais inutiles, des questions inutiles, nous n'exigeons pas par la suite le
rapport annuel. Dès le départ, lors de l'inventaire, il faut
quand même qu'ils justifient leurs positions et nous leur envoyons un mot
à cet égard. (22 h 15)
Quant à l'hypothèque légale, il faut dire que notre
système de protection pour les malades mentaux et les mineurs a
été établi lorsqu'on a créé le Code civil en
1865, en 1867 ou 1864. C'était le système du temps et,
aujourd'hui, c'est complètement dépassé. L'Office de
révision du Code civil s'est penché sur ce problème et a
proposé certaines modifications qui seront étudiées
bientôt, dans quelques années, lorsque le gouvernement
décidera d'implanter ces nouvelles recommandations. L'hypothèque
est ainsi actuellement, nous n'avons pas le choix, il faut imposer
l'hypothèque légale, ce qui a pour effet de mettre l'immeuble du
tuteur ou du curateur hors commerce pour une fonction qu'il est obligé
de faire gratuitement, ce qui est tout à fait injuste.
La tendance, c'est tout simplement de faire nommer un tuteur ou curateur
qui n'aura pas d'immeuble. À ce moment-là, vous n'avez aucune
protection. Le prochain système du Code civil le prévoit et il
faut évidemment attendre la législation.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que, dans la loi
constitutive, il y a des améliorations quant à l'administration
même que vous présidez? La qualité des rapports entre
l'administration et les citoyens est-elle modifiées de façon
générale?
M. Parizeau: D'une façon générale, non.
C'est plus une reformulation des pouvoirs administratifs et du fonctionnement
de la curatelle. C'était à toutes fins utiles assez baroque
d'avoir la curatelle fonctionnant comme une sorte de direction
générale du ministère des Finances alors que la loi
reconnaissait au curateur certains pouvoirs qu'il devait exercer de son propre
jugement. On l'avait intégré au ministère des Finances -
on le voit d'ailleurs par les crédits que nous avons devant nous - comme
une sorte de service. Il y a une sorte de contradiction dans les termes. C'est
davantage une réorganisation de l'organisme lui-même que des
transformations profondes, un genre de service qu'il peut rendre.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a des exemples qui me
viennent à l'esprit à la lumière de mon expérience
récente. Pour des gens, ça demeure une chose extrêmement
mystérieuse, ça demeure quelque chose d'épeurant à
cause des rapports, quelque
chose de mythique presque à certains égards. Est-ce que la
curatelle s'est dotée de services d'aide pour les clients, les
bénéficiaires, je ne sais trop comment vous les appelez, les gens
sujets à votre juridiction? Avez-vous des services d'aide à la
clientèle, autrement dit? Est-ce que vous envisagez de lui donner un peu
d'expansion, toujours dans la même optique - c'est pour ça que je
pose ces questions, c'est l'expérience que j'ai vécue - de
rapprocher les gens de la curatelle pour que ça devienne facile
d'accès, que ce ne soit pas une espèce de cauchemar bien
injustifié la plupart du temps, mais qui est quand même là,
pour eux, de transiger avec l'appareil de l'administration publique sous la
forme de la curatelle?
M. Parizeau: La maladie mentale est en effet un monde très
mystérieux. Tous les commentaires planent concernant la maladie mentale.
Nous avons une drôle de situation. Il est vrai que la Curatelle publique,
c'est un organisme qui n'est à peu près pas connu du public en
général parce que nous faisons affaires avec des psychiatres, le
personnel médical ou les travailleurs sociaux des centres hospitaliers,
des centres d'accueil et tout cela. Lorsque nous arrivons devant la personne
qui est malade, puisque le médecin ne doit pas s'occuper de la famille
mais bien de son patient, s'il juge que la personne est incapable d'administrer
ses biens, il doit faire un certificat d'incapacité établissant
la juridiction du Curateur public. Ceci n'empêche pas la famille
d'intervenir mais, dès l'instant de son entrée à
l'hôpital, le Curateur public entre en fonction. Comme ce n'est pas connu
et comme, souvent, le médecin ou les autorités médicales
n'avisent pas la famille que le Curateur public s'occupe du cas vous voyez
arriver un investigateur chez les parents du malade pour prendre l'inventaire
et tout le monde tient pour acquis que le gouvernement vient saisir. Nous
avons, évidemment, une très grosse côte à
monter.
C'est un problème puisqu'on ne peut pas rejoindre la famille.
Nous administrons les biens d'une personne. Nous administrons les droits d'une
personne. C'est un problème difficile à régler. Vous
savez, on a une tradition qui est la suivante: la Curatelle publique a
été créée pour rendre un service, parce qu'il y
avait un vacuum. Il y a des gens dont on ne voulait pas s'occuper, pour une
raison ou pour une autre. Au début, lorsque le Curateur public est
arrivé, la famille ne voulait pas s'occuper ou ne pouvait pas s'occuper,
d'une personne et, avant que le conseil de famille se réunisse, il faut
quand même qu'un membre de la famille prenne l'initiative de
présenter une requête au protonotaire ou au juge.
Si nous avons 12 000 personnes, c'est qu'il y a 12 000 personnes dont
les gens ne s'occupent pas pour une raison ou pour une autre. Nous avons
tendance à ne pas trop nous occuper de la famille, mais plutôt de
notre patient. Si la requête n'a pas été signée et
présentée, c'est qu'on ne s'en occupe pas. Donc, nous sommes
là pour nous occuper de ces personnes. Par déformation
professionnelle, on a tendance à regarder un peu de travers les gens qui
entourent la personne, ce qui n'aide pas à résoudre le
problème.
Depuis quelques années, il y a eu une grosse évolution et
on s'aperçoit aujourd'hui, lorsqu'on regarde les états
financiers, que les biens que nous administrons augmentent
considérablement d'année en année. Il y a eu quand
même un rapprochement de fait, un gros rapprochement puisque, maintenant,
nous n'avons pas seulement des gens pauvres, mais également des gens
riches. Donc, il commence à y avoir un élément de
confiance.
Le seul rapprochement qu'on a actuellement, c'est par des
dépliants publicitaires que nous envoyons à la famille; lorsque
nous avons juridiction, automatiquement, nous envoyons un dépliant
publicitaire expliquant le rôle du Curateur public, lorsqu'il s'agit de
l'administration des biens d'un malade mental et lorsqu'il s'agit des droits
puisque, pour toucher à une personne à l'hôpital, il faut
un consentement de la personne. Si la personne ne veut pas consentir, c'est le
Curateur public qui doit le faire si celle-ci est sous sa juridiction. Nous
envoyons un pamphlet à cet effet. Lorsqu'il s'agit d'un tuteur ou d'un
curateur, nous avons un nouveau pamphlet et, dès l'instant de sa
nomination comme tuteur, nous allons envoyer - parce que le pamphlet, nous ne
l'avons reçu qu'il y a deux jours - à chaque tuteur lui
expliquant ses obligations, ses charges et ses privilèges. Chaque
année, chaque fois que nous enverrons un rapport annuel, nous allons
également inclure cette chose et, graduellement, nous rapprocher par le
pamphlet.
Je dois vous dire que notre souci premier est la personne. Si la
personne qui tombe sous notre juridiction a une famille, et si elle
était le pourvoyeur de la famille, nous tentons d'établir un
budget pour la famille. S'il n'y a pas assez d'argent, nous intervenons
auprès des lois sociales.
Le Curateur public, de par sa nouvelle constitution, va tenter de
trouver les moyens à employer pour améliorer la chose. Je ne sais
pas par quel moyen, autre que par les pamphlets publicitaires que nous avons
actuellement. Il y a des rapports annuels que j'envoyais tous les ans aux
médecins, aux avocats et aux notaires, mais je me suis aperçu que
cela ne donnait absolument rien.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je
vous souhaite bonne chance dans nos nouvelles attributions. Vous avez
manifestement du pain sur la planche de cette façon. Je m'en voudrais de
ne pas vous féliciter d'avoir limité à à peine 8%
l'augmentation de vos crédits par rapport à l'an dernier, si je
calcule bien. C'est un exemple à suivre par plusieurs. Je ne peux pas
non plus en terminant m'empêcher de commenter que ça fait
drôle, c'est le moins qu'on puisse dire, de parler de ces
choses-là à l'étude des crédits du ministère
des Finances. Je ne sais pas si c'est plus drôle pour Me Lussier ou pour
nous, mais, chose certaine, c'est inusité. Je vous remercie de votre
présence.
M. Parizeau: On remercie M. Lussier, le Curateur public. Je
suggérerais, M. le Président, puisque la CARR n'a pas
été examinée à l'occasion des crédits du
trésor, qu'on y passe maintenant.
Le ministre était ici il y a un instant, mais il semble qu'il
soit sorti.
Est-ce qu'on pourrait suspendre nos travaux pour 30 secondes
jusqu'à ce qu'on ait trouvé le ministre responsable de la
CARR?
Le Président (M. Desbiens): On va suspendre nos travaux
pour quelques secondes, le temps de se dégourdir.
(Suspension de la séance à 22 h 27)
(Reprise de la séance à 22 h 28)
Commission administrative des régimes de
retraite
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! La
commission des finances et des comptes publics reprend ses travaux pour
procéder à l'étude des crédits de la Commission
administrative du régime de retraite. Y a-t-il des commentaires
préliminaires? M. le député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Nous allons tout simplement
demander au ministre de nous indiquer quel est le statut, aujourd'hui, des
études d'évaluation actuarielle, etc., qui se font de
façon assez courante à la CARR. Quelles sont les plus
récentes, jusqu'à quel point sont-elles du domaine public et
quand entend-il faire rapport sur l'état des régimes de
retraite?
M. Bérubé: II y a eu une étude qui a
été terminée en décembre dernier. L'objectif de
cette étude était de réévaluer les taux de
cotisation pour les différents régimes de retraite du
gouvernement, RREGOP, RRE et RRF. Ces études devaient nous permettre de
faire un ajustement des taux de cotisation pour le mois de juillet. D'une
façon générale, ces études ne sont pas rendues
publiques, mais elles sont véritablement d'ordre public. Vous
n'êtes pas sans savoir que depuis maintenant quelques mois le conseil
d'administration de la CARR est composé à la fois de
représentants des travailleurs de l'État et, donc, de
représentants des syndicats, et que toutes ces études sont
désormais d'ordre public. Par conséquent, elles pourraient
certainement être disponibles à l'Opposition si elle voulait
consulter l'état des régimes de retraite.
