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(Onze heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît, mesdames et messieurs! S'il vous plaît! Alors, la commission
des finances et des comptes publics est donc réunie ce matin, à
la suite d'un mandat de l'Assemblée nationale, aux fins d'entendre les
représentations des organismes syndicaux en regard du projet de loi no
68, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les
régimes de retraite et du projet de loi no 70, Loi concernant la
rémunération dans le secteur public.
Les membres de la commission pour ce matin - on s'est déjà
entendu entre les partis pour qu'il y ait certains remplacements pour la
séance de cet après-midi - sont: M. Blais (Terrebonne); M.
Bourbeau (Laporte) remplacé par M. Ryan (Argenteuil); M. de Belleval
(Charlesbourg); M. Forget (Saint-Laurent) remplacé par M. Rivest
(Jean-Talon); M. French (Westmount) remplacé par M. Johnson
(Vaudreuil-Soulanges); M. Gagnon (Champlain), M. Grégoire (Frontenac);
M. Guay (Taschereau) remplacé par M. Rodrigue (Vimont); M. Lincoln
(Nelligan) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Paquette
(Rosemont), M. Parizeau (L'Assomption) remplacé par M.
Bérubé (Matane).
Les intervenants: M. Assad (Papineau); M. Fallu (Groulx) remplacé
par M. Laurin (Bourget); M. Lachance (Bellechasse) remplacé par M.
Johnson (Anjou); Mme Lachapelle (Dorion) remplacée par Mme
LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine); M. Lafrenière (Ungava); M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata) remplacé par M.
Chevrette (Joliette); M. Pagé (Portneuf) remplacé par M. Sirros
(Laurier); M. Ryan (Argenteuil) remplacé par M. Fortier (Outremont); M.
Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé par M. Polak
(Sainte-Anne).
À ce moment-ci, il y aurait lieu également de nommer un
rapporteur de la commission qui fera rapport à l'Assemblée
nationale à la suite de nos travaux.
M. de Belleval: M. le député de Champlain, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Champlain est proposé. Est-ce que cela va pour tout le monde, pour les
membres? Le rapporteur sera donc M. Gagnon (Champlain).
Avant d'entreprendre nos travaux plus directement, j'aimerais faire part
de l'horaire que nous avons aujourd'hui. Des invitations ont été
faites à huit organismes syndicaux; alors, je les nomme dans l'ordre
dans lequel ils seront présentés: en premier,
Confédération des syndicats nationaux, représentée
par M. Corriveau, président; deuxièmement,
Fédération des travailleurs du Québec,
représentée par M. Louis Laberge, troisièmement, Centrale
des enseignants du Québec, représentée par M. Robert
Gaulin et M. Gilles Lavoie; quatrièmement, Centrale des syndicats
démocratiques qui a été invitée mais qui nous a
fait part qu'elle ne pouvait pas être présente; en
cinquième, Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec,
représenté par M. Jean-Louis Harguindeguy, président; en
sixième lieu, le Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec, représenté par M. Roger Lecourt, président;
septièmement, le Cartel des organismes professionnels de la
santé, représenté par Mme Monique Goyette,
présidente, et, en huitième lieu, la Fédération de
l'ordre des infirmières et infirmiers du Québec, qui a averti le
secrétariat des commissions qu'elle avait simplement un mémoire
à déposer.
Alors, c'est l'ordre du jour pour la journée.
M. Corriveau (Donatien): La Fédération des
travailleurs du Québec, la Centrale des enseignants du Québec et
la CSN présentent un mémoire commun.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, je voudrais simplement
que vous vous identifiiez pour le journal des Débats.
M. Corriveau: Donatien Corriveau, CSN.
M. Gaulin (Robert): Est-ce que je pourrais faire une remarque
aussi? Corriger le nom de notre organisation, la Centrale de l'enseignement du
Québec.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, je vous remercie,
M. Gaulin. Je vous demanderais, pour le bénéfice du journal des
Débats, tout au long de la journée, de vous identifier, de
commencer par vous identifier quand vous voulez prendre la parole, pour
être sûr que ce soit bien inscrit à votre nom dans le
journal des Débats.
Simplement également pour faire part un peu de l'horaire qu'on
voudrait maintenir:
Je veux être quand même relativement large sur le
règlement de notre commission, mais il est normalement entendu,
lorsqu'on reçoit des mémoires en commission, à moins qu'on
ne me dise autre chose, on s'entend pour que la durée de la
présentation d'un mémoire soit en fait d'une heure, ce qui
normalement revient à dire qu'on accorde environ 20 minutes pour la
présentation du mémoire et qu'il y a 20 minutes de questions pour
chacune des parties.
Maintenant, on me dit que vous avez un mémoire conjoint, pour
ceux avec lesquels on commence. À ce moment, on pourra cumuler le temps
pour les trois organismes.
M. Corriveau: Non, mais on va faire des interventions
après la présentation du mémoire.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, d'accord. Alors,
à moins que certains des représentants des parties n'aient des
remarques préliminaires, on procéderait immédiatement.
Comme remarques préliminaires, M. le ministre, président
du Conseil du trésor.
Remarques préliminaires M. Yves
Bérubé
M. Bérubé: Seulement quelques mots car nous sommes
rassemblés ici pour écouter, pour dialoguer et, par
conséquent, je pense qu'il faudrait laisser la place la plus
entière possible aux intervenants. Néanmoins, je pense qu'il est
important de placer la loi 70 dans le contexte que nous vivons, dans la mesure
où, je pense, il n'est pas nécessaire d'insister sur la
réalité de la crise que nous traversons. Tous les soirs, au
téléjournal, les médias se font un devoir de nous
souligner l'effondrement de l'économie. Cependant, je pense qu'on ne
réalise pas véritablement l'impact réel sur des centaines
de milliers de familles au Québec qui vivent cette crise et qui n'ont
pas véritablement les moyens de se défendre.
Certes, l'État, grâce à de nombreux programmes mis
sur pied à travers les décennies, a fait en sorte que cette crise
est peut-être moins durement ressentie que celle de 1929 mais elle est
tout aussi réelle. Elle est tout aussi réelle puisqu'elle
entraîne des coûts additionnels importants pour l'État, des
diminutions importantes de ses revenus et, par conséquent, elle
entraîne un impact direct sur l'équilibre financier du
gouvernement.
Nous avons cherché, je dirais même depuis un an, à
la fois par la campagne électorale où on annonçait
déjà des compressions budgétaires, par une tournée
que j'ai entreprise à l'automne, par le budget supplémentaire qui
est venu dans toute son acuité révéler l'importance de la
crise qui se dessinait et par les discussions qui ont conduit au sommet, nous
avons ensemble cherché à cheminer, cherché à
comprendre les causes de cette crise et voir dans quelles mesures elle
affectait l'économie, les équilibres financiers, et tenté
d'examiner les choix qui s'offrent à nous.
Malheureusement, je pense qu'il faut le dire, les choix sont
limités, ils sont simples en général. Mais, parce qu'ils
sont limités et très clairs, ils sont en même temps
difficiles. Il est difficile de choisir. Je pense qu'une fois la situation
clarifiée et comprise de tous, nous ne pouvions pas laisser le
Québec dans l'incertitude, laisser planer des portraits apocalyptiques,
des menaces de toutes sortes qui auraient créé un climat,
à mon avis, extrêmement néfaste face à la
période de négociations qui s'ouvrait.
Il était important pour le gouvernement d'indiquer à
quelle enseigne il allait se loger, avec franchise, avec
honnêteté, de telle sorte que les parties puissent
également se positionner face à cette décision
gouvernementale. Indéniablement, la décision, le choix de
solutions que le gouvernement devait retenir ne pouvait pas entraîner un
consensus unanime, immédiat, instantané de la part de tous les
intervenants.
Nous sommes convaincus qu'à la réflexion, parce qu'on
avait pris le temps véritablement d'examiner la nature des autres choix
qui s'offraient, on en arrivera un jour à dire: Peut-être
qu'effectivement c'était là la bonne décision à
prendre. Aujourd'hui, ce que nous devons faire, c'est de tenter, avec les
intervenants qui sont les plus durement touchés par cette
décision gouvernementale, de voir quels sont les choix, quelles sont les
solutions, quelles hypothèses de solutions on peut ensemble examiner qui
seraient autres. Nous devons en même temps rester ouverts à une
négociation qui doit débuter incessamment et qui doit nous amener
vers un consensus social, un contrat social qui va permettre au Québec
de traverser cette crise de façon correcte, de façon
civilisée et de façon humaine, en se portant d'abord à la
défense de ceux qui ont le moins de chance de tirer leur épingle
du jeu. C'est le sens de l'action gouvernementale. C'est également la
préoccupation des centrales syndicales et c'est ce qui m'amène
à croire qu'il y a un terrain d'entente possible, qui va sans doute
être difficile à trouver, qui va demander de longues heures de
discussion, mais auquel nous ne devons pas échapper, à
l'intérieur duquel nous devons nous engager avec la plus entière
bonne foi. Cette commission parlementaire doit peut-être, justement,
établir les bases d'un dialogue fructueux pour l'avenir.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M.
le ministre. M. le Chef de l'Opposition. M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, j'ai eu l'occasion, le 7 juin
dernier, au début du débat sur le projet de loi 62 en
deuxième lecture, et mon collègue, le député de
Vaudreuil-Soulanges, a fait de même quelques jours plus tard, à
propos du projet de loi 70 et à propos du projet de loi 68...
Nous avons exposé clairement la position de notre formation
politique au sujet de ces deux projets de loi qui sont des mesures sans
précédent dans toute l'histoire des relations du travail au
Québec. Nous avons exposé clairement que nous étions
opposés à ces deux projets de loi et nous avons
déjà voté contre le projet de loi 68 en deuxième
lecture. Nous nous apprêtons à faire de même contre le
projet de loi 70 lorsque sera terminé le débat de deuxième
lecture. (11 h 45)
Le ministre président du Conseil du trésor a fait allusion
dans ses remarques d'ouverture à la situation économique grave
dans laquelle nous sommes plongés actuellement. Nous convenons
volontiers avec lui du caractère très grave de la situation
économique présente et de la nécessité de mesures
de concertation à tous les niveaux: employeurs, travailleurs
syndiqués, gouvernement, gouvernements municipaux, provinciaux,
fédéral, etc. Nous croyons qu'il faut une action concertée
à tous les niveaux pour permettre au peuple canadien et au peuple
québécois de sortir de cette crise de la manière la plus
honorable possible.
Quand le gouvernement cherche à s'accrocher à cette crise
de l'économie pour essayer de faire oublier qu'il est lui-même le
responsable de la crise plus particulière des finances publiques du
Québec, nous trouvons qu'il commence à dérailler et quand
il veut choisir une classe particulière de citoyens comme otages d'une
situation qu'il a lui-même créée par son
imprévoyance et sa mauvaise gestion, nous ne pouvons pas être
complices d'une chose comme celle-là. Nous croyons que les deux projets
de loi dont nous allons discuter, aujourd'hui, constituent des entorses
très graves à l'ordre normal que doivent suivre employeurs et
travailleurs syndiqués dans la détermination des conditions de
travail et de manière toute particulière, évidemment, des
conditions de rémunération.
Ces projets de loi vont d'abord à l'encontre de conventions qui
sont déjà en vigueur. C'est un principe élémentaire
de bon comportement patronal autant que syndical que celui du respect des
conventions qui ont été signées librement par les deux
parties. Je pense qu'il y en a beaucoup qui me connaissent parmi des
délégations, qui vont nous recontrer aujourd'hui. J'ai toujours
soutenu ce principe, autant avant d'être dans la politique que depuis que
j'y suis. Pour moi, c'est une position absolument fondamentale.
Un deuxième principe, non moins vital. C'est que des conditions
devant être définies dans des conventions futures peuvent
également faire l'objet de libres négociations entre des parties.
C'est tellement vrai qu'il y a une clause charnière qui prévoit
le passage d'une période à une autre en matière de
relations du travail, quand une convention collective est échue. Il y a
une vieille règle qui est tantôt inscrite dans les conventions,
qui l'est dans le Code du travail et qui, même quand elle ne
l'était pas, était respectée par les employeurs et les
syndicats sérieux et responsables, qui prévoit qu'on ne change
pas unilatéralement les conditions définies dans une convention
avant qu'une autre convention ait été librement
négociée. La seule exception à ceci, c'est en cas
d'impasse invincible, après que tous les processus de négociation
ont été honnêtement épuisés.
Lorsque des services publics sont en cause, il faut qu'une solution
intervienne et à ce moment-là la tradition de notre
système de gouvernement, autant au plan fédéral qu'au plan
provincial, nous indique que le gouvernement peut toujours, quand on en est
rendu à ce point-là, se présenter devant
l'Assemblée nationale avec un constat d'impuissance, faire des
recommandations, mais après que lui-même s'est comporté
comme un employeur responsable respectant et suivant toutes les règles
de comportement, que prescrivent non seulement nos lois écrites, mais
également une tradition. Dans d'autres contextes, le gouvernement
attache une importance énorme à des conventions, même quand
leur existence est un peu douteuse. Je le comprends, je pense que c'est un bon
principe de comportement politique que de respecter les conventions mais, dans
ce cas, les conventions volent en morceaux d'une manière spectaculaire,
d'une manière dont on n'a point vu l'équivalent jusqu'à
maintenant. Je l'ai souligné abondamment dans les remarques que j'ai
faites lors du débat de deuxième lecture. Nous ne nous sommes
point contentés, cependant, du côté de l'Opposition, de
présenter une critique négative de la position gouvernementale,
nous avons également formulé un bon nombre d'observations
positives.
Parmi les conseils ou les suggestions que nous avons formulées
à l'intention du gouvernement, il y a notamment les suivantes: d'abord,
il faut exiger que le gouvernement respecte véritablement et
intégralement la signature qu'il apposait il y a deux ans et demi au bas
des conventions collectives qui doivent expirer le 31 décembre 1982.
Deuxièmement, il faut exiger que le gouvernement renonce à
faire indirectement, pendant les trois premiers mois de 1983, ce qu'il n'est
pas autorisé à faire directement pendant les six derniers mois de
1982. Troisièmement, nous, du Parti libéral du Québec,
affirmons notre adhésion ferme au principe de la parité
raisonnable entre le secteur public et le secteur privé en
matière de rémunération et nous nous appuyons, pour
formuler cette proposition, sur des considérations de justice et
d'équité élémentaires. Il est normal que les
travailleurs qui oeuvrent dans les secteurs public et parapublic soient
rémunérés sur une base comparable avec ceux du secteur
privé, vu que ce sont, dans une très grande mesure, les
impôts en provenance du secteur privé qui contribuent à
financer les rémunérations des travailleurs du secteur
public.
Ceci ne veut pas dire que nous préconisons une parité
arithmétique qui serait impossible. Nous savons que les conditions dans
le secteur privé évoluent continuellement, de nouvelles
conventions sont signées semaine après semaine et cela varie d'un
secteur à l'autre. Parfois, un employeur fait un gain, un autre ensuite
le perd; il y a une énorme accumulation de facteurs particuliers dont on
doit tenir compte quand on parle de ces choses. Nous savons très bien
qu'on peut avoir la parité à une date donnée et qu'on peut
ensuite s'en écarter quelques semaines ou quelques mois plus tard, mais
nous ne poursuivons pas une politique bêtement arithmétique
là-dedans. Nous disons, comme principe général, que nous
croyons qu'une règle de parité raisonnable entre les deux
secteurs serait un bon principe de comportement.
Il est très étonnant de constater que le gouvernement
actuel, quand il était dans l'Opposition, prenait beaucoup de
liberté avec cette règle; aujourd'hui, il se défend.
L'autre jour, j'ai interrogé le ministre et il m'a dit
-c'est-à-dire qu'il m'a interrompu dans mon discours l'autre jour -
ceci: Ce n'est pas cela que nous préconisons. J'ai dit: Quand vous
passez votre temps à dire qu'ils sont payés beaucoup plus cher
dans le secteur public que dans le secteur privé, vous laissez
implicitement entendre que vous vous orientez vers une règle de
parité et je pense que c'est bon, je ne voudrais pas qu'il y ait de
malentendu entre nous et qui que ce soit à ce sujet-là, c'est un
objectif que nous poursuivons.
Quatrièmement, nous proposons que soient établis dans les
plus brefs délais des mécanismes institutionnels impartiaux pour
la cueillette et l'interprétation des données statistiques sur
les rémunérations des secteurs public et parapublic et les
rémunérations dans le secteur privé. C'est la base de tout
le débat que nous allons faire aujourd'hui. Alors, nous
considérons qu'il faudra le plus tôt possible que nous ayons une
base impartiale. Les données sur lesquelles le gouvernement s'appuie,
sur lesquelles nous nous appuyons, dans une bonne mesure, proviennent d'un
organisme: le Bureau de recherche sur les rémunérations, qui est
une émanation du Conseil du trésor, lequel est partie prenante
à la négociation en temps que partie patronale. Je pense qu'il
saute aux yeux de la plus élémentaire logique que le plus
tôt on pourra avoir des données qui soient cueillies,
interprétées sous la surveillance et la responsabilité des
principales parties impliquées, ce sera une immense
amélioration.
Maintenant, pour l'année 1983 et les années
subséquentes, c'est-à-dire en vue des conventions à venir,
nous demandons que le gouvernement dépose dans les meilleurs
délais des propositions - j'ai bien dit des propositions et non des
diktats - salariales en bonne et due forme à la table des
négociations. Qu'il les soumette, il reste six mois et demi avant
l'expiration des conventions collectives en vigueur, qu'il soumette ses
propositions salariales, qu'elles soient discutées. Ensuite,
après que l'expérience aura été faite, qu'on aura
cherché par tous les moyens honnêtes à trouver une solution
négociée, en cas d'impasse, il reste toujours le recours qui a
été utilisé à maintes reprises dans le
passé, qui doit être utilisé le moins souvent possible,
mais dans un cas d'une telle gravité, impliquant entre 300 000 et 350
000 travailleurs, je pense que c'est un genre de situation pour lequel ce
recours-là ne serait sûrement pas interdit en principe.
Enfin, nous demandons que le gouvernement mette sur pied le plus
tôt possible les études approfondies sur les problèmes de
productivité des secteurs public et parapublic. Je ne suis pas de ceux
qui vont partout clamant que les travailleurs des secteurs public et parapublic
travaillent moins fort et produisent moins que ceux du secteur privé. Il
y a beaucoup de légendes qu'on véhicule à ce sujet et qui
ont l'accréditation facile dans certains milieux. Moi, je ne suis pas du
tout de cette mentalité et je crois qu'honnêtement, vu que ce sont
des fonds publics qui sont impliqués, il faut que nous acceptions que
des études sérieuses de productivité soient mises en route
autant d'ailleurs dans le secteur public que dans le secteur privé.
L'économie du Canada et l'économie du Québec font face
à des problèmes redoutables de concurrence au plan international,
parce que au plan de la productivité, nous avons mal tenu notre bout
contre les pays avec lesquels nous devons faire une concurrence au cours des
dix et quinze dernières années en particulier; et la seule
manière de corriger cette situation, c'est d'en arriver à des
perceptions beaucoup plus rigoureuses en matière de mesure de nos
normes de productivité.
Nous recommandons au gouvernement de mettre au point dans les meilleurs
délais un système de budgétisation à moyen terme
qui comportera entre autres les éléments d'une politique
salariale objective, stable et durable. On s'est précipité, de
négociation en négociation, depuis une douzaine d'années,
dans des solutions de dernière heure souvent trouvées au cours de
la nuit avec lesquelles il a fallu vivre. Je me rappelle le ministre des
Finances quand il nous a fait rapport à l'Assemblée nationale
à la dernière ronde de négociations. Il nous a dit: C'est
très bien, on a réglé tel ou tel barème pour les
trois années de la convention, on a fixé l'indexation, on a
prévu que cela va être 8,5% et, au dernier semestre de 1982,
7,5%.
On lui a dit: Tout à coup que ce ne serait pas cela. Il a dit: II
suffira qu'on fasse des ajustements. On est en train de les faire là.
Des propos d'une légèreté semblable ne doivent plus jamais
tomber des lèvres d'un ministre des Finances au Québec. Il faut
qu'il sache de quoi il parle. Quand on parle d'indexation et d'inflation, c'est
extrêmement explosif et, avant de mettre sa signature au bas d'un
document qui comporte des engagements aussi lourds, le responsable est
supposé savoir ce qu'il fait et, dans ce cas-ci, on vient de nous dire,
par les projets de loi nos 68 et 70, qu'il ne le savait point de même que
ses collègues qui l'ont appuyé.
Nous disons, nous définissons les éléments qui vont
nous permettre de savoir davantage où nous allons à long terme et
cela résume en gros la position que nous avons adoptée, que nous
allons continuer, évidemment, à défendre. Nous sommes
très intéressés à entendre les points de vue qui
vont nous être soumis et je dois dire, en complément, que j'ai
pris connaissance de certaines études faites par certaines de vos
centrales en matière de normes de traitements qui existent dans les
secteurs public et parapublic, et j'ai trouvé que certaines de ces
études étaient très bien faites. Je ne prétends pas
que je souscrirais aveuglément à tout ce qu'il y avait
là-dedans, mais je les ai lues avec beaucoup d'intérêt,
avec beaucoup de profit aussi. Je trouve qu'avoir ce point de vue - là
pour compléter celui qui nous vient de l'autre côté est
extrêmement utile, et là-dedans, je veux vous assurer, M. le
Président, que le groupe que je représente n'a pas d'autres
soucis que de favoriser une justice sociale. D'abord, la justice commence par
le respect des obligations contractées, par le respect par le
gouvernement employeur des lois qu'il a la mission d'imposer à
l'ensemble des citoyens et aussi par la recherche d'une justice sociale la plus
honnête possible qui donne à chacun son dû sans oublier
personne.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. S'il n'y a pas
d'autres interventions, nous allons procéder immédiatement
à entendre le mémoire commun des trois centrales: CSN, CEQ et
FTQ. Je demanderais auparavant que quelqu'un s'identifie et identifie les
autres, toujours pour le journal des Débats, parce que certaines figures
sont très connues, et on peut peut-être procéder
après à la lecture, du mémoire commun. Alors, M.
Corriveau.
Auditions CSN, FTQ et CEQ
M. Corriveau: M. le Président, mesdames et messieurs les
députés, je suis Donatien Corriveau, président de la CSN.
Je suis accompagné du président de la FTQ, Louis Laberge; je suis
accompagné du président de la CEQ, Robert Gaulin, des trois
coordonnateurs du secteur public des négociations, c'est-à-dire
Réal Lafontaine de la FTQ qui est à ma droite; à
câté de moi, Jean-François Munn de la CSN et, à
côté de Robert, Gilles Lavoie qui est de la CEQ.
Les centrales syndicales demandent le retrait des projets de loi 68 et
70. Ces projets de loi nient carrément le principe même de la
liberté de négociation. En procédant
unilatéralement à la réduction des salaires et en
modifiant unilatéralement les régimes de retraite, le
gouvernement élimine le consentement qui est le fondement même de
la formation d'un contrat. Le gouvernement, en outre, utilise
l'Assemblée nationale pour se soustraire aux obligations qu'il avait
légalement et même triomphalement acceptées, comme en font
foi les déclarations du ministre Parizeau en novembre 1979 et aussi lors
du budget 1980-1981: "On comprendra ce que cela veut dire en considérant
que si, à l'occasion de cette nouvelle ronde de négociations, on
avait reconduit les structures d'augmentation salariale de la dernière
convention, c'est 800 000 000 $ de plus qu'il aurait fallu dépenser en
salaires d'ici 1982." (12 heures)
Les centrales estiment que le retrait de ces projets de loi
constituerait un geste déterminant pour permettre à une
véritable négociation de prendre lieu et de prendre forme.
Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement cherche à
faire imposer par l'autorité de l'Assemblée nationale un
décret contre les travailleurs et travailleuses. Mais c'est la
première fois qu'un tel décret survient par anticipation alors
même qu'une convention collective est en vigueur. Les arguments
spécieux qui cherchent à faire croire que le gouvernement
pourrait faire un coup de force le 1er janvier 1983, ce qui serait
illégitime et ce qui entacherait la crédibilité et
l'intégrité de l'État le 31
décembre 1982, mettent en lumière une mauvaise foi
évidente. Nous sommes de l'avis du ministre de l'Énergie, M.
Bérubé, qui déclarait à propos du contrat des
chutes Churchill: "Vous ne pouvez pas changer un contrat avec une loi." Nous ne
sommes donc pas de l'avis du ministre responsable du Conseil du trésor,
M. Bérubé, qui déclarait: "Aucun contrat du gouvernement
n'est sacré en face de l'intérêt national et public",
surtout lorsque celui qui déchire le contrat est en même temps
celui qui définit l'intérêt national.
Par le projet de loi 68, le gouvernement rompt les engagements pris le 2
mars par le premier ministre Lévesque devant les présidents des
centrales de nous faire parvenir les documents pertinents et, par la suite, de
tenir des rencontres techniques pour échanger sur la question des
régimes de retraite. Les documents ne nous sont parvenus que
tardivement, après rappel des engagements pris, mais les rencontres
techniques promises n'ont jamais eu lieu. Comme cela a été fait
en 1972 et en 1976, lors de la dernière ronde de négociations, le
front commun a négocié de bonne foi des modifications aux
régimes de retraite, et une annexe aux conventions collectives en fait
foi.
Jamais le front commun n'a renoncé à son droit de
négocier cette condition de travail. C'est donc abusivement et en
déformant les faits que le ministre Bérubé prétend
le contraire. Quant au projet de loi 70, il concrétise formellement ce
qui est l'objectif stratégique poursuivi par le gouvernement depuis
déjà plusieurs mois: réduire le salaire des travailleurs
et travailleuses des secteurs public et parapublic. C'est le point culminant
où on exécute l'otage "afin de ne pas laisser planer comme une
menace, comme un chantage que nous n'aurions pas l'intention d'appliquer",
comme le déclarait le président du Conseil du trésor. Le
décret que contient le projet de loi 70 est le résultat direct du
"plan québécois pour contrecarrer la crédibilité
syndicale."
Nous avons assisté au cours des derniers mois à un
"build-up" soutenu dont les mass médias témoignent. Le principal
moyen de s'en sortir: "Sabrer dans la masse salariale", (Journal Les Affaires
le 26 septembre 1981). "Première cible: les employés de
l'État" (La Presse, le 10 novembre 1981). "Lévesque demande aux
employés de l'État de renoncer à une partie de leur
augmentation de salaire" (La Presse, le 5 décembre 1981);
"Lévesque exclut toute formule d'enrichissement; Parizeau
n'écarte pas le gel des salaires" (Le Soleil, le 21 décembre
1981); "II faut renoncer à l'indexation, avertit Lévesque" (Le
Devoir, le 22 janvier 1981); "De Grandpré donne son appui à
Lévesque" (Le Devoir, le 16 mars 1982).
Le 15 avril, malgré le fait que les conventions collectives
étaient toujours en vigueur, les syndicats des secteurs public et
parapublic ont accepté de rencontrer le gouvernement pour recevoir
l'information sur sa demande de réouverture des conventions
collectives.
Le 10 mai nous répondions par une proposition sérieuse de
négociation par laquelle nous avions offert au gouvernement de
négocier à brève échéance la prochaine
convention collective. Si une entente était agréée par les
instances syndicales, celle-ci pourrait entrer en vigueur à toute date
convenue et acceptée.
À peu près tout le monde l'Opposition, les
éditorialistes, les commentateurs - y a vu une ouverture de
négociation. Fort malheureusement, le gouvernement ne s'en est rendu
compte qu'une fois le projet de loi déposé: "Cependant,
l'ouverture syndicale de renouvellement des présentes conventions
collectives laisse entrevoir une volonté d'apporter une contribution
à l'effort que doivent fournir l'ensemble des travailleurs et
travailleuses oeuvrant au sein de l'économie. "Nous estimons que la
proposition syndicale du 10 mai constitue un défi important, que les
centrales sont prêtes à relever et qui pourrait avoir des effets
bénéfiques sur le climat social en valorisant le processus de
négociation. "En outre, nous réitérons que le gouvernement
aurait intérêt à discuter sérieusement avec les
centrales syndicales de la situation économique et
budgétaire".
Au lieu de discuter avec franchise et loyauté et de
négocier de bonne foi -l'essentiel de la bonne foi réside dans la
volonté de conclure une convention collective - le gouvernement pose
comme condition aux négociations que nous acceptions "librement" la
réduction des 521 000 000 $ et pousse le cynisme jusqu'à obliger
les syndicats du secteur universitaire et ceux des institutions privées
d'enseignement "à négocier de bonne foi" une prolongation de
trois mois de leurs conventions collectives et réduction
équivalente de leurs salaires. Nos instances syndicales et
assemblées générales se sont prononcées massivement
contre la formule modulée du 15 avril à laquelle le gouvernement
veut nous amener, pour rendre "plus humain" selon le mot du ministre Parizeau,
son projet de loi no 70.
Comme le disait le rapport Woods sur les relations du travail au Canada:
Les libertés d'association et d'action collective sont des valeurs
fondamentales de la société canadienne et sont à la base
du régime actuel de négociation collective...
Il faut encourager et assurer la reconnaissance du rôle social de
la législation en matière de négociation collective
comme
instrument de progrès des libertés fondamentales de notre
société industrielle. Nous ne comprenons pas pourquoi aujourd'hui
le Québec s'engagerait dans la voie contraire.
Les acquis démocratiques ne tiennent pas uniquement au
parlementarisme, n'en déplaise aux parlementaires. Les acquis
démocratiques tiennent aussi dans des règles non écrites
qui permettent à la justice et à l'équité de
prendre forme. Parmi les libertés fondamentales qui servent une plus
grande justice sociale apparaissent, en tout premier rang, les libertés
d'association, de réunion, de négociation, de grève. Le
gouvernement du Québec devrait le prendre en compte. Il est significatif
que tous les États qui ont opprimé, ont d'abord contraint,
limité, brimé, puis nié les libertés
syndicales.
N'oublions pas que le droit à la négociation, dans le
secteur public, et avant, dans le secteur privé, est une conquête
des travailleurs, une conquête syndicale obtenue par des luttes qui ont
conduit souvent des travailleurs à la prison et même à la
mort.
Ce droit, le gouvernement le remet en cause quand il veut fixer par voie
législative le traitement de ses employés. Il n'y a pas de
précédent de cette envergure. Il fallait un gouvernement ayant un
préjugé favorable aux travailleurs pour agir ainsi. Comment
justifier un tel coup de force, un tel reniement de sa signature, de la parole
donnée? Serait-on coupables d'avoir conquis des droits?
Ceux et celles qui ont à coeur la démocratie devraient
comprendre qu'on ne mime pas sans risque la légitimité des seules
institutions qui appartiennent en propre aux travailleurs et travailleuses.
Aujourd'hui, pourquoi le gouvernement du Parti québécois
s'engage-t-il carrément dans la voie opposée?
M. Laberge: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Laberge.
M. Laberge (Louis): Louis Laberge, président de la
Fédération des travailleurs du Québec. M. le
Président, madame, MM. les membres de cette commission parlementaire. Au
cours de ma vie syndicale, j'ai eu maintes fois l'occasion d'assister à
des commissions parlementaires pour discuter des projets de loi. Je pense
pouvoir dire, sans grand danger d'être repris, qu'à presque chaque
occasion nous avons essayé de bonifier les projets de loi
présentés, nous avons présenté des critiques
constructives. Depuis la venue du gouvernement de M. Lévesque, je pense
bien que personne ne nous accusera, la FTQ, d'avoir manqué de sympathie
vis-à-vis du gouvernement. Toutefois, dans toute ma carrière
syndicale, je n'ai eu l'occasion de me présenter en commission
parlementaire contre un projet de loi aussi abject, aussi nocif qu'il sape
à sa base même le régime des relations du travail.
C'est un précédent extrêmement dangereux. Nous
l'avions dit lors du sommet économique de Québec, nous l'avons
répété lors de notre réponse à la
proposition, si on peut appeler cela une proposition gouvernementale, du 15
avril: Nous reconnaissons que le Québec traverse une crise
économique extrêmement grave, nous reconnaissons que le
Québec a aussi une crise budgétaire extrêmement grave. On
reconnaît tout cela et on a dit: On est prêt à faire notre
part, on est prêt n'importe quand à commencer les
négociations le plus rapidement possible, mais ce n'est pas vrai que ces
deux crises que nous vivons présentement au Québec, qui n'ont pas
été créées par les travailleurs, ce n'est pas vrai
que seuls les travailleurs en feront les frais et encore moins un groupe
particulier de travailleurs.
Le projet de loi que nous avons devant nous fait exactement le
contraire. Il a pris comme cible ce qui lui semblait le plus facile: les
employés de l'État, les employés des commissions
scolaires, les employés des affaires sociales, les employés
d'universités et les employés d'institutions privées
d'enseignement. Vous le savez que, pour nous, c'est vraiment inacceptable, mais
on n'est pas ici pour parler particulièrement de la crise
budgétaire mais du projet de loi qui est devant nous. Je tiens à
vous faire remarquer que, contrairement à ce qui a été dit
à l'Assemblée nationale, ce n'est pas une "tradition que nous
n'avons pas les moyens de respecter cette année" dont il est question.