Les états financiers de la CARR, qui vont paraître
très bientôt, normalement, contiennent les éléments
d'information concernant, par exemple, les déficits actuariels.
Incessamment, dans la mesure où les états financiers seront
déposés à l'Assemblée nationale, vous aurez des
éléments de réponse aux questions qui pourraient vous
venir à l'esprit. (22 h 30)
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je présume qu'il y aura
un paragraphe ou deux, peu importe, pour nous situer dans le temps sur les
études, les analyses qui sont faites. Est-ce qu'elles font état
des dispositions possibles que la loi 68, adoptée telle que
présentée, aurait comme effet?
M. Bérubé: Certaines études actuarielles
prévisionnelles ont été faites par le Conseil du
trésor pour mesurer, si on veut, l'impact de révision des
cotisations, tel que le prévoit le nouveau régime. En effet, dans
le mesure où, dans le cas des cotisations futures aux régimes de
retraite, les prestations acquises ne seront plus indexées directement
à l'inflation, mais bien à l'inflation moins 3%, il en
résulte évidemment une différence importante, en termes de
coûts du régime, et donc l'obligation de recalculer au complet le
déficit actuariel ou encore l'équilibre actuariel du
régime. Ces études n'ont pas encore été faites en
détail, en ce sens qu'elles ont été faites
approximativement pour situer le quantum des variations de cotisations
résultant de l'application des mesures telles que l'indexation
proportionnelle pour la première année et l'indexation à
l'IPC moins 3%. Toutefois, dès que le projet de loi sera adopté,
la Commission administrative du régime de retraite devrait effectuer une
étude actuarielle complète qui devrait être, à ce
moment, d'ordre public également.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pour revenir sur les
commentaires sur le caractère public de l'étude dont on a les
conclusions très générales dans le rapport annuel, nous
revenons sur le voeu...
M. Bérubé: Nous n'avons pas d'objection.
Écoutez, je considère qu'elles sont véritablement d'ordre
public dans la
mesure où, maintenant, elles sont disponibles à la fois
aux travailleurs qui cotisent. Elles sont disponibles finalement à
plusieurs niveaux. Je ne vois pas de raison de m'y opposer, sans en faire
véritablement une diffusion à grande échelle, en ce sens
qu'il serait quand même assez coûteux de diffuser de telles
études. Je pense que pour l'Opposition, vous n'aurez absolument aucune
difficulté. Ce qui fait que, si vous vouliez véritablement ces
études, il me fera plaisir, en m'adressant une demande à mon
bureau, de vous les faire parvenir.
Le Président (M. Desbiens): Programme 1,
élément 1, est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
L'élément 2 est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): L'élément 3
est-il adopté?
M. Bérubé: L'élément 1 porte sur
RREGOP. L'élément 2, sur les enseignants.
Le Président (M. Desbiens): L'élément 3
est-il adopté? Élément 4, est-il adopté?
L'élément 5 est-il adopté? Adopté. Le programme 1
est adopté. Programme 2, élément 1, est-il adopté?
Adopté. Élément 2, adopté. Programme 2,
adopté. Les crédits de la Commission administrative du
régime de retraite, dans tous ses éléments et programmes,
sont adoptés.
M. Bérubé: Je voudrais témoigner du service
que me rend l'Opposition, dans la mesure où je n'ai pas eu à
faire venir M. Moffet. Évidemment, nous n'étions peut-être
pas équipés pour répondre à toutes les questions
qu'on aurait voulu m'adresser, mais je tiens à remercier l'Opposition de
sa collaboration.
Le Président (M. Desbiens): Merci. Nous revenons donc
à l'étude des crédits du ministère des Finances. M.
le ministre, est-ce que vous avez d'autres commentaires?
M. Parizeau: Ce que je suggérerais, M. le
Président, c'est que nous abordions les crédits du
ministère des Finances programme par programme, selon la formule
usuelle.
Le Président (M. Desbiens): D'accord. Programme 1,
élément 1, politiques fiscales.
Ministère des Finances
Étude des politiques économiques et
fiscales
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est la première
adoption qu'on aurait. Nous avons eu, dans le discours sur le budget, le 25
mai, pour la première fois, une projection des revenus et
dépenses sur trois ans de la part du ministre des Finances. On voit que
les dépenses budgétaires n'augmenteront que de 0,8% et 9,7%
respectivement dans les deux prochaines années par rapport à
cette année. Si on met cela en regard des taux de croissance annuels
depuis quelques années, on voit qu'il y a une nette amélioration
dans ce sens au point de vue des compressions et des programmes de
dépenses. Nous sommes évidemment curieux de savoir quelles sont
toutes les hypothèses qui sous-tendent les chiffres comme ceux que le
ministre a soumis de façon bien sommaire - il l'admet lui-même -
et nous ne pouvons pas, quant à nous, nous empêcher de voir quels
sont les différents éléments de croissance, notamment
à l'endroit de la rémunération dans le secteur public qui
sont incorporés dans les chiffres que le ministre a soumis à
l'Assemblée.
M. Parizeau: M. le Président, l'amélioration de la
situation que ces chiffres révèlent et qui, effectivement, est
assez sensible - quand on arrive à la troisième année, en
tout cas - vient d'une conjugaison de plusieurs facteurs. D'abord, bien
sûr, on n'imagine pas que les taux d'intérêt vont se
maintenir pendant trois ou quatre ans aux niveaux actuels. Si c'était le
cas, on n'aurait plus grand-chose à projeter comme économie.
Donc, on tient pour acquis qu'au fur et à mesure où le rythme
d'inflation s'atténue, les taux d'intérêt ne demeurent pas
au niveau que nous connaissons à l'heure actuelle. Deuxièmement,
vous aurez noté que les arrangements fiscaux entre le gouvernement
fédéral et les provinces révèlent qu'en 1982-1983,
nous aurons un rythme d'expansion des paiements fédéraux
relativement faible, l'année suivante, presque insignifiant, mais
après cela, cependant, cela reprend une augmentation plus normale. Il
n'est pas étonnant que la troisième année, au moment
où les paiements fédéraux reprennent une hausse un peu
plus normale, que cela ait son impact sur les équilibres
généraux. Troisièmement, les décisions qui ont
donné lieu au projet de loi quant au salaire dans les secteurs public et
parapublic ont un effet cumulatif sur le rythme d'augmentation de la masse
salariale. Quatrièmement - je ne donne pas cela, d'ailleurs, dans
l'ordre d'importance, nécessairement, mais davantage dans le sens de ce
qui me vient - nous avons au Québec une structure d'impôt sur
le
revenu qui est très progressive et dont on suppose, puisqu'on
fait ici des projections mécaniques, que cette structure d'impôt
sur le revenu ne sera pas changée pendant trois ans, sauf une indexation
de 7,5% qui est devenue coutumière dans les exemptions personnelles. Et
c'est d'ailleurs cela qui se traduit dans l'examen du fardeau fiscal par cette
espèce de redressement de l'écart entre le Québec et
l'Ontario. À cet égard, je signale que l'amélioration - si
tant est qu'on ne se trompe pas - de la troisième année doit
nécessairement aboutir à une sorte de correction dans la
structure d'impôt sur le revenu, par un allégement de
l'impôt sur le revenu quelque part, à un moment donné,
parce qu'encore une fois, notre structure d'impôt sur le revenu est
très progressive, comparativement à celle qu'on trouve dans un
certain nombre d'autres provinces. Il y a donc un faisceau de causes comme
celles que je viens d'indiquer, qui ont un certain impact en 1983-1984. Enfin,
on voit une amélioration qui est relativement légère, mais
beaucoup plus substantielle l'année suivante. C'est un faisceau de
causes dont je viens de donner quatre exemples évidemment, parmi les
plus importants.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En regard des résultats
préliminaires pour l'année qui vient de se terminer,
évidemment, dans le discours sur le budget, on remarque du
côté des revenus une augmentation substantielle des taxes à
la consommation pour 1982-1983 par rapport à 1981-1982. Je me demande
jusqu'où s'étend le rythme d'augmentation très
substantielle de ce genre de revenus sur la période de trois ans que le
ministre nous a divulguée, si l'on veut, dans le discours sur le
budget.
M. Parizeau: Beaucoup moins que cela n'aurait été
le cas il y a quelques mois, en ce sens qu'il est inévitable maintenant
- et on en a tenu compte dans les projections -de se rendre compte qu'à
cause du prix international du pétrole, dès l'automne 1983 - je
pense que c'est septembre 1983 ou quelque chose comme cela - si l'on projette,
le prix canadien du pétrole aura atteint 75% du prix international
actuel. Cela implique que le produit de toutes les taxes sur l'essence - les
nôtres ou n'importe quelle taxe ad valorem au Canada, c'est-à-dire
en pourcentage d'un prix de base - va monter beaucoup moins rapidement dans
l'avenir que ce qui avait été anticipé quand tout le monde
s'attendait à des augmentations régulières annuelles et
considérables dans le prix du pétrole.
En somme, certaines des projections que nous avions faites à
l'interne il y a quelques mois, basées sur ce qui avait servi de prix
projetés pour plusieurs années dans l'entente Canada-Alberta, ont
été complètement révisées. Étant
donné ce qui s'est produit concernant le prix international du
pétrole, nos projections de revenus pour les trois prochaines
années ont été rajustées à la baisse aussi.
C'était la seule façon prudente de fonctionner. Maintenant, dans
deux ans - c'est là qu'on voit que les projections sur trois ans sont
toujours très aléatoires - quel sera le prix du pétrole?
Est-ce qu'on assistera à une flambée du prix du pétrole
à nouveau? On n'en sait rien mais, pour le moment, il vaut mieux
être conservateur sur ce plan et tenir pour acquis qu'une ère
d'augmentation rapide des prix du pétrole vient de se terminer.