Le Code du travail à l'article 59 dit qu'aucun employeur n'a le droit de
changer les conditions de travail et les salaires, à moins du
consentement écrit des associations accréditées ou
à moins que le droit à la grève ou au lock-out n'ait
été acquis.
À l'article 65, le Code du travail est très clair: la
durée d'une convention collective est d'au moins un an et d'au plus
trois ans. Le projet de loi en fait une convention collective de trois ans et
trois mois. C'est une violation du Code du travail. Ce que j'ai,
évidemment, beaucoup de difficulté à comprendre du
gouvernement, c'est qu'une fois la crise budgétaire résolue,
d'une façon ou d'une autre, une fois la crise économique en bon
train d'être résolue, d'une façon ou d'une autre, le
gouvernement aura toujours comme responsabilité de faire respecter les
lois, les relations du travail. Comment pourra-t-il dire à un employeur
qui viole le Code du travail qu'il doit le respecter? Comment pourra-t-il dire
aux groupes de travailleurs de respecter le Code du travail, alors
qu'allègrement il fait la
même chose?
Est-ce qu'on en est rendu au principe que la fin justifie les moyens? Le
gouvernement a besoin de 521 000 000 $. Pourrais-je vous suggérer qu'il
y a des dizaines et des dizaines de milliers de nos membres qui ont perdu leur
emploi depuis six mois, un an et un an et demi, qui n'ont plus les moyens de
faire leur paiement sur leur voiture, qui ont perdu leur voiture, qui n'ont
plus les moyens de faire face au taux d'hypothèque et dans certains cas
qui ont perdu leur maison. Est-ce que cela les justifierait d'aller s'acheter
un pistolet et d'aller faire un hold-up? C'est exactement ce que le
gouvernement fait. Le gouvernement dit qu'il a besoin de 521 000 000 $. Il
s'achète un pistolet par le projet de loi qui est devant vous et il veut
faire un hold-up sur les travailleurs. C'est inadmissible, c'est inadmissible.
Je ne comprends pas que des syndicalistes se disent torturés par une
telle cochonnerie. Un syndicaliste digne de ce nom n'a pas le droit
d'hésiter une seconde. Il doit voter contre un tel projet de loi qui
sape, encore une fois, à sa base même le régime de
relations du travail qu'on a au Québec. (12 h 15)
Ce qu'on vit est plus important que ce qui va se passer d'ici à
la fin de 1982. Nous sommes en train d'empoisonner le climat social au
Québec, et pourtant Dieu sait que cela coûte cher un climat social
empoisonné au Québec. Plusieurs d'entre nous avons vécu
cela il y a quelques années à peine. Je pense que tout le monde
va au moins reconnaître qu'au Québec, il s'est fait des efforts de
ce côté afin d'améliorer le climat social et que depuis
quelques années on a quand même un climat social assez serein.
Mais on n'a pas le droit d'en arriver aujourd'hui, parce qu'on a un besoin...
Encore une fois, il y en a au moins 50 000 membres de la FTQ, de syndicats
affiliés à la FTQ qui en ont des besoins, qui n'ont pas
travaillé depuis des mois et des mois, qui ont perdu non seulement leur
maison, mais leur famille, parce que cela a fait des chicanes
épouvantables. Est-ce qu'on va les encourager à se faire
justice?
Je demande non seulement aux membres de l'Opposition mais aux
députés du gouvernement de penser très sérieusement
à ce projet de loi absolument nocif pour tout ce qui nous pend au bout
du nez au Québec. Encore une fois, il ne s'agit pas d'adopter une loi,
de partir en vacances et de l'oublier. On a beaucoup d'amis à
l'extérieur du Québec qui doivent applaudir très fort
devant le dilemme que nous pose le gouvernement. Si le gouvernement va de
l'avant avec son projet de loi, je ne vois vraiment pas, mais vraiment pas
comment on pourrait aller négocier et vraiment essayer, de bonne foi,
d'en arriver à une entente. Nous sommes conscients des deux crises. Que
le gouvernement nous prouve sa bonne foi, qu'il essaie lui aussi de
régler les deux crises. Nous sommes tout disposés à nous
asseoir n'importe quand, n'importe où pour essayer de trouver des moyens
mais, encore une fois, même si le gouvernement ne croit pas pouvoir en
arriver à une entente pour combler son trou budgétaire, il n'a
pas le droit de s'acheter un pistolet et de commettre un hold-up. Je vous
demande de voter contre ce projet de loi absolument néfaste et je
demande au gouvernement de le retirer avant qu'il soit trop tard.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Laberge. M.
Gaulin.
M. Gaulin: Robert Gaulin, Centrale de l'enseignement du
Québec. J'ai la mauvaise habitude d'accorder plus d'attention aux gestes
qu'aux paroles. J'ai l'impression, dans notre société, que les
gestes parlent plus que les discours. Je sais qu'en politique on peut faire
beaucoup de choses à coups de discours: on peut faire un
éléphant avec un chat; on peut faire 2 300 000 000 $ avec 800 000
000 $; on peut faire de la solidarité et des consensus à coups de
matraque; on peut même imposer de négocier de bonne foi dans des
lois spéciales.
J'ai beaucoup de respect pour les comptables, je trouve que c'est une
profession honorable, on en a besoin de bons dans le mouvement syndical,
d'ailleurs, mais quand l'analyse comptable prime sur l'analyse politique et
sociale, la démocratie est en danger dans notre
société.
Depuis quelques années, depuis cinq ans, le gouvernement a
prêté beaucoup d'attention au régime des relations du
travail. On s'est fait élire pour une bonne part en parlant de paix
sociale et en disant qu'il fallait, dans cette société,
réunir les conditions d'une paix sociale, que cela ne pouvait reposer
que sur le dialogue, la discussion franche et honnête. On a voulu
établir un régime de relations du travail dit civilisé. On
a même justifié, à la dernière ronde de
négociations, une loi spéciale, la loi no 62, en disant que la
négociation n'avait pas assez duré, qu'on n'avait pas
épuisé les mécanismes de la négociation même
si cela faisait six mois que les propositions syndicales étaient sur la
table.
Je crois que, depuis plusieurs mois, ce gouvernement a fait un choix
délibéré, voulu, déterminé d'agir
unilatéralement et d'imposer son point de vue par tous les moyens
opportuns, appropriés qu'il puisse trouver. Je considère un peu
avec un certain sourire des discours qui prêchent la recherche d'autres
solutions et le consensus, des alternatives, et mettez-nous donc vos
propositions sur la table, quand tous les gestes mènent à cette
action unilatérale.
On a attaqué d'une manière
systématique à peu près tout ce qu'il y a comme
conditions de travail dans le secteur public, en trouvant cela scandaleux, et
je n'utiliserai pas tous les adjectifs. On utilise d'une manière
continue le discours menaçant, le chantage, l'ultimatum, c'est cela
où cela va passer par là, et on envoie des communiqués de
presse ou, quand on parle à la télévision, quelquefois, on
fait appel à la solidarité des Québécois.
Cette attaque des lois 70 et 68, c'est une remise en cause profonde du
régime de relations du travail dans notre société et j'ai
trouvé un point de comparaison entre ces projets de loi et le
régime: la Loi sur les relations du travail que Pinochet a
imposée dans son pays. Vous regarderez, je vous invite à faire
certaines comparaisons du côté des dispositions, et vous allez
voir. Il y a l'article 18 là-dedans qui dit: Nonobstant toute autre
affaire, c'est comme cela que ça va se passer; je pense que cela va
loin. Les régimes de retraite, le RREGOP entre autres, c'est le fruit
d'une négociation qui s'est faite pendant plusieurs mois et qui a permis
d'instaurer ce régime de retraite dans le secteur public, qui a permis
d'accorder des conditions de retraite à des milliers de travailleurs du
secteur public qui n'avaient aucune protection de retraite. Cela a
été négocié les 140% et les 100%, c'est même
l'âme ou le coeur de ce régime de retraite qui est le RREGOP, et
là on n'en a pas parlé. Il n'y a eu aucune proposition du
gouvernement à la dernière ronde de négociations visant
à changer ces dispositions. Du jour au lendemain, une loi
spéciale pour dire que, maintenant, ce n'est plus comme cela que
ça va marcher. Cela coûte trop cher et on a décidé
que ce serait 50-50; voici le chemin de la négociation, le
résultat de la négociation. Il y a des lettres d'entente
là-dedans par lesquelles le gouvernement s'engageait, à la suite
d'une étude actuarielle, après consultation des organisations
syndicales, à réviser à la hausse, si besoin est, les
cotisations. Jamais, d'aucune manière, personne qui a assisté
à ces négociations, qui a vécu depuis dix ans les
négociations dans le secteur public ne peut oser affirmer que les
syndicats ont renoncé à la négociation des régimes
de retraite.
Les régimes de retraite des enseignants et des fonctionnaires,
nous avons décidé conjointement, en 1972-1973, de fermer ces
régimes de retraite. Il me semble que, quand on fait des études,
des discussions, des débats là-dessus, on doit considérer
ces régimes comme des régimes fermés. Il n'y a pas
d'urgence, il y a des négociations qui s'en viennent. C'est facile pour
le gouvernement d'aborder ces questions de régimes de retraite dans le
cadre des négociations qui s'en viennent. On a dit récemment que
le gouvernement renonçait à rouvrir les conventions collectives
le 1er juillet à cause des dangers, des précédents que
ça pouvait créer et de la remise en cause des engagements du
gouvernement. Le faire le 31 décembre, c'est exactement la même
chose. C'est aussi signé et ce sont autant des dispositions de
conventions collectives que les autres. Nous avons posé des gestes dans
le mouvement syndical qui montraient notre volonté de discuter de toute
question que le gouvernement voulait discuter. Nous avons participé
à un sommet économique pour discuter de la crise
économique alors que le gouvernement ne voulait pas en parler. On a fait
des déclarations et des ouvertures pour qu'il y ait des rencontres entre
le gouvernement et le mouvement syndical pour discuter de la crise
budgétaire et on a mis sur la table des propositions d'ouverture de
négociations, négociations de la prochaine convention collective,
bien sûr.
Ce sont des gestes positifs, des gestes concrets, des engagements du
mouvement syndical. C'était un message clair donné au
gouvernement. Je crois que l'option gouvernementale qui a été
prise, c'est celle de servir de modèle à un certain patronat dans
notre société. C'est d'ouvrir une voie nouvelle pour la remise en
cause unilatérale, n'importe quand, sous quelque prétexte que ce
soit des conditions de travail négociées. C'est une atteinte
profonde à tous les mécanismes normaux de notre
société, surtout en ce qui regarde les relations du travail. Ce
qu'on vit, ce qu'on a comme relations du travail, c'est le fruit d'un long
passé historique de relations du travail, de débats, de
discussions, d'amendements législatifs et, du jour au lendemain, on est
prêts, du côté du gouvernement, à faire une remise en
cause profonde de tout cela. Je crois que le gouvernement devrait y penser
avant qu'il ne soit trop tard et je crois que le gouvernement peut encore
retirer ses projets de loi. Il n'est pas trop tard, et c'est ce que nous
demandons.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. J'ai
écouté les interventions qui, je pense, soulignent la
volonté des syndicats qui représentent les travailleurs de
défendre le processus normal de négociation des conditions de
travail comme étant un des plus sûrs moyens de valoriser la
condition même du travailleur et une des meilleures garanties d'une
société libre. Là-dessus je partage entièrement
leur point de vue.
Je soulignerai également dans l'intervention, et c'est le seul
point que je lèverai, par exemple, lorsqu'on me met en contradiction sur
l'interprétation que je donne au sens d'un contrat et sur
l'interprétation que je donne à l'intérêt
national. On a omis une partie de mon intervention qui était
fondamentale. J'ai bien expliqué qu'en temps de crise ou de catastrophe,
l'État, au nom de l'intérêt public, peut avoir à
intervenir. Eh! oui, au nom des pauvres, des démunis, au nom d'une
société aux prises avec une crise, l'État peut avoir
à défendre l'intérêt public, indéniablement.
(12 h 30)
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le
ministre, excusez-moi.
S'il vous plaît! S'il vous plaît!
J'ai voulu être assez large au début afin de permettre aux
gens de s'exprimer, mais je n'accepterai pas qu'au cours de la journée,
nos travaux soient perturbés continuellement par des manifestations qui
viennent de l'assistance.
Je vous demanderais de réserver vos manifestations. On demande
cela à tous ceux qui se présentent ici. On dit la même
chose à toutes les personnes ou tous les groupes qui viennent devant nos
commmissions. Je pense que c'est pour obtenir une meilleure discussion ici.
C'est l'objet de notre rencontre d'aujourd'hui. Alors je vous demanderais de ne
plus manifester à l'avenir. Merci.
M. le ministre vous pouvez continuer.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Je pense qu'on ne peut pas discuter du projet de loi autrement que dans
son contexte. Les chiffres viennent de nous dire la semaine dernière
qu'il y a 1 241 000 chômeurs en mai au Canada, c'est-à-dire 45% de
plus qu'à pareille date l'année dernière. Au Québec
seulement, nous avons perdu 320 000 emplois en l'espace de neuf mois. Cette
véritable hécatombe, cette hémorragie d'emplois frappe
particulièrement les jeunes où on atteint des taux de
chômage de plus de 20%. Par exemple, je défends un comté
où il y a peut-être un des plus forts pourcentages de
défavorisés au Québec. Le salaire moyen dans le
comté de Matane, dans la ville même de Matane, est à peu
près de 13 000 $, c'est-à-dire le salaire le plus bas payé
aux employés de l'État. C'est le salaire moyen de mes concitoyens
dans le comté de Matane. Je ne vous parlerai des citoyens du même
comté, dans Gaspé-Nord, à Sainte-Anne-des-Monts, où
j'ai des taux de chômage et d'assistance sociale qui dépassent 55%
et où en fait les seuls citoyens qui ont un emploi sont les
employés de l'État. Tous les autres sont en chômage.
Ce que nous avons vécu depuis une année, c'est une
véritable catastrophe économique avec un recul de notre richesse
collective, de notre richesse nationale de 3,6%. C'est la réalité
avec laquelle nous sommes confrontés. Évidemment, une crise comme
celle-là a un impact direct sur les finances de l'État. On ne
peut pas l'ignorer, on ne peut pas faire semblant que cela ne se produira pas.
La réduction du nombre de contribuables, la réduction de la
production de biens de consommation se traduisent par une diminution des
rentrées d'impôts, de taxes. C'est inévitable.
Une augmentation, par exemple, de la clientèle à l'aide
sociale qui va être de 10%. Nous avions planifié 5,5%, il y a un
peu plus d'un an maintenant, pour nous retrouver aujourd'hui avec une
correction de nos prévisions pour hausser ce pourcentage à 10%.
C'est normal. Lorsqu'on a épuisé l'assurance-chômage, on se
retrouve à l'aide sociale. Cela veut dire des coûts additionnels
au chapitre des prêts et bourses pour les étudiants.
Donc, un ensemble de programmes gouvernementaux dont les coûts
montent en flèche simplement à cause de la crise. Lorsque vos
revenus baissent au moment où vos dépenses s'accroissent, il y a
un problème. Il y a une impasse financière à laquelle il
faut s'attaquer. Le ministre des Finances a longuement expliqué pourquoi
il ne voyait comment on pouvait hausser les taxes, hausser le déficit.
Lorsque vous avez 3300 entreprises qui font faillite avec près de 150
000 emplois de perdus, vous pouvez hausser les taxes sur les entreprises, et
récupérer combien de chômeurs de plus. À tel point
que les modèles économétriques que nous utilisons sont
poussés à l'extrême limite. Nous ne pouvons même plus
prédire maintenant l'impact des hausses d'impôt et de taxes sur le
pourcentage de chômage et la récession économique parce que
les modèles économétriques ne permettent pas de couvrir
l'étendue d'une telle catastrophe. Ils sont calculés sur la base
de situations moyennes. Nous nageons dans l'inconnu.
Il faut se poser un certain nombre de questions. Comment allons-nous
résoudre la crise? Lorsque nos revenus baissent, que nous ne pouvons pas
emprunter, il faut réduire les dépenses. À nouveau, on se
retrouve sur un terrain d'entente. Nous pouvons couper et cela il faut en
être conscients. Nous avons pour 1 400 000 000 $ de dépenses de
fonctionnement. Nous venons d'imposer à ces dépenses - et ce
n'est pas réalisé, c'est un objectif budgétaire - une
réduction de 400 000 000 $ qui touchera l'ensemble des réseaux:
de l'éducation, de la santé et du gouvernement.
Cela n'est pas fait encore, il faudra que tous les administrateurs
trouvent une façon d'économiser 400 000 000 $ sur un budget qui
aurait dû être de l'ordre de 1 800 000 000 $. Ce n'est pas facile
et vous le vivez dans vos entreprises, dans les différents services
gouvernementaux, vous vivez l'impact de ces compressions. Il serait possible
d'envoyer 521 000 000 $ de plus de compression de dépenses de
fonctionnement
sur ces 1 400 000 000 $, mais les 400 000 000 $ que vous allez vivre,
avez-vous imaginé ce que cela représenterait si c'étaient
900 000 000 $, 1 000 000 000 $?
C'est épouvantable et c'est cela la conséquence
d'appliquer 521 000 000 $ là. Nous pourrions décider de ne pas
couper plus avant, comme au nom des travailleurs, vous nous avez enjoints de le
faire, et à ce moment, choisir de couper dans les dépenses de
transfert aux citoyens. Attention, j'imagine que vous ne voudrez pas, au nom de
la protection de l'économie, que nous nous attaquions aux missions
économiques, aux 180 000 000 $ de transfert à l'agriculture.
Si en période de récession économique nous
épargnions la mission économique, à ce moment, c'est
l'ensemble de tous les transferts de l'État aux citoyens qui doit
être supprimé. Il y en a pour à peu près 700 000 000
$ au global et lorsqu'on exclut les engagements inévitables, 525 000 000
$, c'est la suppression de tous les transferts à nos concitoyens.
Je suis convaincu qu'il n'y a personne d'entre vous favorable à
cette solution. Les transferts sont essentiellement les subventions à
nos concitoyens, que ce soit dans le domaine des arts, de la culture, des plus
démunis, des institutions charitables, donc, l'ensemble des transferts
relevant uniquement du gouvernement à l'intention des citoyens et qui
sont dirigés essentiellement à des organismes de charité,
des organismes qui s'occupent, en pratique, soit de foyers d'accueil, enfin,
l'ensemble de la mission de l'État où on essaie de partager
l'effort entre les citoyens sans passer par l'administration gouvernementale,
mais en faisant directement appel aux services de nos concitoyens.
Donc, supprimer 521 000 000 $ représenterait une injustice
inacceptable pour notre société. À ce moment, il ne reste
qu'un point, c'est les 12 000 000 000 $ de la rémunération. C'est
le seul autre point qui reste. Il faut donc choisir entre s'en prendre aux plus
démunis, refuser de poursuivre l'action de l'État en
période de crise ou essayer de voir dans quelle mesure au niveau de la
rémunération, il y a des compromis à faire.
Ce sont là les choix. Il faut quand même le
reconnaître, les employés du secteur public ne sont pas les plus
maltraités. Le président de la CEQ, tantôt, comparait
l'action du gouvernement à l'action chilienne. Il n'a pas comparé
cependant les salaires des enseignants au Québec avec ceux du Chili. Il
n'a pas dit que les enseignants du Québec sont sans doute les mieux
payés au monde. Là, nous aurions un portrait global, à
partir duquel, nous pourrions avoir une discussion de fond. Ce que nous n'avons
pas.
Il y a une crise, elle est réelle, elle touche souvent les plus
démunis. Par conséquent, le fait que vous perceviez cette crise,
que vous nous disiez être prêts à la regarder de front et
à consentir même les sacrifices nécessaires augure bien
pour la recherche d'une solution. Mais un gouvernement doit également se
poser la question suivante. Il ne s'agit pas simplement de discuter, de dire
à nos concitoyens: Nous discutons. On nous posera également la
question: Oui, mais, lorsque vous aurez fini de discuter, si vous ne vous
entendez pas, qu'est-ce que vous ferez?
Le chef du Parti libéral vient de dire dans son intervention il y
a quelques minutes: Lorsque tout a été épuisé, le
gouvernement doit, quand les services sont en cause, assumer ses
responsabilités - je prends ses paroles - et décider au nom de
l'intérêt public et j'en ajoute. Ce que vient de nous dire le chef
du Parti libéral, c'est essentiellement ceci: Nous ne pouvons pas
seulement discuter, mais nous devons livrer la marchandise; si nous ne livrons
pas la marchandise, il faudra se préoccuper des conséquences.
C'est à l'examen des conséquences qu'on peut être
amené à promouvoir une loi comme la loi 70, qui fait en sorte
qu'au-delà des discussions que nous devons avoir à la table de
négociation, nous devons nous assurer que ce ne soit pas les plus
démunis, les plus exposés à la crise qui écopent.
C'est ce que nous devons rechercher ensemble. La loi 70 permet la
négociation. Au contraire, elle dit, elle remplace...
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bérubé: La loi 70 dit que toute entente
négociée prévaut sur la loi. Nous devons mettre l'accent
sur la recherche de cette entente puisque, dans la mesure où nous
partageons cette même préoccupation sociale, il y a moyen de
s'entendre. En même temps, je pense qu'il faut protéger nos
concitoyens. Voici la question que j'adresserais, en terminant, aux
intervenants qui sont avec nous aujourd'hui, sachant les choix qui s'offrent
à nous.
Nous avons eu des propositions intéressantes lors du sommet, par
exemple, en ce qui a trait à la relance de l'industrie de la
construction. Elle ne règle pas l'impasse budgétaire, mais elle
va venir en aide à un grand nombre de travailleurs de l'industrie de la
construction. Cette proposition, qui était solidement appuyée
tant par la CSN que par la FTQ, le gouvernement l'a relevée. Elle ne
règle pas l'impasse, mais elle va nous permettre à tout le moins
de venir en aide à l'industrie de la construction et à
l'industrie du bois de sciage qui est mal en point présentement. Cela
est une bonne suggestion. Nous disons qu'il faut mettre
l'accent maintenant sur la recherche de la solution en se disant une
chose, cependant: II ne faut pas que nos concitoyens écopent de la
crise. Il faut prendre tous les moyens pour que ceux qui n'ont pas les
instruments nécessaires pour se défendre aient quand même
des défenseurs qui s'occupent de leurs intérêts. C'est
là-dessus qu'il faut mettre maintenant l'accent.
Ce que j'aimerais connaître de vous, c'est ceci: Comment
voyez-vous la crise à l'heure actuelle et quel genre de proposition
êtes-vous prêts à avancer pour indiquer ce que vous pensez
pouvoir faire pour aider à la solution de la crise?
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît!
Avant de continuer, j'aimerais rappeler que s'il y a trop de
perturbations, je devrai suspendre l'assemblée et ce sera les
différents intervenants, qui sont nos invités aujourd'hui, qui
seront pénalisés.
M. Laberge ou M. Corriveau.
M. Laberge: On va laisser M. Corriveau commencer.
M. Corriveau: Je ne suis pas ici pour faire ce que je
dénonce depuis six mois, c'est-à-dire négocier
publiquement. On est venu présenter un mémoire. Il y a des tables
de négociation qui ont le mandat de négocier et c'est là
qu'il faudrait que cela se fasse. C'est une chose qu'on vous a dite depuis un
certain nombre de mois et que vous tentez... On dirait que vous ne comprenez
pas cette astuce. Arrêtez de négocier au-dessus de la tête
de tout le monde et assoyez-vous à une table de négociation. On
est des Québécois comme tout le monde, on a tout le temps pris
nos responsabilités en tant que travailleurs et travailleuses et je
pense que c'est là que cela va se régler. Même si vous
essayiez par les journaux, par toutes sortes de tribunes de tenter d'en venir
à une entente, c'est à une table de négociation que cela
va se faire. J'espère que le message qu'on vous passe sera compris une
fois pour toutes.
Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.
M. Laberge: Quand le ministre nous dit, M. le Président,
Madame et Messieurs les membres de la commission, que la loi 70 permet la
négociation, il ne faut toujours pas nous charrierl De toute
façon, la loi 70 contient des éléments
épouvantables mais qui ne seraient en vigueur qu'au 1er janvier. Je ne
vois pas pourquoi le gouvernement se garroche les yeux fermés,
tête baissée, pour adopter la loi 70. Qu'est-ce que cela va faire
pour la fin de juin, au mois de juillet et au mois d'août? Vous n'en avez
pas besoin, c'est quelque chose qui va arriver au mois de janvier dites-vous.
Crime! vous l'adopterez au mois de décembre si vous voulez; elle ne sera
pas meilleure, elle sera aussi odieuse, mais d'ici à ce temps-là,
peut-être bien que vous pourriez dire que vous avez essayé de
bonne foi, cela vous ferait changement...
Des voix: Bravo!
M. Laberge: ... et qu'après avoir essayé de bonne
foi, vous en arrivez à la conclusion qu'on ne veut rien savoir et que,
là, le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Laissez-moi
vous dire qu'encore une fois, vous nous avez sorti des affaires... Je pense
qu'on est un peu conscient, parce que du monde en chômage, on en a pas
mal chez nous, on est fort conscient de cela, qu'il y a une crise
économique. Et geler les salaires pour 521 000 000 $, cela ne
créera pas "une maudite job" nulle part. Cela va juste combler
peut-être un trou dans le budget pour cette année, et à
moins qu'on relance la roue de l'économie dans le bon sens, l'an
prochain, vous aurez un autre problème budgétaire. Ce
coup-là, sur qui allez-vous frapper? Si j'étais à la place
des députés, je me "watcherait" en maudit, vous avez l'habitude
de frapper sur ce qu'il y a de plus proche.
M. le Président, soyons réalistes. La loi 70 vient saper
à sa base même le régime de relations du travail. Ne
demandez pas après cela si l'on est prêt à négocier,
à s'asseoir et essayer de trouver des solutions. C'est comme le gars qui
arrive à la banque devant le caissier; il sort son revolver, il le met
sur le comptoir et il dit au gars: J'ai besoin de 2000 $. Le gars dit: On va
négocier. Oui, mais dépêche-toi parce que la police... Le
revolver est toujours sur le comptoir et tu comprends bien que le gars, s'il
entend une sirène de police, il ne prendra pas plus de trois jours pour
négocier. La loi no 70, c'est cela, c'est vraiment une abomination. Je
ne connais pas assez de termes pour la décrire telle que je la vois, et
c'est tout l'avenir des relations du travail au Québec qui est en jeu.
Encore une fois, ça ne se peut pas qu'on soit rendu au gouvernement
à parler comme cela, à dire que la fin justifie les moyens. On a
eu des projets de loi qu'on a trouvés pas mal "tough", des lois
spéciales, mais le gouvernement a le droit de le faire. Il y a le projet
de loi sur les services essentiels; on n'est pas d'accord avec le gouvernement,
mais il a le droit. Les négociations sont censées commencer.
Serrez votre maudit revolver, assoyez-vous, négociez et soyez aussi
"tough" que vous voudrez. On ne sera peut-être pas d'accord, mais au
moins vous aurez le droit de le faire, ce que vous
n'avez pas le droit de faire présentement.
Le Président (M. Bordeleau): M. Gaulin.
M. Gaulin: Je crois qu'il faut se dire que dans notre
société on ne peut pas tout faire au nom de
l'intérêt national. C'est facile d'invoquer l'intérêt
national. On a vu cela lors de la crise d'octobre: c'était au nom de
l'intérêt national. Il y a beaucoup de choses qui peuvent... Moi,
je crois qu'argumenter de cette manière-là, c'est très
dangereux dans notre société.
Nous faisons des distinctions entre des discussions et de la
véritable négociation. Il ne s'agit pas de s'en aller dans un
cadre de discussion en disant: Voici la solution de toute manière,
discutez tant que vous voudrez, la solution c'est celle-là. Nous avons
revendiqué, nous revendiquons de négocier véritablement la
prochaine convention collective. Si le gouvernement veut mettre dans ses
offres, lors de la prochaine convention collective, qu'il va payer ou qu'il va
respecter ses engagements dans la mesure où il aura de l'argent, on le
verra comme proposition patronale et on en discutera.
Ce qu'on nous dit, c'est exactement ceci: le bassin de compressions
maintenant, c'est devenu la rémunération du secteur public. Qu'on
en discute aux tables de négociation de la capacité de payer,
c'est présent dans toutes les rondes de négociations:
capacité de payer de l'État, comparaison entre le secteur
privé et le secteur public, un paquet d'affaires, c'est cela l'objet de
la négociation, mais qu'on aille aux tables de négociation
discuter ou tenir ce discours-là, si on veut tenir ce
discours-là. Ça, c'est le discours de la négociation. Si
on veut discuter de la crise économique, il y a des lieux pour discuter
de la crise économique. On a mis des propositions au sommet, il y en
avait des séries de propositions: utilisation de l'épargne,
certaines formes de taxation. C'en sont des propositions qui demeurent
là. Si on veut discuter de la crise budgétaire entre les
syndicats et les gouvernements, on a dit: Discutons-en de la crise
budgétaire, mais dans le lieu approprié et je crois que, bien
sûr, on ne peut en aucune manière laisser entendre qu'il y a de la
négociation possible dans le cadre d'une loi comme la loi no 70. Au
contraire, il n'y a aucune négociation possible dans le cadre d'une loi
comme celle-là avec la menace qui sera l'arme quotidienne des
négociateurs patronaux. Ce ne sont pas des négociateurs patronaux
qu'on va avoir en face de nous dans un contexte comme cela, ce sont des
messagers qui vont venir livrer la commande, un message; c'est
déjà commencé d'ailleurs.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, monsieur. M. le chef
de l'Opposition.
M. Ryan: II y a un certain nombre de questions que je voudrais
poser aux représentants des centrales syndicales qui sont avec nous
aujourd'hui. Nous avons peu de temps d'ici à l'heure de l'ajournement,
mais je vais quand même en poser une qui me paraît importante, en
guise d'introduction. J'ai noté, dans la lecture du mémoire
d'ouverture que M. Corriveau nous a présenté tout à
l'heure, que vous avez l'impression que le gouvernement n'a pas compris le
signal qui était contenu dans votre déclaration du 10 mai. Vous
avez répondu à M. Lévesque et au gouvernement, le 10 mai,
par des propositions qui contenaient quatre éléments, si mes
souvenirs sont bons. J'ai constaté une chose ce jour-là chez le
président du Conseil du trésor, et je le dis sans aucune
animosité à son endroit, évidemment. Mais il a
peut-être réagi avec précipitation, il a réagi tout
de suite, il a rencontré la presse assez peu de temps après le
dévoilement de la réponse. C'était une attitude
très dangereuse à tenir dans une situation comportant des
implications aussi considérables. Je ne veux pas faire de comparaisons.
Nous autres, des fois, vous trouvez peut-être que cela prend vingt-quatre
heures, mais nous ne sommes pas obligés de changer cela après.
Cela ne conduit pas à des décisions comme celles-là, mais
cela, c'est entre parenthèses.
Je voudrais vous demander, peut-être, de répéter ou
d'expliquer clairement ce que vous vouliez dire par là, vous autres,
quel était le message que vous destiniez au gouvernement.
Peut-être qu'il y a encore une chance qu'il le comprenne à ce
moment-ci.
Le Président (M. Bordeleau): M. Corriveau.
M. Corriveau: Alors, ce sera M. Munn.
Le Président (M. Bordeleau): M. Munn.
M. Munn (Jean-François): Ce qu'on disait dans la
proposition du 10 mai... Évidemment, il y avait des prérequis qui
étaient de l'ordre de ce qu'on répète dans le
mémoire ce matin, à savoir qu'il fallait laisser place à
la libre négociation qui nous apparaît comme un principe
fondamental, libre négociation impliquant qu'on s'engage à
respecter les ententes négociées sur les différents
points. Le point important dans notre proposition qui suivait les
prérequis, c'était le quatrième paragraphe où on
disait: Dans l'éventualité d'une entente sur une convention
collective qui serait acceptée par nos membres, à ce
moment-là, la convention collective pourrait entrer en vigueur avant la
fin de la convention collective actuelle. On suppose qu'en négociation,
il est question de
tous les problèmes que chacune des parties peut amener et que,
s'il y a entente, habituellement, c'est le résultat de compromis
réciproques.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: À moins qu'il y ait des explications
additionnelles que d'autres membres de la délégation voudraient
fournir...