Cela représente des ajustements assez substantiels dans nos
premières projections. Cela a dû être fait, d'ailleurs,
à la toute dernière minute parce qu'il est évident que,
pendant un certain temps, on a pu se demander si, effectivement, le
gouvernement canadien accepterait d'augmenter à plus de 75% du prix
international le prix canadien interne. Comme aucun signal ne venait d'Ottawa
à cet effet, on a préféré prendre la projection la
plus conservatrice. Nos taxes indirectes sur l'essence, il faudrait les
rajuster à la hausse si, à un moment donné, même
avec un prix du pétrole relativement plus bas que prévu, le
gouvernement fédéral s'entendait avec l'Alberta pour dire: Ce ne
sera plus 75% du prix international, ce sera 85% ou 90%. Mais cela, c'est
à venir. On ne le sait pas.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Par ailleurs, au-delà du
31 mars 1983, dans les projections que nous avons, est-ce que la taxe ascenseur
a été fixée à 20%, 35%, 40% ou 50%?
M. Parizeau: Elle est maintenue aux fins de projection à
40%. Je veux dire que ce n'est pas un choix politique qui est fait là;
il faut bien comprendre que, dans cet exercice de projection mécanique,
on prend les structures d'impôt telles qu'elles existent actuellement,
les structures de dépenses telles qu'elles sont apparues dans les
crédits corrigés par le discours sur le budget et on projette
mécaniquement en fonction des taux d'intérêt prévus,
des taux de croissance, des taux d'inflation, etc. Donc, on ne porte pas de
jugement de valeur. On ne dit pas, par exemple, que le gouvernement s'engage
à maintenir sa structure fiscale pendant trois ans. En pratique, bien
sûr, il va la changer. Le gouvernement ne se dit pas non plus: Pendant
trois ans je n'ouvrirai aucun nouveau programme de dépenses. Simplement,
la structure des impôts telle qu'elle est à l'heure actuelle,
projetée pendant trois ans, c'est cela que ça donne. Le seul
changement en somme qu'on a introduit, si on peut dire, ce sont ces 7 1/2%
d'indexation des exemptions personnelles. Quant au programme
de dépenses, il faut bien comprendre qu'on prend les programmes
de dépenses tels qu'ils existent aujourd'hui et puis
mécaniquement on les projette; c'est cela que ça donne, ce n'est
pas un jugement de valeur. Je serais étonné qu'un gouvernement,
en trois ans, n'apporte aucun changement à ses impôts ni aucun
changement à ses programmes de dépenses; je serais le plus
étonné du monde. (22 h 45)
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Quant à la projection
mécanique de la composante de la rémunération, elle est
projetée selon le pourcentage qu'on retrouve actuellement.
M. Parizeau: Nous avons, sur la base d'une hypothèse de
croissance de l'économie canadienne et d'une hypothèse
d'inflation, déterminé une projection des
rémunérations dans le secteur privé et nous avons
posé comme hypothèse là-dedans que les salaires dans le
secteur public avanceraient à peu près au même rythme que
dans le secteur privé. Donc, ce n'est pas une proposition de
négociation, c'est une base simplement rationnelle de projection. On se
dit: Les salaires dans le secteur public normalement doivent augmenter à
quelque chose qui n'est pas trop différent du secteur privé,
voici ce que cela donne.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
L'expérience se rapproche plus du voeu que de l'observation
ou...
M. Parizeau: Pas au début de 1983.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je suppose qu'à ce
moment-là, comme base d'établissement des projections, la loi no
70 est présumée ayant été adoptée et
appliquée.
M. Parizeau: C'est cela, et appliquée soit dans sa forme,
soit dans la forme de la proposition qui avait été faite aux
syndicats le 15 avril d'un gel modulé, parce que, au bout du compte,
ça revient, au 1er avril 1983, à la même chose. Donc, que
ce soit sous la forme d'une négociation autour de la formule du 15
avril, la proposition du 15 avril faite aux syndicats, ou de la loi no 70, en
tout état de cause, ça ne change pas la nature des projections
qui sont faites pour les années suivantes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sur cette base-là.
M. Parizeau: Sur cette base-là.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est le plus gros
élément d'incertitude quant à nous dans la mesure
où je trouve extrêmement difficile d'accepter la réduction
du déficit et des besoins financiers nets dans les années
à venir lorsque l'élément central est projeté
mécaniquement en se fondant sur un projet de loi qui est devant
l'Assemblée nationale et dont on présume l'application.
J'aimerais savoir jusqu'à quel point des modifications dans les
aménagements définitifs de la masse salariale, suite à des
négociations, - c'est ce que tout le monde souhaite - vont produire un
impact sur les projections que nous avons devant nous.
M. Parizeau: Ce serait inévitable si, au lieu de
récupérer 520 000 000 $ sous une forme ou sous une autre,
proposition du 15 avril au projet de loi no 70, ce n'est pas 520 000 000 $ pour
tous les syndiqués; si c'était moins, ça aurait un effet
cumulatif pendant trois ans, c'est évident. Il faut bien comprendre le
sens de projections comme celles-là. C'est que nous ne pouvons
être certains, quand on comparera cela avec la réalité, que
d'une seule chose: c'est qu'elles ne se réaliseront pas. Cela va de soi,
parce que, encore une fois, les gouvernements, pendant trois ans, bougent,
ouvrent de nouveaux programmes de dépenses ou bien en abolissent,
baissent les impôts ou les augmentent. Je ne parle pas évidemment
du fait que le taux d'inflation peut être différent de celui qui
est projeté, le taux de croissance aussi.
Donc, il n'y a qu'une seule chose qui soit évidente: c'est que
des projections comme celles-là se révéleront ne pas
correspondre à la réalité. Alors, pourquoi on en fait dans
ces conditions puisqu'on sait cela? C'est que comme guide pour ce qu'il y
aurait à faire ou ce que le gouvernement devrait modifier, c'est sans
prix. Une des plus grandes difficultés de n'importe quelle
administration publique, de n'importe quelle grosse machine, publique ou
privée, j'imagine, c'est ce qu'on appelle les queues de draqons. Vous
commencez au cours d'une année un petit programme ou une petite mesure
dont on dit qu'elle est petite parce qu'elle ne coûte pas grand-chose la
première année. Une des raisons pour lesquelles elle ne
coûte pas grand-chose, c'est qu'elle va peut-être vraiment
fonctionner seulement dans les trois derniers mois de l'année ou bien
parce que cela prend un certain temps pour la mettre en place. Une des plus
grandes difficultés au niveau des gestionnaires du gouvernement, c'est
de se dire: Ce geste qui est posé cette année et qui apparemment
ne coûte pas cher, dans trois ans, combien coûte-t-il? Là,
très souvent, en tirant sur la queue du dragon, on se rend compte que le
dragon a des dimensions impressionnantes. Avoir une projection mécanique
de trois ans a l'immense avantage de mettre tous les dragons en perspective et
de dire: À supposer, au fur et à mesure qu'on s'engage dans cette
période de trois ans, qu'on ait des gestes à poser, soit sur le
plan des impôts, soit sur le plan des programmes, quel impact
cela a-t-il sur les équilibres que nous avons devant nous? En ce
sens, c'est un instrument de gestion assez remarquable.
Deuxièmement, en ce qui a trait aux discours publics,
c'est-à-dire en dehors des milieux gouvernementaux, je ne cacherai pas
que les six derniers mois ont été pour moi l'objet d'un
étonnement absolument remarquable. On a vu apparaître des
projections, justement, à trois ans ou a quatre ans quant aux
opérations gouvernementales, dont je continue à ne pas comprendre
d'où, diable, elles pouvaient venir, mais qui ont largement et
abondamment circulé, qui ne correspondaient d'aucune espèce de
façon à rien de ce qu'on pouvait avoir devant nous. On aura vu
certains de ces analystes chercher ex post à vérifier
auprès du ministère des Finances leurs chiffres. Entre nous,
s'ils les avaient vérifiés avant d'écrire, cela aurait
peut-être pu aider.
Je me suis rendu compte d'une chose, en tout cas. Ces projections
manquaient clairement d'une sorte d'assise statistique
élémentaire sur le plan des opérations telles qu'on peut
les projeter mécaniquement. Dans ce sens, je pense que ce qui a
été fait cette année pour la première fois risque,
en tout cas, d'améliorer le débat public sur les finances du
Québec. Qu'on cesse de voir certaines approximations totalement
saugrenues apparaître et qu'en tout cas, si quelqu'un est tenté de
lancer des approximations monstrueuses, constatant qu'elles sont assez
différentes de celles qui sont publiées par le ministère
des Finances, il sera peut-être incité à une
réconciliation rapide pour voir s'il y a quelque chose qui ne va pas,
plutôt que de se trouver dans cette espèce d'atmosphère un
peu frénétique que nous avons connue où n'importe quel
chiffre était lancé et tenait au moins pendant quelques semaines.
Dans ce sens, je pense que cela va améliorer le débat sur les
finances publiques du Québec considérablement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je me souviens des remarques du
ministre lors d'une période des questions au même effet, à
la suite d'une question du député de Taschereau à un
moment donné. Ce que je retiens des projections qui étaient
à l'automne du domaine public, c'est qu'elles précédaient
le budget de novembre et celui-ci, celui que nous avons connu le 25 mai, qui,
par l'imposition de nouveaux impôts, a considérablement
réduit pour 1982-1983 les chiffres qui étaient baladés un
peu partout dans le portrait. Dans ce sens, il me semble que le ministre
pourrait commenter comment des projections de déficit de 4 500 000 000 $
pour 1982-1983, qui étaient baladées à
l'époque...
M. Parizeau: 9 000 000 000 $.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, mais on parle de 1982-1983
pour commencer. 4 500 000 000 $, lorsque le ministre pense à 3 000 000
000 $ ou à peu près pour 1982-1983 et qu'on fait les ajustements
qui sont quand même nécessités par l'augmentation de la
taxe sur l'essence et d'autres impôts de cette nature en novembre et en
mai, on arrive un peu dans le champ de vision qui était décrit
à ce moment, il me semble.
M. Parizeau: Non, quand je parlais des six derniers mois, je
pensais, justement, depuis novembre. Je comprends assez bien qu'on pouvait
avoir avant novembre, sur la base des synthèses trimestrielles qu'on
publiait au ministère des Finances, l'impression que quelque chose
d'assez sérieux était en train de se produire. Effectivement, il
y avait quelque chose d'assez sérieux. À partir du moment
où les mesures correctrices ont été prises en novembre, je
comprends beaucoup moins - de novembre à mai, ce sont les six mois dont
je parlais - certains des chiffres qui ont été
avancés.
J'aimerais, d'autre part, indiquer que la correction est moins massive
qu'on pourrait l'imaginer, en tout état de cause, parce que, si les
taxes indirectes ont été assez sensiblement augmentées,
d'autre part, nous avons maintenant ce que nous n'avions pas du tout en
novembre, c'est-à-dire une estimation très précise de la
réduction, par rapport aux arrangements antérieurs, des nouveaux
arrangements fiscaux du gouvernement fédéral. Il ne faut pas
oublier que la première conférence des ministres des Finances qui
s'est tenue à Halifax, c'était en décembre. L'effet de
correction du budget de novembre a été considérablement
atténué quand on s'est rendu compte, au départ
-maintenant, les chiffres sont changés - qu'on risquait de perdre 725
000 000 $, pour 1982-1983, en provenance du fédéral. La somme est
moins forte maintenant, mais c'est quand même 530 000 000 $. Mais, encore
une fois, ce qui m'a le plus étonné, cela a été
certaines de ces projections à l'égard des finances publiques du
Québec, depuis six mois, depuis le mois de novembre. On est un peu
estomaqué de cela, parce qu'il n'y a vraiment rien dans les chiffres qui
indiquait des choses comme cela, sans compter qu'évidemment un
gouvernement qui se taperait 4 500 000 000 $ de déficit, cette
année, s'amuserait, si je peux utiliser le point d'ironie.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre vient
d'évoquer qu'on connaît aujourd'hui un peu plus
précisément certains des éléments des revenus et
dépenses. Les revenus, manifestement, c'est cela qui est le
plus important. II a parlé des accords fiscaux. Un des gros
éléments, évidemment, qui reviennent dans les
renseignements supplémentaires, au poste des revenus, c'est la taxe sur
le carburant. C'est évident. On se souvient que, lors de la publication
des états trimestriels du 31 mars, on avait déjà
assisté, à cause d'un ensemble de facteurs, y compris une
sous-consommation, par rapport aux prévisions, à une diminution
de 50 000 000 $, je crois, des attentes du ministère, au 31
décembre. Quelles sont les perspectives pour l'an prochain qui ont
été budgétisées? Savons-nous aujourd'hui, mieux que
le 31 décembre, la direction que commencent à emprunter les
consommateurs de carburant, compte tenu du prix du carburant, ajusté
à la hausse évidemment en novembre dernier par la taxe-ascenseur
qui a été doublée?
M. Parizeau: Les projections que nous avons à cet
égard et quant à la croissance de la demande, on peut les estimer
au mieux pour le moment. La baisse de consommation va se poursuivre en
1982-1983 à peu près au même rythme qu'en 1981-1982 et cela
va se stabiliser ensuite à partir de 1983-1984. C'est un
phénomène qui n'est pas propre au Québec et c'est
très curieux comme phénomène. Même si on a
doublé la taxe sur l'essence au Québec, en novembre, on s'est
rendu compte, au moment de la crise des pompistes, puisqu'on a
été amené à comparer, on a constaté qu'il y
avait une forte chute de la demande à comparer à ce qui se
passait dans les autres provinces canadiennes, et que ce n'est pas au
Québec que la chute de la demande avait été la plus forte.
Elle avait été très forte au Québec, mais elle
était, par exemple, beaucoup plus forte au Nouveau-Brunswick. Il y a des
provinces où on ne pouvait d'aucune espèce de façon
considérer que des changements dans la fiscalité avaient pu
être responsables de la chute de la consommation d'essence. Il semble
que, bien plus que la fiscalité, cela provienne d'une nette
accélération de la transformation des grosses voitures en
petites, peut-être parce que les gens ont pris conscience au Canada, et
non pas depuis très longtemps, qu'il va y avoir des augmentations du
prix de l'essence pendant des années à venir et que, plus ils
passeront vite à des petites voitures, moins cela leur coûtera
cher. Cela s'est considérablement accéléré et il y
a, d'autre part, le plein impact des mesures de restriction dans la
consommation de tous les modèles d'automobiles imposées par le
gouvernement américains aux fabricants. Il ne faut pas oublier que cela
s'est fait graduellement. Mais qu'on arrive, depuis un an, à des
consommations sur à peu près tous les modèles
considérablement augmentées en termes de milles au gallon, ce
sont des facteurs comme ceux-là qui semblent expliquer des
réductions très importantes dans la consommation d'essence qu'on
projette au Québec comme étant... la chute en deux ans sera
probablement de l'ordre de 15%, au bas mot. Et encore une fois, dans plusieurs
provinces, c'est du même ordre ou ça va plus loin encore. Cela, on
ne l'avait pas escompté aussi fort en novembre. Ce qu'on escomptait
comme réduction de la demande, c'était à peu près
de 7%. On avait prévu en somme une réduction de la demande,
c'était à peu près de 7%. La réduction de la
demande est donc deux fois plus importante que celle qu'on avait prévue,
sur une période de deux ans. Après cela, elle se stabilise. (23
heures)
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est le même
phénomène de manque à gagner comparé aux
prévisions originales, surtout celles de novembre. Quant à
certaines autres sources de revenus, je pense particulièrement aux
projections que le ministre a faites sur les impôts des
sociétés pour l'an prochain comparativement à cette
année, je vois l'inscription de 875 000 000 $ de revenus pour 1982-1983
comparativement à 1 800 000 000 $ cette année, pour
l'année terminée le 31 mars dernier.
M. Parizeau: II y a deux phénomènes qui jouent ici.
D'abord, constatons qu'en 1981-1982 les recettes d'impôts sur les
corporations ont augmenté beaucoup plus vite que prévu. Elles
sont montées à un niveau qu'on ne pensait pas atteindre, à
1 000 000 000 $, on n'avait pas prévu cela au début de
l'année. L'année en cours, là, c'est autre chose. D'abord,
l'effondrement des profits des sociétés, c'est quelque chose
d'absolument étonnant, même par rapport à ce qu'on pouvait
penser en octobre. Je pense qu'en septembre, octobre, novembre, personne ne
pensait que six mois plus tard, les profits des compagnies seraient
massacrés dans des proportions pareilles. Cela a surpris tous les
observateurs, les analystes de compagnies, alors, évidemment, cela se
répercute dans les projections de revenus que nous avons.
D'autre part, il ne faut pas oublier que nous avons une réduction
à 5 1/2% le 1er janvier 1983 du taux de profit applicable aux grandes
sociétés. Les taux d'impôt sur les profits des petites
sociétés au Québec ont été réduits
à 3% déjà, tel qu'on avait annoncé et pour les
autres, on est passé de 13%, à 8%, on passe à 5 1/2% tel
que cela avait été annoncé. La raison pour laquelle on
fait cela, c'est qu'évidemment ayant augmenté les contributions
d'employeurs et la taxe sur le capital, il y avait eu une sorte
d'échange. On allait chercher pas mal plus d'argent par les
contributions d'employeurs et par la taxe sur le capital, mais on
annonçait des réductions dans les taux d'impôt. Alors, la
deuxième réduction à l'égard des grandes
compagnies va tomber pendant l'exercice dont on parle, de 8% à 5
1/2%. Alors, ça a aussi un impact assez important quand même. Ce
sont vraiment ces deux facteurs, l'écrasement des profits dans un bon
nombre de sociétés depuis quelques mois dont on doit tenir compte
pour l'année en cours et puis, deuxièmement, la réduction
du taux, qui affecte les trois derniers mois de l'année en cours.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Et cet écrasement des
profits que le ministre décrit d'une façon bien vivante ne
correspondrait, semble-t-il, qu'à une diminution de 12%, 13% ou 14% des
revenus d'impôts sur les sociétés. Je trouve que le
portrait qu'on dresse de la situation extrêmement critique des profits
des sociétés n'est pas reflété ou alors est-ce que
véritablement on pense que c'est substantiel? Évidemment, je me
demandais quels sont les chiffres qui sous-tendent au point de vue des profits
les résultats qu'on voit là parce qu'il faut tenir compte des
remboursements que réclameront les sociétés qui feront des
pertes cette année à l'égard des impôts qu'ils ont
payés lors des années de vaches un peu plus grasses. J'essayais
de voir comment ces deux facteurs se combinaient.
M. Parizeau: C'est assez considérable. C'est une question
d'appréciation. Sur la base des comptes nationaux, on prévoit
pour l'année 1981 une baisse de 10% des profits et, pour 1982, une
baisse additionnelle de 11%. Tout dépend du choix des adjectifs qu'on
veut attribuer à cela, mais c'est quand même assez important. Il y
a une chose aussi que je devrais signaler qui semble atténuer la
dimension de la chute. Il ne faut pas oublier que, dans les chiffres dont le
député de Vaudreuil-Soulanges dispose, il y a deux
éléments: il y a l'impôt sur les profits et il y a la taxe
sur le capital. Évidemment, la taxe sur le capital est absolument
insensible au niveau des profits, elle.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est régressif.
M. Parizeau: Pardon?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est régressif.
M. Parizeau: Ce n'est pas régressif, c'est
proportionnel.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est indépendant de la
capacité de payer.
M. Parizeau: Non seulement c'est indépendant de la
capacité de payer, mais c'est déterminé par le capital et
c'est surtout déductible du revenu imposable à
Ottawa. Dans ce sens, pour nous, cela représente une très
grande stabilité avec une progression non pas délirante, mais
quand même appréciable d'une année à l'autre. Cela
donne au poste "impôt payé par les sociétés" une
plus grande stabilité que celle que justifierait l'évolution de
leur profit. Si cela crée une instabilité, c'est plutôt du
côté d'Ottawa puisque cette taxe sur le capital est
déductible du revenu imposable au fédéral.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Quant à un autre poste
de revenus, soit celui des droits de succession, évidemment, ils sont
maintenus. Je présume que ce n'est pas un gros facteur, mais ils sont
maintenus dans les projections pour les trois années. J'aimerais
profiter de l'occasion pour demander au ministre comment il continue à
entrevoir le fait qu'au Québec nous demeurons le seul endroit dans tout
le Canada où des impôts sur les successions sont perçus.