M. Laberge: Juste deux mots. Moi, je trouve cela un peu
drôle qu'il n'ait pas vu l'ouverture parce que les membres chez nous
l'ont vue, je peux vous le dire. En fait, ils la trouvaient tellement grande
l'ouverture qu'on s'est fait semoncer assez sévèrement dans
plusieurs de nos rencontres. L'ouverture, elle était là. Mais,
malgré des prises de bec assez vigoureuses parfois, la vaste
majorité a compris qu'on voulait faire une ouverture, elle était
là et ils ont voté pour.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: À la suite de cette réponse que vous avez
apportée à l'invitation du gouvernement, quelle a
été la réaction du gouvernement? Est-ce que le
gouvernement a fait des démarches pour obtenir des explications de votre
part? Est-ce qu'il y a eu des rencontres? Comment les choses se sont-elles
déroulées après cela?
M. Munn: II y a eu le dépôt de la loi 68, le
dépôt de la loi 70 et il y a eu le budget. Pour compléter,
la seule fois où on a entendu des porte-parole du gouvernement,
ç'a été le lendemain du dépôt de la loi 70,
qui était le troisième élément de la trilogie que
je viens de citer.
M. Ryan: Vous nous apprenez des choses qui me renversent parce
que nous autres, ce que certaines personnes nous rapportaient, c'est que M.
Laberge était toujours en contact avec le gouvernement à propos
de tout. Je m'excuse d'avoir été induit en erreur peut-être
par la presse, je ne sais pas trop, mais... Moi, ça me renverse comme
législateur et comme observateur de ces choses depuis de très
nombreuses années. Vous dites qu'il n'y a pas eu d'autre contact que
cela. Est-ce que de votre côté vous avez fait des démarches
pour obtenir une entrevue avec le premier ministre ou le comité du
cabinet qui s'occupe de ces choses, pour bien leur expliquer le sens de
l'ouverture qui était faite à ce moment?
Le Président (M. Bordeleau): M. Corriveau.
M. Corriveau: Si vous permettez, je pense qu'on en a eu une
dernièrement. Lorsqu'on a parlé de la relance de la construction,
on a eu le plaisir de rencontrer M. Lévesque et M. Parizeau.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.
Il est tout près de 13 heures. Alors, la commission suspend ses travaux
jusqu'à cet après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 55) (Reprise de la
séance à 15 h 08)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le député de Frontenac. À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente des finances et des comptes publics
reprend donc ses travaux. Je pense qu'à notre suspension de ce midi, la
parole était au chef de l'Opposition pour continuer la discussion avec
les représentants des trois centrales syndicales.
M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: M. le Président, je reviens sur la question dont
nous discutions au moment où nous avons suspendu la séance
tantôt. Le 10 mai dernier, selon le témoignage que nous avons
entendu ce matin de la part des dirigeants des centrales syndicales, une
ouverture aurait été faite au gouvernement qui aurait permis
d'engager des négociations véritables dès le mois de juin,
en vue des conventions collectives devant commencer le 1er janvier 1983, et
avec possibilité d'application à la période qui se serait
écoulée entre juin et décembre de cette année. Dans
la déclaration que les centrales syndicales avaient faite le 10 mai
dernier, on énonçait quatre prérequis avant de formuler un
certain nombre de recommandations. J'ai ces éléments devant moi,
mais j'aimerais mieux peut-être que les représentants du monde
syndical nous expliquent ces prérequis qu'ils avaient
énoncés de même que les recommandations qui avaient
été formulées.
Je vais vous dire pourquoi je vous pose cette question. Il y avait
quatre prérequis et cinq recommandations. Je voudrais savoir d'abord la
signification exacte de chacun de ces neuf éléments qui
m'apparaissent inégalement importants. Je voudrais savoir quelle
importance relative vous apportiez et vous accordiez à chacun de ces
éléments. Étaient-ils tous d'égale importance?
Étaient-ils tous aussi indispensables les uns que les autres? Comment
les conceviez-vous? Ou si même cela aurait pu donner lieu à des
rencontres avec le gouvernement en vue de discussions qui auraient pu conduire
à des accords, afin de pouvoir commencer éventuellement les
négociations en bonne et
due forme.
Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.
M. Laberge: M. le Président, si vous voulez commencer par
le premier prérequis le A. Que le gouvernement s'engage à ne pas
modifier unilatéralement les conventions collectives
négociées et signées par les parties incluant les salaires
prévus dans ces conventions. Il me semble que cela est bien clair. Que
le gouvernement ne décide pas tout seul de changer cela. Il y a une
convention, il y a deux parties. L'autre prérequis: qu'on commence les
négociations à compter du début de juin. Troisième
prérequis. Que le gouvernement s'engage à ne pas modifier
unilatéralement - encore le même mot, M. Bérubé, ce
n'est pas trop savant pour vous - et à négocier les
régimes de retraite de la même façon qu'ils l'ont
été dans le passé. Il me semble que, là aussi,
c'est encore bien clair. Je dis au gouvernement: Engagez-vous à ne pas
changer cela tout seul. Venez nous voir. Que le gouvernement libère avec
solde et sans remboursement par la partie syndicale les comités de
négociation. Il n'y a pas eu d'entente là dessus; il y a une
proposition du gouvernement: libération 50%-50%, qui est restée
dans les airs. La partie syndicale n'a pas accepté cela, mais pour votre
information, M. le chef de l'Opposition, les représentants patronaux
sont déjà tous libérés et payés à
100% par le gouvernement.
M. Bérubé: Demandez lui donc si c'est une offre
pour nous en payer la moitié?
M. de Belleval: M. Laberge, êtes-vous prêt à
nous en payer la moitié?
M. Laberge: Pardon.
Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît!
M. de Belleval: Êtes-vous prêt à nous en payer
la moitié?
M. Laberge: Vous avez libéré le monde patronal.
Vous n'étiez pas mal pris pour le monde patronal... Il n'y avait pas
urgence nationale. Il n'y avait rien de cela.
Recommandations: Premièrement, que la négociation des
prochaines conventions collectives commence au début de juin et que les
offres du gouvernement soient déposées au même moment que
nos demandes.
Deuxièmement, que la négociation se déroule dans le
respect des instances syndicales. Évidemment, nous sommes bien
obligés d'aller prendre des votes de temps en temps, nous sommes
obligés de faire cela.
Troisièmement, que l'on favorise les négociations des
priorités tout en s'assurant du maintien des acquis des conventions
collectives actuelles. Évidemment, cela veut dire, pour quelqu'un qui
veut le regarder comme il faut: on comprend qu'on est dans une situation
particulière. Au lieu de négocier comme d'habitude, on est
prêt à y aller sur les questions prioritaires.
Quatrièmement, que seule l'acceptation par les assemblées
syndicales des prochaines conventions collectives négociées, y
compris l'acceptation d'une recommandation - et c'est là que cela
devient très important -quant à la date de leur entrée en
vigueur, puisse mettre fin aux conventions collectives actuelles. Pour traduire
cela pour M. Bérubé: Les conventions collectives auraient
dû normalement commencer le 1er janvier 1983. Quand on prend la peine de
mettre au paragraphe 4, "quant à la date de leur entrée en
vigueur", cela veut dire qu'on laissait ouverte la possibilité que les
nouvelles conventions collectives, au lieu de commencer automatiquement le 1er
janvier 1983, pourraient commencer en décembre, en novembre ou en
octobre ou, je ne sais pas, en septembre, en août ou en juillet 1982. Je
tiens à vous dire que tous nos membres ont vu cela. C'est
là-dessus qu'on s'est fait engueuler. Eux ne l'ont pas vu. (15 h 15)
Cinquièmement, que le gouvernement s'engage à inclure les
établissements privés d'enseignement dans le régime de
négociation du secteur privé. Ce sont les collèges, parce
qu'il y a beaucoup d'enseignants, les universités et les choses
semblables.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Je voudrais maintenant vous demander en quoi la ligne de
conduite retenue jusqu'à maintenant par le gouvernement contredit ces
propositions que vous aviez faites.
M. le Président, c'est parce que je ne voudrais pas me faire
reprocher dans deux mois de ne pas avoir compris. Comme le président du
Conseil du trésor, je prends toutes mes précautions.
Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.
M. Laberge: C'est complètement le contraire, comme vous le
voyez, sauf qu'après plusieurs tergiversations, finalement, une
déclaration de la part du gouvernement a dit: En fait, c'est vrai. Nous
avons des conventions collectives, nous allons les respecter. Ce n'était
pas que toute une déclaration que celle-là!
Deuxièmement, après avoir considéré la
chose, on ne peut pas vraiment mettre à
pied 17 000 employés des secteurs public et parapublic. On va
garder cela en réserve.
Les prérequis, comme vous voyez, ce n'était pas la mer
à boire. L'ouverture était là pour commencer la
négociation, mais on ne l'a pas vue, c'est-à-dire qu'on pourrait
en discuter pendant trois jours et cela ne changera rien. Cela n'a
malheureusement pas été vu dans le temps, peut-être que
cela aurait pu être plus clair, mais il y a une chose qui est sûre:
là, il n'est pas encore trop tard pour le voir. Si ce n'était pas
écrit clairement, on le répète: II y a ouverture, nous
sommes prêts à aller à la table des négociations et
à discuter de la crise budgétaire, mais en même temps
à rencontrer les centrales pour discuter de la crise économique.
On est prêt là. Il me semble qu'il ne doit pas y avoir
d'ambiguïté là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Je ne veux pas du tout me mêler des affaires du
front commun, mais est-ce vraiment l'opinion des dirigeants des trois grandes
centrales qui sont représentées à la table?
M. Laberge: Est-ce que vous croyez que j'aurais osé dire
cela si... Voyons!
M. Ryan: Je vous demande juste de me... M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition,
oui.
M. Ryan: Je veux juste m'assurer de ceci: Tous ces
prérequis et recommandations que vous aviez énoncés,
est-ce qu'ils demeurent exactement les mêmes aujourd'hui? À ce que
j'ai cru comprendre, il y a certains de ces éléments qui n'ont
pas tout à fait la même importance ou la même signification
arithmétique que d'autres.
Le Président (M. Bordeleau): M. Gaulin.
M. Gaulin: Robert Gaulin. La proposition que nous avons
déposée le 10 mai, c'est une proposition qui demeure. Elle est
là. Nous l'avons déposée au coordonnateur du gouvernement
dans ce qui était le cadre de la négociation. Nous croyons que
c'est une excellente proposition pour permettre de faire de la
négociation, si l'on veut faire de la négociation. Il n'y a rien
de changé dans notre proposition. Bien sûr, c'est le début
de juin - on est rendu au 11 - alors, il y a des retards qui seront
causés par les événements que l'on connaît
maintenant.
Quant à l'importance des prérequis ou des propositions qui
sont là-dedans, je crois que cela se discute dans un cadre de
négociation. Les négociateurs du gouvernement auraient pu
facilement venir s'asseoir à la table des négociations et
interroger les coordonnateurs gou- vernementaux et les membres de nos
équipes de négociation sur le contenu, la portée et le
sens de chacune de ces propositions.
Quant aux deux premiers prérequis, quand on dit "de ne pas
modifier unilatéralement les conventions collectives", c'est
fondamental. On s'inscrit dans un processus de négociation en jouant les
règles normales de la négociation ou bien on ne le fait pas. Le
gouvernement a décidé de ne pas le faire, mais cela nous
apparaissait à nous - cela nous apparaît toujours - être les
prérequis pour ouvrir le jeu, si l'on veut jouer les règles de la
négociation, si l'on veut déposer des propositions, des demandes
et amorcer cette négociation des prochaines conventions collectives, la
seule manière de le faire, surtout quand on prétend vouloir le
faire de bonne foi, c'est d'enlever des menaces comme celles qu'on sert depuis
un certain temps.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: J'aurais une précision à demander à
M. Bérubé avant peut-être de poser une nouvelle question a
M. Gaulin. M. Bérubé, président du Conseil du
trésor, quand il a pris connaissance de votre communiqué du 10
mai, a déclaré publiquement qu'il ne voyait pas là-dedans
d'ouverture suffisante pour permettre des négociations fructueuses dans
le délai de temps auquel il devait s'astreindre. Je pense que cela
serait important que M. le ministre donne des précisions cet
après-midi' sur l'interprétation qu'il a donnée à
votre déclaration, les raisons qui ont pu le motiver, et s'il comprend
toujours aujourd'hui vos propos comme il les a compris dans le temps ou s'il
voit des différences à la suite des explications qui ont
été apportées et du temps qui s'est
écoulé.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: II n'y a pas de problème. M. le
Président, je pense que la simple lecture des prérequis est une
réponse finalement. Ce que l'on voit quand on examine les
prérequis un à un, c'est d'abord qu'on s'engage à ne pas
modifier unilatéralement. En d'autres termes, le gouvernement aurait
pris un engagement solennel de ne légiférer en aucune
façon, advenant même un échec des négociations, ce
qui est d'ailleurs contraire à la position même qu'a prise
tantôt le chef de
l'Opposition lorsqu'il a dit: Le gouvernement aurait dû
négocier et, éventuellement, advenant un échec, il aurait
été justifié, je pense, de prendre ses
responsabilités, mais...
M. Ryan: Question de règlement. M. le ministre, si
vous...
M. Bérubé: Est-ce que vous auriez objection, M. le
chef de l'Opposition, peut-être à me laisser répondre,
parce que nous avons l'habitude de nous interrompre continuellement et
d'empêcher chacun d'intervenir, ce qui fait que, finalement, il est
difficile d'avoir un suivi à une réponse?
M. Ryan: Dans la mesure où...
Le Président (M. Bordeleau): Question de règlement,
M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je suis bien prêt
à attendre, cela ne me fait rien. Mais dans la mesure où le
ministre voudra bien éviter d'interpréter de travers les propos
que j'ai pu tenir, ça me ferait bien plaisir de le laisser faire son
exposé sans interruption. Cette fois-ci, le ministre ajoute quelque
chose au prérequis A qui n'est pas là-dedans du tout. Tout le
monde convient qu'une fois que les négociations ont eu lieu de bonne
foi, dans un délai raisonnable, en tenant compte
d'échéances auxquelles ne peut pas échapper
éventuellement un gouvernement pas plus qu'un entrepreneur privé,
il peut y avoir d'autres recours. Le président de la FTQ l'a dit ce
matin.
M. Bérubé: ... ce n'est pas une question de
règlement et c'est exactement ce que j'anticipais...
M. Ryan: Mais en tout cas, vous me faites dire...
M. Bérubé: ... c'est que le chef de l'Opposition
voulait tout simplement m'empêcher d'exposer ma réponse; je n'ai
pas d'objection à ce qu'il ne partage pas ma réponse. Il pourra
alors intervenir, mais je pense qu'il y a un principe de base qui permet
à chaque intervenant de s'exprimer au complet. Vous ne pensez pas, M. le
Président?
M. Ryan: Je crois être le meilleur interprète de ce
que j'ai dit.
M. Grégoire: M. le ministre...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Vous avez parlé tant que vous avez
voulu, laissez parler le ministre; ce n'est pas une question de
règlement. Ouvrez-lui donc un livre des règlements.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le
député de Frontenac.
M. Ryan: II jappe fort, mais il n'est pas dangereux.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, allez-vous
continuer?
M. Bérubé: Donc, essentiellement...
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
M. Bérubé: ... M. le Président, lorsqu'on
examine les prérequis pris un par un, on lit: "S'engage à ne pas
modifier unilatéralement les conventions collectives
négociées et signées par les parties incluant les salaires
prévus à la convention, s'engage à ne pas modifier
également unilatéralement et à négocier des
régimes de retraite de la même façon qu'ils l'ont
été dans le passé." Strictement, ce que ces
prérequis signifiaient, c'est qu'advenant un échec des
négociations le gouvernement devait s'engager à ne pas, par
exemple, si l'intérêt public le dictait, intervenir en utilisant
son pouvoir de législation. Un tel prérequis, je pense, est
inacceptable pour le gouvernement dans la mesure où on ne peut lier le
gouvernement à des discussions sans être en mesure, effectivement,
de savoir ce que donneraient ces discussions.
Or, effectivement, M. Laberge vient de l'indiquer, il y avait une sorte
d'ouverture; si on lit soigneusement entre les lignes, il y avait une
ouverture. Je pense qu'on peut toujours lire des ouvertures entre les lignes
mais, à un moment donné, il faut également répondre
aux questions. La question qui était posée, c'est: II y a une
impasse budgétaire, il y a 521 000 000 $ à aller chercher, il
faut inscrire quelque chose dans le budget; est-ce qu'on inscrit une hausse de
taxes? Est-ce qu'on inscrit des coupures de budget? Est-ce qu'on inscrit une
réduction de la masse salariale? Nous voulons avoir une
réponse.
Quel genre d'assurance y avait-il dans la réponse syndicale qu'il
y avait une acception de remettre en cause 500 000 000 $ d'augmentation de
salaires? Il n'y en avait pas. À la question posée par le
gouvernement, la réponse que nous donnaient les centrales,
c'était non. Il y avait un oui à la négociation, il y
avait un oui à la possibilité d'ouverture mais, strictement
à la question qui était posée on ne peut plus clairement,
quant aux 521 000 000 $ en cause, y avait-il une assurance dans la
réponse qui nous était donnée qu'on s'entendrait et que ce
serait la quote-part
que les travailleurs du secteur public accepteraient de partager?
À cela, il faut dire que c'est une non-acceptation de la demande
gouvernementale et je pense qu'il n'y avait aucun problème
d'interprétation. Que le sens de la réponse syndicale aille du
côté d'une négociation, d'une ouverture, je ne l'ai pas
nié, j'en suis fermement convaincu et je suis convaincu que les
centrales syndicales sont prêtes effectivement à négocier,
mais elles ne nous ont pas dit, en aucun moment, qu'elles étaient
prêtes à accepter la demande gouvernementale. La loi 70...
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
M. Bérubé: ... vient simplement entériner ce
constat et s'assurer que le fardeau ne sera pas reporté sur nos
concitoyens.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: En somme, M. le Président, le président du
Conseil du trésor, au nom du gouvernement, demandait à ses
employés syndiqués des secteurs public et parapublic, à
toutes fins utiles, non seulement de renoncer à leur droit de
négociation - puisqu'il exigeait une réponse sans qu'il y ait eu
de négociation - mais, deuxièmement, d'abandonner même des
droits acquis à l'occasion de la convention négociée il y
a déjà trois ans. C'est cela que vous leur demandiez.
M. Bérubé: C'est la demande qui a été
faite par le gouvernement.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Charlesbourg.
M. de Belleval: M. le Président, la question fondamentale
qui vient de ressortir de nouveau, c'est effectivement la façon dont on
peut s'en sortir tous ensemble, d'ailleurs. On n'a pas le choix, qu'on le
veuille ou non, qu'on soit d'accord ou pas...
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. de Belleval: ... qu'on soit d'accord ou pas sur la
méthode, on est d'accord sur le constat, en tout cas. M. Laberge l'a dit
d'ailleurs tout à l'heure et d'autres aussi l'ont dit, il faut se sortir
d'une impasse budgétaire donnée que le gouvernement
évalue, lui, à environ 600 000 000 $. 521 000 000 $, c'est le
chiffre qu'on demande comme contribution des employés syndiqués.
Globalement, c'est 600 000 000 $ qu'on demande comme compressions salariales,
si on veut, ou ralentissement de la progression de la masse salariale.
Il faut bien voir le diagnostic que le gouvernement a fait de ce
côté, comment il en est arrivé à établir,
d'abord, le chiffre en question; pourquoi on en est arrivé aussi
à la présentation de la loi 70; pourquoi la loi 70, au fond. Je
pense que c'est la question que vous posez, d'ailleurs.
Le budget a été préparé à partir des
éléments principaux suivants: d'abord, on a effectué des
augmentations d'impôt sur une base annuelle de 1 300 000 000 $ pour
essayer de boucler le budget 1982-1983. 1 300 000 000 $ d'augmentation
d'impôt. On sait très bien que ce n'est pas une décision
facile par les temps qui courent d'imposer une pareille ponction
supplémentaire sur l'ensemble des Québécois dans le
contexte historique du fardeau fiscal des Québécois et encore
plus dans le contexte de la crise économique actuelle. Tout de
même on a pensé qu'il fallait faire cela. On a imposé des
impôts supplémentaires de 1 300 000 000 $. (15 h 30)
On a essayé aussi de le faire dans le contexte suivant où
au fil des années on s'est efforcés d'alléger le fardeau
fiscal des petits salariés au Québec et d'augmenter le fardeau
fiscal des plus hauts salariés, conformément à des
principes qu'on partage de ce point de vue. Je pense que sur cela non plus on
n'a pas de querelle. Je veux juste donner un exemple de ceci. Quand on est
arrivés au pouvoir les Québécois payaient en moyenne 20%
de plus d'impôt que les Ontariens; je parle des particuliers. On sait que
jusqu'à la veille de la crise actuelle on avait réussi à
ramener cet écart à 10% globalement. Plus spécifiquement,
on avait réussi à éliminer l'écart qui existait
entre la surcharge d'impôt payée par le Québécois
moyen, celui qui est au salaire industriel moyen canadien, celui qui gagne
actuellement cette année autour de 20 000 $ à 22 000 $... On
avait réussi à éliminer cet écart. De fait,
actuellement, le Québécois moyen qui a un salaire d'environ 20
000 $ à 22 000 $ paie moins d'impôt maintenant qu'en Ontario,
alors que lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1976 tous les
Québécois sans exception payaient plus d'impôt qu'en
Ontario. Par contre le Québécois qui a des revenus plus
élevés, supérieurs à 35 000 $ à 40 000 $,
c'est vrai que son écart relativement à l'Ontario s'est agrandi
depuis 1976.
J'explique cela afin de démontrer le cheminement que l'on a pris
pour essayer de mieux répartir le fardeau fiscal au Québec entre
les plus petits salariés et les plus hauts salariés. On a
éliminé aussi des taxes très régressives comme la
taxe de vente sur les produits essentiels et des choses comme cela. Ceci
étant dit, malgré tout on a été
obligés, pour boucler notre budget en 1982-1983, d'augmenter les
impôts de 1 300 000 000 $ et d'essayer de le répartir le mieux
possible.
De ce point de vue aussi mentionnons que les entreprises, pendant ce
temps, ont vu leur fardeau fiscal relativement à l'Ontario augmenter
durant les dernières années. Elles payaient le même fardeau
fiscal que l'Ontario en 1976 et on se retrouve cette année au milieu de
la crise. À la veille de la crise elles payaient environ 5% de plus
qu'en Ontario. Maintenant, à cause de la crise, elles vont payer cette
année 15% de plus d'impôt que l'Ontario. Je pense que de ce
côté aussi on démontre qu'on a essayé de faire
partager le fardeau aux entreprises, en tout cas à celles qui font des
profits. On ne peut pas taxer les profits des entreprises qui ne font pas de
bénéfices. Celles qui font des profits actuellement payent 15% de
plus d'impôt qu'en Ontario alors qu'elles payaient le même fardeau
en 1976. Malgré cela on sait qu'on avait quand même, pour boucler
notre budget, un écart considérable entre nos revenus et nos
dépenses. Alors, on a comprimé nos dépenses. Cette
année, pour comprimer ces dépenses, pour boucler notre budget, on
a comprimé les dépenses sur une base cumulative de 1 400 000 000
$. Ce ne sont pas des petits montants. Plus 1 300 000 000 $ d'impôt,
moins 1 400 000 000 $ de dépenses. 800 000 000 $ l'an dernier, c'est
cumulatif, plus 600 000 000 $ cette année, cela fait bien 1 400 000 000
$ de compressions. Vous savez tous, on sait tous ce que ces compressions
veulent dire. Ce ne sont pas des compressions théoriques. On sait que ce
sont des compressions très concrètes, puisque vos membres, entre
autres, sont en mesure de témoigner que cela cause des problèmes
dans leur milieu de travail. Les Québécois en
général savent que cela cause des problèmes.
Évidemment, cela demande des réajustements auxquels on
n'était pas habitué.
Pendant ce temps, on a aussi porté l'impasse budgétaire
à son maximum. On a emprunté des sommes considérables. Les
besoins financiers nets ont été portés autour de 2 000 000
000 $ trois années consécutivement, justement pour maximiser
d'abord l'effet du budget sur le plan du développement économique
et aussi pour nous permettre quand même de poursuivre les objectifs qu'on
s'était donnés en matière de réduction
d'impôt et de ne pas aggraver les compressions budgétaires
au-delà de ce qu'il était raisonnable de faire.
Il reste qu'on est allé vraiment au maximum de nos
possibilités d'emprunt et il y a beaucoup d'économistes qui ont
dit que, de ce point de vue, on avait été le seul gouvernement
à avoir une politique de stimulation sur le plan budgétaire en
utilisant le déficit justement comme stimulant économique en
période de basse conjoncture. C'est un diagnostic que vos
économistes et les nôtres partagent, je pense. En tout cas, j'ai
entendu certains des vôtres exprimer leur accord de ce point de vue
là.
Une fois qu'on a eu fini tout cela, on s'est retrouvé,
malgré tout, avec un trou d'environ 600 000 000 000 $.
Une voix: 600 000 000 $.
M. de Belleval: 600 000 000 $, excusez, et même si le
chiffre est moins élevé que 6 000 000 000 $, cela reste quand
même un gros chiffre. S'il fallait compter 600 000 000 $ ici, on
passerait pas mal de siècles à les compter tous ensemble. 600 000
000 $, c'est quelque chose. Il nous manquait encore, après avoir tout
fait cela, 600 000 000 $. Alors, on s'est dit: Qu'est-ce qu'on fait? Je pense
que vos représentants auront la possibilité tantôt
d'exprimer leur point de vue. J'essaie quand même, du mieux que je peux,
d'exposer les contraintes dans lesquelles on était placé et de
quelle façon d'ailleurs on a fait face à ces contraintes au fil
des années. On s'est dit aussi qu'il était important qu'on
dégage la marge de manoeuvre la plus grande possible pour l'utiliser sur
le plan de la relance économique, ou enfin du maintien de l'emploi ou de
la sauvegarde des emplois existants.
Je voudrais répondre d'une certaine façon à ce que
disait M. Laberge tantôt, lorsqu'il disait: Oui, mais effectuer une
coupure de salaire dans le secteur public, cela ne donne pas
nécessairement d'emploi à un travailleur du secteur privé,
cela ne donne pas nécessairement quelque chose à un travailleur
du secteur privé. Il a raison théoriquement, mais, pratiquement,
concrètement, si on utilise la marge de manoeuvre sur le plan
budgétaire qu'on obtient par une diminution de nos dépenses
salariales, si on l'utilise pour un programme de relance économique,
comme celui qu'on a annoncé, par exemple, avant-hier, vous admettrez
qu'on fait bon usage des sommes qu'on dégage, parce que cela nous permet
de remettre au travail, même si c'est temporairement - on fait ce qu'on
peut comme gouvernement provincial - cela nous permet de remettre au travail
quelques-uns de vos membres dans les syndicats du secteur privé qui ont
épuisé même leurs prestations d'assurance-chômage
à l'occasion, et qui sont rendus, comme vous l'avez dit tantôt,
sur le bien-être social.
Donc, de ce côté-là, on utilise correctement notre
marge de manoeuvre. On aimerait avoir une marge de manoeuvre plus grande, mais
on s'est dit: Pour créer cette marge de manoeuvre la plus grande
possible, une fois qu'on a augmenté les impôts comme on l'a fait,
une fois qu'on a diminué nos dépenses comme on l'a fait, une fois
qu'on a
emprunté autant qu'on l'a fait, qui d'autre peut nous permettre
de boucler le budget et de dégager la plus grande marge de manoeuvre
possible pour remettre au travail des travailleurs du secteur privé qui
ont perdu leur emploi? On s'est dit: Ceux qui peuvent faire un effort de ce
côté-là dans le contexte actuel, ce sont les
salariés du secteur public.
Pour des raisons sur lesquelles je ne veux pas revenir ici, on peut
encore être en désaccord sur certaines analyses qui se font, sur
l'écart qui existe entre le secteur public et le secteur privé,
mais on est d'accord, je pense bien, pour dire que dans l'état actuel
des choses, avec la sécurité d'emploi pour les travailleurs
réguliers, etc., vous êtes à même de le faire
d'ailleurs, quand on compare le sort qui est donné à nos
travailleurs du secteur public par rapport aux travailleurs du secteur
privé, on a pensé que ce serait conforme à nos objectifs
sociaux comme aux vôtres de demander à ces travailleurs de faire
un effort. On s'est dit qu'on pourrait faire cet effort de la façon
suivante: C'est que les plus bas salariés, parce que même si les
gens qui ont un emploi dans le secteur public actuellement sont, d'une certaine
façon, favorisés par rapport aux autres, c'est évident
qu'à 13 000 $, 14 000 $ et 15 000 $ par année, ce n'est pas le
pactole, ce n'est pas le Pérou.
Même si on demande un effort à tout le monde, il est normal
qu'on essaie, malgré tout, de protéger le plus possible le
pouvoir d'achat des petits salariés. C'est conforme d'ailleurs à
des objectifs qu'on partage de réduire les écarts autant que
possible entre les plus bas et les plus hauts en temps normal, encore plus
évidemment en temps de crise. C'est ce qui nous a amenés à
vous faire la proposition qu'on vous a faite, de moduler les restrictions
salariales et de répartir les 400 000 000 $ ou 500 000 000 $ qui restent
quand même disponibles pour des augmentations, de les répartir
à toutes fins utiles en protégeant presque complètement,
ou complètement, je pense, les bas salariés entre 13 000 $ et 20
000 $, en allant en déclinant vers les plus hauts.
Je pense que sur la méthodologie, de ce point de vue, cela
rejoint des objectifs communs. Mais là où cela ne marche pas,
c'est que vous dites: Oui, c'est bien beau, mais on aimerait pouvoir
négocier cela, le montant sans doute. J'en arrive à mes
interrogations. J'aimerais qu'on essaie d'éclaircir nos points de vue
relatifs là-dessus.
D'abord, j'aimerais avoir vos commentaires sur l'analyse que je viens de
faire. Est-ce que c'est une analyse qui vous apparaît valable ou pas?
Est-ce qu'il y a des points là-dedans qui vous apparaissent
contestables, est-ce que vous trouvez qu'il y a des aspects là-dedans
qui sont mal posés? Deuxièmement, étant entendu qu'il faut
qu'on dépose un budget, on ne peut pas laisser un trou dans le budget de
500 000 000 $ à 600 000 000 $ comme cela en laissant le budget une patte
en l'air. Compte tenu des délais qui étaient en cause, on s'est
dit: On va prendre nos responsabilités et on va indiquer d'avance
où on va les trouver ces 500 000 000 $, comment est-ce qu'on va le
boucler, ce budget. De cette façon, on cause de l'analyse que l'on a
faite? Est-ce que cela vous apparaît un sacrifice, une contribution trop
grande? Est-ce que 520 000 000 $, cela vous apparaît trop grand, trop
fort, c'est trop demandé? Je vous pose la question: Compte tenu aussi du
fait qu'on a besoin de la marge de manoeuvre la plus grande pour relancer
l'économie, maintenir l'emploi des autres, n'oublions pas que toute
ponction additionnelle que l'on ferait, ce serait autant d'argent de moins pour
justement la relance économique, pour créer d'autres emplois.
Par exemple, dans le plan de relance de M. Landry, hier, on a mis 160
000 000 $. Si l'on pouvait économiser un autre 40 000 000 $ quelque
part, je pense bien qu'on serait d'accord pour dire que la priorité,
c'est de les mettre dans le fonds de relance. Plutôt que de remettre
à l'ouvrage 25 000 personnes on en mettrait 30 000. Si on avait un autre
100 000 000 $ ailleurs, si l'on pouvait emprunter 100 000 000 $ de plus, si
l'on pouvait taxer les Québécois de 100 000 000 $ de plus ou si
vous acceptiez de faire une contribution de plus de 520 000 000 $, cela serait
autant qu'on devrait mettre dans le fonds de relance pour créer encore
plus d'emplois pour mettre à l'ouvrage des travailleurs de la CSD, de la
FTQ ou de la CSN dans le secteur privé, qui sont actuellement
privés d'emploi. Est-ce que cela vous apparaît une façon
correcte d'envisager les choses? Quant à nous, on peut s'être
trompés, on peut être tout de travers, mais on a pensé que
c'était comme cela que les choses devaient se présenter. On
pensait que dans ce contexte, sur beaucoup de ces éléments
d'analyse, on se rejoignait, on était sur la même longueur d'onde,
qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge, avant de vous
donner la parole, j'aimerais rappeler à l'assistance que
j'apprécierais un peu plus de calme parce que c'est pour le
mieux-être de tout le monde ici. Nous sommes ici pour entendre les
représentants d'organismes et je voudrais bien qu'on les entende; si
l'atmosphère fait qu'on ne peut plus les entendre, je vais devoir
suspendre les travaux tout simplement, chose que je ne voudrais pas faire.