Est-ce que son appréciation de la valeur intrinsèque non
seulement pour les finances publiques, mais pour toute l'économie du
Québec continue à évoluer ou si elle n'a pas
évolué depuis ses dernières déclarations dont on a
bénéficié? Je les rappelle d'ailleurs de mémoire,
c'était qu'il faudrait arrêter de se surprendre qu'un gouvernement
social-démocrate épouse des théories fiscales de
droite.
M. Parizeau: Sur un certain temps, c'est assez bien
résumer la position, oui. Je n'ai jamais caché le fait
qu'à partir du moment où on ne taxe pas, selon la formule Carter,
le gain de capital comme un revenu complet - on le taxe, mais à
demi-taux - on doit maintenir un impôt successoral. Il ne faut pas
oublier une chose, la disparition de l'impôt sur les successions au
Canada a été faite dans une optique où on se dirigeait
graduellement vers le principe de la commission Carter, c'est-à-dire un
dollar est un dollar; qu'il vienne du gain du capital ou qu'il vienne du
revenu, c'est taxé pareil. Là, cela devenait une question de
justice élémentaire, de supprimer l'impôt sur les
successions.
Nous n'avons pas fait cela, sauf qu'on en a supprimé la majeure
partie. Dans les autres provinces, cela a été supprimé au
complet et, au Québec, il restait, au moment où nous sommes
arrivés au pouvoir, un quart de l'impôt sur les successions.
N'oubliez jamais cela. On a tendance, parfois, à considérer
à notre époque que, comme le Québec est la seule province
à avoir un impôt successoral, c'est quelque chose de monstrueux.
Ce n'est pas quelque chose de monstrueux, c'est le quart de l'ancien taux qui
existait partout au Canada. Maintenir le quart de l'ancien taux, quand le gain
de capital est taxé beaucoup moins lourdement
que le rapport Carter le prévoyait, cela ne m'apparaît pas
déraisonnable sur un plan d'équité sociale.
Chacun a une certaine vision des choses. Ce n'est évidemment pas
en fonction de revenus de quasiment 20 000 000 000 $ qu'on va commencer
à parler de la nécessité absolue, sur le plan de la
caisse, d'aller chercher 40 000 000 $ ou 44 000 000 $ de rentrées en
vertu de l'impôt sur les successions. La Loto-Québec, dont nous
parlions tout à l'heure, rapporte quatre fois plus dans une
année. Ce n'est donc pas nécessairement par le rendement fiscal
qu'on va chercher cela, mais cela correspond à une certaine vision de
l'équité sociale entre les groupes et entre les fortunes. Chaque
gouvernement, à cet égard, a toujours une certaine philosophie
fiscale. Cela appartient à la nôtre, sur le plan de la vision
qu'on se fait de l'équité des choses. C'est pour cela que
très souvent, d'une façon un peu badine peut-être,
j'utilise la formule qu'utilisait tout à l'heure le député
de Vaudreuil-Soulanges, à savoir qu'on ne demande pas à un
gouvernement social-démocrate de suivre une politique fiscale de
gouvernement de droite. C'est un paradoxe.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ne peux m'empêcher,
par ailleurs, de soulever la question qu'on ne peut ignorer. On demeure le seul
endroit en concurrence avec un voisin tout près, l'Ontario, où ce
facteur, insignifiant pour les finances publiques, insignifiant à mon
sens au point de vue de l'équité, même si le ministre l'a
fait valoir de cette façon, compte tenu des taux d'imposition qui
déjà ont cours ici, de la progressivité de l'impôt
sur le revenu des particuliers... J'essaie de voir le rapport qu'il peut y
avoir, l'intérêt qu'il y a à maintenir, sur tous les autres
plans, cet impôt, compte tenu de la désincitation qu'il peut y
avoir pour certains éléments de la société qu'on
pourrait, je pense, d'une façon correcte appeler des
éléments moteurs de certains secteurs de notre économie,
qui contribuent largement au développement économique et qui,
à la lumière de ce facteur entre plusieurs, décident que
c'est un irritant additionnel à l'implantation au Québec,
à l'attrait que le Québec peut exercer ou simplement à la
faculté que le Québec peut avoir de retenir ici un ensemble de
gens dont toute communauté a besoin, compte tenu de leurs talents
particuliers. Au-delà de l'équité entre les groupes, entre
les personnes, c'est plutôt une matière à réflexion
sur l'intérêt qu'il y a pour toute communauté de voir ce
que les gens qui ont comme trait en général commun - je pense
qu'on peut dire cela aussi d'une façon correcte - la faculté de
créer des emplois, de créer des entreprises, de les faire
croître peuvent avoir comme retombées positives pour l'ensemble de
toute la communauté. C'est évidemment ce qu'on appelle le
"tradeoff", qu'on ne peut pas éviter et sur lequel le gouvernement a
porté un jugement qui, à mon sens, n'est pas dans
l'intérêt du plus grand nombre ici au Québec.
M. Parizeau: M. le Président, je discuterais cela assez
fortement. S'imaginer que la croissance économique a une sorte de
corrélation parfaite avec une seule forme de fiscalité, on ne
peut pas dire cela. Ce n'est pas vrai. Cela ne se constate pas. La
fiscalité doit chercher, d'une part, non seulement à ne pas
gêner, mais à aider dans la mesure du possible le
développement de l'activité économique. Il s'en faut de
beaucoup pour qu'il y ait une seule structure fiscale, un seul modèle
qui puisse faire cela, parce que la structure fiscale aussi traduit un certain
nombre de préoccupations d'ordre social, inévitablement.
Quand on se compare à l'Ontario et qu'on dit que le Québec
devrait le plus rapidement possible se rapprocher de la structure fiscale de
l'Ontario, à mon sens, non! Qu'est-ce que cela veut dire la structure
fiscale de l'Ontario? C'est la province au Canada qui taxe le plus, sur le plan
de l'impôt sur le revenu, ses bas revenus, de toutes les provinces
canadiennes, et qui taxe le moins ses hauts revenus, de toutes les provinces
canadiennes. Je suis certain qu'on peut difficilement considérer que par
rapport au rythme de croissance de l'Ouest, cette structure très
favorable à ce qu'on pourrait appeler les entrepreneurs, ceux qui ont de
l'argent, ceux qui ont des capitaux, aide actuellement l'Ontario par rapport
à la croissance très rapide de provinces de l'Ouest qui ont des
structures fiscales fort différentes. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas
cette corrélation parfaite. (23 h 15)
Si on revient aux impôts successoraux, on pourrait imaginer un
impôt successoral qui gêne, par exemple, la transmission des
entreprises d'une génération à l'autre. Cela pourrait
être fait comme cela, mais on a fait attention, justement, à ne
pas faire cela. La transmission de ces petites ou moyennes entreprises à
l'intérieur d'une famille se fait avec le taux qui est la moitié
dans ce cas, étalement sur sept ans: enfin, il y a toute une
série de dispositions comme celles-là qui ne sont pas vraiment
gênantes pour la transmission d'entreprises. En tout cas, je n'ai pas vu
de cas où cela a été dramatique. Je connais des gens qui
sont allés habiter, non j'exagère peut-être, qui ont
menacé d'aller habiter à l'extérieur du Québec ou
du Canada même pour éviter, disaient-ils, de payer cet impôt
sur les successions. C'est aberrant, c'est parce qu'ils n'ont pas lu la loi.
Nous ne taxons pas la succession, nous taxons les
bénéficiaires.
Alors, quand bien même le de cujus aurait choisi un domicile pour
ses dernières années aussi loin qu'il voudra, cela n'a aucune
espèce de conséquence. Ce sont ses enfants qui doivent
décider, pas lui. Les enfants n'ont pas particulièrement le
goût, j'imagine, d'aller passer dix ou quinze ans à
l'étranger pour apprendre un beau jour que la succession sur laquelle
ils comptaient a été transmise à quelqu'un d'autre. C'est
vraiment un risque un peu grand. Il y a eu une certaine excitation à un
moment donné par des gens qui ne lisaient pas la loi; ils ne se
rendaient pas du tout compte de ce qu'on voulait faire.
On a ouvert un certain nombre d'exemptions qui paraissaient
raisonnables. Par exemple, il n'y a absolument pas d'impôts successoraux
entre mari et femme. Les exemptions pour les enfants sont très
copieuses. On a essayé, à toutes fins utiles, d'une part, de ne
pas gêner le développement économique, mais, d'autre part,
de rétablir une sorte d'équilibre entre les très grosses
fortunes - et il y en a encore passablement dans notre société -
et le reste de la population, de façon, d'ailleurs, très modeste
parce qu'encore une fois c'est le quart de l'ancien taux qui existait partout
au Canada. Personnellement, après en avoir discuté tant et plus
depuis quelques années, je reste persuadé qu'on a beaucoup
exagéré les conséquences économiques, à
proprement parler, d'une taxe comme celle-là.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je le mentionnais dans la
perspective où je ne prétends pas effectivement - et ce serait
aberrant, comme le dit le ministre - qu'il y a une parfaite corrélation
entre cet impôt et le développement économique. C'est
plutôt dans la perspective de mettre dans le jeu du Québec le plus
de cartes ou d'atouts possibles. Il me semblait que, dans la mesure où
on peut alléger les irritants qui se retrouvent chez certaines gens
à l'endroit du Québec ou de la faculté de trouver un
intérêt à demeurer ici ou à s'y implanter,
c'était un bien petit coût fiscal à encourir pour
améliorer la qualité du jeu ou de la main, comme on dit, que le
Québec ou les Québécois peuvent avoir à offrir
à des gens qui, autrement, pour toutes sortes de raisons, choisissent de
s'accrocher à cet irritant pour se donner des excuses dont souvent,
d'accord, ils n'ont pas besoin, mais qui les portent à prendre des
décisions qui, à ce moment, se reflètent malheureusement
sur le niveau d'activité économique qu'on peut connaître
dans certains secteurs. Il est inutile d'en faire le tour. Je ne citerai
même pas le cas récent de CD Howe, mais simplement je pense que
d'expérience on peut voir que la qualité de l'émulation
qu'on peut retrouver dans certains milieux scientifiques en souffre. Encore une
fois, à tort ou à raison ça devient un irritant
additionnel pour des familles qui ont décidé de travailler ici et
qui, à un moment donné, décident de travailler ailleurs,
entre autres, pour cette raison. Ce n'est pas tellement le risque de perdre des
emplois, mais c'est un jugement sur des éléments
extrêmement qualitatifs de la poursuite de l'excellence que certains
éléments peuvent apporter lorsqu'ils demeurent chez nous. C'est
à cette fin surtout que je le mentionnais.