Alors, je demanderais un peu plus de... S'il vous plaît;
M. Laberge.
M. Laberge: M. le Président, avant d'essayer de
répondre à la question du ministre, j'aimerais demander aux gens
ici, en arrière de nous et sur les côtés, de bien vouloir
porter attention parce qu'on ne voudrait pas non plus que cela se termine en
queue de poisson. Quant à moi, il me semble qu'on traverse une
période tellement difficile qu'on n'a pas le droit de négliger
toute possibilité d'en arriver, sinon à se comprendre, du moins
à s'entendre. (15 h 45)
Ce que vous faites - enfin ce n'est pas la première fois qu'on
fait l'exercice, M. Bérubé l'a déjà fait avec sa
petite craie et son tableau et... Bon - ce n'est pas offusquant pour nous,
c'est ce que tous les patrons font à toutes les négociations que
nous faisons, mais c'est à la table des négociations que cela se
fait. Ils arrivent avec leur budget et ils plaident l'incapacité de
payer, ils plaident que leur personnel est trop payé, qu'ils ont trop de
personnel, que la productivité est trop basse. Cela se fait
régulièrement à toutes les négociations, mais
ça se fait en négociations. Là, vous m'arrivez avec une
analyse comme celle-là. Si cela se faisait en négociations chez
nous, les coordonnateurs se retourneraient vers nos économistes, vers le
monde qu'on a, on vérifierait les chiffres, on arriverait et on dirait:
Cela nous semble, toute proportion gardée, assez correct. D'ailleurs, on
n'a jamais remis en question les 521 000 000 $.
En fait, c'est vous qui nous avez dit que l'an dernier vous aviez eu un
autre trou de 500 000 000 $ dans le budget de l'Éducation. Ce n'est pas
moi qui l'ai dit, c'est vous qui nous avez dit cela. Il n'y a pas eu de loi
spéciale, il n'y a pas eu de remise en question des conventions
collectives. On a un peu de misère à comprendre cela, mais
à l'analyse, froidement, en supposant qu'on pourrait trouver de petites
différences, mais en supposant que vous arrivez à 521 000 000 $,
parfaitl D'accord. Comment fait-on pour combler la différence? Moi, je
ne suis pas ici pour négocier et ce n'est pas mon mandat, mais il y a
une chose qui est certaine: Si le gouvernement avait essayé de
négocier, et c'est ce qu'on a dit il y a plusieurs mois avant qu'on
entreprenne la tournée, les trois centrales ensemble, on a dit: Que le
gouvernement nous arrive très honnêtement, on ne discute toujours
pas avec l'entreprise privée qui essaie de faire des profits; que le
gouvernement mette cartes sur table, qu'on regarde l'ampleur du
problème, qu'on regarde tout cela ensemble. Pas nous annoncer une
coupure dans le fonds de retraite, une coupure dans les échelons et une
autre coupure après cela dans les salaires; qu'on regarde tout
l'ensemble et qu'on voie ce qu'il y a moyen de faire.
Lorsque arrive le temps de négocier dans une crise
économique, il est bien évident que nous sommes moins bien
placés pour négocier des améliorations aux conventions
collectives que lorsque l'entreprise est florissante et que tout va bien, bien
sûr. Mais encore là, une fois qu'on a les chiffres, on s'assoie et
on en discute. Mais l'attitude du gouvernement, que voulez-vous que je vous
dise, ce n'est pas ma faute, ça été tout le contraire.
Vous avez commencé par établir vos besoins et vous avez dit
après: Cela nous les prend. Nous autres, on a regardé et on ne
peut pas aller les chercher ailleurs; c'est dans vos poches qu'on va les
chercher. D'ailleurs, je pourrais vous donner le nom d'un de mes interlocuteurs
une fois au téléphone qui m'a dit de façon très
gentille, et cela prédispose pour les négociations: On a
décidé qu'on a besoin de 521 000 000 $ et c'est dans vos poches
qu'on va les chercher. Que vous aimiez cela ou que vous n'aimiez pas cela,
d'une façon ou d'une autre, on va les chercher. Tu comprends que,
lorsqu'on prend un langage comme celui-là, il ne faut pas après
se demander pourquoi l'autre partie semble moins réceptive.
Il y a un besoin. Si le gouvernement avait dit: On est prêt
à vous rencontrer, on a établi le besoin, par exemple, au sommet
économique de Québec. Les centrales syndicales, je pense, ont
laissé entendre qu'on était prêts nous aussi à
regarder et la situation économique, et la crise économique, et
la crise budgétaire, et voir ce qu'il y a moyen de faire comme citoyens
du Québec. Je pense qu'on est des citoyens du Québec à
part entière, comme les membres du gouvernement et les membres de
l'Opposition, et ça nous intéresse autant que n'importe qui, sauf
qu'il faut quand même se rendre à l'évidence que ce ne sont
pas les travailleurs qui ont causé la crise. Bien sûr, il y a des
relents à la crise de l'international, il y a des relents de Reagan, il
y a des relents de Trudeau, puis il y a des relents peut-être bien de
nous autres aussi un peu ici au Québec, mais une fois qu'on a tout mis
cela ensemble, regardons la situation et essayons ensemble de négocier.
On ne cesse pas de répéter cela, mais la loi no 70 vient mettre
un bâton dans les roues et, si je vous comprends bien, vous dites: Cela
nous prend ça absolument. Autrement, êtes-vous prêts -
encore à midi, en "lunchant", on a eu l'occasion de rencontrer quelques
membres de la commission parlementaire - seriez-vous prêts à nous
garantir le 521 000 000 $? Voyons donc! On ne peut pas penser à la
négociation. S'il fallait qu'on demande à un employeur avant de
commencer les négociations: on demande 1,50$ l'heure d'augmentation,
êtes-vous prêts à nous garantir que vous allez nous
l'accorder? Autrement, on ne négocie pas.
M. de Belleval: Mais M. Laberge, justement sur ce point...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Charlesbourg.
M. de Belleval: ... vous avez raison dans le contexte où
vous donnez votre exemple, mais le problème, c'est que, nous, on est
dans un contexte budgétaire où il faut fermer le budget, on ne
peut pas laisser le budget avec un trou de 600 000 000 $ et se demander
d'où est-ce qu'il va venir ce 600 000 000 $?
M. Laberge: Vous ne pouvez pas faire ça.
M. de Belleval: On ne peut pas faire ça. Et vous savez que
la loi de l'administration financière exige que le budget soit clos
à un moment donné. Il faut dire, dans le budget, où on va
dépenser l'argent et d'où vont nous venir les revenus. On ne peut
pas laisser flotter dans l'air un trou de 600 000 000 $, en disant: Eh! Bien,
on ne sait pas comment on va aller chercher cela. Cela va dépendre. On
va s'asseoir avec les chefs syndicaux et, si cela va bien, ils vont nous
permettre d'aller chercher 520 000 000 $ dans les augmentations de salaires
proposées. C'est comme ça qu'on va le régler. Mais la
question est que si ça ne marche pas, qu'est-ce qu'on répond? On
répond comme M. Ryan: Bien là, vous allez passer une loi et cela
va être comme cela et, de toute façon cela va être 520 000
000 $. Ou bien, on dit aux Québécois: Écoutez, sur une
période de trois mois, on ne s'entend pas et on respecte le
prérequis syndical selon lequel il ne faut toucher à rien
unilatéralement et cela ouvre jusqu'après le 1er janvier, compte
tenu de l'argumentation syndicale sur le Code du travail et tout ça.
Bien, cela veut dire qu'on leur impose une augmentation d'impôt
supplémentaire de 2,4 milliards de dollars sur une base annuelle pour
trouver les 600 000 000 $ qui nous manquent entre le 1er janvier et le 31 mars.
Cela, c'en est une maudite épée de Damoclès.
M. Laberge: Bon, et puis là, vous dites: on a
rencontré les centrales, on a essayé de négocier de bonne
foi et elles ne veulent rien savoir de nous, elles nous envoient promener,
alors on n'a pas le bhoix, on augmente vos impôts de 10%. Pourrais-je
vous dire que nous autres, on n'a pas de chauffeur privé, costumé
pour nous protéger, et qu'on se promène dans la rue tous les
jours? Je n'aimerais pas être placé dans une telle situation. Moi,
quand un gars me court après et qu'il me rejoint, je n'ai pas les jambes
longues, je n'ai pas de policiers pour me défendre, je suis
obligé de faire cela tout seul. D'accord? On n'est pas plus niaiseux que
qui que ce soit d'autre, on le sait, on comprend tout ça, mais le moins
que vous auriez pu faire, c'est de vous asseoir et essayer de négocier,
puis de voir s'il est vrai que les centrales syndicales sont intransigeantes ou
ne veulent rien savoir. Puis, une fois que vous aurez essayé et si c'est
cela la réponse, bien là, vous le direz et on prendra notre
biscuit.
Mais de la manière dont vous agissez, c'est vous autres qui
êtes d'une intransigeance épouvantable, incroyable, condamnable.
Vous dites: le revolver est sur la table vous nous donnez 521 000 000 $ ou on
vous le prend. Si c'est cela que vous appelez de la négociation, vous et
moi avons besoin de retourner à l'école, parce qu'on ne se
comprend plus du tout.
M. de Belleval: M. Laberge, ceci étant dit, c'est bien
beau...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Charlesbourg.
M. de Belleval: On pourrait bien échanger comme cela
indéfiniment. Il n'en reste pas moins qu'il faut qu'on dise aux
Québécois, nous du gouvernement, nous avons la
responsabilité et l'obligation de le faire, comment on va boucler le
budget? Et je vous ai expliqué tantôt pourquoi on en était
arrivé à leur dire, aux Québécois comme à
vous autres, comment on allait boucler le budget. On pense que c'est la
solution la plus équitable, la plus socialement juste, compte tenu, je
vous l'ai dit, des impôts supplémentaires qu'on a
déjà haussés, des compressions qu'on a faites et des
emprunts qu'on a contractés. Je pense que, là-dessus, il me
semble qu'on soit plus honnête avec tout le monde et c'est justement le
contraire de mettre un revolver sur la tempe de quelqu'un que de lui exposer,
avec tous les livres sur la table, dans quelle situation on est et de lui
expliquer comment on pense s'en sortir de la façon la plus juste et la
plus équitable possible. Il me semble que cela, c'est fort
différent de ce que bien d'autres gouvernements auraient fait,
peut-être d'une façon vraiment hypocrite, en laissant planer bien
des doutes et, à la fin, en disant: Boum! bien, c'est comme
ça.
Il me semble que c'est une façon plus civilisée de faire
les choses qu'essayer de défendre nos positions sur le fond plutôt
que d'essayer de jouer au fou et de faire accroire qu'on va aller trouver 600
000 000 $ de plus dans les poches des contribuables, qu'on va pouvoir emprunter
600 000 000 $ de plus ou qu'on va faire des compressions de 600 000 000 $ de
plus et s'enlever tout moyen de trouver le peu de
marge de manoeuvre qu'on ait pour remettre du monde au travail et qui
sont vos propres syndiqués à part cela. Il me semble que c'est
plus honnête de faire cela. C'est plus valable socialement que de jouer
aux fous. C'est cela qu'on a fait.
Le Président (M. Bordeleau): M. Corriveau.
M. Corriveau: M. le Président, au nom de
l'honnêteté, on peut faire pas mal de choses. Il y a une chose que
je peux vous dire, des commentaires que je peux transmettre: Ôtez vos
lois, dirigez-vous à une table de négociation où la bonne
foi régnera. Après, vous pourrez nous dire les mêmes propos
que vous tenez. Vous ne les faites pas ces démarches. Quelles craintes
ou quoi vous engagent à ne pas faire cela? C'est cela que je trouve
vraiment curieux. On vous l'a demandé, on vous l'a dite cette chose,
mais vous ne semblez pas sympathiser avec cette démarche. Qu'est-ce que
cela prendrait pour vous le faire faire?
M. de Belleval: On comprend cela, on est d'accord.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, s'il
vous plaît!
M. Corriveau: Écoutez bien. Quand vous dites que vous
êtes d'accord, vous l'êtes certainement. Mais allez vous asseoir
à une table de négociation, ôtez vos lois et la bonne foi
va être là. C'est cela qui devrait régner. Actuellement on
vous le dit, nous, notre bonne foi est là, mais c'est la vôtre qui
n'y est pas. Mettez-la là-bas et on va aller négocier.
M. de Belleval: Le problème, M. Corriveau...
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
M. de Belleval: On est d'accord avec l'analyse de ce point de
vue. Le problème, c'est qu'il faut boucler le budget. On ne peut pas
laisser le budget en l'air comme cela. Vous le savez.
M. Corriveau: M. de Belleval, je ne négocierai pas ici. On
vous l'a dit que les négociations devraient se faire à une table.
Rapportez-vous à la table de négociation, mettez-y de la bonne
foi, retirez vos lois et après on se reparlera. Faites-le ce bout de
chemin.
Le Président (M. Bordeleau): M. Gaulin. Ensuite M.
Laberge.
M. Gaulin: M. le Président, je ne peux pas marcher dans le
débat, tel que M. de Belleval le présente. On essaie de ramener
cela à un débat de comptabilité, fût-elle nationale,
alors que le gouvernement a fait des choix politiques. On ne peut pas
être indifférent au choix des méthodes. Vous semblez vous
dire indifférents au choix des méthodes.
On peut mettre à feu le régime de relations du travail au
Québec, on peut s'orienter et se diriger sur la voie de l'affrontement.
Allons-y peu importe, pourvu que cela donne 521 0D0 000 $ dans le budget du
gouvernement. Le débat sur les impôts peut se faire dans la
société, on est prêts à participer à cela. Il
y a des marges de manoeuvre en termes d'imposition au Québec. On a
suggéré toute une série de propositions, dans le cadre du
sommet, qui permettaient de débattre de l'impôt. Les gens au
Québec sont prêts, en échange de services, bien sûr,
à regarder des choses. Je connais bien des gens qui aimeraient mieux
payer un peu plus d'impôt et payer moins cher pour des services publics
ou des services privés, quand ils ne sont pas publics. Cela fait partie
des débats.
Les comparaisons entre le Québec et l'Ontario, cela peut s'amener
aux tables de négociation. Cela fait 20 ans qu'on attend cela. À
chacune des rondes de négociations, on en a fait des comparaisons. Le
meilleur endroit pour en discuter, c'est la table de négociation. Vous
avez un projet de loi qui est éminemment politique et qui a fait des
choix dans tout cela. Vous avez décidé, par exemple, de ne pas
toucher à la Sûreté provinciale, aux politiciens et aux
juges et de préserver un certain appareil. Vous avez choisi des cibles,
des catégories de travailleurs, dans le secteur public. Vous avez dit:
c'est cette catégorie qui va payer. Vous avez décidé
d'attaquer les régimes de retraite du secteur public, alors qu'il n'y a
pas d'urgence et qu'il y avait une négociation qui s'en venait sur ces
éléments. Il y avait des possibilités, des débats
à faire sur tout le domaine de la fiscalité.
Je crois que l'option qui a été faite par le gouvernement,
c'est l'option de la fatalité. On a dit: on va régler cela d'une
manière plus sûre pour nous et de cette manière, peu
importe le prix que cela va coûter. En même temps on écrit
dans le discours sur le budget - je faisais allusion à cela ce matin -
que le gouvernement aurait récupéré 2 300 000 000 $ ou que
cela aurait coûté 2 300 000 000 $ pour les conventions collectives
cette annnée, avec l'ancien régime, si on avait continué
les conditions de travail. En même temps qu'on met ces gros chiffres
comme résultat de la libre négociation, on est prêt
à tout faire sauter pour 52 000 000 $. Je ne comprends pas la logique de
tout cela. Si la négociation permet au gouvernement d'atteindre
certains
de ses objectifs, est-ce que ce n'est pas le meilleur moyen pour
discuter et déterminer des conditions de travail qui seront
acceptées mutuellement par les parties, pour s'assurer du fonctionnement
harmonieux d'un régime de travail et pour s'assurer d'une certaine
productivité, si on conteste la productivité des travailleurs du
secteur public? Là, on va parler de productivité des
travailleurs, on va vouloir améliorer la productivité des
travailleurs et on les harcèle et on les menace et on les accuse de
toutes sortes de choses. On les méprise quasiment à longueur de
journée depuis des mois. Il me semble que lorsqu'on a des objectifs, il
faut prendre des moyens qui ne permettent pas juste de boucler le budget dans
six mois, mais qui permettent d'atteindre ces objectifs. Ce qu'on vous dit,
c'est que les moyens que vous utilisez sont importants, parce qu'ils remettent
en cause des principes fondamentaux dans notre société et qu'ils
ne permettront pas au gouvernement d'atteindre ses objectifs. (16 heures)
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre, si
vous voulez réagir et ensuite M. Laberge.
M. Bérubé: M. Gaulin a soulevé le
problème de la Sûreté du Québec. Il y en a d'autres.
Je vais les mentionner rapidement. Il y a une décision que le
gouvernement a prise et je pense que vous ne me la reprocherez pas
celle-là. C'est de ne pas rouvrir les conventions collectives en cours.
Or, la Sûreté du Québec...
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
M. Bérubé: Donc, de ne pas modifier les conventions
avant leur échéance. C'est la décision que le gouvernement
a prise. La Sûreté du Québec a une convention qui la
mène jusqu'à la fin de 1983. Donc, nous ne la touchons pas. Quant
aux juges, ils sont touchés, parce que le salaire des juges est
accroché à la rémunération des cadres du
gouvernement oui, comme vous le savez n'auront aucune augmentation de salaire,
se situant dans la fourchette de salaire supérieure.
Quant aux agents de la paix, ils sont présentement en voie de
négociations. On est tous au courant du problème qu'on a eu avec
les affiliations syndicales et les agents de la paix n'ont pas de convention
collective présentement. Par conséquent, c'est à la table
des négociations où ils sont présentement en train denégocier, que se fait la discussion.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Laberge, si vous voulez compléter.
M. Laberge: M. le Président, je tiens à vous dire
que je ne m'associe pas du tout à cette discussion. Je ne veux pas que
cela passe sur notre dos qu'on vous ait demandé de charger les
policiers. J'ai souvent affaire à eux. Comme on n'a pas beaucoup d'amis
dans la magistrature, alors nous parlerons d'autre chose. Toute votre analyse,
M. de Belleval, quitte évidemment à vérifier chacun des
articles mentionnés, me semble pensée, raisonnée, etc. Je
comprends que le gouvernement pouvait avoir déterminé qu'il
devait montrer ses couleurs. Est-ce que ce sera par des augmentations
d'impôt encore plus drastiques? Est-ce que ce sera par des coupures de
services encore plus drastiques -ce ne sont plus des compressions, ce sont des
coupures de services et encore plus drastiques - ou en allant dans la masse
salariale des secteurs public et parapublic?
Vous dites que la population se devait de savoir où le
gouvernement se dirigeait. J'ai l'impression que la population le sait et nous
aussi. Vous avez le projet de loi 70 qui doit prendre effet le 1er janvier
1983. Donnez-moi une seule explication logique pour qu'il faille absolument que
le projet de loi 70 soit adopté avant les vacances d'été,
vu qu'il ne prendra effet que le 1er janvier 1983. Donnez-moi une seule
explication logique à cela, une seule!
Le Président (M. Bordeleau): M. de Belleval?
M. de Belleval: J'ai déjà répondu à
votre question, M. Laberge. On a un processus budgétaire qui est
encadré par une loi qui nous est propre, bien sûr, au
Québec, la Loi de l'administration financière. De ce
côté, on suit de toute façon ce qui est, d'ailleurs, la
tradition, mais ce qui est aussi dans les lois de la plupart des pays avec
lesquels nous sommes voisins. Il faut qu'à tous les ans, le gouvernement
présente un budget, il faut qu'il indique, à tous les ans dans
une loi et dans les lois ancillaires s'il a besoin de lois ancillaires pour
concrétiser la loi budgétaire comme telle où il prendra
ses revenus et quelles dépenses il fera. Il ne peut pas laisser les
choses en suspens en disant: il nous manque tant d'argent et on ne sait pas
où nous irons le chercher. On aimerait bien aller le chercher là,
mais cela va dépendre. On ne peut pas faire cela. Cependant, une fois
que nos couleurs sont annoncées, de ce point de vue, il n'y a rien qui
nous empêche, une fois qu'on a mis le point final, l'espèce de
limite au-delà de laquelle on ne peut pas aller, qui ferme, disons, le
budget, il n'y a rien qui nous empêche en cours d'exercice et même
dans nos lois - et c'est ce qu'on fait dans la loi 70 - de dire que toute autre
façon qui nous permettrait d'atteindre les mêmes équilibres
peut aussi être employée. Légalement c'est
valable, c'est conforme au principe de la Loi sur l'administration
financière.
C'est ce qu'on fait au fond dans le projet de loi. On dit: Si on
s'entend, par ailleurs, sur toute autre façon d'arriver au "bottom
line", au fond du baril, si on veut, une fois que les équilibres sont
définitifs, une fois qu'on sait d'où viennent les revenus et
où vont les dépenses à l'intérieur du projet de loi
on peut le faire. C'est pour cela que la négociation qu'on aurait
ensemble nous permettrait de faire toutes les ententes possibles. Mais, si on
ne met pas la limite où cela arrête, quels sont les
équilibres et comment va-t-on atteindre ces équilibres dans la
loi?
M. Laberge: Quelle est la date de la limite?
M. de Belleval: La limite est l'adoption du budget, qui survient
normalement, comme vous le savez, au mois d'avril, au mois de mai, avant la fin
de la session du printemps, comme dans toutes les Assemblées,
d'ailleurs.
Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge et ensuite M.
Munn.
M. Laberge: M. de Belleval, avec tout le respect que je vous
dois, tout le monde sait qu'à tous les ans ou à peu près
un budget est adopté et il y a ensuite un budget supplémentaire.
Tous les ans ou à peu près, il arrive des surprises. En 1981,
c'était le trou de 500 000 000 $ dans le système de
l'éducation. Vous n'avez pas virer tout à l'envers pour cela.
Voici ce que je vous suggère. Vous adoptez la loi 70, on vous l'a
dit ce matin et Dieu sait qu'on n'est pas ici pour vous emmerder, on l'a
déjà prouvé à maintes reprises, c'est une loi
absolument infecte et odieuse, qui est absolument inacceptable. Quelle garantie
avez-vous, une fois que vous adoptez cette loi, que les dépenses et les
revenus vont être tels que vous les avez prévus? Je pourrais
quasiment vous suggérer que cela ne vous prendra pas trois mois pour
récupérer vos 520 000 000 $, vous allez quasiment pouvoir le
faire en trois semaines. Prenez votre crayon et calculez, cela va vous donner
ma réponse.
M. de Belleval: Je termine, là-dessus, M. Laberge.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, s'il vous
plaît!
M. de Belleval: II y a un devoir constitutionnel du gouvernement.
Aucun gouvernement ne pourrait continuer à assumer les fonctions de
gouvernement s'il n'était pas en mesure de présenter son budget.
Quand il apprend qu'en cours d'exercice les équilibres qu'il a fait
adopter par une loi à l'Assemblée nationale... N'oubliez pas que,
dans nos Parlements, le premier droit des parlementaires, et du peuple
d'ailleurs, dans nos sociétés démocratiques, c'est de
connaître le budget gouvernemental. Le gouvernement doit justifier ses
impôts et ses dépenses. C'est sa première
responsabilité constitutionnelle dans un pays démocratique.
Quand, en cours d'exercice, il apprend, à cause de
l'évolution normale des choses, qu'il doit modifier sa loi
budgétaire, il est obligé, à la première occasion,
de l'indiquer au Parlement et il doit présenter un budget correctif.
C'est ce que nous faisons effectivement. Vous parlez des surprises qu'on a eues
à certains moments; on y a fait face, on les a annoncées à
la population. Le ministre des Finances n'a pas essayé de cacher les
faits, il a respecté son devoir constitutionnel. Il est venu devant la
Chambre et il a dit: Je viens de constater une nouvelle situation. Il a
indiqué en même temps quel moyen il prendrait pour corriger les
déséquilibres budgétaires auxquels il devait faire face,
compte tenu des équilibres qu'il avait précédemment fait
adopter.
On ne peut pas comme gouvernement démocratique, et vous devriez
être les premiers d'ailleurs à nous le reprocher à ce
moment-là, se dérober à sa première
responsabilité comme gouvernement. Si on ne faisait pas cela, on serait
méprisable et vous auriez raison, cette fois, de nous
mépriser.
Le Président (M. Bordeleau): M. Munn.
M. Munn: J'ai trois points, si vous me permettez. Le 15 avril,
quand vous nous avez fait votre demande de réouverture, on ne vous a pas
dit: Non, on ne veut rien savoir. On vous a répondu par une proposition
sérieuse de négociation.
Deuxième point. Le principe de la libre négociation, c'est
un principe fondamental aussi, en démocratie. Ce n'est pas par des lois,
ce n'est pas par des décrets et ce n'est pas par des ultimatums qu'on
réussit à en arriver à un consensus.
Le troisième point. On ne parle pas de conventions non
écrites, on parle de conventions signées et
négociées. Êtes-vous prêts à venir vous
asseoir et à venir négocier de bonne foi et avec l'intention de
conclure une entente?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: La réponse à cette
question est oui.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
M. Bérubé: C'est oui et d'ailleurs, le projet de
loi 70 dit exactement, répète, réitère la position
que nous avons prise. Ce que le député de Charlesbourg vient de
nous expliquer, c'est essentiellement que nous devons dire à la
population, comment nous allons régler l'impasse budgétaire.
Donc, il faut à un moment donné prendre position. Le gouvernement
a pris position. Il a décidé que non, il ne pourrait pas hausser
les taxes, que non, il n'augmenterait pas son déficit et, par
conséquent, il a fait des choix budgétaires. Les ayant faits,
vous nous dites: Bon, d'accord, c'est clair que si l'on ne s'entend pas
à la table de négociation, eh bien, tant pis, vous nous
l'appliquerez. Mais là, c'est essentiellement se promener avec une sorte
de projet de loi dans la poche: à intervalles réguliers, vous
savez, on ouvre son veston pour bien montrer le projet de loi qui s'en vient et
puis, on appellerait cela négocier de bonne foi. Non, ce n'est pas de la
négociation de bonne foi. Mais, au contraire, ayant pris une
décision, ayant, face au choix, fait l'évaluation et tiré
la conclusion qu'il fallait effectivement examiner du côté de la
masse monétaire qui va à la rémunération,
c'est-à-dire les 12 000 000 000 $, il fallait trouver une marge de
manoeuvre là. À ce moment, il est beaucoup plus honnête de
le dire dès le départ et de faire en sorte que ce ne soit pas une
menace, un chantage, continuellement manié à la table de
négociation. Bien au contraire, on se retrouve avec une
négociation franche, avec les enjeux sur la table et cela
m'apparaît beaucoup plus correct.
Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge, ensuite M.
Lavoie.
M. Laberge: M. le Président, là, vous m'avez perdu
dans la troisième cuve. Reprenons. Vous dites: Je ne suis pas pour me
promener avec un projet de loi dans ma poche et le montrer de temps à
autre: c'est une menace. Là, vous dites: On va adopter la loi et vous
aurez chacun une copie dans votre poche, je n'aurai plus besoin de me
promener.
M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge, oui.
M. Laberge: ... la question que je veux poser au ministre est la
suivante. Si nous avions pris un vote de grève en disant au ministre:
cette année, c'est 375 $ minimum que cela nous prend dans tous les
secteurs, dans les secteurs public et parapublic, 375 $ minimum; et si on ne
l'a pas, c'est la grève à partir de telle date. Vous auriez dit:
Vous êtes de mauvaise foi. Vous avez pris un vote de grève avant
même de vous être assis, avant même de faire vos demandes et
avant même d'avoir écouté les propositions du gouvernement.
En fait, la dernière fois, vous nous avez même reproché
d'avoir pris un vote de grève trop vite, même si vous aviez
retardé de six mois pour déposer vos offres. On était
rendu à la fin de l'année et les offres n'étaient pas
encore sur la table. Vous avez dit: Ils ont pris le vote de grève trop
vite, les offres ne sont pas encore sur la table. Là, vous nous dites:
"Ben non, ben non, les p'tits gars", c'est juste, c'est plus juste de
même. On adopte la loi. Là, vous n'avez plus juste l'image de la
guillotine, votre tête est sur le bloc. Là, j'ai la corde dans les
mains et si cela ne marche pas, "bedang" tire la corde! J'ai bien de la
misère à vous suivre.
Le Président (M. Bordeleau): M. Lavoie.
M. Lavoie (Gilles): En fait, la seule négociation qui est
offerte par la loi 70, s'il y en a qui osent appeler cela de la
négociation, c'est celle des conquistadors: c'est du "crois ou meurs",
ou bien tu es chrétien ou je te coupe la tête. Il n'y a pas
d'autre négociation que cela, là-dedans.
M. Grégoire: Cela ne peut pas être autre chose.
M. Lavoie: Quant à moi, ce qui m'importe...
M. Laberge: II y en a d'autres qui voudraient que le gouvernement
change. Il n'y a pas que nous autres.
Le Président (M. Bordeleau): M. Lavoie, oui. (16 h 15)
M. Lavoie: Je voudrais souligner que j'ai entendu ici, ce matin
et aujourd'hui beaucoup plus de sophismes que de réalités et de
discours basés sur du concret. Je m'explique rapidement. Le sophisme
qu'il y a là-dedans, c'est qu'on part en disant: il y a un trou de 521
000 000 $, c'est le salaire des employés de l'État et,
après cela, c'est fini. Ce n'est pas comme cela. Un gouvernement ne peut
pas décemment... On ne peut pas invoquer les règles
administratives. Cela ne se fait pas à mon sens, même s'il n'y a
pas de règles, que de porter au budget l'argent qui ne nous appartient
pas. C'est cela la règle administrative de base. En tout cas, c'est une
règle de comportement social, c'est la base minimale. Moi porter dans
mon budget l'argent de mon frère ou de n'importe qui d'autre, je n'ai
jamais fait cela. Et, lorsque j'ai besoin de le faire, je lui parle, je lui
dis: Veux-tu me prêter de l'argent?
Le Président (M. Bordeleau): M. Lavoie.
M. Lavoie: Je termine tout simplement en disant ceci. Quand j'ai
appris ce qu'était un sophisme, on m'a expliqué que
c'était à peu près ceci: tu affirmes d'abord qu'un coup
sur la tête, cela rend fou, ensuite, tu es mis dans une situation
où tu reçois un coup sur la tête et, peu importe la sorte
de coup que tu reçois, tu es toujours fou. C'est cela qu'on nous propose
avec la loi 70.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
On a beaucoup évoqué le chiffre de 521 000 000 $, mais les
équilibres financiers du gouvernement pour 1982-1983 requièrent
également la récupération de 141 000 000 $. À peu
près toutes les parties à la table du front commun, ont
parlé également des changements au régime de retraite de
la loi 68 par rapport à la loi 70. J'ai eu l'occasion, à titre de
porte-parole de l'Opposition, de faire valoir - cela a été
résumé comme cela dans les journaux - que c'était un bris
de contrat à mon sens, quoiqu'il faille bien voir que les textes ont
considérablement changé depuis 1973, alors que les conventions
collectives de 1973-1976 contenaient des dispositions à l'effet que le
gouvernemnt ne modifierait pas le RREGOP, par exemple, afin d'en venir à
des conditions moins favorables que ce qui était prévu dans les
conventions. On voit que les engagements pris au nom du gouvernement, en 1979,
par l'ancien président du Conseil du trésor étaient
plutôt à l'effet qu'au-delà des engagements sur
l'évaluation actuarielle, le gouvernement, s'il y avait des taux de
cotisations à modifier, rencontrerait la partie syndicale, lorsqu'une
hausse de cotisation était requise, afin de discuster de tout
réaménagement de bénéfices jugé
pertinent.
Le président du Conseil du trésor a déjà
indiqué que cette évolution dans les textes marquait une
différence essentielle dans la nature de l'engagement du gouvernement
à l'endroit des régimes de retraite. J'aimerais savoir si, quant
à vous, vous voyez là un changement aussi essentiel que le
prétend le gouvernement ou si plutôt - c'est ce que j'ai soutenu
de toute façon et c'est ce que mes collègues soutiennent -c'est
là un engagement du gouvernement, d'accord, mais qu'on n'ait pas
démontré encore du côté du gouvernement qu'il y
avait eu suite à cet engagement-là. À tout le moins et
à ce titre, il y aurait bris de contrat, au moins partiel.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. Lafontaine.
M. Lafontaine (Réal): Là-dessus, il faut se dire
qu'en 1979, quand on a signé la convention collective
l'évaluation, actuarielle était connue. On savait, à ce
moment-là, qu'on avait une évaluation actuarielle qui parlait
d'une augmentation possible des cotisations.
Alors, il y a deux mécanismes qui ont été
négociés avec le gouvernement: le premier, d'avoir un actuaire
conseil qui pourrait étudier les hypothèses qui étaient
utilisées dans l'évaluation actuarielle et le deuxième,
qu'on pourrait à la place d'avoir une augmentation des cotisations,
comme l'évaluation actuarielle le prévoyait, discuter ou
négocier un réaménagement dans les
bénéfices. Alors, c'est pourquoi le texte qui apparaissait aux
conventions collectives de 1972 et de 1976, comme quoi il n'y aurait pas de
modifications quant aux bénéfices, n'est pas réapparu dans
la dernière convention collective, puisqu'on entrevoyait la
possibilité de réaménager les bénéfices du
régime de retraite. Mais, en aucun moment, à la table de
négociation, cela a été une renonciation quant à la
négociabilité du régime de retraite et, en aucun moment,
dans la négociation n'est venu un réaménagement quant au
partage des contributions au régime de retraite.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): De façon plus
précise ou récente, est-ce que vous avez rencontré le
gouvernement pour discuter de ces choses-là, pour mettre à jour
les évaluations?
M. Lafontaine: II y a eu une rencontre le 2 mars dernier avec le
premier ministre, et à ce moment-là, on nous avait parlé
de nous remettre toute la documentation pertinente quant aux
aménagements, parce que, jusqu'au 2 mars, le gouvernement l'avait
toujours refusé. On avait fait des demandes aussi à la Commission
administrative du régime de retraite de nous remettre ces informations
et on refusait de nous les donner. Le 2 mars, le premier ministre nous l'avait
promis. À la première rencontre qui a suivi celle du 2 mars entre
les coordonnateurs syndicaux et le coordonnateur du gouvernement, on a
rappelé cette promesse du premier ministre. On nous a remis
effectivement une documentation vers le 26 mars, c'est-à-dire
après que les crédits aient été
déposés à l'Assemblée nationale, je pense c'est que
le 25 mars que vous avez déposé vos crédits.
Jamais depuis il n'y a eu de ces rencontres techniques qui avaient
été promises par le premier ministre, lors de la rencontre du 2
mars, sur des réaménagements possibles au régime de
retraite.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va?
M. le député de Terrebonne.
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. En fait, je
suis d'accord avec ce que vient de dire M. Laberge, sur le sens qu'il a des
solutions que l'on apporte et il nous dit: nous arrivons devant vous avec des
solutions puantes provoquées par une situation économique
pourrie. Je suis bien d'accord, mais devant la situation économique
pourrie, il y a plusieurs solutions qui s'offraient au gouvernement. Il y avait
d'abord celle d'emprunter. Les emprunts sont poussés au maximum dans le
budget, 3 000 000 000 $ est le maximum de déficit que nous puissions
faire. Donc, on ne peut pas compter en cours de route sur un budget
supplémentaire, comme il a été fait, l'an passé, au
mois de novembre.
Les taxes. Il a été convenu entre toutes les parties que
les Québécois étaient assez taxés actuellement:
assez, c'est assez. Troisièmement, dans les coupures, le gouvernement a
fait son devoir en coupant le plus possible. Nous en sommes au point que, si
nous coupons encore, nous serons obligés de couper dans des services
presque essentiels, les soins dentaires, les subventions au transport en commun
et, même, si on coupait trois fois ce que représentent ces deux
services, il nous en manquerait encore pour trouver 500 000 000 $.
Quatrièmement, il reste une solution. C'est la solution de
responsabilité de ce qu'on pourrait appeler, le gouvernement patron. Il
faut protéger ceux qu'on dit les moins bien nantis en période de
crise et nous sommes en période de crise. Nous avons, de notre
côté, regardé quelle était notre part de
responsabilité à prendre là-dedans, c'est-à-dire
mettre sur la table quelles étaient les sommes qui étaient
disponibles à un gouvernement d'irresponsables. Nous avons dit: nous
n'avons pas 899 000 000 $, nous en avons 388 000 000 $. Notre part a
été faite. Nous avons été francs, honnêtes,
loyaux en le disant. Cela pue au nez, c'est vrai, mais nous avons
été francs et honnêtes de le dire. Il reste à la
deuxième partie de répondre à cet appel: Venez à la
table dire à qui voulez-vous que ces 400 000 000 $ aillent,
également à tout le monde ou préférablement aux
moins bien nantis des salariés de la fonction publique. Et c'est ce qui
résulte en la situation dans laquelle on vit actuellement.
Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.
M. Laberge: Bien justement, si c'était cela, on ne serait
pas ici cet après-midi. Si le gouvernement avait dit voici nos besoins.
Nous autres, nous ne pouvons pas envisager la possibilité d'augmenter
les impôts, nous ne pouvons pas réduire les services davantage,
parce que nous en sommes vraiment aux os. Nous pensons que la seule
façon, c'est d'aller le chercher dans les salaires ou dans la masse
salariale des secteurs public et parapublic. Venez vous asseoir à la
table et discutons de cela. Cela presse! Venez-vous-en. Mais, ce n'est pas cela
que vous faites. Je m'excuse. Le projet de loi 70 dit: nous allons aller vous
chercher 521 000 000 $, que vous aimiez ça ou que vous n'aimiez pas
ça. Maintenant, on est prêt à en discuter.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Nous sommes prêts à discuter des 400 000
000 $. À qui les syndicats veulent-ils que ces 400 000 000 $ offerts
aillent, également à ceux qui gagnent 40 000 $ ou à ceux
qui gagnent 35 000 $ ou à ceux qui gagnent 13 800 $? Nous, on demande
que le syndicat vienne à la table et qu'il nous dise à qui il
veut que l'on donne ces 400 000 000 $. Et je crois que le syndicat se doit de
venir à la table, pour la répartition.
M. Laberge: Chez qui va-t-on chercher les 400 000 000 $, vous
voulez dire? Non pas à qui on donne les 400 000 000 $? Chez qui on va le
chercher, vous voulez dire?
M. Blais: C'est-à-dire les 400 000 000 $ qu'on ne va pas
chercher.
M. Laberge: D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.
M. Laberge: M. le Président, juste une toute toute petite
question aux membres du comité.
Est-ce que vous croyez que le gouvernement a vraiment vu toutes les
possibilités qu'il y a de faire cette chose? Pour être plus
gentil, est-ce que vous croyez avoir la possession tranquille de la
vérité et qu'il n'y a pas personne d'autre qui aurait des
suggestions à vous faire?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je pense que la
réponse à cette question, il faut aller la chercher d'abord dans
les interventions de l'Opposition par exemple. Il faut aller la chercher
également dans les discussions au sommet, dans des revues de presse
où on pourrait voir qui a des solutions alternatives, qui a des
propositions à faire qui puissent être analysées et faire
en sorte qu'on puisse régler le problème. Je ne prétends
pas que j'ai la science infuse et que je ne peux pas me tromper. Je peux
cependant avoir un
certain nombre de spécialistes qui font des analyses les plus
complètes possible, qui examinent le plus grand nombre de choix possible
et, à partir de ces choix, de ces analyses, essayer d'en arriver
à prendre une décision.
Lorsqu'il est devenu très clair, après la
négociation des accords fiscaux, en début de février, et
après avoir tenu le Conseil des ministres spécial à
Sainte-Marguerite, qu'on se dirigeait vers une impasse budgétaire, que
le budget que nous croyions à ce moment équilibré n'allait
pas être équilibré, la décision a été
prise de ne pas se prononcer sur ce que devrait être l'attitude
gouvernementale en ce qui avait trait à son budget, mais d'aller
à un sommet, de véritablement mettre tout sur la table, de faire
l'analyse de l'ensemble de la problématique de manière que, tous
ensemble, on puisse effectivement voir la réalité, la contester
si nécessaire et en arriver finalement à en tirer des
enseignements quant aux attitudes à prendre.
Or, je ne peux pas lire nulle part, dans aucun article, dans aucune
analyse, la moindre proposition différente qui permettrait de
résoudre la crise. Je ne prétends pas avoir la science infuse.
Une chose est certaine, c'est qu'il n'y a certainement personne qui semble
l'avoir non plus. Par conséquent, il faut bien que j'en revienne aux
choix qui ont été mis sur la table, qui n'ont jamais pu
être contestés. Pourquoi? Parce que je pense, qu'en
réalité, ils ne peuvent pas être contestés. À
partir de ce moment, il faut ajuster nos comportements à la
réalité.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Nous allons essayer de revenir à des choses assez
pratiques à ce moment-ci.
Sur la base d'un document qui nous a été remis par les
délégués de la CSN ce matin, on constate qu'un travailleur
qui gagnerait 280,35 $, le 1er juillet 1982, en gagnerait 281,40 $, le 1er mars
1984. N'est-ce pas? Cela jouerait pour l'année suivante, par
conséquent, le 1er mars 1984, il serait encore a 281,40 $. Je pense que
le ministre va confirmer ces chiffres. Par conséquent, il reste au
même point, pendant presque deux ans. Cela, c'est pour celui qui est en
bas de l'échelle, à environ 13 000 $ par an. On me contredira
tantôt, si je fais erreur.
M. Blais: Ce n'est pas vrai.
M. Ryan: Je vais apporter d'autres chiffres qui vont vous
intéresser à part de cela. Jusqu'à un salaire approximatif
de 16 000 $ par année, on maintient le statu quo, pendant toute cette
période durant laquelle vaudraient les conventions collectives, et
après 16 000 $, cela diminue. C'est une perte de revenu plutôt
qu'une augmentation, même brute.
Regardez: celui qui avait 21 389 $ au 1er juillet aurait 20 742 $ au 1er
avril. Par conséquent au 1er mars de l'année suivante, il sera
encore à 20 742 $, c'est-à-dire 600 $ environ de moins qu'il
avait presque une année et demie auparavant. Vous dites aux gens des
syndicats: Là, on maintient les bas salaires au même niveau et
à partir de 16 000 $, on les diminue. Si vous n'êtes pas contents,
faites un autre partage que celui-ci. C'est cela la matière que vous
voulez négocier et je n'en vois pas d'autre. Je vous demande si je me
trompe?
Le Président (M. Bordeleau): Si le ministre veut
répondre ou le député de
Rosemont...
(16 h 30)
M. Paquette: J'ai les chiffres ici.
M. Ryan: En tout cas, vous pourrez les contredire, si vous
voulez. Ce sont des chiffres qui ont été présentés
par les organisations syndicales. Deuxièmement, nous avons fait les
calculs sur une autre base. Établissez le revenu d'un travailleur pour
l'année 1982 et son revenu pour l'année 1983, sur la base des
dispositions qui sont inscrites dans le projet de loi. Pour celui qui gagne 252
$ par semaine, il aurait un revenu de 13 800 $ en 1982 et un revenu de 13 910 $
en 1983, une augmentation de la moitié de 1%.
Si c'était seulement cela, M. le ministre. C'est une chose qui
est éminemment dure à accepter et, peut-être, que vous
pourriez avec vos calculatrices en faire la démonstration, mais
n'oubliez pas l'inflation moyenne de 10% par année, au cours des quatre
dernières années. Cela veut dire qu'à certains des
travailleurs couverts par les conventions collectives, vous demandez de prendre
des coupures d'à peu près 25%. 25%, si vous montez dans
l'échelle des revenus, allez chercher dans les 25 000 $ à 30 000
$, cela couvre quand même un grand nombre d'employés
syndiqués. Vous allez chercher 20% à 25% et je vous pose la
question. D'abord, est-ce que cela est faux? Deuxièmement,
connaissez-vous un autre gouvernement provincial au Canada qui aurait assez mal
administré ses affaires pour en être réduit à la
nécessité d'agir d'une manière aussi mesquine envers ses
employés, telle que vous êtes contraints de le faire,
d'après les calculs auxquels vous en êtes arrivés? Donnez
un autre exemple de gouvernement provincial qui procède actuellement de
manière aussi mesquine.
Le Président (M. Bordeleau): M. Paquette.
M. Paquette: Sur le plan des faits, je ne pense pas qu'il faille
rendre la situation pire qu'elle n'est. Déjà, ce n'est pas
drôle, tous vont en convenir. J'ai ici le tableau des effets de la loi
70, tel que cela a été communiqué par le premier ministre
au moment de l'émission à Radio-Québec et qui est
basé sur la loi. J'ai seulement les chiffres annuels, mais on peut les
diviser pour avoir le salaire hebdomadaire. Un salaire de 13 150 $, au 30 juin
1982, passe en vertu de la convention collective en vigueur, à 14 629 $
au 1er juillet. Au 1er janvier 1983, l'effet de la loi serait de le
réduire à 11 871 $ pendant trois mois, et le 1er avril 1983, le
salaire remonte à 14 683 $. De sorte que, sur une période de neuf
mois, quand on regarde le salaire au début de la période et
à la fin, c'est-à-dire au 1er avril 1983, il y a une augmentation
de. 11,7%. Ce qui est à peu près la valeur de l'indexation. M. le
Président, j'entends les gens rire. Je ne fais pas du tout cette
intervention pour justifier quoi que ce soit et pas du tout pour dire que c'est
la meilleure solution. Je ne pense pas que ce soit la meilleure solution. La
meilleure solution serait celle qui permettrait par la négociation de ne
réduire le salaire de personne.
Pour un salarié moyen qui gagnerait 21 916 $, c'est le même
genre: augmentation au 1er juillet, diminution le 1er janvier,
réaugmentation le 1er avril 1983, ce qui fait sur une période de
neuf mois, une augmentation de 5,8%. Pour le salarié de 38 000 $, encore
le même phénomène, mais 0% d'augmentation sur neuf
mois.
Ce que cela veut dire, c'est qu'il y a un échelonnement des
augmentations. Le projet de loi a pour effet de baisser le salaire au 1er
janvier, mais je pense qu'il y a moyen de trouver de meilleures solutions que
cela, si on peut se mettre à négocier.
Je reviendrai tout à l'heure sur une couple de questions.
C'était tout simplement sur le plan des faits.
Le Président (M. Bordeleau): Je pense que M. le ministre a
un complément de réponse et ensuite M. le chef de
l'Opposition.
M. Bérubé: La proposition qui nous apparaît
à nous la plus désirable, c'est celle de moduler les
augmentations de salaire de juillet, ce qui nous permettrait de cette
façon, par exemple, pour un employé qui gagnerait 7,20 $ l'heure,
de lui donner 8,65% d'augmentation...
M. Ryan: À quelle date?
M. Bérubé: C'est à partir du 1er
juillet.
M. Ryan: Excusez, le montant de 7,65 $, c'est à quelle
date? M. Bérubé: 7,20 $? M. Ryan: Oui.
M. Bérubé: C'est au 1er juillet. M. Ryan:
7,20 $ le 1er juillet.
M. Bérubé: Qui gagnerait le 1er juillet 7,20 $,
juste avant le 1er juillet.
M. Ryan: C'est le 30 juin, ce n'est pas le 1er juillet.
M. Bérubé: 30 juin.
M. Ryan: Je vais vous dire pourquoi tantôt. C'est
important.
M. Bérubé: ... de lui offrir une augmentation de
8,65% et, compte tenu de la protection de base qui lui a été
accordée pour l'inflation en début de période, lui donne
une protection entière contre l'inflation, inclut même une avance
pour l'inflation pour les six mois qui suivent.
Subséquemment, lorsque arrive - son salaire est passé
à 7,82 $ - le 31 décembre, il recevrait également 2,8%
pour obtenir ainsi complète compensation contre l'inflation, le salaire
subséquent faisant partie de la négociation du renouvellement des
conventions collectives.
Donc, la proposition qui nous apparaît la plus désirable,
c'est de revenir à la proposition de juillet et de faire en sorte que le
plus bas salarié, celui qui est à 7,20 $ l'heure, comme vous le
dites, le 30 juin, qu'on puisse lui donner la protection pleine et
entière de son pouvoir d'achat jusqu'à la fin de la convention
collective et, ensuite, qu'il obtienne la rémunération qui aura
été négociée pour la convention suivante.
Évidemment, cette proposition a comme conséquence, et nous ne
l'avons pas caché, de faire en sorte que le plus haut salarié,
celui qui gagne, par exemple, 20,31 $ l'heure le 30 juin, lui n'aurait eu que
1,31% d'augmentation.
Donc, la proposition de juin nous apparaît la plus
équitable dans la mesure où le plus bas salarié a une
protection pleine et entière de son pouvoir d'achat. Évidemment,
lorsqu'on aura le renouvellement des conventions subséquentes, il aura
droit aux augmentations de salaire qui auront été
négociées. Donc, c'est la proposition qui nous apparaît la
plus équitable.
Le projet de loi nous amène à une situation
différente. En effet, comme le 1er juillet nous commençons
à verser les augmentations de salaires, au fur et à mesure que
nous avançons dans l'année, vouloir récupérer le
montant implique
nécessairement une baisse de salaire pendant la période
qui suit, de manière à récupérer le montant
visé. Alors, plus nous retardons, et c'est le problème lorsque
nous arrivons à la fin de la convention le 31 décembre, à
ce moment-là la récupération devient considérable.
Il reste que ce qui sera versé aux employés du secteur public
sera de l'ordre de 440 000 000 $ sur une augmentation de salaire, si je me
souviens bien, d'à peu près 900 000 000 $ au total.
Donc, l'augmentation résiduelle, une fois qu'on a calculé
l'augmentation versée en juillet, la récupération de
janvier à mars, il reste une augmentation réelle nette d'à
peu près 3,5%. Mais, indéniablement, plutôt que donner 3,5%
à tout le monde, il nous apparaîtrait plus équitable de
tenter de moduler l'augmentation de salaire pour faire en sorte que le plus bas
salarié ait l'augmentation complète et que le plus haut
salarié soit amené à avoir un gel de salaire.
Subséquemment, les conventions collectives entrant en vigueur, à
ce moment-là, on aura les taux de salaire qui auront été
négociés. Donc, c'est inexact de dire qu'il s'agit d'un gel pour
deux ans.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va?
M. Ryan: J'ai encore quelque chose, mais le ministre des Finances
veut parler.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances,
avec le consentement des membres, si j'ai bien compris tantôt. Alors, M.
le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je voudrais simplement
relever quelque chose que le chef de l'Opposition disait tout à l'heure
et qui me paraît, dans le contexte actuel, assez important. Il disait:
Est-ce qu'il y a une province qui s'est conduite d'une façon aussi
mesquine? Je pense qu'il faut répondre à cela, parce que ce n'est
pas mauvais de temps à autre d'être capable de regarder ce qui se
passe ailleurs. Forcément, pris dans nos discussions, on a tendance
à considérer que tout cela se joue au Québec et
qu'ailleurs on n'y met pas tellement l'accent.
Il y a beaucoup de gouvernements à l'heure actuelle qui sont
essentiellement placés, pour reprendre l'expression du chef de
l'Opposition, entre divers types de mesquinerie, justement à cause de la
situation économique, et je ne veux pas revenir là-dessus pour le
moment. Prenons le cas, par exemple, de la Nouvelle-Écosse qui vient de
sortir son dernier budget. Elle a augmenté toutes ou à peu
près toutes ses taxes, l'impôt sur les profits des corporations,
bien sûr, et aussi l'impôt sur le revenu, la taxe de vente à
10% en permanence, à peu près tout ce qu'il peut y avoir comme
autre taxe indirecte, l'essence, le tabac, enfin, tout ce que l'on veut. La
totalité ou à peu près de ses taxes. Si on traduisait les
augmentations d'impôt qui viennent d'avoir lieu en
Nouvelle-Écosse, sur une population comme la nôtre, c'est comme si
l'on augmentait ici d'un seul coup les impôts de 1 500 000 000 $. Bon.
Nous avons, au mois de novembre dernier, augmenté les impôts de
façon considérable -enfin, les taxes - et le problème
qu'on avait à se poser, à l'occasion du budget, c'était de
savoir dans quelle mesure on les augmentait encore et de façon
très prononcée.
Il faut bien saisir que, quand nous sommes arrivés au pouvoir,
les taxes sur les particuliers au Québec étaient à peu
près de 20% au-dessus de celles de l'Ontario et elles frappaient
singulièrement les petits salariés. On a, pendant trois ans,
cherché à réduire cet écart et en mettant les
baisses de taxes justement sur des choses qui touchent le plus les bas ou les
moyens revenus - quand je dis moyen, je ne mets pas le niveau bien haut -on
était arrivé à quelque chose d'assez remarquable en ce
sens que l'écart avait été coupé en deux en 1980 et
là, cela s'est renversé. L'écart est en train de
s'accroître à nouveau. On se retourne, on s'en va exactement,
d'ici peu de temps, au niveau de 20% qu'on avait atteint en 1976 et qui
existait depuis des années. Ce n'est pas seulement en 1976 que
l'écart était de 20%, il y a longtemps qu'il était comme
cela.
Alors, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'en période de
récession comme celle que l'on connaît, on suit la voie mesquine,
si l'on veut, d'autres provinces en continuant de taxer autant qu'on peut et en
sachant très bien que, passé un certain point, les taxes qui
rapportent le plus, ce sont des taxes indirectes, c'est-à-dire des taxes
qui touchent tout le monde? Ou bien, est-ce qu'on prend une autre voie? C'est
cet arbitrage qu'on a eu à faire. Qu'on appelle cela "mesquin",
peut-être, mais on a à choisir dans une situation
économique et budgétaire comme celle qu'on connaît, on a un
choix à faire entre l'ensemble de la population, les groupes les moins
avantagés dans une population, certains groupes qui sont plus
avantagés que d'autres; c'est inévitable, ces arbitrages.
J'entendais M. Lavoie qui disait: Je ne budgétise jamais l'argent
des autres. Il faut bien comprendre qu'un gouvernement ne fait que cela. Il
budgétise l'argent, il budgétise toujours l'argent des autres,
c'est-à-dire de l'ensemble de la population. On ne peut pas
éviter cela. On aura toujours des arbitrages à faire entre
l'argent de tout le monde; c'est un arbitrage qu'on ne peut pas éviter.
Dans ce sens, "mesquin" comme dit le chef de l'Opposition, peut-être,
mais il faut comprendre que de ce temps-ci, les gouvernements ont bien des
façons d'être mesquins.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Tout d'abord, je trouve que le ministre des Finances
élargit le débat bien au-delà de ce que nous sommes venus
discuter aujourd'hui. Nous avons l'occasion de débattre du discours sur
le budget et des finances publiques du Québec à
l'Assemblée nationale, autour du discours sur le budget. Je ne veux pas
répondre aux affirmations qui sortaient du cadre de la discussion
d'aujourd'hui parce que je sais que le temps est limité. Il y a d'autres
organismes qui attendent pour venir. Je pense que ce sont là des
échappatoires faciles pour éviter de discuter les questions qui
nous réunissent aujourd'hui.
La question que j'ai posée au président du Conseil du
trésor, je la répète brièvement parce que je ne
pense pas y avoir eu de réponse. Tous les gouvernements sont soumis
à des contraintes et à des choix. Aujourd'hui, nous en discutons
un en particulier, celui qui a été fait autour de la loi 70. Je
demande au ministre, président du Conseil du trésor, s'il existe,
à sa connaissance, un gouvernement d'une province comparable au
Québec, c'est-à-dire un gouvernement de l'une des quatre
provinces qui ont une importance plus grande que les autres au Canada - on peut
toujours aller chercher l'exemple de l'Île-du-Prince-Édouard pour
prouver n'importe quoi, mais je voudrais dire au ministre des Finances que cela
ne prouve rien, même s'il joue avec les pourcentages de ce
temps-là - un gouvernement d'une province comparable qui aurait
été contraint par sa mauvaise gestion à des choix qui
entraînent des suppressions de conventions collectives en vigueur, des
changements unilatéraux comme ceux qu'on propose et des reculs salariaux
comme ceux qui se dégagent de toute évidence. Je demande une
comparaison impartiale entre les sommes auxquelles les employés
syndiqués du gouvernement ont droit d'après la signature que leur
a déjà donnée le gouvernement et celles qu'ils
toucheraient si le gouvernement s'en tenait aux dispositions du projet de loi
70. La question est bien simple: Est-ce qu'il a connaissance d'une autre
province à peu près comparable qui aurait été
acculée au pied du mur par sa gestion, au point d'être
obligée de faire des gestes comme celui-là? (16 h 45)
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'il
n'y a pas de province comparable parce qu'il n'y a aucune province qui
négocie comme le Québec avec ses employés du secteur
public dans le cadre d'un front commun regroupant le réseau des affaires
sociales, le réseau de l'éducation et les employés du
gouvernement. Ce type de négociation, qui s'apparente, à mon
point de vue, pratiquement à une opération de recherche de
consensus social parce qu'elle implique l'ensemble des travailleurs du secteur
public, est assez unique dans les provinces canadiennes. Par conséquent,
face à des situations uniques, il faut également être
capable de développer des solutions qui sont adaptées à la
situation. Donc, si vous ne trouvez pas l'équivalent dans les autres
provinces, je devrai dire que la négociation dans les autres provinces
ne se produit pas de la même façon non plus.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. J'avais reconnu
tantôt M. Corriveau.
M. Corriveau: Merci, M. le Président. Pour répondre
à M. Ryan, effectivement, les chiffres que vous avez dans le document
proviennent du document sessionnel no 350. Les deux dernières colonnnes
sont les chiffres du trésor; donc ce que vous avez là-dedans
reflète effectivement ce qu'on nous a remis.
J'aurais trois questions à poser parce que je trouve qu'on tourne
autour du pot depuis un certain temps et on essaie de s'accrocher un peu
partout pour justifier des positions. J'aurais trois questions à poser:
Est-ce que vous retirez votre projet de loi? Est-ce que vous voulez
négocier de bonne foi? Et quand?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre. M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, je pense que depuis le
début de la discussion...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Vimont, c'est à vous la parole.
M. Rodrigue: M. le Président, on a discuté
beaucoup...
Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, M. le
député de Vimont. M. Corriveau.
M. Corriveau: M. le député excusez-moi, mais
j'aurais aimé qu'on me réponde. Souvent, quand on a des questions
sur le bout de la langue, on les sort. Est-ce que c'est parce que vous n'auriez
pas de question ou de réponse à me donner à mes questions?
J'aurais aimé que vous me répondiez. Je vous en ai posé
trois. On a essayé de vous-répondre chaque fois que vous nous
posiez des questions, au moins avec la connaissance des faits qu'on avait.
Là je vous en ai posé trois et je n'ai pas de réponse;
j'aimerais au moins que vous puissiez me dire ce qu'il en est? Je vous ai
demandé si vous retiriez
votre projet de loi; si vous vouliez négocier de bonne foi, et
quand. Je n'ai pas eu de réponse, j'aimerais bien qu'on me
réponde, au moins que je sache où on s'en va à cette
commission.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: Le problème que vous soulevez en
fait implique en même temps qu'on avance dans l'échange. Si vous
me dites: Êtes-vous prêt à négocier de bonne foi? ma
réponse est oui. Nous avons déjà fait une demande pour se
rencontrer. Je comprends qu'à l'heure actuelle on est peut-être
à établir une certaine stratégie commune du
côté du front commun avant d'accepter des rencontres - je le
comprends parfaitement - mais notre intention est véritablement,
à partir du projet de loi tel qu'il est défini, de s'asseoir et
de voir comment - là-dessus je serai très clair - on peut
reprendre l'ensemble des trois années qui viennent, c'est-à-dire
l'ensemble de la prochaine convention collective, la réintégrer
avec la fin de la présente convention collective, examiner les clauses
normatives, les clauses salariales, et finalement examiner l'ensemble du
problème dans la cadre d'une négociation globale. À cela
nous disons oui.
Également...
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît:
M. Bérubé: Également, nous allons rechercher
une entente négociée globale, et si effectivement cette entente
nous amène à résoudre le problème budgétaire
qui a été décrit, la loi n'a pas à s'appliquer.
D'autre part, nous avons clairement expliqué également
qu'à moins d'une assurance que l'impasse budgétaire sera
résolue d'une façon acceptable pour la société
québécoise nous ne croyons pas justifié de retirer le
projet de loi. Dans la discussion que nous avons présentement je crois
qu'il y a un échange qui nous permet en même temps
d'établir nos positions. En d'autres termes, y a-t-il l'assurance du
côté de la partie syndicale que les négociations vont
permettre de résoudre l'impasse budgétaire? Nous n'avons pas
obtenu non plus de réponse à cela. On nous a dit: Venez à
la table des négociations, vous verrez. Le problème demeure tout
entier, il nous faut cette assurance que l'impasse budgétaire sera
solutionnée.
Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse. Je pensais que
c'était une réponse du député de Vimont. J'avais
reconnu d'abord le député d'Outremont et ensuite ce sera le
député de Vimont.
M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, la démonstration qui a
été faite tout à l'heure par le député de
Charlesbourg était que l'impasse financière était
exceptionnelle, et c'est vrai qu'elle est exceptionnelle, mais il faut
remarquer que depuis trois ou quatre ans, déjà, le gouvernement a
été amené à emprunter pour payer l'épicerie,
comme on dit, et il est évident que cette situation financière va
continuer à être difficile dans les années qui viennent. Je
crois que ce serait mal informer la population que de lui faire croire que tout
à fait par hasard, le 1er avril 1983, les finances publiques vont
être rétablies. Ceci amène plusieurs observateurs à
penser que le problème dans une certaine mesure va rester et qu'il
faudra bien à un moment donné parler de politique salariale
à moyen terme et de productivité, et qu'il faudra bien qu'il y
ait des négociations.
La question que j'aimerais poser aux chefs syndicaux est celle-ci: Dans
quelle position cela va-t-il mettre les négociations? Vous avez des
expériences de négociations avec des employeurs qui peuvent
traiter les syndicats de la façon dont le gouvernement s'apprête
à vous traiter présentement, ne respectant pas le processus de
convention collective. Quel genre de climat social cela va-t-il provoquer et
quel genre de climat de négociation cela va-t-il permettre au mois de
janvier, février et mars, alors que le gouvernement ira chercher 600 000
000 $ dans les poches de vos cotisants, et dans quelle mesure à moyen
terme le problème de l'assainissement des finances publiques pourra-t-il
être résolu si le climat social et le climat de négociation
ne permettent pas justement de pouvoir négocier en toute bonne foi?
M. Laberge: Bien, est-ce que...
Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.
M. Laberge: Oui, merci. Est-ce que le président du Conseil
du trésor pourrait nous garantir justement que les finances du
gouvernement vont être plus saines et qu'en 1983 il n'y aura pas un autre
trou de 500 000 000 $? Alors, il nous dit: Est-ce que vous pouvez nous garantir
qu'on va aller récupérer les 521 000 000 $? C'est le genre de
questions: Préférez-vous un cancer ou une jambe coupée?...
Je préfère une jambe coupée.
La réponse à votre question, je ne peux que vous donner
les résolutions qui ont été adoptées au grand
congrès de Winnipeg du Congrès du travail du Canada, où,
sans aucune ambiguïté, les 2500 délégués
réunis ont adopté à l'unanimité la
résolution de combattre toute répression, toute compression
budgétaire allant jusqu'à la
grève générale si nécessaire.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Est-ce que je dois conclure par votre réponse
une possibilité de négociation dans un esprit qui serait serein
des deux côtés va être extrêmement difficile a la
suite de l'application de ces deux projets de loi?
M. Laberge: Quand vous entrez en négociations,
habituellement, ce n'est pas pour perdre du terrain, mais pour en gagner.
Évidemment, quand vous faites face à une entreprise qui est dans
une situation financière difficile, ce n'est peut-être pas
l'année où vous allez chercher de grandes augmentations de
salaire, mais vous allez chercher autre chose, je ne sais pas, moi,
améliorations des conditions de travail dans certains cas... C'est un
échange une négociation mais, en négociations, il y a bien
des choses qui peuvent se faire. Il est bien évident que ni M.
Bérubé ni personne n'aura une garantie de nous que, oui, M.
Bérubé, nous vous garantissons que nous allons négocier
à rabais. Il est bien évident qu'on ne peut pas donner ce genre
de garantie mais nous avons répété à maintes
reprises, et c'est tourner autour du pot, que nous sommes fort conscients qu'au
Québec nous traversons deux crises, une crise économique
épouvantable, alors que nous avons au-delà d'un demi-million de
chômeurs, et une crise budgétaire qui se solde apparemment par un
trou de 521 000 000 $. Comme citoyens du Québec, il est évident
qu'on est intéressés à essayer de résorber la crise
économique, mais est-ce qu'en résorbant la crise
économique, il y a moyen pour les secteurs public et parapublic de
participer eux aussi à résorber la crise économique qui
touche plus durement le secteur privé? C'est un peu cela, la question.
C'est comme cela que la question devrait se poser. Je dis qu'à plusieurs
reprises on a dit: "Oui, nous sommes intéressés." Quand M.
Bérubé dit: "II faut faire payer les plus riches pour pouvoir
protéger les moins bien nantis", je ne l'ai pas vu toucher aux banques,
je ne l'ai pas vu toucher aux multinationales, je ne l'ai pas vu toucher aux
pétrolières, je n'ai pas vu cela encore. Je suppose que cela s'en
vient.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Vimont, avant de vous donner la parole, j'aimerais simplement signaler aux
membres qu'il faudrait peut-être raccourcir les interventions de part et
d'autre afin de pouvoir entendre, tel qu'on l'avait prévu et à
une heure convenable, les autres intervenants.