M. Parizeau: J'aimerais ajouter peut-être un mot. C'est
vrai que certains considèrent cela comme un irritant. D'autre part,
notre structure fiscale comporte des choses qui sont l'inverse d'un irritant,
qui n'existent pas ailleurs, nulle part ailleurs au Canada.
L'épargne-actions est vraiment une mesure destinée à
favoriser l'achat d'actions nouvelles dans des entreprises
québécoises. Cela a eu un succès considérable. On
dit très souvent que ça favorise des revenus assez importants.
C'est vrai et c'était fait pour cela aussi. On ne s'en cachait pas du
tout. Il faut habituer les Québécois à acheter des actions
parce que leur péché mignon, dans le passé, a
été justement que singulièrement les
Québécois francophones n'avaient pas l'habitude d'acheter des
actions. Et si on veut leur donner l'habitude d'acheter des actions, il faut
leur donner des stimulants fiscaux comme ceux-là, mais ne pas leur
offrir non plus seulement des titres de petites entreprises ou des affaires
très risquées. Si on veut les habituer à acheter des
actions, il faut qu'ils aient la possibilité de se constituer un
portefeuille. Et dans ce sens, sur le plan du développement
économique du Québec, c'est le contraire d'un irritant. C'est une
mesure parfaitement originale, qui n'existe nulle part au Canada et dont on
voit bien, il suffit d'en discuter avec les courtiers ou avec des gens qui sont
un peu mêlés à ce milieu, à quel point ça a
changé profondément les moeurs de placements d'un bon nombre de
gens dans notre société qui, maintenant, achètent des
actions au lieu d'acheter des billets de loto ou des obligations. Autrefois,
ils achetaient pour 500 $ de stocks de mines, mais depuis Loto-Québec,
ça se vend moins bien, pour ces raisons.
Ils commencent à mettre dans leur portefeuille beaucoup d'actions
de divers types, des actions de très grandes corporations, des actions
de plus petites corporations et à se constituer un portefeuille. C'est
cela. Dans tout régime fiscal, il y a des irritants qu'on ne peut pas
éviter en vertu de l'idée qu'on se fait de l'équité
sociale. Au contraire, il y a des mesures incitatrices et là, on vient
de parler de deux qui ont comme caractéristique, qu'elles sont uniques
toutes les deux au Canada.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a deux points importants
à soulever. Le premier sur une phrase relativement incomplète, je
pense, les intentions encore en suspens du ministre à l'égard de
la convergence avec le budget fédéral. Et je profiterais de cette
occasion pour demander au ministre s'il pouvait nous parler un peu plus de ses
intentions et des perspectives de convergence ou de non-convergence, et si oui,
jusqu'à quel point on assistera à ces opérations.
M. Parizeau: M. le Président, je vais êtes
forcé d'être vague avec le député de
Vaudreuil-Soulanges, pas parce que je tiens à l'être, mais
simplement parce que, passé un certain point, je ne sais plus
jusqu'où je peux aller. Le budget de M. MacEachen aurait dû donner
lieu, ici à Québec, à une démarche qui suit chaque
budget fédéral. C'est-à-dire que lorsque le budget
fédéral sort et que les projets de loi qui le traduisent sont
déposés à la Chambre des communes, nous faisons
rédiger ici à Québec une loi d'harmonisation, qui est
sûrement le document le plus ennuyeux qu'on sort chaque année. Il
est parfois complètement illisible et à la portée
seulement d'un certain nombre d'experts fiscaux. Je dois dire que quand j'ai,
en commission, à défendre certains de ces articles, j'ai besoin
d'avoir de remarquables conseillers pour simplement m'expliquer de quoi il
s'agit.
Dans l'ensemble, on s'harmonise pour à peu près tous les
changements de la loi fédérale, à 95%, 98%, 99% des
dispositions. Non pas parce que nous pensons qu'à Québec notre
structure fiscale doit être la même qu'à Ottawa, mais parce
qu'on ne veut pas trop tripoter les assiettes. On peut avoir des taux
très différents d'impôt sur le revenu, d'impôt sur
les corporations, mais si on commence à jouer sur les définitions
d'assiettes et avoir des assiettes qui ne sont pas, autant que possible,
harmonisées, on s'en va vers une jungle. Les seuls qui en profiteront
seront les comptables et les avocats, et cela créera non seulement un
climat d'incertitude dans le public mais, d'autre part, une
incompréhension totale de ce qui se passe sur le plan fiscal et des
coûts additionnels. Je pense en particulier aux petites entreprises, qui
ont des coûts additionnels qui peuvent devenir très lourds. Donc,
on s'harmonise. Il arrive parfois que sur 100, 120, 130 mesures d'un budget
fédéral, nous n'en reconnaissions pas trois ou quatre. C'est
arrivé, parce que cela ne correspond pas à des questions. Cela
nous paraît sur le plan de l'équité sociale
particulièrement répugnant. Ou bien parce qu'on considère
que, sur le plan économique, on ne devrait pas faire cela. Il m'arrive
sur les 120 ou 130 de dire que l'on s'harmonise sur tout, sauf sur les mesures
suivantes.
Cette année, le budget de M. MacEachen a été
amendé six fois. Et surtout, les documents juridiques qui traduisent son
budget amendé ne sont pas encore déposés. Et on n'est pas
certain que les derniers amendements soient passés. Alors, je vous
avouerai que rendu là, je donne ma langue au chat, j'attends les
documents. Comme la loi d'harmonisation sort normalement beaucoup plus
tôt, des tas de gens téléphonaient au ministère du
Revenu et au ministère des Finances en disant: Cette année,
allez-vous vous harmoniser? Dans le discours sur le budget, j'ai dit: Oui, bien
sûr, comme chaque année. Dès qu'on aura les documents, on
s'harmonisera pour l'essentiel. Bien sûr, comme je ne l'ai jamais fait,
je ne m'engage pas à m'harmoniser sur tout. J'ai un paragraphe qui
atténue un peu la portée de l'harmonisation en disant: On en
jugera quand même le bien-fondé. Mais cela m'est très
difficile d'aller plus loin tant que les documents ne sont pas sur la table
à Ottawa. Et, aux dernières nouvelles, on n'avait toujours pas de
date à laquelle il serait déposé. Et je crains beaucoup,
je ne suis pas le seul, tout le monde est un peu comme cela au Canada à
l'heure actuelle, on commence tous à avoir une certaine crainte du
désordre que cela peut entraîner sur le plan de la
fiscalité de tant tarder. À ma connaissance, un seul des mes
collègues des finances au Canada a déjà annoncé des
dérogations, une non-harmonisation. C'est M. Miller en Ontario, qui, sur
trois dispositions applicables aux entreprises, non pas aux individus, a
indiqué qu'il ne s'harmoniserait pas. C'est la seule précision
qu'on a actuellement au Canada quant au vaste processus d'harmonisation ou de
non-harmonisation, pour le reste, on attend. Je m'excuse de ne pouvoir
être plus précis pour le député de
Vaudreuil-Soulanges. Ce n'est pas parce que je ne veux pas, c'est que je ne
peux pas.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sauf que, quant aux
projections, j'allais voir dans le fonds si le projet de convergence ou ce
qu'on en sait aujourd'hui, de la façon dont il modifierait la structure
des revenus, le volume des revenus au Québec est compris ou non dans les
projections en annexe au discours sur le budget. Parce que les projections de
revenus qu'on a retrouvées jusqu'en 1985 sont... ou même pour
1982-1983...
M. Parizeau: Compte tenu du principe général que
j'ai exprimé tout à l'heure, d'ores et déjà, on
voit en gros ce que ce genre d'harmonisation est susceptible de fournir; nous
avons incorporé dans les revenus projetés pour 1982-1983, 34 000
000 $ et pour 1983-1984, 200 000 000 $.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Combien?
M. Parizeau: 34 000 000 $. Bien, il faut dire que la plupart des
mesures du budget MacEachen n'ont d'effets que dans l'année fiscale
suivante du point de vue de la caisse puisque ça porte sur
l'année d'imposition 1982. C'est seulement l'année suivante au
moment des déclarations d'impôts que les ajustements se
feront.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Et dans ce sens, c'est par un
élargissement de l'assiette, c'est-à-dire un blocage
d'échappatoire dont le budget fait largement état surtout que le
ministère des Finances ici va récupérer ces sommes. Par
ailleurs, il y a le deuxième élément dans le budget
fédéral ou la façon dont il s'oriente ou qui a
été annoncé, de toute façon. Il y avait une
combinaison de modifications de l'assiette fiscale et des taux. Est-ce qu'il y
a des modifications de taux à ce moment qui sont également
prévus dans le projet de convergence qu'envisage le ministre?
M. Parizeau: Oui. C'est d'ailleurs en un certain sens rendu
inévitable par certaines des formes d'harmonisation. Mais il est clair
que le taux marginal maximum au Québec va tomber de presque 68 à
environ 60.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela va être un emprunt?
(23 h 30)
M. Parizeau: Comme je le disais tout à l'heure,
l'harmonisation sur l'assiette est un phénomène très
différent de l'harmonisation sur les taux. On a toujours eu des taux
différents de ceux du fédéral et des autres provinces. Ce
n'est pas calculé de la même façon. Ce que je disais sur
l'harmonisation tout à l'heure, c'est bien plus dans la
définition de l'assiette que quant aux taux. II est clair que la chute
des taux ici n'est pas faite de la même façon que la chute des
taux ailleurs, mais on passe de 68 à 60, en gros.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Peut-être le dernier
élément que j'aurais à soulever a trait au programme
d'emprunts du gouvernement du Québec pour les prochaines années.