M. le député de Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, au niveau de l'analyse de la
crise, j'ai l'impression qu'il y a possibilité qu'on soit assez sur la
même longueur d'onde. C'est au niveau des solutions à y apporter,
quant à l'aspect budgétaire de cette crise, en tout cas. Sur
l'analyse de la crise économique comme telle, il y a longtemps que j'ai
eu l'impression, j'avais assisté au sommet économique
également, qu'effectivement, même si ce n'est pas parfaitement un
accord total, tout de même on se recoupe pas mal. Là où
cela diverge, c'est sur les façons de le régler finalement.
J'aimerais parler un peu de l'aspect qu'a soulevé le
président de la CSN tout à l'heure concernant l'adoption de la
loi, la négociation, à savoir quand cela se fera.
Étant donné que vous avez parlé des banques, j'ai
lu cette semaine dans le journal, je pense que c'est hier ou avant-hier, que la
Banque nationale avait décidé de baisser le salaire de ses 13 000
employés.
Une voix: Et d'en mettre à pied 2000.
M. Rodrigue: Et d'en mettre à pied 2000. C'est une
réalité que vivent des travailleurs actuellement. Je ne sais pas
s'ils sont syndiqués, j'en doute, je ne le pense pas. Non. Ils sont dans
une situation extrêmement précaire, ces gens. Il y en a qui sont
là probablement depuis très longtemps. Je pense que c'est un
facteur parmi d'autres dont on est obligés de tenir compte dans
l'analyse qu'on fait de toute cette situation.
On s'est beaucoup attachés à l'aspect formel des choses.
Je pense que dans votre mémoire en particulier vous faites abondamment
état de cet aspect. Mais, au-delà de l'aspect formel des choses,
il y a la réalité. Quand bien même on vous dirait: On va
retirer le projet de loi, vous savez très bien qu'en fin de compte,
c'est encore 520 000 000 $ qu'on cherche. Ce n'est pas le fait de retirer le
projet de loi qui va y changer quoi que ce soit. En fait, j'ai
déjà participé aux négociations, j'ai
participé à celles de 1972 et à celles de 1975. En 1972,
je me rappelle que cela avait tout de même été assez raide.
Vous aviez fait un petit tour à Orsainville à ce moment en
compagnie de deux de vos collègues. D'ailleurs, on avait eu le plaisir
de vous accueillir à votre sortie.
Indépendamment des problèmes qui sont soulevés et
que vous nous avez exposés ici, je pense que c'est vraiment la
première fois qu'un gouvernement ouvre les livres et qu'il les met sur
la table devant les organisations syndicales, de la façon que cela s'est
fait depuis un certain temps avec le gouvernement actuel du Québec.
Cela, on est disposés à continuer à le faire. Je ne pense
pas que ce soit le fait d'adopter ou de ne pas adopter une loi. Le
député de
Charlesbourg tout à l'heure vous a expliqué pourquoi, vu
les lois actuelles, il fallait l'adopter. Mais, on a tout de même pris
soin d'y introduire des dispositions qui permettent la négociation.
Finalement, c'est là que cela va se régler. Au-delà de
l'aspect formel des choses, finalement il reste qu'en discussion, on va
s'entendre ou on ne s'entendra pas et qu'à un moment donné, il y
a des décisions qui vont devoir être prises. Je ne vois pas
pourquoi on retarderait jusqu'au mois de décembre l'annonce que le
gouvernement doit procéder de telle ou telle manière. Je pense
qu'on est mieux de s'en parler tout de suite et de faire l'effort maximum,
parce qu'il faut bien dire qu'il nous reste environ quatre mois avant que les
augmentations de salaire qui sont dues le 1er juillet soient effectivement
versées. D'abord, il faut prendre connaissance des indices
d'augmentation du coût de la vie, parce que c'est relié à
cela. Il y a un certain délai qui est normal dans ces
machines-là. Il faut un certain temps avant d'ajuster tout cela et de
verser effectivement les augmentations de salaire. (17 heures)
D'après les informations que j'ai, il semble que cela arriverait
vers la fin de septembre ou en octobre. Effectivement, on aurait une
période de quatre mois durant laquelle on pourrait vraiment faire
l'effort maximum de part et d'autre pour essayer d'en arriver à la
solution que nous recherchons. Peut-être qu'on ne s'entendra pas en fin
de compte. Espérons quand même qu'on pourra le faire et qu'on sera
sur la même longueur d'onde, mais au-delà de tout le débat
que nous avons ici.
Je pense que, finalement, dans le contexte économique actuel, ce
sont un peu tous les acquis sociaux du Québec des dernières
années qui pourraient être compromis, si on n'y fait pas
attention. J'ai senti que vous étiez sensibles à cela, quelles
que soient les interventions qui aient été faites. On a à
traverser une situation économique qui est extrêmement difficile
et il faut le faire en sauvegardant l'essentiel des acquis qu'on a depuis une
vingtaine d'années, dans le domaine social en particulier.
On a mis sur pied au Québec des programmes qui dépassent
largement ce qu'il y a ailleurs au Canada. J'ai eu l'occasion récemment
de me promener au Canada et j'ai réalisé, en discutant avec ces
gens, que les programmes sociaux du Québec sont à l'avant-garde.
Je pense qu'on ne voudrait pas remettre cela en cause. C'est un aspect des
choses, ce n'est pas le seul.
Il y a tout un contexte et le gouvernement, lorsqu'il a eu à
prendre ces décisions, bien sûr, y a pensé. Au
début, quand on est obligé de plonger dans l'eau glacée,
on essaie de reporter cela. On n'aime pas cela et on se dit: II doit y avoir de
l'eau chaude quelque part. Nous avons cherché de l'eau chaude sans en
trouver. On a regardé un peu - je ne veux pas m'étendre trop
longtemps là-dessus, parce que d'autres l'ont souligné - mais
enfin, les transferts aux citoyens, les services sociaux de santé, les
services éducatifs, l'impôt, les taxes, le déficit, on a
fait le tour de cela. Chaque fois, dans notre analyse politique - et je
voudrais peut-être gronder un peu le président de la CEQ
là-dessus, l'analyse qui a été faite au gouvernement, elle
est politique et sociale, ce n'est pas une analyse comptable et je pense qu'il
faut le réaliser -on a eu à tenir compte d'un certain nombre de
facteurs. Ceux qui m'ont précédé ont très bien
exprimé que ce que nous cherchons, c'est au moins de protéger le
pouvoir d'achat des bas salariés, et de faire que, s'il y a quelqu'un
qui doit payer pour cela dans le secteur public, ce ne soit pas eux. Le secteur
privé paie déjà, je ne vous l'apprends pas. Il y a des
mises à pied. Il y a des travailleurs, qui, en assemblée
générale, dans des syndicats, ont accepté le fait qu'ils
n'avaient pas le choix. C'était cela ou perdre leur emploi. Ils ont
accepté des réductions de temps de travail, ils ont
accepté des diminutions de salaire.
Est-ce qu'on peut en demander plus aux gens du secteur privé? Ils
subissent déjà cela, en plus d'assumer des augmentations
d'impôt et de taxes, des coupures de service, pour maintenir des acquis
dans les secteurs public et parapublic alors qu'on sait - on peut se chicaner
peut-être sur les pourcentages - que, d'une façon
générale, on constate qu'en moyenne la rémunération
globale du secteur public est un peu meilleure que celle du secteur
privé, sans compter, évidemment, la sécurité
d'emploi qui prend beaucoup d'importance actuellement.
Cette analyse politique a été faite et on l'a
retournée de tous les côtés et évidemment on s'est
dit: On n'a pas le choix, l'eau est glacée, mais il va falloir qu'on
plonge dedans quand même. C'est inconfortable pour un gouvernement, c'est
inconfortable pour un salarié, mais, dans la mesure où l'on n'est
pas capable de voir d'autre issue, on se dit: S'il faut passer par là,
on passera par là.
Les discussions nous permettraient peut-être de trouver d'autres
issues. Enfin, si on réussit à trouver 30 000 000 $ ou 40 000 000
$ quelque part, ce sera cela de moins à absorber pour les secteurs
public et parapublic parce que, dans le fond, notre problème, c'est 520
000 000 $, mais quelle est la façon de le faire et quand le fait-on?
Est-ce qu'on l'échelonne sur une plus grande période, à
qui on demande de faire l'effort maximal et à qui essaie-t-on de ne pas
demande d'effort, parce que cela ne nous
apparaît pas souhaitable de le faire pour des motifs sociaux.
C'est de tout cela qu'il faut discuter. Ce n'est pas le fait qu'il y a un
projet de loi ou qu'il n'y en a pas qui, quant à moi, devrait
empêcher ces discussions de se faire dans les meilleurs délais
pour peut-être aborder l'ensemble des orientations de lacollectivité pour quelques années. Peut-être pas
l'ensemble des orientations, mais être capable de discuter avec les
représentants des travailleurs qui, dans le passé, ont souvent
été ceux qui ont revendiqué les avantages sociaux qu'on
retrouve au Québec. Les centrales syndicales ont été
à l'avant-garde là-dessus; je pense à
l'assurance-santé, à l'assurance-hospitalisation. Les centrales
les ont revendiquées bien avant que les gouvernements ne les
accordent.
On peut prendre le problème un peu plus globalement et essayer de
voir de quelle façon on traverse la période difficile en
sauvegardant les acquis et en faisant en sorte que ceux qui sont les moins
favorisés dans la société n'écopent pas. C'est dans
ce sens qu'il faudrait aller.
Je pense que si on veut faire un parallèle, et je termine
là-dessus, un individu qui se voit forcé de renouveler des
prêts hypothécaires de ce temps-ci, s'il était à
11,5% et qu'il se ramasse à 20%, c'est peut-être 250 $ de plus par
mois qu'il aura à payer. Il est obligé de se retourner et se
poser la question à savoir où il va prendre l'argent. Il va
couper ailleurs. Il a peut-être une vieille "minoune" pour se promener et
la vieille "minoune", il va la garder encore deux ou trois ans, ou un an ou
deux, sûrement. Il ne changera peut-être pas ses meubles même
s'il avait l'intention de les changer. Il est obligé de faire des choix
budgétaires lui aussi. Chaque individu vit cela dans sa vie. Il est
obligé de faire des choix budgétaires et, s'il a une
dépense ou une baisse de revenu incontrôlable, à ce
moment-là, il se retourne et il regarde à quelle place il est
capable d'agir pour équilibrer ses affaires. C'est ce que le
gouvernement est obligé de faire. Dans ce sens, la situation au
gouvernement n'est pas différente du tout de celle de l'ensemble des
citoyens dans une période difficile comme celle qu'on vit.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Gaulin et M.
Corriveau que j'avais reconnus tantôt. M. Laberge également.
M. Gaulin: M. le Président, ce sera court, ce sera ma
dernière intervention et ma conclusion en même temps.
Peut-être une remarque au député de Vimont, en passant: Je
pensais que son passage dans le syndicalisme lui avait permis de faire des
analyses politiques un peu plus pronfondes.
Ce qui est en jeu...
M. Rodrigue: M. le Président, une petite question de
privilège.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! M.
Gaulin, c'est vous qui avez la parole.
Une voix: II n'y en a pas en commission.
M. Rodrigue: C'est vrai, il n'y a pas de question de
privilège en commission, je devrais le savoir pourtant.
Le Président (M. Bordeleau): M. Gaulin.
M. Gaulin: Ce qui est en jeu, il faut être clair, c'est le
droit à la négociation. C'est la possibilité de
négocier dans le secteur public et, tant que la loi 70 est là,
c'est une remise en cause profonde du droit et de la possibilité de
négocier. Ce n'est pas parce qu'on dit qu'on va négocier de bonne
foi avec cela que cela va faire de la négociation de bonne foi. Ce que
le gouvernement nous dit, c'est: Quand j'aurai décidé de changer
vos conditions de travail, je les changerai, négociations ou pas,
convention signée ou pas. Venez donc négocier. Si cela ne fait
pas mon affaire, le résultat, je vous changerai cela. C'est ce que le
gouvernement nous dit, c'est le corridor dans lequel il propose de faire de la
négociation. Un engagement signé: est-ce sérieux ou
n'est-ce pas sérieux? Une signature du gouvernement au bas d'une
convention collective, est-ce important ou n'est-ce pas important? Est-ce que
cela se respecte ou cela ne se respecte pas? Ce sont les questions
fondamentales.
Vous pouvez bien comprendre, discuter d'une impasse budgétaire...
Ce que le gouvernement choisit en maintenant sa loi 70, c'est de s'en aller
dans une impasse sociale importante et majeure. On veut protéger les
moins bien nantis de notre société. C'est fort louable, c'est un
objectif commun. Mais en créant ce précédent, est-ce que
le gouvernement s'imagine que tous les employeurs ne sauteront pas
là-dessus et n'utiliseront pas l'exemple du gouvernement? La loi n'est
pas adoptée que déjà la Banque nationale vient d'utiliser
cela, et ce sont les groupes les moins bien protégés dans notre
société. Ceux qui sont non syndiqués, qui ne sont pas
capables même d'aller à une table de négociation ou de
faire respecter leur convention collective parce qu'ils n'en ont pas, ce sont
eux qui vont souffrir le plus là-dedans. Est-ce que ce n'est pas
là une évidence politique? Et on veut protéger les moins
bien nantis de notre société! Voyons donc!
Je crois que, si l'on veut que les choses évoluent correctement
dans notre société, on ne peut pas tolérer qu'un
gouvernement adopte, avec les discours et
les raisonnements qui ont été faits ici, un projet de loi
de la nature du projet de loi no 68 ou du projet de loi no 70. Pour le
régime de retraite, c'est pareil. Venez donc en discuter aux tables des
négociations, on va parler des régimes fermés. On va
parler de l'ajustement des cotisations. Est-ce qu'on va augmenter la cotisation
des salariés, dans un régime fermé, à chacune des
années, jusqu'à ce que le dernier qui restera là-dedans
paie je ne sais pas quoi? Le RREGOP; il y a moyen d'en discuter et de
négocier ces choses; cela se fait. Je pense qu'il y a une voie possible
à la négociation; c'est par la négociation, c'est la seule
voie possible pour résoudre adéquatement les problèmes
dans notre société et, en choisissant d'écarter la
négociation, je pense que le gouvernement crée un
précédent très dangereux.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Corriveau, suivi de
M. Laberge.
M. Corriveau: M. le Président, il ne faut pas penser qu'on
veut être méchant, mais quelquefois on entend des choses. Il y a
des parties de discours qui changent beaucoup depuis le temps. Là, je
m'adresse aux camarades, parce que, dans le temps, on s'appelait "camarades" -
M. Jean-Guy Rodrigue était président de la FPSCQ dans le temps.
Ce que j'ai appris en militant avec lui, c'est que, s'il y avait des choses qui
nous tenaient à coeur, c'était le respect des signatures.
Aujourd'hui, on remet cela en cause. On nous dit que ce sont les acquis de 20
ans qu'on met en jeu; quant à moi, je vous dis que c'est plus que cela.
Ce sont les acquis de l'ensemble du monde du travail qu'on met en jeu
aujourd'hui par le fait qu'on dépose telle loi. C'est cela qu'il faut
regarder.
C'est là, je pense, où le profond malaise semble se
situer. Je pense qu'on s'y prend bien mal en mettant une telle chose. Cela n'a
plus de sens. Qu'est-ce que cela va être, une loi, lorsqu'on va
s'adresser et qu'on va aller négocier avec la partie qui va être
en face? Deux jours après, qu'est-ce qu'ils vont nous ôter? Cela
va être telle autre loi pour nous ôter notre sécurité
d'emploi. Cela va être telle autre loi pour nous ôter
peut-être les promotions. Il n'y aura plus de bonne foi parce qu'on saura
que, pour une fois, lorsque cela fait leur affaire, il y aura une loi qui
viendra nous ôter certains effets. Vous avez des gens, qu'on appelle les
gens de la base et, pour eux, c'est quelque chose de très gros et de
très important, le respect d'une société, et là,
vous la mettez en doute. Pour certains, qu'ils soient de n'importe quel parti,
ce n'est pas là la question, mais, quand on avait une entente de
signée, on la respectait, même si cela nous forçait
à faire des choses; ou, au moins, on s'adressait aux parties pour tenter
d'en arriver à une entente. Vous ne voulez pas faire ce bout-là.
Cela me dépasse. Je vais vous le dire franchement, cela me
dépasse! En tout cas, je pense que, d'une manière ou d'une autre,
il va falloir que vous vous assoyiez à une table de négociation.
Pourquoi ne s'asseoit-on pas de façon paisible, sans aucune contrainte,
et vous allez vous apercevoir que le peuple québécois est
beaucoup plus consciencieux que vous ne semblez le croire actuellement. Les
travailleurs font partie du peuple québécois. Retirez votre loi;
venez négocier; dites-nous quand, on est prêt.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Laberge.
M. Laberge: M. le Président, je vais essayer de
répondre un petit peu - même si ce n'est pas une question -
à ce que M. Rodrigue a soulevé et qui s'était passé
dans l'entreprise privée, chez nos voisins du Sud, par exemple, alors
que, dans le secteur de l'automobile, avec General Motors, etc., il y a eu une
négociation. Les deux parties ont convenu de rouvrir la convention
collective et ils ont négocié à rabais, en échange
pour une sécurité d'emploi. Le résultat net, c'est qu'il y
en a quasiment autant qui se sont fait sacrer dehors. Ils ont perdu je ne sais
pas combien de congés payés et je ne sais pas combien
d'augmentations de salaires. Cela a fait que General Motors a pu
économiser 3 000 000 000 $ qu'elle vient d'investir dans une fabrique
d'autos japonaises, au Japon; 3 000 000 000 $ que General Motors vient
d'investir là-dedans. Les sacrifices faits par ces travailleurs
américains n'auront rien rapporté, absolument pas, aux
travailleurs américains. D'ailleurs, je tiens à vous dire que
c'est en train de péter là-bas. D'abord, cela avait
été accepté à 52%. (17 h 15)
Je pense que M. Rodrigue sait fort bien que lorsque vient le temps de
gruger dans les droits acquis, c'est assez difficile à faire accepter,
et malgré que les dirigeants syndicaux aux États-Unis l'avaient
fortement recommandé, ce n'est que 52% des travailleurs qui ont
accepté. Mais là, les travailleurs viennent de se
réveiller, c'est un réveil brutal; ils n'ont pas obtenu la
sécurité d'emploi et ils ont perdu un tas de choses.
Ici, la situation est différente. D'ailleurs, le directeur
canadien Bob White a été en complet désaccord avec son
syndicat. C'est cela la question. Cela vaut combien, la paix sociale? Il me
semble que ça vaut cher, ça vaut de l'argent. M. Rodrigue me dit
que les gouvernements c'est comme les individus, il faut qu'ils bouclent leur
budget. Sans être économiste on sait fort bien que si les
dépenses sont plus fortes que les revenus, ou bien tu augmentes les
revenus ou tu coupes
les dépenses ou tu empruntes, c'est bien évident, mais
tous les travailleurs chez nous qui ont eu une diminution sensible de leur
revenu n'ont pas bouclé leur budget en allant chercher de l'argent chez
le voisin, ils ont fait cela eux-mêmes. Or, c'est ce gue vous êtes
en train de faire.
Quand vous dites: L'eau était glacée, on l'a
testée, l'eau était glacée, mais on a plongé
pareil. Non! Vous n'avez pas plongé pareil; vous avez
réalisé que l'eau était glacée mais vous nous
"pognez" et vous nous maudissez dedans, c'est pas mal différent.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. J'ai encore plusieurs
demandes, un certain nombre de demandes de droit de parole, de questions, mais
avec mes deux voisins, d'un côté comme de l'autre, il me semble
qu'on serait prêt à mettre fin à la rencontre pour
permettre en toute justice d'entendre également les autres groupes qui
sont ici, à une heure convenable encore là, et qu'ils aient
à peu près le même temps qu'on vous a accordé,
à tous trois. Est-ce qu'on serait d'accord pour mettre fin à
l'échange, ainsi je pourrais laisser le mot de la fin d'un
côté et de l'autre?
M. Laberge: M. le Président, on vous remercie du temps que
vous nous avez écouté. Je pense que vous avez vraiment
démontré que vous étiez intéressés, tous les
membres de la commission, et je pense que ça en valait la peine parce
que la question est tellement importante. Encore une fois, Donatien Corriveau
vient de le dire en terminant: Ce sont des acquis qui remontent très
loin au Québec, le droit à la libre négociation, le
respect d'une signature d'une convention collective, le respect des lois. Un
employeur qui essaierait présentement de faire ce que le gouvernement
essaie de faire, on le traduirait devant les tribunaux et il serait
condamné. Ce n'est pas parce qu'un employeur se trouve en même
temps être législateur qu'il a le droit de violer, de fouler aux
pieds les lois existantes qui régissent nos relations du travail depuis
fort longtemps.
En terminant, M. le Président, encore une fois je souhaite
ardemment, je demande à l'Opposition de continuer à faire son
travail. Je pense qu'on peut compter là-dessus, mais je demande aux
membres du gouvernement de réviser leur position. Je comprends qu'ils
peuvent peut-être trouver qu'un recul dans les circonstances est
inacceptable, mais il y a beaucoup plus important que sa fierté
individuelle. Ce qui est important, c'est le régime de relations du
travail au Québec; ce qui est important, c'est le climat social au
Québec; ce qui est important, c'est la justice - vous en parlez souvent
de la justice - qui doit prévaloir. On ne doit pas fouler aux pieds les
conventions collectives dûment conclues. Ce n'est pas en changeant une
loi que cela rend la chose plus morale; c'est toujours tout aussi immoral.
Encore une fois, merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, monsieur. C'est
entendu qu'il n'y aurait plus d'autres questions.
M. Grégoire: M. le Président, si vous me permettez
juste un mot à M. Laberge.
M. French: Pas de consentement de côté-ci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition
pour le mot de la fin.
M. Ryan: Juste un mot pour remercier les dirigeants des centrales
syndicales de l'éclairage qu'il nous ont apporté sur le
problème posé par le projet de loi no 70 et le projet de loi no
68. Nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt, nous
avons examiné la documentation qui nous a été soumise, en
particulier le mémoire dont lecture nous a été
donnée au début de la rencontre. Nous constatons que certains
éléments de l'acquis social et politique de la dernière
génération sont sérieusement mis en question actuellement.
Au moins, il reste cet élément du tamisage libre et public par la
voie d'une commission parlementaire pendant qu'il est encore temps
d'empêcher que certaines choses ne se fassent, et je pense que la
discussion d'aujourd'hui devrait avoir été éclairante et
profitable de ce côté-là. Je veux assurer les citoyens
intéressés par ces mesures, en particulier, de
l'intérêt de notre groupe. D'ailleurs, vous avez pu le constater
vous-même, nous avons essayé d'examiner le problème en
profondeur et nous allons continuer, tout en étant très
conscients des problèmes difficiles qui se posent au Québec
à la fois sous l'aspect de l'économie, en général,
que des finances publiques, en particulier. Nous croyons qu'il faut chercher
des solutions à ces problèmes dans le respect de certains
principes fondamentaux qui sont également essentiels.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci. M. le
ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je pense que
l'échange que nous avons eu, sans peut-être avoir amené une
modification des positions, permet de mieux comprendre les points de vue et
d'échanger dans une situation qui m'apparaft difficile. À la
question très claire que nous avons posée, à savoir si on
pouvait nous donner l'assurance qu'il sera possible de réduire la
rémunération globale du secteur public au cours de cet exercice
budgétaire, je comprends que du côté syndical on n'ait pas
pu donner cette
assurance, qu'on doive recourir à un processus normal de
négociation et qu'on ne peut pas s'engager immédiatement. Seule
une négociation, à leur point de vue, peut permettre d'obtenir
cet engagement.
Par contre, du côté gouvernemental, il y aura un
équilibre difficile à maintenir entre l'intérêt
public et le processus de négociation, tel que les centrales ont voulu
nous le rappeler aujourd'hui. La négociation à laquelle nous
sommes appelés va se révéler beaucoup plus complexe,
beaucoup plus englobante qu'elle ne l'a jamais été parce que la
crise est très différente de ce que nous avons connu et parce
que, sans doute, la négociation devra porter sur non seulement des
acquis des travailleurs, mais également des acquis de la
société québécoise. Cette crise nous force à
des révisions déchirantes, elle nous force à des
réajustements de points de vue.
Je pense que, dans cette crise, il faut que les intervenants fassent
clairement comprendre les choix auxquels ils sont confrontés, de telle
sorte qu'on ait les cartes sur la table et qu'on n'induise pas nos partenaires
en erreur, mais qu'au contraire la négociation puisse s'enclencher dans
une perception la plus correcte possible du type de choix auxquels nous sommes
confrontés.
L'appel que je voudrais lancer, c'est un appel à une
véritable négociation de cet équilibre à
établir au Québec. Je crois qu'il est possible. Vos interventions
nous ont montré qu'il n'y a pas que le gouvernement qui soit sensible
à la crise et à la nécessité de s'ajuster. Nous
devrons à la fois respecter la dynamique normale de négociation
d'un point de vue syndical, mais en même temps établir dans notre
position certains principes fondamentaux, dont le respect de certains acquis de
la société québécoise. Nous sommes effectivement
coincés entre les deux. Entre autres, l'attaque qu'on a portée
vis-à-vis de mon collègue de Vimont ne m'apparaît pas
correcte parce que, effectivement il a vécu, il a connu le monde
syndical. Aujourd'hui, il est plongé dans un univers où il est
aux prises avec des contraintes et il doit chercher à rétablir
cet équilibre. C'est, je pense, la démarche à laquelle
nous sommes contraints présentement et je suis convaincu qu'il y a moyen
de passer à travers; ce ne sera pas facile, mais je crois qu'il y a
moyen de s'entendre et ce, effectivement, à une table de
négociation. C'est là où nous nous retrouverons.
M. Laberge: Mon cher ministre, vous auriez peut-être
dû arrêter trente secondes plus vite, sans référence
aux camarades de Donatien... On a bien des gars qui sont passés dans le
mouvement syndical et bien des femmes qui sont devenues, à un moment
donné, surintendant, surintendante; on avait remarqué le
même équilibre.
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec
Le Président (M. Bordeleau): Alors, je vous remercie
également, messieurs, de vous être présentés devant
cette commission. J'appellerai maintenant les représentants du Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec. À l'ordre, mesdames et
messieurs!
Nous continuons et je demanderais à M. Harguindeguy, non pas de
se présenter lui-même, mais de nous présenter les personnes
qui l'accompagnent.
M. Harguindeguy (Jean-Louis): Ceux qui m'accompagnent sont les
membres de l'exécutif provincial. À mon extrême droite, M.
Jean-Guy Fréchette, vice-président de l'unité ouvriers,
Mme Denise Dion, vice-présidente de l'unité fonctionnaires, M.
Georges Nadeau, vice-président de l'unité fonctionnaires, M.
Normand Duguay, secrétaire général, M. Marcel Lemieux,
vice-président de l'unité ouvriers, M. Roland Saint-Jean,
vice-président de l'unité ouvriers. À mon extrême
gauche, Mme Danielle Maude Gosselin, vice-présidente de l'unité
fonctionnaires, M. Denis Gaudreault, vice-président de l'unité
ouvriers et M. Pierre Chassé, vice-président de l'unité
ouvriers, moi-même comme président général.
Nous nous excusons de ne pas avoir de mémoire écrit, mais
nous avons peut-être préféré économiser
l'argent pour l'utiliser à d'autres fins, de façon
peut-être plus efficace, pour les mois qui vont suivre. D'ailleurs, nos
déclarations seront extrêmement brèves.
Nous estimons que, compte tenu de l'affirmation qu'on a entendue depuis
déjà quelque temps par les ministériels, à savoir
que le gouvernement n'entend pas retirer les projets de loi nos 68 et 70, la
présente convocation en commission parlementaire n'est qu'un autre
fleuron de l'opération de relations publiques entreprise par le
gouvernement, à nos dépens, depuis déjà
passablement de temps, et possiblement aussi pour alléger quelque peu sa
conscience.
Le gouvernement, par son attitude actuelle, fait suite à d'autres
interventions, au moins en ce qui regarde les employés directs du
gouvernement, puisque nous avons eu à faire face à plusieurs
projets de loi adoptés sans que nous n'ayons pu intervenir, ou sans
même de négociation au préalable. Nous estimons que les
deux derniers projets de loi que nous connaissons remettent en question tout le
fondement de la négociation collective dans la fonction publique. On
tente d'écarter un système qui a été mis en place
depuis près de 20 ans, puisque cette année, c'est effectivement
le vingtième anniversaire de fondation du Syndicat des fonctionnaires
provinciaux, et jamais depuis les cinq ou six dernières années,
n'avons-nous eu à faire
face à de telles attaques de la part du gouvernement.
Nous maintenons et nous croyons que, malgré tout, le gouvernement
devrait retirer les projets de loi actuels, pour - si cela existe encore -
négocier de bonne foi, sans menace et sans chantage, le renouvellement
de la convention collective, de celle qui vient à échéance
le 31 décembre prochain.
Quant à nous, nous estimons, malgré les
déclarations des ministériels, que le gouvernement ne respecte en
aucune façon sa signature, ni même l'esprit du Code du travail qui
prévoit que, lorsqu'une convention vient à échéance
avant son renouvellement, il n'y a pas de modification aux conditions de
travail. Ce que fait le gouvernement actuel avec le projet de loi no 70 a
effectivement cet effet, puisqu'il va changer des choses. D'abord, dans une
partie, il va prolonger la durée de la convention collective et il va
également récupérer de l'argent que nous avons, je pense,
tous ensemble, consciemment - je le souhaite -signé en 1980, lorsque
vous nous avez aussi, dans un premier temps, forcés à consulter
nos membres pour accepter la proposition que le ministre des Finances, à
l'époque, estimait comme étant fort raisonnable. (17 h 30)
Nous estimons... Et là-dessus nous n'avons pas eu de
réponse, malgré les affirmations du député de
Vimont indiquant que le gouvernement avait un livre bien ouvert. Nous n'avons
pas obtenu les réponses à nos demandes pour obtenir copie des
contrats ou des sous-contrats d'entretien et de réparation puisque nous
estimons que, quant à nous, il y a une partie de l'argent qui pourrait
être économisée à ce niveau-là, si on tient
compte que pour les fonctionnaires et ouvriers que je représente la
récupération d'argent représente 41 000 000 $.
De plus, l'attitude actuelle du gouvernement remet en question la
crédibilité du gouvernement. Nous pouvons difficilement,
même dans le cadre d'une prochaine négociation, avoir une
confiance aveugle dans le texte et le comportement que nous aurons au cours des
prochaines conventions collectives. Quant à nous, même si nous
sommes les plus pénalisés par le projet de loi no 70, puisque
c'est à nous que vous faites payer la note beaucoup plus qu'aux autres,
nous estimons quand même qu'il vous appartient en temps que gouvernement
de décider. Suivant votre attitude, nous adopterons une attitude
appropriée pour agir en conséquence, en temps opportun.
Nous n'avons pas l'intention, en tant que Syndicat des fonctionnaires
provinciaux, de servir de caution morale à l'incurie administrative du
gouvernement et d'apposer notre signature sur une entente forcée par le
projet de loi no 70. Nous allons plutôt subir et nous nous reverrons en
temps et lieu. C'est tout ce que nous avions à vous dire. Quant à
nous, le gouvernement devra porter l'odieux du geste qu'il pose depuis
déjà quelque temps sur le dos et au détriment des
fonctionnaires. Je pense que depuis quelques années on subit des
attaques répétées de la part du gouvernement qui fait en
sorte que les fonctionnaires, qui pourtant devraient être les plus
proches collaborateurs du gouvernement, sont méprisés au maximum.
C'est eux qu'on prend comme boucs émissaires de la situation actuelle.
C'est une situation que nous ne pouvons accepter. C'est tout ce que nous avions
à vous dire.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre.
M. Bérubé: II y a une question que j'ai de la
difficulté à interpréter. Vous dites que la commission a
été convoquée par le gouvernement, alors que j'ai eu
l'impression au contraire, à la suite des télégrammes que
vous et les centrales m'avaient envoyés, qu'elle avait été
demandée par les travailleurs pour se faire entendre sur le projet de
loi. Nous avons accepté de tenir cette commission d'abord, en bonne
part, parce que vous aviez raison de demander à être entendus;
deuxièmement, parce que la situation que nous traversons nous oblige
nécessairement à des remises en question de nos comportements.
Lorsque vous dites: Nous allons subir la loi et nous nous reverrons en temps et
lieu, je m'interroge, à savoir si la perception de la situation
économique que vous avez doit nous amener à des changements
d'habitude ou d'attitude par rapport à ce que nous avons connu dans les
négociations antérieures. .
J'aimerais savoir si pour vous aussi, les problèmes que vivent
nos concitoyens qui n'ont pas la sécurité d'emploi, qui n'auront
peut-être pas une indexation au coût de la vie cette année,
qui n'auront certainement pas une prime d'enrichissement puisque finalement
l'économie aura reculé de 3,6% cette année et
peut-être plus que cela lorsque nous verrons les chiffres finaux... Face
à une crise comme celle que nous vivons, croyez-vous que le syndicalisme
doit également ajuster son attitude face aux négociations et
tenter non seulement de défendre les intérêts de ses
membres, ce qui est normal, mais également de travailler à
l'intérêt plus général de la société
ou est-ce que vous croyez que l'attitude syndicale devrait être une
attitude purement de défense des droits syndicaux sans avoir à se
préoccuper du problème que vit le reste de la
société? J'aimerais savoir un petit peu comment vous sentez,
vous, la crise, comment elle frappe nos concitoyens autour et quel genre
d'effort on doit tous ensemble
être prêts à fournir pour faire en sorte qu'on
allège le fardeau de nos concitoyens.
M. Harguindeguy: D'abord, je voudrais préciser que c'est
effectivement vrai que nous avons demandé d'être entendus en
commission parlementaire, sauf que dans le même souffle le premier
ministre déclarait qu'effectivement il y aurait une commission
parlementaire mais que le gouvernement n'entendait pas retirer ses projets de
loi. Donc, ça rime à quoi d'avoir une commission parlementaire si
à toutes fins utiles le résultat va être le même? Se
faire entendre pourquoi? Ce n'est quand même pas le lieu le plus
approprié pour négocier un renouvellement de convention
collective ou une réouverture des conventions collectives.
Quant au problème global auquel doit faire face l'ensemble des
citoyens du Québec, c'est un fait que la situation n'est pas des plus
gaies à l'heure actuelle. Cependant, le principe que vous avez
amené dans le projet de loi no 70 a de drôles d'incidences quant
à nous, employés de l'État. Notre première
responsabilité, je pense que c'est de défendre les
intérêts des membres qu'on représente. Or, par ce projet de
loi, vous nous faites accepter des comparaisons que nous n'estimons pas
acceptables, tout en nous comparant avec des secteurs non syndiqués.
Donc, vous savez fort bien que si nous acceptons aujourd'hui de baisser les
salaires, cela va se faire ailleurs. On a l'exemple de la Banque nationale qui
vient d'annoncer qu'effectivement ses employés n'auraient pas
d'augmentation de salaire. Or, dans votre propre comparaison, cette institution
bancaire est indiquée. Donc, nécessairement, l'année
prochaine, si on accepte ce principe sans se battre à l'heure actuelle,
on va être encore au même point, on va encore être trop
rémunérés.
D'autre part, la façon dont vous appliquez la
récupération d'argent représente, quant à nous,
plus de 18,85%, parce que, mathématiquement parlant, vous l'avez
appliquée sur un gel d'augmentation du coût de la vie de 10,4% au
30 juin. Or, il peut s'avérer qu'au 30 juin 1982, l'augmentation sera
peut-être plus près de 12%, ce qui ferait en sorte que la
récupération effective par rapport au salaire reçu par
l'employé le 31 décembre 1982 serait de l'ordre d'au moins 20% et
non pas 18,85%.
Le fait d'accepter ce principe, cela va même à l'encontre
des comparaisons que vous avez effectuées. Parce que vous êtes
fort conscients, j'imagine, que dans votre comparaison, il y a des
classifications pour lesquelles la différence qui existe aujourd'hui
avec les entreprises privées n'est pas aussi importante que celle que
vous prétendez. Vous avez appliqué une moyenne. Pour nous,
accepter ce principe, aujourd'hui, c'est quand même reculer
drôlement par rapport à ce que nous connaissons comme
situation.
Également, cela remet en question tout les principes pour
lesquels on s'est battu jusqu'à maintenant, parce qu'on n'est même
pas convaincu qu'au mois de mars prochain, votre déficit actuel va
être aussi régularisé. Avec le manque à gagner que
vous avez, il y a quand même un trou de l'ordre d'à peu
près 750 000 000 $ qui va demeurer au mois de mars. Il peut augmenter,
parce que vos budgets ont toujours été déficitaires, plus
que les prévisions présentées à l'Assemblée
nationale. Qui va payer la note, la prochaine fois? Est-ce encore nous? Quant
à avoir une lutte à faire à un moment donné, on
aime autant la faire une seule fois pour toutes.
Quant au reste, écoutez, qu'il y ait des administrations et des
coutumes à changer, c'est vrai, sauf qu'il y a peut-être des
options qui sont moins politiques sur lesquelles vous n'êtes pas
prêts à changer. Quand on s'est rencontré au mois d'avril,
vos représentants nous ont indiqué que dans votre budget de
dépenses, il y avait un montant de 200 000 000 $ qui représentait
l'embauche d'étudiants, d'employés occasionnels, le temps
supplémentaire. Nous, nous avions estimé qu'il y avait une
possibilité d'économiser de l'argent là, en utilisant de
façon plus rationnelle les employés. Vous nous avez dit qu'il
fallait répondre de cela à la population, à savoir
qu'est-ce que vous alliez répondre aux étudiants qui cherchent de
l'ouvrage d'été. Mais vous comprendrez que ma
préoccupation première et celle des membres c'est de maintenir
les conditions pour lesquelles ils ont fait des sacrifices
antérieurement.
N'oubliez pas qu'en 1979, on a fait six mois de grève ou de
moyens de pression qui nous ont coûté de l'argent. Ce n'est quand
même pas pour rien que nous l'avons fait. Nous serons prêts, s'il
le faut, à le faire encore.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. D'autres questions, M.
le ministre.
M. Bérubé: Non, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: D'abord, M. le Président, je voudrais signaler au
président du Syndicat des fonctionnaires et à ses
collègues que nous nous intéressons de très près
à leurs conditions de travail. Il y a des principes de base auxquels
nous tenons avec fermeté: en particulier, le principe qui
reconnaît le droit d'association et les corollaires qui en
découlent; en particulier, le droit de former et de diriger des
syndicats, et le droit, à l'aide de ces syndicats, de négocier
librement des conditions de travail. J'ajouterais un
troisième corollaire, le droit de s'attendre que lorsque
l'employeur a donné librement et régulièrement sa
signature, il respecte sa parole et ses engagements.
Nous trouvons que la façon de procéder qui est
définie dans le projet de loi no 70 ne répond pas du tout
à ces exigences de base et vient en contradiction flagrante avec des
principes que le parti ministériel a longtemps proclamés, je
dirais même, avec excès, excès compris, quand il
était dans l'Opposition.
Nous avons discuté avec les représentants des trois autres
centrales syndicales pendant plusieurs heures aujourd'hui de questions de fond
qui se rattachent au projet de loi no 70 et au projet de loi no 68. Je ne pense
pas que vous vous attendiez que nous refassions toute la discussion de fond. Je
pense que nos positions sont assez clairement établies. Je voudrais vous
demander, M. le président du syndicat, de quelle genre de données
vous disposez de votre côté pour établir des comparaisons
entre le secteur privé et le secteur public. Tout ce que nous discutons
aujourd'hui repose sur le postulat mis de l'avant par le gouvernement voulant
qu'un écart considérable se soit créé entre les
rémunérations dans le secteur public et dans le secteur
privé. Le gouvernement s'appuie sur des travaux de recherche
sérieux, qui ont été faits par le bureau de recherche sur
les rémunérations. Il est arrivé à certaines
conclusions, à l'aide de ces travaux. Il n'a pas été
question de ces chiffres aujourd'hui et ce n'est peut-être pas la place,
mais je voudrais que vous nous donniez votre point de vue. Quand vous abordez
ces questions, est-ce que vous acceptez, au départ, la
problématique gouvernementale ou si vous avez, de votre
côté, des travaux de recherche, des documents, des sources
d'information, même extérieures, qui vous autorisent à
avancer des résumés de situation qui pourraient être
différents de ceux que le gouvernement met de l'avant?
Le Président (M. Bordeleau): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: D'abord, on est dans une situation
particulière au gouvernement. Il y a plusieurs fonctions pour lesquelles
il n'y a pas de comparaison possible avec l'extérieur, puisque le
gouvernement est le seul employeur. Ce qu'on a toujours accepté comme
principe, jusqu'à présent, cela a été d'abord
d'effectuer des comparaisons avec certaines classifications qui se retrouvent
et d'appliquer ensuite les résultats de ces comparaisons à ces
classifications à l'intérieur de la fonction publique, mais,
même dans l'étude du gouvernement, celle faite par le bureau de
recherche sur la rémunération, notamment dans le cas du secteur
ouvrier, les employés manuels, le gouvernement lui-même
prétend qu'il y a un rattrapage à effectuer et c'est exact. Par
rapport à des entreprises privées, dans les travaux manuels, pour
les employés de métier, il y a comparaison, même sur une
base horaire, qui est assez importante, d'au-delà de 2 $ l'heure
actuelle par rapport au gouvernement. Mais, même là, le projet de
loi no 70 fait en sorte qu'on récupère l'argent. Même si le
gouvernement estime qu'effectivement, chez les ouvriers, on devrait en donner
plus ou, en tout cas, qu'il y aurait un rattrapage à effectuer de
l'ordre d'à peu près 5%, on coupe quand même 20% le 1er
janvier 1983, parce que tout le monde passe dans le même trou. C'est un
peu la machine à saucisse de 1967 du ministre des Finances actuel, qu'il
avait déjà expliquée à l'époque. On met tout
cela dedans et, à la fin, tout le monde sort pareil.
Quant à la classification des fonctionnaires, le gouvernement ne
respecte même pas la même comparaison de salaires pour certaines
catégories d'emplois, parce que cela coûte cher, que cela
coûte de l'argent. Il y a certaines classifications de techniciens pour
lesquelles les salaires même intérieurs sont moindre que d'autres,
même si les conditions d'admission sont similaires. C'est un vieux
dossier, cela fait longtemps qu'on en parle. C'est sûr que cela adonne
que ce soient des femmes qui sont dans ces corps d'emploi aussi. C'est aussi un
aspect dont la proposition du projet de loi ne tient pas compte, parce qu'on
coupe également, même les femmes, qui gagnent moins cher, de 20%
aussi. Les employés de secrétariat sont payés même
moins cher et on les coupe quand même.
En tout cas, quant à nous, la façon dont le gouvernement
veut amener le projet de loi no 70 est irrationnelle. Quand on fait des
comparaisons pour des corps d'emploi dont l'employeur est unique au
Québec, il me semble qu'il serait approprié de pouvoir se
comparer à d'autres entreprises publiques, à d'autres
gouvernements provinciaux, pour établir encore une certaine comparaison,
mais cela ne se fait pas non plus. On pourrait constater, à ce
moment-là, que toutes proportions gardées et en incluant une
politique de rémunération globale, il y aurait du rattrapage
à effectuer, mais tout cela est strictement politique.
Un autre point drôlement important, je pense que le ministre des
Finances, au sommet économique, avait laissé entrevoir une
ouverture qui, pour nous, aurait peut-être été acceptable,
à moins que ce soit une erreur dans le texte, quand il avait
déclaré qu'on pourrait juger comme acceptable le fait de se
comparer aux importantes entreprises syndiquées. Je pense que,
déjà là, il y aurait un écart, parce que
l'étude actuelle tient compte autant de l'entreprise non
syndiquée que syndiquée.
Or, il va de soi que quand vous comparez cela avec des compaqnies comme
Sécuribec, l'agence Philips, l'agence Pinkerton, où il n'y a pas
de syndicat pour le gardiennage et qu'on prend cette classification comme
étant un emploi comparable avec le privé pour appliquer la
comparaison à l'ensemble du gouvernement, cela fausse les
données, parce que ces employés sont payés
légèrement au-dessus du salaire minimum, environ 5 $ l'heure.
C'est clair que quand vous appliquez cela pour le gardiennage et qu'on prend
ces classifications, parce qu'il y en a seulement 16 qui sont utilisées
dans la comparaison du bureau de recherche sur la rémunération,
alors qu'au gouvernement, vous avez 92 corps d'emploi chez les fonctionnaires
et que vous avez au-dessus de 120 différentes classes d'emploi chez les
ouvriers, les employés manuels, on prend 15 corps d'emploi et on dit:
Tout le monde est comme cela. (17 h 45)
II y a actuellement une étude qui a été faite par
le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre qui devrait
peut-être donner des résultats plus concrets. Cette étude
va tenir compte de l'aspect de la comparaison entre les secteurs
syndiqué et non syndiqué, mais ces données, c'est à
la table de négociation qu'on pourra en discuter. Je ne pense pas que ce
soit d'ici au 22 juin, date à laquelle vous allez finir de discuter du
projet de loi 70, qu'on va régler tout cela. On a déjà
tenté d'en discuter lors des précédentes
négociations, mais la rémunération actuelle, la politique,
c'est quand même le gouvernement qui l'a voulue. Nous avons eu le projet
de loi 62 qui nous a forcés à retourner au travail et à
accepter la proposition de la rémunération actuelle de la
convention collective que le ministre des Finances déclarait comme
étant raisonnable. Aujourd'hui, elle n'est plus bonne.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Si le projet de loi 70 est adopté par
l'Assemblée nationale dans sa forme actuelle, que va-t-il arriver,
d'après vous? Quelle sorte de négociations allez-vous avoir?
M. Harguindeguy: Elles vont sûrement être encore plus
dures que les dernières. D'ailleurs, on se prépare en
conséquence. On n'a pas le choix. Que voulez-vous? C'est pratiquement la
survie du syndicat, parce que, finalement, si on signe, si on met des efforts,
des énergies et de l'argent dans la signature d'une convention
collective et si le gouvernement peut se permettre, dans les années qui
suivent, de la mettre de côté, parce qu'elle ne lui plaît
plus, je pense que cela remet en question le fondement de notre existence.
Quant à nous, on ne s'est pas battus depuis 20 ans pour en arriver
là.
Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Les coupures de salaires qui sont annoncées pour
les trois premiers mois de 1983, quel effet auront-elles sur vos membres?
Comment y réagissez-vous?
M. Harguindeguy: En tout cas, on peut sûrement se poser des
questions sur la motivation des employés. Quand on pense que des agents
de bureau, aujourd'hui, en classe nominale, au dernier échelon - ce sont
quand même des gens qui y ont consacré un certain nombre
d'années de leur vie, au moins huit ans, et qui ont aussi un secondaire
- gagnent aujourd'hui 18 044 $ et devront rembourser, sur une base annuelle,
4054 $, c'est-à-dire environ 1016 $ en trois mois! Cela veut dire que,
sur six paies et demie, il faut qu'ils retournent 1000 $ au gouvernement, ce
qui sera cela de moins par rapport à leur train de vie au 31
décembre. Du 1er janvier 1983 au 31 mars 1983, les gens vont gagner
moins cher qu'ils ne gagnent depuis le 1er juillet 1981. C'est une
réalité.
Quand, tantôt, on a mentionné qu'on assurait le pouvoir
d'achat aux gagne-petit, en tout cas, ce n'est pas tout à fait exact,
quant à nous, parce que le maximum d'augmentation que donne la
proposition avec la formulation actuelle, c'est environ 6% globalement, sur la
période. Il ne faut quand même pas oublier que les gens qui sont
au bas de l'échelle n'auront pas d'avancement d'échelon, ce qui
représente environ 4% également de leur masse salariale, de leur
revenu brut en tant qu'employé. On peut leur faire miroiter qu'on va
leur donner 8%, mais, si le coût de la vie se situe à 12%, comme
c'est le cas depuis quand même quelques années - et il y a tout
lieu de croire que cela va être aussi près de 12% d'ici au 30 juin
1982 - je pense que c'est leurrer les gens que de prétendre que les bas
salariés vont avoir le maintien de leur pouvoir d'achat. Ils n'auront
même pas ce que le gouvernement a accepté de donner à la
construction, 10% d'augmentation.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: Oui, M. le Président. On nous a dit - je
pense que cela doit aussi être votre impression, d'après ce que je
peux tirer de vos propos - que le gouvernement a choisi la solution de
facilité, c'est-à-dire d'aller chercher 500 000 000 $ chez
l'ensemble des salariés du secteur public. Moi, évidemment, je ne
considère pas que c'est la solution de facilité. Il n'y a pas de
solution facile, actuellement, et vous nous
promettez des négociations difficiles, plus difficiles que la
dernière fois. Je pense que c'est bien évident que ce n'est pas
la solution de facilité.
Cependant, j'aimerais vous demander ceci. Je comprends que ce qui est
dans le projet de loi 70 actuellement entraîne des baisses salariales,
j'espère qu'on va se mettre à négocier le plus rapidement
possible pour faire en sorte que ce genre de choses n'ait pas à
s'appliquer. Ce que le gouvernement a dit, c'est qu'il faut aller chercher 500
000 000 $ sur la masse salariale et, là-dessus, on aura beau faire le
tour - je ne voudrais pas reprendre tout ce qui a été
énoncé en termes de possibilités, soit des hausses
d'impôt ou des coupures additionnelles de dépenses, l'augmentation
du déficit - s'il n'y a pas la loi 70, il faut faire un budget avec un
déficit de 3 500 000 000 $ et espérer qu'au budget
supplémentaire on récupérera, à la suite des
négociations, 500 000 000 $. C'est à peu près cela, la
situation. On ne peut pas permettre un déficit de 3 500 000 000 $,
d'autant plus que la situation économique va en s'aggravant. Au mois de
mars, le gouvernement disait: Pour le maintenir à 3 000 000 000 $, il
faut aller chercher 700 000 000 $. Au mois de mai, c'était rendu
à 900 000 000 $. Dans deux ou trois mois, cela sera combien, si la
situation économique continue à se détériorer? On a
beau dire: On pourrait laisser augmenter le déficit à 3 200 000
000 $ ou 3 300 000 000 $, peut-être, mais si la situation
économique continue à se détériorer, on va en avoir
besoin. Si on voit qu'elle se stabilise, je pense qu'on devrait tous être
d'accord pour mettre cela dans la création d'emplois. Il y a 150 000
chômeurs de plus depuis que la crise a vraiment commencé à
frapper en septembre de l'année dernière.
J'ai l'impression qu'on est en train de s'enfarger dans des questions
importantes sur le plan des principes, sur le plan des formes de
négociation, des formules de négociation. Les syndicats ont
l'impression de négocier avec un fusil sur la tempe. Je me demande si
vous comprenez que c'est toute la société qui a un fusil sur la
tempe actuellement, à cause de la crise économique, et que si on
veut que ce projet de loi ne s'applique jamais... Tout le monde dit qu'il veut
négocier, vous dites que vous voulez négocier, le gouvernement
dit qu'il veut négocier, les centrales syndicales disent qu'elles
veulent négocier, pourquoi ne s'assoit-on pas et ne négocie-t-on
pas pour essayer d'arriver à quelque chose de mieux que ce qu'il y a
dans le projet de loi no 70?
Le Président (M. Bordeleau): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Sauf que le principe d'une négociation,
c'est que cela doit normalement se faire de bonne foi. C'est aussi un
échange de bons précédés qui fait en sorte que
quand on laisse aller certaines choses, on obtient quelque chose en retour.
Lorsqu'on a eu la rencontre le 16 avril dernier, nous avons demandé aux
représentants du gouvernement si, effectivement, dans une
possibilité de réouverture, il nous était possible
d'envisager des améliorations à des clauses qui peut-être
pour nous aussi nous sont à l'heure actuelle préjudiciables et
qu'on voudrait voir améliorées. La réponse a
été non. La seule proposition ou la seule négociation
possible, c'est d'accepter la proposition telle que formulée le 16 avril
ou c'est le projet de loi no 70. Le projet de loi no 70 coûte à
nos membres près de 9 000 000 $ de plus que la proposition de
réouverture, même si on a 52% des membres du sexe féminin,
qui sont les moins bien payés. C'est aussi absurde que cela.
Malgré tout, nos membres consultés ont rejeté à
94,6% la proposition du 16 avril, parce que le principe, la forme dans laquelle
elle est soumise ne concorde absolument pas avec les règles de
négociations qu'on doit appliquer à l'heure actuelle. Quant
à nous, nous sommes prêts. Je doute que le gouvernement soit
prêt à négocier, même pour le renouvellement de la
convention collective au 31 décembre 1982. Nous étions
disposés à le faire dans les 48 heures suivant le
dépôt. Cela a été accepté par nos membres
déjà lors d'assemblées qui sont terminées depuis le
mois de mai.
On se souvient qu'en 1978, notre convention venait à
échéance le 30 juin. Les premières propositions salariales
sont venues sur la table au mois d'octobre 1979. On a signé au mois de
janvier 1980. Estimer ou penser que le gouvernement va être prêt
à envisager une négociation globale pour le renouvellement de
tous les articles de la convention, j'en doute, à moins de ne rien
changer et de dire: C'est cela que je donne, prends cela, et je négocie,
c'est comme ça. Mais ce n'est pas comme cela des négociations,
quant à nous.
M. Paquette: Si le gouvernement vous disait: On est prêt
à négocier immédiatement l'ensemble des conventions
collectives, vous seriez prêts à le faire immédiatement, le
plus vite possible?
M. Harguindeguy: Demain matin, à 8 heures, si vous voulez.
Ce soir, il y a une manifestation, nous ne sommes pas libres, mais demain.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Sainte-Anne. Vous n'aviez pas terminé? Je m'excuse, une autre question,
M. le député de Rosemont.
M. Paquette: Est-ce que je dois interpréter votre
réponse dans le sens que vous seriez prêts à
négocier, même si le projet de loi est sur la table?
M. Harguindeguy: Nous sommes toujours prêts. Nous n'avons
jamais refusé aux représentants du gouvernement de les
rencontrer.
M. Paquette: D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): Vous aviez une question, Mme
la ministre de la Fonction publique?
Mme LeBlanc-Bantey: ... prêts demain matin, nous aussi.
M. Harguindeguy: À 8 heures, au centre des
négociations, si vous voulez. Nous serons là.
M. Grégoire: Demain matin?
Le Président (M. Bordeleau): Vous allez être
là, M. le député de Frontenac?
M. Grégoire: C'est réglé. Merci,
messieurs.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Seulement une question courte, M. le Président.
Concernant l'impasse dans laquelle le gouvernement se trouve à cause de
ce que j'appelle le truc Bérubé, j'ai entendu dire très
clairement par des groupes qui vous ont précédé
qu'à moins que le gouvernement retire son projet de loi, ils ne sont pas
prêts à négocier. En réponse, le ministre a dit
qu'il n'est pas prêt à retirer son projet de loi, mais que lui
aussi, il est prêt à négocier. Donc, là, votre
position semble être un peu plus dans le sens que même si le projet
est adopté comme loi, vous serez prêts à négocier;
j'ai bien compris cela.
M. Harguindeguy: Si j'ai bien compris tantôt la question du
député de Rosemont, c'est dans le cadre de négocier le
renouvellement de la convention collective; je suis prêt, c'est cela que
j'ai répondu, je suis prêt.
M. Polak: Même si le projet de loi est adopté.
M. Harguindeguy: Nos demandes sont formulées en fonction
de notre convention collective actuelle, indépendamment du projet de loi
no 70 et de ce que nous estimons être un minimum essentiel que nous
devons avoir à compter du 1er janvier 1983. C'est dans ce cadre que je
suis prêt à négocier.
M. Polak: Maintenant, les groupes qui vous ont
précédé ont fait part... M. Laberge l'a dit: Nous, nous
sommes prêts à faire notre part, mais il n'y a pas beaucoup de
détail sur ce que veut dire: "faire notre part." Est-ce que, parce que
tout de même il faut penser aussi à l'opinion publique, on parle
avec du monde, à la manière dont les gens réagissent
vis-à-vis de la proposition...? Je suis d'accord avec la position que
les syndicats ont prise, qu'on aurait dû négocier avant, c'est
notre opinion. Mais, ne croyez-vous pas que ce serait utile d'aller un peu plus
en détail concernant "faire notre part"? Qu'est-ce que cela veut dire?
Vous n'avez pas besoin de mettre toutes les cartes sur la table, mais ce serait
peut-être une bonne idée - je sais que c'est difficile parce que
vous ne voulez pas négocier sur la place publique, mais pour satisfaire
l'opinion publique - de dire: Voici, on serait prêt à discuter
telle et telle condition, si pénible que ce soit, on est prêt
à faire notre part. Vous pourriez donner un peu plus de détails
pour justement avoir, peut-être, je ne sais pas, l'opinion publique et
forcer le gouvernement à retirer le projet de loi et à vraiment
négocier.
M. Harguindeguy: Je peux difficilement répondre, il aurait
fallu poser la question tantôt à M. Laberge parce que je ne suis
pas affilié à la FTQ, moi; on est un syndicat indépendant.
Alors, je ne peux pas répondre pour lui.
D'autre part, quant à nous, il y a peut-être des efforts
qui pourraient être effectués au niveau de la gestion de certains
ministères, au niveau de l'embauche de certains employés, au
niveau même des réductions de l'effectif. Vous savez, même
là, on ne peut quand même pas parler de rationalisation non plus,
c'est 1% partout, tout le monde, on coupe bien à plat; sauf que dans les
cadres, il n'y a pas tellement de coupures. En tout cas, on n'en a pas
tellement vu. Il y a l'équipement qu'on achète qui n'est pas
utilisé pour lequel le gouvernement emprunte, va payer des
intérêts, et tout le monde va payer en double parce qu'on paie un
entrepreneur pour faire le job et l'entrepreneur, lui, on le paie selon le
décret de la construction, selon le décret qui est applicable
dans ce corps de métiers, en plus de lui payer la
dépréciation de son équipement à lui, de payer
également son administration et ses profits. Ce sont des choses que l'on
voudrait pouvoir discuter.
D'ailleurs, nous avons demandé cela à la suite de la
rencontre du 16 avril et nous n'avons pas eu de réponse. Quant à
nous, il y a des travaux qui s'effectuent à l'heure actuelle à
l'extérieur du gouvernement par des entreprises privées - donc,
c'est donné à
contrat, à sous-contrat - où le coût devrait
être moindre s'ils étaient effectués par les
employés du gouvernement qui possèdent les compétences et
les qualifications voulues et pour lesquels le gouvernement est
déjà en possession d'équipements appropriés. Vous
avez des véhicules qui dorment dans les districts du ministère
des Transports pour lesquels tout le monde paie; vous avez même des
camions qui sont vieux de dix ans, pour lesquels on paie des réparations
à l'heure actuelle qui coûtent plus cher pratiquement qu'un camion
neuf. J'ai déjà transmis aussi à l'adjoint du ministre des
Finances certaines informations bien particulières sur une
émission radiophonique...
M. Polak: Envoyez-nous une copie.
M. Harguindeguy: Les articles - je les ai aussi envoyés
à M. Ryan, je me suis permis cela - pour être sûr que la
question revienne à l'Assemblée nationale. Ce sont des choses
comme celles-là que nous pourrions discuter où déjà
on pourrait démontrer qu'il y a des dépenses qui s'effectuent sur
lesquelles on pourrait exercer un meilleur contrôle. Je ne sais pas si
c'est 40 000 000 $, ce que cela représente chez nous, mais même si
ce n'était seulement que 10 000 000 $, ce serait déjà au
moins 10 000 000 $ de pris.
M. Polak: Merci, M. Harguindeguy.
Le Président (M. Bordeleau): Merci; M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: M. le Président, je passe.
Le Président (M. Bordeleau): Vous passez. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: C'est seulement une précision que je
voudrais avoir. Vous êtes prêts à négocier demain
matin la nouvelle convention collective en examinant toute la question de la
gérance, etc. Est-ce que vous êtes prêts à entrer
dans cette négociation-là la part des 521 000 000 $ qui vous
serait impartie, compte tenu de ce que représente la masse salariale
dans la fonction publique? (18 heures)
M. Harguindeguy: Généralement, quand on parle de
négociation, on ne va pas là avec déjà une
idée préconçue, si on négocie, c'est parce qu'on
est ouvert à toute discussion. On verra là. Je ne peux pas
m'engager plus que cela, aussi longtemps d'avance.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le
député de Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, j'avais des questions
à poser à M. Harguindeguy, mais je le trouve de bien bonne foi,
du moins à ce qu'il nous dit, qu'il est prêt à entrer tout
de suite, dès demain, dans les négociations, y compris la tranche
de 521 000 000 $ qui...
Une voix: II n'a pas dit cela...
M. Grégoire: Bien, j'ai cru comprendre cela.
M. Rivest: Ce n'est pas ce qu'il a dit du tout.
M. Grégoire: Ce n'est ce que vous avez dit?
M. Harguindeguy: Vous êtes trop proche...
M. Grégoire: Vous avez dit que vous entriez là sans
intention préconçue, j'en ai conclu que vous entriez là
pour négocier ce qu'il y avait à négocier.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît:
M. Grégoire: Quand même, si ce n'est pas cela que
j'ai compris, je pourrais dire à M. Harguindeguy: C'est vrai que vous
êtes peut-être à plaindre, les fonctionnaires, et vous avez
peut-être raison de vous plaindre. C'est peut-être vrai.
Je peux vous donner de petits exemples qui atténueraient vos
plaintes, M. Harguindeguy. Par exemple, pour moi, ce sont les travailleurs de
l'amiante, il y en a 6000. Eux, comme vous disiez tout à l'heure, en
l'espace de trois mois, on va leur couper 1000 $ sur leur paye de 18 000 $. Nos
travailleurs gagnent à peu près cela aussi, mais, dans le fond de
la mine, à la poussière et tout. Ils ont été mis
à pied à la Société Asbestos pour trois mois. Pour
eux, ce n'était pas 1000 $, c'est tout le salaire coupé pendant
trois mois. À la Johns-Manville c'est quatre mois, et cela va
recommencer. En plus, ces mines font des mises à pied de façon
permanente. À la Johns-Manville, il y avait 2500 travailleurs de
l'amiante, il en reste 850. Imaginez-vous, les deux tiers sont
complètement à pied, plus de salaire, de sécurité
d'emploi, plus rien. Évidemment, je n'ai pas tellement de fonctionnaires
dans mon comté, j'ai ceux du bien-être social... Non, ils ne
veulent pas venir demeurer à Thetford en général.
Une voix: Vous serez là lundi? M. Harguindeguy: II y en a
un.
M. Grégoire: Je ne serai pas là lundi. Oui, je vais
être là lundi.
J'ai ceux du palais de justice, du bien-être social, des
véhicules automobiles, mais j'ai beaucoup de travailleurs de l'amiante,
c'est cela qui me préoccupe. Quand je vois et que je regarde cela,
depuis ce matin, je me dis: II y a tout de même une différence
entre les deux secteurs.
Pendant un certain temps, on trouvait que les fonctionnaires,
étaient mal payés, je me rappelle, il y a 20 ans, 25 ans, 30 ans,
ils n'étaient pas les mieux traités de la société.
Tout le monde était prêt à faire un effort pour aider les
employés de la fonction publique à obtenir un meilleur statut.
Aujourd'hui, dans les années qu'on traverse à cause de la
sécurité d'emploi, premièrement et surtout à cause
de cela, vous avez certainement un meilleur statut que les travailleurs de
l'amiante qui, il y a 25, 20, ou 15 ans, étaient peut-être mieux
traités au point de vue salaire que les fonctionnaires. Aujourd'hui ils
se voient sortir les uns après les autres. À la Johns-Manville,
1700 employés sur 2500, sont à pied, et, à l'Asbestos, 400
sur 1800 ont été mis à pied. C'est comme cela partout.
Dans d'autres industries, dans d'autres usines, c'est, au complet, des
gars qui ont -vous parliez de jeunes filles qui avaient huit ans
d'ancienneté - 20 ou 22 ans d'ancienneté et qui ont
été mis à pied. Vous pouvez vous dire en ce moment que les
plaintes que vous formuliez, sont réellement applicables. Ce dont vous
pouviez avoir à vous plaindre, ils peuvent s'en plaindre
réellement, parce que leur salaire est coupé
complètement.
Quand le gouvernement arrive et dit: On a besoin d'une marge de
manoeuvre, on ne peut plus taxer, on ne peut plus emprunter, ceci veut dire en
définitive, pour ces 320 000 employés de la fonction publique,
que la crise est dure pour tout le monde. Est-ce que vous êtes
prêts à faire votre part là-dedans? Regardez ce qui se
produit, que ce soit en Abitibi, dans les mines également, que ce soit
sur la Côte-Nord, que ce soit en Mauricie, des industries de 300 à
400 employés ferment leurs portes soit dans la région de
l'Amiante, soit à Sherbrooke, dans les industries du textile et de la
chaussure. On ne leur demande pas s'ils veulent faire leur part, ils sont
obligés de la faire.
Vous pourriez me dire: On a des conventions collectives, mais la demande
qui est faite, par le projet de loi no 70, c'est après la convention
collective, après le 1er janvier, une fois les trois ans
terminés. On vous demande même d'en négocier les
modalités. Si cela peut vous aider, si cela peut vous encourager,
dites-vous que ce qui vous est demandé aujourd'hui, ce n'est pas
grand-chose à côté de ce qui est demandé aux
travailleurs de l'entreprise privée, surtout dans l'industrie.