J'ai consulté le prospectus de janvier dernier d'Hydro-Québec,
émis en regard des projections du ministère des Finances qui
étaient au budget pour les années à venir, selon les
besoins de refinancement qui apparaissent dans les états financiers,
compte tenu des échéances de certains emprunts, et j'aimerais
vérifier avec le ministre certains chiffres qui, à mon sens,
s'imposent. On voit se dessiner dans les très prochaines années
des besoins de recours aux marchés financiers pour les emprunts bruts,
des nouveaux appels à ces marchés, de l'ordre d'environ 25 000
000 000 $ jusqu'en 1985-1986. J'y vois là un chiffre d'une ampleur
peut-être pas inquiétante, mais certainement remarquable dans la
mesure où, quant à Hydro-Québec, conformément aux
renseignements qu'on retrouve dans un de ses derniers prospectus, on pourrait
voir d'ici 1985-1986 des besoins d'emprunts nouveaux d'un peu plus de 9 000 000
000 $ et de 2 900 000 000 $ pour des programmes de refinancement de dettes qui
viennent à échéance d'ici à 1986. Pour le
gouvernement, les nouveaux emprunts pour la période d'environ 4 ans, 4
1/2 ans, d'ici à 1985-1986, sont d'environ 9 000 000 000 $, plus un
refinancement de l'ordre de 3 000 000 000 $. Alors, au total, pour les
prochaines années, on devra faire appel aux marchés financiers
pour une vingtaine de milliards de dollars, qui s'additionnent...
M. Parizeau: Les deux ensemble...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, les deux ensemble,
évidemment, dans la mesure où Hydro et Québec, pris
individuellement, sont assimilés chez les prêteurs à un
risque à peu près semblable. On sait pertinemment qu'il faut, en
général, compter que le personnel du ministère des
Finances et Hydro-Québec se déplacent à peu près en
même temps, ont les mêmes marchés. Ils s'accompagnent les
uns les autres très souvent lorsqu'ils doivent conclure leurs programmes
d'emprunts, les dessiner avec les prêteurs. J'aurais aimé savoir
ce que le ministre aurait à dire sur un chiffre de cet ordre. D'ici
1985-1986, le Québec doit faire appel aux marchés financiers pour
un montant d'environ 20 000 000 000 $, peut-être plus, si on regarde les
projections du ministre qui, à mes yeux, sont extrêmement
optimistes, compte tenu de dossiers qu'on peut examiner concernant les quelques
dernières années et dans la mesure où cela s'ajoute
à d'autres programmes gouvernementaux ailleurs, sur le continent, qui ne
semblent pas, eux non plus, être capables de juguler la croissance des
déficits.
On peut voir qu'il y aura des pressions très certaines qui seront
créées sur certains marchés et j'ai essayé de voir
avec le ministre comment il envisageait la gestion de ce programme d'emprunts
extrêmement important.
M. Parizeau: En fait, en poids relatif, il est moins lourd
à porter que celui qu'on a connu il y a peu de temps. Je rappellerai
à cet égard que, de 1975 à 1979-1980, on a connu, en
termes de poids relatif, une augmentation considérable de la dette
d'Hydro à cause des travaux de construction de la Baie-James. Et il fut
un temps - je pense à 1978 par exemple - où on se
demandait vraiment si le marché pourrait prendre autant de titres
d'Hydro d'une qualité, comment dire, suffisante. J'ai assisté
à des réunions étonnantes à Hydro-Québec
où on se disait: Compte tenu des marchés tels qu'ils sont
à ce moment - ça fait quand même trois ou quatre ans - de
la masse qu'on envisage devant nous, est-ce qu'on ne va pas être
obligé de recourir à des modes d'emprunt à très
court terme qui représentent pour Hydro-Québec presque une
réduction de qualité de crédit quand on a besoin d'y
recourir? D'autre part, en 1980 et 1981, nous avons eu des besoins financiers
nets au gouvernement, je le rappelle, de 2 300 000 000 $. La combinaison de ces
deux choses a fait que 1979, 1980, 1981 ont été des années
qui n'étaient pas très faciles à passer, néanmoins
qui ont bien passé, quand on pense, par exemple, qu'Hydro-Québec,
qui avait ramassé une marge de crédit de 1 500 000 000 $, n'y a
jamais touché, n'a jamais eu besoin d'y toucher.
Cela se comprend de la façon suivante. À cause de
l'inflation très rapide qu'on a connus, le montant en dollars absolus,
projeté 3 ans ou 4 ans devant nous, fait peur. Mais on oublie
qu'à cause du même phénomène d'inflation, les
marchés eux aussi gagnent en ressources. Je n'ai pas besoin de dire,
à part cela, à quel point le développement
considérable du marché de l'eurodollar a donné beaucoup
plus d'aisance au marché qu'il pouvait en avoir il y a quelques
années. Le résultat de tout cela, c'est que quand on pense aux
quatre ou cinq années qui viennent... Commençons par
l'année actuelle. Hydro-Québec va avoir à emprunter 2 300
000 000 $ et le gouvernement à peu près 2 700 000 000 $. Cela
fait 5 000 000 000 $. Si on veut projeter pendant quatre ans, on va dire que
ça fait 20 000 000 000 $. À ce rythme, il suffit d'ajouter des
années et cela grossit le montant. Sauf que comment ça se place,
une somme comme celle-là? En un certain sens, c'est moins onéreux
que certaines des choses qu'on a connues. Les travaux de la Baie-James ont
passablement ralenti, dans le sens que maintenant le gros oeuvre est
terminé, c'est la machinerie qui entre là-dedans. Donc, les
besoins financiers représentent un poids relatif qui tend à
s'amenuiser.
Au gouvernement de Québec, je voudrais faire état d'un
petit tableau sur les besoins financiers nets en pourcentage du PIB. Si on me
donne trente secondes, je vais retrouver le tableau quelque part. On va voir
à quel point cela illustre le principe que je viens
d'énoncer.
Les besoins financiers nets qu'on fixe pour cette année, en
1982-1983, à 2 000 000 000 $, cela va représenter 2,4% du produit
intérieur brut. Les besoins financiers nets l'an dernier, c'était
2,8%; en 1980-1981, 3,4%. Allons maintenant vers l'avant: en 1983-1984, 2%,
là sur la projection mécanique; en 1984-1985, 1,6%, toujours sur
la projection mécanique, avec tous les aléas que cela
représente, j'en conviens. Il reste que et pour Hydro et pour nous, ce
qu'on voit se dessiner déjà, au cours des deux dernières
années, avec le budget de cette année et les projections
mécaniques des deux années suivantes, c'est plutôt un
allégement relatif.
Quant aux marchés financiers de leur côté...
Passons aux remboursements. Les remboursements, c'est vrai qu'on en a.
Je parle du gouvernement de Québec seulement. Jusqu'en 1985-1986, donc
pour les quatre années qui viennent, on en a pour 2 900 000 000 $
à peu près. Là-dessus, il y a 500 000 000 $ d'obligations
d'épargne. Les obligations d'épargne, maintenant cela fait partie
de nos moeurs. Alors, qu'est-ce qui va se produire? On va en émettre
d'autres pour remplacer celles qui viennent à échéance ou
celles qui sont encaissées. Des 2 400 000 000 $ qui restent, la majeure
partie et de loin est en dollars canadiens. Et de cette très grande
partie qui est en dollars canadiens, une très grande partie est à
la Caisse de dépôt. Qu'est-ce qui arrive quand ces
émissions viennent à échéance à la Caisse de
dépôt? Elle en prend d'autres.
Il est évident que, vers 1984-1985, là on commence
à avoir, cependant, d'assez gros remboursements d'obligations
conventionnelles en dollars canadiens, dont certaines sont placées
à la Caisse de dépôt, mais il y en a pas mal dans le public
institutionnel. On peut trouver cela relativement anormal, simplement à
regarder la colonne. Il est évident, par exemple, que de voir qu'en
1982-1983 on a 148 000 000 $ d'obligations conventionnelles à rembourser
au Canada, en 1984, 522 000 000 $, en 1985, 709 000 000 $, on peut se poser la
question: Pourquoi cette espèce de croissance très rapide? Cela
se comprend pour la raison suivante. C'est que la situation des marchés
depuis deux ou trois ans et l'augmentation extraordinaire des taux
d'intérêt ont fait disparaître à peu près
complètement le marché du long terme. Il n'y a pas de
gouvernement à notre époque qui se finance en vendant des
obligations de vingt ou de trente ans. Il n'y a plus de marché pour
cela. Le marché s'est considérablement raccourci. Et le titre
typique qui se vend sur le marché, c'est quoi? C'est du trois ans, du
quatre ans, du cinq ans. C'est là que le marché est le plus
important, le plus facilement accessible. Et cela se comprend. Ce n'est pas
vrai seulement pour le Québec, c'est vrai pour tout le monde. Il y a eu
un raccourcissement des échéances considérable. Donc, ce
qu'on a émis en 1980-1981, en 1981-1982, ce qu'on va continuer
d'émettre en 1982-1983 provoque des montants de
remboursements considérables trois ans, quatre ans, cinq ans plus
tard, ce qu'on ne voyait pas autrefois, quand on émettait des
obligations conventionnelles sur vingt ans.
Ce problème risque d'être accentué si on ne prend
pas un certain nombre de décisions éventuellement avec la Caisse
de dépôt. Comme la Régie des rentes n'est pas parfaitement
capitalisée et qu'on va arriver dans quelques années à un
point où, si rien n'est changé, les ressources de la Caisse de
dépôt vont tomber, on ne peut plus demander, non plus, à la
Caisse de dépôt de prendre des obligations de vingt ans. La Caisse
de dépôt elle-même a tendance à raccourcir ses
échéances, parce qu'elle dit: Si vraiment mes ressources se
mettent à tomber dans cinq, six ans ou sept ans, je ne vais pas prendre
du vingt ans ou du trente ans. Passez-moi quelque chose de plus court que cela.
Évidemment, à l'égard de la Caisse de dépôt,
on peut - à un moment donné, il va bien falloir le faire -
capitaliser davantage le régime existant sans compter tout le reste qui
peut être discuté. Mais il va falloir, à un moment
donné, Canada et Québec ensemble, prendre la décision.