M. Harguindeguy: Le terme de la sécurité d'emploi
on le galvaude pas mal et on l'utilise à toutes les sauces pour
démontrer qu'on est bien, sauf qu'à moins de vouloir revenir
à ce qui a existé avant la venue du syndicalisme, où les
employés pouvaient changer d'emploi parce qu'on changeait de
gouvernement, je pense que la sécurité d'emploi dans les secteurs
que vous avez identifiés, même si vous l'aviez pas dans la
convention collective, elle existerait. Prenez l'aide sociale, où il y
avait environ 150 cas par employé, par agent d'aide sociale, il y a
déjà quelques années; aujourd'hui, chaque employé
traite au moins 300 à 400 cas, parce qu'il y a beaucoup
d'assistés sociaux. Au niveau de la justice, là aussi, comme il y
a bien des assistés sociaux et bien des gens qui ne travaillent pas, il
y a bien des gens qui travaillent. Même si vous n'aviez pas la
sécurité d'emploi, cela l'assurerait quand même, les
besoins étant là.
D'ailleurs, en tant que gouvernement, je pense bien que vous vous
chargez indirectement de nous créer notre sécurité
d'emploi. Quand j'ai commencé au syndicat, je me souviens, il y a
déjà près de 17 ans, nous étions 26 000
fonctionnaires dans la fonction publique québécoise, autant
fonctionnaires qu'ouvriers, mais, comme les gouvernements qui ont passé
ont toujours créé de nouveaux organismes, de nouvelles
régies ou de nouvelles commissions, parce qu'il y avait de nouveaux
programmes et de nouvelles options, aujourd'hui, nous sommes 35 000 permanents
et 11 000 employés occasionnels. C'est quand même parce que vous
l'avez décidé comme cela. Quand vous avez décidé de
récupérer l'assurance automobile, cela a, c'est sûr,
augmenté le nombre de gens, mais c'est parce que le gouvernement l'a
voulu. Quand l'assurance-hospitalisation est arrivée en 1966, cela a
été la même situation. Qu'on ne nous reproche pas
aujourd'hui d'être nombreux et d'avoir la sécurité
d'emploi, c'est vous-même, le gouvernement, qui décidez quels sont
les programmes et les politiques que vous allez mettre de l'avant et, pour les
mettre en pratique, ce n'est quand même pas vous, les
députés, qui allez le faire, cela prend des employés. Ce
sont donc des fonctionnaires. Je pense que la sécurité d'emploi,
avec la politique qu'a le gouvernement à l'heure actuelle de donner le
plus de services possible à la population, c'est pratiquement
automatique. Même si ce n'était pas écrit
sécurité d'emploi et que c'était une question de mise
à pied après tant d'années de services, les gens
resteraient là pareil s'ils font le travail.
Je pense que depuis quelques années la venue du syndicalisme a
permis d'améliorer le rendement des employés. Vous êtes
quand même en mesure, avec les outils de gestion que vous avez, de vous
occuper de les
utiliser pour avoir le rendement voulu des gens. Il y a des gens qui
n'ont pas d'avancement d'échelon s'ils n'ont pas un rendement
satisfaisant. Les gestionnaires que vous avez mis en place, assurez-vous qu'ils
fassent leur job. Il y a quand même des possibilités aussi de
mettre à pied, de suspendre. Il y a des mesures disciplinaires qui
peuvent être prises et on en prend.
Donc, la fonction publique d'aujourd'hui n'est quand même plus
celle qu'elle était il y a 20 ou 25 ans. Il ne faut quand même pas
utiliser le même thème et démontrer qu'on est des
ronds-de-cuir. La population estime déjà suffisamment qu'on est
payé à rien faire sans que les politiciens s'en mêlent, eux
qui, en plus, sont responsables de voir à ce que les fonctionnaires
fonctionnent. C'est votre job, je pense bien. Nous, on fait la nôtre,
n'allez pas mettre tout le blâme sur le dos des fonctionnaires. Cela ne
marchera sûrement pas.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Mais, M. Harguindeguy, je ne vois pas
pourquoi vous vous sentez visé. Peut-être que vous êtes
à plaindre, mais je vous le dis, à l'heure actuelle, dans la
crise que nous traversons, il y en a qui le sont encore plus et je vous dis
aussi que dans les coupures qu'on fait comme, par exemple, dans le domaine des
transports où on coupe dans la construction de routes, tout le personnel
reste là, dans les bureaux de la voirie, dans les régions,
même si on coupe dans la construction de routes.
M. Harguindeguy: Ce n'est pas cela. C'est donné à
contrat.
M. Grégoire: II y a beaucoup de travail en régie,
tous ceux qui préparent les contrats et tous ceux qui sont là
dans les bureaux, il y a des gens quand même. Il y a tout de
même... Je sais bien qu'à Plessisville il y a environ 60
permanents et 75 occasionnels l'été, mais les 60 permanents qui
travaillent à la construction de routes, il s'en construit beaucoup
moins de routes, mais ils sont encore tous là. Ce n'est pas seulement
là-dessus, mais je vous dis que cette sécurité d'emploi,
dans certains cas et en général, parce que le gouvernement,
justement, ne peut pas fermer boutique comme une mine d'amiante, je vous dis:
Peut-être que vous êtes à plaindre, mais est-ce qu'en voyant
ce qui se passe dans le secteur privé, vous n'êtes pas
portés à faire votre part aussi quand le gouvernement demande,
sur une masse salariale totale de 12 250 000 000 $: On a besoin pour un an, ce
qu'on n'a pas demandé depuis longtemps, de 520 000 000 $ répartis
sur les plus hauts salariés? Cela a été demandé
à partir de 38 000 $, de zéro à ceux qui gagnaient 38 000
$ et plus. Ne trouvez-vous pas normal que ceux-là aussi fassent leur
part? Vous êtes bien chanceux d'avoir une boutique que le gouvernement ne
peut pas fermer, qui ne peut pas fermer, une "shop" qui ne ferme pas, mais il y
en a qui travaillent dans des "shops" qui ferment.
C'est ce que je vous dis: Vous êtes peut-être à
plaindre, parce qu'on est en temps de crise, mais pas tellement en comparaison
avec d'autres et c'est pourquoi aujourd'hui je vous demande: Pourquoi ne
faites-vous pas votre part à votre tour? Vous dites: Quand il y en avait
150 sur le bien-être social par employé, il y en a 300
aujourd'hui, cela veut dire que cela a doublé. C'est l'effet de la crise
économique. Eux sont encore plus à plaindre comparativement
à ce qu'on demande à l'heure actuelle à la fonction
publique.
Le Président (M. Bordeleau): M. Harguindeguy, vous
voulez... Cela va?
M. Harguindeguy: Non. Je ne veux pas faire un débat, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de la Fonction publique.
Une voix: La ministre.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, je m'excuse. Mme la
ministre de la Fonction publique.
Mme Le Blanc-Bantey: Je voudrais simplement remercier le syndicat
des fonctionnaires d'avoir bien voulu venir témoigner ici aujourd'hui et
lui réitérer notre volonté d'être là à
8 heures demain matin -bien sûr, si la manifestation ne se termine pas
trop tard pour vous - et lui dire aussi que je pense qu'au-delà du
formalisme il vient de faire la preuve, par son ouverture à la
négociation que ce qui l'intéresse, d'abord et avant tout, c'est
l'intérêt de ses membres. Je veux lui réitérer notre
volonté d'en arriver à une entente le plus rapidement possible,
tout le monde ensemble.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Comme il n'y a pas
d'autres questions et qu'il est même passé 18 heures, je
demanderais au ministre de conclure.
M. Bérubé: Je vous signalerais,
premièrement, que j'ai apprécié votre intervention
franche. Vous n'avez pas caché votre intention de négocier
vigoureusement, vous avez été francs, directs, en peu de mots. Je
dois vous en remercier. Le temps n'est pas au camouflage, le temps est à
se parler carrément et honnêtement, de telle sorte qu'on sache
à quoi s'en tenir. Là-
dessus, j'apprécie votre intervention.
Ce que j'apprécie également, c'est votre ouverture
à la recherche d'un compromis. Évidemment, vous serez là
pour défendre les intérêts de vos membres, mais ce n'est
pas moi qui vais vous le reprocher, c'est votre mandat. Bien sûr, il y a
la recherche de ce compromis, parce qu'on a un compromis difficile à
établir entre les intérêts de nos employés et les
intérêts de l'ensemble de la société aux prises avec
une crise particulièrement dramatique. Ce compromis va certainement
être plus difficile à établir en cette période qu'il
ne pouvait l'être dans les années passées. Ce n'est pas
parce que ce compromis sera sans doute plus difficile à trouver qu'on
doit pour autant croire qu'il ne sera pas possible. Je trouve que votre
intervention aujourd'hui, par sa franchise et en même temps par son
ouverture, indique bien qu'au Québec on est capable de faire des
consensus. Ils peuvent être difficiles, mais je pense qu'ils sont
possibles.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le chef de
l'Opposition, le mot de la fin.
M. Ryan: Je remercie le Syndicat des fonctionnaires provinciaux
de son apport à notre recherche commune. J'écoutais le ministre
résumer ce qui s'est dit. Quand il lira attentivement les paroles qui
ont été prononcées par le président du syndicat des
fonctionnaires, il va peut-être s'apercevoir qu'une fois de plus il a lu
un petit peu trop vite et il a interprété un petit peu trop
rapidement! Je lui conseillerais de lire cela bien attentivement. Il sera
rapidement amené à la conclusion que le carcan dans lequel le
gouvernement prétend engager cette négociation ne se
prêtera pas beaucoup à la découverte du genre de compromis
qui pourrait être honorable et acceptable pour les uns et les autres.
Merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. Harguindeguy, un petit mot
de la fin.
M. Harguindeguy: Juste un petit point, parce que je ne voudrais
quand même pas laisser le ministre, le président du Conseil du
trésor sous une fausse impression quand j'ai parlé d'ouverture.
Je suis prêt à négocier, c'est vrai, le renouvellement de
la convention collective qui vient à échéance le 31
décembre 1982. Dans mon intervention, tantôt, j'ai indiqué
que c'était sur la base de la convention actuelle avec des propositions
d'un minimum que nous estimons nécessaire à compter du 1er
janvier 1983; ce n'est pas dans le cadre du projet de loi no 70, ni dans le
cadre de la proposition du 16 avril, je ne voudrais pas qu'il se fasse des
illusions.
M. Bérubé: Je ne me fais aucune illusion, mais j'ai
surtout noté cette volonté de négocier. C'est sur cela que
j'ai insisté.
M. Harguindeguy: Je suis payé pour cela.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, M. le
président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec.
La commission va suspendre ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 14)
(Reprise de la séance à 20 h 22)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission parlementaire des finances et des comptes publics reprend
donc ses travaux, travaux qu'on avait suspendus à 18 heures.
Il nous restait, théoriquement, en tout cas, trois
mémoires à recevoir, soit le Syndicat des professionnels du
gouvernement du Québec, le Cartel des organismes professionnels de la
santé et la Fédération des infirmières et
infirmiers unis Inc., qui nous avaient quand même signifié qu'ils
voulaient simplement déposer leur mémoire.
On m'a signifié, à la suspension de 18 heures, que les
deux premiers, soit le Syndicat des professionnels et le Cartel des organismes
professionnels, ne seraient pas ici. Je les appelle quand même au cas
où il y aurait des représentants. Est-ce qu'il y aurait
quelqu'un, un représentant ou une représentante du Syndicat des
professionnels du gouvernement du Québec? Tel qu'on me l'a
exprimé, je demanderai donc, comme on m'a présenté quand
même un petit mémoire de quelques pages...
M. Bérubé: Le député de Sainte-Anne
aimerait représenter ces deux cartels. Je sais qu'il sera
écartelé entre ses options politiques, néanmoins, il peut
toujours s'asseoir et on va lui poser des questions.
M. Polak: ... j'adore cela, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Bordeleau): Je demanderai donc au
secrétariat des commissions d'inclure le petit mémoire de
quelques pages au journal des Débats.
Une voix: II faudrait en demander des copies.
Une voix: Oui, il faudrait bien en avoir une copie.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais
j'imagine qu'il en a fait des copies.
M. Bérubé: On m'explique qu'à la suite des
compressions budgétaires la reproduction de ces mémoires est
devenue extrêmement dispendieuse et, de honte, je me cache sous la table,
M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, pourrais-je faire
remarquer que, pas plus tard que lundi ou mardi, j'étais à mon
bureau de comté et j'ai reçu de Communication-Québec... Je
suis certaine que tous les députés l'ont reçu,
c'était au sujet de... Honnêtement, j'oublie exactement ce que
c'était. En tout cas, il y avait quarante pages qui n'étaient
même pas imprimées recto verso. Je pense qu'on ne devrait pas
faire des économies sur un mémoire de citoyens qui viennent
devant nous.
Une voix: Accompagné d'un sommaire, d'ailleurs.
M. Bérubé: Vous avez parfaitement raison, Mme la
députée de L'Acadie. Je reconnais cela, mais je dois
également avouer que, dans le domaine de la photocopie, nous avons fait
un effort important de rationalisation de nos dépenses pour les
réduire, ce qui amène à ce jour une économie de 5
000 000 $ à 6 000 000 $. Je dois avouer que dans cet effort pour
réduire les dépenses gouvernementales, il arrive parfois que nous
fassions des économies dites de bouts de chandelle. Vous avez raison de
nous le souligner, comme, de toute façon, vous aurez raison de nous
souligner certaines économies à faire que nous n'aurions pas
faites.
Des voix: Consentement.
Une voix: Au moins des copies pour les membres de la
commission.
Une voix: Oui, c'est cela, des copies pour les membres de la
commission.
M. Bérubé: Cependant, pour le député
de Sainte-Anne qui régulièrement s'élève contre
toutes ces dépenses de rapports gouvernementaux, j'aimerais qu'on ne
fasse pas de copie.
M. Rodrigue: M. le Président, j'invoque une question de
règlement.
M. Polak: M. le Président, est-ce que j'ai bien compris le
ministre?
Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, j'ai une
question de règlement. Je vais d'abord entendre la question de
règlement du député de Vimont.
M. Rodrigue: Étant donné que l'objet de notre
commission, c'est d'entendre les groupes qui veulent nous présenter des
mémoires, je ne voudrais pas qu'on revire cela en commission des comptes
publics et étant donné que certains ont un voyage à faire
ce soir, j'apprécierais qu'on procède avec l'ordre du jour de la
commission.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, tout cela a
été fait, il me semble que le camarade ait été
absent pendant quelques instants.
Une voix: Le camarade, c'est moi.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, si j'ai bien compris, le
ministre nous invite pour rencontrer dehors dans à peu près
quinze minutes, les travailleurs, les travailleuses, les
Québécois, les Québécoises en groupe; on va vous
accompagner.
Mme LeBlanc-Bantey: On ne pourra jamais empêcher les
mères de famille d'avoir du bon sens.
M. Bérubé: On est d'accord pour la reproduction et
la distribution.
Le Président (M. Bordeleau): Alors; d'accord, les quelques
pages seront donc reproduites au journal des Débats. (Voir annexe)
M. Bérubé: Si nécessaire, vous le prendrez
sur le budget du Conseil du trésor.
M. de Belleval: Je vais le payer de ma poche, s'il le faut.
Le Président (M. Bordeleau): Ensuite, comme
septième organisme, on avait le Cartel des organismes professionnels de
la santé.
M. de Belleval: Ces personnes ne sont pas ici.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, est-ce qu'il y a des
gens de ce groupe, de cet organisme, qui sont ici?
M. de Belleval: Non.
M. Bérubé: Est-ce que le député de
Sainte-Anne veut intervenir?
M. Polak: J'y renonce temporairement.
M. de Belleval: M. le Président, pourriez-vous rappeler
à l'ordre le président du Conseil du trésor?
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! Je ne
vous ai pas donné la parole, vous n'avez pas à être
d'accord ou pas, vous ne me l'avez pas demandée; alors, s'il vous
plaît:
Mme Lavoie-Roux: Je pense que les gens ne comprendront pas ce qui
se passe. Il y a ici des visiteurs.
Une voix: Comment cela se fait-il qu'ils ne soient pas venus?
Le Président (M. Bordeleau): Je suis d'accord avec vous,
Mme la députée de L'Acadie.
M. Chevrette: Madame a raison.
Le Président (M. Bordeleau): Oui.
M. Chevrette: Je pense qu'il y avait huit organismes, et le fait
qu'on s'amuse peut-être, c'est parce qu'ils ne sont pas ici; on ne
comprend pas, ils n'ont pas avisé, seulement.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, j'ai mentionné
cela tantôt, vous auriez dû être ici au début, M. le
député de Joliette.
M. Bérubé: Ils n'y sont pas. Nous devons prendre
acte de la présentation du mémoire écrit de manière
qu'il soit déposé au procès-verbal de notre commission.
C'est la seule raison pour laquelle nous sommes convoqués
présentement, nous sommes à prendre acte du dépôt
des mémoires.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Chevrette: C'est parce que j'étais absent au
début.
Le Président (M. Bordeleau): C'est cela que je viens de
vous dire.
Une voix: II parle bien pour un ingénieur.
M. de Belleval: Ensuite, M. le Président?
Le Président (M. Bordeleau): Alors, ce mémoire
aussi qui comporte en fait une page pourrait très bien être
consigné au journal des Débats; cela va?
M. Rodrigue: Consentement.
Mme Lavoie-Roux: Oui. (Voir annexe)
Le Président (M. Bordeleau): Consentement. Et le dernier
était celui de la Fédération des infirmières et
infirmiers unis Inc. Ces gens nous avaient prévenus qu'ils voulaient
simplement déposer un mémoire; alors, ils n'ont pas
demandé à se faire entendre nécessairement ici.
M. de Belleval: Le mémoire est déposé. M.
Rodrigue: II est déposé.
Mme Lavoie-Roux: Consentement pour le reproduire.
M. Chevrette: Consentement également. (Voir annexe)
Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, nous l'avons vu ce matin.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, celui-là a
été distribué à tous les membres de la commission.
Alors, comme cela termine le nombre des intervenants qui devaient se
présenter devant nous, la commission a rempli le mandat qui lui avait
été fixé par l'Assemblée nationale. Je demanderai
donc au rapporteur qui est le député de Champlain de faire
rapport à l'Assemblée nationale, et à moins qu'on
m'indique qu'il y a d'autres interventions...
M. de Belleval: Je propose l'ajournement, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Vous n'avez pas
nécessairement à proposer l'ajournement; remarquez que vous
pouvez faire les propositions que vous voulez, mais j'avais...
Mme Lavoie-Roux: On ne la débattra pas, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Comme le mandat est
terminé, nous allons ajourner nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 20 h 29)
ANNEXE
MÉMOIRE DU SYNDICAT DE PROFESSIONNELS DU
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC
Depuis quelques semaines nous, travailleurs et travailleuses des
secteurs public et parapublic, sommes particulièrement
gâtés par l'attention que nous porte
l'employeur-législateur.
Quatre projets de loi nous échoient et modifient
unilatéralement nos conditions de travail et nos droits acquis de
syndiqués.
Nous ne traiterons ici que des projets de loi 68, 70, 72 mais nous
tenons quand même à vous faire remarquer que le projet de loi 74
qui modifie diverses lois fiscales contient une disposition (l'article 19) que
nous jugeons carrément discriminatoire et injuste envers certains
travailleurs et travailleuses ayant des antécédents judiciaires.
Nous ne sommes, cependant, pas très surpris du genre de fruits que
produit l'actuel gouvernement envers les travailleurs et travailleuses.
Revenons aux autres projets de loi qui font l'objet de la
présente commission parlementaire. Dans l'ordre chronologique, parlons
du projet de loi 68 qui modifie les régimes de retraite RRE, RRF et
RREGOP. Depuis plusieurs années, les syndicats négocient le sujet
des régimes de retraite; ce projet de loi les modifie, à la
baisse, doit-on le préciser?
Le projet dé loi réduit unilatéralement le quantum
de la contribution de l'employeur dans les régimes de retraite et en
plus réduit les bénéfices que devraient retirer les
travailleurs et les travailleuses qui prendront dorénavant leur
retraite. La réduction de 3% par an de l'indexation des prestations de
retraite conduit inéluctablement à l'érosion du pouvoir
d'achat des personnes retraitées.
Cette érosion sera durement ressentie après quelques
années de retraite seulement. Lorsqu'on observe des taux d'inflation qui
tournent autour de 12% par année, on ne peut que dénoncer
l'hypothèque que le gouvernement prend sur les vieux jours des
travailleurs et travailleuses qui dépendent directement et indirectement
de lui.
Projet de loi 70
Passons à ce qu'on peut qualifier de "plat de résistance"
des projets de loi visant les travailleurs et travailleuses des secteurs public
et parapublic.
L'employeur dépose en avril devant les centrales syndicales et
les syndicats indépendants une proposition de réouverture de nos
conventions collectives. Il nous offre, à toutes fins pratiques, le gel
de nos salaires pour un an ainsi que la perte définitive des
échelons prévus pour novembre 1982 et mai 1983 de manière
à récupérer 521 000 000 $ sur des conventions collectives
dûment signées. Pourtant à l'époque, le
président du Conseil du trésor, M. Parizeau, avait fait part de
sa satisfaction relativement à ces ententes. L'offre de
réouverture d'avril était assortie de menaces de loi
spéciale et de coupures d'effectifs qui ne pouvaient avoir pour effet de
nous faire croire à la bonne foi de l'employeur dans son offre de
négociation.
De plus, contrairement aux déclarations du premier ministre, M.
Lévesque, qui accuse les syndicats de ne pas consulter leurs membres, un
vote de membres du SPGQ a rejeté l'offre du gouvernement à 87%.
Il s'agit d'une réponse on ne peut plus claire.
Aujourd'hui, les menaces d'avril sont devenues une triste
réalité. L'employeur-législateur rouvre après coup
notre convention, diminue nos salaires de 22,5% pour trois mois (selon le taux
actuel d'inflation, soit 11,3% par an). Avec ce projet de loi les augmentations
prévues à la convention pour le 31 décembre 1982 ne seront
jamais versées. Est-ce là ce qu'on appelle ne pas rouvrir les
conventions collectives?
Le projet de loi prévoit aussi le gel des avancements
d'échelon pour l'année 1983 (sauf dans certains cas tels les
changements de grade, reclassements, promotions ou reconnaissances de
scolarité additionnelle en cours d'emploi). Il s'agit là d'une
mesure permanente qui touchera les travailleurs et travailleuses des secteurs
public et parapublic pour le reste de leur carrière, et tout cela pour
rafistoler une situation budgétaire supposément temporaire. L'an
prochain si le déficit budgétaire se reproduit, de combien sera
la coupure pour nous? Nous sommes très pessimistes sur l'avenir des
relations du travail dans le secteur public si le gouvernement renie sa
signature, modifie unilatéralement nos conditions de travail ainsi que
les règles du jeu en cours de route.
Justement, parlons un peu des modifications aux règles du jeu
qu'apporte le projet de loi 70. L'article 3 du projet prévoit que les
conventions collectives des secteurs public et parapublic sont reconduites
jusqu'au 1er avril 1983. L'article 4 prévoit bien sûr que les
clauses salariales ne font pas partie de cette reconduction. Pour tous les
syndicats visés, cet
article 3 a pour effet de leur retirer le droit légal de
grève pour la période du 1er janvier 1983 au 1er avril 1983. Ce
fait s'ajoute aux nombreuses autres attaques que l'actuel gouvernement fait
subir aux syndiqués qui relèvent directement ou indirectement de
lui. Nous sommes persuadés que les employeurs du secteur privé,
où la syndicalisation est si faible et si difficile à
réaliser, prennent bonne note des méthodes utilisées pour
"tasser" les syndicats surtout lorsqu'elles viennent d'un gouvernement qui a
déjà prétendu avoir un préjugé favorable -
vous vous souvenez sûrement de la suite.
Projet de loi 72
Le dernier projet de loi concerne les services essentiels dans les
affaires sociales.
À première vue, ce projet de loi ne semble pas viser la
fonction publique. Cependant, une lecture attentive montre le contraire.
Le projet de loi 72 maintient les syndicats de la fonction publique dans
un régime spécial des services essentiels où, à
défaut d'entente avec l'employeur, ce n'est pas la liste syndicale qui
prévaut mais plutôt la décision du Tribunal du travail
(article 115 de la Loi sur la fonction publique).
De plus l'article 6 du projet de loi ajoute un article 111.0.23 au Code
du travail qui modifie l'actuel article 111.11. Ce dernier prévoit que
le syndicat doit donner un avis préalable de grève de deux jours
indiquant le moment où il entend recourir à la grève. Cet
avis ne peut être renouvelé qu'après le jour indiqué
dans l'avis comme moment où il entendait recourir à la
grève. L'article 111.0.23 proposé fait passer le délai de
l'avis de deux à sept jours avec les mêmes conditions de
renouvellement de l'avis.
Le gouvernement entoure de tellement de restrictions l'exercice du droit
de grève qu'en bout de ligne c'est le droit de grève qui est
nié. Nous nous opposons à ce qu'on alourdisse une fois de plus
l'exercice du moyen le plus fondamental des travailleurs et travailleuses pour
faire respecter leur droit à des conditions de travail
négociées.
En conclusion, nous réitérons notre position sur les
projets de loi 68 et 70: nous demandons le retrait de ces deux projets de loi
qui modifient unilatéralement nos conditions de travail. Nous sommes
ouverts à la discussion de toute proprosition visant la relance de
l'économie du Québec et à apporter notre contribution
à la solution de la crise économique.
Je termine en vous rappelant les paroles de circonstance d'une chanson
de Vigneault: "à semer des vents de c'te force-là, tu
t'prépares une joyeuse tempête... pis j'pense que tu t'en
aperçois pas."
REPRÉSENTATION DU CARTEL DES
ORGANISMES PROFESSIONNELS
DE LA SANTÉ INC.
Aux membres de la commission parlementaire des finances et des comptes
publics.
En réponse à l'invitation de la commission parlementaire
sur les finances publiques, le Cartel des organismes professionnels de la
santé désire se limiter, compte tenu des interventions
précédentes, à manifester son opposition au projet de loi
no 70 concernant la rémunération dans le secteur public dont les
principes et les fondements mêmes et non pas les simples
modalités, ne lui apparaissent pas acceptables.
Qu'on présente les modifications à la
rémunération des employés du secteur public comme une
"proposition de révision des augmentations salariales" comme en avril
dernier ou comme une loi visant à assurer la réalisation des
équilibres budgétaires, il n'en demeure pas moins que ces
modifications équivalent à toutes fins pratiques, dans ses
effets, à une réouverture unilatérale et illégitime
à notre avis des conventions collectives du secteur public.
Le gouvernement du Québec a choisi d'écarter ainsi, non
seulement les conventions collectives qu'il avait dûment
négociées et signées mais aussi les dispositions expresses
du Code du travail.
Les problèmes budgétaires du gouvernement du
Québec, aussi graves puissent-ils être, ne justifient pas un
projet de loi comme le projet de loi no 70. Le COPS ne peut souscrire à
ce vote de non confiance envers les mécanismes de négociation
usuels et la négociation qui doit être prochainement entreprise
pour le renouvellement de la présente convention collective.
En conséquence, le Cartel des organismes professionnels de la
santé réclame, à l'instar des autres intervenants, le
retrait du projet de loi no 70.
MÉMOIRE DE LA FÉDÉRATION DES
INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS UNIS BMC.
SUR LES PROJETS DE LOI NOS 68 ET 70
La Fédération des infirmières et infirmiers unis
Inc., organisme qui regroupe des syndicats représentant 9000 membres,
dépose le présent mémoire à la commission
parlementaire sur les projets de loi no 68 et 70.
Au cours des derniers mois, le gouvernement du Québec s'est fait
un devoir d'informer ses employés et la population en
général de la situation financière provinciale; qu'il
suffise de mentionner les tournées de certains ministres, la tenue d'un
sommet économique, le dépât du budget, etc..
Rappelons que, le 16 avril 1982, le gouvernement proposait aux syndicats
d'ouvrir les conventions collectives afin de récupérer la somme
de 521 000 000 $ à même les salaires des travailleurs des secteurs
public et parapublic, et ce, afin de résoudre la crise économique
qui sévit actuellement au Québec.
À défaut d'accepter cette proposition, le gouvernement
menaçait les syndicats de décréter le gel des salaires en
1983 et de procéder à des mises à pied massives. Face
à cet ultimatum, la Fédération des infirmières et
infirmiers unis Inc. ainsi que d'autres groupes syndicaux se
prononçaient contre cette proposition, celle-ci portant atteinte au
droit fondamental à la négociation des conditions de travail.
Par la suite, le gouvernement déposait devant l'Assemblée
nationale le projet de loi no 70. et prétendait respecter les
conventions collectives déjà négociées alors qu'il
s'agissait, ni plus ni moins, de mesure de représailles.
En effet, la situation de crise que nous traversons ne peut provenir des
salaires et conditions de travail des secteurs public et parapublic. Cette
situation repose plutôt sur des facteurs tels que l'inflation, les taux
d'intérêt élevés, le chômage, etc..
Le gouvernement opte pour une solution à court terme en
pénalisant les travailleurs plutôt que d'amorcer un plan de
redressement économique. Pour sa part, la Fédération des
infirmières et infirmiers unis Inc. demeure convaincue que les solutions
à cette crise se situent dans l'élaboration de programmes
favorisant l'investissement et la création d'emplois; cette solution
ayant l'avantage d'être profitable à toute la population, mais
là n'est pas la préoccupation de l'actuel gouvernement.
De fait, le projet de loi no 68 nous le confirme.
L'État-législateur s'apprête à modifier le
régime de retraite, en diminuant de ce fait la contribution de
l'employeur et en réduisant l'indexation des pensions. Ce choix nous
paraît incompatible compte tenu de la situation cruciale avec laquelle
les personnes âgées sont actuellement confrontées.
Il est clair que le projet de loi no 68 et le projet de loi no 70, de
par leurs objectifs et leur contenu, se veulent une atteinte directe au
processus normal de négociation.
Le projet de loi no 70 vise la réduction des salaires pour les
trois premiers mois de l'année 1983 et le gel des salaires à
compter d'avril 1983.
De plus, le gouvernement prolonge de façon unilatérale les
conventions collectives jusqu'au 31 mars 1983 et, par conséquent, fausse
les règles normales du jeu de la négociation qu'il a
lui-même déterminées dans le Code du travail. Il va
même plus loin en prévoyant la possibilité de
négociations locales à l'intérieur de paramètres
fixes et sujets à son approbation.
Malgré le contenu des projets de loi no 68 et 70, le gouvernement
assure qu'il respecte le processus de négociation alors qu'en
réalité il nie à la fois les conventions collectives, les
dispositions du Code du travail et tente de nous retirer le droit fondamental
à la libre négociation.
La Fédération des infirmières et infirmiers unis
Inc. croit fermement que le gouvernement du Québec utilise ses
employés comme boucs émissaires en leur faisant porter le fardeau
de sa mauvaise administration.
Par conséquent, la Fédération des
infirmières et infirmiers unis Inc. dénonce vigoureusement cet
état de fait et soumet à cette fin les points suivants:
ATTENDU QU'en 1980 le présent gouvernement concluait des
conventions collectives avec les parties syndicales, lesquelles avaient
été signées librement et de bonne foi;
ATTENDU QUE les droits, salaires et conditions de travail régis
par ces conventions collectives, conformément aux ententes conclues,
doivent être respectées jusqu'au 31 décembre 1982;
ATTENDU QUE le Code du travail du Québec prévoit le
maintien des conditions de travail jusqu'à la signature d'une prochaine
convention collective et impose un processus de négociation de bonne
foi;
ATTENDU QUE le mandat des syndicats est de faire respecter les
intérêts socio-économiques de ses membres par le biais de
la négociation de conventions collectives;
ATTENDU QUE les travailleurs des secteurs public et parapublic et
surtout ceux du secteur des affaires sociales subissent les coupures
budgétaires imposées par le présent
gouvernement;
ATTENDU QUE les salaires et les conditions de travail des
salariés des secteurs public et parapublic ne sont pas les causes de la
présente crise budgétaire mais que celle-ci est plutôt une
conséquence de la mauvaise administration du gouvernement actuel et de
la conjoncture mondiale actuelle;
ATTENDU QUE les salaires et conditions de travail des travailleurs des
secteurs public et parapublic seront unilatéralement et
considérablement réduits par les projets de loi nos 68 et 70;
ATTENDU QUE les projets de loi nos 68 et 70 remettent en cause tout le
processus normal de négociation et plus fondamentalement le droit
à la libre négociation;
La Fédération des infirmières et infirmiers unis
Inc. s'oppose aux projets de loi nos 68 et 70 et demande qu'ils soient
rejetés.
Le droit à la libre négociation est un droit reconnu par
toute société démocratique: il constitue la base
même de notre société et de notre système de
relations du travail. L'adoption de ces projets de loi démontrerait
d'une part, tout comme ce fut le cas des lois spéciales
précédentes, la mauvaise foi du gouvernement et, d'autre part,
son insouciance à demeurer crédible auprès de ses
employés.