Pour le marché lui-même conventionnel, en dehors de la Caisse de
dépôt, quand est-ce qu'elles vont allonger, les
échéances? Elles vont allonger quand le marché se sera
rétabli, que les taux d'intérêt seront plus bas et que les
perspectives d'inflation seront un peu moins fortes qu'elles l'ont
été. Dans l'intervalle, il va bien falloir vivre avec des
échéances relativement courtes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Compte tenu de ce volume d'emprunt qu'on peut minimiser dans le sens
où le ministre l'a fait, c'est-à-dire en répartissant
véritablement les endroits où on peut aller chercher des sources
de fonds, etc., en tenant compte de l'inflation, jusqu'à quel point le
marché canadien, en dollars canadiens, peut-il absorber, selon les
projections du ministère, ce volume, même ajusté pour les
facteurs que le ministre, vient de décrire? (23 h 45)
M. Parizeau: Comme je le disais tout à l'heure, les
perspectives sont plutôt un peu meilleures qu'un peu moins bonnes, si on
prend les quatre prochaines années et les trois dernières. D'une
part, parce que pour les raisons que j'ai indiquées, relativement, ce
sera moins lourd pour nous, l'ensemble des besoins financiers qu'on a à
satisfaire. D'autre part, parce qu'à partir du principe du yo-yo, quand
quelque chose est très haut, ça a plutôt des chances de
baisser et, quand c'est très bas, ça a plutôt des chances
de monter, j'imagine que, sur une certaine période de temps - ne parlons
pas des deux ou trois mois qui viennent - il y a peut-être des chances
que les taux d'intérêt baissent au lieu de monter, si on parle de
trois ou quatre ans. Ce n'est pas un objet de grave préoccupation. Il ne
faut pas oublier que le marché financier lui-même se
développe considérablement. Ces montants dont nous venons de
parler sont l'expression de l'inflation. La taille du marché financier
augmentera au moins au même rythme que l'inflation.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Et les mêmes
prêteurs sont disposés à continuer à acheter des
titres du gouvernement du Québec ou d'Hydro au même rythme qu'ils
l'ont fait depuis quelques années? Il n'y a pas de modification de
profil du détenteur typique de grosses tranches d'émissions du
Québec ou d'Hydro?
M. Parizeau: Oui, peut-être, dans un sens, si on prend tous
nos emprunts ensemble. Là, je ne fais pas de catégories. Il y a
clairement une diffusion des titres du Québec et d'Hydro-Québec
à l'étranger beaucoup plus grande qu'avant. Cela ne veut pas
nécessairement dire en monnaies étrangères; c'est en
dollars canadiens ou américains, mais il y a une diffusion
internationale de ces obligations qui est plus grande. En un certain sens, cela
se comprend. L'expansion du marché de l'eurodollar et l'apparition de
"pools" financiers très considérables en Asie ont fait qu'on voit
apparaître dans certains de nos emprunts syndicataires des banques de
Hong Kong ou de Singapour qu'on ne voyait jamais avant.
Il est clair que, dans cette perspective, le marché canadien, en
dollars canadiens, est probablement moins important qu'il y a quinze ans
où, alors, le problème était dramatique à certaines
époques de savoir si Toronto restait ouvert aux obligations du
Québec. On se souvient des grandes histoires de 1966, 1967, 1968, 1969.
Est-ce que Toronto en prenait suffisamment ou n'en prenait pas suffisamment? On
étudiait la performance de Toronto par rapport à Montréal
dans l'acquisition de ces titres et c'était une considération qui
dominait toutes les discussions. L'espèce de diversification qui s'est
faite à la fois des portefeuilles et dans toutes les directions a
beaucoup atténué les espèces d'abcès de fixation
qu'on avait autrefois. Cela ne veut pas dire que Toronto n'a pas d'importance.
Mais ce n'est pas cette espèce de domination complète des esprits
que ça avait il y a quinze ans. Dans ce sens, il y a eu des changements
graduels, petit à petit, mais qui sont quand même significatifs.
Sur une longue période de temps, c'est important.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que la tendance au
déplacement géographique de la distribution des titres d'Hydro et
du
Québec comporte également une tendance à la
modification du libellé, du numéraire de l'émission?
C'est-à-dire est-ce qu'il n'y a pas une tendance observable qu'on
s'éloigne du numéraire canadien pour libeller ces
émissions, avec le risque, évidemment, du taux de change que cela
va comporter?
M. Parizeau: Non, pas vraiment. Une année, ça peut
être le cas et, l'année suivante, ça se renverse. Il n'y a
pas vraiment de tendance à augmenter systématiquement les
emprunts exotiques ou en monnaies étrangères. Cela se comprend
dans un certain sens. D'une part, le gouvernement de Québec ne va pas
normalement sur le marché de New York. Il laisse Hydro y aller. Il y a
une sorte de division du travail qui s'est faite. Le gouvernement de
Québec, lui, prend l'habitude - et j'essaie de rendre cela, finalement,
assez systématique - de faire en monnaies étrangères des
emprunts petits dans chaque marché périodiquement.
C'est-à-dire qu'on n'essaye pas de recourir à un marché
étranger pour un grand coup fumant au moment où on pense que le
marché est extraordinaire. En fait, ça a tellement varié
les conditions du marché. Dans tous les marchés financiers, on
s'est tellement tous trompé sur ce qui allait arriver aux taux
d'intérêt dans trois mois, aussi sur le fait, aujourd'hui, que
c'est un trou magnifique dans le marché. Il y a moyen de faire un coup
fumant et ça ne se répétera pas avant plusieurs mois. Tout
le monde s'est trompé. D'autre part, essayer de prévoir les taux
de change est devenu un processus extraordinairement aléatoire. Ce qui
peut se produire entre le dollar américain, le deutsche mark, le franc
français ou des choses comme cela, personne ne le sait. On a vu des
mouvements absolument incroyables auprès desquels le mouvement du dollar
canadien par rapport au dollar américain faisait figure de
pygmée. Il y a donc un avantage considérable encore à
diversifier ses emprunts dans plusieurs monnaies, des petits montants
systématiquement, en se disant que finalement, la moyenne va se faire,
que les compensations vont se faire à la fois entre les monnaies et
entre les taux.
Une attitude comme celle-là ne se prête pas beaucoup
à une sorte de déplacement massif d'emprunts en dollars canadiens
et en monnaies exotiques. Quand on commence à procéder de cette
façon, on se dit simplement qu'on sera présent dans chaque
marché, à peu près chaque année pour des montants
pas trop gros et on ira systématiquement. Cela ne déplace pas
beaucoup les proportions. Maintenant, je peux donner à cet égard
une idée. On verra l'ampleur du phénomène des emprunts
dits exotiques. Sur 14 000 000 000 $ de dettes du gouvernement du
Québec, il y en a 10 300 000 000 $ en dollars canadiens, 2 800 000 000 $
en dollars américains et après cela, quand on tombe à ces
emprunts qui très souvent font la vedette parce qu'on trouve cela
exotique, on tombe sur des montants beaucoup plus faibles. Le deutsche mark,
c'est 488 000 000 $, le franc français 16 000 000 $, la Suisse 63 000
000 $, le Japon, 376 000 000 $, l'Angleterre, 76 000 000 $ et l'unité de
compte européenne 54 000 000 $. Quand on compare cela aux 2 800 000 000
$ américains et 10 300 000 000$ en monnaie canadienne, on voit bien
qu'il n'y a pas de déplacement massif.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que le ministre nous dit
qu'il n'entrevoit pas non plus de déplacements significatifs de ces
proportions?
M. Parizeau: Non, rien de majeur. Seulement parce que la base est
tellement petite.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, quant
à moi, ça termine les questions que j'entendais soulever en
souhaitant tout de suite avant l'adoption, le cas échéant,
programme par programme, que les engagements du ministre ou sa
présentation voulant que la projection mécanique, même si
elle ne pouvait pas se réaliser, reflète d'une façon
quelconque la réalité de l'assainissement des finances publiques,
la diminution des déficits et des besoins financiers nets du
gouvernement du Québec pour le plus grand intérêt des
contribuables.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que je vous demande
d'adopter les programmes élément par élément ou si
vous adoptez l'ensemble des éléments de chacun des programmes et
tous les programmes à la fois, les six programmes?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Par programme.
Le Président (M. Desbiens): Par programme. Est-ce que le
programme 1 est adopté?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 1 est
adopté et ses deux éléments. Est-ce que le programme 2 est
adopté?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Le
programme 2 est adopté avec ses deux éléments. Le
programme 3?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 3 est
adopté avec ses trois éléments. Le programme 4?
Fonds de suppléance
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, avec une question qui me
vient à l'esprit. Je m'excuse. Certains des montants prévus pour
la relance économique se retrouvent toujours évidemment ici.
Est-ce qu'on compte surtout, à la suite du discours sur le budget, y
puiser? Est-ce qu'il y a certains des postes qu'on y retrouve qui auront trait
justement à certains des éléments du programme de relance
que le budget du 25 mai annonçait?
M. Parizeau: Sur les 25 000 000 $, il y a deux
éléments qui sont déjà affectés. C'est le
programme d'aide aux entreprises manufacturières, en termes de
liquidité. On calcule qu'il va coûter à peu près 15
000 000 $ et puis, d'autre part, l'aide additionnelle à la
publicité touristique pour cet été qui va entrer aussi
là-dedans pour un montant de 3 000 000 $, je pense. Le reste du
programme va être dévoilé incessamment et,
évidemment, représente un montant qui est nettement plus
considérable que cela.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que le programme 4 est
adopté?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 4 qui comprend
quatres éléments est adopté. Est-ce que le programme 5 est
adopté?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Est-ce que le
programme 6 est adopté?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 6 est
adopté avec ses deux éléments. Alors, les crédits
budgétaires 1982-1983 du ministère des Finances sont
adoptés et je demanderais au rapporteur de faire son rapport le plus
tôt possible. Je veux remercier les participants, en terminant. Donc, les
crédits budgétaires du ministère des Finances et du
Conseil du trésor sont adoptés et la commission des finances et
des comptes publics ajourne ses travaux sine die.
M. Parizeau: II nous reste à vous remercier, M. le
Président.
(Fin de la séance à 23 h 56)